Skip to main content

Full text of "Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire"

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  technical  restrictions  on  automatcd  qucrying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  aulomated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark" you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  andhelping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  il  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countries.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  mcans  it  can  bc  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  seveie. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  hclping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http  :  //books  .  google  .  com/| 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  cl  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //books  .google.  com| 


BULLETIN 


DU 


BIBLIOPHILE 


ET  DU  BIBUOTHÉCAIRE 


1891 


BULLETIN 


DU 


BIBLIOPHILE 

ET  DU  BIBLIOTHÉCAIRE 

(REVUE  MENSUELLE) 

Publié  par  la  LIBRAIRIE  TE.GHENER 

AVEC  LE   CONXOURS 

De  MM.  Baudriixart,  de]riiistitut;  Gust.  Brunet,  de  Bordeaux;  A.  Claudin, 
Lauréat  de  l'Institut  ;  E.  Dblapeace  ;  Jules  Delptt  ;  Joseph  Denais  ; 
Victor  Dbveult,  de  la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève  ;  Ferdinand  Denis, 
administrateur  à  la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève;  Dramard,  conseiller  à 
la  Cour  de  Limoges  ;  J.  Dukas  ;  Georges  Dcplbssis,  de  la  Bibliothèque 
Nationale  ;  Alfred  Dcpré,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris  ;  Dupré-Lasale, 
conseiller  à  la  Cour  de  cassation  ;  Du  Boys  ;  Charles  Ephrussi  ;  L'abbé  A. 
Fabre;  Alfred  Franklin,  administrateur  de  la  Bibliothèque  Mazarine; 
LÉONCE  Janmart  de  Brouillant,  de  la  Société  des  Bibliophiles  de  Belgique  ; 
LiEUTAUD  ;  BIarais,  de  la  Bibliothèque  Mazarine  ;  P.  Margrt  ;  F.  Morand,  de 
Boulogne-sur-Mer;  Gaston  Paris,  de  l-Institut  ;  Léon-Gabriel  Pélissier 
Baron  Jérôme  Pichon  ,  président  de  la  Société  des  Bibliophiles  fi*ançois 
Duc  de  Rivoli,  de  la  Société  des  Bibliophiles  françois  ;  Baron  de  Ruble 
Vicomte  de  Savignt  de  Moncorps,  de  la  Société  des  Bibliophiles  françois 
Schwab,  de  la  Bibliothèque  Nationale;  Alexandre  Sorel,  président  du 
Tribunal  civil  de  Compiègne  ;  P.  Tajozet  de  Larroque  ,  correspondant  de 
l'Institut;  abbé  Ch.  Urbain;  Georges  Vicaire,  etc. 

FONDÉ  EN  1834 

FONDATEURS  ET  ANCIENS  COLLABORATEURS 
CjÊtAttiKs.  Nodier  ;  Paul  Lacroix  (Bibliophile  Jacob)  ;  J%  Ch.  Brunet  ;  Leber  ; 
G.  Peignot  ;  Paulin  Paris  ;  L.  Barbier  ;  Victor  Cousin  ;  Silvestre  de 
Sact;  J.  de  Gaulle;  Charles  Giraud;  Le  Roux  de  Linct;  Monmerqué  ; 
Ch.  Asseuneau  ;  Comte  Clément  de  Ris  ;  Marquis  de  Gaillon  ;  Rathert  ; 
Sadctb-Beuve  ;  Francis  Wet  ;  Comte  de  Barthélémy;  Meaume;  Moulin  ; 
Cuvillier-Fleury  ;  Baron  A.  Ernouf  ;  le  Comte  de  Bâillon;  Comte  de 
Longpérier  Grimoard,  etc.,  etc. 


1891 


ON  SOUSCRIT  A  PARIS 
A    LA    LIBRAIRIE    TECHENER 

<H.  IXCLDtC  n  P.  COnXUAU) 

219,  RUE   SAINT-HONORÉ 

<A0  con  01  ut  m  d'ai4iji> 

1891 


• 


• 


f-.  ■    T 


I  -\ 


BIBLIOGRAPHIE  DTN  AMATEUR 


DESCRIPTION  ET  ANALYSE 

DE   LIVRES  ANCIENS 

* 

RARES  ET  CURIEUX 

(SUITE) 


10.  —  ELEGIE  SVR  1 1  LE  DESPART  DE  LA  ROYNE 
MARIE  retournant  II  à  son  royaume  jj  d'Escosse. 
A  Lyon  \  \  Par  Benoist  Rigaud.  \  \  1561. 

In-8o  de  quatre  feuillets  non  chifiFrés,  signature  A3; 
imprimé  en  lettres  rondes. 


•  > 


» 


t 


»      a 


Le  titre  occupe  le  recto  du  premier  feuillet,  et  contient  la*  marque 
de  Benoist  Rigaud,  reproduite  par  Sili'estre,  sous  le-n®  1902.  Cette         • 
marque  porte  en  exergue  :  BeiUi  omnes  quûthnent  Dominuri},  et  •* 

au  centre,  au-dessus  de  deux  personnages  ;  Initiukn  \  gapientiœ  \ 
timor  I  Domini*  '  ' 

Le  verso  de  ce  feuillet  est  blanc.  Après  la  répétition  du  titre  ci-  ^  *!■ 

dessus  indiqué,  le  texte  commence  par  une  grande  lettre  ornée  ;  il 
est  en  vers  de  dix  syllabes»  Cette  première  page  contient  treize  vers, 
les  trois  pages  suivantes  chacune  vingt-quatre  et  la  dernière  huit 
Ters,  ce  qui  donne  cent  seize  vers  pour  la  pièce  entière. 

Un  exemplaire  de  cette  pièce,  dans  le  catalogue  de» 
livres  de  la  bibliothèque  particulière  de  M.  Léon  Teche- 
ner  {Troisième  partie  —  n9  103)^  est  accompd[gné  de  la' 
note  suivante :*JExè/np/aîre  à  toutes  marges  dune  pièce  ^ 

en  vers  de  la  plus  grande  rareté.  On  Iç  retrouve  dans  le 

18dl  1 


1  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Bulletin  mensuel  de  la  librairie  Morgand  [Novembre 
1889  —  n«  Î74S2J  avec  cette  note  :  Pièce  de  vers  extrême- 
ment rare  qui  n'est  citée  nulle  part.  Parfaitement  écrite, 
cette  Elégie  sur  le  départ  de  la  reine  Marie  Stuart  pour 
VEcosse  peut  être  attribuée  à  Ronsard.  On  aurait  dû 
dire  :  Cette  pièce  est  de  Ronsard,  car  elle  est  efFective- 
ment  de  ce  poète,  et  on  peut  la  lire  dans  les  différentes 
éditions  de  ses  œuvres  postérieures  à  1561.  Ce  n'est  pas 
la  pièce  de  vers  en  elle-même,  mais  Tédition,  qui  est 
excessivement  rare. 

On  sait  que  Marie  Stuart,  après  le  décès  de  François  II, 
survenu  le  5  décembre  1560,  s'embarqua  le  14  août 
1561  pour  retourner  dans  son  royaume  d'Ecosse.  L'édi- 
tion de  Félégie  sur  son  départ,  publiée  à  Lyon  en  1561, 
sans  nom  d'auteur,  est  donc  une  édition  originale.  Elle 
n'est  pas  indiquée,  dans  les  diverses  nomenclatures  des 
pièces  de  Ronsard  imprimées  séparément.  Son  texte 
offre  de  nombreuses  et  d'importantes  variantes  avec 
celui  que  l'on  retrouve  dans  les  œuvres  complètes  du 
poète.  Tout  ce  qui  est  relatif  à  Marie  Stuart  et  tout  ce 
qui  émane  de  Ronsard  étant,  à  juste  titre,  fort  recherché, 
je  croîs  qu'on  lira  avec  plaisir  le  texte  original  et 
presque  introuvable  de  celte  élégie,  qui  nous  donne  la 
pensée  de  l'auteur  telle  quelle  a  jailli  de  son  cœur, 
sous  le  coup  de  l'événement  qui  l'a  inspirée  ;  je  le  repro- 
duis donc  en  entier  : 


Gomme  un  beau  pré  despouillé  de  ses  fleurs, 
Comme  un  tableau  privé  de  ses  couleurs, 
Comme  le  ciel  s'il  perdoit  ses  estoilles, 
La  mer  ses  eaues,  le  navire  ses  voiles, 
Comme  un  beau  champ  de  son  bled  descouvert, 
Et  come  un  bois  perdàt  son  mâteau  verd. 
Et  un  anneau  sa  pierre  précieuse 
Ainsi  perdra  la  France  soucieuse, 
Ses  ornemens  en  perdant  la  beauté, 
Qui  fut  sa  fleur,  sa  couleur  et  clarté. 


BIBLIOGRAPHIE  D  UN  AMATEUR 

Dure  fortune,  indomptable  et  félonne, 
Tu  es  vrayement  fille  d'une  Lyonne, 
Tu  vas  passant  les  Tygres  en  rigueur. 
Et  tu  n'as  point  dans  l'estoinach  de  cœur. 
D'ainsi  traicter  une  Roy  ne  si  belle. 

Premièrement,  tu  l'as  des  la  mammelle, 
Assubiettie  a  porter  le  malheur. 
Lorsque  sa  mère  esmeue  de  douleur 
Dans  son  girô,  craignàt  l'armée  Angloise 
L'alloit  cachant  par  la  terre  Escossoise. 
A  peine  estoit  sortie  hors  du  berceau. 
Que  tu  l'as  mise  en  mer  sur  un  vaisseau. 
Abandonnant  le  lieu  de  sa  naissance. 
Sceptre  et  pares  pour  demeurer  en  fràce  : 
Lors  en  changeant  de  courage  malin, 
La  regardas  d'un  courage  bénin, 
Et  d'orpheline  ensemble  et  d'estrangère, 
(  Ha  que  tu  es  inconstante  et  legiere  ) 
La  marias  au  filz  de  nostre  Roy  : 
Qui  depuis  tint  la  France  dessoubs  soy. 
Puis  en  l'ayant,  o  Fortune  insensée  : 
Jusqu'au  sômet  des  gras  hôneurs  poussée. 
Tu  as  occis  a  seize  ans  son  mary, 
Ny  plus  ny  moins  qu'en  un  iardin  fleury 
Meurt  un  beau  lys  quand  la  pluye  pesante 
Aggrave  en  bas  sa  teste  languissante. 
Ou,  comme  au  soir,  la  rose  perd  couleur, 
Et  meurt  seichee  alors  que  la  chaleur 
Boit  son  humeur  qui  la  tenoit  en  vie 
Et  feuille  a  feuille  a  bas  tombe  fanie. 

Sa  belle  espouse  attaincte  de  soucy 
Après  sa  mort  est  demeurée  ainsi 
Qu'on  veoit  au  bois  la  vefve  Tourterelle, 
Ayant  perdu  sa  compagne  fidelle. 
Jamais  un'aultre  elle  ne  veult  choisir  : 
Car  par  la  mort  est  mort  tout  son  désir  : 
Plus  ne  sied  dessus  la  verde  branche 
Plus  resonner  ell'ne  fait  sa  voix  franche, 
Mais  se  cachant  dedens  les  lieux  secrets 
Seulettc  au  bois  raconte  ses  regrets  : 
Se  pajst  de  sable  et  en  grief ve  douleur. 
Sur  un  tronc  sec  soupire  son  malheur. 


1 


4  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Fortune,  helas  !  ne  suffisoit-il  pas 
De  roCfenser  d'un  si  piteux  trespas, 
Sans  lui  avoir  si  traistrement  sa  terre 
Remply  d'erreurs,  de  haine  et  de  guerre. 
Et  son  Royaume  aux  armes  tant  prisé 
Devant  qu'il  fut  par  sectes  divisé  ? 

Si  la  fureur  de  tes  mains  tant  cruelles 
A  tel  pouvoir  sur  les  choses  si  belles, 
Si  la  vertu,  la  bonté,  la  pitié, 
La  douceur  ioincte  avec  la  gravité, 
Les  sainctes  mœurs,  la  chasteté  de  vie 
N'ont  résisté  à  ta  cruelle  envie  : 
Espérons  nous  de  nostre  humanité. 
Rien  ressortir  que  pure  vanité  ? 
Le  ciel  tousiour  ne  nous  rid  dun  œil  doux, 
Ains  biê  souvêt  nous  vomit  son  courroux. 
Ainsi  par  toy  se  troublent  les  liesses 
Et  les  plaisirs  de  noz  hautes  Princesses, 
Qui  te  devroient  forcer  et  despiter, 
A  la  douleur  ne  pouvons  résister. 

Encor  n'es  tu,  o  Fortune,  contente 
De  tes  meschefs,  ta  fureur  nous  tourmête 
En  nous  voulàt  priver  de  ses  beaux  yeulx 
Lesquelz  fot  hôte  aux  estoilles  des  cieulx, 
Nous  desrobant  ceste  beauté  divine 
Pour  la  donner  aux  flots  de  la  marine. 
Puisse  la  mer  la  terre  devenir. 
Puisse  un  rocher  contre  un  rocher  tenir 
Au  bord  de  l'eau,  de  peur  qu'elle  n'êporte 
Ceste  vertu  que  nostre  eage  conforte. 
Geste  beauté  l'honneur  de  nostre  temps, 
Qui  rend  les  Roys  et  les  peuples  côtens. 

Ha  ie  vouldrois  Escosse  que  tu  peusses 
Tirer  ainsi  comme  elle,  et  que  tu  n'eusses 
Fermes  les  pieds  au  profond  de  la  mer, 
Ha  je  vouldrois  que  tu  peusses  aller 
Dessus  les  flots  legiere  et  vagabonde, 
Gôme  un  plôgeô  va  legier  dessus  Funde, 
Pour  t'enfuir  long  espace  devant 
Le  tard  vaisseau,  lequel  t'ira  suivant. 
Sans  descharger  au  bord  de  ton  rivage 
La  belle  Royne  a  qui  tu  dois  hommage  : 


BffiUOGRAPHIE  D'UN  AMATEUR 


Puis  elle  donc,  qui  te  suivroit  en  vain, 

Retomeroit  en  France  tout  soudain 

Pour  habiter  sa  duché  de  Touraine. 

Lors  de  châsons  i'aurois  la  bouche  plaine  : 

Et  en  mes  vers  si  fort  ie  la  louerois 

Que  comme  un  Cygne  en  chantant  ie  mourrois. 

Pour  mon  obiect  i'aurois  la  beauté  d'elle. 

Pour  mon  subiect  sa  vertu  immortelle. 

Ou  maintenant  la  voyant  absenter 

Rien  que  douleur  ie  ne  scaurois  chanter. 

Sus  Elégie  en  noir  habit  vestue 
Môte  au  plus  hault  d'une  roche  poinctue 
Gerche  les  bois  des  hommes  séparez 
Fuis  t'en  aux  lieux  qui  sont  plus  esgarez 
Et  te  plaingnant  à  l'entour  des  rivières 
Racôte  aux  vens  que  i'ay  perdu  n'agueres 
Une  maîtresse,  une  perle  de  prix 
L'unique  appuy  des  vertueux  esprits. 
Une  divine  et  rare  Marguerite 
Qui  pour  la  France  en  la  Savoye  habite. 
Et  maintenant  une  Roy  ne  ie  perds 
Qui  pour  jamais  fera  pleurer  mes  vers. 


FIN 


LES 


ORIGINES  DE  L'IMPRIMERIE 


A    HESDIN-EN-ARTOIS 


(1512-1518) 


Quand  on  étudie  Thistoire  du  développement  et  des 
progrès  de  Timprimerie  en  France,  on  remarque  que 
ce  ne  sont  pas  toujours  les  grandes  villes  qui  se  sont 
mises  à  la  tête  du  mouvement  intellectuel.  Des  localités 
moins  considérables,  centres  d'expansion  aujourd'hui 
disparus,  les  ont  plus  d'une  fois  précédées  dans  cet 
essor. 

L'honneur  d'avoir  érigé  la  première  imprimerie  dans 
la  province  d'Artois  revient  à  la  petite  ville  d'Hesdin  (1), 
qui,  plus  tard,  fut  détruite  et  rasée  par  Charles-Quint, 
en  même  temps  que  Thérouanne,  la  métropole  du  pays 
des  Morins. 

Hesdin-le- Vieil,  comme  on  l'appelle  maintenant  dans 
la  contrée,  n'existe  plus.  Un  misérable  village  de  quelques 


(1)  Ce  ne  fut  que  seize  ans  après  Hesdin,  en  1528,  qu'Arras  commençai  à 
imprimer.  Thérouanne  n'avait  pas  d'établissement  tj-pographiquc  et  s'adres- 
sait à  Paris  et  à  Rouen  pour  faire  exécuter  les  diverses  éditions  de  son  Missel, 
de  son  Bréviaire  et  de  ses  Heures.  Saint-Omer  n'eut  d'imprimerie  que  vers 
1600  et  Aire-sur-la-Lys  en  1684. 


l'imprimerie  a  hesdin 


maisons  à  peine  occupe  une  partie  de  son  emplacement; 
la  charrue  passe  aujourd'hui  sur  ses  rues  et  ses  places 
publiques. 

Nunc  seges  nbi  Troja  fuit. 


Trois  pans  de  tours  ou  de  murailles  de  son  ancien 
chàteau-fort,  sont  tout  ce  qui  reste  de  la  fière  cité  que 
se  disputèrent  tour  à  tour  les  rois  de  France  et  les 
princes  de  la  maison  de  Bourgogne.  Voilà  pour  les  ves- 
tiges matériels  du  passé. 

Des  souvenirs  d'un  ordre  plus  élevé  sont  par\'enus 
entiers  jusqu'à  nous,  défiant  le  temps  et  bravant  en 
quelque  sorte  la  colère  d'un  conquérant.  Trois  livres 
imprimés  à  Hesdin  au  temps  de  sa  splendeur  sufQront 
à  faire  revivre  son  nom,  en  lui  assignant  une  place 
distinguée  dans  les  fastes  de  la  typographie  : 

Quod  nec  Jovis  ira,  nec  edax  poternt  aholere  vetustas. 

Hesdin ,  dans  les  premières  années  du  XV^  siècle , 
était  une  ville  industrieuse  et  fort  commerçante.  Les 
bourgeois  jouissaient  de  franchises  remontant  à  Philippe- 
Auguste,  privilèges  qui  venaient  d'être  confirmés  par 
Louis  XL  Son  château  était  le  Versailles  de  l'Artois. 
C'était  un  séjour  délicieux  entouré  d'un  vaste  parc.  La 
ville  proprement  dite  était  divisée  en  deux  parties  à  peu 
près  égales  par  la  ri\dère  de  Canche.  La  chàtellenie  de 
Hesdin  (1),  siège  d'un  bailliage,  ressortissait  pour  la 
justice  de  la  prévôté  royale  de  Montreuil  en  Picardie. 


(1)  Les  enclaves  de  cette  chàtellenie  sont  ainsi  indiquées  :  «  En  la  chastele- 
nye  de  Hesdin  et  es  mectes  (du  latin  meta^  borne,  limite)  de  la  prévosté  de 
Monstroeul  sont  les  terres  et  seignories  qui  ensieuvent  :  le  château  de  Contes, 
du  Quesnoy,  de  Fontaines,  du  Maisnii,  de  Caumont,  de  Tortefontaines,  de 
Doorier,  de  Mourier.  >  (âgrégatoire  des  Coustcmes,  fol.  6,  recto). 


8  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  gros  procès  étaient  portés  devant  cette  juridiction,  qui 
s'étendait  assez  loin  jusqu'à  Saint-Omer,  Aire-sur-la-Lys 
et  Guînes,  en  Artois.  Le  code  qui  régissait  cette  cour  de 
justice,  conféré  avec  les  coutumes  particulières  de  chaque 
bailliage,  avait  été  rédigé  et  homologué  ^  deux  reprises 
différentes,  en  1507  et  1509,  puis  envoyé  à  Paris,  où  il 
fut  imprimé  peu  de  temps  après.  Il  parut  sous  le  titre 
d'Agrégatoire  de  Coustumes,  chez  le  libraire  Guillaume 
Eustace,  tenant  boutique  au  Palais,  au  troisième  pilier 
de  la  Grand'Salle.  Cette  première  édition,  publiée  dans 
le  format  petit  in-8,  ne  tarda  pas  à  s'épuiser.  On  songea 
alors  à  la  réimprimer.  Un  imprimeur  fit  venir  à  Hesdin 
un  matériel  typographique  qu'il  tira  de  Paris,  selon 
toute  probabilité,  et  se  munit  d'un  privilège,  afin  d'écar* 
ter  les  concurrents. 

Il  se  mit  à  l'œuvre,  et  le  15  décembre  1512  (vieux 
style)  fut  terminé  le  premier  livre  imprimé  à  Hesdin 
sous  le  titre  suivant,  que  nous  reproduisons  textuelle- 
ment (1)  : 

Agregatoire  de  coustumes 
contenant  ce  qui  sensuit. 

Les  coustumes  générales  de  la 
puoste  de  Moustroeul  :  auec  les 
vsages  et  stilz  du  siège  real  dudit  lieu 
de  moustroeul  apostiles  des  côcordan 
ces  du  droict  ciuil  et  canon. 

Boulenois  : 
Les  coustumes  de  la  conte  de  boulenois. 

Guisnes 
Les  coustumes  de  la  conte  de  guisnes. 


(1)  Nous  avons  indiqué  par  des  lettres  italiques  les  lettres  ou  passages  qui 
sont  imprimés  en  rouge  dans  l'original. 


l'imprimerie  a  hesdin 


Sainct  pol. 
Les  coustumes  de  la  conte  de  sainct  pol. 

Sainct  orner  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  sainct  omer. 

Hesdin  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  hesdin. 

Aire  : 
Les  coustumes  du  bailliage  daire. 

Therouane 
Les  coustuês  de  la  ville  cite  et  regale  de  theroane 

Artois. 
Les  coustumes  générales  de  toute  la  conte  dartois. 

A  la  dernière  page  sont  indiqués  le  lieu  d'impression, 
le  nom  de  l'imprimeur  et  la  date  d'achèvement.  Il  est 
en  outre  fait  mention  expresse  du  privilège.  Ce  colophon 
est  ainsi  libellé  : 

IMprime  a  hesdin  par  bauldrain  dacqn 
auquel  est  ordone  lettre  de  puilege  pour 
imprimer  icelles  Coustumes  par  laqlle 
lettre  on  faict  deffense  a  tous  imprimeurs,  librai 
res  et  aultres  de  non  imprimer,  vendre,  ne  distri 
huer  lesdictes  coustumes  sans  le  consentement 
dud  Dacquin  dichy  a  deux  ans  sur  paine  et  con 
fiscation  desd  liures  Et  damêde  arbitraire  faict 
le  XV.  iour  de  Décembre  Mil.  cincq  cens,  et  xii. 

Le  volume  forme  un  petit  in-4,  divisé  en  trois  parties, 
formant  ensemble  78  feuillets  ou  156  pages,  imprimé  en 
caractères  gothiques,  avec  trois  ou  quatre  grandes  lettres 


8  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  gros  procès  étaient  portés  devant  cette  juridiction,  qui 
s'étendait  assez  loin  jusqu'à  Saint-Omer,  Aire-sur-la-Lys 
et  Guines,  en  Artois.  Le  code  qui  régissait  cette  cour  de 
justice,  conféré  avec  les  coutumes  particulières  de  chaque 
bailliage,  avait  été  rédigé  et  homologué  ^  deux  reprises 
différentes,  en  1507  et  1509,  puis  envoyé  à  Paris,  où  il 
fut  imprimé  peu  de  temps  après.  Il  parut  sous  le  titre 
d'Agrégatoire  de  Coustumes,  chez  le  libraire  Guillaume 
Eustace,  tenant  boutique  au  Palais,  au  troisième  pilier 
de  la  Grand'Salle.  Cette  première  édition,  publiée  dans 
le  format  petit  in-8,  ne  tarda  pas  à  s'épuiser.  On  songea 
alors  à  la  réimprimer.  Un  imprimeur  fit  venir  à  Hesdin 
un  matériel  typographique  qu'il  tira  de  Paris,  selon 
toute  probabilité,  et  se  munit  d'un  privilège,  afin  d'écar* 
ter  les  concurrents. 

Il  se  mit  à  l'œuvre,  et  le  15  décembre  1512  (vieux 
style)  fut  terminé  le  premier  livre  imprimé  à  Hesdin 
sous  le  titre  suivant,  que  nous  reproduisons  textuelle- 
ment (1)  : 

Agregatoire  de  coustumes 
contenant  ce  qui  sensuit. 

Les  coustumes  générales  de  la 
puoste  de  Moustroeul  :  auec  les 
vsages  et  stilz  du  siège  real  dudit  lieu 
de  moustroeul  apostiles  des  côcordan 
ces  du  droict  ciuil  et  canon. 

Boulenois  : 
Les  coustumes  de  la  conte  de  boulenois. 

Guisnes 
Les  coustumes  de  la  conte  de  guisnes. 


(1)  Nous  avons  indiqué  par  des  lettres  italiques  les  lettres  ou  passages  qui 
sont  imprimés  en  rouge  dans  l'original. 


l'imprimerie  a  hesdin 


Sainct  pol. 
Les  coustumes  de  la  conte  de  sainct  pol. . 

Sainct  orner  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  sainct  orner. 

Hesdin  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  hesdin. 

Aire  : 
Les  coustumes  du  bailliage  daire. 

Therouane 
Les  coustuês  de  la  ville  cite  et  regale  de  theroane 

Artois. 
Les  coustumes  générales  de  toute  la  conte  dartois. 

A  la  dernière  page  sont  indiqués  le  lieu  d'impression, 
le  nom  de  l'imprimeur  et  la  date  d'achèvement.  Il  est 
en  outre  fait  mention  expresse  du  privilège.  Ce  colophon 
est  ainsi  libellé  : 


IMprime  a  hesdin  par  bauldrain  dacqn 
auquel  est  ordone  lettre  de  puilege  pour 
imprimer  icelles  Coustumes  par  laqlle 
lettre  on  faict  deffense  a  tous  imprimeurs,  librai 
res  et  aultres  de  non  imprimer,  vendre,  ne  distri 
buer  lesdictes  coustumes  sans  le  consentement 
dud  Dacquin  dichy  a  deux  ans  sur  paine  et  con 
fiscation  desd  liures  Et  damëde  arbitraire  faict 
le  XV.  iour  de  Décembre  Mil.  cincq  cens,  et  xii. 

Le  volume  forme  un  petit  in-4,  divisé  en  trois  parties, 
formant  ensemble  78  feuillets  ou  156  pages,  imprimé  en 
caractères  gothiques,  avec  trois  ou  quatre  grandes  lettres 


8  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  gros  procès  étaient  portés  devant  cette  juridiction,  qui 
s'étendait  assez  loin  jusqu'à  Saint-Omer,  Aire-sur-la-Lys 
et  Guines,  en  Artois.  Le  code  qui  régissait  cette  cour  de 
justice,  conféré  avec  les  coutumes  particulières  de  chaque 
bailliage,  avait  été  rédigé  et  homologué  â  deux  reprises 
différentes,  en  1507  et  1509,  puis  envoyé  à  Paris,  où  il 
fut  imprimé  peu  de  temps  après.  Il  parut  sous  le  titre 
d'Agrégatoîre  de  Coustumes,  chez  le  libraire  Guillaume 
Eustace,  tenant  boutique  au  Palais,  au  troisième  pilier 
de  la  Grand'Salle.  Cette  première  édition,  publiée  dans 
le  format  petit  in-8,  ne  tarda  pas  à  s'épuiser.  On  songea 
alors  à  la  réimprimer.  Un  imprimeur  fit  venir  à  Hesdin 
un  matériel  typographique  qu'il  tira  de  Paris,  selon 
toute  probabilité,  et  se  munit  d'un  privilège,  afin  d'écar* 
ter  les  concurrents. 

Il  se  mit  à  l'œuvre,  et  le  15  décembre  1512  (vieux 
style)  fut  terminé  le  premier  livre  imprimé  à  Hesdin 
sous  le  titre  suivant,  que  nous  reproduisons  textuelle- 
ment (1)  : 

Agregatoire  de  coustumes 
contenant  ce  qui  sensuit. 

Les  coustumes  générales  de  la 
puoste  de  Moustroeul  :  auec  les 
vsages  et  stilz  du  siège  real  dudit  lieu 
de  moustroeul  apostiles  des  côcordan 
ces  du  droict  ciuil  et  canon. 

Boulenois  : 
Les  coustumes  de  la  conte  de  boulenois. 

Guisnes 
Les  coustumes  de  la  conte  de  guisnes. 


(1)  Nous  avons  indiqué  par  des  lettres  italiques  les  lettres  ou  passages  qui 
sont  imprimés  en  rouge  dans  l'original. 


l'imprimerie  a  hesdin  9 

Sainct  poL 
Les  coustumes  de  la  conte  de  sainct  pol. 

Sainct  orner  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  sainct  omer. 

Hesdin  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  hesdin. 

Aire  : 
Les  coustumes  du  bailliage  daire. 

Therouane 
Les  coustuês  de  la  ville  cite  et  regale  de  theroane 

Artois, 
Les  coustumes  générales  de  toute  la  conte  dartois. 

A  la  dernière  page  sont  indiqués  le  lieu  d'impression, 
le  nom  de  l'imprimeur  et  la  date  d'achèvement.  Il  est 
en  outre  fait  mention  expresse  du  privilège.  Ce  colophon 
est  ainsi  libellé  : 


IMprime  a  hesdin  par  bauldrain  dacqn 
auquel  est  ordoîie  lettre  de  puilege  pour 
imprimer  icelles  Coustumes  par  laqlle 
lettre  on  faict  deffense  a  tous  imprimeurs,  librai 
res  et  aultres  de  non  imprimer,  vendre,  ne  distri 
huer  lesdictes  coustumes  sans  le  consentement 
dud  Dacquin  dichy  a  deux  ans  sur  paine  et  con 
fiscation  desd  liures  Et  damêde  arbitraire  faict 
le  XV.  iour  de  Décembre  Mil.  cincq  cens,  et  xii. 

■ 

Le  volume  forme  un  petit  in-4,  divisé  en  trois  parties, 
formant  ensemble  78  feuillets  ou  156  pages,  imprimé  en 
caractères  gothiques,  avec  trois  ou  quatre  grandes  lettres 


8  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  gros  procès  étaient  portés  devant  cette  juridiction,  qui 
s'étendait  assez  loin  jusqu'à  Saint-Omer,  Aire-sur-la-Lys 
et  Guines,  en  Artois.  Le  code  qui  régissait  cette  cour  de 
justice,  conféré  avec  les  coutumes  particulières  de  chaque 
bailliage,  avait  été  rédigé  et  homologué  â  deux  reprises 
différentes,  en  1507  et  1509,  puis  envoyé  à  Paris,  où  il 
fut  imprimé  peu  de  temps  après.  Il  parut  sous  le  titre 
d'Agrégatoire  de  Coustumes,  chez  le  libraire  Guillaume 
Eustace,  tenant  boutique  au  Palais,  au  troisième  pilier 
de  la  Grand'Salle.  Cette  première  édition,  publiée  dans 
le  format  petit  in-8,  ne  tarda  pas  à  s'épuiser.  On  songea 
alors  à  la  réimprimer.  Un  imprimeur  fit  venir  à  Hesdin 
un  matériel  typographique  qu'il  tira  de  Paris,  selon 
toute  probabilité,  et  se  munit  d'un  privilège,  afin  d'écar- 
ter les  concurrents. 

Il  se  mit  à  l'œuvre,  et  le  15  décembre  1512  (vieux 
style)  fut  terminé  le  premier  livre  imprimé  à  Hesdin 
sous  le  titre  suivant,  que  nous  reproduisons  textuelle- 
ment (1)  : 

Agregatoire  de  coustumes 
contenant  ce  qui  sensuit. 

Les  coustumes  générales  de  la 
puoste  de  Moustroeut  :  auec  les 
vsages  et  stilz  du  siège  real  dudit  lieu 
de  moustroeul  apostiles  des  côcordan 
ces  du  droict  ciuil  et  canon. 

Boulenois  : 
Les  coustumes  de  la  conte  de  boulenois. 

Guisnes 
Les  coustumes  de  la  conte  de  guisnes. 


(1)  Nous  avons  indiqué  par  des  lettres  italiques  les  lettres  ou  passages  qui 
sont  imprimés  en  rouge  dans  l'original. 


L  IMPRIMERIE  A  HESDIN  9 

Sainct  pol. 
Les  coustumes  de  la  conte  de  sainct  pol. 

Sainct  orner  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  sainct  omer. 

Hesdin  : 
Les  coustumes  du  bailliage  de  hesdin. 

Aire  : 
Les  coustumes  du  bailliage  daire. 

Therouane 
Les  coustuês  de  la  ville  cite  et  regale  de  theroane 

Artois. 
Les  coustumes  générales  de  toute  la  conte  dartois. 

A  la  dernière  page  sont  indiqués  le  lieu  d'impression, 
le  nom  de  l'imprimeur  et  la  date  d'achèvement.  Il  est 
en  outre  fait  mention  expresse  du  privilège.  Ce  colophon 
est  ainsi  libellé  : 


IMprime  a  hesdin  par  bauldrain  dacqn 
auquel  est  ordone  lettre  de  puilege  pour 
imprimer  icelles  Coustumes  par  laqlle 
lettre  on  faict  deffense  a  tous  imprimeurs,  librai 
res  et  aultres  de  non  imprimer,  vendre,  ne  distri 
buer  lesdictes  coustumes  sans  le  consentement 
dud  Dacquin  dichy  a  deux  ans  sur  paine  et  con 
fiscation  desd  Hures  Et  damêde  arbitraire  faict 
le  XV.  iour  de  Décembre  Mil.  cincq  cens,  et  xii. 

Le  volume  forme  un  petit  in-4,  divisé  en  trois  parties, 
formant  ensemble  78  feuillets  ou  156  pages,  imprimé  en 
caractères  gothiques,  avec  trois  ou  quatre  grandes  lettres 


10  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

initiales  assez  simples.  Le  texte  des  coutumes  de  la 
prévôté  de  Montreuil  est  accompagné  en  marge  d'un 
commentaire  latin  de  Nicolas  Débours  /Burseus/  (1). 

Moins  de  cinq  ans  après,  une  nouvelle  édition  de 
VAgregatoire  des  Coustumes  devenait  nécessaire.  Cette 
fois,  ce  fut  un  marchand-libraire  de  Hesdin  qui  en  fit 
les  frais.  Bauldrain  Dacquin,  dont  le  privilège  était 
expiré,  fut  chargé  de  l'imprimer.  Le  titre  en  lettres  de 
somme  rouges  et  noires  reste  le  même,  la  disposition 
typographique,. texte  en  gothique  bâtarde  encadré  de 
notes  en  petites  lettres  de  somme,  est  identique  ;  sauf 
quelques  petites  corrections  et  de  légères  différences 
dans  les  abréviations,  tout  le  volume  paraît  semblable 
au  précédent.  Le  colophon  seul  est  changé.  Nous  le 
transcrivons  littéralement  : 

iNl  Ouuellement  sont  imprimées  ce  // 
stes  présentes  Coustumes  a  hesdin  p  Bauldrain 
dacquin  a  lymage  sainct  Jehan  leuangeliste  en 
la  rue  sainct  martin  Pour  fremin  alexandre  de// 
mourant  aud  lieu  a  lymage  sainct  Claude  le  X. 
iour  doctobre  an  de  grâce  Mil.ccccc.xvii. 

Nous  trouvons  dans  ces  lignes  des  renseignements 
nouveaux.  D'abord  le  nom  du  libraire  Fremin  Alexandre, 
pour  le  compte  duquel  cette  édition  du  10  octobre  1517 


(1)  Parmi  les  curieuses  digressions  dont  ce  jurisconsulte  a  éniaillé  son  com- 
mentaire, on  trouve  dans  le  préambule  un  éloge  de  la  Musique,  puis  un  peu 
plus  loin  une  violente  diatribe  contre  la  femme,  qui  est  représentée  comme 
étant  la  source  principale  des  procès  *  lites  etjurgia  continue  movens  j».Si  tu  as 
souci  de  ton  repos  pendant  la  nuit  et  si  le  jour  tu  ne  veux  pas  de  procès,  écarte 
la  femme  :  «  Si  optes  ut  tua  nox  cum  sompno  sit  et  sine  lite  dies,  sit  a  te  procul  *. 
L'homme  marié  n'a  pas  besoin  d'horloge;  sa  femme  le  tient  en  éveil  à  toute 
heure  :  «  Xec  uxorato  viro  opus  est  horologio,cum  uxorem  habeat  que  cum  omni 
hora  excitet  ».  (AcRÉGATomE,  fol.  12,  recto.) 


l'imprimerie  a  hesdin  11 

de  VAgrégatoire  fiit  imprimée  ;  ensuite  Tindication  de  la 
demeure  et  de  l'enseigne  du  typographe  hesdinois,  qui 
s'était  mis  sous  la  protection  du  patron  de  l'Imprimerie, 
saint  Jean  l'Évangéliste,  autrement  dit  saint  Jean  Porte- 
Latine.  La  rue  Saint-Martin  était  située  au  centre  de  la 
cité,  dont  elle  formait  l'artère  principale.  D'après  les 
anciens  plans,  elle  partait  du  pont  Saint-Martin,  près  la 
Collégiale  de  ce  nom,  sur  la  rive  droite  de  la  Canche, 
et  aboutissait  au  château. 

Outre  la  collégiale  de  Saint-Martin,  dont  nous  venons 
de  parler,  Hesdin  renfermait  dans  ses  murs  des  églises, 
des  chapelles,  des  couvents  et  des  maisons  hospitalières. 
Dans  la  campagne,  aux  alentours,  se  trouvaient  nombre 
d'abbayes  :  Saint- Georges,  Auchy-les-Moines ,  Blangj^ 
Ruisseauville,  Dommartin,  Cercamp,  etc. 

Jugeant  que  la  clientèle  des  hommes  de  loi  et  des 
plaideurs  était  suffisamment  pour\^e  avec  les  deux 
éditions  de  l'ouvrage  de  droit  qu'il  avait  imprimé,  le 
nouvel  imprimeur  songea  à  s'adresser  à  un  autre  public, 
à  l'élément  religieux,  qui  se  trouvait  à  sa  portée.  Dans 
ce  but,  il  s'appliqua  à  l'impression  d'un  nouveau  livre. 
Le  18  décembre  1518  (vieux  style)  parut  un  volume 
ayant  pour  titre  : 

Deuote  contemplation  : 

sur  le  mistere  de  nostre 

rédemption. 

Les  caractères  de  la  réimpression  de  VAgrégatoire 
faite  pour  le  libraire  Fremin  Alexandre  étaient  déjà 
quelque  peu  fatigués,  aussi  l'impression  est-elle  moins 
belle  que  dans  l'édition  de  1512.  Baudrain  Dacquin 
paraît  avoir  renouvelé  sa  fonte  de  bâtarde  pour  exécuter 
la  Dépote  contemplation.  Les  grandes  initiales  sont 
différentes.    Elles    sont    imitées   des   lettres    fleuries  à 


12  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

fond  criblé  qu'on  rencontre  généralement  à  cette  époque 
dans  les  imprimeries  parisiennes.  Deux  gravures  sur 
bois  :  une  Annonciation  placée  après  le  prologue,  en 
regard  du  premier  chapitre,  et  un  Christ  en  croix,  avec 
les  attributs  de  la  Passion,  au  milieu  du  volume,  en 
tète  du  chapitre  XIII,  occupent  toute  la  page  dans  leur 
ordre  respectif.  La  première  page  de  titre  et  la  dernière 
contenant  l'achevé  d'imprimer  sont  en  caractères 
gothiques  de  forme  un  peu  carrée  dits  lettres  de  somme, 
en  tout  semblables  aux  pages  de  commencement  et  de 
fin  des  deux  éditions  de  VAgrégatoire.  Le  format  seul 
est  diflërent.  C'est  un  petit  in-8  de  144  feuillets  (288  p.), 
de  ^^ngt-deux  lignes  à  la  page,  très  bien  imprimé, 
qui  peut  soutenir  la  comparaison  avec  les  meilleures 
impressions  de  l'époque.  On  peut  considérer  ce  livre 
comme  le  chef-d'œuvre  de  Baudrain  Dacquin.  En 
voici  le  colophon  dans  sa  forme  naïve  avec  son 
orthographe  rappelant  la  prononciation  du  français 
dans  l'Artois  (1)  : 

C  Chy  fine-che  présent  traictié  in// 
titule.  Deuote  contêplation  Nou 
uellement  îpresse  a  Hesdin  le  xviii 
iour  de  Decêbre  an  de  grâce.  Mil. 
cincq  ces  xviii.  par  Bauldrain  dac 
quin  demourant  audit  lieu  a  Ihy// 
mage  sainct  Jehan  leuâgeliste  en 
la  rue  sainct  Martin. 

L'année  suivante  (1519)  mourait  l'empereur  Maximi- 
lien.  Son  petit-fils,  l'archiduc,  sous  le  nom  de  Charles- 
Quint,  fut  déclaré  son  successeur  à  l'Empire,  malgré  la 


(1)  Le  texte  de  l'ouNTage  présente  encore  d'autres  échantillons  de  cette  ortho- 
graphe. Le  mot  chapitre  est  imprimé  partout  CHAPrrLE  ;  le  mot  ange,  angle  ; 
on  lit  encore  ramiau  pour  rameau,  endcrcui  pour  endurcL 


l'imprbierie  a  hesdin  13 

puissante  et  redoutable  compétition  du  roi  de  France, 
François  I®'.  Depuis  vingt  ans,  Hesdin  était  retourné  à 
la  maison  de  Bourgogne,  en  vertu  du  traité  de  Senlis, 
sous  condition  d'hommage  à  la  couronne  de  France  (1). 
Depuis  juillet  1499,  date  de  la  remise  de  la  place 
d'Hesdin  par  le  maréchal  d*Esquerdes,  jusqu'à  l'époque 
qui  nous  occupe,  c'est-à-dire  pendant  vingt  années 
consécutives,  cette  ville  avait  prospéré.  Après  une  longue 
période  d'accalmie,  l'heure  du  déclin  allait  sonner.  La 
guerre  éclatait  entre  les  deux  rivaux.  Charles-Quint 
entrait  en  Champagne,  s'emparait  de  Mouzon  et  mettait 
le  siège  devant  Mézières,  défendu  par  Bayard,  le  Che- 
valier sans  peur  et  sans  reproche.  D'un  autre  côté, 
l'armée  française  venait  d'envahir  la  Flandre  et  battait 
les  Impériaux.  On  était  à  la  fin  de  l'automne,  et  Fran- 
çois P*"  évacuait  le  plat  pays  pour  aller  prendre  ses 
quartiers  d'hiver  à  Doullcns,  lorsqu'il  apprend  que  la 
ville  d'Hesdin  se  trouvait  sans  garnison.  11  résolut 
aussitôt  de  s'en  emparer  par  un  coup  de  main.  Une 
colonne,  dirigée  par  le  maréchal  de  Bourbon,  à  laquelle 
se  joignirent  le  comte  de  Vendème ,  commandant 
l'arrière-garde,  et  le  comte  de  Saint-Pol,  partit  d'Adinfer, 
village  à  trois  lieues  d'Arras,  sans  bruit,  par  une  pluie 
froide  et  battante  du  mois  de  novembre  et,  marchant 
toute  la  nuit,  se  porta  avec  une  telle  rapidité  que  ceux 
d'Hesdin  ne  furent  avertis  de  l'approche  des  Français 
que  lorsqu'ils  les  virent  devant  leurs  murailles.  On 
enfonça  une  des  portes  à  coups  de  canon  ;  les  soldats. 


(1)  L'hommage  féodal,  impliquant  droit  de  justice,  explique  comment  les 
bourgeois  d'Hesdin  et  des  autres  parties  de  l'Artois  avaient  leur  ressort  judi- 
ciaire à  Montreuil-en-Picardie.  Ils  jouissaient  du  droit  de  sauf-conduit,  en 
Tenant  pour  leurs  affaires  litigieuses,  sur  les  terres  du  roi  de  France,  c  Qui- 
conque vient  en  ladicte  ville  de  Monstroeul  pour  expédition  des  causes  qu'il 
poeult  avoir  esdictz  sièges  soit  en  demandant  ou  en  deffendant,  et  sans  fraude, 
il  n'est  artable  (arrétable)...  et  se  il  est  arresté,  il  doit  avoir  la  main  levée....  > 
(AGRÉGAToraB,  édit  de  Hesdin,  1512,  article  V,  8*  feuillet,  recto). 


14  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

l'épée  à  la  main,  se  précipitèrent  dans  la  ville  qui  fut 
livrée  à  un  pillage  effréné.  «  Et  y  fust  trouvé  un  mer- 
veilleux butin  D,  dit  Martin  du  Bellay,  <c  car  la  ville 
estoyt  fort  marchande,  parce  que  de  toute  antiquité  les 
ducs  de  Bourgogne  y  a  voient  fait  leur  demeure  princi- 
pale D.  Le  feu  fiit  mis  par  quelques  soudards,  «  qui  fut 
grand  dommage,  car  devant  qu'on  eust  pour\'u  à 
Testeindre,  il  fut  bruslé  une  partie  de  la  ville  et 
beaucoup  de  richesses,  d  dit  encore  le  même  chro- 
niqueur. 

Gentille  ville  de  Hesdin  en  Artois  bien  assise, 

Tu  soulois  estre  bourguignonne,  mais  les  Français  t'ont  prise. 

Tel  était  le  refrain  d'une  chanson  du  temps.  Hesdin 
souffrit  énormément  des  excès  de  la  soldatesque.  Ses 
chartes  de  franchises  et  les  archives  de  la  ville  furent 
anéanties  dans  l'incendie  qui  avait  été  allumé  (1).  La 
maison  où  se  trouvait  l'atelier  de  Bauldrain  Dacquin  se 
trouvant  dans  la  rue  principale  par  laquelle  entrèrent 
les  troupes,  n'échappa  pas  plus  que  les  autres  au  pillage 
et  à  la  ruine  générale.  L'essor  de  l'imprimerie  était 
désormais  arrêté. 

Nous  ne  suivrons  pas  les  diverses  péripéties  des  sièges 
qu'Hesdin  eut  à  subir  depuis,  sans  en  excepter  celui 
auquel  assista  François  l^^  en  personne.  Pendant  les 
trente  années  qui  suivirent,  tour  à  tour  prise  et  reprise 
par  les  Français  et  les  Impériaux,  épuisée  par  ces  luttes 
continuelles,  la  ville  ne  put  se  relever.  Nous  arrivons  au 
dernier  siège,  le  plus  mémorable  de  tous,  qui  entraîna 
la  catastrophe  finale.  Le  duc  de  Bouillon,  ainsi  que  la 
noblesse  française,  qui  l'avaient  héroïquement  défendue, 
furent  faits  prisonniers.  Parmi  eux  se  trouvait  le  célèbre 


(1)  Mémoires  de  Martin  du  Bellay,  seigneur  de  Langey,  édit.  de  Paris,  Mich. 
de  Roigny,  1588.  In-foL,  page  48. 


l'imprimerie  a  hesdin  15 

Ambroise  Paré,  chirurgien  du  roi.  Pour  punir  Hesdin  de 
sa  résistance,  le  petit-fils  de  Charles-le-Téméraire  pro- 
nonça contre  la  malheureuse  cité  la  sentence  d'extermi- 
nation dont  il  avait  si  cruellement  frappé  Thérouane 
un  mois  auparavant  ;  le  château  fut  détruit  de  fond  en 
comble,  la  ville  fut  rasée.  Deux  couvents  de  femmes, 
l'un  celui  des  Clarisses  et  l'autre  celui  des  Sœurs-Grises, 
furent  seuls  épargnés. 

L'année  suivante,  au  mois  de  septembre  1551,  à  une 
lieue  en  aval  de  la  cité  détruite,  on  commença  l'érection 
d'une  nouvelle  ville  qui  fut  bâtie  avec  les  matériaux  de 
l'ancienne.  L'emplacement  choisi  fut  celui  du  Maisnil, 
maison  de  plaisance  de  Marie  d'Autriche.  Autour  de  ce 
château,  qui  dans  les  premiers  temps  servit  de  maison 
commune  pour  l'administration  et  d'hôtel-de-ville,  se 
groupèrent  les  habitations.  C'est  ce  qui  forme  la  ville 
actuelle  d'Hesdin,  que  l'on  baptisa  alors  du  nom 
d'Hesdinfert  ou  Nouvel-Hesdin. 

Les  trois  livres  que  nous  venons  de  citer  et  que  nous 
avons  eu  la  bonne  fortune  de  réunir  forment-ils  la  série 
complète  des  impressions  du  Vieil-Hesdin  ?  Nous  ne 
saurions  l'affirmer.  Des  pièces  volantes  ou  des  placards 
ont  bien  pu  y  être  imprimés,  mais  la  trace  en  est 
perdue  ;  les  archives  du  Vieil-Hesdin ,  où  elles  auraient 
pu  se  trouver,  ayant  déjà  péri  en  grande  partie,  lors 
du  pillage  et  de  l'incendie  de  1521,  ainsi  que  nous 
l'avons  relaté  plus  haut  (1). 


(1)  C'est  ce  qui  est  attesté  par  des  lettres-patentes  de  janvier  1541,  données 
par  François  I",  à  la  requête  des  mayeur  et  échevins  d'Hesdin,  par  lesquelles 
les  privilèges,  droits,  libertés,  exemptions  et  franchises  de  la  ville  sont  confir- 
més, n  est  rappelé  dans  Tactc  que  le  mois  de  novembre  1521,  ladite  ^^lle  ayant 
été  prise  d'assaut,  brûlée,  pillée  et  détruite,  les  chartes  et  lettres  originales  des 
susdits  privilèges  et  octrois,  ainsi  que  les  autres  papiers,  livres  et  enseigne- 
ments appartenant  au  corps  et  communauté  de  la  ville  furent  aussi  brûlés. 
(Voir  Vicissitudes,  heur  et  malheur  du  Vieil-Hesdin,  par  le  D'  B.  Davs'in.  Saint- 
Pol,  1866;  gr.  in-«,  pag.  229-230). 


16  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Arthur  Dînaux  et  le  docteur  Danvin  qui,  les  premiers, 
ont  parlé  de  Timprimerie  d'Hesdin,  n'ont  connu  que 
YAgrégatoire  de  1517.  Les  impressions  de  1512  et  de 
1518,  qui  complètent  l'exercice  de  Bauldrain  Dacquin, 
leur  avaient  échappé.  Le  fait  n'a  rien  de  surprenant, 
étant  donné  l'extrême . rareté  de  ces  volumes,  qui  ne 
figurent  point  dans  les  bibliographies  et  dont  on  cher- 
cherait en  vain  l'indication  dans  Panzer  et  dans 
Bnmet  (1).  Seul,  M.  Deschamps  les  a  mentionnées  dans 
son  Dictionnaire  de  Géographie,  d'après  des  notes  com- 
muniquées par  M.  le  baron  Dard,  et  prises  en  partie  sur 
les  exemplaires  que  nous  possédons.  Il  est  fort  probable 
que  Bauldrain  Dacquin  était  originaire  d'Hesdin.  Les 
bourgeois  de  cette  ville,  jaloux  de  leurs  privilèges, 
n'eussent  pas  toléré  l'établissement  d'un  autre  que  des 
leurs.  Le  docteur  Danvin  suppose  qu'il  aurait  appris  son 
art  à  Abbeville.  Nous  ferons  remarquer  que  l'imprimerie 
introduite  à  Abbeville  en  1486,  par  Jean  de  Pré,  typo- 
graphe parisien,  cessa  de  fonctionner  après  1489.  Il  est 
inadmissible  que  Bauldrain  Dacquin  soit  resté  plus  de 
vingt  années  sans  songer  à  tirer  parti  du  métier  qu'il 
venait  d'apprendre. 

