Skip to main content

Full text of "Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire .."

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  lechnical  restrictions  on  automated  querying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  automated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark"  you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  and  helping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  it  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countiies.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  means  it  can  be  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  severe. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  helping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http: //books.  google  .com/l 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  et  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //book  s  .google .  coïrïl 


J37J 


lil3 


BULLETIN 

DU 


BIBLIOPHILE 


ET  DU  BIBLIOTHECAIRE. 


QUARARTB-TROISIEHB  AHIfEZ 


J<^^Sh'. 


PARIS.  -  TYPOGRAPHIE  LAHURE 

Roe  de  Flenms,  0 


BULLETIN     ; 

^^  • 

BIBLIOPHILE 

ET  DU  BIBUOTHÉCAIRE , 

REVUE    MENSUELLE 
PUBLIÉE  PAR  LËON   TECHENER 

AVEC  LB  COH0OUE8 

De  MM.  Chârlbs  AssEUirEAn,  de  la  bibliothèque  Mazarine;  L.  Babbier,  adini» 
nistntenr  à  b  bibliothèqae  da  LooTie;  Éd.  db  Barthéluet  ;  Baudrilulet  , 
de  llnstitnt;  Pb.  Beaunk;  Prospbr  BuLHCHEMAnr;  Inus  Bohnabsos;  J.  Bocl- 
.  Min  ;  Ap.  Briquet;  Gust.  Brukbt,  de  Bordeaux)  J.  Cakkahdbt,  bibliothécaire 
de  Chaumont;  E.  Castaigne,  bibliothécaire  à  Angouléme;  Philarztb  Cbaslbs, 
conserratenr  à  la  bibliothèqae  Mazarine;  F.  Councamp,  professeur  à  la  Fa- 
culté des  lettres  de  Douai;  Pieere  Clsmsiit,  de  l'Institat;  comte   Clémuit 
DE  Ris,  de  la  Société  des  Bibliophiles;  CunLUKR-FucmiT,  de  1* Académie  fran- 
çaise; docteur  DESBAiuLEAin^ERiCAED,  de  Toulouse;  Emile  Deschamps;  A.  Des- 
touches; FiEMDr  DiDOTy  de  la  Société  des  Bibliophiles;  baron  A.  Erhouf; 
Ferdiraiid  Dehis,  administrateur  à  la  bibliothèque  Sainte-Generière  ;  Al.  de 
La  Fizbliè&e;  Alfeed  FnAinLLiif,  de  la  bibliothèque  Mazarine;  marquis  de 
Gaillon;  prince  Augustin  Gautzin,  de  la  Société  des  BiUiophiles;  J.-Ed. 
Ga&det;  j.  de  Gaulle;  Ch.  Girauo,  de  Plnstitut;  Alf.  Giraud,  de  Blois; 
Jules  Jahdt,  de  TAcadémie  firançaise;  Paul  Laceoix  (Bduophile  Jacob)  , 
conservateur  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal;  Le  Roux  de  Lihct,  de  la  Société 
des  Bibliophiles;  P.  BIab<uit;    Fb.  Morabd,  de  Boalogne-sur-Mer;   Pauldi 
Pabis,  de  rinstitnt;  Louis  Pabis;  Gastok  Pabis;  baron  J.  Pichon,  président 
de  a  Société  des  Bibliophiles  français;  Ratbebt,  conservatenr  à  la  Bibliodièqne 
nationale;  Rouaed,  bibliothécaire  d*Aix;  Siltestbb  de  Sact,  de  l'Académie 
française;  SAorrE-BEirvE,  de  l'Académie  française;  Éd.  Tbiootbl;  Tallkt  de 
Yibitillb;  Fbakos  Wbt;  etc. 

CONTENANT  DES  NOTICES  BIBLIOGRAPHIQUES.   PHILOLOGIQUES, 

HISTORIQUES,  LITTÉRAIRES. 


QUARANTE-TROISIÈME  ANNÉE. 


PARIS 

£ÉON  TECEœiNfER,   LIBRAiRE, 

RUE  DE  L*ARBRB-SEC,  52,  PRÈS  LA  COLONNADE  DU  LOUVRE. 

M  DCCC  LXXVI 


•  9 


'U-^Wi; 


-•fc" 


BULLETIN 


BIBLIOPHILE. 


CHOIX  DE  LETTRES  INEDITES 


AVEC    DES    ECLAIRCISSE3 

HISTORIQUES  LITTERAIRES  ET  BIBLIOGRAPHIQUES. 


Nous  allons  continuer  notre  recueil  de  lettres  autogra- 
phes curieuses.  Nous  répéteroas  que  nous  les  avons  toutes 
copiées  Dous-mèmes  sur  les  originaux. 

Celle  fols,  nous  nous  présentons  avec  deux  séries  :  lettres 
d'hommes  et  lettres  Ùe  femmes;  or,  en  galant  éditeur,  nous 
commencerons  naturellement  par  ces  dernières. 

E.  de  B. 

1 

La  reine  Anne  d'Autriche  aura  les  honneurs  de  la  pre 
mière  place.  Elle  s'adresse  au  duc  de  Looguevitle  pour  le 
consulter  sur  les  ouvertures  qui  lui  étaient  faites  par  le  rot 
Charles  d'Angleterre  pour  tâcher  de  rétablir  la  paix  inté- 
rieure, au  moment  où  Condé  semblait  à  la  veille  d'ussurer 
le  triomphe  de  )a  fronde. 

»  De  Saint-Germain,  ce  S5  aviil  1652. 

•  Mon  cousin,  j'ay  tant  de  satisfaction  de  la  manière  dont 
vous  vous  conduisez  dans  ces  affaires  cy  pour  h:  Itiea  du 


2  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

service  du  roy  monsieur  mon  fils  et  pour  mon  intérêt  parti- 
culier que  je  n'ay  pas  voulu  différer  davantage  à  vous  le 
témoigner  par  ces  lignes  de  ma  main....  (déchirure)  par 
l'entremise  du  roy  de  la  Grande  Bretagne  qui  vint  trouver 
le  roy  mon  fils  à  Corbeil  pour  luy  faire  et  à  moy  quelques 
ouvertures  d*accomodement  comme  il  a  fait  depuis  à  mon 
frère  le  duc  d'Orléans  et  à  mon  cousin  le  prince  de  Condé. 
On  est  convenu  d'un  pourparler  en  ce  lieu  pour  chercher 
les  moyens  de  restablir  la  paix  dans  le  Royaume  et  l'union 
et  la  confiance  dans  la  maison  royale.  J'ay  voulu  vous  en 
donner  advis  et  vous  demander  vos  sentiments  sur  cette 
négociation,  sçachant  bien  que  je  ne  seaurois  consulter 
là-dessus  une  personne  qui  ait  plus  de  connoissance  et  d'ex- 
périence que  vous  des  affaires  de  cest  estât,  ny  plus  de 
passion  pour  la  pacification  des  troubles,  dont  il  est  pré- 
sentement agité.  J'ay  aussi  beaucoup  de  satisfaction  de  ce 
qui  se  passe  à  Gien.  Mais  comme  j'ay  donné  charge  à  Priol- 
teau  de  vous  escrire  amplement  sur  ce  sujet,  je  m'en  re- 
mets à  luy  pour  vous  asseurer  que  je  suis  toujours  avec 
Taffection  la  plus  cordiale  possible  votre  bonne  cousine 

«  Anne.  » 

Le  billet  suivant  est  adressé  par  la  duchesse  de  Bourgo- 
gne à  sa  grand'mère  la  duchesse  de  Savoie  : 

«  Je  suis  ravies  ma  chère  grand  maman,  qu'il  vous  pa- 
roisse que  je  profitte  i'en  ay  grande  envie  mais  quelquefois 
les  plaisirs  me  dissipent  un  peu  sur  tout  depuis  que  ie  suis  à 
Fontainebleau  allant  à  touttes  les  chasses  où  je  prens  beau- 
coup de  plaisir  ie  ne  crois  pas  me  tromper,  ma  chère  grand 
maman,  en  me  flatant  de  vostre  amitié  ce  qui  me  donne 
une  grande  ioie  soiez  persuadée  que  ie  suis  pour  vous  telle 
que  ie  dois  estrc. 

«  De  Fontainebleau  ce  30«  septembre  1698.  i 

Nous  passons  la  plume  à  l'une  des  plus  galantes  grandes 
dames  du  xvir  siècle;  Isabelle- Angélique  de  Montmorency, 


CHOIX  DE  LETTRES  INEDITES.  3 

femme  da  duc  de  Châiillon,  écrivait  de  Paris,  le  19  sep- 
tembre 1659,  à  la  marquise  de  Vardes  (1).  —  La  duchesse, 
veuve  de  son  mari,  tué  à  la  bataille  de  Gharenton  le  9  fé- 
vrier 1648,  avait  perdu  son  fils  unique  au  commencement 
de  1657. 

«  Je  suis  dans  un  estât  si  propre  à  plindre  le  vostre  que 
je  ne  croy  pas,  Madame,  qu'il  y  est  personne  qui  est  pris 
autant  de  part  que  moy  à  la  perte  que  vous  veunez  de  faire 
de  Mme  la  mareshalle  de  Guaibrian.  Je  vous  assure  que 
je  Tay  sentie  come  sy  s'etoit  pour  moy  mesme  et  qua  près 
avoir  songes  très  Ihontams  au  sirconstances  de  ce  maleur  et 
come  quoy  il  arive  a  contre  tams  je  me  suis  représenté  sant 
fois  lefroy  et  TafQicsion  que  vous  aurois  eu  de  vous  estre 
treuvé  présante  dans  un  maumant  sy  funeste  et  sy  affreux, 
car  il  est  sertin  que  la  mort  est  orible  et  surtout  lors  que 
Ton  la  voit  emporter  ce  que  Ton  aymc.  Je  ne  croy  pas  qu'il 
y  est  rien  de  sy  sansyble  ny  de  si  cruele  ;  sela  m^est  arrivé 
sy  souvant  que  j'an  puis  parler  come  sça vante,  et  depuis  que 
vous  estes  partie  je  n'ay  pas  eu  d'autre  obiet  devant  les  ieux: 
je  soitte  que  celuy  que  vous  avez  eu  n'est  pas  de  suitte  s'y 
facbeuses  que  celle  que  je  resans,  car  anfin  je  suis  abatue  et 
malade  au  point  que  vous  ne  me  recognoitriez  pas  tant  je 
suis  chagrine  et  découragée.  Je  prie  Dieu  qu'il  vous  ex  santé 
toutes  ces  misères  et  qu'il  vous  envoyé  tout  ce  qui  vous  est 
nésessaire.  Je  voudray  bien  que  vous  usiez  quelques  comi- 
sions  à  me  donner  dans  le  peu  de  tant  que  je  resteray  icy, 
car  je  les  feray  de  tout  mon  cœur  quoyque  je  ne  sorte  point 
des  bains  d'où  je  vous  écris  :  je  feray  cette  efort  pour  l'a- 
mour de  vous.  » 

La  lettre  suivante  est  de  la  duchesse  de  Choiseul;  elle  est 
des  plus  touchantes  :  elle  est  datée  de  Ghanteloup,  le  21 
septembre  1771  : 

(1)  Catherine  Nicolai  de  Goussainville,  femme  du  marquis  de  Vardes, 
gooremeur  d*Aigues-Mortes,  frère  de  Renëe  de  Bec-Crespin,  veuve 
alors  da  marëchal  comte  de  Guëbriaut^  morte  à  Périgueux  le  2  sep^ 
tembre  1659. 


k  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

«  Ecoutez-moi,  malheureux  père,  malheureuse  mère,  écou- 
tez-moi :  je  plains  et  partage  votre  douleur  et  je  suis  peut- 
être  plus  malheureuse  que  vous  :  il  ne  s'est  pas  encore  passé 
un  jour  où  je  n'ai  pleuré  votre  enfant,  et  je  le  pleurerai  peut- 
être  longtemps  encore.  Je  me  reproche  sa  mort  dont  cepen- 
dant on  m'assure  que  je  suis  innocente  :  je  crois  sans  cesse 
entendre  une  voix  qui  me  l'a  reprochée  et  vous  n'avez  que  de 
simples  regrets. 

«  J'ai  apris  qu'en  partant  de  Paris  vous  aviez  regretté  de 
ne  m'avoir  point  laissé  votre  fils  Louis  jusqu'à  l'arrivée  de 
M.  le  comte  de  Chabot.  J'ai  cru  devoir  la  légère  consola- 
tion de  vous  donner  cette  petite  satisfaction  :  je  l'ai  en- 
voyé chercher,  il  est  icy,  il  s'y  plait,  il  désire  d'y  rester  et 
je  désire  de  le  garder.  Je  l'ai  demandé  à  M.  le  comte  de 
Chabot  :  s'il  me  l'accorde  et  que  vous  y  consentiez  je  le  gar- 
derai. On  m'avait  proposé  pour  remplacer  mon  pauvre  Van 
Esele  un  jeune  allemand  qui  est  dans  les  gardes  françaises, 
excellent  sujet  à  ce  qu'on  dit,  grand  claveciniste  et  grand 
compositeur  :  il  est  tout  formé  :  j'en  aurai  joui  tout  de  suite; 
il  ne  m'en  aurait  coûté  que  la  peine  de  le  (j/c)  demander  son 
congé  et  le  gage  dont  je  serai  convenu  avec  lui  :  avec  Louis, 
s'il  me  reste,  il  me  faudra  perdre  le  tems  ou  je  l'enverrai  à 
Paris  étudier  sous  quelque  grand  compositeur  et  former 
son  goût  chez  Balbàtre  (1)  :  j'ai  à  risquer  tous  les  dangers  de 
son  enfance  et  ceux  de  sa  jeunesse  :  qui  pourra  me  répon- 
dre de  ce  qu'il  deviendra  à  15  ou  16  ans  ?  alors  au  mépris 
de  tous  les  soins  que  je  lui  aurai  donné,  il  me  quittera  peut- 
être,  ou  me  forcera  à  le  renvoyer.  Eh  bien,  j'aime  mieux 
courir  tous  ces  risques,  éprouver  tous  ces  inconvénients  et 
avoir  votre  fils,  le  frère  de  mon  pauvre  VanEsel  {sic)  :  un  al- 
lemand qu'on  me  propose  est  de  son  âge  ;  il  me  déchirerait 
le  cœur  dans  tous  ces  ra ports  avec  lui  et  me  déplairait  dans 
tout  ce  en  quoi  il  ne  lui  resemblerait  pas.  D'ailleurs  il  ne 

(1)  Célèbre  organisto,  nc^  à  Dijon  en  1729,  mort  à  Paris  le  9  avril 
1799  :  il  était  organiste  de  Notre-Dame. 


CHOIX  DE  LETTRES  EVÉDITES.  5 

s'accorderait  peut-être  pas  avec  Naazy  et  votre  611e,  et  je 
ne  les  sacrifierai  à  personne,  quoiqu'ils  me  soient  devenus 
inutiles  depuis  la  mort  de  leur  ami  qui  seul  pouvait  me  les  , 
former.  Cependant  pour  tirer  parti  de  Nanzy  je  l'envoie  à 
Paris  étudier  sou&  les  plus  grands  artistes  pour  apprendre 
à  accorder  et  à  racomnioder  mes  instruments,  dont  deux 
sons  très-dérangés  ;  pendant  le  tems  qu'il  y  sera,  je  lui 
donnerai  un  maître  de  violoncelle  et  un  de  basson  \  d'après 
cela  s'il  veut  travailler  il  pourra  se  fortifier  ici  dans  ces  deux 
instruments  et  j'exercerai  M.  Van-Esele  à  sa  harpe.  Si  tous 
ces  arrangements  vous  conviennent,  monsieur,  engagez  vos 
en&nts  à  faire  leurs  efforts  pour  réparer  la  perte  que  j'ai 
faite;  lisseraient  biens cruelss'ils  netacbaientpas,i1s  doivent 
avoir  pitié  de  moi,  de  ma  douleur  ;  ils  doivent  être  contens 
de  mes  procédés  pour  eux.  Je  suis  bien  malheureuse,  oui 
bien  malheureuse.  Tous  mes  plaisirs  se  sont  changés  en 
tourments,  la  musique  que  j'aimais  tant  et  que  je  ne  veux 
ni  ne  doit  abandonner  fait  aujourd'hui  mon  supplice  ;  tout 
me  la  rapelle  et  rien  ne  la  remplace;  ah!  mon  Dieu.... 
comptez  à  jamais,  monsieur,  sur  ma  sincère  affection.  ■ 

Nous  avons  raconté  la  vie  de  Catherine-Charlotte  de  hi 
Trémoille,  princesse  de  Condé,  en  la  justifiant,  espûions- 
nous,  de  l'odieuse  accusation  formulée  contre  elle,  d'après 
une  correspondance  conservée  dans  les  riches  archives  de 
M.  le  duc  de  la  Trémoille  (1)  :  voici  une  lettre  d'elle  adres- 
sée à  son  cousin,  le  vicomte  de  Turenue  ;  elle  n'est  pas 
datée  : 

a  Mon  cousin,  vous  m'avez  infiniment  obligé  de  m' avoir 
mande  de  vos  nouvelles  par  M.  du  Plesis  (2)  et  de  l'assu- 
rance que  vous  me  donnez  dr  confiance  que  je  dois  prendre 
en  luy  :  je  m'assure  que  me  faisant  ce  bien  de  m'aimer 
comme  vous  faites  que  vuns  ne  me  donneriez  autre  avy  que 
ceulx  que  jugez  m'csire  les  plus  propres.  Je  les  suivray 

(1)  Un  Tolarae  in-18,  Parii,  Didier,  1872. 

(2)  M.  du  PleMis-Momay. 


5  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

toujours  soit  en  cela  ou  an  aultre  occasion.  Je  lay  veu  au- 
jourd'huy  et  je  Tay  antretenu  une  bonne  heure  ,  se  n'a  pas 
esté  sans  parlei-  de  vous  et  il  m'a  fort  édiiïié  en  tous  les  dis- 
cours que  j'ay  eu  avec  luy  ;  j'essayray  de  laquery  et  le 
conserver  comme  il  le  mérite  ;  ce  n'est  pas  peu  d'estre  as- 
seuré  de  la  bonne  volute  d'ung  si  honneste  homme  qu'est 
celuy-là.  Je  me  réjouissois  infiniment  de  vostre  venue  en 
vos  cartierSy  mais  je  crains  extrêmement  de  n'avoir  ce  bon 
heur;  quelque  chose  que  ce  soit  vous  pouvez  toujours  dis- 
poser de  mon  service  auttant  que  de  ce  qui  vous  est  le 
mieulx  acquis.  Votre  obéissante  et  plus  fidelle  cousine  à 
vous  ser>'ir.  » 

C'est  encore  une  princesse  de  Condé  qui  va  nous  entre- 
tenir ;  celle-ci  est  Fortunée  d'Esté,  petite-fille  du  Régent  : 
elle  est  datée  du  15  novembre  1778. 

«  Madame  de  Lamballe  étant  venue  chez  moy  hyer  au 
soir,  je  n'ai  pas  perdu  un  moment  pour  l'informer,  Mon- 
sieur, de  la  conversation  que  je  venais  d'avoir  avec  vous, 
et  du  désir  que  \ous  aviez  d'obtenir  au  moins  la  pron^esse 
formelle  du  cordon  bleu,  puisque  vous  ne  pouviez  pas  espé- 
rer le  commandement  d*uue  légion,  le  roi  ne  voulant  point 
en  créer  de  nouvelles.  Ma  nièce  m'a  promis  de  solliciter 
vivement  la  protection  de  la  reine  pour  vous  procurer  cette 
grâce,  et  je  lui  ai  remis  eu  conséquence  tous  les  papiers  que 
vous  m'aviez  laissés  entre  les  mains  pour  qu'elle  puisse 
mettre  sous  les  yeux  de  S.  M.  tout  ce  qui  prouve  les  droits 
que  vous  avez  aux  grâces  et  aux  bontés  de  S.  M.  :  ayant  vu 
ensuite  par  la  lettre  que  vous  m'avez  écritte  ce  matin  les 
demandes  que  vous  formez  dans  le  cas  où  celle  du  Cordon 
Bleu  n'aurait  pas  de  succès,  j'ai  pensé  comme  vous  qu'il 
sera  à  propos  que  vous  adressiez  un  mémoire  à  la  reine 
dans  lequel  vous  lui  exposerez  directement  vos  services  mi- 
liuiires,  les  promesse  du  feu  roi,  les  dégoûts  que  vous  avez 
éprouvés  jusqu'ici,  enfin  tout  ce  que  vous  jugerez  capable 
d'engager  S.  M.  à  s'intéresser  à  vous.  M*  de  Lamballe  que 
je  viens  d'en  prévenir  est  du  même  avis  que  moi.  Elle  se 


CHOIX  DE  LETTRES  INEDITES.  7 

cbar^^e  de  la  présenter  à  I&  reiae  et  ne  fera  aucune  démar- 
che avaot  de  Tavoir  reçu.  Je  me  flatte,  Monsieur,  que  vous 
êtes  bien  persuadé  de  l'intérOt  avec  lequel  je  suivrai  cette 
affaire,  trop  heureuse  de  pouvoir  dans  cette  occasion  vous 
donner  une  preuve  convaincante  de  la  parfaite  esdme  que 
j'ai  pour  vous.  ■> 

Place  ensuite  à  la  Grande  Mademoiselle  : 

"  Come  je  croy,  Monsieur,  que  vousaurez  fait  une  partie  de 
vos  afaire  depuis  le  temps  que  vous  este  partie  d'issy  et  que 
c'est  ce  qui  vous  a  empesché  de  vous  souvenir  de  vos  amis, 
j'espère  que  vous  orez  présentement  Je  temps  de  leur  es- 
cripre,  cela  vous  délassera  des  afaires  où  vous  estes  em- 
ployé et  vous  ne  serez  pas  fasché  de  savoir  des  nouvelles 
d'un  pats  où  vous  avez  desja  beaucoup  d'amis  et  beaucoup 
de  monde  qui  vous  estime.  Je  commenceray  par  vous  dire 
que  M'  la  duchesse  de  Lesdiguières  vostie  parente  est  dans 
une  très-grande  dévotion  :  son  (ils  croit  beaucoup  et  est  fort 
joly.  Je  croîs  que  dans  quelques  années  vous  le  pouray  voir 
en  vostre  païs.  Ny  par  sa  naissance,  ny  par  son  grand  bien, 
il  ne  vous  fera  pas  honte.  Le  roy  a  fait  des  merveilles  pour 
)a  destruction  des  huguenots  et  il  y  a  fort  bien  réussi,  come 
vous  le  vairay  par  toutes  les  gazettes.  Il  prend  aussy  un 
grand  soiag  de  resjouir  la  cour  par  des  choses  magnifiques. 
Il  fit  la  semaine  dernière  deux  loteries  magnifiques  :  il  y 
donna  cinq  lots  qui  valoient  20  OOÔ  francs.  La  segonde  l'es- 
toit  davantage.  11  y  avoit  13  000  billets  que  chacun  tiroit 
pour  son  argent  à  20  sols  le  billet.  I^Iais  par  dessus  les 
13  000  francs  de  ardes  qu'on  avoit  acheté  des  marchans  le 
roy  donna  sing  ]ois  qui  valoit  vint  mil  francs.  C'estoît  des 
pendans  d'oreilles  de  perles  et  de  diamans  :  une  table  d'e- 
meraude  et  de  diamans  et  une  montre  de  diamans  ;  le  5* 
lot,  je  ne  m'en  souviens  plus  :  il  y  avoit  beaucoup  d'argen- 
teiîe  :  je  gagné  une  très-belle  aiguière  bien  pesante  et  bien 
travailliée.  La  pi'esse  estoit  si  grande  que  l'on  ne  s'y  pouvoit 
tomer.  Il  y  en  on»,  à  ce  qu'on  dit,  encore  deux,  se  sera  de 
l'argent  :  il  y  ora  un  lot  de  50,000  livres.  Voila  toutes  mes 


8  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

nouvelles.  Mme  de  Guise  est  en  retraite  chez  Mme  de  Mira- 
mion.  Je  lalay  voir  hier,  gi  retourne  demain,  elle  en  sortira 
dans  deux  jours.  Je  suis  avec  ma  sœur  ainée  dans  la  der- 
nière perfection  :  il  n'y  a  point  d'amitiés  qu'elle  ne  me  fasse. 
Si  je  la  croyois  je  serois  toujours  avec  elle.  Ma  sœur  de 
Guise  y  est  asé  mal  et  c'est  moy  qui  mest  la  pais  :  elles 
sont  fort  brouillées  pour  quelque  jalousie  ;  on  dit  qu'elle  a 
fort  envie  de  se  raccomodé.  A  dieu,  Monsieur  l'abé,  croyez- 
moy  toujours  votre  amie. 

Montmartre,  16  février  (1686). 

«  A  M.  l'abbé  de  Gondy  à  Florence.  » 

Voici  une  jolie  lettre  d'une  des  femmes  les  plus  spiri- 
tuelles du  XVII'  siècle,  Mademoiselle  de  la  Vigne,  adressée 
le  17  mai  1665  à  Huet,  l'ami,  tout  docte  prélat  qu'il  était, 
de  toutes  les  précieuses  du  temps  : 

«  Je  veux  bien.  Monsieur,  vous  faire  le  plaisir  de  vous  ad- 
vertir  que  je  viens  d'écrire  une  lettre  fort  grondeuse  à 
M.  du  Mesnil,  mais  de  peur  que  vous  ne  vous  laissiez  trans- 
porter à  un  excès  de  joye  qui  seroit  indigne  d'un  sage  com- 
me vous,  je  suis  bien  aise  de  vous  a  prendre  en  mesnie 
temps  que  ma  colère  n'est  qu'une  feinte,  et  que  je  suis 
aussi  peu  faschée  des  douceurs  qu'il  me  dit  que  de  la  nou- 
velle amitié  qu'il  s'est  faite.  Et  pour  marque  de  cela  vous 
m'obligerez  fort  de  lui  dire  que  je  lui  permets  de  m' envoyer 
douze  autres  lettres  aussi  galantes  que  celle  qu'il  m'a  es- 
cripte  et  d'aimer  vingt-cinq  jeunes  et  belles  personnes  à  la 
fois,  si  lecœurluy  en  dit.  Pour  vous.  Monsieur,  je  n'ay  point 
d'advis  à  vous  donner  là-dessus.  Je  say  que  vous  en  faite 
parfaitement  bien  vostre  devoir  et  j'ay  appris  de  bonne  part 
que  vous  n'usez  pas  vos  petits  rabats  à  Caen.  Vous  pouvez 
bien  penser  que  je  n'ay  garde  de  blâmer  vostre  conduite, 
moy  qui  n'ay  pas  le  cœur  de  condamner  celle  de  M.  du 
Mesnil  :  faites  donc  en  province  tant  de  malheurs  qu'il  vous 
plaira  ;  j'en  seray  ravie  pourvcu  que  vous  me   fr.Fsiez  la 


CHOIX  DE  LETTRES  EVÉDITES.  9 

grâce    de    croire    que   je    suis   'vostre    très -humble   ser- 
vante. 

De  la.  Vigne. 

Ce  17»  de  mars  1665. 

tt  A  M.  Huet.  » 

Voici  une  lettre  très-intéressante  par  les  détails  qu'elle 
renferme,  adressée  par  Tincomparable  Julie  d'Angennes, 
duchesse  de  Montausier  : 

a  Monseigneur, 

a  Quand  je  ne  serois  pas  obligée  de  vous  escrire  pour  vous 
rendre  très-humbles  grâces  de  l'honneur  de  votre  souvenir, 
j'en  orez  pris  la  liberté  pour  dire  les  nouvelles  de  nostre 
voyage  quy  a  esté  le  plus  agréable  du  monde.  L'on  a  resu 
M«  vostre  espouse  par  tous  les  lieux  où  elle  a  passé  avec  des 
témoignages  d  estime  et  d'affection  incroyable.  Monsieur 
vint  à  Blois  exprès  :  nous  avons  veu  sa  metresse  à  Tours, 
quy  ne  vous  depleroit  pas  sy  vous  la  voies  par  une  porte, 
car  dans  un  cabinet,  je  croy  s'il  m'en  souvient  que  vous  y 
avez  veu  autre  fois  d'aussy  jolies  filles  qu'elle.  J'ay  aussy  eu 
une  granJe  conversation  avec  M*  de  Chevreuse  :  elle  est 
bien  plus  sérieuse  que  vous  ne  l'avez  veue.  Je  pense  que  l'é- 
tude de  la  théologie  où  elle  s'occupe  maintenant,  en  est 
peut-être  cause.  Pour  se  peïs  je  ne  vous  en  puis  aprendre 
de  nouvelles  que  je  n'ay  veu  les  possédés  de  Loudun  :  il  n'y 
a  rien  de  si  beau  que  cette  maison  ;  nous  n'avons  pas  seu 
nous  empêcher  de  vous  y  souheter  déjà  catre  ou  six  fois,  tt 
d'avoir  plufi  d'égart  à  nostre  plaisir  qu'au  bien  public.  Con- 
servez-moy,  Monseigneur,  l'honneur  de  vos  bonnes  grâces 
comme  à  la  plus  alTectionnée  :  vostre  très-humble  et  très- 
obéissante  servante 

duchesse  de  Montausiers. 

Ce  2«  sentembre  (1657).  » 

Lettre  écrite  par  Mme  de  Montespan  et  sa  sœur,  la  spiri- 
tuelle abbesse  de  Fontevrault,  à  Huet  :  elle  est  datée  de 


10  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Tabbaye,  le  24  octobre  1693  :  le  commencement  est  de  la 
marquise  : 

«  Sy  nous  pouvons  parvenir  à  ce  que  vous  souetez,  je  me 
m'etre  dans  des  grande  colère  contre  vous  de  tous  les  doutes 
que  vous  me  faitte  paretre,  mais  tant  que  lafaire  sera  in  de 
sise  je  ne  puis  que  soueter  et  travailler  pour  la  conduire  à 

bonne  fin,   soiez  donc  persuadée  que tant  que  j^ay 

déjà  fait  tout  ce  que  j'ay  pu  croire  de  mieux  et  que  mes 
souhaits  sont  tels  qu'il  ni  a  rien  dont  je  ne  voudrois  achep- 
ter  le  plésir  de  vous  avoir  pour  voisin .  » 

Puis  le  post-scj'iptum  de  Tabbesse  : 

«  Je  ne  vous  écris  point  pour  ne  vous  pas  fatiguer  de  deux 
lettres  d'ici  en  mesme  temps,  de  plus  on  n'ose  s'expliquer  ; 
je  vois  que  les  désirs  ne  sont  point  refroidis  depuis  un  an 
et  qu'on  fait  sincèrement  tout  ce  que  l'on  croit  utile  par  la 
connoissance  qu'on  a  du  monde  à  laquelle  il  me  semble  que 
l'on  doit  se  fier.  Mon  solliciteur  continue  ses  soins  et  à 
de  bonnes  espérances  :  il  me  Técrivoit  encore  hier.  Croyez, 
Monsieurs,  que  personne  ne  vous  honore  plus  que  je  fais.  » 

Les  lettres  de  Mme  de  Motteville  sont  très-rares  ;  en  voici 
une  fort  curieuse  adressée  à  M.  de  Pomponne  à  l'occasion 
de  sa  disgrâce  : 

«  Je  courus  chez  vous,  Monsieur,  aussitôt  après  que  mon 
laquais  me  dit  vous  avoir  veu  à  l'hôtel  de  Nevers,  mais  je  ne 
vous  trouvois  plus  et  vous  veniez  de  partir.  Je  pense  que 
vous  avez  assez  bonne  opinion  de  moi  pour  croire  qu'ayant 
l'honneur  de  vous  congnoistre,  je  sens  comme  je  dois  Testât 
ou  vous  estes,  car  il  est  impossible  de  vous  estimer  autant 
que  je  fais  sans  m* intéresser  à  tout  ce  qui  vous  touche.  Le 
malheur  suit  ordinairement  la  vertu,  et  je  pense  que  Dieu 
veut  cela  pour  faire  voir  que  qui  le  possède  est  si  riche  et 
doit  estre  si  content  qu'il  ne  doii  pas  se  soucier  de  tout  le 
reste.  Si  vous  pouviez  avoir  Madame  votre  femme  auprès 
de  vous  je  ne  vous  plaindrois  pas  tant  :  je  la  trouve  fort 
afQigée  et  la  pauvre  Mlle  Lavocat  est  dans  un  estât  pitoya- 
ble :  elle  vous  ayme  plus  que  tous  ses  enfants  ensemble  et 


CHOIX  DE  LF.TTRES  INÉDITES.  11 

elle  a  besoia  que  vous  la  consoliez  vous-mesrae  de  vostre 
exil.  Je  n'oublieray  rien  selon  mes  petites  forces  pour  tra- 
vailler à  Tacourcir  et  ra'estimeray  fort  heureuse  de  vous 
pouvoir  faire  congnoislre  qu'en  fesant  profession  de  renon- 
cer à  la  tendresse,  j'en  ai  pourtant  autant  que  je  dois  pour 
mes  amis,  et  pour  les  personnes  d'un  aussi  grand  mérite 
que  vous. 

«  Je  suis  vostre  très-humble  servante 

«  F.  B.  de  Mautbvillb. 

«  A  M.  de  Pomponne.  » 

(Février  1662.) 

Marie-Louise  de  Gonzagne,  fille  du  duc  de  Nevers,  reine 
de  Pologne  (1612-1667),  envoie  au  duc  de  Gramont,  de 
Dantzick,  le  9  avril  1660,  une  lettre  remplie  de  détails  his- 
toriques bons  à  recueillir  : 

«  Je  resu  h.  lettre  que  vous  m'avez  escrite  de  Pau  :  je  crois 
que  selle -sy  vous  trouvera  au  retour  de  toute  vos  cérémonie 
et  résouisance  ;  jan  atant  avec  impatiance  les  relations  pour 
voir  sy  cela  me  divertira.  Ce  n'est  pas  la  mort  du  roy  de 
Suède  qui  cose  nos  chagrins,  mes  lenportunité  de  ses  cou- 
misere  qui  se  sont  relâchés  de  leur  fâcheuse  demande,  mes 
chicane  sur  toutes  les  paroles  tellement  que  nos  traités  sont 
encore  sans  conclusion.  Desnoier  ne  l'avoit-il  pas  bien  pré- 
dit que  set  inconmode  personnage  ne  viveroit  guerre  ?  les 
Suédois  qui  sont  isi  confese  qu'il  estoit  insuportable,  capable 
de  ruiner  leur  païs  :  beaucoup  de  vice  et  ses  vertus  n'aloit 
qu'à  la  destruction  :  la  mesme  nuit  de  sa  mort,  il  se  fit  une 
clarté  et  un  bruit  en  1er  entièremant  extraordinaire,  je  pancé 
qu'il  voulut  en  passant  dire  adieu  à  la  Prusse  qui  luy  avoit 
este  sy  chère  :  enfin  Dieu  nous  donne  la  paix  partout. 

«  L'on  me  mende  de  Paris  que  M«  de  Langeron  estoit  gou- 
vernante des  petits  d'Orléans  ;  sy  set  affaire  réusit  sela  la 
consolera  de  ses  autres  affere.  Ses  parans  vetile  qu'elle  fasse 
aveuglement  ce  qu'ils  dessire  sans  s'informer  sy  la  posibilité 
i  est  et  sy  sa  satisfaction  sy  trouve  :  elle  me  paroit  bien  ré- 


12  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

solue  à  ne  se  pas  cnbarquer  plus  avant  sans  de  bonnes  co- 
tions :  la  desclaration  que  vous  me  mandez  que  Ton  a  faitte 
à  sa  sœur  ne  la  touche  pas  beaucoup  :  elle  ne  met  pas  sa  sa- 
tisfaction dans  les  autres  et  enfia  el  voit  fort  bien  que  sy  le 
parlement  s'oppose,  comme  vous  dites,  elle  trouvera  une 
autre  juridiction  et  soies  asuré  que  le  seul  amour  du  bien 
laffera  agir,  que  les  menace  de  quelque  nature  qu'elle  soit 
n'auront  aucune  forse  ;  soies  encore  asuré  que  le  tams  passe 
plus  que  Ton  ne  panse  et  sy  vous  vous  souvenez  d'une  partie 
de  se  que  je  vous  ay  escrit  vous  y  trouverez  de  coi  ieustifier 
ce  qui  arrive.  La  conduitte  de  nostre  bonne  amie  la  mer  a 
esté  peu  favorable  au  fantoni  {sic)  :  japrand  qu'il  n'est  pas 
encore  à  Lubec  et  il  i  a  1  semcnnes  qu'il  est  parti  :  je  impa- 
tiance  qu'il  vous  voie  pour  vous  instruire  des  nouvelles  de 
se  pais  isi.  Je  vous  prie  de  ne  me  point  oublier.  » 

II 

Nous  commencerons  la  série  des  lettres  d'hommes  par 
une  suite  de  lettres  de  haut  intérêt  :  elles  émauent  de 
M.  d'Argenson,  marquis  de  Paulmy,  célèbre  bibliophile, 
académicien  et  alors  ambassadeur  en  Pologne.  Elles  sont 
adressées  au  président  Hénanlt  et  renferment  une  foule  de 
détails  inédits  et  précieux  pour  l'histoire  anecdotique  de 
cette  époque. 

c  Varsovie,  2  novembre  1760. 

«  S.  M,  Prussienne  a  trop  d'affaires  à  présent,  mon  cher 
confrère;  il  garde  vos  lettres  trop  longtemps;  il  n'y  a  que 
huit  jours  qu'il  m'a  renvoyé  avec  son  contreseing  celle  du 
28  août  :  ainsi  je  vons  prie  pour  que  je  reçoive  plutôt  de 
vos  nouvelles  de  me  les  adresser  dorénavant  par  la  poste 
sous  première  enveloppe  à  M.  le  comte  de  Choiseul,  ambas- 
sadeur à  Vienne, 

«  Vous  parler  de  tout  ce  que  vous  me  mandiez  au  mois 
d'août  pour  que  vous  le  lisiez  au  mois  de  décembre,  cela 


CHOL\  DE  LETTRES  INÉDITES.  13 

serait  trop  ridicule  et  ressemblerait  à  cet  lionmie  silencieux 
à  qui  son  compagnon  de  voyage  voulait  faire  remarquer  en 
sortant  de  Paris  que  les  bleds  étaient  beaux  et  qui  ne  s'a- 
visa qu'en  entrant  à  Lyon  de  répondre  qu'ils  étaient  bien 
verds. 

«Vous  parler  d'ici  et  du  tripotage  républicain  de  la  Polo- 
gne, ce  serait  vous  parler  une  langue  aussi  inconnue  que 
bonbons  pour  vous.  Je  vous  dirai  donc  en  deux  mots  que 
je  me  porie  bien  et  Mme  de  Paulmy  aussi  :  que  comme  nous 
nous  intéressons  fort  à  votre  santé,  nous  vous  prions  fort  de 
nous  en  donner  des  nouvelles  et  d'ajouter  tout  ce  que  le 
paîs  que  vous  habitez  fournit  de  nouvelles  intéressantes 
pour  un  Français  expatrié.  En  revanche  nous  ne  vous  ren- 
drons rien  de  la  Pologne  qui  ne  fournit  pas  matière  à  ré- 
pliquer. 

«  Mme  du  Defiand  vous  aura  sans  doute  communiqué  ma 
dernière  réponse  :  elle  me  fait  une  proposition  folle  et  je 
l'ay  prise  au  mot  aussi  follement  et  peut-être  plattement, 
vous  en  jugerez.  Mon  oncle  m'écrit,  le  4  octobre,  qu'il  se 
porte  assez  bien,  mais  qu'il  se  trouve  pesant  :  je  n'aime  pas 
cela.  Ses  enfants  et  la  nièce  qu'il  attend  ne  l'allejeront  pas  : 
heureusement  il  a  ses  livres.  Nous  nous  réjouissons  ici  du 
succès  de  M.  de  Castries  :  cela  remontera-t-il  le  duc  de 
Broglie  ? 

«  Adieu,  mon  cher  confrère,  je  vous  embrasse  de  tout  mon 
cœur  et  je  vous  exhorte  à  continuer  et  à  perfectionner  sans 
moi  le  manuscrit  que  vous  m'avez  lu  autrefois  et  qui  roule 
sur  le  meilleur  de  mes  amis  après  mon  oncle  et  le  meilleur 
des  siens  après  moi.  Cela  sera  important  à  lire  pour  tout  le 
inonde  et  touchant  pour  moi.   » 

«  A  Varsovie  ce  16  noYembre  1760. 

«  Vos  lettres  m'arrivent  si  tard  et  si  inégalement,  mon  cher 
confrère,  que  je  ne  peux  plus  compter  quand  je  les  reçois, 
et  que  j'ay  honte  de  dire  quand  elles  ont  été  écrites  :  celles 
auxquelles  je  vais  répondre  sont  du  17  septembre  et  du  18 


U  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

octobre,  et  cependant  je  les  ay  reçues  presqu'en  même  temps. 
Ne  me  plaignez  pas  trop  de  la  Diette,  elle  a  été  assez  courte 
pour  ne  me  ruiner  qu'à  moitié,  mais  plaignez  la  Pologne 
qui  ne  peut  pas  en  voir  finir  une  et  qui  la  voit  toujours  se 
rompre  de  meilleure  heure  :  celle-ci  n'a  vécu  en  santé  que 
trois  jours  et  elle  en  a  encore  été  quatre  à  Tagonie  et  puis 
le  jour  qu'elle  a  été  enterrée  tout  le  monde  s'est  avisé  de 
s'apercevoir  que  c'était  un  grand  malheur  et  ceux  qui  l'ont 
fait  rompre  en  ont  été  au  désespoir  douze  heures  après  qu'il 
n'était  plus  possible  d*y  remédier.  Mais  je  romps  le  serment 
que  j'avais  fait  de  ne  vous  point  parler  d'affaires  :  rentrons 
dans  les  balivernes  et  ne  disons  mot  surtout  de  l'affaire  de 
Torgau. 

«  Que  dittcs-vous  des  petits  couplets  que  Mme  de  Deffant 
m'a  fait  faire  d'ici  pour  Mme  de  Beau  va  u  ?  Cela  n'est- il  pas 
admirable  qu'on  ait  un  chansonnier  à  Varsovie  ?  Aussi  si 
l'on  n'y  faisait  pas  des  chansons  sur  Paris,  qu'y  chante- 
rait-on ? 

«  J'attends  Tancrède  et  le  czar  Pierre,  mais,  hélas,  quand 
les  belles  choses  arrivent-elles  ici  ?  quand  elles  sont  sues 
par  cœur  à  Paris  et  déjà  traduites  à  Londres  !  Je  suis  fâché 
que  le  prince  de  Noisy  n'ait  pas  réussi.  11  m'avait  fait  plaisir 
à  Versailles  et  à  Bcllevue,  mais  je  sens  bien  que  cela  a  paru 
mince.  Nous  nous  italianisons  tant  en  musique,  nous  nous 
anglaisons  tant  en  religion,  nous  nous  {sic)  tant  en  politique, 
nous  nous  subtilisons  tant  en  finances  et  en  commerce,  nous 
philosophons  tant  sur  toutes  sortes  de  matière  que  je  ne  sais 
ce  que  nous  deviendrons  à  la  fin.  J'ai  des  nouvelles  des  Or- 
mes :  il  parait  que  mon  oncle  se  porte  bien  et  qu'il  est  tou- 
jours aux  Ormes  en  famille.  Heureusement  il  y  a  des  livres 
à  arranger.  Je  voudrais  bien  qu'il  nous  y  eust  de  plus  vous  et 
moi.  Je  suis  très-fachéde  ce  que  vous  me  mandez  del'indis- 
position  de  Mme  de  Castelmoron,  mais  elle  sera  guérie  il  y 
a  longtemps  lorsque  vous  recevrez  cette  lettre  et  pourrez 
l'assurer  de  mes  respects  :  n'y  manquez  pas,  je  vous  en  sup- 
plie. 


CHOIX  DE  LETTRES  INEDITES.  15 

«  J'ai  pris  enfin  la  liberté  d'écrire  à  la  reine  pour  lui  annon- 
cer le  succès  d'une  sollicitation  que  j'ai  faite  en  faveur  d'un 
neveu  de  Mme  de  Talmont.  Je  vous  prie  de  me  marquer  si 
S.  M.  a  reçu  ma  lettre  avec  sa  bonté  ordinaire  et  de  me 
ménager  toujours  pour  ses  bontés  en  me  mettant  aux  pieds 
de  S.  M.  tant  que  vous  en  trouverez  Toccasion. 

«  Adieu,  mon  cher  confrère,  je  vous  embrasse  :  je  ne  suis 
pas  trop  gay  aujourd'hui  :  j'ai  mal  dormi,  je  suis  enrhumé  : 
il  commence  à  faire  bien  froid  et  j'ai  bien  aussi  quelquefois 
quelques  petites  choses  en  tête  qui  la  chiffonnent  !   » 

t  Varsovie,  6  décembre  1760. 

«  J'ay  reçu,  mon  cher  confrère,  votre  lettre  du  premier  du 
mois  dernier  :  la  conversation  que  vous  avez  eue  avec 
Mme  de  Pompadour  sur  le  chapitre  de  mon  oncle  est  le  du- 
plicata de  plusieurs  conversations  que  j'ay  eue  sur  le  même 
objet  avec  elle-même  :  vous  pouvez  même  vous  souvenir  que 
je  vous  ay  conté  tout  cela  dans  le  tems  :  il  serait  question 
de  la  désabuser  de  ce  qu'elle  croit  que  Ton  intrigue  toujours 
ou  de  la  persuader  que  l'on  n'intriguera  plus.  Mais  vous 
savez  combien  les  preuves  négatives  sont  difficiles  surtout 
quand  on  ne  communique  pas  toutes  les  accusations  en 
originales.  Cette  malheureuse  prévention  où  Ton  est  qu'il 
intrigue,  vous  fera  faire  encore  bien  des  voyages  aux  Or- 
mes. Quant  à  l'embarras  où  vous  êtes  sur  ce  que  vous  devez 
rendre  à  mon  oncle  de  cette  conversation,  je  ne  peux  que 
vous  donner  pour  conseil  mon  exemple,  j'ay  eu  même  con- 
versation et  je  n'en  ai  rendu  à  mon  oncle  que  ce  qui  pouvait 
loi  être  utile  sans  le  mettre  au  désespoir.  Je  lui  ai  toujours 
promis  de  revenir  à  la  charge  tant  que  je  serais  à  portée  et 
je  l'ai  fait  tant  que  j'y  ai  été,  quoique  j'aye  vu  dès  le  pre- 
mier moment  toutes  les  difficultés  du  succès,  je  l'ay  sou- 
tenu honnêtement  et  sans  le  tromper  d'un  peu  d'espérance 
parceque  il  ne  faut  jamais  l'oter  aux  honunes  qu'on  ne  veut 
pas  accabler.  Voila  ce  que  j'ay  fait  et  ce  que  je  peux  con- 
seiller en  gémissant  sur  le  peu  d'espérance  que  j'avais  et 


16  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

c'est  d'après  ce  peu  d'espérance  que  je  me  suis  résolu  à  m' ex- 
patrier, car  si  j'avais  espéré  d'être  utile  à  mon  oncle,  jamais 
je  n'aurai  perdu  Versailles  de  vue,  dussé-je  y  être  traité 
comme  un  page  après  y  avoir  joué  le  rôle  principal. 

«  Quant  à  moy  je  suis  charmé  que  Mme  de  P.  et  M.  de 
Choiseul  en  dise  et  en  pense  du  bien.  Le  dernier  m'a  envoyé 
ici  faire  un  fichu  rôle  et  il  ne  se  met  pas  beaucoup  en  peine 
pour  me  le  rendre  moins  désagréable,  mais  j'ai,  grâces  à 
Dieu,  provision  de  sang  froîd,  de  courage  et  de  patience. 
Veillez  toujours,  je  vous  en  prie,  à  savoir  si  Ton  continue 
à  être  content  de  moy.  Je  me  flatte  de  faire  tout  ce  qu'il 
faut  pour  cela,  mais  ce  n'est  pas  tout  de  bien  faire.  Cette 
lettre-ci  ne  passe  pas  par  la  poste,  aussi  je  vous  y  parle  assez 
clair. 

a  Ne  m'oubliez  pas  auprès  de  mesdames  de  Sechelles,  de 
Castelmoron,  du  Défiant,  et  de  Mirepoix.  Auriez-vous  moyen 
de  pénétrer  si  M.  le  Dauphin  et  Mme  la  Dauphine  sont 
contents  de  moi.  » 

«  Varsovie,  15  avril  1761. 

a  Mon  cher  confrère,  il  va  s'assembler  ici  une  Diette  ex- 
traordinaire qui  sera  peut-être  fort  tumultueuse,  peut-être 
heureuse,  peut-être  infructueuse,  mais  en  attendant  on 
parle,  on  fronde,  on  menace,  on  critique,  on  chamaille, 
on  dine  à  crever,  on  boit  à  mourir,  on  s'adresse  à  l'ambas- 
sadeur, on  le  prie  de  faire  entendre  raison  aux  uns  et  aux 
autres  et  puis  quelquefois  on  est  fâché  quand  il  dit  qu'on 
ne  sait  ce  qu'on  fait  :  on  lui  fait  cent  rapports  et  cent  autres  : 
au  milieu  de  tout  cela  pourtant  il  joue  un  rôle  et  même 
assez  beau.  Je  voudrais  que  vous  vissiez  ce  train-là,  mais  je 
voudrais  bien  qu'il  fut  fini,  car  il  me  fatigue  et  m'empêche 
de  vous  écrire  comme  je  voudrais.  J'ai  pensé  sauter  en  l'air 
moy  20'  et  Mme  de  Paulmy  aussi  :  au  moins  c'était  une  pe- 
tite conspiration  des  poudres  qui  aurait  fait  des  vacances  en 
Pologne  et  une  ambassade  à  donner  en  France,  mais  la 
poudre  a  pris  feu  trop  tôt  et  il  n'y  a  eu  que  deux  hommes 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES.  17 

blessés.  Noos  sommes  arrivés  le  coup  étant  part!  et  nous  en 
avons  été  pour  dîner  fort  tard  et  fort  mal.  Le  jour  et  len- 
demain cela  a  fait  une  grande  nouvelle,  et  puis  on  n'en 
parle  plus  et  j'ai  diné  hier  au  même  endroit  ;  la  chambre 
qui  a  sauté  est  racomodée  tant  bien  que  mal  et  c'est  partie 
remise,  si  non  pour  moi,  au  moins  pour  ceux  à  qui  on  en 
voulait. 

>  I^  ministère  de  la  guerre  de  M.  de  Choiseul  commence 
bien  glorieusement,  Dieu  en  soit  loué  !  Je  suis  témoin  que 
celui  des  Affaires  Étrangères  se  soutient  de  même.  Je  n'ai 
lu  ni  roman  de  Rousseau,  ni  Moeurs  du  temps,  ni  Sobieski  ; 
je  ne  lis  que  la  Diette  prochaine  et  les  institutions  de  Polo- 
gne  jusqu'au  moment  où  j'irai  lire  avec  vous  vos  mémoires 
et  vous  consulter  sur  les  miens.  <• 

«Du  16  janvier  1762. 

Il  est  sûr  que  M.  le  Duc  de  Choiseul  opère  des  mi- 
racles pour  la  marine  :  l'affaire  d'Espagne  en  est  un  autre 
pour  la  politique,  et  si  lui  et  Monsieur  son  coufin  font  la 
paix  en  Allemagne,  ce  sera  te  troisième  et  le  plus  beau. 
Après  cela  nous  empêcherons  bien  les  Anglois  d'avoir  l'em- 
pire universel  sur  mer....  « 

I  Du  29  mai  1762. 

a  ....  Vous  avez  raison,  le  czar  pourrait  se  rendre  l'arbitre 
de  l'Europe,  c'est  peut-être  même  ce  qu'il  voudrait  être, 
mais  it  s'y  prend  mal. 

■  Pour  nos  pauvres  jésaites,  on  dira  bientôt  d'eux  en 
France  Fuere;  mais  est-il  étonnant  qu'ils  succombent  sous 
les  jansénistes  qui  ont  perdu  Pascal  et  Arnaud,  puisque  les 
jésuites  ont  aussi  perdu  leurs  grands  hommes.  Quand  il  y  en 
avait  de  part  et  d'autre  la  victoire  se  balançait  :  à  pré.'^ent 
qu'il  n'y  en  a  plus  d'aucun  coté,  c'est  à  qui  tombera  le  pre- 
mier, et  le  jansénisme  eipirant  entraine  dans  les  enfers  la 
compagnie  sans  crédit,  sans  force  et  sans  conduite.. ..  n 

t  Iii  juillet  1762. 

■  Je  suis  aussi  sensible  que  vous  à  la  perte  des  jésuites,  et 
j'en  sens  également  toutes  les  conséquences  :  c'est  l'effet  et 


18  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

la  suite  d'un  système  dont  il  y  a  long  temps  que  je  sens  le 
danger,  mais  taisons-nous.  . .  » 

«  Varsovie  18  décembre  1762. 

«Trouvez  bon,  mon  cher  confrère,  que  ce  soit  vous  que  je 
prie  encore  pour  Tannée  prochaine  de  présenter  à  la  reine 
mes  hommages.  J'espère  qu'elle  les  recevra  toujours  avec 
bonté,  et  qu'elle  vous  chargera  de  me  le  mander,  si  elle  ne 
me  fait  pas  F  honneur  de  m'en  assurer  moi-même. 

«  Je  n'ai  pas  pu  résister  à  une  tentation  dont  je  vous  priray 
aussi  de  demander  pardon  à  là  reine,  quand  vous  aurex 
reçu  deux  petits  tableaux,  que  je  vous  envoyeray  par  la  pre- 
mière occasion,  mais  qui  quoique  de  taille  médiocre  ne  peu- 
vent pas  entrer  dans  une  lettre.  Ce  sont  deux  hermites  qui 
m'ont  paru  de  si  bonne  main  et  si  dévots  que  les  ayant 
trouvés  ici  à  vendre  à  bon  marché,  je  n'ai  pu  m'empéchcr 
de  les  acheter  pour  vous  les  envoyer  afin  de  les  présen- 
ter à  la  reine.  Ils  sont  dignes  de  figurer  avec  ceux  que 
S.  M.  copie.  Ne  vous  imaginez  pas  du  reste  que  c'est  là  un 
trait  de  politique  ministérielle  pour  faire  souvenir  la  reine 
qu'il  y  a  plus  de  deux  ans  qu'elle  m'a  fait  espérer  un  Père 
du  désert  copié  de  sa  royale  main.  Je  sais  bien  que  je  lui 
ofirirai  toute  une  Thébaïde,  où  même  les  saints  seraient  de 
chair  et  d'os,  et  les  arbres  et  les  rochers  en  nature,  que 
cela  ne  serait  pas  digne  de  la  copie  qui  m'a  été  promise. 
Non  et  ce  présent  est  très-désintéressé,  mais  si  il  faisait  son 
effet,  je  serais  plus  content  que  ne  l'étaient  ces  bons  saints 
quand  ils  mouraient  sur  la  paille  et  sur  la  cendre,  car  je 
crois  que  pour  les  croire  bien  aises  il  faut  les  prendre  dans 
ces  moments-là.  Enfin  vous  présenterez  mes  saints,  s'il  vous 
plait,  et  ils  m'obtiendront  pai'  leurs  bonnes  prières  tout  ce 
qu^il  plaira  à  Dieu  et  à  la  reine. 

«  Quant  aux  affaires  de  ce  pays,  elles  me  font  bien  autant 
de  mal,  je  crois,  cet  hiver  que  la  saison.  J'entrevois  par  tout 
des  abymes  se  creuser  sous  la  Pologne.  Heureusement 
qu'une  partie  des  environs  est  bien  minée  aussi,  et  que  la 


CHOIX  DE  LETTRES  INEDITES.  19 

Russie  est  dans  une  furieuse  agitation  intérieure.  Après 
avoir  fait  ma  cour  à  la  reine,  voulez- vous  bien  la  faire  à 
Mme  la  duchesse  de  Luynes,  à  Mme  la  maréchale  de  Mire- 
poix,  à  Mme  de  Sechelles  et  à  Mme  du  Defiand  en  atten- 
dant que  je  lui  écrive  moi-même. 

■ 

«  Je  vous  embrasse  tendrement.  » 

Nous  passerons  ensuite  à  une  lettre  de  Henri  II  de  Mont- 
morency,  maréchal  de  France,  décapité  en  1632.  Cette 
lettre,  datée  de  Luçon  le  18  janvier  1626,  paraît  évidem- 
ment adressée  au  cardinal  de  Richelieu,  et  elle  montre  en 
termes  assez  clairs  les  velléités  de  rébellion,  pour  ne  pas 
dire  plus,  qui  germaient  dans  Tesprit  de  ce  vaillant  homme 
de  guerre  : 

«  Monsieur, 

a  Je  fais  profession  d'obéissance  au  pouvoir.  C'est  pour- 
quoj  la  moindre  connaissance  de  la  volonté  du  roy  m'a  fait 
oublier  mes  indispositions  et  toute  autre  chose  pour  ne 
m^esloigner  pas  davantage  de  ceste  armée.  Je  vous  supplie 
très-humblement  de  vouloir  tenir  la  main  aux  ordres  que 
j'ay  sy  souvent  demandé  pour  y  faire  subsister  son  service. 
Mes  lettres  jusques  icy  ayant  esté  sy  peu  considérées  que 
j'ay  esté  obligé  d'envoyer  le  sieur  de  Mirmont  pour  repré- 
senter de  vive  voix  ce  que  l'on  a  escript  et  dont  il  est  ple- 
neinent  informé.  Sy  vous  prenez  la  peine  de  l'ouir  vous 
trouverez  à  mon  avis  tout  ce  que  je  demande  aussi  juste 
pour  moy  qu'important  pour  les  affaires  de  S.  M.  qui  ne 
m'ayant  rien  fait  sçavoir  de  l'ordre  qu'elle  a  donné  pour  le 
Lenguedoc,  je  renvoie  le  remersiment  à  l'onneur  de  vostre 
amy  et  vous  auray  une  obligation  très-certaine  sy  vous  fa- 
vorisez la  vive  supplication  que  je  luy  ay  réitérée  par  ledit 
sieur  de  Mirmont.  Jatens  ce  témoignage  de  la  bonne  vo- 
lonté que  vous  m'avez  promise,  laquelle  je  crois  avoir  méri- 
tée sy  la  passion  que  j'ay  pour  vostre  service  et  pour  enestre 
digne  et  si  vous  me  croies  autant  que  je  le  suis  vostre  très- 
humble  serviteur.  ^ 


20  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Le  cardinal  de  Tencin  adresse  le  22  mai  1744  au  maré- 
chal de  Richelieu  une  lettre  qui  contient  des  détails  très-cu- 
rieux au  sujet  de  la  difficulté  que  causait  sa  présence  au 
conseil  en  qualité  de  cardinal.  Il  y  parle  aussi  de  négocia- 
tions entamées  pour  amener  la  paix  avec  la  Prusse.  Le 
comte  de  Rottembourg,  ancien  ambassadeur  de  Prusse  en 
Espagne,  gendre  de  Mme  de  Parabère,  après  s'être  ruiné 
au  jeu,  avait  reparu  à  Versailles  à  ce  moment  en  qualité 
d'agent  secret  du  roi  Frédéric,  et  n'avait  pas  tardé  à  pré- 
senter des  conditions  acceptables.  Richelieu  fut  Tintermé- 
diaire.  Un  post-scriptum  très-piquant  révèle  Texcessive  ani- 
mosité  de  Mme  de  Tencin  contre  Maurepas. 

«  Yoissi  une  petite  addition  pour  vous  dire  que  M.  de  Ges- 
vre  montre  une  lettre  de  Tarmée  où  Ton  luy  dit  que  tout  est 
en  conclussion,  que  M.  le  maréchal  (1)  et  vous  n'êtes  point 
d'accord,  et  que  le  duc  d'Ayen  déclare  qu'il  ne  sait  plus 
comment  s'y  prendre  pour  vous  mettre  d'accord.  Vous  sen- 
tez bien,  mon  cher  duc,  que  ce  sont  des  discours  dont  on 
vous  rend  comte  et  rien  de  plus. 

«  J'avois  écrit  au  roy  sur  ce  qui  s'est  passé  par  raport  aux 
conseils  :  j'ay  reçu  ce  matin  une  réponse  très-satisfaisante; 
il  approuve  ma  conduite  et  avoue  qu'on  auroit  bien  voulu 
que  j'eusse  pris  le  party  de  ne  point  assister  au  conseil,  et 
qu'il  avoit  dit  à  Maurepas  qu'il  falloit  me  laisser  mon  libre 
arbitre,  parce  qu'il  craignoit  qu'ayant  la  préséance  comme 
cardinal,  je  ne  fusse  fâché  de  n'avoir  pas  la  présidence  :  il 
ajoute  qu'il  est  persuadé  que  je  ne  ferai  jamais  de  fausse 
démarche. 

«  Je  fais  partir  un  courrier  pour  porter  au  Maréchal  de 
Noailles  une  lettre  de  Rottembourg  qui  a  receu  son  courrier 
et  qui  demande  les  ordres  du  roi  pour  se  rendre  auprès  de 
S.  M.  et  signer  le  traité  conformément  au  projet  que  nous 
lui  avons  remis,  à  très-peu  de  choses  près  qui  ne  doivent 
pas  arrester.  Le  roi  de  Prusse  écrit  au  roy,  au  maréchal  de 

(1)  De  Noailles. 


CHODC  DK  LETTRES  INÉDITES.  SI 

Noailles  et  à  Mme  de  Chateanroux  qu'il  ira  voir  demain  et 
qu'il  consultera  par  mon  conseil  sur  la  façon  dont  il  parlera 
an  roi.  Je  lui  al  déjà  dit  que  je  ne  vonloïs  en  aucune  façon 
qu'il  parlât  de  moi  et  je  sçay  déjà  que  Mme  de  Cfaateauroux 
m'approuve  et  qu'elle  pense  qu'il  ne  falloit  pas  non  plus 
qu'il  parlAt  du  maréchal  de  Bellisle  quoiqu'il  eu  eût  l'ordre. 
Je  connois  la  jalousie  du  maréchal  de  Bellisle  et  je  n'ay 
point  d'envie  à  l'exciter.  Rottenbourg  aura  l'honneur  de 
vous  voir  et  comte  que  vous  l'aiderez  de  vos  consuls.    » 

P.  s.  (de  la  main  de  Mme  de  Tencin}  : 

■  La  marine  de  Brest  est  dans  un  état  déplorable,  Maurepas 
ygètelecbatau  jambes  du  chevalier  de  Camille  (.rif)  qui  n'en 
peut  pas  davantage.  Il  semble  que  s'est  sa  &ute  de  ce  que  les 
vesseaux  font  eau  et  ne  peuvent  soutenir  la  mer.  Faites 
donc  chasser  cet  homme-là  !  ■ 

Nous  terminerons  par  une  lettre  de  Benserade,  adres- 
sée à  Huet,  de  Paris,  le  30  août  1690,  c'esUà-dire  peu  de 
mois  avant  sa  mort  :  les  autographes  de  ce  poëte  précieux 
sont  très-rares. 

•  Monseigneur,  jen'ay  pas  manqué  de  parlera  Mme  d'Ar- 
magnac (1)  de  votre  affaire  avec  un  peu  plus  d'empresse- 
ment que  je  n'aurois  fait  pour  la  mienne  propre  et  elle  a 
mesme  voulu  garder  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  Vbonneur 
de  m' écrire  pour  s'en  souvenir  et  pour  y  avoir  plus  d'atten- 
tion, et  tout  à  l'heure  elle  vient  de  m'envoyerundeses  gens 
d'affaires  qui  m'a  dit  mille  choses  U-dessus  que  je  n'entens 
point  et  que  je  n'entendray  de  ma  vie  dans  mes  plus  pres- 
sants intérests  :  il  suffit  qu'elle  m'assure  qu'elle  aura  tous 
les  égards  à  ce  qui  vous  touche  en  cette  occasion  par  la 
seule  estime  de  vostre  personne,  mais  c'est  un  point  qui  est 
remis  jusqu'à  la  saint  Martin,  et  cependant  il  sera  bon  de 
voir  s'il  n'y  a  point  moyen  de  l'acomoder.  Pour  moy  quoi- 
que normand  et  passablement  gueux,  je  n'entens  ni  chicane 

(1)  Catherine  de  NeuTÎIle  de  Villerof ,  kiatne  de  Charles  de  Lor- 
rtine,  comte  d'Armagnac,  grand  écuyer  de  France,  morte  en  1707 


22  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

ni  procédure  et  je  laisse  aller  mes  afiaîres  comme  il  plaît  à 
Dieu,  et  me  contente  de  sentir  ce  que  mon  ignorance  me 
coûte  là-dessus.  Croyez  bien  que  mon  zèle  ne  s^endormira 
pas  sur  vostre  affaire  et  que  je  suis  tout  à  vous  avec  au- 
tant de  respect  que  de  vérité,  c'est-à-dire  infiniment.  » 


CORRESPONDANCE 

DE  MADAME  DE  KRUDENER  ET  DE  JEAN-PAUL  RICHTER. 


Cette  curieuse  correspondance  u  etc  imprimée  pour  la  première 
fois  à  Munich  en  1863,  dans  un  recueil  en  quatre  volumes,  pu- 
blié à  l'occasion  du  centenairede  Jean-Paul Richter(l).  Jusque-là, 
les  rapports  de  cet  écrivain  célèbre  avec  Tauteur  de  Falérie^ 
avaient  échappé  à  tous  leurs  biographes.  Quelques-uns  avaient 
bien  remarqué  le  nom  d'uue  Mme  de  Krûdner  sur  la  liste  des 
amantes  poétiques  de  Fauteur  d'Hespcrus,  mais  ils  s'imaginèrent 
que  ce  n'était  pas  la  même.  (V.  notamment  Parisot,  article 
Richter^  dans  le  supplément  de  la  Biographie  Michaud.)  Cette 
opinion  ne  peut  plus  se  soutenir  en  présence  des  lettres  adressées 
par  Julie  de  Krûdner  à  Jean-Paul,  et  vice  versâ^  qui  se  trouven 
dans  le  troisième  volume  du  recueil  de  i  863,  et  dans  lesquelles  il 
est  longuement  question  de  ytdcrie.  Ces  lettres,  au  nombre  de 
onze,  se  réfèrent  à  l)eaucoup  d'autres  qui  n'ont  pas  été  rctrouvres,- 
ou  (ju'on  n'a  pas  jugé  convenable  de  publier.  Elles  prouvent  que 
vers  la  fin  du  siècle  dernier,  Julie  de  Krûdner,  comme  bien  d'au- 
tres Allemandes  sentimentales  et  incomprises,  faisait  sa  lecture 
favorite  des  œuvres  de  Jean-Paul,  et  que  |)cudant  huit  ans  au 
moins,  de  1796  à  1804,  il  a  existé  entre  eux  une  liaison  d'amitié, 
qui  même  aurait  pu  s'appeler  d'abord  d'un  autre  nom. 

Ils  se  virent  |>our  la  première  fois  à  Baireuth,   dans  l'été  de 

(1)  Denkwitrdigkeiten^  etc.    (^Particularités  remarquables  de  la  vie  de 
J.  P.  Richter,  k  vol.  pet.  iu-rj,  publiés  par  £.  Forster.  Munich,  1863.) 


CORRESPONDANCE.  23 

1796.  Déjà  séparée  de  son  mari  depuis  plusieurs  années,  Julie 
<le  Kriidner  faisait  alors  sur  les  bords  du  Rliin  une  excursion 
qu'elle  comptait  jiroloagcr  jusqu'en  Suisse,  jtour  se  remettre  des 
Eilîgues  du  précédent  liiver  parisien.  Née  dés  1766,  bien  qu'elle 
ne  s'en  vantât  jkis,  elle  n'avai'.  encore  rien  perdu  de  ses  charmes, 
Id  légèreté  aérienne  de  s:i  laillc  et  de  sa  danse,  ses  magnifiques 
cheveux  d'un  blond  cendré,  surtout  ce  cbarme  pénétrant  du  re- 
gard qui  devait  chez,  elle  survivre  à  la  jeunesse,  lui  avaient  valu 
des  conquêtes  nombreuses,  mais  éphémères,  parmi  les  incroyables 
du  Directoire.  Beaucoup  étaient  fi'appés,  mais  aucun  ne  mourait, 
et  la  plu|>art  avaient  même  l'indignité  de  guérir  assez  vite!  Ses 
reUitions  avec  Jean-Paul  concordent  précisément  avec  cette  nou- 
velle  phase  de  son  existence,  où  les  déceptions  réitérées  de  l'a 
mour,  et  le  pressentiment  du  prochain  déclin  de  ses  charmes, 
l'entraînaient  à  chercher,  dans  des  régions  plus  éthcrées,  de  nou- 
Tdles  émotions  et  d'autres  moyens  de  faire  des  heureux. 

Ces  lettres  nous  out  paru  dignes  d'être  traduites,  parce  qu'elles 
le  rapportent  à  l'éjwque  la  plus  curieuse  et  la  moins  connue  de  la 
vie  de  cette  femme  singulière,  celle  où  s'accomplissait,  non  sans 
regrets  et  sans  rechutes,  la  transition  de  la  galanterie  au  m^sti- 
Gbme. 

Il  faut  dire  encore  que,  malgré  le  ton  d'exaltation  passionnée 
qui  règne  dans  cette  correspondance  entre  un  poète  de  trente- 
tpob  ans  et  une  poiUesse  de  ti-ente,  il  ne  faut  _v  voir  rien  de  gros- 
■ier,  de  matériel  ;  trois  fois  lionni  soit  qui  mal  y  pense  !  Ce  ne 
■ont  là  que  des  feuK  follets  qui  illuminent  sans  briller,  ou,  si  l'on 
veut,  un  de  ces  amours  platoniques  dont  le  P.  Lemovue  dit  sé- 
rieusement, dans  son  poème  de  Saint-Louis  : 

Que,  moins  ils  ont  de  corps,  et  plus  ils  onl  de  force. 

C'était  dans  ce  style  que  les  lecliices  enthousiastes  de  Jean 
Psuil  lui  écrivaient  d'ordinaire  et  qu'il  leur  repondait,  et  les  vul- 
gaires humains  qui  tenaient  à  ces  dames  par  des  liens  moins  im- 
matériels, n'avait  pas  à  s'inquiéter  de  ces  llirtattons  dans  l'éther. 
Ceci  |)eut  nous  [laraîtrc  étrange  aujourd'hui,  et  n'en  est  pas  moins 
exact.  Pendant  plus  d'un  quart  de  siècle,  Jean-Paul  a  exerce  sur 
les  Allemandes  le  même  prestige  que  Jean-Jacques  sur  les  Fran- 
çaises avant  la  Révolution.  Sa  plume  infatigable  faisait  tout  mar- 
cher de  front:  ses  effusions  avec  Julie  de  Krûdner  sont  contem- 


■H>.- 


24  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

poraines  d'autres  lettres  du  même  genre,  adressées  à  des  admira- 
trices non  moins  ferventes,  notamment  à  la  jeune  et  charmante 
femme  d'un  stolque  magistrat  de  Weimar,  qui  n'en  prit  jamais  le 
moindre  souci. 

La  première  rencontre  de  Jean-Paul  avec  Julie,  rencontre 
trop  courte  à  leur  gré,  avait  eu  lieu  à  Baireuth  au  commence- 
ment d'août.  A  ])eine  de  retour  à  IIof,.sa  résidence  habituelle, 
Jean-Paul  implorait  une  lettre  de  sa  nouvelle  amie,  qui  l'avait 
absolument  fasciné.  La  femme  qui,  à  cinquante  ans,  put  subju- 
guer encore  l'empereur  Alexandre  par  la  magie  do  sa  parole  et 
de  son  regard,  pouvait  bien  a  fortiori^  plus  jeune  de  vingt  ans, 
produire  le  même  effet  sur  une  nature  aussi  impressionnable  que 
celle  de  Richter.  Il  lui  écrivait  :  a  Cette  heure,  pendant  laquelle 
je  vous  ai  entendue,  descend  à  l'horizon,  pareille  à  un  beau  cou- 
cher du  soleil  ;  votre  lettre  en  ravivera  les  couleurs  î  Vous  avei 
paru  et  disparu  comme  un  rêve  ;  et,  depuis  ce  temps,  je  suis  moi- 
même  comme  dans  un  rêve.  Vous  êtes  du  petit  nombre  des  créa- 
tures privilégiées  qui  ont  reçu  l'étincelle  divine  en  partage  ;  votre 
regard  pénétrant  embrasse  à  la  fois  le  ciel  et  la  terre.  »  Julie  de 
Krfidner  s'était  plainte  sans  doute  d'être  trop  rarement  comprise. 
Jean-Paul  lui  disait,  pour  la  consoler  :  a  Les  grandes  vertus  sem- 
blent des  défauts  aux  yeux  du  vulgaire.  C'est  ainsi  que  les  mers 
lunaires  nous  semblent  des  taches  à  travers  l'immensité.  »  (Hof, 
22  août.) 

Voici  la  ré[>onse  de  Mme  de  Krûdner  ;  nous  n*en  supprimons 
que  quelques  redites  et  quelques  phrases  franchement  inintelli- 
gibles : 

«  Leipzig,  27  août. 

a  Moi  aussi,  je  garde  de  vous  un  souvenir  ineffaçable.  Vos  ou- 
vrages m'avaient  délicieusement  émue,  mais  qu'est-ce  que  de  vous 
lire  auprès  devons  voir  ?  Jamais  je  n'oublierai  cette  heure  où  l'ex- 
pression de  vos  yeux,  le  son  de  votre  voix...  me  représentaient  la 
plus  magnifique  des  harmonies  :  l'union  de  la  science  et  du  senti- 
ment. Je  sais  assez  mal  la  langue  allemande,  et  j'ignore  si  je  m'ex- 
plique bien  clairement.  Mais  vous  me  devinerez,  car  je  vois  avec 
un  bonheur  ineffable,  qu'il  vous  a  suffi  d'un  moment  pour  péné- 
trer dans  les  proHmdeurs  les  plus  intimes  de  mon  être. 

tf  Qu'elle  est  douce,  l'espérance  de  vous  revoir  ici,  de  vous  ou» 


œRRESPORDAHCE.  25 

vrir  mon  cœur,  de  voua  en  dévoiler,  sans  orgueil  et  sans  (ausse 
honte,  les  qualités  aussi  bien  que  les  défauts  !  Ce  besoin  impé- 
rieux d'entendre  la  vériic,  de  devenir  meilleure,  cet  ardent  désir 
de  travailler  au  bonheur  des  autres,  cet  amour  immense  de  l'hu- 
manité que  je  ressens  en  moi,  que  je  retrouve  dans  vos  ouvrages 
et  qui  m'en  rend  la  lecture  si  chère,  tout  cela  me  prouve  que,  par 
vous,  je  deviendrai  meilleure  et  plus  heureuse...  Et  n'est-ce  pas 
aussi  quelque  chose  pour  un  philanthrope  et  un  penseur  tel  que 
vous,  de  rencontrer  un  cneur  aussi  sincère  que  le  mien,  aussi 
dédaigneux  des  voluptés  grossières,  aussi  sympathique  au  vdtre! 

"  Mes  fiiutes  même  ont  contribué  à  former  mon  caractère.  Mes 
faux  pas  niant  appris  h  marcher  droit  ;  le  malheur  m'a  initiée 
aux  nobles  jouissances.  Je  n'ai  été  trompée  que  rarement,  du 
moins  par  des  êtres  doués  de  quelque  sensibilité.  Mais  j'ai  eu  sou- 
vent des  piqûres  d'insectes,  et  de  bien  douloureuses  I  Elles  ont  eu 
du  moins  cet  avantage  de  me  retirer  le  mauvais  sang,  celui  que 
surexcite  la  raoindre  offense,  qui  engendre  le  découragement  et  le 
dégoût  de  l'humanité  ! 

a  J'ai  atteint  le  sommet  de  cette  montagne,  dont  les  esprits  vul- 
gaires  n'osent  pas  même  rêver  l'escalade.  A  cette  hauteur,  votre 
xwx  ne  m'arrîve  plus  que  comme  une  vague  harmonie,  et  même 
je  cesse  de  l'entendre  (1).  Je  vous  dis  cela  sans  orgueil.  Ah  !  je 
n'ai  pas  le  droit  d'être  orgueilleuse,  je  suis  encore  trop  impar- 
faite.... Mais  je  rends  grâce  à  la  Providence  de  m'avoir  donné  un 
corur  dans  lequel  te  souvenir  de  tout  ce  qui  est  grand  et  beau  se 
conserve  vivant  ;  qui  a  tant  plané  dans  les  hautes  régions  de  l'a- 
mour, de  la  vertu,  de  l'amitié,  qu'il  ne  lui  est  plus  possible  de 
végéter  dans  un  monde  inférieur.  C'est  ainsi  que  duns  un  petit  jar- 
din sans  horizon,  j'avais  toujours  devant  moi  les  Pyrénées,  et  je 
joignais  les  mains  et  je  pleurais,  croyant  revoir  leur  cimes  embra- 
sées des  feux  du  soir  (2], 

a  Combien  je  regrette  de  ne  pouvoir  exprimer,  décrire  digne- 
ment tout  ce  qui  est  dans  mon  cœuri  Je  suis  comme  une  mine 
d'or  ay.Jit  le  sentiment  de  sa  valeur,  mais  impuissante  à  se  révé- 
ler. Je  porte  avec  moi  un  trésor,  et  j'en  vis  !  Mais  un  philosophe, 
un  homme  de  génie  pourrait  seul  pénétrer  jusqu'il  ce  trésor,  reti- 

(1)  Qu'eit-ce  que  cela  veut  dire? 

(2}  Elle  avait  fait  nu  voyage  daot  les  Pyi^née»  an  conmieiicemeiil  de 
la  RéroluticHi. 


26  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

rer  mes  pensées  du  l)erccau  où  elles  sommeillent.  C'est  le  privilège 
du  génie  de  savoir  ainsi  comprendre  et  faire  ressortir  toutes  les 
nuances  morales,  ressaisir  dans  l'ombre  et  faire  resplendir  tous  les 
nobles  sentiments.  Aussi,  je  suis  sûre  que  vous  me  comprenez, 
malgré  mon  langage  défectueux.  Je  remercie  la  Providence  de 
notre  rencontre En  m' écoutant,  vous  étiez  ému  jusqu'aux  lar- 
mes ;  celle  qui  a  pu  toucher  ainsi  un  homme  tel  que  vous,  doit 
valoir  quelque  chose....  Venez,  venez  dès  que  vous  le  pourrez, 
j'ai  hâte  de  vous  montrer  toute  mon  âme,  de  vous  raconter  toute 
ma  vie.  Surtout  ne  me  jugez  pas  et  après  ce  que  d  autres  pourront 
vous  dire  de  moi  /...  (précaution  caractéristique). 

«  Merci  de  cœur  pour  votre  lettre.  Elle  charmerait  quiconque 
a  le  sentiment  du  beau,  mais  moi,  elle  me  transporte  !  Puissent 
mes  souhaits,  mon  amitié  et  les  douces  sensations  que  je  vous 
dois,  vous  porter  bonheur  !  Souvenez- vous  quelquefois  que  je  ne 
vous  oublierai  jamais.  » 

il  y  a  là  dedans  bien  de  l'affectation  et  de  pathos,  mais  aussi 
de  la  grâce  et  du  sentiment.  La  comparaison  de  la  mine  dtor  est 
ingénieuse,  et  tout  à  fait  dans  la  manière  de  Jean-Paul.  Mais  Julie 
n'eût  peut-être  pas  fait  tant  de  frais  d'éloquence,  si  elle  avait  su 
qu'au  même  moment  son  poëtc  écrivait  assez  lestement  à  Charlotte 
de  Kalb,  la  dame  de  Weimar  dont  nous  parlions  tout  à  l'heui'e  : 
«  Je  viens  de  voir  Mme  de  K.  à  Baireuth.  Elle  va  en  Suisse  $e 
réchauffer  dans  les  glaciers,  »  Qui  trompait-on  ici?  Ou  le  poète 
était  moins  ému  qu'il  n'affectait  de  l'être,  ou  il  voulait  dissimuler 
ses  sentiments  à  Charlotte.  Cette  deuxième  hypothèse  est  plus 
vraisemblable,  car  Jean-Paul  s'empressa  de  solliciter  de  Julie  une 
seconde  et  surtout  une  plus  longue  entrevue.  Mais  pourquoi  se 
voir  à  Leipzig,  prosaïque  séjour,  où  des  visites  d'importuns,  et 
autres  incidents  vulgaires  troubleraient  à  chaque  instant  les  effu- 
sions des  âmes,  ce  fractioimeraicnt  en  astres  minuscules  le  soleil  de 
l'enthousiasme  !»  Pour  éviter  ces  inconvénients,  et  peut-être  aussi 
celui  de  se  déranger,  il  proposait  à  sa  belle  correspondante  de 
venir  passer  un  jour  dans  la  i)etite  ville  de  Hof  qu'il  habitait.  Ils 
auraient  ainsi  l'occasion  de  poétiser  à  loisir;  «  elle  pourrait,  au 
gré  de  ses  vœux,  lui  dévoiler  sa  vie  entière,  semblable  à  un  paj'- 
sage,  tantôt  assombri  par  des  nuées  d'orages,  tantôt  illuminé  du 
soleil.»  11  lui  disait  encore,  faisant  allusion  à  leur  première  entre- 
vue :  ce  Dans  le  fleuve  de  ma  vie,  vous  avez  fait  surgir  une  île  heu- 


CORRESPONDANCE.  27 

retisc,  ne  la  laissez  pas  s'engloutir  sans  retour,  faites  comme  Mil- 
toD,  qui,  après  le  Paradis  perdu,  donna  le  Paradis  reconquis,  a 
(Hof,  3  septembre.) 

Pal'  une  lettre  du  9,  encore  d^iti'e  de  Leipzig,  Julie  acceptait  ce 
rendez-vous  philosophique  et  poétique.  «  Obsédée  d'afraires  désa- 
gréables, je  n'ai  qu'un  moment  pour  m'entretenir  avec  vous, 
quand  il  me  faudrait  des  heures,  rico  que  pour  vous  peindre 
les  sensations  délicieuses  que  m'a  fait  éprouver  votre  dernière 
lettre.  Mon  enthousiasme  pour  toutes  les  choses  nobles  ou  grandes 
que  vous  dépeignez  avec  tant  de  charme,  les  sentiments  d'afTec- 
tion  et  d'admiration  que  vous  m'inspirez  justifient  j>eut-&tre  le 
àéàr  que  vous  éprouvez  de  me  revoir,  désir  que  je  partage.  Oui, 
j'espère  bien  aller  à  Hof!...  En  attendant,  vivez  heureuï,  au 
milieu  des  créations  du  génie  le  plus  riche,  le  plus  fécond  et  le 
plus  sensible  ;  et  puissé-je  être  digne  d'être  quelque  jour  natura- 
lisée tlans  ce  paradis  !  » 

Ces  derniers  mots  semblent  indiquer  que  cette  aimable  personne, 
poseuse  autant  que  sensible,  et  n'ignorant  |>as  l'habitude  qu'avait 
Jean-Paul  de  mettre  dans  ses  romans  ses  amis  et  amies,  nourris- 
sait secrètement  l'espoir  de  ligurei'  dans  un  prochain  ouvrage. 

L'entrevue  projetée  eut  lieu,  et  fut  des  plus  chaleureuses,  si  l'on 
en  juge  par  les  lettres  suivnntes.  On  voit  par  celle  de  Jean-Paul, 
écrite  quelques  heures  après  le  départ  de  la  belle  visiteuse,  qu'il 
avait  obtenu  la  promesse  d'un  portrait,  et  même  quelque  chose  de 
[dus,  une  boucle  de  cheveux,  qu'il  aurait  voulu  «  placer  dans  les 
constellations  comme  la  chevelure  de  Bérénice  !  »  II  se  déclare 
jaloux  de  la  Suisse,  qui  va  lui  accaparer  son  amie  pendant  deux 
longs  mois.  «  El  moi,  disait-il,  pendant  tout  ce  temps,  je  n'aurai 
ricD  de  votre  âme,  absorbée  par  ces  magniiiccnces  alpestres; 
rien,  si  ce  n'est  peut-être  un  vague  reflet  de  vos  impressions... 
et  je  demeure  tristement  dans  l'ombre  projetée  par  une  ligure 
céleste  qui  s'envole  !....  »  Il  ]>arait  même,  par  la  réponse  de 
Julie,  que  cette  |>rcmière  lettre  avait  été  aussitôt  suivie  d'une 
seconde,  dans  laquelle  Ricbter  réclamait  instamment  une  dernière 
entrevue  avant  ce  cruel  départ.  Il  était  prêt  à  partir  pour  Bai- 
reuth,  où  Julie  devait  se  trouver  encore.  Le  charme  avait  pleine- 
ment <^ré  ! 

Dans  sa  réponse,  Julie  proteste  contre  la  jalousie  de  son  ami. 


28  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

<  Baireuth,  22  octobre. 

«  Je  reçois  à  l'instant  votre  dernière  lettre,  cher  ami,  et  j'ai  à 
peine  le  temps  de  vous  écrire  présentement  quelques  lignes.  Je 
pars  d'ici  demain  matin....  J'eusse  été  bien  heureuse  de  vous  y 
voir  encore  une  fois,  mais  toutes  les  raisons  possibles  rrCen 
empêchent  (1). 

«  Je  devrais  être  sérieusement  fâchée  contre  vous.  Gomment 
pouvez-vous  croire  que  les  beautés  alpestres  me  feront  oublier 
celui  qui  a  si  puissamment  fasciné  mon  âme,  celui  que  j'aime 
comme  j'aime  la  vertu  !  Vous  êtes  pour  mon  âme,  cher  Richter, 
ce  que  sera  pour  ma  poitrine  l'air  si  pur  des  hautes  montagnes. 
Dans  votre  atmosphère,  mon  âme  se  sent  allégée,  rassérénée;  les 
plus  nobles  désirs  m'enflamment,  les  plus  grands  efibrts  de  vertu 
me  semblent  faciles.  Et  je  pourrais  vous  oublier? Ah  !  rassurez- 
vous  î  La  nature  elle-même,  dont  vous  êtes  jaloux,  ne  fera  que  me 
réfléchir  votre  image.  En  contemplant  ses  tableaux  les  plus  impo- 
sants comme  les  plus  enchanteurs,  les  fraîches  et  mystérieuses 
vallées,  comme  les  glaciers  colorés  des  feux  du  soir,  vos  descrip- 
tions se  représenteront  à  ma  pensée.  Je  me  dirai  :  en  le  lisant,  je 
pressentais  déjà  cette  magnificence  et  ces  charmes  de  la  nature  ;  et 
cet  écrivain  de  tant  de  cœur  et  de  génie  est  maintenant  mon 
ami!... 

«  Adieu  donc  !  je  pense  vous  écrire  de  Zurich.  Si  vous  rece- 
vez mon  portrait,  vous  retrouverez  peut-être  sur  ma  physionomie 
un  reflet  de  votre  belle  âme,  comme  dans  une  eau  limpide,  le 
soleil  retrouve  son  image. 

<c  Adieu  encore,  mes  yeux  se  remplissent  de  larmes.  O  mon 
cher  Richter,  Ne  pourriez-vous  donc  pas  venir  en  Suisse  ?  Quelle 
céleste  joie  ce  serait  pour  moi  de  vous  y  recevoir  !  Présentement 
je  m'éloigne  de  vous,  mais  la  main  de  l'amitié  s'étend  d'un  pôle 
à  l'autre.  » 

Ce  début  promettait,  mais  ce  n'était  de  part  et  d'autre  qu'un 
beau  feu  de  paille;  et  comme  souvent  il  arrive,  ce  ne  fut  pas  du 
côté  de  la  femme  que  le  refroidissement  commença.  Une  première 
lettre  de  Julie  (perdue  ou  supprimée]  ne  reçut  pas  de  réponse; 
elle  s'en  plaignait  doucement  dans  la  suivante  (Lausanne,  17  dé- 
cembre) : 

(1)  Elle  n'était  pas  seule..,. 


œRBESPONDANCE.  29 

«  Quoi  !  pas  un  mot  de  vous,  clier  Itichter,  en  réponse  à  ma 
lettre  écrite  de  Constance  !  Que  faites-vous  donc  ?  Ne  pensez-vous 
pas  quelquefois  ii  votre  amie  ?  Slais  je  serais  indigne  des  iieureux 
moments  que  nous  avons  vécus  à  Hof,  si  je  pouvais  croire,  seule- 
ment une  minute,  que  vous  m'ayez  oubliée.  Et  vous  ?  Pourriez-vous 
douter  de  moi  ?....  Oh  I  comment  pourrais-je  être  coupable  d'un 
pareil  oubli,  cher  Richter  ;  ici  surtout,  ici,  ou  mille  fois  j'aurais 
voulu  vous  voir  partager  mon  bonheur  i  où  je  me  dis  si  souvent  : 
comme  il  sentirait  profondément,  lui,  et  comme  il  saurait  décrire 
ce  qui  te  rend  si  heureuse,  mais  que  tu  n'es  pas  capable 
d'exprimer  ? 

B  J'ai  trouvé  ici  lu  solitude  que  je  cherchais.  Je  n'oublie  pas 
pour  cela  l'humanité,  mais  seulement  le  labyrinthe  du  grand 
monde,  cette  mécanique  impitoyable,  que  font  mouvoir  tant  de 
vices  grands  ou  petits.  Je  vis  ici  paisible,  satisfaite,  en  présence  de 
mon  CŒur.  Uélas  !  les  passions  l'ont  cruellement  bouleversé  ce 
pauvre  cœur,  et  l'orage  n'est  pas  Uni.  Mais  il  n'a  rien  perdu  de  sa 
sensibilité  pour  les  plus  exquises  beautés  de  la  nature,  de  l'art, 
de  la  vertu,  etc.;  et  j'en  remercie  lu  Providence.  Mais  ce  cœur, 
t'en  liendra-i'il  toujours  à  des  réves  inutiles?  Où  est  son  énergie  ? 
Où   sont   Us  actes  qui    me  relèveront   enfin  vis-à-vis  de    moi- 

On  croit  démêler  dans  ce  curieux  passage,  le  pressentiment  de 
la  tentative  d'apostolat  religieux  et  social,  qui  devait  occuper  la 
dernière  partie  de  sa  vie. 

Elle  priait  aussi  Bichtcr  de  a  l'aimer  toujours  comme  sa  meil- 
leure amie  »,  de  lui  écrire  plus  souvent,  de  lui  indiquer  l'époque 
où  il  viendrait  admirer  la  Suisse  avec  elle.  [On  était  alors  à  la  Cia 
de  décembre  !)  Enfin  elle  lui  demandait  a  s'il  était  vrai  qu'IIerder, 
dont  elle  lisait  alors  les  ouvrages,  filt  devenu  matérialiste.  » 

Uais  les  absents  ont  toujours  tort,  et  les  absentes  aussi.  La  ré- 
ponse de  Jean-Paul,  plus  emphatique  que  chaleureuse,  se  fit  at- 
tendre pendant  plus  de  trois  mois.  «  Je  suis  pour  moi-même 
l'énigme  la  plus  indécliiffrable,  écrivait-il  enfin  pour  s'excuser  le 
3  avril  suivant  (1797).  Je  serais  moins  stupéfait  qu'une  statue  de 
madone  parlât,  que  je  ne  le  suis  de  mon  long  silence.  »  Après 
quelques  autres  excuses  embarrassées,  il  s'empressait  de  «  se  jeter 
à  côté  s,  comme  le  Simonide  de  La  Fontaine,  se  mettant  sur  le 
propos  de  son  grand  ami  Herder,  qu'il  disculpait  énergiquement 


30  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

du  soupçon  de  matérialisme.  «  Son  cœur,  disait-il,  est  un  soleil  ; 
ses  voies  sont  des  voies  lactées.  Comment  un  tel  esprit  pourrait-il 
transformer  le  temple  de  la  création  en  chapelle  mortuaire  de 
l'âme?...  5>  Il  protestait  que  le  souvenir  des  entrevues  de  Baireuth 
restait  gravé  dans  son  cœur  en  traits  de  feu,  mais  déclinait  posi» 
tivement  le  rendez- vous  en  Suisse,  «  ne  sachant  quand  son  travail 
forcé  d'écrivain  lui  permettrait  d'admirer,  autrement  qu'en  ima- 
gination, ces  scènes  sublimes  de  la  nature.  » 

Il  est  probable  que  Julie  fut  médiocrement  satisfaite  de  cette 
réponse  de  son  poète,  car  leur  correspondance  demeura  inter- 
rompue pendant  près  de  quatre  ans.  Ce  fut  pourtant  elle  encore, 
qui,  se  trouvant  de  passage  à  Berlin  au  commencement  de  i  801 ,  re- 
prit cette  correspondance.  Elle  revenait  à  cette  époque  d'un  voyage 
d'affaires  en  Livonie,  et  n'avait  garde  de  séjourner  longtemps  à 
Berlin  qu'habitait  alors  son  mari,  ministre  de  Russie  près  la  cour 
de  Prusse.  D'ailleurs,  malgré  ses  aspirations  contemplatives  et 
mystiques,  Julie  ne  se  croyait  pas  encore  à  Fâge  où  il  n'y  a  plus 
de  fautes  à  commettre,  et  Paris  exerçait  toujours  sur  elle,  pour 
des  raisons  fort  diverses,  une  fascination  qui  devait  se  prolonger 
encore  pendant  plus  de  trois  ans. 

Mme  de  Krûdner  avait  plus  d'un  motif  pour  se  rappeler  au 
souvenir  de  Jean-Paul.  Depuis  1796,  la  réputation  du  poète 
avait  singulièrement  grandi.  La  première  partie  de  son  nou- 
veau roman,  Titan^  venait  de  paraître;  il  obtenait  à  Berlin  un 
succès  d'autant  plus  grand,  que  l'ouvrage  était  dédié  aux  quatre 
filles  du  duc  de  Mecklembourg-Strélitz,  dont  l'aînée  n'était  autre 
que  la  reine  Louise  de  Prusse,  si  célèbre  par  ses  charmes,  et  plus 
tard  par  des  malheurs  trop  bien  vengés  aujourd'hui  (1).  Louise 
était  une  des  grandes  admirations  de  notre  poète  ;  tout  récem- 
ment encore,  pendant  un  long  séjour  qu'il  avait  fait  à  BerUa  dans 
les  derniers  mois  de  l'année  1800,  il  avait  (iguré  parmi  les  con- 
vives intimes  de  Sdns-Souci,  dont  la  reine  avait  voulu  lui  montrer 
elle-même  les  appartements.  Les  gazettes  des  principales  villes 
allemandes  avaient  signalé  sa  présence  dans  la  capitale  de  la 
Prusse  ;  les  réclames  de  ce  genre  étaient  alors  bien  plus  rares,  et 
avaient  une  bien  autre  portée  qu'aujourd'hui*  Tout  le  monde  s'é- 

(1)  On  sait  que  Temperear  d* Allemagne  actuel  est  un  des  fils  de  Fré" 
déric-Guillaume  III  et  de  Loaisei 


CORRESPONDANCE.  31 

tait  empressé  de  faire  fèCe  à  l'auteur  favori  de  la  reine,  et  cette 
orconstance  avait  exercé  une  inQnence  décisive  sur  la  destinée  de 
Jean-Paul,  en  rendant  possible  son  union  avec  la  belle  et  sensible 
Caroline  Mayer,  dont  le  père  occupait  un  poste  important  dans  la 
magistrature  berlinoise  (1). 

Mme  de  RrQdner,  qui  avait  habite  Berlin  dans  sa  jeunesse  et  y 
avait  conservé  des  amis,  ne  pouvait  ignorer  les  succès  de  Jean- 
Paul  dans  cette  ville,  les  progrès  de  sa  renommée.  L' amitié  d'un 
tel  écrivain  ne  pouvait  que  lui  faire  honneur,  et  même  lui  être 
fort  utile,  s'il  lui  prenait  quelque  jour  fantaisie  d'essayer  du  ro- 
man écrit,  après  tant  de  romans  en  action.  D'ailleurs,  l'une  de  ses 
prétentions  favorites  était  de  produire,  sur  tout  homme  et  en  tout 
lieu,  des  impressions  inclTaçables,  qu'il  ne  tenait  qu'à  elle  de  ra- 
viver. Elle  se  décida  donc  à  renouer  cette  liaison  ëpistolaire,  et 
écrivit  à  Jean-Paul,  le  S  janvier  1801  : 

«  Jean-Paul  ne  peut  m'avoir  tout  à  fait  oubliée.  Il  y  a  entre 
nous  un  lien  que  ne  sauraient  détruire  ni  le  temps,  ni  l'éloigne- 
ment,  lie  charme  de  ces  heureux  souvenirs  ne  saurait  être  tout  à 
fait  évanoui.  Vous  m'aviez  fait  tant  de  bien!...  Ni  la  Suisse  et  ses 
merveilles,  ni  les  orages  intérieurs,  ni  les  jours  plus  tranquilles 
d'un  bonheur  caché,  n'ont  pu  bannir  de  mnn  âme  votre  souvenir. 
Votre  image  est  toujours  pour  moi  une  harmonie;  elle  m'apparatt 
semblable  à  la  hieofaisanle  nature,  s'adaptant  comme  elle  à  toutes 
les  dispositions  du  cceur,  à  toutes  les  situations  de  la  vie,  parce 
que,  comme  la  nature,  votre  génie  est  inépuisable.  J'ai  admiré  en 
TOUS  l'union  du  génie  et  de  la  vertu,  travaillant  de  concert  au 
bonheur  de  l'humanité  ;  c'est  ce  qu'on  peut  voir  de  plus  beau  dans 

(1)  Cette  union  n'eut  lieu  qu'au  mois  de  mai  1801,  mais  elle  était 
arrêta  dèi  le  mois  de  ooTcmbre  pr(;câdent.  Jean-Paul  aTiit  alors 
trente-sept  ans.  Outre  que  sa  future  était  une  jeune  personne  fort  agréa- 
ble et  grande  admiratrice  de  taa  talent,  le  succès  de  celte  négociation 
matrimoniale  lui  offrait  udc  vive  aatisractîon  d'amour-propre.  On  sait 
que  l'auteur  de  Tilan  était  le  fils  d'un  pauvre  organiste  de  campagne  ; 
jusque-là  ses  avantages  physiques,  et  le  prestige  de  ion  talent,  avaient 
fait  oublier  son  humble  naissance  à  plus  d'une  fille  noble,  mais  non 
aux  parents,  avec  lesquels  il  fallait  bien  s'expliquer  à  la  Gn,  quand  il 
s'agissait  de  mariage.  Tout  r^emment  encore,  un  projet  d'hymen 
avec  une  jeune  dame  d'honneur  de  la  duchesse  d'Hilburgliausen,  Caro- 
line de  Panschtenleben,  avait  manqué  par  suite  des  répugnances  arialo- 
entiques  de  la  famille. 


32  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

ce  monde!  M'auriez-vous  oubliée?  Je  ne  puis  le  croire.  Je  suis 
une  de  ces  âmes  silencieuses  et  cachëes  auxquelles  vous  apparais- 
sez comme  un  astre  lumineux  et  bienfaisant....  » 

Nous  n'avons  pas  la  réponse  de  Jean-Paul  ;  mais  une  dernière 
lettre  de  Mme  de  Krûdner,  du  dO  mars  1804,  prouve  que  dans 
cet  intervalle  de  trois  années  ils  s'écrivirent  à  diverses  reprises, 
que  même  ils  se  virent  plusieurs  fois,  et  que  Julie  fit  connais- 
sance avec  la  jeune  femme  de  Jean-Paul.  Celle-ci,  déjà  mère  de 
deux  enfants,  sûre  de  l'affection  de  son  mari,  ne  se  préoccupait 
guère  de  ses  anciennes  flirtât  ions;  elle  aurait  eu  trop  à  faire. 

La  dernière  lettre  de  Julie  de  Krûdner,  curieuse  à  plus  d'un 
titre,  est  datée  de  Kiïtzow  près  Berlin^  iO  mars  1804.  Elle  avait 
quitté  Paris  au  plus  tard  vers  la  fin  de  février.  Elle  a  prétendu 
depuis,  et  tous  ses  biographes  ont  répété  d'après  elle,  que  c'était 
l'exécution  du  duc  d'Ënghien  qui  Pavait  fait  fuir  de  France.  Or, 
nous  la  voyons  installée  en  Prusse  dès  le  10  mars,  et  ce  fut  seu- 
lement, on  le  sait,  dans  la  nuit  du  1 5  au  16  de  ce  mois  qu'eut  lieu 
l'enlèvement  du  duc  d'Ënghien.  Il  est  donc  bien  évident  que  la 
fugue  de  Mme  de  Krûdner,  antérieure  de  plusieurs  jours  à  cet 
événement  tout  à  fait  imprévu,  était  déterminée  par  d'autres  mo- 
tifs. Mais,  la  catastrophe  du  duc  d'Ënghien  ayant  suivi  de  près, 
la  baronne,  pour  donner  du  relief  à  son  départ,  imagina  de  dire 
que  ce  meurtre  en  avait  été  la  cause,  et  finit  peut-être  par  le 
croire  elle-même. 

Voici  cette  dernière  lettre  à  Richter  ;  cette  pièce,  éminemment 
caractéristique,  est  le  complément  indispensable  de  Falé- 
rie, 

«  C'est  en  vain,  cher  ami,  que  je  vous  ai  dernièrement  écrit 
de  Suisse,  et  ensuite  de  France.  Je  n'ai  pas  de  réponse  ;  j'ignore 
si  vous  avez  reçu  mes  lettres,  si  vous  et  votre  chère  Caroline  m'ai- 
mez toujours.  Mais  j'ai  foi  dans  votre  cœur;  tous  deux  vous  m'ai- 
mez encore,  puisque  je  vous  aime.  O  chers  amis,  vous  qui  sou- 
vent avez  jonché  de  fleurs  sous  mes  pas  l'aride  et  sablonneux 
chemin  de  la  vie  mondaine,  vous  avec  lesquels  j'ai  vécu  plus  d'une 
heureuse  matinée  de  printemps,  votre  souvenir  me  revient  au 
cœur  avec  celui  des  fleurs,  des  rossignols,  et  de  tout  ce  qu'il  y  a 
de  beau  dans  la  nature,  et  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  l'hu- 
manité. 

ce  Depuis  notre  dernière  entrevue,  j'ai  essuyé  bien  des  cha- 


CORRESPONDANCE.  33 

grins  ;  mais  la  Providence,  toujours  plus  clémente  (|ue  nous  ne  le 
méritons,  m'a  fait  aussi  bien  des  grâces. 

«  Je  ne  sais  si  je  vous  ai  parlé  de  ma  Falérie,  Mais  vous  savez 
peut-être  déjà  que  ce  livre  a  obtenu  un  grand  succès  à  Paris. 
Vous  verrez  avec  plaisir  qu  un  ouvrage  religieux,  moral  et  phi- 
losophique comme  celui-là  ait  pu  être  si  goûté  en  France;  les 
écrivains  les  plus  distingués  en  ont  parlé  avec  éloge  dans  les  jour- 
naux. Les  mères  donnent  à  leurs  enfants  le  nom  de  Gustave  ;  on 
voit,  jusque  dans  les  boutiques,  des  femmes  lire  Valérie  en  pleu- 
rant ;  je  reçois  de  tous  les  côtés  des  vers,  des  félicitations.  Mon 
livre  est  décidément  à  la  mode  ;  mais  ne  croyez  pas  que  je  sois 
vaine  de  ce  succès  (I). 

<c  Ecoutez  l'histoire  de  mon  roman.  J'habitais  alors  sur  les  bords 
du  lac  de  Genève;  j'y  menais  une  vie  tranquille,  enchantée,  au 
sein  de  la  nature.  En  face  de  moi  j'avais  le  mont  Blanc,  sur  lequel 
le  soleil  couchant  jetait  chaque  soir  un  voile  rose  en  signe  d'a- 
dieu ;  autour  de  moi  j'avais  les  rives  délicieuses  du  lac,  des  fu- 
ttiies  majestueuses,  et  l'air  pur  des  Alpes.  J'errais,  perdue  dans  la 
contemplation  de  ces  scènes  magiques,  demandant  à  Dieu  le 
bonheur  de  lui  plaire,  de  pouvoir  être  utile  à  mes  semblables, 
d'aimer,  comme  vous  l'avez  dit  si  bien,  l'infini  dans  le  fini!  C'est 
dans  cette  disposition  d'esprit  que  fut  conçue  ma  Falérie ^  fille  du 
recueillement  et  de  la  prière.  Elle  ne  peut  pas  être  une  étrangère 
pour  vous!  Votre  âme,  vos  écrits,  votre  amour  de  la  nature 
m'inspiraient,  alors  que'  j'écrivais  ces  pages;  Falérie  a  jailli  de 
mon  âme,  et  je  ne  sais  plus  si  c'est  un  livre  ou  un  souffle  (1). 

«  Et  maintenant,  cher  Jean-Paul,  j'ai  une  demande  à  vous  faire. 
Je  pars  pour  la  Russie;  un  devoir  sacré  m'y  appelle  :  j'y  vais  af- 
franchir mes  serfs.  Pour  avoir  là-bas  quelque  crédit,  il  faut  être 
honorablement  connu.  J'ai  besoin  surtout,  pour  pouvoir  faire 
quelque  bien,  d'être  appréciée  de  notre  excellent  Empereur  ;  vous 
pouvez  m'y  aider,  cher  Richter  !  Soyez  donc  assez  bon  pour  faire 


(1)  On  remarque  que  dans  ce  récit  de  la  composition  de  Fàlérte^  il 
n*est  nullement  question  de  ^histoire  si  souvent  racontée  à  d*aatres, 
d*un  dernier  amoureux,  mort  d*un  excès  de  discrétion  compliqué  d'une 
afifectîon  de  poitrine.  Il  y  avait  dans  tout  cela^  comme  dans  tout  ce 
qu'elle  disait  d'elle-même,  quelques  parcelles  de  vérité,  perdues  dans 
bien  des  détails  absolument  imaginaires.  Bien  que  Julie  ait  prétendu 
onder  une  religion,  tout  ce  qu'elle  disait  n'était  pas  parole  d'Évangile. 

3 


kj 


34  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

un  petit  article  [Recension)  sur  Valérie,  Avec  votre  réputation, 
votre  originalité  exquise  et  votre  style  enchanteur,  vous  ferez  sû- 
rement la  fortune  de  mon  livre  en  Allemagne.  Je  vous  embrasse 
tous  deux  cordialement.  » 

C'est  quelque  chose  toujours  d'assez  comique,  bien  que  de  fort 
ordinaire  aujourd'hui,  que  ce  débordement  de  phrases  sentimen- 
tales, d'éloges  emphatiques,  aboutissant  à  une  demande  de 
réclame. 

Dans  sa  réponse  du  7  juin  suivant,  Jean-Paul  fait  de  Valérie 
un  éloge  légèrement  ironique,  mais  sans  prometti^e  d'article.  Il 
reproche  gracieusement  à  Julie  de  ne  pas  s'être  arrêtée  pour  le  voir 
la  dernière  fois  qu'elle  a  repassé  le  Rhin. 

<c  Vous  avez  passé  tout  à  côté  de  moi,  comme  ferait  un  rossi- 
gnol auprès  d'un  homme  endormi  ;  mais  cette  fois  c'est  le  rossi- 
gnol qui  était  en  faute.  Valérie  est  une  source  limpide  et  bienfai* 
santé  [Gesundbrunner],  dont  les  eaux  guériront  les  Français,  mora- 
lement si  malades.  Votre  héroïne,  que  vos  amis  ont  bien  recon- 
nue, ne  s'étonnera  pas  d'apprendre  qu'elle  a  gagné  mon -cœur. 
La  mort  de  Gustave  est  un  superbe  coucher  de  soleil  ;  personne 
n'était  encore  si  bien  mort  en  français  I 

<c  Alexandre  de  Russie  se  distingue  de  son  homonyme  le  Macé- 
donien, en  ce  qu'il  donne  la  liberté  au  lieu  de  la  prendre  (1),  tan- 
dis que  la  France,  avec  toutes  ses  conquêtes,  est  aujourd'hui 
conquise  elle-même  par  un  Corse... 

«  Puissent  les  nuages  de  votre  vie  disparaître  aussi  rapidement 
que  font  ceux  du  ciel  I  » 

Ici  se  termine  brusquement  cette  correspondance.  Il  serait 
téméraire  d'afiGrmer  que  toute  relation  ait  cessé  à  partir  de  cette 
époque,  entre  Jean -Paul  et  Mme  de  Krûdner,  mais  leurs  rapports 
n'eurent  plus  sûrement  le  même  caractère  de  chaleureuse  intimité. 
A  des  facultés  poétiques  éminentes,  Richter  joignait  un  bon  sens, 
qui  faisait  absolument  défaut  à  l'auteur  de  Valérie»  Il  n'était  pas 
d'humeur  à  devenir  jamais  le  disciple  de  son  ancienne  admira- 
trice, quand  celle-ci,  passant  de  la  rêverie  à  l'action,  s'improvisa 
prophétesse  et  pontife  d'une  religion  nouvelle.  Toutefois,  il 
demeure  certain  que  la  lecture  assidue,  passionnée,  des  écrits  de 

(1)  Cet  éloge  anticipé  ne  devait  être  mérité  que  soixante  ans  pins  tard| 
par  un  autre  Alexandre. 


CORRESPONDANCE.  35 

Jean-Paul  avait  exercé  sur  Mme  de  Krûdner  une  influence  pro- 
fonde. Ce  qu'elle  lui  dit  dans  sa  dernière  lettre  à  propos  de  Valé- 
rie n'est  pas  un  vain  compliment.  Il  y  a  entre  cette  œuvre  et  celles 
de  Richter,  une  similitude  frappante  qui  n'aurait  pas  échappé  à  la 
sagacité  de  Sainte-Beuve,  s'il  avait  connu  les  ouvrages  de Rich ter. 
Elle  en  reproduit,  dans  un  cadre  plus  restreint  et  avec  des  cou- 
leurs moins  vives,  les  qualités  et  les  défauts.  Le  style  même  a 
plus  d'analogie  avec  la  manière  de  Rich  ter  que  celui  d'aucun  au- 
tre écrivain  français.  Il  lui  ressemble,  un  peu,  il  est  vrai,  comme 
une  cascade  de  jardin  anglais,  artistement  agencée,  peut  ressem- 
bler à  la  chute  du  Rhin. 

Baron  Ernouf. 


MADAME  LA  COMTESSE  D'ORIVAL  DE  CRIEL 


Madame  la  comtesse  Lise  Ëglé  d'Orival  de  Criel,  chanoi- 
nesse  de  Tordre  de  Sainte-Anne,  vient  de  mourir.  Tante 
bien-aimée  et  si  regrettée  d'un  de  nos  meilleurs  bibliophi- 
les, qu'elle  aida  de  ses  conseils,  de  ses  encouragements,  et 
toujours  prête  à  tous  les  sacrifices  pour  les  soutenir;  son 
érudition,  son  goût  pour  les  arts,  pour  les  lettres  où  elle 
excellait,  lui  font  trouver  une  place  toute  naturelle  dans  ce 
Bulletin. 

Son  âge,  son  caractère  d'un  autre  siècle,  conservèrent  au 
milieu  des  traverses  et  des  rudes  épreuves  de  la  vie,  et 
jusqu'au  terme  d'une  longue  carrière,  la  sérénité,  l'amabi- 
lité, la  simplicité,  la  chaleur  de  la  jeunesse,  et  on  peut  dire 
que  par  un  privilège  de  Dieu,  elle  ne  connut  ni  les  infirmités 
du  corps,  ni  celles  de  l'esprit.  Résignée,  dévouée,  d'une 
bienveillance  ineffable,  la  Providence  aura  voulu  peut-être 
lui  tenir  déjà  compte  des  qualités  de  son  cœur.  Qui  la  voyait, 
la  connaissait,  voulait  la  revoir  et  l'aimait.  Sa  charité  envers 
les  pauvres  et  envers  le  prochain  était  égale.  Toujours  gé- 


<     t^      : 


36  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

néreuse,  toujours  indulgente,  toujours  d'une  grâce  exquise, 
toujours  d'une  douceur  angélique. 

La  peinture,  la  musique,  la  poésie,  avec  une  immense 
amitié  pour  les  siens,  se  partagèrent  son  existence;  et  comme 
les  vraies  amitiés  entraînent  toujours  d'immenses  douleurs, 
elle  marchait  à  travers  la  vie,  cherchant  à  se  reposer  dans 
Tétude  et  dans  ces  arts  qu'elle  chérissait  aussi,  des  blessures 
dont  les  événements  la  frappaient. 

Ferme  dans  sa  foi  religieuse,  ferme  dans  sa  foi  politique, 
elle  est  morte  son  Credo  dans  le  cœur  :  Dieu,  le  Roi. 

La  comtesse  d'Orival  de  Criel  était  sœur  de  madame  de 
Lignerolles  dont  nous  déplorions  la  perte  il  y  a  quelques 
années.  En  elle  s'éteint  la  famille  d'Orival  de  Criel,  une  des 
plus  anciennes  de  Normandie. 

Elle  est  citée  parmi  les  grands  seigneurs  normands  qui 
prirent  part  aux  expéditions  de  Naples  et  de  Sicile  (1003), 

Passèrent  avec  le  duc  Guillaume  à  la  conquête  de  l'An- 
gleterre (1066), 

Et  delà  Terre-Sainte,  avec  Godefroi  de  Bouillon  (1095). 

D'Orival,  seigneur  de  Drosey,  de  Criel,  porte  :  de  gueu> 
les,  à  la  fasce  d'or  accompagnée  de  trois  molettes  d'éperons 
d'argent. 

LISE  EGLE,  ces  deux  noms,  frais  comme  le  printemps, 
Couronne  de  jeunesse  à  ses  quatre-vingts  ans, 
Semblent  sur  son  tombeau  comme  un  dernier  sourire  ; 
Us  disent  Grâce»  Esprit....  tout  ce  que  Ton  admire. 
Tout  ce  qui  sait  charmer,  dans  ces  noms  est  tracé. 
Et  tout  ce  qui  n'est  plus  !.••  la  mode  en  a  passé. 

La  comtesse  L.  de  l'E. 

Paris,  8  janvier  1876. 


ACHnjj;  JUBINAL 


La  fin  de  l'année  1875  a  été  meurtrière  pour  le  monde  des  let- 
tres. Dans  l'espace  de  quelques  heures,  à  la  perte  de  la  Guéron- 
nière,  sympathique  et  éloquent  publiciste,  à  celle  de  Saint-Gorges, 
librettiste  ingénieux  et  fécond,  est  venue  s'ajouter  celle  d'Achille 
Jubinal,  qui  mérite  une  mention  particulière  dans  ce  recueil,  comme 
érudit  et  comme  curieux.  C'était  un  des  derniers  survivants  de  la 
phalange  romantique  de  1830,  un  de  ceux  qui,  par  leurs  travaux, 
ont  donné  la  plus  vive  impulsion  à  l'étude  du  moyen  âge.  Tous 
nos  lecteurs  connaissent  son  beau^ recueil  des  anciennes  tapisseries, 
dont  réloge  n'est  plus  à  faire;  son  travail  sur  Rutebeuf,  poète  ly- 
rique et  satirique  des  plus  remarquables,  dont  on  soupçonnait  à 
peine  l'existence  avant  la  première  édition  qu'en  donna  Jubinal 
en  1834.  Nous  citerons  encore  ses  deux  volumes  de  Contes  et  fa- 
hliaux  du  XV»  siècle  ;  les  Mystères  inédits  en  2  volumes  et  ses  re- 
cherches sur  Montaigne,  sa  curieuse  brochure  sur  les  relations  de 
Sismondi  avec  Napoléon  pendant  les  Cent  jours,  un  intéressant 
récit  d'excursions  dans  ses  chères  Pyrénées,  dont  personne  ne 
parla  jamais  avec  une  émotion  plus  chaleureuse,  plus  communica- 
tive. 

Les  préoccupations  politiques,  et  surtout  le  kibeur  incessant  et 
dévorant  de  la  presse  quotidienne,  n'ont  pas  laissé  le  temps  à 
Jubinal  de  tenir  tout  ce  qu'il  promettait  comme  littérateur  et 
comme  érudit.  Nous  n'avons  pas  à  juger  en  lui  le  journaliste,  ni  le 
député  ;  qu'il  nous  soit  seulement  permis  de  rappeler  la  sincérité 
d'un  dévouement  qui  avait  résisté  à  l'une  des  grandes  catastrophes 
de  ce  siècle....  Atteint  pendant  V Année  terrible  d'une  attaque  de 
paralysie  qui  toutefois  n'avait  rien  diminué  de  son  activité  d'esprit, 
il  s'était  occupé,  dans  ces  derniers  temps,  d'une  nouvelle  et  défini- 
tive édition  de  son  Rutebeuf,  que  nous  avons  signalée  aux  lecteurs 
du  Bulletin. 

Jubinal  était  aussi  un  collectionneur  passionné,  intelligent,  infa- 
tigable. Admirablement  secondé  par  la  compagne  dévouée  de  sa 
vie,  il  avait  formé  non  pas  un  simple  cabinet,  mais  un  véritable 
musée  de  curiosités,  armes,  meubles  et  bijoux  des  meilleures  épo- 


^ 


38  BULÏiETIN  DU  BIBLTOPHII.E. 

ques  de  Tart,  dont  on  retrouve  de  beaux  spécimens  dans  les  trois 
derniers  volumes  de  M.  P.  Lacroix,  publiés  par  M.  F.  Didot.  Di- 
sons encore  que  peu  d'hommes  ont  été  plus  obligeants,  plus  servia- 
bleSy  en  toute  occasion  et  de  toute  manière.  Aussi  comptait-il 
de  nombreux  amis  dans  tous  les  camps  ;  on  l'a  bien  vu  à  ses  ob- 
sèques ! 

B.  E. 


PRIX  COURANT  DES  LIVRES  ANCIENS. 

REVUE  DES  VEIXTES. 

Ventb  de  là  librairie  Tross. 
(1''  partie)  (du  15  au  23  décembre). 

363.  Bonificacius.  Liber  sextus  decretalium.  Venetiis  impressus 
(4476);  gr.  in-fol.  goth.  d.-rel.  non  rog.  imprimé  sur  peau  de 
VÉLIN,  quelques  feuillets  manquaient.  —  600  fr. 

484.  Valturii  de  Re  militari  libriXII  adSigism.  Pandulfum  Mala- 
testam.  Joannes  de  VeronaorienduSj  Nicolais  impressit,  1472; 
in-fol.  caractères  ronds,  cuir  de  Russie,  tr.  dor.  —  520  fr. 

Première  édition  remarquable  par  son  exécution  et  les  82  figures 
gravées  sur  bois  dont  elle  est  ornée.  — ^  L'exempl.  avait  quelques  pi- 
qûres de  vers 

645.  Maximilian  II  Begraebniss  (zuWien),  des  Kaisers  Maximilian 
II  (enterrement  de  l'empereur  Maximilien  II)  ;  9  grandes  plan- 
ches gravées  en  bois,  coloriées  à  l'époque,  1577;  gr.  in-fol. 
obL  cart.  —  205  fr. 

La  planche  sixième  était  plus  courte  que  les  autres. 

734.  Piranesi  (J.-B.  et  C.-F.),  édition  originale;  18  vol.  in-fol. 
max».  —  550  fr. 

697.  Amman  (J.).  Insignia  sacrae  caesarae  Majestatis,  principum 
electorum.  Impressum  Franco furti  nd  Mxnum^  1579;  in-4, 
fig.  mar.  Lavall.,  tr.  dor.  [Hardy-Mennil),  ~  179  fr. 


/. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  39 

746.  Harmonie  universelle  contenant  la  théorie  et  la  pratique  de 
la  musique,  par  F.  Marin  Mersenne.  Pariis,  1636-37;  2  tomes 
en  1  vol.  in-fol.,  figures,  v.  —  300  fr. 

Plusieurs  imperfections  étaient  signalées  au  catalogue. 

752.  Tritonius  P.  Harmonie  super  odis  Horatii  Flacci.  Impasse 

Augusts^  1507;  in-4,  cart.  — 205  fr. 

* 

772.  Vecellio.  Corona  délie  nobili  et  virtuose  donne.  Libro  pri- 
mo, secondo,  terzo.  In  Venitia^  appresso  Cesare  Kecellio^ 
1600  ;  4  part,  en  1  vol.  pet.  in-4.  obi.  cart.  —  520  fr. 

Recueil  fort  rare  ainsi  complet.  L*exempl.  seulement  cartonne  peut 
devenir  un  très-beau  livre  arrangé  avec  goût. 

862.  Manilii  Astronomicon.  Ex  officina  Joannis  de  Regiomonte 
habitantis  in  Nuremberga  oppido  Germaniae.  S,  d,  (1471), 
in-4,  caract.  ronds,  maroq.  r.,  tr.  dor.  {Lortic).  —  220  fr. 

Ce  rare  volume  en  aussi  belle  condition  vaut  davantage. 

1177.  Pliniî  Secundi  Epistolarum  libri  Vill  [Fenitiis  Faldarfer)^ 
1471  ;  gr.  in-4,  caract*  ronds,   maroq.  r.,  tr.  dor.  {Lortic), 

—  210  fr. 

Ce  beau  volume  a  été  achète  pour  rAJlemagne.  Le  mérite  de  ces 
livres  du  quinzième  siècle  est  en  ce  moment  tout  à  fait  méconnu  et  dé- 
laissé des  amateurs  ;  lorsque  plus  tard  les  bibliophiles  mieux  avisés  ou 
mieux  éclairés  les  rechercheront,  on  n'en  trouvera  plus  d'aucune  ma- 
nière. 

1214*  Portulan  de  la  plus  grande  beauté,  de  la  première  moitié 
du  XVI*  siècle,  10  feuillets  de  vélin  contre-collés  dos  à  dos; 
maroq.  rouge  à  comp.,  tr.  dor.  —  755  fr. 

Ces  magnifiques  cartes  marines  sont  d'une  conservation  parfaite.  On 
les  estimait  davantage  autrefois  en  France. 

1215.  Perlinghieri.  Geographia  in  terza  rima  et  lingua  toscana 
distincta.    Firenze;  gr.  in-fol.   mar.  vert.    tr.    dor.   {Gruel). 

—  560  fr. 

Précieux  volume  et  dans  une  superbe  condition  ;  une  curiosité  de 
premier  ordre. 

1216.  Bartolomeo  de  li  Sonnetti  (Zamberto)^  Isolario.  S.l.  n,  d, 
în-4,  goth.  vélin.  —  200  fr. 


40  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

1246.  Duplan  Jean.  Opéra  dilettevole  da  intendere,  nella  quai  se 
contîene  doi  itinerarii  in  Tartaria.  Figenia^  i  537  ;  in-8,  mar. 
r.  tr.  dor.  —  150  fr. 

1253.  Suchen.  De  Terra  Sancta  et  itinere  Iherosolîmitano.  S.  /. 
[Argentorati^  Eggesteyn^  circa  1473);  in-foL  goth.  cart. 
—  150  fr. 

Depuis  la  remarquable  collection  du  comte  Charles  de  TElscalopier, 
lëgnëe,  comme  on  sait,  à  une  bibliothèque  de  province,  il  n*y  a  plus  de 
collection  spéciale  des  Voyages  en  Terre  Sainte;  collection  vraiment 
française  et  intéressante.  Nous  devons  toutefois  signaler  celle  de 
M.  Charles  Schefer,  mais  il  n'y  en  a  pas  d^autre. 

1256.  Pechwarodino  (Gabriel  de).  Compendiosa  quidam;  nec 
minus  lectu  iocunda  descriptio  urbis.  Hierusalem  (vers  1500); 
in-4  goth.  peau  de  tr.  —  480  fr. 

1299.  Cronica.  Registrum  huius  operis  libri  cronicarum  cum  figu- 
ris  et  imaginibus  ab  inicio  mundi.  Auctore  Hartmanno  Schedel. 
Anthonius  Koberger  Nuremberge  impressit^  1 493  ;  gr.  in-foL 
goth.  parchem.  —  320  fr, 

1315.  T.  Livii  historiarum  romanorum  décades,  -cum  epistola 
A.ndreae  episcopi  Aleriensis  [Fenitiis),  1470;  gr.  in-fol.  mar. 
brun,  fil.  tr.  dor.  {Belz-Niedrée) , —  251  fr. 

1319.  Historiae  Augustas  Scriptores.  Mediolani^  Philippus  de 
Lavagna^  1475  ;  3  part,  en  \  vol.  in-fol.  caract.  ronds,  mar. 
brun,  tr.  dor.  [Grueï),  —  200  fr. 

1458.  Beda.  Historia  ecclesiastica  gentis  Anglorum.  (Argentoraii, 
Eggestei/if  circa,  1472).  Eusebii  Caesariensis  historiae  ecclesias- 
ticae.  [Argentoratij  Eggestein  circa  1472);  2  tonnes  en  1  vol. 
in-fol.  rel.  en  bois.  —  259  fr. 

1507.  B.  Varchi.  Storia  6orentina.  Colonia^  P.  Martello^  1721; 
in-fol.  vëlin.  —  678  fr. 

Il  faut  consulter  le  Manuel  de  Brunet  sur  les  particularités  qui  dis- 
tinguent les  exempl.  de  ce  livre. 

1517.  Leges  et  statuta  reipublicae  Veronensis.  Impressio  factaest 
in  urbe  Ficentie^  1475;  in-fol.  caract.  ronds,  d.-rel.  —  235  fr. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  41 

4  555.  Cronica,  die,  van  der  hilliger  stat  Coellen  (1499);  in-fol. 
goth.  fig.  coloriées  à  Tépoque,  maroq.  rouge,  fil.  tr.  dor. 
(j^oje/).  —  350fr. 

Aux  armes  du  prince  Eugène,  de  Savoie. 


Vente  de  là  bibliothèque  de  M.  L.  de   M.   (du  27  jan- 
vier et  jours  suivants  1876). 

6.  Les  œuvres  de  P,  De  Ronsard.  Paris ^  G.  Buon^  1584  ;  in- 
fol.  mar.  r.  fil.  à  comp.  tr.  dor.  [Hardy],  —  (Première  édition}. 

—  120  fr. 

7.  Les  œuvres  françoises  de  Joachim  Du  Bellay.  Paris ^  F,  Morely 
1569;  in-8,  mar.  r.  tr.  dor.  [Trautz-Bauznnnet] ,  —  (Première 
édition  collective  des  poésies  de  Du  Bellay).  —  280  fr. 

^    Ce  même  exempl.  avait  été  adjugé  à  205  francs  à  la  vente  Léopold 
Double.  • 

i7.  Essais  de  Michel  de  Montaigne.  Paris^  Richer,  1587;  in-12, 
mar.  r.  fil.  tr.  dor.  [Hardy],  —  (Troisième  édition).  — 600  fr. 

18.  Essais  de  Montaigne,  Paris,  tAngelier,  1588;  in-4,  titre 
gravé,  V.  m.  —  (Cinquième  édition.  Exemplaire  aux  armes  de 
Mme  de  Pompadour).  —  1055  fr. 

19,  Les  essais  de  Montaigne.  Amst.  [Bruxelles^  Foppens]^  1659  ; 
3  vol.  in-12,  part,  mar.  r,  fil.  tr.  dor.  —  {Ane.  reliure] .  —  365  fr. 

H.  152  millim.;  vendu  135  francs  à  la  vente  du  prince  Radzivill, 

35.  Les  satyres  du  sieùr  Régnier.  Paris ^  Du  Brtry^  1613;  in-8, 
vélin.  —  1 75  fr. 

62.  Le  théâtre  de  P.  Corneille.  Bouen  et  Paris,  A.  Courbé  et  G, 
de  Lurne,  1660-1666;  4  vol.  Poèmes  dramatiques  de  Tli. 
(jorn&AXe.RoueriQlPariSy  G.  de  Lurne,  1665;  2vol.;ens.  6  vol. 
in-8,  fig.  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  [Hardy],  —  499  fr. 

63.  Le  théâtre  de  P.  Corneille.  Imprimé  à  Rouen^  Paris ^  Guill. 
de  iMfne^  1664;  2  vol.  in-fol.  maroq.  r.  fil.  tr.  dor.  [Hardy], 

—  375  fr. 


42  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

74.  L'imitation  de  Jésus-Christ,  traduite  en  vers  français,  par 
P.  Corneille.  Rouen j  Z.  Maury^  1656;  in-4,  fig.  de  Chauveau, 
maroq.  r.  fil.  tr.  dor.  [Hardy),  —  (Première édition).  —  150  fr, 

79.  Œuvres  de  Scarron.  Amsterdam^  1752;  7  vol.  pet.  in-12, 
part,  figures,  maroq.  citr.  fil.  tr.  dor.  [Hardy),  -^  250  fr. 

104.  Les  amours  de  Psiché  et  de  Cupidon  (de  la  Fontaine),  i^orw, 

'  Barbin,  1669  ;  in-8,  maroq.  or.  doublé  de  mar.  vert,  mosaïque, 

dor.  à  pet.    fers,  tr.  dor.    (Hardy),    —  [Édition  originale). 

—  551  fr. 

107.  Fables  choisies,  mises  en  vers,  par  de  la  Fontaine.  Paris ^ 
Denys  Thierry  et  Cl,  Barhin,  1678,  1679  et  1694;  5  vol.  in-12, 
fig.  à  mi-page,  mar.  citr.  fil.  tr.  dor.  {Hardy),  —  520  fr. 

•113.  Les  œuvres  de  Molière.  Paris,  Ch,  de  Sercy,  1666;  2  vol. 
in-12,  front,  gr.  mar.  fil.  dent.  tr.  dor.  [Duru),  —  (Première 
édition  collective  des  œuvres  de  Molière).  —  2700  fr. 

114.  Les  œuvres  -de  M.  de  Molière  (publiées  par  Vinot  et  La 
Grange).  Paris ^  Denis  Thierry ,  Cl.  Barhin  et  P,  Trabouillet^ 
1682  ;  8  vol.  in-12,  fig.  maroq.  citr.  fil.  tr.  dor.  [Hardy).  — 
(Première  édition  complète,  —  590  fr. 

116.  Le  Misanthrope,  comédie  de  Molière.  Paris,  J.Ribou^  1667; 
in-12,  front  gr,  mar.  r.  tr.  dor.  [Dura).  — 1020  fr. 

Ce  bel  exempl.  de  Pédition  originale,  a  été  acheté  par  M.  E.  Paillet. 

117.  Le  Médecin  malgré  lui,  comédie.  Paris ^  J.  Ribou,  1667; 
in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  [Duru),  —  490  fr. 

Édition  originale.  Le  frontispice  gravé  manque. 

1 18.  Le  Sicilien,  ou  l'amour  peintre,  comédie.  Paris,  Ribou,  i66%; 
in-12,  maroq.  or.  doublé  de  maroq.  vert.  [Chambolle^Duru). 

—  1500  fr. 

Edition  originale.  Exemplaire  non  rogné, 

119.  Le  Tartufie,  ou  Timposteur,  comédie.  Paris,  J,  /{i^ou,  1669  ; 
in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  (Duru).  1350  fr. 

Édition  originale.  Bel  exemplaire  ;  d*abord  acheté  par  M.  Fontaine, 
libraire,  et  ensuite  acheté  à  ce  dernier  par  M.  Paillet. 

124.  Les  Provinciales.   Cologne,   P,  delà   Vallée^  1657;  în-4, 


PRIX  COURAXT  DE  LIVRES  A\C1E\S.  k3 

mar.    r.   tr.  dor.    (Duru-Chambo/lc),    —  (Édition   originale). 

—  215  fr. 

134.  Lettres  de  Marie  Rabutin-Chantal,  marquise  de  Sévignë,  à  la 
comtesse  de  Grignan,  sa  fille.  S,  /.,  1726;  2  vol.  in-12,  v.  f. 

—  {Ane,  reliure),  —  260  fr. 

143.  Sermon  prêché  par  Bossuet,  à  rouverture  de  TAssemblée 
générale  du  clergé  de  France,  le  9  novembre  1681.  Paris, 
F.  Léonard^  1682  ;  in-4,  maroq.  r.  fil.  tr.  dor.  —  (Ane,  re- 
liure.) —  305  fr. 

Édition  originale.  Précieux  exemplaire  aux  armes  de  Uarlaj-Cban- 
Talion,  archevêque  de  Paris. 

i  71 .  Perrault.  Les  honmies  illustres  qui  ont  paru  en  France  pendant 
ce  siècle.  Paris ^  Ant,  Dezallier^  1696-1700;  2  tom.  en  1  vol. 
in-fol.,  front,  et  portraits  gravés  par  Edelinck,  mar.  r.  fil.  tr. 
dor.  [David),  —  480  fr. 

178.  Les  œuvres  de  Champmeslé.  Paris,  Guillain^  1692;  in-12, 
maroq.  r.  fil.  tr.  dor.  [Hardy).  —  225  fr. 

185.  Zayde,  histoire  espagnole,  par  de  Segrais  (Mme  de  Lafayette), 
avec  un  traité  de  l'origine  des  romans,  par  Huet.  Paris^  Barbin, 
1070-71  ;  2  vol.  in-8,  maroq.  brun,  tr.  dor.  {Hardy),  —  (Édi- 
tion originale).  —  300  fr. 

186.  La  princesse  de  Clèves.  Paris ^  Barhin^  1678;  4  vol.  in-12, 
maroq.  brun,  fil.  tr.  dor.    {Hardy).    —   (Edition    originale). 

—  445  fr. 

210.  Œuvres  de  Racine.  Paris^  Thierry,  1687;  2  vol.  in-12, 
figures,  maroq.  violet,  tr.  dor.  {Hardy).  —  420  fr. 

211.  Œuvres  de  Racine.  Paris,  Thierry,  1697;  2  vol.  in.12, 
figures,  mar.  or.  fil.  tr.  dor.  [Hardy).  —  500  fr. 

212.  La  Thébayde  ou  les  frères  ennemis,  tragédie.  Pari  s  ^  Barhin^ 
1664;  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  {Duru  et  Chamholle).  —  640  fr. 

Edition  originale.  Léger  raccommodage  au  titre. 

213.  Andromaque,  tragédie.  Paris^  Barbin^  1668;  in-12,  mar. 
r.  tr.  dor.  [Duru  et  Chambolle).  —  645  fr. 

Édition  originale.  H.  '.49  miliim. 


44  BULLETIN  DU  BIBLIOTHILE. 

214.  Britannicus,  tragédie.  Paris ^  Barbm,  1670;  in-12,  mar  r. 
tr.  dor.  (Dura).  —  415  fr. 

Édition  originale. 

215.  Bérénice,  tragédie.  Paris^Barhin^  1671  ;  in-12,  mar.  r.  tr. 
dor.  {Duru),  —  455  fr. 

216.  Bajazet,  tragédie.  PariSj  P.  Le  Monnier,  1672;  in-12, 
mar.  r.  tr.  dor.  [Dura] .  —  400  fr. 

Édition  originale. 

218.  Phèdre  et  Hippolyte,  tragédie.  Paris^  Barhin^  1677;  in-12, 
fig.  maroq.  r.  tr.  dor.  [Duru],  —  740  fr. 

234.  Les  caractères  de  Théophraste,  traduit  du  grec,  par  la 
Bruyère,  avec  les  mœurs  de  ce  siècle.  Paris ^  E.  MichalUt^ 
1688  ;  in-12,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  {Ane.  reliure),  —  (Édition 
originale).  —  925  fr. 

L'exemplaire,  très-beau,   a   été  vivement  dispute  à  Tacquéreur  par 
M.  Paillet. 

246.  Les  aventures  de  Télémaque,  fils  d'Ulysse,  par  Fénelon. 
Paris.  Delaulne^  1717;  2  vol.  in-12,  figures,  maroq.  violet,  tr. 
dor.  [Duru).  —  350  fr. 

278.  La  vie  de  Marianne,  par  Marivaux.  Paris ^  1734-1746; 
3  vol.  in-12,  maroq.  brun,  tr.  dor.  [Hardy).  —  220  fr. 

303.  Mémoires  et  aventures  d'un  homme  de  qualité  qui  s'est 
retiré  du  monde,  par  labbé  Prévost.  Amsterdam,  1731  ;  7  vol. 
pet.  in-12,  maroq.  vert,  tr.  dor.  [Hardy).  —  730  fr. 

319.  De  l'esprit,  par  Helvétius.  Paris ^  1758;  in-4,  maroq.  citr. 
tr.  dor.  [Ane.  reliure).  —  (Édition  originale).  —  140  fr. 

330.  Les  tourterelles  de  Zelmis,  poème  en  trois  chants,  par 
Dorât.  —  Zélés  au  bain,  poème  en  quatre- chants,  par  le  mar- 
quis de  Pezay.  Genève  (1763);  1  vol.  in-8,  figures  et  vign. 
d'Eisen,  mar.  r.  dent.  tr.  dor.  {Ane.  reliure).  —  306  fr. 

331.  Découvertes  de  M.  Marat,  docteur  en  médecine,  sur  le  feu, 
l'électricité  et  la  lumière,  1779;  in-8,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor. 
—  160  fr. 

Curieux  volume  aux  armes  de  la  reine  Marie- Antoinette.  —  Il  ëtait 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  45 

porté  au    Catalogue  par  erreur  comme   ayant  appartenu    au   comte 
d'Artois. 

352.  Méditations  poétiques,  par  A.  de  Lamartine.  Paris^  Didot^ 
1820;  in-8,  mar.  r.  tr.  dor.  {Duru  et  Chambolle).  —  251  fr. 

Adjugé  pour  M.  E.  Crépet. 

367.  Oâes  et  poésies  diverses,  par  Victor  Hugo.  Paris ^  1822; 
in-18,  br.  (Edition  originale).  —  69  fr. 

371.  Les  orientales,  par  Victor  Hugo.  Paris,  1829;  in-8,  d.  rel. 
dos  et  coins  de  maroq.  r.  (Édition  originale).  —  90  fr. 

374.  Notre-Dame  de  Paris,  par  Victor  Hugo.  Paris,  1831  ;  2  vol., 
in-8,  vignettes    de   Tony   Johannot,  br.   (Edition   originale). 

—  341  fr. 

•L'acquéreur  est  M.  Crépet. 

405.  La  confession  d'un  enfant  du  siècle,  par  Alfred  de  Musset. 
Paris^  1836;  2  vol.  in-8,  d.  rel.  dos  et  coins  de  mar.  brun 
[Raparlier),  —  [Édition  originale).  —  100  fr. 

409.  Poésies  de  Théophile  Gautier.  Paris^  1830;  in-12,  br. 
(Edition  originale).  —  104  fr. 

410.  Les  jeunes  France,  romans  goguenards,  par  Th.  Gautier. 
Paris  y  1833;  in-8,  d.  rel.  dos  et  coins  de  mar.  r.  [Raparlier). 

—  (Edition  originale).  —  121  fr. 

411.  Albertus  ou  Tâme  et  le  péché,  légende  théologique,  par 
Th.  Gautier.  Paris,  1833;  in-12,  d.  rel.  dos  et  coins  de  mar* 
n.  (Edition  originale).  —  185  fr. 

430.  Clarisse  Harlowe,  traduction  complète,  par  le  Tourneur. 
Genève  eX  Paris,  1785;  10  vol.  gr.  in-8,  figures,  maroq.  vert 
doublé  de  tabis,  tr.  dor.  (Exemplaire  en  papier  de  Hollande). 

—  280  fr. 

Acheté  141  francs  à  la  vente  Radzîwill. 

437.  Les  homélies  du  bréviaire,  avec  les  leçons  des  fêles  des 
saints,  mises  en  français.  Paris,  P.  Rocolet,  1 640  ;  2  vol.  in-8, 
mar.  r.  tr.  dor.  [Reliure  de  le  Gascon),  —  2059  fr. 

Ces  deux  magnifiques,  qui  portent  sur  les  plats  les  armes  du  chan- 
celier Séguier,  au  milieu  d^une  dorure  à  petits  fers  de  la  plus  grande 
fraîcheur,  ont  ëtë  achetés  pour  M.  le  comte  de  Lignerolles. 


46  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Vente  de  la  librairie  Tross. 
(2®  partie)  (du  24  au  28  janvier). 

506.  Paêsi  novamente  ritrovati  per  la  navigatione  di  Spagna  in 
Calicut.  Et  da  Albertutio  Vesputio  Fiorentino  intitulato  Mondo. 
Fenetia^  io21  ;  in-8,  caract.  ronds  à  2  coL,  vélin  bl.  —  505  fr. 

525.  Ptolemus.  Liber  geographiae  (cum  annotât.  Sylvani  Ebolensis) . 
VenetiiSy  15H;  gr.  in-fol.  maroq.  vert,  tr.  dor.  [Petit), 
—  205  fr. 

526.  Ptolemaeus.  Auctus,  restitutus,  emaculatus,  Graeceet  latine 
Joannes  Scotus  Argentorati  literis  excepit,  anno  1520  ;  gr.  in-fol. 
grav.  coloriées,  bas.  gaufr.  —  450  fr. 

527.  Ptolemaeus.  Claudii  Ptolemaei  géographie»  enarrationis  libri 
octo,  Bilibaldo  Pirckheymero  interprète.  Jrgentoratiy  fo,  Grie^ 
ninger^  1525;  in-fol.  fig.  d.  rel.  —  120  fr. 

534.  Ramusio.  Délie  Navigationi  et  Viaggi.  Kenetim,  1583,  1606 
et  1613;  3  vol.  in-fol.  fig.  parch.  —  185  fr. 

565.  Thevet.  Les  Singularitez  de  la  France  antarctique,  autre- 
ment nommée  Inde  Amérique,  par  F.  André  Thevet,  natif 
d'Angoulesme.  Paris ^  1558;  pet.  in-4,  fig.  vélin  bl.  —  259  fr. 

594.  Androuet  du  Cerceau.  Le  premier  volume  des  plus  excel- 
lents bâtiments  de  France.  Paris ^  1576.  —  Le  second  volume. 
Parisy  1579  ;  2  tom.  en  1  vol.  in-fol,  carré,  fig.  vélin.  —  873  fr. 

595.  Androuet  du  Cerceau.  La  ville  cité  et  université  de  Paris  ; 
in-fol.  —  3000  fr. 

C'est  le  célèbre  plan  de  Paris,  gravé  par  Androuet  du  Cerceau,  d'une 
insigne  raretë.  L'exemplaire  de  M.  Gilbert,  payé  plus  de  2000  francs 
il  y  a  environ  dix  ans.  a  été  brûlé  dans  Pinccndie  qui  a  détruit  la  ma- 
gnifique et  inappréciable  collection  formée  depuis  tant  d'années  à 
THÔtel  de  ville.  —  Celui-ci  a  été  ac)ieté  pour  la  nouvelle  bibliothèque 
de  la  viUe  de  Paris,  en  1871. 

602.  Atlas  manuscrit,  composé  de  quatorze  cartes  en  vélin  dres- 
sées sur  carton,  formant  avec  le  frontispice  un  vol.  de  29  feuil- 
lets; gr.  in-4,  d.  rel.  mar.  r.  —  399  fr. 

607.  Les  avertissemens  es  trois  estatz  du  monde  selon  la  signifi- 
cation de  ung  monstre  de  Tan  1512,  par  lesquels  on  pourra 
prendre  avis  à  soy  régir  à  toujours  mais.  Faïence  (1513)  ;  in-4 
goth.  il  2  col.  non  rel.  —  300  fr. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  47 

617.  Biblia  sacra,  latine;  pet.  in-fol.  goth.  à  2  col.  maroq.  brun, 
gaufr.  tr.  dor.  (Gruel),  Manuscrit  du  xiv*  siècle,  sur  papier  de 
vélin.  — 1250  fr. 

618.  Biblia  sacra,  latine.  S»  l.  et  a,  [Sed  Colonix  circa  1465); 
2  vol.  pet.  in-fol.  goth.  peau  de  tr.  gaufr.  —  605. 

627.  Borgo    (Lucas  Patiolus   à).    Divina    proportione.    Fenetiis^ 
1509;  4  part,  en  1  vol.  in-fol.  fig.  parchemin.  —  155  fr. 
L'exemplaire  mouillé  a  besoin  de  quelques  réparations. 

649.  Ducale.  Incipit  repertorium  commissionis  Domini  Marci 
Antoni  Grimani,  procuratoris  Sancti  Marci  ;  in-fol.  rel.  en  bois, 
recouvert  de  veau  découpé  à  compartiments  en  or  et  couleurs, 
tr.   dor.  (Manuscrit  sur  vélin)  .• —  225  fr. 

661.  Franco.  ïeatro  délie  piu  moderne  imprese  de  guerra,  faite 
si  neir  Ungheria,  disegnate  et  intagliate  in  rame  da  Giacouio 
Franco.  Fenetia^  1597;  in-4  obi.  pirch^.  —  149  fr. 

Suite  de  20  planches  ;  quelques  taches. 

662.  Furmerius.  De  rerum  usu  et  abusu  auctore  Bernard©  Fur- 
mero.  Antverpix  Plantini^  1575;  in-4,  maroq.  r.  tr.  dor. 
[Lortic).  —  255  fr. 

669.  Gravelot  et  Cochin.  Iconologie  en  figures,  ou  traité  com- 
plet des  allégories,  emblèmes,  etc.  Paris ^  s.  d,\  4  vol.  in-8, 
fig.  vélin.  —  ^43  fr. 

679.  Hans  Holbein.  Historiarum  veteris  instrumenti  icônes.  Ant^ 
verpix^  1540  ;  pet.  in-4,  fig.  cart.  —  285  fr. 

690.  La  Fontaine.  Contes  et  nouvelles  en  vers.  Amsterdam^ 
1762;  2  vol.  in-8,  fig.  et  vign.,  part.  mar.  r.  fil.  tr.  dor. 
[Lortic),  —  Édition  des  fermiers  généraux.  —  565  fr. 

698.  M.Luther.  Deudsch  catechismus.  Wittenberg^  1530;  in-4, 
gravures,  vélin  blanc.  —  299  fr. 

740.  Udalr.    Pinder.    Spéculum  passionis   domini   nostri   Ihesu 
Christi.   Nurenbergen^   1507;    in-fol.    caract.    ronds,   maroq. 
Lavall.  tr.  dor.  (Lortic),  —  551  fr. 
Orné  de  40  gravures  sur  bois  de  Hans  Schœfelein. 

767.  Tacitus.  Annalium  et  historiarum  libri.  (Fenetiis),  circa, 
1470;  in-fol.  maroq.  rouge  tr.  dor.  {Lortic) .  —  1400  fr. 

Beau  livre. 


CHRONIQUE 


Nécrologie.  —  Bien  que  parmi  les  décès  que  nous  allons  si- 
gnaler, quelques-uns  remontent  déjà  à  Tannée  expirée,  le  Bulles- 
tin  croit  de  son  devbir  d'enregistrer  ici  les  noms  des  dernières 
victimes  que  la  mort  est  venue  faire  dans  les  rangs  de  la  littéra- 
ture. Ce  sont  MM.  Francis  Monnier,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  ' 
historiques  et  le  premier  précepteur  du  Prince  Impérial;  FDon, 
inspecteur  honoraire  de  l'Académie  ;  Varier,  sous-bibliothécaire 
à  Sainte-Geneviève;  Azevedo,  critique  musical;  le  marquis  de 
Saint-Georges,  librettiste  et  romancier  ;  Jules  de  Mohl,  orienta- 
liste; le  marquis  de  La  Grange  (i)  et  E.  de  Goussemaker,  connus 
tous  deux  par  des  travaux  d'érudition  ;  le  vicomte  Arthur  de  la 
Guéronnière,  homme  d'Etat  et  journaliste,  journaliste  surtout. 
L'œuvre  de  M.  de  la  Guéronnière  étant  intimement  lié  à  la  poli- 
tique, depuis  l'année  i84o,  époque  de  ses  débuts  dans  V Avenir 
national  de  Limoges,  jusqu'à  ses  articles  signés  Probus  dans  le  ^- 
garo  de  1875,  nous  nous  abstiendrons  d'appréciations  qui  seraient 
autant  d'incursions  sur  un  terrain  interdit  au  Bulletin^  et  nous 
passerons  de  suite  à  Achille  Jubinal,  que  sa  qualité  d'élève  de 
l'Ecole  des  Chartes  et  de  brochurier  bibliographique  désignait  plus 
particulièrement  à  la  curiosité  de  nos  lecteurs.  On  trouvera  dans 
(a  Biographie  Didot  un  catalogue  étendu  des  travaux  publiés  par 
cet  érudit  qui  a  défrayé,  dans  une  large  part,  la  verve  satirique 
de  ses  contemporains  de  la  petite  presse.  Il  faut  dire,  pour  expli- 
quer sinon  pour  justifier  ce  déchaînement,  que  la  carrière  litté- 
raire de  Jubinal  paraît  avoir  été  inspirée  moins  par  le  goût  des 
études  désintéressées  que  par  le  désir  de  se  créer  une  situation,  et 
qu'on  l'a  vu  quitter,*  dès  qu'il  l'a  pu,  les  travaux  d'érudition  pour 
se  faire  homme  politique.  Un  autre  impair^  |K)ur  parler  le  lan- 
gage moderne,  a  été  son  entrée  en  campagne  à  la  rescousse  de 
Libri,  et  enfin,  dans  un  genre  moins  compromettant,  le  bruit  qu'il 
a  mené,  il  y  a  quelques  années,  autour  d'une  tapisserie  qu'il  pré- 

(1)  Voir  la  publication  récente  des  Nouvelles  Lettres  de  MmeSvsttchine^ 
dont  M.  Paulin  Paris  a  parié,  n*  de  décembre  1875,  page  501- 


CHRONIQUE.  4S 

IcntLiit  nvoir  appartenu  l'i  .Molière,  par  la  laison  qu'elle  représen- 
tait, comme  celle  inventoriée  dans  Vjt^re,  les  amours  de  Gom- 
baud  et  de  ^lacc.  Que  restera-t-il  du  bagage  littéraire  de  Jubinal  ? 
Uniquement  ses  publications  sur  la  littérature  du  moyen  âge,  dont 
it  a  été  un  des  premiers  Tulgarisateurs.  D'autre  |)art,  comme  homme 
privé,  l'on  est  unanime  à  reconnaitrc  la  bienveillance  qu'il  appor- 
tait dans  les  rclntioos  sociales  et  son  esprit  de  serviabilité.  C'est 
bien  quelque  chose. 

Le  dernier  nom  que  nous  citerons  sera  celui  du  prince  A.  Gali" 
Uin,  mort  le  17  décembre  187S,  à  l'âge  de  5i  ans;  mais  ce  grand 
homme  de  bien  que  nous  avons  eu  l'honneur  de  compter  parmi 
nos  collaborateurs  et  nos  amis,  appelle  une  notice  particulière, 
que  l'on  trouvera  dans  notre  prochain  numéro. 


PÉBioniQVES.  —  Deuï  journaux  hebdomadaires  à  images,  Vll- 
lastraiion  et  le  Monde  illustré,  ont  ])ris  la  louable  habitude,  à 
chaque  morceau  qui  s'en  va  du  vicuc  Paris,  d'en  fixer  la  mé- 
moire par  uns  gravure  accompagnée  d'une  notice.  C'est  au  mieux  ; 
mais  encore  faudrait-il  que  leurs  renseignements  Tussent  puisés  à 
bonne  source,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  des  numéros  de  ces  deux 
journaux  du  1 1  décembre  deinler. 

Il  s'agit  des  massacres  de  rAbba}-c,  aux  a  et  3  septembre  1793, 
et  de  la  salle  où  se  serait  tenu  le  sinistre  tribunal  présidé  par 
l'huissier  Maillard.  Les  deux  journaux  que  nous  citons  ont  cni 
découvrir  cette  salle  dans  les  anciennes  dépendances  de  l'Abbaye, 
que  l'on  est  en  train  d'abattre  entre  l'église  Saint-Germain  des 
Prës,  lame  d'Erfurth,  la  place  Gozlin  (ancienne  place  de  l'Abbaye) 
et  la  rue  GozUn  (ancienne  rue  Sainte-Marguerite] .  D'après  les  gra- 
vures que  donnent  ces  journaux,  cette  salle  est  ou  était,  car  elle 
a  peut-être  déjà  disparu,  un  vaste  quadrilatère  ayant  servi,  dans 
le  principe,  de  magasin  à  fourrage;:,  et  garni  intérieurement  de 
galeries  en  bois  dis{>osécs  à  la  h.iuteur  des  étages  d'une  maison. 
Là  se  seraient  tenues,  nous  dit-on,  les  sanglantes  assises,  en  pré- 
sence d'une  foule  nombreuse  entassée  dans  ces  tribunes  împrovi- 

II  y  a  là  une  erreur.  Bon  nombre  de  nos  lecteurs  ont  sans 
doi^  vu  la  prison  militaire  de  l'Abbaye,  démolie  vers  i8S3,  et 
qni  avait  sa  façade  flanquée  de  deux  poivrières  sur  la  petite  place 
appelée  maintenant  place  Go/lin.  S'ils  l'ont  oubliée,  ils  en  trou- 


50  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

veront  la  représentation  fidèle  eu  tête  de  la  brochure  de  M.  de 
Viel-Castel  :  les  Travailleurs  de  septembre  1 792 .  Documents  sur  la 
7>rré»ttr  (Paris,  1862,  gr.  in- 18).  Or,  c'est  dans  la  salle  faisant 
immédiatement  suite  à  la  porte  d'entrée,  dans  le  guichet  (en  style 
de  geôlier],  qu'a  siégé  le  tribunal.  Les  témoignages  abondent. 
D'abord  Jourgniac-Saint-Méard  [Mon  agonie  de  trente^huit  heu^ 
resy  etc.  Paris,  1793).  Il  dit  positivement  que  les  accusés  extraits 
de  la  prison  étaient  amenés  dans  le  «  second  guichet  placé  à  côté 
de  celui  où  était  le  tribunal  d,  puis  introduits,  un  à  un,  dans  le 
premier  guichet  où  se  tenait  le  président  à  une  table  entourée  de 
dix  personnes.  Pas  d'autre  public  que  quelques  tueurs  fatigués, 
ronflant  étendus  sur  des  bancs,  deux  gardes  au  guichet,  le  gui- 
chetier «  la  main  sur  les  verrous  »,  et,  contre  la  fenêtre  grillée 
placée  à  côté  de  la  porte  (Jourgniac-Saint-Méard  dit  le  soupi- 
rail)^ plusieurs  têtes  qui  suivaient  de  Textérieur  les  opérations  du 
dedans,  en  faisant  entendre  un  bruit  sourd  qui  déconcerta,  dans 
le  principe,  Fauteur  de  Mon  agonie^  etc.  Restif  de  la  Bretonne 
raconte  également  dans  ses  Nuits  de  Paris  (seizième  partie),  qu'il 
pénétra  jusqu'à  la  porte  de  la  prison.  «  Là  était,  dit-il,  un  groupe 
de  spectateurs  en  cercle.  Les  tueurs  étaient  à  la  porte,  en  dehors 
comme  en  dedans.  Les  juges  étaient  dans  la  salle  du  geôlier.  » 
I^s  gravures  du  temps  ne  laissent  pas  davantage  de  doute.  Le 
frontispice  de  Mon  agonie^  etc.  (édition  citée),  représente  dans 
un  médaillon  les  victimes  sortmt  de  la  salle  du  tribunal  par  la 
porte  du  milieu  et  assaillies  par  les  massacreurs,  entre  deux  haies 
de  curieux.  De  même,  dans  la  figure  de  V  Jlmanach  des  honnêtes 
gens,,,  contenant  des  anecdotes  peu  connues  sur  les  Journées  des 
10  août^  t  et  ^  septembre  1792  (Paris,  179Î).  Nous  trouverions 
sans  doute  bien  d'autres  témoignages,  mais  nous  nous  en  tien- 
drons à  ceux-là  qui  nous  |)araissent  suflisants.  Nous  n'avions  en 
vue  qu'une  rectification  topographique,  et  la  voilà  ftiitc. 

Dans  une  de  nos  dernières  causeries  nous  avons  parlé  assez 
longuement  de  la  laborieuse  Revue  de  France,  Nous  y  revenons 
aujourd'hui  dans  le  but,  non  pas  d'établir  une  controverse,  mais 
de  présenter  quelques  objections  au  sujet  d'un  article  inséré  dans 
le  numéro  de  novembre  1875.  Sous  ce  titre  :  la  Vérité  sur  la 
mort  de  /,-/,  Rousseau^  M.  d'Ideville,  qui  est  décidément,  avec 
M.  Tissot,  la  plus  vivante  plume  de  ce  recueil,  analyse  un  tra- 
vail du  D'  Chéreau,  consacré  aux  derniers  moments  du  philoso- 


CHRONIQUE.  51 

pbe  genevois.  Tous  deux  plaident,  comme  diraient  les  Anglais, 
non  suicide.  Ils  nous  donnent  le  choix  entre  un  coup  de  sang,  une 
colique  néphrétique  et  une  chute  sur  la  tête,  qui  serait  sans  doute 
la  conséquence  du  coup  de  sang. 

Ce  n'est  pas,  croyons-nous,  faire  œuvre  de  parti  que  d'accep- 
ter   sous   bénéfice    d'inventaire    seulement,    les   conclusions    de 
MM.  Chéreau  et  d'Ide ville.  Les  témoignages   contemporains  qui 
afBrment  le  suicide,  bien  qu'ils  ne  se  soient  produits  que  vingt 
jours  après  la  mort  de  Rousseau,  ce  qui  représente  un  temps  as- 
sez court,   étant   donnée  l'insuflisance  des  moyens  de   publicité 
d'alors,  ces  témoignages  nous  paraissent,  il  faut  bien  le  dire,  des 
plus  concluants.  Nous  engagerons  les  écrivains  de  la  Revue  à  re- 
lire les  articles  publiés  par  un  ami  de  Rousseau,  le  littérateur 
Corancez,  dans  le  Journal  de  Paris  de  Tan  VI,  articles  réunis  de- 
puis dans  une  brochure  devenue  assez  rare.  Ils  y  verront  que  peu 
de  temps  avant  sa  mort,  volontaire  ou  non,  l'humeur  chagrine  de 
Rousseau,  son  aversion  pour  Tespèce  humaine  et  ses  éternelles 
préoccupations  du  pain  de  chaque  jour  étaient  arrivées  à  leur 
paroxysme,  comme  en  témoigne  une  lettre  citée  dans  cette  bro- 
chure. Lorsque  arriva  la  nouvelle  de  sa  mort,  officiellement  mise 
sur  le  compte  d'une  apoplexie  séreuse,  Corancez  se  mit  en  route 
jjour  veiller  à  l'inhumation,  et,  dès  la  dernière  poste,  avant  d'arri- 
ver à  Ermenonville,  il  put  s'assurer  que  cette  mort  était  attribuée 
par  les  gens  du  pays  à  un  coup  de  pistolet.  M.  de  Girardin,  tout 
en  protestant  contre  ce  bruit,  convint  que  Rousseau  s'était  fait  en 
tombant  «  un  trou  au  front  ».  Il  y  avait  un  moyen  bien  simple, 
dira-t-on,  de  se  former  une  conviction  :  c'était  l'inspection  du 
cadavre;  mais  Corancez  s'y  déroba, /.»flr  égard  pour  sa  sensibilité. 
Ainsi  procédaient  les  reporters  de  ce  temps-lii,  temps  d'exquise 
sensibilité,  comme  l'ont  bien  prouvé  les  événements.  Ce  qui  res- 
sort de  l'espèce  d'enquête  ouverte  par  Corancez,  c'est  que  les  pa- 
roles célèbres  popularisées  par  la  gravure  et  qui  semblaient  un 
adieu  à  la  vie  :  «  Thérèse,  ouvrez  cette  fenêtre...  (et  le  reste),  » 
ont  été  réellement  prononcées  comme  si  Rousseau  avait  eu  (chose 
impossible!)  le  pressentiment  de  l'apoplexie  qui  allait  l'emporter. 
Il  est,  en  outre,  constant  que  quelques  minutes  auparavant  il  avait 
abrégé  une  visite  que  lui  faisait  Mme  de  Girardin  et  lui  avait  parlé 
en  propres  termes  de  la  catastrophe  qui  allait  arriver.  Toutes  ces 
circonstances  écartent,  à  notre  sens,  la  pensée  d'une  mort  autre 


52  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

que  volontaire,  et  Grimm  a  pu,  sans  forfaire,  se  faire  l*écho 
d'une  opinion  contre  laquelle  ne  prévalent  pas  les  molles  dénéga- 
tions de  X Année  littéraire  de  Frcron. 

Un  autre  rêveur  du  même  temps,  mais  celui-là  lancé  dans  l'ac- 
tion pour  son  malheur  et  le  nôtre,  est  Bailly  (Jean-Sylvain),  le 
maire  de  Paris,  auquel  le  numéro  de  décembre  de  la  même  Revue 
a  consacré  un  substantiel  article  dû  à  M.  Nourrisson  (de  l'Institut]. 
L'auteur  de  ce  travail  a  heureusement  échappé  à  la  fascination 
de  son  sujet  et  caractérisé  le  rôle  politiquement  désastreux  de 
cet  honnête  homme  de  savant.  Dans  Tœuvrc  de  la  dissolution  so- 
ciale, Bailly  épaule  Lafayette.  Pour  celui-ci  encore,  M.  Nourris- 
son a  eu  des  paroles  de  justice,  c'est-à-dire  de  sévérité.  Limité  à 
une  appréciation  purement  littéraire,  nous  ne  nous  étendrons  pas 
sur  les  funestes  conséquences  de  la  niaiserie  dans  Tordre  politique, 
mais  avant  de  sortir  de  ce  sujet  nous  remettrons  ^ous  les  yeux  de 
nos  lecteurs  im  morceau  presque  achevé  dans  lequel  M.  de  Fal^ 
loux  a  dépeint  le  héros  des  deux  mondes,  «  Il  avait,  dit-il  (i),  le 
tempérament  paisible,  le  cœur  faible  et  l'esprit  faux.  Ses  premières 
campagnes  d^Vmérique,  aventures  de  jeunesse,  avaient  grandi 
aux  yeux  de  la  France,  par  l'éloignenient,  par  la  nouveauté  du 
théâtre  et  par  d'heureux  exploits.  Revenu  à  Versailles,  Lafayette 
avait  trouvé  l'art  de  marier  avec  son  assiduité  de  courtisan  et  la 
bienveillance  particulière  de  la  reine,  le  patronage  de  Washing- 
ton et  l'ordre  de  Cincinnatus.  Lancé  presque  à  la  tête  d'une  ré- 
volution, il  la  suivait  tout  ébahi  en  ayant  l'air  de  la  guider.  Il  te* 
nait  moins  du  cardinal  de  Retz  que  'hi  bonhomme  Broussel,  ac- 
ceptait naïvement  le  fait  du  jour,  séparé  de  la  veille  et  surtout  du 
lendemain,  prenait  dans  les  événements  le  côté  le  plus  matériel  et 
dans  les  délibérations  le  côté  le  plus  théoiûque,  sans  s'apercevoir 
de  cette  contradiction,  sans  se  mettre  en  peine  de  la  portée  de 
ses  actions  ou  de  la  pratique  de  ses  idées.  Il  contemplait  l'émeute 
ou  l'escortait  en  uniforme,  sans  avoir  trempé  dans  aucun  complot, 
pleurait  sur  les  victimes  et  croyait  à  sa  générosité  comme  s'il  les 
eût  sauvées.  Incapable  précisément  de  sauver  rien  ni  personne, 
Lafayette  eut  encore  le  malheur  d'être  complété  par  Bailly  en 
même  temps  nommé  maire  de  Paris.  » 

Dans  son  étude,  M.  Nourrisson  s'est  dû  naturellement  aider  des 

(l;  Louis  XVI,  Paris,  1840,  gr.  xn-8\ 


CHRONIQUE.  53 

témoignages  contemporains.  Sur  ce  terrain,  qui  est  un  peu  celui 
du  Bulletin^  nous  n'avons  pas  été  médiocrement  surpris  de  voir 
intervenir  «  an  nommé  Palmézeaux  »,  un  peu  plus  loin  «  le  sieur 
Palinézeaux  »  qui,  au  point  de  vue  littéraire  et  bibliographique, 
n'est  autre  que  le  poète  très-médiocre  et  très-connu,  Michel  de 
Cabières.  Possédé  de  la  manie  d'accoler  un  nom  au  sien,  après 
s'être  appelé  successivement  Dorât- Cubières,  puis  Marat-Cubières, 
il  était  devenu  Cubières-Palmezeaux.  L'oubli,  on  le  voit,  a  com- 
mencé j)our  lui  et  il  ne  laissera  sans  doute  d'autre  trace  dans  la 
postérité  que  l'inconvenante  charade  que  lui  a  consacrée  Champ- 
cenetz  : 

Avant  qu'en  mon  second  mon  tout  se  laisse  choir, 
Ses  vers  à  mon  premier  serviront  de  mouchoir. 

Nous  demandons  grâce  pour  cette  chicane  bibliographique  et 
surtout  pour  la  digression  qui  s'en  est  suivie.  Si  nous  étions 
sûr  que  cela  fôt  bien  venu  de  nos  lecteurs,  nous  ouvririons 
dans  chacune  de  nos  chroniques  un  paragraphe  spécial  sous  ce 
litre  :  les  ignorances  et  les  bévues  littéraires,  et  il  est  douteux 
que  la  matière  nous  fit  défaut.  Dans  cet  ordre  d*idées,  nous  cite- 
rions à  notre  barre  la  Revue  des  Deux^Mondcs^  qui,  dans  son  nu- 
méro du  i*'  février  1876  [le  Fiancé  de  Mlle  Saînt-Maur)^  dit 
d'un  étudiant  en  droit  :  a  II  avait  prisi^OMT  sujet  de  sa  thèse...  » 
alors  qu'on  reçoit  seulement  le  sujet  que  vous  donne  un  tirage 
an  sort.  Du  moins  cela  était  ainsi  de  notre  temps.  Nous  mettrions 
également  en  cause  le  Bulletin  historique  et  littéraire  de  la  société 
du  protestantisme  français^  qui  cite  (numéro  du  i5  décembre  1875, 
p.  56o)  le  ce  Donjon  infernal,  etc.  »,  de  Louis  de  la  Bellaudière,  au 
lieu  du  Don-^on  (Jd  est  le  son  de  la  cloche  de  la  prison).  Tout 
cela  matière  non  pas  de  bréviaire,  comme  dit  Rabelais,  mais  de 
bibliographie  ! 

Tbibuicàux.  —  Sans  manquer  au  respect  dû  à  la  chose  jugée, 
nous  voudrions  dire  un  mot  d'un  récent  procès  qui  est  fait  pour 
intéresser  au  plus  haut  point  le  monde  des  libraires  et  des  biblio- 
philes. M.  Bachelin-Deflorenne  s'est  rendu  acquéreur  en  1874,  ^^ 
Londres,  dans  une  vente  Perkins,  d'un  superbe  manuscrit  de  la 
Concordance  des  canons  antinomiques  de  Gratien^  exécuté  sur  vé- 
lin dans  le  xiv«  siècle  et  orne  de  précieuses  miniatures.  Ce  manu- 


54  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

scrit,  relie  en  cuir  de  Russie,  ne  portait  aucune  estampille  de  bi- 
bliothèque publique  ou  particulière,  et  M.  Bachelin,  une  fois  le 
prix  payé,  pouvait  s'en  croire  légitime  possesseur,  lorsque  la  Bi- 
bliothèque nationale  est  intervenue  pour  en  revendiquer  la  pro- 
priété. Les  débats  ont  établi  que  le  volume  en  litige  provenait  de 
la  bibliothèque  du  président  Bouhier,  chez  lequel  il  était  alors 
relié  en  velours  noir,  et  après  avoir  passé  dans  les  collections 
Bourbonne  et  d'Avaux,  avec  les  autres  livres  du  savant  magis* 
trat,  avait  été  cédé  en  1784  à  Tabbayede  Clairvaux  dont  les  biens 
ont  été  absorbés  par  l'Etat  lors  de  la  Révolution.  Depuis  cette 
époque,  la  présence  du  manuscrit  de  Gratien  est  constatée  à 
Troyes,  en  1801.  En  cette  année,  deux  érudits,  Chardon  de  la 
Rochette  et  Prunelle,  chargés  d'une  mission  littéraire  ayant  pour 
but  de  centraliser  dans  le  grand  dépôt  de  Paris  les  livres  et  ma- 
nuscrits d'un  intérêt  de  premier  ordre,  donnent  décharge  à  la 
bibliothèque  de  Troyes  de  173  manuscrits  provenant  du  président 
Bouhier  et  dans  lesquels  figure  le  Gratien.  A  partir  de  ce  mo- 
ment sa  trace  se  perd. Sur  les  173  manuscrits  de  1801,  ii5  seu- 
lement étaient  constatés  présents  à  la  Bibliothèque  impériale,  dans 
un  inventaire  de  i8o5,  et  parmi  eux  ne  se  trouvait  pas  le  Gra- 
tien. A  la  mort  de  Chardon  de  la  Rochette  et  de  Prunelle,  quel- 
ques-uns des  manuscrits  manquant  à  l'appel  furent  réintégrés  par 
les  héritiers,  mais  toujours  sans  le  Gratien.  Entre  temps,  la  Biblio- 
thèque ne  perdait  pas  de  vue  ses  desiderata  et  signalait,  cela 
en  i856,  trente- neuf  manuscrits  de  la  collection  Bouhier,  non 
encore  rentrés.  Ils  ne  sont  plus  que  trente-huit  depuis  que  la  Bi- 
bliothèque ayant  eu  avis  de  la  vente  Perkins  a  revendiqué  le  ma- 
nuscrit de  Gratien  acheté  par  M.  Bachelin-Deflorenne,  et  a  fait 
établir  judiciairement  son  droit  de  propriété. 

Ainsi  donc  voilà  un  honnête  libraire  qui  a  dépense  une  grosse 
somme  d'argent  pour  conquérir  sur  nos  voisins  un  manuscrit  pré- 
cieux au  point  de  vue  de  l'histoire  de  l'art.  Il  s'est  assuré  que 
rien  n'indiquait  que  ce  manuscrit  eût  appartenu  à  un  dépôt  public 
et  il  peut  s'en  croire  propriétaire  jusqu'au  jour  où  l'Etat  inter- 
vient armé  du  principe  de  Tinaliénabilité  du  domaine  public,  et 
étend  sa  main,  et  dit  :  ceci  est  à  moi.  />x,  sed  dura  Icx.  Tra- 
duction en  français  moderne  :  c'est  raide! 

Théat&es.  —  Sera-t-il  interdit  au  Bulletin  de  s'occuper  d'art 


CHRONIQUE.  yo 

dramatique  ?  Non,  sans  doute,  pour  peu  qu'il  sache  ne  pas  sor- 
tir de  la  modestie  de  son  rôle.  Donc,  nous  entre-bâillerons,  de 
ce  jour,  la  porte  du  Théâtre-Français,  décidé  à  y  pénétrer  de  loin 
en  loin,  les  soirs  du  vieux  répertoire  :  au  moins  sî  nos  lecteurs 
l'agréent.  Et  pourquoi  non  ?  L'appréciation  d'une  édition  nou- 
velle de  tel  ou  tel  de  nos  grands  et  petits  classiques  de  la  scène 
serait  ici  à  sa  place  incontestable,  et  n'est-ce  pas  une  nouvelle 
édition  que  la  réapparition  au  grand  joiu*  de  la  rampe  d'un  de 
leurs  chefs-d'œuvre?  Il  se  pourrait  (qui  sait?)  qu'il  y  eût  moins 
de  profit  intellectuel  à  relire  Molière  ou  Racine  dans  les  réimpres- 
sions de  M.  Lemerre,  successeur  de  Percepied,  que  dans  l'édition 
donnée,  les  soirs  de  reprises,  par  les  artistes  non  moins  conscien- 
cieux du  théâtre  littéraire  par  excellence,  MM.  les  comédiens  or- 
dinaires de  ou  du...  (la  suite  après  la  révision). 

Nous  inaugurerons  donc  aujourd'hui  cette  nouvelle  partie  de 
notre  chronique  par  un  vieux  conte  dramatique  dont  les  reprises 
périodiques  ne  sont  pas  encore  parvenues  à  lasser  l'émotion  du 
public.  Le  chef-d'œuvre  de  Sedaine,  le  Philosophe  sans  le  savoir^ 
a  reparu  avec  ses  qualités  et  ses  défauts  d'esquisse,  et,  comme 
toujours,  il  a  trouvé  un  auditoire  bienveillant  dont  la  sympathie 
est  acquise  même  à  ses  défaillances.  Une  appréciation  minutieuse 
sérail  ici  hors  de  sa  place,  et  le  public,  qui  a  un  sentiment  très- vif 
du  procédé  de  critique  qu'il  convient  d'appliquer  à  chaque  œuvre 
d'art,  nous  désavouerait.  Quant  à  lui,  il  ne  s'est  jamais  trompé 
dans  son  jugement  sur  ce  drame.  Il  s'£st  vu  en  présence  d'un 
canevas  de  pièce  où  tout  est  à  l'état  d'indications  :  sentiments,  si- 
tuations, caractères,  et  il  lui  a  sulB  que  ces  indications  eussent  été 
posées  avec  un  goût  qui  est  peut-être  le  génie,  pour  crier ,  depuis 
plus  d'un  siècle,  au  chef-d'œuvre.  Et  c'est  justice. 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  raconter  une  pièce  qui  est  con- 
nue de  tous.  Nous  rappellerons  seulement  qu'elle  est  bâtie  sur  cette 
étemelle  question  du  duel  [Detestabilis  duellorurn  usus.,»  comme 
disent  les  Actes  du  concile  de  Trente,  au  chapitre  De  monomaquid)  ^ 
et  que  toutes  les  scènes  gravitent  autour  de  l'émouvante  situation 
d'un  père  qui,  sur  la  foi  d'un  serviteur  plus  zélé  qu'intelligent, 
peut  croire  un  moment  à  la  mort  de  son  fils.  Gomme  Jacob  à  qui 
l'on  apporte  la  tunique  de  Joseph  trempée  dans  le  sang  d'un  che- 
vreau, le  gentilhomme  marchand  qui  s'est  affublé  du  nom  hol- 
landais de  Vanderk,  représente  une  des  plus  vives  douleurs  que 


56  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

puisse  ressentir  rhumanitë  ;  mais  comme  le  patriarche,  il  aura,  au 
dernier  moment,  la  joie  de  presser  son  fils  entre  ses  bras.  Tout 
rintërêt  du  drame  est  là  :  dans  le  développement  de  cet  héroïsme 
bourgeois  que  caractérise  imparfaitement  encore  le  titre  de  la 
pièce.  Un  autre  attrait  est  le  milieu  dans  lequel  se  passe  l'action. 
L'honnête  entourage  du  philosophe  repose  le  spectateur  des  émo- 
tions véreuses  qui  constituent  aujourd^iui  son  régime  le  plus  ha- 
bituel. Cette  famille  respectueuse  et  respectée,  depuis  le  chef, 
Agamemnon  de  comptoir,  jusqu'au  vieux  serviteur  chez  lequel  le 
dévouement  rachète  Tétourderie,  toute  cette  smala,  comme  on  di- 
sait l'an  passé,  est  un  pur  rafraîchissement  pour  l'esprit.  Evoque- 
rons-nous cette  aimable  figure  de  jeune  fille  que  l'auteur  a  es- 
quissée avec  une  si  merveilleuse  et  savante  discrétion?  L'homme 
qui  a  créé  le  type  de  Victorine  a  eu,  ce  jour-là,  le  génie.  Et  il  ne 
fallait  pas  moins  pour  sauver  les  imperfections  du  reste,  car,  dans 
le  bagage  de  Sedaine,  Toutil  n'est  pas,  il  s'en  faut,  à  la  hauteur 
de  l'inspiration.  Les  déclamations  abondent,  déclamations  sur  le 
commerce,  déclamations  sur  la  naissance,  déclamations  sur  le  duel. 
«  Oh  vous!  lois  sages,  mais  insuffisantes,  etc.  »  Et  quel  style! 
mais  il  faut  savoir  se  contenter  d'une  impression  générale  et  elle 
est  excellente  :  pour  un  peu  nous  dirions  (Victorine  aidant)  ex- 
quise. 

Le  Bulletin  serait  mal  venu,  pour  un  début,  à  exagérer  les  cri- 
tiques auxquelles  peut  donner  lieu  l'interprétation  de  la  pièce. 
Elles  se  réduisent  d'ailleurs  à  peu  de  chose.  Quelques  situations, 
quelques  caractères  et  surtout  quelques  discours  gagneraient  à 
être  moins  soulignés  à  la  scène.  La  dignité  du  père,  les  ridicules 
de  la  marquise,  la  rondeur  du  militaire,  tout  cela  nous  semble 
devoir  être  présenté,  comme  l'a  fait  Sedaine,  à  l'état  d'esquisse 
légèrement  touchée.  C'est  grâce  à  cette  légèreté  de  touche  que 
l'auteur  a  évité  de  verser,  comme  son  contemporain  Diderot,  dans 
les  lourdes  emphases  du  Père  de  famille.  Que  ses  interprètes 
s'inspirent  de  son  procédé  rendu  surtout  nécessaire  par  l'insuf- 
fisance du  style.  Le  vers  du  poète  Roy  :  «  glissez  mortels,  n'ap- 
puyez pas  »,  est  proprement  le  vers  du  dix-huitième  siècle,  et  D 
convient  de  l'avoir  présent  à  la  pensée  toutes  les  fois  que  l'on 
touche,  en  façon  quelconque,  à  cette  époque.  W.  O. 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN 


MEMBRE     DE      LA     SOCIETE     DES     BIBLIOPHILES     FRANÇOIS. 


Je  Toadrais  faire  partager  à  quelques- ans 
le  charmej  particulier  qa*on  éprouve  à  s'oc- 
cuper des  serviteurs  de  Dieu. 

{Légende  du  bienheureux  Raoul  de  la 
Roche-  Ajrmon,) 

Auo.  Galitzin. 

Ces  lignes,  rencontrées  en  parcourant  les  œuvres  du 
prince  Augustin  Galitzin,  expriment  parfaitement  la  pensée 
qui  m*anime  en  parlant  de  lui.  Je  désire  moins  ici  analyser 
ses  œuvres,  dont  plusieurs  dépassent  mes  lumières,  que 
rechercher  le  sentiment  dans  lequel  elles  furent  écrites. 

Un  catholicisme  fervent  présidait  à  toutes  les  actions  du 
prince  Augustin.  Son  goût  pour  la  littérature,  héritage  de 
famille,  était  mis  au  service  de  sa  foi  !  une  foi  conquise  au 
prix  de  tant  de  sacrifices  ! 

Malgré  la  rigueur  des  lois  de  la  Russie  envers  ceux  de  ses 
enfants  rangés  sous  T obéissance  du  pontife  romain,  le 
prince  aimait  du  fond  du  cœur  sa  sévère  patrie  ;  il  Taimait 
avec  une  sollicitude  tendre,  que  son  cœur  ne  pouvait 
contenir,  a  Personne,  —  écrivait-il,  —  n'a  le  droit  de  me 
censurer  pour  cet  amour  qui  discourt  en  mon  âme.  » 

«  Amor  chenella  mente  mi  ragiona.  i 

Dans  sa  douleur  d*être  séparé  par  sa  foi  de  son  cherpays^ 
il  remonte  à  Torigine  du  schisme,  démontre  la  faiblesse  des 
différences  qui  le  constituent,  et  s'efforce  de  prouver  à  ses 
«  frères  séparés  »  que  l'erreur  serait  facile  à  répudier  par 
un  seul  acte  :  la  soumission  au  vicaire  de  Jésus-Christ  sur  la 
terre.  Il  cite  cette  prière  que  l'Église  russe  chante  elle- 
même  dans  ses  temples  :  «  Prions  d'une  seule  voix  et  d'un 

5 


58  BULLETIN  DU  BIBLIOPmLE. 

seul  cœur  pour  la  paix  universelle,  pour  le  bien-être  et  la 
réunion  de  toutes  les  Eglises.  » 

Cette  réunion  est  le  vœu  passionné  du  prince,  sa  tendresse 
filiale  pour  la  Russie  n'étant  surpassée  que  par  celle  qu'il 
doit  à  rÉglise  catholique.  Ces  deux  amours  sont  en  lui  insé- 
parables; il  le  témoigne  dans  un  écrit  où  il  donne  les  der- 
niers conseils,  dit  les  derniers  adieux  :  page  touchante  où  sa 
famille  a  bien  voulu  permettre  à  ma  vieille  amitié  de  recher- 
cher quelques  traits  pour  essayer  de  peindre  «  cette  pure 
et  douce  figure  » ,  comme  le  désigne  un  des  articles  à  sa 
louange. 

Dès  la  première  ligne  il  affirme  sa  foi,  sa  nationalité,  sa 
sollicitude  de  chrétien  et  de  père. 

«  Je  supplie  mes  enfants  de  demeurer  courageusement 
fidèles  à  rÉglise  catholique  et  à  la  Russie.   » 

Il  dit  :  courageusement^  car  lui-même  en  a  donné  l'exem- 
ple, et  il  supplie  ses  enfants,  car  c'est  ici  œuvre  divine,  à 
laquelle  la  volonté  paternelle  ne  suffirait  pas  :  il  y  faut  la 
grâce. 

Supplier  ses  enfants  d'être  fidèles  à  la  Russie  n'est-ce  pas 
une  sorte  de  prière  à  la  Russie  dHêire  maternelle  pour  ses 
enfants  ? 

Il  semble  que  le  prince  ait  voulu  forcer  à  se  réunir,  au 
moins  dans  son  cœur,  par  un  vœu  suprême,  tous  les  objets 
de  ses  plus  grandes  affections  :  sa  religion,  son  pays,  sa 
femille. 

Fier  des  exploits  de  ses  ancêtres  (1),  le  prince,  néan- 


(l)  La  maison  des  princes  Galitzin  est  issue  des  anciens  grands-^ucs 
de  Lithuanie,  appelés  Jagellons.  Écrire  l'histoire  des  Galitzin  ce  serait 
presque  écrire  l'histoire  de  la  Russie,  tant  ils  sont  mêlés  dès  l'origine  à 
tous  les  grands  événements.  Conquérants  avec  les  czars,  les  aidant  à 
pacifier  leurs  conquêtes,  grands  administrateurs,  vaillants  soldats,  un 
certain  esprit  de  liberté  par  lequel  ils  devançaient  leur  temps,  les  pré- 
cipita quelquefois  du  faite  de  la  puissance  ;  mais  toujours  les  souverains 
éclairés  revenaient  à  eux  et  utilisaient  leurs  grands  talents  et  leur  ar- 
dent patriotisme.  L'un  d'eux,  Basile,  surnommé  le  Grand,  faisait  décréter 
en  1676,  par  une  puissante  Assemblée,  Tabolition  de  tous  les  privilèges 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  59 

moins,  considérait  la  sainteté  comme  la  première  de  toutes 
les  gloires.  «  Quel  plus  beau  titre  de  noblesse,  écrivait-il, 
que  de  compter  dans  sa  famille  des  saints  et  des  martyrs  !   » 

Cette  première  de  toutes  les  illustrations  ne  fait  pas  dé- 
faut dans  la  famille  des  Galitzin. 

A  certaines  époques  de  crise,  la  Russie,  comme  plusieurs 
autres  grandes  nations,  eut  ses  martyrs  politiques  et  reli- 
gieux ;  la  famille  Galitzin  ne  fut  pas  épargnée.  Plusieurs  su- 
birent des  exils  et  même  des  tortures  pour  avoir  lutté  contre 
les  excès  de  la  puissance  impériale.  Michel  Galitzin,  petit- 
fils  de  Galitzin  le  Grand,  fat  martyrisé  pour  sa  foi  (1).  On 


fondes  sur  le  rang.  Il  ne  songeait  qu*à  rendre  tous  les  nobles  égaux 
sous  la  puissance  du  czar,  afin  que  la  subordination  rendît  le  gouver- 
nement plus  facile.  Lorsqu'un  siècle  plus  tard  la  noblesse  française  ab- 
jurait ses  privilèges  et  ses  titres,  c'e'tait  pour  flatter  un  souverain  d*un 
nouveau  genre  :  le  peuple.  Galitzin  s' éclairant  du  passé  de  l'histoire 
imitait  Richelieu  ;  Montmorencj  en  précipitant  les  soutiens  du  trône 
dans  le  gouffre  de  Tégalité  se  faisait  inconsciemment  le  précurseur  de 
la  hache  révolutionnaire.  En  Russie,  le  peuple  n'est  plus  serf;  en  France, 
il  est  roi  :  pourrait-on  dire  lequel  est  le  plus  près  de  la  servitude  ? 

Les  derniers  souverains  de  la  Russie  ont  marché  dans  une  voie  pro- 
gressive d'affranchissement  du  peuple.  Déjà,  au  commencement  du 
siècle,  un  écrivain  fameux  en  Allemagne  écrivait  à  Mme  de  Krudner  : 
«  Alexandre  de  Russie  se  distingue  de  son  homonyme  de  Macédoine  en 
ce  qu'il  donne  la  liberté  au  lieu  de  la  prendre  ;  tandis  que  la  France 
avec  toutes  ses  conquêtes  est  aujourd'hui  conquise  elle-même  par  un 
homme....  »  Soixante  ans  plus  tard,  un  autre  Alexandre  méritait  entière- 
ment l'éloge  fait  au  premier  en  abolissant  l'esclavage.  Puisse  la  religion 
catholique  avoir  aussi  son  Alexandre  qui  l'affranchisse. 

(1)  Il  était  un  de  ces  jeunes  gens  que  le  czar  Pierre  I***  avait  envoyés 
se  former  à  l'étranger.  Il  y  avait  embrassé  la  religion  catholique.  Lors- 
que arriva  le  règne  de  l'impératrice  Anne  Iwanowna,  cette  princesse,  à 
l'instigation  du  cruel  favori  Biren,  voulut  punir  le  prince  Michel  Ga- 
litzin de  professer  ouvertement  le  catholicisme.  On  l'obligea,  quoique 
âgé  de  plus  de  cinquante  ans,  à  remplir  l'office  de  page  de  la  cour,  et 
conmie  il  se  refusait  aux  devoirs  de  sa  charge,  Biren  imagina  un  genre 
de  supplice  tout  nouveau  et  qui  devait  servir  en  même  temps  à  faire 
paraître  la  grande  puissance  de  l'impératrice.  Une  immense  fête  fut 
organisée  à  laquelle  devaient  concourir  les  provinces  les  plus  reculées, 
les  gouverneurs  ayant  reçu  l'ordre  d'envoyer  à  Saint-Pétersbourg  un 
couple  de  chaque  différente  race.  On  fit  construire  sur  la  Neva  une 
maison  tout  en  glace.  A  cet  effet,  on  fendit  une  glace  choisie  en  forme 


60  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

raconte  qu'il  s'écriait  pendant  son  supplice  :  «  O  Jésus,  faites 
que  les  conversions  au  catholicisme  ne  cessent  jamais  dans 
la  famille  Galitzin.  Ce  vœu' était  entendu.  Une  autre  con- 
version éclatante  venait  au  siècle  suivant  continuer  cette 
sainte  généalogie,  non  fictive,  car,  dit  saint  Augustin,  «  na- 
guère, si  Etienne  n'avait  pas  prié,  l'Eglise  n'aurait  pas  eu 
Paul.  »  {De  festâ  S,  Stéphanie) 

La  conversion  du  prince  Dimitri  Galitzin  fut  accordée  aux 
prières  de  sa  mère  (1),  qui,  chaque  jour,  s'écriait  comme 
sainte  Monique  :  «  O  mon  Dieu,  je  vous  le  présente  comme 
un  mort  dans  son  cercueil  afin  qu'il  vous  plaise  de  dire  à  ce 
cher  fils  :  «  Lève-toi,  je  te  le  commande.  »  [Confessions  de  S. 
Augustin,)  Bientôt  le  jeune  converti  voulant  étudier  pour 

d'immenses  pierres  de  taille  qu'on  cimentait  en  les  aspergeant  d*eau 
chaude  qui  gelait  instantanément  :  les  ornements  étaient  travaillés  comme 
dans  le  cristal  de  roche.  Cette  mer\'eille,  disent  les  historiens,  fut  con- 
struite pour  les  noces  d'un  seigneur  illustre  par  sa  naissance.  Veuf  d'une 
Nariskin,  l'impératrice  l'obligea  de  prendre  parmi  le  peuple  une  fé- 
conde épouse  ;  on  enferma  les  mariés  dans  une  cage  sur  un  éléphan 
et  on  les  conduisit  avec  un  cortège  pompeux  et  dérisoire  jusqu'à  leur 
palais  de  glace  où  ils  furent  enfermés  jusqu'au  jour.  Cette  curieuse  et 
émouvante  histoire  a  été  traduite  par  le  prince  Augustin  dans  son 
livre  intitulé:  Un  Missionnaire  russe  en  Amérique  {Paris,  Techencr,  1856)i 
d'après  des  historiens  connus  :  Général  comte  de  Manstein,  (Mém.). 
Ljon,  1772.  (Weydemer,  St-Péters.,  1835.) 

(1)  Amélie  de  Schmettau,  princesse  Galitzin,  était  une  des  femmes 
les  plus  remarquables  du  siècle  dernier,  c  On  ne  pouvait  s'en  faire  une 
idée,  dit  Goethe,  avant  de  l'avoir  connue  et  on  ne  pouvait  la  connaître 
sans  l'aimer.  »  Le  centre  d'attraction  catholique  était  alors  en  West- 
phalie,  à  Munster.  Le  salon  de  la  princesse  devint  le  point  de  réunion 
de  toutes  les  gloires  de  l'époque.  L'auteur  de  Werther  déclare  que  c'est 
auprès  d'elle  qu'il  passa  les  meilleurs  moments  de  sa  vie.  C'est  à  cette 
fervente  chrétienne  que  l'Allemagne  catholique  fut  redevable  de  la  con- 
quête du  comte  de  Stolberg.  Voici,  en  abrégé,  le  ravissant  portrait 
qu'il  en  a  laissé  dans  son  histoire  de  N.  S.  J.  C. 

«  Une  des  âmes  les  plus  riches,  les  plus  élevées,  les  plus  saintes  que 
j'ai  connues....  elle  fut  un  guide,  une  consolation  pour  beaucoup  de 
personnes....  des  philosophes  ont  admiré  ses  manières  et  sa  vie....  l'in- 
nocente jeunesse  qu'elle  avait  réunie  autouT  d'elle  pour  la  diriger  vers 
VAmi  suprême  de  l'enfance  a  répandu  des  fleurs  sur  sa  tombe.  Sa  dé- 
pouille mortelle  repose  au  cimetière  du  petit  village  d'Angel-Modi 
contre  le  mur  de  l'église,  sous  l'image  du  Dieu  crucifié,  j 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  61 

devenir  prêtre  entra  au  séminaire  de  Baltimore  ;  cela  fit  un 
grand  éclat  à  la  cour  de  Russie.  On  lit  dans  la  correspon- 
dance de  Joseph  de  Maistre  :  a  II  ne  dépend  pas  de  vous 
de  mépriser  le  prince-abbé  Galitzin,  des  gens  pourront  le 
blâmer,  parce  que  Ton  ne  peut  empêcher  personne  de  dire 
oui  ou  non;  mais  j'en  appelle  de  bon  cœur  à  leur  cons- 
cience. » 

Le  courroux  paternel,  la  disgrâce  impériale  n'arrêtèrent 
pas  Dimitri  dans  sa  vocation  ;  il  se  souvenait  de  cette  parole 
de  l'évêque  d'Hippone,  que  la  conversion  des  grands  est 
une  conquête  d'autant  plus  considérable  sur  l'ennemi  que 
c'est  lui  enlever  ceux  qu'il  tient  le  mieux  et  par  qui  il  en  tient 
un  plus  grand  nombre  {Conf,^  VIII,  iv).  Sa  vie  fut  un  acte 
continuel  de  dévouement  et  il  convertit  des  milliers  d'âmes 
en  Amérique  par  sa  prédication  et  par  ses  écrits  (1). 

«  Ce  saint  abbé,  nous  dit  le  prince  Augustin,  avait  un 
petit  faible  ;  mais  celui-là  révèle  à  lui  seul  une  foule  de  no- 
bles instincts  :  il  aimait  les  livres,  il  ne  pouvait  s'en  passer, 
il  en  avait  rassemblé  un  grand  nombre,  cherchait  à  opérer 
du  bien  en  les  prêtant  et  ne  commettait  pas  de  mensonge 
en  inscrivant  sur  ces  chers  compagnons  de  sa  solitude  la 
formule  consacrée  :  Galitzîni  et  amicorum.  )» 

Je  ne  pense  pas  que  ce  petit  faible  du  prince-abbé  trouve 
parmi  les  lecteurs  du  Bulletin  du  bibliophile  une  bien  sévère 
condamnation. 

Au  moment  où  Dimitri  Galitzin  mourait  en  apôtre  aux 
monts  Alleghaniens,  une  sainte  du  même  nom  venait  con- 
soler les  catholiques  d'Amérique  d'une  si   grande  perte. 


(1)  Le  prince  Augustin  a  traduit  celle  de  ses  œuvres  qui  peut  faire  le 
plus  grand  bien,  non-seulement  parmi  les  protestants  auxquels  est 
adressée  la  Défense  des  principes  catholiques^  mais  aussi  parmi  ceux  des 
catholiques  qui  ont  à  lutter  sur  des  objections  contre  la  doctrine  de 
rÉglise  ;  ils  trouveront  dans  ces  pages  les  réponses  les  plus  lumineuses, 
dans  ce  style  simple  et  clair  qui  porte  la  conviction  dans  les  esprits. 
{Un  Missionnaire  russe  en  Amérique^  traduit  par  Augustin  Galitzin. 
Techenei;,  1856.) 


62  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Elle  aussi  s'était  convertie  à  Texemple  d'une  tendre  mère 
qui  n'était  autre  que  la  grand'mère  d'Augustin. 

La  société  de  Saint-Pétersbourg  avait  à  cette  époque  un 
aspect  remarquable.  Animée  par  les  événements  politiques 
de  la  révolution  française,  retrempée  par  le  spectacle  des 
hautes  infortunes  auxquelles  elle  donnait  une  large  hospi- 
talité, un  mouvement  sérieux  se  produisait  dans  les  esprits, 
dû  à  l'influence  et  au  commerce  d'intelligences  supérieures. 
Le  salon  de  la  princesse  Alexis  Galitzin  réunissait  toutes  les 
sommités  de  la  colonie  française,  que  dominait  de  sa  haute 
renommée  le  comte  de  Maistre. 

«  Ma  gi-and'mère,  —  dit  le  prince  Augustin,  —  passionné- 
ment Russe,  avait  un  jugement  très-droit  en  même  temps 
qu'un  besoin  d'analyse  qui  doit  précéder  Ténergie  pour  la 
justifier.  Elle  voulait  se  rendre  compte  des  vertus  dont  la 
providence  avait  placé  sous  ses  yeux  de  rares  exemples.  Elle 
en  découvrit  la  source  dans  une  doctrine  plus  intégi*alement 
pure  que  celle  qu'elle  professait,  et  dès  qu'elle  reconnut  la 
vérité  elle  n'hésita  pas  un  instant,  la  première  de  son  cer- 
cle, à  l'embrasser,  au  moment.  Tan  1800,  où  elle  restait 
veuve  avec  cinq  enfants  et  une  fortune  qui  réclamait  «une 
extrême  surveillance.   » 

Parmi  ces  enfants  se  trouvait  une  fille,  Elisabeth,  celle 
dont  nous  parlions  tout  à  Theure.  Un  des  plus  charmants 
livres  d'Augustin  est  la  vie  de  sa  tante  racontée  à  l'aide  des 
mémoires  qu'elle  a  laissés,  et  entreprise  par  le  prince  sous 
l'inspiration  d'une  amie  de  sa  grand'mère,  et  presque  une 
mère  pour  lui.  «  En  traçant  cette  histoire,  dit  Augustin,  il 
me  semble  accomplir  un  vœu  de  Mme  Swetchine.   » 

«  Le  jour  où  j'atteignis  ma  quinzième  année,  ra- 
conte Elisabeth,  ma  mère  me  dit  :  Je  vais  vous  confier  un 
secret  bien  important,  prenez  garde  de  ne  le  révéler  à  qui  que 
ce  soit,  vous  m'exposeriez  à  l'exil,  à  la  mort  peut-être....  » 
En  apprenant  que  sa  mère  était  catholique,  Elisabeth  fondit 
en  larmes  et  conçut  une  haine  implacable  contre  la  religion 
catholique  et  ses  ministres;  elle  alla  jusqu'à  formuler  par 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  63 

écrit  le  plus  terrible  serment  de  ne  jamais  changer  de  reli- 
gion. Quelque  temps  après,  assistant  par  déférence  à  l'enter- 
rement d'un  prêtre  qui  lui  avait  donné  des  leçons  d'italien, 
elle  entendit  une  voix  intérieure  qui  lui  disait  :  «  Tu  hais 
cette  religion,  tu  en  feras  partie  toi-même.  »  Et  comme 
elle  s'excitait  de  nouveau  à  l'horreur  du  catholicisme,  elle 
sentit  un  grand  trouble  et  se  dit  :  a  La  haine  est  un  péché  :  je 
dois  prier,  même  pour  les  jésuites  !  »  Elle  le  fit  loyalement 
chaque  jour  ;  la  haine  cessant  d'habiter  ce  cœur  qui  n'était 
pas  fait  pour  haïr,  la  grâce  ne  trouva  plus  d'obstacle,  et 
bientôt  Elisabeth  vint  se  jeter  dans  les  bras  de  sa  mère  en 
lui  disant  qu'elle  aussi  était  catholique.  «  Nous  pleurions 
toutes  deux  à  fendre  les  pierres,  »  écrit  la  jeune  princesse. 
Larmes  douces  et  bénies  cette  fois  !  Onze  ans  plus  tard  Elisa- 
beth se  faisait  religieuse  du  Sacré-Cœur. 

«  Ma  tante,  dit  le  prince  Augustin,  a  été  la  première 
Russe  qui  ait  pris  le  voile  à  l'étranger.  » 

Il  nous  trace  le  tableau  de  son  arrivée  en  Amérique  au 
moment  où  venait  de  s'éteindre  le  prince-abbé  Dimitri. 

c  Le  6  mai,  dans  une  cabane  située  sur  un  versant  de  la 
chaîne  des  monts  qui  partage  du  nord  au  sud  les  Etats 
d'Amérique,  expirait  un  vieillard  qui  avait  consacré  sa  vie 
à  rendre  témoignage  dans  ces  lointains  parages  à  celui  qui 
est  la  lumière.  Une  foule  en  pleurs  entourait  sa  couche 
funèbre,  car,  durant  un  demi-siècle,  les  malheurs  publics, 
les  chagrins  des  familles,  les  angoisses  des  âmes,  tout  avait 
abouti  à  son  cœur  de  prêtre.  Connu  sous  l'humble  pseu- 
donyme de  père  Smith,  cet  apôtre  n'était  pas  né  cependant 
sur  la  terre  qu'il  avait  transformée  et  qui  allait  recevoir  sa 
dépouille  ;  il  était  Russe,  et  avait  nom  Galitzin.  » 

Le  1**"  septembre  de  la  même  année  débarquaient  à  Nevf- 
York  huit  femmes  vêtues  de  noir,  ne  portant  pour  tout 
ornement  qu'une  croix  sur  leurs  poitrines.  Elles  venaient 
former  de  nouvelles  générations  dans  le  nouveau  monde. 
La  plus  âgée  d'entre  elles  n'était  pas,  comme  ses  sœurs,  Fran- 
çaise; 1«  même  sang  que  celui  du  missionnaire  à  peine 


64  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

décédé  coulait  dans  ses  veines,  le  même  amour  de  Dieu  et 
du  prochain  battait  dans  son  cœur  :  elle  aussi  était  Russe, 
et  se  nommait  Mme  Elisabeth  Galitzin  (t). 

Comment  s'étonner  qu'avec  de  tels  précédents,  avec  de  si 
précieux  exemples,  Augustin  Galitzin  ait  senti  dès  sa  jeu- 
nesse cet  enthousiasme  religieux  qui  lui  fait  dire  dans  une 
de  ses  préfaces  :  ■  Nous  voudrions  faire  partager  notre  bon- 
heur (d'être  catholique)  à  tous  nos  frères,  car  pour  le  chré- 
tien, le  bonheur  n'existe  qu'à  la  condition  d'être  partagé, 
et  cela  doit  être,  car  la  loi  du  chrétien  est  amour  !  > 

Forcé  d'énumérer  dans  son  histoire  de  l'EgUse  gréco-russe 
les  terribles  lois  contre  les  catholiques,  il  se  hiiie  d'ajouter 
que  ces  lois  ne  sont  déjà  qu'une  lettre  morte  ;  qn'il  serait 
facile  eu  les  abolissant  tout  à  fait  de  s'attirer  les  applaudis- 
sements du  monde  civilisé,  —  et  ce  qui  vaut  mieux  —  la 
bénédiction  du  ciel.  ■  Un  Kusse,  s'écrie-t-il ,  ne  saurait 
former  de  voeu  plus  patriotique  que  celui  de  voir  la  liberté 
de  conscience  noblement  proclamée  en  Russie.  » 

Bien  des  tristesses  secrètes  résultaient  pour  le  prince  Au- 
gustin de  l'antagonisme  entre  ses  afiections  les  plus  pro- 

(1}  Mme  Elisabeth  repréKolitit  en  Amérique  la  ïapérieare  générale  de 
l'ordre  i  remplie  de  talents,  elle  ne  quittait  la  plume  que  pour  [)reiidre 
le  pinceau,  dans  lea  iatervalles  de  leïvojagea  pour  la  fondatioD  de  pla- 
sieur*  mdifians  de  l'ordre  et  la  ■urveillance  de  celles  qui  étaient  déjl 
établie».  Sa  correspondance  avec  sa  mère  étaitd'une  gaieté  pieuse,  toute 
charmante.  Elle  se  plaint  du  climat  de  Nen-York,  où  elle  ne  peut  se 
réchauffer  et  où  le  jour  est  sombre,  a.  Vive  les  pays  froids,  écrii-elle, 
pour  j  avoir  chaud  et  y  tcàx  clair.  >  Elle  établit  nue  iastitntion  chei  les 


LE  PRIMCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  65 

fondes.  Oa  en  peut  juger  par  le  cri  de  regret  qui  lui  échappe 
de  n'avoir  pas  au  moins  une  tombe  dans  sa  patrie,  dans  un 
de  ces  villages  qui  auraient  dû  lui  appartenir,  dans  cette 
chère  Russie,  qu'il  a,  dit-il,  «  toujours  brûlé  du  c 

Son  cœur  avait  cependant  bien  épousé  la  France,  1 
s'était  marié  dans  une  famille  dont  le  nom  est  cher 
histoire,  fameuse  dans  notre  ancienne  chevalerie.  C 
bonheur  qu'il  y  découvrait  et  y  mettait  en  lumière 
plus  glorieux  selon  lui  que  tous  les  autres  :  le  tii 
laMeté,  et  il  écrivait  la  légende  du  bienheureux  Kac 
Rocbe-Aymon{l). 

L'union  des  Gaiitzin  avec  la  noblesse  française  s 
mentée  encore  l'année  dernière  par  le  mariage  de  la 
prince  Augustin  avec  le  duc  de  Chaulnes,  frère  du 
Luyneg,  tué  si  glorieusement  à  Fatay. 

Une  particularité  à  l'occasion  de  ce  mariage  est  i 
parce  qu'elle  semble  une  prédestination, 

Mme  Swetchine,  qui  devait  être  la  marraine  de 
attendu  par  la  princesse  Gaiitzin,  mourut  peu  di 
avaat  la  naissance  de  la  princesse  Sophie.  Par  so 
ment,  elle  léguait  aux  de  Luynes  une  chapelle  que 

[1]  (  S'il  est  UDC  gloire  dans  ce  monde,  auurément,  c'eiE  ci 
parteuir  A  une  race  qui  est  toujours  demeurée  pure  dant  la  foi, 
deierrir  toi-même  toujours  fidèleoieut  ce  Dieu  auquel  oa  a  ' 
pu  les  ancêtre*....  on  a  chanté  les  exploits  des  quatre  ù\»  Ayn 
ma,  derrière  les  chevaliers  de  cette  considérable  maison ,  étince 
lar  lenn  armures,  couTeris  de  bleuure*  sur  leurs  corps,  j'ai  < 
no  pauvre  moine,  n'ayant  pour  toute  parure  que  la  grossière  r 
che  de  Saint-Bernard,  ae  tenant  en  main,  au  lieu  d'une  Ion, 
qa'uoe  simple  croix  de  bois,  la  croix,  qui  a  sauvé  le  monde,  i 
pouuiire  que  le  temps  a  amassée  sur  le  portrait  délaissé  de  cei 
tienl  que  je  déiireraii  secouer  aujourd'hui.  Je  Toudraii  faire  \ 
quelques-uns  le  charme  particulier  qu'on  éprouve  k  s'occuper  i 
lenn  de  Dieu,  en  les  entretenant  quelque»  instant»  de  Raoul  de . 
Ajmon,  quinzième  abbé  de  Clairvaux,  primat  des  Gaules.  > 
^  iieahiureux  Jtaoul  de  la  Boclie-Aymon.  Aug.  GalttiJn.) 

Une  Mur  d'Angnstin,  la  princesse  Marie  Galitziu,  a  épousé 
çai>,  le  comte  de  Beriier  de  Sauvigny,  dont  le  grand-père  a  éb 
premières  victime»  de  k  Révolution. 


66  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

végue  de  Pans  lui  avait  permis  d'avoir  dans  son  hôtel.  Cette 
chapelle  fut  transportée  à  Thôtel  de  Luynes.  Par  un  sentï- 
ment  de  tendresse  presque  filiale  envers  celle  qui  avait  été 
l'ange  tutelaire  de  sa  jeunesse,  le  prince  Augustin  désira  et 
obtint  que  le  baptême  de  sa  fille  fût  fait  sous  les  auspices 
de  Mme  Svretchine,  dans  la  chapelle  où  elle  avait  élevé 
à   Dieu  tant  de  saintes   prières.   IV^r    Morlot  accomplit 
lui-même  la  cérémonie,  où  le  duc  de  Chaulnes,  âgé  de  six 
ans,  assista  en  joyeux  bébé.  Il  s'en  est  souvenu  le  jour  de 
son  mariage  et  le  prince  Augustin  Galitzin  put  croire  que 
du  haut  du  ciel  la  sainte  amie  qu'il  avait  tant  pleurée  avait 
préparé  dès  le  jour  de  ce  baptême,  où  son  souvenir  était  si 
vivant,  l'union  de  ces  deux  enfants.  La  chapelle  de  Mme 
ère  aux  jeunes  époux.  C'est 
ints  à  joindre  leurs  petites 
:  l'amie  qu'ils  ont  au  ciel, 
petite  fille  va  être  baptisée 
rrain  et  pour  marraine  le 
iD,  représentés  par  le  comte 
!  de  Cbevreuse. 
stin,  prenait  place  tout  ce 
lit  avoir  une  part  dans  ses 
la  un   recueil  précieux  de 
[enri  IV,  qu'il  dédia  à  l'hè- 
les documenis  intéressants 
e  de  Lorraine,  femme  de 
àces  poétiques,  les  vertas 
eur  éclat,  éteintes  trop  vite 
L  grande  abondance  lorsque 
le  tarirent  qu'avec  sa  vie  », 
eaux  (l),  elle  y  vécut  comme 

■tenait  an  comte  et  i  la  comteMe 
re  de  la  princeMe  Angiutin  Ga- 
,  où  le  toaTenir  de  la  reine  Louùe 
'^cieuieineDt  quelque*  venjges  de 
M  suave  piété.  Ce  lien  ett  le  chl- 
■  de  Mme  la  comteMe  de  Ville- 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  67 

une  sainte,  dans  une  extraordinaire  douleur.  Ensuite,  elle 
se  rendit  en  son  château  de  Moulins,  «  où,  dit  Mezeray,  elle 
s'adonnait  avec  une  incroyable  ferveur  à  tous  les  exercices 
de  piété  et  menait  une  vie  qui  pouvait  servir  d'exemple  aux 
religieuses  les  plus  réformées.  » 

Sa  correspondance  avec  le  cardinal  d'Ossat,  auquel  elle 
avait  confié  le  soin  de  prouver  à  Rome  que  son  époux  était 
décédé  a  repentant,  confessé  et  absous  »,  révèle  parfaite- 
ment son  âme  et  en  communique  l'émotion. 

«  La  mémoire  de  cette  bonne  reine,  —  dit  le  prince  Galit- 
zin,  en  terminant  le  précis  historique  de  sa  vie,  —  dont  les 
vertus  forment  un  contraste  si  frappant  avec  les'  iniquités 
qu  elle  a  traversées  sans  en  être  souillée,  mériterait  d'ins- 
pirer une  plume  plus  élégante  et  plus  nationale  que  la 
mienne,  mais  qui  ne  saurait,  en  tout  cas,  être  plus  sensible 
aux  vieux  souvenirs  de  la  monarchie  française.  » 

On  le  voit,  ce  cœur  «  passionnément  russe  » ,  comme  celui 
de  sa  grand'mère,  avait  aussi  des  cordes  qui  vibraient  pour 
son  pays  d'adoption. 

Ce  serait  m^étendre  trop  que  d'énumérer  les  études  si 
nombreuses,  si  consciencieuses  du  prince  Augustin,  tant 
d'excellentes  œuvres  entreprises  pour  la  gloire  de  Dieu,  et 
toujours  animées  de  ce  brûlant  désir  de  réunion  et  de  paix 
miiverselle  dont  l'idéal  était  en  lui  et  dont  l'universalité 
catholique  lui  semblait  le  type.  Sans  appartenir  à  aucune 
fraction  d'opinion  comme  celles  qui  tendent  aujourd'hui  à 
diviser  les  catholiques,  il  avait  des  amis  dans  toutes,  allait 
d  une  allure  libre  et  avec  une  indépendance  naturelle  vers 
les  sonmiets  où  se  réalise  l'unité  ;  prenant  pour  les  atteindre 

oeave,  la  chapelle  et  les  cellules  des  religieuses  capucines  que  la  reine 
avait  installées  à  Ghenonceaux  en  attendant  leur  érection  canonique,  sont 
encore  intactes  ;  la  Révolution^  qui  avait  détruit  toutes  les  richesses  *de 
cette  demeure,  ne  lui  en  a  laissé  que  l'inventaire.  Les  bibliophiles  par* 
courront  avec  charme  le  catalogue  de  la  librayrie  de  la  reynn  :  ils  re- 
marqueront  que  si  les  œuvres  ascétiques  y  abondent,  les  classiques, 
c  couverts  de  maroquin  bleu,  dorez  par  la  tranche^  »  y  ont  également 
bonne  place   >  (Inventaire  de  Chenonceau  en  1603.) 


j^ 


À 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALTTZIN.  69 

a  J'ordonne,  dit-il,  —  qu'on  ne  fasse  aucuns  frais  pour 
mon  enterrement,  qu'il  n'y  ait  que  deux  cierges  auprès  de 
mon  cercueil.  »  Gardons-nous  de  croire  qu^aucun  senti- 
ment moins  parfait  se  soit  glissé  sous  cette  modestie,  et  que 
le  prince  ait  cherché  un  contraste  entre  ce  simple  convoi 
sur  la  terre  d'exil  et  les  honneurs  auxquels  il  aurait  pu  pré- 
tendre dans  sa  patrie.  Non,  cet  ordre  de  simplicité,  c'est 
pure  piété;  c'est  aussi  un  calcul  de  dévotion.  «  Aucuns 
frais,  dit-il,  pour  mon  enterrement  ;  mais,  en  revanche,  je 
désire  qu'on  fasse  dire  beaucoup  de  messes  pour  moi.  »  Et 
comme  il  sait  où  il  faut  aller  pour  avoir  les  bonnes  prières, 
il  veut  qu'on  informe  de  son  Aécèh  les  monastères  qu'il  a 
aimés.  Les  ordres  religieux  devaient  être  chers  à  une  âme 
si  au-dessus  des  voies  communes.  En  cela,  il  prenait  haut 
ses  modèles  :  «  Saint  Louis,  —  nous  raconte-t-il  dans  sa 
Tie  de  saint  François, — aimait  tant  les  ordres  de  Saint-Fran* 
cois  et  de  Saint-Dominique  qu'il  avait  coutume  Ae  dire  que 
s'il  pouvait  se  partager  en  deux,  il  serait  moitié  à  l'un,  moi- 
tié à  l'autre.  Il  leur  légua  ce  à  quoi  il  tenait  le  plus  en  ce 
monde  :  ses  livres,  seuls  objets  de  prix  qui  furent  inven- 
toriés à  sa  mort.  >» 

Une  âme  mélancolique  et  croyante  comme  celle  du  prince 
Augustin  devait  aimer  ces  maisons  de  pénitence  et  de  re- 
traite où  se  cachent  tant  d'éminentes  vertus  et  d'où  rayon- 
nent de  si  hautes  intelligences.  Aussi  leur  demande-t-il  des 
prières.  Il  en  demande  à  la  grande  Chartreuse,  où  il  a  un 
ami  qui  oublie  sous  la  bure  ses  grandeurs  passées,  mais  qui 
n'oubliera  pas  de  prier  pour  son  ami  Augustin  (1).  Il  en 
demande  à  l'abbaye  du  Port-du-Salut,  aux  trapistes,  à  cçs 
lieux  de  douleur  où  trône  vraiment  le  sacrifice,  dans  le 
«  royaume  des  expiations  »,  a  dit  Chateaubriand  en  nous 
racontant  la  vie  de  Rancé,  ce  célèbre  converti,  non  du 
dogme,  mais  des  passions,  ce  grand  pénitent  qui  s'entrete- 

(1)  Comte  de  Nicolaï,  ancien  général  aide  de  camp  de  Temperear 
Nicolas. 


^ 


*  n 


J 


70  BULLETIN  DU  BIBLlOPinLE. 

nait  sous  les  arcades  des  cloîtres  avec  un  autre  pénitent 
illustre,  le  roi  Jacques  II.  Combien  drames  blessées  et  in- 
quiètes se  sont  réfugiées  dans  cette  Maison-Dieu  !  Bien  des 
gloires  sont  venues  s'y  faire  humbles  quelques  instants.  Là, 
Bossuet  a  préparé  son  catéchisme  de  Meaux  ;  là,  Santeuil  a 
composé  ses  belles  hymnes  ;  là,  ont  pleuré  et  prié  la  sainte 
reine  d'Angleterre,  Marie  d'Esté,  et  la  pieuse  duchesse  de 
Guise. 

Ce  n'est  pas  seulement  aux  religieux  que  le  prince  Ga- 
litzin  demande  des  prières,,  c'est  aussi  à  tous  ses  parents  et 
amis,  leur  demandant  pardon,  comme  tout  chrétien  doit  le 
faire,  qui  dit  son  Pater  au  moins  deux  fois  par  jour.  Puis 
il  recommande  ses  enfants  à  son  cousin  le  prince  Paul  Ga- 
litzin. 

Parmi  les  amis  du  prince  Augustin,  beaucoup  l'ont  pré- 
cédé; son  cœur  est  comme  suspendu  entre  ceux  qu'il  va 
quitter  et  ceux  qu'il  va  rejoindre.  Que  de  noms  aimés 
dans  ce  long  mémento  !  Citons-en  quelques-uns  :  Mgr  de 
Quélen,  ce  prélat  dont  le  souvenir  ne  saurait  s'effacer,  mémo 
ne  l'ayant  vu  que  dans  la  petite  enfance;  Mgr  Surat,  à  qui 
l'adolescence  d'Augustin  fut  confiée,  martyr  des  atrocités 
de  mai  1871  !  Mme  Swetchine,  la  marquise  de  Ségur  (prin- 
cesse Rostopchine),  deux  amies  de  sa  mère;  Berryer,  Mon- 
talembert,  Cochin,  le  père  Lacordaire,  le  père  Gratry,  l'abbé 
Cazalès,  dom  Guéranger,  Mgr  Morlot,  et  tant  d'avtres. 
Parmi  ceux  qui  vivent,  je  ne  citerai  qu'un  nom,  cher  entre 
tous  au  prince  Augustin,  celui  de  l'historien  de  Mme  Swet- 
chine, le  comte  de  Falloux.  C'est  à  lui  que  le  prince  Galit- 
zin  confie  la  tutelle  de  ses  enfants  mineurs  ;  il  le  prie  de  les 
aimer  comme  il  a  aimé  leur  père. 

Puis  son  cœur  déborde  en  un  suprême  adieu.  Il  recom- 
mande à  ses  enfants  d!! écouter  leur  mère.  N'est-ce  pas  dire 
en  un  seul  mot  la  place  qu'elle  tient  dans  la  famille?  Ses 
effusions  plus  intimes  sont  écrites  de  longue  date  pour  la 
chère  compagne  de  sa  vie.  Ne  touchons  pas  à  cette  douleur 
sainte,  toute  saignante  encore.  —  Il  adjure  ses  fils  d'être 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN. 
sapérieurement  bonnétes,  courageus,  confiants  en 
"  Qa'ils  se  souviennent,  dit'il',  qu'il  n'est  qu'un  set 
table  malheur  en  ce  monde,  c'est  d'offenser  Dieu.  > 

N'omettons  pas  une  ligne  qui  semble  tracée  a' 
lannes  :  «  Je  voudrais  être  enterré  auprès  de  mon  Si 

Serge  est  un  fîls  que  Dieu  lui  a  repris  dans  sa  o 
année.  A  défaut  de  la  tombe  natale,  il  sera  doux  an 
Augustin  de  reposer  sous  la  pierre  où  il  a  tant  plei 
foi  la  plus  forte  n'ôte  à  ]a  douleur  ni  les  plaintee 
larmes.  L'histoire  de  rbumanité  est  un  long  gémis 
depnis  Abel  jusqu'à  la  croix,  et  de  la  croix  jusqu't 
Aussi  le  symbole  chéri  de  l'Église  et  des  Sdèles  e 
cœur  percé  d'un  glaive  :  cette  chose  humaine  et  div 
souffre  et  qui  aime. 

Pour  le  prince  Augustin,  toutes  les  peines  about 
au  cercueil  de  son  enfant.  C'est  le  jour  anniversaîr 
mort  de  Serge  que  ce  tendre  père  est  tombé  mala 
danger  s'accrut  tous  les  jours.  Il  lutta  quelque  ten: 
il  était  encore  dans  la  force  de  l'âge  ;  mais  résigné 
longtemps  et  ayant  appris  dès  sa  jeunesse  à  bien  i 
plus  ses  souffrances  devenaient  intolérables,  plus  il  d 
saint.  Le  révérend  père  Gagarin,  son  compatriote  et  ; 
voyant  mordre  ses  doigts  jusqu'au  sang  pour  étou 
cris,  le  plaignait  tendrement:  «  Je  ne  souffre  pas 
assez  pour  mes  péchés,  »  répondait  le  prince. 

Lorsqu'il  habitait  son  cbàteau  dans  la  Creuse,  il 
loate  la  paroisse  par  son  assiduité  aux  offices.  Toi 
qui  l'approchaient  le  respectaient  et  l'aimaient. 

Pendant  un  voyage  à  Plombières,  il  reçut  la  visite 
d'Aumale,  qui  appréciait  en  lui  un  collègue  des  plus 
gués  à  la  Société  des  Bibliophiles,  et  l'honorait  con 
courageux  athlète  de  la  foi.  C'est  à  ce  dernier  til 
encore  qu'à  son  rang  que  le  prince  Galitziu  dut  la  à 
et  précieuse  consolation  de  la  bénédiction  papale  à 
àe  sa  mort. 

Il  la  méritait  bien.  Ayant  combattu  pour  la  foi 


64  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

décédé  coulait  dans  ses  veines,  le  même  amour  de  Dieu  et 
du  prochain  battait  dans  son  cœur  :  elle  aussi  était  Russe, 
et  se  nommait  Mme  Elisabeth  Galitzin  (1). 

Gomment  s'étonner  qu'avec  de  tels  précédents,  avec  de  si 
précieux  exemples,  Augustin  Galitzin  ait  senti  dès  sa  jeu- 
nesse cet  enthousiasme  religieux  qui  lui  fait  dire  dans  une 
de  ses  préfaces  :  «  Nous  voudrions  faire  partager  notre  bon- 
heur (d'être  catholique)  à  tous  nos  frères,  car  pour  le  chré- 
tien, le  bonheur  n'existe  qu'à  la  condition  d'être  partagé, 
et  cela  doit  être,  car  la  loi  du  chrétien  est  amour  !  » 

Forcé  d'énumérer  dans  son  histoire  de  l'EgUse  gréco-russe 
les  terribles  lois  contre  les  catholiques,  il  se  hâte  d'ajouter 
que  ces  lois  ne  sont  déjà  qu'une  lettre  morte  :  qu'il  serait 
facile  en  les  abolissant  tout  à  fait  de  s'attirer  les  applaudis- 
sements du  monde  civilisé,  —  et  ce  qui  vaut  mieux  —  la 
bénédiction  du  ciel.  «  Un  Russe,  s'écrie-t41,  ne  saurait 
former  de  vœu  plus  patriotique  que  celui  de  voir  la  liberté 
de  conscience  noblement  proclamée  en  Russie.  » 

Bien  des  tristesses  secrètes  résultaient  pour  le  prince  Au- 
gustin de  l'antagonisme  entre  ses  aifections  les  plus  pro- 

(1)  Mme  Elisabeth  représentait  en  Amérique  la  supérieure  générale  de 
Tordre  ;  remplie  de  talents,  elle  ne  quittait  la  plume  que  pour  prendre 
le  pinceau,  dans  les  intervalles  de  ses  voyages  pour  la  fondation  de  plu- 
sieurs maisons  de  Tordre  et  la  surveillance  de  celles  qui  étaient  déjà 
établies.  Sa  correspondance  avec  sa  mère  était  d'une  gaieté  pieuse,  toute 
charmante.  Elle  se  plaint  du  climat  de  New>York,  où  elle  ne  peut  se 
réchauffer  et  où  le  jour  est  sombre.  «  Vive  les  pays  froids,  écrit-elle, 
pour  y  avoir  chaud  et  y  voir  clair,  i  £ile  établit  une  institution  chez  les 
sauvages,  y  fonde  une  école  de  cinquante  ûiles.  Il  lui  a  fallu  peindre  trois 
grands  tableaux  pour  une  chapelle,  et  les  faire  en  six  semaines  !  — 
c  Notre  chapelle  est  vraiment  charmante  ;  quel  dommage,  chère  maman , 
que  vous  ne  puissiez  venir  y  assister  à  la  sainte  messe  !  »  —  Quelque 
temps  avant  sa  mort,  elle  vit  en  rêve  trois  cercueils  symétriquement 
rangés  :  dans  Tun  était  couché  son  frère  aine,  dans  le  second  sa  mère, 
dans  le  troisième  elle  se  vit  elle-même.  Deux  ans  après,  ces  trois  cer^ 
cueils  n'étaient  plus  un  songe  !  Sa  mémoire  est  restée  en  vénération  dans 
le  pays  où  elle  a  fait  tant  de  bien  avec  une  amabilité  qu'elle  conserva 
jusque  devant  la  mort,  Taccueillant  avec  joie.  Elle  succomba  aux  fatigues 
des  soins  prodigués  par  elle  aux  malades  atteints  de  Tépidémie  de  la 
(lèvre  aune.  {Vie  d^ant  religieuse  du  Sacré-Cour.  Techeuer  1869.) 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  65 

fondes.  On  en  peut  juger  par  le  cri  de  regret  qui  lui  échappe 
de  n'avoir  pas  au  moins  une  tombe  dans  sa  patrie,  dans  un 
de  ces  villages  qui  auraient  dû  lui  appartenir,  dans  cette 
chère  Russie,  qu'il  a,  dit-il,  «  toujours  brûlé  du  désir  de 
servir  ». 

Son  cœur  avait  cependant  bien  épousé  la  France,  lorsqu'il 
s'était  marié  dans  une  famille  dont  le  nom  est  cher  à  notre 
histoire,  fameuse  dans  notre  ancienne  chevalerie.  C'est  avec 
bonheur  qu'il  y  découvrait  et  y  mettait  en  lumière  un  titre 
plus  glorieux  selon  lui  que  tous  les  autres  :  le  titre  à  la 
sainteté^  et  il  écrivait  la  légende  du  bienheureux  Raoul  de  la 
Roche-Aymon  (1). 

L'union  des  Galitzin  avec  la  noblesse  française  a  été  ci- 
mentée encore  Tannée  dernière  par  le  mariage  de  la  fille  du 
prince  Augustin  avec  le  duc  de  Chaulnes,  frère  du  duc  de 
Luynes,  tué  si  glorieusement  à  Patay. 

Une  particularité  à  l'occasion  de  ce  mariage  est  à  noter, 
parce  qu'elle  semble  une  prédestination. 

Mme  Sw^etchine,  qui  devait  être  la  marraine  de  l'enfant 
attendu  par  la  princesse  Galitzin,  mourut  peu  de  temps 
avant  la  naissance  de  la  princesse  Sophie.  Par  son  testa- 
ment, elle  léguait  aux  de  Luynes  une  chapelle  que  l'arche- 

(1)  c  S'il  est  une  gloire  dans  ce  monde,  assurémenty  c'est  celle  d'ap- 
partenir k  une  race  qui  est  toujours  demeurée  pure  dans  la  foi,  c'est  celle 
de  scrrir  soi-même  toujours  fidèlement  ce  Dieu  auquel  on  a  été  dédié 
par  ses  ancêtres....  on  a  chanté  les  exploits  des  quatre  fils  Aymon;  pour 
moi,  derrière  les  chevaliers  de  cette  considérahle  maison,  étincelants  d'or 
sur  leurs  armures,  couverts  de  blessures  sur  leurs  corps,  j'ai  découvert 
un  pauvre  moine,  n'ayant  pour  toute  parure  que  la  grossière  robe  blan- 
che de  Saint-Bernard,  ne  tenant  en  main,  au  lieu  d'une  longue  épée, 
qu'une  simple  croix  de  bois,  la  croix  qui  a  sauvé  le  monde,  et  c'est  la 
poussière  que  le  temps  a  amassée  sur  le  portrait  délaissé  de  cet  humble 
aïeul  que  je  désirerais  secouer  aujourd'hui.  Je  voudrais  faire  partager  à 
quelques-uns  le  charme  particulier  qu'on  éprouve  à  s'occuper  des  servi- 
teurs de  Dieu,  en  les  entretenant  quelques  instants  de  Raoul  de  la  Roche- 
Aymon,  quinzième  abbé  de  Clairvaux,  primat  des  Gaules.  >  {Légende 
du  bienheureux  Raoul  de  la  Roclie-Aymon,  Aug.  Galitzin.) 

Une  sœur  d'Augustin,  la  princesse  Marie  Galitzin,  a  épousé  un  Fran- 
çais, le  comte  de  Bertier  de  Sauvigny,  dont  le  grand-père  a  été  une  des 
premières  victimes  de  la  Révolution. 


66  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

véque  de  Paris  lui  avait  permis  d'avoir  dans  son  hôtel.  Cette 
chapelle  fut  transportée  à  Fhôtel  de  Luynes.  Par  un  senti- 
ment de  tendresse  presque  filiale  envers  celle  qui  avait  été 
Fange  tutélaire  de  sa  jeunesse,  le  prince  Augustin  désira  et 
obtint  que  le  baptême  de  sa  fille  fût  fait  sous  les  auspices 
de  Mme  Swetcbine,  dans  la  chapelle  où  elle  avait  élevé 
à  Dieu  tant  de  saintes  prières.  Mgr  Morlot  accomplit 
lui-même  la  cérémonie,  où  le  duc  de  Chaulnes,  âgé  de  six 
ans,  assista  en  joyeux  bébé.  Il  s'en  est  souvenu  le  jour  de 
son  mariage  et  le  prince  Augustin  Galitzin  put  croire  que 
du  haut  du  ciel  la  sainte  amie  qu'il  avait  tant  pleurée  avait 
préparé  dès  le  jour  de  ce  baptême,  où  son  souvenir  était  si 
vivant,  l'union  de  ces  deux  enfants.  La  chapelle  de  Mme 
Svretchine  devra  être  toujours  chère  aux  jeunes  époux.  C'est 
là  qu'ils  apprendront  à  leurs  enfants  à  joindre  leurs  petites 
mains  et  à  prier  en  union  avec  l'amie  qu'ils  ont  au  ciel. 
Déjà  leur  mariage  est  béni,  une  petite  fille  va  être  baptisée 
ayant  l'honneur  d'avoir  pour  parrain  et  pour  marraine  le 
COMTE  ET  LA  COMTESSE  DE  Ghambord,  représentés  par  le  comte 
Stanislas  de  Blacas  et  la  duchesse  de  Chevreuse. 

Dans  le  cœur  du  prince  Augustin,  prenait  place  tout  ce 
qui  y  avait  droit.  La  France  devait  avoir  une  part  dans  ses 
laborieuses  recherches.  11  forma  un  recueil  précieux  de 
beaucoup  de  lettres  inédites  de  Henri  lY,  qu'il  dédia  à  l'hé- 
ritier de  son  trône.  Il  rassembla  des  documents  intéressants 
sur  une  reine  de  France,  Louise  de  Lorraine^  fenune  de 
Henri  UI,  princesse  dont  les  grâces  poétiques,  les  vertus 
modestes  n'ont  pas. brillé  de  tout  leur  éclat,  éteintes  trop  vite 
dans  les  larmes  qu'elle  versa  en  si  grande  abondance  lorsque 
son  époux  fut  assassiné,  et  a  qui  ne  tarirent  qu'avec  sa  vie  »  • 

Retirée  au  château  de  Chenonceaux  (1),  elle  y  vécut  comme 

(1)  Le  château  de  Chenonceaux  appartenait  au  comte  et  à  la  comteste 
de  Villeneuve,  grand -père  et  grand*mère  de  la  princesse  Augustin  Ga- 
litzin. «  Il  est  un  beau  lieu,  dit  le  prince,  où  le  souvenir  de  la  reine  Louise 
est  demeuré  vivant,  où  l'on  conserve  précieusement  quelques  vestiges  de 
son  extraordinaire  douleur,  comme  de  sa  suave  piété.  Ce  lieu  est  le  châ- 
teau de  Chenonceaux.  Grâce  aux  soins  de  Mme  la  comtesse  de  Ville- 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  67 

une  sainte,  dans  une  extraordinaire  douleur.  Ensuite,  elle 
se  rendit  en  son  château  de  Moulins,  «  où,  dit  Mezeray,  elle 
s^ adonnait  avec  une  incroyable  ferveur  à  tous  les  exercices 
de  piété  et  menait  une  vie  qui  pouvait  servir  d'exemple  aux 
religieuses  les  plus  réformées.  » 

Sa  correspondance  avec  le  cardinal  d*Ossat,  auquel  elle 
avait  confié  le  soin  de  prouver  à  Rome  que  son  époux  était 
décédé  a  repentant,  confessé  et  absous  »,  révèle  parfaite- 
ment son  âme  et  en  communique  l'émotion. 

«  La  mémoire  de  cette  bonne  reine,  —  dit  le  prince  Galit- 
zin,  en  terminant  le  précis  historique  de  sa  vie,  —  dont  les 
vertus  forment  un  contraste  si  frappant  avec  les'  iniquités 
qu'elle  a  traversées  sans  en  être  souillée,  mériterait  d'ins- 
pirer une  plume  plus  élégante  et  plus  nationale  que  la 
mienne,  mais  qui  ne  saurait,  en  tout  cas,  être  plus  sensible 
aux  vieux  souvenirs  de  la  monarchie  française.  » 

On  le  voit,  ce  cœur  «  passionnément  russe  »,  comme  celui 
de  sa  grand'mère,  avait  aussi  des  cordes  qui  vibraient  pour 
son  pays  d'adoption. 

Ce  serait  m'étendre  trop  que  d*énumérer  les  études  si 
nombreuses,  si  consciencieuses  du  prince  Augustin,  tant 
d'excellentes  œuvres  entreprises  pour  la  gloire  de  Dieu,  et 
toujours  animées  de  ce  brûlant  désir  de  réunion  et  de  paix 
universelle  dont  l'idéal  était  en  lui  et  dont  l'universalité 
catholique  lui  semblait  le  type.  Sans  appartenir  à  aucune 
fraction  d'opinion  comme  celles  qui  tendent  aujourd'hui  à 
diviser  les  catholiques,  il  avait  des  amis  dans  toutes,  allait 
d'une  allure  libre  et  avec  une  indépendance  naturelle  vers 
les  sonmiets  où  se  réalise  l'unité  ;  prenant  pour  les  atteindre 

neave,  la  chapelle  et  les  cellules  des  religieuses  capucines  que  la  reine 
arait  installées  à  Chenonceaux  en  attendant  leur  érection  canonique,  sont 
encore  intactes  ;  la  Révolution,  qui  avait  détruit  toutes  les  richesses  'de 
cette  demeure,  ne  lui  en  a  laissé  que  Tinventaire.  Les  bibliophiles  par- 
courront avec  charme  le  catalogue  de  la  Ubrajrrie  de  la  rcyne  :  ils  re- 
marqueront que  si  les  œuvres  ascétiques  y  abondent,  les  classiques, 
c  couverts  de  maroquin  bleu,  dorez  par  la  tranche^  »  y  ont  également 
bonne  place   i  {Inventaire  de  Chenonceau  en  1603.) 


68  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

toutes  les  routes  offertes  à  son  esprit,  depuis  les  larges 
chemins  ouverts  par  Bossuet  jusqu*aux  plus  sinueux  détours 
des  labyrinthes  de  rascétisme.  Le  surnaturel  lui  semblait 
de  l'essence  de  la  foi.  «  Nous  ne  voyons  rien  de  plus  na^ 
tureU  —  écrit-il  dans  la  préface  de  la  vie  de  saint  Fran- 
çois, —  et  de  plus  conforme  à  la  miséricorde  divine,  que 
ces  éclatants  prodiges  qui  viennent  à  de  fréquents  inter- 
valles récompenser  une  foi  vive,  ou  ramener  dans  des 
cœurs  bons  et  naïfs ,  mais  faibles,  la  foi  ébranlée.  Dieu  se 
montre  à  tous  selon  qu'ils  le  peuvent  voir,  et  ne  se  cache 
qu'à  l'orgueil,  le  père  de  toutes  les  impiétés.  Le  simple  voit 
de  ses  yeux,  touche  de  ses  doigts,  sent  au  contact  de  son 
cœur  le  maître  qu'il  veut  servir  et  glorifier.  » 

Malgré  sa  vie  concentrée  et  laborieuse  le  prince  Augustin 
avait  une  grande  affabilité  envers  tous  ceux  qui  se  rappro- 
chaient de  sa  manière  de  sentir  et  même  envers  ceux  qui  en 
différaient  absolument,  gardant  toujours  ce  point  de  vue  si 
charitable  et  si  chrétien  du  bien  qu'on  peut  opérer  par  un 
affectueux  prosélytisme  lorsqu'il  vient  seconder  la  grâce 
divine.  Ainsi  essaye-t-il,  dans  plusieurs  conférences  avec  un 
trop  célèbre  renégat  du  sacerdoce,  de  le  ramener  aux  senti- 
ments si  beaux  des  prémices  de  sa  carrière.  Voir  se  perdre 
une  belle  àme  était  une  vraie  douleur  pour  lui.  Quelle  joie, 
au  contraire,  il  ressentait  à  constater  les  dons  supérieurs  de 
la  faveur  divine  en  de  certaines  âmes  !  Une  visite  qu'il  eut 
le  bonheur  de  faire  à  l'abbaye  de  Solesmes  était  un  de  ses 
plus  précieux  souvenirs  ;  dom  Guéranger  était  resté  son 
ami.  Si  le  prince  Augustin  avait  appartenu  à  la  génération 
précédente,  il  aurait  peut-être  fait  partie  de  cette  phalange 
de  jeunes  esprits  d'élite  que  Lamennais  entraîna  si  près  de 
l'abinie  où  il  finit  par  tomber  seul  !  Le  prince  Augustin 
aurait  certainement  imité  alors  ceux  qui  furent  plus  tard  ses 

amis,  Lacordaire,  Montalembert la  soumission  étant 

de  l'essence  de  l'humilité,  et  l'humilité  étant  une  vertu 
favorite  d'Augustin.  Il  en  donne  bien  une  preuve  dans 
l'écrit  que  j'ai  cité. 