S'il  nous  était  permis  d'entrer  dans  le  champ  des 
conjectures,  nous  n'aurions  pas  à  remonter  si  haut 
pour  émettre  une  opinion  plus  plausible.  Selon  nous,  ce 


(1)  C'est  à  tort  que  M.  Deschamps  dit  que  la  Bibliothèque  Nationale  ne 
possède  pas  YAgrégatoire  de  1512.  Un  exemplaire,  dans  sa  reliure  du  temps, 
fait  partie  de  la  Réserve  sous  la  cote  F.  985.  L'exemplaire  de  la  bibliothèque  du 
marquis  Le  Ver,  le  seul  qui  ait  jamais  passé  en  vente,  est  entré  dans  notre 
collection  particulière.  L'exemplaire  de  l'édition  de  1517,  qui  figurait  à  la 
vente  Dinaux,  doit  être  le  même  que  celui  qui  se  trouve  dans  la  collection 
de  M.  le  baron  Dard,  à  Aire-sur-la-Lys.  Un  autre  exemplaire,  signalé  comme 
ayant  passé  dans  une  vente  à  Boulogne-sur-Mer,  est  entré  dans  la  biblio- 
tiiéque  de  M.  Hurbiez,  à  Béthune  ;  enfin  nous  en  possédons  un  troisième 
exemplaire.  —  Quant  à  la  Dévote  contemplation  dont  M.  Deschamps  attribue 
sans  preuve  la  rédaction  à  Jean  de  Lacu,  théologien  de  Lilla,  nous  n'en  con- 
naissons pas  d'autre  exemplaire  que  le  nôtre. 


l'imprimerie  a  hesdin  17 

serait  plutôt  avec  Nicolas  Le  Caron,  son  compatriote, 
originaire  d'Auxi-le-Chàteau  (1),  qui  avait  déjà  imprimé 
à  Amiens,  vers  1508,  les  Coutumes  des  bailliages 
d'Amiens  et  de  Montreuil,  que  Bauldrain  Dacquin  aurait 
été  initié  aux  secrets  de  l'imprimerie.  Peut-être  ont-ils 
travaillé  tous  deux  à  Paris  chez  Henri  Estienne,  premier 
du  nom,  qui  parait  avoir  eu  des  relations  avec  des 
littérateurs  de  la  région,  car  nous  voyons  ce  dernier 
imprimer  les  œuvres  de  Charles  de  Bouvelles  et  celles 
de  Jacques  Lefevre,  d'Étaples. 

A.  CLAUDIN. 


(1)  Cestau  savant  M.  Léopold  Delisle  que  nous  devons  le  renseignement 
sur  le  lieo  de  naissance  du  premier  imprimeur  d'Amiens  (voir  le  Cabinet 
historique  de  V Artois  et  de  la  Picardie,  Abbeville,  18S6,  in-8*,  n*  1,  pag.  3-5).  Dans 
un  Tolunie  in*fol.  contenant  divers  traités  de  Ch.  de  Bouvelles,  publiés  sous  le 
patronage  de  Tévêque  d'Amiens  et  achevés  d'imprimer  en  1511,  à  Paris,  chez 
Haori  Estienne  I",  od  remarque  une  pièce  de  vers  latins  :  Nicolcd  Caronis 
Asuiaeeneishectasticon  ad  librtun.  Auxi-le-Château  /^Auxiacu/n^  est  aujourd'hui 
dans  le  département  du  Pas-de-Calais,  à  30  kilom.  de  Saint-Pol. 

Un  inqHrimeur  dn  nom  de  Pierre  le  Caron  se  trouvait  à  Paris,  dés  1489, 
mais  comme  il  a  disparu  en  1500,  il  n'est  guère  probable  que  Nie.  le  Caron 
ait  afypris  chez  lui  Fart  typographique.  Tout  au  plus,  peut-on  lui  supposer  un 
Ben  de  parenté,  à  cause  de  la  similitude  des  noms.  La  marque  de  Pierre  le 
Garoa  représente  un  parc  enceint  de  hautes  murailles  crénelées.  Au  bas,  on 
lit  dans  une  banderolle  l'incription  :  Franboys,  que  La  Caille  dans  son  Histoire 
de  rimprimaie,  page  61,  interprète  par  franc-bois,  ou  bois-clos  ;  serait-ce  une 
•iiw«i#>ti  an  parc  d'Hesdin  ? 


1891 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES 

FEMME     POÈTE      TOULOUSAINE     DU     XVII*     SIÈCLE 


LA    VÉRITÉ 


SUR     SON     POEME     RARISSIME     DE     «    JUDITH    3> 

ou 

LA  DÉLIVRANCE  DE  BÉTHULIE 


En  faisant  des  recherches  dans  le  Journal  de 
l'Empire,  (Débats)  de  Tannée  1814,  nous  avons  été 
arrêté,  dans  le  numéro  du  6  mars  par  un  article 
intitulé  :  «  Variétés.  Sur  un  article  de  la  Biographie 
universelle,  i> 

La  dernière  édition  de  la  Biographie  Michaud, 
n'ayant  en  rien  profité  de  ce  précieux  article  qui. 
donne  cette  fois  la  vérité  sur  le  poème  de  Judith  ou 
la  Délivrance  de  Béthuliè  de  Marie  Puech  de  Calages 
(Fauteur  avait  sous  les  yeux  cette  œuvre  rarissime, 
que  la  Bibliothèque  nationale  ne  possède  pas), 
d'autre  part  la  Nouvelle  Biographie  générale  ne 
l'ayant  pas  connu,  car  son  article  n'est  presque  que 
la  reproduction  des  erreurs  de  la  Biographie 
Michaud,  sauf  la  dédicace  vraie  à  Marie-Thérèse 
d'Autriche  et  non  à  Anne  d'Autriche,  il  devenait 
évident  pour  nous  que  la  réimpression  de  cet 
important  article  s'imposait.  Aussi  sommes-nous 
heureux  de  la  donner  aujourd'hui  à  l'un  de  nos  plus 
anciens  recueils  littéraires. 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES  19' 

L'article  que  nous  reproduisons  est  signé  seule- 
ment, ainsi  qu'une  foule  d'autres  des  mêmes  Débats 
à  la  même  époque,  de  la  lettre  T.  Il  émane  donc  de 
la  plume  savante  de  Tour Zef  (1758-1836),  cet  estimable 
critique  auquel  la  Biographie  Michaud  a  consacré 
une  notice  bien  intéressante,  mais  que  la  Nouvelle 
Biographie    générale    (nous     regrettons    que    les 
circonstances  coïncident  pour  nous  forcer  à  avoir 
Tair  de  la  prendre  à  partie),  n'a  pas  jugé  à  propos 
de  faire  figurer  dans  ses  colonnes.  La  Biographie 
Universelle  nous  dit  en  effet  que  Tourlet  fournit  de 
nombreux  articles  à  toutes  les  feuilles  périodiques 
de  son  temps.  Elle  ajoute  dans  son  jugement  sur  le 
critique  :   «  En  général  le  bon  sens  et  le   goût,  le 
jugement  et  la  fidélité  aux  saines  doctrines,  un  style 
plus  clair  qu'élégant,  un  grand  fonds  de  naïveté  qui 
n'était  pas  sans  originalité,,.  y>  Nous  avons  souligné 
ce  dernier  trait,  car  nous  en  avons  un  exemple  dans 
l'article  même  de  Tourlet  que  nous  reproduisons. 
Le  critique  dit  avec  sa  bonhomie  ordinaire  :  a:  C'est 
elle  (W^^  de  Calages)  qui,  dans  une  épître  signée  de 
son    nom,   dédia  son  ouvrage  à   la    reine  Marie- 
Thérèse  d'Autriche,  en  la  complimentant  sur  son 
mariage  avec  Louis  XIV,  lequel  venait  d'avoir  lieu 
précisément  dans  cette  même  année  1660.  Si  l'on; 
avait  eu  sous  les  yeux  et  pris  la  peine  de  lire  l'épître 
dédicatoire,  on  eût  bien  vu  qu'elle  ne  s'adressait  pas 
à  Anne  d'Autriche  ;  car  il  n'y  a  pas  d'apparence  que 
l'auteur  l'eût  félicitée  d'avoir  épousé  son  fils.  i> 

Emile  Du  Boys. 


20  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Voici  Farticle  des  Débats  : 

Journal  de  l'Empire  (Débats)  du  6  mars  1814.  — 
Variétés.  —  Sur  un  article  de  la  Biographie 
universelle. 

En  parcourant  ces  jours  derniers  un  volume  de  la 
Biographie  Universellej  mes  regards  s'arrêtèrent  sur 
Tarticle  de  M"®  Marie  de  Puech  de  Calages,  toulou- 
saine, auteur  d'un  poëme  intitulé  Judith  ou  la 
Délivrance  de  Béthulie^  publié  en  1660.  L'article 
contient  deux  passages  du  poëme,  chacun  d'une 
vingtaine  de  vers  à  peu  près.  Mon  étonnement  fut 
grand,  je  l'avoue,  en  lisant  ces  vers,  tous  très  bien 
tournés,  et  où  il  n'y  a  pas  une  seule  de  ces 
expressions  surannées  qui  se  trouvent  fréquemment 
dans  les  meilleurs  poètes  de  cette  époque.  Je  possède 
depuis  longtemps  le  poëme  de  Judith  :  j'en  avois  lu 
quelque  chose  autrefois,  et  je  ne  me  souvenois  pas 
d'y  avoir  rien  vu  qui  ressemblât  aux  deux  passages 
cités.  Je  recourus  à  l'ouvrage,  et  ma  première 
surprise  fit  place  À  une  autre  plus  grande  encore, 
lorsque  je  vis  que,  des  deux  morceaux,  le  premier 
étoit  entièrement  supposé,  et  le  second  altéré  de 
manière  à  n'être  pas  reconnoissable.  Le  premier 
représente  Judith  échangeant  ses  habits  de  veuve 
contre  ceux  qu'elle  portoit  le  jour  de  son  mariage  : 

Elle  touche  et  cent  fois  eUe  arrose  de  larmes 
L'habit  dont  son  époux  voulut  parer  ses  charmes, 
Quand,  aux  yeux  des  Hébreux,  s'avançant  à  Tautel, 
Tous  deux  se  sont  jurés  un  amour  éternel. 
Qu'un  soin  bien  diflTérent  l'agite  et  la  dévore  ! 
Ah  1  ce  n'est  pas  pour  plaire  à  l'objet  qu'elle  adore 
Que  Judith  a  recours  à  ces  vains  ornemens  ! 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES  21 

Elle  entend  tout  à  coup  de  longs  gémissemens  : 

Son  bras,  avec  effroi,  comme  enchaîné  s'arrête  ; 

Elle  frémit,  soupire,  et  détourne  la  tête. 

D'un  nuage  confus  son  œil  est  obscurci  ; 

D'un  tremblement  soudain  tout  son  corps  est  saisi. 

A  la  pâle  lueur  d'une  sombre  lumière. 

Un  fantôme  effrayant  vient  frapper  sa  paupière  ; 

C'est  Manassès  qui  s'offre  à  son  cœur  attendri 

Tel  que  ses  yeux  l'ont  vu  quand  cet  époux  chéri 

Exhala  dans  ses  bras  son  âme  fugitive. 

Pas  un  vers,  pas  un  mot  de  tout  cela  dans  le 
poëme  ;  à  la  place  de  cette  peinture  touchante  c'est 
un  long  et  ridicule  procès-verbal  où  toutes  les 
pièces  qui  composent  la  parure  de  Judith  sont 
décrites  une  à  une  ;  du  reste  cette  parure,  où  il  n'y 
a  pas  trace  du  costume  hébreu,  est  celle  d'une 
duchesse  de  la  cour  d'Anne  d'Autriche.  Quant  à 
l'ombre  de  Manassès,  elle  n'apparoît  point  ;  Judith 
ne  la  voit  ni  ne  la  croit  voir  :  seulement  elle 
l'apostrophe,  elle  lui  parle. 

Le  second  passage  est  le  dénoûment  de  l'action,  la 
catastrophe  du  poëme  :  c'est  l'instant  où  l'on  voit 
ce  pauvre  Holopherne  si  méchamment  mis  à  mort 
par  Judith  : 

Son  courage  redouble,  un  feu  divin  l'embrase. 
Ce  n'est  plus  cet  objet  dont  le  charme  vainqueur 
Du  farouche  Holopherne  avoit  séduit  le  cœur  ; 
Sa  démarche  et  ses  traits  n'ont  rien  d'une  mortelle, 
Une  sombre  fureur  dans  ses  yeux  étincelle  ; 
Ses  cheveux  sur  son  front  semblent  se  hérisser, 
Un  pouvoir  inconnu  la  force  d'avancer. 
Elle  voit  sur  le  lit  la  redoutable  épée. 
Qui  dans  le  sang  hébreu  devoit  être  trempée  ; 
Elle  hâte  ses  pas,  et  prend  entre  ses  mains 
Ce  fer  victorieux,  la  terreur  des  humains  ; 
Observe  avec  horreur  ce  conquérant  du  monde  ; 


20  BULLETIN  DU  BmLIOPHILE 

Voici  Tarticle  des  Débats  : 

Journal  de  l'Empire  (Débats)  du  6  mars  1814.  — 
Variétés.  —  Sur  un  article  de  la  Biographie 
universelle. 

En  parcourant  ces  jours  derniers  un  volume  de  la 
Biographie  Universelle^  mes  regards  s'arrêtèrent  sur 
l'article  de  M"®  Marie  de  Puech  de  Calages,  toulou- 
saine, auteur  d'un  poème  intitulé  Judith  ou  la 
Délivrance  de  BéthuliCy  publié  en  1660.  L'article 
contient  deux  passages  du  poème,  chacun  d'une 
vingtaine  de  vers  à  peu  près.  Mon  étonnement  fut 
grand,  je  l'avoue,  en  lisant  ces  vers,  tous  très  bien 
tournés,  et  où  il  n'y  a  pas  une  seule  de  ces 
expressions  surannées  qui  se  trouvent  fréquemment 
dans  les  meilleurs  poètes  de  cette  époque.  Je  possède 
depuis  longtemps  le  poème  de  Judith  :  j'en  avois  lu 
quelque  chose  autrefois,  et  je  ne  me  souvenois  pas 
d'y  avoir  rien  vu  qui  ressemblât  aux  deux  passages 
cités.  Je  recourus  à  l'ouvrage,  et  ma  première 
surprise  fit  place  ià  une  autre  plus  grande  encore, 
lorsque  je  vis  que,  des  deux  morceaux,  le  premier 
étoit  entièrement  supposé,  et  le  second  altéré  de 
manière  à  n'être  pas  reconnoissable.  Le  premier 
représente  Judith  échangeant  ses  habits  de  veuve 
contre  ceux  qu'elle  portoit  le  jour  de  son  mariage  : 

Elle  touche  et  cent  fois  elle  arrose  de  larmes 
L'habit  dont  son  époux  voulut  parer  ses  charmes, 
Quand,  aux  yeux  des  Hébreux,  s'avançant  à  Tautel, 
Tous  deux  se  sont  jurés  un  amour  éternel. 
Qu'un  soin  bien  différent  l'agite  et  la  dévore  ! 
Ah  !  ce  n'est  pas  pour  plaire  à  l'objet  qu'elle  adore 
Que  Judith  a  recours  à  ces  vains  ornemens  ! 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES  21 

Elle  entend  tout  à  coup  de  longs  gémissemens  : 

Son  bras,  avec  effroi,  comme  enchaîné  s'arrête  ; 

Elle  frémit,  soupire,  et  détourne  la  tête. 

D'un  nuage  confus  son  œil  est  obscurci  ; 

D'un  tremblement  soudain  tout  son  corps  est  saisi. 

A  la  pâle  lueur  d'une  sombre  lumière, 

Un  fantôme  effrayant  vient  frapper  sa  paupière  ; 

C'est  Manassès  qui  s'offre  à  son  cœur  attendri 

Tel  que  ses  yeux  l'ont  vu  quand  cet  époux  chéri 

Exhala  dans  ses  bras  son  âme  fugitive. 

Pas  un  vers,  pas  un  mot  de  tout  cela  dans  le 
poëme  ;  à  la  place  de  cette  peinture  touchante  c'est 
un  long  et  ridicule  procès-verbal  où  toutes  les 
pièces  qui  composent  la  parure  de  Judith  sont 
décrites  une  à  une  ;  du  reste  cette  parure,  où  il  n'y 
a  pas  trace  du  costume  hébreu,  est  celle  d'une 
duchesse  de  la  cour  d'Anne  d'Autriche.  Quant  à 
r  ombre  de  Manassès,  elle  n'apparoît  point  ;  Judith 
ne  la  voit  ni  ne  la  croit  voir  :  seulement  elle 
l'apostrophe,  elle  lui  parle. 

Le  second  passage  est  le  dénoûment  de  l'action,  la 
catastrophe  du  poëme  :  c'est  l'instant  où  l'on  voit 
ce  pauvre  Holopherne  si  méchamment  mis  à  mort 
par  Judith  : 

Son  courage  redouble,  un  feu  divin  l'embrase. 

Ce  n'est  plus  cet  objet  dont  le  charme  vainqueur 

Du  farouche  Holopherne  avoit  séduit  le  cœur  ; 

Sa  démarche  et  ses  traits  n'ont  rien  d'une  mortelle,    . 

Une  sombre  fureur  dans  ses  yeux  étincelle  ; 

Ses  cheveux  sur  son  front  semblent  se  hérisser, 

Un  pouvoir  inconnu  la  force  d'avancer. 

Elle  voit  sur  le  lit  la  redoutable  épée, 

Qui  dans  le  sang  hébreu  devoit  être  trempée  ; 

Elle  hâte  ses  pas,  et  prend  entre  ses  mains 

Ce  fer  victorieux,  la  terreur  des  humains  ; 

Observe  avec  horreur  ce  conquérant  du  monde  ; 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES 

FEMME     POÈTE      TOULOUSAINE     DU     XVII*     SIÈCLE 


LA   VÉRITÉ 


SUR     SON     POEME     RARISSIME     DE     «    JUDITH    3> 

ou 

LA  DÉUVRANCE  DE  BÉTHULIE 


En  faisant  des  recherches  dans  le  Journal  de 
l'Empire,  (Débats)  de  Tannée  1814,  nous  avons  été 
arrêté,  dans  le  numéro  du  6  mars  par  un  article 
intitulé  :  «  Variétés.  Sur  un  article  de  la  Biographie 
universelle,  » 

La  dernière  édition  de  la  Biographie  Michaud, 
n'ayant  en  rien  profité  de  ce  précieux  article  qui 
donne  cette  fois  la  vérité  sur  le  poème  de  Judith  ou 
la  Délivrance  de  Béthulie  de  Marie  Puech  de  Calages 
(Fauteur  avait  sous  les  yeux  cette  œuvre  rarissime 
que  la  Bibliothèque  nationale  ne  possède  pas), 
d'autre  part  la  Nouvelle  Biographie  générale  ne 
rayant  pas  connu,  car  son  article  n'est  presque  que 
la  reproduction  des  erreurs  de  la  Biographie 
Michaud,  sauf  la  dédicace  vraie  à  Marie-Thérèse 
d'Autriche  et  non  à  Anne  d'Autriche,  il  devenait 
évident  pour  nous  que  la  réimpression  de  cet 
important  article  s'imposait.  Aussi  sommes-nous 
heureux  de  la  donner  aujourd'hui  à  Fun  de  nos  plus 
anciens  recueils  littéraires. 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES  19 

L'article  que   nous  reproduisons  est  signé  seule- 
ment, ainsi  qu'une  foule  d'autres  des  mêmes  Débats 
à  la  même  époque,  de  la  lettre  T.  Il  émane  donc  de 
la  plume  savante  de  rour/ef  (1758-1836),  cet  estimable 
critique  auquel  la  Biographie  Michaud  a  consacré 
une  notice  bien  intéressante,  mais  que  la  Nouvelle 
Biographie    générale     (nous     regrettons    que     les 
circonstances  coïncident  pour  nous  forcer  à  avoir 
Tair  de  la  prendre  à  partie),  n'a  pas  jugé  à  propos 
de  faire  figurer  dans  ses  colonnes.  La  Biographie 
Universelle  nous  dit  en  effet  que  Tourlet  fournit  de 
nombreux  articles  à  toutes  les  feuilles  périodiques 
de  son  temps.  Elle  ajoute  dans  son  jugement  sur  le 
critique  :  a  En  général  le  bon  sens  et  le   goût,  le 
jugement  et  la  fidélité  aux  saines  doctrines,  un  style 
plus  clair  qu'élégant,  un  grand  fonds  de  naïveté  qui 
n'était  pas  sans  originalité,,.  »  Nous  avons  souligné 
ce  dernier  trait,  car  nous  en  avons  un  exemple  dans 
l'article  même  de  Tourlet  que  nous  reproduisons. 
Le  critique  dit  avec  sa  bonhomie  ordinaire  :  «  C'est 
elle  (Mlle  (Je  Calages)  qui,  dans  une  épitre  signée  de 
son    nom,   dédia  son   ouvrage  à   la    reine  Marie- 
Thérèse  d'Autriche,  en  la  compUmentant  sur  son 
mariage  avec  Louis  XIV,  lequel  venait  d'avoir  lieu 
précisément  dans  cette  même  année  1660.  Si  l'on 
avait  eu  sous  les  yeux  et  pris  la  peine  de  lire  l'épître 
dédicatoire,  on  eût  bien  vu  qu'elle  ne  s'adressait  pas 
à  Anne  d'Autriche  ;  car  il  n'y  a  pas  d'apparence  que 
l'auteur  l'eût  félicitée  d'avoir  épousé  son  fils,  i> 

Emile  Du  Boys. 


20  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Voici  Tarticle  des  Débats  : 

Journal  de  l'Empire  (Débats)  du  6  mars  1814.  — 
Variétés.  —  Sur  un  article  de  la  Biographie 
universelle. 

En  parcourant  ces  jours  derniers  un  volume  de  la 
Biographie  Universelle^  mes  regards  s'arrêtèrent  sur 
l'article  de  M^i^  Marie  de  Puech  de  Calages,  toulou- 
saine, auteur  d'un  poëme  intitulé  Judith  ou  la 
Délivrance  de  Béthulie^  publié  en  1660.  L'article 
contient  deux  passages  du  poëme,  chacun  d'une 
vingtaine  de  vers  à  peu  près.  Mon  étonnement  fut 
grand,  je  l'avoue,  en  lisant  ces  vers,  tous  très  bien 
tournés,  et  où  il  n'y  a  pas  une  seule  de  ces 
expressions  surannées  qui  se  trouvent  fréquemment 
dans  les  meilleurs  poètes  de  cette  époque.  Je  possède 
depuis  longtemps  le  poëme  de  Judith  :  j'en  a  vois  lu 
quelque  chose  autrefois,  et  je  ne  me  souvenois  pas 
d'y  avoir  rien  vu  qui  ressemblât  aux  deux  passages 
cités.  Je  recourus  à  l'ouvrage,  et  ma  première 
surprise  fît  place  À  une  autre  plus  grande  encore, 
lorsque  je  vis  que,  des  deux  morceaux,  le  premier 
étoit  entièrement  supposé,  et  le  second  altéré  de 
manière  à  n'être  pas  reconnoissable.  Le  premier 
représente  Judith  échangeant  ses  habits  de  veuve 
contre  ceux  qu'elle  portoit  le  jour  de  son  mariage  : 

Elle  touche  et  cent  fois  eUe  arrose  de  larmes 
L'habit  dont  son  époux  voulut  parer  ses  charmes, 
Quand,  aux  yeux  des  Hébreux,  s'avançant  à  l'autel, 
Tous  deux  se  sont  jurés  un  amour  éternel. 
Qu'un  soin  bien  différent  l'agite  et  la  dévore  ! 
Ah  !  ce  n'est  pas  pour  plaire  à  l'objet  qu'elle  adore 
Que  Judith  a  recours  à  ces  vains  ornemens  ! 


BfARIE  PUECH  DE  CALAGES  21 

Elle  entend  tout  à  coup  de  longs  gémissemens  : 

Son  bras,  avec  effroi,  comme  enchaîné  s'arrête  ; 

Elle  frémit,  soupire,  et  détourne  la  tête. 

D'un  nuage  confus  son  œil  est  obscurci  ; 

D'un  tremblement  soudain  tout  son  corps  est  saisi. 

A  la  pâle  lueur  d'une  sombre  lumière. 

Un  fantôme  effrayant  vient  frapper  sa  paupière  ; 

C'est  Manassès  qui  s'offre  à  son  cœur  attendri 

Tel  que  ses  yeux  l'ont  vu  quand  cet  époux  chéri 

Exhala  dans  ses  bras  son  âme  fugitive. 

Pas  un  vers,  pas  un  mot  de  tout  cela  dans  le 
poème  ;  à  la  place  de  cette  peinture  touchante  c'est 
un  long  et  ridicule  procès-verbal  où  toutes  les 
pièces  qui  composent  la  parure  de  Judith  sont 
décrites  une  à  une  ;  du  reste  cette  parure,  où  il  n'y 
a  pas  trace  du  costume  hébreu,  est  celle  d'une 
duchesse  de  la  cour  d'Anne  d'Autriche.  Quant  à 
l'ombre  de  Manassès,  elle  n'apparoît  point  ;  Judith 
ne  la  voit  ni  ne  la  croit  voir  :  seulement  elle 
l'apostrophe,  elle  lui  parle. 

Le  second  passage  est  le  dénoûment  de  l'action,  la 
catastrophe  du  poème  :  c'est  l'instant  où  l'on  voit 
ce  pauvre  Holopherne  si  méchamment  mis  à  mort 
par  Judith  : 


Son  courage  redouble,  un  feu  divin  l'embrase. 
Ce  n'est  plus  cet  objet  dont  le  charme  vainqueur 
Du  farouche  Holopherne  avoit  séduit  le  cœur  ; 
Sa  démarche  et  ses  traits  n'ont  rien  d'une  mortelle, 
Une  sombre  fureur  dans  ses  yeux  étincelle  ; 
Ses  cheveux  sur  son  front  seiâblent  se  hérisser, 
Un  pouvoir  inconnu  la  force  d'avancer. 
Elle  voit  sur  le  lit  la  redoutable  épée. 
Qui  dans  le  sang  hébreu  devoit  être  trempée  ; 
Elle  hâte  ses  pas,  et  prend  entre  ses  mains 
Ce  fer  victorieux,  la  terreur  des  humains  ; 
Observe  avec  horreur  ce  conquérant  du  monde  ; 


22  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

S'applaudit  en  voyant  son  ivresse  profonde  ; 

Puis  soulève  le  fer,  rarrache  du  fourreau. 

Et  le  cœur  enflammé  par  un  transport  nouveau, 

Croit  entendre  la  voix  du  ciel  iqui  Tencourage  : 

ce  Tu  le  veux,  Dieu  puissant,  achève  ton  ouvrage.  » 

Elle  dit,  et  d'un  bras  par  Dieu  même  affermi. 

Frappe,  d'un  fer  tranchant,  son  superbe  ennemi. 

La  première  citation  n'ayant  nul  rapport  avec  le 
véritable  texte,  il  me  vint  un  moment  dans  Fesprit 
que  Fauteur  Favoit  peut-être  tirée  de  quelque  autre 
poème  de  Judith  qu'il  auroit  pris  pour  celui  de  M"® 
de  Calages  ;  mais  ce  doute  s'est  dissipé  quand  j'ai 
comparé  la  seconde  citation  avec  le  passage  qui  en 
tient  la  place  dans  le  poëme.  J'ai  été  convaincu 
alors  qu'il  s'agissoit  bien  du  même  ouvrage,  et  que 
quelqu'un  s'étoit  amusé,  ici,  à  raccommoder  les  vers 
de  M^^e  de  Calages  ;  là,  à  lui  en  faire  de  tout  neufs. 

Dans  le   dernier  passage   que  je  viens  de  tran- 
scrire, les  sept  premiers  vers  n'ayant  absolument 
rien    de  commun    ni    pour    la     pensée     ni    pour 
Fexpression  avec  les  vers  du  poëme,  je  prends  ceux-ci 
à  l'endroit  où  commence  la  ressemblance  : 

Elle  voit  sur  le  lit  la  redoutable  épée 

Qui,  dans  le  sang  hébreu  devoit  être  trempée  ; 

Je  vois,  je  vois,  dit-elle,  arbitre  des  humains, 

Ce  que  tu  me  promis  de  mettre  dans  mes  m,ains. 

Puis,  observant  de  près,  ce  conquérant  du  monde, 

Et  le  voyant  dormir  d'une  ivresse  profonde. 

Elle  saisit  t;e  fer,  et  le  mettant  à  nu. 

Se  sent  grossir  le  cœur  d'un  transport  inconnu  ; 

«  Dieu  d'Israël,  dit-elle,  achève  ton  ouvrage.  » 

Là,  d'un  robuste  bras  et  d'un  mâle  courage. 

Elle  enleva  la  tête  à  ce  prince  pervers. 

J'ai  souligné  très  exactement  dans  les  vers  de  M}^^ 
de  Calages  tout  ce  qu'on  y  a  pris  pour  fabriquer 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES  23 

ceux  dont  on  a  voulu  lui  faire  honneur  ;  un  coup- 
d'œil  suffit  pour  faire  juger  combien  la  citation  est 
fidèle. 

L'auteur  de  l'article  a  mis  moins  d'exactitude 
encore,  s'il  est  possible,  dans  le  peu  de  faits  qui 
concernent  M^J^  de  Calages  et  son  poème.  Il  prétend 
que  ce  poème,  composé  dans  la  jeunesse  de  l'auteur, 
ne  fut  publié  qu'après  sa  mort  (1),  et  le  fut  par  M^e 
Lhéritier  de  Villandon,  qui,  en  1660,  le  dédia  à  la 
jeine  Anne  d'Autriche,  alors  régente.  Autant 
d'erreurs  que  de  mots.  Le  poème  parut  véritable- 
ment en  1660,  mais  M^e  de  Calages  vivoît  encore  à 
cette  époque  et  elle  fut  elle-même  son  éditeur.  C'est 
elle  qui,  dans  une  épître  signée  de  son  nom,  dédia 
son  ouvrage  à  la  reine  Marie-Thérèse  d'Autriche,  en 
la  complimentant  sur  son  mariage  avec  Louis  XIV, 
lequel  venoit  d'avoir  lieu  précisément  dans  cette 
même  année  1660.  Si  l'on  avoit  eu  sous  les  yeux  et 
pris  la  peine  de  lire  l'épître  dédicatoire,  on  eût  bien 
vu  qu'elle  ne  s'adressoit  pas  à  Anne  d'Autriche  ;  car 
il  n'y  a  pas  d'apparence  que  Fauteur  Teùt  félicitée 
d'avoir  épousé  son  fils.  D'un  autre  côté  cette  Anne 
d'Autriche  qu'on  fait  régente  alors  (en  1660),  ne 
Tétait  plus  depuis  1651,  époque  où  le  roi  avoit 
déclaré  sa  majorité. 

• 

(1)  Noos  saisissons  cette  occasion  de  faire  remarquer  combien  il  est 
regr^table  que  des  recueils,  auxquels  on  ne  peut,  dans  Tensemblc,  refuser 
une  certaine  valeur  comme  la  Nouvelle  Biographie  générale,  Tcnlermenl  des  ar- 
ticles rédigés  avec  une  aussi  grande  inattention  précisément  que  celui  sur  Marie 
de  Calages.  Se  donnant  un  bon  point  sur  sa  concurrente  Michaud  en  établis- 
sant la  vraie  dédicace  de  Judith  non  à  Anne  d'Autriche,  mais  à  Marie-Thérèse 
dtAatriehe,  reine  de  France,  la  Souoelle  Biographie  nous  dit  :  c  Calages  {Mariç 
Pueeh  de)  née  en  1632,  aux  environs  d'Ancenis,  et  morte  à  Mirepoix  le  8  octobre 
1661.  >  Puis  elle  ajoute  quelques  lignes  plus  bas  :  c  Judith,  publiée  en  1660, 
après  la  mort  de  M'**  de  Calages.  » 


24  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

L'auteur  de  cet  article  où  j'ai  relevé,  à  regret, 
tant  d'inexactitudes,  est  cependant  une  femme  qui, 
célèbre  dès  son  enfance,  par  de  fort  jolis  vers,  en 
a  fait  de  fort  beaux  dans  un  autre  âge,  en  dépit  de 
cette  grande  précocité  qui  inspire  ordinairement 
plus  de  craintes  qu'elle  ne  fait  concevoir  d'espérances 
pour  l'avenir.  A  ces  traits,  qui  n'a  point  reconnu 
Mme  de  Vannoz  (1)?  M^^  de  Vannoz,  je  me  hâte  de 
le  déclarer,  n'est  point  coupable  des  fausses-citations 
et  des  faux  détails  qu'elle  a  insérés  dans  son  article. 
M^ne  de  Genlis,  qui,  avant  elle,  en  avoit  fait  usage 
dans  son  Influence  littéraire  des  femmes  (2),  ne  les 

(1)  Sur  M"'  de  Vannoz,  qu'on  chercherait  en  vain  dans  la  plupart  de  nos 
Biographies,  il  faut  voir  la  France  littéraire  de  Guérard,  1. 10,  p.  48. 

M"'  de  Sivry,  dame  de  Vannoz,  poète,  membre  de  l'Académie  des  Arcades 
de  Rome  et  de  Goritz,  en  Frioul,  et  de  celle  de  Lyon,  naquit  en  1775.  Elle 
donna  un  nombre  assez  considérable  de.  biographies  de  femmes  célèbres  à  la 
Biographie  Universelle. 

(2)  Voici  ce  que  dit  M"'  de  Genlis  sur  M"'  de  Calages,  Influence  littéraire  des 
femmes,  p.  57  :  «  Parmi  les  auteurs  de  ce  temps  (milieu  du  XVII*  siècle),  on 
doit  distinguer  une  personne  dont  le  nom  est  tout  à  fait  inconnu,  et  qui 
cependant  devroit  avoir  une  grande  célébrité  ;  ce  fut  M'**  de  Calages,  poète 
toulousaine  ;  elle  composa  un  poème  de  Judith,  dédié  à  Anne  d'Autriche,  et 
rempli  de  très  beaux  vers.  Voici  quelques  citations  qui  feront  juger  de  son 
talent » 

Nous  ne  reproduirons  pas  les  citations  dont  Tourlet  fait  justice.  Nous 
donnerons  seulement  la  fin  du  passage  de  M"*  de  Genlis  que  notre  critique 
réfute  avec  tant  de  talent,  de  délicatesse  et  de  raison  :  <  Il  est  bien  extraor- 
dinaire, dit-elle  en  terminant,  que  de  tels  vers  soient  restés  dans  le  plus 
profond  oubli,  qu'on  ne  sache  pas  même  qu'il  ait  existé  un  poème  de  Judith, 
et  qu'on  se  souvienne  encore  des  mauvais  poèmes  d'Alaric,  de  Clovis,  etc. 
Tout  favorise  la  réputation  littéraire  des  hommes  ;  celle  des  femmes  se  forme 
beaucoup  plus  difficilement.  Il  est  convenu  que,  même  en  prenant  des 
passages  de  leurs  ouvrages,  on  ne  doit  jamais  les  citer,  et  que,  poiu*  Yintérét 
des  bonnes  mœurs,  on  doit  encore  moins  les  encourager,  afin  de  les  rendre 
aux  travaux  du  ménage  ;  car  onjsent  combien  il  seroit  avantageux  à  la  société 
de  décider  une  femme  qui  auroit  fait  un  beau  poème,  à  tricoter  le  reste  de  sa 
vie,  au  lieu  d'écrire.  Ainsi  l'injustice  à  leur  égard  dans  ce  genre,  n'est  jamais 
qu'une  [louablel  austérité  de  principes  ;.  c'est  pourquoi  le  nom  de  M"*  de 
jCalages  est  resté  dans  une  telle  obscurité.  Si  un  homme  eût  fait  ce  poème  de 
Judith,  il  seroit  certainement  très  connu.  > 


MAJRSE  PUECH  DE  CALAGES  25 

a  pas  inyentés  non  plus  cerfainement.  Ces  deux 
dames  les  auront  puisés,  je  n'en  fais  nul  doute,  dans 
quelque  compilation  infidèle,  où  un  plaisant  se  sera 
diverti  à  révéler  ton  prétendu  phénomène  ignoré  et 
à  fabriques^  une  gloire  posthume.  Bien  qu'il  fût  très 
peu  vraisemble  qu'une  femme  vivant  en  province 
vers  le  milieu  du  XYII^  siècle,  eût  fait  des  vers  tels 
que  fort  peu  d'hommes  en  faisoient  de  semblables  à 
Paris,  dans  ce  temps-là,  c'est  un  assez  léger  tort  que 
d'y  avoir  cru,  et  des  femmes  doivent  s'y  laisser 
prendre  plus  facilement  que  d'autres.  Il  est  seule- 
ment fâcheux  que  M™e  de  Genlis,  trop  dupe  de 
la  mystification,  ait  fait  sonner  si  haut  pour  l'hon- 
neur de  son  sexe,  la  découverte  du  prétendu 
chef-d'œuvre  de  la  muse  toulousaine,  qu'elle  s'en 
soit  prise  à  la  jalousie  des  hommes  du  profond 
oubli  dans  lequel  ce  chef-d'œuvre  étoit  resté  enseveli 
si  longtemps,  et  qu'enfin  elle  se  soit  écriée  avec 
amertume  :  «  Si  *  un  homme  eût  fait  ce  poëme  de 
Judith,  il  seroit  certainement  très  connu.  » 

D  ne  faut  pas  que  le  public  soit  trompé.  D'ailleurs, 
les  éditeurs  de  la  Biographie  universelle  s'étant 
montrés  fort  jaloux  du  perfectionnement  de  leur 
estimable  ouvrage,  c'est  les  obliger  que  de  leur  faire 
counoitre  à  la  fois  les  erreurs  qui  ont  pu  s'y  glisser, 
et  les  vérités  qui  doivent  prendre  la  place  de  ces 
erreurs.  Voilà  ce  qui  m'a  déterminé  à  critiquer 
rarticlesiu*  M"e  de  Calages,  et  ce  qui  m'engage  à 
donner  une  courte  notice  de  son  poëme. 

Rien  de  plus  ridicule  que  la  conduite  de  l'ouvrage  : 
nulle  imagination,  nulle  connoissance  des  règles. 
Pour  faire  de  l'histoire  de  Judith  huit  chants  qu'elle 
appelle  parties,    l'auteur    Va  grossie   (ce    sont   ses 


26  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

propres  expressions)  par  le  narré  du  sacrifice 
d'Abraham  et  d'une  partie  de  Thistoire  de  David, 
qu'elle  confesse  elle-même  n'avoir  aucun  rapport 
avec  le  sujet  principal  ;  elle  auroit  dû  pousser  la 
franchise  jusqu'à  dire  qu'elle  les  y  a  liées  fort  mala- 
droitement. La  manière  dont  elle  amène  et  place, 
non-seulement  ces  deux  énormes  récits,  mais  plu- 
sieurs autres  encore,  est  tout  à  fait  risible.  Le  danger 
de  Béthulie  est  au  comble  ;  ses  habitans  meurent  de 
soif,  et  elle  est  menacée  d'un  assaut  pour  le  lende- 
main. Judith  conçoit  alors  la  résolution  que  chacun  ' 
sait,  et  fait  prier  Osias,  le  chef  de  la  cité,  de  lui 
envoyer  deux  prêtres  à  qui  elle  puisse  confier  son 
projet.  Un  étranger,  présent  à  l'arrivée  de  son  mes^ 
sage,  témoigne  une  extrême  envie  de  savoir  qui  est 
celte  Judith  ;  et  la  servante,  au  lieu  d'aller  rendre 
réponse  à  sa  maîtresse  qui  l'attend  avec  impatience, 
se  met  à  raconter,  durant  deux  chants,  toute  l'his- 
toire de  sa  Dame.  Ce  n'est  pas  tout  :  le  bon  Osias^ 
qui  sait  cette  histoire  par  cœur,  reste  là  pour 
avoir  le  plaisir  de  l'entendre  encore  une  fois,  au  lieu 
d'envoyer  à  Judith  ces  deux  prêtres  qu'elle  demande 
cependant;  ces  deux  prêtres  arrivent  chez  Osias 
sans  avoir  été  avertis,  ils  sont,  comme  tous  les 
Béthuliens,  pressés  d'une  soif  horrible,  et  ils  viennent 

Avec  le  doux  espoir 

De  trouver  un  peu  d'eau  dans  quelque  réservoir. 

Osias  devine  ce  qui  les  amène  ;  mais  lui  qui  avoit 
perdu  deux  heures  des  plus  précieuses  à  écouter  un 
récit  dont  il  n'avoit  que  faire,  s'en  venge  sur  les 
deux  prêtres  mourans  de  soif,  en  leur  disant  d'aller 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES  27 

bien  vite  chez  Judith  qui  les  demande  et  qui  leur 
donnera  de  quoi  boire  à  leur  retour.  Resté  seul 
avec  l'étranger,  il  lui  raconte  en  détail,  pour  passer 
le  temps,  l'histoire  du  sacrifice  d'Abraham,  dont  il 
avoit  été  question  incidemment  dans  le  récit  de  la 
servante.  Une  autre  histoire  amenée  assez  plaisam- 
ment aussi,  c'est  celle  de  Sémiramis  et  de  Ninus. 
Holopheme,  impatient  de  revoir  Judith,  va  la 
trouver  dans  une  riche  tente  qu'il  avoit  affectée  à 
son  usage.  Judith,  qui  fait  avec  lui  la  coquette,  lui 
dit  que  pour  charmer  ses  ennuis  en  l'attendant,  elle 
s'étoit  mise  à  considérer  les  beautés  d'une  tapisserie, 
dont  elle  désiroit  connoître  le  sujet  ;  et  tout  de  suite, 
le  galant  Holopherne  lui  explique  ce  sujet,  qui  est 
Sémiramis  faisant  égorger  son  mari  devant  elle, 
pour  toucher  le  cœur  d'un  amant  que  ses  charmes 
n'avoient  pu  rendre  sensible. 

En  général,  l'exécution  du  poëme  répond  assez 
au  mérite  de  l'invention.  On  y  trouve  souvent  des 
hiatus,  des  fausses  rimes,  des  c  muets  non  élidés 
dans  les  mots  tels  que  vie,  joie,  etc.  ;  toutes  fautes 
que  les  poètes  de  la  capitale  ne  commettoient  plus 
depuis  un  demi-siècle  au  moins.  Il  y  faut  joindre  les 
gasconismes  que  la  poétesse  toulousaine  n'épargne 
pas  comme  de  raison  ;  elle  en  a  beaucoup  de  la 
force  de  celui-ci  : 

1\  lui  demande  d*eau  pour  éteindre  ses  feux. 

Il  y  auroit  toutefois  de  l'injustice  à  ne  pas  recon- 
noître  par  intervalle  quelques  vers  isolés  et  même 
de  suite,  dont  la  pensée  est  heureuse  et  l'expression 
assez  élégante  :  il  y  a  presque  toujours  du  naturel 


28  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

dans  les  sentimens  et  dans  le  style;  et,  sî  Ton 
considère  qu'à  cette  époque  TafiFectation  qui  com- 
mençoit  à  disparoitre  des  cercles  et  des  écrits  de  la 
capitale,  exerçoit  encore  tout  son  empire  sur  les 
esprits  de  la  province,  on  saura  gré  à  Fauteur  de 
s'être  préservée  de  ce  fléau  contagieux.  Voici  la 
meilleure  tirade  de  tout  le  volume  que  j'ai  eu  la 
patience  de  lire  d'un  bout  à  l'autre  ;  elle  est  tirée 
d'un  discours  adressé  à  Holopherne  : 

Songe  à  ta  sûreté,  laisse-là  les  Hébreux. 

Oui,  nous  y  périrons,  s'ils  ont  leur  Dieu  pour  eux  ; 

S'il  veut  ici  la  paix  n'y  faisons  plus  la  guerre. 

C'est  le  Dieu  d'Israël  qui  lance  le  tonnerre  ; 

D'invisibles  soldats  marchent  à  ses  côtés, 

Prompts  pour  exécuter  toutes  ses  volontés. 

C'est  le  puissant  moteur  de  tout  ce  vaste  monde  ; 

H  fait  tout  ce  qu'il  veut  sans  qu'aucun  le  seconde  : 

Il  créa  l'univers  par  sa  féconde  voix, 

Et  l'être  et  le  néant  sont  sujets  à  ses  loîx. 

n  a  dessus  les  rois  la  puissance  suprême  ; 

Nabuchodonosor  lui  doit  son  diadème  ; 

C'est  de  lui  que  dépend  et  la  vie  et  la  mort, 

La  force,  la  valeur,  la  fortune  et  le  sort. 

Dubartas  a  fait  aussi  un  poëme  de  Judith  en  six 
livres.  Il  dépeint,  de  cette  manière,  Holopherne  se 
déshabillant  pour  aller  attendre  au  Ut  la  belle  Béthu- 
Uenne  : 

,0r,  il  se  déboutonne,  ore  ii  ôte  ses  bas  ; 
Mais  son  ardeur  lui  nuit,  sa  hâte  le  retarde  ; 
Et  d'amour  aveuglé  ne  se  donne  pas  garde. 
Que  cuidant  dénouer  de  ses  tremblotans  doigts 
La  subtile  aiguillette,  il  la  noue  trois  fois, 
Jusqu'à  tant  que  vaincu,  tant  de  désir  que  d'ire, 
Il  coupe  ses  liens,  ses  habits  il  déchire 
Et  nu  se  met  au  lit. 


MARIE  PUECH  DE  CALAGES  29 

Ce  Dubartas  étoit  le  plus  grotesquement  barbare 
de  tous  les  poètes  de  son  temps,  et  ce  n'est  pas  peu 
dire. 

Ronsard,  auprès  de  lui,  a  un  style  presque 
racinien. 


T.    (TOURLET.) 


ETUDE 


SUR  LES 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS 

DE   LA   PIN    DU   XV«    SIÈCLE   ET   DU    COMMENCEMENT   DU   XVI« 

(Suite.) 


1512 

Opéra  Nona  del  Fecûdissimo  Giouene  Pietro  Pictore 
Arretino  zoe  Strombotti  Sonetti  Capitali  Epistole  Bar- 
zellete  et  una  Desperata. 

In-12,  lettres  rondes.  Au-dessous  du  titre,  bois  ombré, 
très  médiocre,  un  homme  à  genoux  devant  un  person- 
nage assis  qui  lui  pose  une  couronne  sur  la  tête  ;  au 
second  plan,  quatre  personnages  debout,  Tun  d'eux  joue 
de  la  guitare.  A  la  fin  :  Impresso  in  Venetia  per  Nicolo 
Zopino.  Nel  M.CCCCC.XIL  Adi,  XXIL  De  Zenaro.  (Mar- 
ciana). 

1512 

Le  Lande  spirituali, 

In-4,  lettres  rondes,  8  ff.  par  cahier  ;  paginé  à  partir  du 
3®  feuillet,  premier  feuillet  a.;  58  jolis  petits  bois  au  trait 
d'une  composition  simple  ;  parfois  les  terrains  sont  noirs. 
Page  122,  à  la  fin  :  Stampata  in  Venetia  per  Georgio  de 
Rusconi  a  instantia  de  Nicolo  dicto  Zopino,  M,D,Xii,  adi. 
an,  Marzo,  (Marciana,  i6,840J. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  31 

1512 

Manfredî  (Hîeron.).  Opéra  noua  intitulata  il  Perche 
utilissima  ad  intendere  la  cagione  di  moite  cose  :  et 
maximamente  alla  conseruatione  délia  sanita.  Noua- 
mente  stampada. 

In-4o  gothique  à  deux  colonnes,  en  vers.  Au-dessous  du 
titre,  le  Saint-Georges,  avec  F.  V.  A  la  fin  :  Stampato  in 
Venetia  ad  instantia  de  Zorzi  di  Rusconi  Milanese.  Nel 
cmno.,.,  1512.  Adi.  8.  aprile.  (Brunet,  t.  III,  col.  1323  ; 
Arsenal,  3951,  B.  L.). 

1514.  —  Libro  de  Vhomo  in  lingua  materna  com- 
pilato  per  misser  Hieronimo  di  Manfredi  da  Bologna 
ad  utilità  et  delectatione  del  génère  humano  ecc,  ecc. 
ditto  vulgarmente  Perché, 

In-4o  ;  caract.  goth.,  figure  anatomique  au  titre.  Venetia 
per  Simon  de  Luer,  151i, 

1512 

Epistole  e  euàgelii  volgari  hystoriade  :  cum  vna 
tabula  :  che  insegna  a  trouare  facilmente  tutte  le 
Epistole  :  e  Euangelij  scritti  nella  sequête  opéra  : 
secundo  lordine  de  la  corte  Romana  :  Cô  alcune 
Epistole  :  e  euangelij  nô  piu  tradutti. 

In-folio  ;  88  feuillets  paginés  depuis  le  titre  qui  est 
entouré  d'un  encadrement  ombré,  assez  médiocre,  que 
nous  rencontrons  souvent  dans  les  volumes  de  cette 
époque  ;  au-dessus  du  titre,  la  marque  du  Christ  VHS  sur 
fond  noir  ;  la  même  que  dans  le  Legendario  de  1518  ; 
toutes  les  pages  sont  entourées  de  petits  encadrements 
variés.  Un  premier  bois,  au  verso  4,  V Incrédulité  de  Saint 
Thomas,  signé  M.  A.  F. 


32  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

La  page  5  commence  par  un  bois  représentant  le  Christ 
assis  sur  les  nuages  tenant  la  croix  de  la  main  droite,  un 
ange  à  chaque  coin  de  la  gravure  sonnant  de  la  trom- 
pette; derrière,  quatre  anges  portant  les  instruments  de  la 
Passion  :  la  lance,  Téchelle,  la  colonne  et  la  balance  ; 
cette  page  est  entourée  d'un  encadrement  très  légèrement 
ombré,  formé  de  feuilles,  d'arabesques,  de  puiti  et  de 
7  médaillons;  ceux  du  haut  contiennent  à  gauche  le  soleil, 
à  droite  la  lune  ;  feuillet  9  :  in  la  mesa  grande  el  di  de 
Natale,  la  Nativité  :  bois  ombré  d'un  joli  style,  de  forme 
ronde,  inscrit  dans  un  carré  portant  un  ornement  dans 
l'intérieur  de  chaque  angle  (bois  du  Legendario  de  1518). 
Page  13  :  Dominica  V  dopo  la  epiphania,  bois  de  la  même 
grandeur,  ombré  ;  au  premier  plan  un  homme  à  terre 
soutenu  par  un  autre  tandis  qu'un  troisième  se  penche 
vers  lui  ;  derrière  eux  une  table  servie,  et  deux  groupes  : 
à  gauche  deux  personnages  derrière,  deux  femmes  qui  se 
parlent  ;  page  17  :  Feria  seconda  in  qvadragesima  ;  un 
religieux  tenant  un  livre  de  la  main  gauche,  et  montrant 
de  la  droite  le  Christ  dans  sa  gloire  ;  trois  anges  à  droite, 
deux  à  gauche  ;  sur  le  volume  du  religieux,  sur  la  page 
gauche:  timete  devm  et  date  illi  onorë,  et  qvia  venit  hora 
ivdicii  eivs  sur  la  page  droite.  Page  21  :  feria  qvarta  in 
qvadragesima  :  Jésus  suivi  de  ses  disciples  rencontre  la 
mère  des  fils  de  Zébédée.  Page  25  :  feria  quàrta  in  qva- 
dragesima :  deux  aveugles  marchant,  celui  de  devant 
portant  un  bâton  [Ciecho  guida  il  CiechoJ,  Page  29  : 
feria  qvarta  in  qvadragesima  :  Jésus  suivi  d'un  des 
apôtres  a  délivré  du  démon  un  homme  couché  à  terre 
devant  lui.  Page  33  feria  qvarta  in  qvadragesima  :  saint 
Jean,  assis  sur  les  nuages,  avec  Taigle,  écrit  sur  des  ta- 
blettes qu'il  tient  de  la  main  gauche.  Page  37,  Crucifixion  ; 
la  Vierge,  saint  Jean  et  Marie-Madeleine;  au-dessous 
Passio  domini  nostri  Jesu  Christi,  entourée  de  l'encadre- 
ment ombré  du  titre  ;  ce  bois  est,  sans  doute,  d'une  autre 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  33 

main,  car  il  est  très  inférieur  comme  dessin  et  comme 
taille.  Page  42  zobia  (pour  Giovedi)  sancta:  un  grand 
calice  dans  lequel  se  trouve,  vu  à  mi-corps,  Fenfant  Jésus 
tenant  le  monde  dans  la  main  gauche  ;  il  est  nu;  de  chaque 
côté  un  ange  à  genoux  ;  ici  les  ornements  des  coins  sont 
sur  fond  noir.  Page  45,  sabbato  sancto:  saint-Marc  vu 
de  face,  la  droite  sur  un  livre  ouvert  sur  son  bureau,  la 
gauche  sur  un  livre  placé  sur  un  pupitre;  le  lion  à  droite 
en  bas  ;  des  livres,  le  chapeau  de  cardinal  à  gauche  ;  orne- 
ments à  fond  noir.  Page  49  el  zorno  de  pascha,  la  résur- 
rection, le  Christ  près  du  bord  du  tombeau,  tenant  la  ban- 
nière de  la  main  gauche,  la  droite  levée;  à  terre  deux  sol- 
dats dormant,  à  gauche  un  troisièmejla  main  droite  levée 
à  hauteur  de  ses  yeux;  une  ville  dans  le  fond  à  gauche  ; 
ornements  sur  fond    noir.  Page  53  :  Dominica  v,    dopo 
pascha  in  le  letania  :  saint  Luc,  assis  sur  les  nuages,  de 
profil  tourné  vers  la  gauche,  un  li\Te  dans  ses  mains  et 
devant  lui  le  bœuf  dont  on  ne  voit  que  la  tête  ;  ornement 
à    fond  blanc,   Sabbato  di  qvatro]  temporali  :  Page  57, 
Hiervsalé  à  droite  dont  on  voit  la  porte  au  premier  plan, 
l'enfant  Jésus  assis  au  sommet;  à  gauche  un  roi,  nu,  à 
genoux  les  mains  jointes  tenant  une  petite  croix  ;  derrière, 
deux  chevaliers,  l'un  à  cheval,  Tautre  à  pied  ;  ornement 
à  fond  blanc  :  Page  61,  dominica.  XL  et  XIL  dopopenthe- 
coste  :  à   gauche  un  ange  conduisant  par  la  main  un 
moine  nimbé  et  semblant  le  faire  sortir  d'une  prison 
(peut-être  saint  Pierre);  devant  lui  deux  chevaliers  à 
genoux,  les  mains  jointes  une  épée  à  terre  ;  ornement  à 
fond  blanc.  Page  65:   Domenica  XIX   et  XX;  dopo  la 
pentecoste  :  Saint  Mathieu,  assis  sur  les  nuages,  tourné  à 
droite  avec  Fange  ;  ornement  à  fond  blanc.  Page  69  in  la 
festa  de  la  cathedra  de  sancto  pietro  :  un  pape  assis,  la 
main  gauche  tenant  une  bannière  avec  les  clefs,  bénissant 
de  la  droite  ;  à  genoux  devant  lui,  Saint-Marc,  le  dragon 
enroulé  autour  de  ses    pieds,   tient  des  deux  mains  la 

1891  3 


34  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

hampe  de  la  bannière  ;  de  chaque  côté  un  ange  souf- 
flant dans  une  trompette  ;  sur  une  bande  horizontale  : 
tv.  es,  petrvs,  et,  svper,  hanc.  petrà  ediftcaia  eclexia. 
mea.  est,  ;  au-dessus,  Dieu  le  Père  bénissant  des  deux 
mains  ;  plus  bas,  le  Christ  et  la  Vierge,  tenant  la  tiare 
sur  la  tête  de  saint  Pierre  ;  tout  à  fait  à  droite  David,  et 
saint  Jean-Baptiste  à  gauche  ;  au-dessus  de  la  tète  de  Dieu  : 
ecce  misterivs  magnvs.  Page  73,  in  el  di  de  sancto  iacomo 
apostolo:  Saint-Jacques,  le  bâton  de  pèlerin  dans  la 
main  droite,  tient  de  la  gauche  un  livre  appuyé  contre 
sa  poitrine  ;  à  droite,  dans  le  fond  la  décollation  du 
^aint  ;  à  gauche,  il  est  traîné  la  corde  au  cou  ;  paysage 
dans  le  fond  ;  ornement  à  fond  blanc.  Page  77,  in  el  di 
de  ognisancti:  la  Vierge  assise  entourée  des  apôtres  ;  dans 
le  haut.  Dieu  le  Père  ;  le  Saint-Esprit  au-dessus  de  la  tête 
de  la  Vierge  :  Page  81,  in  la  festa  de  piv  sancti  martgri  : 
quatre  moines  à  genoux  les  mains  jointes  ;  un  d'eux 
regarde  sous  la  pierre  d'un  tombeau  dans  lequel  on  aper- 
çoit un  squelette,  une  branche  de  lys  entre  les  dents  ; 
fort  beau  bois,  un  des  meilleurs  du  volume,  têtes  très 
belles  et  pleines  d'expression  ;  ornement  à  fond  noir. 
Page  85,  In  la  festa  de  la  Vergene  :  la  Vierge  debout 
couronnée  et  nimbée,  un  livre  dans  la  main  gauche  et  une 
palme  dans  la  droite;  à  droite  et  à  gauche,  à  genoux, 
des  vierges  dont  la  première  tient  la  bannière  avec  la 
croix  ;  ornement  à  fond  noir.  Quelques  bois  assez  mé- 
diocres dans  le  texte  ;  à  la  fin,  au-dessous  du  registre  : 
Stampata  in  Venetiaper  Zuane  Antonio  e  fradeli  da  Sabio 
ad  instantia  de  Nicolo  e  Domenego  dal  lesus  fradeli  nel 
anno  del  signore,  M.D.X.IL  Del  mese  de  zugno,  (B.  Natio- 
nale. Cabinet  des  Estampes  E.  6.  5.  d.  réserve). 