LE  PRINCE  AUGUSTI^f  GALTTZIN.  69 

a  J'ordonne,  dit-il,  —  qu'on  ne  fasse  aucuns  frais  pour 
mon  enterrement,  qu  il  n'y  ait  que  deux  cierges  auprès  de 
mon  cercueil.  »  Gardons-nous  de  croire  qu'aucun  senti- 
ment moins  parfait  se  soit  glissé  sous  cette  modestie,  et  que 
le  prince  ait  cherché  un  contraste  entre  ce  simple  convoi 
sur  la  terre  d'exil  et  les  honneurs  auxquels  il  aurait  pu  pré- 
tendre dans  sa  patrie.  Non,  cet  ordre  de  simplicité,  c'est 
pure  piété;  c'est  aussi  un  calcul  de  dévotion,  a  Aucuns 
frais,  dit-il,  pour  mon  enterrement  ;  mais,  en  revanche,  je 
désire  qu'on  fasse  dire  beaucoup  de  messes  pour  moi.  »  Et 
comme  il  sait  où  il  faut  aller  pour  avoir  les  bonnes  prières, 
il  veut  qu'on  informe  de  son  décèà  les  monastères  qu'il  a 
aimés.  Les  ordres  religieux  devaient  être  chers  à  une  âme 
si  au-dessus  des  voies  communes.  En  cela,  il  prenait  haut 
ses  modèles  :  «  Saint  Louis,  —  nous  raconte-t-il  dans  sa 
vie  de  saint  François, — aimait  tant  les  ordres  de  Saint-Fran- 
çois et  de  Saint-Dominique  qu'il  avait  coutume  de  dire  que 
s'il  pouvait  se  partager  en  deux,  il  serait  moitié  à  l'un,  moi- 
tié à  l'autre.  Il  leur  légua  ce  à  quoi  il  tenait  le  plus  en  ce 
monde  :  ses  livres,  seuls  objets  de  prix  qui  furent  inven- 
toriés à  sa  mort.  » 

Une  àme  mélancoUque  et  croyante  comme  celle  du  prince 
Augustin  devait  aimer  ces  maisons  de  pénitence  et  de  re- 
traite où  se  cachent  tant  d'éminentes  vertus  et  d'où  rayon- 
nent de  si  hautes  intelligences.  Aussi  leur  demande-t-il  des 
prières.  Il  en  demande  à  la  grande  Chartreuse,  où  il  a  un 
ami  qui  oublie  sous  la  bure  ses  grandeurs  passées,  mais  qui 
n'oubliera  pas  de  prier  pour  son  ami  Augustin  (1).  Il  en 
demande  à  l'abbaye  du  Port-du-Sahit,  aux  trapistes,  à  ces 
lieux  de  douleur  où  trône  vraiment  le  sacrifice,  dans  le 
«  royaume  des  expiations  »,  a  dit  Chateaubriand  en  nous 
racontant  la  vie  de  Rancé,  ce  célèbre  converti,  non  du 
dogme,  mais  des  passions,  ce  grand  pénitent  qui  s'entrete- 

(1)    Comte  de  Nicolaï,  ancien  général  aide  de  camp  de  Tempereur 
Nicolas. 


70  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

nait  sous  les  arcades  des  cloîtres  avec  un  autre  pénitent 
illustre,  le  roi  Jacques  II.  Combien  drames  blessées  et  in- 
quiètes se  sont  réfugiées  dans  cette  Maison-Dieu  !  Bien  des 
gloires  sont  venues  s'y  faire  humbles  quelques  instants.  Là, 
Bossuet  a  préparé  son  catéchisme  de  Meaux  ;  là,  Santeuil  a 
composé  ses  belles  hymnes  ;  là,  ont  pleuré  et  prié  la  sainte 
reine  d'Angleterre,  Marie  d'Esté,  et  la  pieuse  duchesse  de 
Guise. 

Ce  n'est  pas  seulement  aux  religieux  que  le  prince  Ga- 
litzin  demande  des  prières,  c'est  aussi  à  tous  ses  parents  et 
amis,  leur  demandant  pardon,  comme  tout  chrétien  doit  le 
faire,  qui  dit  son  Pater  au  moins  deux  fois  par  jour.  Puis 
il  recommande  ses  enfants  à  son  cousin  le  prince  Paul  Ga- 
litzin. 

Parmi  les  amis  du  prince  Augustin,  beaucoup  Font  pré- 
cédé; son  cœur  est  comme  suspendu  entre  ceux  qu'il  va 
quitter  et  ceux  qu'il  va  rejoindre.  Que  de  noms  aimés 
dans  ce  long  mémento  !  Citons-en  quelques*uns  :  Mgr  de 
Quélen,  ce  prélat  dont  le  souvenir  ne  saurait  s'effacer,  même 
ne  l'ayant  vu  que  dans  la  petite  enfance;  Mgr  Surat,  à  qui 
l'adolescence  d'Augustin  fut  confiée,  martyr  des  atrocités 
de  mai  1871  !  Mme  Swetchine,  la  marquise  de  Ségur  (prin- 
cesse Rostopchine),  deux  amies  de  sa  mère  ;  Berryer,  Mon- 
talembert,  Cochin,  le  père  Lacordaire,  le  père  Gratry,  l'abbé 
Cazalès,  dom  Guéranger,  Mgr  Morlot,  et  tant  d'autres. 
Parmi  ceux  qui  vivent,  je  ne  citerai  qu'un  nom,  cher  entre 
tous  au  prince  Augustin,  celui  de  l'historien  de  Mme  Swet- 
chine, le  comte  de  Falloux.  C'est  à  lui  que  le  prince  Galit- 
zin  confie  la  tutelle  de  ses  enfants  mineurs  ;  il  le  prie  de  les 
aimer  comme  il  a  aimé  leur  père. 

Puis  son  cœur  déborde  en  un  suprême  adieu.  11  recom- 
mande à  ses  enfants  d'écouter  leur  mère.  N'est-ce  pas  dire 
en  un  seul  mot  la  place  qu'elle  tient  dans  la  famille?  Ses 
effusions  plus  intimes  sont  écrites  de  longue  date  pour  la 
chère  compagne  de  sa  vie.  Ne  touchons  pas  à  cette  douleur 
sainte,  toute  saignante  encore.  —  Il  adjure  ses  fils  d'être 


LE  PRINCE  AUGUSTIN  GALITZIN.  71 

supérieurement  honnêtes,  courageux,  confiants  en  Dieu. 
«  Qu'ils  se  souviennent,  dit-il',  qu'il  n'est  qu'un  seul  véri- 
table malheur  en  ce  monde,  c'est  d'offenser  Dieu.  » 

M'omettons  pas  une  ligne  qui  semble  tracée  avec  ses 
larmes  :  «  Je  voudrais  être  enterré  auprès  de  mon  Serge.  » 

Serge  est  un  fils  que  Dieu  lui  a  repris  dans  sa  onzième 
année.  A  défaut  de  la  tombe  natale,  il  sera  doux  au  prince 
Augustin  de  reposer  sous  la  pierre  où  il  a  tant  pleuré.  La 
foi  la  plus  forte  n'ôte  à  la  douleur  ni  les  plaintes  ni  les 
larmes.  L'histoire  de  l'humanité  est  un  long  gémissement 
depuis  Abel  jusqu'à  la  croix,  et  de  la  croix  jusqu'à  nous. 
Aussi  le  symbole  chéri  de  l'Église  et  des  fidèles  est-il  un 
cœur  percé  d'un  glaive  :  cette  chose  humaine  et  divine  qui 
souffre  et  qui  aime. 

Pour  le  prince  Augustin,  toutes  les  peines  aboutissaient 
au  cercueil  de  son  enfant.  C'est  le  jour  anniversaire  de  la 
mort  de  Serge  que  ce  tendre  père  est  tombé  malade.  Le 
danger  s'accrut  tous  les  jours.  Il  lutta  quelque  temps,  car 
il  était  encore  dans  la  force  de  Tàge  ;  mais  résigné  depuis 
longtemps  et  ayant  appris  dès  sa  jeunesse  à  bien  mourir, 
plus  ses  souffrances  devenaient  intolérables,  plus  il  devenait 
saint.  Le  révérend  père  Gagarin,  son  compatriote  et  ami,  le 
voyant  mordre  ses  doigts  jusqu'au  sang  pour  étouffer  ses 
cris,  le  plaignait  tendrement  :  «  Je  ne  souffre  pas  encore 
assez  pour  mes  péchés,  »  répondait  le  prince. 

Lorsqu'il  habitait  son  château  dans  la  Creuse,  il  édifiait 
toute  la  paroisse  par  son  assiduité  aux  offices.  Tous  ceux 
qui  l'approchaient  le  respectaient  et  l'aimaient. 

Pendant  un  voyage  à  Plombières,  il  reçut  la  visite  du  duc 
d'Aumale,  qui  appréciait  en  lui  un  collègue  des  plus  distin- 
gués à  la  Société  des  Bibliophiles^  et  l'honorait  comme  un 
courageux  athlète  de  la  foi.  C'est  à  ce  dernier  titre  plus 
encore  qu'à  son  rang  que  le  prince  Galitzin  dut  la  dernière 
et  précieuse  consolation  de  la  bénédiction  papale  à  l'heure 
de  sa  mort. 

Il  la  méritait  bien.  Ayant  combattu  pour  la  foi,  ayant 


72  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

vécu  dans  la  charité,  il  est  mort  dans  respérance.  Son  der- 
nier root  Tatteste  ;  après  avoir  béni  tous  les  siens  :  «  Adieu  ! 
dit-il;  j'espère  n'être  séparé  de  vous,  que  j'aime  tant,  qu'à 
demi  et  qu'en  apparence  !  » 

Ce  né  sont  pas  seulement  les  personnes  qui  ont  connu 
le  prince  Galitzin  que  j'espère  toucher  par  un  aperçu  de 
cette  belle  vie;  mais  toutes  celles  qui  aiment  à  s'arrêter 
devant  ce  qui  offre  l'image  du  bien,  pour  se  consoler  de 
tout  ce  que  le  monde  présente  de  désolant  à  nos  regards. 

La  comtesse  L.  de  L'E. 


LE  CARDINAL  DE  BÉRULLE 

ET 

LE  CARDINAL  DE  RICHELIEU 

1625-1629. 

Par  M.  l'abbé  Houssaye.  —  Paris,  E.  Plon  et  C%  1875. 

Un  vol.  in-8. 


En  terminant  l'examen  du  second  volume  de  M.  l'abbé 
Houssaye  j'exprimais  l'espoir  que  le  troisième  confirmerait 
ses  conclusions  sur  le  fondateur  des  oratoriens,  et  permet- 
trait de  partager  son  avis  définitif.  Ce  troisième  volume  vient 
de  paraître.  Je  l'ai  lu  avec  un  intérêt  qui,  —  j'en  demande 
pardon  à  l'auteur,  —  tient  autant  aux  faits  exposés  qu'à  la 
façon  dont  ils  sont  exposés.  En  le  fermant,  je  m'aperçois 
avec  tristesse  que  mes  prévisions  m'ont  trompé.  Loin  de 
confirmer  ses  conclusions,  je  juge  au  contraire  son  person- 
nage d'une  façon  directement  opposée  à  la  sienne.  Le  livre 


\ 


LE  CARDINAL  DE  BERULLE.  73 

de  M.  Tabbé  Houssaye  à  la  raain,  je  suis  certain  que  Bé- 
rulle  élait  un  pauvre  homme  d'État,  et  je  me  demande  en 
outre  si  un  prêtre  qui  a  fait  autant  de  politique  et  d'aussi 
mauvaise,  a  été  en  somme  un  bon  prêtre.  Entraîné  par  une 
décevante  apparence  et  jugeant  mal  des  faits  que  M.  Fabbé 
Houssaye  fait  toucher  du  doigt,  j'ai  mis  sur  le  même  rang 
le  cardinal  de  BéruUe  et  ses  confrères  d'Ossat  et  Duper- 
ron.  Je  leur  en  demande  pardon.  Il  n'est  jamais  trop  tard 
pour  confesser  ses  erreurs. 

Le  cardinal  de  Bérulle  était  absolument  dépoui*vu  de  sens 
politique  ;  et,  quand  on  passe  quinze  ans  de  sa  vie  à  tou- 
cher à  la  politique,  c'est  un  tort.  Chaque  page,  chaque  ligne 
de  ce  volume  le  démontrent  clairement  ;  le  second  l'avait 
fait  pressentir.  Des  velléités,  des  prétentions  politiques,  il 
en  a  eu  toute  sa  vie.  Il  n'a  jamais  manqué  une  occasion  de 
s'immiscer  dans  les  affaires  de  l'Etat;  il  y  est  entré  avec 
joie  toutes  les  fois  qu'il  l'a  pu.  Mais  la  résolution  froide  et 
nette  pour  les  conduire  à  leur  fin,  la  clairvoyance  pour  les 
diriger,  la  tension  incessante  de  l'esprit,  la  souplesse  pour 
éviter  les  échecs,  le  moral  pour  les  supporter,  la  pénétra- 
tion dans  le  choix  des  moyens,  la  promptitude  de  décision 
dans  les  circonstances  difficiles,  l'audace  qui  livre  beaucoup 
pour  obtenir  davantage,  il  en  a  absolument  manqué.  En 
m'exprimant  ainsi,  je  fais  l'éloge  de  Bérulle  homme  privé. 
Tant  mieux  pour  lui.  C'était,  je  crois^  un  honnête  homme. 
Dans  ce  cas,  on  mesure  ses  forces,  on  interroge  sa  cons- 
cience avant  de  se  lancer  dans  la  fournaise  ;  et  si  les  forces 
vacillent,  si  la  conscience  hésite,  le  devoir  est  de  reculer  et 
de  conserver  pour  le  demi-jour  de  la  vie  privée  des  vertus 
destinées  à  fondre  comme  cire  et  à  devenir  des  faiblesses, 
pour  ne  pas  dire  plus,  au  feu  des  affaires  publiques.  Que 
Dieu  nous  préserve  de  pareils  honnêtes  gens  pour  la  di- 
rection des  empires  ! 

La  tâche  de  l'auteur,  il  faut  le  reconnaître,  devenait  bien 
délicate.  Après  avoir  étudié  le  fondateur  d'ordres,  il  était 
amené,  par  la  suite  même  du  récit,  à  raconter  l'homme 


«  .A 


74  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

politique  et  à  le  trouver  en  opposition  avec  un  autre  prêtre, 
que  Ton  peut  abandonner  comme  homme  privé,  mais  qui 
restera  le  plus  grand  homme  d^État  de  la  France  :  Richelieu. 
La  comparaison  n'est  pas  possible  entre  les  deux  person- 
nages. La  question,  qui  jusque-là  restait  circonscrite  aux  in- 
térêts religieux,  change  brusquement  d'aspect,  et  il  n'est 
pas  étonnant  que  M.  Tabbé  Houssaye  y  ait  échoué.  Son 
ort  consiste  à  ne  pas  avoir  franchement  avoué  ses  répu- 
gnances à  suivre  Bérulle  sur  un  terrain  qui  nVst  pas  le 
sien.  Plaidant  une  mauvaise  cause,  il  s'est  servi  de  subter- 
fuges qui  nuisent  à  l'avocat  sans  servir  au  client. 

Il  pouvait  se  placer  sur  un  terrain,  je  ne  dis  pas  meil- 
leur, mais  moins  mauvais.  Dans  la  triple  mission  que  Ri- 
chelieu s'est  imposée  et  qu'il  a  poursuivie  avec  la  ténacité 
qui  constitue  sa  grandeur,  il  a  sacrifié  bien  des  intérêts  se- 
condaires, froissé  bien  des  sympathies,  dérouté  bien  des 
croyances.  Les  mémoires  du  temps  fourmillent  de  confi- 
dences de  toutes  les  répulsions  qu'inspirait  son  impitoyable 
clairvoyance.  M.  l'abbé  Houssaye  pouvait  se  faire  l'écho  de 
ces  douleurs;  et  sans  nier  la  grandeur  du  but,  discuter 
l'opportunité  des  moyens.  Il  pouvait  continuer  les  plaintes 
des  victimes  de  Richelieu,  soulever  un  coin  de  la  robe 
rouge.  Ainsi  présentée,  la  cause  eCit  apitoyé  tout  le  monde. 
Les  larmes  désarment  comme  le  rire.  Il  a  préféré  élever 
autel  contre  autel  et  poser  Bérulle  en  rival  de  Richelieu. 
Paradoxe  difficile  à  soutenir  !  Le  titre  même  du  volume  in- 
dique cet  antagonisme  dans  l'esprit  de  l'auteur  :  le  Cardi^ 
nal  de  Bérulle  et  le  Cardinal  de  Richelieu.  N'est-ce  pas 
dés  le  début  résoudre  une  question  de  fond  par  une  ques- 
tion de  forme,  et  forcer  le  lecteur  à  opposer  personnage 
à  personnage?  Et  pourtant  n'est-il  pas  notoire  que  si  Ri- 
chelieu a  eu  des  ennemis,  il  n'a  jamais  eu  de  rivaux,  Bé- 
rulle pas  plus  que  d'autres?  L'éloquence  de  l'abbé  Hous- 
saye —  il  en  a  —  n'y  fera  rien.  La  question  est  jugée. 
Bérulle  a  pu  taquiner  Richelieu  ;  mais  de  là  à  de  l'anta- 
gonisme il  y  a  loin,  et  c'est  en  ce  sens  que  je  trouve  au 


LE  CARDINAL  DE  BÉRULLE.  75 

titre  du  volume  une  prétention  que  les  faits  ne  justifient 
pas.  J'arrive  à  leur  examen. 

Le  mariage  de  Charles  P*"  avec  Henriette  de  France  est 
conclu,  et  Bérulle  est  désigné  pour  accompagner  la  jeune 
reine  dans  sa  nouvelle  patrie  et  lui  continuer  en  pays  pro- 
testant les  consolations  de  la  foi  catholique  (1625).  Le 
choix  était  tout  indiqué  :  un  des  instigateurs  les  plus  actifs 
de  ce  mariage  devait  naturellement  rester  auprès  d'Hen- 
riette de  France.  Mais  Bérulle  n^était  pas  depuis  trois  mois 
en  Angleterre^  que  sa  conduite  faisait  regretter  ce  choix. 
En  conseillant  maladroitement  la  reine,  en  exerçant  sur 
elle  une  influence  qu'il  avait  sans  doute  reprochée  souvent 
à  ses  ennemis  les  jésuites,  il  n'avait  abouti  qu'à  lui  aliéner 
le  cœur  de  son  mari,  à  lui  donner  Buckingham  comme 
ennemi  déclaré  et  le  peuple  anglais  tout  entier  comme  en- 
nemi secret.  Ici  la  foi  du  prêtre  trouble  l'impartialité  du 
juge  ;  et,  si  les  motifs  pour  lesquels  M.  Houssaye  se  trompe 
sont  respectables,  il  ne  s*en  trompe  pas  moins  absolu- 
ment. C  Angleterre  est  protestante  par  essence,  protestante 
jusqu^aux  moelles.  Les  manifestations  extérieures  du  culte 
catholique  que  Bérulle  et  ses  compagnons  prenaient  plai- 
sir à  exagérer,  devaient  lui  inspirer  une  invincible  répul- 
sion, et  répétés  fréquemment,  prendre  le  caractère  de  la 
provocation.  Charles  1^'  était  un  triste  mari ,  cela  parait  cer- 
tain. La  jeune  reine  de  seize  ans,  que  l'auteur  nous  repré- 
sente comme  ayant  un  caractère  assez  difficile  et  assez  peu 
sympathique,  dut  essuyer  bien  des  larmes,  faire  de  bien 
douloureuses  confidences  à  son  directeur  :  j^en  suis  con- 
vaincu. Mais  n'est-il  pas  évident  également  que  Bérulle 
conçut  l'espoir  de  profiter  du  rôle  de  confident,  et  qu'il 
entrevit  la  possibilité  de  gouverner  par  la  reine  le  faible  et 
astucieux  Charles  P^  ?  Le  plan  était  ingénieux,  l'exécution 
(lit  maladroite.  Richelieu,  dans  ses  Mémoires^  se  plaint  que 
l'antipathie  du  roi  d'Angleterre  pour  sa  femme  ait  été 
entretenue  par  Bérulle.  L'honnête  Mme  de  Motteville  est 
du  même  avis;   et  les  dénégations  de  l'auteur  sont  trop 


76  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

gênées  pour  convaincre  du  contraire.  Lorsque  Buckingham 
se  plaignait  au  roi  de  France  que  le  supérieur  de  l'Oratoire 
conspirait  contre  sa  fortune  et  sa  vie,  il  ne  se  trompait  que 
de  moitié  :  la  vie,  non;  la  fortune,  oui. 

Dés  le  début,  la  visée  de  Bérulle  se  manifeste  clairement. 
Il  voulut  faire  servir  Tinfluence  féminine  à  la  réussite  de  ses 
projets  et  au  succès  de  sa  fortune.  La  chose  n'était  pas 
nouvelle  dans  les  ordres  sacrés.  Richelieu,  auprès  de  lui, 
lui  en  fournissait  l'exemple;  et  trente  ans  plus  tard,  Ma- 
zarin  ne  devait  pas  avoir  d'autre  appui.  Connaissant  son 
action  sur  les  femmes  et  trouvant  autour  de  lui  une  légion 
de  dévouements  discrets  et  absolus,  il  est  tout  simple  qu'il 
ait  songé  à  employer  cette  faculté  et  cette  force  au  gou- 
vernement des  choses  humaines.  Sa  conception  n'était  pas 
téméraire  ;  elle  a  péché,  je  le  répète,  par  l'exécution.  Bé- 
rulle a  manqué  d'audace;  les  scrupules  Tout  arrêté.  En- 
core une  fois,  tant  mieux  pour  lui.  Un  an  après  son  séjour 
en  Angleterre,  Charles  P""  congédiait  avec  ces  mois  les 
Oratoriens  qui  entouraient  la  reine  :  «  Je  vous  donne  votre 
congé  parce  que  je  n'ai  cru  pouvoir  posséder  absolument 
ma  femme  tant  que  vous  seriez  auprès  d'elle.  »  En  rega- 
gnant la  France,  Bérulle  laissait  le  roi  plus  aigri  contre  la 
reine,  Buckingham  plus  puissant  que  lors  de  son  arrivée, 
l'Angleterre  frémissant  contre  les  entreprises  du  papisme, 
et  le  Parlement  résolu  à  revendiquer  par  la  force  les  liber- 
tés de  TAngleterre.  Sa  conduite  n'avait  abouti  qu'à  compro* 
mettre  sa  fortune  et  desservir  son  pays.  Richelieu  est  excu- 
sable de  s'être  souvenu  de  ce  résultat  dans  ses  Mémoires. 
Ce  ne  sont  pas  de  pareils  auxiliaires  qui  pouvaient  cimenter 
son  alliance  avec  l'Angleterre  dans  sa  lutte  contre  la  maison 
d'Autriche. 

Cette  lutte  contre  Richelieu  se  sent,  et  se  découvre  par- 
fois, dans  toute  la  vie  de  Bérulle.  Les  amis  de  l'un  sont  tou- 
jours les  ennemis  de  l'autre  :  Michel  de  Marillac,  Marie  de 
Médicis,  Gaston  d'Orléans  sont  ses  intimes;  ses  préférences 
sont  là.  Il  échafaude  sur  eux  ses  espérances  à  la  succession 


LE  CARDINAL  DE  BÉRULLE.  77 

éventuelle  du  premier  ministre  ;  ne  se  rendant  pas  compte 
qu'en  s'appuyant  sur  le  roi  Richelieu  s'appuyait  sur  la 
France;  tandis  qu'en  se  faisant  le  client  de  Gaston  et  de 
Marie  de  Médicis,  lui,  Bérulle,  le  devenait  de  l'étranger. 

Richelieu  entreprend  le  siège  de  la  Rochelle  (1627),  me- 
naçant à  la  fois  le  protestantisme  et  les  derniers  vestiges  de 
la  féodalité.  Il  manque  d'argent,  et  pour  en  obtenir  con- 
voque une  assemblée  du  clergé  et  sollicite  auprès  d'elle  ce 
que  Ton  appelait  le  don  gratuit.  C'était  la  part  contributive 
du  clergé  dans  les  charges  communes.  Inmiédiatement  se 
manifeste  une  opposition  dont  Bérulle  est  Tâme.  M.  l'abbé 
Houssaye  la  nie  et  affirme  qu'elle  n'a  jamais  existé  que  dans 
l'esprit  de  Henry  de  Sourdis,  le  célèbre  archevêque  de 
Bordeaux,  le  grand  homme  de  mer  du  temps,  j&Ioux  de 
Bérulle  et  le  calomniant  auprès  de  Richelieu.  Comment!  Ri- 
chelieu aurait  été  si  facile  à  influencer.»^  Et  c'est  sur  les 
propos  d'un  tiers  qu'il  avait  l'habitude  de  juger  les  hom- 
mes ?  M.  l'abbé  Houssaye  doit  renoncer  à  faire  accepter 
cette  argumentation.  Quant  au  langage  de  Sourdis,  il  était 
peut-être  soldatesque,  mais  il  appelait  les  choses  par  leur 
nom.  C'est  un  tort,  je  le  sais. 

Et  puisque  je  parle  de  langage,  je  voudrais  pouvoir  citer 
in  extenso  l'admirable  et  patriotique  objurgation  adressée 
par  Louis  XIU  à  ces  prélats  qui,  pour  sauvegarder  leurs  ri- 
chesses, lui  refusaient  les  moyens  de  chasser  les  Huguenots 
de  la  Rochelle  et  de  consolider  l'unité  de  la  France.  On  y 
sent  vibrer  à  chaque  mot  l'àme  de  la  patrie.  En  voici  la 
péroraison  :  «  Ce  sera  une  grande  honte  du  clergé  qu'on 
dise  par  toute  la  France  qu'il  n'y  aura  eu  que  lui  et  les  hu- 
guenots qui  n'aient  pas  contribué  au  siège  de  la  Rochelle. 
Vous  me  remontrez  votre  nécessité.  Et  n'étes-vous  pas  tant 
de  prélats  et  autres  ecclésiastiques  qui  avez  des  cent,  des 
vingt-cinq,  des  trente  mille  livres  de  rente  ?  C'est  sur  ceux-là 
qu'il  faudrait  lever  les  décimes  et  non  sur  les  pauvres 
curés.  » 

D'aussi  graves  sujets  ne  prêtent  pas  à  rire.  Mais  l'on  se 


78  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

demande  si  le  respectable  auteur  de  ce  livre  parle  sérieuse- 
ment quand  il  assure  (page  237)  que  la  fille  de  Mme  Aca- 
rie,  la  mère  Marguerite  du  Saint-Sacrement,  avait  prédit  la 
prise  de  la  Rochelle  et  que  «  le  cardinal-mioistre  prêtait  To- 
reille  à  ces  voix  du  cloître  et  y  prenait  confiance  » .  Un  peu 
plus  loin,  il  cite  sans  sourciller  une  lettre  de  Richelieu  à 
Bérulle,  dans  laquelle  Thomme  pratique  expose  son  dessein 
de  prendre  la  ville  «  en  la  pétardant  par  le  canal  et  le  port  ». 
Bérulle  répond  sérieusement  qu^il  faut  surtout  «  prier,  at- 
tendre et  espérer  »,  Que  penserait  M.  Tabbé  Houssaye  de 
Richelieu  s'il  avait  suivi  le  conseil?  Le  père  Joseph  en  don- 
nait d'autres.  Mais  devant  un  pareil  affaissement  Ton  est  en 
droit  de  se  demander  si  les  communications  de  Richelieu  à 
Bérulle  n'étaient  pas  une  raillerie.  Toujours  est-il  que  la 
prière  fut  remplacée  par  des  travaux  d'approche,  l'espé- 
rance par  des  bombardes,  et  qu'au  bout  de  quelques  mois, 
la  prise  du  dernier  boulevard  de  Tinsurreetion  venait  con- 
firmer la  supériorité  des  moyens  de  Richelieu. 

11  serait  facile  de  multiplier  les  citations  où  la  faiblesse 
du  plaidoyer  devient  gênante.  Je  ne  citerai  que  le  passage 
qui  a  trait  à  l'élévation  de  Bérulle  au  cardinalat,  et  à  la  fa- 
çon dont  il  en  reçut  la  nouvelle.  Tous  les  artifices  litté- 
raires,  toutes  les  ressources  de  la  rhétorique  sont  employés 
pour  démontrer  qu'il  ne  souhaitait  pas  cet  honneur;  et 
qu'il  l'accepta  par  humilité  et  tout  en  le  regrettant.  «  Toutes 
les  dignités,   même  ecclésiastiques,  ont  quelque  chose  de 
vain,  mais  de  malfaisant,   et  il  faut  s'en  garder  comme 
l'on  se  garde  des  ennemis,  »  répond-il  à  des  félicitations 
amicales.  Et  à  force  d'insister  sur  cette  humilité,  à  force  de 
vouloir  en  convaincre  le  lecteur,  l'auteur  dépasse  le  but  et 
fait  sourire  d'assertions  trop  soulignées.  «  Eh!  pourquoi 
acceptait-il  ces  fonctions?  a-i-on  envie  de  s'écrier.  Qui  l'y 
contraignait  ?  Il  est  si  simple  de  les  refuser.  »  Combien  est 
préférable  la  réponse  de  la  mère  de  Bérulle,    qui  vivait 
encore  sous  le  voile  d'une  carmélite.  C'est  le  langage  des 
vrais  désabusés.  <•  J'aurais  bien  peu  profité  de  la  religion  si 


LE  CARDINAL  DE  BÉRULLE.  79 

je  me  réjouissais  des  grandeurs  de  la  terre.  »  Voilà  la  note 
simple  et  juste. 

Veut-on,  par  un  détail,  juger  de  cette  modestie?  Consul- 
tons le  budget  de  Béiiille  établi  par  Tabbé  Houssaye. 
«  Afin  de  faire  face  aux  dépenses  les  plus  urgentes,  depuis 
«  un  présent  de  1000  écus  au  sieur  Piccolimini,  jusqu^à 
«  Tachât  d'un  service  de  vaisselle  plate  du  prix  de  10  000  H- 
«  vres,  il  avait  dû  puiser  dans  la  bourse  de  son  frère,  le- 
«  quel  marié  et  père  de  famille,  commençait  à  trouver  que 
«  le  cardinalat  lui  coûtait  cher.  Si  modeste  cT ailleurs  que 
«  fut  le  train  du  nouveau  prince  de  V Eglise ^  il  s'élevait  en- 
c<  core  à  une  somme  ruineuse.  En  moins  de  deux  ans, 
«  M.  de  Bérulle  avait  dépensé  plus  de  80  000  livres  :  où 
«  les  prendre  ?  Le  Roi  lui  avait  bien  accordé  pour  frais 
«  d'installation  1 8  000  livres  une  fois  payées,  puis  une 
«  pension  annuelle  du  même  chiffre.  C'était  absolument 
«  insuffisant.  Pressé  par  ses  amis  et  par  la  nécessité,  M.  de 
«  Bérulle  avait  consulté  le  pape,  qui,  après  l'avoir  relevé 
u  de  son  vœu  de  refuser  tous  les  bénéfices,  lui  enjoignit 
«(  d'accepter  ceux  qu'on  lui  offrirait.  (Le  pauvre  homme  !) 
«  Le  grand  prieur  de  Vendôme  étant  mort  sur  ces  entre- 
u  faites,  Louis  XIII  donna  à  M.  de  Bérulle  les  deux  plus 
a  riches  abbayes  de  cette  succession,  celle  de  Marmoutier 
«  et  celle  de  Saint-Lucien  de  Beauvais....  Avant  d'écrire  au 
«  Roi,  il  avait  voulu  témoigner  toute  sa  gi^atitude  à  Riche- 
u  lieu,  a  Monseigneur,  vous  continuez  à  m' obliger  avec 
c(  tant  d'excès,  lui  disait-il,  que  j'en  reçois  plus  de  confu- 
tt  sion  que  de  contentement.  »  Tant  de  reconnaissance  et  de 
«  modestie  ne  désarma  pas  Richelieu.  (Je  le  crois  sans 
«(  peine.)  Il  trouva  le  moyen  d'insérer  dans  le  brevet  une 
tt  clause  tout  à  fait 'insolite  et  véritablement  injurieuse,  à 
«  savoir  :  que  ces  deux  bénéfices  ne  pourraient  jamais  être 
a  unis  à  la  congrégation  de  l'Oratoire.  »  Tout  ce  que  je 
veux  retenir  de  ce  passage,  c'est  que  Bérulle  avait  dépensé 
plus  de  80  000  livres  en  deux  ans.  Or,  80  000  livres  en 
1628  équivalent  à  près  de  1  000  000  en  1876.  C'est  donc 


^ 


80  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

500000  livres  par  an  que  lui  avaient  coûté  ces  fonctions 
qu'il  n'avait  acceptées  que  par  devoir.  Bérulle  faisait  bien 
les  choses,  il  agissait  certainement  en  gentilhomme  ;  mais  je 
comprends  que  son  frère  trouvât  que  la  barrette  lui  coûtait 
cher. 

Je  m'en  voudrais  de  terminer  sur  ces  critiques  et  de 
laisser  une  fâcheuse  impression  sur  un  livre  où  tout  n'est 
pas  à  blâmer,  tant  s'en  faut.  Il  redevient  intéressant  quand 
il  retourne  à  Tétude  de  Bérulle,  homme  d'église  et  fonda- 
teur d'ordres,  quand  il  nous  le  montre,  employant  une 
remarquable  fécondité  de  ressources  et  une  activité 
prodigieuse  à  organiser  des  succursales  à  Saint-Denis,  à 
Angers,  à  Màcon,  à  Tours,  Bordeaux,  Saintes,  le  Mans, 
Saumur,  Nantes,  Toulon.  Là,  ces  facultés  se  développent 
et  brillent  d'un  éclat  sans  tache  et  sans  éclipse.  C'est  peut- 
être,  je  le  répète,  ce  qui  Ta  perdu.  Reconnaissant  sa  supé- 
riorité à  subjuguer  des  imaginations  aussi  fantasques  et  des 
volontés  aussi  insaisissables  que  celles  des  femmes,  il  se  sera 
dit  que  la  société  civile  ne  devait  pas  être  plus  difficile  à 
dominer,  et  que  quand  on  avait  dirigé  les  Carmélites  et  les 
Oratoriens  on  était  suffisamment  préparé  à  gouverner  la 
France.  Le  diable,  qui  est  bien  maUn,  attendait  là  Bérulle 
et  lui  a  fait  payer  un  peu  cher  ce  mouvement  de  vanité. 

L'intérêt  se  développe  et  s'accroît  dans  le  chapitre  consa- 
cré aux  Etudes  de  rOratoire.  Je  l'ai  relu  deux  fois.  Person- 
nage et  historien  sont  là  sur  leur  terrain,  et  l'intérêt  découle 
naturellement  de  la  narration.  Je  l'ai  déjà  dit  :  en  formant 
le  projet  d'élever  des  prêtres  destinés  à  l'éducation  des  en- 
fants, Bérulle  devait  compter  sur  l'hostilité  des  deux  corpo- 
rations dont  c'avait  été  jusque-là  le  monopole,  qui  jouis- 
saient d'une  possession  d'état  et  n'étaient  nullement  dis- 
posées à  se  la  laisser  enlever  sans  une  lutte  acharnée  : 
l'Université  et  les  Jésuites.  Pour  lutter  contre  elles,  il  y  avait 
un  moyen  bien  simple  et  dont  TefFet  est  immanquable  ; 
c*était  de  faire  absolument  le  contraire.  Le  public  français 
se  laisse  toujours  prendre  aux  oppositions.   Bérulle   était 


LE  CARDINAL  DE  BÉRULLE.  81 

trop  adroit  pour  manqner  à  cette  règle.  Il  faut,  d'ailleurs, 
loi  rendre  cette  justice  qu'en  fait  de  systèmes  pédagogiques 
il  a  précédé  Port-Royal  dans  ce  que  les  réformes  ont  pré- 
senté de  plus  légitime  et  de  plus  rationnel.  L'usage  du  Fran- 
çais remplaça  celui  du  latin,  la  terminologie  barbare  et  pé- 
dantesque  des  anciens  grammairiens  disparut  au  bénéfice 
du  langage  familier.  Au  lieu  de  mettre  de  l'absinthe  sur  les 
bords  de  la  coupe,  on  y  versa  du  miel.  Les  jésuites,  excel- 
lents latiuistes  et  hellénisants  remarquables,  étaient  confon- 
dus. La  réforme  n'était  pas  moins  radicale  dans  les  hautes 
études  que  dans  l'instruction  primaire.  Le  dogmatisme 
d'Aristote  était  abandonné  an  profit  de  la  méthode  expéri- 
mentale et  du  scepticisme  audacieux  qa'un  obscur  capitaine 
tourangeau,  Descartes,  allait  préconiser  dans  un  livre  immor- 
tel.  Du  coup,  la  vieille  Sorbonue  trembla  sur  ses  bases,  les 
révérends  pères  s'associèrent  à  elle  ;  et  bien  en  prit  à 
Bérulle  d'être  en  faveur  à  la  cour,  pour  ne  pas  sentir  les 
coups  du  bras  séculier.  On  vous  pendait  haut  et  court  pour 
moins  que  cela.  Chose  singulière,  mais  indubitable,  si, 
lorsque  le  Traité  de  la  Méthode  parut  en  1637,  Descartes 
n'eut  pas  à  supporter  de  poursuites  de  la  part  de  la  Sor< 
bonne,  si  son  livre  rencontra  un  accueil  aussi  favorable,  il 
faut  en  chercher  la  cause  dans  les  progrès  que  l'enseigne- 
ment de  l'Oratoire  avait  fait  faire  de  ce  côté.  L'éducation 
publique  était  complète,  les  esprits  préparés,  Pascal  et 
Descartes  pouvaient  marcher  droit  devant  eux.  La  gloire  en 
revient  à  Bérulle. 

Bérulle  a  eu  un  dernier  bonheur  qui  a  manqué  aux  plus 
grands  génies  et  que  la  Providence,  apparamment,  ne  ré- 
serve qu'à  ses  élus.  Il  est  bien  mort  et  il  est  mort  à  temps. 
Le  2  octobre  1629,  il  célébrait  la  messe  à  l'Oratoire,  lors- 
qu'en  prononçant  la  formule  d'oblation  de  l'hostie,  il  s'af- 
faissa dans  les  bras  des  assistants.  On  voulut  le  rappeler 
à  lui,  il  était  mort.  Il  avait  cinqnante-quatre  ans.  Pour 
l'homme  politique  le  moment  était  des  plus  opportuns.  Une 
année  plus   tard,    la  Journée  des    Dupes  (il    novembre 


82  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

1630)  allait  débarrasser  Richelieu  de  ses  ennemis ,  en- 
voyer Marie  de  Médicis  en  exil,  Marillac  à  réchafaud, 
Gaston  d*Orléans  à  l'étranger,  ses  amis  à  la  Bastille,  et 
Ini  donner  une  omnipotence  que  Louis  XIV  a  seul  égalée. 
Que  fàt  devenu  Bérulle  au  milieu  de  cette  étrange  bagarre? 
Aurait-il  suivi  ses  amis  et  joué  le  rôle  d*un  rebelle?  Il  ris- 
quait sa  tête,  et  Richelieu,  quand  il  avait  gagné,  n'hésitait 
pas  à  prendre  les  enjeux*  Aurait-il  plié  sous  Tascendant  du 
premier  ministre  ?  Il  se  déshonorait  et  s'annulait.  Il  n'a  pas 
eu  à  choisir,  la  mort  Ta  délivré  de  cette  alternative. 

Pour  le  prêtre  catholique  il  est  impossible  de  souhaiter 
une  plus  belle  fin.  Au  point  de  vue  du  dogme,  mourir 
avant  la  communion,  c'est  disparaître  au  moment  où  l'àme 
est  rachetée  ;de  toutes  les  souillures  du  péché  et  prête  à 
paraître  dans  sa  robe  d'innocence  sous  les  yeux  du  sou- 
verain juge.  Bérulle  a  dû  se  croire  un  élu  de  Dieu, 
et  qui  sait  s'il  ne  Tétait  pas?  Je  le  tépéte,  il  est  bien 
mort. 

Je  me  résume.  L'allure  de  ce  dernier  volume  est  gênée 
et  contrainte.  L'auteur  est  mal  à  l'aise  avec  son  personnage. 
Il  devient  manifeste  qu'en  entreprenant  de  raconter  la  vie 
de  Bérulle,  il  ne  songeait  qu'au  directeur  de  couvent  et  au 
réformateur  du  Carmel,  et  n'était  pas  préparé  à  la  rencontre 
de  l'agent  politique  de  l'opposition.  De  là  le  défaut  de  ce 
volume.  Il  manque  de  perspective  et  d'ensemble.  L'auteur 
est  exact  dans  la  narration  des  faits,  mais  il  les  isole  de  leur 
milieu,  il  laisse  ignorer  comment  et  pourquoi  ils  arrivent. 
C'est  un  tableau  où  il  n'y  a  ni  accessoires  ni  fond  pour  faire 
valoir  la  figure  principale.  On  ne  peut  invoquer  pour  la  dé- 
fense de  l'abbé  Houssaye  son  ignorance  des  conditions  de 
l'histoire.  Chaque  page  de  son  livre  protesterait  contre  cette 
argumentation  D'où  vient  donc  cette  démarche  embarras- 
sée, hésitante  ?  Je  le  répète  :  c'est  que  tout  en  reconnaissant 
les  lacunes  et  les  faiblesses  de  son  héros,  l'auteur  s'est  ef- 
forcé de  donner  le  change  au  lecteur  en  passant  sous  silence 
l'origine  ou  la  cause  de  ces  faiblesses.   Que  celui  qui  n'a 


LE  CARDINAL  DE  BÉRULLE.  85 

jamais  eu  à  rougir  de  ses  affections  lui  jette  la  première 
pierre. 

L.  Clément  de  Ris. 


REVUE  CRITIQUE 


DE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 


La  vie  au  temps  des  cours  d'amour,  diaprés  les  chroniques, 
fabliaux,  etc.,  par  A.  Meray,  Paris^  Claudirij  1876;  1  vol. 
in-8**  de  376  pages.  Prix  :  7  fr.  50  c;  grand  papier,  12  fr. 

Dans  un  précédent  et  très-curieux  volume,  M.  Antony  Meray 
a  raconté  et  décrit  la  vie  de  nos  pères  au  temps  des  Trouvères. 
Aujourd'hui,  il  nous  introduit  dans  les  cours  d'amour.  M.  Meray 
s'est  proposé  avec  un  vrai  succès  de  tracer  une  suite  de  tableaux 
variés  où  sont  retracées  les  habitudes  sociales  de  nos  aïeux ,  et 
a  particulièrement  étudié  l'influence  civilisatrice  de  nos  mères 
dans  ces  temps  reculés  de  notre  histoire.  C'est  surtout  l'histoire 
des  femmes  à  l'époque  des  croisades  que  nous  trouvons  dans  cet 
intéressant  volume  :  la  meilleure  part,  comme  l'auteur  a  soin  de 
le  faire  remarquer,  a  été  employée  à  mettre  en  relief  la  piquante 
physionomie  et  ces  vaillantes  femmes  de  France,  parvenues  à  re- 
conquérir l'influence  légitime  que  le  droit  du  plus  fort  semble 
avoir  voulu  leur  enlever.  M.  Meray  a  eu  fort  à  faire  pour  airiver 
à  composer  un  récit  sérieux  et  complet  sur  un  sujet  dont  chacun 
parle,  mais  qu'on  n'avait  pas  jusqu'à  lui  étudié  véritablement  : 
c'est  en  dépouillant  les  chroniques,  les  chansons  de  geste,  les  jeux- 
partis,  les  fabliaux,  avec  une  énergique  persévérance,  qu'il  est 
parvenu  à  donner  un  corps  à  ces  souvenirs  qui  retracent  sous  un 
jour  vrai  la  société  féodale  dans  son  intimité.  M.  Meray  a  été 


8^  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

amené  à  reconnaître  que  les  cours  d'amour  ont  été  le  seul  remède 
efficace  pour  tempérer  Tabus  des  professions  errantes  de  nos  tur- 
bulents ancêtres,  toujours  à  ]a  recherche  des  aventures  péril- 
leuses ou  romanesques  :  «  Chevaliers ,  écuyers ,  servants  d*armes, 
ribauds  soudoyés,  jusqu'aux  simples  manants  (1),  parvenus  à  se 
faire  enrôler  à  la  suite  de  quelque  seigneur,  tous  cherchaient 
l'occasion  de  vagabonder,  afin  d'acquérir  Tor  et  butin.  Et  certes 
les  occasions  ne  manquaient  pas  :  les  croisades  contre  les  héré- 
tiques du  Midi,  contre  les  Sarrasins  d'Espagne  et  d'Orient,  les 
lointains  pèlerinages,  les  vœux  à  accomplir ,  les  caprices  person- 
nels, les  torts  imaginaires  à  redresser,  les  passes  d'armes  en  tour- 
nois, tout  contribuait  à  solliciter  l'humeur  nomade  de  nos  fantas- 
ques aïeux.  » 

Pendant  ce  temps  les  femmes  demeuraient  aux  logis,  privées 
de  leurs  soutiens  naturels ,  obligées  de  garder  elles-mêmes  leurs 
foyers,  souvent  sérieusement  menacés.  C'est  ainsi,  suivant  M.  Me- 
ray,  qu'elles  ont  été  amenées  à  «donner  un  but  de  défense  à 
leurs  sourires  »  et  à  ce  graduer  leurs  menues  faveurs  pour  faire 
patienter  les  appétits  des  prétendants».  Elles  tentèrent  avec  succès 
d'amollir  la  rudesse  de  ces  trop  vaillants  compagnons  et  d'enterrer 
leurs  importunités,  souvent  sauvages,  dans  les  procédures  d'un 
code  d'amour  dont  elles  s'étaient  constituées  les  gardiennes  et  les 
interprètes.  Elles  atteignirent  leur  but,  et  leur  attitude  fut  si  bien 
comprise,  que  Blanche  de  Castille,  abandonnée  à  elle-même,  ne 
sut  mieux  faire  qu'imiter  l'exemple  courtois  de  ses  vassales. 

M.  Meray  a  composé  un  travail  vraiment  neuf  et  complet.  Il 
s'est  initié  aux  divertissements  de  nos  aïeux  :  chasses  au  bois, 
pèche,  «  fauconnerie,  jeux  d'adresse,  dés  et  échecs,  déduits  joyeux, 
jeux  sur  l'ormel ,  jeux -partis  »  ;  il  nous  conduit  dans  les  cours 
d'amour  qui  n'ont  aucun  secret  pour  lui,  en  analyse  le  code,  en 
étudie  les  arrêts  en  ayant  soin,  comme  nous  l'avons  dit,  d'insister 
sur  les  sérieuses  raisons  d'être  de  ces  divertissements  ;  il  nous  dé- 
crit avec  une  profonde  érudition  la  vie  dans  les  châteaux,  la  vie 

(1)  Nous  sommes  surpris  qu*un  ërudit  comme  M.  Meray  emploie  le 
terme  manant  dans  un  sens  dédaigneux  :  ce  mot,  au  moyen  âge,  dési- 
gnait uniquement  Phomme  qui  demeurait,  du  Terbe  manere^  dans  tel 
endroit,  et  toutes  les  lettres  royales  portaient  la  suscription  u  bourgeois 
et  manants  »,  sans  aucune  pensée  méprisante  pour  ceux-ci;  cette  si- 
gnification est  relativement  toute  moderne. 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.     85 

commerçante  des  villes  ;  nous  décrit  «  les  ruses  du  commerce  au 
temps  féodal»,  en  ouvrant  un  chapitre  très -curieux  au  rôle  de  la 
femme  au  milieu  de  cette  société  si  différente  de  la  nôti*e.  Ce 
livre,  nous  le  répétons,  est  neuf,  original  et  très-bien  fait, 

E.  DE  Barthélémy. 


OEuvres  d'Alfred  de  Musset,  édition  Lemerre.  —  Poésies^ 

2  vol.  de  404  et  334  pages. 

On  connaît  le  mot  d'un  Spartiate  à  ce  sophiste  qui  entamait 
im  panégyrique  d'Hercule  ;  à  quoi  bon  ?  qui  donc  s'avise  de  le 
blâmer  ?  Tout  éloge  du  talent  d'Alfred  de  Musset  semble  pareille- 
ment superflu.  Nous  connaissons,  nous  n'avons  que  trop  goûté, 
tous ,  tant  que  nous  sommes ,  le  charme  exquis  et  pénétrant  de 
cette  poésie,  reflet  embelli  des  soufirances  morales,  des  doutes 
de  Thumanité  au  dix-neuvième  siècle.  L'auteur  de  Roila  est  au- 
jourd'hui proclamé  entre  les  plus  grands  de  l'ère  romantique, 
supérieur  à  des  écrivains  auxquels  ses  contemporains  n'eussent 
jamais  osé  le  comparer,  même  à  ce  «  Lamartine  vieilli  qui  le 
traitait  en  enfant».  Prudhon  aussi  était  considéré  comme  peu  de 
chose,  de  son  vivant,  auprès  de  Gérard  et  de  Girodet  ! 

La  nouvelle  et  très-jolie  édition  de  M.  Lemerre  formera  dix 
volumes  petit  in-douze,  dont  deux  ont  déjà  paru.  Il  y  a  quelques 
années,  im  autre  éditeur  voulut  aussi  élever  un  monument  typo- 
graphique à  la  mémoire  de  Musset.  Mais  il  eut  la  malheureuse  idée 
d'adopter  un  format  pas  trop  monumental  ;  très-grand  in-octavo, 
presque  in-quarto,  comme  pour  un  Père  de  l'Eglise!  Dans  ce 
cadre  trop  vaste ,  les  mignonnes  créations  du  poète  flottent  épar- 
pillées, dépaysées.  Le  Chandelier  se  fait  candélabre  (agrandisse- 
ment peu  convenable)  ;  le  Spectacle  dans  un  fauteuil  semble  trans- 
féré en  plein  cirque.  Vous  figurez- vous  ces  fines  miniatures, 
Barberine,  Bemerette,  Fortunio,  regardées  au  microscope  ? 

Si  jamais  poète  fut,  au  contraire,  prédestiné  aux  honneurs  de 
l'impression  elzévirienne^  c'est  bien  celui-là  !  L'édition  de  Lemerre 
mérite  cette  qualification  dont  on  avait  fort  abusé,  dans  ces  der- 
niers temps^  pour  des  produits  qui  feraient  reculer  d'horreur  les 
célèbres  typographes  du  dix-septième  siècle.  Les  caractères  adop- 
tés pour  ce  Musset  font  honneur  à  la  maison  Claye  ;  ils  rappeUent 


!..•' 


86  BULLETIN  DU  BlBLIOPfflLK. 

ceux  du  charmant  Tacite  de  1634.  A  rélégance,  cette  édition  joint 
le  mérite  de  la  correction.  Nous  nous  permettrons  toutefois  d'y 
signaler  une  petite  faute,  qui  semble  avoir  été  laissée  exprès, 
comme  le  fameux  Pars  secundus  dans  le  Digeste  de  i66i,  pour 
distinguer  la  bonne  édition  des  contrefaçons  futures.  Cette  faute 
se  trouve  dans  la  deuxième  strophe  de  Mimi  Pinson  (t.  II,  304)  ; 
chanson  publiée  pour  la  première  fois,  avec  la  musique  de  Bérat, 
dans  le  Diable  à  Paris  : 

Mimi  Pinson  porte  une  rose, 
Une  rose  blanche  au  côté. 
Cette  fleur  dans  son  cœur  ëclose 

Landerirette  ! 

C'est  la  gaît^  : 

Musset  a  écrit  :  est  la  gaîté ,  et  ne  pouvait  faire  autrement. 
Pourquoi,  dans  cette  chanson  à  mettre  en  musique,  aurait-il  été 
rechercher  à  plaisir  cette  altération  de  rhylhme,  ce  choc  de  con- 
sonne, qu'il  a  eu  soin  d'éviter  dans  toutes  les  autres  strophes? 

C'est  en  4845  que  l'aimable  et  dangerereux  poète  ébauchait» 
d'une  main  déjà  affaiblie,  ce  joli  profil  de  grisette.  Depuis,  on  a 
été  vite  et  loin  dans  les  voies  de  la  décadence.  De  Mimi  Pinson, 
guerroyant  en  casaquin,  et  montant  la  garde  avec  son  poinçon 
pendant  les  journées  de  Juillet,  on  a  dégringolé  aux  abominables 
pieS'grièches  de  la  Commune  I  Chez  Musset,  le  scepticisme  est 
intermittent  et  comme  honteux  de  lui-même.  Le  poète  a  des  re- 
tours passionnés  de  foi,  d'espoir  en  Dieu  ;  ce  sont  ses  plus  beaux 
moments.  Il  a  surtout,  et  toujours,  le  regret  amer  et  profond 
des  croyances  perdues.  Ses  successeurs,  progenies  vitiosior^  ont 
enchéri  sur  ses  pires  tendances  :  chez  eux,  le  doute  a  fait  place  à 
la  négation  furieuse,  effrontée.  L'un  de  ces  enfants  dégénérés  de 
Musset  parlait  dernièrement  de  s'en  aller  arracher  à  la  voûte  du 
ciel  cette  plante  parasite,  Tidée  de  Dieu,  pour  en  faire  la  litière 
de  son  Pégase,  —  un  Pégase  aux  longues  oreilles. 

Nous  recommandons  spécialement  aux  bibliophiles  les  exem- 
plaires de  l'éditeur  Lemerre,  tirés  sur  papier  vergé, 

.    Baron  Ernouf. 


REVUK  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.      87 

Hincmar  de  Reims,  Etude  sur  le  neuvième  siècle, 
par  M.  Tabbé  Vidieu.  Paris,  Larose^  1874;  1  vol. 
in-8*  de  356  pages. 

L'auteur  de  cette  Etude  est  de  ceux  qui  aiment  à  s'écarter  des 
sentiers  battus,  des  époques  lumineuses  de  l'histoire,  pour  s'en- 
foncer dans  l'obscurité  des  siècles  injustement  dédaignés.  Ils  pro- 
cèdent comme  ces  touristes  originaux,  qui  se  plaisent  à  tourner 
le  dos  aux  localités  à  la  mode,  aux  excursions  recommandées^  pour 
s'en  aller  explorer  des  recoins  perdus,  omis  dans  tous  les  Guides^ 
et  qui  souvent  n'en  sont  que  plus  intéressants. 

Parmi  ces  «  recoins  perdus  »  de  Thistoire,  il  n'en  est  peut-être 
pas  de  plus  obscur  que  cet  âge  de  la  décadence  carlovingienne,  de 
l'élaboration  du  système  féodal,  qui  comprend  la  majeure  partie 
des  neuvième  et  dixième  siècles.  Et  pourtant  l'étude  de  ces  temps 
où,  suivant  la  belle  expression  de  Michelet,  —  du  Michelet  d'au- 
trefois, —  tout  n'apparaissait  que  comme  à  travers  de  sombres 
vitraux,  —  offre  plus  d'un  genre  d'intérêt.  Dans  cette  pénombre, 
on  retrouve,  comme  de  nos  jours,  le  bien  mêlé  au  mal  ;  parmi 
d'affreuses  calamités,  des  actes  de  vertu  et  de  dévouement  héroï- 
ques. On  y  apprend  à  ne  pas  désespérer  de  l'humanité  dans  les 
plus  mauvais  jours.  C'est  aussi  dans  ces  parages  écartés  que  s'est 
réfugié  l'attrait  si  rare  aujourd'hui  de  l'inexploré,  de  l'inédit.  Cer- 
tains épisodes  de  l'histoire  des  successeurs  de  Charlemagne  en 
France,  en  Gaule,  en  Italie,  sont  encore  bien  moins  connus  de 
nous  que  les  souvenirs  de  l'antiquité  classique.  Aussi  nous  com- 
prenons à  merveille  la  fascination  exercée  par  cette  époque  sur 
quelques  patients  et  ingénieux  investigateurs,  comme  M.  Mouren, 
auteur  d'un  livre  remarquable  sur  les  Comtes  de  Paris  (l),  comme 
M.  l'abbé  Vidieu,  dont  l'Etude  sur  Hincmar  et  son  œuvre  est  la 
monographie  la  plus  complète  de  cet  homme  célèbre  qui  ait  paru 
jusqu'ici.  Nous  comprenons  d'autant  mieux  cette  attraction,  que 
nous  y  avons  cédé  nous-même  naguère,  en  essayant  de  raconter, 
dans  un  ouvrage  spécial,  l'un  des  incidents  les  plus  dramatiques 
du  neuvième  siècle,  l'histoire  des  amours  sacrilèges  de  Lother  II, 
et  de  Waldrade,  et  en  suivant  jusque  dans  le  siècle  suivant  et 

(1)  Paris,  Didier. 


88  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

m 

même  au  delà,  la  destinée  funeste  de  leurs  descendants  (1).  Nous 
avions  cru  retrouver  là  im  de  ces  exemples  saisissants  d'expiation 
providentielle  qui,  suivant  l'expression  d'un  historien  de  ce  temps- 
lày  émeuvent  les  plus  indifférents  :  quod  etiam  qui  stertit  animnd" 
vertu.  Maïs  les  théories  des  nouvelles  écoles  matérialistes  ont  dissipe 
ces  chimères  mystiques  et  mythologiques.  Nous  savons  aujourd'hui 
que  les  événements  historiques  ne  sont,  comme  les  crises  de  la 
nature,  que  des  phénomèmes  purement  physiques  et  physiologiques, 
des  problèmes  que  l'observation  scientifique  peut  seule  résoudre. 
Cest  rnpplication  de  la  méthode  Lavoisier  dans  Tordre  moral; 
l'analyse  chimique  remplaçant  les  dogmes  surannés.  Aussi  il  faut 
voir  avec  quelle  commisération  dédaigneuse  les  partisans  de  ce 
système  parlent  de  Bossuet,  de  M.  Guizot  et  autres  esprits  rétro- 
grades, infatués  du  préjugé  providentiel.  Pauvres  gens  !  (Pas 
Bossuet  ni  Guizot.) 

Hincmar,  l'un  des  ancêtres  du  gallicanisme,  est  une  des  physio- 
nomies les  plus  importantes,  les  [)lus  caractéristiques  de  son 
temps.  M.  l'abbé  Vidieu  fait  ressortir  ses  qualités,  sans  dissimu- 
ler ses  défauts.  Il  nous  le  montre  toujours  sur  la  brèche  dans  ces 
temps  si  profondément  troublés,  retenant  de  toutes  ses  forces 
l'État  sur  le  penchant  de  sa  ruine,  défendant  encore  le  pouvoir 
royal  alors  que  celui-ci  s'abandonnait  déjà  lui-même.  De  nom- 
breux passages,  empruntés  aux  écrits  d'Hincmar,  mettent  en 
relief  son  érudition,  son  zèle  infatigable  pour  la  foi  et  la  discipline. 
Il  est  vrai  que,  dans  plus  d'une  circonstance,  il  se  montra  pas- 
sionné, vindicatif.  Il  protestait  toujours  de  son  dévouement,  de 
son  obéissance  aux  pontifes  de  Rome,  mais  plus  d'une  foisses 
actes  furent  en  désaccord  avec  ses  paroles.  Néanmoins  son  insu- 
bordination, dans  les  pires  occasions,  n'alla  jamais  jusqu'à  la  ré- 
volte ouverte.  Ck>mme  le  fait  observer  avec  raison  son  nouveau 
biographe,  «  il  finit  toujours  par  se  soumettre.  »  C'est  donc  à 
tort  que  quelques  historiens  protestants  lui  ont  fait  le  triste  hon- 
neur de  le  compter  parmi  les  précurseurs  de  la  Réforme.  Sa 
vieillesse  fut  soumise  aux  mêmes  épreuves  que  celle  de  saint  Au- 
gustin. On  sait  que  celui-ci  succomba,  pendant  que  les  Vandales 

(1)  Histoire  de  Waldrade,  de  Lotlier  II  et  de  leurs  descendants. 
Parisy  Techenerj  un  vol.  in-8^,  dont  il  a  été  tiré  quelques  exemplaires 
sur  grand  papier  vergé. 


BEVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.  89 
asûëgeaîent  Hij^ne.  Force  d'abandonner  Reims  à  l'approche  des 
pirates  du  Nord,  Hincmar  mourut  de  fatigue  et  de  douleur,  et  il 
est  permis  de  croire  que  l'amertume  d'une  telle  mort  aura  été  une 
expiation  suffisante  des  fautes  de  sa  vie.  Ce  ne  fut  pas  un  saint, 
mais  ce  fut  un  homme,  et,  à  certains  égards,  un  grand  homme. 

L'oeuvre  savante  et  intelligente  de  M.  Vidieu  rectifie  et  com- 
plète sur  plusieurs  points  importants  ce  que  les  meilleurs  écrivains 
ecclésiastiques  ont  dit  àa  célèbre  archevêque  de  Reims,  qui  fut, 
pendant  plus  de  trente  ans,  le  plus  grand  personnage  de  l'Eglise 
et  du  royaume  de  France. 

B.  E. 


Les  C/ironitjites  parisiennes  de  la  Revue  suisse,  —  Sainte* 
Beuve  et  NoniBR. —  Chroniques  parisiennes,  par  G.-A, 
Sàimt£-Bbuvk.  Paris,  M.  Lèuy,  ia-12  de  3<8  pages. 

Go  a  longtemps  ignoré  que  Sainte-Beuve  avait  fourni  à  la 
Bévue  suisse,  de  1S43  à  1S43,  des  chroniques  politiques  et  litté- 
raires anonymes.  Cest  le  recueil  de  ces  Chroniques  parisiennes, 
complément  indispensable  de  l'œuvre  du  grand  critique,  que 
M.  Troubat,  son  fidèle  Achate,  pubUe  aujourd'hui,  d'après  les  ma- 
nuscrits originaux  conservés  par  l'ancien  directeur  de  cette 
Revue,  M.  Juste  Olivier. 

Ces  chroniques,  curieuses  à  plus  d'un  titre,  font  plus  d'hon- 
neur au  talent  de  Sainte-Beuve  qu'à  son  caractère.  II  y  parle  à 
cœur  ouvert  sous  le  voile  de  l'anonyme,  et  y  dit  souvent  le  con- 
iraue  de  ce  qu'il  imprimait  ailleurs  sous  son  nom.  C'était  ce 
qu'il  appelait  dans  l'intimité  «  sa  critique  parlée,  par  opposition 
à  celle  écrite  et  la  seule  vraie  »,  aiiome  spirituel,  mais  d'une 
justesse  contestable.  Bien  tks  gens,  de  ceux  surtout  du  tempéra- 
ment de  Sainte-Beuve,  ressentent  le  besoin  de  se  dédommager 
d'éloges  forcés  par  l'exagération  contraire  ;  et  la  vérité  reste  sou- 
vent, assez  maltraitée,  entre  les  deux:  extrêmes,  Sainte-Beuve  s'en 
donnait  h  cœur  joie  de  ce  dédommagement,  dans  ces  chroniques 
expédiées  en  Suisse  sous  le  sceau  du  secret.  «Un  critique,  disait- 
il,  est  toujours  tenu  à  de  certaines  réserves,  quand  il  parie  de 
gens  qu'il  connaît,  avec  lesquels  il  peut  se  rencontrer,..,  »  Ajou- 
tons ;  doDt  il  peut  avoir  besoin,  ou  dont  il  y  aurait  lieu  de  craindre 


90  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

le  ressentiment.  Il  se  donnait  ainsi  le  plaisir  de  fustiger  impuné- 
ment, sous  le  masque,  des  confrères  dont  les  succès  trop  retentis- 
sants ou  les  gains  trop  considérables  offusquaient  son  amour- 
propre  ou  excitaient  son  envie,  comme  Chateaubriand,  Balzac, 
Lamartine,  qu'il  se  serait  bien  gardé  d'attaquer  en  face.  Il  appe- 
lait cela  se  soustraire  à  la  tyrannie  des  journaux  et  des  coteries. 
Ajoutons-y  le  plaisir  de  pouvoir  parler  de  lui-même  et  en  dire  tout  le 
bien  qu'il  en  pense  :  d'annoncer  par  exemple,  en  mars  1 845,  que 
le  grand  événement  de  la  quinzaine  a  été  la  réception  de  M.  Sainte- 
Beuve  à  l'Académie,  d'insinuer  que  le  discours  du  récipiendaire 
était  fort  supérieur  à  la  réponse  de  M.  Hugo.  Il  n'ose  pourtant 
pas  s'abstenir  tout  à  fait  de  louer  cette  réponse  ;  mais  il  mêle 
adroitement  la  critique  à  l'éloge,  et  l'on  sent  bien  que  celui-ci 
n'est  que  du  bout  des  lèvres,  tandis  que  celle-là  part  du  cœur. 
Il  dira,  par  exemple  :  «  M.  V.  H.  a  eu  de  très-belles  paroles 
dans  son  discours,  qu'il  a  débité  trop  pompeusement.,^.  Il  a  eu  du 
charme  et  de  la  délicatesse  :  ce  qui  ne  lui  {trrive  pas  toujours,,,» 
Le  morceau  sur  Port-Royal  a  réussi,  quoique  un  peu  fastueux.,,. 
Au  lieu  de  la  reliure  janséniste  noire  et  sombre,  nous  avons  ici  un 
Port-Royal  en  maroquin  rouge  splendide  et  doré  sur  toutes  les 
tranches....  »  (Après  tout,  l'image  est  jolie,  et  faite  pour  plaire 
aux  lecteurs  du  Bulletin,,.,)  Puis  encore  :  «  Le  morceau  final, 
sur  les  Messénienncs  ^  a  été  applaudi,  tout  en  paraissant  un  peu 
exagéré.  »  Exagéré,  soit!  jamais  Fauteur  élégant,  fin  et  sceptique 
de  Volupté^  n'a  été  coupable  ni  capable  d'exagérations  de  ce  genre. 

Ces  réserves  faites,  nous  reconnaissons  volontiers  qu'il  y  a 
beaucoup  de  choses  intéressantes  et  charmantes  dans  ces  pages. 
Les  mots  heureux,  les  aperçus  fins  et  malicieux  y  abondent. 
Ainsi,  il  dit  en  parlant  de  Lamartine  :  «  C'est  une  comète  ;  il  a  certes 
une  queue  brillante  et  immense  ;  mais  a^t-il  un  noyau  ?  »  Dans 
le  grand  débat  sur  la  question  de  l'enseignement,  contemporain 
de  ces  chroniques,  Sainte-Beuve  est  naturellement  du  parti  des 
universitaires,  sans  négliger  toutefois  de  dauber  sur  eux  à  l'occa- 
sion. Exemple  :  ce  Michelet  et  Quinet  se  sont  empressés  de  rele- 
ver le  gant.  Au  fait,  ils  ne  haïssent  pas  la  popularité,  et  cela  ravi~ 
taille  les  cours.  »  Puis  il  raille  agréablement  son  ami  Michelet, 
«c  le  fondateur  de  l'école  illuminée.  Jamais  le  Je  et  le  moi  ne 
s'est  guindé  à  ce  degré.  C'est  menaçant  I  » 

Un  peu  plus  loin,  nous  rencontrons,  à  propos  de  Guizot,  Cou- 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.     91 

sin  et  Villemain,  une  page  qui  mériterait  d'être  cite'e  en  entier. 
Nous  nous  bornons  à  en  reproduire  la  conclusion  sous  toutes 
réserves  :  <c  Cousin  n'est  pas  un  vrai  philosophe,  pas  plus  que 
Guîzot  n'est  un  grand  historien.  Ce  sont  deux  très-grands  profes- 
seurs.,,. Et  de  plus  encore,  si  Ton  ôte  le  vernis  et  le  prestige  du 
génie  moderne,  Cousin  pourrait  sembler  proprement  un  sophiste^ 
dans  le  sens  antique  et  favorable  du  mot^  comme  Villemain  serait 
le  plus  éloquent  rhéteur  y  dans  le  sens  antique  et  favorable  aussi....  » 

Voici  maintenant  une  critique  très-mordante,  avec  toutes  sortes 
de  protestations  de  respect,  de  Chateaubriand,  à  propos  de  sa 
Fie  de  Rancé.  «  Ce  livre  est  un  véritable  bric-à-brac  :  l'auteur 
jette  tout,  brouille  tout,  vide  toutes  ses  armoires....  Mais  le  res- 
pect nous  interdit  d'en  dire  davantage.  3»  En  conséquence,  il  con- 
tinue :  <c  Jamais  les  poètes  n'ont  mené  un  tel  deuil  de  leur  jeu- 
nesse enfuie.  L'auteur  de  Rancé  est  allé  sur  ce  point  au  delà  de 
tout  ce  qu'on  peut  imaginer;  et  on  peut  dire  que,  s'il  est  suivi 
par  la  foule  des  jeunes  poètes  déjà  vieillissants,  il  mène  le  deuil 
avec  des  pleurs  ^  des  plaintes  qui  sont  d'un  roi  d'Asie,  etc.  »  Ceci 
a  été  écrit  en  juin  1844,  trois  mois  après  l'élection  de  Sainte- 
Beuve  à  l'Académie,  élection  à  laquelle  l'influence  du  salon  de 
l'Abbaye-aux-Bois  avait  puissamment  contribué.  Sainte-Beuve  espé- 
rait que  les  fidèles  de  Chateaubriand  ne  soupçonneraient  pas  cette 
petite  trahison;  et,  au  pis  aller,  l'élection  était  faite.... 

Il  y  a  pourtant  un  confrère  dont  Sainte-Beuve  ne  dit  que  du 
bien,  dont  il  ne  parle  qu'avec  une  émotion  sincère^  sinon  tout  à 
(ait  désintéressée.  Ce  confrère  fut  aussi  un  des  nôtres,  c'est  No- 
dier, le  bon  Nodier,  comme  il  l'appelle  toujours.  Tout  ce  qui  se 
rapporte  à  la  mémoire  de  Nodier  nous  va  au  cœur  :  aussi  nous 
nous  faisons  un  devoir  de  transcrire  ce  qu'on  lit  sur  sa  dernière 
maladie,  et  sur  sa  mort,  dans  les  Chroniques  parisiennes. 

(3  juin  1844).  «  Charles  Nodier,  l'aimable  et  charmant  écri- 
vain, est,  assure-t-on,  gravement  malade.  Toute  la  littérature  de 
Paris  en  est  émue  :  on  court  à  ^extrémité  de  Paris,  à  l'Arsenal, 
pour  le  voir,  pour  s'informer.  Les  témoignages  d'intérêt  sont  con- 
tinuels et  universels,  de  tous  les  côtés,  de  tous  les  rangs.  Aimable 
pays,  après  tout,  que  celui  de  France,  où  un  simple  homme  de 
lettres,  qui  ne  peut  rien,  qui  n'est  rien,  tient  tant  de  place,  et  où 
se  déclare  si  spontanément  l'hommage  de  tous  pour  l'esprit,  pour 
le  talent  et  la  grâce  I  »  —  (8  janvier). «Nous  apprenons  avec  plaisir 


92  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

que  les  nouvelles  de  la  santé  du  bon  Nodier  (car  c'est  là  son  nom) 
sont  meilleures,  et  que  ses  nombreux  amis  espèrent  posséder 
encore  longtemps  en  lui  un  talent  et  un  cœur  qui  leur  seront  plus 
chers  que  jamais.  » 

Malheureusement  ce  n'était  là  qu'une  trompeuse  espérance  ;  et 
nous  lisons  quelques  pages  plus  loin,  dans  la  Chronique  du  1*'  fé- 
vrier :  «  A  l'enterrement  de  Nodier,  il  y  avait  foule  et  des  re- 
grets universels.  Il  laisse  une  mémoire  charmante  et  douce  ;  il  n'a 
trouvé  dans  ses  nombreux  amis  ni  un  ingrat ,  ni  un  indifférent.  » 
EnGn,  le  5  mars  suivant,  Saint-Beuve  annonçait  en  ces  termes  la 
publication  de  Franciscus  Columna^  chez  J.  Techener  :  «  Sous  le 
titre  de  Dernier  Roman  de  Ch,  Nodier^  on  a  fait  un  tout  petit 
volume  d'une  dernière  nouvelle  qu'il  avait  écrite  récemment.... 
Le  talent  et  l'originalité  de  Nodier  s'y  retrouvent  tout  à  fait  ;  c'est 
un  coin  de  délicieux  roman  encadré  dans  de  la  bibliographie,  et 
qui  n'en  ressort  que  mieux.  » 

La  vérité  historique  nous  contraint  d'ajouter  que  ces  appréhen- 
sions, ces  regrets  n'étaient  pas  sans  quelque  allège  de  préoccu- 
pations personnelles.  Sainte-Beuve  préparait  dans  ce  temps-là  sa 
candidature  à  l'Académie,  et  la  mort  de  Nodier  lui  enlevait  un  des 
suffrages  sur  lesquels  il  comptait  le  plus. 

L'un  des  morceaux  les  plus  achevés  de  ce  recueil  est  un  article 
sur  l'avortement  de  l'idéal  romantique  (1845).  Sainte-Beuve  s'y 
justifie  habilement  du  reproche  de  défection  :  il  s'efforce  de  dé- 
montrer que  le  romantisme  n'a  pas  tenu  ce  qu'il  promettait,  si 
bien  que  les  critiques,  qui  d'abord  s'étaient  ralliés  comme  lui  à  cette 
phalange,  <c  ont  été  honteux  de  voir  pour  qui  ils  avaient  travaillé  y>. 
Tout  cela  est  fort  ingénieux  et  bien  dit  ;  mais  si  Sainte-Beuve  avait 
eu  la  capacité  de  produire  des  œuvres  telles  qu!Hernani  ou  Kean, 
aurait-il  trouvé  que  le  mouvement  de  1829  avait  si  complètement 
avorté  ?  B»"»  E. 


PRIX  COURANT  DES  LIVRES  ANCIENS, 


REVUE  DES  TENTES. 


Vente  G***>(du  3  au  5  février  1875). 

i84.  Les  œuvres  de  feu  M.  Alain  Ghartier.  Paris^  1529;  in-12, 
V.  anl.  —  599  fr. 

\  96.  Les  plaisirs  des  champs,  selon  les  quatre  saisons  de  l'annëe, 
par  Claude  Gauchet.  Paris ^  1604;  in-4,  vëlin.  —  145  fr. 

235.  Fables  nouvelles  (par  Dorât).  La  Baye  et  Paris^  1773;  in-8, 
grand  papier,  veau  parph.  —  505  fr. 


Vente  d'un  choix  de  beaux  livres 
(les  7,  8  et  9  fe'vrier). 

3.  Bibliorum  sacrorum  vulgatx  versionis  editio;  ad  institudonem 
DelphinL  Parisiis^  Didot^  1875;  8  vol.  in-8,  mar.  r.  dent.,  tr. 
dor.—  158  fr. 

4.  Le  nouveau  testament,  en  françois.  Paris,  1705;  4  vol.  pet. 
in-4,  maroq.  r.  doublé  de  maroq.  r.  tr,  dor.  {Du  Seuil).  — 
255  fr. 

La  reliure  laissait  à  désirer. 

14.  Livre  de  la  confrérie  et  société  de  la  passion  de  N.-S.  J.-C, 
trad.  de  latin  en  françois,  par  J.  Sachet,  etc,  Dijon,  1561  ; 
in-4,  fig.  maroq.  bleu,  tr.  dor.  —  235  fr. 

23.  Histoire  de  la  papesse  Jeanne,  par  de  Spanheim.  La  Haye^ 
1736;  2  vol.  in-12,  mar.  vert.,  tr.  dor.  {Rel.  anc.)  —  205  fr. 

24.  Histoire  de  la  Mappemonde  papistique,  composée  par  Frangi- 
delphe  Escorche -messes  (Pierre  Viret).  Luce  nouvelle  {Genève)^ 
1566;  in-4,  maroq,  vert.,  tr.  dor.  (Derome).  —  300  fr. 

C'est  Pexemplaire  de  Pixerécourt. 


94  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

41.  Les  éthiques  d'Aristote,  Stagirite,  son  fils  Nicomache.  P^riV, 
Vacosan^  1553.  —  Aristotelis  ad  Nicomachum  filium  de  mori- 
buSy  quae  ethica  nominantur,  libri  decem.  Parisiis;  in-4,  ve'lin, 
tr.  dor.  —  360  fr. 

Exemplaire  de  Henri  III  ;  quelques  taches. 

46,  Les  caractères  de  Théophraste,  trad.  du  grec,  avec  les  carac- 
tères ou  les  mœurs  de  ce  siècle.  Paris ^  1687,  1688;  in-IS, 
V.  ant.  fil.,  tr.  dor.  (Simier).  —  345  fr. 

Édition  originale. 

51 .  Excellent  et  très-utile  opuscule  de  plusieurs  exquises  receptes, 
composé  par  Michel  Nostradamus.  Ljron,  1572;  in-16,  mar. 
vert.  fil.  —  216  fr. 

Court  de  marges,  mais  très-rare  et  d'une  jolie  reliure  du  seizième 
siècle. 

52.  Règlement  donné  par  une  dame  de  haute  qualité  à  M***  sa 
petite-fille,  pour  sa  conduite  et  celle  de  sa  maison.  Paris  y  1698; 
in-12,  mar.  vert.,  tr.  dor.  {Du  Seuii). —  226  fr. 

53.  La  maison  réglée  (par  Audigier).  Amsterdam^  1700;  in-12, 
front,  et  pi.  maroq.  r.  dent.  tr.  dor.  {Trautz-Bauzonnet).  — 
295  fr. 

67.  Les  peintures  de  Charles  Le  Brun  et  d'Eustache  Le  Sueur, 
qui  sont  dans  l'hôtel  du  Chastelet,  ci-devant  la  maison  du 
président  Lambert.  Amsterdam^  1 740  ;  in-plano,  gravures  et 
plans  de  Bernard  Picart,  d.  rel.  mar.  n.  —  200  fr. 

70.  Pourtraicts  divers.  Lyon^  Jean  de  Tournes^  1557;  in-12, 
maroq.  orange,  tr.  dor.  —  179  fr. 

86.  Musée  de  sculpture  antique  et  moderne  ou  description  his- 
torique et  graphique  du  Louvre,  par  le  comte  F.  de  Clarac. 
paris  y  1841  à  1853;  6  tomes  en  7  vol.  in-8  de  texte  et  de 
6  vol.  de  planches  in-4,  obi.  d.-rel.  —  195  fr. 

95.  Monuments  anciens  et  modernes ,  par  Jules  Gailhabaud.  Paris ^ 
Didotj  1850;  4  t.  en  8  vol.  in-4,  planches,  d.-rel.  — 151  fr. 

149.  Modelles  artifices  de  feu  et  divers  instnimens  de  guerre 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  95 

par  Jos.  Boillot,  Langrois.   Chaumont^    1598;   gr.   in-8,  fig. 
vélin.  —  101  fr. 

157.  Thresor  de  la  langue  Françoise,  par  Aymar  de  Ranconnet, 
revue  et  augmentée  en  cette  dernière  impression,  par  Jean 
Nicot.  Paris ^  1606;  in-fol.  mar.  r.  tr.  dor.  (Cape,  Masson  et 
Debonnellé).  —  300  fr. 

15S.  Dictionnaire  français,  par  P.  Richelet.  Genève,  1680;  2  tomes 
en  1  vol.  in-4,  mar.  r.  tr.  dor.  [Duni),  —  195  fr. 

160.  Le  dictionnaire  de  l'Académie  Françoise.  Paris ^  1694;  2  vol. 
in-fol.  maroq.  r.  fil.  tr.  dor.  [Du  Seidî],  —  315  fr. 

Exemplaire  en  gr.   papier    dans  une  belle  reliure   aux  armes    de 
Louis  XIV. 

213.  Les  triomphes  excellents  et  magnifiques  du  très-élégant 
poète  François  Pétrarcqué.  Lyon,  1532;  in-12,  maroq.  brun, 
tr.  dor.  [Lortic],  —  135  fr. 

224.   Œuvres    de  Molière.    Paris,  1734,  6   vol.    in-4,   maroq. 
'    bleu,  tr.  dor.  [Ane,  reliure).  —  700  fr. 

Second  tirage  de  Tédition  ornée  des  figures  de  Boucher.  Les  figures 
de  Moreau  ont  été  ajoutées  ;  médiocre. 

234.  La  description  de  Tisle  d'Utopie,  où  est  compris  le  miroir 
des  républiques  du  monde,  par  Thomas  Morus.  Paris,  1550; 
in-8,  mar.  r.  tr.  dor.  [Lortic),  —  230. 

Adjugé  à  M.  le  comte  de  Brissac. 

2^51.  Les  Incas,  ou  la  destruction  de  l'empire  du  Pérou,  par 
Marmontel.  Paris,  1777;  2  vol.  in-8,  fig.  de  Moreau,  mar.  r. 
tr.  dor.  —  150  fr, 

255.  L'amie  des  amies,  imitation  d'Arioste,  par  Bérenger  de  la 
Tour  d'Albenas  en  Vivarez.  Ljron,  1558;  in-12,  mar.  brun,  tr. 
dor.  ifiuzin),  — 166  fr. 

260.  Werther  (de  Gœthe),  traduit  de  l'allemand.  Maestricht^ 
1784;  2  parties  en  1  vol.  in-8,  maroq.  brun,  tr.  dor.  {Cham- 
bolle-Duru),  90  fr. 

Première  édition  française,  sulyant  le  catalogue,  mais  en  réalité  la 
troisième. 


96  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

261.  Les  mille  et  une  nuits,  trad.  par  Galland,  avec  une  préface 
par  Silvestre  de  Sacy.  Paris ^  s,  d.'y  3  vol.  gr.  in-8,  gravures. 
—  1900  fr. 

Exemplaire  orné  des  166  dessins  originaux  composés  par  le  peintre 
Wattier. 

265.  Le  colporteur,  histoire  morale  et  critique,  par  de  Chévrier, 
Londres,  s,  d,  —  La  vie  du  fameux  P.  Norbert,  par  le  même. 
Londres,  1762.  —  Almanach  des  gens  d'esprit,  par  le  même. 
Londres^  1762;  3  part,  en  1  vol.  in-12,  maroq.  tr.  dor.  — 
135  fr. 

Assez  bonne  reliure  ancienne. 

271 .  Cinquante  jeux  divers  d'honnête  entretien,  industrieusement 
inventés  par  M.  Innocent  Rhingier,  gentilhomme  Boloignoy s, et 
fais  françoys  par  Hubert  Philippe  de  Villiers.  Lyon,  1555;  in-4, 
maroq.  r.  tr.  dor.  —  340  fr. 

Relié  par  Derome. 

275.  Lettres  de  Marie  de  Rabutin-Ghantal,  marquise  de  Sévigné, 
à  Mme  la  comtesse  de  Grignan,  sa  fille.  «S.  /.,  1736;  2  vol. 
in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  [Thouvenin],  —  250  fr. 

277.  Lettres  de  Mme  la  marquise  de  Pompadour  de  1753  à  1762. 
Londres,  1772;  3  tomes  en  1  vol.  in-12,  mar.  vert,  fil.  tr, 
dor.  [Derome],  —  215  fr. 

279.  Bibliothèque  latine-française  publiée  par  C.  L.  F.  Panckoucke. 
Paris ^  1826  à  1839;  211  tomes  en  210  vol.  in-8  et  3  atlas  in-4, 
d.-rel.  V.  f.  {Papier  vélin).  —  1390  fr. 

295.  L'art  de  vérifier  les  dates  avant  Père  chrétienne^  par  un 
religieux  de  la  Congrégation  de  Saint-Maur  (D.  Clément,  mis 
en  ordre  par  Saint-Allais).  Paris,  1820;  in-fol.  maroq.  r.  tr. 
dor.  [Caffé].  —  160  fr. 

296.  L'art  de  vérifier  les  dates  depuis  la  naissance  de  J.-C.  Paris ^ 
1783  à  1787;  3  vol.  in-fol.  maroq.  r.  tr.  dor.  —  360  fr. 

297.  Histoire  des  Juifs,  escrite  par  Flavius  Josephe,  traduite  par 
Amauld  d'Andilly.  Bruxelles,  1701-1703;  5  vol.  in-8,  figures, 
mar.  r.  tr.  dor.  [Ànc.  reL).  —  Grand  papier.  •  -  275  fr. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  97 

346.  Histoire  de  Tancien  gouvernement  de  la  France,  par  feu  le 
comte  de  Boulainvilliers.  La  Haye^  4727;  3  vol.  —  Mémoires 
présentés  à  Mgr  le  duc  d'Orléans,  par  le  même.  La  Haye^ 
1727  ;  2  t.  en  4  vol.,  ens.  5  t.  ou  4  vol.  in-8,  mar.  bleu.  tr. 
dor.  {Padeloup.)  —  444  fr. 

320  Histoire  de  la  milice  françoise,  par  le  R.P.G,  Daniel.  Paris^ 
4724  ;  2  vol.  in-4,  gravures,  mar.  r.  tr.  dor.  (Reliure  anc). 

—  496  fr. 

334.  La  somptueuse  et  magnifique  entrée  de  Henry  HI,  roy  de 
France  et  de  Pologne,  en  la  cité  de  Mantoue,  par  Biaise  de 
Vigenère.  Paris,  4576;  in-4,  mar.  rouge  {anc.  reliure)^  aux 
armes  de  Colbert.  —  150  fr. 

333.  La  vie  et  faits  notables  de  Henri  de  Valois.  (Pétris)^  1589; 
pet.  in-8,  figures,  maroq.  bleu,  tr.  dor.  —  80  fr. 

336.  Journal  de  Henri  III  (et  de  Henri  IV),  par  Pierre  de  TEs- 
toile;  9  vol.  in-8,  port,   et  gravures,  mar.  r.  t.  dor.  (Peiit), 

—  240  fr. 

354.  Mémoires  de  Saint-Simon.  Paris,  Hacîiette,  4856-58  ;  20  vol. 
in-8,  d.-rel.  non  rogn.  {Cape).  —  Papier  pélin.  —  620  fr. 

355.  Les  historiettes  de  Tallemant  des  Réaux,  publiées  par  Paulin 
Paris  et  de  Monmerqué.  Paris,  Techener,  4854;  9  vol.  gr.  in-8, 
ffrand  papier  de  Hollande^  d.-rel.  maroq.  rouge.  —  340  fr. 

356.  Vie  privée  de  Louis  XV  (par  Moufle  d'Angerville).  Londres ^ 
4784;  4  vol.  in-42,  fig.  mar.  r.  tr.  dor.  [Derome).  —  236  fr. 

358.  L'état  de  la  France  (par  Bar,  Jalabert  et  Pradier,  religieux 
bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint-Maur).  Paris ^  4749; 
6  vol.  in-42,  blasons,  mar.  r.  tr.  dor.  —  {Ane.  rel.).  — 300  fr. 

359.  Mémoire  de  madame  de  Pompadour.  Liège,  1766;  2  tomes 
en  1  vol,  in-12,  mar.  vert,  tr.  dor.  (Derome).  —  140  fr. 

360.  Le  gazetier  cuirassé,  ou  anecdotes  scandaleuses  de  la  cour 
de  France  (par  Théveneau  de  Morande).  Paris,  1771  ;  in-8,  mar. 
vert,  tr.  dor.  (Derome).  —  140  fr. 


98  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

361 .  Almanach  historique  de  la  révolution  française  pour  Tannëe 
1792,  rédige  par  J.  P.  Rabaut;  in-12,  figures  de  Moreau,  mar. 
r,  tr.  dor.  —  [Jnc.  rel.).  —  100  fr. 

363.  La  guide  des  chemins  de  France.  Paris ^  Ch.  Estienne^ 
15S2,  in-8,  mar.  r.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet)\  —  281  fr. 

364  his,  La  Guide  de  Paris,  contenant  le  nom  et  l'adresse  de 
toutes  les  rues  de  la  dite  ville  et  faux-bourgs,  ensemble  les 
places,  ponts,  portes,  églises,  etc.,  par  le  sieur  Dechvy es.  Paris 
(1647);  in-8,  mar.  r.  tr.  dor.  [MassonrDeiwnnellé).  —  102  fr. 

374.  Les  adresses  de  la  ville  de  Paris,  par  Abraham  du  Pradel. 
Paris,  1691  ;  pet.  in-8,  mar.  r.  tr.  dor.  [Masson^DebonneUe). 
—  455  fr. 

375.  Statuts  et  règlemens  des  petites  écoles  de  grammaire  de  la 
ville  de  Paris,  imprimé  par  ordre  de  Cl.  Joly,  par  les  soins  de 
Martin  Sonnet.  Paris,  1672;  pet.  in-12,  mar.  r.  tr.  dor. 
[TrautZ'Bauzonnet],  —  161  fr. 

379.  Le  palais  Mazarin  et  les  grandes  habitations  de  ville  et  de 
campagne  au  dix-septième  siècle,  par  le  comte  de  Laborde. 
PariSy  1846  ;  gr.  in-8,  fig.  d.-rel.  mar.  vert.  —  199  fr. 

405.  Histoire  généalogique  de  la  maison  royale  de  France,  des 
pairs,  grands  officiers  de  la  couronne  du  roy,  par  le  Père  An- 
selme. Paris,  1726-1733;  9  vol.  in-fol.  v.  m.  —  505  fr. 

406.  Armoriai  des  principales  maisons  et  familles  du  royaume, 
par  Dubuisson.  Paris ^  1757  ;  2  vol.  in-12,  illustrés  d'écussons, 
mar.  r.  tr.  dor.  [LoHic).  —  200  fr. 


Vente  de  livres  provenant  d^une  bibliothèque  de  Bour- 

gogùe  (8  et  9  février). 

114.  Œuvres   de   Corneille.  Première  partie.  Rouen  et   Paris^ 
4644;  in-12,  front,  et  portr.  rel.  en  veau,  tr.  dor. — 1800  fr. 

État  médiocre. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  99 

il 7.  Les  premières  œuvres  de  Philippes  Desportes.  Rouen,  1594; 
in-12,  vëlin  blanc,  tr.  dor.  —  325  fr. 

Très-joli  yolume  dans  une  charmante  reliure  du  seizième  siècle. 

139.  Contes  et  nouvelles  en  vers,  par  la  Fontaine.  Amsterdam^ 
1762  ;  2  vol.  in-8,  v.  m.  tr.  dor.  —  460  fr. 

147.  Les  œuvres  de  Clément  Marot,  de  Cahors.  La  Hcgre^  1700; 
2  vol.  pet.  in-12,  veau  fauve.  —  99  fr. 

293.  Histoire  ecclésiastique  et  civile  de  Lorraine,  par  Dom  Calmet. 
Naiicy^  1745  ;  9  vol.  in-fol.  v.  —  205  fr. 

Cet  exemplaire  a  été  revendu  beaucoup  plus  cher  aussitôt  après  la 
vente. 


Vente  A.  Colin  (10  février  1876). 

54.  Le  triomphe  de  Maximilien;  in-fol.  obi.  avecl07  planches, 
d.-rel.  —  260  fr. 

56.  L'antiquité  expliquée  et  représentée  en  figures  par  Dom 
Bernard  de  Montfaucon,  religieux  de  la  Congrégation  de 
Saint-Maur.  Paris^  1719-1757;  10  tomes  en  15  vol.  in-fol.  v. 
m.  —  300  fr. 

57.  Les  œuvres  de  François  Rabelais  (^  la  sphère)^  1663;  2  vol. 
in-12,  mar.  vert  doublé  de  mar.  r,  tr.  dor.  —  250  fr. 


w^   ■  ms»' 


CHRONIQUE 


NÉcBOLOoiB.  -—  La  mort  frappe  sans  relâche.  Depuis  notre 
dernière  chronique  elle  s'est  abattue  sur  l'Institut  et  l'on  a  va  dis* 
paraître  successivement  MM.  Patin,  L.  de  Camé,  A.  F.  Didot  et 
Guignant.  Les  titres  de  ces  savants  et  hommes  de  lettres  sont 
assez  connus  pour  se  passer  d'une  notice  dont  les  ëlëments  se 
trouvent  partout.  Autant  en  dirons-nous  du  vénérable  directeur 
de  Y  Union ^  M.  Laurentie,  dont  la  main  octogénaire  (il  était  né  le 
jour  fatal  du  2i  janvier  \  793)  vient  de  laisser  échapper  sa  plume 
fermement  royaliste  et  chrétienne.  La  mort  qui  se  plaît  à  ces  con- 
trastes visitait  en  même  temps  deux  femmes  qui  ont  tenu  un  cer- 
tain rang  dans  la  littérature  irrégulière.  Nous  voulons  parler  de 
la  comtesse  d'Agoult  et  de  Mme  Louise  Ck>let.  La  comtesse  d'A- 
goult,  la  première  des  deux,  par  ordre  de  date  et  de  mérite,  laisse 
un  stock  de  romans  et  d'essais  philosophiques  où  la  perfection  de 
la  forme  n'est  pas  telle  qu'elle  rachète  sufQsamment  les  déviations 
de  la  pensée.  Au  moins  avait-elle  su,  dans  cette  entreprise  hasar- 
deuse de  remplacer  le  foyer  par  un  salon,  conserver  une  dignité 
d'attitude  qu'elle  devait  peut-être  à  sa  naissance.  A  Dieu  ne  plaise 
que  nous  soyons  de  ces  demi-savants  dont  parle  Pascal,  qui  font 
table  rase  de  la  qualité! 

La  comtesse  d'Agoult  était  née  vers  1805,  à  Aix-la-Chapelle. 
Mme  L.  Colet,  dont  nous  allons  dire  un  mot,  avait  vu  le  jour 
dix  ans  après,  dans  un  autre  Aix,  à  Aix  en  Provence.  Venue 
de  bonne  heure  à  Paris  avec  une  valise  bourrée  d'essais  poé- 
tiques, elle  y  obtint,  d'entrée  de  jeu,  quelques  distinctions  acadé- 
miques auxquelles  ses  agréments  personnels  ne  furent  pas,  dit-on, 
étrangers.  Il  y  eut  succès  de  femme  plus  encore  que  succès  de 
muse.  Beaucoup  de  myrtes  pour  quelques  lauriers,  à  ce  qu'af- 
firment des  contem|)orains.  En  somme,  son  bagage  littéraire  n'é- 
tait pas  pour  échapper  à  l'arrêt  porté  par  La  Bruyère  contre  les 
poètes  atteints  de  cette  médiocrité  «  que  ne  pardonnent  ni  les 
dieux,  ni  les  hommes,  ni  les  colonnes». 

Sentant  le  terrain  poétique  se  dérober  sous  ses  pas,  Mme  L.  Co- 
let s'était  rejetée  vers  d'autres  genres  décompositions.  A  quarante 


CHRONIQUE.  101 

UDS,  ûge,  à  n'en  pas  douter,  de  la  prose,  elle  était  entrée  dans 
la  Toie  du  roman-feutUeton  et  publia  une  Histoire  de  soldat,  où 
elle  s'est  dépeinte,  comme  il  suit,  dans  le  premier  chapitre,  sous 
le  nom  de  Mme  de  Lerme  ; 

«Mme  de  Lerme  était  toujours  unirormément  vêtue  en  noir  par 
les  temps  froids,  en  hianc  par  les  jours  chauds  ;  mais  soit  que  son 
cou  flexible  et  ses  bras  de  la  forme  la  plus  pure  jaillissent  du  ve- 
lours ou  de  la  mousseline',  ils  étaient  comme  une  attestation  de 
la  beauté  parfaite  que  le  temps  avait  à  peine  ternie,  L'ëclat  du 
visage  était  moins  vif  qu'autrefois,  mais  son  expression  plus 
attachante;  l'ancien  enjouement  s'était  voilé,  les  joues  avaient 
pâti,  l'iei]  un  peu  creusé  brillait  plus  triste  et  plus  doux,  gardant 
ses  flammes  pour  les  rapides  moments  où  la  passion  enfouie  se 
trahissait.  L'ensemble  de  la  physionomie  était  devenu  morue  par 
l'ab-sence  du  sourire  qui  ne  s'y  montrait  guère  que  contraint  et 
amer  :  le  charme  de  cette  femme  était ,  pour  ainsi  dire,  intérieur  ; 
il  venait  d'une  souQrance  cachée  qu'on  soupçonnait  à  peine  et 
qui  n'éclatait  jamais  dans  ses  paroles,  pas  même  dans  son  accent. 
Seulement,  dans  les  questions  générales  d'art,  de  philosophie  ou 
de  sentiment,  les  seules  dont  on  s'occupât  habituellement  chex  elle, 
chaque  mot  qui  lui  échappait  prouvait  une  crueUe  et  profonde 
expérience  de  la  vie,  un  scepticisme  très-arrêté  quoique  placide 
et  attendri.  » 

Et  ne  trouvant  sans  doute  pas  cette  description  suffisante,  l'au- 
teur ajoutait  plus  loin  ;  «  Moi  I..,  moi  aimée,  dit-eUe,  comme  si 
son  âme  eût  fait  explosion,  et  en  levant  au-dessus  de  sa  tête  ses 
deux  bras  nus,  ces  bras  qu'on  serait  tenté  d'imiter  pour  compléter 
la  Vénus  de  Milo.  » 

L'âge  des  souvenirs  avait  commencé  déjà,  comme  on  le  voit, 
pour  Mme  L.  Colet,  mais  pas  au  point  qu'elle  ne  s'écriât  encore, 
en  parlant  d'elle  et  de  sa  fille,  dans  des  vers  qu'elle  adressait  à 
cette  dernière  : 

L'amour  nous  regarde  indécis. 

L'indéciùon  de  l'amour  eut  sans  doute  un  terme,  tel  qu'on 
pouvait  le  pressentir,  et  Mme  L.  Cotet,  de  plus  en  plus  réfugiée 
dans  ses  souvenirs,  eut  la  malheureuse  inspiration  d'ajouter  aux 
romans  £lle  et  Lui  de  George  Sand,  et  Lui  et  Elle  de  Paul  de 


102  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Musset,  le  volume  intitulé  Lui.  L'on  trouvera  dans  la  Revue  anec^ 
dotique  de  1859  une  clef  des  personnages  de  ce  roman.  Albert  de 
Lincel  (Lui)  c'est  Alfred  de  Musset  ;  la  marquise  de  Rostan  c'est 
Mme  L.  Golet  elle-même.  Puis  viennent  Aruonia  Bach  :  George 
Sand  ;  Duchemin  :  Villemain  ;  Léonce^  a  ce  Léonce  que  j'aimais 
tant  »  :  M.  Gust.  Flaubert,  etc.,  etc.  L'auteur  a  fait  entrer  dans  cette 
triste  composition  la  plus  grande  partie  de  ses  relations  littéraires 
et  des  habitués  de  son  salon,  où  se  rencontraient,  pêle-ttaêle 
avec  quelques  princesses  Valaques  (comme  parle  la  Revue  anec- 
dotique),  MM.  Champfleury,  Préault,  Pécontal  et  d'autres ,  morts 
depuis,  tels  que  Antony  Deschamps,  Babinet,  Patin,  Alûred  de 
Vigny  et  Cousin. 

En  dernier  lieu,  Mme  L.  Colet,  passée  au  plus  pur  radicalisme 
«  bas-bleu  devenu  rouge  »,  voyageait  et  écrivait  ses  voyages,  à  la 
diable.  Elle  a  fait  suer  à  l'Italie,  qui  n'en  pouvait  mais,  une  demi- 
douzaine  de  volumes.  Le  plus  curieux  incident  de  cette  période 
de  sa  vie  a  été  son  séjour  à  Ischia ,  où  il  a  failli  lui  arriver  les 
mêmes  mésaventures  qu'à  une  autre  femme  de  lettres  j  chez  les 
Majorquains.  Ces  populations  primitives  ont  le  tort  de  ne  pas  ai- 
mer les  révoltées  et  de  croire,  non  sans  raison  peut-être,  que  leur 
présence  n'est  pas  faite  pour  appeler  les  bénédictions  du  ciel  sur  les 
moissons.  De  là  quelques  insinuations  d'avoir  à  déguerpir,  in- 
sinuations faites  sous  forme  de  charivaris,  où  une  imagination 
échauffée  croit  aisément  entendre  des  cris  de  mort. 

Pour  rentrer  dans  la  question  littéraire,  nous  croyons  le  bagage 
de  Mme  L.  Colet  peu  ou  point  appelé  à  lui  survivre.  Nous  en  ex- 
cepterons pourtant  im  volume  où  elle  ne  figure  que  comme  édi- 
teur, mais  ce  volume  est  un  chef-d'œuvre,  rien  de  moins.  Ce  sont 
les  Lettres  de  Benjamin  Constant  à  Mme  Récamier,  imprimées 
(nous  ne  disons  pas  publiées]  chez  Dentu,  en  ^864,  in-octavo. 
En  1846,  à  une  époque  où  Mme  L.  Colet  ne  s'était  pas  encore  mis 
à  dos  les  charivariseurs  dlschia,  Mme  Récamier  lui  avait  fait  don 
de  ces  lettres,  en  l'autorisant  à  les  publier  après  sa  mort.  Ce  vo- 
lume fut  en  effet  imprimé  en  1864,  mais  l'édition  entière  (cinq 
cents  exemplaires]  est  restée  dans  les  caves  de  la  librairie  Dentu, 
par  suite  d'une  opposition  à  sa  mise  en  vente,  émanée  de  la  famille 
de  Benjamin  Constant,  d'un  de  ses  frères,  croyons-nous.  Si  un  jour 
Vexeat  est  donné  à  l'édition,  le  nom  de  Mme  L.  Colet,  qui  a  écrit 
l'introduction  et  les  notes  de  ce  volume,  lui  devra  d'échapper  à 


CHRONIQUE.  103 

l'oubli  ;  car  c'est,  répétons-le,  un  chef-d'œuvre.  Jamais  la  passion 
la  plus  ardente  n'a  parlé  un  plus  pur  et  plus  pénétrant  langage. 
C'est,  avec  moins  d'apprêt  littéraire,  le  digne  pendant  des  lettres 
de  Chateaubriand  à  Mme  Récamier,  que  l'on  trouve  dans  les  iK/e- 
moires  d! outre-tombe.  Comment  le  savons-nous,  puisque  la  publi* 
cation  n'a  pas  eu  lieu  ?  Ceci  est  notre  secret  jusqu'au  jour  où  nous 
en  ferons  celui  des  lecteurs  du  Bulletin, 

W.  O, 


NOUVELLES  ET  VARIÉTÉS. 


—  L* Académie  des  inscriptions  propose  pour  le  prix  Bordln 
(concours  de  1878)  le  sujet  suivant  : 

Etude  historique  sur  les  grandes  chroniques  de  Frange.  -* 
A  quelle  époque,  sous  quelles  influences,  et  par  qui  les  grandes 
chroniques  de  France  ont-elles  été  commencées  ?  A  quelles  sour- 
ces les  éléments  en  ont-ils  été  puisés  ?  Quelles  en  ont  été  les  ré- 
dactions successives? 

Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de  Tlnstitut 
le  3i  décembre  1877.  Ce  prix  est  de  la  valeur  de  trois  mille 
francs, 

—  On  vient  de  publier  à  Londres  le  catalogue  des  collections  lé- 
guées au  musée  de  South-Kensington  par  le  Rév.  Alexandre 
Dyce.  Ce  collecteur,  mort  en  1869,-  âgé  de  soixante-onze  ans, 
est  le  type  le  plus  pur  du  chercheur  intelligent  et  passionné  :  en 
un  mot,  une  rare  figure  d'amateur.  Clergyman  comme  il  aurait 
été  bénédictin,  sa  vie  entière  s'est  employée  à  la  recherche  des 
manuscrits,  des  livres  et  des  œuvres  d'art,  entremêlée  de  travaux 
d'érudition,  mais  d'une  érudition  des  plus  variées,  puisqu'il  sa- 
vait passer  de  la  traduction  de  Quintus  de  Smyme  à  la  publication 
du  Dictionnaire  de  Jarvis  sur  la  langue  de  Shakespeare,  et  pré- 
parait, en  dernier  lieu,  une  édition  définitive  de  son  Théâtre.  Le 


104  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

nombre  des  objets  légués  par  Dyce  au  musée  de  South-Kensington 
s'élève,  tant  en  documents  manuscrits  et  imprimés,  qu'en  curio- 
sités de  tout  genre,  au  chiffre  énorme  de  14  365  articles,  parmi 
lesquels  figure  (c'est  le  Moniteur  des  ArtSj  dirigé  par  M.  E.  Fil- 
lonneau,  qui  nous  l'apprend)  un  morceaadaMûrier  de  Shakespeare^ 
et  ce  ne  sera  sans  doute  pas  l'article  le  moins  apprécié  des  lé- 
gataires. 

—  Il  n'y  a  pas  de  donateurs  qu'en  AQgleterre.  L'importante  col- 
lection champenoise,  formée  par  le  docteur  Garteron,  de  Troyes, 
mort  en  1866,  vient  d'être  en  partie  cédée  à  bas  prix,  en  partie 
gratuitement  offerte  à  la  bibliothèque  de  cette  ville  par  ses  héri- 
tiers. Au  lendemain  des  mésaventures  survenues  à  cette  biblio- 
thèque, il  fallait  un  courage  qui  double  le  prix  de  la  libéralité. 
Une  particularité  à  noter,  c'est  que  cette  collection  arrive  à  sa 
destination  définitive  tout  inventoriée,  le  catalogue  en  ayant  été 
publié  en  1875  par  le  gendre  du  docteur  Carteron,  M.  Léon  Pi- 
geotte.  Nous  reviendrons  un  jour  ou  l'autre  sur  cette  publication 
qui  se  rattache  à  un  projet  dès  longtemps  déjà  étudié  par  nous, 
celui  d'une  Bibliographie  de  la  Champagne.  Dussent  nos  recherches 
n'aboutir  qu'à  une  simple  Bibliothèque  champenoise^  nous  espé- 
rons pouvoir  publier  bientôt  un  catalogue  qui,  rapproché  de  celui 
de  M.  Pigeotte,  permettra  de  reconstituer  aussi  fidèlement  que 
possible  l'actif  bibliographique  de  cette  intelligente  province  de 
Champagne,  l'une  des  plus  patiemment  littéraires  de  l'ancienne 
France. 

— Nous  signalons  également  la  publication  à  Saint-Pétersbourg  du 
Catalogue  des  livres  rares  et  précieux  composant  la  bibliothèque  de 
feu  M,  Giustiniani,  impros>isateur  et  lecteur  de  la  langue  italienne; 
in-8®.  Cette  importante  collection  (14  333  numéros),  ou  se  cou- 
doient les  écrivains  français,  italiens  et  allemands,  paraît  être  le 
fruit  des  laborieuses  recherches  d'un  curieux  plutôt  que  d'un  éru- 
dit  :  l'on  y  signale  toutefois  quelques  raretés  en  fait  de  vieux 
poètes  italiens  ;  mais  pourquoi  faut-il  que  l'éditeur  ait  cru  devoir 
adopter  pour  chacune  des  grandes  sections  de  ce  catalogue  l'ordre, 
ou  pour  mieux  dire  le  désordre  alphabétique  ?  La  vente,  si  vente 
il  y  a,  y  gagnera  peut-être,  mais  c'est,  à  moins  de  bonnes  tables, 
un  livre  perdu  pour  la  bibliographie. 


UN 

CHAPITRE  DE  L'HISTOIRE 

DE 

L'ÉTABLISSEMENT  DE  L'IMPRIMERIE  DANS  LA  PROVINCE 

DE  LANGUEDOC 

par 
LE  D'  Dbsbarreaux-Beriiabd  (1) 


LODEVE, 

SEIZIÈME    VILLE    DES    ESTÀTS. 


L*étab1issemeiit  de  T imprimerie  à  Lodève  présente  quel- 
ques obscurités  que  nous  allons  essayer  d'éclaircir. 

Nous  connaissons  plusieurs  ouvrages  qui  portent  inscrit 
au  bas  de  leur  titre  le  nom  de  Lodève,  Lodopa. 

Les  plus  remarquables  ont  été  très-sommairement  décrits 
par  les  bibliographes  et  sont  devenus  rares  aujourd'hui; 
aussi  allons- nous  en  donner  une  description  exacte,  minu- 
tieuse même.  On  nous  pardonnera,  nous  Tespérons,  d'être 
en  cette  circonstance  un  peu  prolixe,  mais  Timpor tance  de 
Tœuvre  et  le  nom  du  typographe  nous  imposaient  en  quelque 
sorte  Tennui  de  ce  travail.  Nous  ne  le  regrettons  pas  cepen- 
dant, car  Arnaud  Colomiès  fut  fort  habile  en  son  temps,  et 
Ton  pourrait,  sans  être  taxé  d'hyperbole,  dire  de  lui  ce  que 
M.  Boulmier  a  dit  quelque  part  de  Dolet  :  «  Comme  bon 
imprimeur,  ce  fut  un  savant  doublé  d'un  artiste.  » 

Ces  ouvrages  sont  : 

1®  Le  Thésaurus  syTwnymicus  ; 

(1)  Extrait  du  tome  VII  de  V Histoire  générale  de  Languedoc ,  éditée  par 
M.  Edouard  Privât,  libraire  et  imprimeur,  à  Toulouse. 

8 


106  BULLETIN  DU  BlBLlOPfflLE. 

2"  Le  Florilegium  biblicum; 
3**  La  Chronologia  prœsulum  Lodoçensium, 
Le  faux  titre  du  premier  porte  :  Thésaurus  spionymicus 
hebraïco-chaldaïco-rabbinicus .  11  est  suivi  d'un  titre  grayé 
par  J.  Baronius,  sur  les  dessins  de  F.  Fredeau,  qui  repré- 
sente un  énorme  cep  de  vigne  surchargé  de  grappes  de  rai- 
sins que  des  enfants  pressent  de  chaque  côté  dans  des  urnes. 
A  la  branche  gauche  est  suspendu  un  écusson  portant  ces 
mots  hébreux  :  l??.»]  V^^  (1).  A  la  branche  droite,  et  faisant 
pendant  à  celui-ci,  s'en  trouve  un  autre  sur  lequel  on  lit  : 
Planta  Vitis,  commencement  du  titre  qui,  sur  un  troi- 
sième écusson  placé  au  pied  de  Tarbre,  continue  ainsi  :  Sep 
thésaurus  synonymicus  hebraïcO'chaldaïco-rabbinicus  autore 
Joanne  de  Plantevit  (sic)  de  la  Pause  Lodouensium  in  Gallia 
Narboneiisi   episcopo^    etc.    Domino    montisbruni  y   comité 
magno  Reginœ  Catholica  in  Hispania  elemosjrnario  et  Sancti 
Martini  Ruricurtani.  Belloçacensi  abbate. 

A  droite  de  cet  écusson  se  voient  les  armoiries  de  Plan- 
tavit  de  la  Pause,  avec  couronne  comtale  et  chapeau  d'é- 
véque  :  écartelé  au  premier  et  quatrième  d'azur  à  Tarche 
d'or  supportant  une  colombe  d'argent  tenant  dans  son  bec 
un  rameau  de  sinople  ;  au  deuxième  et  troisième  d'argent 
aux  trois  fleurs  de  lys  d'or  (sic). 

De  l'autre  côté,  à  gauche,  un  petit  écusson  porte  :  Lo~ 
dovœ  typis  Arnaldi  Colomerii  typographi  Regii  Tolosani 
cum  privilegio. 

Le  deuxième  titre  est  imprimé.  Il  est  encadré  d'un  double 
filet,  comme  le  sont  toutes  les  pages  du  volume,  et  com- 
mence par  les  deux  mots  hébreux  inscrits  déjà  sur  le  titre 
gravé,  puis  il  continue  ainsi  :  «  Planta  Vitis  seu  thésaurus 
synonymicus  hebraïco-chaldaïco-rabbinicus  in  quo  omnes 
totius  hebraicae  linguse  voces  una  plerisque  rabbinicis  tal- 
mudicis,  chaldaicis,  earumque  significationes ,  etymon, 
synonymia,    usus,    elegantise,  paraphrases,  idiotismi,  ex 

(1)  Planta  piiUi 


Vy  CHAPITRE  DE  L'HISTOIRE.  107 

hiebraicorum  bibliorum  contextu.  Horum  caidaîm  para- 
phrasibas  ex  immcnso  codicutn  fiabylonîi  et  Hicrosolymi- 
tani  Talmudico  farrngîne  ex  rabbinorum  commentatoribus 
Medockdikim  meturgemanim  meckabbeUm,  souerîin  et  oba- 
channim,  hoc  est,  grammaticis,  exposîtoribus,  cabbalistis, 
philosophîs  et  tbeologis,  aliisque  reconditis  hebraeonim 
nionuinentis,nova  et  exactametliodo  per  hœxapla  TnxpcdXiiXu); 
demonstractur,  ac  uaa  cum  auctorîtatibus  è  sacrarum  litte- 
rarum  corpore  depromptis  energiam  et  empbasim  vocum 
perhibeotibus  ample  ac  dilucidè  explicaotur  :  nonnullorum 
qiioqae  vocabalorum  graecorum,  latînonim,  galliconim, 
italicorum,  hispaniconim,  germauicorum,  anglicomm,  bel- 
gicorum,  polonicorum,  etc.,  etymmologia  ab  haebreo  sev 
caldaïco  idiomati  petita  passira  vbique  indicatur.  Quibus 
accessit  duplex  index  completissimus,  qui  justi  lexici  be- 
braico-latini  loco,  sacrse  linguae  studiosis  inservire  possît< 
■  Collectus,  concinnalus  ac  summo  labore,  séria  alpha- 
betica,  ubique  servata,  digestus.  Auctore  Jo.  Plantavitio 
pausano  LodoveDsium  episcopo  et  Domino.  Mootisbruni 
comité  ex  magno  Kcginae  catolîcae  Id  Hispaaia  Eleemosy- 
Dario,  et  S.  Martini  Ruricurtani  Bellovacensis  abbatc.  Lo- 
dovae,  typis  Colomerii,  Régis  et  Tolosanae  Academia  Ij- 

pograplU  APVD  i^UEM  PROSTAfiT  EXEMPLARIA.  M.  D.  C.  XL. 

IV.  (164^).  Cum  pripilegio  Begis.  - 

Gr.  în-fol.  à  2  col.  encadrées  d'un  double  filet.  La  justi- 
fication, à  la  bauteur  des  filets,  est  de  32  centimètres.  La 
bautcur  des  pages  extérieures  en  a  39.  8  ff.  bmin.  pouf  la 
dédicace  aux  Girdinaux,  Évfiques,  etc.,  l'ëloge  du  Clergé 
français,  en  vers  latins,  la  préface,  les  épigrammes  et  poé- 
sies diverses  en  hébreu,  en  syriaque,  en  arabe,  en  greC; 
en  latin  et  en  français;  le  privilège,  daté  du  30  mai  1639, 
termine  ces  liminaires.  1 426  pp.  de  texte  qui  finit  au  f.  si- 
gué  AAaaaaa.  Le  volume  est  orné  du  portrait  de  l'auteur, 
gravé  par  I.  Baronîus  (l).  Il  remplît  toute  la  page.  L'évêque 

(1)  Jean  Baron  ou  Saroniui  était  de  Touloiue  et  avait  pris  le  sarnom 
de  TWoninui.  Les  biographes  ne  sont  pai  d'aocord  sur  l'fpoqne  de  sa 


108  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

* 

en  camail  et  en  rochet  est  représenté  assis  dans  un  fauteuil, 
ou  plutôt  dans  une  chaire.  Il  est  coiffé  d'un  bonnet  carré. 

Le  papier  est  mince,  grisâtre,  il  a  pour  filigrane  un 
raisin  de  petite  dimension. 

Voici  maintenant  la  description  du  Florilegium  : 

«  Florilegium  biblicum  complectens  omnes  utriuscpie 
Testamenti  sentencias  hebraicè  et  Graecé,  cum  versione  ia- 
tina,  et  brevi  juxta  literalem  sensum  commentario  illustra- 
tas.  Auctore  Joanne  Plantevit  [sic)  de  la  Pause.  Lodos^ae 
typîs  Arnaldi  Colomerii^  typographi  Reg'ij  TolosanL  1645. 
Sans  privilège.  »  Deux  part,  en  1  vol.  gr.  in-fol.  Titre  et 
portrait  gravés  par  I.  Baronius,  sur  les  dessins  de  F.  Fre- 
deau.  Le  titre  gravé,  qui  occupe  toute  la  page,  représente, 
d'un  côté,  les  grands  personnages  de  l'Ancien  Testament,  et 
de  l'autre,  Jésus  assis  et  prêchant  aux  apôtres  qui  l'en- 
tourent son  sermon  sur  la  montagne.  Sur  un  grand  tapis 
étalé,  soutenu  par  un  personnage  placé  au  premier  plan, 
se  lit  le  titre  que  nous  avons  donné  plus  haut.  Dans  le  bas 
se  trouve,  à  droite,  le  blason  du  prince  de  Coudé,  auquel 
le  livre  est  dédié  ;  à  gauche,  celui  de  Plantavit,  décrit  ci- 
dessus. 

Le  livre  contient  6  ff.  limin.  pour  le  faux  titre,  le  titre 
gravé  —  il  n'existe  pas  de  titre  imprimé  —  la  dédicace,  les 
vers  adressés  par  l'auteur  au  prince  de  Gondé,  l'avis  au  lec- 
teur, et  le  portrait  de  Plantavit  de  la  Pause  en  tout  sem- 
blable à  celui  du  Thésaurus  synonymicus .  963  pp.  à  2  col., 
encadrées  d'un  double  filet  et  28  fl.,  non  chiffrés,  pour  les 
tables.  Le  dernier  feuillet  est  blanc.  La  grandeur  des  pages 
et  la  justification  sont  les  mêmes  que  celles  du  volume  pré- 
cédent. 

Nous  ferons,  à  propos  de  ces  deux  volumes,  une  remarque 

naissance.  Les  uns  le  font  naître  en  1631,  les  autres  en  1614.  La  date 
de  1631  nVst  pas  acceptable,  puisque  Baron  n^aurait  eu  que  treize  ans 
orsque,  en  1644,  ii  grava  le  portrait  de  Piaatavit  de  la  Pause.  On  le 
croit  élève  de  Bloemaert.  Selon  le  Dictionnaire  des  Artistes  (Leipzig, 
1788),  «  il  s*étoit  établi  à  Rome  où  il  vivoit  vers  la  fin  du  dix-septième 
siècle.  » 


UN  CHAPITRE  DE  L'HISTOIRE.  109 

fort  singulière  :  c'est  que  MM.  Brunet,  Ternaux-Gompans  et 
P.  Deschamps  n'ont  pas  connu  ou  n'ont  pas  signalé  du  moins 
le  nom  du  typographe  dont  Planta  vit  de  la  Pause  s'est  servi 
pour  faire  imprimer  son  livre.  En  présence  de  ce  fait,  nous 
avions  d'abord  admis  en  faveur  des  accusés  des  circons- 
tances atténuantes  :  la  rareté  de  ces  livres,  constatée  par 
l'épithète  de  rarissimus,  accolée  à  la  description  de  l'un 
d'entre  eux,  la  croyance  où  nous  étions,  que  certains  exem- 
plaires ne  portaient  pas  de  nom  d'imprimeur,  etc.  Pour- 
tant, la  facilité  avec  laquelle  nous  avons  pu,  soit  à  Paris, 
à  la  Bibliothèque  nationale  (l),  soit  à  Toulouse,  dans  la 
bibliothèque  de  la  ville,  nous  procurer,  ou  relever  nous- 
méme  les  titres  des  ouvrages  de  l'évêque  de  Lodève,  cette 
facilité,  disons-nous,  a  fermé  notre  cœur  à  la  clémence. 
Toutefois  nous  ne  demanderons  pas  la  punition  des  cou- 
pables. Deux  d'entre  eux,  d'ailleurs,  ne  sont  plus  hélas! 
sur  la  brèche,  et  le  troisième,  fort  heureusement  pour  la 
science  bibliographique,  a  devant  lui  tout  le  temps  néces- 
saire pour  venir  à  résipiscence. 

Nous  nous  permettrons  cependant  de  relever  ici  les  er- 
reurs commises  par  quelques  écrivains  au  sujet  de  ces  deux 
volumes. 

Dans  la  Nouvelle  Biographie  générale  l'auteur  de  l'ar- 
ticle :  «  Pause  (Jean  Plantavit  de  la)  »  considère  le  Thésau- 
rus et  le  Florilegium  comme  un  seul  et  même  ouvrage  ;  il 
le  date  de  Lodève,  1644-1645,  et  lui  donne  trois  volumes. 
Il  s'est  trompé  :  ce  sont  deux  ouvrages  diflFérents  et  ils  n'ont 
chacun  qu'un  volume.  M.  P.  Deschamps  a  donc  eu  raison 
de  dire  :  «t  Nous  croyons  devoir  distinguer  ces  deux  ou- 
vrages :  le  premier,  le  Thésaurus^  formant  un  lexique  de 
vocables  .hébreux;  le  second,  Florilegium^  comprenant  les 
adages  des  livres  saints.  » 

(1)  M.  Eugène  d'Auriac  a  bien  voulu  prendre  la  peine  de  relever, 
pour  nous,  le  titre  du  Thésaurus  synonymicus  sur  l'exemplaire  de  la  Bi- 
bliothèque nationale.  Nous  le  prions  d'agréer,  de  nouveau,  l'expression 
de  notre  vive  gratitude. 


110  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Relativement  au  Florilegium^  après  avoir  parcouru  ce 
beau  et  fort  volume,  après  avoir  considéré  avec  attention, 
tous  les  caractères  hébreux  (1),  grecs  et  latins,  dont  le  sy- 
métrique arrangement  atteste  l'habileté  de  l'ouvrier,  nous 
nous  sommes  demandé  s'il  était  possible  de  croire  à  Texis- 
tence  de  deux  éditions  d'un  pareil  livre,  imprimées  à  quatre 
années  de  distance  seulement  l'une  de  l'autre  et  dans  une 
petite  ville  de  la  province  de  Languedoc? 

Mais,  nous  dira-t-on,  comment  expliquer  alors  le  millé- 
sime de  1641  formulé  par  Ternaux-Compans,  et  celui  de 
1641-1645  donné  par  Brunet?  La  chose  est  heureusement 
très-facile  à  éclaircir,  et  voici  la  clef  de  ce  tout  petit 
mystère  : 

Le  millésime  1645  est  en  chiffres  arabes,  mais  les  courbes 
du  chiffre  5  sont  si  peu  accusées  qu'il  ressemble  a  un  1,  et 
qu'un  coup  d'œil  rapide  jeté  sur  lui  a  trompé  Ternaux-Com- 
pans,  comme  il  nous  avait  d'abord  trompé  nous-méme 
quand  nous  avons  inscrit  ce  iivre  dans  notre  catalogue. 

La  description  de  Brunet  {^Manuel ^  t.  IV,  col.  689) 
est  entachée  de  deux  erreurs.  On  nous  permettra  de  les 
rectifier. 

Il  a  disposé  le  millésime  ainsi  :  1641-1645.  Qu'a-t-il  voulu 
exprimer  par  là?  Qu'il  existait  deux  éditions  du  Florilegium 
biblicum  ?  Nous  ne  le  pensons  pas,  car  probablement  il  se 
serait  expliqué  plus  clairement. 

Nous  croyons  que  cette  première  erreur  en  a  produit  une 
seconde. 

Brunet  donne  à  l'ouvrage  deux  volumes  et  il  n'en  a  qu'un  ; 
mais  il  est  divisé  en  deux  parties,  qui,  reliées  séparément, 
l'ont  trompé.  La  première  finit  à  la  page  481  dont  le  verso 
est  blanc  ;  la  seconde  qui  suit,  sans  faux  titre,  recommence 
à  la  page  483  ;  les  signatures  Ooo  Oooij  se  suivent,  et  au 
bas  de  ce  dernier  feuillet,  à  gauche,  on  lit  :  «  Pars  II  ». 

Quant  à  la  Chronologie  des  Eçéques  de  Lodève^  que  nous 

(1)  Saint*Aagu8tin  carré,  ponctué  et  sans  pointe. 


UN  CHAPITRE  DE  L'HISTOIRE.  111 

croyons,  ainsi  que  les  autres  ouvrages  de  Plantavit  de  la 
Pause,  le  produit  d'une  presse  toulousaine,  nous  allons  en 
donner  une  description  exacte,  d'après  Texemplaire  de  Se- 
cousse que  possède  la  Bibliothèque  de  Toulouse  :  «  Chrono- 
logia  praesulum  Lodovensivm.  Authore  Plantavitis  de  la 
Pavse  Episcopo  et  domino  Lodouensi  Montis-bruni  comité. 
Ad  Eminentissimum  Cardinalem  Ducem  de  Richeliev  po- 
tentissimum  totius  Imperii  Gallici  Administrum.  Aramontii 
(sic)  Sumptibus  authoris  in  çspm  Cleri  Lodouensis,  1634. 
In-4°  de  10  ff.  limin.,  442  pp.  suivies  d'un  f.  blanc,  et  de 
62  pp.  pour  VIndex  chronol.  Sans  privilège. 

Les  pages  sont  encadrées  d'un  double  filet  —  il  est 
simple  dans  la  marge  du  dos  —  et  les  notes  sont  placées 
entre  les  filets  de  la  marge  extérieure  plus  espacées  que  les 
autres.  Le  papier  n'est  pas  de  belle  qualité,  il  est  mince, 
soyeux  et  un  peu  gris.  Il  se  rapproche  beaucoup  de  celui  du 
Thésaurus  et  du  Florilegium. 

Nous  avons  fait  pressentir,  quelques  lignes  plus  haut,  notre 
opinion  sur  l'impression  de  la  Chronologia^  et  nous  croyons 
fermement  qu'Arnaud  Golomiès  se  transporta  à  Aramons 
ou  Aramond,  Aramontium^  où  il  la  mit  sous  presse  ; 
et,  conmie  nous  sommes  certain  qu'Arnaud  Golomiès 
imprimait  à  Toulouse  dès  l'année  1631,  il  a  donc  pu 
imprimer,  en  1634,  la  Chronologie  des  Euêques  de  Lo- 
dèue. 

Plus  curieux,  plus  tenace  peut-être  que  nos  confrères  en 
bibliographie,  nous  nous  sommes  demandé  quel  motif  avait 
pu  pousser  Plantavit  de  la  Pause  à  faire  imprimer  à  Ara- 
mons sa  Chronologie  des  E\fêques  de  LodèçeP 

Quelques  recherches  faciles  nous  ont  permis  de  répondre 
à  cette  question. 

Plantavit  de  la  Pause  fut  au  nombre  de  prélats  de  Lan- 
guedoc qui  se  fourvoyèrent  dans  la  révolte  de  Gaston  d'Or- 
léans et  du  maréchal  de  Montmorenci.  Richelieu,  qui  ne 
l'ignorait  pas,  avait  fait  excepter  l'évêque  de  Lodève  de 
Tamnistie.  Gelui«»ci,  en  homme  prudent,  s* éloigna,  se  cacha 


ut 


112  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

même  tout  proche  de  la  frontière,  prêt  à  fiiir  si  Torage  de- 
venait menaçant. 

Les  auteurs  de  Y  Histoire  générale  de  Languedoc  (t.  V, 
p.  604)  nous  apprennent  u  que  l'évéque  de  Lodève  ayant 
aussi  prouvé  son  innocence,  fut  renvoyé  absous  par  sen- 
tence des  commisaires  apostoliques  du  10  juillet  1634.  » 

C'est  d'Aramons  et  du  fond  de  la  retraite  qu'il  y  avait 
choisie  qu'il  adressa  au  terrible  cardinal  ses  suppliques  et 
ses  soumissions.  C'est  aussi  là  qu'il  termina  et  qu'il  fit  im- 
primer sous  ses  yeux  sa  Chronologia^  plaçant  en  tête  de 
son  livre  la  dédicace  obséquieuse  dont  nous  avons  donné 
le  titre. 

Le  choix  d'un  imprimeur  toulousain  s'expliquerait  assez 
par  la  réputation  dont  les  typographes  de  Toulouse  jouis- 
saient à  cette  époque  dans  le  Languedoc.  Toutefois,  cer- 
taines circonstances  que  nous  allons  indiquer  tendraient 
à  donner  à  cette  présomption  le  cachet  de  la  certitude. 

Le  fonds  H.  n"  45,  des  Dominicains^  aux  Archives  de  la 
Haute-Garonne,  renferme  une  liasse  concernant  Plantavit 
de  la  Pause  et  quelques  membres  de  sa  famille. 

Ces  pièces  nous  apprennent  qu'en  1631  son  neveu  était 
novice  au  couvent  des  jacobins.  Une  lettre  de  l'évêque  à 
son  neveu,  datée  de  1636,  porte  ces  mots  :  «  L'espérance 
que  j'avais  d'aller  à  Toulouse  pour  mes  affaires  particu- 
lières.. ••  » 

11  allait  donc  souvent  à  Toulouse;  et  c'est  indubitable- 
ment durant  son  séjour  dans  cette  ville  qu'il  traita  de  nou- 
veau avec  Arnaud  Colomics  —  l'imprimeur  de  la  Chrono^ 
logia  —  pour  mettre  au  jour  son  Thésaurus ^  auquel  il 
travaillait,  dit-on,  depuis  vingt  ans. 

Mais  si  nous  sommes  certain  qu'Arnaud  Colomiès  trans- 
porta ses  presses  à  Aramons  pour  y  imprimer  la  Chronolo- 
gia,  nous  sommes  loin  d'avoir,  à  cette  heure,  la  même 
conviction  relativement  à  l'impression,  à  Lodève,  des  deux 
grands  ouvrages  de  Plantavit  de  la  Pause. 

[>a  question  de  dépense,  nous  devons  le  dire,  n'entre 


UN  CHAPITRE  DE  L'HISTOIRE.  113 

pour  rien  dans  le  doute  que  nous  émettons  ici,  car  l'évéque 
de  Lodève  était  puissamment  riche,  et,  sans  parler  de  toutes 
les  prérogatives  avantageuses  dont  il  jouissait,  il  avait  en- 
core dans  son  diocèse  la  mouvance  de  huit  cents  fiefs. 
[Dictionnaire  universel^  g^ogr,  et  histor.  de  Th.  Corneille; 
Paris,  1708.) 

Nous  avons  cru  fort  longtemps,  et  nous  aurions  volon- 
tiers gardé  cette  opinion,  à  savoir  :  qu'Arnaud  Golomiès 
avait  transporté  ses  presses  à  Lodève  en  1644  et  1645;  mais 
une  phrase  imprimée  sur  le  titre  du  Thésaurus  et  qui,  aux 
premières  lectures,  ne  nous  avait  pas  frappé,  a  tout  à  coup 
dessillé  nos  yeux.  Cette  phrase  la  voici  :  «  ....  Typis  Colo- 
merii.,.,  Apud  quem  prostant  exbmplaria  !  »  Les  exem- 
plaires se  vendent  chez  Colomiès  ! 

Cette  phrase  ne  se  trouve  pas,  à  la  vérité,  sur  le  titre  du 
Florilegium;  mais  ce  n'est  pas  là  une  objection,  et  si  le 
Thésaurus  a  été  réellement  imprimé  à  Toulouse,  le  Flori- 
legiunij  qui  le  suivit  de  près,  y  a  été  imprimé  aussi. 

Nous  espérions  trouver  dans  le  Privilège  du  Roy^  placé 
à  la  fin  des  liminaires  du  Thésaurus  synonymicus ^  quelques 
indications  concernant  le  lieu  d'impression  de  ce  volume, 
mais  ce  privilège  ne  renferme,  à  cet  égard,  rien  de  précis  ; 
cependant  s'il  ne  confirme  pas  notre  opinion,  du  moins  il 
ne  la  contredit  pas. 

Plantavit  de  la  Pause,  selon  l'usage  établi  à  cette  époque, 
a  cédé  et  transporté  à  Arnaud  Colomiès,  dans  les  termes 
suivants,  le  privilège  qu'il  avait  obtenu  : 

a  Nous  Jehan  évesque  de  Lodève,  en  conséquence  du 
privilège  qu'il  a  plu  à  Sa  Majesté  nous  octroyer,  avons  per- 
mis au  sieur  Arnaud  Colomiès,  imprimeur  du  Roy  et  de 
l'Université  de  Tolose,  de  jouyr  seul  du  bénéfice  du  susdict 
privilège,  suivant  les  clauses  et  conditions  y  contenues,  faict 
à  Lodève,  ce  dixiesme  juin  mil  six  cents  trente  neuf.  » 

Ce  privilège  étant  daté  de  1639  et  les  deux  grands  ou- 
vrages de  Plantavit  de  la  Pause  n'ayant  paru  qu'en  1644  et 
1645,  nous  trouverions  peut-être  dans  ce  fait  un  argument 


114  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

en  faveur  de  notre  thèse.  Gomment  admettre,  en  effet,  que 
Colomiès  se  soit  absenté  de  Toulouse  durant  six  années, 
ou  qu'il  ait  pu  diriger  à  distance  et  pendant  une  aussi 
longue  période  les  ouvriers  de  tout  genre,  protes,  graveurs^ 
metteurs  en  pages,  etc.,  nécessaires  à  l'impression  de  livres 
polyglottes  aussi  compliqués  que  ceux  dont  nous  avons 
donné  la  description? 

Si  Ton  ne  connaissait  pas  les  affinités  réciproques  qu'ont 
entre  elles  la  bibliographie  et  la  biographie,  on  serait  quel- 
quefois étonné  des  découvertes  dont  elles  s'enrichissent 
lune  l'autre  assez  conununément.  Le  dossier  des  domi- 
nicains, dont  nous  avons  déjà  parlé,  va  nous  en  offrir  une 
nouvelle  preuve. 

Ce  dossier  renferme  différentes  pièces  fort  intéressantes 
concernant  la  famille  de  Tévêque  de  Lodève,  entre  autres 
Tacte  de  mariage  de  son  frère. 

L^examen  attentif  de  ces  pièces  établit  la  filiation  sui- 
vante : 

Christophe  Plantaçit  de  la  Pause^  marié  à  Isabeau  DaS'^ 
sier. 

De  ce  mariage  : 

Gaspard-David  (1)  —  Samuel  —  Jeaiiy  évêque  de  Lo- 
dève. 

Samuel^  d'abord  avocat,  devint  conseiller  au  présidial 
de  Béziers.  Marié,  en  1631,  à  Jeanne  ReilleSj  fille  d*un 
procureur  au  présidial  de  Béziers. 

De  ce  mariage  : 

MariCy 

Samuel  avait  eu  antérieurement,  d'une  première  femme, 
LouiSy  novice  au  couvent  des  jacobins  de  Toulouse. 

Cette  courte  généalogie,  fondée  sur  des  actes  authen- 
tiques, permettra  aux  d'Hoziers  futurs  de  corriger  les  er- 
reurs commises  par  quelques  biographes  modernes. 

Que  Jean  Plantavit  ou  Plantevit  de  la  Pause  descende 

(1  )  Épousa  Louise  Portoman^  dont  il  eut  im  ûls  qui  porta  le  nom  de 
Fran^oU^ 


UN  CHAPITRE  DE  L'fflSTOIRE.  115 

d'un  Decius  Strozzi  (1)  et  d'une  Porcio  Plantaçiti,  cela 
n'a  pas  pour  nous  une  grande  importance,  et  nous  ne  nous 
inscrirons  pas  en  faux  contre  cette  origine  plus  ou  moins 
illustre,  mais  nous  engagerons  les  historiens,  au  nom  de  la 
vérité,  à  n'accepter  qu'à  titre  de  légende  les  fables  à  l'aide 
desquelles  on  a  voulu  amoindrir  la  portée  de  l'abjuration 
du  savant  évêque  de  Lodève  (2). 

Nous  les  engagerons  aussi  à  nous  donner  le  véritable  nom 
de  sa  mère.  M.  Poitevin  Peitavi,  dans  sa  Notice  y  la  nomme 
d'Assac,  et  un  biographe  plus  aventureux,  après  l'avoir  dé- 
signée comme  l'aïeule  de  l'évéque,  ajoute  :  «  qu'elle  portait 
le  nom,  depuis  si  glorieux,  d'Âssas!  »  Dassier  changé  en 
d'Assac,  holà  !  Mais  Dassier  changé  en  d'Assas,  hélas  ! 

Voici,  à  cet  égard,  la  note  que  nous  avons  relevée  dans 
la  France  protestante  de  MM.  Haag  frères,  art.  jdssas  ;  a  A 
quelle  branche  de  la  famille  d'Assas  appartenait  le  célèbre 
chevalier  d'Assas,  natif  du  Vigan,  dont  la  conduite  héroïque 
est  connue  de  tout  le  monde?  Nos  recherches  ne  nous  ont 
conduit  à  aucun  résultat  certain.  » 

Nous  ne  terminerons  pas  cet  article  sans  faire  remarquer 
que  M.  P.  Deschamps  a  un  peu  deviné  ce  qui  s'était  passé 

(1)  Les  Strozzi  n'abandonnèrent  pas  tout  à  fait  leur  nom,  mais  ceux 
qui  le  portèrent  le  joignirent  toujours  à  celui  de  Plantavit  qu'on  ayait 
francisé  eu  retranchant  Vi  final  et  que,  quelquefois,  on  chercha  à  fran- 
ciser davantage  en  écrivant  Plantevit, 

(2)  Voici,  à  ce  sujet,  ce  que  raconte  son  panégyriste  :  c  Ayant  pris  le 
grade  de  docteur  en  théologie,  il  fut  choisi  pour  occuper  à  Béziers  la 
place  de  ministre  du  Saint- Évangile. 

a  U  est  prétendu  qu'étant  monté  en  chaire,  son  sermon,  qu'il  a^ait 
composé  et  étudié  avec  soin,  échappa  à  sa  mémoire  (c'était  le  8  septem- 
bre 1 604,  fête  de  la  Nativité  de  la  Vierge)  ;  que,  réduit  à  improviser,  il 
se  livra  à  l'inspiration  du  moment,  et  qu'au  lieu  des  observations  criti- 
ques auxquelles  on  s'attendait,  il  emprunta,  pour  célébrer  les  grandeurs 
de  la  mère  de  Dieu,  la  doctrine  et  le  langage  de  l'Église  romaine.  Les 
premiers  mouvements  de  surprise  et  les  murmures  qui  en  furent  la  suite 
ne  le  découragèrent  point..,.  L'indignation  de  son  auditoire  l'obligea  de 
descendre  de  chaire,  de  sortir  du  temple  et  de  s'enfuir  du  lieu  de  sa  ré- 
sidence.... Sa  famille....  lui  refusa  un  asile....  il  fut  recherché  par  tout 
ce  qu'il  y  avait  de  plus  considérable  parmi  les  catholiques....  x>  —  [Poi- 
tevin Peitavi.  Notice  sur  Jean  Plantavit  de  la  Païue.  Béziers,  1817^  p.  8.) 


116  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

à  Lodève.  Voici  comment  il  s'exprime:  «  ....  Jean  Planta- 
vit  de  la  Pause  mourut  en  1651,  et  très-probablement  il 
avait  fait  venir  d'une  ville  voisine  un  imprimeur  et  un 
matériel  typographique  à  son  usage,  car  on  ne  trouve  plus 
trace  d'imprimerie  à  Lodève  après  sa  mort.  » 

8  octobre  1875. 


NOTICE 

SUR  QUELQUES  BIBLIOTHÈQUES  DE  HOLLANDE. 


Dans  le  second  volume»  récemment  publié,  de  son  voyage 
en  Hollande  (1),  M.  Havard  donne  sur  les  bibliothèques  pu- 
bliques de  quelques  petites  villes  de  ce  pays,  si  voisin  de 
nous  et  si  peu  connu,  des  détails  qui  ne  peuvent  manquer 
d'intéresser  nos  lecteurs. 

L'une  des  plus  curieuses  est  celle  de  l'Athénée  de  De- 
venter  (Gueldre).  Elle  possède  plus  de  six  mille  volumes, 
parmi  lesquels  on  remarque  un  nombre  assez  considérable 
de  véritables  raretés  :  ouvrages  orientaux,  manuscrits,  cent 
trente  volumes  incunables ,  contenant  ensemble  près  de 
cinq  cents  pièces  ou  ouvrages  différents,  dont  deux  curiosi- 
tés de  premier  ordre,  un  Donat  xylographique,  Texeraplaire 
unique  d'un  Reynardus  viilpes  (roman  du  Renard),  traduit 
de  l'allemand  en  latin  dans  la  seconde  moitié  du  treizième 
siècle  par  un  nommé  Baldwin  ou  Baudouin. 

Le  Donat  de  Deventer  a  eu  les  honneurs  d'une  reproduc- 
tion fac-similaire.  Dans  ses  Monuments  typographiques^ 
M.  Holtrop  l'a  comparé  à  un  autre  exemplaire  conservé  à 
la  bibliothèque  royale  de  la  Haye.  Celui  de  Deventer  est, 
dit-on,  le  plus  complet  qui  existe.  Quant  au  Rej'nardus^  ce 
serait  une  œuvre  longtemps  ignorée  de  l'imprimerie  d'U- 

(1)  La  Hollande  pittoresque....  2  vol.  in- 12,  Gg.  187^-76,  Paris, 
Pion. 


NOTICES  SUR  QUELQUES  BIBLIOTHÈQUES.  117 

trecht.  C'est  du  moins  ce  qu'affirme  un  savant  bibliophile, 
M.  Campbell,  qui  a  publié  en  1859  une  réimpression  de  ce 
livre  curieux  (1). 

Le  conservateur  dé  cette  bibliothèque,  M.  van  Eyck,  porte 
dignement  un  nom  qui  oblige.  Il  est  auteur  d'une  savante 
dissertation  sur  les  origines  de  Timprimerie  à  Deventer, 
écrite  en  hollandais  pour  la  commodité  des  amateurs.  Le 
premier  imprimeur  de  cette  viUe  aurait  été  un  nommé 
Rykert  ou  Richard  PafiTroed,  qui  vint  s  y  établir  vers  1470. 

Zutphen,  autre  petite  ville  de  la  même  province,  à  la- 
quelle les  habitations  entaillées  dans  ses  vieux  remparts 
donnent  un  aspect  singulièrement  pittoresque,  possède  des 
archives  municipales  intéressantes.  On  y  trouve  de  nom- 
breux autographes  de  personnages  illustres,  notamment  de 
Charles-Quint,  d'Egmont,  du  prince  d'Orange,  de  Margue- 
rite de  Parme....   Parmi  les  plus  curieux,  on  remarque: 
1  °  une  lettre  de  Charles  de  Gueldre,  accordant  à  un  brave 
miUtaire,  pour  prix  de  ses  services,  une  place  de  bourreau; 
2°  la  «  lettre  de  pardon  •  octroyée  généreusement  par  Phi- 
lippe II  à  sa  bonne  ville  de  Zutphen,  qui  venait  d'être  ef- 
froyablement saccagée  par  le  duc  d'Albi  (1685).  Cette  lettre, 
qui  aurait  bien  dû  arriver  un  peu  plus  tôt,  a  conservé  son 
grand  sceau  de  cire  noire,  d'un  aspect  sinistre.  Tout,  même 
la  clémence,  était  lugubre  chez  Philippe.  Il  faut  citer  en- 
core une  réponse  de  Louvois,  en  date  du  10  août  1672,  en 
réponse  à  une  supplique  du  magistrat  de  Zutphen,  deman- 
dant l'exemption  de  la  contribution  de  guerre  de  dix  mille 
écus,  à  laquelle  la  ville  avait  été  taxée  pour  le  rachat  de  ses 
cloches,  après  sa  prise  d'assaut  par  les  troupes  françaises, 
le  26  juin  précédent.  La  réponse  de  Louvois  est  plus  cour- 
toise et  plus  bénigne  qu'on  ne  supposerait,  d'après  la  répu- 
tation du  personnage.  Il  annonce  aux  gens  de  Zutphen  que 
S.  M.,  à  laquelle  il  a  rendu  compte,  a  bien  voulu  modérer 

(1)  Beynardus  vuipes,  poema  an  te  annum  1280  à  quodem  Baldwino  e 
linguâ  teutonicd  translatum  recudi  curavit  M.  F.  Â.  G.  Campbell  (à  la  Haye, 
chez  Martinus  Nijhof,  1859). 


118  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

la  somme  à  moitié;  «  mais  qu'il  faut,  après  cela,  ({u'ils  sor- 
tent promptement  de  cette  affaire.  » 

A  l'église  Sainte-Walburge  de  Zutphen,  bel  édifice  go* 
thique,  on  conserve^  malheureusement  assez  mal,  une  ca- 
riosité  peut-être  unique  dans  son  genre.  C'est  une  biblio- 
thèque, non  point  comme  celles  de  nos  jours,  avec  de 
vulgaires  rayons,  des  armoires  et  des  tables,  mais  dans  Tétat 
où  les  bibliothèques  publiques  étaient  il  y  a  trois  siècles. 
Elle  est  reléguée  dans  une  salle  basse,  étroite,  mal  éclairée, 
dont  la  voûte  est  soutenue  par  quatre  vieux  piliers  ornés  de 
chapiteaux  curieux  et  de  bas-reliefs  d'animaux.  Perpendi- 
culairement à  la  muraille,  s'allongent  vingt  doubles  pu- 
pitres, chargés  d'énormes  volumes  in-folio^  tous  retenus 
par  des  chaînes.  Il  n'y  a  guère  plus  de  trois  cents  volumes 
et  pas  très- variés,  comme  le  faisait  déjà  remarquer  Blaeu,  il 
y  a  plus  de  deux  siècles,  dans  son  Theatrum.  Mais  ces  trois 
cents  volumes  constituent  un  trésor  véritable.  Plus  de  la 
moitié  sont  ou  des  manuscrits  curieux,  ou  de  précieux  incu- 
nables, provenant  des  officines  primitives  de  Venise  et  de 
Cologne  ;  œuvres  de  Baptiste  de  Lortis,  d'Andreus  Thore- 
sanus,  de  Johannes  Alemannus  et  de  vingt  autres,  entre 
lesquels  brille  le  nom  d'un  des  membres  de  Timmortellc 
triade  des  inventeurs  de  l'imprimerie,  Petrus  Schœffer,  dont 
la  fameuse  bible  de  1469  figure  dans  cette  bibliothèque  ar- 
chaïque. Parmi  les  ouvrages  relativement  plus  récents,  il 
s'en  trouve  encore  de  bien  précieux  :  par  exemple,  Y  Homère 
de  Jean  Froben,  la  Logique  d'Aristote  d'Henri  Estienne,  et 
le  Prodigiorum  ac  ostentorum  chronicas^  avec  ses  illustra- 
tions étranges,  qui  semble  tout  dépaysé  dans  ce  milieu  édi- 
fiant. 

Malheureusement,  toutes  les  richesses  enfouies  dans  cette 
crypte  sont  remises  à  la  garde  d'un  sacristain  qui  ne  semble 
guère  se  douter  de  l'importance  de  sa  mission.  L'air  pé- 
nètre rarement  dans  ce  réduit;  l'humidité  y  accomplit  son 
œuvre  sans  obstacle.  Les  volumes  pourrissent  insensible- 
ment, feuilletés  de  loin  en  loin  par  quelques  indifférents, 


NOTICES  SUR  QUELQUES  BIBLIOTHÈQUES.  119 

parfois  même  hélas!  lacérés  ou  souillés  par  des  mains  sa- 
crilèges. M.  Havard  tenta  vainement  de  faire  comprendre 
au  sacristain-bibliothécaire  l'importance  de  sa  mission.  Il 
est  vrai  que  le  moment  était  mal  choisi  :  le  brave  homme 
avait  dans  ce  moment-là  son  déjeuner  sur  Je  feu,  et,  sui- 
vant l'expression  de  Térence,  animas  erat  in  patinis. 

Toutes  ces  richesses  typographiques  courent  donc  un 
danger  que  l'avertissement  de  M.  Havard  conjurera  peut- 
être,  car  son  ouvrage  a  fait  sensation  dans  le  pays  qu'il  dé- 
crit, et  Ton  s'occupe  en  ce  moment  de  le  traduire  en  hol- 
landais. U  aura  rendu  un  véritable  service  aux  habitants  de 
cette  partie  reculée  des  Pays-Bas  en  signalant  à  l'attention 
du  gouvernement  néerlandais  bien  des  objets  intéressants, 
monuments,  objets  d'art,  archives,  bibliothèques,  oubliés 
et  menacés  de  destruction. 

Baron  E. 


FINDICIjE  BIBLIOGRAPHICM. 


La  vie  de  Jacques  Pierlot,  prêtre  et  marguillier  de  la  pa- 
roisse de  Vervier,  ville  de  la  principauté  de  Liège  ;  avec 
tous  lés  détails  de  son  crime,  de  sa  dégradation  et  de  son 
supplice.  Nouvelle  édition  augmentée  de  la  confession 
trouvée  dans  la  poche  de  ce  scélérat,  et  ornée  de  son 
portrait,  dessiné  d'après  nature  par  J.  Beirens,  peintre 
à  Vervier,  ornée  de  cinq  figures,  avec  cette  épigraphe  : 
tt  Rien  ne  peut  corriger  le  naturel  pervers.  »  A  Vervier^ 
et  se  trouife  à  Bruxelles^  chez  B.  le  Francq^  imprimeur- 
libraire^  rue  de  la  Magdelaine.  1786.  Açec  permission. 
Pet.  in-8«  (38  pp.). 

Jacques  Pierlot  était  né  à  Vervier,  le  20  juin  1750.  Son  père, 
garçon  meunier,  originaire  du  Luxembourg,  et  sa  mère  de  Stavelot, 


120  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

étaient  des  honnêtes  gens  qui  moururent  à  temps  pour  ne  pas 
voir  la  fin  tragique  de  leur  indigne  descendant;  mais  ils  y  eussent 
été,  au  besoin,  préparés  par  son  enfance  fâcheuse  où  se  trahis- 
saient déjà  les  plus  mauvais  penchants.  Joignez-y  une  hypocrisie 
naissante  constatée  par  son  biographe  anonyme.  «  Il  avait,  dit-il, 
un  regard  dtune  volubilité  étonnante ^  quoiqu'il  affectât  de  baisser 
les  yeux  et  de  ne  regarder  fixement  personne.  » 

Quand  il  eut  été  fait  d* Église^  grâce  aux  soins  pris  pour  son 
instruction  par  quelques  bonnes  âmes,  Jacques  Pierlot  ouvrit  une 
école  à  Vervier.  Les  compositions  qu'il  donnait  à  ses  élèves  révé- 
laient déjà  l'objet  constant  de  ses  préoccupations,  T amour  de  Tor 
et  le  vœu  fait  de  s'en  procurer  per  fas  et  nef  as.  Un  thème  dicté 
par  lui  à  cette  époque,  retrouvé  et  mis  en  lumière  lorsqu'il  fut 
devenu  tristement  célèbre,  dévoile  cette  direction  malsaine  de 
son  esprit  :  «  Mon  père  et  moi,  y  est-il  dit,  qui  menons  une  vie 
pauvre  et  misérable,  commençons  à  nous  ennuyer  de  notre  sort  et 
à  le  détester....  Il  est  terrible  de  voir  que  dans  une  ville  daûs 
laquelle  est  un  grand  nombre  de  riches,  dont  les  coffres  sont 
remplis,  nous  ne  pouvons  trouver  de  soulagement  à  nos  maux,  «  etc. 
Cette  profession  d'instituteur  et  «  quelque  dextérité  dont  il  était 
doué  pour  les  ouvrages  d'horlogerie  »  firent  admettre  Pierlot  dans 
de  bonnes  maisons  de  la  ville,  «  dont  on  aurait  cru  que  sa  mau- 
vaise mine  et  sa  morgue   pédantesque  devaient  l'exclure.  »  Il 
eut  plus  de  peine  à  obtenir  définitivement  la  prêtrise,  et  un  peu 
plus  tard,  les  fonctions  de  marguillier.  De  ce  côté,  ses  mauvais 
instincts  avaient  été,  dans  une  certaine  mesure,  pénétrés.  Clair- 
voyance ou  pressentiment,  ses  supérieurs  ecclésiastiques  ne  l'en- 
visageaient pas  sans  une  crainte  vague,  et  de  même  «  bien  des 
dames  ne  pouvaient  supporter  sa  figure  et  le  regarder  sans  ef- 
froi ;  il  y  en  a  qui  retournaient  frappées  de  terreur  en  sortant  de 
l'avoir  vu  à  l'église,  j»  Cette  répulsion  n'avait  du  reste  rien  que 
de  naturel,  à  en  juger  par  le  portrait  qui  nous  est  tracé  de  Pier- 
lot. Constamment  agité  de  pensées  noires,  on  ne  l'aurait  vu,  dit 
son  biographe,  rire  qu'une  seule  fois:  «  ce  fut  après  qu'il  eut  de- 
mandé à  un  chirurgien  si  l'on  tuerait  bien  un  homme  avec  l'en- 
clume qui  lui  servait  à  travailler  l'horlogerie,  et  sur  la  réponse 
qu^on  tuerait  même  un  bœuf,  »  L'(m  verra  plus  loin  l'usage  ter- 
rible qu'il  devait  faire  de  cet  instrument. 

Nous  voici  arrivé  au  moment  où  Pierlot,  de  plus  en  plus  pos- 


VINDICr^  BIBCIOGRAPHLC-E.  121 

sedé  de  la  soif  de  l'or,  songcu  ù  demuuder  la  réalisation  de  son 
rèvc  auï  loteries  qui  Horissaient  alors  dans  le  pays  de  Liège.  Il 
y  eut  bientôt  épuisé  ses  faibles  ressourses,  ainsi  qu'une  somme 
d'argent  dont  on  l'avait  fait  dépositaire  et  qu'il  prétendit  lui 
avoir  été  volée  dans  un  incendie  qui  consuma  un  beau  jour  une 
|Kii'tie  de  son  logis,  incendie  que  l'on  tint  depuis  pour  certain  avoir 
été  allumé  de  ses  propres  mains. 

Le  j>remier  pas  était  fait.  Pierlot  continua  de  jouer  avec  l'ar- 
gent qu'il  empruntait  à  droite  et  à  gauche.  Un  jour  vint  où  il  se 
trouva  débiteur  de  siï  mille  florins  et  oii,  mis  en  demeure  d'en 
pajer  au  moins  une  partie,  il  entra  résolument  dans  la  voie  du 
crime. 

Il  avait  conçu  la  pensée  de  pratiquer  un  emprunt  forcé  dans  la 
caisse  d'un  vieillard  <ie  set  aniis  nommé  Delmotte,  homme  de 
fortune  et  ancien  conseiller  du  prince-abbé  de  Stavelot.  A  cet  ef- 
fet, il  avait  fait  fabriquer  tme  fausse  clef  de  sa  maison  au  moyen 
d'une  empreinte  levée  à  la  cire,  et  fait  faire  par  des  religieuses  six 
gaufres  dans  lesquelles  devait  entrer  une  substance  mystérieuse 
qu'il  avait  mise  entre  leurs  mains  et  qui  n'était  autre  chose  que  de 
l'opium.  Son  dessein  était  d'endormir,  à  l'aide  de  ces  gaufres, 
les  deux  soeurs  qui  étaient  les  servantes  de  Delmotte,  afin  de 
jiouvoir  puiser  plus  librement  dans  sa  cuisse;  mais  les  bonnes  re- 
ligieuses ayant  refusé  de  se  prêter  à  ce  qu'elles  considéraient 
simplement  comme  devant  servir  à  un  badinage,  Pierlot,  pressé 
])ar  ses  créanciers,  sortit  de  toute  mesure.  Iniroivît  in  eum  Sata- 
nas.  Le  seizième  jour  de  décembre  1785,  à  quatre  heures  du  ma- 
tin,  il  s'en  va  frapper  à  la  porte  de  Delmotte  :  il  éveille  les  ser- 
vantes, leur  annonce  que  leur  mèi'e  est  à  toute  extrémité  et  qu'eUe 
demande  à  les  voir.  Il  part  avec  l'une  d'elles,  laissant  l'autre  à 
la  garde  du  logis  et  quitte,  lui  dit-il,  à  revenir  lu  chercher  bien- 
tôt si  leur  mère  va  plus  mal.  Il  portait  caché  sous  ses  vêtements 
■ion  enclume  d'horloger,  et  en  chemin  il  en  assène  sur  la  tête  de 
!.i  fille,  qu'il  conduisait  plusieurs  coups  facilement  mortels;  puis  il 
letournc  chercher  l'autre  servante,  lui  fait  prendre  un  chemin 
différent  et  s'en  défait  de  la  même  manière.  Ce  double  meurtre 
accom))li,  il  retourne  une  troisième  fois  au  logis  de  Delmotte.  Sa 
première  pensée  avait  été  d'épargner  ce  vieillard  que  ses  infir- 
mités tenaient  à  peu  |)rès  cloué  dans  une  chambre  éloignée  de 
son  trésor  ;  mais  ayant  su  de  la  seconde  de  ses  victimes  que  leur 


122  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

maître  avait  été  mis  au  courant  de  leur  sortie  matinale,  Pierlot 
prend  le  parti  de  supprimer  ce  témoin  compromettant.  Il  en  vient 
facilement  à  bout  et  touche  à  son  détestable  but,  lorsqu'un  léger 
bruit  entendu  dans  la  maison  lui  rappelle  que,  depuis  long* 
temps,  Ton  y  tient  hébergé  un  prêtre  ami  de  sa  victime,  fl  monté 
à  la  chambre  que  ce  prêtre  occupe  à  l'étage  supérieur  et  tente  de 
lui  faire  partager  le  sort  des  autres  habitants  de  la  maison;  mais 
la  Providence  ne  permet  pas  l'accomplissement  de  ce  dernier  for- 
fait. Les  coups  de  l'enclume  sont  amortis  par  les  rideaux  du  lit 
sous  lesquels  se  concentre  la  lutte  :  finalement,  Pierlot  est  ter- 
rassé par  ce  prêtre,  qui,  bien  que  grièvement  sinon  mortellement 
blessé,  le  jette  hors  de  sa  chambre  où  il  se  barricade,  croyant  la 
maison  remplie  de  brigands. 

Pierlot  n'attendit  pas  qu'il  se  décidât  à  en  sortir  pour  ameuter 
le  voisinage.  Après  l'échec  de  son  infernale  combinaison,  il  ne  lui 
restait  d'autre  parti  que  la  fuite.  Pendant  plusieurs  jours,  il  erra 
autour  de  Vervier,  recevant  l'hospitalité  dans  quelques  censés 
isolées,  et  finit  par  trouver  un  refuge  momentané  dans  un  cou- 
vent de  récollets,  situé  dans  le  Luxembourg,  au  lieu  dit  les  Trois- 
Vierges  ;  mais  malgré  l'insuffisance  des  moyens  de  publicité  de  ce 
temps-là,  le  bruit  de  son  quadruple  assassinat  s'était  répandu.  Sa 
tête  avait  été  mise  à  prix.  L'appât  de  vingt  louis  offerts  par  le 
mayeur  de  Vervier  et  d'une  somme  double  promise  par  les  héri- 
tiers de  M.  Delmotte,  détermina  un  garçon  de  ferme,  qui  avait 
conduit  Pierlot  aux  Trois- Vierges,  à  le  livrer  à  la  justice.  Cet 
homme,  nommé  Valentin,  se  rendit  à  Vervier  pour  faire  part  au 
mayeur  de  son  dessein  et  lui  demander  des  moyens  d'exécution. 
Trois  hommes  lui  furent  adjoints  avec  lesquels  il  repartit  pour  se 
rendre  au  couvent  où  était  caché  Pierlot.  Ils  y  arrivèrent  le  8  jan- 
vier 4786  après  avoir  franchi  les  passages  marécageux  des  Ar- 
dennes  appelés  les  fanges ,  et  présentèrent  leur  commission  au 
mayeur  du  lieu,  qui  prit  le  commandement  de  l'expédition. 

Valentin,  tout  en  s' engageant  à  livrer  le  criminel,  avait  stipulé 
qu'il  ne  mettrait  pas  la  main  sur  lui,  par  respect  sans  doute  pour 
son  caractère  sacerdotal.  Il  se  chargea  de  l'attirer  hors  du  cou- 
vent et  de  le  faire  tomber  entre  les  mains  de  ses  acolytes.  Il  réus- 
sit en  effet  à  pénétrer  dans  la  cellule  de  Pierlot  et  à  l'en  faire 
sortir  en  lui  promettant  de  le  conduire  dans  une  retraite  encore 
plus  sûre.  Il  l'amena  ainsi  jusque  dans  une  embuscade  où,  malgré 


VINDICLE  BIBLIOGRAPHICiï:.  123 

sa  résistance,  on  put  se  rendre  maître  de  lui.  De  là,  Pierlot  fut 
mené  dans  un  château  des  environs  où  il  tint  prison  jusqu'au  26 
janvier  qu'un  piquet  de  soldats  du  prince-évêque  de  Liège  vint 
le  prendre  pour  le  conduire  dans  cette  ville.  Il  y  fit  son  entrée  le 
29,  a  au  milieu  d'un  peuple  hnmense  »,  et  fut  écroué  dans  les 
prisons  de  Toûîcialité. 

L'instruction  du  procès  ne  fut  pas  longue.  Le  tribunal  ecclé- 
siastique, qui  avait  reçu  l'accusé  des  mains  de  «  messieurs  les 
échevins  »,  rendit  une  sentence  de  dégradation,  «  ensuite  de  la- 
quelle le  dégradé  devait  être  livré  au  bras  séculier  ».  La  céré- 
monie de  cette  dégradation  eut  lieu  le  20  février,  sur  la  grande 
place  de  Liège,  au  bas  des  escaliers  de  la  cathédrale.  C'est  la 
partie  importante  et  curieuse  du  livret  que  nous  analysons.  Nous 
nous  y  arrêterons  donc  quelques  instants,  tout  en  exprimant  le 
regret  que  l'anonyme  qui  nous  a  consei'vé  ces  précieux  détails 
ait  cru  devoir  omettre,  à  l'exception  de  la  sentence  elle-même,  le 
texte  latin  des  formules  employées  dans  cette  circonstance. 

Avant  d'entamer  le  récit  de  cette  scène,  donnons^  d'après  notre 
auteur,  un  crayon  du  lieu  où  elle  va  se  passer.  Sauf  le  côté  oc- 
cupé par  la  cathédrale,  la  place  est  entourée  d'un  cordon  de  soldats 
qui  contient  la  foule  que  n'ont  pu  arrêter  les  chaînes  tendues 
dans  les  rues  avoisinantes.  Aux  fenêtres  et  jusque  sur  les  toits  de 
l'hôtel  de  ville  et  des  autres  maisons  des  milliers  de  curieux.  De- 
vant les  degrés  de  la  cathédrale,  l'on  a  disposé  une  table  d'autel 
couverte  d'une  nappe,  sur  laquelle  on  a  placé  (l'on  verra  pour 
quel  usage]  des  burettes,  un  calice  avec  la  patène  et  l'hostie,  deux 
vases,  l'un  de  vin,  l'autre  d'eau,  le  livre  des  Evangiles,  celui  des 
Epîtres,  le  bassin,  le  purificatoire  et  Tessuie-main,  un  chandelier 
avec  un  cierge  éteint,  le  livre  des  exorcismes  et  celui  des  Leçons, 
l'antiphonaire,  des  clefs,  des  ciseaux,  un  couteau  et  enfin  les  ha- 
bits sacerdotaux,  l'amict,  l'aube  et  la  ceinture,  le  manipule  et  le 
surpUs,  l'étole,  la  dalmatique  et  la  chasuble. 

Pierlot,  en  habit  noir  avec  rabat,  est  amené  sous  escorte  par 
«  l'archifisc  de  la  coui*  épiscopale  ».  Les  officiants  n'ont  pas  en- 
core paru.  En  les  attendant,  on  fait  revêtir  au  condanmé  les  ha- 
bits sacerdotaux  qui  ont  été  placés  sur  l'autel,  jusques  et  y  com- 
pris la  chasuble.  Puis,  il  s'assied  sur  un  banc,  «  dans  une  attitude 
assez  décente  ».  Il  convient  du  reste  de  noter  que  devant  le  tri- 
bunal ecclésiastique,  Pierlot  avait  fait  des  aveux  complets  et  détesté 


124  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

hautement  ses  crimes.  De  ce  moment  jusqu'au  dernier  il  donna  les 
marques  du  plus  vif  repentir  ainsi  que  d'une  grande  fermeté 
d'âme,  celle  d'un  homme  qui  accepte  un  supplice  qu'il  re- 
connaît avoir  mérité.  A  un  seul  moment  il  se  départit  de  cette 
attitude  de  détachement  :  ce  fut  lorsqu*en  se  rendant  au  lieu  de 
sa  dégradation,  il  demanda....  quoi?...  une  prise  de  tabac;  «  mais 
le  goût  pour  cette  poudre,  dit  son  biographe,  dégénérant  en  pas- 
sion chez  ceux  qui  l'adoptent,  on  peut  croire  que  ce  fut  dans 
Pierlot  l'effet  d'un  désir  irrésistible.  » 

Revenons  à  la  grande  place.  Les  officiants  paraissent  enfin.  Ce 
sont  <c  Mgr  le  comte  de  Méan,  évêque  d'Hippone  et  suffragant  de 
Liège,  accompagné  des  seigneurs-abbés  de  Saint-Gilles  et  de 
Saint-Jacques,  tous  trois  en  habits  pontificaux  de  couleur  rouge, 
mitre  en  tête  et  crosse  à  la  main;  les  doyens  de  Saint-Pierre  et 
de  Saint-Paul,  Mgr  l'official  et  ses  fiscaux  ».  Ils  se  rangent  d'un 
côté  de  l'autel,  et  de  l'autre  sont  les  huit  échevins  de  la  cour 
souveraine  et  «  le  mayeur  en  féauté  ». 

Pierlot,  toujours  couvert  des  ornements  sacerdotaux  et  le 
calice  à  la  main,  s'agenouille  devant  l'évêque,  tandis  que  l'offi- 
cial donne  lecture  de  la  sentence  de  dégradation. 

«  Vu,  y  est-il  dit,  les  actes  de  Tarchifisc  N. ...  contre  Jacques 
Pierlot,  vu  qu'il  est  prouvé  non-seulement  par  plusieurs  indices, 
dépositions  de  témoins,  confrontations,  bruit  public,  mais  encore 
par  ses  aveux  {sed  etiam  propria  confessione  sxpius  reiterata)  que 
ledit  Pierlot  a,  le  16  décembre  1785,  avant  l'aube  [in  tenebris  et 
ante  diluculum)^  perpétré  trois  meurtres  notoires  et  des^  plus 
atroces  [tria  notoria  atque  atrocissima  homicidia)^  traîtreusement 
et  par  ruse  [proditorie  et  per  insidias),  l'un  dans  la  personne 
d'Ëlizabeth  Santé,  servante  de  Philippe  Delmotte,  bourgeois  de 
Vcrvier,  en  son  vivant  conseiller  du  prince  de  Stavelot  {unum 
nempe  in  personam  Elizabethx  Santé  penès  Philippum  Delmotte^ 
civem  yerviensem,  dum  viveret  principis  Stabulensis  consiliarium 
famulantis)^  l'autre  dans  la  personne  de  Barbe  Santé,  sœur  de  la- 
dite Elizabeth,  le  troisième  dans  la  personne  même  dudit  conseiller 
Delmotte;  attendu  qu'il  est  également  prouvé  qu'il  a  tenté  d'ac- 
complir un  quatrième  homicide  dans  la  personne  du  prêtre  Ma- 
thieu-François Sougnez,  par  plusieurs  coups  portés  à  la  tête  au 
moyen  d'un  instrument  de  fer  propre  à  donner  la  mort  et  qui 
avait  servi  aux  autres  meurtres  {per  varias  plagasy  eodem^  quo 


VINDICLE  BIBLIOGRAPHICC.  125 

personas  mox  nominatas  erudeliter  mactavit,  instrumento  ferreo 
suapte  natura  ad  occidendam  apto  in  caput  ejus  illatas)  ;  attendu 
que  par  ces  crimes  le  sieur  Picrlot  a  mérité,  selon  les  dispositions 
lies  saints  canons  et  des  constitutions  papales,  d'Être  priv<^  de  tout 
office  et  (le  tout  giade,  nous  prononçons  sa  dégradation  actuelle 
{anualrler  degradandam  dicimas),  et  le  livrons  au  bras  séculier 
{el  bracchio  sxculari  tradimus  puniendum) ,  tout  en  requérant 
néanmoins  les  juges  et  ministres  de  la  justice  séculière  de  vouloir 
bien,  autant  que  le  droit  le  permet,  s'abstenir  de  l' effusion  du 
sang  [rogantes  nikilominas  justitix  Sttcularis  judices  et  ministros, 
ut  i/uaatum  jus  permittit  a  sanguinis  effusione  tibstincre  velini),  « 

Après  cette  lecture  et  Pierlot  étant  toujours  à  genouï,  l'on  pro- 
cède aux  cérémonies  de  la  dégradation  en  passant  par  tous  les 
degréî  des  ordres  majeurs  et  mineurs. 

D'abord,  la  prêtrise.  L'cvèque  retire  des  mains  du  condamné 
le  calicB  avec  le  vin  et  l'eau,  la  patène  et  l'hostie  ;  «  Nous  t'ôtons, 
ou,  pour  mieux  dire,  nous  montrons  qu'il  t'est  déjà  flté  le  [Wuvoir 
d'olfrir  à  Dieu  le  sacrifice.,..  »  Puis  l'évèque  radf  avec  le  coutean 
les  pouces  et  les  index  de  Pierlot,  mais  sans  aller  jusqu'au  sang: 
H  C'est  ainsi  que  nous  te  retirons  le  pouvoir  de  sacrifier,  de  con- 
sacrer et  de  bénir  que  Eu  ;ivais  reçu  par  l'onction  de  tes  mains,  a 
Il  lui  enlève  la  chasuble  «  signe  de  la  chanté  »  et  l'élole  o  qui  li- 
gure le  signe  du  Seigneur  >  et  lui  interdit  toutes  fonctions  sacer^ 
dotales. 

Le  diaconat.  L'on  ôte  ati  condamné,  avec  des  formules  ana- 
logucs,  le  livre  des  Evangiles,  la  dalmatique,  l'étole  transversale 
que  l'on  fait  passer  par-dessus  sa  tête,  en  la  rejetant  derrière 
lui. 

Le  sous-diaconat.  L'on  ôte  de  ses  mains  le  livre  des  Épttres; 
on  lui  retire  le  manipule  et  l'amict  ;  puis,  après  lui  avoir  fait  tenir 
les  burettes  avec  du  vin  et  de  l'eau,  le  bassin  avec  l' essuie-main, 
le  calice  vide  et  la  |>atcnc,  on  lui  enlève  ces  objets  en  lui  inter- 
disant toutes  fonctions  du  sous-diaconat. 

Toujours  descendant  d'un  degré,  l'on  est  arrivé  à  l'acoljtat. 
Pour  en  dégrader  le  condamné,  on  luf  «tire  la  ceinture  et  l'aube, 
et  l'on  met  entre  ses  mains,  pour  W  .'ipter,  une  burette  vide  et 
un  cierge  éteint.  '      ,  -^ 

Les  pouvoirs  d'exorciste  lui  so/  .J'*?  par  l'enlèvement  de 
ses  mains  du  livre  de  cet  ordre.  ,'         ;  ■,  \ 


\ 


126  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

Le  retranchement  du  condamné  du  nombre  des  lecteurs  a  lieu 
également  par  le  retrait  d'entre  ses  mains  du  livre  des  Leçons. 

L'ostiariat  (office  de  portier)  lui  est  retire  de  la  même  manière. 
Les  clefs  de  l'église  mises  entre  ses  mains  lui  sont  enlevées. 

Il  ne  reste  plus  que  la  tonsure.  On  retire  la  dernière  pièce  du 
vêtement  sacerdotal,  le  surplis,  et  Ton  met  le  condamné  entre  les 
mains  d'un  barbier  chargé  de  lui  raser  complètement  la  tête  : 
ce  Nous  te  privons  de  l'habit  clérical  et  nous  t'ôtons  l'accoutre- 
ment de  la  religion  ;  nous  te  déposons,  dégradons  et  dépouillons 
de  tout  ordre,  de  tout  bénéfice  et  de  tout  privilège  clérical,  et, 
pour  t'êlre  rendu  indigne  de  l'état  de  clerc,  nous  te  livrons  à  la 
servitude  et  à  l'ignominie  de  l'habit  et  de  l'état  séculier  ».  Puis, 
lorsque  le  barbier  a  accompli  son  office  :  «  Nous  te  prononçons 
déchu  comme  un  fils  ingrat  de  la  part  du  Seigneur,  à  laquelle 
tu  avais  été  appelé,  et,  pour  le  dérèglement  de  ta  conduite,  nous 
enlevons  de  ta  tête  la  couronne,  signe  vraiment  royal  du  sacer- 
doce. » 

Enfin,  le  condamné,  dépouillé  de  son  habit  et  de  son  rabat,  est 
fait  endosser  un  sarrau  de  paysan,  et,  dit  l'évoque  ofQciant  : 
«  Nous  prononçons  et  livrons  à  la  justice  sécuhère  Jacques  Pier- 
lot  comme  étant  déchu  et  dégradé  de  tout  ordre  et  privilège  clé- 
rical. » 

Après  quoi,  le  dégradé  est  conduit  dans  la  prison  du  «  sou- 
verain officier  »,  et  le  tribunal  des  «  seigneurs  échevins  »  porte 
la  sentence  qui  suit  : 

«  Le  vingt-un  février  1786,  vus  les  actes"  par  nous  les  échevins 
de  la  justice  souveraine  de  la  cité  et  pays  de  Liège,  condamnons 
Jacques  Pierlot,  prisonnier,  à  être  traîné  sur  une  claie,  au  lieu 
(lu  supplice,  à  Saint-Gilles,  et  être  tenaillé  avec  des  pincettes  ar- 
dentes, pendant  le  chemin,  huit  fois  différentes,  savoir  :  en  sortant 
de  prison,  deux  fois  aux  seins  droit  et  gauche  ;  la  deuxième  fois, 
sur  le  marché,  aux  épaules  droite  et  gauche;  la  troisième  fois,  à 
la  porte  du  pont  d'Avroy,  au  bras  droit  deux  fois;  et  la  qua- 
trième fois,  au  lieu  du  supplice,  deux  fois  au  bras  gauche;  et  en- 
suite, avoir  les  bras,  jambes  et  cuisses  rompus  et  brisés  avec 
une  barre  de  fer  ;  puis  son  corps  être  exposé  sur  une  roue  i>en- 
dant  quatre  heures,  et  si  alors  il  est  encore  en  vie,  il  sera  étran- 
glé tant  que  la  mort  s'ensuive,  pour  V exemple  des  autres,  » 

La  fermeté  dont  Pierlot  avait  fait  [)rcuve  depuis  son  arrestation 


VINDICLE  BIBLIOGRAPHICiE.  127 

ne  l'abandonna  pas  dans  les  tourments.  Son  repentir  éclata  en  de 
tels  accents  de  religieuse  émotion  que  Ton  put  voir  se  renouve- 
ler ce  qui  s'était  passé  lors  du  supplice  de  la  marquise  de  Brin- 
villiers,  quand  le  peuple,  enivré  par  l'éloquence  de  ses  remords, 
se  baissait  pour  recueillir  les  cendres  de  cette  sainte.  Le  biographe 
anonyme  de  Pierlot  paraît  ne  pas  avoir  échappé  à  cette  sympa- 
thie in  extremis.  Comparant  son  héros  à  celui  qui  entra  le  pbemiea, 
à  la  suite  du  Sauveur,  dans  l'étemelle  gloire  [Hodie  mecum  eris 
in  Paradiso),  il  ne  met  pas  en  doute  que  la  roue  n'ait  été  pour 
Pierlot,  comme  la  croix  pour  le  bon  larron,  le  marchepied  de  la 
bienheureuse  éternité.  Il  a  peut-être  raison.  Les  législations  du 
temps  passé,  en  ne  marchandant  pas  le  châtiment,  prenaient  à 
leur  compte  une  grande  partie  (sinon  tout)  de  Texpiation  qui 
est  la  souveraine  loi  de  l'existence  d'outre- tombe.  Donc,  loin  de 
nous  la  pensée  de  contredire  à  ses  conclusions,  et  paix  à  Jacques 
Pierlot,  à  ses  victimes  et  à  ses  juges! 

Un  dernier  mot,  et  celui-là  de  bibliographie.  Gomme  tous  ceux 
destinés  à  une  classe  populaire  de  lecteurs,  le  livret  que  nous  ve- 
nons d'analyser  est  devenu  assez  rare,  malgré  sa  date  relativement 
récente.  Le  catalogue  Leber  est  le  seul  qui  en  ait  fait,  à  notre 
connaissance,  mention  [Supplém.  n°  59)  en  l'accompagnant  de 
cette  note  : 

«c  Livret  curieux,  en  ce  qui  touche  le  récit  authentique  de  la 
dégradation  d'un  prêtre  meurtrier  (ce  qui  ne  prouve  rien  contre 
le  sacerdoce),  les  formes  qu'on  y  observa  et  les  figures  qui  en 
représentent  les  principales  circonstances.  Les  planches  appar- 
tiennent à  la  deuxième  édition  qui  est  celle-ci  et  dont  les  exem- 
plaires passent  rarement  dans  les  ventes.  » 

.  L'existence  d'une  première  édition  nous  étant  déjà  signalée  par 
le  titre  de  celle  que  nous  avons  eue  sous  les  yeux,  cette  note  ap- 
prend donc  peu  de  chose.  Quant  à  la  parenthèse  ouverte  par 
Leber  en  faveur  du  sacerdoce,  elle  témoigne  d'une  impartialité 
de  bon  goût  chez  un  bibliographe  de  l'école  voltairienne  et  ne  se- 
rait pas  déplacée  dans  le  catalogue  de  M.  Joseph  Prudhomme 
«  avec  notes  du  collecteur  ».  W.  O. 


BIBLIOGRAPHIE   RÉTROSPECTIVE. 


Alix  Mânes  de  Louis  XV,  et  des  grands  hommes  qui  ont 
vécu  sous  son  règne,  ou  essai  sur  le  progrès  des  arts  et 
de  Fesprit  humain  sous  le  règne  de  Louis  XV.  Aujc 
Deux-Ponts^  à  r Imprimerie  ducale^  1776;  2  voL  in-8®. 

Ce  livre  mériterait  mieux  qu'une  notice  de  catalogue,  car  il  re- 
flète assez  fidèlement  la  physionomie  de  son  temps.  Nous  n'osons 
affirmer  qu'il  contienne  beaucoup  de  choses  nouvelles,  mais  il  se 
fait  Ure,  vaille  que  vaille,  et  il  n  est  pas  trop  indigne  de  figurer 
à  côté  du  Précis  du  siècle  de  Louis  XV  de  Voltaire,  ouvrage 
d'ailleurs  de  beaucoup  inférieur  à  son  aîné,  le  Siècle  de  Louis  XIV , 

Un  mot  sur  l'auteur,  Gudin  de  la  Brenellerie,  plus  connu  par 
des  poésies  erotiques  et  une  édition  de  Beaumarchais  (1809). 
Gudin  a  commis  aussi  quelques  tentatives  de  littérature  politique, 
qui  nous  font  nous  demander  si  en  publiant  ses  poésies  sous  le  pseu- 
donyme de  a  Frère-Paul  »  il  n'a  pas  eu  l'intention  de  s'approprier,  en 
le  francisant,  le  prénom  d'un  écrivain  politique  célèbre,  du  moine 
Fra-Paolo  Sarpi.  Cela  serait  bien  possible.  Aux  approches  de  la 
Révolution,  tout  le  monde  avait  en  poche  un  système  de  Contrat 
social.  Cela  s'appelait  avoir  des  vues.  Ajoutez -y  un  peu  de  cha* 
leur  et  de  libéralisme  à  la  Turgot,  et  l'on  se  trouvait  tout  porté 
pour  être  enregistré  dans  «  cette  charretée  de  charlatans  célèbres 
qui  ont  fait  tant  de  bruit  sur  le  pavé  du  dix-huitième  siècle  (1)  ». 

Le  livre  Aux  Mânes ^  etc.  se  tient  à  égale  distance  des  hautes 
aspirations  politiques  et  des  considérations  purement  littéraires. 
L'auteur  a  voulu  seulement  présenter,  comme  l'indique  le  titre, 
un  tableau  du  règne  de  Louis  XV,  au  point  de  vue  des  lettres, 
des  arts  et  même  des  sciences.  Y  a-t-il  réussi?  En  partie,  oui. 
Rien  de  bien  neuf,  certes,  ni  de  bien  approfondi  dans  ce  vaste 
panorama  qui  comprend  tout,  depuis  l'astronomie  jusqu'à  la  danse 
noble,  depuis  Herschell  jusqu'à  Vestris,  mais  quelques  documents 
qui  ne  sont  pas  à  dédaigner  pour  ceux  qui  écriront  l'histoire  de 

(1)  V.  Hugo,  lÀttcrature  et  PhUoso/:hle  mêlées. 


BIBLIOGRAPHIE   RÉTROSPECTIVE.  129 

cette  époque,  entre  autres  la  partie  consacrée  aux  explorations 
scientifiques  qui  ont  été  entreprises  sous  ce  règne.  L'expédition  de 
la  Condamine  à  Quito,  le  voyage  ,de  Tabbé  Chappe  en  Sibérie, 
celui  d'Anquetil-Duperron  dans  Tlnde  h  la  recherche  des  livres 
de  Zoroastre  (est-ce  assez  une  idée  du  dix-huitième  siècle?),  ont 
trouvé  dans  Gudin  un  annaliste  consciencieux  et  quelquefois  at- 
tachant. Son  livre  est  à  conserver  à  cause  de  cela.  Il  a,  enfin,  un 
dernier  intérêt,  c'est  qu'il  donne  bien  (trop  bien!)  la  note  de  l'é- 
poque au  point  de  vue  moral.  Gudin,  conteur  erotique  avant  toutes 
choses  et  non  pas  conteur  inconscient,  comme  les  maîtres  du 
genre,  s'épanche,  à  propos  des  mœurs  de  son  temps  comparées 
à  celles  des  siècles  précédents,  en  des  théories  dont  il  convient 
de  lui  laisser  la  responsabilité.  Il  est  curieux  à  entendre  avec  son 
style  dégagé.  «  Je  sais,  dit-il,  que  l'adultère,  tant  proscrit  par  les 
lois  et  par  la  religion,  n'est  pas  plus  un  crime  dans  nos  mœurs 
qu'il  ne  Tétait  à  Sparte,  qu'il  ne  l'était  à  Rome,  sous  l'empire  de 
César,  qu'il  ne  l'est  aujourd'hui  dans  plus  d'une  grande  ville  de 
l'Europe;  car  les  lois,  la  religion  et  les  mœurs  sont  presque  tou- 
jours en  contradiction.... 

«  Dans  l'impossibilité  de  rendre  chastes  les  hommes  aussi  bien 
que  les  femmes,  il  a  fallu  étouffer  la  jalousie  et  lui  arracher  le 
poignard  de  la  main,  en  rendant  ridicule  tout  mari  et  tout  amant 
trompé  qui  s'emporte....  »  etc.  Et  plus  loin  :  «  La  jalousie  est 
l'ouvrage  de  Tamour-propre  et  non  celui  de  la  nature....  »  Voilà 
où  l'on  était,  moralement  (ou  immoralement  parlant),  au  début 
du  dernier  quart  du  dix-huitième  siècle.  Qu'il  y  ait  eu  amélio- 
ration dans  les  mœurs,  nous  n'en  voudrions  pas  jurer,  mais  au 
moins  de  semblables  théories  hésiteraient  maintenant  à  se  produire 
aussi  crûment,  et  c'est  un  progrès. 

W.  O. 


REVUE  CRITIQUE 


DE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES. 


Le  Registre  de  Là  Grange  [Archwes  de  la  Comédie^ 
Française^  1658-1685),  précédé  d'une  notice  biogra- 
phique,  par  Edouard  Thierry.  Paris^  un  m-4®,  1876.  — 
Dossier  de  La  Grange,  par  Edouard  Thierry.  Paris^ 
un  in-4^,  1876.  — Bibliographie  Cornélienne,  par  Emile 
Picot.  PariSy  Fontaine^  1876.  Un  in-8**.  —  Iconogra- 
phie MoLi£R£SQUE,«par  Paul  Lacroix  (2®  édition).  Paris ^ 
Fontaine^  1876.  Un  in-8®.  —  Contemporains  de  Mo- 
lière (tome  III),  par  Victor  Fournel.  Paris  ^  Didoty 
1876.  Un  in-8®.  —  Molière  (Collection  des  Grands  écri^ 
i^ains)^  tome  III,  par  Eugène  Despois.  Paris ^  Hachette, 
1876.  Un  in.8^ 

Nous  sommes  bien  en  retard  avec  les  lecteurs  du  Bulletin  du 
Bibliophile.  Ceux  d'entre  eux  qui  parcourent  le  Journal  ile  la 
Librairie  nous  pardonneront  d'avoir  passe  quelques  semaines 
sans  leur  annoncer,  comme  nous  en  avons  l'habitude,  les  publica- 
tions théâtrales  qui  peuvent  les  intéresser,  et  nous  excuseront  de 
leur  en  parler  brièvement  aujourd'hui. 

La  première  à  signaler,  du  moins  pour  Timportance,  est  sans 
contredit  ce  Registre  de  la  Grange^  tenu  si  minutieusement  et 
pendant  tant  d'années  pai*  le  camarade  chéri  de  Molière.  Inutile 
d'expliquer  à  nos  lecteurs  ce  qu'est  ce  précieux  document,  dont 
ils  connaissent  tous  la  valeur,  et  qu'ils  ont  vu  citer  presque  à 
chaque  page  dans  les  livres  écrits  sur  Molière  et  sur  le  théâtre  du 
XVII*  siècle.  L'original  est  aujourd'hui  dans  leurs  mains,  au  moyen 
de  cette  publication  faite  page  pour  page,  ligne  pour  ligne.  On 
en  a  tiré  bien  des  choses,  on  en  tii'era  beaucoup  encore.  MM.  Mo- 
land,  ïaschereau,  Fournel,  Fournier,  Despois,  etc.  (j'en  passe  et 
des  meilleurs),  n'ont  guère  pu  le  consulter  qu'au  pied  levé  :  main- 
tenant, eux  et  d'autres,  surtout  les  patients,  auront  tout  loisir  de 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.    131 

s'escrimer  sur  cet  inappréciable  compendium  des  faits  et  gestes 
de  notre  illustre  comique  et  de  ses  collègues.  La  remarque  du 
plus  petit  détail  pouvant  conduire  à  d'importantes  découvertes, 
et  la  plus  petite  découverte  devenant  de  la  dernière  importance  à 
propos  de  personnages  tels  que  Molière,  on  conçoit  l'intérêt 
qu'ont  tous  les  dévots  du  grand  homme  à  fouiller  le  Registre  de 
la  Grange.  Une  voie  dans  laquelle  nous  conseillons  fort  ceux-ci 
de  s'engager,  c'est  la  statistique.  Avec  les  éléments  sûrs  qui 
abondent  dans  ce  livre,  il  y  a  là  un  travail  curieux  et  intéressant 
à  entreprendre. 

Cest  même  le  seul  qui  reste  à  faire  ou,  du  moins,  qui  restera 
lorsque  aura  paru  la  vaste  histoire  de  Molière  que  M.  Edouard 
Thierry  écrivait  en  guise  de  préface  au  Registre^  et  dont  l'impa- 
tience, d'ailleurs  légitime,  de  la  Comédie  a  fait  ajourner  la  publi- 
cation. Cette  œuvre,  dont  notre  ami  M.  Thierry  a  bien  voulu 
nous  communiquer  quelques  parties,  et  dont  nous  connaissons 
l'esprit,  sera  certainement  l'œuvre  de  critique  la  plus  remar- 
quable qui  aura  paru  depuis  un  quart  de  siècle.  Pour  avoir  pu 
l'écrire,  il  aura  même  fallu  se  trouver  dans  les  conditions  spé- 
ciales où  M.  Thierry  est  le  seul  qui  se  soit  trouvé  à  notre  époque  ; 
il  aura  fallu  tout  à  la  fois  être  im  homme  d'un  goût  exquis,  un 
esprit  impartial,  un  véritable  croyant  littéraire,  un  chercheur 
capable  de  passer  huit  jours  à  établir  un  fait  et,  en  même  temps, 
avoir  été  directeur  de  la  Comédie-Française,  et  l'avoir  été  pen- 
dant de  longues  années.  C'est  le  concours  de  toutes  ces  qualités, 
la  réunion  de  ces  circonstances  qui  feront,  la  question  de  talent 
mise  à  part,  la  grande  originalité  de  Tœuvre  de  M.  Thierry.  Ses 
prédécesseurs  n'ont  été  que  des  hommes  de  talent  :  lui  est  un 
homme  de  talent  et  l'homme  de  la  Comédie-Française.  Or,  comme 
dans  ce  milieu  rien  n'a  changé  depuis  deux  siècles,  des  milliers 
de  faits  concernant  Molière  et  sa  troupe,  qui  ont  passé  inaperçus 
aux  yeux  des  écrivains,  recevront  de  l'expérience  de  l'ancien 
administrateur  de  la  Comédie-Française  une  lumière  inattendue. 
Que  M.  Thierry  soit  de  beaucoup  le  premier  critique  théâtral  de 
répoque,  cela  ne  gâtera  rien  à  l'affaire. 

Cest  de  ce  grand  travail  qu'il  a  tiré  les  cent  pages  qui  forment 
la  préface  du  Registre,  Ces  pages  sont  ime  biographie,  la  plus 
complète  qui  se  puisse  tracer,  du  second  père  de  la  Comédie- 
Française.   Ceux    qui   savent   ce  qu'a  été  l'administration    de 


V 


132  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

M.  Thierry  devinent  combien  elles  doivent  être  réussies  : 
M.  Thierry  n'a-t-il  pas  été  le  second  la  Grange  de  la  Comédie? 

Nous  parlions  tout  à  l'heure  de  situations  particulières  aux- 
quelles on  doit  certains  écrits  qui,  sans  elles,  seraient  incom» 
plets.  Voici  encore  trois  exemples  de  ce  cas  :  c'est  d'abord  cette 
Bibliographie  Cornélienne  qui,  pour  n'être  signée  que  d'un  nom, 
n'en  est  pas  moins  attribuable  à  une  autre  personnalité  si  puis- 
sante en  d'autres  sphères,  et  dont  la  science  accepte  avec  joie  le 
coup  d'épaule.  On  a  tout  dit  sur  un  pareil  ouvrage,  quand  on  Ta 
appelé  une  encyclopédie  spéciale,  et  tout  autre  compte  rendu 
n'aboutirait  qu'à  en  diminuer  la  signification.  Mais,  pour  arriver 
à  élever  un  édifice  aussi  complet,  que  de  recherches  infinies  et 
diverses,  inaccessibles  à  d'autres  qu'à  M.  Picot  et  à  son  ami!  Il 
faut  encore  que,  à  des  titres  différents,  toutes  les  portes  s'ouvrent 
devant  vous,  pour  entreprendre  cette  autre  encyclopédie  qui  a 
nom  Iconographie  Moliéresque  ;  il  faut  être  dans  son  miUeu  ce 
que  Voltaire  a  été  dans  le  sien  ;  il  faut  être  ce  qu'est  notre 
illustre  ami  M.  Paul  Lacroix,  le  Roi-Bibliophile;  de  même  que, 
pour  rassembler  une  douzaine  de  documents  enfouis  dans  Thôtel 
Soubise,  il  est  indispensable  d'avoir,  comme  M.  Campardon,  à 
feuilleter,  par  profession,  quelques  millions  de  pièces  manuscrites. 
Ceci,  bien  entendu,  est  indépendant  de  la  sagacité  des  commen- 
tateurs ;  mais  les  noms  de  MM.  Campardon,  Lacroix  et  Picot  dis- 
pensent de  s'étendre  sur  ce  point. 

Les  deux  autres  volumes  dont  il  nous  reste  à  parler  sont  des  œu- 
vres à  la  fois  littéraires  et  historiques,  après  une  longue  interruption, 
M.  Victor  Fournel  vient  de  donner  aux  amateurs  du  xvii*  siècle 
le  troisième  tome  des  Contemporains  de  Molière^  qui  nous  pré- 
sente les  satelHtes,  aux  théâtres  du  Marais  et  du  Palais-Royal,  de 
l'astre  lumineux  qui  domine  notre  littérature  dramatique  et  qui, 
pour  la  troisième  fois,  prouve  combien,  dans  ce  grand  xvn®  siècle, 
les  écrivains,  même  inférieurs,  avaient  de  talent;  mais  qui  prouve 
bien  aussi  que,  bien  que  vivant  à  une  époque  où  le  génie  litté- 
raire était  dans  le  sang  des  Français,  et  où  le  théâtre  a  trouvé 
une  des  trois  ou  quatre  grandes  périodes  nationales  de  son 
existence,  Molière  n'en  est  pas  moins  absolument  le  seul  qui  ait 
écrit  une  comédie  depuis  le  commencement  du  monde.  Quelle 
langue,  forte  et  naturelle  et  gracieuse  !  que  d'esprit  I  quel  ravis- 
sant badiuage!  quelles  intrigues  amusantes  chez  Tristan  l'IIer- 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.  133 
mite,  Chevalier,  Chapuzeau,  Rosimond,  Cyrano,  de  Visé,  etc.; 
quels  netits  chefs-d'œuvre,  sî  Molière  était  mort  après  avoir  donné 
rÉtourdi!  Chacune  de, ces  pièces  est  accompagnée  d'une  notice 
savante  et  sobre,  comme  M.  Fournel  sait  les  faire.  Les  deux 
divisions  du  livre  comprennent  également  deux  gros  morceaux 
historiques  :  Thistoire  du  Marais  et  celle  du  Palais-Royal.  Quant 
au  premier,  c'est  évidemment  le  dernier  état  de  la  science  ac- 
tuelle sur  ce  point,  mais  ce  n'est  pas  le  dernier  qui  se  pourrait 
établir.  Je  l'ai  dit  à  M.  Fnumel  lui-mSme,  et  je  le  repète  :  il  ne 
peut  y  avoir  d'histoire  délinitive  du  théâtre  du  Marais,  qu'après 
un  minutieux  dépouillement  des  actes  concernant  ^H(^tel  de 
Bourgogne,  qui  se  trouvent  dans  l'étude  de  M'Schelcher,  notaire. 
Espérons  que  M.  de  Marescot,  qui  prépare  une  histoire  du  Ma- 
rais, et  à  qui  j'ai  donné  le  même  conseil,  ne  laissera  pas  cette 
lacune  dans  son  livre. 

Quant  au  tome  III  du  Molière  de  la  collection  des  grands 
écrivains,  il  contient  /es  Fâchettx,  t École  des  femmes,  la  Critique 
tX  l'Impromptu.  Nous  avons  expliqué  ici  mSme  dans  quel  esprit 
est  faite  cette  publication.  Nous  n'avons  à  modifier  en  rien  notre 
première  opinion  :  c'est  toujours  le  mËme  soin  dans  l'établisse- 
ment du  texte,  la  même  science  dans  la  rédaction  des  commen- 
taires, par  M.  Eugène  Despois  ;  c'est  toujours  la  prudente  et  intel- 
ligente direction  de  M.  Adolphe  Régnier. 

Jules  Bonnassies. 


PRIX  COURANT  DES  LIVRES  ANCIENS. 

REVUE  DES  VENTES. 

VENTE  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE 
OE  M.    LEBEUF    DE    MONTGERMONT 

(27  103™-!"  avril) 

La  vente  est  faite  —  nous  pouvons  donc  dire  toute  notre  pen- 
sée sans  craindre  de  causer  le  moindre  préjudice.  Était-ce  une 
bibliothèque?...  était-ce  la  réunioa  de  très-beaux  livres?...  Les 
prix  qu'ils  ont  obtenus  prouvent-ils  le  goût  des 
Est-ce  là  le  diapason  du  bibliophile?... 


134  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

A  toutes  CCS  questions  on  pourrait  dire  non,  -*  Bien  peu  de 
livres  curieux.  Bien  peu  de  livres  véritablement  beaux.  Bien  peu 
de  livres  précieux.  —  Bien  peu  de  livres  très-rares.  —  Presque 
pas  de  reliures  d*un  intérêt  historique  ou  bibliophilique. 

Le  grand  succès  de  cette  vente  a  été  la  variété  et  surtout  la 
vogue  attachée  depuis  quelques  années  à  un  certain  nombre  de 
volumes  illustrés  du  xv!!!**  siècle  et  qui  tiennent  dans  une  toute 
petite  armoire.  Le  public  était  essentiellement  français  et  parisien. 
Pas  un  représentant  de  l'étranger,  pas  une  grande  bibliothèque 
n'a  pu  trouver  un  seul  élément  d'intérêt  dans  cette  vente  de  six 
jours  qui  a  produit  508  626  francs  III 

Certes  les  bibliophiles  les  plus  distingués  actuellement  à  Paris  y 
ont  passé  leur  temps  ou  quelques  instants.  Mais  leur  moisson  a 
été  mince  et  tout  à  fait  nulle  pour  la  plupart.  —  Les  livres  chan- 
gent de  main  ;  —  c'est  le  mouvement  financier  qui  s'accentue  de 
plus  en  plus  ;  les  ventes  d'estampes  des  xvii*  et  xviii*  siècles  ont 
suivi  cette  progression. 

Voici  le  compte  rendu  des  adjudications  principales  : 

1  •  LA  SAINTE  BIBLE,  traduite  en  françois  par  le  Maistre  de 
Sacy,  1789-1804,  12  vol.  gr.  in-4,  papier  vél.,  fig.,  mar.  r., 
dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  {Cape.)  —  24  500  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier  vélin,  avec  les  figures  avant  la  lettre.  On 
y  a  joint  la  précieuse  suite  des  trois  gebts  dessius  à  l'encre  de  Chine, 
DESSINS  ORIGINAUX  de  MARILLIER  et  Monsiau. 

Adjugé  à  M.  Fontaine,  libraire,  contre  M.  Olry. 

3.  Li':s  CL  PsEAUMEs  de  David,  traduits  en  vers  françois  par  Michel 
deMarillac,  1625;  in-8,  titre  gravé  par  L.  Gautier,  réglé,  mar. 
r.  plats  semés  de  fleurs  de  lis,  tr.  dor.  —  1180  fr. 

Exemplaire  aux  armes  de  la  reine  Ma&is  de  Medicis,  provenant  de 
la  bibiioth.  de  M.  le  baron  J.  P***. 

4.  Psaumes  de  David,  traduction  nouvelle  (par  Le  Maistre  de 
Sacy).  Paris,  Pierre  le  Petit,  1671,  in-12,  fig.  d'après  Ph.  de 
Champagne,  gr.  par  Pitau,  mar.  r.  dos  orné,  IM.  tr.  dor. 
{Bofet).  —  aiOfr. 

Exemplaire  aux  armes  du  comte  d^Hoym. 

5.  Le  Pseautier  de  David,  traduit  en  françois  (par  le  Maistre  de 
Sacy).  Paris,  1685,  in-12,  frontisp.  par  Ph.  de  Champagne, 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  135 

mar.  r.  fil.    donblé  de  mar.  r.  à  compart.  tr,  dor.  et  peinte. 
(Rel.  du  temps,)  —  5S0  fr. 

La  reliure  porte  sur  les  plats  intérieurs  des  doubles  croix  de  Lorraine, 
et  des  B  sans  nombre.  On  suppose  que  ce  volume  a  appartenu  k  un 
personnage  de  la  maison  de  Lorraine. 

6.  Le  Nouveau  Testament  de  Nostre-Seigneur  Jésus-Christ,  tra- 
duit en  François  (par  MM.  de  Port-Royal).  Mons  [Amsterd.^ 
D.Elzevier)^  1667,  2  vol.  pet.  in-8  réglés,  front,  gr.,  mar.  r. 
dos  ornés,  doublé  de  mar.  r.  dent.  tr.  dor.  — \  780  fr.  à  M.  le 
Baron  J.  de  Rothschild. 

Excellente  reliure  de  Botkt.  Édition  originale  et  la  plus  recherchée 
des  nombreuses  éditions  de  cette  célèbre  traduction,  qui  excita  dans  son 
temps  une  vive  polémique. 

8.  L'HiSTOiES  DU  Vieux  et  du  Nouveau  Testament,  représentée 
avec  des  figures  par  le  sieur  de  Royaumont  (Nie.  Fontaine  et 
L.-I.  de  Sacy).  Paris ^  i670;  in-4,  fig.,  mar.  bleu,  dent,  int, 
tr.  dor.  (Dura  et  ChamboUe),  —  485  fr. 

Edition  originale.  Exemplaire  bien  complet,  mais  court  de  marges. 

9.  L'Histoire  du  Vieux  et  du  Nouveau  Testament,  par  le  sieur  de 
Royaumont  (Nie.  Fontaine  et  Le  Maistre  de  Sacy).  Suivant  la 
copie  imprimée  à  Paris  {Amstcrd,)^  1680s  in-12,  frontisp.  gr,, 
nombr.  fig.  à  mi-page,  mar.  br.  jans.  dent.  int.  tr.  dor. 
{TrautzBauzonnet).  —  385  fr. 

Jolie  édition,  très-recherchée  ;  la  première  avec  ces  figures  copiées  sur 
celles  de  l'édition  originale  de  Paris,  in*4. 

iO.  Histoire  sacrée  en  tableaux,  par  M.  de  Brianville,  abbé  de 
S.  BenoistdeQuinçay-lès-Poitiers.  Paris ^  Ch,  de  Sercy^  1670, 
1671  et  75,  3  vol.  in-12,  fig.  de  Sébast.  Le  Clerc,  mar.  bleu, 
dent.  tr.  dor.  {Bozérian).  —  180.  fr. 

Première  édition  et  premier  tirage  des  figures  de  Sébastien  Le  Qerc. 
Exemplaire  de  la  bibliothèque  de  M.  Yeheniz. 

1 1 .  Histoire  du  Vieux  et  du  Nouveau  Testament  (par  David  Mar- 
tin). Anvers  {Amsterdam) y  P.  Mortie^  1700,  2  vol.  in- fol. 
régi.,  mar.  v.  large  dent.  tr.  dor.X  Weloup),  —  1980  fr. 

Magnifique  exemplaire  eh  grand  pabt    vvkvKnt  la  marque  des  clous  ; 
il  provient  de  la  bibliothèque  de  M.  y^vâS^ft 

n  a  figuré  à  la  première  et  à  la  seqU^BHRnlA  BiooTiRX. 


136  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

12.  Histoire  de  la  Vie  de  Jésus-Christ,  parle  P.  de  Ligny,  iSOd, 
2  vol.  in-4,  fig.  avant  la  lettre,  raar.  r.  dos  orné,  fil.  int.  tr. 
dor.  {Caj}é).  —  670fr. 

Exemplaire  du  peintre  et  dessinateur  Lebarbier,  avec  ces  mots  de  sa 
main  :  c  Mon  exemplaire,  épreuve  de  graveur,  d 

Exemplaire  de  M.  de  la  Bédoy ère,  vente  de  novembre  1862,  n*  7. 

14.  BiBLicf  historiae  artificiosissimis  picturis  efïïgiatae  {Franc-- 
fort,  vers  1536),  in-4,  fig.  s.  b.,  inar.  v,  tr.  dor.  {Thompson), 
—  130fr. 

Quatre-vingt-deux  jolies  figures  sur  bois  de  Hans  Sebald  de  Beham. 
Bon  état,  mauvaise  reliure. 

15.  HiSTOBARUM  vBTERis  Instbumenti  icones  ad  vivum  expressae. 
Lugduni^  sub  scuto  coloniensi^  1538;  in-4,  fig.  sur  bois,  mar. 
brun,  tr.  dor.  [Hardy),  —  790  fr. 

Édition  origikale,  qui  contient  les  92  gravures  de  Hans  Holbeiu.  Le 
titre  fatigué  au  lavage. 

16*  Icônes  historiarium  Vetkris  Testamenti  ad  vivum  expressae 
(avec  les  quatrains  en  français  de  Gilles  Corrozet).  Lugduni^ 
apud  Joannem  Frellonium,  1547,  pet.  in-4,  fig.  sur  bois 
d'Holbein,  mar.  br.  tr.  dor.  {Trautz^-Bauzonnet).  —  610fr. 

Cette  édition  contient  98  gravures  sur  bois,  c'est-à-dire  6  de  plus  que 
la  précédente.  Premier  tirage  sous  cette  date. 

18.  QuADRiNs  HISTORIQUES  DE  LA  BiBLE  (la  Genèse  seulement,  par 
Cl.  Paradin).  Lyon,  par  Jean  de  Tournes,  M.  D.  LUI.  —  Qua- 
drins  historiques  d'Exode  (et  des  autres  parties  de  la  Bible,  par 
le  même).  Lyon,  par  Jean  de  Tournes,  M.  D.  LUI.  —  Les  figu- 
res du  I^ouveau  Testament  (avec  des  sixains  par  Ch.  Fontaine). 
Lyon,  par  Jean  de  Tournes,  M.  D.  LIIII;  ensemble  3  vol.  pet. 
in- 8,  fig.  sur  bois,  mar.  r.  tr.  dor.  {Hardy),  —  1000  fr. 

Éditions  originales  des  diverses  parties  des  célèbres  figures  de  la 
BiBLE«  le  chef-d'œuvre  de  Bernard  Salomon,  dit  le  Petit  Bernard,  La 
Genèse  contient  74  planches,  et  non  50,  comme  dit  M.  Brunet  ;  VExode^ 
125  pi.,  et  le  Nouveau  Testament  (Évangiles,  Actes  des  apôtres  et  Apoca- 
lypse), 95  pi. 

19.  BiBLisGHE  FiGURRN...  (Figures  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament^  gravées  par  Virgile  Solis).  Gefl/\  zu  Franck furt 
am  Mayn^  durch  D.  Zephelium^  J,  Baschen  und  S,  Feyrahend^ 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  137 

iS62;  2  part,  en  1  vol.  in-4obl.,fig.  sur  bois,  mar.  vert,com- 
part.  à  froid,  Ir.  dor.  {Trautz-Bauzonnet) ,  — 450  fr. 

Recueil  de  grayures  sur  bois  d'une  bonne  exécution  dans  des  encadre- 
ments très-variés.  L'Ancien  Testament  contient  102  figures  et  le  Nou- 
veau 116.  Ce  recueil  est  fort  rare.  Très-belle  reliure  de  Trautz-Bauzonnet. 

Très-beau  livre  adjugé  à  M.  Léon  Techener. 

20.  Neuwe  Biblische  Figuren...  Franck furt,  1574 ,  petit  in-8,  fig. 
sur  bois,  mar.  bleu  jans.  tr.  dor.  {Trautz-Bauzonnet).  —  300  fr. 
Adjugé  à  M.  Gonze. 

Recueil  de  200  jolies  figures,  de  Josx  Ammajt,  pour  l'Ancien  et  le 
Nouveau  Testament,  et  l'Apocalypse. 

22.  Icônes  BiBLicis  Veteris  et  Novi  Testamenti  Aug.  FindeL^  1679; 
5  part,  en  in-4,  mar/n.,  fîl  tr.  dor.  (TrautzrBauzonnet).  — 
260  fr. 

Le  volume  contient  244  planches  remarquablement  gravées  en  taille- 
douce,  par  Melchior  Kysel  ou  Kusel,  avec  une  explication  gravée  au 
bas  en  latin  et  en  allemand. 

Exemplaire  provenant  de  la  biblioth.  Solab. 

23.  Histoire  du  Vieux  et  du  Nouveau  Testament,  représentée  en 
tailles-douces,  dessinées  et  faites  par  Romain  de  Hoogue,  avec 
une  explication  par  Basnage.^m5/fr<iam,/.  Lindenberg^  1704; 
in-fol.  mar.  bl.  fil.  tr,  dor.  (Padeloup),  800  fr.,  adjugé  pour 
M.  le  comte  de  Béhague. 

Exemplaire  de  d'Hangard  et  du  prince  Radziwill. 

24.  Histoires  les  plus  remarquables  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament,  gravées  en  cuivre  par  le  célèbre  Jean  Luyken. 
Amsterdam^  Mortier^  1732,  gr.  in-fol.  mar.  v.,  fil.  tr.  dor. 
{Padeloup).  —  300  fr.  pour  M.  le  comte  de  Béhague. 

67  grandes  planches  et  29  vignettes.  Exemplaire  du  prince  Radziwill. 

25.  DocTRiNA,  Vita  et  Passio  Jesu  Christi,  juxta  Novi  Testamenti 
fidem  et  ordinem,  artificiosissime  efGgiata.  Francof,^  apud 
Christ,  Egenolphum^  1537,  in- 4,  mar.  r.  dos  orné,  fil.  tr.  dor. 
{Trautz-Bauzonnet) .  —  330  fr. 

Volume  composé  de  soixante-treize  belles  estampes  gravées  sur  bois, 
dont  quarante-sept  portent  le  monogramme  de  Hans  SchaufTelein.  Mé- 
diocre exemplaire. 


."i.-^. 


138  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

26.  Figures  de  la  vie  et  de  la  passion  de  Jésus-Christ.  Pet.  in-S, 
mar.  vert,  Ir.  dor.  {Trautz-Bauzonnet).  —  330  fr. 

Suite  très-rare,  composée  de  38  jolies  petites  pièces  gravée»  sur  boî* 
par  Albert  Altdorfer  ;  épreuves  de  PHBinER  tirage,  et  avec  leurs  marges. 

Ces  88  planches  ont  été  publiées  de  nouveau  en  1604  sous  le  nom 
d'Albert  Diirer  et  sous  ce  titre  :  Jlberti  Dureri  Icônes  sacrœ,  in  hhtortam 
salut is  humanœ  per  Redemptorem  nostrum  J,  Ch,  Dei  et  dîarm  filium  înr' 
stauratx. 

Très-joli  volume  adjugé  à  M.  Léon  Techener. 

27.  Harmonie  Evangelic£  libri  quatuor...  (authore  Andr.  Osian* 
dro).  ParisiiSy  apud  Galeotum  a  Prato,  1544  ;  in-8,  fig.  sur  bois, 

mar.  tr.  dor.  (Bauzonnet-Trautz).  —  220  fr. 

Volume  curieux  qui  contient  97  figures  sur  bois  très-finement  gravées, 
dont  le  dessin  est  attribué  à  Jean  Cousiir. 

28.  KuNSTLiGHE  UND  W0LGERISSENE  FiGUREN  der  Fùmembsten 
Evangelien,  durch  lost  Amman  Bûrgern  zu  Nurenberg.  (Re- 
cueil de  79  figures  pour  le  Nouveau  Testament,  gravées  sur 
bois.)  Francfort^  1587,  in-4,  mar.  r.  tr.  dor.  {Niedrée).  — 
210  fr. 

Cet  exemplaire  de  cette  suite  extrêmement  rare,  de  Josr  Ammah,  prove- 
nait de  la  biblioth.  de  M.  Yemeniz. 

29.  Recueil  de  figures  du  Nouveau  Testament,  par  Léonard 
Gaultier.  Pet.  in-8,  mar.  oL,  dos  orné,  riches  compart.  tr.  dor. 
{Cape) .  —  800  fr. 

Suite  très-rare  et  peu  connue,  composée  de  109  pièces,  très-finement 
gravées;  belles  épreuves.  M.  Leblanc  [Manuel  de  C amateur  d!' estampes) 
n'indique  que  14  pièces. 

Charmante  reliure  avec  dorure  pleine,  à  petits  fers,  dans  le  goût  de  la 
fin  du  xvi*'  siècle.  De  la  bibliothèque  de  M.  Cape. 

31 .  Rationarium  Evangelistarum  omnid  in  se  evangelia,  prosa, 

versu  imaginibusque  quam  mirifice  complectens.  (In  fitie:)  Pe- 

roratio,,.  Ista  tibi  Thomas  Badensis  cognomento  Anshelmi  tra- 

didit.,.  (Phorcœ)^  1507, in-4,  18  fl„  mar.  r.  tr.  dor.  (Lortic). 

—  200  fr.  à  M.  E.  Crépet. 

Livre  fort  rare,  reproduisant  les  figures  bizarres  des  éditions  xylo- 
graphiques de  V^rs  memorandi, 

32.  Passio  Domini  nostri  Jesu  (cum  figuris  Alberti  Dureri,  1504- 
1511);  Gr.  in-fol.  mar.  r.  tr.  dor.  (Cape).  —  600  fr. 

Douze  estampes  gravées  sur  bois  par  Albert  Durer.  Premières  épreu- 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  139 

vcs  tirées  sans  texte,  ayec  marges  et  montées  sur  papier  vélin  fort,  c'est- 
à-dire  remontées. 

33.  La  Passion  de  Jesus-Chbist,  gravée  sur  cuivre  par  Albert 
Durer.  1507-1513;  16  pièces  in-8  montées  sur  papier  vélin 
fort  in-4,  mar.  r.  tr.  dor.  (Capé)m  —  550  fr. 

Belles  épreuves  des  seize  planches  qui  composent  cette  suite  rare  et 
précieuse.  Sans  aucune  marge. 

34.  PASSIO  DOMINI  NOSTRl  JESU  CHRISTI,  secundum 
Johannem.  Pet.  in-4,  mar.  r.  doublé  de  vel.  blanc,  larges 
dent.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet).  —  7510  fr.  adjugé  pour 
M.  le  baron  Edmond  de  Rothschild. 

c  Délicieux  manuscrit  sur  veliic  exécuté  en  Italie  dans  le  xvi«  siècle. 
Il  se  compose  de  26  pages  dont  1 2  pour  les  miniatures  et  14  pour  le  texte 
très-bien  écrit  en  caractères  romains.  Dix  des  miniatures  sont  des  copies 
de  dix  planches  de  la  Passion  d'Albert  Durer  indiquée  ci-dessus;  mais 
ces  copies»  faites  par  un  habile  artiste,  ne  sont  pas  restées  inférieures 
à  leur  modèle,  soit  pour  la  pureté  du  dessin,  soit  pour  la  vérité  de 
l'expression,  et  elles  ont  en  plus  le  mérite  d'un  coloris  aussi  vrai  que 
brillant.  »  , 

C'est  un  volume  d'un  grand  attrait  au  premier  coup^d'œil,  mais 
quand  on  réfléchit  que  ce  sont  des  peintures  italiennes  faites  tPaprès  des 
peintures  allemandes^  on  est  plus  froid.  Si  c'était  de  vraies  peintures 
italiennes  exécutées  ainsi,  que  seraient-elles?  Tout  ce  qui  est  art  italien 
aux  xv«  et  xvi®  siècles  est  si  beau  !.... 

35.  Passio  Christi  ab  Alberto  Durer  Nurenbergensi  effigiata.  1509 
et  1510;  pet.  in-4,  mar.  noir,  dos  omé^  fil.  tr.  dor.  (Rel. 
angl.).  —  260  fr. 

37  figures  sur  bois.  Très-belles  épreuves  de  la  Petite  Passion  d'Albert 
Durer,  montées  sur  papier  vélin  fort  (sans  marges). 

36.  Spéculum  passionis  Domini  Nost&i  Ihesu  Christi...  (In  fine:) 
per  doctorem  Uldaricum  Pinder  connexum,  et  in  civitate  impe- 
riali  Nuremberge/i  impressum  M.  CCCCC.  VII  ;  in-fol.  mar.  br. 
dos  et  plats  ornés.  (Trautz-Bauzonnet) ,  —  800  fr. 

Orné  de  40  grandes  et  belles  planches  gravées  sur  bois  et  de  37  pe- 
tites. Celle  qui  se  trouve  au  verso  du  73*  feuillet  porte  la  marque  dc 
Hans  Schauffelein. 

37.  Passio  Domini  Nostri  Jésu  Christi  (A  la  fin  :)  Argentorati 
Joannes  Knoblouchusy  M.  D.  VIII,  in-fol.  mar.  r.  tr.  dor. 
{Trautz-Bauzonnet).  —  320  fr. 

Avec  25  curieuses  planches  de  la  grandeur  des  pages,  gravées  wr  bois 


140  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

et  portant  le  monogramme  Y.  G.,  qui  est  celui,  dit  M.  A.  Didot,  d'an 
artiste  strasbourgeois,  élèye  de  Martin  Scliôn. 

38.  Vie  de  la  Sainte  Vierge,  par  Albert  Durer  {Nuremberg^  ISl  1  ). 
ln-f«)l.  inar.  r.  ir.  dor.  [Cape],  —  400  fr. 

Suite  de  vingt  estampes  gravées  sur  bois  par  Ai^ekt  Dubeb,  premier 
état,  sans  texte,  montées  sur  papier  vélin  fort.  Sans  marges. 

39.  Apocalypsis  cum  figuris.  Impressa  denuo  Nurnberge  per  Al^ 
hertum  Durer  (1511),  gr.  in-fol.  goth.  à  2  col.  mar.  r.  tr. 
dor.  {Cape).  —  580  fr. 

Suite  de  seize  pièces  gravées  sur  bois  par  Albert  Durer,  montées  sur 
papier  vélin  fort. 

40.  Les  Figures  de  l'Apocalypse  de  saint  Jean.  Dix  Histoires  du 
Nouveau  Testament  exposées  tant  en  latin  que  rithme  fran- 
çoyse,  par  le  petit  Angevin,  Imprimé  a  Paris^  par  Est.  Groul" 
leattg  1551;  2  part,  en  1  vol.  pet.  in-8,  mar.  bl.  tr.  dor. 
{Trautz-Bauzonnet] .  —  510  fr. 

Petit  volume  orné  de  36  figures  sur  bois  :  26  pour  TApocalypse  et  10 
pour  les  Dix  Histoires, 

L'exemplaire  provient  de  la  bibliothèque  de  M.  L.  Double. 

41.  Ymag.  Figura,  seu  Represextatio  Anti-Christi  :  pessimi. 
Apoca.  XIII.  cap.  (Paris,  Michel  LenoiVy  vers  1500);  In-4, 
goth.  fig.  sur  bois,  mar.  brun,  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet),  ^ 
430  fr. 

Livre  fort  rare,  fort  curieux  et  très-peu  connu. 

43.  Les  Confessions  de  saint  Augustin^  traduites  en  françoîs  par 
M.  Du  Bois.  Paris^  de  V Imprimerie  royale^  1758;  3  vol.  in-ia, 
dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  —  550  fr. 

Exemplaire  aux  armes  de  Mme  de  Poaipadour. 

46.  Heures  latines,  avec  calendrier  en  français.  In-8,  mar.  br. 
dent.  tr.  dor.  doublé  de  yéïm  {Trautz-Bauzonnet),  —  1450  fr. 

Très-beau  manuscrit,  sur  vklin,  du  xv^  siècle,  avec  initiales  et  bor- 
dures, composées  de  fleurs,  d*oiseaux  et  d*arab(  -.ques  en  or  et  en  coo» 
leur.  Il  est  en  outre  orné  de  31  miniatures. 

47.  HEURES  LATINES.  Pet.  in-8  réglé,  mar.  bl.  compare,  dou- 
blé de  vélin,  fil.  tr.  dor.  {Trautz-Bauzo^met),  —  3,050  fr. 

Très-beau  manuscrit  du  quinzième  siècle,  sur  vélin.  Ces  heures  sont 
ornées  de  treize  grandes  miniatui*es. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  Ul 

48.  PRECES  PliE.  In-16,  mar.br.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet). 
—  4600fr. 

Petit  manuscrit,  écrit  sur  yélin,  vers  la  fin  da  quinzième  siècle,  dans 
les  Flandres.  Les  pièces  contenues  dans  les  derniers  feuillets  sont  en  fla- 
mand. Ce  livre  d'heures  est  orné  de  26  miniatures. 

49.  Heures  latines  avec  calendrier  en  français,  pet.  in-i6,  mar. 

r.  fil.  tr.  dor.  [Rel,  anc),  —  450  fr. 

Manuscrit  sur  vélin,  du  xv"  siècle,  orné  d'initiales  en  or  et  en  cou- 
leurs, et  de  28  petites  miniatures. 

50.  Heures  a  lusaige  de  Romme.  Imprimées  à  Paris  par  Nicolas 
Hygman^  impritneur^  pour  Jehan  de  Brie.  (Almanach  de  i521 
ai 536),  In-4,  goth.  de  92  ff.,  encadrements  à  chaque  page, 
mar.  br.  tr.  dor.  et  cis.  {Trautz-Bauzonnet),  —  730  fr. 

14  grandes  figures  ;  encadrements  composés  de  médaillons  avec  des 
scènes  de  rÉcriture  sainte,  ou  de  sujets  de  fantaisie  disposés  dans  les 
entrelacements. 

51 .  Ces  Présentes  Heures  a  lusage  de  Rome  furent  achevées  le 
xvii  jour  de  septembre  lan  mil  cccciiii.xx  et  xvi,  pour  Simon 
Vostre  libraire...  {Marque  de  Ph,  Pigoucket  sur  le  titre);  Pet. 
in-4,  goth.,  fig.  et  encadr,,  mar.  verf,  orn.  sur  les  plats,  tr. 
dor.  (Dura).  —  615  fr. 

Id  grandes  figures  et  des  bordures  à  compartiments. 

52.  Heures  a  lusage  de  Chartres  ian  mil  cinq  cent  et  ung  pour 
Simon  Vostre  libraire  ;  In-8,  mar.  vert,  compart.  tr.  dor.  fer- 
moirs. {Rel.  du  x\i^  siècle),  —  ICOOfr. 

Heure?,  imprimées  sur  vélw,  ornées  de  18  grandes  figures. 

53    Le  Livre  d'heures  de  la  reine  Anne  de  Bretagne.  L,  Curmer 
1859-61,  â  vol.  gr.  in-4,  mar.  amarante,  compart.,  armoiries 
d'Anne  de  Bretagne  en  couleurs,  doublé  de  moire,  dent,  tr, 
dor.  {Cape).  —  630  fr. 
Livre  donnant  une  reproduction  exacte,  en  chromolithographie,  de» 

59  miniatures  du  célèbre  livre  d'heures  manmcrit  de  la  reine  Anne  de 

Bretagne. 

54.  Hore  BEATE  Marie  Virginis  secundum  usum  Romanum.  /m- 
primées  à  Paris  par  Germain  Hardouyn,  (Calendrier  de  \  528 
à  1541);  tr.  pet.  in-8,  mar.  r.  dent.  Ir.  dor.  {Bel.  anc),  — 
400  fr. 
Imprimé  sur  vélin,  avec  figures  peintes  en  or  et  en  couleur. 


142  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

55.    HOEE   IN  LAUDEM  BEATISSIMB  TIRGINIS  MaRIB  SeCUndoill  OODSOe- 

tudinem  ccclesie  Parisiensis.  Parrhisiis  apud  magistrum  Gotopre' 
dum  Torinum  sub  insigni  vasis  effracti  :  achevées  ^imprimerie 
vingt  deuxiesme  jour  dt  octobre  mil  cinq  cens  vingt  sept  par  mais^ 
tre  Simon  du  Bois  pour  maistre  Geoffroy  Tory  y  de  Bourges  ; 
In-4,  goth.  fig.  et  cncadr.  sur  bois,  réglé,  mar.  vert,  compart. 
tr.  dor.  {Reliure  du  xvi®  siècle).  —  2,700  fr. 

Exemplaire  dans  une  belle  reliure  de  la  fin  du  seizième  siècle.  Le  dot 
est  fleurdelisé  et  les  plats  ornés  de  deux  compositions  représentant  r^it- 
nonciation  et  le  Crucifiement^  sujets  qu'on  remarque  sur  les  livres  rdiés 
pour  Henri  III. 

56.  OFFICIUM  CONCEPTIONIS  B.  MARIiE.  Pet.  in- 12,  mar. 
rouge,  fil.  Ir.  dor.  (Bauzonnet^Trautz) ,  1400  fr. 

Manuscrit  ds  Jarry  sur  vélin,  de  80  pages,  encadrées  d'un  filet  d'or. 
Les  initiales  peintes  en  or  et  azur.  On  lit  au  bas  de  la  dernière  page  : 
iV*.  Jarry,  Paris,  scrîpsit  anno  1645. 

57.  Le  Bréviaire  de  Nostre-Dame,  auquel  tout  le  Pseautier  est 
distribué  pour  les  sept  jours  de  la  semaine.  Paris ^  Jamet  Met^ 
tayery  1587,  pet.  in-8,  8  fig.  grav,  par  Th.  de  Leeu,  mar.  v. 
compart.dos  fleurdelisé,  tr.  dor.  —  940  fr.,  à  M.  Crepet. 

Très-bel  exemplaire  de  Henri  III,  portant  sur  le  dos  de  la  reliure  ses 
armes,  sa  devise  Spes  mea  Deus  et  la  tète  de  mort. 

63.  Les  Provinciales,  ou  les  Lettres  escrites  par  Louis  de  Mon- 
talte  (Bl.  Pascal).  Cologne  P.  de  la  Fallée  {Paris).  1657;  in-4, 
mar.  rouge,  tr,  dor.  {Chambolle^Duru],  —  445  fr. 
Exemplaire  de  TÉdition  originale  ;  grand  de  marges. 

64.  Les  Provinciales,  Cologne^  [Amsterd.^  L,  et  D,  Ekevier)^ 
1657,  pet.  in-12,  mar.  bl.  fil.,  dos  orné,  tr.  dor.  {Bauzonnet^ 
Trautz).—  410  fr. 

Première  édition  sous  cette  date. 

70.  Sermons  du  père  Bourdaloue  (publ.  par  le  P.  Bretoimean). 
Paris,  Rigaud,  1707-1734,  16  vol.  in-8,  portr.  ajoutés,  mar. 
r.  dent.  tr.  dor.  {Bozérian  jeune),  —  580  fr. 

71.  Sermon  prescbé  à  l'ouverture  de  l'Assemblée  générale  du 

clergé  de  France  le  9  novembre  1681,  par  Jacques-Bénigne 

Bossuet.  Paris^  Fréd,  Léonard ^iQS^-y  in-4,  mar.  r.  compart. 

à  la  du  Seuil,  tr.  dor.  (Rei.  du  temps).  —  460  fr. 

Édition  originale  du  célèbre  discours  sur  Tunité  de  l'Église  et  sur  les 
libertés  de  FÉglise  gallicane. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  143 

73.  Th.  a  Kempis  de  Inùtatione  Chiisti  libri  IV.  Amstelodarm^ 
ex  officina  Bheviriana,  1679,  pet.  in-12,  front,  gr.,  inar.  r.  fil. 
dos  orné,  tr.  dor.  {Du  SeuO).  —  370  fr. 

75.  L'Imitation  de  Jâsvs-CHHisT,  traduite  en  vers  françois  par  P. 
Corneille.  Lerde,  JeanSambix  (J.  elZktn.  Elsevier),  î6fS2,  pet. 
in-12,  mar.  r.  coni|>art.  dos  orné,  tr.  dor.  {Cape).  —  365  fr. 

Cette  édition,  qui  reproduit  la  première  partie  de  Vlniilalloa  de  Jésut- 
Clw'ut,  de  F,  Corneille, imprimée  à  Rouen  en  1651,  est  un  des  volumes 
les  plus  rares  de  la  collection  des  Elzeviera. 

76.  Les  quatre  iitees  de  t'iMn-ATioN  de  Jésus-Christ,  traduits  en 
vers,  par  P,  Corneille,  Imprimé  à  Rouen  par  L.  Maurry,  pour 
Rob.  Salliird,  à  Paris,  lùb6;ia-k,  front,  gravé  et  fig.  de  Chau- 
veau,  mar.  r.  compart.  fil.  ir.  dor.  {Rel,  anc.).  —  26S  fr. 
Édition  originale  des  quatre  livres  réunis.  ExcinpI.  médiocre. 

77.  L'Imitatiou  de  JÉsns-CHatsT,  texte  latin,  snivi  de  la  traduc- 
tion de  P.  Corneille  (publ.  par  Victor  Le  Clerc).  Paris,  Impri- 
merie impériale,  1853,  in-fol.,  mar.  vert  foncé,  fil.,  sur  les 
plats,  doublé  île  mar.  r,,  large  dent,  gardes  moirées  (Ca/w).  — 
2000  fr. 

Magnifique  édition  créée  ponr  l'exposition  de  1857. 

l'A.  De  l'Imitation  de  J£sns-Christ ,  traduction   nouvelle,    par 
l'abbé  de  Choisy.  Paris,  Ant.  Dezallier,  1692,  in-12,  fig.  par 
Mariette,  mar,  vert,  tr,  dor.  (Cape).  —  SOO  fr. 
Édition  rare,  surtout  aiec  la  figure  du  second   livre    («présentant 

Mme  de  Maintenon  dans  la  chapelle  de  Versailles. 

79,  Le  Livbe  intitulé  InTEnHEi[.LB  Consolation.  (Au  recto  du 
85*  feuillet)  :  Cy  flnist  le  livre...  Imprimé  par  Michel  Le  Noir 
demeurant  h  Paris  sur  le  pont  Saint-Michel.  (Au  recto  du  der- 
nier fcoiilel)  :  Cy  flnist  la  table  de  ce  présent  livre,  lequel  fut 
achevé  et  parfatct  le  s  jour  de  décembre  lan  mil  cinq  cens  ;  pet. 
in-4de  88  ff.  (marque  de  Mich.  Le  Noir  au  verso  du  dernier), 
Gg.  sur  bois,  mar.  br.  tr  dor,  {Trautz-Bauzonnet).  —  1350  fr. 
Ouvrage  prri;ieux  qui  est  vraisemblablement  l'original  des  trois  pre- 
miers livres  de  l'Imitation  de  Jésua-Christ. 

82.  œUVRES  SPIRITUELLES  DE  HENRI  SUSO,  traduiltes  en 
françois  par  F.  N.  Le  Cerf,  prieur  de  la  Chartreuse  de  N.-D. 


Ikk  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

de  Bonne-Espérance,  près  le  chasteau  deGaîUon.  Paris ^  i586; 
in-8,  réglé,  mar.  r.  à  riches  compart.  tr,  dor.  —  2050  fr. 

Exemplaire  de  Hbnki  III,  roi  de  France,  avec  ses  armes,  sa  devise  et 
la  tête  de  mort  sur  le  dos,  et  le  crucifiement  au  milieu  des  plats. 

87.  INTRODUCTION  a  la  vie  dévote,  du  bienheureux  François 
de  Sales,  évesque  de  Genève.  Paris^  de  V Imprimerie  roy^cde, 
1651  ;in-8,  ûg.,  réglé,  mar.  r.  dos  et  plats  ornés,  tr.  dor.  — 
1820  fr.  pour  M.  Ed.  Bocher. 

Belle  édition,  dédiée  à  la  reine  Aptnk  d'Autriche^  Ses  armes  mi-par- 
ties de  France  et  d'Espagne  se  trouvent  sur  le  titre  et  dans  d'antres 
endroits  du  yolume.  Cet  exbsipjj^ire  est  celui  de  dédicace. 

88.  Traicté  de  l'amour  de  Dieu,  par  François  de  Sales,  évesque 
de  Genève,  Lyon^  P,  Rigaud^  1617;  in-8,  réglé,  mar.  vert, 
dos  et  coins  ornés,  fil.  Ir.  dor.  —  505  fr. 

Edition  originale.  Exemplaire  dans  la  reliure  du  temps,  bien  con- 
servée. 

96.  Réflexions  sur  la  miséricorde  de  Dieu,  par  une  dame  péni- 
tente (L.-Fr.  de  la  Baume-Lehlanc,  duchesse  de  la  Vallièrej. 
Paris,  Ant.  Dezallier^  1680;  pet.  in- 12,  8  ff.  limin.  et  139  pa- 
ges, mar.  br.  tr.  dor.  [Duru-ChamboUé). —  367  fr. 

Édition  originale,  très-rare.  Bel  exemplaire  de  M.  J.  d'Ortigue. 

101.  Pensées  de  M.  Pascal  Paris ^  GuilL  Desprez^  1670;  in-i2, 
mar.  brun,  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet),  —  480  fr. 

Édition  originale.  Elle  se  compose  de  365  pages,  de  41  ff.  prél.  et 
de  10  ff.  de  table. 

112.  Corpus  juris  civilis.  Amstelœdami ^  apud  Lud.  et  Dan.  Elze^ 
virios,  1663;  2  vol.  in-8,  à  2  col.  réglés,  mar.  r.  dos  ornés, 
fil.  doublés  de  mar.  r.  dent.  tr.  dor.  {Boyet),  560  fr. 

119.  ESSAIS  DE  messire  Michel  seigneur  de  Montaigne  (deux 
livres).  Bourdeaus.  par  S.  Millanges,  1580,  2  vol.  i>et.  in-8, 
mar.  r.  fil.  tr.  dor.  (Derome),  —  1910  fr. 

Edition  originale,  rare  et  précieuse.  Bel  exemplaire  provenant  de  la 
bibliothèque  de  H'Hangard,  et  en  dernier  lieu  de  la  vente  Radziwill. 
Six  feuillets  qui  étaient  plus  courts  ont  été  remmargés. 

120.  Essais  de  me'^sire  ^Iichei.  seigneur  de  Montaigne  (deux  li- 


PRIX  COURAJn-  DE  LIVRES  ANCIENS.  U5 

vrcs).  Ëdîtioa  seconde,  reveue  et  augmentée.  Sourdeaux,  par 
S.  Millanges,  1582;  in-8,  mar.  bl.  tr.  dor.  (Duru).  —  710  fr. 
Cette  seconde  édition,  qai  contient  qnelquei  légères  augmentations, 

est  aussi  rare  que  la  première.  Courte  de  marges. 

121.  Essais  drMicbbl  de  Montaigne,  cinquiesme  édition,  augmen- 
tée  d'un  troisième  livre  et  de  six  cents  additions  aux  deux  pre- 
miers. PariSf  Abel  CAngelier,  1588,  m-k,  niar,  br.  tr.  dor. 
{Trautz-Bauzonnet).  —1690  fr. 
Précieuse  édition,  la  dernière  donnée  du  livant  de  l'auteur,  et  la  pre- 

mière  où  se  trouve  le  troisième  livre. 

Mi.  Lbs  EftSAis  DE  Michel,  SEicnEDa  os  Montaicne,  édition  nou- 
velle, trouvée  après  le  déceds  de  l'auteur  et  augmentée  par  lui 
d'un  tiers.  Paris,  Michel  Sonnias,  1 S95  ;  iu-fol.   mar,  rouge,  tr. 
dor,  (Trautz-Bautonnet),  —  1010  fr. 
Première  ^édition  complète,  donnée  par  mademoiselle  de  Gonmay, 

avec    les   augmentations    laissées   par    Montaigne   sur   un   exemplair 

de  1588. 

123,  Les  Essais  de  Michel,  seignear  de  Montaigne.  Amtterdam, 
Anthoine Michicls  [Bruxelles,  Fr.  Foppens),  1639;  3voI.  in-12, 
front,  gr.,  mar.  r.  dos  ornés,  riches  comparl.  tr.  dor,  [Cape), 
—  465  fr. 
Riche  et  élégante  reliure  de  Cape,  avec  compariimeuts  i  petits  fers  et 

au  pointillé,  dans  le  genre  de  Le  Gaicon.  H.  150  niill. 

125.  De  la  Sagesse,  livres  trois,  par  Kerre  Le  Charron.  Bour- 
deaux,  Simon  Millanges,  1601  ;  in-8,  mar.  r.  &\.  tr.  dor.  (flc/. 
OTf.).  — 301  fr. 
Edition  originale.  Exemplaire  relié  par  Mouillié,  avec  dos  et  dentelles 

n  la  Derome. 