Ces  bois  ombrés,  de  grande  dimension,  ressemblent  à 
ceux  du  Legendario  de  1518,  et  n'ont  aucun  rapport  de 
dessin  ou  de  facture  avec  la  gravure  signée  M.  A.  F..  La 
taille  en  est  sèche  et  anguleuse,  et  peut  faire  dire  avec 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  35 

quelque  raison  à  Passavant  qu'ils  trahissent  plutôt  le 
cuivre  que  le  bois.  Ils  sont  très  difTérents  de  qualité  et 
sans  qu'aucun  soit  mauvais,  il  y  en  a  de  médiocres  ;  les 
apôtres  sont  très  beaux.  Ces  bois,  publiés  par  le  même 
imprimeur  que  ceux  du  Legendario  de  1518,  ne  sont  pas 
signés  comme  deux  de  ceux-ci  de  la  lettre  G. 

Nous  complétons  la  description  de  cet  important  recueil 
par  les  réflexions  suivantes  de  M.  Georges  Duplessis  : 

€  Le  troisième  ouvrage  légué  par  M.  E.  Piot  au  Départe- 
ment des  Estampes  est  un  livre  de  la  plus  haute  valeur. 
Il  a  pour  titre  :  Epistole  et  evangelii  volgari  hystoriade 
Venise  1512,  Bien  qu'on  en  signale  deux  autres  exem- 
plaires, Tun  à  Londres,  dans  la  collection  de  M.  Henri 
Huth,  l'autre  à  Florence,  dans  la  bibliothèque  Marucel- 
liana,  celui-ci  est  le  seul  que,  jusqu'à  ce  jour,  il  ait  été 
donné  aux  curieux  de  consulter.  C'est  un  in-folio  de 
88  feuillets,  contenant  un  grand  nombre  de  figures  en 
bois,  de  provenances  diverses  et  de  valeur  très  diverse 
aussi,  mais  en  renfermant  une,  en  tète,  qui  a,  pour 
l'histoire  de  l'art,  une  importance  capitale  :  Elle 
représente  V Incrédulité  de  saint  Thomas,  et  porte  à  la 
droite  du  bas,  sur  une  pierre,  le  monogramme  de  Marc- 
Antoine.  Dans  l'œuvre  du  maître,  cette  planche  apparaît 
à  l'état  unique  ;  Marc- Antoine  qui,  pendant  son  séjour 
à  V^enise,  copia  sur  métal  les  estampes  en  bois  qu'Albert 
Durer  avait  dessinées  pour  la  Vie  de  la  Vierge  et  pour  la 
Passion,  voulut-il  se  rendre  compte  des  difficultés  qu'au- 
rait à  vaincre  un  graveur  sur  métal  pour  tailler  le  bois  ? 
Voulut-il  simplement  faire  un  essai  qu'un  éditeur  mit  à 
profit  ?  Jamais  on  ne  le  saura,  si  un  document  écrit  ne 
vient  à  être  exhumé  un  jour  des  archives  de  Venise; 
mais  ce  qu'il  est  possible,  dès  à  présent,  de  constater, 
c'est  que  cette  planche  est  digne,  pour  la  gravure  du 
moins,  d'être  attribuée  avec  certitude  au  grand  artiste 
bolonais.  Nous  croyons  qu'il  serait  imprudent  de  regarder 


36  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

ces  figures,  qui  portent  le  caractère  bien  accusé  des 
œuvres  vénitiennes  de  cette  époque,  comme  ayant  été 
dessinées  par  Marc- Antoine  ;  dès  lors,  la  marque  du  maître, 
qui  ne  peut  être  contestée,  se  rapporte  uniquement  à  la 
gravure,  et  Tœuvre  du  maître  à  la  Bibliothèque  nationale, 
grâce  à  la  générosité  de  M.  Eug.  Piot,  se  trouve  ainsi 
augmentée  d'une  planche  qui  pourra  désormais  être 
mise  sous  les  yeux  des  artistes,  tous  les  jours  plus 
nombreux,  qui  s'intéressent  aux  admirables  productions 
de  Marc-Antoine.  »  [Bulletin  des  Musées], 

Nous  relevons  dans  un  catalogue  Quaritch  l'ouvrage 
suivant  :  Epistole  e  Lectione  Evangelii  i  quali  si  legono 
in  tutto  Vanno  alla  messa  seconda  fuso  de  la  sancta 
chiesa  Romana,  qui  semble  être  malgré  la  difTérence  des 
titres  une  réédition  du  volume  que  nous  venons  de 
décrire. 

1512 

Pratica  musicae  vtriusqz  càtus  excellétis  frà  \  chini 
gaffori  laudësis.  Quattuor  libris  modula  \  tissima  : 
Sùmaqz  diligétia  novissime  [pressa. 

Petit  in-folio,  caractères  romains,  82  fF.  registres  de  A-K 
y  compris  le  frontispice  gravé  et  la  table  ;  huit  ff.  par 
cahier,  sauf  le  K  qui  en  a  10.  Titre  noir  gothique  ;  au- 
dessous  un  très  grand  bois  occupant  toute  la  page  et 
représentant  des  moines,  novices  et  enfants  de  chœur 
chantant  devant  un  porte-lutrin  sur  lequel  un  choral 
ouvert  où  on  voit  sur  les  deux  pages  des  notes  de 
musique  et  des  paroles.  Appuyé  contre  le  pupitre,  un 
enfant  ;  à  droite,  un  autre  dans  le  coin  ;  sur  un  banc, 
un  garçonnet  assis  devant  un  livre  ouvert  ;  deux  autres 
sur  le  banc  à  côté  de  lui  ;  dans  le  coin,  la  lettre  L. 

L'intérieur  est  une  belle  salle  voûtée,  dallée  de  marbre 
blanc  et  noir  ;  dans  le  fond,  une  porte  de  face  surmontée 


UVRES   A  FIGURES  VÉNITIENS  37 

d'une  sorte  de  coquille,  sur  laquelle  vient  se  poser,  \u  en 
perspective,  le  plafond  en  verrière,  formé  de  fonds  de 
bouteilles.  La  porte  est  \aie  à  travers  une  arcade,  encadrée 
comme  la  porte  elle-même,  de  mosaïques  de  marbre  ou 
de  bois,  blanc  sur  fond  noir.  La  bordure  qui  entoure  la 
scène,  à  fond  noir  aussi,  contribue  à  l'aspect  florentin  de 
l'ensemble  ;  cependant  les  figures  sont  de  style  milanais. 
Le  verso  du  titre  blanc.  A  II:  Descriptio  miisîcae  Actionis 
franchini  Gaffori  Laudensis  ;  au  verso  Prohaemivm,  qui 
continue  au  recto  A  III.  Puis  les  4  livres  jusqu'au  dernier 
feuillet  82,  dont  le  verso  est  blanc.  Quatre  grandes  lettres 
ornées  et  beaucoup  de  petites.  A  la  fin,  après  le  registre  : 
Musicae  Franchini  Laudensis  :  cantoris  solemnissimi 
pratica  quattiior  libris  compraehësa  explicit.  Impressa 
novissime  Venetiis  :  multisqz  erroribus  expurgaia  per 
Augusiinum  de  Zannis  de  Portesio  bibliopolam  occura- 
tissimiim.  Anno  dominicae  incarnationis.  MDXII.  Die. 
XXVIII.  lidii  (Librairie  Rosenthal). 

M.  Weale  (page  132)  cite  une  autre  édition  vénitienne 
de  1522.  • 


1512 


Quintilianus  (Marc.  Fabius).  Oraiorar  iuminstituiio- 
num.  Una  cù  annoiaiionïbus  Raphaelis  Regii  in 
deprauationes  eiusdem... 

In-folio,  4  feuillets  préliminaires  et  CXCIX  numérotés. 
Au-dessous  du  titre,  le  saint  Georges  avec  la  signature 
F.  V.  La  page  est  entourée  d'un  encadrement  dont  le  haut 
est  ombré  et  le  reste  à  fond  noir  ;  la  partie  inférieure  est 
empruntée  au  Supplemenium  chronicarum  de  1503,  avec 
les  deux  dauphins  soutenant  une  sorte  de  coupe  (170  *"/™ 
sur  75  de  haut.)  Au  dernier  feuillet  :  Impressum  venetiis  ope 
et  impensa  Georgii  de  Rusconibus  Anno  dûi.  M.CCCCC. 


38  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

XIL  Die.  XIIIL  Augusti,..  Au  verso,  ]a  marque  noire  avec 
les  lettres  G.  R.  M.  (Marciana  57958). 

1512 

Junius  Juuenalis,  Opus  quidé  diuinum  anlea  im^ 
pressorum  vitio  :  tetrum  :  mancum  :  &  inutile  nunc 
autem  a  viro  bene  dodo  recognitum,  etc. 

In-folio  ;  au-dessous  du  titre  gothique  et  rond,  le  Saint- 
Jean-Baptiste,  marque  deTridino,  6  ff.  prélimin,  pour 
le  titre,  la  dédicace  du  commentateur  Joannes  Britannus, 
les  préfaces,  la  table  et  la  vie  de  Juvénal;  126  ff.  chiffrés. 
Un  bois  en  tête  de  chacune  des  seize  satjTes.  Le  premier, 
montrant  Juvénal  entouré  d'un  nombreux  auditoire,  est 
signé  L.  Tous  ces  bois  ombrés,  de  taille  assez  grossière, 
ont  trait,  comme  Tindique  une  légende,  placée  dans  le 
haut,  au  sujet  de  la  satyre  qu'ils  précèdent.  Lettres 
ornées.  A  la  fin,  après  le  registre  :  Habes  lector  aureum 
luiiena.  Opus.,.  :  Impressum  Venetiis per  loannenf^Tacui- 
num  de  Tridino  Anna  Domini.  M.  D.  XIL  Die.  XVIII. 
Augusti.  (Librairie  Tecliener). 

1515.  —  Junius  Juuenalis, 

In-folio  ;  titre  gothique.  Sous  le  titre  le  saint  Georges 
avec  F.  V.  ;  bois  ombrés  médiocres  ;  un  par  satyre.  A  la 

fin  :   Habes Impressum  Venetiis  per  Georgiû  de  jRhs- 

conibu  Mediolan  Anna  Domini.  M.D.  XV.  Die  X.  Decem- 
bris.  (Marciana  42563). 

1520.  —  jy.  IVVENALIS  aqvinatis  satyrographi 
opus. 

In-folio;  encadrement  ombré;  au-dessous  du  titre,  un 
petit  bois  légèrement  ombré,  Ecce  agnus,  représentant  le 
Christ  et  Tagneau.  6  ff.  prélimin.;  au  septième,  chiffré  1, 
bois  ombré  représentant  Ivvenalis  entretenant  un  nom- 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  39 

breux  auditoire,  signé  L,  probablement  le  même  que 
celui  de  Tédition  de  1512.  Une  gravure  par  satire.  Ces 
bois  sont  fort  mauvais.  A  la  fin  :  Venetiis  In  Casis  Ber- 
nardini  de  Vianis  de  Lexona  Vercelésis  Anno  Circûcisio- 
nis.  M.D.  XX.  Die.  XV.  Decembris...  —  Suit  le  registre. 
(Marciana). 

1522.  —  IV.  IVVENALIS  aquinatis  satyrographi 
opus. 

In-folio  ;  6  feuill.  prélimin.  et  162  chiffrés  ;  au-dessous 
du  titre,  rouge  et  noir,  petit  bois  légèrement  ombré  :  Ecce 
agnus.  Seize  bois,  un  par  satire,  ceux  de  Tédition  de 
1512,  du  même  Tridino.  A  la  fin  :  Venetiis  Ex  Aedibus 
loannis  Tacuini  de  Tridino.  M.  D.  XXII.  Die.  XXII.  Ocio- 
bris...  —  Le  registre  suit.  (Marciana  42571). 

1513 

Opéra  C.  Crispi  Salustij  diuini. 

In-folio  ;  titre  gothique  rouge.  12  bois,  dont  quelques- 
uns  au  trait  tirés  du  Tite-Live.  A  la  fin  :  C.  Crispi  Salus- 
tii...  Venetiis  per  Bartholomeum  de  Zannis  de  Portesio. 
Anno  Domini.  M.  D.  XIII.  Die  tertio  Mensis  Februarii. 


1513 

Chronica  sacri  Casinensis  coenobii  nvper  impresso- 
riae  arti  tradita... 

Ih-4o  ;  lettres  rondes.  Au-dessous  du  titre,  grand  bois 
ombré  d'un  bon  dessin  et  d'une  exécution  soignée  ;  au 
milieu  S.  Benedetto  (saint  Benoit),  à  droite  S.  Mauro 
(saint  Maur),  à  gauche  S.  Piaci  (sic),  les  trois  fonda- 
teurs des  Bénédictins  ;  Tun  d'eux.  Saint  Maur,  modifia 
les  règles  primitives  et  fonda  les  Camaldules  ;  des  pères 


40  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

agenouillés,  parlent  à  saint  Benoit,  Tun  d'eux  lui  offre 
un  livre.  Au  verso,  un  bois  ombré,  d'une  exécution  très 
inférieure  et  d'une  autre  main  :  la  Vierge,  tenant  l'enfant 
Jésus  sur  ses  genoux,  un  personnage  à  droite,  une  reli- 
gieuse à  gauche.  A  la  fin  :  Impressum  Venetiis  per  Laza- 
rum  de  Soardis  Die.  XIL  Martii.  M.  D.  XIII.,.  —  Suit  le 
registre  et  la  marque.  (Museo  Civicoe  Correr.,  G.  191). 


1513 

Eleutherij    Leoniceni    vicenti  \  ni   Cano.    ReguL 
Carmen   in  \  funere    dni  nostri   lesu-Chri  \  sti  :  in 
Assumptione  e  Annùtiatione  Virginis  Marie  :  ac  in  \ 
honore  Sancti  Joannis  Baptiste. 

Petit  in-8o  ;  titre  gothique  ;  texte  en  lettres  rondes.  Au- 
dessous  du  titre,  une  Crucifixion,  peut-être  sur  métal  en 
relief,  et  trahissant  une  origine  française  ;  sans  doute  tirée 
d'un  livre  d'heures  :  le  Christ  en  croix  (57"»"»  sur  78"°»  de 
hauteur),  très  nombreux  personnages,  ombrés,  d'une 
allure  très  archaïque  ;  feuillet  h-6  :  Venetiis  \  Ex  officina 
Simonis  de  Luere.  xvii.  Martii.  M.D.Xiii.  Le  texte  continue 
et  la  page  5  du  verso  finit  par  un  avis  ad  ïectorem.  — 
Nous  ignorons  si  le  volume  se  termine  là.  (Marciana,  372.) 

1513 

Expositio  In  psalterium  Reuerendissimi  B.  loànis 
Yspani  de  Turre  Cremata. 

In-8o  gothique  à  deux  colonnes  ;  ccciiij  feuillets.  Au- 
dessous  du  titre  bois  ombré  (75  sur  103'»™  de  hauteur)  ; 
l'auteur,  de  face,  écrivant  à  son  pupitre,  une  plume  dans 
la  main  droite,  un  grattoir  de  la  gauche,  assis  dans  son 
fauteuil,  coiffé  du  chapeau  cardinalice  ;  cette  vignette, 
d'une  assez  jolie  exécution,  est  entourée  d'un  encadrement 


LIVRES   A  FIGURES  VÉNITIENS  41 

autraitde9°>™.  Alafîn  :  Venetiisp,  Lazarum  de  Soardis,... 
die  xxvij  Aprilis  M.CCCCCXiij.  Au-dessous  la  marque 
de  Soardis  avec  L.  S.  O.  à  fond  noir. 


1513 


Epistola  del  potentissimo  et  \  Inuictissimo  Hema- 
nuel  Re  de  Portogallo  et  de  al  \  garbii  etc..  De  le 
uictorie  hauute  in  India  et  Ma  \  lâcha  :  al  S.  In 
Christo  Padre  et  signor  no  \  stro  signor  Leone  décima 
Pontifi  I  ce  Maximo. 

In-4o  de  2  feuillets  ;  lettres  rondes  ;  au-dessous  du  titre, 
un  bois  représentant  une  ville  au  bord  de  la  mer  ;  cette 
vignette  est  au  trait  et  absolument  identique  pour  la  fac- 
ture aux  \'ues  représentées  dans  le  Supplementum  Chro- 
nicarum  ;  les  caractères  nous  paraissent  aussi  vénitiens. 
Cest  pour  ces  raisons  que  nous  attribuons  cette  très  rare 
plaquette  aux  presses  de  Venise.  A  la  fin  :  Data  nela  cita 
nra  de  Vlixbona  adi,  vi,  de  lunio  nel  anno  del  signore. 
M.D.xiii. 

Brunet  cite  trois  éditions  de  cet  opuscule,  mais  n'a  pas 
connu  celle  que  nous  décrivons  (vol.  2,  col.  969.)  (Mar- 
ciana.  —  Opuscali  Geografici,  3,  vol.  1.  Dalla  Mise.,  1257, 
no  3.) 


1513 


Libro  chiamato  Infantia  sal  \  uatoris  :  in  loquale 
se  contiene  la  \  vita  e  li  miracoli  &  passione  \  de. 
JesU'Christi.  E  la  cre  \  atione  de  Adamo  :  &  \  moite 
altre  cose  :  le  qle  lezèdo  si  pote  \  rano  ïtëdere, 

In-4o  à  deux  colonnes,  de  56  ff.  non  chiffrés,  signés 
A-O.  dont  le  dernier  blanc.  Caract.  ronds  ;  40  jolis  bois. 


42  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

En  outre,  sur  le  titre  en  grandes  gothiques,  un  beau  bois 
dans  un  très  riche  encadrement  à  fond  noir. 

Petit  poème  en  octaves  ;  les  dix  derniers  feuil.  contien- 
nent il  Pianto  de  la  Virgine  Maria  en  terza  rima.  A  la  fin  : 
Stampaio  in  Veneiia  per  Joanne  Tacuin  da  Trin  de  Cereto 
MDXIII.  Adi  XXVII  de  Zugno, 

Brunet  ne  cite  qu'une  édition  populaire,  petit  in-S®,  en 
caract.  gothiques,  publiée  trente  ans  après  celle-ci  par 
Rofflncllo. 

1513 

Legeiida  de  la  Gloriosa  Verzene  Sancta  Clara. 

In-4o  ;  goth.  titre  rouge.  Au-dessous,  grand  bois  ombré 
représentant  la  sainte  debout ,  un  livre  dans  la  main 
droite  et  une  croix  dans  la  gauche  ;  bois  médiocre,  lourd 
de  taille  et  de  dessin.  A  la  fin  :  In  Venetia  (nela  Côlrala 
de  Sancio  CassianoJ  per  Simone  de  Luere.  Adi  VIL  Luio 
M.D.XIIL  Au-dessous  la  marque  et  le  registre. 

1513 

Prediche  de  le  fesie  che  correno  per  làno  del 
Reuerendo  padre  fraie  Hierongmo  Sauonarola  da 
Ferara. 

In-4«  à  deux  col.  2  feuillets  préliminaires,  clxi  numérotés  ; 
texte  en  lettres  rondes,  au-dessous  du  litre,  goth.,  bois  au 
trait  médiocre  :  Savonarole,  assis  écrivant  à  une  table  (1)  ; 


(1)  Tous  ces  Salvanarole  écrivant  sont  des  copies  de  bois  florentins,  dont  le 
prototype  semble  être  le  Savanarole  deVEpistola  in  libros  de  simplicitatechriS' 
tianœ  i;ifcp  imprimé  à  Florence,  chez  Pacini,le  5  septembre  1496,  où  le  fougueux 
prédicateur  est  \i\  tourné  à  droite,  un  crucifix  devant  lui;  dans  le  fond  quatre 
volumes  et  un  vêtement  noir.  (V.  Gruyer,  Illustrations  des  ouvrages  de  Jérôme 
Savanarole,  1879,  p.  36,  et  dans  VArte  délia  Stampa,  mai  1873,  l'article  de 
M.  Jacopo  Bernardi  intitulé  Cenno  bibliogra/ico  intorno  ad  alcune  edizioni 
Venete  délie  prediche  di  frate  Girolamo  Sauonarola). 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  43 

il  regarde  à  droite  tel  qu'il  est  représenté  dans  les  ExposU 
tiones  in  psalmos  de  1505  ;  il  est  ici  d'une  gravure  rude 
qui  laisse  à  désirer  ;  les  détails  sont  peu  soignés  dans  le 
visage  et  les  mains.  Cette  composition,  comme  le  fait  fort 
bien  remarquer  M.  Gruyer,  /Illustrations  des  ouvrages 
de  Savonarole,  page  165),  se  rencontre  très  fréquem- 
ment dans  les  livres  vénitiens  et  florentins  ;  nous  pour- 
rions en  citer  beaucoup  d'exemples,  tels  que  saint  Jérôme 
dans  la  Bible  de  Mallermi,  et  le  Boccace  dans  le  Déca- 
méron  de  1492.  La  page  est  entourée  d'un  encadrement  à 
fond  noir,  le  Christ,  dans  le  haut,  une  sirène  de  chaque 
côté  ;  dans  le  bas,  au  milieu  un  écusson  avec  les  lettres  L 
à  gauche,  A  à  droite  et  deux  jouZ/z  ailés,  chevauchant  deux 
animaux  fantastiques  se  tournant  le  dos  ;  cet  encadrement 
reparaît,  en  1514,  dans  la  TheoricaetPraticade  Fanti;  au 
verso  Crucifixion  du  Pungy  lingua;  un  ange  de  chaque  côté 
reçoit  le  sang  qui  s'échappe  des  plaies  du  Christ  ;  dans  le 
bas,  à  gauche,  la  Vierge  est  soutenue  par  deux  saintes 
femmes  ;  Tune  étreint  le  pied  de  la  croix  ;  trois  person- 
nages à  droite,  dont  saint  Jean,  un  d'eux,  tient  une  feuille 
de  papier  qu'il  lit  ;  encadrement  ombré  qui  semble  pos- 
térieur au  bois  (cette  gravure  est  reproduite  dans  le 
Savonarole  de  M.  G.  Gruyer,  p.  38);  deux  feuillets  pour  le 
titre  et  le  feuillet  suivant.  La  pagination  commence 
à  A.  et  va  jusqu'à  la  fin  161  ;  au  verso:  Finisse,.,  In 
Venetia  per  lazaro  di  Soardi  nel  anno  del  Signore. 
Af.  CCCCCXIIL  Adi,  XL  Luio.,,  Au-dessous,  le  registre  et 
la  marque  à  fond  noir  de  Soardis  L.  S.  0.  (Marciana 
16717,  Bibl.  Nationale,  réserve  D.  5581). 

1513.  T-  Prediche  per  anno, 

In-4o  ;  gothique  à  deux  colonnes  de  clxxxvi  feuillets 
chifl*rés  ;  au-dessous  du  titre,  Savonarole  tourné  à  droite  ; 
encadrement  au  trait  d'une  taille  fine  et  élégante,  copié 
fidèlement  sur  celui  que  nous  avons  décrit  à  propos  de 


44  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

la  Vita  de  la  preciosa  Vergine  Maria  de  1492,  reproduit 
plus  tard  dans  le  Lucidario  ;  autour  de  la  figure  :  Cons- 
cripsit  Sermones  rectissimos  e  veritate  plenos,  EccIesiasticL 
xii.  Capitulo,  Cuz  gratia  et  primlegio.  Recto  clxxxvi  : 
Finisse  In  Venetia  per  Lazaro  di  Soardi  nel  anno,  1513. 
adi,  11,  Luio  ;  au-dessous,  le  registre  et  la  marque  noire 
avec  L.  S.  0.  (Arsenal,  T.  6671). 

1515.  —  Expositions  e  Prediche  sopra  Lexodo  :  e 
ad  altri  diuersi  ppositi  :  ultimamète  composte  e  pre- 
dicate. 

In-4o  ;  lettres  rondes,  2  colonnes,  144  feuillets  chiffrés. 
Savonarole  écrivant  tourné  à  droite  ;  encadrement  des 
Prediche  per  anno  dei  11  Laie  1513,  de  Lazaro  di  Soardi. 
A  la  fin  :  Finisse.,,  In  la  inclyta  cipta  di  Venetia  per  Lazaro 
di  Soardi  stampate  nellanno  M,  D,  XV,  Adi.  4  Genaio. 
(Arsenal,  T.  6670). 

1515.  —  Prediche  facte  in  diuersi  tempi. 

In-4o  ;  2  feuillets  préliminaires  et  100  chififrés  ;  carac- 
tères gothiques  à  2  colonnes,  encadrement  et  bois  des 
Prediclie  per  anno  de  1513  ;  un  petit  bloc  entre  la  gravure 
et  Tencadrement,  afin  de  remplir  le  blanc  qui  séparait 
ces  deux  bois.  Init.  fleuronnées.  A  la  fin  :  In  Venetia  per 
Lazaro  di  Soardi,  nelanno.  M,  D,  XV.  Adi.  vxj  N6- 
vembrio.  (Bibliothèque  Landau,  communication  de 
M.  Rœdiger,  et  Arsenal,  T.  6671). 

1517.  —  Tabula  sopra  le  prediche  del  Reuerëdo. 

P.  fraie  Hieromjmo  Sauonarola  da  ferrara sopra 

diuersi  Psalmi  e  Euangelii,.., 

In-4o  ;  bois  de  l'édition  des  Prediche  de  1513  ;  l'enca- 
drement est  le  même  ;  deux  feuillets  préliminaires,  le  3* 
feuillet  A,  paginé  1.  A  la  fin,  feuillet  108,  le  registre  et 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  45 

Stampata  in  Venetia  per  Bernardino  Benalio,  Neïïanno 
del  Signore,  M,  CCCCCXVIL  Adi,  XIL  Di  Febraro.  (Mar- 
ciana  16716). 

1517.  —  Prediche  utilissime  per  la  quadragesima 
del  reverèdo  padre  fraie  hierongmo  Sauonarola  da 
Ferrara.,  eic,  eic. 

In-4o  ;  12  feuillets  préliminaires,  152  numérotés,  2  col., 
lettres  rondes,  encadrement  à  fond  noir  des  Prediche 
de  1513.  Sous  le  titre,  bois  légèrement  ombré  :  Savonarole 
écrivant  à  son  bureau,  regardant  à  gauche,  beaucoup 
meilleur  et  beaucoup  plus  fin  d'exécution  que  le  bois 
de  1513,  plus  ombré  avec  plus  de  détails  ;  une  tête  de 
lion  sur  son  siège,  deux  fenêtres  grillées  au  lieu  d'une 
seule.  A  la  fin  :  Stampata  in  Venetia  per  Bernardino 
Nellanno  del  Signore  M.  CCCCCXVIL  Adi.  X,  Decembris. 
(Bibliothèque  Nationale,  Réserve,  D.  9805). 

1519.  —  Prediche  de  fra  hierongmo  \  per  quadra- 
gesima, 

In-4o;  titre  gothique  ;  4  feuillets  prél.  et  cclii  numérotés, 
le  texte  en  lettres  rondes  à  deux  col.;  sous  le  titre,  bois 
ombré  représentant  Savonarole  faisant  brûler  à  Florence 
tous  les  livres  et  choses  d'art  considérés  par  lui  comme 
impies  :  à  droite,  une  nombreuse  assistance  d'hommes  et 
de  femmes  ;  à  gauche  Savonarole  surveille  l'œuvre  exé- 
cutée par  le  bourreau  et  tient  une  banderole  portant  ces 
mots  :  Aligatvm  verbvm.  Dei.  no,  est;  à  droite  une  chaire 
vide  ;  taille  peu  soignée.  «  On  n'y  rencontre,  dit  avec 
raison  M.  Gruyer  (p.  176),  aucune  réminiscence  du 
tableau,  faussement  attribué  à  Antonio  Pallaiuolo,  dans 
lequel  sont  retracés  les  détails  du  supplice  de  Savana- 
role  et  dont  il  existe  plusieurs  répétitions  à  Florence, 
notanmient  au  palais  Corsini  et  au  couvent  de  Saint- 
Marc.  1»  Â  la  fin  :  Finisse,.,  stampata  in  Venetia...  per 


46  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Cesaro  arriuabeno  uenitiào  nelli  anni  del  nostro  signore^ 
1519.  adi.  uinti  auosto  ;  au-dessous  le  registre  et  la 
marque  avec  les  lettres  A.  G.  (Bibl.  Nat.  Rés.  D.  5271. 
D.  5582.  Arsenal,  T.  6674.) 

1520.  —  Prediche  de  fra  hieronymo  per  tutto 
lanno.  Prediche  ulilissime. 

In-4«  ;  lettres  rondes  à  deux  colonnes,  4  feuillets  préli- 
minaires, cxcv  numérotés.  Sur  le  titre  le  Savonarole 
écrivant  tourné  à  gauche  ;  bois  de  la  Tabula  sopra  le 
prediche  de  1517  ;  page  cxciii  le  colophon  :  Finisse.,, 
nouamente  reuiste  con  molli  anlichi  exemplari  :  e  reposlo 
ai  suoi  lochi  le  cose  truncade  per  la  impression  de  lazaro 
fada  del.  1513.  Stampate  in  Venetia  per  Cesaro  arriua- 
beno uenetiano  nelli  anni  del  nostro  signore.  1520.  a  di 
sie  aprile.  Suit  le  registre  ;  la  marque  noire  avec  A.  G.  se 
trouve  au  verso  du  feuillet  cxcv.  (Arsenal,  6672,  T.) 

1513 

Legèda  de  Sancto  Bernardine. 

Au-dessous  du  titre,  copie,  retournée,  du  S*  Bernardin 
du  Dante,  de  1512,  bois  d*une  jolie  exécution.  A  la  fin  : 
Finisse.  In  Venetia  Stampata  per  Simone  de  Luere  nela 
contrata  de  Sancto  Cassiano.  Adi.  xvi  Luio  M.D.XIII  : 
au-dessous,  marque  et  registre. 

1513 

Justiniano  (Agostino).  Precatio  pietatis  pie  \  na  ad 
devm  omnipoten  \  tem  composita  ex  due  \  bus  et  sep- 
ivaginia  \  nominïbvs  divinis  \  hebraïcis  et  la  \  tinis 
vnà  cum  \  interprète  \  commenta  \  riolo. 

In-8«,  en  lettres  rondes,  de  17  feuillets  non  chiffrés,  le 
verso  de  Tavant-dernier  et  le  dernier  sont  blancs.  Sur  le 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  47 

verso  de  Aiiij  et  au  recto  du  feuillet  suivant  un  grand 
bois  ;  au  recto  de  B,  une  page  d'hébreu.  Le  texte,  im- 
primé en  un  caractère  bizarre,  ressemblant  à  du  romain 
mêlé  de  semi-gothique,  commence  ainsi  :  Augvstinus  Jvs- 
tinianvs  genvensis,  predicatorii  ordinis,  Stephano  Savlo 
salutem,  Bononia  Callen.  Aug,  M,D,XIIL  (Biblioteca 
Colombina.)  Selon  Quétif  et  Echard,  Scriptoro  ord.prœ- 
dic.^  II,  98,  cette  pièce  aurait  été  imprimée  à  Venise  par 
Alessandro  Paganino  di  Paganini,  en  1513.  (Harrisse. 
Excerpia  Colombiniana,  page  209.) 

1513 

^Eneas  Sylvius.  Epistole  de  due  amâti  Côposte 
dala  felice  memoria  di  Papa  Pio  :  traducte  î  vulgar. 

In-4o  goth.  ;  au-dessous  du  litre,  grand  bois,  ombré, 
avec  des  noirs  très  accusés  :  au  premier  plan,  le  Pape, 
coiffe  de  la  tiare  ;  derrière  lui,  assis,  les  cardinaux,  et 
au-dessus  de  sa  tête,  le  Christ  en  croix  ;  bois  mal  dessiné 
et  taillé  sans  soin  ;  au-dessous,  la  marque  de  Sessa.  A  la 
fin  :  Impresse  in  Venetia  per  Merchio  Sessa  adi  xxxi, 
Septé.  M.D.XIIL  (Celle  édition,  qui  nous  avait  échappé, 
se  place  après  celle  de  1504,  décrite  par  nous  à,  sa  date.) 


1513 


Savonarole.  Opéra  singulare  del  doctissimo  Padre 
F...  côtra  Lastrologia  diuinatrice  in  corroboratione 
de  le  refutatione  astrologice  del.  S.  côte  Jo.  Pico  de 
la  Mirâdola. 

In-8o  goth.,  36  ff*.  num.  ;  au-dessous  du  titre,  le  Savo- 
narole, écrivant,  tourné  à  droite.  A  la  fin  :  Finisse...  In 
Uinetia  per  Lazaro  de  Soardi  nel  anno.  1513.  adi, 
6  Ociubrio.  Marque  noire    L-S-  0.  (Col.  E.  Piot.) 


48  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1513 

Drusiano  dal  Leone  Elquale  tracta  de  le  Bataglie 
dapoi  la  morte  \  di  Paladini,  Et  de  moite  t  infinité 
bataglie  scriuendo  \  damore  t  di  moite  cose  hellissime. 

Iii-4  de  40  ff.  à  2  col.  de  48  lig.,  caract.  rom.  15  chances 
en  stances  de  8  vers,  avec  fig.  en  bois.  Au  titre  un 
bois  représentant  un  chevalier  armé.  Au  recto  du 
dernier  f.  :  Finito  el  libre  de  drusiano  dal  leone  disce  \  sa 
data  nobel  schiata  de  bouo  nelqual  \  libre  si  centiene 
diuerse  e  mirabile  bataglie  \  sotte  breuita  :  &  corne  esso 
Drusiano  con  \  quisto  tutto  el  monde  Impresse  in  Ve  \  netia 
nel  Anne,  M,  ccccc,  xiii  Octubrie.  (Brunet,  vol.  2»,  col.  843. 
Hain  6410  ;  —  Melzi  et  Tosi,  page  142,  Bibliegrafia  dei 
Romanzi  di  Cavalleria).  —  Cette  édition,  très  rare,  est  la 
plus  ancienne  que  Ton  connaisse  de  ce  poème.  Hain  la 
décrit  en  la  plaçant  au  XV®  siècle,  tout  en  faisant  obser- 
ver que  les  chiffres  de  la  date  peuvent  indiquer  1513,  ce 
qui  est  possible. 

1513 

Cantorinus  Compendium  musice,  Jésus.  In  hoc 
uolumine  continentur  infrascripti  tractatus.  Primo 
deuotissimus  trialogus  beati  Antonini  archiepi  floren- 
Uni  ordinis  predicatorum  super  euàgelio  de  duobus 
discipulis  euntibus  in  emaus,  Secùdo.,..  Au  recto  17  : 
Câtorinus  Romani  cantus  vtilissimù  côpèdiolû... 

In-12,  titre  en  lettres  gothiques  rouges  ;  8  feuillets  par 
cahier  ;  pages  numérotées  jusqu'à  120.  —  Au-dessous  du 
titre,  la  marque  rouge  de  Giunta.  Au  verso  2,  une  main 
harmonique  couverte  d'indications  musicales.  —  Verso 
f.  16,  Y  Arche  d'alliance  y  avec  le  chien,  signée  à  droite 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  49 

petit  L,  copie  de  Via  gothique,  bois  ombré.  Verso  f.  71  : 
une  Annonciation,  avec  le  petit  chien  et  la  signature  L 
dans  le  bas,  à  gauche.  Ces  deux  bois  avaient  déjà  paru 
àsLiïsle  Breviarium  monasticû  de  1511  de  Giunta.  —  Recto 
t  97  :  petit  bois  au  trait  pour  rOflice  des  morts  :  un  prêtre 
jetant  de  l'eau  bénite  sur  une  agonisante  étendue  sur  un 
lit;  cette  gra\'ure,  de  la  grandeur  des  jolies  vignettes  du 
Processionale  de  1494,  se  retrouve  dans  une  nouvelle 
édition  du  Processionale  d'août  1513,  page  31.  (1) 

Page  120  :  Finis  Cantorini  Romani  :  impressi  Venetijs 
p  dnm  Lucantoniû  de  Giunta  Florentinuz  :  Anno  dhi 
millesimo  qngentesimo  tertiodecimo  die  vo  tertio  decëbris» 
—  Le  registre  et  la  marque  rouge  de  Giunta  (Librairie 
Rosenthal  et  Bibliothèque  de  M.  de  Landau). 

Dans  une  édition  très  postérieure  (1549),  publiée  par 
Petrus  Liechtenstein,  la  gra\'ure  du  frontispice  de  1513  a 
disparu;  le  chien  de  V Arche  d'alliance  et  celui  de 
V Annonciation  ainsi  que  la  signature  L,  ont  été  supprimés. 
Enfin,  on  a  substitué  à  VOffice  des  Morts  une  Résurreom 
tion  des  Morts, 


1513 


CorNois  (Andréas).  Liber  de  Chiromantia,  Venetiis, 
Aug.  de  Zannis,  1513. 

Petit  in-8.  a  Ce  livre  rare  contient  plus  de  150  gravures 
sur  bois,  de  la  grandeur  des  pages,  le  titre  se  trouve  au 
verso  du  premier  feuillet,  le  recto  est  occupé  par  une 
gravure,  où  Ton  voit  trois  hommes,  dont  l'un  est  sans 
doute  l'auteur  du  livre.  »  (Deschamps,  colonne  322.)  Nous 


(  1  )  Processionale  Romaxvz  cum  officio  mortuor  |  m.  etc.  —  Verso  f.  4  :  Pro- 
cession de  rédition  de  1494,  lettres  ornées  ;  p«  9  :  bois  [au  trait  ;  p.  31  :  bois 
dté  :  p.  65  :  bois  ombré,  p.  184  :  Venetiis  p  Lucantoniû  d  Giùia  Floren  anno 
Cluisti  1513  die  Vo.xxiij  Augusti  (en  lettres  gothiques  rouges  et  noires). 

1891  4 


50  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

ne  connaissons  pas  cette  édition,  mais  d'après  les  indica- 
tions de  Deschamps,  le  bois  aux  trois  personnages 
semble  être  le  même  que  celui  de  Tédition  suivante.  La 
justification  est  différente. 

1519.  —  Opéra  noua  de  Maestro  Andréa  coruo  da 
Carpi  habita  alla  Mirandola  traita  delà  Chiromantia 
stàpata  con  gracia. 

In-12,  lettres  rondes,  11  feuillets  préliminaires  sur  l'art 
de  la  chiromancie  ;  au-dessous  du  titre,  un  corbeau  noir 
dans  un  octogone  à  double  trait,  une  étoile  dans  le  haut 
à  gauche,  à  la  hauteur  de  la  tête  de  Toiseau.  Au  verso,  un 
ornement  à  fond  noir  fait  d'un  ruban  blanc  et  formant 
une  croix  avec  les  lettres  V  H  S  ;  le  recto  suivant ,  une 
main  au  trait  avec  les  indications  chiromanciques;  verso 
de  ce  feuillet,  trois  personnages  debout  ;  celui  du  milieu 
montre  sa  main  à  celui  de  droite  qui  lui  dit  sa  bonne 
aventure  ;  celui  de  gauche  est  appuyé  sur  son  épaule;  dans 
le  haut,  à  droite,  uiiécusson  suspendu  à  un  arbre,  portant 
le  corbeau  noir;  grand  bois  ombré  d'une  exécution  peu 
remarquable  ;  à  partir  du  verso  D  toutes  les  pages  sont 
occupées  par  une  main  avec  l'indication  des  lignes  et  de 
ce  qu'elles  promettent.  Le  dernier  feuil.  contient  le  même 
ornement  à  fond  noir  que  le  verso  du  premier  feuillet, 
avec  un  grand  X  surmonté  d'une  petite  croix  ;  dans  le 
triangle  supérieur  de  l'X  les  deux  lettres  ND  ;  dans  celui 
de  dessous  FS  ;  au  -  dessous ,  en  lettres  noires ,  sur  fond 
blanc,  SOLI  -  DEO  -  ONOR  -  ET  •  GLORIA.  Dans 
le  bas  de  la  page  :  Stampata  In  Marzaria  Alla  libraria 
dal  lesus  Appresso  San  Ziilian  ad  instantia  de  Nicolo  Et 
Dominicho  Fradeh.  MDXIX  Adi  Xiiii  Zener.  (Marciana.) 

((  De  cet  auteur  et  de  cet  ouvrage  de  chiromancie  il  existe 
une  édition  indiquée  ainsi  dans  le  catalogue  de  la  biblio- 
thèque de  Christiano  Gattlieb  Schartz  :  Excellentissimi  et 
singularis   viri   in  chiromantia  exercitatissimi  magistri 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  51 

Andreœ  Corui  mirandulensis  libellas  chiromanticus  cum 
fig.  In-8o  ;  il  n'y  a  ni  date  ni  indication  de  lieu,  mais 
Fouvrage  est  dédié  au  marquis  de  Mantoue  Gianfrancesco 
Gonzaga,  ce  qui  nous  indique  qu'il  fut  imprimé  vers  la 
moitié  du  XV«  siècle.  Une  édition  italienne  de  ce  même 
livre  est  indiquée  par  M.  Jacopo  Morelli  sous  ce 
titre  :  Opéra...  Je  ne  saurais  dire  si  c'est  une  traduction 
du  li\Te  latin  ou  si  dans  le  catalogue  il  est  décrit  d'une 
façon  exacte.  »  —  {Biblioteca  Modenese,  par  Girolamo 
Tiraboschi.  —  Modena  1782,  tome  11,  page  191.) 


1513 


C.  Plinii.  Secimdi  \  Cheronensis  his  \  toriœ  naturalis 
Libri  \  XXXVII .  aptissimis  figu  \  ris  exculti  ab  Aie  \ 
xàdro    Benedi  \  cto    Ve.    phg  |  sico   emen  \  datiores 
redditi. 

In-fol.  14  ff.  prél.  et  219  CF.  chiff.  fig.  sur  bois.  A  la  fin  : 
Explicii.  C.  Plinius  Secundus  de  naiurali  hystoria  nunc 
primum  diligentissime  ab  Alexandre  benedicto phisico  reco- 
gnitus  cunciisqz  erroribus  expurgatus.  Impressus  Venitiis 
summa  diligentia  per  Melchiorem  Sessam  Anno  reconci- 
liate  naiiviiatis.  M.D.XIIL 

A  la  suite  se  trouve  :  Casiigaiiones  Plinii  Hermolai  Bar- 
bari,  160  CF.  divisé  en  2  parties. 

.  1516.  —  Historia  naturale  di  Caio  Plinio  seconda 
di  lingua  latina  in  fiorentina  tradocta  per  il  doctis- 
simo  homo  Misser  Christophoro  Landino  fiorentino 
nonamente  cor  recta. 

In-folio,  lettres  rondes,  2  colonnes,  14  feuillets  préli- 
minaires, 259  numérotés  ;  37  bois  de  diCFérentes  mains, 
ombrés,  mais  assez  médiocres  ;  grandes  initiales.  In  Ve- 


52  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

netia  per  Marchio  Sessa  et  Piero  di  rauani  bersano  corn-' 
pagni,  1516.  Adi,  H,  de  Agosto.  (Bibl.  Nat.  Rés.  S.  24.) 
Au-dessous  le  registre. 

1525.  —  C.  Plinii  secundi,  naturalis  hystoriae  Libri 
XXXVII  e  castigationibus  Hermolai  Barbari  ac 
codicis  in  alemania  impressi  et  emendatissime  editiy 
addite  indice  et  copiosissimo,  figurisque  ad  singulO" 
rum  librorum  materiam  aptissimis. 

In-folio  de  119  feuillets  numérotés;  caract.  rom. 
Registre  aa-bb-a-R-A.  Frontispice  avec  marque  typo- 
graphique. Grand  encadrement  légèrement  ombré,  avec 
sujets  et  ornements  variés  :  dans  la  partie  supérieure, 
les  portraits  de  Diogène,  Platon,  Aristote  et  Thémistius, 
chacun  dans  une  niche.  Au  bas  de  la  page,  un  sphinx 
ailé  ;  à  sa  droite,  Mucius  Scévola  ;  à  sa  gauche,  une 
femme  évanouie  entre  les  bras  d'hommes  qui  la  sou- 
tiennent. Les  côtés  sont  ornés  de  petites  compositions 
relatives  à  des  faits  de  l'histoire  romaine.  Nombreuses 
vignettes  dans  le  texte;  deux  petites  cartes  géographi- 
ques. Lettres  ornées. 

A  la  fin  :  Explicit,  C.  Plinii  secundi  de  naiurali 
historia  elegantissimum  opus,  novissime  collatis  tant 
antiquissimis  exemplaribus  quia  est,  et  in  Alemania  et 
ubi  vis  impressis,  diligentissime  post  Alexandri  benedicti 
physici  recognitionem,  cunctis  erroribus  expurgatum,  et 
ubi  duplex  lectio  erat  annotatum  in  margine.  Addita  est 
tabula  vel  index  et  vis  copiosissimus  loannis  Camertis. 
Impressum  Venetiis  summa  diligentia  per  Melchiorem 
Sessam,  et  Petrum  Serenae,  socios,  anno  reconciliate  nati'» 
vitatis  MDXXV,  Die  XXIIII  Mariiis  (Bibliothèque  natio- 
nale de  Florence). 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  53 

1514 

Opa  dilecteuole  &  nuoua  délia  Cortesia  Gratitudine 
&  Liberalita.  C  Composta  in  parlare  elegantissimo 
dalla  Eximio  Philosopha  Maestro  Bernardo  Hylicini 
ciptadino  Senese, 

In-4o  à  2  col.  de  24  CF.  (a-f,  par  4).  Lettres  rom.  Au- 
dessous  du  litre,  un  bois  représentant  Fauteur  étudiant 
dans  sa  bibliothèque,  avec  la  légende  :  BERNARDO 
HYLICINIO  ;  init.  gravées.  A  la  fin  :  Stâpata  in  Venetia 
per  Géorgie  di  Rusconi  Milanese  ad  instantia  di  Nice  (sic) 
Zopino  &  Vicenzo  compagni,  A  di.  vi.  Marzo  del 
MCCCCC.XIIIL  Régnante  Lynclito  Principe  Leonardo 
Lauredano.  (Catalogue  de  M.  de  Landau,  tome  2,  page 
328  ;  communication  de  M.  Roediger). 

Une  autre  édition  du  6  juin  1515  du  même  imprimeur 
pour  les  mêmes  libraires  doit  contenir  les  mêmes  bois. 
(Brunet,  t.  III,  col.  406.) 

1514 

Gràmatica  Georgii  \  Vallae  \  Placentini. 

In-4o  ;  8  feuillets  par  cahier;  au-dessous  du  titre,  le  pro- 
fesseur dans  sa  chaire  entouré  d'élèves,  emprunté  au 
Crescentius.  A  la  fin  :  Venetiis  arte  Simonis  de  Luere  : 
Samptibus  uero  Laurentii  Orii  de  Portesio  Anna,., 
M.D.XIIII.  Mensis  Mariii.  Au-dessous  le  registre.  (Mar- 
ciana,  1375.) 

1514 

Recetario  de  Galieno  Optimo  e  probato  a  lutte  le 
infirmita  che  achadono  a  Homini  &  a  Dône  de  dentro 


54  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

&  di  fuora  li  corpi.  Tradutto  in  Vulgare  Per  Maestro 
Zuane  Saracino  Medico  Excellentissimo  Ad  Instantia 
De  lo  Imperatore.  Cum  Gratia  &  Priuilegio. 

In-4o  de  31  ff.  ch.  Bois  au  frontispice,  représentant  à 
gauche  un  apothicaire  préparant  des  médicaments,  à 
droite  un  médecin  (?)  écrivant  avec  trois  autres  person- 
nages. Cette  figure  est  ombrée.  Au  recto  du  f.  7,  l'homme 
anatomique  ;  au  verso  du  même  f.  la  table  de  la  lune, 
Init.  fleuronnées  et  la  marque  de  l'imprimeur.  A  la  fin  : 
Stâpato  in  Venetia  p  Georgio  druscôi  Milanese  adi,  15  de 
Aprile.  i5ii. 

1524.  —  Recettario  di  Galieno  Optimo  e  probato  a 
iiiite  le  infirmita  che  achadono  à  Huomini  et  a  Done 

di  dentro  et  di  fuori  li  corpi.  Et Tradutto  in  vul" 

gare  per  maestro  Zuane  Saracino  Medico  Excellentis^ 
simo  ad  instantia  de  lo  Imperatore. 

,  In-8o  ;  caractères  gothiques  à  deux  colonnes.  Au-des- 
sous du  titre,  un  bois  représentant  un  malade  avec  trois 
médecins.  A  la  fin  :  In  Uenetia  per  loane,  tachuino  de 
Trino.  Anna  dni  D.M.xxiiij  a  di  16.  nouebrio,  (Molini... 
Opérette...  p.  164.) 