133.  Réfleiioks,  ouSkbtekces  et  maximes  morales  (par  Fr,  duc 
de  la  Ri)chefoucauld),/'ar;î,  Claude  Barbin,  1605;  pet.  in-12, 
front,  gr.  mar,  br.  Ir.  dor.  (Traaiz^Baïunnnei).  —  680  fr. 
Édition  originale, 

135.  Maximes  et  Pensées  diverses  (par  madame  de  Sablé).  Paris, 
Séb.  Mi'bre-Cramoisjr,  lâ'S;  în-12,mar.  br.  ir,  dor.  janséniste 
[Trautz-Bauzonnet).  280  fr. 

Édition  originale, 

136,  Les  CABAcràus  de  Théophraste,  avec  tes  caractères  ou  les 


146  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

mœurs  de  ce  siècle  (par  la  Bruyère).   Paris j  Est.  Michallet^ 
1688;  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  {Durit).  —  705  fr. 

Édition  originale. 

i  44 .  La  Description  de  Tisle  d'Utopie  où  est  comprins  le  miroer  des 
repablicqnes  du  monde,  rédigé  par  Thomas  Morus,  chancelier 
d^ Angleterre  (trad.  du  latin,  par  Jehan  Le  Blond  sieur  de  Bran- 
ville,  d'Evreu\).  Paris  y  Ch,  tAngelier^  1550;in-8y  fig.  sur  bois, 
mar.  br.  dos  orne,  ûl.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet).  425  fr. 

Traduction  rare. 

147.  Histoire  naturelle  générale  et  particulière,  avec  la  des- 
cription du  cabinet  du  roi,  par  le  Clerc  de  Buffon,  Daubenton 
et  de  Lacépède.  Paris ^  Imp,  royale^  1749  et  années  suiv.  36 
vol.  in-4,  mar.  r.  dent,  doubl.  de  moire,  tr.  dor.  {Bozérioi^, 
—  3250  fr. 

Exemplaire  de  première  édition^  satiné  et  relié  sur  brochure  par 
Bozérian  aîné. 

Exemplaire  de  M.  de  la  Bédoyebe. 

149.  Traité  de  la  peinture,  par  Léonard  de  Vinci  (trad.  par  Ro- 
land Fréard,  sieur  de  Chambray).  Paris ^  Giffart^  1716;  in-12, 
fig.,  mar.  r.  fil.  tr,  dor.  {Deromé).  245  fr. 

158.  (Œuvre  de  Watteau.)  Figures  de  différents  caractères  de 
paysages  et  d'études,  dessinées  d'après  nature  par  Antoine  Wat 
teau,  peintre  du  roy,  Paris^  chez  Audran  et  F,  Cherecuiy  gra-' 
veurs;  2  voU  in-fol.  vél.  blanc,  tr.  dor.  —  800  fr. 

Bccueil  de  219  planches,  costumes,  modes,  mascarades,  paysages,  etc., 
contenant  350  sujets  gravés  par  Fr.  Boucher  et  autres;  avant  les  nu- 
méros. 

159.  Icônes  princîpium,  virorum  doctorum,  pictorum,  chalcogra- 
pliorum,  etc.,  ab  Ant.  Van  Dyck.  ad  vivum  expressae.  Jntuer^ 
pix^  Gillis  Hendric.v  excudit.  S,  a.,  in-fol.  front.,  mar.  ronge, 
jans.  dent.  int.  tr.  dor.  (Cape).  — 590  fr. 

Ce  recueil  contient  97  portraits  gravés  d'après  Van  Dyck,  par 
Bolswert,  Pierre  de  Jode,  Jean  Meyssens,  Paul  Pontius,  Vorsterman  et 
autres,  et  1 1  autres  gravés  à  l'eau-forte  par  Van  Dyck  lui-même. 

161.  Galerie  des  peintres  flamands,  hollandais  et  allemands; 
ouvrage  enrichi  de  201  planches  gravées  d'après  les  meilleurs 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  U7 

tableaux  de  ces  maîtres,  par  Le  Brun.  Paris^  4792;  3  vol.  in- 
fol.  demi-rel.  dos  et  coins  de  v.  non  rog.  —  4650  fr. 

On  lit  sur  la  garde  du  premier  Tolume  la  note  manuscrite  suivante  : 
c  exemplaire  précieux  et  unique  de  la  galerie  Le  Brun,  digne  du  cabinet 
d'un  souverain,  coUationné,  complet  de  ses  201  planches,  épreuves  avant 
la  /^^fr«;  exemplaire  d'un  choix  pur,  et  celui  de  prédilection  de  Fauteur, 
qui  y  avait  ajouté  70  planches  tirées  d'autres  recueils.  » 

462.  LE  MUSÉE  FRANÇAIS,  recueil  complet  des  tableaux,  sta- 
tues et  bas-reliefs  qui  composent  la  collection  nationale,  avec 
l'explication  des  sujets  et  des  discours  historiques  sur  la  pein- 
ture, la  sculpture  et  la  gravure  (par  E.-Q.  Visconti  et  T.-B.- 
Eméric  David),  publié  par  Robillard-Pcronville  et  Laurent. 
Paris ^  de  V imprimerie  Marne  frères^  1803-1809,  4  vol.  344 
planches.  —  Le  Musée  royal,  publié  par  Henri  Laurent,  gra- 
veur du  cabinet  [du  Roi  (avec  des  descriptions,  par  MM.  Vis- 
conti,  Guizot  et  le  comte  de  Clarac).  Paris ^  de  t imprimerie  de 
P.  Didot  taîné^  1816-22,  2  vol.  161  planches;  ens.  6  vol.  gr. 
in-fol.  pap.  vél.  demi-rel.  veau  rouge,  non  rog.  1650  fr. 

163.  Galerie  du  Musée  Napoléon,  publiée  par  Filhol,  graveur,  et 
rédigée  par  Joseph  Lavallée.  Paris ^  1804-1815,  10  vol.  — 
Galerie  du  Musée  de  France,  publiée  par  Filhol  et  continuée 
par  A.  JaU  Paris^  1828;  1  vol.  Ens.  11  vol.  gr.  in-8,  demi- 
rel.  avec  coins  mar.  vert  foncé,  fil,  tête  dor.  non  rog.  — 
1300  fr. 

164.  La  Galerie  du  Luxembourg,  peinte  par  Rubens^  dessinée  par 
les  sieurs  Nattier,  Paris,  1710,  gr.  in-fol.  mar.  bl.  foncé, 
fleurons,  plats  à  comp.  tr.  dor.  —  300  fr.  pour  M.  Delicourt. 

Recueil  composé  de  27  planches  remontées  grand  in-folio,  avec  en- 
cadrements en  noir  ;  savoir  :  2  frontispices,  3  portraits  et  22  tableaux. 
Belles  épreuves,  avant  les  numéros. 

165.  Galerie  du  Palais-Royal,  gravée  par  Couché,  Paris^  1786- 
1808,  3.  vol.  gr.  in-fol.  fig.  demi-rel.  mar.  r.  non  rog.  — 
3000  fr. 

Bel  exemplaire.  Épreuves  avant  la  lettre.  De  la  bibliothèque  de  M.  de 
la  Bédoyère  (1862). 

166.  Cabinet  Crozat,  recueil  d'estampes  d'après  les  plus  beaux 
tableaux  qui  sont  en  France.  PariSy  de  ^Imprimerie  royale^ 


148  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

1729-42,  2  vol.  in  foL  max.  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  (Jnc,  reL),  — 
799  fr. 

Exemplaire  de  la  première  édition,  publiée  sans  le  texte  explicatif. 
Acquis  à  la  vente  Solar. 

179.  Les  Simulachres  et  historiées  faces  de  la  mort,  aatantele* 
gainment  pourtraictes  que  artificiellement  imaginées.  Excude^ 
bant  Lugduni  Melch,  etGasp,  Trechsel  fratres^  1538,  pet.  in-4, 
lig.  sur  bois,  mar.  citr.  dos  et  plats  ornés,  doublé  de  mar. 
noir,  dent.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet),  —  2150  fr. 

Edition  originale  de  la  Dansb  des  morts  d^Hoi^ein,  composée  de 
41  admirables  figures  gravées  sur  bois,  ayant  chacune  au  bas  un  qua- 
train en  franchis  attribué  à  Gilles  Corrozet. 

180.  PouRTRAiTz  divers.  Lio/i,  Jan  de  Tournes ^  1557,  pet.  in-8, 
fig.  sur  bois,  mar.  r.  dos  et  plats  ornés,  tr.  dor.  {Trautz^Bau" 

zonnet).  —  400  fr. 

Recueil  de  soixante-trois  jolies  figures,  y  compris  le  titre,  gravées 
par  le  Petit  Bernard,  et  qui  avaient  d*abord  servi  à  orner  diverses  publi- 
cations de  J.  de  Tournes. 

181.  Jacobus  Androuetius  Du  Cerceau.  Liber  de  eo  pictarae  gé- 
nère quod  Grotlesche  vocant  Itali.  JureltXy  1550;  in-4.  mar. 
br.  tr.  dor.  [Trautz^Bauzonnet),  —  880  fr. 

Ce  recueil  incomplet  fort  rare  se  compose  de  40  planches  d'arabes- 
ques, de  12  planches  de  dessins  de  serrurerie,  clefs,  serrures,  entrées, 
marteaux  de  portes,  consoles,  etc. 

191 .  Les  Images  de  tous  les  saincts  et  sainctes,  faictes  par  Jac- 
ques Calot  [sic)^  et  mises  en  lumière  par  Israël  Henriet,  PariSy 
1636,  pet.  in-fol.  mar.  r.  dos  orné,  large  dent,  à  petits  fers  tr. 
dor.  {Riche  reL  de  Cape),  299  fr. 

Suite  de  cent  vingt-quatre  planches  contenant  quatre  cent  quatre- 
vnigt-dix  estampes,  plus  douze  pour  les  fêtes  mobiles. 

205.  Tapisseries  du  roy,  oîi  sont  représentés  les  quatre  éléments 
et  les  quatre  saisons.  Paris  y  de  t  Imprimerie  royale^  1670,  gr. 
in-fol.  fig.,  mar.  r.  dent.  tr.  dor.  {Jux  armes  du  roi),  — 
435  fr. 

206.  Lb  Temple  des  Muses,  gravé  par  Bemard  Picart.  -^/?w/.,1733, 
gr.  in-fol.  fig.,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  (/le/,  anc),  —  695  fr. 

Exemplaire,  relié  par  Derome.  De  la  bibliothèque  de  M.  de  la  Bé- 

DOYÀRB. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  149 

!208.  CiPBicHos  inventados  y  grabados  al  agua  forte,  por  Fran- 
cisco Goya.  Madrid^  vers  1799.  Gr.  in-4,  mar,  rouge,  tr.  dor. 
(Chambolle-Duru).  —  500  fr. 

Quatre-vingts  estampes  allégorico-satîriques,  gravées  à  Peau- forte 
mélangée  d^aqua-tinta.  C'est  un  recueil  de  caricatures  et  de  scènes  de 
mœurs  d*une  composition  empreinte  d'une  véritable  originalité  et  d'une 
force  d'expression  singulière.  Très  médiocre  état. 

210.  Omnivm  feue  Gextivm,  nostraeque  aetatis  Nationum,  habitas 
et  effigies.  In  eosdeiu  loannis  Sluperij  Herzelensis  Epigrammata. 
AntverpiXy  1572,  in-8,  figures  sur  bois,  mar.  rouge,  dos  orné, 
fil.  tr.  dor.  [TrautZ'Bauzonnet) .  —  500  fr. 

21 1 .  Degli  Habiti  AisTicHi  e  modemi  di  diverse  parti  del  mondo, 
libri  due,  fatti  da  Cesare  Vecellio.  Fenctia^  1590,  in-8,  420 
pi.  gr.  sur  bois.  mar.  orange,  dos  et  plats  ornés,  tr.  dor. 
(TrautZ'Bauzonnet) ,  —  750  fr. 

Première  édition  de  ce  recueil  recherché. 

214.  Gynaeceum,  sive  Theatrum  mulierum,  figuris  expressos  à 
Jodocô  Amano.  MDLxxxvi,  Francofortiy  Sigism,  Feryabendius^ 
in-4,  figures  sur  bois,  mar.  bl.  tr.  dor.  (Thibaron),  499  fr. 

Recueil  de  122  jolies  gravures  sur  bois,  de  costumes  de  femmes,  par 
Jost  Amman.  Très-bel  exempl.  de  M.  Yemeniz,  avec  une  nouvelle  re- 
liure. » 

215.  Monuments  du  costume  physique  et  moral  de  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle,  ou  Tableaux  de  la  vie  (par  Rétif  de  la  Bretonne), 
ornés  de  figures  dessinées  par  Moreau  le  jeune.  À  Neuwied  sur 
le  Rhin^  1789;  in-fol.  demi-rel.  dos  et  coins  de  mar.  br.  tète 
dor.  non  rog.  [Belz-Niedrée],  —  575  fr. 

Ouvrage  composé  de  26  planches. 

217.  LE  PASTISSIER  FRANÇOIS.  Amsterdam,  chez  Louys  et 
Daniel  Elzev ter,  1655;  pet.  in-12,  front.  gr.,mar.  bleu,  large 
dent.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnef).  —  4550  fr. 

c  Charmant  petit  livre  que  son  exécution  typographique  et  le  nom  de 
ses  imprimeurs  ont  sauvé  de  Toubli  où  est  restée  l'édition  originale  du 
même  ouvrage  publiée  à  Paris  en  1653.  Depuis  longtemps  il  est  regardé 
à  tort  ou  à  raison  comme  le  volume  le  plus  rare  de  la  collection  des 
Elzeviers,  et  à  ce  titre  il  a  atteint,  dans  les  ventes  publiques  et  surtout  à 
l'amiable,  les  prix  les  plus  élevés.  Quoiqu'on  en  ait  retrouvé  quelques 
exemplaires  dans  ces  dernières  années,  au  lieu  de  diminuer,  le  prix  n'en 


150  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

a  fait  qu'augmenter.  Le  dernier  exemplaire  qui  ait  passé  en  Tente,  eeloi 
de  M.  de  Montesso^i,  adjugé  eu  mars  1870  à  2910  fr.,  a  été  rewtuàu. 
chez  M.  Benzon,  en  avril  1875,  3255  fr.  sans  les  frais.  Il  mesarait 
128  mill.;  la  taille  du  nôtre  est  de  130  mill.  1/2.  » 

225.  Les  Origines  de  quelques  coutumes  anciennes  et  de  plosiears 
façons  de  parler  triviales  (par  Moisant  de  Brieux).  Avec  un 
vieux  manuscrit  en  vers  touchant  Torigine  des  chevaliers  ban- 
nerets.  Caen,  Jean  Cavelier,  1672,  pet.  in-12,  mar.  bleu,  dos 
orné,  compart.  de  ûl.  tr.  dor.  (Bauzonnet^Trautz),  —  230  fr. 

Volume  rare  et  curieux. 

227.  Thrësor  de  la  langue  Françoise,  par  JeanNicot...  Paris ^ 
1006,  in-fol.  mar.  rouge,  fil.  à  froid,  tr.  dor.  {Thibaron).  — 
415  fr. 

Livre  rare  dont  Tusage  est  indispensable  pour  la  lecture  et  l'étude  des 
auteurs  français  antérieurs  au  xyii»  siècle* 

232.  Recueil  d'Oraisons  funèbres,  composées  par  Messire  J.-B. 
fiossuet.  Paris  y  veuve  de  Sébastien  Cramoisy^  1689;  in-12,nr]ar. 
r.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet).  —  505  fr. 

Édition  originale   du    recueil   complet.    Exemplaire   très-grand    de 
marges. 

233.  Oraison  funèbre  de  Louis  de  Bourbon,  prince  de  Gondé, 
prononcée  dans  Téglise  N.-D.  de  Paris,  le  10  mars  1687,  par 
Bossuet.  1687;  in-4,  vign.,  mar.  r.  tr.  dor.  {ÇhamboHe-'Duru) , 
—  300  fr. 

Edition  originale.  Exemplaire  court  de  marges. 

234-35.  Recueil  complet  des  Oraisons  funèbres  de  Fléchier  pu- 
bliées de  1672  à  1690;  en  1  vol.  in-4,  mar.  v.  fil.  à  fr.  tr.  dor. 
{Duru).  —  335  fr. 

Éditions  originales. 

239.  L'IuADB  d'Homère,  traduite  en  françois,  avec  des  remarques, 
par  madame  Dacier,  1710,  3  vol.  — L'Odyssée  d'Homère,  tra- 
duite en  françois,  avec  des  remarques,  par  madame  Dacier. 
Paris,  Rigaud.  1716;  3  vol.  Ensemble  6  vol.  in-12,  2  fron- 
tisp.  et  lig.  de  B.  Picard,  mar.  r.  fil.  dos  ornés,  tr.  dor.  {Jolie 
rel,  rtnc),  500  fr. 

IJOdyssét  est  de  la  première  édition.  On  a  ajouté  à  V Iliade  les  figures 
de  B.  Picart,  faites  pour  l'Édition  de  Hollande. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  151 

240.  Spéculum  heroicum..,  Les  XXIIII  livres  d'Homère  (de  Pl- 

liade),  réduicts  en  tables  démonstratives  figurées,  par  Grespîn 

de  Passe,  excellent  graveur;  Trajecti  Batavorum^  1613;  in-4, 
portr.  et  fig.,  mar.  vert  d'eau,  compart.  à  la  du  Seuil,  tr.  dor. 

[TrautZ'Bauzonnet).  —  355  fr. 

Bel  exemplaire  en  très-bonnes  épreuves  de  ces  2k  jolies  figures  de 
Crispin  de  Pas.  De  la  biblioth.  de  M.  Huillard. 

244.  CATULLI,  Tibulli,  Propertii  Jos.  Scaliger  recensuit.  Lute- 
tix  Mamertum  Patissonium,  1577,  2  part,  en  1  vol.  in-8,  mar. 
V.  riches  compart.,  tr.  dor.  —  1800  fr. 

Exemplaire  aux  premières  armes  de  J.-A.  de  Thou. 

Riche  et  élégante  reliure  du  temps,  entièrement  couverte  d'ornements 
à  petits  fers.  I^ies  armes  de  de  Thou  se  trouvent  dans  un  petit  médaillon 
placé  au  centre  des  plats. 

247.  Compendium  operum  Virgilianorum  aère  ac  studio  Chrispiani 
Passaei  chalcographi.  Mi&oer  des  œuvres  de  le  [sic)  excellent 
poète  Virgile  taillez  en  rame.  Vltrajecti  Batavorum^  16H, 
2  part,  en  1  vol.  pet.  in-4,  mar.  r.  tr.  dor.  {Hardy).  — 185  fr. 

Le  dtre  24  planches  parfaitement  gravées  en  taille>douce.  Très-belles 
épreuves. 

249.  QuiNTi  HoaATii  Flacci  Opéra.  Londini,  œneis  tabuîis  incidit 
Johannes  Pine,  1733-37,  2  vol.  in-8,  texte  gravé,  2  front., 
2  fleurons  et  225  grandes  figures,  vignettes,  culs-de-lampc  à 
sujets,  mar.  bl.  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  {Anguerran),  — 370  fr. 

Exemplaire  du  premier  tirage. 

250.  Pdbl.  Ovidii  Opéra.  Jntuerpix^ex  officina  Christ.  Plantim\ 
1561,  3  vol.  in-16  réglés,  mar.  v.  riches  compart.  —  450  fr. 
Charmante  reliure  du  commencement  du  xvii^  siècle,  dont  les  dos  et 

les  plats  sont  entièrement  dorés  à  petits  fers  et  au  pointillé. 

252.  Johan.  Posthii  Germershemii  Tetrasticha  in  Ovidii  Metam. 
lib.  XV  quibus  accesserunt  Vergilii  Solis  figurae  elegantiss.  /m- 
pressum  Franco furti^  apud  G.  Corvinum^  Sig,  Feyrabent.., 
1563;  pet.  in-4  oblong,  mar.  bleu  tr.  dor.  {Dura  et  Chambolle). 
255  fr. 

356  belles  gravures  sur  bois  de  Virgile  Soh's,  avec  de  riches  encadre- 
ments. 

253.  La  Métamorphose  D'Ovms  figurée.  A  Lyon^  par  Ion  de 
Tournes^  MDLVII»  in-8,  figures  et  encadrements  sur  bois,  mar. 


152  BULr.ETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

orange,  dos  et  plats  ornes,  tr.  dor.  [Trautz^Bauzannet).  — 
385  fr. 

Édition  originale  de  ce  chef-d*ŒUvre  de  Bernard  Salomon.  178  déli- 
cieuses gravures  sur  bois. 

Exemplaire  de  Pixerécourt,  acquis  à  la  Mute  Ymeniz  et  recouvert 
depuis  d'une  charmante  reliure  de  Traittz-Bauzonnet, 

254.  Les  Métamorphoses  d'Ovidr,  en  latin  et  en  franrois,  de  la 
traduction  de  Tabbé  Banier,  Paris,  Dclalain^  1767-1771; 
4  vol.  in-4,  fig.  d'Eisen,  Boucher,  Moreau,  etc.,  gi*av,  par 
Lemire  et  Basan,  mar.  r.  dos  ornés,  doublé  de  ta])is,  fil.  tr. 
dor.  [Derome),  —  2975  fr.   pour  M.  George  Danyau. 

Superbe  exemplaire  du  premier  tirage. 

255.  PHiEDRi,  Augusti  Caesaris  libcrti,  fahularum  /Esopiarum  libri 
quinque,  Jmstelodami ,  1667,  in-8,  front,  gr.,  mar,  rouge, 
doublé  de  mar.  rouge,  tr.  dor.  {Boyet),  —  1300  fr.  à  M.  le 
baron  de  Portails. 

Tr(?s-bel  exemplaire  de  cette  édition  recherchée  pour  les  figures  dont 
elle  est  ornée,  et  qui  toutes  sont  intactes. 

256.  Phaedri,  Aug.  liberti,  fabularum  iEsopiarum  libri  V,  notis 
illustra  vit  in  usum  seren.  principis  Nassavii  David  Hoogstrata- 
nus.  Amstelxdami.  1701,  in-4,  front.,  port.,  mar.  r.  fil.  tr. 
dor.  {Rel.  anc).  —  3S5  fr. 

Belle  édition,  ornée  de  dix>huit  planches,  donnant  chacune  les  sujeU 
de  six  fables,  et  d'un  grand  nombre  de  jolies  vignettes  gravées  dans  le 
texte,  par  Vianen.  Belié  par  Derome. 

277.  Lr  Rommant  de  la  Rose,  nouvellement  reveu  et  corrigé 
(par  Cl.  Marot).  Paris  y  par  GalUot  du.  Pré  y  1329,  lettres  ron- 
des, pet.  în-8,  fig.  sur  bois,  mar,  rouge,  dos  orné,  fil.  tr.  dor. 
{Rel.  anc).  —  500  fr. 

Edition  rare.  Exemplaire  aux  armes  du  duc  de  Moutemart,  acheté  a  la 
yente  du  docteur  Mitford,  à  Londres. 

279.  Le  Champion  des  Dames,  composé  par  Martin  Franc,  On  les 
vend  à  Paris ^  en  la  boutique  de  Galiot  du  Pré  {impr,  par  P.  Fé^ 
doue)j  irnO,  pet.  in-8,  lettres  rondes,  fig.  sur  bois,  mar.  r. 
fil.  tr.  dor.  —  473  fr. 

Livre  fort  rare.  Exemplaire  en  reliure  ancienne. 

280.  Œuvres  de  feu  maistrb  Alain  Chaetieb,  nouvellement  im- 


Met 
>b1. 


'•ugc. 

— illas- 
llaye). 
lig.  sur 

(1  fr. 

.loi  «t  les 

■  Navarre. 
'  Margue- 


154  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

292.  Notables  Enseignemens,  adages  et  proverbes,  faitz  et  compo- 
sez par  Pierre  Gringore  dit  Vauldemont,  On  les  vend  à  Lyon^ 
Olivier  ArnouLlet  :  (A  la  fin  :)  Imprimez  a  Lyon  par  Olivier 
Arnoullet  le  xviij  de  mars,  Lan  mil  ccccc ,xxxviij  ;  pet.  in-S, 
goth.,  mar.  r.  dos  orné,  fil.  tr,  dor.  {Trautz-Bauzonnet),  — 

"  760  fr. 
Exemplaire  très- bien  conservé,  proyenant  de  la  bibl.  de  M.  Doubui. 

293.  GoNTBEDiTS  DE  SoNGEGREUx  par  Pierre  Gringore.  Paris ^  par 
Nicolas  Couteau f  pour  Galliot  du  Pré,  libraire,  (1530);  pet. 
in-8  goth.,  avec  une  ^^.  sar  bois,  mar.  v.  fil.  à  froid,  doublé 
de  mar.  r.  dent,  à  l'oiseau,  tr.  dor.  {Bauzonnet),  —  1450  fr. 
Première  édition  de  ce  livre,  un  des  plus  rares  de  Gringore. 

294.  Les  Illustbations  de  Gaule  et  singularitez  de  Troye,  par 
maistre  Jehan  Le  Maire  de  Belges,  œuvres  de  luy,  non  jamais 
encore  imprimées;  Lyon,  par  Jean  de  Tournes,  1549,  in-fol. 
mar.  r.  fil.  dos  orné,  tr.  dor.  {Dura)*  —  450  fr. 

Magnifique  exemplaire  de  l'édition  la  plus  complète  et  la  plus  belle 
de  ce  recueil. 

295.  Jan  Mahot  de  Caen  sur  les  deux  heureux  voyages  de  Gènes 
et  Venise,  victorieusement  mys  à  fin  par  le  très  chrestien  roy 
Loys  douziesme  de  ce  nom...  Paris,  devant  lesglise  Saincte 
Geneviefve  des  Ardens,  1532,  pour  Pierre  Rouf  et  dit  le  Ftml" 
cheur^  par  maistre  Geufroy  Tory  de  Bourges,  pet,  in-8,  lettres 
rondes,  mar.  br.  fil.  dos  orné,  tr.  dor.  —  500  fr. 

298.  Œuvres  de  Glément  Mabot,  plus  amples  et  en  meilleur  ordre 
que  paravant.  A  Lyon^  à  V enseigne  du  Rocher  (chez  «S.  Sahon)^ 
1545;  2  part,  en  1  vol.  in-8,  mar.  Si.  doublé  de  mar.  r.  large 
et  riche  dent.  tr.  dor.  {Très-belle  reliure  de  Duru\,  —  1550  fr. 
Édition  aussi  belle  qu'elle  est  estimée. 

299.  Les  Œuvres  de  Gl.  Marot,  reveues,  augmentées,  et  dispo- 
sées en  meilleur  ordre  que  ci -devant.  Niort,  Th.  Portau^  1596, 
in-i6,  mar.  bleu,  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  {Bauzonnet^Trautz). 
410  fr. 

Edition  estimée,  publiée  par  le  médecin  Mizière. 

300.  Les  Œuvbes  de  Glément  Marot  de  Gahors.  La  Baye,  Adrian 
Moetjens,  1700,  2  vol.  pet.  in-12,  régi.,  mar.  r.  fil.  dos  ornés, 
ir.  dor.  {Padeloup).  —  330  fr. 

Joli  exemplaire.  H.  129  mill. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  155 

303.  Lesperonde  discipline,  par  noble  homme  fraire  Antoine  du 
Saix,  commendeur  de  Sainct- Antoine  de  Bourg-en-Bresse.  S. 
l,y  1532;  2  part,  en  1  vol.  in-4y  goth.,  mar,  r.  tr.  dor.  {JBau- 
zonnet).  —  H  00  fr. 

304.  Peutz  Fatras  d'ung  apprentis  surnommé  lesperonnier  de 
discipline  (Antoine  du  Saix).  Paris ^  Simon  de  ColineSy  1537, 
in-4,  titre  encadré,  mar.  bl.  rich.  compart.  {Trautz-Bauzonnet). 
—  920  fr. 

Recueil  de  petites  pièces  de  vers,  épigrammes,  épitaphes,  sentences,  etc. 

305.  Délie,  object  de  plus  haulte  vertu,  par  Maurice  Sceve. 
Lyon^  Sulpice  Sabon^  pour  Ant.  Constantin^  1544;  pet.  in-8, 
portr.  et  vign.  sur  bois,  mar.  r.  dent,  dos  orné,  tr.  dor.  ÇBau-> 
zonnet'Jrautz).  —  690  fr. 

Volume  rare,  orné  du  portrait  de  l'auteur  et  de  50  figures  finement 
gravées  sur  bois. 

306.  Savlsàyb,  Eglogve  de  la  vie  solitaire,  par  Maurice  Sceve, 
Lyonnois.  A  Lyon ^  par  Jean  de  Tournes,  1547,  in-8,  fig.  sur 
bois,  32  pages,  mar.  vert^  dos  orné,  £Q,  tr.  dor.  {Koehler).  — 
610  fr. 

Opuscule  fort  rare. 

Bel  exemplaire  de  Ch.  Nodier  et  de  Yemeniz. 

307.  Regveil  des  Œwres  de  fev  Bonaventyre  des  Périers,  vallet 
de  cbambrede  Marguerite  de  France,  Royne  de  Navarre  (pub), 
par  Ant.  du  Moulin).  Lyon,  Jean  de  Tournes^  1544,  in-8,  mar. 
r.  dos  orné,  fil.  tr.  dor,  (Niedrée).  —  700  fr. 

Volume  fort  rare. 

308.  ÛFVicvLES  d'Amour,  par  Heroet,  La  Borderie  et  autres  di-* 
vins  poètes.  Z/o«,  lean  de  Tournes  y  1547,  in-8,  mar.  rouge, 
compartiments  ornés,  tr.  dor.  {Kœhler).  —  680  fr. 

309.  IVIAAGUERITES  de  la  Marguerite  des  princesses,  très-illus- 
tre royne  de  Navarre  (publ.  par  S.  Sylvius,  dit  de  la  Haye). 
Lyon,  Jean  de  Tournes,  1547,  2  tom.  en  1  vol.  in-8,  fig.  sur 
bois,  mar.  bl.  fil.  tr.  dor.  {Trautz-Bawsonnet).  —  2100  fr. 

Bel  exemplaire.  Saperbe  reliure  parsemée  à  Finfini  sur  le  dos  et  les 
plats  de  marguerites  alternant  avec  des  fleurs  de  lis. 

310.  Le  Tombeav  de  Marg vérité  de  Valois,  Royne  de  Navarre. 
Paris f  Michel  Fezandat,  1551,  in-8,  réglé,  portr.  de  Margue- 


156  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

rite,  luar.  bl.   tr.  dor.  doublé  de  mar.  r.  tr.  dor.  {Cape).  — 
775  fr. 
Volume  rare. 

311.  Œuvres  poétiques  de  Mellin  de  S.  Gelais.  Lyon,  par  Ant» 
de  Rarsy^  1574,  in-8,  réglé,  mar.  r.  dos  et  plats  ornés,  dou- 
blé de  mar.  large  dent,  composée  de  fleurs,  tr.  dor.  \^rautz- 
Batizonnet),  —  1000  fr. 
Exemplaire  très-grand  de  marges  (165  milUm.),  omë  d*ane  élégante 

reliure  de  Trautz. 

314.  Les  Œvvres  de  Hvgvks  Salel.  A  Lyon^  par  Benoist  Rigaud^ 
1573,  de  t imprimerie  de  François  Durelle^  in-16,  mar.  r.  com- 
part.  doublé  de  mar.  vert,  dent.  tr.  àor,  [Niedrée],  — 1210  fr. 
à  M.  Bancel. 

Charmante  reliure,  ornée  de  compartiments  à  petits  fers  et  au  poin« 
dllé,  petit  chef-d'œuvre  de  dorure  de  feu  E.  Niedrée. 

315.  La  Recréation,  devis  et  mignardise  amoureuse,  contenant 
plusieurs  blasons,  menues  pensées,  verger,  ventes  et  demandes 
de  Tamant  iil'amye,  et  autres  propos  amoureux.  Paris ^  pour  ia 
vefve  Jean  Bonfons,  S.  d.,  pet.  in- 16,  fig.  sur  bois,  mar.  v. 
dos  orné,  tr.  dor.  [Bauzonnet],  —  550  fr. 

316.  Les  Fables  d'ësope,  Phrygien,  mises  en  rime  françoise  (par 
Gilles  Gorrozet)  avec  la  vie  dudit  Esope,  extraite  de  plasiears 
autheurs,  par  M.  Antoine  du  Moulin,  Masconnois.  Lyon,  par 
Jean  de  Tournes^  et  Guill.  Gazeau.  1549,  in-16,  titre  encadré, 
fig.  sur  bois,  mar.  v.  coropart.  tr.  dor.  (Très  jolie  rel,  de  Duru), 
~  1220  fr. 

Charmante  édition,  ornée  de  cent  figures  sur  bois  très-délicatement 
gravées,  et  que  M.  A.  Didot  attribue  à  J.  Cousin. 

317.  I.e  Parnasse  des  Poètes  françois  modernes,  par  feu  Gilles 
Gorrozet.  Paris^  Galiot  Corrozet,  1571,  pet.  in-8,  mar.  bl.  fil. 
àfr.  tr.  dor.  {Niedrée).  —  360  fr. 

Bel  exemplaire  provenant  de  la  vente  Solar. 

318.  Décades  de  la  Description,  forme  et  vertu  naturelle  des 
Animaulx,  tant  raisonnables  quebrntz  (en  vers,  par  Barthélémy 
Anneau).  A  Lyon,  par  Balthazar  Arnoullet^  MDxlix;  in-S,  fig. 
sur  bois,  mar.  bleu,  dos  orné,  couvert  de  riches  compart.  à 
petits  fers,  tr.  dor.  {Niedrée),  —  735  fr. 

Livre  rare,  orné  de  jolies  gravures  sur  bois. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  157 

3ià.  Lb  Premier  Livrb  des  Emblèmes.  Composé  par  Guillaume 
Gueroult.  A  Lyon^  chez  Balthazar  Jrnoullet^  MDxxxxx,  72  pp. 

—  Second  Liure  de  la  Description  des  Animaux,  contenant  le 
Blason  des  Oyseaux,  composé  par  Guillaume  Gueroult.  A  Lyon^ 
par  Balthazar  Amoullvt^  MDxxxix;  72  pp.  in-8  réglé,  ^%* 
sur  bois,  mar.  bleu,  compart.  à  la  Grolier,  tr.  dor.  [Niedrée], 

—  615  fr. 

320.  Œuvres  poétiques  de  Estienne  Forcadel  (deBéziers)  ;  Paris^ 
Gttill,  Chaudière^  1579,  in-8,  mar.  bl.  dos  orné,  dent.  tr.  dor. 
[Bauzormet).  —  820  fr. 

Bel  exemplaire  de  Ch.  Nodier. 

32 i.  Les  Œuvres  poétiques  de  Jacques  Peletier  du  Mans.  Paris ^ 
Michel  de  Fascosan^  1647,  pet.  in-8,  mar.  vert,  tr.  dor.  [Duru), 

—  720  fr. 

Bel  exemplaire  de  Ch.  Nodier. 

322.  Ewres  poétiques  de  Jaques  Peletier,  du  Mans,  intitulez 
Louanges,  Paris  ^  Rob,  Coulombel^  à  V  enseigne  d  Aide  y  158i, 
în-4,  mar.  r.  tr.  dor,  (Dura),  —  720  fr. 

Volume  rare,  imprimé  avec  Torthographe  inventée  par  l'auteur. 

323.  Amoureux  repos  de  Guillaume  des  Autelz,  gentilhomme 
c-harolois.  Lyon^  Jean  Temporal^  d553,  pet.  in-8,  portr.  gr. 
sur  bois,  mar.  bl.  ornem.  sur  les  plats,  tr.  dor.  {Trautz-Bau- 
zonnet).  —  900  fr. 

Volume  rare.  Les  portraits  de  G.  des  Autelz  et  de  sa  maîtresse,  placés 
▼is-à-vis  l'un  de  Taulre,  occupent  le  verso  du  premier  feuillet  et  le  recto 
du  second. 

Le  volume  se  termine  par  une  Élégie  à  la  toute  divine  de  Ponltis  de 
Tyard^  et  des  épigrammes  à  sa  sainte  (sa  maîtresse). 

324.  Bkpos  de  plvs  grand  travail   (par  Guillaume  des  Autelz) 
A  Lyon^  par  lean  de  Tournes  et  GuiL  Gazeau^  MDxxxxx,  in-8, 
mar.  r.  filets  à  comp.  tr.  dor.  [Thouvenin),  —  920  fr. 
Très-bel  exemplaire  de  Ch.  Nodier,  avec  VEx  mus«o  sur  les  plats. 

3i5.  EWRES    DE    LOVIZE  LABÉ   LIONNOIZE.   A  Lion,  par 
Ion  de  Tournes^  MDLvi,  in-8,  mar   vert  clair,  compart.  dou- 
blé de  mar,  rouge,  couvert  de  riches  ornements,   tr.    dor. 
{Thouvenin).  —  2700  fr. 
Cet  exemplaire  a  appartenu  en  1647  à  un  Charles  Labb,  dont  la  signa- 


158  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

tore  se  trouve  sur  le  titre,  puis  à  Charles  Nodibb,  dont  il  porte  YEs  musmo 
sur  les  plats.  Belle  reliure  de  Thouvenin. 

329.  ÉLÉGIES  (et  Épigrammes)  de  Jean  Doublet,  Dieppoys.  Pa^ 
riSy  pour  Charles  Langelier,  1559,  in-4,  55  ff.  chiffrés  et  1  r. 
chiff.  pour  la  marque  de  Langelier,  réglé,  mar.  r.  ornements 
sur  les  plats,  tr.  dor.  {Trautz-Bauzormet).  — 1500  fr. 

Ces  poésies  sont  d'une  insigne  rareté. 

330.  Marguerites  poétiques  recueillies  par  Esprit  Aubert.  Lyon^ 
Barth,  Ancelin^  1613,  in-4,  titre  gr.,  4  ff.  lim.  14  ff.  de  table 
et  1215  pp.  chiffrées,  mar.  r.  tr.  dor.  [Duru).  —  325  fr. 

Exemplaire  grand  de  marges. 

331.  Les  Œuvres  de  Pierre  de  Ronsard...  (avec  les  commentai- 
res d'Ant.  Muret,  et  de  K\c,  Richelet  sur  les  Amours  et  les 
Odes).  Paris ^  Nicolas  Buon^  1610.  —  Recueil  des  sonnets, 
odes,  hymnes,  élégies  et  autres  pièces  retranchées  aux  éditions 
précédentes.  Paris ^  Nie,  Buon^  1610;  —  Ensemble  11  tom.  en 
5  vol.  in-12,  titre  gr.  et  portr.,  mar.  r.  fil.  tr  dor.  {Jolie  re^ 
Hure  du  temps) ,  —  500  fr. 

332.  Les  quatre  premiers  Livres  des  Odes  de  Pierre  de  Ronsard, 
Yandomois.  Ensemble  son  Boccage.  Paris^  chez  Guillaume 
Cavellat^  1550,  in-8,  réglé,  mar.  r.  dent.  int.  tr.  dor.  [Trauiz- 
Bauzormet),  —  300  fr. 

Édition  originale. 

333.  Les  CEwres  françoises  de  Joaghim  dv  Bellay.  PariSy  Fede^ 
rie  Morel^  1569,  in-8,  mar.  r.  dos  orné,  compart.  tr.  dor. 
{Duru],  —  285  fr. 

Première  édition  collective  des  poésies  de  Joachim  du  Bellay.  Elllc 
se  compose  de  neuf  parties,  toutes  ayant  une  pagination  à  part,  et  de» 
titres  particuliers  avec  la  date  de  1568. 

334.  Les  Gëvyres  françoises  de  Joachim  du  Bellay,  rcveues  et  de 
nouveau  augmentées.  Roueriy  Raphaël  du  Petit^Fal^  1597,  in-12, 
mar.  bl.  dos  orné,  compart.  doubl.  de  mar.  r.  dent.  tr.  dor. 
{Thouvenin).  —  365  fr. 

Bel  exemplaire  de  Ch.  Nodier,  avec  les  écussons  sur  les  plats. 

335.  BAIF  (Jan  Antoine  de).  Ewresen  rime.  Pam,Z«céW-ffreytfr, 
1573.  —  Les  Amours,  à  Monseigneur  le  duc  d'Anjou.  Paris, 
Ztœas  Breyer^  1572.  —  Les  Jeux,  à  M.  le  duc  d'Alençon.  Paris^ 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  159 

Lucas  Breyer^  1572.  —  Les  Passetemps,  Paris ^  Z.  Breyer^ 
4373.  Ensemble  4  vol.  m-8,  mar.  bl.  tr.  dor.  (Duru),  — 
1640  fr. 

Superbe  exemplaire  de  ces  quatre  yolumeS)  qu'il  est  très-difEcile  de 
réunir. 

338.  La  Bergerie  de  R.  Belleau,  divisée  en  une  première  et  se- 
conde journée.  Paris ^  Gilles  Gilles ^  1572,  2  part,  en  1  vol. 
pet.  in-8y  mar.  r.  dos  orné^  fil.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet) . 
—  315  fr. 

Première  édition. 

340.  Les  Odes  d'Olivier  de  Magny,  de  Gahors  en  Quercy.  Paris, 
André  Wechel^  1559,  in-8,  mar.  bl.  dos  orné,  fil.  tr.  dor. 
{TrautZ'Bauzonnet).  —  1500  fr. 

Trèsobei  exemplaire,  grand  de  marges  et  bien  conservé. 

Olivier  de  Magny,  un  des  meilleurs  poëtes  de  son  temps,  surtout  dans 
ses  odes,  est  aussi  un  de  ceux  dont  les  ouvrages  se  rencontrent  le  plus 
difficilement. 

341 .  Les  Oëuvses  poétiques  d'Amâdis  Jamtn.  Au  Roy  de  France 
et  de  Pologne.  Paris,  de  V imprimerie  de  Robert  Estienne,  par 
Mamert  Pâtisson^  1575,  in-4,  réglé,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  dos  à 
la  rose.  [Trautz-Bauzonnet],  —  1700  fr. 

Première  édition.  Exemplaire  de  la  plus  belle  conservation. 

342.  Les  Œuvres  poétiques  d'Amâdis.  Paris,  Mamert  Pâtisson^ 
1579.  —  Le  second  volume  des  œuvres  d'Amâdis  Jamin.  Paris, 
Robert  Mangnier,  1584,  2  tom.  enl  vol.  iu-12,  mar.  r.  tr.  dor. 
[TrautZ'Bauzonnet).  — 625  fr. 

n  est  très-difQcile  de  trouver  réunis  les  deux  volumes  de  ces  poésies. 
Le  second,  qui  n'a  été  imprimé  que  cette  fois,  est  fort  rare. 

343.  Les  Poésies  de  Jacques  Tahubeau,  du  Mans,  mises  toutes 
ensemble.  Paris^  pour  Jean  Ruelle,  1574,  in-8,  mar.  bl.  dos 
orné,  riches  dent.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonaet).  — 880  fr. 

Très-joli  exemplaire  de  ce  poète,  Tun  des  meilleurs  et  Tnn  des  plus 
gracieux  de  l'école  de  Ronsard. 

345.  Les  Œuvres  poétiques  de  Claude  Tubbin,  Dijonnois,  Paris, 
1572,  in-8,  portr.,  mar.  vert,  tr.  dor.  {Bauzonnet-Trautz),  — 
620  fr. 

347.  Les  Œuvres  poétiques  de  Pontus  de  Tyard,  seigneur  de 


160  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Bissy,  Paris  y  Galiot  du  Pré^  1573;  Spart,  en  \  vol.  m-4.  mar. 
br.  tr.  dor,  (Bauzonnet-Trauiz),  —  900  fr. 

348.  Les  Premières  Œuvres  de  Philippe  Desportes.  Paris^  Mamert 
Pâtisson^  i 600,  in- 8,  mar.  r.  fiL  (Reliure  du  temps),  — 1620  fr. 

Exemplaire  très-grand  de  marges  et  bien  conservé,  dans  sa  première 
et  belle  reliure,  toute  parsemée  de  marguerites  en  or,  tant  sur  le  dos 
que  sur  les  plats  ;  ce  qui  fait  supposer  que  cet  exemplaire  a  appartenu  k 
la  reine  Marguerite,  première  femme  d'Henri  IV. 

De  la  bibliothèque  de  M.  Double. 

352.  Les  Poèmes  de  Pierre  de  Brach,  Bourdelois,  divisés  en  trois 
livres.  Bourdeaux^  Simon  Millanges^  1S76,    in-4,  mar.   r.  fil, 
tr.  dor.  dos  à  la  Padeloup.  {Kœhler),  —  360  fr. 
Volume  rare.  Le  premier  livre  contient  les  amours  d'Aimée  (odes,  élé- 
gies et  sonnets).  Dans  le  second  livre  se  trouve  un  Hymne  de  Bourdeaux, 
de  près  de  600  vers,  et  dans  le  troisième  une  Masquarade  du  triomphe  de 
Diane,  représentée  en  faveur  de  mademoiselle  Diane  de  Foix  de  Candale. 

354.  Les  OEavres  poétiques  de  Clovis  Hesteau,  sieur  de  Nuy sè- 
ment, dédiées  à  Monsieur  (duc  d'Anjou,  frère  de  Henri  III). 
Paris ^  A  ÎAn^elier^  1578,  pet,  in-4,  mar.  r.  dent,  intér.  tr. 
dor.  {Trautz-Bauzonnet) .  —  610  fr. 

Les  OEuvres  poétiques  de  Clovis  Hesteau,  natif  de  Blois,  doivent  se  pla- 
cer parmi  les  poésies  les  plus  rares  du  seizième  siècle. 

356.  Les  OEuvres  de  Mesdames  des  Roches  de  Poictiers,  mère  et 
fille,  seconde  édition  augmentée  de  la  tragi-comédie  de  Tobie 
et  autres  œuvres  poétiques.  PariSy  pour  Jhel  rjngelier^  1579, 
in-4,  mar.  bl.  tr.  dor.  [Dura).  —  255  fr. 

357.  La  Puce  de  Madame  des  Roches  (publ.  par  J.  de  Sourdrai 
Poitevin).  Paris,  A,  l'Jngelier,  1582;  in-4,  mar.  br.  tr.  dor. 
[Duru).  —  270  fr. 

358.  La  Musc  chrestienne  de  G.  de  Saluste,  seigneur  du  Bartas. 
Bourdeaux,  par  Simon  Millanges^  1584,  in-4,  mar.  bleu,  tr. 
dor.  {Trautz-Bauzonnet) ,  —  405  fr. 

Première  édition. 

362.  Les  OEuvres  poétiques  de  Pierre  de  Cornu,   Dauphinois, 
Lyon^Jean  Huguetan  {imp,  de  Th,  Ancelin)^  1583,  pet.  in-8, 
mar.  bleu  clair,  dos  et  plats  ornés.   (Trautz- Bauzonnet).  — 
850  fr. 
Poëte  fort  rare  et  recherché.  Court  de  marges. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  161 

c  P.  Cornu  se  distingue  des  poètes  pétrarquîsants  de  son  temps,  ses 
amours  sont  positifs  jusqu'à  la  grossièreté....  mais  il  ne  manque  pas 
d'une  sorte  de  verve  préférable  aux  plaintes  langoureuses  de  ses  rivaux.  » 
(VioUet-le-Duc.) 

365.  Les  OEuvres  poétiques  de  Jacques  de  Courtin  de  Cissé,  gen- 
tilhomme percheron  (Sonnets  et  odes).  Paris ^  Gilles  Beys^  1591, 
in-12,  mar.  citr.  doset  plats  ornés,  tr.  dor.  {TrautzSauzonnet), 
—  345  fr. 

Très-bel  exemplaire  du  comte  Alfr.  d'Auffay. 

366.  Les  Essais  poétiques  de  Guill.  du  Peyrat,  gentilhomme 
lyonnois.  Tours^  Jamet  Mettayer^  1593,  in-12,  mar.  bl.  fil.  Ir, 
dor.  [Kœhler).  —  295  fr. 

Bel  exemplaire  de  Ch.  Nodibr,  de  M.  de  Chaponay  et  de  M.  Tur- 
quety. 

367.  Les  OEuvres  poétiques  du  sieur  de  Trellon.  Lyon  y  Claude 
Michel^  1594;  pet.  in-12,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  {Hardr),  — 
220  fr. 

368.  LES  DIVERSES  POÉSIES  du  sieur  de  la  Fresnaie  Vauque- 
lin.  A  Caeriy  chez  Charles  Macé^  1612,  in-8  mar.  bleu,  dos 
orné,  fil.  dent.  int.  tr.  dor.  (Bauzonnei),^  2300  fr. 

Poésies  estimées  et  dont  la  rareté  est  bien  connue. 

369.  Recueil  des  œuvres  poétiques  de  Jan  Passerai,  Paris ^  Abel 
VJngelier^  1 606.  —  JoannisPasseratii  Kalendae  Januarias  et  va- 
ria qusedam  poemata;  quibus  accesserunt  ejusdem  authorismis- 
cellanea...  Parisiis^  apud  Jbel.  Angelierum^  1606,  in-8,  mar. 
bleu,  fil.  dos  orné,  tr.  dor.  [Trautz-Bauzormet],  —  720  fr. 

Elxem plaire,  très-grand  de  marges,  avec  le  beau  portrait  de  Passerat 
gravé  par  Thomas  de  Leu,  en  tête  de  la  partie  française. 

373.  Les  Premières  OEuvres  poétiques  et  soupirs  amoureox  de 
Guy  de  Tours,  Paris^  1598,  in-12,  mar.  bl.  dos  et  plats  ornés, 
tr.  dor.  [TrautZ'Bauzonnet],  —  400  fr. 

Poète  rare. 

374.  Les  Premières  OEuvres  poétiques  de  Jehan  Grisel,  Rouen- 
nois.  A  très  chrestien  roy  de  France  et  de  r^avarre,  Henri  IIII. 
Rouen j  Raphaël  du  Petit^Fal^  1599,  in-12,  œar.  fil.  br.  dos  et 
plats  ornés,  tr.  dor.  {Trautz^Bauzonnet) .  —  350  fr. 

Volume  rare. 


162  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

37S.  Les  OEnvres  latines  et  françoises  de  Nicolas  Rapin,  Poicte- 
vin.  A  Paris j  Pierre  Cfiemlier^  1610,  in»4,  mar.  v.  dos  orné, 
fil.  tr.  dor.  [Cape).  —  380  fr. 

37 7«  Recueil  des  œuvres  poétiques  de  J.  Bertaut,  abbé  d'Annay... 
Seconde  édition,  augmentée  de  plus  de  moitié.  Paris ^  Lacas 
Breyel^  1605.  —  Recueil  de  quelques  vers  amoureux.  Édition 
dernière,  reveue  et  aug'mentée.  Paris ^  Ph,  Pâtisson^  1606; 
2  tom.  en  1  vol.  in-8,  mar.  bleu,  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  [Trautz- 
Bauzonneï] .  —  700  fr. 

Ce  sont  les  meilleures  et  les  plus  belles  éditions  des  deux  recueils  de 
poésies  de  Bertaut. 

378.  Les  Tragiques  donnez  au  public  par  le  larcin  de  Prométhée 
(parle  sieur  d'Aubigné).  Au  désert^  1616,  in-4,  mar.  rouge, 
tr.  dor.  [TrautZ'Bauzonnet),  —  400  fr. 

Édition  originale,  très-rare. 

379.  Les  Poèmes  divers  du  sieur  de  Lortigue,  Provençal.  Paris^ 
Gosselin^  1617,  in-12,  réglé,  mar.  vert  fleurdelisé,  fil.  tr.  dor. 
{Aux  armes  de  Marie  de  Médicis),  —  1750  fr. 

Volume  très-rare. 

380.  Les  OEuvres  poétiques  du  sieur  Bernier  de  la  Brousse.  Poic^ 
ties,  par  Julian  Thoreau^  1618,  in-12,  front,  .grav.,  mar.  r, 
dos  orné,  fil.  tr.  dor.  [Niedrée],  —  400  fr. 

388.  Ouvrage  poétique  du  sieur  (Pierre  de  Cotignon  de  la  Char- 
nays),  gentilhomme  nivervois.  Paris,  1626,  in-i2,  front,  gr., 
titre  impr.,  mar.  r.  tr.  dor.  {Trautz^Bauzonnet),  —  440  fr. 

Recueil  rare  et  curieux. 
399.  OEuvres  du  sieur  Gaillard.  Paris,  Dugast.^  1634,  2  part. 
en  1  vol.  pet.  in-8,  titre  gravé,  fig.  mar.  r.  dos  orné.  fil.  tr. 
dor.  (Trautz-Bauzonnet)'.  —  290  fr. 

Livre  fort  rare  et  singulier.  L*auteur  était  laquab  de  Mgr  de  Vie,  ar« 
c1ieT(^que  d'Auch.  Court  de  marges. 

408.  Poésies  Françoise,  par  M.  de  Ménage.  Paris^  A.  'Courbé^ 
1656;  pet.  in-12,  40  pag.,  lettres  italiques,  mar.  r.  fil.  tr.  dor. 
[Trautz^Bauzonnet).  —  600  fr. 

«  C'est  sans  contredit,  dit  M.  Brunet,  Tune  des  pièces  les  plus  rares 
de  la  collection  el7.evirienne. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  163 

413,  Les  Œuvres  de  M.  Bensserâde.  Suivant  la  copie  à  Paris ^ 
chez  Ch,  de  Sercy  {Hollande)^  1698,  2  vol.  pet  in-8,  front,  gr., 
mar.  rouge,  dent,  intér.  (Trautz-Bauzonnet) .  —  399  fr. 
Bel  exemplaire  non  rogné  de  la  bibliothèque  de  M.  de  la  Bsdoyère. 

il 9.  OEUVRES  DIVERSES  DU  SIEUR  Boileau-Despreaux.  Paris^  De-- 
rtfs  Thierry^  1701  ;  2  vol.  in-12,  réglés,  frontisp.  et  fig.,  mar. 
citr.  doublé  de  mar.  r.  dent.  tr.  dor.  [ReL  anc],  —  3920  fr. 
à  M.  le  baron  J.  de  Rothschild. 

Dernière  édition,  publiée  du  vivant  de  Boileau.  Précieux  exemplaire 
aux  armes  et  au  chiffre  de  Mme  de  Chamillabt. 

420.  Les  Œuvres  de  Nicolas  Boileau-Despreaux  (publ.  par  Bros- 
selte).  La  Hajre^  4722;  4  vol.  in-12,  fig.,  mar.  r.  fil.  et  vignet- 
tes de  Bernard  Picart,  tr.  dor.  (Padeloup),  —  1020  fr. 
Édition  estimée.  Bel  exemplaire  deBENouARD. 

421.  Œuvres  de  Boileau-Despréàux,  avec  des  éclaircisseinents 
par  de  Saint-Marc.  Paris^  1747;  5  vol.  in-8,  portr.,  vignettes 
d'Eisen  et  fig.  de  Gochin,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  {Rel.  anc).  — 
1400  fr. 

Bel  exemplaire  en  papier  fin  de  Hollande.  De  la  biblioth.  de  d'Han- 
gard,  et  proyenant  de  la  vente  Radziwill. 

422.  oeuvres  de  Boileàu,  édition  dédiée  au  Roi.  A  Paris ^  de 
t imprimerie  de  Pierre  Dldot  taîné^  1819;  2  tomes  en  1  vol. 
in-fol.  vignettes  par  Fortin  gravées  par  Girardet,  mar.  rouge, 
doublé  de  mar.  vert  foncé,  large  dent.  int.  à  petits  fers  (jCapé), 
—  910  fr. 

Magnifique  édition,  tirée  à  125  exemplaires  seulement. 

426.  Œuvres  choisies  de  madame  Deshoulières.  Paris ^  impr,  de 
P.  Didot  taîné^  1795,  in-18,  gr.  pap.  vélin,  fig.  de  Marillier, 
mar.  vert,  fil.  dos  orné,  tr.  dor.  (Cape"),  —  1100  fr. 

Charmant  exemplaire,  orné  des  trois  dessins  originaux  de  MariUer, 
avec  leurs  gravures  avant  la  lettre,  d'un  joli  dessin  de  Monsiau  qui  n*a 
pas  été  gravé,  d'un  dessin  de  Chasselat  avec  la  gravure,  et  de  2  por- 
traits de  Mme  Deshoulières  et  de  k  autres  figures  ajoutées. 

De  la  bibliothèque  de  M.  de  la  Bédoyère. 

429.  Œuvres  diverses  de  (J.-B.)  Rousseau.  Amsterdam,  Chan-- 
guion^  1728,  4  vol.  in-12,  front,  et  fig.  deDebrie,  mar.  bUdos 
ornés,  fil,  tr.  dor.  [Padeloup).  —  1000  (r. 

Exemplaire  aux  armes  du  duc  d'AuMoirr. 


164  BULLETIN  DU  BraLIOPHILE. 

433.  OEUVRES  DE  Gresset  (avec  le  Parrain  magnifique).  Paris ^ 
Renouardy  i 810-11,  3  part,  en  2  vol.  in-8,  pap.  vél.,  fig.  de 
Moreau  avant  la  lettre,  mar.  r.  dos  à  la  du  Seuil,  fil.  tr.  dor 
[Trautz-Bauzonnet).  —  700  fr. 

Ce  bel  exemplaire  en  papier  vélin  contient,  outre  une  triple  suite,  des 
vignettes  de  Tédition  avant  la  lettre  sur  papier  blanc,  papier  de  Chine 
et  eaux-fortes. 

De  la  bibliothèque  de  M.  de  la  Bédotàrb. 

443.  La  Heneiade  de  M.  de  Voltaire,  Londres^  1728,  in-8,  fig., 
réglé,  mar.  r.  comp.  doublé  de  pap,  doré,  Ir.  dor.  (Padelottp), 
—  3000  fr. 

Seconde  édition,  avouée  par  l'auteur. 

La  reliure,  un  des  chefs-d*œuvre  de  Padeloup,  est  ornée  de  riche» 
compartiments  à  mosaïque  de  maroquin  vert,  citron  et  rouge,  avec  do- 
rures, à  petits  fers  et  au  pointillé,  couvrant  entièrement  le  dos  et  les  plats 
du  volume. 

Ce  magnifique  exemplaire,  parfaitement  conservé,  a  fait  partie  de  la 
bibliothèque  de  d^Hengard.  Acquis  à  la  vente  de  Badziwill  au  prix  de 
1500  francs. 

445.  La  Pucelle  d'Oléans,  poëme  divisé  en  quinze  livres,  par 
M.  de  V...  (Voltaire).  Louvain^  17S5;  pet.  in-8,  mar.  citr.  dos 
orné,  fil.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet],  —  275  fr. 
Édition  originale. 

448.  Fables  choisies,  mises  en  vers  par  M.  de  la  Fontaine,  et  par 
lui  revues,  corrigées  et  augmentées.  Paris^  Denys  Thierry  et 
Cl,  Barbin,  1678-1679,  4  vol.  —Cinquième  partie,  Paris,  CL 
Barbin^  1694,  1  vol.  —  Fables  nouvelles  et  autres  poésies  de 
M.  de  la  Fontaine.  Paris ^  D.  Thierry^  1671  ;  1  vol.  En  tout 
6  vol.  in-12,  fig.,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  —  3450  fr.  à  M.  de  La- 
carelle. 

Très-bel  exemplaire  relié  par  Boyet,  provenant  de  la  bibliothèque  de 
M.  J.- J.  DE  Bure,  et  de  celle  de  M.  Brunet. 

Cette  édition  est  la  seule  complète  qui  ait  été  donnée  du  vivant  de  la 
Fontaine. 

449.  Fables  choisies,  mises  en  vers  par  M.  de  la  Fontaine.  La 
Haye^  Henry  van  Bulderen,  1688-94,  5  part,  en  2  vol.  pet. 
in-8,  fig.  de  H.  Cause,  mar.  vert,  fil.  tr.  dor.  {Deromc),  — 
2000  fr. 

Exemplaire  de  la  bibliothèque  du  prince  Radzivrill. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  165 

450.  Fables  choisies,  mises  en  vers  par  J.  de  la  Fontaine.  Parisy 
chez  Desaint  et  Saillant  et  Durand^  1755-39,  4  vol.  in-fol., 
frontisp.  et  figures  de  J.-B.  Oudry,  mar.  rouge,  large  dent,  à 
comp.  tr.  dor.  {Rel,  anc).  —  2000  fr. 

Bel  exemplaire  en  grand  papier  de  Hollande.  Très-bonnes  épreuves 
des  figures  d'Oudrj. 

451.  Fables  choisies  mises  en  vers  par  J.  de  la  Fontaine.  Edition 
gravée  en  taille-douce,  les  figures  par  le  sieur  Fessard,  le  texte 
par  le  sieur  Montulay.  Paris ^  \  765,  6  vol.  in-8,  mar.  v.  fil.  dos 
ornés,  tr.  dor.  [Derome],  — 720  fr. 

Les  figures,  les  vignettes  et  les  culs-de-lampe  qui  ornent  toutes  les 
fables,  ont  été  gravées  d*après  les  dessins  de  Loutherbourg,  Monnet  et 
autres. 

Bel  exemplaire. 

452.  Fables  de  la  Fontaine.  A  Paris ^  de  t Imprimerie  de  Pierre 
Didot  r  aine  y  1802,  2  tomes  en  un  vol.  in- fol.  papier  vélin, 
vignettes  en  tcte  des  livres  par  Percier,  grav.  par  Girardet, 
mar.  rouge,  doublé  de  mar.  vert  foncé,  large  dent.  (Cape).  — 
820  fr. 

Un  des  100  exemplaires  avec  les  YÎgnettes  avant  la  lettre. 

459.  Recueil  des  sjeilleurs  contes  en  vers  (par  la  Fontaine,  Vol- 
taire, Vergier,  Senecé,  Perrault,  Grécourt,  Piron,  Autreau,  etc.). 
Londres  [Paris ^  Cazin),  1778,  4  vol.  in-18,  fig.  de  Duplessi- 
Bertaux,  mar.  rouge,  dent.  tr.  dor.  {Tremtz^Bauzonnet).  — 
1020  fr. 

Très-bel  exemplaire,  relié  sur  brochure. 

460.  Contes  et  Nouvelles  en  vers  de  M.  de  la  Fontaine.  Parisj 
Louis  Billaine^  1667,  2  part,  en  1  vol.  in-12,  mar.  r.  fil.  tr. 
dor.  (TrautZ'Bauzonnet).  —  1200  fr. 

Édition  fort  rare,  la  première  des  deux  parties  réunies,  qui  avaient 
paru  d*abord  séparément,  la  première  en  1665,  la  seconde  en  1666. 

461.  Recueil  des  Contes  du  sieur  de  la  Fontaine,  les  Satyres  de 
Boileau,  et  autres  pièces  curieuses.  Amsterdam,  J,  Verhaeven 
{à  la  Sphère)^  1669,  pet.  in-12,  mar.  or.  fil.  tr.  dor.  {Trautz- 
Bauzonnet),  —  380  fr. 

Joli  exemplaire,  129  millim.  Cette  édition,  imprimée   à  Bruxelles, 
chez  Foppens,  se  joint  a  la  collection  des  Elzeviert. 


166  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

462.  Contes  et  Nouvelles  en  vers  de  M.  de  la  Fontaine.  Amster- 
dam^ H.  DeshordeSy  1685,  â  tom.  en  1  vol.  in-12,  fig.  de  Ro- 
main de  Hooge,  mar.  bleu,  fil.  dos  orné,  tr.  dor.  (Bauzonnet- 
Trauiz).  —  510  fr. 

Exemplaire  de  premier  tirage  et  très-grand  de  marges. 

464.  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  M.  de  la  Fontaine*  jims- 
terdam  (Paris,  impr,  de  Barbou),  1762,  2  vol.  in-8,  fig.  d'Ei- 
sen  et  de  ChofTard,  mar.  rouge,  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  {ReL 
anc),  —  970  fr. 

Exemplaire  de  Tédition  des  fermiers  généraux,  avec  le  Cas  de  co/i" 
science  et  le  Diable  de  Papefîguièrey  non  voilés. 

471.  Les  Satyres  de  M.  Du  Loeens,  président  de  Chasteau-Neuf. 
Paris ^Ant,  de  Sommavilley  1646,  in-4,  mar.  bl.  tr.  dor.  (Duru), 
—  380  fr.,  à  M.  Léon  Techener. 

Très-bel   exemplaire,  aux   armes   et   aux  chiffres   du   marquis   de 

COISLIN. 

Du  Lorens  est  considéré  comme  un  des  meilleurs  poètes  satiriques  qui 
ont  précédé  Boileau.  Cette  édition  est  la  dernière  et  la  meilleure. 

472.  Satires  du  Sieur  D***  (Boileau-Despréaux).  Paris ^  L.  Bil" 
laine,  1666,  in-12,  front,  gravé,  mar.  r.  dos  orné,  tr.  dor. 
{TrautZ'Bauzonnet).  —  380  fr. 

Édition  originale  des  sept  premières  satires  de  Boileau  et  du  Discours 
au  Roy, 

477.  Le  Tableau  dé  la  vie  et  du  gouvernement  de  Mes^iieors  les 
cardinaux  Richelieu  et  Mazarin  et  de  Monsieur  Colbert.  Colo- 
gne ^  P.  Marteau  (Hoil.)^  1693;  pet.  in-8,  mar.  r.  (ly-aiilz- 
Bauzonnet).  —  350  fr. 

Exemplaire  non  bogné. 

C'est  la  première  et  la  plus  belle  édition  de  ce  recueil  satirique. 

480.  Diverses  petites  Poésies  du  chevalier  d'Aceilly  (de  Cailly). 
Paris  y  imprimées  chez  André  Cramoisy,  1667,  et  se  donnent  au 
Palais,  pet.  in-12,  mar.  hl.  fil.  tr.  dor.  (Trautz^Bauzonnet), 
320  fr. 

Édition  originale,  rare  surtout  avec  ce  titre  qui  a  été  remplacé  dans 
la  plupart  des  exemplaires  par  un  nouveau  où  les  mots  se  donnent  au 
Palais  furent  supprimés. 

481 .  Madrigaux  de  M.  D.  L.  S.  (Antoine  Rambouillet  de  la  Sa- 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  167 

blière).  Suivant  la  copie  imprimée  h  Paris ^  chez  Cl.  Barhin 
(Holl,^  à  la  Sphère),  1680,  pet.  m-12,  mar.  bl.  dos  orné,  fil. 
tr.  dor.  (TrautzrBauzonnet).  —  135  fr. 

Jolie  et  rare  édition. 

482.  LES  BAISERS,  précédés  du  Mois  de  mai,  poëme  (par  Dorât). 
La  Hqye  et  Paris,  Lambert,  1770,  gr.  in-8,  pap.  de  Holl., 
titre  rouge  et  noir,  portr.  de  Dorât  grav.  par  Dupin,  frontisp., 
23  vignettes  et  22  culs-de-lampe  d'Eisen,  mar.  vert,  riches 
compart.  à  petits  fers,  dos  orné,  tr.  dor.  (Cape),  —  lOSO  fr. 

Superbe  exemplaire,  remarquable  pour  la  beauté  des  épreuves. 
Reliure  élégante  avec  dos  et  plats  à  la  Derome,  et  attributs  de  Tamour  à 
chaque  coin. 

484.  L'EscHOLE  DE  Saleane  en  vers  burlesques  (par  Martin)  et 
duo  Poemata  macaronica,  de  bello  Huguenotico  (par  Remy  ^el- 
leau).  Suivant  la  copie  imprimée  à  Paris ^  1651,  pet.  in-12, 
mar.  citr.  compart.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet) .  —  980  fr. 

Jolie  et  rare  édition,  imprimée  à  Leyde  par  les  ELzeviers. 

485.  L'OvmE  en  belle  humeur,  de  M.  d'Assoucy.  Suivant  la  co- 
pie imprimée  à  Paris  (Leyde,  les  Elsevier),  1651.  pet.  in-12, 
mar.  orange,  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet).  —  650  fr. 

Très-jolie  édition,  une  des  plus  rares  de  la  collection  des  Elzeviers. 

486.  Les  Odes  d'Horace  en  vers  burlesques  (par  H.  Picou).  Leydc, 
Jean  Samhix  (/.  et  /).  Elsev,)^  1653,  pet.  in-12,  mar.  bl.  fil. 
dos  orné,  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet),  —  820  fr. 

Exemplaire,  grand  de  marges,  d'un  volume  fort  rare.  Hauteur  : 
131  millim. 

487.  La  chronique  scandaleuse,  ou  Paris  ridicule,  de  C.  le  Pe- 
tit. Cologne,  P.  de  la  Place  (HolL),  1668,  pet.  in-12,  mar.  or. 
dos  orné,  fil.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet).  —  400  fr. 

Édition  rare  qui  se  joint  à  la  collection  des  Elzeviers.  Exemplaire, 
grand  de  marges.  H.:  127  mill.  et  demi. 

C'est  la  seule  édition  de  ce  petit  poëme  plein  de  verve,  qu'on  con- 
naisse, imprimée  séparément. 

492.  La  Muse  folastre  (le  premier,  le  second  et  le  troisième  livre 
de),  Lyon^  Barth,  Ancelin,  1611,  3  part,  en  1  vol.  in-12,  mar. 
orange,  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet).  —  480  fr. 
Recueil  rare,  qui  contient  beaucoup  de  pièces  du  genre  de  celles  du 


168  BULLETIN  DU  BIBUOPfflLE. 

Parnasse  satirique.  Dans  le  premier  livre,  on  trouTe  la  Folasiries  de 
P.  de  Ronsard  non  imprimées  dans  ses  œuvres, 

493.  Les  Muses  gaillardes,  recueillies  des  plus  beaux  esprits  de 
ce  temps,  par  A.  D.  B.  (Ant.  DuBreuil),  Parisien,  Paris^  Ani, 
du  Breuil,  1609,  in-12,  titre  gravé,  mar.  br.  compart.  tr.  dor. 
{Bauzonnet).  — 430  fr. 

Recueil  fort  rare.  Très-bel  exemplaire  provenant  de  la  bibliothèque 
de  M.  Cigongne. 

49^.  Le  Cabinet  satyrique,  ou  Recueil  parfait  des  vers  piquants  et 
gaillards  de  ce  temps.  S.  l.  {Hollande ^  Elzevier)^  1666,  2  voL 
pet.  in-12,  mar.  citr.  dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  (Trautz^Bauzon" 
net),  —880  fr. 

Bel  exemplaire.  H.:  125  mill. 

495.  Le  Parnasse  satyrique  du  sieur  Théophile.  S.  /.  {HoUiwde^ 
Elzevier),  1660,  pet.  in-12,  mar.  r.  dos  orné,  compart.  tr. 
dor.  (Dura),  —  280  fr. 

Exemplaire,  orné  d'une  belle  reliure  de  Duru  à  riches  compartiments. 
H.:  123  millim. 

498.  L'Origine  des  puces.  Londres  (Paris),  1 749,  pet.  in-12,  texte 
gravé,  36  pages,  vignettes,  mar.  r.  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  — 
1150  fr.  à  M.  Quentin  Bauchard. 

Joli  exemplaire  aux  armes  de  madame  de  Pompadour,  provenant  de 
la  bibliothèque  du  prince  Radziwill. 

501 .  CHOIX  DE  CHANSONS,  mises  en  musique  par  M.  de  la 
Borde,  dédiées  à  madame  la  Dauphine.  Por/V,  de  Lourmel,  1773, 
4  tom.  en  2  vol.  gr.  in-8,  texte  gravé,  mar.  vert,  dos  ornés, 
dent,  doublé  de  tabis,  tr.  dor.  (Derome).  —  4250  fr.  à 
M.  Georges  Danyau. 

Superbe  exemplaire  et  très-belles  épreuves  des  figures  de  Moreau,  Le 
Boueux  et  Le  Barbier.  La  reliure,  de  Derome,  est  excellente  et  d*tine 
grande  fraîcheur. 

Le  portrait  de  Laborde,  d'après  Denon,  gravé  par  Masquelier,  se 
trouve  en  tête  du  tome  III  ;  celui  de  Mme  de  Laborde,  en  pied,  dessiné 
par  Denon  en  1776  et  gravé  par  Née  et  Masquelier,  a  été  ajouté  au 
tome  I.  C*cst  une  pièce  très-rare. 

502.  TovTRSLEs  EvvRES  de  François  Pétrarque,  contenans  quatre 
livres  de  M.  D.  Laure  d* Avignon,  sa  maltresse  ;  mis  en  fran- 
çoys  par  Vasquîn  Philieul  de  Carpentras.  En  Avignon  ^  Bart/tc- 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  169 

lemjr  Bonhomme,  4  555,  in-8,  mar.  bleu,  dos  et  pla's  ornés,  tr. 
dorée.  {Trautz-Bauzonnet).  —  399  fr. 

Bel  exemplaire  d'un  volume  rare. 

503.  Les  Trivmphes  Petrarqve.  Paris ^  Estienne  Groulleau,  1554, 
in-i6,  lettres  ital.,  réglé,  fig.  sur  bois,  mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz- 
Bauzonnet),  —  245  fr. 

Très-jolies  figures  sur  bois  au  nombre  de  148,  dont  plusieurs  se  ré- 
pètent. 

505.  JÉRUSALEM  DÉLIVRÉE,  poême  du  Tasse.  Nouvelle  traduction 
(par  Le  Brun).  Paris,  Musier  fils,  1774,  2  vol.  gr.  in-8,  pap. 
fort,  mar.  r.  fil.  dos  ornés,  tr,  dor.  (Derome).  —  550  fr. 

507.  Idylles  et  poèmes  champêtres  de  M.  Gessner,  Ljron^  1762, 
pet.  in-8,  papier  de  Holl.,  figures,  vignette  et  culs-de-lampe 
grav.  par  Wateletet  MlleLeconte,  mar.  r.  tr.  dor.  (Padeloup). 
—  640  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier.  Belle  reliure  ornée  sur  les  plats  d'une 
large  et  riche  dentelle. 

510.  Les  Comédies  de  Térencb,  avec  la  traduction  et  les  remar- 
ques de  madame  Dacier.  Rotterdam^  Gaspar  Fritsch^  1717, 
3  vol.  pet.  in-8,  régi.,  fig.  de  B.  Picart,  mar.  v.  fil.  tr.  dor. 
[Rel.  anc).  —  350  fr. 

Exemplaire  en  grahd  papier  de  l'édition  la  plus  recherchée  de  cette 
traduction.  Très-rare. 

515.  LesOEuvreset  meslanges  d'Estienne  Jodelle,  sieur  du  Lymo- 
din,  Lyon^  Benoist  Rigaud^i^dl^  in-12,  mar.  bleu,  dos  et  plats 
ornés,  tr.  dor.  {Trautz-Bauzonnei),  —  420  fr. 

Bel  exemplaire. 

516.  La  Médée,  tragédie,  et  autres  diverses  poésies,  par  Jean  de 
la  Péruse.  Rouen,  Raph.  du  Petit-Val^  s,  d.  (1598),  2  part,  de 
48  et  96  pages,  en  1  vol.  pet.  in-12,  mar.  bl.  dos  orné,  fil.  tr. 
dor.  (  TrautZ'Bauzonnet).  —  480  fr. 

La  première  partie  est  sans  date  ;  mais  la  seconde,  intitulée  :  Diverses 
poésies  de  feu  J .  de  la  Péruse^  porte  la  date  de  1598.  Cette  seconde  par- 
tie manque  souvent. 

517.  Le  Théâtre  de  Jacques  Grevin,  de  Ciermont  en  Beauvoisis. 

12 


170  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

Piirisy  156â,  in-8,  mar.  r.  dos  orné,  compart.  tr.  dor.  [Tkou- 

venin),  —  580  fr. 

Exemplaire,  proyenant  de  la  bibliothèque  de  Ch.  Nodieb,  aTec  les 
écussons  sur  les  plats. 

518.  La  Tragédie  d'Agamemnon,  avec  deoxlivres  deçbantsdePlii- 
losophie  et  d'Amour,  par  Charles  Tontain  (sieur  de  la  Masu- 
rie,  de  Falaise).  Ptu^is^  Martin^  le  Jeune^  1557,  in-4,  mar. 
rouge,  fil.  tr.  dor.  [Ane,  rc/.).  —  290  fr. 

Volume  très-rare. 

521.  OËuvHBS  POÉTIQUES  de  Jeaiï  et  Jacques  de  la  Taillb.  Paris ^ 
Fed.  Morel,  1572-1574,  5  part,  en  1  vol.  in-8,  mar.  br.  fil. 
dos  et  milieux  ornés,  tr.  dor.   [Trautz-Bauzonnet],  —  880  fr. 

Très-bel  exemplaire  d'une  réunion  précieuse  et  fort  rare  des  pièces 
originales  des  deux  de  la  Taille. 

522.  Les  Six  Premières  Comédies  facécieuses  de  Pierre  de  Larivey, 
Champenois.  Parisy  1579.  — Trois  Comédies  des  six  dernières 
de  Pierre  de  Larivey,  à  sçavoir  :  la  Constance,  le  fidèle  et  les 
Tromperies.  Troyes^  P.  Chevillât,  1611;  ens.  2  vol.  in-12y 
mar.  vert,  compart.  tr.  dor.  [Niedrée],  —  1100  fr. 

Bel  exemplaire  de  VioUet-le-Duc.  On  sait  combien  est  rare  le  deuxième 
volume  de  Larivey ,  qui  n*a  été  imprimé  qu'une  fois.  Le  t6me  I  a'  eu  au 
moins  cinq  éditions  ;  c'est  ici  la  première. 

528.  Les  Tragédies  de  N.  Chrétien,  sieur  des  Croix,  Argentenois, 
Roueny  1608,  6  pièces  (datées  de  1603  à  1613)  en  2  vol.  pcl. 
in-12,  mar.  vert,  dos  ornés,  dent.  tr.  dor.  {Mouillié).  — 
280  fr. 

532.  Les  Tragédies  et  autres  œuvres  poétiques  de  Jean  Prévost. 
Poictiers^Jullan  Thoreau,  1613-1614,  3  part,  en  1  vol.  in-12, 
mar.  r.  tr.  dor.  [TrautzrBauzonnet),  —  580  fr. 

Exemplaire  (qui  laissait  à  désirer  sous  le  rapport  de  la  conservation) 
d'un  livre  qu'on  trouve  rarement  aussi  complet. 

537.  Le  Théâtre  françois  (par  Samuel  Chapûzeauj .  Z^o/i,  i  674, 
in-12,  mar.  citr.  dos  orné,  fil.   tr.  dor.   [^raùiz^Bauionnet). 

—  270fr. 

,  ■      ••     ^î  •      ■             ■  ^                    .... 
Livre  rare,  donnant  de  curieux  renseignements  sur  l'histoire  et  l'or- 
ganisation des  théâtres  de  Paris  à  cette  époque,  la  composition  des  trou- 
pes, etc.  •  •      .    .      'i'  •     t  •.    ■  


■  \ 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  171 

538.  Le  Théâtre  de  P.  Corneille,  A  Rouen,  et  se  vend  à  Paris^ 
chez  Thomas  Jolly^  1664,  3  vol.  in-S,  front,  gravés,  fig.  de 
Chauveau,  mar.  r.  dos  ornés,  comp.  à  la  du  Seuil,  tr.  dor. 
(^ar^r).  — SoOfr. 

Cette  édition  a  été  donnée  sur  Tédidon  de  1664  eu  2  vol.  in-folio. 
Comme  celle-ci,  elle  contient  les  discours  sur  le  poëme  dramatique  et 
les  examens  des  pièces.  Le  nouveau  système  orthographique  employé 
par  Corneille  y  a  été  également  suivi. 

539.  LE  TBÉATRE  DE  P.  CORNEILLE,  revu  et  corrigé.  Sui- 
vant la  copie  imprimée  à  Paris  {Jmsterd,  Abr,  Wolf^anK)^  1664 
(à  1676),  4  vol.  —  Les  Tragédies  et  comédies  de  Th.  Corneille. 
Suivant  la  copie  imprimée  à  Paris  [Amsterd,^  Abr.fjTolfgank), 
1665  (à  1978),  5  vol.  ;  ensemble  9  vol.  pet.  in-lâ,  mar.  rouge, 
fil.  dos  ornés,  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet),  — 4100  fr.  pour 
M.  Ed.  Bocher. 

Exemplaire  bien  complet  et  composé  entièrement  de  pièces  de  bonne 
date,  très-grand  de  marges.  Hauteur  :  132  mill. 

540.  Le  Théâtre  de  P.  Corneille,  reveu  et  corrigé  par  Tautheur. 
Paris  y  Guillaume  de  Luyne^  1682,  4  vol.  in-12,  front,  gr.  et 
portr.,  mar.  r.  dos  ornés,  tr.  dor.  [Duru  et  Chambolle).  — 
390  fr. 

Dernière  édition  et  la  seule  complète  publiée  du  vivant  de  Cor- 
neiUe. 

543.  Horace,  tragédie  (par  P.  Corùeille).  Paris^  Aug,  Courbé, 
1641,  in-4,  mar.  r,  tr.  dor.  [TraïUz-Bauzonnet), —  570. 

Édition  originale.  Avec  le  frontisp.  gravé  par  Daret,  d'après  Le  Brun, 
qui  manque  souvent. 

544.  Polyeucte  martyr,  tragédie  (par  P.  Corneille).  Paris ^  1643, 
in-4,  frontisp.  gr.,  mar.  r.  tr.  dor.  {^rautz-Bauzonnet).  — 
380  fr. 

Édition  originale. 

545.  Sertorius,  tragédie  (par  P.  Corneille).  àRouenj  1662,in-12, 
vélin.  — 220  fr. 

Edition  originale. 

571.  LES  OEUVRES  DE  MONSIEUR  DE  MOLIERE,  Paris^ 
Jean  Guignard  fiis^  1666,  2  vol.  in-12,  2  front,  grav.  pafChau- 


172  BULLETIN  DU  BIBLIOTHILE. 

veau,  mar.  bl.  doublé  de  mmr.  r.  dent.  tr.  dor.  (TrautZ'Bau-^ 
zonnet),  —  5700  fr. 

Édition  PBÉciEUSBy  la  première  du  Théâtre  de  Molière  avec  une  pagi- 
nation sui-vie. 

572.  OEUVRES  DE  M.  de  Molière.  Paris ^  D.  Thierry  et  Cl.  Barbin^ 
1674-73,  7  vol.  in-i2,  mar.  r.  dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  (TrautZ" 
Bauzonnet),  —  3350  fr. 

Édition  fort  rare,  publiée  presque  immédiatement  après  la  mort  de 
Molière,  et  la  première  où  toutes  les  pièees  publiées  de  son  vivant  aient 
été  recueillies  en  corps  d^ouvrage  et  avec  une  pagination  suivie. 

573.  LES  OEUVRES  DE  M.  MOLIÈRE.  Amsterdam^  chez  Jaques 
le  Jeune  [Daniel  Elzevier),  1675.  5  vol.  — OEuvres  posthumes, 
Amsterdam ,  Guill.  le  Jeune ^  1689, 1  vol.;  ensemble  6  vol.  pet. 
in-12,  mar.  bl.  dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet) .  — 
2505  fr 

Bel  exemplaire,  grand  de  marges  et  parfaitement  conservé.  Hauteur  : 
131  mill. 

574.  Les  OEuvres  de  M.  Molière  (publ.  par  Vinot  et  La  Grange). 
PariSy  D.  Thierry^  Cl,  Barbin  et  P.  Trabouillet^  1662,  8  vol. 
in-12,  fig.  deBrissait,  mar.  r.  dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  (Duru  et 
Chamholle),  —  500  fr. 

Première  édition  complète  des  œuvres  de  Molière. 

575.  Les  OEuvres  de  M.  de  Molière.  Amsterdam^  1750;  4  vol. 
pet.  in-12,  portr.  et  fîg.,  mar.  r.  dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  — 
510  fr. 

Jolie  édition,  ornée  des  figures  gravées  par  Punt,  d'après  Bouoher,en 
belles  épreuves.  Bel  exemplaire  en  ancienne  reliure  à  la  Padeloup. 

576.  OEUVRES  DB  MoLiiRE,  avec  des  remarques,  par  M.  Bret. 
1773,  6  vol.  in-8,  portr.  d'après  Mignard,  Vig.  de  Moreau, 
mar.  rouge,  dent.  fil.  tr.  dor.  (Thibaron),  —  700  fr. 

Reliure  avec  une  large  dentelle  à  la  Derome. 

577.  L'EsTouRDT,  1663;  in-12,  réglé,  mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz^ 
Bauzonnet)  1000  fr. 

Édition  originale. 

578.  Le  Dépit  amoureux,  1663,  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz- 
Bauzonnet),  —  1555  fr. 

Édition  originale. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  173 

579.  Les  Fâcheux,  1662,  in-12,  inar.  r.  tr.  dor.  (Tniutz-Bauzon- 
net),  —  1400  fr. 

Édition  originale. 

580.  L'Escole  des  femmes,  1663,  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  [Trautz- 
Bauzonnet).  —  1255  fr. 

Édition  originale. 

581.  La  CarriQUE  de  l'École  des  femhes  (par  Molière).  1663, 
in- 12,  mar.  r.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet],  —  1480  fr. 

Édition  originale. 

582.  Le  Festin  de  Pierre.  Amsterdam^  1683,  pet.  in-l  2,  fig. ,  mar. 
bl.  tr.  dor.  [Dura],  —  750  fr. 

Édition  précieuse,  qui  contient  la  scène  du  pauvre  et  celle  qui  pré- 
cède (scènes  l '^  et  2*  du  troisième  acte)  dans  toute  leur  intégrité.  Ces 
deux  scènes  renferment,  dans  cette  édition,  des  passages  qui  ne  se  trou- 
vent même  pas  dans  les  exemplaires  non  cartonnés  de  l'édition  de  Pa- 
rlsy  1682.  Hauteur  :  130  miil.  et  demi. 

584.  Le  Misantropb,  1667,  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  [TnuUz^Bau- 
zonnet).  —  1700  fr. 

Édition  originale.  Bel  exemplaire. 

585.  Le  Tartuffe,  ou  t Imposteur^  1669,  in-12,  mar.  vert,  fil   tr. 
dor.  [Duru).  —  2250  fr. 

ÉomoN  ORIGINALE,  très-rare.  A  la  fin  du  privilège,  on  lit  :  Achevé 
d^imprimer  pour  la  première  fois  le  23  mars  1669* 

587.  Le  Sicilien,  1668,  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  [Trautz -Bauzonnet). 
1300  fr. 

Édition  originale. 

588.  Amphftrton,  1668,  in-12,  mar.  r.  dos  et  coins  ornés,  dent, 
intér.  tr.  dor.  (Cape),  —  1400  fr. 

ÉDmoN  originale.  Très -rare. 

592.  Elomire,  c'est-à-dire  Molière  hypocondre,  ou  les  Médecins 
vengez,  comédie  (par  le  Boulanger  de  Ghalussay).  Suivant  la 
copie  imprimée  à  Paris  (Amsterdam^  D,  Eizevier)^  1671,  pet. 
in-12,  ^\^,  mar.  citr.  dos.  orné,  fil.  tJÊmÈor.  {Trautz-Bauzon- 
net).  —  390  fr. 

Pièce  rare.  Hauteur  :  126  mill.  La  figure  représente  Scaramouche  en- 
seignant^ Élomire  estudicait. 


174  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

604.  OEdvhes  de  Racine.  Paris  ^  JeanRihou^i%l^l%,  2  vol.  m-12, 
front,  et  fig.  deChauveau,  mar.  r.  tr.dor.  {Trcuitz^Bauzonnei). 
—  2080  fr. 

Première  édition  collectiye  du  théâtre  de  Racine,  contenant  ses  neuf 
premières  pièces,  c'est-à-dire  depuis  la  Thébalde  jusqu'à  Iphigéme. 

Comme  dans  quelques  autres  exemplaires,  le  tome  I**"  porte  la  date 
de  1675. 

605.  OEuvres  de  Racine.  Suivant  la  copie  imprimée  à  Paris  \Ams^ 
terdam,  Ahr,  Wolfgank]^  1678.  —  Esther,  tragédie  tirée  de 
l'Escritare  sainte.  Suivant  la  copie  imprimée  a  Paris  [Jms~ 
terd,,A.  Wolfgank)^  1689.  —  Athalie,  tragédie  tirée  de  TÉcri- 
ture  sainte.  Suivant  la  copie  impr.  à  Paris  (Amsterd.y  Abr, 
Wolfgank)^  1691;  ensemble  2  vol.  pet.  in- 12,  front  et  ^,^ 
mar.  vert,  fil.  tr.  dor.  {Chambolle^Duru).  —  575  fr. 

Exemplaire  entièrement  composé  de  pièces  en  première  date.  Hau- 
teur :  127  mill. 

606.  OEUVRES  DERACINE.  Poris,  Pierre  Trabouillet  y  1687,  2  vol. 
in-12,  frontisp.  et  fig.  de  Ghauveau,  mar.  bl.  jansén,  tr.  dor. 
(Thibaron).  —410  fr. 

Édition  recherchée,  qui  est  en  réalité  la  seconde  de  Racine,  l'édition 
de  1679  n'étant  qu'une  réimpression  pure  et  simple  de  celle  de  1676. 
C'est  la  première  qui  renferme  Phèdre, 

607.  OEuvres  de  Racine.  Paris^  1697,  2  [vol.  in-12,  frontisp.  et 
fig.  de  Ghauveau,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  [Trautz^Bauzonnet).  — 
900  fr. 

Édition  rare  et  estimée,  la  dernière  donnée  du  Tivant  de  Racine,  et  lu 
première  contenant  Esther  et  Athalie, 

608.  OEuvBES  DE  Racine.  A  Paris ^  de  t  impr,  de  Pierre  DidotVatnéy 
1801,  3  vol.  in-fol.  papier  vélin,  cinquante-sept  gravures  de 
Prud'lion,  Girodet,  Gérard  et  Chaudet,  ^mar.  rouge,  doublé  de 
mar.  vert,  avec  large  dent.  [Cape),  —  2150  fr. 

Un  des  livres  les  plus  magnifiques  que  la  typographie  d'aucun  pays 
ait  produits,  dit  M.  Brunet.  {Man,  du  libr,,  IV,  col.  1079,) 

609.  La  Thébayde,  1664,  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  [Trautz-'Bauzw- 
/î^f).  — 4410  fr. 

Édition  originale,  avec  le  privilège  qui  manque  quelqaefob. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  175 

6i0.  Britannicus,  Parw,  CL  Barbin^  4670,  m-12,  mar.  r. ,  plats 
à  la  Du  Seuil,  tr.  dor.  [Cape),  — 1160  fr. 

Édition  originale. 

611.  Bérénice,  1671,  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz^Bauzonnet), 

—  1100  fr. 

Édition  originale. 

612.  BAJÀZETy  1672^  in-12,  réglé,  mar.  r.  tt.àoT  [Trautz-Bauzon^ 
net).  —  980  fr. 

Édition  originale. 

613.  Mithridate,  1673,  in-12,mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet). 

—  1100  fr. 
Édition  originale. 

615.  Phèdre  et  Hippolyte,  1677,  in-12,  frontîsp.  d'après  Le  BruD, 
mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet).  —  900  fr. 

Édition  originale. 

616.  EsTHERy  tragédie  tirée  de  rÉcritnre  sainte  (par  J.  Racine). 
Paris^  Den^s  Thierry^  1689,  in-4,  fig.  —  Athalie,  tragédie 
(par  le  même).  Paris,  Denjrs  Thierry,  1691,   in-4,   fig.;    en 

1  vol.   mar.   r.   tr.  dor.    (Trautz^Bauzonnet).  —  805  fr.  à 
M.  Meaume. 

Éditions  originales  des  denx  pièces. 

017.  Esther,Parw,  1689, in-12,  fig.,  réglé, mar. tr. dor.  {Traïaz- 
Bauzonnet) .  —  500  fr. 

a 

Première  édidon  in-12,  publ.  en  même  temps  que  l'édition  in-4. 

618.  Athaliè,  Paris,  1692,  in-12,  fig.  mar.  r.  tr.  [Trautz-Bau- 
zonnet).  —  520  fr. 

Édition  originale  in-12. 

625.  LesOEuvbes  df  M.  Regnam).  Paris,  1708,  2  vol.  in-12,  fig. 
mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet).  —  850  fr. 

Édition  originale,  rare.  « 

628.  Les  OEuvres  de  M.  de  Palaprat.  Paris,  Pierre  Ribou,  1712, 

2  vol.  in-12,  frontisp.,  mar.  r.   fil.   dos  ornés,  tr.  dor.  — 
355  fr. 

Bel  exemplaire,  aux  annes  de  la  comtesse  de  Verrue,  provenant  des 
ventes  Giraud  et  Solar. 


176  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

629.  Les  OEuvres  de  M.  de  la  Fosse.  Paris^  P.  Ribou,  1700,  in- 
42,  front,  gr.,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  (Rel,  anc),  — 210.fr. 

632.  Turcaret,  comédie  (avec  la  Critique  par  le  Diable  boiteux), 
par  Le  Sage.  Paris^  P.  Ribou^  1709,  in-12,  mar.  r.  fil.  dor, 
[C/iambolle),  —  200f.. 

Edition  originale.  Très-rare. 

639.  OEuvBEs  DE  J.-F.  Ducis.  Paris^  1826,  3  vol.  —  OEuvres 
posthumes.  Paris ^  1826,  en  tout  4  vol.  in-8,  mar.  bleu,  fil.  tr. 
dor.  i^TrautZ'Bauzonnet), —  1485  fr. 

Exemplaire  unique,  conienant,  outre  les  gravures  avant  la  lettre  sur 
papier  de  Chiue  et  les  eaux-fortes  : 

V  Le  dessin,  origiïtal  du  portrait  de  Ducis  à  la  sépin,  par  G^rabd 
(dessin  de  toute  beauté)  ;  2**  Sept  dessins  originaux  à  la  sépia,  par 
Desenne;  3*  Quatre  dessins  oRiciNAirx  par  Colin;  k^  Quatre  dessins 
ORIGINAUX  par  Calme  ;  5"  Etc. 

Exemplaire  de  M.  de  la  Bedoyeke  (vente  1862). 

640.  Les  Amours  pistorales  de  Daphnis  et  Chloé  (traduites  du 
grec  de  Longus,  par  J.  Amyot).  S.  L  (Paris)^  1718,  pet.  in-8, 
front,  et  fig.  gr.  par  Audran  d'aprrs  les  dessins  de  Philippe  due 
d'Orléans,  mar.  vert,  doublé  de  mar.  orang.  tr.  dor.  [Traut^- 
Bauzonnet),  —  2600  fr. 

Édition  dite  du  régent. 

Exemplaire,  très- grand  de  marges,  provenant  de  la  bibliothèque  de 
M.  DE  la  Bédoyère.  Il  était  alors  relié  par  Bozérian.  La  reliure  de 
M.  Trautz-Bauzonnet  ajoutée  depuis  est  de  toute  beauté. 

644.  ŒUVRES  de  maître  FRANÇOIS  RABELAIS,  avec  des  re- 
m.arques  critiques  de  Le  Duchat,  Am^terdnm^  1741,  3  vol.  gr. 
in-4,  mar.   r.  fil.  dos  ornés,  tr.  dor.  {Padcloup),  —  6000  fr. 

Superbe  exemplaire  en  grand  papier.  C'est  le  premier  et  le  plus  beau 
des  deux  exemplaires  sur  ce  papier  qui  se  trouvaient  à  la  vente  dn  prince 
Badziwill.  1^  second,  relié  en  maroquin  citron,  a  été  depuis  vendu  a  la 
vente  Benzon,  en  avril  1875,  5,500  francs 

646.  LES  SONGES  DROLATIQVES  de  Pantagruel,  Paris,  par 
Richard  Breton,  MDLxv,  in-8,  figures  sur  bois,  mar.  vert.  fil. 
tr.  (Rel,  anc)    —  2135  fr. 

Recueil  de  120  figures  des  plus  grotesques,  sans  autre  texte  qu'un 
avis  au  lecteur  en  3  pages  dans  lequel  il  est  dit  que  Rabelais  en  est  l'au- 
teur. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  177 

Ce  livre  précieux  de  la  plus  grande  rareté  provenait  de  la  bibliotli. 
Yemeitiz. 

650.  Le  Roman  bourgeois  (  par  Furetière  ).  Paris^  i666,  in-8, 
front,  gr.,  mar.  bl.  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  (Trautz^Bauzonnet) . 

—  600  fr. 
Édition  originale. 

652 .  Les  Amours  de  Psiché  et  de  Cupidon,  par  de  la  Fontaine. 
Paris j  1669,  in-8,  mar.   r.  fil.  tr.  dor.  [Chambolle^Duru).  — 
390  fr. 
Editions  originales. 

654.  La  princesse  de  Montpensier  (par  madame  de  la  Fayette). 
Paris,  Ch.  de  Sercy^  1662,  pet.  in-8,  réglé,  mar.  citron,  dos 
orné,  fil.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzotuiet),  — 570  fr. 

Édition  originale. 

655.  Zayde,  histoire  espagnole,  par  M.  de  Segrais  (madame  de 
la  Fayette),  avec  un  traité  de  l'Origine  des  romans,  par  M.  Huet. 
Paris^  Cl,  Barbin,  1670-71,  2  vol.  pet.  in-8,  mar.  bl.  comp.  à 
la  Du  Seuil,  tr.  dor.  {Trautz-Bauzonnet).  —  980  fr. 

Édition  originale. 

656.  La  Princesse  de  Clèves  (par  madame  de  la  Fayette).  Paris ^ 
1678,  4  tom.  en  2  vol.  in-12,  mar.  citron,  fil.  tr.  dor.  [Trautz^ 
Bauzonnet).  —  1325  fr. 

Édition  originale. 

657.  Les  Avantures,  ou  Mémoires  de  la  vie  de  Henriette-Sylvie 
de  Molière  (par  d'Alègre}.  [Amst,^  Abr,  ff^otfgank)^  l67i-74; 
6  part,  en  f  vol.  pet.  in-12,  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  {Trautz-Bau- 
zonnct),  —  285  fr. 

661.  Mémoires  de  Hollande.  Suiv,  la  copie  imprimée  à  Paris  ^ 
chez  Esc,  Michallet  [HolL),  1678,  pet.  in-12,  mar.  bl.  {Cape), 

—  255  fr. 

Joli  exemplaire,  iioif  rogné.  Ce  roman  a  été  attribué  à  Mme  de  la 
Fayette  par  M.  A.-T.  Barbier,  qui  en  a  publié  une  Aonvelle  édition 
en  1856. 

663.  Le  Zombi  du  grand  Pérou,  ou  la  Comtesse  de  Cocagne. 
Nouvellement  imprimé  /^  15  février  1697,  pet.  in-12,  mar.  r. 
comp.  tr.  dor.  (Duru).  —  315  fr. 

Ce  petit  roman  a  été  attribué  à  Corneille  Blessebois,  par  Ch.  Nodier 


178  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

et  par  Téditeur  de  la  nouvelle  édition  du  Zombi^  publiée  en  1862.  (Voir 
les  Mélanges  ttune  petite  bibliothèque.) 
Joli  exemplaire  de  Ch.  Nodier. 

664.  Les  Aventures  de  Telémaque  fils  d'Ulysse,  par  François  de 
Salignac  delà  Motte-Fénelon.  Paris ^  i717,  2  vol.  in-B,  portr. 
et  fig.  de  Bonnart,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  {ReL  aac.)^  — 
475  fr.  ,  . 

Première  édition,  conforme  au  manuscrit  original,  et  publiée  par  le 
marquis  de  Fénelon,  neveu  de  Fénelon. 

665.  Les  Aventures  de  Telémaque,  fils  d'Ulysse,  par  Fénelon. 
Paris,  Didot  taîné^  1783,  2  vol.  gr,  in-4,  mar,  r.  dos  ornés, 
dent,  à  comp.  avec  dent.  tr.  dor.  (Derome),  —  1410  fr. 

On  a  ajouté  à  ce  bel  exemplaire  la  suite  des  figures  gravées  d'après 
les  dessins  de  Ch.  Monnet,  par  J.-B.  Tilliard. 

666.  Mémoires  de  la  vie  du  comte  de  Grammont    (par  Ant.  Ha- 
milton).  Cologne j  P.  Marteau  (HolL),  1713,  in-12,  mar.  citron, 
dos  orné,  fil.  tr.  dor.  {Trautz-Bauzonnet). —  320  fr. 
Édition  originale. 

667.  Mémoires  du  comte  de  Grammont,  par  Hamilton,  édition 
ornée  de  72  portr.  Londres  (1792),  in-4  mar.  r.  tr.  dor.  [Rel, 
angL).  —  850  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier,  contenant  les  notes   et  les  éclaircisse- 
ments (77  pages). 

668.  Œuvres  du  comte  Antoine  Hamilton.  Paris,  A,  Renouard^ 
1812,  3  vol,  in-8,  portr.  et  fig.  de  Morean,  mar.  r.  tr.  dor. 
[Trautz-Bauzonnet).  —  4000  fr. 

Exemplaire  en  papier  vélin,  avec  les  portraits  et  les  figures  avant  la 
lettre  et  eaux-fortes.  Rare  sur  ce  papier. 

669.  Le  Diaele  boiteux  (par  Le  Sage).  Paris,  1707,  in-12,  fron- 
tisp.,  mar.  bl.  fil.  tr.  dor.  (Chambolle-Duru).  —  545  fr. 
Edition  originale,  très-rare. 

670.  Le  Diable  boiteux,  par  M.  Le  Sage.  Paris^  1756,  3  vol.  pet. 
in-12,  fig.  mar.  r.  fil.  tr.  dor.  —  400  fr. 

Bonne  édition.  Joli  exemplaire  aux  armes  de  la  comtesse  d* Artois. 

671.  Le  Diable  boiteux,  Porw,  1765,  3  vol,  pet.  in-i2,  fig., 
mar.  r.  fil.  tr.  dor.  —  700  fr. 

Exemplaire  aux  armes  de  la  comtesse  du  Barry,  provenant  de  la  bi« 
bliotbè^ue  de  M.  Double. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  179 

672.  Histoire  de  Gil  Blas  de  Santillane,  par  M.  Le  Sage.  Paris ^ 
1747.  4  vol.  in-i2,  fig,,  mar.  r.  dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  {Trautz- 
Bauzonnet),  —  1120  fr. 

Dernière  édition  revue  par  Le  Sage  et  la  bonne  sous  cette  date. 

674.  Le  Bachelier  de' Salamanque,  oa  Mémoires  de  D.  Ghémbin 
de  la  Ronda,  par  M.  Le  Sage.  Paris,  1736  {Paris),  1738, 
2  vol.  in-12,  fig.,  mar.  r.  fil.  dos  ornés,  tr.  dor.  [Trautz-Bau- 
zonnet),  —  500. 

Éditions  originales  des  deux  volumes. 

676.  Le  Temple  de  Gnide,  par  Montesquieu.    Paris^  P.  Didot, 

1796,  in-4,  pap.  vél.  7  fig.  de  Peyron  mises  en  couleurs,  rel. 
en  vélin,  doublé  de*moire,  tr.  dor.  —  IbOl  fr. 

Édition  tirée  à  100  exemplaires.  On  a  ajouté  à  celui-ci  dix  dessins 
oRiGiiTAUx  du  peintre  J.-B.  Regnault. 

677.  Histoire  du  chevalier  des  Grieux  et  de  Manon  Lescaut 
(par  l'abbé  Prévost).  Amsterdam  [Paris ^  Didot)^  1783,  2  vol. 
in-12,  pap.  de  Holl.,  vignettes  et  fig.  de  Pasquier  et  Gravelot, 
mar.  bl.,  dos  ornés,  fil.  tr.  dor.  [Trautz- Bauzonnet),  — 
1260  fr. 

Édition  la  plus  recherchée  de  ce  roman. 

678.  Histoire  de  Manon  Lescaut,  Paris j  Didot^  1797,  2  vol.gr. 
in-18,  fig.  mar.  tr.  dor.  [Trautz^ Bauzonnet).  —  850  fr. 

Bel  exemplaire  en  grand  papier  vélin,  relié  sur  brochure  et  avec  les 
figures  avant  la  lettre. 

679.  Lettres  d'une  Péruvienne,  par  madame  de  Graffigny,  Paris^ 

1797,  in-8,  gr.  pap.  vél.  fig.,  rel.  en  vél.  blanc.  {Courtevai), 
—  2300  fr. 

Exemplaire  unique,  avec  le  dessin  du  portrait,  gravé  par  Gaucher 
d'après  Delatour,  et  les  sept  dessos  ohiginaux  à  la  sépia  des  vignettes, 
par  Le  Barbier,  les  eaux-fortes,  et  les  figures  avant  et  avec  la  lettre. 

683.  Paul  et  Virginie,  J.-H.  Bernardin  de  Saint-Pierre.  Paris, 
Didot,  1789;  in-18,  pap.  vél.,  fig,  de  Moreau  avant  la  lettre, 
mar.  bl.  dos  orné,  dent.  tr.  dor.  doublé  de  tabis  [Bozérian),  — 
400  fr. 
Première  édition  publiée  séparément  des  Études  de  la  nature, 

687.  Les  Amours  d^Anne  d'Autriche^  épouse  de  Louis  XHI,  avec 


180  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

le  cardinal  de  Richelieu,  le  véritable  père  de  Louis  XIV,  roi 
de  France  [HolL^  à  laSphè/e)^  4738,  pet.  ia-12,  mar.  r.  fil. 
tr.  dor.  [Derome],  —  345  fr. 

688.  Histoire  amoureuse  des  Gaules  (par  Bussy-Rabutin).  A 
Liège  (à  la  Croix  de  Malte) ^  s,  d.^  ^  part,  en  1  vol.  pet.  in-12, 
mar.  bl.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet).  — 245  fr. 

695.  Le  Tombeau  des  amours  de  Louis  le  Grand  {Hollande^  à  la 
Sphère)^  1695,  pet.  in-i2,  front,  gr.,  mar.  r.  fil.  (Trautz-Sau- 
zonnet],  —  290  fr. 

Exemplaire  nom  bogue. 

698.  Les  Cent  Nouvelles  nouvelles...  Cologne^  P.  Gaillard {HoU,)^ 
1701,  2  \ol.  petit  in-8,  fig.,  mar.  citron,  tr.  dor.  {Trautz^ 
Bauzon/iet),  — 480  fr. 

Figures  tirées  avec  le  texte,  c'est-à-dire  de  premier  tirage. 

700.  Le  Paragox  de  Nouvelles  honnestes.  Imprimez  à  Lyon  par 
Denys  de  Harsy ^  pour  Romain  Morin  (1531),  pet.  in-8,  lettres 
rondes,  vign.  sur  bois,  mar.  br.  compart.,  doublé  de  mar.  r., 
large  dent.  tr.  dor.  {Trautz-Bauzonnet),  —  1060  fr. 

Volume  des  plus  rares,  orné  d'un  grand  nombre  de  curieuses  vignettes 
sur  bois.  C'est  un  recueil  de  quarante-sept  nouvelles  tirées  de  Boccaoe, 
du  Pogge  et  autres  auteurs  du  temps. 

701.  Les  Nouvelles  Récréations  et  joyeux  devis  de  feu  Bonaven- 
ture  des  Periers.  Lyon^  1558,  pet.  in-4,  mar.  v.  tr.  dor  (Dura). 
—  900  fr. 

Édition  originale,  imprimée  en  caractères  de  civilité.  C'est  un  livre 
fort  rare  et  Tuu  des  premiers  imprimés  avec  ces  caractères. 

702.  Les  Contes,  ou  les  Nouvelles  récréations  et  joyeux  devis  de 
Bon  aventure  des  Periers,  avec  des  notes  critiques  par  M.  de  la 
Monnaie,  y^m^^er^m,    1735,  3   vol.   pet.    in-12,  mar.    rouge, 

(Derome).  —  1000  fr. 

Charmant  exemplaire  de  Pixerécoubt  et  de  Ch.  Nodier. 

703.  L'Heptaméron,  ou  Histoire  des  amans  fortunez,  des  nouvel- 
les de  très-illustre  princesse  Marguerite  de  Valois,  royne  de 
Navarre,  Paris^  1574;  io-j6,  mar.  bleu,  tr.  dor.  (Trautz-Bau- 
zonnet).  —  250  fr. 

Édition  rare. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  181 

70i.  Contes  et  Nouvelles  de  Marguerite  de  Valois,  reine  de  Na- 
varre. Amsterdam^  1698,  2  vol.  pet.  in-8 ,  fig.,  mar.  citr. 
[Trautz-Bauzonnet),  —  510  fr. 

Première  édition,  avec  les  figures  attribuées  à  Romain  de  Hooge. 

705.  Heptaméron  françois.  Les  Nouvelles  de  Marguerite,  reine 
de  Navarre.  Berne ^  1780-81,  3  vol.  in  8,  fig.  de  Freudenberg, 
front,  gravés,  vignettes  et  culs -de-lampe  par  Duncker,  mar.  or. 
{Cape),  —  720  fr. 

707.  Les  Facétikusks  Journées,  par  G.  C.  D.  T.  (Gabriel  Chap- 
puis  de  Tours.)  Paris^  Houzé^  1584,  pet.  in-8,  mar.  or.  {Trautz- 
Bauzonnet).  —  660  fr. 

708.  Les  Contes  et  Discours  d'Eulrapel.  Rennes,  1585,  in-8,  mar. 
citron,  tr    dor.  {Trautz^Bauzonnet),  —  410  fr, 

Editiou  originale. 

713.  Serées  de  Guillaume  Bouchet,  sieur  de  Brocourt.  Paris j 
Jérèmie  Périer,  1608,  3  vol.  in-12,  mar.  bl,  do:>  orné,  fil. 
tr.  dor.  {Trautz-Bauzonnet).  —  800  fr. 

Édition,  la  première  complète,  la  plus  belle  et  la  plus  estimée  des 
Serées. 

715.  Histoires,  ou  Contes  du  temps  passé,  avec  des  moralités, 
par  M.  Perrault.  La  Haye,  1742,  in-12,  front,  gr.  et  8  vign., 
mar.  r.  {Cape),  —  380  fr. 

Édition  imprimée  à  Paris  par  Coustelier,  et  ornée  de  vignettes  pur 
de  Sève. 

716.  Contes  des  Fées,  par  Ch.  Perrault  (en  prose):  Griselidis, 
Peau  d^âne,  les  Souhaits  ridicules  (en  vers,  et  Peau  d'âne  en 
prose).  Paris ^  chez  Lamy,  1781,  2  tom.  en  1  vol.  in-12, 
frontisp.,  vign.  de  Martinet,  mar.  r.  tr.  dor.  (Derome),  — 
2400  fr. 

La  plus  complète  et  la  plus  belle  des  anciennes  éditions  des  Contes  de 
Perrault. 

Ce  bel  exemplaire,  en  grand  papier  de  Hollande,  provient  de  la  pre- 
mière bibliothèque  de  M.  A.  de  la  BÉooTtRB  (1837). 

717.  Nouveaux  Contes  à  rire.  Cologne  (HolL),  1722,  2  vol.  pet. 
in-8,  frontisp.  gr.  et  fig.,  mar.  citr.  (Trautz-Bauzonnet),  — 
460  fr. 


182  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

719.  Contes  et  Nouvelles  de  Bocace.  Amsterdam^  1697,  2  vol. 
pet.  in-8,  mar.  r.  {Duru) .  —  345  fr. 
Première  édition  avec  ces  figures. 

721 .  Histoire  de  l'admirable  Don  Quixotte  de  la  Manche,  trad. 
par  Filleau  de  Saint-Martin  {Holl.)^  1681,  4  vol.  pet.  in-12, 
frontisp.  etfig.,  mar.  bl.  (Thibaron),  —  300  fr. 

Jolie  édition  que  Von  joint  à  la  collection  des  Elzeyiers. 

722.  Histoire  de  Don  Quichotte  de  la  Manche,  traduite  (par 
Fillau  de  Saint-Martin),  et  enrichie  de  belles  figures,  dessinées 
par  Coypel  et  gravées  par  Folkéma.  Jmsterdam^  1768,  6  vol. 
Nouvelles,  2  vol.  :  en  tout,  8  vol.  in-12,  mar.  bl.  dos  ornés, 
riche  dent.,  doubl.  de  tabis,  tr.  dor.  [Bozérian  jeune),  — 
1500  fr.,  à  M.  Gonzalès. 

Bel  exemplaire,  formé  par  les  soins  du  bibliophile  CaiUard. 
Des  bibliothèques  de  MM.  de  Pixerécourt  et  de  la  Bsdotèrb. 

725.  Voyages  de  Gulliver  (trad.  de  Pangl.  de  Swift,  par  l'abbé 
Desfontaines).  1727,  2  tom.  en  1  vol.  in-12,  fig.,  mar.  vert. 
[Trautz-Bauzonnet] . 
Édition  originale  de  cette  traduction. 

—  Le  Nouveau  Gulliver,  ou  Voyage  du  capitaine  Gulliver,  par 
M.  L.  D.  F.  (par  Tabbé  Des  Fontaines).  Paris^  1730,  2  tom.  en 
1  vol.  in-12,  mar.  vert.  {Trautz-Bauzonnet).  —  680  fr. 
Première  édition  de  cette  suite. 

9 

727.  Le  Liure  des  Quenoilles.  Cy  finist  le  Liure  des  QuenoUles^ 
le  quel  traicte  de  plusieurs  choses  joyeuses  {sans  lieu  ni  daté) , 
très-pet.  in-8,  raar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  [Rel.  anc).  —  230  fr. 
Édition  très-rare.  Exemplaire  R.  Heber,  Ch.  Nodier  et  YsiOEiaz. 

736.  BlEcueil  des  Caquets  de  l'accouchée  {Paris y  1622),  12  pièces 
en  1  vol.  in-8,  mar.  bl.  fil.  tr.  dor.  {Bauzonnet),  —  670  fr. 
Exemplaire  de  M.  Armiiid  Bertin  et  de  M.  de  Chapoitay. 

741 .  L'Enfant  sans  soucy,  divertissant  son  père  Roger  Bontenips 
et  sa  mère  Boute-tout-cuire.  A  Fillefranche^  1682  {Hollande)^ 
pet.  in-1?,  mar.  r.  [Hardy),  —  215  fr. 

748.  L'Introduction  au  Traité  db  la  coNFORiirrÉ  des  mbrveilles 
ANCIENNES  avcc  Ics  modcmes,  par  Henri  Estienne.  S.  L  {Ge- 
nève j  H.  Estienne)^  156C,  in-8,  mar.  bl.  fil.  dos  orné,  tr.  dor. 
{Duru),  —415  fr. 
Édition  originale.  Cet  exemplaire  ne  contient   pas  le  carton  de  la 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  183 

page  280  ;  mais  ,il  s'y  trouve  Y  Avertissement  de  Henri  Estîenne  potir  son 
livre  intitulé  V Introduction  au  Traité^  etc.,  «  touchant  ceux  qui,  sans  pren- 
dre garde  à  V  argument^  en  jugent  et  parlent  à  la  volée  :  pareillement  tou- 
chant ceux  qui  Pont  corrompu  et  falcifié  (sic\  depuis  P impression  faite  par 
Uiy^mesme,  Avec  deux  tables  sur  icelui  {2k  fî.).).  1 

757.  Proscenium  vitae  humanae,  sîve  Emblematum  sœcolarium...* 
décades  septem....  sculptore  J.-Th.  de  Bry.  Francofurti^  im- 
prensis  Guil,  Fiizeri,  anno  1627,  in-4,  fig.,  mar.  bleu  clair, 
comp.  à  la  Du  Seuil  {Trautz-Bauzonnet).  —  560  fr. ,  à 
Léon  Techener. 

Ce  volume  très-rare  contient  102  planches  finement  gravées,  savoir  : 
un  frontisp.,  une  planche  intitulée  :  Tjrpus  amicitiae,  72  emblèmes  numé- 
rotés, représentant  des  scènes  de  la  vie  ;  une  planche  non  numérotée  et 
28  autres  planches  non  numérotées  contenant  des  écussons  on  cartou- 
ches destinés  à  mettre  des  armoiries  ou  des  noms,  dont  14  avec  sujets. 

759.  Le  Théat&b  des  bons  engins  (1539),  in- 8,  réglé,  fig.  sur 
bois,  mar.  r.,  fil.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzoïmet).  —  400  fr. 

Cent  jolies  figures  sur  bois,  avec  encadrements.  Première  édition  avec 
ces  figures. 

Exemplaire,  grand  de  marges,  mais  avec  plusieurs  raccommodages, 
de  la  bibliothèque  de  M.  Yemeniz. 

760.  La  MoaosoPHiE  de  GcnixAnME  de  la  Peb&ière,  Tolosain. 
Lyon^  par  Macé  Bonhomme ^  1553;  in-8,  mar.  v.  compart.  — 
470  fr. 

Le  volume  contient  cent  gravures  sur  bois  dans  des  encadrements 
variés,  ;((• 

Exemplaire  dans  une  belle  reliure  du  xvi«.  siècle,  à  riches  comparti- 
ments, et  bien  conservée,  mais  dont  le  dos  a  été  refait,  et  la  tranche 
ciselée. 

764.  DIOGENIS,  Brûti,  Ippoceitis  medigi,  epistole.  Florentix, 
1487,  in-4,  v.  f.  a  compart.  tr.  dor.  —  2050  fr. 

Exemplaire  de  Grolter,  avec  titre,  nom  en  abrégé  :  Jo.  Ga.  et  ami- 
GORUM,  et  la  défrise  :  Portio  mea^  Domine,  sit  in  terra  viventium. 

Ce  volume,  dont  les  plats  sont  ornés  en  plein  de  dessins  élégants^  est 
dans  un  très-bon  état  de  conservation,  il  figure  parmi  les  planchée  de 
r  Histoire  de  la  Bibliophilie, 

770.  Les  Œuvres  de  M.  de  Voiture.  Paris,  1650,  in-4,  front, 
gr.  et  portr.  d'après  Philippe  de  Champagne,  gr.  par  Nanteuil, 
mar.  citron.  [Rel.  anc,)  —  356  fr. 
Exemplaire  aux  armes  du  marquis  dexA  Vieu ville. 


184  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

Cette  deuxième  édition  contient  21  lettres  de  plus  que  la  première  et 
3  de  moins. 

782.  Lettres  de  Mme  Rabutin-Chantal,  marquise  de  SÉviGNÉy  à 
Mme  la  comtesse  de  Grignan,  sa  fille.  La  Haye^  P.  Gosse ^ 
/.  TSenulme,  1726,  2  tomes  en  4  vol.  in-12,  mar.  r.  tr.  dor. 
(TrautZ'Bauzonnet).  400  fr. 

Édition  rare  et  recherchée,  offrant  un  meilleur  texte  et  contenant 
43  lettres  de  plus  que  les  précédentes. 

787.  LES  VIES  DES  HOMMES  ILLUSTRES,  grecs  et  romains,... 
par  Plutarque,  translatées  en  françois  par  Jacques  Amyol.  Pa^ 
ris^  Vascosariy  1567,  7  vol.  —  Les  OEuvres  morales  et  meslées, 
en  françois  (par  J.  Amyol).  Paris ^  Vascosan^  1574,  6  vol.  — 
Table  de  tous  les  opuscules  de  Plutarque,  1  vol.  ;  ensemble 
14  vol.  in-8,  réglés,  mar.  r.  d.  ornés,  fil.  tr.  dor.  [Deromé). 
—  41 00  fr. 

Superbe  exemplaire,  grand  de  marges  et  bien  conservé,  de  ce  livre 
qu*on  trouve  rarement  en  bon  état. 

Reliure  de  Derome  jeune,  et  de  son  premier  temps,  avec  les  dos  i 
nerfs. 

788.  Lucien,  de  la  traduction  de  N.  Pcrrot,  sieur  d'Ablancourt. 
Amsterdam^  1709,  2  vol.  pet.  in-8,  fig.,  mar.  bl.  lil.  tr.  dor. 
[Jnguerrandf).  —  370  fr. 

789.  M.  TULLII  CICERONIS  Opéra.  Lugduni  Batavorum^  ex 
officina  Elzeviriana,  1642,  10  vol.  pet.  in  12,  mar.  vert,  fil. 
doublé  de  mar.  r.  dent.  [Du  Seuil).  —  4910  fr. 

Exemplaire,  dans  une  reliure  parfaitement  conservée,  aux  armes  du 
comte  D'HOYM.  Hauteur  :  126  mill. 

Le  comte  d^Hoym  possédaitd  eux  exemplaires  du  Cicéron  des  Elzeviers  : 
celui-ci,  qui  a  été  acheté  60  livres  (1500  fr.)  à  la  vente  Libri,  foite  à 
Londres  en  1859,  et  un  autre  exemplaire  plus  beau  en  maroquin  rouge, 
relié  par  Padeloup,  qui  a  été  payé  à  la  vente  des  livres  de  M.  le  baron 
J.  Pichon,  en  1869,  5008  fr. 

799.  Les  OEuvres  de  Mme  Helisenne  de  Crenne,  à  sçavoir,  les 
Angoisses  douloureuses  qui  procèdent  d'amours,  les  Épistres 
familières  et  invectives,  le  Songe  de  la  dicte  dame.  Paris,  par 
Estienne  Grouleau^  1551 ,  in-16,  fig.  sur  bois,  mar.  bl.  (Trautz- 
Sauznnnet).  —  299  fr. 

Première  édition  de  la  révision  qui  a  été  faite  de  ces  œuvres  par 
Q.  Collet,  de.iRamilly  en  Champagne,  à  la  prière  de  plusieurs  dames, 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  185 

ainsi  qu'il  le  dit  dans  une  épître  placée  à  la  fin  du  volume.  Celte  révi- 
sion consistait  à  rendre  plus  intelligible  le  texte  de  Tauteiir  écrit  dans 
un  style  amphigourique  et  ressemblant  au  jargon  de  Técolier  limousin 
de  Rabelais. 

793.  Les  OEuvres  de  (Charles  de)  Lespine,  à  Madame  chrestienne 
de  France,  princesse  de  Piémont,  sœur  du  Roy  (Louis  XIII).  In 
Torino^  1627,  in-4  de  271  p.,  mar.  r.  dos  orné,  fil.  Ir.  dor. 
[TrautZ'Baùzonnet).  —  400  fr. 

Volume  fort  rare.  C'est  un  rtcueil  d'ouvrages  en  prose  et  en  vers, 
parmi  lesquels  on  remarque  la  Descente  d'Orphée  aux  enfers,  tragédie  qui 
avait  déjà  été  imprimée  (voir  le  n*  533),  et  une  Description  de  plusieurs 
royaumes  et  provinces  étrangères.  L'auteur,  qui  avait  parcouru  une  grande 
partie  de  l'Europe,  domie  des  détails  curieux  sur  les  pays  où  il  a  se- 
journé,  les  Pays-Bas,  l'Angleterre,  l'Ecosse,  l'Autriche,  la  Pologne,  etc. 

794.  OEuvres  de  Balzac  (J. -Louis  Guez),  Amsterdam  et  Leyde^ 
les  Elzevier^  1652-1664,  7  vol.  pet.  in-12,  front,  gr.,  mar.  r., 
fil.  Ir.  dor.  {Trautz-Bauzonnet).  —  ^.030  fr. 

795.  Les  OEuvres  de  M.  (J.-L.  Guez)  de  Balzac  (publiées  par 
Guill.  Girard  et  Valenlin  Conrart).  1665;  2  vol.  in-folio,  por- 
trait, mar.  rouge  {Cape).  —  325  fr. 

Belle  édition,  la  seule  que  Ton  ait  des  œuvres  complètes  de  cet  écri- 
vain. 

796.  OEuvres  de  M.  Scarron.  Amsterdam^  1752,  7  v.  pet.  in-12, 
port.,  fig.  gr.  par  Folkema,  mar.  r,,  fil.  tr.  dor.  {Trataz-Bau- 
zonnet),  —  1100  fr. 

Exemplaire  relié  sur  brochure. 

799.  Les  OEuvres  de  M.  Sarasin.  Paris^  1696;  in-12,  fig.,  mar. 
r.  {TrautZ'Bauzonnet).  —  250  fr. 
Exemplaire  hon  bogké. 

805.  OEuvres  de  Houdart  de  la  Motte.  PariSy  1753-54, 10  tomes 
en  11  vol.  in-12,  mar.  v.  {Bozérian),  —  260  fr. 
Exemplaire  en  grand  papier.  De  la  bibliothèque  de  M.  de  i.a  Bedotere. 

806.  OEUVRES  COMPLÈTES  DE  VOLTAIRE,  avec  des  notes, 
par  M.  Beuchot.  Paris ^  Lefèvre^  1829-1834,  70  vol.  — Table 
analytique,  rédigée  par  Miger.  Paris  y  1841,  2  vol.;  ensemble 
72  vol.  gr.  in-8,  demi-rel.  dos  et  coins  de  mar.  rouge,  non 
rogné  {Cape).  —  3150  fr. 

Superbe  exemplaire  en  très  graud  papier  vélin,  auquel  on  a  ajouté  la 
suite  des  figures  de  Moreau,  publiée  par  Renouard^  épreuves  avant  la 

13 


k 


186  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

lettre  sur  papier  de  Chine,  et  avec  la  lettre  sur  papier  blanc,  et, 
outre  les  portraits  gravés  par  Saint- Aubin,  qui  appartiennent  à  cette  suite, 
divers  portraits  de  Voltaire,  dont  celui  gravé  par  Ficquet,  et  un  grand 
nombre  de  portraits  d'autres  personnages. 

807.  OEUVRES  COMPLÈTES  DE  BERQUIN.  Paris,  Renouard^ 
1803,  47  tom.  en  19  vol.  (in-18,  gr.  pap.  vélin,  fig.  de  Borel 
et  autres,  cuir  de  Russie,  n.  rog.  {Purgold).  —  6999  fr. 
Exemplaire  de  Renouard.  H  est  orné  d*un  très-grand  nombre  de  des» 
siirs  oRiGiiTAux,  tant  ceux  de  Tédition  par  Borel  que  ceux  des  autres 
éditions,  par  Montœt,  Marillier  et  le  Barbier,  en  tout  près  de  trois 
CENTS.  Les  seules  Idylles  et  Romances  en  contiennent  trekts-six  par  Bo- 
rel, Marillier  et  Le  Barbier.  On  a  ajouté  également  beaucoup  de  grayures 
de  Pédition  d'après  Marillier,  Moreau,  etc.,  avant  et  avec  la  lettre. 

811.  Collection  des  classiques  français  imprimés  pour  rëducation 
du  Dauphin.  Paris,  Ambr.-F.  Didot  et  P.  Didot  tatné^  1783- 
1788,  18  vol.  in-18,  pap.  vél.,  mar.  r.  fil.  dos  ornés,  tr.  dor. 
{Irautz-Bauzonnet).  —  1300  fr. 

812.  COLLECTION  DES  CLASSSIQUES  FRANÇAIS,  avec  les 
notes  de  tous  les  commentateurs.  Paris,  Lefèvre  {impr.  de  Jules 
Didot)y  1821-28,  73  aoI,  gr.  in-8,  demi-rel.  dos  et  coins  de 
mar.  rouge,  non  rogné  {Rel.  Cape),  —  7600  fr, 
EXEMPLAIRE  EiT  TRES-GRAicD  PAPIER  vELiK,  provenant  de  la  bibliothèque 

de  Renouard.  Relié  depuis  la  vente. 

824.  Discours  sur  l'histoire  universelle,  par  Bossuet.  Paris, 
Séb,  Mahre-Cramoisy ,  1681,  in-4,  mar.  r.,  fil.  tr.  dor,  {Ane. 
reL),  —  1300  fr. 

Édition  origihale.  Exemplaire  en  grand  papier,  aux  armes  de  la  du- 
chesse d^ORLÉAifs  (Charlotte-Elisabeth  de  Bavière,  dite  la  princesse  Pa- 
latine). 

825.  Histoire  des  inaugurations  des  rois,  empereurs  et  autres 
souverains  de  l'univers,  par  dom  C  -J.  Bévy,  bénédictin.  Paris, 
Moutard,  1776,  in-8,  nombreuses  figures,  curieuses  pour  les 
costumes,  mar.  r.  riches  compart.  {Rel.  €inc,),  —  425  fr. 
Exemplaire  de  dédicace,  aux  armes  de  Mme  de  Fitz-Jabces,  princesse 

de  Chimay. 

82 ë  bis.  Sulpitii  Severi  Opéra  omnia.  Lugduni  Batavorum,  ex  of- 
ficina  Elzeviriana,  1643,  pet.  in-12,  mar.  bl.  dos  orné,  doublé 
de  tabis.  —  310  fr. 
Exemplaire  très-grand  de  marges  (137  mill.   1/2),  provenant  de  la 

bililiothèque  de  Rskouard.  Très-jolie  reliure  de  Dbromb. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  187 

826.  HuToiBK  BccLisusTiquE ,  par  M.   Fleniy   (jusqu'en  1414, 

arec  la  continuation  jusqu'en  1995,  par  le  P.-J.  Cl.  Favre  et 

l'abbé  Goujei).  Paris,  I.  Mariette,  169S-1737,  36  vol.  in-4. 

—  Table  générale  des  matières,  parRondet.  Paris,  1758,  in-4, 
ensemble  37  vol.  îd-4,  mar.  r.  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  {Boyet). 

—  660  fr. 

Exemplaire  provenant  de  la  bibliothèque  de  M.  E.  Quatremère. 

830.  Histoire  des  Ordres  religieux  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  auec 
11»  figures  de  leurs  habits,  gravez  par  Adrien  Schoonebeek.  J 
Amsterdam,  1693,  2  tomes  en  I  vol.  in-8,  fig.  mar.  br.  tr.  dor. 
{TrauU-Battionnei).  —  370  fr, 

Enemplaire  de  la  Vaixièhe,  puis  de  ResotiAtin.  Achetiàla vente Ye- 
meuiz  et  relié  depuis. 

831.  Courte  Description  des  Ordres  des  femmes  et  filles  reli- 
gieuses, avec  les  fig.  de  leurs  babils,  gravez  par  Adrien  Scboo- 
nebeek.  A  Amsterdam,  ïn-8,  mar.  vert.  fil.  tr.  dor.  [Ane.  rel.), 

—  800  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier,  de  la  bibliothtque  de  REnonABD.  Acquis 
a  la  vente  Yehemtz. 

832.  Histoire  du  Clebcé  sécuuek  et  régulier,  des  ordres  religieux 
de  l'un  et  l'autre  sexe,  etc.,  tirée  deBonaan),  de  Schoonebeek, 
du  P.  Belyot,  etc.  Amsterd.,  1716,  4  vol.  in-8,  figures,  grand 
papier,  mar.  r,  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  [Relié  par  Derome  jeune 
en  1763).  3000  fr.,  à.  M.  Ed.  Bocher. 

Superbe  exemplaire  de  Bonoemet,  de  la  ValUfere  et  depuis  de  Be- 
noiiard. 

833.  HisTOUE  DES  OftDBxs  MOKASTiQUBs,  rcligieux  et  militaires,  et 
des  congrégations  séculières  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  (par  le 
P.  Helyot).  Parls^  1721  ;  8  vol.  in-4,  mar.  rouge,  fil.  dos  omés, 
tr.  dor.  [Rel.  anc).  —  880  fr. 

Bel  exemplaire  dont  les  figures  ont  été  coloriées  avec  soin. 
837.  ViTA  BEATi  P.   IcMATii  LoioL«,    societati   Jesu   fandatoris. 
Romx,  1609,  in-4,  mar.  brun,   tr.  dor.   (Trautt-Bataonnei). 

—  400  fr. 

Recuril  de  81  figures,  y  compris  le /^  ntispice  et  le  portrait,  parfaite- 
ment gravées  par  C.  Galle  d'après  les  d.  ^ins  de  Rubeos. 

841.    BlSTOIBË  UKS  CBBVALIBBS   HOSriTALIEBS  DB  S.   JeAN  DE  JtEIISA- 

LBM,  appelés  depuis  les  chevaliers  de  Rbodes,  et  aujourd'hui 


188  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

les  chevaliers  de  Malte^   par  l'abbé  de   Vei  tôt.  Paris ^  \  726  ; 
4  vol.  in-4,  port.,  mar.  bl.  —  1920  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier,  avec  les  portraits,  relié  par  J.-A.  Db- 
ROME  père. 

De  la  bibliothèque  de  M.  A.-A.  Renouard  et  de  celle  de  M.  Bruhet. 

842.  Les  Vies  des  SS.  Pères  des  déserts,  et  des  Saintes  Solitaires 
d'Orient  et  d'Occident,  par  Bourgoin  de  Villcfore.  Amsterdam^ 
1714,  4  vol.  in-8,  fig.,  mar.  br.  tr.  dor.  (Traut^Bauzonnet). 
—  930  fr. 
Exemplaire  en  grand  papier  de  la  bibliothèque  de  Renouard.  Relié 

depuis. 

845.  Les  Vrais  Poiirtraits  des  hommes  illustres  en  pitié  et  doc- 
trine, traduictz  du  latin  de  Théod.  de  Besze  (par  Simon  Goulart), 
S.  l.  {Genève],  Jeande  Laon^  M.D.LXXXl;  in-4,  fig.  sur  bois, 
mar.  vert,  dos  orné,  fil.  tr.  dor.  [Hardy),  —  275  fr. 

Cette  traduction  contient  11  portraits  de  plus  que  l'édition  latine. 
Exemplaire  court  de  marges. 

846.  JusTiNi  HisTORiÀRUM  ex  Trogo  Pompeio  libri  cum  notis  Is. 
Vossii.  Lugd,  Batav,^  ex  officina  Elzcpiriana^  1640;  pet.  in-12, 
mar.  rouge,  doublé  de  mar.  r.  dent.  (Boyet),  —  1450  fr. 

Précieux  exemplaire  de  la  bibliothèque  de  Longepierre,  avec  les  in- 
signes de  la  Toison-d'Or  sur  le  dos,  les  plats  et  à  Tintérieur;  acquis  à  la 
vente  Doubi^. 

848.  LES  MOEURS  DES  ISRAÉLITES,  par  Cl.  Fleury,  abbé 
du  Loc-Dieu.  Paris^  4  690.  —  Les  Mœurs  des  chrétiens,  par  le 
même.  Paris^  1694;  ensemble  2  vol.  in-12,  réglés,  mar,  r, 
fil.  doublé  de  mar.  r.  dent.  tr.  dor.  (Du  Seuil),  —  4900  fr.,  à 
M.  le  baron  J.  de  Rothschild. 

Précieux  et  très-bel  exemplaire  aux  armes  de  la  duchesse  de  Bour- 
gogne (Marie- Adél<iï(le  de  Savoie). 

L'abhé  Fleury  était,  comme  on  sait,  sous-précepteur  du  duc  de  Bour- 
gogne. Son  portrait,  gravé  par  Delvaux,  a  été  ajouté  au  premier  volume. 
Les  dos  des  volumes  sont  ornés  de  fleurs  de  lis  et  de  la  croix  de  Savoie. 
Acquis  à  la  vente  Bruket. 

851.  TiTi  Lnrii  Histoeiarum  Libri.  Venrtiis^  in  xdibus  Aldi  et 
Andrem  soceri^  1518-19-20-21,  et  in  xdihus  heredum  Aldi^ 
1533,  5  vol.  in-8,  mar.  r.  tr.  dor.  (Trautz-Bauzonnet) .  — 
600  fr. 

Suj)erbe  exemplaire  de  cette  première  édition  aldine,  dont  il  est  dif- 
ficile de  trouver  le»  cinq  volumes  réunis. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  189 

Cet  exemplaire  a  appartenu  à  Grolier,  qui  a  écrit  son  nom,  Grolierii 
et  amicorum,  k  la  fin  des  décades  I,  III  et  IV.  Les  nombreuses  capitales 
des  trois  premiers  volumes  sont  peintes  avec  soin  eu  or  et  couleur. 

8-)2.  TITI  LIVII  HISTORIARUM  LIBRI    ex  recensione  Heîn- 

siana.  Lugduni  Batavorum^  ex  officina  Elzeviriana^  1634,  3  tom. 

en  6  vol.  pet,  in-i2,  front,  gr.,  mar.  r.  doublé  de  mar.  r.  dent. 

tr.  dor.  {Boyet] .  —  5800  fr. 

Charmant  exemplaire  de  LONGËPIERRE,  avec  les  insignes  de  la 
Toison -d'Or  sur  le  dos,  les  plats  et  à  Tintérieur. 

859.  JoANNis  CuspiNiANi  DE  Cjesaribus  atque  imperatoribus  roma- 
nis opns  insigne.  S.  l.  [Argentorati]^  1540,  in-foh  porlr.  gravés 
sur  bois  dans  des  médaillons,  mar.  br.  comp.  à  mosaïque,  tr. 
dor.  —  16T5  fr. 

Exemplaire  de  Demetrio  Canevabi  (dit  CaneTarins),  médecin  du  pape 
Urbain  VII,  avec  sa  marque  ordinaire  (Appollon  gravissant  le  Parnasse 
sur  son  char],  en  relief,  et  peinte  en  or  et  en  couleur,  dans  un  grand 
médaillon  au  milieu  des  plats  de  la  reliure,  avec  cette  devise  autour  : 
OPeûS.  KAI.  MH.  AOZIQS. 

861.  Nouvel  Abrégé  chronologique  de  l'histo're  de  France,  par 

le  président  Hénault.   Paris^  1768,  2  vol.  in-4,  front.,  vignet. 

et  fleurons,  réglé,  mar.  bl.  fil.  tr.  dor.  [Hardy).  —  445  fr. 

Belle  édition,   contenant  entre   autres  illustrations  un  portrait  de  la 

reine  Marie  Leczinska,  gravé  d'après  Nattier  par  Gaucher,  dans  la  vi- 

guette  en  léte  de  la  dédicace;  3  vignettes  par  Cochin,  gravées  par  Mo- 

reau  ;  30  culs-de-lampe  par  Moreau,  etc. 

C'est  un  des  rares  exemplaires  tirés  sur  papier  de  Hollande.  On  y  a 
ajouté  un  beau  portrait  du  président  Hénault,  gravé  par  Gaucher,  et  la 
suite  des  35  figures  sur  Thistoire  de  France  gravées  d'après  Cochin  par 
Aliamet.  Delaunay,  etc. 

872.  Histoire  de  France  sous  les  règnes  de  François  I**",  de 
Henri  II,  François  II,  Charles  IX,  Henri  III,  Henri  IV  et 
Louis  XIII,  par  feu  M.  Pierre  Matthieu.  Paris,  1631,  2  vol. 
in-fol.,  mar.  r.  {ReL  du  temps,)  —  720  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier,  provenant  de  la  biblioth.  de  Thou  et  de 
celle  de  Soubise. 

873.  ToRTOREL  et  Perissin.  Premier  volume.  Contenant  quarante 
tableaux  ou  histoires  diverses  qui  sont  mémorables  touchant 
les  guerres,  massacres  et  troubles  advenus  en  France  en  ces 
dernières  années  (1559-1370).  In-fol.  mar.  r.  dent.  int.  tr. 
dor.  [TrautZ'Bauzonnet),  1420  fr. 

Précieuse  suite  d'estampes  historiques,  gravées  sur  bois  et  sur  cuivre 


190  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

par  Tortorel  et  Périssin.  a  Premier  et  seul  volume  qui  ait  para  de  cette 
suite  si  curieuse  sous  le  triple  rapport  de  Thistoire,  des  costumes  et  de 
l'art....  »  (Brunet,  Manuel  du  libraire^  Y,  892).  Les  planches  étaient  pu- 
bliées et  vendues  pièce  à  pièce  à  mesure  qu'elles  étaient  gravées  :  c*est 
ce  qui  explique  la  rareté  de  ces  estampes  populaires  qui,  tombant  ainsi 
dans  des  mains  peu  conservatrices,  ont  fini  par  être  entièrement  dé- 
truites. 

874.  La  Vie  de  messibk  Gaspar  de  Colligky,  seigneur  de  Chas- 
tillon,  admirai  de  France,  à  laquelle  sont  adjustés  ses  mémoires 
sur  ce  qui  se  passa  au  siège  de  Saint^Quentio.  Leyde^  Bonav, 
et  Ahr,  Elzevier^  4643,  2  part,  en  4  vol.  pet.  in-42,  mar.  r. 
comp.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet) .  —  770  fr. 
Un  des  plus  recherchés  delà  collection  des  Elzeviers.  H.  134  mill.  1/2. 

878.  Mémoires  d'Estat,  par  de  Villeroy,  conseiller  d'État,  secré- 
taire des  commandemens   des  rois  Charles  IX,   Henry    m, 
Henry  IV  et  Louis  XIII.  Paris^  1665,  4  vol.   in-12,  mar.  v. 
fil.  tr.  dor.  (Deromé).  —  1120  fr.,  à  M.  Ed.  Bocher. 
Joli  exemplaire  de  la  bibliothèque  de  M.  Brunet. 

882.  Sermons  de  la  iimulée  conversion  et  nullité  de  la  prétendue 
absolution  de  Henry  de  Bourbon,  prince  de  Béarn,  à  Saint- 
Denys  en  France,  le  dimanche  25  juillet  1593....  prononcez 
en  Féglise  S.  Merry  à  Paris....  par  M*  Jean  Boucher,  1594, 
in-8,  mar.  r.  [Du  Seuil),  —  799  fr. 

Bel  exemplaire  de  TÉDiTioif  obigut ale. 

883.  Cinq  sermons  du  R.  P.  F.-J.  Porthaise,  de  l'ordre  de  Saint- 
François,  théologal  de  l'église  de  Poictiers,  par  luy  prononcez 
en  icelle.  Paris^  1594,  2  part,  en  1  vol.  in-8,  v.  fauve  [Trautz-- 
Bauzonnet),  —  470  fr. 

Volume  très-rare. 

885.  Les  Avantures  du  baron  de  Fœneste,  par  Théod.  Agr.  d'Aubi- 
gné.  S.  /.,  1630,  in-8,  mar.  bl.  (Trautz-Bauzonnet) .  —  365  fr. 
Première  édition  où  les  quatre  livres  aient  été  réunis.  Il  y  a  au  moins 
deux  éditions  sous  la  date  de  1630,  Tune  mentionnée  par  M.  Brunet 
sous  la  rubrique  :  Au  Désert,  imprimé  aux  dépens  de  Pautheur,  1630,  et 
celle-ci,  qui  ne  porte  aucune  indication  de  lieu  ni  de  date.  Toutes  les 
deux  ont  6  fî.  prél.  et  308  pages. 

894.  Mémoires   du  maréchal  de  Bassompierre.   Cologne ^   1666 
(Holl.^  Elzev,)^  2  vol.  pet.  in-12,  portr.,  mar.  r.  dos  ornés, 
fil.  tr.  dor.  {Boyet).  —  1200  fr.,  à  M.  Ed.  Bocher. 
Exemplaire  de  la  bibliothèque  de  M.  Brunet. 


PÏOX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  191 

90d.  Rbcueil  de  lettbes  (CXX)  qui  peuvent  servir  à  l'histoire 
(écrites  de  1631  à  1656),  et  diverses  poésies.  Rouen,  aux  dé- 
pens de  fauteur,  par  L,  Maurry^  1657,  in-8  de  4  ff.  prél.  et 
302  pp.  mar.  v.  [Duru),  —  395  fr. 

c  Ce  livre  est  de  la  pins  grande  rareté,  n'ayant  été  tiré  qu*à  un  très- 
petit  nombre  d'exemplaires.  L'auteur  est  Alexandre  de  Campion,  frère 
de  Henri  de  Campion,  dont  on  a  des  mémoires.  Il  avait  été  attaché,  en 
qualité  de  gentilhomme,  au  comte  de  Soissons,  tué  à  la  bataille  de  la 
Marfée,  et  ensuite  à  M.  le  duc  de  LongueviUe.  Comme  il  s'est  trouvé 
mêlé  à  toutes  les  affaires  du  temps  (de  1631  à  1656),  ses  lettres  sont 
d'un  grand  intérêt.  Elles  sont  adreftséps  à  de  Thou  (il  refuse  de  se  jeter 
dans  la  conspiration  de  Cinq-Mars),  aux  ducs  de  Vendôme,  de  Bouillon, 
de  la  Valette,  de  Retz;  à  MM.  de  Harlay,  de  Saint-Ybalt,  aux  du- 
chesses de  Chevreuse,  de  Montbazon,  de  LongueviUe,  etc.  > 

906.  Mémoires  du  comte  de  Brienne.  Amsterdam^  1719,  3  vol. 
petit  in-8,  mar,  v.  fil.  tr.  àox,'{perome),  500  fr.,  à  M.  Ed. 
Rocher. 

909.  Mémoires  du  cardinal  de  Retz,   1731.  Mémoires  de  Guy 

Joly,  1738.  —  Mémoires  de  Mme  la  duchesse  de  Nemours. 

Amsterdam^  1738;  ensemble  7  vol.  pet.  in-8,  mar.  b,  fil.  tr. 

dor.  {TrautZ'Bauzonnet) .  —  1535  fr. 

Exemplaire  relié  sur  brochure.  C'est,  comme  on  sait,  la  plus  belle 
édition  de  ces  Mémoires. 

915.  Recueil  de  portraits  et  éloges  en  vers  et  en  prose  (par 
Mlle  de  Montpensier  et  autres),  dédié  à  S.  A.  R.  Mademoiselle. 
Paris,  1659;  2  part,  en  2  vol.  in-8;  ens.  de  912  pages,  mar. 
v.  compart.  dos  à  petits  fers,  tr.  dor.  [Cape],  —  600  fr. 

a:  C'est  le  même  ouvrage  que  le  célèbre  recueil  de  Mademoiselle,  in- 
titulé: Divers  jfortraUs  (1659),  mais  avec  des  différences,  quelques  por- 
traits de  moins  et  un  très-grand  nombre  de  plus.  Cette  édition,  quoique 
faite  pour  le  public,  n'est  guère  moins  rare  aujourd'hui  que  l'édition 
originale  dont  Mademoiselle  ne  fit  tirer  que  30  exemplaires  pour  ses 
amis.  » 

920.  Courses  de  testes  et  de  bagues  faittes  par  le  Roy  et  par  les 
princes  et  seigneurs  de  la  cour,  l'année  1662  (texte  par  Ch. 
Perrault,  avec  une  relarion  en  vers  latins  par  Fléchier).  1670, 
gr.  in-fol.,  mar.  r.  tr.  dor.  {Aux  armes  de  Louis  XIF.)  — 
430  fr. 
Ce  volume  est  orné  de  96  planches  gravées  par  Rousselet,  Chauveau 

et  Israël  Silvestre^  représentant  le  fameux  carrousel  de  1662,  les  cinq 


192  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

quadrilles  commandés  par  le  Roy,  le  prince  de  Condé,  etc.,  les  costumes 
des  cheyaliers  qui  y  figuraient,  les  deirises,  etc. 

9*21.  Les  Plaisirs  de  l'islb  enchantée;  courses  de  bague;  faites 
par  le  Roy  à  Versailles,  le  7  mai  4C64.  PariSy  1673,  gr.  in-foL 
avec  9  planches  ù*Isr.  Silveslre,  mar.  r.  (Armes  de  Louis  XIF".) 

—  440  fr. 

La  comédie  de  la  Princesse  d'Élide^  de  Molière,  qui  fut  faite  pour  les 
fêtes  de  Versailles,  1664,  se  trouve  dans  ce  volume. 

925.    MÉMOIRES   POUR   SERVIR    A    l'hISTOIRE     DE  MmB   DE  MaINTENON, 

par  La  Beaumelle.  Amsterdam^  1733-56,  6  tom.  en  3  vol.  — 
Lettres  de  Mme  de  Mainlenon  à  diverses  personnes.  Amsterdam^ 
1755,  9  tom.  en  5  vol.;  ensemble  15  tomes  en  8  vol.  in-12, 
mar.  v.  fil.  tr.  dor,  —  480  fr. 

Exemplaire  relié  par  Derome.  Portrait  de  Mme  de  Maintenon  gravé 
par  Ficquet,  ajouté  au  premier  volume. 

929.  Les  Héros  de  la  Ligue,  ou  la  Procession  monacale  con*^ 
duitte  par  Louis  XIV,  pour  la  conversion  des  protestants  de 
son  royaume.  A  Paris ^  h  V enseigne  de  Louis  le  Grand^  1601  ; 
in-4,  mar.  r.  tr.  dor.  [Trautz-Bauz/mnet) ,  —  430  fr. 

Recueil  curieux  se  composant  de  26  planches,  2  pour  le  titre  et  un 
sonnet  gravé  placé  à  la  fin  du  volume,  et  24  figures  gravées  en  manière 
noire,  donnant  en  caricature  les  portraits  des  personnes  de  la  cour, 
laïques  et  ecclésiastiques,  qui  jouèrent  les  premiers  rôles  dans  l'affaire 
de  la  révocation  de  Pédit  de  Nantes. 

950.  Combat  a  la  barrière,  faict  en  cour  de  Lorraine,  le  14  feb- 
vrier,  en  Tannée  présente  1627.  Représenté  par  les  discours  et 
poésies  du  sieur  H.  Humbert,  accompagné  des  figures  du  sieur 
Jacques  Gallot.  Nancy ^  1627,  in-4,  fig.,   mar.  vert.   {Diiru), 

—  400  fr. 

Ce  volume  rare  contient  un  frontispice  giavé,  9  grandes  planches  pliées 
en  deux  et  une  gravure  tirée  dans  le  texte,  représentant  un  bras  armé. 

965.  Cornelii  Nepotis  Vitae  excellentium  imperatorum,  cum  iiotis 
variorum....  accurante  Rob.  Keuchenio.  Lugdunl  Batav,^  ex 
officina  Hackiana^  1667,  in-8,  front,  gr.,  mar.  r.  compart.  Ir. 
dor.  {Rel.  du  xvii«  siècle).  —  2000  fr. 

Superbe  exemplaire  de  du  Fresnoy,  amateur  distingué,  qui  vivait 
vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle,  et  qui  mérite  d*étre  mis  à  côté  de 
Longcpierre  et  du  comte  d'Hoyiii.  Ce  volume,  relié  avec  la  plus  grande 
perfection,  porte  sur  les  plats  au  milieu  de  riches  et  élégants  com{)arti  - 


CHRONIQUE.  193 

meuts  les  armes  de  Du  Fresnoy,  accompagnées  de  son  chiffre  composé 
de  toutes  les  lettres  de  son  nom.  Ce  chiffre  décore  également  le  dos  du 
volome.  Acquis  à  la  vente  Potier,  en  1870,  au  prix  de  700  francs. 
968.  Œuvres  du  seigneur  de  Brantôme,  édition  corisidérablement 
augmentée  et  accompagnée  de  remarques  historiques  et  cri- 
tiques (par  Le  Duchat).  La  Haye^  1740,   15  vol.   pet.   in-12, 
fig.  tr.  dor.  {Aux  armes  du  marquis  de  Coisiin,)  —  780  fr, 
971.  Les   Intrigues   amoureuses  de  M.   de  M.  (Molière)  et  de 
son  épouse.  Bombes^  1690,   pet.  in-8,  mar.   rouge,  tr.   dor. 
Mme***  {Cape),  230  fr. 

Rare.  Atcc  le  passage  relatif  à  Baron,  pages  33-39,  qui  ne  se  trouve 
pas  dans  toutes  les  éditions. 


CHRONIQUE 

Nécrologie.  Le  1 7'janvier  dernier  est   mort,  à  Paris,  le  mar- 
quis de  la  Grange,  membre  libre  de  TAcadëmie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres.  Nous  laisserons  de  côté  le  rôle  politique  de  cet 
érudit   et  les  services   qu'il    a   rendus   au  pays   comme  député 
et  comme  sénateur,   pour  rappeler   plus  spécialement  les  nom- 
breuses et  intéressantes  publications  auxquelles   il  a  attaché  son 
nom.  Outre  des  traductions  et  des  extraits  d'ouvrages  allemands, 
on  lui  doit  des  travaux  de  numismatique  et  d'archéologie.  Il  s'est 
occupé  également  de  }>olitique  et  d'économie  sociale    dans  des 
écrits  dont  l'actualité   n'était  pas  le  seul  mérite.    Pour  nous  et 
peut-être    aussi  poiu»    nos  lecteiu*s,  son   meilleur   titre    restera 
d'avoii*  été  l'éditeur  des   Mémoires  du  duc  de  la  Force  (1843, 
4  vol.),  du  Fqyaige  doultremer  du  Seigneur  de  Caumont  (1858), 
et  de  la  Prophétie  du  Roy  Charles  VlIIy  de  Guilloche^  Bordelois 
(1869).  Comme  beaucoup  d'esprits  éminents    (nous  ne  citerons 
que  Cousin  et  Sainte-Beuve),  le  marquis  de  la  Grange   s'était 
senti  attiré  vers  la  littérature  féminine,  la  plus  exquise  des  littéra- 
tures quand  elle  n'en  est  pas  la  pire,  et  il  a  publié  les  Jeux  dt es- 
prit ou  la  promenade  de  la  princesse  de  Conti ,   de   Mademoiselle 
de    la    Force  {Jubry,  1854),  de  Nouvelles  Lettres  de  Mme  Swet- 
chine,  ^l  peut-être  impeu  aussi  les  Lettres  de  Laurette  de  Malbois- 
sière,  dont  Mme  la  marquise  de  la  Grange  a  signé  l'introduction. 
Il  est  peu  de  publications  qui  aient  fait  moins  de  bruit  que  ces 

\ 


194  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

lettres^  malgré  leur  charme  incontestable.  Qui  dira  les  causes  de 
la  faveur  d'un  livre  ou  de  sa  défaveur? 

Nous  donnerons  également  un  souvenir  à  l'ancien  conservateur 
de  la  bibliothèque  de  la  rue  de  Richelieu,  Pillon,  décédé  à  Cler- 
mont  (Oise),  âgé  de  quatre-vingt-quatre  ans.  M.  Pillon  jouissait, 
comme  helléniste,  d'une  grande  notoriété  ;  il  ne  dédaignait  cepen- 
dant pas  d'aborder  entre  temps  la  littérature  légère  et  nous  avons 
souvenir  d'une  épître  en  vers  classiques,  intitulée  :  Plaintes  de  la 
Bibliothèque  nationale  au  peuple  français^  qui  fut  publiée  par  lui, 
vers  1849,  sans  nom  d'auteur,  et  qui  mit  en  Uesse  rinoffensive  po- 
pulation dont  il  contrôlait,  en  ce  temps-là,  les  bulletins  de  demande 
de  livres.  Le  temps  n'est  plusdeces  joyeusetés.  Nous  mentionnerons 
enfin  Arthur  Ponroy,  poète  tragique,  en  dernier  lieu  journaliste  voué 
à  la  défense  des  véritables  intérêts  sociaux  ;  Xavier  Eyma,  littéra- 
teur d'une  nuance  difficile  à  classer,  qui  a  abordé  tour  à  tour, 
sans  grand  retentissement,  le  roman,  la  politique ,  l'industrie, 
etc.,  etc.;  Emile  Péhan,  qui  fut  poète  et  est  mort  bibliotliécaire 
de  la  ville  de  Nantes.  Sa  principale  publication  et  la  seule  pro- 
bablement de  nature  à  intéresser  nos  lecteurs  est  le  Catalogue^ 
en  6  vol.  gr.  in-8  (1860-1872),  de  la  bibliothèque  qu'il  dirigeait 
et  qu'il  a  laissée,  dit-on,  augmentée  de  plus  du  double.  C'est  le 
])lus  bel  éloge  qui  puisse  être  fait  d'un  bibliothécaire. 

Bien  que  le  Bulletin  s'adresse  à  un  public  principalement 
recruté  parmi  *  les  bibliophiles  français,  nous  ne  saurions  passer 
sous  silence  deux  autres  décès  de  bibliothécaires.  M.  Ad.  Wolf, 
conservateur  de  la  bibliotlrcque  impériale  de  Vienne,  est  mort  le 
16  octobre  1875,  à  l'âge  de  50  ans,  et,  dans  le  mois  de  janvier 
dernier,  est  décédé,  âgé  de  75  ans,  l'éminent  directeur  de  la  bi- 
l)liothèque  publique  de  Saint-Pétersbourg,  le  baron  de  Korff 
(Modeste).  Un  oubli  de  notre  pcirt  serait  d'autant  moins  excusable 
que  nos  lecteurs  n\)nt  peut-être  [)as  oublié  d'intéressantes  com- 
munications dont  cet  érudit  n'a  pas  dédaigné  d'honorer  nos 
recherches  bibliographiques  (nous  citerons,  entre  autres,  une  lettre 
sur  le  pamphlétaire  Moreau  de  Brasey,  qui  figure  dans  l'année 
1861  de  notre  collection).  Le  baron  dcKorfF  s'était  créé,  comme 
bibHothécaire,  une  spécialité  qui  dénotait,  de  sa  part,  une  science 
des  langues  étrangères  presque  égale  à  celle  qui  a  rendu  illustre 
le  nom  du  cardinal  Mezzofanti.  Tout  ce  qui  était  publié,  en  quel- 
que pays  que  ce  fût,   sur  la  Russie,  il  le  faisait  entrer  dans  la 


CHRONIQUE.  195 

collection  qu'il  a  fondée  sous  le  titre  de  /Jw^wca,  et  qui  forme  main- 
tenant une  importante  section  de  la  bibliothèque  de  Saint-Péters- 
bourg. C'est  à  cette  recherche  de  tous  les  jours  que  nous  devons 
la  communication  dont  nous  avons  parlé.  Il  y  a  loin  de  cette  ouver- 
ture de  caractère  et  d'esprit  à  ce  que  l'on  raconte  habituellement 
du  vieil  esprit  d'exclusivisme  moscovite.  Le  baron  de  Korff  s'est 
occupé  également  de  jurisprudence  et  il  a  pris  part,  à  ce  titre 
aux  réformes  qui  ont  été  introduites,  depuis  peu,  dans  la  légis- 
lation russe.  Il  laisse  enfin  quelques  écrits  historiques  {Avènement 
de  t empereur  Nicolas  (1857),  Vie  du  comte  Spéranski  (186i), 
etc.,  etc.),  qui  lui  assurent  une  place  de  choix  dans  la  bibliothèque 
qu'il  dirigeait. 

Publications  nouvelles.  Nous  n'avons  guère  coutume  de  parler 
des  publications  qui  s'adressent  à  d'autres  qu'aux  bibliophiles,  et 
les  livres  d'étrennes  nous  trouvent  et  nous  laissent  particulière- 
ment froid.  Nous  dirons  cependant  un  mot  de  Y  Imitation  de 
Jésus^Christ,  publiée  par  la  librairie  Glady  à  grand  renfort  d'il- 
lustrations et  à  non  moins  grand  renfort  de  réclames  ;  un  mot 
aussi  de  la  traduction  choisie  pour  cette  réimpression,  et  qui  est 
celle  de  Michel  de  Marillac.  Dût  le  Bulletin  être  accusé  de  plaider 
pro  domo  sua,  nous  remarquerons  sans  amertume  que  parmi  les 
journaux  et  les  revues  qui  ont  parlé  de  la  nouvelle  édition,  bien 
peu  ont  consenti  à  se  souvenir  que  la  faveur  maintenant  acquise 
au  texte  de  Michel  de  Marillac  date  de  la  publication  faite  par 
M.  S.  de  Sacy,  en  4854,  dans  la  Bibliothèque  spirituelle,  éditée 
par  la  librairie  Techener.  Depuis  cette  époque,  plusieurs  éditeurs 
ont  découvert  et  publié  cette  traduction  jusque-là  restée  à  peu 
près  inconnue.  Littérairement,  nous  ne  pouvons  que  nous  réjouir 
de  voir  le  courant  de  l'opinion  se  porter  de  ce  côté,  mais  il  ne 
nous  semble  pas  nécessaire,  pour  faire  valoir  la  nouvelle  réim- 
pression, de  déprécier  injustement  celle  de  la  Bibliothèque  spiri- 
tuelle. On  a  été  {voy.  le  Poljrbiblion  d'avril  d876)  jusqu'à  signaler 
cette  édition  comme  trop  souvent  fautive.  Or,  sait-on  le  nombre  des 
fautes  d'impression  qui  existent  dans  les  deux  volumes  de  4  854  ? 
Il  en  est  jusqu'à  quatre.  Au  point  de  vue  typographique  ,  cela 
peut  passer  pour  un  assez  beau  résultat,  surtout  si  l'on  fait  atten- 
tion que  ces  quatre  fautes  ont  disparu  de  la  réimpression  donnée 
en  1860. 

Ce  qui  appartient  en  propre  à  l'édition  Glady,  c'est  Fadmirable 


196  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

préface  de  M.  L.  Veuillot;  ce  sont  les  savantes  recherches  de 
M,  A.  Loth,  deux  choses  dont  personne  ne  songera  à  contester 
le  mérite.  Pourquoi  faut-il  que  ces  merveilles  d'éloquence  et  d'éru- 
dition s'étalent  sur  un  papier  de  chiffons  qui  rappelle  les  plus 
mauvais  jours  de  notre  histoire...  industrielle  ?  Beaucoup  de  choses 
seraient  également  à  dire  sur  (ou  contre)  Y  illustration  de  ce  vo- 
lume, hiquelle  manque  absolument  d'unité.  Trop  d'inspirations 
diverses  s*y  coudoient  et  trop  d'écoles  y  sont  représentées.  Nous 
ne  cesserons  de  protester  contre  la  tendance  moderne,  qui  con- 
siste à  confier  l'ornement  artistique  d'un  texte  à  des  crayons  trop 
diversement  taillés.  C'est  ce  qui  fait  l'infériorité  des  éditions  ac- 
tuelles comparées  aux  anciennes,  à  celles  des  dix-septième  et 
dix-huitième  siècles,  où  l'on  n'admettait,  à  coté  de  l'écrivain, 
qu'un  seul  maître  chargé  de  Tinterpréter,  que  ce  maître  fût  Vierx 
ou  Gravelot. 

La  dédicace  de  cette  nouvelle  édition  de  V Imitation  nous  a  donné 
l'explication  d'un  mystère  bibliographique,  la  clef  des  mots  :  Collec- 
tion Galaup  de  C/iasteuil,  inscrits  sur  le  titre  de  la  Manon  Lescaut 
de  la  même  librairie.  Ce  nom  appartient,  paraît-il,  à  l'ascendance 
maternelle  des  éditeurs.  On  trouvera  un  peu  partout  des  renseigne- 
ments sur  cette  famille  de  Provence  qui  a  donné  au  Liban  un 
solitaire  illustre,  aux  Jeux  floraux  des  poètes  et  au  parlement  d'Aix 
des  magistrats  comme  en  savait  produire  le  dix- septième  siècle, 
mais  dont  le  nom  aurait  été  malheureusement  compromis  un  peu 
plus  lard  dans  l'affaire  des  Poisons^  à  en  croire  les  Archives  de  la 
Bastille  de  M.  Ravaisson.  Nous  souhaitons  vivement  que  cette 
collection  réussisse  et  s'accroisse  en  s'épurant.  Sous  ce  rapport,  il 
faut  constater  dans  la  pubUcation  nouvelle  un  progrès  réel  sur 
celle  qui  l'avait  précédée,  tant  pour  le  choix  du  hvrc  que  pour 
celui  des  écrivains  chargés  de  le  présenter  au  public.  Autant  en 
dirons-nous  des  artistes  chargés  de  l'illustrer,  réserve  faite  de 
leur  trop  grand  nombre  —  ut  supra. 

Entre  les  autres  publications  récentes  ou  récemment  venues  à 
notre  connaissance,  nous  signalerons  encore  les  Divers  jeux  rus-' 
tiques  de  Joachim  de  Bellay^  Paris,  Liseux,  1875,  in-18.  Rappro- 
chée de  rédition  fragmentaire  de  la  collection  Charpentier,  cette 
publication  nous  fait  espérer  que  J.  de  Bellay  ne  tardera  pas  enfin 
il  prendre  dans  notre  histoire  poétique  le  rang  qu'il  mérite  et  qui 
lui  a  été  jusqu'ici  tant  soit  peu  marchandé.  Nous  citerons  aussi 


CHRONIQUE.  197 

une  curieuse  brochure  de  M.  L.  Jarry  :  Pierre  Daniel^  avocat  au 
parlement  de  Paris  ^  et  les  érudits  de  son  temps  ^  dH après  les  docu- 
ments inédits  de  la  bibliothèque  de  Berne ^  Orléans,  Herluison, 
i876,  gr.  in -8**;  enûn,  les  Contemporains  de  Molière^  recueil  de  co- 
médies rares  ou  peu  connues^  jouées  de  1650  à  1680,  etc.,  par 
M.  V.  Foumel,  Didot,  1863-1875,  3  vol.  in-8».  C'est  un  bon  recueil 
dont  le  succès  eût  été  plus  vif  s'il  avait  été  présenté  au  public  sous 
le  patronage  d'un  éditeur  spécialement  voué  à  la  mise  en  lumière 
des  tr.ivaux  d'érudition.  Malheureusement  pour  ce  livre,  le  pa- 
villon qui  le  recouvre  a  abrité  bien  des  marchandises  douteuses  : 
de  là  une  certaine  hésitation  dans  le  pubHc.  Et  pourtant^  que  de 
découvertes  à  faire  dans  ces  trois  volumes,  même  pour  ceux  qui 
se  croyaient  en  quelque  familiarité  avec  le  dix-septième  siècle  !  Il 
faut  avoir  le  courage  de  Ta  vouer  et  ne  pas  se  montrjer  plus  fier 
que  le  Journal  des  Débats,  qui,  en  annonçant  récemment  le  3*  vo- 
lume du  Molière  de  la  collection  Hachette,  confessait  avec  une 
bonne  grâce  charmante  que  les  comédies  contenues  dans  ce  volume 
lui  étaient  a  peu  près  inconnues  ;  les  Fâcheux,  par  exemple.  Ces 
Débats  ! 

Nous  terminerons  celte  revue  par  une  publication  de  la  librairie 
Baur  :  la  Querelle  dtfs  bouffons,  1875,  in-8°  (tir.  à  100  exempL). 
Cest  la  réimpression  d'un  recueil  de  divers  opuscules  publiés  vers 
1 750,  tant  par  les  partbans  de  la  musique  française  que  par  ceux 
de  la  musique  italienne.  Ce  qui  fait  le  principal  intérêt  de  ce  re- 
cueil, c'est  qu'il  a  été  forojé  par  J.-J.  Rousseau  et  annoté  par  lui 
en  quelques  endroits.  L'éditeur  de  la  réimpression,  M.  Poulet- 
Malassis,  constate  dans  sa  préface  la  rareté  des  livres  ayant  appar- 
tenu au  philosophe  genevois  et  l'explique  par  ce  fait  que  sa  biblio- 
thèque, composée  d'un  millier  de  volumes  sans  grande  valeui*, 
aurait  été  cédée  de  son  vivant  à  Louis  Dutens,  qui  habitait  l'An- 
gleterre et  l'y  aurait  transportée.  Les  seuls  exemplaires  de  cette 
provenance  connus  en  France  seraient,  d'après  M.  Poulet-Ma- 
lassis,  au  nombre  de  quatre,  dont  un  traité  de  trigonométrie  et 
l'édition  latine  de  l'Imitation  que  M.  Tenant  de  Latour  a  citée 
dans  ses  Lettres  d'un  bibliophile.  Il  faudrait  ajouter  à  cette  liste, 
d'après  le  Polybiblion  (numéro  d'avril  1876),  un  volume  :  Disser- 
tation  sur  la  musique  moderne^  qui  figurait  à  la  vente  Aimé 
Martin. 

Tous  les  manuscrits  de  J.-J.  Rousseau  n'ont  pas  absolument 


198  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

dispai'u.  Celui  de  la  Nouvelle  Béloïse  a  été  découvert,  il  y  a  une 
vingtaine  d'années,  par  M.  Techener  père,  et  est  entré  depuis 
dans  la  collection  Boutron-Charlart.  Un  recueil  de  musique,  de  la 
main  de  Rousseau,  figurait  également  dans  le  catalogue  de  la 
vente  Aimé  Martin  ;  enfin  MM.  Dubrunfaut  et  L.  Techener  pos- 
sèdent plusieurs  lettres  autographes.  Reste  la  bibliothèque,  et 
doit-on  renoncer  à  en  poursuivre  les  épaves  ?  En  tout  cas  et  sauf 
vérification,  nous  proposons  d'ajouter  aux  quatre  volumes  men- 
tionnés par  M.  Poulet-Malassis  un  cinquième  qui  est  ouvert  devant 
nous.  Cest  un  recueil  de  onze  pièces  in-12,  publiées  de  4734  à 
1740  [Épttre  de  Clio  à  M.  de  ^***,  etc.,  Paris,  1734;  Minet^ 
poème ^  Amsterd.,  1736;  Lettre  critique  sur  la  comédie  intitulée 
V  Enfant  prodigue^  Paris,  1737  ;  le  Code  des  amants  y  poëme^  1739; 
la  Nouvelle  Astronomie  de  Parnasse ,  etc.,  1740  ;  C Astrologue  dans 
le  puits ^  etc. ,  1 740  ;  Lettre  dtun  pâtissier  anglois  au  cuisinier  fran- 
cois,  s.  1.  n.  d.,  etc.,  etc.),  qui  contient  une  table  et  diverses  anno- 
tations manuscrites.  Deux  possesseurs  de  ce  volume,  dont  l'un 
signe  Verdet  (nous  voudrions  pouvoir  lire  Verdicre  qui,  comme 
éditeur  de  Rousseau,  savait  sans  doute  à  quoi  s'en  tenir  sur  son 
écriture),  ont  cru  devoir  attester  sur  les  feuillets  de  garde  que 
cette  table  et  ces  annotations  sont  de  la  main  même  -de  Rousseau. 
Voilà  toutes  nos  autorités.  Ces  annotations  offrent  du  reste  peu 
d'intérêt  ;  quelques  anonymes  y  sont  dévoilés  ;  quelques  dates 
absentes  suppléées.  Après  Rousseau,  ce  volume  a  appartenu  à 
M.  Leconte  (de  Bièvre),  dont  les  armes  figurent  sur  un  feuillet 
relié  au  commencement  du  volume.  De  ce  côté,  du  moins,  la  pro- 
venance est  incontestable. 

Périodiques.  Evangelizo  vobis  gaudium  magnum,.,.  Une  nou- 
velle revue  bi-mensuelle,  destinée  aux  amateurs  de  livres,  a  fait  son 
entrée  dans  le  monde  le  1*'  avril  dernier.  Cela  s'appelle  le  Con~ 
seiller  du  Bibliophile  et  a  pour  directeur  M.  C.  Grellet  (?),  biblio- 
phile (??).  Cette  date  du  l**"  avril,  qui  sent  d'une  lieue  la  mystifica- 
tion, sera,  nous  l'espérons,  sans  influence  fâcheuse  sur  les  destinées 
de  la  publication  nouvelle  dont  l'exécution  matérielle  ne  laisse  rien 
à  désirer,  en  fait  d'élégance.  Quant  au  contenu,  nous  n'entrepren- 
drons pas  de  l'apprécier  sur  la  foi  d'un  seul  numéro.  Il  faut  tenir 
compte  d'ailleurs  des  t/itonnements  et  des  bégayements  insépa- 
rables de  tout  début  de  ce  genre.  Les  adhésions  ne  tarderont  pas 
sans  doute  à  arriver  et,  avec  elles,  les  communications  qui  sont 


CHRONIQUE.  199 

rame  de  ces  sortes  de  publications.  Il  sera  possible  alors  d'émettre 
un  jugement.  Disons  seulement,  pour  satisfaire  la  curiosité  de  nos 
lecteurs,  que  le  premier  numéro  du  Conseiller  contient  une  biblio- 
graphie du  101"  régiment^  de  J.  Noriac,  les  noms  des  auteurs  des 
diverses  pièces  anonymes  du  Parnassiculet  contemporain  et  un 
fragment  de  portrait  de  M.  J.  Barbey  d'Aurevilly  extrait  du  jour- 
nal VJrt  français.  Le  choix  de  ces  sujets  indique  les  tendances 
de  la  nouvelle  i^evue,  tendances  toutes  modernes  ;  mais,  même 
dans  cet  ordre  d'idées,  nous  espérons  d'elle  des  révélations  d'un 
intérêt  plus  vif.  La  Clé  du  Parnassiculet  a  ligure,  si  nous  avons 
bonne  mémoire,  dans  la  Petite  Revue ^  et  le  portrait  de  M.  Barbey 
d'Aurevilly  qui  est,  croyons-nous,  de  M.  Th.  Silvestre,  n'a  cessé 
de  circuler,  depuis  dix  ans,  dans  la  presse  légère.  U  faut  que  le 
Conseiller  du  Bibliophile  se  mette  en  quête  de  choses  plus  inédites 
que  celles-là.  Il  y  va  de  son  existence....  et  de  nos  encourage- 
ments. 

Varia.  Nous  avons  eu  plusieul'S  fois  occasion  de  parler  de  la 
Société  des  Bibliophiles  françois;  nous  avons  aussi,  à  son  temps, 
annoncé  la  formation  de  la  Nouvelle  Société  des  Bibliophiles  — 
DU  minores^  et  voici  que  Ton  nous  annonce  une  nouvelle  agglo- 
mération d'amateurs  protestants  qui  se  réuniraient  sous  le  titre  de 
Société  des  Bibliophiles  réformés.  Quelque  piquante  que  puisse 
paraître  cette  appellation,  nous  doutons  que  Ton  s'y  arrête  défini- 
tivement, le  mot  de  réformés  accolé  à  celui  de  Bibliophiles  n'ayant 
pas,  conmie  on  semblerait  le  croire^  une  signification  confession- 
nelle, mais  exprimant  seulement  l'idée  de  réforme  dans  le  goût  des 
livres.  Nous  tiendrons  nos  lecteurs  au  courant  de  cette  grosse 
affaire  et  nous  leur  ferons  part,  le  cas  échéant,  de  la  formation  de 
cette  Société,  de  ses  agissements  et  vagissements.  Il  nous  a  plu, 
en  présence  de  ces  créations  de  nouveaux  centres  d'amateurs,  de 
nous  reporter  en  arrière  et  d'examiner  où  en  était  le  goût  des 
livres,  principalement  des  beaux  livres,  il  y  a  une  centaine  d'an- 
nées. Faut-il  l'avouer  !  L'apparente  supériorité  de  notre  époque 
ne  résiste  guère  à  cet  examen.  Prenons,  par  exemple,  Tanné' 
1764,  en  laquelle  a  été  publié  le  Théâtre  de  P.  Corneille,  avec  * 
commentaires  de  Voltaire  et  les  figures  de  Gravelot. 
volume  de  cette  édition,  faite,  comme  on  sait,  pour  venir 
à  d'obscurs  descendants  du  grand  poète,  se  termine 
des  souscripteurs,  et  l'inspection  de  cette  liste  n'est 


200  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

ser  quelque  ëblouissement.  Lb  Roi  y  figure  pour  200  exemplaires; 
r  Impératrice  de  Russie  pour  250;  TEmpereur  d'Allemagne  pour 
200.  Viennent  ensuite  Mme  de  Pompadour  (50  exemplaires),  le 
duc  de  Parme  (30),  le  margrave  de  Bareith  (45),  le  prince  de 
Saxe-Gotha  (12),  enfin  le  Roi  de  Prusse  (6  seulement).  La  com- 
pagnie des  fermiers  généraux  est  portée  pour  60  souscriptions, 
sans  préjudice  du  concours  individuel  de  chacun  de  ses  membres  ; 
ainsi,  le  fastueux  Bouret  s'adjuge  24  exemplaires,  12  de  plus  que 
le  banquier  de  la  cour,  de  la  Borde.  Tout  le  dix-huitième  siècle 
gît  dans  cette  liste  :  le  cardinal  de  Remis  et  le  marquis  de  Brunoy 
pour  12  exemplaires  chacun;  l'intendant  des  finances,  de  Bou- 
logne, pour  10  exemplaires;  le  prince  de  Beaufremont  pour  10 
également;  le  duc  de  Lauraguais  pour  15.   Nous  omettons  les 
souscriptions  de  libraires,  tels  que  Cazin,  de  Reims  (ISexempî.), 
celle  de  Voltaire  (100),  de  Mme  Denis  (t2),  pour  donner  une  place 
d'honneur  aux  étrangers.  Plusieurs  Danois  et  beaucoup  d'Anglais; 
entre  autres  le  Lord  vicomte  de  Palmerston,  le  chevalier  Jean 
Calcraft,  un  nom  depuis  très-mal  porté  à  Londres,  et  «  Mme  la 
veuve  Hérold,  d'Hambourg  ».  Le  chiure  de  sa  souscription  (30 
exempl.)  nous  donne  à  penser  qu'il  s'agit  ici  d'une  commande  de 
librairie. 

Pour  revenir  aux  souscripteurs  français,  que  de  vieilles  con- 
naissances qui  défilent  sous  nos  yeux  î  Nous  citerons  à  l'aventure  : 
toute  ou  presque  toute  l'Académie  ;  l'intendant  Foulon ,  de  tra- 
gique mémoire  ;  les  encyclopédistes  Helvétius  et  d'Holbach  ;  le 
comte  de  Hoym,  nom  cher  aux  bibhophiles  ;  le  suicidé  Pidansat 
de  Mairobert  (pour  5  ex.);  le  chevalier  FoLird;  Mlle  Quinaut- 
Dufresne  ;  etc.,  etc.  L'on  nous  excusera  de  puiser  au  hasard,  sans 
marquer  les  catégories,  dans  ce  livre  d'or  qui  se  résume  en  un 
total  de  trois  mille  souscriptions  environ,  réparties  entre  un  peu 
plus  de  mille  souscripteurs.  Et  remarquez  qu'il  s'agissait  d'un 
ouvrage  considérable,  de  douze  volumes  in-8°,  publiés  avec  luxe, 
partant  d'un  prix  élevé.  Il  est  douteux  que  cette  souscription,  ou- 
verte de  notre  temps,  eût  atteint  d'aussi  beaux  résultats,  même 
en  y  employant  la  Société  des  Bibliophiles  français^  la  Nouvelle 
Société  des  Bibliophiles  et  celle  des  Bibliophiles  réformés. 


\ 


LETTRE  A  M.  SCHELER, 

ASSOCIÉ    DE    lUgADÉMIE    ROTALB    DE    BELGIQUE. 

Sur  le  livre  qu'il  a  publié  :  Les  Trouifères  belges  du  douzième 
an  quatorzième  siècle,  Bruxelles  y  1876. 


Monsieur  et  cher  confrère, 

Je  ne  voudrais  pas  être  des  derniers  à  reconnaître  Timpor- 
lance  et  la  valeur  du  volume  que  vous  venez  de  publier  :  le 
travail  de  comparaison  auquel  vous  vous  êtes  livré,  en  rap- 
prochant des  éditions  précédentes  la  plupart  des  textes  con- 
servés dans  les  anciens  manuscrits  ;  les  observations  gram- 
maticales dont  ces  petits  poèmes  vous  ont  fourni  l'occasion  ; 
le  soin  minutieux  que  vous  avez  mis  à  indiquer  les  sources 
auxquelles  vous  aviez  puisé,  tout  ici  justifie  ce  qu'on  pou- 
vait attendre  du  savant  romaniste  qui  nous  avait  donné  les 
OEuifres  de  Baudoin  de  Condé  et  le  Glossaire  de  Froissart. 
Vos  publications  méritent  assurément  de  partager  la  haute 
estime  qu'on  accorde  aux  travaux  de  MM.  Littré,  G.  Paris, 
P.  Meyer  et  Darmestetter.  Mais  ce  n'est  pas  qu'on  ne 
puisse  trouver  matière  à  critiquer  dans  votre  nouveau  vo- 
lume, et  qu'on  perde  le  droit  de  faire  aux  éloges  qu'on  aime 
à  lui  décerner  des  réserves  assez  nombreuses. 

Ainsi,  pour  commencer,  votre  titre  ne  promet-il  pas  plus 
qu'il  n'a  tenu.»*  Les  Trouvères  belges ^  si  nombreux  au  dou- 
zième siècle  et  au  treizième,  ne  sont-ils  pas  ici  en  trop  petit 
nombre?  Quenes  de  Béthune,  Gillebert  de  Bemeville,  Jac- 
ques de  Baisieux,  Mathieu  de  Gand  et  Gauthier  le  Long:  je 
laisse  de  côté  cinq  ou  six  médiocres  auteurs  d'une  ou  deux 
fades  chansons.  Puis,  ne  serait-il  pas  permis  de  contester  la 
nationalité  de  vos  trois  meilleurs  auteurs,  Quenes,  Gillebert 
et  Jacques  de  Baisieux  ?  Gillebert  é^it  Artésien;  on  n'en 

peut   douter  d'après   une  chanson  satirique  publiée  dans 

U 


202  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Y  Histoire  littéraire  de  la  France  :  on  y  faît  arriver  du  ciel 
Dieu  le  père,  poyr  entendre  les  beaux  trouvères  d'Arras,  et 
Dieu  s'y  pâme  d'admiration  quand 

Gilebers  canta 
De  sa  dame  chiere. 

Queues  de  Béthune  pourrait  être  aussi  justement  réclamé 
par  notre  province  d'Artois.  La  ville  dont  il  gardait  le  nom 
appartient  à  notre  Pas-de-Calais,  et,  dans  une  chanson  sur 
laquelle  nous  aurons  à  revenir,  il  dit  : 

Ne  cil  ne  sont  bien  apris  ne  cortois 
Qui  m^ont  repris  se  fai  dit  mot  d'Artois  ; 
Car  je  ne  fui  pas  noms  à  Pontoise. 

Vous  ne  pensez  pas,  Monsieur,  que  T Artois  soit  mis  ici 
pour  la  rime,  comme  vous  Tavez  supposé  de  Pon toise. 

Ainsi  vous  avez  reproduit  les  trouvères  belges  en  trop 
petit  nombre  y  et  les  morceaux  les  plus  intéressants  que  vous 
ayez  admis  avaient  été  souvent  imprimés  et  réimprimés 
avant  vous.  Si  les  autres  comptaient  de  plus  rares  éditeurs, 
c'est  parce  qu'ils  avaient  paru  ne  renfermer  que  des  lieux 
communs  de  versification  amoureuse.  Mais  enfin,  sous  le 
point  de  vue  philologique,  ils  avaient  encore  une  valeur  que 
vous  ne  pouviez  méconnaître.  Vous  en  avez  donné  un  bon 
texte  et  vous  l'avez  éclairé  pour  la  première  fois  d'un  com- 
mentaire pour  ainsi  dire  perpétuel.  Grâce  à  vous,  nous 
sommes  aujourd'hui  assurés  contre  le  danger  d'attribuer  à 
ces  galants  trouvères  des  défauts  de  mesure  et  de  prosodie 
dont  doivent  être  presque  toujours  responsables  les  an- 
ciens copistes  ou  les  précédents  éditeurs. 

Je  vois  aussi  sur  votre  titre  :  publiés  cT après  les  manU' 
scrits.  Permettez-moi  de  le  dire  :  cela  n'est  pas  complè- 
tement exact  ;  car,  pour  les  manuscrits  du  Vatican  et  de 
Berne,  et  vous  en  avertissez  dans  votre  Introduction,  il  a 
fallu  vous  en  rapporter  aux  extraits  d'Emmanuel  Relier  et 
du  docteur  Jules  Brakelmann.  Bien  plus  :  conmie  le  texte 


LETTRE  A  M.  SCHELER.  203 

de  Berne  était  écrit  eu  dialecte  bourguignon  (ou  plutôt 
franco-lorrain),  vous  avez  pensé,  et  je  le  regrette,  que 
«  c'eût  été  un  excès  de  fidélité  que  de  propager  les  pro- 
«  duits  de  vos  chansonniers  dans  une  langue  qui  n'était  pas 
«  la  leur —  »  Dans  ce  travail  de  transposition  du  texte 
bourguignon  en  langage  proprement  français,  vous  confes- 
sez a  n'avoir  pas  procédé  avec  toute  la  rigueur  systéma- 
«  tique  que  comporterait  un  monument  littéraire  d'une 
«  valeur  supérieure....  »  Le  confesserai-je  à  mon  tour,  cette 
explication  ne  me  paraît  pas  des  plus  satisfaisantes.  Dans 
tous  les  cas,  elle  nous  éloigne  un  peu  de  publiés  cC après  les 
manuscrits. 

Maintenant,  mon  cher  confrère,  en  travaillant  pour  vos 
trouvères  belges,  avez- vous  rendu  complètement  justice  à 
tous  les  précédents  éditeurs  des  mêmes  poésies  ?  Avez-vous 
suffisamment  exprimé  le  gré  que  vous  deviez  leur  savoir, 
d'avoir  les  premiers  attiré  l'attention  du  public  lettré  sur 
cette  mine  féconde  de  la  Chanson  «  légère  à  entendre  »  ?  Il 
m'est  avis  que  vous  vous  êtes  plus  volontiers  préoccupé  du 
soin  de  compter  les  faux  pas  que  ces  pionniers,  comme  on 
aime  à  les  appeler,  ont  pu  faire  en  frayant  la  voie  dans  la- 
quelle vous  deviez  après  eux  plus  sûrement  marcher.  Ils 
étaient  parvenus,  entre  autres  Arthur  Dinaux  dont  le  sou- 
venir doit  être  cher  à  nos  provinces  du  Nord,  à  réunir  les 
premiers  éle'ments  de  la  biographie  de  ces  charmants  trou- 
vères, et  ils  avaient  porté  de  ces  œuvres  nombreuses  un  pre- 
mier jugement  littéraire  que  vous  n'avez  pas  essayé  de  com- 
pléter. Était-ce  vous  acquitter  suffisamment  envers  eux,  de 
leur  accorder  une  seule  phrase  dont  l'élégance  est  d'ailleurs 
assez  douteuse?  La  voici  :  «  Un  grand  nombre  des  éléments 
«  qui  composent  ce  volume  ont  été  déjà  imprimés.  Mais  à 
«  part  quils  se  trouvent  disséminés  dans  les  recueils  divers 
«  et  spéciaux^  la  plupart  d'entre  eux  ont  été  livrés  à  la  pu- 
«  blicité  d'une  manière  si  peu  conforme  aux  conditions  que 
«  la  science  cC aujourcC hui  impose  aux  éditeurs  d'anciens 
a  textes^  qu'il  y  avait  utilité  à  en  faire  une  édition  nouvelle 


20k  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

«  et  critique»  fondée  sur  les  manuscrits  -originaux.  »  Comme 
vous,  Monsieur,  nous  avions  suivi  les  manuscrits  originaux; 
et  permettez-moi  d'ajouter  ceci  :  la  science  cCaujourcChui 
diffère  peut-être  un  peu  de  la  science  d'hier  :  maïs  on  ne 
doit  pas  confondre  les  importantes  études  récemment  faites 
sur  la  formation  des  mots,  sur  leur  accentuation   et   la 
phonétique  des  langues  romanes   (études  inaugurées  par 
l'illustre  Raynouart,  et  poursuivies  par  les  Diez,  les  Littré, 
G.  Paris,  Paul  Meyer,  Darmestetter  et  vous-même),  avec 
la  connaissance  de  la  syntaxe  et  des  formes  régulières  de 
ces  langues  romanes.  Or  cette  connaissance  n'avait  pas  at- 
tendu Tavénement  de  la  science  d'aujourd'hui  :  elle  était 
déjà  assez  répandue  avant  1833,  quand  fut  publié  le  Roman- 
cero  français^  et  un  peu  plus  tard,  quand  parurent  l'excel- 
lente édition  de  la  Chronique  de  Benoît  de  Sainte-Maure,  les 
Chansons  de  Rollant,  d'Antioche  et  de  Guillaume  d'Orange. 
Est-il  nécessaire,    d^ns  les  premières  éditions  d'un  texte 
ancien,  de  faire  l'histoire  de  tous  les  mots  qui  le  compo- 
sent, d'en  préciser  l'origine,  d'en  noter  les  variétés  de  forme, 
enfin  de  ne  reculer  devant  aucune  application  de  ce  que 
vous  appelez  avec  assez  de  raison  la  science  dC aujourcC hui  ? 
Je  ne  le  pense  pas.  L'éditeur  peut  se  contenter  de  repro- 
duire exactement  l'original,  et  de  distinguer,  signaler  et 
redresser  les  fautes  de  copistes.  C'est  là  ce  cfahier  nous  nous 
contentions  généralement   de  faire,   du  mieux   que  nous 
pouvions.  Vous  faites  plus  aujourd'hui,  je  me  plais  à  le  re- 
connaître :  mais  ce  que  vous  avez  fait  ne  s'impose  pas  à 
tout  littérateur  consciencieux.  Un  premier  éditeur  a  sans 
cela  trop  à  faire,  pour  avoir  encore  le  temps  d'éplucher' 
toutes  les  locutions  employées  dans  l'œuvre  qu'il  met  en 
lumière  :  cette  peine,  il  la  réserve  aux  savants  critiques  dont 
il   espère  éveiller  la  curiosité.  Ainsi,  pour  ne  parler  que  de 
mes  modestes  publications,  si  la  Berte  aux  grans  pieds,  le 
Garin  le  Loherain^  le  Romancero^  le  nouveau  texte  de  Fil'- 
ïe/iardouin^  les  Chroniques  de  Saint-Denis  et  la  Chanson 
d'Antioche  contiennent  des  méprises  grammaticales,  il  faut 


\ 


LETTRE  A  M.  SCHELER.  îiiOô 

les  attribuer  à  mon  inattention,  non  à  mon  ignorance  de  la 
science  d'aujourd'hui.  Mais  pourquoi  ne  Tavouerai-je  pas  ? 
J'ai  toujours  ressenti  moins  d'attrait  pour  ce  qui  apparte- 
nait au  domaine  exclusif  de  la  philologie  que  pour  ce  qui 
me  semblait  intéresser  l'histoire,  les  mœurs  et  la  littérature. 
Trahit  sua  quemque  voluptas.  Sans  chercher  à  grossir  le 
nombre  des  grammairiens,  je  n'ai  voulu  que  reproduire 
mes  auteurs  dans  la  forme  la  plus  régulière  et  la  plus 
exacte.  L'effet  n'a  pas  toujours  répondu  à  l'intention,  j'en 
conviens;  mais  j'aurais  pu  mieux  faire,  même  avant  d'a- 
voir suivi  les  progrès  obtenus  récemment  dans  l'analyse 
philologique  des  langues  romanes. 

J'avais  besoin,  mon  cher  confrère,  de  vous  dire  tout  cela, 
avant  de  passer  en  revue  les  reproches  que  vous  m'avez 
adressés  avec  une  sévérité  qui  m'a  semblé  particulière.  Vous 
n'avez  pas  toujours  eu  raison  dans  vos  redressements,  au 
moins  ai -je  l'espoir  de  vous  en  faire  convenir.  Quoi  qu'il  en 
soit,  j'entends  me  borner  à  présenter  ma  défense  person- 
nelle, laissant  aux  autres  le  soin  de  se  dégager  comme  ils 
pourront  «  de  vos  serres  cruelles  »•  Je  commence.  J'avais 
ainsi  donné  la  première  chanson  de  messire  Quenes  de  Bé* 
thune  : 

Ahi,  amors,  com  dure  départie 
Me  convenra  faire  de  la  meiilour 
Qui  onques  fu  amée  ne  servie! 
Dieus  me  ramaiue  à  li  par  sa  douçour 
Si  voirement,  que  m*en  pars  à  dolour. 
Las  !  qu'ai-je  dit  ?  Jà  ne  m'en  pars-je  mie  : 
Se  li  cors  va  servir  noslre  Signour, 
Li  cuers  remaiut  del  tout  en  sa  baillie. 

Au  lieu  de  mon  second  vers  justifié  par  les  cinq  meilleurs 
manuscrits,  vous  avez  préféré  : 

Com  dure  départie. 
Me  copient  faire  à  perdre  la  millor.... 

C'est-à-dire  :  Comme  il  me  convient  faire  dure  départie 
à  perdre  la  meilleure*  Laissez*moi  conjecturer  que  vous 


206  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

auriez  donné  la  préférence  à  la  première  leçon,  si  je  n'avais 
pris  les  devants.  —  Au  quatrième  vers  j^avais  choisi  :  Dieu 
me  ramaine  à  li^  et  j'avais  naturellement  entendu  :  Dieu  me 
ramène  (bien  que  j'eusse  mieux  fait  de  préférer  ramainty 
que  donnait  un  manuscrit;  ramaint  étant  la  meilleure 
forme  de  la  3*  personne  indicative).  Vous  avez  préféré  la 
forme  subjonctive  ramainst^  et  vous  avez  en  conséquence 
ainsi  rendu  ce  vers  et  le  suivant  :  «  Que  Dieu  par  sa  bonté 
me  ramène  auprès  d'elle  aussi  sûrement  que  je  m'en  sépare 
avec  douleur  !  »  Je  n'admets  pas  cette  interprétation;  mais 
en  la  préférant,  vous  deviez  reconnaître  qu'elle  n'était  pas 
possible  avec  mon  présent  ramène  ou  ramaint.  Au  lieu  de 
cela,  «  M.  P.  P.  (dites-vous)  a  mal  saisi  le  sens  de  ce  passage 
«  en  l'interprétant  :  Dieu  ni  attire  si  bien  à  lui  par  sa  honte 
«  que  f  ai  résolu  de  partir^  tout  en  pleurant.  Il  a  méconnu 
«  le  subjonctif  ramai nst  ou  ramaint»  »  Qui  peut  vous  avoir 
dit,  Monsieur,  que  je  l'avais  méconnu,  puisque  j'avais  choisi 
ramène  ?  Et,  comment  vous,  un  des  coryphées  de  la  science 
(TaujourcThui^  avez-vous  pu  regarder  ramaint  et  ramainst 
comme  synonymes  ?  La  méprise  est  ici  d'autant  plus  singu- 
lière que  vous  retrouviez  l'indicatif  présent  remaint  dans  le 
dernier  vers  du  même  couplet  : 

Tous  li  miens  cuers  remcdnt  en  sa  baillie, 

sans  parler  du  mauvais  choix  de  ce  Tous  li  miens  cuers 
que  vous  substituez  à  ma  leçon,  bien  autrement  élégante  : 

Se  li  cors  va  servir  nostre  Signour 

Li  cuers  remaint  del  tout  en  sa  baillie. 

II.  En  revanche,  vous  avez  bien  fait  de  rendre  à  la  prison 
Ombrage  (dernier  couplet  de  la  même  chanson)  son  accep- 
tion exacte.  Ombrage  est  ici  adjectif  et  signifie  obscure^ 
ombragée^  ténébreuse.  Je  l'avais /weco/i/îM  et  j'avais  moins 
exactement  serré  le  sens,  en  traduisant  k  la  prison  des 
ombres  »* 

III.  Vous  me  retrouvez  à  la  cinquième  chanson  du  même 


rirv" 


LETTRE  A  M.  SCHELER.  ÎO 

Quenes  (que  vous  auriez  dû  placer,  comme  j'avais  fait,  à 
la  suite  de  la  première)  ;  et  vous  ne  manquez  pas  de  me  le 
faire  sentir,  dès  le  premier  couplet  : 

Bien  me  déusse  targîer 
De  chanson  faire  et  de  dis  et  de  chans, 

Quant  il  m*estuet  alougier 
De  la  millour  de  toutes  les  vaillans. 
Et  si  puis  bien  faire  voire  yentance 
Que  je  fais  plus  por  Dieu  que  nus  amans. 
Si  en  sui  moult,  endroit  l'ame,  joians, 
Mais  el  cors  ai  et  pitiés  et  pesante. 

«  P.  P.  (dites-vous)  remarque  que  ce  début  prouve  que  le 
«  poëte  composait  seul  les  paroles  et  la  musique.  Cette 
«  preuve  ne  me  parait  pas  péremptoire.  Chançon^  mot^ 
«  chant  ne  sont  que  synonymes.  »  Quoi  !  Monsieur,  ces 
trois  mots  auraient  une  égale  valeur  et  devraient  se  dire 
Tun  pour  l'autre  ?  par  conséquent,  le  poëte  aurait  entendu 
faire  chansons^  de  chansons  et  de  chansons.  Voilà  ce  qui 
vraiment  ne  me  semble  pas  péremptoire.  Auriez-vous  égale- 
ment pensé  que  ^^ers  et  note  étaient  synonymes,  dans  ce 
début  d'un  lai  de  Marie  de  France  : 

Dous  en  sont  M  ver  à  oir. 
Et  les  notes  à  retenir  ? 

Mais  pourquoi  insister  ?  La  cause  est  entendue.  —  Je 
veux  bien  passer  condamnation,  au  second  couplet,  sur  le 
verbe  plagier  y  auquel  vous  avez  -çvèîévè  plaissier^  venant, 
dites-vous,  àeplexare^  fréquentatif  de /?/ec?^re.  Cependant 
plagier  y  qui  répond  à  plagiare  enregistré  par  Du  Cange,  est 
pour  le  moins  aussi  régulièrement  formé  que  plaissier  de 
y oive plexare y  qu'à  mon  tour  je  n'ai  trouvé  nulle  part.  11  est 
assurément  commode  de  supposer  gratuitement  l'usage  d  un 
mot  latin  qui  répondrait  exactement  au  mot  roman  ;  mieux 
vaudrait  cependant  commencer  par  prouver  la  réalité  de  cet 
usage,  et  c'est  là  ce  dont,  à  l'exemple  de  Ménage,  les  philo- 


208  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

logues  d* aujourd'hui  ne  se  préoccupent  pas  assez.  Voici  les 
vers  où  se  trouve  le  mot  en  litige  : 

Chascun  se  doit  efTorcier 
De  Dieu  servir,  jà  nU  soit  li  talens, 

Et  la  char  vaincre  et  plagier,,,, 

IV.  Puis  vient  le  troisième  couplet,  où  vous  me  faîtes  une 
nouvelle  querelle  : 

Vous  qui  dismez  les  croisiés, 
Ne  despendés  mie  l'avoir  ainsi. 

Ânemis  Dieu  en  sériés. 
Et  que  porront  faire  si  anemi, 
Quant  tout  li  saint  tremhleront  de  doutance 
Devant  celui  qui  onques  ne  menti? 

«  Le  poëte,  dit  ici  M.  Paris,  apostrophe  les  gens  d'armes 
«  enrôlés  par  les  chevaliers  bannerets,  parce  qu'ils  deman- 
«  daient  rigoureusement  le  prix  de  leur  engagement,  com- 
«  me  si' la  flotte  eût  mis  à  la  voile,  sans  retard.  Je  doute 
«  que  cette  manière  de  voir  réponde  à  la  pensée  de  l'auteur, 
<c  A  la  vérité,  elle  se  fonde  sur  une  autre  leçon,  son  texte 
tt  portant  robez  au  lieu  de  dismez^  qui  se  trouve  dans  le  nu- 
«  méro  7222.  Je  suis  porté  à  croire  que  ces  vers  ont  plutôt 
«  en  vue  des  grands  seigneurs  qui  continuaient  à  frapper 
«  d'impôts  même  les  croisés,  en  diminuant  ainsi  les  ressour- 
«  ces  de  ceux-ci  au  préjudice  de  leur  sainte  mission.  » 

Si  vous  m'en  croyez,  Monsieur,  nous  nous  exécuterons 
volontairement  tous  deux  ;  mon  explication  et  la  vôtre  se 
valent  ou  plutôt  sont  également  mauvaises.  Il  doit  s'agir 
ici,  comme  dans  les  couplets  suivants,  des  hauts  barons,  à 
commencer  par  le  roi,  qui,  aussitôt  après  avoir  pris  la  croix, 
consacraient,  disaient-ils,  une  partie  du  produit  de  la 
dixme  saladine  à  soudoyer  de  nouveaux  hommes  d'armes 
et  à  faciliter  leur  voyage.  On  était  à  la  fin  de  1189,  et  ce- 
pendant ils  ne  parlaient  pas  encore  de  partir.  C'est  pour 
stimuler  leur  indolence  et  accuser  les  motifs  intéressés  de 
leur  prise  de  croix  que  notre  Quenes  faisait  cette  vigou- 


LETTRE  A  M.  SCHELER.  209 

reuse  sortie.  Suivant  toutes  les  apparences,  il  voulait  sur- 
tout gourmander  Hue,  le  châtelain  d'Oisy,  peut-être  Tuu 
des  derniers  à  partir,  mais  aussi  Tun  des  derniers  à  revenir. 
Hue  d'Oisy  dut  composer  en  Syrie  la  réplique  qu'on  peut 
lire  dans  le  Romancero^  au  moment  où  Philippe- Auguste 
donnait  le  signal  du  retour  et  ramenait  avec  lui  Queues 
de  Béthune. 

y.  Nous  avions  aitisi  donné  le  sixième  et  dernier  couplet  : 

Qui  ces  barons  empiriés 
Sert  sans  aeur,  jà  tant  n*ara  servi 

Que  leur  en  prenge  pitiéi. 
Pour  ce  fait  bien  Dieu  servir,  je  vos  di  ; 
Qu'en  lui  servir  n*a  aeur  ne  caance  : 
Qui  bien  le  sert  et  bien  li  est  meri. 
Pléust  à  Dieu  qu'Amors  féist  ainsi 
Envers  tos  ceaus  qui  en  li  ont  fiance. 

«  L'auteur  (dites-vous)  veut  dire  qu*en  servant  de  tels 
tt  mauvais  barons  sans  succès^  il  ne  faut  pas  s'attendre  à  la 
«  moindre  indulgence  de  leur  part,  tandis  que  Dieu  ne  fait 
«  pas  dépendre  sa  récompense  de  la  bonne  ou  mauifaise 
a  chance.  Les  manuscrits  portent  les  uns  aeur^  les  autres 
«  eur.  L'éditeur  du  Romancero  s'est  mépris  en  le  traduisant 
«  par  gage,  arrhes,  » 

J'y  consens,  je  me  suis  mépris  ;  mais,  de  votre  côté,  re- 
connaissez que  votre  succès  n'est  pas  moins  éloigné  de  la 
vraisemblance.  Je  crois  aujourd'hui  que  aeur,  bien  préfé- 
rable à  eiirj  répond  exactement  à  adjutor,  protecteur,  et 
qu'il  faudrait  entendre  ainsi  le  passage  :  «  Qui  sert 
u  sans  protecteur  ces  barons  pervertis,  n'aura  jamais  assez 
«  bien  servi  pour  attirer  leur  pitié.  Vaut  mieux  donc  servir 
u  Dieu,  car  on  n'a  besoin  auprès  de  lui  ni  de  patrons  ni 
«  de  chevance  :  qui  bien  le  sert  est  sûr  d'être  bien  récom- 
«  pensé,  etc.  »  Je  voudrais  bien,  mon  cher  confrère,  que 
cette  dernière  explication  eût  votre  assentiment. 

Dans  la  septième  chanson  de  Quenes,  les  dames  du  vingt- 
deuxième  vers  peuvent  être   à  l'accusatif,    comme   je   l'ai 


210  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

pensé,  ou  au  nominatif,  comme  vous  aimez  mieux  le  croire  ; 
mais  quand  elles 

Ont  tôt  laissié  por  apenre  à  borser^ 

je  pense  qu'au  lieu  de  ce  dernier  mot  nous  ne  dirions 
pas  aujourd'hui,  même  populairement^  «  boursicoter  »;  car 
cette  vilaine  locution  répond  à  :  former  sou  à  sou  un  petit 
pécule  ;  et  ces  dames  avaient  de  plus  hautes  aspirations. 

VL  Je  vais  citer  le  cinquième  couplet  de  la  huitième 
chanson,  d'abord  pour  le  plaisir  de  le  reproduh-e,  puis 
pour  me  défendre  encore  : 

Par  Dieu,  vassal,  mar  vos  vint  en  pensé, 
Quant  vos  m'avés  reprové  mon  éaige  ; 
Se  j 'a voie  mon  jouvent  tôt  usé, 
Si  sui-je  riche  et  de  moût  haut  parage 
Qu'on  m*ameroit  à  petit  de  biauté  ; 
Certes  encor  n'a  pas  deux  mois  passé 
Ke  ]i  Marchis  m'envoia  son  message. 
Et  li  Barrois  a  por  m'amor  josté. 

»  D'après  Paris  (dites- vous),  le  marquis  serait  le  marquis 
«  de  Montferrat,  et  le  Barrois  Thibaut  P"",  comte  de  Bar.  Ces 
«  interprétations  sont  faites  dans  l'hypothèse  que  notre 
«  tançon  s'applique  à  la  comtesse  de  Champagne,  ce  qui 
«  n'est  nullement  assuré.  Je  remarque  toutefois  que  l'édi- 
«  teur  du  Romancero^  dans  Y  Histoire  littéraire  de  France  ^ 
tt  tome  XXIII,  p.  667,  interprète  le  Barrois  par  Guil- 
«  laume  des  Barres.  » 

•  Puisque  vous  vouliez  me  contredire,  cher  confrère,  vous 
pouviez  ne  tenir  compte  que  de  ma  dernière  attribution, 
exprimée  plus  de  dix  ans  après  la  première.  En  tout  cas,  la 
comtesse  de  Champagne  n'avait  rien  à  faire  ici,  je  n'y  avais 
pas  pensé.  Mais  le  marquis  de  Montferrat  avait  été  du  pre- 
mier voyage  d'outre-mer;  il  avait  été  également  du  second; 
son  importance  avait  été  constamment  des  plus  grandes 
en  Grèce  et  en  Syrie,  si  bien  qu'on  avait  même  parlé  de 
le  marier  à  la  reine  Sibile,  héritière  du  roi  Amaurv;  enfin 


LETTRE  A  M.  SCHELER,  211 

c'était  assez  Tusage  de  le  désigner  par  excellence  sous  le  seul 
nom  de  Marquis;  je  pensais  donc  être  autorisé  à  conjecturer 
que  c'est  lui  dont  la  grande  dame  voulait  parler.  Je  persiste 
dans  cette  conjecture.  Mieux  encore,  pour  ce  qui  touche  au 
Barrois,  En  effet,  on  désignait  ainsi  le  preux  chevalier 
Guillaume  de  Barres  dont  on  célébrait  tant  les  prouesses  en 
Syrie,  où,  suivant  toutes  les  apparences,  cette  chanson  dut 
être  composée.  Vous  avez  lu  dans  la  Chronique  de  Reims, 
publiée  en  1837  par  mon  frère  Louis  Paris:  «  Si  avint  un 
«  jour  que  messire  Guillaume  de  Barres  chevauçoit  parmi 
«  Acre,  et  li  rois  Ricars  ausi,  et  s'entrerencontrèrent.  Lî 
u  rois  Ricars  tenoit  en  sa  main  un  tronchon  d'une  lance, 
«  et  meut  au  Barrois^  et  le  cuida  porter  fors  des  arçons. 
«  Li  Barrois  se  tint  bien,  car  il  estoit  chevaliers  esmerés  ;  et 
«  au  passer  que  li  rois  engleis  cuida  faire,  li  Barrois  le  sai- 
a  sit  par  le  col  et  feri  cheval  des  espérons  et  le  traist,  par 
«  force  de  bras,  des  archons.  Puis  laska  le  bras  et  li  rois  chéî 
«  sous  le  pavement  si  rudement  que  à  poi  li  cuers  ne  li  par- 
«  list,  etjutensi  une  grant  pieche  pasmés  que  on  n'i  senti 
«  pous  ne  aleine.  »  L'historien  anglais  Jean  Bromton  a  fait 
à  peu  près  le  même  récit,  tout  en  plaçant  la  rencontre  à 
Messine.  J'ai  donc  pu,  quoi  que  vous  en  pensiez,  Monsieur, 
conjecturer  que  le  Barrois,  qui  avait  jouté  pour  l'amour  de 
cette  grande  dame,  était  le  strenuus  miles  de  Bromton,  le 
chevalier  esméré  Guillaume  de  Barres. 

VIL  Je  n'avais  pas  donné  le  quatrième  couplet  de  la 
dixième  chanson  de  Queues,  dans  la  conviction  où  je  suis 
encore  qu'il  ne  lui  appartenait  pas.  J'avais  pour  penser  ainsi 
plusieurs  raisons  :  le  couplet  est  mal  versifié  ;  il  contredit 
précisément  ce  qu'on  venait  de  lire  dans  le  précédent;  enfin 
il  n'est  pas  dans  les  mêmes  rimes  que  les  trois  qui  pré- 
cèdent. L'usage  de  Quenes  varie,  il  est  vrai.  Le  plus  sou- 
vent, ses  chansons  ont  six  couplets,  et  les  rimes  alternent 
de  deux  en  deux  couplets  :  1,  3,  5.  Ou  bien  les  rimes 
changent  à  chaque  couplet  ;  ou  bien  enfin  les  six  couplets 
sont  faits  sur  les  deux   mêmes  rimes.  Ici,  nous  avons  les 


212  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

trois  premiers  couplets  rimes  de  même,  puis  le  quatrième 
et  dernier  qui  n^a  pas  de  rimes  correspondantes.  C'est  donc 
une  octave  ajoutée  par  un  scribe  négligent;  elle  manque 
dans  plusieurs  manuscrits.  Gela  posé,  je  suis  en  droit  de 
soutenir,  contre  votre  sentiment,  Monsieur,  que  notre  poëte 
a  voulu  déclarer,  dans  son  troisième  et  dernier  couplet, 
qu'il  renonçait  aux  amours  mondaines  pour  ne  plus  adres- 
ser ses  vœux  qu'à  la  reine  du  ciel. 

Dame,  Ioqc  tens  ai  fait  vostre  servise  ; 
La  merci  Dieu,  or  o'en  ai  mais  talent. 
Si  m*est  au  cuer  une  autre  amor  emprise, 
Ke  tous  li  cors  m'en  alume  et  esprent; 
Et  me  semont  d'amer  si  hautement 
K*en  li  ne  truis  ne  orgueil  ne  faintise  ; 
Et  j*amerai,  ne  peut  estre  autrement. 
Si  me  métrai  del  tout  en  sa  franchise. 

Voyez  un  peu'  comme  le  couplet  suivant  concorderait  avec 
celui  qu'on  vient  de  lire  : 

Mais  ce  me  fait  sovent  estre  en  doutance 
Ke  sa  \alor  ne  me  tiegne  en  viuté, 
Car  tant  redout  Vorgueillome  hiauté,  etc. 

YIII.  La  dixième  chanson,  qu'à  mon  exemple  vous  au- 
riez dû  placer  en  tête  des  œuvres  de  Quenes,  puisqu'elle 
avait  assurément  été  composée  dans  sa  jeunesse,  vous  a 
suggéré  d'autres  critiques.  En  voici  les  deux  premiers 
couplets,  souvent  cités  depuis  que  je  les  ai  publiés  : 

Moût  me  semont  Amours  que  je  m'envoise, 
Quant  je  plus  doi  de  chanter  estre  cois. 
Mais  j'ai  plus  grant  talent  que  je  me  coise, 
Por  çou  j*ai  mis  mon  chanter  en  défois. 
Que  mon  langaige  ont  blasmé  li  François, 
Et  mes  chansons,  oyant  les  Champenois, 
Et  la  contasse  eacoir,  dont  plof  me  poise. 


LETTRE  A  M.  SCHELER.  213 

La  roïne  ne  fit  pas  que  courtoise 

Qui  m*en  reprist,  elle  et  ses  fieos  li  rois  ; 

Eucoir  ne  soit  ma  parole  Françoise, 

Si  la  puet-on  bien  entendre  eu  François. 

Ne  cil  ne  sont  bien  apris  ne  cortois 

Qui  m'ont  repris,  se  j'ai  dit  mot  d'Artois  ; 

Car  je  ne  Fui  pas  norris  à  Pontoise. 

D'abord,  Monsieur,  vous  me  reprochez  d'avoir  donné, 
en  1833,  au  mot  s^ençfoisier  un  sens  que  je  ne  maintiendrais 
pas  en  1876.  Vous  avez  trop  compté  sur  le  progrès  de  mon 
instruction  grammaticale.  Je  connaissais  en  1833  aussi  bien 
qu'aujourd'hui  la  signification  la  plus  ordinaire  du  verbe  ré- 
ciproque s'envoisier^  c'est-à-dire  se  mettre  en  joie  ;  mais  le 
sens  ici  m'avait  semblé  plutôt  réclamer  l'acception  primi- 
tive. Rien  n'empêche,  en  effet,  d'admettre  que  le  verbe 
s^envoisier  dérive  de  i^ois^  se  mettre  en  voix,  rompre  le 
silence.  On  aura  plus  tard  un  peu  détourné  la  première 
acception,  en  supposant  que  se  mettre  en  voix  pouvait  ré- 
pondre à  se  mettre  en  train,  en  bonne  humeur.  J'espère 
d'autant  mieux  vous  convertir  à  mon  sentiment,  que  tout  en 
renvoyant  les  philologues  au  dictionnaire  de  Diez  pour 
l'étymologie  de  ce  mot,  vous  avouez  que  cette  étymologie 
est  encore  «  un  peu  nuageuse  » . 

De  plus  ici,  vous  ne  voulez  pas  que  Tancien proverbe  venir 
de  Pontoise  ou  les  ânes  de  Pontoise  ait  le  moindre  lien  avec 
le  dernier  vers  de  cette  chanson.  «  Selon  moi  (dites-vous), 
«  Pontoise  ne  doit  sa  mention  qu'à  la  rime.  »  Selon  moi, 
répondrai-je,  Pontoise  a  d'autres  titres  au  rapprochement 
que  j'avais  proposé. 

IX.  Enfin,  mon  cher  confrère,  votre  sens  critique  vous 
a  entraîné  une  dernière  fois  trop  loin,  dans  une  note  de  la 
chanson  de  Jean  de  la  Fontaine  de  Tournai  :  «  M.  Paulin 
a  Paris,  dans  l'article  consacré  à  notre  auj^ur  dans  YNis- 
u  foire  littéraire  de  France^  tome  XXniy^»42,  reproduit 
A  le  dernier  couplet  comme  ayant  été/  .^^Bectement  pu- 
ce blié  par  M.  Relier.  Cependant  je  n'i^^^Amarqué  qu'il 


214  BULLETm  DU  BIBLIOPHILE. 

<c  ait  redressé  autre  chose  que  les  mauvaises  divisions  sain 
«  si^  con  ifiegnCy  en  si  (pour  s^ainsi^  conviegne^  ensi\  à  des- 
«  sein  imitées  par  le  premier  éditeur.  Par  contre^  il  y  a 
«  commis,  de  son  côté,  une  erreur  étrangère  au  manuscrit 
(c  et  au  texte  de  la  Romvart,  savoir  au  vers  37  :  doit  pour 
«  doi.  » 

J'ai  du  moins  remarqué,  Monsieur,  que  cette  chanson , 
vous  l'aviez  «t  trouvée  dans  la  Romi>art  de  Keller  »,  et  que 
dans  votre  Introduction,  parlant  du  manuscrit  du  Vatican  que 
Keller  avait  transcrit,  «  nous  ne  Vavons  (dites-vous)  utilisé 
«  que  d après  les  extraits  donnés  dans  la  Romuart,  »  Ainsi, 
rien  de  mieux  établi,  vous  n'avez  pas  vu  le  manuscrit  du 
Vatican.  Comment  donc  avez-vous  pu  dire  que  le  mot  doit^ 
au  lieu  du  doi  de  Keller,  était  étranger  au  manuscrit  comme 
au  texte  de  la  Romvart  ?  Je  ne  veux  pas  appuyer  sur  ce 
point;  mais  vous  aussi,  plus  d'une  fois,  avez  été  forcé  de 
corriger  les  copies  de  Keller  :  je  devais  donc  être,  à  vos 
yeux,  assez  excusable  en  présumant  avec  justice  qu'il 
fallait  ajouter  une  lettre  au  mot  doi  de  ce  couplet  maussade  : 

En  merci  voel  souffrir  et  resgardcr; 
Del  départir  ne  mi  doinst  Dieus  loisir  ; 
Car  s'ainsi  est  que  jusqu'au  defîner 
Ne  mi  fait  mius  fors  del  doue  souvenir 
Que  j'ai  de  li,  si  ne  mi  doit  merir,  etc. 

Grâce  à  Dieu,  je  ne  vous  ai  pas  donné  d'autres  sujets  de 
dissentiment.  Mais  si  j'ai  relevé  scrupuleusement  ceux  que 
vous  avez  exprimés,  croyez-le  bien,  cher  confrère,  c'est  en 
considération  de  la  haute  estime  que  m'ont  inspirée  tous  vos 
travaux  de  critique  et  de  véritable  érudition.  Je  n'ai  pas 
oublié  que  la  sévérité  dont  vous  êtes  armé  dans  vos  Trow- 
çères  belges  aurait  eu  pour  le  moins  autant  d'occasions  de 
s'exercer,  dans  l'édition  que  vous  avez  donnée  delà  Berte 
ans  grans  piésj  quarante  ans  après  la  première.  C'est 
avec  la  Berte  que  j 'avais  inauguré  la  série  des  Chansons  de 
geste  dont  on  connaissait  alors  à  peine  le  nom,  et  dont  on 


LETTïUE  A  M.  SCHELER.  215 

ignorait  complètement  le  caractère.  Depuis  ce  temps,  la 
critique,  appliquée  aux  œuvres  du  douzième  siècle  et  du 
treizième,  a  fait  de  grands  progrès  ;  Thistoire  littéraire  a 
découvert  de  nouveaux  horizons  qu'on  ne  soupçonnait  guère 
auparavant  ;  et  c'est  à  la  génération  à  laquelle  vous  appar- 
tenez qu'il  convient  de  suivre  la  même  voie  d'un  pas  mieux 
assuré,  sans  méconnaître  pourtant  ceux  qui  les  premiers 
s'y  sont  aventurés ,  tels  que  le  vieux  Méon,  le  regrettable 
Arthur  Dinaux,  'l'infatigable  Francisque  Michel.  Ceux-ci 
n'avaient  pas  attendu  plus  que  moi,  pour  faire  de  bonnes 
éditions  de  nos  trouvères,  l'avènement  de  la  science  (Tau-' 
joureThui. 

Mais  au  lieu  d'appuyer  sur  ce  point,  permettez-moi,  cher 
confrère,  de  prendre  congé  en  vous  soumettant,  à  vous  dont 
j'aime  à  reconnaître  l'autorité  en  matière  de  grammaire, 
une  conjecture  que  je  voudrais  voir  prendre  désormais  en 
considération.  Dans  les  manuscrits  du  treizième  siècle,  il  me 
semble  que  la  lettre  finale  x^  qui  nous  fait  encore  aujour- 
d'hui prononcer  en  ex  et  en  ax  la  syllabe  qu'elle  termine, 
était  la  forme  abrégée  des  deux  lettres  us.  J'ai  lu  peut- 
être  autant  d'anciens  textes  que  personne,  en  raison  des 
fonctions  que  j'ai  remplies  durant  quarante  ans  dans  le 
cabinet  des  manuscrits  de  notre  Bibliothèque  nationale,  et 
j'ai  constamment  trouvé  la  justification  de  ma  conjecture 
dans  tous  les  mots  où  cet  x  final  était  employé.  Il  en  résul- 
terait qu'il  faudrait  lire  Dieus^  trtwaus^  biaus^  maus^  fieus^ 
ieus,  liqueus,  etc.,  partout  où  le  scribe  aura  écrit  Diex,  trai^ax^ 
biaXj  max^  fieXj  ieXj  liquex^  etc.  Je  soupçonne  même  que 
vous  n'êtes  pas  fort  éloigné  de  le  penser,  en  retrouvant  un 
très-petit  nombre  de  ces  x  dans  vos  Troui^ères  belges.  Au 
moins  aurez-vous  remarqué  comme  moi  l'antipathie  de 
notre  ancienne  langue  pour  Vx  des  Grecs  et  des  Latins. 
ly Alexandre^  à^ exemple^  à^exitus,  maxilla^  nexusj  rex^ 
etc.,  ils  ont  fait  Alessandre ^  essample^  eissue^  maisselle. 
neus^  reiSy  etc.  Se  peut-il  qu'ils  aient  laissé  à  Yx  le  droit  de 
prendre  sa  revanche  à  la  fin  des  mots?  Je  ne  le  pense  pas. 


216  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

Mais  dans  quel  gouffre  me  suis-je  jeté  ?  Ou  bien  les  ré- 
cents philologues  ont  déjà  fait  cette  observation,  qui  serait 
aujourd'hui  surannée  ;  ou,  si  vous  ne  Tavez  pas  faite,  tout 
doit  me  donner  à  craindre  qu'elle  ne  repose  sur  un  fonde- 
ment chimérique.  Lisez  toutefois,  jugez,  et  conservez-moi, 
cher  confrère,  quelque  chose  des  sentiments  de  haute  estime 
que  je  vous  ai  voués. 

P.  Paris,  de  V Académie  de  Belgique. 

Avcnay,  22  juin  1876. 


NOUVELLES  RECHERCHES 

SUR  MATHURIN  REGNIER 


La  biographie  de  Mathurin  Régnier  présente  de  grandes 
lacunes  auxquelles  les  éditeurs  du  poëte  se  sont  efforcés  de 
suppléer  par  des  hypothèses  plus  ou  moins  fondées.  Nous 
n'entreprendrons  point  de  faire  ici  la  part  des  vérités  et 
des  conjectures  récemment  exposées;  il  nous  parait  préfé- 
rable de  grossir  le  contingent  des  informations  exactes  qui 
devront  quelque  jour  être  consultées  pour  une  histoire  de 
la  vie  de  Régnier.  Les  diverses  indications  qui  vont  être 
offertes  aux  lecteurs  ont  été  tirées  de  documents  d'une 
irrécusable  authenticité.  Elles  sont  dues,  en  outre,  à  Tobli- 
geance  de  M.  Ad.  Lecocq,  érudit  chartrain,  honorablement 
connu  pour  ses  travaux  archéologiques. 

Ces  communications  jettent  quelque  lumière  sur  la  jeu- 
nesse et  sur  les  dernières  années  de  Régnier.  Elles  révèlent 
d'abord  en  lui  un  ami,  sinon  un  disciple  de* l'helléniste  Jean 
Sursin.  Plus  tard,  elles  nous  montrent  le  poëte  malade  chez 


NOUVELLES  RECHERCHES  SUR  M.  REGNIER.         217 

sa  mère,  qui  se  refuse  à  recevoir  Tarchidiacre  de  Poissy. 
Enfin,  en  précisant  le  moment  de  Tinstallation  du  chanoine, 
successeur  de  Régnier  à  Notre-Dame  de  Chartres,  elles 
viennent  confirmer  une  date  que  les  archives  de  Rouen  ne 
permettent  pas  d'établir,  celle  de  la  mort  de  notre  premier 
satirique. 

Jean  Sursin,  de  Nogent-le-Rotrou,  principal  du  collège 
de  la  Formagerie  d*Ângers,  a  publié  en  1595  une  gram- 
maire grecque  dont  on  trouve  trois  exemplaires  à  la 
Bibliothèque  nationale (1).  Entête  de  cet  ouvrage  figurent 
une  trentaine  de  pièces  de  vers  tant  latines  que  grecques,  à 
la  louange  du  livre  et  de  son  auteur.  Parmi  les  savants 
professeurs  royaux  et  les  simples  amis  des  lettres  qui  ont 
ainsi  donné  la  bienvenue  à  Jean  Sursin,  on  remarque 
Mathurin  Régnier,  qui  avait  alors  vingt-deux  ans.  Voici  en 
quels  termes  est  conçu  le  salut  du  jeune  poète  : 

Moyanti  lapides  gaudent  Amphione  Thebœ  ? 

Francia  Sursino  Grseca  traheate  suo. 
Âmphion  traxit  Thebanus  Carminé  saxa  : 

Grscia  Suisino  mota  canente  Yenit. 

M.  Régnier  Carnutis. 

Ce  minuscule  poème  n^ajoutera  rien  à  la  gloire  de 
Régnier;  mais  par  les  relations  qu'il  atteste  entre  son  auteur 
et  le  principal  du  collège  d'Angers,  il  fournit  un  indice 
extrêmement  précieux,  et  il  s'impose  aux  futurs  biographes 
de  Régnier,  comme  point  de  départ  de  leurs  recherches  sur 
les  humanités  du  poëte. 

(1)  X,  317.  In-4«  de  8  ff.  liminaires  non  chiffrées  et  de  338  pp., 
plus  44  pp.  pour  le  lexique  terminant  le  Tolume.  Voici  du  reste  le  titre 
de  cet  ouYrage  :  c  Joannis  Sursini  Camntis  nogentini  grammaticas  grse- 
es  libri  sex,  ad  serenissimura  principem  Garolum  Borbonium.  suenonum 
comitem,  magnum  Franciae  magistrum.  Accessit  brève  lexicon  primiti- 
varam  omnium  totius  grœcss  Linguœ  dictionum.  Andegayi,  apud  An- 
tboninum  Hemauli typographum  regium M.D.XCV.  Cum  gratiaet pri- 
vilegio  régis.  9 

Le  lexique  est  dédié  à  Henri  d*Ângenne. 

15 


"jLletin  du  bibliophile. 

is  qui  vont  saivre  ont  été  recneilties  sur 
ilaires  de  l'Eglise  de  Chartres,  à  la  date 
1  1612.  Quatre  ans  auparavant,  Regoier 
Qoioe,  et  dans  ce  loDg  espace  de  temps  3 
■  le  loisir  de  faire  le  stage  (1)  auquel  était 
lioe  entrant  en  fonctions,  pour  être  admis 
on  nouveau  titre.  L'humeur  vagabonde  et 
!  de  Ke^îcr  contribuèrent,  selon  toute 
accomplissement  d'une  règle  profitable, 
t  un  droit  aux  revenus  capitulaires, 
>tt,  dans  la  matinée  du  25  juin  1612,  tout 
passa  au  chapitre  général  de  Chartres, 
re  de  Poissy  vint  faire  rapport  qu'il 
iter  M.  Renier  malade,  et  que  sa  mère 
ermettre.  " 

:  Simone  Desportes,  trop  rigide  gardienne 
Sb,  émut  l'assemblée,  qui  résolut  d'avoir 
lison  de  l'impolitesse  grave  commise  à 
:hîdiacre.  Séance  tenante,  le  chévecler  du 
capiceratus)  et  M.  Robert  furent  commis 
:r  le  jour  même,  et  dans  l'après-midi,  à 
lion,  les  deux  délégués  rendirent  compte 
Is  avaient  tronvé  le  poëte  fort  malade,  et 
priés  d'obtenir  du  chapitre  qu'il  lui  ÎÙX 
e  son  stage  par  procuration,  attendu  ses 

ouci  par  le  rapport  de  ses  deux  membres, 
!nt  en  considération  la  demande  de 
cision,  consignée  sur  les  registres  capitu- 
-ièvement  libellée  :  ■  Permis  de  grâces  et 
m  des  médecins.  ■ 
tard,  le  27  juin  1612,  .  M.  Tullone  (2), 

ait  CD  lix  moii  de  réaidence  t  Chartr«».  U  ue  p*- 
I  aux  réuaioD»  du  chapilre  fût  imposée, 
neveu  de  Oespoitea,  était  devenu  chanoine  d* 
ion  de  ton  oncle,  le  11  janvier  1S95.  V.  Sonchci, 


NOUVELLES  RECHERCHES  SUR  M.  REGNIER.        219 

comme  fondé  deprocoratioii  de  M.  Régnier,  malade,  déclara 
sou  stage  estre  faict  et  parfaict,  et  vu  l'attestation  des  mé- 
decins accordée  sans  déroger  par  la  coustume  de  TÉglise.  d 

Après  nous  avoir  appris  comment  Régnier  accomplit  son 
stage,  les  registres  capitulaires  vont  nous  faire  connaître 
quels  profits  en  nature  assurait  une  prébende  au  cœur  de  la 
Beauce.  Nos  renseignements  ne  sont  pas  variés.  Ils  ne 
portent  que  çur  une  part  de  blé  ;  mais  de  ce  cas  particulier 
on  peut  préjuger  Fensemble  des  contributions. 

Voici  donc  ce  qu'on  lit  sur  les  registres  du  chapitre,  à  la 
date  du  15  juin  1613: 

«  M.  Tullone  soy  faisant  fort  de  M.  Renier,  chanoine,  a 
accepté  les  trois  muys  (1)  portés  par  les  partaiges  attendant 
coUoction,  attendu  qu'iln'y  enaàprésent  de  vacquantes.  » 

Dans  la  même  année,  Régnier  mourut  à  Rouen,  le  16  oc- 
tobre. Cette  date  ne  peut  être  déterminée,  comme  celle  de 
la  naissance  du  poëte,  à  l'aide  d^un  acte  authentique, 
puisque  les  archives  de  Tétat  civil  conservées  au  greffe  du 
tribunal  de  Rouen  présentent  une  lacune  de  1603  à  1619. 
Néanmoins,  à  défaut  de  documents  certains,  on  a  quelque 
raison  de  s^en  déférer  au  registre  de  réception  des  chanoines 
de  Chartres.  En  marge  de  Tacte  relatif  à  Mathurin  Régnier 
est  écrite  cette  mention:  Obiit  16 octobre  1613.  Enfin,  comme 
complément  de  preuves,  il  convient  d'invoquer  cette  der- 
nière déclaration:  «  14  novembre  1613.  Charles  Bondot 
Lecen,  chanoine,  au  lieu  et  par  décès  de  Mathurin  Renier, 
vacquant  par  mort.  » 

Tels  sont  les  résultats  des  recherches  nouvellement  en- 
treprises au  sujet  de  notre  premier  satirique.  Ils  ne  consti- 
tuent assurémer^t  point  de  grandes  conquêtes  sur  Finconnu; 
mais  par  leur  indiscutable  valeur,  et  par  les  éclaircissements 


Sutoire  de  Charirés^  t.  Il,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  archéolo- 
gique d*£ure-et*Loir« 

(1)  Lé  muid  de  blé  était  de  douze  setiers,  et  dana  chaque  setier  on 
comptait  cent  vingt-sept  litres. 


\ 


V 

\ 


216  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

Mais  dans  quel  gouffre  me  suis-je  jeté  ?  Ou  bien  les  ré- 
cents philologues  ont  déjà  fait  cette  observation,  qui  serait 
aujourd'hui  surannée  ;  ou,  si  vous  ne  Tavez  pas  faite,  tout 
doit  me  donner  à  craindre  qu'elle  ne  repose  sur  un  fonde- 
ment chimérique.  Lisez  toutefois,  jugez,  et  conservez-moi, 
cher  confrère,  quelque  chose  des  sentiments  de  haute  estime 
que  je  vous  ai  voués. 

P.  Paris,  de  V Académie  de  Belgique. 

Avcnay,  22  juin  1876. 


NOUVELLES  RECHERCHES 

SUR  MATHURIN  REGNIER 


La  biographie  de  Mathurin  Régnier  présente  de  grandes 
lacunes  auxquelles  les  éditeurs  du  poëte  se  sont  efforcés  de 
suppléer  par  des  hypothèses  plus  ou  moins  fondées.  Nous 
n'entreprendrons  point  de  faire  ici  la  part  des  vérités  et 
(les  conjectures  récemment  exposées;  il  nous  paraît  préfé- 
rable de  grossir  le  contingent  des  informations  exactes  qui 
devront  quelque  jour  être  consultées  pour  une  histoire  de 
la  vie  de  Régnier.  Les  diverses  indications  qui  vont  être 
offertes  aux  lecteurs  ont  été  tirées  de  documents  d'une 
irrécusable  authenticité.  Elles  sont  dues,  en  outre,  à  l'obli- 
geance de  M.  Ad.  Lecocq,  érudit  chartrain,  honorablement 
connu  pour  ses  travaux  archéologiques. 

Ces  communications  jettent  quelque  lumière  sur  la  jeu- 
nesse et  sur  les  dernières  années  de  Régnier.  Elles  révèlent 
d'abord  en  lui  un  ami,  sinon  un  disciple  de  l'helléniste  Jean 
Sursin.  Plus  tard,  elles  nous  montrent  le  poète  malade  chez 


NOUVELLES  RECHERCHES  SUR  M.  REGNIER.         217 

sa  mère,  qui  se  refuse  à  recevoir  l'archidiacre  de  Poissy. 
Enfin,  en  précisant  le  moment  de  l'installation  du  chanoine, 
successeur  de  Régnier  à  Notre-Dame  de  Chartres,  elles 
viennent  confirmer  une  date  que  les  archives  de  Rouen  ne 
permettent  pas  d'établir,  celle  de  la  mort  de  notre  premier 
satirique. 

Jean  Sursin,  de  Nogent-le-Rotrou,  principal  du  collège 
de  la  Formagerie  d'Angers,  a  publié  en  1595  une  gram- 
maire grecque  dont  on  trouve  trois  exemplaires  à  la 
Bibliothèque  nationale (1).  Entête  de  cet  ouvrage  figurent 
une  trentaine  de  pièces  de  vers  tant  latines  que  grecques,  à 
la  louange  du  livre  et  de  son  auteur.  Parmi  les  savants 
professeurs  royaux  et  les  simples  amis  des  lettres  qui  ont 
ainsi  donné  la  bienvenue  à  Jean  Sursin,  on  remarque 
Mathurin  Régnier,  qui  avait  alors  vingt-deux  ans.  Voici  en 
quels  termes  est  conçu  le  salut  du  jeune  poète  : 

MoTanti  lapides  gaadent  Âmphione  Thebœ  ? 

Francia  Sursino  Grseca  trahente  suo. 
Amphion  traxit  Thebanus  Carminé  saxa  : 

Grsecia  Sunino  mota  canente  Tenit. 

M.  Régnier  Garnntis. 

Ce  minuscule  poëme  n^ajoutera  rien  à  la  gloire  de 
Régnier;  mais  par  les  relations  qu'il  atteste  entre  son  auteur 
et  le  principal  du  collège  d* Angers,  il  fournit  un  indice 
extrêmement  précieux,  et  il  s'impose  aux  futurs  biographes 
de  Régnier,  comme  point  de  départ  de  leurs  recherches  sur 
les  humanités  du  poète. 

(1)  X,  317.  In-40  de  8  ff.  liminaires  non  chiffrées  et  de  338  pp., 
plus  kk  pp.  ponr  le  lexique  terminant  le  volume.  Voici  du  reste  le  titre 
de  cet  ouTrage  :  c  Joannis  Sursini  Camntis  nogentini  grammatic»  grae- 
ce  libri  sex,  ad  serenissimum  principem  Carolum  Borbonium  suenonum 
comitem,  magnum  Francis  magistrum.  Accessit  brève  lexicon  primiti- 
varum  omnium  totius  grscœ  Linguœ  dictionum.  AndegaTi,  apud  An- 
tboninum  Hemaull  typographum  regiom  M.D.XCV.  Cum  gratia  et  pri- 
YÎlegio  régis.  9 

Le  lexique  est  dédié  à  Henri  d*Angeime. 

15 


218  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Les  informations  qui  vont  suivre  ont  été  recueillies  sur 

les  registres  capitulaires  de  TÉglise  de  Chartres,  à  la  date 
des  25  et  27  juin  1612.  Quatre  ans  auparavant,  Régnier 
avait  été  reçu  chanoine,  et  dans  ce  long  espace  de  temps  il 
n^avait  pu  trouver  le  loisir  de  faire  le  stage  (1)  auquel  était 
astreint  tout  chanoine  entrant  en  fonctions,  pour  être  admis 
aux  bénéfices  de  son  nouveau  titre.  L'humeur  vagabonde  et 
la  mauvaise  santé  de  Régnier  contribuèrent,  selon  toute 
probabilité,  à  Tinaccomplissement  d'une  règle  profitable, 
puisqu'elle  donnait  un  droit  aux  revenus  capitulaires. 