1514 

Dati  (Juliano).  Incomincia  la  passione  de  Christo 

» 

hystoriata  in  rima  vulgare  secundo  che  recita  e  repré- 
senta de  parolla  a  parolla  la  dignissima  compagnia 
de  lo  confallone  de  lalma  citta  de  Roma  lo  venerdi 
sancto  in  lo  amphitheatro  fabricato  da  Tito  et  Domi- 
tiano  Imperatori  il  quai  loco  hoggi  di  se  chiama 
Colloseo. 

In-8"  de  32  fl*.  non  chiffrés  registres  de  A.  à  H.  ;  caractères 
romains.  Au  frontispice  un  petit  bois  tiré  en  rouge  ;  au 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  55 

verso  une  Crucifixion  occupant  toute  la  page  :  les  Marie 
au  pied  de  la  croix  pleurent  la  mort  du  Sauveur.  31  petites 
vignettes  rappelant  divers  épisodes  de  la  vie  et  de  la 
mort  du  Christ.  A  la  fin.  Finita  la  representatione  délia 
passione  composta  per  miser  Iuliano  Dati  Florentino  e 
per  miser  Bernardo  di  maistro  Antonio  Romano  e  per 
miser  Mariano  particappa.  Impressa  Venetia  per  Zorzi 
rii  Rusconi  milanese  ne  lanno  del  nostro  signor  mille  e 
cinquecento  e  quatordeci.  A  di  jj  de  zugno.  (Bibliothèque 
Nationale  de  Florence  ;  C.  Battines,  page  20). 

1519.  —  Incomincia  la  passione  de  Chrisio  Hisio^ 
riaia  in  rima  vulgare  secundo  che  recita  e  représenta 
de  parole  a  parola  la  dignissima  compagnia  delà 
confallo  ne  Roma  Venerdi  sancto  in  lo  loco  dicta 
Coliseo. 

Petit  in-8,  signatures  A-Diiii,  lettres  rondes,  figures  sur 
bois.  A  la  fin  :  Finita  la  representatione  delta  passione 
cdposta  per  Misser  Iuliano  Dati  Florentino  e  p  Misser 
Bernardo  di  maestro  Antonia  Romano  e  per  misser  Me- 
riano  Particappa...  Impressa  in  Venetia  per  Alexandro  di 
Bindoni,  1519,  adi  1  agosto.  (Brunet,  vol.  II,  col.  530.  Cat. 
Soleinne,  dernière  partie  n®  356). 

1525.  —  Rappresentazione  délia  passione  di  Icsu 
Xpo. 

Petit  in-8  signature  A-F  4  ;  avec  figures.  Cette  édition 
se  termine  par  Resurrettione  di  Christo  historiata  in 
rima  vulgari.  Le  colophon  porte:  Vineggia per  Francesco 
di  Alex.  Bindoni  et  Mapheo  Pasyni.  1525.  [Bihliografia 
de  C.  Battines,  page  2i.)  —  Brunet  T.  II  col.  530.  —  Cat 
Soleinne  T.  IV,  n^  4020). 


56  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


1514 


Incomincia  il  libro  vulgar  dicto  la  Spagna  in  qua- 
ranta  caniare  diuiso  doue  se  traita  le  battaglie  che 
fece  Carlo  magno  in  la  prouincia  de  Spagna. 

In-4%  de  96  ff.  (a-m,  par  8).  Car.  goth.  à  2  col.  Au- 
dessous  du  titre,  une  figure  sur  bois,  représentant  Charle- 
magne  chevauchant  à  la  tête  de  son  armée  ;  au  fond,  une 
forteresse.  Ce  bois,  est  légèrement  ombré,  tandis  que  les 
51  autres,  intercalés  dans  le  texte,  sont  à  simples  contours. 
Le  dessin  de  ces  gravures  est  fort  raide.  A  la  fin  :  Finito 
il  libre  cbiamato  la  Spagna  Impresso  i  Venetia per  Guielmo 
da  Fontane.  Nel  M.CCCCC,  Xiiij.  adi,  ix.  de  setembrio. 
(Bibliothèque  de  M.  de  Landau). 

La  Bibliothèque  Nationale  (Rés.  Y  3539)  possède  un 
exemplaire  de  ce  livre  in-4,  en  caractères  ronds,  Questa 
sie  la  Spagna  Historiata,  Au-dessous  du  titre  bois  ombré, 
avec  des  noirs  très  accusés,  qui  ne  semble  pas  vénitien  : 
des  guerriers  à  cheval,  qu'une  rivière  sépare  d'un  chef 
assis  sur  un  trône  ;  dans  le  fond  la  mer  ;  au  2*  feuil.  bois 
au  trait  :  un  prince  sur  son  trône  entouré  de  chevaliers. 
Dans  le  texte,  nombreux  petits  bois  dont  plusieurs  em- 
pruntés aux  publications  vénitiennes,  entre  autres  au 
Tite  Live.  Le  colophon  et  la  fin  manquent.  Au  dernier 
feuillet  :  Questa  sie  gano  traditore  (V.  Brunet  t.  V,  coL 
471.  Tosi  page  277). 

1514 

Sola  virtus  fior  de  cose  no  \  bilissime  e  degne  de 
di  I  uersi  Auctori  cioe  So  \  netti  :  Capituli  :  Epi  \ 
stole  :  Egloghe  :  Dispe  \  rate  :  e  vna  côtra  dispera  \ 
ta  :  Strôbotti  e  Barzelette. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  57 

Petit  in-8*,  48  feuillets,  lettres  goth.  Au-dessous  du  titre 
un  bois  légèrement  ombré,  trois  personnages  donnant  une 
sérénade  à  une  dame  que  Ton  aperçoit  à  sa  fenêtre  à 
droite  ;  vignette  médiocre.  A  la  fin,  page  48,  Impressa  in 
Venetia  per  Simone  de  Luere.  M.  D.  XIIII.  Adi.  XIIIL 
Octobrio,  (Marciana  2429). 


1514 


Caracciolo  de  Litio  (Frate  Roberto).  Prediche  de 
frate  Roberto  uulgare  noua  \  mente  hystoriate  et 
corepte  secundo  \  li  Euangelii  che  se  contengono  \  in  le 
ditte  prediche. 

In-4*,  de  120  fF.  sig.  a-p  (par  8  fiF.).  Au-dessous  du  titre 
gotb.  mauvais  bois  ombré,  de  la  largeur  de  la  page  :  le 
Christ  apparaissant  à  cinq  personnages,  deux  à  gauche  et 
trois  à  droite  ;  48  petits  bois,  qui  presque  tous  sont  tirés 
de  la  Bible  de  Mallermi  ;  un  cependant  est  emprunté  au 
Legendario  de  1494  ;  les  autres  que  nous  croyons  origi- 
naux, sont  ombrés  et  traités  à  la  manière  florentine,  avec 
des  noirs  très  accusés,  dans  les  terrains  et  les  coiffures 
surtout.  Verso  du  dernier  feuillet  :  Finisse  il  quadragesi- 
maie  del  nouello  Paulo  frate  Roberto  fado  ad  complacëtia 
etc.,  —  Impresso  in  Venetia  per  Augustino  de  Zanni  da 
portese.  Adi.  Viii.  Nouëbrio.  M. D. XIIIL 

1524.  —  Prediche  de  Fra  Ruberto  Vul  \  gare 
Nouamente  Hystoria  |  te  e  correcte  secondo  li  |  Euan- 
gelii che  se  cô  \  gono  in  le  dicte  \  Prediche. 

In-4®,  8  feuillets  par  cahier  ;  sous  le  titre,  bois  ombré  de 
forme  circulaire,  représentant  Caracciolo  écrivant  à  son 
pupitre  ;  la  circonférence  est  inscrite  dans  im  carré,  et 
l'espace  compris  entre  elle  et  les  angles  du  carré  est  au 
pointillé  noir  avec  un  petit  ornement  blanc  ;  la  page  est 


58  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

entourée  d'un  ornement  à  fond  noir  avec  les  deux  lions 
dos  à  dos  dans  la  partie  inférieure .  48  petites  vignettes  sans 
valeur  artistique,  de  la  même  main  que  le  bois  du  titre  ; 
la  taille  est  épaisse  et  sans  finesse.  A  la  fin  :  Impresso  in 
Venetia  p  loâne  Tacuino  da  Trino,  Nel.  M,D.XXIIIL  AdL 
VIII  de  Agosto.  Suit  le  registre.  (Marciana  1407.) 

1514 

Marci  Valerij  Martialis  epigrammata. 

ïn-folio  ;  au-dessous  du  titre,  le  Saint  Georges  perçant 
le  dragon  de  sa  lance,  avec  la  signature  F.  V.  Encadre- 
ment  composé  de  petits  blocs,  rinceaux,  puttiy  etc.  -^ 
Après  la  table,  feuillet  ÏV,  Amphiiheatrum  Caesaris,  bois 
ombré  médiocre,  répété  au  verso  ;  verso  du  feuillet  VII, 
bois  rectangulaire,  ombré  :  un  personnage  (Martial  ?), 
ofire  son  livre  à  un  autre  personnage  (l'Empereur?), 
portant  une  couronne  de  lauriers  sur  la  tête  et  assis  sur 
une  estrade  ;  nombreux  personnages  ;  au-dessus  et  au- 
dessous  de  cette  gravure,  un  grand  bois  à  fond  noir  avec 
ornements  blancs;  dans  la  partie  supérieure,  une  sirène; 
dans  la  bande  inférieure  des  dauphins  ;  emprunté  au 
Supplementiim  chronicarum  de  1506.  14  bois  très  médio- 
cres, dont  quelques-uns  imités  de  la  Bible  de  Mallermi  ou 
du  Tite-Live,  Impressum  Venetiis  per  Georgium  de  Rusca- 
nibus  Mediolan.  Anno  dni.  M.  D.  XIIIL  Die  V  Decëbris. 
Puis  le  registre. 

1521.  —  il/.  Val.  Martialis  Epigrammation. 

In-folio  ;  encadrement  ombré;  feuillet  VII,  mauvais  bois 
de  la  largeur  de  la  page  :  dans  un  bosquet,  Martial,  assis, 
couronné  par  une  Muse  ;  14  petits  bois,  ceux  de  l'édition 
de  1514.  Verso  136,  Venetiis  per  Guilielmum  de  Fontaneto 
Montis  ferrati,  Anno  Domini.  M.  D.  XXI.  Die  V  Nouem- 
bris...  Suit  le  registre. 


LIVRES    A   FIGURES    VÉNITIENS  59 

1514 

Jacopone  da  Todi.  —  Laude  de  lo  coniemplathio 
e  extatico  \  B.  F.  lacopone  de  lo  ordine  de  lo  \  Sera- 
phico  S.  Francesco. 

In-4o  ;  8  feuillets  préliminaires,  128  chiffrés  ;  figures  sur 
bois.  Â  la  fin  :  Venetiis  per  Bernardinum  Benalium  Ber- 
gomensem,  Anna  Dni.  15ii.  Die  quinte  Mensis  Decembris. 
(Cat.  de  M.  de  Landau,  p.  263). 

1514 

Theorica  et  Pratica  perspicacissimi  Sigismnndi 
de  Fantis  Ferrariensis  in  artem  mathematice  profes-^ 
sorts  de  modo  scribendi  fabricandique  omnes  littera- 
rum  species,  Cum  Gratia  &  Priuilegio. 

In-4o  ;  8  fF.  lim.  et  68  fF.  sign.  A,  J.  (par  8,  à  Texception 
de  C  qui  est  en  4  fF.)  Car.  rom.  Bois  au-dessous  du  titre 
(la  manière  de  tenir  la  plume).  Une  gravure  pareille  se 
trouve  au  verso  du  8®  f.  et  est  répétée  au  recto  de  B  2» 
Belle  bordure  à  fond  noir,  des  Prediche  délie  Feste  de 
Savonarole  (1513),  et  grande  initiale  gravée  au  verso  du 
2«  f.  préliminaire,  répétée  au  r.  de  A  1,  au  verso  de  D  1, 
au  V.  de  F2,  et  au  v.  de  H  i.  Verso  du  8^  f.  un  torse  avec 
les  mains.  Tune  écrivant,  l'autre  tenant  le  papier.  A  6  v  : 
bois  représentant  le  nécessaire  du  copiste,  qui  se  compose 
d'une  plume,  d'un  encrier  (en  forme  de  calice),  d'un 
couteau,  d'une  paire  de  ciseaux,  d'un  compas  et  d'une 
règle.  A  la  suite,  des  figures  géométriques,  un  alphabet 
de  lettres  ce  modernes  y>  (goth.  minuscules),  un  autre  de 
lettres  françaises  [littera  gallica,  minuscules),  et  un  troi- 
sième de  majuscules  ce  antiques  d  (majuscules  romaines). 
Vers  la  fin,  une  gravure  représentant  la  manière  de 
1  doubler  »   les  lettres.  Initiales  fleuronnées.  A  la  fin  : 


60  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Impressum  Venetiis  per  loannem  Rubeum  Yercellésem, 
Anno  Domini,  M,  CCCCC,  xiiii.  Kalen.  Decembris,  (Biblio- 
thèque Landau  et  Bibl.  Nat.  Rés.  V.  1457). 

1514.  —  Sigismundi  de  Fantis  prœclarissimus  liber 
elcmentorum  litterarum. 

In-4"  ;  ouvrage  écrit  en  italien  quoique  sous  un  titre 
latin.  Les  pages  sont  entourées  de  bordures  et  donnent  la 
proportion  mathématique  des  lettres.  Â  la  fin  :  Venetiis, 
per  Joannem  Rubeum,  1514.  (Brunet,  t.  II,  col.  1178). 

1514 

K.  C.  M.  H.  Eremita,  S,  D,  Au  dessous  :  Inspiritto 
Diueta  Humilita  e  mansuetudine  pace  e  salute  a  noi 
sia  sempre  nel  Signore  figliola  mia  in  Christo  lesu 
obseruandissima. 

Pet.  in-8o  de  10  fiF.  Au  recto  du  premier  feuillet,  charmant 
petit  bois  au  trait,  du  style  b  :  saint  Jérôme  à  genoux  au 
pied  de  la  croix;  à  droite  le  lion;  dans  le  fond  une  biche 
et  une  église  ;  recto  du  10^  feuillet  :  Venetiis,  per  Simonem 
de  Luere.  M.  D.  XIIII.  Cet  imprimeur  Simon  de  Luere 
employait  encore  de  1510  à  1514,  des  graveurs  au  trait 
fort  habiles,  comme  nous  l'avons  vu  à  propos  du  Trac- 
tatulus  ualde  utilis  de  1510.  (Marciana  70992). 


1514 


Régule  de  la  vita  Spirituale  et  Sécréta  \  Theologica  : 
Compilate  per  el  iî^°  Pa  \  tre  Dom  Pietro  da  Luca 
Canoni  \  co, 

In-4o  ;  titre  gothique,  texte  en  lettres  rondes,  31  feuillets 
numérotés  ;  au-dessous  du  titre,  une  Crucifixion,  déjà 
citée  à  propos  de  Eleutherii  Leoniceni  vicentini  CanOm 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  61 

Regul.  Carmen  in  funere  dhi  nostri  Jesu  Christi,  de  1513, 
du  même  imprimeur.  Au  verso  du  31^  feuillet  :  In  Venetia 
per  Simone  de  Luere,  M.  CCCCC.  XIIIL  Le  registre  suit. 
(Marciana  2595). 


1515 

Stanze  bellissime  et  ornatissime  intitulate  le  Selue 
damore  Composte  dal  Magnifico  Lorenzo  di  Piero  di 
Cosimo  de  Medici,  opéra  nuoua. 

Petit  in-8«,  titres  encadrés  de  vignettes  sur  bois  ;  une 
figure  sur  bois  au  bas  de  Tavant-dernier  feuillet.  Stampata 
in  Venetia  per  Georgio  di  Rusconi  Milanese,  ad  instantia 
di  Nicolo  Zopino  e  Vicenzo  compagni,  a  di  xiiii  Marzo 
MCCCCCXV.  Cette  édition  ne  contient  que  la  seconde 
partie  commençant  ainsi  :  Dopo  tanti  sospiri.  (Catalogue 
Yemeniz,  page  335.  Brunet,  T  III.  col.  1570). 

1515 

Lotharius.  —  Opéra  nouamente  composta  del  dîs- 
preza  \  mèto  del  mondo  in  terza  rima:  e  hystoriata,  \ 
Partita  in  capitulL  xxxii.  e  uno  ternale  de  \  la  nostra 
dona  del  unico  Aretino.  Au  verso  du  titre  :  Questo 

libro reducto  di  latino  in  vulgare  î  terza  rima  p 

me  Frate  Augustino  da   Colona  d'  lordine  di  sco 
Augustino. 

Petit  in-8o  ;  au-dessous  du  titre,  bois  ombré  :  quatre 
personnages,  les  pieds  sur  la  terre  et  la  tête  touchant  les 
nuages  :  un  vilain,  un  empereur,  un  pape  et  un  noble, 
ayant  leurs  qualités  indiquées  par  leur  coiffure,  respecti- 
vement placée  à  leurs  pieds;  au  verso,  au-dessus  du 
texte,  la  marque  de  Zopino  avec  S.  N..  33  jolies  petites 
vignettes  légèrement  ombrées  ;  elles  sont  toutes  de  la 


62  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

même  main  et  un  grand  nombre  signées  C.  Les  feuillets 
D.iii  verso  et  recto  portent  sur  un  coffre  les  deux  lettres 
/.  C.  séparées  par  une  sorte  de  balustre  que  nous  avons 
déjà  vues  dans  le  Dante  de  1512  et  le  Pétrarque  de  1513, 
l'un  et  Tautre  de  Stagnino.  Tous  ces  bois  étant  du  même 
dessinateur,  il  est  évident  que  les  diverses  signatures 
que  nous  venons  de  relever  sont  celles  du  tailleur  sur 
bois.  A  la  fin,  après  la  table  :  Stampata  in  Venetia  per 
Georgio  de  Rusconi  Milanese  ad  instantia  de  Nicolo  Zopinb 
e  Vicenzo  compagni  Nel.  M.  D,  XV.  Adi.  XII  de  Zugno. 
(Marciana  2417.) 

Brunet,  vol  3,  col.  1180,  ne  cite  pas  cette  édition;  il  ne 
parle  que  de  celles  de  1517  et  1520  avec  fig.  sur  bois. 

1517.  —  Lotharius.  —  Opéra  nouamente  composta 
del  disprezamento  del  mondo  in  terza  rima  et  hysto- 
riata...etc...  Au  verso  du  titre  :  Questo  libro,... 
reducto  î.  terza  rima  p,  me  Fraie  Augustino  da 
Colona,  d'  lordine  di  Sancto  Augustino.  El  ç'*  libro 
gia  sece  (pro  fece)  Innocètio  Papa  tertio.... 

In-8o,  figures  sur  bois.  A  la  fin  :  in  Venetia  p.  Gregorio 
de  Rusconi  Milanese  ad  instâtia  de  Nicolo  Zopino  et  Vicenzo 
côpagni.  Nel  M.  D.  XVII.  Adi  v.  de  Magio.  (Molini..* 
Opérette  p.  161.  Brunet,  T.  III,  col.  1180). 

1520.  —  Opéra  nouamente  composta  del  dispreza- 
mento del  mondo  in  terza  rima  e  hystoriata. 

Petit  în-8«,  fig.  sur  bois.  A  la  fin  :  Venetia,  Nie.  Zopino 
e  Vincentio  compagne,  1520.  (Brunet,  vol.  3,  col.  1180).  Il 
est  très  vraisemblable  que  ces  deux  dernières  éditions 
t)nt  les  mêmes  bois  que  la  précédente. 

1524.  —  Opéra  nouamente  composta  del  Despreza- 
mento  del  mondo  in  terza  rima  :  et  hystoriata... 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  63 

In-8o  figures  sur  bois.  Stampata  nella  inclita  citta  di 
Venetia  per  Nicolo  Zopino  e  Vicentio  compagno  nel 
ilDXXIIII,  a  di  X  Nouembrio,  (Catalogue  Yemeniz, 
page  336). 

S.  L.  N.  D.  —  Opéra  novamente  composta  del 
disprezamento  del  mondo  in  terza  rima  et  hystoriata. 

Ce  livre  de  Colonna  n'est  que  la  traduction  de  Touvrage 
de  Lotharius  intitulé  Liber  de  miseria  humanœ  Côdicionis. 

M.  Barrisse  :  Excerpta  Colombinianes,  page  198,  cite 
une  édition  qui  paraît  conforme  à  cette  dernière,  quoique 
le  titre  ne  soit  pas  identique. 


1515 


Opéra  noua  del  magnifico  caualiero  misser  Antonio 
Phileremo  fregoso  î  titulata  Cerua  Biancha, 

Petit  in-8«  ;  titre  gothique,  le  texte  en  caractères  ronds. 
Au-dessous  du  titre,  bois  ombré  médiocre,  représentant 
une  biche  à  côté  d'une  pièce  d'eau  ;  dans  le  fond  un 
rocher  de  chaque  côté,  et  un  arbre  au  milieu.  A  la  fin  : 
Stampata  in  Venetia  per  Alexandre  di  Bindoni,  M,  D,  XV. 
Adi,  xi,  Octub.  (Marciana  2418). 

Brunet  ne  cite  pas  cette  édition.  La  première  qu'il 
signale  à  Venise  est  de  M.  Sessa,  1516.  Il  n'indique  pas 
si  le  bois  s'y  trouve  (vol.  2,  col.  1388). 

1521.  —  Opéra  nova...  Intitulata  Cerva  biancha. 

Petit  in-8o  ;  lettres  cursives.  Au-dessous  du  titre,  bois 
ombré  :  un  chasseur  avec  deux  chiens,  Pensier  et  Desio^ 
poursuit  la  Cerua  Biancha;  dans  le  fond  une  forêt.  A  la 
fin  :  Stampata  in  Venetia  per  Nicolo  Zopino  e  Vincétio 
côpagno...  Nel.  M.  D.  XX.  I.  Adi.  xvii.  del  mese  di  Agosto. 
(Marciana  2166). 


64  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1525.  —  Opéra  nova  del  magnifico  cavaliero  messer 
Antonio  Philaremo  Fregoso  intitolata  Cerva  biancha, 
Corretta  novamente. 

In-4o  de  40  ff.  non  chiffrés  ;  caract.  cursifs  ;  registres  de 
Aii-Kii.  Au  frontispice,  une  gravure  ombrée,  représentant 
la  chasse,  de  l'édition  précédente.  A  la  fin  :  Stampato 
nella  inclyta  Citta  di  Venetia  per  Nicole  Zopino  de  Aristo^ 
tile  de  Ferrara,  Del  MCCCCCXXV.  Adi  XXII  de  marzo. 
Régnante  lo  inclyto  Principe  messer  Andréa  Gritti.  (Biblio- 
thèque Nationale  de  Florence). 

1515 

Postula  Giiillermi  super  epi  \  stolas  et  euàgelia  :  de 
tépore  :  \  et  de  sanctis  :  et  pro  defunctis.  De  passiôe 
domi  I  ni  nostri  lesu  christi  :  \  et  de  planetu  Bea  \  te 
Marie  vir  \  ginis. 

In-4o;  go  th.,  2  tomes  en  1  vol.  de  106  et  89  feuillets 
chiffrés,  gra\'ures  ombrées.  Les  40  vignettes  de  ce  livre^ 
d'une  très  petite  dimension,  ne  sont  pas  marquées  du 
cachet  de  l'école  italienne,  mais  elles  sont  très  fines  et  très 
naïves.  On  pourrait  même  supposer  qu'elles  sont  gravées 
en  relief  sur  cuivre.  Quelques-unes  se  répètent.  A  la  fin  : 
Cum  diligentia  reuisa  :  ac  impensis  dni  Lace  antonii  de 
giunta  florentini  :  Per  magistrum  lacobum  pentium  de 
Leuco  :  in  florentissima  Uenetiarum  urbe  impressa  sah 
annis  Dni  MD  V  die  Vi  Novembris.  (Didot.  Cat.  raisonné, 
col.  cxxj). 

1515 

Opéra  noua  de  Zoan  Francesco  Straparola  da  Ca-- 
rauazo  nouamente  stampata, 

.  In-8o  ;  sous  le  titre,  mauvais  bois  ombré  :  au  premier 
plan,  l'auteur  à  genoux,  couronné  par  une  femme  assise;. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  65 

derrière  eux  quatre  personnages,  dont  un  joue  de  la  gui- 
tare ;  bois  emprunté  au  frontispice  de  V  Opéra  Notm  del 
Fecûdissimi  G,  Pietro  Pictore  Arretino  du  22  Janvier  1512 
et  qui  reparaîtra  au  titre  du  Compedio  de  Cose  noue  de 
Vicenzo  Calmeta,  publié  par  Rusconi,  en  janvier  1516.  A 
la  fin  :  Stampata  in  Venetia  per  Alexandre  di  Bindonû 
M,  D,  XV,  AdL  XV,  Novembris,  (Marciana  2432). 

1515 

Doctrina  del  ben  morire  composta  per  el  R.  P. 
Dam  Petro  da  Lucha  ;  con  moite  utile  resolutione  de 
alchuni  belli  dubij  Theologici. 

In-4o  ;  9  bois,  dont  dont  un  sur  le  titre  ;  2  sont  relatifs  à 
YArs  Morinedi.  Venetia^  Simone  de  Luere^  1515.  (Tross, 
1876,  p.  80,  no  739). 

1515 

Savonarola  (Mich.)  Libretto  de  lo  excellentissimo 
physico  maistro,,.:  de  tutte  le  Cose  che  se  manzano 
comunamente  pin  che  comune  ;... 

In-4  ;  Crucifixion  au  verso  du  titre.  Venetia,  per  Ber- 
nardine Benalio  1515.  (Libri,  1859,  page  328.  Brunet, 
tV,col.  173.) 

1515 

San  Pedro  (Diego  de).  Carcer  damore  traducto  dal 
magnifîco  mi  \  ser  Lelio  et  Manfredi  ferrarese  de 
idioma  \  spagnolo  inlingua  materna  :  novamen  \  te 
slampato.  Cum  Gratia. 

In-8o,  au-dessous  du  titre,  un  bois  ombré  d*une  exécu- 
assez  médiocre  :  le  poète  assis,  de  face,  la  main  gauche 

1891  5 


66  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

jsur  un  livre,  parait  inspiré  ;  un  ange,  planant  au-dessus- 
de  lui,  soutient  une  couronne  au-dessus  de  sa  tête.  A  la 
fin  :  Stâpata  î  Venetia,  1515. 

1521.  —  Carcer  d'amor. 

.    Petit  in-8o  ;  Venet,,  Bernardino  de  Viano,  1521. 

Réimprimé  à  Venise,  en  1525  (Cette  édition  n'a  ni 
figures  ni  marque  d'imprimeur,  elle  est  de  Gregorius  de 
GregoriisJ,  1530,  1533,  1537,  1546,  1553,  etc.,  pet.  in-8o. 
Plusieurs  de  ces  éditions  ont  des  gravures  sur  bois. 
Brunet,  vol.  5,  col.  112.) 

1515 

Bonaventura  de  Bria  (Fr.).  Régula  musice  plcme. 

Pet.  in-8o,  lett.  rondes,  fig.  sur  bois  au  titre  et  musique 
notée.  Impresso  in  Venetia,  per  Georgio  de  Rusconi  Mila- 
nese,  Nelli  anni  M.  D.  XV, 

L'édition  de  Brescia  1500,  que  donne  Brunet  comme 
la  première  de  ce  rare  opuscule,  est  un  pet.  in-4o,  goth., 
de  16  fl*.  (Deschamps,  vol.  2,  col.  990.) 

1524.  —  Régula  musice  plane  uenerabi  \  lis  fratris 
Bonauenture  de  Brixia  ordinis  Minorum. 

'  Petit  in-S»,  de  32  ff. ,  lettres  rondes,  cahiers  de  8  feuillets  ; 
au-dessous  du  titre,  bois  ombré  réprésentant  huit  chantres 
devant  un  pupitre,  où  se  trouve  un  livre  de  musique  ; 
bois  médiocre,  de  taille  un  peu  commune  et  manquant 
de  finesse;  verso  Aiiii,  main  harmonique,  avec  les  lettres 
F.  B.  en  monogramme  ;  lettres  ornées  à  fond  noir  ;  musi- 
que ;  au  dernier  feuillet  :  Impressa  in  Venetia  per  lo. 
Francisco  et  lo.  Antonio  de  Rusconi  Fratelli.  Nelli  anni 
del  signore.  M.  D.  XXIIII.  adi,  x^Octobrio..,  Au-dessous^ 
le  registre  ;  au  verso,  petit  bois  ombré,  représentant  saint 
Georges  tuant  le  dragon  ;  au-dessous,  la  marque  noire 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  67 

en  forme  de  circonférence  avec  les  lettres  F.  &  A,  k 
gauche  du  rayon  vertical,  R.  à  droite,  M.  au-dessous  du 
diamètre  horizontal.  (Librairie  Rosenthal.) 


1515 


Arcadia  del  dignissimo  homo  Messer  lacomo  San-' 
nazar,.,  nouamente  stampata;  et  diligentemente  cor- 
recta. 

Petit  in-4o .  sur  \q  titre,  un  bois  ombré  médiocre,  repré- 
sentant dans  une  forêt  un  faune  portant  une  statuette  de 
femme  nue  dans  la  main  droite  et  un  bouclier  dans  la 
gauche  ;  de  chaque  côté,  un  personnage  ;  ce  bois  se 
retrouve  en  tète  de  Opéra  noua  de  Callenutio  de  1517.  A 
la  fin  :  Venetia  ad  instantia  de  Gregorio  de  Riisconi  mila- 
nese  Nel.  M,  D.  XV.  (Molini,  Opérette,  p.  160  et  Brunet  vol. 
5,  col.  129). 

1521.  —  Arcadia  del  dignissimo  homo  messer 
lacobo  Sannazaro  gentihvomo  napolitano. 

Pet.  in-8o,  titre  encadré  d'un  ornement  ombré  ;  au 
verso,  bois  ombré  de  1515.  A  la  fin  :  Stampata  in  Venetia 
per  Nicolo  Zopino  e  Vincentio  compagno  nel  M.  D.  xxi  adi 
xix,  de  Decembrio.  Sur  le  recto  suivant,  marque  de 
Zopino.  (Marciana  6410). 

1522.  —  Arcadia  del  dignissimo  homo  Messer 
lacomo  Sannazaro  Gentilhuomo  Napolitano.  Noua- 
mente  stampata  et  dilgentemcnte  Cor  recta. 

In-8o,  caractères  gothiques  avec  registre  A-I.  Sur  le 
frontispice,  une  gravure  sur  bois.  A  la  fin  :  Impresso  in 
Venetia  per  Zoanne  Francisco  et  Antonio  fratello  di  Rus- 
coni  nel  Anno  del  Signore  M.  ccccc.  xxij  die  xx  Zugno. 
X Molini...  Opérette...  p.  164). 


68  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

1524.  —  Arcadia  del  dignissimo  homo  messer 
lacobo  sannazaro  gentilhuomo  napolitano. 

In-8o  ;  signatures  A.  I.  8  feuillets  par  cahier,  sauf  1  qui 
en  a  12  ;  lettres  rondes  ;  titre  encadré  d'un  joli  entou- 
rage légèrement  ombré,  avec  deux  putti,  aux  extrémités 
de  la  partie  inférieure  ;  nous  le  retrouvons  dans  le 
Laberinto  d'amore  de  Boccace  de  1525  ;  au  verso  du  titre, 
bois  décrit  à  propos  de  l'édition  de  1515.  A  la  fin  la 
marque  de  Zopino,  avec  la  femme  à  genoux  et  au-des- 
sous le  colophon  :  Stampata  nella  inclita  Citta  di  Venetia 
per  Nicolo  Zopino  e  Vicentio  compagno.  M,  D.  xxiiiL 
AdL  X  de  Settébrio,  (Bibl.  de  l'Arsenal  4187.  B.  d.). 

1515-1516 

« 

Apocalipsis  iesu  christi.  Hoc  est  reuelatione  fatta  a 
sancto  giohanni  eiiangelista,  ciim  novo  expositione: 
in  lingua  volgare  coposta  per  el  reuerendo  theologo 
ed  angelico  spirito  frate  Federico  veneto  Ordinis  pre- 
dicatorum. 

In-folio  ;  titre  rouge  et  noir  gothique,  entouré  d'un 
ornement  fait  d'entrelacs  affectant  en  quelque  sorte  le 
style  arabe,  sur  fond  noir  pointillé  ;  nombreuses  lettres 
ornées  du  même  style  ;  2  feuillets  préliminaires  en  petits 
caractères  Paganini  ;  XCI  feuillets  (de  8  fF.  par  cahier) 
pour  la  première  partie  en  plus  gros  caractères  Paganini  ;  * 
16  feuillets  pour  la  seconde  partie,  dont  le  texte  est  go- 
thique ;  le  verso  du  dernier  feuillet  de  la  première  partie 
porte  un  colophon  :  Qui  finisse  la  expositione  del  reue» 
rendo  theologo  frate  Federico  veneto  nelle  prophétie  :  ouer 
reuelationi  de  S.  Giouanne  ditte  Apochalypsis  nouamen" 
ie  deducte  in  luce  per  Alexandro  Paganino  in  Venetia  déU 
M.D,XV,  Adi,  VIL  de  Aprile  ;  le  registre  suit.  Laseconde par- 
tie  commptice   par  APOCHA  |  lypsis  ihesv  \  christij  au- 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  69 

dessus  d'une  g^a^^l^e  représentant  Jésus  dans  la  barque 
signée,  z.  a.;  avec  cette  légende  en  lettres  rondes, 
FLVCTV^A  I  bitsednonde  \  mergetur  ;  au  xerso  commence 
le  texte  gothique  :  Incipit  prologus  in  Apocalypsim..,  Les 
rectos  des  feuillets  suivants  sont  occupés  par  les  grands 
bois,  le  texte  latin  gothique  occupant  les  versos  des  pages  ; 
au  verso  de  la  quatorzième  g^a^'u^e,  à  la  fin  du  chapitre 
XXII  :  Impressa  per  Alex,  Pag.  Anno  a  natiui,  domini. 
M,D,XVL  Le  verso  du  quinzième  bois  est  blanc.  Voici  la 
description  de  ces  célèbres  copies  empruntées  en  partie  à 
Y  Albert  Durer  de  Thausing,  traduit  par  M.  G.  Gruyer 
(p.  186  et  s.)  :  l^^"*  bois.  Martyre  de  saint  Jean  Vévangé- 
liste,  auquel  assistent  l'empereur  Domitien  et  au  dernier 
plan  de  nombreux  spectateurs  ;  saint  Jean  est  à  gauche, 
Domitien,  tenant  son  sceptre,  adroite  ;  signé  dans  le  bas 
à  droite,  r.  A\  D.  Copie  retournée  d'après  Albert  Durer. 
2«  Vocation  de  saint  Jean,  sans  signature  ;  ici  Dieu  le  Père 
tenant  une  clef,  de  la  main  gauche,  au  Heu  d'un  livre,  est 
debout,  au  lieu  d'être  assis,  et  saint  Jean  couché  dans  les 
nuages  regardant  Dieu,  au  lieu  d'être  à  genoux,  les  mains 
jointes  et  la  tête  baissée.  3^  Portes  ouvertes  de  la  voûte 
céleste.  Même  sujet  que  dans  Durer,  mais  retourné.  Le 
trône  de  Dieu  dans  une  mandorla  entouré  des  vingt- 
quatre  vieillards  ;  l'agneau  qui  doit  ouvir  le  livre  aux  sept 
sceaux  placé  sur  les  genoux  de  Dieu  est  tourné  à  gauche  ; 
le  paysage  du  bas  est  mal  copié.  Signé  en  bas  à  gauche 
/.  A,  4*  Les  quatre  cavaliers  apocalyptiques.  Copie  retour- 
née des  plus  médiocres  ;  au  lieu  du  trident  le  4^  cavalier, 
la  Mort,  tient  une  faux.  5®  Louverture  du  cinquième  et  du 
sixième  sceau  ;  retournée  :  6^  les  quatres  anges  qui  re- 
tiennent les  vents  et  l'apposition  de  la  croix  sur  le  front 
des  cent  quarante-quatre  mille  saints.  7^^  Distribution  des 
trompettes  aux  sept  anges,  et  des  plaies  dont  les  cinq  pre- 
mières firappent  le  monde.  Copie  retournée.  8<^  Les  quatre 
anges  tuant  la  troisième  partie  de  V Humanité  ;  dans  le 


70  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

haut  Dieu  le  Père  tenant  des  trompettes  ;  copie  retournée; 
dans  le  bas  à  droite  /.  A.d^  Lange  tend  à  Saint  Jean  le 
livre  pour  qu'il  le  dévore  ;  copie  retournée.  lO  Debout 
sur  le  croissant  de  la  lune,  la  femme  revêtue  du  soleil  et 
couronnée  d'étoiles,  tandisque  le  dragon  aux  sept  têtes 
ornées  de  couronnes  menace  Tenfant  qu'elle  vient  de 
mettre  au  monde  ;  deux  petits  anges  emportent  vers  Dieu 
l'enfant  nouveau-né  ;  copie  retournée  médiocre  ;  dans  le 
coin  à  droite  en  bas.  ZOVA.  AD/?fî:A.  11^  Combat  de 
l'archange  Michel  et  de  trois  autres  anges  contre  Satan  et 
ses  dragons  qui  sont  précipités  sur  la  terre  ;  copie  retour- 
née, en  bas  à  droite  /.  A.  12®  Adoration  des  deux  monstres 
sortis  de  la  mer  ;  en  haut  le  fils  de  l'homme  assis  sur  un 
trône  et  armé  d'une  faucille  ainsi  que  l'ange  de  gauche 
prêt  à  commencer  la  moisson  sanglante  ;  copie  retour- 
née ;  à  droite  en  bas  /.  A.  IS^'  Triomphe  des  élus  :  un 
apôtre  agenouillé  au  sommet  de  la  montagne  de  Sion, 
près  de  l'agneau  qu'entourent  les  4  animaux,  24  vieil- 
lards et  les  144  élus  ;  copie  retournée  ;  à  droite  en  bas 
/.  A.  \¥  Babylone,  la  grande  prostituée,  au  moment  où 
elle  va  recevoir  la  punition  de  ses  crimes  ;  elle  est  assise 
sur  la  bête  aux  7  têtes,  symbole  des  7  collines,  et  lè^e 
de  la  main  droite  une  coupe  à  bossettes;  devant  elle  un. 
groupe  d'hommes  qui  lui  témoignent  peu  de  respect. 
Copie  retournée  ;  à  gauche  en  bas  /.  A.  15^  LAnge 
enfermant  pour  mille  ans,  au  fond  de  Vabime  le  dragon 
diabolique.  Copie  retournée,  signée  en  bas;  à  gauche/.  A. 
Derrière  ce  bois,  qui  est  le  dernier,  se  trouve  le  colophon. 
Ces  copies  doivent  leur  célébrité  aux  originaux  de 
Durer  qu'elles  n'interprètent  que  faiblement,  à  leur 
dimension  même,  à  l'important  ensemble  qu'elles  for- 
ment, enfin  à  la  signature  complète  Zova  Adrea  que 
porte  l'une  d'elles.  Le  tailleur,  impuissant  à  rendre  la 
forte  expression  de  Durer,  a  italianisé  et  par  suite  affai- 
bli ses  modèles  ;  mais  malgré  tout,  le  souffle  du  maître 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  71 

anime  encore  ces  infidèles  traductions.  Quant  à  la  gra- 
\'ure  du  titre,  Jésus  dans  la  barque,  comme  elle  n'est  point 
taillée  d'après  Durer,  elle  semble  au  premier  abord  d'un 
autre  graveur.  Toutefois  un  examen  plus  attentif  permet 
de  reconnaître  la  manière  un  peu  lourde  et  ronde  de 
manœuvrer  le  couteau  à  travers  le  bois  qui  est  ordinaire 
à  Zoan  Andréa.  Nous  nous  proposons  du  reste  de  con- 
sacrer à  cet  artiste,  ou  plutôt  aux  divers  Zoan  Andréa, 
une  étude  spéciale  qui  déterminera,  avec  quelque  préci- 
sion, le  rôle  du  graveur  des  copies  de  V Apocalypse. 


Duc  DE  Rivoli. 


(A  suivre.! 


REVUE    CRITIQUE 


DE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 


Nouvel  Armorial  du  Bibliophile,  guide  de  l'amateur 
des  livres  armoriés  par  Joannis  Guigard.  Paris, 
Emile  Rondeau,  1890,  2  vol.  gr.  in-8  de  XVII-390 
et  494  pp.  (Prix  :  50  fr.) 

Les  livres  de  provenance  sont  aujourd'hui,  plus  qu'ils  ne  Font 
jamais  été,   recherchés  par  les  amateurs  et  les  bibliophiles.   Un 
ouvrage,  si  médiocre  qu'en  soit  le  texte,  si  vulgaire  qu'en  puisse 
être  la   composition   typographique,    leur    devient   aussitôt    dési- 
rable quand  il  a  figuré  dans  la  collection   de   quelque   person- 
nage célèbre  et  quand  sa  reliure  en  porte,  frappés  sur  les  plats, 
les   armes   ou   les    insignes.    Un   exemplaire  aux  armes  authen- 
tiques de  François  1er,    de  Charles   IX,  de  de  Thou,  du  comte 
d'Hoym,    ou    aux   insignes    de    Grolier   et   de  Longepierre   vaut 
son  pesant  d'or.  Et,  si  à  l'habit,  qui  ne  fait  pourtant  pas  le  moine , 
à  en  croire  le  proverbe,    s'ajoute  un  intérêt  réel,  l'élégance  du 
style  ou  la  curiosité  du  livre  par  exemple,  l'objet  alors  n'a  plus 
de  prix,  et  on  le  voit  atteindre  dans  les  ventes  des  sommes  litté- 
ralement   fabuleuses.    On   se   le    dispute    avec    un    acharnement 
féroce,   et   l'heureux   vainqueur   dans   cette   lutte   à   coups    d'en- 
chères   emporte    amoureusement    l'oiseau    rare,    guetté    depuis 
combien  d'années,  pour  l'installer  avec  un   soin  jaloux   dans   le 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES  13 

nid  qu'il  lui  a  préparé  sur  le  meilleur  rayon  de  sa  bibliothèque^ 
Et  il  y  restera  sans  doute,  impitoyablement  caché  aux  regards 
indiscrets,  ou  peut-être,  au  contraire,  visiblement  exposé,  exci- 
tant la  convoitise  des  concurrents  malheureux.  Mais  on  sait  où 
il  est  ;  c'est  une  consolation  presque  ;  il  repassera  certainement 
sur  la  table  verte  de  THôtel  un  jour  ou  l'autre  et,  dès  l'iqstant, 
plus  d'un  le  guigne  en  secret,  allant  peut-être  même  jusqu'à 
souhaiter  la  ruine  sinon  la  mort  de  son  détenteur  actuel.  Car 
le  bibliophile  est  implacable;  il  est  cruel.  Mais  ne  faut-il  pas  lui 
pardonner  sa  cruauté  en  raison  même  de  sa  passion  pour  les 
livres? 

Mais  ce  n'est  pas  tout  non  plus  que  d'aimer  les  beaux  livres, 
il  faut  encore  les  connaître  ;  et  si  un  goût  instinctif,  un  flair 
naturel  vous  servent  à  souhait,  il  est  cependant  des  choses  qu'il 
est  nécessaire  d'apprendre,  la  science  héraldique  notamment.  Les 
armes  et  les  insignes  que  l'on  rencontre  frappés  sur  le  veau 
ou  le  maroquin  sont  si  variés  qu'il  faudrait  être  feu  d'Hozier  lui- 
même  pour  pouvoir,  sur  un  simple  examen,  en  déterminer  les 
possesseurs. 

M.  Joannis  Guigard,  pour  mettre  les  collectionneurs  et  les 
néo-bibliophiles  en  mesure  de  se  guider  à  travers  ce  dédale, 
avait  déjà  publié,  en  1873,  un  Armoriai  dans  lequel  il  avait 
reproduit  et  décrit  un  grand  nombre  d'armoiries  ;  mais  ce  volume, 
fort  incomplet,  ne  répondait  plus  aux  exigences  des  amateurs  et 
l'auteur  vient  de  faire  paraître  un  autre  ouvrage,  conçu  sur  une 
base  beaucoup  plus  large  et  dont  l'économie  nouvelle  sera,  es- 
pére-t-il,  à  la  hauteur  de  la  bibliophilie  moderne.  Ce  sont,  en 
effet,  deux  intéressants  volumes  que  son  Nouvel  Armoriai, 
indispensable  à  quiconque  recherche  les  livres  de  provenance 
royale,  princière  ou  illustre.  Ce  travail  qui  a  dû  coûter  à  son 
auteur  bien  des  peines  comprend  l'explication  et  l'attribution  de 
tous  les  symboles  qu'il  a  rencontrés  et  signalés  et,  de  plus,  il 
renferme  des  notices  sur  les  amateurs  et  sur  leurs  bibliothè- 
ques. 

Pour  faciliter  les  recherches,  M.  Joannis  Guigard  a  divisé  les 
bibliophiles  en  quatre  groupes  répondant  chacun  à  un  mode 
particulier  de  l'état  social  et  parfaitement  distincts  :  1»  Maisons 
souveraines  françaises  et  étrangères  ;  2»  Femmes  bibliophiles  ; 
3®  Amateurs  ecclésiastiques  ;  Ao  Amateurs  particuliers.  Il  a  aussi 
fait  précéder  son  œuvre  d'un  traité  succint  du  blason,  accom- 
pagné d'un  vocabulaire  des  principaux  termes  usités  en  cette 
science   compliquée.   Enfin,  à  la  fin  de  chaque  tome,  on  a  établi. 


74  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

pour  les  différentes  parties  de  l'ouvrage,  une  table  héraldique 
des  meubles  mentionnés. 

■  M.  Guigard  qui  a  eu  la  bonne  forlune  de  se  voir  coininuniquer 
par  les  plus  fameux  bibliophiles  de  France  et  de  l'étranger  des  pièces 
curieuses  et  rarissimes  a  pu,  grûce  à  cet  obligeant  concours,  nous 
en  donner  la  reproduction,  à  côté  Je  tant  d'autres  plus  ordinaire- 
ment connues. 


'Voici,  par  exemple,  le  fac-similé  de  la  reliure  d'un  livre,  appar- 
tenant à  M.  Ernest  Petit,  un  Vilruvc  de  1523,  qui  porte  sur 
chaque  plal  un  semis  de  9  couronnés  avec  cette  légende  au 
milieu  :  Dovlce.  Plais.^nte.  D.  qu'on  doit  traduire  par  Doutée 
,  El  M.  Guigard  se  demande  si  ces  9  couronnés 
SlSÎSSft  ne  formeraient  pas  le  corps  d'une  devise  dont  les 

IX  seraient  Vôme.  Quant  a  la  légende,  il  incline  à 
^  rd  avec  Brunel,  qu'elle  s'appliquerait  à  sa  maiiresse, 

Marie  Touchct. 

Cet  autre  fer  provionl  encore  de  Charles  IX  dont  les  i-elieui's  furent 
Nicolas  Eve  et  Claude  de  Picqucs. 


REVUE   CRITIQUE  DE   PUBLICATIONS   NOUVELLES 


MenlîoDnons  aussi,  parmi  les  reproduclions  du  Nouvel  Aitnorûd 
une  Ùgure  emblématique  très  rare  qui  se  trouve  sur  les  plats  d'un 
volume  intitulé  :  Ordonnances  royaux  sur  te  faict  de  la  justice. 
Paris,  Galliot  du  pré  et  Jehan  André,  1539,  in-8.  C'est  l'exemplaire 
à\i  roi  François  II  et  de  Marie  Stuart  ;  il  fail  actuellement  partie  de 
b  magnifii^e  bibliothèque  de  M.  le  baron  Double  qui  le  décrit 
ainsi  dans  son  Cabinet  d'iii. 


76'  BULLETIN   DU    BIBLIOPHILE 

«  Sur  les  plats,  deux  Dauphins,  frappés  avec  leur  fei-  habituel  dit 
de  François  II,  souliennent  la  couronne  royale  (leurdelisée  ;  au- 
dessous  de  la  couronne,  encadiê  par  les  deux  Dauphins,  le  chardon 
d'Écosae.  Les  plais  sont  enlourOs  de  compartiments  de  linceaux  avec 
angles  fleuronnés,  o 

Nous  donnons  ici  le  fer  de  François  II,  roi  de  France.  Ce  fer  est 


Nos  riches  collections  publiques  ont  fourni,  comme  on  pieut  le 
croire,  de  1res  importants  documents  à  M.  Guigard.  Relevons 
(toniel,  p.  2)  une  reliure  de  Louis  XII(Bibl.  de  l'Arsenal)  ;  (L  1,  p.  4) 
une  reliure  de  Louis  XII  et  d'Anne  de  BreLigne  (Bibl.  Mazarine)  ; 
(t.  I,  p.  10),  une  reliure  d'Henri  II  et  de  Diane.  (Bibl.  Nationale). 
La  bibliothèque  d'Abbeville  possède  également  une  curieuse  reliure 
aux  armes  de  Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne,  reproduite  dans  le 
Nouvel  Arniorial.  Enfin  les  collections  particulières  de  Mgr  le  duc 
de  Chartres,  de  M.  le  baron  J.  Piclion,  du  comte  de  LigneroUes,  de 
M.  Guyot  de  Villeneuve,  etc. ,  ont  aussi  donné  leur  contingent. 

Dans  un  travail  du  genre  de  celui  qu'a  entrepris  M.  Guigard,  U  est 
bien  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  d'éviter  qu'il  se  glisse  des 
erreurs  ;  les  éloges  que  nous  venons  de  distribuer  â  l'auteur  du 
Nouvel  Annorial  nous  mettent  plus  à  l'aise  pour  en  relever  quelques 
unes  assez  importantes. 


REVUE   CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES  77 

Ouvrons  le  torae  I,  à  la  page  C7  ;  après  avoir  décrit  l'ornementatioii 
des  deux  plats  d'un  livre  fi'appé  à  l'efli^ic  de  Charles-Quint  (recto)  et 
aui  armes  du  Sainl-Empire  (verso),  M.  Guigard  ajoute:  «  Ces 
omemeats  figurent  sur  un  elzÉDier  qui  nous  a  été  communiqué 
par  M.  Jules  Tuchmann,  un  bibliophile  de  goût  >.  Il  est  difficile 
d'admettre  cette  assertion,  par  la  bonne  raison  que  Charles -Quint 
est  mort  en  1538  et  que  le  noui  des  Elsevier,  celui  de  Louis  !•',  n'a 
paru,  pour  la  première  fois,  au  bas  d'un  livre  qu'en  1383  (i  ).  Ce 
qui  est  possible,  et  même  vraisemblable,  c'esl  que  la  reliure  a  d&  être 
remboîtée  sur  l'Elsevier  en  question. 

Même  tome,  p.  £i.  Le  Ter  (n»  3)  que  M.  Guigard  reproduit 
comme  étant  celui  de  Louis  XIV,  non  majeur,  est  celui  de  Louis  de 
France,  duc  de  Bourgogne,  mort  en  1712.  Nous  avons  vu  (Bi&iio- 
poliana,  n"  3119),  un  manuscrit  de  dédicace  à  ce  prince  portant  le 
même  fer.  On  peut,  du  reste,  page  102,  voir  les  armes  de  la  duchesse 
de  Bour^gne  accolées  à  celles  de  son  mari.  Ces  dernières  sont 
celles  que  l'auteur  de  V Armoriai  attribue  à  Louis  XIV. 

On  peut  de  même  s'en  réiérer  au\  monnaies  frappées  pendant  les 
premières  années  du  Roi-Soleil  et  sur  iesqnolles  on  voit  la  couronne 
fermée,  en  dépit  de  sa  minorité. 

Même  tome,  p.  269.  Au  nombre  des  amateurs  ecclésiastiques,  figure 
Kir  Double,  évèque  de  Tarbes,  archevêque  in  partibta,  décédé  en 
iS44.  M.  Guigard  lui  attribue  des  armes  qui  ne  sont  pas  les  siennes, 
ainsi  que  l'on  peut  en  juger  par  le  fer  que  nou.i  communique  obli- 
geamment le  neveudu  vénérable  prélat,  M.  le  baron  Double  : 


(1)  DHUtn<J.)  Ebratcarum  qussUoDum,  sivc  qua»lionuiii  ac  respon^onum 
ilbri  doo,  vldeUcel  secundus  ac  lerUus  In  Academia  LugduaensI,  1583,  pet. 
Iii4  de  126  pp. 