Quoi  qu^il  en  soit,  dans  la  matinée  du  25  juin  1612,  tout 
un  petit  drame  se  passa  au  chapitre  général  de  ChartreSi 
«  M.  l'archidiacre  de  Poîssy  vint  faire  rapport  qu'il 
avait  été  pour  visiter  M.  Renier  malade,  et  que  sa  mère 
en  a  refusé  de  le  permettre.  » 

La  résistance  de  Simone  Desportes,  trop  rigide  gardienne 
du  chevet  de  son  fils,  émut  l'assemblée,  qui  résolut  d'avoir 
immédiatement  raison  de  l'impolitesse  grave  commise  à 
l'égard  de  M.  l'archidiacre.  Séance  tenante,  le  chevecier  du 
chapitre  {dominus  capfceratus)  et  M.  Robert  furent  commis 
pour  visiter  Régnier  le  jour  même,  et  dans  l'après-midi,  à 
une  nouvelle  réunion,  les  deux  délégués  rendirent  compte 
de  leur  mission.  Ils  avaient  trouvé  le  poëte  fort  malade,  et 
celui-ci  les  avait  priés  d'obtenir  du  chapitre  qu'il  lui  fût 
promis  «  de  rendre  son  stage  par  procuration,  attendu  ses 
infirmités.   » 

Le  chapitre,  adouci  par  le  rapport  de  ses  deux  membres, 
prit  immédiatement  en  considération  la  demande  de 
Régnier,  et  sa  décision,  consignée  sur  les  registres  capitu- 
laires, est  ainsi  brièvement  libellée  :  «  Permis  de  grâces  et 
apporter  attestation  des  médecins.   » 

Deux  jours  plus  tard,  le  27  juin  1612,  «  M.  TuUone  (2), 

(1)  Le  stage  consistait  en  six  mois  de  résidence  À  Chartres.  Il  ne  pa- 
rait pas  que  Tassiduité  aux  réunions  du  chapitre  fut  imposée. 

(2)  Jean  Tullone,  neyeu  de  Desportes,  était  devenu  chanoine  de 
Chartres,  sur  résignation  de  son  oncle,  le  11  janvier  1595.  V.  Soochet, 


^kA 


NOUVELLES  RECHERCHES  SUR  M.  REGNIER.         219 

comme  fondé  deprocaration  de  M.  Régnier,  malade,  déclara 
sou  stage  estre  faict  et  parfaict,  et  vu  l'attestation  des  mé- 
decins accordée  sans  déroger  par  la  coustume  de  TÉglise.  » 

Après  nous  avoir  appris  comment  Régnier  accomplit  son 
stage,  les  registres  capitulaires  vont  nous  faire  connaître 
quels  profits  en  nature  assurait  une  prébende  au  cœur  de  la 
Beauce.  Nos  renseignements  ne  sont  pas  variés.  Ils  ne 
portent  que  sur  une  part  de  blé  ;  mais  de  ce  cas  particulier 
on  peut  préjuger  l'ensemble  des  contributions. 

Voici  donc  ce  qu'on  lit  sur  les  registres  du  chapitre,  à  la 
date  du  15  juin  1613: 

«  M.  TuFlone  soy  faisant  fort  de  M.  Renier,  chanoine,  a 
accepté  les  trois  muys  (1)  portés  par  les  partaiges  attendant 
coUoctiou,  attendu  qu'il  n'y  enaàprésent  de  vacquantes.  » 

Dans  la  même  année,  Régnier  mourut  à  Rouen,  le  16  oc- 
tobre. Cette  date  ne  peut  être  déterminée,  comme  celle  de 
la  naissance  du  poëte,  à  l'aide  d'un  acte  authentique, 
puisque  les  archives  de  l'état  civil  conservées  au  greffe  du 
tribunal  de  Rouen  présentent  une  lacune  de  1603  à  1610. 
Néanmoins,  à  défaut  de  documents  certains,  on  a  quelque 
raison  de  s'en  déférer  au  registre  de  réception  des  chanoines 
de  Chartres.  En  marge  de  l'acte  relatif  à  Mathurin  Régnier 
est  écrite  cette  mention:  Obiit  16  octobre  1613.  Enfin,  comme 
complément  de  preuves,  il  convient  d'invoquer  cette  der- 
nière déclaration:  «  14  novembre  1613.  Charles  Bondot 
Lecen,  chanoine,  au  lieu  et  par  décès  de  Mathurin  Renier, 
vacquant  par  mort.  » 

Tels  sont  les  résultats  des  recherches  nouvellement  en- 
treprises au  sujet  de  notre  premier  satirique.  Ils  ne  consti- 
tuent assurément  point  de  grandes  conquêtes  sur  l'inconnu; 
mais  par  leur  indiscutable  valeur,  et  par  les  éclaircissements 


Histoire  de  Chartres 4^  t.  Il,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  archéolo-' 
gique  d'Eure-et-Loir. 

(1)  Le  muid  de  blé  était  de  douze  setiers,  et  dam  chaque  setier  on 
comptait  cent  viiigt-sept  litres. 


220  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

qu'ils  apportent  dans  une  existence  obscure,  ils  méritent 
d^étre  conununiqués  aux  bibliophiles. 

Ernest  Courbet. 


INVENTAIRES  ET  DOCUMENTS 

PUBLIÉS   SOUS    LA    DIRECTION   OU   DIREGTBUB   GENÏBiL 
DES  ARCHIVES  NATIONALES. 

Paris,  1863-1875,  13  vol.  în-4^ 


I.  Inventaire  sommaire.  —  M.  le  marquis  de  Laborde  avait 
fait  commencer,  en  1867,  un  inventaire  général  des  documents 
conservés  aux  Archives  de  TEmpire.  Ce  travail  fournissait,  sui- 
vant Tordre  des  trente-neuf  série  sdont  se  composent  les  Archives, 
l'indication  de  chaque  matière,  en  observant  la  succession  des 
numéros  et  des  cotes;  il  était  donc  d'une  grande  utilité  pour  les 
fonctionnaires  attachés  à  TétabUssement,  mais  ne  pouvait  guère 
rendre  de  services  au  pubhc.  M.  Alfred  Maury,  successeur  de 
M.  le  marquis  de  Laborde,  entreprit  de  refaire  cette  œuvre,  en 
adoptant  non  plus  l'ordre  des  séries  spéciales  aux  Archives,  mais 
Tordre  logique  des  matières.  C'est  de  cette  pensée  qu'est  né  Vln^ 
ventaire  aommaire  rédigé  par  MM.  Edgar  Boutaric  et  Jules  Tardif. 

M.  H.  Lot  y  a  ajouté  le  catalogue  de  la  riche  collection  d'im- 
primés conservée  aux  Archives,  collection  composée  en  majeure 
partie  de  pièces  qui  n'ont  pas  été  mises  dans  le  commerce. 

Ce  volume  est  la  préface  naturelle  des  publications  faites  par 
Tadministration  des  Archives,  mais  elle  n'est  pas  la  première  en 
date. 

II.  Layettes  du  trésor  des  chartes.  —  Pendant  la  période 
mérovingienne,  les  actes  qu'il  importait  au  souverain  de  conser- 
ver étaient  déposés  dans  son  trésor,  parmi  les  objets  les  plus  pré- 
cieux. De  nombreux  capitulaires  attestent  les  soins  que  les  rois 
de  la  seconde  race  prenaient  de  leurs  archives,  dont  la  garde 


À 


INVENTAIRES  ET  DOCUMENTS  DE  M.  FRANCKLÏN.     221 

était  confiée  aux  chaoceliers.  Ces  soins,  que  continuèrent  sans 
doute  les  premiers  rois  capétiens,  n'ont  pu  préserver  de  la  des- 
truction nos  archives  politiques  antérieures  au  règne  de  Philippe- 
Auguste.  Des  témoignages  contemporains  permettent  d'attribuer  à 
ce  prince  la  formation  du  trésor  des  chartes,  qui,  depuis  la  fin 
du  douzième  siècle,  a  constitué  les  archives  de  l'Etat.  On  y  dé- 
posait non-seulement  les  actes  qui  intéressaient  la  personne  du 
souverain,  mais  encore  toutes  les  pièces  qui  constataient  ses  rap- 
ports avec  les  puissances  étrangères,  FÉglise,  les  villes  et  les 
grands  feudataires,  ainsi  que  les  archives  des  provinces  succes- 
sivement réunies  à  la  couronne. 

Dès  le  principe,  les  archives  royales  se  composèrent  de  deux 
séries  très^istinctes  :  1*  les  Registres^  dont  M.  Douét-d'Arcq 
prépare  l'inventaire;  2®  les  pièces  originales  et  autres,  qui  sont 
depuis  longtemps  désignées  sous  le  nom  de  Layettes  du  trésor^ 
parce  qu'elles  étaient  conservées  dans  des  cofires  bu  layettes; 
celles-ci  renferment  aujourd'hui  dix-sept  mille  pièces,  dont  quatre 
mille  six  cent  soixante -trois  sont  publiées  ou  analysées  dans  les 
trois  volumes  de  MM.  Alexandre  Teulet  et  Joseph  de  Laborde. 

III.    MONUMENIS    HISTOEIQUES.     CaRTONS     DES      ROIS.    La    Se- 

conde  série  de  la  section  historique  des  Archives,  appelée  Série 
des  monuments  historiques^  est  un  autre  Trésor  des  chartes  qu'on 
s'est  abstenu  de  fondre  dans  le  premier.  Elle  se  compose  de  pièces 
enlevées  aux  archives  de  plusieurs  établissements  supprimés  par 
la  Révolution.  Qassées  en  i796  par  le  Bureau  du  triage  des 
titres^  une  division  arbitraire  les  répartit  en  dix  sections  dont  la 
première,  qui  comprend  les  actes  émanés  de  l'autorité  royale,  fut 
désignée  sous  le  nom  de  Cartons  des  rois.  Le  bénédictin  doih  Jou- 
bert  fit  l'analyse  de  toutes  les  pièces  qu'elle  renferme,  et  ce  tra- 
vail a  servi  de  base  à  l'inventaire  publié  par  M.  Jules  Tardif. 

Ce  volume  embrasse  toute  la  première  section  des  Monuments 
historiques^  et  fait  connaître  environ  quatre  mille  cinq  cents 
pièces,  dont  la  plus  ancienne  remonte  à  l'année  528,  et  dont  la 
plus  récente  est  datée  du  27  novembre  4789.  En  tête  de  l'ou- 
vrage on  trouve  une  longue  préface  de  M.  de  Laborde  sur  la 
situation  des  Archives  pendant  la  Révolution,  étude  qui  a  été 
l'objet  d'un  tirage  à  part. 

IV.  Collection  de  sceaux.  —  Quelque  considérable  que  pa- 
raisse cet  inventaire,  où  l'on  trouve  décrits  onze  mille  huit  cent 


232  BULLETIN  DU  BIBUOPHILB. 

quarante  sceaux,  il  ne  comprend  encore  qu'une  faible  partie  de 
la  riche  collection  rassemblée  aux  Archives  nationales,  où  elle  est 
depuis  trente  ans  l'objet  de  soins  spéciaux.  Outre  les  sceaux 
extraits  des  pièces  conser\'ées  dans  rétablissement,  elle  doit  réunir 
les  empreintes  de  tous  les  spécimens  possédés  par  les  autres  dé* 
pots  de  Paris  et  de  la  province.  Or  les  Archives  nationales  pos« 
sèdent  plus  de  cinquante  mille  sceaux  de  cire  encore  plaqués  sur 
les  actes  ou  appendus  par  des  attaches,  et  M.  le  marquis  de  La- 
borde  évaluait  à  quatre  cent  mille  environ  ceux  qui  existent  ea 
province.  M.  Demay  a  déjà  exploré  les  archives  de  la  Flandre  et 
de  la  Picardie,  et  en  a  rapporté  près  de  quinze  mille  empreintes, 
dont  l'inventaire  a  été  publié. 

Dans  celui  de  M.  Douêt-d'Arcq  on  trouve  la  description  de 
chaque  sceau,  ses  dimensions,  la  reproduction  figurée  de  la  lé- 
gende, et  la  cote  du  document  d'où  il  a  été  tiré.  La  préface  est 
du  marquis  de  Laborde,  et  contient  une  intéressante  histoire  du 
moulage  des  sceaux  et  un  exposé  des  résultats  obtenus  aux  Ar- 
chives nationales.  Elle  est  suivie  d'un  savant  traité  de  sillogra- 
phie  rédigé  par  M.  Douêt-d'Arcq  avec  les  éléments  que  lui  a 
fournis  la  riche  collection  inventoriée  par  lui. 

y.  Actes  du  parlement  db  Pabis.  —  L'histoire  de  notre  droit 
national,  de  nofre  constitution  politique,  de  nos  mœurs  et  de  nos 
usages,  écrite  jour  par  jour  par  les  greffiers  chargés  d'enregis- 
trer les  actes  du  Parlement,  se  trouve  enfouie  dans  la  riche  col- 
lection des  décisions  rendues  depuis  l'année  1254  jusqu'au  ik 
octobre  1790.  Cette  collection,  déposée  aux  Archives  en  1847,  se 
compose  de  dix  mille  cent  quatre-vingts  registres,  qui  peuvent 
être  portés  au  chiffre  de  dix  mille  cinq  cents  environ,  si  l'on  y 
ajoute  des  liasses  de  minutes  et  plus  de  vingt-cinq  mille  rouleaux. 
Chaque  volume  renferme  en  moyenne  cinq  cents  actes,  ce  qui 
donne  un  ensemble  d'environ  cinq  millions  deux  cent  cinquante 
mille  actes  à  analyser.  On  comprend  donc  quel  dut  être  l'embar- 
ras de  M.  Boutaric  au  moment  de  préparer  une  publication  qui 
promettait  d'exiger  cinq  cent  vingt-cinq  volumes  in-quarto  à  deux 
colonnes  et  de  durer  plus  de  six  cents  ans. 

Cependant,  loin  de  la  réduire,  il  a  encore  trouvé  le  moyen  d'y 
ajouter.  En  effet,  les  Oit  m,  les  plus  anciens  registres  du  Parle- 
ment, ne  commencent  qu'à  Tannée  1254,  et  de  patientes  recher- 
ches ont  permis  à  M.  Boutaric  de  retrouver  quarante  actes  anté- 


INVENTAIRES  ET  DOCUMENTS  DE  M,  FRANCKLIN.     223 

rieurs  à  cette  date.  Enfin,  M.  Delisle  a  joint  au  premier  volume 
neuf  cent  trente-cinq  actes,  essai  de  reconstitution  d'une  lacune 
depuis  longtemps  constatée  dans  les  OUm. 

Malgré  tout,  la  préface  insérée  en  tète  de  Touvrage  nous  pro- 
met la  publication  complète  des  registres  du  Parlement,  au  moins 
pour  tout  ce  qui  concerne  la  période  du  moyen  âge. 

VI.  TiTBES  DE  LA  uAisoN  DB  BouRBON.  —  Ccst  l'inveutaire  du 
trésor  des  chartes  des  ducs  de  Bourbon,  provenant  de  la  Chambre 
des  comptes  de  Moulins,  d*oii  les  titres  furent  transférés  à  la 
Chambre  des  comptes  de  Paris  après  la  célèbre  trahison  du  con« 
nétable.  Ces  actes  font  aujourd'hui  partie  de  la  section  administra- 
tive des  Archives  nationales. 

Le  premier  volume  renferme  l'analyse  détaillée  de  trois  mille 
cinq  cent  huit  actes,  et,  comme  les  autres  inventaires,  la  copie 
intégrale  d'un  certain  nombre  de  pièces*  importantes  et  inédites. 
Il  s'arrête  à  la  prise  de  possession  du  Forez  par  les  ducs  de  Bour- 
bon en  1382. 

Le  second  volume,  resté  imparfait  par  suite  de  la  mort  de 
M.  Huillard-Breholles,  a  été  achevé  par  M.  Lecoy  de  la  Marche. 
Il  comprend  environ  neuf  mille  pièces  et  finit  quelques  années 
après  la  confiscation  des  biens  du  connétable  de  Bourbon.  Ce 
second  volume  devait  être  suivi  d'une  table  générale  alphabétique, 
qui  n'a  point  encore  paru. 

VIL  MusÉB  DES  AficBivES.  —  On  doit  à  M.  le  marquis  de  La- 
borde  la  création  du  Musée  des  Archives,  qui  a  été  ouvert  le 
19  juillet  1867.  Le  choix  des  pièces  qu'on  y  a  exposées  fut  ar- 
rêté par  une  commission  d'archivistes,  après  un  examen  attentif 
des  diverses  catégories  de  pièces  conservées  à  T hôtel  Soubise. 
Une  double  considération  a  dicté  ce  choix  :  faire  connaître  au 
public  les  documents  historiques  les  plus  intéressants,  et  mettre 
sous  ses  yeux  un  ensemble  d'actes  propres  à  indiquer  les  diffé- 
rentes phases  de  l'écriture.  Ainsi,  d'june  part,  une  série  de  pièces 
curieuses  à  raison  des  grands  événements  qu'elles  relatent,  tels  que 
fondations  d'abbayes,  traités  de  paix,  contrats  de  mariage  appor- 
tant à  la  couronne  des  provinces  nouvelles,  correspondances  di- 
plomatiques, édlts  célèbres,  autographes  des  derniers  siècles,  etc.; 
de  l'autre,  diplômes,  chartes,  rôles,  registres,  parfois  ornés  de 
muiiatures  ou  de  dessins  à  la  plume,  lettres  historiées,  papyrus, 
tablettes  de  cire,  papier  de  coton,  etc.,  par  conséquent  une  suite 


224  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

de  documents  chirographiques  indiquant  les  transformations  suc- 
cessives qu'a  subies  l'écriture  et  les  formes  jadis  imposées  aux 
arts. 

Pour  que  le  public  appréciât  et  comprît  la  valeur  du  Musée, 
un  simple  livret  énonçant  la  nature  de  chaque  pièce  et  renvoyant 
à  son  numéro  d'ordre  ne  pouvait  suffire  ;  une  description  détaillée 
était  indispensable.  Il  fallait  analyser  le  contenu  de  chacun  des 
actes  placés  dans  les  vitrines,  en  faire  ressortir  l'importance  et 
le  caractère,  donner  dès  lors  des  renseignements  sur  les  faits  his- 
onques  auxquels  ils  se  rattachent,  sur  les  personnages  dont  ils 
émanent,  et  compléter  par  des  indications  sommaires  les  ensei- 
gnements paléographiques  qui  ressortent  des  pièces  mêmes. 

C'est  le  plan  qui  a  été  adopté.  Les  mille  quatre  cent  quarante- 
quatre  documents  exposés  sont  distribués  en  sept  sections,  corres- 
pondant aux  sept  grandes  périodes  de  nos  annales,  et  en  tète  de 
chacune  on  a  placé  une  introduction  qui  résume  le  caractère  de 
la  paléographie  durant  l'époque  qu'elle  représente.  De  nombreux 
fac-similé  mettent  sous  les  yeux  du  lecteur  des  spécimens  d'écri- 
tures et  des  passages  curieux  extraits  des  actes  cités. 

La  rédaction  de  ces  notices  est  l'œuvre  des  archivistes  qui  ont 
présidé  à  la  constitution  du  Musée. 

Alfred  Faankun. 


REVUE  CRITIQUE 

DBS 

PUBUCAnONS  NOUVELLES. 


L'Empereur  Claude,  par  Lucien  Double.  Paris j 
Sandoz  et  Fischbacher^  1 876  ;  in-1 2. 

En  s'efforçant  de  réhabiliter  la  mémoire  de  l'empereur  Claude, 
le  successeur  de  Caligula  et  le  prédécesseur  de  Néron,  je  crain 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.    225 

que  M.  Double  n'ait  entrepris  une  tâche  plus  généreuse  qu'op- 
portune. Il  se  fera  traiter  d'esprit  paradoxal  par  tous  ceux  qui, 
en  fait  d'histoire  romaine,  en  sont  restés  aux  études  du  collège, 
et  qui  préfèrent  les  opinions  toutes  faites  aux  jugements  person* 
nels.  C'est  l'immense  majorité. 

En  vain  l'auteur  s' appuyant  sur  des  textes  précis  et  des  docu* 
mcnts  irrécusables  fait-il  valoir  en  faveur  de  son  client  l'aban- 
don et  les  douleurs  de  son  enfance,  en  vain  invoque-t-il  la  du- 
reté de  Tibère  contre  celui  qu'Auguste  appelait  «  le  pauvre  petit  », 
ses  efforts  pour  s'élever  lui-même,  et  plus  tard,  quand  il  fut 
empereur,  ses  admirables  édits  contre  l'esclavage  qui  semblent 
dictés  par  l'esprit  du  chnstianisme,  ou  sa  générosité  en  faveur  de 
Charactachus  si  étonnante  chez  un  païen,  «  deux  faits  qui  suffi- 
raient à  immortaliser  un  règne  »;  rien  ne  saurait  prévaloir  contre 
des  traditions  séculaires  ou  l'éloquence  de  Tacite. 

Chose  singulière  et  qui  démontre  la  puissance  et  le  danger  du 
talent  !  Voici  un  écrivain  qui,  aveuglé  par  Tesprit  de  parti  poussé 
jusqu'à  la  haine,  ramasse  contre  les  institutions  de  son  pays  les 
assertions  les  plus  hasardées,  les  contes  les  plus  improbables,  les 
cancans  les  plus  absurdes,  qui  les  couvre  d'un  style  incompara- 
ble, et  qui  grâce  à  cet  art  donne  depuis  dix-huit  cents  ans  à  sa 
haine  la  postérité  pour  complice.  Niez  donc  après  cela  la  puis- 
sance du  talent.  Brid'oison  a  bien  raison  :  la  forme  !  la  forme  I  !  ! 

Eh  bien ,  malgré  le  talent  de  Tacite,  malgré  l'opinion  de  dix- 
huit  siècles ,  il  est  un  fait  acquis  et  que  je  défie  à  qui  que  ce  soit 
de  contester  :  c'est  que  les  Césars,  je  dis  ceux  dont  la  réputation 
est  la  plus  mauvaise  :  Tibère,  Claude,  Néron,  Caligula,  jouissaient 
dans  le  monde  romain  d'une  immense  popularité.  Donnera-t-on 
pour  motif  à  cette  popularité  le  Panem  et  circences  ?  Persuadera- 
t-on  que  l'on  captive  des  générations  pendant  plusieurs  siècles 
par  de  pareils  moyens?  Allons  donc!  Cette  popularité  avait  des 
causes  autrement  profondes  et  bien  plus  sérieuses.  Les  Césars 
étaient  les  représentants  légitimes  de  la  démocratie  latine;  ils 
personnifiaient  son  triomphe  sur  le  patriciat  sabin,  contre  lequel 
elle  luttait  depuis  huit  cents  ans.  Le  cœur  de  la  race  romaine 
battait  dans  leur  poitrine.  Elle  ne  s'y  trompa  pas  et  se  couronna 
elle-même  en  leur  décernant  la  dignité  impériale.  Le  génie  de 
Romulus  avait  triomphé  avec  eux  de  celui  de  Numa  Pompilius. 

M.  Ampère,  qui  n'était  pas  tendre  pour  les  Césars,  a  écrit  sur 


226  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Claude  une  phrase  qui  donne  à  rêver  et  que  M.  Double  a  eu  rai* 
son  de  prendre  pour  épigraphe  :  «  La  tète  de  Gaude  est  noble, 
intelligente  et  triste.  »  Je  doute  que  le  panégyrique  de  M.  Double 
eût  modifié  son  mauvais  vouloir,  mais  je  suis  certain  que  tout  en 
réservant  ses  antipathies  politiques  il  eût  applaudi  à  l'originale 
tentative  de  l'historien.  Je  ne  puis  mieux  faire  que  de  l'imiter, 

C.  R. 


Ghampfleury.  —  Balzac  propriéraîre^  1*'  fascicule,  Paris, 
Baur,  in- 18  de  32  pages,  pap.  vergé,  tiré  à  150  exem- 
plaires. —  Histoire  de  la  caricature  au  moyen  âge  et 
sous  la  renaissance^  2^  édition  augmentée.  Paris,  Dentu, 
in-12  de  351  pages. 

Balzac  propriétaire  inaugure  une  série  de  notes  et  récits  sur 
Balzac,  tirés  à  petit  nombre,  avec  vignettes,  portraits  et  fac^ 
simile  d'autographes,  et  qui  paraîtront  par  intervalles  irréguliers. 

Ce  premier  fascicule  contient  des  renseignements  curieux  et 
inédits  sur  l'acquisition  faite  en  1838,  de  ce  terrain  légendaire 
des  Jardies,  où  allait  s'élever  ce  que  Ghampfleury  nomme  si  jus* 
tement  la  Folie-Balzac.  Ces  détails  sont  authentiques  dans  la 
plus  stricte  acception  du  mot,  car  ils  viennent  de  l'officier  minis* 
tériel  qui  rédigea  l'acte  de  la  vente  faite  par  le  sieur  Varlet,  tis* 
serand,  au  sieur  Honoré  de  Balzac.  Il  y  eut,  lors  de  la  signature, 
une  scène  du  plus  haut  comique.  Au  dernier  moment,  l'acquë- 
reur  déclara  qu'il  ne  voulait  plus  acheter  qu'une  parcelle  du  ter* 
rain  désigné  dans  l'acte,  tout  en  payant  intégralement  le  prix 
stipulé  pour  la  totalité.  Par  cette  restriction,  Balzac  s'imaginait 
économiser  pour  Tavenir,  en  s' abstenant  de  créer  un  jardin  trop 
vaste  et  d'un  entretien  ruineux.  De  son  côté,  Varlet  s'obstinait  à 
vendre  tout  ou  rien.  Balzac  lui-même  prit  la  peine  de  lui  démon- 
trer que  ce  changement  était  tout  à  son  avantage  ;  quil  tenait 
son  acheteur,  ayant  la  chance  de  lui  revendre  plus  tard  ce  sur- 
plus du  terrain.  C'est  ce  qui  arriva  en  effet  moins  d'un  an  après, 
ainsi  que  tout  le  monde,  sauf  Balzac,  aurait  pu  le  prévoir.  Abju- 
rant ses  beaux  projets  d'économie,  non-seulement  il  reprit,  moyen- 
nant finance,  l'excédant  de  terrain  dont  il  avait  fait  cadeau  à  son 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.    227 

vendeur,  mais  il  y  joignit  successivement  cinq  autres  parcelles 
limitrophes,  dont  on  lui  fit  payer  la  convenance...»  d'une  façon 
inconvenante. 

Il  y  a  des  gens  qu'on  a  interdits  pour  moins  que  cela,  comme 
le  remarque  avec  raison  Champfleury.  Il  prétend,  il  est  vrai,  en 
disciple  dévoué,  que  celte  conduite  de  Balzac,  absurde  au  point 
de  vue  pratique  et  bourgeois^  était  une  rouerie  d'artiste;  que,  loin 
d'être  tenu^  c'était  lui  qui  tenait  son  vendeur,  dont  les  finasseries 
pour  arriver  à  la  seconde  vente  devaient  fournir  un  ample  sujet 
d'éludés  à  celui  qu'il  croyait  sa  dupe.  En  d'autres  termes,  Balzac 
(c  se  serait  payé  un  modèle  ».  L'explication  est  ingénieuse,  mais 
par  trop  subtile,  Entraîné  par  son  admiration  pour  Balzac,  Champ- 
fleury s'éloigne  de  la  réalité,  qui  lui  est  si  chère.  Nous  admet- 
tons volontiers  que  Balzac  aura  trouvé  dans  l'étude  de  ce  manège 
de  paysan  madré  une  distraction,  une  consolation  de  ses  folies  de 
propriétaire,  mais  non  pas  que  le  tout  fût  prémédité. 

Il  paraît  que  Balzac  était  rayonnant  le  jour  de  cette  acquisition. 
Il  passait  propriétaire  avec  le  même  enthousiasme  que  son  Mer- 
cadet  passe  créancier  au  dénoûment  de  la  fameuse  comédie.  «  Sa 
signature  au  bas  de  l'acte  est  une  fanfare,  dit  Champfleury  qui 
en  parle  de  visu.  Je  lis  Hosannak  aussi  bien  que  B.  de  Balzac 
dans  ce  paraphe  triomphant.  »  Celles  qui  figurent  au  bas  des 
autres  actes  d'acquisition  de  parcelles,  et  dont  l'une  est  repro- 
duite dans  ce  fascicule,  sont  tracées  avec  moins  d'élan.  On  devine 
que  Balzac  est  déjà  blasé  sur  ses  jouissances  de  propriétaire. 
Peut-être  commençait-il  à  trouver  que  ses  modèles  de  paysan 
lui  revenaient  un  peu  cher.  Grâce  à  ce  que  son  ingénieux  bio- 
graphe nomme  sa  logique  d'artiste,  Balzac  avait  payé  vingt  et  un 
ares  de  terrain  plus  de  huit  mille  francs  !  I 

La  nouvelle  édition  de  Y  Histoire  de  la  caricature  au  moyen  âge 
et  sous  la  renaissance^  du  même  et  infatigable  Champfleury,  se 
recommande  par  plusieurs  additions  importantes.  Dans  le  chapitre 
relatif  aux  célèbres  Thienbilder  de  la  cathédrale  de  Strasbourg, 
il  a  inséré  les  curieux  détails  que  nous  avions  donnés  dans  notre 
étude  sur  Fischart,  d'après  les  textes  originaux,  sur  la  dispute 
qui  s'éleva  au  treizième  siècle  entre  ce  poète  satirique  de  la  Ré- 
forme et  le  franciscain  Nas,  Tun  de  ses  plus  ardents  adversaires. 
Dans  ces  bas-reliefs  du  treizième  siècle,  représentant  des  cérémo- 
nies rehgieuses  célébrées  par  des  animaux,  l'un  voyait  une  mo- 


228  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

querie  anticipée  de  la  messe  et  des  ofBces  catholiques  ;  l'antre,  une 
parodie  prophétique  du  prêche  luthérien.  En  nous  emprun- 
tant les  principaux  traits  de  cette  controverse,  Champfleury  s'est 
empressé  de  nous  citer.  Nous  connaissons  plus  d'un  écrivain 
moins  scrupuleux,  et  ce  ne  sont  pas  toujours  les  plus  éminents 
qui  donnent  le  meilleur  exemple  sous  ce  rapport.  Ainsi  M.  Thiers, 
dans  le  dernier  volume  du  Consulat  et  de  V Empire^  nous  a  fait 
l'honneur  de  nous  emprunter  textuellement  un  long  passage  de 
notre  Histoire  de  la  dernière  capitulation  de  Paris ^  sans  dire  où 
il  l'avait  pris.  Règle  générale  :  l'illustre  historien  ne  nomme  ja- 
mais ses  contemporains  quand  il  les  copie,  ce  qui  lui  arrive  encore 
assez  souvent,  mais  seulement  quand  il  les  prend  en  faute. 

Nous  recommandons  encore,  dans  cette  nouvelle  édition  de 
l'ouvrage  de  Champfleury,  un  très-intéressant  chapitre,  tout  à 
fait  nouveau,  sur  Rabelais  caricaturiste.  On  sait  que,  suivant  des 
témoignages  contemporains,  Rabelais  aurait  été  non*seulement 
écrivain,  mais  dessinateur  et  architecte.  Cette  opinion  a  été  main- 
tenue de  nos  jours  par  deux  hommes  éminents  :  par  M.  Ch.  Le- 
normant,  dans  son  curieux  opuscule  sur  Tabbaye  de  Thélème; 
puis,  par  M.  Paul  Lacroix,  dans  sa  notice  bien  connue  sur  Ra- 
belais. 

L'argument  le  plus  fort  en  faveur  de  cette  opinion  c'est  l'inti- 
tulé de  l'édition  originale  des  Songes  drolatiques  :  les  sovges 
DROLATIQUES  DE  PANTAORUEL,  OÙ  sont  contenues  plusieurs  figures  de 
t  invention  de  maistre  François  Rabelais  '  et  dernière  œuvre  éCice^ 
lujr  pour  la  récréation  des  bons  esprits.  Paris,  Richard  Breton. 
M.  D.  LXY.  Reimprimés  d'abord  en  1823  pour  le  Rabelais  de 
Dalibon,  où  ils  furent  l'objet  de  commentaires  des  plus  fantaisistes, 
les  Songes  ont  eu  tout  récemment  les  honneurs  de  quatre  nou- 
velles éditions,  l'une  à  Genève  et  trois  à  Paris. 

L'attribution  de  ces  figures  par  l'éditeur  de  156S  à  Rabelais, 
mort  depuis  douze  ans,  n'est  nullement  équivoque  ;  mais  Champ- 
fleury en  conteste  la  sincérité,  et  n'y  voit  qu'une  spéculation  de 
librairie.  Il  invoque,  à  l'appui  de  son  système,  la  similitude  sin- 
guhère  qu'il  a  constatée  le  premier  entre  plusieurs  de  ces  figures 
et  une  série  de  compositions  du  célèbre  artiste  néerlandais  Breu- 
ghel  le  Drôle,  parue  cinq  ans  auparavant.  Les  figures  des  Songes 
ne  sont  pas  des  copies  serviles,  mais  il  est  évident  que  le  second 
artiste  s'est  inspiré  du  premier.  C'est  ce  que  Champfleury  s'efibrce 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.      229 

de  démontrer,  en  plaçant  en  regard  dans  son  livre  plusieurs  de 
ces  figures  entre  lesquelles  T analogie  est  frappante.  Ainsi  on  re- 
trouve dans  Tune  de  celles  de  1565,  en  plus  grand  format,  avec 
des  variantes  d'ajustement,  l'un  des  grotesques  de  1558,  dont 
la  te  le  est  formée  par  un  pot  placé  horizontalement  et  duquel  sort 
un  bâton  servant  de  perchoir  à  des  oiseaux.  La  ressemblance  est 
encore  plus  frappante  entre  les  deux  figures  reproduites  pp.  330 
et  331  du  livre  de  Champfleury,  fusion  hybride  d'alchimiste  et  de 
creuset,  ayant  Tune  et  l'autre  le  soufflet  accolé  à  la  panse,  et  ne 
différant  que  par  des  accessoires  insignifiants.  La  dérivation  est 
pleinement  évidente,  et  il  n'est  pas  moins  évident  que  Rabelais, 
mort  en  1553,  n'a  pu  s'inspirer  des  figures  de  Breughel  qui  n'ont 
paru  que  cinq  ans  après. 

C'est  à  Champfleury  que  revient  l'initiative  de  ce  rapproche- 
ment ingénieux  entre  les  figures  de  Breughel  et  celles  des  Songes 
ilrôlatiques^  et  des  inductions  au  moins  très-vraisemblables  qu'il 
autorise. 

Baron  E, 


Les  grandes  nuits  de  Sceaux.  —  Le  Théâtre  de  la  duchesse 
du  Maine,  par  M.  Ad.  Jullien.  Baur;  br.  m-8<>  de  75  p., 
tirée  à  275  exemplaires,  dont  25  sur  papier  vergé. 

L'auteur  a  puisé  une  partie  de  ses  renseignements  dans  deux 
volumes  fort  rares  de  l'imprimerie  établie  à  Trévoux  par  le  duc 
du  Maine.  Le  premier,  les  Divertissements  de  Sceaux^  fut  publié 
en  1712,  par  les  soins  de  l'abbé  Genest,  l'un  des  familiers  de  la 
duchesse,  qui  lui  donnait  dans  l'intimité  le  sobriquet  d'abbé  Rhi^ 
nocéroSj  à  cause  de  la  dimension  exceptionnelle  de  son  nez.  L'autre 
volume,  encore  plus  rare,  Suite  des  Divertissements  de  Sceaux^ 
mis  en  ordre  par  la  fidèle  suivante  et  confidente  de  la  duchesse, 
Mlle  de  Launay,  parut  en  1725.  Avec  ces  deux  volumes,  com- 
plétés par  d'autres  documents  contemporains  en  partie  inédit^ 
M.  Jullien  a  pu  recomposer  l'historique  complet  des  divertisse-' 
ments  de  Sceaux,  ainsi  que  de  ceux  de  Châtenay  et  de  Clagny,  qui 
en  avaient  été  le  prélude,  ce  L'agréable  manie  des  grandes  nuits  » 
dura  depuis  le  printemps  de  1714  jusqu'au  mois  de  mai  suivant 


230  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Pendant  cette  période,  il  y  eut  en  tout  seize  de  ces  fameuses  nuits. 
La  maladie,  la  mort  de  Louis  XIV  et  les  incidents  qui  suivirent, 
incidents  fort  peu  divertissants,  comme  on  sait,  pour  le  châtelain 
et  la  châtelaine  de  Sceaux,  vinrent  interrompre  pendant  bien  des 
années  cette  longue  carrière  de  plaisirs,  cette  vie  mythologique 
que  Sainte-Beuve  appelle  ingénieusement  «  une  vie  entre  deux 
charmilles  » .  Mais,  en  dépit  des  déceptions  les  plus  amères  et 
d'un  long  exil,  la  duchesse  ne  fut  pas  plutôt  réinstallée  à  Sceaux, 
que  <c  cette  incorrigible  nature,  comme  dit  M.  Jullien,  retrouva 
sans  trop  d'effort  le  même  orgueil,  le  même  enivrement,  le  même 
entêtement  de  soi,  la  même  faculté  d'illusion  active  et  bruyante  »• 
Les  jeux  dramatiques  ne  tardèrent  pas  à  réprendre,  et  conti- 
nuèrent, sauf  de  rares  intermittences,  jusqu'à  la  mort  de  la 
duchesse  (1753).  Voltaire  fut  un  de  ses  principaux  protégés  pen* 
dant  cette  deuxième  période,  et  le  théâtre  de  Sceaux  eut  la  pri- 
meur de  plusieurs  de  ses  pièces,  notamment  de  la  médiocre  corné* 
die  du  Comte  de  Boursoufle ^  dont  il  renia  depuis  la  paternité  avec 
emportement,  comme  il  a  renié  celle  de  la  Pucelle  et  de  Candide. 
Cette  nouvelle  publication,  fruit  de  recherches  intelligenteS| 
met  bien  en  relief  la  physionomie  de  la  duchesse  du  Maine,  l'une 
des  plus  originales,  sinon  des  plus  sympathiques  du  dix -huitième 
siècle. 

B.  E. 


Catalogue  descriptif  et  raisonné  des  manuscrits  de 
la  bibliothèque  de  Tours,  par  M.  Dorange,  conser- 
vateur. Tours j  Jules  Bouserez^  1875. 

Il  n'est  jamais  trop  tard  pour  parler  d'un  beau  et  bon  livre» 
Celui-ci  n'a  pas  attendu  mon  avis  pour  faire  un  assez  joli  chemin 
dans  le  monde  des  archéologues  et  des  bibliophiles  auquel  il  a  été 
présenté  par  le  grand  maître  en  ces  matières  :  M.  Léopold  Delisle. 
Dans  un  article  inséré,  je  crois,  dans  la  Bibliothèque  de  f  École  des 
Chartes,  M.  Delisle,  avec  sa  haute  compétence,  a  rendu  justice  à 
la  science,  au  zèle,  aux  efforts  moraux  et  matériels  qui  ont  per- 
mis à  M.  Dorange  de  conduire  son- entreprise  à  bonne  fin.  Le 
prédécesseur  de  M.  Delisle  à  la  Bibliothèque  nationale,  M.  Tas- 


\ 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.     231 

chereau,  qui  savait  mieux  que  personne  les  difficultés  inhérentes 
à  la  rédaction  d'un  semblable  livre,  avait  précédemment,  dans 
une  lettre  rendue  publique,  encouragé  M.  Dorange  dans  son  pro- 
jet, et  l'avait  félicité  de  son  exécution.  Sous  des  auspices  aussi  sé- 
rieux et  aussi  compétents,  un  livre  peut  se  passer  de  félicitations 
obscures.  Si  je  lui  adresse  les  miennes,  c'est  par  acquit  de 
conscience  et  pour  régler  mes  comptes  avec  moi-même. 

Des  difficultés  matérielles  î  Ce  n'est  pas  un  mot  en  Tair  et  je 
tiens  à  l'expliquer.  Le  travail  de  M.  Dorange  était  en  cours  d'exé- 
cution quand  éclata  la  guerre  allemande.  En  prévision  de  mal- 
heurs que  la  réalité  n'a  que  trop  justifiés,  le  maire,  M.  Eugène 
Gouin,  fit  emballer  les  principales  richesses  de  la  Bibhothèque  et 
les  envoya  à  Rayonne,  sous  la  garde  du  bibliothécaire,  qui  y 
passa  l'hiver  de  J870  à  1871.  C'est  loin  de  tout  secours  littéraire 
et  scientifique,  au  milieu  des  privations  d'une  installation  provi- 
soire, que  M.  Dorange  continua  la  rédaction  de  ses  fiches.  En 
juin  1 871 ,  quand  les  livres  transportés  à  Rayonne  eurent  repris 
leur  place  sur  les  rayons  de  la  bibliothèque,  M.  Dorange  dut  re- 
commencer ce  premier  travail  et  jeter  au  feu  les  fiches  écrites  à 
Rayonne.  Son  livre  y  a  certainement  gagné  ;  mais  je  laisse  le  fait 
à  apprécier  à  quiconque  a  été  forcé  de  recommencer  un  tra- 
vail. 

La  bibliothèque  de  Tours  est  exceptionnellement  riche  en  ma- 
nuscrits. M.  Dorange  en  a  relevé  quinze  cents  parmi  lesquels 
cent  au  moins  sont  de  premier  ordre,  soit  au  point  de  vue  des 
miniatures,  soit  à  celui  de  l'histoire  de  la  Touraine.  Cette  richesse 
se  comprend  quand  on  songe  aux  puissantes  et  nombreuses  ab- 
bayes qui  s'élevaient  sur  le  sol  de  la  Touraine  pendant  le  moyen 
âge.  Il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  que  les  compositeurs  de 
manuscrits  par  excellence,  les  bénédictins,  avaient  à  Tours  leur 
double  métropole  :  Saint-Martin  et  Marmoutiers.  Le  contingent 
de  ces  deux  grandes  librairies  se  compose  de  quatre  cents  volu- 
mes. Le  reste  a  été  fourni  par  les  couvents  des  Augustins,  des 
Carmes,  de  l'Oratoire,  par  Saint-Julien,  Cormery,  le  Liget, 
Plessis-lez-Tours.  Des  contemporains  ont  à  leur  tour  augmenté  ce 
dépôt.  Il  faut  citer  en  première  ligne  trois  savants  collectionneurs 
dont  le  nom  est  bien  connu  des  Tourangeaux  :  MM.  André  Sal- 
mon,  Lambron  de  Lignim  et  cet  excellent  abbé  Bourassé,  qui  a 
joué  en  Toiuraine  le  rôle  de  M.  de  Caumont  en  Normandie. 


232  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

La  description  des  manuscrits  est  précédée  d'une  notice  racon- 
tant les  diverses  phases  par  lesquelles  a  passé  la  bibliothèque, 
de  1 794  à  nos  jours.  Cette  notice  est  pénible  à  lire.  C'est  un  vé- 
ritable martyrologe  des  livres.  On  est  confondu  de  l'incurie  des 
divers  administrateurs  qui  se  sont  succédé  à  Tours  depuis  cin- 
quante ans,  à  regard  de  la  bibliothèque,  et  du  désordre  dans 
lequel  ils  laissaient  les  inestimables  documents  confiés  à  leur 
garde.  Hélas  !  moi  qui  parle,  j'ai  vu  pleurer  de  rage  mon  ancien 
maître  de  pension,  M.  Miton,  devenu  bibliothécaire  sur  ses  vieux 
jours,  en  me  conduisant  dans  les  hangars  délabrés  ou  moisissaient 
des  antiphonaires  du  onzième  siècle  à  côté  des  missels  du  quinzième. 
Je  crois  même  que  mes  larmes  se  sont  mêlées  aux  siennes.  «  Les 
livres,  dit  M.  Dorange,  les  manuscrits  même,  se  promenaient 
dans  les  divers  bureaux  de  la  préfecture.  Deux  de  nos  plus  char- 
mants manuscrits  :  les  Heures  de  Anne  de  Bretagne  et  les  Heures 
de  Charles  V ^  se  trouvèrent,  par  mégarde^  parmi  les  meubles  de 
M.  de  Kergariou,  préfet  d'Indre-et-Loire  en  1815.  »  Et  cepen- 
dant M.  de  Kergariou  était  un  parfait  honnête  homme.  Mais  de 
son  temps  les  notions  sur  la  propriété  de  l'État  étaient  encore 
bien  confuses.  Je  me  hâte  d'ajouter  que  grâce  au  zèle  de  M.  Do- 
range, à  la  bonne  volonté,  à  l'excellent  esprit  de  maires  comme 
MM .  Mame  et  Gouin,  à  la  libéralité  des  conseils  municipaux  qui 
n'ont  jamais  marchandé  quand  on  leur  a  demandé  des  fonds  pour 
la  bibliothèque,  le  mal  est  réparé  et  la  conservation  des  livres  as- 
surée. Désormais  la  bibliothèque  de  Tours  est  non-seulement  à 
Tabri  de  la  destruction,  mais  elle  est  installée  dans  des  conditions 
exceptionnellement  favorables  à  la  sécurité  et  au  travail.  Elle 
n'aura  pas  perdu  pour  attendre. 

Après  les  encouragements  de  MM.  Taschereau  et  Léopold 
Delisle,  l'ouvrage  de  M.  Dorange  peut  donc  se  passer  des  miens. 
Si  peu  qu'ils  vaillent,  je  les  lui  adresse  cependant  et  de  très-grand 
cœur.  Ma  tâche  sera  complète  quand  j'aurai  dit  que  ce  volume, 
parfaitement  imprimé  en  caractères  nets  et  très-lisibles,  d'une 
justification  commode  et  agréable  à  l'œil,  fait  le  plus  grand  hon- 
neur aux  presses  de  M.  Bouserez. 

Il  me  reste  à  exprimer  un  vœu  :  c'est  que  le  modeste  et  savant" 
bibliothécaire  de  Tours  rencontre  beaucoup  d'imitateurs  chez  ses 
confrères  des  autres  départements.  Si  son  exemple  devenait  conta- 
gieux, le  travail  de  la  commission  de  V Inventaire  des  richesses 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.    233 

€tart  de  la  France  serait  singulièrement  simplifié.  On  me  dira  que 
mes  éloges  sont  intéressés.  Hélas!  on  n'est  pas  parfait, 

C.  R. 


PRIX  COURANT  DES  LIVRES  ANCfENS. 

REVUE  DES  VErVTES. 

Vente  de  livres  anciens  et  modernes,  rares  et  curieux, 

PROVENANT     DE    LA    BIBLIOTHEQUE     DE    M.    F***;    IcS    9    et 

10  mai.  —  Léon  Techener^  expert. 

Le  catalogue  comprenait  462  numéros.  Cette  collection  de  livres 
curieux  et  souvent  très-rares  aurait  eu  autrefois  un  grand  succès 
d'attention  ;  les  amateurs  de  livres  étaient  plus  instruits  et  s'atta- 
chaient beaucoup  plus  à  la  réunion  de  livres  vraiment  curieux 
par  leurs  textes,  les  figures  sur  bois  et  les  particularités  typogra- 
phiques. Les  reliures  venaient  ajouter  au  prix  des  exemplaires; 
mais  les  idées  bibliophiliques  étaient  p^us  larges  dans  leurs  concep- 
tions et  formaient  des  bibliothèques  qui  présentaient  la  plupart  du 
temps  un  ensemble  important.  Les  divisions  bibliographiques 
des  anciens  catalogues  bien  classés  sont  très-nourries  et  parfois 
très-inléressantes.  Déplorons  enfin  le  délaissement  lamentable  des 
amateurs  français  pour  les  anciens  manuscrits,  les  anciens  textes, 
les  véritables  origines  delà  science  des  livres...  !  —  Nous  citerons 
seulement  de  cette  vente  les  adjudications  suivantes  : 

i.  La  Biblia  que  si  Chiama  il  Vecchio  Testamento  nuovamente 
tradutto  in  lingua  volgare  seconda  la  veritta  del  testo  hebreo. 
Stampato  appresso  Francesco  Durone^  ^562,  in-4,  v.  f.  comp. 
or  et  argent  et  mosaïques  noires,  semé  de  fleurs  de  lis.  [Belle 
reliure  du  seizième  siècle,)  —  1200  fr. 

4.  Icônes  ||  Historia  ||  Rum  Veteris  ||  Testamenti.  Lugduni^   1S47,' 
petit  in-4,  vel.  —  350  fr. 

Exemplaire  dans  un  parfait  état  de  conservation. 

16 


234  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

45.  Prières  gothiques  en  français.  Manuscrit  pet.  in-4,  mar.  br., 
fers  à  froid,  tr.  dor.  {Belz-Niédrée.)  —  320  fr. 

Curieux  manuscrit  du  quinzième  siècle. 

16.  Livre  d'heures  du  quinzième  siècle.  Manuscrit  sur  vélin,  pet. 
in-4,  vel.  viol.,  ferm.  en  verra,  ciselé,  tr.  dor.  —  600  fr. 

Manuscrit  enrichi  de  16  rainiatiu^s,  composé  de  155  feuillets  de 
texte. 

48.  Preces  Piae.  Manuscrit  du  quinzième  siècle,  sur  vélin,  vel. 
viol.,  ferm.  en  arg.  ciselé,  tr.  dor,  —  600  fr. 

Charmant  manuscrit  composé  de  224  feuillets  de  texte,  de  31  miniatu- 
res et  15  pages  avec  ornements  et  lettres  ornées. 

97.  Les  Caractères  de  Théophraste,  traduits  du  grec  avec  les  Ca- 
ractères ou  les  mœurs  de  ce  siècle.  Paris^  1688,  in-12,  mar. 
viol.,  tr.  dor.  [Duru.)  —  126  fr. 

Seconde  édition  originale,  aussi  rare  que  la  première,  publiée  par  la 
Bruyère,  la  même  année,  et  qui  contient  quelques  augmentations. 

122.  Trois  dialogues  de  l'exercice  de  sauter  et  voltiger  en 
Tair,  par  Archange  Tuccaro.  Paris ^  4599,  in-4,  fig.  sur  bois, 
cuir  de  Russie.  [Thouvenin,)  —450  fr. 

423.  Instruction  du  Roy  en  Texercice  de  monter  à  cheval,  par 
Antoine  de  Pluvinel,  enrichy  de  figures  gravées  par  Crispian 
de  Pas  le  jeune.  Paris^  4627,  in-fol.,  v.  br.  [Aux  armes.)  — 
206  fr. 

Édition  rare  qui  renferme  4  portraits  et  57  planches. 

424.  IlBallarino  di  Fabritio  Caroso  da  sermoneta.  4584,  in -4, 
fig.  et  musique,  vélin.  —  440  fr. 

Volume  rare.  Il  renferme  un  grand  nombre  de  gravures  à  l'ëau-forte 
très-curieuses  pour  les  costumes  de  l'époque. 

136.  Musée  Filhol.  Cours  de  peinture  ou  galerie  du  musée  Napo- 
léon, Paris\  Filhol^  4804-45,  40  vol.  gr.  in-8,  cart.  non  rog. 
—  336  fr. 

Magnifique  ouvrage  composé  de  720  belles  gravures  à  l'eau-forte.  Il 
manque  à  cet  exemplaire  la  planche  260. 

134.  W.  Dietterlin  Architectura.   Norimbergx^   4598,   in-folio, 
mar.  noir,  tr.  dor.  —  280  fr. 

Ce  recueil  est  très-ourieux,  en  ce  qu'il  nous  représente  nombre  de  mo* 


PRIX  COURANT  DE  LIMtES  ANCŒNS.  SU 

dtles  nmhaigës  d'omanents  compliqaéi  M  biiatn»,  ksqixls  n'ont  pro- 
bablemcDl  ni  d'antre  cxMatiaD  qoe  crile  de  la  graTurr.  La  plandw  ^09 
et  donlèn  rcjnêMiite  tons  les  emblèmes  de  la  mort.  L'exanpUiie  est 


158.  Oweo  Jones.  Grammar  of  onument.  Loiidon,  1836,  grand 

în-fol,,  dos  et  coins  de  mu.  br.,  ir.  dor.  —  220  fr. 
160.  ActiiUiits  Borchins.  Symbolicarom  libri  quiogae,  Bonoiùae, 

ISSo,  in-4,  mar.  br.  fil,  comp,  de  couleur,  tr.  dor.  et  ciselée. 

yAnc.rei.)  —  \^\  fr. 

Première  édidoo  d'un  Une  icchercbé  à  came  des  1 50  figores  graTée* 
sur  cuJTTe  dont  il  ett  orné.  Le  prïrïl^e  accordé  par  Henri  It  à  Achille 
Bocchii  de  Boologoe-la-Giaise  est  en  &»ii;aù. 

226.  CoUeciioD  des  anciens  poètes  fi-anrois,  pobliée  par  Coosle- 
lîer.  Paru,  Jia.  Urb.  CoiuUUa;  1723-24,  10  toI.  pet.  in-8, 
mar.  r.  fil.,  tr.  dor.  [Ckambolle-Duru.)  —  250  fr. 

227.  Le  roman  de  Brat,  par  Wace,  poète  dn  doiizîèma  siècle. 
Rouen,  1336-38,  2  vol.  gr.  ia-8,  maroq.  r.  compart.,  dosom., 
dent,  inlér.  ir.  dor.  {Kfslher.)  —■  200  fr. 

Bel  exemplaire  en  papier  de  Hollande,  btcc  double  fac-tinûle  rar  vélin 
en  or  et  en  coaleuis. 
231 .  Romant  de  la  Rose.  MamucrU  dn  treizième  siècle,  sur  peau 

de  lélin,  pet.  in-fol.,  v.  m.  —  ISOO  fr. 

Très-précieax  maniiicrit  dn  Roman  d»  la  S<ue,  sor  pean  de  vélin,  éorit 
au  treizième  siècle  à  deux  colonnes.  U  est  enrichi  de  3k  miniatures  à 
fonds  d*or  ou  quadrillé». 
236.  Les  OEnvres  de  Clément  Marot  de  Cahors.  La  Haye,  Atott- 

Jens,  1700;  2  vol.  in-12,  mar.  r.  tr.  dor.  {Bardj-Mesnil.)  — 

120  fr. 

238.  La  parfaicte  amie,  poème  [par  Antmne  Heroëi],  pet.  in-8, 

vel.  née  dans  im  étui.  —  150  fr. 

ManuMrit  de  58  feuilleti  rar  vélin,  dont  la  première  page  e*i  ornée 
d'an  encadrement  en  or  et  en  couleurs,  composé  de  fleurs.  Ce  manu- 
■crii  nous  paraii  antérieur  au](  éditioiu  imprimées  de  ce  petit  poëne.  An* 
toine  Heroët,  dit  La  Maison  Neufve,  poële  fran^ii,  évéqne  de  Digne, 
pîrent  du  chanceliiT  CHivier,  composa  le  poëoie  de  la  Parfaieit  oaua, 
divisé  en  trois  livres,  en  vers  de  dix  syllabes,  n'étant  pas  enoore  élevé  à 
la  dignité  épiscopale. 


236  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

26^.  Fables  choisies,  mises  en  vers  par  M.  de  la  Fontaine,  nouv. 
édit.,  gravée  en  taille-douce,  les  figures  par  le  sieur  Montulay. 
Paris ^  chez  t auteur^  1765-76,  6  vol.  in-8,  fig.,  mar.  vert,  fil. 
tr.  dor.  (Derome.)  —  410  fr. 
Livre  rare  et  recherché  dans  cette  condition. 

267.  Description  de  la  ville  d'Amsterdam,  envers  burlesques, par 
Pierre  le  Jolie.  Amsterdauiy  1666,  in-12,  lit.    gr.,    br.    non 
rogné.  —  400  fr. 
Joli  volume  imprimé  par  les  Elzeviers.  Rare  et  précieux  dans  cette 

condition. 

313.  La  Paysane  pervertie,  ou  les  Dangers  de  la  ville  (par  Rélif  de 
la  Bretonne).  Paris^  1784,  4  vol.  in-12,  fig.,  d.-rel.  — 141  fr. 

317.  Rétif  de  la  Bretonne.  L'Année  des  dames  nationales.  Paris^ 
1794,  12  vol.,  fig.,  dos  et  coins  de  mar.  r.,  dor.  en  tête,  non 
rog.  —  200  fr. 

327.  Il  Decameron  di  messer  Giovani  Boccacci.  Amsterdamo 
{Elzévir  à  la  Sphère)^  166S,  in-12,  mar.  cit.,  fil.comp.  à  petits 
fers,  tr.  dor.  —  160  fr. 

Belle  reliure  (haut.  146  mill.). 

328.  Les  Mille  et  une  Nuits,  PariSy  1822-25,  6  vol.  gr.  in-8, 
d.-rel.,dos  et  coins  de  mar.  r.,dor.  en  tête,  non  rog.  (iCa?/^r.) 
—  260  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier  vélin,  avec  les  figures  de  Chasselat,  sur 
chine  avant  la  lettre. 

353.  OEuvres  de  J.  L.  Guez  de  Balzac.  6  vol.  pet.  in-12,  mar. 
r.,  fil.  tr.  dor.  {Thibaron,)  —  300  fr. 

402.  Histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de  Lyon,  par  la  Mure. 
Lyon^  Marcelin  Gauthier^  1670,  in-4,  mar.  r.,  fil.  tr.  dor. 
{Belz^Niédrée.)  —  150  fr. 

405.  Histoire  généalogique  des  Païs-Bas,  ou  Histoire  de  Cambray 
et  du  Cambresis,  par  Jean  le  Garpentier.  Leide^  1664,  3  voL 
in-4,  V.  br.  —  112  fr. 

Exemplaire  complet,  avec  la  grande  planche  des  États.  Cet  excellent 
ouvrage,  devenu  rare,  est  enrichi  des  généalogies,  éloges  [et  armes  des 
comtes,  ducs,  évêques  et  archevêques,  et  près  de  quatre  mille  familles 
nobles,  tant  des  XYII  provinces  que  de  France,  qui  y  ont  possédé  des 
terres,  des  bénéfices  et  des  charges,  y  ont  été  alliées  par  mariages  ou  y 
ont  laissé  des  marques  de  leur  piété  dans  les  églises  ou  hôpitaux. 


A 


y 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  237 

41  i.  Chronica  regni  aragonum.  200  pag.  sur  véliii,  iu-fol  ,  rel. 
du  temps  à  compart.,  ferm.  {Très-remarq,  reL)  —  500  fr. 

Manuscrit  «ur  peau  de  vélin,  du  quinzième  siècle,  avec  la  première 
page  miniaturée  et  de  nombreuses  lettres  capitales.  Dans  Tcncadrement 
orné  du  premier  feuillet  de  texte,  on  remarque  les  armes  des  ducs  de 
Calabre,  supportées  par  deux  anges. 

416.  Las  Obras  de  Bartholomeo  de  las  Casas.  Seuilla  en  Casa  de 
Seb.  Trugilla^  1552,  iii-4,  goth.,  mouton  vert,  fil.  tr.  dor.  — 
300  fr. 


NOUVELLES  ET  VARIÉTÉS. 


LE  MONUMENT  DE  PAUL-LOUIS  COURIER. 

Le  village  de  Verelz,  en  ïouraine,  a  vu,  dimanche  16  juillet, 
l'inauguration  du  monument-médaillon  consacré  à  Paul-Louis 
Courier. 

I\trange  destinée  que  celle  de  ce  coin  de  terre,  qui  apparaît,  à 
trois  reprises,  dans  notre  histoire. 

La  première  fois,  c'est  en  plein  dix- septième  siècle,  Rancé,  ras- 
sasié du  monde,  y  vient  mûrir  son  projet  de  retraite  à  la  Trappe. 
Il  en  fait  une  étape  entre  le  cercueil  de  Mme  de  Montbazon  et  la 
couche  de  cendres  où  s'endormiront  ses  longs  repentirs. 

Un  peu  plus  tard,  et  au  déclin  du  siècle  suivant,  le  duc  d'Ai- 
guillon installe  dans  le  château  de  Rancé  Télégante  corruption  de 
la  cour  de  Louis  XV.  Ce  ne  sera  pas  assez  pour  la  société  raffinée 
qui  se  presse  autour  de  lui  d'avoir  épuisé  tous  les  plaisirs.  Il  leur 
faudra  démoraliser  jusqu'à  l'imprimerie ,  et  des  presses  du  châ- 
teau de  Veretz  sortira  un  livre ,  le  Cosmopolite ,  qui  étonnera  le 
monde  par  l'audace  de  ses  gravelures. 

La  Révolution  passe  sur  celte  orgie  :  l'épopée  impériale  clôt 
son  dernier  chant,  et,  la  Restauration  venue,  Veretz  reparait  une 
troisième  fois.  Il  est  devenu  le  quartier  général  d'un  pamphlé- 


238  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

taire  qui  a  repris ,  sans  le  vouloir  ou  sans  le  savoir ,  la  tradition 
du  duc  d'Aiguillon.  Même  absence  de  moralité,  même  enragement, 
conscient  ou  non,  contre  les  principes  constitutifs  de  tout  ordre  so- 
cial. Seulement  la  question  littéraire  a  fait  un  pas  énorme  ;  aux 
collaborateurs ,  bommes  et  femmes  y  du  duc  d'Aiguillon ,  assez  à 
court  de  style  et  d'érudition ,  a  succédé  un  écrivain  de  premier 
ordre  y  un  lettré  à  outrance ,  familiarisé  par  de  patients  travaux 
avec  toutes  les  ressources  de  la  langue,  et  qui  réalisera  ce  type  in- 
supportable de  «  l'accord  d'un  beau  talent  et  d'un  odieux  carac- 
tère. »  • 

Grand  talent  assurément,  et  qui  s'impose  à  l'admiration  par  la 
plénitude  de  ses  moyens  et  l'harmonieux  emploi  de  ses  forces  ;  esprit 
amoureux  de  l'antiquité  jusqu'à  en  renverser  son  encrier  sur  un 
manuscrit  de  Longus  ;  érudition  armée  de  toutes  pièces ,  sachant 
sur  le  bout  du  doigt  ou  de  la  plume  tout  ce  qu'on  peut  demander 
à  la  langue  et  en  obtenir  ;  écrivant  par  jeu  le  français  d'Amyot, 
de  manière  à  dérouter  les  juges  les  plus  clairvoyants  ;  mais  grand 
surtout,  au  point  de  vue  du  style,  pour  avoir  définitivement  loca- 
lisé son  admiration  et  son  étude  dans  la  plus  belle  période  de 
notre  histoire  littéraire,  dans  ce  grand  dix-septième  siècle^  dont 
il  a  dit  qu'une  femmelette  était ,  comme  écrivain,  supérieure  à  tous 
les  Voltaire  et  tous  les  Rousseau. 

Voilà  l'homme,  en  tant  que  faiseur  de  livres.  On  relira  ses  pam- 
phlets et  ses  lettres,  ses  lettres  surtout,  toute^  les  fois  qu'on  yon- 
dra  se  procurer  une  exquise  sensation  littéraire.  Nous  ne  nous 
donnerons  pas  le  tort  d'insister ,  après  Sainte-Beuve,  sur  les  qua- 
lités de  ce  rare  esprit ,  dont  on  pourrait ,  en  cherchant  bien  ,  re- 
trouver plus  près  de  nous  la  monnaie.  Pour  ne  citer  qu'un  nom, 
nous  prendrons  Mérimée.  Il  a  eu,  comme  lui,  sinon  de  lui,  sur- 
tout dans  ses  Lettres  à  une  inconnue,  le  don  de  voir  dans  une 
scène  passée  sous  ses  yeux  ce  qui  était  à  voir,  et  d'en  fixer  ce  qui 
était  à  fixer.  Ce  n'est  pas  un  petit  talent  que  de  faire  aller  son  ob- 
servation où  elle  doit  aller  et  de  faire  prendre  le  même  chemin  à 
sa  plume.  Il  y  a,  dans  les  lettres  de  P.-L.  Courier,  tel  tableau  de 
halte  de  soldats  dans  une  ville  forcée,  qui  est,  dans  ce  genre,  un 
modèle  achevé.  A  beaucoup  d'endroits  de  ces  lettres ,  on  sent  ce 
frisson  que  donne  la  présence  du  génie.  Deus^  ecce  Deus  !  c  Un 
esprit,  dit  Job,  a  passé  devant  ma  face,  et  le  poil  de  ma  chair  s'est 
hérissé  !  » 


^ 


NOUVELLES  ET  VARIÉTÉS.  230 

Pourquoi  faut-il  que  ces  éminentes  qualités  aient  reçu  un  si 
triste  emploi  ?  Esprit  absolument  faux  et  affolé  par  un  égoïsme  à 
courte  vue,  P.-L.  Courier  appartient,  par  ses  tendances,  à  la 
queue  de  l'école  de  Voltaire,  et  Tordre  de  pensées  dans  lequel  il 
se  yautre  est  un  pur  bourbier.  Hostile  à  TEmpire,  dès  que  l'Em- 
pire a  tendu  à  devenir ,  ne  fût-ce  que  dans  son  propre  intérêt,  le 
symbole  de  la  reconstitution  sociale,  il  a  fait  contre  la  Restau- 
ration et  les  principes  de  salut  qu'elle  représentait  le  serment 
d'Annibal  ;  et  ce  serment,  il  l'a  merveilleusement  et  désastreuse- 
ment  tenu.  Où  chercher  le  secret  de  cette  vendetta  ?  Faut-il  s'en 
prendre  aux  difficultés  de  sa  carrière  militaire,  et  ne  serait-ce 
qu'une  question  ^annuaire?  Ou  bien,  issu  d'une  union  troublée 
et  destiné  aux  mêmes  déceptions,  lui  a-t-il  manqué  les  en^igne- 
ments  de  la  famille  et  Tapaiisement  qui  ressort  d'un  milieu  hon- 
nête ?  Mystère  que  nous  éviterons  de  sonder.  De  l'homme  privé, 
nous  dirons  peu  de  chose.  A  propos  de  son  monument  et  déjà  bien 
avant,  sa  vie  a  été  sévèrement  étudiée  et  justement  condamnée. 
Nous  ne  réagirons  pas  contre  cette  condamnation.  Toutefois  il  est 
un  point  sur  lequel  nous  nous  séparerons  de  ses  derniers  bio- 
graphes. On  a  été  jusqu'à  mettre  en  doute  son  courage  militaire  : 
en  quoi  il  semble  qu'on  a  dépassé  le  but.  Qu'on  se  rappelle  Cou- 
rier s' oubliant,  le  jour  de  l'évacuation  de  Rome  par  les  Français, 
à  copier  un  texte  à  la  bibliothèque  du  Vatican,  et  obligé  de  tra- 
verser seul  la  ville  en  uniforme,  au  milieu  des  cris  de  mort,  même 
de  quelques  coups  de  fusil  adressés  au  giaccobino.  En  tout  cas, 
ce  jour-là,  le  goût  de  l'érudition  l'aurait  largement  emporté  sur  le 
sentiment  de  la  conservation.  C'est  bien  le  même  homme  qui ,  au 
milieu  des  horreurs  de  la  guerre,  s'apitoie  sur  la  statue  antique 
dont  le  bras  a  été  atteint  par  un  biscaïen  ! 

Ce  qui  est  malheureusement  plus  à  sa  charge  et  échappe  à  toute 
justification,  c'est  que  dans  sa  guerre  à  la  Restauration,  Courier 
ne  peut  se  laver  du  reproche  de  mauvaise  foi.  Adversaire  déclaré 
de  l'Empire ,  il  a  été  jusqu'à  oublier  qu'il  en  avait  constamment 
fait  litière,  et  à  s'en  servir  comme  d'un  engin  de  guerre  contre 
le  gouvernement  qui  lui  avait  succédé.  Ce  sont  de  ces  procédés  à 
la  Béranger  pour  lesquels  on  n'est  pas  assez  sévère,  et  il  était  le 
dernier  à  pouvoir  s'écrier,  à  propos  de  villageois  quon  empé" 
chait  de  danser  :  «  Qui  l'eût  dit  à  Austerlitz?  »  lui  qui  s'était 
montré  moins  que  médiocrement  soucieux  des  gloires  de  Tépoque 


240  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

impériale  1  Dans  uu  ordre  d'idées  analogue,  cette  mauvaise  foi 
éclate  au  sujet  des  souvenirs  qu'il  évoque  de  Tancienne  monarchie 
Il  n'a  pas  craint,  dans  son  Simple  discours  contre  la  souscription 
de  Chambord,  en  parlant  de  la  plus  brillante  époque  du  grand 
siècle,  de  montrer  «  la  porte  par  laquelle  entrait,  le  soir,  la  maî- 
tresse du  roi,  et  le  matin,  son  confesseur.  »  Ces  ignorances  sont 
jusqu'à  un  certain  point  pardonnables  à  un  journaliste  de  plus  de 
parti  que  de  science  ;  mais  de  la  part  de  Courier,  il  y  a,  pour  ap- 
peler les  choses  par  leur  nom,   calomnie  préméditée.   Il  sufiit 
d'avoir  lu ,  même  légèrement ,   Saint-Simon ,  pour  savoir  que 
Louis  XIV  s'abstint  toujours  de  pratiques  religieuses  durant  le 
cours  de  ses  liaisons  irrégulières,  adultères  si  Ton  veut.  Pressé 
par  ses  ministres  d'accomplir  des  actes  publics  de  dévotion  dans 
lesquels  ils  ne  voyaient  qu'un  moyen  de  gouvernement ,  il  recula 
constamment    devant    le    sacrilège.    Les  Souvenirs  de  Mme  de 
Caylus  sont  là,  et  bien  d'autres  mémoires  du  temps.  Comment  ad- 
mettre que  Courier  ait  ignoré  ces  choses  élémentaires,  et  n'est-il 
])as  plutôt  supposable  que,  pour  les  besoins  de  sa  thèse,  il  a  créé 
un  dix-septième  siècle  de  fantaisie?  Délibérément  il  s'est  dit  : 
Calomnions  !  et  il  en  est  resté  quelque  chose,  à  savoir  :  un  certain 
nombre  de  pages  exquises  comme  forme  ,  et  qui  appelaient ,  en 
etiet ,  une  statue ,  mais  une  statue  à  élever ,  comme  celle  que  Jo- 
seph de  Maistre  proposait  pour  Voltaire,  par  la  main  du  bouf' 
reau» 

ËDÛn,  voilà  Courier  pourvu  d'un  médaillon,  et  de  longtemps, 
sans  doute,  il  ne  sera  plus  parlé  de  Veretz.  Dans  le  concert  d'ap- 
préciations diverses  qui  s'est  élevé  à  Toccasion  de  cette  petite  fête,  ' 
nous  avons  voulu  fixer  une  impression  à  la  fois  morale  et  litté- 
raire, en  restant ,  à  ces  deux  points  de  vue ,  en  dehors  de  la  cri- 
tique proprement  dite.  On  remarquera,  en  effet,  si  l'on  veut  s'en 
donner  la  peme ,  que  nous  nous  sommes  tenu  en  deçà  de  la  fonc- 
tion du  critique,  en  évitant  de  relever,  ne  fût-ce  que  pour  les  ré- 
futer, les  arguments  qui  pourraient  être  invoqués  contte  nos 
conclusions  morales  d'une  part,  et,  d'autre  part,  les  objections 
que  pourrait  soulever  notre  admiration  littéraire.  Ces  objections 
se  rencontrent  d'ailleurs  dans  les  Causeries  du  lundi ^où.  Sciinte- 
Beuve  a  signalé  le  plus  grand  grief  que  l'on  puisse  imputer  à  la 
prose  de  Courier,  la  tendance  qu'ont  les  membres  de  sa  phrase 
à  prendre,  principalement  dans  ses  pamphlets,  la  forme  d'un 


NOUVELLES  ET  VARIÉTÉS.  2^1 

alexandrin.  Cette  dispositiou  poétique  n'est  rien  quand  elle  abou- 
tit au  vers  brisé,  et  la  prose  de  Molière  en  fournirait  de  nombreux 
exemples  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  quand  il  s'agit  de 
Talexandrin,  et  nous  avertirons  ceux  de  nos  lecteurs  qui  voudraient 
relire  Courier  ^  d'éviter  soigneusement  de  remettre  sur  ses  pieds 
le  premier  vers  qu'ils  y  rencontreront,  à  peine  d'être  obsédés  par 
l'attente  des  autres  et  de  voir  disparaître  sous  cette  préoccupation 
le  charme  purement  littéraire  qu'ils  pourraient  retirer  à  cette  lec- 
ture. 

W.  O. 


CHRONIQUE 


\i:cROLOciE.  Mme  George  Sand  est  morte  le  8  juin  dernier. 
C'est  affaire  à  la  presse  quotidienne  et  aux  revues  qui  vivent 
intellectuellement  au  jour  le  jour  d'exalter  à  l'infini  l'artiste  et 
l'œuvre.  Le  Bulletin  sera  plus  réservé.  Question  de  goût  et  d'ha- 
bitudes littéraires.  Nos  lecteurs  ont  pu,  à  un  moment  donné, 
subir  la  fascination  de  cet  incontestable  talent,  mais  à  coup  sûr 
ils  ne  se  sont  jamais  abusés  sur  sa  valeur  réelle,  non  plus  que  sur 
ses  tendances.  Nous  espérons  donc  qu'ils  nous  sauront  gré  de 
n'avoir  pas  perdu  la  tête  dans  ce  débordement  d'éloges,  et  qu'ils 
retrouveront  dans  nos  réserves  une  interprétation  telle  quelle  de 
leur  pensée. 

Ces  réserves  ne  vont  point  jusqu'à  contester  à  l'écrivain  tout 
droit  au  succès  qui  a  accueilli  l'ensemble  de  son  œuvre.  Pendant 
plus  de  quarante  ans,  à^Indiana  (1833)  à  Flamarande  (1875), 
G.  Sand  a  tenu  en  haleine  un  public  de  lecteurs  qui  s'est  plu- 
sieurs fois  renouvelé.  Jusqu'au  dernier  moment,  et  sauf  quelques 
lacunes,  elle  a  su  attirer  et  retenir  ce  public  ;  mais,  il  faut  bien 
le  dire,  c'est  moins  par  l'effort  littéraire  qu'elle  l'avait  conquis 
que  par  un  attrait  moins,  relevé  qui  relie  entre  elles  toutes  les 
classes  de  lecteurs  à  quelque  catégorie  intellectuelle  qu'elles  ap- 
partiennent. Elle  a  su  amuser^  et  il  faut  d'autant  plus  y  voir  un 
don  personnel  que,  maintes  fois,  elle  a  fait  tout  son  possible  pour 


2k2  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

tuer  en  elle  celte  précieuse  faculté,  engagée  qu'elle   était  à  la 
poursuite  d'une  thèse  sociale  —  ou  antisociale. 

On  trouvera  peut-être  que  nous  faisons  bon  marché  du  talent 
de  G.  Sand,  et  Ton  aurait  raison  si  l'on  se  plaçait  exclusivement 
au  point  de  vue  du  roman  moderne;  mais  pour  peu  que  l'on 
consente  à  étendre  son  horizon  et  à  se  demander  quelles  sont  les 
conditions  du  grand  art,  on  reconnaîtra  sans  peine  que  G.  Sand 
reste  loin,  bien  loin  des  maîtres.  De  Taveu  de  tous,  elle  procède 
littérairement  de  J.  J.  Rousseau  :  or,  étant   admis  que  Fart  de 
Rousseau  est  déjà  un  art  de  décadence,  il  est  facile  de  pressentir 
les   résultats  insufHsants   de   cette   ûUation.  £n  vain  y  a-t-elle 
ajouté  quelques  éléments  empruntés  à  Bernardin  de  Saint-Pierre 
et  à  Chateaubriand  :  tout  cela  n'arrive  encore  à  constituer  qu'un 
actif  discutable.  Pour  laisser  une  trace  dans  les  lettres,  il  faut, 
surtout  au  point  de  vue  du  style,  avoir  vécu  dans  la  familiarité 
des  maîtres,  principalement  dans  celle  des  grands  écrivains  du 
dix-septième  siècle,  et  rien  dans  Freuvre  de  G.  Sand  n'en  vient 
évoquer  le  souvenir.  Elle  a  beau,  dans  l'histoire  de  sa  vie,  parler 
de  ses  lectures,  rien  ne  semble  exister  pour  elle  avant  Rousseau. 
Ce  n'est  qu'aux  époques  de  pensées  élevées  et  de  noble  langage 
qu'il  est  possible  d* arriver  au  chef-d'œuvre  en  dehors  d'un  grand 
fonds   de    lumières    acquises.   On  conçoit  Mme   de  la  Fayette 
écrivant  la  Princesse  de  Clèi^es  avec  les  seules  forces  que  donne 
la  grande  conversation  et  le  bel  usage  poussé  jusqu'à  l'héroïsme 
(et  encore  se  tromperait-on,  car  Mme  de  la  Fayette  était,  comme 
Mme  de  Sévigné,  armée  de  toute  espèce  d'études);  mais  dans  une 
société  aussi  affaissée,  littérairement  parlant,  que  la  nôtre,  il  faut, 
avant  toutes  choses,  un  certain  fonds  d'érudition  correspondant 
à  une  main  exercée,  et  c'est  ce  qui  a  souvent  manqué  à  G.  Sand, 
dont  Tœuvre  saisit  plus  par  son  abondance  que  par  toute  autre 
qualité.  Elle  a  ignoré  ce  qui  fait  l'œuvre  achevée  dans  le  genre 
qu'elle  cultivait,  la  concentration.  On  lira  ses  romans  (jusqu'à 
quand  ?)  pour  occuper  les  heures  oisives,  mais  on  n'y  cherchera 
jamais  cette  jouissance  élevée  que  donne  la  lecture  d'un  chef- 
d'œuvre.  Aussi  assistons-nous  déjà  à  la  désagrégation  de  l'édifice 
littéraire  sorti  de  ses  mains.  Imliana^  Valentine^  Jacques^  Lélia 
[Lélia  surtout)  commencent  à  toïçbcr  en  poussière.  Ainsi  est-il 
arrivé  des  œuvres  de  Rousseau,  et  qui  Ht  aujourd'hui  la  Nouvelle 
Héloïse  ?  Que  dire  après  cela  des  romans-thèses  qui  ont  rem* 


CHRONIQUE.  2W 

pli  la  plus  grande  partie  de  l'existence  laborieuse  de  G.  Sand? 
L'ennui  qui  s'en  dégage  aura  encore  servi  à  hâter  leur  dëcona- 
position. 

Il  est  impossible  de  parler  de  G.  Sand  sans  dire  un  mot  de  ses 
tendances.  Elle  n'a  pas  écrit  comme  l'oiseau  chante,  ni  pour  faire 
face  aux  nécessités  matérielles  de  la  vie.  On  ne  pourrait  peut-être 
citer  d'elle  qu'un  seul  roman  écrit  absolument  dans  ces  condi- 
tions :  c'est  son  premier,  Rose  et  Blanche,  où  elle  a  essayé,  en 
collaboration  avec  M.  J.  Sandeau,  de  saisir  le  faire  de  Pigault- 
Lebrun,  moins  encore,  celui  de  Raban  (i).  Tous  le  reste  de  son 
œuvre  a  été  plus  ou  moins  consacré  à  la  poursuite  d'un  but  phi- 
losophique. La  donnée  fondamentale,  c'est  la  justification  inces- 
sante de  la  femme  émancipée,  justification  affectant  le  plus  sou- 
vent le  caractère  d'une  plaidoirie  personnelle.  Tel  a  été  le  thème 
constant  de  l'œuvre  de  G.  Sand,  depuis  les  romans  dont  nous 
avons  cité  les  titres.  Dans  cet  ordre  d'idées,  le  plus  excentrique 
aura  été  assurément  Lucrezia  Floriani,  qui  n'est  autre  chose  que 
l'épopée  d'une  Samaritaine  quatre  fois  mère  dans  des  associations 
diverses,  et  dont  on  ne  cesse  de  nous  Vanter  la  chasteté.  Parallè- 
lement à  cette  préoccupation,  G.  Sand  a,  sous  l'influence  de  ses 
relations  du  moment,  j'entends  les  plus  intimes,  abordé  successi- 
vement l'apologie  de  divers  systèmes  philosophiques.  Ici  le  roman- 
thèse  se  double  du  roman- reflet.  Elle  a,  sous  le  passe-port  de  son 
talent,  célébré  les  idées  socialistes  dont  l'aventure  de  1 848  aurait 
dû  suffire  à  démontrer  l'impuissance  pratique.  C'est  à  cette  épo- 
que également  qu'il  faut  faire  remonter  les  divagations  politiques 
dont  elle  a  consigné  la  quintessence  naïve  dans  le  fameux  «Se/z/^/ne 
bulletin  de  la  République,  L'impression  qui  se  dégage  de  cet  en- 
semble, la  résultante  morale  de  ce  constant  effort  a  été  résumée 
ainsi  par  Chateaubriand  (2)  :  «  L'insulte  à  la  rectitude  de  la  vie  ne 
saurait  aller  plus  loin,  il  est  vrai,  mais   Mme  Sand  fait  descen- 
dre sur  l'abîme  son  talent,  conmie  j'ai  vu  la  rosée  descendre  sur 
la  mer  Morte.  »  Paroles  sévères! 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  dénombrer  tous  les  romans  pu- 
bliés par  G.  Sand.  On  aurait  déjà  assez  à  faire  de  catégoriser  les 
préoccupations  auxquelles   ils  correspondent.  Roman   religieux, 

(1)  On  trouvera  le  début  ultra-réaliste  de  ce  roman  dans  le  Dielion^ 
naire  des  pseudonymes  (2«  édition),  de  M.  d'Heylli. 
(1)   rîe  de  Rancé, 


24(1  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

roman  social ,  esthélique ,  musical ,  dramatique  ,  entomologie 
que,  etc.,  etc.  Sous  chacune  de  ces  formules,  on  pourrait  réunir 
plusieurs  titres.  Nous  citerons  encore  le  roman  autobiographique 
[Elle  et  lui),  qui  est  une  pire  date  dans  la  vie  littéraire  de 
G.  Sand. 

Et  son  théâtre  !  Plus  volontiers  nous  nous  y  arrêterions,  car, 
ainsi  que  l'a  remarqué  M.  L.  Veuillot  (1),  autant  G.  Sand  s'est 
donné  carrière  dans  ses  romans  pour  prêcher  les  plus  funestes 
doctrines,  autant  son  théâtre  présente  de  pensées  honnêtes  et  de 
mœurs  pures,  «  preuve  d'un  très-grand  sens  littéraire  »  (2);  mais 
l'espace  qui  nous  est  concédé  est  déjà  outre-passé,  et  il  ne  nous  en 
reste  que  ce  qu'il  faut  pour  recommander  à  nos  lecteurs  V Histoire 
de  ma  vie.  C'est,  au  point  de  vue  de  l'histoire  littéraire  contem- 
poraine, une  mine  précieuse  où  nous  aurons  plus  d'une  fois  oc- 
casion de  puiser. 

Sociétés  savantes.  La  Société  de  l! histoire  de  Paris  et  de  V Ile- 
de-France  a  publié  le  deuxième  volume  de  ses  Mémoires,  Entre 
autres  articles,  nous  signalerons  une  Histoire  de  la  seigneurie  de 
Bures,  Dans  ce  résumé  des  vicissitudes  d'un  coin  de  terre,  et  en 
passant  en  revue  les  diverses  familles  qui  en  ont  porté  le  nom, 
l'auteur  a  quelquefois  trouvé  une  note  émue.  Bien  que  le  «  Il  me 
reste  d'avoir  pleuré  »  d'Alfr.  de  Musset  ne  soit  guère  de  mise  en 
érudition,  cela  repose  un  peu  des  dissertations  sur  la  Monnaie 
Parisis,  Nous  recommanderons  encore  des  Conjectures  sur  t au- 
teur du  Journal  Parisien,  de  1409  à  1449,  plus  connu  sous  le 
titre  de  «  Journal  d'un  Bourgeois  de  Paris.  »  Grâce  à  M.  A. 
Longnon,  c'est  maintenant  chose  acquise  pour  la  science  histori- 
que que  l'auteur  de  ce  journal  est  Jean  Beaurigout,  curé  de  Saint- 
Nicolas  des  Champs. 

La  dernière  livraison  du  Bulletin  de  cette  Société  (mars- 
avril  187(5)  revient  sur  l'interminable  question  du  genre  de  mort 
de  J.  J.  Rousseau,  que  nous  avons  effleurée  dans  une  de  nos 
dernières  chroniques,  en  parlant  de  la  Revue  de  France.  On 
produit  des  procès-verbaux  de  chirurgiens  de  village  qui  ten- 
draient à  faire  accepter  pour  authentique  la  version  qui  attribue 
;\  une  apoplexie  céreuse  (comme  ils  écrivent)  la  mort  de  Rous- 


(1)  Çàet  là,  t.  II. 

(2)  )bid. 


\« 


CHRONIQUE.  2kb 

seau.  Nous  ne  rentrerons  pas  dans  rénumëralion  des  motifs  que 
nous  avons  déjà  donnés  en  faveur  de  l'opinion  contraire,  celle  du 
suicide.  Tant  que  n'aura  pas  été  établie  l'inexactitude  des  récits 
qui  s'accordent  à  nous  montrer  Rousseau  faisant,  dès  le  matin 
du  jour  fatal,  pressentir  la  catastrophe  qui  approchait,  nous  per- 
sisterons à  l'en  croire  complice.  Ce  dénoûment  est  d'ailleurs  tel- 
lement en  harmonie  avec  son  dérangement  d'esprit  toujours  crois- 
sant, qu'il  saisit  par  sa  vraisemblance.  Sur  la  question  du  suicide, 
Corancez  se  résumait  ainsi,  en  dernière  analyse  :  «  Je  n'en  sais  rien, 
mais  je  le  crois.  »  Pour  un  peu,  nous  serions  disposé  à  dire  :  «  Je 
n'en  sais  rien,  mais  j'en  suis  sûr.  »  Nous  avouons,  du  reste,  nous  être 
inutilement  creusé  la  tête  pour  saisir  le  sens  de  cette  croisade  res- 
pectable en  faveur  de  la  mort  naturelle  de  Rousseau.  A-t-on  voulu 
simplement,' et  par  pure  admiration  littéraire,  éviter  à  sa  mémoire 
une  contradiction  entre  ses  écrits  et  ses  actes?  Ce  serait  un  bien  mai- 
gre but,  et  sa  tirade  prétentieuse  contre  le  suicide  ne  comportait 
pas  tant  de  soins.  Rousseau  n'est  pas  tellement  parmi  les  bienfai- 
teurs de  l'humanité  qu'il  faille,  dès  à  présent,  nettoyer  sa  légende 
d'une  conclusion  si  bien  d'accord ,  en  résumé,  avec  l'incertitude 
de  ses  principes.  Et  ici  nous  ne  parlons  qu*à  un  point  de  vue 
général,  et  sans  faire  entrer  en  compte  les  autres  actes  de  sa  vie, 
qui  ne  prêtent  pas  davantage  à  un  panégyrique  absolu.  En  un 
certain  sens,  on  lui  fait  tort  de  vouloir  le  rejeter  rétrospectivement 
dans  la  règle  morale  commune,  et  nous  ofiFrons  à  parier  que  les 
encomiastes  qui  se  préparent  pour  le  futur  centenaire  repousse- 
ront, comme  elle  le  mérite,  cette  ingérence  des  esprits  arriérés 
qui  voudraient  assujettir  à  la  règle  morale  commune  un  des 
pionniers  du  chaos  moderne.  On  toastera  à  Rousseau  suicidé  et 
l'on  sera  conséquent.  11  serait  temps  de  l'être  dans  tous  les  camps  : 
Iliacos  intra  muros,,,,  et  extra. 

Varia.  Voici  les  ventes  finies  pour  cette  année.  Nous  avons  tenu 
nos  lecteurs  au  courant  des  plus  importantes,  et  le  Bulletin  a  cru 
devoir,  en  donnant  les  principaux  prix  de  la  collection  Lebœuf, 
émettre  sur  le  goût  moderne  quelques  considérations  dont  nous 
n'avons  rien  à  retrancher.  Il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  les 
points  de  vue  se  sont  tant  soit  peu  déplacés  depuis  quelques  an- 
nées et  que  la  vogue  est  actuellement  acquise  à  des  cmnosités 
d'un  ordre  secondaire  qui  eussent  été  médiocrement  prisées  par 
les  grands  amateurs  qui  ont  tenu,  pour  ainsi  parler,  sur  les  fonts. 


246  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

le  Bulletin  du  Bibliophile,  N'essayez  pas  de  parler  d'incuna- 
bles, de  gothiques,  d'Aides  à  une  génération  de  bibliophiles  intel- 
lectuellement nés  d'hier  et  dont  la  vocation  est  le  plus  souvent 
venue  par  la  grâce  d'un  coup  de  Bourse.  Encore  leur  faut-il  sa- 
voir gré  du  goût  qu'ils  témoignent  pour  les  éditions  originales  de 
nos  grands  et  petits  classiques.  Sous  ce  rapport,  ils  sont  dans  une 
excellente  voie.  En  revanche,  nous  n'en  saurions  dire  autant  de 
l'importance  attribuée  aux  publications  à  estampes  galantes^  du 
dix-huitième  siècle.  On  ne  peut  faire  avec  cela  un  fonds  de  biblio- 
thèque. Mais,  quel  mot  venons-nous  de  prononcer  ?  II  n'y  a  plus 
de  bibliothèques.  Ce  qui  passe  maintenant  en  vente,  ce  sont  des 
cabinets  d'amateurs  :  des  collections  sans  ordre  ni  méthode,  qui 
attestent  par  les  lacunes  de  leurs  cadres  la  frivolité  (nous  n'osons 
dire  l'ignorance)  de  leurs  heureux  possesseurs.  Dans  un  ordre 
d'idées  plus  relevées,  et  en  nous  mettant  au  point  de  vue  du  mo- 
raliste, ce  goût  excessif  pour  le  dix-huitième  siècle  «  ne  nous  dit 
rien  qui  vaille.  »  Il  revient  à  la  pensée  que  de  la  société  des 
fermiers  généraux  qui  ont  fait  les  frais  de  l'édition  célèbre  des 
Contes  de  la  Fontaine^  quarante  membres  ont,  en  un  même  jour 
de  l'an  II,  porté  leur  tête  sur  l'échafaud.  Il  nous  fâcherait  d'assis- 
ter à  une  pareille  fin  d'orgie. 

Nous  aurions  bien  aussi  un  mot  à  dire  des  prix  exorbitants 
donnés  en  vente  publique  pour  tels  ou  tels  livres,  mais  nous  avons 
présente  à  la  mémoire  la  réponse  faite  par  un  amateur  des  ventes 
au  directeur  même  du  Bulletin,  lequel  lui  faisait  observer,  avec 
bienveillance,  qu'il  trouverait  en  librairie  les  mêmes  livres  à  un 
prix  inférieur,  de  moitié  au  moins,  à  celui  des  enchères.  «  Je  fe 
sais,  a  répondu  cet  amateur.  Mais  en  achetant  ainsi,  je  n^aurais 
pas  le  plaisir  de  pousser.  »  Et  notez  que  cet  amateur  s'appelle 
légion.  Puisqu'il  en  est  ainsi,  «  Messieurs,  faites  votre  jeu  ;  »  et 
puissiez-vous  ne  pas  éprouver  trop  de  déceptions,  car  dans  l'oreani- 
sationdes  ventes  publiques,  tout  n'est  pas  parfait.  Comme  exemple, 
voici  un  petit  fait  qui  nous  a  été  rapporté.  Vous  êtes  bibliophile, 
et  vous  savez  qu'il  doit  être  vendu  tel  jour  un  livre,  objet  de  vos 
désirs.  Vous  allez  le  voir  à  V exposition  et  vous  assurer  qu'il  est 
d'une  conservation  parfaite.  Là-dessus  commission  de  l'acheter  à 
t  out  prixy  et  le  soir  même  vous  tenez  entre  vos  mains  cette  pré- 
cieuse conquête,  mn\s  en  constatant  au  titre  une  déchirure  qui 
n'existait  pas  quelques  heures  auparavant.  Que  faire  ?  Rendre  le 


CHRONIQUE.  247 

livre  et  rentrer  dans  sod  argent?  Mais  il  s'agit  d'un  exemplaire 
unique,  ardemment  désiré  depuis  nombre  d'années.  On  voit  d'id 
la  situation  qui  se  r^smne  en  un  peu  de  bonheur  largement  mé- 
langé d'amertume.  Nous  avons  vu  la  victime  d'un  incident  de  ce 
genre  ;  nous  avons  tenté  de  la  réconforter  ;  mais,  comme  Rachel, 
elle  ne  voulait  pas  être  consolée.  Vous  en  souvenez-vous,  cher 
monsieur^Tecliencr  ? 

Pour  quitter  ce  sujet  pénible  et  pour  ramener  la  sérénité  dans 
rSme  de  nos  lecteurs,  nous  terminerons  cette  chrouique  par  quel- 
ques mois  sur  une  très-riche  collection  dont  tout  Paris  (j'entends 
le  Paris  artiste  et  bibliophile)  a  entendu  parler.  Au  risque  d'être 
indiscret,  nous  essayerons,  sans  trop  espérer  réussir,  de  traduire 
les  impressions  d'un  amateur  fervent  qui  a  été  admis  à  franchir  le 
seuil  de  ce  cabinet.  Notre  plume  a  laissé,  tout  à  l'heure,  échapper 
le  nom  de  cet  amateur  :  un  peu  plus  loin  nous  dirons  celui  du 
cuneux,  que  dis-je,  de  l'érudit,  bien  plus,  de  l'écrivain  qui  a  con- 
s:icré  un  demi-sîèclc  à  former  cette  merveilleuse  collection.  La 
première  chose  qui  a  frappé  l'heureux  visiteur,  lorsque  a  été  dis- 
sipé l'éhlouissement  du  début,  c'est  un  inappréciable  recueil  d'au- 
tographes en  plusieiu's  volumes  superbement  reliés  et  enrichis  de 
tables  écrites  par  le  collectionneur  (ou  collecteur).  Il  y  a  là,  pa- 
raît-il, des  lettres  de  toutes  les  illustrations  anciennes  et  modernes 
parmi  lesquelles  l'élément  féminin  est  largement  rc|)rcsenté.  Des  . 
portraits  choisis  avec  ungi'and  goût  accompagnent  ces  lettres  dont 
plusieurs  ont  un  intérêt  historique  que  le  public  des  lecteurs  a  déjà 
été,  ou  sera  bientôt,  espérons-le,  à  même  d'apprécier. 

Après  s'être  arrachée  à  cette  contemplation,  l'attention  admira- 
tive  de  notre  informateur  s'est  portée  sw  un  volume  des  Saisons 
de  Thompson,  édition  anglaise,  ornée  à  chaque  page  d'illustra- 
tion d'ungoât  exquis.  Cest,  nous  assure-t-il  (et  il  s'y  connaît), 
mieux  réussi  qu'aucun  de  nos  livres  modernes  français.  L'exem- 
plaire est  sur  papier  de  Chine,  mais  ce  qui  en  fait  un  volume  uni- 
que, c'est  que  l'on  y  a  réuni  une  grande  quantité  de  figures  (près 
de  200),  dues  à  des  artistes  de  tout  pays,  entre  autres  des  eaux- 
fortes  de  Ch.  Jacques,  qui  s'adaptent  merveilleusement  à  la  pensée 
du  poète.  Le  tout  a  été  relié  en  un  volume,  maroquin  vert  den- 
telles, par  les  successeurs  de  Cape,  Masson  et  Dehonnelle,  qui  ont 
parfaitement  triomphé  des  diflicultcs  que  présentait  le  réenmar- 
gement  des  diverses  estampes. 


2kS  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILP:. 

Un  autre  volume  précieux  est  celui  des  Poésies  de  Mme  Tastu, 
édition  encadrée,  publiée  sous  la  Restauration  par  Mme  Tastu  elle- 
même.  Notre  époque  ne  tient  peut-être  pas  assez  compte  du  ta- 
lent de  Mme  Tastu,  dont  d'excellents  esprits  comme  Ch.  Nodier  et 
Aimé-Martin  étaient  grands  admirateurs;  mais,  quelque  opinion 
littéraire  que  Ton  professe,  il  faut,  pour  peu  que  Ton  soit  biblio- 
phile, s'incliner,  que  dis-je,  s* extasier  devant  l'exemplaire  qui  nous 
a  été  décrit,  car  il  contient,  outre  une  dédicace  en  vers  écrite  par 
Mme  Tastu  elle-même,  sur  doux  feuillets  de  vélin,  plus  d'une  cen- 
taine de  figures  dues  à  des  artistes  anglais  et  français,  et  tirées 
(bien  entendu)  sur  papier  de  Chine  et  avant  la  lettre.  Ce  n'est 
rien  encore;  mais  on  a  collé  sur  les  blancs  du  volume  laissés  par 
l'impression  une  grande  quantité  de  vignettes  et  de  fleurons,  et 
pour  éviter  une  épaisseur  anormale,  on  a  pris  soin  de  dédoubler 
préalablement  le  papier  en  ces  endroits.  Travail  prodigieux  et  d'un 
surprenant  résultat  auquel  ne  nuit  pas  une  reliure  en  maroquin 
Lavallière  à  larges  dentelles  à  petits  fers,  i*eliure  signée  d'un 
excellent  ouvrier,  Hardy,  tout  seul  !... 

La  dernière  merveille  dont  il  nous  ait  été  parlé  est  de  deux  vo- 
lumes in-(à**  sur  papier  de  Hollande,  qui  sont  la  transformation 
d'un  in-d2,  publiée  en  1862  sur  Léopold  Robert.  A  cause  de  l'é- 
paisseur du  papier,  on  en  a  fait  deux  volumes  pour  lesquels 
ont  été  tirés  des  titres.  Cet  exemplaire  unique  contient  sur 
les  marges  des  notes  manuscrites  de  l'auteur  en  quantité  suffi- 
sante pour  augmenter  du  double  le  texte  primitif,  Outre  cela,  on 
y  trouve  une  belle  lettre  autographe  de  L.  Robert  [deux  feuillets), 
et,  il  chaque  page,  des  estampes,  des  portraits  et  des  eaux-fortes, 
parmi  lesquelles  la  superbe  gravure  de  Mercuri,  les  Moissonneurs^ 
épreuve  sur  papier  de  Chine,  avant  la  lettre.  C'est  un  musée  où 
tout  a  été  choisi  avec  le  plus  grand  soin  et  qui  se  recommande  en- 
core par  une  excellente  reliure  que  Cape  aurait  signée  et  qui  est 
de  MM.  Masson  et  Debonnelle. 

Ici  s'arrêtent  les  intéressantes  révélations  dont  nous  avons  été 
le  confident.  Quant  au  nom  de  l'intelligent  possesseur  de  tant  de 
merveilles,  nos  lecteurs  auront  sans  doute  été  mis  sur  la  voie  par 
l'indication  de  l'ouvrage  sur  Léopold  Robert,  et  nous  ne  leur  ap- 
prendrons plus  rien  en  leur  disant  que  ce  curieux,  cet  érudit, 
cet  écrivain  est  M.  le  baron  Feuillet  de  Couches. 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES 


ATSC  DES 


ÉCXAmÇISSEMENTS  HISTORIQUES  ET    LITTÉRAIRES 

Chabot  db  Brion.  —  Gharlbs  IX.  —  Biron.  —  Guisb  lb 
Balafré.  —  Bcsst.  —  M"*  Mancini.  —  Princesse  de 
CoNDB.  —  AirifB  d'Autriche.  —  Montausibr.  —  Hcbt. 
—  M"*  de  La  Fayette.  —  Le  père  de  Joyeuse.  — 
CoiiTESSB  DE  Gramont.  —  SAii<rr-AiGNAif .  —  Duc  d'Or- 
léans. —  Duchesse  de  Berri.  —  Madame  Louise  db 
France.  —  Florian.  —  M"**  Geoffrin.  —  M"*  Duthb. 

BOUFFLERS  (1). 

Nous  ayons  publié  dans  le  dernier  numéro  de  la  Reuue 
des  questions  historiques^  une  étude  sur  l'amiral  Chabot  de 
Brion,  d'après  ses  lettres  inédites,  conservées  à  la  Biblio- 
thèque nationale.  Nous  donnerons  ici  quelques  courts  et 
curieux  passages  qui  n*ont  pu  trouver  place  dans  ce  travail  : 
Chabot  avait  malheureusement  la  regrettable  habitude  de 
ne  jamais  dater  ses  lettres. 

Dijon,  24  juin.  —  Il  a  appris  la  chute  du  roi  et  sa 
prompte  guérison  :  il  prie  Montmorency  de  presser  la  mise 
sur  pied  de  la  gendarmerie  et  la  réparation  des  fortifications 
des  villes,  notamment  de  Chàlon,  «  car  je  crains  et  fais 
grand  doubte  qu'il  en  adviendra  du  mal  difficile  à  rhabiller. 
Et  en  advisant  au  demeurant  que  M.  le  prince  d'Orange  est 
toujours  à  Noserey  prenant  le  passe-temps  de  la  chasse,  et 
à  ce  qui  m'a  esté  rapporté  il  a  dit  ces  jours-ci  que  j^avois 
entreprins  sur  luy  pour  le  prendre.  A  quoy  j'ay  fait  rep- 

(1)  Nous  continaoDS  notre  sérié  d'autographes  inédits  reoueiUîs  deoi 
delà,  et  dont  Tintéjrét  nous  semble  réel  en  montrant  comment  grandes 
dames,  grands  seigneurs  et  hommes  de  lettres  tournaient  autrefois  leurs 
billets. 

E.  DE  B. 

17 


250  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

ponse  que  je  n'y  ay  pensé  oncques  et  qu'il  ne  falloit  qu  il 
fust  en  double,  estant  le  roy  et  l'empereur  en  la  bonne 
amytié  qu'il  sait  Tung  avec  Taultre.  Toutes  fois  il  ne  laisse 
pas  pour  cela  d'avoir  une  bonae  garde  de  hacquebusiers 
qu'il  mène  partout  où  il  va.  » 

La  Fère,  2  août.  — ^  «  Je  bien  connu  que  ce  porteur  (le 
s*"  de  la  Mothe  envoyé  vers  le  roi)  s'est....  à  Cambrai,  car  à 
son  retour  ne  lui  souvenoit  point  qui  lui  avoit  baillé  des 
fromages,  de  sorte  qu'il  na  mangé  dans  ce  souper,  disant 
qui  ne  servira  jamais  de  vivandier  le  roi  et  vêla  que  ce  fust 
de  cette  ambassade  que  Ion  appelle  l'ambassade  de  fro- 
mages. »  (Autographe.) 

De  Paigny,  16  novembre.  —  Il  va  se  rendre  à  Fontai- 
nebleau d'après  l'ordre  du  roi.  a  J'espère  à  ce  toumoy  estre 
en  eschafaulz  si  à  propos  que  je  pourray  juger  des  coups  et 
tenir  si  bon  compte  que  rien  de  vostre  honneur  ne  souf- 
frira.  y> 

Sa  correspondance  renferme  rarement  des  demandes  de 
faveurs.  Une  fois ,  il  prie  Montmorency  de  lui  procurer 
l'abbaye  de  Toumon,  qui  était  à  son  oncle,  l'évéque  de 
Mâcon,  qui  voulait  la  faire  donner  à  Robert  de  Lénoncourt, 
neveu  de  l'archevêque  de  Reims;  «  c'est  un  bien  que  je 
désire  sur  tous  autres  » ,  elle  fut  cependant  accordée  à  Lé- 
noncourt (1598).  Une  autre  fois,  il  avait  prié  la  reine  de 
donner  l'évêché  d'Auxerre  à  l'évéque  de  Màcon,  et  celui  de 
Mâcon  à  son  cousin,  M.  de  Saint-Jean-d'Angely  (18  août 
1538,  de  Dijon)  :  «  Vous  y  aurez  un  très-bon  et  loyal  ser- 
viteur au  lieu  d'un  mauvais  garçon....  »  Le  même  jour  il 
écrivait  également  au  connétable  :  «  Je  ne  saurois  vous  trop 
mereyer  ny  tant  que  je  désire  de  ce  qu'il  vous  a  pieu  faire 
pour  M.  de  Mascon  et  pour  moy ,  car  s'est  mieux  et  très  plus 
avant  que  sy  je  y  eusse  esté  présent  >»;  il  le  presse  d'achever: 
«  et  pour  le  moing  vous  et  moy  pourront  dire  hardiment 
que  auront  poyres  et  poyriers  de  bon  chrétien  à  nostre 
commandement.  »  Chabot  ne  réussit  pas  cependant  : 
Charles  Hemard  de  Neuville  quitta  en  1538  Mâcon  pour 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES.  351 

Amiens,   et  le  siège  demeura  vacant  jusqu'en  1541,  qu'il 
fut  donné  à  Guérin  de  Narbonne. 

Nous  donnerons  ce  post-scriptum  autographe  d'une 
lettre  de  Charles  IX  à  M.  de  Matignon,  datée  de  Vincennes 
le  15  mai  1754  : 

a  Matignon^  si  vous  me  fêtes  se  servisse  de  prendre  Mon 
,  Gommery  et  Gitry  en  vie  et  me  les  amenés  je  lestimere  au 
plus  grand  servisse  que  l'on  me  scauroit  fei*e  se  que  je  vous 
mande  de  M.  de  Sansac  nest  que  pour  l'amour  de  sa  vieil- 
lesse et  ne  pensez  pas  que  je  ne  désire  fere  davantage  pour 
vous  estre  bon  mestre  (1).  » 

Le  même  dossier  nous  a  fourni  deux  lettres  du  second 
maréchal  de  Biron  ;  elles  sont  adressées  à  Villeroy,  et  par- 
ticulièrement intéressantes,  parce  qu'elles  sont  peu  anté- 
rieures à  sa  condamnation  ;  deux  autres  plus  anciennes  ont 
été  copiées  par  nous  parmi  les  pièces  de  la  vente  Gauthier  : 

«  De  Dygeon,  ce  29  may  (1595). 

«  Monsieur,  nous  sommes  à  Dygeon  avec  le  contantement 
du  peuple  et  je  croy  le  grand  déplaisir  de  M.  du  Mayne , 
voyla  où  l'un  perd  l'autre  gaingne  :  je  vous  suplie  que  je 
scache  des  nouvelles  du  roy  bien  tost  et  vous  diray  que  ça 
preçance  est  très  requise  icy  :  le  plus  que  j'aurois  besoin 
cera  de  poudre;  il  est  très  à  propos  que  le  roy  envoyé  à 
Langres  pour  en  avoir  afin  que  dih'gemmant  on  prenne  le 
chasteau  ;  je  ne  vous  écrys  pas  les  détails  de  ce  qui  c'est 
passé,  car  j'ay  mille  et  mille  affaires  sur  les  bras  et  suys 
vostre  très  humble  et  affectionné  à  vous  faire  cervice.  » 

c  Auxerre,  15  mai  1602  (!)• 

«  Je  vous  suplye  parler  au  Roy  afin  qu'il  m'acorde  la  suply« 
catyon  que  je  luy  ay  faite  par  ma  lettre  du  s^  de  Mongres 
touchant  le  château  de  Dygeon  :  j'espère  ce  bon  efiect  là  de 

{])  Fonds,  fr.,  9199. 


252  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

< 

vous  :  S.  M.  doit  croyre  que  nul  ne  la  peut  plus  fidèlement 
servîr  que  moy. 

«  Je  suis  en  ce  lieu  d*Ausère  où  je  courre  les  chevreuyls  au 
plus  beau  lieu  du  monde  et  demain  je  vais  à  la  court  trouver 
le  roy  suyvant  son  comandement....  Il  se  bruit  quon  me 
veut  envoyer  en  Suysse,  ce  que  je  ne  désire  guères.   » 

«  Mons.  Lorsque  j'arry vis  ici  le  matin,  le  roy  estoit  parti 
pour  aler  au  laisse-court  qui  feust  occasion  que  je  ne  vous 
despeschys  vostre  laquay  et  aryvismes  à  neuf  heures  au  soir. 
Les  petits  chiens  prindrent  bien  leur  cerf.  Je  feis  entendre 
au  roy  tout  ce  qui  s'est  passé  pour  Tacort  quo  aves  faict  qui  a 
trouvé  fort  bon  que  ne  vous  soyez  laissé  aler  à  ce  qu^ils 
veulent.  Le  roy  me  dist  hyer  qu'il  désyroit  fort  vous  voyr 
avant  qu^il  vist  ces  messieurs,  et  que  je  vous  mandasse  vous 
randre  demain  vendredy  à  Yylaconble  où  est  rassemblée 
etpouries  dyrequeM.Dumayneet  princeGenvyle  s'en  vont 
senmedy  à  Saint  Germain.  S'il  survient  quelque  chose  je 
vous  en  donneray  advis  tout  soubdain,  vous  suplyant  me 
conserver,  etc.  (2).  ». 

Lettre  du  duc  de  Guise  le  Balafré  à  M.  d'Entraigues  : 

«c  La  perenyté  de  vostre  mal  ma  tant  donné  de  fâcherie, 
d'ennuy  et  de  crainte  que  je  ne  puis  moins,  monsieur  le 
gouverneur,  que  de  me  réjouir  aveq  vous  de  vostre  bon 
portement.  Je  n'ay  que  faire  de  sermens ,  vous  en  croirez 
une  simple  parcelle  où  je  ne  seroys  le  gros  lévrier  et  vous 
tontaigue,  et  mon  amy;  j'en  loue  Dieu  de  bon  cœur  et  le 
supplie  te  le  donner  aussi  longue  qu'à  moy  et  plus  si  tu 
veux.  Je  suis  venu  vysiter  ses  messieurs  qui  voulant  troubler 
mon  repos  et  de  cette  province  sont  réduits  en  tel  terme 
qu'avez  la  permission  du  maître,  je  veus  perdre  la  vie  et 
rhoneur  si  je  ne  les  luy  amène  la  corde  au  cou  pour  rece- 
voir punition  ou  grâce  de  leur  meschanceté ,  perfidie , 
exemple  certes  très  utile  pour  le  bien  et  repos  des  catho- 

(1)  F.  français,  9053. 

(2)  Ihid.^  90Ô3 . 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES.  253 

liques.  Enfin  je  puis  dire  que  M.  de  Bouillon  m'a  pris 
comme  M.  de  Montpensier  fit  la  bonne  ville  d'Orléans.  1er 
jay  pris  le  château  de  Rocour  à  une  lieue  et  demie  de  sa 
place  et  je  suis  logé  entre  deux.  Vous  ririez  de  ma  troupe, 
car  je  ii*ay  que  mille  hommes  de  pied  et  trois  cents  lances  ; 
ils  en  ont  quinze  cents  et  quatre  cents  chevaux,  mais  le 
respect  du  service  du  roy,  la  crainte  de  faire  mal  aux  catho- 
liques et  Tamour  qu'ils  me  portent  m'empêchent  d'estre 
batu.  Voila  les  termes  où  nous  en  sommes;  toute  la  pro- 
vince et  moi  demandons  justice  au  roi  de  leur  meschanceté. 
Il  n'y  a  ville  sur  quoy  ces  meschants  n'aient  eu  entreprinse. 
Je  me  recommande ,  manquant  de  papier  mille  fois  à  vos 
bos  bonnes  grâces.  Ce  xv.  Le  Guisar.  » 

Lettre  inédite  de  Bussy-Rabutin  au  P.  Bouhours  : 

c  A  Batsy/oe  25  may  1692. 

«  Vous  estes  trop  bon,  mon  révérend  père,  d'avoir  tant  de 
regret  à  la  privation  de  Lanchate  pour  moy.  J'en  suis  con- 
solé avant  que  de  savoir  la  disposition  de  cette  abbaye  pour 
un  autre.  Elle  ne  valoit  pas  grand  chose  et  nous  ne  saurions 
avoir  moins.  * 

«  Pour  la  brigue  de  M*  de  Bussy  et  de  ses  enfants,  je  n'en 
fais  non  plus  d'estat  que  s'ils  ne  se  remuoient  pas.  Je  parle 
pour  l'atnée  pour  qui  le  roi  me  promit  un  bénéfice  en  1662, 
en  me  disant  qu'elle  estoit  trop  jeune,  et  j'en  fais  souvenir 
à  S.  M.  Je  parle  pour  une  fille  de  vertu  et  de  capacité,  et 
quand  ces  deux  aspirantes  seroient  d'un  mérite  égale 
trouvez  nous  de  la  compétence  du  crédit  à  la  cour  de 
M®  de  Bussy  et  de  celuy  de  ses  enfants  avec  le  mien. 

«  Pour  repondre  maintenant  à  ce  que  vous  me  dites  que 
les  vies  de  mes  premiers  héros  vous  paroissent  un  peu 
trop  courtes,  je  vous  diray  que  je  me  suis  trouvé  heureux 
moy  de  ne  savoir  pas  plus  de  particularités  de  la  vie  de  ces 
trois  Messieurs  que  j'en  scay,  parce  que  j'eusse  peut  estre 
esté  tenté  de  les  écrire,  et  je  ne  veux  qu'en  dire  assez  pour 
faire  voir  leurs  prospérités  et  leur  bonne  conduite. 


254  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

«  Pour  le  roy,  mon  révérend  père,  c'est  un  abrégé  de  sa 
vie  que  je  fais  à  mes  enfants;  tout  abrégé  qu'il  est,  je 
n'oublie  rien  des  événemensni  des  louanges  qu'ils  méritent. 
Pay  mesme  l'avantage  sur  ceux  qui  écriront  son  histoire  de 
dire  mon  sentiment  sur  des  actions  qu'il  faut  qu'ils  laissent 
panser  aux  lecteurs,  car  vous  savez  que  la  louange  ny  le 
blâme  ne  sont  pas  permis  aux  historiens.  Pour  moy,  je  parle 
uniquement  à  mes  enfants  et  sans  paroitre  songer  à  vouloir 
que  ce  discours  soit  veu  d'autres  gens  que  d'eux,  je  leur 
conte  les  faits  de  mon  héros  et  je  leur  dis  ce  que  j'en  pense. 

«  J'attens  avec  impatience  vos  reflexions  et  celles  de  nostre 
amy  le  P.  Benier  sur  tout  l'ouvrage  avec  tout  le  respect 
qu'on  doit  avoir  pour  elles  et  je  vous  supplie  de  croire  que 
si  je  ne  m'y  rends  d'abord,  ce  sera  pas  par  le  sot  motif  de 
penser  qu'il  est  honteux  de  se  dédire,  de  baisser  le...,  car 
je  change  d'avis  aussitost  que  la  pensée  d'un  amy  me  paroit 
meilleure  que  la  mienne. 

tt  Ma  fille  de  Dalet  est  en  Auvergne.  J'ay  mandé  à  son  fai- 
seur de  fables  qu'il  n'imprimast  pas  celle  qui  vous  regarde, 
et  je  suis  party  dans  ce  temps  là  :  je  crois  qu'il  fera  ce  que 
je  luy  demande.  Adieu,  aymez  moy  bien  toujours  :  pour 
moy  je  vous  ayme  de  tout  mon  cœur.  » 

Les  lettres  de  Mme  Mancini,  sœur  de  Mayarin,  sont  très- 
rares,  puisque  voici  la  seule  qui  ait  jusqu'à  présent  passé 
dans  une  vente  :  elle  est  adressée  au  P.  Rapin,  de  Gom- 
piègne,  le  18  septembre  1656  : 

«  Mon  Révérend  père,j'ay  receuvostre lettre  par  laquelle 
je  vois  comme  mon  fils  est  ailé  à  la  maison  de  M.  Le  Tel- 
lier  :  il  y  a  quelque  tems  qu'il  m'avoit  fort  priée  de  luy 
laisser  prendre  ce  divertissement  et  il  ne  le  pouvoit  en  un 
lieu  où  il  y  soit  receu  de  meilleur  cœur.  Je  suis  bien  aise 
qu'il  s'y  soit  trouvé  avec  un  de  vos  pères  auquel  vous  l'ayez 
recommandé,  autrement  jaurois  bien  souhaité  voslre  pré- 
sence, approuvant  avec  actions  de  grâces  la  manière  que 
vous  en  avez  usé.  Je  sais  bien  que  vostre  prudence  et  vostie 
affî^ction  n'oublieront  rien  de  ce  qui  luy  sera  plus  néces- 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES.  255 

saire  :  vous  ne  devez  point  clouter  de  celle  que  j'ay  pour 
vostre  ordre  et  de  vous  en  vostre  particulier,  qui  m'obligez 
continuellement  à  estre  vostre  très-humble  servante.  » 

Lettre  de  la  princesse  de  Gondé,  née  Charlotte  de  Mont- 
morency, à  la  reine  de  Pologne. 

«  A  Paris,  le  11  de  juin  (1646). 

Jay  resu  la  plus  grande  joie  du  monde  d'avoir  apris  de 
vos  nouvelles  du  15®  de  may  et  de  me  voir  dans  vostre  sou- 
venir qui  met  plus  cher  que  je  ne  vous  le  puis  dire.  V.  M. 
ne  se  doit  pas  mestre  an  pêne  du  mal  des  chevos  quelle  ma 
envoyé,  il  sont  les  plus  beaus  et  les  meilleurs  du  monde  ; 
seluy  qui  a  ....  est  le  meilleur  de  tous  et  seluy  qui  est  ma- 
lade est  fort  près  à  guérir.  Je  les  menere  dans  deus  jours  au 
Cours  après  que  les  amés  que  je  leur  ay  fait  faire  seron 
achevés  :  Ion  a  fait  for  grosse  bruit  isy  du  retour  de  vos 
famés ,  jantans  les  personnes  qui  ne  vous  ement  pas , 
M*  de  0^9  pansa  avoir  000121071012020102  avec  2*2 
sur  ce  subiet,  mes  sela  se  pasa,  car  0^3  ne  pouvet  soufrir 
se  que  lotre  an  diset.  Mandez  moy  je  vous  prie  commans 
sete  1029620135  set  passée  et  oomman  sela  se  terminera.  Il 
ni  a  rien  du  tout  de  nouveau  :  nous  sonmies  de  retour  de 
Picardie  et  nous  partons  dans  huit  jour  pour  aler  à  Fontai- 
nebleau. V.  M.  ne  doutera  pas  du  déplésir  que  joré  de  ne 
vous  y  voir  pas ,  mes  pour  me  consoler  nous  y  orons 
M''  de  18 1001 140221022  qui  nous  assure  qu'elle  n'en  bou- 
gera. Vous  apprandrez  par  la  lettre  de  ma  fille  comme  elle 
s'an  va  an  juin  à  Munster  :  elle  est  partie  il  y  a  deux  jours. 
Je  m*assure  que  vous  m' an  plaindrez  un  peu.  Je  crois  que 
vous  orez  apriz  la  coucheman  de  M®  vostre  sœur  et  seluy 
de  W  de  Rohan  qui  non  eu  que  des  filles,  M®  de  Ne- 
mours aconcha  d'un  garson  et  d'une  fille  :  la  hâte  que  l'on 
me  fait  me  contrain  de  finir  ma  lettre.  Je  les  feré  à  l'avenir 
les  plus  longues  que  je  pouré,  puis  qu'elles  ne  vous  impor- 
tune poin.  Vous  creré  que  mon  afecsion  pour  vous  ne  rese- 
vra jamais  de  changement.  Je  vous  supplie  de  me  mander 


\ 


256  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

se  qui  vous  oblige  à  fere  un  si  Ion  voiage  et  can  vous  en 
reviendrez.  » 

Anne  d'Autriche  écrit  de  Gicn,  le  8  avril  1652,  à  Marie 
de  Gonzagues,  reine  de  Pologne  : 

«  Madame  ma  sœur,  c'est  avec  beaucoup  de  déplaisir  que 
je  suis  obligée  de  changer  les  témoignages  de  joye  que  je 
préparois  pour  la  naissance  du  fils  que  Dieu  vous  avoit 
donné  en  offices  de  condoléance  pour  la  perte  que  vous 
en  avez  faite.  Il  est  impossible,  quelque  force  d'esprit  que 
vous  ayez,  qu'elle  n'ayt  esté  esbranlée  par  un  accident  si 
fâcheux  et  que  vostre  douleur  n'ait  esté  extrême ,  quelque 
résignation  que  vous  ayez  aux  volontés  de  celui  qui  est 
maître  de  la  mort,  comme  il  est  l'auteur  de  la  vie.  Mais  il 
n'est  pas  moins  impossible  que  cette  affliction  vous  soit, 
arrivée  et  que  je  ne  l'aye  pas  ressentie  avec  toute  l'amertume 
imaginable  puisque  toute  amitié  nous  rend  communs  toutes 
sortes  d'événemens.  Aussi  est-il  vrai  que  quant  j'en  appris 
la  nouvelle  j'en  fus  touchée  comme  si  moy-mesme  j'eusse 
perdu  un  fils  et  souhaittay  déclarer  comme  je  fais  encore  à 
présent  qu'il  pleust  à  Dieu  de  vous  en  redonner  bientôt  un 
autre  qui  puisse  rappeler  votre  joie  et  la  mienne,  laquelle  ne 
sera  jamais  plus  parfaite  que  quand  je  vous  scauray  con- 
tente et  que  j'aurai  moyen  de  vous  témoigner  à  quel  point 
je  vous  suis,  etc.  » 

Le  duc  de  Montausier  au  cardinal  de  Mazarin,  du  l***  dé- 
cembre 1643,  de  Tubingue,  où  il  était  prisonnier  : 

«<  Après  avoir  reçu  tant  de  témoignage  de  bonté  deV.E., 
je  lui  pourrois  encore  demander  de  pareilles  faveurs,  mais 
l'accident  où  je  suis  tombé  avec  tous  les  autres  officiers  de 
ceste  armée  est  tel,  que  je  ne  puis  de  bonne  grâce  demander 
votre  protection  si  je  ne  la  mérite  par  mon  innocence.  Je  ne 
vous  demande  donc  point  de  grâce  d'abord  jusques  à  ce  que 
vous  ayez  veu  si  je  suis  coupable  :  si  je  le  suis  je  veux  estre 
châtié  exemplairement,  mais  si  je  ne  le  suis  pas,  c'est  là  où 
j'implore  la  grâce  et  la  faveur  de  V.  E.,  que  je  supplie  très 
humblement  de  me  vouloir  protéger  et  me  tirer  d'ici  bien- 


s 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES.  257 

toAt  afin  que  je  vous  puisse  aller  rendre  des  preuves  de  ma 
recognoissance.  S'il  vous  plait  de  doauer  un  peu  d'audiance 
au  s*"  de  la  Coste  qui  vous  rendra  ceste  lettre,  il  vous  infor- 
mera de  toutes  les  particularités  de  ce  malheur,  mesme  par 
escrit.  Après  cela,  si  vous  me  jugez  coupable,  je  consens 
d'estre  éternellement  prisonnier  ou  de  servir  d^exemple  à 
tous  ceux  qui  se  pourront  trouver  en  pareille  place,  si  non 
je  vous  supplie  de  rendre  témoignage  de  mon  innocence  à 
la  Reine,  et  en  revanche  je  demeureray  toute  ma  vie  avec 
respect  et  passion  très-humblement,  etc. 

Deux  lettres  de  Huet  à  Ménage,  l'une  de  Caen,  le  9  juin 
1662: 

«  Jay  fait  depuis  peu  une  ballade,  et  quoique  je  n'aye 
guère  fait  ma  cour  aux  Muses  françoises,  elles  m'ont 
pourtant  inspiré  ce  petit  ouvrage  : 

Pour  estre  ainsi  vostre  amour 
n  ne  faut  pas  grande  accortise  : 
Faut  TOUS  aborder  seulement  : 
Vous  prenez  toute  marchandise, 
Le  poil  foiet,  la  barbe  grise^ 
Le  grand,  le  gros  et  le  menu  : 
Tout  est  pour  vous  de  bonne  prise  : 
Trop  aimez  le  nouveau  yenu  ! 

Quand  je  tous  vis  premièrement 
Mon  âme  aussitôt  fut  soumise  : 
Poulets  alloient  journellement, 
Ballades,  rébus  et  dévises. 
Je  pensois  tous  avoir  conquise, 
Mais  à  la  fin  j'ay  reconnu 
Que  contre  Tostre  foy  promise. 
Trop  aymez  le  nouveau  venu! 

Pour  mettre  fin  à  mon  tourment, 
Paurois  consacré  ma  franchise 
Et  jen  aurois  fait  le  serment 
Hardiment  en  face  d'Église! 
A  moy  c'eut  esté  grande  sottise 
Si  tel  cas  me  fut  avenu 
Mieuz  vaut  moynerie  ou  prêtrise  : 
Trop  aimez  le  nouveau  venu  I 


258  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 


smroi  : 


Beauté,  qui  par  Tostre  cointise 
M'avez  si  long  tems  retenu. 
Je  renonce  à  Tostre  maitrise  : 
Trop  aimez  le  nouveau  venu  I  > 

c  Du  9  novembre  1662. 

«  Gomme  nous  sommes  en  obligation  de  nous  faire  part 
réciproque  de  tous  les  contes  facétieux  que  nous  appren- 
drons de  nouveau,  je  veux  vous  en  dire  un  de  fraîche  date  : 
c'est  d'un  fort  honnête  et  ignorant  homme  de  cette  ville, 
qui,  estant  l'autre  jour  malade  à  Textrémité,  son  curé  dit  à 
sa  servante  qu'il  lui  falloit  donner  Textréme  onction ,  et 
comme  cette  servante  respondit  qu'elle  ne  savoit  pas  com- 
ment ou  le  luy  pourroit  donner,  parcequ'il  avoit  une  si 
furieuse  aversion  pour  l'huile  que  l'odeur  l'en  faisoit  éva- 
nouir, le  malade  entendit  cela  et  s'écria  :  «  Il  n'importe^ 
«  qu'on  me  la  donne  au  beurre  !  »  Vous  me  direz  que  ce 
conte  mérite  estre  mis  avec  celuy  que  je  tiens  de  vous  d'un 
capitaine  moribond  qui  ne  vouloit  pas,  disoit-il,  qu'on  lui 
parlât  de  ce  sacrement  de  bourgeois-là  !  » 

La  comtesse  de  la  Fayette,  la  spirituelle  amie  de  Mme  de 
Sévigné,  écrit  cet  agréable  billet  à  Mlle  de  la  Tillaye,  de 
Paris,  le  9  septembre  (sans  date  d'année)  : 

«  Jenussepas  cru  qu'un  présent  aussi  peu  considérable  que 
celuy  que  j'ay  fait  à  bon  Coco  put  estre  capable  de  luy 
troubler  la  raison.  Je  ne  suis  point  fâchez  que  cela  luy  ay 
donné  de  la  joye,  mais  je  souhaiterois  que  la  chose  mérita 
que  l'on  en  senty,  et  quelles  valu  les  remersiman  que  vous 
me  faittes  de  sa  par,  dont  je  suis  la  plus  honteuse  du  monde. 
Je  voudrois  de  tout  mon  cœur  avoir  aucation  de  luy  témoi- 
gner lamitié  que  j'ay  pour  elle  ;  vous  devez  estre  persuadée 
que  je  n'orais  pas  moing  d'enpressement  de  vous  faire 
conoitre  celle  que  je  sans  pour  vous  :  croiez  que  je  vous- 
drois  bien  vous  en  dire  davantage  sur  ce  chapitre,  mais  Ion 
atant  pour  ma  lettre  et  Ion  me  presse  de  la  finir.  Il  faut 


CHOIX  DE  LETTRES  INEDITES.  259 

pourtant  que  je  vous  prie  d'assurer  M"^  de  Vandy  que  je 
suis  sa  tres-humble  servante  et  que  jay  beaucoup  d'impa- 
siance  de  lui  aller  dire  de  bouche  ;  mes  complitnans  sy 
vous  plaist  à  M®  vostre  mère  et  à  M"®  Madeloue.  » 

Nous  passerons  ensuite  au  duc  de  Joyeuse,  connu  sous  ce 
nom  comme  vaillant  soldat,  et  sous  celui  de  Père  Ange 
comme  pieux  capucin.  Il  écrit  le  30  juin  1607  au  duc 
d'Epernon  : 

«  Mons*"  mon  cher  frère ,  Dieu  vous  donne  la  paix.  Je 
receus  ces  jours  passés  la  lettre  qu'il  vous  a  pieu  me  faire 
riionneur  de  m'escrire  par  Guillaumet ,  de  quoy  je  vous 
remercie  très  humblement.  Je  m'atendois  bien  d'avoir  Thon- 
neur  de  vous  voir  à  Champigny  où  je  me  rendis  au  tems 
que  je  vous  avois  dit  et  où  vous  attendois.  J'allay  prescher 
les  octaves  du  St-Sacrement  à  Loudun  où  je  trouvay  des 
gens  qui  en  a  voient  bien  besoin.  J'ay  laissé  M*"  de  Mont- 
pensier,  je  ne  scaurois  dire  en  bonne  santé,  car  je  mentiray; 
il  ne  se  porte  trop  bien,  mais  il  a  espérance  que  ce  sera 
bientost;  Dieu  le  veuille.  Il  est  entre  les  mains  d'un  homme 
qui  lui  promet  merveilles.  J'en  suis  en  crainte.  Je  prie  Dieu 
qu'il  l'aiisiste.  W  de  M....  vous  en  dira  des  nouvelles  et 
j'espère  dans  trois  semaines  au  plus  tard  estre  à  Paris  pour 
vous  en  dire  encore  qui  m'occasionne  de  finir  après  avoir 
prié  Dieu  qu'il  vous  donne,  monsieur  mon  cher  frère,  tout 
ce  qu'il  cognoit  vous  estre  nécessaire. 

«  Votre  très  humble  et  très  obéissant  frère  et  serviteur.  » 

Nous  recueillerons  un  billet  d'Elfbabeth  Hamilton, 
comtesse  de  Gramont,  sœur  de  l'auteur  des  célèbres  mé- 
moires :  ses  autographes  sont  très-rares  :  celui-ci  est  daté 
du  20  novembre  1679  : 

«  Je  vous  prie,  Monsieur,  d'estre  persuadé  que  je  suis  tou- 
chée de  ce  qui  vous  est  arivé  autant  que  je  le  dois,  c'est  à 
dire  plus  que  qui  que  ce  soit ,  puisque  personne  n'est  plus 
sensible  que  moy  aux  obligations  et  que  j'en  ay  beaucoup  à 
toute  vostre  famille  :  c'est  une  vérité  que  j'ay  esté  bien  aise 
de  pubiier^  romiiie  aussy  l'attachement  que  j'auray  toute 


300  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

ma  vîe  pour  tous  vos  intérêts.  Vous  voulez  bien,  Monsieur, 
que  le  comte  de  Gramont  vous  assure  de  la  mesme 
chose*  » 

La  lettre  suivante  du  duc  de  Guise,  datée  de  Paris  le 
18  juillet  1654,  est  intéressante  au  point  de  vue  de  son 
échauffourée  de  Naples  :  elle  est  adressée  à  Mazarin  : 

«  Monsieur,  comme  je  vous  lay  desja  mandé  P.  Paul  a 
voulu  s'aller  justifier  :  j'en  ay  esté  bien  ayse,  croyant  q[ue 
il  restera  satisfait  de  ses  soupsons,  car  je  vous  puis  aseurer 
que  je  n'ay  rien  trouvé  à  dire  à  sa  personne,  qu'une  vanité- 
napolitaine  romanisée  :  que  pour  ses  propositions  j'en 
respondrois  de  ma  teste,  puis  jay  les  mesmes  avis  par  mes 
intelligences  et  veux  estre  deshonoré  sy  ce  que  nous  entre- 
prenons ne  réussit  et  m'offre  à  payer  du  reste  de  mon  bien 
la  despense  que  le  Roy  fait  au  cas  que  nos  desseins  ne  réus- 
sissent pas  et  veux  mesme  me  rendre  garant  de  tous  les 
événemens.  Mais  je  vous  advoue  que  quoique  je  des  espé- 
rances de  ne  partir  sans  recevoir  les  damiers  ordres  et  une 
embrassade  de  S.  E.  que  je  meurs  de  peur  du  passage  de 
Sedan  et  donnerois  de  bon  cœur  100,000  escus  et  en  estre 
quite  comme  vous  scaurez  du  s**  de  Taillade,  et  dirois 
volontiers  «  Transeat  a  me  calix  iste.  »  —  Néanmoins  sy  Ion 
le  veut  jy  suis  prest,  préférant  la  satisfaction  de  S.  Ë.  à  mon 
bien,  mon  repos  et  ma  vie  mesme.  Escoutez  donc  je  vous 
conjure  favorablement  ce  porteur  sur  toutes  les  choses  qu'il 
a  à  vous  dire.  Je  me  contente  donc  de  vous  asseurer  que  je 
fais  un  solide  fondement  en  vostre  amitié,  et  que  je  seray 
toute  ma  vye  vostre  très  affectionné  et  très  obligé  servi- 
teur. » 

On  admirera  le  ton  humble  du  duc  de  Saint-Aignan, 
adressant  de  Paris,  le  5  avril  1672,  ses  condoléances  au 
duc  d'Orléans  au  sujet  de  la  mort  de  sa  femme  : 

«  Monseigneur,  je  n'estois  pas  bien  d'accord  avec  moy- 
mesme  de  quelle  manière  j'en  userois  auprès  de  V.  A.  S. 
sur  le  sujet  de  la  lettre  dont  il  luy  a  plu  de  'm'honorer. 
J'estois  encore  en  doutte  sy  je  prendrois  la  liberté  de  luj 


CHOIX  DE  LETTRES  INEDITES,  261 

escrire  ainsi  qu'elle  a  bien  voulu  me  Taccorder  :  ou  si 
malgré  sa  faveur  je  demeurerois  dans  un  respectueux 
silence.  Je  croy,  Monseigneur,  que  je  me  serois  tenu  à  ce 
dernier,  expliquant  plutôt  ceste  bonté  comme  un  .ordre 
absolu,  mais  la  perte  que  vient  de  faire  Y.  Â.  S.  de  feu 
Madame  n'est  qu'un  trop  légitime  sujet  de  me  faire  prendre 
la  plume  et  bien  que  tout  ce  royaume  en  conçoive  une  juste 
douleur  et  que  je  regrette  en  mon  particulier  ceste  grande 
princesse  comme  ayant  eu  Thonneur  d'estre  de  sa  maison, 
jsans  doute  le  déplaisir  qu'en  recevra  Y.  Â.  S.  me  touche 
encore  plus  sensiblement.  Je  prendrois  toujours,  Mon- 
seigneur, une  très  grande  part  à  toutes  les  choses  qui  la 
regarderont,  et  rien  ne  me  sera  jamais  plus  considérable 
que  de  luy  bien  persuader  à  quel  point  je  suis,  etc.  » 

Curieuse  lettre  du  duc  d'Orléans  à  Fleury,  au  sujet  de  sa 
sœur,  Tabbesse  de  Chelles,  en  1732  : 

«  Je  viens  de  faire  une  étourderie  en  permettant  à  M.  d'Âr- 
genson  de  porter  à  Y.  E.  une  lettre  de  Tabbesse  de 
Chelles  pour  lui  demander  une  conversation  :  c'est  pour 
l'alSaire  de  sa  démission,  dont  je  suis  fort  d'accord,  mais  je 
n'y  suis  pas  de  la  demande  qu'elle  fait  au  roi  de  l'abbaye  de 
S.  Eloy.  Il  me  paroit  fort  dangereux  de  donner  une  teste 
comme  la  sienne.  Je  parle  avec  liberté  avec  Y.  E. 
Une  religieuse  qui  ne  se  trouve  pas  de  quoi  vivre  avec 
30,000  livres  de  rente  n'est  pas  religieuse,  et  l'on  ne  doit 
craindre  les  changemens  les  plus  scandaleux  pour  le  monde 
et  les  plus  fâcheux  pour  une  famille.  J'avois  pris  le  parti  de 
ne  me  point  mesler  de  cette  affaire,  mais  comme  Y.  E. 
croiroit  sans  doute  en  voyant  M«  d'Argenson  porteur  de  la 
lettre  de  ma  sœur  que  je  suis  d'accord  avec  elle,  j'ay  esté 
bien  aise  de  lui  exposer  mes  sentimens.  J'espère  de  son 
amitié  qu'elle  n'abusera  pas  de  la  con&ance  avec  laquelle  je 
lui  parle  sur  ma  sœur,  parce  que  cela  feroit  sûrement  une 
tracasserie  bien  forte.  La  déclaration  que  je  fais  à  Y.  E. 
que  je  ne  suis  pas  d'accord  de  sa  demande  en  sera  une  suffi- 
sante ,   mais  à  laquelle  je  veux  bien  m'exposer  parce  que  je 


262  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

crois  agir  pour  le  bien  de  son  âme  et  pour  ce  qui  est  plus 
conforme  aux  règles  ecclésiastiques  (!)•  » 

Voici  maintenant  un  billet  de  Tabbesse  au  même  car- 
dinal, daté  du  27  novembre  1737  : 

«  M®  d'Orléans  m' ayant  mandé  que  mon  frère  ne  nomoit 
ni  ne  demandoit  Tabaïe  de  S.  Denis  de  Yillers-Cotteret,  je 
vous  serois  infiniment  obligée  si  vous  vouliez  bien  y  faire 
nomer  ma  mère  de  Fretteville.  Je  serois  ravie  de  trouver 
Toccasion  de  reconnoître  ses  soins  et  son  amitié  pour  moy. 
Elle  a  de  l'esprit,  de  la  capacité,  et  la  piété  qui  convient  à 
son  état.  M®  d'Orléans  ma  fait  dire  que  je  pouvois  vous 
écrire  sur  ce  sujet,  et  j'espère  que  vous  ne  me  refuserez  pas 
la  première  demande  que  je  vous  fais.  Je  vous  prie  d'estre 
persuadé  de  ma  reconnoissance  et  de  la  vénération  et  sin- 
cère estime  que  j'ai  pour  vous.  » 

Madame  Louise,  fille  de  Louis  XV,  la  célèbre  carmélite 
qui  trouvait  dans  son  couvent  le  temps  de  s'occuper  acti- 
vement des  affaires  mondaines,  parle  en  termes  très-curieux 
du  poëte  Gilbert  au  comte  de  Vergennes,  le  6  octobre  1776: 
nous  conservons  soigneusement  l'orthographe  de  la  prin 
cesse  : 

«  Je  croît,  Monsieur,  que  le  parti  le  plus  sûr  est  d'envoyer 
notre  dévot  paquet  par  M.  le  marquis  de  Noailles.  Je  remest 
cela  à  votre  prudence  :  pour  ce  qui  est  du  s*"  Gilbert,  je 
scait  certainement  qu*il  a  des  talens,  qu'il  s'est  affiché  pour 
la  religion,  que  les  gens  qui  aiment  la  religion  lui  veulent 
du  bien,  que  les  philosophes  le  persécutent  ou  travaille  à  le 
gaigner  et  que  la  séduction  est  d'autant  plus  à  craindre  qu'il 
est  dans  la  misère.  Les  personnes  qui  m'ont  parlé  pour  luy, 
ne  m'ont  rien  dit  de  plus  et  n*en  savent  pas  davantage  ainsi 
je  n'ait  rien  à  opposer,  Monsieur,  aux  informations  que  vous 
en  avez  prises.  Je  vous  prie  seulement  de  les  vérifier  avec 
les  plus  grandes  précautions,  parceque  les  ennemis  qu'on  ce 
fait  en  deffendant  la  Religion  ont  une  infinité  de  ressorts 

(1)  Voir  notre  histoire  de»  Filles  du  Régent ,  2  vol.  iii-8,  Didot,  1875. 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES.  263 

cachés  auprès  même  de  ceux  qui  F  aiment  et  la  protégeut. 
Après  tout  cela  je  n'insiste  plus,  je  ne  peut  que  vous  remer- 
cier, Monsieur,  de  votre  franchise,  et  je  vous  demande  en 
grâce  de  vouloir  bien  toujours  en  agir  de  même  dans  tout  ce 
que  je  pourray  avoir  à  traiter  avec  vous,  et  vous  pouvez 
estre  sûr  que  pour  moy  j'irai  toujours  directement.  Je  vous 
prie.  Monsieur,  d'estre  également  persuadé  de  la  sincérité 
de  mes  sentimens  pour  vous.  » 

Le  billet  suivant  est  d'une  princesse  toute  différente,  de 
la  duchesse  de  Berri,  fille  du  régent  :  elle  est  datée  de 
a  dimanche  matin  »  et  est  adressée  à  Mlle  de  Charolais,  qui 
n'était  pas  moins  galante  que  sa  cousine  : 

«  11  me  semble  que  le  tems  est  fort  propre  pour  la  partie 
que  nous  avons  projettée.  Mendez  moy  je  vous  prie,  ma 
chère  cousine,  si  cela  vous  convient,  mais  sans  piucune  com- 
plaisance; je  voudrois  scavoir  aussi  si  vous  vous  baignerez 
dans  la  rivière,  si  vous  voulez  vous  baigner,  je  vous  prie 
d'estre  ici  à  4  heures.  Si  vous  ne  vous  baignez  pas,  je  vous 
iray  prendre  où  il  vous  plaira,  sur  les  7  heures,  j'attens 
votre  réponse  pour  aranger  ma  marche.  Adieu^  ma  chère 
cousine,  je  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur  et  je  me  fais 
un  grand  plaisir  de  passer  ma  soirée  avec  vous. 

«  Marie  Louise  Elisabeth.  » 

Yoici  comme  modèle  une  lettre  de  jour  de  l'an  écrite  le 
24  décembre  1779  au  duc  de  Penthièvre  par  Florian  : 

«  Monseigneur,  le  respec,  la  reconaissance,  l'amour  le 
plus  tendre  pour  votre  altesse  sérénissime,  se  metent  à  vos 
pieds  pour  vous  rendre  mes  vœux  au  ciel  pour  votre  con- 
servasion,  a  cet  renouvelement  d'année  :  ces  sentiments, 
Monseigneur,  veulent  tous  à  la  foi^yparler,  je  les  contiens 
dans  le  silence  comme  l'expressiog^jl^plus  forte  du  profond 
respec  avec  lequel,  etc.  » 

Une  lettre  de  Mme  Geoffrioi^SdH^s  à  dédaigner  :  elle 
est  adressée  le  l®*"  mai  au  conâMRnouvaloff  : 

«  Je  me  suis  trouvée  heureuse,  Monsieur  le  comte,  de 


264  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

pouvoir  vous  estre  bonne  à  quelque  chose.  Les  dépos  que 
Ton  m*a  con&és  de  vostre  part  me  sont  précieux.  Us  me 
sont  un  sûr  garant  que  j'orois  Tfaonneur  et  le  plaisir  de  vous 
revoir.  Le  départ  du  pauvre  prince  Galitzin  m'a  bien  tou- 
chée, d'autant  plus  qu'il  Tétoit  luy-méme  de  nous  quitter.  U 
a  été  regretté  :  il  me  paroit  contant  des  bontés  de  l'Impé- 
ratrice. Je  suis  bien  aise,  Monsieur  le  comte,  que  vous  le 
soiez  aussy  des  commissions  qu'elle  vous  donne.  Elles  sont 
dans  votre  goût,  puisse  {sic)  qu'elles  ont  raport  aux  arts  que 
vous  connoissé  et  que  vous  aimé.  Étant  à  Rome,  vous  êtes 
dans  le  centre,  Monsieur  le  comte.  J'ay  envoie  montrer 
votre  lettre  à  vos  banquiers  Dangiraud  et  Bouffé  ;  ils  ont 
dit  qu'ils  alloient  vous  écrire  et  qu'ils  ne  savoient  pas  pour- 
quoy  vous  n^aviez  pas  reçu  de  leurs  nouvelles.  Je  vous  prie. 
Monsieur  le  comte,  d'être  persuadé  que  les  vôtres  mon  {sic) 
fait  grand  plaisir  et  que  je  vous  suis  attachée  pour  ma  vie  : 
vos  grâces,  votre  douceur,  votre  politesse,  enfin  votre  mé- 
rite et  vos  excellentes  qualités  seront  toujours  profondément 
gravé  [sic)  dans  mon  cœur.  » 

Mlle  Dulbé  adresse,  le  12  avril  1786,  à  M.  Perrégaux, 
une  lettre  vraiment  très-curieuse,  mais  faiblement  ortho- 
graphiée : 

«  Vous  ne  me  mandez  pas,  mon  cher  tuteur,  qui  a  gagné 
la  maison  de  M^^^  Guimard  ;  je  voudrois  bien  que  ce  fîit 
M^^*  Dutlié,  elle  le  mérite  par  sa  bonne  conduite,  car  d'hon- 
neur  elle  mène  une  vie  exemplaire  :  vous  aie  rire,  mais  je 
vous  jure  que  c'est  la  pure  vérité.  D'abord  elle  n'a  pas 
rabâché  avec  aucun  de  ses  anciens  amants,  elle  traite  avec 
beaucoup  de  froideur  les  aspirans  :  il  n'y  a  qu'un  sertain 
Lee  sur  lequel  elle  se  repose,  mais  motus  !  Ma  cour,  maigre 
cela,  est  très  brillante,  et  M.  le  prince  de  Galles,  que  j'ai 
vu  très-souvent,  ne  contribue  pas  peu  à  la  rendre  fort 
agréable;  il  est  toujours  fort  amoureaux  de  M"*  F,...  t. 
Adieu,  mon  véritable  ami,  je  vous  ambrasse  de  tout  mon 
cœur  :  bien  des  choses  de  ma  part  à  M**  d'Espinchal,  ainsi 
qu'à  M'  Morel.  Manon  est  grâce,  elle  fait  les  beaux  jours 


CHOIX  DE  LETTRES  INÉDITES.  265 

de  Londres  el  Tamusement  du  prince  de  Galles.  Elle  vous 
accorde  sa  protection.  » 

Nous  terminerons  par  une  lettre  assez  importante  du 
chevalier  de  Boufflers,  dont  la  personnalité  a  été  récem- 
ment et  si  curieusement  mise  en  relief  :  nous  Tavons 
trouvée  dans  son  dossier  aux  archives  du  ministère  de  la 
marine.  Des  pièces  qui  y  sont  également  contenues,  il 
résulte  que  le  chevalier  reçut  comme  gouverneur  du  Sénégal 
24,000  livres  de  traitement,  plus  12,000  livres  pour  frais 
de  premier  établissement,  et  6,000  livres  pour  indemnité 
de  séjour  en  France,  en  1786.  Il  cessa  de  recevoir  au  mois 
d'octobre  1791  ses  appointements  d'officier  général.  Voici 
maintenant  sa  lettre  adressée  le  9  vendémiaire  an  IX  au 
«  citoyen  ministre  de  la  marine  »  : 

«  Vous  avez  bien  voulu  m' engager  à  vous  communiquer 
mes  idées  sur  Tétat  présent  de  la  colonie  du  Sénégal  et  de 
Goréé  prête  à  être  privée  d'un  administrateur  du  premier 
mérite  par  le  retour  du  citoyen  Blanchot  et  à  tomber  à  son 
départ  entre  les  mains  d'un  homme  qui  ne  seroit  pas  même 
digne  d'y  être  soldat.  Si  la  République  veut  conserver  les 
restes  de  cet  établissement  plus  intéressant  peut-être  qu'il 
ne  paroît,  il  est  essentiel  d'y  envoyer  un  homme  qui  par 
ses  connoissances  locales,  ses  qualités  personnelles  et  son 
amour  pour  la  patrie  puisse  remplacer  le  citoyen  Blanchot; 
et  le  citoyen  Bournart,  que  j'ay  particulièrement  connu  et 
toujours  employé  sur  les  lieux,  me  parott  remplir  toutes  ces 
conditions  :  il  sembleroit  donc  à  propos,  citoyen  ministre, 
dans  un  moment  où  cet  officier  utile  donne  une  si  belle 
preuve  de  son  dévouement,  de  lui  donner  des  lettres  de 
chef  de  bataillon  qui  lui  assurent  le  commandement  de  toute 
la  colonie  sous  les  ordres  du  citoyen  Blanchot,  tant  qu'il  y 
restera,  et  qui  prévienne  ensuite  toute  espèce  de  concur- 
rence de  la  part  du  citoyen  Bécaria,  que  Tordre  du  tableau 
porteroit  à  la  place  du  citoyen  Blanchot. 

«  Salut  et  respect.  Boufflers.  » 

18 


UNE  PAYSANNERIE  AU  XVnP  SIÈCLE  (1) 


Messieurs, 

En  voyant  certains  auteurs  comiques  adopter  un  langage 
singulier  pour  faire  parler  leurs  personnages  rustiques,  j'avais 
toujours  cru  que  ces  expressions  appartenaient  plutôt  à  un 
vocabulaire  de  convention  qu'à  une  classe  réelle  d'individus, 
et  que  ce  qui  était  censé  se  dire  au  village  ne  s'était  jamais, 
du  moins,  écrit  sérieusement. 

Maintenant,  après  avoir  lu  la  pièce  originale  et  parfaite- 
ment authentique  que  je  viens  vous  communiquer  aujour- 
d'hui. Ton  est  forcé  d'en  convenir  :  les  tableaux  champêtres 
de  Regnard,  de  Dancourt,  de  Destouches,  les  dialogues  si 
gais  et  si  vifs  de  Molière,  n*avaient  rien  d'exagéré;  c'est 
même  pour  moi  une  occasion  de  rendre  justice  à  la  fidélité 
de  leur  peinture  dont  j'admirais  déjà  la  finesse  et  l'esprit. 

Je  l'avouerai,  cependant  :  ma  première  pensée  en  parcou- 
rant la  page  manuscrite  nommée  ici  paysannerie  ^  fut  de 
supposer  que  j'avais  sous  les  yeux  une  de  ces  bonnes  plai- 
santeries si  fort  de  mode  au  siècle  dernier,  et  naturellement, 
alors,  je  songeai  aux  harangues  des  habitants  de  Sarcelles  à 
V archevêque  de  Paris  (2)  y  pastiches  analogues  composés  avec 

(1)  Lue  par  l'auteur  au  comité  archéologique  de  Sentis, 

(2)  On  avait  fini  par  les  appeler  des  Sarcelles^  du  lieu  d'où  elles  sem- 
blaient venir. 

c  La  première,  dit  M.  Charles  Nisard,  dans  sou  intéressante  Étude  sur  le 
langage  populaire^  page  364,  fut  prononcée  ou  plutôt  est  censée,  comme 
toutes  les  autres,  avoii  été  prononcée  au  mois  de  novembre  1730.  » 

Elle  commençait  aiusi  : 

Bonjour,  Monseigneur  Ventremille    (Vintimille) . 

Je  sommes  venus  à  k  Tille, 

Gaillards  et  dispos,  Guieu  marci. 

Vous  TOUS  portez  fort  bien  aussi , 

Comme  an  Toit  à  votre  frimouze 

Qu*an  prendrait  pour  une  talmouxe. 


UNE  PAYSANNERIE.  267 

plus  de  verve  que  de  convenance  par  Nicolas  Jouin(l);mais 
un  examen  attentif,  la  présence  des  nombreuses  souscriptions 
autographes  qui  terminent  cette  feuille  et  rappellent  les  noms 
de  familles  encore  existantes,  Taspect  particulier,  Tensemble, 
en  un  mot,  qu'ont  seules  les  choses  véritables,  détruisit  bientôt 
mes  doutes. 

D'ailleurs,  ne  devais-je  pas  trouver  une  garantie  irrécu- 
sable dans  la  place  qu'occupe  ma  supplique,  car  c'est  une 
supplique,  exposée  ostensiblement  aux  archives  départemen- 
tales de  l'Oise  ? 

On  sait  avec  quel  soin,  quelle  conscience  elles  sont  classées 


Ça  nous  fjit  un  fort  grand  plaisir 
De  Toùar  comme  ça  réossir 
Ceux  qu'ont  soin  de  tous  faire  vivre. 
Que  le  bon  Guien  donc  les  dâivre 
De  tout  mal,  de  tout  ennui^ 
Car  au  en  a  bian  aujord'buJ.... 
Vous  ne  savez  pas,  palsanguiène. 
Monseigneur,  ce  qui  nous  amène? 
Je  venons  tretous  en  troupian, 
Pour  vous  ôter  notre  cfaapiau. 
Et  pour  vous  dire,  ne  vous  déplaise. 
Que  vous  nous  avea  fait  bian  aise 
En  nous  6tant  notre  curé. 

(1)  A  la  page  362  de  l'ouvrage  déjà  cité,  M.  Charles  Nisard  donne  de 
curieux  renseignements  sur  ce  singulier  poëte  :  a  En  1752,  Jouiu,  tou- 
jours épris  de  sa  Muse,  quoiqu'il  fût  d*un  âge  à  n^avoir  plus  d'amours, 
s'avisa  de  faire  une  nouvelle  harangue  ou  Sarcelle ,  adressée  à  M.  de 
Beaumont,  archevêque  de  Paris  (successeur  de  M.  de  Vintimille)  ;  ce  fut 
la  dernière,  et  elle  ]>aya  pour  toutes  les  autres.  » 

a  C*est  ici  que  se  place  le  détail  inconnu  de  sa  vie,  dont  j'ai  parlé  au 
commencement  de  cette  notice  ;  je  Tai  trouvé  dans  un  exemplaire  conte- 
nant quatre  Sarcelles  seulement,  et  appartenant  à  la  bibliothèque  de 
TArsenal.  Il  est  écrit  de  la  main  de  Paulmv,  et  collé  sur  la  feuille  de 
garde  dudit  exemplaire  ;  le  voici  :  L'auteur  de  toutes  ces  Sarcelades  est 
un  nommé  Jouin,  ancien  banquier  ruiné,  et  qui  avoit  toujours  été  ignoré 
jusqu'à  la  dernière  (c'est  en  effet  la  dernière  de  ce  petit  recueil)  qu*il  fut 
dénoncé  par  son  fils,  et  mis  à  la  Bastille  en  1754.  La  femme  de  cet  au- 
teur, par  mon  conseil,  ayant  été  se  jeter  aux  pieds  de  M.  de  fieaumont, 
archevêque  de  Paris,  pour  lui  demander  la  liberté  de  son  mary,  ce  pré- 
lat lui  donna  de  l'argent  et  lui  accorda  sa  demande;  et  depuis  ce  temps, 
Jouin  a  été  fort  amy  de  Tarchevesque.  C'étoit  un  nommé  Descoutures  qui 
avoit  imprimé  le  tout  dans  une  imprimerie  à  rouleau  qu^il  avoit.  y 


268  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

àBeauvait),  par  M.  Armand  Readu,  le  studieux  gardien  de 
cet  amas  de  richesses;  aussi,  et  malgré  la  distance  très-faible, 
à  la  vérité,  qui  sépare  les  limites  de  rarrondissemem  de  Sen- 
lis  du  territoire  de  MaFchémoret ,  hameau  de  Seine-et- 
]Vlame(1),  comme  le  placet  dout  il  s'agit  est  adressé  par  les 
naturels  de  ce  lieu  a  un  président  du  Metz  qui  résidait  à 
Eve,  village  du  canton  de  NaitteuîUle-Haudouin,  je  suis  en 
droit,  ce  me  semble,  de  vous  dire  quelques  mots  à  ce  sujet. 

Beaucoup  d'entre  vous  ne  l'ignorent  pas,  Messieurs,  une 
assez  grande  partie  des  livres  de  la  bibliothèque  de  Senlis 
prnvient  de  la  famille  du  Metz  de  Kosnay  qui  les  avait  réunis 
au  château  d'Eve. 

h'ea:  libris  reproduit  ici,  et  qu'on  trouve  encore  coUé  par- 
fois à  l'intérieur  de  ces  volumes,  ne  peut  laisser  un  seuldonte 
à  cet  égard . 


(  I }  Marcbémoret,  paroiuc  du  diocef«  de  M«aux,  à  trois  lieues  de  celle 


UNE  PAYSANNERIE.  269 

Dans  Texemplaire  de  l'ouvrage  intitulé  ;  Les  hommes  illus- 
très  qui  ont  paru  en  France  pendant  ce  siècle  y  avec  leurs 
portraits  au  naturel ^  par  M.  Perrault^  de  r Académie  fran- 
çaiscy  àParis^  MDCXCP^I{\)^  deux  belles  gravures  ont  été 
ajoutées  au  portrait,  qui  s'y  trouve  ordinairement,  de  Claude 
Berbier  du  Metz,  Lieutenant-Général  des  Armées  du  Roy  et 
de  t  Artillerie  \ —  Tortebat  ^  pinxit;  Edelinck^  sculpt., 
C.  P.  R. 

La  première  représente  le  monument  de  marbre  élevé , 
dans  l'église  de  Graveline,  à  la  mémoire  dudit  général,  tué 
a  la  bataille  de  Fleurus,  le  1*""  juillet  1690,  après  y  avoir 
donné  de  nouvelles  preuves  de  sa  grande  bravoure. 

La  seconde  nous  offre  le  portrait  de  Gédéon  du  Metz , 
Conseiller  du  Roy  en  ses  conseils ,  Président  en  sa  chambre 
des  Comptes;  —  Hyacinthe  Rigaultj  pinxit;  Edelinck^ 
eques  Rom  anus,  sculpt,,  C,  P.  R.  (2) 

Tous  ces  livres  ont  sans  doute  été  apportés  au  chef-lieu 
du  district  après  le  départ,  comme  émigrés,  des  seigneurs 
de  la  paroisse,  quand  leurs  biens  furent  vendus  et  devinrent 
la  propriété  heureusement  éphémère  du  citoyen  Santerre. 

Chacun  se  rappelle  qu'on  disait  alors ,  faisant  allusion  à 
sa  profession  de  brasseur ,  que  ce  général  improvisé  n^avait 
de  Mars  que  la  bière. 

Vous  me  permettrez  d'ajouter  que  depuis  ce  temps,  déjà 
loin  de  nous,  les  honorables  possesseurs  du  domaine  d'Eve, 
MM.  Bernier,  ont  avantageusement  fait  oublier  leur  devan- 
cier de  sinistre  mémoire. 


"ville;    50  feux.  Patronne,  la  Vierge;  seigneur,  le  président  du  Metz; 
curé,  M.  Rue.  —  (Description  de  la  généralité  de  Paris^  JUDCCLIX.) 

Marchémoret,  commune  de  174  âmes,  fait  partie  du  canton  de  Dam- 
martin. 

(1)  Bibliothèque  de  Senlis,  no  8018. 

(2)  Le  Catalogue  de  la  bibliothèque  particulière  de  messire  Claude-Gé' 
déon  du  Metz,  président  en  la  chambre  des  Comptes,  fait  en  1744,  par 
Larchéy  est  conservé  à  la  bibliothèque  de  Senlis  ;  il  indique  les  nombreux 
ouvrages  que  ce  bibliophile  distingué  possédait  à  Eve  et  ceux  qu'il  lais- 
sait à  Paris. 


270  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Bien  que  l'écriture  hardie  et  très -régulière  de  notre 
requête,  qui  révèle  la  main  d'un  magister,  appartienne  évi- 
demment au  dix-huitième  siècle,  comme  cette  pièce  ne  porte 
aucune  date  et  que  plusieurs  membres  de  la  famille  du  Metz 
occupèrent  successivement  la  charge  de  président  à  la 
chambre  des  Comptes  de  Paris  (1),  il  aurait  été  difficile  de 
savoir  positivement  à  qui  avaient  écrit  mes  voisins  de  Mar- 
chémoret,  si,  parmi  ceux  pour  lesquels  ces  adroits  solliciteurs 
promettaient  de  prier  Dieu ,  on  ne  voyait  pas  figurer  un 
Marquis^  très-certainement  à  titre  de  gendre  de  leur  bon 
seigneur. 

Or,  grâce  à  ce  détail,  insignifiant  au  premier  abord,  nous 
savons  d'une  façon  péremptoire  que  le  personnage  en  ques- 
tion était  Claude-Gédéon  Berbier  du  Metz,  comte  de  Rosnay, 
seigneur  de  Rance,  de  Crespy,  d'Eve,  de  Montifaut  et  autres 
Ueux,  né  en  1682,  reçu  conseiller  au  parlement  de  Paris  le 
16  août  1704,  puis  président  à  la  chambre  des  Comptes  le 
22  juin  1708  ;  le  seul  de  son  nom  dont  la  fille,  Anne-Claude- 
Marie,  ait  épousé  un  marquis,  Henri-Gabriel  de  Béry,  mar- 
quis d'Essertaux,  mestre  de  camp  de  cavalerie;  et,  de  plus, 


(1)  «  Le  25  février  1759  est  décédé,  à  Paris,  messire  Claude-Gédéou  du 
Metz,  âgé  de  soixante-seize  ans  et  demy,  seigneur  de  cette  paroisse  depuis 
quarante-quatre  ans,  et  le  lendemain  a  été  inhumé  chez  les  RR.  Pères 
Augustins  de  la  place  de  Victoire,  lieu  de  sépulture  de  sa  famille.  >  (Re- 
gistre de  l'état  civil  de  la  commune  d'Eve.) 

Pour  rhistoire  des  noms  et  des  différentes  transformations  qu'ils  su- 
birent dans  certaines  maisons,  je  dirai  que  le  quatrième  aïeul  de  Claude- 
Gédéon  s'appelait  Jacques  de  la  Motte,  et  qu'ayant  épousé  Marguerite 
Péret,  le  10  novembre  1524,  il  fut  obligé  ensuite  de  prendre  le  nom  et 
les  armes  de  Berbier  c  à  cause  de  la  donation  que  Jacques  Berbier,  son 
oncle  maternel,  écuyer,  lui  fit  de  tous  ses  biens,  sous  ceste  condition, 
par  le  contrat  dudit  mariage.  »  (D'Hozier,  Armoriai  général  de  France^ 
registre  premier,  page  62.) 

Ce  Jacques  de  la  Motte  paraît  même  avoir  substitué  ce  nom  d^adop- 
tion  au  sien  propre,  qu'il  mit  complètement  de  c6té.  Durant  plusieurs 
générations,  ses  descendants  le  portèrent  également,  pour  Tabandonner 
enfin,  et  ne  plus  s'appeler  que  du  MetZy  sans  faire  précéder  ce  nom,  ve- 
nant sans  doute  d'un  fief,  de  Berbier^  ainsi  que  le  prouvait  dernièrement 
une  publication  de  mariage  faite  à  la  mairie  de  Senlis. 


*^>.. 


UNE  PAYSANNERIE.  271 

en  voyant  que  le  mariage  qui  les  unit  n'eut  lieu  qu*en  1744, 
le  19  janvier,  nous  acquérons  la  preuve  que  le  placet  susdit 
n'a  pu  être  remis  avant  cette  époque  ni  après  le  25  février 
1759,  jour  du  décès  de  Claude-Gédéon. 

Les  registres  de  la  commune  d'Eve  apprennent  qu'il  mou- 
rut à  Paris,  où  il  fut  inhumé;  néanmoins,  on  peut  sup- 
poser qu'un  service  religieux,  célébré  à  l'occasion  de  la 
mort  du  président  du  Metz ,  vint  honorer  sa  mémoire ,  à 
Eve  ;  car  une  litre  (1)  fut  bien  certainement  peinte,  au  moins 
à  l'extérieur  de  la  jolie  église  de  ce  village.  Les  traces  qui 
en  subsistent  encore  ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard  ; 
quelques  écussons  mal  conservés  :  d'azur  à  trois  colombes 
(t argent^  armoiries  des  Berbier  du  Metz,  s'y  découvrent 
aussi  sur  plusieurs  contre-forts. 

Mais  je  m'oublie,  au  lieu  de  commencer  la  lecture  de  mon 
étrange  document  bien  peu  digne  d'un  Comité  archéolo- 
gique ;  malgré  tout,  en  raison  des  mots  patois  dont  il  atteste 
l'usage,  veuillez,  Messieurs,  l'écouter,  je  vous  prie,  avec 
votre  bienveillante  et  très-encourageante  attention. 

A  Monseigneur  le  Président  du  Metz^  seigneur  de 

Marchémoret, 

«  Monseigneur, 

«  Je  prenons  la  libarté(2)  de  nous  présenter  aux  pieds  de 
vôtre  Grandeur,  pour  vous  prier  d'Empêcher  que  je  mour- 

(1)  «  Litre,  lisière,  ou  ceinture  funèbre,  est  une  trace  de  peinture  de 
couleur  noire,  large  d'un  pied  et  demy,  ou  de  deux  au  plus,  qui  s'ap- 
plique contre  les  murailles  d'une  église  ou  chapelle,  à  la  mémoire  et  en 
signe  de  deuil  pour  la  mort  du  patron  de  l'église  ou  seigneur  haut  lusti- 
cier  du  lieu  ,  sur  laquelle  trace,  en  divers  endroits,  sont  peintes  les 
armes  du  deffunt.  »  (P.  Palliot,  La  vraie  et  parfaite  science  des  armoiries^ 
page  416.) 

(2)  Dans  le  patois  populaire  de  Paris  et  de  ses  environs,  la  lettre  a 
se  substituait  principalement  à  !'<;,  lorsque  celui-ci  était  suivi  des  sifflantes 
c,  j  ou  X  et  d'une  des  liquides  /,  n  ou  r.  On  serait  donc  en  droit,  dit 
M.  Nisard,  d'en  conclure  que  le  changement  a  le  caractère  d'une  règle.  Il 
n'en  est  pas  absolument  ainsi  ;  mais  la  règle  se  manifeste  impérieuse  et 
sans  exception,  toutes  les  for  "  «uivi  d'un  r. 


272  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

rions  trétous(l).  La  mortalité  est  à  Marchémoret,  Et  j 'ont 
opinion  qu'elle  provient  des  Exhalaisons  de  rieau(2)  de 
vostre  Etang  (3),  qui  sous  vostre  Respect  pue  comme  de  la 
charogne.  Deffunt  le  père  Clément  nous  a  dit  à  queucun 
que  du  temps  de  monsieur  Duprat  qui  étoit  notre  seigneur 
comme  vous,  Et  grand  Chandellier  de  France  (4),  les  habitants 
mourrions  a  tas ,  que  les  médecins  avons  dit,  tant  qu'où  (ô) 

(1)  Tretout,  trestous,  trestos,  tertous,  trestoz,  trestuit  (tous  en  gé- 
néral, sans  exception). 

Rabelais  dit  :  a  Je  suis  tout  et  très-tout  à  vous,  »  et  aussi  :  <  Nous 
somme  très-tous  à  vous. 

Comme  il  est  fort  et  raide,  et  qu'il  sait  battre  et  mordre, 
Il  leur  donne  à  tretous  bien  du  fil  à  retordre. 

BOURSAULT. 

(2)  U  est  plus  aisé  de  constater  Texistence  de  la  prononciation  iau^  à 
Paris,  que  de  dire  de  qui  il  la  lient.  Selon  M.  Charles  Nisard,  c  elle  était 
commune  à  plusieurs  dialectes  ;  mais  la  forme  car,  permutable  en  eaus^ 
étant  la  racine  immédiate  des  mots  en  eau^  et  al  étant  une  forme  picarde 
et  normande,  ces  deux  dialectes  pourraient  prétendre  à  l'honneur  d*en 
avoir  doté  la  capitale,  n 

(3)  Actuellement  encore,  ce  lieu  marécageux  semble  toujours  aussi 
malsain.  Il  est  peuplé  d'une  myriade  de  grenouilles  dont  la  musique 
agaçante  a  tant  de  fois  été  remarquée,  que  si,  en  passant,  vous  paraissez 
surpris  d'entendre  de  pareils  coassements,  on  vous  dira  que  ce  sont  les 
orgues  de  J^archémoret  :  leur  réputation  est  faite. 

{k)  Ce  titre  évidemment  estropié  oblige  néanmoins  à  croire  qu'il  est 
ici  question  du  chancelier  du  Prat,  mort  en  1535,  et  non  de  l'un  de  ses 
descendants.  Comme  le  célèbre  ministre  de  François  I*'  habitait  Nan- 
touillet,  où  il  avait  fait  construire  un  magnifique  château,  situé  à  peu  de 
distance  de  Marchémoret,  rien  ne  paraît  plus  naturel.  Seulement,  il  est 
difficile  d'admettre,  malgré  l'âge  qu'on  voudra  bien  lui  donner,  que 
deffunt  le  père  Clément  ait  pu  être  témoin  du  fait  invoqué  par  ses  com- 
patriotes, et  qui  remontait  au  delà  de  deux  siècles  ;  il  ne  faut  voir  en 
lui,  conteur  de  village,  faisant  autorité  dans  son  pays,  qu'un  anneau 
de  la  chaîne  des  temps. 

On  peut  aussi  penser  que  ce  mot  de  Grand  Chandellier^  présentant  un 
sens  plus  facile  à  saisir  que  celui  de  chancelier,  ne  devait  pas  paraître 
extraordinaire  à  des  paysans  habitués,  sans  doute,  à  entendre^  parler  de 
Grands  panetiers  et  de  Grands  bouteillers,  par  leuis  voisins  de  Villeneuve- 
sous-Dammartin  et  de  Moussy-lc-Vieux,  vassaux  des  Brissac  et  des 
Bouteiller  de  Senlis. 

(5)  Qu^ou  poiu*  que  vous,  contraction  usitée  surtout  dans  la  poésie  po- 
pulaire, afin  de  raccoiuxir  un  vers  qui  eut  été  trop  long  sans  cda. 


UNE  PAYSANNERIE.  273 

aurés  un  Etang,  vous  serés  trétous  malades  Et  pis  vous 
mourrés ,  ils  ont  partis  En  bande  ils  Tavons  dit  à  monsieur 
Duprat,  qui  étoit  un  bon  seigneur  comme  vous,  Et  qui  leur 
a  dit  mes  enfants  pis  qu'ainsi  est,  je  ne  veux  pas  qu'où 
mourriés,  Via  de  l'argent,  comblés  l'étang. 

«  Vous  devez  Monseigneur  trouver  tout  cela  Ecrit  dans 
vos  papiers  En  parchemin,  je  vous  prions  de  les  lire,  Et  par 
après  dire  à  Dupuit  qu'il  arrache  La  maudite  Bombe  qui 
arrêtte  tout  tes  les  y  eaux. 

«  J'ont  souleur  que  monsieur  nostre  curé  tombe  malade 
Et  pis  qu'il  meurt.  Je  perdrions  nostre  père.  Je  sommes 
bénaize(l)  qu'and  je  le  voyons,  Et  pis  qu'and  il  va  à  Dam- 
martin  ou  il  raspire  un  bon  air,  et  ou  mademoiselles  ses 
sœurs  le  mitigeons,  J'ons  Espérance  Monseigneur  que  vôtre 
grandeur  qui  est  bonne  comme  le  bon  pain,  Et  bien  chari- 
table nous  octroyera  nostre  prière,  je  prierons  le  bon  Dieu 
pour  vous,  pour  monsieur  vostre  garçon ,  pour  monsieur  le 
Marquis,  pour  Mesdames  leurs  ménagères  Et  tous  leurs 

biaux(2)  Enfants. 

«  Signé  : 

«  Pierre    Mourette,   Denis    Guilleret,    J.-P.    Gobert, 

Joseph  Bernar%  "j"  (marque  de  M.  le  Noir),  N.  Redon, 

Jean  Germain,  A.  Clément,  -j-  (marque  de  M.  Lavaux), 

Louis   Hubert,   -j"    (marque   de   Marie- Anne    Cotelle), 

A.  Grandprez,  Jean  Dequeux,  -j-  (marque  de  M.  L.  Mei- 

gnan),  Pierre  Bernard,  Dardel,  Riblou,  J.  Prouillet, 

Macuuré,  "j-  (marque  de  M.  A.  Gatoire),  Pierre  Carré, 

J.  Carré,  Decan.   »         LONGPÉRIER-GRIMQARD. 

(1)  La  lettre  *  retranchée  des  mots  bien  et  rien  nous  laisse  en  face  de 
ben  et  ren,  principalement  dans  les  textes  du  milieu  du  dix-huitième 
siècle,  taudis  que  les  textes  postérieurs  offrent  souvent  les  formes  pincées 
rin  et  bin. 

(2)  BiauXj  biasy  beax,  biaulx,  biax^  bieulx^  bieux^  biau,  de  bellits  (heau, 
aimable,  joli),  suivant  la  règle  de  dérivation  en  vertu  de  laquelle  la  forme 
e//,  dans  les  mots  latins,  devint  successivement  en  français,  el,  ial,  eaul^ 
quand  aucune  voyelle  ne  suit.  Le  peuple  observe  toujours  cette  règle 
quand  il  dit  :  batiau,  de  batellus^  diminutif  de  batus  ;  chapiauj  de  capel" 
lus,  diminutif  de  capa^  etc. 


CURIOSITÉS   MANUSCRITES 


LES  MÉMOIRES  D'UN  SOLDAT  DE  L'ARMÉE  D'ITALIE 

(1796-1798) 

Nous  croyons  devoir,  en  commençant,  prévenir  le  lecteur,  si 
lecteur  il  y  a,  qu'il  perdrait  son  temps  à  chercher  dans  les  dic- 
tionnaires biographiques,  ou  dans  les  historiens  de  la  mémorable 
campagne  d'Italie,  des  renseignements  sur  l'auteur  des  mémoires 
manuscrits  dont  nous  allons  donner  quelques  extraits.  J.-P.  Lan- 
don,  auteur  de  ces  mémoires,  dont  la  carrière  militaire,  commen- 
cée en  1792,  s'est  terminée  en  1798,  par  un  congé  de  réforme, 
n'a  pas  dépassé  le  grade  de  sergent  auquel  l'insuffisance  de  son 
éducation  première  l'eût  sans  doute,  en  tout  état  de  cause,  fatale- 
ment limité.  Condamné  au  repos  en  1798,  l'idée  lui  est  venue,  en 
1 855,  de  rassembler  ses  souvenirs  et  de  les  adresser  à  un  sénateur 
de  l'Empire,  M.  Larabit,  dans  le  but  d'obtenir  la  croix  de  la  Lé- 
gion d'honneur.  Nous  ignorons  quel  a  été  le  résultat  de  cette  dé- 
marche. Le  manuscrit  de  Landon  trouvé  par  nous  à  un  étalage 
des  quais  et  qui  débute  par  une  lettre  d'envoi  à  ce  sénateur,  ne 
contient  aucun  renseignement  sur  la  suite  dpnnée  à  sa  demande. 
Nous  supposons  qu'elle  aura  été  écartée,  en  raison  du  rôle  très- 
secondaire  joué  par  le  pétitionnaire,  et  que  son  manuscrit,  mis  an 
panier,  aura  été  vendu  à  la  livre  avec  d'autres  brochures,  soit  avant, 
soit  après  le  décès  de  M.  Larabit.  Quoi  qu'il  en  soit,  ces  mémoires 
nous  ont  paru  contenir  quelques  faits  curieux,  naïvement  rappor- 
tés. On  en  jugera  par  les  extraits  suivants  dans  lesquels  nous 
avons  rectifié,  pour  la  commodité  du  lecteur,  l'orthographe  ab- 
solument défectueuse  du  narrateur.  Quant  aux  incorrecticms  de 
son  style,  nous  avons  dû  les  respecter,  sous  peine  d'enlever  son 
cachet  à  la  narration. 

I 

J.-P.  I^ndon,  né  à  Montauban  vers  1775,  s'était  enrôlé  en  1792 
dans  le  bataillon  des  Chasseurs  des  montagnes^  en  formation  à  Tou- 
louse. Il  fit  dans  ce  corps  la  campagne  des  Pyrénées-Orientales 


CURIOSITÉS  MANUSCRITES.  275 

sous  les  ordres  des  généraux  Puget ,  Barbantane-Dugommier, 
Pérignon  et  Schérer,  du  mois  de  juin  1 793  à  la  paix  conclue 
avec  l'Espagne  en  1795.  Successivement  fourrier  et  vaguemestre, 
il  avait  acquis  le  grade  de  sergent  qu'il  conserva  lorsque  son  ba- 
taillon fut  incorporé  d  ins  la  légion  des  Allobroges,  Au  mois  de 
décembre  1795,  cette  légion  fut  dirigée  sur  Nice  et  de  là  sur 
Loano,  dans  le  littoral  de  Gênes.  Ici  commencent  les  Mémoires 
de  Landon  et  le  récit  de  la  campagne  d'Italie,  telle  qu'il  l'a  vue, 
car  il  se  défend,  dans  sa  lettre  à  M.  Larabit,  d'avoir  voulu  donner 
autre  chose  que  des  souvenirs  personnels  :  «  Je  me  suis  borné, 
dit-il  dans  cette  lettre,  à  rappeler  les  faits  qui  se  passèrent  devant 
notre  régiment,  attendu  que  mon  peu  de  science  ne  me  permet 
pas  de  parler  de  ce  qui  se  passa  à  droite  et  à  gauche.  > 

La  légion  des  Allobroges,  qui  avait  pour  colonel  Desaix,  ne 
resta  pas  longtemps  dans  ses  cantonnements  de  Loano.  Au  mois 
de  février  1796  elle  se  porta,  sous  les  ordres  du  général  Rusca, 
du  côté  de  Bardinetto  et  de  Vetria  et  alla  bivouaquer  sur  la  mon- 
tagne de  la  Sota  :  c  L'armée  était  alors  sans  paye,  sans  habits  ni 
souliers  :  il  nous  fut  répondu  que  nous  trouverions  tous  ces  besoins 
en  Piémont.  »  La  première  rencontre  avec  les  Piémontaiseut  lieu  aux 
environs  de  St-Jean  de  Murialde,  au  commencement  d'avril  1796. 
L'armée,  sous  les  ordres  de  Napoléon,  avait  commencé  son  mouve- 
ment :  les  Allobroges  attaquent  les  Piémontais  et  leur  enlèvent 
cinq  redoutes  échelonnées  :  «  La  première  fut  défendue  avec  opi- 
niâtreté ;  j'abordai  le  parapet  :  un  sous-officier  m'en  défend  l'en- 
trée ;  nous  sommes  aux  prises,  mais  la  redoute  se  trouvant  prise 
de  tous  côtés,  il  se  rend  prisonnier  et  me  remet  son  sabre.  Je  le 
possède  encore  :  il  a  la  lame  creusée,  avec  l'aigle  piémontaise  et 
la  devise  :  Vive  le  roi.  » 

Le  lendemain  on  arrive  en  vue  de  Mondovi,  et  après  quelques 
rencontres,  on  atteint  Nice  délia  Paglia. 

Le  8  mai  1 796  a  lieu  le  passage  du  Pô,  à  Plaisance  :  «  Quand  e 
passai  le  fleuve,  je  n'aurais  jamais  pensé  qu'après  cinquante-neuf 
ans.  Son  Exe.  le  duc  de  Plaisance  fût  dépositaire  de  cette  pré- 
cieuse décoration  que  je  convoite  depuis  le  retour  de  l'empereur 
Napoléon  III.  »  Le  10,  au  matin,  les  Allobroges  attaquent  le  vil- 
lage de  la  Brouguète  (Borghetto).  «  Dans  ce  moment,  le  canon  se 
faisait  entendre  dans  la  direction  de  Lodi.  C'était  Napoléon  qui 
forçait  le  général  Beaulieu  à  se  replier  au  delà  de  l'Adda  où  il 


276  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

prit  position.  »  Le  même  jour,  la  légion  reçut  Tordre  de  se  porter 
au  pas  de  course  sur  Lodi  :  «  Nous  arrivons  à  la  porte  pleins  de 
sueur  et  de  poussière.  Nous  formons  nos  pelotons  à  la  hâte.  Je  me 
trouve  par  mon  rang  de  sergent  à  la  première  compagnie,  en  ser- 
refile  au  premier  pe  oton.  »  La  ville  traversée,  on  arrive  à  la 
tête  du  pont  :  «  Napoléon  et  son  état-major  est  placé  au  dedans 
de  la  porte,  à  droite.  Un  cheval  qui  venait  d'être  tué  entrelaçait 
la  porte  et  dérangeait  nos  pelotons  :  pour  ma  part,  j'ai  monté  sur 
le  ventre.  Nous  voilà  sur  le  pont,  Tennemi  garde  un  instant  le 
silence  et  nous  sommes  à  quinze  pas  de  leur  front,  quand  tout  à 
coup  un  feu  croisé  se  fit  entendre  et  un  cliquetis  semblable  à  la 
grêle  résonna  sur  les  canons  de  nos  fusils  et  sur  nos  bayonnettes. 
Alors  les  plus  avancés  sautâmes  en  bas  du  pont  à  droite  et  faisons 
feu  sur  Tennemi  à  bout  portant,  car  la  fumée  de  leur  feu  les  avait 
empêchés  de  voir  notre  mouvement.  »  Enfin  le  pont  est  enlevé  et 
l'on  fait  un  grand  nonibfe  de  prisonniers  du  régiment  de  Belgio- 
gioso.  Au  delà  du  pont,  on  eut  à  supporter  plusieurs  charges  vi- 
goureuses des  hulans  :  <  Nous  apercevions  au  loin  un  corps  de 
cavalerie  habillé  de  blanc.  C'était  un  régiment  de  cavalerie  napo- 
litaine, mais  ces  Messieurs  trouvèrent  à  propos  de  ne  pas  nous 
aborder.  » 

L'ennemi  s'était  retiré  sur  Créma  :  «  nous  étions  tous  harassés 
de  fatigue.  J'ai  passé  la  nuit  dans  un  sillon  jusqu'au  jour  sans 
m'éveiller.  Le  matin  Napoléon  vint  nous  visiter.  Il  trouva  tous 
les  camps  approvisionnés  de  fromage  de  Lombardie.  Chaque  sol- 
dat en  avait  sa  bonne  part.  » 

La  division  de  Landon  marcha  sur  Pavie  et  y  fit  son  entrée  le 
ik  mai.  Elle  y  resta  huit  jours.  Landon  visita  l'Université  et  le 
théâtre  «  où  l'on  jouait  ia  morte  di  Cleopatra,  »  Le  quatrième 
jour  eut  lieu  une  tentative  d'insurrection  :  a  les  Italiens  voulurent 
planter  l'arbre  de  la  liberté  :  ils  amenèrent  un  arbre  sur  une 
place  où  il  y  avait  la  statue  équestre  de  l'empereur  d'Autriche.  » 
(Arrêtons-nous  pour  remarquer  que  Landon  est  en  avance  sur  les 
protocoles  diplomatiques.)  «Le  général  Augereau  et  son  état-ma- 
jor se  rendirent  sur  la  dite  place  ;  mais  quand  on  voulut  élever 
l'arbre,  le  général  Augereau  fil  annoncer  par  le  général  Rusca 
aux  Italiens  que  l'arbre  de  la  liberté  ne  pouvait  se  placer  devant 
l'Empereur. 

«  Alors  la  foule  fut  chercher  des  barres  de  fer  et  renversa  le 


CUKIOSITÉS  MANUSCRITES.  277 

busie  de  l'Empereur  qui  me  tomba  tout  près  de  moi-même.  Dans 
cette  expédition  j'observai  d^s  figures  qui  me  paraissaient  bien 
sombres.  Je  dis  à  mes  camarades  :  rentrons  au  quartier,  car  nous 
pourrions  être  assassinés  ici  sans  défense.  A  peine  avons-nous 
quitté  la  place,  on  crie  :  aux  armes  !  Nous  sommes  à  nos  compa- 
gnies :  on  nous  dirige  sur  le  pont  duTessin.  CVst  un  pont  couvert  : 
nous  apercevons  une  infmité  de  birques  couvertes,  sans  gouver- 
nail, qui  venaient  du  baut  de  la  rivière.  Nous  avons  l'ordre  de 
faire  feu  sur  ces  barques  et  nous  les  avons  poursuivies  dans  la 
campagne.  Au  retour,  je  fus  laissé  de  garde  avec  quinze  hommes 
au  bout  du  pont  ;  une  plus  forte  s' établit  au  milieu,  et  une  encore 
plus  forte  à  la  porte  de  la  ville,  et  dans  ces  positions  nous  avons 
passé  la  nuit  à  bien  surveiller.  Il  fut  dit  que  ces  barques  étaient 
pleines  d'insurgés  qui  venaient  débarquer  à  Pavie.  Le  général 
Rosca  vint  cinq  à  six  fois  dans  cette  nuit,  faire  sa  ronde,  et  il 
nous  observait  de  bien  surveiller,  attendu,  nous  disait-il,  que 
l'insurrection  paraît  être  ém inente.  Il  m'apprit  en  même  temps 
que  j'avais  l'honneur  étant  très-jeune  de  monter  une  garde  dan- 
gereuse à  Tendroit  où  jadis  notre  roi  de  France, Fiançois  I«',  avait 
été  fait  prisonnier.  J'appris  du  général  cette  grande  époque  que 
je  ne  savais  pas  et  je  m'en  suis  toujours  rappelé.  » 

Cette  tentative  d'insurrection  comprimée,  on  marche  sur  Milan, 
après  avoir  incendié  au  passage  le  village  de  Binasco  qui  avait 
voulu  arrêter  la  marche  des  vainqueurs.  On  est  à  Milan  :  c  la 
division  traversa  cette  grande  ville  accompagnée  d'une  nombreuse 
population  avide  de  voir  les  soldats  de  notre  bel  e  France.  »  Ici 
un  détail  financier  qui  n'est  pas  sans  importance  :  «  l'on  nous 
donna  pour  la  première  fois  trois  francs  en  gros  sous.  »  Landon 
qui  a  un  tempérament  de  touriste  profite  des  deux  jours  passés 
à  Milan  pour  aller  visiter  le  Dôme.  Il  voit  Napoléon  et  ses  géné- 
raux arriver  devant  l'église  :  «  Napoléon  mit  pied  à  terre  et  entra 
dans  la  cathédrale.  Je  le  suivis  avec  mon  camarade  (1  s'arrêta 
devant  une  superbe  balustrade  qui  renfermait  un  grand  chande- 
lier, chef-d'œuvre.  Il  le  faisait  remarquer  à  ses  généraux,  puis 
prenant  la  droite  derrière  la  nef,  il  s'arrêta  devant  une  chapelle 
où  il  y  avait  une  statue  en  marbre  d'un  travail  infini  qui  portait 
sa  peau  sur  son  dos.  Ayant  fini  son  tour,  Napoléon  sortit  et  moi 
j'ai  monté  au  Dôme.  » 

De  Milan,  en  passant  par  Treviglio,  Urgnano  et  Chiari,  l'on 


278  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

arrive  à  Brescîa,  où  Ton  n'entre  pas  :  «  les  pandours  vénitiens 
nous  voyaient  passer  de  derrière  la  grille  »  et  Ton  se  dirige  sur 
Salo,  au  bord  du  lac  de  Garde,  «  où,  dit  Landon,  nous  baignâmes 
nos  lauriers.  »  La  légion  des  Allobroges  campa  sur  le  versant  de . 
la  montagne  «  en  face  du  château  de  M.  de  Mardnengo,  seignenr 
vénitien.  Les  domestiques  de  ce  château  m'apprirent  que  Mgr  le 
comte  d'Artois  venait  souvent  s'y  livrer  au  plaisir  de  la  chasse. 
Nous  établîmes  nos  avant*  postes  au  village  deSernigaetlecurëdu 
village  m'apprit  que  ce  prince,  quand  il  habitait  Vérone,  venait 
souvent  chasser  dans  cet  heureux  désert.  Je  fus  charmé  (Rappren- 
dre toutes  ces  particularités  ». 

La  division  de  Landon^  alors  commandée  par  le  général  Sauret, 
était  campée  en  vue  du  village  de  Sabbio,  dans  la  vallée  de  ce 
nom,  lorsque, le  il  thermidor  an IV, elle  fut  attaquée  par  Wurm- 
ser  :  «  J'avais  été  commandé  de  garde  pour  l'avant-poste.  Dans 
la  nuit,  la  sentinelle  ramène  à  mon  poste  le  curé  du  village  de 
Sabbio  qui  vient  nous  avertir  que  l'ennemi  était  arrivé  au  village 
en  grand  nombre.  Je  lis  conduire  ce  prêtre  au  colonel  Desaix  qui 
le  fit  conduire  au  général  Rusca.  A  la  pointe  du  jour  du  i^,  je 
vois  arriver  les  Autrichiens  vers  nous,  et  le  chef  brandissait  son 
sabre  vers  nos  soldats.  Je  l'attendis  à  quinze  pas  et  avons  fait  no- 
tre feu  et  nous  rentrons  dans  nos  compagnies.  Alors  nous  som- 
mes attaqués  par  une  troupe  énorme  et  obligés  de  nous  replier.  > 
La  ville  de  Salo  tombe  au  pouvoir  de  l'ennemi  et  la  division  Sau- 
ret  se  replie  encore  sur  les  hauteurs  de  Desenzano.  Des  troupes 
autrichiennes  de  débarquement  paraissaient  en  même  temps  sur 
le  lac  :  heureusement  que  Napoléon  qui  venait  d'évacuer  Vérone 
arrive  à  temps  pour  canonner  les  embarcations  qui  portaient  ces 
troupes  et  leur  faire  prendre  le  large.  Cette  diversion  permet  à 
la  division  Saui*et  de  reprendre  l'offensive  et  d'attaquer  l'ennemi 
qui  est  refoulé  dans  Salo.  Ce  fut  dans  la  journée  du  13  thermidor 
an  IV  :  «Cette  journée  ne  fut  qu'entrer  et  sortir  de  la  ville.»  Enfin, 
le  général  Rusca  bloqué  dans  une  maison  de  Salo  est  délivré  et  la 
division  Saurct  réoccupe  ses  positions  de  Desenzano.  Dans  une 
note,  Landon  nous  apprend  que  «  //  fut  dit  (forme  de  langage  qu'il 
emploie  volontiers)  après  les  affaires,  que  le  curé  de  Sabbio  avait 
été  fusillé  par  les  Autrichiens,  à  Salo,  le  16.  » 

Après  cette  journée  du  13,  on  marche  sur  Lonato.  Rencontre 
avec  Tennemi  dans  un  champ  de  maïs,  La  victoire  reste  aux 


\ 


\ 


CURIOSITÉS  MANUSCRITES.  279 

Français,  mais  «  peu  de  temps  après  l'action,  un  de  nos  grands  cais- 
sons d^obus  éclata  dans  la  rue  de  Lonato  et  nous  tua  sept  à  huit 
de  nos  blessés  qui  étaient  dessus.  A  ce  moment,  j'étais  à  contem- 
pler dans  ce  champ  de  maïs  tant  de  cadavres  restés  sur  le  champ 
de  bataille.  Je  courus  vers  l'explosion  et  je  trouve  un  affreux 
carnage  de  nos  blessés  et  autres  qui  venaient  d'être  tués  par  l'ex- 
plosion. »  Après  une  pointe  sur  Brescia  que  l'on  trouve  aban- 
donnée par  les  Autrichiens,  on  revient  sur  Lonato  et  de  là  sur 
Salo.  Nous  sommes  au  16  thermidor.  Battue  à  Castiglione  par 
Napoléon  et  Augereau,  l'armée  de  Wurmser  Test  encore  à  Salo 
par  Sauret.  Desbusqués  '  de  leur  camp,  les  Autrichiens  en- 
gagent des  combats  de  cavalerie.  <c  Dans  une  de  leurs  charges, 
un  ofGcier  d'housards  vient  à  moi  ne  pouvant  retenir  son  che- 
val. Je  le  tiens  en  joue.  A  deux  pas,  il  saute  à  terre,  me  donne 
sa  bourse  et  se  rend  prisonnier.  Sa  générosité  fit  que  je  ne  l'ai 
pas  dévalisé.  Son  cheval  me  fut  payé  la  somme  de  cent  francs. 
C'était  l'ordre.  » 

A  la  suite  de  tons  ces  échecs,  le  découragement  s'était  mis  dans 
l'armée  autrichienne  qui  se  rendait  en  masse,  et  le  i  7  thermidor, 
les  Allobroges  réuccupaient  les  positions  qu'ils  avaient  dû  évacuer 
le  i  1  :  «C'est  dans  ces  mêmes  endroits  que  nous  en  finîmes  avec  le 
reste  de  cette  forte  division  autrichienne  qui  était  sortie  naguère 
si  pleine  d'espérance.  Si  celui  qui  commandait  l'avant-garde  et 
qui  me  menaçait  de  son  sabre,  le  i  1 ,  avait  été  présent  le  1 7,  il  au- 
rait reconnu  que  tout  avait  bien  changé.  » 

n 

A  peine  remise  de  ses  fatigues,  la  division  dont  faisait  partie 
Landon  marche  vers  la  vallée  de  Storo  et  arrive  à  La  Rocca  d'anfo  : 
<c  l'ennemi  s*y  était  fortifié.  Ils  avaient  levé  un  ancien  pont-levis 
et  nous  avons  été  obligés,  sept  à  huit  de  nous,  de  grimper  sur  le 
vieux  mur  qui  soutenait  les  chaînes  du  pont*  Au  milieu  d'une 
grêle  de  balles,  avec  nos  crochets  de  carabines,  nous  avons  fait 
tomber  le  pont.  Le  22*  régiment  de  chasseurs  chargea  et  800 
prisonniers  mirent  bas  les  armes.  A  la  chute  du  pont-levis,  le 
vieux  mur  chancela  et  peu  s'en  fallut  qu'il  ne  tombât  avec  nous.  » 
On  se  dirige  de  là  sur  Storo  et  par  Riva  et  Torbole,  l'on  arrive  à 
Roveredo  oii,  dit  modestement  Landon,  «  il  se  passa  uik  grande 


280  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

affaire.  Je  perdis  mon  capitaine  Sicard  et  plusieurs  soldats.  »  Na- 
poléon avait  franchi  l'Adige  et  atteint  les  Autrichiens  à  Roveredo 
pendant  que  la  division  de  Landon  gagnait  le  lieu  de  Taction  par 
Fauire  rive.  Malgré  rengagement  pris  par  lui  de  ne  rapporter  que 
ce  qui  s'est  passé  «  devant  son  régiment  »,  le  narrateur  ouvre  une 
parenthèse  pour  parler  des  guides  du  général  Bonaparte  formés 
nouvellement  et  qui  se  signalèrent  dans  cette  bataille  :  «  Il  fût  dit 
parmi  nous  que  les  guides  durent  leur  formation  à  ceci.  Napo- 
léon passant  près  du  village  de  Castelnuovo  près  Peschiera  fut 
assailli  de  quelques  coups  de  feu  venant  d'une  maison  sur  la  roule, 
servant  d*auberge,  qui  heureusement  n'atteignirent  personne. 
Alors  Napoléon  fit  cerner  la  maison  et  la  fit  incendier,  et  c'est  de 
cet  accident  qu'il  se  forma  la  compagnie  des  guides  à  cheval  et  à 
pied  qui  furent  le  noyau  de  la  garde  consulaire  et  impériale.  » 
Après  l'affaire  de  Roveredo,  la  division  Sauret  se  dirige  sur  la 
ville  de  Trente  qu'elle  trouve  déjà  occupée  par  les  Français  et  va, 
avec  l'armée  de  Napoléon,  attaquer  le  village  de  Lavis  (Avisio) 
où  s'étaient  cantonnés  les  Autrichiens  :  on  y  est  reçu  par  une  vive 
fusillade,  «un  mur  improvisé  nou.s  mettait  un  peu  à  couvert.  Cela 
n'empêche  que  nous  étions  décimés.  Napoléon  à  cheval  courut  de 
grands  risques.  Nous  lui  disions  :  général,  descendez  de  cheval, 
vous  allez  être  tué,  et  nous  craignions  plus  pour  sa  vie  que  pour 
la  notre  tant  la  perte  de  nos  camarades  nous  était  devenue  familière,  » 
Avisio  pris  et  réduit  en  cendres,  la  division  Sauret  va  camper  sur 
les  hauteurs  de  Presano. 

Ici  un  fait  important  dans  la  vie  d'un  soldat  :  la  légion  des  Al- 
lobroges  perd  son  nom  et  est  embrigadée  avec  la  27®  légère  sous 
les  ordres  du  général  de  division  Vaubois;  cette  division  devait 
être  composée  de  trois  brigades, 'mais  faute  de  les  tenir  réunies 
sous  sa  main,  Vaubois  éprouve  quelques  échecs  dans  les  gorges  du 
Tyrol  et  est  forcé  de  rétrograder  de  Presano  sur  Trente  et  de 
Trente  sur  Roveredo,  lorsque  arrive  «  cette  grande  et  belle  jour- 
née où  l'armée  autrichienne  fut  totalement  défaite  et  qui  donna 
son  nom  à  cette  grande  et  belle  rue  qui  fait  aujourd'hui  l'ornement 
de  la  capitale  de  l'empire  français.  »  Il  s'agit  de  la  bataille  de 
Rivoli,  fatale  à  l'armée  d'Alvinzi.  La  division  de  Landon  i  rit 
part  à  l'action,  mais  non  sans  ris'^ues  pour  lui,  car  sa  brigade  fut 
enveloppée  et  plus  de  trois  cents  soldats  tombèrent  au  pouvoir  de 
l'ennemi.  «  Je  ne  dus  mon  salut,  dit-il,   qu'en  sautant  un  fossé 


\ 


CURIOSITÉS  MANUSCRITES.  281 

très-large  ».  La  bataille  gagnée  et  après  avoir  conduit  deux  mille 
prisonniers  jusqu'à  Peschiera,  «  où  ils  furent  déposés  dans  les  fos- 
sés des  remparts,  »  Landon  est  achemine  sur  Goïto,  quartier  gé- 
néral de  Serrurier  arrêté  au  blocus  de  Mantoue  dont  il  salue  un 
peu  prématurément  la  reddition  par  cette  tentative  pseudo-poéti- 
quç: 

€  La  superbe  Mantoue 
En  nous  ouvrant  ses  portes, 
Wurmser  consterné 
Vit  entrer  nos  cohortes.  » 

Tous  ces  combats  n'étaient  pas  sans  avoir  entamé  fortement 
Teffectif  de  la  division  Vaubois  ;  mais  une  fois  reconstituée  par 
l'adjonction  d'une  demi-brigade,  elle  se  remit  en  marche  et 
«  le  jour  de  Noël  d766,  sous  la  conduite  du  général  Lan- 
nés,  nous  vînmes,  dit  Landon,  passer  le  fleuve  du  Pô  à  Borgo- 
forte.  »  Par  Novellara,  Guastalla  et  Carpi,  l'on  arrive  à  Mo- 
dène  où  les  Français  sont  reçus  avec  enthousiasme  :  «  L'on 
nous  donna  un  beau  feu  d'artifice  et  spectacle  gratis.  Le  palais  de 
Duc  nous  fut  ouvert.  Je  le  visitai  de  partout,  et  j'y  ai  vu  des  ta- 
bleaux des  plus  grands  maîtres.  »  Puis  on  part  par  Bologne  et 
Ferrare  :  «  Dans  la  route,  dit  notre  narrateur,  je  me  suis  entre- 
tenu longtemps  avec  le  général  Lannes  de  la  campagne  des  Py- 
rénées-Orientales en  93, 94  et  9S,  que  nous  avons  faite  ensemble.  » 
Arrivés  à  minuit  à  Ferrare,  on  en  part  à  quatre  heures  du  matin 
et  Ton  va  passer  le  Pô  à /'o/2/e^^co{/r/(Pontelagoscuro).  Rencontre 
à  Occhiobello  avec  les  Autrichiens  qui  sont  battus  et  se  mettent 
en  retraite  sur  Mantoue.  Wurmser,  pour  leur  porter  secouts,  tente 
une  sortie,  mais  il  est  refoulé  par  les  divisions  Baraguey-d'Illiers. 
Masséna  et  Victor  «  et  douze  à  quinze  mille  hommes  venus  de 
Vienne  rendirent  leurs  armes  entre  le  faubourg  Saint- Georges  et  la 
Favorite.  »  Le  général  Lannes  est  remplacé  à  ce  moment  par  le 
général  Duphot  et  l'avant-garde  dont  faisait  partie  Landon  va  bi- 
vouaquer près  de  Bassano  où  l'on  tombe  en  pleine  nuit  dans  une 
division  autrichienne.  On  venait  de  forcer  un  parti  ennemi  à  se 
barricader  dans  une  ferme  où  on  le  tenait  bloqué,  ce  lorsque  un 
peu  plus  loin,  nous  entendons  parler  allemand.  Nous  dîmes  au 
capitaine:  ce  sont  les  Autrichiens.  Impossible,  nous  répondit-il; 
mais^  tout  à  coup,  un  feu  de  l'ennemi^  à  douze  ou  quinze  pas, 

19 


282  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

nous  tua  plusieurs  de  notre  compagnie.  Le  capitaine  Michel  en 
fut  du  nombre.  Je  vois  encore,  à  la  lueur  de  leur  feu,  toutes  leurs 
figures  et  leurs  jambes  se  lancer  vers  nous.  Je  ne  dus  mon  salut 
qu'en  sautant  dans  un  fossé  profond.  >  C'est  au  moins  le  deuxiè- 
me fossé  qui  apparaît  dans  Thistoire  de  Landon,  et  nous  n'esti- 
mons pas  que  sa  valeur  en  doive  être,  pour  ce  a,  suspectée.  C'est 
le  propre  de  la  vraie  bravoure  de  ne  pas  faire  mystère  de  ses  dé- 
faillances :  <  Je  sentis,  a  dit  un  grand  capitaine,  certain  mouve- 
ment qui  pouvait  être  de  la  peur.  » 

Landon  fut  d'ailleurs  bientôt  hors  de  son  fossé,  et  les  Autri- 
chiens ayant  été  repoussés,  la  division  entre  dans  Bassano.  La 
première  compagnie  s'établit  dans  un  des  châteaux  qui  dominaient 
la  ville.  Tous  ne  furent  pas  occupés  comme  en  témoigne  l'aventure 
suivante  :  «  Un  jour,  le  général  D  phot  vint,  avec  son  aide  de 
camp,  nous  visiter.  Il  fut  au  delà,  à  un  autre  château,  en  prome- 
nade. Quand  il  arriva  aux  portes,  il  fui  reçu  par  un  feu  de  mous 
queterie  qui  venait  du  donjon.  Heureusement  ils  ne  furent  pas  at- 
teints. Le  général  vient  vers  nous,  nous  ordonne  de  le  suivre  et 
nous  ordonne  le  pillage  et  l'incendie  du  château.  Nous  y  arrivons: 
tout  est  enfoncé.  La  première  personne  que  je  trouve  est  une 
vieille  femme  qui  me  demande  :  la  vita  per  caritaî  Au  lieu  de  lui 
faire  du  mal,  je  la  console  :  cependant,  je  fouille  son  armoire  et  je 
fais  ma  bonne  part.  »  Les  Itdiens  n'auraient  pas  manqué  de 
jouer,  à  cet  endroit,  sur  le  mot  Bonaparte,  Rendons  la  parole  à 
Landon  :  ce  Mes  camarades  étaient  montés  au  donjon  :  ils  ramènent 
cinq  hommes  dont  il  y  en  avait  deux  très-jeunes.  Le  général  après 
avoir  examiné  leurs  mains  noircies  de  poudre  renvoya  les  deux 
plus  jeunes  et  6t  fusiller  sur-le-ch«'imp  les  trois  autres.  Après  cela, 
tout  fut  mis  au  pillage.  »  C'est  la  guerre  1 

Le  même  soir  arrive  l'ordre  de  partir  pour  Trévise.  Ces  mou- 
vements sont  bien  de  la  campagne  d'Italie;  ils  reportent  le  sou- 
venir sur  l'opérette  du  Maître  de  chapelle  : 

Ce  sont  les  Français,  je  gage, 
Qui  profitent  de  la  nuit 
Pour  commencer  leur  tapage. 

Onniarche  doncsur  Trévise  que  l'on  trouve  évacuée  par  l'ennemi. 
La  division  fut  cantonnée  entre  la  ville  et  la  rivière  de  la  Piive. 
(c  Le  général  Augereau  passa  un  jour  la  division  en  revue.  Il  avait 


CURIOSITES  BIANUSCRITES.  283 

invité  les  dames  de  Trévise.  Elles  vinrent  jouir  de  notre  bel  en- 
semble et  se  retirèrent  fort  satisfaites.  » 

Nous  passons  légèrement  sor  quelques  engagements,  entre  au- 
tres sur  un  combat  de  cavalerie  où  l'ennemi  fut  repoussé  avec  per- 
tes, car  il  y  eut,  dit  Landon,  «  une  grande  marmelade  »,  et  nous 
arrivons  à  un  des  faits  les  plus  importants  de  la  campagne,  au 
passage  de  la  Piave  et  à  la  prise  de  Gonegliano.  Ce  fut  le  22  ven- 
tôse an  y  qu'eut  lieu  ce  fait  d'armes.  L'infanterie  française  passa 
la  Piave,  moitié  à  gué,  moitié  en  croupe  de  la  cavalerie  :  Landon 
fut  parmi  les  premiers*  Entre  la  Piave  et  Coneglianoil  y  a  une  dis- 
tance de  trois  quarts  de  lieue  qui  furent  franchis  en  chargeant  et 
en  étant  chargés  ;  puis  ou  entra  la  baïonnette  en  avant  dans  la 
ville  où  la  division  du  général  Bemadotte,  nouvellement  arrivé  à 
l'armée  d'Italie,  vint  à  propos  soutenir  les  assaillants*  La  même  nuit. 
Napoléon  paraiseait,  et  après  deux  heures  de  combat,  les  Autrichiens 
étaient  en  retraite  sur  la  route  de  Pordenone.  Pendant  ce  temps  se 
passait  un  petit  fait  que  Landon  enregistre  précieusement  :  «  A  notre 
entrée  dans  Conegliano  et  poursuivant  Tennena  dans  les  rues,  une 
de  nos  cantinières  qui  toujours  partageait  avec  nous  le  danger,  le 
mal  d'enfant  la  prit  dans  cette  bagarre  :  une  porte  s'ouvrit  et  la 
recueillit,  et  elle  donna  à  son  mari  une  jolie  petite  fille.  3» 

L'armée  ne  s'attarde  pas  à  Conegliano  et  se  lance  à  la  pour- 
suite de  l'ennemi.  Le  26  ventôse,  on  arrive  en  vue  dn  vilUge  de 
Valvasone  où  &e  trouvait  l'arhère-garde  du  prince  Charles.  Elle 
est  rejetée  par  le  capitaine  Bessières  an  delà  du  Tagliamento,  et 
l'on  pas>se  cette  rivière  sons  un  ouragan  de  boulets  dont  l'un  meur- 
trit la  jambe  de  Landon  :  <  Le  lieutenant  Carbucda  (père  du  gé- 
néral), qui  se  trouvait  près  de  moi,  m'invita  à  rester  en  arrière; 
mais  me  sentant  assez  de  force,  j'ai  continué  à  combattre  jusqu'à 
la  nuit.  »  L'armée  dn  prince  Charles  effectue  sa  retraite,  et  le  len- 
demain les  Français  campent  sur  la  route  de  Palma-Nnova  où 
vient  les  visiter  le  général  Bonaparte*  «  Après  bien  des  éloges,  il 
nous  montra  de  son  doigi  les  Alpes  Noriques  ou  Juliennes,  et  nous 
dit  que  nous  avions  beaucoup  fait,  mais  qa'il  nous  restait  encore 
beaucoup  à  faire.  »  Quant  à  la  blessure  de  Landon,  elle  était  heu- 
reusement sans  gravité  :  c  A  Palma-Nuova,  dit-il,  on  officier  de 
santé  autrichien  qui  avait  resté  pour  soigner  les  blessés,  me  donna 
une  certaine  ponunade  que  je  posai  sor  la  peau  de  mon  jarret  ipl 
ie  cicatrisa  incessamment,  » 


284  BULLETIN  DU  BŒLlOPfflLE. 

Poursuivie  la  baïonnette  dans  les  reins,  l'armée  autrichienne 
entre  dans  le  Frioul.  Les  Français  y  pénètrent  après  elle  et  la  sui- 
vent jusqu'en  Garinthie  en  livrant  des  combats  journaliers  dont  le 
plus  important  fut  l'enlèvement  de  la  forteresse  de  Ghiusa  et  de 
la  redoute  qui  la  défendait.  Les  généraux  Bon  et  Bourcier,  qui 
avaient  remplacé  Duphot,  y  font  mettre  bas  les  armes  à  huit  cents 
Autrichiens  et  marchent  ensuite  sur  Mascleriano.  Près  de  cette 
ville  on  s'empare  d'un  convoi  de  farine,  de  sucre  et  de  citrons, 
a  Avec  la  farine^  dit  Landon,  nous  avons  fait  des  crêpes  et  force 
limonade.  »  On  poursuit  l'ennemi  sur  la  route  de  Klagenfurth  et 
l'on  arrive  à  Matindorf  où  l'on  reçoit  la  nouvelle  d'une  suspension 
d'armes. 

U  faut  croire  que  les  termes  de  cette  suspension  d'armes  ne  sti- 
pulaient pas,  comme  cela  est  de  règle,  l'immobilisation  des  divers 
corps  d'armée,  car  la  division  de  Landon,  alors  commandée  par 
le  général  Verdier,  s'en  alla  camper  au  quartier  général  de  Léoben. 
Ici  se  place  un  incident  qui,  bien  que  présenté  d'une  manière  as- 
sez vague  par  notre  narrateur,  nous  a  paru  mériter  d'être  re- 
cueilli :  (c  Nous  avions  à  notre  gauche  le  43*  de  ligne.  Un  jour  nos  chefs 
s'aperçurent  que  ce  régiment  se  traitait  du  mot  monsieur.  De  là  il 
s'ensuivit  des  duels  entre  eux  et  nous,  et  les  bords  de  la  Mur  re- 
tentirent du  cliquetis  de  nos  armes,  hd  sabre  piémontais  que  j'ai 
encore  sortit  malheureusement  du  fourreau  dans  cette  pénible  cir- 
constance. Averti  de  ce  fait,  Napoléon  arrive  avec  son  état-major, 
se  place  au  milieu  de  la  route  et  fait  appeler  les  chefs  des  deux 
demi-brigades  ainsi  que  les  soldats,  et  après  avoir  fait  l'éloge  de  la 
conduite  que  nous  avions  tous  tenue  dans  tant  de  rencontres,  dans 
la  mémorable  campagne  que  nous  venions  de  faire,  il  nous  repro- 
cha amèrement  notre  conduite.  Il  fit  tant  par  ses  paroles  véhé- 
mentes qu'il  ramena  la  paix  parmi  nous,  et  après  son  discours 
nous  avons  tous  fraternisé  et  tout  fut  fini. 

«  Ainsi  finit  cette  mémorable  campagne,  par  les  paroles  du 
grand  Napoléon  qu'il  nous  répéta  à  Léoben  :  «  Heureux  ceux 
«  d'entre  vous  qui  pourront  se  vanter,  dans  le  temps j  d'avoir  été, 
«  en  l'an  IV,  de  Tarmée  d'Italie!  » 

Ce  qui  suit  de  la  narration  de  Landon  est  le  récit  du  retour  de 
l'armée  triomphante.  Elle  rentra  en  Italie  et,  par  Trévise,  Bas- 
sano  et  Montebello,  elle  revit  Vérone,  c  Ici^  nous  sommes  habillés 
de  pied  en  cap,  toute  la  division  Augereau,  et  après  avoir  changé 


CURIOSITÉS  MANUSCRITES.  285 

d'habits  et  de  chemises,  nous  jetâmes  le  tout  dans  TAdige,  et  bien 
certainement  nos  vieilles  hardes  voyagèrent  en  grande  compa- 
gnie. Ensuite  il  y  eut  une  grande  revue  suivie  d'un  banquet  où 
toute  la  division  assista.  C'était  au  village  de  Saint-Michel,  à  un 
kilomètre  de  Vérone,  où  les  tables  furent  dressées.  C'était  beau  à 
voir  tous  ces  marmitons,  chacun  leur  plat,  sortant  de  la  ville  et 
les  apporter  sur  la  table.  Après  le  repas  il  y  eut  assaut  d'armes. 
Le  général  Augereau  fit  des  armes  avec  un  de  nos  maîtres.  Après 
cela  nous  signâmes  une  pétition  ayant  pour  but  d'accompagner 
Napoléon  à  Paris  lorsque  la  Convention  l'appellerait  à  sa  barre. 
Si  cela  avait  eu  lieu,  bien  sûr  que  nous  aurions  fait  un  Deux^ 
Décembre.  » 

Dans  ce  banquet  furent  naturellement  chantés  force  couplets , 
dont  voici  Tun  d'eux,  «  de  M.  Bosquet,  lieutenant  à  la  27*  lé- 
gère »  : 

c  Le  Pô  mugit,  TAdda  »'agite 
Croyant  arrêter  nos  guerriers; 
Vains  efforts  !  tout  est  mis  en  fuite, 
L'Adige  baigna  nos  lauriers.         x 
Plaisance,  Lodi,  vos  arènes 
Offrent  des  spectacles  sanglants  I 
Lonato,  Rivoli,  vos  plaines 
I*-   as  élèvent  des  monuments  ! 

Refrain  : 

«  Gloire  aux  braves  Français  armés  ponr  la  patrie. 
Gloire  à  Napoléon,  le  vainqueur  d'Italie I  » 

La  division  alla  ensuite  prendre  garnison  à  Coni  ;  mais  voici 
venir  pour  Landon  le  revers  de  la  médaille  :  «  les  bivouacs  con- 
tinuels de  l'armée  des  Pyrénées-Orientales,  en  93,  94  et  95,  et 
de  celle  d'Italie  en  96  et  97,  avaient  si  bien  affaibli  ma  santé,  que 
je  fus  contraint  d'entrer  à  l'hôpital  de  Coni.  Il  me  survint  une 
hémorrhagie  dont  je  perdis  tout  mon  sang  par  le  nez,  et  je  me  suis 
trouvé  près  du  tombeau.  Un  capucin  venait  nous  visiter  et  il  of- 
frait son  saint  ministère  à  ceux  qui  voulaient  bien  l'appeler.  Me 
trouvant  dans  une  position  dangereuse,  je  le  prie  de  venir  vers 
moi.  Il  le  fit  avec  grand  plaisir.  Il  me  fit  faire  ma  première  com- 
munion et  me  soulagea  de  son  mieux  par  ses  douces  paroles 
évangéliques.  Enfin  quand  il  eut  sauvé  mon  âme,  il  s'attacha  à 


286  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

sauver  mon  corps.  Il  Tenait  très-souvent  dans  la  ournée  m'appor- 
ter  du  confortable,  comme  vin  de  Chypre  et  autres  aliments.  Il 
fit  si  bien  que,  dans  quelques  jours,  je  fus  en  pleine  convales- 
cence et  je  suis  sorti  de  l'hôpital.  » 

La  guérison  de  Landon  n^était  pas  telle  qu'il  ne  sendt  le  besoin 
du  repos  :  «  Bientôt  arriva  un  ordre  du  ministre  de 'la  guerre, 
Scherer,  qui  accordait  deux  permissions  à  deux  sous-officiers  par 
compagnie.  Le  colonel  Desaix  m'en  accorda  une  et  il  eut  la  com- 
plaisance de  m'avancer  un  mois  de  solde,  19  francs,  sur  son  ar- 
gent, car  il  nous  était  dû  alors  cinq  mois  de  solde,  et  avec  mes 
trois  sous  par  lieue  je  repassai  les  Alpes  par  le  col  de  Tende, 
et  j'arrivai  à  Montauban,  mon  lieu  de  naissance,  le  6  mars 
4  798.  » 

Ce  dut  être  un  vif  chagrin  pour  Landon  quand  retombé  quel- 
que temps  après  malade,  il  dut,  pour  toujours,  renoncer  à  l'état 
militaire  ou  il  s'était  porté  avec  tant  d'entrain.  Pendant  trois  ans 
il  fut,  dit-il,  entre  la  vie  et  la  mort  «  et  dans  la  position  de  ne 
pouvoir  rejoindre  ».  Il  se  décida  donc  à  demander  un  congé  de 
réforme  qui  lui  fut  expédié  de  la  Haye,  le  deuxième  jour  complé- 
mentaire an  IK,  et  qui  était,  à  ce  qu'il  paraît,  conçu  dans  les  ter- 
mes les  plus  honorables.  Comment  vécut,  depuis  lors,  l'infortuné 
sergent?  C  est  ce  qu'il  a  négligé  de  nous  faire  connaître,  il  s'est 
contenté  de  nous  dire  qu'il  passa  cinq  ou  six  anr  ^-es  difficiles.  On 
aime  à  penser  que  l'énergie  dont  il  avait  fait  prei* .  3  dans  ses  cam- 
pagnes ne  l'aura  pas  abandonné  dans  la  bataille  de  la  vie,  et  ses 
souvenirs,  images  de  la  quatre- vingtième  année,  attesteraient,  au 
besoin,  que  son  moral  s'était  remarquablement  conservé.  Aujour- 
d'hui, sans  doute,  à  plus  de  cent  ans  de  sa  naissance,  tout  est  fini 
pour  lui  en  ce  monde,  Landon  ne  figurera  plus  que  dans  : 

cr  ....  la  grande  revue 
Qu'aux  Champs  Élysées, 
A  rheure  de  minuit. 
Tient  César  décédé  (1).  » 

Séparons-nous  donc  de  lui.  Du  jour  où  nous  avons  rencontré 
son  manuscrit,  il  nous  est  apparu  comme  un  type  qui  nous  solli- 
citait de  le  mcfttre  en  lumière,  et  nous  avons  cédé  à  celte  obses- 

(1)  Voy.  la  ballade  de  Sedlitz. 


^  'A 


VINDICIifL  BIBLIOGRAPHIC/t.  287 

sion,  croyant  voir  en  lui  une  figure  nationale.  En  effet,  des  deux 
qualités  qui  distinguent  (ou  distinguaient)  la  race  gauloise,  rem 
militarem  et  ar^ute  laqui^  on  ne  peut  lui  contester  la  première 
quant  à  la  seconde,  nous  désirons  qu'on  ne  se  soit  pas  trop  aperçu 
de  sou  absence. 

W.  O. 


VINDICIM  BIBLIOGRAPHICjE. 


Recueil  concernant  les  estais  tenus  sous  plusieurs  roys  de 
France,  avec  figure,  harangues,  ordres  et  cérémonies 
observées  en  iceux.  A  Paris ^  chez  Martin  Gobert,  au 
Palais^  en  la  gai  1er ie  des  prisonniers^  1614,  pet.  in-8. 

Voici  un  petit  livre  tout  de  circonstance.  Paru  a  une  époque 
de  minorité  et  pnbableinent  pour  servir  de  document  dans  Pé- 
ventualité  d'une  tenue  des  Etats  généraux,  il  contient  sur  les  bases 
de  notre  ancienne  constitition  et  spé«  ialeinent  sur  la  pa»tie  céré- 
monielle  de  notre  vieux  droit  public  des  renseignements  qui  ne 
sont  pas  sans  intérêt.  Ce  Recueil  a  été  remplacé  sans  doute  depuis 
par  des  com|)ilations  plus  étendues  et  plus  savantes,  mais  il  a 
pour  soi,  de  plus  qu'elles,  deux  qualités  qui  manquent  aux  tra- 
vaux modernes  de  ce  genre,  la  vie  et  la  couleur,  toutes  deux  cho- 
ses incompatibles  avec  la  critique  et  l'érudition.  Un  coup  d'œil 
rapide  sur  les  cent  trois  feuillets  dont  se  compose  ce  volume, 
accompagné  de  quelques  extraits,  mettra  nos  lecteurs  en  mesure 
de  vérifit^r  la  valeur  de  cette  appréciation. 

La  j)remière  pièce  du  Recueil  est  des  Plaintes  et  Doléances  faites  au 
roi  Clmrles  FI*  fhtr  C Université  de  Paris  (extraites  du  chap.  xciK 
do  MoTïsirelet).  L'Univeisité  s'adressant  au  roi,  son  souverain 
seigneur  et  père^  iignale  les  malversations  commises  dans  l'admi- 


288  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

nistration  des  fînanc<»s  et  les  pertes  qne  les  officiers  du  roi  font 
subir  aux  fournisseurs.  Il  ne  s'agit  de  rien  moins  que  de  banque^ 
route,  si  Ton  doit  prendre  dans  le  sens  figuré  et  étymologique  la 
phrase  suivante  :  «  Et  souvent  advient  que  vos  hostels,  les  hos- 
tels  de  la  royne  et  du  duc  d'Acquitaine  (fils  du  roi)  sont  rom- 
pus (1).  »  Parmi  les  mal  versa  teurs  les  plus  audacieux,  T  Université 
signale  le  trésorier  Adrien  Guifiart  ce  lequel....  a  esté  tellement 
remply  de  deniers  qu'il  est  maintenant  plein  de  rubis  et  de  dya- 
mans,  de  saphirs  et  d'autres  pierres  précieuses,  de  vestures,  de 
chevaux;  et  tient  un  excessif  estât  remply  de  yaisselle,  c'est  à 
sçavoir  de  plats,  d'escuelles,  de  pots,  de  tasses  et  de  hanaps.  » 

Autre  coupable,  Maurice  de  Rully  (Reuilly)  qui  comme  garde 
des  coffres  reçoit  chaque  jour  dix  écus  d'or  qui  '-'oivent  être  bail- 
lés en  la  main  du  roi  pour  ses  dépenses  courantes,  «  mais  il  n'y 
a  croix  »,  c'est-à-dire  que  le  roi  ne  voit  aucune  de  ces  pièces  mar- 
quées d'une  croix.  Le  système  des  imputations  sur  les  budgets  à 
venir  n'est  que  trop  pratiqué  :  «  En  quoy  vostre  finance  est  déga$« 
tée  devant  que  le  terme  soit  venu  :  et  par  ainsi  benvez  vos  vins 
en  verjust.  »  Aussi,  quand  il  y  a  un  ambassadeur  à  expédier  oa 
même  c  un  simple  chanoyne  à  envoyer  dehors,  >  force  est  d'avoir 
recours  aux  usuriers.  Pendant  ce  temps-là,  les  employés  des  finan- 
ces s'enrichissent.  <  Et  voit-on  communément  que  quand  un 
jeune  homme  vient  au  service  d'un  général  receveur  ou  grenetier^ 
jaçoit  ce  qu'il  fust  du  petit  estât  et  de  peu  de  science,  en  peu  de 
temps  il  est  fait  riche,  et  racine  un  grand  et  excessif  estât.  »  Tout 
cela  au  préjudice  du  peuple,  car  les  gens  d'armes  non  payés 
«  vivent  sur  le  pays  ».  Et  si  l'on  veut  remonter  à  la  source  de  ces 
voleries,  ne  voilà-t-il  pas  que  les  trésoriers  se  disent  prêts  à  mon- 
trer leurs  comptes  et  réclament  des  commissaires,  c  Mais  qui 
voudroit  sçavoir  qui  mangea  le  lard,  il  faudroit  enquerre  quelle 
substance  ils  pouvoient  avoir  quand  ils  entrèrent  esdites  offices.  » 
Donc,  dit  l'Université  au  roi,  c  toutes  les  finances  cheent  en  une 
bourse  trouée  à  vostre  regard.  » 

Le  Parlement  aussi  appelle  des  réformes  :  son  ancienne  re- 

(1)  L'édition  de  Monstrelet,  publiée  par  la  Société  de  P Histoire  de  France^ 
donne  ce  texte  :  a  ....  et  souvent  advient  que  vos  hosteU. . . .  cheent  en 
ruines,  »  Il  ne  s'agirait  dans  cette  version  que  d'une  rupture  matérielle. 
Cela  est  hien  possible. 


VINDICI^  BIBLIOGRAPHIC.E.  289 

nommée  décline.  «  Et  pour  le  grand  nom  du  droit  qui  estoit 
gardé  en  icelle  court,  sans  faveur  d'aucune  personne,  non  pas 
seulement  les  chrestiens,  mais  les  Sarrazins  y  sont  venus  recevoir 
jugement  aucunes  fois.  »  Il  n'en  va  plus  ainsi  depuis  qu'on  y  a  in- 
troduit des  jeunes  gens  «  ignorans  le  fait  de  justice.  »  Et  la 
vénalité  !  «  Item  et  en  le  court  sont  plusieurs  causes  des  pauvres 
gens  comme  mortes.  »  La  Chambre  des  comptes  laisse  encore 
plus  à  désirer.  <  Là  sont  trouvez  tous  mauvais  accidens,  car  ils 
sont  tous  ensevelis.  »  Les  officiers  des  monnaies  prévariquent 
aussi  en  diminuant  le  poids  et  la  valeur  des  espèces.  La  bonne 
monnaie  disparaît,  «  car  les  changes  et  les  Lombards  (monts-de- 
piété)  cueillent  tout  le  bon  or.  »  Enfin,  il  y  a  nécessité  de  mettre 
dans  les  mains  du  roi  le  produit  des  Aides.  «  Et  sur  ce  vueillez 
avoir  en  mémoire  le  bon  gouvernement  de  votre  père  ]e  roi 
Charles  à  qui  Dieu  fasse  mercy,  qui  noblement  employa  lesdictes 
Aydes,  en  tant  qu'il  chassa  les  Anglois  ses  adversaires  de  son 
royaume,  et  recouvra  les  forteresses  qui  estoient  hors  de  son 
gouvernement.  »  Il  faudrait  donc  c  qu'à  recevoir  vos  finances, 
tant  du  Demaine  que  des  Aydes,  fussent  ordonnez  notables  per- 
sonnes preud'hommes,  craignans  Dieu,  sans  avarice.  »  Le  péril 
presse  :  «  Yostre  royaume  est  en  si  grand  dangier  que  plus  ne  peut.v 

Cette  remarquable  harangue  est  suivie  des  Ordonnances  royaux 
des  25,  26  et  27  mai  1413,  qui  forment  un  code  où  toutes  les 
matières  de  finances  et  de  police  sont  traitées.  Nous  relevons  à 
Particle  des  Eaux  et  Forêts ^  des  dispositions  qui  jurent  avec  les 
croyances  communes  :  c  CCXLI.  Comment  chacun  pourra  prendre 
loups  et  loutres,  »  et  un  peu  plus  loin:  cCCXLlIl.  Que  chacun 
puisse  prendre  lièvres,  connins,  perdrix,  alloues,  oyseauxou  au- 
tres menues  sauvagines  hors  garennes.  »  Au  paragraphe  des  Gens 
darmes^  on  voit  que  les  remontrances  de  l'Université  ont  porté  : 
«  CCLI.  Que  les  gens  d'armes  ne  pillent,  ne  robent,  *  y  est-il  dit  : 
<c  CCLIIII.  Que  aucunes  lettres  de  vivre  sur  le  pays  ne  soient 
baillées  à  quelconques  personnes.  CCLV.  Que  les  baîllifs  et  senes- 
chaux  ne  souffrent  faire  guerre  es  mectes  (bornes,  du  latin  meta) 
de  leurs  jurisdictions.  » 

Les  deux  derniers  articles  sont  ceux-ei  :  CCLVI.  Que  on  face 
labourer  les  caymans  (mendiants,  quémandeurs)  et  gens  vacabon- 
des,  puissans  d'ouvrer  (pouvant  travailler).  CCLVII.  Que  les  mé- 
seaulx  (ladres)  ne  soient  receus  es  bonnes  villes.  » 


290  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

La  deuxième  pièce  du  Recueil  est  des  noms  et  surnoms  des 
membres  de  l'Assemblée  des  États  de  Tours  sous  le  roi  Char- 
les Vin. 

Dans  le  dénombrement  des  villes  et  provinces  qui  ont  envoyé 
des  représentants  nous  remarquons,  après  Parpignian  (Perpi- 
gnan), une  contrée  devenue  espagnole,  «  la  ville  de  Puissardan 
(Puycerda)  et  la  terre  de  Sardaigne  (Cerdagne).  » 

La  troisième  pièce  est  «  Tordre  des  estats  tenus  à  Orléans,  l'an 
1560,  soubs  le  roy  Charles  neu6esme,  »  en  trois  pages  consa- 
crées à  la  distribution  des  places  dans  l'Assemblée. 

La  quatrième  pièce  est  sur  la  forme  et  l'ordre  des  Etats  tenus 
à  Blois,ran  1576,  sous  Henri  IIl.  Le  compilateur  s'est  borné  à  un 
simple  dénombrement  des  députés  et  passe  de  suite  aux  Etats  de 
Blois,  de  1 588,  célèbres  par  la  fin  tragique  du  duc  de  Guise.  Cette 
cinquif»me  pièce  débute  par  un  historique  de  l'arrivée  du  roi 
et  des  cérémonies  religieuses  qui  précédèrent  la  tenue  des  Etats. 
Le  roi  fait  ses  dévotions.  «  En  tous  ces  actes  de  piété  et  dévotion, 
il  (w  accompagné  et  suyvy  par  la  royne  sa  mère,  la  royne  sa 
femme,  monsieur  s<»n  frère  et  autres  princes  et  seigneurs  qui 
firent,  chacun  en  leur  particulier,  tout  acte  de  gens  de  bien  et 
vertueux.  »  Puis  vient  le  dénombrement  des  élus  parmi  lesquels 
nous  relèverons  seulement  pour  le  tiers  état  du  «  bailliage  du 
Vellay  et  senescbaussée  du  Puy  »  le  nom  de  Guy  Bourdel,  dit  Irai], 
sans  doute  un  ancêtre  de  l'écrivain  du  dix-huitième  siècle,  l'abbé 
Ira  il,  auteur  des  Querelles  littf^raires^  dont  le  véritable  nom  pa- 
tronymique, nom  d'une  décence  douteuse,  se  trouve  ainsi  révélé. 
INous  trouvons  également  dans  le  tiers  t  tat  du  «  bailliage  de  Ni- 
verniois  et  Douziois  »  maître  Guy  Coquille.  Tous  ces  membres 
du  tiers  ne  portent  pas  d'indication  de  profession,  sauf  un  seul 
du  «  bailliage  de  Montfort  et  Houdan,  »  Kicolas  Guyet  qui  est 
qualifié  laboureur ^  et  qui  nous  parait  jouer  dans  cette  assemblée 
le  rôle  du  P.  Gérard  dans  le  Versailles  de  1789. 

Nous  passons  à  la  description  de  la  salle.  «  Derrière  la  chaire 
du  Roy  estoii  une  barrière  par  delà  laquelle  estoientl^'S  deux  cens 
gentilshommes  tenans  leurs  haches  ou  becs  de  cnrbin.  »  Le  roi 
fait  son  entrée  et  «  les  places  doncques  estant  ordonnées  el  prises 
selon  la  grandeur,  l'onlre  et  lo  rang,  tous  le»  députez  estant 
debout)  il  Commença  sa  harangue  par  im  grave  choix  de  beaux 
mots,  comme  il  m  void  cy  après.  » 


1K 

:'<J 


VINDICIiE  BIBLIOGRAPHIC^.  291 

Cette  haransue  est,  de  fait,  très-belle.  Il  le  faut  reconnaître,  si 
décrié  que  soit  le  monarque.  Elle  débute  ainsi  :  «  Messieurs,  je 
commenceray  par  une  supplication  à  nostre  bon  Dieu  duquel 
parlent  toutes  les  bonnes  et  saintes  opérations,  qu'il  luy  plaise 
m'assister  de  son  Saint-Esprit,  etc.  »  Ainsi  parlait  le  paysan  da 
Danube  : 

Romains  et  vous  Sénat,  assis  pour  m'écouter. 
Je  supplie  avant  tout  les  Dieux  de  m'assister. 
Fassent  les  Immortels,  conducteurs  de  ma  langue. 
Que  je  ne  dise  rien  qui  doive  être  repris  ; 
Sans  leur  aide  il  ne  peut  entrer  dans  les  esprits 
Que  tout  mal  et  toute  injustice. 


Et  dit  V aveugle  de  Chénier  : 

Commençons  par  les  Dieux.  Souverain  Jupiter, 
Soleil  qui  vois,  entends,  connais  tout,  et  toi,  Mer, 
Fleuve,  Terre,  et  noirs  Dieux  des  vengeances  trop  lentes, 
Salut! 


Ce  qui  distingue  cette  harangue  de  Henri  III,  c'est  la  majes- 
tueuse simplicité  de  sa  forme,  exclusive  de  toute  réminiscence, 
pédantesque.  Il  parle  au  nom  de  la  raison  et  décline  tout  soup- 
çon de  vouloir  excéder  sa  légitime  action  de  «  souverain  Roy 
donné  de  Dieu  ».  Il  fait  l'éloge  de  la  forme  monarchique,  mais, 
dit-il,  «  je  ne  veux  estreen  ceste  monarchie,  que  ce  que  j'y  suis,  n'y 
pouvant  souhaiter  aussi  plus  d'honneur  ou  plus  d'authorité.  »  Il 
constate  les  désordres  du  présent,  a  Ce  que  la  malice  du  temps 
a  enraciné  de  mal  en  mes  provinces  ne  me  doit  estre  tant  attri- 
bué, non  que  je  m'en  vueille  du  tout  excuser.  »  Il  invoque  les 
services  qu  il  a  rendus,  avec  l'aide  de  Dieu  :  «  Non-seulement  les 
batailles  que  j'ay  gagnées,  mais  cette  grande  armée  de  Reistres,  de 
laquelle  sa  divine  bonté  m'a  choisi,  à  l'honneur  de  son  saint  nom 
et  de  son  église,  pour  en  rabbatre  la  gloire.  »  Tout  cela  pour 
aboutir  à  VÉr/ii  d'Uffion^  mais  cette  harangue  n'en  est  pas  moina 
très-remarquabU  et  l'on  comprend  que  Claude  Binet,  «  lieotenànt» 
général  en  là  tene^chaussée  et  siège  préudial  d'AuvergiM,  «ttably 


292  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

à  Riom  9  y  y  ait  trouvé  matière  à  deux  sonnets  rapportés  dans  le 
livre  que  nous  extrayons  et  dont  le  premier  débute  ainsi  : 

c  Mon  Dieu,  quel  fleuve  d'or  s^escoule  de  vous,  Sire! 
Quel  bruvage  cbarmeur  des  hommes  et  des  Dieux  I 
Je  croy  que  vous  tirez  ce  doux  nectar  des  cieux  : 
La  langue  d'un  mortel  ne  sçauroit  si  bien  dire.  » 

Les  harangues  en  réponse  au  discours  de  Henri  III  ne  se 
maintiennent  pas  au  ton  de  cette  sobriété  royale  —  imperatoria 
brevitas,  —  Voici  venir  d'abord  le  garde  des  sceaux,  M.  de 
Monthelon  (plus  tard  Montholon],  qui  parait  disposé  à  reprendre 
les  choses  de  loin.  «  Il  se  trouve  qu'en  la  suitte  de  l'antiquité,  il  y 
a  en  quatre  monarchies  tenues  pour  les  premières,  que  les  his- 
toires nomment  empires,  celle  des  Assyriens,  des  Perses,  des 
Grecs  et  des  Romains,  etc.  »  Il  s'étend  sur  cette  dernière  mo- 
narchie qui  lui  offre  matière  à  citations,  et  à  citations  choisies,  car 
il  laissera  de  côté  Virgile  et  Horace  pour  citer  préférablement 
Ennius  : 

«  Moribus  antiquis  stat  res  Romana,  virisque.  :» 

Après  Rome,  la  France.  <  Le  roy  pour  remettre  le  tout  de  ceste 
monarchie  en  son  ancienne  beauté  s'est  conformé  à  ce  grand  et 
canonizé  Roy  S.  Loys.  »  L'orateur  examine  les  causes  d'affaiblis- 
sement du  royaume  et  les  moyens  de  les  combattre.  Il  fait  appel 
aux  prières  des  bons  religieux  :  «  Eux  doncques  qui  par  la  per- 
fection de  leur  vie  et  mœurs  ont  surmonté  les  obscuritez  et  brouil- 
lars  de  ce  monde,  voires  pénétré  par-dessus  les  nuages  et  appro- 
ché si  près  du  Ciel,  et  qui  sont,  comme  dict  sainct  Bernard,  in 
susurro  cum  Deo,  »  Ceux-là  obtiendront  sans  doute  l'aide  de 
Dieu,  dans  celte  œuvre  de  régénération  (l'on  dirait'maintenant,  de 
relèvement),  mais  pour  cela  il  faut  mettre  un  frein  aux  mauvaises 
coutumes.  Le  blasphème  doit  être  réprimé.  <  La  Saincte  Ecriture 
nous  tesmoigne  que  tel  crime  et  débet,  outre  la  peine  qui  le  suit 
après  la  mort,  reçoit  sa  punition  en  ce  monde.  Vir  multum  jurons 
replebitur  iniquitate  et  non  recedet  adomo  ejus  plaga,  d  II  en  est 
de  même  des  «  duels  et  combats  privez  desquels  le  nom  seul  est 
en  horreur  à  tous  chrétiens,  punis  et  sévèrement  interdits  par 
les  sainctes  loiz.  »  L'administration  de  la  justice  doit  être  égale- 


VINDICLE  BIBLIOGRAPHIC^.  293 

ment  l'objet  d'un  examen  attentif,  et  cite  le  garde  des  sceaux  cette 
grande  et  indépendante  parole  de  saint  Augustin  :  «  Quidy  remota 
justitia,  aliud  sunt  régna  quam  magna  latrocinia  ?  » 

L'archevêque  de  Bourges  qui  vient  ensuite  et  qui  commence 
ainsi  :  «  Sire,  vostre  pauvre  France...,  »  insiste  à  nouveau  sur  la 
nécessité  de  faire  respecter  la  loi  de  Dieu.  Il  invoque  les  rois 
Cyrus,  Darius  et  Artaxerce  qui  c  statuèrent  et  ordonnèrent  que 
qui  n'adoreroit  le  Roy  du  Ciel,  ainsi  et  en  la  forme  qu'il  estoit 
adoré  par  Daniel  et  Esdras,  il  seroit  attaché  à  un  arbre  qui 
seroit  coupé  de  son  propre  jardin  et  sa  maison  réduite  en  latrine 
ou  cloaque  publique.  »  Il  adjure  le  roi  de  marcher  résolument 
dans  cette  voie,  lui  qui  «  a  dissipé  et  confondu,  par  l'œil  de  sa 
présence  et  vertu,  une  grande  et  puissante  armée  d'estrangers^ 
Reistres  et  Suisses,  venus  jusques  au  milieu  de  ce  royaume  avec 
un  si  grand  elTroy  qu'il  sembloit  qu'ils  le  deussent  tout  d'un  coup 
engloutir  et  anéantir.  »  Que  le  roi  agisse  et  la  prospérité  maté- 
rielle et  morale  s'ensuivra,  a  Le  pauvre  rustique  pourra  en  toute 
liberté,  sans  aucune  crainte  et  peur  par  tout  ce  royaume,  comme 
jadis  au  temps  de  Salomon,  manger  son  pain  et  ses  fruicts  en 
patience,  soubs  son  figuier  et  soubs  sa  treille  ;  veoir  le  service  de 
Dieu  restably  partout,  les  églises  et  temples  restaurez  et  réédi- 
fiez; les  villes  libres  sans  harqnebuzes  ni  tambours,  etc.  »  Tels 
sont  les  bienfaits  que  l'on  attend  de  l'initiative  royale  et  le  cri  de 
la  reconnaissance  publique  sera  celui-ci  :  «  Vivez  Roy,  vivez  éter- 
nellement. Vivez  ça  bas  les  ans  de  Nestor  ;  voire  ceux  de  Argan- 
thonius,  roi  des  Gades  qui  vescut  neuf  vingts  ans,  etc.,  etc.  » 

Moins  longs  sont  les  remerclments  faits  au  nom  de  la  noblesse 
par  le  baron  de  Bauffremont-Senecey,  et  la  harangue  du  Prévôt 
des  marchands,  président  du  tiers  état,  qui  sont  suivis  des  Actes 
de  la  seconde  séance  (18  octobre  1588)  où  fut  lu  VÉdit  ^  Union. 
Nouvelle  allocution  de  l'archevêque  de  Bourges  qui  promet  de 
ne  pas  s'étendre  «  philosophalement  »  sur  les  bienfaits  de  l'union. 
Il  prêche  encore  la  conciliation  des  esprits  sur  le  terrain  reli- 
gieux :  ic  Nous  ne  cornons  pas  la  guerre,  comme  l'on  dit,  nous 
autres  de  l'Église,  non,  non,  TEglise  ne  cherche,  ne  demande  le 
sang:  nous  désirons  plutost  que  les  desvoyez  se  retournent  et 
vivent.  »  Ce  prélat  paraît  avoir  été  le  seul  porte-parole  de  son 
ordre,  car  après  la  prestation  par  le  roi  du  serment  de  maintenir 
VÉdit  dUnion^  le  livre  que  nous  analysons  rapporte  encore  deux 


294  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

nouvelles  requêtes  de  monseigneur  de  Bourges,  toutes  deux  c  pour 
le  soulagement  du  peuple.  »  L^on  y  malmène  les  gens  du  Conseil 
des  Finances  qui  (est-il  dit  au  roi)  «  auroient  tellement  continué, 
accreu  et  augmenté  les  tailles  et  inventé  t<<utes  sortes  d'imfio«^i- 
tioiis  nouvelles  sur  vostre  pauvre  peuple  qu'il  ne  leur  reste  que  la 
langue  toute  seiche  pour  crier  à  Dieu,  et  les  yeux  pitoyables  pour 
pleurer;  il  n'y  a  eu  espèce  ni  moyen  de  tirer  argent  qu'ils  n'ayent 
excogité  et  inventé..,.  Que  si  les  Turcs,  Mores  ou  Barbares  fussent 
entrez  en  France  par  force  et  l'eussent  tenue  et  possédée  deux 
ans,  n'eussent  pu  faire  pis,  ny  apporté  plus  grande  destruction.  » 
Ces  harangues  furent  couronnées  de  succès;  elles  sont  suivies  des 
descharges  accordées  par  le  roy  a  ses  subjects  qui  terminent  le 
volume,  car  nous  tenons  pour  pur  remplissage  la  déclaration  des 
bailliages^  sénesc haussées^  etc.,  qui  vient  après,  ainsi  que  \ ordre 
et  forme  de  marcher  en  la  procession  qui  clôt  définitivement  le 
recueil^  et  où  Ton  voit  marcher  entre  autres,  après  les  Suisses  de 
la  garde  du  roi  «  ceux  de  la  Saincte  Chapelle  du  Palais,  avec  ceux 
de  la  chapelle  du  Roi,  les  haulxbois  et  sacquebutes  devant.  »  C'est 
sans  doute  cette  procession  que  reproduit  la  figure  pliée  que, 
d'après  le  catalogue  Leber  (supplément  n**  440),  Ton  doit  trouver 
dans  ce  volume,  figure  malheureusement  absente  de  notre  exem 
plaire. 

W.  O. 


ANALECTA-BIBLION 

Notice  sur  le  Thésaurus  novus  anecdotorum,  et  sur 
VÀmplissinia  collectio  de  Martène  et  Duraod.  — 
Paris,  1717-1732;  14  vol.  in-folio. 

Lors  de  la  refonte  et  de  la  réédition  du  Gallia  ChristianUy 
le  chapitre  généi  ai  de  la  congrégation  de  Saiat-BIanr  char- 
gea (1708)  dom  Martène,  alors  reUgieux  à  Marmoutiers,  de 
visiter  les  archives  des  ^iises  et  des  abbayes  de  France,  afin 
d'y  recueillir  tous  les  monuments  qui  pouvaient  servir  à 
compléter  cet  ouvrage.  Le  P.  Martèoe  parcourut  seul  les 
diocèses  de  Tours,  Poitiers,  Bourges,  Nevers,  Auxerre  et 
Sens,  et  partout  il  fit  une  ample  récolte.  L'année  suivante, 
il  s'associa  dom  Ursin  Durand,  religieux  de  la  même  ab- 
baye, et  ils  consacrèrent  ensemble  six  années  à  visiter  le 
reste  de  la  France.  Ils  explorèrent  successivement  les  prin- 
cipaux monastères,  les  archives  des  plus  importants  chapi- 
tres, et  même  certaines  collections  particulières,  celle  du 
président  Bouhier  par  exemple  Presque  partout  ils  reçurent 
un  accueil  empressé,  et  on  leur  communiqua  avec  libéralité 
les  documents  et  les  manuscrits  les  plus  précieux. 

Ils  réunirent  ainsi  plus  de  deux  mille  pièces.  Les  unes 
servirent  de  preuves  au  nouveau  Gallia  Christiana;  les  au- 
tres composèrent  l'important  recueil  que  ces  religieux  pu- 
blièrent en  cinq  volumes  in-folio,  sous  le  titre  Thésaurus 
noifus  anecdotorum.  Chacun  des  tomes  porte  un  titre  spécial 
indiquant  les  précieux  documents  qu'il  renferme. 

L'ouvrage  est  dédié  au  cardinal  de  Rohan-Soubise,  évé- 
que  et  prince  de  Strasboui^,  qui  avait  (ait  aux  deux  religieux 
une  réception  magnifique,  lors  de  leur  passage  dans  sa  ville 
épiscopale.  Cette  dédicace  est  accompagnée  du  portrait  du 
cardinal  gravé  par  Mlle  Marie  Hortemels,  et  saivie  d'une 
préface  où  les  auteurs  passent  en  revue  les  savants  qui  ont 


296  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

publié  avant  eux  des  collections  de  pièces  inédites.  En  ter- 
minant, ils  avertissent  qu'ils  ont  refondu  dans  ce  Nouveau 
Trésor  dC anecdotes  le  recueil  d'anciens  monuments  imprimé 
à  Rouen  (l),  parce  qu'on  n'en  trouvait  plus  d'exemplaires 
chez  les  libraires. 

Le  premier  volume,  publié  en  1717,  renferme  de  nom- 
breuses lettres  émanées  de  papes  et  de  rois,  et  le  procès  de 
Jean  XXII. 

Dans  la  préface  du  second  tome,  les  PP.  Martène  et  Du- 
rand font  connaître  les  personnes  et  les  bibliothèques  qui 
leur  ont  fourni  le  plus  de  documents.  Ils  marquent  en  par- 
ticulier les  obligations  qu'ils  doivent  à  Colbert,  évéque  de 
Montpellier  ;  ils  ont  trouvé  dans  sa  bibliothèque  les  letti'es 
des  papes  Urbain  IV  et  Clément  IV,  qui  remplissent  plus 
du  tiers  de  ce  second  volume. 

La  préface  du  tome  troisième  est  fort  courte,  mais  les 
avertissements  placés  en  tète  des  opuscules  qui  le  compo- 
sent y  suppléent  (2).  Ces  opuscules  sont  d'anciennes  chroni- 
ques et  divers  documents  concernant  l'histoire  ecclésiastique 
et  civile. 

Dans  le  tome  quatrième,  la  préface  est  étendue.  Elle 
contient  l'histoire  abrégée  des  anciens  chapitres  généraux 
des  ordres  religieux  d'Occident,  depuis  l'assemblée  des  ab- 
bés à  Aix-la-Chapelle,  en  817.  Les  deux  auteurs  distinguent 
les  conciles  des  synodes  (3),  quoique  dans  les  anciens  monu- 
ments ces  termes  soient  souvent  pris  l'un  pour  l'autre.  On 

(1)  Veterum  script  or  um  et  monumentorum,  ColUctio  nova,  RoueD,  1700, 

(2)  <(  Prsefationem  exigere  non  ridetur  tertius  hic  anecdotorum  tomus, 
nam  prsemisss  a  nobis  singulis  opusculis  admonitioues  pruevise,  in  qui- 
bus  rationem  omnium  reddimus,  prsfationum  vicem  référant.  » 

(3)  a  Ëtsi  vero  concilium  et  synodus  passim  ad  idem  significandum  pro- 
miscue  nsurpeiitur,  illud  tanem  inter  uirumque  est  discriminis  ;  quod 
proprie  concilium  sit  congregatio  epiâcoporum  ad  asserenda  iidei  sacra 
dogmata,  ad  reforniandos  mores,  ad  disciplinam  Ecclesiae  stabiliendam 
in  unum  coeuntium  ;  synodus  vero  conventus  presbyterorum  seu  paro- 
chorum  una  cum  proprio  episcopo,  singulis  annis,  ad  recipiendas  ab  eo 
leges  ad  eum  confluentium.  v 


ANALECTA-BIBLION.  297 

trouve  parmi  les  pièces  de  ce  volume  les  actes  de  deux  con- 
ciles tenus  sous  le  roi  Robert,  Tun  à  Poitiers,  en  1030, 
contre  ceux  qui  s'emparent  des  biens  des  églises  et  des 
monastères  ;  l'autre  est  un  concile  réuni  à  Narbonne  Tan- 
née suivante,  par  Farchevéque  Wilfrède,  pour  confirmer  les 
privilèges  de  Tabbaye  de  Ganigou. 

Le  cinquième  volume  se  compose  de  plusieurs  ouvrages 
écrits  par  les  auteurs  ecclésiastiques  qui  ont  vécu  entre  le 
quatrième  et  le  quartorzième  siècle.  La  plus  grande  partie 
de  la  préface  est  consacrée  à  examiner  la  doctrine  d'Abé- 
lard,  et  à  défendre  saint  Bernard  contre  les  théologiens  qui 
l'ont  accusé  d'avoir  condamné  trop  légèrement  son  adver- 
saire. On  y  trouve  également  une  discussion  sur  Fàge  de 
saint  Orient,  dont  le  Comtnonitorium  est  réimprimé  dans  le 
volume,  d'après  un  manuscrit  de  l'église  de  Saint-Martin  de 
Tours.  Une  autre  pièce  remarquable  est  VArUiquus  Ordo 
Romanus  ad  usum  monasteriorum  ab  annis  circiter  mille 
accomodatusj  dont  les  auteurs  du  Thésaurus  noçus  anecdo- 
torum  prouvent  l'antiquité. 

Tels  sont  les  principaux  monuments  publiés  dans  cet  im- 
portant recueil,  que  Bernard  de  Monfaucon  (1)  déclare  supé- 
rieur même  à  celui  de  dom  Luc  d'Achery.  Outre  les  notices 
qui  accompagnent  la  plupart  des  opuscules,  DD.  Martène  et 
Durand  ont  placé  au  bas  des  pages  de  nombreuses  notes. 
Chaque  volume  de  leur  collection  possède  en  outre  une  table 
chronologique  de  toutes  les  pièces  qui  y  sont  rapportées, 
et  une  table  alphabétique  des  matières  et  des  noms.  De 
plus,  le  dernier  volume  est  terminé  par  uu  dictionnaire  des 
mots  barbares  et  étrangers  que  Ton  rencontre  dans  le  cours 
de  l'ouvrage. 

Quand  les  PP.  Martène  et  Durand  publièrent  leur  Thé- 
saurus Anecdotorum^  ils  se  proposaient  de  lui  donner  pour 
supplément  une  nouvelle  édition  des  anciennes  Leçons  de 


(1)  Lettre  à  Jf.  Masson^  Tauteur  de  VHUtoif  critique  de  ta  répubCique 
des  lettres. 


298  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

Canisius,  du  Spicilegium  de  d'Acbery,  des  Analecta  de 
Mabillon  et  des  Miscellanea  de  Baluze,  revus  sur  les  manu- 
scrits, avec  des  dissertations,  des  remaniements  et  une  nou- 
velle distribution  des  pièces.  Les  occupations  dont  ils  fu- 
rent chargés  dans  la  suite  les  empêchèrent  de  réaliser  ce 
projet. 

Une  autre  collection  bien  plus  importante,  sinon  par  la 
valeur  du  moins  par  le  nombre  des  documents,  fut,  quel- 
ques années  après,  Fœuvre  des  deux  mêmes  religieux,  dont 
Tassociation  littéraire  dura  près  de  trente  ans.  Ce  nouveau 
recueil,  qui  comprend  neuf  volumes  in-folio,  imprimés  de 
1724  à  1733,  porte  le  titre  général  de  F'eterum  scriptorum 
et  monumentorum  historicorum^  dogmaticorum^  moralium 
amplissima  collectio.  Un  sous-titre  indique  pour  chaque 
tome  les  principaux  monuments  qu'il  renferme.  Comme  le 
Thésaurus  noçus  anecdotorum^  Y  Amplissima  collectio  est  Je 
résultat  d'un  voyage  littéraire,  entrepris  cette  fois  à  Tétran- 
ger,  par  les  PP«  Martène  et  Durand,  sous  les  auspices  et 
aux  dépens  de  la  congrégation  de  Saint-Maur. 

En  1717,  le  chancelier  d'Aguesseau,  s'intéressant  à  une 
nouvelle  édition  des  Historiens  de  France^  que  lui  avait  pro- 
posée domMaur  AudrendeKerdrel,  avait  invité  DD.  Martène 
et  Durand  à  une  conférence  qui  se  tint  sous  sa  présidence, 
et  à  laquelle  assistèrent  Baluze,  Tabbé  Renaudot,  de  Lau- 
rière,  le  P.  Lelong  et  plusieurs  autres  savants.  Martène, 
désigné  pour  dresser  le  plan  de  ce  grand  travail,  présenta 
un  rapport  qui  obtint  tous  les  suffrages,  et  il  fut  chargé  du 
soin  de  la  nouvelle  édition.  Mais  ce  projet  fut  presque  aus- 
sitôt interrompu  par  les  changements  survenus  dans  le  mi- 
nistère. Ce  n'était  qu'un  ajournement,  et  en  attendant  la 
reprise  de  l'impression,  les  supérieurs  de  la  congrégation 
de  Saint-Maur,  désireux  de  seconder  les  intentions  du  chan- 
celier, jugèrent  nécessaire  de  faire  explorer  les  Pays-Bas  et 
l'Allemagne,  pour  y  rechercher  les  monuments  susceptibles 
de  figurer  dans  la  collection  des  Historiens  de  France.  Mar^ 
tène  et  Durand  partii^ui  le  30  mai  1718,  et  allèrent  jus- 


.■i 


ANALECTA-BIBLION.  299 

(ju'en  Saxe,  à  l'abbaye  de  Corvey,  la  nouvelle  Corbie.  Leur 
absence  dura  près  d'une  année,  et  à  leur  retour  ils  publièrent 
un  résumé  de  leurs  découvertes,  sous  le  titre  de  Voyage  lit 
ter  aire  de  deux  Bénédictins  de  la  congrégation  de  Sainte 
Maur^  auxquels  ils  joignirent  trois  anciennes  relations  de 
voyages  i  V  Le  ifoyage  de  Nicolas  de  Bosc^  éi^éque  de 
Bayeux^  pour  négocier  la  paix  entre  les  couronnes  de 
France  et  d'Angleterre^  en  1381  ;  2®  lier  indicum  Baltha- 
saris  Spinger  [1507]  ;  3®  Descriptio  apparatus  bellici  régis 
Francise  Caroli  intrantis  civitates  Italise^  Florentiam  ac 
deinde  Romam^  pro  recuperando  régna  Siciliœ  siçe  Napoli- 
tano  [1494]. 

Ce  volunie  n'était  que  la  préface  de  rimmense  collection 
qu'ils  furent  bientôt  en  état  de  livrer  à  rimpicssion. 

Le  premier  volume  de  YAmplissima  collectio  vil  le  jour 
en  1724.  On  y  trouve  plus  de  treize  cents  diplômes  et  let- 
tres de  rois,  princes  et  autres  personnages.  Une  introduc- 
tion très-développée  expose  Toccasion,  les  motifs  et  le  but 
du  nouveau  recueil,  et  ce  qu'il  contient.  Elle  renferme  aussi 
des  observations  intéressantes  sur  les  premiers  rois,  et  si- 
gnale les  noms  de  plusieurs  notaires  ou  chanceliers  dont  il 
n'est  point  parlé  dans  la  Diplomatique  de  Mabillon.  Il  y  est 
question  aussi  des  conciles,  des  papes,  de  certains  évéques 
et  monastères,  en  particulier  de  l'abbaye  de  Saint- Victor  de 
Marseille. 

Le  tome  second  renferme  plus  de  quatre  cents  lettres 
écrites  par  Wibaud,  abbé  de  Coi'vey,  le  registre  du  pape 
Alexandre  III  pour  la  province  de  Beims,  comprenant 
quatre  cent  quatre-vingt-quinze  lettres  tirées  de  l'abbaye 
de  Saint-Waast  d'Arras;  plusieurs  lettres  de  l'empereur 
Frédéric,  de  Sixte  IV,  de  Jean  de  Montreuil,  prévôt  de  Lille, 
qui  avait  été  secrétaire  de  Charles  VI,  roi  de  France,  et  qui 
fut  tué  à  Paris  par  les  partisans  du  duc  de  Bourgogne,  en 
1418.  La  préface  est  consacrée  au  monastère  de  Stavelot  ;  à 
la  croisade  de  l'empereur  Conrad  et  de  Louis  le  Jeune;  aux 
conciles  de  Trêves  et  de  Reims  tenus  par  le  pape  Eugène  II  i  ; 


300  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

à  l'archevêque  de  Reims  Henri,  frère  de  Louis  VU,  et  eafîn 
à  la  déposition  des  trois  abbés  de  Cluny,  de  Clairvaux  et  de 
Prémontré  sous  Alexandre  III. 

Le  troisième  volume  est  tout  entier  de  Mabillon,  qui  avait 
rapporté  d'Italie  les  documents  énoncés  dans  le  titre.  U  est 
principalement  consacré  à  l'histoire  des  Camaldules.  L'é* 
loge  d'Ambroise,  religieux,  et  de  Pietro  Delfino,  général  de 
cet  ordre,  se  trouve  dans  l'introduction,  qui  a  été  rédigée 
par  les  éditeurs. 

Parmi  les  pièces  les  plus  importantes  du  tome  lY,  on 
peut  citer  celles  qui  concernent  la  déposition  de  Tempereur 
Wenceslas  et  T élection  de  Robert,  toutes  tirées  d'un  manu- 
scrit que  dom  Martène  acheta  à  un  libraire  de  Metz;  les 
actes  des  archevêques  de  Trêves,  de  884  à  1445;  les  annales 
de  Nuys  ;  des  extraits  de  la  Vie  de  Louis  XI,  roi  de  France, 
par  Amelgard,  prêtre  de  Liège;  les  actes  des  évéques  de 
Liège,  depuis  saint  Remacle  jusqu'à  Wason;  l'histoire  des 
abbayes  de  Saint-Hubert  et  de  Saint-Laurent. 

Dans  le  cinquième  volume,  on  remar'jue  trois  chroniques, 
composées  par  des  religieux  de  Saint-Jacques  de  Liège  : 
Lambert  le  Petit,  Reinier  son  continuateur,  et  Corneille 
Zanfliet;  un  écrit  d'Ekkehard  sur  les  guerres  de  la  Terre- 
Sainte;  la  chronique  de  la  Terre-Sainte,  de  Ralph  de  Cog<- 
geshal;  une  continuation  de  Guillaume  de  Tyr,  écrite  en 
français  par  un  auteur  contemporain,  etc.  Citons  encore  la 
chronique  d'Angleterre  de  1066  à  1200,  rédigée  par  le 
même  Ralph  de  Coggeshal,  la  chronique  de  Saint-Martin  de 
Tours,  celle  de  Richard  de  Poitiers  ;  les  commentaires  de 
Francesco  Carpesano,  relatifs  aux.  guerres  d'Italie  sous  Char^ 
les  VIII,  Louis  XII  et  François  P**,  ainsi  que  les  commen- 
taires de  Prosper  de  Santa  Croce,  légat  en  France,  relation 
des  guerres  civiles  sous  Charles  IX.  Une  préface  commune 
aux  tomes  IV  et  V  renferme  des  observations  sur  l'histoire 
des  rois  de  France,  sur  les  évêques  de  Liège  et  sur  diverses 
questions  ecclésiastiques  et  liturgiques. 

Le  sixième  volume  est  consacré  à  Thistoire  de  divers  or- 


.-à 


ANALECTA-BIBLION.  301 

dres  religieux,  à  certains  martyrologes  et  à  d'autres  pièces 
analogues.  Eu  tête  du  volume,  les  éditeurs  traitent  assez  au 
long  de  Torigine  des  ordres  et  congrégations  institués  aux 
onzième  et  douzième  siècles,  tels  que  les  Camaldules,  les 
moines  de  Yallombreuse  et  de  Grandmont,  les  chanoines 
réguliers,  les  chartreux,  les  ordres  de  Ctteaux,  de  Fonte- 
vrault,  de  Tiron,  de  Savigny,  de  Saint-Sulpice,  Prémontré, 
le  Val-des- Choux,  la  congrégation  de  Saint-Victor,  de  Pa- 
ris, etc.,  etc. 

Le  tome  VII  intéresse  aussi  particulièrement  F  histoire 
ecclésiastique.  On  y  trouve  beaucoup  d*actes  de  conciles, 
entre  autres  celui  de  Pise,  et  des  pièces  qui  figurent  déjà  dans 
la  collection  de  Luc  d'Achery.  Quelques  capitulaires  de  nos 
rois  y  ont  été  également  insérés.  La  préface  présente  une 
histoire  du  fameux  schisme  de  TÉglise,  nommé  le  grand 
schisme  d'Occident,  depuis  la  mort  de  Grégoire  XI  jusqu'à 
Jean  XXIII  et  au  concile  de  Constance. 

Le  tome  VIII  est  également  consacré  à  des  actes  de  con- 
ciles et  à  des  statuts  synodaux.  Le  concile  de  Bàle  en  occupe 
la  plus  grande  partie  et  donne  lieu  à  d'importantes  observa- 
tions des  éditeurs. 

Le  neuvième  et  dernier  volume  renferme  divers  opuscules 
des  Pères  et  autres  auteurs  ecclésiastiques,  un  poème  sur  la 
résurrection  des  morts  attribué  à  saint  Cyprien;  un  autre 
sur  la  Genèse,  par  le  poëte  Aquilinus  Juvencus;  des  com- 
mentaires de  saint  Hilaire  de  Poitiers  sur  trois  psaumes, 
quinze  sermons  de  saint  Boni  face  ;  les  traités  de  Paschase 
Radbert,  abbé  de  Corbie,  sur  Teucharistie,  la  foi,  l'espé- 
rance et  la  charité,  les  six  livres  de  Rathier,  évêque  de  Vé- 
rone, intitulés  :  Praeloquîorum  libri  scx^  etc.  Il  se  termine 
par  un  ouvrage  qui  porte  le  nom  de  Kicolas  Oresme,  évêque 
de  Lisieux,  et  qui  traite  de  l'Antéchrist  et  de  ses  ministres. 
Ce  traité,  qui  a  donné  lieu  à  beaucoup  de  controverses,  a 
été  attribué  avec  assez  de  raison  à  Guillaume  de  Saint- 
Amour.  Dans  la  préface  de  ce  volume,  DD.  Martène  et  Du- 
rand reviennent  sur  leur  dernier  voyage  littéraire,  parlent 


302  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

des  lieux  qu'ils  ont  visités  et  des  recherches  qu'ils  ont 
faites;  ils  finissent  par  un  éloge  historique  de  D.  Charles 
Petey  de  l'Hostalerie,  général  de  Saint-Maur,  par  Tordre  de 
qui  ils  avaient  entrepris  leur  excui-sion  bibliographique. 

Tels  sont  les  principaux  documents  publiés  et  les  princi- 
pales questions  historiques  traitées  dans  cette  grande  collec- 
tion. Quant  à  la  disposition  matérielle,  aux  notes  et  aux 
tables  de  Touvrage,  les  deux  Bénédictins  se  sont  conformés 
exactement  au  plan  de  leur  premier  recueil,  le  Thésaurus 
noi^us  anecdotorum.  Alfred  Franklin. 


BIBLIOGRAPHIE  RETROSPECTIVE 


Le  Paradis  reconquis,  poëme  imité  de  Milton,  par 
Ij.  R.  Lafaye,  gradué  en  FUniversité  de  Paris, 
maître  de  langue  françoise.  Londres^  impr,  aux 
frais  de  C auteur ^  chez  /.  Bell^  etc.,  1789,  in-12 
(xii-l4i  pp.)- 

Ce  poème  en  vers  blancs  doit  compter  parmi  les  tentatives  lit- 
téraires les  plus  singulières,  les  plus  excentriques,  comme  on  dit 
maintenant,  non  pas  par  son  sujet  qui  est  simplement  imité  de 
Milton,  mais  par  le  système  pseudo-métrique  et  le  langage  vérita- 
blement barbaVe  que  Pauteur  a  mis  au  service  de  ses  conceptions 
poétiques.  Nous  sommes,  selon  toute  probabilité,  en  présence 
d  un  Français  établi  depuis  plus  ou  moins  de  temps  à  Pétranger, 
et  qui,  à  force  d'enseigner  sa  langue  aux  Anglais,  a  fini  par  la 
désapprendre  complètement.  Quant  aux  raibons  qui  Font  déter- 
niiné  à  courir  la  carrière  épique,  on  les  verra  «affleurées  par  lui 
dans  sa  dédicace  «  à  M.  de  Galonné  »  alors  réfugié  à  Londres. 

Nous  sautons  par-dessus  les  politesses  inévitables  à  l'adresse 
du  ministre  atteint  d'une  disgiace  qui,  dans  la  pensée  du  poete^ 


BIBLIOGRAPHIE  RÉTROSPECTIVE.  303 

n'est  sans  doute  que  momentanée,  ce  qui  expliquerait  Tentrain 
avec  lequel  il  se  place  sous  son  patronage,  et  nous  arrivons  de 
suite  à  la  profession  de  foi  littéraire  de  l'auteur  :  c  Les  savants, 
dit-il,  les  plus  distingués  de  la  république  des  lettres  en  Angle- 
terre accusent  notre  langue  de  débilité,  de  monotonie,  et  pré- 
tendent qu'un  poëte  français  ne  peut  rendre  avec  feu  et  perspi- 
cuite  (?)  cette  chaleur  sublime  des  productions  anglaises.  J'ai  osé 
être  d'une  autre  opinion,  malgré  le  ridicule  jeté  par  Voltaire  sur 
le  sujet  de  Paradis  perdu  et  regagné  ;  je  n'examinerai  pas  si  le 
Shaftesbury  français  fut  un  profond  philosophe,  mais  il  est  accusé 
ici,  nonobstant  le  brillant  de  sa  diction,  d'avoir  été  un  génie  trop 
souvent  superficiel  :  n'allez  pas  de  là  inférer,  monsieur,  que  je 
cherche  à  insinuer  que  mon  poëme  possède  à  un  degré  éminent  la 
profondeur  anglaise,  peut-être  dédaignée  par  le  plus  bel  esprit  de 
la  France  ;  je  n'ai  point  la  hardiesse  d'oser  espérer  de  réunir  l'élé- 
gance française  à  F  énergie  de  mon  original  pour  lequel  j'ai  la  plus 
profonde  vénération,  et  si  je  ne  soumets  point  à  votre  jugement 
un  ouvrage  aussi  parfait  que  celui  de  Milton,  il  ne  faut  pas  s'en 
prendre  à  la  pauvreté  de  notre  langue,  mais  à  ce  manque  de  feu 
divin,  d'enthousiasme  poétique,  caractéristiques  du  prince  de* 
poètes  anglais  ;  si  votre  goût  exercé  remarque  avec  sévérité  mes 
fautes,  de  votre  philanthropie  j'ose  attendre  cette  indulgence  qu'un 
eune  auteur  a  raisonnablement  droit  d'espérer,  etc.,  etc.  » 

Voilà  pour  la  raison  d'être  du  poëme;  quant  au  procédé  mé- 
trique, Pauleur  s'en  explique  ainsi  dans  sa  préface  :  «  Plusieurs 
auteurs  ont  été  et  sont  d'opinion  qu'il  n'est  pas  possible  d'écrire  en 
vers  blancs  en  notre  langue.  Il  est  vrai  que  notre  manière  d'épe- 
1er  les  féminines,  douce ^  charme^  illustre^  faisant  son  et  demi,  tan- 
dis que  l'anglais  n'a  qu'un  son  pour  les  mots  de  cette  espèce, 
monosyllabes  et  autres,  a  présenté  à  bien  des  gens  une  difficulté 
insurmontable  ;  mais  sans  prétendre  adopter  entièrement  d'abord 
la  méthode  anglaise,  je  m'en  sers  parfois,  ayant  remarqué  que  la 
prononciation  rapide  du  français  ne  fait  presque  jamais  sentir  à 
l'oreille  cette  chute  des  finales  dans  les  muettes. 

c  Le  fameux  Shakspere  {sic)^  comme  on  sait,  ne  voulut  s'as- 
servir à  aucune  mesure  réglée;  il  met  plus  ou  moins  de  sons  dans 
la  ligne,  selon  le  sens,  mais  j'ai  suivi  la  méthode  généralement 
adoptée  pour  le  vers  héroïque  anglais  qui  est  dix  et  onze  sons  dans 


A*      ■■'■'■  t 


304  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

la   ligne,  d'après    Milton,  Thompson  et  les  tragiques  moder- 
nes, etc.,  etc.  » 

Voyons  maintenant  le  résultat  de  ce  système.  Nous  citons  le  dé- 
but du  poëme  : 

f  Moi  qui  chantai  ce  fortuné  jardin, 

Perdu  pour  nous,  par  désobéissance 

D'Adam  :  montant  la  harpe  sacrée 

Sur  un  ton  ni  moins  noble  ni  moins  haut, 

Je  célébrerai  l'obéissance, 

Absolue,  entièrement  à  l'épreuTC, 

Du  Christ,  vainement  assailli,  tenté. 

Le  tentateur  déconcerté,  yaincu, 

Ses  traits  émoussés,  ses  ruses  défaites. 

Et  le  juste  empire  de  l'Étemel 

Sur  des  ruines,  éleré  dans  le  désert.  » 

Les  six  chants  du  poème  sont  écrits  dans  ce  goût  :  nous  nous 
contenterons  donc  d'an  petit  nombre  d'extraits  ;  voici  par  exemple 
le  passage  où  Satan,  repoussé  par  le  Christ,  vient  retrouver  sa 
cour  infernale  : 

c  Lui  (Satan)  qui  n'avait  quitté  le  champ  qu'afin 

De  revenir  plus  frais  à  la  charge, 

En  hâte  vers  la  moyenne  région 

De  l'air  remonte,  y  rejoint  ses  pairs 

Assemblés  en  conseil  :  à  sa  vue. 

Tous  sont  siUns  :  son  port  majestueux 

Non  moins  terrible  qu'à  nous  fut  dépeint 

Jupiter,  ce  tyran  de  l'Olympe, 

Ainsi  paraît  Satan  au  milieu  d'eux. 

Salue  et  sur  son  trAne  se  jetant 

D'un  ton  de  fureur,  sans  préambule. 

Ni  vanterie,  entre  en  matière  :  > 

Nous  noos  arrêterons  à  cet  endroit  du  poème  qui  offre,  U  faut 
bien  le  dire,  quelque  gaieté.  Satan  vient  de  raconter  sa  défaite  ; 
un  de  ses  conseillers,  Bélial,  lui  dit  qu'il  n'a  pas  su  s'y  prendre, 
faute  d'avoir  fait  appel  à  la  volupté  : 

c  Je  vais 


BIBLIOGRAPHIE  RÉTROSPECTIVE.  305 

dit-il, 

Préparer  nos  batteries 
Parmi  ces  figures  enchanteresses. 
Attractives,  embrasant  les  plus  mâles, 
Énervant,  dissolvant  en  voluptés. 
Enchaînant  par  nœuds  de  roses,  non  moins 
Qu'aimant  maîtrisant  l'inflexible  acier, 
Parbleu  !  comme  je  fis  dégringoler 
Toute  la  famille  sans  oublier 
Roi  Salomon,  avec  sa  sagesse 
Si  gentiment  le  menant  par  le  nez, 
Sacrifier  à  vos  autels  sublimes. 
Oh  !  les  femmes  !  Parlez-moi  des  femmes  !  n 

Ainsi  s'exprime,  sur  cette  note  tonte  moderne,  Bélial  : 

«  De  tout  côté,  sans  relâche  â  TafFût 
Pour  dévoyer  quelque  inconséquente.  » 

Le  poëte  rentre  heureusement,  à  la  suite  de  cette  boutade, 
dans  la  majesté  de  son  sujet,  et  après  une  nouvelle  série  d'échecs 
hyperphysiqnes  et  hyperphysiqnement  racontés,  Satan  est  défini- 
tivement vaincu,  et  le  poème  se  termine  par  un  concert  des 
anges  : 

«  Ainsi  résonna  la  voix  céleste  : 
Le  chœur  brillant  disparut  :  se  levant. 
L'esprit  tout  rempli  de  son  grand  deisseîn^ 
Le  Sauveur  rafraîchi  s'achemina 
Méditant,  vers  le  lac  Génézareth.  » 

Nous  ignorons  si  le  poëme  de  Lafaye  a  déjà  été  signalé  par 
les  bibliophiles  qui  se  sont  consacrés  à  l'histoire  littéraire  des 
fous.  M.  Delepierre  n'en  fait  pas  mention  dans  son  Essai,  L'exem- 
plaire sur  lequel  nous  avons  pris  ces  extraits  provient  de  la  vente 
de  Viollet  le  Duc,  dans  le  catalogue  de  qui  il  figurait  sous  le 
n"*  1142.  C'est  un  in- 12  d'une  jolie  impression  anglaise,  sur  pa- 
pier vélin.  Et  penser  que  les  élèves  de  l'auteur  ont  peut-être  pris 
cela  pour  des  vers  français  I  que  cette  croyance  s'est  peut-être 
perpétuée  à  l'ombre  du  grand  nom  de  Milton  !  Si  cela  était,  puisse 
notre  article  contribuer  à  dissiper  ce  malentendu. 

W.  G. 


PRIX  COURANT  DES  IJVRES  ANCIENS. 

KEVUE  DES  TESTES. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  M.  LE  BABON  J.  TAYLOR. 

Nous  n'avons  rien  à  dire  de  ces  collections  de  livres  réunies 
depuis  longues  années  et  comprenant  toutes  les  classes  de  la  bi- 
bliugraphie.  Les  préfaces  de  M.  Paul  Lacroix,  en  tête  de  la  pre-- 
mière  et  de  la  seconde  partie  des  catalogues,  sont  des  pages 
d'histoire  littéraire  et  elles  resteront  comme  les  témoignages  écla- 
tants d'une  amitié  cimentée  par  l'amour  des  lettres  et  des  livres. 

La  première  vente  a  eu  lien  le  iO  avril  et  comprenait  846  nu- 
méros. 

4.  Horae;  manuscrit  du  xiv*  siècle,  in-S  carré  de  172  feuillets, 
veau  fauve,  fi]  à  comp.  tr.  dor.  (anc.  rel.).  —  410  fr.  Acheté 
par  M.  le  baron  Pichon. 

Manuscrit  sur  vélin  orné  de  neuf  miniatures,  de  jolies  bordures,  et 
d*ane  quantité  d^nitiales  en  or  et  en  couleur.  Le  calendrier  complet  au 
commencement  et  des  prières  françaises  à  la  fin.  Belle  reliure  du  seizième 
siècle  d'une  conservation  parfaite.  Peut-être  faudrait-il  voir  dans  la 
dernière  miniature  le  portrait  de  la  Dame  pour  laquelle  ce  manuscrit  a 
été  fait  (?) 

5.  Heur^  Ju  XV*  siècle,  petit  in-4,  mar.  noir  fil,  tr.  dor.  (rel. 
anc,).^  300  fr.  """^ --^^  ---— w^_^^ 

f  Ce  manuscrit, écrit  sur  un  vélin  fin,  est  très-beaU.de  marges  et  de 
la  plus  grande  fraîcheur.  Il  se  compose  de  vingt-quatre  ^^  pour  le 
calendrier  et  de  quinze  pour  le  reste  du  livre.  Il  est  orné  de  ~Çiatorze 
miniatures,  de  toute  la  grandeur  des  pages.  Chacune  d'elles  joiut  au 
mérite  de  la  peinture  celui  d'une  parfaite  conservation.  Toutes  les  pages 
sans  exception  sont  ornées  d'encadrements  à  fonds  d'or  sur  lesqueliy^ 
détachent  des  fleurs ^  des  fruits,  des  papillons  et  des  animaux  fantasti^ 
ques.  C'est  un  fort  joli  type  de  nos  livres  d'heures  au  xvi«  siècle,  i 

36.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  l'Académie  royale  de 
peintuie  et  de  sculpture,  depuis  1G64,  publiés  pour  la  première 
fois  par  Anatole  de  Montaiglon.  Paris^   1853;  2  vol.  p.  in*12,  \ 
pap.  vtrgé,  demi-rel.  mar.  rouge.  —  37  fr.  \ 

Intéressante  publication  devenue  rare. 


^J 


prix:  courant  de  livres  anciens.  307 

37.  L'art  au  dix-huitième  siècle,  par  Ed.  et  Jules  de  Concourt. 
Paris,  4839  à  1868;  iO  fascicules  in-4,  br.  --  200  fr. 

Très-rare;  chaque  livraison  est  imprimée  à  Lyon  par  Louis  Perria  et 
est  accompagnée  d*eaux-fortes  par  les  auteurs.  Ces  études  comprennent  : 
Saint- Aubin  —  Watteau  —  Prudhon  —  Boucher  —  Greuze  —  Char- 
din —  Fragonard  —  Debucourt  —  Latour;  —  les  vignettistes  :  Grave- 
lot,  Cochin,  etc. 

r)3.  Petture  del  salon  impériale  del  palazzo  di  Firenze  :  opéra  di 
varii  celehri  pittori  fiorentini,  in  tavole  xxvi.  Firenze,  1751; 
très-grand  in-fol.  mar.  rouge,  fil.   à  riches  comp.  tr.  dor.  — 

280  fr. 

Superbe  exemplaire  pour  les  épreuves  et  la  condition  de  la  reliure. 

Oo.  Livre  d'architecture  de  Jacques  Androuet  du  Cerceau,  conte- 
nant les  plans  et  dessaings  de  cinquante  bastimens  tous  diffé- 
rents :  pour  instruire  ceux  qui  désirent  bastir,  soient  de  petit, 
moyen,  ou  de  grand  estât.  Paris,  Benoisi  Prévost,  1559;  in-fol. 
cart.  —  310  fr. 

Exempl.  grand  de  marges  et  en  bon  état  d'un  volume  rare  compre- 
nant seize  feuillets  de  texte  et  soixante-neuf  planches  gravées  à  l'eau- 
forte  par  du  Cerceau. 

106.  Emblèmes  d'AIciat,  de  nouveau  translatez  en  françois  vers 
pour  vers  iouzte  les  latins  (par  Barth.  Aneau).  ji  Lyon,  chez 
GuilL  Roville,  1549;  in-8,  veau  fauve,  fil.  —  140  fr. 

Exemplaire  très-bien  conservé  sans  être  lavé  de  ce  beau  livre  ;  chaque 
page  contient  une  figure  et  nu  encadrement  gravés  sur  bois  et  des  vers 
pour  expliquer  le  sujet  de  l'emblème.  {De  la  bibliothèque  Coulon,) 

108.  Emblèmes  ou  devises  chrestiennes  composées  par  damoiselle 
Georgette  de  Monte nay.  Lyon,  Jean  Marcorelle,  1571;  in-4, 
d.-rel.  mar.  —  60  fr.  Acheté  par  le  prince  d'Ëssling. 

Livre  rare  précédé  d'une  longue  dédicace  en  vers  è  la  reine  Jeanne 
dWlbret,  dont  le  portrait  se  trouve  à  la  première  figure.  Ce  volume 
dont  le  texte  est  en  vers  contient  cent  figures  gravées  sur  cuivre  par 
Pierre  Voeriot,  sculpteur  du  duc  de  Lorraine. 

\M  Rembrandt.  Medea,  Treuspel.  Amsterdam,  hy  Abraham  de 
V ces,  en  Jacob  Lescaille,  1648;  in-4,  vél.  fig.  tr,  dor.  —  255  fr. 

Bel  exemplaire  [de  M.  Charles  Blanc  et  de  M.  Solar)  de  la  première 
édition  de  cette  tragédie  célèbre  faite  par  le  bourgmestre  Six,  l'ami  de 
Rembrandt,  avec  l'estampe  de  Rembrandt  intitulée  le  3tariage  de  Jason, 


308  BULLEXm  DU  BIBLIOPHILE. 

Belle  épreuve  du  deuxième  état.  Ce  Tolume  a  été  vendu  200  fr.  (vente 
du  6  avril  1860). 

i2i .  Abraham  Bosse.  Recueil  factice  d'estampes  relatives  à  la  vie 
privée  de  la  société  française  sous  Louis  XIII;  in-fol.  demi-rel. 
veau  f.  —  605  fr. 

Série  intéressante  de  pièces  parmi  lesquelles  quelques-unes  sont  fort 
rares. 

i  26.  Les  Métamorphoses  d'Ovide  en  latin,  traduites  en  français 
avec  des  remarques  et  des  explications  historiques,  par  l'abbé 
Banier.  Amsterdam^  1732;  2  vol.  in-fol.  v.  gr.  fil.,  figures  d'a- 
près B.  Picart,  Lebrun  et  autres.  — 210  fr. 

Bel  exemplaire  de  l'édition  la  plus  recherchée,  avec  les  six  planches 
imprimées  sur  trois  feuillets  séparés  à  la  page  264;  représentant  six  ma- 
gnifiques tableaux  de  C.  Lebrun,  gravés  par  Folkema. 

127.  Suites  d'estampes  gravées  par  Mme  la  marquise  de  Pompa- 
dour,  d'après  les  pierres  gravées  de  Guay.  Paris  (1782);  pet. 
in-fol.  V.  m.  —  395  fr. 

Beau  recueil  de  cinquante-deux  planches  d'après  Boucher,  et  un  re- 
marquable frontispice  gravé  :  la  première  représente  un  superbe  portrait 
de  Louis  XV. 

132.  Bléry  (Eugène-Stanislas-Alexandre).  Quarante-trois  eanx- 
fortes.  1  vol.  très-gr.  in-fol.  demi^rel.  v.  br.  —  365  fr.  Acheté 
par  M.  Destailleurs. 

Recueil  formé  par  M.  Defer,  d'épreuves  de  premier  état  et  signées 
par  l'artiste. 

133.  Les  généalogies  et  anciennes  descentes  des  Forestiers  et  Com- 
tes de  Flandres,  par  Corneille  Martin,  et  ornées  de  portraits, 
figures  et  habitz  selon  les  façons  de  leurs  temps,  ainsi  qu'elles  ont 
esté  trouvées  es  plus  anciens  tableaux,  par  P.  Balthasar,  pein- 
tre. Amers j  1578;  pet.  in-fol.  cart.  —  80  fr.  Acheté  par  M.  Dé- 
licourt. 

Volume  rare,  orné  de  trente-quatre  planches  gravées  sur  cuivre,  d'une 
belle  exécution,  représentant  les  portraits  en  pied,  avec  leurs  costumes, 
armures  et  blasons,  des  anciens  comtes  de  Flandre.  Exenipl.  grand  de 
marges  et  bien  conservé  ;  il  porte  sur  le  titre  la  signature  de  Daniel 
Elzevir,  1682. 

136.  Vecellio  (C).  De  gli  Habiti  anticbi  et  modemi  di  diverse 
paru  del  mondo  libri  due,  fatti  da  Cesare  Vecellio^  et  con  dis- 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  309 

corsi  da  lui  dichiarati.  Venetia  pressa  Damian  Cenaro^  iî590; 
in-8,  mar.  bleu,  tr.  dor.  (Lortic)  — 140  fr.  Acheté  par  M.  Dé- 
licourt. 

Première  édition,  fort  rare.  Superbe  exemplaire,  malgré  de  légers 
raccommodages  aux  premiers  ff.  Les  420  figures  sur  bois  dont  ce  liyre 
est  enrichi  sont  très-bonnes  d*épreuye.  —  La  marque  de  Pimprimeur 
ne  se  trouve  pas  à  la  fin  du  volume. 

137.  Collection  des  costumes,  armes  et  meubles  pour  servir  à 
rhistoire  de  France  depuis  le  commencement  du  v*  siècle  jus- 
qu'à nos  jours,  par  le  comte  Horace  de  Vieil-Castel.  Paris ^ 
1827  à  1832;  3  vol.  gr.  in-4,  figures,  demi-rel.  dos  et  coins 
de  mar.  bleu^  non  rognés.  —  1 53  fr.  Acheté  par  M.  Délicourt. 

Belle  publication  imprimée  sur  papier  vélin  et  ornée  de  trois  cents 
planches  qui  sont,  dans  cet  exemplaire,  coloriées  au  pinceau  avec  soin 
et  rehaussées  d'or  et  d'argent. 

138.  Costumes  des  xiu*,  xiv*  et  xv*  siècles,  extraits  des  monu- 
ments les  plus  authentiques  de  peinture  et  de  sculpture,  avec 
un  texte  historique  et  descriptif,  par  Camille  Bonnard.  Paris, 
1829-30;  2  vol.gr.  in-4,  demi-rel.  mar.  bleu,  non  rognés.— 
230  fr. 

Deux  cents  planches  dessinées  et  gravées  par  Paul  Mercuri.  Superbe 
exemplaire  en  papier  vélin  et  dont  les  planches  ont  été  coloriées  avec  le 
plus  grand  soin. 

139.  Costumes  historiques  de  la  France  d'après  les  monuments 
les  plus  authentiques,  statues,  bas-reliefs,  tombeaux,  sceaux, 
monnaies,  peintures  à  fresques,  tableaux,  vitraux,  miniatures, 
dessins,  estampes,  etc.,  avec  un  texte  descriptif  —  précédé  de 
FHistoire  de  la  vie  privée  des  Français,  depuis  Porigine  de  la 
monarchie  jusqu'à  nos  jours,  —  et  suivi  d'un  Recueil  des  pièces 
originales,  rares  ou  inédites,  en  prose  et  en  vers,  sur  le  cos- 
tume et  les  révolutions  de  la  mode  en  France  ;  par  le  bibliophile 
Jacob  (Paul  Lacroix) .  Paris,  1852;  8  vol.  gr.  in-8,  demi-rel. 
dos  et  coins  de  mar.  bleu,  tête  dor.  non  rognés.  —  195  fr. 

Bel  exemplaire  d*un  recueil  illustré  de  quatre  cent  quatre-vingts  cos- 
tumes dessinés  et  gravés  par  Massard  et  coloriés  avec  soin. 

140.  Les  Arts  somptuaires,  histoire  du  costume,  de  Pamenble- 
ment  et  des  arts  et  industries  qui  s'y  rattachent,  sous  la  direc- 
tion de  Hangard-Maugé,  dessins  de  Cl.  Ciappori;  introduction 


310  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

générale  et  texte  explicatif,  par  Ch.  Loaandre.  Paris ^  Hangard- 
Maugé^  1857;  4  vol.  in-4  dont  2  de  texte  et  2  de  planches,  en 
or  et  en  couleur,  demi-rel.  mar.  bleu,  non  rognés,  —  365  fr. 
Acheté  par  M.  Henri  Leroy. 

Superbe  exemplaire  de  souscription. 

i43.  Les  incroyables  et  les  merveilleuses  à  Paris,  par  Horace 
Vernet;  in-fol.  demi-rel.  —  300  fr. 

Trente-trois  planches  gravées  par  Gatine  et  coloriées  avec  le  plus  grand 
soin. 

144.  Quadrille  de  Marie  Stuart,  2  mars  1829;  in-fol.  demi-rel. 
[Aux  armes  de  la  duchesse  de  Berry,)  —  210  fr. 

Vingt-sept  planches,  dont  le  titre,  dessinées,  lithographiées  par 
Eugène  Lami  et  coloriées  avec  soin  sous  sa  direction.  Ce  quadrille  a  été 
exécuté  dans  un  haï  donné  par  Mme  la  duchesse  de  Berry,  qui  re- 
présentait Marie  Stuart.  T^s  autres  personnages  sont  également  repré- 
sentés dans  leur  costume. 

Cette  publication  privée,  tirée  à  petit  nombre,  n'a  pas  été  mise  dans 
le  commerce. 

157.  Principes  de  caricatures,  suivis  d'an  essai  sur  la  peinture 
comique,  par  François  Grose;  trad.  en  franc.,  avec  des  aug- 
mentations. Paris ^  Ant,-Aug,  Hcnouardy  1802;  un  vol.  gr.  in-8, 
pap.  vél.,  veau  viol.  fil.  tr.  dor.  —  67  fr. 

Ce  volume  est  orné  de  29  planches  gravées  à  l'eau-forte  qui  se  dé- 
ploient ;  il  n'a  été  imprimé  qu'à  deux  cents  exemplaires. 

254.  Les  OEuvres  de  Clément  Marot.  La  Haye^  Ad.  Moetjens^ 
1700,  2  vol.  pet.  in-12,  veau  marbré.  —  101  fr. 

Bel  exemplaire  aux  armes  du  duc  de  La  Rochefoucauld-Liaucourt  et 
grand  de  marges  ;  de  la  bonne  édition  sous  cette  date. 

25").  MicropœHio  de  Jean  Parradin  de  Louhac.  A  Ly^n ^  par  Jenn 
de  Tournes^  1546;  pet.  in-8,  mar.  brun,  fil.  tr.  dor.  [Durit.) — 
132  fr. 

Livre  très-rare  ;  l'auteur  dit  au  commencement  que  c'est  avec  le  con- 
cours d'Estienn''  Pasquier  qu'il  publie  ce  recueil.  H  manquait  à  la  riche 
collection  de  M.  de  Soleinne. 

256.  Mai  puériles  de  la  Margneiitc  des  princesses,  très- illustre 
RoynodeNdvarre  (publié  par  S.  Sylvius,dit  de  la  Haye].  Lyon^ 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  311 

Jean  de  Tournes ^  1547;  2  vol.  in-8,  fig.  en  bois,  mar.  rouge, 
fiJ.  Ir.  dor.  {anc,  rel.).  —  400  fr. 

Exemplaire  bien  complet,  avec  les  yi  dieux  des  Dames  de  chez  la  Roy  ne 
de  Navarre  allant  en  Gascogne;  quatre  derniers  feuillets  du  second 
tome.  —  Mouillure. 

258.  Le  Siècle  d'or  et  aatres  vers  divers  (de  Berenger  de  la  Tour 
d'Albenas).  Lyon,  Jean  de  Tournes^  1551;  pet.  in-8,  vél.  — 
485  fr. 

Volume  fort  rare,  dont  il  n'y  a  pas  d'autre  édition.  Belle  impression 
eu  caractères  italiques. 

260.  Le  Tombeau  de  messire  Jeaa  de  Voyer,  vicomte  de  Paulroy, 
en  plusieurs  langues.  Luteti«y  Jo,  Bienné^  157i;  pet.  in-4  de 
48  pag.,  mar.  bruif,  comp.,  milieux,  fil.,  tr.  dor.  —  3^0  fr. 

Très-rare.  Exemplaire  du  poëte  Qaude  Nouvellet,  qui  a  écrit  et  si- 
gné, sur  la  garde  du  volume,  une  épiiaphe  inédite  de  la  mère  de  Jean 
de  Paulmy.  —  Les  armes  de  la  famille  de  Voyer  sont  gravées  sur  le 
verso  du  titre. 

261.  Les  Passetems  de  Jan- Antoine  de  Baïf.  Paris^  1573;  in-8, 
car.  —  400  fr.  Acheté  par  le  baron  James  de  Rothschild. 

Superbe  exemplaire  à  toutes  marges  et  d'une  parfaite  conservation. 
On  pourrait  le  croire  en  grand  papier. 

26:2.  Les  Jeux  de  Jean-Antoine  de  Baïf.  Paris,  Imcos  Breyery 
1572;  in-8,  v.  mar.  —  480  fr.  Acheté  par  M.  Edouard  Bocher. 

Très-bel  exemplaire.  On  remarque  dans  ce  vol.  Aniigone,  tragédie  ; 
le  Brave,  comédie;  tEunuque^  comédie. 

265.  La  Jeunesse  d'Estienne  Pasqnier,  et  sa  suite.  Paris,  Jean 
Petit-Pas,  1610;  pet.  in-8  de  8  ff.  lim.  et  799  p.,  veau  fauve. 
—  120  fr. 

Très-bel  exemplaire  de  ce  recueil  publié  par  André  Ducbesue  et 
conforme  à  la  description  de  Brunet  Manuel  ;  c'est-à-dire  qu'il  contient 
la  Puce,  les  Jeux  poétiques,  la  Main  et  autres  poésies,  plus  le  Monophile,  les 
Lettres  amoureuses, 

282.  Contes  et  nouvelles  en  vers,  par  M.  de  la  FonUioe.  Àntster^, 
dam  {Paris,  Barbou),  1762;  2  vol.  pet.  in-8,  mar.  rouge,  fil., 
tr.  dor.—  610  fr. 

Edition  faite  aux  frais  des  fermiers  généraux;  figures  d'Eij>en,  vi- 
gnettes de  ChoiTard;  bel  exemplaire. 


312  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

292.  Fables  de  La  Fontaine.  Paris  [Crapelet)^  1797;  6  vol.  pet. 
in-8,  V.  marb.  fil.  tr.  dor.  —  240  fr. 

Exemplaire  en  papier  Télin  et  en  bonne  reliure. 
Belles  épreuves  des  276  jolies  figures  de  Simon  et  Coiny  cpii  accom- 
pagnent chaque  fable. 

299.  Les  Chansons  de  Gaultier  Garguiile  ;  nouvelle  édition  sui- 
vant la  copie  imprimée  en  1631.  Londres  (Paris)  ^  1758;  petit 
in-12,  frontispice  gravé,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  {Derome).  — 
305  fr. 

Joli  exemplaire  de  la  bibliothèque  de  Pixérécourt. 

301 .  Œuvres  complètes  de  Béranger  ;  édition  revue  par  Fauteur. 
Paris  (Perrotin),  1856;  dernières  chansons;  —  ma  biographie, 
1857;  —  musique,  1857;  ensemble,  5*vol.  gr.  in-8,  mar.  r. 
fil,  comp.  tr.  dor.  —  150  fr. 

Superbe  exemplaire.  Édition  illustrée  de  53  gravures  sur  acier  d'après 
Cb.  Johannot,  RafTet,  portraits,  fac-similé,  etc.  On  a  ajouté  au  yoI.  de  la 
Musique  la  suite  des  figures  de  Grandyille  pour  les  chansons  de  Bé- 
ranger. 

308.  (ouvres  de  maître  François  Rabelais,  avec  des  remarques 
historiques  et  critiques  de  le  Duchat;  édition  augmentée  de 
nouvelles  remarques  et  de  plusieurs  pièces  curieuses.  Amster-' 
dam^  174i;  3  vol.  in-4,  v.  marb.  —  385  fr. 

Édition  fort  recherchée;  elle  est  ornée  de  très-belles  figures  par  Ber- 
nard Picard. 

310.  Songes  drolatiques  de  Pantagruel,  par  M* François  Rabelais, 
suite  de  61  planches  gravées  par  Malapeau;  in-4,  cart.  non 
rogné.  —  21 6  fr. 

Volume  devenu  rare  ;  les  planches  ont  été  coloriées  au  pinceau  en  or 
et  couleurs. 

314.  Théâtre  d'histoire,  où  avec  les  grandes  prouesses  et  aventu* 
res  étranges  du  noble  et  vaillant  chevalier  Polimantes,  prince 
d'Arfine,  se  représentent  au  vrai,  plusieurs  concurrences  fort 
rares  et  merveilleuses....  (par  Ch.  de  Belleville).  Bruxelles^ 
1610;  in-4,  veau  fauve  (anc,  rel.).  —  150  fr. 

Exemplaire  proyenant  de  la  bibliothèque  de  Guyon  de  Sardière,  grand 
de  marges. 

315.  Les  Amours  de  Psyché  et  de  Cupidon,avec  le  poëine  d'Ado*- 


:À 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  313 

nis,  par  La  Fontaine.  Paw,  Didotjeune^sji  III,  gr.  in-4,  mar. 
r.  fil.  comp.  doublé  de  moire  {Bradel-Derome),  —280  fr. 

Exempl.  en  grand  papier  Télin  ;  beau  portrait  de  la  Fontaine  d'après 
Rigault  et  figures  de  Moreau  en  bonnes  épreures. 

317.  Mémoires  da  comte  de  Grammont,  par  Hamilton  (avec  des 
notes  d*Horace  Walpole),  édition  ornée  de  72  portraits  d'après 
les  tableaux  orignaux.  Londres^  EdwardSy  1793;  un  vol.  gr. 
în-4,  mar,  vert.  fil.  dent.  tr.  dor.  {rel.  anglaisé).  —  549  fr. 

Bel  exemplaire  en  grand  papier  Télin,  avec  78  portraits  et  les  notes  et 
éclaircissements  qui  manquent  souvent.  On  y  a  ajouté  douze  antres  por- 
traits de  Saint-Aubin  (publ.  par  Renouard). 

322.  Ingénue  Saxancour,  ou  la  femme  séparée  :  histoire  propre  à 
démontrer  combien  il  est  dangereux  pour  les  filles  de  se  ma- 
rier avec  entêtement  et  avec  précipitation,  malgré  leurs  pa- 
rents ;  écrite  par  elle-même  (par  Rétif  de  la  Bretonne).  IJége 
et  Paris ^  Maradan^MSd'j  3  vol.  in-i2,  demi-rel.  v.  fauve,  non 
rognés.  —  270  fr. 

Superbe  exemplaire  avec  les  pages  249-252  du  tome  III  qui  manquent 
souvent.  «  Cet  ouvrage  est  le  plus  rare  de  tons  ceux  de  Tauteur,  dit 
M.  Paul  Lacroix  ;  Rétif,  en  effet,  a  dépassé  dans  ce  roman  toutes  les 
bornes  du  cynisme  le  plus  audacieux,  puisqu'il  y  étale  au  grand  jour 
rbistoire  vraie  ou  supposée  de  sa  fille  ainée,  qui  avait  épousé,  malgré 
lui,  cet  assez  vilain  personnage  nonuné  Auge,  qu'il  a  flétri  dans  tous  ses 
ouvrages  sous  le  nom  de  TEccbiné.  >  Voyez  la  Bibliographie  des  ou- 
vrages de  Rétif  de  la  Bretonne,  par  Paul  Lacroix,  page  313. 

32o.  L'Année  des  Dames  nationales,  ou  l'histoire  jour  par  jour 
d'une  femme  de  France;  par  Rétif  de  la  Bretonne.  Genève 
et  Paris,  1791-1794;  12  vol.  in-i2,  demi-rel.  mar.  r.  dos  orné, 
doré  en  tête,  non  rognés.  —  321  fr. 

Ouvrage  curieux  au  sujet  duquel  il  faut  consulter  la  longue  et  inté- 
ressante notice  de  M.  Paul  Lacroix  dans  sa  Bibliographie  et  iconogra- 
phie de  tous  les  ouvrages  de  Rétif  de  la  Bretonne,  page  344.  Il  contient 
610  nouvelles  et  anecdotes  toutes  extraordinaires.  —  Cet  exemplaire, 
en  très-bon  état,  est  entièrement  conforme  à  la  description  qa*en  donne 
M.  Paul  Lacroix,  même  avec  la  figure  de  la  page  2861,  représentant 
Texécution  de  Charlotte  Corday  (planche  rare).  O  y  a  en  tout  32  figures 
(costumes  et  sujets). 

335.  Collections  de  romans  et  contes,  imités  de  l'anglois,  corrigés 
et  revus  de  nouveau,  par  M.  de  la  Place.  Paris,  CussaCj^l%%; 

2] 


314  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

8  vol.  gr.  m-8,    mar.   bl.,   lil.   d.    tr.    dor.  (Bozérian),  — 
i  85  fr. 

Très-bel  exemplaire  en  papier  yélin  relié  sur  brochure  et  proyenant 
de  la  bibliothèque  de  Pixérécourt.  Belle  suite  de  figures  d'après  Borel. 

347.  Le  décaméron  de  Jean  Bocace  (trad.  en  franc,  par  le  Ma- 
çon). Londres  [Paris)^  1757j  5  vol,  gr.  in-8,  mar.  vert,  fil.  tr. 
dor.  (Derome),  —  605  fr. 

Édition  fort  recherchée  pour  les  110  figures,  frontispices,  cul»-de- 
lampe,  etc.,  d*Essen,  de  Boucher,  de  Gravelot,  dont  elle  est  ornée. 

Cet  exemplaire,  bien  conser-vé,  est  très-grand  de  marges,  et  avec  les 
figures  de  premier  tirage,  avec  un  parafe  imprimé  au  Terso. 

373.  OEuvres  de  Scarron,  Jmstfrdam,  fFetsteirty  1752;  7  vol. 
pet.  in-12,  portr.  et  fig.,  brochés  non  rognés.  —  180  fr. 

La  plus  complète  des  éditions  de  Scarron . 

376.  OEuvres  complètes  de  Tabbé  de  Voisen-in.  Paris ^  Moutard, 
i78i;  5  vol.  în-8,  pap,  fin,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.,  portrait. 
—  163fr. 

Exempl.  de  Pixérécourt.  «  Cet  exemplaire,  qui  provient  de  la  vente 
Duriez,  avait  appartenu  à  Naigeon.  On  n'en  connaît  pas  d'autre  sur  pa- 
pier fin.  »  (Catalogue  Pixérécourt.) 

382.  OEuvres  de  Denis  Diderot,  publiées  sur  les  manuscrits  de 
Fauteur,  par  Jacq.  André  Naigeon,  Paris^  imp.  de  Crapelet, 
1798;  15  vol.  gr.  in-8,  veau  fauve,  fil.  tr.  dor.  {Bozérian). — 
250  fr. 

Très-bel  exemplaire  en  grand  papier  vélin;  portrait  d'après  Greuze 
avant  la  lettre  ;  magnifique  impression. 

390.  Fables  nouvelles,  dédiées  au  Roy,  par  H.  de  La  Motte.  Paris ^ 

1719;  1  vol.  gr.  in-4,  v.  niarb.  —  210  fr. 

Exemplaire  en  grand  papier  d'un  volume  auquel  cent  trois  figures, 
dont  il  est  orné,  donnent  un  grand  prix.  La  plupart  de  ces  figures  sont 
dessinées  et  gravées  à  l'eau-forte,  |jar  Gillot  :  quelques-unes  sont  gra- 
vées par  N.  Tardieu,  d'après  les  dessins  de  C.  A.  Coypel;  d'autres,  des- 
sinées et  gravées  au  burin  par  Bem.  Picard. 

403.  Fables  nouvelles  (par  Dorât).  Paris,  1773;  2  part,  enl  vol. 
gr.  in-8,  demi-rel.  veau.  —  405  fr. 

Bel  exemplaire  relié  sur  brochure  de  ce  volume  recherché  pour  les 
figures  et  vignettes  d'Eisen  et  de  Marillier  dont  il  est  orné.  Frontispice 
de  l'édition  1772  ajouté. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS  315 

425.  Balzac.  Physiologie  da  mariage  ou  méditations  de  philoso- 
phie éclectique,  sur  le  bonheur  et  le  malheur  conjugal  (par  H. 
de  Balzac).  Paris ^  Levavasseur^  1830,  2  tom.  en  1  vol.  in-8, 
demi-rel.  —  105  fr. 

Première  édition  rare.  ExempL  imprimé  sur  papier  jaune. 

463.  Drouinean.  Le  manuscrit  vert,  par  Gustave  Dronîneau. 
Paris ^  Ch,  Gosselin,  1832;  2  vol.  in-8,  demi-rel.  y«  rouge«  — 
61  fr. 

Deux  beaux  frontispices  d'après  Tony  Johannot  gravés  par  Porret; 
épreuves  sur  chine.  On  lit  sur  le  faux  titre  :  A  M.  le  baron  Taylor  de  la 
part  de  Tauteur.  G.  Drouineau, 

485.  Hugo.  Odes  et  poésies  diverses,  par  Victor-M.  Hugo.  Paris ^ 
1822;  in-16,  demi-rel.  mar.  rouge  non  rogné.  —  69  fr. 

Édition  originale,  avec  envoi  à  Ch.  Nodier.  On  a  relié  à  la  snite  :  A 
ta  colonne  Vendôme^  ode  par  Victor  Hugo.  Paris,  1827;  15  pages  (avec 
envoi  de  l'auteur  à  son  ami  le  baron  Taylor). 

487.  V.  Hugo.  Les  Orientales.  Paris,  1829;  in-12  de  365  pages, 
demi-rel.  v.  r.,  fig.  sur  papier  de  Chine.  —  51  fr. 

Seconde  édition  originale,  publiée  la  même  année  que  la  première 
avec  une  seconde  préface  datée  en  février  1829;  on  lit  sur  le  faux  titre  : 
«r  A  mon  ami  Taylor.  V.  H.  » 

488.  V.  Hugo.  Marion  Delornoe,  drame  (en  vers).  Paris,  Eug. 
Rcnduel,  1831;  in-8,  demi-rel.  v.  f.  —  68  fr. 

Première  édition  (sans  frontispice  gravé);  sur  le  faux  titre  :(ir  ATaylor, 
son  ami  quand  même.  V.  H.  » 

491 .  V.  Hugo.  Les  feuilles  d'automne,  par  Victor  Hugo,  Paris ^ 
Renduel,  1832;  in-8,  demi-rel.  v.  f.  —  102  fr. 

Édition  originale,  bel  exemplaire  avec  le  second  titre  où  se  trouve  la 
figiu*e  gravée  sur  bois  par  Porret,  d*après  le  dessin  de  Tony  Johannot. 
Sur  le  faux  titre  on  lit  :  c  A  Taylor,  son  ami  Y.  H.  i 

494.  V.  Hugo.  Marie  Tudor.  Paris,  Eug.  Renduel,  1833;  in-8, 
demi-rel.  mar.  —  41  fr. 

Edition  originale  (quatrième  édition  du  titre),  avec  le  superbe  frontis- 
pice de  Célestin  Nanteuil  et  Tintitulé  :  Marie  d^ Angleterre  (voyez  Asseli- 
neau,  Biblioth,  romantique),  —  Sur  le  faux  titre  :  c  A  mon  bon  et  ancien 
ami  Tavlor.  V.  H.  » 


316  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

495.  V.  Hugo.  Lncrèce  Borgia,  Paris^  Eug.  Rendael^  1833;  în-8, 
demi-rel.  v.  —  125  fr. 

Première  édition  très-rare.  Éxempl.  avec  les  figures,  sur  chine,  dessi- 
nées et  gravées  à  Teau-forte,  par  Célestln  Nanteuil  (royez  Asselineau, 
Biil.  ronumtique)» 

497.  V.  Hugo.  Angelo,  tyran  de  Padoue.  Paris ^  Eug.  Renduel^ 
1835;  in-8,  demi-rel,  mar.  —  80  fr. 

Première  édition.  Sur  le  titre  :  c  A  M.  Taylor,  son  ami.  V.  H.  » 

505.  Jules  Janin.  Debureau.  Histoire  du  Théâtre  à  qaatre  sols, 
pour  faire  suite  à  Thistoire  du  Théâtre  français  (par  Jules  Ja- 
nin). Paris,  Gosselin,  1832;  in-12,  tiré  in-8,  papier  jonquille, 
figures  gravées  sur  bois,  par  Porret  et  Cherrier,  d'après  les 
dessins  de  Cbenavart,  Tony  Johannot  et  Bouquet,  cart.  rogné. 
180  fr. 

Exemplaire  unique  de  ce  papier.  Cette  édition  in-8  n'a  été  tirée  qu'à 
25  exempl.  (Elxemplaire  de  Pixérécourt,  vendu  60  fr.) 

554.  Martin  (Henri).  Ia  vieille  Fronde,  Paris^  1832;  in-8,  v.  f. 
fil.,  non  rogné  [Bauzonnet).  —  32  fr. 

Volume  rare;  sur  le  titre  une  gravure  sur  bois  représentant  le  cardi- 
nal de  Retz  apaisant  la  populace  ameutée. 

571.  Nodier.  OEuvres  de  Charles  Nodier.  Paris^  Renduel^  1832- 
1834;  12  vol.  in-8,  demi-rel.,  v.  fauve.  —  100  fr. 

Première  édition  devenue  rare,  de  ce  recueil  qui  contient  les  ouvrages 
suivants  :  Jean  Sbogar,  3^  édit.  augmentée,  corrigée  et  précédée  d*une 
longue  et  intéressante  notice  préliminaire.  —  Le  peintre  de  Salzbourg  ; 
Adèle  ;  Thérèse  Aubert,  avec  des  préfaces  nouvelles  ;  —  Smarra,  Trilby, 
Mélanges,  Hélène  Gillet.  —  La  Fée  aux  miettes.  —  Le  dernier  chapitre 
de  mon  roman.  —  Mademoiselle  de  Marsan.  Le  nouveau  Faust  et  la 
nouvelle  Marguerite.  L^  Songe  d'or. —  Rêveries.  —  Le  dernier  banquet 
des  Girondins.  —  Souvenirs  et  Portraits,  2  vol.  —  Souvenirs  de  jeu- 
nesse. •—  Contes  en  prose  et  en  vers.  -  Inès  de  Las  sieras. 

581 .  Nodier.  Journal  de  l'expédition  des  Portes  de  Fer,  rédige  par 
Charles  Nodier,  de  rAcadémie  française.  Paris^  Imprimerie 
royale^  1844;  1  vol.  gr.  in-8,  cart.,  non  rogné.  — 145  fr. 

Superbe  impression  accompagnée  de  193  figures  sur  papier  de  Chine, 
avant  la  lettre,  et  de  vignettes  dans  le  texte  d'après  Raffet,  Decamp», 
Dauzat  ;  ce  beau  volume,  rédigé  sur  les  notes  de  S.  A.  H.  le  duo  d'Or- 


I 
1 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  317 

léanSy  n*a  été  imprimé  qu'à  cent  exemplaires  donnés  en  présent  par  la 
famille  royale.  —  U  est  rare  aujourd'hui. 

624.  Thierry.  Les  enfants  et  les  anges,  poésies  par  Edouard 
Thierry.  Paris,  1833;  in-itf,  avec  4  eaux-fortes,  demi-rel.  dos 
et  coins  de  maroq.  vert,  tète  dor.  non  rogné. —  200  fr. 

Très-rare  rolume. 

648.  Journal  de  Henri  III,  ou  Mémoires  pour  servir  à  Thistoire 
de  France,  par  Pierre  de  TEstoile.  J  la  Haye  (Parts) ^\lkk\  5 
vol.  in-8,  portr.  —  Journal  de  Henri  IV,  publié  par  Lenglet 
de  fvesnoj.A  la  Haye^  i74i;  4  voL  in-8,  port.  Ensemble  9 
vol.  pet.  in-8,  v.  f.  —  470  fr. 

Très-bel  exemplaire  dans  sa  reliure  ancienne  et  avec  tous  les  cartons, 
(^'^oy.  le  Manuel  du  libraire^) 

649.  Recueil  factice  de  huit  pièces  sur  Henri  III,  roi  de  Ft*ance, 
en  un  \ol.  pet.  in-8,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  {Kœhler), — 
149  fr. 

Réunion  précieuse  de  pièces  rares  et  d'un   grand  intérêt  historique. 
Savoir  :  1  <>  Advertissement  aux  catholiques  sur  la  huile  de  nostre  Saint- 
Père,  touchant  l'excommunication  de  Henrj*  de  Valois,  Paris ^  Chaudière, 
1589.  —  2o  Arrestz  et  résolution  des  docteurs  de  la  Faculté  de  Paris, 
sur  la  question,  sçavoir  s'il  falloit  prier  pour  le  roy   au   canon  de  la 
messe.  Paris,  Binet,  1589.  —  3°  Responce  du   P.  Dom  fiernard  à  une 
lettre  que  luy  a  escrite  Henry  de  Valois,  en  laquelle  responce  il  luv  re- 
raonstre  chrestiennement  et  charitablement  ses  fautes,  et  l'exhorte  à  pé- 
nitence. 5.  L,  1589. —  4*  Remonstrances  faictes  par  les  officiers  de  Henrj- 
de  Valois,  aux  lettres  patentes  qu'il  a  décernées  portant  mandement  de 
l'aller  trouver.  S.  L,  1589.  —  5*  Remonsirances  d'un  gentilhomme  de 
Dauphiné,  à  Henry  de  Valois,  pour  le  soulagement  du  pauvre  peuple  du 
dit  païs.  S.  L.  1589.  —  6*  Lettre  d'un  gentilhomme  françois  envoyée  à 
uiig  seigneur  catholique  de  la  ville  de  Paris  contenant  au  vray,  Testât  et 
succez  des  entreprises  de  Henry  de  Valois,  contre  l'Eglise  catholique. 
Paris,  1589.  —  7*  La  harangue  prononcée  à  Henry  de  Valois,  par  un 
marchant  de  la  ville  de  Tours.  Paris^  1589.  —  8<^  Harangue  faicte  au 
roy,  par  un  député  particulier  de  la  yille  de  Rouen  dans  son   cahinet  à 
Bloys.  Paris,  Vve  Dalier^  1588. 

656.  Mémoires  de  M.  d'Artagnan,  capitaine-lieutenant  de  la  pre- 
mière compagnie  des  mousquetaires  du  Roi,  contenant  quaniitc 
de  choses  particulières  et  secrètes  qui  se  sont  passées  sous  le 


318  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

règne  de  Louis  le  Grand.  Cologne  [à  la  sphère),  1701;  3  vol. 
in-12,  vélin  bl.  —  125  fr. 

Bel  exemplaire  de  ces  mémoires  très-curieax  et  rares. 

657.  Recueil  de  pièces  choisies  satiriques,  facétieuses  et  burles- 
ques relatives  «^  la  Frond*?  et  publiées  en  1649, 1650;  62  pièces 
en  1  vol.  in-4,  veau  niarb.  fil.  [Raparlier).  —  210  fr. 

Ce  recueil  lavé  et  encolé  contient  plusieurs  des  pièces  rares  et  singuliè- 
res signalées  dans  les  mémoires, tellesque  :  Le  pour  et  le  contre  delà  c6ur 
(en  vers).  —  La  passion  de  la  cour  (parodie  en  vers  d'un  passage  de  la 
Passion  et  très- vive  contre  Mazarin).  —  Remonstrance  à  la  reine  sur  la 
disette  des  bleds  à  Paris.  —  Les  impiétés  sanglantes  du  duc  de  Coudé. 
(Pamphlet  odieux;  on  n'y  voit  que  meurtres  et  viols  attribués  au  prince; 
très-rare.) — Icon  ou  le  tableau  du  tyran  Mazarin. — L'amende  honorable 
de  Jules  Mazarin  des  crimes  qu'il  a  commis....  (2^>  000  personnes  jetées 
en  prison,  dont  6000  seraient  mortes  de  faim).  —  Les  trahisons  des- 
couvertes et  le  peuple  vendu.  —  Ballade  (de  Marigny).  —  La  nouvelle 
courante  à  la  reine.  —  Contribution  d'un  bourgeois  de  Paris,  etc.,  etc. 

713.  Description  historique  de  Paris  et  de  ses  plus  beaux  monn- 
raents,  gravés  en  taille-douce  par  F.  N.  Martinet  ;  par  Béguillet. 
Paris^  1779;  3  vol.  in-4^  demi-rel.  v.  fauve.  —  215  fr. 

Bel  exemplaire  en  grand  papier.  ^-  Collection  remarquable  des  met 
de  Paris  et  surtout  des  monuments,  édifices,  palais,  hôtels,  etc.,  qui  y 
sont  représentés  avec  une  fidélité  singulière  et  joliment  gravés. 

725.  Histoire  des  chevaliers  hospitaliers  de  S.  Jean  de  Jérusa- 
lem, appelés  depuis  chevaliers  de  Rhodes  et  aujourd'hui  de 
Malte;  par  Fabbé  de  Vertot.  Paris^  1786;  5  vol.  in-4,  v.  fauve 
{anc.  rel,).  —  196  fr. 

Très-bel  exemplaire  en  grand  papier  avec  70  portraits,  4  vignettes  et 
8  cartes  géographiques. 

766.  L'illustre  théâtre  de  Corneille.  [Leyde^  Elzevir^  à  la  sphère); 
pet.  in-12,  d.-relié.—  300  fr. 

Ce  volume,  très-rare,  se  compose  des  pièces  suivantes  :  Le  Cui,  1644; 
—  Horace,  1645;  —  Poljreucte^  1644;  —  Cinna,  1644;  —  La  mort  de 
Pompée^  164'»;  —  le  Menteur,  1645;  —  La  suite  du  Menteur^  1645. 

776.  Les  satyres  et  autres  œuvres  du  sieur  Régnier.  A  Leyden^ 
chezJean  et  Daniel  Elzevier,  1652;  pet.  in-12,  mar.  bleu,  lil. 
tr.  dor.  {rel.  angl,),  —  335  fr. 

Kxeraplaire  de  M.  Utterson,  grandes  marges.  Hauteur,  4  p.  8  lignes. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  319 

785.  OEuvres  satyriques  (sic)  de  P.  Corneille  Bifssebois.  Leide 
{Elzev.)y  1676;  sept  parties  en  i  vol.,  pet.  in-12,  mar.,  v.,  fil. 
dent,  doublé  de  tabis,  ir.  dor.  [Simier).  —  3250  fr. 

Exemplaire  provenant  de  la  bibliothèque  de  Pixérécourt;  il  n^est  pas 
seulement  un  des  plus  complets,  mais  il  est  un  des  plus  grands  de  mar- 
ges connus  (  à  Tétat  d'exempl.)  la  hauteur  est  de  129  millim.  (il  y  a 
des  témoins). 

786.  L'Eugénie,  tragédie,  dédié  à  S.  A.  le  prince  d'Orange,  par 
Pierre  Corneille  Blessebois.  Leyde^  Jean  Elzevier^  1676;  pet, 
in-i2,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  -  -  200  fr. 

Petit  volume  très-rare.  —  Exempl.  de  M.  de  Soleinne. 

794.  Les  Essais  de  Michel  seigneur  de  Montaigne,  avec  la  Vie  de 
l'auteur  (écrite  par  Mlle  de  Gournay).  Bruxelles^  Fr.  Foppem 
{Elzevir)y  16fi9;  ?*  vol.  in-i2,  maroq.  citr.  fil.  tr,  dor.  — 
160  fr. 

Édition  recherchée  ;  le  frontispice  présente  un  portrait  de  Montaigne. 
Reliure  d'Anguerrand. 

795.  De  la  Sagesse,  trois  livres,  par  Pierre  Charron.  Leide^  chez 
Jeun  Elzevier  (sans  date);  pet.  in-12,  titre  gravé,  mar.  orange, 
tr.  dor.  {reL  anc,  de  Jjewis).  —  155  fr. 

Bel  exemplaire  très-grand  de  marges  de  Tédition  elzévîrienne  la  plus 
recherchée.  Haut.  135  millim.  Exempl.  de  la  bibliothèque  de  M.  Ar 
mand  fiertin. 

798.  Pierre  Corneille.  Son  théâtre,  suivant  la  copie  imprimée  à 
Paris  [Amsterd,^  Abr,  fVolfgang)^  1663  à  1669;  13  pièces  re- 
liées en  maroq.  rouge,  fil.  (Kxhler). —  48!  fr. 

Superbes  exemplaires  non  rognés.  Savoir  :  La  Toison  étor^  1662;  •— 
Nicomède,  1663;  —  Rodogiine,  1663;  —  Héraclius^  1663;  —  Andromède^ 
1663;  —  Pertharite^  1663;  —  OEdipe^  1663;  —  Sophonishe,  1663;  — 
Don  Sanche  d:' Aragon,  1663;  —  Sertorius^  1664;  —  Othon^  1665;  — 
Âgésilas^  1666;  —  Attila,  1667. 

803.  Le  cabinet  saiyrique  ou  recueil  parfait  des  vers  piquans  et 

gaillards  de  ce  temps  (HolL^  à  la  sphère)^   1066;  2  vol.  pet. 

in-12,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  {anc.  rel,).  —  399  fr.  A  M.  le 

coiute  Foy. 

Joli  exemplaire  de  l'édition  elzévirienne  recherchée.  H.  4  p.  7  lign. 
796.  Le  moyen  de  parvenir,  œuvre  contenant  la  raison  de  ce  qui 


320  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

a  été,  est  et  sera  (par  Beroalde  de  Verville).  Imprimé  cette 
année  (sans  date);  pet.  in-12,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  [Simier). 
—  150  fr. 

Édition  elzéririenne  de  348  pages,  très-rare  et  recVierchée.  Exempl. 
bien  consenré  et  grand  de  marges.  Haut.  132  millim.  (4  p.  11  lign.). 

819.  Les  Œuvres  de  Monsieur  Molière.  Amsterdam^  Jacques  le 
jeune  [Elzewir,  à  la  sphère) y  1679;  5  vol.  —  Les  OEuvres  pos- 
thumes de  Monsieur  de  Molière.  Âmsterd,^  Guill,  le  jeune  [à  la 
sphère) y  1689. 1  vol.;  ensemble,  6  vol.  pet.  in-lâ,  veau  fauve, 
fil.  tr.  dor.  —  250  fr. 

•  Joli  exemplaire,  auquel  on  a  ajouté  la  suite  de  figures  gravées  par 
Punt,  d'après  les  grandes  compositions  de  Boucher,  en  épreuves  de  toute 
beauté. 

828.  Les  conseils  d'Ariste  à  Célimène,  sur  les  moyens  de  conser- 
ver sa  réputation,  pièce  très-curiense.  La  Haye^  1687;  pet. 
in-12,  mar.  citr.  fil.,  non  rogné  [Thibaron],  —  110  fr. 

Petit  volume  de  la  collection  elzévirienne,  rare  dans  cette  condition. 
Dissertations  singulières  et  galantes,  dans  le  genre  de  P Académie  galoRte, 

859.  Maistre  Pierre  Pathelin  restitue  à  son  naturel  :  le  Grant 
Blason  des  faulses  amours  (par  Guill.  Alexis);  le  Loyer  des 
amours  (par  Guill.  Crétin).  Paris^  Galliot  du  Pré,  1532;  in-16, 
lettres  rondes,  mar.  orange,  tr.  dor.  —  1420  fr. 

Une  des  plus  rares  éditions  de  Pathelin  et  un  des  volumes  les  plus  re- 
cherchés de  la  série  des  livres  imprimés  en  lettres  rondes  par  Galliot 
du  Pré.  Cet  exemplaire,  grand  de  marges,  est  chargé  de  notes  manu- 
scrites de  Beauchamps  et  provient  des  bibliothèques  de  Pixéréconrt  et  de 
Soleinne  ;  tel  qu'il  doit  être  conservé.  C'est  un  des  volumes  les  plus  rares 
et  les  plus  curieux  qu'on  puisse  désirer. 

863.  Le  Brave,  comédie  de  Jan  Antoine  de  Baïf,  jouée  devant  le 
Roy  en  Thostel  de  Guise,  à  Paris,  le  XXXVIII  de  janvier 
MDLXVII.  Paris  y  chez  Robert  Estienne,  1567;  in-8,  vél. 
—  655  fr. 

Très-bel  exemplaire  d'un  volume  fort  rare. 

866.  Essais  de  Hierosme  d^Avost,  de  Laval,  sur  les  sonets  du  di- 
vin Pétrarque,  avec  quelques  autres  poésies  de  son  invention. 
Aux  illustres  sœurs  Philippe  et  Anne  du  Prat  et  de  Tiert.  A 
Paris  y   pour   Abel  CAngelier^  1584.  —  Poésies  de  Hierosm 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  321 

d^Avost,  de  Laval,  en  faveur  de  plusieurs  illustres  et  nobles 
personnes,  1 583;  2  part,  en  1  vol.  in-8,  mar.  vert,  tr.  dor. 
{Duru),  —  210  fr. 

Très -bel  exemplaire  d'un  yolume  fort  rare,  ainsi  complet  des  deux 
parties  et  avec  le  feuillet  qui  contient  le  portrait  gravé  de  Fauteur  ;  il 
provient  de  la  bibliothèque  de  M.  Cigongne. 

873.  Jepbtéy  ou  le  Vœu,  tragédie  traduite  du  latin  de  George 
Buchanan  Escossois,  par  Florent  Chrestian.  Paris ^  Mamert  Pâ- 
tisson^ 1587;  —  David  combattant.  David  triomphant.  David 
fugitif;  tragédies  sainctes  par  Loys  Des  Masures  Toumisien; 
2  part,  en  1  vol.  pet.  in-12y  mar.  vert,  fil.  dent,  tr.  dor.  (De" 
rome).  —  245  fr. 

Joli  yolume  provenant  de  la  bibliothèque  dePixérécourt. 

878.  Les  royales  couches  ou  les  naissances  de  Monsieur  le  Dau- 
phin et  de  Madame,  composées  en  vers  françois,  par  Claude 
Gamier  parisien.  Paris ^  Jbel  fjàngelier^  1604;  pet.  in-8,  cart. 
—  265  fr. 

Bel  exemplaire,  grand  Je  marges^  d'un  livre  rare  et  un  de  ceux  qui 
ne  finissent  pas  à  la  page  212;  il  contient,  de  213  à  226,  le  Chant  de 
réjouissance  en  la  neuviesme  année  de  la  réduction  de  Paris  sous  V obéissance 
du  roy  Henry  III, 

885.  Le  Parnasse  des  plus  excellents  poètes  de  ce  temps.  Paris ^ 
Mathieu   Guillemot^  1618;  2  vol.  in-12,  mar.  rouge,  fil    tr. 

{Lortic),  —  205  fr. 

Bel  exemplaire  d'un  recueil  rare  et  très-difficile  à  trouver  bien  con  - 
serve.  Les  deux  volumes  ont  chacun  un  joli  frontispice  gravé  par  Léo- 
nard Gaultier  et  représentant  le  Parnasse.  A  la  fin  du  second  volume, 
après  la  table,  il  se  trouve  dix  feuillets  paginés  séparément,  précédés  d'un 
avis  de  Timprimeur  et  qui  comprennent  des  sonnets,  épigrammes,  stances 
par  le  sieur  Brun  ;  par  les  intitulés  de  ces  pièces  de  poésie,  il  semblerait 
que  ce  poëteest  un  Lyonnais.  Ces  10  feuillets  manquent  ordinairement. 

886.  Le  théâtre  d'Alexandre  Hardy,  parisien.  Paris,  1626-1628; 
6  vol.  in-8,  V.  marb.  —  255  fr. 

Il  est  fort  difficile  de  trouver  des  exemplaires  complets  du  Théâtre  de 
Hardy  et  il  serait  encore  plus  difficile  d'en  trouver  un  exemplaire  dont 
tous  les  volumes  soient  grands  de  marges  et  en  bon  état.  Cet  exem- 
plaire, qui  provient  de  la  bibliothèque  de  Soleinne,  est  ainsi  composé  : 
Tome  !•',  Paru,  Quesnei,  1626;  —  Tome  H,  1632;  —  Tome  IH,  1626; 


322  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

—  Tome  IV,  de  C imprimerie  de  David  du  Petit  Val^  à  Rouen ^  1626;  — 
Tome  V,  Paris,  Fr,  Targa,  1628;  —  Tome  VI,  Les  chastes  et  loyales 
amours  de  Theagcnes  et  Chariclée,  en  hitict  poèmes  dramatiques  ;  Paris^ 
Quesnel,  1628.  —  En  somme,  cet  exemplaire  complet  des  frontispices 
gravés,  des  titres  et  des  Tolumes,  est  également  aussi  bien  conservé  que 
possible. 

887.  Les  œuvres  de  N.  Frenîcle,  conseiller  du  Roy  et  gênerai  en 
sa  cour  des  nionnoyes.  Paris^  1629;  gr.  în-8,  vél.  dor.  fil.  tr. 
dor.  [première  reliure),  —  299  fr. 

Superbe  exemplaire  en  grand  papier.  On  lit  sur  le  titre  :  Pour  la  plus 
belle  fille  du  monde  et  la  plus  ajmable,  évidemment  envoi  autographe  du 
poëte.  M.  Brunet  annonce  par  erreur  qu'il  faudrait  deux  portraits  à  oe 
volume;  c*est  dans  un  autre  livre  du  même  auteur  intitulé  :  Entretiens 
des  illustres  bergers  que  doivent  se  trouver  ces  deux  portraits.  Le  volume 
ne  se  compose  pas  de  \to\%  parties,  mais  de  deux  seulement,  et  une  table 
imprimée  à  la  fin  du  volume  le  prouve  :  la  première  de  268  pages,  la 
seconde  de  172  et  une  table. 

888.  Poésies  de  Malherbe,  rangées  par  ordre  chronologique , 
avec  un  discours  sur  les  obli^^ations  que  la  langue  et  la  poésie 
ont  à  Malherbe  et  quelques  remarques  historiques  et  critiques 
(par  Le  Fevre  de  Saint-Marc).  A  Paris ^  de  Vimpr,  de  Jos. 
Barbouj  1757;  in-8,  mar.  bl.,  fil.  tr.  dor  [Duru). — 135  fr. 

Bel  exemplaire  en  papier  de  Hollande  d'une  édition  très-estimée  et 
bien  imprimée.  Joli  portrait  de  Malherbe  gravé  par  Fessard. 

905.  Rodogune,  princesse  des  Parîhes,  tragédie  par  Pierre  Cor- 
neille. Au  Nord  (Fersailles)^  1760;  in-4,  mar.  rouge,  fil.  tr. 
dor.  dent,  doublé  de  tabis.  —  35i  fr. 

Bel  exemplaire  de  M.  de  Soleinne  dans  une  bonne  reliure  ancienne. 
Cette  pièce  a  été  imprimée  sous  les  yeux  et  dans  l'appartement  de  Mme 
de  Pompadour,  situé  au  nord,  dans  le  château  de  Versailles.  La  figure, 
d'après  Boucher,  a  été  gravée  à  Teau-forte  par  la  marquise  et  terminée 
au  burin  par  C.-N.  Cochin.  Ce  volume  a  été  tiré  à  uu  petit  nombre 
d'exemplaires  pour  être  offerts  en  présent, 

918.  Les  œuvres  de  J.-B.  Poquelinde  Molière.  Paris^  impr,  de  JP. 
Didot  fatncy  1791;  8  vol.  gr.  in-4,  papier  vélin,  cart.  non 
rognés.  —  :210  fr. 

Magnifique  édition,  tirée  à  250  exemplaires  et  très-rare  aujourd'hui 
dans  cette  condition.  Elle  fait  f>artie  de  la  Collection  des  auteurs  clossi- 
ques  imprimés  poivr  C  éducation  du  Dauphin, 


ÇRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  323 

927.  Les  Femmes  sçavantes,  comédie  par  J.  B.  P.  Molière.  Et  se 
vend  pour  Vautheur  h  Paris ^  au  Palais  et  chez  Pierre  Promé  ^ 
1673;  in-i2,  cuir  de  Russie,  (il.  —  2500  fr. 

Édition  originale.  —  Superbe  exemplaire  et  dans  une  condition  excep- 
tionnelle ;  il  est  non  rogné. 

928.  L'Escole  des  femmes,  comédie  par  J.  B.  P.  Molière.  Paris, 
Gabriel  Quinety  i663;  in-12,  figure,  mar.  rouge,  tr.  dor.  — 
1205  fr. 

Édition  originale  de  6  feuillets  prélimin,  et  93  pages. 

935.  Andromaque,  tragédie  (par  J.  Racine).  Paris^  Théodore  Gi- 
rard, 4668;  in-42,  v.  fauve,  fil.  —  800  fr. 

Edition  originale. 

936.  Alexandre  le  Grand,  tragédie.  Paris,  4666;  in-42,  v.  fauve, 
fil.  (Kœlher),  —200  fr. 

Edition  originale.  Taches  et  mouillures  (laid). 

937.  Les  Plaideurs,  comédie.  Paris,  Christ.  Dapid^  4869;  in-42 
de  4  If.  et  88  pages,  veau  fauve,  fil.  (Kœlher),  —  200  fr. 

Édition  originale  fort  rare.  Un  peu  court  de  marges  et  les  derniers 
feuillets  refaits  (laid). 

938.  La  Thebayde  ou  les  frères  ennemis,  tragédie.  Paris,  Claude 
Barhin,  4664;  in-42  de  4  ff.  et  70  pages  et  le  privilège,  v.  f., 
fil.  [Kœlhr),—  400  fr. 

Édition  originale.  Médiocre  exemplaire. 

939.  Eslher,  tragédie  tirée  de  l'Écriture  sainte  (par  Racine).  Pa- 
ris, Denis  Thierry,  4689;  in-4,  v.  br.  —  205  fr. 

Édition  originale.  —  Figure  par  C.   Le   Brun,  gravée  par  Sébastien 
Leclerc. 

940.  Athalie,  tragédie  tirée  de  l'Ecriture  sainte  (par  Racine).  Pn-» 
ris^  Claude  Bnrbin,  169i ,  in-4,  v.  br.  —  205  fr. 

Edition  originale.  —  Figure  par  J.-B.  Corneille,  gravée  par  J.  Ma- 
riette. 

941.  OEuvres  diverses  d'un  auteur  de  sept  ans  (le  duc  du  Maine) 
(publié  par  Mme  de  Maintenon,  vers  4  686),  s.  1.  n.  d.,  2  part, 
en  4  vol.  in-4,  br.  —  420  fr.  A  M.  Bancel. 

Volume  très- rare,  imprimé  à  un  petit  nombre  d'exemplaires. —  i  Ce 
recueil  uVsl  pas  seulement  précieux  par  sa  rareté;  il  peut  ajouter  une 


324  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

page  à  l'histoire  de  Mme  de  Maîntenon,  qui  le  dédiait,  sous  le  nom  de 
petit  prince,  à  sa  rivale,  Mme  de  Montespan.  Cette  dédicace  est  de  Ra- 
cine, »  —  Exemplaire  de  Pîxérécourt.  Voyez  les  Mélanges  tirés  £unc 
petite  biblioth,  pàt"  Ch.  Nodier, 

943.  Théâtre  d'Edme  Boursault;  1662  à  1694;  3  vol.  in-12,  mar. 

rouge,  tr.  dor.,  dont  un  anx  armes  du  duc  de  Luynes  et  un 

antre  aux  armes  de  la  comtesse  de  Verrue,  —  300  fr.  A  M.  le 

comte  de  Brissac. 

Recueil  factice  des  éditions  originales  (et  publiées  par  Tauteur);  il 
provient  de  la  bibliothèqne  de  M.  deSoIeinneet  contient  dix'Sept  pièces, 
savoir:  1*  le  Jaloux  endormy,  1662;  —  2*  le  Mort  vivant,  1662;  — 
3*  le  Portrait  du  peintre,  1663;  —  4*  les  Nicandres,  1665; —  5*  Les  deux 
frères  gémeaux,  1665;  —  6*  la  Métamorphose  des  yeux  de  Philis,  1665; 
—  V  le  Médecin  volant,  1666;  —  8*  la  Satire  des  satires,  1669;—  9*  les 
Fables  d'Ésope,  1690;  —  10*  Marie  Stuart,  1691;  —  11*  la  Feste  de  la 
Seine,  1693;  —  12*  Germanicus,  1694;  —  13*  la  Comédie  sans  titre, 
1694;  —  14»  Phaéton,  comédie,  1694;  —  15»  Méléagre,  1694;  — 
16*  les  Mots  à  la  mode,  1694;  —  17°  Ésope  à  la  cour,  1708. 

948.  Œuvres  diverses  de  M.  (J.-B.)  Rousseau,  nouvelle  édition 
revue,  corrigée  et  augmentée  par  lui-même.  Amsterd.^  Fr, 
Changuion^  1729;  3  vol.  in-i2,  mar.  rouge,  dent.,  fil.  tr.  dor. 

—  Pièces  dramatiques  choisies  et  restituées  par  M***  (Rous- 
seau). Amsterd,^  Changuion^  1734;  in-12,  front,  gravé;  i  vol. 

—  Comme  deuxième  tome  de  pièces  dramatiques  se  trouve  un 
volume  dans  lequel  se  trouve  :  Jasnn^  comédie;  Vénus  et  Ado '^ 
nis^  tragédie  ;  le  Flatteur^  comédie  j  sous  la  date  de  Rotterdam^ 
1712  (le  frontispice  est  doublé).  —  (Théâtre  de  J.  B.  Rous- 
seau, tome  III).  Nouvelles  œuvres  de  M.  Rousseau,  pour  servir 
de  supplément  aux  différentes  éditions  des  ouvrages  de  cet  au- 
teur. Amsterd,,  Changuion^  1735;  1  vol.  ;  ensemble  6  vol.  in- 
12,  mar.  rouge,  fil.  dent.  tr.  dor.  (Z)^A>/we).  — 180  fr.  A  M.  le 
comte  de  Brissac. 

Cette  collection  des  oeuvres  de  J.-J.  Rousseau  est  ornée  de  jolies  figu- 
res de  De  Brie,  et  provient  de  la  bibliothèque  de  M.  de  Soleinne. 

950.  OEuvres  de  Regnard,  nouvelle  édition,  revue,  exactement 
corrigée,  et  conforme  à  la  représentation.  Paris,  Muradan^ 
1790;  4  vol.  gr.  in-8,  mar.  vert,  fil.  comp.  tr.  dor.  {rel.  du 
temps).  —  149  fr. 

Bel  exemplaire  ;  bonnes  épreuves  des  figures  de  Borel  et  Monsiau  ; 
joli  portrait. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  325 

931 .  OEuvres  complètes  de  J.  F.  Regnard  ;  noayelle  édition  avec 
des  variantes  et  des  notes,  et  une  notice  (par  G.-A.  Crapelet), 
Paris  [impr,  de  Crapelet)y  Renouard^  1822;  6  vol.  gr.  in-8,  d.- 
rel.  mar.  bleu,  non  rognés.  —  260  fr. 

Exemplaire  sur  grand  papier  Télin,  dont  il  n*a  ëté  tiré  que  quatre- 
vingts  exemplaires  ;  portrait  gravé  par  Tardieu  d'après  Rigaud.  On  a 
joint  à  cette  belle  édition  :  !<>  la  suite  des  figures  de  Desenne,  sur  papier 
de  Chine,  avec  lettres  grises;  2°  un  portrait  de  Ficquet,  avec  marges; 
3^  un  fragment  autographe  de  Técriture  de  Regnard  ;  k^  la  suite  des 
figures  de  masques  et  bouffons  de  la  Comédie  italienne,  18  pièces  gra- 
vées par  Joullain,  belles  épreuves  à  toutes  marges. 

952.  La  Sérénade,  comédie  (par  Regnard).  Paris^  Th,  GuiUain^ 
1695;  in-12,  mar.  ronge,  tr.  dor.  —  153  fr. 

Édition  originale. 

953.  Les  Folies  amoureuses,  comédie  par  M.  R...  (Regnard). 
Paris ^  Pierre  Ribou^  1694;  in-12,  mar.  rouge,  fil.  tr.  dor.  — 
361  fr. 

Edition  originale. 

955.  Le  Retour  imprévu,  comédie  (par  Regnard).  Par/x,JP.i{/^ii 
1709;  in-i2,  demi-rel.  —  150  fr. 

Édition  originale  ;  bel  exemplaire  grand  de  marges. 

956.  Le  Légataire  universel,  comédie  (par  Regnard).  Paris,  Pierre 
Ribouj  4708;  in-12,  parch.  {rel,  originale)  ;  on  pouvait,  on  de- 
vait y  ajouter  une  figure.  —  410  fr. 

Édition  originale  ;  bel  exemplaire  à  toutes  marges.  Il  ne  faut  certaine- 
ment pas  de  figure  à  cette  édition.  Qu'on  en  trouve  des  exemplaires 
avec  une  figure,  c'est  facile  à  comprendre,  puisqu'à  la  même  année  il  a 
paru  une  édition  collective  avec  des  figures  à  chaque  pièce. 

961.  OEuvres  de  Crébillon.  Paris^  Jnt.^Jug,  Renouard^  1818; 
2  vol.  gr.  in-8,  portrait  par  A.  St-Aubin,  br.  non  rognés.  — 
275  fr. 

Exemplaire  imprimé  sur  papier  vélin,  avec  doubles  figures  gravées 
à  Teau-forte  et  avant  la  lettre,  d*après  Moreau. 

963.  Œuvres  de  théâtre  de  M.  de  Marivaux,  de  l'Acadéniie 
françoise.  Par/>,  1758;  5  vol.  —Les  comédies  de  Marivaux, 
jouées  sur  le  théâtre  de  l'Hôtel  de  Bourgogne,  par  les  comédiens 


326  BULLETIN  OU  BIBLIOPHILE. 

italiens  ordinaires  du  Roy.  Paris ^  1732;  2  voL  Knsemb.  7  voL 
in-12,  mar.  vert,  fil.  tr.  dor.  {anc,  rel.), —  255  fr. 

Exemplaire  relié  aux  armes  de  Laborde  de  Mér^ ville.  Chaqae  pièce 
est  paginée  séparément.  En  tôte  du  premier  volume  du  théâtre  se  trouve 
un  joli  portrait. 

966.  Œuvres  de  M.  (Fenouillot)  de  Falhaire;  in-8,  mar.  rouge, 
fil.  tr.  dor.  (anc,  rel.),  —  250  fr. 

Ce  volume  contient  :  L^hounéte  cripainel,  drame  en  prose.  Paris ^ 
1768  (5  fig.);  —  les  Deux  avares,  comédie  en  prose,  mêlée  d^ariettes, 
représentée  à  Fontainebleau  devant  Sa  Majesté  les  27  octobre  et  7  no- 
vembre 1770;  la  musique  est  de  M.  Grétry,  Paris^  1770  (une  fig.);  — 
le  Fabricant  de  Londres,  drame  en  cinq  actes  et  en  prose,  représenté  à 
la  Comédie-Française.  Paris ^  1771  (5  fig.). 

Ce  bel  exemplaire  en  papier  de  Hollande  provient  de  la  bibliothèque 
de  M.  de  Soleinne.  Les  onze  charmantes  figures  qui  ornent  ce  volume 
ont  été  gravées  sur  les  dessins  de  Gravelot,  par  Delaunay,  Binet,  Levas- 
•eur,  de  Longueil  et  Simonet. 

967.  Œuvres  de  théâtre  de  M.  de  Boissy,  de  rAcadémie  française. 
Paris ^  1766;  9  vol.  in-8,  mar.  vert,  fiL  tr.  dor.  {anc,  rel,).  — 
\  85  fr. 

Exemplaire  de  Pixérécourt.On  lit  au  catalogue  de  cette  bibliothèque  : 
c  Exemplaire  de  la  princesse  de  Lamballe,  acheté  à  la  vente  de  Florian.» 

969.  Œuvres  anonymes  (de  Mme  la  comtesse  de  Montesson). 
Paris,  Didoty  1782;  7  voL  gr.  in-8,  veau  écail,  fil.  tr.  dor, 
(Derome),  — 150  fr. 

Tiré  à  très-petit  nombre.  Le  Théâtre  ^  contenant  cinq  volumes,  est 
complet  ;  les  Mélanges,  ne  formant  qu^un  volume  quoiqu*il  soit  tome  I^', 
sont  également  complets;  vignette  sur  le  titre.  Cet  exemplaire  provient 
de  la  bibliothèque  de  Pixérécourt. 

977.  La  Folle  journée,  ou  le  Mariage  de  Figaro,  comédie  en  cinq 
actes,  en  prose,  jiar  M.  de  Beaumarchais,  représentée  pour  la 
prcojière  fois  par  les  comédiens  français  ordinaires  du  Roi,  le 
27  avril  1784.  (Kehl^  de  fimpr.  de  la  Société  littéraire  typo- 
graphique et  se  trouve  h  Paris  rkez  Jiuault)^ il SH-y  gr.  in-8,  de- 
mi-rel.  mar.  rouge,  non  rogné.  —  238  fr. 

Très-bel  exemplaire  en  grand  papier  vélin  ;  les  cinq  figures  de  Saint- 
Quentin  sont  en  très-bonnes  épreuves.  On  y  a  ajouté  ciuq  figures  gra- 
vées par  Naudet. 


PRLX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  327 

1023.  The  dramatic  works  of  Shakespeare,  revised  by  Georges 
Steevens.  London^  printed  by  Bulmer  for  Btyydell  (1791),  1804; 
18  lom.  en  9  vol.  gr,  in-fol.,  cuir  de  Russie,  fil.  {rel,  angl,). 
—  501  fr. 

Magnifique  édition  dédiée  au  roi  Georges  III,  ornée  de  97  belles  gra- 
vures d*après  Westall,  Hamilton,  Smirke,  Stothard  et  autres.  C'est  un 
monument  typographique  élevé  à  la  gloire  de  Shakespeare,  comme  Ta 
été  en  France  le  Racine  de  P.  Didot. 

1063.  Ballet  comique  de  la  Royne,  fait  aux  nopces  de  Monsieur 
le  duc  de  Joyeuse  et  madamoyselle  de  Vandemont  sa  sœur,  par 
Balthasar  de  Beaujoyeulx,  valet  de  chambre  du  Roy  et  de  la 
Royne  sa  mère.  Paris ^  par  Adrien  Le  Roj^  Robert  Ballard  et 
Marner t  Pâtisson^  1382;  in-4,  veau  marb.  [Aux  armes  du  comte 
de  Roche fort'Brancas.)  —  393  fr. 

Exemplaire  bien  conservé  et  complet  de  ce  livre  curieux  et  fort  re- 
cherché. Ce  volume  est  orné  de  27  planches  è  Teau-forte,  dont  quelques- 
unes,  plus  grandes  que  le  format  du  livre,  sont  toujours  plus  ou  moins 
atteintes  par  le  ciseau  du  relieur. 

1075.  Théorie  et  pratique  de  la  danse  en  général;  de  la  compo- 
sition des  ballets,  de  la  musique,  du  costume  et  des  décorations 
qui  leur  sont  propres,  par  M.  Noverre;  in-fol.  de  73  S.j  dos 
de  mar.  rouge,  non  rogné. —  80  fr.  A  M.  Nuitter. 

Beau  manuscrit  inédit,  entièrement  écrit  par  le  chevalier  de  Bemy, 
sous  la  direction  de  M.  Noverre;  enrichi  d'une  quantité  d'ornements 
calligraphiques  de  la  plus  remarquahle  exécution  et  précédé  d'une 
lettre  autographe  signée  de  M.  Noverre,  datée  du  20  février  1790;  on  y 
a  ajouté  un  très-joli  portrait  de  l'auteur  gravé  par  Imbert  de  Champ 
Real. 

1080.  La  magninca  et  triumphale  entrata  del  christianiss.  Rei  di 
Francia  Henrico  secondo,  fatta  nella  nobile  et  antiqua  citta  di 
LyoTie  à  luy  et  à  la  sua  sereniss.  consorte  Chaterina  alli  25  di 
sept.  1548  :  mlla  particulare  descritione  délia  comedia  che 
fece  recitare  la  Nacioue  Fiorentina  à  richiesta  di  Sua  Maesta 
Christianissima.  In  Lyone^  appresso  Gulielmo  Rouillio^  1549; 
in-4  de  58  ff.,  cart.  ital.  fig.  sur  bois,  vél.  bl.  — 260  fr.  A 
M.  Délicourt. 

Très -bel  exemplaire  d^un  livre  curieux  et  rare.  Cette  traduction  ita- 
lienne fut  publiée  ftar  G.   Rnnil*e,  en  mémo  temps  que  la  relation  fran- 


328  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

çaise,  composée  par  Maurice  Scèye.  Les  15  figures  sur  bois,  dont  le  to- 
lume  est  orné,  sont  les  mêmes  que  celles  de  Tédition  française,  exécutées 
par  le  petit  Bernard.  Le  traducteur  ne  s*est  fait  connaître  que  par  les 
initiales  de  son  nom  F.  M.,  imprimées  en  date  de  la  dédicace  à  Franc. 
Vissino  de  Padoue,  datée  du  1*'  mars  1549.  Le  catalogue  de  M.  Âmb.- 
Firm.  Didot  ne  donne  à  ce  liyre  que  57  feuillets,  au  lieu  de  58  qu'il 
contient  réellement  :  ce  qui  ferait  croire  que  la  dédicace  manque,  dans 
Pexemplaire  cité  n^  496  de  ce  catalogue. 

i087.  Le  Bouquet  royal,  ou  le  parterre  des  riches  inventions  qui 
ont  servy  à  Fentrée  du  roy  Louys  le  Juste  en  la  ville  de  Reims, 
par  M.  Bcrgier,  augmenté  des  cérémonies  gardées  et  observées 
en  son  sacre,  fait  le  17  octobre  1610,  et  de  plusieurs  autres 
recherches  curieuses,  par  P.  de  la  Salle.  Reims^  chez  Simon  de 
Joigny^  1637;  in-4,  v.  fauve,  fil.  tr.  dor.  —  220  fr. 

On  trouve  à  la  fin  du  volume  un  poëmc  intitulé  :  la  Nymphe  rémoise^ 
qui  fut  composé  à  l'occasion  de  l'entrée  de  Louis  XIII  à  Reims,  par  J. 
Dorât,  chanoine  de  Téglise  de  Reims.  Exemplaire  de  la  bibliothèque  de 
Cb.  Sauvageot. 

1088.  Les  réjouissances  de  la  paix  faite  dans  la  ville  de  Lyon, 
le  20  mars  1660.  Lyon^  G,  Barbier  et  Jacq,  Justet^  1669;  in- 
fol.  de  3  ff.  et  59  pag.,  planches,  v.  marbr.  fil.  {Aux  armes 
de  la  ville  de  Lyon.)  —  140  fr. 

Cette  relation  rare  des  fêtes  célébrées  k  Lyon,  à  l'occasion  de  la  paix 
des  Pyrénées,  est  ornée  d*armoiries  sur  le  titre  et  de  dix-huit  belles  plan- 
ches représentant  la  cavalcade  faite  pour  la  publication  de  la  paix,  et  les 
feux  d'artifice  tirés  dans  les  divers  quartiers  de  la  ville.  On  y  trouve  la 
liste  des  magistrats  de  Lyon,  des  capitaines  et  autres  officiers  de  la  milice 
bourgeoise,  ainsi  que  des  gentilshommes  qui  coururent  la  bague.  Les 
derniers  feuillets  contiennent  des  Advis  nécessaires  pour  la  conduite  des 
feux  d'artifice.  Cette  partie,  de  1 6  pages,  est  fort  curieuse. 

1091.  Sacre  et  couronnement  de  Louis  XVI,  roi  de  France  et  de 
Navarre  à  Reims,  le  11  juin  1775;  enrichi  d*un  grand  nombre 
de  figures  en  taille-douce,  gravées  par  le  sieur  Patas.  Paris^ 
i775;  in-4,  mar.  rooge,  fil.  tr.  dor.  {Aux  armes  du  Roi.)  — 
300  fr. 
Exemplaire  parfaitement  conservé  dans  sa  bonne  reliure  ancienne  avec 

fleurs  de  lis.  Belles  épreuves. 

1186.  Décorations  de  l'Opéra;  1  vol.  gr.  in-fol.  deni-reK  v.  f. 
—  200  fr. 
Recueil  factice  de  25  dessins  ou  d'estampes  ;  dont  les  dessins  de  Caron 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  329 

pour  le  ballet  de  Joconde  et  pour  Moise  •—  plusieurs  estampes  coloriées 
pour  Topera  italien  des  Derniers  jours  de  Pompéi^  —  quatre  beaux  des- 
sins pour  le  Siège  de  Corinthe^  etc. 

1188.  Scènes  de  théâtre,  i44  pièces  montées  en  1  vol.  très-gr. 
in-fol.  demi-rel,  v.  f.  —  1005  fr. 

Recueil  factice  d*une  grande  importance;  il  se  compose  alternativement 
de  dessins  originaux  (32),  de  croquis, d'estampes,  d*eaux-fortes  et  de  li- 
thographies d'après  les  dessins  des  grands  artistes  contemporains.  Il 
serait  bien  difficile  dans  une  simple  note  de  catalogue  de  mentionner 
tout  ce  que  ce  recueil  renferme  de  curieux  et  même  de  précieux  ;  toutes 
les  pièces  qui  s'y  trouvent  ont  été  recueillies  avec  soin  et  proviennent 
pour  la  plupart  de  la  collection  deM.deSoleinne,  où  elles  étaient  portées 
au  catalogue  sous  des  numéros  séparés. 

1191.  Costumes  et  annales  des  grands  théâtres  de  Paris,  accompa- 
gnés de  notices  intéressantes  et  curieuses  (rédigé  par  M.Hilliard 
d'Auberteuil  jusqu'au  27,  numéro  de  la  première  année  et  con- 
tinué par  Le  Vacher  de  Charnob).  Paris^  1786  à  1789;  7  vol. 
in-8,  demi-rel.  v.  fig.  et  musique.  —  420  fr. 

Bel  exemplaire  complet,  contenant  les  176  figures  en  très-bonnes 
épreuves.  Cet  ouvrage,  qui  paraissait  tous  les  samedis  par  numéros,  pu- 
bliait chaque  année  ^8  numéros,  chacun  d'une  demi-feuille  d^impression, 
et  36  planches  de  musique.  La  collection  (il  n*a  été  publié  que  32  numé- 
ros de  la  quatrième  année)  est  difficile  à  trouver  complète.  Les  portraits 
et  les  costumes  gravés  en  couleur  d*après  Dutertre,  Duplessis-Bertaux  et 
Chéri^  par  Janinet,  Alix,  etc.,  sont  d'une  remarquable  exécution. 

1192.  Petite  Galerie  dramatique,  ou  Recueil  de  différents  costu- 
mes d*acteurs  des  théâtres  de  Paris.  Paris ^  Martinet  (environ 
1810-1842);  14  vol.  in- 4,  dos  et  coins  de  mar.  rouge,  dent, 
non  rognés.  —  1226  fr.  C'est  M.  Albert  Vizentini  qui  Fa 
acheté. 

Superbe  exemplaire  pour  le  choix  des  épreuves  et  le  coloris;  il  pro- 
vient de  la  bibliothèque  de  M.  de  Soleinne.  Cette  collection  compiend 
1400  gravures  coloriées;  est  fort  rare  ainsi  complète.  Il  faut  répéter 
ainsi  complète^  parce  que  c'est  le  seul  exemplaire  connu  aussi  complet. 
Qu'on  y  ajoute  les  2  volumes  suivants,  d'un  autre  format,  publiés  par  le 
même  éditeur,  tout  est  pour  le  mieux  ;  mais  la  collection  en  14  volumes 
in-4  ne  figure  nulle  part,  et  est  ainsi  complète, 

1 193.  Recueil  des  costumes  des  divers  théâtres  de  Paris,  dessinés 
par  Joly^  Horace  Verne t.  Carie  (le  baron  Taylor  et  autres), 

22 


330  BULLETIN  DU  BEBLIOPfflLE. 

publiés  par  Martinet;  400  figures  en  pied,  reliées  en  2  vol.  gr. 
in-8,  dos  et  coins  de  maroq.  br.  dent.  fil.  —  440  fr.  Acheté  par 
M*  Délicourt. 

Cette  superbe  collection,  dont  les  planches  ont  été  coloriées  avec  le 
plus  grand  soin  et  rehaussées  d*or  et  d'argent ,  provient  de  la  bibliothè- 
que de  M.  de  Soleinne. 

1197.  Musée  des  costumes  par  Gavarni  et  Gh.  Vemier;  302  figu- 
res coloriées,  représentant  les  acteurs  et  les  actrices  des  théâtres 
de  Paris  dans  leurs  rôles  principaux.  Paris ^  Auber  et  de  Junéa; 
2.  vol.  in-4,  demi-rel.  v.  fauve,  non  rognés.  —  230  fr. 

Collection  complète;  c*est  une  des  plus  soignées  qui  aient  été  £Eiites, 
tant  pour  le  dessin  que  pour  le  coloriage.  Exemplaire  provenant  de  la 
bibliothèque  de  M.  de  Soleinne. 

1198.  Galerie  théâtrale,  ou  collection  de  portraits  en  pied  des 
principaux  acteurs  qui  ont  figuré  ou  qui  figurent  sur  les  trois 
théâtres  de  la  capitale  (texte  attribué  à  de  Saignes).  Paris ^ 
Bance^  4  812-1823;  2  vol.  (Le  même),  tome  troisième.  Paris ^ 
Bance^  1834.  Ensemble  3  vol»  gr.  in-4,  demi-rel.  mar.  rouge, 
non  rognés.  —  201  fr. 

Exemplaire  de  M.  de  Soleinne  en  papier  vélin  et  dont  les  96  plan- 
ches qui  ornent  les  deux  premiers  volumes  ont  été  coloriées  avec  le  plus 
grand  soin  au  pinceau  en  or  et  couleur;  la  continuation  n*est  pas  colo» 
riée.  Il  y  a  en  tout  144  planches.  Il  serait  fort  difficile  de  trouver  un 
aussi  bel  exemplaire  et  ainsi  complet. 

1201.  Fantaisies  du  chapeau  de  Tabarin.  Ouvrage  rare  et  non- 
veau,  contenant  plusieurs  dessins  de  merveilleuse  récréation, 
sous  divers  caprices  et  gentillesses,  représentés  en  Tindustrieuse 
découpure  d'un  chapeau,  inventé  par  D.  Boutemie,  orfèvre  du 
Roy  pour  les  inventions  de  son  cabinet.  Dédié  au  Roy.  Paris ^ 
Moncornet^  1636;  in-4  obi.,  dos  et  coins  de  mar.  r.  tète  dor.— - 
250  fr. 

Suite  complète  très-rare  de  vingt  pièces  gravées  sur  cuiyre,  parfaite- 
ment conservées  et  de  premières  épreuves.  Ces  figures  fantastiques, 
hommes  et  femmes  coiffés  du  chapeau  multiforme  de  Boutemie,  sont 
d'un  excellent  goût  de  composition,  et  la  pureté  des  tailles  de  la  gra- 
vure rappelle  la  manière  ferme  et  large  de  Callot. 

1208.  Costumes  de  l'Opéra  au  xvui*  siècle;  5  vol.  gr.  in-folio, 
demi-rel.  v.  —  5500  fr.  Acheté  par  M.  Nuitter  pour  la  biblio- 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  AKCIESS.  331 

thèque  de  l'Opéra.  Plnsienrs  amalenrs  se  sont  retirés  devant  le 
vcea  formé  par  le  directear  de  l'Opéra  d'acqnérir  cette  collec- 

Précieuse  collection  de  438  desnns  originanx  d'habillementi  de  thél- 
Ire  pour  rOp^  et  mrtuDt  pour  le*  spectacles  de  la  cour.  Elle  a  dii  faire 
partie  des  archives  dt^  mennt  plaisirs  du  rot.  Une  grande  quantité  de 
ers  dessins  portent  les  noms  des  danseurs  et  danseuses,  les  indications 
des  couleurs  etdes  difTérentes  parties  du  coslome  et  de*  accessoires  néces- 
saires, écrites  par  les  tnaitre»  costumiers.  Ces  dessins  au  trait,  à  l'encre 
de  Chine  et  en  copieurs,  sont  dus  aux  grands  artistes  du  lègne  de 
Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  de  l'école  de  Boucher,  de  Watleau,  de 
Gillol,  de  Lancret,  d'Eisen,  etc.,  quelques-uns  même  portent  la  signa- 
ture de  Boucher.  On  remarque  les  dates  de  1765,  1766,  1772  et  1772 
sur  plusieurs  de  ces  dessins,  avec  l'indication  de  Foutatnebleau. 
1S34.  Collection  of  prints  from  pictures  painied  for  tbe  purpose 

of  illustratiug  the  dramatic  worts  of  Shakspeare  by  the  arlist 

of  Great  Britain.  london,  i803;  i   vols  ia-fol.  loax.  rel.  — 

2500  fr. 

Collection  de  cent  plancbet,  gradée»  d'après  les  dessins  et  tableaux  de 
Fuseli,  Northcote,  Augrlica  KaufTuiann,  W^ilt  Peters,  B.  Westall,  Th. 
Slothard,  etc.  Ces  superbes  estampes  sont  accompagnées  ici  de  leurs 
eaux-fortea,  ce  qui  fait  deux  cents  planches  en  tout.  Cette  collection  est 
surtout  précieuse  par  la  qtialité  des  épreuTes  de  ce  picnuer  tirage  et  U 
série  des  eaux-fortes  qui  y  eu  aussi  complète  que  celles  de  Boydell  lui- 
mcmc  li'jjuée  au  Britisli  Muséuui, 


CHRONIQUE 


Mecbologib.  —  Les  décès  les  plus  importants  survenus  depuis 
notre  dernière  chronique  sont  ceux  de  M.  Edouard  d'Anglemont, 
poëte  et  auteur  dramatique,  né  à  Pont-Audemer  en  1 798  ;  Eudore 
Soulié,  né  en  1817  à  Toulouse,  mort  conservateur  du  Musée 
de  Versailles.  Ëud.  Soalié  a  publié  divers  travaux  historiques, 
entre  autres  un  volume  de  Recherches  sur  Molière  et  sa  famille 
(1863)  qui  a  fait  faire  un  pas  à  la  question  mol i éresque  (c'est  kcon" 
tre-cœur  que  nous  nous  servons  de  cet  adjectif,  mais  Ton  nous 
affirme  qu4l  est  adopté  et  il  se  faut  soumettre) .  Nous  citerons  en- 
core A.  de  Cailleux,  artiste  et  écrivain,  mort  âgé  de  quatre-vingt- 
huit  ans,  après  avoir  été  directeur  général  des  Beaux-Arts,  de  1 8(àl  à 
1848.  Nos  lecteurs  se  souviennent  sans  doute  de  quelles  invectives 
son  administration  a  été  l'objet,  principalement  en  ce  qui  touche 
l'organisation  des  expositions  annuelles  de  peinture,  et  il  n'a  pas 
fallu  moins  que  Tabandon  aux  artistes  eux-mêmes  de  cette  orga- 
nisation pour  réhabiliter  et  au  delà,  auprès  des  observateurs  et 
même  des  intéressés,  l'administration  de  M,  de  Cailleux. 

Nous  mettrons  sous  la  même  étiquette  deux  littérateurs  (est-ce 
bien  littérateurs  qu'il  faut  dire  ?)  qui  avaient  «  fondé  leur  cuisine  » 
sur  le  fanatisme  antireligieux,  Alph.  Esquiros  et  J.  Assézat.  Es- 
quiros,  prôné  comme  homme  politique  par  les  gens  de  lettres 
et  comme  écrivain  par  les  hommes  politiques  de  son  parti,  a 
publié  un  nombre  considérable  de  brochures  que  l'oubli  réclame 
déjà,  bien  que  plusieurs  d'entre  elles  aient  été  faites  en  colla- 
boration avec  Mme  Esquiros,  née  Battanchon.  Nous  ferons  pour- 
tant une  exception  en  faveur  des  travaux  d' Esquiros  sur  la  F'ie 
anglaise  et  hollandaise,  publiés  sous  TEmpire  dans  la  Revue  des 
Deux  Mondes  et  qui  donnent  la  mesure  de  ce  que  cet  écrivain 
aurait  pu  faire,  s'il  était  parvenu  à  se  dépouiller  de  ses  préoccu- 
pations haineuses.  L'autre  littérateur  dont  nous  annonçons  le  dé- 
cès cbt  Jules  Assézat,  mort  avant  d'avoir  terminé  l'édition  en  cours 
de  publication  des  Œuvres  de  Diderot,  Asaézaii  s'était,  comme  l'in- 
dique cette  édition,  voué  au  culte  du  dix-huitième  siècle,  à  la 
propagation  et  à  la  défense  de  ses  doctrines.  Admirateur d'Helvé- 


CHRONIQUE.  333 

tius,  d'ITolbach  et  de  Condorcet,  il  était  né  ou  s'était  fait  voltigeur 
de  la  philosophie  matérialiste  et  son  séide  rétrospectif,  au  point 
de  prendre  au  sérieux  des  fantaisies  (le  seizième  siècle  appelait 
cela  declamatio)  comme  \ homme-machine  de  La  Mettrie. 

Nous  avons  gardé  pour  la  fin  de  notre  liste  nécrologique, 
Théoph.  Silvestre,  qui  avait,  lui,  un  véritable  tempérament  d'é- 
crivain. £n  attendant  la  notice  promise  par  IM.  H.  Babou  (n®  du 
29  juin  de  la  Vie  littéraire)  sur  «  ce  singulier  Polyeucte  trop 
souvent  hanté  par  un  petit  Machiavel  »,  nous  rassemblons  sur  lui 
quelques  notes  prises  çà  et  là.  Th.  Silvestre  était  né  dans  l'Ariégc 
en  1823.  Après  un  commencement  de  carrière  politique  (1848- 
i85i),  il  se  consacra  à  la  littérature  et  publia  en  1835  une  His- 
toire  des  artistes  vivants  qui  le  mit  de  plein  saut  au  meilleur  rang 
des  critiques  d'art.  De  1857  à  1860,  nous  le  trouvons  à  l'étranger, 
chargé  de  missions  concernant  les  beaux-arts  et  dont  il  parait 
s'être  acquitté  d'une  manière  remarquable.  Mais  c'est  en  1861 
seulement  qu'il  commença  à  être  connu  du  public  des  lecteurs  par 
l'apparition  dans  le  Figaro  de  ses  Portraits  critiques.  Celui  de 
ces  portraits  consacrés  à  Ingres,  et  qui  n'est  autre  chose  qu'une 
satire  passionnée,  accuse  déjà  les  qualités  d'écrivain  qui  se  re- 
trouvent un  peu  plus  tard  dans  le  portrait  célèbre  et  éternellement 
cité  de  M.  Barbey  d'Aurevilly. 

Pour  revenir  au  principal  ouvrage  de  Th.  Silvestre,  V Histoire 
des  artistes  vivants^  en  onze  livraisons,  dont  la  dernière  est  consa- 
crée à  Horace  Vernet,  doit  être  complétée,  à  ce  que  nous  apprend 
\di  Revue  anecdotique  du  1*'  semestre  1862,  par  un  Mémoire  de 
M.  Th.  Silvestre^  inspecteur  des  beaux-arts  en  mission,  appelant  y 
contre  Horace  Vernet^  peintre  de  V Institut,  intimé^  in-(i®  de  24 
pages,  imprimé  par  Pillet  fils  aîné,  lequel  mémoire  se  trouve  dif- 
ficilement, ayant  été  supprimé  par  autorité  de  justice.  En  outre, 
il  faut,  d'après  la  même  Revue,  vérifier  si  la  page  262  de  V His- 
toire des  artistes  vivants  a  échappé  à  un  carton  rendu  nécessaire 
par  des  détails  au  moins  inutiles  sur  les  relations  de  l'auteur  avec 
la  célèbre  Bais^neuse  de  Courbet. 

Au  moment  de  clore  cette  liste  funèbre,  nous  apprenons  la  mort 
d'Eug.  Fromentin,  décédé  à  Saint-Maurice,  près  de  la  Rochelle, 
dans  sa  cinquante-septième  année.  Fromentin,  qui  nous  appartient 
comme  homme  de  lettres,  a  sollicité,  d'autre  part,  l'attention  du 
public  comme  peintre,  et  il  serait  difficile  d'apprécier  sa  valeur  en 


•  334  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

isolant  chacun  de  ces  deux  aspects,  tant  cette  double  aptitude 
marchait  en  lui  d*un  pas  égal  et  arrivait  à  des  résultats  quasi 
identiques,  sinon  quant  au  succès  qui  a  été  plus  vif  pour  son  pin- 
ceau que  pour  sa  plume.  Il  serait  intéressant  de  jeter  un  coup 
d'oeil  rétrospectif  sur  les  peintres  qui  ont  cherché,  comme  lui,  un 
second  déversoir  à  leur  inspiration.  La  forme  poétique  a  été  leur 
plus  ordinaire  refuge,  et  Michel-Ânge  dans  ses  Sonnets^  Salvator 
Rosa  dans  ses  Satires^  n'ont  pas  été  trop  an-dessous  d'eux-mêmes. 
D'autres  se  sont  essayés  dans  la  critique  d'art  et  nous  avons  en- 
core présent  à  la  pensée  le  contraste  peut-être  plus  apparent  que 
réel  qui  existe  entre  la  peinture  d'aspect  tourmenté  d'Eug.  Dela- 
croix et  la  placidité  de  ses  jugements  et  de  son  style.  Rien  de  pa- 
reil assurément  chez  Fromentin ,  qui  a  constamment  procédé  du 
même  pas  et  qui  est  parti  des  mêmes  qualités  pour  arriver,  il  faut 
bien  le  dire,  aux  mêmes  défauts. 

Nous  avons  prévenu  nos  lecteurs  qu'il  était  impossible  de  scin- 
der la  personnalité  de  Fromentin  et  que  ses  œuvres  littéraires  n« 
pouvaient  être  appréciées  indépendamment  de  ses  œuvres  pitto- 
resques —  ou  picturales.  Nous  aurons  donc  à  parler  de  ces  der- 
nières, et  elles  nous  expliqueront,  au  besoin,  ses  livres. Prenons, 
par  exemple,  le  début  de  sa  carrière  de  peintre.  C'est,  si  nous  ne 
nous  trompons,  au  Salon  de  1850  et  dans  les  années  suivantes  que 
l'artiste  apprend  son  nom  au  public  par  une  abondante  production 
de  très-petits  tableaux  étincelants  de  verve  et  qui  reproduisent 
avec  un  rare  bonheur  des  vues  et  des  scènes  d'Afrique.  Là  est  la 
meilleure  époque  de  Fromentin.  A  cette  production  correspond 
son  premier  livre,  Un  été  dans  le  Sahara^  qui  se  distingue  par  les 
mêmes  qualités  de  légèreté  de  touche  et  de  fidélité  de  rendu. 

Quelques  années  se  passent  et  l'ambition  du  peintre  se  hausse. 
Aux  petites  figures  de  ses  premiers  tableaux ,  à  ses  bonshommes^ 
il  tente  de  substituer  des  personnages  plus  importants;  il  étend  les 
dimensions  de  ses  cadres,  mais  à  ce  moment  il  se  trouve  arrêté 
par  un  obstacle  invincible  ,  le  manque  d*ëtudes  sérieuses.  L'ana- 
tomie,  le  modelé  et  bien  d'autres  choses  encore  laissent  à  désirer. 
Ainsi  en  est-il  de  son  second  livre.  Une  année  dans  le  Sahel,  Ce 
ne  sont  déjà  plus  les  qualités  primesautières  du  précédent  volume. 
Il  y  a  effort  de  composition,  recherche  de  style ,  mais  on  sent  ce 
qui  manque  à  l'écrivain  improvisé,  et  cet  effort  n'est  pas  toujours 
couronné  de  succès. 


CHRONIQUE.  335 

romentin  poursuit  son  escalade  désespérée.  Il  grandit  encore 
les  dimensions  de  ses  figures  {Berger  arabe  à  cheval  y  portant  un 
agneau)  ;  il  se  retourne  vers  l'antiquité  [Centaures  et  Centauresses)  : 
peines  perdues  !  Il  ne  vit  plus,  pour  ceux  qui  n'acceptent  pas  les 
jugements  tout  faits,  que  sur  son  ancienne  renommée.  Presque  pa- 
rallèlement éclate  son  grand  avorlement  littéraire,  le  roman  de 
Dominiqu€y  insuffisant  à  tous  les  points  de  vue,  rare  principa- 
lement par  Tennui. 

De  ce  moment,  il  a  dû  vivre  pour  une  double  revanche.  L'a- 
t-il  prise  ?  C'est  ce  que  nous  n'oserions  affirmer  ;  mais  on  voit 
poindre  encore  dans  ses  nouvelles  productions  les  dispositions 
qu'ont  ses  qualités  et  ses  défauts  à  passer  de  ses  tableanx  dans  ses 
livres  et  çice  versa.  Les  paysages  hollandais  de  son  gros  dernier 
volume ,  les  Maures  et  autrefois  ,  rappellent ,  par  leur  indécision  , 
leur  absence  ôi' empâtement  et  d^effet ,  les  deux  Vues  de  Venise  du 
Salon  de  J874.  Quant  à  la  partie  critique  du  livre ,  elle  appelle, 
pour  être  réfutée,  une  compétence  qui  n'est  pas  de  notre  fait. 
Tout  au  plus  pourrait-on  avancer  que  ses  conclusions  générales 
sont  pénibles  à  dégager  et  qu'il  semble  avoir  traité  d'un  peu  haut 
des  maîtres  comme  Rembrandt ,  dont  il  aurait  dû  se  borner 
à  dire,  comme  Stace  de  Virgile  : 

Sed  longe  sequere  et  vestigîa  semper  adora. 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  pour  nous  en  tenir  rigoureusement  (il  n'est 
que  temps  I)  à  l'appréciation  littéraire^  nous  ne  terminerons  pas  cette 
courte  notice  sans  tenir  compte  à  l'écrivain  de  ses  qualités  aima- 
bles, de  son  style  qui  dénote  l'honnête  homme,  et  de  l'effort  con- 
stant qui  s'y  manifeste,  l'effort,  chose  honorable  entre  toutes,  quel 
que  soit  le  résultat  obtenu  !  Son  premier  livre  a  une  place  assurée 
dans  toutes  les  bibliothèques.  Peut-être  que  l'auteur,  éclairé  par 
un  travail  qui  n'a  été  que  trop  assidu,  <eût  repris  ses  premiers  er- 
rements et  retrouvé  son  incontestable  talent  en  rentrant  dans  un 
ordre  de  sujets  moins  ambitieux ,  mais  plus  en  rapport  avec  ses 
forces  naturelles  et  acquises.  Il  est  pénible  de  penser  que  la  mort, 
et  une  mort  prématurée,  nous  a  privés  de  ce  regain.  Au  moins  le 
peintre-écrivain  qui  s'en  va  a-t-il  eu  le  suprême  honneur  et  bon- 
heur de  n'avoir  jamais  prostitué  son  pinceau  ni  sa  plume  et  d'être 
aussi  pur  de  tableaux  lascifs  que  de  livres  malsains.  C'est  quelque 
chose  ! 


836  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Publications  noutelles.  Une  réimpression  récente  vient  de 
mettre  en  lumière  une  des  plus  charmantes  figures  de  femme  da 
dix-septième  siècle.  Il  s'agit  de  Charlotte-Amélie-  (ou  Emilie) 
Henriette  de  la  Trémoille,  dont  les  Mémoires  manquaient  au 
musée  féminin  de  cette  grande  époque.  Mlle  de  la  Trémoille,  née 
le  28  juillet  1652,  n'a  pas  laissé  de  traces  dans  l'histoire  officielle, 
dans  celle  que  Monteil  appelait  l'histoire-bataille,  mais  son  souve- 
nir se  rattache  à  une  des  plus  délicates  tentatives  qui  aient  mar- 
qué dans  notre  littérature  :  nous  voulons  parler  de  la  publication 
des  Portraits  àe  Mademoiselle  de  Montpensier.  On  sait  qu'en  1659 
la  Grande  Mademoiselle  publia,  aidée  par  Tévêque  d'Avranches, 
Huet,  un  recueil  in-4®.  Divers  portraits^  qui  reparut  la  même 
année,  considérablement  augmenté,  chez  les  libraires  Barbin  et 
Sercy,  avec  le  titre  de  :  Galerie  de  peintures,  ou  recueil  de  por^^ 
traits  et  éloges,  en  vers  et  ^n  prose,  2  parties  in-12.  Or,  au  nom- 
bre de  ces  portraits^  figure  celui  de  Mlle  de  la  Trémoille,  peinte 
par  elle-même  au  mois  de  juin  1658,  c'est-à-dire  à  l'âge  de  six 
ans  moins  un  mois.  Nous  avons  pensé  que  nos  lecteurs  retrouve-, 
raient  avec  plaisir  ici  cette  courte  page  d'histoire  littéraire  et 
morale.  La  voici  : 

ce  J'ay  les  yeux  noirs,  un  peu  trop  petits;  le  tour  du  visage 
rond;  le  front  trop  grand;  le  nez  un  peu  camus;  les  sourcib 
bien  faits  ;  la  bouche  fort  jolie  ;  le  menton  fourchu,  un  peu  carré  ; 
le  teint  bien  blanc,  quand  je  me  suis  décrassée  ;  la  teste  un  petit 
bien  grosse,  mais  qui  s'apetisse  peu  à  peu  ;  les  cheveux  d'une  belle 
couleur,  bien  déliez;  la  taille  un  peu  trop  grosse.  J'ay  plus  d'es- 
prit que  de  jugement.  J'aime  mieux  donner  que  de  recevoir.  J'ay 
l'humeur  bien  douce;  mais  je  suis  pourtant  quelquefois  un  peu 
dépite.  J'aime  fort  à  lire  et  principalement  la  parole  de  Dieu. 
J'aime  fort  mes  parens.  Je  ne  suis  point  gourmande.  Je  n'aime 
point  qu'on  se  moque  de  moy.  J'ay  l'humeur  fort  gaye.  Je  ne  suis 
plus  opiniastre.  Pour  dire  le  vray,  je  suis  un  peu  poltronne. 
J'aime  bien  à  jouer,  à  me  divertir,  à  courir.  J'aime  fort  à  voir 
faire  quelque  chose,  et  je  hais  fort  de  ne  rien  faire.  Je  suis  tout  à 
fait  secrette.  J'aime  fort  ceux  qui  me  servent.  Je  n'aime  point 
ceux  qui  mentent  et  je  me  hais  quand  j'ay  menty.  J'aime  les  ra- 
retez.  La  compagnie  que  j'aime  le  mieux,  c'est  d'estre  avec  mes 
parens.  Je  ne  suis  point  glorieuse.  Je  ne  seray  jamais  coquette. 
Te  n'aime  point  à  battre  ni  à  estre  battue.  Je  ne  suis  pas  colère. 


CHRONIQUE.  337 

mais  je  suis  un  peu  promte.  Je  suis  fort  craignant  Dieu  ;  j'aime  fort 
à  faire  sa  volonté,  et  j'espère  qu'il  me  bénira.  » 

Hélas!  les  dons  délicats  de  l'esprit  qu'atteste  cette  peinture  ne 
devaient  rien  faire  pour  le  bonheur  de  Mlle  de  la  Trémoille.  Nous 
la  retrouvons  vingt-deux  ans  plus  tard  mariée  en  Allemagne  à  un 
comte  d'Altenbourg,  qu'elle  perdit  après  quelques  mois  d'union. 
Mme  de  Sévigné  a  lu  ses  lettres  de  cette  époque  ;  «  lettres,  dit- 
elle,  pleines  de  passion  pour  son  mari,  de  raison,  de  générosité, 
de  dévotion  et  de  justice.  »  Avec  de  tels  sentiments,  c'est  mer- 
veille si  Ion  se  tire  sans  blessures  du  combat  de  la  vie  ;  et  en 
effet,  celle  de  la  comtesse  d'Altembourg  paraît  n'avoir  été  qu'une 
série  d'infortunes  dont  nous  n'assombrirons  pas  la  pensée  de  nos 
lecteurs.  Nous  n'avons  voulu  que  fixer  une  impression  littéraire  et 
non  commenter  Taxiome  antique  :  «  Ceux  que  les  Dieux  aiment 
meurent  jeunes.  » 

Sociétés  savantes.  L'Académie  française  a,  le  9  mai  dernier, 
décerné  le  premier  prix  Gobert  à  l'ouvrage  de  M.  Gaillardin  : 
Histoire  du  règne  de  Louis  XI K^  5  vol.  in-8;  le  deuxième  prix 
à  l'ouvrage  de  M.  Tabbé  Houssaye  :  Le  cardinal  de  Bérulle  (\  575 
à  1629),  3  vol.  in-8.  Le  prix  du  concours  Théronanne  (3000  fr.)  a 
été  décerné  à  M.  Marius  Topin  {Louis  XIII  et  Richelieu^  in-8),  et 
un  prix  de  1000  fr.  a  été  donné  à  M.  Aube  {Histoire  des  perse* 
cutions  de  V Église  jusqiCa  la  fin  des  Antonins^  in-8).  Le  prix 
Marcellin  Guérin  (5000  fr.)  a  été  adjugé  à  l'ouvrage  de  M.  F.  de 
Lesseps  :  Lettres^  journal  et  documents  pour  servir  à  t histoire  du 
canal  de  Suez,  2  vol.  in-8,  4854-1858. 

Dans  sa  séance  du  1 1  mai,  l'Académie  a  partagé  le  prix  Bor- 
din  entre  M.  J.  Levai I ois (Cor/?<?///e  //ico/î/îm,  in-8)  et  M,  E.  Daudet 
(Le  ministère  de  M»  de  MartignaCy  in-8). 

Le  prix  Langlois  est  échu  à  la  traduction  des  OEuvres  d^ Ho- 
race (2  vol.  in-12)  par  M.  Anquétil, 

Dans  la  séance  du  28  mai  et  d'après  la  fondation  faite  dans 
rintérét  des  lettres  par  un  membre  de  TAcadémie,  un  prix  de 
2500  fr.  a  été  décerné  à  M.  Fr.  Coppée.  Item,  un  prix  de 
J500  fr.  à  Touvrage  de  feu  M.  tAxtnne^  Histoire  de  la  littérature 
italienne,  in-12.  Le  prix  Maillé  de  la  Tour-Landry  a  été  partagé 
entre  MM.  André  Lemoyne  et  Piedagnel  ;  et  le  prix  Lambert  a 
été  décerné  à  Mme  Catulle  Mendès,  oée  Judith  Gautier. 


338  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Dans  les  choix  faits  par  la  docte  G)inpagnie,  on  peut  constater 
son  intention  bien  arrêtée  de  tenir  la  balance  égale  entre  les  di- 
verses opinions.  Ainsi  un  prix  décerné  à  un  ecclésiastique  est  im- 
médiatement suivi  da  la  nomination  d*un  rédacteur  de  la  Presse 
ou  du  Bien  public ,  et  Ton  voit  un  secrétaire  de  Sainte-Beuve 
équilibré  par  un  organe  du  cabinet  Buffet.  Tout  cela,  y  compris 
le  prix  attribué  au  dossier  d'un  isthme  célèbre,  est  peut-être  très- 
bien  entendu  au  point  de  vue  politique  ;  mais  que  devient  la  ques- 
tion littéraire  ?  n'est-ce  pas  aussi  d'une  bien  grosse  somme  que 
l'on  a  payé  les  tentatives  poétiques  si  bien  résumées  par  le  fameax 
dizain  àw.  pédicure. 

Et  quand  il  se  relèTC,  on  se  sent  soulagé  ! 

Dernière  question.  Le  fondateur  du  prix  Lambert,  dont  la  bio- 
graphie nous  échappe  en  ce  moment,  aurait-il  été  content  de  voir 
son  argent  aller  tout  droit  au  Rappel  ? 

Quant  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  elle  a, 
dans  sa  séance  du  6  mai,  décerné  le  grand  prix  Gobert 
(10  000  fr.)  à  M.  Siméon  Luce,  pour  son  Histoire  de  Bertrand  du 
Guesclin  et  de  son  époque.  Peut-être  qu'en  bonne  justice  une  frac- 
tion du  prix  eût  dû  être  réservée  pour  le  lecteur. 

La  société  des  Anciens  textes  français^  dont  nous  avons  annoncé 
en  temps  et  lieu  la  fondation,  a  tenu  sa  seconde  séance  annuelle 
le  8  juin  dernier.  M.  Egger  a  prononcé  un  discours  dont  le  Bul'^ 
letin  doit  tenir  à  reproduire  la  première  partie,  la  voici  : 

«  Messieurs, 

«  L'ordre  du  jour  de  la  présente  séance  vous  annonçait  un  dis- 
cours de  notre  cher  et  vénéré  président^  M,  Paulin  Paris.  Vous 
regretterez  tous  aujourd'hui  l'absence  du  savant  que  nous  pou- 
vons appeler  le  doyen  des  éditeurs  des  vieux  textes  français.  Per- 
sonne ne  le  regrette  plus  que  celui  qui  a  l'honneur  de  le  remplacer 
devant  vous.  Un  tel  honneur  m'est  embarrassant,  je  vous  le  jure, 
car  c'est  à  peine  si  je  me  jugeais  digne  de  siéger  ici  à  côté  et  au- 
dessous  d'un  maître  aussi  éminent  que  lui  en  des  matières  où  je 
suis  à  peine  ce  qu'on  nomme  dans  nos  écoles  un  moniteur ^  bon  à 
transmettre  aux  autres  les  leçons  qu'il  vient  lui-même  de  recevoir. 
En  fait  de  vieux  textes  français,  dans  toute  ma  vie  de  philologue 
(entendez,  je  vous  prie,  à  la  lettre  cet  aveu)  j'ai  publié  trois  ou 


CHRONIQUE.  339 

quatre  pages.  Trois  ou  quatre  pages  c'était  bien  peu  pour  m'as- 
socîer  à  la  direction  de  travaux  tels  que  les  vôtres.  Quelque  habi- 
tude des  méthodes  sévères  qui  dominent  désormais  dans  Fanalyse 
des  langues  romanes,  un  vif  amour  de  ces  études,  cela  suffirait 
pour  s'intéresser  aux  publications  dont  vous  êtes  les  généreux  et 
intelligents  promoteurs;  cela  ne  suffit  pas  pour  y  prendre  une  part 
vraiment  utile,  surtout  si  Ton  est,  comme  je  le  suis,  partagé,  entre 
tant  d'autres  devoirs. 

«  Que  le  devoir  de  rechercher,  de  choisir,  de  publier  les  plus 
anciens  monuments  de  notre  langue  revienne  donc  avant  tout  aux 
habiles  romanistes  formés  par  la  discipline  de  FÉcole  des  chartes, 
aux  philologues,  aux  bibliophiles  qui  ont  si  courageusement  sup^ 
pléé  au  défaut  de  cette  éducation  spéciale  par  les  efforts  les  plus 
méritoires,,,. 

a  En  vous  remerciant.  Messieurs,  de  votre  confiante  bienveil- 
lance, le  vieux  professeur  qui  vous  parle,  sur  le  déclin  déjà  sen- 
sible de  sa  longue  carrière,  se  rappelle  en  ce  moment  avec  une  émo- 
tion qui  n'est  pas  sans  douceur  le  beau  vers  du  poète  romain  : 

Et  quasi  cursores  vitaî  lampada  trahuut  ; 

il  aime  à  voir  remis  en  de  jeunes  et  fortes  mains  ce  flambeau  de 
la  science  et  de  la  vérité  qui  ne  doit  pas  éclairer  le  vain  labeur  des 
courses  dans  un  stade,  mais  le  progrès  sérieux  des  esprits  chez  un 
grand  peuple  résolu  à  ne  point  faiblir  sous  l'adversité  et  à  ne  rien 
abandonner  des  légitimes  ambitionsi  qui  ont  fait  sa  grandeur.  » 

Nous  regrettons  d'avoir  été  obligé  décourter  ce  modeste  et  no- 
ble langage  qui  nous  a  gagné  tout  d^abord  par  l'hommage  initial 
rendu  au  plus  illustre  des  collaborateurs  du  Bulletin j  à  M.  Paulin 
Paris,  dont  nos  lecteurs  ont  été  tout  récemment  encore  à  même 
de  goûter  l'élégante  dialectique  (lettre  à  M.  Scheler) ,  Avouerons- 
nous  aussi  que  l'encouragement  donné  aux  Bibliophiles  nous  a 
trouvé,  quelque  désintéressé  que  nous  soyons  personnellement 
dans  l'espèce,  particulièrement  reconnaissant.  Il  est  incontestable, 
en  effet,  que  malgré  les  dédains  de  la  science  diplômée,  des  ama- 
teurs tels  que  Méon,  Veinant,  etc.,  ont  rendu  à  la  cause  des  o/t- 
ciens  textes  des  services  trop  facilement  méconnus,  et  méconnus 
avec  d'autant  plus  d'injustice  que  jamais  ces  travailleurs  modes- 
tes ne  se  sont  al)usés  sur  l'importance  de  leur  action  littéraire. 


340  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Nous  nous  souvenons  avoir  plus  d'une  fois  entendu  dire  à  Vei- 
nant :  «Je  ne  suis  pas  un  érudit  :  je  ne  suis  qu'un  curieux*  r> 

PERIODIQUES.  —  Nous  avous  déjà  entretenu  nos  lecteurs  de  la 
Revue  historique^  littéraire  et  archéologique  de  t  Anjou  ;  nous  leur 
signalerons  de  nouveau  ce  recueil  pour  une  étude  intéressante  «de 
Dom  Piolin  sur  les  Petites  écoles  jansénistes  dans  (^ Anjou  au 
XVII*  siècle^  étude  qui  a  donné  ses  conclusions  dans  le  numéro  de 
mai-juin  dernier.  Le  même  numéro  contient  le  commencement 
d'un  travail  signé  :  L.  D.  L.  S.  (Léon  de  la  Sicotière?)  qui  s'a- 
dresse particulièrement  aux  lecteurs  épris  (et  nous  en  sommes) 
des  souvenirs  de  la  Vendée  militaire.  Il  s'agit  de  la  publication 
d'un  précis  manuscrit  de  ces  grandes  guerres,  laissé  par  l'abbé 
Cantiteau,  curé  du  Pin-en-Mauges,  Ce  sont  bien  là  les  études  qui 
conviennent  à  la  Revue  de  V Anjou ^  et  notre  avis  est  qu'elle  fera 
bien  de  s'y  tenir  en  laissant  de  côté  les  sujets  d'un  intérêt  actuel, 
artistique  et  littéraire,  où  elle  risquerait  de  n'apporter  qu'une  ex- 
périence contestable  et  une  érudition  de  rencontre.  Cette  réflexion 
nous  est  spécialement  suggérée  par  l'article  publié  dans  ladite 
Revue  ^\ix  le  Salon  é/é?  1876.  Il  est  tel  sujet  qui  se  refuse  absolument 
à  être  traité  bors  de  son  milieu  et  par  d'autres  plumes  que  celles 
qui  tiennent  du  voisinage  et  des  circonstances  leur  naturelle  ini- 
tiation. Les  expositions  annuelles  dç  peinture  sont  dans  ce  cas. 
Pour  la  fonction  de  Salonnier^  des  notions  sur  l'art,  générales  ou 
particulières,  ne  suffisent  pas.  Il  faut  avoir  vécu  de  longues  an- 
nées dans  cette  agitation  artistique  périodiquement  renouvelée,  et 
s'être  composé,  avec  ses  remarques  et  les  menus  propos  qui  ne 
font  pas  faute  de  se  débiter,  un  corps  de  doctrine  servant  au  be- 
soin de  fil  d'Ariane  dans  le  labyrinthe  intellectuel  créé  par  tant  et 
de  si  diverses  tentatives.  Faute  de  se  trouver  dans  ces  conditions, 
on  est  exposé,  comme  la  Revue  de  tAnjou^  à  commettre  quelques 
méprises,  par  exemple  à  classer  parmi  «  les  plus  ardents  cham- 
pions de  l'idée  naturaliste  »  M.  Puvis  de  Chavannes,  qui  s'est 
fait,  au  contraire,  l'apôtre  de  la  pensée  dans  la  peinture  au  point 
de  lui  sacrifier....  la  peinture;  parmi  les  «  hallucinés  »  M.  Gust. 
Moreau,  qui  mérite  d'autant  moins  cette  épilhète,  que  la  poésie  de 
ses  conceptions  s'appuie  constamment  sur  deux  choses  qui  ex- 
cluent l'hallucination,  à  savoir  la  logique  de  la  composition  et  la 
perfection  de  la  mise  en  œuvre  ;  enfin  parmi  les  peintres  qui  procè- 
dent du  Corrége«..,  qui?...  M.  Henner! 


NOUVELLES  ET  VARIÉTÉS.  341 

Dira-t-on  que  le  compte  rendu  dont  nous  contestons  l'exacti- 
tude est  suffisant  pour  donner  au  lecteur  la  physionomie  du  Salon 
et  l'explication  des  sujets  exposés?  Encore  aurait-il  fallu  que  le 
critique  angevin  eût  imposé  à  son  style  une  précision  qui  lui  fait 
trop  souvent  défaut.  Lorsque,  en  décrivant  le  Vœu  de  CloviSy  de 
M.  Blanc,  il  nous  dépeint  une  femme  qui,  c  pnse  d'un  accès  de 
frénésie  patriotique,  lance  son  nourrisson  à  la  tète  de  son  père,  > 
nous  avouons  être  moins  empoigné  par  l'ardeur  de  la  description 
que  préoccujjé  de  la  question  de  savoir  de  quel  père  il  s'agit,  de 
celui  de  la  femme  ou  de  celui  du  nourrisson.  Trop  de  choses  de 
ce  genre  arrêtent  le  lecteur;  c'est,  par  exemple,  la  Locuste  de 
M.  Sylvestre,  dans  laquelle  notre  auteur  reconnaît  «  la  digne 
sœur  des  sorcières  de  Macbeth....  et  des  bohémiennes  de  Grenade  », 
faute  manifeste  contre  les  lois  de  la  gradation.  C'est  le  tableau  de 
M.  Vibert,  son  tableau-thèse  de  chaque  année,  candidement  pré- 
senté ainsi  :  c  Un  vieux  moine  attendant  une  audience  s'amuse 
à  taquiner  une  poule,  etc.  >  C'est  une  réclamation,  justifiée,  du 
reste,  contre  les  types  choisis  cette  année  par  Fromentin  : 
«  ces  affreuses  femmes  noires,  aux  traits  bestiaux^  etc.  »  C'est 
enfin  le  buste  colossal  de  M.  Barbey  d'Aurevilly  présenté  conune 
un  médaillon....  Tout  cela  nous  inspire  un  vif  désir  de  voir  la  suite 
du  travail  de  M.  L.  D.  L.  S.  sur  le  précis  du  curé  Cantiteau. 


NOUVELLES  ET  VARIETES. 


Dans  une  très-curieuse  et  très-savante  étude  qu'il  vient  de  pu- 
blier dernièrement,  M.  Ferdinand  Denis  —  le  bienveillant  érudit 
qui  dirige  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève  —  nous  donne  des 
détails  intéressants  sur  une  industrie  véritablement  charmante  et 
délicate,  à  peu  près  ignorée  chez  nous,  ou  du  moins  restreinte 
quelques  spécialités  :  l'ornementation  des  vêtements  et  des  habi- 
tations à  l'aide  des  plumes  naturelles,  dans  les  deux  Amériques 


342  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

et  dans  l'Océanie.  Arte  plumaria^  tel  est  le  titre  de  ce  travail 
qni  abonde  en  renseignemeDts  précieux,  et  forme  une  brochure 
in-8,  de  plus  de  soixante-dix  pages,  tirée  à  très-petit  nombre. 

On  a  fait  de  véritables  petites  merveilles  en  variant  à  Tinfinî  les 
plumes  multicolores  des  oiseaux  de  Péquateur,  et,  M.  Ferdinand 
Denis  nous  Tassure,  plusieurs  de  ces  tableaux,  de  ces  mosaïques 
originales,  apportées  jadis  par  des  missions,  firent  l'admiration  des 
amateurs  du  Vatican,  qui  avaient  pourtant  autour  d'eux  bien  des 
œuvres  d'art  à  contempler. 

Nous  pouvons,  pour  notre  part,  affirmer  que  les  quelques  ta- 
bleaux de  fleurs  ou  de  fruits  que  nous  a  montrés  l'aimable  vieil- 
lard, ne  manquent  pas  d'un  certain  attrait,  et  prouvent  une 
grande  adresse  delà  part  des  ouvriers,  —  ou  mieux,  des  artistes, 
—  qui  ont  la  patience  d'exécuter  ces  choses  si  fragiles.  Un  de 
ces  tableaux,  rapporté  du  Brésil  par  le  voyageur,  est  une  œuvre 
très-compliquée  :  il  représente,  dans  un  cadre  de  cinquante  cen- 
timètres environ  de  côté,  une  corbeille  finement  tressée,  avec 
un  fouillis  charmant  de  fleurs  composées  seulement  de  plumes 
dont  les  couleurs  n'ont  été  modifiées  par  aucune  teinture.  Mal- 
heureusement le  temps  agit  vite  sur  ces  nuances  brillantes,  et  fane 
et  décolore  ces  frêles  objets  que  l'on  peut  prendre  à  première  vue 
pour  des  échantillons  des  produits  de  la  flore  intertropicale.  Les 
Brésiliennes  avaient  aussi  des  hamacs  en  fil  de  lin,  ornés  de  plu- 
mes formant  des  écussons,  des  armoiries  et  des  fleurs  de  toute 
sorte,  qu'elles  entremêlaient  aux  réseaux  avec  une  habileté  pro- 
digieuse. 

Ce  luxe  des  hamacs  s'étendait  même  aux  peuplades  sauvages, 
vivant  dans  les  forêts  du  Sierras,  loin  de  Rio-de-Janeiro.  Des 
familles  entières  se  suspendaient,  la  nuit,  dans  ces  nids,  voisins 
de  ceux  des  oiseaux  qu'elles  dépouillaient. 

Les  Indiens,  en  présence  continuelle  de  la  nature  s'oflrant  dans 
toute  la  richesse  exubérante  de  la  forme  et  de  la  couleur,  atta- 
chaient un  grand  prix  aux  hôtes  ailés  qui  peuplaient  leurs  forêts 
vierges  encore.  11  était  juste  que  ces  hommes,  si  logiques  dans 
leurs  adorations  des  astres,  du  soleil  surtout,  ce  principe  de  toute 
vie,  suivant  les  antiques  théogonies,  fissent  une  large  place  dans 
leurs  cultes  aux  oiseaux,  qui,  descendus  du  ciel  vers  eux,  sem- 
blent avoir  gardé  sur  leurs  ailes  quelques-uns  des  rayons  du 
dieu.  L'ara  incarnat  avait  ses  temples  au  Mexique,   et,  qui  plus 


r, 


NOUVELLES  ET  VARIÉTÉS.  343 

est,  ses  ermites,  qui,  isolés  dans  des  thébaïdes,  donnaient  leur 
sang  pour  nourrir  Toiseau  sacré. 

Dans  rAméri(]ue  centrale,  au  Yucatan,  au  Guatemala,  sur  les 
bords  de  la  mer  Vermeille,  au  Mexique  encore,  durant  Tàge  d'or 
qui  précéda,  la  sanglante  conquête  espagnole,  le  plumage  du  coli- 
bri et  du  quetzal  remplaçait  les  billets  de  banque.  N'est-ce  pas 
une  idée  pleine  de  poésie  ingénue,  que  celle  qui  attribue  ainsi  au 
plumage  des  oiseaux  une  valeur  toute  relative»  basée  seulement 
sur  Testime  qu'un  peuple,  soi-disant  barbare,  fait  de  telle  ou  telle 
nuance?  Outre  que  les  sujets  de  Montézuma  pouvaient  satisfaire 
leurs  créanciers  d'une  façon  plus  aimable  que  nous  autres  Pari- 
siens, —  en  les  payant  en  monnaie  d'oiseau,  —  il  leur  était  fa  - 
cile,  ayant  une  bonne  flècbe  à  leur  arc,  de  s'approprier,  durant 
une  promenade,  un  peu  de  cette  richesse  aérienne....  Et  quelles 
images  toutes  faites,  à  propos  de  l'inconstance  de  la  Fortune  qui 
ne  s'arrête  chez  nous  pas  plus  longtemps  que  le  colibri  sur  la 
branche  ! 

Cependant  le  code  pénal  était  inflexible  pour  ces  meurtres  ;  la 
peine  de  mort  était  réservée  à  l'audacieux  tueur  de  ces  char- 
mantes petites  bêtes  dont  la  dépouille  servait  non-seulement  aux 
échanges  commerciaux,  mais  encore  au  rachat  des  prisonniers  de 
guerre,  et  aux  désignalions  des  grades  dans  la  hiérarchie  militaire. 

U  existait  à  Mexico  une  maison  des  oiseaux  où  le  souve- 
rain,  qui  assistait  les  jours  de  fête  aux  sacrifices  humains,  entre- 
tenait avec  grand  soin  des  spatules  roses ^  des  ibis  écarlates,  etc., 
sur  lesquels  des  gardiens  plumeurs  prélevaient  les  éléments  né- 
cessaires à  la  confection  des  manteaux  royaux,  ornés  aussi  de 
broderies  d'or  et  de  pierreries. 

En  effet,  au  quinzième  siècle  le  goût  de  la  pamre  était  grand 
chez  les  hommes,  princes  ou  guerriers  :  les  boucliers,  les  chasse- 
mouches,  les  images  des  dieux  étaient  couverts  de  ces  belles  dé- 
pouilles. N'oublions  pas  les  femmes  qui,  costumées  à  l'avenant, 
exécutaient  des  danses  devant  les  autels  consacrés  aux  divinités 
omithologiques.  Dans  un  voyage,  publié  en  1645,  Jean  Mocquet, 
le  garde  des  singularités  du  roi  de  France^  aux  Tuileries ,  le  con- 
servateur du  musée,  dirait-on  aujourd'hui,  s'extasiait  sur  la  façon 
dont  les  Indiens  se  fabriquaient  des  liabillements  et  des  couronnes 
pour  la  teste,  et  se  peignaient  le  corps  de  couleur  zinzotin^  qui  est 
leur  couleur  ordinaire  pour  se  peindre. 


344  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

• 

CSes...»  naturels  avaient  du  reste  trouvé  le  moyen  de  modifier 
suivant  leur  goût  esthétique  les  nuances  des  plumes.  Ils  introdui- 
saient, pour  ainsi  dire,  une  nouvelle  sève  composée  de  sucs  ani- 
malisés,  doués  de  propriétés  tinctorales,  dans  les  trous  laissés  par 
les  plumes  arrachées,  et  de  nouvelles  plumes  plus  brillantes  ne 
tardaient  pas  à  reparaître  sur  l'aile  greffée  d'une  manière  un  peu 
douloureuse  pour  la  pauvre  créature. 

C'était  à  un  couvent  de  jeunes  vestales  péruviennes  qu'était  ré- 
servé Thonneur  de  nuancer  élégamment  l'aigrette  du  diadème  des 
Incas. 

De  même  que  les  Orientaux  composent  avec  les  produits  par- 
fumés de  leurs  jardins  des  sélams  amoureu^i  qui  parlent  au 
cœur  des  belles  sultanes,  on  était  arrivé,  au  Pérou,  en  associant, 
en  combinant  les  couleurs,  à  avoir  ce  qu'on  pourrait  appeler  un 
langage  des  plumes.  Il  y  a,  en  effet,  dans  les  diverses  couleurs  que 
produit  la  nature  une  série  d'idées  gracieuses  et  symboliques  que 
tous  les  peuples  ont  comprise.  L'expression  des  sentiments,  des 
passions  humaines,  peut  faire  appel,  pour  se  manifester  à  nous, 
aussi  bien  à  la  gamme  des  tons  qu'à  la  forme  extérieure  des  ob- 
jets qui  servent  d'image.  Les  oiseaux,  pour  employer  l'expression 
d'un  ancien  auteur  que  cite  M.  Denis,  sont  les  fleurs  de  l'air  qui 
viennent  visiter  leurs  sœurs  de  la  terre.  Dans  les  poésies  dt  la 
Perse,  Bulbul^  le  rossignol,  n'adore-t-il  pas  Gud^  la  rose? 

L'élégant  paradisien,  qui  se  nourrit  de  rosée  et  que  les  Papouas 
chassent  avec  tant  de  peine  aux  lies  Moluques,  a  figuré  longtemps 
dans  les  coiffures  des  Européennes,  qui  maintenant  se  contentent 
de  chercher  dans  nos  volières  et  nos  basses-cours  de  quoi  garnir  leurs 
microscopiques  chapeaux.  L'autruche,  le  paon,  le  faisan,  le  coq, 
le  pigeon,  sont  mis  en  réquisition.  Et,  on  le  voit,  nous  ne  sommes 
pas  si  loin  des  sauvages  qu'on  pourrait  le  croire  :  la  recherche 
de  la  parure,  dont  parle  Darwin,  est  de  tous  les  temps  et  de  tous 
les  pays. 

Rien  n'est  changé  :  les  Indiens  ornaient  de  plumes  splendides 
leurs  idoles  ;  ici  ce  sont  nos  femmes  qui  les  portent  ! 

Léon  Duvaughbl. 
(Extrait  de  la  Revue  littéraire,) 


BIOGRAPHIE 


DU 


VICOMTE    DE    VAUBLANC. 


Le  vicomte  de  Vaublanc  naquit  le  15  juillet  1803,  il  était 
le  second  fils  du  chevalier  de  Vaublanc. 

Celui-ci,  inspecteur  en  chef  aux  revues,  et  collègue  de 
M.  Daru  dans  Tadministi-ation  de  la  grande  armée,  était 
un  de  ces  rares  administrateurs  de  Tempire  dont  on  a  pu 
dire  :  «  il  resta  pauvre.  »  U  joignait  à  cette  probité,  deve- 
nue proverbiale  dans  son  entourage  militaire,  une  rare  dis- 
tinction d'esprit  dont  héritèrent  ses  enfants.  Ces  derniers 
étaient  encore  en  bas  âge  lorsque  le  chevalier  de  Vaublanc 
succomba  à  la  désastreuse  retraite  de  Russie  ;  la  fièvre  de 
congélation  le  saisit  près  de  Vilna  alors  qu'il  touchait  à  un 
retour  si  désiré  et  acheté  au  prix  de  tant  de  souffrances. 
Son  fils,  Henri-Vincent,  celui  dont  nous  essayons  d'es- 
quisser la  vie ,  était  alors  âgé  de  huit  ans ,  il  vit  le  domes- 
tique de  son  père  revenir  seul  à  Paris  porteur  de  la  fatale 
nouvelle ,  il  vit  la  douleur  d'une  mère  qui  attendait 
anxieuse,  et  vivement  frappé  de  cette  scène  de  désolation, 
il  Ta  retracée  dans  une  page  émue  de  ses  souvenirs. 

A  dater  de  ce  jour,  Mme  de  Vaublanc,  Sophie  Pion 
de  Mieslot,  dut  seule,  à  travers  ses  larmes  et  avec  une  for- 
tune très-modique,  élever  ses  quatre  enfants;  ceux  qui  les 
connurent  et  qui  approchèrent  cette  femme  de  devoir,  su- 
rent avec  quel  succès  elle  accomplit  cette  tâche  difficile. 
Quoique  dans  la  plénitude  de  la  jeunesse  et  de  la  beauté. 
elle  s'y  consacra  exclusivement.  Cœur  tendre ,  esprit  sérieux 
et  pratique,  caractère  ferme  et  digne  embelli  de  toutes  les 

vertus  de  l'Évangile,  Mme  de  Vaublanc  vécut  au-dessus 

23 


346  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

de  toutes  les  préoccupations  futiles  et  vaniteuses  de  notre 
temps;  elle  éleva  ses  enfants  d'une  main  ferme,  souvent 
austère,  se  préoccupant  peu  de  leurs  plaisirs,  ils  étaient 
rares,  beaucoup  de  leurs  études  et  de  leur  perfectionne- 
ment moral.  Elle  fut  Tobjet  du  respect  de  tous  ceux  qui 
rapprochaient  jusque  dans  un  âge  avancé ,  et  sa  vigoureuse 
intelligence  ne  connut  pas  de  déclin. 

L'influence  de  son  beau-frère  le  conïte  de  Vaublanc, 
plus  tard  ministre  de  Louis  XYIII,  ne  fut  pas  étrangère  à 
Téducation  de  ses  fils,  et  si  leur  mère  développa  en  eux  les 
qualités  du  cœur  et  un  sens  moral  élevé,  le  salon  de  leur 
oncle  fut  pour  eux  une  école  où  le  goût  des  lettres,  des 
arts,  des  intérêts  de  leur  pays  leur  vînt  naturellement. 
Henri  fut  plus  que  son  frère  aîné  mis  en  contact  avec  cet 
esprit  énergique,  et  tandis  que  M.  Trognon  faisait  germer 
en  lui  le  goût  de  Thistoire,  M.  de  Yaublanc  l'initiait  à  la 
science  plus  épineuse  de  la  politique. 

En  1821,  Henri- Vincent  avait  terminé  avec  succès  ses 
études  au  lycée  Louis-le-Grand  et  il  abordait  l'étude  du 
droit  malgré  son  extrême  dégoût,  mais  il  avait  appris  dès 
Tenfance  à  vaincre  ses  répugnances.  Du  reste,  ces  études 
ingrates  n'étaient  pas  sans  compensation;  c'est  le  temps 
où  il  fréquente  journellement  le  salon  de  son  oncle ,  où  il 
note  fidèlement  chaque  soir  les  conversations  qu'il  y  en- 
tend et  qu'il  surprend  sur  les  lèvres  du  comte  de  Vau- 
blanc  l'annonce,  plusieurs  fois  répétée,  de  la  révolution 
qui   huit  années   plus  tard   devait  renverser  la  branche 


aînée. 


En  1825  il  est  admis  au  conseil  d'État,  présenté  au  roi 
Charles  X,  qui  le  félicite  gracieusement  d'être  à  si  bonne 
école,  et  dès  lors  commence  pour  lui  une  vie  plus  indépen- 
dante, plus  conforme  à  ses  goûts. 

Il  fait  deux  parties  de  son  temps,  l'une  pour  l'étude  et 
ses  devoirs  d'auditeur,  l'autre  pour  le  monde. 

Après  avoir  consacré  sa  matinée  à  l'étude  des  moralistes 
et   à   fouiller  les  bibliothèques ,  où  il  recueille  les  vieilles 


BIOGRAPHIE  DU  ViœMTE  DE  VAUBLANC.  347 

coutumes  françaises,  il  se  délasse  le  soir  dans  les  brillantes 
réunions  du  fieiubourg  Saint-Germain. 

Ces  réunions  d'une  génération  déjà  presque  éteinte, 
jettent  un  dernier  éclat  dans  quelques  pages  de  ses  souve- 
nirs :  de  fins  portraits,  de  riants  pastels  se  détachent  à  c6t^ 
des  figures  plus  sombres  de  Talleyrand  et  de  Chateaubriand 
déjà  vieux;  Lamartine  y  figure  à  son  aurore  pleine  de  pro- 
messes. Mais  la  révolution  de  1830  arriva,  non  pour  sur- 
prendre ceux  qui  Favaient  annoncée,  mais  pour  les  désoler. 
Le  jeune  auditeur  devait  en  sentir  rudement  le  contre- 
coup, n  faut  lire  dans  ses  souvenirs  inédits  Tintéressant 
chapitre  consacré  à  cette  époque  ;  il  j  décrit  les  approches 
de  cette  révolution,  Teffiroi  que  causèrent  les  ordonnances 
lancées  sans  mesures  prises  pour  protéger  leur  promulga- 
tion ;  la  triste  surprise  du  comte  de  Vaublanc  de  voir  son 
nom  joint  à  une  mesure  qu^il  désapprouvait  si  profondé- 
ment. 

Peu  de  temps  auparavant,  Henri  avait  écrit  sous  la  dict^ 
de  son  oncle  un  mémoire  qui  fut  mis  sous  les  yeux  de  Tin- 
fortuné  Gharies  X;  il  présentait  un  phm  qui,  sans  sortir  des 
voies  légales,  mettaitFantorité  royale  en  état  de  se  défendre. 
Le  roi  Ait  frappé  un  inistant  de  ce  plan,  mais  on  seul  in- 
stant. Son  adoption  eût  peut-être  sauvé  la  royauté,  car  les 
mesures  de  vigueur  et  de  prudence  dont  il  conseillait  Texé- 
cution  ne  différaient  point  de  celles  qui  sauvèrent  le  gou- 
vernement en  1871.  L*éloignement  du  roi  de  Paris;  là 
concentration  autour  de  lui  dNme  armée  sûre,  soutenue 
par  des  places  fortes,  en  sonmie  une  action  vigoureuse  con- 
forme à  la  loi  et  qui,  par  sa  force  même,  donnât  Tassurance 
de  ne  pas  verser  une  goutte  de  sang. 

C'était  la  seconde  fois  qu'à  la  veÎDe  d^one  révolution  le 
comte  de  Vaublanc  offirait  au  pouvoir  menacé  des  conseils 
dignes  d'être  sincèrement  écoatës;  en  1792,  M.  d*Emeiy 
lui  avait  parlé  de  Tétat  des  choses  de  la  part  du  malheu- 
reux Louis  XVI,  et  il  avait  répondu  qu^il  follait  se  préparer 
à  un  danger  extrême  qui  ne  pouvait  être  très-âoigné;  lé 


348  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

comie  de  Vaublanc  avait  cité  la  maxime  du  grand  Condé  : 
«  Il  faut  craindre  ses  ennemis  de  loin  pour  ne  pas  les 
craindre  de  près  ;  »  puis  il  avait  fait  le  résumé  des  grandes 
ressources  qui  restaient  encore  au  Roi.  En  1830  comme  en 
1792,  il  parla  en  vain. 

Tous  les  détails  de  cette  crise,  notés  jour  par  jour,  don- 
nent un  vif  intérêt  à  cette  partie  des  souvenirs  du  vicomte 
de  Vaublanc  *,  il  la  termine  en  se  posant  ces  deux  questions  : 
La  i*évolution  de  Juillet  était-elle  inévitable  ?  —  Le  salut  de 
la  couronne  était-il  possible?  —  et  il  répond  à  chacune 
par  l'affirmative. 

Entre  autres  considérations ,  il  déplore  le  retrait  tardif 
des  ordonnances;  «  les  concessions  n'ont  d'effet,  dit-il, 
qu'avant  ou  après  la  lutte.  Avant,  si  Ton  veut  jeter  une 
proie  à  l'exaltation  populaire;  après,  si  l'on  veut,  à  la  suite 
d'une  lutte  victorieuse,  calmer  les  ressentiments  et  se  ral- 
lier les  opinions.  » 

Henri- Vincent  de  Vaublanc  était  au  comité  du  conten- 
tieux lorsque  éclata  la  crise  politique,  il  allait  être  nommé 
maître  des  requêtes,  «  parmi  une  foule  d'ordonnances  éma- 
nées du  nouveau  gouvernement,  note-t-il  dans  ses  souve- 
nirs, j'en  remarquai  une  qui  enjoignait  aux  membres  du 
conseil  d'Etat  de  prêter  serment  au  nouveau  souverain 
dans  le  délai  de  quinze  jours.  Je  me  jugeais  trop  petit  per- 
sonnage pour  adresser  une  démission  écrite  à  M.  le  duc  de 
Broglie,  nouveau  président  du  Conseil,  je  me  contentai  de 
laisser  expirer  le  délai  et  je  me  rendis  en  province  auprès 
de  ma  mère.  » 

L'heureux  caractère  de  M.  de  Vaublanc  sut  s'accommo- 
der du  changement  d'existence  que  sa  fidélité  lui  avait  fait  ; 
il  se  fit  en  province  des  relations  choisies,  des  loisirs  stu- 
dieux ;  les  châteaux  du  Baujolais,  la  bibliothèque  de  Lyon 
le  virent  souvent;  mais  l'espérance  n'eut  qu'un  temps;  le 
gouvernement  de  Juillet  s'établit  d'une  façon  qui  parut 
stable,  et  M.  de  Vaublanc  revint  à  Paris  pour  y  compléter 
ses  recherches  historiques.  C'est  alors  qu'il  lui  fut  soudaine- 


u 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANG.  3(i9 

ment  proposé  d'aller  passer  deux  ans  en  Allemagne.  U  de- 
vait y  être  attaché  à  la  personne  du  prince  royal,  Max  de 
Bavière,  et  le  suivre  dans  quelques  salons  et  plusieurs 
voyages.  Il  accepta.  Il  partit  avec  Tentrain  que  donne  la 
jeunesse,  persuadé  qu'il  ne  ferait  qu'un  séjour  momenté  à 
l'étranger;  il  nous  dit  lui-même  sous  quelle  impression  il 
fit  ses  premiers  tours  de  roue  sur  la  terre  étrangère.  •(  Je 
a  n'avais  jamais  songé  à  vivre  en  Allemagne,  mais  j'avais 
«  dans  la  tête  une  Germanie  idéale;  c'est  avec  ce  rêve  que 
u  je  passai  le  Rhin.  Nous  sortions  de  Strasbourg  la  nuit  par 
«  un  beau  clair  de  lune,  j 'ouvrais  de  grands  yeux  pour  voir 
M  l'Allemagne  de  mon  imagination  et  je  la  voyais.  On  sait 
«  quel  est  l'effet  magique  des  ombres  et  de  la  lumière  pen- 
«  dant  la  nuit  ;  comme  tout  s'adoucit,  s'harmonise,  s^agran- 
«  dît  ;  mille  détails  désagréables  que  le  jour  décèle  se  con- 
«  fondent  alors  dans  un  jeu  d'ombre  et  de  clarté.  Rien 
«  n'est  sale,  ignoble  ou  délabré,  rien  ne  vous  choque.  Les 
«  villages  et  les  chaumières  passaient  sous  mes  yeux  comme 
«  les  plus  charmantes  décorations  de  théâtre.  Un  voyageur 
«  promené  dans  un  parc  anglais,  chez  un  lord  opulent 
ta  n'aurait  pas  eu  plus  de  jouissances  en  face  d'un  plus 
«  suave  tableau.  Et  tout  cela  résidait  au  fond  dans  un  rayon 
ta  de  lune.  Je  m'endormis  au  sein  de  cette  hallucination. 
«  Le  lendemain  matin,  le  soleil,  moins  galant  que  sa  com- 
«  pagne,  me  fit  voir  la  réalité  des  choses  ;  le  voile  de  gaze 
«  brodé  de  perles  fut  déchii^é,  la  pastorale  s'évanouit.  Je 
ta  soupirai  et  je  me  résignai.  * 

M.  de  Yaublanc  arriva  à  Munich  en  plein  choléra;  mais 
il  comptait,  dit-il,  sur  sa  sobriété,  sa  jeunesse  et  sa  bonne 
étoile.  Cette  heureuse  étoile  lui  fut  fidèle  au  delà  du  Rhin, 
car  elle  venait  de  la  supériorité  de  son  esprit,  de  la  dignité 
de  son  caractère  et  de  la  séduction  de  ses  manières.  Il  avait 
alors  une  trentaine  d'années,  il  était  dans  toute  la 
vigueur  de  la  vie  :  grand,  mince,  d'une  démarche  vive,  des 
traits  fins,  une  physionomie  bienveillante  et  spirituellci  des 
manières  souples  et  él^antes;  un  air  de  bonté  et  de  dou- 


360  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

ceur  contrastait  quelquefois  avec  la  grande  vivacité  quMI 
tenait  du  sang  maternel. 

^s  débuts  à  Munich  furent  agréables.  «  U  y  avait  alors, 
«  nous  dit-il  lui-même,  comme  une  petite  France,  derniers 
«  débris  de  Tempire  et  de  Témigration  ;  de  sorte  que  la 
a  transition  de  ma  patrie  sur  la  terre  étrangère  ne  fut  pas 
c(  trop  brusque   pom*   moi.  Un  salon  concentra  presque 
«(  entièrement  mes  goûts  et  mes  habitudes  ;  ce  fut  celui  de 
ic  Mme  la  baronne  de  Cetto.  Le  passé  s'en  va  grand  train, 
«  et  nous  avons  vu  l'ancien  régime,  celui  de  nos  grands- 
u  pères,  dire  adieu  à  TEurope.  Munich  gardait  encore  en 
«   1836  quelques  retardataires  de  la  fin  du  dernier  siècle. 
<(  Ces  personnages  rares  servent  de  transition  dWe  époque 
a  à  l'autre.  Ils  lèguent  à  ceux  qui  viennent  quelques  tradi- 
«  tions  et  d'abondants  souvenirs.  Mme  de  Cetto,  continue 
u  M.  de  Yaublanc,  après  avoir  fait  un  spirituel  portrait 
a  de  son  mari,  représentait  la  Restauration  des  Bourbons 
«  et  la  légitimité  politique  dans  toute  sa  pureté.  C'était  une 
«  seconde  marquise  de  Créquy ,  pleine  de  vivacité,  de  bonnes 
a  manières  et  d'anecdotes  du  vieux  temps.  Grande  dame 
u  par- dessus  tout,  par  le  cœur  et  par  le  ton  généreux  et 
«  large  dans  ses  idées,  ardente  dans  ses  affections  et  ses  ré- 
((  pugnances,  brusque  et  délicate  à  la  fois  dans  ses  procé- 
«  dés,  toute  remplie  de  cette  aisance,  de  ce  naturel  uni, 
«  simple,  coulant  qui  tient  aux  habitudes  de  la  bonne 
tt   compagnie.    En    politique,   d'un    jugement    lucide    et 
«  prompt  qui  s'exprimait  parfois  dans  des  formules  trop 
a  absolues,  mais  pensant  plus  net  et  plus  clair  que  beaucoup 
«  de  diplomates  qu'elle  a  vus  tourner  çà  et  là  aux  quatre 
«  points  cardinaux,  comme  des  boussoles  désorientées.  » 

Après  cette  maison ,  la  première  de  la  ville  pour  l'agré- 
ment, l'hospitalité  et  le  bon  ton ,  il  faut  nonuner  les  salons 
de  Mme  la  comtesse  d'Arco- Valley,  de  la  comtesse  Tascher 
de  la  Pagerie,  de  la  marquise  Palaviccini-Daria,  du  comte 
de  Méjan  père,  du  comte  d'Arco-Ober  Kollembach,  delà 
baronne  de  Grouben,  du  baron  de  Bourgoing,  ministre  de 


\ 


BIOGRAPfflE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  351 

France,  de  la  princesse  de  Lœuwenstein  y  et  plus  tard  que 
la  marquise  de  Boissesou,  celui  du  prioce  de  Polignac,  du 
baron  de  Parceval  :  la  plupart  de  ces  noms  étaient  fran- 
çais. 

La  baronne  de  Parceval,  née  O'Hegerty,  avait  aussi  son 
petit  cercle  qui  n'était  pas  le  moins  agréable  et  qui  iîit  hos- 
pitalier au  vicomte  de  Yaublanc  jusque  dans  les  dernières 
heures;  de  là  lui  vint  la  main  amie  et  fidèle  qui  adoucit 
les  dernières  souffrances  et  lui  ferma  les  yeux. 

M.  de  Yaublanc  n'était  venu  en  Bavière  que  pour  y  faire 
un  séjour  de  deux  années  ;  mais,  à  l'expiration  de  ce  terme, 
le  prince  royal  qui  avait  goûté  le  charme  de  cette  intimité, 
la  sûreté  de  ce  caractère,  lui  fit  proposer  de  rester  indéfini- 
ment à  son  sei*vice  et  le  roi  lui  envoya  la  clef  de  chambel- 
lan. Plus  tard,  il  fut  élevé  à  Tune  des  quatre  grandes  char- 
ges de  cour,  lorsqu'il  fut  nommé  grand  maître  de  la  reine 
Marie.  H  conserva  ces  fonctions  jusqu'en  1864,  époque  de 
la  mort  du  roi  Maximilien  II  ;  alors  seulement  sa  retraite 
sollicitée  depuis  longtemps  lui  fut  accordée.  Mais  le  temps 
du  retour  en  France  était  passé,  la  vie  était  sur  son  décUn  ; 
le  seul  séjour  qui  eût  pu  lui  convenir  était  celui   de  Paris; 
mais  le  Paris  de  1864  ne  lui  eût  rien  rendu  des  relations  de 
1830  et  il  lui  eût  enlevé  les  amis  de  Munich,  des  ressources 
et  des  habitudes  de  trente  années.  U  demeura  donc  sur  le 
sol  étranger,  loin   de  se  douter  que   les  douleurs   de    la 
guerre  de  1870  étaient  réservées  à  ses  derniers  jours.  Car, 
il  faut  le  dire,  si  le  vicomte  de  Yaublanc  s'était  attaché  à  la 
personne  du  roi  Maximilien,  s'il  appréciait    les  qualités 
du  peuple  bavarois ,  il  n'en  était  pas  moins  resté  Français 
de  cœur  et  de  fait. 

Il  avait  été  autorisé,  par  ordonnance  du  roi  Louis-Phi- 
lippe du  6  avril  1842,  à  prendre  du  service  à  Tétrangei*,  et 
il  refusa  constamment  d'être  naturalisé,  exprimant  même 
la  résolution  de  rentrer  en  France  si  l'on  exigeait  de  lui  des 
lettres  de  naturalisation. 

Si  sa  fidélité  à  la  branche  aînée  Tavait  arraché  subite- 


352  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

ment  au  brillant  avenir  que  semblaient  lui  promettre  son 
éducation  politique  et  ses  aptitudes  personnelles,  ses  goûts 
et  ses  travaux  n'en  restèrent  pas  moins  français. 

Mais  qu'il  soit  permis,  à  ce  propos,  de  regretter  tout  ce 
que  les  révolutions  enlevèrent  d'éléments  sains  à  notre  mal- 
heureux pays.  Combien  depuis  soixante  ans  d'hommes  de 
valeur  ne  se  sont^ils  pas  écartés  de  la  scène  politique  ou  de 
l'action  sociale?  Les  uns  poussés  à  l'écart  par  le  découra- 
gement et  le  dégoût,  les  autres  pour  la  disgrâce  ;  quelques- 
uns,  comme  M.  de  Yaublanc,  par  un  sentiment  de  fidélité 
qu^il  est  facile  de  comprendre,  quoique  rare  aujourd'hui  : 
des  hommes  élevés  dans  toutes  les  traditions  d'honneur  et 
de .  désintéressement  pouvaient-ils ,  au  lendemain  de  la 
chute  du  trône,  aider  au  partage  de  ses  dépouilles  avec 
ceux  qui  le  relèvent  à  leur  profit  ?  En  1 830,  à  celte  troi- 
sième chute  de  la  monarchie,  les  esprits  honnêtes  s'étaient 
plutôt  habitués  aux  sacrifices  personnels  que  les  révolutions 
imposent,  qu'ils  ne  s'étaient  familiarisés  avec  cet  état  de 
convulsion  permanente  de  notre  pauvre  patrie  :  l'expérience 
avait  été  douloureuse,  mais  elle  n'avait  pas  encore  été  assez 
prolongée  pour  se  dire  que  les  pouvoirs  n'y  sont  que  des 
états  provisoires,  et  que  les  hommes  d'ordre  doivent,  malgré 
leurs  dégoûts,  rester  au  centre  de  l'action  pour  ne  pas  pri- 
ver le  pays  des  éléments  dont  il  a  besoin  ;  la  longue  succes- 
sion de  nos  troubles  peut  seule  avoir  enseigné  la  nécessité 
de  ce  dévouement. 

M.  de  Yaublanc  fut  heureux  dans  le  cadre  que  la  desti- 
née lui  fit.  La  Providence  l'attacha  à  un  prince  qu'il  put 
aimer  et  estimer  :  consciencieux,  ami  des  choses  élevées, 
préoccupé  des  grands  devoirs  qu'impose  la  couronne ,  le 
roi  Max  releva  cette  couronne  au  milieu  des  convulsions 
de  1848,  et  sut  la  maintenir  avec  dignité  et  un  esprit  vrai- 
ment libéral  malgré  la  situation  difficile  que  les  événements 
lui  avaient  faite. 

M.  de  Yaublanc  a  écrit  de  lui  après  sa  mort  :  «  Comme 
u  tous  les  esprits  larges  et  élevés,  il  s'est  garanti  des  pré- 


BIOGRAPfflE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  353 

«  ven lions  nationales.  Humanitaire  et  patriote  à  la  fois ,  il 
u  avait  appris  par  TEvangile  et  la  philosophie  que,  s'il  existe 
«  sous  des  zones  diverses  des  populations  distinctes,  il  n^y 
u  a  sur  le  globe  qu'une  grande  nation  :  rhumanité.  Il  esti- 
tt  mail  les  Anglais,  aimait  les  Français,  fréquentait  les  Ita- 
a  liens  ;  son  goût  particulier  pour  la  France  lui  venait  de 
u  son  grand-père  le  roi  Max-Joseph,  cet  aimable  compa- 
ct gnon  de  la  jeunesse  du  comte  d'Artois. 

a  Deux  choses  dominèrent  surtout  en  lui  dans  l'homme 
<  intérieur  :  l'imagination  et  la  conscience.  L'imagination 
(1  lui  fit  aimer  la  gloire ,  l'élégance ,  la  nature  et  l'art.  La 
«  conscience  le  rendit  philosophe  chrétien  et  lui  donna  un 
ce  sincère  désir  de  se  perfectionner. 

«  Dans  sa  politique,  conservateur  éclairé  et  libéral  avec 
«  prudence,  le  roi  Max  reconnaissait  la  nécessité  d'accepter 
«  les  mutations  successives  que  le  temps  amène  avec  lui. 

«  L'idée  de  la  vocation  providentielle  des  rois  était  im- 
1  plantée  fortement  en  lui.  Il  y  puisa  du  courage  en  1848, 
«  et,  par  ses  convictions  exprimées  énergiquement  dans  le 
«  conseil,  releva  les  abattements  d'un  ministère  effaré.  La 
u  pensée,  même  lointaine,  de  la  vassalité  de  la  couronne 
tt  de  Bavière  le  révoltait!  Sa  vigilance,  sa  méfiance  poli- 
«  tique  lui  vinrent  en  aide  pour  écarter  le  danger  qui  s'an- 

tt   noQcait  dès  lors. 

» 

«  Le  roi  Max  était  un  caractère  heureusement  doué,  une 
«  nature  sympathique  qui  s'intéressait  à  tout,  qui  aspirait 
«  toujours  au  juste  et  au  beau,  une  intelligence  qui  cher- 
^  chait  sans  relâche  à  soulever  les  voiles  du  problème 
<<  obscur  de  la  vie  humaine  et  de  l'avenir  des  peuples.  » 

Chaque  jour,  pendant  de  nombreuses  années,  M.  de  Yau- 
blanc  accompagnait  le  roi  à  l'issue  du  dîner  dans  une  pro- 
menade soit  à  pied,  soit  en  voiture  ;  alors  un  sujet  d'éco- 
nomie politique,  d'art  ou  de  littérature  était  amené  par  le 
prince;  la  conversation  le  développait  plus  ou  moins,  et 
fréquemment  le  roi  en  réclamait  le  résumé  par  écrit.  Ce 
résumé  était  mis  le  lendemain  sur  sa  table* 


354  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

G*est  de  la  sorte  que  s'ébaucha,  sous  riuspiration  da 
causeur  aimable  et  érudit,  un  vaste  ouvrage  d'économie  po- 
litique, dont  Tétude  des  diverses  parties  fut  confiée  aux 
hommes  les  plus  compétents  de  TAllemagne  et  dont  l'imi- 
pression  fut  suspendue  par  la  mort  du  roi  ;  les  manuscrits 
sont  aux  archives  de  Munich  sous  ce  titre  :  Manuel  à 
r usage  cCun  prince. 

Le  vicomte  de  Yaublanc,  voué  à  la  vie  de  cour,  sut  y 
conserver  deux  choses  précieuses  :  Tindépendance  de  son 
caractère  et  le  goût  du  travail.  Mais,  ne  nous  le  dissi- 
mulons pas ,  cette  noble  indépendance  du  caractère  a  sa 
source  dans  le  désintéressement;  M.  de  Yaublanc  ne  cher- 
chait ni  l'influence  ni  la  fortune. 

Consciencieux  dans  ce  qu'il  considérait  comme  son  de- 
voir, la  servilité  du  courtisan  lui  fut  toujours  inconnue. 
Placé  bien  souvent  comme  étranger,  et  par  les  difficultés 
de  sa  charge,  dans  des  positions  épineuses,  il  en  sortit  tou- 
jours avec  la  dignité  d'un  esprit  tout  à  la  fois  libre  et  con- 
ciliant, qui  sait  loyalement  tenir  compte  des  exigences 
d' autrui,  mais  qui  au  besoin  sait  faire  respecter  les  siennes. 
La  seule  influence  qu'il  eut  jamais,  fut  celle  qui  s'impose 
par  l'estime,  le  savoir,  la  modération  des  opinions ,  la  dis* 
tinction  de  l'esprit  et  la  bonté  du  cœur. 

Ces  qualités  lui  créèrent  des  amitiés  fidèles  et  une  place 
élevée  dans  une  société  déjà  choisie.  Mais  on  le  savait,  il 
n'était  pas  riche  et  ne  cherchait  pas  à  le  devenir.  Heureux 
de  vivre  en  paix  dans  un  miUeu  éclairé ,  au  service  d'un 
prince  qu'il  estimait,  il  ne  songea  jamais  à  profiter  de  la 
bienveillance  dont  il  était  l'objet  ;  plusieurs  l'auraient  fait 
à  sa  place,  et  avec  succès. 

Son  modeste  intérieur,  dont  l'arrangement  témoignait 
d'un  goût  exquis,  révélait  aussi  l'homme  sans  ambition  : 
quelques  dons  royaux,  quelques  souvenirs  de  famille  en 
relevaient  seuls  la  simpUcité.  Les  têtes  couronnées,  comme 
les  nobles  esprits  qui  pénétrèrent  quelquefois  dans  son  petit 
appartement  de  la  rue  Louis  à  Munich,  purent  voir  qu'avec 


\i 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  355 

quelques  mètres  d'espace ,  simplement  et  artistement  dé- 
coré, un  homme  de  valeur  possède  assez. 

Non-seulement  M.  de  Yaublanc  sut  sauvegarder  Tinté- 
grité  de  son  caractère,  mais  encore  il  sut  conserver  le  goût 
du  travail.  Il  allia  deux  choses  qui  semblent  inconciliables  : 
la  vie  de  cour  et  la  vie  d'étude. 

Sans  se  laisser  emporter  comme  par  lambeaux  par  les 
voyages,  les  flâneries  énervantes ,  les  oisivetés  forcées ,  les 
plaisirs  inattendus,  il  se  défendit  avec  une  louable  persévé- 
rance de  tous  ces  ennemis  réunis.  Utilisant  ses  voyages  poiir 
compléter  ses  connaissances,  ses  relations  pour  s'instruire, 
les  devoirs  de  sa  charge  pour  se  délasser,  il  réserva  pour 
l'étude  les  heures  que  d'autres  eussent  données  au  repos. 

Les  nombreux  voyages  de  la  cour,  dans  lesquels  bien  sou- 
vent il  porta  tout  le  poids  de  la  responsabilité,  étaient  un 
bien  grand  dérangement  pour  ses  travaux;  toutefois  il  avait 
su  en  triompher  pour  une  part  :  grâce  à  l'ingénieuse  dis- 
position de  nécessaires  composés  par  lui-même,  il  transfor- 
mait en  quelques  minutes  la  table  d'une  chambre  d'hôtel 
ou  d'un  château  royal  en  une  table  de  travail  où  il  s'instal- 
lait aussi  paisiblement  qu'à  Munich. 

C'est  de  la  sorte  qu'il  écrivit  les  quatre  volumes  de  la 
France  au  temps  des  croisades. 

Fruit  de  patientes  recherches,  groupées  avec  clarté,  ex- 
posées dans  un  langage  pur  et  élégant,  cet  ouvrage  charmera 
les  amis  des  mœurs  et  des  coutumes  nationales;  il  plaira 
aux  esprits  d^icats,  aux  artistes,  et  dans  un  temps  bien 
éloigné,  ses  rares  exemplaires  échappés  à  l'oubli  et  à  la 
destruction  tiendront  avec  honneur  leur  place  dans  les  bi- 
bliothèques choisies. 

M.  de  Yaublanc  consacra  douze  années  à  ce  travail  ;  son 
crayon  correct  l'enrichit  de  dessins  puisés  aux  meilleures 
sources  et  finement  gravés  sur  bois. 

Lorsque  le  livre  parut,  on  lui  sut  gré  d'avoir  abordé  réso- 
lument les  matières  historiques,  sans  avoir  recours  à  un 
cadre  romanesque;  c'est  en  historien  qu'il  fait  entrer  le 


356  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

lecteur  dans  le  système  politique,  moral  et  littéraire  du 
moyen  âge;  plusieurs  critiques  n'hésitèrent  pas  à  ranger 
cet  ouvrage  au  nombre  des  publications  les  plus  remarqua- 
bles qu'ait  encore  produites  T  étude  approfondie  de  cette 
époque.  Sans  être  par  lui-même  un  ouvrage  d'histoire,  le 
livre  de  M.  de  Yaublanc  est  Tauxiliaire  indispensable  de 
tous  les  écrits  sur  le  moyen  âge,  dont  il  aidera  puissam- 
ment à  éclairer  les  textes. 

Il  contient  sur  Tuniversité,  sur  les  sciences,  sur  la  poésie, 
sur  les  arts  du  moyen  âge  des  détails  précis  et  d'un  grand 
intérêt.  M.  de  Yaublanc  vous  montre  les  lieux ,  vous  les 
explique  en  saisissant  toujours  le  monument  saillant  ou  le 
trait  distinctif  ;  de  la  sorte ,  il  vous  fait  pénétrer  avec  lui 
dans  la  société  du  moyen  âge  ;  elle  sort  à  sa  voix  de  ses 
tombeaux ,  de  ses  donjons ,  de  ses  abbayes  pour  vivre  sous 
vos  yeux.  S'il  vous  décrit  une  ville,  c'est  du  haut  d'une 
cathédrale  qu'il  la  considère,  à  travers  les  vides  du  clocher, 
à  l'heure  du  soir  où  le  crieur  passe  et  où  les  vieilles  cités 
ti*ahissent  tous  leurs  détails  pittoresques.  Puis,  si  vous  voulez 
descendre,  «  venez  au  quartier  des  écoles  ecclésiastiques, 
«  des  vieux  chanoines  et  des  clercs  grands  copistes  et  enlu- 
tt  mineurs  d'images.  Que  votre  regard  pénètre  un  moment 
tt  dans  ces  lieux  tranquilles  et  muets  qui  semblent  habités 
tt  par  un  autre  peuple,  qu'il  s'insinue  dans  ces  petites  rues, 
«  propres,  calmes,  solitaires,  où  l'herbe  croît  le  long  des 
«  murailles,  où  les  plantes  parasites  montent  lentement  et 
tt  se  courbent  sous  les  arcs  cintrés  des  plus  antiques  de- 
«  meures  de  la  ville;  suivez  les  détours  de  ce  labyrinthe  : 
«  la  science,  la  piété,  quelquefois  l'amour  y  vivent  d'une 
tt  vie  mystique  et  recueillie.  Là  où  la  nature  physique  ra- 
«  lentit  ses  mouvements,  l'âme  est  souvent  plus  active; 
tt  ailleurs  l'homme  agit,  ici  il  médite  et  il  prie.  Si  vous 
tt  apercevez  derrière  les  vitrages  enchâssés  dans  le  plomb 
«  une  tête  sérieuse  et  pensive,  enveloppée  d'une  cape  noire, 
«  inclinée  sur  le  parchemin  qui  lui  transmet  ses  reflets 
«  jaunâtres,  c'est  un  théologien,  un  docteur. •••  » 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  357 

M.  de  VaublaDC  veut-il  peindre  la  noblesse?  il  est  impos- 
sible de  tracer  avec  des  couleurs  plus  pittoresques  le  rôle 
qu'elle  a  joué  à  cette  époque  :  «  Libre  devant  les  rois,  res- 
«  pectueuse  aux  pieds  de  TÉglise,  folle  de  gloire  dans  la 
«  guerre,  galante  et  aventureuse,  avide  et  prodigue,  turbu- 
•c  lente,  téméraire;  insouciante  du  présent  et  de  l'avenir, 
a  dans  la  croisée  de  son  épée,  elle  vît  un  symbole  de  foi  ; 
a  dans  le  baudrier  qui  la  soutenait,  un  gage  d'amour; 
«  dans  ht  lance  bien  trempée,  le  salut  de  la  France.  » 

Il  caractérise  aussi  nettement  les  grands  monastères 
comme  Cluny  et  Gîteaux  :  «  Républiques  actives ,  riches  et 
«  fortes  avec  leur  juridiction  particulière ,  leurs  tribunaux, 
«  leur  armée,  leur  lieutenant,  leurs  colonies,  leurs  pro- 
«  priétés  sujettes  au  tribut  ;  élections ,  assemblées  délibéra- 
«  tives,  vote  général,  égalité  des  conditions  devant  la  règle, 
«  jugement  par  ses  pairs ,  rien  ne  leur  manquait.  Puissan- 
«  ces  à  la  fois  spirituelles  et  temporelles,  exerçant  la  cen- 
«  sure  des  actions  et  des  mœurs,  dirigeant  les  bras  et  les 
a  pensées  vers  Tutilité  de  la  compagnie,  elles  représentaient 
«  une  individualité  collective  qui  ne  mourait  pas  et  qui  ne 
«  divisait  pas  ses  propriétés,  qui  se  fortifiait  et  s'élargissait, 
«  et  qui  était  aussi  comme  une  grande  école  polytechnique, 
«  car  on  y  voyait  des  métiers  de  tous  genres,  de  vastes  ex- 
«  ploitations  agricoles,  des  enseignements  de  tous  les  de- 
«  grés  pour  les  lettres  et  pour  les  sciences.  » 

Des  grandes  institutions,  M.  de  Vaublanc  passe  aux  indi- 
vidus; il  descend  aux  costumes  :  «  Le  moyen  âge  avait 
«  sa  jeunesse,  ses  nouveautés,  son  dernier  goût;  c'est  aux 
«  grandes  fêtes,  aux  réunions  féodales  qu'hommes  et  fem- 
«  mes  faisaient  assaut  de  modes  nouvelles.  Les  dames, 
«t  c'était  raison,  mettaient  plus  de  temps  à  s'habiller  que 
«  les  chevaliers  ;  il  n'y  avait  pli  dans  leurs  habits  qu'elles 
«  ne  voulussent  assortir  à  leurs  traits.  Elles  étaient  étroite- 
«  ment  boutonnées  de  fraisettes  d'or  et  d'argent  depuis  les 
«  poignets  jusqu'aux  hanches,  et  souvent  se  regardaient 
u  pour  éloigner  tout  ce  qui  pourrait  leur  messeotr.  Que  de 


358  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

«  fois  elles  s'étaient  montrées  incertaines  devant  la  bou- 
a  tique  du  mercier  qui  leur  disait  :  Voyez,  dames,  j*ai 
«  mignottes  ceintures,  cornettes  et  rubans,  petites  boucles 
«  et  souliers,  gants  doubles  et  fourrés  ;  j'ai  miroirs  (oh  !  le 
«  séducteur  !),  j'ai  lacet  pour  serrer  les  manches,  chapels  de 
«  toiles  fines  pour  demoiselles,  à  fleurs  et  à  oiseaux,  bien 
«  soignées  pour  se  coiffer  devant  leurs  amis;  finalement  j^ai 
«  beaux  masques,  galons  couvre-chef  à  dames,  et  chapelets 
«  pour  les  vieillotes.  Enfin,  le  choix  est  fait!  La  dame  qui 
«  reçoit  a  robe  de  samit  vermeil  à  demi  lacée,  laissant  voir 
a  la  blancheur  de  la  chemise,  coiffure  échevelée  mêlée  d^un 
«  fil  d'or;  deux  anneaux  à  la  main  droite  et  trois  anneaux 
a  à  la  main  gauche,  des  souliers  de  cuir  de  Cordoue  (de  là 
«  vient  cordonnier),  embellis  de  peintures  d'or;  puis^  sur 
«  le  tout,  un  beau  mantel  de  samit  (étoffe  de  soie  d'or  et 
«  d'argent),  frais,  ourlé  de  zibeline  noire,  relevé  de  saphirs 
«  avec  de  bonnes  attaches.  » 

Mais  l'auteur  nous  transporte  dans  la  salle  du  festin  ;  la 
scène  change  :  «  Là  trop  souvent  la  galanterie  se  dresse  im- 
•c  périeuse  et  arrogante;  elle  provoque,  elle  raille,  elle 
«  ment,  elle  abonde  en  propos  abjects,  en  images  révol- 
tt  tantes  ;  elle  rit  d'un  rire  infernal,  elle  se  ressent  de  la 
«  débauche  romaine,  des  violences  de  la  conquête  et  de  la 
a  vie  sauvage  dans  les  forêts  féodales;  sa  voix  devient 
«  rauque,  sa  parole  est  sans  pudeur,  ses  contes  sont  las- 
«  cifs,  ses  poésies  grossières;  beau  maintient,  discret  lan- 
«  gage,  courtoisie  et  loyauté  ont  pris  la  fuite;  plus  de  res- 
te pectpour  la  fenune,  plus  de  ménagement  pour  le  prêtre, 
«  rintrigue  et  le  vice  se  font  jour,  l'astuce  gauloise  leur 
tt  vient  en  aide,  et  la  rudesse  des  premiers  Francs  reparaît 
«  dans  l'insolence  de  la  débauche.  »  Ce  tableau  ne  serait-il 
pas  avoué  par  les  maîtres? 

M.  de  Yaublanc  nous  fait  pénétrer  dans  la  demeure  de 
ces  rudes  guerriers ,  ornés  de  la  dépouille  des  Sarrasins  ou 
des  bêtes  sauvages;  il  nous  y  montre  l'armure  des  chevaliers 
«  objet  de  prédilection,  vêtement  de  fer  qui  coûtait  quel- 


t.i 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  359 

«  quefois  plus  qu'un  fief,  vêtement  belliqueux  dont  chaque 
«  pièce  était  un  trophée ,  chaque  défaut  le  souvenir  d'une 
«  lutte  opiniâtre;  vêtement  des  forts  et  des  audacieux, 
«  qu'ils  avaient  porté  chez  dix  nations  différentes,  et  qui, 
<c  après  avoir  étincelé  sous  le  soleil  de  TAsie ,  reflétait  la 
«  douce  lueur  du  foyer  domestique.  » 

Veut-on  connaître  encore  le  goût  et  la  manière  du  cri- 
tique? On  en  pourra  juger  d'après  cette   appréciation  du 
fabliau,  Tun  des  genres  de  la  littérature  du  temps  :  «  Le 
a  vrai  fabliau  spirituel  et  malin  s'exprime  en  petits  vers 
«  d'un  ton  dégagé.  U  est  assez  fidèle  à  la  rime,  mais  peu  à 
«  l'analogie  des  pensées  ;  il  ne  se  jette  point,  comme  le  conte, 
«  dans  de  merveilleuses  et  interminables  histoires;  il  n'est 
«  point  nuageux  et  mélancolique   comme  les   poèmes  du 
«  Nord,  ni  frivole  et  libre  comme  la  nouvelle  italienne;  il 
((  a  une  physionomie  toute  à  lui;  c'est  un  français  du  vieux 
«  temps.  Il  frappe  vite  et  fort,  et  souvent  ;  tantôt  sur  les 
«  docteurs  et  les  moines,  tantôt  sur  les  chevaliers  et  les 
«  bourgeois.  Il  ménage  plus  volontiers  les  hauts  barons, 
«  parce  qu'il  espère  d'un  bon  gîte  en  leur  castel  et  robe  à 
«  leur  hvrée.  Il  ne  manque  pas  de  les  appeler  monseigneur; 
«  volontiers  leur  fait-il  jouer  le  beau  rôle.  Mais  il  ne  tarit 
«  pas  sur  la  gloutonnerie  des   petites  gens,  sur  l'astuce  et 
«  l'inconstance  des  femmes  auxquelles  il  prête  une  mine 
«  inépuisable  de  ruses.  Peu  importe  d'ailleurs  par  quelle 
«  voie  ténébreuse  il  mène  celles-ci,  elles  en  sortent  inno- 
«  centes  comme  de  jeunes  brebis,  laissant  les  dangers  pour 
«  l'amant,  les  risées  pour  l'époux.  Puis  le  narrateur  s'a- 
«  mende  au  moment  de  finir,  se  recommande  à  son  pa- 
«  tron,  souhaite  le  paradis  au  lecteur^  et  demande  pour  sa 
«  peine  un  Pater.  » 

Au  reste,  il  faudrait  tout  citer;  les  faits,  les  détails,  les 
épisodes  se  succèdent  avec  un  charme  varié  sous  la  plume 
de  l'écrivain.  Bornons-nous  à  dire  que  les  revues  et  les 
journaux  saluèrent  d'articles  élogieux  la  venue  de  Isl  France 
au  temps  des  croisades. 


360  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

Les  Allemands  lui  firent  un  accueil  très-flatteur,  et  Fal- 
lemerayes,  un  de  leurs  plus  sévères  critiques,  s'écrie  après 
en  avoir  fait  un  superbe  éloge  :  «  Je  ne  puis  qu'envier  l'au- 
teur d'un  pareil  livre.  » 

Parmi  les  nombreux  critiques  français,  nous  citerons 
seulement  le  jugement  qu'en  porta  M.  de  Pontmartin  et  les 
réflexions  que  lui  suggère  l'ouvrage  de  M.  de .  Yaublanc. 
«  La  complaisance  de  l'esprit  moderne  pour  ses  fantaisies 
«  et  ses  caprices,  la  tendance  même  à  s'y  attarder  un  peu 
«  trop  et  à  rester  adolescent  dans  l'âge  de  la  virilité  donne, 
a  selon  nous,  plus  d^importance  et  de  prix  encore  aux  tra- 
ce vaux  où  se  révèlent  le  goût  des  fortes  études,  des  re- 
«  cherches  patientes,  le  désir  sincère  de  faire  profiter  notre 
<c  société  et  notre  époque  des  enseignements  de  l'histoire^ 
<c  des  découvertes  de  l'érudition  dans  les  archives  du 
«  passé.  Nous  devons  compter  au  nombre  de  ces  publica- 
«  tions  trop  rares  le  tableau  de  la  France  au  temps  des 
«  croisades.  L'auteur  de  ce  livre  ne  dissimule  pas  ses  sym- 
<c  patbies  pour  ces  temps  chevaleresques  qu'ont  trop  ca- 
«c  lomniés  nos  dédains  et  justifiés  nos  folies.  En  consacrant 
«  douze  années  de  travail  et  d'étude  à  cette  peinture  de  la 
«  France  au  douzième  siècle,  en  s'efforçant  de  faire  jaillir  la 
a  lumière  du  fond  de  ces  lointains  souvenirs,  de  nous  mon- 
«  trer  ce  qu'était  alors  la  société,  la  civilisation  renais- 
«  santé,  l'état  des^  sciences  et  des  arts,  le  culte  de  la 
«  royauté,  le  véritable  esprit  chevaleresque,  M.  de  Vau- 
«  blanc  n'a  pas  prétendu  nous  ramener  violemment  vers 
«  les  siècles  écoulés,  nous  contraindre  à  déplacer  ou  à 
«  maudire  les  progrès  qu'ont  faits  depuis  ce  temps  la  société 
«  et  l'humanité;  il  a  voulu  seulement  replacer  sous  leur 
«  véritable  jour  des  faits  défigurés  par  les  diverses  écoles 
<c  philosophiques  ou  révolutionnaires,  constater  que  la  féo- 
<(  dalité  ne  fut  pas  la  barbarie;  que  cette  forte  et  puissante 
«  nourrice  pouvait  seule  allaiter  le  genre  humain  redevenu 
«  enfant,  et  que  c'est  sous  le  souffle  fécond  de  l'esprit  féo- 
a  dal  et  chrétien  qu'a  pu  naître  et  grandir  cet  esprit  mo- 


^\. 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  361 

u  derae,  ingrat  héritier,  si  encUa  à  oublier  son  origine. 
u  Cette  tâche  dans  la  mesure  et  daas  le  ton  qu'a  constant- 
<c  ment  observés  l'ingénieux  et  savant  écrivain,  n'a  rien 
«  que  de  salutaire,  surtout  dans  une  époque  trop  semblable 
n  au  dissipateur  insensé  qui  se  hâte  de  jeter  au  vent  son  pa- 

■  trimoine  et  laisse  croire  que  ses  ancêtres  ne  possédaient 
«  rienpourse  dispenser  d'avouer  qu'il  gaspille  tout. Telle  ne 
"  sera  jamais  la  pensée  de  l'homme  sage  en  tournant  ses 
«  regards  vers  le  passé  et  en  les  ramenant  sur  le  présent. 
«  Comme  le  vicomte  de  Vaublanc,  il  se  dira  qu'il  y  a  une 
«  distinction  capitale  à  faire  et  que  l'héritier  spirituel  ho- 
"  nore  ses  aïeux,  même  quand  il  ne  songe  pas  à  les  ressus- 
B  citer.  •> 

A.U  reste,  M.  de  Vaublanc  a  répondu  lui>méme  :  •  Nous 
•>  ne  prétendons  pas  établir  que  le  passé  fût  meilleur  et  mé- 
«  connaître  tout  progrès  social,  maïs  réclamer  seulement  la 

■  modération  des  juges  en  leur  rappelant  cette  pensée  de 
«  Caton  l'ancien  :  a  C'est  chose  dif^cile  de  faire  compren- 
•>  dre  aux  hommes  qui  seront  dans  d'autres  siècles  ce  qui 
"  justifie  notre  vie.  » 

«  Avant  de  mépriser  la  société  féodale ,  avant  d'annon- 
«  cer  la  perfection  des  nationalités  modernes,  il  faudrait 
«  savoir  quel  est  le  régime  qui  durera  le  plus,  et  jettera  les 
u  plus  profondes  racines.  Les  formes  sociales  et  politiques 
•<  de  cette  partie  du  moyen  âge  ont  subsisté  jusqu'à  Riche- 
«  lieu,  c'est-à-dire  plus  de  cinq  cents  ans,  et  nous  ne  pou- 
o  vous  pas  encore  nous  en  débarrasser  complètement,  mal- 
u  gré  nus  efibrts,  tant  sont  rivés  solidement  les  anneaux 
"  de  cette  chaîne,  et  quand  nous  serons  parvenus  à  les  bri- 
u  ser,  il  y  aura  encore  quelque  chose  en  nous  qui  n'aura  pas 
■<  entièrement  répudié  le  passé  :  notre  imagination  sera  en- 
<•  core  dominée  par  nos  souvenirs.  • 

M.  de  Vaublanc  ne  se  borna  pas  à  l'ouvrage  important 
dont  nous  venons  de  parler.  Divers  opuscules  et  critiques 
d'art  virent  encore  le  jour  ainsi  que  quelques  publications 
détachées,  et  il  laissa  de  nombreux  manuscrits  qni  accusent  ' 


362  BULLETHS  DU  BIBLIOPHILE. 

non-seulement  son  goût  pour  Thistoire,  n^ais  sa  facilité 
pour  la  poésie  et  la  flexibilité  de  son  talent  d'écrivain  à  trai- 
ter des  sujets  très-divers  dans  des  genres  également  op- 
posés. 

En  1861,  il  fit  imprimer  quelques  pages  sous  ce  titre  : 
Coup  (Tœil  dans  Paris.  Là,  d'un  style  plein  de  bonne  hu- 
meur, il  parcourt  la  ville  et  les  monuments  en  connaisseur. 
En  citer  deux  pages  donnera  Tenvie  de  posséder  une  de  ces 
rares  brochures.  Il  ne  peut  s'empêcher  de  déplorer  la  mo- 
notonie des  constructions  dans  les  rues  nouvelles. 

a  ....  Quand  le  voyageur  a  vu  une  maison  il  les  a  toutes 
«  vues  :  des  boutiques  au  rez-de-chaussée,  de  belles  glaces 
•c  aux  fenêtres  du  premier,  une  ceinture  de  balcons  au  troi- 
«c  sième  étage,  une  pareille  au  quatrième ,  d'énormes  toits 
«  mansardés  surchargés  de  cheminées,  et  quelquesornements 
«  au  ciseau  parfois  heureux,  parfois  bizarre.  S'il  est  permis 
a  aux  monuments  publics  de  se  distinguer  de  la  foule  com- 
te pacte  des  maisons  privées,  tout  le  reste  doit  s'aligner 
tt  devant  le  même  cordeau  et  se  modeler  sur  le  même  des- 
«  sin.  Un  pignon?  quel  anachronisme!  Un  avant-corps 
«  central,  un  arial  ou  ercker?  c'est  chose  défendue!  Une 
((  façade  en  retrait  ou  des  ailes  en  saillie?  c'est  illégal! 
«  Un  portique  aérien,  une  terrasse?  à  quoi  bon!  Un  péri- 
«  style  ?  cela  ne  se  fait  plus  !  Des  statues,  des  bas-reliefs  ou 
«  des  emblèmes?  c'est  superfluité!  Un  pavillon  ?  c'est  trop 
«  château  !  etc.  Mais  une  opulente  bâtisse  bien  empâtée,  à 
«  pilastres  plats,  à  rez-de-chaussée  d'un  lourd  toscan,  à 
a  toit  pesant,  à  mansardes  banales,  à  la  bonne  heure  !  On 
«  dit  de  ces  constructions  qu'elles  ont  un  u  air  de  gran- 
«  deur  uniforme  ».  Si  Ton  veut  de  la  grandeur  uniforme, 
a  que  ne  prend-on  le  style  égyptien  ?  Les  temples  de  Nubie 
«  avec  leurs  pylônes  et  leurs  obélisques  sont  beaux  dans  le 
«  désert  immense  et  solitaire,  la  pyramide  est  un  rocher 
«  nu  posé  par  la  main  de  l'homme  dans  une  mer  de  sable. 
«  Mais  dans  cette  fourmilière  d'un  million  et  demi  de  créa- 
«  tures  très-vivantes  que  l'on  appelle  Paris,  pourquoi  re- 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  363 

«  chercher  une  grandeur  si  constamment  uniforme?  Jou- 
«  bert,  cet  aimable  et  profond  moraUste^  disait  :  «  De  même 
«  que  dans  la  musique,  le  plaisir  nait  du  mélange  des  sons 
«  et  des  silences,  des  repos  et  du  bruit,  de  même  il  naît 
«  dans  l'architecture  du  mélange  bien  disposé,  des 
«  vides  et  des  pleins,  des  intervalles  et  des  masses.  » 
«  Nous  voyons  bien  les  masses,  nous  ne  voyons  ni  les 
«  intervalles  ni  les  vides.  Un  peu  moins  de  bâtisses, 
«  un  peu  plus  d'art.  Dans  ce  paysage  animé  d'une  capitale 
«  si  florissante,  permettez  quelque  mouvement  dans  les 
tt  principales  lignes  de  construction,  et,  eu  même  temps, 
«  une  certaine  saveur  de  détails  ingénieux  ;  conservez  dans 
o  Part,  ainsi  que  le  voulait  M.  de  Tocqueville  dans  le  sens 
«  politique,  conservez  à  l'individu  le  peu  d'indépendance, 
«  de  force  et  d'originalité  qui  lui  reste.  Rouen,  Nurem- 
«  berg ,  plusieurs  villes  d'Espagne  et  d'Italie  vous  offrent 
«  des  modèles  intéressants  à  étudier.  Nous  avons  vu  dans 
«  une  très-petite  ville  d'Allemagne  le  manoir  d'un  mar- 
«  chand  du  dix-septième  siècle  ;  par  ses  fresques  extérieures, 
«  il  raconte  encore  aux  passants  tous  les  voyages  du  pro- 
tt  priétaire  chez  les  peuples  les  plus  étrangers  de  la 
«  terre.  » 

Qu'on  nous  permette  encore  un  passage  de  M.  de  Vau- 
blanc  sur  le  Louvre  : 

a  ....  Yisconti  avait  conçu  sa  vaste  décoration  un  peu  à 
<  la  hâte.  M.  Lefuel  l'a  modifiée  considérablement  et  a  fait 
w  preuve  d'un  talent  réel.  U  est  souvent  plus  difficile  de 
«  corriger  et  de  compléter  que  de  créer  ;  on  ne  doit  pas 
«  l'oublier ,  en  examinant  les  travaux  de  Yisconti  et  de  son 
(i  habile  successeur,  et  en  remarquant  que  certaines  par- 
ce ties  laissent  toujours  à  désirer. 

«  Pour  unir  cette  restauration  aux  bâtiments  existants, 
«  l'on  a  fait  à  la  fois  des  emprunts  au  Louvre  et  aux  Tui- 
((  leries.  Dans  l'état  où  les  remaniements  successifs  ont  mis 
«  ce  dernier  palais,  l'amalgame  architectural  qui  nous  reste 
«  n'est  admiré  de  personne.  Ce  palais,  si  fameux  histori- 


36(à  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

u  quement,  étonne  les  voyageurs  par  son  incohérence  et  son 
«  infériorité  comme  création  monumentale.  On  a  fait  pour 
u  le  nouveau  Louvre  des  emprunts  aux  parties  qui  remon- 
«  tent  à  Philibert  Delorme.  On  a  imité  les  terrasses  en- 
«(  g^agées  maintenant  dans  le  massif  central.  Mais,  cç  qai 
«  était  en  harmonie  avec  le  petit  palais  de  Marie  de  Médi- 
c(  cisy  Test  beaucoup  moins  dans  l'immense  déplacement 
«  des  constructions  récentes.  Il  est  question  maintenant 
«  (M.  de  Vaublanc  écrivait  ceci  en  1861)  de  la  restauration 
«  des  Tuileries.  C'est  une  entreprise  délicate.  Ou  Ton  re- 
«  produirait  là  quelque  façade  du  Louvre,  et  Ton  sacrifie- 
<i  rait  rintérét  des  souvenirs  historiques  pour  établir  une 
«  copie;  ou  Ton  ferait  du  nouveau,  et  dans  ce  cas  il  est 
u  difficile  d'espérer  que  l'on  ferait  aussi  bien  que  P.Lescaut 
«  ou  Perrault,  plus  difficile  de  croire  que  l'on  ferait  mieux  ; 
(c  ou  l'on  ramanîerait  ces  façades  pour  la  quatrième  fois, 
u  travail  incertain ,  dont  l'efTet  ne  serait  bien  compris  que 
«  trop  tard,  comme  il  arrive  ordinairement,  et  dont  la  na- 
«  ture  hybride  ne  compenserait  pas  les  millions  qu*il  faudra 
u  dépenser.  Mieux  vaudrait,  ce  nous  semble,  laisser  les 
«  Tuileries  telles  qu'elles  sont.  »  Hélas  !  la  folie  des  heures 
de  carnage  devait  livrer  aux  flammes  ce  que  Fart  respectait 
au  nom  de  l'histoire  !  M.  de  Vaublanc  s'inquiète  de  ce  qu'il 
faudrait  mettre  au  milieu  de  la  cour  de  notre  vieux  Louvre, 
et  il  donne  à  ce  sujet  de  précieuses  indications. 

Le  nouveau  Louvre,  et  la  salie  du  trône  qu'on  y  a  dispo- 
sée, donne  à  l'auteur  l'occasion  de  quelques  critiques  d'une 
parfaite  justesse,  de  l'avis  des  connaisseurs.  En  effet,  plus 
que  nos  architectes  et  nos  ornemanistes,  M.  de  Vaublanc 
avait  le  sentiment  de  la  grandeur  d'un  palais  et  d'une  salle 
du  trône  ;  il  avait  été  à  même  d'en  comparer  plusieurs,  de 
les  voir  habitées,  et  il  avait  pu  remarquer  les  parties  heu- 
reuses ou  insuffisantes  de  ces  lieux  destinés  à  rehausser  la 
majesté  royale  et  a  produire  une  impression  de  grandeur 
et  de  magnificence.  Ici  encore  ses  observations  seraient 
bonnes  à  suivre. 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  365 

De  même  les  églises,  les  peintures  à  fresque,  les  vitraux 
étaient  bien  du  ressort  de  Tbomme  qui  avait  tant  étudié  le 
moyen  âge;  de  même,  à  propos  des  ponts,  des  casernes, 
du  nouvel  Opéra,  de  l'aspect  général  du  nouveau  Paris,  il  a 
quelque  autorité  pour  donner  un  avis,  faire  entendre  une 
louange  ou  un  regret. 

La  première  idée  architecturale  duMaximilianum,  à  Mu- 
nich, lui  appartient,  et  le  dessin  remis  au  roi  fut  primitivement 
adopté  par  Tarchitecte  ;  mais  on  ne  l'exécuta  qu'avec  des 
modifications  qui  en  diminuent  beaucoup  l'élégance  et  la 
grandeur.  Le  dessin  demeuré  dans  ses  papiers  établit  une 
comparaison  désavantageuse  avec  le  monument  existant. 

La  restauration  du  château  gothique  de  Hohenschwangan, 
dans  la  haute  Bavière,  fut  exécutée  d'après  ses  conseils  et 
avec  un  succès  complet.  Cette  résidence  est  celle  de  la  reine 
Marie,  et  du  vivant  du  roi  Max,  M.  de  Vaublanc  y  suivait  la 
cour  pendant  la  belle  saison.  Ce  site  est  extrêmement  pit- 
toresque ;  le  château,  bâti  sur  une  hauteur,  est  entouré  de 
lacs  et  d'une  ceinture  de  hautes  montagnes. 

M.  de  Vaublanc  tenait  trop  à  la  France  pour  n'y  pas  re- 
venir chaque  fois  qu'il  en  avait  la  possibilité.  Il  se  rendait 
annuellement  à  Paris,  puis  ensuite  en  Beaujolais.  Là  il  ve- 
nait payer  un  tribut  d'affection  et  de  soin  à  cette  mère  dé- 
vouée que  le  temps  n'avait  pas  habituée  à  la  séparation. 
Jaloux  de  ne  déranger  aucune  des  habitudes  d'un  âge 
avancé,  il  s'y  conformait  en  tout,  et  oubliait  les  siennes, 
bien  différentes  ;  il  se  trouvait  heureux  de  passer  quelques 
semaines  dans  ce  séjour  modeste  que  les  coups  de  la  mort 
avait  rendu  bien  solitaire. 

C'est  là  qu'en  1867  M.  de  Vaublanc  écrivit  une  char- 
mante brochure  sur  l'exposition  universelle  qu'il  venait  de 
visiter.  Il  Ta  décrite  en  quatre-vingts  pages  pleines  d'hu- 
mour, qui  se  lisent  gaiement  comme  elles  ont  été  écrites. 

Le  visiteur  commence  à  demander  grâce  au  public,  l'as- 
surant que  sa  petite  brochure  ne  tiendra  pas  un  demi-centi- 
mètre sur  le  rayon  d'une  bibliothèque  ;  puis,  à  demi  con- 


366  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

vaincu  de  son  indulgence,  il  le  salue  d'un  air  dégagé,  prend 
sa  canne  et  son  chapeau  et  se  précipite  vers  l'exposition  ; 
mais  là  le  tourniquet  l'appréhende  au  corps.  «  Je  n*ai  pas 
«  fait  cependant  comme  ce  pauvre  homme  qui  n'a  jamais 
u  pu  comprendre  le  procédé  d'entrée.  Il  s'est  élancé  à  la 
a  nage  par-dessus  le  tourniquet.  On  Fa  ramené  de  vive 
a  force,  on  l'a  forcé  à  se  familiariser  avec  le  mécanisme 
«  brutal. 

'<  ....  Je  m'avance  d'abord  au  pas  de  charge  vers  le 
m  cœur  même  du  monument  jusqu'au  péristyle  intérieur,  et 
a  je  me  trouvais  en  face  des  parterres  de  la  cour  ovale.  Là 
t(  s'élevait  un  petit  pavillon  polygonal  ;  c'est  le  temple  de 
u  Plutus,  le  kiosque  d'exposition  pour  les  monnaies,  la  cour 
((  même  du  palais  industriel,  cœur  d'or  et  d'argent  pour  un 
«  siècle  de  métal.  Ailleurs  on  a  installé  cà  et  là  des  choses 
a  qui  réveillent  des  idées  de  gloire  et  d'honneur;  ici,  au 
a  point  central,  tout  pour  l'argent.  Je  n'ai  point  vu  ce 
«  trésor.  J'étais  pressé  et  peu  m'importait  les  dollars,  les 
«  doublons,  les  piastres  et  les  thalers.  N'est-ce  pas  une 
«  grande  tristesse  pour  le  genre  humain  qu'il  faille,  seule- 
ce  ment  pour  vivre,  tant  de  ces  petits  ronds  de  métal  que 
•c  Ton  poursuit  quelquefois  jusqu'à  perdre  haleine?  De  ce 
<c  point  central  il  est  facile  de  s'orienter  pour  commencer 
a  l'examen  rapide  des  galeries.  Je  dis  rapide,  car  lorsqu'on 
«  veut  faire  en  huit  jours  une  partie  de  soixante-seize 
«  lieues,  longueur  calculée  de  toutes  les  rues,  ruelles  ou  ga- 
«  leries,  et  de  tous  les  sentiers  ou  allées  du  parc,  il  ne  s'agit 
tt  pas  de  se  promener  comme  une  tortue  philosophe  dode- 
«  linant  de  la  tête  à  gauche  et  à  droite  sans  tenir  compte 
«  des  heures.  » 

C'est  sur  ce  ton-là  que  le  vicomte  de  Vaublanc  entraîne 
son  lecteur  de  Paris  au  Japon,  et  de  Tunis  à  Saint-Péters- 
bourg ;  cette  causerie  aimable  et  gaie  se  lira  en  tout  temps  ; 
car  si  l'actualité  semble  être  le  premier  mérite  d'une  bro- 
chure, l'esprit  en  est  un  autre  plus  réel  que  le  temps  n'atta- 
que pas. 


i 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  367 

M.  de  Yaublanc  écrit  comme  il  cause,  et  il  ne  fut  pas  de 
plus  charmant  causeur  :  contant  d'une  façon  brève  et  pi- 
quante, raillant  avec  finesse  et  bonté,  intéressant  son  audi- 
teur par  Tà-propos  et  se  taisant  volontiers  pour  écouter  les 
autres.  Dans  un  salon  et  dans  un  cercle  de  femmes  son 
arrivée  était  saluée  comme  un  événement  heureux.  Chacun 
savait  que  la  conversation  quitterait  les  sentit^rs  mono- 
tones. 

C'est  encore  l'esprit  du  causeur  français  que  nous  retrou- 
vons dans  les  souvenirs  anecdotiques  et  inédits  de  M.  de 
Vnublanc.  La  rédaction  de  ces  souvenirs,  tracés  de  sa  belle 
écriture,  occupèrent  les  dernières  années  de  sa  vie.  Ils 
composent  quatre  volumes  ;  deux  sont  spécialement  con- 
sacrés à  sa  famille,  deux  autres  pourraient  être  livrés  au 
public^ 

De  tous,  nous  dit-il,  il  a  pris  soin  d'écarter  la  personna- 
lité, le  scandale  et  la  médisance  ;  «  ayant  dû  mettre  sur  le 
«  papier  mes  sentiments  et  mes  idées,  mes  actions  y  parais- 
«  sent  peu  ou  point  ;  ces  pages  ne  sont  pas  des  mémoires, 
a  ce  sont  la  rue^  la  grande  route,  les  palais  aperçus  des  fe- 
«  nétrcs  du  salon  domestique.  » 

La  monotonie  est  exclue  de  ces  écrits  faits  au  courant  de 
la  plume,  les  sujets  s'y  succèdent  rapidement  avec  une 
grande  variété  :  les  souvenirs  de  famille,  la  restauration  « 
TAllemagne,  l'Angleterre,  la  Hollande,  l'Italie,  les  princi- 
paux personnages  politiques  du  commencement  de  ce  siècle 
s'y  montrent  sous  des  traits  vifs  et  rapides.  —  Après  avoir 
assisté  au  couronnement  de  la  reine  d'Angleterre  nous  nous 
asseyons  avec  M.  de  Yaublanc  à  la  table  qui  réunit  onze 
souverains  à  Baden-Baden  en  1860  ;  de  l'île  désolée  d'Eli- 
goland  nous  courons  aux  cendres  de  Pompeï  ;  puis  nous 
pouvons  faire  une  station  de  rêverie  au  vieux  château  de 
Vurzbourg,  nous  égarer  sous  ses  charmilles  où  les  faunes 
sont  vêtus  de  mousse,  et  de  là  rentrer  éblouis  dans  des  sa- 
lons renaissance  où  les  glaces  innombrables  luttent  avec  des 
trésors  de  Saxe.  De  là  aller  méditer  devant  la  statue  de 


368  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Marc-Aurèle  à  Rome,  et  nous  réveiller  sous  les  confettis 
du  carnaval.  Le  narrateur  vous  fait  grâce  des  nomenclatures 
prolongées,  il  vous  entraîne  charmé,  vous  montrant  ce  qu^il 
voit,  vous  faisant  goûter  ce  qu'il  sent  et  tout  cela  simple- 
ment, doucement,  avec  une  autorité  qui  ne  s'impose  à  per- 
sonne, mais  qui  triomphe  par  l'appréciation  juste  et  modé- 
rée, le  charme  du  détail  élégant  et  original. 

Il  nous  reste  à  parler  du  Petit  Liçre  ou  de  quelques  habi" 
tudes  utiles  dans  la  çie. 

En  moins  de  cent  pages,  M.  de  Yaublanc  a  réuni  comme 
un  petit  code  pour  la  paix  et  la  dignité  de  Thomme  du 
monde,  c'est  un  recueil  d'observations  pratiques  appuyées 
de  l'autorité  de  l'Ecriture  sainte  et  des  moralistes  de  tous  les 
temps.  —  Cinq  chapitres  traitent  brièvement  :  de  la  Jouis^ 
sance  intérieure;  —  de  V  Elévation  de  F  âme  vers  Dieu;  — 
du  Soin  personnel  ;  —  de  r  Ordre  ;  —  de  r  Occupation  et 
de  la  Patience. 

Ces  notes,  rassemblées  pour  l'usage  de  leur  auteur  quand 
il  était  jeune  encore,  ne  furent  imprimées  qu'à  la  fin  de  sa 
vie,  à  la  prière  de  ses  amis,  qui  en  avaient  éprouvé  l'utilité 
par  eux-mêmes  :  aujourd'hui  ces  notes  leur  restent  comme 
un  souvenir  vivant  ;  car  il  a  fait  mieux  encore  qu'écrire  ce 
petit  livre,  il  l'a  pratiqué. 

Toutes  les  pages  seraient  à  citer,  parce  que  toutes  contien- 
nent des  observations  précieuses;  contentons-nous  d'en 
donner  une  idée  par  un  ou  deux  passages  : 

«  ....  Sans  patience  il  n'y  a  pas  de  véritable  force;  elle 
«  nous  prête  un  appui  nécessaire  dans  la  pratique  des  habi- 
«  tudes  les  plus  utiles  de  l'art  de  vivre,  et  dans  nos  rapports 
«  multipliés  avec  nos  semblables. 