Ces»  après  la  page  US  de  cet  ouvrage  que  se  trouve,  imprimée  sur  un  feuillet 
.noncoté,  la  mention  «ulvonle  ;  VeneunI  Lagd.  Balauurum,  apud  Ludoulcum 
•Bieairium,  i  reçione  Scholir  nova:  M.  C.h.  t'it-lL'rs  soupçonne  que  ce  feuillet  a 
été  ajouté  après  coup  et  que  son  addition  scnit  postérieur*  au  l-  mai  1587. 


78  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

Il  est  aisé  de  voir  que  les  armes  reproduites  dans  le  Nouvel 
armoriai  sont  les  armes  d'un  cardinal  (cinq  pendants)  et  non  celles 
d'un  archevêque  ou  d'un  évêque. 

Même  tome,  p.  243.  «  Tous  les  livres  de  ce  grand  bibliophile  (le 
cardinal  de  Bourbon),  f^crit  M.  J.  Guigani,  étaient  reliés  en  maro- 
quin rouge  ».  C'est  là  une  erreur  qu'il  convient  de  relever.  La  plu- 
part des  exemplaires  qui  ont  passé  en  vente  depuis  plusieurs  amiées, 
aux  armes  de  ce  prince  que  les  Ligueurs  avaient  proclamé  roi  sous 
le  nom  de  Charles  X,  sont  reliés  en  maroquin  vert  (voir  Cat.  Yemeniz 
nos  1898,  2915  et  3899;  cat.  Léon  Tcchener,  ire  partie,  not  10  et 
222;  id,  2e  part,  no  38.  )  Au  Cat.  Didot,  juin  1878,  sous  le  no  702^ 
figure  un  exemplaire  des  Mémoires  de  Mess,  Martin  Du  BèUay^ 
seigneur  de  Lancjey...  Paris,  P.  L'Huillier,  1571,  in-8o.  Celui-là^ 
également  aux  armes  du  cardinal  de  Bourbon,  est  relié  ea 
veau  fauve,  compart.  en  or  et  en  mosaïque.  Nous  pourrions  citer 
encore  d'autres  exemples.  Il  est  vrai  qu'au  cat.  du  baron  J.  Pi- 
chon,  nous  trouvons  (no  902)  un  livre  provenant  de  la  bibliothèque- 
de  (Parles  de  Bourbon,  relié  en  [maroq.  rouge.  Mais  c'est  une 
exception. 

Tome  II,  p.  260.  L'auteur  du  Nouvel  Armoriai,  en  parlant  de 
Charles-Henry  comte  d'Hoym,  avance  que  le  célèbre  bibliophile 
«  est  peu  connu  dans  sa  vie  privée  et  dans  sa  vie  politique  ».  M» 
Guigard  n'a  pas  dû  chercher  bien  avidement  à  se  renseigner  sur 
l'ambassadeur  de  Saxe-Pologne,  car  il  lui  eût  été  facile  de  trouver 
des  détails  forts  complets  sur  sa  vie,  dans  les  deux  in-octavo  que  lui 
a  consacrés  le  baron  Jérôme  Pichon.  (1)  M.  Guigard  reproduit 
néanmoins  l'insinuation  lancée  par  un  auteur  contre  le  comte  d'Hoym, 
qui  aurait,  à  l'en  croire,  livré  à  la  manufacture  de  Sèvres  le  secret 
de  la  porcelaine  de  Saxe.  M.  le  baron  Pichon,  avec  documents  à 
l'appui,  a  fait  justice  de  ces  racontars  perfides.  Il  ne  faut  pas  oublier 
d'ailleurs  que  les  premiers  essais  de  notre  manufacture,  établie  à 
Vincennes  avant  d'être  transportée  à  Sèvres,  n'eurent  lieu  qu'ea 
1740,  c'est-à-dire  quatre  ans  après  la  mort  du  comte  d'Hoym^ 
décédé  en  1736,  ce  qui  n'a  pas  empêché  d'autres  écrivains,  moins 
scrupuleux  encore,  de  raconter  que  c'était  à  Mme  de  Pompadour 
(donc,  après  1745)  qu'Hoym  avait  révélé  le  fameux  secret  de  la 
porcelaine. 


(1)  Vie  de  Charles-Henry  Comte  d'Hoym,  ambassadeur  de  Saxe-Pologne  tsa 
France  et  célèbre  amateur  de  livres,  1694-1736,  publiée  pour  la  Société  des 
Bibliophiles  françois.  Paris,  chez  Techener,  libraire  de  la  Société  des  BiMIo» 
philes,  2  vol.  in-8*. 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS   NOUVELLES  79 

M.  Guigard  ne  nous  en  voudra  certainement  pas  de  loi  avoir 
signalé  ces  quelques  erreurs  qu'il  pourra  faire  disparaître  dans  la 
seconde  édition  que  le  succès  de  son  important  ouvrage  rendra 
bientôt  nécessaire. 

Georges  Vicaire. 


L'Événement  de  Varennes  (avec  un  plan  et  une  autogra- 
phie), par  Victor  Fournel.  Paris,  H.  Champion  y 
1890,  in-8o  de  404  pp.  (Prix  :  10  fr.) 

On  avait  déjà  beaucoup  écrit,  depuis  près  d'un  siècle,  sur  la  fuite 
de  Louis  XYI  et  de  la  famille  royale  ;  son  arrestation  à  Varennes 
avait  fourni  soit  à  des  acteurs,  soit  à  des  témoins  de  ce  drame  dont 
le  dénoùment  fatal  eut  lieu,  le  21  janvier  1793,  sur  la  place  de  la 
Révolution,  matière  à  d'innombrables  récits.  Beaucoup  même,  sur 
des  données  purement  fantaisistes,  ont  échafaudé  des  scènes  touchant 
plus  au  roman  qu  a  l'histoire.  La  besogne,  au  reste,  n'était  guère 
aisée,  les  mémoires  rédigés  par  les  contemporains  se  contredisant 
tous  autant  qu'il  est  possible.  Les  uns  racontent  d'une  façon,  les 
autres  d'une  autre,  les  péripéties  terribles  du  voyage  qui  devait 
aboutir  à  la  journée  du  21  juin,  de  sorte  que  jusqu'à  présent,  si 
les  faits  étaient  connus  dans  leur  ensemble,  les  détails  de  l'affaire 
étaient  demeurés  embrouillés  et  confus. 

M.  Victor  Fournel,  écrivain  délicat  autant  qu'érudit  profond,  vient 
de  reconstituer,  avec  pièces  authentiques  à  l'appui,  l'événement  de 
Varennes  jusque  dans  ses  moindres  détails.  Après  avoir  tout  natu- 
rellement fait  des  emprunts,  emprunts  indispensables  aux  récits 
déjà  publiés,  M.  Fournel  a  recueilli,  de  son  côté,  de  nombreux  et 
nouveaux  renseignements  sur  les  incidents  qui  ont  marqué  le 
voyage  royal.  Nul  historien  n'était  d'ailleurs  mieux  à  même  que  lui 
d'écrire  ce  livre  ;  sa  famille  paternelle  est  originaire  de  Varennes 
où  elle  était  fixée  depuis  longtemps  déjà  au  moment  de  l'arrestation 
de  Louis  XVI  ;  lui-même,  né  dans  un  village  tout  voisin,  transporté 
dans  cette  ville  aussitôt  après  sa  naissance,  a  grandi  au  milieu  des 
témoins  de  l'événement  qui  vivaient  encore  dans  son  enfance  et  il 
a  même  pu  connaître  l'un  de  ses  acteurs  parvenu  alors  à  l'extrême 
vieillesse. 

M.  Fournel,  qui  a  déjà  publié  sur  le  sujet  qu'il  vient  de  traiter 
à  fond  avec  tant  de  compétence  et  d'autorité  de  substantielles  études 
iJans  le  Correspondant  et  la  Revue  des  questions  historiques,  ne 


80  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

pouvait  donc  manquer  de  livrer  au  public  un  ouvrage  doublement 
intéressant,  par  son  style  et  par  les  documents  précieux  sur  lesquels 
il  a  basé  son  remarquable  travail .  Tantôt  fouillant  dans  les  archives 
municipales  de  Varennes,  tantôt  interrogeant  la  tradition  orale, 
cette  grande  et  modeste  historienne,  éminemment  utile  pour  qui 
sait  en  débrouiller  les  éléments  si  divers,  placé  sur  les  lieux,  et 
par  conséquent,  à  portée  de  vérifier  l'exactitude  des  faits  recueillis, 
M.  Fournel  a  contrôlé  avec  la  plus  scrupuleuse  minutie  tous  ses 
matériaux  avant  de  les  mettre  en  œuvre.  Et  de  ses  recherches  labo- 
rieuses est  sorti  un  livre  d'un  intérêt  capital  et  qui  fixe  irrévocable 
ment  les  détails  ignorés  d'un  grave  événement  historique. 

Analyser  ce  gros  volume  dont  chaque  page  contient,  pour  ainsi 
dire,  un  renseignement  inédit,  est  chose  absolument  impossible  ; 
ce  serait  en  diminuer  l'intérêt;  il  faudrait  pouvoir  citer  des  passages, 
et  le  cadre  du  Bulletin  est  malheureusement  trop  restreint.  Ce  qu'U 
nous  est  toutefois  permis  de  dire,  c'est  que  Fauteur  a  su  dégager, 
avec  beaucoup  d'habileté,  des  récits  précédemment  mis  au  jour,  les 
points  essentiels  de  l'événement  de  Varennes  et,  grâce  à  ses  pré- 
cieuses trouvailles,  rétablir  d'une  façon  nette  et  précise,  la  vérité 
sur  le  drame  qui  a  commencé  le  martyre  de  la  royale  famille. 

L'ouvrage  est  divisé  en  trois  parties  :  la  période  préliminaire  qui 
comprend  les  projets  de  départ  examinés  dès  le  14  juillet  1789  ; 
l'événement  lui-même,  le  voyage  dans  la  fameuse  berline,  l'arresta- 
tion, le  retour  à  Paris  et  la  période  postérieure,  c'est-à-dire  les 
projets  d'évasion  du  roi  après  la  fuite  de  Varennes.  Ajoutons  qu'un 
copieux  appendice  contient  de  très  importantes  pièces  inédites  et  une 
sorte  de  bibliographie  des  brochures  et  des  caricatures  que  fit  naître 

l'arrestation  de  Louis  XVI. 

G.  V. 


Documents  sur  la  Révolution  française.  La  Révolution 

DANS  LE    DÉPARTEMENT   DE  lToNNE.  1788-1800.  EsSSà 

bibliographique  par  M.  Henri  Monceaux,  conser- 
vateur au  Musée  d'Auxerre.  Ouvrage  illustré  de 
230  vignettes  gravées  sur  bois  et  tirées  la  plupart 
sur  les  originaux.  Paris,  A  Claudin,  1890,  gr.  in-8 
de  734  pp. 

11  n'est  peut-être  pas,  à  part  le  Moyen-Age,  de  période  de  notre 
histoire  qui  ait  été  plus  étudiée  que    celle  de  la  Révolution  firan* 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES  81 

çaise.  Dans  le  courant  de  Tannée  dernière,  M.  Maurice  Tourneux 
donnait  le  premier  volume  de  son  importante  Bibliographie  de 
^Histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution  ;  voici  que  M.  Henri 
Monceaux,  l'érudit  conservateur  du  Musée  d'Auxerre,  dresse  le 
catalogrue  des  ouvrages  de  tous  genres,  imprimés  dans  l'Yonne 
depuis  1788  jusqu'à  1800.  Le  mot  catalogue  »  est  pris  ici  dans  son 
sens  le  meilleur  et  le  plus  large  ;  carie  livre  que  M.  Henri  Monceaux 
désigne  trop  modestement  sous  le  titre  d'Essai  bibliographique  est 
mieux  et  plus  que  cela  ;  c'est  une  savante  bibliographie,  appelée  à 
rendre  les  plus  réels  services  à  tous  ceux  qui,  à  un  point  de  vue 
quelconque,  s'occupent  des  événements  multiples  survenus  à  cette 
époque  troublée  dans  les  départements. 

Le  bibliographe  auxerrois  a  limité  son  travail  aux  faits  relatifs  à 
sa  province  ;  il  serait  à  souhaiter,  qu'imitant  son  exemple,  d'autres 
veuillent  bien  faire,  pour  leurs  contrées,  ce  qui  vient  d'être  fait  avec 
SQocès  pour  le  département  de  T Yonne.  Les  exigences,  légitimes 
d'ailleurs,  des  chercheurs  et  des  travailleurs,  sont  devenues  telles  au- 
jourd'hui qu'il  est  absolument  impossible  de  satisfaire  leur  besoin 
de  documents  par  des  bibliographies  générales.  C'est  donc  aux 
bibliographies  spéciales,  et  par  cela  même  infiniment  plus  complètes, 
qa*il  faut  avoir  recours.  M.  Henri  Monceaux  l'a  bien  compris  ainsi 
et  l'œuvre  qu'il  vient  de  publier  ajoute,  comme  il  le  dit  lui-même, 
€  une  pierre  à  l'édifice  dont  l'ensemble  formera  l'histoire  définitive 
de  la  Révolution  française.  r> 

L'auteur,  dans  une  intéressante  préface,  explique  avec  beaucoup 
de  clarté  le  plan  de  son  ouvrage,  et  nous  ne  saurions  donner  une 
idée  plus  juste  de  son  beau  livre  qu'en  le  laissant  parler  lui-même  : 


t  Afin  de  donner  la  physionomie  exacte,  la  gamme  réelle  du  mouvement 
c  intellectuel  et  de  Topinion  publique  dans  notre  contrée,  nous  avons  pensé 
c  qu'il  ne  fallait  établir  aucune  division  factice  dans  notre  bibliographie  de 
c  répoque  révolutionnaire.  C'est  ainsi  que  nous  avons  enregistré  tout  ce 
f  qui  est  parvenu  à  notre  connaissance  et  nous  n'avons  point  négligé  de 
c  mentionner  les  pièces  de  minime  importance,  même  firivoles  ou  futiles 
c  en  apparence.  La  nomenclature  chronologique,  aussi  rigoureuse  que  pos- 
c  sible,  nous  a  paru  la  meilleure.  On  ne  devra  donc  pas  s'étonner  de  trou- 
f  Ter,  mentionnés  à  la  suite  les  uns  des  autres,  les  écrits  les  plus  divers. 
c  Cest  la  seule  manière  de  prendre  sur  le  vif  les  préoccupations  actuelles 
c  de  chaque  centre  plus  ou  moins  important,  i 


Le  seul  classement  que  s'est  permis  M.  Monceaux,  c'est  celui  des 
districts  et  des  arrondissements,  dont  les  chefs-lieux  conservèrent 
longtemps  leur  vie  propre,  ce  qui  l'a  amené  à  grouper  les  pièces 
sorties  d'un  même  lieu,   émanant,  pour  la  plupart,   des   mêmes 

1891  6 


82  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

presses,  apportant  ainsi  un  contingent  important  à  l'histoire  des 
inprinieurs  de  cette  époque. 

Pour  éviter  un  écueil  où  viennent  trop  souvent  échouer  bien  des 
bibliographes,  c'est-à-dire  la  sécheresse  et  l'aridité,  M.  H.  Monceaux, 
lorsqu'il  l'a  jugé  utile,  a  fait  suivre  les  titres  des  ouvrages  cités  de 
notes  et  d'indications.  On  comprendra  qu'il  ne  les  ait  pas  généra- 
lisées, si  nous  disons  que  la  Révolution  dans  le  département  de 
V  Yonne  ne  contient  pas  moins  de  3000  numéros.  L'auteur  a  égale- 
ment eu  l'heureuse  idée  de  reproduire  un  grand  nombre  de  vignet- 
tes et  de  bois  gravés,  à  emblèmes  divers,  la  plupart  employés  par 
les  presses  locales  ;  il  s'en  trouve  môme  de  fort  curieux,  obligeam- 
ment prêtés  par  M.  Albert  Gallot,  et  remontant  au  XVIe  siècle,  à. 
l'époque  de  la  fondation  de  la  vieille  imprimerie  auxerroise  de  Pierre 
Vatard. 

M.  Monceaux,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  prémunit  le  lecteur 
contre  l'étonnement  que  pourrait  lui  causer  le  rapprochement  des 
écrits  les  plus  disparates.  Il  est,  en  effet,  singulier  de  trouver  côte 
à  côte  des  «  Heures  nouvelles  »  et  des  «  Hymnes  à  l'Être  suprême  », 
des  jugements  des  tribunaux  révolutionnaires  et  des  mandements 
épiscopaux.  Mais  cela  n'a  rien  de  choquant.  On  trouve  aussi  dans  la 
longue  nomenclature  des  ouvrages  imprimés  dans  l'Yonne  des  col- 
lections curieuses  de  journaux,  des  pièces  bien  originales  qu'il  serait, 
à  l'heure  présente,  très  difficile  de  rencontrer,  tant  elles  sont  rares. 

M.  H.  Monceaux  n'a  pas  manqué,  dans  son  Essai  bibliographiqtie^ 
de  citer  les  sources  auxquelles  il  a  dû  puiser  pour  mener  à  bien  sa 
longue  et  minutieuse  entreprise  ;  il  a  fait  appel  à  la  bonne  volonté 
de  plus  d'un  collectionneur  et  si  sa  bibliothèque  personnelle  lui  a 
fourni  déjà  de  nombreux  éléments,  il  a  aussi  consciencieusement 
exploré  les  archives  du  département  et  la  bibliothèque  publique 
d'Auxerre  qui  renferme  les  riches  collections  de  Bastard  et  Tarbé. 

Il  n'est  pas  inutile  de  dire  ici  que  des  tables  soigneusement  éta- 
blies, table  des  vignettes,  des  noms  de  lieux,  des  noms  de  personnes 
et  enlin  une  table  générale  rendent  très  facile  au  lecteur  les  recher- 
ches qu'il  veut  faire.  , 

Grâce  à  ses  notes  copieuses  et  bien  rédigées,  grâce  aussi  aux 
vignettes  dont  elle  est  ornée,  la  bibliographie  de  M.  H.  Monceaux 
peut,  contrairement  à  tant  d'autres  ouvrages  analogues,  se  lire  page 
par  page  ;  elle  est  éminemment  instructive  et  sa  place  est  dores  et 
déjà  marquée  à  côté  des  instruments  de  travail  les  plus  précieux. 

G.  V. 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBUCATIONS  NOUVELLES         83 

Gustave  Brunet.  —  Études  sur  la  reliure  des  livres  et 
sur  les  collections  de  bibliophiles  célèbres.  Bordeaux, 
Y^  Moquet,  18m,  in-8o  de  VI-173  pp. 

M.  Gustave  Brunet  qui  prépare,  en  ce  moment,  une  histoire  com- 
plète de  Tart  du  relieur  et  dont  je  transmets  bien  volontiers  l'appel 
aux  bibliophiles  et  aux  bibliothécaires  qui  pourraient  lui  fournir  des 
documents  pour  son  travail  (1)  vient,  en  attendant  que  son  œuvre 
voie  le  jour,  de  nous  donner  une  seconde  édition  de  ses  Études  sur 
la  reliure  des  livides.  Favorablement  accueilli  par  les  amateurs,  lors 
de  sa  publication  en  1873,  cet  ouvrage  reparait  aujourd'hui  avec  des 
additions  considérables.  Le  savant  bibliophile  y  a  réuni  des  notes 
recueillies  depuis  longtemps,  fruit  de  ses  persévérantes  recherches 
dans  les  catalogues  anciens  et  modernes.  On  peut  dire  qu'il  a  fait, 
dans  des  proportions  évidemment  plus  modestes,  ce  qu'a  fait 
M-  Quentin-Bauchart  dans  ses  deux  gros  in-quarto  :  Les  Femmes 
bibliophiles.  Il  a  extrait  d'un  grand  nombre  de  catalogues,  rarement 
consultés  et  difficiles  à  se  procurer,  ou  quelquefois  d'un  prix  inabor- 
dable, des~détails  qui  se  trouveront  réunis  pour  la  première  fois. 

Les  Études  de  M.  G.  Brunet  sont  divisées  en  huit  chapitres  ; 
après  avoir  mentionné  dans  le  premier  un  certain  nombre  des  ouvrages 
relatifs  à  la  reliure,  il  consacre  entièrement  le  second  à  la  reliure 
avant  l'an  1500  ;  dans  les  trois  suivants,  il  s'occupe  des  livres  aux 
armes  de  bibliophiles  célèbres  comme  de  Thou,  Longepierre,  le 
comte  d'Hoym,  etc.  et,  ce  qui  constitue  un  réel  intérêt  c'est  la  com- 
paraison qu'il  établit  entre  les  prix  de  vente  de  certains  livres 
au  XVIII®  siècle  et  à  notre  époque.  On  verra,  par  exemple,  que 
l'édition  originale  des  troisième  et  quatrième  livres  .de  Rabelais  qui 
a  été  adjugée  à  la  vente  du  comte  d'Hoym,  en  1738,  pour  la  modique 
somme  de  18  livres,  a  atteint,  il  y  a  une  douzaine  d'années,  14.500  ir. 
à  la  vente  du  marquis  de  Ganay.  Des  notes  sur  les  relieurs  fameux 
depuis  Nicolas  Eve  jusqu'à  Trautz-Bauzonnet  et  Guzin,  font  l'objet 
dti  chapitre  VI.  Les  deux  derniers  traitent  du  goût  de  la  reliure 
chez  quelques  bibliophiles  et  des  ornements  se  rattachant  à  cet  art 
essentiellement  français. 

II   a  été    tiré    de  cette  seconde    édition    25   exemplaires    sur 
papier  de  Hollande  et  225  sur  papier  vergé  à  la  forme. 

G.  V. 

<1)  Bordeaux,  18,  rue  Victoire-Américaiue. 


84  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Jean  Meschinot.  —  Les  Lunettes  des  Princes  publiées 
avec  préface,  notes  et  glossaire  par  Olivier  de  Gour- 
cuflF.  Paris,  librairie  des  Bibliophiles  (Jouaust,  impri- 
meur), 1890,  in-16  de  XI-155  pp.  (prix  :  8  fr.) 

La  collection  du  Cabinet  du  bibliophile  est  connue  depuis  long- 
temps des  amateurs  ;  elle  se  compose  de  pièces  rares  ou  inédites  et 
surtout  de  poésies  peu  connues  des  XVe,  XV!»  et  XVIIe  siècles. 
Dans  cette  intéressante  collection  viennent  d'entrer  Les  Lunettes  des 
Princes  de  Jean  Meschinot,  <r  escuier,  en  son  viuant  grant  maistre 
dhostel  de  la  royne  de  fràce  »,  mort  le  12  septembre  1491.  Brunet^ 
dans  son  Manuel,  cite  22  éditions  de  Tœuvre  de  ce  poète  nantais, 
que  Tabbé  Groujet  semble  avoir  jugé  avec  une  excessive  sévérité.  Les 
nombreuses  réimpressions  des  Lunettes  —  et  encore  la   liste   de 
Brunet  est-elle   incomplète,   puisqu'il  ne   mentionne  ni    l'édition 
d'Estienne  Larchier,   1494,   ni  celle  donnée  à  Genève,  par  Loys 
Cntse  dit  Garbin  —  ces  nombreuses  réimpressions,  dis-je,  prouvent 
que  l'œuvre 'de  Jehan  Meschinot  eut  une  grande  vogue  jusque  dans 
les  premières  années  du  XVI®  siècle.  Ces  éditions  sont  toutes  pres- 
que introuvables  aujourd'hui.  Les  rares  exemplaires  qui  en  existent 
demeurent  précieusement  conservés  dans  les  bibliothèques  où  ils  se 
trouvent  et  c'est  un  événement,  dans  le  monde  des  amateurs,  lorsqu'il 
en  paraît  un  sur  le  tapis  vert  de  la  salle  des  ventes.  En  exhumant 
cet  ouvrage,  sorte  de  manuel  de  gouvernement  à  l'usage  des  princes^ 
d'une  forme  tout  à  fait  originale,  et  qui  n'avait  pas  été  réimprimé 
depuis  plus  de  trois  siècles,  M.  Olivier  de  Gourcuff  a  rendu  un  véri- 
table service  aux  bibliophiles  et  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'étude 
de  notre  langue. 

Les  Lunettes  des  Princes,  très  soigneusement  imprimées  par  M. 
Jouaust,  forment  le  XXXVe  volume  du  Cabinet  du  bibliophile;  elles 
n'ont  été  tirées  qu'à  280  exemplaires,  dont  15  sur  papier  de  chine 
(nos  1  à  15),  15  sur  papier  Whatman  (nos  16  à  30)  et  250  sur  papier 
de  Hollande  (n»»  31  à  280). 

G.  V. 


NOUVELLES  &  VARIÉTÉS 


M.  Féchot,  éditeur  de  M.  G.  Brunet,  auteur  du  sup^ 
plément  aux  Supercheries  littéraires  de  Quérard,  publié 
en  1889,  nous  prie  d'annoncer  que  c'est  par  suite  d'une 
erreur  regrettable  que  Ton  a  attribué  dans  ce  recueil  à 
M.  Malapert  VHistoire  des  deux  Conspirations  du  général 
Malet,  de  M.  Ernest  Hamel,  publiée  en  1873  par  la 
Librairie  de  la  Société  des  gens  de  lettres,  après  avoir 
paru  dans  le  XIX^  Siècle. 

M.  Xavier  Marmier,  membre  de  l'Académie  française, 
vient  d'écrire  au  maire  de  Pontarlier  qu'il  avait  l'inten- 
tion de  léguer  à  la  ville  de  Pontarlier  toute  sa  biblio- 
thèque, qui  se  compose  de  plusieurs  grands  ouvrages 
avec  gravures,  de  plusieurs  milliers  de  volumes  de 
différents  genres  :  voyages,  histoire,  linguistique,  litté- 
rature en  français,  italien,  espagnol,  anglais,  hollandais, 
allemand,  danois,  suédois,  irlandais,  russe.  Tous  ces 
livres  sont  reliés  et  en  très  bon  état  ;  un  certain  nombre, 
fort  rares. 

M.  Marmier  demande  seulement  que  cette  collection 
soit  classée  dans  une  salle  spéciale  où  l'on  pourra  la 
consulter  et  qu'elle  soit  gérée  par  le  bibliothécaire  de 
la  ville. 

4' 

Le  musée  Carnavalet  vient  d'acquérir  toute  une  col- 
lection de  manuscrits  fort  intéressants  pour  les  amateurs 
de  documents. 


86  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

C'est  Tensemble  de  toutes  les  factures  payées  au  nom 
du  duc  Louis  d'Orléans,  fils  du  régent,  par  Poinsinet^ 
son  intendant  des  menus  plaisirs,  pendant  une  période 
de  trente  années. 

Les  journaux  allemands   signalent   deux   trouvailles 
qui  intéresseront  vivement  le  monde  des  savants,  spé- 
cialement de  ceux  qui  cultivent  l'histoire  de  la  philoso-. 
plîie.  La  première  est  une  lettre  de  Descartes,  découverte 
par  le  professeur  Stein,   dans  les  papiers  de  Leibnitz 
que  possède  la  bibliothèque  de  Zurich  ;  elle  est  adressée 
à  un  nommé  Dozem  et  traite  d'un  problème  de  mathé- 
ipatique.  La  seconde,  plus  intéressante  encore,  consiste 
en    autographes    de    Giordano    Bruno.    Ce    sont    des 
commentaires   sur  Aristote.  Ils   ont  été   trouvés    à    la 
bibliothèque  d'Erlanger  par    le   professeur    Stolzle    de 
Wurtsbourg. 

4- 

•  La  bibliothèque  musicale  d'Adolphe  Adam  a  été 
acquise  par  le  ministère  de  l'instruction  publique,  qui 
en  a  fait  don  au  Conservatoire.  Cette  bibliothèque  se 
compose  de  116  volumes;  il  y  en  avait  une  trentaine 
de  plus  qui  ont  été  offerts  à  l'Opéra. 

Environ  deux  années  avant  sa  mort,  M«><^  Adolphe 
Adam  avait  donné  à  la  bibliothèque  du  Conservatoire  les 
partitions  manuscrites  qui  lui  restaient  de  son  mari, 
opéras  et  ballets.  Ces  volumes  autographes  sont  au 
nombre  de  trente-sept  ;  il  y  a  parmi  eux  l'opéra  de 
Lambert  Simnel,  dont  la  première  moitié  est  de  la  main 
de  Monpou  et  l'autre  moitié  de  celle  d'Adolphe  Adam. 
Giralda,  une  des  plus  jolies  partitions  d'Adam,  s*y 
trouve,  ainsi  que  la  plupart  des  ballets  du  maître  ; 
presque  aucune  de  ces  partitions  de  ballets  n'a  été 
éditée. 


CATALOGUE    DESCRIPTIF 


DE 


LIVRES  ET   PIÈCES  RARES 


EN  VENTE  AUX  PRIX  MARQUÉS  A  LA  LIBRAIRIE  TECHENER 


Reprenant  un  vieil  usage  du  Bulletin,  nous  don- 
nerons désormais,  à  la  fin  de  chaque  livraison,  un 
catalogue  descriptif  de  livres,  intéressants  à  divers 
titres,  en  vente  aux  prix  marqués  à  la  librairie 
Techener,  219,  rue  Saint-Honoré.  Tous  les  exem- 
plaires ainsi  catalogués  seront ,  sauf  indications 
contraires,  complets  et  en  bonne  condition. 

i.  —  Souverain  remède.  |  |  avec  les  saignées  et  dyettes 
contre  les  mala||dies  qui  régneront  en  ceste  pré- 
sente année  mil  |  j  cinq  centz  quarante-quatre.  Selon 
la  pro  1 1  gnosticalion  de  maistre  Jehan  Tliybault 
me||decin  ordinaire  du  Roy  nostre  sire.  ||  —  Spes 
mea  Deus.  —  A  la  fin  :  Imprime  par  Jehan  le  prest 
\\ demeurant  a  la  rue  des  Telliers.  Pet.  in-8<>  goth. 
de  quatre  feuillets  sans  chiffres  et  sans  signatures, 
dem.-rel.  dos  et  coins  de  maroquin  vert.         80  fr. 

Exemplaire  du  docteur  Desbarreaux-Bernard. 

Ce  petit  volume,  très  bien  conservé,  est  fort  rare  et  fort  curieux. 

D'après  Maistre  Jehan  Thybault,  les  maladies  qui  régneront  en 
1544  :  «  Seront  peste  mort  subite  flux  de  sang  par  le  m'z  et  autres 
f  conduictz  apostumes  mal  desyeulx  :  et  autres  maladies  de  sang  : 
f  dont  les  unes  adviendront  par  replexion  fumeuse  de  sang.  » 
L'auteur  ajoutant  :  «  ...Veu  que  iceulx  temps  sont  prochains  et  que 
•  la  description  doibt  précéder  leffect  dicelle. . .  »  il  faut  en  conclure 


88  BULLELIN  DU  BIBLIOPHILE 

que  cet  opuscule  a  été  imprimé  dans  les  premiers  mois  de  l'année 
1544.  Pour  pouvoir  soigner  utilement  une  maladie  à  son  début,  il 
faut  en  bien  connaître  les  symptômes  ;  l'auteur  indique  alors,  quels 
sont  ceux  des  maladies  de  replexion  et  fumosite,  c'est-à-dire  ;  des 
fièvres  continues;  du  flux  de  sang  autrement  dict  flux  désinteriq; 
du  flux  de  sang  par  le  nez  ;  du  mal  des  yeux;  puis  il  donne  le 
traitement  à  suivre  pour  ebacune  de  ces  maladies.  Saignées,  clys- 
tères  et  boissons  rafraîcbissantcs  sont  ses  principaux  agents  théra- 
peutiques. Pour  ceux  qui  seraient  curieux  de  savoir  comment  on 
rafraîchissait  les  entrailles  malades,  en  Tan  de  grâce  1544,  voici 
l'ordonnance  d'un  clistaire  laxatif,  administré  en  cas  de  flux  desin^ 
tet^iq,  après  un  premier  clistaire  scuptic  et  resttnnctif  selon Philotne 
dont  on  donne  également  la  recette.  «  Prenez  quatre  moyaulx  de 
œufz  et  les  cuisez  en  vinaigre  avec  tus  de  jJlantain  de  buglose  et  de 
verge  a  pasteur  :  egallement  de  chacun  demi  quarteron,  de  huille 
rosart  nng  quarteron  et  autant  deau  rose  :  troyes  onces  de  terre 
darguille  gomme  arahic  une  dragme  et  demie.  Et  autant  de  itis 
de  prunelle  et  de  sain  de  dragon  :  et  soit  faict  le  tout  mis  et  batu 
ensemble  et  en  soit  faict  clistaire.  » 

Jehan  Thybault  recommande  entre  autres  choses  :  «  Le  saffran 
m,esle  au  laict  de  femme,  »  à  ceux  qui  ont  mal  aux  yeux  ;  cet  on- 
guent ((  oste  la  résine  ou  les  larmes  diceulx.  »  Quant  à  la  peste, 
«  cela  est  a  dcscripre  pour  le  temps  de  Authonne,  car  cest  le  temps 
ou  />/i/s  communément  adviennent  pestes  et  apostumes.  »  Cette 
terrible  maladie  a  donc  sans  doute  fait  l'objet  d'un  autre  opuscule. 
On  indique  toutefois  que  pour  la  traiter,  il  vaut  mieux,  ainsi  que 
le  dit  Galien,  n'employer  qu'une  médecine  faite  d'une  seule  espèce 
ou  de  peu  de  simples,  cela  contrariera  la  maladie  et  aidera  a  nature, 
plutôt  que  si  elle  était  faite  de  plusieurs  espèces  ou  de  grande  accu- 
mulation de  simples. 


2.  —  C  La  Grande  |  Prophétie  |  Aultrefoys  Prophetizee  | 
par  ung  Roy  de  perse  Prîce  de  saîcte  |  vie.  Et  comëce 
depuis  lan  mil  cinq  |  centz  xxi.  &  dure  iusqs  a  lan  : 
m.  d.  liiii  |  Et  fut  lad  pphetie  trouuee  en  la  li —  | 
brairie  de   Cambray.   s,  l.  n.  d.  (Rouen)  ;  pet.  în-8, 
goth.  de  8  ff.  non  chifT.  280  fr. 

Joli  exemplaire  à  toutes  marges  d'une  pièce  des  plus  curieuses  sur 
le  règne  de  François  I^r  ;  elle  n'est  pas  citée  par  Bnmet. 


CATALOGUE  DE  LIVRES  ET  PIÈCES  RARES  89 

La  prophétie  du  a  roi  de  Perse  »  se  divise  en  deux  parties  bien 
distinctes.  Dans  la  première,  le  prophète  annonce  avec  une  rare  pré- 
cision les  événements  les  plus  importants  des  années  1521-1526  on 
37  ;  notamment  : 

La  trahison  de  Bourbon  :  «  sortira  lung  de  ses  plus  gros  princes 
de  son  Royaulme  par  le  moyen  duquel  viendront  grandz  maulx  à  la 
couronne  de  France.  » 

L'insuccès  de  Tinvasion  de  Bourbon  en  Provence  :  «  Icelluy  prince 
viendra  en  Fràce  avec  grosse  gendarmerie,  lequel  sera  vertueuse- 
ment rebouté  du  Roy  et  poursuyuy  de  ses  gens  de  guerre.  » 

Le  sac  de  Rome  par  Bourbon  et  ses  lansquenets  :  «  Les  Ytalles 
italiens)  auront  fort  à  souffrir  et  principalement  les  Rommains.  i> 

La  mort  de  Bourbon,  tué  à  l'assaut  :  c  Toutesfoys  le  prince  qui  se 
sera  party  de  France  mourra  malheureusement  en  la  ville  de 
Romme.  » 

H  n'est  parlé  ni  de  la  journée  de  Pavie  ni  de  la  captivité  de  Fran- 
çois I««". 

A  partir  de  1527-28,  les  pronostics  deviennent  ou  très  vagues  ou 
étrangement  fantaisistes. 

Après  de  nombreuses  vicissitudes,  le  roi  de  France  triomphera 
partout  ;  il  li\Tera  <  trois  grosses  batailles  de  trois  ces  mille  hommes 
ou  environ  ;  »  il  «  subiuguera  Henault.  Flâdres,  Zélandes  et  Artois  ;  » 
fl  aura  de  grands  honneurs  à  Burgues  (Burgos)  et  a  la  plus  part 
d'Espaigne  se  rendra  à  luy  »  ;  le  roy  de  Portugal  «  envoira  grande 
cheuance  dor  et  dargent  pour  avoir  son  alliance»  ;  il  entrera  à  Rome 
avec  toute  sa  chevalerie  et  le  Saint-Siège  sera  transporté  de  Rome  à 
Jérusalem  ;  enfin  François  I^»"  «  se  fera  corofier  roy  en  ung  royaulme 
de  Grèce  et  conquestera  Gonstantinople  et  Hierusalem  ». 

Un  seul  fait  historique  se  rencontre  au  milieu  de  ces  chimériques 
hypothèses  :  «  Le  même  an  (1543  ou  44),  le  grand  seigneur  Soluman 
roy  de  Turquie,  demâde  alliance  au  roy  de  France  et  lui  dofiera 
secours  et  ayde  ctre  ses  ennemis  et  en  tous  aultres  affaires.  »  La 
netteté  de  cette  prédiction  pourrait  faire  croire  que  la  pièce  (non 
datée)  est  de  1543  ou  4,  ou  au  moins  postérieure  au  premier  traité 
avoué  de  François  1er  avec  Soliman,]c'est-à-dire  à  1534.  Mais  il  faut 
remarquer  que,  longtemps  avant  la  reconnaissance  officielle  d'une 
aUîance  qui  devait  choquer  le  monde  chrétien,  François  I^i*  avait 
entamé  avec  la  Porte  des  négociations  secrètes,  remontant  au  moins 
jusqu'à  la  date  du  siège  de  Vienne  (1529). 

La  conclusion  qui  s'impose,  en  présence  de  la  distinction  si  mar- 
quée entre  les  prédictions  accomplies  et  les  prophéties  gratuites,  est 
que  cette  pièce  a  dû  être  composée  dans  les  années  1529  ou  1530. 


90  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

A  noter  encore,  dans  cette  très  curieuse  plaquette,  les  conseils  que 
le  prophète  croit  devoir  donner  pour  que  Tissue  des  «  grosses  batail- 
les »  tourne  à  souhait  :  «  La  chose  se  portera  assez  bien,  pourveu 
que  le  roy  ne  s'y  trouve  point  en  personne  et  qu'il  se  garde  de  soy 
servir  de  gens  estrangiers.  »  Il  est  évident  que  le  Nostradamus. 
persan  se  rappelle  la  journée  de  Pavie  où  François  h*»",  pour  son 
malheur,  se  trouvait  «  en  personne  »  et  que  ce  souvenir  lui  laisse 
des  doutes  sur  Futilité  de  la  présence  du  roi  à.  la  tète  des  armées. 
Quant  à  la  défiance  à  Tendroit  des  a  gens  estrangiers,  lo  elle  nous 
semble  une  allusion  à  la  défection  d'André  Doria,  qui  fît  perdre  à 
François  I^r  le  royaume  de  Naples. 

Le  prophète  engage  aussi  le  bon  peuple  à  contribuer  largement 
aux  dépenses  des  guerres,  a  Pour  aquoy  fornir,  il  conviendra  que  le 
commun  fornisse  la  tierce  partie  de  son  bien  pour  une  foys  :  mais 
ce  sera  de  son  bon  voulloir  et  consentement.  »  Cet  appel  au  patrie* 
tisme  fut  entendu  et  on  sait  avec  quelle  abnégation  le  «  commun  » 
accepta  tous  les  sacrifices  demandes  par  la  royauté. 

Quoique  le  feuillet  complémentaire  se  termine  par  un  calendrier 
pour  Tannée  1544,  la  prophétie  dépasse  cette  date  et  va  jusqu'à 
Tannée  1552,  où  «  le  roy  de  France  recouvrera  Gonstantinople  et 
toute  la  terre  saincte.  » 

.  Point  de  nom  d'imprimeur  ;  mais  le  caractère  particulier  de  cer- 
taines lettres  initiales  et  l'aspect  général  permettent  de  croire  que 
cette  prophétie  a  été  imprimée  à  Rouen,  sans  doute  par  ou  pour 
Jehan  Lhommc. 


3.  —  MuTUS  LIBER,  in  quo  tamen  tola  philosophia  her- 
metica,  figuris  hieroglyphicis  depingitur,  ter  optimo 
maximo  Deo  misericordi  consecratus,  solisque  filiis 
artis  dedicatus,  authore  cujus  nomen  est  Âltus. 
Rupellœ,  Petriis  savouret,  1677  ;  in-fol.  de  17  pp., 
fig.,  cart.  50  fr. 

Livre  d'alchimie  très  rare  et  curieux.  Le  titre,  gravé  au  milieu  de 
figures  et  de  chiffres  énigraatiques,  forme  la  première  planche  du 
volume.  Le  second  feuillet  contient  un  avis  au  lecteur,  en  dix  lignes, 
dans  lequel  l'imprimeur  déclare  que  cet  ouvrage  est  admirable  ;  et 
que  d'après  les  savants,  c'est  le  plus  beau  livre  qui  ait  été  imprimé 
sur  ce  sujet,  y  ayant  là  des  choses  qui  n'ont  jamais  esté  dites  par 
I)ersonnc.  Il  ne  faut  questre  un  véritable  enfant  de  Vart,  pour  le 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET   PIÈCES  RARES  91 

connoitre  d'abord.  Les  14  feuillets  suivants  sont  couverts  sur  le 
recto  de  nombreuses  figures  hiéroglyphiques,  sans  autre  texte  que 
ce  précepte  inscrit  sur  la  14^  planche  :  Ora,  legc,  l^ge,  Icge,  relege, 
labora  et  invenies;  et  les  chiffres  iOO^  i  .000,  iO.OOO,  etc.,  répétés 
deux  fois  sur  la  13«^  planche  (qui  est  transposée). 

Le  17«  et  dernier  feuillet  renferme  le  Privilège  du  Roi,  accordé 
le  23  novembre  1676,  à  Jacob  Saulat  sieur  des  Marez.  —  Quelques 
bibliographes  ont  attribué  ce  recueil  de  figures  alchimiques  au 
médecin  Tollé  ;  mais  on  considère  généralement  comme  leur  auteur 
Jacob  Saulat,  quoiqu'il  dise  dans  le  Privilège  que  ce  livre  de  la 
haute  chimie  dlio^mès  lui  est  tombé  entre  les  mains.  Cette  opinion 
poos  parait  probable,  non-seulement  à  cause  du  privilège  où  il  est 
nommé,  et  de  la  cession  de  ses  droits  au  libraire  P.  Savouret,  sui-. 
vant  V accord  fait  entre  eiix,  mais  encore  parce  qu'il  nous  semble 
que  le  mot  Alttis  inscrit  sur  le  titre,  représente  Tanagramme  de 
Saulat  ;  car  on  y  trouve  exactement  Sidat  et  même  Saulat,  si  l'on 
veut  compter  TA  majuscule  pour  deux  a. 

On  lit  sur  les  gardes  du  volume,  un  extrait  du  Journal  des  Sa^ 
rants  du  16  août  1677,  où  l'on  cherche  à  déchiffrer  quelques-unes 
des  figures  du  Mutas  liber. 


4.  —  Assertio  septem  sacramentorum  adversus  Martinum 
Luherum,  aeclita  ab  inuictissimo  Angliae  et  Franciae 
Rege,  et  Do  Hyberniae  Henrico  ejus  nominis  octauo. 
In-4,  de  96  feuillets,  le  dernier  blanc  ;  titre  encadré. 
—  A  la  fin  :  Apud  inclytam  iirbem  Antuerpiam  in 
œdihus  Michaelis  Hillenij.  Anno  M. D. XXII.  Kalen, 
Aprilis.  In-4,  vélin.  75  fr. 

Le  livre  commence  par  une  dédicace  Sanctissimo  domino  nos- 

tro  domino  Leoni   X.  pont,  ma^ Le  royal   écrivain,   rappelant 

que  sa  jeunesse  a  été  plutôt  consacrée  aux  travaux  de  la  guerre  et 
de  la  politique  qu'à  l'étude  de  la  théologie,  s'excuse  de  prendre  en 
main  la  cause  de  la  vraie  religion  contre  l'hérésie;  il  a  été  déter- 
miné à  cette  entreprise,  opus  tam  pium,  tam  utile,  tam  neccssanum, 
par  les  progrès  sans  cesse  croissants  de  l'impiété  ;  du  reste,  il  se 
soumet  d'avance  aux  censures  du  Saint-Père  ;  .si  rpdd  est  a  nohis 
erratum  corrigendum  offerimus. 

Malgré  ce  début  modeste  et  presque  timide,  Henri  VIII  fait  preuve 
d'un  luxe  de  pieuse  érudition  que  lui  envierait  un   théologien  ;   il 


92  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

cite  avec  une  rare  sûreté  les  livres  saints,  les  docteurs  de  TÉglise, 
saint  Ambroise,  saint  Jérôme,  saint  Augustin,  saint  Bernard,  et 
autres  de  moindre  importance.  Après  avoir  examiné  quelques-unes 
des  propositions  hétérodoxes  du  réformateur,  il  défend  tour  â  tour 
contre  lui  les  sept  sacrements  ;  son  argumentafion,  qui  ne  manque 
ni  de  vivacité  ni  de  logique,  est  semée  de  grosses  injures  à  l'adresse 
de  l'adversaire  :  ce  «  petit  frère  »,  fraterculus,  a  suppuratum  ac 
putriduyn  cor  ;  il  faut  se  garder  de  lui  comme  d'une  couleuvre  ; 
ses  paroles  ne  sont  qu'un  monceau  de  faussetés  et  d'absurdités,  non 
paruum  hahent  et  falsitatis  et  absurditatis  aceruum  ;  les  accumu- 
lations cicéroniennes  viennent  en  leur  lieu  :  Luther  veut  tout  boulever- 
ser, ftrccra6iii  mente,  spurcissima  lingua,  scelerato  contactu,  resctn- 
dere,  temerare,  polluere. 

Dans  une  péroraison  quelque  peu  déclamatoire,  l'auteur  exhorte 
tous  les  fidèles  chrétiens  à  détourner  leurs  oreilles  des  paroles  im- 
pies, à  ne  pas  encourager  les  schismes,  neque  schismata  foveant, 
à  se  liguer  contre  l'ennemi  commun,  plus  nuisible  à  lui  seul  que 
tous  les  Turcs  et  Sarrasins  :  consistant  adversus  unum  istunij 
uiribv^  imhecillum,  sed  animo,  turchis  omnibus,  omnibus  sara^ 
cenis,  omfiibiis  usquam  infidelibus  7iocentiorem  fraterculum.  Quelle 
énergique  indignation  contre  les  fauteurs  de  schisme,  de  la  part 
d*un  prince  qui,  quelques  années  plus  tard,  devait  séparer  si  brus- 
quement  l'Angleterre  de  l'Eglise  romaine  ! 

On  peut  consulter  utilement,  sur  cet  ouvrage  du  roi  théologien, 
une  très  intéressante  note  du  catalogue  Yéméniz,  p.  93. 

Notre  exemplaire,  imprimé  en  très  belles  lettres  rondes,  est  d'une 
conservation  parfaite. 

La  première  édition  avait  paru  en  1521  à  Londres,  in  œdibus 
Pynsonianis  ;  la  copie  anversoise  semble  être  une  reproduction 
exacte  de  cet  original  ;  elle  est  ornée,  comme  lui,  du  frontispice  de 
Hans  Holbein,  emprunté  aux  Epigrammata  de  Thomas  Morus  de 
1518  ;  comme  lui,  elle  paraît  sortir  de  l'ateher  de  Froben.  Une  fois 
enga  gé  dans  le  schisme,  Henri  VIII  fit  rechercher  et  détruire  les 
exemplaires  de  VAssertio,  qui  sont  devenus  presque  introuvables. 

5  —  Hulderichi  ab  Hutten,  equitis  Germ.,  Invectivae  très 
in  hier.  Aleandrum  et  Marin.  Caracciolum,  Leonis  X 
oratores  in  Germania,  et  in  cardinales,  episcopos  et 
sacerdotes,  Lutlierum  Vuormaciae  in  concilio  impu- 
gnanles.  Item,  ad  Carolum  imperatorem  pro  Luthero 
exhortatio  ;  alque  litteraî  ad  Albrechtum  Brandebur- 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET  PIÈCES   RARES  93 

gensem  cardinalem  et  ad  Bilibaldum  Pirckeymer, 
senatorem  Nuremberg.  Sans  lieu  (1521);  in-4o  de  32 
ff.  non  chiffr.,  signât.  A-H.,  front,  gr.,  cartonné.  32  fr. 

Le  recto  du  premier  feuillet  est  entièrement  occupé  par  le  portrait 
à  mi-corps  de  Fauteur,  encadré  dans  une  fenêtre.  Hutten  est  repré- 
senté la  tête  nue  et  couronné  de  lauriers.  Il  est  revêtu  d'une  cui- 
rasse et  de  brassards,  et  il  tire  son  cpée  du  fourreau.  On  lit  au- 
dessous,  verte.  Le  titre  est  imprimé  sur  le  verso  ;  sous  le  titre,  ces 
mots  signiûcatifs  :  Jacia  est  aléa. 

Ces  invectives  et  ces  lettres  sont  en  effet  d'un  homme  décidé  à 
rompre  sans  retour  avec  l'Église  catholique,  ou  plutôt  avec  le  clergé 
romain.  Écrites,  ce  qui  augmente  leur  intérêt,  pendant  la  diète  de 
Worms  où  comparaissait  Luther,  elles  constituent  en  faveur  de  la 
Réforme  un  plaidoyer,  remarquable  tantôt  par  la  violente  indépen- 
dance du  langage,  tantôt  par  une  discussion  conduite  avec  1  art  d'un 
polémiste  consommé.  La  première  victime  de  Hutten  est  le  légat 
Jérôme  Aleander,  auquel  il  reproche  d'avoir  accepté  une  mission 
%tbi  veritati  lociis  non  sit,  mentiri  omnia  oporteat^  de  devoir  tout 
aux  lettres  et  de  les  persécuter  ;  les  injures  pleuvent  :  Slupidissime 
otnniurn  ,,.Omni  improhitate  affectum  hominem,  omni  imbutum 
scelere  et  sacrilegio.  Marino  Garacciolo  n'est  pas  plus  ménagé  ;  il  est 
accusé  de  trafics  honteux  :  contra  leges  aurum  et  argentum  accipis; 
nefario  instituto  a  pauperibus  nostris  pecuniam  exprimis.  Mêmes 
invectives  contre  les  cardinaux,  évêques  et  abbés  qui  combattent  en 
ce  moment  même  à  Worms  «  la  cause  de  la  vérité  et  de  la  liberté.  » 
Hutten  attaque  les  désordres  de  leur  vie,  leur  rapacité,  leur  luxe 
impudent  :  Pecuniam  Ecclesiœy  qiiam  egentibus  distribui  decety  in 
popinationibus  et  nequissimis  nequitiis  profunditis  et  dilapi- 
dcUis, 

Le  fougueux  écrivain  change  un  peu  de  ton  en  s'adressant  à 
l'empereur  :  il  s'exprime  cependant  avec  la  plus  grande  liberté  sur 
la  politique  qu'il  conseille  au  jeune  prince  ;  rappelant  que  Maximilien, 
peu  de  temps  avant  sa  mort,  déclarait  qu'aucun  des  pontifes 
romains  n'avait  tenu  ses  promesses  envers  lui,  Hutten  invite 
Charles-Quint  à  secouer  la  tutelle  du  clergé,  apagesis  hominum 
genus  perversissimiim^  et  à  se  rapprocher  des  partisans  de  Luther^ 
quos  habere  potes  fidos  periculorum  tuorum  comités.  Craignant^ 
malgré  sa  modération  relative,  d'avoir  dépassé  la  mesure,  il  s'excuse, 
dans  une  seconde  épitre  à  l'empereur,  des  intempérances  de  langage 
qui  ont  pu  lui  échapper  ;  il  reconnaît  que  sa  première  lettre  était 
duriusciUay  mais  il  proteste  qu'il  l'a  écrite  avec  les  intentions  les  plus 


94  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

droites  ;  oro  te  et  obtestor  ut  veniam  des  pietatis  errori  ;  il  termine 
«n  souhaitant  à  Charles-Quint  un  règne  long  et  heureux. 

Deux  autres  lettres  sont  adressées  Tune  à  Albert  de  Brandedourg, 
archevêque  de  Mayence,  que  Hutten  exhorte  à  quitter  l'église  des 
malintentionnés  et  à  ne  pas  siéger  plus  longtemps  avec  les  impies, 
l'autre  au  savant  humaniste  Pirckheimer,  grand  ami  de  Durer  et, 
comme  lui,  inclinant  vers  les  doctrines  luthériennes. 