«  Nous  sommes  ici-bas  dans  l'obligation  d'accepter  avec 
«  résignation,  non -seulement  le  cours  des  événements,  mais 
**  encore  l'action  continuelle  de  la  société  dont  nous  sommes 
tt  les  membres  et  celle  des  individus  qui  nous  entourent 
u  immédiatement.  C'est  ici  surtout  que  la  pratique  de  la 
«  patience  offre  de  grandes  rdiflicultés.  Cela  vient  peut-être 


^ 


BIOGRAPHIE  DO  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  369 

n  Je  ce  <{ue  l'on  n'a  pas  été  chercher  le  mai  dans  son  prin- 

■  cipe.  Ce  n'était  pas  tant  la  nécessité  de  supporter  avec  in- 

■  dul^ence  la  manière  d'être  de  cette  personne,  qu'il  fallait 
'I  envisager,  que  la  nécessité  de  se  faire  an  grand  fonds  de 
«  patience  et  de  tolérance  envers  tout  ce  qui  est  de  l'huma- 
X  nité.  Cette  disposition  doit  s'étendre  à  tous  les  instants  et 

•  à  tous  les  sujets  ;  sur  nous-mêmes  pour  ne  pas  tomber 
"  dans  le  découragement,  sur  la  société  pour  ne  pas  deve- 
<>  uir  misanthrope,  surTamitié  pour  excuser  ses  indiscrétions 
«  ou  ses  inégalités,  sur  la  parenté  pour  supporter  ses  censu- 
"  res,  ses  exigences  ou  ses  froideursi  sur  nos  supérieurs  pour 
.c  se  faire,  s'il  j  a  lieu,  à  leurs  injustices,  à  leurs  dégoûts,  à 
"  leurs  vexations,  sur  nos  subalternes  pour  s'habituer  à  leur 
«  infidélité,  à  leur  insuffisance,  à  toutes  leurs  imperfections, 
«  obéissant  à  ce  principe  de  l'ecclésiaste  :  Ne  soyez  pas 
I'  comme  un  lion  dans  votre  maison  en  vous  rendant  terrî- 
H  ble  à  vos  domestiques  {EccL,  iv)  ;  sur  toutes  choses  en  un 

•  mot,  car  il  faut  être  doux  envers  les  personnes  comme  en- 

■  vers  les  choses  de  la  vie,  doux  envers  les  accidents  comme 

■  envers  les  caractères.  • 

Ces  dernières  lignes  peignent  celui  qui  les  traça  ;  cet 
Iiomme  vif,  irritable  même  par  tempérament,  était  devenu 
l'iiomme  le  plus  patient  et  le  plus  indulgent  qu'il  soit  pos- 
sible de  rencontrer,  il  pratiquait  habituellement  ce  qu'il 
avait  écrit  : 

•'  L'âme  doit  se  répéter  souvent  lorsque  le  cœur  se  sent 
"  déchiré  par  les  épines  du  monde  :  laissez  aller,  laissez 
••  passer  l'orage,  une  pierre  a  heurté  votre  pied,  ne  l'esami- 
«  nez  pas,  ne  sondez  pas  l'intensité  de  la  meurtrissure,  lais- 
"  sez  les  caprices  s'évanouir,  l'envie  et  la  calomnie  se  fati- 
"  guer  et  resicz  toujours  vous-même  au  milieu  des  mille 
«  incidents  de  la  vie.  Restez  bon,  indulgent  et  fort.  Tout 
«  s'use,  tout  se  calme, encore  un  peu  de  temps,  et  de  ce  qui 
«  vous  avait  ému  il  ne  restera  qu'une  fumée  légère,  un  sou- 
•c  venir  qui  décroît  plus  vite  que  l'ombre.  » 

L'indulgence  chez  M.  de  Vaublanc  avait  sa  base  dans  un 


370  BULLETIN  DU  BlBLIOPfflLE. 

grand  fonds  de  modestie.  Nous  lisons  encr)re  dans  le  Petit 
Livre  :  »  Cette  indulgence  infinie  pour  nos  semblables,  et 
«  cette  juste  appréciation  des  choses  de  la  yie,  doit  être  ha- 
((  bituellement  fondée  sur  un  jugement  impartial  de  nos 
(c  propres  faiblesses  et  de  nos  innombrable^  imperfections. 
a  Nous  voyons  ce  que  sont  les  autres^  mais  nous  voyons 
«  aussi  ce  que  nous  sommes,  et  nous  sentons  que  nous  ne 
tt  valons  pas  mieux.  » 

Toutes  les  étninentes  qualités  de  M.  de  Vaublanc  ne 
firent  que  se  développer  avec  les  annéies  ;  à  Tencontre  de  la 
plupart  des  hommes,  dont  les  défauts  s'accentuent  en  vieil- 
lissant, le  philosophe  chrétien  voit  ses  défauts  s'atténuer  et 
ses  vertus  s'accroître  ;  c*est  le  résultat  de  son  travail  sur 
lui-même  ;  la  tige  et  la  fleur  vont  disparaître,  mais  le  fruit 
savoureux  demeure. 

A  son  dernier  voyage  en  France  le  vicomte  de  Vaublanc 
fut  longtemps  et  gravement  malade  ;  sa  sérénité  ne  s*altéra 
point,  tous  ceux  qui  rapprochèrent  furent  séduits  par  sa 
bonté,  son  détachement  de  tout  et  son  inaltérable  douceur. 
Le  médecin  qui  lui  prodigua  alors  des  soins  dévoués  disait 
de  lui  :  «  M.  de  Vaublanc,  c'est  l'imitation  de  Jésus-^Christ 
«  en  personne.  »  C'était  l'éclat  de  la  fin  du  jour  ;  peu  de 
mois  après  il  se  montrait  doux  envers  la  mort,  comme  il 
s^était  montré  doux  envers  la  vie  ;  la  vie,  qui  pourtant  lui 
versa  plus  d'une  amertume. 

Il  fut  enlevé  à  Munich  le  15  août  1874  par  une  maladie 
courte  et  douloureuse,  dans  le  plein  exercice  de  ses  facul- 
tés, soumis  à  la  souffrance,  Tœil  fixé  sur  le  crucifix  et  en- 
touré des  consolations  de  la  religion  et  de  l'amitié. 

Il  fut  vivement  regretté,  a  Tous  ceux  qui  ont  jamais  été 
«  en  rapport  avec  lui,  écrivait-on  de  Munich,  le  pleurent 
«  sincèrement  et  respectent  sa  mémoire  comme  celle  d^un 
«  noble  et  galant  homme  qui  a  toujours  été  fidèle  à  ses  prin- 
«  cipes  dans  les  positions  les  plus  difficiles  et  les  plus  dé- 
a  licates.  » 

Maintenant,  si  nous  jetons  un  regard  rétrospectif  sur 


■A 


BIOGRAPHIE  DU  VICOMTE  DE  VAUBLANC.  371 

rexislence  qui  vient  de  finir,  nous  voyons  qu'elle  fut  labo- 
rieuse et  désintéressée. 

Ceux  qui  ne  rencontrèrent  le  vicomte  de  Vaublanc  qu'en 
passant  ne  virent  en  lui  qu'un  homme  du  monde  aussi  distin- 
gué dans  ses  manières  que  spirituel  dans  sa  conversation, 
mais  il  ne  fallait  pas  beaucoup  de  temps  pour  découvrir 
l'homme  intérieur  que  nous  avons  essayé  de  faire  connaître, 
l'homme  possédant  une  instruction  profonde,  une  bien- 
veillance inaltérable  et  un  désir  constant  de  s'améliorer. 
Artiste  de  goût,  littérateur  distingué,  il  dut  à  ses  qualités 
personnelles  une  position  élevée  et  l'amitié  d'un  souve- 
rain. 

Ses  neveux  gardent  de  lui  des  aquarelles  remarquables, 
des  livres  d'une  valeur  réelle  et  de  précieux  exemples. 

M"*^  DU  R***. 


LA   BIBLIOTHÈQUE 


DES 

/ 


DUCS  DE  MILAN 


Indagiui  storiche,  artistiche  e  bibliografiche  suUa 
Lîbreria  Visconteo-Sfor/esca  del  Castello  dî  Pavîa, 
compilate  ed  ilhistrate  con  documenti  inediti  per 
curadi  un  bîbliofilo.  Parte  prima.  —  (Investigations 
historiques,  artistiques  et  bibliographiques  sur  la 
Librairie  des  Visconti  et  des  Sforze  à  la  citadelle  de 
Pavie^  recueillies  et  illustrées  de  documents  inédits 
par  les  soins  d*un  bibliophile.  Première  parlie.) 
Milan^  Gaetano  Brigola^  libraire-éditeur  y  1 875  ; 
in-8",  6  ff.  n.  chiff.,  lxvii  et  1 76  pag.  avec  une  pho- 
tographie. 

Édition  tirée  à  deux  cents  exemplaires,  dont  trente  sur  grand  papier 
teinté  et  numérotés  à  la  presse. 


L'existence  du  livre  dont  nous  venons  de  donner  le  titre 
nous  a  été  révélée  en  parcourant  4a  liste  des  publications 
de  rétranger  parvenues  à  la  Bibliothèque  nationale  en  mai 
dernier.  Ceux  qui,  comme  nous,  seront  curieux  de  se  le 
faire  communiquer  pourront  lire,  en  ouvrant  Texemplaire 
de  choix  (n""  19)  mis  à  la  disposition  des  habitués  de  la  salle 
de  travail,  Tenvoi  autographe  suivant,  où  Tanteur  dévoile 
son  anonyme  : 

A  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris,  c  multarum  italicantm 
spoliis  superba  (1),  •  un  bibliophile  italien,  toujours  inconsolable 

'1)  Nons  Toyons  dans  le  cours  de  roarrage  que  c'est  à  Casaubon 
qu*ont  été  empruntées  ces  paroles  latines. 


,-^"Si 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  xMlLAN.  373 

pour  la  perte  douloureuse  de  la  librairie  du  château  de  Pavie,  offre ^ 
sans  rancune  rétrospective  et  en  hommage  respectueux^  cet  inven^- 
taire  et  ces  DOCUMENTS  INÉDITS  qui  en  donnent  P histoire. 

Signé  :  Girolaho  mabquis  d*ADDA, 

Membre  correspondant  de  t  Institut  Lombard, 
De  Milan ^  ce  \^^  décembre  ^875. 

La  manière  dont  le  présent  est  fait  attire  forcément  Tat- 
tentiou,  convenons-en,  et  sur  le  donateur  et  sui*  son  livre. 
Les  connaisseurs  qui  auront  cédé  à  cet  attrait  n'auront  pas 
à  s'en  repentir  :  nous  leur  en  donnons  l'assurance,  et  nous 
allons  y  joindre  une  démonstration  aussi  brève  que  pos- 
sible. 

SI- 

Tout  d'abord,  l'auteur  n'est  nullement  pour  nous  homo 
Houus;  et  quand  je  dis  nous,  j'entends  les  amis  des  livres 
et  le  public  lettré  en  général  ;  car  M.  le  marquis  d'Adda  est 
bien  connu  et  fort  apprécié  de  quelques-uns  de  nos  écri- 
vains favoris  que  je  pourrais  citer,  bien  connu  aussi  de  nos 
libraires  antiquaires,  et  il  a  fourni,  soit  de  sa  propre  bi- 
bliothèque, soit  d'autres  collections,  de  beaux  spécimens 
de  reliures  qui  figurent  dans  deux  des  planches  de  V Histoire 
de  la  Bibliophilie. 

A  part  cela,  nous  avons  de  lui  dans  la  Gazette  des  Beaux^ 
Arts  de  1868,  livraison  du  1*''  août  (tome  XXV,  pages  123 
à  152),  une  étude  accompagnée  d'illustrations  sur  Léonard 
de  Vinci^  la  graifure  milanaise  et  PassapaM^  qui  dénote  un 
ardent  bibliophile  et  un  critique  d'art  consommé.  Déjà 
en  1863-1864,  il  avait  donné  au  même  recueil  d'autres  ar- 
ticles, et  nous  nous  réjouissons  de  savoir  qu'il  doit  y  publier 
prochainement  une  série  d'études  nouvelles  qui  seront  in- 
dubitablement fort  remarquées. 

L'ouvrage  dont  nous  rendons  compte  aujourd'hui  est  le 
fruit  de  travaux  commencés  il  y  a  dix  ans,  et  poursuivis  dans 
l'intervalle  avec  des  interruptions  et  des  vicissitudes  de 


374  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

bien  des  sortes.  En  attendant  que  la  seconde  partie  soit 
mise  au  jour,  il  a  pour  but  dominant,  Fauteur  nous  Fa  dit 
dans  son  envoi  à  notre  bibliothèque,  la  publication  de  Tln- 
ventaire  fait  en  1426  des  manuscrits  appartenant  au  duc  de 
Milan,  Philippe  Marie  Visconti,  et  conservés  alors  dans  le 
palais-forteresse  de  Pavie. 

Cet  inventaire  remplit  91  pages  et  se  compose  de  988  ar- 
ticles. 

Il  commence  ainsi  : 

IN  NOMINE  DOMINI  AMEN 
M  CCCC  XX  VJ, 

Consignatio  librorum  lUustrissimi  principis,  et  exceilentis- 
simi  domini,  Domini  —  Ducis  Mediolani  etc.,  facta  in  libra- 
ria  castri  papie  per  nobiles  et  Egregios  viros  D.  Augnstinam 
de  Sclafenatis  et  Laurentiumde  Regio  Magistro  Intratarum  prefati 
domini,  Nobilibos  viris  lohannolo  billie  Gastellano  dicti  castri 
papie,  et  lohannino  de  Calchaterris  negocic^um  gestore  posses- 
sionum  ejusdem  domini.  Incipiendo  ad  uhimam  lineam  inferio- 
rein ,  a  parte  sinistra  Introiius  in  hostîum  librarie  predicte.  Que 
coDsignatio  facta  fuit  a  die  quarta  usque  m  diem  octavam  mensis 
lannarij,  anni  supra scripti. 

Il  n'est  pas  besoin  d*étre  fort  grand  clerc  en  bibliogra-* 
phie  pour  savoir  que  la  bibliothèque,  ou,  pour  parler  plus 
exactement,  la  librairie,  du  château  fort  de  Pavie  devint 
après  la  bataille  de  Novare  en  avril  1500,  d'autres  disent 
un  peu  avant,  la  proie  du  vainqueur  :  Louis  XII  réunit  une 
partie  des  livres  qui  la  composaient  à  la  librairie  de  son 
château  de  Blois.  M.  Lcopold  Delisle,  résumant  les  travaux 
de  ses  devanciers  et  les  enrichissant  notablement  de  son 
propre  fonds,  nous  a  montré  dans  un  récent  ouvrage  (l), 
qui  est  un  vrai  monument,  l'origine,  les  accroissements, 
puis  la  dispersion  de  cette  collection  des  ducs  de  Milan,  qui 

(1)  Histoire  générale  de  Paris.  Le  cabinet  des  manuscrits,  etc.,  ISdS, 
1874,  2  V.  4<>,  tome  I,  pages  125-129. 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  375 

fut  à  un  certain  moment  unique  dans  son  genre,  et  il  a  su 
retrouver  au  milieu  du  dédale  de  nos  manuscrits  ceux  qui  y 
ont  certainement  appartenu  et  qui,  au  nombre  d'une  cen- 
taine environ,  portent  Tinscription 

DE  PAVYE  ET  AV  ROY  LOYS  XU«  (1). 

J'entends  d'ici  les  gens  pratiques  me  dire  :  «  Eh  bien  ! 
cela  nous  suffit  parfaitement,  à  nous  lecteurs  français  !  Et  à 
quoi  bon  cet  ancien  catalogue  de  livres?  Ceux  que  nous 
avons,  M.  Delisle  les  décrit  ou  les  indique,  et  d'ailleurs  on 
peut  les  voir  !  Ceux  que  nous  n'avons  pas,  que  nous  im- 
porte? » 

Nous  engagerons  ces  utilitaires,  avant  de  trancher  ainsi 
la  question,  à  lire  les  pages  mêmes  qu'y  a  consacrées  M.  De- 
lisle. C'est  lui  qui  se  chargera  de  leur  répondre  :  les  détails 
qu'il  donne  laissent  assez  apercevoir  toute  l'importance 
qu'auraient  eue,  à  ses  yeux,  ceux  qu'il  ne  pouvait  donner  et 
qu'on  rencontre  dans  nos  Indagini.  Nous  ne  croyons  même 
pas  commettre  une  indiscrétion  en  disant  que  l'auteur  des 
Indaginl  a  reçu  de  celui  du  Cabinet  des  Manuscrits  de  cha- 
leureuses félicitations. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Delisle  n'a  pas  hésité  à  reproduire 
tous  les  chiffres  de  répartition  par  matières  d'un  catalogue 
de  1459  acquis  par  la  bibliothèque  en  1853  à  la  vente  Man- 
ger, et  à  donner  textuellement  toute  la  partie  de  ce  cata- 
logue relative  aux  ouvrages  français. 

On  peut  être  sûr  que  s'il  eût  connu  le  catalogue  de  1426 
aujourd'hui  publié,  dont  il  signale  toutefois  rexistence,  il 
aurait  tenu,  s'il  ne  lui  eût  donné  la  préférence,  à  le  mettre  en 
regard  de  l'autre,  et  deux  raisons  l'y  auraient  déterminé  : 

i°  La  consignatio  librorum  de  1426  contient  988  titres. 
h'ordeni  di  libri  de  1459  se^ulement  884; 

(1)  Dans  nos  Recherches  sur  Vhistoire  littéraire  du  quinzième  siècle 
(Techener,  1876,  8°,  p.  82,  noie),  nous  avons  donné  une  description 
très-détaillée  de  deux  de  ces  manuscrits  que  Louis  Sforae  a  copiés  de  sa 
propre  main  à  Page  de  onze  ans. 


376  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

2® Le  premier  catalogue  a  87  ouvrages  français;  le  second 
seulement  78,  avec  beaucoup  plus  de  doubles  que  le  pre- 
mier. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  : 

Facino  de  Fabriano,  de  qui  émane  Yordeni  di  libri^  n'a 
donné  pour  chaque  livre  que  le  titre  en  deux  ou  trois  mots, 
sans  rien  de  plus.  Tout  autre  est  la  consignatio  librorum, 

Récolement  est  la  signification  précise  de  consignation 
mais  on  songe  involontairement  ici  au  sens  moderne  du 
mot,  en  présence  surtout  de  ce  datif  consignatio  facta  per 
nobiles  i^iros,,,,  nobilibus  viris. 

Car  il  y  a  eu,  en  fait,  prise  en  charge  par  le  gouverneur 
de  la  citadelle  de  Pavie,  lohannolus  Billia,  et  par  l'intendant 
es  possessions  du  duc,  lohanninus  de  Calchaterris,  des  ob- 
jets que  leur  consignaient  —  après  leur  en  avoir  fait  recon- 
naître ridentiié  et  y  avoir  apposé  un  numéro  d'ordre,  une 
lettre,  une  marque  particulière,  ou  plutôt  après  avoir 
constaté  l'existence  antérieure  de  quelqu'un  de  ces  signes 
(signaturœ)  qui  manquent  sur  un  certain  nombre  de  vo- 
lumes —  les  deux  fonctionnaires  de  l'ordre  financier  [ma- 
gistri  Intrdtarum)^  Augustin  de  Sclafenatis  et  Laurent  de 
Regio,  commis  par  le  prince  à  cet  effet.  Ou  conçoit,  dès 
lors,  qu'un  inventaire  fait  avec  une  aussi  grande  solennité, 
par  quatre  officiers  de  la  maison  ducale,  doive  décrire  soi- 
gneusement chacun  des  articles. 

C'est  un  précieux  avantage;  mais  selon  la  loi  ordinaire 
des  choses  humaines,  il  nous  faut  le  payer  par  quelques 
déboires  :  Philippe  Marie,  par  des  motifs  que  nous  n'avons 
pas  à  rechercher,  n'a  point  recours,  pour  faire  dresser  la  liste 
de  ses  livres,  à  des  savants  qui  eussent  élaboré  un  travail  : 
il  prend  trois  administrateurs  et  un  militaire  qui  exécutent 
en  quelque  sorte  une  consigne.  La  forme  qu'ils  suivent  est 
quasi  juridique  :  ils  commencent,  nous  l'avons  vu,  parles  li- 
vres de  la  rangée  du  bas  à  gauche  de  l'entrée,  et  ils  conti- 
nuent ainsi,  revenant  vers  leur  point  de  départ,  notant  au 
passage  une  étagère  de  bois  peint  près  du  balcon  qui  a  vue 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  377 

sur  la  ville  [in  una  capsa  picta  prope  balconem  respicienteni 
versus  cwitatem)^  et  où  reposent  une  vingtaine  de  volumes; 
plus  deux  sphères  de  cuivre  doré  ;  puis  d'autres  rayons  [in 
alla  capsa)  (1),  supportant  une  boussole  à  trois  chaînes  de 
bois  ne  formant  qu'un  seul  morceau  avec  le  pied,  ouvrage 
d'un  condamné  qui  avait  dû  sa  liberté  à  ce  chef-d'œuvre 
d'art  et  de  patience,  et  environ  i  40  nianuscrits  qui  semblent 
(je  ne  voudrais  pas  l'affirmer)  avoir  aussi  reposé  sur  les 
mêmes  rayons.  Enfin  une  vingtaine  de  volumes ,  désignés 
comme  de  médiocre  valeur,  sont  réservés  pour  clore  le  ca- 
talogue. 

A  défaut  de  méthode,  — et  Ton  serait  vraiment  peu  fondé 
à  en  exiger  :  «  la  bibliographie  est  une  science  toute  mo- 
derne et  qui  ne  pouvait  naître  qu'après   Fimprimerie,  »  a 
très-justement  remarqué  notre  auteur,  —  la  régularité  est 
parfaite,  et  la  tâche  s'est  accomplie  comme  le  duc  voulait 
qu'elle  le  ftl  par  ce  capitaine  et  ces  trois  praticiens.  La  con- 
séquence immédiate,  on  s'en   est  déjà  aperçu,   c'est  que 
le  catalogue  de  1426  est  une  pièce  dont  la  lecture  eût  fait 
dresser  les  cheveux  à  Pétrarque.  Le  bas  latin  s'y  étale  à 
plaisir  avec  ses  barbarismes  et  ses  solécismes,  que  l'éditeur 
a  scrupuleusement  respectés,  c'est  tout  naturel.  On  en  sera 
quitte  pour  recourir  au  glossaire  de  Du  Gange.   J'avertis 
qu'on  aura  à  en  faire  un  fréquent  usage,  et  peut-être  pas 
toujours  avec  succès,  comme  cela  m'est  arrivé  pour  l'ex- 
pression 

Scrîptum  cum  taxillis  in  rotundinis 

qui  m'a  mis  l'esprit  à  la  torture  et  qu'après  vingt  supposi- 
tions j'ai  dû  renoncer  à  interpréter. 

Une  autre  conséquence  encore  du  choix  des  préposés  à  la 

(1)  Je  suis  peut'étre  bien  hardi  en  traduisant  capsa  par  raytfns^  alors 
qu^habituellement  il  se  rend  par  caisse,  cassette^  son  dérivé  direct.  Ce- 
pendant, je  vois  que  le  mot  se  trouve  dans  Martial  avec  Pacception  de 
cases  à  faire  sécher  le  fruit, 

26 


378  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

confection  de  l'inventaire,  c'est  que  beaucoup  de  titres  ont 
été  mal  copiés.  Cela  saute  aux  yeux  pour  les  textes  français 
surtout. 

Mais  c^est  assez  parler  des  défauts  de  ce  document  :  il 
nous  platt  bien  mieux  de  revenir  à  ses  qualités.  Ne  disser- 
tons pas  sur  cette  thèse  générale  :  «  de  la  lumière  que  jet- 
tent les  catalogues  anciens  sur  l'état  des  idées  et  des  con- 
naissances à  l'époque  où  ils  ont  paru.  »  Bornons-nous  à 
nous  féliciter,  comme- amateurs  de  livres,  de  posséder  main- 
tenant pour  la  librairie  de  Pavie  une  nomenclature  telle 
qu'il  faut  bien  peu  d'effort  d'imagination  pour  nous  figurer 
la  voir  passer  réellement  sous  nos  yeux.  Chaque  volume  est 
désigné  intérieurement  par  son  Incipit  et  ses  derniers  mots, 
eltérieurement  par  son  format  et  sa  reliure.  Telles  sont  les 
bases  générales  de  description.  Mais  elles  n'excluent  pas, 
heureusement,  une  foule  de  minutieux  détails,  vrai  régal  de 
curieux,  sur  les  conditions  tant  intérieure  qu^extérieure  du 
livre.  On  nous  dit  s'il  n'est  pas  complet  et  s'il  y  manque  le 
commencement  ou  la  fin,  s'il  a  quelques  feuillets  rongés; 
on  mentionne  tantôt  qu'il  est  de  peu  de  valeur,  tantôt  qu'il 
est  de^  très-grande  beauté  ;  on  indique  la  langue  dans  la- 
quelle il  a  été  écrit,  quand  ce  n'est  pas  le  latin,  le  sujet  traite 
quand  le  titre  ne  le  fait  pas  assez  connaître  ;  s'il  est  en  prose 
ou  en  rime,  à  longues  lignes  ou  à  deux  colonnes  ;  sur  quel 
tissu  porte  l'écriture  :  une  ou  deux  fois  c'est  sur  papyrus  (?) 
[in  papiro)^  assez  rarement  sur  papier  [cartà)^  sur  parche- 
min est  donc  la  règle  ;  le  genre  d'écriture  est  souvent  indi- 
qué aussi,  selon  qu'elle  est  en  lettre  cursive  {notarina)^  en 
lettre  moulée,  en  lettre  moulée  de  Paris.  Quand  le  livre  est 
orné  de  dessins,  on  ajoute  l'épithète  «  historié  ou  avec  mi- 
niatures. » 

Nous  avons  également,  dans  un  cas  ou  deux,  des  rensei- 
gnements sur  la  provenance  du  volume.  On  nous  dit,  par 
exemple,  qu'il  fut  donné  à  telle  princesse  de  la  famille  et 
apporté  par  un  chapelain  (jpreçedinus). 

On  spécifie,  quant  au  format,  s'il  est  petit,  grand  ou 


^ 


LA  BIBUOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  379 

moyen,  si  le  livre  est  épais  ou  assez  épais  {grossi^  satis 
grossi  ifoluminis). 

Les  particularités  pour  la  reliure  abondent  encore  davan- 
tage :  milanaise  presque  toujours,  il  arrive  exceptionnelle- 
ment qu'elle  est  indiquée  comme  parisienne,  ou  du  moins  à 
la  mode  de  Paris  {ad  modum  paris inum).  Tantôt  elle  est 
molle  [sine  assidibus)^  tantôt  à  ais  de  bois  (cum  assidibus)\ 
elle  porte  alors  des  clous,  des  clavettes  ou  fermoirs  de  métal, 
des  serrures  de  cuivre  ou  d'orichalque,  souvent  d'argent  ou 
de  vermeil. 

La  couverture,  rarement  collée  [impastatà)^  présente 
quant  à  la  matière  et  à  la  couleur  la  plus  grande  variété. 
Elle  est  de  toile,  ou  bien  de  cuir,  roux,  vert,  ou  blanc,  ou 
mi -partie  roux  et  noir,  tanné,  ou  brut,  ou  gaufré,  parfois 
bouilli  ou  qualifié  de  mince  (lepis)  ou  d'antique;  ou  bien 
elle  est  simplement  de  papier  ;  mais  dans  un  grand  nombre 
de  cas  elle  est  beaucoup  plus  luxueuse  :  de  camelot  {zam- 
bellotus\  de  drap  de  soie,  de  satin,  de  velours,  rouge,  azuré, 
queue  de  paon,  etc.  Il  arrive  aussi  que  le  livre  est  dans  un 
étui  ;  qu'il  porte  sur  les  plats  des  empreintes,  telles  qu'un 
lion  ou  des  figures  de  sainteté,  etc. 

Voici,  à  l'appui,  quelques  articles  de  la  consignaiio  libro» 
rum  ;  nous  les  prenons  parmi  les  livres  français  exclusive- 
ment. 

N<»  192.  Légende  sanctorura  in  galico  magni  voluminis  et 
grossi,  coperte  sera  alba  cum  clavis  et  clavaturis  argentî  aorati 
factis  ad.  S.  Incipiunt  Messire  son  Jerosmas^  et  finiantnr  des 
siicles. 

Sig.  D.  X  VIIJ. 

N®  202.  Aristotilis  pliilosophia  moralis  in  galico  cum  figura 
unius  doctoris  in  princîpio,  habentis  ante.se  unum  libram,  vo- 
luminis magni  et  grossi  coperti  corio  mbeo  scalpto.  Incipit  a, 
très  sovraneSy  e  très  excellentes  printe^  et  finitar  explicit, 

Sig.  in  corrigio.  CCCCLXXXXJ. 


:m  «ULF.ETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

N'*  !230.  Vita  sanctoriim  patrum  mediocris  voluminis,  scripUi 
in  gallj(:(i,  historîata  coperta  corio  albo  veteri.  Incipit  in  litteni 
riibca  Ci  comenza  le  livres  de  miracles  et  finitur  de  ceste  vie  anien, 

Sig.  D.  LXXV. 

N"  232.  De  regimine  prîncipum  liber  secnndum  Egidinm, 
inc(lio(TiH  vohiiuinis  copertus  veluto  rubeo,  cnm  clavis  ad  radios 
solis,  et  seraturis  argenti  aurati,  scriptns  in  galico.  Incipit  A  son 
spécial  se^nnr  et  iiiiitur  a,  ses  loiaus  amis. 

Sig.  D  X.  VU. 

N^  :2!)3.  Thésaurus  pauperuni  in  gallico,  voluminis  mediocris 
ooporti  coricï  veteri  \iridi.  Incipit  Ces  livres  est  appelés  thesors  et 
liiûtur  a  ^loirv^  t\  hommr  amen, 

Sig.  D.  XX  VJ. 

« 

N**  ^34.  Ronianus  de  veto  pavonis,  parvi  Yolnminis,  in  gallico, 
(*oporù  drnpo  sete  rubeo  cuni  duabus  seraturis  argenti  deaurati. 
Incipit  Jpres  chu  calixatulres  et  finitur  Explicii  le  romans  des 
CO/4.V  dt*  f*49iHm^  dottaius  domino  per  tlominam  Isabellam  sororem,  /. 
domine  ctmiiiisse  virtuium  die  ±1  Martij  portatus  per  prevedutum» 

Sig.  D.  LXXXXJ. 

N"^  ^30.  Gotifredus  de  Boiono  in  gallico,  Yoluminb  magm  et 
^rt)s$i  a^|>erti  corio  rubeo  sculpto.  Incipit  les  ancienes  hestories^ 
et  tluitur  pitsser  en  paille. 

Sig.  CCCCLXXXX  U. 

N**  ^i>4.  De  VII  peccatis  liber  parvus  in  galico»  copertus  corio 
p\K);^o  $i\e  car  ta  veteri  cum  uuo  leone  cum  VII  capitibiiSy  et  Insîg. 
vkv  c\>Qiitum  et  Sabaudie.   Incipit  Orpiels  harme  àatst  lieu  et 

ftiùtiir  de  mki!  flnre. 

Si^.  DXXV. 

N'  40%.  Filtpi^  de  na^ayre  in  galico  Wnrninis  para,  copcrtns 
vvito  albo  îtiipastJLto.  Incipit  F:lipe  de  namLnrre  et  tinttar  .^  lur 

Si^-  D.  XX. 

"^^  4iâ.  Petni5  Canfinalis  in  liogna  pro^dncùli.  i>oiiiniinîs 
diocr:>  ooperd  cvrîo  jdbo«  Incipit  t^jazùrns  et  tînitiir  tomem  •'&•«•/, 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  381 

N°  413.  Liber  parvus  vêtus,  copertus  assidibus,  tractans  de 
Guillelmo  de  Orenga.  Incipit  Signor  e,  dames  et  fînitur  la  ba- 
taille de  liscanSy  pauci  valons. 

Sig.  DVIJ. 

N°  774.  Liber  unns  scriptus  in  papiro  in  gallico  tractans  de 
rege  Karolo  Martel  lo,  et  ugone  de  Alvergnia,  copertus  corio 
niorello  sive  nigro  veteri.  Incipit  Ogiez  seignor  qe  dies  vos  et  fini- 
tur  deus  vos  benedie^  amen^  amen  adon, 

Sig.  E. 

N*^  777.  Liber  unus  in  gallico,  hystorie  Floramontis,  copertus 
velulo  rubeo  cum  una  seratora  argenti  deaurata.  Incipit  in  textu 
Cil  qui  a  cuer  de  vaselage  et  finitur  A  donc  furetrais  par  Aymon» 

Sig.  e. 

N^  8J3.  Orationes  plures  in  gallico,  et  latino,  voluminis  parvi 
cum  assidibus  et  seraturis  argenti  deanrati  cam  beata  yitgine, 
eius  filio,  et  tribus  Magis  ab  una  parte  et  cum  Deo,  et  beata 
virgine  Maria  ab  alia.  Incipiunt  douce  dame  et  iiniuntur  per  xpm 
dominum  nostrum  amen  y  in  una  capseta  parva. 

Sig.  CCCCLXX  IIJ. 

N°  814.  Opéra  béate  virginis  Marie  in  gallico,  parvi  volumi- 
nis, et  satis  grossi,  coperti  zambelloto  rubeo,  cum  seraturis  ar- 
genti. Incipiunt  Biau  Sire  et  finiuntur  paterno, 

Sig.  CCCC  LXX  VIIU. 

IS<*  829.  Liber  unus  sine  assidibus,  et  copertura,  parve  forme, 
in  gallico  in  versibus  scriptus,  habens  plura  folia  corrosa.  Inci- 
pit in  secundo  folio  primi  capituli  la  tierce  partie^  et  ûnitur  nos 
doint  en  la  fin  amen^  tractât  de  creatione  mundi,  et  habet  multa 
signa  intus  et  est  pauci  valons. 

N*»  852.  Liber  unus  in  gallico  scriptus  in  carta,  et  littera  for- 
mata, qui  Incipit  toutes  gens  désirent  por  nature  et  finitur  de  si 
très  gent  désire^  cum  assidibus  et  copertura  corii  rubei  levis  et 
est  historiatus. 

IN*"  854.  Liber  unus  parvus  in  gallico  in  carta,  et  littera  for- 
mata parisina  qui  incipit  Recorder  vrul  ey  {yuel  en)  ma  parole  et 
finitur  Archanges j  ct^  seraphim^  cum  assidibus  copertis  corio  ru- 
beo hirsuto,  et  duabus  clavetis. 


382  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

m^  856.  Liber  unus  in  gallico,  qui  vocatur  Troianiis,  mediocris 
voluminis  scriptns  in  carta,  et  littera  formata  qui  Incipit  in  m- 
brica  Ci  comence  li  prolonge  de  le  veraie  hestorie^  de  Troie  et  fini- 
tur  in  texta  deust  enstre  tenter  cam  assidibus  copertis  corio  viridi 
hirsulOj  et  quatuor  clavetis,  et  clavis  auricalchi. 

I9<>  864.  Liber  unus  in  gallico,  scriptus  in  carta  in  versibns,  et 
duobus  colognellis,  qui  Incipit  Segnor  baron  or  escoutes  et  finitur 
ques  ne  frunes^  en  vos  vies,  cum  assidibus  et  copertnra  corij  ad 
modum  parisinum. 

N^  865.  Liber  unus  Biblie  in  gallico  mediocris  voluminis  qui 
Incipit  Quanti  dies  ot  fait  le  ciel^  e,  la  terre  et  finitur  Tzes  grant 
loiant  qui  extoit  en  fabrisius,  copertus  cum  assidibus  grossis,  cum 
cullata  corij  rubei,  et  reliqua  parte,  corij  nigri. 

Pï^  884.  Liber  unus  in  galico  in  papiro  Scriptns  ad  duos  co- 
lognellos  qui  incipit  Jbiamnt  un  ior  de  nonce  ce  che  herodes  le  roy 
et  finitur  qui  nequiert  que  encombriet  cum  assidibus  papiri  et  co- 
pertnra corij  albi  birsuti. 

IS°  898.  Liber  unus  pulcerrimus  in  gallico,  magni  voluminis, 
qui  incipit  Onias  et  abatu  Monsegnor  main  et  finitur  vindrent  alor 
cum  assidibus  et  copertura  corij  rubci  levis. 

Sig.  DXXXJ. 

N°  900.  Liber  unus  in  gallico  qui  dicitur  romanus  de  la  Rosa, 
pulcerrimus,  qui  Incipit  Maintes  gens  dient,  que  en  songes  et 
finitur  a  tant^  fuyors^  et  ie  mesuele  cum  assidibus,  et  copertura 
strazala  corij  albi,  sive  viridis  et  est  in  versibus  ad  duos  colo- 
gnellos. 

N*^  915.  Liber  unus  in  gallico  et  in  liltera  notarina,  coperlus 
corio  albo  veteri  birsuto  mediocris  Yobminis.  Incipit  Conme  il 
soit  ainsi  que  la  terre  dou  leremerj  et  finitur  par  tous  tens  amen, 

N**  917.  Liber  unus  in  gallico  copertus  corio  mbeo  levi,  impas* 
tato  sine  assidibus.  Incipit  Ci  comence  le  livre  tailevant  maistre  et 
finitur  Trois  cens  cinquante  quatre. 

Sig.  X. 

N**  944.  Trojanus  unus  in  gallico  historialus,  cum  assidibus, 
copertus  veluto  azuro  cum  clavis  auricalcbi,  et  seraturis  argenti, 
et  scriptus  est  in  versibus  ad  colognellos  et  Incipit  Salamons  nos 
ensegna  et  finitur  deo  gratias  amen  amen. 


LA  BIBLIOTHEQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  383 

N^  952.  Liber  unus  Tristantîs  in  galiico  historiatus,  ciim  assi- 
dibus,  copertis  corio  rubeo  levi  cum  clavis  et,  seratoris  auricai- 
chi  et  Incipit  c'est  partie  et  finîtur  en  Mainsens» 

Ces  extraits  parlent  tout  seuls  :  ils  font  assez  voir  que  la 
publication  de  l'inventaire  de  1426  est  un  véritable  événe- 
ment bibliographique.  Un  de  ces  événements  trop  rares  en 
notre  siècle,  où  l'apparition  de  loin  en  loin  de  quelque 
partie  de  catalogue  de  grande  bibh'othèque  publique  est 
saluée  par  ceux  qui  savent  penser  comme  une  victoire  pour 
rhumanité,  victoire  bien  plus  féconde  que  tous  les  Sevasto- 
pol,  les  Solferino,  les  Sadowa  et  tous  les  Sedan  imagina- 
bles. Nous  tairons,  quant  au  titre  des  livres,  à  la  matière 
qu'ils  traitent  et  à  la  concordance  à  établir  avec  ceux  d'entre 
eux  qui  existent  encore,  les  réflexions  nombreuses  que  cette 
publication  nous  suggère  :  nous  ne  voulons  pas  déflorer  le 
sujet  en  anticipant  sur  ce  que  Téditeur  saura  dire  beaucoup 
mieux  que  nous  dans  sa  seconde  partie,  quand  il  fera  This- 
toire  de  la  collection  Visconteo-Sforzesque.  Nous  espé- 
rons qu'il  nous  fournira  sur  cette  concordance,  comme  sur 
les  autres  points,  de  copieuses  informations,  tout  en  lui 
concédant  qu'un  travail  complet  serait,  comme  il  le  dit, 
hérissé  de  difficultés,  même  pour  les  conservateurs  de  bi- 
bliothèques actuellement  chargés  de  la  garde  des  volumes 
qui  ont  survécu. 

S". 

9 

A  la  suite  de  la  consignatio  librorum^  nous  avons  80  pa- 
ges de  DOGUMENTI,  dont  voici  l'analyse  exacte. 

Ts°  1.  19  décembre  1423.  —  Lettre  du  duc  Philippe  Marie  à 
Rilia,  gouverneur  du  château  de  Pavie,  pour  lui  donner  ordre  de 
laisser  inventorier  la  librairie  et  de  prendre  part  à  Tinventaire. 

N^  2.  10  avril  14d0.  —  Envoi  par  Antonio  Guidobono  à  Gcco 
Simoneta,   premier  secrétaire  du  duc,  de  l'inventaire  alors  exis- 

tant. 


ZS-k  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

N°  3.  28  Dovembre  1453.  —  Le  gouverneur  de  Ja  citadelle, 
Bolognino  degli  AttendoUi,  écnt  directement  au  Duc  pour  se 
disculper  de  ce  que  certains  volumes  manquent. 

N°*  4,  5,  6.  28  nov.  1454.  —  Correspondance  entre  le  duc  ou 
son  secrétaire  et  le  gouverneur,  relativement  à  des  recherches  à 
faire  de  certains  volumes  ou  à  des  prêts  consentis  à  des  personnes 
désignées. 

N°"  7,  8.  19  janvier  et  15  mars  1456.  —  Augostino  di  Bara- 
chis,  syndic  de  Pavie,  à  Simoneta,  sur  l'état  du  matériel  de  là  li- 
brairie, et  ordre  au  même  syndic  d'y  réintégrer  des  lettres  qu'il 
avait  été  autorisé  à  en  extraire  (1). 

N*>*  9  à  20.  5mars  au  22  juin  1456.  t-  12  lettres,  la  plupart  de 
Ser(vus)  Fazinus  de  Fabriano,  secrétaire  (cancelliere)  chargé, 
en  se  fesant  aider  de  Barrachis,  d'inventorier  la  librairie,  d'y  faire 
rentrer  les  livres  prêtés  et  d'y  apporter  toutes  les  améliorations 
désirables. 

Les  numéros  13,  14  et  16  rendent  compte  de  visites  faites 
à  la  bibliothèque  par  les  ambassadeurs  de  France  et  par  des  re- 
ligieux de  divers  ordres  aux  dates  des  23  et  30  mars  et  17  avril. 
Dans  la  dernière  de  ces  lettres,  il  y  a  un  passage  extrêmement 
remarquable  et  qu'il  nous  faut  citer  en  entier. 

Facino,  écrivant  au  duc,  lui  dit  qu'il  n'entreprendra  pas  de 
répéter,  même  en  partie,  les  propos  louangeurs  tenus  par  frère 
Jacques  de  Mozanica,  général  des  frères  Mineurs,  d'autres  doc- 
teurs en  théologie  et  des  religieux  Carmélites,  sur  la  librairie  de 
Sa  Seigneurie  ;  il  rapporte  la  comparaison  qu'ils  ont  faite,  eux 
qui  vont  de  Naples,  de  Rome  et  de  beaucoup  d'autres  endroits  à 
Paris,  prendre  part  au  chapitre  général,  entre  cette  librairie, 
celle  de  Sa  Majesté  le  Roi,  celle  de  Cosme  de  Médicis  et  la  Vati- 
cane  que  voulait  créer  le  pape  Nicolas  ;  l'extrême  désir  qu'avait 
le  Saint-Père  de  voir  cette  librairie  de  Pavie,  au  point,  dit-il,  que 
m  beaucoup  d'entre  eux  ne  peuvent  se  mettre  dans  l'esprit  qu'il 
puisse  exister  sur  terre  rien  d'aussi  beau;  parmi  eux  il  y  en  a  eu 
qui,  en  entrant  dans  la  bibliothèque,  se  sont  agenouillés  et  ont 
élevé  vers  Dieu  leurs  mains  jointes  devant  un  aspect  si  admirable  ; 
et  après  avoir  entendu  lire  et  vu  le  catalogue,  ils  sont  demeurés 

(1)  La  citadelle  de  Pavie  contenait  aussi  les  Archives  ducales. 


LA  BIBLIOTHEQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  385 

plus  stupéfaits  qu'auparavant;  parmi  eux  s'est  trouvé  Maître  Ni- 
colas de  Naples,  procureur  des  Carmes  en  Cour  de  Rome,  qui  a  dit 
aimer  beaucoup  mieux  avoir  vu  cette  librairie  qu'être  allé  à  Jéru- 
ralem  au  Saint  Sépulcre.  Pour  conclure,  Monseigneur,  c'est  là  une 
gloire,  et  une  bien  grande  sur  la  terre;  et  ces  religieux  disent 
qu'ils  en  parleront  partout  pour  l'exaltation  de  votre  Illustrissime 
Seigneurie.  » 

S.  [egnore)  non  volglio  partitamente  scrivere  que  ahhia  decto  fra 
Jacomo  de  Mozanica^  générale  de  i  Minori  et  altri  magistri  de 
theologia  et  frati  de  i  Carmini  quali  vengono  da  Napoli^  da  Roma 
et  multi  luochi  che  vanno  ad  Capitula  in  Parisio  et  le  oratione  le  lodi 
que  dicono  per  questa  libraria  délia  S.  F.  La  comparatione  che 
fanno  de  questa  et  quella  délia  Maesta  del  Re^  o  quella  de  Cosmo 
et  quella  voliva  fare  papa  Niccola^  et  la  grande  volurttà  che  epso 
papa  havea  vedere  questa  libraria^  che  multi  non  se  possono  dore 
ad  intcndere  che  in  terra  sia  si  bella  casa  y  et  de  quelli  ce  sono 
stati  che  allô  intrare  délia  libraria  se  sonno  inginocchiati  a  gionte 
le  matio  ad  Dio  de  si  mirabile  cosa^  et  quando  inteso  et  veduto 
tordene  de  i  libri^  stanno  pià  stupidi  che  prima  et  alcuni  came  fo 
M.  Nicole  da  Napoli^  procuratore  de  i  Carmini  in  Corte  de  Roma, 
disse  havere  muUo  più  caro  aver  veduta  questa  libraria  che  essere 
andato  in  Jérusalem  al  Sepulchro,  Concludendo  S ,  [egnore)  ^  questa 
e  una  gloria  et  grande^  in  terra,  et  quisti  frati  dicono  ne  diranno 
per  tucto  in  exaltatione  délia  F,  III,  S.  alla  quale, . . . 

N**  21.  9  octobre  1456.  —  Ordre  au  podestat  de  Milan  de  sé- 
vir contre  un  citoyen  de  la  ville  qui  ne  voulait  ni  rendre,  ni  payer 
des  livres  achetés  du  libraire  Anselmo. 

N"  22.  2  novembre  1458. —  Demande  d'emprunt  au  nom  du 
duc  de  Savoie  d'un  Grand  Albert,  d'un  Spéculum  Historiale  de 
Vincent  de  Beau  vais  et  à!  una  bella  et  bona  bibillia, 

N°  23.  i  6  mars  1 458.  —  Réclamation  d'un  livre  appartenant 
au  duc  et  mis  en  gage  par  l'évéque  de  Novare  chez  un  Juif  nommé 
Manno  auquel  il  est  enjoint  de  le  restituer. 

N"  24.  27  mai  4458.  —  Ordre  d'envoyer  un  Priscien  et  un 
de  Le  gibus  de  Cicéron,  nécessaires  aux  études  du  fils  aîné  de 
François  Sforze,  le  comte  Galéaz. 

N°  25.  20  juin  1458.  —  Remercîments  à  Catone  Sacco,  Juris 
consulte,  pour  le  don  qu'il  a  fait  d'un  livre. 


\ 


386  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

N<^  26.  16  juin  1459.  —  Lettre  au  Prêtre  Jean  d'Abyssioie 
pour  lui  demander  une  copie  des  prétendues  œuvres  du  sage  Salo- 
mon. 

N°'  27  et  28.  17  et  18  octobre  1460.  —  Demande  et  accusa  de 
réception  par  Simonetta  d'un  Virgile  commenté  par  Senrios  avec 
une  glose  de  la  main  de  Pétrarque. 

N**  29.  Diverses  dates,  1460-63.  —  Pièces  relatives  à  des  dépen- 
ses pour  copie  et  enliuninure  de  livres. 

N°  30.  15  mars  1462.  —  Le  podestat  de  Bulgaro  est  chargé 
d^ntervenir  pour  activer  la  composition  d*un  ouvrage  de  méde- 
cine. 

N<^  31.  20  septembre  1463.  —  Remercîments  anticipés  de  Si- 
monetta pour  l'envoi  d'un  livre  sur  l'Astrolabe  et  le  Qua- 
drant. 

N°  32.  5  novembre  1464.  —  Le  gouverneur  du  château  de  Pa- 
vie  reçoit  ordre  de  faire  remettre  une  dizaine  de  volumes  qu'on 
lui  indique  aux  mains  du  précepteur  des  enfants  du  duc,  Fran- 
cisco Cajoni. 

N°  33,  20  novembre  1464. —  Lettre  de  François  Sforze  ordon- 
nant à  Bolognino  de  prêter^  mais  l'un  après  l'autre,  certains  vo- 
lumes au  Seigneur  Malatesta  de  Gesena. 

N°  34.  29  novembre  1464.  —  Le  duc  recommande  qu'on  ait 
des  soins  attentifs  pour  son  exemplaire  d'Homère  qu'il  avait  con- 
senti à  laisser  copier  pour  le  duc  de  Modène. 

N*'  3<^.  31  mai  1465.  —  A  cette  date  le  château  de  Pavie  a 
deux  gouverneurs.  François  Sforze  leur  écrit  en  lear  renvoyant 
le  Virgile  dont  il  est  question  plus  haut  ;  et  les  invite  à  tenir  la 
librairie  prête  à  recevoir  sa  visite  en  compagnie  de  Frédéric 
d'Aragon  et  de  sa  cour. 

N°  36.  1465.  —  Extrait  de  l'Inventaire  des  effets  et  joyaux 
ajoutés  à  la  dot  d'Isabelle  Sforze  lors  de  son  mariage  avec  le  roi 
Ferdinand  de  Naples.  Liste  des  livres  qu'elle  emporta  avec  elle. 

N°  37.  17  octobre  1467.  —  Deux  lettres  relatives  à  l'acquisi- 
tion projetée  par  le  duc  des  hvres  ayant  appartenu  à  Maître  An- 
dréa Carpano  de  Gôme  qui  venait  de  motuîr. 


LA  BœLIOTHÈQUK  DES  DUCS  DE  MILAN.  387 

N°  98.  7  janvier  1 468.  —  Galeaz  Marie  écrit  à  sa  mère,  loi  de- 
mandant de  faire  chercher  le  livre  de  prières  dont  fen  sod  père  se 
servait,  et  de  le  lui  envoyer, 

H"  39-^0.  Juin  et  octobre  1468.  —  Deux  lettres  relatÎTes  à 
des  recherches  à  faire  de  certains  livres  et  papiers. 

N°  41 .  Vers  1470,  —  Liste  de  livres  commandés  par  Antonio 
Guynatï,  maître  de  la  chapelle  ducale.  Tons  ces  livres  sont  enlumi- 
nés et  richement  reliés.  Le  prix  qu'ils  coûtèrent  est  indiqué  en 
regard. 

N°  42.  Même  époque.  —  Compte  relatifaux  frais  de  copie,  en- 
luminure et  reliure  de  parties  de  l'œuvre  de  Pétrarque. 

N°  43.  94 janvier  1470.  —  Jean  Galeaz  écrite  Jean  de  Atten- 
dolis  de  laisser  copier  pour  le  comte  d'Urbin  un  Pétrarque  de  la 
librairie  de  Pavie,  sans  toutefois  qu'il  puisse  être  emporté  hors 
de  la  ville. 

K°  44.  14  février  1471. —  Ordre  donné  par  Galeaz  Marie  de 
remettre  à  l'envoyé  de  son  oncle  Alexandre  Sforze,  Seigneor  de 
Pesaro,  le  Virgile  avec  glose  de  Pétrarque,  mais  sous  condition 
qu'il  soit  rendu  et  remis  en  place  dans  les  vingt  jonrs, 

H"  45-46. 1470-72. —  Fragments  ayant  rapporta  des  livres  et 
l>apîer9  conSés  à  diverses  personnes,  et  compte  de  dépenses  pour 
les  ornements  de  la  Chapelle  du  Duc,  qui  comprennent  les  pein- 
tures et  reliures  de  misïels,  etc.,  tout  comme  l'acquisition  de  qua- 
tre livres  déchantons  fr^inçaises  et  espagnoles  (!) 

H"  47.  S  juin  1472.  —  Le  Duc  a  fait  présent  au  Cardinal  de 
Nicée,  Bessarion,  d'un  volume  intitulé  de  Geais  regam  Franeie, 
11  donne  ordre  qu'un  le  lui  délivre.  La  même  mbsive  enjoint  an 
gouverneur  de  la  citadelle  de  mettre  en  liberté  un  prisonnier. 

No  48.  23  janvier  1474. —  Cette  lettre,  adressée  par  le  cabinet 
du  Duc  à  un  certain  Sagramoro  de  Rimini,  ligure  ici  par  suite 
d'une  erreur  reconnue  postérieurement.  L'éditeur,  qui  est  le  pre- 
mier à  rire  de  sa  légère  méprise,  avait  cru  à  nue  demande  des 
livres  Sibyllins.  Tandis  qu'il  est  réellement  question  de  peaux 
de  zibelines  (Sibilline),  que  le  fen  cardinal  de  Saint-Sixte  possé- 
dait et  que  le  Duc  voulait  acheter, 

(Bien  des  gens  ne  savent  pas  combien  en  pareil  cas  on  est  ex- 
posé à  se  tromper.  Primi  in  illum  lapidem  Jaciant  I) 


388  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

N<>  49.  i6  septembre  1475. —  Lettre  de  François  Filelfe  à  Ga- 
leaz  I^Iarie,  l'adjurant  de  par  Uippocrate  de  ne  pas  laisser  son 
(ils  Jean  Galeaz  boire  du  vin  pur. 

Cette  lettre  a  été  publiée  parce  qu'elle  est  inédite  et  quoiqa'elle 
soit  étrangère  au  sujet. 

N^  50.  13  janvier  1477.  —  Lettre  de  Léonardo  Botta,  envoyé 
près  de  la  Seigneurie  de  Venise,  au  Duc  et  à  la  Duchesse  Régente^ 
pour  leur  recommander  les  intérêts  de  Nicolas  Jenson  qui  avait 
une  succursale  à  Pavie. 

Document  de  la  plus  grande  importance  pour  l'histoire  da  cé« 
lèbre  imprimeur  français,  et  que  n*ont  connu  ni  Sardini,  ni  Aug. 
Bernard. 

N^  51.  16  octobre  1477.  —  Lettre  signée  Bona  duchesse  de 
Milan,  ordonnant  la  remise  d'une  des  deux  mappemondes  qui  sont 
à  la  librairie. 

N®  52.  7  octobre  1478.  —  Reçu  donné  par  Galasso  de  Galas«i 
de  onze  volumes  de  Cicéron,  Valère  Maxime,  Terence,  Tite- 
Live,  etc. 

N°  53.  11  ju'tn  1478.  Décret  en  latin  de  Jean  Galeaz  et  de  la 
Régente  sa  mère,  par  lequel  ils  déclarent  prendre  à  leur  service 
le  peintre  savoyard,  Jean  des  Sages  (de  Sapientibus). 

N°  54. 13  juin  1479.  —  Le  gouverneur  du  château  de  Pavîe, 
annonce  à  la  Duchesse  qu'il  envoie,  suivant  ses  ordres,  des  livres  à 
Ambrosio  Griffe. 

N°  55.  1492  et  1494. —  Deux  suppliques  de  Demetrius  Ghal- 
condyle  à  la  Duchesse  pour  lui  exposer  sa  détresse  pécuniaire  et 
lui  demander  des  secours. 

No»  56  et  57.  25  et  3  juin  1 483.  -—  Deux  lettres  de  Louis  le 
More  au  commissaire  ducal  à  Parme  pour  qu'il  lui  envoie  un  cer- 
tain peintre  nommé  Maître  Christalino. 

N®  58.  10  novembre  1488.  —  Lettre  en  latin  adressée  par 
Louis  le  More  à  Jean  Corvin,  fils  naturel  de  Mathias  et  élève  de 
Taddeo  Ugoleio,  pour  avoir  une  copie  du  Pompeias  Festus  de  la 
bibliothèque  de  Bude. 

N<»  59.  31  décembre  1489.  —  Jean  d'Atlendolo  écrit  au  duc 
qu'il  va  se  conformer  à  l'ordre  qu'il  a  reçu,  et  envoyer  la  liste  des 
rubriques  de  tous  les  volumes  de  la  Libraria  dès  qu'il  aura  fini 
de  les  faire  copier. 


t. 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  389 

N<*  GO.  vers  JiiOO. —  Le  prêtre  Jean  Pierre  Biragae,  miniatu- 
riste, se  plaint  au  Duc  d'avoir  été  volé  d'un  petit  livre  d'Heures 
(offiziolo),  resté  inachevé,  par  un  certaiTi  frère  Jean  Jacques  et 
(l'ayant  fait  arrêter  apparemment)  demande  qu'on  ne  le  mette  pas 
en  liberté  tant  qu'il  n'aura  pas  payé  le  prix  du  volume. 

N"*  61 .  Même  époque.  —  Relevé  de  travaux  faits  dans  les  salles 
basses  du  château  de  Pavie, 

N°'  62  et  63.  Tours.  10  décembre  149i.  Paris,  31  janvier  1492. 
—  Deux  lettres  écrites  par  Erasme  Brasca  à  Bartolomeo  Calco, 
premier  secrétaire  de  Louis  le  More,  rendant  compte  de  la  mis- 
sion qu'il  a  reçue  d'aller  en  France,  à  la  recherche  de  livres  et 
de  manuscrits  qu'on  ne  trouvait  que  difficilement  en  Italie. 

No  64.  15  mai  1492.  —  Denis  Fan  (?)  rend  compte  à  Louis  le 
More  de  l'emploi  du  temps  de  ses  neveux  à  Pavie,  notamment  de 
leurs  lectures. 

N°  65.  14  novembre  1492.  —  Tristano  Calco  écrit  en  latin  au 
secrétaire  Bartolomeo  son  parent  relativement  aux  livres  de  Pa- 
vie qu'il  a  fait  restaurer  ;  il  signale  une  découverte  qu'il  a  faite, 
aux  dernières  pages  de  Chroniques  mises  au  rebut,  de  traditions 
utiles  au  bien  de  la  religion  et  veut  les  soumettre  au  jugement  de 
Bartolomeo. 

N»  66.  30  avril  1494.  —  Lettre  de  Taddeo  Vicomercato  à 
B.  Calco  son  beau-père,  datée  de  Venise  où  il  a  demandé  com- 
munication pour  Chalcondyle  d'un  iElien  faisant  partie  de  la  Bi- 
bliothèque de  la  Seigneurie.  Il  rend  un  compte  bien  peu  avanta- 
geux de  l'état  de  ces  volumes  et  de  Tordre  qui  règne  dans  leur 
classement. 

«•»  67  à  70,  24  novembre  1494  au  20  mars  1495.  —Lettres 
des  frères  de  Pusterla,  commandants  de  la  citadelle,  parlant  de 
gages  qu'ils  proposent  d'exiger  pour  le  prêt  de  plusieurs  livres, 
de  l'envoi  qu'ils  font  des  œuvres  du  Dante  avec  dessins  coloriés 
et  d'une  visite  de  l'ingénieur  Bramante  qui  est  venu  dessiner  Tor- 
nementation  de  la  salle  de  l'Horloge. 

N°  71.  11  juin  1490  au  3  septembre  1496.  —  Cinq  lettres 
adressées  à  Louis  Sforze  par  Bartolomeo  ou  Tristano  Calchi  et 
par  un  frère  Pometi  ;  plus  une  autre  de  Tristano  à  Bartolomeo, 
en  latin.  Toutes  ont  rapport  aux  réformes  et  à  Tordre  à  intro- 


390  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

dnire  dans  la  librairie  ou  à  des  recherches  d'ouvrages  qui  y  ont 
été  faites. 

N*  72.  Pavie  1494.  — ^  Dédicace  à  Louis  Sforze  de  l'ouvrage 
de  Nicolaus  Syllacius  de  InsuUs  Meridiani  atque  Indici  Mari  mt" 
per  inventis.  Pavie,  Girardenghi,  s.  d.  (vers  la  fin  de  1494),  em- 
pruntée à  la  réimpression  qu'en  a  fait  faire  en  1866  le  grand  bi- 
bliophile newyorkais,  M.  James  Lenox,  sur  l'exemplaire  qu'il 
possède,  le  seul  connu  outre  celui  de  la  collection  TriTolzi. 

L'auteur  donne  cette  pièce  à  cause  de  sa  rareté  d'abord^  et  pois 
parce  qu'elle  fait  voir  tout  l'intérêt  que  prenait  Louis  le  More  aux 
découvertes  de  Christophe  Colomb. 

N<>  73.  8  juin  1496.  —  Lettre  de  Louis  Marie  Sforze  au 
R.  P.  Guy  Antoine  Arcimboldo  pour  lui  demander  d'engager 
Pietro  Vannucci  (le  Pérugin),  qui  se  trouvait  alors  son  commen- 
sal, à  venir  remplacer  à  Milan  un  peintre  qui  y  avait  causé  du 
scandale.  Il  peut  promettre  une  large  rémunération,  mais  devra 
s'abstenir  de  toute  ouverture  si  le  Pérugin  a  des  engagements  an- 
térieurs avec  la  Seigneurie  de  Venise. 

N^  74.  3  septembre  1497.  —  Jacques  de  Pusterla  écrit  au  duc 
que  les  «  Magnifiques  orateurs  de  rillustrissime  Seigneurie  de 
Venise  »  sont  venus  à  Pavie,  et  qu'il  a  suivi  les  ordres  qu'il  avait 
reçus  en  leur  faisant  visiter  le  château  et  particulièrement  la  li- 
brairie. «  Elle  leur  a  paru  chose  tout  à  fait  admirable  et  ils  disent 
qu'il  n'existe  rien  de  plus  beau  au  monde  »  (1). 

N*»  75.  29  août  1499  au  30  avril  1500.  •—  Extraits  des  DiarJ 
de  Marin  Sanuto  rendant  compte  des  outrages  qu'eurent  à  su- 
bir les  villes  du  Milanais  de  la  part  des  troupes  françaises  vic- 
torieuses. 

L'auteur  en  tire  l'induction  que  le  pillage  de  la  Librairie  eut 
lieu  le  26  août  1499  ou  les  jours  qui  suivirent. 

r^*"  76.  3  février  1804.  —  Lettre  du  préfet  général  des  archives 
et  biliothèques  de  la  République  Italienne,  demandant  à  l'archi- 
viste de  la  nation,  Daverio,  un  mémoire  sur  les  moyens  de  récu- 


(1)  Les  ambassadeurs  yénitibos,  en  général,  avaient  beanconp  tu  et 
savaient  bien  voir.  Tout  en  croyant  possible  de  leur  part  une  certaine 
exagération  complimenteuse,  il  nous  faut  reconnaître  que  leur  éloge  a 
son  prix. 


LA  BIBUOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  391 

pérer  les  lettres  des  ducs  de  Milan  emportées  en  France  par 
Louis  XII,  comme  butin,  avec  leur  bibliothèque. 

Nous  avons  tenu  à  détailler  toute  cette  partie  des  In- 
daginL  C'est  incontestablement  celle  à  laquelle  l'auteur 
tient  le  plus,  celle  qui  lui  a  coûté  le  plus  de  labeur,  celle 
qu'apprécieront  bien  ceux-là  seuls  qui  ont  entrepris  et  qui 
poursuivent  des  travaux  du  même  genre.  Les  Archives 
royales  de  TÉtat  à  Milan,  que  dirige  Tillustre  historien 
Cesare  Cantù,  lui  ont  fourni,  sauf  une  ou  deux  excep- 
tions, toutes  ces  pièces  justiBcatives.  Nous  croyons  faire  une 
œuvre  utile  en  cherchant  à  les  faire  connaître  en  France  où 
le  livre  qui  les  contient  a  peu  pénétré  et,  fâcheusement  pour 
nous,  ne  se  répandra  guère  davantage  :  en  effet,  il  a  été, 
nous  l'avons  dit,  tiré  à  petit  nombre  et  l'édition  est  à  peu 
près  épuisée. 

s  m. 

Il  nous  faut  maintenant  parler  des  Prolégomènes  qui  ou- 
vrent le  volume  et  en  forment  à  peu  près  le  quart.  C'en  est 
la  partie  la  plus  brillante.  L'auteur  en  les  présentant  comme 
simple  introduction  à  la  portion  de  son  travail  qui  n'a  pas 
encore  paru,  nous  donne  l'idée  la  plus  avantageuse  de  ce 
que  nous  avons  encore  à  attendre  de  lui. 

Nous  n'avons  fait,  en  tout  cas,  que  nous  conformer  à  la 
pensée  même  du  livre  en  intervertissant  ici  l'ordre  dans  le- 
quel les  matières  s'y  succèdent. 

Nous  avons  d'abord,  sous  le  titre  de  Discours  prélimi- 
naire^ un  exposé  des  raisons  qui  ont  fait  entrepreridre  la  pu- 
blication de  l'inventaire  de  1426  et  des  documents  à  l'ap- 
pui. Cet  exposé  comporte  des  développements  dont 
aucun  lecteur  ne  songera  à  se  plaindre.  Tout  naturelle- 
ment, on  y  indique,  mais  de  façon  sommaire,  comment  a 
commencé,  comment  s'est  accrue  sous  divers  princes  la 
librairie  dont  ils  prirent  tous  le  plus  grand  soin,  même  les 
plus  féroces  d'entre  eux;  conunent  elle  a  été  enlevée  à  Tlta- 


392  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

lie  après  avoir  été,  tout  le  fait  supposer,  pillée  en  partie 
avant  que  le  roi  de  France  en  prît  possession. 

L'idée  de  Tœuvre  était  née  chez  l'auteur  dès  1858.  EUe 
lui  avait  été  inspirée  par  la  lecture  d'une  Histoire  de  Papie 
où  était  formulé  le  vœu  que  quelque  érudit  allât  rechercha 
le  fonds  de  cette  bibliothèque  dans  «  certains  des  palais 
royaux  de  France  (1)  ». 

En  voyant  que  des  bibliographes  ou  des  historiens  de  la 
littérature  tels  que  Ëdvir.  Edwrards,  Hallam,  Beriah  Botfield 
ont  gardé  le  silence  sur  cette  belle  collection  ;  que  les  au- 
teurs français  qui  en  parlent  ont  répété  une  bévue  de  Valéry, 
lequel  en  attribue  la  réunion  à  Galeaz  Marie  Sforze  (1476) 
et  rend  contemporain  de  ce  dernier  Pétrarque  mort  plus 
de  cent  ans  auparavant,  M^  d'Adda  s'est  senti  encore 
raffermi  dans  son  dessein  de  publier  sur  ce  sujet  un  travail 
sérieux;  et  les  publications  récentes  de  M.  Enea  Piccolomi- 
ni  et  du  professeur  PioRajna  sur  les  bibliothèques  des  Médî- 
cis  de  1494  à  1508  et  sur  les  codices  français  des  marquis 
d'Esté  au  quinzième  siècle  excitaient  aussi  son  émulation. 

Ses  premières  recherches  aux  archives  de  Milan  étaient 
terminées  en  1868  quand  il  fut  devancé,  comme  il  dit,  par 
M.  Léopold  Delisle.  Un  peu  découragé  d'abord,  il  consi- 
déra que  le  chapitre  du  Cabinet  des  Manuscrits  consacré  à 
la  librairie  de  Pavie  pouvait  être  avec  fruit  pris  comme  base 
d'une  monographie  complète  ;  il  se  remit  alors  avec  une 
persévérante  ardeur  à  la  tâche  commencée  et  il  l'a  conduite 

(1)  A  la  «uite  de  cette  phrase  l'auteur  de  V Histoire  de  Pavie  en  ques- 
tion, le  comte  Gualtieri  di  Brenna,  a  ajouté,  en  parlant  de  Tenlèvemenr 
de  la  Bibliothèque  par  les  Francis  :  c  La  coutume  iusultante  de  Toier 
'  les  chefs-d'œuvre  de  l'art  ayant  été  introduite  depuis  par  cette  nation,  i 
On  pourrait  répondre  à  cela  que  les  Français  n'avaient  pas  le  mérite  de 
l'invention  et,  sans  parler  de  ce  qu'on  lit  dans  l'Écriture,  elle  est  pent- 
étre  due  à  des  habitants  de  l'Italie,  c'est-à-dire  aux  Romains,  qui  ne  se 
faisaient  aucun  scrupule  d'emporter  les  dépouilles  des  peuples  vaincus. 
Or  les  Français  de  Charles  Vill  et  de  Louis  XII  n'étaient  guère  plus 
civilisés  que  les  anciens  Romains.  Napoléon  l^^"  l'était  davantage  et  est 
moins  excusahle.  Aussi  les  Alliés,  en  1815»  se  sont  chargés  de  noasle 
faire  sentir. 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  393 

jusqu'au  point  où  elle  est  aujourd'hui;  reculant  d'anne'e  en 
année  le  moment  de  lui  donner  une  forme  définitive,  parce 
cjue  sans  cesse  de  nouveaux  matériaux  venaient  s'ajouter 
aux  précédents,  donner  de  l'importance  aux  points  qui  pri- 
mitivement paraissaient  accessoires,  l'obliger  ainsi  à  des  re- 
maniements continuels,  et  qu'en  pareille  occurrence  il  fout 
avoir,  dit-il,  «  afin  de  mieux  entrer  dans  l'esprit  du  sujet, 
le  courage  de  ne  pas  se  hâter.  » 

Venant  à  l'origine  de  la  Librairie  nous  constaterons  entre 
les  Indagini  et  M.  Léopold  Delisle  un  désaccord  qui  n'est 
peut-être  qu'apparent.  M.  Delisle  la  fait  remonter  jusqu'à 
Azzo  Visconti  pour  lequel  fut  (opié  en  1331  le  Panthéon  de 
Godefroi  de  Yiterbeque  nous  avons  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale sous  le  n*^  4895  du  fonds  latin  ;  et  il  cite  encore  d'au- 
tres livres  copiés  pour  les  successeurs  immédiats  d'Azzo. 
M.  d'Adda,  s' attachant  sans  doute  moins  au  fait  de  la  pos- 
session qu'à  celui  de  la  réunion  intentionnelle  des  livres, 
regarde  comme  fondateur  de  la  librairie  Galéas  U,  qui  mou- 
rut en  1378.  11  réserve  les  détails  de  tout  ce  qui  s'est  passé 
entre  la  fondation  et  la  dispersion  pour  la  seconde  partie 
de  son  ouvrage,  où  il  compte  faire  méthodiquement  l'his- 
toire de  la  collection.  Il  s'appesantit  seulement  d'une  façon 
très-marquée  sur  les  circonstances  qui  ont  accompagné  cette 
dispersion  des  livres  de  Pavîe,  déjà  commencée  d'ailleurs 
avant  que  les  Français  eussent  paru  devant  la  place,  car  Lu- 
dovic le  More  emporta  certainement  une  partie  de  ses  plus 
précieux  volumes  quand,  au  commencement  d'octobre 
1499,  il  alla  à  Innspruck  solliciter  le  secours  de  l'empe- 
reur Maximilien,mari  de  sa  nièce.  Notre  auteur  se  demande 
qui,  dans  l'acte  de  la  spoliation,  a  été  l'exécutem*,  et  il 
trouve  que  c'est  Jean-Jacques  Trivulce,  l'ennemi  acharné 
des  Sforze  dont  il  était  haï  au  même  degré;  qui  en  a  été 
l'instigateur  et,  un  peu  à  notre  surprise,  il  découvre  que 
c'est  une  femme,  une  reine  de  France,  Ajine  de  Bretagne 
en  un  mot,  «  fatale  aux  bibliothèques  italiennes  »,   qui, 

dans  sa  passion  pour  les  beaux  livres  à  miniatures,  aurait 

26 


394  BULLETIN  DU  EfflUOPHILE, 

pesé  sur  les  déterminatioDS  de  ses  deux  maris,  pour  les 
faire  s  emparer  des  bibliothèques  de  Naples  et  de  Pavie.  A 
l'appui,  sont  produits  des  textes  où  le  caractère  de  la  reine 
est  présente  sous  un  jour  des  plus  défavorables,  où  elle  est 
même  formellement  accusée  de  concussion  ;  de  telle  sorle 
qu'il  lui  devient  permis  de  s'écrier  avec  quelque  apparence 
de  raison  a  qu'Anne  de  Bretagne  n'est  pas  toujours  restée 
l'Hermine  sans  tache  et  qu'elle  a  failli  cette  fois  à  sa  devise  : 

POTIUS  MORI    QUAM  FŒDARI.   » 

Ces  accusations  nous  semblent  bien  graves.  Nous  ne 
nous  jugeons  pas  assez  compétent  pour  les  discuter.  L'his- 
torien d'Anne  de  Bretagne,  M.  Le  Roux  de  Lincy,  pourrait 
seul  les  réduire  à  leur  exacte  valeur,  lui  qui  a  précisément 
affirmé  le  contraire,  c'est-à-dire  que  le  goût  pour  les  livres 
fut  inspiré  à  Anne  d'abord  par  son  père,  puis  par  les  deux 
rois  ses  époux  ;  ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est  qu'on  sent 
percer,  là  et  dans  quelques  autres  cas  semblables,  une 
pointe  d'irritation  et  d'amertume.  C'est  l'expression  d  un 
sentiment  patriotique  et  artistique  surexcité  qui  ne  vise  en 
rien,  c'est  bien  clair,  notre  génération  actuelle  ;  nous  compre- 
nons jusqu'à  un  certain  point  ce  sentiment  et  nous  nous 
en  sentons  d'autant  moins  blessé  que  M.  le  marquis  d'Ad- 
da  aime  sincèrement  notre  nation,  et  nous  savons  qu'il  est 
un  de  ceux  qui,  s'appliquant  le  mot  connu,  disent  qu'ils  ont 
deux  patries  :  la  leur  et  puis  la  France. 

L'incertitude  qui  règne,  quant  à  l'époque  précise  où  la 
librairie  de  Pavie  fut  expédiée  à  Blois,  a  donné  lieu,  en  vue 
de  la  publication  des  Indaginiy  à  des  recherches  très-labo- 
rieuses, mais  sans  succès,  dans  une  foule  de  livres  ou  dans 
des  pièces  appartenant  à  diverses  bibliothèques  ou  archives 
italiennes.  Ces  recherches  ont  eu  toutefois  pour  excellent 
résultat  qu'après  avoir  suivi  en  France  les  livres  de  ses  an- 
ciens souverains,  l'auteur  passe  en  revue  les  catalogues  con- 
nus de  la  librairie  de  Blois  où  l'on  pourrait  les  retrouver, 
les  relations  de  voyageurs  qui  ont  parlé  du  château  de 
Blois  en  n'oubliant  pas  sa  librairie  ;  que,  dans  sa  quête  de 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  395 

renseignements  sur  ceux  des  faits  et  gestes  de  Charles  VIII 
et  de  Louis  XII  qui  rintéressent,  il  a  compulsé  toutes  les 
chroniques,  relations  ou  pièces  fugitives,  se  rattachant  à  la 
période  correspondante  de  l'histoire  de  ces  deux  rois,  qu'il 
nous  énumère  les  principales  et  nous  foit  connaître  dans  le 
nombre,  les  titres  de  quelques  livres  très-rares  ou  de  pièces 
uniques  qui  se  recommandent  à  toute  Tattention  des  biblio- 
philes. 

Le  Dîscorso prelimînare  est  suivi  de  plusieurs  appendices 
fort  intéressants. 

Le  premier  est  principalement  relatif  aux  rapports  qui 
ont  existé  entre  Pétrarque  et  Richard  de  Bury,  Fauteur  re- 
nommé du  Philobiblion^el  qui  avaient  commencé  à  Avignon 
en  1331.  La  part  que  Pétrarque  a  prise  à  la  fondation  de  la 
librairie  de  Pavie  par  Galéas  U  n*y  est  pas  examinée  :  on 
en  parlera  dans  le  second  volume.  Mais  divers  autres  points 
y  sont  établis,  tels  que  la  possibilité  que  Pétrarque  se  soit 
rencontré  aussi  avec  Chaucer, en  1371,  à  Milan;  la  confor- 
mité de  certains  goûts  du  poète  italien  et  du  chancelier  an- 
glais ;  Terreur  des  biographes  (1)  qui  parlent  des  voyages 
de  ce  dernier  en  Italie  où  il  n'est  jamais  allé  ;  le  fait  que 
Pétrarque  aurait  eu  à  se  plaindre  et  se  serait  plaint  en  ter- 
mes assez  vifs  des  réticences  de  Richard  de  Bury,  qui  au- 
rait effectivement  mis  de  la  mauvaise  volonté,  dans  leur  cor- 
respondance relative  à  Vextrema  TAtt/e,  sur  laquelle  Pétrar- 
que ne  pouvait  pas,  ignorant  le  grec,  aller  chercher  des 
indications  positives  dans  Pythéas,  Strabon  ou  Eratosthène; 
le  fait  aussi  que  ces  lettres  de  Tamant  de  Laure  à  Tëvéque 
de  Durham  ne  se  sont  pas  retrouvées,  mais  doivent  exister 
quelque  part  en  Angleterre. 

Le  second  appendice  a  pour  titre  Valentine  Visconti  et 
Anne  de  Bretagne^  et  la  matière  en  est  empruntée  en  grande 


(1)  Y  compris  lord  Campbell,  Lives  of  the  Cha/icellors^  où  je  lis, 
p.  185,  1. 1,  de  rédition  de  Philadelphie,  1847,  8»  :  c  He  twice  yisited 
Italy.  » 


396  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

partie,  on  nous  le  dit  et  cela  ne  pouvait  être  autrement,  à 
Le  Roux  de  Lîncy,  Inventaire  des  livres  de  Charles  dOr^ 
léans  (dont  roriginal  a  péri  avec  la  bibliothèque  du  Louvre) 
et  à  la  Renaissance  des  Arts  à  la  cour  de  France^  le  «  trè»- 
précieux  livre  »  de  Léon  de  Laborde.  Il  y  est  parlé,  pour  ce 
qui  regarde  la  première  de  ces  deux  princesses,  de  sa  pas- 
sion pour  les  livres,  dont  un  certain  nombre  lui  furent  don- 
nés par  son  père  quand  elle  devint  duchesse  d^Qrléans  (au 
grand  détriment  futur  tant  de  Tltalie  que  de  la  France)  et 
au  sujet  desquels  des  détails  se  trouvent  chez  les  auteurs 
que  nous  venons  de  citer  et  dans  les  Manuscrits  français^ 
de  M.  Paulin  Paris  ;  puis  de  la  vocation  poétique  de  Char- 
les d^Orléans  déterminée  par  la  lecture  des  sonnets  de  Pé- 
trarque que  lui  faisait  sa  mère  (i)  ;  du  petit  nombre  des  por- 
traits authentiques  de  celle-ci  ;  de  sa  résidence  à  Fhôtel  du 
petit  Nesle  ;  enfin  de  l'intérêt  qu'offrirait  sa  biographie  com- 
plète, qui  reste  encore  à  faire,  mais  que  la  dispersion  des 
archives  ducales  antérieures  à  1448  rend  très-difficile  à 
entreprendre,  en  même  temps  que,  depuis  Tincendie  al- 

(1)  L'appendice  II  commence  ainsi  :  «  Louis  XII,  môme  en  faisant 
abstraction  de  Tinfluence  de  sa  femme,  était  d*an  goût  raffiné,  amatenr 
passionné  des  belles  choses  de  tout  genre  et  particulièrement  des  ma- 
nuscrits richement  enluminés.  Fils  de  Charles  d^Orléans  et  petit-fils  de 
Valentine  Visconti,  l'amour  des  livres  devait  être  chez  lui  une  tradition 
de  famille.  :»  Mais  alors  il  nous  semble  que,  ce  caractère  du  roi  étant 
donné,  l'influence  de  la  femme  n'avait  point  à  s'exercer,  et  M.  d'Adda 
détruirait  ainsi  lui-même  l'accusation  qu'il  a  portée  plus  haut.  Louis  XII 
n'aurait  eu  aucunement  besoin  d'ctre  poussé  à  mettre  la  main  sur  la  Li- 
brairie de  Pavic.  Il  y  a  encore  autre  chose  qui,  selon  nous,  devait  Vy 
déterminer.  Sa  grand'mère  Valentine  n'était-elle  pas,  à  ses  yeux,  la  seule 
héritière  légitime  des  Visconti?  Dire  qu'il  a:  dépouilla  le  peuple  mila- 
nais »  est  une  idée  du  xix"  siècle,  qui  n'était  en  germe  dans  l'esprit  de 
personne  au  xv«.  Et  le  roi  eût  certainement  répondu  aux  reproches 
qu^on  lui  aurait  faits  par  impossible  :  c  Que  parlez- vous  de  peuple?  Que 
parlez-vous  de  spoliation?  Les  Sforze  sont  des  intrus,  et  en  m'appro- 
priant  les  fruits  de  leur  usurpation,  surtout  les  collections  formées  par 
mes  ancêtres,  je  rentre  en  possession  de  mon  patrimoine,  et  voilà  tout  !  i 
L'auteur  des  Indagini^  qui  se  montre,  à  cent  endroits  de  son  livre,  imbu 
en  histoire  des  principes  de  critique  les  plus  sains,  ne  nous  contredira 
certainement  pas  sur  ce  point. 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  397 

lumé  par  la  Commune  de  1871,  les  quelques  pièces  qui 
concernent  Valentine  de  Milan  et  que  possédait  la  biblio- 
thèque du  Louvre  se  trouvant  détruites,  la  difficulté  n'a  fait 
qu'augmenter. 

Quant  à  Anne  de  Bretagne,  elle  a  eu  comme  on  sait  son 
historien,  Le  Roux  de  Lincy,  et  l'auteur  italien  sait  reconnaî- 
tre tout  ce  qu'il  doit  à  l'auteur  français  en  lui  rendant  le 
service  de  le  populariser  de  l'autre  côté  des  Alpes.  Pour 
nous,  il  suffira  d'indiquer  que  dans  cette  partie  de  l'appen- 
dice sont  rapportés  les  détails  principaux  sur  l'éducation, 
la  composition  de  la  maison,  le  goût  pour  les  beaux  manu- 
scrits, le  célèbre  livre  d'Heures  etc.  d'Anne  de  Bretagne,  les 
artistes  qu'elle  a  fait  travailler,  les  fameuses  lettres  sur  vélin 
et  enluminées  qu'elle  adressait  à  Louis  XII,  ainsi  que  sur 
les  seize  exemplaires,  également  manuscrits  et  ornés,  de  la 
relation  de  ses  funérailles  ;  nous  n'avons,  pour  lire  tous  ces 
détails,  qu'à  recourir  à  l'ouvrage  de  Le  Roux  de  Lincy  cité 
plus  haut. 

Le  troisième  Appendice,  /  Ritratti^  les  Portraits,  est 
proprement  la  légende  explicative  de  la  belle  photographie 
qui  se  trouve  en  regard  du  titre  et  qui  nous  donne  la  face 
et  le  revers  d'une  large  médaille  représentant  Philippe 
Marie  «  le  dernier  de  la  race  sanguinaire  des  Yisconti; 
despote  sans  intelligence ,  prince  soupçonneux ,  que  ses 
ennemis  ne  virent  jamais  en  face  ;  qui  vécut  presque  incon- 
nu à  ses  propres  sujets;  tapi,  ainsi  qu'une  bête  fauve  en 
sa  tanière ,  au  fond  des  appartements  à  mystérieuses 
retraites  de  son  rocher  de  Milan ^  d'où  il  ne  sortait  que 
pour  aller  consulter  les  astrologues  ;  mort  étouffé  par  l'obé- 
sité, et  qui  était  si  ignorant  que,  sur  les  monnaies  de  son 
règne  on  remarque  des  fautes  d'orthographe  dans  son  nom 
même.  »  En  dépit  de  tout  cela,  son  portrait  devait  figurer 
en  tète  du  volume;  car  c'est  lui  qui  prescrivit  le  premier 
que  Ton  fît  à  Pavie  :  Descriptionem  et  unum  repertorium 
de  libns  et  rébus  existentibus  in  libraria  illic  nostra^  c'est- 
à-dire  un  inventaire  en  forme. 


398  BULLF/riN  DU  BIBLIOPHILE. 

Le  médaillon  de  bronze  reproduit  par  le  photographe  et 
qui  appartient,  à  ce  que  j'ai  pu  comprendre,  à  une  riche 
collection  léguée  à  la  ville  de  Milan  par  le  sénateur  comte 
Tavema  (1),  représente  d'un  côté  le  profil  de 

PHILIPPVS.  MARIA.  ANGLVS. 

DVX.    MEDIOLANI  ET  CETERA. 

PAPIE.   ANGLERIE.   QVE.   COMES. 

AC.  GENVE.  DOMINVS. 

coiffé  d'un  singulier  béret  à  la  phrygienne. 

Sur  le  revers,  infructueusement  étudié  jusqu'ici  par  To- 
clion  d'Annecy,  le  comte  P.  Litta,  Jos.  Ameth  et  M.  de 
Longpérier,  on  voit  trois  cavaliers  armés  de  toutes  pièces 
et,  dans  le  fond,  des  hauteurs  qu'on  suppose  figurer  la 
ville  de  Gênes. 

On  lit  au  bas  : 

OPVS.    PISANI.    PICT0RI8. 

Comme  garantie  d'authenticité  du  portrait,  nous  avons 
sa  triple  conformité  avec  la  gravure  sur  bois  attribuée  à 
Geoffroy  Tory  dans  l'édition  princeps  du  VitsB  Duodecim 
^;ccco/7i//w//i... Robert  Estienne,  1549,  4®,  avec  celle  d'Au- 
gustin Carrache  dans  Cremona  fedelissima  de  1682,  et 
avec  le  médaillon  de  marbre  qui  ornait  autrefois  la  façade 
de  l'ancien  palais  des  comtes  Marliani  à  Milan,  et  qui  est 
encastré  dans  une  paroi  de  la  demeure  des  comtes  Verri. 

L'artiste  qui  a  modelé  et  fondu  cette  belle  pièce,  Victor 
Pisano  ou  Pisanello,  qu'on  croit  originaire  de  Vérone  et 
qui  a  laissé  des  compositions  peintes  dans  le  Castello  de 

(1)  M«  d'Adda  dëplore  ici  en  termes  très-TÎgonreux  l'insouciance 
de  la  municipalité  qui,  depuis  Tacceptation  du  legs,  garde  toutes  ces 
médailles  au  palais  Marino  sans  qu'on  en  ait  entendu  parler  depuis.  U 
regrette  que  les  artistes  et  les  érudits  n'aient  pas  été  mis  à  même  de  les 
étudier,  et  il  termine  en  disant  :  a  Tous  les  hommes  ne  peuTent  cepen- 
dant pas  Tivre  rien  que  de  pain  assaisonné  de  la  maigre  portion  de  sel 
attique  qu'on  trouye  dans  les  journaux  politiques  à  cinq  centimes,  i 


\ 


LA  BIBLIOTHEQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  399 

Pavie,  est  le  premier  qui  ait  fait  revivre  en  Italie  Tart  tout 
romain  des  médailles  sans  valeur  monétaire. 

L* Angleterre  ne  Ta  suivi  qu'en  1480  dans  la  même  voie 
où  peut-être  l'avaient  précédé  les  Allemands.  Ceux-ci 
frappèrent  une  médaille  à  la  mémoire  de  Jean  Hus,  brûlé 
en  1415,  mais  fort  longtemps  après  sa  mort.  Puis  sont  venus 
les  Durer  et  les  Visscher,  et,  chez  nous,  on  n'aurait  com- 
mencé à  rimiter  que  sous  Louis  XIII,  les  premiers  noms 
de  graveurs  en  médailles  français  connus  étant  ceux  de 
Georges  Dupré  et  de  Jean  Yarin.  Il  y  a  sur  ce  point  une 
erreur  que  nous  nous  permettons  de  relever.  U  suffit  pour 
s'en  convaincre  de  recourir  aux  pages  254  et  256  du  tome  II 
de  la  f^ie  dC Anne  de  Bretagne,  On  y  voit  les  fac-similé  pho- 
tographiques de  médailles  en  l'honneur  de  la  Reine  et  de 
ses  deux  maris,  fondues  et  ciselées  à  Lyon  en  1493  et  1499. 
Pour  la  seconde,  qui  est  d'un  admirable  travail,  on  donne 
même  le  nom  de  l'artiste  ciseleur,  l'orfèvre  Lepère. 

Comme  pendant  au  portrait  de  Philippe -Marie  Yisconti, 
nous  aurons,  en  tête  de  la  seconde  partie  des  Indaginij  une 
photographie  du  médaillon  de  Louis  XII,  qui  ne  parait  pas 
être  connu  en  France  et  qu'on  attribue  à  Agostino  Busti 
dit  //  Bambaja, 

Le  quatrième  Appendice  donne  un  précis  de  l'histoire  des 
Inventaires  de  la  librairie  de  Pavîe,  Inventarj  e  loro  vicende. 

De  tous  les  inventaires  de  la  collection  qui  ont  pu  être 
dressés,  trois  seulement  sont  connus  : 

Celui  de  1426, 

Celui  de  1459, 

Et  un  dernier  de  1490  à  1497. 

L'original  du  premier,  sur  parchemin,  se  trouvait,  un 
siècle  plus  tard,  entre  les  mains  de  Stefano  Breventano, 
r  historien  de  Pavie,  qui  le  cite  dans  son  ouvrage  édité  par 
Muratori  :  nous  allons  bientôt  en  reparler. 

Une  copie  du  temps,  sur  papier,  faisait  partie,  à  la  fin  du 
dix-huitième  siècle,  de  la  riche  bibliothèque  du  comte  de 
Finnian,  dont  le  volumineux  catalogue  est  bien  connu  des 


400  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

bibliographes.  A  la  mort  du  comte,  en  1782,  ses  livres  et 
manuscrits  furent  partagés  entre  deux  bibliothèques  :  celle 
de  rUniversité  de  Pavie  et  celle  de  Brera.  C'est  à  cette  der- 
nière qu'échut  la  copie  du  catalogue  de  1426,  et  le  manu- 
scrit a  servi  à  la  publication  qui  en  est  faite  aujourd'hui 
intégralement,  pour  la  première  fois,  avec  la  savante  colla- 
boration de  M.  Pio  Rajna,  qui  a  accepté  la  tâche  ingrate  et 
difficile  de  coUationaer  les  épreuves  sur  ce  manuscrit. 

Un  troisième  exemplaire  est  indiqué  comme  ayant  été  la 
propriété  d'un  Vespasiano  de  Bisticci  (1421-1495),  dont 
aucun  biographe  n'a  daigné  parler  et  qui  fut  cependant  un 
libraire  de  grand  renom,  fournisseur  et  entrepreneur  de 
décoration  de  manuscrits,  et  auteur  de  f^ite  de  uomini 
illustri^  restées  inédites  jusqu'à  l'impression  qui  en  fiit  faite 
par  le  cardinal  Mai  dans  son  Spicilegium.  Vespasiano,  d'a- 
près un  passage  de  sa  Vie  du  duc  d  Urbi(i^  devait,  en  ef- 
fet, posséder  uu  exemplaire  du  catalogue  de  Pavie,  conmie 
il  en  avait  de  beaucoup  d'autres  bibliothèques,  qu'il  com- 
pare à  celle  si  renommée  du  duc  Federigo  de  Montefel- 
tro, 

11  nous  a  semblé  toutefois  qu'on  ne  prouve  pas  que  ce 
catalogue  n'était  pas  plutôt  celui  de  1459  que  celui  de 
1426;  et  en  admettant  que  ce  soit  bien  ce  dernier,  rien  ne 
s'opposerait  non  plus,  à  notre  humble  avis,  à  ce  que  le 
catalogue  de  Vespasiano  de  Bisticci  fût  justement  celui  que 
posséda  plus  tard  la  famille  deFirmian. 

Enfin,  il  y  a  à  la  bibliothèque  de  l'Université  de  Pavie 
deux  copies  plus  modernes  et  bien  conformes  de  la  Consi- 
gnatio  librorum  de  1426. 

Le  même  établissement  conservait  aussi,  paraît«il,  dans 
les  premières  années  de  notre  siècle,  le  précieux  exemplaire 
sur  vélin  de  Breventano. 

Les  Indagini  nous  font  connaître  les  circonstances  cu- 
rieuses de  sa  disparition.  Nous  nous  croyons  l'obligation 
étroite  de  les  rapporter,  ne  fût-ce  que  pour  provoquer,  s'il 
y  a  lieu,  de  la  part  des  intéressés  une  énergique  protesta- 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  401 

lion;  ou  bien,  si  l'accusé  dont  nous  ne  voulons  pas  savoir 
le  nom  que  ses  contemporains,  s'il  en  reste,  trouveront 
facilement;  si  ses  ayants  cause  lisant  ceci  gardent  un 
silence  équivalant  à  un  aveu,  pour  flétrir,  avec  tous  les 
honnêtes  gens,  Fespèce  de  vol  à  main  armée  qu'on  nous 
signale,  et  pour  regretter  qu'un  Français  s'en  soit  rendu 
coupable.  Disons  toutefois  que  M.  le  marquis  d'Adda  n'a 
pas  pris  les  choses  aussi  au  tragique  que  nous  le  faisons. 
Avec  une  bonne  foi  évidente,  très-placidement,  sans  la 
moindre  idée  d'hostilité,  qui  plus  est,  sur  le  ton  de  la  plai- 
santerie, il  s'est  fait  l'écho  d'une  tradition,  en  rapprochant 
le  fait  incriminé  d'autres  faits  trop  avérés  qui  se  produisirent 
une  dizaine  d'années  plus  tard  en  Espagne;  il  a  même  soin, 
par  esprit  de  justice  distributive,  d'associer  à  ces  faits  plus 
récents  une  allusion  à  l'un  de  ses  compatriotes  qui  y  aurait 
pris  part. 

Voici  ses  paroles  sur  lesquelles  nous  ne  ferons  pas  de  plus 
long  commentaire: 

u  Pendant  les  guerres  du  premier  Empire,  un  de  ces  gé- 
a  néraujL,  toujours  grands  amateurs  des  choses  rares  et  pré- 
«  cieuses  quand  il  n'y  a  qu'à  étendre  la  main  dessus  pour 
u  les  prendre  —  comme  un  maréchal  de  France  bien 
«  connu,  grand  admirateur  de  Murillo,  et  aussi,  si  on  veut, 
«  comme  certain  de  nos  généraux  italiens  de  la  même  école 
«  et  de  la  même  armée,  —  visitant  les  salles  de  l'Univer- 
u  site,  demanda  ce  volume  en  coomiunication.  Depuis  il 
K  oublia  de  le  rendre.  Et  quand,  avec  une  chaleureuse  in- 
<c  sistance,  les  conservateurs  lui  remettaient  en  mémoire  ce 
u  qu'il  était  strictement  tenu  de  faire,  il  leur  répondit  iro- 
«  niquement  :  «  Ce  pauvre  ifolume  i ennuyait^  tout  seul ^  le 
tt  malheureux,  ici  sur  ces  tablettes ^  séparé  du  corps  de  la 
a  collection  à  laquelle  il  apoartenait  autrefois  :  nous  Ven^ 
«  verrons  à  Paris  tenir  compagnie  aux  autres  manuscrits 
«  des  Fisconti.  »  Il  faut  dire  d'ailleurs  que  rue  Richelieu 
u   il  n'existe  pas.   » 

Reprenons  maintenant  cette  dernière  phrase,  parce  que 


k02  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

sa  conclusioD,  car  elle  ne  se  terinioe  pas  là,  n*estacoeptable 
qu^en  partie. 

Nous  traduisons  : 

«  n  faut  dire  d*ailleurs  que  rue  Richelieu  il  n'existe  pas  ; 
«  car  il  n'y  a  pas  bien  longtemps,  M.  Delisle  déplorait  qu*îl 
tt  manquât,  ne  sachant  pas  ou  ne  se  souvenant  pas  qu^one 
a  autre  copie  authentique  existe  à  la  Braïdenne  de  Milan, 
«  et  n'ayant  pas  davantage  connaissance  des  deux  copies 
«  qui  sont  toujours  demeurées  à  Pavie.  » 

Pour  ce  dernier  fait  des  copies  de  Pavie,  nous  vou- 
lons bien  passer  condamnation  :  M.  Delisle  en  a  ignoré 
Texistence;  soit. 

Mais  nous  n'avons  trouvé  nulle  trace  qu'il  se  soit  plaint 
de  l'absence  du  manuscrit  volé  ;  de  plus,  en  disant  que 
M.  Delisle  fie  s'est  pas  souvenu  qu'il  y  avait  un  catalogue 
de  1426,  l'auteur  des  Indagini  a  été  lui-même  mal  servi  par 
ses  souvenirs.  Et  il  me  saura  bon  gré,  j'en  suis  sûr,  de  lui 
rappeler  que  le  Cabinet  des  manuscrits  mentionne  à  deux 
reprises  ce  catalogue  aux  pages  131  et  132  du  l**^  volume  : 
la  première  fois,  en  citant  la  vie  d'Anne  de  Bretagne,  t.  II, 
p.  32,  note,  où  M.  Le  Roux  de  Lincy  a  montré  que  déjà 
Mercier  de  Saint-Léger  connaissait  le  nombre  approximatif 
des  livres  décrits  dans  le  manuscrit  Firmian;  la  seconde 
fois,  en  renvoyant  à  la  dissertation  de  P.-L.  Jacob,  Sur  les 
Manuscrits  relatifs  à  P Histoire  de  France.,  consentes  dans 
les  Bibliothèques  d^Italie,  Je  me  suis  procuré,  non  sans 
peine,  cette  septième  des  Dissertations  sur  quelques  points 
curieux  de  Chistoire  de  France  et  de  F  histoire  littéraire 
(Techener,  1839,  in-8®,  rv  et  205  pages,  tirée  à  60  exem- 
plaires). J'y  ai  constaté,  à  la  page  138,  que  M.  Paul  Lacroix 
a  a  remarqué  »,  il  y  a  trente-sept  ans,  à  la  Bibliothèque  de 
Brera,  «  l'inventaire  descriptif  de  la  célèbre  bibliothèque  des 
«  Visconti,  que  se  partagèrent  Louis  XII  et  ses  géni^ 
u  raux  (?)  lors  de  la  conquête  du  Milanais  » . 

Il  ne  nous  reste  plus,  pour  épuiser  tout  ce  qui  se  rapporte 
à  rinventaire  de  1426,  qu'à  mentionner  une  copie  partielle 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  403 

dont  le  chevalier  Crolla-Lanza  était  possesseur  et  qu'il  avait 
rintention  de  publier.  Mais  en  apprenant  le  dessein  du 
marquis  d'Adda,  il  lui  a  courtoisement  abandonné  le  ma- 
nuscrit en  lui  cédant  la  place. 

Vient  maintenant  Flnventaire  de  1459. 

Nous  en  avons  parlé  plus  haut  assez  amplement.  G^est  ce 
que  font  aussi  les  Indaginij  en  se  référant  à  Fouvrage  de 
M.  Léopold  Delisle,  qui  a  donné  les  divisions  de  ce  catalo- 
gue et  en  a  reproduit  in  extenso  la  partie  qui  se  rapporte 
aux  livres  firançais.  Les  Indagini  contiennent  cependant 
quelques  particularités  de  plus,  notamment  sur  Fazino  de 
Fabriano  qui  fut  lié  avec  Filelfe,  et  sur  sa  ville  natale,  et  la 
remarque  judicieuse  que  les  feuillets  supplémentaires  de  la 
copie  que  nous  avons  à  Paris  de  l'Inventaire  de  Fazino  sont 
certainement  interpolés  et  postérieurs  à  1459.  Ce  que  fait 
voir  le  titre  singulier  Nasilographia  porté  par  un  des  vo- 
lumes. 

Sur  rinventaire  de  1490  à  1497,  déjà  préparé,  conmie 
nous  Tavons  vu,  en  1489,  par  Attendolo,  on  ne  connaît  rien 
de  plus  que  le  fait  qu'il  a  dû  exister,  puisque  les  documents 
analysés  plus  haut  nous  montrent  Tristano  Calcho  travail- 
lant à  des  listes  de  livres.  Aucune  d'elles  ne  nous  est  par- 
venue, et  c'est  d'autant  plus  «  douloureux  »  que  nous  y 
aurions  vu  les  augmentations  que  reçut  la  librairie  depuis 
Facino  ;  elles  durent  être  considérables,  à  en  juger  par  le 
nombre  d'écrits  dédiés  par  leurs  auteurs  à  Louis  le  More. 
Il  ne  faut  pas  oublier  d'un  autre  côté  que,  dans  l'inter- 
valle, l'imprimerie  fut  introduite  à  Milan  et  à  Pavie,  et  que 
des  exemplaires  de  choix  de  toutes  les  éditions  durent  ve- 
nir enrichir  la  collection  ducale,  témoin  l'admirable  Sfor^ 
ziade  sur  vélin  de  1490  que  nous  avons  à  Paris,  et  dont 
les  pages  xxi  et  xxii  du  *Discorso  preliminare  reprodui- 
sent la  description  donnée  par  Yan  Praet. 

Le  dernier  appendice  a  pour  objet  de  fournir  sur  l'Inven- 
taire de  1426  des  indications  spéciales  [cenni  speciali). 

Le  volume  relié  en  parchemin  est  du  format  petit  in- 


kOk  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

folio  de  58  feuilles  de  texte  ;  récriture  est  en  lettre  courante 
ordinaire,  dite  de  chancellerie,  sans  trop  d'abréviations. 

Une  description  excellente  en  a  été  donnée  par  le  Ca- 
talogus  codicuni  latinoruni  Bibliotheces  BraidensU.  Tai 
voulu  le  consulter,  non  pour  cet  objet  spécial,  mais  pour 
avoir,  en  le  feuilletant,  des  données  approximatives  sur  la 
composition  de  la  Bibliothèque  de  Brera.  Seulement,  à 
mon  grand  regret  et  aussi  à  ma  grande  surprise,  la  Biblio- 
thèque nationale  ne  possède  pas  ce  catalogue  imprimé. 

Les  Indagini  acquièrent  par  là,  à  nos  yeux,  une  notable 
valeur,  car  on  y  trouve  en  une  trentaine  de  lignes  la  des- 
cription en  latin  dont  il  s'agit. 

On  pense  bien  que  Fauteur  n'a  pas  manqué  à  cet  endroit 
de  faire,  comme  nous  nous  y  sonmies  hasardé  nous-méme, 
sur  la  rédaction  du  catalogue,  sur  la  nature  des  livres  et 
sur  leur  extérieur,  ses  observations  personnelles.  On  re- 
connaît dans  toutes  sa  science  profonde  des  choses  d*art. 
Nous  avons  été  particulièrement  frappé  des  brèves  consi- 
dérations auxquelles  il  se  livre  sur  la  caractéristique  des  re- 
liures carlovingiennes  (ou  carolingiennes  si  on  aime  mieux) 
mise  en  regard  de  celles  du  quinzième  siècle,  en  passant 
par  les  intermédiaires. 

Nous  venons  de  donner  là  des  Indagini  une  idée  bien 
incomplète,  tout  en  nous  efforçant  de  suivre  pas  à  pas  le 
plan  de  l'auteur.  Nous  aurions  à  citer  encore  de  lui  une 
foule  d'aperçus  ingénieux  et  savants,  de  traits  où  le  cœur  se 
révèle,  d'autres  où  éclate  la  finesse  de  l'esprit,  ou  bien  même 
qui  laissent  apercevoir  les  opinions  politiques,  d'anec- 
dotes attachantes.  Mais  le  temps  et  la  place  nous  obligent 
à  nous  restreindre,  et  d'ailleurs  nous  tenons  à  laisser  la  joie 
de  la  découverte  à  ceux  qui  voudront  lire  le  livre  même, 
comme  nous  les  y  engageons  fort.  Ils  verront  qu'ils  n^ont 
pas  affaire  à  l'un  de  ces  bibliophiles  jaloux,  qui  tiennent 
sous  triple  serrure  leurs  richesses  et  se  croient  dépouillés  si 
Ton  parle  d'un  de  leurs  livres.  Ici  c'est  un  généreux  qui  pos- 
sède beaucoup  de  belles  choses  et  qui  aime  à  en  faire  part 


LA  BIBLIOTHÈQUE  DES  DUCS  DE  MILAN.  405 

a  un  public  choisi.  M.  le  marquis  d'Adda,  nous  le  voyons 
bien  par  ses  Indagini^  est  un  de  ces  causeurs  aimables  dont 
la  race  se  perd,  dit-on.  Il  lui  plaît  souvent,  dans  le  cours 
du  voyage  qu'il  nous  fait  faire,  de  s'écarter  de  la  droite 
route  et  de  nous  entraîner  à  sa  suite  dans  les  capricieux 
méandres  des  sentiers  qui  la  longent.  On  Ty  suit  toujours 
sans  fatigue  et  en  prenant  à  Tëcouter  un  plaisir  extrême. 

Des  recherches  : 

1^  Sur  la  fondation  et  les  vicissitudes  de  la  Librairie  des 
Visconti  et  des  Sforze  ; 

2°  Sur  la  Bibliothèque  de  François  Pétrarque  à  Gare* 
gnano  ; 

3°  Sur  les  Manuscrits  français  de  la  Bibliothèque  de 
Pavie  ; 

4®  Sur  les  devises  et  emblèmes  Visconteo-Sforzesques  qu  i 
se  rencontrent  dans  les  codices  de  ces  princes; 

5°  Sur  leurs  manuscrits  qui,  actuellement,  sont  conservés 
dans  les  bibliothèques  de  TEurope,  à  Texclusion  de  la  Na- 
tionale de  Paris; 

Et  6®  Un  essai  historico-biographique  sur  Tart  de  la  Mi- 
niature dans  le  duché  de  Milan,  du  quatorzième  au  seizième 
siècle,  composeront,  avec  la  Bibliographie  des  ou^*ages 
cités  et  des  Appendices,  la  seconde  partie  des  IndaginL 

Elle  doit  paraître  prochainement,  et  nous  nous  proposons 
bien  d'en  rendre  compte.  J.  D. 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE 


\ 


ESSAI   D'UNE  BIBLIOTHÈQUE 

ENTIÈHBHEKT  COMPOSÉE   UB 

LIVRES  RELATIFS    A   LA   CHAMPAGNE 

ET  A  LA  BRIE  (1). 


—  AuGER.  Le  Pédagogue  d'armes,  pour  instruire 
un  prince  chrestien  à  bien  entreprendre  et  heureu- 
sement achever  une  bonne  guerre,  pour  estre  vic- 
torieux de  tous  les  ennemis  de  son  Estât  et  de 
l'Eglise  catholique,  par  M*  Edmond,  de  la  Comp. 
de  Jésus.  Paris  y  Séb.  Nivelle^  1 574  ;  pet.  in-8  de 
48  ff. 

Pièce  rare  et  curieuse,  qui  appartient  à  Thistoire  du  règne  de  Charles  IX.  - 
Elle  fut  imprimée  en  1568;  notre  exemplaire,  comme  plusieurs  antres 
exemplaires  de  cette  édition,  porte  la  date  de  1574. 

Ce  livre,  dédié  à  Charles  IX,  a  pour  but  d'exciter  le  roi  à  faire  aux 
huguenots  une  guerre  à  outrance.  L'auteur  veut  prouver  que  U  guerre 
n*est  pas  seulement  utile,  mais  qu'elle  est  encore  nécessaire;  que  les  rois 
peuvent  avoir  de  justes  raisons  de  faire  la  guerre,  pour  des  affaires  tem- 
porelles ou  spirituelles  ;  que  le  prince  est  obligé  de  s'armer  contre  les 
hérétiques;  qu'il  ne  doit  pas  souffrir  deux  religions  dans  le  royaume, 
et  qu'il  est  juste  et  nécessaire  d'exterminer  les  ennemis  de  la  religion 
catholique,  c  Lorsqu'il  est  question  de  faire  la  guerre  aux  hérétiques 
avec  apparence  de  succès,  on  ne  peut  alléguer  au  monarque  qui  vent 
l'entreprendre,  aucuns  siens  édits  ou  ordonnances  du  passé  ;  de  tous  les 
hérétiques,  ceux  à  qui  le  Prince  doit  le  moins  faire  de  scrupule  de  rom- 
pre les  Édits  et  de  leur  faire  la  guerre,  ce  sont  les  huguenots  que  l'on 
doit  estimer  les  plus  pernicieux  et  endiablés  satellites  de  mensonge,  et 
que,  tout  bien  et  saintement  considéré,  le  Prince  qui  s'armera  contre  les 
huguenots,  trouvera  en  son  esprit  une  suffisante  occasion  de  s'assurer 
en  sa  sainte  entreprise,  sans  s'arrêter  aux  remontrances  de  ces  séditieux 

(1)  Ces  notices  sont  extraites  d'un  catalogue  raisonné  et  inédit. 


.>! 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  407 

rebelles,  fondées  possible  sur  quelques  Ëdits  qu'ils  avaient,  par  ruse  et 
finesse  de  mauvais  conseillers,  obtenus  de  Sa  Majesté  :  Ains,  il  leur  doit 
répondre  que  si  Ton  a  fait  une  faute  contre  son  gré,  pour  Finjure  du 
temps,  il  n^est  pas  raison  qu'il  en  fasse  deux.  9 

Emond  Auger,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  né  en  1530,  au  village 
d'Alleman,  près  de  Troyes,  entra  au  noviciat  à  Rome,  sous  saint  Ignace  ; 
il  se  fit  remarquer  par  son  zèle  ardent  contre  les  hérétiques,  et  devint 
successivement  prédicateur  de  Charles  IX  et  confesseur  de  Henri  III. 
Sur  les  instances  de  Catherine  de  Médicis,  mécontente  de  la  manière  dont 
le  P.  Emond  dirigeait  la  conscience  de  son  royal  pénitent,  il  fut  exilé 
en  Italie  par  ses  supérieurs,  et  mourut  à  C6me  en  1591  •  On  peut  lire 
dans  le  Journal  de  Henri  III,  par  Pierre  de  l'Estoile  (Remarques  sur  le 
chap,  FUI  de  la  confession  de  Sancjr)^  les  faits  et  gestes  du  P.  Emond 
Auger,  à  Bordeaux,  lors  du  massacre  des  huguenots  en  1572* 

—  Baussoniœt.  Paraphrases  en  l'honneur  de  la  Sa- 
crée Vierge  Marie  ;  par  G.  Baussonnet.  Reims,  Nie. 
Constant j  1 61 1  ;  pet,  in-8  de  25  (T. 

Guillaume  Baussonnet,  poëte,  peintre  et  sculpteur  rémois,  dédia  cette 
œuvre  poétique  à  Anne  de  Gondi,  baronne  du  Tour,  dame  d'honneur  de 
la  Reine.  La  dédicace  est  suivie  de  deux  Épigrammes  à  la  louange  de 
Fauteur,  composée  par  J.  Dorât  et  par  N.  Bergier. 

Ce  volume  rare  contient  des  paraphrases  en  vers,  sur  les  deux  proses 
Mit  lit  ad  Virginem  et  Detare  puerpera,  qu'on  chante  en  l'église  de  Reims 
aux  Vêpres  de  chaque  dimanche  de  TAvent;  sur  V Antienne  en  l'honneur 
de  la  sainte  Vierge,  tirée  des  sermoni  de  saint  Augustin  ;  sur  le  Cantique 
de  David  ajouté  aux  psaumes  par  les  Grecs  ;  et  sur  le  psaume  Super  flu' 
mina  Babylonis;  des  traductions  en  vers  de  VÉpitaphe  de  Job;  des  vers 
latins  de  Louis  Aleaume,  président  au  présidial  d'Orléans,  à  la  mémoire 
de  Laure,  d'Avignon;  de  VÉpitaphe  de  Laure,  par  Pétrarque;  et  de  qua- 
tre sentences  extraites  des  œuvres  du  même  poëte  italien. 

Le  texte  latin  ou  italien  de  chaque  pièce  est  imprimé  en  regard  de  la 
traduction. 

Les  poésies  de  Baussonnet  ne  sont  point  inférieures  à  celles  de  ses 
contemporains  ;  on  y  trouve  des  stances  qu'on  pourrait  citer. 

—  Beaulxamis  {Thomas).  Résolution  sur  certains 
pourtraicts  et  libelles,  intitules  du  ïiom  de  Mar- 
mite, faulsement  imposé  contre  le  clergé  de  TÉglise 
de  Dieu,  Paris,  Hier,  de  Marne fy  1 562  ;  pet.  iu-8 
del6ff. 

Première  édition,  très -rare,  avec  cette  épigraphe  :  Ils  ont  brise'  es  ot 
ainsi  qiien  un  chauderon^  et  comme  chair  au  milieu  de  la  Marmite.  Miehée^  3. 


408  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

C*est  une  réfutation  dn  libelle  intitulé  :  Vtxtréme-onction  de  ta  Marmite 
papale. 

Thomas  Beauxamis,  théologien  de  l'Ordre  des  Carmes,  né  à  Melun 
en  1524  et  mort  à  Paris  le  1*'  mai  1589,  cite^  dans  ce  livre  singulier, 
les  neuf  Marmites  dont  parle  rÉcriture  sainte;  et  il  cherche  à  prouyer 
que  le  calyinisme  est  la  uraie  Marmite,  c  Celte  nouvelle  secte,  dit-il,  est 
signifiée  par  cette  Marmite,  de  laquelle  la  fiunée  bouillante  et  enfiambée 
(conmie  dit  Job)  procède  des  naseaux  de  Behemoth,  prince  et  Roy  sur 
tous  les  enfans  d'orgueil,  s  Puis,  il  disserte  sur  le  bouillon,  la  fumée  et 
la  rouille  {Cenrouilleure)  de  la  Marmite.  Il  reproduit  encore  un  extrait 
fort  curieux  d^Ézéchiel  :  c  Lorsque  Dieu  luy  commanda  de  mettre  une 
grande  Marmite  et  en  icelle  Ycrser  de  l'eau  ;  puis,  assembler  tous  bous 
morceaux  gras  et  pleins  d'os,  comme  l'épaule,  le  gigot,  la  longe,  etc.  > 

—  Beâij^àmis  {Thomas),  La  Marmite  renversée  et 
fondue^  de  laquelle  nostre  Dieu  parle  par  les  saincts 
Prophètes.  Parisy  GuilL  Chaudière^  1572;  pet. 
in-8  de  23  ff. 

Bel  exeiii plaire;  édition  rare  et  fort  curieuse  de  la  Résolution  sur  cer- 
tains libelles^  ayec  un  titre  différent  et  l'épigraphe  suivante  :  Mets  la  mur' 
mite  çuyde  sur  les  charbons^  afin  qu^eschauffée,  elle  se  brulle  et  se  fonde. 
Ézéchiel^  2k, 

D'après  l'avis  au  lecteur,  les  éditions  antérieures,  imprimées  par  H.  de 
Marnefy  avaient  été  publiées,  sans  avoir  été  communiquées  à  Beauxamis. 
Celle-ci  a  été  revue,  augmentée  par  l'auteur,  et  imprimée  par  Chaudière^ 
qui  portait  un  nom  prédestiné  pout  la  Marmite  renversée,,,, 

La  moitié  du  volume  reproduit,  avec  des  corrections  et  des  change- 
ments, la  Résolution  sur  certains  libelles;  mais  les  dix  derniers  feuillets 
contiennent  l'histoire  des  troubles  qui  régnèrent  en  France,  depuis  1557 
jusqu'au  lendemain  de  la  Saint-Barthélémy.  L'auteur  cite  les  batailles 
livrées,  les  édits  de  pacification;  il  décrit  les  cruautés  et  les  dévastations 
commises  par  les  religionnaires.  On  peut  juger  de  l'exagération  dans  les 
détails,  en  lisant  que  le  massacre  de  la  Saint-Barthélémy  eut  liea  pour 
déjouer  une  conspiration,  dont  le  but  était  c  de  souiller  leurs  maios  par- 
ricides au  sang  du  père  de  la  patrie,  entreprendre  sur  Testât  et  la  vie  de 
ceux  que  nostre  Dieu  a  establis  et  ordonnés  sur  son  peuple,  j» 

—  Beaulxamis  {Thomas)^  carme  parisien.  Enquesle 
et  grefz  sur  le  sac  et  pièces...  produits  contre  le 
Pape.  Paris  y  GuilL  Chaudière^  \  572  ;  in-8. 

Très-rare.  Les  pièces  liminaires  se  composent  de  vers  latins  adressés  à 
Pierre  de  Gondi,  évéque  de  Paris  ;  d'une  dédicace  à  Gilles  Bourdin,  pro- 
cureur général  au  Parlement  ;  et  d'un  avertissement  au  lecteur. 

Ce  livre  de  117  feuillets  chiffrés  et  de  i8  feuillets  non  chiffrés  pour 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  409 

les  préliminaires  et  la  table  des  matières,  est  dirigé  contre  un  pamphlet 
intitulé  :  Sac  et  pièces  pour  ie  pape  de  Rome,  ses  cardinaux ^  içesques^  etc., 
contre  Jésus- Christ  et  ses  Apôtres;  avec  ce,  est  insérée  la  sentence  donnée 
entre  les  deux  partis^  laquelle  est  extraite  des  registres  du  parlement  du  Par- 
radisy  1561,  m-8  de  \U  pag. 

Cette  réfutation  est  en  forme  de  dialogue,  dont  les  interlocuteurs  sont 
Denakol  (Jos.  du  Choul),  auteur  présumé  du  sac  et  pièces,  les  Apostats,  et 
Beauxamis,  Chaque  article  de  l'ouvrage  hétérodoxe  est  reproduit  par 
Denakol,  défendu  par  les  apostats  et  rétorqué  par  Beauxamis.  Ce  théo- 
logien combat  ses  adversaires  avec  leurs  propres  armes  ;  il  prouve  quUls 
ont  cité  inexactement  les  Saints  Pères,  et  interprété  faussement  certains 
passages  de  l'Écriture  sainte.  Nous  avons  cependant  trouvé  singulier  que 
Beauxamis  répondit  sérieusement  à  la  sentence  prononcée  par  Jésus- 
Christ  contre  le  pape,  et  ainsi  datée  :  Donné  à  la  dextre  de  Dieu  mon  père. 
Van  de  mon  incarnation  1561.  Ainsi  signé  :  Jésus-Christ^  fils  de  Dieu 
vivant  et  sauveur  du  monde,  «  Je  maintiens,  dit  Tauteur,  que  c'est  une 
chose  supposée  et  faussement  inventée,  si  vous  n*en  apportez  certaine 
vérification.  Autrement,  je  demande  que  vous  soyez  condamnez  comme 
faussaires  du  sceau  et  signature  de  Jésus-Christ,  i 

—  Bergier  {Nicolas).  Archimeron  :  ou  traicté  du 
commencement  des  jours  ;  auquel  est  monstre  le  par- 
ticulier endroit  sur  la  rondeur  de  la  terre  et  de  la 
mer,  où  le  jour  de  vingt-quatre  heures  prend  son 
commencement.  Pans  j  A.  Saugrairiy  1617;  in-S 
de  52  pag. 

Plaquette  rare  et  curieuse,  dont  la  dédicace  à  M.  de  Thillois  est  si- 
gnée un  Bergier  rémois. 

Après  une  savante  dissertation  sur  le  jour  naturel  et  le  jour  artificiel, 
Nicolas  Bergier  propose  de  déterminer  sur  la  terre,  un  point  de  conven- 
tion où  commencerait  le  jour  civil,  afin  d'établir  la  simultanéité  de  la 
célébration  des  fêtes  dans  toutes  les  églises  catholiques  du  Monde.  Nous 
reprocherons  seulement  à  Tauteur  d'avoir  suivi  le  système  astronomique 
de  Ptolémée  et  de  faire  mouvoir  le  soleil  autour  de  la  terre. 

Cet  opuscule  a  été  réimprimé  à  Reims  en  1629»  avec  d'amples  augmen- 
tations, sous  le  titre  de  Le  point  du  jour, 

—  Bergier  {Nicolas).  Le  point  du  jour,  ou  traicté 
du  commencement  des  jours  et  de  Tendroict  où  il 
est  estably  sur  la  terre.  RheimSy  Nie.  Hécarty  1629; 
pet.  in-8,  front. 

Volume  très-curieux  et  rare,  orné  d'un  frontispice  finement  gravé.  Le 
point  du  jour  avait  été  publié  pour  la  première  fois  à  Paris,  en  1617, 

n 


408  BULLETIN  DU  BffiLIOPHILE. 

CVst  une  réfutation  du  libelle  intitulé  :  /J'extréme^onction  de  fa  Marmtie 
papale, 

Thomas  Beauxamis,  tiicologien  de  l'Ordre  des  Carmes,  né  à  Melun 
en  1524  et  mort  à  Paris  le  1*'  mai  1589,  cite,  dans  ce  livre  singulier, 
les  neuf  Marmites  dont  parle  TÉcriture  sainte;  et  il  cherche  à  prouYer 
que  le  calvinisme  est  la  vraie  Marmite,  c  Celte  nouvelle  secte,  dit-il,  est 
signifiée  par  cette  Marmite,  de  laquelle  la  fiunée  bouillante  et  enfiambée 
(comme  dit  Job)  procède  des  naseaux  de  Behemoth,  prince  et  Roy  sur 
tous  les  enfans  d'orgueil.  i>  Puis,  il  disserte  sur  le  bouillon,  la  fumée  et 
la  rouille  (f  enroudleure)  de  la  Marmite.  Il  reproduit  encore  un  extrait 
fort  curieux  d'Ëzéchiel  :  ce  Lorsque  Dieu  luy  commanda  de  mettre  une 
grande  Marmite  et  en  îcelle  -verser  de  Peau  ;  puis,  assembler  tous  bons 
morceaux  gras  et  pleins  d*os,  comme  Tépaule,  le  gigot,  la  longe,  etc.  > 

—  BiCAULXAMis  {Thomas).  1^  iViarmite  renversée  et 
fondue^  de  laquelle  nostre  Dieu  parle  par  les  saincts 
Prophètes,  Paris ^  GuilL  Chaudière ^  1572;  pet. 
in-8  de  23  ff. 

Bel  exemplaire;  édition  rare  et  fort  curieuse  de  la  Résolution  sur  cer^ 
taiiis  libelles^  ayec  un  titre  différent  et  Tépigraphe  suivante  :  Mets  la  mat' 
mite  vuyde  sur  les  charbons^  afin  qiC eschauffèe^  elle  se  brulle  et  se  fonde. 
Ézéchiel^  24. 

Diaprés  l'ayis  au  lecteur,  les  éditions  antérieures,  imprimées  par  H.  de 
Marnef,  avaient  été  publiées,  sans  avoir  été  communiquées  à  Beauxamîs. 
Celle-ci  a  été  revue,  augmentée  par  l'auteur,  et  imprimée  par  Chaudière^ 
qui  portait  un  nom  prédestiné  pout  la  Marmite  renversée,,., 

La  moitié  du  volume  reproduit,  avec  des  corrections  et  des  change- 
ments, la  Résolution  sur  certains  libelles;  mais  les  dix  derniers  feuillets 
contiennent  l'histoire  des  troubles  qui  régnèrent  en  France,  depuis  1557 
jusqu'au  lendemain  de  la  Saint-Barthélémy.  L'auteur  cite  les  batailles 
livrées,  les  édits  de  pacification;  il  décrit  les  cruautés  et  les  dévastations 
commises  par  les  religionnaires.  On  peut  juger  de  l'exagération  dans  les 
détails,  en  lisant  que  le  massacre  de  la  Saint-Barthélémy  eut  lieu  pour 
déjouer  une  conspiration,  dont  le  but  était  c  de  souiller  leurs  mains  par* 
ricides  au  sang  du  père  de  la  patrie,  entreprendre  sur  Testât  et  la  vie  de 
ceux  que  nostre  Dieu  a  establis  et  ordonnés  sur  son  peuple.  » 

—  Beaulxamis  {Thomas)y  carme  parisien.  Enqueste 
et  grefz  sur  le  sac  et  pièces..,  produits  contre  le 
Pape.  Paris  y  GuilL  ChaïuHère^  1 572  ;  in-8. 

Très-rare.  Les  pièces  liminaires  se  composent  de  vers  latins  adressés  à 
Pierre  de  Gondi,  évéque  de  Paris  ;  d'une  dédicace  à  Gilles  Bourdin,  pro- 
cureur général  au  Parlement  ;  et  d'un  avertissement  au  lecteur. 

Ce  livre  de  117  feuillets  chiffrés  et  de  i8  feuillets  non  chiffrés  pour 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  409 

les  préliminaires  et  la  table  des  matières,  est  dirigé  contre  un  pamphlet 
intitulé  :  Sac  et  pièces  pour  le  pape  de  Rome,  ses  cardinaux ^  ivesques^  etc., 
contre  Jésus- Christ  et  ses  Apôtres;  avec  ce  y  est  insérée  la  sentence  donnée 
entre  les  deux  partis^  laquelle  est  extraite  des  registres  du  parlement  du  Pa- 
radis y  1561,  //i-8  de  m  pag. 

Cette  réfutation  est  en  forme  de  dialogue,  dont  les  interlocuteurs  sont 
Denakol  (Jos.  du  Choul),  auteur  présumé  du  sac  et  pièces^  les  ApostatSy  et 
Beaujcamis.  Chaque  article  de  l'ouvrage  hétérodoxe  est  reproduit  par 
Denakol,  défendu  par  les  apostats  et  rétorqué  par  Beauxamis.  Ce  théo- 
logien combat  ses  adversaires  avec  leurs  propres  armes  ;  il  prouve  quMls 
ont  cité  inexactement  les  Saints  Pères,  et  interprété  Ceiussement  certains 
passages  de  TÉcriture  sainte.  Nous  avons  cependant  trouvé  singulier  que 
Beauxamis  répondit  sérieusement  à  la  sentence  prononcée  par  Jésus- 
Christ  contre  le  pape,  et  ainsi  datée  :  Donné  à  la  dextre  de  Dieu  mon  père  y 
tan  de  mon  incarnation  1561.  Ainsi  signé  :  Jésus-Christ  y  fils  de  Dieu 
vivant  et  sauveur  du  monde,  c  Je  maintiens,  dit  Tauteur,  que  c'est  une 
chose  supposée  et  faussement  inventée,  si  vous  n*en  apportez  certaine 
vérification.  Autrement,  je  demande  que  vous  soyez  condamnez  comme 
faussaires  du  sceau  et  signature  de  Jésus-Christ,  i 

—  Bergier  [Nicolas).  Archimeron  :  ou  traicté  du 
commencement  des  jours  ;  auquel  est  monstre  le  par- 
ticulier endroit  sur  la  rondeur  de  la  terre  et  de  la 
mer,  où  le  jour  de  vingt-quatre  heures  prend  son 
commencement.  Pans  j  A.  Saugrain^  1617;  in-S 
de  52  pag. 

Plaquette  rare  et  cnrîense,  dont  la  dédicace  à  M.  de  Thillois  est  si- 
gnée un  Bergier  rémois. 

Après  une  savante  dissertation  sur  le  jour  naturel  et  le  jour  artificiel, 
Nicolas  Bergier  propose  de  déterminer  sur  la  terre,  un  point  de  conven- 
tion où  commencerait  le  jour  civil,  afin  d'établir  la  simultanéité  de  la 
célébration  des  fêtes  dans  toutes  les  églises  catholiques  du  Monde.  Nous 
reprocherons  seulement  à  Tauteur  d'avoir  suivi  le  système  astronomique 
de  Ptolémée  et  de  faire  mouvoir  le  soleil  autour  de  la  terre. 

Cet  opuscule  a  été  réimprimé  à  Reims  en  1629,  avec  d'amples  augmen- 
tations, sous  le  titre  de  Le  point  du  jour, 

—  Bergier  {Nicolas).  Le  point  du  jour,  ou  traicté 
du  commencement  des  jours  et  de  l'endroict  où  il 
est  estably  sur  la  terre.  Rheims^  Nie.  Hecart^  1629; 
pet.  in-8,  front. 

Volume  très-curieux  et  rare,  orné  d'un  frontispice  finement  gravé.  Le 
point  du  jour  avait  été  publié  pour  la  première  fois  à  Paris,  en  1617, 

11 


410  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

sous  le  titre  ^Arehémeron  ou  traité  du  commencement  des  jourSm  L'auteur 
mourut  à  Reims,  le  15  septembre  1623.  Jean  Bergier,  son  fils,  fit  réîin- 
primer  cet  ouvrage  en  1629,  et  le  dédia  à  M.  du  Lys,  de  la  famiUe  de  Jeanne 
d*Aro,  conseiller  d^État  et  avocat  général  à  ]a  cour  des  Aides. 

Ce  livre  a  pour  but  de  déterminer  sur  la  terre  un  point  de  convention 
où  commencerait  le  jour  civil.  Nicolas  Bergier  a  développé  dans  ce  traité 
une  vaste  érudition  tant  en  astronomie  qu^en  cosmographie,  et  il  est 
parvenu  à  prouver  que  les  jours  sont  de  48  heures,  non  pas  à  Tégard 
d*un  lieu  particulier,  mais  par  rapport  à  toute  la  terre. 

—  BÊRTHAULT.  FioFus  Gallicus.  —  Florus  Francis- 
cûs;  authore  P.  Berthault,  Parisiis^  1644;  2  part, 
en  1  vol.  pet.  in- 12,  front.,  carte. 

Pierre  Berthault,  né  à  Sens,  en  1600,  entra  dans  la  congrégation  de 
rOratoire,  et  mourut,  chanoine  de  Chartres,  en  1681. 

Le  Florus  Gallicus^  composé  en  forme  d* Annales,  traite  principalement 
des  guerres  soutenues  par  les  Gaulois,  de  leurs  expéditions,  de  leurs 
succès  et  de  leurs  revers.  Cette  histoire  commence  à  Samothès,  premier 
roi  des  Gaulois,  en  Tan  du  monde  1986,  et  finit  à  Tépoque  d'Honorius 
et  d'Arcadius,  lorsque  les  Francs  s'établirent  dans  les  Gaules.  Cette 
édition  est  ornée  d'une  jolie  carte  de  la  Gaule,  et  augmentée  de  passages 
relatifs  aux  Gaulois,  extraits  des  auteurs  grecs  et  latins. 

Le  Florus  Francictis,  rédigé  sur  le  modèle  de  l'ouvrage  précédent, 
passe  pour  être  l'un  des  meilleurs  abrégés  de  l'histoire  de  France,  de- 
puis l'an  420  jusqu'en  1630.  On  trouve  à  la  fin  du  volume  une  table 
chronologique  des  rois  de  France,  et  la  liste  des  archevêchés  et  évéchës 
du  royaume. 

—  Blondel.  Des  sy billes  célébrées  tant  par  l'anti- 
quité payenne  que  par  les  Saincts  Pères^  par  David 
BlondeL  Se  {fendent  à  Charenton  par  la  çeuçe  L.  Pé» 
rier^  1649;  in-4. 

Première  édition,  dédiée  à  M.  Sarrau,  conseiller  au  parlement  de 
Paris.  —  Dans  ce  traité,  David  Blondel  s'inscrit  en  faux  contre  les  huit 
livres  des  sybilles,  et  prouve  que  c'est  l'œuvre  d'un  imposteur,  qui  vé- 
cut dans  les  premiers  siècles  du  christianisme  :  il  reproche  aux  Saints 
Pères  de  s'être  servis  de  ces  prétendus  écrits  sybillins,  dont  ils  ne  devaient 
pas  ignorer  la  supposition.  Il  combat  ensuite  les  résultats  de  la  croyance 
à  l'authenticité  des  oracles  des  sybilles,  à  l'aide  desquelles,  dit-il,  on  a 
établi  le  dogme  du  purgatoire  et  l'usage  de  prier  pour  les  morts. 

^^  fiLoicDEL.  Familier  esclaircissement  de  la  ques- 
tion j  si  une  femme  a  esté  assise  au  siège  papal  de 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  (à  11 

Rome,  entre  Léon  IV  et  Benoist  III  ;  par  David  BIod- 
del.  Amsterdam^  Jean  BlaeUy  1649;  petit,  in-8  de 
1 09  pag. 

Joli  exemplaire  de  la  seconde  édition  française,  pins  correcte  que  la 
première,  qui  avait  été  publiée  à  Amsterdam,  eu  1647.  David  Blondel, 
ministre  protestant,  né  à  Chàlons-sur-Marne  en  1591  et  mort  à  Amster- 
dam en  1655y  fut  des  meilleurs  critiques  de  son  siècle.  Dans  ce  Fami- 
lier  esclaircissementj  il  détruit  de  fond  en  comble  l'histoire  de  la  papesse 
Jeanne.  Les  catholiques  se  montrèrent  fort  reconnaissants  ;  mais  les  pro- 
testants les  plus  zélés  furent  indignés  qu*un  de  leurs  coreligionnaires 
employât  son  érudition  à  ruiner  une  tradition,  qui  leur  était  utile.  Un 
avocat  de  Rouen ,  nommé  Goignard,  attaqua  vivement  l'auteur.  Des  Ma« 
rest,  professeur  à  Groningue,  et  Spanheim  cherchèrent  à  réfuter  son  livre, 
et  déployèrent  beaucoup  de  science  pour  défendre  une  mauvaise  cause. 
D'autres  plus  sages  et  plus  impartiaux,  tels  que  Chamier  et  Du  Moulin, 
n'hésitèrent  pas  à  reconnaître  l'absurdité  de  cette  fable. 

Après  la  mort  de  D.  Blondel,  Courcelles  fit  imprimer  une  traduction 
latine  de  cet  ouvrage  faite  par  l'auteur  lui-même,  sous  le  titre  De  Joannë 
papissd.  Amst.  1657. 

—  BoiLLOT.  Nouveaux  pourtraitz  et  figures  de  Ter- 
mes pour  user  en  l'architecture  ;  composez  et  enri- 
chiz  de  diversité  d'animaulx,  représentez  au  vray, 
selon  l'antipathie  et  contrariété  naturelle  de  chacun 
dlceulx;  par  Jos.  Boillot,  Lengrois.  Imprimé  à 
fjengres par  Jeh.  des  Prey  (1592);  in-fol.  de  60  ff., 
porlr. ,  fig. 

Livre  rare,  dédié  au  jduc  de  Nevers,  le  !•' janvier  1592.  Outre  le 
frontispice  et  le  portrait  de  l'auteur  gravés  à  l'eau-forte,  on  trouve  dans 
le  volume  53  planches  habilement  gravées,  les  unes  sur  bois  et  les  autres 
sur  cuivre  :  celles-ci  portent  le  nom  de  J.  Boillot.  —  Chaque  planche 
occupe  une  page  entière  et  représente  un  animal  groupé  en  terme,  avec 
son  antipathie.  Ainsi  le  Lion  est  accompagné  d'un  coq;  le  Loup,  de 
plusieurs  chiens  ;  le  Porc,  de  couleuvres,  de  scorpions  et  de  be- 
lettes; etc. 

Joseph  Boillot,  architecte  et  graveur,  naquit  à  Langres  en  1560.  Pen- 
dant la  Ligue,  il  maintint  sa  ville  natale  sous  l'obéissance  de  Henri  IV, 
qui  l'avait  employé  comme  ingénieur.  Ce  prince  le  récompensa  de  son 
dévouement,  par  l'emploi  de  contrôleur  du  grenier  à  sel  de  Langres,  et  de 
directeur  du  magasin  des  poudres  et  salpêtres. 

—  Bon  (^Florent).  Les  triomphes  de  Louys  le  Juste  : 
dédiés  à  S.  M«  par  un  religieux  de  la  Compagnie  de 


(àl2  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Jésus  (Florent  Bon). /îe//wj,   Nie.  Constant j  1630; 
in.24  de  12  ff.  prélim.,  182  pag.  et  5  ff.,  front. 

Petit  liyre  rare  et  curieux  ;  il  est  orné  d*un  joli  frontispice  graré  par 
J.  Picart* 

La  prise  de  la  Rochelle^  le  28  octobre  1628,  fut  chantée  arec  enthou- 
siasme par  les  poètes  catholiques  de  la  France.  Mais  le  P.  Florent  Bon, 
jésuite  du  collège  de  la  yille  de  Reims,  entreprit  de  célébrer,  loi  tenl, 
les  triomphes  de  Louis  XIII  sur  les  Rochelais  et  sur  les  autres  rebelles 
du  royaume,  sous  toutes  les  formes  de  la  poésie,  et  il  cacha  son  nom 
sous  le  pseudonyme  de  Phîlanthe, 

La  dédicace  au  Roi,  qui  occupe  dix  feuDlets,  est  un  tissu  d'éloges 
emphatiques,  dont  nous  ue  citerons  qu'un  fragment  :  c  Les  merTcilles 
que  TOUS  venez  fraîchement  de  faire  sont  tellement  extraordinaires  et  en 
si  grand  nombre,  quUl  sera  bien  malaisé  que  personne  vive  assez  long- 
temps pour  les  apprendre  et  les  croire  toutes.  » 

On  trouve  dans  ce  recueil  34  pièces,  parmi  lesquelles  nous  indique- 
rons le  portrait  du  roi  passant  les  Alpes ^  poëme  en  5  parties  ;  deux  récits 
lus  dans  la  réjouissance  qui  eut  lieu  au  collège  de  Reims,  pour  la  prise 
de  la  Rochelle  ;  onze  odes,  quatre  élégies,  des  églogues,  des  sonnets,  des 
épigrammes,  des  chansons,  etc. ,  etc.  —  Les  cinq  derniers  feuillets  con- 
tiennent une  Ode  latine  à  la  louange  de  l'auteur,  signée  L.  G. 

—  BocLENGER  {Pierre).  De  utilitate  quae  ad  populum 
Gallicum  rediret,  si  sancte  Régis  edictum  servare- 
tur,  de  adhibendis  in  singulis  Galliae  oppidis  prse- 
ceptoribuSy  à  quibus  gratuito  egentiores  adolescen- 
tuli  ingenuis  arlibus  erudirentur,  P.  Bulengeri, 
grœc.  et  lat.  lilterarum  professons^  Oratio.  Lute-' 
tiasy  Fed.  Morel,  1566,  pet.  in-8. 

Pierre  Boulenger,  habile  grammairien  du  seizième  siècle,  naquit  à  Troyes 
(Champagne).  Il  professa  avec  distinction,  les  langues  grecque  et  latine 
dans  la  ville  de  Loudun.  Cosme  II  l'appela  en  Toscane,  et  le  nomma 
professeur  de  théologie,  à  Pise  :  c'est  là  que  Boulenger  mourut  en 
1598. 

L-es  états  généraux  se  réunirent  à  Orléans,  le  13  décembre  1560« 
Dans  cette  assemblée,  les  trois  ordres  proposèrent  dlTcrses  réformes  dans 
l'Église  et  dans  l'administration  ;  la  cour,  de  son  c6té,  réclama  quelques 
impôts  pour  réparer  le  désordre  des  finances.  Les  états  furent  bientôt 
dissous,  sans  que  personne*  eût  obtenu  ce  qu'il  demandait.  Les  Cahiers 
des  ordres  servirent  cependant  de  base  à  un  long  travail  que  le 
chancelier  de  l'Hôpital  adressa  au  Parlement  sous  le  titre  d'Ordonnance 
d!Orléans. 

Cette  ordonnance  renfermait  un  article  relatif  à  Vinstruction  gratuite 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE,  (il3 

des  enfants  pauvres^  dans  toutes  les  irilles  de  France.  Lé  discours  de 
P.  Boulenger  a  pour  but  de  prouver  combien  il  serait  utile  d'observer 
les  prescriptions  de  cet  édit.  Les  ecclésiastiques,  dit-il,  refusent  d'obéir 

la  volonté  du  roi  ;  les  magistrats  négligent  de  la  faire  exécuter ,  le  peu- 
ple ignore  ou  oublie  qu'une  telle  mesure  est  du  plus  baut  intérêt  pour 
Tavenir  de  sa  jeunesse.jll  énumère  tous  les  avantages  que  procure  une 
l)onne  éducation,  et  cite  plusieurs  exemples  à  l'appui  de  ses  pré- 
ceptes. 

Ce  discours  est  dédié  aux  Magistrats  et  aux  babitants  de  Loudun.  La 
dédicace  nous  apprend  que  l'auteur  avait  étudié  la  médecine 
à  Paris,  sous  Sylvius  ;  mais  qu'il  avait  résisté  aux  pressantes  sollici- 
tations de  son  ami  Pierre  Blondel,  docteur-médecin,  connu  à  Loudun 
par  ses  talents  et  sa  probité,  qui  l'engageait  à  abandonner  les  belles- 
lettres  pour  se  livrer  à  l'étude  de  la  médecine. 

—  Bourgeois.  Brevis  tractatus  de  dispensatione 
confectionis  Alkermes  celebrata  Trecis,  anno  1 599^ 
per  Claudium  Boui^eois,  Trecensem  pharmaco- 
pœum.  S.  L  n.  d.  (Trecis^  1599),  apud  Joannem 
Odotium;  in-8  de  46  pag. 

Cest  la  plus  ancienne  et  la  plus  étrange  réclame  que  nous  connaissions. 
Claude  Bourgeois,  pharmacien  et  monnoyer  à  Troyes,  s'avisa  de  compo- 
ser, d'après  les  prescriptions  de  Mesué,  médecin  persan  du  neuvième 
siècle,  un  certain  spécifique  connu  sous  le  nom  arabe  d' Alkermes.  En 
1599,  sur  l'invitation  de  ses  confrères,  il  confectionna  ^e  l' Alkermes, 
publiquement  en  solennelle  assemblée  non-seulement  de  médecins , pharmaciens 
et  chirurgiens^  mais  aussi  des  magistrats  et  personnes  notables  de  la  ville  de 
Troyes,  Ce  célèbre  et  excellent  remède  avait  les  propriétés  de  guérir  les 
palpitations  de  cœur,  les  syncopes,  la  fiè?re  quarte  et  même  les  mori- 
bonds, de  dissiper  la  mélancolie,  de  rétablir  les  forces,  de  préserver  de 
la  lèpre,  et  de  conserver  longtemps  la  santé  florissante.  Voici  la  recelte 
de  cet  admirable  spécifique  :  prenez  du  suc  de  pommes,  de  la  soie  écrue^ 
du  suc  de  graines  de  Kermès,  du  sucre,  de  l'ambre  vierge,  du  bois 
d'aloès,  du  cinnamone,  du  lapis'lazuli,  des  perles^  de  Vor  et  du  musc  ; 
mêlez  le  tout  selon  l'ordonnance. 

Il  est  certain  qu'une  composition  dans  laquelle  un  trouvait  de  l'or, 
des  perles  et  du  lapis-lazuli,  devait  être  précieuse  pour  la  santé  ;  et 
Claude  Bourgeois  désirait  en  tirer  bon  parti.  Cest  pourquoi  il  s'em- 
pressa de  faire  imprimer  cbez  J.  Oudot  ce  livre  curieux  dont  voici  la 
description  :  sur  le  verso  du  titre,  k  Tcrs  français  à  la  louange  de  l'apo- 
thicaire ;  une  dédicace  à  Henri  IV;  une  autre  dédicace  (en  latin)  à  Jean 
Angenoust,  président  du  présidial  de  Troyes;  la  recette  de  l' Alkermes, 
discours  latin,  lu  par  Nie.  Caussin  à  l'assemblée  réunie  chez  Cl.  Bour- 
geois; explication  en  latin  de  la  conjection  du  spécifique,  donnée  par 
l'auteur  :  suivent  neuf  pièces  de  vers  latins  et  français,  composés  en  Thon- 


klk  BULLETIN  DU  BffiUOPHILE. 

near  de  Claude  Bourgeois  ;  une  lettre  à  M.  de  la  Rivière,  médecin  da 
roi,  en  lui  adressant  le  discours  des  vertus  et  louanges  du  Blane^  eottieur 
de  la  livrée  de  France^  par  J.  Caussin  ;  et  enfin,  vaae  prière  pour  le  roi^ptit 
G.  Beudot. 

Ainsi  Cl.  Bourgeois  trouva  le  moyen  de  recommander  son  Alkemiès 
au  roi,  au  président  Angenoust  et  au  médecin  du  roi  ;  et  cette  reconh* 
mandation  était  appuyée  par  les  éloges  poétiques  des  médecins  et  apo- 
thicaires de  Troyes. 

—  Briçonwet,  évêque  de  Meaux.  Les  contempla- 
tions faictes  à  Thonneur  et  louange  de  la  Yiei^ 
Marie,  par  quelque  dévote  personne  qui  s'est  voulu 
nommer  ridiote  ;  translatées  par  Tévesque  de  Meaulx, 
(Guillaume  Briçonnet),  le  14  aoust  1519.  S.  L  n. 
d.\  pet.  in-16  de  24  ff.,  goth. 

Rare.  L'auteur  de  ce  livre  est  resté  inconnu  jusqu'au  dix-septième  siècle. 
C'est  le  P.  Théophile  Raynaud,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  mort  k  Lyon 
en  1563,  qui  découvrit  que  l'auteur  véritable  de  cet  ouvrage  de  théologie 
mystique  était  Raymond  Jordan,  prévôt  d'Uzès  en  1381,  puis  abbé  de 
Celles  au  diocèse  de  Bourges.  Jacques  Le  Fèvre  d'Étaples,  mort  à  Nérae 
en  1537,  fit  imprimer  pour  la  première  fois  à  Paris,  cbez  Henri  Estienne, 
1519y  les  Contemplât tones  Idiot»  de  amore  divino^  de  Flrgine  Mariât  de 
verâ  patentid,  de  continuo  conflictu  carnis  et  animm,  de  innocentid  perditd 
et  de  morte,  Guillaume  Briçonnet,  évéque  de  Meaux,  protecteur  de  Le 
Fèvre  d'Étaples,  traduisit  en  français,  la  même  année,  une  partie  de 
l'ouvrage  de  Raymond  Jordan  ;  et  il  adressa  les  Contemplations  à  thon^ 
neur  de  la  Vierge  Marie  aux  religieuses  de  Faremonstier. 

On  connaît  les  pensées  singulières  et  le  style  extatique  des  auteurs  de 
ces  anciens  livres  de  dévotion.  Il  nous  suffira  de  transcrire  les  titres  des 
six  chapitres  dont  l'œuvre  se  compose  :  c  comme  la  doulce  sacrée  Vierge 
Marie  nous  attire.  —  De  son  excellente  et  admirable  beanlté.  -—  En 
quoy  se  figure  et  se  peult  exprimer  la  dicte  beaulté.  —  La  sacrée  Vierge 
Marie  est  le  temple  de  Dieu,  créée  et  consommée  en  toute  excellence.  — 
De  la  prérogative  et  dignité  du  nom  de  la  glorieuse  Vierge  Marie.  — 
Que  la  débonnaire  dame)  Marie  soit  envers  Dieu,  inventrice  de  toute 
grâce.  » 

—  Brissaut.  Cruenta  syllogismorum  dialecticorum 
pugna,  per  N.  Brissardum  Atkiniensem  Rhemum. 
ParisiiSy  M.  Fascosan^  s.  d.  (vers  1550);  pet.  in-8 
de  28  ff. 

Livre  rare  et  curieux.  Nicolas  Brizard,  d'Attigny  (Ardennes),  fit  im- 
primer vers  1550  ce' petit  ouvrage,  où  sous   la  forme  d'une  relation  de 


BIBLIOGRAPHIE  CHAIVIPENOISE.  /il5 

la  terrible  bataille  livrée  entre  les  syllogismes  Barbara  et  Celarent,  qui  se 
disputaient  alors  le  pouvoir  suprême  en  dialectique,  l'auteur  fait  le  dé- 
nombrement des  armées  des  deux  chefs  ennemis,  et  compose  ainsi  un 
traité  de  logique  fort  singulier,  dans  lequel  on  trouve  Thistoire  de  tontes 
les  argumentations  en  usage  dans  Técole,  et  une  critique  ingénieuse  de  la 
philosophie  scolastique. 

—  Bruchier.  Brucherii  (Joannis)  trecensis  commen- 
tarii  in  septem  Sapientium  Grœciae  apophthegmata^ 
Àusonianis  conscripta  versibus.  Ejusdem  tetrasticha 
parabolica,  cum  nonnullis  aliis  ipsius  poematiis. 
Paris j  ex  offic.  Sunonis  Colinasi,  1528;  1  vol.  in-8. 

Livre  rare,  imprimé  par  Sim.  de  Colines.  Nous  n*avons  pu  trouver 
aucun  renseignement  sur  ce  savant  champenois  qui  se  nommait  pro- 
bablement Jean  Brucliier.  Il  dédia  ce  volume  à  Michel  Boudet,  évéque 
de  Langres  ;  Tépitre  est  datée  de  novembre  1527.  —  L*auteur  a  pris 
pour  texte  de  son  travail  les  apophthegmes  des  sept  sages  de  la  Grèce, 
trad,  en  vers  latins  par  Ausone.  Il  a  fait  preuve  d*une  grande  érudition, 
dans  ces  commentaires  qui  sont  précédés  de  la  biographie  des  philo- 
sophes dont  il  analyse  les  sentences  morales. 

Les  poésies  latines  de  J.  Bruchier,  insérées  à  la  fin  du  volume,  se  com- 
posent de  paraboles  en  quatrain,  de  fahles  et  de  chants  sacrés:  ces  vers 
ne  sont  point  sans  mérite.  Nous  citerons  la  fable  de  la  cigale  et  de  la 
fourmi,  trad.  d'Aphthonius,  en  prose  latine,  et  de  Gabrias,  en  vers  la- 
tins. Voici  cette  dernière  imitation  : 

Petebat  a  formica  cicada  cikam  : 
Sed  formica  ait,  quid  aestate  fadebas  ? 
Qaod  aCQte  aestate  caneret,  dixit. 
Hynme  salta  (inqnit)  ne  ama  dbom. 

Le  trait  qu^on  a  quelquefois  critiqué  dans  la  Fontaine, 

Vous  chantiez,  j'en  sois  fort  aise  ; 
Eh  bien  !  dansez  maintenant, 

appartient  au  fabuliste  grec.  Au  surplus,  le    fond  de  l'apologue  et  la 
forme  du  dialogue  sont  les  mêmes  dans  les  deux  fabulistes. 

N^oublions  pas  la  note  historique  placée  au-dessous  d'une  prière  à  la 
S.  Vierge,  c  Cette  prière  fut  composée  par  Bruchier,  Tan  1518,  tandis 
que  la  Champagne  et  plusieurs  autres  provinces  étaient  décimées  par 
une  terrible  peste.  » 

—  Bruchier  de  Troyes.  Ant.  Mancinelli  sermonum 
Decas.  Fenundantur  Parrhisiis  in  œdibusJoh.  Pan^i 
et  Jodoci  Badii  Ascensii  (in  fine)  ;  hi  sermones  im-- 


kl6  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

pressi  sunt....  in  œdibus  Àscensianis ;  communibus 
impensis  ipsius  Ascensii  et  Joannis  Parvi^  Josfis 
sancto  ante  Pascha^  1 51 1  ;  pet.  în-4  de  6  et  77  (f. 

Volume  très-rare  et  peu  connu.  Marque  de  Jean  Petit  sur  le  titre.  — 
Antoine  Mancinelli,  né  à  Velietri  en  1452,  mourut  à  Rome  vers  1506. 
Ses  œuvres  grammaticales  et  ses  commentaires  sur  d'anciens  auteurs  eu- 
rent beaucoup  de  succès. 

Ces  discours  académiques  sur  différentes  matières  furent  imprimés 
pour  la  première  fois  à  Rome,  vers  150(i  ;  Jean  Bruchier  (Brueherius\ 
de  Troyes,  en  donna  un  exemplaire  à  Josse  Bade,  qui  le  réimprinàa  en 
1511.  Cet  ouvrage  est  divbé  en  dix  livres  et  contient  126  discours; 
voici  les  pnncipaux  sujets  traités  par  Antoine  Mancinelli  :  Livre  !*■'.  De 
auspicandis  poetis,  historicis,  oratorîbus,  —  la»  2.  De  accipiendo  doe^ 
trinm  insigne,  —  L.  3.  De  magistratibus ,  —  L.  4.  De  fidi  publicd,  et  gra- 
tiarum  actionibus,  —  L.  b»  De  quarumdam  ceicbratione  soUnnitatum,  — 
L.  6.  De  religione;  de  incarnatione  et  natali  Ctwisti,  —  L.  7.  De  saero 
Baptismo,  —  L.  ^,  De  corpore  et  sanguine  Christi;  de  prœsbiteris^  etc.  — 
L.  9.  De  sponsalibus  et  matrimoniis,  — -  L.  10.  De  laudibus  in  funere  ho- 
noratorum  virorum. 

Sur  le  dernier  feuillet  on  lit  une  pièce  de  vers  intitulée  :  lOANins  bru- 
GUEBius  TRECEifSis  commendativo  epigrammate  librum  super iorem  alto* 
quit. 

—  Caussin  (Nicolas).  Electorum  symbolorum  et  pa- 
rabolorum  historicarum  syntagmata^  ex  horo.  Clé- 
mente, Epiphanio  et  aliis,  cum  notis  et  observatio- 
x\îh\xs.  Parisiis  ^  Romanus  de  Beaui^aîsy  1618; 
in -4,  front. 

Première  édition  d*un  livre  rare  et  curieux.  Le  frontispice,  gravé  par 
Léonard  Gaultier,  est  d'une  exécution  très-remarquable.  Il  représente 
deux  obélisques  chargés  de  hiéroglyphes  et  servant  de  cadre  à  une  fon- 
taine {fons  sapientim)^  qui  tombe  en  cascade  du  sommet  d*une  haute 
montagne,  traverse  une  vasque,  deux  trompes  et  une  seconde  vasque, 
avant  d'alimenter  les  eaux  du  Nil  ;  c'est  une  idée  singulière,  exprimée 
par  le  burin  avec  beaucoup  d^légance. 

Nicolas  Caussin,  jésuite,  né  à  Troyes  en  1583,  fut  choisi  pour  con- 
fesseur de  Louis  XIII  ;  mais  ayant  voulu  faire  rappeler  la  reine  mère, 
le  cardinal  de  Richelieu  le  relégua,  en  1639,  dans  une  ville  de  Bretagne. 
Le  P.  Caussin  mourut  à  Paris  en  1651.  Il  était  professeur  au  collège  de 
la  Flèche,  lorsqu'il  traduisit  du  grec  en  latin  ce  recueil  de  hiéroglyphes 
et  de  symboles  égyptiens.  Nous  avons  transcrit  ci-dessus  le  titre  gravé 
au  centre  du  frontispice  ;  le  titre  imprimé  porte  seulement  De  symbolicd 
Agfptiorum  sapientid.  L'ouvrage  est  dédié  au  président  de  la    chaïubre 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  417 

des  Comptes  de  Normandie,  et  le  piÎTilége  est  du  19  avril  1618.  C'est 
donc  par  erreur  que,  dans  quelques  bibliographies,  le  Hyre  est  daté  de 
1616. 

Ce  volume  contient  :  1»  une  savante  dissertation  du  P.  Caussin,  sur 
Torigine  des  hiéroglyphes,  sur  Horus  Apollo,  et  sur  la  différence  qui 
existe  entre  les  symboles,  les  énigmes,  les  emblèmes,  les  paraboles,  les 
apologues  et  les  hiéroglyphes  ;  %<*  les  hiéroglyphes  de  Horus  ApoUo,  en 
grec,  avec  la  traduction  latine  en  regard  et  des  notes  au  bas  des  pages; 
3"  les  hiéroglyphes  extraits  du  livre  des  stromates  de  Clément  d'Alexan- 
drie, et  de  la  Bibliothique  de  Diodore  de  Sicile,  suivis  des  symboles  de 
saint  Épiphane  :  le  tout  en  grec  et  en  latin  ;  k^  les  observations  sur  les 
hiéroglyphes  d'Horus  ApoUo  ;  b^  cent  énigmes  du  poète  Symposius  ;  et 
enfin  un  index  pour  les  hiéroglyphes  d^Horus  et  les  observations  du 
P.  Caussin.  Ce  recueil  est  fort  curieux  :  les  extraits  de  Clément  d'Alexan- 
drie, de  Diodore  et  saint  Épiphane  n*ont  jamais  été  imprimés  séparé* 
ment. 

—  Caussin.  Thésaurus  graecae  poeseos,  ex  omnibus 
Grœcis  poetis  collectus;  libri  duo.  Auctore  Nie. 
Caussiuo  tricassino,  soe.  Jesu.  Parisiis  y  sumptibus 
Romani  de  Beauvais^  1612;  2  lom.  en  1  vol.  in-8. 

Première  édition;  cet  ouvrage  a  été  réimprimé  à  Cologne  en  1613 
et  1630,  et  à  Mayence  en  1614.  Le  P.  Caussin  enseignait  les  belles-let- 
tres à  Rouen,  lorsqu'il  composa  ce  livre  destiné  à  la  jeunesse,  et  dédié 
aux  magistrats  de  la  ville  de  Rouen. 

La  première  partie,  de  4(i8  pages  avec  les  tables,  forme  un  diction- 
naire, par  ordre  alphabétique,  de  1063  mots  latins  traduits  en  grec  et 
accompagnés  de  périphrases,  de  synonymes  et  d*épithètes  en  grec  et  en 
latin  :  ce  sont  des  extraits  de  192  poètes  grecs. 

La  seconde  partie,  de  201  pages,  contient  une  prosodie  grecque,  par 
ordre  alphabétique,  dans  laquelle  la  quantité  des  mots  est  prouvée  par 
des  exemples  tirés  des  meilleurs  poètes.  —  Ce  second  volume  est  forte- 
ment piqué. 

—  Caussin.  Symbolica  iEgyptiorum  sapientia;  au- 
ihoreNic.  Caussino  e  soc.  Jesu.  Pam,  Adr.  Tau- 
pinarty  1634;  in-8. 

Livre  peu  commun  et  recherché. 

L'ouvrage  est  divisé  en  deux  parties.  La  première,  de  248  pages,  plus 
8  ff .  pour  les  tables ,  contient  une  Dissertation  latine  du  P.  Caussin  sur 
les  hiéroglyphes;  Ori  Apollinis  niliaci  hieroglyphica^  en  grec  avec  une 
traduction  latihe  eu  regard  ;  les  Hiéroglyphes  de  J.  Pierius  Valerianus, 
eu  latin  ;  les  Hiéroglyphes  de  Clément  d'Alexandrie,  des  extraits  de  la 
Bibliothèque  de  Diodore  et  des  OEuvres  de  saint  Epiphane,  en  grec  et 


418  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

en  latin  ;  âes  '  Obserpations  du  P.  Caussin  sur  les  hiéroglyphes  d*Oni8 
Apollo  ;  et  les  Énigmes  de  S^inposius,  en  Ters  latins.  —  On  troure  parmi 
les  feuillets  de  Vlndex^  deux  cartons  qui  doiyent  être  rares  :  Ton,  pour 
remplacer  le  feuillet  97-98,  et  l'autre,  pour  le  feuillet  111-112.  MaÎB 
Texemplaire  est  défectueux  du  feuillet  93-94»  qui  renfermait  la  traduc- 
tion latine  de  cinq  hiéroglyphes  d'Orus,  dont  le  texte  grec  est  complet. 
La  seconde  partie,  de  595  pages,  et  33  ff.  pour  les  pièces  liminaires 
et  les  tahles,  renferme  les  douze  liyres  du  Polyhistor  symboîicus. 

—  Caussin.  Les  devoirs  funèbres  rendus  à  Theu- 
reuse  Mémoire  de  Madame  Catherine-Henriette- 
fieauvillier,  dite  desaincte  Gertrude,  coadjutrice  de 
l'abbesse  de  Montmartre ,  par  Nie.  Caussin,  de  la 
Comp.  de  Jésus.  Paris ^  Adrien  Taupinart^  1634; 
pet.  in-8  de  60  pages. 

Cette  oraison  funèhre  fut  prononcée  par  le  P.  Caussin,  dans  Pabbaye 
de  Montmartre.  Catherine-Henriette  de  Beauvillier,  fille  du  duc  de 
Saint-Aignan,  naquit  le  26  mars  1614  et  mourut  au  mois  de  septembre 
1634,  à  l'Age  de  vingt  ans.  Elle  était  coadjutrice  de  l'abbesse  de  Mont- 
martre, sa  tante,  Marie  de  Beauvillier,  bien  connue  par  ses  amours  aTec 
Henri  IV.  Ce  qui  n'a  pas  empêché  le  P.  Caussin  d'écrire  que  t  Dieo, 
pour  la  façonner  à  l'escole  du  ciel,  luy  avoit  donné  Madame  l'abbesse 
de  Montmartre,  une  vraye  tante,  qui  luy  a  tousjours  senry  de  mère 
et  de  maistresse,  et  qui  la  touchant  de  si  près,  luy  a  versé  l'esprit  de 
piété  par  la  communication  du  sang.  » 

—  Cavier.  Excellente  et  notable  profession  catho- 
lique de  M.  Sebastien  Flach^  de  MansFeld,  homme 
de  qualité  et  autorité ,  où  il  abjure  et  déteste  Thé- 
résie  luthérienne....;  trad.  du  lat.  en  franc,  par 
P.  Loup  Cavier,  religieux  cordelier  senonois.  Paris, 
Ànu  Houïc,  1576  ;  pet.  in  8  de  20  ff. 

Cette  profession  de  foi ,  dans  laquelle  Sébastien  Flach  développe  les 
-vingt-deux  raisons  qui  l'ont  engagé  à  abjurer  le  luthéranisme,  n'occupe 
que  onze  feuillets.  Le  frère  Loup  Cavier,  cordelier  de  Skus,  traduisit 
cet  opuscule  en  français,  pour  l'édification  des  fidèles  et  la  conversion 
des  hérétiques.  —  Le  texte  est  précédé  d'un  sonnet,  d'une  dédicace  de 
sept  pages  à  Estienne  Haton,  avocat  au  bailliage  de  Sens,  de  deux  aver- 
tissements aux  affectionnez  lecteurs^  l'un  en  prose  et  l'autre  en  vers  ;  et 
deux  pièces  de  vers,  composées  par  J.  Bourgoin,  Senonois,  et  E.  de 
Richoufs,  gentilhomme.  On  trouve  encore,  à  la  fin  du  volume,  une  pièce 
de  onze  vers  français,  du  fr.  Cavier.  Les  Muses  ont  dû  vivement  pro- 


BIBLIOGRAPHIE  CHAIVIPENOISE.  dlQ 

tester  contre  Tescalade  du  Parnasse  par  notre  cordelier  senonois,  qui 
ne  craint  pas  de  faire  rimer  dextre  avec  estre^  livre  avec  prise  ,  semblable 
avec  grâce,  choses  avec  cohortes,  hérésies  avec  catlioliques^  etc.  Heureuse* 
ment,  ses  doctrines  étaient  plus  orthodoxes  que  ses  vers. 

—  CHEsmEAU  [Nicolas).  Le  Manuel  de  la  recherche 
ou  antiquité  de  la  Foy  et  doctrine  de  TEglise  catho- 

.lique.  Reims ^  /.  de  Poignjr^  1570,  in-8. 

Livre  de  controverse  orthodoxe.  —  Nicolas  Cheneau,  né  à  Tourteron 
en  Rethelois  y  chanoine  et  doyen  de  Péglise  de  Saint-Symphorien  de 
Reims,  mourut  eu  1581.  H  dédia  le  Manuel  de  P antiquité  de  la  Fojr  a 
François  de  Gonzague,  comte  de  Rethelois ,  et  il  fit  imprimer  à  la  suite 
de  la  dédicace  six  sonnets  de  sa  composition. 

Nie.  Chesneau  réfute  longuement  les  opinious  des  hérétiques  sur  les 
sacrements,  sur  le  carême,  la  messe,  le  paradis,  le  purgatoire  et  1* enfer. 
Il  reproche  aux  calvinistes  de  ne  vouloir  ni  prêtres  ni  rois,  c  Et  Toilà 
l'anarchie  par  eux  de  longtemps  projetée.  »  —  c  Anarchie,  ajoute-t-il, 
c'est  un  État  sans  magistrat  souverain  :  c*est  un  royaume  de  grenouilles, 
où  chacun  chante  également.  >  Il  nomme  les  mariages  huguenots  c  des 
mariages  de  lièvres,  i  Notre  chanoine  passe  en  revue  toutes  les  fêtes  de 
rÉglise  catholique  et  en  expose  l'origine  et  l'utilité.  Plusieurs  chapitres 
de  ce  livre  sont  fort  curieux. 

—  Compte  rendu  par  M.  de  Choiseuil  d'AilIecourt^ 
député  de  la  Noblesse  du  bailliage  de  Chaumont-en 
Bassigny^  à  ses  commettans.  S.  /.,  1791  ;  in-8  de 
320  pages. 

Livre  très-intéressant  pour  l'histoire  des  deux  premières  années  de  la 
Révolution.  M.  de  Choiseul  a  divisé  son  rapport  en  cinq  chapitres.  Dans 
les  trois  premiers,  il  examine  quelles  furent  les  circonstances  qui  néces- 
sitèrent la  convocation  des  états  généraux  ;  quels  progrès  avait  faits  l'opi- 
nion publique,  et  sur  quelles  bases  étaient  fondées  les  instructions  don- 
nées par  la  noblesse  du  bailliage  de  Chaumont  à  ses  députés.  On  trouve 
dans  ce  chapitre  le  cahier  des  pétitions  et  doléances  de  ladite  noblesse. 

Les  chapitres  suivants  contiennent  l'histoire  détaillée  des  événements 
qui  eurent  lieu  depuis  l'ouverture  des  états  généraux,  le  5  mai  1789  jus- 
qu'au 31  août  1791.  On  doit  remarquer  une  analyse  critique,  fort  cu- 
rieuse, de  la  Constitution  de  1791. 

L'auteur  apprécie  judicieusement  les  causes  et  les  effets  de  la  Révolu- 
tion :  il  rend  compte  de  sa  conduite  et  de  ses  votes,  au  milieu  du  boule- 
versement de  Tancienne  société  et  de  la  monarchie,  afin  de  mettre  ses 
commettants  à  même  de  juger  s'il  a  pu,  un  seul  instant,  tromper  leur 
confiance.  Ce  n'est  pas  le  simple  compte  rendu  d'un  député,  c*est  une 
page  d'histoire  écrite  avec  un  bon  sens ,  une  précision ,  une  clarté  qui 
n'étaient  pas  dans  les  élucubrations  du  moment. 


420  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

—  Clamengis.  Nicolai  de  Clamengiis^  de  lapsu  et 
reparatione  justitiae  libellas.  S.  L  n.  d.  {BcisileaSj 
circa^  1519);  pet.  in-4  de  4  ff.  et  131  pages. 

Rare.  —  Le  titre  est  encadré  d*une  large  bordure  à  figares  singu- 
lières, dans  le  genre  d*Holbein;  elle  est  datée  de  1519. 

Mathieu-Nicolas  de  Clemenges,  ou  Clamenges,  en  latin  de  CUmangiUf 
ou  Clamengiis^  naquit  vers  le  milieu  du  quatorzième  siècle  dans  le  yH- 
lage  de  Glamenges  près  de  Châlons  en  Champagne,  et,  selon  l'osage  du 
temps,  prit  le  nom  de  sa  patrie.  Il  devint  recteur  de  TUniversité  en 
1393,  puis  secrétaire  de  Tantipape  Benoît  XlV,  et  enfin  archidiacre 
de  Bayeux.  U  Tivait  encore  en  1440,  ainsi  qu'il  résulte  d'une  lettre 
émanée  de  l'assemblée  tenue  à  Bourges  au  mois  de  septembre  de  cette 
année,  et  insérée  dans  son  traité  contre  les  Annates  ;  mais  on  ignore  la 
date  de  sa  mort. 

Clemangis  écrivait  son  livre  De  lapsu  et  reparatione  justitim  pour 
Louis,  duc  d'Aquitaine,  fils  de  Charles  VI.  Ce  prince  mourut  jeune,  en 
1415;  et  alors  Clemengis  acheva  son  ouvrage  et  le  dédia  à  Philippe, 
duc  de  Bourgogne,  en  le  priant  instamment  de  protéger  et  de  secourir 
la  France ,  près  de  périr.  (JPericlitanti  regno ,  ne  prorsùs  corruat^  wuum 
auxillatrice  objecta  mature  auxiUum  ferre  accéléra,) 

L'auteur  fait,  dans  ce  livre,  un  tableau  émouvant  des  désordres  et  des 
guerres  civiles  qui  désolaient  la  France  et  Tentraînaient  à  une  perte 
certaine  :  c'est  une  page  intéressante  de  l'histoire  sous  le  règne  de 
Charles  VI. 

On  trouve  ensuite  une  dissertation  sur  les  conciles  généraux.  Clemengis 
attaque  le  concile  de  Pise,  assemblé  en  1409  pour  mettre  fin  au  schisme, 
et  qui,  au  lieu  de  l'éteindre,  ne  fit  que  lui  donner  de  nouvelles  forces. 
Il  conclut  de  là  que  les  conciles  ne  sont  pas  infaillibles  ;  qu'au  surplus, 
avant  de  formuler  de  nouveaux  décrets,  il  fallait  d'abord  réformer  les 
mœurs  du  clergé;  et  enfin,  que  tout  ce  que  décide  l'Église  ne  doit  pas 
être  adopté  comme  article  de  foi  {Non  enim  tanquam  fulei  artieuU  sumt 
amplectenda  qumcumque  Ecclesîa  detemùnat). 

Le  dernier  traité,  Sur  les  Annates,  contient  les  réclamations  faites  au 
concile  de  Constance,  par  les  députés  du  clergé  de  France,  contre  le 
payement  à  la  cour  de  Rome  de  l'impôt  des  Annates,  qui  s'élevait,  pour 
les  cathédrales  et  les  abbayes,  à  697  750  francs  par  an,  sans  compter  les 
autres  bénéfices  qui  rendaient  une  somme  égale  :  ces  réclamations  sont 
suivies  des  objections  et  des  remontrances  des  cardinaux;  du  décret  du 
concile  de  BAle,  arrêté  dans  sa  vingt  et  unième  session,  qui  abolit  le  paye- 
ment des  Annates;  d'un  arrêt  du  Parlement,  sur  le  même  sujet,  du 
11  septembre  1406;  de  la  résolution  des  prélats  français  réunis  à  Bourges 
en  1440,  par  laquelle  ils  reconnaissent  le  concile  de  BAle  et  non  celui 
de  Ferrare  ;  n'approuvent  ni  la  déposition  d'Eugène  IV  (1439),  ni  l'élec- 
tion de  Félix  Y;  et  déclarent  vouloir  faire  observer  inviolableraent  a 
pragmatique  sanction.  Qemengis  reproduit  encore  une  lettre  de  l'em- 


,  *! 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  421 

perear  Frâléric  m,  adreisée  à  Charles  VU,  aa  sujet  da  concile.  Cette 
lettre,  datée  par  erreur  de  1425,  a  été  écrite  ea  1445. 

Nicolas  Qeoieiigîs  était  le  meilleur  éenTaiti  de  son  époque.  U  a  com- 
posé un  grand  nombre  d'onirrages^  qui  se  font  remarquer  par  l'élégance 
du  style  et  la  rigueur  des  pensées.  Les  différents  traités,  réunis  dans  ce 
volume,  sont  importants  pour  Phistoire  ciTile  et  ecclésiastique  de  la 
France  y  au  quinzième  nècle. 

—  Cléheitt.  Les  sainctes  ciiriosilez^  par  M'*  Pierre 
Qément,  chaDoine  r^ulier.  Langres^  J.  Boudrot^ 
s.  d.  (1 651  );  pet*  in^,  litre  gravé. 

Livre  rare,  dédié  par  J.  Cynent  à  se$  €^mfirènt  MM,  Ui  tarés  saiaetê" 
ment  associés  en  eongrégaiion^  m  Phùnmemr  de  la  glaneuse  iransfyuradan 
de  Noire  Seigneur^  en  la  montagne.  Cette  dédieaoe  est  suivie  de  la  table 
de  soixante  et  onze  questions  discutées  dans  le  Tolume  et  d'une  pièce  de 
vers  de  l'auteur.  On  Ht,  sur  les  derniers  feoillels,  des  Tcrs  latins  et  firan- 
çaisy  composés  par  Denis  Clément,  pbamamen  à  Langres,  neveu  du 
chanoine. 

Pieire  Qément  a  fiût  preuve  cTune  profonde  érudition,  mais  d'une 
logique  peu  éclairée,  dans  Tcxamen  des  questions  les  plus  singulières, 
sur  des  sujets  tirés  de  l'Éoritare  sainte.  Nous  en  cilermis  quelques-unes: 
Qu  est-ce  que  Penfer?  D  est  probable  qu'il  est  rond  en  forme  de  puits, 
quoique  d'autres  le  croient  carré.  —  QaeUe  sorte  de  serpent  tenta  Èeo? 
On  n'est  pas  fixé  sur  ce  point*  C'était  nn  basilLo,  on  une  vipère,  on  plo- 
tôt  un  serpent  à  moiiié,  comme  on  troupe  des  faunes  denû-àoues^  des  sirènes 
demi-poissons.  —  Comèien  de  tontpe  Adam  demeura  au  paradis  terrestre  ? 
U  existetrois  opinions  à  ce  sujet.  H  y  resta  six  jours,  on  iiz  beures»  ou 
quarante  jours;  mais,  on  eroit  généralement  qu'il  fut  ehassé  le  premier 
jour  de  la  création,  et  qu'il  n'j  demeura  que  six  benres.  Adam  et  Ère 
ne  se  marièrent  point  dans  le  paradis  terrMtfe.  Après  leur  sortie  du  pa- 
radis, Adam  composa  qndqncs  psaumes  ;  et  entre  autres,  le  psmmo  92» 

—  Lorsque  AhdL  fut  tué  par  Cabi,  il  était  âgé  de  cent  vingt^ieuf  ans  et 
Adam  de  cent  trente  ans.  —  Comment  était  faite  Pareke  de  Noé?  L'auteur 
dit  qu'elle  ressemblait  à  mw  grande  ville;  qu'dk  avait  90 000  coudées 
de  longueur  et  25  000  coudées  de  largeur  :  la  eondée  était  de  9  pieds. 

—  Comment  Josué  arrêta  le  soleil  et  la  lune  ?  ^-  Pourquoi  la  ssùnto  Flerge 
se  mariuf  quoiqu'elle  eût  fait  pesu  de  rester  piergef  ete.,  eto. 

—  Caumont.  Du  firmament  des  catholiques^  contre 
Tabisme  des  hérétiques  ;  par  J.  de  Caumont,  cham^ 
penois.  Paris^  J.  Charron  j  4587;  pet.,  in-8  de 
86  ff. 

livre  rare.  Jean  de  Canmont,  oéltiiraavoett  daseiuème  siède,  m  par» 
lement  dePaiis»  naquit  àLangrea  ci  bmnuuK  prabableoMBloi  1587,  peu 


422  .   BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

de  temps  après  l'impression  de  cet  ouTrage.  Zélé  eatholiqae,  il  compoai 
plusieurs  écrits,  en  style  mystique ,  contre  les  calvinistes. 

L*auteur  explique  ainsi  le  titre  singulier  de  son  livre  :  c  La  chente  da 
très-solide  firmament  de  TEglise  en  hérésie,  la  cliente  de  radhésion  à 
Dieu  en  l'abisme  de  soy  mesme,  est  comme  la  cheute  de  Satan,  quand  il 
fut  précipité  du  ciel  aux  enfers.  »  —  Après  avoir  chercbé  à  prouver  qae 
les  hérétiques  sont  traîtres  à  Dieu  et  à  PEcriture  sainte,  il  ajoute  que  c  n 
quelquefois  ils  semblent  enseigner  la  mesme  doctrine  que  les  catholi- 
ques, il  faut  se  rappeler  qu*entre  le  vray  et  le  faux,  il  n'y  a  qu'un  che- 
veu, s  II  expose  ensuite  les  douze  marques  de  la  vraye  Eglisey  et  cite  les 
tesmoignages  des  Pères  et  des  conciles  sur  la  primauté  de  saint  Pienv.  L'au- 
teur conclut  en  disant  :  c  Quelque  chose  que  l*homme  face,  il  est  impos- 
sible de  toute  impossibilité  de  se  sauver  hors  TEglise  catholique,  aposto- 
lique et  romaine,  i 

Cependant,  Jean  de  Caumont  avoue  c  qn^on  ne  pourrait  dissimuler 
qull  n*y  ait  effroyables  scandales  dans  le  sacerdoce,  et  tous  les  gens  de 
bien  ont  le  cœur  navré  de  voir  les  désordres  qui  y  sont  :  tels  qui  mérite- 
raient souverains  supplices,  y  ont  les  honneurs  souverains,  etc.  » 

Nous  avons  remarqué  que  l'auteur  qualifie  Dieu  de  chef  soupertùn, 
créateur  des  substances^  doteur  des  formes^  premier  moteur^  causa  première^ 
et  cause  des  causes, 

—  CAUMOiiT.  De  l'union  des  catholiques  avec  Dieu 
et  entre  eux  mesmes;  par  Jehan  de  Caumont,  cham- 
penois. Paris,  Nie.  Nivelle  j  1587;  pet.  in-8  de 
78  pages. 

Rare. Une  jolie  vignette^  gravée  en  bois  sur  le  titre,  représente  Jésus 
crucifié.  —  Cet  ouvrage  est  dédié  au  duc  de  Guise,  par  L.  de  Caumont, 
frère  de  Tauteur.  D'après  cette  dédicace,  Jean  de  Caumont  était  mort 
empoisonné,  avant  le  21  octobre  lÔS?»  date  du  privilège.  —  Louis  de 
Caumont  félicite  le  duc  de  Guise  d'être  le  soutien  le  plus  zélé  de  l'Église 
catholique,  et  le  chef  de  la  sainte  union  en  France;  et  il  ajoute  que  le 
nom  de  guisards  appliqué  aux  prosélytes  de  cette  union  £ùt  grand  hon- 
neur à  ce  prince,  qoi  a  su  les  défendre  et  garantir  de  damnation  éter? 

nelle. 

Jean  de  Caumont,  par  son  aversion  contre  les  calvinistes,  avait  cm- 
/'  brassé  le  parti  de  la  Ligue.  Son  traité  De  Punion  des  catkoltques  contient 

une  dissertation  sur  l'Euchanstie^  qui  est  la  fm  des  fins  et  Vwùon  des 
unions  por  laquelle  la  créature  humaine  est  urne  à  son  Créateur;  et  il  en 
déduit  que  le  calvinisme  est  Vkérésie  des  hérésies^  Pimpiété  des  impiêtéSf 
puisqu* il  rejette  P Eucharistie.  Il  termine  son  livre  par  des  invectives  contre 
les  hérétiques,  et  par  des  exhortations  aox  catholiques  de  rester  unis  et 
fermes  dans  leur  foi. 

On  lit  sur  les  derniers  feuillets,  quatre  pièees  de  vers  en  grec,  en 
en  latin  et  en  francs,  sur  la  mort  prématarée  de  Jean  de  Caumont. 


/ 

/ 


-*A 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  423 

—  Chayer.  Le  ccfmmentateur  amusant,  ou  anec- 
dotes très-curieuses ,  commentées  par  l'écrivain  le 
plus  célèbre  de  notre  siècle  (Fabbé  Chayer) .  S.  L  ru 
d.  (1759);  in-12  de  48  pages. 

Opuscule  très-rare.  Christophe  Chayer,  cui-é  aux  environs  de  Sens, 
naquit  à  Villeneuve-le-Roi  en  1723  et  mourut  en  1770. 

Il  publia  plusieurs  ouvrages  ayant  pour  sujet  la  galanterie  et  l'amour. 
Les  anecdotes  contenues  dans  ce  livre  sont  assez  libres.  On  y  trouve 
aussi  des  questions  sur  la  virginité  que  Pabbé  Chayer  résout  avec  une 
aisance  remarquable. 

On  a  imprimé  à  la  suite  et  du  même  auteur  :  Justes  plaintes;  Entre- 
tien (Vun  marquis  et  d'une  comtesse  ;  et  39  stances  sur  les  charmes  de  la  So^ 
litude.  Ces  opuscules  forment  une  seconde  partie  de  20  pages. 

—  Clicquot  Blervache.  Dissertation  sur  Teffet  que 
produit  le  prix  de  l'argent  sur  le  commerce  et  l'a- 
griculture; par  Clicquot -Blervache,  de  Reims, 
Amiens j  1755;  in-12  de  52  pages. 

Simon  Clicquot-Blervache,  inspecteur  général  du  commerce  et  corres- 
pondant de  la  Société  d'agriculture  de  Paris,  naquit  à  Reims  en  1723 
et  mourut  le  31  juillet  1796.  Il  a  composé  plusieurs  ouvrages. 

Cette  dissertation  sur  une  question  d'économie  politique  fut  couron- 
née en  1755  par  la  Société  des  sciences  et  belles-lettres  d'Amiens.  L'au- 
teur prouve  que  le  prix  élevé  de  l'argent  nuit  au  progrès  du  commerce 
et  de  l'agriculture,  tout  en  appauvrissant  l'Etat.  Il  prend  pour  termes 
de  comparaison  le  taux  de  l'intérêt  à  6  pour  100  adopté  en  France  et  le 
taux  à  4  pour  100  adopté  en  Angleterre.  Il  résulte  de  ses  calculs  un  gain 
considérable  pour  le  commerce  anglais,  et  il  invite  le  législateur  en  France 
à  interposer  son  autorité  pour  réduire  le  taux  de  l'intérêt.  Un  grand  ta- 
bleau ployé,  placé  à  la  fin  du  volume,  donne  les  détails  du  produit  d'une 
somme  de  100  000  livres,  prêtée  pendant  douze  ans,  soit  à  6  pour  100, 
soit  à  k  pour  100, 

—  Jacob  (S,).  Notice  sur  la  \ie  et  les  ouvrages  de 
M.  Clicquot- Blervache;  par  Simon  Jacob.  Paris, 
J.'B.  Sajou,  1815;  in-8  de  16  pages. 

Cette  notice,  imprimée  en  1796  dans  le  Journal  de  Reims ,  insérée  en- 
suite dans  le  Magasin  encyclopédique,  n'a  été  publiée  séparément  qu'en 
1815.  L'auteur,  Simon  Jacob,  était  neveu  de  M.  Clicquot. 

Simon  Clicquot -Blervache,  chevalier  de  Tordre  de  Saint-Michel,  pro- 
cureur-syndic de  la  ville  de  Reims  en  1760y  inspecteur  général  du  com- 
merce, de  1765  à  1790,  membre  honoraire  de  l'Académie  d'Amiens 


k2k  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

eu  1778  et  correspondant  de  la  Société  d'agriculture  de  Paris  en  1788, 
naquit  à  Reims  le  7  mai  1723»  et  mourut  à  Beloy,  près  de  Reims,  le 
31  juillet  1796. 

M.  Clicquot  composa,  sur  le  commerce  et  l*agriculture,  plusieurs  ou- 
vrages  estimés,  dont  quelques-uns  furent  couronnés  par  les  académies 
d^ Amiens  et  de  Châlons-sur-Mame,  et  même  par  TÂcadémie  des  in- 
scriptions et  belles-lettres.  Il  cultiva  aussi  les  Muses,  et  Fauteur  de  cette 
notice  cite  deux  strophes,  écrites  par  M.  Clicquot,  qui  ne  manquent  ni 
de  facilité  ni  d*élégance. 

L*abbé  de  Saint-Léger  a  fait  quelques  additions  à  la  notice.  Il  signale 
spécialement  le  plagiat  commis  par  Tabbé  Coyer  dans  son  Chinki,  hU» 
toire  cochinchinoise^  qui  n*est,  en  grande  partie,  que  la  reproduction  ser- 
vile  du  Mémoire  de  M.  Clicquot,  i^Mr  les  corps  de  métiers, 

—  CoFFDT,  Les  OEuvres  de  M.  Cofïîn,  ancien  rec- 
teur à  rUniversité  et  principal  du  collège  de  Dor- 
mans^Beauvais.  Paris,  1755;  2  vol.  in-12. 

Les  œuvres  de  Coffin  sont  précédées  d'un  Éloge  historique  de  Tauteur, 
qui  est  une  notice  détaillée  de  sa  vie  et  de  ses  ouvrages.  Charles  Coffin, 
principal  du  collège  de  Beauvais,  à  Paris,  depuis  1713,  et  recteur  de 
rUniversité,  de  1718  à  1721,*  naquit  à  Buzancy,  diocèse  de  Reims,  le  k 
octobre  1676  et  mourut  le  20  juin  17^9. 

Le  premier  -volume  de  ses  œuvres,  entièrement  en  latin,  contient  un 
Panégyrique  de  saint  Charles  Borromée  ;  des  discours  sur  les  dangers  et 
les  avantages  des  belles-lettres,  sur  Tutilité  de  Thistoire;  TOraison  funè- 
bre du  duc  de  Bourgogne  ;  un  discours  à  Toccasion  de  la  naissance  du 
Dauphin,  fils  de  Louis  XV;  et  quinze  harangues,  pour  la  rentrée  des 
classes,  les  processions  de  TUniversité,  les  inspections  universitaires,  etc* 

On  trouve  encore  dans  le  second  volume,  six  discours  latins  sur  les 
mêmes  sujets;  puis,  des  discours  français  adressés  au  roi  et  au  duc  d'Or- 
léans, régent,  des  discours  latins  au  garde  des  sceaux,  au  médecin 
Fagon,  etc.,  et  des  mandements  du  recteur,  en  français  et  en  latin,  re- 
latifs à  rétablissement  de  Tinstruction  gratuite  dans  l'Université.  C'est 
en  1719  que  Coffin  fit  d'activés  démarches  pour  rendre  Tinstruction  gra- 
tuite. Il  réussit,  et  obtint  une  somme  annuelle  de  120528  livres,  à  pren- 
dre sur  le  bail  des  Postes,  pour  être  distribuée  entre  les  professeurs.  On 
apprend  dans  cette  discussion  que  V  Université  est  la  çéritaèle  fondatrice 
des  Postes  et  des  Messageries,  et  qu'elle  avait  toujours  conservé  un  droit 
sur  cette  exploitation. 

La  dernière  moitié  du  second  volume  renferme  les  poésies  latines  de 
Coffin  :  des  Odes,  parmi  lesquelles  on  en  remarque  deux  adressées  à 
Boileau-Despréaux  ;  les  curieuses  pièces  composées  sur  la  prééminence 
entre  le  vin  de  Bourgogne  et  le  vin  de  Champagne,  par  Coffin  et  Bénigne 
Grenan,  Bourguignon,  professeur  au  collège  d'Harcourt  ;  des  épigrammes, 
des  inscriptions,  des  épitaphes  et  107  hymnes.  La  plupart  de  ces  hymnes 
avaient  été  écrites  par  Cofifin,  pour  la  paroisse  de  Buzancy ,  sa  patrie  et 


.-:aj 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  426 

pour  difTérentes  églises  de  la  TÎlle  de  Reims;  il  en  fit  aussi  pour  le  nou- 
veau bréviaire  de  Paris,  qui  furent  adoptées  par  les  églises  de  Blois, 
Evreux,  Séez  et  Coutances. 

—  CoLLiw.  L'Histoire  de  Herodian^  autbeur  grecq 
des  Empereurs  Romalos  depuis  Marcus,  tournée 
de  grecq  eu  latin  par  George  Politian,  et  de  latin  en 
francoys  par  Jehan  Collin.  On  les  vend  a  Paris ^ 
en  la  rue  Sainct  Jacques^  a  lescu  de  Florence ^  et  au 
pot  cassé ^  par  Jehan  Faucher^  1541  \  in-8,  titre 
encadré. 

C'est  la  première  édition  de  la  plus  ancienne  traduction  française 
d'Hérodien.  Cet  historien,  natif  d^ Alexandrie,  virait  an  troisième  siècle 
de  notre  ère.  U  composa  en  grec  une  histoire  des  Elmpereurs  romains, 
depuis  le  17  mars  180,  date  de  la  mort  de  Marc-Aurèle,  jusqu'à  l'an  238, 
lorsque  le  jeune  Gordien  fut  proclamé  empereur  par  la  garde  préto- 
rienne. —  L'ouvrage  d'Hérodien ,  contemporain  et  quelquefois  témoin 
oculaire  des  faits  qu  il  rapporte,  est  d'une  grande  importance;  car  c'est 
à  peu  près  la  seule  histoire  qui  nous  reste  pour  cette  période  de  68  ans. 

La  traduction  latine  par  Ange  Politian  fut  publiée  en  1493;  et, 
en  1541,  parut  la  traduction  française  de  Jean  Collut,  licencié  ès-loix, 
bailli  du  comté  de  Beaufort  et  demeurant  à  Chaalons  en  Champagne. 
Il  dédia  son  œuvre  à  Henri  de  Foix,  seigneur  de  Lautrec,  comte  de 
Beaufort,  etc.  Cette  dédicace  est  précédée  d'une  lettre  adressée  i  Me- 
nauld  de  Marthory,  évéque  de  Couserans,  tuteur  dudit  Henri  de  Lautrec. 
—  Jean  Collin  a  ajouté  au  texte  d'Hérodien  de  longues  annotations  et 
deux  tables  alphabétiques.  Les  annotations  ont  un  faux  titre  encadré 
comme  le  titre  général  du  volume,  avec  le  nom  de  Vivant  Gâultherot, 
Le  privilège,  daté  du  31  décembre  1540,  est  accordé  aux  deux  libraires, 
Jean  Foucher  et  Vivant  Gaultherot. 

—  Colin.  Prédications  de  Louys  de  Grenade,  de 
Tordre  S.  Dominique  ;  mises  en  François  par  N.  Co- 
lin,  chanoine  et  thrésorier  de  Tégiise  de  Reims. 
Paris,  Guill.  Chaudière,  1602,  1585  et  1586; 
3  voh  in-8. 

Traduction  rare.  — Louis  de  Grenade,  dominicain,  naquit  k  Grenade 
eu  1505,  et  mourut  4  Lisbonne,  le  31  décembre  1588.  Cet  écrivain  as- 
cétique fut  le  plus  célèbre  prédicateur  du  seizième  siècle. 

Le  premier  volume  de  la  traduction  de  cet  Prédications^  par  Nicole 
Colin,  porte  la  date  de  1602,  quoique  la  dédicace  au  cardinal  Louis  de 
Lorraine,  archevêque  de  Reims,  soit  datée  du  15  juin  1583.  C'est  évi« 

28 


426  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

demment  une  seconde  édition,  ou  peut-être  le  titre  a  été  re&it  par  spé» 
culation  de  libraire.  Ce  volume  contient  les  sermons  pour  les  jours  de 
l'Ascension  y  de  la  Pentecôte,  de  la  Trinité  et  du  saint  sacrement.  Le  se- 
cond Tolume,  dédié  au  cardinal  de  Joyeuse,  le  4  noyembre  IbSkf  con- 
tient les  sermons  sur  les  Évangiles  du  temps,  depuis  le  premier  jusqu'au 
douzième  dimanche  après  la  Pentecôte.  Enfin,  le  troisième  volume,  dé- 
dié au  roi  Henri  III,  le  8  juillet  1586,  renferme  les  sermons  sur  les 
Evangiles  du  temps,  depuis  le  treizième  dimanche  après  la  Pentecôte 
jusqu'au  premier  des  Avants. 

—  Colin.  Les  sept  livres  de  la  Diane  de  George  de 
Montemayor  trad.  d'esp.  en  franc,  (par  Nicole  Co- 
lin). RheimSj  J.  de  Foigny^  1578  ;  pet.  in-8  de  4 
et  208  ff. 

Première  édition,  très-rare,  de  cette  traduction  faite  par  Nicole 
Colin ,  de  Reims  ;  elle  est  dédiée  à  Louis  de  Lorraine ,  archevêque  de 
Reims.  Ce  petit  volume  est  recherché  comme  l'un  des  plus  beaux  pro> 
duits  de  l'imprimerie  rémoise  du  seizième  siècle. 

Édition  originale  de  toute  rareté. 

—  Constant.  Invective  contre  Tabominable  parri- 
cide attenté  sur  la  personne  de  Henry  IV,  roy  de 
France  et  de  Navarre,  par  Pierre  Constant,  docl;. 
es  droicts,  natif  de  Langres.  Paris^  Fed.  MoreU 
1 595  ;  pet.  in-8  de  1 4  pages. 

Pièce  très-curieuse,  relative  à  l'attentat  de  Jean  Chaste!.  Dans  cette 
invective,  J.  Constant  ne  ménage  pas  les  Jésuites,  et  dénonce  comme 
fausse  et  hérétique  l'opinion  des  soi-disant  enfants  de  la  sainte  hostie, 
qui  soutiennent  qu'il  est  loisible  de  tuer  un  roi.  Il  démontre  que  Jacques- 
Clément,  Pierre  Barrière  et  Jean  Chastel  sont  des  assassins  et  ne  peuvent 
être  comparés  à  Jahel,  Aod,  Jehu  et  Judith,  qui,  par  un  meurtre,  déli- 
vrèrent le  peuple  de  Dieu  d'une  affreuse  tyrannie,  surtout  lorsqu'il 
s'agit  de  Henri  IV,  roi  légitime  et  très-chrétien. — On  sait  que  Jean 
Chastel  attenta  à  la  vie  du  roi  le  27  décembre  159^,  qu'il  fut  supplicié 
le  29,  et  que  les  Jésuites  furent  bannis  de  France  par  arrêt  du  Parle- 
ment. Cette  édition  originale  est  de  toute  rareté.  On  l'a  réimprimé. 

—  DaugeiNt.  La  Sepmaine  d'Argent,  contenant  l'his- 
toire de  la  seconde  création  ou  restauration  du 
genre  humain  (par  Abel  Dargent).  Sedan ^  Jean 
Jannoîiy  1632;  pet.  in-8. 

Très-rare.  —  Ce  poème,  composé  à  l'imitation  de  celui  de  Du  Bartas, 
a  pour  sujet  la  vie,  la  passion  et  la  résurrection  de  Jésuf-Christ.  —  L*au- 


•/ik^ 


BIBUOGRAPHIË  CHAMPENOISE.  427 

teur,  Abel  Dargent,  calviniste,  né  à  Sancerre,  termina  se»  études  théo- 
logiques à  Sedan,  devint  ministre  à  Châteaudun  en  1634,  se  convertit  à 
la  religion  catholique  en  1638,  et  mourut  à  Thôpital  de  Sancerre  en  1652. 
Il  a  anagrammatisé  son  nom  dans  le  dernier  vers  de  son  poëme  : 

Puisque  pour  te  louer  j'aspire  au  bel  art  d*Ange, 

La  versification  de  cette  œuvre  poétique  est  souvent  fort  singulière. 
Voici  le  portrait  de  la  nuit  : 

La  nnict  à  I'cbiI  ombreux,  couverte  de  ses  voiles, 
La  lampe  dans  la  main,  parsemée  d'étoiles. 
Sur  la  teste  un  croissant,  sur  le  front  les  sereins, 
Faisoit  de  ses  pavots  un  présent  aux  humains. 

—  Delajvnes.  Histoire  du  pontificat  d'ËugeDe  III, 
par  dom  Jean  Delannes,  bibliothécaire  de  l'abbaye 
de  Clairvaux.  Nancy ^  1737;  in-8. 

La  dédicace  du  livre  est  adressée  à  Gilbert  de  Montmorin,  évêque-duc 
de  Langres. 

Cette  histoire  des  huit  années  de  pontificat  d*Eugène  III  est  très- 
curieuse.  Ce  pape  fut  intronisé  au  milieu  des  troubles  fomentés  à  Rome 
par  Arnaud  de  Bresse,  qui  avaient  pour  but  d'enlever  aux  papes  le  pou- 
voir temporel.  Eugène  III  fut  obligé,  plusieurs  fois,  de  sortir  de  Rome, 
et  en  1146  il  se  réfugia  en  France,  où  il  présida  des  conciles.  Il  ne  put 
rentrer  à  Rome  qu'en  1152,  dix-neuf  mois  avant  sa  mort.  Ce  fut  aussi 
pendant  son  pontificat  que  saint  Bernard  prêcha  la  malheureuse  croi- 
sade entreprise  en  1147  par  Louis  le  Jeune  et  Tempereur  Conrad. 

—  Dknesle.  Les  Préjugés  du  public,  avec  des  Ob- 
servations, par  Denesle.  Paris j  1747  ;  2  vol.  in-12. 

L'auteur  de  ce  traité  philologique  combat  les  préjugés  du  public,  dont 
les  écrivains  sont  victimes;  il  fait  connaître  aussi  les  défauts  des  auteurs 
et  les  vices  de  leurs  ouvrages,  qui  entretiennent  les  fausses  appréciations 
du  public.  Cette  oeuvre  est  empreinte  d'une  saine  morale,  solidement 
établie. 

Nous  citerons  les  chapitres  sur  le  goût,  sur  les  différentes  espèces  de 
public,  sur  les  critiques,  sur  la  rivalité  et  la  vanité  de  quelques  gens  de 
lettres,  et  surtout  le  remarquable  chapitre  sur  les  femmes  savantes.  Après 
avoir  déclaré  que  la  science  ne  connaît  pas  de  sexe^  rauteur  prouve  que 
les  sciences  et  les  arts  ne  doivent  pas  être  interdits  aux  femmes. 

Denesle,  né  à  Meaux,  mourut  à  Paris  en  1767. 

—  Desmonts.  Le  Libertinage  combattu  par  le  té- 
moignage des  auteurs  profanes^  par  un  religieux  de 


428  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

la  congr.  de  S.  Vanne  (D.  Rémi  Desmouts}«  Char^ 
teçille^  Pierre  Thesin^  1747;  4  vol.  în-12. 

Ouvrage  curieux,  dédié  par  i*imprimeur,  P.  Thesîn,  an  pxînce  de 
Condé,  priuce  de  Gharleville. 

Rémi  DesmontSy  bénédictin,  né  près  de  Rethel  en  1703,  monrat  i 
Provins  le  27  octobre  1787.  L'auteur  entend  par  libertinage  Tathéismey 
le  déisme  et  les  autres  opinions  contraires  à  la  religion  chrétienne*  Il 
avait  entrepris  un  travail  difficile  et  qui  pouvait  soulever  de  flérieaseï 
objections  de  la  part  des  théologiens  ;  Rémi  Desmonts  a  justifié  ratilitë 
de  son  œuvre,  dans  une  préface  de  quatre-vingt-trois  pages.  Le  premier 
volume  traite  de  l'existence  et  des  divers  attributs  de  Dieu.  Le  second 
volume  est  consacre  au  culte,  à  la  prière,  au  sacerdoce  et  à  l'immorta- 
lité de  l'âme.  Le  troisième  volume  traite  de  tous  les  vices,  et  le  quatrième, 
de  toutes  les  vertus.  Pour  démontrer  les  vérités  proposées,  pour  com- 
battre les  vices  et  pour  exciter  à  la  pratique  des  vertus,  Desmonts  ne 
cherche  ses  preuves  que  dans  les  ouvrages  des  écrivains  profanes,  grecs 
et  latins.  Il  fait  voir  que  les  auteurs  païens  les  plus  accrédités  conconrent 
à  établir,  avec  l'Ecriture  et  les  Pères  de  l'Église,  plusieurs  maximes  ca- 
pitales du  christianisme,  et  qu'ils  les  ont  pratiquées.  Toutefois  il  déclare 
que  les  vertus  païennes  sont  insuffisantes  pour  le  salut.  On  trouve  i  la 
fin  du  quatrième  volume  la  liste  des  quatre-vingt-trois  auteurs  profanes 
cités  dans  cet  ouvrage,  depuis  Orphée,  Homère,  Hésiode,  jusqu'à  Julien 
l'Apostat. 

—  Du  Four.  Horatius  christianus,  autore  Je.  Du 
Four  CampanoDerueusi,  gymnasirchâ  Turoui.  Tu- 
roni,  1629  ;  pel.  in-i2  de  6  ff.  et  221  pages. 

Livre  rare  et  curieux.  Les  feuillets  préliminaires  contiennent  une  dé- 
dicace aux  magistrats  de  Tours,  un  panégyrique  de  la  Tille  de  Tours, 
en  vers  latins,  et  d'autres  vers  latins  composés  à  la  louange  de  Vhoratim 
christianus,  ])ar  les  quatre  professeurs  du  collège  de  Tours  :  Jaoq.  R^ 
gnault,  C.  Le  Digne,  Jacq.  Verdier  et  Urb.  Fourier. 

Jean  Du  Four,  Champenois,  principal  du  collège  de  Tours,  avait  eu 
la  singulière  idée  de  rendre  Horace  chrétien.  Ce  volume  ne  renferme 
que  les  0/ies  et  le  Lii^re  des  Épodes;  mais  a  la  fin.  Du  Four  promettait 
de  publier  les  Satires  et  les  Épitres^  également  rendues  chrétiennes.  C'est 
un  tour  de  force  dont  l'auteur  s'est  assez  bien  acquitté.  Il  a  conservé 
chaque  ode  le  rhythme  adopté  par  Horace,  et  souvent  les  premiers  mots 
de  Tode  originale.  Les  passages  les  plus  scabreux  deviennent  des  chants 
en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge  ;  et  Du  Four  a  transformé  rcBOTre 
d'Horace  en  dissertations  théologiques  et  poétiques. 

—  Du    lMoliiïet    {Claude).     Figures    des    diflféreuts 


.ti^Â 


m      • 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  429 

habits  des  chanoines  réguliers  de  ce  siècle.  Paris^ 
1666;  în-4,  fig. 

Claude  du  Moulinet,  né  à  Châlons-sur-Marae  en  1620»  mourut  à  Pa- 
ris le  2  septembre  1687.  Il  entra  dans  la  congrégation  de  Sainte-Gene- 
viève et  en  devint  le  bibliothécaire  ;  il  composa  plusieurs  ouvrages  qui 
attestent  les  connaissances  étendues  de  Panteur  en  numismatique  et  en 
archéologie. 

Les  portraits  en  pied  des  différents  chanoines  sont  au  nombre  de 
trente  et  un,  et  très-finement  gravés  par  Le  Doyen;  le  titre  du  volume 
est  également  gravé.  On  y  remarque  encore  deux  jolies  vignettes  et  un 
cul-de-lampe.  Les  figures  sont  précédées  d*un  Discours  sur  les  habits  an- 
ciens et  modernes  des  chanoines  tant  séculiers  que  réguliers;  et  chaque  gra- 
Ture  est  suivie  d^un  feuillet  imprimé,  sur  lequel  on  lit  Phistoire  des 
chanoines  dont  Phabit  est  représenté. 

Les  dernières  planches  reproduisent  les  costumes  des  chanoinesses 
régulières  de  France,  de  PHôtel-Dieu  de  Paris,  des  Filles-Dieu  de 
Rouen,  du  Saint-Sépnlcre  à  Bellechasse  de  Paris,  et  de  Sainte-Geneviève 
de  Chaillot. 

—  DuaioLiNET.  Dissertation  sur  les  Mitres  des  Évê- 
ques,  s.  L  n,  d.  ;  in-4  de  16  pages,  fig. 

Cette  dissertation,  pleine  d^érudition,  a  été  composée  par  un  chanoine 
régulier  de  la  congrégation  de  Sainte -Gène viè%'e;  car  Pauteur  dit  (p.  2)  : 
c  II  y  en  a  encore  une  dans  le  cabinet  d^antiques  de  nostre  bibliothèque 
de  Sainte-Geneviève,  i  Nous  l'attribuerions  volontiers  à  Claude  Dumo- 
linet,  bibliothécaire  de  Pabhaye  de  Sainte-Geneviève,  né  en  1620  à 
Châlons-sur-Marne,  et  mort  le  2  septembre  1687  ;  il  a  publié  différents 
ouvrages  du  niéme  genre,  et  Pon  connaît  son  Cabinet  de  la  bibliothèque 
de  Sainte-Oenevlève, 

Cet  opuscule  est  divisé  en  trois  sections  :  POrigine  de  la  mitre;  son 
usage  ;  sa  forme.  Dans  la  première  section,  Pauteur  fait  remonter  Pori- 
gine  de  la  mitre  à  la  plus  haute  antiquité,  et  cite  des  textes  d'anciens 
auteurs,  qui  prouvent  qu'elle  servait  d'ornement  aux  femmes,  aux  rois 
et  aux  prêtres.  Dans  la  seconde  section,  il  expose  que  jusqu'au  règne 
de  Constantin,  les  évéques  n'ont  presque  jamais  porté  la  mitre  ;  que  de- 
puis Constantin  jusqu'à  Charlemagne,  les  papes  et  quelques  prélats 
considérables  ont  été  les  seuls  qui  Paient  portée  ;    que  depuis  Charle- 
magne, Pusage  en  devint  insensiblement  commun  à  tous  les  évéques  ;  et 
que  depuis  Pan  1000,  les  abbés  Pont  obtenue  par  privilège  du  saint-siége. 
Dans  la  troisième  section,  où  l'on  trouve  deux  anciennes  médailles  gra- 
vées, représentant   un  roi  grand  prêtre  des  Chaldéens  et  Âbgarus  roi 
d'Edesse,  tous  deux  coiffés  de  la  mitre,  Pauteur  fait  connaître  les  diverses 
formes  adoptées  pour  cet  ornement.  Les  papes  n'avaient  d'abord  qu'une 
couronne  au  bas  de  leur  mitre;  c'est  Boniface  VIII  qui  ajouta,  en  1300 
deux  autres  couronnes  à  la  tiare. 


480  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

-  -  DupuY  DE  Troy£s.  Aufcc  epistolc  Johaunis  Pici 

Mirandule^  viri  omnium  mortalium  doctissimi  {s.  L), 
[impressum  ann.  dont.  1509)  ;  pet.  in-4  de  33  fF. 
réglé. 

Édition  très-rare,  corrigée  et  annotée  par  Nie.  Bohaspbs  (Nicolas 
Dupuy),  DE  Troyes.  Cette  édition,  non  citée,  dont  lé  titre,  en  caractères 
rouges,  est  orné  d'une  grande  vignette  à  personnages,  doit  aToir  été  îm- 
,  primée  à  Troyes,  d'après  l'édition  de  Paris  de  1508.  On  lit  an  bas  da 
titre  :  Opus  accuratissime  niiper  recognitum  sedulaque  opéra  impressum  a 
(fuo  omnia  menda  que  in  prima  impressione  comperiebantwr  omnino  absiersa 
sunt. 

Les  lettres  de  Pic  de  la  Mirandole  sont  suivies  d'une  prière  à  Dieu 
en  vers  latins,  du  même  auteur  (Deprecatoria  ad  Dettm),  et  de  deux  lettres 
de  Baptiste  Mantuan  sur  la  mort  de  Pic  de  la  Mirandole. 

—  DupuY.Proverbia  communia,  noviler  aucta,  révisa 
et  eniendata,  Praeterea  de  tempore  quadragesimali 
libellus.  Dyalogi  très.  Ëtalia  perpulchra....  à  N.  B. 
T.  (Nicolaus  Bone  Spei  Trecensis),  collecta  {PariSy 
Jehan  Merausse^  i^ers  1 51 3)  ;  in-i  6  de  24  fT. 

Ancienne  édition  de  ce  livre,  qui  est  rare  et  très-curieux.  Marque  du 
libraire  sur  le  titre  ;  on  lit  au-dessus  : 

Qui  trita  in  cultiira  proverbia  versa  latinam  carminc  vis  :  habet  hic  ordine  mulla 
liber. 

Spes  mea  Jesas  Maria.  —  Bonaspes. 

Les  Proverbes  communs  en  français  furent  recueillis  par  Jean  de  la 
Vesprie,  prieur  de  l'abbaye  de  Clairvaux  en  1495,  et  imprimés  au  com- 
mencement du  seizième  siècle.  Ce  petit  livre  eut  un  tel  succès,  qu'on 
le  traduisit  en  vers  latins  et  qu'on  publia  plusieurs  éditions  françaises 
latines. 

Le  premier  traducteur  est  Nicolas  Dupuy,  de  Troyes,  plus  connu  sons 
le  pseudonyme  de  Nicolas  Bonaspes,  L'édition  la  plus  ancienne  parait  être 
celle  de  Paris^  J.  Merausse,  dans  laquelle  on  trouve  (fol.  diij)  la  sous- 
cription ex  parvo  Baiocen  (si)  collegio^  m,  dxiij.  Ce  volume  a  donc  été 
imprimé  en  1513  ou  1514.  Il  contient  quatre  cent  soixante-quatorze 
proverbes  français,  accompagnés  de  la  version  latine;  suivent  quatorze 
proverbes  latins  extraits  d'Aulu-Gelle  et  traduits  en  vers  français;  une 
pièce  de  vers  latins  de  Faustinus  (Andrelinus)  sur  la  conception  de  la 
Vierge,  avec  une  traduction  en  vers  français  ;  Dialogi  très,  de  Virtute 
speiy  de  Narcisso  et  £cho,  de  Justifia  picta  effigie.  On  lit  encore  à  la  fin 
des  Dialogues  :  In  collegio  Baiocen.  Parisiis,  Puis  viennent  :  Libellut 
Joh,  uEgidii  Nuceriensis,  patrid  Campani^  de  tempore  quadragesimali^  et 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  431 

Dialogus  perpulcher  de  spe  bene  consolante  Adam^  Sur  le  verso  du  dernier 
feuillet  est  une  petite  figure  gravée  sur  bois,  représentant  la  sainte  Vierge 
entourée  d'anges.  Le  verso  du  titre  renferme  :  Oratio  remissîonîs  pUnarie 
des  distiques  à  la  Vierge  Marie  et  à  saint  Nicolas  ;  et  Téioge  de  Tim- 
primerie,  en  dix  vers  latins,  par  N.  Bonespei. 

—  Du  Souhait.  Les  neuf  Muses  françoises,  par  le 
S.  du  Souhait,  gentilhomme  champenois.  Paris, 
Jacq.  Rezéy  1599;  pet.  in- 12  de  16  fF.  avec  le  ti- 
tre. 

Pièce  très-rare,  dédiée  au  comte  de  Brienne.  —  Du  Soobait  vit  dans 
un  songe  les  Muses  disputant  la  possession  du  Parnasse  aux  neuf  Muses 
françaises,  qui  étaient  la  duchesse  de  Bar,  sœur  de  Henri  IV,  madame 
mademoiselle  de  Guise,  mesdames  de  Retz,  de  Marmoutier,  de  Menelay, 
d'Urfé  de  Resnel,  de  Saincthousany  et  de  Péret,  religieuse  poitevine. 
Le  comte  de  Brienne  remplaçait  Apollon,  et  le  juge  du  procès é  tait 
M.  de  Vallegrand,  archevêque  d*Aix,  qui  prononça  en  faveur  des  Muses 
françaises. 

L*auteur  raconte  cette  dispute  en  vers  et  en  prose. 

—  Du  Souhait.  Beauté  et  Amour,  pastorelle^  par 
le  S.  du  Souhait^  gentilhomme  champenois.  Paris ^ 
Jacq.  Rezéj  1599;  petit  in.12de  24  ff. 

Très -rare.  —  Cette  pastorale  en  cinq  actes  et  en  vers  est  dédiée  k 
M.  Le  Grand.  C'est  un  débat  sur  la  préférence  qa*on  doit  donner  à  la 
beauté  ou  à  Tamour  ;  le  juge  prononce  en  faveur  de  la  beauté.  On  lit 
sur  le  dernier  feuillet  un  sonnet  à  la  louange  de  Tauteur,  composé  par 
Beauvoys  de  Chauvincourt,  Angevin. 

Voici  quelques  vers  de  cette  pastorale  : 

Ce  n'est  plus  aojoard*huy  que  les  pauvres  on  aime; 

Le  riche  prend  le  froict,  et  le  pauvre  la  peine. 

Les  hymens  maintenant  se  font  sans  amitié  : 

Un  riche  veut  chercher  une  riche  moitié. 

La  plus  belle  vertu  de  cest  aage  où  nous  sommes. 

N'est-ce  pas  la  richesse  ? 


Car  le  bruit  trompettant  de  son  ah'ain  torto, 
Va  partout  proclamant  votre  rare  vertu. 


Amour  est  un  Démon,  qui  plein  d'un  tainct  vouloir, 
Estroitement  conjoinct  l'amant  avec  l'aimable. 


432  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

—  Dd  Souhait.  Les  divers  Souhaits  d'amour,  par 
le  S.  du  Souhait,  gentilhomme  champenois.  PariSj 
Jacq.  Bezéy  1 599  ;  pet.  în-1 2  de  6  ff.  prélim.  et 
22  ff.  chiffrés. 

Recaeil  de  Ters  français,  très-rare,  dédîé  au  duc  de  Motitpensier. 

Les  feuillets  préliminaires  contiennent  la  dédicace,  un  aria  an  lecteur, 
neuf  pièces  de  yers  écrits  à  la  louange  de  l'auteur,  par  plusieurs  aTooats 
d'Issoudun  ;  et  deux  sonnets  de  Du  Souhait,  au  duc  et  à  la  dnchessse  de 
Montpensier. 

Les  Souhaits  se  composent  de  stances  amoureuses,  de  chansons  et  de 
sonnets  ;  on  y  trouve  aussi  des  épigrammes,  des  épitaphes,  des  stances  à 
madame  de  Ruffec,  au  baron  de  Saint- Joire,  à  madame  de  Montpensier, 
à  mademoiselle  de  Nevers,  etc.  v 

Ensemble,  39  pièces. 

Nous  citerons  seulement  les  deux  premiers  vers  de  Pnn  des  sonnets  de 
Du  Souhait  : 

Si  j'estoig  de  la  neige,  on  mesme  de  la  cire. 

Je  fuudrQis  pea  à  peu  aa  rayon  de  tes  yeax.  •• 

Nous  reproduirons  encore  ce  quatrain  ingénieux^  adressé  aux  vers  de 
Du  Souhait,  par  le  sieur  Bonnet  : 

Les  ignorans  de  Tunivers 

Ne  vous  prendront  que  ponr  chenilles  ; 

Mais  les  doctes  et  plus  habilles 

Vous  prendront  toujours  pour  des  vers. 

—  Du  Souhait.  Tragédie  de  Radegonde,  duchesse 
de  Radegonde,  par  le  S.  du  Souhait,  gentilhomme 
champenois.  Paris ^  Jacq.  Rezë^  1599;  pet.  in-42 
de  30  fF. 

Pièce  de  la  plus  grande  rareté,  dédiée  au  duc  d*Espemon. 

Cette  tragédie  en  5  actes,  avec  chœurs,  et  sans  distinction  de  scènes^ 
est  une  faible  imitation  du  sujet  de  Phèdre,  Tous  les  personnages  meurent 
à  la  fin  de  la  pièce,  excepté  le  duc  de  Bourgogne. 

—  Du  Souhait.  Discours  sur  Tattentat  à  la  per- 
sonne du  Roy^  par  Nicole  Mignon  ;  dédié  à  Sa  Ma- 
jesté, par  le  sieur  du  Souhait.  Paris ^  1 600  ;  pet. 
in-8  de  16  pages. 

Cet  opuscule  fait  connaître  un  attentat  à  la  vie  de  Henri  IV,  qui  n*est 
indiqué  par  aucun  historien.  Il  parait  qu*en  1599,  ou  1600,  une  femme 
nommée  Nicole  Mignon  chercha  à   empoisonner  le  roi.  Ce  discours  du 


-.  .•»' 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  433 

sieur  Du  Souhait  est  dédié  à  Henri  IV  et  suivi  d*an  sonnet  ayant  pour 
titre  :  Le  Roy  parlant  comme  père  à  ses  subjects, 

—  Du  Souhait.  Les  Amours  de  Polyphile  et  Mel- 
lonimphe,  par  le  sieur  du  Souhait.  PariSj  Gilles 
Rohinot^  1600;  pet.  in-12. 

Livre  très-rare.  —  Ce  roman,  mêlé  de  prose  et  de  rers,  est  dédié  à 
Catherine  de  France,  duchesse  de  Bar.  C*est  l'histoire  lamentable  de  deux 
amants  malheureux. 

On  a  joint  au  volume  Les  Amours  de  Palémon,  Suite  Je  Polîphile, 
Paris,  1600. 

Ces  aventures  romanesques  ont  un  dénoûment  tragique.  Mellonimphe 
épouse,  contre  son  gré,  le  prince  Palémon,  qui  est  tné  par  Poliphile 
Celui-ci  meurt  empoisonné  par  le  père   de  Palémon.  De  plus,  Mello- 
nimphe se  prépare,  en  récitant  36  vers  français,  à  se  tuer  de  désespoir 
d'avoir  perdu  son  amant. 

Cependant,  si  l'on  en  croit  l'auteur,  ce  roman  serait  historique  ;  car 
i]  dit  :  Je  vais  dévider  le  fil  de  cette  histoire^  non^eulement  piritMe^  mais 
presque  sceûe  de  tout  le  monde» 

—  Du  Souhait.  Les  Chastes  destinées  de  Cloris,  ou 
Roman  des  histoires  de  ce  temps,  par  le  sieur  du 
Souhait.  Paris^  Fr.  Hub/,  1609;  pel.  in-12  de  4 
et  158  ff. 

Rare.  —  Ce  roman,  mêlé  de  prose  et  de  vers,  est  dédié  à  M.  de  Bas- 

sompierre.  L'auteur  annonce  qu'il  écrit  c  une  histoire  réritable  et  reco- 

gneus  de  nostre  siècle,  t  Cette  assertion  nous  parait  hasardée.  Car  les 

-V  géants,  les  nécromanciens,  Margon  la  Magicienne,  l'île  des  Merveilles  et 

^       la  forêt  enchantée  de  V Affection  conviennent  peu    à  une  histoire  yé- 

^        ritable. 

Les  amants  malheureux  qui,  par  hasard,  se  trouvent  réunis  dans  l'île 
des  Merveilles  racontent  leurs  aventures,  font  des  discours  à  en  perdre 
haleine,  et  expriment  leurs  plaintes  en  Ters,  quand  ils  sont  fatigués  de 
la  prose. 

Voici  les  deux  premiers  vers  qu'on  lit  dans  ce  roman  :  Cloris, 

Dont  la  verta,  d'une  aisle  aoconstnmée, 
Yoyageoit  par  le  monde  avec  la  renommée. 

La  vertueuse  Cloris  désespère  ses  poursuivants  par  des  dédains  ex- 
trêmes; mais  ses  chastes  destinées  n'ont  pas  de  dénoûment.  On  attend 
encore  les  volumes  qui  devaient  suivre  celui-ci  et  satisfaire  la  curiosité 
du  lecteur.  Du  Souhait  finit  ainsi  :  c  Bornons  là  nostre  course.  Les 
autres  volumes  vous  feront  voir  les  comhats  devant  Metz,  les  amours 
des  Paladins,  et  les  adventnres  de  Cœsarien  et  d'Uranie,  infante  d'Aus- 
trasie,  avec  le  reste  des  histoires  de  cette  isle.  » 


k3k  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

—  Du  Souhait,  L'Iliade  d'Homère,  Irad.  en  prose 
par  le  sieur  du  Souhait.  Paris^  1674;  2  vol,  in-8, 
titre  gr.,  fig.  en  taille-douce. 

La  première  traduction  de  Viliadey  en  prose  française,  est  celle  de 
Jehan  Samxon,  publiée  en  1530  ;  la  seconde  est  celle  de  Du  Souhait, 
imprimée  plusieurs  fois,  en  161(i,  1627  et  16  dO;  mais  on  ne  cite  pas 
l'édition  de  1674. 

L'encadrement  historié  du  titre  porte  la  date  de  1634,  ce  qui  ferait 
supposer  une  autre  édition  de  la  même  date.  Les  deux  -volumes,  dont  la 
pagination  n'est  pas  interrompue,  forment  ensemble  1248  pages,  sans  les 
préliminaires  et  la  table. 

U Iliade  est  précédée  d'une  Vie  d* Homère^  traduite  d'Hérodote,  et  d'une 
histoire  du  Ravissement  d^Hélène^  tirée  de  Dyctis  de  Crète  et  de  Darès 
le  Phrygien.  C'est  encore  dans  ces  deux  écrivains  fabuleux  et  dans 
Quintus  le  Calabrois  que  Du  Souhait  a  puisé  la  Suite  de  FlUade^  dont 
il  a  composé  six  livres,  qui  suivent  l'œuvre  d'Homère. 

On  ne  trouve  aucun  renseignement  sur  la  vie  du  sieur  du  souhait, 
gentilhomme  champenois. 

—  Du  TiLLET.  Les  Mémoires  et  recherches  (sic)  de 
Jean  Du  Tillet,  greffier  de  la  Cour  de  Parlement  à 
Paris,  contenant  plusieurs  choses  mémorables  pour 
l'intelligence  de  Testât  des  afTaires  de  France. 
TroyeSj  Philippe  Deschams^  1578;  in-8  de  8  et 
288  ff. 

Édition  bien  exécutée.  —  Les  initiales  de  chaque  chapitre  sont  élé- 
gamment ornées  :  c'est  un  des  plus  beaux  spécimens  de  l*imprimerie 
de  Troyes. 

Les  mémoires  de  Du  Tillet,  divisés  en  deux  livres,  contiennent  de  cu- 
rieuses notices  sur  l'origine  des  Français^  sur  les  rois  depuis  Mérovée 
jusqu'à  Charles  IX,  et  sur  les  familles  issues  des  rois  de  France.  Le  se- 
cond livre  traite  des  titres  et  prérogatives  des  rois,  des  reines  et  des 
enfants  de  France,  ainsi  que  des  grands  officiers  de  la  couronne.  Ce 
livre  est  précédé  d'une  dédicace  au  roi  Charles  IX. 

—  DuvAL.  Le  Voyage  et  la  description  d'Italie,  par 
P.  Duval,  géographe  du  Roy.  Troyes^  Nie.  Oudotj 
el  Paris ^  G,  Clouzier,  1656;  in-8. 

Ce  guide  pour  les  voyageurs  en  Italie  est  dédié  au  duc  de  Bouillon^ 
et  contient  une  exacte  description  de  tout  ce  qu'on  remarquait  de  cu- 
rieux au  dix-septième  siècle  dans  les  villes  et  autres  localités  de  l'Italie. 
Pierre  Duval  a  ajouté  à  cet  ouvrage  une  relation  (en  38  pages)  du 
voyage  fait  à  Bome,  en  164^,  par  le  duc  de  Bouillon  (Frédério-Maa- 


BIBUOGBAPHIE  CHAUPENOISE.  435 

rice,  mort  en  1632],  luWie  d'uiie  notice  hiitorique  »ur  le  due  Frédéric- 
Mu  urice  et  lur  «a  famille,  et  d'uoe  liste  de*  domaines  cédés  par  le  roi  en 
1651,  en  échange  de  la  piincipanlé  de  Sedan. 

—  EoN  DE  Beadmoht.  Lcs  loisirs  du  chevalier  d'Ëon 
de  Beaumont,  ancieo  ministre  plénipotentiaire  de 
France,  pendant  son  séjour  en  Angleterre.  Amster- 
dam, 1775  ;  13  tom.  en  7  vol.  in-8. 

I.es  œuvres  du  cheTalier  d'Ëon,  dédiée!  au  dac  de  Choiseul,  miuittre 
d'Etat,  sont  précédées  d'un  Diteouri,  qnî  traite  de»  malheurs  que  l'au- 
teur avait  éprouvés,  et  dei  raisons  d'utilité  puLlique  qui  l'ont  engagé  à 
publier  ses  ouvrageB. 

Le  tome  treize  de  cette  colleetion  contient  une  table  des  matières  pour 
les  douze  premiers  volumes,  et  les  Prtuvta  de  la  pleins  louveraintlè  du 
roi  sur  la  province  de  Bretagne,  rendues  évidentes  par  trois  lettres  du 
contrôleur  général  k  M.  d'Amill^,  premier  président  du  parlement  de 
Rennes,  avec  les  réponses,  datées  de  juillet-septembre  1765  et  imprimées 
à  Paris  la  même  année  ;  in-8- 

Les  dissertations  que  renferment  les  douze  volumes  inléresseut  le 
gouvernement  de  plusieurs  pays,  et  surtout  de  la  France.  On  y  trouve 
des  renseignements  fort  importants  et  souvent  très-curieux,  Cest  le  ta- 
bleau exact  de  la  puissance,  des  finances,  du  commerce  et  de  l'adminis- 
tration d'une  grande  partie  de»  nations  de  l'Europe  à  la  fin  du  dix-hui- 
tième siècle. 

On  y  remarque  :  Rec/ierchei  bUlorlquet  sur  la  Pologne,  le  royaume  de 
!f aptes  cl  de  Sicile.  —  Abrégé  chronologique  de  Phiiloire  sainte  et  eeelé' 
siasliijue.  —  Kecherches  lar  le  commerce  de  la  France,  la  Tiaeigation,  let 
grands  chemias,  les  péages,  etc.;  examen  de  la  banque  de  Laiv.  —  Kecher- 
ches sur  la  Russie,  sur  la  répuUifUe  de  Gênes,  de  tite  de  Corse.  —  Ohier- 
•  alions  sur  C  Angleterre, t  Ecosse,, -le.  —  Détails  sur  les  possession*  anglaise! 
en  Amérique.  —  Dissertationt  sur  le  commerce  du  blé  en  France,  sur  let 
eafanti  trouréi,  la  gabelle,  let  impôts,  la  taille,  etc.  —  Détail  général  des 
financti  de  la  France;  mémoires  tur  F  hôtel  des  Invalides,  la  maréchaussée, 
etc.  —  Situation  de  la  France  dans  tinde  avant  la  paix  de  1763; 
etc.,  etc. 

Charles-Geneviève- Louis-Auguate-André-Timotbée  d'Eon  de  Beau- 
mont  naquit  à  Tonnerre  (Champagne),  le  5  octobre  1728,  et  mourut  le 
21   mai  1810- 

—  EoN .  Catalogue  des  livres  sacrés  et  manuscrits  pré- 
cieux  du  cabinet  de  la  chevalière  d'Eon...,  présen- 
tement à  Londres  et  retournant  à  Paris.  Londresj 
1791  ;  in-8. 

I.rvre  rare.  — Cette  bibliothèque  importante  fut  vendue  aux  enchères 
au  mois  de  mai  1791,  par  le  ministère  de  Chbisiih,  auclioater.  Le  cata- 


436  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

logae  est  divisé  en  six  parties,  qu*on  distribue  séparément,  et  qui  sont 
réunies  dans  ce  yolame  :  1.  Mannscrits  du  maréchal  de  Vaaban,  sur  la 
guerre  :  9  portefeuilles  et  68  articles.  —  2.  Manuscrits  et  imprimés  sur 
les  lois  civiles  et  criminelles,  en  France  :  81  art. — 3.  Manuscrits  sur  les 
finances  :  33  portefeuilles  ou  chemises.  —  4.  Manuscrits  sur  Thistoire, 
etc.  :  48  art.  —  5.  Manuscrits  et  imprimés  sur  TÉcriture  sainte,  en 
diverses  langues;  grammaires  et  dictionnaires  en  différentes  langues 
orientales  :  110  art.  —  6.  Livres  imprimés,  sur  différentes  matières  : 
674  art. 

La  chevalière  d'Eon,  née  à  Tonnerre  en  1728,  et  morte  i  Londres 
en  1810,  fut  en  butte  à  de  nombreuses  persécutions,  ainsi  qu'à  des  abus 
de  confiance. 

Mlle  d'Eon  était  revenue  à  Londres,  dès  le  mois  de  novembre  1785, 
pour  recouvrer  des  créances  et  payer  ses  dettes;  mais  elle  ne  put  y 
réussir. 

Louis  XVI,  en  considération  de  ses  services  militaires  et  politiques, 
et  des  malheurs  qu'elle  avait  éprouvés,  fit  remettre,  le  17  octobre  1775, 
au  comte  Ferrers,  amiral  et  pair  d'Angleterre,  une  somme  de  5000 
livres  sterling,  destinée  à  payer  les  dettes  de  Mlle  d'Eon.  Mais  le  comte 
Ferrers  n'en  paya  qu'une  partie,  et  garda  3000  livres  sterling  pour  son 
usage  particulier.  Malgré  les  plus  actives  démarches  et  les  procès  qu'elle 
intenta  aux  héritiers  de  lord  Ferrers,  elle  n'avait  pas  encore  obtenu  jus* 
tice  en  1791.  C'est  alors  qu'elle  se  décida,  pour  désintéresser  ses  créan- 
ciers, à  vendre  sa  bibliothèque*  ses  meubles,  ses  tableaux,  ses  bijoux  et 
ses  armes. 

Ce  fait  extraordinaire,  inconnu  des  biographes,  est  rapporté  dans  tous 
ses  détails  et  avec  lei  pièces  justificatives  dans  un  Exposé  historique  des 
faits,  motifs  et  raisons  qui  obligent  Mlle  <tEon  à  faire,  de  son  vivant,  une 
vente  publique  de  tout  ce  qu'elle  possède  à  Londres,  afin  de  satisfaire  ses 
eréanciers.  Cette  pièce,  de  32  pages,  imprimée  en  anglais  et  en  français, 
sert  de  préface  au  catalogue.  L.  T. 

(j4  suivre»)     ■ 


REVUE  CRITIQUE 

DE 

PUBLICATIONS  NOUVELLES. 


Théâtre  de  Marivaux,  publié  avec  notice  et  notes, 
par  G.  d'Heylli.  Paris,  Librairie  générale;  petit 
in-12  de  xxiii  et  465  pages. 

Ce  joli  volume,  auquel  on  peut  appliquer  en  toute  sécurité  de 
conscience  Tépithète  d'elzévirien,  trop  prodiguée  de  nos  jours. 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.  437 
est  le  comineucement  d'une  petite  bibliothèque  dramatique,  qui 
comprendrait  les  principaux  chefa-d 'oeuvre  des  autenrs  français 
de  second  ordre,  depuis  le  dix-septième  siècle  jusqu'à  nos  jours. 
Dans  la  notice  préliminaire,  l'intelligent  éditeur  déOnit  avec  bean- 
coup  de  précision  et  de  finesse  le  talent  de  Marivaux.  Ce  subtil  et 
charmant  écrivain  est  de  ceux  dont  on  peut  dire  ce  que  Musset 
disait  de  lui  même  : 

Mon  verre  n'est  jias  gmnd,  mais  je  bois  dans  mon  verre  ; 

■  Marivaux,  dît  M.  d'Uejrlli,  est  à  la  mode  à  un  moment  donné, 
puis  il  cesse  de  plaire  autant,  quand  l'espril  public  mêle  d'autres 
préoccupations  à  ses  distractions  et  à  ses  plaisirs,  et  même  aussi 
quand  des  interprètes  éminenls  et  faits  au  genre  difficile  de  ses 
pièces  viennent  à  leur  manquer,  11  a  toutefois  assez  de  force,  de 
vitalité  et  de  véritable  valeur  pour  que  sa  mode  ait  toujours 
quelque  chance  de  revenir.  » 

Ce  volume  contient  les  quatre  pièces  de  Marivaux  •  qui  sont 
le  plus  habituellement  et  même  aujourd'hui  constamment  de- 
meurées au  répertoire  :  »  le  Jeu  de  l  Amour  et  du  Hasard,  le  l^p, 
tes  Fausses  confidences,  ^Épreuve,  H.  d'Heylli  a  cru  devoir  y 
joindre,  comme  terme  de  comparaison,  une  pièce  qui  ne  figure 
pas  oi^nairement  dans  les  éditions  d'œnvres  choisies  de  Mari- 
vaux, le  Dénoûment  imprévu,  l'une  de  ses  plus  anciennes  pièces 
et  des  plus  médiocres. 

Le  Théâtre  de  Marivaux  est  tiré  à  547  exemplaires,  dont  400 
sur  papier  vergé,  100  sur  papier  teinté,  IS  sur  chine,  1  sur  vélin 
et  1  sur  parchemin.  L'exécution  typographique  de  ce  livre  fait  le 
plus  grand  honneur  aux  presses  de  M.  Alcan  Lévj.  B.  E. 

ViK  DE  Napoléon,  par  Sleiidahl.  Paris,  C.  Lévjr. 

Ce  volume,  qui  contient  des  choses  curieuses,  n'est  qu'un  fragi- 
ment  de  mémoires  qui  s'arrête  à  ce  que  l'auteur  appelle  •■  la  fin 
des  temps  héroïques  de  Napoléon  »;  c'est  ainsi  qu'il  appelle  la 
prise  de  possession  de  Venise  en  1797.  II  ne  fant  pas  croire 
pourtant  que  Beyie  partageât  le  moins  du  monde  l' indignation  de 
□os  républicains  contre  cet  acte  ;  il  était  bien  trop  ennemi  de 
l'hypocrisie,  de  ■  la  sale  hypocrisie,  ■  comme  il  la  nommait.  Il 
dit  au  contraire  :  ■  On  ne  peut  disconvenir  que  la  conduite  du 
général  français  n'ait  été  parfaitement  légitime.  Il  fit  tout  ce  qui 


438  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

était  humainement  possible  pour  conserver  Venise;  mais  il  eut 
affaire  à  de  trop  rudes  imbéciles.  »  Il  y  a  plus  de  franchise  et  de 
bon  sens  dans  cette  phrase  que  dans  toutes  les  tirades  emphati- 
ques de  tel  pamphlétaire  qui  usurpe  de  nos  jours  le  nom  d'his- 
torien. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  dans  ces  fragments,  c'est  le 
tableau  de  Milan  à  l'époque  de  Foccupation  française,  parce 
qu'ici  l'auteur  parle  de  choses  qu'il  a  vues  et  observées  à  fond. 
Par  un  hasard  que  nous  nous  garderons  bien  de  nommer  provi- 
dentiel, jamais  aucune  ville  d'Italie  n'avait  présenté  une  si  nom- 
breuse réunion  de  beautés  aussi  accomplies,  que  Milan  à  l'arrivée 
de  ces  irrésistibles  guerriers.  Et  de  plus,  par  bonheur^  ces  femmes 
si  belles  ne  possédaient  aucune  instruction  ;  mais  en  revanche  la 
plupart  avaient  infiniment  d'esprit  et  un  esprit  très-romanesque. 
A  cette  époque....  j'ai  vu  des  officiers  refuser  de  l'avancement 
pour  ne  pas  quitter  leur  régiment  ou  leur  maîtresse.  Que  nous 
sommes  changés  !  Où  est  la  femme,  maintenant,  qui  oserait  pré- 
tendre même  à  un  moment  d'hésitation?...  Les  Français  étaient 
arrivés  si  misérables,  tellement  dépourvus  d'habits  et  de  chemises, 
que  bien  peu  s'avisèrent  de  se  montrer  fats  dans  le  vilain  sens  du 
mot;  ils  n'étaient  qu'aimables,  gais,  et  fort  entreprenants.  » 

Beyle  dit  encore,  en  employant  avec  intention  le  substantif 
masculin  :  a  Si  les  Milanais  étaient  fous  d'enthousiasme,  les  offi- 
ciers français  étaient  fous  de  bonheur.  —  Beaucoup  faisaient  une 
lieue  par  la  pluie,  pour  venir  occuper  une  place  du  parterre  à  la 
Scala.  Aucun,  je  pense,  quelque  prosaïque,  ambitieux  et  cupide 
qu'il  ait  pu  devenir  par  la  suite,  n'a  oublié  le  séjour  à  Mi- 
lan.  Ce  fut  le  plus  beau  moment  dune  belle  jeunesse.  Et  ce  bon- 
heur général  eut  un  reflet  militaire  :  dans  la  triste  situation  où 
l'armée  se  trouva  avant  CastigUone  et  avant  Arcole,  tout  le  monde, 
excepté  les  officiers  savants^  fut  d'avis  de  tenter  l'impossible  pour 
ne  pas  quitter  Tltalie.  »  Bonaparte  fut  ainsi  plus  heureux  qu'An- 
nibal;  les  délices  de  cette  Capoue  de  l'Italie  du  Nord,  loin  d'amol- 
lir ses  soldats,  les  exaltèrent  et  profitèrent  à  sa  gloire. 

Ces  fragments,  tout  imparfaits  qu'ils  sont,  contiennent  plus 
d'un  de  ces  passages,  tout  à  fait  dignes  de  l'auteur  de  la  Char'- 
treuse  de  Parme.  Ils  suffisent  pour  donner  Tidée  de  ce  qu'aurait 
pu  être  une  histoire  de  Napoléon  écrite  par  un  Voltaire  redinpus. 