On  comprend  qu'un  livre  aussi  hardi  ait  paru  sans  nom  d'impri- 
meur; les  caractères  rappellent  beaucoup  ceux  de  Froben  qui  mit 
peut-être  ses  presses,  alors  en  pleine  activité,  au  service  du  redou- 
lable  jouteur.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  recueil  de  factums,  qui  dut  être 
poursuivi  à  outrance  par  les  catholiques,  est  d'une  extrême  rareté  ; 
Brunet,  qui  parle  longuement  des  autres  ouvrages  de  Hutten,  n'a 
l)as  connu  ce  très  intéressant  opuscule. 


6.  —  La  rencontre  de  Henry  le  Grand  au  Roy,  pendant  le 
voyage  d'Espagne,  s./.,  1615  ;  pet.  in-8  del6pag., 
d.-rel.,dos  et  coins  mar.  r.,  tr.  dor. 

Libelle  de  la  plus  grande  violence  contre  ceux  qui  conseillaient  le 
mariage  de  Louis  XIII  avec  l'infante  d'Espagne,  contre  une  grande 
partie  des  seigneurs  de  la  Cour,  contre  Concini  et  la  reine-mèfe, 
contre  les  dilapidateurs  du  trésor  amassé  à  la  Bastille  par  Sully,  et 
enfin  contre  les  auteurs  de  l'assassinat  de  Henri  IV,  au  nombre 
desquels  le  duc  d'Épernon  est  spécialement  cité.  Cette  pièce  a  été 
écrite  par  un  zélé  partisan  des  princes  mécontents,  dont  il  fait  de 
grands  éloges. 

On  a  relié  dans  le  volume,  deux  autres  pièces  : 

lo  La  Rencontre  de  M.  de  Vendôme  avec  un  paysan.  S,L  n.  d.  ; 
pet.  in-8  de  7  feuillets.  —  Cet  opuscule,  non  daté,  est  du  temps  où 
le  duc  de  Vendôme  était  prisonnier  au  château  d'Amboise,  ou  à 
Vincennes  (1626-1630) .  Il  n'a  d'autre  rapport  que  l'analogie  du  titre 
Xiyechi  Rencontre  de  Henri  IV.  Pendant  l'heure  accordée  pour  se 
promener  dans  le  jardin  du  château,  le  duc  de  Vendôme  rencontre 
un  jardinier,  avec  lequel  il  s'entretient  philosophiquement  sur  la 
difiTérence  de  leur  condition.  La  conversation  est  interrompue  par 
les  gardes,  qui  disent  au  duc  :  ce  Monsieur,  il  est  temps  de  se  re- 
tirer. Voilà  l'heure  passée  ;  vous  retardez  un  autre  qui  doit  sortir 
à  cette  heure,  pour  prendre  l'air  de  la  promenade  à  son  tour.  » 

2®  Lettre  de  Guillaume  sans  peur  aux  deshandez  de  la  Cour 
S.  l,y  1615;  pet.  in-8  de  14  pag.    —  C'est  la  contre-partie  de  la 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET   PIÈCES   RARES  95 

Bencantre  de  Henri  IV.  Guillaume  sans  peur  remontre  aux  princeè 
•qu'ils  ont  tort  de  s'opposer  au  mariage  du  Roi,  qu'ils  devraient  au 
contraire  Taider  de  tout  leur  pouvoir  en  cette  circonstance  ;  car 
ralliance  avec  TEspagne  assurera  à  la  France  une  paix  durable. 


7.  —  Annotations  plaisantes  sur  la  Gazette  de  France, 
composée  par  le  cardinal  de  Richelieu.  Jouxte  la 
copie  imprimée,  1638  ;  in-4o  de4ff.,  vign.  sur  le  titre, 
cart.  20  fr. 

Critique  facétieuse  de  plusieurs  passages  de  la  Gazette  de  Fratice^ 
relatifs  à  des  événements  de  la  guerre  en  1638.  —  La  vignette, 
gravée  sur  le  titre,  est  allégorique  et  singulière  ;  mais  l'auteur  a 
négligé  d*en  donner  l'explication. 

Le  maréchal  de  Chàtillon  avait  été  obligé  de  lever  le  siège  de 
Saint-Omer,  le  15  juillet  1638  ;  le  maréchal  de  la  Force,  qui  mar- 
chait pour  le  soutenir,  avait  été  battu,  le  8,  par  le  prince  Thomas 
de  Savoie.  Enfin,  le  marquis  de  Léganez  s'était  emparé  de  Verceil 
vers  le  mois  de  juin. 

Or,  comme  le  peuple  Français  commençait  à  se  plaindre  de  la 
longue  durée  de  la  guerre,  Richelieu  chercha,  par  des  articles  de  la 
Gazette  habilement  rédigés,  à  pallier  les  défaites  de  nos  généraux. 
L'auteur  de  la  critique  avait  beau  jeu  pour  réfuter  ces  relations 
mensongères.  Il  a  divisé  son  opuscule  en  cinq  chapitres.  Dans  le 
premier,  intitulé  dcsein  de  Richelieu^  auteur  des  Gazettes,  on  lit  : 
€  Le  Roy  du  Roy  de  France,  assez  cognu  pour  son  riche  nom, 
désespère  encore  ceste  année  pouvoir  estre  Roy  des  Roys.  Mais 
▼oyant  que  les  playes  mortelles  du  royaume  par  luy  gouverné 
s'alloient  ouvrir  aux  yeux  de  toute  la  France,  a  creu  les  pouvoir 
encore  couvrir  par  un  emplaslre  de  papier  de  Gazettes,  touchant  le 
siège  levé  de  Saint-Omer.  Vous  voirez  par  le  suivant  discours, 
quelles  sont  les  sonnettes  qu'il  luy  donne  en  main,  et  sçaurez  aussi 
quels  sont  les  amusoirs  ordinaires  de  ces  badauds  de  France.  » 

Dans  les  autres  chapitres,  l'auteur  relève,  par  de  plaisantes  anno- 
tations, les  faits  dénaturés  par  la  Gazette.  Ainsi,  Richelieu  a  fait  écrire 
dans  son  journal  :  a  Le  maréchal  de  la  Force,  ayant  advis  que  les 
ennemis  avoient  résolu  de  le  venir  attaquer,  alla  au-devant  d'eux 
qui  le  receurent  avec  quatre  mille  chevaux,  où  la  charge  fut  si 
furieuse  que  les  ennemis  y  perdirent  plus  de  huict  cens  hommes, 
eX  plus  de  deux  mille  chevaux,  outre  près  de  mille  du  mesme  party 


96  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

qui  se  noyèrent  dans  les  marests.  »  —  Annotation  :  «  Que  de  gens 
assomez  d'un  petit  coup  de  plume  !  etc.  »  —  Quant  au  siège  de  Saint- 
Omer,  la  Gazette  rapporte  que  «  par  suite  de  la  prise  du  fort  du 
Bac,  nos  armées  changèrent  de  poste  le  15  juillet.  »  —  Annotation  : 
«  Où  tu  vois,  lecteur,  que  changer  de  poste,  signifie  la  même  chose 
que  lever  le  siège.  »  —  «  Faut-il  aussi  donner  à  entendre  que 
Verceil  s'est  rendu  à  l'Espagne,  la  Gazette  dit  :  On  n'a  rien  de 
Vercelles,  qu'un  hruit  sans  auteur  de  sa  reddition.  »  Etc.,  etc. 

Voici  la  dernière  phrase  de  cette  pièce  :  «  Ma  Gazette  Françoise, 
pour  ceste  fois  te  voilà  annotée  ;  mais  si  on  te  trouve  encore  par 
deçà  avec  pareilles  estoffes,  tu  seras  confisquée.  » 


ETUDE 


SUR  LES 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS 

DE  LA   FDV   DU   XV*    SIÈCLE   ET   DU    COMMENCEMENT   DU   XVI* 

(Suite.) 


1516 

Opéra  moralissima  di  diversi  auctori...  Fioretto  de 
cose  noue  nobilissime  et  de  diversi  auctori  nouiter 
stàpate.  cioe.  Sonetti,  Egloghe... 

In-8o  ;  caractères  romains,  registre  A-M  ;  sur  le  frontis- 
pice, une  figure  et  ces  mots  :  Sala  Virtus.  A  la  fin  :  Impresso 
in  Venetia  per  Georgio  de  Ruschoi.  Milanese,  Ne  li  ani,  del 
Nro.  Signer.  M.  CCCCC.  XVI.  Adi  U.  Zenaro,  (Molini... 
Opérette^  p.  204).  Brunet  (t.  II,  col.  1266)  cite  plusieurs 
éditions  de  cet  ouvrage,  sans  indiquer  s'il  s*y  trouve  des 
bois  ;  sans  doute,  elles  contiennent  ceux  dont  nous  par- 
lons. D  cite  une  édition  in-8o  de  1510,  de  Giorgio  Rusconi, 
une  autre  de  1521,  in-8o,  de  Nicolo  deito  Zoppino;  enfin 
une  per  Zoanne  Francisco  e  Antonio,  fratelli  de  Rusconi, 
de  1522. 

1516.  —  Opéra  moralissima  de  diuersi  Auctori 
Homini  dignissimi  e  de  eloquètia  pspicaci. . . 

In-8o  ;  la  première  ligne  est  gothique,  les  autres 
sont  en  caractères  ronds;  au-dessous  du  titre ,  grand 

1891  7 


98  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

bois  ombré ,  représentant  une  nombreuse  réunion 
d'hommes  et  de  femmes  faisant  de  la  musique,  avec 
divers  instruments,  autour  d'une  pièce  d'eau  bordant  une 
forêt  ;  à  droite,  un  poète  couronné  de  lauriers  ;  à  gauche, 
un  jeune  homme  joue  de  la  flûte;  au-dessous  de  lui,  dans 
le  coin  z.  a.  Tirage  fatigué.  A  la  fin  :  Stampata  in  Venetia 
per  Georglo  di  Riischoni  ad  instantia  di  Nicolo  Zopino  e 
Vicêtio  côpagni.  Nel.  M.  CCCCC.  XVL  adi,  xxviii.  Nouem- 
bre.  (Marciana  2429). 

1518.  —  Opéra  moralissima  de  diuersi  Auctori 
Homini  Dignissimi  e  de  eloquêiia  pspicaci, 

ln-8'^,  en  vers;  caractères  ronds,  la  première  ligne  du 
titre  gothique  ;  signatures  A-E  ;  8  feuillets  par  cahier.  Au 
titre,  le  bois  de  l'édition  précédente.  A  la  fin  :  Stâpata  in 

Venetia  per   Nicolo   Zcpino  :    e   Vincétio  compagni 

M. CCCCC,  xviii.  Adi.  iiii  del  mese  de  Septébre. 

1524.  —  Opéra  Moralissima  de  diuersi  auttori 
Huomini  dignissimi  et  de  eloquentia  perspicuL.. 

In-8o  j  litre  entièrement  gothique  ;  édition  analogue  aux 
précédentes.  Marque  de  Zopino ,  S.  Nicolas ,  avec  la 
.femme  agenouillée.  A  la  fin  :  Stampata  nella  inclita  Citta 
di  Venetia  p  Nicolo  Zopino  e  Vicentio  compagno.  Nel 
M.  Z).  XXIIII.  Adi  XVIII  de  Nouembrio.  Régnante  lo 
inclito  Principe  messer  Andréa  Gritti,  (Bibl.  de  l'Arsenal, 
4242,  B.  L.). 

S.  D.  —  Opéra  Moralissima  de  diuersi  Auttori 
Huomini  dignissimi  e  de  eloquentia  perspicaci, 

In-8o  ;  au-dessous  du  titre,  la  gra\'ure  de  novembre  1516. 
Ce  volume  sort  des  presses  de  Zopino,  comme  l'indique 
la  marque  au  recto  du  dernier  feuillet,  S.  Nicolas  et 
une  femme  agenouillée  à  sa  droite.  Cet  ouvrage  n'est  pas 
cité.  A  la  fin  :  FINIS,  s.  1.  n.  d.  (Marciana  2429). 


LIVRES   A   FIGURES  VÉNITIENS  99 

1516 

Conipëdio  de  cosc  noue  de  Vincézo  Calmeta  et  altri 
auctori  cioe  sonelli  Capitoli  Epistole  Eglogue  pasto- 
raie  Strambotti  Barzelette  Et  una  Predica  damore. 

In-8®  ;  au-dessous  du  titre,  une  femme  assise  couronne 
des  deux  mains  un  poète  à  genoux  ;  quatre  personnes 
derrière  ;  une  d'elle  joue  de  la  mandoline  ;  gravure  em- 
pruntée à  VOpera  noua  de!  Fecûdissimo  G.  Pietro  Pictore 
Arretino,  de  1512.  A  la  fin  :  Impresso  in  Venetia,  per 
Georgio  di  Ruschôi  Milanese  Ne  li  âni  del  nro  Signor, 
M.  CCCCC.  XVI.  Adi.  2L  Zenaro,  Suivent  les  Strambotti 
de  Paulo  Dauza,  occupant  une  page,  et  FINIS,  (Marciana 
2409). 

1516 

Somnia  Salomonis  Dauid  re  \  gis  filij  vna  cum 
Danielis  pro  \  phete  somnio  cû  interpréta  \  tione,.. 

In-4*>  ;  4  fî.  par  cahier,  titre  gothique,  texte  en  lettres 
rondes  ;  au-dessous  du  titre,  bois  ombré  représentant  au 
centre  un  personnage  assis,  la  main  gauche  levée,  un 
livre  dans  la  main  droite  ;  de  chaque  côté,  au  dernier 
plan,  un  personnage  couché  et  dormant.  Cette  vignette 
(120  sur  110"»™  de  haut)  a  des  noirs  très  accusés  :  les  par- 
quets, les  fonds,  la  coiffure  et  toutes  les  parties  devant 
être  très  ombrées  sont  noires  ;  encadrement  à  fond  noir. 
Elle  est  du  style  florentin  et  sans  doute  du  tailleur  dont 
nous  nous  sommes  déjà  occupés  à  propos  des  impres- 
sions de  Sessa,  de  1502  à  1505  ;  toutefois,  ce  bois  est  infé- 
rieur aux  autres;  nombreuses  lettres  ornées;  quelques-unes 
au  trait.  A  la  fin  :  Impressaqz  Venetiis  exactissima  cura  p 
MelMoré  Sessam  et  Petrû  di  Rauanis  socios.  Anno  dni. 
M.  CCCCC.  xvi,  die.  prJo  lanu.  Au-dessous,  la  marque 
avec  .M. S.  (Marciana  11072). 


100  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1516 

Aiolpho  del  Barbicone  disceso  délia  nobile  stirpe 
de  Rainaldo  ;  el  quale  tracta  délie  battaglie  dapoi  la 
morte  de  Carlo  magno:  et  corne  fu  capitanio  de  Vene- 
tiani  :  &  corne  côquisto  Candia  Sz  moite  altre  cittade  : 
&  come  Mirabello  suo  figliolo  fu  facto  imperatore  de 
Constantinopoli  :  Sz  cetera, 

In-4o  de  80  ff.  à  2  col.  ;  caractères  ronds  ;  les  pages  ne 
sont  pas  numérotées  ;  les  chants  commencent  par  des 
majuscules;  signatures  A-K.  Au-dessous  du  titre,  gra- 
vure représentant  Aiolfo  en  pied  avec  sa  lance  et  son 
bouclier  ;  le  verso  est  blanc  ;  16  petits  bois,  dont 
plusieurs  répétés  ;  au  recto  du  feuillet  aii^  à  la  première 
colonne ,  au-dessous  d'un  argument  en  prose,  le  pre- 
mier chant  commence  par  :  Céleste  padre  ouero  \  eterno 
idio  I  0  felice  almadogni  \  ...  —  La  lettre  initiale  est  une 
grande  majuscule  ornée.  Au  recto  du  sixième  feuillet  de 
K  finit  le  chaniXII:  Carlo  Martello  si  domanda  questo  |  ... 
presto,  I  FINIS  \  Qui  finisse  ellibro  de  Aiolpho.,,  Stampato 
ne  la  inclita  cita  de  Venetia  per  Marchio  sessa  nel  anno. 
M,  D,  XVI.  a  di  VIII.  de  Luio.  Au  verso  de  ce  feuillet 
commence  una  Laude  a  Maria  Vergine^  qui  finit  au  recto 
suivant,  dont  le  verso  est  blanc  (1).  Un  exemplaire  se 
trouve  à  la  Trivulziana  (Melzi,  p.  293;  Bibliothèque  de 
M.  de  Landau). 

1516 

lustînianus.  —  Instituta  novîssime  recognita  ap-^ 
tissimisqz  figuris  exculta,  adjunctisqz  pluribus  in  mar- 
gine  additionibus... 

(1)  L'édition  de  1516  est  la  plus  ancienne  connue,  mais  il  doit  en  exister  une 
antérieure  a  l'année  1506,  puisqu'à  la  fin  de  V Aiolpho  l'auteur  promet  un 
GuvTage  sous  le  titre  de  Carlo  Martello,  et  que  ce  dernier  poème  a  été  imprimé 
en  1506.  (Brunet,  t.  I,  col.  120). 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  101 

In-8o .  goth.  de  215  ff.  en  tout,  avec  vignettes.  Titre 
imprimé  en  rouge,  et  portant  la  fleur  de  lis.  Au  verso  de 
Tavant-dernier  f.  :  Impressa  Venetiis  per  lucantonium  de 
giûta  florentinum  :  A/i/io...  1516,  die  19  Nouembris  ;  le 
dernier  feuil.  contient  la  table  des  rubriques.  Le  texte  est 
entouré  de  commentaires;  à2  col.(Bnmet,  vol.  3,  col.  612.) 

1516 

Rituum  Ecclesiasticorum  siue  Sacraruwi  Ceremo- 
niarum.  S,  S,  Romance  Ecclesiœ.  Lïbri  très  non  ante 

impressi Est  et  in  fronts  operis  Reuerendissimi.,.. 

Corcyrensis  Archiepiscopi  Christophori  Marcelli  ad 
Sanctissimum  D.  N,  Leonem  X  Epistola  cum  indice. 

In-folio  ;  6  feuillets  préliminaires  et  143  numérotés  et 
registres,  caractères  romains,  3  bois  ombrés;  Fun,  au 
commencement  du  premier  livre  :  le  pape  sur  un  trône 
au  milieu  de  4  cardinaux  assis,  recevant  Thommage  de 
l'auteur  à  genoux  ;  9  personnages  debout  derrière  eux  ; 
l'autre,  au  commencement  du  second  livre,  f.  LXIX  :  le 
Pape  célébrant  la  messe  en  présence  de  cardinaux  et  de 
prélats;  le  troisième  f.  CXX  :  un  évêque  préchant; 
devant  lui,  le  Pape  assis  ;  à  sa  gauche,  au  premier  plan, 
un  personnage  couronné,  vêtu  d'hermine  et  recevant 
l'encens  d'un  évêque  ;  cardinaux  et  prélats  écoutant  le 
prédicateur.  Ces  trois  bois  sont  d'une  taille  un  peu 
raide,  ce  qui  nuit  à  l'ensemble,  quoique  certains  détails 
en  soient  rendus  avec  soin.  A  la  fin,  verso  143  :  Gregorii 
de  Gregoriis  Excusere  Leonardo  Lauredano  Principe 
Optimo,  Venetiis,  M.  D.  XVI,  Die,  XXL  Mensis  Nouembris, 
Deus  faueat.  (Bibl.  Nat.  Inventaire  B.  106,  B.  406  ;  Bibl. 
Nat.  de  Florence). 

Le  véritable  auteur  de  ce  ceremoniale  était  Augustinus 
Patricius  Piccolomineus,  Episcopus  Pientinus,  qui  le  fit 
d'après  les  ordres  du  pape  Innocent  VIII,  comme  on  peut 


102  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

le  voir  par  sa  lettre  datée  de  1488,  publiée  par  Mabillon,  dans 
son  Muséum  italicnm,  II,  page  584-586.  Marcellus,  évéque  dé 
Corcyra  (Corfou),  supprima  le  véritable  nom  de  Tauteur 
et  fit  éditer  l'ouvrage  comme  étant  de  lui  ;  ce  procédé 
offensa  gravement  Paris  de  Crassis  qui,  dans  son  Diarium, 
à  la  date  du  11  mars  1517,  exprime  son  chagrin  que  des 
exemplaires  fussent  vendus.  Il  dit  ensuite  comment  il 
notifia  ce  fait  aux  cardinaux  qui  furent  scandalisés  de 
voir  leurs  sacrés  mystères  divulgués.  Le  pape  Léon  X  lui 
donna  la  commission  de  coUationner  avec  Toriginal 
toutes  les  éditions  imprimées  et  d'arrêter  la  publication. 
Crassis,  dans  une  longue  lettre,  lui  indique  toutes  les 
falsifications  introduites  dans  ce  livre.  Le  Pape  déclare 
que  l'on  doit  brûler  le  livre  ou  bien  le  faire  juger  par 
trois  cardinaux,  dont  l'un  était  le  frère  de  Crassis.  Le 
livre  fut  brûlé  et  l'évêque  Marcellus  fut  mandé  à  Rome 
pour  être  puni  ;  mais  comme  Crassis  est  muet  à  ce  sujet, 
nous  pensons  que  l'on  trouva  que  la  perte  de  l'ouvrage 
était  une  punition  suffisante.  (Libri,  1850,  page  63.) 


1516 


Tractato  della  Superbia  de  Vno  chiamato  Senso  : 
il  qiiale  fugiiia  la  Morte  :  Cosa  dellecteuole  da  inten- 
dere, 

In-8o  ;  sous  le  titre,  un  grand  bois,  formé  de  six  petits, 
compris  dans  le  même  cadre  ;  premier  à  gauche  :  Senso 
à  cheval,  en  fuyant  la  mort,  rencontre  un  vieillard 
(DiroUo),  à  la  longue  barbe  blanche;  second  :  Senso  à 
cheval  et  Dirollo  assis,  qui  causent  ensemble  ;  troisième  : 
Dirollo  explique  à  Senso  qu'il  est  certain  de  ne  pas 
mourir  en  demeurant  dans  cette  forêt,  tant  qu'il  y  restera 
un  arbre  vert  ou  sec,  que  l'oiseau  pourra  piquer  de  son 
bec;  quatrième  :  il  rencontre  un  autre  vieillard  avec 
lequel  il  s'entretient  ;  dans  les  deux  derniers  :  Senso  ren- 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  103 

contre  un  paysan  qui  le  prie  de  Taider  à  pousser  son 
char,  ceci  fait,  il  monte  dans  le  char  et  le  paysan  lui  dit 
qu'il  est  la  Mort.  Ces  bois  sont  ombrés  et  médiocres  de 
style;  ils  sont  signés  dans  le  coin  à  gauche  en  bas  B.  A  la 
fin  :  Stampaia  in  Veneiiaper  Giorgio  di  Riisconi  Milanese  : 
ad  insiâtia  de  Nicolo  dicio  Zopino  e  Vincétio  côpagni  Nel 
M.  D.  XVL  adi  XX.  de  Decébre.  (Marciana,  2423;. 

M.  d'Ancona,  dans  son  savant  travail  Poemetti  Popolari 
italiani (Bologne  1889,  page  101),  ne  cite  que  cette  édition 
vénitienne,  et  cela  d'après  l'indication  du  catalogue 
Libri  (1847).  II  mentionne  une  édition  antérieure,  non 
vénitienne,  in-4o,  avec  une  gravure  sous  le  titre  :  la  Mort 
invitant  Senso  à  monter  sur  le  char  ;  près  du  cadre  de 
la  gravure,  en  haut  à  droite,  on  voit  les  initiales  Z.D.  B.  ; 
puis  une  éditition  de  1518  de  Pérouse  avec  des  gravures 
dans  le  texte  et  au  frontispice. 


1516 


Le  case  Yulgare  de  Missere  Colantonio  Carmignano 
gentilhomo  Neapolitcmo  Morale  e  Spirituale  Noua- 
mente  Impresse. 

In-8o;  au-dessous  du  titre,  Fauteur  debout  joue  du 
violon  ;  de  chaque  côté,  des  femmes  assises  qui  l'accom- 
pagnent avec  divers  instruments.  Vignette  d'un  assez 
beau  dessin,  mais  d'une  taille  un  peu  lourde.  A  la  fin  des 
sonnets,  bois  ombré  assez  mauvais  :  six  bergers  s'entre- 
tiennent pendant  que  leurs  troupeaux  paissent  ;  sur  le 
premier  plan,  à  droite,  deux  béliers  courent  l'un  sur 
l'autre,  tète  baissée.  Feuillet  SSiii,  petit  bois;  feuillet 
suivant,  petit  bois  :  la  Mort  assise  efiraie  quatre  jeunes 
enfants  ;  feuillet  TTii,  bois  médiocre,  prenant  en  hauteur 
la  moitié  de  la  page  :  Crucifixion,  A  la  fin  :  Stampaia  in 

Venetia  per  Georgio  di  Rusconi  Milanese M.  D.  XVL 

Adi.  xxiii.  De.  Décembre.  (Marciana  2432). 


104  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


1516 


Opéra  nova  chiamata  Epulario,  quale  tracta  il 
modo  de  cucignare  ogni  carne,  ucelli,  pesci  d'ogni 
sorte.  Et  fare  sapori,  torte,  pastelli,  al  modo  de 
tutte  le  provincie,  composta  per  maestro  Giovanne  de 
Rosselli. 

Petit  in-8o .  ayec  une  figure  sur  bois  au  titre.  In  Venetia, 
per  Agostino  Zanni  da  Portese,  1516.  a  Édition  rare  et  la 
plus  ancienne  que  l'on  connaisse  de  cet  ouvrage  d'autant 
plus  curieux  pour  nous  qu'il  est  d'un  français  »  (Bnmet, 
vol.  IV,  col.  1393). 

1517.  —  Opéra  noua  chiamata  Epulario.  Quale 
tracta  il  modo  di  cucinare  ogni  carne  —  ucelli  — 
pesci  —  de  ogni  sorte.  Et  fare  sapori  —  torte.... 
Coposta.  p.  Maestro  douane,  de  roselli. 

Petit  in-4o  ;  caractères  semi-gothiques.  Sur  le  titre,  un 
bois  représentant  six  personnes  préparant  des  mets  dans 
une  cuisine.  A  la  fin  :  in  Uenetia  per  industria  e  spesa  de 
Nicolo  Zopino  et  Uincenzo  compagni  in  la  chasa  de  Maistro 
Jacomo  Pend  da  Lecho  Impressore  acuratissimo.  Nel 
M.  D.  xvii.  adi  iij  del  Mese  de  Aprile.  (Molini...  Opérette 
p.  161.) 

1517.  —  Opéra  nova  chiamata  Epulario,  quale 
tracta  il  modo  di  cucinare  ogni  carne,  ucelli,  pesci 
d'ogni  sorte,  far  sapori,  torte,  pastelli  coposta,  p 
maestro  douane,  Rosselli  frâcese. 

Petit  in-8o  ;  goth.  à  2  col.,  contenant  45  ff.,  y  compris 
la  table.  Au  recto  du  dernier  feuil  :  Stampato  in  Venetia^ 
per  Nie.  Zopino  et  Vincenzo  compagni,  Nel  M.  D.  XVII. 
a  di  XX  de  Agosto. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  105 

1521.  —  Même  titre  rouge  et  noir  que  le  précédent. 

Petit  in-40  à  2  col.  de  37  flf.,  chiffrés  et  3  ff.  non 
chiffrés.  Caract.  goth.,  fig.  en  bois.  A  la  fin  :  Stampato 
in  Venettia  per  Alessandro  de  Bindoni  Nel  anno  del 
nostro  signore  MCCCCC  XXI  Adi  xxiii  agosto.  (Cat.  de 
M.  de  Landau,  t.  II,  page  248). 

1517 

Prouerbii  de  Salomone  \  molto  vtilissimi  a  \  ciaS" 
cuno. 

In-8o  en  lettres  rondes,  de  4  feuillets.  Le  titre  est  en 
caractères  gothiques,  et  porte  un  bois  avec  quatre  per- 
sonnages. A  la  fin  :  Stampato  in  Venetia  ne  lano  \  del 
Signore  M.  D.  XVII  \  Adi  III  di  Zenaro  (Rubrique  10537. 
Biblioteca  Colombina,  Recueil  G,  37-30.  Harrisse.  Exe. 
Colombiniana,  page  233). 

1517 

Montalboddo  (Fr.  de).  Paesi  nouamente  ritrouati 
per  I  la  Nauigatione  di  Spagna  in  Calicut.  Et  da 
Alber  |  tutio  Vesputio  Fiorentino  intitulato  Mon  \  do 
Nouo  :  Nouamente  Impressa. 

Petit  in-S®  à  2  colonnes,  124  feuillets  non  chiffrés, 
signés  A.  Qiiii  ;  chaque  cahier  de  8  feuillets,  sauf  A  qui 
n'en  a  que  4  pour  la  table  en  gothiques  ;  texte  en  lettres 
rondes.  Au-dessous  du  titre,  bois  ombré  prenant  toute  la 
page  et  représentant  Venetia^  avec  quelques  indications 
comme  :  Piacia,  Palacio  de  conseio,  magageni,  placés 
symétriquement  au  palacio  (où  est  le  palais  royal 
actuellement),  Pescaria,  Rialto.  Cette  vue  est  fort  jolie 
et  très  intéressante.  A  la  fin  :  Stampata  in  Venetia  per 
Zorzi  de  Rusconi  millanese  :  M,  ccccc.  xvii,  adi.  xviii. 
Agosto,  (Marciana  56617). 


106  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

1521.  —  Paesi  nouamente  ritrouati  per  la  Nauiga- 
zione  di  Spagna  in  Caliciit.  Et  da  Albertutio  Vesputio 
Fiorentino  intitulato  Mondo  Nouo,  Nouamente  z/n- 
presso., 

Petit  iii-4o  ;  caract.  rora.  à  deux  col.;  sur  le  frontispice, 
un  bois  représentant  une  vue  de  Venise.  A  la  fin  :  Stam- 
pata  in  Veneiia  per  Zorzo  de  Rusconi  Millanese.  Nel 
M.  D.  XXL  adi  xij  deFebraro.  (Molini...  Opérette,  p.  163.) 

Simple  réimpression  de  l'édition  de  1517  ;  on  trouve 
aussi  4  feuillets  préliminaires  pour  le  titre,  la  table  et 
répitre  à  Montalbaddo,  éditeur  de  ce  recueil.  (Harrisse, 
Bibliotheca  americana  uetustissima,  1866,  p.  184;  Brunet, 
t.  V.  col.  1159). 


1517 


•  • 


Opéra  noua  de  miser  Antonio  Cornazano  in  terza 
rima  :  Laql  traita  De  modo  Regédi  :  De  motu  For- 
tune  :  De  integritate  rei  Militaris  :  t  qui  in  re  militari 
imperatores  excelluerint.  Nouamente  impressa  t  Hgsto- 
riata. 

Petit  in-8o  de  72  fî.  en  lettres  rondes,  avec  fig.  sur 
bois  signé  z.  a.  A  la  fin  :  Impressa  in  Venefia  per 
Zorzi  di  Rusconi  milanese  ad  instantia  di  Nicolo 
dicto  Zopino  &  Vincentio  compagnie  Nel,  Af.  D,  XVII, 
adi,  m,  de  Marzo.  (Brunet,  vol.  II,  col.  276.  ) 

1518.  —  Opéra  noua  de  Miser  Anto  \  nio  Çornaz- 
zano  X  terza  rima  :  la  ql  traita  \  de  modo  regedi, . . 

Petit  in-8o  de  72  feuillets  non  chiffrés  ;  signatures 
A-liiij  ;  le  titre  en  gothique  et  le  reste  du  volume  en 
lettres  rondes  ;  au-dessous  du  titre,  bois  ombré  repré- 
sentant à  gauche  un  chevalier  assis,  son   casque  posé 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  107 

à  côté  de  lui,  et  dans  une  couronne  au-dessus  de  sa 
tète  Al  I  fon  \  sus  \  Dvx  ;  à  droite,  lui  faisant  face  et 
s'entretenant  avec  lui,  un  autre  chevalier  derrière  lequel 
est  suspendue  une  couronne  contenant  An  |  ioni  \  vscor  \ 
nac.  Dans  le  coin  en  bas,  à  gauche,  z.  a.  Ce  bois  est 
une  copie  ;  les  personnages  ont  la  main  gauche  levée 
au  lieu  de  la  droite,  parce  que  le  bois  se  trouve  retourné 
et  la  marque,  en  sens  inverse,  est  également  une  copie 
de  z.  a.  retournée.  18  petits  bois  ombrés,  assez  jolis, 
mais  qui  ne  sont  pas  tous  de  la  même  main  ;  le  second 
est  signé  B,  deux  autres  portent  la  marque  C  ;  ceux  qui 
sont  légèrement  ombrés  sont  les  meilleurs  ;  au-dessous 
de  la  table,  au  dernier  feuillet  :  Impressa  in  Venetia  per 
Nicolo  Zopino  e  Vincentio  compagni  Nel  Anno.,.  M.  D, 
XVIII.  Adi  XIII  del  mese  de  Septembre,  (Bibl.  Nat., 
(Réserve  Y  -[-3659.) 

1517 

Itinerario  de  Ludouico  de  Varthema  Bolognese  ne  lo 
Egypto,  ne  la  Siiria^  ne  la  Arabia  Déserta  et  Felice, 
ne  la  Persia,  ne  la  India  et  ne  la  Ethiopia. 

Petit  in-8o  de  92  fî.  à  deux  colonnes;  au-dessous  du 
titre  rouge  et  noir,  un  grand  bois  ombré  représentant 
un  personnage,  coiffé  d'une  toque,  et  assis  près  d'un 
globe  terrestre  sur  lequel  il  paraît  suivre  un  itinéraire 
avec  un  instrument  qu'il  tient  de  la  main  droite  ;  à  droite, 
dans  le  fond,  un  navire  les  voiles  déployées.  Dans  le  coin 
à  gauche,  en  bas,  r.  a.  retourné.  Cette  gravure,  très 
fortement  ombrée,  n'est  pas  d'une  bonne  exécution  ;  la 
tête  du  personnage  assez  expressive  et  les  vêtements  assez 
soignés  permettent  seuls  de  reconnaître  la  taille  de  z.  a.  ; 
toutefois,  cette  vignette  est  fort  intéressante,  en  raison  de 
§a  date  de  1517,  presque  contemporaine  de  V Apocalypse  ; 
on    y    trouve    la    façon    allemande    de    terminer    les 


108  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

traits  qui  forment  les  cassures  des  vêtements  ;  z.  a. 
avait  pris,  sans  doute,  cette  habitude,  en  copiant  des 
bois  de  Durer;  son  style  redevient  plus  italien  à 
mesure  qu'il  s'éloigne  de  la  date  de  1516  ;  A  la  fin  : 
Stampata  in  Venetia  per  Zorzi  di  Rusconi  Milanese  : 
Nella  incarnatiôe.  del  nro.  Signore  lesu  xpo  Af.  D,  XVII. 
adi  ui.  del  mese  de  Marzo.  (Molini...  Opérette,  p.  161.) 
Brunet,  (vol.  V,  col.  1094),  dit  à  propos  de  l'ouvrage 
ci-dessus  :  a  Nous  donnons  le  titre  de  cette  édition 
d'après  Molini,  où  il  y  a  bien  Vathema  au  lieu  de 
Varthema,  et  pet.  in-4o  ;  ce  que  nous  faisons  remarquer, 
parce  qu'une  édition  de  1517,  par  le  même  imprimeur, 
petit  in-8o  de  91  feuillets  est  sous  le  nom  de  Varthema, 
dans  le  catalogue  Walckenaer,  n9  3393.  » 

Brunet  (vol.  V,  col.  1094)  cite  une  édition  milanaise  : 
«  loanne  Angelo  Scinzenzeler,  XXX  aprile  Mccccc.  xxiij, 
ayant  sur  le  frontispice  une  grande  figure  en  bois,  qui  est 
réduite  dans  les  éditions  in-S®  antérieures  à  celle-ci  : 
elle  représente  l'auteur  inscrivant  ses  découvertes  sur 
un  globe  terrestre.  »  Sans  doute,  il  veut  dire  que  la 
gravure  a  été  réduite  pour  les  éditions  postérieures  et 
non  antérieures.  Nous  citons  cette  édition,  la  gravure 
nous  paraissant,  d'après  la  description,  être  une  copie 
de  l'édition  de  Venise  ;  du  reste,  Scinzenzeler,  à  Milan,  en 
use  presque  toujours  ainsi.  Sur  ce  très  intéressant  volume, 
voir  Deschamps  [Supplément  du  Manuel,  vol.  II,  col.  844), 
et  M.  Harrisse,  qui  lui  consacre  une  excellente  notice. 

1520.  —  Itinerario  de  Ludouico  de  Varthema  BolO" 
gnese  neelo  (sic)  Eggpto  ne  la  Suria  ne  la  Arabia  déserta 
et  Felice  ne  la  Persia  :  ne  la  India  :  et  ne  la  Ethiopia. 
La  fede  el  uiuere  et  costùi  de  le  pfate  puicie.  Et  al 
psente.  agiotoui  alcûe.  isole  nouamente.  ritrouate. 

Petit  in-8o,  titre  rouge  et  noir,  goth.  texte  à  deux  col. 
en  lettres  rondes,  sig.  A.  N.  par  4  ;  sur  le  frontispice,  la 


LIVRES    A  FIGURES  VÉNITIENS  109 

même  figure  que  dans  l'édition  de  1517.  A  la  fin,  après 
la  table  :  In  Venetia,  per  Zorzi  di  Rusconi  Milanese. 
Nellanno  délia  incarnatione  del  nostro  Signore  lesu  Christo 
M.  D.  XX.  adi  iii  de  Marzo.  (Molini...  Opérette  p.  162.) 

c  Cette  édition  est  si  rare  que  M.  Harrisse  n'en  parle 
qu'en  exprimant  quelques  doutes  sur  son  existence; 
le  seul  exempl.  connu,  d'après  lequel  Brunet  et  Graesse 
l'ont  signalée,  était  celui  de  la  vente  Hibbert.  d  Nous  en 
avons  trouvé  un  second  exemplaire  de  1520  à  la  Bibl.  de 
l'Arsenal  (586  bis,  H). 

c  Les  XII  flF.,  comprenant  l'importante  description  de 
l'expédition  du  Yucatan  faite  par  Juan  de  Grijalva  en 
1518  {qui  comincia  lo  Itinerario  de  lisola  de  Jucathan.../, 
terminent  le  volume,  d  (Deschamps  t.  II.  col.  844). 

1522.  —  Itinerario  de  Ludouico  de  Varthema  Bolo- 
gnese  ne  lo  Eggpto  ne  la  Suria  ne  la  Arabia  déserta 
e  felice  ne  la  Persia  ne  la  India  e  ne  la  Ethiopia.., 

In-8o,  caractères  romains,  titre  en  gothique  ;  au  titre, 
le  bois  de  l'édition  de  1517  ;  colophon  :  Stampata  in 
Venetia  per  li  heredi  de  Géorgie  di  Rusconi  Nellano..,. 
Af.  D.  XXIL  adi  xuii  de  Setembrio.  Ultinerario  com- 
mence au  5^  f.  de  la  signature  M.  (Harrisse,  Bibliotheca 
americana  vetustissima ,  page  194;  Deschamps,  t.  II, 
col.  844). 


1517 


Lo  arido  dominico  povero  servo  \  di  cristo  iesv  al 
diletto  popolo  \  cristiano  et  a  tvtti  liprincipi  et  signori. 

In-4o  ;  4  feuillets  par  cahier.  Au-dessous  du  titre, 
grand  bois  ombré  :  au  milieu,  une  sorte  d'écusson  sou- 
tenu par  deux  anges  et  divisé  en  quatre  parties  ;  au- 
dessous  de  la  ligne  horizontale  MRA,  à  gauche,  et  XHS 
à  droite,  surmontés  d'une  croix;  au-dessous  de  cette 


110  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

même  ligne,  les  mêmes  monogrammes  placés  inverse- 
ment ;  au-dessus,  le  Saint-Esprit,  les  ailes  éplayées  ;  au- 
dessous,  à  gauche,  Tagneau,  accroupi  sur  un  livre  et 
écrivant  avec  une  longue  plume  ;  à  droite,  le  pélican  se 
déchirant  la  poitrine  pour  nourrir  ses  petits;  il  est 
debout  sur  un  livre  et  semble  y  tracer  des  caractères  à 
Taide  d'une  longue  plume  qu'il  soutient  de  ses  ailes  ; 
au-dessous,  tout  à  fait  dans  le  bas,  des  anges  tiennent 
des  banderoles  portant  ces  mots  :  celle  de  gauche 
individvvs,  gl  \  adivs.  mairis,  et.  filii  ;  à  droite,  Patutas, 
ergo.  gratia.  regnvm.  gloria.  atq,  imperivm  ;  cette  gra- 
vure n'est  pas  d'une  mauvaise  exécution,  elle  est  bien 
composée,  mais  manque  peut-être  un  peu  de  finesse 
dans  la  taille  ;  le  verso  de  ce  feuillet  est  occupé  par 
une  Crucifixion  avec  de  nombreux  personnages  que  l'on 
rencontre  dans  les  missels  in-i®  et  in-S®  de  Giunta  ; 
ce  bois  fatigué  est  entouré  d'un  encadrement  formé 
de  très  petites  vignettes  représentant  des  têtes  de  per- 
sonnages de  l'ancien  et  du  nouveau  Testament  ;  le  bas 
est  occupé  presque  entièrement  par  un  grand  bois  mé- 
diocre. Verso  aii,  petit  bois  représentant  dans  les  nuages 
la  tête  de  Dieu  le  Père  et  celle  de  la  Sainte- Vierge. 
MAR.  V.  Ce  volume  contient  en  outre  11  petits  bois,  de 
différentes  grandeurs,  de  difiërentes  mains  et  tirés  d'ou- 
vrages parus  à  la  fin  du  XV*'  siècle,  ou  au  commence- 
ment du  XVI^  siècle  ;  ils  sont  généralement  très 
médiocres  ;  la  Crucifixion,  Ciij,  au  trait,  est  une  jolie 
petite  vignette.  Au-dessous  du  colophon,  un  bois  assez 
singulier  et  d'une  inspiration  française  ;  il  représente 
sans  doute  la  conversion  de  saint  Paul  :  le  saint  à 
cheval,  se  dirigeant  de  droite  à  gauche,  et  se  retour- 
nant avec  étonnement,  les  bras  étendus,  pour  regarder 
le  Christ  tenant  la  croix,  qui  lui  apparaît  dans  les 
nuages  ;  le  colophon  :   Siampatata  (sic)  in    Venetia  per 

Bernardin    Vinitiâ    nel    têpo    del    Serenissimo nel. 

M.  CCCCC.XVIL  adi  xv.  Aprile. 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  111 


1517 


Callenutio   (Pandolplio).  —  Opéra  noua  composta 

per  miser    Pandolpho  coldonese  allô  illustrissimo  et 

excellentissimo  principe  Hercule  inclito  Duca  de  Fer- 

rara  :   intitulata  Philotimo  :  interlocutori  Berretta  et 

Testa. 

Petit  in-4o  à  2  col.  Sur  le  titre,  la  fig.  de  YArcadia  de 
Sannazar  (1515).  A  la  fin  :  In  Venetia  per  Géorgie  Rusconi 
melanese  ad  instantia  de  Nicolo  dito  Zopino  et  Vincenzo 
suo  compagne  :  Net  anne  M,  D,  XVII,  Adi  ultime  del 
mese  di  Aprile  (Molini,  Opérette,  p.  161). 

Une  édition  de  Venise,  Pintie  da  Lèche,  per  N.  Zep- 
pine,  1517,  in-S®,  est  citée  dans  le  catalogue  du  marquis 
Costabilî  de  Ferrare,  n»  2496,  où  Tauteur  est  également 
nommé  Pandolpho  Coldonese.  (Brunet,  vol.  II,  col  151). 


1517 


Fratris  Hieronymi.  \  Sauonarolae....  Triumphus 
crucis.., 

In-8«  ;  112  ff.  ;  au-dessous  du  titre,  le  Savonarole  écri- 
vant, regardant  à  gauche,  décrit  à  propos  des  Prediche. 
A  la  fin  :  Finit...   Impressumqz   Venetiis  accurata  dili- 

gentia   per    Lucâ    \    elchiensem    artium Anne   dni 

M.  CCCCCXVII.  Die  uero  ectaue  mësis  lunii.  (Mayence). 

1521 .  —  Fratris  Hieronymi  Savonarole  Ferrariensis 
Ordinis  Predicatoruz  :  Triumphjis  crucis  de  fidei 
veritate... 

In-8o  ;  titre  goth.  ;  au-dessous  du  titre,  le  Savonarole  ci- 
dessus.  Paginé  du  titre  à  la  fin,   feuillet  107:   Finit 

Impressumqz  Yenetiisper  Alexandrum  de  Bindonis.  Anne 


112  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

dni,  M.  CCCCC.  xxj.  Die,  xiiij,  mensis  Nouêbris,  Au 
verso,  la  grande  marque  de  Alex.  Bindoni,  la  Justice, 
assise  sur  le  lion  de  Saint-Marc,  avec  les  lettres  A.  B. 
(Marciana  60294). 


1517 


La  conuersione  de  Sancta  Maria  Magdalena  :  E  la 
Uita  de  Lazaro  e  de  Martha  :  in  octaua  rima  hysto- 
riata  :  côposta  pel  dignissima  poeta  maestro  Marcha 
Rasilia  de  Foligno,  opéra  noua  et  deuotissima. 

Petit  in-8o  ;  figures  sur  bois.  Venetia,  per  Gregorio  de 
Rusconi,.. NelM.  D.XVII.  Adiî  Septëbrio.  (Brunet.  vol. IV, 
col.  1119). 

Une  édition  antérieure  (1514)  de  ce  livre  avait  déjà 
paru  sous  le  même  titre  à  Ancône,  avec  ce  colophon  : 
Stâpata  in  Ancona  per  Bernardine  Guerralda  aie  spesi  di 
Nicole  dicto  Zopino  et  Vincentio,  compagni.  NelM.D. 
XIIIL  die  XX.  del  mese  de  apprile. 

On  y  trouve  le  Jésus  parlant  à  un  nombreux  auditoire 
de  l'édition  sans  lieu  ni  date,  que  nous  décrirons  plus 
loin,  mais  sans  la  signature  de  Vavassore  et  douze  petits 
bois  intercalés  dans  le  texte.  Toutes  ces  gravures,  quoi- 
que le  livre  soit  imprimé  à  Ancône,  sont  évidemment 
d'origine  vénitienne.  (Cat,  de  M.  de  Landau.) 

1518.  —  La  Conuersione  de  Sàcta  Maria  Magdalena, 
la  Vita  de  Lazaro  et  de  Martha,  in  octava  rima  hgsto^ 
riata,  composta  per  el  dignissimo  poeta  maestro  Marcha 
Rasilia  da  Foligno. 

Petit  in-4o  ;  vélin,  figure  sur  bois.  A  la  fin  :  Stampata 
in  Venetia  per  loanne  Tachuino  da  tridino  net  Af.  D. 
XVIII,  a  di  an  de  decembrio.  (Catalogue  Yéméniz,  1867, 
no  1553). 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  113 

S.  D.  —  La  conversione  de  Santa  Maria  Madalena, 
e  la  uita  de  Lazaro  e  di  Maria,  in  oltoua  rima  hislo- 
riata.  Composta per  Maestro  Marco  Rasilia  daFoligno, 
opéra  deuotissima  nuouamète  Stapàte. 

In-12  ;  au-dessous  du  titre  rouge  et  noir,  bois  ombré, 
d'un  dessin  assez  bon,  mais  d'une  gravure  peu  soignée  : 
Jésus  parle  à  un  nombreux  auditoire  d'hommes  debout 
et  de  femmes  assises.  Dans  le  coin  à  gauche,  en  bas  : 
Jovan.  Andréa,  de.  Yavasori.  F.  Le  Christ  est  bien 
dessiné,  et  ses  draperies  sont  disposées  avec  élégance  ; 
mais  Vavassore  reste  ici  au-dessous  de  sa  tâche. 
11  très  petits  bois  fort  mauvais  ;  un  est  passable.  A  la 
fin  :  FINIS.  (Marciana  2385). 


1517 


Lavde  devotissime  et  santissime  composte  per  el 
nobile  et  magnifico  Misser  Leonardo  Justiniano  di 
Venetia. 

In-8o .  120  ff.  (a-p,  par  8).  Car.  rom.  Voici  la  liste  des 
figures  dont  ce  volume  est  orné  :  Une  grande  gra\aire, 
représentant  le  Crucifiement  (verso  du  frontisp.),  ;  Jésus 
debout  dans  un  calice,  soutenu  par  deux  anges  (v.  de  a  3)  ; 
la  Vierge  (v.  de  a  5  ;  ce  bois  est  répété  au  v.  de  a  8  et 
au  r.  de  6  7)  ;  Y  Annonciation  (r.  de  6  2  ;  répétée  au  r. 
de  c  8,  et  avec  un  encadrement  au  r.  de  g^  1)  ;  la  Cruci- 
fixion y  gravure  à  fond  criblé  (r.  de64);  V Adoration  des 
Bergers  (r.  de  c  2,  et  avec  un  encadrement  v.  de  d  2)  ; 
la  Mise  au  tombeau  (v.  de  c  4,  et  répétée  au  r.  de  A:  6 
et  au  r.  de  m  3)  ;  Y  Adoration  des  Rois  mages  (r.  de  d  4); 
la  Crucifixion  (v.  de  e  2,  et  répétée  au  v.  de  g  2,  au  v. 
de  I  4  et  au  r.  de  o  4);  la  Descente  du  Saint-Esprit  (r.  de 
fi);  un  Prêtre  officiant  (r.  de  f  8,  répété  au  v.  dek2)  ; 
Sainte  Madeleine  (v.  de  g  3)  ;  Saint  Jérôme  (r.  de  /i  1)  ; 

1891  8 


114  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Saint  Louis  (v.  de  ft  2)  ;  le  Martyre  de  saint  Pierre  (v.  de 
h  4);  Sainte  Catherine  (v.  de  /i  5);  le  Martyre  de  sainte 
Lucie  (r.  de  /i  7)  ;  Saint  Zacharie  (r.  de  i  7)  ;  le  Martyre 
de  saint  Jean  (r.  de  fc  1)  ;  Crucifixion  (r.  de  fc  4)  ;  Cruci- 
fixion (grav.  différente  de  la  précédente,  r.  de  Z 1  ;  répétée 
au  V.  de  m  4).  Ces  gravures,  de  mains  et  d'époques 
différentes,  quelques-unes  d'inspiration  française,  offrent 
une  grande  divergence  de  style  et  d'exécution.  A  la  fin  : 
Stampata  in  Venetia  per  Bernardin  Venetian  di  Vidali 
habita  in  la  côtra  de  san  Giulian.  Del  M.  CCCCC.  XVIL 
Adi  xvi,  Septëbrio.  (Bibl.  Landau  ;  communiqué  par 
M.  Rœdiger). 

1517 

Timone  Comedia  del  magnifîco  Conte  Matheo  Maria 
Boyardo  Conte  de  Scandiano  traducta  de  uno  dialogo 
de  Luciano  a  copiacètia  de  lo  illustrissimo  principe 
signori  hercule  Estèse  duca  de  Ferrara,  &c. 

Petit  in-4o  ;  40  ff.  (A-K,  par  4).  Car.  ronds.  Sur  le 
frontispice,  un  encadrement  et  une  petite  figure  ombrée 
représentant  2  trompettes  et  4  autres  personnages.  Let- 
tres ornées.  Au  recto  /  2  :  Qui  finisse  una  comedia  dicta 
Timone,  Stâpata  in  Venetia  per  Zuane  Tacuino  de  Cereto 
da  Trin,  del  M.  D,  XVIL  AdL  XX.  de  Setembrio.  L'édi- 
tion de  1513  n'a  qu'une  bordure  sur  le  titre.  (Bibl.  de 
M.  de  Landau  ;  communiqué  par  M.  Rœdiger). 

1517 

Triomphi  Sonetti  Canzone  Stantie  Et  Laude  de 
Dio  e  de  la  gloriosa  Vergine  [Maria  :  Composta  da 
diuersi  Autori  Nouamente  Stampata, 

In-8o,  titre  goth.;  au-dessous,  joli  bois  représentant  une 
procession  de  sept  moines,  se  dirigeant  de  gauche  à  droite  : 


LrVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  llS 

le  premier  porte  les  cierges,  le  second  la  bannière,  deux 
la  discipline,  les  deux  autres  lisent  ;  un  couvent  à  gauche. 
Bon  dessin,  mais  gravure  un  peu  négligée.  Au  verso 
l'arbre  de  Jessé  que  nous  avons  déjà  rencontré.  11  jolies 
petites  vignettes.  A  la  fin  :  Impressa  in  Venetia  per  Zorzi 
di  Rusconi  Milanese  :  ad  instantia  diNicolo  dicto  Zopino 
e  Vincétio  compagni  :  nel  Anno..,  M.D.XVII  adi  Xii  del 
mese  di  Febraro,  (Marciana  2423). 