B.  E. 


1      ■^■.iC 


CORRESPONDANCE. 


Nos  lecteurs  nous  saaronl  sans  doute  gré  de  leur  communiquer 
les  lettres  saivaates  qui  ont  trait  à  des  articles  publiés  dans  le 
Bulletin  et  contiennent,  en  outre,  des  renseignements  bibliogra- 
phiques nu  littéraires.  Nous  publions  ces  lettres  sans  commentaire 
ni  rérutation  (c'est  l'afFaire  du  lecteur  I),  mais  non  sans  exprimer 
le  vœu  que  le  second  de  nos  correspondants  consente  à  coordon- 
ner, à  notre  prulit,  les  documents  relatifs  aux  contemjwrains  de 
P.  L.  Coorier  que  lui  fournissent  ses  souvenirs.  Ce  serait  une 
bonne  fortune  [mur  le  Bulletin.  L.  T. 

<  Étrétat,  samedi. 
■•  Mon  cher  monsieur  Techener, 

>  Songer  aux  gens  que  l'on  ne  voit  pas  est  un  mérite  qui  pour 
vous  cire  familier  ii  mon  égard,  n'en  est  pas  moins  grand  à  mes 
yeux.  Sensible,  comme  je  le  dois,  à  votre  bon  souvenir,  je  viens 
vous  en  remercier,  un  peu  lard,  il  est  vrai  ;  mais  vous  êtes  indul- 
gent et  vous  me  pardonnerez.  An  fond,  il  n'était  pas  bien  utile 
de  me  mettre  en  scène,  et  j'aurais  préféré  demeurer  dans  mon 
obscurité;  mais  vous  m'en  avez  tiré  avec  tant  de  bonne  grâce 
que  je  ne  dois  pas  vous  en  savoir  mauvais  gré. 

"  Je  vous  avoue  que  je  n'ai  pas  été  aussi  satisfait  en  lisant  le 
passage  de  l'article  deW.  O.,  obce  monsieur  renvoie  Paul-Louis 
Courier  au  bourreau.  Je  ne  sais  quel  vertige  s'eï^'^ns  ces  der- 
niers temps,  emi)aré  de  certains  esprits  '''  jnimés  contre 
cet  écrivain.  On  en  a  fait  un  sçéJ^  "  .inu  dans  ma  jeu- 
nesse, et  ses  enfants  se  sont  élevt»  ....  -a  Gis  :  l'un  d'eux  est 
un  ancien  capitaine  d'urlillerle,  l'autre  capitaine  an  long  cours, 
un  loup  de  mer  achevé.  J'avoue  que  je  ne  comprends  rien  à  ces 
violentes  sorties.  Que  Courier  ait  été  nu  mauvais  coucheur  et  nn 
mauvais  soldât,  ce  n'est  pas  une  raison  pour  en  faire  un  scélérat, 
digne  de  la  main  du  bourreau.  On  a  été  indigne  en  rappelant 
avec  les  plus  amers  détails  les  malheurs  de  cet  homme  :  on  o'a 
pas  considéré  qu'il  existait  des  enfants  et  des  petits-enfants  les 
plus  honorables  dont  on  allait  déchirer  le  cteur.  C'est  une  mau- 
vaise action.  Il  ne  sufGt  pas  de  se  retrancher  derrière  le  nom  de 


/ 


kkO  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Joseph  de  Maislre.  Que  celui-ci  ait  vertement  cinglé  Voltairey  je 
le  comprends  :  on  peut  tout  dire  contre  Findigne  auteur  de  la 
Pucelle;  mais  dans  les  œuvres  de  Paal-Loui«,  non  plus  que  dans 
sa  conduite,  je  ne  vois  rien  qui  le  fasse  tomber  sous  la  même  loi 
que  le  coupable  du  dix-huitième  siècle. 

«  Avant  de  partir  pour  les  bains  de  mer,  je  n*ai  pas  trouvé  le 
temps  de  vous  aller  payer  les  œuvres  de  Parny.  Je  n'avais  mal- 
heureusement pas  sous  les  yeux  votre  catalogue,  quand  je  vous 
ai  demandé  ces  œuvres  :  j'aurais  vu  que  votre  exemplaire  était 
une  contrefaçon  de  Bruxelles.  L'édition  que  j'aurais  désirée  est  la 
petite  de  De  Bray,  imprimée  par  Didot  :  mais  il  n'est  que  chance 
dans  la  vie* 

.  c  Mille  amitiés, 

a  Feuillet  de  Couches.  » 


c  Paris,  17  août  1876. 
a  Mon  cher  Techener, 

«  Je  vous  serais  bien  obligé  si  vous  vouliez  bien  adresser  un 
exemplaire  du  dernier  numéro  (Mai)  du  Bulletin  du  Bibliophile 
aux  personnes  suivantes  : 

«  L'article  sur  le  château  deVeretz  et  sur  Courier  est  excellent. 
J'ai  cté  élevé  jusqu'à  trente  ans  au  milieu  de  tous  ces  souvenirs. 
J'ai  été  le  condisciple  des  deux  fils  de  Courier  qui  vivent  encore, 
et  je  puis  en  parler  ex  professa.  L'auteur  a  oublié  un  fait  qui  s'est 
passé  au  château  de  Veretz  en  i730  (4  juillet).  C'est  la  mort  du 
jésuite  Ducerceau,  l'auteur  de  diverses  poésies  et  d'un  petit  chef- 
d'œuvre,  les  Pincettes^  tué  d'un  coup  de  fusil  par  son  élève,  le 
prince  de  Conti. 

«  J'aurais  bien  dec  choses  à  dire  à  propos  de  Courier.  Le  curé 
qui  empêchait  les  villageois  de  danser^  m'a  donné  les  premiets 
éléments  du  latin.  Il  est  mort  en  1855,  curé  de  Sainte-Radegonde, 
près  Tours.  M.  de  Beaune,  le  maire  de  Veretz,  est  mort  en  1860. 
Un  de  ses  fils,  lieu  tenant*  colonel,  conduisait  une  des  charges  de 
cuirassiers  à  Reischofien  où  il  fut  emporté  par  un  boulet.  Mme  Cou- 
rier remariée  à  un  médecin  de  Genève  vivait  encore  il  y  a  deux 
ans.  Que  de  souvenirs  d'enfance  et  de  jeunesse  ce  nom  me  rappelle  ! 

«  Adieu  et  tout  à  vous, 

«  L.  Client  de  Ris.  » 


/^  liilj 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE 


ESSAI  D'UNE  BIBUOTHÈQUE 

ERTlàBBMBin  COMPOSis    DE 

LIVRES  RELATIFS   A   LA   CHAMPAGNE 

ET  A  LA  BRIE. 
(Smte;   roir   page  406.) 


—  Bachot  {jémbroisé).  Le  Gouvernail;  lequel  con- 
duira le  curieux  de  Géométrie  en  perspective  de- 
dans Tarchitecture  des  fortifications,  machines  de 
guerre  et  plusieurs  autres  particularités.  Imprimé  à 
Melun  Soubz  F  auteur  ^  et  s^en  troussera  aussi  en  son 
logis ^  rue  de  Seine  du  foÂJibourg  Saint- Gerniain-deS' 
PreZy  à  la  Croix  blanche^  à  Paris ^  1598;  in-fol., 
front.,  fig. 

Livre  très-rare  et  curieux.  Les  nombreuses  planches  dont  il  est  orné 
ont  été  dessinées  et  sans  doute  gravées  par  Tautenr  ;  car  on  lit  sur  quel- 
ques-unes, A»  Bachot  excud'u.  Ajoutons  que  la  plupart  des  fortifications 
et  des  machines  représentées  dans  le  volume  ont  été  inventées  par  Ba- 
chot, ainsi  que  le  prouve  Tinscription  si  souvent  répétée  :  Bachot  inventeur, 

Amhroise  Bachot,  parisien,  capitaine  ingénieur  du  Roi,  avait  long- 
temps servi  avec  le  capitaine  Augustin  Ramelli  qu^il  nomme  un  nouvel 
Archimède,  Or  Ramelli  inventa  plusieurs  machines,  dont  il  fit  imprimer 
le  Recueil,  avec  195  figures,  à  Paris  en  1588;  c'est  un  ouvrage  rare  et 
recherché  par  les  amateurs  de  Mécanique.  Nous  sommes  étonnés  que  le 
Gouvernail  de  Bachot,  qui  offre  autant  d'intérêt  que  le  livre  de  RameUi, 
ait  été  cité  par  les  bibliographes,  seulement  d'après  l'exemplaire  que  nous 
avons  sous  les  yeux,  et  que  l'auteur  ait  été  complètement  oublié  par  les 
biographes.  H  existe  cependant  on  exemplaire  du  Gouvernail  à  la  Bi- 
bliothèque nationale.  Il  est  vrai  que  Bachot  connaissait  mieux  la  Géo- 
métrie et  la  Mécanique,  que  la  langue  française.  Malgré  cet  inconvénient, 
il  voulut  faire  jouir  la  Bande  guerrière^  des  fruits  de  ses  travaux  et  de 
son  expérience;  et  voici  comment  il  s'excuse  dès  le  début  de  l'Épitre  dé- 

29 


442  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

dicatoîre  au  gouyemeur  de  Melun  :  c  Et  vous  autres  qui  goUTernez  le 
inonde,  estes  assiégez  de  trop  d'affaires  pour  avoir  la  patience  d'ouyr 
longuement  parler  ;  Et  moy,  soldat,  suis  excusable  de  ne  saroir  guère 
dire  :  Ayant  este  presché  dvs  Tenfance  par  mes  pères,  de  mettre  peine  à 
transformer  ma  langue  en  bras  et  en  mains,  affin  d*estre  capable  de 
porter  au  service  de  mon  Roy,  la  pique  ou  le  pistolet  après  vous.  »  On 
lit  encore,  p.  27  :  c  ...  Nostre  dessein  vous  ouvrira  la  voye  de  vostre 
délectation  en  la  recognoissance  d*iceluy  dessein  que  semblablement  par 
les  suy  vantes  figures,  sur  lesquelles  ay  reserré  la  prolixité  des  démonstra- 
tions pour  peu  à  peu  vous  faire  cognoistre  la  facilité  et  breveté  de  mon  setîl.i 
Cette  facilité  de  style  (setil)  rend  Touvrage  fort  singulier.  Mais  le  fonds 
vaut  mieux  que  la  forme;  les  planches  sont  fort  belles;  quelques-unes 
sont  curieuses,  et  elles  méritent  d'être  connues.  Avant  d'analyser  tom- 
mairement  les  différentes  parties  de  ce  volume,  nous  ferons  remarquer 
que  Bachot  a  fait  allusion  à  son  nom,  en  intitulant  son  œuvre /e  Gouper» 
nail,  ainsi  qu'en  nonmiant  ia  Barque,  un  instrument  de  son  invention, 
qui  pouvait  servir  à  mesurer  les  distances  et  à  pocher  des  poissons. 

Un  beau  frontispice^  supportant  diverses  machines,  occupe  le  premier 
feuillet;  le  second  est  consacré  à  une  Dédicace  adressée  à  M.  de  la  Grange 
Le  Roy,  conseiller  d'Etat,  gouverneur  de  la  ville  et  du  château  de 
Melun.  Sur  le  troisième  feuillet,  Tartiste  a  gravé  un  riche  portique,  qui 
sert  de  cadre  aux  armoiries  de  M.  de  la  Grange.  On  lit  ensuite  un  jâvisà 
ia  Bande  guerrière  et  V Introduction  ;  a  En  ce  discours  recognoistrea  le 
subject  de  mon  intention,  i  Enfin,  sur  le  sixième  feuillet,  commence £c 
Gouvernail  qui  conduira  le  curieux  parmjr  nos  suivantes  propositions  de  Géo~ 
met  rie.  C'est  une  série  de  problèmes  relatifs  à  la  construction  du  Penta- 
gone, et  à  la  perspective  des  figures  pentagonales.  Puis  l'auteur  ensei^e 
à  représenter  des  talus,  des  bastions,  etc.  Le  texte  est  accompagné  de 
42  figures  au  trait  ou  ombrées.  -—  Briefve  déduction  de  V utilité  et  énergie 
par  la  suit  te  et  conséquence  de  ce  discours.  Cette  partie  contient  cinq  plan- 
ches, de  la  grandeur  de  la  page,  avec  un  texte  explicatif.  —  Dix-neuf 
planches  do  fortifications,  sans  texte.  —  La  pratique  de  Géométrie^  texte 
et  figures  gravés  dans  67  petits  cadres,  dont  trois  ou  quatre  sont  im- 
primés sur  la  même  page.  —  Pratique  de  Trigonométrie^  texte  et  curieuses 
figures  gravés  en  huit  petits  cadres,  précédés  de  la  représentation  d'un 
inslniment  inventé  par  Bachot,  et  nommé  la  Barque,  —  Moyens  de  dé* 
crire  uoe  voûte  :  Grande  planche  à  trois  compartiments,  suivie  de  la 
figure  (l'un  compas  destiné  à  tracer  des  ellipses.  —  Règles  de  perspec- 
tive, texte  et  figureft,  gravés  en  14  petits  cadres.  —  Dix  grandes  plan- 
ches représentant  des  machines  pour  approcher  d'une  ville  assiégée; 
des  échelles  d^escaladc;  un  instrument  pour  arracher  sans  bruit,  les 
serrures  et  les  verroux  d'une  portt?  ;  des  machbies  pour  lancer  des  pierres 
et  des  pièces  de  bois.  —  Machines  hydrauliques  de  tout  genre.  Lapin- 
part  ont  été  inventées  par  Bachot;  l'une  d'elles  existait  dans  la  âtadelie 
de  Turin,  en  1577.  On  remarque,  dans  ces  machines,  l'application  du 
système  dt»  pompes  aspirantes  et  foulantes  :  Douze  planches.  On  lit  sur 
la  onzième  :  Ambrosius  Bacliotus  parisiensis  inventor. 


BIBUOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  443 

—  riAiLLET.  Le  tableau  du  Mariage  représenté  au  na- 
turel^  enrichi  de  plusieurs  rares  curiosités^  figures, 
emblèmes,  histoires,  lois  et  mœurs  de  diverses  na- 
tionsy  et  illustré  de  fleurs  poétiques  et  oratoires; 
par  Paul  Caillet,  champenois,  avocat  au  parlement. 
OrengCy  Est.  Foisin,  1635;  pet.  in-12  de  268  pag. 
et  26  fF.  pour  la  table. 

Volume  rare.  —  Paul  Caillet  a  dédié  son  livre  à  Louis  de  Langes, 
sieur  de  Mont-Miral,  doyen  des  conseillers  du  parlement  d^Orange,  et  à 
Jacques  Pineton,  sieur  de  Chambrun,  docteur  en  théologie. 

Ce  traité  est  divisé  en  cinq  chapitres  :  Des  communes  fins  du  ma- 
riage; de  la  volupté,  première  fin:  de  l'avarice  et  de  Fambition,  seconde 
fin  ;  de  la  propagation,  troisième  fin  ;  conclusion  du  traité.  L'auteur  a 
fait  preuve  d'érudition ,  en  recueillant  les  lois  divines  et  humaines,  les 
histoires  anciennes  et  modernes,  et  les  vers  latins  relatifs  aux  femmes  et 
au  mariage. 

Paul  Caillet  était  probablement  célibataire  ;  car  il  n*encourage  pas  à 
se  marier.  Sa  conclusion,  qui  occupe  58  pages,  est  une  violente  diatribe 
contre  les  femmes.  Il  cite  avec  complaisance  tous  les  passages  que  la 
mauvaise  humeur,  ou  Tenvie  du  bonheur  d'aulrui,  a  inspiré  aux  théolo- 
giens, aux  philosophes  et  aux  poêles  anciens.  Mais  notre  avocat  cham- 
penois prêchait  dans  le  désert.  On  se  marie,  ou  se  mariera  toujours, 
quand  même  on  devrait  s*en  mordre  les  doigts  plus  tard. 

—  Câmusat.  Meslanges  historiques  ou  recueil  de  plu- 
sieurs actesy  traictez^  lettres  missives... •  depuis 
1  an  1390  jusques  à  l'an  1580  (par  Nie.  Camusat). 
TroyeSy  JSoèl  MoreaUy  dict  le  coq,  1619;  in-8. 

Livre  rare,  lorsqu'il  est  complet;  les  deux  dernières  pièces  ne  se  troa* 
vent  que  dans  peu  d'exemplaires. 

Ce  Recueil  contient  de  nombreuses  pièces  fort  curieuses  qu'on  cher- 
cherait vainement  ailleurs,  sur  Thistoire  de  la  Champagne.  Le  titre 
porte  de  1390  à  1580;  mais  les  deux  premières  pièces,  Contrats  de  ma- 
riage de  Thibault ,  comte  de  Champagne  et  de  sa  fiUe  Blanche^  sont  datés  de 
1219  et  122  n.  Le  Procès-Verbal  d'une  assemblée  de  Péchev'mage  de  Troyes 
(ff.  9115-217)  est  daté  de  1594;  et  les  Mémoires  de  Mergey  sont  datés  de 
1613.  Au  surplus,  Camusat  pré^dentle  lecteur,  dans  T^m  préliminaire, 
quUl  a  formé  cette  collection,  sans  pouvoir  la  mettre  en  meilleur  ordre, 
attendu  qvi'il  y  ajoutait  de  nouvelles  pièces,  à  mesure  qu'il  les  décon- 
viait. C^est  par  cette  raison  que  beaucoup  d'exemplaires  ne  renferment 
pas  toutes  les  pièces,  qui  sont  dans  celni-ci.  En  voici  le  sommaire  : 

Contrats  de  mariages^  traités^  ordonnances  royales^  etc,  (Cf.  1-44).  On 


kkk  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

remarque  dans  cette  série ,  V Estât  et  nombre  des  officiers  domestiques  du 
Roi,  —  Formulaire,  ou  protocole  pour  les  secrétaires  du  roi  (ff.  45-73).  An 
milieu  de  ce  formulaire,  est  insérée  une  liste  des   douze   pairs,    des 
quinze  ducs  et  des  84  comtes  de  France.  —  lettres  et  instructions  du  roi 
François  1«'  à  ses  ambassadeurs  (ff.  1-217).  Plusieurs  lettres  sont  adres- 
sées au  Bailly  de  Troyes  (Jean  de  Dinteville,  Seigneur  de  PoHzy),  am- 
bassadeur à  Londres  en  1533  ;  Camusat  a  ajouté  (f.  251)  une  généalogie 
de  cette  famille  champenoise.  Suivent  :  V Ordre  observé  dans  la  cérémonie 
funèbre  pour  le  feu  roi  Charles  VI  (1422),  pièce  très-curieuse;  la  totaU 
description  de  tous  les  passages  qui  sont  pour  entrer  des  Gaules  aux  Ytates; 
et  la  totale  description  en  abrégé  de  tout  le  pays  d'Italie;  plus,  les  Lettres 
de  C/utrles  VII  sur  la  réduction  de  la  ville  de  Troyes  en  son  obéissance 
(1429)  ;   et   le  Procès- Verbal  d^une  assemblée  de  Péchevinage  de   Troyes 
(1594).  —  Recueil  sommaire  des  délibérations  de  la  chambre  ecclésiastique 
des  Etats  de  Blois  en  1576,  dressé  par  Guillaume  du  Taix,  doyen  de  l'é- 
glise de  Troyes  (ff.  1-73).  —  Mémoires  militaires  du  sieur  de  Hergey^  gen- 
tilhomme  champenois,  datés  de  1613  (flf.  1-26).  Les  Mémoires  de  Mergey 
paraissent  avoir  été  ajoutés  après  coup  ;  ils  ne  portent  plus  le  titre  cou- 
rant, Mémoires  ou  meslanges  historiques,  et  doivent  manquer  dans  quel- 
ques exemplaires.  Quant  aux  deux  pièces  suivantes,  elles  se  trouvent 
rarement  dans  ce  recueil  :  —  Extrait  du  registre  des  lettres  de  M.  de  Pé-^ 
tremol,  ambassadeur  à  la  Porte,  de   1561  à   1566,   imprimé   en    1623 
(ff.  1-12).  —  Les  Mémoires  du  sieur  Richer^  ambassadeur  en  Suède  et  Ho- 
nemark,  impr.  en  1625  (ff.  1-22).  Richer  et  de  Pétremol  étaient  cham- 
penois. 

Nicolas  Gunusat,  chanoine  de  Téglise  cathédrale  de  Troyes,  naqait 
dans  cette  ville. en  1575,  et  y  mourut  en  1655. 

—  Eoir  DE  Beaumoitt.  Très-humble  réponse  à  très- 
haut,  très-puissant  Seigneur,  Monseigneur  Pierre- 
Augustin    CaRON  ou    CaRILLOIT,    dit  BEAUMARCHillS, 

baron  de  Ronac  en  Franconie,  adjudicataire  gé- 
néral des  bois  de  Péquiny,  de  Tonnere  et  autres 
lieux  ;  premier  lieutenant  des  chasses  de  la  Garenne 
de  Fort-l'Evéque  et  du  Palais,  Seigneur  utile  des 
forêts  d'Agiot,  d'Escompte,  de  Change,  Rechange 
et  autres  Rotures,  etc..  etc.,  etc. 

ParCharlotte-Géneviève-Louîse-Âuguste-Andrée- 
Timothée  d'EoN  de  Beaumont,  connue  jusqu^à  ce 
jour  sous  le  nom  du  chevalier  d*Eon,  ci-devant 
docteur  consulté,  censeur  écouté,  auteur  cité, 
dragon    redouté,    capitaine   célébré,    négociateur 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  445 

éprouvé,  plénipotentiaire  accrédité,  ministre  res- 
pecté; aujourd'hui  pauvre  fille  majeure,  n'ayant 
pour  toute  fortune  que  les  Louis  qu'elle  porte  sur 
son  cœur  et  dans  son  cœur,  s.  l.  n.  d.  (1778);  în-8 
de  28  pag. 

Ce  titre  suffit  pour  faire  reconnaître  cette  pièce,  comme  l*un  des  pam- 
phlets publiés  pendant  la  dispute  du  chevalier  d'Eon,  avec  Caron  de 
Beaumarchais. 

—  Gilles.  Proverbia  popularia,  in  latinam  traducta 
poësim,  colloquiis  familiaribus  summopere  condu- 
centia,  Joanne  Aegidio  Nuceriensi  autore.  On  les 
i^end  à  Lyon  chez  Françoys  Juste,  1 539  ;  pet.  in-8 
semi- gothique  de  48  ff. 

Très-rare.  —  Les  proverbes  français  sont  imprimés  en  caractères  go- 
thiques, au-dessus  de  la  traduction  latine. 

Jean  Gilles,  de  Noyers  en  Champagne,  traduisit  en  vers  latins,  léo- 
nins, les  1115  proverbes  recueillis  par  Jean  de  la  Vesprie.  La  première 
édition  de  ce  livre  fut  imprimée  à  Paris  par  Josse  Bade,  en  1519  avant 
Pâques^  c'esl-à-dire  en  1520;  ceci  est  prouvé  par  la  dédicace  de  Bade  à 
Nie.  Dorigny,  chancelier  de  l'université  de  Paris,  que  François  Juste  a 
insérée  dans  l'édition  de  1539,  qui  n'est  que  la  reproduction  complète 
de  celle  de  1520.  La  souscription  nous  apprend  que  J.  Gilles  n'était  pas 
le  premier  traducteur  des  proverbes  français,  et  qu'il  avait  fait  passer 
dans  son  œuvre  plusieurs  yers  de  ses  devanciers.  C'est  pourquoi  on 
trouve  quelques  points  de   ressemblance  entre  le  livre  de  Bonaspes  et 
celui  de  Gilles  ;  mais  ce  sont  deux  auteurs  différents,  qu'il  est  facile  de 
distinguer,  puisque  Tun  n'a  traduit  que  474  proverbes,  tandis  que  l'autre 
a  traduit  les  1115  proverbes  du  recueil  de  la  Vesprie.  On  a  confondu 
les  Proverbia  communia  y  publiés  vers  1513,  avec  les  Proverbia  gallicana  im- 
primés par  J.  Bade  et  les  Proverbia  popularia  imprimés  par  Fr.  Juste. 
(Voy.  Bull,  du  Bibl,  ann.  1860,  p.  1749). 

—  GuTHERius.  Jacobi  Gutherii  de  Veleri  jure  ponti- 
ficio  urbis  Romae,  libri  IV,  Parisiisj  Nie.  Buon, 
1612  ;  in-4  de  8  fF.,  480  pag.  et  10  flf.  pour  les  ta- 
bles, fig. 

Livre  assez  rare  et  très-curieux.  Jacques  Gouthière,  savant  antiquaire 
et  jurisconsulte,  naquit  à  Chaumont  en  Bassigny  vers  1568  et  mourut  en 
1638.  —  Son  ouvrage  de  Jure  pontificioy  dédié  au  président  Antoine  Se- 
guier,  est  plein  d'érudition;  il  eut  beaucoup  de  succès,  et  valut  à  l'auteur 
le  titre  de  Patrice  romain. 


446  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Ce  traitëy  divisé  en  4  liTres,  contient  de  nombreuses  inscriptions  grec- 
ques et  latines,  et,  de  plus,  75  médailles  et  4  vignettes  très^fuiement  gn- 
vées.  Le  premier  livre  traite  des  personnes  {de  personis);  le  second  livre, 
de  la  juridiction  des  pontifes  {de  jurldictîone  ponttficum);  le  troisième 
livre,  des  lieux  et  des  temps  {de  locis  et  temporibus);  et  le  quatrième  livre, 
des  sacrifices  {de  sacris). 

Sur  la  garde  du  volume  on  lit  un  envoi  autographe  de  Faoteor  Pour 
monsieur  Justel  —  et  une  note  bibliographique  de  Gabriel  Peignot. 

—  GuTHERius.  Jacobi  Gutherii,  patricii  romani^  Tî- 
resias^  Seu  de  caecitatis  et  sapientiae  cognatione.  Pa- 
risiiSy  Nie.  Buoriy  1616;  in-8  de  107  pag. 

Première  édition  rare.  —  Jacques  Gouthières,  en  latin  Gutherius^  na- 
quit à  Chaumont  en  Bassigny,  Tan  1568,  et  mourut  en  1638.  Son  livre 
de  veterijure  pontïficio  urbis  Bonix,  publié  en  1612,  lui  valut  le  titre  de 
Patrice  romain, 

Tirésias,  ou  du  rapport  de  la  cécité  avec  la  sagesse,  e^t  un  traité  de 
morale  composé  sur  un  sujet  singulier.  L*auteur  cite  d*abord  PAmoar, 
la  Fortune  et  la  Justice,  qui  sont  représentés  aveugles  ;  il  parle  ensuite 
de  plusieurs  personnages  privés  de  la  vue  et  de  leurs  différents  caractères. 
Puis,  il  disserte  sur  Taveuglement  deTesprit,  et  fait  l'éloge  de  lasagesse, 
ainsi  que  des  vertus  que  le  sage  doit  pratiquer...  Cetourrage  est  adressé 
à  Nicolas  Brulart,  chancelier  de  France. 

—  Hervet.  L'Ântî-Hugues^  c'est-à-dire  Responce  aux 
écrits  et  blasphèmes  de  Hugues  Sureau^  soy  disanr 
ministre  calviniste  à  Orléans^  contre  les  principaux 
points  de  la  religion  catholique;  par  Gentian  Her- 
vet, chanoine  de  Rheims.  Rheims,  Jean  de  Foigny^ 
1567;  pet,  in-4  de  10  ff.  et  300  pag. 

Le  traité  de  controverse  est  un  des  écrits  que  fit  naître  Tardente  po- 
lémique qui  eut  lieu  entre  Gentian  Hervet ,  chanoine  de  Reims ,  né 
])rès  d'Orléans  en  1499  et  mort  en  1584,  et  Hugues  Sureau,  ministre 
protestant  à  Orléans.  Sureau,  né  à  Rozoy  en  Brie,  ahjura  le  calvinisme; 
mais,  plus  tard,  il  se  réunit  de  nouveau  aux  protestants,  et  se  réfugia  à 
Francfort,  où  il  mourut  de  la  peste,  vers  1575. 

L* Anti-Hugues  de  G.  Hervet,  est  peut-être  faihle  de  raisonnement; 
mais  il  contient  des  passages  assez  singuliers.  Ainsi,  Tauteur  veut  parier 
cent  écus  contre  Sureau,  que  c'est  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ , 
qui  s'offrent  à  Dieu  par  les  prêtres,  et  il  désigne,  pour  juges  de  la  ga- 
geure, les  patriarches  de  Constantinople,  d'Alexandrie  et  d'Antioche.  U 
raconte  que  dans  une  localité  de  la  Champagne,  les  calvinistes  firent 
pendre  un  âne,  qui  avait  mangé  le  pain  de  la  Sainte  Cène  ;  et  qa*à  Vii- 
ïemor,  près  de  Troyes,  ils  baptisèrent  un  âne,  et  lui  donnèrent  le  nom 
(le  Martin,  en  dérisibn  des  sacrements  de  l'église  catholique;  etc. 


'.  V«k 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  kkl 

—  Hervet.  Le  sainct,  sacré,  universel  et  général  Con- 
cile de  Trente,  assemblé  sous  les  papes  Paul  III  en 
1545-1547,  Jules  III  en  1551  et  1552,  -et  Pie  IV 
en  1562  et  1563;  trad.  en  franc,  par  Gentian  Her- 
vet d'Orléans,  chanoine  de  Rheims.  Pont-à-Mous- 
son,  1584;  pet.  in-8  de  628  pag.  (y  compris  les  fF. 
prélirn.  et  les  ff.  de  la  table). 

Livre  rare  et  curieux.  —  Gentian  Herret,  chanoine  de  Reims,  na- 
quit à  01i?et  près  d*Orléans  et  mourut  à  Reims  en  1584.  Il  accompagna 
le  cardinal  de  Lorraine  au  Concile  de  Trente,  et  y  prononça  quelques 
discours.  Le  Concile  fut  clos  le  5  décembre  1563  et  confirmé  par  le  pape 
Pie  IV,  le  26  janvier  1564.  La  traduction  française  de  Gentian  Hervet 
est  recherchée,  parce  qu'elle  renferme  un  passage,  qui  a  été  supprimé 
dans  toutes  les  éditions  latines.  On  lit  à  la  fin  de  la  25^  et  dernière 
session,  p.  501  :  c  II  a  pieu  à  tous  les  Pères,  qu'on  mette  fin  à  ce  Sainct 
Concile,  et  qu'on  demande  confirmation  à  nostre  Sainct  Père,  excepté 
trois  seulement,  quon  dit  qu'ils  ne  demandaient  pas  la  confirmation,  d  On 
remarque,  dans  la  quatrième  session,  un  décret  du  8  avril  1546,  sur  la 
r'ccption  et  dénombrement  des  saincts  livres  du  Vieil  et  Nouveau  Testament^ 
reconnus  comme  canoniques, 

Gf  ntian  Hervet  a  ajouté  à  cette  traduction  une  description  de  la  ville 
de  Trente  ;  un  catalogue  des  Pères,  Ambassadeurs  et  théologiens,  qui 
assistèrent  au  Concile,  au  nombre  de  463  ;  et  un  Indice  des  livres 
prohibés,  contenant  693  auteurs  et  299  ouvrages  anonymes.  Nous  cite- 
rons les  articles  suivants:  Toutes  les  œuvres  de  Gilbert  Cousin,  d'Erasme, 
d'Abailard,  de  Savonarole,  de  Boccace,  de  Rabelais,  etc.  ;  VAlcoran  de 
Mahomet  ;  Capricci  del  Bottaioy  di  J.-B.  Gelli  ;  Clavicula  Salomonis;  Com- 
ment aria  german.  in  Corn.  Tacitum;  Comedim  et  tragedim  ex  veteri  testa- 
mento  collecta:;  Diurnalf  romaaum,  impressum  Lugduni;  Fabulm  Laur. 
j4hstemii\  Henr.  Bebelii  et  Poggii  facetim;  Cymbalum  mundi;  Geographia 
universalis;  Pasquilli  omnes  ;  etc.,  etc. 

—  HiNCMAR.  Opuscula  et  Epistolae  Hincmari  Remensis 
archiepiscopi  :  Âccesserunt  Kicolai  papae  I  et  alio- 
rum  epistolae;  editae  à  Joan.  Cordesio,  ecclesiae  Le- 
movicensis  canonico.  Parisiis,  161 5  ;  in-4  de  16  ff., 
782  pag.  et  6  ff.  pour  la  table. 

Li^TC  rare,  qui  renferme  des  faits  intéressants  pour  l'histoire  do  neu> 
viènie  siècle. 

Jean  de  Cordes,  en  latin  Cordesius,  né  à 'Limoges  en  1570,  chanoine 
de  l'église  de  cette  ville,  puis  abbé  de  Maussac,  mourut  k  Paris  en  1642. 
Il  est  le  premier  éditeur  des  opuscules  et  des  lettres  d'Hincmar,  dont  les 


448  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

manuscrits  lui  forent  communiqués  par  Jacques-Auguste  de  Thon,  pré- 
sident au  parlement,  et  par  François  Pithou.  De  Cordes  dédia  ce  recueil 
au  président  de  Thou,  le  l«'  février  1615. 

Hincmar  né  vers  806»  moine  de  Saint-Denis,  élu  archevêque  de 
Reims  en  845,  mourut  à  Épemay  en  882. 

Ce  recueil  contient  : 

Hincmari  opiuculum^  ad  Hîncmarum  Laudunensem  epUcopum, 

L'affaire  d*Hincmar,  évéque  de  Laon,  neveu  d*Hincmar,  archevêque 
de  Reims,  est  un  des  événements  les  plus  tristes  et  les  plus  graves,  où  ce 
prélat  intervint  avec  une  violence  extrême.  Il  poursuivit  lui-même  son 
neveu  devant  le  concile  de  Douzi,  en  871,  et  le  fit  condamner.  Ce  mal- 
heureux évéque  fut  chassé  de  son  diocèse,  emprisonné,  et  deux  ans 
après,  sans  nouveau  jugement,  privé  de  la  vue  avec  un  fer  chaud. 

Ejusdem  Hincmari  opusculum   de  divortio  Hlotharii  régis  et  Tetbergm  re- 

Dans  cet  opuscule,  écrit  en  862 ,  à  Tinstigation  de  Charles  le  Chaare, 
Hincmar  attaque  avec  éloquence  la  légitimité  du  mariage  de  Lothaire  H, 
roi  de  Lorraine  et  de  Walrade,  ainsi  que  de  son  divorce  avec  Teat- 
berge,  qui  eut  lieu  en  860.  Cette  reine  avait  prouvé  son  innocence  par 
répreuve  de  l'eau  houillante,  subie  par  procureur. 

Ces  deux  ouvrages,  qui  occupent  504  pages  du  volume,  sont  suivU  de 
plusieurs  lettres  d'Hincmar  et  d'autres  personnages  vivant  au  neuvième 
siècle. 

Les  dernières  pièces  sont  :  cinq  lettres  du  pape  Nicolas  1^  (858-867); 
une  lettre  du  pape  Jean  X  (915-928),  et  une  lettre  de  Léon  IX  (1049- 
1055). 

—  HoRii  {Nicolai).  Remensis  prsefecti  auxiliaris  Pœ- 
niata  nova  in  Septem  partita  libellos.  —  Ejusdem 
Opusinquindecimdispartitum  libellos.  (Impressum 
Lugduni  per  Jacobum  Sacon  pedemontanum^  \  507); 
1  vol.  pel.  in-fol. 

Très-rare  volume,  remarquahle  par  la  heauté  du  papier  et  des  carac- 
tères ;  curieuse  marque  de  Pimprimenr,  gravée  sur  le  titre.  Nous  n'avons 
découvert  aucun  renseignement  sur  l'auteur,  et  nous  n*osons  traduire  en 
français  ni  son  nom,  ni  ses  qualités.  Nicolas  Horius  de  Reims,  Prcr/W- 
tus  auxiliaris^  poète  et  prosateur  du  xv«  siècle,  était  en  relation  avec  des 
personnages  distingués  dans  les  lettres  et  dans  la  magistrature  :  des  épi- 
tres  en  vers  et  en  prose  sont  adressées  à  Guillaume  Coquillart,  à  Robert 
Gaguin,  à  Jean  de  Gaigny,  à  des  conseillers  au  parlement  et  à  d'autres 
magistrats,  dont  les  noms  latuiisés  ne  peuvent  être  que  difficilement  re- 
construits en  français.  L^ouvragc  d'Horius  est  divisé  en  deux  parties  :  la 
première  est  consacrée  aux  poésies,  parmi  lesquelles  nous  citerons  deux 
épigrammes  sous  l'entrée  de  Charles  VIII  à  Reims  et  sur  la  mort  de  ce 
roi,  une  épître  et  une  ode  en  l'honneur  de  Saint-Nicolas  ;  une  longue 
pièce  de  vers  sur  l'immaculée  conception  ;  une  allocution  aux  Rémois, 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  449 

ponr  les  détourner  de  la  passion  du  jeu  ;  une  épître  aux  jeunes  filles,  snr 
rimmodestie  de  leurs  habits  ;  etc.  Dans  les  œuYres  en  prose  que  ren- 
ferme la  seconde  partie,  l'auteur  a  traité  presque  exclusivement  des  snjets 
de  piété  et  de  morale.  Il  paraît  qu'à  la  fin  du  xv*  siècle,  les  mœurs 
étaient  fort  relâchées  en  Champagne;  car  sous  le  titre  de  .*  Lamentations  y 
exhortations^  reprocJieSy  invectives^  Horius,  attaque  vivement  et  longue- 
ment rimmoralité  de  ses  concitoyens.  Il  n'épai^e  personne,  et  frappe 
également  sur  les  prêtres,  les  moines,  les  nobles,  les  roturiers,  les 
femmes,  etc.;  il  raconte  même  quelques  histoires  peu  édifiantes.  Nous 
sommes  convaincus  que,  sous  les  noms  de  Jean,  Martin,  Jeanne,  Agnès, 
Madeleine,  etc.,  l'auteur  a  désigné  des  personnes  que  les  Rémois  pou- 
vaient facilement  reconnaître.  Ce  sont,  à  notre  avis,  de  violentes  satires 
personnelles, 

—  Jacquinot.  L'usaige  de  l'Astrolabe,  avec  un  traicté 
de  la  sphère,  parDominicq'  Jacquinot,  champenois. 
Paris  y  de  Timpr.  de  Jehan  Barbé  ;  on  les  çend  par 
Jacq.  Gazeauet  Vincent  SertenaSy  1545;  pet.  in-4 
de  8  et  84  ff.,  fig. 

Première  édition,  trèi-rare  ;  elle  est  ornée  de  38  figures  astronomi- 
ques, gravées  sur  bois  dans  le  texte  :  la  seconde  figure  est  mobile. 

L'auteur  a  dédié  son  livre  à  Catherine  Médicis,  dauphine  de  France  : 
a  Estant  bien  adverty.  Madame,  que  les  sciences  divines  et  royalles  re- 
luysent  en  vous,  comme  la  perle  en  l'or;  congnoissant  aussy  vostre  noble 
esprit  estre  devinement  enclin  à  les  contempler  et  admirer. ...» 

Le  système  de  Copernic  n'était  pas  encore  adopté.  Domin.  Jacquinot 
{>lace  la  terre  au  centre  du  monde,  et  fait  tourner,  en  24  heures,  autour 
de  notre  planète,  les  neuf  cieux,  le  soleil,  les  constellations  et  les  étoiles, 
quelque  éloignées  qu'elles  soient  de  nous;-et  cette  rotation,  dont  la  ra- 
pidité serait  incommensurable,  se  renouvellerait  chaque  jour. 

L'instrument  d'astronomie,  connu  sous  le  nom  d'Astrolabe,  ne  servait 
pas  seulement  aux  observations  astronomiques,  mais  il  servait  encore  à 
mesurer  les  distances,  les  hauteurs  et  profondeurs,  ainsi  qu'à  calculer 
les  horoscopes  et  les  nativités. 

L'auteur  décrit  avec  soin  toutes  les  parties  de  l'Astrolabe,  et  les  di-> 
vers  usages  auxquels  on  peut  employer  cet  instrument.  Des  figures  astro- 
logiques expliquent  la  théorie  des  horoscopes  ;  et  des  figures  géométri- 
ques font  connaître  la  manière  de  mesurer  les  hauteurs  avec  l'échelle 
altimètre. 

—  Ja3ierat-Duval.  Oeuvres  de  Valen tin  Jameray-Du- 
val,  précédées  des  Mémoires  sur  sa  vie  (pubL  par 
F.  A  de  Koch).  S.  Pétersbourg  et  Strasbourg  {de 


450  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Vimpr.  de  J.J.  Thourneysen,  à  Bâle),  1784;  2  vol. 
in.8,  portr.,  vign. 

Le  premier  volume,  qui  se  compose  de  xiv  et  300  pages,  comprend, 
outre  une  dédicace  à  Catherine  II  et  une  préface  de  Téditeur,  la  biogra- 
phie de  Duyal  par  Koch  (pp.  1-42)  ;  les  AJémoires  de  Duval  sur  diptrs 
événements  de  sa  vie  (p.  43-119);  et  une  partie  de  ses  Lettres  à  Mlle  Adju^ 
tasie  SocolofT,  femme  de  chambre  de  Catherine  II,  avec  les  réponses 
(p.  120-320). 

Le  second  volume,  qui  renferme  334  pages,  plus  deux  feuillets  non 
chiffrés,  contient  la  suite  des  Lettres  à  Mlle  Socoloff,  avec  deux  lettres  de 
M.  Koch  à  la  même  (p.  1-237);  cette  correspondance  comprend  125 
lettres  :  la  Relation  abrégée  d'un  voyage  en  Stjrrie^  adressée  à  Mlle  de  Gut- 
îenberg,  première  femme  de  chambre  de  l'impératrice  d'Autriche,  et 
suivie  de  cinq  lettres  de  Duval  à  la  même,  avec  les  réponses  (p.  236- 
271)  ;  une  Lettre  de  Duval  à  M.  Sauboin  (p.  272-276);  puis,  sous  le  titre 
de  Pièces  servant  d'éclaircissement  aux  Mémoires^  sept  lettres  éci'ites  à  dif- 
férentes personnes  ;  V Exposé  des  motifs  qui  engagèrent  Duval  à  refuser  la 
place  de  sous-précepteur  de  t archiduc  Joseph;  V Abrégé  de  la  vie  de  Vay- 
ringe,  machiniste  de  Sa  Maj.  imp,^  et  ci-devant  professeur  de  physique  à 
Lunéville  (p.  2n''Z2k)  ;  le  Soliloque  philosophique^  géométrique  et  moral 
(p.  325-332);  et  la  Prière  du  matin  que  Duval  avait  suspendue  au-dessus  de 
son  lit  (p.  332-334).  Les  feuillets  non  chiffrés  renferment  le  Prospectus 
de  cette  publication,  rédigé  par  Tabbé  Guyot,  censeur  royal,  et  VExpli^ 
cation  des  neuf  figures  insérées  dans  les  deux  volumes.  "Ed.  voici  le 
détail: 

En  tête  du  premier  volume,  se  trouve  le  portrait  de  Duval,  gravé 
d'après  un  dessin  original.  —  Le  médaillon  du  frontispice  représente 
le  grand  chêne  de  la  forêt  de  Sainte-Anne  où  Duval  avait  établi  son  ob- 
servatoire. —  I^  vignette  de  la  dédicace  représente  un  obélisque  chargé 
du  chiffre  de  l'impératrice  Catherine  II,  que  couronne  une  victoire.  — 
Page  3,  Vue  de  Thermitage  de  Sainte- Anne.  —  Page  123,  Duval  tour- 
menté par  la  ciguë,  dont  il  avait  pris  une  dose  trop  forte.  —  Page  320, 
l'Hermitage  de  la  Brochette  dans  les  Vosges. —  Le  frontispice  du  second 
volume  offre  le  revers  d'une  médaille  frappée  en  l'honneur  de  Duval.  — 
Page  1,  Tableau  de  la  vie  des  solitaires  de  Sainte- Anne.  —  Page  230, 
Médaille  frappée  en  l'honneur  de  M.  de  Betzky. 

—  Jacquemart.  Etrennes  aux  Emigrés,  ou  les  émi- 
grants  en  route.  Dialogue,  contes  et  poésies  (par 
Jacquemart).  Paris ^  Imprimerie  Bibliographique, 
rue  des  Ménestriers  Saint-Martin^  N°  9,  1793; 
in-1 2  de  2  fî.  et  74  pag. 

Volume  curieux.  Nicolas-François  Jacquemart,  libraire,  né  à  Sedan, 
en  1735,  mourut  à  Paris  en  1799.  Il  publia  plusieurs  ouvrages,   de 


\ 


\ 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  451 

1774  à  1793,  tous  anonymes,  ou  signés  :   Un  citoyen  de  la  section  des 
Lombards, 

Ses  Étrennes  aux  émigrés  sont  en  forme  de  dialogue  entre  la  duchesse 
de  P.  (sans  doute  de  Polignac  et  Tabbé  de  V.),  voyageant  ensemble 
pour  sortir  de  France.  Ce  dialogue  est  entrecoupé  de  douze  contes  en 
vers,  assez  libres,  sur  les  mœurs  des  dames  de  la  cour  et  du  clergé.  Les 
réflexions  des  interlocuteurs  sont  du  même  genre  que  les  contes.  On  lit 
ensuite  un  Cantique  de  Judith^  pot-pourri  facétieux,  en  29  couplets. 
L*auteur  termine  son  œuvre  par  un  Hymne  à  la  liberté^  signé  :  Un  ci- 
toyen soldat  volontaire  de  la  section  des  Lombards, 

—  Jary.  Description  de  rorigine  et  première  fonda- 
tion de  rOrdre  sacré  des  Chartreux,  naisvement 
pourtraicté  au  cloistre  des  chartreux  de  Paris;  tra- 
duicte  par  V.  P.  Frère  François  Jary,  prieur  de 
nostre  Dame  la  Prée  lez  Troyes.  Paris ^  Guill.  Chau- 
dière, 1578;in-4de32fr. 

Édition  ORiGniALE  très-rare.  Ce  livre  se  compose  d'une  Dédicace  k 
Simon  Regnoult,  prieur  de  Bourg-Fontaine,  et  visiteur  de  la  province 
de  France  ;  de  la  Description  de  l'origine  de  l'ordre  des  Chartreux,  tra- 
duite en  français;  d'une  Prière^  d'une  Élégie  y  et  de  deux  Épitaphes  de 
Saint-Bruno. 

Le  frère  Jary  était  un  poëte  d'un  talent  douteux,  mais  qui  se  permet- 
tait cependant  des  enjambements  assez  hardis,  tels  que  ceux-ci  : 

«  Un  corps  voalut  choisir,  poor  compenser  Pinique 
Faulte  ^  Adam  trompé  par  fraude  satanique,  > 
«  Prestoient  l'oreille  au  bruit  et  très-horrible  son 
Du  gisant,  que  jamais  ne  pourrait  la  raison 
Humaine  excogiter.  Qui  ouyt  onc  une  telle 
Si  lamentable  voix,  si  triste,  si  crnelle?  » 

Nous  citerons  encore  le  passage  suivant  : 

■ Or  telle  estoit  la  presse 

Que  l'un  plaiguoit  le  pied,  l'antre  crioit  les  reins  ; 
Les  uns  ponssans  du  dos,  autres  frappans  des  mains, 
Se  faisoient  f.iire  place,  et  à  bien  grand'peine 
Grimpoient  parm  j  les  bancs  au  dessus  de  la  plaine,  » 

Le  mot  plaine  est  une  licence  poétique  ;  car  ce  tumulte  avait  lieu  dans 
une  église. 

—  JoBART.  Avis  pour  la  conduite  d'un  jeune  homme 
par  M.  le  M.  D*,  Fitri  {le  Français) y  J-F.  Jobart  {de 
(impr.  de  Regnauld  Florentairij  à  Reims),  1748; 


452  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

pet.  in-12  de  xxiv  et  102  pag  et  2  ff.  pour  le  privi- 
lège, front,  gr. 

L'auteur  anonyme  de  ce  livre  de  morale  a  dédié  son  œuTre  à  la  no* 
blesse  de  Champagne,  dont  il  faisait  partie. 

La  Dédicace  est  suivie  d*un  Avant-propos  sur  les  avantages  d*iine 
bonne  éducation;  d*une  Préface  de  Téditeur  (J.-F.  Jobart),  et  d'ane 
Dédicace  de  Jobart  au  marquis  de  Puysieux,  ministre  d*État,  c  dont 
rillustre  maison  était  Tune  des  plus  anciennes  de  la  noblesse  champe- 
noise. •  • 

Cet  Avis  forme  un  recueil  très-remarquable  de  préceptes  utiles  ponr 
vivre  dans  le  monde,  qu*on  peut  recommander  aux  méditations  dei 
jeunes  gens  de  toute  condition.  Nous  n'en  citerons  que  quelques  passages 
pris  au  hasard  :  «  Dans  tous  les  combats  que  vous  aurez  à  soutenir  contre 
les  événements,  souvenez- vous  que  la  victoire  appartient  à  la  patience,  i 
—  «  Préservez-vous  de  trop  désirer  et  de  trop  espérer.  Rien  n*est  si 
trompeur  que  le  désir  et  l'espérance  !  Tun  et  l'autre  promettent  souvent 
plus  qu'ils  ne  tiennent.  :» — a  Les  savants  de  profession  sont  d'ordinaire 
farouches  et  impolis  :  à  force  de  converser  avec  les  morts,  ils  ignorent 
comme  il  faut  vivre  avec  les  vivants,  i — c  Faites  un  bon  usage  de  l'ad- 
versité, si  vous  avez  le  malheur  d'y  tomber,  souvenez-vous  qu'elle  ai- 
guise l'esprit  et  qu'elle  lui  donne  une  trempe  de  fermeté  qui  soutient  le 
courage  et  qui  l'augmente.  »  Voici  les  dernières  lignes  de  ce  petit  livre  : 
a  Quelque  diversité  d'événements  qui  pourront  se  trouver  dans  le  court 
de  votre  vie,  n'oubliez  jamais  que  le  plus  grand  et  le  plus  irréparable  de 
tous  les  malheurs,  c'est  de  partir  de  ce  monde,  pour  hasarder  le  Toyage 
de  l'éternité,  sans  un  passe-port  de  l'amour  de  Dieu.  > 

—  Le  Maistre.  [Rodolphe).  Fidèle  ad  vis  contenant 
brièvement  les  moyens  de  guérir  la  Peste  et  de  s'en 
préserver.  Dijoriy  J.  Maignien,  1606;  in-8. 

Livre  rare. 

Rodolphe  Le  Maistre,  né  k  Tonnerre,  en  Champagne,  vers  le  milieu 
du  seizième  siècle,  mourut  en  1632  ou  environ.  U  fut  médecin  ordi- 
naire du  roi  Henri  IV,  puis  de  Gaston  d'Orléans,  frère  de  Louis  XIII. 
Le  Maistre  composa  plusieurs  ouvrages  de  médecine  ;  son  Apologim  me- 
dicina  parut  en  1591.  La  peste  s'était  déclarée  à  Dijon,  au  mois  d'août 
1606  ;  mais  les  échevins  de  la  ville  combattirent  avec  zèle  cette  triste  ma- 
ladie; et  au  1^'  octobre  suivant,  douze  maisons  seulement  en  avaient  été . 
infectées.  Le  Maistre,  voulant  concourir  à  une  œuvre  si  utile,  s'em- 
pressa de  publier  les  Moyens  de  guérir  la  peste  et  de  ien  préserver;  l'an- 
teur  traite  aussi  des  piqûres  venimeuses  et  des  poisons.  Ce  petit  livre,  de 
26  feuillets,  est  dédié  au  vicomte  maieur  et  eschevins  de  la  ville  de  Dijon^ 
le  \*^  octobre  1606.  Le  Maistre  recommande  comme  préservatif  des  pi- 
lules dont  il  donne  la  recette,  la  Thérîaque,  le  Mithridate,  la  Rue  et  le 
Citron.  Dans  la  pharmacopée  de  notre  médecin,  figurent  encore  la  terre 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  453 

sigillée,  la  pierre  de  Besoar,  la  sciure  de  bois  d^ébène,  les  pierres  pré  • 
cieuses  en  poudre;  cependant.  Le  Maistre  parait  avoir  fait  quelques  de- 
couvertes;  car  il  préconise  le  camphre,  le  jus  de  Técorce  de  citron,  la 
vapeur  d'arsenic.  On  remarque,  en  outre,  que  les  précautions  hygiéni- 
ques qu'il  prescrit,  ont  beaucoup  d'analogie  avec  celles  que  nos  méde- 
cins ont  employées  contre  le  choléra.  £n  1619,  une  maladie  pestilen- 
tielle sévit  à  Paris.  Le  Maistre  publia,  à  cette  occasion,  un  Nouvel  avis 
contre  la  peste.  Enfin,  lorsqu'il  accompagna  Gaston  d'Orléans  en  Lor- 
raine, la  peste  exerçait  de  grands  ravages  dans  le  pays.  U  fit  alors  réim- 
primer à  Pont-à-Mousson,  en  1631,  son  Jvis  de  1619.  Mais  il  reconnut 
bientôt  que  la  peste  de  Lorraine  avait  un  autre  caractère  que  celle  de 
Paris,  et  il  publia  un  autre  livre  sur  cette  matière,  intitulé  :  Conseils 
préservatifs  et  curatifs  contre  la  peste^  plus  contre  les  piqûres  venimeuses  et 
les  poisons.  Cet  titre  ferait  supposer  que  le  volume  n'est  qu'une  réim- 
pression du  fidèle  Advis  de  1606.  Toujours  est-il  que  notre  livre  est 
l'édition  originale  de  Touvrage  composé  par  Le  Maistre  contre  la  peste  ; 
édition  qui  a  servi  de  base  aux  publications  de  1619  et  de  1631. 

—  RosiiiAEs  [François  de).  Six  livres  des  Politiques^ 
coDleDant  rorigine  er.  estât  des  cités^  condition  des 
personnes^  économie  et  police  des  Monarchies  et 
Républiques  du  Monde,  tant  eu  temps  de  paix  que 
de  guerre.  Rheims,  J.  de  Foignjr,  1574;  in -4. 

Livre  rare  et  curieux;  l'impression  est  ornée  de  grandes  lettres  grises 
à  fond  criblé. 

François  de  Rosières,  archidiacre  et  chanoine  de  Tonl,  est  connu  par 
son  ouvrage  intitulé  Stemmata  Lotharingiœ  ac  [Barri  ducum ,  ouvrage 
dans  lequel  il  cherchait  à  prouver  que  la  couronne  de  France  apparte- 
nait à  la  maison  de  Lorraine.  En  1540,  il  fit  amende  honorable  en  pré- 
sence de  Henri  III,  fut  enfermé  à  la  Bastille  et  ne  dut  son  salut  qu'à  la 
protection  des  Guises,  il  mourut  en  1607* 

Les  six  livres  des  Politiques  sont  dédiés  au  cardinal  de  Lorraine,  ar- 
chevêque de  Reims.  Cette  dédicace  est  datée  de  Toul  le  1*'  janvier  1574. 
Quoique  le  privilège  pour  l'impression  de  ce  volume  eût  été  accordé  à 
J.  de  Foigny,  dès  le  24  avril  1569. 

L'œuvre  de  Fr.  de  Rosières  contient  un  traité  de  politique,  des  règles 
pour  la  vie  civile,  un  cours  d'économie  politique,  de  jurisprudence,  de 
fortification  et  d'art  militaire.  Le  premier  traite  des  origines  de  la  cité, 
des  rois,  ducs,  comtes,  etc.,  des  hommes  libres  et  des  serfs,  etc.  Le  se- 
cond livre  est  consacré  à  l'économie,  à  scavoir  le  père  de  famille^  la 
femme  ^  les  enfants  y  les  serviteurs  ^  les  biens  meubles  et  immeubles.  Le  dernier 
chapitre  a  pour  titre  :  Du  laboureur ,  principal  instrument  de  ficonomie. 
Le  troisième  livre  commence  ainsi  :  Des  quatre  parties  de  la  terre  et  des 
plus  insignes  provinces  d^icelles^  où  on  a  establjr  Républiques  et  Monarchies, 
Mais  la  quatrième  partie,  qui  a  esté  descouverte  parAmeric  f^espucian,  homme 


kbk  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

de  grande  doctrine  et  entendement^  laquelle  de  son  nom  est  appelée  jâméri- 
que,  était  fort  peu  connue  en  1574,  et  de  Rosières  nous  apprend  seulement 
que  r Amérique  est  s:)Nlfz  V obéissance  du  Roy  d* Espagne  et  du  Roy  de  Por~ 
tugal,  quelle  se  compose  de  plusieurs  isles  et  de  /a  région  de  RrasUie,  Il 
définit  et  explique  dans  ce  livre  les  différentes  formes  de  gouyemement, 
telles  que  Royauté,  Tyrannie,  Aristocratie,  Oligarchie,  Tîmocratie^  Di- 
mocratie  et  République  mixte.  Il  démoutre  dans  le  dernier  chapitre,  que 
la  communauté  des  femmes,  enfants,  serviteurs  et  biens,  est  pernicieuse 
en  toute  république. 

Le  quatrième  livre  traite  des  fortifications,  de  l'approvisionnement  et 
de  la  défense  des  cités,  des  qualités  d'un  bon  capitaine  et  de  la  disci- 
pline militaire  ;  puis  Torateur  développe  les  moyens  de  conserver  et  de 
détruire  chacune  des  formes  de  gouvernement,  dont  ^il  a  parlé  dans  le 
livre  précédent. 

Le  cinquième  livre  est  réservé  à  la  religion,  aux  prêtres,  à  la  jostioe 
et  aux  juges.  A  cette  occasion,  il  expose  les  devoirs  dn  procureur  fiscal, 
des  avocats,  des  receveurs,  des  gabelleurs,  du  maître  du  guet,  etc. 

Le  sixième  livre  est  un  cours  de  droit  civil  et  canonique.  Les  demien 
chapitres  sont  réservés  aux  crimes  capitaux  et  à  leurs  peines,  ainsi  qu^anz 
lieux  choisis  pour  les  sépultures  par  les  peuples  anciens  et  modernes. 

On  a  imprimé  à  la  suite  des  Politiques,  une  dissertation  de  Lojs  Le 
Roy,  dit  RigiuSy  sur  VOrigine,  Vantiquité^  les  progrès  et  Vutilité  de  Part 
politique^ 

En  résumé,  c'est  une  encyclopédie  morale  et  politique,  dans  laquelle 
on  lit  de  nombreux  passages  fort  curieux  sur  Tadministration,  les  lois  et 
les  usages  de  la  France  au  seizième  siècle. 

—  Les  mots  dorez  de  Cathon,  en  latin  et  en  françoys  : 
Avec  plusieurs  bons  et  très  utiles  enseignemeus, 
proverbes^  adages  ;  authoritez  et  dictz  morauU  des 
sages....  Imprimez  noui^ellement  à  Troyes  chez 
Jehan  Lecoq,  s.  d.  {yers  1531);  pet.  in-8  de  104  fT. 
non-chiffrés,  goth. 

Bel  exemplaire  Audenet,  d'un  livre  très*rare  et  curieux.  — -  Sur  le 
recto  du  dernier  feuillet,  une  figure  sur  bois  représente  la  Mère  sotte 
donnant  la  main  à  deux  de  ses  disciples  ;  les  trois  personnages  sont  coif- 
fés du  bonnet  à  oreilles  d'âne,  et  vêtus  de  robes  à  grelots,  avec  cette 
devise  :  Tout  vient  à  bien  qui  peult  attendre,  —  Sur  le  verso  du  même 
feuillet,  la  marque  de  J.  Lecoq. 

^ette  édition  du  Catïion  est  citée  la  cinquième,  après  celle  de  Longis^ 
Paris ^  1530,  considérée  comme  la  première,  par  G.  Duplessis  {Bibliogr, 
parémiologique)^  ainsi  que  par  Bru  net  {Man,  du  lier.)  qui  ajoute  qoe 
d'après  le  titre^  elle  doit  avoir  été  faite  sur  celle  de  Lyon^  1533.  -~  G*est 
une  erreur.  Le  chiffre  xiij^  imprimé  au  bas  du  titre,  sert  à  faire  con- 
naître le  nombre  des  feuilles  dont  est  composé  le  volume;  elles  indica- 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  465 

tîons  de  ce  genre  ne  se  trouvent  que  sur  les  éditions  de  Jehan  Lecoq, 
1*'  du  nom,  qui  était  mort  en  1533.  Cette  édition  nous  parait  antérieure 
à  celle  d'Olivier  AmouUet,  Lyon^  1532;  et  elle  a  été  certainement  faite 
sur  Tédition  de  Longis,  dont  elle  reproduit  exactement  le  titre.  En  con- 
séquence, c'est  la  seconde  édition,  et  non  la  sixième  de  cet  ouvrage. 

Les  Motz  dorez  finissent  au  folio  C.  6  ;  chaque  distique,  imprimé  en 
lettres  rondes,  est  traduit  en  un  quatrain  français,  imprimé  en  carac- 
tères gothiques.  Les  bons  et  très  utiles  enseîgnemens  remplissent  le  reste 
du  volume.  Quelques  vers  de  la  première  pièce,  assez  singulière  et  inti- 
tulée la  RimailUy  ont  fait  attribuer  ces  poésies  à  Henri  Macé.  par  M.  Du- 
plessis  et  par  quelques  autres  écrivains.  Voici  le  passage  dont  il  s'agit  : 

«  Or,  se  me  dict  img  jour  quelque  rimart 
Yienca  dy  moy,  trouTe  ta  en  rime  art 
Qui  serre  aux  gens,  toi  qui  a  rimasse  ? 
Ouj  vrayement,  respond  Henry  llacé.  • 

Henry  Macé  peut  être  l'auteur  de  la  Rimaille  et  de  la  pièce  sui- 
vante, qui  est  du  même  genre  :  Le  grant  jugement  général^  commeuçaii  t 
ainsi  : 

c  Quant  les  quatre  Anges  corneront, 
Chascun  sera  bien  escomé.  » 

Mais  la  traduction  des  Mot*  dorez  et  les  autres  poésies,  sauf  quelques 
exceptions,  telles  que  le  Dicton  de  Prancoys  Villon,  sont  attribuées  avec 
raison  à  Pierre  Grosnet,  ou  Grognet,  poëte  français,  né  à  Toucy,  près 
d'Auxerre.  L'édition  de  1583  et  celle  de  la  V^  Bonfons,  sans  date,  con- 
tiennent une  dédicace  adressée  à  Henri  de  Valois,  dauphin,  et  à  Charles, 
duc  d'Angouléme,  par  Pierre  Grosnet,  qui  déclare  être  l'auteur  des 
pièces  morales  imprimées  à  la  suite  de  sa  traduction  du  Cathon  ;  et  on 
lit  sur  le  dernier  feuillet  de  notre  édition  de  Troyes  : 

•  Geste  escripture 

Ay  par  ma  cure 

Mis  en  son  estre. 

Et  par  mesure 

Selon  nature 

Qui  luy  est  dextre. 
Reduicte  par  divers  textes 
Pour  satisfaire  à  rectitude, 
Lisex-là  jours  ouvriers  et  festcs. 
Et  de  Grosnet  prenez  l'estnde.  » 

Les  bons  et  utiles  enseîgnemens  sont  tellement  entremêlés,  qu'il  est  im- 
possible d'y  reconnaître  aucun  ordre,  aucune  liaison,  qui  permette  d'en 
indiquer  le  contenu.  Ce  qui  domine  toutefois  dans  cette  prodigieuse 
confusion  de  maximes  et  d'observations  de  tout  genre,  c'est  un  nombre 
très-considérable  de  proverbes,  de  dictons,  de  quolibets  vulgaires,  expri- 
més en  vers,  ou  plutôt  en  prose  rimée. 


456  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Nous  ayons  cependant  remarqué  les  Adages  et  properbes  des  femmes ^ 
satire  de  3kk  vers,  dont  Toici  le  début  : 

«  Qaesse  de  femme?  Une  beste  imperfecte.  » 

UEpîtheton  du  noble  roy  Prancoys  (1*'). 

«  Françoys  fera  fermement  florir  France  : 
Raison  régnant  riche  roy  régnera. 
Aymant  accord  acquerra  alliance 
Nostre  noble  noblesse  nourrira 
Croyant  conseil  criminels  cbastiera 
Ostant  oultrages ,  oppressions,  offence.  » 

Les  Blasons  des  ailles  de  Sens,  Chamecy,  Paris  et  Auxerre  ; 
Des  yers  contre  les  Luthériens  ; 
Une  exhortation  aux  Nobles  : 

«  En  noblesse  a  des  gentils  gentilz, 
Yillains  gentils,  et  des  gentils  lillains.  etc.  » 

Une  petite  pièce  de  vers  qu'on  trouve  partout,  et  dont  on  ne  soup- 
çonne pas  Tantiquité  : 

«  Quant  ung  cordier  cordant 
Ycult  corder  une  corde, 
A  troys  cordons  cordant 
A  une  corde  accorde  ; 
Mais  se  ung  cordon  cordant 
De  la  corde  descorde, 
^  Le  cordant  descordant 

Faict  descorder  la  corde .  » 

Et  enfin  une  foule  de  questions  énigmatiques^  en  vers  et  en  prose,  finis- 
sant toutes  par  ce  refrain  :  Or  devinez.  Mais  les  réponses  ne  sont  point 
imprimées. 

Nous  pourrions  citer  encore  un  grand  nombre  de  poésies  singulières 
et  de  vers  très-curieux.  Aussi  sommes-nous  certains  qu'on  lira  cevolanie 
avec  plaisir  et  souvent  même  avec  intérêt. 

—  Cura  cxericalis.  Abbreviatio  compoti  Trecis^  J. 
Lecoqy  s.  d.;  pet.  in-8  de  16  (T.  signât. 


Petit  livre  curieux  et  très-rare.  —  Caractères  ronds  d'une  netteté 
marquable.  —  Cette  édition  du  seizième  siècle,  ultra  omnes  editiones  eas' 
tigatior  et  locupletior^  est  ornée,  sur  le  titre  et  sur  le  dernier  feuillet,  de 
la  marque  de  Jeban  Lecoq,  et  sur  le  verso  du  titre,  d'une  gravure  sur 
bois  représentant  Jésus-l^hrist  instruisant  ses  disciples.        * 

Dans  les  premiers  paragraphes  consacrés  aux  devoirs  des  prêtres,  on 
lit  ces  curieuses  prescriptions  :  «  I^s  prêtres  doivent  être  assez  savants 
pour  lire  bien  et  distinctement,  pour  comprendre  au  moins  grammati- 
calement tous  les  mois  que  renferme  l'office  de  la  Messe,  les  prononcer, 


.^ 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  kbl 

les  accentuer  et  les  ponctuer  convenablement.  Ils  doivent  pouvoir  dis- 
cerner ce  qui  est  péché  et  ce  qui  n'est  pas  péché;  ils  doivent  connaître  le 
nombre  des  sacrements,  ainsi  que  la  manière  de  les  administrer;  ils 
doivent  au  moins  savoir  le  Décalogue  et  les  articles  de  la  Foi,  a£n  de 
les  enseigner  aux  autres,  i  Chacun  de  ces  articles  est  ensuite  amplement 
expliqué  ;  de  sorte  que  la  lecture  de  ce  livret  devait  suffire  pour  Tinstruc- 
tioii  d^un  curé,  pourvu  qu'il  comprit  au  moins  grammaticalement  les  mots 
latins  dont  se  compose  ce  Guide  clérical. 

Les  quatre  derniers  feuillets  contiennent  un  abrégé  du  comput,  qui 
fciit  connaître  les  deux  cycles,  les  conciurents,  etc.  Il  est  hérissé  des  for- 
mules barbares,  dont  on  se  servait  au  moyen  âge  pour  trouver  l'année 
du  cycle,  la  lettre  Dominicale,  l'Indiction  et  les  fêtes  mobiles. 

—  Alman ACH  pour  l'an  mil  cinq  cents  soixante  et  qua- 
torze, composé  par  le  disciple  M.  M.  Nostradamus 
docleur  en  médecine,  de  Salon  de  Craux  en  Pro- 
vence. Troj-es,  Jean  Du  Ruau^  1574;  in-16,  litre 
rouge  et  noir  fig. 

Très-rare,  imprimé  en  caractères  gothiques.  —  Michel  Nostradamus 
écrivit  des  Almanachs  astrologiques  pour  chaque  année,  de  1550  à  1567. 
Après  sa  mort,  qui  eut  lieu  le  2  juillet  1566,  on  continua  à  publier  des 
almanachs  sous  le  nom  du  célèbre  astrologue.  Les  imprimeurs  de 
Troyes  s'empressèrent  d'ajouter  à  leur  collection  de  livres  populaires, 
des  Almanachs  composés  selon  la  méthode  de  Nostradamus.  En  1574, 
ces  opuscules  étaient  rédigés  par  un  de  ses  disciples.  C'est  un  des  plus 
anciens  almanachs  imprimés  après  le  décès  du  Maître. 

Ce  petit  volume  de  30  feuillets,  contient  :  !<>  un  calendrier,  avec*les 
saints  et  les  signes  de  chaque  jour,  les  présages  du  temps,  et  les  fêtes  mo- 
biles ;  2"  des  présages  météorologiques  et  politiques,  pour  les  quatre  sai- 
sons, pour  chaque  mois  de  l'année  et  pour  une  éclipse  de  soleil;  3°  uu 
traité  des  vents,  de  leur  nature  et  complexion,  avec  une  Rose  des  vents 
gravée  sur  bois  ;  k?  prouostication  annuelle  et  générale,  délaissée  par  les 
Juifs  en  la  cité  d'Arles,  traduite  d'hébreu  en  latin,  l'an  1480,  et  depuis 
traduite  en  français  ;  5*  le  gouvernement  des  douze  signes  qui  dominent 
sur  le  corps  humain,  suivi  de  deux  figures  gravées  sur  bois,  avec  les 
vertus  de  la  saignée  de  chaque  membre. 

Ou  a  ajouté  à  ce  livre,  les  deux  derniers  feuillets  d'un  almanach  de 
Nostradamus,  qui  donnent  l'indication  des  principales  foires  du  royaume 
et  premièrement  de  la  ville  de  Lyon.  Sur  le  deuxième  feuillet,  se  trouve 
la  griffe  avec  parafe,  de  M.  Nostradamus. 

—  Les  miracles  de  Nostre-Dame  de  Liesse;  et  comme 
elle  fut  trouvée  et  nommée,  ainsi  que  voirrez  cy 

30 


458  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

après.  Troyesy  Biaise  Bouiart  {vers  1580);  in-8  de 
24  ff. 

Opuscule  très-rare*  On  connaît  au  moins  six  histoires  différentes  de 
Notre-Dame  de  Liesse/ publiées  de  1560  à  1708  ;  mais  la  plus  complète 
et  la  plus  rare  est  celle  qui  fut  imprimée  à  Troyes,  yers  1580.  Le  Teno 
du  titre  contient  un  jàpis  aux  Pèlerins^  en  huit  yers  : 

«  Bons  pèlerins  qui  arez  dévotion. 
Et  Toolez  vivre  sans  donleors  et  tristesse,  etc.  » 

et  une  Oraison  à  Nostre  Dame,  en  14  yers  : 

«  Dame  de  Liesse,  liesse 
Donne  à  tons  tes  pèlerins,  etc.  ■ 

Sur  la  page  suiyante  commence  V histoire  de  Nostre-Dame  de  lieue» 
Cette  histoire  est  une  ancienne  légende,  divisée  en  chapitres,  à  l'instar 
des  romans  du  moyen  âge  :  Comme  le  pape  de  Rome  fut  adçerty  du  ttntr^ 
ment  que  les  infidèles  sarrazins  faisoient  souffrir  aux  chrestiens  ;  comme  il 
institua  la  Crois^ée  (Croisade)  ;  —  comme  la  pucelle  Ismérie  prescha  les 
chevaliers  chrestiens.  —  Comment  les  trois  frères  monstrèrent  à  la  pucelle 
f  image  Nostre-Dame  de  Liesse,  etc.,  etc.  La  pucelle  et  les  trois  cheyaliert 
furent  transportés  pendant  leur  sommeil,  de  la  prison  où  ils  étaient  en- 
fermés en  Egypte,  à  Liesse  village  situé  à  trois  lieues  de  Laon  en  Picar* 
die.  Nous  renonçons  à  analyser  cette  légende,  dont  le  mérite  consiste 
dans  la  naïveté  du  style  et  dans  la  foi  qui  animait  le  narrateur. 

S^ ensuivent  les  miracles  faicts  en  plusieurs  personnages  requérant  la  belle 
dame  de  Liesse,  depuis  1139  jusqu'en  1579;  puis  deux  Oraisons,  Tune  en 
prose  et  Tautre  en  vers.  Les  quatre  feuillets  suivants  renferment  VAbbré' 
gée  histoire  du  grand  miracle,  en  la  Saincte  liostie  Saint  Sacrement  de 
C  autel,  faict  en  la  ville  de  Laon^  fan  15Ç6  :  comme  il  fut  citasse  vingt-six 
diables,  par  Pintercession  de  la  Vierge  Marie,  en  téglise  Nostre-Dame  de 
Liesse,  près  la  ville  de  Laon,  Cette  histoire  écrite  par  J.  Boulasse ,  avait 
été  déjà  publiée  à  Paris,  en  1573.  £n£n,on  trouve  sur  le  dernier  feuillet^ 
deux  oraisons  à  Noslre-Dame,  en  vers  français. 

Nous  ferons  remarquer  que  les  premières  lignes  de  la  légende,  con- 
tiennent de  graves  inexactitudes  historiques.  Il  faut  lire  :  Godefroy  VI 
de  Bouillon,  neveu  de  Godefroy  Y,  dit  le  Bossu,  duc  de  la  Basse  Lor- 
raine, mort  en  1076,  fut  investi  de  ce  duché  par  rempereor  Henri  IV^ 
en  1093,  après  la  révolte  de  Conrad  qui  avait  succédé  à  Godefroy  V. 

—  Discours  de  la  grande  et  terrible^  merveilleuse 
description  de  la  Picorée,  en  forme  de  dialogue^ 
contenant  le  plus  grand  Roy  des  Griffons^  etc..» 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  459 

Jouxte  la  œpicj  impr.  a  TroyeSyparJ.  Bureau j  \  587; 
pet.  in-8  de  4  feuillets. 

Recueil  très-rare  de  vers  français  et  latins,  contre  les  pillards  quiroi** 
naient  le  peuple  pendant  les  guerres  eWiles  dn  seizième  siècle. 
La  Pteorée  est  décrite  en  26  vers  : 

«  O  déesM  estrangère,  6  mosctre,  qai  es-ta? 
Je  sais  la  Picocée  ha  je  d«  Teitu.  » 

On  trouve  ensuite  six  vers  latins,  ayant  pour  titre  :  De  Pîeorea  carmen; 
puis,  cette  phrase  encourageante  pour  les  picoreors  :  c  Beati  qui  faeioat 
Gnip,  et  custodiunt  illud.  >  Le  mot  Grup  est  la  racine  grecque  de  nos 
verbes  français  Gripper  et  Jgripper, 

Le  Griffon  griffonnant  servant  à  la  picore'e,  fait  Ini-mème  son  portrait 
en  30  vers  : 

«  Je  sids  Griffon  qoi  veux  tout  griffonner , 
Et  en  griffant  tont  prendre  et  empoigner.  • 

Les  huit  vers  qui  terminent  cette  plaquette  pont  meillrart  qae  Cooi 
ceux  qui  précédent» 

a  Par  la  cnidle  goerre  on  renverse  les  villes. 
On  déprave  les  lois  divines  et  civiles, 
On  brûle  les  autels  et  les  temples  de  Dien. 
L'équité  ne  fleurit,  la  justice  n'a  lien.  » 

Cet  opuscule  doit  être  classé  dans  Thistoire  de  France,  sons  le  règne 
de  Henri  lU.  • 

—  Ordonnance  du  Roy,  sur  le  faict  et  reiglement  gê- 
nerai de  ses  Monnoyes.  Trojres,  Jean  Moreau,  s. 
d.  (1577);  2  part,  en  1  vol.  pet.  in-8  de  40  et 
33  ff.,  fig. 

Livre  rare.  La  première  partie  contient  une  ordonnance  de  Henri  ni 
datée  de  Poitiers  au  mois  de  septembre  1577,  enregistrée  an  Parlement 
le  13  novembre  suivant,  publiée  à  son  de  trompe,  à  Paris,  le  18  no- 
vembre, lue  et  publiée  en  la  cour  des  Monnaies,  le  20  novembre.  Il  est 
ordonné  par  cet  édit,  qu'à  dater  du  l*'  janvier  1578,  on  ne  comptera 
plus  par  livres,  mais  par  écus.  L'écu  d*or  sol  valait  dO  sols  tournois  ; 
mais  on  le  surhaussait  de  quatre,  cinq  et  même  sept  livres,  de  sorte  que 
la  livre  n*avait  qu'une  valeur  incertaine  et  variable.  Le  Roi  défend  aussi, 
pendant  deux  ans,  de  dorer  ou  argenter  sur  bois,  plâtre,  plomb,  fer  et 
autres  métaux.  Il  décrie  en  outre,  plusieurs  monnaies  étrangères.  Cet 
Édit  est  suivi  des  Pourtraicts  des  espèces  iPor  et  iTargwmt  ayant  eours^  apee 
les  pois  et  pris  évalués  d* après  Veseu  sol  (2^  figures)  ;  et  des  PouttraieU  des 
monnaies  d'or  et  d'argent  des  criées  (25  figures). 


k60  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

La  seconde  partie  renferme  une  Ordonnance  sur  le  descry  des  monnoiei 
de  billon^  estrangères;  avec  les  pourtraicts  des  espèces  descrjées  (26  fi- 
gures). 

—  Décréta  sagrje  facdltatis  THEOLOGïiE  parisiensis^ 
de  potestate  ecclesiasticâ  et  primatu  Romani  ponti- 
fiais, contra  sectarios  hujus  sœculi.  TroyeSy  J.  Che- 
villoty  1612;  in-8  de  68  pag. 

Recueil  très-rare.  Il  contient  une  rétractation  de  Jean  Sarrazin,  de 
Tordre  des  frères  prêcheurs,  faite  devant  la  faculté  de  théologie,  le  31 
mars  1429  (1430),  relativement  à  quelques  opinions  contraires  à  la  pais- 
sance  ecclésiastique,  que  ce  moine  avait  émises  dans  ses  sermons  ;  des 
conclusions  contre  Luther,  déclarant  que  Jésus-Christ  a  donné  à  TEglise 
prise  collectivement,  une  autorité  infaillible;  la  censure  et  condamna- 
tion datée  du  l*'  août  1611,  prononcée  par  la  faculté  de  théologie,  contre 
le  livre  de  Du  Plessis-Mornay,  intitulé  le  Mystère  d'iniquité;  et  enGn,  De 
ecclesiasticâ  et  politicd  potestate^  liber  unus,  Troyes,  1612.  Ce  fameux 
traité  d'Edmond  Richer,  doyen  de  la  faculté  de  théologie,  de  1608  il 
1612,  parut  pour  la  première  fois  en  1611  ;  cette  édition  de  Troyes  est 
la  seconde.  Ce  livre,  composé  à  la  sollicitation  de  Nicolas  de  Verdun, 
premier  président  du  parlement,  renferme  un  abrégé  de  la  doctrine  de 
l'Université  sur  Pautorité  du  Pape.  On  sait  que  cet  ouvrage  fut  l'objet 
de  violentes  disputes,  et  qu^il  causa  à  l'auteur  des  persécutions  qui  ne 
finirent  qu'avec  sa  vie. 

Edmond  Richer,  né  en  Champagne,  le  15  septembre  1560,  moamt  le 
28  novembre  1631.         • 

—  Sommaire  de  l'histoire  et  miracles  de  Nostre-Dame 
de  Liesse.  Troyes ^  Claude  Briden  :  On  les  vend  à 
Liesse^  chez  Fr.  Le-Maire  et  Nie.  Jaquier,  s.  d. 
(1618);  pet.,  in-8  de  39  ff.,  fig. 

Livre  rare.  Deux  figures  sur  bois,  représentant  Nostre-Dame  de 
Liesse  et  la  salutation  angélique,  sont  gravées  sur  le  verso  du  titre  et 
sur  le  i2«  feuillet. 

Benjamin  Brichanteau,  évéque  de  Laon,  par  ses  lettres  datées  du  2S 
juin  1616,  avait  donné  l'autorisation  à  Claude  Douan  et  Claude  René, 
chanoines  de  Laon,  d'extraire  des  livres  et  des  manuscrits,  une  histoire 
véritable  de  Nostre-Dame  de  Liesse  et  de  ses  miracles,  et  de  la  faire  im- 
primer. Le  Privilège  du  Roi,  en  date  du  4  août  1617,  est  accordé  pour 
dix  ans  aux  deux  chanoines  ci-dessus  nommés,  avec  défense  d'imprimer 
publier  et  débiter  dorénavant  un  autre  petit  livre,  qui  se  vendait  et  dis- 
tribuait journellement  à  Liesse,  sous  peine  de  confiscation  et  de  400  écus 
d^amciide.  Ainsi  les  chanoines  de  Laon  avaient  obtenu  le  monopole  de 
la  vente  aux  pèlerius,  de  l'histoire  de  Nostre-Dame  de  Liesse.  Il  parait 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  k^l 

qa^ils  chargèrent  de  rédiger  ce  livre  C.  de  Machault  qui  a  signé  l*avis 
au  lecteur.  L'approbation  des  docteors  est  datée  da  31  janvier  1618. 

On  lit,  sur  le  verso  du  titre,  douze  vers  français  adressés  aux  Pèlerins. 
Le  second  feuillet  contient  F  A  vis  au  lecteur  et  le  Privilège  du  Roi.  Suit 
uu  Avant-propos  à  la  louange  de  la  sainte  Vierge,  et  Thistoire  abrégée 
de  Nostre-Dame  de  Liesse,  en  trois  feuillets.  Les  nombreux  miracles 
opérés,  de  1139  à  1617,  par  l'intercession  de  Nostre-Dame  de  Liesse, 
sont  divisés  en  22  chapitres  et  occupent  24  feuillets.  La  conclusion  est 
un  Avertissement  aux  Pèlerins  sur  la  conduite  qu'ils  doivent  tenir  pen- 
dant leur  voyage.  L'auteur  leur  recommande  surtout  de  ne  pas  se  pré- 
senter devant  Nostre-Darae  de  Liesse,  Us  mains  vuides»  c  II  faut  luy  tes- 
moigner  l'affection  qu'on  luy  porte,  par  quelque  offrande  pour  l'entre-, 
tien  et  la  décoration  de  son  Eglise,  i  Le  volume  finit  par  une  Oraison  et 
par  les  Lettres  de  l'évéque  de  Laon. 

—  Le  Quervray,  ou  la  semaine  de  D.  D.  C.  C.  G.  F. 
Troyes  {Giullaume  de  Letin,  1620),  et  se  i^end  à 
Paris  c/iez  Rolet  Boutonné  y  1621  ;  in-8  de  8  ff.  et 
736  pag. 

Livre  rare  et  fort  singulier.  Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  découvrir 
le  nom  de  l'auteur.  Cet  ouvrage  philosophique,  en  forme  de  dialogue 
entre  Quervrajr  et  VOfficieux^  est  divisé  en  six  journées,  et  chaque  jour- 
née contient  plusieurs  discours  ou  dissertations.  Un  quatrain,  imprimé 
sur  le  huitième  feuillet,  fait  connaître  le  but  de  l'auteur  : 

«  Si  ce  n'est  que  tu  sois  à  toy-mesme  rebelle, 

Je  te  force  de  croire  à  une  divinité  ; 

Que  le  monde  n'est  point  de  tonte  éternité  ; 

Que  Jésos-Cbrist  est  Diea,  et  ton  âme  immortelle.  > 

La  première  journée  est  consacrée  à  l'exposiiion  des  cinq  voix  de  Por- 
phyre et  de  la  philosophie  scolastique,  ancienne.  Le  dernier  discours 
(le  cette  journée  est  un  traité  des  syllogismes.  C'est  là  qu'on  apprend  à 
argumenter  par  Barbara ^  celarent,  darû,  ferio,  ou,  par  Baralipton^  celan^ 
tes,  (iabitis,  frapismo^  fricesso  morum;  et  encore,  par  cesare^  camestres^ 
festino,  baroco,  et  darapti,  felapton^  disamis,  datisi,  brocarda,  ferison. 
Telles  étaient  les  bases  fondamentales  de  cette  logique  qu'on  a  si  souvent 
tournée  en  ridicule. 

Dans  la  seconde  journée,  l'auteur  démontre  géométriquement,  qu*en 
rhomme  il  n'y  a  pas  trois  âmes,  c'est-à-dire  la  végétative,  la  seusitive 
et  la  rationnelle.  Puis  il  calcule  la  distance  de  la  terre  au  soleil,  qu'il 
suppose  tourner  autour  de  la  terre,  et,  à  cette  occasion,  il  parle  du  mou- 
vement des  sept  cieux. 

Dans  la  troisième  journée,  il  cherche  à  prouver  que  le  temps  et  au- 
cune autre  quantité  ne  sont  infinis  ;  que  le  monde  a  en  un  commence- 
ment, et  qu'il  n'est  pas  aussi  ancien  que  quelques-uns  le  prétendent,  etc. 
Les  raisonnements  de  l'auteur  sont  très-singuliers,  ^souvent  obscurs  et 


k^2  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

toujonn  peu  concliuuitt.  Nous  citerons,  pour  exemple,  la  taumière  àm 
conceroir  la  Trinité  en  unité  {trinus  in  unum)  .'  «  La  cause  causante  (qui 
est  le  père)  est  la  cause  première  ;  la  cause  causée  (qui  est  le  fils)  est  pa- 
reillement la  mesme  cause  première  \  et  la  oonTcnance  (qui  est  le  Saint- 
Esprit)  est  aussi  la  mesme  cause  première  :  laquelle  cause  première, 
puisqu'elle  est  étemelle,  nous  dirons  avec  raison  que  le  père  est  éter- 
nel, le  fils  étemel,  et  le  Saint-Esprit  pareillement  :  Et  pour  ce  qu'il  n*y  a 
qu'une  cause  première,  qui  est  Dieu,  aussi  n*y  a-t-il  qu'un  seul  Dieu, 
ou  un  seul  étemel.  U  est  donc  montré  qu'on  peut  faire  une  conception 
de  Dieu  en  trois  personnes,  i 

La  quatrième  journée  est  consacrée  au  déreloppement  de  certidns  pa-> 
radoxes,  tels  que  :  Le  soleil  n*est  point  chaud  ;  la  chaleur  du  soleil  ne 
rient  point  ici->bas  ;  les  ténèbres  ne  sont  point  une  priyation  de  la  lu- 
mière, mais  un  être  réel  ;  etc. 

La  cinquième  journée  renferme  des  dissertations  métaphysiques,  ten- 
dant à  prouyer  l'immortalité  de  l'âme.  On  y  remarque  un  long  discours 
sur  les  Esprits  et  les  sorciers.  L'auteur  fait  dépendre  l'intelligenoe  de  la 
conformation  du  cerreau  ;  et  il  explique  ainsi  pourquoi  les  hommes  ont 
l'esprit  plus  lourd  les  uns  que  les  autres,  quoique  leurs  âmes  soient 
égales. 

Enfin  la  sixième  journée  traite  de  l'ancienneté  et  de  la  sainteté  de  la 
Bible,  de  l'incarnation  de  Jésus-Christ,  et  finalement  de  l'amour  enrers 
Dieu  et  le  prochain. 

On  troUTc  ensuite  une  Tahle  contenant  V interprétation  des  dictions^  an 
ia  manière  qu^elles  sont  entendues  en  ce  fnfre,  —  Ce  glossaire  était  indis- 
pensable pour  éclaircîr  ces  dissertations  et  ces  raisonnements  hérissés 
d'expressions  barbares  que  les  philosophes  anciens  pouyaient  seuls  com- 
prendre. Ainsi,  on  lit  au  mot  Nature  :  Nature  naturante^  qui  est  Dieu  ;  et 
Nature  naturée^  qui  est  Tunirersalité  des  choses  matérielles. 

De  petites  figures  sur  bois  sont  gravées  dans  le  texte,  pour  aider  aux 
démonstrations. 

—  La  REDUCTION  de  neut  grandes  et  ferles  villes  à  Vo^ 
béissauce  du  Roy^  prises  sur  les  rebelles  de  Sa  Ma- 
jesté en  ses  provinces  de  Guyenne  et  Languedoc. 
Trojres,  P.  Che\fillot^  \  622  {Jouxte  la  copie  impr.  à 
Paris,  par  Nie.  Alexandre))  pet.  în-8  de  14  pag. 

Plaquette  très-rare.  —  C'est  une  relation  sommaire  de  quelques  éré- 
nements,  qui  eurent  lieu  en  1622.  Louis  XIII  avait  quité  Paris,  le  S7 
mars,  pour  se  mettre  à  la  tête  de  l'armée,  et  dans  l'espace  de  deux  mois» 
il  réduisit  à  son  obéissance  plusieurs  villes  occupées  par  les  protestants. 
Le  titre  annonce  la  réduction  de  neuf  villes,  et  cependant  l'auteur  n'en 
cite  que  huit  :  Figeac  et  Cadenac,  places  rendues  par  le  duo  de  Sully  ; 
Sainte-Foy,  Saint- Antoine,  Monflanquin  et  Négrepelisse,  par  le  marquis 
de  La  Force;  Mont-de-Marsan,  par  de  Castelnau;  et  Clérac,  par  M,  dt 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  k63 

Lusignan.  Celte  dernière  ville,  qui  s'était  révoltée  deux  foia,  fut  entière- 
ment brûlée  par  ordre  du  Roi.  L'armée  royale  entra  à  Sainte-Foy,  le  25 
mai  1622y  et  le  lendemain,  on  célébra  solennellement  la  fête  du  Saint* 
Sacrement,  par  une  procession  générale;  et  les  fortifications  de  la  ville 
furent  rasées. 

Cette  relation  est  suivie  durécit  des  dispositions  prises  par  le  Roi,  pour 
assiéger  La  Rochelle  et  Montauban.  La  Rochelle  était  investie  par  dix 
mille  hommes  de  pied,  douze  cents  chevaux  et  un  équipage  d'artillerie. 
Le  duc  de  Vendôme  attaquait  Montauban,  avec  dix  mille  hommes  de 
pied  et  mille  chevaux.  Enfin,  on  lit  une  notice  sur  la  réduction  delà 
ville  de  Sainte-Foy  et  le  traité  de  M.  de  La  Force. 

—  Abrégé  historique  de  l'église  de  Nostre-Dame  de 
Pontoise.  Trojres,  F.  Michelin  (  vers  1 703  )  :  in-8 
de  63  pag. 

Rare.  —  L'auteur,  composant  ce  livre,  n'a  en  d'autre  but  que  d'écrire, 
pour  IVdification  des  fidèles,  l'histoire  d'une  image  miraculeuse  de  la 
Vierge  que  possédait  l'église  de  Pontoise  depuis  le  treizième  siècle.  Cette 
image,  exécutée  par  un  jeune  homme  dans  la  carrière  de  Blang^-,  près 
d'Abbeville,  fut  transférée  dans  une  chapelle  à  Pontoise,  Fan  1226. 
(c  Jean  Haimon,  vicaire  de  Pontoise,  voyant  que  l'odeur  des  grâces  qui 
exhalèrent  de  ce  saint  lieu  augmentoient  de  jour  en  jour,  en  1247,  en- 
gagea Tarchevéque  de  Rouen  d'ériger  en  titre  de  paroisse  une  magnifi- 
que église,  que  le  zèle  des  fidèles  fit  bàlir  en  l'honneur  de  Marie.  i> 
L'auteur  raconte  les  nombreux  miracles  opérés  devant  cette  image  de  la 
sainte  Vierge,  et  le  vœu  fait  par  les  habitants,  à  l'occasion  de  la  peste 
survenue  à  Pontoise,  en  1636.  Le  chapitre  le  plus  curieux  est  intitulé  : 
Ordre  de  la  procession  faite  à  Pontoise  en  l'honneur  de  Notre-Dame 
pour  le  vœu  de  la  peste,  le  16  septembre  1640  et  composé  par  le  R.  P. 
Cassart  de  la  compagnie  de  Jésus.  Après  la  bannière  de  Notre-Dame, 
marchera  le  savetier  revêtu  proprement  d'une  aube  blanche  et  d'un  cha- 
peau de  fleurs  en  tête.  Tous  les  corps  d'état,  au  nombre  de  vingt  et  un, 
figuraient  dans  cette  procession,  après  le  savetier. 

On  trouve  à  la  fin  du  volume,  une  liste  des  curés  de  Notre-Dame  de 
Pontoise,  depuis  1226  jusqu'en  1686. 

—  La  Vengeance  du  trépas  funeste  du  fameux  Michel 
Morin,  conspirée  par  les  amis  du  défunt  contre  la 
Mort.  TroyeSy  V^  Jacq.  Oudoù  et  Jean  Oudot  fils, 
1728;  pet.  in-S. 

Recueil  rare.  —  Le  titre  n'indique  qu^une  pièce,  tandis  que  le  Tolome 
contient  six  pièces  en  deux  parties. 

Ce  sont  des  facéties  en  vers  et  en  prose,  sur  le  trépas  de  Michel  Mq- 
rin,  bedeau  de  l'église  de  Beauséjour,  en  Picardie,  qui  se  tua  le  1*'  mai 
1713,  en  tombant  du  haut  d'un  arbre,  où  il  dénichait  des  pies  :  c  Jdais 


464  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

la  branche  caasa,  il  tomba  de  branche  en  branche  du  haut  en  bas,  bredi 
breda,  il  se  cassa,  crique  craque,  les  bras  et  les  jambes,  et  s'écarbouilia 
le  cœur  au  ventre.  » 

a  Hélas  !  Michel  Morin  est  mort 
En  voulant  dénicher  des  pies  ; 
Et  s*il  n^était  pas  chut  si  fort, 
II  seroit  encore  en  yie.  » 

La  première  partie  de  32  pages,  avec  V Approbation  de  Grosley,  datée 
de  Troyes,  le  9  novembre  1728,  renferme  trois  pièces  en  vers  :  La  Ven- 
geance du  trépas  funeste,,»;  Donation  des  biens  meubles  et  immeubles  du 
défunt  Michel  Morin;  et  son  Épitaphe,  La  seconde  partie,  de  12  feuillets 
non  chiffrés,  se  compose  également  de  trois  pièces,  les  deux  premières 
en  prose,  et  la  troisième  en  vers,  savoir  :  Eloge  funèbre  de  Michel  Morîn^ 
prononcé  le  jour  de  son  enlerremcut ;  les  Regrets  et  crèvecœur  de  Michel 
Morin  y  sur  la  mort  de  son  Asne;  le  Testament  de  Michel  Morin,  Lies  plus 
joyeuses  facéties  du  recueil  sont  VÉloge  funèbre  dont  nous  avons  repro- 
duit un  fragment,  et  le  Testament  en  vers,  dans  lequel  on  lit  : 

«  Avant  que  d*aller  au  monument. 
Je  veux  faire  mon  testament  ; 
Car  si  je  venois  à  mourir. 
Je  n*en  pourrois  jamais  guérir.  » 

—  Histoire  prodigieuse  et  pitoyable  d'un  jeune 
homme  qui  a  lue  et  brusié  sa  propre  mère,  au  vil- 
lage de  Nogent  sur  Marne,  près  Paris;  avec  la  pu- 
nition qui  en  a  esté  faicte.  Paris^  Nie.  Roussel.  1 51 1 
(1611);  pet.  in-8  de  14  pag.,  cart. 

Jean  Breton,  natif  de  Nogent-sur-Marne.  poussé  par  V esprit  malin ^  as- 
somme sa  mère  avec  un  paquet  de  grosses  clefs,  l'étrangle  et  fait  brûler 
son  cadavre  dans  le  foyer  de  la  cheminée*  Il  est  arrêté,  jugé  par  le  bailli 
en  la  justice  de  Mouliguon  et  de  Nogent,  pour  les  chanoines  de  Saint- 
Maur-les-Fossés,  seigneurs  dudit  Nogent,  et  condamné  à  être  pendu.  Ce 
jugement  fut  confirme  par  arrêt  du  parlement,  le  30  mai,  et  exécuté  le 
1*'  juin. 

Ce  récit  succinct  d'un  Matricide  ne  suffisait  pas  pour  exciter  la  ourio* 
site  du  public.  Aussi,  Nicolas  Rousset,  qui  imprimait  en  1611  et  non  en 
1511  comme  la  souscription  Tindique  par  erreur,  s*empressa-t>il  d*orner 
sa  brochure  du  titre  présigieux  :  Histoire  prodigieuse  et  pitoyable  et  un 
jeune  homme  qui  a  tué  et  brusié  sa  propre  mère;  et  d*enchàsser  cette  his- 
toire au  milieu  de  réflexions  philosophiques  et  d'apostrophes  contre  le 
fils  dénaturé.  Voici  la  première  phrase  du  discours  :  c  Les  anciens  pour 
nous  faire  veoir  appertement  combien  les  bonnes  actions  sont  différentes 
des  mauvaises,  ils  nous  ont  voulu  dépeindre  des  simulachres  de  Tun  et 
l'autre  dans  le  sacré  temple  de  la  Mémoire,  mettant  du  costé  dextre  du 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  465 

maistre  autel  la  piété  à^JEnée  envers  son  père,  et  à  gaache  la  cruauté 
vitupérable  d'un  Oresle  envers  sa  mère.  » 

On  lit  plus  loin  :  f  Te  voilà  donc  descouvert,  pauvre  hébété;  voilà  le 
juge  qui  t'interroge.  Tune  nies  point  ton  matricide.  * — «  Ah  !  cœur  de 
roche,  les  tigres  qui  comme  brutes  n'habitent  que  les  forests,  n'ont  point 
tant  de  cruauté  que  tu  en  as,  etc.  » 

—  Factums  et  arrest  du  Parlement  de  Paris,  contre 
des  Bergers  sorciers  exécutés  depuis  peu  dans  la 
province  de  Brie.  Sur  f  imprimé  à  Parisy  chez  Re- 
buffe\  1695;  pet.  în-8,  titre  rouge  et  noir. 

Livre  rare  et  curieux.  —  On  ne  saurait  s*étonner  que  la  croyance 
aux  sorciers  ait  persisté  dans  certains  villages,  où  règne  encore  l'igno- 
rance. Mais,  n'est-il  pas  extraordinaire  de  lire  des  sentences  de  juges 
subalternes  et  des  arrêts  du  parlement,  rendus  en  plein  siècle  de 
Louis  XIV,  et  condamnant  aux  galères  ou  an  gibet,  pour  sortilèges  et 
maléfices,  de  malheureux  bergers  habitant  à  six  lieues  de  Paris. 

Voici  l'avis  au  lecteur  :  c  Conmie  Ton  a  réveillé  depuis  peu  la  curiosité 
du  public  sur  ces  sortes  de  matières,  ceux  qui  aiment  à  en  juger  sur  des 
fondemens  solides,  seront  bien  aises  qu'on  leur  communique  les  pièces 
Suivantes,  pleines  de  faits  avérés^  qui  sont  des  preuves  d'une  nature  à  ne 
pouvoir  être  anéantis  par  nuls  raisonnemens  ;  tout  le  monde  sçachant 
d*ailleurs  que  les  parlemens  de  France,  et  en  particulier  celui  de  Paris, 
bien  loin  d'ôlre  suspects  de  crédulité  siw  ces  matières-là,  ne  penchent 
que  trop  vers  la  négative.  »  —  Il  résulte  de  là  qu'en  1695,  la  sorcellerie 
était  un  fait  avéré,  et  que  les  sorciers  infestaient  les  environs  de  Paris. 

Ce  recueil  contient  trois  factums,  de  1688  à  1691,  contre  dix  sorciers 
de  Pacy  en  Brie;  un  arrêt  du  parlement  de  Paris,  de  1691,  confirmant 
une  sentence  du  bailli  de  Pacy  ;  une  requête  au  Roi  contre  les  sorciers  ; 
et  deux  extraits  de  la  Démonomanie  de  J.  Bodin. 

Ces  accusations  de  sorcellerie  se  fondaient  sur  une  étrange  mortalité 
des  bestiaux,  dans  plusieurs  localités  de  la  Brie.  Ne  sachant  comment 
expliquer  cette  épizootie,  on  préférait  l'attribuer  aux  maléfices  des  ber- 
gers, plutôt  que  d'eu  rechercher  les  causes  naturelles. 

Les  auteurs  des  Factums  rappellent  un  grand  nombre  d'arrêts^  de 
1551  à  1604,  qui  condamnèrent  à  être  pendus  et  brûlés  des  sorciers, 
convaincus  d'avoir  fait  périr  des  bestiaux;  ainsi  que  les  sévérités  de  la 
commission  envoyée  dans  le  pays  de  Labour,  qui  fit  brûler,  pour  sorti- 
lèges, plus  de  six  cents  personnes.  De  Lancre,  l'un  des  commissaires, 
conseiller  au  parlement  de  Bordeaux,  très-sçavant  et  vertueux  personnage^ 
composa  à  cette  occasion,  son  livre  de  V Incrédulité  du  sortilège^  con^ 
vaincue. 

Dans  la  Requête  au  Roi,  Eustache  Vîsier,  receveur  de  la  terre  de  Pacy 
pour  le  sieur  Jean  Le  Fèvre,  dit  :  a  qu'il  est  de  notoriété  publique  que 
les  bergers  de  la  province  de  Brie  ont  ruiné  presque  tous  les  fermiers, 
ayant  fait  périr,  depuis  deux  ans,  ponr  plus  de  300  000  livres  de  bes- 


466  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

tiaux.  >  La  mortalité  aTait  été  si  violente,  que  des  fermes  reitaîfiit  m 
friche  et  que  personne  n'osait  les  exploiter. 

Les  extraits  de  la  Démonomanie  de  Bodin  prouvent  qu*tl  était  dange- 
reux, au  seizième  siècle,  de  ne  pas  croire  aux  sortilèges.  GuiUatmie  ds 
Line,  docteur  en  théologie,  fut  condamnée  à  Poitiers,  comme  soroi«r, 
le  12  décembre  1553,  pour  avoir  prêché  que  tout  oê  qn^on  disait  de*  tçg^ 
ciers  n'était  que  fable.  Ainsi,  il  était  défendu,  sous  peine  de  mort,  d'at* 
tenter  à  la  puissance  du  diable. 

—  Recueil  sommaire  des  principales  preuves  qui  ont 
esté  employées  pour  établir  quelques  propositions 
hiérarchiques  d'une  thèse  de  théologie  soutenue  au 
séminaire  de  la  ville  de  Sens^  les  9  et  4  0  septembre 
1665.  Sens,  1666;  in-4  de  2  fF.  et  51  pag. 

Cette  thèse  de  théologie,  soutenue  à  l'occasion  de  la  révolte  des  Jér 
suites  contre  les  ordres  de  l'archevêque  de  Sens,  avait  pour  but  de 
prouver  que  les  religieux,  à  quelque  ordre  quUls  appartiennent,  sont 
dans  la  dépendance  des  évèques  pour  l'administration  du  sacrement  de 
la  pénitence.  La  dernière  proposition  est  dirigée  contre  les  prétentioiift 
des  Jésuites  à  être  indépendants  de  Pordinaire.  Elle  contient  des  rensei- 
gnements très-curieux  sur  l'établissement  des  Jésuites  en  France,  Ui  fti- 
rent  admis  avec  beaucoup  de  difficultés,  par  l'assemblée  de  l'Église  ^* 
licane,  tenue  à  Poissy,  en  1561,  qui  approuva  ladite  société  et  oompih* 
gnie,  par  forme  de  société  et  collège,  et  non  de  religion  nouvellement 
instituée,  à  la  charge  qu'ils  seront  tenus  de  prendre  un  autre  titre  que  de 
société  de  Jésus  ou  de  Jésuites,  L'arrêt  d'enregistrement  au  parlement  de 
Pacte  de  l'assemblée  de  Poissy  porte  que  cette  société  et  collège  prendra 
le  nom  de  collège  de  Clermont,  Il  résulte  de  ces  actes  authentiques  que  le 
titre  de  société  de  Jésus,  ou  de  Jésuites,  n'est  pas  reconnu  en  France. 

—  Meâux.  Histoire  de  T  Eglise  de  Meaux,  a^ec  des 
notes  ou  dissertations,  et  les  pièces  justificatives  ; 
par  Dora  Toussaints  Du  Plessis,  bénédictin.  Paris^ 
1731;  2  vol.  in-4. 

Cette  histoire,  dédiée  au  cardinal  de  Bissy,  évéque  de  Meaux,  est 
écrite  avec  autant  de  soin  et  d'érudition  que  les  autres  osuvres  des  Béné- 
dictins. On  y  remarque  une  curieuse  dissertation  sur  l'origine  dn  calvi- 
niste, dont  l'auteur  prétend  que  le  diocèse  de  Meaux  fut  le  hcrceaa. 
C'est  dans  cet  ouvrage  que  le  P.  Duplessis  jeta  quelques  doutt  s  sur  Tau- 
tlienticité  d'une  multitude  de  cliartes,  ce  qui  souleva  de  nombreuses 
contradictions. 

L'histoire  de  l'église  de  Mcaux  occupe  550  pages  du  premier  volume. 
Elle  est  suivie  des  pièces  suivantes  :  catalogues  des  évèques,  doyens^ 
abbés  et  abbesses  du  diocèse.  —  Notes  (ou  dissertations)  sur  l'histoire 


BIBUOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  467 

de  Téglise  de  Meanx  :  50  notes  layantes  et  instructions  sur  la  géogra- 
phie, les  antiquités  et  les  anciennes  familles  du  diocèse.  —  Table  chro- 
nologique de  rhistoire  de  Meaux,  de  Tan  375  à  1730. 

Le  second  volume  contient  les  pièces  justiGcatives.  Elles  sont  au  nom- 
bre de  748  et  s'étendent  depuis  Tan  632  à  1727.  —  Extraits  des  nécro- 
loges des  diverses  églises  da  diocèse.  —  Statuts  sydonaux,  depuis  1246 
jusqu*à  1724.  —  Pouillié  du  diocèse  de  Meaux,  suivi  de  la  liste  des 
collateurs  et  présentateurs  des  bénéfices.  ' 

—  Melu»  .  Procès- verbal  des  séances  de  rassemblée 
provinciale  de  l'Isle-de-France,  tenues  à  Melun  en 
novembre  et  décembre  1787.  Sens^  V^  Tarbe\ 
1 788  ;  in-4  de  84  et  452  pag.  et  7  ff.  pour  la  table, 
5  tableaux. 

Le  procès-verbal  de  l'assemblée  préliminaire,  tenue  à  Melun,  du  11 
au  20  août  1787,  précède  le  procès-verbal  des  séances  qui  eurent  lieu  du 
1 7  novembre  au  20  décembre  suivant,  jour  de  la  clôture  de  TAsseroblée 
provinciale. 

Ce  volume  est  très-intéressant  pour  Thistoire  économique  de  Tlle-de- 
France,  et  par  suite,  de  la  France  entière.  On  y  trouve  des  Mémoires 
importants  sur  la  taille,  la  capitation,  les  dépenses  d^utilité  publique,  les 
milices,  la  mendicité,  les  ponts  et  chaussées,  les  droits  de  péage  perçus 
sur  la  Seine  et  sur  TYonne,  les  pépinières,  Tamélioration  des  bétes  k 
laine,  la  société  d'agriculture  et  les  comices  agricoles  de  rile-de-Franoe, 
Ces  Mémoires,  accompagnés  de  tableaux  qui  indiquent  le  taux  excessif 
(les  impôts  en  vigueur  et  les  moyens  d'en  opérer  le  dégrèvement,  furent 
rédigées  et  lus  par  le  comte  de  Crillon,  le  vicomte  de  Noailles,  le  mar- 
quis de  Guerchy,  etc.  La  liste  des  membres  des  assemblées  provinciale 
et  de  département  de  Plle-de- France,  occupe  les  sept  derniers  feuillets. 
Une  ample  table  des  matières  facilite  les  rechercbes  dans  toutes  les  par» 
lies  du  volume. 

—  Melun.  Coutume  du  bailliage  de  Melun.  anciens 
ressorts  et  enclaves  d'icelui;  par  Louis- Alphonse 
Sevenety  avocat  au  parlement^  et  notaire  au  cbâ- 
telet  de  Melun.  Sens^  Hardouin  Tarbe\  i768;in-4 
de  6  flF.,  476  pas:;,  et  2  ff.  pour  le  privilège  et  TEr- 
rala.  * 

La  coutume  de  Melun  avait  été  rédigée  par  écrit,  pour  la  première 
fois,  en  1506;  mais  plusieurs  articles  étaient  durs^  iniques  et  dérauonmm- 
hlt-s,  et  donnaient  fréquemment  lieu  à  des  procès.  Afin  d'en  fixer  irrévo- 
cablement l'interprétation,  Henri  II,  par   lettres  du  12  février  1558 


468  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

(1559),  et  Françob  II  par  d'autres  letties  du  24  juillet  1559,  donnèrent 
commission  à  Christophe  de  Thou,  président,  Barthélémy  Faye  et  Jac- 
ques Yiole^  conseillers  au  parlement,  de  se  rendre  à  Melun,  afin  de  pro- 
céder à  la  réformation  des  coutumes  du  bailliage,  en  présence  des  trois 
Étals  du  pays.  Le  procès-yerbal  contient  les  noms  des  membres  des  trois 
États,  qui  assistèrent  à  la  réformation  de  1560.  Cette  liste  occupe  douze 
pages  entières. 

Les  conmientaires  de  Se-venet  sont  dédiés  à  Jean-Baptiste-Françoîs  de 
MontuUé,  conseiller  d'État,  grand  bailly  d'épée  de  Melun  et  Moret. 
L^auteur  a  ajouté  à  ses  longs  commentaires,  des  arrêts  notables  relatifs 
aux  divers  articles,  et  les  conférences  avec  d'autres  coutumes.  On  tronre 
à  la  fin  du  procès-verbal,  n,pe  table  alphabétique  des  lieux  régis  an  sei- 
zième siècle  par  la  coutume  de  Melun. 

—  Sens.  Defaicte  sur  les  troupes  du  Roy  de  Navarre, 
devant  la  ville  de  Sens;  par  les  habitans  catholi- 
ques de  ladicte  ville^  le  jeudy  troisiesme  May  1 590. 
Lyoriy  Loys  Tantilloriy  1590;  pet.  in-8  de  13  pag. 

Cette  relation,  en  forme  de  lettre,  datée  de  Troyes,  le  8  mai  1590»  a 
été  écrite  par  François  Panigarole,  évéque  d'Aste  et  ligueur  exalté.  XL 
publia  comme  suite  à  la  Defaicte  devant  Sens^  le  Discours  véritable  de  ce 
qui  s^est  passé  à  Paris  et  aux  environs  depuis  la  retraite  du  roi  de  Havarre 
de  devant  Sens  jusqu^au  12  juin  1590.  Ljron^  Tantillon,  U  fit  encore  im- 
primer à  Lyon,  un  Discours  de  ^entreprise  des  hérétiques  sur  la  ville  de 
Trojres ,  au  mois  de  septembre  1 790  ;  et  un  Abrégé  fait  au  due  de  Savoie^ 
des  derniers  événements  de  la  France  y  1590. 

L'auteur  dit  que  la  brave  défense  de  la  ville  de  Sens  doit  servir 
d'exemple  à  toutes  les  villes  du  royaume,  a  pour  les  exciter  à  combattre 
pournostre  sainte  îoj  catholique  et  pour  asseurer  l'estat  à  nostre  Roy 
Charles  dixiesme.  » 

Il  rapporte  que  quelques-uns  des  plus  apparents  dudit  Sens  avaient, 
sans  le  consentement  du  peuple,  envoyé  le  sieur  de  la  Motte -Coutelas 
vers  le  roi  de  Navarre  (Henri  IV),  pour  capituler  avec  lui  :  ce  qu'ayant 
exécuté  et  voulant  rentrer  de  nuit  dans  la  ville,  il  en  fut  empêché  par 
le  peuple  ;  il  retourna  au  camp  du  Roi  et  lui  persuada  d'assiéger  la  Tille. 
La  canonnade  commença  le  3  mai.  Après  avoir  tiré  414  coups  de  canon, 
et  pratiqué  une  large  brèche,  on  monta  à  Tassant.  Le  combat  dura  deox 
heures,  et  se  termina  si  avantageusement  pour  les  catholiques,  qu'il  périt 
mille  hommes  des  troupes  du  roi  de  Navarre,  y  compris  cent  gentila- 
hommes  de  marque.  Henri  IV  fut  obligé  de  lever  le  siège,  et  emmena 
prisonnier  le  sieur  de  la  Motte>Coutelas. 

Tel  est  le  récit  du  siège  de  Sens,  d'après  Panigarole  ;  mais  la  pièce 
imprimée  par  Jacques  Bellanger  (voir  l'article  suivant)  en  donne  une 
version  bien  différente. 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  469 

—  Sens.  Discours  des  vaillantises  de  M.  de  Ghan- 
vallon  et  des  habitans  catholiques  de  la  ville  de 
Sens,  contre  l'armée  et  siège  qui  y  avoit  mis  le  Roy 
de  Navarre.  Paris,  Jacq.  Bellanger^  s.  d.  (1 590)  ; 
pet.  in-8  de  14  pag.  non  rogné. 

Cette  relation  difîère  essentiellement  de  celle  que  nous  ayons  attribuée 
à  Panigarole.  Nous  croyons  qu^elle  a  été  rédigée  par  un  ami  du  sieur  de 
Chanvallon,  pour  le  justifier  près  des  catholiques,  de  la  trahison  dont 
on  pouvait  Taccuser. 

L'auteur  raconte  que  M.  de  Chanyallmi,  gouyernenr  de  Sens,  youlant 
tâcher  de  prendre  le  roi  de  NaTarre  au  trébuchet,  ou  bien  quelques-uns 
(les  plus  grands  de  son  armée^  feignit  de  trahir^  par  le  moyen  de  l'intel- 
ligence qu'il  avait  avec  les  plus  apparents,  et  il  envoya  vers  le  roi  de 
r^avarre  le  sieur  de  la  Motte-Coutelas  ;  puis,  il  s'enferma  dans  l'arche- 
v'.'ché,  le  lieu  le  plus  fort  de  la  ville,  avec  un  grand  nombre  de  soldats. 
Ce  ne  fut  que  le  lendemain  qu*un  paysan  apprit  aux  habitants  la  confé- 
rence de  la  Motte-Coutelas  avec  le  roi.  Aussitôt  les  portes  furent  fer- 
mées, et  l'on  s'empressa  de  prévenir  les  gouverneurs  de  la  ville  de  cette 
trahison.  Le  peuple,  ameuté,  marcha  vers  l'archevêché  avec  quelques 
pièces  de  canon,  pour  se  saisir  du  sieur  de  Chanvallon.  La  Motte-Cou- 
telas revint  avec  une  belle  escorte;  mais  il  trouva  les  portes  de  la  ville 
fermées.  Il  retourna  alors  au  camp  du  roi  de  Navarre,  et  l'engagea  à 
assiéger  la  ville  de  Sens,  afin  de  sauver  la  vie  au  sieur  de  Chanvallon, 
dont  la  trahison  était  découverte.  Le  Roi,  croyant  que  les  propos  tenus  par 
de  la  Motte  étaient  vrais,  fit  canonner  furieusement  la  ville  :  on  ouvrit 
une  large  brèche  ;  les  troupes  montèrent  à  l'assaut,  mais  elles  furent  re- 
poussées avec  une  grande  perte  d'hommes.  Henri  IV  leva  le  siège  de 
Sens,  le  samedi  5  mai  1590. 

D'après  les  détails  que  renferme  ce  discours,  il  parait  évident  que  le 
sieur  de  Chanvallon  avait  réellement  l'intention  de  remettre  la  ville  de 
Sens  sous  Pobéissance  du  roi  légitime  ;  et  si  les  ligueurs  n'avaient  pas  été 
avertis  par  hasard  de  ce  qui  se  passait,  Sens  aurait  suivi  l'exemple  de 
Melun,  de  Lagny,  de  Corbeil,  de  Provins  et  de  Montereau,  qui  s'étaient 
rendus  à  Henri  IV,  après  la  bataille  d'Ivry. 

—  Sens.  La  senonoise  au  Roy,  sur  le  démembrement 
de  son  archevesché  ;  par  Daniel  Baltazar,  sieur  de 

•    Malherbe,  senonoîs.  {Troyes,  J.  Jacquard)^  1629; 
pet.  în-8  de  32  pag. 

Poésies  essentiellement  champenoises,  composées  par  un  senonois,  Pro 
aris  et  focis^  ainsi  que  l'annonce  le  titre,  imprimées  à  Troyes,  et  dédiées  à 
Octave  de  Bellegarde,  archevêque  de  Sens.  Les  armoiries  de  la  ville  de 
Sens  sont  gravées  sur  la  huitième  page  du  volume. 


470  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Cette  requête  poétique  de  la  SenoinoUe  au  Roy  aT«ît  pour  bul  d'obte- 
nir pour  la  Tille  de  Sens  l'exemption  de  la  taille,  comme  indemnité  da 
démembrement  de  son  archevêché.  En  effet,  Pévéché  de  Paris,  suflragant 
deSenSy  avait  été  érigé  eu  archevêché,  le  20  octobre  1(}2S. 

L'auteur  rappelle  dans  ses  vers  l'antiquité,  la  puissance  et  les  monu- 
ments de  la  ville  de  Sens,  l'étendue  de  la  juridiction  de  l'aTcherêque, 
primat  des  Gaules  et  de  Germanie;  il  expose  ensuite  ia  miière  prétente 
du  peuple  senonois. 

«  Et  tout  ce  qu'il  espère  et  v«at  de  ta  personne, 
N'e&t  qu'un  acquit  patent  des  tailles  qu'il  te  donne  ; 
Tailles  dont  le  denier  est  le  moindre  de  ceux 
Que  ton  aoctorité  faict  lever  dessus  eux.  » 

Cette  demande  fut  favorablement  accueillie  par  Loub  Xm,  qui 
exempta  de  la  taille  la  ville  de  Sens.  On  trouve  sur  les  derniers  feuillets 
du  volume,  cinq  sonnets  de  remerciement  au  Roi.  Les  quatre  premiers 
feuillets  contiennent  le  titre,  deux  sonnets  au  Rois,  le  jour  des  Rois^  et  la 
Dédicace  à  l'archevêque  de  Sens. 

—  Sens,  Cantiques  pour  Tannée  chrétienne,  sur  dif- 
férens  Airs  anciens  et  nouveaux.  Sens^  Aug.  Prus- 
surot^  1698;  in-12  de  6  fF.  et  276  pag.  avec  la 
table^  fig. 

L*auteur  anonyme  de  ces  cantiques  était,  sans  doute,  un  ecclésiaftiqiie 
résidant  à  Provins;  car  ce  recueil  est  dédié  à  François  d'Aligre,  abbé  de 
Saint- Jacques  de  Provins,  et  l'approbation  est  signée  Cressé,  doyen  et 
chanoine  de  l'église  de  Provins.  Le  volume  est  orné  de  deux  graturei 
en  taille  douce,  représentant  la  Salutation  angélique  et  l'Adoration  def 
bergers. 

L'auteur  destinait  les  128  cantiques  qu'il  avait  composés,  aux  pau- 
vres orphelines  élevées  par  les  soins  de  l'abbé  d'Aligre,  ainsi  qu'aux 
maisons  religieuses.  Mais  le  choix  des  airs  nous  a  paru  assez  singulier  ; 
on  peut  en  juger  par  les  extraits  suivants  { 

Les  vœux  d'Israël.  Air  :  Sur  le  bord  ttun  ruisseau^  Lisette» — L'histoire 
de  Joseph.  Air  :  Tous  nos  bergers  font  l'amour  à  Sylvie»  —  De  la  grâce. 
Air  :  Ne  faites  point  languir  un  amant  qui  vous  aime,  —  La  bonté  de 
Jésus-Christ.  Air  :  Non^  non^  je  nuirai  plus  au  bois  seulette,  —  Saint 
François  Xavier,  Air:  Je  suis  charmé  tTune  brune ^eXo,^  etc. 

La  curiosité  des  religieuses  devait  être  vivement  excitée  par  ces  frag- 
ments de  chansons  profanes. 

L.T. 


NOTE   BIBUOGRAPHIQVE   SUR   LB 

RECUEIL   DES  fflSTORIENS 

DES  GAULES  ET  DE  LA  FRANCE 

Commencé  par  les  Bénédictins  de  la  congrégation  de 
Saint-Maur  et  continué  par  l* Académie  des  inscrip- 
tions   ET   belles-lettres. 

Paris,   1837-1865;  22  vol.  in-folio. 


L'idée  de  réunir  en  un  seul  corps  d^ouvrage  tous  les  mo- 
numents, soit  imprimés,  soit  manuscrits,  relatifs  à  Thistoire 
de  France,  remonte  aux  dernières  années  du  seizièine  siè- 
cle, et  c'est  le  savant  Pierre  Pithou  qui  en  entreprit  la  réa- 
lisation. Mais  ses  Historiœ  Francorum  scriptores  ifeteresj 
publiés  en  1596,  renferment  onze  chroniques  seulement,  et 
s'arrêtent  à  l'année  1 285. 

Près  d'un  demi-siècle  s'écoula  sans  que  personne  songeât 
à  continuer  ce  travail  ou  à  en  combler  les  lacunes. 

André  du  Ghesne  conçut  enfin  le  plan  d'une  collection 
plus  étendue  et  plus  complète.  Divisée  en  deux  parties,  elle 
devait  former  vingt-quatre  volumes  in-folio,  et  comprendre 
toute  la  série  des  monuments  de  l'histoire  de  la  monarchie 
française  depuis  son  origine  jusqu'au  règne  de  Henri  U.  La 
première  partie,  composée  de  quatorze  volumes,  embrassait 
toute  l'histoire  générale;  la  deuxième  prtie,  en  dix  volu- 
mes, était  réservée  aux  historiens  des  églises,  des  monas- 
tères, des  grands  fiefs  et  des  provinces.  Les  deux  premiers 
volumes  parurent  en  1636,  sous  ce  titre  :  Historiœ  Franco» 
rum  scriptores  cosetanei,  ab  ipsius  gentis  origine  ad  Pipi-- 
rium  usque  regem.  Quorum  plurim:  nunc  primum  ex  çariis 
todicibus  mss,  in  lucem  prodeunt^  alii  vero  auctiores  et 


^72  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

emendatiores  ^  cum  epistolis  regum^  etc.  Opéra  et  studio 
AndreBB  du  Cheshe,  geographi  regii.  Les  deux  volumes  soi- 
vants  étaient  sous  presse  quand  du  Ghesne,  à  peine  âgé  de 
cinquante-six  ans,  périt  victime  d'un  afiBreux  accident.  Son 
fils  François,  digne  héritier  du  nom  qu'il  portait,  voulut 
poursuivre  cette  grande  œuvre,  et  de  1641  à  1649  publia 
les  tomes  III,  IV  et  V,  dont  le  dernier  s'arrête  au  commen- 
cement du  règne  de  Philippe  le  Bel. 

Ce  travail  ne  fut  pas  continué^  faute  d'appuis.  De  mo- 
destes érudits,  réduits  à  leurs  forces  seules,  ne  pouvaient 
évidemment  su£Bre  longtemps  aux  frais  d'une  pareille  en- 
treprise. 

Un  siècle  après  la  mort  d'André  du  Chesne,  le  gouverne- 
ment prit  enfin  à  sa  charge  cette  publication,  qui  devait 
user  plusieurs  générations  de  savants. 

Dans  l'intervalle,  bien  des  projets  de  continuation  avaient 
avorté. 

En  1675,  Golbert  devenu  acquéreur  des  matériaux  ras- 
semblés par  du  Chesne,  les  mit  à  la  disposition  de  quelques 
érudits  :  Lecointe,  Wion  d'Hérouval,  A.  de  Valois,  Balaze 
et  du  Cange;  mais  ceux-ci  ne  purent  s'entendre.  Peu  d'an- 
nées après,  l'archevêque  de  Reims,  Le  Tellier,  frère  du 
grand  Louvois,  s'adressa  à  du  Gange,  qui  rédigea  un  nou- 
veau plan,  et  proposa  d'en  confier  Texécution  à  des  reli- 
gieux de  la  congrégation  de  Saint-Maur;  on  songea  même 
à  les  placer  sous  la  direction  de  Mabillon,  mais  ce  savant 
trouva  l'œuvre  au-dessus  de  ses  forces,  et  elle  fut  encore 
abandonnée. 

Enfin,  dans  les  dernières  années  du  règne  de  Louis  XLV, 
dom  Edmond  Martène  et  dom  Maur  Audren  de  Kerdrel 
préparèrent,  chacun  de  son  côté,  la  publication  d'un  recueil 
complet  des  historiens  français,  et  le  dernier  fit  part  de  ses 
idées  à  d'Aguesseau ,  alors  procureur  général.  Quand  ce 
magistrat  fut  devenu  garde  des  sceaux,  dom  Maur  Audren 
se  montra  plus  pressé  encore;  il  proposa  de  placer  Mont- 
faucon  à  la  tête  de  l'entreprise,  et  offrit  de  désigner  son 


RECUEIL  DES  HISTORIENS.  *T3 

titre  d'abbé  de  Saint- Vincent  du  Mans  poar  venir  à  Paris 
travailler  sous  les  ordres  de  son  ami.  Les  auxilliaïres  auraient 
été  choisis  dans  toutes  les  provinces,  et  on  eût  mis  à  leur 
disposition  des  artistes  chargés  de  dessiner  les  anciens  mo- 
numents. Malgré  toutes  ces  instances,  Montfaucon  ne  fat 
point  chargé  de  la  publication.  A  la  suite  de  conférences 
présidées  par  le  chancelier,  et  auxquelles  prirent  part  Ba- 
lu7.e,  l'abbé  Renaudot,  Laurière  et  le  P.  Lelong,  un  rap- 
port trés-remarquHble  fut  rédigé  par  l'abbé  des  Thuilleries  ; 
dom  Martène  dressa  le  plan  de  l'œuvre,  et  la  haute  direc- 
tion des  travaux  fut  confiée  au  P.  Lelong. 

Le  savant  oratorien  mourut  en  1721,  avantqu'aucun  volume 
eût  vu  le  jour.  Denysde  Sainte-Marthe,  supérieur  général  de 
la  congrégation  de  Saint-Maur,  revendiqua  alors  pour  elle 
l'honneur  d'exécuter  cette  grande  entreprise  et  l'obtint, 
dom  Bouquet,  désigné  par  lui,  se  mit  résolument  à  l'oeuvre 
dès  l'année  1723,  et  au  milieu  de  1729  les  deux  premiers 
volumes  étaient  prêts.  Mais  dom  Bouquet  reçut  alors  l'ordre 
de  quitter  l'abbaye  de  Saint-Germain  des  Pré»  pour  se  ren- 
dre à  celle  de  Saint-Jean  de  Laon.  Il  fut  enfin  l'appelé  à 
Paris  par  d'Agues&eau  et  se  fixa  au  couvent  des  Blancs-Maa- 
teaus,  où  il  mourut  le  6  avril  1754,  après  avoir  publié  boit 
volumes.  11  laissait,  en  oatre,  de  nombreux  matériaux  pour 
la  suite  du  recueil,  qui  liit  continué  par  les  Bénédictins, 
entre  autres  par  Jeah-Baptiste  et  Charles  Haudtquier,  Dom 
Housseau,  dom  Précieux  et  dom  Poirier.  Dom  Clément 
et  dom  Brial  avaient  achevé  le  tome  XII  quand  la  Révolu- 
tion interrompit  de  nouveau  ce  travail. 

Il  fut  repris  en  1 806  par  la  deuxième  classe  de  l'Institat, 
qui  venait  d'appeler  Dom  Brial  dans  son  sein.  Celui-ci,  du 
fond  de  la  retraite  où  il  vivait  depuis  la  suppression  de  son 
ordre,  n'avait  cessé  de  poursuivre  en  silence  cette  œuvre, 
qu'il  avait  faite  sienne,  et  il  devint  ainsi  le  trait  d'union 
entre  l'ordre  savant  des  Bénédictins  et  l'Académie  des  in- 
scriptions, qui  allaient  ôtre  désormais  l'oi^ane  officiel  de 
l'érudition  française. 


474  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Dom  Brial  mourut  le  24  mai  1828,  à  Tâge  de  quatre- 
yingt-cinq  ans,  après  avoir  publié  le  dix*huitième  volume. 
L'Académie  des  inscriptions  lui  donna  pour  successeiiTS 
MM.  Daunou  et  Naudet,  qui  depuis  ont  été  remplacés  par 
MM.  N.  de  Wailly,  Guigniaut  et  L.  Delisle. 

Le  plan  général  adopté  pour  la  collection  consiste  à 
partager  nos  annales  en  périodes  plus  ou  moins  étendues,  et 
à  réunir  dans  chacune  tous  les  documents  qui  s'y  rappor- 
tent; les  chroniques,  récits  ou  histoires  comprenant  plusieurs 
siècles  ou  seulement  plusieurs  règnes  y  sont  donc  scindés 
en  autant  de  parties  qu'ils  embrassent  de  périodes.  C'est  un 
inconvénient,  sans  doute,  mais  il  est  compensé  par  assez 
d'avantages  pour  que  les  continuateurs  de  Dom  Bouquet 
n'aient  jamais  songé  à  modifier  ce  plan.  MM.  Naudet  et 
Daunou  obtinrent  seulement,  en  1840,  que  les  historiens 
des  croisades  fussent  exclus  du  recueil  et  formassent  une 
collection  spéciale. 

Les  Historiens  des  Gaules  et  de  la  France  doivent  être 
partagés  en  douze  périodes,  dont  dix  ont  paru,  savoir  : 

1"  Période  (tome  I)  :  Gaulois  et  Francs  yï&cp^k  Clovis. 

2^       —       (tomes  II,  III,  IV)  :  Méro^fingiens . 

3"       —       (tome  V)  :  Pépin  le  Brefel  Charlemagne. 

4*^       —       (tome  VI)  :  Louis  le  Débonnaire. 

6®       —       (tomes  VII,  VIII,  IX)  :  les  Carloçingiens^  de- 
puis la  mort  de  Louis  le  Débonnaire. 

6*       —       (tome  X)  :  Hugues  Capet  et  Robert. 

T       —       (tome  XI)  :  Henri  P\ 

8*      —       (tomes  XU  à  XVI)  :  Philippe  /*',  Louis  f7  et 

Louis  f^ll, 

9®       —       (tomes  XVII  à  XIX)  :  Philippe^ Auguste  et 

Louis  VIII, 
10^       —       (tomes  XX  à  XXIII)  :  de  Louis  IX  à  la  mort 

de  Charles  le  Bel. 
(Le  tome  XXIII  est  sous  presse.) 

La  onzième  période  doit  comprendre  les  règnes  de  Phi- 


RECUEIL  DES  HISTORIENS.  klb 

lippe  VI,  Jean  II,  Charles  V  et  Charles  VI.    La  douzième, 
ceux  de  Charles  VII,  Louis  XI,  Charles  VIH  et  Louis  XII. 

Dès  Torigine,  il  avait  été  résolu  que  la  collection  s'arrête- 
rait au  commencement  du  règne  de  François  I"'. 

Une  réimpression  complète,  page  pour  page,  ligne  pour 
ligne,  du  recueil  des  Historiens  de  la  Gaule  et  de  la  France^ 
a  été  entreprise  en  1869  par  la  librairie  V.  Palmé,  sous  la 
direction  de  M.  Léopold  Delisle. 

Alfred  Franklin. 


REVUE  CRITIQUE 

PUBLICATIONS  NOUVELLES. 


Vertu,  par  G.  Haller,  Paris^  C.   Lewf,  un  vol.  in-8**. 

Un  succès  tel  que  celui  de  Bleuet  oblige;  Gustave  Haller  Va. 
bien  compris.  Le  nom  de  T héroïne  de  son  nouvel  ouvrage  est  un 
ingénieux  et  gracieux  barbarisme  diminutif  italianisé  de  l'alle- 
mand Stem  :  Stbbninà,  petite  étoile  (ce  nom  eût  été  un  joli  titre  ; 
combien  on  l'aurait  préféré  à  celui  de  Vertu  f). 

Le  Bleuet  était  surtout  une  œuvre  d^analjse  psychologique  ; 
dans  Vertu ^  Gustave  Haller  s'est  eJSbrcé  de  concilier  deux  genres 
de  mérite  qu'on  trouve  souvent  unis,  l'intérêt  des  situations  et  le 
développement  des  caractères.  C'est  à  la  fois  un  roman  de  mœurs 
.et  un  roman  d'aventures.  Le  prologue  est  très-dramatique.  Nous 
en  recommandons  la  lecture  aux  femmes  incomprises  et  accessi- 
bles à  la  tentation  ;  elles  verront  ce  qu'il  peut  en  coûter  d'aller  se 
faire  comprendre  ailleurs.  La  leçon  serait  meilleure  encore  si 
l'expiation  était  indéfinie.  Mais  YAntonie  de  G.  Haller  a  subi  de 
si  rudes  années  de  purgatoire,  et  son  mari  est  si  scélérat  et  si 
déplaisant  de   tout  point,  que  l'auteur  a  cru  pouvoir  laisser  en- 


476  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

trevoîr  pour  elle  la  possibilité  d'un  retour  de  bonheur  légitimé 
par  mariage  subséquent  :  c*est  peut-être  pousser  l'indulgence  on 
pea  trop  loin.  La  hardiesse  de  Camille,  c  l'ingénue  qui  poursuit 
un  capitaine  »,  ne  choquera  que  ceux  qui  ne  sont  pas  au  courant 
des  mœurs  anglaises.  L'un  des  meilleurs  romans  de  miss  Edge- 
worth,  Hélène^  tableau  très-vrai  de  l'aristocratie  anglaise,  roule 
tout  entier  sur  une  de  ces  flirtât  ions  de  jeunes  filles,  qui  ont  par- 
fois des  conséquences  tragiques.  Comme  c'est  aux  personnes  d'nn 
vrai  talent  qu'on  doit  surtout  la  vérité,  nous-  dirons  franchement 
à  Gustave  Haller  qu'il  y  a  plusieurs  scènes  tourmentées  et  décou- 
sues dans  sa  seconde  partie.  La  méprise  de  l'époux  d'Antonie, 
tuant  un  enfant  pour  un  autre,  rappelle  la  mésaventure  toute  sem- 
blable d'Azucéna  dans  le  Trovatore^  et  celle  des  six  jeunes  ogresses 
dans  le  Petit  Poucet^  d'autant  mieux  qu'il  y  a  beaucoup  de  l'ogre 
dans  ce  mari  trompé  et  bien  digne  de  Pélre.  L'idée  de  dissimuler 
le  cadavre  derrière  une  boiserie  n'est  pas  seulement  invraisem- 
blable de  la  part  d'un  scélérat  si  habile,  mais  impossible  pour 
plus  d'un  motif,  notamment  pour  celui  qui  se  trouve  brutalement 
exposé  dans  VHamlet  de  Shakspeare,  quand  ce  prince  indique 
aux  courtisans  en  quête  du  corps  de  Polonius,  ce  qui  doit  tôt  ou 
tard  les  mettre  sur  la  voie.  Mais  malgré  tous  ces  défauts,  c  la 
grâce  est  la  plus  forte  »  dans  cette  œuvre,  comme  chez  la  Géli- 
mène  de  Molière.  La  seule  figure  de  Stemina,  &me  virile  sous  une 
gracieuse  enveloppe  de  femme,  modèle  d'abnégation,  de  dévoue- 
ment chevaleresque,  de  vertu  dans  le  sens  le  plus  large  de  ce  mot, 
suffirait  au  succès  du  livre,  qui  fournirait  aussi  un  beau  sujet  dra- 
matique. 

L'auteur  n'a  pas  eu  besoin  d'aller  loin  pour  rencontrer  ce  type  ; 
pas  plus  loin  que  le  miroir  d'une  personne  de  son  intime  connais- 
sance. 

Fertu^  de  même  que  B/euet^  est  imprimé  avec  élégance.  L'auteur 
a  même  fait  tirer  quelques  exemplaires  sur  chine. 

B.  E. 


LETTRES   INÉDITES    DE    MADAME   DE     SÉVI6NÉ,    éditées   par 

M.  Capmas;  Paris ^  Hachette,  1876.  2  vol.  in-8*. 

Il  est  arrivé  à  M.  Capmas  une  de  ces  rares  bonnes  fortunes 
littéraires  comme  il  n'est  pas  permis  d'en  espérer.  Après  a?oir  va 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.    477 

pendant  quinze  mois,  exposés  piteusement  à  la  devanture  d'un  mo- 
deste  marchand  de  bric-  à-brac  de  Dijon,  six  volumes  manuscrits 
d'une  copie  des  Lettres  de  Madame  de  Seuig/ié-^  après  les  avoir 
indiqué  à  nombre  de  curieux  qui,  tous,dédaignèrentces  tomes  comme 
ne  contenant  qu'une  copie  évidemment  inutile  de  lettres  cent  fois 
connues,  M.  Capmas  a  eu  pitié  de  ces  papiers  très-respectablement 
reliés  et  portant  même  les  armes  d'un  bibliophile  du  temps  passé, 
et  il  les  a  achetés.  Or,  comme  un  bienfait  n'est  jamais  perdu, 
M.  Capmas  trouva  bien  vite  sa  récompense,  car  il  lui  fallut  peu 
de  temps  pour  constater  que  son  recueil  était  une  copie  ancienne, 
beaucoup  plus  complète  que  le  fameux  manuscrit  dit  de  Grosbois, 
d'après  lequel,  jusqu'à  ce  jour,  ont  été  faites  toutes  les  éditions  de 
la  correspondance  de  la  spirituelle  marquise.  M.  Capmas  démontre 
ce  fait  décisif  trop  facilement  et  trop  clairement  pour  que  nous 
ayons  à  nousy  arrêter,  sinon  pour  reconnaître  l'absolue  exactitude 
de  son  raisonnement. 

Ce  manuscrit  a  fourni  à  M.  Capmas  une  moisson  évidemment 
bien  plus  abondante  qu  il  n'avait  pu  Tespérer  :  vingt-quatre  lettres 
entièrement  inédites,  dix-neuf  pour  la  plus  grande  partie  inédites, 
et  cent  vingt-sept  fragments  d'une  longueur  souvent  égale  à  celle 
de  véritables  lettres.  L'heureux  éditeur  s'est  rapidement  mis  à 
Tœuvre,  —  sa  trouvaille  remonte  seulement  à  1873, —  et  il  nous 
donne  ces  importantes  épaves  de  la  plume  féminine  la  plus  bril- 
lante de  notre  pays ,  avec  une  richesse  de  notes  —  toutes  très- 
curieuses  —  absolument  conformes  au  plan  de  M.  Régnier  dans 
sa  grande  édition ,  qu'il  était  permis  de  croire  bien  et  dûment  dé- 
finitive. 

Ces  lettres  assurément  n'ajouteront  rien  à  la  gloire  épistolaire 
de  Mme  de  Se  vigne,  mais  elles  fourniront  au  public  la  plus  agréable 
lecture,  en  même  temps  qu'elles  donnent  encore  quelques  détails 
nouveaux  sur  cette  fenune  dont  le  nom  semble  destiné  à  toujours 
grandir  en  avançant  à  travers  la  postérité.  Nous  y  trouvons 
quelques  passages  qui  nous  plaisent  particulièrement,  parce 
qu'ils  montrent  la  marquise  sous  un  jour  intime  auquel  on  n'est 
peut-être  pas  assez  accoutumé.  Nous  la  voyons  en  effet  grand' mère 
pleine  de  sollicitude  et  de  tendresse,  et  sa  plume  a  de  charmants 
aveux  a  ce  propos  :  «  Mme  du  Puy  du  Fou  prit  la  peine  l'autre 
jour  de  venir  voir  ma  nourrice;  elle  la  trouva  fort  près  de  la  [}er- 
fection  :  une  brave  femme,  là  I  qui  est  résolue,  qui  se  tient  bien,  qui 


478  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

a  de  gros  bras.  Cet  endroit  là  est  un  des  plus  beaux  dç  ma  yie.  > 
Ou  encore  :  «  Voilà  votre  fille  au  coin  de  mon  feu  avec  son  petit 
manteau  d'ouate.  Elle  parle  plaisamment  :  et  titata ,  tetita  y  to» 
tata  !  »  Mab  il  n'y  a  pas  que  ces  détails  particuliers  :  ces  lettres 
ne  le  cèdent  en  rien  à  celles  que  nous  connaissons,  et  nous  choi- 
sissons, comme  preuve,  un  passage  pris  absolument  au  hasard. 
Madame  de  Sévigné  annonce  à  sa  fille  son  arrivée  aux  Rochers, 
le  29  mai  1689  :  «  Mercredi,  j'arrivai  donc  ici,  ma  bonne,  avec 
mon  fils  et  ma  belle-fille  ;  elle  avait  un  véritable  besoin  de  reposer 
sa  petite  poitrine  et  moi  ma  santé.  Nous  entrâmes  par  cette  porte 
que  vous  avez  vu  faire  :  il  était  six  heures.  Mon  Dieu!  quel  repos, 
quel  sileuce,  quelle  fraîcheur,  quelle  sainte  horreur!  car  tous  ces 
petits  enfants  que  j'ai  plantés  sont  devenus  si  grands,  que  je  ne 
comprends  pas  que  nous  puissions  encore  vivre  ensemble.  Cepen- 
dant leur  beauté  n'empêche  pas  la  mienne.  Vous  la  connaissez  ma 
beauté  :  tout  le  monde  m'admire  en  ce  pays  ;  on  m'assure  que  je 
ne  suis  pas  changée,  je  le  crois  tant  que  je  puis!  »  C'est  bien  du 
meilleur  style  de  la  marquise,  et  si  nous  pouvions  reproduire  ici 
quelques  fragments,  on  comprendrait  encore  mieux  la  valeur  de 
cette  découverte. 

M.  Capmas  a  fait  précéder  ce  recueil  d*une  introduction  très- 
longue,  très-travaillée,  très-intéressante,  dans  laquelle  il  étudie  no- 
tamment, avec  une  remarquable  érudition,  les  diverses  éditions  de 
la  correspondance  de  la  marquise.  Peu  de  personnes  se  rappellent 
probablement  à  quelles  circonstances  nous  devons  l'impression  de 
ces  inimitables  Lettres.  Les  premières  furent  insérées  dans  un 
Recueil  des  Lettres  de  Bussy,  par  sa  fille,  la  marquise  de  Coligoy, 
en  1697.  Deux  autres  volumes,  en  contenant  une  soixantaine, 
parurent  en  1725  et  1726,  sans  nom  de  lieu  ni  d'imprimeur  :  La 
Beaumelle  accuse  Voltaire  de  cette  indiscrétion;  mais  dans  tous  les 
cas  Mme  de  Simiane  en  fut  vivement  froissée  :  elle  essaya  d'ar- 
rêter cette  publication,  et  c*est  seulement  quand  elle  en  eût  reconnu 
l'impossibilité ,  quand  elle  eût  vu  qu'on  refusait  à  son  aïeule  c  le 
droit  d'avoir  eu  de  Tesprit  impunément,  »  qu  elle  prit  un  grand 
parti  et  chargea  un  ami  de  la  famille ,  le  chevaUer  de  Perrin ,  de 
publier  la  première  édition  autorisée  :  on  sait  comment  il  s'en  ac- 
quitta et  comment  il  tailla  et  corrigea, 

M.  Capmas  fait  ensuite  Thistorique  de  sa  découverte,  la  compare 
au  manuscrit  dit  de  Grosbois,  et  démontre  irréfutablement,  comme 


REVUE  CRITIQUE  I)E  PUBUGATIONS  NOUVELLES.  479 
nous  l'avuiis  reconnu,  la  supériorité  du  siea.  Il  eu  explique  t'împor- 
tance  au  point  île  vue  des  restitutions,  des  éclaircissements  et  des 
compléments.  Il  expose  enfin  le  plan  qu'il  a  suivi  et  tous  les  lec- 
teurs jugeront  qu'il  a  dit  vrai  en  écrivant  :  <  Les  amis  de  Mme  de 
Sévigné  nous  sauront  gré,  nous  en  sommes  sûr,  des  nouvelles 
jouissances  que  va  leur  procurer  notre  heureux  sauvetage  et  de 
celles  qu'il  leur  assure  dans  l'avenir.  > 

Le  manuscrit  a  appartenu  à  M.  de  Massol,  dont  il  porte  le  nom 
et  les  armes.  Ce  personnage  était  évidemment  M.  de  Massol,  pré- 
sident ù  la  cour  des  Comptes  de  Dijon,  au  commencement  du  dix- 
huitièuie  siècle, et  marié  à  une  demoiselle  de  Gastebois ,  sœur  de 
lu  marquise  de  Bcrbis.  Ce  détail  ne  sera  peut-être  pas  tout  à  fait 
sans  intérêt  pour  M.  Capmas,  car  les  Gastebois  étaient  de  vieille 
souche  noble  de  Langres,  et  les  Frémyot,  dont  Mme  de  Sévigné 
descendait  par  la  sainte  Mère  de  Chantai,  avaient  de  nombreuses 
alliances  avecles  faïuilles  de  cette  ville.  E.  de  Bakthki£>y. 


Histoire  abrégée  de  l'abbaye  de  saint-florentin  uk 
BUANEVAL,  par  Donis,  Thiroux,  Lambert,  publiée  par 
le  D'  Bigot.  Paris,  1876, 1  vol.  in-S"  de  550  pages. 

Nous  avons  un  goût  particulier  pour  les  monographies  d'ab- 
bayes. L'histoire  locale  y  trouve  de  précieux  renseignements,  et 
l'histoire  générale,  surtout  celle  de  la  société,  de  curieux  détails. 
M.  Bigot,  qui  dirige  avec  une  grande  distinction  l'asyle  actuelle^ 
ment  établi  dans  l'ancienne  demeure  des  moines  de  Bonnevat,  a 
eu  la  bonne  pensée  de  publier  un  travail  inédit  de  la  plus  haute 
valeur,  dil  à  de  savants  Bénédictins  et  continué  par  des  érudiis 
non  moins  dévoués  à  la  science. 

L'abbaye  de  Bonneval,  dans  le  pays  Dunois ,  fut  fondée  au  mi- 
lieu du  neuvième  siècle,  par  un  chevalier  Foulques.  Charles  le 
Chauve,  par  ses  libéralités,  y  a  mérité  aussi  le  titre  de  fondateur. 
Dévastée  par  les  Normands,  elle  fut  restaurée,  en  96H,  par  Odon, 
comte  (le  Chartres  :  les  protestants  la  ruinèrent  de  nouveau  en 
1S68.  Enfin,  en  16'i4,  elle  s'unît  à  la  congrégation  de  Saint-Manr 
ct  recouvre  son  ancienne  splendeur  sous  ses  heureux  auspices. 

-M.  bigot  a  fait  précéder  l'œuvre  de  ses  devai^ciers  d'une  longue 


480  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

introduction  qui  a  toute  l'importance  et  toute  la  Talenr  d'an 
volume.  Dans  une  première  partie,  il  étudie,  en  termes  exoellentSy 
le  r6le  civilisateur  des  monastères  et  de  celui  de  Bonneval  eu 
particulier  :  il  fait  ensuite  connaître  la  chronique  da  monastère, 
sa  juridiction  temporelle,  sa  prévôté  royale,  son  aumône  et  sa 
topographie ,  chapitre  particulièrement  digne  d*éloges ,  auquel  il 
joint  la  description  actuelle  du  monument. 

Nous  félicitons  sans  restriction  M.  le  D'  Bigot,  en  trouvant  que 
son  travail  peut  servir  de  modèle  désormais  aux  monographies 
monastiques.  E.  de  B. 


A.  JuLLiEN.  —  Un  Potentat  musical.  Papillon  de  la 
Fertéj  son  règne  à  C Opéra  de  ilSO  à  1790,  d'après 
ses  lettres  et  ses  papiers  manuscrits  conservés  aux 
Archives  de  l'Etat,  et  à  la  Bibliothèque  de  la  ville 
de  Paris.  Paris^  Détaille;  gr.  in-8®  de  57  pages,  tiré 
à  300  exemplaires,  dont  25  sur  papier  vergé. 

M.  JuUien  poursuit  avec  un  zèle  infatigable  ses  recherches  de 
documents  inédits  sur  Thistoire  de  la  musique  en  France,  recher- 
ches qui  nous  ont  déjà  valu  plusieurs  publications  curieuses, 
comme  \* Histoire  des  théâtres  de  Mme  la  duchesse  du  Maine,  de 
Mme  de  Pompadour,  de  Trianon,  des  demoiselles  Verrières,  dont 
Tune  fut  la  bisaïeule  de  Georges  Sand,  etc.  On  lira  également 
avec  intérêt  le  nouvel  opuscule,  consacré  à  un  personnage  mal 
connu  jusqu'ici.  Papillon  de  la  Ferté,  commissaire  du  Roi  près 
r  Académie  de  musique,  a  exercé  sur  POpéra  une  influence  à  pea 
près  souveraine,  de  1780  à  1790.  Pendant  ce  «règne  artistique  » 
de  dix  ans,  il  vit  se  succéder  au-dessus  de  lui  quatre  ministres  de 
la  maison  du  Roi,  auxquels  il  sut  faire  faire  ce  qu'il  voulut,  tou- 
jours avec  les  plus  grands  témoignages  de  respect.  C'est  une  co- 
médie qui  s'est  jouée  et  qui  se  joue  encore  dans  bien  des  minis- 
tères, monarchiques  ou  républicains. 

La  fin  de  ce  roi  de  théâtre  fut  aussi  tragique  que  celle  du  sou- 
verain véritable.  Arrêté  comme  suspect  ou  suspecté  dfétre  suspect^ 
ainsi  que  l'on  disait  dans  Tatroce  jargon  révolu tionnaire^  il  fut 
gaillotiné  en  messidor  an    II,  malgré  son   Mémoire  jusdficatify 


V 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.      ^81 

qui  contient  des  détails  intéressants  sur  l'histoire  de  TOpéra. 
Papillon  s'y  posait  en  philosophe  austère,  en  époux  modèle.  Les 
pièces  retrouvées  par  M.  JuUien,  présentent  ce  satrape  lyrique 
sous  un  jour  un  peu  différent.  Elles  prouvent  que  le  Papillon  ne 
se  faisait  pas  faute  de  papillonner  autour  de  ses  sujettes,  ou  de 
faire  rémunérer  par  l'État  des  services  supplémentaires  qui  n'a- 
vaient rien  d'artistique. 

L'un  des  documents  les  plus  curieux,  contenus  dans  cet  opus- 
cule, est  un  rapport  de  i788  sur  le  personnel  de  l'Opéra,  avec 
des  notes  sur  les  principaux  sujets.  Plusieurs,  surtout  parmi  les 
femmes,  sont  signalées  comme  «  se  livrant  plus  à  la  dissipation 
qu'au  travail  »  ;  notamment,  la  fameuse  Mlle  Maillard,  bien  que 
Papillon  lui-même  fût  pour  quelque  chose  dans  les  dissipations 
de  celle-là. 

Un  fils  de  Papillon  de  la  Ferté  obtint  le  titre  de  baron  sons 
TEmpire,  et  fut  à  son  tour  intendant  des  Menus-Plaisirs  sous  la 
Restauration.  Suivant  M.  Jullien,  ce  Papillon,  deuxième  du  nom, 
était  bien  inférieur  à  son  père,  et  ne  joua  qu'un  rôle  fort  effacé. 
C'est  pourtant  à  lui  que  revient,  si  je  ne  me  trompe,  l'honneur 
d'un  essai  de  moralisation  chorégraphique,  d'un  arrêté  relatif  au 
rallongement  des  jupes  des  danseuses,  qui  obtint  un  immense 
succès  de  ridicule. 

Baron  Ermouf. 


Les  communes  et  la  rotaute,  par  Ch.  Desmaze,  Paris ^ 
ff^ilhenij  1 877  ;  —  Registre  criminel  de  la  justice 
DE  Saint-Martin-des-Champs  a  Paris  au  xiv*  siècle, 
par  Louis  Tanon;  Parisy  1877.  1  vol.  in-8*. 

Voici  deux  volumes  dus  à  deux  érudits  magistrats  qui  prouvent 
d'un  laborieux  travail  et  d'intelligentes  recherches.  M.  Tanon  est 
un  nouveau  et  son  début  mérite  de  sincères  félicitations.  Il  a  pu- 
blié un  document  incontestablement  important  pour  l'histoire 
sociale  et  judiciaire  au  moyen  âge.  Mais  il  a  fait  plus,  car  sous 
prétexte  de  rédiger  une  introduction  au  registre  de  la  justice  cri- 
minelle du  prieuré  de  Saint-Martin-des-Ghamps  de  Paris,  il  a 
écrit  d'abord  l'histoire  complète  de  cette  justice  considérable  et 


482  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

aussi  l'histoire  de  toutes  les  justices  seigneuriales  entre  lesquelles 
se  partageait  le  capital  :  sujet  confus,  mal  connu  et  cependant 
dont  réclaircissement  était  excessivement  désirable.  M.  Louis 
Tanon  s'est  acquitté  avec  un  plein  succès  de  ce  traité,  et  nous  es- 
pérons qu'il  n'en  demeurera  pas  là  :  l'étude  de  Paris,  au  point  de 
vue  Judiciaire,  est  un  champ  encore  peu  exploré  et  qui  doit  four- 
nir une  riche  moisson. 

M.  Desmaze  a  composé  un  recueil  fort  intéressant,  mais  qui 
défie  l'analyse,  car  c'est  un  recueil  de  pièces  inédites,  concernant 
la  royauté  et  la  commune  depuis  le  xu*  siècle  jusqu^à  la  Révolu- 
tion.  Le  plus  grand  nombre  est  relatif  à  Compiègne  et  au  Laon- 
nois.  C'est  un  livre  très-curieux  et  où  l'on  trouvera  quantité  de 
renseignements  utiles.  Au-dessus  domine  une  idée  que  M.  Des- 
maze fait  ressortir  avec  une  indépendance  qui  l'honore  :  l'idée  qne 
la  monarchie  a  plus  fait  pour  la  France  que  l'on  ne  saurait  assez 
le  dire,  et  que  seule  elle  représenterait  pour  elle  un  avenir  de 
grandeur  et  de  prcspérité,  si  l'on  en  juge  froidement  par  l'his- 
toire si  pleine  d'enseignements  toujours  prêts  et  toujours  sûrs. 

M.  Desmaze  range  par  ordre  de  date  les  pièces  reproduites  par 
lui.  Une  bonne  table  les  indique  sommairement.  Nous  eussions 
désiré  en  outre  une  table  de  noms  de  lieux  et  de  personnes.  Le 
recueil  en  valait  la  peine. 

E.   DE  B. 


LES  PUBLICATIONS 

DE 

M.  Jules  BONNASSIES. 

M.  Jul^s  Bonnassies,  dont  le  nom  est  bien  connu  des  érndits 
et  des  amateurs,  a  quitté  (comme  on  le  sait)  pour  peu  de  temps, 
—  nous  l'espérons  du  moins  —  le  rôle  d'écrivain  pour  le  rôle 
plus  périlleux  d'éditeur. 

Hâtons-nous  de  le  dire  :  dans  sa  seconde  manière^  non-seule- 
ment il  reste  ce  qu'il  était  par  le  tact  qu'il  apporte  au  choix  de 
ses  réimpressions,  mais  il  rend  plus  que  jamais  service  aux  cher- 
cheurs et  aux  délicats. 

Avant  de  parler  de  ce  qu'il  nous  prépare,  nous  pouvons  juger 
déjà,  par  ses  récentes  publications,  de  l'intérêt  des  prochaines. 

Nous  ne  répéterons  pas  ce  que  nous  avons  dit  dans  le  Bulletin 
du  bouquiniste^  il  y  a  un  mois  environ,  de  ses  deux  réimpressions 
si  bien  faites  et  si  intéressantes  :  le  Théâtre  français  de  Samuel 
Chapuzeau  et  la  Kie  de  Scaramouche  :  ce  serait  inutile;  nous 
voulons  parler  aujourd'hui  de  ses  autres  publications. 

Voici  d'abord  les  Mémoires  du  comte  de  Grammont^  avec  pré- 
faces et  notes  de  M.  B.  Pifteau.  Cette  édition,  conforme  à  Tédition 
princepsde  1713,  nous  montre  Grammont,  u  ce  mauvais  sujet  de 
beaucoup  d'esprit,  »  en  Angleterre,  au  plus  fort  des  fêtes  données 
|)our  la  réception  de  l'infante  de  Portugal. 

Le  comte,  qui  s'était  formé  aux  cours  de  Paris  et  de  Turin, 
(levait  se  plaire  à  merveille  dans  cette  cour  de  Charles  II,  frivole, 
dissipée,  polie  et  toute  aux  plaisirs.  Il  y  trouva  ses  deux  passions 
favorites  :  les  femmes  et  le  jeu!...  le  jeu  surtout. 

«  Je  lui  gagnai  partie,  revanche  et  le  tout  dans  un  clin  d'œil, 
ce  car  il  se  troubloit  et  se  laissoit  enfiler,  que  c'étoit  une  bénédic- 
a  tion,  >  dit-il,  en  parlant  d'un  marchand  de  chevaux  de  Basle, 
qu'il  surnomme  le  petit  Bagot,  £t  combien  de  fois  le  fait  se  repré- 
sente!... Le  comte  ne  voyait  aucun  mal  à  ce  qu'Ant.  Hamilton, 
qui  écrivit  pour  ainsi  dire  ces  Mémoires  sous  ses  yeux,  —  puis- 
qu'il les  écrivait  tantôt  de  souvenir,  tantôt  sous  la  dictée  de  son 
beau -frère,  —  racontât  ses  fredaines  et  ses  bonnes  fortunes,  bien 
plus,  le  sans  façon  avec  lequel  //  corrigeait  la  fortune  au  jeu.  De 
même  que  la  {)Iupart  des  grands  seigneurs  de  son  époque,  Gram- 


484  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

mont  ne  considérait  que  comme  une  adroite  plaisanterie,  ce 
nous  qualifions  de  vol  à  notre  époque  ;  d'autant  plus  que  ceui 
en  étaient  dupes  se  promettaient  de  faire  de  mèaie,  le 
promptement  possible,  à  leur  i^artie  adverse.  Nous  assistons  i 
plaisirs,  ses  ébats,  ses  intrigues  amoureuses  en  Angleterre  (i 
nous  ne  |)arlerons  pas,  cela  nous  entraînerait  trop  loin)  et  i 
le  voyons  revenir  en  France  Tépoux  (un  peu  par  force,  ce  c 
il  ne  se  vante)  de  Mite  Ilamilton.  Ce  volume,  outre  sept  eaux-fo 
de  M.  Chavet,  est  orné  d'un  frontispice  d'une  exécution  parfa 
de  lettres  ornées  et  de  culs- de-lampe. 

La  deuxième  publication  qui  nous  occupe, c'est  la  Saii^  iie  th 
tre  de  Molière  au  port  Saint^Paul^  par  M.  Phii.  CoUardeau.  T 
en  s'aidant  des  Recherches  sur  Molière  et  sa  famille^  da  regn 
Eud.  Sonlié,  Tauteur  nous  fait  suivre  les  étapes  de  notre  gn 
comique  et  de  Y  Illustre  théâtre.  Ils  s'étaient  installés,  ces  jeu 
gens  pleins  d'illusions,  au  jeu  de  paume  des  Métayers,  à  l'an 
de  la  rue  de  Seine  et  des  Fossés-de-NesIe  (Mazarine  actuel 
ment).  I.a  fortune  ne  leur  souriant  pas,  ils  démontent  bois 
logfs  et  vont  prendre  logis  au  jeu  de  paume  de  la  Croix-Noii*e, 
port  Saint-Paul,  où  ils  ouvrent  leur  scène  dix-huit  jours  api 
Uêlas  !  la  malechance  s'acharnait  après  eux,  car  un  acte  de  16^ 
signé  de  J.-B.  Poquelin  et  de  ses  associés,  nous  les  montre  s 
bligeant  envers  un  sieur  Aubry  pour  le  cautionnement  prêté  ] 
lui,  afin  de  tirer  ledit  Poquelin  de  prison I...  Notre  cher  Moll 
en  prison  !...  au  Grand-CliÂtelet!  Voici  un  détail  des  plus  curie 
et  des  plus  ignorés  de  la  vie  de  notre  grand  comique.  Ils  revu 
nent  alors  au  faubourg  Saint-Germain,  au  jeu  de  paume  de 
Croix-Blanche,  rue  de  Buci.  Après  avoir  décrit  toutes  les  pé 
péties  de  la  vie  nomade  de  nos  comédiens,  M.  CoUardeau  rovi 
à  la  Croix-Noire,  au  port  Saint-Paul,  et  nous  en  trace  Thistc 
jusqu'à  nos  jours.  Ce  jeu  de  paume,  l'hôtel  Barbeau  et  les  k 
qui  en  dépendaient  vont  suivre  dans  le  néant,  ou  à  peu  de  ch 
près,  le  monastère  de  TAvo-Maria  pour  faire  place  à  un  man 
réclamé  depuis  longtemps  par  les  habitants  de  ce  quartier.  Ci 
publication  intéressante  est  accompagnée  du  plan  du  jeu  de  pau 
de  Li  Croix-Noire  et  de  celui  de  Tilot  de  maisons  devant  le  p 
Saint-Paul,  dressés  tous  deux  avec  soin  et  exactitude. 

Viennent  ensuite  trois  petits  in- là,  reproduction   exacte 
seul  exemplaire  connu  des  J^tndas  historiques  et  chronoiogiq 


LES  PUBLICATIONS  DE  JULES  BONNASSIES.  485 

des  théâtres  de  Paris  pour  les  années  1735,  1736  et  1737,  de 
François  Parfaict.  On  sait  qu^ils  sont  le  complément  indispensable 
de  la  collection  des  almanachs  Duchesne.  Ils  sont  précédés  d'une 
préface  de  M.  A.  Pougin. 

Maintenant  nous  pouvons  annoncer  comme  venant  de  paraître 
une  réimpression  des  éditions  originales,  reconnues,  après  minu- 
tieuse étude  des  variantes,  comme  étant  le  texte  véritable  des 
Oraisons  funèbres  de  Bossuet.  Nous  posséderons  enfin  une  édition 
ne  varietur  des  chefs-d'œuvre  de  celui  qui  fut  la  gloire  de  la  chaire 
chrétienne.  Cette  édition  forme  un  volume  avec  un  portrait  de 
Bossuet  gravé  par  M.  Paquien,  d'après  l'estampe  de  Ficquet, 
qui  a  été  brisée  après  le  tirage  de  quelques  épreuves  et  qui  est  de 
toute  rareté. 

Puis,  les  Étranges  aventures  de  Robinson  Crusoe  dtTork^  marin, 
par  Daniel  de  Foe.  Nous  n'entreprendrons  pas  l'éloge  d'un  livre 
dont  le  succès  depuis  son  apparition  a  été  confirmé  par  les  édi- 
tions nombreuses  qui  se  sont  succédé,  et  par  le  plaisir  que  les 
générations  qui  se  sont  suivies  depuis  1719  ont  éprouvé.  Qui  de 
nous,  en  effet,  ne  connaît  Robinson  Crusoe? 

Pendant  longtemps,  il  a  été  considéré  comme  un  livre  propre 
à  amuser  les  enfants,  —  préjugé  qui  règne  encore  dans  la  masse 
du  public,  —  de  là  ces  éditions  tronquées,  enjolivées,  atténuées, 
qui  ont  transformé  pour  ainsi  dire  l'œuvre  de  de  Foe  en  Manuel 
du  charpentier.  Là  est  l'erreur.  Car  Robinson,  c'est  l'exemple  du 
courage,  de  la  force  de  volonté,  de  l'esprit  industrieux  et  de  la  pas- 
sion pour  le  vrai  et  le  droit.  Cette  traduction  nouvelle  est  la  pre- 
mière exacte  et  complète.  Le  traducteur,  M.  Battier,  a  exécuté 
son  ti-avail  sur  l'édition  originale  et  y  a  joint  une  étude  appro- 
fondie sur  Daniel  de  Foe.  Nous  devons  lui  savoir  gré  de  ne  nous 
donner  que  le  véritable  Robinson  et  d'avoir  rejeté  les  suites,  faites 
en  1719  et  1720,  —  œuvres  de  spéculation,  —  mais  qui  n'ont 
plus  leur  raison  d'être.  Dans  cette  nouvelle  édition,  nous  allons 
posséder  le  seul,  le  vrai  Robinson  et  Ton  éprouvera,  nous  en 
sommes  sûr,  un  plaisir  extrême  à  relire  ce  livre  des  premières 
années,  que  l'on  connaîtra  véritablement  alors.  M.  Jules  Fesqaet 
a  composé  les  dessins  et  s'est  attaché  à  la  partie  émue,  au  côté 
pensé  plutôt  qu'aux  incidents  matériels  de  la  vie  de  Robinson. 
Ils  sont  gravés  par  BiM.  Legenisel,  Paquien  et  Ramos. 

Patrice  Salut. 


NECROLOGIE 


JEAN  BAPTISTE-MARTHE  GALETTK 

RELIEUR-DOREUR  A  PARIS. 


Nous  avons  le  regret  d'annoncer  aux  amateurs  de  livres^ 
la  mort  d^un  artiste  de  valeur,  du  relieur  Galette,  décédé  à 
Paris,  le  1*^  septembre ,  à  Tâge  de  soixante-dix  ans.  Né  à 
Mayence  en  1806,  de  parents  français,  Galette  était  venu  se 
fixer  parmi  nous  en  1824.  Il  débuta  par  exercer  scm  art 
chez  Kleinhans,  qui  confectionnait  en  ce  temps-là  des  denii- 
reliures  et  des  cartonnages,  dont  Télégance  et  le  bon  goût 
n*ont  pas  encore  été  dépasse's. 

Devenu  relieur  pour  son  propre  compte  en  1836,  Galette 
épousa,  en  1837,  la  nièce  de  Bauzonnet.  Ce  dernier  profes- 
sait pour  lui  une  affection  et  une  estime  que  partageait  son 
gendre,  M.  Traulz.  Chez  eux,  la  sympathie  pour  Thomme 
se  fortifiait  de  Tadmiration  pourTartiste.  C'est  que,  en  effet, 
à  Tépoque  où  Galette  se  fit  connaître  au  public ,  nul ,  si  ce 
n'est  son  ancien  maître,  ne  savait  comme  lui  mener  à  per- 
fection le  vêtement  d'un  volume.  Élégance  et  solidité  s'y 
trouvaient  réunies.  Pour  cela,  il  n'épargnait  rien  de  ses 
peines  et  de  ses  soins.  La  collation  des  feuillets ,  chose  si 
essentielle ,  nous  dirons  même  si  rare  chez  ses  confrères, 
était  son  premier  souci«  Il  pliait  ensuite  les  feuilles  du  livre 
avec  une  incomparable  patience ,  de  manière  à  ce  que  les 
chif&es  de  la  pagination  vinssent  tomber  exactement  les 
uns  sur  les  autres.  Il  battait  ses  livres  lui-même.  La  cou- 
ture et  Tendossage  étaient  Tobjet  des  mêmes  soins  :  puis, 
quand  toutes  ces  opérations,  y  compris  l'encollage,  avaient 
été  accomplies  avec  méthode  en  prenant  le  temps  né- 
cessaire pour  leur  consolidation,  ce  qui  justifie  les  délais 


\ 


NÉCROLOGIE.  487 

souveDt  considérables  apportés  par  les  ouvriers  conscien- 
cieux à  la  remise  de  leur  ouvrage,  il  passait  à  la  con- 
struction des  plats.  Qu'il  s'agît  d'une  reliure  pleine,  d'une 
demi-reliure  ou  d'un  simple  cartonnage,  tout  était  pesé  et 
mesuré  avec  la  même  scrupuleuse  exactitude.  Les  papiers 
des  gardes  et  les  feuillets  qui  doivent  figurer  dans  l'intérieur 
étaient,  conmie  la  couverture  extérieure,  soigneusement 
choisis,  et  cela  non-seulement  au  point  de  vue  du  plaisir  des 
yeux,  mais  pour  la  qualité  intrinsèque  des  matières  mises  en 
œuvre.  Enfin,  son  triomphe  était  dans  les  titres  qu'il  dorait 
lui-même  et  dont  la  netteté  et  l'alignement  ne  laissaient 
rien  à  désirer.  Disons,  du  reste,  que,  comme  doreur,  Ga- 
lette suivait  la  voie  que  lui  avait  ouverte  Bauzonnet.  Ce 
dernier,  qui  a  mérité  d'être  appelé  le  maître  des  filets ,  tout 
comme  Pétrone  avait  été  dit  Y  arbitre  des  élégances^  s'était 
initié  à  cet  art  chez  Purgold  d'abord,  et  ensuite  chez 
Thouvenin.  C'est  chez  Thouvenin  qu'ont  été  imaginées  et 
exécutées  par  Qoss  les  magnifiques  dorures  dites  à  la  foji" 
fare^  du  titre  de  la  première  plaquette  [les  fanfares  et  cour^ 
vées  Abbadesqucs ^  etc.,  Chambéry,  1613)  à  laquelle  elles 
ont  été  appliquées,  et  ces  reliures  resteront  même  après  les 
incomparables  travaux  de  M.  Trautz,  actuellement  vi- 
vant.... et  régnant  ! 

Malgré  toutes  ces  qualités,  la  célébrité  a  été  relativement 
avare  pour  Galette.  Le  triumvirat  de  Thouvenin,  Bauzonnet 
et  Duru,  aura,  dans  la  postérité ,  tout  absorbé  autour  de  soi , 
mais  comme  tous  les  véritables  artistes,  il  se  sera  consolé  de 
l'effacement  momentané  de  son  nom ,  en  assistant  au  ma- 
gnifique développement  de  l'art  auquel  il  s'était  consacré. 
Cela  est  d'autant  plus  probable  que  Galette  joignait  à  ses 
qualités  professionnelles  d'éminentes  qualités  morales. 
C'était  un  honnête  homme  et  un  homme  excellent,  à  ce 
qu'attestent  tous  ceux  qui,  comme  nous ,  l'ont  particulière- 
ment connu.  Sa  fin  a  été  malheureusement  pénible,  U  avait 
perdu  son  fils,  en  1874,  et ,  depuis  lors,  la  vie  s'était  mora- 
lement retirée  de  lui.  Sa  mort  réelle  date  de  cette  époque  : 


488  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

raulre  est  venue  par  surcroît,  D  était  du  devoir  du  Bulletin 
du  Bibliophile  de  consacrer  un  souvenir  à  cette  mémoire, 
et  nous  avons  la  confiance  que  nos  lecteurs  partageront 
notre  appréciation  et  nos  regrets.  L.  T. 


L'abondance  des  matières  nous  a  fait  omettre  jusqu'ici  de  si- 
gnaler la  mort  de  l'illustre  philologue,  Frédéric  Diez,  né  à  Giessen 
(Hesse-Darmstadt)  en  1794,  et  décédé  à  Bonn  dans  sa  quatre- 
vingt-deuxième  année.  Plusieurs  de  nos  lecteurs  connaissent  sans 
doute,  autrement  que  de  noms,  les  ouvrages  sur  la  littérature 
romane,  qui  assurent  à  la  mémoire  de  Diez  une  place  considé- 
rable dans  la  science  moderne.  La  tradition  veut  que  ce  soit 
Gœthe  qui  l'ait  porté,  en  1818,  aux  études  inaugurées  chez  nous 
par  Raynouard.  Quoi  qu'il  en  soit  de  celte  légende,  Diez  reste 
l'auteur  des  plus  grands  travaux  entrepris  sur  cette  matière,  et 
qui  sont  sa  Grammaire  des  langues  romanes  (Bonn,  3  vol.  in-8), 
dont  la  dernière  édition  (1870-1872)  est  en  cours  de  traduction 
française,  et  le  Dictionnaire  éthymolo^ique  des  langues  romanes 
(Bonn,  2  vol.  in-8,  3*  édit.,  de  1869-1870),  qui  attend  encore  un 
traducteur.  Nous  croyons  devoir  nous  borner  à  ces  indications 
sommaires  en  exprimant  l'espoir  qu'elles  seront  complétées  tôt 
ou  tard  par  un  de  nos  collaborateurs,  et  que  les  œuvres  de  Diez 
seront  l'objet  dans  ce  Bulletin  d'une  appréciation  sérieuse. 

—  Au  moment  de  mettre  sous  presse,  nous  apprenons  avec 
une  vive  émotion  la  mort  de  M.  A.  Moignon,  conseillera  la  Cour 
de  cassation,  à  l'âge  de  soixante-cinq  ans.  Comme  bibliophile, 
M.  Moignon  était  un  amateur  distingué  dans  toute  l'acception  du 
mot,  sachant  choisir  les  meilleurs  livres ,  les  éditions  préférées 
et  les  bons  exemplaires,  ne  dédaignant  les  curiosités  de  bon 
aloi.  Comme^  homme  et  comme  ami,  c'était  l'honorabiUté  et  la 
bienveillance  même. 


LES  ILLUSTRATIONS  AU  XVP  SIÈCLE 


LA  BIBLE  DIPRIMÉE  A  ANVERS  PAR  PLANTIN 

Le  mouvement  intellectuel  de  la  Renaissance,  qui  a  produit 
tant  de  grands  maîtres  et  tant  de  grandes  œuvres,  dans  la 
littérature  et  dans  les  arts,  ne  devait  pas  laisser  dans  Tombre 
cette  précieuse  conquête  de  Tesprit  humain ,  T imprimerie  ^ 
née  d'hier,  et  qui  étalait  déjà  ses  merveilles.  Les  Aide  à  Ve- 
nise, les  Estienne  à  Paris,  Sébastien  Gryphe  à  Lyon,  Louis 
Elzevier  à  Leyde,  Christophe  Plantin  à  Anvers  avaient  porté 
l'art  typographique  à  un  rare  degré  de  perfection.  Justement 
fier  des  belles  productions  qui  sortaient  de  ses  presses,  Plan- 
tin pouvait,  sans  être  accusé  d'une  vaine  présomption,  affi- 
cher ses  épreuves  sur  les  murs  de  sa  maison  et  promettre 
une  récompense  à.  celui  qui  y  trouverait  des  fautes.  Mais 
bientôt,  les  caractères  d'imprimerie,  avec  d'élégantes  vi- 
gnettes placées  en  tête  de  chaque  chapitre,  ne  suffirent  plus 
à  Texigence  des  amateurs  de  livres  et  à  1*  éclat  des  impres- 
sions. La  typographie  appela  à  son  aide  le  dessin  et  la  gra- 
vure, préludant,  trois  siècles  d'avance,  à  ces  splendîdes  pu- 
blications de  notre  époque ,  dont  la  Bible  de  Gustave  Doré 
restera  un  étrange  et  magnifique  spécimen. 

C'est  toujours  la  Bible,  le  livre  des  livres,  qui  tente  et  qui 
tentera  perpétuellement  le  zèle  des  imprimeurs  et  l'imagina- 
tion des  artistes^  Au  seizième  siècle,  surtout,  dans  ce  temps 
de  controverses  et  de  passions  religieuses,  où  Luther  venait 
de  traduire  la  Bible  en  langue  vulgaire,  où  Calvin  publiait 
ses  commentaires  sur  l'écriture  Sainte,  où  Robert  Estienne 
et  Michel  Servet  éditaient  des  Bibles  latines  plus  ou  moins 
altérées,  et  où  les  Pays-Bas,  travaillés  par  le  protestantisme 
et  conduits  par  Maurice  de  Nassau,  allaient  secouer  la  domi- 
nation espagnole,  il  importait  à  ceux  qui  redoutaient  les 

32 


490  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

doctrines  nouvelles,  de  lutter,  non-seulement  par  les  armes, 
mais  encore  par  la  presse ,  contre  des  adversaires  dont  le 
nombre  augmentait  de  jour  en  jour. 

Christophe  Plantin  était  un  enfant  de  la  Touraine,  né 
sur  les  bords  du  Cher,  près  des  lieux  où  devait,  trois  siè- 
cles plus  tard,  vivre  et  mourir  d'une  manière  si  tragique,  le 
savant  helléniste  et  le  spirituel  pamphlétaire,  Paul-Louis 
Courier.  Le  génie  aventureux  de  Plantin  le  conduisit  d'a- 
bord à  Caen  et  à  Paris ,  où  florissait  Tolivier  des  Estienne, 
puis  à  Anvers  où  il  devint  le  premier  imprimeur,  Tarchity- 
pographe  de  Philippe  II.  Il  publia,  sous  la  direction  d'Arias 
Montanus,  la  Bible  polyglotte  d^Alcala,  qui  parut  de  1569 
à  1572;  mais  cette  Bible  en  huit  volumes  in-folio,  qui  donnait 
le  texte  des  écritures  en  langue  hébraïque,  chaldaïque,  grec- 
que et  latine,  n'était  pas  à  la  portée  d'un  grand  nombre  de 
lecteurs.  Éditée  avec  grand  soin ,  par  les  ordres  de  Phi- 
lippe II  et  du  duc  d'Albe,  elle  était,  comme  ses  redoutables 
patrons ,  d'un  aspect  sévère ,  et  elle  allait  s'enfouir  dans  les 
rayons  poudreux  des  bibliothèques  monastiques.  La  gra- 
vure n'avait,  d'ailleurs ,  prêté  que  d'une  manière  très-res- 
treinte,  le  secours  de  son  art  à  celte  magni&que,  mais  trop 
encombrante  et  trop  savante  édition.   Les  titres  seuls  de 
ces  huit  volnmes  avaient  été  gravés  par  des  artistes  contem- 
porains ,  qui  y  avaient  traité  des  sujets  mystiques ,  comme 
V Agneau  çainqueur  des  animaux  féroces^  \J Echelle  de  Ja- 
cob^ Jacob  en  lutte  avec  VAnge^  etc.,  etc. 

C'est  principalement  à  la  Bible  en  langue  latine  que  Plan- 
tin devait  donner  tous  ses  soins.  L'université  de  Louvain, 
qui  formait,  dès  lors,  dans  les  Pays-Bas,  comme  une  avant- 
garde  savante  de  l'armée  catholique,  avait,  dès  1547,  opposé 
aux  Bibles  protestantes  une  nouvelle  édition  de  la  Yulgate, 
publiée  sous  la  direction  d'un  de  ses  plus  célèbres  docteurs, 
le  P.  Hentemius.  Cette  édition  était  ornée  d'une  centaine 
de  gravures  sur  bois.  Mais  l'édition  de  1547,  et  celles  qui 
suivirent,  furent  bien  loin  d'égaler  celle  qui  fnt  donnée  en 
1583.  Les  gravures   sur  bois  furent  remplacées  par  de 


LES  ILLUSTRATIONS  AU  XV«  SIÈCLE,  491 

superbes  planches  gravées  sur  cuivre,  dues  au  crayon  et  su 
l>uria  des  meilleurs  artistes. 

La  Bible  de  1 583  est  un  grand  volume  in-folio  imprimé  en 
j^ros  caractère  et  en  double  coloDue,  sur  papier  fort.  Il  n'y 
a  point  de  pagination  et  les  versets  y  sont  distingués,  non  ' 
par  des  alinéas,  niaîs  par  des  numéros.  Eu  marge,  sont  indi- 
quées les  variantes  que  fournit  la  Vulgate.  Le  titre  est  gravé 
dans  toute  l'étendue  de  la  première  page,  et  il  est  d'un  aspect 
splcndide.  Dans  la  partie  supérieure  du  frontispice,  se  trouve 
ic  titre  proprement  dit  :  Biblia  sacra,  imprimé  en  lettres 
majuscules  et  en  caractères  dépassant  un  centimètre.  Au 
dessous,  dans  un  cartouche  en  forme  de  cœur,  se  trouvent 
ces  mots,  imprimés  en  lettres  mnjnscules,  mais  en  caractères 
un  pou  moins  gros  : 

quid  in   hac 

editione 

a  theologis 

lovaniensibvs 

pbjëstitvm    six 

EORVM 

PR^FATIO 

INDICAT 

Autour  de  ce  titre  se  trouvent  quatre  gravures  de  six 
centimètres  de  haut  surcinq  de  large,  représentant,  àgauche  : 
1"  La  Tentation  dit  Serpent;  2°  j4(/am  et  Eve  chassés  du 
paradis  :  à  droite ,  3°  Nos  premiers  parents  labourant  la 
terre  ;  4°  Lt:  sacrifice  d^  Abraham.  Au  dessous,  dans  toute  la 
largeur  de  la  page ,  Moïse  et  Aaron  sont  représentés  à  la 
porte  du  Temple.  La  lampe  brille  dans  le  sanctuaire.  Moïse 
est  à  gauche,  tenant  la  verge  d'airain,  dans  sa  main  droite  ; 
et,  dans  sa  maîn  gauche,  les  Tables  de  la  toi.  Aaron  est  à 
droite ,  en  costume  de  grand  prêtre ,  l'encensoir  à  la  main. 
A  gauche,  on  voit  les  emblèmes  de  la  mort,  à  droite,  ceux  de 
la  vie. 


492  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Au  dessus  de  cette  gravure  on  lit  ces  mots  : 

ANTVERPLE 

EX  OFFICINA  CHRISTOPHORI   PLANTINI 

M.    C.    LXXXIII. 

Au-dessous  se  trouve  la  devise  de  Plantin,  le  compas  ou- 
vert avec  ces  mots  :  Labore  et  Constantia, 

La  Bible  de  1583,  imprimée  par  Plantin,  contient  quatre- 
vingt-deux  planches  de  moyenne  grandeur,  de  quinze  à 
seize  centimètres  de  haut  sur  onze  à  douze  centimètres  de 
large.  Les  douze  grandes  s'étendent  dans  toute  la  longueur 
et  toute  la  largeur  des  pages. 

Les  planches,  qui  ornent  ce  bel  ouvrage,  paraissent  avoir 
été  faites  sous  la  direction  d'un  graveur  célèbre,  Grispin  de 
Passe  ou  de  Paas,  qui  naquit  à  Armuyde,  en  Zélande,  en 
1546.  Un  grand  nombre  de  ces  planches  porte,  en  effet,  la 
marque  de  cet  artiste.  Il  fut  aidé  dans  son  œuvre  par  Pierre 
Huys,  Abraham  de  Bruyn,  Jean  Wierix  ou  Wierx,  et  un 
autre  graveur  qui  signe  Haëylery,  Haeyler,  et  qui  parait 
avoir  été  un  graveur  d'origine  anglaise  appelé  Hilaire  ou 
Hilleard. 

Les  quatre-vingt-deux  planches,  de  moyenne  dimension, 
sont  dans  le  texte,  tantôt  en  tête  des  chapitres  et  tantôt  au 
milieu.  Elles  représentent  les  sujets  suivants  : 

ANCIEN  TESTAMENT. 

V^  planche.  Moïse  tenant  les  Tables  de  la  loi.  —  A  gauche 
et  au  second  plan,  les  Israélites  dansent  autour  du  Veau 
d'Or.  Au  fond,  on  aperçoit  le  désert.  Cette  planche  est  si- 
jnée  IHt  W.  (Johanes  Wierix  ou  Wierx). 

2*  planche.  Adam  et  Èi^e  élans  le  paradis  terrestre.  -— 
Eve  est  à  gauche,  Adam,  à  droite.  Entre  eux  deux  se  trouve 
l'arbre  défendu.  Le  serpent,  au  milieu,  se  dresse  presque  de- 
bout sur  sa  queue  et  paraît  s'adresser  à  Eve. 

y  planche  •  Dieu  interroge  Adam  et  Eve  après  leur  faute.  — 


LES  ILLUSTRATIONS  AU  X\*  SIECLE.  493 

Eve  s'appuie  sur  Tépaule  d'Adam  et  cherche  à  l'excuser. 
Le  Père  Etemel  leur  reproche  leur  désobéissance.  Son  atti- 
tude est  celle  de  Tirritation  et  du  commandement. 

4*  planche.  Holocauste  offert  par  Noé  au  sortir  de  F  Ar- 
che. —  Noé  est  à  genoux,  dans  l'attitude  de  la  prière.  On 
voit,  à  gauche ,  un  autel  sur  lequel  se  trouvent  étendus  un 
bélier  et  divers  animaux.  Un  ange  apparaît  dans  la  nue. 

5®  planche,  jébraham  part  avec  son  épouse  Sarah  et  son 
neveu  Loth^  pour  la  terre  de  Chanaan,  —  Sarah  porte  une 
cruche  sur  l'épaule,  à  la  manière  des  femmes  de  l'Orient. 
Abraham,  qui  se  tient  la  tète  découverte  et  le  turban  à  la 
main,  remercie  Dieu,  qui  paraît  dans  les  cieux. 

6*  planche.  Sacrifice  d^ Abraham.  —  Abraham  plie  le 
genou  devant  un  autel  où  brûle  un  bélier.  Isaac,  à  genoux, 
les  bras  chargés  de  liens,  regarde  son  père,  dans  l'attitude 
de  la  résignation  et  de  la  crainte.  Un  cimeterre  est  étendu 
par  terre.  Un  ange  apparaît  et  rassure  Abraham. 

7*  planche.  Echelle  mystérieuse  de  Ja£ob,  —  Jacob,  cou- 
ché au  bas  de  l'Échelle,  parait  se  réveiller.  Deux  anges  mon- 
tent l'escalier  mystérieux,  qui  est  appuyé  sur  une  colonnade 
du  style  de  la  Renaissance.  Le  Père  Étemel ,  tenant  dans  sa 
main  droite  le  globe  surmonté  d'une  croix,  est  assis  au  som- 
met de  l'Échelle.  Le  soleil  se  lève  à  l'horizon. 

8^  planche.  Mort  de  Jacob,  —  Tous  les  enfants  de  Jacob 
sont  rangés  autour  de  leur  père.  Types  flamands  très-pro- 
noncés. Jacob,  à  demi  levé  sur  son  séant,  adresse  à  Juda  ces 
paroles  prophétiques  :  «  Non  auferetur  Sceptrum  de  Juda, 
et  dux  de  femore  ejus ,  donec  veniat  qui  mittendus  est  et 
ipse  erit  expectatio  gentium.  » 

9*  planche.  Moïse  ensevelit  un  Egyptien  dans  le  sable, 

10'  planche.  Moïse  garde  les  troupeaux  de  son  beau^pere 
Jêthro.  —  Dieu  lui  apparaît  dans  le  buisson  ardent.  Miracle 
(le  la  verge  changée  en  serpent  et  du  serpent  changé  en 
verge. 

1 1"  planche.  Passage  de  la  mer  Rouge.  —  Moïse  est  à  la 
tête  des  Hébreux,  tenant  la  verge  d'airain  dans  sa  main 


k9k  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

droite.  L'attitude  de  Moïse  est  superbe,  pleine  de  mouvement, 
de  grandeur  et  de  décision. 

12*  planche.  La  mer  Rouge  est  passée.  —  Les  Egyptiens 
sont  engloutis.  Moïse  et  Âaron,  suivis  du  peuple  hébreu, 
sont  sur  le  rivage.  Moïse,  la  verge  d'airain  tendue  du  côté  de 
la  mer,  toujours  majestueux,  mais  plus  calme,  contemple 
les  résultats  visibles  de  la  protection  céleste.  Âaron  est  à  ses 
côtés,  en  costume  de  grand  prêtre.  Il  a  Tair  moins  rassuré 
que  Moïse  et  il  le  presse  de  fuir. 

13®  planche.  Chute  de  la  manne. 

14*  planche.  Moïse  ^  sur  le  Sinaï^  reçoit  les  Tables  de  la 
loi. 

15*  planche.  Josué  se  dispose  à  passer  le  Jourdain  et  à 
entrer  dans  la  Terre  promise.  —  Josué,  en  costume  de  géné- 
ral romain,  examine  des  plans  qui  sont  posés  sur  un  énorme 
bloc  de  pierre.  Il  indique  certains  points  avec  un  bâton  qui 
ressemble  au  bâton  de  nos  maréchaux  de  France,  et  un  de 
ses  officiers  mesure  les  distances  avec  un  compas  :  aspect 
d'un  camp. 

16®  planche.  Le  prophète  Samuel  ^portrait  en  pied.  —  La 
tête  est  tournée  de  trois-quarts  à  droite,  et  le  corps  est  de 
face;  la  main  droite  est  levée  dans  l'attitude  de  la  prédica- 
tion et  du  commandement.  Le  prophète  tient  le  bâton  dans 
sa  main  gauche.  A  gauche ,  au  deuxième  plan ,  on  voit  une 
pyramide  surmontée  d'un  croissant.  A  droite,  on  voit  les 
murailles  d'une  ville  fortifiée. 

17*  planche.  Dauid  et  le  prophète  Nathan»  —  David  est 
dans  son  palais ,  assis  sur  son  trône ,  la  tête  couronnée  du 
diadème  oriental.  Le  sceptre  est  dans  sa  main  gauche.  De  la 
main  droite,  il  a  l'air  de  vouloir  fléchir  le  prophète  Nathan 
qui,  debout  et  un  pied  snr  les  marches  de  son  trône,  paraît 
lui  adresser  ces  terribles  paroles  :  «  Tu  es  ille  vir!  » 

18*  planche.  Esdras^  sur  les  bords  du  Jourdain,  écrivant 
ses  livres. 

19*  planche.  David  assis  sur  son  trône ,  chante,  en  s^aC'^ 
compagnant  sur  la  harpe,  —  A  sa  gauche,  son  sceptre  est 


LES  ILIXSTRATÏONS  AU  XV"  SIKCLK.  k9b 

étendu  sur  une  table  et  est  presque  couvert  par  le  livre  des 
psaumes.  Au  fond  de  son  palais,  on  aperçoit  des  colonnes 
et  des  arcades,  dans  le  style  de  la  Renaissance. 

20^  planche.  Salomon  écrwant  le  Lwre  des  Proverbes.  — 
Salomon  est  assis  sur  un  trône  splendide  ;  il  a  la  couronne 
sur  la  tète  et  il  est  revêtu  du  manteau  royal.  A  ses  pieds 
sont  étendus  des  instruments  d'architecture  :  une  règle,  une 
èquerre  et  un  compas.  Colonnes  et  ornements  de  la  Renais- 
sance. 

21''  planche.  Le  prophète  Isdie.  —  Isaïe  est  représenté 
en  pied,  la  tète  de  profil.  Dans  sa  main  droite  il  tient  une 
plume  et  sa  main  gauche  est  appuyée  sur  une  scie,  instru- 
ment de  son  supplice. 

2  2  **  pi  a  nch  e .  Z^  prophète  Je  ré  m  ie . 

'23'' phxnche.  Le  prophète  Daniel,  — Ce  personnage  est 
vu  de  face,  la  tête  de  trois  quarts  tournée  à  gauche;  il  tient 
un  livre  dans  ses  deux  mains.  Un  lion  accompagne  ie  pro- 
phète et  le  regarde  avec  douceur. 


NOUVEAU    TESTAMENT. 


2  4*^  planche.  Saint  Mathieu.  —  L'Evangéliste,  assis,  la 
tète  de  face,  écoute  les  paroles  de  l'ange  qui  est  placé 
derrière  lui,  debout  et  de  profil.  Ses  tablettes,  appuyées 
sur  sa  cuisse  droite,  sont  retenues  par  sa  main  gauche  et 
la  main  droite  tient  une  plume.  La  figure  de  saint  Mathieu 
est  belle.  Elle  porte  Texpression  de  l'attention  et  de  la 
méditation.  Cette  planche  porte  les  signatures  suivantes  : 
(ris pin  IV  ^  ILieyetry  facieb. 

'ly  planche.  Adoration  des  Mages.  —  La  Vierge, assise, 
lient  Tenfant  Jésus  sur  ses  genoux.  Les  rois  Mages  apportent 
l'or,  l'encens  et  la  myrrhe.  Le  premier  est  à  genoux,  les 
mains  jointes  devant  le  Christ;  une  cassolette  ouverte  est  à 
S(*s  cotés.  Les  deux  autres  sont  debout,  à  une  certaine  dis- 
tance, tenant  d'autres  cassolettes  dans  leurs  mains.  Des  cha- 
ni(*au\,  avec  leurs  conducteurs,  attendent  à  la  porte  de 


496  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE, 

retable.  Saint  Joseph,  debout  derrière  la  Vierge  et  appuyé 
sur  un  bâton,  contemple  cette  scène  avec  un  respectueux 
attendrissement.  L'étoile  miraculeuse  apparaît  à  travers  la 
porte  de  Tétable.  Cette  planche  est  signée  :  Crispia  et 
IH.  W. 

26®  planche.  Baptême  du  Christ.  —  Saint  Jean-Baptiste 
revêtu  de  la  peau  de  chameau  et  à  genoux  sur  une  des  rives 
du  Jourdain,  verse  de  l'eau  sur  la  tête  du  Christ,  qui  est 
plongé  jusqu'à  la  hauteur  des  genoux  dans  les  eaux  du 
fleuve.  La  colombe  mystérieuse  apparaît  au-dessus  de  la 
tête  du  Christ,  au  milieu  d'un  rayon  de  lumière. 

27®  planche.  Le  Christ  tenté  par  Satan  dans  le  désert.  — 
Satan  debout,  sous  la  forme  d'un  vieillard  à  longue  barbe, 
vêtu  et  encapuchonné  comme  un  docteur  de  la  loi,  présente 
des  pierres  au  Clu*ist  qui  est  assis  au  pied  d'un  arbre  et  vu 
de  profil.  Au  fond,  on  voit  Jérusalem  et  les  deux  autres 
scènes  de  la  tentation  sur  la  montagne  et  sur  le  sommet  du 
temple.  Cette  planche  est  signée  :  IH.  W. 

28®  planche.  1^  Centurion  au  pied  du  Christ,  —  Le 
Christ  debout^  entouré  d'un  certain  nombre  de  disciples, 
est  abordé  par  le  Centurion,  qui,  un  genou  en  terre  et  dans 
l'attitude  de  la  prière,  le  supplie  de  guérir  son  fils.  Le  (Christ 
a  la  main  gauche  étendue  avec  bienveillance  vers  le  Centu- 
rion, et  le  geste  de  la  main  droite  joint  au  mouvement  de  sa 
physionomie  exprime  l'admiration  pour  la  foi  du  vieux 
guerrier,  hxx  fond,  on  voit  les  soldats  du  Centurion  et  une 
ville  bâtie  dans  le  style  de  la  Renaissance,  qui,  dans  la  pen- 
sée de  l'artiste,  a  dû  représenter  Capharnaûm.  Cette  plan- 
che est  signée  :  Crispin  inve.  Abraham  /è.Cet  Abraham  est, 
selon  toute  vraissemblance ,  Abraham  de  Bruyn,  dont  le 
monogramme  se  trouve  clairement  établi  à  la  planche  sui- 
vante. 

29®  planche.  Les  docteurs  de  la  loi  demandant  à  Jésus 
s* il  est  permis  de  travailler  le  jour  du  sabbat.  —  Au  pre- 
mier plan,  le  Christ  et  les  docteurs  de  la  loi.  Au  second, 
deux  moissonneurs  sont  rangés  autour  d'un  champ  de  blé, 


LKS  UXUSTRATIONS  AU  X\>  SIÈCLE.  497 

Dans  le  lointain,  les  tours  et  les  murailles  d'une  ville.  Cette 
planche  est  signée  ainsi  :  Crispin  inve.  jf^.  (Crispin  de 
Passe.  Abraham  de  Bruyn.) 

30*^  planche.  Parabole  de  f  homme  ennemi.  —  Au  milieu 
(l'une  plaine,  des  moissonneurs  sont  couchés  et  endormis. 
Le  mauvais  ange  arrive  alors  et  sème  l'ivraie. 

31''  planche.  Décollation  fie  saint  Jean^Baptiste.  —  Le 
bourreau  tient  par  les  cheveux  la  tête  de  saint  Jean,  qu'Hé- 
rodiade  reçoit  dans  un  plat  d'argent.  Le  corps  décapité  du 
précurseur  est  étendu  à  ses  pieds.  Dans  le  fond  Hérode,  en 
compagnie  de  plusieurs  convives,  est  assis  à  une  table  dres- 
sée sous  un  portique  renaissance. 

32"  planche.  La  Chananèenne  aux  pieds  de  Jésus, —  De- 
vant un  palais,  avec  pilastres  et  portiques,  Jésus  est  debout, 
entouré  de  ses  disciples  ;  la  Chananèenne  lui  demande  à  ge- 
noux la  guérison  de  sa  fille,  possédée  du  démon.  Devant  c^s 
personnages,  T artiste  a  placé  deux  chiens  mangeant  des 
miettes  de  pain,  sans  doute  pour  faire  allusion  à  ces  pa- 
roles :  u  Nam  et  catelli  edunt  demicis  quae  cadunt  de  mensa 
dominorum  suorum.  »  Cette  planche  est  signée  :  f^  \0 
inventer.  (Crispin  de  Passe.) 

33^  planche.  Les  ouvriers  de  la  dernière  heure.  —  Plaré 
prés  d'une  colonne,  le  père  de  famille  fait  payer  ses  ouvriers 
par  son  intendant.  On  voit  sur  la  figure  des  uns  une  expres- 
sion de  joie  et  de  surprise,  sur  la  figure  des  autres,  une  ex- 
pression de  mécontentement.  Le  père  de  famille,  la  main 
étendue,  reproche  leur  mécontentement  aux  ouvriers  de  la 
première  heure.  Au  fond,  dans  la  plaine  et  sur  les  coteaux, 
s'étend  une  vigne. 

34*'  planche.  Entrée  de  Jésus  à  Jérusalem.  —  Jésus 
sur  un  ânon,  est  entouré  d'une  foule  qui  porte  des  palmes 
et  qui  étend  des  étoffes  sous  ses  pieds.  Cette  planche  est 
signée  :  (Jj§.  .^j^.  (Crispin  de  Passe,  Abraham  de  Bruyn.) 

35""  planche.  Le  repas  de  noces  du  père  de  famille.  — 
Une  table  est  dressée  sous  un  élégant  portique  renaissance. 
Le  père  de  famille,  debout  sur  une  des  marches  de  son  pa- 


498  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

lais,  ordonne  à  ses  serviteurs  d'aller  dans  les  carrefours  et 
d'inviter  tout  le  monde  indistinctement,  les  bons  et  les 
mauvais.    Cette  planche    est   signée   :    Grispin.    inventer. 

36®  planche.  La  Madeleine  aux  pieds  de  Jésus.  —  Jésus 
est  à  table  avec  ses  disciples  dans  la  maison  de  Simon  le 
lépreux,  et  la  Madeleine  répand  sur  ses  pieds  un  vase  plein 
d'un  parfum  précieux.  Jésus,  le  corps  de  face,  la  tête  de 
profil  tournée  à  droite,  du  côté  de  ses  disciples,  justifie  l'acte 
de  Madeleine,  en  disant  :  «  Vous  aurez  toujours  des  pau- 
vres parmi  vous;  mais  vous  ne  m'aurez  pas  toujours.  » 

37®  planche.  Le  Christ  au  jardin  des  Olives.  —  Jésus 
est  à  genoux;  un  ange  lui  apparaît  au  milieu  de  la  nue,  te- 
nant le  croix  d'une  main  et  le  calice  de  l'autre.  A  coté  de 
Jésus  et  plus  bas,  les  disciples  sont  endormis.  On  reconnaît 
facilement  saint  Pierre  à  son  front  chauve  et  à  sa  figure  ca- 
ractérisée. Une  large  épée  pend  à  son  côté.  Dans  le  lointain. 
Judas  guide  la  foule  envoyée  par  les  princes  des  prêtres  et 
les  anciens  du  peuple.  Cette  planche,  qui  n'est  pas  signée, 
est  une  des  mieux  conservées  et  elle  a  encore  un  grand  éclat. 

38"  planche.  Le  baiser  de  Judas,  —  Cette  planche  est 
peut  être  encore  plus  belle  que  la  précédente.  Pendant  que 
Judas  donne  le  baiser  de  la  trahison  à  son  divin  maître  et 
que  les  soldats  s'emparent  de  Jésus,  saint  Pierre  indigné  se 
précipite  sur  un  des  serviteurs  du  prince  des  prêtres  et  lui 
coupe  l'oreille. 

39*  planche^  Le  Christ  dei^ant  Pilate»  —  Jésus,  entouré  de 
soldats  et  chargé  de  liens,  est  amené  devant  Pilate,  qui  le 
reçoit  debout  dans  son  palais.  A  la  droite  et  à  la  gauche  de 
Pilate  se  tiennent  les  princes  des  prêtres.  Au  bas,  sont  le 
peuple  et  les  soldats.  Superbe  planche  signée  :  Crispin  de 
Passe  et  Jean  Wierix,  qui  sont  probablement  le  dessinateur 
et  le  graveur  des  deux  planches  précédentes. 

AO^  p\dtuche.  Le  Christ  en  croix  entre  les  deux  larrons. — 
Les  ^p'^  es    femmes  sont   au    pied  de  la  croix  de   Jésus. 

^  'in^oits  à  pied  et  à  cheval  sont  postés  dans  le  voisins^e. 
^8  solda 


\ 


LES  ILLUSTRATIONS  AU  XV«  SIECLK,  499 

Les  signatures  sont  celles  de  Crispin  de  Passe  et  de  Jean 
Wierix. 

41*  planche.  La  mise  au  tombeau,  —  Joseph  d'Arimathie 
et  Nicodème  placent  Jésus  dans  le  tombeau.  Les  saintes 
femmes  assistent  à  cette  scène,  dans  l'attitude  du  respect  et 
de  la  douleur.  La  Madeleine,  à  genoux,  tient  le  vase  de  par- 
fums, pour  en  répandre  dans  le  sépulcre.  C*est  une  des  plus 
belles  compositions  qui  se  trouvent  dans  l'ouvrage.  Rien 
n'est  plus  élégant  que  la  pose  de  la  Madeleine,  vue  de  dos. 
Elle  a  autour  de  la  tête  une  superbe  couronne  de  cheveux. 
L'expression  de  la  tête  du  Christ  est  magnifique.  On  sent 
que  ce  n'est  pas  là  un  mort  ordinaire  et  que  la  résurrection 
n'est  pas  loin.  Cette  planche  est  signée  P.  B.  et  IH.  W. 
(Passeus  Bâta  vus,  Crispin  de  Passe  et  Jean  Wierix.) 

42*^  planche.  V é\?angèliste  saint  Marc.  —  Saint  Marc, 
assis  sur  un  banc  et  vu  de  profil,  écrit  les  saints  Evangiles. 
Un  lion  est  étendu  à  ses  pieds.  Belle  planche  signée  :  Cris- 

43*^  planche.  Décollation  de  saint  Jean-Baptiste.  —  Re- 
production de  la  31®. 

44*"  planche.  La  multiplication  des  pains. 

45*^  planche.  Entrée  de  Jésus  à  Jérusalem,  —  Reproduc- 
tion de  la  34®. 

46®  planche.  La  Cette.  —  Jésus-Christ  prononce  les  pa- 
roles sacramentelles.  Saint  Jean  parait  endormi  sur  son  sein. 

47®  planche.  Jésus  frappé  et  conspué.  —  Jésus  est  assis, 
les  yeux  bandés,  dans  le  palais  du  grand  prêtre.  Un  soldat 
le  frappe  et  un  homme  du  peuple  lui  crache  à  la  figure  :  le 
sceptre  de  roseau  est  dans  sa  main.  On  voit  par  terre  des 
liens  et  des  verges.  Le  grand  prêtre  est  debout  dans  le  fond 
du  palais  et  il  assiste  de  loin  à  la  scène. 

48*"  planche.  Saint  Luc  éuangéliste. —  Saint  Luc  est  assis 
et  vu  de  face,  il  porte  sur  sa  tête  un  bonnet  de  docteur.  Il 
tient  un  binocle  dans  sa  main  gauche  et  une  plume  dans  sa 
main  droite.  Un  bœuf  est  couché  à  ses  pieds.  Cette  planche 
est  signée  :  Haeyler  f. 


500  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

49®  planche.  V Annonciation,  —  La  Vierge,  à  genoux, 
reçoit  la  visite  de  Tange  Gabriel,  à  droite  de  Tarchangey  le 
Saint-Esprit,  sous  la  forme  d'une  colombe,  apparaît  dans 
un  nuage  rayonnant.  Au  bas  de  la  planche,  on  voit  un  lis 
dans  ime  urne  et  à  droite  un  chat,  dont  la  présence  semble 
faire  un  contraste  assez  naïf  avec  la  grande  scène  qui  s^y 
trouve  reproduite.  Cette  planche  est  signée  IH.  W.  et,  au- 
dessus  de  ce  monogramme,  se  trouve  la  date  :  1.5.7.6. 

60®  planche.  La  présentation  au  Temple. 

61*  planche.  U adoration  des  Bergers. —  Dans  une  écurie 
ouverte  à  tous  les  vents  et  dont  on  voit  les  pans  des  murs 
ruinés,  la  Vierge  et  sainte  Anne  veillent  sur  Tenfant  Jésus, 
qui  est  étendu  sur  un  berceau  dans  un  état  presque  complet 
de  nudité.  Les  bergers  F  adorent  ;  l'un  d'eux  est  à  genoux, 
prosterné,  et  les  deux  autres  debout,  à  demi  inclinés.  A 
droite,  du  côté  de  Tétable,  se  tient  saint  Joseph  appuyé  sur 
un  grand  bâton,  la  tête  couverte  d'un  chapeau  à  larges 
bords.  Au  fond,  des  bergers  font  paître  leurs  troupeaux. 
Un  ange  apparaît  dans  la  nue.  Signée  :  ^^.  (Crispin  de 
Passe.) 

52®  planche.  J  é sus  ^Christ  parmi  les  docteurs.  —  Les  doc- 
teurs delà  loi  sont  assis  dans  le  Temple  et,  Jésus,  également 
assis,  parle  au  milieu  d'eux.  Deux  d'entre  eux  tiennent  des 
livres  ouverts  et  interrogent  Jésus  en  lui  citant  des  textes. 
Un  troisième  lui  fait  des  objections,  Jésus,  l'index  des  deux 
mains  levé,  en  signe  de  démonstration,  répond  sans  s'é- 
mouvoir. Dans  le  fond  du  Temple  apparaissent  la  Vierge  et 
saint  Joseph. 

53®  planche.  Prédication  de  saint  Jean  dans  le  désert. — 
Saint  Jean,  entouré  d'une  grande  foule  qui  va  se  faire  bapti* 
ser  par  lui,  enseigne  la  douceur  et  la  pénitence. 

54®  planche.  La  tempête.  —  Jésus  à  demi  couché  dans 
une  barque,  reproche  à  ses  disciples  leur  peu  de  confiance 
et  calme  les  flots  irrités. 

55®  planche.  La  multiplication  des  oains.  «—  Reproduc- 
tion de  la  44®. 


LES  ILLUSTRATIONS  AU  XV  «  SIÈCLE.  501 

56'  planche.  Le  repas  de  noces  du  père  de  famille.*-^  Re- 
production de  la  36®, 

58®  planche.  Le  retour  de  C  Enfant  prodigue.  —  Au  rez- 
de-chaussée  d'un  palais,  le  père  de  l'enfant  prodigue  reçoit 
son  fils  repentant.  A  gauche,  un  serviteur  tue  le  veau  gras. 
A  droite,  d'autres  serviteurs  apportent  des  vêtements  pour 
en  revêtir  TEnfant  prodigue.  Au  premier  étage,  on  aperçoit 
l'appareil  d'un  banquet.  Des  femmes,  Tamphore  sur  l'épaule, 
montent  l'escalier  qui  conduit  au  lieu  du  repas  ;  des  musiciens 
entourent  la  table  et  fêtent  le  retour  de  l'Enfant  prodi- 
gue. 

58®  planche.  Le  mauvais  riche, — Sous  un  riche  portique, 
une  tente  est  dressée.  Le  mauvais  riche,  entouré  de  plu- 
sieurs convives,  fait  un  repas  somptueux.  Lazare,  un  genou 
plié  sur  la  dernière  marche  du  palais,  demande  à  ramasser 
les  miettes  du  festin.  Un  serviteur,  accompagné  de  deux 
chiens,  descend  les  marches  du  palais  et  le  chasse.  A  droite 
et  au  fond,  on  voit  le  mauvais  riche  au  milieu  des  flammes, 
et,  dans  la  nue,  Lazare  sur  le  sein  du  père  éternel.  Cette 
planche  est  signée  :  Crispin  in.  J^^, 

59®  planche.  Le  lépreux  samaritain  aux  pieds  de  Jésus, — 
Jésus  relève  le  lépreux  en  lui  disant  :  «  Votre  foi  vous 
a  sauvé.  »  Les  disciples  l'entourent,  au  fond  et  à  gauche, 
on  aperçoit  la  mer. 

60®  planche.  Le  pharisien  et  le  publicain.  —  Le  phari- 
sien debout,  au  milieu  du  temple,  la  tête  couverte  d'une 
coiffure  qui  ressemble  fort  au  bonnet  phrygien,  lève  les  yeux 
et  les  bras  au  ciel.  Sur  le  devant  de  la  scène,  le  publicain, 
à  genoux,  la  tête  inclinée  et  découverte,  est  dans  l'attitude 
(le  l'humilité  et  de  la  prière.  Au  fond,  on  aperçoit  le  taber- 
nacle. Signé  :  Crispin  inve.  Jf^. 

61®  planche.  La  guérison  de  C aveugle. 

62®  planche.  Jésus  au  jardin  des  Oliviers.  —  Jésus,  suivi 
de  Pierre  et  de  Jean,  est  figuré  debout,  la  main  gauche  levée 
cl  la  droite  baissée.  Son  attitude  est  celle  de  la  contempla- 
tion et  de  la  prière.  Un  nuage  rayonnant  paraît  dans  les 


502  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

cieux.  Judas  et  les  ennemis  de  Jésus  apparaissent  dans  le 
fond.  La  planche  est  signée  :  Crispiu  iavetor,  Jf^^ 

63®  planche.  L'éif  ange  liste  saint  Jean,  —  Saint  Jean  est 
représenté  assis,  le  corps  de  face,  la  tête  tournée  de  trois 
quarts  à  droite.  A  sa  gauche,  est  une  table  sur  laquelle  se 
trouve  un  livre  ouvert.  La  main  gauche  est  appuyée  sur  le 
livre  et,  de  la  droite,  il  tient  une  plume.  L^aigle  est  repré- 
senté à  droite.  Cette  planche  est  signée  :  Grispin  r-W  et 
H.  faciebat.  (Crispin  de  Passe  et  Hilleard  ou  Hilaire.] 

64®  planche.  Les  noces  de  Cana,  —  Autour  d^une  table 
richement  servie,  on  voit  un  certain  nombre  de  convives 
revêtus,  les  uns,  du  costume  oriental  et  les  autres  d^un  cos- 
tume de  fantaisie,  qui  ressemble  à  celui  de  certains  savants 
du  xvi*^  siècle.  La  Vierge,  assise  à  la  première  place,  (ait 
signe  qu'il  n'y  a  plus  de  vin.  Le  Christ  a  la  main  étendue 
sur  les  urnes  et  tous  les  assistants  le  regardent  avec  éton- 
nement.  Au  dehors,  à  travers  une  fenêtre  ouverte,  on  aper- 
çoit un  serviteur  qui  tire  de  l'eau  dans  un  puits,  à  Taîde 
d'une  corde  enroulée  sur  une  poulie. 

65®  planche.  Le  Christ  et  la  Samaritaine. 

66®  planche.  La  femme  adultère.  —  Les  scribes  et  les 
pharisiens  amènent  la  femme  adultère  dans  le  temple,  de- 
vant Jésus  qui  répond  à  leurs  questions  en  écrivant  sur  le 
sable  :  «  Que  celui  qui  est  sans  péché  lui  jette  la  première 
pierre!  »  On  remarque  la  majestueuse  placidité  de  Jésus, 
l'attitude  résignée  et  confuse  de  l'accusée  et  l'indignation 
des  pharisiens,  qui  sortent  du  temple  en  levant  les  bras  au 
ciel.  Signé  :  Crispin  invetor. 

67®  planche  Les  Juifs  veulent  lapider  Jésus,  — Les  Juifs, 
excités  par  les  docteurs  de  la  loi,  jettent  des  pierres  à  la  tète 
du  Christ. 

68®  planche.  Résurrection  de  Lazare.  —  Lazare  à  demi 
enveloppé  de  son  linceul,  sort  de  sou  tombeau  près  duquel 
Jésus  se  tient  debout,  les  deux  mains  étendues.  Les  assis- 
tants joignent  ou  lèvent  les  mains  dans  l'attitude  de  l'admi- 
i^tion  et  du  respect. 


LES  ILLUSTRATIONS  AU  XV^  SIECLK.  503 

()9''  planche.  La  Mdfleleine  aux  pieds  de  Jésus.  —  Re- 
prodiiclion  de  la  ^Cr. 

70'*  planche.  Jésus  lave  les  pieds  des  disciples, 

IV  planche.  Jésus  devant  Caïphe,  —  Jésus  enchaîné  est 
debout  et  vu  de  profil.  Le  grand  prêtre  Caïphe,  assis  et 
couvert,  l'interroge  et  déchire  ses  vêtements,  en  disant  : 
«  Il  a  blasphémé.  »  A  droite  du  grand  prêtre,  un  vieillard, 
(jui  paraît  être  le  beau-père  de  Caïphe,  lève  les  deux  mains 
avec  colère.  Belle  architecture  renaissance.  La  planche  est 
signée  :  Crispin  et  IH.  W. 

7:2*'planche.  La  flagellation. — Jésus,  attaché  à  une  colonne 
dans  le  palais  de  Pila  te,  est  flagellé  par  deux  bourreaux, 
Tun  placé  à  droite  et  l'autre  à  gauche  de  la  colonne.  Pilate 
est  derrière  Jésus,  la  tête  coiffée  du  turban  oriental,  et  te- 
nant une  verge  dans  la  main  gauche.  LWtiste  a  donné  au 
regard  de  Pilate  l'obliquité  qui  a  caractérisé  sa  conduite. 
Plusieurs  docteurs  de  la  loi  se  tiennent  à  la  suite  de  Pilate. 
Cette  planche  est  signée  :  P.  B.  (Passeus  batavus,  Crispin 
de  Passe.") 

73''  planche.  Le  Christ  en  croix.  —  Jésus  couronné  d'é- 
pines est  attaché  sur  la  croix.  Au  pied  de  la  croix  se  trouvent 
les  saintes  femmes  et  saint  Jean.  La  Vierge  est  à  droite,  la 
tête  couverte  et  inclinée,  les  deux  mains  croisées  sur  la  poi- 
trine, dans  Tattitude  de  la  douleur  et  de  la  piété.  Saint  Jean 
est  à  droite,  les  deux*mains  jointes  et  élevées  vers  le  Christ. 
I/artiste  a  évidemment  voulu  représenter  cette  scène  mémo- 
rable où  le  Christ  du  haut  de  la  croix  dit  à  sa  mère,  en  lui 
montrant  le  disciple  bien  aimé  :  a  Mère,  voilà  votre  fils  !  » 
3ïadeleine,éplorée  et  à  demi  courbée,  est  aux  pieds  du  cal- 
vaire, Tétreignant  de  ses  deux  mains.  Le  vase  de  parfums  est 
à  coté  d'elle.  Très-belle  planche  signée  :  (Jj$  .  et  IH.  W. 
71*^  planche.  Le  Christ  entre  les  deux  larrons. —  Repro- 
duction de  la  40®. 

75*'  planclie.  Apparition  de  Jésus  aux  apôtres.  —  Jésus 
apparaît  aux  apôtres  réunis  dans  le  cénacle  dont  les  issues 
étaient  fermées.  U  tient  à  la  main  un  étendard  dont  la 


l'jk  BL'LLETIN  DU  BIBUOPHILE. 

hampe  e^t  en  tonne  de  croix.  Marie  et  les  apôtres  se  ic- 
j ouïssent.  Thomas  seul  a  besoin  de  toucher  les  pieds  et  Is 
mains  du  Christ,  pour  croire  à  sa  résurrectioa. 

76*  planche.  Actes  des  apôtres.  —  Saint  Lac  est  repré- 
senté sous  le  costume  et  rexlêrieur  d'un  savant  flamand  da 
XVI*  siècle.  A  côté  de  lui,  un  bœuf  ailé  est  accronpi  sur  ses 
genoux. 

■/*  pbnche.  L  Ascension,  —  Jésus  s'élève  de  terre  u 
f«iilieu  d'une  nuée,  en  laissant  sur  la  terre  Tempreinte  de 
ses  pieds.  Sa  mère  et  ses  disciples  Tadorent. 

78*  planche.  Guérison  du  boiteux,  —  Pierre  et  Jean  gué- 
rissent  un  boiteux  qui  leur  demandait  Tanmône  à  la  porte 
du  temple. 

79*  planche.  Ananias  rend  la  vue  à  saint  Paul,  —  Saul, 
avant  perdu  la  vue  à  la  suite  de  la  lumière  éblouissante  en- 
trevue sur  le  chemin  de  Damas,  est  assis  devant  Ananias, 
qui,  debout,  à  sa  droite,  lui  impose  les  mains  sur  les  yeux. 
Deux  disciples  assistent  à  cette  scène.  Derrière  saint  Paul, 
deux  disciples  assistent  à  cette  scène,  attendant  le  miracle. 
Un  tableau,  dans  Tappartement,  représente  saint  Jean 
baptisant  le  Christ.  L*épée  et  le  bouclier  de  Saul  sont  éteo- 
dus  à  ses  pieds. 

SO*  planche.  Vision  de  saint  Jean  dans  F  Apocalypse,  — 
Le  fils  de  Thomme  apparaît  à  saint  Jean  au  milieu  des  sept 
cliandeliers  d'or.  Ses  deux  bras  sont  étendus.  Des  Bammes 
s'échappent  de  ses  yeux  et  le  glaive  sort  de  sa  bouche.  U  a 
dans  sa  main  sept  étoiles.  Saint  Jean  épouvanté,  tombe 
comme  à  demi  mort  aux  pieds  du  Chnst.  Cette  planche  est 
d'un  aspect  étrange  et  saisissant. 

81*  planche.  Dieu  triple  et  un  au  milieu  des  vingt-quatre 
vieillards.  —  Dieu  le  Père  est  assis  sur  un  trône,  sa  mAÎn 
droite  est  appuyée  sur  Tagneau  mystique,  image  de  son  fib 
et  il  tient  dans  sa  main  gauche  le  livre  des  sept  sceaux.  Au 
dessus  de  sa  tête,  sept  lampes  ardentes  représentent  le 
Saint-Esprit.  De  chaque  côté  du  trône,  on^  aperçoit  le  lion 
ailé,  le  bœuf  ailé,  Taigle  et  Fange,  attributs  des  quatre  évan- 


LES  ILLUSTRATIONS  AU  XV'  SIÈCLE.  605 

gélistcs.  Lc5  vingt-quatre  vieillards  sont  rangés  sur  des 
nuages,  à  gauche  et  à  droite.  Ils  ont  la  tète  couverte  de 
couronnes  royales  e^  ils  chanteot  sur  des  harpes  rhosannah 
éternel. 

Si'  planche.  Vange  présentant  un  livre  ouvert  à  saint 
Jean.  —  Saint  Jean,  à  genoux,  reçoit  un  livre  des  mains 
d'un  ange  vêtu  d'un  nuage  et  entouré  de  rayons.  Les  pieds 
de  l'ange  sont  semblables  à  deux  colonnes  de  feu,  un  des 
pieds  de  l'ange  est  posé  sur  la  terre  et  Tautre  sur  la  mer. 

En  dehors  de  ces  82  planches,  l'ouvrage  en  contient 
douze  grandes,  représentant  divers  sujets  et  des  cartes. 

La  1^'^  grande  planche  est  le  frontispice  dont  nous  avons 
donné  la  description. 

La  2"  est  une  mappemonde  de  la  grandeur  de  deux 
pages, 

La  3°,  de  même  grandeur,  est  la  carte  du  petys  de 
Chanaan. 

La  4",  aussi  de  même  grandeur,  est  la  carte  d'Israël  di- 
visée en  onze  tribus. 

La  5*  représente  X'aulel  destiné  aux  tabernacles,  Varcke 
(fa/liancc,  les  pai/is  de  proposition,  le  chandelier  aux  sept 
branches.  Cette  planche,  qui  est  de  la  grandenr  d'une  page, 
est  signée;  P.  H.  (Pierre  Huys.) 

La  6°  représente  la  coupe  septentrionale  du  tabernacle, 
signe.  :  P.  H. 

La  9*  représente  le  Temple,  signée  :  P.  H. 

La  10"  représente  Moïse  et  lesdouze  tribus.  Moïse, debout 
et  tête  nue,  tient  dans  ses  mains  les  tables  de  la  loi.  Aaron, 
debout  et  couvert  de  la  tiare,  tient  la  verge.  Au  centre  des 
douze  tribus,  on  voit  le  tabernacle  couvert  de  son  triple 
voile.  Non  loin  du  tabernacle,  on  aperçoit  des  Israélites  qui 
promènent  des  troupeaux,  d'autres  qui  font  la  cuisine,  des 
blanchisseuses  qui  lavent  du  linge,  des  femmes  qui  allaitent 
des  enfants.  Cette  planche  est  signée  :  P.  B.  et  IH,  W. 
(Crispin  de  Passe  et  Jean  Wierix.) 

La  1 1'^  planche  représente  Aaroa  revêtu  de  ses  vêtements 


506  BLXLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

sacerdotaux  et  s  apprêtant  à  sacrifier,  — A  sa  droite,  deux 
Israélites,  coiffés  du  turban,  lui  amènent  un  bœuf.  Dans  la 
main  droite  il  tient  un  couteau  et  un  tmc  de  parfums.  A  sa 
gauche,  Tautel  fume  autour  du  personnage  d^Aaron  et,  de 
chaque  côté,  T artiste  a  placé  des  peaux  d'agneau,  des  trom- 
pettes, des  vases  d'encens,  des  soufflets,  des  urnes,  des  cou- 
teaux et  des  fagots,  qui  se  détachent  des  branches  d'un  olivier 
et  d'un  palmier.  Cette  planche  est  signée  en  toutes  lettres  : 
P.  HUYS. 

La  12"  planche  représente  la  montagne  de  S  ion  et  le 
Temple.  Elle  est  pliée  en  deux  et  a  la  grandeur  de  deux 
pages  in-folio. 

J'ai  oru  devoir  décrire  avec  certains  détails  les  principales 
planches  de  ce  beau  livre,  qui,  pour  la  plupart,  sont  parfai- 
tement conservées.  D  est  intéressant,  en  effet,  de  suivre, 
dans  le  passé,  les  efforts  qu'ont  faits  les  savants  et  les  artistes 
pour  reproduire  et  orner  les  monuments  de  notre  foi. 
Même  quand  on  a  pu  admirer  les  tableaux  des  Martin  de 
Vos,  des  Otto-Venius  et  des  Rubens,  on  trouve  encore  un 
grand  charme  à  examiner  les  dessins  de  Grispin  de  Passe, 
et  les  gravures  de  Pierre  Huys,  d'Abraham  de  Bruyn  et  de 
Jean  Wierix. 

Ces  scènes  mémorables  de  la  Bible  et  de  l'Évangile, 
transportées  dans  des  palais  ou  des  édifices  plus  modestes 
de  la  Renaissance,  avec  les  costumes,  les  types  et  les  inté- 
rieurs flamands,  offrent  à  nos  regards  un  touchant  et  singu- 
lier mélange  de  naïveté  et  de  grandeur.  La  mysticité  ne  se 
produit  peut-être  pas  d'une  manière  toujours  heureuse  au 
milieu  de  ces  paysages  et  de  ces  personnages  plantureux 
de  la  Hollande  et  de  la  Flandre  ;  mais  il  y  a  de  la  force  et 
du  talent  dans  ces  planches  du  xvi®  siècle.  J'ajoute  qu'on 
y  trouve  cette  sincérité,  dont  on  regrette  l'absence  dans  tant 
de  productions  contemporaines,  sincérité  sans  laquelle  les 
œuvres  de  l'esprit  humain  ne  peuvent  impunément  traverser 
les  siècles. 

Alfred  GIRAUD. 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE 


ESSAI   D'UNE  BIBLIOTHÈQUE 

I!^TIÈBEHE^T  COMPOSEE   DK 

LIVRES   RELATIFS    A   LA    CHAMPAGNE 

ET  A  LA  BRIE. 
(Suite;   voir   pages  406,  441.) 


—  René  Benoist,  évêque  nommé  de  Trotes,  surin- 
tendant du  collège  de  Navarre,  doyen  de  la  faculté 
de  théologie  de  Paris,  conseiller  du  roi  en  ses  con- 
seils, confesseur  de  Marie  Stuart  et  de  Henri  IV, 
curé  de  Saint-Eustache,  etc.,  naquit  en  1525  au 
village  des  Charonnières,  à  trois  lieues  d'Angers  et 
mourut  à  Paris,  le  7  mars  1608. 

Ren(' Benoist  a  composé  plus  de  150  ouvrages,  contre  les  calvinistes, 
les  atliées  et  certaines  pratiques  superstitieuses,  sur  des  points  essentiels 
de  la  doctrine  catholique,  sur  les  troubles  civib  qui  désolaient  la  France; 
et  des  sermons,  à  Taide  desquels  il  avait  le  talent  d'émouvoir  la  multi- 
t!ide  et  de  Tentraîner  par  la  vivacité  de  sa  diction.  Aussi,  les  Ligueurs 
l'appelaient  le  Pape  DES  HALLES  ;  et,  en  effet,  René  Benoist,  curé  de 
Saint-Kustacbe  pendant  42  ans,  exerçait  une  puissante  influence  sur  cette 
paroiss(>,  où  Ton  comptait  seize  mille  hommes  armés. 

Henri  IV  le  nomma  évéque  de  Troyes,  le  24  mai  1594  ;  mais  il  se 
démit  en  1694,  sans  avoir  pu  obtenir  des  bulles  du  Pape.  Quelques-uns 
de  ses  ouvrages  ont  été  imprimés  à  Troyes. 

Ses  opuscules,  publiés  séparément,  sont  presque  tous  rares  et  curieux. 
Ri-ïn'  Benoist  écrivait  au  milieu  des  troubles  dont  Paris  était  le  centre, 
dans  un  esprit  de  paix  et  de  conciliation.  Il  protestait  courageusement 
contre  les  contempteurs  de  la  religion  :  «  Sans  religion,  disait-il,  point 
de  mo'iirs,  nulle  paix  et  point  de  bonne  république.  >  H  combattait  de 
sa  [)aroic  énergique  les  anarchistes,  c  qui  péchaient  en  eau  trouble  »  et 
ruinaient  la  France.  Resté  fidèle  à  Henri  III,  il  concourut  à  la  conversion 
de  Henri  IV,  et  devint  le  plus  zélé  "âérenseur  de  son  roi  légitime. 


508  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

On  pourrait  citer  de  nombreux  passages  des  écrits  de  René  Benoist, 
qui  conviennent  à  notre  temps,  aussi  bien  qu'à  Tépoque  de  la  Ligue  et 
de  la  faction  des  Seize . 

—  Briève  responce  à  quelque  remonstrance  faîte  à  la 
Royne  mère  du  Roy,  par  ceux  qui  se  disent  persé- 
cutez pour  la  parole  de  Dieu  ;  par  René  Benoist. 
Lyon^  MichelJoue^  1561  ;  in-8  de  12  ff.  non  chifï. 
et  de  20  ff.  cliiff. 

Les  douze  premiers  feuillets  contiennent  le  titre  et  une  EpUtrc  aux 
prélats  de  Fra/ice^  assemblez  à  Poëssy  pour  la  religion^  au  mois  de  juillet 
1561  :  Epistre  datée  du  Royal  collège  de  Navarre^  ce  15  juillet  1561. 

Cet  opuscule  contre  les  calvinistes  peut  servir  à  rectifier  quelques 
erreurs  bistoriques.  M.  Denais,  dans  le  Pape  des  halles^  p.  4,  dit  que 
René  Benoist  suivit  Marie  Stuart  en  Ecosse,  c  II  alla  s'embarquer  à 
Calais,  le  18  septembre  1560;  il  ne  resta  dans  cette  contrée  que  trois  ans 
et  fut  aussitôt  nommé  curé  de  Saint-Pierre-des  Arcis.  >  Le  P.  NictTon 
(jtom,  41,  ar/.  René  Benoist)  écrit  qu'il  suivit  en  Ecosse  Marie  Stuart, 
après  la  mort  de  François  II,  mais  qu'il  ne  resta  aupn'^s  d'elle  que  deux 
ans,  étant  de  retour  à  Paris  vers  la  fin  de  1552  :  ce  qui  fixe  son  départ  à 
l'an  1560. 

La  date  du  18  septembre  1560,  donnée  par  M.  Denais,  est  évidem- 
ment fausse,  puisque  François  II  mourut  le  5  décembre  1560.  De  plus» 
René  Benoist  ne  resta  pas  en  Ecosse  pendant  trois  ans,  ni  même  pondant 
deux  ans.  En  effet,  la  date  de  notre  opuscule  prouve  que  R.  Benoist 
était  au  collège  de  Navarre,  le  15  juillet  1561.  Marie  Stuart  s'embarqua 
le  15  août  suivant,  et  R.  Benoist,  le  18  septembre.  Il  était  revenu  en 
France,  avant  le  30  octobre  1562,  date  de  la  dédicace  d*un  de  ses  ser- 
mons à  Tévéque  et  au  chapitre  d'Angers.  Il  resta  donc  en  Ecosse  une 
année  seulement,  et  fut  pourvu  de  la  cure  de  Saint-Pierre-des-Arcis, 
vers  1566,  c'est-à-dire  quatre  ans  après  son  retour. 

—  Du  sacrifice  évangélique....  Avec  un  petit  traité  de 
la  manière  de  célébrer  la  Saincte  Messe  en  la  primi- 
tive église,  par  le  Sainct  père  Proclus,  arclievesque 
de  Coustantinople;  par  René  Benoist,  angevin, 
doct.  en  théologie  à  Paris.  Paris,  Nie,  Cliesneau^ 
1564;  in-8  de  8  et  72  ff. 

Première  édition  de  ce  traité,  dédié  à  Marie  Stuart,  le  8  avril  1564. 
Dans  cette  dédicace,  qui  est  elle-même  une  dissertation  théologiqae, 
René  Benoist  dit  :  «  Estant  de  retour  en  France,  uu  peu  bien  tard  pour 
aller  au  Concile,  ce  qui  étoit  mon  princi|>al  dessein,  après  estre   resté 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  509 

avei-  \otre  ïtlajesié  le  temps  qnï  m*avoit  esr£  ordonné,  jeme«ui«adonDé 

lu  <l('plonitinii  des  calamités  qui  ont  affligé  la  Fraace.  >  René  Benoist, 
confesseur  de  Marie  Siuart,  suivit  cette  priuccsse  en  Ecosse,  lorsqu'elle 
|i:irlît  va  1561.  Il  ref;rette  d'^tce  reveau  trop  tard  en  France,  pour  as- 
sister au  Concile  de  Trente,  qui  finit  en  1563. 

A'^oici  ie  titre  complet  de  cet  opuscule  ;  Du  incrîfice  erangetiquef  oli 
manifeilemenl  ml  proiu-é,  que  ta  Saiactt  Mette  eil  le  tocrifice  éternel  de  ta 
noai-elle  lur  :  que  Jèsos-Clirist  le  premier  Ca  cétèhrée  et  commandée  aux  mi- 
nislres  Je  ion  Kglilr.  Âilis't  eil  monilré,  que  uosire  irréeereiice  et  impiirrle 
faici  que  noua  en  perdoas  ta  for  :  Dieu  nout  privant  jiatentent  de  ce  divin, 

Le  traité  de  Pruclus,  occupe  les  deux  derniers  feuillets. 

—  Manifeste  et  nécessaire  probalion  de  l'adoration  de 
J('sLis-(:hrisl,  Dieu  et  homnie  en  l'hostie  sacrée, 
tant  en  la  Messe  que  en  tout  autre  lieu  auquel  elle 
est  présentée  aux  Clirestiens;  par  René  Etenoist. 
Paris,  -V/c.  Chesneau,  15G2;  in-8  de  52  ff. 

FremitTe  édition  de  cet  opuscule,  qui  a  pour  titre  sommaire  :  Sermon 
faict  au  lerlre  SaUicl-Laureni  à  Angers,  te  jour  de  ta  fesit'du  Sainet  Sacre, 
mriir,  1560-  Kené  Itdini.st  avait  prononcé  ce  sermon  devant  Louis  de 
liiiiirbun,  duc  de  Mont  peu  aier,  goiiTenieur  d'Anjou  et  de  Touraiue,  cl 
ilf  .Mrsselgii.  rKvesqui:  et  chanoines  d'Angers,  auxquels  il  l'adrt^se  par 
mit'  double  dédicace,  datée  du  2  octobre  1562,  Le  prédicateur  avait 
pour  but  de  défendre  ce  dogme  contre  les  fausses  doctrines  des  héréti- 
ques, et  de  ramener  à  de  ruines  croyances,  ceux  qui  se  laissaient  entraîner 
pur  de  spécieux  cl  dangereux  raisonnements. 

—  Manifeste  et  nécessaire  probation  de  l'arloralion 
de  .lésiis-Chrisl,  Dieu  et  homme  en  l'hostie  sacrée, 
(par  René  L'enoist).  Paris,  GuilL  Chaudière,  1566; 
in-8  de  52  ff. 

Deuiiéme  édition,  cpii  oFfre  quelques  changements  dam  le  texte.  Le 
noni  de  l'auteur  n'est  pas  Sur  le  litre.  Les  deux  dédicaces  sont  datées  du 
18  mai  1Î66;  mais  le  duc  de  Monipensicr  était  devenu  pair  de  France 
et  ^onverneur  du  Uauphiné,  et  on  lui  doune  ces  nouvelles  qualiiicati  un  s. 
On  Iniuveà  la  fin  du  volume  nn  curieux  Avrrfùjemeflr,  dans  lequel  René 
Heiioiïl  engage  le  clirettien  lecteur  â  lire  ses  écrits  intitulés  ;  De  la  maa- 
,lucati«tt  du  i-ray  corps  île  Jêtiu-CbrisI .  —  Du  tacrifice  éeangèlique;  —  le 
Irnilè  ifadoralioni  "•  Kespoaee  à  Deifina  et  à  une  demoiicllc,  tar  la 
M--tse;  —  i-l  enfin,  le  Panoplia  catbalicoruat. 

'l'Rfs-jlF.L  KXFMPLAinE. 


510  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

—  Claire  probalion  de  la  nécessaire  manducation  de 
la  substantielle  et  reale  humanité  de  Jésus-Christ^ 
vray  Dieu  et  vray  homme  au  S.  Sacrement  de  l'Au- 
tel; par  René  Benoist,  angevin,  doct.  régent  en  la 
faculté  de  théol.  à  Paris.  Paris.  GuilL  Chaudière^ 
1564;in-8de35ff. 

Deuxième  édition,  rare  et  non  citée;  la  !•  est  de  1561  et  la  3®  de  1566. 
La  dédicace  à  Louise  de  Bourbon,  abbesse  de  Fonterrault,  est  datée  du 
collège  de  Navarre,  le  20  janvier  1561.  René  Benoist  cite,  dans  cette 
épître,  deux  nièces  de  l'abbesse  de  Fontevrault  :  Renée  de  Bourbon, 
abbesse  de  Ghelles,  et  Catherine  de  Bourbon,  abbesse  de  Notre-Dame  de 
Boissons. 

On  lit  sur  le  verso  du  titre  un  sommaire  de  toutes  les  questions  dis- 
cutées dans  cet  écrit  de  théologie  dogmatique. 

—  Claire  et  certaine  probation  de  la  nécessaire  man- 
ducation de  la  substantielle  et  reale  humanité  de 
Jésus- Christ,  vray  Dieu  et  vray  homme,  au  S.  Sa- 
crement de  TAutel,  soubz  les  espèces  du  pain  en 
rhostie  sacrée;  parR.  Benoist.  Paris ^  Guill.  CJutu- 
dière,  1 566  ;  in-S  de  36  ff. 

Troisième  édition,  revue ^  corrigée  et  augmentée  par  Fauteur,  On  s'aper- 
çoit déjà  que  le  titre  a  subi  quelques  changements.  —  La  dédicace  à 
Tabbesse  de  Fontevrault  est  toujours  datée  du  20  janvier  1561. 

Très-bel  exemplairr. 

—  Traicté  du  sainct  jeusne  de  caresme  :  où  est  monstre 
iceluy  estre  de  l'institution  de  Jésus  Christ,  et  com- 
mandement de  Dieu.  Avec  la  troisiesme  Epistre  à 
Jean  Calvin,  en  laquelle.. ••  luy  est  respondu  à  ce 
qu'il  a  escript....  contre  le  jeusne....;  par  René  Be- 
noist. Paris,  Nie.  C/iesneau,  1 564;  in-8  de  47  ff. 

Première  édition.  La  dédicace  est  adressée  à  Charles  de  Bourbon 
prince  de  la  Roche-sur-Yon  et  duc  de  Beaupreau.  —  Ce  traité  est  di- 
visé en  cinq  chapitres.  Les  quatre  premiers  tendent  à  prouver  que  le 
jeûne  de  carême  a  été  institué  par  Jésus-Christ^  et  à  expliquer  les  dispo- 
sitions nécessaires  pour  bien  jeûner.  —  L'Epître  à  Calvin  forme  le  cin- 
quième chapitre. 


NOISF.  -AZ 

îirecho  clans  cette  rpi'trv 
c  les  Princes  ({ni  ne  pu- 
"t  la  rcpuLliqne.  »  René 
Tappuyant  d'extraits  de 

arole  de  Dieu,  de 

jsure  :  ensemble 

eschappatoires 

ris  y  y  le.  C/ics- 


•ensîs,  avec  la  si«»na- 
ure  îiuto^Taphc  de 
cie. 

urs  les  très-graves 

ivarri',  le  2.3  oc- 

fs  du  parlement, 

clireslien  arrest 

.'.*ste  de  ce  sage, 

e  de   la  répu- 

ne  ménageait 

''arrêt  du  par- 

i'usure.  — 
re.  —  Peines 


^ire  tra- 

et  des- 

)s  troii- 

i^es  au- 

s  con- 

Tra- 

:nan, 

fUiUr 

i. 
nam 


ir-l 


w^ 


512  BULLETIN  DU  BDBUOPHILE. 

Ce  traité  est  divisé  en  trois  parties  :  De  Tabos  qui  peut  adTenir 
à  cause  des  images.  —  De  l'usage  des  images.  — >  Du  bien  que  procurent 
les  images  et  du  mal  que  cause  leur  suppression. 

—  Traicté  des  dismes^  auquel  clairement  est  monstre, 
que  de  tout  droict  et  raison,  tous  chrestiens  sont 
tenus  de  payer  les  Dismes  aux  pasteurs  de  l'Eglise. . . 
par  Reu<5  Benoist.  Paris  y  Nie.  Chesneau,  1564; 
in-8  de  16  ff.  prélim.  et  80  ff.  chiffrés. 

Livre  curieux  et  rare.  —  La  dédicace,  datée  du  15  mai  1564,  est 
adressée  à  Jean  de  Bretagne,  duc  d^Elstampes,  et  à  Sébastien  de  Luxem- 
bourg, seigneur  de  Martigues,  gouverneurs  et  lieutenants-généraux  an 
duché  de  Bretagne.  Cette  Epitre,  de  10  feuillets,  contient  un  tableau  sai- 
sissant de  Tétat  malheureux  de  la  France,  à  cette  époque  de  discordes 
civiles.  On  ne  voit  plus,  dit  René  Benoist,  que  mépris  de  l'autorité  et  de 
la  religion,  dépravation  des  mœurs,  trouble  et  confusion,  fraudes,  ini^ 
mitiés,  hypocrisie,  ambitions  malsaines.  Il  flagelle  rudement  les  fau- 
teurs de  troubles  et  d*impiété,  et  recommande  d'avoir  enfin  recours  à 
Dieu,  qui,  seul,  peut  mettre  fin  à  tant  de  calamités. 

Le  Traité  des  dîmes,  divisé  en  six  chapitres,  est  suivi  d*une  ordon- 
nance de  Qiarles  IX,  du  10  août  1563,  et  des  lettres  patentes  du  13  oc- 
tobre suivant,  qui  prescrirent  de  payer  les  dîmes  et  autres  droits  aux 
gens  d*£glise. 

—  Epistre  consolatoire  aux  habitans  de  la  ville  de 
Nantes^  affligez  de  peste;  et  apologétique  contre 
ceux  lesquelz  trop  hardiment  jugent  leur  prochain^ 
et  sententient  les  faictz  de  Dieu....  Par  René  Be- 
noist. Paris ^  Nie.  Chesneau,  1 564;  in-8  de  44  ff. 

Livre  rare  et  curieux,  dédié  :  1»  à  Antoine  de  Crecqui,  évéque  de 
Nantes,  le  12  novembre  1563  ;  2*  à  Renée  de  la  Feillée,  dame  d*Asserac 
le  18  novembre.  On  lit  sur  le  dernier  feuillet  :  Escript  à  Hennés 
fan  1563. 

Cette  Épitre  a  pour  but  de  démontrer  que  tout  homme,  qui  Teut 
être  sauvé,  doit  persévérer  jusqu'à  la  fin  dans  la  profession  de  la  religioit 
catholique  ;  et  que  si  Dieu  nous  afflige  et  nous  châtie  par  peste,  famine, 
ou  autrement,  c*est  pour  nous  avertir  de  faire  pénitence  et  de  nous  re- 
tirer de  Pabime  du  vice,  a  C*est  la  cause  de  la  peine,  dit  René  Benoist^ 
et  non  la  peine  qui  faict  le  martyre  et  avance  les  hommes  afOigét  à  la 
vie  étemelle.  > 

L*auteur  trace  un  tableau  désolant  de  la  dépravation  des  mœurs.  Il 
attaque  spécialement  les  femmes,  et  donne,  à  cette  occasion,  de  curieux 
détails  sur  leurs  ajustements  en  1563. 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISF.  513 

Nous  ferons  remarquer  que  René  Benoist  proche  clans  cette  Épitre 
ri'xtermiiiatiou  des  hérétiques,  et  il  ajoute  que  «  les  Princes  qui  ne  pu- 
nissent pas  les  factieux,  pèchent  contre  Dieu  et  la  république.  »  René 
Benoist  exprimait  ce  vœu  d'extermination,  en  Tappuyant  d'extraits  de 
l'Ecriture  s^iinte,  huit  ans  avant  la  Saint- Barthélémy. 

—  Briesve  résolution  par  l'expresse  parole  de  Dieu,  de 
ce  qu'il  fault  sentir  et  tenir  de  l'usure  :  ensemble 
une  response  aux  vaines  raisons  et  eschappatoires 
des  usuriers,  par  René  Benoist.  Paris ^  i\ic.  C/ics- 
neaUy  1565;  in-8  de  38  (T.,  parch. 

On  lit  sur  le  titre  :  Ex  lihris  Johannis ^'igrï Andegavensis^  avecla signa- 
ture Lenoir  ;  et  sur  la  feuille  de  garde,  la  signature  autographe  de 
Brodi-Ai:,  jurisconsulte  distingue  du  dix-septième  siècle. 

René  Benoist  a  dédié  ce  traité  de  l'usure  à  Messeigneurs  les  très-graves 
et  incorruptibles  sénateurs  de  Paris,  du  collège  de  Navarre,  le  25  oc- 
tohre  1565.  Les  sénateurs  de  Paris  étaient  les  membres  du  parlement, 
qui  a:  avoient  donné  ces  jours  passez,  un  sainct,  juste  et  chreslien  arrest 
contre  le  pernicieux  exercice  de  l'usure,  suivant  la  requeste  de  ce  sage, 
constant  et  diligent  procureur  du  Roy  et  honorable  père  de  la  répu- 
blique. Monsieur  Bourdin.  >  On  voit  que  René  Benoist  ne  ménageait 
pas  les  épithètes.  Il  a  reproduit  (ff.  1^  et  15),  le  texte  de  Tarrét  du  par- 
lement, daté  du  26  juillet  1565. 

Ce  traité  est  divisé  en  dix  chapitres  :  —  Définition  de  Tusure.  — 
L'usure  est  j)éché  mortel.  —  Maux  qui  résultent  de  l'usure.  —  Peines 
que  méritent  les  usuriers  ;  etc. 

—  Discour<i  en  forme  de  dialogue,  ou  histoire  tra- 
gique, en  laquelle  est  nayvement  dépeinte  et  des- 
crile  la  source,  origine,  cause  et  progrès  des  trou- 
bles, partialité/  et  différens  qui  durent  encores  au- 
jourd'huy,  meuz  par  Luther,  Calvin  et  leurs  con- 
jurez et  parti/ans  contre  TEglise  Cailiolique.  Tra- 
duit du  latin  de  Guill.  Lindan,  evesque  Alleinan, 
en  François  par  René  Benoist.  Paris,  Guili.  C/tau- 
c/ière^  1566;  in-8  de  16ifF.  avec  la  table,  parch. 

Première  édition  rare  et  non  citée.  —  Très-bel  exemplaire  provenant 
(le  la  hibliothèque  des  Augustins  de  la  reine  Marguerite^  au  faubourg 
Saint-Germain  à  Paris. 

René  fienoist  dédia  cette  traduction,  à  laquelle  travaillèrent  François 
Carreau,  doct.  en  théol.  et  maistrc  Claude  Du  Gué,  à  Hercules  de  Va- 


514  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

lois,  duc  d'ÀDJou,  frère  de  Charles  IX,  et  devenu  roî  sous  le  nom  de 
Henri  III.  —  Les  pièces  liminaires  occupent  quatorze  feuillets  et  con- 
tiennent la  Dédicace  y  une  Préface,  un  Avertissement  et  V  Avant-propos  de 
de  G.  Lindan,  daté  du  25  octobre  1564. 

Ce  discours  est  divisé  en  trois  livres,  ou  dialogues.  L'auteur  expose 
les  calamités  qui  ont  eu  pour  cause  les  progrès  des  nouvelles  doctrines. 
Il  n'attaque  pas  seulement  Luther  et  Calvin  ;  il  passe  en  revue  toutes 
les  hérésies,  parle  de  tous  les  hérétiques  passas  et  cherche  à  démontrer 
que  Luther  et  Calvin  ont  fait  revivre  les  anciennes  hérésies.  —  La  table 
dressée  par  c.  D.  G.  (Claude  Du  Gué)  indique  plus  de  120  hérétiques 
cités  dans  l'œuvre  de  Lindan. 

—  Traicté  des  processions  des  chrestiens,  auquel  il 
est  discouru  pourquoy  la  croix  y  est  élevée  et  por- 
tée; par  René  Benoist.  Paris ,  Michel  de  Roigny-j 
s.  d.  (1572);  pet.  in-8  de  12  ff. 

Opuscule  rare  et  non  ctté.  La  dédicace  à  sœur  Anne  de  Ton  (Thon), 
religieuse  à  Saint-Antoine-des-Champs,  est  datée  du  jour  de  Saint-Ber- 
nard, le  26  août  1572.  Cette  date  n'est  pas  exacte,  sans  doute  par  suite 
d'une  erreur  typographique.  La  fcte  de  Saint  Bernard  est  fixée  au  20  août 
et  non  au  26  ;  et  il  nous  paraissait  difficile  que  René  Benoist  eût  l'esprit 
assez  tranquille,  le  lendemain  des  massacres  de  la  Saint-Barthélemy ,  poor 
écrire  une  si  paisible  dédicace. 

Le  titre  explique  suffisamment  le  texte  de  ce  discours,  dans  lequel  Faa- 
teur  traite  spécialement  de  la  Croix,  signe  et  marque  des  chrétiens  qui 
doit  être  portée  publiquement  dans  les  processions. 

—  Trois  sermons  de  S.  Augustin^  non  moins  doctes 
que  utiles  en  ce  temps;  traduits  en  François  par 
René  Benoist,  docteur  et  lecteur  du  Roy  en  théo- 
logie, et  curé  de  S.  Eustache  à  Paris.  Paris^  Jean 
Poupx,  1579;  in-S  de  24  ff.  non  chiffrés,  V.  f.,  fil., 
tr.  dor. 

Bel  exemplaire  d*un  livre  rare.  Ce  Becueil,  dédié  par  René  Benoist  à 
ses  paroissiens  de  Saint-Eustache,  contient  les  trois  sermons  de  Saint- 
Augustin,  annoncés  sur  le  titre  ;  le  deruier  a  pour  sujet,  le  devoir  de 
payer  la  dîme  au  clergé.  Et  de  plus,  un  sermon  de  Saint-Ambroise  sor 
la  fête  payenne  des  calendes  de  janvier,  que  les  chrétiens  ne  doivent  cé- 
lébrer que  par  Tabstinence  ;  puis,  une  brièvc  dissertation  sur  Tobligation 
d'assister  à  la  Messe  paroissiale,  les  dimanches  et  fêtes;  et  enfin,  on 
Avertissement^  dans  lequel  Fauteur  recommande  à  ses  paroissiens  im 
livre  sur  les  superstitions  et  le  moyen  de  les  éviter,  qui  était  sur  le  point 
de  paraître  chez  le  libraire  J.  Poupy. 


ïum.ionRAPnrF  champenoise.  515 

Wenr  l'cnoist  faisait  allusion  à  son  traîti'  fies  maléfices^  sortilèges  et  e/i- 
ch'.iftemcns^  |)ubli<*  la  mOme  année  (1579),  chez  J.  Poupy. 

—  Claire  et  certaine  probation  de  la  nécessaire  man- 
ducation  de  la  substantielle  et  reale  humanité  de 
Jésus-Christ...,  au  S.  Sacrement  de  l'Autel...;  avec 
plusieurs  traictez  qui  s'y  rapportent.  Par  René  Be- 
noist.  Paris ^  GuilL  de  la  yotie,  1586;  in-8de  8  ff. 
limin.  et  124  ff.  chiffrés,  parch. 

Très  bel  exemplaire  d'un  recueil  rare  et  non  cité  ;  il  est  dédié  à 
Pliillppe  Hurault,  sit'ur  de  Cbeverny,  chancelier  de  France,  de  Saint- 
Eustarlie,  le  3  janvier  1586. 

René  iienoist  a  réuni  dans  ce  volume,  plusieurs  traités  sur  TEucha- 
ristic. 

La  c/airr  et  certaine  probation,,,  est  augmentée  dans  cette  quatrième 
édition.  —  Suivent  : 

liesyon.w  modeste  aux  Joutes  et  objections  de  qne/cun,  avec  une  apologie 
de  In  conférence  et  dispute  faite  à  Paris,  entre  deux  docteurs  et  deux  mi- 
nistres^ Can  1566,  touchant  la  vérité'  du  corps  de  Jésus-Christ  en  Phostie 
siirn'c.  2''  édition  avec  un  litre  séparé;  mais  la  pagination  n'est  point  in- 
terroinpur  du  commencement  à  la  fîn  du  volume. 

^lariifeste  et  nécessaire  probation  de  C  adoration  de  Jésus— Christ  en  F  hostie 
.sa    <•«'.  3"  édit. 

lléfutdtion  des  vains  prétendus  fondemens  de  certains  lieux  de  tEscriture 
S'incte^  desquels  les  hérétiques  abusent  pour  impugner  la  présence  récle  du 
corps  de  Jésus-Christ  en  f  hostie  sacrée,  2*  édit. 

Athertîssennnt  e.rhortatoire  à  eeitr,  lesquels  ont  été  séduicts  et  trompés 
sou^  couleur  et  préteste  d*une  Eglise  réformée  et  plus  pure  religion.  —  Cet 
ojMiscult'  avait  été  adressé  aux  paroissiens  de  Saint-Eustache,  le  28  jan- 
^i(T  1569.  Cette  nouvelle  édition  est  datée  du  20  décemhre  1585. 

Sommaires  raisons  fort  apparentes  et  utiles,  à  ceux  qui  bien  les  gousteront 
et  pourront  di^^rrer,  lesquelles  monstrent  qu^il  ne  faut  laisser  la  religion  an- 
cunne  catholique,  pour  Ics  nouvelles  et  énormes  opinions.  1*  édition. 

Ih'ii'  Benoist  dit,  dans  la  conclusion  :  c  Je  n*ignore  pas  la  difficulté 
(jui  est  à  prést'Dt  à  bien  faire  son  devoir  en  la  vocation  ecclésiastique,  en 
laquelle  quiconque  veut  cheminer  en  droicte  conscience,  il  se  doit  pré- 
I^Hcrà  toutes  sortes  de  faschcries,  perturbations,  ennnys,  haines,  op- 
piolurs,  calomnies  et  indignité?..  Mais  la  foy  nous  doit  soustenir...., 
snwant  nostre  chef  Jésus-Christ,  lequel  est  mort  ignominieusement  par 
lii  poursuite  de  ceux  qu'il  taschoit  enseigner  et  sauver.  Or  le  serviteur 
se  d<)Li)t  estimer  I>eaucoup  heureux,  8*11  est  comme  son  maître.  » 

—  .\dvertissemeut  et  conseil  notable  à  la  France,  tou- 
chant ses  présentes  extrêmes  misères  et  calamitez^ 


516  I1UU.F.TIN  nu  BIBUOPHII-E. 

et  la  crainte  de  phis  grandes,  si  elle  ne  fait  p 
lance;  par  René  Benoist;  curé  de  S.  Existai 
Paris,  Pierre  Hurj,  1 58!)  ;  pet.  in-8  de  32  pag- 
rel.  mar.  vert,  non-rogoé. 

opuscule  curieux,  dédié  à  la  grande,  noble  et  puiiiaiite  riUe  de  l 
chef  de  Funioa  pour  la  défense  de  la  foy,  religion  et  Église  cathollq, 
1"  septembre  1589. 

Daoa  cet  jédvcriiisemeni,  publk-  un  mois  après  l'asuMinat  de  Henr 
René  Benoist  fait  uu  tableau  effrarniit  île  la  dissolution  de*  saœui 
des  excès  de  tout  genre,  qui  désolaient  la  France  ;  il  prédit  la  ruioec 
plète  du  royaume,  si  le  peuple  continue  à  ne  plus  respecter,  ni  la 
gian,  ut  l'autorité  des  inagistrals.  c  Le  seul  remède'  à  taut  de  m 
dil-il,  c'est  de  retourner  ver»  Dieu  et  de  faire  pénitence,  i 

L'auteur  a  ajouté  trois  extraits  du  Lévitique  et  d'isaie  f  fort  co: 
nables  à  nostre  temps,  tant  pour  l'abondance  de  nos  misères  et  nuilfa 
présents,  que  pour  le  mojen  seur  d'en  estre  déliïrci.  > 

—  Second  advertissement  et  notable  conseil  à 
France,  touchant  ses  présentes  extrêmes  misère! 
calamitez,  et  la  crainte  de  plus  grandes,  avec  cli 
gement  de  religion,  mal  extrême  et  très-pernïcïe 
par  Kené  Benoist,  curé  de  S.  Eustactie.  Ptn 
Pierre  Hury,  1589;  pet.  in-8  de  48  pag. 


Ce  second  Advertissement  a  pour  but  de  fouruir  aux  fidèles  catl 
ques  un  préservatif  contre  la  contagion  des  bérésie»  du  temps.  —  . 

France  dangcreiuemenl  affligée,  et  toutefois  ne  se  sfiilarit  nr  apprêUend 
ainsi  qu'il  luj  leroit  de  besoin ,  estant  comme  aveuglée  et  stupide, 
bonne  conscience  et  syndérise. 

Cet  opuscule  se  compose  d'un  Avis  au  lecteur  désireo-i  de  son  la 
d'un  Sommaire  de  tout  ee  que  nous  enseigne  l'Écrîlure  sainte;  <ran 
técJùsme  ou  Instruclioa  clirétieniie;  et  de  II  Hésotution  des  articlet  d 
religion  à  présent  cantrovrscs,  par  la  Faculté  de  tbéulogie  de  Paris,  li 
mars  1542,  et  par  les  tUéologiens  de  l'UniTersité  de  Louvain,  le  6 
cembr^  1544. 

—  Àdi^onitiou  et  incrépalioii  upotogétique  con 
ceux  qjui  malicieusement  nu  trop  legièremcnt 
imprudf9mment  calomnient,  les  uns  nostre  S.  Pi 
le  Pa|>e,^  et  les  autres  nostre  Koy  très  clirestii 
touchant  ssa  conversion,  sa  bénédiction  et  sa  réc« 
ciliation  à   l'Eglise  Catholique;  par  René  Benoi 


BIBLIOGRAPHIE  CH,\JIPENOISE.  517 

confesseur  du  Roy  et  uommé  par  S.  M.  à  l'evesché 
de  Troyes.  Trvjes,  Jean  du  Ruhau,  1 595  ;  pet.  in-8 
de  3'»  If.  non  chiffrés^  pareil. 

Ce  curieux  opuscule  est  daté  du  30  décemhre  1594.  —  René  Benoiit 
écrit  siiii  Mmunitioa  contre  le»  ligueurs  qui  ne  voulaient  pas  reconnat- 
c  le  roi  Henri  IV,  quoiqu'il  fût  converti  à  la  religion  railioliqiie  et  le 
■gitinic  successeur  k  la  couronne.  On  y  trouve  certains  ])assageï  qui, 
i.ilheureiiiemciil,  conviennent  à  d'autres  temps,  ausii  bien  qu'à  l'année 
Wi'-t.  On  peut  cil  juger  par  les  ci 


nl>o 


tous  vices  qu'ils  sont  stériles  en  toutes  vertuz,  et  sont  fort  liardis  juges 
sans  liiv  et  sans  pratique.  Telle  espèce  de  monstres,  ineptes  à  tout  bien, 
ne  irrmvant  rlrn  hîcii  fait,  sinon  ce  qu'ils  feraient  mal,  veulent  juger  U 
cûuse  (le  la'picllc  ils  ne  pourroienl  déduvre  nv  mesme  comprendre  les 
m  oyi' Il  s,  voulant  s'euriehir  de  la  ruine  d'autruy  en  ce  temps  de  volerie.  n 
—  u  Je  ne  sçay  quels  boutefcuM  lesquels  perdent  le  monde  v  semant  et 
nourrissant  (pour  tousjoiirs  pescher,  l'eau  estant  troulilée)  les  ilivitîoDS 
uilrc  les  grands  du  royaume,  et  faisant  mesme  révolter  les  subjets  con- 
tre leur  Roy  et  prince  naturel,  qui  est  le  moyen  de  mettre  tout  en  con- 
fusion, perdant  la  religion  et  l'E^tat.  » 

1  .le  ne  sçny  ([ui  est  celuy  qui  estant  prudent  et  bien  advisé  désireroit 
uu  aui'cpteroit  en  ce  temps  aucune  charge,  ains  plustost  je  dirois  après 
le  prnplii'le  Isave',  ne  axa   baillez  aucune  cliurge   pnblique,   parce  que 


^  et  les  principautés  terrien- 
raison,  justice,  respect  ni  police  aucune;  mais  au  contraire  les  saincts 
nuit/,  de  religion   et  de  politique   estans  tournez  en  opprobre  et  mo- 

(luorie.  . 

—  Adverlisseinent  au  peuple  catholique  de  la  France; 
du  moyen  par  lequel  tous  troubles  et  dtfftjrens  de 
i-L'  temps,  seront  assopis  et  estez;  par  R.  Benoist. 
Pari.i\  jouxte  la  copie  imprimée  à  Paris  par  Jehan 
Boudin,  1596;  pet.  iii-8  de  16  pag.  court. 

La  première  édition  avait  été  imprimée  en  1587.  —  Cet  Adrerllsse- 
nunt  est  adressé  aux.  Iiabilants  de  Paris.  René  Benoist  leur  recommande 
d'avoir  recours  à  Dieu  plutôt  qu'aux  hommes,  en  ces  temps  malbeu- 
ren\,  attendu  que  Dieu  seul  peut  préserver  la  Frnnee  d'une  ruine  pro- 
cliaiui',  si  l'on  cesse  d';  mépriser  la  religion,  et  ai  l'on  accomplit  avec  fer- 
veur les  devoirs  d'un  bon  chrétien. 

■ —  lîemonstrance  charitable  touchant  la  religion  elles 
vrayes  marques  d'icelle;  par  René  Benoist,  conles- 


518  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

seur  et  prédicateur  du  Roy,  et  nommé  par  S.  M.  à 
l'ëvesché  de  Troyes.  Lyon^  Thibaud  Ancelin,  1 597; 
pet.  in-8  de  1 6  (T. 

Cet  opuscule  est  adressé  à  Madame  y  saur  du  Roy  très  chrestien  Henry  IF 
(Catherine,  duchesse  de  Bar).  René  Benoist  cherchait  à  conTertir  cette 
princesse,  et  sa  Remonstrance  charitable  n*a  pas  d'autre  but  ;  elle  est  très- 
bien  écrite,  et  pleine  de  modération  et  d*habileté.  L'auteur  déclare  qa*il 
ne  travaille  que  dans  les  intérêts  spirituels  de  la  princesse,  c  J'ay  non- 
seulement  loué,  dit-il,  mais  aussi  admiré  vostre  fermeté  et  vostre  persé- 
vérance dans  ce  que  vous  avez  pensé  estre  la  vraye  religion,  laquelle  une 
bonne  et  saincte  âme  préfère  tous]  ours  à  toutes  choses  du  monde,  en 
quoy  est  aperte  la  condamnation  de  plusieurs  catholiques  mondains  et 
charnels....  »  —  c  Espérant  un  très  grand  bien  pour  la  vraye  église  et 
religion,  quand  il  plaira  à  Dieu  la  vous  faire  cognoistre,  embrasser  et 
professer  avec  un  tel  zèle,  n 

—  Briesve  proposition  des  admirables  conversions  à 
la  vraye  foy.  Eglise  et  religion  catholique  de 
S.  Paul  et  de  S.  Augustin,  avec  l'application  d'i- 
celles  :  comme  aussi  du  présent  Jubilé;  par  René 
Benoist.  Paris ^  1601  pet.  in-8  de  16  pag. 

Cet  opuscule  adressé  à  Madame  la  duchesse  du  Bar  y  sœur  unique  du  Roy 
très  chrestien  (Henri  IV),  est  une  nouvelle  tentative  de  René  Benoist 
pour  convertir  cette  princesse  à  la  religion  catholique.  Il  saisit  l'occa- 
sion du  grand  Jubilé  séculaire,  pour  lui  offrir  l'exemple  de  la  conver- 
sion de  saint  Paul  et  de  saint  Augustin  ;  et  il  l'exhorte,  sans  détours  ora- 
toires, à  al)andonner  la  religion  réformée,  a  Donc,  généreuse  princesse, 
si  vous  désirez  la  gloire  de  Dieu  ;  si  vous  aymez  vostre  salut  avec  une 
libre  et  asseurée  conscience,  estant  béniste  de  sa  Saincteté  et  de  toute 
l'Église  ;  si  vous  demandez  le  repos  et  le  contentement  entier  du  Roy 
très-chrestien,  vostre  frère  bien  aimé,  suivez-le,  prenant  instruction 
comme  luy  de  ceux  desquels  Dieu  commande  la  prendre,  etc.  > 

Malgré  les  pressantes  sollicitations  de  René  Benoist  et  de  Henri  IV, 
Catherine  de  Bourbon,  duchesse  de  Bar,  mourut  calviniste. 

—  Catéchèse  évangeliqtie  de  la  saincte  Messe;  par  R. 
Benoist.  Paris ^  1603;  pet.  in-8  de  32  pag. 

Opuscule  rare  et  non  cité.  —  René  Benoist  a  écrit  ce  petit  traite  sur 
la  Messe,  «  parce  que,  dit-il,  les  choses  vont  de  mal  en  pis,  en  la  reli- 
gion chrétienne,  à  cause  de  nos  corruptions,  abus  et  irrévérences,  prin- 
cipalement à  Fendroit  de  la  saincte  Messe,  tant  de  la  part  du  clergé  que 
du  peuple.  » 


BIBLIOGRAPHIE  CHAMPENOISE.  519 

—  Briève  rcspoase  aux  quatre  exécrables  articles 
contre  la  Saincte  Messe,  escrits  par  un  autheur  in- 
cogneu,  et  publiez  à  la  foire  de  Guibray  (en  1 560)  ; 
faict  en  lat.  par  René  des  Freuz,  charlrain^  reli- 
gieux de  S.  Benoist^  et  par  luy  trad,  en  franc.  Paris j 
Gui  IL  Chaudière^  1 566  ;  pet.  in-8  de  7  ff. 

Edition  revue  et  corrigée  par  l'autear.  —  La  foire  de  Guibray,  fau- 
bourg de  Falaise,  était  célèbre  par  Taffluence  des  marcbands  de  tous  les 
pays  et  par  les  nombreuses  affaires  commerciales  qui  s'y  traitaient.  Les 
Protestants  avaient  saisi  cette  occasion  pour  répandre  parmi  le  peuple 
uuc  broclmre  eiécrable  contre  le  dogme  de  TEucbaristie.  René  des  Freux 
rt-pondit  ù  ce  pampblet  tbéologique,  à  la  requête  d*£stienne  de  Bresse, 
abbé  de  Coulombs  ;  mais  nous  ne  trouvons  pas  ses  raisonnements  aussi 
solides  que  ceux  de  René  Benoist  sur  le  même  sujet. 


NECROLOGIE 


MORT  DE  M.  ETIENNE  PICHON. 

Lundi  dernier,  14  décembre,  l'église  de  Saint-Louis  en 
nie  ne  pouvait  contenir  la  foule  qui  venait  joindre  ses  re- 
grets à  la  profonde  douleur  d'une  grande  famille.  Le  baron 
Jérôme  Pichon  venait  de  perdre  son  cher  et  unique  fils^ 
et  il  avait  eu  besoin  de  toute  sa  force  d'âme  pour  con- 
duire le  char  funèbre  qui  allait  rendre  à  la  terre  la  dé- 

if 

pouille  mortelle  de  ce  fils  bien-aimé.  M.  Etienne  Pichon  est 
assurément  une  des  plus  lamentables  victimes  de  la  fièvi*e 
épidéinique  qui  ravage  en  ce  moment  la  ville  de  Paris.  A 
peiue  âgé  de  trente  ans  ;  époux  d'une  jeune  et  charmante 
femme  qui  lui  avait  donné  quatre  beaux  enfants  ;  comblé 
de  toutes  les  joies  de  famille,  il  voyait  déjà  réalisées  ses 
espérances  de  véritable  bonheur,  quand  il  est  enlevé  aux 


520  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

parents  qui  n'avaient  jamais  pu  craindre  de  lui  survivre, 
aux  nombreux  amis  que  la  bonté  de  son  caractère  autant 
que  Télévation  et  la  loyauté  de  ses  sentiments  avaient  grou- 
pés autour  de  lui. 

Tout  le  monde,  au  moins  à  Paris,  a  entendu  parler  de 
la  maison,  du  savoir  et  des  travaux  littéraires  de  M.  Jérôme 
Pichon;  de  ce  riche  cabinet  formé  pièce  à  pièce,  et  j«n- 
fermant  non-seulement  de  très-rares  et  très-beaux  livres, 
mais  mille  objets  destinés  à  constater  la  supériorité  de  Fart 
et  du  travail  français  sur  Part  et  les  chefs-d'œuvre  étran- 
gers;  vaisselle,  orfèvrerie,  horlogerie,  tapisseries,  gravures 
et  monnaies.  Cette  curiosité  pour  toutes  les  formes  du  beau 
d'origine  française,  qui  fait  aujourd'hui  de  l'ancien  hôtel 
Lauzun,  un  merveilleux  musée,  Etienne  Pichon  la  ressentait 
avec  quelque  chose  du  discernement  paternel.  Les  habitu- 
des, les  goûts,  les  préoccupations  historiques  et  archéologi- 
ques du  père  étaient  devenues  les  siennes  ;  une  bienveillante 
rivalité,  une  émulation  sympathique  s'étaient  établies  entre 
eux ,  et  c'était  à  qui  ferait  chaque  jour  la  rencontre  la  plus 
heureuse,  la  plus  précieuse  découverte.  Heureux  qui  voit 
ainsi  revivre  ses  goûts,  ses  sentiments,  ses  façons  de  juger 
et  de  discerner  dans  l'âme  de  son  fils!  Heureux,  si  cet  en- 
fant, objet  de  tant  de  douces  espérances,  vit  assez  longtemps 
pour  les  mieux  développer  !  Ce  bonheur,  couronnement  de 
tous  les  autres,  n'a  pas  été  réservé  à  M.  Jérôme  Pichon. 

Avant  de  confondre  sa  vie  avec  celle  de  son  père, 
Etienne  Pichon  avait  touché  aux  emplois  administratifs, 
sous  les  auspices  du  duc  de  Broglie  et  du  savant  et  regretta- 
ble Beulé.  Mais  quand  il  avait  vu  l'influence  poU tique  passer 
de  M.  Buffet  à  M.  de  Marcère,  il  avait  le  premier  compris 
ce  qu'il  devait  à  ses  opinions  profondément  monarchiques, 
comme  celles  de  toute  sa  famille  (l).  Il  avait  demandé  et 
facilement  obtenu  sa  retraite.  A  Vervins,  à  Coulommiers»  à 

(1)  Madame  Etienne  Pichon,  fille  de  Madame  la  marquise  de  Mira- 
munt  est  filleule  de  Monsieur  le  comte  et  de  Madame  la  comtesse  de 
Chambord. 


NÉCllOLOGIE.  521 

Dreux,  dont  il  avait  successivement  occupé  les  sous-préfec- 
tures, il  avait  laissé  les  meilleurs  souvenirs  et  d*unaniraes 
regrets  dont  Thonorable  député  de  l'arrondissement  de 
Dreux,  M.  Vingtain  s'est  rendu  l'interprète  dans  un  touchant 
discours  prononcé  sur  sa  tombe. 

Hélas  !  que  sont  les  pertes  d^argent  et  d'honneurs,  les  dé- 
ceptions d'ambition  et  de  fortune,  auprès  des  saignantes 
blessures  du  cœur  !  La  religion,  cette  suprême  consolation 
de  ceux  qui  souffrent,  adoucit  les  derniers  jours  de  notre 
excellent  ami.  Le  digne  et  savant  curé  de  Tîle  Saint-Louis, 
M.  l'abbé  Bossuet,  lui  permit  de  voir  approcher,  avec  une 
admirable  résignation,  le  moment  qui  allait  le  séparer  de 
tout  ce  qu'il  avait  le  plus  aimé  dans  le  monde. 

»  Je  ne  plains  pas  mon  Etienne,  »  disait  en  pleurant  sa 
pieuse  et  noble  mère  :  «  il  voit  maintenant  sans  nuage  l'é- 
«  ternelle  beauté  qu'il  ne  faisait  qu'entrevoir  sur  la  terre. 
«  Il  vit  déjà  dans  une  sérénité  bienheureuse.  Le  bonheur  que 
«  nous  lui  devions  et  dont  il  jouissait  près  de  nous  n'est 
u  rien  auprès  de  celui  dont  il  vient  d'être  mis  en  posses- 
«  sion.  »  Grandes  et  touchantes  paroles  inspirées  par  une 
foi  vive  à  laquelle  nous  ne  pourrions  refuser  de  nous  as- 
socier sans  étouffer  la  voix  secrète  de  l'instinct  humain, 
sans  accuser  le  créateur  du  monde  de  nous  avoir  trompés,  en 
imprimant  en  nous  la  conscience  de  notre  immortalité. 

P.  P. 


3'^ 


BIBLIOGRAPfflE   RÉTROSPECTIVE 


Théorie  de  l'éducation,  par  M.  Serane,  fondateur 
de  rinstitution  de  la  jeune  noblesse  à  Angers,  avec 
un  essai  (sur  diverses  sciences),  par  un  enfant  de 
neuf  ans,  élève  de  l'auteur.  Paris ^  Delalain  1787; 
in-12. —  Théorie  d'une  éducation  républicainb, 
suivant  les  principes  de  J.  J.  Rousseau,  présentée  à 
la  Convention,  par  le  citoyen  Serane,  instituteur 
national.  Paris  y  Fauteur^  etc.  s.  d.;  in-12. 

Nous  avons  réuni  ces  deux  titres  ensemble  parce  qu'il  ne  8*agit, 
en  réalité,  que  d*un  seul  et  même  ouvrage.  L'instituteur  Serane 
avait  publié,  en  1787,  une  théorie  de  C éducation  qui  parait  avoir 
eu  peu  de  retentissement.  L'auteur  devenu,  à  quelques  années  de 
lîi,  le  citoyen  Serane,  a  été  tenté  d'écouler,  si  cela  était  possible, 
ce  fruit  de  ses  veilles;  mais  ir  était  urgent  de  le  mettre  au  goût  du 
jour.  Pour  cela  il  a  été  fait  des  cartons  pour  les  pages  I-II,  3-4 » 
59-64,  et  voilii  comment,  avec  quelques  modifications  complé- 
mentaires indiquées  par  un  errata,  l'œuvre  de  Yinstitateur  de  la 
jeune  noblesse  est  devenue  la  théorie  et  une  éducation  républi- 
cainCy  etc. 

Avant  de  signaler  les  changements  opérés  par  les  cartons  et 
par  Terrata,  nous  dirons  un  mot  de  l'ouvrage  lui-même.  L'autear 
l'a  parfaitement  caractérisé  dans  le  second  titre  en  le  plaçant  sous 
le  patronage  de  J.  J.  Rousseau.  Tout  y  procède  de  V Emile  avec 
quelques  hors -d'oeuvre  anecdoliques  écrits  dans  le  goût  de  Ber- 
qnin.  Le  dessein  général  du  livre  est  celui-ci  :  l'auteur  part  des 
principes  de  la  morale  et  de  la  justice  posés  comme  bases  de  l'é- 
ducation. Vient  ensuite  l'instruction  religieuse,  et  immédiatement 
après  le  côté  matériel  de  la  puériculture.  Un  chapitre  assez  loug 
y  est  consacré  à  la  nourriture  des  enfants,  en  prenant  ce  terme 
dans  le  sens  propre  et  non,  comme  l'employait  le  seizième  siècle, 
pour  désigner  d'une  manière  générale  la  culture  morale  de  la 
jeune  plante  humaine.  Après  ce  chapitre,  on  passe  à  l'objet  des 
études  proprement  dites  qui  sont  ainvi  classées  :  le  style  tant  épis- 


BIBLIOGRAPHIE  RÉTROSPECTIVE.  523 

tolaire  que  de  société-,  les  arts  d'agrément;  les  langues,  les  huma- 
nités; la  géométrie;  la  géographie,  et,  pour  couronnement,  la 
philosophie  étudiée  concurremment  avec  la  physique,  comme  au 
temps  de  Pythagore;  le  tout  effleuré,  bien  entendu,  comme  le 
comportent  les  petites  dimensions  du  volume,  en  tout  286  pages, 
dont  il  faut  déduire,  avons-nous  dit,  celles  consacrées  à  des  anec- 
dotes naïves  sur  les  revenants,  les  accidents  de  Tenfance,  les  in- 
convénients d'une  mauvaise  orthographe,  etc.,  etc.  Plusieurs  de 
ces  anecdotes  sont  sous  forme  de  dialogues  où  éclate  le  mauvais 
goût  du  temps  et  la  fausse  sensibilité  dont  il  y  était  fait  étalage . 
L'élève  «  le  bon  Tsmin  »  et  l'instituteur  «  mon  bon  maître  » 
noyent  de  pleurs  d'attendrissement  tous  les  levers  d'aurore.  L'im- 
possibilité d'assister  d'un  œil  sec  à  regorgement  d'un  pigeon  n'est 
pas  le  fait  de  ce  bon  M.  de  Robespierre  seul.  Tous  ses  contempo- 
rains sont  plus  ou  moins  aflectés  de  cet  état  mental  qui  a  produit 
les  merveilleux  résultats  que  nous  savons. 

Mais  il  est  temps  de  rentrer  dans  la  bibliographie  dont  nous  nous 
sommes  écarté,  et  de  parler  des  cartons  que  nous  avons  annon- 
cés. Le  premier,  celui  du  feuillet  I-II,  consiste  dans  la  substitution 
d'un  titre  à  l'antre  avec  adjonction  de  l'errata.  Au  verso  du  titre 
figure  cette  lettre  de  «  Fauteur  au  libraire  »  : 

«  Tu  veux,  citoyen,  mettre  en  vente  ma  Théorie  de  t éducation 
imprimée  depuis  dix  ans  et  restée  en  magasin  par  la  mort  de  Té- 
diteur.  Je  souhaite  bien  sincèrement  que  le  public  et  toi  y  trou- 
viez votre  avantage. 

<  Je  sais  bien  que  les  circonstances  exigeraient  la  refonte  de 
cet  ouvrage  composé  sous  le  règne  du  despotisme  qui  voulait  tout 
asservir,  mais  qui  n'avait  pu  atteindre  mon  âme  élevée  dans  les 
principes  de  J.  J.  Rousseau.  Cependant  tu  peux  le  donner  tel 
quil  est^  en  plaçant  à  la  tète  V errata  ci-joint. 

c  Salut  et  firatemité.  » 

On  verra  l'hypocrisie  de  ces  mots  tel  qu*il  est^  en  conférant  les 
passages  cartonnés.  Voici  d*abord  ceux  des  pages  3  et  4. 

Dans  ces  deux  pages,  Sérane  s'était  lancé  (en  1787)  dans  un 
jugement  de  V Emile  où  l'éloge  était  tempëré  par  de  nombreuses 
restrictions.  Il  avait  parlé  de  la  nécessité  de  «  supprimer  les  er- 
re<jrs  qui  gâtent  cet  ouvrage  original  »,  et  il  ajoutait  :  c  Tai  lu  ce 
livre,  je  l'ai  parcouru  avec  admiration  et  scandale...  Qael  mal- 


524  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

heur  que  sa  méthode  (celle  de  J.  J.  Rousseau)  soit  împrati  able... 
que  ses  grandes  leçons  de  morale  soient  déparées  par  la  fin  qu'il 
semble  se  proposer  d'exterminer  la  société  en  isolant  les  hommes 
qu'il  devait  rapprocher...  que  son  livre  entier  soit  absolument 
déshonoré  par  des  hardiesses  contre  notre  auguste  religion  et  par 
des  propos  séditieux  contre  les  gouvernements  politiques. ...  enfin 
que  cet  ouvrage  qui  pouvait  et  devait  être  le  code  de  la  sagesse, 
le  type  des  mœurs  et  la  source  du  bonheur  public,  ne  soit  qu'un 
recueil  de  paradoxes  où  quelques  vérités  utiles  sont  suffoquées 
par  les  erreurs  qui  les  enveloppent  de  toutes  parts.  » 

On  comprend  que  toutes  ces  appréciations,  quelque  bien  fon  - 
dées  qu'elles  fussent,  ou  à  cause  de  cela,  ont  disparu  dans  le  car- 
ton où  il  n'existe  plus  d'autre  correctif  à  l'éloge  que  Taveu 
d'impraticabilité  des  doctrines  en  question. 

Mais  c'est  surtout  au  carton  des  pages  50  à  64  que  les  cisca^ix 
du  républicain  de  fraîche  date  se  sont  donné  carrière.  Voyons  un 
peu  les  énormités  dont  il  s'était  rendu  coupable.  Il  avait  à  parler 
des  actes  de  religion  consid^Tés  par  rapport  aux  enfants,  et,  à 
propos  de  la  prière,  en  s'élevant  contre  les  formules  fixes,  il 
avait  ajouté  :  «  Je  sais  cependant  qu'il  est  des  oraisons  auxquelles 
il  ne  faut  jamais  rien  changer.  Telle  est  celle  que  la  sagesse  éter- 
nelle a  daigné  nous  apporter  du  ciel  :  tels  ces  sublimes  et  tou- 
chants cantiques  de  l'Écriture;  tels  ces  poèmes  magnifiques  du 
berger  selon  le  cœur  de  Dieu.  » 

Un  peu  plus  loin,  en  recommandant  de  ne  pas  mener  les  en- 
fants dans  It's  églises  uniquement  pour  satisfaire  leur  curiosité, 
il  s'écriait  :  «  Le  Seigneur  extermina  autrefois  cinquante  mille 
Bethsamites  pour  avoir  osé  jeter  des  regards  curieux  sur  l'Arche 
qui  n'était  que  la  figure  de  nos  sacrés  tabernacles.  J)e  quel  œil 
croyez-vous  qu'il  voie  ceux  qui  remplissent  aujourd'hui  nos  saints 
temples  d'une  foule  d'enfants  uniquement  occupés  à  faire  rouler 
leur  gâteau^  résonner  les  grelots  de  leur  hochet,  ou  à  poursuivre 
des  chiens  qui  n'y  prient  pas  moins  qu'eux?  » 

Puis  il  donnait  ces  conseils  :  <c  Vous  les  conduirez  (les  enfants) 
devant  un  Crucifix,  et  là  vous  leur  ferez  l'histoire  mystérieuse  de 
la  passion  du  fils  de  Dieu,  de  sa  mort  qui  nous  a  rendu  la  vie,  et 
de  sa  résurrection  qui  assure  la  nôtre...  Vous  leur  raconterez  les 
vertus  des  Saints...  Apres  les  statues  et  les  images  viendront  les 
tribunaux  où  ceux  qui  s*accaseDt  reçoivent  la  grâce,  la  chaire  où 


le,  de! 


liberté 

écrite 

qu'il  ] 
.Se  y 
goavei 
conror 

Voil 
trequ4 
laient 
errata 

«Pi 
pland 


laxubl 
Pag 
Paç 


524  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

heur  que  sa  méthode  (celle  de  J.  J.  Rousseau)  soit  imprati  able... 
que  ses  grandes  leçons  de  morale  soient  déparées  par  la  fin  qu'il 
semble  se  proposer  d'exterminer  la  société  en  isolant  les  hommes 
qu'il  devait  rapprocher...  que  son  livre  entier  soit  absolument 
déshonoré  par  des  hardiesses  contre  notre  auguste  religion  et  par 
des  propos  séditieux  contre  les  gouvernements  politiques. ...  enfin 
que  cet  ouvrage  qui  pouvait  et  devait  être  le  code  de  la  sagesse, 
le  type  des  mœurs  et  la  source  du  bonheur  public,  ne  soit  qtrun 
recueil  de  paradoxes  où  quelques  vérités  utiles  sont  suifoquces 
par  les  erreurs  qui  les  enveloppent  de  toutes  parts.  » 

On  comprend  que  toutes  ces  appréciations,  quelque  bien  Ton  • 
dées  qu'elles  fussent,  ou  à  cause  de  cela,  ont  disparu  dans  le  car- 
ton où  il  n'existe  plus  d'autre  correctif  à  l'éloge  que  l'aveu 
d'impraticabilité  des  doctrines  en  question. 

Mais  c'est  surtout  au  carton  des  pages  59  à  64  que  les  cisea.ix 
du  républicain  de  fraîche  date  se  sont  donné  carrière.  Voyons  un 
peu  les  cnormités  dont  il  s'était  rendu  coupable.  Il  avait  à  parler 
des  actes  de  religion  considîTcs  par  rapport  aux  enfants,  et,  à 
propos  de  la  prière,  en  s'élevant  contre  les  formules  fixes,  il 
avait  ajouté  :  «  Je  sais  cependant  qu'il  est  des  oraisons  auxquelles 
il  ne  faut  jamais  rien  changer.  Telle  est  celle  que  la  sagesse  éter- 
nelle a  daigné  nous  apporter  du  ciel  :  tels  ces  sublimes  et  tou- 
chants cantiques  de  l'Écriture;  tels  ces  poèmes  magnifiques  du 
berger  selon  le  cœur  de  Dieu.  » 

Un  peu  plus  loin,  en  recommandant  de  ne  pas  mener  les  en- 
fants dans  hs  églises  uniquement  pour  satisfaire  leur  curiosité, 
il  s'écriait  :  «  Le  Seigneur  extermina  autrefois  cinquante  mille 
Bethsamites  pour  avoir  osé  jeter  des  regards  curieux  sur  PArche 
qui  n  était  que  la  figure  de  nos  sacrés  tabernacles.  J)e  quel  œil 
croyez-vous  qu'il  voie  ceux  qui  remplissent  aujourd'hui  nos  saints 
temples  d'une  foule  d'enfants  uniquement  occupés  à  faire  rouler 
leur  gâteau^  résonner  les  grelots  de  leur  hochet,  ou  à  poursuivre 
des  chiens  qui  n'y  prient  pas  moins  qu'eux?  » 

Puis  il  donnait  ces  conseils  :  «  Vous  les  conduirez  (les  enfants) 
devant  un  Crucifix,  et  là  vous  leur  ferez  l'histoire  mystérieuse  de 
la  passion  du  fils  de  Dieu,  de  sa  mort  qui  nous  a  rendu  la  vie,  et 
de  sa  résurrection  qui  assure  la  nôtre...  Vous  leur  raconterez  les 
vertus  des  Saints...  Après  les  statues  et  les  images  viendront  les 
tribunaux  où  ceux  qui  s*accaseDt  reçoivent  la  grâce,  la  chaire  où 


BIBLIOGRAPHIE  RÉTROSPECTIVE.  525 

se  distribue  le  pain  de  la  paivle,  la  piscine  salutaire  où  nos  par- 
rains ont  promis  à  la  face  du  Ciel,  que  nous  marcherions  dans  ta 
sainteté,  le  banijuet  sacré  où  la  divinité  se  donne  à  nous,  Vauul 
où  se  renouvelle  le  sacriiice  de  la  Croix...  Pour  peu  de  foi  qo'ait 
un  gouverneur,  il  ne  peut  manquer  d'écliaufTer  le  cœor  de  ses 
élèves,  etc.  » 

Qu'est-il  advenu  de  tous  ces  bons  conseils?  Il  s'agit,  rappelons- 
le,  des  premiers  actes  de  religion  :  <  Ils  ne  consbtent  pas  (dit-il 
maintenant),  comme  nous  l'avaient  persuadé  les  prêtres,  prodi> 
gucs  de  cérémonies  parce  qu'ils  étaient  avares  de  sentiments,  dans 
des  v;iines  parades,  dans  des  spéculations  inutiles.  »  Voulez-vous 
savoir  comment  les  enfants  honoreront  Dieu?  En  ne  fléchissant 
pus  divant  tes  larrons  (sic)  :  ■  N'en  doutons  pas,  le  maintien  de  la 
liberté  est  dans  l'économie  de  la  Religion,  etc.,  b  et  à  la  suite  de 
ces  considérations,  voilà  que  le  citoyen  Serane,  oublieux  d'avoir 
écrit  en  1 787  contre  les  formules  de  |iriéres,  propose  une  prière 
républicaine,  une  sorte  de  Credo  commençant  ainsi  :  ■  Je  crois 
qu'il  V  a  un  être  tout- puissant,  etc.,  ■  et  qui  se  termine  par  : 
■  Je  vi^ui  vivre  et  mourir  en  bon  républicain,  persuadé  que  ce 
(^ouvei'ncmeni  est  le  seul  avoué  de  la  nature,  puisqu'il  est  le  seul 
tonriirnie  aux  droits  de  l'homiiie.  <■ 

Voilà  |>our  les  cartons.  II  s'agissait,  en  outre,  de  faire  disparaî- 
tre quelques  incorrections  (au  point  de  vue  répid^licain)  qui  émail- 
laient  le  premier  teïte.  L'auteur  s'en  est  chargé  au  moyen  d'un 
erriila  dans  lequel  nous  relevons  les  passages  suivants  : 

«  l'âge  j,  ligne  6  :  plan  d'éducation  civile  et  chrétienne^  Ibez  : 
plan  d'éducation  raisonnable  et  républicaine. 

•  Page  i:i,  ligne  H  :  j'ai  gouverné  pendant  plusieurs  années 
cinquante  jeunes  geritiUkommes,  liseï  :  cinquante  jeunes  gens. 

1'  Page  Vij,  ligne  9  :  Avec  quels  sentiments  ils  (les  élèves)  vont 
écouler  le  récit  simple  mais  animé  que  vous  leur  ferez  des  diffé- 
ri  ni.f  inysières  de  noire  auguste  religion.  Remplisses  -votre  esprit  et 
filtre  iceiir  de  la  lecture  des  lions  saints,  lisez  ;  avec  quels  senti- 
ments ils  vont  écouter  le  récit  drsactions  du  fils  de  thomme  et  de 
la  siihlime  doctrine  que  ses  paraboles  mettaient  en  action  et  dont  ta 
vie  éliiii  le  modèle. 

Pagi' fi7,  lignell  :  Bornons-nous  donc  à  l'esprit  et  au  fond  du 
nuire  .minie  religion,  lisez  :  de  la  religion  de  la  nature. 

Page   78,  ligne  dernière  :  Prenez  PÉcriture  Sainte  :  elle  est 


528  BULLETIN  DU  BIBLIOPfflLE. 

43.  Musset  (Alfred  de).  Un  spectacle  dans  un  fauteuil  (poésies). 
Paris  y  Renduei,  1833;in-8,  bro.hé,  non  rogné.   —  91  fr. 

_    0 

Edition  originale, 

45.  Musset  (Alfred  de).  La  Confession  d'un  enfant  du  siècle.  Pa~ 
risy  Bonnaire^  1836,  2  vol.  in-8,  br.  —  48  fr. 

48.  Stendhal.  De  l'Amour,  par  Henry  Beyle  (Stendhal).  PariSy 
MongiCy  4822,  2  vol.  in-12,  br.,  non  rogné,  —  36  fr. 
Première  édition. 

63.  Œuvres  complettes  [sic]  de  Crëbillon  fils.  Londres^  i779; 
7  vol.  in-12,  dem.-mar.  rouge,  avec  coins,  non  rognés •  — 
87  fr. 

128.  Suite  d'estampes,  gravées  par  Mme  la  marquise  de  Pompa- 
dour,  d'après  les  pierres  gravées  de  Guay,  graveur  du  roy. 
[Paris,  1782);  in-4,  titr.  gr.  (de  Boucher)  et  figures  (66),  v. 
porphyre.  —  280  fr. 

Trois  fort  jolies  gravures,  également  gravées  par  Mme  de  Pompa- 
dour,  ont  ëté  ajoutées  à  la  fin.  A  ce  volume  se  trouvent  aussi  annexée! 
16  pages  manuscrites  du  temps,  donnant  Pexplication  trèt-détaiilée  de 
chaque  estampe. 

210.  Chronica>  Registrum  hujus  operis  libri  cronicarum  cnm 
figuris  et  imaginibus  ab  inicio  mundi.  Auctore  Uartmanno 
Schedel.  Anthonius  Koberger  Nuremberge  impressit^  1493,  gr. 
in-fol.  gothique,  fig.  sur  bois,  parch.  — *  220  fr.  à  M.  Meaume. 

Exemplaire  complet  avec  les  feuillets  blancs  et  le  Tractatus  de  Sarma» 
lia.  Il  est  grand  de  marges,  mais  il  a  quelques  légères  mouillures  et 
quelques  petites  taches. 

Ce  livre,  connu  sous  le  nom  de  Chronique  de  Nuremberg,  est  recherché 
à  cause  des  gravures  sur  bois,  au  nombre  de  plus  de  2000,  dont  il  est 
orné. 

235.  Le  Temple  des  Muses,  orné  de  60  tableaux,  où  sont  repré- 
sentées les  antiquités  fabuleuses,  dessinées  et  gravées  par  Bem. 
Picart.  Amst.  Chatelainy  1733,  gr.  in-fol.,  figures,  mar.  roage^ 
fil.,  tr.  dor.  —  421  fr. 

Splendide  exemplaire,  en  ancienne  reliure,  provenant  de  la  vente  La- 
bédoyère. 

237.  Molière.  Œuvres.  Paris ^  Prault,  1734;  6  vol.  m-4,  portr. 
par  Coypel,  1  fleuron  sur  chaque  titre,  32  figures  par  Boucher, 


PRIX  COlRAVr  DR  LIVRKS  ANCIF.NS.  &29 

et  198  vignettes  el  nils-de-lampe  par  Bourher,  Blondel,  etc., 

firavts  par  Joullaîu,  v.  f.  —  800  fr. 

Pri'mièn'  t^iiion  90U9  cette  date. 
i'M).  Quinti  Uoratii  Fl»cci  opéra.  Liitidini,  xneis  tabulis  incidit 

loliaiinc's  Pille,  1737,  2  vol.  iii-8,  frontisp.,  portr.,  entêtes, 

vign.  et  euls-de- lampe  (2,'ifi  ,  inar.  vert,  fil,,  tr,  dor.  I^Jnc.  rei.) 

—  i;)S  fr. 

Plditiun  remarquable  par  son  ornementaliou  et  doni  le  texte  est  enttë- 
renipnl  gravé,  reliure  médiocre. 

Kxemplaire  de  premier  tirage.  {Voir  l.  II,  p.   108  r  post-est  au  lieu 

240.  (M^uM'esde  Rabelais,  avec  des  remarques  historiques  et  cri- 
tiqueb  de  Le  Uuchat.  Amsterdam,  Fr.  Bernard,  1741;  3  vol, 
in-4,  tig.  de  B.  Piean,  v.  m,  —  3li0  fr. 

2MtJ.  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  M.  de  La  Fontaine,  ^ms- 
li-rdam  {Paris.  Barbon),  ]762;  2  vol.  in-8,  portraits  de  La 
f-ontaiiie  jiar  Eisen  et  Choffard,  fig.  80,  d'Eisen  gravées  par 
Aliamet,  Baquov,  CliolTard,  Delafosse,  Flipart,  Lemire,  Leveau, 
Longueil  et  L'Ouvrier,  k  vign.  et  53  ctJs-de-lanipe  par  Cliof- 
lard,  mar.  rouge,  fil.,  tr.  dor.—  591  fr. 
Édiilon  dite  des  Fermiers  géoértux,  rpUnre  médiocre. 

2.'i'.).  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  Jean  de  La  Fontaine  (avor 
nciiice  par  Diderot).  Paris.  P.  Didut  CaCné,  1793,  2  vol.  gr. 
îi)-4,  pap.  véliii,  2  viga.  aux  titres,  par  CholTard,  20  figures 
in-artt  lit  lettre  (par  Fragonard,  Mallet  et  Touzé,  gravées  par 
Alianiet,  Dainbrun,  Delignon,  Dupréel,  Halbou,Liugée,  Patas, 
Tilliard  et  Trière),  dem.-v.  n.,  non  rogné.  —  560  fr. 
La  pliip.irt  Aes,  figures  qui  onieni  ce  litre  «ont  fort  belles  d'épreuves 

2r>9.  Les  Métamorphoses  d'Ovide,  gravées  sur  les  desseins  (j/r) 
des  nteillears  peintres  français  par  les  soins  des  sieurs  Le  Mire 
el  Basât),  graveurs.  Paris  ^  eliei  Basan  et  Le  Mire  (ilGl],  in-4, 
ni.ir.  rouge,  fil.,  tr.  dor,  (.l/ic.  rel.)  —  345  fr. 

i^i.  Le  Temple  de  Gnide,  par  Montesquieu  avec  gravures  par 
Lemire,  d'après  les  dessins  de  Charles  Eisen,  le  texte  gravé 
par  Drouet.  Paris,  chez  Le  Mire^  graveur,  1772;  gr.  iii-8, 
f  litre  gravé,  1  frontisp.  pcrtnit,  9  figures,  v.  jasp.  —  230  fr. 


530  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

284.  OEuvres  de  Molière,  avec  des  remarques  grammaticales  et 
des  observations  sur  chaque  pièce,  par  Bret.  PiMris^  par  la 
Compagnie  des  libraires  associés ^  1773;  6  voL  in-8,  portr. 
diaprés  Mignard,  gr.  par  CatheJin,  6  fleurons  sur  les  titres  et 
33  figures  de  Moreau,  gr.  par  Baquoy,  Delaunay,  Daclos,  de 
Ghendt,  Lebas,  Leveau,  Lcgrand  et  Masquelier,  v.  éc«  — 
172  fr. 

Les  figures  de  l'Avare  et  du  Misanthrope  sont  belles  d'épreuves.  Les 

pages  67  et  81  du  tome  I^  sont  en  double. 

285.  Choix  de  chansons,  mises  en  musique,  par  M.  de  La 
Borde,  ornées  d'estampes,  par  J.-M.  Moreau,  dédiées  à  Mme  la 
Dauphine.  Paris^  de  Lormel^  Î773,  4  tomes  en  2  vol.  gr.  in-8, 
fig.  de  Moreau,  I^  Barbier,  etc.,  mar.  rouge,  fil,  {Jlardj  et 
Mennil.)  —1200  fr. 

Exemplaire,  très-beau  d'épreuves,  mais  auquel  il  manque    les  poi^ 

traits. 

286.  Fables  nouvelles,  par  l^ovaX,  LaHajre  et  Paris^  1 773  ;  2  to- 
mes en  1  vol.  in-8,  pap.  de  IIoll.,  frontisp.  (2)  grav.  par  de 
Ghendt,  2  figures  par  Marillier,  grav.  par  de  Launay,  1  fleu- 
ron, 99  vignettes  et  99  culs-de-lampe  par  Marillier,  mar.  rouge 
du  Levant,  fil.,  dorures  à  petits  fers,  dites  à  Toiseau,  genre 
Derome.  (Cfiambolle-Duru.)  —  640  fr. 

299.  Recueil  des  meilleurs  contes  en  vers,  par  La  Fontaine, 
Voltaire,  Vergier,  Senecé,  Perrault,  Moncrif,  le  P.  Dacerceau, 
Grécourt,  Autereau,  St-Lambert,  Champfort,  Piron,  Dorât,  La 
Monnoye  et  François  de  Neufchâteau.  Jjyndres  [Paris^  Cazin)^ 
1778;  4  vol.  in-16,  1  portrait  de  La  Fontaine,  et  113  jolies 
vignettes,  par  Duplessis-Bertaux;  mar.  rouge,  fil.,  tr.  dor.  — 
775  fr. 

Bel  exemplaire,  dans  une  reliure  ancienne  bien  conservée. 

300.  Romans  et  Contes  de  M.  de  Voltaire,  J  Bouillon^  aux  dé^ 
pens  de  la  Société  typographique^  1778,  3  vol.  in-8,  port.  gr. 
par  Ficquet,  figures  de  Moreau  le  jeune,  mar.  rouge,  fil  ,  dent. 
intér.  [Hardy, "^  —  179  fr. 

On  a  ajouté  à  cet  exemplaire  la  suite  de  Monnet,  avant  la  lettre. 

307.  Iconologie  en  figures,  ou  Traité  complet  des  allégories,  em- 
blèmes, etc.,  ouvrage  utile  aux  artistes,  aux  amateurs,  etc. 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  631 

Paris,  Le  Pan,  î.  d.,  4  vol.  in-8,  figures  en  taille-doace  de 
Gravelot  et  de  Cochin,  vél.  —  187  fr. 

312.  Clarisse  Uarlowe.  Traduction  noavelle  et  seule  complète, 
par  Le  Tourneur,  faite  sur  l'édiiton  originale  revue  par  Ri- 
chardson,  ornée  de  (ïgures  dn  célèbre  Chodowiccki,  de  Berlin. 
Genèi'e  et  Paris,  178B-86,  10  vol.  gr.  in-8,  mar,  vert,  doublé 
de  tabis,  denl.,  tr,  dor.  —  161  fr. 

Exemplaire  eu  papier  de  HoUaDde.  Lei  figures  sont  avant  la  lettre- 
Rare  en  cette  cundition. 

,!I3.  OEoïres  complètes  de  Voltaire.  Kehl,  1785-89,  70  vol.  gr. 
in-8,  figures  de  Moreau  le  jeune,  v.  éc,  fil.  tr.  dor.  — 361  fr. 

Exemplaire  en  graud  papier  vélin. 

'■i3d.  Lettres  à  Emilie  sur  la  mythologie,  par  C.-A.  Demoustier. 
Pnrif,  Rcnouard,  1809;  6  part,  en  'à  vol.  in-8,  fig,,  mar.  rouge 
du  Levant,  fil.,  dent,  inlèr.,  tr.  dor.,  dos  orn.  —  200  fr. 
j>L>l  exemplaire,  conlepant  qnalre  auiles  de  figures,  dont  deux  de  Ho- 

reau  le  jeune,  avant  et  avec   la   lettre,  celle  de  Mounei,  et  une  autre  de 

l>eienne  en  deui  et  trois  clats  d'épreuves. 

383.  '  es  hommes  illustres  qoi  ont  parti  en  France  pendant  ce 
siècle,  avec  leurs  portraits  au  naturel,  parCh.  VtTi^all.  Paris, 
Ant.  Dezatlier,  1696-1700,  2  tomes  en  1  vol.  in-fol.,  front,  et 
Iio)  traits  gravés  par  Edelincb,  Van  Schuppen,  Ltibin  et  autres, 
mar.  rouge.  —  300  fr. 
Exemplaire  en  lionnes  épreuves,  avec  les  notices  et  les  portraits  fort 

r.tresdWnt.Amauld,  de  Pascal,  et  ceux  de  Tbonassia  et  de  Du  Cauge. 

(Voir  Brunet.) 

40O.  Le  Paysan  et  la  Paysanne  pervertie.  La  Bofe,  1784, 
1:2  part,  en  4  vol.  :n-12,  figures  de  Binet,  dem.-cbagr.  bl., 

n.  roy.  —  400  fr. 

4(J1.  Les  Contemporaines.  Leipsick,  1780-8S,  42  vol.  în-12,  jo- 
lies figures  de  Binel,  v.  gr.  et  br.  —  2S0  fr. 

tC.\.  La  Vie  de  mon  père.  Paris,  1788;  2  vol.  in-12,  figures, 
deni.-chagr.  bl.,  n.  rog.  —  47  fr. 

41:1.  Les  Nuits  de  Paris,  ou  le  Spectateur  nocturne.  Londres, 


532  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

1788-90,  46  part,  en  8  voL  in-12,  figures,  dem.-chagr.  bl., 
n.  rog.  —  180  fr. 

La  figure  de  Charlotte  Corday  se  trouye  dans  notre  exemplaire,  mais 
d*un  tirage  moderne. 

417.  Le  Palais-Royal.  Londres^  1792,  3  vol.  in-12,  3  figures, 
dem.-chagr.  bleu,  non  rogné.  —  200  fr. 

Très-rare. 

Vente  de  très-beaux  livres  principalement  dd  xviii*  siècle 

(21  décembre)  (125  n*»»). 

8,  Les  Provinciales,  par  Pascal.  A  Cologne^  Pierre  de  la  y  allée  ^ 
1657,  in-^12,  mar.  vert,  jans.  doublé  de  mar.  rouge,  larges 
dent,  à  comp.  dor,  tr.  dor.  (Cape.)  —  300  fr. 

133  millim.  Bel  exemplaire. 

12.  Les  essais  de  Michel,  seigneur  de  Montaigne.  Amsterdam^ 
Anthoine  MichielSy  1659;  3  vol.  in-12,  mar.  rouge,  fiL  dent. 
int.  tr.  dor.  (Bauzonnet-Drautz.)  —  695  fr. 

150  millim.  Bel  exemplaire. 

13.  De  la  Sagesse,  trois  livres,  par  Pierre  Charron,  suivant  la 
vraye  copie  de  Bourdeaux.  A  Leyde^  chez  Jean  Elzepier,  1656; 
in-12,  mar.  rouge,  orn.  sur  les  plats,  doublé  de  mar.  vert, 
dent,  à  comp.  (Cape.)  —  199  fr. 

Hautem*  :  132  millim.  Bel  exemplaire. 

41.  Quind  Horatii  Flacci  opéra.  Londini^PinCy  1733  ;  2  vol.  in-8, 
figures  et  vignettes  gravées,  lettres  ornées,  mar.  vert  foncé 
jans.  doublé  de  mar.  rouge,  avec  large  dent,  à  pet.  fers,  tr. 
dor.  (Cape.)  —  350  fr. 

Exemplaire  du  premier  tirage. 

47.  Poésies  dé  Malherbe,  rangées  par  ordre  chronologique. 
A  Paris ^  J.  Barbou^  1757;  in-8,  portrait  gravé  par  Fessard, 
mar.  rouge,  dos  orné,  fil.  (Trautz-Bauzonnet.)  —  200  fr. 

Exemplaire  non  rogné. 

49.  Fables  choisies,  mises  en  vers  par  J.  de  La  Fontaine,  Paris^ 
Desaint  et  Saillant^  1755,  4  vol.  in-fol.  figures  cCOudry^  v. 
porph.  fil.  tr.  dor.  —  560  fr. 


[ 


)ans  cet  exemplaire  se  trouve',  au  tome  III,  la  remarque  du  Léopard.       i 


ï 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  533 

50.  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  de  La  Fontaine,  enrichis  de 
tailles-douces  (par  Romeyn  de  Hooge).  Amsterdam^  1685  ;  pet. 
in-8,  mar.  vert  à  comp.  tr.  dor.  [Deromé).  — 1900  fr. 

Snperl»e  exemplaire  de  premier  tirage  et  d'une  grande  fraîcheur.  La 
reliure  est  signée. 

51 .  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  M.  de  La  Fontaine,  -^/wj/cr- 
^/w,^1762;  2  vol.  in-8,  vignettes,  fleurons,  culs-de-lampe  et 
figures  d'Eisen,  ChofiPard,  etc.,  mar.  rouge,  dentelles,  doublé 
de  tabis  bleu,  tr.  dor.  [Derome.) —  3230  fr. 

Magnifique  exemplaire  réglé.  Les  deux  figures  sont  découvertes.  On  a 
ajouté  deux  portraits  de  La  Fontaine  :  le  premier,  celui  des  Fables,  au 
ruisseau  blanc  ;  le  second,  des  Contes,  avant  la  bordure. 

57.  Fables  nouvelles,  par  Dorât.  Paris ^  chez  Delalain^  1773; 
2  part,  en  1  vol.  in-8,  frontispice,  fleurons,  culs-de- lampe,  vi- 
gnettes et  figures  d'après  Marillier,  mar.  citron,  dos  orné,  fil.  à 
comp.  dent,  inler.  tr.  dor.  (Masson-Debonnelle,)  — 1180  fr. 

■ 

Exemplaire  en  papier  de  Hollande,  épreuves  de  premier  tirage. 

58.  Les  baisers,  précédés  du  mois  de  mai  (par  Dorât).  A  Paris ^ 
chez  Lambert^  1770;  gr.  in-8,  mar.  bleu,  dos  orné,  fil.  dent, 
inter.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet,]  —  1740  fr. 

Magnifique  exemplaire  en  grand  papier  de  Hollande,  premier  tirage. 
Frontispice  d'Eisen,  gravé  par  Ponce,  gravures,  vignettes,  fleurons  et 
culs-de-lampe  d'après  Eisen,  gravés  par  de  Longueil. 

71.  Œuvres  de  Racine.  Paris ^  chez  Claude  Barbin^  1697;  2  vol. 
in-12,  front,  et  figures,  mar.  bleu  jans.  dent.  int.  tr.  dor. 
[Thibaron-Échaubard,)  —  650  fr. 

164  millim.  Dernière  édition  publiée  par  l'auteur. 

75.  Œuvres  complètes  de  Regnard,  avec  des  avertissements  et 
des  remarques  sur  chaque  pièce.  Paris^  de  Vimprimerie  de 
Monsieur,^  1790;  6  vol.  in-8,  portrait  d'après  H.  Rigaud  et 
gravures  de  Moreau  le  jeune  et  Marillier,  mar.  vert,  large  dent, 
sur  les  plats,  tr,  dor.  [Ancienne  reliure,)  —  800  fr. 

Exemplaire  dans  une  condition  ordinaire  pour  les  épreuves. 

78.  Les  Amours  pastorales  de  Daphnis  et  de  Chloé,  traduites  du 
grec  de  Longus  par  Amyot.  PoriV,  1800;  in-4,  figures  de  Pru- 


532  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

1788-90,  16  part,  en  8  voL  in-12,  figures,  dem.-chagr.   bl., 
n.  rog.  —  180  fr. 

La  figure  de  Charlotte  Corday  se  trouye  dans  notre  exemplaire,  mais 
d'un  tirage  moderne. 

417.  Le  Palais-Royal.  Londres^  1792,  3  vol.  in-12,  3  figures^ 
dem.-chagr.  bleu,  non  rogné.  —  200  fr. 

Très-rare. 

Vente  de  très-beaux  livres  principalement  du  xviii*  siècle 

(21  décembre)  (125  n"»). 

8.  Les  Provinciales,  par  Pascal.  A  Cologne^  Pierre  de  la  Ycdlée^ 
1657,  in-'12,  mar.  vert,  jans.  doublé  de  mar.  rouge,  larges 
dent,  à  comp.  dor.  tr.  dor.  (Cape.)  —  300  fr. 

133  millim.  Bel  exemplaire. 

12.  Les  essais  de  Michel,  seigneur  de  Montaigne.  Amsterdam^ 
Anthoine  Michiels^  1659;  3  vol.  in-12,  mar.  rouge,  fiL  dent, 
int.  tr.  dor.  (Bauzonnet-Trautz.)  —  695  fr, 

150  millim.  Bel  exemplaire. 

13.  De  la  Sagesse,  trois  livres,  par  Pierre  Charron,  suivant  la 
vraye  copie  de  Bourdeaux.  A  Leyde^  chez  Jean  Elzeuier,  1656; 
in-12,  mar.  rouge,  orn.  sur  les  plats,  doublé  de  mar.  vert, 
dent,  à  comp.  (Cape,)  —  199  fr. 

Hauteur  :  132  millim.  Bel  exemplaire. 

41.  Quinti  Horatii  Flacci  opéra.  Londini,  Pi  ne,  1733;  2  vol.  în-8, 
figures  et  vignettes  gravées,  lettres  ornées,  mar.  vert  foncé 
jans.  doublé  de  mar.  rouge,  avec  large  dent,  à  pet.  fers,  tr. 
dor.  (Cape.)  —  350  fr. 

Exemplaire  du  premier  tirage. 

47.  Poésies  de  Malherbe,  rangées  par  ordre  chronologique. 
A  Paris ^  J.  Barbou,  1757;  in-8,  portrait  gravé  par  Fessard, 
mar.  rouge,  dos  orné,  fil.  (Trautz-Bauzonnet.)  —  200  fr. 

Exemplaire  non  rogné, 

49.  Fables  choisies,  mises  en  vers  par  J.  de  La  Fontaine.  Paris, 
\  Desaint  et  Saillant^  1755,  4  vol.  in-fol.  figures  d'Oudry,  r. 

^       porph.  fil.  tr.  dor.  —  560  fr. 

)ans  cet  exemplaire  se  trouve,  au  tome  III,  la  remarque  du  Léopard. 


i 

I 


PRIX  COURANT  DE  LIVRES  ANCIENS.  533 

50.  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  de  La  Fontaine,  enrichis  de 
tailles^douces  (par  Rome3m  de  Hooge).  Amsterdam^  1685  ;  pet. 
in-8,  mar.  vert  à  comp.  tr.  dor.  [Deromé).  —  1900  fr. 

Superbe  exemplaire  de  premier  tirage  et  d*aue  grande  fraîclieur.  La 
reliure  est  signée. 

51 .  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  M.  de  La  Fontaine.  Amster- 
damfV\^%\  2  vol.  in-8,  vignettes,  fleurons,  culs-de-lampe  et 
figures  d'Eisen,  Chofiard,  etc.,  mar.  rouge,  dentelles,  doublé 
de  labis  bleu,  tr.  dor.  [Derome.)  —  3230  fr. 

Magnifique  exemplaire  réglé.  Les  deux  figures  sont  découvertes.  On  a 
ajouté  deux  portraits  de  La  Fontaine  :  le  premier,  celui  des  Fables,  au 
ruisseau  blanc  ;  le  second,  des  Contes,  avant  la  bordure. 

57.  Fables  nouvelles,  par  Dorât.  Paris,  chez  DeUdain^  1773; 
2  part,  en  1  vol.  in-8,  frontispice,  fleurons,  culs-de-lampe,  vi- 
gnettes et  figures  d'après  Marillier,  mar.  citron,  dos  orné,  fil.  à 
comp.  dent,  inler.  tr.  dor.  {Masson-Debonnelle,)  — 1180  fr. 

Exemplaire  en  papier  de  Hollande,  épreuves  de  premier  tirage. 

58.  Les  baisers,  précédés  du  mois  de  mai  (par  Dorât).  A  Paris  y 
chez  Lambert^  1770;  gr.  in-8,  mar.  bleu,  dos  orné,  fil.  dent, 
inter.  tr.  dor.  [Trautz-Bauzonnet,)  —  1740  fr. 

Magnifique  exemplaire  en  grand  papier  de  Hollande,  premier  tirage. 
Frontispice  d'Eisen,  gravé  par  Ponce,  gravures,  vignettes,  fleurons  et 
culs-de-lampe  d'après  Eisen,  gravés  par  de  Longueil. 

71.  Œuvres  de  Racine.  Paris ^  chez  Claude  Barbin^  1697;  2  vol. 
in-12,  front,  et  figures,  mar.  bleu  jans.  dent.  int.  tr.  dor. 
[Thibaron-Écheaibard,)  —  650  fr. 

164  millim.  Dernière  édition  publiée  par  l'auteur. 

75.  OEuvres  complètes  de  Regnarid,  avec  des  avertissements  et 
des  remarques  sur  chaque  pièce.  Paris^  de  Vimprimerie  de 
Monsieur,  1790;  6  vol.  in-8,  portrait  d'après  H.  Rigaud  et 
gravures  de  Moreau  le  jeune  et  Marillier,  mar.  vert,  large  dent, 
sur  les  plats,  tr.  dor.  [Ancienne  reliure,)  —  800  fr. 

Exemplaire  dans  une  condition  ordinaire  pour  les  épreuves. 

78.  Les  Amours  pastorales  de  Daphnis  et  de  Chloé,  traduites  du 
grec  de  Longus  par  Amyot.  Paris,  1800;  in-4,  figures  de  Pru- 


j 


532  BULLETIN  DU  BIBfJOPHïLE. 

1788-90,  16  part,  en  8  voL  in-12,  figures,  deni.-chagr.  bl., 
n.  rog.  —  180  fr. 

La  figure  de  Charlotte  Corday  se  trouve  dans  notre  exemplaire,  mais 
d'un  tirage  moderne. 

417.  Le  Palais-Royal.  Londres^  1792,  3  vol.  in-12,  3  figures^ 
dem.-chagr.  bleu,  non  rogné.  —  200  fr. 

Très-rare. 

Vente  de  très-beaux  livres  principalement  du  xviii*  siècle 

(21  décembre)  (125  n°»). 

8.  Les  Provinciales,  par  Pascal.  A  Cologne^  Pierre  de  la  Vallée^ 
1657,  in-i2,  mar.  vert,  jans.  doublé  de  mar.  rouge,  larges 
dent,  à  comp.  dor.  tr.  dor.  (Cape.)  —  300  fr. 

133  millim.  Bel  exemplaire. 

12.  Les  essais  de  Michel,  seigneur  de  Montaigne,  uimstertiam, 
Anthoine  MichielSy  1639;  3  vol.  in-12,  mar.  rouge,  fil.  dent. 
int.  tr.  dor.  (Bauzonnet-Trautz.)  —  693  fr. 

150  millim.  Bel  exemplaire. 

13.  De  la  Sagesse,  trois  livres,  par  Pierre  Charron,  suivant  la 
vraye  copie  de  Bourdeaux.  A  Leyde^  chez  Jean  Elzevier^  1 656; 
in-12,  mar.  rouge,  orn.  sur  les  plats,  doublé  de  mar.  vert, 
dent,  à  comp.  [Cape,)  —  199  fr. 

Hauteur  :  132  millim.  Bel  exemplaire. 

41.  Quinti  Horatii  Flacci  o^evsi,  Londini^PinCy  1733;  2  vol.  in-8, 
figures  et  vignettes  gravées,  lettres  ornées,  mar.  vert  foncé 
jans.  doublé  de  mar.  rouge,  avec  large  dent,  à  pet.  fers,  tr. 
dor.  {Cape,)  —  350  fr. 

Exemplaire  du  ])remicr  tirage. 

47.  Poésies  de  Malherbe,  rangées  par  ordre  chronologique. 
A  Paris ^  J,  BarboUy  1757;  in-8,  portrait  gravé  par  Fessai'd, 
mar.  rouge,  dos  orné,  fil.  (Trautz-Bauzonnet.)  —  200  fr. 

Exemplaire  non  rogné. 

49.  Fables  choisies,  mises  en  vers  par  J.  de  La  Fontaine.  Paris, 
Desaint  et  Saillant^  1755,  4  v«.l.  in-fol.  figures  dOudry^  v. 
porph.  fil.  tr.  dor.  —  560  fr. 

Dans  cet  exemplaire  se  trouve,  au  tome  III,  la  remarque  du  Léopard. 


A 


PKIV  COURANT  DE  LIVRKS  ANCIFAS.  533 

r>0.  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  de  La  Fontaine,  enrichis  de 
tailles -douces  (par  Romeyn  de  lïoo^'e).  Amsterdam^  1683  ;  pet. 
in-8,  mar.  vert  à  comp.  tr.  dor.  [Dcrome).  — 1900  fr. 

Superbe  exemplaire  de  premier  tirage  et  d*uue  grande  fraîcheur.  La 

reliure  est  signet*. 

51.  Contes  et  Nouvelles  en  vers,  par  M.  de  La  Fontaine.  Amster- 
flanï/\16'2;  2  vol.  in-8,  vignettes,  fleurons,  culs-de-lainpe  et 
figures  d'Eisen,  Cholfard,  etc.,  mar.  rouge,  dentelles,  doublé 
de  labis  bleu,  tr.  dor.  (Deronie.)  —  3230  fr. 

Magnifique  exemplaire  réglé.  Les  deux  figures  sont  découverte».  On  a 
ajouta  deux  jiortraits  de  La  Fontaine  :  le  premier,  celui  des  Fables,  au 
ruisseau  blanc  ;  le  second,  des  Contes,  avant  la  bordure. 

57.  Fables  nouvelles,  par  Dorât.  Paris,  chez  Delalain^  1773; 
"1  part,  en  1  vol.  in-8,  frontispice,  fleurons,  culs-de-lampe,  vi- 
j;iieites  et  figures  d'après  Marillier,  mar.  citron,  dos  orné,  fd.  à 
comp.  dent,  inler.  tr.  dor.  {Masson-Debonnelle ,)  — 1180  fr. 

Exemplaire  en  papier  de  Hollande,  épreuves  de  premier  tirage. 

5.S.  Les  baisers,  précédés  du  mois  de  mai  (par  Dorât),  yi  Paris ^ 
chez  Lambert^  1770;  gr.  in-8,  mar.  bleu,  dos  orné,  fil.  dent. 
inter.   tr.  dor.  [Trauiz-Bauzonnct.)  —  1740  fr. 

!Ma«;nilique  exemplaire  en  grand  papier  de  Hollande,  premier  tirage. 
Frontispice  d'Eisen,  gravé  par  Ponce,  gravures,  vignettes,  fleurons  et 
culs-(l<^-lampe  d'après  Eisen,  gravés  par  de  Longueil. 

7î.  Œuvres  de  Racine.  Paris ^  chez  Claude  Barhin^  1697;  2  vol. 
in- 12,  front,  et  figures,  mar.  bleu  jans.  dent.  int.  tr.  dor. 
{^Ihibaron-Échaubard.)  —  650  fr. 

164  millim.  Dernière  édition  publiée  par  l'auteur. 

75.  OEuvres  complètes  de  Regnard,  avec  des  avertissements  et 
dos  remarques  sur  chaque  pièce.  Paris,  de  V imprimerie  de 
Monsieur.  1790;  6  vol.  in-8,  portrait  diaprés  H.  Rigaud  et 
gravures  de  Moreau  le  jeune  et  Marillier,  mar.  vert,  large  dent. 
sur  les  plats,  tr.  dor.  [Ancienne  reliure.)  —  800  fr. 

Exemplaire  dans  une  condition  ordinaire  pour  les  épreuves. 

78.  Les  Amours  pastorales  de  Daphnis  et  de  Chloé,  traduites  du 
grec  de  Longus  par  Amyot.  Paris ^  1800;  in-4,  figures  de  Pru- 


534  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

dhon  et  Gérard  avant  la  lettre,  mar.  bran,  dent,  à  coinp.  tr. 
dor.  dent.  int.  {Cape.)  —  187  fr. 

Bel  exemplaire. 

80.  Les  OEuvres  de  M.  François  Rabelais,  docteur  en  médecine. 
S,  L  [à  la  Sphère)^  1663,  2  vol.  in-12,  portrait  ajouté  gravé 
par  N.  de  Launay,  mar.  citron,  dos  comp.  mosaïque,  doublé 
de  mar.  rouge,  avec  dent,  point,  à  petits  fers,  tr.  dor.  (Cape.) 
—  625  fr. 

Hauteur  :  133  millim.  La  reliure  est  d'une  exécution  remarquable. 

82.  Contes  et  Nouvelles  de  Marguerite  de  Valois,  reine  de  Na- 
varre, enrichis  de  figures  en  taille-douce.  Amsterdam^  1700; 
2  vol.  in-12,  mar  citron,  fil.  à  comp.  dent.  int.  tr.  dor. 
{Trautz-Bauzonnct ,)  —  410  fr. 

Exemplaire  de  la  seconde  édition  ornée  des  figures  de  Romeyn  de 
Hooge. 

116.  Les  Mémoires  de  messire  Philippe  de  Commines,  S'  d'Ar- 
genton.  A  Leide^  chez  les  Elzcviers^  1648;  1  tome  en  2  vol. 
in-12,  titre,  front,  gr.  mar.  bleu  orné,  fil.  à  comp.  doublé  de 
mar.  rouge,  dentelle.  {Bauznnnet ,)  —  1070  fr.. 

Hauteur  :  133  millim.  Exemplaire  d'Armand  Bertin.  Il  a^-aît  appar- 
tenu k  Coulon,  au  comte  de  Saint-Mauris  et  au  baron  Pichon.  C'est  an 
joli  Uvre. 


NOUVELLES  ET  VARIÉTÉS. 


—  On  sait  que  le  célèbre  monastère  du  mont  Cassin,  situé  sur 
la  route  de  Rome  à  Capoue,  à  80  kilomètres  de  Naples,  existe 
encore.  On  n'y  compte  qu'une  vingtaine  de  moines  qui  dirigent 


NOUVFXLES  ET  VARIETES.  535 

un  collège  de  quinze  Dovices  et  un  séminaire  de  soixante  élèves. 
Les  journaux  napolitains  nous  apprennent  que  ces  religieux  ont 
commencé  la  publication  d'un  ouvrage  important,  édité  au  cou- 
vent même,  où  ils  possèdent  une  imprimerie  typographique  et 
chromolilhograpbique. 

Cest  la  description  complète  de  tous  les  manuscrits  renfennés 
dans  leur  bibliothèque,  et  leurs  archives,  avec  des  fac-similc  très- 
soignés  de  l'écriture,  ainsi  que  les  miniatures.  L'ouvrage  est  inti- 
tulé :  Bihliotheca  casinensis  et  constitue  un  véritable  trésor  de 
paléograpliie,  qui  peut  rivaliser  avec  les  plus  belles  éditions  de  ce 
genre  publiées  en  France,  en  Angleterre  et  en  Allemagne. 

—  La  Société  des  bibliophiles  de  Guyenne,  fondée  à  Bordeaux, 
il  y  a  plusieurs  années,  poursuit  le  cours  de  ses  publications^  la 
dernière  qu'elle  a  mise  au  jour  est  intitulée  :  Louis  Xllly  à 
Bordeaux;  elle  reproduit  une  relation  du  voyage  que  le  jeune  roi 
fit  en  Guyenne  et  des  cérémonies  qui  eurent  lieu  à  l'occasion  de  son 
mariage  et  de  celui  de  sa  sœur;  ce  document  historique  et  curieux 
à  divers  points  de  vue,  se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale, 
raauscrits  français  1  d  423,  M.  Tamisey  de  Larroque,  infatigable 
explor.aL'ur  de  pièces  inédites,  Ta  exhumé;  le  rédacteur  original, 
témoin  oculaire  de  tout  ce  qui  s'est  passé,  se  qualifie  de  hérault 
d'armes  de  Normandie;  après  de  langues  recherches,  une  pièce 
inscrite  dans  un  catalogue  d'autographes  vendus  en  1873,  a 
révélé  à  l'éditeur  que  ce  personnage  s'appelait  Pierre  Sorel,  mais 
les  informations  sur  son  compte  font  complètement  défaut.  N'ou- 
blions pas  de  dire  que  des  notes  substantielles  ajoutent  sensible- 
ment à  l'intérêt  que  j)résente  la  relation  dont  il  s'agit. 

—  Les  bibliophiles  connaissent  Texislence  d'un  livret  qu'il  est 
bien  difficile  de  rencontrer  :  V Jnti-Josephy  un  bien  plaisant  et 
fidèle  narré  d'un  ministre  de  la  religion  prétendue  vendu  publi- 
q'^ement  dans  un  coffre,  suivant  la  copie  imprimée  à  Agen,  4615, 
in-8'\  :20  pages.  Une  contre-édition  porte  le  titre  de  :  Discours 
très- farrtî eux  et  véritable  d'un  mini^tre  de  Cleyrat  en  Agenois, 
lequel  estant  amoureux  de  la  femme  d'un  notaire,  fut  enfermé 
dans  un  coffre  et  vendu  à  Tenquaut  à  la  place  dndit  Cleyrat, 
lGl9,  IT)  pages. 

Cet  opubcule,  auquel  le  Manuel  du  Libraire  a  accordé  les  hon- 
neurs dune  mention,  est  devenu  introuvable.  Un  exemplaire  figu- 
rait d.ins  un  recueil  porté  au  catalogue  La  ValHère,  n<*4375;  un 


538  BULLETIN  DU  BIBLIOPmLE. 

Tillel,  évêque  deMeaux,  entreprit  de  publier  les  collections 
d'Ansegise  et  de  Benoît  (^evita  et  l'impression  fut  com- 
mencée à  Paris  en  1548  ;  mais  Téditeur  ne  poursuivit  son 
travail  que  jusqu'au  chapitre  289  du  livre  VI. 

Quarante  ans  après,  Pierre  Pithou  reprit  ce  travail,  le 
corrigea^  le  compléta  et  en  donna  une  nouvelle  édition  (1). 
Comme  du  Tillet,  il  retrancha  des  capitulaires  plusieurs 
morceaux  qui  lui  parurent  superflus,  et  modifia  Tordre 
adopté  par  les  deux  compilateurs  du  neuvième  siècle. 

Dans  rintervalle,  B.-J.  Hérold  avait  publié  à  Baie,  en 
1557,  d'après  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Fulde, 
une  réimpression  des  capitulaires,  à  laquelle  on  peut 
reprocher  encore  des  erreurs  et  des  omissions. 

François  Pithou,  en  1603,  publia  une  réédition  du  travail 
de  son  frère  ;  mais  il  fut  loin  de  Taméliorer,  car  les  interpo- 
lations y  abondent. 

La  meilleure  édition  des  capitulaires  est  celle  qu'a  donnée 
Pertz,  dans  la  collection  des  Monumenta  germanise;  mais 
jusque-là,  et  même  à  côté  de  celle-là,  il  est  juste  de  citer 
celle  du  savant  Etienne  Baluze. 

Elle  fut  commencée  avec  la  collaboration  de  Pierre  de 
Marca,  qui  avait  découvert  dans  la  bibliothèque  du  monas- 
tère de  Ripol  un  ancien  exemplaire  des  Capitulaires,  conte* 
nant  des  passages  inédits.  Baluze  se  livra  à  des  recherches 
approfondies  en  France,  en  Suisse,  en  Allemagne  et  en 
Italie,  coUationna  un  nombre  considérable  de  manuscrits, 
entre  autres  ceux  des  bibliothèques  de  Colbert,  du  monas- 
tère de  Cambron  en  Hainaut,  de  Saint-Gall,  du  Mont-Saint- 
Michel,  du  Vatican,  etc.,  et  recueillit  les  différentes  leçons 
qu'il  y  remarqua.  Pour  perfectionner  son  édition,  il  la  fit 
suivre    des   formules    de   Marculfe,   compilateur  regardé 

(1)  KaroU  magn'i  et  Ludovïcï  pli^  rcgum  et  imperatorum  Francorum^  capi- 
tula, sive  le  ges  ecclesiasticss  et  civiles  ab  Ansegiso  abbate  et  Benedicto  Lévite 
eollectœ  librl  septem;  adjectisaliis  eorumdem  regum  et  KaroU  calçi  capitula. 
Cnm  glossario  sive  Interpretatione  obscur  iorum  alîquot  vocabulorum  qu»  in  iisdem 
c.tpitulis  leguntur,  Paris,  1588,  in-8. 


NOTICE 

L)i:S   1»1UNC11>A11X  UECUEir.S  D'ANCIE.N.NES  LOIS 

FRANÇAISES 


1 

['.APiTi  LAiRKs  DES  ROIS  DE  FRANCE,  publU's  par  Ktieunc 
Dainzc  et  Pierre  deChiniac,  Paris,  1780;  2  vol.  in- 
folio  (l). 

Les  actes  lé^^islalifs  des  premiers  rois  francs  ont  reçu  le 
loin  (le  ((ipilit/airejf,  parce  qu'ils  étaient  divisés  en  petits 
•hapilies  capUulà ,  Ils  embrassent  la  période  comprise 
ntre  Djjjobt  1 1  cl  Charles  le  Simple,  et  leur  autorité  alla 
n  s'aflaiblissaat  jus(ju'au  règne  de  Philippe  le  Bel,  où  ils 
iront  lacilonicnt  abrogés. 

Los  cjMtiilaires  furent  codifiés  vers   827  par  Ansegise, 

!)bé  de  Saiiil-Wvindrillc,  et  une  vingtaine  d*années  après, 

ir  un  diacre  de  Àlaveucc,  nommé  Benoit  Levita,  qui  in- 

oduisil  dans  sa  Cî)mpiIation  des  textes  empruntés  aux   co- 

's  romains  et  même  des  pièces  apociyphes. 

La  première  édiiion  imprimée  des  capitulaires  de  Ghar- 
magjie  parnL  à  inj^olsladt  eu  1545,  par  les  soins  du 
vaut  \eil  Ameri>-\ch  ^2\  Vers   le  même  temps,  Jean  du 


1^  ('c'ituhria  /•<^^.-^•/w  fruncorum.  Atitiitx  sunt  Marculfi  monaclù  ci  alio- 
'I  formula:  irlercs,  et  notv  tloctiss'miorum  virorum.  Stephanus  Daluzius^ 
'eit'NsiSj  in  ufu.ni  colic^ii,  ad  ictusthsimus  codices  manuscriptos  emenda" 
nous  iilu^t  ra\l:  jHia^nam  partcm  nunc  primum  cdidit  ^anno  M  D  CC  LXXf'il, 
k'fl  cJUio  luutivr  ac  cmcndatlor  ad  fui  cm  auto^raphi  Uaitizii  qui  de  novo 
'um  pnr^ni'lfy  notasquc  castignavit  et  adjfcit,  Accvssere  vlta  Ba/azii par- 

ah  ipso  scripla^  catalogus  opcrum  hujits  viri  clarissimi  cum  animadver" 
•ilius  i:is!or'icii,  l't  index  iar'orum  opcrum  ah  illo  iUuslr'atorum^  quorum 
-iiNori/ri:  /un-:s  nieditahatur  ediùoneSy  Curante  Petro  de  Citiuiuc,  licgi  a 
v,7«\N,  lf>Mnisiu!!o  .^e/icraii  civiit  Uivrchx,  c  Hegia  liumaniarum  lit  lira— 

accdt  niia  Montis-Alhuni, 
\)   PrxcipiuT  consfi'ntiones   Caroli    magni  de   rehus  cccîciuuticis  et  ciyi- 

3» 


536  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

autre,  relié  en  maroquin,  a  été  adjuge  à  30  fr.  à  Tune  des  ventes 
Nodier,  et  il  serait  sans  doute  plus  cher  aujourd'hui. 

Un  amateur  bordelais,  M.  L.  B.  de  F.,  s'est  donné  la  satisfac- 
tion de  faire  réimprimer  \ A nti- Joseph  à  un  petit  nombre  d'exem- 
plaires. (Bordeaux,  1876,  librairie  Ch.  Lefebvre,  petit  in-8'  viu 
et  20  pages.) 

Il  faut  observer  qu'au  moyen  âge  et  à  l'époque  qui  le  suivit, 
les  novelUeri  et  les  conteurs  se  sont  ('égayés  sans  relâche  sur  le 
compte  des  moines  et  des  cures.  Carmes  et  Cordeliers  s'en  don- 
nent à  cœur  joie  dans  ces  fabliaux  et  ces  récits  qui  n'ont  d'autre 
prétention  que  d'exciter  chez  le  lecteur  ce  franc  éclat  de  rire  qui 
charmait  Rabelais. 

Conte  ou  pamphlet,  V Anti-Joseph  doit  être  considéré  comme 
une  revanche.  Cette  histoire  d'une  mésaventure  galante  arrivée  à 
un  ministre  de  l'austère  Église  réformée,  pourrait  bien  être  une 
œuvre  de  représailles  en  même  temps  qu'un  dernier  écho  des 
discordes  civiles  et  des  guerres  de  religion  que  l'Edit  de  Nantes 
venait  de  terminer. 

—  t  Protestation  contre  les  mauvais  livres.  »  Nous  recevons 
de  Genève  la  circulaire  imprimée  que  voici  : 

(c  Les  soussignés,  pénétrés  du  danger  de  toute  littérature  licen- 
cieuse, croient  devoir  profiter  de  ce  qu'ils  sont  réunis  dans  le  bat 
de  ramener  leurs  coreligionnaires  dans  la  voie  de  la  sanctification, 
pour  protester,  avec  toute  l'énergie  de  leur  conscience  de  chré- 
tiens et  de  pères  de  famille,  contre  la  propagation  et  la  vente  des 
romans  impurs,  ainsi  que  contre  la  publication  de  toute  revue  ou 
journal  contenant  des  articles  anecdotiques,  ou  d'imagination,  qm 
auraient,  de  près  ou  de  loin,  un  tel  caractère.  Ils  se  croient  fon- 
dés à  solliciter  tout  écrivain,  tout  journaliste,  tout  éditeur,  tout 
libraire,  de  renoncer  à  de  telles  publications.  Ils  espèrent  ferme- 
ment que  leur  appel  sera  entendu  et  que  les  libraires  protestants 
en  particulier  fermeront  dorénavant  l'accès  de  leur  catalogue  à 
tout  livre  et  à  tonte  revue  condamnables  au  point  de  vue  que 
nous  indiquons.  »  Suivent  4i9  signatures. 


NOTICE 

;  l'Ill.NCH'AliX  ilECUEirj)  D'A\Cli;.\.NES  LOIS 
l'ItAM.lAlSES 


CAi'iTiLAiBns   DES  ROIS    DE    FRAriCE,  /nillîcs   par   /•.lieiuiii 
Didiizc  et  Pierre  <le  Chinlac,   Paris,  1780;  2  vol.   in- 

folio  {1\ 

ï.es  acli3s  lt'j:;tslalirscles  premiers  rois  francs  ont  reçu  le 
nnin  lie  i-iipilulnires,  parce  qu'ils  étaient  divisés  en  petits 
clin[iities  capiliila'].  Ils  embrassent  la  période  comprise 
entre  n,!j^<)bi  il  cL  Chiirles  le  Simple,  et  leur  autorité  alla 
en  s'alTailtlissaiU  jiisi|u'au  règne  de  Philippe  le  Del,  ou  ils 


iji-iit  al.i 


)ges. 


Les  c  .(^litulnires  Furent  codifiés  vere  827  par  Ansegise, 
nhln-  Je  .•'iiiiit-WiUi drille,  cl  une  vingtaine  d'années  après, 
par  nu  diacre  de  Mayence,  nommé  Kenoil  Leviia,  qui  in- 
troduisil  dans  5a  compilation  des  textes  empruntés  aux  co- 
des niUKiius  Cl  même  des  pièces  apociyphcs. 

Lu  première  édiiiun  imprimée  des  capitulaires  de  Cltar- 
li.uia^'<ie  puriii  à  in^'ulstadt  eu  1545.  par  les  soins  du 
SLivaiit  Veir  Anicriiacii  _i  .  Ve;s   le  même  temps,  Jean  du 

_P  C-:;  :i::hrin  rr^mn  frirnci-rum.  AdilU*  suBi  Marciilfi  moiiaclii  cl  allo- 
luiii  f\innu!ic  itlrrti.  ri  noie  ilocl'iis'irauruiu  t-'irorum.  Sleplianui  Baluiiua, 

•■'.l.'nilU  iUatlraii!,iaagiiaiiipartcBiauiicpnmaiatdiJil,anHoiiDCCl-XXl'll. 
^ .  ta  rJiliu  auctiifr  ac  eiiiadalîar  orf  fijun  aulographi  Baliizn  i/ui  ilt  iioeo 
:>iliini  pur^avil,  nolat^uf  eaitigneril  ri  oJjteit.  Aceeittrt  tita  Balii:ii  par- 
t'<ii  ri' ipio  scripla,  calalogut  opcrum  liujaa  rir't  clariuiaii  eiiat  aiiitBailfer- 

:  -ui-'iniTuij  HII--J1  meJllahalttr  iilil'ioars,  Curùale  Peliv  de  L'Iiitiiac,  Ili'gi  a 
t.  •  .'/■/,  /i.'.ii  iifica'.iv ^tiicrali  ciriVi  UaircliK,  a  Kfgia  human'iaruat  liiura- 
rum  .^•:./-m:a  M.mlU-AlImm. 

•1''   l'rj:cip!iir  (ontiUiilionet  L'amii    magiil  Je   ivim  Kcit^'iailieù  il  eiti- 


538  BULLE'J  IN  DU  BIBLIOPHILE. 

Tillet,  évêque  cleMeaux,  entreprit  de  publier  les  collections 
cl'Anscgise  et  de  Benoît  Levita  et  Timpression  fut  com- 
mencée à  Paris  en  1548  ;  mais  Téditeur  ne  poursuivit  son 
travail  que  jusqu'au  chapitre  289  du  livre  VL 

Quarante  ans  après,  Pierre  Pitliou  reprit  ce  travail,  le 
corrigea,  le  compléta  et  en  donna  une  nouvelle  édition  (1). 
Comme  du  Tillet,  il  retrancha  des  capitulaires  plusieurs 
morceaux  qui  lui  parurent  superflus,  et  modifia  Tordre 
adopté  par  les  deux  compilateurs  du  neuvième  siècle. 

Dans  rintervalle,  B.-J.  Hérold  avait  publié  à  Baie,  en 
1557,  d'après  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Fulde, 
une  réimpression  des  capitulaires,  à  laquelle  on  peut 
reprocher  encore  des  erreurs  et  des  omissions. 

François  Pithou,  en  1603,  publia  une  réédition  du  travail 
de  son  frère  ;  mais  il  fut  loin  de  l'améliorer,  car  les  interpo- 
lations y  abondent. 

La  meilleure  édition  des  capitulaires  est  celle  qu'a  donnée 
Pertz,  dans  la  collection  des  Monumenta  germanise;  mais 
jusque-là,  et  même  à  côté  de  celle-là,  il  est  juste  de  citer 
celle  du  savant  Etienne  Baluzc. 

Elle  fut  commencée  avec  la  collaboration  de  PieiTe  de 
Marca,  qui  avait  découvert  dans  la  bibliothèque  du  monas- 
tère de  Ripol  un  ancien  exemplaire  des  Capitulaires,  conte* 
nant  des  passages  inédits.  Baluze  se  livra  à  des  recherches 
approfondies  en  France,  en  Suisse,  en  Allemagne  et  en 
Italie,  coUationna  un  nombre  considérable  de  manuscritSi 
entre  autres  ceux  des  bibliothèques  de  Golbert,  du  monas- 
tère de  Cambron  en  Hainaut,  de  Saint-Gall,  du  Mont-Saint^ 
Michel,  du  Vatican,  etc.,  et  recueillit  les  différentes  leçons 
qu'il  y  remarqua.  Pour  perfectionner  son  édition,  il  la  fit 
suivre    des   formules    de   MarcuUe,   compilateur  regardé 

(1)  Karoli  inagnt  et  jMtlovîci  p'ii^rcgum  vt  imperatorum  Francorum^eapt- 
iHÎa^sïvclcges  ccclcs'uistïcx  et  civiles  au  Jnsegiso  abùate  et  Benedicio  Lévite 
eoUcctxUbri  septem;  adjectis  aliis  eornmdem  regum  et  Karoli  caivi  capitula, 
Cumglossaiio  sîve  interpretatione  obscuriorum  aUquot  vocabttlorum  qum  ia  iistlem 
cyjitulis  leguntur,  Paris,  1588,  in-8. 


Nu  net;  i)i-;s  piuNciPAux  hkcueils.  1-vrc.       ^39 

L'onniK'  lo  meilleur  intcrpri'tc  ties  capitulaircs.  Il  ajouta 
encore  ii  son  travail  pliisicnrs  autres  recueils  de  formules, 
le  glossuire  de  François  Pithou,  cclaircîssaut  les  termes  les 
plus  nhsciirs  de  lu  loi  saliqiic,  les  (lotcs  de  Jacques  Sirmond 
sur  les  capitula  ires,  et  celles  de  Jérôme  Bignoii  sur  la  loi 
saliipic  et  sur  les  ancienoes  formules.  Les  notes  renferment 
les  diin-rentes  leçons  des  anciens  maauscrîts  et  des  premiè- 
res éditions  imprimées,  les  raisons  qui  ont  déterminé 
l'auieur  à  ciioîsîr  telle  leçon  de  préférence  à  telle  autre, 
et  l'cxplicalion  des  passages  difficiles. 

A  la  fiu  du  recueil  a  été  placé  un  appendice  considéra- 
bk',  contenant  quelques  opuscules  relatifs  aux  cérémonies 
eL'clésiasiiquus,  quelques  capitules  touchant  les  institutions 
monastiques,  des  préceptes  des  rois,  des  décrets  des  évê- 
<pies,  des  ordonnances  des  comtes  et  des  Scabini,  les  rè- 
glements des  Mi.isi  Jominici,  etc.,  etc. 

Cette  édition,  qui  coula  à  Baluze  tanl  de  peines  et  de 
travanw  parut  en  1677,  et  forme  deux  volumes  in-folio. 

De  noii\eaux  manuscrits  qu'il  découvrit  bientôt  après, 
et  quelques  erreurs  qui  lui  furent  signalées  le  décidèrent  à 
donner  ses  soins  à  une  nouvelle  édition  ,  mais  il  ne  put  y 
mettre  la  dernière  maiu.  Après  sa  mort,  qui  eut  lieu  en 
1 7 1  8 ,  un  exemplaire  de  ses  CapUitlaires,  annoté  et  corrigé 
de  sa  main,  fut  déposé  à  la  Bibliotlièquc  du  roi.  Certains 
ciipiiuhiiresy  étaient  complétés,  d'autres  rectifiés  et  le  texte 
mmciié  à  une  plus  grande  pureté. 

(^et  exemplaire  servit  à  Pierre  de  Chiniac  pour  la  nou- 
velle édition  cju'il  donna  de  ce  recueil  en  1780,  et  qui  dif- 
fère peu  de  la  précédente.  Le  nouvel  éditeur  avait,  il  est 
\r:ii,  amassé  d'autres  matériaux,  mais  sa  pensée  était  de  les 
publier  on  deux  volumes  supplémentaires  qui  auraient  eu 
pour  litre  :  Siipptvinenla  cupilulariuin  Bnliizii,  seii  iioi>ii.i 
vtide.L  Icguin,  dijjloinatutn^  cknrlartimque  ad  jus  jmblicum, 
gailicanum  germimiciiiiuiue  sjiecUinlium.  Il  ne  fut  pas 
donné  suite  à  ce  projet. 

Une  autre  édition,  également  en  deux  volumes  in-folio, 


rH2  BULLKTIN  1)1  :  UmLlOPIIir.E. 

veau  j/rocéder  à  celte  redaclion,  comme  si  clic  nVût  pa* 
existe. 

Plusieurs  coutumes,  rédigées  précipitamment  sous  les 
règnes  précédents,  furent  revisées  et  publiées  de  nouveau  â 
partir  du  règne  de  François  r*^;  c'est  ce  qui  explique  1^ 
mots  ancienne  et  nouvelle  coutume,  qui  se  rencontrent  fré- 
quemment dans  le  coutumier  général.  Les  coutumes  étaient, 
en  outre,  générales  ou  locales  :  générales^  quand  elles  étaient 
observées  dans  une  province  entière;  locales^  lorsque  leur 
autorité  n'était  reconnue  que  dans  une  seule  ville,  un  boui^, 
un  village. 

I.es  dernières  coutumes  rédigées  furent  celles  de  Chàtcau- 
nieillant,  en  1648;  de  Thionville,  en  1661;  de  Bapaume  et 
de  Richebourg  T  Avoué,  en  1690;  dcBarége  et  de  quelques 
autres  seigneuries  dépendant  du  comté  de  Bigorre,  en  1768. 

Les  textes  particuliers  des  dilTerentes  coutumes  sont  très- 
nombreux,  et  nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper  ici.  C'est 
en  1517  que  parut  le  premier  Coutumier  général ^  et  il  ren- 
ferme seulement  les  coutumes  suivantes  :  Amiens,  Anjou, 
Auvergne,  Bourbonnais,  duché  de  Bourgogne,  Chartres, 
Cliaumont-en-Bassigny,  Maine,  Meaux,  Melun,  Montreuil- 
sur-Mer,  Orléans,  Paris,  Poitou,  Sens,  Touraine,  Troyes, 
Viti'y-en-Perthois.  Depuis  lors,  une  nouvelle  compilation, 
rendue  chaque  fois  plus  soignée  et  plus  complète,  parut  tous 
les  cinq  ou  six  ans.  La  dernière  et  la  meilleure  est  celle  dont 
nous  doimous  le  titre  ci-dessus. 

Le  mode  de  publication  de  chaque  coutume  n'y  varie 
pas.  La  coutume  générale  d'une  province  est  suivie  des  cou- 
tumes locales  qui  y  dérogeaient  sur  quelques  points.  A  la 
suite  de  chaque  coutume  figure  en  général  la  liste  des  villes, 
bourgs,  villages,  hameaux  et  lieux  qui  étaient  régis  par  elle, 
et  le  procès-verbal  officiel  de  sa  rédaction. 


NOTICK  DES  PRINCIPAUX  RECUEILS,  ETC 


m 

Ohdonnasces  des  roys  de  francs  de  la  troisième  race, 
recueillies  par  ordre  i/iroim/ogique.  Paris,  1723-1817, 
22  vol.  in-folio  (1). 

Le  premier  compilateur  qui  ait  eu  l'idée  de  recueillir  les 
ordonnances  rendues  par  les  Capétiens  est  Guillaume  du 
BlucÎI,  avocat  au  Pailement  de  Paris.  Vers  1330,  il  rassttm- 
l)l;i  quelques  ordunnnuces  de  saïut  Louis,  de  Philippe  le 
Hardi,  de  Pliilippc  le  Bel  et  de  Louis  le  Hiitin,  et  cette  petite 
collection  futpublii-'een  Id^SparCli.  Dumoulin,  quîyajouta 
pliisii'urs  actes  royaux  émanant  de  Philippe  de  Valois  et  de 
s's  siu:ccsïcurs  jusqu'à  Charles  VIII(2^.  Mais  ce  n'était  en- 
core l;i  qu'un  essai  bien  informe.  Vers  la  même  époque,  les 
l'.Micnnc  imprimèrent,  en  deux  petits  in-folio,  un  recueil 
;inonyme,  dont  le  premier  volume  renferme  quarante-cinq 
ordotinances  des  rois  de  la  troisième  race ,  jusqu'à  lu  mort 
de  Louis  X.11;  le  second  volume  se  compose  uniquement 
(i'oidonnaiices  rendues  par  François  I".  Puis,  au  milieu  du 
siècle,  Picne  RelmflFe  ou  RebuQi  publia  un  nouveau  recueil, 
qui  dit  les  honneurs  de  deux  réimpressions,  mais  que  la 
loiieciiun  rassemblée  par  Fontanon  fit  bien  vite  oublier. 

Foiilanon  était  avocat  au  Parlement  de  Paris.  Aidé  de 
Pierre  Piihou.  de  Bergeron  et  d'autres  savants  jurisconsultes, 
il  ilonua  en  1580  nn  nouveau  recueil  d'ordonnances,  qui  fut 
réimprimé  m  1611  par  les  soins  de  Gabriel -Michel  ac  la 
Koclic-Mailict  (3).  Laurière  reproche  à  cette  collection  de 


J;  /.  ■(  1-,/ia  ,1  crdunaaiices  dfs  rais  île  France ,  deptiit  Loitys  l'I,  tiît  fr 
'.1  (",/«,■(/".  1  .(  /iréjeBi,  etc.  4  lomps  en  3  loliimps  in-fo!io. 

3)  Orili'ii'iiiiires  di:s  rots  Je  Francf  de  la  troisiènic  rate,  rtcue'Mei  par 
'  r./i'i- •hniirc/og'-^iif.  Aftc  lUs  rentoyi  det  iiiifs  aux  attires,  des  sommaires, 
di's  v/'S4TraIitms  utr  le  rrx/c,  et  cini/  tables. 

i!    Sùl:ii  aiitii/iiiis  siipremx  ciirix  amplissiini  ordin'S  parlamenti  parisiir 


548  BUr.LETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

mois  de  décembre  1497.  On  approchnit  du  terme,  qui 
avait  clé  fixé  à  raniiée  1515  lors  de  la  ri-prise  des  travaux, 
mais  Pastoret  ne  devait  pas  le  voir.  Il  semblait  avoir  le 
pressentiment  de  sa  fin  prochaine,  lorsqu'il  écrivait  la  pré- 
face du  lome  XX,  dans  laquelle  il  rédigea  une  exposition 
des  matières  traitées  dans  les  dix-neuf  premiers  volumes, 
et  paya  un  tribut  d'éloges  à  chacun  de  ses  prédécesseurs. 
Il  mourut  Tannée  même  de  la  publication  de  ce  volume. 

M.  Pardessus  fut  chargé  par  l'Académie  des  inscriptions 
du  soin  de  terminer  la  collection.  Il  publia  deux  volumes. 
Le  premier  est  tout  entier  consacré  à  une  table  chronologique 
des  ordonnances  depuis  Hugues  Capet  jusqu'à  l'avènement 
de  François  P*'(1003  à  1514).  Dans  le  second,  paru  en  1849, 
il  reprit  la  publication  des  actes  royaux  au  point  où  Tavait 
laissée  le  marquis  de  Pastoret,  c'est-à-dîre  à  Tannée  1497, 
et  la  poursuivit  jusqu'à  la  mort  de  Louis  XII.  En  tête  de  ce 
volume,  il  inséra  un  long  mémoire  sur  l'organisation  judi- 
ciaire et  l'administration  de  la  justice  en  France,  durant 
toute  la  période  comprise  dans  le  recueil  des  ordonnances. 

IV 

Recueil  cénéral  des  anciennes  lois  françaises,  depuis 
Van  AW  j'usquà  In  Révolution  de  1789,  par  MM,  Jour" 
dan^  Décrus)-  et  Isambert.  Paris^  1822-1833;  29  vol, 

in-8^(l). 

Ce  recueil,  que  Daunou  a  justement  appelé  le  Bulletin  des 
lois  antérieures  à  1789,  est  l'œuvre  d'une  société  de  savants 


(1)  Recueil  général  des  anciennes  lois  françaises,  depuis  tan  k20  jusqu^ à 
la  Bé  valut  Ion  de  1789.  Contenant  la  notice  des  principaux  monuments  des 
Mérovingiens^  des  Carlovingiens  et  des  Capétiens^  et  le  texte  des  ordonnances^ 
éditSf  déclarations^  lettres  patentes,  règlements,  arrêts  du  conseil^  */c.,  de  la 
troisième  race,  qui  ne  sont  pas  abrogés,  ou  qui  peuvent  servir,  soit  à  rinter-^ 
prêtation,  soit  à  thistotre  du  droit  public  et  priv<:.  Avec  notes  de  concor^ 
dance,  table  chronologique  et  table  générale  analytique  et  alphabétique  des 
matières.  Par  MM.  Jour  dan  ^  Decrusy  et  Isambert. 


NOTICK  OKS  PRINCIPAUX  RECUEILS,  ETC.  &49 

avocats  :  MM.  Isainbert,  Decrusy,  JourJan,  Taillandier  et 
Arnu'l,  (i'cst  un  abrégé,  de  foniiat  portittif,  qui  reoferme 
les  (lisposiiions  essentielles  de  noire  anciL'ii  dioii  public  cl 
uiic  nitiltitiiiie  de  picccâ  pleines  d'intérêt  pour  Tbistoire  des 
nii£urs  et  des  coutumes  de  nos  ancêtres. 

Aucune  publication  de  ce  genre  n'avait  encore  embrassé 
l'bistoirc  complète  de  notre  ancienne  monarcbie  ;  pour  con- 
sulter l'ensemble  des  ordonnances  royales  rendues  depuis 
■i 20  jusqu'en  1789,  il  fallait  réunir  un  nombre  considérable 
di-  volumes,  disparates  à  la  fois  par  leur  foimat  et  par  le 
plan  des  divers  éditeurs.  La  plus  importante  des  collections 
de  celle  nature,  celle  de  Laurière,  commencée  depuis  prés 
d'un  siècle,  martbait  avec  une  extrême  lenteur,  et  n'était 
parveime  que  jusqu'à  l'année  1473,  quand  bambert  et  se» 
l'ullalioraleurs  inaugurèrent  leur  publication. 

Ils  adoptèrent,  comme  Laurière,  l'ordre  chronologique, 
1 1  reproduisirent  beaucoup  moins  de  textes.  Mais,  d'autre 
part,  ils  imliquèrent  sommaire  meut  un  grand  nombre  de 
pièces  nouvelles  que  Laurière  avait  omises,  soit  parce  qu'il 
lie  les  connaissait  point,  soit  parce  qu'il  les  jugeait  étrangères 
Il  son  plan  ;  dans  le  nombre  figurent,  entre  autres,  des  actes 
cliploniatiques  et  des  arrêts  du  Parlement. 

L;s  deux  premiers  volumes,  œuvre  de  MM.  Jourdan, 
Di'ciusy  et  bambert,  parurent  en  même  temps.  Us  embras- 
senties  années  comprises  entre  420  et  1308,  par  conséquent 
les  documents  publiés  dans  les  Capitiilaires  de  Baluze  et 
dans  le  tome  premier  des  Ordonnances  de  Laurière.  Inutile 
dédire,  dès  lois,  ijoun  nombre  immense  de  pièces  repro- 
duites dans  ces  deux  recueils  ont  été  négligées  ou  seulement 
indiquées  dans  le  nouveau;  citons,  par  exemple,  les  For- 
iiinli's  de  Maiculfe.  En  revanclic,  on  y  trouve  analysées  la 
loi  des  Visif^oilis  et  celle  des  Bourguignons  (loi  Gombette), 
qui'  Baluïc  n'avait  point  données.  L'époque  cari  ovin  gien  ne 
roniprend  cent  einqna.ute-buit articles,  presque  tous  extraits 
^les  capiinlaires  et  du  recueil  des  liîstoriens  des  Gaules. 

Pour  les  périodes  suivantes,  les  éditeurs  ont  puisé  surtout 


obO  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

dans  la  collection  de  Laurière,  en  ayant  soin  d'intercaler  à 
leur  place  chronologique  un  grand  nombre  de  pièces  d'abord 
omises  à  leur  date,  puis  recueillies  dans  les  suppléments  suc- 
cessivement ajoutes  aux  volumes  postérieurs.  Ils  ont  auss 
mis  à  contribution  les  pièces  justificatives  des  grands  re- 
cueils historiques  publiés  par  d'Achery,  Martène,  Rymer, 
les  actes  des  conciles  et  le  Gallîa  chrîstiana»  Les  recherches 
intelligentes  faites  par  Isambert  et  ses  collaborateurs  aux 
Archives  et  à  la  Bibliothèque  nationale  leur  permirent,  en 
outre,  d'enrichir  leur  compilation  de  plusieurs  documents 
inédits. 

Dans  tout  Touvrage,  les  ordonnances  importantes  sont 
publiées  in  extenso;  celles  qui  ne  visent  que  des  intérêts  lo- 
caux ou  particuliers  sont  seulement  analysées. 

Signalons  encore  les  dissertations,  à  la  fois  historiques  et 
juridiques,  qui  sont  placées  en  tète  de  quelques  volumes,  et 
les  nombreux  éclaircissements  joints  à  la  plupart  des  pièces. 
Ces  derniers,  il  est  vrai,  sont  en  général  empruntés  à  Lau- 
rière, à  Secousse  et  à  ses  successeurs,  mais  ils  sont  choisis 
avec  discernement  et  souvent  complétés. 

Le  dernier  volume  est  consacré  tout  entier  à  une  excel- 
lente table  analytique  et  alphabétique  des  matières. 

Alfred  Franklin. 


CONFESSION  GENERALE  D'AUDINOT 


On  sait  ce  qu'il  clé  le  pamphlet  au  dix-huitième  siècle. 
Xuiis  n'avons  pas  à  faire  Thistoire  de  ce  genre  de  littérature, 
i[iiL'  iLivorisJiit  même  lu  haute  société  d'alors,  en  prétact 
q!itli|iicfois  à  l'impression  clandestine  des  lihelles  les  caves, 
inaccessibles  à  la  police,  de  ses  demeures.  Nous  ne  parlerons 
ici  que  d'une  série  de  ces  ouvrages,  une  des  plus  curieuses 
et  des  plus  longues  de  toutes  les  séries  lliéàtralcs. 

Le  premier  est  :  la  Confession  générale  d'Audinot,  h 
Geni-wc,  cht'z  les  frères  Crammgr  et  ici  sous  te  manteau,  \77A, 
in-S".  A  la  Tm  de  cette  brochure,  l'auteur  anonyme  promet 
les  Mutinées  iCAudinot,  sespetils  soupers  et  sa  petite  maison. 
O  dernier  ouvrage,  que  nous  sachions,  n'a  pas  vu  le  jour. 
(pliant  à  /((  Confession,  les  mémoires  du  temps  n'en  parlent 
jias.  Ce  silence  s'explique  par  la  rareté  de  la  brochure ,  qui 
iliitètre  tirée  à  peu  d'exemplaires,  qui  fut  peut-être  saisie 
iors  de  son  apparition,  et  par  le  peu  d'inlérèt  qui  entourait 
idors  le  directeur  de  l' Ambigu-Comique  naissant. 

Sept  ans  se  passent  sans  que  le  pamphlétaire  théâtral  donne 
de  ses  nouvelles.  En  1781,  il  reprendla  plume.  Ilpublîe  alors 
Liî  DKStœLvr.F.  ou  i.'Espios  du  boulevard  duTcmple,  Londres, 
!7S1,  in-S''.  Qu'est-ce  que  le  cynique  rédacteur  de  ce  volume? 
Inipo.'isible  de  le  découvrir.  Londres  ?  ou  le  sait,  c'est  toujours 
Paris,  L'auteur  parle  sans  cesse  de  lui-même,  il  se  consacre 
lui  chapitre,  affirme  —  et  on  peut  le  croire  sans  peine  — ■ 
([u'il  connaît  les  gens  dont  il  parle,  qu'd  vit  au  milieu  d'eux. 
En  elt'ei,  les  détails  minutieux  qu'il  donne  sur  ce  monde  des 
petite  tlu'àiR's  forains  prouvent  qu'il  le  fréquente  chaque 
joui'.  Mais,  en  ce  cas,  comment  n'en  est-il  pas  immédiate- 
inetLt  reconnu?  M.  Paul  Lacroix,  d'après  un  passage  où  l'au- 
teur prétend  avoir  travaillé  aux  Mémoires  secrets,  suppose 


552  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

que  toute  la  série  doit  être  attribuée  à  PidaDsat  de  Mairobert, 
à  Poultier-Delmotte  et  à  Thévenot  de  Morande.  Cette  hypo- 
thèse n'est  guère  admissible,  vu  le  ton  différent  des  Mémoires 
secrets  et  de  ces  libelles ,  et  surtout  rincorrection  de  style 
du  boulevardier.  Quant  à  Thévenot,  il  était  depuis  longtemps 
en  Angleterre,  il  devait  y  rester  longtemps  encore,  et  il  ne 
pouvait  être  au  courant  de  tous  ces  secrets  de  coulisses. 
D'ailleurs,  ses  écrits  visaient  ordinairement  plus  haut  que 
les  forains;  la  guerre  à  ces  malheureux  histrions  lui  eût  trop 
peu  rapporté. 

Les  Mémoires  secrets  et  la  Correspondance  secrète  ren- 
dent compte  du  Désœui/ré,  mais  longtemps  après,  le  13  mai 
1782.  Laissons  la  parole  au  premier  de  ces  ouvrages  : 

a  13  mai  1782.  —  Le  Désœuvré  ou  l'Espion  du  boulevard 
du  Temple  a  causé  une  telle,  rumeur  dans  les  divers  tripots 
des  baladins  qui  y  jouent,  qu'ils  se  sont  portés  à  Textrémité 
violente  de  faire  arrêter  le  libraire  Aubry,  ayant  sa  boutique 
à  l'Hôtel  de  l'Hôpital  (1),  à  Tentrée  des  Boulevards.  Le  sieur 
Bordier,  acteur d' A udinot,  avec  uti  de  sescamarades,  estvenu 
chez  lui  sous  prétexte  d'en  acheter  deux  exemplaires,  et,  ce 
libraire  les  leur  ayant  administrés,  ils  ont  appelé  la  garde  et 
l'ont  fait  traduii*c  devant  le  commissaire  Maillot.  Celui-ci  a 
envoyé  chercher  le  sieur  Henry,  exempt  de  la  librairie,  aux 
mains  duquel  il  a  remis  l'accusé,  comme  son  justiciable. 
L'exempt  est  allé  en  perquisition  chez  le  délinquant  et  a 
trouvé  quelques  exemplaires  de  cette  brochure  et  du  Tableau 
de  Paris.  En  conséquence,  il  l'a  mené  chez  le  lieutenant 
général  de  police,  pour  prendre  ses  ordres.  Mais  ce  sage 
magistrat  n'a  pas  jugé  le  cas  assez  grave  pour  mériter  une 
détention. 

u  Cependant,  les  histrions  ont  été  furieux,  surtout  le  sieur 
Audinot,  qui  a  vu  reparaître,  dans  ce  pamphlet,  une  sen- 
tence criminelle  rendue  contre  lui,  le  10  janvier  1776,  dont 

(1)  Au  coin  de  la  rue  et  du  boulevard  du  Temple  ;  remplacé  depuis 
par  le  jardin  de  Papbos. 


LA  CONFESSION  GÉNÉRALE  D'AUDINOT.  553 

on  a  parlé,  qui  devoit  être  affichée,  et  dont  il  n'a  obtenu  la 
soustraction  que  moyennant  une  somme  de  60,000  livres. 
Sa  femme,  en  conséquence,  est  allée  en  députation  chez  le 
magistrat,  qui  lui  a  promis  justice  de  l'auteur,  si  elle  acqué- 
roit  des  preuves  du  délit,  et,  du  reste ,  Ta  consolée  en  lui 
disant  que  tout  le  monde  étoit  sujet  à  être  déchiré,  que  lui- 
même  avoit  vu  se  répandre  des  libelles  contre  lui ,  et  que , 
tout  récemment,  la  calomnie  avoit  eu  Taudace  d'attaquer  les 
personnes  les  plus  augustes. 

«  Ces  grands  événements  répandus  dans  le  public  ont 
donné  de  la  vogue  à  la  rapsodie  foraine,  et,  l'édition  étant 
épuisée,  on  en  prépare  une  seconde,  corrigée ,  augmentée. 
«  Les  baladins  soupçonnent  véhémentement  un  sieur 
Mayeur,  auteur  de  pièces  foraines  jouées  chez  Nicolet 
et  Audinot,  et  assez  initié  dans  leurs  tripots  pour  en  con- 
noîlre  les  anecdotes  et  pouvoir  les  répandre.  Comme,  en 
outre,  il  est  acteur  des  Grands  Danseurs  du  Roi  et  très-mé- 
nagé  dans  la  brochure,  cela  augmente  les  soupçons.  » 

La  Correspondance  secrète  du  3  juillet  blâme  vivement  la 
publication,  mais  ne  dit  même  pas  que  quelqu'un  fût  soup- 
çonné d'en  être  l'auteur;  cependant,  on  l'a  vu,  dès  cette 
époque,  Mayeur  Saint-Paul,  un  des  acteurs  de  Nicolet,  l'était 
véhémentement.  Nous  avons  retrouvé,  dans  un  exemplaire 
du  livre,  un  post^scriptum  qui  semble  prouver  le  contraire, 
à  moins,  ce  qui  n'est  pas  impossible,  que  Mayeur  lui-même 
n'ait  imaginé  ce  moyen  de  dépister  les  soupçons.  Ce  morceau, 
qui  ne  saurait  être  reproduit,  contient  les  plus  graves  accusa- 
tions contre  le  caractère  et  la  moralité  du  comédien  forain. 
Quoi  qu'il  en  soit,  en  1782  parurent  :  1®  une  seconde 
édition  du  Désœui^ré ,  quelque  peu  remaniée  et  augmentée 
d'un  Post-scriptum  où  l'auteur  se  moque  des  soupçons  qu'a 
éveillés  la  première  et  décharge  Parisau,  l'un  de  ceux  qu'on 
avait  accusés;  le  2  octobre  1782 ,  la  Correspondance  secrète 
en  lit  encore  la  critique;  2**  le  Désœui^ré  mis  en  œuvre  ou  le 
Rei^ers  de  la  médaille,  pour  sentir  d!" opposition  à  V Espion 

du  boulevard  du  Temple  et  de  préservatif  à  la  prévention^ 

36 


554  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Paris^  1782,  in-8*.  C'est  une  réplique  de  Dumont,  un  des 
acteurs  des  associés,  au  Désœuuré^  où  l'auteur  réfute  ce 
pamphlet  avec  beaucoup  de  modération  et  essaye  de  justi- 
fier la  plupart  de  ses  camarades.  La  sincérité  de  ce  panég}- 
rique  est  douteuse,  et  la  Correspondance  secrète^  dans  son 
article  du  2  octobre  1782,  critique  autant  ce  volume  que 
celui  qui  Ta  motivé.  Laquelle  de  ces  deux  publications  pré- 
céda l'autre?  Nous  Tignorons,  mais  peu  importe. 

Le  15  mai  1782 ,  les  Mémoires  secrets  reviennent  encore 
sur  l'ouvrage ,  qu'ils  critiquent  faiblement ,  et  encouragent 
l'auteur  à  passer  en  revue  les  grands  théâtres. 

Celui-ci  ne  devait  pas  suivre  immédiatement  le  conseil. 
L'année  suivante,  il  publia  le  second  volume  de  F  Espion^ 
intitulé  simplement  :  V Espion  du  boule^fard  du  Temple^ 
tome  second^  Londres  ^  1783.  Dans  sa  préface,  il  se  moque 
de  nouveau  des  conjectures  faites  par  les  acteurs  des  petits 
théâtres  sur  leur  historien,  et  fournit  sur  sa  personne  des 
renseignements  qui  peuvent  n'être  qu'un  persiflage  de  plus. 
Il  dit  se  nommer  de  P.,  suivi  de  trois  syllabes.  Est-ce  pour 
égarer  le  lecteur  sur  le  nom  de  Pindansat.^  Dans  ce  volume, 
plus  considérable  que  le  précédent,  il  entre  dans  des  détails 
minutieux  sur  les  acteurs  et  actrices  du  Boulevard.  Il  termine 
par  un  plan  du  troisième  volume,  dans  lequel  il  annonce 
qu'il  fustigera  les  grands  théâtres  :  la  Comédie-Française,  la 
Comédie-Italienne  et  l'Opéra,  nouvelle  que  reproduit  la  Cor- 
respondance  secrète  à  la  date  du  29  janvier  1782. 

Il  ne  tint  parole  que  pour  un  seul,  le  dernier,  dans  le  Vol 
plus  haut  ou  V Espion  des  principaux  théâtres  de  la  capitale^ 
à  Memphis ,  chez  Sincère ,  libraire  réfugié  au  Puits  de  la 
réritéy  1784,  in-8^ 

Nous  l'avons  dit,  il  est  impossible,  à  travers  ces  quatre  vo- 
lumes, de  découvrir  le  nom  du  pamphlétaire.  Les  indications 
qu'il  donne  sur  lui-même  sont  nombreuses,  mais  on  peut  tou- 
jours supposer  qu'elles  sont  ironiques.  Les  soupçons  des  con- 
temporains ont  plané  sur  plusieurs  individus,  mais  ils  nous 
semblent  s'égarer.  Lesauteurs  AesMémoires  secrets  écrivaient 


LA  CONFESSION  GÉNÉRALE  D'AUDINOT.  555 

mieux  que  notre  espion ,  et  c'étaient  évidemment  des  gens  de 
mœurs  et  de  langage  moins  lâchés.  Quant  à  Poultier-Delmotte, 
il  n'a  été  cité,  de  nos  jours,  que  parce  quille  fut,  sans  autre 
motif,  à  répoque  même. 

Les  principaux  incriminés  sont  Thévenot  de  Morande  et 
Mayeur  Saint-Paùl. 

Le  premier,  il  est  vrai,  semble,  tout  d'abord,  l'être  à  bon 
droit.  Dans  sa  Gazette  noire^  publiée  en  1784,  on  retrouve 
un  abrégé  du  premier  volume  de  ï Espion ,  dont  beaucoup 
de  chapitres  y  sont  reproduits  mot  pour  mot.  Il  a  donc  usé 
de  son  bien  ,  dit-on.  Néanmoins ,  à  examiner  de  près  ce 
texte,  on  peul;  se  convaincre  que  Thévenot  n'a  fait  que  co- 
pier l'œuvre  d'un  autre  :  les  erreurs,  les  fautes  —  que  nous 
ne  pouvons  énumérer  ici  —  prouvent  suffisamment  un  pla- 
giat, qui  d'ailleurs  nous  étonne  médiocrement  de  la  part 
du  peu  scrupuleux  libelliste.  C'est  là  que  Thévenot  se  dit 
auteur  de  la  Confession  cTJudinot^  assertion  aussi  discutable, 
et  pour  les  mêmes  raisons,  que  les  autres,  mais  qui  a  sans 
doute  l'avantage  d'apprendre  que  ce  livre  est  du  même  auteur 
que  les  suivants. 

Quant  à  Mayeur,  le  style  de  ses  autres  ouvrages  nous  pa- 
raît le  décharger  absolument  de  la  paternité  de  ceux-ci.  Il 
ne  fut,  comme  Delmotte,  comme  aussi  Parisau,  soupçonné 
probablement  que  parce  qu'il  était  un  des  rares  familiers  de 
ce  monde  qui  sût  tenir  une  plume.  D'ailleurs 'il  n'était  pas 
homme  à  se  livrer  à  de  pareils  excès  :  un  de  ses  biographes, 
qui  semble  l'avoir  connu,  disait,  en  1834,  que  «  ses  qualités 
ne  le  rendaient  pas  moins  estimable  que  ses  talents,  et  qu'il 
joignait  à  beaucoup  de  probité  une  âme  noble  et  une  extrême 
candeur.  »  Le  biographe  ne  lui  en  attribue  pas  moins  les 
pamphlets  en  question  *,  il  ne  les  avait  sans  doute  pas  lus , 
ou  bien  il  était  doué,  lui  aussi,  d'une  «  extrême  candeur.  » 

En  définitive,  ces  volumes  sont  restés  anonymes  et  le  res- 
teront probablement  toujours.  Quelques  mots,  notamment 
la  dragonne  que  l'auteur  prétend  porter,  nous  feraient  croire 
à  quelque  exempt  préposé  aux  spectacles.  Il  y  avait,  parmi 


552  BUIXKTIN  DU  BIBI.IOPUILE. 

que  loutc  la  série  doit  être  attribuée  à  Pidansat  de  Mairobert, 
à  Poultier-Dclmolte  et  à  Thévenot  de  Morande.  Cette  hypo- 
thèse n'est  guère  admissible,  vu  le  ton  difTérent  des  Mémoires 
secrets  et  de  ces  libelles ,  et  surtout  Fincorrection  de  style 
du  boulevardicr.  Quanta  Thévenot,  il  était  depuis  longtemps 
en  Angleterre ,  il  devait  y  rester  longtemps  encore,  et  il  ne 
pouvait  être  au  courant  de  tous  ces  secrets  de  coulisses. 
D'ailleurs,  ses  écrits  visaient  ordinairement  plus  haut  que 
les  forains;  la  guerre  à  ces  malheureux  histrions  lui  eût  trop 
peu  rapporté. 

Les  Mémoires  secrets  et  la  Correspondance  secrète  ren- 
dent compte  du  Désœiwré^  mais  longtemps  après,  le  13  mai 
1782.  Laissons  la  parole  au  premier  de  ces  ouvrages  : 

u  1 3  mai  1782.  —  Le  Désœuvré  ou  r Espion  du  boulevard 
du  Temple  a  causé  une  telle  rumeur  dans  les  divers  tripots 
des  bahulins  qui  y  jouent,  qu'ils  se  sont  portés  à  rcxtrémicé 
violente  de  faire  arrêter  le  libraire  Aubry,  ayant  sa  boutique 
à  THôtel  de  rHôpital(l),  à  lentréedcs  Boulevards.  Le  sieur 
Bordier,  actcurd'Auflinot,  avec  un  de  ses  camarades,  est  venu 
chez  lui  sous  prétexte  d'en  acheter  deux  exemplaires,  et,  ce 
libraire  les  leur  ayant  administrés,  ils  ont  appelé  la  garde  et 
l'ont  fait  traduire  devant  le  commissaire  Maillot.  Celui-ci  a 
envoyé  chercher  le  sieur  Henry,  exempt  de  la  librairie,  aux 
mains  duquel  il  a  ren)is  l'accusé,  comme  son  justiciable. 
L'exempt  est  allé  en  perquisition  chez  le  délinquant  et  a 
trouvé  quelques  exemplaires  de  cette  brochure  et  du  Tableau 
de  Paris,  En  conséquence,  il  l'a  mené  chez  le  licuienaul 
général  de  police,  pour  prendre  ses  ordres.  Mais  ce  sage 
magistrat  n'a  pas  jugé  le  cas  assez  grave  pour  mériter  une 
détention. 

u  Cependant,  les  histrions  ont  été  furieux,  surtout  le  sieur 
Audinot,  qui  a  vu  reparaître,  dans  ce  pamphlet,  une  sen- 
lenci-  criminelle  rendue  contre  lui,  le  10  janvier  1776,  dont 


(IJ  Au  coîu  lU*  lu  nie  et  du  boulevard  du  Tcuijde  ;  remplacé  depuis 
par  lejanlin  de  Paphos. 


on  il  pail'-,  tjui  (k\oil  rtic  afficliée,  cl  doi»!  il  n'a  ohlciiu  la 
sD'.jviiacli;!!  (jiit'  iiioNL'iiiiaiil  une  suninio  ilv  00,000  livjvs. 
Sa  Irnmif ,  rn  coiisêqiionce,  c*st  allée  en  deputatiou  clic/,  le 
L..J-I-  ;jat.  (jui  lui  u  promis  ju^tice  de  Tauteur,  ^i  elle  acqué- 
rait «les  prMives  du  délit,  el,  du  reste,  Ta  consolée  eu  lui 
{îi  ;  :.t  (j'.ir  tout  le  monde  étoit  sujet  à  être  déchiré,  que  lui- 
iiî'îiic  a\":l  \4i  te  jcpandre  des  libelles  contre  lui,  et  que, 
(oui  :ê(  ennneiit,  la  calomnie  avoil  eu  Taudace  d*altaquer  les 
|jeisr>nnes  les  plus  augustes. 

(]es  ^M'jnds  événements  répandus  dans  le  public  ont 
doîiiié  rie  la  vogue  à  la  rapsodie  foraine,  et,  l'édition  étant 
«puisée,  on  en  prépare  une  seconde,  corrigée,  augmentée. 

"  î.es  baladins  soupçonnent  véhémentement  un  sieur 
.Ma  Vf  IIP.  auteur  de  pièces  foraines  jouées  chez  Nicole  t 
et  \in!inot,  et  assez  initié  dans  leurs  tripots  pour  eu  cou- 
ii( litre  les  anecdotes  et  pouvoir  les  répandre.  Comme,  eu 
o'.itie,  il  est  acteur  des  Grauds  Danseurs  du  Roi  et  trés-nié- 
iia^^t'  dans  la  brochure,  cela  augmente  les  soupçons.  » 

La  i'uncsjMtn'lance  secrète  du  .'$ juillet  blâme  vivement  la 
p;i[>l:(  alion,  mais  ne  dit  méuic  pas  que  quelqu'un  fût  soup 
(\:nij(-  d \'\ï  être  i'auteur',  cependant,  ou  Ta  vu,  dés  cette 
epo  [lie,  Mayeur  Sainl-l*aul,  un  des  acteurs  de  Nicole t.  Tétait 
véhémentement.  Nous  avons  retrouvé,  dans  un  exemplaire 
(lu  lÎMe,  un  post-scri/jtiuH  qui  semble  pi*ouver  le  contraire, 
a  in<'ins,  ee  qui  n'est  pas  impossible,  que  Mayeur  lui-même 
n'ait  imaginé  ce  mojen  de  dépister  les  soupçons.  Ce  morceau, 
«j.ii  !('>«auraitétre  reproduit,  contient  les  plus  graves  accusa- 
tions contre  le  caractère  et  la  moralité  du  comédien  foniin. 

(^)noi  qu'il  en  soit,  en  178'J  parurent  :  1"  une  seconde 
êili'ion  (In  hiSfruvrc^  quelque  peu  remaniée  et  augmentée 
\V  .w  rd.^t-srriptum  où  fauteur  se  moque  des  soupçons  cpia 
K  \(  illt  s  la  [)remièie  el  décharge  Parisau,  Tun  de  ceux  qu'on 
..\.iil  a  (r<  Il  ses;  le  2  octobre  1782,  la  Correspondance  sccntr 
:  .1  ii;  {  II'.  <»!<•  la  «liliqiie;  2"  le  /Ji'swiHTC  mis  rn  wui're  itn  le 
é'i,  1 1  /  .V  f/r  /(t  inctlnilU\  pour  sentir  (ritpposituni  a  lilspittu 
■/  /jnuicirirt/  t/ii   IriHplc  et  de  préservatif  à  la  prcventiou^ 

36 


554  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Paris^  1782,  in-S**.  C'est  une  réplique  de  Dumont,  un  des 
acteurs  des  associés,  au  Désœui^ré,  où  l'auteur  réfute  ce 
pamphlet  avec  beaucoup  de  modération  et  essaye  de  justi- 
fier la  plupart  de  ses  camarades.  La  sincérité  de  ce  panégy- 
rique est  douteuse,  et  la  Correspondance  secrète^  dans  son 
article  du  2  octobre  1782,  critique  autant  ce  volume  que 
celui  qui  Ta  motivé.  Laquelle  de  ces  deux  publications  pré- 
céda l'autre  ?  Nous  l'ignorons,  mais  peu  importe. 

Le  15  mai  1782 ,  les  Mémoires  secrets  reviennent  encore 
sur  l'ouvrage ,  qu'ils  critiquent  faiblement ,  et  encouragent 
l'auteur  à  passer  en  revue  les  grands  théâtres. 

Celui-ci  ne  devait  pas  suivre  immédiatement  le  conseil. 
L'année  suivante,  il  publia  le  second  volume  de  F  Espion  j 
intitulé  simplement  :  l'Espion  du  boulei^ard  du  Temple j 
tome  second  y  Londres  ^  1783.  Dans  sa  préface,  il  se  moque 
de  nouveau  des  conjectures  faites  par  les  acteurs  des  petits 
théâtres  sur  leur  historien ,  et  fournit  sur  sa  personne  des 
renseignements  qui  peuvent  n'être  qu'un  persiflage  de  plus. 
Il  dit  se  nommer  de  P.,  suivi  de  trois  syllabes.  Est-ce  pour 
égarer  le  lecteur  sur  le  nom  de  Pindansat.^  Dans  ce  volume, 
plus  considérable  que  le  précédent,  il  entre  dans  des  détails 
minutieux  sur  les  acteurs  et  actrices  du  Boulevard.  Il  termine 
par  un  plan  du  troisième  volume,  dans  lequel  il  annonce 
qu'il  fustigera  les  grands  théâtres  :  la  Comédie -Française,  la 
Comédie-Italienne  et  l'Opéra,  nouvelle  que  reproduit  la  Cor- 
respo?idance  secrète  à  la  date  du  29  janvier  1782. 

Il  ne  tint  parole  que  pour  un  seul,  le  dernier,  dans  Je  Vol 
plus  haut  ou  l'Espion  des  principaux  théâtres  de  la  capitale^ 
à  Memphis ,  chez  Sincère ,  libraire  réfugié  au  Puits  de  la 
Vérité,  1784,  in-8^ 

Nous  l'avons  dit,  il  est  impossible,  à  travers  ces  quatre  vo- 
lumes, de  découvrir  le  nom  du  pamphlétaire.  Les  indications 
qu'il  donne  sur  lui-même  sont  nombreuses,  mais  ou  peut  tou- 
jours supposer  qu'elles  sont  ironiques.  Les  soupçons  des  con- 
tempoi*ains  ont  plané  sur  plusieurs  individus,  mais  ils  nous 
semblent  s^égarer.  Lesauteurs  desMémoires  secrets  écrivaient 


LA  CONKKSSION  CrFAEKALK  D'AUDINOT.  555 

mieux  que  notre  espion ,  et  c'élaieut  évidemmenl  des  gens  de 
mœurs  et  de  langage  moins  lâchés.  Quant  à  Poultier-Dcl motte, 
il  u\i  été  cité,  de  nos  jours,  que  parce  qu'il  le  fut,  sans  autre 
motif,  à  IVpoque  même. 

Les  principaux  incriminés  sont  Thévenot  de  Morande  et 
Mavcur  Sainl-Paul. 

Le  premier,  il  est  vrai,  semble,  tout  d'abord,  Tétre  à  bon 
droit.  Dans  sa  Gazette  noire^  publiée  en  1784,  on  retrouve 
un  al)régé  du  premier  volume  de  V Espion  y  dont  beaucoup 
de  cliapitres  y  sont  reproduits  mot  pour  mot.  Il  a  donc  use 
de  son  bien  ,  dit-on.  Néanmoins,  à  examiner  de  près  ce 
texte,  on  peut  se  convaincre  que  Thévenot  n'a  fait  que  co- 
pier l'œuvre  d'un  autre  :  les  erreurs,  les  fautes  —  que  nous 
ne  pouvons  énumérer  ici  —  prouvent  suffisamment  un  pla- 
giat, qui  d'ailleurs  nous  étonne  médiocrement  de  la  part 
du  peu  scrupuleux  libelliste.  C'est  là  que  Thévenot  se  dit 
auteur  de  la  Confession  cCJudinot^  assertion  aussi  discutable, 
et  pour  les  mêmes  raisons,  que  les  autres,  mais  qui  a  sans 
doute  l'avantage  d'apprendre  que  ce  livre  est  du  même  auteur 
que  les  suivants. 

Quant  à  Mayeur,  le  style  de  ses  autres  ouvrages  nous  pa- 
raît le  tîécharger  absolument  de  la  paternité  de  ceux-ci.  Il 
ne  fut,  comme  Delmotte,  comme  aussi  Parisau,  soupçonne 
probablement  que  parce  qu'il  était  un  des  rares  familiers  de 
ce  monde  qui  sût  tenir  une  plume.  D'ailleurs  il  n'était  pas 
homme  à  se  livrer  à  de  pareils  excès  :  un  de  ses  biographes, 
qui  semble  l'avoir  connu,  disait,  en  1834,  que  «  ses  qualités 
ne  le  rendaient  pas  moins  estimable  que  ses  talents,  et  qu'il 
joignait  à  beaucoup  de  probité  une  âme  noble  et  une  extrême 
candeur.  »>  Le  biographe  ne  lui  en  attribue  pas  moins  les 
pamphlets  en  question  \  il  ne  les  avait  sans  doute  pas  lus, 
ou  bien  il  était  doué,  lui  aussi,  d'une  (v  extrême  candeur.  » 

En  définitive,  ces  volumes  sont  restés  anonymes  et  le  res- 
teront probablement  toujours.  Quelques  mots,  notamment 
la  dragonne  c[ue  l'auteur  prétend  porter,  nous  feraient  croire 
à  quelque  exempt  préposé  aux  spectacles.  Il  y  avait,  parmi 


556  BULLETIN  DU  BlBUOPHlLi:. 

les  gens  de  police,  dont  Sartinc  employait  quinze  mille,  des 
hommes  intelligents  et  instruits  que  leurs  ^ices  ou  des  fautes 
avaient  déclassés.  Le  ton  cavalier  de  ces  livres ,  le  mélange 
de  science  et  d'expressions  débraillées  et  la  profonde  con- 
naissance des  tripotages  de  coulisses  qu'on  y  remarque,  ren- 
dent, selon  nous,  cette  supposition  plus  admissible  que 
d'autres. 

En  tout  cas,  ces  ouvrages  sont  bien  curieux  et  amusants. 
Peut-être  exagèrent-ils  quelquefois  la  vérité,  mais  les  gens 
à  qui  prête  le  libellistc  étaient  si  riches,  et  d'autres  docu- 
ments nous  les  montrent —  surtout  les  forains —  si  corrom- 
pus, que  nous  pouvons  sans  peine  croire  l'Espion  véridique. 

Cette  série  est  devenue  peu  facile  à  trouver.  La  Confes- 
sion générale  (VÂudinot  est  le  volume  le  plus  rare  des  quatre, 
puisque  nous  n'en  connaissons  qu'un  exemplaire ,  à  la  Bi- 
bliothèque des  auteurs  dramatiques;  il  est  accompagné  d'une 
curieuse  gravure  qui  a  été  reproduite  exactement  dans  la 
Revue  le  Théâtre  du  l'*"  janvier  1875. 

La  Confession  met  en  scène  Audinot,  au  milieu  d'une  de 
ses  orgies  quotidiennes  —  nous  analysons  le  livre  sans 
nous  porter  garant  de  sa  véridicité,  —  en  compagnie  de  ses 
intimes,  artistes  attachés  a  l'Ambigu-Comique,  plus  un  «  in- 
trus »  dont  la  présence  et  le  petit  collet  ne  se  justifient  guère. 
A  un  moment ,  quelqu'un  lui  rappelle  énergiquement  que 
l'Autorité  l'a  forcé,  comme  tous  les  forains,  à  tenir  un  spec- 
tacle à  la  foire  Saint-Ovide.  Colère  et  pâmoison  du  diiecteur. 
Croyant  à  une  catastrophe,  tous  fuient,  sauf  les  mères  d'ac- 
trices, qui  se  préparent  à  sauver  les  bijoux.  Audinot  est 
porté  sur  son  lit  par  deux  fidèles.  L'un  d'eux  propose  d'aller 
quérir  im  prêtre.  Discussion  entre  les  baladins  :  les  uns  af- 
firment que  l'excommunication  des  gens  de  théâtre  persiste; 
d'autres  avancent  ironiquement  que  les  comédiens  y  échap- 
pent depuis  que  leurs  mœurs  se  sont  épurées;  un  autre  pré- 
tend que  les  bouironneries  obscènes  jouées  par  Audinot  le 
font  rentrer  dans  la  catégorie  des  indignes  ■  Un  quatrième, 
enfin ,  dit  ({u  on  peut  bien  lui  accorder  ce  qu'on  ne  refuse 


LA  CONFESSION  GÉNF.KALK  D^VIDINOT.  bbl 

[)as  à  un  Alandriq  sur  récliafaud.  Tout  lo  inonde  se  range  à 
ict  iivi.s,  et  rintrus  au  pelit  collet  se  charge  de  la  besogne.  11 
dt'clineses  qualités  au  moribond,  et  se  déclare  filsdeGirard 
et  (le  la  Cadière.  Alors  commence  la  fameuse  coufession. 
Audinot  fait  les  aveux  les  plus  étranges  sur  sa  conduite  privée, 
sur  les  mauvais  tours  qu'il  a  joués  aux  auteurs ,  au  public, 
aux  femmes,  au  prince  de  Conti,  son  protecteur;  il  raconte 
ses  débauches,  les  vols  qu'il  a  commis,  entre  autres  celui  du 
Tonnelier  y  qu'il  s'est  approprié ,  lui  sixième  collaborateur  ; 
il  avoue  ses  indispositions;  il  confesse  qu'il  a  eu  l'audace  de 
vouloir  débuter  à  la  Comédie  et  à  l'Opéra.  A  chaque  révéla- 
tion, le  confesseur  lève  les  bras  au  ciel  ;  jamais  tel  pécheur  ne 
s'est  rencontré  !  La  gravure  prend  la  scène  ici.  Aucune  in- 
dication explicative,  dans  le  texte,  sur  les  instruments  sus- 
pendus au  fond  de  Talcôve,  ni  sur  les  tableaux  qui  ornent  la 
chambre.  Nous  croyons  apercevoir,  à  travers  la  fenêtre,  les 
Cf)/né(/iens  de  bois;  au-dessus,  deux  chiens  savants,  et,  à 
(Iroile,  Audinot  fabricant  une  marionnette.  Quant  aux  in- 
struments et  aux  arabesques,  ils  demeurent  pour  nous  lettre 
close.  Le  diable,  qui  va  saisir  le  directeur  de  l'Ambigu,  n'est 
pas  mentionné  dans  la  brochure;  il  symbolise  évidemment 
les  destinées  deVâme  de  Nicolas-Médard.  Cette  estampe  est 
iolle,  comme  l'œuvre  qu'elle  précède,  'it  elle  n'a  guère  que 
le  mérite  d'exister,  en  original,  à  un  exemplaire. 

La  confession  continue.  Elle  devient  peu  à  peu  une  con- 
versation éniaillée  de  traits  à  l'adresse  des  auteurs  du  réper- 
toire forain  et  des  acteurs  de  l'Ambigu.  L'abbé  dispense 
enfin  Audinot  de  continuer,  et  lui  inflige  des  pénitences 
burlesques  (jui  ne  sont  que  l'occasion  de  continuer  le  même 
sujet.  11  part  ensuite.  Déjà  les  amis  du  présumé  défunt  se 
partai^ent  ses  bijoux.  Sur  le  boulevard,  Michel  le  cuisinier 
a  rt  quis,  pour  escorter  le  cortège  funèbre,  les  falotiers  du 
iMarais  qui  reconduisent  les  spectateurs  des  petits  théâtres  à 
leurs  lo^^is  ;  Nicolet,  joyeux  de  la  disparition  d'un  concur- 
rent, s'écrie  sur  le  balcon  de  la  parade  :  Hé  bien^  Messieurs  y 
entrez  c/iez  nous^  on  va  commencer ^  cest  la  même  chose^  et 


On8  nUTXKTIN  DU  BllUAOPHTLE. 

Noii(4nrel  projrilc  de  moUre  clans  le  prorliaîn  Almanach 
forain  T éloge  d'Audinot  à  la  place  de  celui  du  singe  de 
Nicolet. 

Nous  sommes  loin ,  dans  cette  analyse ,  d'avoir  employa 
les  termes  cyniques  de  l'œuvre  en  question ,  et  nous  avons 
omis  plus  d'un  aveu.  Cette  brochure  écrite  brutalement,  sans 
esprit  et  sans  correction ,  ne  se  recommande  aux  amateurs 
de  théâtre  que  par  les  piquantes  révélations  qu'elle  contient 
sur  le  monde  des  petits  théâtres,  et,  nous  l'avons  dit,  par 
son  excessive  rareté.  Nous  la  réimprimerons  quelque  jour, 
à  très-petit  nombre,  bien  entendu,  le  danger  de  ces  publi- 
cations étiiut  en  raison  inverse  du  chiffre  de  leur  tirage  et  de 
leur  prix. 

Jules  BorîNAssiES. 


LES   BIBLTOPIIITJS  D'AUTREFOIS: 

S.  P.  MÉRARD  DE  SAiNT-JUST 


Né  en  1749,  mort  en  1812,  Mérard  de  Saint-Just  fut 
quelque  temps  maître  d'hôtel  de  Monsieur  (le  comte  de  Pro- 
vence, frère  de  Louis  XVI)  ;  ces  fonctions  lui  laissaient  des 
loisirs;  il  les  consacra  à  la  littérature,  mai^  il  resta  toujours 
comme  écrivain  d'une  médiocrité  désespérante  ;  Renouard, 
qui  le  connut  personnellement,  s'exprime  ainsi  sur  son 
compte  :  «  C'était  un  assez  bon  homme,  mais  une  sorte  de 
u  niais  en  littérature  ;  sans  cesse  occupé  à  composer  de  petits 
«  romans,  de  petites  poésies,  et  h  en  faire  de  petites  éditions, 
«  tirées  à  fort  petit  nombre,  il  ne  se  reposa  que  quand  des 

Tcvers  de  fortune  le  forcén^ntde  mettre  fin  à  cette  contî- 
Vielh»!  élaboration  ;  Fans  cela,  le  recueil  de  ses  œuvres  for- 

_mVait  ])eut-étre  60  à  80  volumes  in- 18,  chacun  de  3  ou 


T.ES  BIBLIOPHILKS  DALTREFOIS,  559 

r  1  iouille?.  Le  nom  de  Didot  fait,  sinon  estimer, du  moins 
"  cons  :  ver  chez  les  curieux  six  à  huit  de  ces  volumes,  mais 
«  ()\\  al)andonnc  volontiers  tout  le  reste,  même  ceux  qui  ne 

furent  tirés  qu'à  6,  12  ou  20  exemplaires.  »  Nodier  si- 
;^Miale  de  son  côte  le  pauvre  Mérard  comme  un  petit-maître 
impie  et  libertin;  il  possédait  [Description  raisonnée  (tune 
jolu-  (ol/ection^^SiA,  n^  567)  un  exemplaire  des  Espiègleries^ 
/(t)TusetrSy  bons  mots,  folies,  4  parties  en  2  vol.  in-18,  re- 
cueil de  pièces  plus  que  libres  en  vers  ou  en  prose  (voir 
iw'.ve  JJ  ni /et  in,  1840,  p.  33-35,  et  le  catalogue  Soleinne, 
n°  3865  .  Cet  exemplaire  renfermait  45  feuillets  manuscrits 
cl  autographes;  Touvrage  entier  était  annoté  et  corrigé  par 
Tau  leur  u  de  manière  à  servir  à  une  seconde  édition  qui,  s'il 
«  plaît  à  Dieu,  ne  paraîtra  jamais.  »  (Adjugé  à  112  fr.  vente 
Noflicr,  revendu  370  à  celle  de  Désq.) 

On  trouve  une  liste  des  productions  de  Mérard  de  Saint- 
Just  dans  le  Mafiuel  du  libraire,  d^  édit.  t.  3,  col.  1642 
.'lequel  renvoie  au  catalogue  La  Bédoyère  vente  de  1839, 
n'  1201),  et  dans  la  France  littéraire  de  Quérard,  t.  6, 
p.  52,  mais  nulle  part  elle  n'est  complète,  ce  qui  d'ailleurs 
!ie  saurait  provoquer  de  bien  vifs  regrets. 

3I(Mard  de  Saint-Just  voulut  se  donner  un  plaisir  bien  fait 
!/(  ur  UMiter  tout  bibliophile,  celui  de  faire  imprimer  le 
c:iialogue  des  livres  qu'il  avait  réunis  avec  amour;  c'est 
ainsi  qu'ont  agi  MM.  Renouard,  Leber,  Yeméniz,  d'autres 
encore,  et  leurs  travaux  fort  utiles  aux  bibliographes  offrent 
pour  tout  amateur  une  lecture  des  plus  attachantes.  Mérard 
li\  I  a  (!onc  en  1 783  ?  aux  presses  de  Didot,  un  élégant  petit  vo- 
luiiî'j  in-18  qu'il  ne  fit  tirer  qu'à  25  exemplaires;  les  164  pa- 
ges dont  il  se  compose  énumcrent  513  articles,  plus  huit 
non  numérotés. 

Disons  tout  d'abord  que  l'exactitude  de  cet  inventaire  a 
été  4nise  en  doute;  d'après  le  Manuel  du  libraire,  c'est 
i  moins  le  catalogue  des  livresque  l'auteur  possédait  que  de 
ceu:;  qu'il  se  proposait  d'acheter;  »  et  Renouard  s'exprime 
ainsi  do  t^on  cùié  :  «  Cette  brillante  collection  est  en  partie 


660  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

«  imaginaire  ;  on  y  trouve  bien  des  articles  que  le  proprié- 
«  taire  n'a  jamais  pu  posséder  qu'en  espérance,  entre  autres 
•  le  Voltaire,  40  volumes  grand  in-4**,  papier  vélîn,  impn- 
u  merie  de  Kehl,  relié  en  maroquin  violet,  doublé  de  satin 
•i  blanc.  Or  cet  in-4°  n'exista  jamais  qu'en  prospectus  et 
«  dans  le  catalogue  de  M.  Mérard.  » 

Quoi  quSl  en  soit,  ce  livret,  très-rare,  est  curieux  et  digne 
d'être  recherché  ;  nous  avons  sous  les  yeux  un  exemplaire 
unique  :  tout  est  chargé  de  corrections  et  additions  autogra- 
phes ;  de  nombreux  articles  sont  bifTés,  beaucoup  d^autres 
sont  ajoutés;  cet  exemplaire  fait  partie  de  la  très-intéressante 
collection  formée  avec  autant  de  goût  que  d'intelligence  par 
un  amateur  bordelais,  M.  E.  Rlichelot. 

Tous  les  livres  de  Mérard  sont  habillés  somptueusement 
en  maroquin,  doublé  de  maroquin  ou  de  tabis;  les  noms 
de  Boyet,  de  Padeloup,  de  Derome  reviennent  à  chaque 
instant.  Si  ces  volumes  se  retrouvaient,  s'ils  se  montraient  à 
à  la  salle  Silvestre  ou  à  l'hôtel  Drouot,  à  quel  prix  ne  les 
porterait  pas  le  culte  professé  aujourd'hui  pour  ces  belles 
reliures  anciennes  ?  Mérard  indique  pour  chaque  article  le 
prix  auquel  il  l'évalue;  ces  estimations  paraissent  mainte- 
nant des  plus  minimes  ;  voulez-vous  quelques  exemples? 
Manon  Lescaut,  Amsterdam,  1733,  reliure  de  Padeloup, 
9  h'vres,  Dorât,  les  Baisers^  papier  de  Hollande,  reliure  de 
Derome,  36  livres;  les  Fables ^  grand  papier  de  Hollande, 
épreuves  de  choix-,  reliure  de  Derome,  100  livres  '^prix 
élevé  pour  l'époque  :  aujourd'hui  celui  de  1200  à  1500  fr. 
ne  paraîtrait  pas  excessif).  Racine,  1697  ;  2  vol.  in-12,  de 
Rome,  12  livres;  Ovidius,  Elzevier,  1629,  3  vol.  in-12, 
grandes  marges,  mar.  violet  doublé  de  mar.  citron,  Dusseuil, 
36  livres.  Eu  revanche  le  Cicéron  de  d'Olivet,  9  vol.  in-4*, 
est  porté  à  1200  fr.,  prix  qu'il  n'obtiendrait  peut-être  pas 
maintenant,  en  dépit  d'une  reliure  de  Padeloup,  à  moins 
qu'il  ne  soit  un  des  rares  exemplaires  en  grand  papier. 

Mérard  de  Saint-Just  ne  s'attachait  d'ailleurs  qu'à  des  li- 
vres modernes;  les  vieilles  raretés,  les  incunables  n'avaient 


LRS  BlBLlOPFilI.KS  IVAUTHEFOIS.  561 

aucun  charme  pour  lui,  il  s'exprime  avec  autant  de  sévérilé 
que  (riiijustice  au  sujet  de  la  précieuse  collection  des  Grands 
vi  petits  f^"^ orages  des  frères  de  Bry  :  «  Il  n'y  a  que  des  bi- 
bliomanes,  des  ignorants  ou  des  dupes  qui  puissent  mettre 
à  ce  mauvais  ouvrage  le  prix  auquel  on  le  fait  monter  main- 
tenant; il  est  à  dégoûter  de  la  lecture  pour  toujours,  il  n'y  a 
pas  une  ligne  qu'on  puisse  en  extraire.  »  (!...) 

Les  éditions  des  El/evier  avaient,  avec  raison,  provoqué  les 
prédilections  de  Mérard  ;  nous  trouvons  sur  son  catalogue 
VJ/coran,  THorace  de  1629,  le  Tacite  de  1634,  le  Vellcîus 
P;iterculus  de  1639,  le  Commines  de  1648  (reliure  de 
D^rome,  évalué  20  livres),  la  Galerie  des  femmes  fortes 
du  P.  Lemoync,  1660  ^rcl.  de  Dusseuil,  24  livres). 

Le  catalogue  dont  il  s'agit  fournit  quelques  informations 
qui  peut-être  ne  se  rencontrent  pas  ailleurs;  il  nous  apprend 
que  M.  de  Saint-Priest,  ambassadeur  à  Constantinople, 
envoyait  à  madame  de  Pompadour  du  maroquin  de  choix, 
et  que  Laferté  était  le  relieur  auquel  cette  femme  célèbre 
confiait  ses  livres  aujourd'hui  si  recherchés.  Observons  en 
passant  que  Mérard  nomme  parmi  les  relieurs  qui  avaient 
habille  ses  volumes  deux  Anglais,  Baumgarten  et  ce  Roger 
Payne  qui  exécutait  des  chefs-d'œuvre  dans  un  misérable 
«galetas;  Dibdin  donne  à  son  égard  de  curieux  détails. 

Notre  bibliophile  avait  un  goût  prononcé  pour  les  produc- 
tions d'un  cal ligraphe  français  contemporain  de  Louis  XVI, 
Fyot  ;  les  catalogues  Chardin  et  Soleinne  offrent  un  assez 
j^aand  nombre  de  manuscrits  (en  partie  achetés  par  le  ba- 
ron Taylor)  dus  à  la  plume  de  cet  artiste,  qui  en  dépit  de 
son  talent  «  mourut  de  faim  sur  une  poignée  de  paille  »  ; 
c'est  du  moins  ce  qu'avance  Charles  Nodier. 

-Mérard  de  Saint-Just  ne  pouvait  se  dispenser  de  placer 
dans  sa  bibliothèque  les  produits  en  veisou  en  prose  de  son 
imaj^ination  ;  il  indique  comme  inédits  un  recueil  de  pièces 
de  théâtre  non  représentées,  un  roman  épistolaire  retraçant 
les  muîurs  ou  les  usages  de  l'Italie,  un  autre  roman  :  P Ecole 
des  amants^  un  Paîu'gyrique  de   la  Madeleine  qu'il  classe 


r)62  BULLETIN  DU  RIBLIOPIULE. 

clans  la  théologie,  mais  qui  n'était  qu'une  facétie  très-peu 
édifiante.  En  définitive,  et  tout  en  restant  à  une  énorme  dis- 
tance de  du  Fay,  de  de  Boze,  de  Girardot  de  Préfond,  de 
Gaignat,  de  La  Vallière,  etc.,  Mérard  de  Saint-Just  mérite  de 
figurer  dans  la  galerie  réservée  aux  bibliophiles  du  dix-huî- 
tiëme  siècle;  il  a  une  physionomie  à  lui,  et,  tout  en  faisant 
nos  réserves,  nous  lui  devons  notre  sympathie. 

G.   B. 


REVUE  CRITIQUE 


DE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES. 


TjES  Amateurs  d'autrefois,  par  M.  le  comte  Clément 
de  Ris.  Paris ^  Pion  et  Cie;  gr.  in-8  de  475  pages 
et  porlr,  (prix  :  20  fr.).  —  Histoire  du  Mobilier, 
par  A.  Jacquemart  (œuvre  posthume).  PariSj 
Hachette  et  Cie;  gr.  in-8  de  665  pages,  br.  (prix  : 
25  fr.). 

On  nous  saura  gré,  sans  doute,  de  réunir  ces  deux  ouvrages  qui 
ont  entre  eux  une  corrélation  intime  et  dans  lesquels  nos  lec- 
feurs  trouveront  plus  d'une  page  se  rapportant  à  leurs  chères 
études  {yTQ\i  chères  aujourd'hui,  hélas!).  I^s  noms  des  deux  auteurs 
leur  sont  également  familiers.  M.  le  comte  Clément  de  Ris,  con- 
servateur du  Musée  de  Versailles,  et  membre  de  \dL  Société  des  Bi^ 
hiiop/iiles,  ligure  depuis  longtemps  parmi  les  collaborateurs  du 
Bulletin,  Il  cite  à  diverses  reprises  notre  recueil,  qui  lui  a  été  fort 
utile  dans  ses  recherches  sur  les  anciens  amateurs  français,  sur  ceux 
principalement  qui  joignaient  le  goût  des  livres  rares  et  des  belles 


RFA  IK  CRITIQUE  DE  PUBIJCATIONS  NOUVELLES.      r>63 

reliures  à  crliii  dos  tableaux,  dos  sculptures,  des  estampes,  des 
âolPes  et  meubles  {-récieux,  des  objetsd'art  ornemental  ou  dérivés 
(lo  la  statuaire.  C'est  même  le  J>ulietin,  si  je  ne  me  trompe,  qui  a 
eu,  an  moins  en  partie,  la  primeur  d'un  des  plus  intéressants  ar- 
lieies  de  ce  v(»linne,  l'étude  sur  Randon  de  Boisset. 

Parmi  los  seize  autres  amateurs  d'élite  qui  figurent  dans  la  ga- 
lerie do>I.  Clément  de  Ris,  Grolier,  G. -A.  deThou,  la  comtesse 
lie  Vefriio,  ayant  été  surtout  bibliophiles,  doivent  nous  intéresser 
plus  particulièrement.  L'article  sur  Grolier  est  un  résumé  piquant 
de  r«\stimable  travail  de  feu  Leroux  de  Lincy,  résumé  qui  a  toute- 
lois,  ecmime  les  autres  notices  de  M.  Clément  de  Ris,  un  cachet 
marqué  d'individualité.  Ainsi,  il  fait  une  petite  querelle  ù  Brunet 
dw  sujet  d'un  (irolier  qui,  nialgré  quelques  raccommodages,  n'est 
|)as  oortainoment  des  pires,  l'exemplaire  du  Devins  illustribus or-- 
dinis  Vrxdicatorum^  d^Vlbertus  Leander,  payé  303  francs  à  la  vente 
Amlenot  (IS41],  et  qui  se  vendrait  certainement  bien  plus  cher 
aujourd'hui.  M.  Clément  de  Ris  soutient,  contre  l'opinion  de  Bru- 
noi,  qu'indépendamment  de  son  illustre  provenance,  l'ouvrage, 
par  lui-même,  ne  manque  pas  de  valeur,  ce  qui  est  parfaitement 
exact.  Cette  polémique  m'a  d'autant  plus  intéressé,  que  l'acquéreur 
(le  I84I  n'était  autre  que  moi-même.  Ce  fut  à  la  vente  Audenet 
(]uo  je  reçus  le  baptême  du  feu  des  enchères,  moins  violent  alors 
(ju'aujourd'hui. 

Dans  la  monographie  dedeThou,  Tune  des  meilleures  du  livre, 
riionmie  politique  et  l'historien  sont  un  peu  sacrifiés  au  biblio- 
f)Iiile;  nous  n'avons  garde  de  nous  en  plaindre.  I^I.  Clément  de 
Ui>^  donne  sur  les  quatre  écussons  de  de  Thou  des  explications 
empiunt''es  à  M.  le  baron  Jéi*omc  Pichon,  et  aux  notes  publiées 
on  iSiiO  dans  le  BuUrtin  du  Bibliophile,  Puis  il  s'occupe  du  pro- 
blème des  reliures,  «  d'autant  j)lus  diRicile  à  résoudre,  pour  les 
lîMOs  de  de  Thou, comme  pour  ceux  de  Grolier,  qu'il  se  compli- 
(jue  d'une  question  d'organisation  municipale,-  les  relieurs  ne 
formant  |)as  alors  une  corporation  distincte.  Suivant  une  conjec- 
tuK.'  ingénieuse,  la  plupart  des  livres  de  de  Thou,  successeur 
d'Anivotdans  l'office  de  garde  de  la  Bibliothèque  royale,  en  1394, 
ont  dû  être  reliés  par  les  Eve,  imprimeurs-libraires,  qui  ont 
possède  de  1578  à  ]C*27  le  titre  de  belikurs  du  Roi. 

î/auleur  plaide  avec  beaucoup  de  délicatesse  et  de  dextérité  les 
cireon^tanres  atténuantes  en  faveur  de  la  comtesse  Vernie,  à  la- 


■  ■■•"?■  ■i-'i:..-;Lîi:i»!«t 


564  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

quelle  i!  sera  beaucoup  pardonné,  parce  qu'elle  a  beaucoup  aimé... 
les  livres.  Il  parait  au  moins  vraisemblable  que  sa  rencontre  avec 
le  duc  de  Savoie  avait  été  diplomatiquement  concertée  d'avance  à 
son  insu,  et  que  son  mari  et  sa  belle-mére  furent  les  instigateurs 
de  sa  chute.  Dans  tous  les  cas,  elle  servit  à  sa  manière  les  intérêts 
français,  et  contribua  au  rétablissement  de  la  paix  avec  la  Savoie, 
et  il  ce  mariage  du  duc  de  Bourgogne,  qui  fut  pour  la  France 
entière  une  fugitive  aurore  de  bonheur.  Ce  qui  est  certain  aussi, 
c'est  que  la  comtesse  de  Verrue  possédait  plusieurs  tableaux  de 
premier  ordre,  notamment  le  Charles  I*^  de  Van  Dyck,  aujoor- 
d'hui  l'un  des  plus  beaux  ornements  du  Louvre,  et  le  fameux  Mar- 
ché aux  chevaux^  chef-d'œuvre  de  Wouwermans.  Après  sa  mort, 
la  prisée  de  ses  livres,  tous  reliés  à  ses  armes  en  maroquin  plein 
ou  pour  le  moins  en  veau  fauve,  fui  confiée  à  Gabriel  Martin,  le 
digne  prédécesseur  des  de  Bure,  des  Renouard,  des  Merlin  et  des 
Techener.  Cette  bibliothèque  d'au  moins  loOO  volumes  était 
surtout  riche  en  romans,  et  en  pièces  de  théâtre.  «  Madame  de 
Verrue  n'était  pas  un  bibliopltile  de  montre;  elle  n'avait  pas  de» 
livres  pour  en  tirer  vanité,  mais  bien  pour  les  lire.  »  A  l'époque  où 
cetarlicle  a  été  écrit  (1863),  la  bibliothèque  du  Louvre  possédait 
un  exemplaire  du  livre  :  De  l'usage  des  Romans  y  de  Lenglet-Du- 
frcsnoy,  annoté  par  madame  de  Verrue.  Elle  possédait  bien  d'au- 
tres trésors,  qui  sont  aujourd'hui,  grâce  à  nos  aimables  commu- 
nards, où  sont  les  neiges  d'autan. 

Parmi  les  autres  monographies,  nous  recommandons  celles  de 
Crozat,  dont  le  cabinet  était  le  plus  riche  et  le  plus  varié  que  ja- 
mais particulier  ait  pos'^édé  en  dessins,  tableaux,  sculptures, 
livres  d'art  et  pierres  gravées;  de  la  Roque,  le  rédacteur  du  Mer- 
cure et  l'ami  de  Watteau,  dont  la  collection  était  surtout  remar- 
quable par  le  nombre  et  la  beauté  des  pièces  de  laque  ;  du  comte 
de  Caylus,  archéologue  monomane,  justement  célèbre,  uialgrc  ses 
nombreuses  erreurs  et  son  mauvais  caractère.  (Un  mauvais  carac- 
tère est  souvent  une  grande  force  et  un  puissant  moyen  de  succès, 
comme  l'a  bien  prouvé  le  créateur,  mort  tout  récemment,  d'une  revue 
fameuse  dans  les  deux  mondes,)  Citons  encore  la  notice  consacrée 
àJullienne,  le  grand  industriel  du  faubourg  Saint-Marceau,  homme 
de  bien  et  homme  de  goût,  «  demandant  aux  choses  de  l'ait  de  le 
distraire  des  occupations  de  son  négoce  »;  celle  de  Mariette,  tyjje 
achevé  de  l'amateur^  qui,  en  fait  de  dessins  et  d'estampes,  «  avait 


Ui:\  L'K  CRITIQUE  OK  PUBLICATIONS  NOUVia.LKS.    b(:b 

r.i>st^iiil)l('  (les  miracles  »  ;  celle  enfin  de  Denun,  l'une  des  ligures 
!»  s  j)Ius  iiiti'rcssanles  de  celte  galerie. 

Toutes  ces  notices,  écrites  à  diverses  époques,  sont  reliées  par 
une  introduction  historique,  aussi  judicieuse  qu'élégante.  L'auteur 
y  di  cutc  notamment  l'influence  exercée  par  les  amateurs  sur  les 
artistes,  sur  les  évolutions  du  goût.  «  En  thèse  générale,  dit-il,  les 
amateurs  ont  donné  la  mesure  et  le  ton.  Ils  n'ont  pas  créé  le  mou- 
veinonl;  ils  Tout  soutenu,  dirigé,  équilibré.  Ce  sont  les  chefsd'un 
concert  dont  les  artistes  ont  été  les  exécatants....  Pour  me  servir 
d'une  comparaison  empruntée  à  la  mécanique,  ils  ont  été  le  vo- 
tant  de  la  ^Tiachine....  »  Tout  cela  est  aussi  ingénieusement  pensé 
(jue  bien  dit. 

Ce  vo'iunie,  imprimé  avec  un  luxe  bien  assorti  au  sujet,  fait  hon- 
neur aux  presses  de  MM.  Pion.  Il  est  orné  de  huit  portraits  authen- 
ticpics  cramateurs,  gravés  à  Teau-forle,  dont  plusieurs  sont  d'une 
e\éc!ition  remarquable,  notamment  ceux  de  de  Thou,  d'Evrard 
Jabîicli,  célèbre  amateur  de  tableaux  du  dix-septième  siècle,  et  de 
Ju.liennc,  Tune  des  ligures  d'homme  les  plus  sympathiques  qu'une 
femme  puisse  rêver. 

Comme  nous  le  disions  au  début  de  cet  article,  les  Études  de 
M.  Clément  de  Ris  sur  les  anciens  amateurs  se  rattachent  intime- 
ment à  l'œuvre  posthume  d'Albert  Jacquemart,  VHistoire  du 
Mobilier^  véritable  manuel  de  Pamaleur  moderne  :  elles  en  sont 
l'inti'oduction  naturelle  et  indispensable.  Les  plus  illustres  collec- 
tionneurs de  n':tre  temps,  les  Sauvageot,  les  Rothschild,  les  Dou- 
ble, et  //////  ij nanti ^  n'ont  fait  que  renouer  les  traditions,  et  mar- 
cher sur  les  traces  des  de  Thou,  des  Mazarin,  des  Jabach,  des 
Jullierme,  des  Mariette.  Ils  ont  réveillé  cette  Belle  des  Belles  au  bois 
dor.nant,  la  Curiosité,  du  sommeil  léthargique  où  Pavait  plongée 
la  plus  maligne  des  Carabosses,  la  fée  Révolution!  Parmi  les  beaux 
spécimens  de  meubles,  d'étoffes,  de  sculptures,  d'orfèvrerie  et  de 
bijouterie  artistiques  reproduits  dans  l'ouvrage  de  Jacquemart,  et 
qui  figurent  aujourd'hui  dans  les  plus  liches  collections  publiques 
et  particulières  de  l'Europe,  un  grand  nombre,  et  non  des  pires, 
aN  aient  été  possédés  d'abord  par  ces  curieux  d'élite,  les  «  amateurs 
Il  ançais  d'autrefois  ». 

La  mort  n'a  pas  permis  à  Albert  Jacquemart,  l'auteur  de  l'^ij- 
l'irc  de  la  Porcelaine^  ce  beau  livre  bien  connu  des  bibliophiles, 
de  mettre  la  dernière  main  à  son  Histoire  du  Mobilier ^  si  toutefois 


566  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

la  dernière  main  peut  jamais  être  mise  à  un  ouvrage  de  ce  genre. 
Tel  quil  est,  celui-ci,  fruit  des  recherches  de  toute  une  vie  dV>ru- 
dit  consciencieux  et  d*amateur  passionné,  contient  bien  des  ren- 
seignements précieux,  bien  des  inductions  ingénieuses.  L'an  des 
chapitres  qui  nous  auraient  le  plus  intéressé,  celui  des  reliures, 
est  malheureusement  un  de  ceux  qu'il  n'a  pas  eu  le  temps  d'écrire. 
Il  s'était  borné  à  mentionner  en  passant  les  émaux  cloisonnés  by- 
zantins, employés  à  la  décoration  des  reliures  d'Ëvangéliaires.  A  la 
dernière  page  de  son  livre,  il  rappelle  aussi  que,  dès  son  appari- 
tion, la  reliure  en  maroquin  «  prit  une  telle  importance  que  ses 
richesses  rivalisèrent  avec  celles  de  l'orfèvrerie  et  devinrent  le 
type  d'autres  industries.  >  C'est  ainsi  que  la  plupart  des  belles  et 
si  rares  faïences  d'Oiron  sont  «  ornées  des  mêmes  motifs  que  les 
livres  de  l'époque  de  Henri  11 .  » 

Dans  un  passage  du  chapitre  des  broderies,  passage  emprunté 
probablement  au  Bulletin^  il  est  fait  mentiondc  sainte  Viborade,  dont 
l'occupation  favorite  était  de  broder  des  enveloppes  pour  les  livres 
de  la  bibliothèque  de  Saint-Gai.  ^ous  avons  raconté  ici  luèiue  ia 
vie  de  cette  femme  intéressante  sous  tant  de  rapports,  qui,  :tu  mo- 
ment de  l'invasion  hongroise,  prescrivait  de  saucer  if  abord  les 
livres  !  C'est  elle  qui  mériterait  d'être  proclamée  patronne  des  bi- 
bliophiles; car,  malgré  l'habile  apologie  de  M.  Clément  de  Ris, 
les  antécédents  de  la  comtesse  de  Verrue  ne  lui  permettent  pas 
d'aspirer  à  ce  titre  (1  )  • 

Baron  Ebsouf. 


L'Empereur  Titus,  par  Lucien  Double.  Paris ^  Saniioz 

et  Fischbacher,  1877;  in-12. 

Mis  en  ijoût  par  le  succès  de  son  premier  livre  f  Empereur 
Claude^  M.  Double  continue  ses  études  sur  les  empereurs  romains. 
11  s'était  efforcé  précédemment  —  et  à  mon  sens  il  a  réussi  ^  de 


(1)  Quelques  exemplaires  de  V Histoire  du  Mobilier  ont  éié  tirés 
papier  de  Chine. 


KKVUK  CRiriQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES.     567 

j)r()uv('r  (lue  Claude  valait  mieux  que  sa  réputation.  11  tente  au- 
jourd'hui de  développer  la  thèse  opposée  sur  Titus,  le  second  eni- 
j)ereur  de  la  famille  Flavia,  et  de  démontrer  que  «  les  délices 
du  genre  humain  »  jouit  d'une  renommée  passablement  usur- 
pée. 

Je  ne  me  fais  le  défenseur  d'aucun  des  Césars,  pas  plus  de 
Titus  que  des  autres.  Considérés  comme  hommes  privés,  je  crois 
qu'ils  ne  valaient  pas  cher.  Il  me  semble  toutefois  que  dans  son 
réquisitoire  contre  Titus,  M.  Double  est  moins  concluant  que  dans 
son  apologie  pour  Claude.  Il  procède  par  insinuations,  il  relève 
et  souligne  les  sous-entendus  de  l'histoire,  il  lit  entre  les  lignes 
deb  annales,  il  argumente  avec  des  hypothèses,  il  se  sert  de  rai- 
sonnements plutôt  que  de  raisons.  Le  procédé  est  ingénieux,  bril- 
lant, très-commode,  mais  très-dangereux,  en  ce  qu'il  peut  avec  la 
même  facilité  être  retourné  contre  qui  en  fait  usage.  On  sait  toutes 
les  calomnies  que,  précisément  dans  son  pamphlet  sur  Titus  et 
sous  prétexte  de  le  juger  avec  impartialité,  M.  Beulé  a  accumulées 
contre  le  second  Empire.  M.  Double  est  de  meilleure  foi,  je  n'ai 
pas  besoin  de  le  dire;  mais  voilà  où  conduit  le  système  des  inler- 
prétarions.  En  histoire  comme  en  physi  dogie,  il  faut  s'en  tenir  ab- 
bolunient  à  la  méthode  expérimentale  et  ne  juger  que  d'après  les 
faits. 

Je  ne  suis  pas  versé  dans  la  connaissance  de  l'histoire  romaine, 
et  uKi  science  sur  ce  sujet  ne  va  pas  au  delà  de  celle  de  tout  le 
monde.  Je  ne  donne  donc  mes  opinions  que  pour  ce  qu'elles  va- 
lent. Or,  malgré  toute  ma  bonne  volonté,  j'avoue  franchement 
(pfen  fermant  le  nouveau  volume  de  M.  Double,  je  ne  me  trouve 
nullement  converti  à  sa  thèse,  et  qu'en  somme  Titus  me  parait 
mériter  la  réputation  que  le  commim  des  martyrs  attache  à  son 
nom  et  à  son  trop  court  règne. 

La  bonne  moitié  de  cette  réputation,  il  faut  bien  le  reconnaître, 
et  M.  Double  a  eu  le  tort  de  ne  pas  assez  y  insister,  est  faite  avec 
les  passions  —  disons  le  mot  :  -  avec  la  haine  du  christianisme 
contre  le  judaïsme.  Le  grand  acte  de  la  vie  de  Titus  est  le  siège 
et  la  prise  de  Jérusalem.  C'est  de  ce  moment  qr.e  date  la  disper- 
sion (le  cet  étonnant  petit  peuple  dont  les  citoyens  sont  partout 
et  l<i  cité  nulle  part.  Au  moment  de  disparaître  de  la  scène  politi- 
«|U( ,  les  juifs  furent  admirables  de  courage  et  de  sacrifice.  Il  faut 
liie  dans  Touvrage  d    M.  Salvador  tout  ce  que,  resserrés  dans  les 


568  BUl.LKTIN  DU  BIBLIOPHILE. 

murailles  de  leur  ville  sainte  assiégée,  ils  trouvèrent  d'héroïsme, 
d'abnégation,  pour  défendre  dans  une  lutte  suprême  leur  nationa- 
lité et  leur  Dieu.  Ils  succombèrent  avec  un  éclat  dont  le  monde 
retentit  encore  ;  et,  chose  singulière,  ceux  qui  insultèrent  à  leur  dé- 
faite et  glorifièrent  leurs  vainqueurs  ne  furent  pas  ces  vainqueurs 
mêmes,  mais  bien  les  irréconciliables  ennemis  des  juifs  :  les  chré- 
tiens. Titus  devint  pour  les  écrivains  chrétiens  de  tous  les  temps, 
depuis  les  Pères  de  l'Église  jusqu'à  M.  de  Chateaubriand ,  le  type 
de  la  perfection  païenne,  un  demi-chrétien,  le  véritable  instrument 
de  la  vengeance  divine  dans  sa  haine  contre  les  juifs.  Ajoutez-y  les 
éloges  d'un  témoin  oculaire,  de  Josèphe,  un  tralti^e  et  un  transfuge  ; 
et  vous  conviendrez  que  Titus  a  joué  de  bonheur  et  obtenu  sa  ré- 
putation à  bon  compte.  La  stricte  justice  cependant  eût  consisté  k 
entendre  les  vaincus.  Les  chrétiens,  en  gens  avisés,  y  ont  mis  bon 
ordre. 

Toujours  est-il  que  l'arrivée  de  Titus  à  l'empire  coïncide  avec 
une  détente  dans  l'absolutisme,  une  ère  de  repos  et  de  tranquillité 
relatifs,  dont,  malgré  le  meurtre  de  Cœcina,  sa  mémoire  a  hénéli- 
cié.  Que  valait  l'homme  privé  ?  Je  le  répète,  sans  doute  peu  de 
chose  ;  mais  ce  qui  est  incontestable,  ce  que  M.  Double  lui-même 
ne  saurait  nier,  c'est  que  comparé  à  ses  prédécesseurs  et  à  ses 
successeurs  Titus  a  usé  du  pouvoir  suprême  —  et  Ton  sait  si  celui 
des  empereurs  romains  était  omnipotent  —  avec  une  doui:cur  et 
une  modération  dont  depuis  longtemps  le  monde  ne  fournissait 
plus  d'exemples.  Il  faut  lui  en  savoir  d'autant  plus  de  gré  qu'il 
n'y  avait  pas  alors  d'opinion  publique  qui  pût  contenir  et  refréner, 
avec  une  autorité  bien  autrement  irrésistible  que  celle  des  lois,  les 
tentations  et  les  tentatives  du  pouvoir  absolu. 

Le  procédé  littéraire  de  M.  Double  est  vieux  :  il  n'est  pas  u  é, 
il  ne  le  sera  jamais.  Il  consiste  à  étudier  le  caractère  de  l'homme 
privé,  h  l'opposer  au  caractère  de  l'hi^mme  public  et  à  mettre  en 
relief  les  contradictions  résultant  de  cette  élude.  Personne  ne  ré- 
siste à  une  pareille  épreuve.  Prenez  les  plus  illnsties  types  de 
l'histoire  à  toutes  les  épo({uos  et  chez  tous  les  peuples  :  Alexandre 
ou  Cébar,  Henri  IV  ou  Uichelieu,  Elisabeth,  Charlcs-Quint,  Ju- 
les Il  ou  LfMm  X,  Pierre  V"  ou  Catherine  II,  Frédéric  II  ou  Ma- 
rie-Thérèse, et  pénétrez  ilans  leur  vie  intime.  Il  est  certain  que 
vous  sortirez  de  cet  examen  fort  peu  édifié  sur  le  compte  du  per- 
simnagc,  et  qu'il  ne  vous  prendra  uuUe  envie,  s'il  revenait  an 


de  la  civilisaQon  ;  quel  cbangemeot  I  yneile  grandeur  I  Comme  les 
iléfauts  privés  disparaissent,  comme  Thomme  s'efface  .pbur  ne 
laisser  deboat  que  le  grand  homm&I  Comme  l'esprit  est  à  l'aise^ 
sentant  bien  qne  là  est  le  véritable  point  de  vne,  la  saprbne 
justice! 

Ce  manque  d'équilibre,  de  conséquence  avec  soi-même  est  ié 
propre  de  l'homanité;  c'est  le  signe  et  le  caractire  de  l'infirmité 
de  notre  nature.  Il  est  tonjours  tentant  et  lodjours  foôle  de  met* 
tre  cette  infirmité 
continue  ses  études, 
glace  à  un  style  o 
dérend;  mais  je  s 
contraire  est  bien  { 
somme,  à  qui  doit  i 


Lettres  ihéditi 

flRlUNA.II,  SA 

publiées  pou 

dées    d'une 

PariSf  libraii 

Ce  titre  n'est  pa 

dunner  un  autre  i 

pas  des  lettres  iné 

en  a  que  quelques 

pu  éti'e  restitués  ei 
vigne  avec  Mme  i 
M.  Capmas  d'un  ma 
011  toutes  les  letti 
qu'une  copie.  M.  C 
de  Dijon,  a  fait  ci 


/ 


570  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

de  \ieux  meubles  et  d'antîqaités  de  cette  ville,  qni  avait  acheté 
les  six  volumes,  ù  Semur-en-Auxois,  dans  une  rente  après  décès. 
Elle  les  conserva  quinze  mois  sans  trouver  d^ amateurs,  jusqu'à  ce 
que  son  propriétaire  actuel  se  décidât  à  en  faire  l'acquisition,  aa 
mois  de  mars  1873. 

On  lira  tous  ces  détails  dans  une  Introduction  de  l'éditeur  qui 
n*a  i)as  moins  de  240  pages,  et  prend  plus  de  la  moitié  da  tome 
premier  de  son  édition.  Viennent  ensuite  les  lettres,  au  nombre 
de  cent  soixante-dix,  par  ordre  de  dates,  du  20  février  1671  au 
iO  mai  4  694,  avec  des  notes  sous  chacune  d'elles  pour  désigner 
celles  «  qui  sont  entièrement  inédites;  »  —  celles  «  entières,  qui 
sont  presque  entièrement  inédites  ;  »  —  celles  a  entières,  en  partie 
inédites,  en  partie  restituées  ;  »  —  celles  dont  il  n'est  donné  que 
des  c  fragments  inédits;  d  —  enfin,  celles  qui  joignent   «  aux 
fragments  inédits,  des  passages  restitués.  »  Voilà  toute  Féconomie 
de  cette  publication,  qui  est  mise  en  référence,  comme  cela  devait 
être  pour  l'intelligence  du  lecteur,  avec  la  collection  de  la  corres- 
])ondance  de  Mme  de  Se  vigne  dans  l'édition  des  Grands  écrivains 
de  la  France, 

Nous  croyons  que  les  références  eussent  été  plus  commodes  et 
plus  directes,  pour  ce  qui  regarde  les  fragments  inédits,  siTéditeur 
avait  indiqué  à  quelle  place  ils  doivent  se  mettre,  soit  au  commen- 
cement, soit  au  milieu,  soit  à  la  (in,  dans  chacune  des  lettres  pu- 
bliées où  ils  doivent  remplir  des  lacunes  et  s'y  caser  pour  faire 
corps.  C'eût  été  un  moyen  de  restituer  chaque  tettre  dans  son  plein 
et  dans  ses  suites.  Nous  dirons  encore  que  les  notes  de  l'éditeur, 
qui  y  sont  fort  nombreuses,  n'y  ont  pas  toujours  d'utilité,  ou,  si 
l'on  aime  mieux,  qu'elles  n'y  sont  pas  toujours  nécessaires.  On 
semble  y  vouloir  trop  faire  l'éducation  du  lecteur  sur  des  points 
élémentaires  qui  ne  touchent  pas  à  Mme  de  Sévigné,  ou  trop  ac- 
compagner et  guider  ce  lecteur  par  des  rapprochements  qu'il  pent 
très-bien  faire  de  lui-même.  Sur  les  points  élémentaires,  par 
exemple,  à  .la  lettre  1 35  où  Mme  de  Sévigné  dit  qu'elle  arrive  de 
Dol^  M .  Capmas  prend  le  soin  de  nous  avertir  que  c'est  une 
a  anrienne  ville  fortifiée,  dans  le  département  d'IlIe-et-Vilaine,  à 
T)  lieues  et  demie  de  Saint- Malo.  »  Franchcm^^nt,  tout  lecteur  de 
Mme  de  Sévigné  sait  cela  ;  ou  s*il  l'ignore,  il  n'a  pas  besoin  de 
rapprendre. 

Si  nous  faisons  ces  observations,  c'est  parce  que  nous   soyons 


i;i:\l;K  CKLl'lQUE  DK  PLBLICA  l'IONS  NOUVKLLKS.     J71 

IVxteiisioii  extrême  que  prennent,  en  augmentant  tous  les  jours, 
CCS  annoUUions  qui  n'avaient  (rabord  pour  objet  et  pour  intérêt 
ijiic  li'offrir  des  variantes,  des  éclaircissements  et  des  corrections 
aux  textes,  pour  leur  plus  grande  pureté.  Les  volumes  s'enflent  et 
se  multiplient  d'autant;  lœuvre  de  récri\ain,  du  poëte,  de  This- 
torien  ou  du  moraliste,  (pii  est  l'(»bjet  principal,  court  risque  de 
devenir  Taccessoire  du  commentaire  (1). 

^ous  ne  craij^ons  pas  d'en  faire  la  remarque  au  sujet  des  lettres 
de  Mme  de  Sévigné  que  vient  de  publier  M.  Qipmas;  c'est  même 
le  b(m  moment  de  la  risquer,  en  général,  à  Toccasion  de  Tune  des 
œuvres  de  notre  littérature  qui  ont  le  plus  de  moyen  de  se  défen- 
dre |)ar  elle-même  et  de  tout  surmonter.  Et  nous  serons  as«ez 
juste  en  même  temps  pour  reconnaître  tout  ce  que  le  travail  et  le 
taleni  de  IM.  Capmas  y  ont  apporté  de  soins,  d'études,  d'application 
et  aussi  de  cette  ardeur  partagée  dont  sa  dédicace  nous  offre  une 
si  louchante  et  si  douloureuse  révélation. 

François  Morand. 


La  partir  m:  chasse  par  Hercule  Strozzi,  poëme 
ch'dié  à  la  divine  Lucrèce  Borgia,  duchesse  de  Fer- 
rare,  Irad.  du  latin  envers  français  et  précédé  d'une 
notice  par  M.  Joseph  Lavallée.  Pnrisj  Léon  Teche- 
neVy  I87G;  pet.  in-8**  de  xuv  et  113  pages;  2  part, 
en  un  voL  papier  vergé  dit  de  HollaDde  —  tiré  à 
très  petit  nombre  (prix  :   12  fr.). 

Ce  pnëme,  dédié  à  la  d'mne  (sic)  Lucrèce  Borgia,  est  un  dts 
))]u^  curieux  spécimens  du  latiu  élégamment  contourné  de  la 
renaissance  italienne.  Il  n\i  jamais  été  im[>rimé  que  trois  fois, 

(ly  (]*est  préciscDieiit  à  cause  de  cet  immense  inconvénient  que  les 
j;ons  de  :;()ùt  préfèrent  à  toutes  les  autres  Tédition  publiée  par  les  soins 
'M-  M.  SiUoslre  de  Sacv  ;  il  s'est  abstenu  de  notes  inutiles  qui  entravent 
■a  1(  cluie,  détournent  rattention.  Les  Lettres  de  madame  de  SeVi^ne'  ne 
soii^  j»iis  (1rs  Mémoires  sur  llnstoïre  de  France;  caA  pour  tout  le  con- 
Ir.iin-  (lu'oii  les  lit.  Quant  aux  nouvelles  lettres  qu'on  a  retrouvées  de 
-Mme  tle  Sé\ii;né,  il  est  iniéressuut  certes  de  les  recueillir  et  de  les 
l>ui)lier,  mais  au^nienleront-elles  sensiblement  sa  réputation,  sa  gloire? 
—  (l'c^t  douteux,  L.  T. 


572  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

dans  (les  volumes  du  seizième  siècle,  dont  deux  rari^sillles,  et 
l'autre  (édition  originale  d'Aide  Manuce,  1513)  absolument  in- 
trouvable. La  réimpression  éditée  par  M.  J.  Lavallce  est  très- 
digne  de  l'attention  des  bibliophiles,  et  particulièrement  des 
amateurs  de  littérature  cynégétique. 

La  notice  préliminaire,  fort  bien  faite,  contient  beaucoup  de 
faits  curieux,  sinon  édifiants.  On  y  voit  que  Pauteor  de  ce  poème 
était  non-seulement  un  des  littérateurs  les  plus  distingués,  mais 
l'un  des  plus  élégants  cavaliers  de  la  cour  de  Ferrare  ;  qu'il  périt 
assassiné  à  trente-sept  ans,  et  que,  selon  toute  apparence,  le  duc 
Alphonse  d'Esté  ne  fut  pas  étranger  à  cette  mort.  Les  uns  crurent 
que  le  bon  duc  avait  soupçonné  sa  femme,  la  «  divine  »  Lucrèce, 
de  s'être  trop  humanisée  avec  le  poète  ;  d'autres,  qu'il  était 
amoureux  d'une  femme  que  Strozzi  venait  d'éjjouser.  Us  avaient 
peut-être  raison  les  uns  et  les  autres.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
que  Strozzi  devait  être  en  délicatesse  avec  le  duc  dès  l'époque  où 
il  composa  son  poëme,  car  il  affecte  de  ne  pas  y  prononcer  son 
nom,  tandis  qu'on  y  voit  figurer,  auprès  du  roi  de  France  Charles 
VIII,  les  principaux  personnages  de  la  cour  de  Ferrare,  y  compris 
le  propre  frère  du  duc,  le  cardinal  Hippolyte,  qui,  nonobstant  sa 
barrette,  chassait  volontiers  toute  espèce  de  gibier.  Il  est  fort 
possible  aussi  que  l'éditeur  posthume,  Aide  Manuce,  ait  fdit 
disparaître  quelque  passage  relatif  au  duc. 

Le  principal  intérêt  de  cette  pièce,  c'est  la  description  minu- 
tieuse des  costumes  de  chasseurs  et  de  piqucurs  à  la  dernière 
mode  de  l'époque,  des  races  de  chiens  les  plus  recherchées,  des 
armes  en  usage  de  ce  temps-là,  notamment  des  floches  enherbées^ 
c'est-à-dire  trempées  dans  un  suc  vénéneux  qui  foudroyait  le 
gibier  sans  rendre  sa  chair  malsaine. 

Le  poëme  de  Strozzi  paraît  avoir  été  écrit  et  imprimé  origi- 
nairement avec  assez  de  négligence.  On  y  remarque  plusieurs 
passages  tronqués  et  tout  à  fait  inintelligibles,  par  suite  d'inter- 
calationset  aussi  peut-être  de  suppressions  faites  après  coup.  L'un 
des  plus  curieux  est  celui  qui  se  rapporte  au  défunt  pape  Alexan- 
dre VI,  «  l'honneur  de  l'Espagne,  »  que  Strozzi  ne  s'était  pas 
fait  scrupule  de  vanter,  pour  Tamour  de  sa  fille.  Nous  soupçon- 
nerions encore  volontiens  le  premier  éditeur,  Aide  Manuce,  d'avoir 
éliminé  quelques  vertus  de  ce  pontife,  et  de  n'avoir  laissé  subsis- 
ter ([ue  l'éloge  de  sa  bonne  mine  et  de  sa  finesse  {Nare  sag€uc). 


RFVLE  CPiITIQUE  DF  PU BTJC. AXIONS  NOUVKLÎ.KS.     573 

L.«  traduction  de  cet  opuscule  offrait  des  diffîcultrs  de  plus  d'un 
ef  lire.  Colle  de  M.  L-^s vallée  est  généralement  exac'e,  et  atteste 
(i(  s  connaissances  cynégétiques  étendues.  On  peut  en  dire  autant 
d  s  noies,  peut-être  tnjp  peu  nombreuses.  Comme  tous  les  volu- 
mes publiés  ])ar  la  maison  Tcchencr,  celui-ci  joint  ii  ses  autres 
in('rites  celui  d'une  impression  des  plus  soignées;  il  fait  honneur 
aux  presses  de  M.  Jouaust.  Le  texte  latin  surtout  est  un  pastiche 
h'ès-réiissi  des  plus  belles  éditions  aldines. 

Baron  Ernouf. 

(Reçue  (le  France.) 


BIBLIOTHECA   AMICORUM 

Liste  d'ouvrages  récemment  publiés  adressés  au  directeur 

du  Bulletin  du  Bibliophile. 

7 A' s  publications  qui  sont  mentionnées  ici  nous  ont  été  envoyées  par 
les  auteurs  ;  la  plupart  des  exemplaires  sont  sur  papier  particu- 
lier et  avec  des  ex  donc  autographes. 


-  BAmniFR.  Assistance  donnée  à  la  multitude  des  pauvres  accou- 
vn>  à  Lyr)n  en  ir)3i,avec  leurs  actions  de  grâces  ;  par  Jean  de 
\'auzelles,  avec  introduction,  notes  et  glossaire,  par  H.  Bau- 
drier, pr  sidcnt  de  la  Cour  d'Appel  de  Lyon.  Lyon^  imprimerie 
(le   /.  Jjmis  Perrin^  lS7o;  in-8,  de  27  ff.  cart. 

I  iir  à  l.)0  exemplaires,  non  mis  en  vente.  Nous  devons  donc  celui-ci 
à  la  lihônilitr  de  M.  Baudrier,  qui  est,  comme  on  sait,  un  des  plus  zélés 
l)il»!ioi)liili;s  lyonnais  actuels.  Offrons  à  nos  lecXQuvsV  Introduction  à  cette 
joiir  nimfîressioii  :  c'est  une  véritable  notice  l)iI)Iiograpliique  sur  un  livre 
j)"u  roiiim 

({  Il  ufa  ét<*'  donne  de  rencontrer  un  livret  dont  le  sonvenir  s'était 
perdu  (h'puis  longtemps.  L'exemplaire  amené  entre  mes  mains  par  la  vi- 
ri<^i?u(lo  (les  temps  est,  je  le  crois,  unique.  Je  veux  partager  ma  bonne 
fortune  avec  le  ])i'tit  nombre  de  mes  concitoyens  à  qui  peuvent  plaire 
']uflqnes  pa{:;es  de  vieux  français  éminemment  lyonnaises. 

«  Elles  li^  sont,  en  effet,  à  un  triple  point  de  vue.  KUes  sont  l'œuvre 


574  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

(rnii  LYOïinais;  elles  se  rt^fèreiit  à  un  aele lioiiora)>Ie  de  nos  aïeux,  les  se- 
cours prodigués  par  eux  aux  malheureux  t'irangers,  chassés  de  lenis 
fovers  parla  grande  famine  de  1531.  Enfin,  elles  ont  une  teinte  du  vieux 
langage  local  qui  n'est  pas  sans  attrait.  Il  faut  tHre  complètement  étran- 
ger à  l'histoire  de  notre  cité  pour  ne  pas  connaître  Matliicu,  Georges  et 
JeaiJ  de  Vauzelles,  les  trois  illustres  frères,  ainsi  nommés  par  leurs  con- 
temporains et  qui  brillèrent  chacun  d'un  éclat  différent:  le  premier  sous 
la  rol)e  du  jurisconsulte  et  la  toge  de  Téchevin,  le  second  par  les  armes, 
et  le  troisième,  dans  Téglise  et  la  littérature. 

c  Je  ne  m'étendrai  ]>as  sur  leurs  mérites.  Un  de  leurb  descendants,  de 
Taniitié  duquel  je  m'honore,  a  reproduit  les  traits  principaux  de  leur  vie 
dans  d'intéressante:»  notices,  dont  ces  pages  sont  le  résumé  et  auxquelles 
je  renvoie  ceux  qui  seraient  curieux  de  mieux  connaît»^  ces  trois  nobles 
figures  du  seizième  siècle.  » 

a  J*ai  à'm'occu])er  seulement  de  l'un  d'eux,  Jean  de  Vauzelles,  le 
dernier  des  trois  frères.  C'est  lui  qui  est  l'auteur  de  ]a  Police  subsidiaire. 
Sa  devise  habituelle  :  c  Duug  \ray  zelle  »,  se  lit  à  la  fin  du  titre. 

c  La  plupart  de  ses  œuvres  ne  sont  pas  autrement  signées. 

c  On  ne  connaît,  avec  précision,  ni  la  date  de  la  naissance  ni  celle  de 
la  mort  de  Jean  de  Vauzelles.  Né  sur  la  fin  du  quinzième  siècle,  on  est 
d'accord  de  placer  le  terme  de  sa  vie  veis  Tannée  1557.  «  Après  avoir  été 
curé  ou  recteur  de  l'ancienne  église  de  Saint-Romain,  puis  curé  de 
Tassin,  il  devint,  en  1521,  chevalier  de  l'église  métropolitaine  de  Lyon, 
et,  vers  1527,  prieur  commendataire  de  Montroltier.  r  Sa  réputation  lui 
valut,  en  outre,  les  titres,  peut-être  nioms  réels  qu'honorifiques,  de  maî- 
tre des  requêtes  de  Marguerite  de  Navarre,  sœur  de  François  I»',  et  d'au- 
mônier de  ce  prince.  > 

c  Ooué  d'une  fortune  assez  grande  pour  l'époque,  il  en  usait  généreu* 
sèment.  Il  possédait  une  bibliothèque  précieuse  et  un  cabinet  d'objets 
rares  et  curieux,  et  se  montrait  libéral  vis-à-vis  des  gens  de  lettres,  bien- 
faisant envers  les  pauvres. 

«  La  liste  des  ouvrages  de  Jean  de  Vauzelles  a  été  donnée  par  son  arrière- 
petit-neveu.  Elle  se  compose  de  six  articles,  auxquels  vient  s'adjoindre 
notre  récente  découverte.  On  voit  en  lisant  leur  nomenclature  qu'un  des 
principaux  efforts  de  Jean  de  Vauzelles  a  été  de  i>opulariser  par  ses  tra- 
ductions les  œuvres  pieuses  de  l'Arétin.  Personne  n'ignore,  en  effet, 
({uelles  étranges  oppositions  se  sont  rencontrées  dans  cet  homme  singu- 
lier qui  doit  sa  célébrité  à  des  satires  et  à  des  écrits  de  la  plus  cynique 
immoralité,  mais  qui  se  révéla  aussi  à  ses  contemporains  par  de  nom- 
l)reuses  productions  religieuses.  Qu'il  dut  son  ciédit  à  ses  qualités  ou  à 
ses  vices,  l'Arétin  n'eu  fut  pas  moins  une  des  grandes  renommées  de 
son  siècle.  Il  exerça  siu*  lui  une  influence  devant  laquelle  les  plus  puis- 
sants fléchirent.  Ne  reprochons  donc  pas  au  prieur  de  Montrottîer  de 


BlBr.lOTHFC.V  AMICORLM.  57r. 

r.ivDir  su])ie  et  d'avoir  voulu  initier  ses  concitoyens  à  la  connaissance  de 
»es  prllts  livro>î  qui  avaient  concouru  à  Tiniraense  réjnitation  de  Icurau- 
tt'iir,  et  qui,  après  avoir  été  justement  oubliés,  ne  sont  plus  poursuivis 
((lie  par  les  curieux  qui  les  recherchent  sans  les  lire. 

■t  Ce  ne  sont  pourtant  pas  ces  traductions  qui  sont  restées  les  œuvres  les 
plus  enviées  de  Jean  de  Vauzelles.  Je  suis  même  obligé  d'en  convenir, 
ce  nVstpas  à  son  mérite  personnel  que  sa  production  aujourd'hui  la  plus 
ap]U'écîéo  doit  le  charme  qui  pousse  à  la  conquérir  à  prix  d'or.  Je  veux 
parler  des  c  Simulachrcs  et  Historiées  faces  de  la  Mort  :d,  célèbres  par 
(]«•  charmantes  gravures  sur  bois  dues  au  crayon  d'HoIbein,  et  représen- 
tant une  danse  des  morts  d'une  inimitable  expression. 

a  Les  ({iiatrains  français  qui  les  accompagnent  sont  de  notre  auteur.  Us 
ne  lui  sont  ]>lus  disputés,  après  avoir  été  quelquefois  attribués  à  Gilles 
Corrozt't.  Mais  qui  les  rechercherait  aujourd'hui  sans  les  naïves  figures 
dont  ils  sont  précédés? 

«c  Le  nouvel  écrit  de  Jean  de  Vauzelles,  que  j'offre  à  mes  amis  et  com- 
patriotes, a  été  composé  par  lui  à  la  vue  des  souffrances  dont  il  était  té- 
mt  iii  lors  do  la  cruelle  famine  de  1531.  C'est  au  commencement  du  mois 
de  m.ii  que  la  disette  refoula  vers  nos  murs  la  masse  des  populations  en- 
Nirounantes  décimées  par  la  faim. 

«  Lts  secours,  prodigués  d'abord  sans  ordre,  se  régularisèrent  le  18  mai. 
Huit  jours  a))rès,  au  moyen  des  mesures  adoptées  par  le  consulat,  l'exis- 
teiice  de  tous  était  assurée.  Or,  c'est  avant  la  fîn  du  même  mois  que  le 
spi-itcicie  des  maux  soufferts  sous  ses  yeux  arrache  à  Jean  de  Vau- 
/.l'iles  le  cri  de  douleur  exhalé  dans  les  lignes  qui  vont  suivre  :  c  ^ous 
sommes  en  may,  »  dit-il  page  5.  Et  dans  l'élan  de  sa  charité,  constatant, 
au  courant  de  la  plume,  les  prodi^jes  opérés  par  le  pieux  dévouement  de 
>es  t'omltoyens,  il  les  provoque  à  en  continuer  les  merveilles  et  à  les 
transformer  en  une  fondation  permanente.  Nous  surprenons  la  première 
Idée  do  la  création  de  V Aumône  générale^  une  des  gloires  de  notre  ville, 
le  type  des  établissements  destinés  à  lutter  contre  le  paupérisme,  celui  à 
qui  les  lettres  patentes  données  par  Louis  XV,  en  septembre  1729,  ren- 
dont  un  juste  hommage  en  proclamant  qu'il  a  ser\'i  de  modèle  à  tous  les 
autros  hôpitaux  du  royaume,  même  à  l'hôpital  général  de  Paris. 

«  Pourquoi  cet  écrit,  si  lyonnais  dans  son  essence,  est-il  imprimé  à  Tou- 
louse? A  quel  propos  est-il  dédié  à  Jean  Uarril,  libraire  de  cette  ville? 
Jo  rif^nore. 

«  A  cet  é«;ard,  cependant,  rien  n'est  bien  surpi-enant.  Comme  tous  ses 
confrères  de  cette  époque,  Jean  Barril  était  assurément  un  homme  let- 
tré, [l  sVst  dit  l'auteur  d'un  petit  Traité  de  morale  pour  les  dames  de  haut 
run:,\  tU'Méà  très-illustre  et  puissante  princesse  et  dame,  madame  Marguerite 
de  France,  roync  de  yavarre^par  un  sien  très-humble  serviteur^  Jehan  Barril, 
marcJiunt  de  Thoulouze^  et  je  ne  veux  pas  le  contredire.  Aux  foires  de 


■li-^'^-i.J.-^'iSl^^. 


BIBLIOTHECA  AMICOROM.  577 

rloiit  iiuï  aïïux  reniplis'aient  leur»  jeroira  d'hnmaaité  curer»  le»  ukI- 
liiureiix.  Puissi^e  raffermir flcontriliucr  à  gronper  ouloiir  de  notre  ad- 
iiiiiii'li^ilicm  Imspilalit'ie  les  dooiieroents  liéri-diiaire»  dont  son  hlitoîrc 
iifl'ip  tant  clV\(-m|ilfs  et  dont  jamais  la  nécessité  n'a  été  plus  ni^ente 
rpi'i.ujoiird'liui  où  nous  avoni  à  di-fendre  contre  d'aveugle»  noTaienr»  ce 
visli^c  afT.iihli  mais  unique  de  nos  vieilles  institutions. 

>  l.a  /'■i/ir<'J"Aiii/ini>i!  est  un  petit  iii-4o  de  12feuillets  imprimé  en  ca- 
raeli'Ti'-i  goiliiqne»,  «.in«  p.iginntion  ni  réclame,  «ignatnrc»  A.  B.  C.  .Te 
lionne  le  far-simile  des  deux  premières  et  det  deux  demitrcs  pages,  qui 
contirnneut  quelques  Ugiires  et  se  terminent  par  la  marque  âa  libraire 
Jeliaii  Barril.  Les  deux  majuscules  ornées  de  l'original  sont  également  re- 
priidiiiles,  J'espi-re  avoir  donné  de  la  sorte  une  idée  suffisante  de  ce  petit 
livre.  S»  réimpression  en  lettres  gothiques  aurait  inutilement  augmenté 
Ict  clïriiciillés  inliérenles  à  la  lecture  d'un  texte  semé  de  locutions  tom- 
Iti'cs  en  désuétude.  J'ai  tenu  à  en  conserver  cependant  l'orthographe 
H  ta  ponctuation,  i 

—  lliRCMAN,  Catalogue  de  la  bibliothèque  Wallonne  déposée  à 
Lctilc;  {lublii;  par  ordre  de  la  réunion  des  Églises  Wallonnes  des 
Pays-Bas,  par  le  docteur  J.  T.  Bergman.  Leiiie^  Fan  iler  Hoelr 
fr^rrs,  18T.">;  in-8,  de  XH  et  202  pages. 

Tri 'S- curieux  travail  sous  le  rapport  du  classement  hihiiographique 
:niqni  I  a  dnnni'  lieu  cette  immense  collectiou  de  documents  imprimés, 
(Ir  iii;im.sci-its,  de  livres  retatifs  à  l'histoire  des  église»  Wallonnes  en 
p:iriiciilïiT  des  Pays-Bas.  On  reiturque  à  la  fin  une  tahle  alphabétique 


-  BiiNNAssiF.s.  Daniel  de  Foe.  Etranges  aventures  de  Robinson 
(  li-Lisot',  traduction  de  l'édition  princeps  (1 719)avec  nue  élude  sur 
Jaiiteiir,  |>ar  Batlier.  Paris,  1877;  pet.  in-8  de  XIX  et  399 
|i:iyi-.,  S  planches  sur  cuivre,  sur  papier  yergé.  (Envoi  de  l'é- 
diteur.) 

-  BoNwsscics.  Les  éditions  originales  des  Oraisons  funèbres  de 
Bossiiei.  Par/s,  1877;  pet,  in-S,  de  22G  pages,  portrait  par 
l'iiquien,  pap.  lergé  br,  {Enïoi  de  l'éditeur.) 

■  C47iv(/<'  (/ii-(cur).  Discours  admirable  de  la  conversion  de  Jean 
Ciuillelicn,  natit  de  Péronne,  reiigieuï  de  Saint-DomiDique  qui 
sVstoit  hit  huguenot,  puis  voulut  mourir  eti  sa  première  religion 
'publié  p;ntc  doctetir  Ch.  E.  CaMo).  Paris,  1876;  pet.  in-8, 
d(>  M5  jKigcs,  br. 
Cl'  joli  volume  esl  imprimé  avec  toin  par  un  docteur  bibliophile;  cet 


rm  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

exemplaire  est  un  Je  ceux  tirés  sur  papier  vergé  teinté  imitant  le  vieux  pa- 
pier, 

—  Gha&ipfleury.  Balzac  propriétaire,  avec  plan  des  Jardîes et  auto- 
graphe; par  Champfleury.  Paris,  i873;  in-8,  carré,  de  30 
pages. 

Tiré  à  150  exemplaires,  tous  sur  papier  vergé. 

—  CHAMPFLEUfiY.  Histoîre  de  la  caricature  au  moyen  âge  et  sous  la 
Renaissance,  par  Champfleury.  Paris ^  i876;  1  vol.  ia-12,  de 
332  pages,  illustré  de  100  gravures  sur  bois,  br. 

On  peut  lire  sur  ces  deux  petits  livres  un  article  intéressant  inséré 
page  226  du  Bulletin  du  Bibliophile  de  cette  année. 

—  Charles  (/{o^er/).  Les  Chroniques  de  la  paroisse  et  du  collège  de 
Conrdemanche  au  Maine  ;  par  l'abbé  Robert  Charles.  Mamers^ 
1876  ;  brochure  gr.  in-8,  de  36  pages,  une  planche. 

— Desbarbeaux-Bernard.  Discours  très  merveilleux  et  espouventa* 
ble  advenu  en  la  ville  de  Zélande,  dix  lieues  de  la  ville  d'En- 
vers, de  trois  enfans  lesquels  ont  parlé  tost  après  leur  nativité, 
et  dit  chose  merveilleuse,  puis  à  Tinstant  trespasserent,  comme 
voirez  cy  après.  Bourdeaux,  P,  Ladine^  suis^ant  la  copie  ifnp. 
à  Paris^  1587;  broch.  pet.  in-4,  de  6  If. 

Réimpression  faite  à  Toulouse  en  1875,  à  cinquante-quatre  exemplai- 
res sur  papier  de  fil,  numérotés  à  la  presse  et  distribués  par  Téditeur,  le 
docteur  DesbaiTeaux-Bemard,  à  ses  amis.  Nous  avons  reçu  le  nôtre,  il 
porte  le  n"  10.  C'est  une  facétie  en  vers  fort  piquante,  dont  l'original  se 
trouve  à  la  bibliothèque  de  Toulouse  et  totalement  inconnu  jusqu'alors. 

—  DiDOT.  Aide  Manuce  et  l'Hellénisme  à  Venise,  par  Ambruise- 
Firmin  Didot,  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.  Paris,  1875;  un  vol.  gr.  in-8  de  646  pages. 

Cet  exemplaire  est  enrichi  de  V envoi  autographe»  11  n*y  a  plus  à  par- 
ler de  ce  livre  ;  Tauteur  a  heureusement  reçu  de  son  vivant,  toutes  les 
appréciations,  tous  les  éloges  que  méritait  un  travail  aussi  important, 
aussi  ingrat,  présenté  de  la  manière  la  plus  savante,  la  pins  difficile.  Il 
fallait  être  un  érudit  aussi  consommé,  un  helléniste  aussi  passionné,  un 
savant  aussi  profond,  et  enfin  un  bibliophile  aussi  éclairé  sur  cette  inté- 
ressante époque,  pour  arriver  à  parfaire  et  à  définitivement  publier  ce  ré- 
sultat de  recherches  de  30  années. 

—  Double.  L'Empereur  Claude,  par  Lucien  Double.  Paris,  1876  ; 
in-12  de  262  pages. 

Exemplaire  sur  papier  de  Hollande. 


\ 


BIBT.IOTHECA  AM[CORUM.  579 

—  Doir.Li:.  L'Knipereur  Titus,  par  Lucien  Double.  A/r/.v,  1877; 
iii-l:2  de  2î»i2  pages. 

Exemplaire  sur  papier  de  Hollande.  Ces  deux  volumes  sont  accom- 
pagnés chueuii  d'une  lettre  d'envoi  de  l'auteur. 

—  Ernolf.  Le  Caucase,  la  Perse  et  la  Turquie  d'Asie,  d'après  la 
relation  de  M.  le  baron  de  Thielmann,  par  le  baron  Ernouf. 
Paris,  Pl(m  et  Cie^  J876;  1  \ol.  in-12  de  307  pages,  illustré 
d'une  carte  et  de  20  gravures,  br. 

Ce  volume  aussi  intéressant  qu'instructif  est  écrit  avec  facilité  et  élé- 
:;.jiR'e;  le  baron  Emouf,  que  le  directeur  du  Bulletin  s'honore  d'a\oir 
puur  collaborateur  et  pour  ami,  est  un  bibliophile  émérite,  lisant  et  tra- 
duisant facilement  l'anglais,  l'espagnol,  l'italien  et  connaissant  à  fond  la 
laniiiie  allemande. 

Page  190,  nous  retrouvons  le  bibliophile  :  c  En  quittant  Thelavi,  nous 
c  eûmes  une  belle  occasion  de  parfaire  nos  études  comparées  sur  les  vi- 

—  gnobles  de  Cachétie,  chez  \e  prince  Tzcholochajcw,  colonel  d'un  régi- 
(  ment  de  Cosaques  et  riche  propriétaire,  qui  nous  (it  magnifiquement  les 
*  honneurs  de  sa  résidence.  Pour  fôter  les  nobles  étrangers,  il  avait  réuni 
:>  'le  nombreux  convives,  tous  plus  princes  les  uns  que  les  autres  et  bu- 
:  \eurs  émérites.  Mais  ils  trouvèrent  à  qui  parler;  le  plus  solide  d'entre 
..  eux  fut  complètement  désarçonné  par  l'un  de  mes  compagnons.  L'am- 
;   |>liltryon,  qui  avait  conservé  quelque  sang-froid,  nous  fit  voir,  entre 

Mitres  curiosités,  un  beau  manuscrit  de  la  Peau  de  Panthère^  épopée 
:  chevaleresque,  écrit  en  anciens  caractères  Kaztevel,  orné  de  miniatures 
et  d'arabesques  d'une  finesse  remarquable.  On  prétend  que  ce  manu- 
scrit est  contemporain  de  l'inévitable  reine  Tamar,  qui  vivait  au 
onzième  siècle.  » 

—  Ferdinand-Dexis.  Arte  plumaria  :  les  plumes,  leur  valeur  et  leur 
emploi  dans  les  arts  au  Mexique,  au  Pérou,  au  Brésil,  dans  les 
Indes    et    dans  rOcéanie.  Faris^   1875  ;   br.    gr.   in-8  de  76 

pa^e>. 

—  Franklin  (.///rec^).  Dictionnaire  des  noms,  surnoms  et  pseudo- 
nymes latins  de  l'histoire  littéraire  du  moyen  âge  (liOO  à 
l'ièiO).  PariSy  1875;  un  vol.  gr.  in-8  de  683  pages. 

Travail  aride  et  ingrat,  bien  digne  d'éloges. 

—  TisANKLiN  [Jlfred].  La  Sorbonne,  ses  origines, sa  bibliothèque, 
les  débuts  de  Tiniprinierie  à  Parb,  et  la  succession  de  Riche- 
lieu, d'après  les  documents  inédits;  deuxième  édition  corrigée 
et  auj^mientée.  Paris,  187.";  pet.  in-8  de  XIV  et  279  pages. 


■'■     .'•■■>'**■■  .Ml 


580  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

—  IIallee  {Gustave).  I^  Bleuet.  Paris  1875;  un  vol.  in-8. 

--  IIaller  {Gustave),  Vertu.  Paris ^  1876;  un  voL  gr.  in-8  de 
363  pages. 

—  Jacquemart.  Histoire  du  Mobilier,  recherches  et  notes  sur  les 
objets  d'art  qui  peuvent  composer  ramcublemeut  et  les  collec- 
tions de  Fhomme  du  monde  et  du  curieux,  par  Albert  Jacque- 
mart, avec  une  notice  sur  l'auteur,  par  H.  Barbet  de  Jouy. 
Paris,  Hachette,  1870  ;  un  vol.  très.-gr.  in-8,  de  IV  et  605  pa- 
ges avec  200  vignettes  dessinées  par  Jules  Jacquemart. 

Ce  beau  volume  nous  a  M  donné  par  M.  Joies  Jacquemart,  le  fils  do 
l'auteur  et  notre  ami. 

—  Kervillkr  (René),  Henri-François-Salomon  de  Virelade,  et  sa 
correspondance  inédite  (1620-1670).  P«m,  1876;  br.  gr.  in-8 
de  58  pages. 

—  La  Trkmoille.  Correspondance  de  Charles  VIII  et  de  ses  conseil- 
lers avec  Louis  II  de  la  Trémoille,  pendant  la  guerre  de  Bre- 
tagne (1488)  publiées  d'après  les  originaux,  j)ar  Louis  de  la 
Trémoille.  Paris,  1875  :  gr.  in-8  de  XII  et  284  pages,  br. 

Ce  beau  livre  a  été  imprimé,  à  Nantes,  aux  frais  et  par  les  soins  deTé- 
ditcur,  M.  le  duc  Louis  de  lu  Trt*moîIlc,  membre  de  la  Société  des  bi- 
bliophiles; il  a  été  tiré  à  trois  cents  exemplaires  dont  aucun  n^a  été  mis 
en  vente.  Celui-ci  porte  le  n»  56  et  l'envoi  autographe  de  Téditenr. 
M.  Paulin  Paris  a  consacré  un  article  étendu  à  cette  remarquable  publi- 
cation (voyez  année  1875,  page  273). 

—  LïOTARD  {Charles),  Etude  philologique  sur  les  serées  de  Guil- 
laume Bouchet.  Ntmes,  1875;  br.  in-8  de  60  pages. 
Opuscule  imprimé  aux  frais  de  l'auteur  et  non  mis  en  vente . 

—  Meadme  [Edouard],  Sébastien  Le  Clerc  et  son  œuvre.  Paris ^ 
1877;  unvol.très-gr.  in-8  de  367  pages,  papier  verge. 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  de  Metz,  orné  d'une  eau-forte  rare 

et  d'un  fac-similc  de  l'écriture  de  Séb.  Le  Clerc.  Tiré  à  205  exemplaires 
(le  prix  est  de  18  fr.).  Exemplaire  avec  un  envoi  autographe  de  l'auteur 
sur  le  premier  feuillet  (faux  titre). 

—  MoLAND  {Louis) ,  La  Vie  de  Scaramouche,  par  Mezctin,  réimpres- 
sion de  l'édition  originale  (169o)  avec  une  introduction  et  des 
notes,  par  Louis  Moland,  et  un  portrait  d  après  Bonnart,  par 
Eugène  Gervais.  Paris,  /.  Bonnassies^  1876;  pet.  in-8,  de 
XXXÎI  et  111  pages,  pap.  vergé,  br. 


582  BULLETIN  DU  lUBLlOPHlLE. 

th^quc  la  notice  de  M.  Baudrier,  imprimée  dans  le  JiiJletin  du  Bibliophile 
(année  1871,  page  551). 

^-  Travers.  Reg«iins,  par  Julien  Travers.  Caen^  1876  ;  in-J2,  de 
191  pages,  br. 

Ce  volume,  imprimé  aux  frais  de  Tauteur  pour  ses  amis,  n^a  pas  été 
mis  dans  le  commerce.  Pour  donner  une  idée  de  ce  volume  de  poésies, 
nous  reproduirons  la  préface  :  c  De  1858  à  1869,  j*ai  publié  dix  Yolumes 
c  de  poésies  sous  ce  titre  :  Gerbes  Glanées.  Cent  exemplaires  du  premier 
c  furent  destinés  au  public,  qui  n'y  prit  pas  garde,  et  me  traita  comme 
a  tant  d'autres  qui  valcot  beaucoup  mieux  que  moi.  Les  Gerbes  luivan- 
c  tes,  tirées  à  un  nombre  assez  restreint,  furent  distribués  à  des  amis,  à 
c  eux  seuls. 

c  La  rareté  de  la  collection  a  fait  sa  fortune.  Elle  atteint  un  prix  rela- 
a  tivement  élevé  dans  les  ventes,  et  le  catalogue  d'une  grande  librairie 
•  Ta  portée.  Tannée  dernière,  à  cent  vingt  francs, 

«  Je  suis  loin  de  m*applaudir  de  cette  exagération.  Je  tiens  seulement 
((  à  constater  que  je  ii*en  suis  pas  complice.  Aujourd'hui  je  livre  à  la 
c  presse  un  nouveau  recueil,  Regains,  uniquement  pour  mes  amis.  C*est 
c  un  souvenir  que  je  leur  laisse,  à  la  veille  de  les  quitter.  La  plupart 
a  des  pièces  qui  le  composent  ne  sont  pas  gaies  :  on  devient  sérieux 
c  aux  approches  de  la  mort.  Quelques-unes  sont  moins  tristes,  elles  re- 
c  montent  à  plusieurs  années.  Longtemps  égarées  dans  mes  papiers,  elles 
c  se  sont  retrouvées  par  hasard,  et  font  contraste  avec  les  dernières com- 
a  positions.  Le  public  sévère  les  condamnerait;  l'amitié  sera  plus  indul- 
c  gente,  sachant  bien  que  le  tout  n'est  que  pour  elle.  > 

c  P'^n  commençant  cette  impression,  je  ne  me  flatte  pas  de  lavoir  finir; 
c  je  la  hâterai  du  moins  avec  calme,  sans  me  dissimuler  qu'elle  sera 
c  peut-être  une  œuvre  posthume.  > 

Nota  :  Nous  avions  déjà  reçu  les  années  précédentes  les  opuscules 
suivants  :  Mémoires  tle  V Académie  nationale  {les  sciences^  arts 
et  belles-lettres  de  Caen,  pour  1873  et  1874.  (M  Julien  Travers, 
comme  secrétaire  de  rAcadétnie,  a  été  le  publicateur  de  ces 
volumes  et  est  auteur  de  plusieurs  mémoires  et  notices  qui  s*y 
trouvent.)  —  Bâudement  de  la  bibliothèque  nationale  (notice 
nécrologique  de  20  pages).  —  Biographie  de  François-Gabriel 
Bertrand^  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Valognes,  profes- 
seur distingué  à  Caen). 

—  ViDiEU  (fabbé).  Ilincmar  de  Reims;  études  sur  le  IX^  siècle. 

Paris ^  187î>  j  un  vol.  gr.  in-8  de  XI  et  35G  pages. 

1^  lUdlctin  du  liibliophile  a  consitcré  à  cet  ouvrage  un  article  a|iécîaly 
|Kige  iJ7.  (-1^  suivre.)  L.  T. 


NOUVELLES  ET  VARIETES 


—  Les  savants  et  les  amis  de  la  littérature,  désireux  de  pos- 
>éder  le  Catalogue  de  tous  les  livres  publiés  en  France  pendant 
une  annexe,  étaient  réduits  jusqu'ici  aux  Tables  du  Journal  de  la 
Lihniirie  (jui  paraissent  tardivement  et  laissent  beaucoup  à  dési- 
icr  ;  aussi  voyons-nous  avec  un  véritable  plaisir  que  la  librairie 
().  Loreii/,  connue  par  ses  autres  travaux  bibliographiques,  vient 
de  pu I) lier  un  Catalogue  annuel  de  la  Librairie  française  pour 
1876. 

C/e-t  nn  joli  volume,  grand  in-8,  contenant  la  liste  de  tous  les 
livres  fiançais  au  moins  l'auteur  le  dit-il  dans  sa  préface)  publiés 
cil  Fiance  cl  ailleurs  pendant  Tannée  187G,  avec  l'indication  des 
t'diteuis  et  des  prix  de  publication.  Le  Catalogue  est  classé  par 
ordre  al|)habétique  des  noms  d* auteurs,  et  muni  d'une  Table  par 
ordre  des  matières,  dans  laquelle  les  titres  des  ouvrages  sont 
reproduits  tout  au  long. 

Combien  de  nouveaux  livres  français  se  publie-t-il  par  an? 
M.  Lorcnz  estime  ce  nombre  à  4,300  à  peine. 

>ons  voyons  dans  la  Table  des  matières,  que  la  liste  des  Ro- 
ruans  nouveaux  se  chiffre  par  350  !  On  pourrait  donc  lire  un 
li  Miveau  roman  par  jour,  depuis  le  jour  de  Tan  jusqu^à  la  Saint- 
Sylveslre.  Messieurs  les  romanciers  vont  bien! 

Les  auteurs  dramatiques  sont  plus  discrets  :  ils  ne  fournissent 
qu'une  centaine  de  nouvelles  pièces,  environ  deux  par  semaine, 
ce  qui  est  supportable. 

On  a  publié  beaucoup  de  livrel  de  médecine,  peu  de  mathé- 
inatique<:,  passablement  de  livres  militaires,  et  beaucoup  d*ou- 
vrages  sur  le  phylloxéra. 

L'éditeur  promet  de  publier  dorénavant  tous  les  ans  un  volume 
pareil,  donnant  le  Cata'ogue  des  livres  publiés  pendant  l'année 
écoult'e,  el  ces  volumes  formeront  la  continuation  de  son  grand 
Cfital'Ji^ue  ^encrai  de  ta  Librairie  française  depuis  \  840,  qui  ren- 
ferme (lai. s  sa  |>remière  partie  de  4  volumes  les  publications  de 
1840  à  18t)5,  et  dans  sa  seconde  en  â  volumes  (en  cours  de  pu- 
blication) celles  de  1866  à  1875. 

—  Le  Rei^is  du  Dinuinchc  au  point  de  vue  hygiénique^  par  A, 


58^  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE. 

Escheaaucr,  lauréat  de  rAcadémie  française,  membre  de  plusieurs 
sociétés  savantes;  mémoire  couronné  à  Genève  et  publié  par  le 
Comité  de  la  Société  de  Paris,  pour  Tobservation  du  Dimanche. 
(Une  brochure  in-8,  i  fr.) 

c  Nous  recommandons  à  l'attention  de  tous  ceux  qui  s'occu- 
pent de  questions  économiques  et  sociales,  ce  travail  substantiel 
et  consciencieux  qui  envisage  le  repos  dominical  à  son  point  de 
vue  le  plus  général,  comme  un  élément  essentiel  de  prospérité 
publique  et  privée,  et  de  manière  à  en  inspirer  le  goût  et  la  saine 
observation  à  tous  ceux  qui  le  négligent  trop  souvent.  »