1524.  —  Triomphi  Sonetti  Canzone  StantieEt  Laude 
de  Dio  e  de  la  gloriosa  Vergine  Maria  :  Composta  da 
Diuersi  Autori  Nouamente  Siampata, 

In-8o,  40  ff.  (A-E,  par  8).  Car.  rom.  Le  frontispice  est 
orné  d'une  grande  gra\aire  sur  bois,  représentant  une  pro- 
cession mortuaire,  sans  doute  le  bois  de  1517;  au  verso  une 
figure  qui  occupe  toute  la  hauteur  de  la  page  :  la  Vierge 
assise  devant  la  croix  et  tenant  sur  les  genoux  le  corps  de 
Jésus.  Des  deux  côtés  de  la  croix,  grand  nombre  de  spec- 
tateurs. Au  recto  du  f.  B.  5,  un  petit  bois,  divisé  en  deux 
compartiments  :  la  Fuite  en  Egypte  et  Jésus  en  croix  ;  au 
verso  du  même  f.  la  Résurrection  des  morts.  Au  recto  du 
f.  suivant,  la  Vierge  avec  Fenfant  et,  en  face  d'elle,  un 
homme  assis  qui  écrit  ou  peint  (saint  Luc  portraitant  la 
Vierge?).  Au  verso  de  C2,  la  Gloire  des  défunts:  à  gauche 
se  voit  la  Mort  tenant  une  faux.  Au  recto  de  C  6,  la  Vierge 
adorée  par  une  femme.  Les  autres  gravures  représentent 
Jésus  en  Croix,  la  Mort  de  la  Vierge,  V Assomption,  le 
Temps  (avec  la  légende  :  OMNLV  TEMPVS  HABET),  la 
Nativité,  la  Circoncision  et  la  marque  des  imprimeurs. 
A  la  fin  :  Siampata  nella  incliia  cilla  Di  Venetia  per 
Xicolo  Zopino  e  Vicentio  compagno.  Nel.  M.D.XXiiij. 
Adi.  XXX,  De  Agosto.  Régnante  lo  inclito  Principe  messer 
Andréa  Gritti.  (Bibliothèque  de  M.  de  Landau  ;  commu- 
nication de  M.  Rœdiger). 


116  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


1517 


Inamoramento  de  Rinaldo  de  Monte  Albano  e  di- 
verse ferocissime  bataglie  le  qle  fece  lardito  e  francho 
Paladino  e  corne  occise  Mâbrino  di  Leuate  e  moltis" 
simi  forii  pagani. 

In-4o,  caractères  ronds  à  deux  colonnes,  182  feuillets, 
le  dernier  blanc.  Le  volume  commence  par  un  frontis- 
pice orné  d'un  bois  de  forme  circulaire,  où  Ton  voit 
Rinaldo  à  cheval,  armé  de  toutes  pièces  ;  Fécu  avec  les 
armes  et  le  casque  sont  accrochés  à  un  arbre  à  droite. 
Dans  le  fond,  le  château  de  Monf  Albano.  Ce  bois  se  rap- 
proche par  sa  forme  et  par  son  style  de  celui  qui  se 
trouve  au  titre  du  livre  intitulé  :  Trojano,..  Venetia,  1509, 
in-4o.  Le  texte  commence  par  :  El  libre  de  le  bataglie  del 
potête  et  gagliardo  paladîo  Rinaldo  de  Mte  Albano  de 
casa  Chiaramonte,  en  caractères  gothiques;  registre  de 
A-Z  ;  tous  les  cahiers  par  quatre,  sauf  Z  par  deux.  Les 
gravures  que  l'on  rencontre  dans  le  texte  sont  les  unes 
grossières,  sur  fond  noir,  comme  dans  tous  les  romans 
de  chevalerie  du  même  temps  ;  les  autres,  au  trait,  d'un 
bon  dessin  et  d'une  exécution  soignée.  A  la  fin  :  Finito 
le  bataglie...  Stampato  in  Venetia  per  Joanne  Tachuino, 
M. D. XVII.  adi  VIII  Auosto  (sic)  Laus  Deo.  {Note  bibliogra- 
fiche  del  fu  D.  Gaetano  Melzi...  1863,  page  58  (marquis 
d'Adda).  Cet  exemplaire  est  sans  doute  unique.  (Brunet, 
t.  IV,  col.  1306). 


1518 


Pacifico  (Frate).  Summa  de  Confessi  |  one  cogno- 
minata  Pacifica  :  laquale  ordinataméte  tra  \  cta  non 
solamète  la  forma  :  modo  e  uia  de  côfessarse  \  ma 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  117 

etià  discorre  p  tutti  li  casi  che  sono  côtra  consciétia  \ 
ne  li  quali  chadaû  potria  incorrere. 

Petit  in-8o,  lettres  rondes,  la  première  ligne  du  titre  en 
lettres  gothiques,  CCVIII  feuillets  numérotés  de  A  à  BB, 
8  feuillets  par  cahier  ;  au-dessous  du  titre,  bois  ombré  : 
dans  le  coin  à  gauche,  un  moine  assis  et  un  personnage 
la  tète  découverte,  appuyant  sa  tête  sur  ses  genoux  ; 
à  droite,  entrant  dans  la  cellule,  un  jeune  homme  con- 
duit par  un  ange  placé  à  sa  droite,  tandis  que  le  diable, 
habillé  comme  un  moine,  se  tient  à  sa  gauche  ;  on  aper- 
çoit son  pied  fourchu  dépassant  son  vêtement.  En  haut, 
au  milieu,  dans  le  fond  :  DE.IVRE.  DIVINO.  Ce  bois 
intéressant,  d'un  joli  dessin  et  d'une  taille  assez  soignée, 
porte  à  gauche,  dans  le  coin  en  bas,  le  monogramme  G 
sur  fond  noir.  Ce  n'est  pas  le  même  monogramme  que 
dans  le  Legendario  de  1518.  Nous  ne  l'avons  pas  encore 
rencontré.  Feuillet  LXXXII,  grand  bois  de  page  ombré, 
représentant  Arbor  côsanguinitatis,  peu  important.  A  la 
fin,  au-dessus  du  registre:  Finisse,,,  Nouissimamëte  stâ- 
pata  in  uenetia  cô  summa  diligentia  da  Cesaro  arriua- 
beno.,,  MDXVIIL  adi  ultime  zener.  Au-dessous  la  marque 
noire  et  blanche  avec  les  lettres  A.  G,  au-dessous  du 
registre. 


1518 


Justini  ex  trogo  pompeio  historiae. 

In-fol.  Une  petite  gravure  sur  le  frontispice,  avec  la 
légende  :  «  ECCE  AGN'  DEI  d  et  beaucoup  d'initiales 
historiées  dans  le  texte.  A  la  fin  :  <E  Impressum  Venetiis 
per  Georgium  de  Rusconibus  Mediolanêsem.  AnnoDomini 
M,D.XVIII,  Die.  XXII.  Maii.  (Bibliothèque  de  M.  de 
Landau  ;  communication  de  M.  Rœdiger.) 


118  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

1523.  —  lustino  historico  clarissimo,  nelle  historié 
di  Trogo  Pompeio.  Nouamente  in  lingua  toscana 
tradotto  :  z  con  somma  diligentia  &  cura  stampato. 

Petit  in-8«;  titre  goth.  noir  et  rouge  entouré  d'une  bor- 
dure de  trophées;  dans  le  haut,  des  aigles  éployés  debout 
sur  des  guirlandes  de  lauriers  ;  des  deux  côtés,  des  tro- 
phées d'armes  portés  par  des  figures  d'Hercule  ;  au  bas, 
de  chaque  côté,  trois  personnages,  et  au  milieu  une  figure 
de  roi  assis,  couronné,  le  sceptre  en  main.  Au  verso  du 
titre,  un  avis  au  lecteur,  de  Zopino.  Cahiers  deSflf.  régis- 
très.  Caractères  italiques  ;  176  Cf.  ;  chacun  des  44  livres 
commence  par  une  lettre  ornée  enfermant  un  buste  de 
saint  ou  de  sainte,  parue  déjà  dans  les  livres  liturgiques 
antérieurement  publiés.  A  la  lin  :  Finisse  il  Libre  di  lus- 
tino Historico Et  stampato  nella  incîita  citta  di 

Venetia  per  Nicolo  Zopino  et  Vicentio  compagno  del 
M, D. XXIII,  Adi  X  de  Nouembrio.  Régnante  lo  inclito 
principe  Messer  Andréa  Gritti,  Puis  le  registre.  Dernière 
page  blanche.  (Librairie  Olschki.) 

1524.  lusTiNO.  Historié  di  Trogo  Pompeio,  nuova- 
mente  in  lingua  toscana  tradotte, 

In-8o  ;  frontispice  et  belles  initiales.  Venetia,  Zoppino, 
152/f. 

1518 

Libro  de  Abaco  nouamente  composto  per  magistro 
Francesco  da  la  zesio  ueronese,  el  quale  insegna  a 
fare  moite  rasône  merchantille  e  come  respondano  li 
preci  e  monete  nouamente  stàpato.  Au  recto  du  der- 
nier feuillet  :  Franciscus  Felicianus.  q,  dominici  de 
scholaribus  de  Lazisio  Gordesane  arithmeticus  ac 
geometricus  composuit  hune  Jibellum  die  decimo 
octauo  lulii  1517. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  119 

Pet.  in-8û  de  20  ff.  non  chiffrés,  sig.  A-C.  Sur  le  titre, 
la  vignette  du  titre  des  voyages  de  Varthema,  de  1517. 
Stampato  in  Venetia,  per  Nicolo  Zopino  e  Vincentio  suo 
compagno  del  M,D,XVIII,  adi  27  Agosio.  (Brunet,  vol.  2, 
col.  1203.) 

1518 

La  Vita  e  Passione  de  Christo  :  Composta  per 
Misser  Antonio  Cornazano  in  Terza  Rima  :  Noua- 
mente  impressa  e  Hystoriata. 

In-8«,  titre  gothique  rouge  et  noir  ;  texte  en  lettres 
rondes  ;  signatures  de  A  à  H,  8  feuillets  par  cahier,  sauf 
H  qui  n'en  a  que  4.  Au-dessous  du  titre,  bois  de  page 
ombré,  composé  de  plusieurs  sujets  séparés  :  au  milieu, 
le  plus  grand,  représentant  Cornazano,  revêtu  d'une 
armure,  assis,  ses  mains  appuyées  sur  un  livre  placé 
devant  lui  ;  au-dessus,  dans  un  petit  bois,  Dieu  le  Père, 
bénissant  ;  de  chaque  côté,  deux  petits  bois  ayant  trait  à 
la  vie  du  Christ,  et  au-dessous  une  tête  d'ange  ailée  ; 
dans  le  bas,  prenant  toute  la  largeur  de  la  vignette,  un 
bois  à  fond  noir.  Dans  le  texte,  18  jolies  petites  vignettes, 
de  la  même  main  ;  quelques-unes  sont  signées  B.  La 
table  occupe  le  verso  de  H  m  et  le  recto  de  H  iv  ;  au- 
dessous  :  Stampata  in  Venetia  per  Nicolo  dicto  Zopino  : 
e  Vincentio  compagni.  Net  anno  delta  incarnatione  del 
nostro  signore  Miser  lesu  Christo.  M.D.XVIIL  Adi,  V.  del 
mese  de  Septembre, 

1519.  —  La  Vita  e  Passione  de  Christo  :  côposta  per 
Misser  antonio  Cornazano  (1). 


(1)  Comazzano  est  le  poète  que  Tiraboschi  (VI.  1250)  appelle  //  Cornazzari 
dal  Borsetti  et  doat  il  cite  uae  édition  donnée  par  Zoppino  en  1317.  Panzer 
(XI  p.  526)  et  le  catalogue  Flânai  (n*  2007)  décrivent  une  autre  édition  du 
même  imprimeur,  datée  de  1518.  (Harrisse,  Excerpta  Colombiniouiaf  p.  200). 


120  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

In-8o .  8  ff,  par  cahier.  Signature  AA-HH  4.  Au-dessous 
du  titre,  en  goth.,  rouge  et  noir,  bois  composé  de 
petits  bois  ombrés,  représentant  des  scènes  de  la  Passion, 
et  au  milieu,  Fauteur  revêtu  d'une  cuirasse,  écrivant.  18 
petits  bois,  légèrement  ombrés,  assez  jolis  comme  com- 
position ;  parfois,  la  gravure  n'a  pas  été  faite  avec  tout 
le  soin  désirable  ;  mais  l'ensemble  est  généralement  bon, 
si  l'on  songe  à  la  difficulté  de  renfermer  une  scène  à 
plusieurs  personnages  dans  un  cadre  aussi  restreint. 
Plusieurs  de  ces  vignettes  sont  signées  B  ;  toutes  sont  de 
la  même  main.  Au  verso  du  titre,  un  sonnet  alla  illustre 
madamma  Lucretia  Borgia  duchessa  di  ferrara,  A  la  fin  : 
Stampata  î  Venetia  per  Nicolo  dicto  Zopino  :  e  Vincëtio 
compagni.  Nel  anno  M.  D,  xix.  Adi  xxv.  del  mese  de 
Octobre  (Marciana  4341). 

1518 

Cola  (Jeanne).  Viagio  da  Venetia  al  Sancto  Sepul- 
chro  et  al  mote  Senaj  più  copiosamète  descritto  de  H 
altri  con  disegni  de  Paesi  :  Citade  :  Porti  :  et  chiese 
et  li  santi  loghi  con  moite  altre  Santimonie. 

Petit  in-8o,  fig.  sur  bois.  Siampato  per  Nicolo  ditto 
Zoppino  :  e  Vincentio  compagno,  nelV  anno  1518,  Adi 
XIX  desetëbrio. 

1520.  —  Viagio  de  Venetia  at  Sancto  Sepulchro  et 
al  Monte  Synai, 

Petit  in-8o  ;  nombreux  bois.  Venetia,  I,  Tacuino,  1520. 
(Vente  Beckford,  4®  partie,  page  15.) 

1521.  —  Viaggio  da  Venetia  al  sancto  Sepulchro  et 
al  monte  Sijnai. 

Petit  in-8o,  fig.  sur  bois.  Siampato  per  Nicolo  detto 
Zopino  e  Vincentio  compagno  nel  anno  1521,  (Brunet, 
vol.  V,  col.  1167.) 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  121 

1523.  —  Viazo  da  Venetia  al  Sancto  Iherusalem  et 
al  monte  Sian  Sepolcro  de  Sancta  Chaterina. 

In-S®  ;  123  feuillets  non  chiffrés  et  figures  sur  bois.  Ve- 
netia loane  Tacuino  de  Trino  (appartenant  à  M.  Schefer, 
de  l'Institut). 

La  première  édition  de  ce  curieux  livre  parut  en  1500, 
à  Bologne,  chez  lustiniano  da  Rubiera  (voir  Gazette  des 
Beaux-Arts,  mai  1890).  M.  Schefer  nous  écrit  qu'à  partir 
de  1518,  il  a  été  imprimé  presque  tous  les  ans  une  édition 
in-8o  de  ce  voyage,  et  que  les  bois,  fort  grossiers  mais 
curieux,  de  ces  nombreux  tirages,  ont  été  utilisés  jusqu'à 
la  fin  du  XVII«  siècle. 

1524.  —  Viaggio  da  Venetia  al  santo  sepulchro  e  al 
monte  Synai  :  con  disegni  de  paesl  citta  porti  chiesie 
e  santi  luoghi  :  con  additione  de  genii  et  animait  che 
se  trovano  da  Venetia  fino  al  santo  Sepulchro  e  per 
tutta  la  Sorla  :  tratti  dal  suo  naturale  :  non  mai  piu 
Stampate. 

In-8o .  le  titre  rouge  et  noir,  au-dessous  une  \aie  de 
de  Jérusalem  ;  plus  de  150  bois.  Venetia  per  Nicole  Zo- 
pino  e  Vicentio  compagne  io2i.  (Vente  Beckford,  4®  par- 
tie, p.  15.  ) 

1518 

Operetta  Noua  De  doi  Nobilissimi  Amàti  Philostato 
e  Pamphila.  Côposta  in  Tragedia  per  miser  Antonio 
da  Pistoia  Nouamente  Impressa. 

Petit  in-8o  ;  lettres  rondes,  8  ff.  par  cahier.  Au-dessous 
du  titre  goth.,  petit  bois  ombré,  assez  joli  dans  son  en- 
semble, quoique  les  détails  du  dessin  et  de  la  taille 
soient  un  peu  négligés  ;  il  représente  ce  sujet  si  souvent 
reproduit,  le  professeur  dans  sa  chaire,  parlant  à  six 


122  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

élèves  assis  à  droite  et  à  gauche;  mais  nous  rencontrons, 
au  bas,  un  nouveau  monogramme  /.  C.  ;  peut-être  le 
/.  C.  que  nous  avons  déjà  signalé  dans  V Opéra  nova  de 
Colonna  de  1515,  également  de  Rusconi.  Là  surtout 
est  rintérét  de  cette  vignette.  La  page  est  entourée  d'un 
encadrement  à  fond  noir,  d'un  très  joli  style.  A  la  fin  : 
Stampata  in  Venetia  per  Zorzi  di  Rusconi  Milanese.  Nel. 
M.  CCCCC,  XVIIL  adi.  xx.  de  Octobre.  Regnâte  lo  inclito 
Principe  Leonardo  Lauredano.  (Marciana  48540) 

1518 

Psalterio  ouero  Rosario  délia  \  la  Gloriosa  Vergine 
Maria  :  Con  li  suai  mysterii.  Nouamente  \  Impresso. 

In-8o  en  lettres  rondes,  de  24  feuillets,  les  deux  der- 
niers sont  blancs;  signatures  A.-C.  Sur  le  titre,  dont  la 
première  ligne  est  en  caractères  gothiques,  la  Vierge  et 
le  bambino.  Dans  le  corps  du  livre,  16  bois  curieuse- 
ment gravés.  A  la  fin  :  Impresso  in  Venetia  per  Georgio 
di  I  Rusconi  Milanese  :  Nel.  M.  D.  \  XVIIL  Adi  xiiii  :  del, 
Mese  Décembre,  (Biblioteca  Colombina,  recueil  G.  37-30. 
Harrisse,  Excerpta  Colombiniana,  page  229.) 

Vers  1520.  —  Psalterio  ouero  Rosario  de  la  gloriosa 
vergine  Maria,  Con  gli  suoi  mysterii,  &  Indulgétie. 
Nouamente  impresso. 

In-8«,  de  24  ff.  (A-C,  par  8).  Car.  partie  goth.,  partie 
rom.  Vignette  sur  le  titre,  représentant  saint  Dominique 
en  chaire,  prêchant.  Au  verso  du  frontispice,  une  petite 
figure  :  un  moine  agenouillé  et  devant  lui,  la  Vierge 
avec  un  rosaire.  A  gauche  du  moine  on  lit  :  a  1460.  F. 
Alano  »  (Alanus  de  Rupe)  et  à  droite  le  mot  :  a  Predi- 
caro  D.  Au  recto  à\x  f.  A  7  commence  une  suite  de  15 
gravures,  dont  voici  les  sujets  :  V Annonciation,  la  Visita- 


LIVRES   A  FIGURES   VÉNITIENS  123 

iion,  la  Nativité,  la  Circoncision,  Jésus  au  temple,  Jésus 
priant,  la  Flagellation,  Jésus  tourmenté,  le  Portement  de 
Croix,  Jésus  en  croix,  la  Résurrection,  Y  Ascension,  la 
Descente  du  Saint-Esprit,  ï Assomption,  le  Couronnement 
de  la  Vierge,  Initiales  gravées.  Quelques-unes  de  ces 
gravures  sont  les  mêmes  que  celles  dont  est  ornée  F  Opéra 
noua  contemplativa  (Venise,  Vavassore),  savoir  la  Nati- 
vité, la  Circoncision,  Jésus  tourmenté,  le  Portement  de 
croix,  Jésus  en  croix,  la  Descente  du  Saint-Esprit  et  le 
Couronnement  de  la  Vierge,  Style  raide  et  anguleux. 
A  la  fin  :  Stampata  in  Venetia  per  Alessandro  de  Viano, 
Ce  livre  contient  la  règle  et  les  privilèges  d'une  Confré- 
rie appelée  la  Confraternita  del  Psalterio,  (Bibliothèque 
de  M.  de  Landau  ;  communication  de  M.  Rœdiger). 


S.  d.  Premier  quart  du  XYI^.  —  Psalterio  ouero 
RosARio  DEL  la  Gloriosa  Vergine  Maria  :  Con  li  sui 
mysterii.  Nouamente  Impresso. 

Petit  in-8  de  2  cahiers  de  8  feuillets,  A.  et  B.  ;  lettres 
rondes  ;  sous  le  titre,  un  bois  ombré,  la  Vierge  à  mi- 
corps,  tenant  le  Christ  dans  ses  bras  ;  fond  noir  avec 
quelques  ornements  blancs  ;  la  taille  manque  de  finesse  ; 
verso  A  :  Questo  e  el  segno  delta  Compagnia  del  Rosario 
délia  gloriosissima  Vergine  Maria  :  une  couronne  dans 
laquelle  passe  un  chapelet;  au-dessous,  ces  trois  lettres 
R  S  M  ;  une  couronne  de  lauriers  entourant  le  tout,  sur 
fond  noir  au  pointillé.  Recto  A,ii:  Annonciation,  signée 
L  ;  dans  le  coin  en  bas  à  gauche  :  la  Vierge,  à  genoux, 
à  sa  gauche,  un  livre  ouvert  sur  une  sorte  de  petit  banc  ; 
à  sa  droite,  Tange  debout  qui  lui  parle;  près  de  la  tête  de 
la  Vierge,  le  Saint-Esprit.  Comme  on  le  voit  par  la  des- 
cription, cette  Annonciation  signée  L  est  différente  de 
celle  du  Brc\daire  de  Giunta  de  1506  ;  feuillet  fî,  même 
Annonciation;    verso  B,    la  Vierge  visite  sainte  Elisa- 


124  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

beth  ;  recto  fîii,  la  Crèche  ;  verso  Bii^  Présentation  à 
Siméon  au  temple. 

Ces  bois,  non  signés,  sont  de  la  même  main  que 
Y  Annonciation  ;  recto  Biii,  Jésus  au  milieu  des  docteurs, 
petit  bois  au  trait,  tiré  d'un  autre  ouvrage,  amené  à 
la  dimension  voulue  à  l'aide  de  petits  bois  placés  sur 
les  quatre  côtés  ;  verso  Biii,  Jésus  au  jardin  des  Oli- 
viers, ainsi  que  les  quatre  bois  suivants,  tiré  des  Médita- 
tions de  saint  Bonaventure  de  1489  ;  recto  Biiii,  La  fla- 
gellation ;  verso  Biiii,  Jésus  est  couronné  d'épines  ;  B  V 
Jésus  montant  au  Calvaire;  verso  B  V  petite  Crucifixion 
avec  de  petits  bois  de  côté  et  en  bas.  Recto  B  Vi  la 
Résurrection  avec  un  petit  bois  au-dessous  ;  verso  B  Vi 
la  Résurrection  des  Méditations  de  1489  ;  recto  B  VU 
Descente  du  Saint-Esprit,  bois  du  graveur  L  de  V An- 
nonciation ;  verso  B  VU,  Assomption,  mauvaise  petite 
vignette  ombrée,  entourée  de  petits  bois  ;  recto  B  Viij, 
Dieu  le  Père  et  Jésus  dans  leur  gloire,  mauvais  bois 
ombré,  un  petit  bois  au-dessus  et  au-dessous  ;  au  verso  : 
Seguita  la  copia  in  sentëtia  uulgarizata  delta  lettera  di 
Maestro  Bartholomeo  di  Bologna  Maestro  e  Générale  di 
tutto  lordine  di  Frati predicatori  :  nella  quale  si  conten- 
gono  molti  digni  priuilegii  concessi  dalla  sua  reuerendis- 
sima  paternita  per  la  confraternita  del  Psalterio  :  ouero 
Rosario  délia  immaculata  e  gloriosissima  uergine  Maria. 

Vers  1518 

Opéra  no  \  va  chiamata  Portola  \  no  la  quai 
narra  tutte  le  terre  :  et  parti  de  le  \  uante  comi" 
nciando  a  Venetia  andando  per  \  tutta  la  Schia- 
uonia  fin  a  Corfu  con  tutta  la  \  Grecia  la  Morea  et 
Napoli  de  Romania  \  con  tutto  Larcipelago  :  Constan- 
tinopoli  Can  \  dia  Rodi  Cipro  et  tutto  il  Leuante  et 
tutte  I  le  isole  :  terre  cita  e  castelli  et  parti  et  quan  | 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  125 

ti  miglia  da  vna  terra  a  laltra  et  da  vna  iso  \  la  a 
laltra  :  et  tutte  stati  e  porti  ualle  e  col  \  phi  :  scagni  : 
fondi  :  e  Sechi  dintorno.  Nouamente  stampato. 

Sur  le  titre,  entouré  d'une  bordure,  un  bois  avec 
€  Ponge  Onge  »  et  la  marque  tj'pographîque.  40  flF.  à 
2  col. 

A  la  fin  :  Finito  lo  libro  chiamato  Portolano  composta  \ 
per  vno  gentilhuomo  Veneiiano  loqual  ha  uedn  \  to  tutte 
queste  parte  antescritte  le  quale  sono  vti  \  lissimi  per  tutti 
I  nauighanti  che  voleno  se  \  curamente  nauighar  con  lor 
nauilii  \  in  diuerse  parte  del  mondo..  \  Laus  deo  Amen.  \ 
Stampatoin  Vineggia per  Domenigo  \  ZioetfratelliVeneti. 

Ou^Tage  attribué  à  Louis  de  Mosto,  plus  connu  sous  le 
nom  de  Cadamosto  (voyez  Vespucci)  ou  à  un  certain 
Coppo  (dans  le  cat.  Hanrott).  (Librairie  Rosenthal.) 

1519 

Opéra  del preclarissimo  poeta  Miser  Pamphilo  Sasso 
Modenese  .Soneiti,  CCCCvij.  CapitulixxxuiijEgloghe.  V. 

In-4o  ;  80  ff.,  dont  le  dernier  bl.  (a-k,  par  8).  Car.  rom. 
Sur  le  titre,  une  bordure  noire  et  une  figure  représentant 
un  professeur  dans  une  chaire  et,  des  deux  côtés,  sept 
élèves.  A  la  fin  :  Veneliis  per  Guilielmum  de  Fontaneto  de 
Monferrato.  M.CCCCC.xix,  Adi  primo  febraro.  (Biblio- 
thèque de  M.  de  Landau  ;  Arsenal  A.  4453.  B.  L.) 

1519 

De  humilitate  et  gloria  Christi  Marci  Marvli  opus. 

In-8o  de  8  feuillets  par  cahier  ;  au-dessous  du  titre,  un 
chevalier  tenant  une  épée  levée  de  la  main  droite,  à 
cheval  sur  un  bœuf,  marchant  de  droite  à  gauche  ;  de  sa 
main  gauche,  il  tient  une  des  cornes  de  l'animal.  Ce  très 
petit  bois,  carré,  est  légèrement  ombré  et  porte  une  lettre 


126  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

à  chaque  coin  ;  Z  en  haut  à  gauche,  M  en  haut  à  droite, 
B  en  bas  à  gauche  et  à  droite  ;  au  verso,  la  Crucifixion 
du  Specchio  de  la  croce  de  1497  ;  lettres  ornées  au  trait  ; 
au  verso  du  feuillet  qui  précède  les  deux  feuillets  de  la 
table,  la  souscription  :  Impressit  Venetijs  Bernardinus  de 
VitaliU  Venetus,  Anno  Dni.  M,  D,  XIX.  Die.  xx.  lulij. 
Au-dessous,  bois  ombré  :  saint  Marc  et  son  lion  ailé 
avec  les  deux  lettres  B.  V.  de  Fimprimeur. 

1519 

Opéra  noua  del  preclarissimo  Messer  Bernardo 
Accolti  Aretino. 

In-8o,  en  lettres  rondes,  en  vers,  titre  encadré  avec 
une  figure  :  un  moine  en  prière  sur  le  front  duquel  un 
ange  vient  déposer  une  couronne.  A  la  fin  :  Stampata  in 
VenetiaAdi.  xii.  Nouébre  M.CCCCC.XIX.  p  Nicolo  zopino 
e  Vincëtio  côpagno.  Brunet,  vol.  I,  col.  34,  cite  une  autre 
édition  de  1530  de  55  feuillets  chiffrés  plus  un  dernier 
avec  une  gravure,  de  Nicolo  di  Aristotile  ditto  Zoppino 
(Arsenal,  6107,  A.  B.  L.) 

1519 

Augusti  Vatis  odae. 

In-4o  ;  au-dessous  du  titre,  un  encadrement  ombré, 
composé  d'animaux,  d'entrelacs  et  d'êtres  fantastiques  ; 
au  milieu,  un  médaillon  à  fond  noir  pointillé,  Aa- 
gvslvs  Vates,  de  profil,  couronné  de  lauriers,  les  che- 
veux tombant  jusqu'aux  épaules  ;  au  trait  et  d'un  très 
bon  style,  et  rappelant  les  médaillons  du  XV^  siècle  ; 
Aiigvstvs  au-dessus  et  Vates  au-dessous.  Son  vrai  nom 
est  Augustinus  de  Hieronymus  Udinensis,  professeur  à 
Udine,  mort  en  1529.  Ce  bois  semble  une  copie  de  la 
médaille  de  ce  poète.  Venetiis  impésis  Marciantonii  moreti 


LIVRES   A  FIGURES   VÉNITIENS  127 

xii,  cal.  Augusti  M.DXXIX,  (Bibl.  communale  d'Udine 
21457  ;  catalogue  des  médailles,  recueil  Giovanelli. 
Cicogna,  n®  585). 

1519 

Celestina.  —  Tragicomedia  de  Calisto  e  Melibea, 

In-8o,  paginé  à  partir  de  a-i  jusqu'à  la  fin  ;  au-dessous 
du  titre,  bois  ombrés  médiocres  :  une  vieille  femme  parle 
avec  animation  à  une  jeune  femme  dans  une  chambre  à 
coucher  ;  au-dessus  de  leurs  têtes  :  vetvla  cavda  scor- 
piONis  ;  deux  bois  ombrés  représentent  chacun  une  scène 
à  plusieurs  personnages  ;  ils  sont  répétés  seize  fois  ; 
ces  gravures  sont  médiocres.  A  la  fin,  feuillet  cxxviii  : 
Finisse  Impressa  cô  grân  diligentia  in  uenetia  per  Cesaro 
arriuabeno  ueniiiano  nelli  anni  del  nostro  signore  mille 
cinquecento  e  disinaoue  a  di  dixe  decembrio.  Puis  le 
registre  et  la  marque  à  fond  noir  avec  les  lettres  A.  G. 

1519 

Caii  CAECiLij  Junioris  Nouocomensis  Plinij  Secondi 
Veronensis  Nepotis, 

In-folio,  4  feuillets  préliminaires  et  247  feuillets  numé- 
rotés. Titre  encadré  d'une  bordure  ombrée  avec  un  mau- 
vais bois  ombré  représentant  Pline,  dans  une  chambre, 
écrivant.  Ce  bois  est  plusieurs  fois  répété  dans  le  volume, 
et  c'est  le  seul  qu'il  contienne.  Au  feuillet  247  :  Venetiisper 
loannem  Riibeum  Vercellésem.  Anno  Dni,  M.CCCCCXIX. 
Die.  XV,  Decembris, 

1519 
Al  Lamenio  délia  Femena  di  Pre  Agustino. 

Petit  in-8o  de  4  feuillets  en  vers.  Au-dessus  du  titre,  un 
bois  au  trait  représentant  le  campanile  et  l'indication  de 
l'endroit  où  les  condamnés  subissaient  leur  peine. 


128  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Cette  peine  était  celle  de  la  gabbia  ou  chebba  à  laquelle 
on  condamnait  les  ecclésiastiques  coupables  d'homicide, 
de  faux,  de  blasphème,  etc.  Les  coupables,  exposés 
d'abord  au  pi/ori  entre  deux  colonnes  de  la  Piazzetta, 
coiffés  d'une  couronne  en  papier,  étaient  ensuite  enfer- 
més dans  une  cage  en  bois  placée  à  mi-hauteur  du  cam- 
panile de  Saint-Marc  ;  ils  y  restaient  exposés  à  toutes  les 
intempéries  et  recevaient  leur  nourriture  par  le  moyen 
d'une  corde  qu'ils  tiraient  à  eux.  Le  dernier  auquel  ce 
supplice  fut  infligé  (mars  1519)  fut  le  prêtre  Agustino 
da  S.  Cassiano  (Marciana,  2231). 

1519 

PoGGio  FiORENTiNO  (F.  Bracciolini).  Facétie. 

In-S'»  de  48  fî.  chiffrés.  Au  frontispice,  un  bois  légère- 
ment ombré  :  à  droite,  trois  personnages,  dont  un  tient 
un  sac  ouvert  ;  à  gauche,  un  homme  jetant  dans  ce  sac 
quelques  billets  ;  à  ses  pieds,  un  panier  plein  de  papier. 
En  haut,  cette  devise  :  Dio  ie  la  mandi  bona.  Venetia, 
Cesare  Arrivabene,  1519.  (Brunet,  t.  IV,  col.  769). 

1523.  —  Poggij  florétini  oratoris  facundissimi  face- 
liarù  aureus  libellas, 

In-8o  de  71  ff.  numérotés;  caractères  goth.  Registre 
a-i;  frontispice  de  l'édition  1519.  A  la  fin  :  Finit  facetiarû 
Poggi  florentini  apostolici  secretarii,  lepidissimus  libellas 
et  Impressus  autem  Veneiiis  samma  diligentia  per  Bette- 
dictum  et  Augustinum  de  Bindonis  anno  Domini  Millesimo 
quingentesimo  Vigesimo  tertio^  die  vero  uliimo  septembris. 
Au  verso  du  dernier  feuillet,  la  marque  A.  B.  (Bibl.  Nat. 
de  Florence). 


Duc  DE  Rivoli. 


(A  suivre.) 


COUP    D'ŒIL 


SUR 


LES  ALMANACHS  ILLUSTRÉS  DU  XVIIl'  SIÈCLE 


Les  almanachs  illustrés  du  XVIII^  siècle  ont  plus 
d'une  fois  déjà  attiré  l'attention  des  bibliographes,  et 
MM.  Victor  Champier,  dans  les  Anciens  Almanachs 
illustrés  (in-folio,  Paris,  Franzine,  4886),  et  Cohen,  dans 
son  remarquable  guide,  dont  la  cinquième  édition  a  été 
revue,  corrigée  et  considérablement  augmentée  par  un 
de  nos  savants  bibliophiles,  le  baron  Roger  Portalis 
(in-8o,  Paris,  Rouquette,  1887),  ont  donné  la  nomencla- 
ture et  quelquefois  la  description  de  ces  charmants  petits 
livres  dont  la  vogue  s'accroît  chaque  jour  et  qui,  dans 
les  ventes  publiques,  atteignent  des  prix  souvent  fort 
élevés. 

Cette  vogue  s'explique  par  des  titres  bizarres  et 
amusants,  des  figures  finement  gravées,  des  reUures 
originales,  élégantes  et  d'un  caractère  tout  particulier. 

D'Orfeuil,  dans  VEsprit  des  Almanachs  (in-42,  Paris, 
V^«  Duchesne,  1783)  fait  allusion  à  ces  titres  : 

«  La  multiplicité  des  titres  seule  est  dans  le  cas  de 
«  plaire  ;  le  philosophe  même  peut  s'en  amuser  ;  toute 
«  frivole  qu'est  cette  matière,  il  ne  la  dédaignera  pas, 
«  s'il  veut  considérer  les  différents  ressorts  de  l'esprit 
a  humain,  la   variété   des  faits    et   sous   combien   de 

1891  9 


130  BULLELIN  DU  BIBLIOPHILE 

a  formes  il  peut  se  reproduire.  L'homme  léger  rencon- 
a  trera  de  quoi  satisfaire  son  goût,  il  voltigera  sur  un 
«  parterre  émaillé  de  fleurs  et  il  recueillera  le  suc  de 
a  celles  qui  lui  seront  le  plus  analogues.  » 

La  Bibliothèque  Nationale  possède  dans  Toeuvre  de 
Dambrun  neuf  suites  d'eaux-fortes  et  de  figures  avant  la 
lettre,  qui  donnent  une  idée  de  la  perfection  avec 
laquelle  étaient  interprétées  les  minuscules  estampes 
dessinées  par  Oueverdo  (1)^ 

De  très  grands  maîtres,  Cochin,  Eisen,  Gravelot, 
Moreau,  et  des  artistes  de  beaucoup  de  valeur,  Binet, 
Choffard,  Desrais,  Dorgez,  Marillier,  Monnet,  secondés 
par  d'habiles  graveurs.  Gaucher,  de  Ghent,  Lemire 
Longueil,  Née,  Poncet,  ne  dédaignaient  pas  de  s'adonner 
à  l'illustration  des  almanachs  (2). 


(1)  En  suivant  Tordre  dans  lequel  Cohen  (dans  la  2*  édition  de  son  guide) 
donne  la  description  de  ces  neuf  suites,  les  séries,  de  douze  figures  chacune, 
appartiennent  :  1*  à  YAlmanach  des  étrennes  galantes  des  promenades  et  amuse- 
ments de  Paris,  Boulanger,  1780;  2*  à  l'Itinéraire  descriptif  de  Paris,  avec  indi» 
cations  quotidiennes,  débit  à  Paris  des  comestibles  les  plus  abondants  et  les 
plus  recherchés  de  chaque  saison  1780,  et  aussi  à  YAlmanach  des  marchés  de 
Paris,  étrennes  curieuses  et  comiques  avec  des  chansons  intéressantes,  dédié 
à  M"*  Barbe,  fruitière^rangère,  Boulanger,  1782;  3*  à  YAlmanach  galant,  moral 
et  critique,  en  vaudevilles,  Boulanger,  1783  ;  4*  Almanach  de  l'amour,  des  ris  et 
des  jeux,  Boulanger,  1786  ;  5*  Almanach  de  la  vie  pastorale,  Boulanger,  1787  ; 
6*  Almanach  des  délices  du  Palais-Royal,  id.,  1790;  7*  Almanach  de  la  comédie  de 
Figaro,  id.,  1786;  8*  Almanach  de  VcLmour  parmi  les  jeux,  id.,  1786  ;  9*  Étrennes 
du  sentiment,  dédiées  aux  Ames  bienfaisantes,  id.,  1784. 

(2)  Nous  devons  à  Cochin  huit  années  de  YAlmanach  iconologique,  des 
flronti^ices  pour  les  étrennes  mignonnes,  et  les  étrennes  lyriques  anacréon- 
tiques,  etc. 

A  Eisen,  des  vignettes  pour  YAlmanach  poétique  et  énigmatique  1756,  pour 
YAlmanach  des  Héroîdes  1773,  des  figures  pour  YAlmanach  des  théâtres,  etc. 

A  Gravelot,  90  fig.  pour  YAlmanach  utile  et  agréable  de  la  loterie  de  l'École 
royale  militaire,  iTSd;  les  neuf  premières  années  de  FAZina/iach  iconologique, 
les  figures  pour  le  parfait  modèle,  1778,  front,  pour  les  étrennes  chrono^ 
métriques  de  Pierre  Leroy,  célèbre  horloger,  1760,  etc. 

A  Moreau,  les  fig.  pour  YAlmanach  de  la  Révolution  1792  et  un  frontispice, 
pour  Tannée  1784,  des  étrennes  lyriques,  etc. 


ALMANACHS  DU  XVIII«  SIÈCX,E  131 

Quant  à  leurs  reliures,  les  curieux  en  ont  pu  voir  les 
plus  charmants  spécimens  à  l'exposition  rétrospective 
des  Arts  libéraux  (1889). 

Ce  qui  ajoute  encore  à  la  valeur  de  ces  almanachs, 
c'est  qu'ils  sont  d'une  extrême  rareté  et  presque  tous 
remplis  d'intérêt  ;  ils  peignent  bien  l'époque  à  laquelle 
ils  appartiennent  ;  certains  d'entr'eux  nous  renseignent 
sur  les  choses  du  jour  (expositions)  (1),  plaisirs  de  chaque 
saison  (2),  prix  des  denrées  (3),  prix  des  caricatures  (4), 
les  découvertes  de  l'année  (filage  de  l'huile  pour  les 
bateaux  en  cas  de  grosse  mer)  (5),  aérostation  (6),  fusil  à 
répétition  (7),  salon  de  Curtius  (8),  baquet  de  Mesmer  (9), 

A  Binet,  les  Suppositions  de  l'enjouement  1787,  le  Microscope  des  visionnaireSy 
1780  ;  l'Optimisme  de  nouDcautés,  1788  ;  le  Trottoir  de  Permesse,  1788,  etc. 

Choffard,  frontispice  pour  VAlmanach  du  duuseur,  1773. 

Desrais,  figures  pour  les  Almanachs  de  modes  et  costumes. 

Dorgez,  les  Intrigues  de  la  capitale,  1790;  TEsprit\da  siècle  1790;  les  Per» 
fidies  supposées,  1793  ;  les  Colifichets  Igrico-galanis,  1787  ;  le  Trésor  des  divi» 
nations,  1791  ;  le  Jardin  des  âmes  sensibles,  1793  ;  le  Panthéon  des  philan» 
tropes,  1792  ;  etc.,  etc. 

Marinier,  dans  VAlmanach  des  eêcapades  de  Vamour,  un  front,  et  huit 
figures  charmantes  :  la  vue.  Fouie,  le  toucher,  l'odorat,  le  goût,  etc.,  frontis- 
pice pour  les  étrennes  d'Apollon,  1757. 

Monnet,  frontispices  pour  les  étrennes  Igriques,  dernières  années,  et  YAlmŒ» 
nach  des  grâces,  1784. 

(1)  Délices  de  Cérès  Pomone  et  Flore,  1774. 

(2)  Almanach  de  l'amour  des  ris  et  des  jeux,  1786. 

(3)  Almanach  du  comestible,  VUS» 

(4)  Quelle  folie  ou  galerie  des  caricatures  vers  1798,  almanach  rarissime, 
orné  de  douze  réductions  très  finement  gravées,  des  caricatures  de  Carie 
Vemet  :  les  Incroyables,  l'Anglomane,  ma  Chevelure  s'en  va,  etc. 

(5)  Almanach  de  Gotha,  1786. 

(6)  Almanach  des  Folies  modernes,  1781  ;  le  Trésor  des  almanachs,  1783  ; 
Colifichets  Igrico-galants,  1790. 

(7)  Étrennes  mignonnes,  curieuses  et  utiles  pour  l'année  bissextile  1776. 
Le  S'  de  Fasting,  colonel,  de  Berghen  en  Norwi^ge,  a  ihventé  une  arme  à  feu 
avec  laquelle  on  peut  tirer  10  à  20  coups  dans*  une  minute  ;  Tarme  n'est  pas 
plus  pesante  qu'un  fusil  ordinaire,  et  il  s'occupe  actuellement  d'une  autre 
machine  à  peu  près  semblable,  avec  laquelle  on  pourra  tirer  30  coups  dans 
mie  minute. 

(8)  Aven  ures  parisiennes,  1784. 

(9)  Almanach  des  Folies  modernes. 


432  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

machine  à  engraisser  les  volailles  (1),  recettes  nom- 
brueses  (2),  etc.,  etc.),  nous  racontent  de  piquantes 
anecdotes  ou  nous  donnent  les  couplets  à  la  mode,  les 
chansons  nouvelles,  les  ariettes  et  vaudevilles  les  plus 
en  vogue. 

D'autres,  tels  que  les  Halles  et  Marchés,  les  belles  Mar- 
chaudes  de  Paris ,  les  Promenades  et  amusements  de 
Paris,  les  Délices  du  Palais-Royal,  la  Fête  des  bonnes 
gens,  1787,  etc.,  nous  montrent  dans  leurs  délicieuses 
gravures,  des  scènes  prises  sur  le  vif,  avec  tout  un  petit 
monde  sémillant  et  gracieux,  et  nous  donnent  Tidée  de 
ce  qu'étaient  alors  les  grands  boulevards,  les  Champs- 
Elysées,  l'assemblée  à  Longchamps,  le  Palais-Royal,  la 
foire  Saint-Germain,  la  fête  de  Sceaux,  la  sortie  de 
l'Opéra,  le  Louvre,  etc..  les  intérieurs  de  boutiques, 
les  représentations  théâtrales,  les  jeux  innocents,  les 
mœurs  champêtres,  etc. 

D'autres  encore  nous  fournissent  de  précieux  détails 
sur  les  modes  et  les  costumes  (3),  les  coiffures,  les  fêtes 
données  à  Paris  en  l'honneur  du  mariage  du  Dauphin, 
celles  données  à  l'occasion  de  l'heureux  accouchement 
de  la  reine,  1782  ;  celui  intitulé  le  JByou  de  la  reine,  1778, 
contient  très  finement  gravés  les  portraits  de  la  famille 
royale  ;  tous  nous  révèlent  le  caractère  de  l'époque,  et  à 
ce  titre,  nous  sont  des  documents  utiles  pour  connaître 
mieux  encore  la  fin  du  XVIII®  siècle. 

Tous  ces  almanachs  avaient  des  éditeurs  particuliers, 
Desnos,  Boulanger,  Jubert,  Janet,  Tiger,  Marçilly,  qui, 
en  leur  qualité  de  relieurs-doreurs,  faisaient  coquette- 


Ci)  Almanach  de  poche  Liège^  1764. 

<2)  Éirennes  de  Minerve ^  171 A^ 

(3)  Recueil  général  de  costumes  et  de  modes,  Paris,  Desnos,  1781. 

Almanach  galant  des  costumes  français  les  plus  à  la  mode,  Boulanger,  1782. 

Souvenir  à  l'anglaise  (Coiffures),  1788. 

Nouveau  chansonnier  (Coiffures),  1787. 

Les  Fantaisies  aimables,  1783. 


ALMANACHS   DU   XYIII®   SIÈCLE  133 

ment  habiller  ces  livres  tous  mignons,  destinés  aux  petites 
maîtresses,  aux  gens  d'affaires,  voyageurs,  militaires, 
joueurs,  etc.  Les  uns  étaient  reliés  en  maroquin  rouge 
ou  vert,  souvent  ornés  sur  les  plats  d'attributs  tels  que  : 
Colombes  se  becquetant,  instruments  de  musique,  car- 
quois garnis  de  flèches,  cœurs  enflammés  avec  le  flam- 
beau allumé  de  Fhymen,  accompagnés  de  devises  :  je 
brûle  pour  vous,  Tamour  les  couronne,  agréable  à 
tous,  etc. 

Les  autres,  recouverts  de  soie  peinte  à  la  gouache, 
brodée  de  soie  et  d'or  ou  garnie  de  paillettes  étincelantes; 
d'autres,  plus  riches  encore,  avec  un  médaillon  conte- 
nant une  délicieuse  miniature,  le  tout  protégé  par  un 
étui  de  maroquin  doublé  de  tabis  vert  ou  bleu. 

Ceux-là,  sans  doute,  étaient  destinés  à  être  offerts  en 
présent  à  Céphise,  Doris  ou  Cydalise. 

Vous  souhaitez,  Philis,  un  almanach  nouveau  ; 

De  Paris,  voilà  le  plus  beau. 

S'il  vous  est  souvent  nécessaire. 
Ah  !  du  moins  en  rouvrant,  souvenez-vous  toigours. 

Qu'il  n'est  point  de  mois,  point  de  jours 
Où  je  ne  pense  à  vous  et  n'aspire  à  vous  plaire.  (  1  ) 

a  Puissent,  Iris,  ces  petites  étrennes, 
«  Vous  engager  à  me  donner  les  miennes.  »  (2) 

Les  acheteurs  trouvaient  à  leur  gré  dans  ce  choix 
varié,  presque  pittoresque,  et  chacun  emportait  avec  lui 
son  secrétaire  pour  l'année;  bien  heureux  celui  qui 
n'avait  à  remplir  que  la  colonne  du  gain.  Car,  dans  ces 
almanachs,  après  le  calendrier,  viennent  24  pages,  deux 
par  mois,  avec  colonnes,   perte   et  gain,    suivies    des 


(1)  Almanach  nouveau,  sans  lieu  ni  date,  composé  de  24  pages  gravées^ 
avec  une  vignette  à  chaque  page,  que  ron  peut  attribuer  à  Gravelot,  servant 
à  illustrer  un  conte  eu  vers  légèrement  badin* 

(2)  Le  don  du  sentiment,  étrennes  expressives  du  cœur,  1782» 


134  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

tablettes  économiques,  pour  servir,  à  Taide  d'un  stylet 
minéral,  à  déposer  comme  dans  le  sein  d'un  ami  fidèle, 
les  secrets  et  sentiments  du  cœur,  a  Ces  tablettes  sont,  en 
effet,  le  confident  assuré  de  nos  pensées.  Si  les  dames 
n'en  avaient  pas  d'autres,  elles  craindraient  moins  les 
indiscrétions.  » 

A  partir  du  petit  almanach  de  Paris^  augmenté  pour 
4733,  à  Paris,  chez  Papillon,  graveur  en  bois,  et  l'un  des 
premiers  à  contenir  de  jolies  gravures,  les  mois  de 
l'année,  les  almanaclis  du  XVIl^  siècle  sont  nombreux, 
trop  nombreux  même  pour  arriver  en  une  fois  à  faire  un 
travail  complet;  mais  si  chacun  apporte  une  pierre  à 
l'édifice,  ce  travail  peut  être  achevé  quelque  jour. 

En  1732,  avec  privilège  du  roi,  donné  à  François 
Jouenne,  commence  la  série  des  Etrennes  mignonnes  et 
utiles, 

«  Elles  vous  offrent  un  cœur  constant  tendre  et  fidèle, 
Ardent,  sincère  et  plein  de  zèle.  » 

a  Elles  sont  mignonnes,  curieuses  et  utiles.  Elles  vous 
«  apprennent  à  penser  à  bien  des  choses  nécessaires  dans 
dt  le  cours  de  la  vie.  Elles  font  ressouvenir  des  choses 
«  passées  et  donnent  envie  d'en  apprendre  plus.  Elles 
a  contiennent  un  calendrier  exact  des  jours  de  l'année, 
«  augmenté  du  lever  de  la  lune  ;  la  création  du  monde, 
n  son  antiquité ,  la  composition  du  monde ,  son 
a  mouvement  perpétuel,  la  variété  de  la  vie  des 
a  hommes.  Noms  des  mort^  dans  un  âge  avancé  depuis 
a  un  an.  Généalogie  des  maisons  régnantes.  Idée  gêné- 
d  raie  de  la  France  ;  ses  provinces,  villes  capitales  et 
a  rivières.  Chronologie  des  rois.  Les  39  gouvernements 
«  généraux.  Les  30  intendances  et  généralités.  Intendance 
«  de  marine  et  des  colonies  étrangères.  Les  officiers  de 
«  justice,  les  officiers  généraux  d'armée  sur  terre ,  sur 
«  mer  et  d'artillerie,  les  ordres  de  chevalerie,  le  détail 
«  de  Paris^  les  archevêchés  et  évéchés,  l'établissement 


ALMANACHS   DU  XVÏII®   SIÈCLE  135 

€  des  ordres  monastiques  et  religieux.  Origine  des  curio- 
€  sites  ecclésiastiques.  Origine  des  curiosités  naturelles, 
€  origine  des  différents  arts,  des  différents  usages,  curio- 
€  sites  diverses.  Chronologie  des  choses  remarquables.  "» 

Tel  est  le  plan  adopté  pour  la  publication  de  ces 
étrennes,  ornées  seulement  d'un  frontispice  gravé  et 
d'une  carte  de  France.  Comme  ces  figures,  dit  Jombert 
dans  Tœuvre  de  Cochin,  devaient  se  tirer  à  quarante 
ou  cinquante  mille  exemplaires,  Cochin  gravait  quatre 
fois  sur  la  même  planche  les  mêmes  sujets.  Cette  publi- 
cation se  fait  toujours  en  1790,  année  dans  laquelle  on 
donne  la  description  du  costume  des  membres  des  États- 
généraux,  noblesse,  clergé,  tiers-ordre,  et  encore  en 
1829(1). 

En  1745,  un  almanach  de  tout  petit  format  est  imprimé 
à  Amsterdam,  avec  douze  charmantes  vignettes  à  mi- 
page,  au-dessous  desquelles  se  lit  un  quatrain. 

Pour  le  mois  de  décembre  : 

Le  monde  est  une  mer  orageuse,  implacable, 
La  vie  est  un  vaisseau  fragile  au  moindre  effort, 
La  mort  est  un  écueil  terrible,  inévitable 
Et  ce  funeste  écueil  est  notre  dernier  port. 

En  1759  paraît  l'un  des  plus  jolis  et  des  plus  rares 
almanachs  du  XVIII**  siècle,  V Almanach  utile  et  agréable 
de  la  loterie  de  l Ecole  Royale  militaire^  où  Ton  voit  son 
origine,  son  progrès,  son  établissement  en  France  et  la 
façon  de  placer  le  plus  avantageusement  sa  mise,  enri- 
chi de  90  fig.  en  taille-douce,  qui  pourront  servir  de 
devises,  chaque  figure  accompagnée  d'un  quatrain  rimé 


(1)  La  grand'mère  de  M.  le  baron  Pichon,  l'aimable  autant  que  savant  (et  ce 
n  est  pas  peu  dire)  président  de  la  Société  des  Bibliophiles  Français,  faisait 
acheter  chaque  année  chezTigerles  Étrennes  Mignonnes.  Elle  mourut  en  cette 
année  1829. 


136  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

par  Gravelot  et  représentant  de  gracieuses  scènes  enfan- 
tines. 

1764  est  la  première  année  des  almanachs  Gotha,  qui 
se  suivent  sans  interruption,  la  plupart  ornés  de  jolies 
figures  de  Chodowiecki. 

En  1765  et  pendant  les  seize  années  qui  suivent,  Gra- 
velot et  Ck)cliin  nous  donnent  VAlmanach  iconologiqaey 
orné  de  figures  avec  explication,  recueil  précieux  et 
difficile  à  rencontrer  en  reliure  uniforme,  surtout  en 
maroquin. 

Eîn  cette  même  année  Sautereau  de  Marsy  fait  paraître 
la  première  des  quarante  et  une  années  de  VAlmanach 
des  muses.  Un  frontispice  gravé  pour  chaque  volume. 

En  1766,  Desnos  met  en  vente  VAlmanach  de  Vindica-- 
leur  fidèlCy  orné  de  cartes  routières  de  France  et  d'un 
frontispice    représentant    les   différentes    manières    de 
voyager,  à  cheval,  en  carrosse,  en  bateau  ou  en  coche 
d'eau. 

En  1768,  il  donne  une  nouvelle  édition  ou  plutôt 
remet  en  vente  avec  un  nouveau  titre  l'édition  non 
épuisée  des  Etrennes  Françaises,  dédiées  à  la  ville  de 
Paris,  parues  pour  la  première  fois  en  1766,  chez  Pierre- 
Guillaume  Simon,  avec  deux  planches  d'armoiries,  cinq 
jolies  vignettes  gravées  par  Saint-Aubin,  et  une  sixième 
par  Gravelot. 

En  1771,  il  dédie  à  Madame  la  Dauphine  les  Etrennes 
des  Saisons  ou  extrait  des  plus  beaux  poèmes  sur  les 
saisons,  avec  un  très  joli  portrait  de  Madame  la  Dau- 
phine et  quatre  figures,  le  printemps,  l'été,  l'automne  et 
l'hiver. 

Enfin,  arrive  le  déluge  des  almanachs  et  il  nous  sem- 
ble assez  curieux  de  reproduire  les  annonces  suivantes 
faites  par  Desnos,  Laporie,  Boulanger,  Jubert  et  Janet. 

«  Le  sieur  Desnos  annonce  qu'il  vient  de  mettre  en 
«  vente,   pour  l'année   1774,   la   plus  jolie   coUectioa 


ALMANACHS   DU  XVin«   SIÈCX£  137 

d'almanachs,  bijoux  d'étrennes  et  les  plus  rares  que 
l'on  puisse  désirer.  Ck)mme  le  nombre  en  est  grand, 
nous  n'en  désignons  qu'une  vingtaine  des  plus  inté- 
ressants, i^  Almanach  géographique  ou  petit  atlas 
élémentaire,  dédié  au  roi  de  Danemarck.  2o  L'idée  de 
la  géographie  ou  de  l'histoire  moderne.  3^  L'indicateur 
fidèle  qui  enseigne  généralement  toutes  les  routes  de 
France,  utile  aux  commerçants  et  aux  voyageurs. 
49  L'iconologie  historique  et  généalogique  des  rois  de 
France,  avec  leurs  portraits  en  médaillon.  En  tête  est 
celui  de  Louis  XV,  supérieurement  gravé.  5®  Les  anec- 
dotes de  Louis  le  bien-aimé.  6^  Les  souvenirs  immor- 
tels ou  tableaux  poétiques  du  roi  et  des  princes  du 
sang,  présentés  à  sa  Majesté.  ?<>  Les  quatre  saisons  et 
les  quatre  heures  du  jour,  en  tête  est  le  portrait  de 
Madame  la  Dauphine.  S^Les  délices  de  Gérés,  Pomone 
et  Flore  ou  la  campagne  utile  et  agréable,  orné  de 
douze  estampes  relatives  aux  amusements  de  chaque 
mois  de  Tannée.  9°  Opuscules  poétiques,  petit  recueil 
de  pièces  fugitives  de  M.  de  Voltaire.  40>  Le  petit 
Rameau  ou  principes  courts  et  faciles  pour  apprendre 
soi-même  la  musique,  avec  de  nouvelles  ariettes  et 
estampes  relatives,  avec  le  portrait  de  l'auteur.  11®  Le 
courtisan  sans  art  ou  les  complimens  sans  fard.  12o 
L'almanach  des  trois  fortunes.  13®  L'oniroscopie  ou 
application  des  songes  aux  n®«  de  la  loterie  de  l'École 
Royale  militaire.  14®  Le  secrétaire  des  dames,  avec 
les  promenades  des  environs  de  Paris.  15®  Le 
secrétaire  économique  des  messieurs.  16®  Le  néces- 
saire aux  militaires,  négocians,  gens  d'affaires  et 
voyageurs.  17®  Le  mémorial  des  gens  d'esprit.  18®  Les 
«  Étrennes  des  saisons  avec  un  poème  connu  sur  les 
«  saisons.  19®  Les  Etrennes  de  l'amour  et  celles  du 
«  sentiment.  20®  Les  Etrennes  de  Minerve  aux  artistes, 
€  encyclopédie  économique  ou  l'Alexis  moderne,  conte- 


138  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

«  nant  huit  cents  difiPérents  secrets  sur  l'agriculture,  les 
a  arts  et  métiers,  extraits  de  plus  de  mille  auteurs  et 
«  des  meilleures  recettes  en  4  vol.  in-24,  brochés  4  livres, 
«  le  calendrier  perpétuel  avec  Texplication  de  ses  usages. 
«  Toutes  ces  étrennes  réunissent  le  nécessaire  etFagréable. 
a  Elles  méritent  encore  Taccueil  le  plus  favorable,  à  cause 
«  des  tablettes  avec  perte  et  gain  et  du  papier  nouveau, 
<L  de  la  composition  du  sieur  Desnos,  qui  réunit  tous  les 
«  avantages  de  celui  d'Hollande  {sicj  et  qui  peut  être  em- 
a  ployé  à  toutes  sortes  d'usages,  pour  écrire  et  dessiner 
«  au  moyen  d'un  stylet  minéral  sans  fin,  enjolivé  de 
«  toutes  les  façons,  adapté  à  ces  tablettes,  qui  tient  lieu 
«  de  plume,  d'encre  et  de  crayon  et  qui  sert  longtemps 
a  sans  qu'on  soit  obligé  de  tailler  la  pointe.  Le  sieur 
a  Desnos,  qui  n'a  d'autre  but  que  la  satisfaction  du 
«  public,  a  décoré  ces  almanachs  de  reliures  les  plus 
«  élégantes,  en  maroquin  veau  et  carton,  avec  ferme- 
d  tures,  de  manière  à  ne  pas  s'ouvrir  dans  la  poche. 
a  Ces  almanachs  sont  enrichis  d'estampes,  qui  les  distin- 
«  guent  des  autres  et  sont  de  différentes  grandeurs  et 
«  de  prix  différents  depuis  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8,  9,  10  et 
«  12  livres,  suivant  les  reliures. 

«  La  notice  des  almanachs  du  sieur  Desnos  (1),  petite 
<L  brochure  d'environ  cent  pages,  où  l'on  donne  une 
«  idée  de  chacun  pour  déterminer  le  choix  du  public, 
«  se  distribuera  gratuitement  aux  personnes  qui  feront 
a  l'acquisition  de  quelque  exemplaire.  Autrement,  elle 
«  se  vendra  une  livre  quatre  sols.  Le  catalogue  général 
a  desdits  almanachs  se  distribuera  aussi  gratis  et  indis- 
«  tinctement  à  ceux  qui  désireront  en  prendre  connaîs- 
(L  sance.  » 


(  1  )  Ces  almanachs  étaient  connus  sous  le  nom  des  Desnos.  Ceux  dont  les 
figures  étaient  enluminées  se  vendaient  plus  cher  :  6  livres  au  lieu  de  4  livres 
10  sols. 


ALMANACHS  DU  XVHI®   SIÈCLE  139 

Heureux,  trois  fois  heureux  I  le  bibliophile  qui  décou- 
vrira ce  rarissime  catalogue.  Il  pourra  se  vanter  de 
n'avoir  pas  perdu  sa  journée  ! 

Desnos  portait  au  plus  haut  degré  Tart  de  la  réclame. 
Dans  la  préface  du  Mémorial  des  gens  d' esprit ^  1775, 
intitulée  les  rêveries  d'un  homme  tout  éveillé,  pensées 
badines,  l'éditeur  explique  le  titre,  le  but  et  l'utilité  de 
cet  almanach,  composé  seulement  de  feuillets  blancs  du 
papier  de  son  invention. 

a  Que  d'auteurs  ne  font  que  barbouiller  du  papier, 
«  semblables  à  ces  chenilles  qui  gâtent  les  feuilles  des 
«  arbres  sur  lesquelles  elles  rampent  !  Que  de  gros  livres 
«  qui  sont  moins  que  de  petites  brochures  !  que  de  petites 
«  brochures  qui  sont  moins  que  rien  !  Au  milieu  de  tant 
c  de  célibataires  ou  de  gens  bons  à  rien,  car  c'est  la  même 
«  chose,  au  milieu  de  tant  de  volumes  et  d'écrits  en  tous 
«  genres,  notre  almanach  aura  seul  la  gloire  d'être  utile. 
«  C'est  ce  que  nous  allons  prouver  du  mieux  qu'il  sera 
«  possible. 

«  Ce  petit  livre  ne  saurait  manquer  d'abord  d'être  moins 
c  rempli  de  fautes  que  les  divers  ouvrages  de  littérature 
«  dont  nous  sommes  inondés  tous  les  jours,  puisque  les 
«  trois  quarts  de  ses  feuilles  sont  en  blanc.  Que  les 
c  libraires  s'avisent  aussi  de  ne  donner  au  public  que 
«  des  volumes  en  blanc  et  nous  défions  la  critique  d'y 
«  trouver  à  mordre.  Que  d'auteurs  passeraient  encore 
«  pour  des  gens  d'esprit  s'ils  avaient  connu  l'expédient 
«  dont  nous  parlons  ici...  etc..  etc.... 

a  La  conversation  de  tant  de  gens  serait-elle  si  souvent 
«  ennuyeuse,  s'ils  avaient  coutume  d'écrire  les  jolies 
«  choses,  les  traits  saillants  qu'ils  entendent  dire,  afin  de 
«  les  apprendre  par  cœur  et  de  les  débiter  ensuite  dans 
«  le  monde  comme  s'ils  étaient  d'eux-mêmes  etc.  etc..  ï> 

Dans  un  autre  almanach  de  Desnos,  le  Babillard  ins- 
truit, 1787,  contenant  un  choix  de  choses  qu'il  est  le  plus 


140  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

important  de  ne  pas  ignorer,  avec  des  anecdotes  et  des 
observations  intéressantes  sur  les  mœurs  et  le  génie  des 
dififérents  peuples,  notamment  des  Français,  des  Anglais, 
des  Espagnols,  terminé  par  quelques  anecdotes  de  la 
jeunesse  de  feu  M.  de  Voltaire,  c'est  le  recueil  qui  a 
rhonneur  de  se  présenter  en  public  : 

a  Oui,  lecteur  judicieux,  voici  le  plus  original  et  le 
«  plus  piquant  des  recueils  de  mon  genre.  N'allez  point 
a  vous  aviser  de  croire  qu'avec  son  apparence  de  légè- 
re reté,il  ne  soit  point  très  grave,  très  moral,  très  penseur, 
a  très  raisonnable.  Je  suis  tout  cela,  mon  cher  lecteur  ; 
«  car  c'est  moi-même  qui  ai  l'honneur  de  parler  à 
«  vous. 

a  Les  critiques  de  mauvaise  humeur  (et  il  n'y  en  a  guère 
«  que  de  cette  espèce)  vous  diront  peut-être  que  j'ai  un 
«  air  de  famille.  Ne  les  croyez  point,  ami  lecteur.  Com- 
cc  mencez  par  me  lire  et  vous  finirez  par  suivre  l'avis 
«  que  je  prends  la  liberté  de  vous  donner  et  je  vous  jure,. 
«  foi  d'almanach  de  bonne  compagnie,  que  je  serai  tou- 
«  jours  assez  vengé  du  dédain  que  ces  messieurs  affectent 
a  ordinairement,  je  ne  sais  trop  pourquoi,  pour,  les  pro- 
«  ductions  de  mon  espèce. 

«  Mais  cela  ne  suffit  pas,  Mesdames  ;  car  c'est  princi- 
«  paiement  à  vous  que  j'aime  à  avoir  affaire.  J'ai  ma 
«  forme  comme  un  autre  almanach  et  je  me  flatte  néan- 
a  moins  dans  mon  petit  volume  de  vous  laisser  peu  de 
«  choses  à  désirer,  d'abord  sur  l'agrément  qu'il  faut 
a  toujours  avoir  soin  de  faire  marcher  le  premier  avec 
a  vous,  en  deuxième  lieu  sur  l'utilité  qu'on  doit  toujours 
«  faire  venir  à  la  suite.  C'est,  ce  me  semble,  un  assez 
«  grand  mérite  pour  une  espèce  de  hasard  du  coin  du 
«  feu,  tel  que  je  suis...,  etc.,  etc. 

a  A  l'égard  de  vous.  Messieurs,  vous  pourrez  vous 
a  apercevoir  du  reste  que  mon  rédacteur  n'a  eu  garde 
a  de  vous  oublier,  puisqu'il  a  eu   la  bonté  de  pousser 


ALMANACHS  DU  XVin®  SIÈCLE  141 

4  rérudition  en  ma  faveur  au  point  de  me  mettre  à 
«  même  de  pouvoir  vous  offrir  tout  ce  qui  peut  servir  à 
«  rendre  les  hommes  meilleurs  et  plus  dignes  d'eux- 
a  mêmes,  et  encore  une  fois,  Messieurs,  ce  n'est  pas  un 
«  petit  service  que  celui-là. 

^  J'ai  dit,  Messieurs  et  Mesdames;  je  finis  en  me 
«  remettant  sous  vos  mains,  et  je  suis  toujours,  quoi  ? 

«  Un  Almanach.  » 

En  1779,  un  libraire,  relieur*doreur,  Laporte,  rue  des 
Noyers,  publiait  un  avis  que  l'on  peut  lire  dans  Falma- 
nach,  V Amour  à  répreuve  ou  le  bijou  bien  gardé. 

d  L'accueil  favorable  que  le  public  a  toujours  fait  à 
«  cette  espèce  d'almanach,  avec  de  petites  gravures  dont 
«  le  lecteur  sait  le  sujet,  aussitôt  qu'il  a  lu  la  chanson, 
€  engage  le  libraire  à  en  faire  paraître  un  tous  les  ans, 
«  de  même  format  avec  des  sujets  différents,  pour  que 
«  ceux  à  qui  ils  plairont  puissent  en  faire  une  collection 
«  qui  leur  deviendra  par  la  suite  aussi  précieuse  qu'a- 
«  gréable.  d 

En  1789  également.  Boulanger,  relieur  doreur,  dans 
l'almanach  galant  moral  et  critique  en  vaudevilles,  fait,  à 
la  dernière  page,  une  annonce  d'un  style  presqu'incom- 
préhensible,  mais  trop  intéressante  pour  ne  pas  être 
reproduite  exactement, 

«  Boulanger,  relieur  et  doreur,  vend  différents  alma- 
c  nachs  pour  les  berloques  de  montres  en  papier  et  en 
«  rubans,  et  des  vues  d'optique,  almanachs  pour  les  étuis 
«  à  ressorts,  les  pyramides  et  pour  les  tableaux,  aima- 
«  nachs  pour  les  caves,  des  nécessaires  et  pour  tous 
«  autres  bijoux  de  poche,  Almanachs  de  cabinet  de  toutes 
e  grandeurs  avec  figures  gravées  par  d'habiles  artistes 
«  le  tout  encadré  sous  glaces. 


142  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

«  On  trouvera  aussi  chez  Fauteur  dès  plans  et  cartes 
«  géographiques  et  divers  sujets  avec  figures  et  paysages, 
«  le  tout  enluminé  et  peint  avec  tout  l'art  possible  pour 
«  orner  dififérentes  tabatières  et  propres  à  être  encadré 
a  séparément  pour  les  cabinets.  Almanachs  de  poche 
«  depuis  six  lignes  jusqu'à  quatre  pouces  de  hauteur, 
a  avec  figures,  chansons  et  musique,  vend  aussi  des 
a  lettres  de  change  et  billets  à  ordres  gravés  en  taille 
«  douce.  L'auteur  vient  de  mettre  au  jour  deux  almanachs 
c  nouveaux  ornés  chacun  de  douze  estampes  galantes 
d  morales  et  critiques,  et  analogues  aux  plaisirs  de  la 
«  ville  et  de  la  campagne  pour  chaque  mois,  avec  mu- 
d  sique,  perte  et  gain  et  chansons  relatives  aux  sujets, 
«  il  fait  et  vend  toutes  sortes  de  couvertures  pour  les 
«c  almanachs.  d 

En  1781,  Boulanger  s'intitule  doreur  sur  cuir  et  sur 
soie  (1)  et  vend  : 

a  L'almanach  galant  avec  figures  et  chansons,  celui  des 
a  plaisirs  de  la  ville  et  de  la  campagne  aussi  avec  figures 
«c  et  chansons.  L'almanach  des  coiffures  et  costumes,  douze 
«  figures  de  femmes  et  six  d'hommes  en  pied  avec  chansons» 
«  L'almanach  a^BC  douze  figures  sur  l'heureux  accouche- 
a  ment  de  la  reine,  les  réjouissances  qui  l'ont  suivi  et  sur 
«c  l'entrée  de  leurs  majestés  dans  la  capitale.  Il  s'encadre 
d  par  un  deux  ou  trois  mois.  On  le  vend  aussi  relié  en 
a  maroquin  avec  glace  et  sans  glace,  et  des  vers  pour  la 
a  reine .  L'almanach  des  quatre  saisons  et  des  quatre  heures 
«  du  jour  avec  jolies  figures  analogues,  laquel  s'encadre 
«  et  se  relie  comme  le  précédent.  L'almanach  des  amuse- 


(1)  Boulanger  ne  se  contente  pas  d'être  éditeur,  relieur,  doreur,  doreur  sur 
cuir  et  sur  soie  ;  il  est  encore  auteur  :  ainsi  que  le  témoigne  le  privilège  du 
roi  qui  lui  est  accordé  pour  faire  imprimer  et  douer  au  public  un  ouvrage  de 
sa  composition  intitulé  almanach  galant,  moral  et  critique  ou  vaudevilles, 
orné  de  gravures.  • 


ALMANACHS  DU  XYIII®  SIÈCLE  143 

€  ments  et  promenades  de  Paris,  et  de  ses  environs  avec 
«  douze  estampes  et  chansons  relatives  au  sujet.  Toutes 
«  ces  figures  sont  dessinées  et  gravées  par  M.  Queverdo, 
€  dont  les  talents  sont  connus.  On  trouve  chez  Boulanger 
«  différents  almanachs  pour  les  breloques, 

«  Il  fait  et  vend  toutes  sortes  de  jolies  couvertures  or  fin^ 
«  ou  en  commun  pour  les  almanachs  exécutés  dans  le  plus 
«  bon  goût  soit  en  maroquin  et  mouton  ou  en  bazane, 
«  et  dans  les  grandeurs  convenables  à  tous  les  almanachs, 
«  couvertures  peintes  et  miniatures  dans  le  dernier  goût* 
c  Ck)uvertures  brochées  supérieurement,  on  garantit  la 
«  broderie.  » 

En  1786,  à  la  dernière  page  d'un  de  ses  plus  char* 
mants  almanachs,  les  délices  du  Palais-Royal^  Boulan- 
ger donne  le  catalogue  de  ceux  qu'il  met  en  vente  : 

«  Almanachs  grandeur  d'étrennes  ornés  de  douze  fig* 
«  chacun  :  1°  du  Palais-Royal  ;  2®  de  la  Comédie  de 
«  Figaro  ;  3®  de  l'amour  parmi  les  jeux  ;  4fi  des  prome- 
«  nades  de  Paris  ;  5®  des  marchés  de  Paris  ;  6<>  des 
«  costumes  des  deux  sexes  ;  7®  galant  moral  et  critique  ; 
«  8o  étrennes  du  sentiment  ;  9°  étrennes  anacréontiques  ; 
«  IQo  de  l'amour,  du  ris  et  des  jeux. 

«L'on  trouvera  chez' lui,  bijoux  relatifs  et  toutes 
«  sortes  de  couvertures,  d 

Dans  un  almanach,  les  Intrigues  dé^la  Capitale,  pu- 
blié en  1782,  chez  Jubert,  à  Paris,  nre  Saint-Jacques, 
la  porte  cochère  vis-à-vis  les  Mathurins,  est  imprimé 
l'avis  suivant  : 

«  Jubert,  successeur  dfe  M.  Boimare,  doreur  sur  cuir, 
«  fait  et  tient  magasin  de  toutes  sortes  de  jolies  couver- 
«  tures  d'almanachs,  maroquin  de  toute  couleur,  avec 
<  glaces  et  sans  glaces,  petits  brillants  et  beaux  brillants 
«  avec  jolis  médaillons  $t  cercles  d'or  et  d'argent,  à  la 


144  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

a  provençale,  brodés  de  toute  façon  avec  médaillons, 
«  peintures  et  cercles,  il  tient  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
<i  nouveau  en  ce  genre  et  de  mieux  fait  en  dedans,  le 
<i  tout  avec  glaces  et  petit  gousset,  petit  almanach  à  la 
a  Dauphine  (1)  avec  de  jolies  gravures  et  glaces  pour  les 
<c  dames,  il  pose  toutes  les  armes  et  chiffres  que  l'on 
<c  désire,  des  jolis  médaillons  et  toutes  sortes  d'inscrip- 
«  tions  sur  les  portes-feuilles  et  registres,  il  fait  tout  ce 
a  que  Ton  peut  demander  dans  ce  genre,  il  fait  aussi  les 
a  envois  pour  la  province  et  les  pays  étrangers.  » 

Plus  tard,  Janet,  successeur  de  Jubert,  annonce  dans 
V Apologie  de  la  tendresse  ou  le  pouvoir  de  Vamitié  ±791  y 
quelques  almanachs  nouveaux  qui  se  trouvent  chez  lui 
et  qui  se  vendent  ainsi  que  beaucoup  d'autres  brochés  ou 
brodés  avec  couvertures  de  maroquin,  mouton  etc.,  avec 
étuis,  glaces  et  sans  glaces. 

En  1793,  la  veuve  Tiger,  au  Pilier  Littéraire,  place  de 
Cambrai,  publie  des  almanachs  et  tient  pour  eux,  ma- 
nufacture de  couvertures* 

En  1795,  Demoraine,  imprimeur- libraire,  rue  du  Petit- 
Pont,  annonce  dans  le  Chasseur  et  la  Meunière,  alma- 
nach chantant,  qu'il  tient  une  spécialité  d'almanachs 
connus  sous  le  nom  d'Étrennes. 

D'autres  libraires,  Lattre,  Duchesne,  Lesclapart,  Va- 
lade,  Langlois,  Cailleau,  Levacher,  GuefBer,  Ouvrier, 
Esnault  et  Rapilly,  Bailly,  Ardoin,  etc.,  impriment  et 
répandent  à  profusion  toutes  sortes  d'almanachs  illustrés. 

Il  y  en  a  d'historiques,  d'anecdotiques,  de  géogra- 
phiques, de  chronométriques,  de  lyriques,  d'anacréon- 
tiques  ;    il  y  en  a  qui  sont  tout  cela,  comme  le   Petit 


(1)  Sans  donte  l'almanach  en  forme  de  carnet  oblong,  contenant  le  calen- 
drier avec  petites  figures  en  tête  de  chaque  mois  et  des  feuillets  blancs  pour  y 
écrire  avec  le  stylet  minéral  ;  la  reUure  en  maroquin,  avec  ^ace  sur  l'un  des 
plats.  Sur  l'autre  plat,  un  dauphin  couronné. 


ALMANACHS  DU  XYim  SIÈCLE  145 

théâtre  de  V  Univers,  étrennes  naturelles  précieuses,  ins- 
tructives et  amusantes,  1784  ;  il  y  a  même  celui  qui  nous 
est  pas  un,  le  Babillard  instruit,  1787. 

Il  y  en  a  pour  la  cuisine,  VAlmanach  du  comestible; 
nécessaire  aux  personnes  de  bon  goût  et  de  bon  appétit, 
1778  ;  pour  le  jardinage,  les  Délices  de  Cérès^  Pomone  et 
Flore,  1774  ;  pour  les  voyageurs,  V Indicateur  fidèle,  1766. 

La  danse  a  VAlmanach  dansant,  1770  ;  la  chasse. 
VAlmanach  du  chasseur,  1773  ;  la  religion,  VAlmanach 
théocratique,  1797  ;  les  fables  ont  le  leur  :  les  Étrennes 
d Esope  aux  Français. 

Les  Métamorphoses  di  Ovide  en  chansons  et  le  Petit 
Manuel  mythologique  sont  ceux  de  la  mythologie. 

Et  même  I  les  maris  infortunés  ont  le  leur  :  VAlmanach 
des  C...S,  1740. 

Les  enfants  ne  sont  pas  oubliés  ;  le  Devoir  des  enfants, 
1793,  par  Silvàin  Maréchal,  a  été  écrit  et  illustré  pour  eux. 

En  regard  d'une  figure  représentant  une  scène  enfan- 
tine, le  nouvel  an,  l'école,  les  vacances,  la  bonne  fête, 
les  oreilles  d'âne,  la  danse,  etc...  une  page  de  texte  gravé 
relatif  au  sujet  et  commençant  par  ces  mots  :  ^  Mes 
petits  amis  >  (pour  l'école).  «  Mes  petits  amis,  le  jeune 
arbre  qui  prend  une  croissance  irrégulière  ne  regarde 
pas  de  mauvais  œil  le  jardinier  sage  qui  le  redresse. 
Imitez  ce  jeune  arbre,  un  jour  vous  nous  remercierez 
des  rigueurs  de  nos  leçons,  etc.,  etc.  d 

Il  y  en  a  de  microscopiques  Paul  et  Virginie,  1793; 
le  Télescope  des  clairvoyans,  1791,  etc.,  que  l'on  met  dans 
des  médaillons  servant  de  breloques  ou  que  le  confiseur 
Chervain,  au  grand  Mazarin,  place  dans  les  bonbons  à 
surprise  qu'il  vend  à  ses  nombreux  clients. 

M.  le  baron  Pichon  a  la  bonne  fortune  d'en  posséder 
plusieurs  dans  sa  précieuse  collection  ;  l'un  surtout  très 
remarquable,  contenu  dans  un  étui  en  or  (0"»  025  de  hau- 
teur, On>02  de  largeur),  breloque  en  forme  délivre,  sur 

1891  10 


144  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

n  provençale,  brodés  de  toute  façon  avec  médaillons, 
«  peintures  et  cercles,  il  tient  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
^  nouveau  en  ce  genre  et  de  mieux  fait  en  dedans,  le 
<i  tout  avec  glaces  et  petit  gousset,  petit  almanach  à  la 
a  Dauphine  (1)  avec  de  jolies  gravures  et  glaces  pour  les 
«  dames,  il  pose  toutes  les  armes  et  chiffres  que  l'on 
«  désire,  des  jolis  médaillons  et  toutes  sortes  d'inscrip- 
«  tions  sur  les  portes-feuilles  et  registres,  il  fait  tout  ce 
<i  que  l'on  peut  demander  dans  ce  genre,  il  fait  aussi  les 
«  envois  pour  la  province  et  les  pays  étrangers.  » 

Plus  tard,  Janet,  successeur  de  Jubert,  annonce  dans 
V Apologie  de  la  tendresse  ou  le  pouvoir  de  V amitié  1797, 
quelques  almanachs  nouveaux  qui  se  trouvent  chez  lui 
et  qui  se  vendent  ainsi  que  beaucoup  d'autres  brochés  ou 
brodés  avec  couvertures  de  maroquin,  mouton  etc.,  avec 
étuis,  glaces  et  sans  glaces. 

En  1793,  la  veuve  Tiger,  au  Pilier  Littéraire,  place  de 
Cambrai,  publie  des  almanachs  et  tient  pour  eux,  ma- 
nufacture de  couvertures» 

En  1795,  Demoraine,  imprimeur-libraire,  rue  du  Petit- 
Pont,  annonce  dans  le  Chasseur  et  la  Meunière,  alma- 
nach chantant,  qu'il  tient  une  spécialité  d'almanachs 
connus  sous  le  nom  d'Étrennes. 

D'autres  libraires,  Lattre,  Duchesne,  Lesclapart,  Va- 
lade,  Langlois,  Cailleau,  Levacher,  GuefBer,  Ouvrier, 
Esnault  et  Rapilly,  Bailly,  Ardoin,  etc.,  impriment  et 
répandent  à  profusion  toutes  sortes  d'almanachs  illustrés. 

Il  y  en  a  d'historiques,  d'anecdotiques,  de  géogra- 
phiques, de  chronométriques,  de  lyriques,  d'anacréon- 
tiques  ;    il  y  en  a  qui  sont  tout  cela,  comme  le   Petit 


(1)  Sans  donte  l'almanach  en  forme  de  carnet  oblong,  contenant  le  calen- 
drier avec  petites  figures  en  tête  de  chaque  mois  et  des  feuillets  blancs  pour  y 
écrire  avec  le  stylet  minéral  ;  la  reliure  en  maroquin,  avec  glace  sur  l'un  des 
plats.  Sur  l'autre  plat,  un  dauphin  couronné. 


ALMANACHS  DU  XVim  SIÈCLE  145 

théâtre  de  V  Univers,  étrennes  naturelles  précieuses,  ins- 
tructives et  amusantes,  1784  ;  il  y  a  même  celui  qui  nous 
est  pas  un,  le  Babillard  instruit,  1787. 

Il  y  en  a  pour  la  cuisine,  VAlmanach  du  comestible, 
nécessaire  aux  personnes  de  bon  goût  et  de  bon  appétit, 
1778  ;  pour  le  jardinage,  les  Délices  de  Cérès^  Pomone  et 
Flore,  1774  ;  pour  les  voyageurs,  V Indicateur  fidèle,  1766. 

La  danse  a  VAlmanach  dansant,  1770  ;  la  chasse. 
YAlmcaiach  du  chasseur,  1773  ;  la  religion,  VAlmanach 
théocratique,  1797  ;  les  fables  ont  le  leur  :  les  Étrennes 
d Esope  aux  Français. 

Les  Métamorphoses  d!  Ovide  en  chansons  et  le  Petit 
Manuel  mythologique  sont  ceux  de  la  mythologie. 

Et  même  I  les  maris  infortunés  ont  le  leur  :  VAlmanach 
des  C...S,  1740. 

Les  enfants  ne  sont  pas  oubliés  ;  le  Devoir  des  enfants, 
1793,  par  Silvàin  Maréchal,  a  été  écrit  et  illustré  pour  eux. 

En  regard  d'une  figure  représentant  une  scène  enfan- 
tine, le  nouvel  an,  l'école,  les  vacances,  la  bonne  fête, 
les  oreilles  d'âne,  la  danse,  etc..  une  page  de  texte  gravé 
relatif  au  sujet  et  commençant  par  ces  mots  :  ^  Mes 
petits  amis  >  (pour  l'école).  «  Mes  petits  amis,  le  jeune 
arbre  qui  prend  une  croissance  irréguUère  ne  regarde 
pas  de  mauvais  œil  le  jardinier  sage  qui  le  redresse. 
Imitez  ce  jeune  arbre,  un  jour  vous  nous  remercierez 
des  rigueurs  de  nos  leçons,  etc.,  etc.  d 

n  y  en  a  de  microscopiques  Paul  et  Virginie,  1793; 
le  Télescope  des  clairvoyans,  1791,  etc.,  que  l'on  met  dans 
des  médaillons  servant  de  breloques  ou  que  le  confiseur 
Chervain,  au  grand  Mazarin,  place  dans  les  bonbons  à 
surprise  qu'il  vend  à  ses  nombreux  clients. 

M.  le  baron  Pichon  a  la  bonne  fortune  d'en  posséder 
plusieurs  dans  sa  précieuse  collection  ;  l'un  surtout  très 
remarquable,  contenu  dans  un  étui  en  or  (0™  025  de  hau- 
teur, 0»02  de  largeur),  breloque  en  forme  délivre,  sur 

1891  10 


138  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

<c  nant  huit  cents  différents  secrets  sur  l'agriculture,  les 
ce  arts  et  métiers,  extraits  de  plus  de  mille  auteurs  et 
«  des  meilleures  recettes  en  4  vol.  in-24,  brochés  4  livres, 
«  le  calendrier  perpétuel  avec  Texplication  de  ses  usages. 
«  Toutes  ces  étrennes  réunissentle  nécessaire  et  l'agréable, 
a  Elles  méritent  encore  l'accueil  le  plus  favorable,  à  cause 
«  des  tablettes  avec  perte  et  gain  et  du  papier  nouveau, 
«  de  la  composition  du  sieur  Desnos,  qui  réunit  tous  les 
<L  avantages  de  celui  d'Hollande  {sicj  et  qui  peut  être  em- 
«  ployé  à  toutes  sortes  d'usages,  pour  écrire  et  dessiner 
a  au  moyen  d'un  stylet  minéral  sans  fin,  enjolivé  de 
a  toutes  les  façons,  adapté  à  ces  tablettes,  qui  tient  lieu 
<c  de  plume,  d'encre  et  de  crayon  et  qui  sert  longtemps 
<c  sans  qu'on  soit  obligé  de  tailler  la  pointe.  Le  sieur 
<i  Desnos,  qui  n'a  d'autre  but  que  la  satisfaction  du 
<c  public,  a  décoré  ces  almanachs  de  reliures  les  plus 
«  élégantes,  en  maroquin  veau  et  carton,  avec  ferme- 
ce  tures,  de  manière  à  ne  pas  s'ouvrir  dans  la  poche. 
<t  Ces  almanachs  sont  enrichis  d'estampes,  qui  les  distin- 
ct guent  des  autres  et  sont  de  différentes  grandeurs  et 
ce  de  prix  différents  depuis  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8,  9,  40  et 
«  42  livres,  suivant  les  reliures. 

a  La  notice  des  almanachs  du  sieur  Desnos  (4),  petite 
«  brochure  d'environ  cent  pages,  où  l'on  donne  une 
ce  idée  de  chacun  pour  déterminer  le  choix  du  public, 
ce  se  distribuera  gratuitement  aux  personnes  qui  feront 
ce  l'acquisition  de  quelque  exemplaire.  Autrement,  elle 
«  se  vendra  une  livre  quatre  sols.  Le  catalogue  général 
ce  desdits  almanachs  se  distribuera  aussi  gratis  et  indis- 
<t  tinctement  à  ceux  qui  désireront  en  prendre  connais- 
<L  sance.  » 


(  1  )  Ces  almanachs  étaient  connus  sous  le  nom  des  Desnos.  Ceux  dont  les 
figures  étaient  enluminées  se  vendaient  plus  cher  :  6  li\Tes  au  lieu  de  4  livres 
10  sols. 


ÂLMANACUS  DU  XVIW   SIÈCLE  139 

Heureux,  trois  fois  heureux  î  le  bibliophile  qui  décou- 
Trira  ce  rarissime  catalogue.  Il  pourra  se  vanter   de 

n'avoir  pas  perdu  sa  journée  ! 

Desnos  portait  au  plus  haut  degré  Tart  de  la  réclame. 
Dans  la  préface  du  Mémorial  des  gens  desprity  1775, 
intitulée  les  rêveries  d'un  homme  tout  éveillé,  pensées 
tmdines,  l'éditeur  explique  le  titre,  le  but  et  Tutilité  de 
cet  almanach,  composé  seulement  de  feuillets  blancs  du 
papier  de  son  invention. 

c  Que  d'auteurs  ne  font  que  barbouiller  du  papier, 
c  semblables  à  ces  chenilles  qui  gâtent  k»s  feuilles  des 
c  arbres  sur  lesquelles  elles  rampent  !  Que  de  gros  livres 
a  qui  sont  moins  que  de  petites  brochures  î  que  de  petites 
c  brochures  qui  sont  moins  que  rien  !  Au  milieu  de  tant 
c  de  célibataires  ou  de  gens  bons  à  rien,  car  c'est  la  même 
c  chose,  au  milieu  de  tant  de  volumes  et  d'écrits  en  tous 
c  genres,  notre  almanach  aura  seul  la  gloire  d'être  utile. 
«  C'est  ce  que  nous  allons  prouver  du  mieux  qu'il  sera 
«  possible. 

a  Ce  petit  livre  ne  saurait  manquer  d'abord  d'être  moins 
«  rempli  de  fautes  que  les  divers  ouvrages  de  littérature 
«  dont  nous  sommes  inondés  tous  les  jours,  puisque  les 
a  trois  quarts  de  ses  feuilles  sont  en  blanc.  Que  les 
«  libraires  s'avisent  aussi  de  ne  donner  au  public  que 
«  des  volumes  en  blanc  et  nous  défions  la  critique  d'y 
«  trouver  à  mordre.  Que  d'auteurs  passeraient  encore 
(L  pour  des  gens  d'esprit  s'ils  avaient  connu  l'expédient 
(L  dont  nous  parlons  ici...  etc..  etc.... 

«  La  conversation  de  tant  de  gens  serait-elle  si  souvent 
(L  ennuyeuse,  s'ils  avaient  coutume  d'écrire  les  jolies 
(L  choses,  les  traits  saillants  qu'ils  entendent  dire,  afin  de 
«  les  apprendre  par  cœur  et  de  les  débiter  ensuite  dans 
<(  le  monde  comme  s'ils  étaient  d'eux-mêmes  etc.  etc..  » 

Dans  un  autre  almanach  de  Desnos,  le  Babillard  ins' 
trait,  1787,  contenant  un  choix  de  choses  qu'il  est  le  plus 


440  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

important  de  ne  pas  ignorer,  avec  des  anecdotes  et  des 
observations  intéressantes  sur  les  mœurs  et  le  génie  des 
différents  peuples,  notamment  des  Français,  des  Anglais, 
des  Espagnols,  terminé  par  quelques  anecdotes  de  la 
jeunesse  de  feu  M.  de  Voltaire,  c'est  le  recueil  qui  a 
Thonneur  de  se  présenter  en  public  : 

«  Oui ,  lecteur  judicieux ,  voici  le  plus  original  et  le 
«  plus  piquant  des  recueils  de  mon  genre.  N'allez  point 
a  vous  aviser  de  croire  qu'avec  son  apparence  de  légè- 
«  reté,il  ne  soit  point  très  grave,  très  moral,  très  penseur, 
«  très  raisonnable.  Je  suis  tout  cela,  mon  cher  lecteur  ; 
«  car  c'est  moi-même  qui  ai  l'honneur  de  parler  à 
a  vous. 

«  Les  critiques  de  mauvaise  humeur  (et  il  n'y  en  a  guère 
a  que  de  cette  espèce)  vous  diront  peut-être  que  j'ai  un 
a  air  de  famille.  Ne  les  croyez  point,  ami  lecteur.  Com- 
«  mencez  par  me  lire  et  vous  finirez  par  suivre  l'avis 
a  que  je  prends  la  liberté  de  vous  donner  et  je  vous  jure,, 
a  foi  d'almanach  de  bonne  compagnie,  que  je  serai  tou- 
a  jours  assez  vengé  du  dédain  que  ces  messieurs  affectent 
a  ordinairement,  je  ne  sais  trop  pourquoi,  pour  les  pro- 
«  ductions  de  mon  espèce. 

a  Mais  cela  ne  suffit  pas.  Mesdames  ;  car  c'est  princi- 
«  paiement  à  vous  que  j'aime  à  avoir  affaire.  J'ai  ma 
«  forme  comme  un  autre  almanach  et  je  me  flatte  néan- 
«  moins  dans  mon  petit  volume  de  vous  laisser  peu  de 
a  choses  à  désirer,  d'abord  sur  l'agrément  qu'il  faut 
a  toujours  avoir  soin  de  faire  marcher  le  premier  avec 
a  vous,  en  deuxième  lieu  sur  l'utilité  qu'on  doit  toujours 
a  faire  venir  à  la  suite.  C'est,  ce  me  semble,  un  assez 
a  grand  mérite  pour  une  espèce  de  hasard  du  coin  du 
«  feu,  tel  que  je  suis...,  etc.,  etc. 

(L  A  l'égard  de  vous.  Messieurs,  vous  pourrez  vous 
a  apercevoir  du  reste  que  mon  rédacteur  n'a  eu  garde 
a  de  vous  oublier,  puisqu'il  a  eu   la  bonté  de  pousser 


ALMANACHS  DU  XVni«  SIÈCLE  141 

c  rérudition  en  ma  faveur  au  point  de  me  mettre  à 
«  même  de  pouvoir  vous  offrir  tout  ce  qui  peut  servir  à 
«  rendre  les  hommes  meilleurs  et  plus  dignes  d'eux- 
€  mêmes,  et  encore  une  fois,  Messieurs,  ce  n'est  pas  un 
«  petit  ser\4ce  que  celui-là, 

<t  J'ai  dit,  Messieurs  et  Mesdames;  je  finis  en  me 
«  remettant  sous  vos  mains,  et  je  suis  toujours,  quoi? 

«c  Un  Almanach.  » 

En  1779,  im  libraire,  relieur-doreur,  Laporte,  rue  des 
Noyers,  publiait  un  avis  que  l'on  peut  lire  dans  l'alma- 
nach,  V Amour  à  V épreuve  ou  le  bijou  bien  gardé. 

«  L'accueil  favorable  que  le  public  a  toujours  fait  à 

€  cette  espèce  d'almanach,  avec  de  petites  gravures  dont 

«  le  lecteur  sait  le  sujet,  aussitôt  qu'il  a  lu   la  chanson, 

€  engage  le  libraire  à  en  faire  paraître  un  tous  les  ans, 

«  de  même  format  avec  des  sujets  différents,  pour  que 

c  ceux  à  qui  ils  plairont  puissent  en  faire  une  collection 

«  qui  leur  deviendra  par  la  suite  aussi  précieuse  qu'a- 

c  gréable.  » 

En  1789  également.  Boulanger,  relieur  doreur,  dans 
l'almanach  galant  moral  et  critique  en  vaudevilles,  fait,  à 
la  dernière  page,  une  annonce  d'im  style  presqu'incom- 
préhensible,  mais  trop  intéressante  pour  ne  pas  être 
reproduite  exactement. 

«  Boulanger,  relieur  et  doreur,  vend  différents  alma- 
a  nachs  pour  les  berloques  de  montres  en  papier  et  en 
c  rubans,  et  des  vues  d'optique,  almanachs  pour  les  étuis 
«  à  ressorts,  les  pyramides  et  pour  les  tableaux,  alma- 
«  nachs  pour  les  caves,  des  nécessaires  et  pour  tous 
a  autres  bijoux  de  poche.  Almanachs  de  cabinet  de  toutes 
a  grandeurs  avec  figures  gravées  par  d'habiles  artistes 
«  le  tout  encadré  sous  glaces* 


142  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

«  On  trouvera  aussi  chez  Tauteur  des  plans  et  cartes 
«  géographiques  et  divers  sujets  avec  figures  et  paysages, 
«  le  tout  enluminé  et  peint  avec  tout  l'art  possible  pour 
«  orner  différentes  tabatières  et  propres  à  être  encadré 
«  séparément  pour  les  cabinets.  Almanachs  de  poche 
c  depuis  six  lignes  jusqu'à  quatre  pouces  de  hauteur, 
«  avec  figures,  chansons  et  musique,  vend  aussi  des 
a  lettres  de  change  et  billets  à  ordres  gravés  en  taille 
«  douce.  L'auteur  vient  de  mettre  au  jour  deux  almanachs 
c  nouveaux  ornés  chacun  de  douze  estampes  galantes 
«  morales  et  critiques,  et  analogues  aux  plaisirs  de  la 
n  ville  et  de  la  campagne  pour  chaque  mois,  avec  mu- 
«  sique,  perte  et  gain  et  chansons  relatives  aux  sujets^ 
«  il  fait  et  vend  toutes  sortes  de  couvertures  pour  les 
«  almanachs.  d 

En  1781,  Boulanger  s'intitule  doreur  sur  cuir  et  sur 
soie  (1)  et  vend  : 

<t  L'almanach  galant  avec  figures  et  chansons,  celui  des 
«  plaisirs  de  la  ville  et  de  la  campagne  aussi  avec  figures 
c  etchansons.  L'almanach  des  coififiires  et  costumes,  douze 
«  figures  de  femmes  et  six  d'hommes  en  pied  avec  chansons, 
a  L'almanach  a\|BC  douze  figures  sur  l'heureux  accouche- 
«  ment  de  la  reine,  les  réjouissances  qui  l'ont  suivi  et  sur 
a  l'entrée  de  leurs  majestés  dans  la  capitale.  Il  s'encadre 
a  par  un  deux  ou  trois  mois.  On  le  vend  aussi  relié  en 
«  maroquin  avec  glace  et  sans  glace,  et  desverspourla 
«  reine .  L'almanach  des  quatre  saisons  et  des  quatre  heures 
«  du  jour  avec  jolies  figures  analogues,  laquel  s'encadre 
«  et  se  relie  comme  le  précédent.  L'almanach  des  amuse- 


(1)  Boulanger  ne  se  contente  pas  d'être  éditeur,  relieur,  doreur,  doreur  sur 
cuir  et  sur  soie  ;  il  est  encore  auteur  :  ainsi  que  le  témoigne  le  privilège  du 
roi  qui  lui  est  accordé  pour  faire  imprimer  et  douer  au  public  un  ouorage  de 
sa  composition  intitulé  almanach  galant,  moral  et  critique  ou  vaudevilles^ 
orné  de  gravures.  • 


ALMANACHS  DU  XVIII®   SIÈCLE  143 

«  ments  et  promenades  de  Paris,  et  de  ses  environs  avec 
c  douze  estampes  et  chansons  relatives  au  sujet.  Toutes 
«  ces  figures  sont  dessinées  et  gravées  par  M.  Queverdo, 
c  dont  les  talents  sont  connus.  On  trouve  chez  Boulanger 
c  différents  almanachs  pour  les  breloques. 

(L  II  fait  et  vend  toutes  sortes  de  jolies  couvertures  or  fin, 
c  ou  en  commun  pour  les  almanachs  exécutés  dans  le  plus 
<t  bon  goût  soit  en  maroquin  et  mouton  ou  en  bazane, 
<t  et  dans  les  grandeurs  convenables  à  tous  les  almanachs, 
a  couvertures  peintes  et  miniatures  dans  le  dernier  goût* 
c  Couvertures  brochées  supérieurement,  on  garantit  la 
a  broderie.  » 

En  1786,  à  la  dernière  page  d'un  de  ses  plus  char- 
mants almanachs,  les  délices  du  Palais-Royal,  Boulan- 
ger donne  le  catalogue  de  ceux  qu'il  met  en  vente  : 

«  Almanachs  grandeur  d'étrennes  ornés  de  douze  fig. 
«  chacun  :  1^  du  Palais-Royal  ;  S®  de  la  Comédie  de 
«  Figaro  ;  3®  de  l'amour  parmi  les  jeux  ;  4®  des  prome- 
<L  nades  de  Paris  ;  5<>  des  marchés  de  Paris  ;  6»  des 
«  costumes  des  deux  sexes  ;  7»  galant  moral  et  critique  ; 
«  8®  étrennes  du  sentiment  ;  9^  étrennes  anacréontiques  ; 
«  lO  de  l'amour,  du  ris  et  des  jeux. 

a  L'on  trouvera  chez  lui,  bijoux  relatifs  et  toutes 
«[  sortes  de  couvertures,  d 

Dans  un  almanach,  les  Intrigues  de^la  Capitale,  pu- 
blié en  1782,  chez  Jubert,  à  Paris,  nfe  Saint-Jacques, 
la  porte  cochère  vis-à-vis  les  Mathurins,  est  imprimé 
l'avis  suivant  : 

«  Jubert,  successeur  dfe  M.  Boimare,  doreur  sur  cuir, 
«  fait  et  tient  magasin  de  toutes  sortes  de  jolies  couver- 
«  tures  d'almanachs,  maroquin  de  toute  couleur,  avec 
a  glaces  et  sans  glaces,  petits  brillants  et  beaux  brillants 
a  avec  jolis  médaillons  çt  cercles  d'or  et  d'argent,  à  la 


144  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

«  provençale,  brodés  de  toute  façon  avec  médaillons, 
«  peintures  et  cercles,  il  tient  tout  ce  qull  y  a  de  plus 
a  nouveau  en  ce  genre  et  de  mieux  fait  en  dedans,  le 
a  tout  avec  glaces  et  petit  gousset,  petit  almanach  à  la 
a  Dauphine  (1)  avec  de  jolies  gravures  et  glaces  pour  les 
a  dames,  il  pose  toutes  les  armes  et  chiffres  que  Ton 
«  désire,  des  jolis  médaillons  et  toutes  sortes  d'inscrip- 
a  tions  sur  les  portes-feuilles  et  registres,  il  fait  tout  ce 
a  que  Ton  peut  demander  dans  ce  genre,  il  fait  aussi  les 
a  envois  pour  la  province  et  les  pays  étrangers.  » 

Plus  tard,  Janet,  successeur  de  Jubert,  annonce  dans 
V Apologie  de  la  tendresse  ou  le  pouvoir  de  V amitié  1191  y 
quelques  almanachs  nouveaux  qui  se  trouvent  chez  lui 
et  qui  se  vendent  ainsi  que  beaucoup  d'autres  brochés  ou 
brodés  avec  couvertures  de  maroquin,  mouton  etc.,  avec 
étuis,  glaces  et  sans  glaces. 

En  4793,  la  veuve  Tiger,  au  Pilier  Littéraire,  place  de 
Cambrai,  publie  des  almanachs  et  tient  pour  eux,  ma- 
nufacture de  couvertures» 

En  1795,  Demoraine,  imprimeur-libraire,  rue  du  Petit- 
Pont,  annonce  dans  le  Chasseur  et  la  Meunière,  alma- 
nach chantant,  qu'il  tient  une  spécialité  d'almanachs 
connus  sous  le  nom  d'Étrennes. 

D'autres  libraires,  Lattre,  Duchesne,  Lesclapart,  Va- 
lade,  Langlois,  Cailleau,  Levacher,  GuefBer,  Ouvrier, 
Esnault  et  Rapilly,  Bailly,  Ardoin,  etc.,  impriment  et 
répandent  à  profusion  toutes  sortes  d'almanachs  illustrés. 

II  y  en  a  d'historiques,  d'anecdotiques,  de  géogra- 
phiques, de  chronométriques,  de  lyriques,  d'anacréon- 
tiques  ;    il  y  en  a  qui  sont  tout  cela,  comme  le   Petit 


(  1  )  Sans  donte  l'almanach  en  forme  de  carnet  oblong,  contenant  le  calen- 
drier avec  petites  figures  en  tête  de  chaque  mois  et  des  feuillets  blancs  pour  y 
écrire  avec  le  stylet  minéral  ;  la  reliure  en  maroquin,  avec  glace  sur  l'un  des 
plats.  Sur  l'autre  plat,  un  dauphin  couronné. 


ALMANACHS  DU  XVin«  SIÈCLE  445 

théâtre  de  r Univers,  étrennes  naturelles  précieuses,  ins- 
tructives et  amusantes,  1784  ;  il  y  a  même  celui  qui  nous 
est  pas  im,  le  Babillard  instruit,  1787, 

n  y  en  a  pour  la  cuisine,  VAlmanach  du  comestible, 
nécessaire  aux  personnes  de  bon  goût  et  de  bon  appétit, 
1778  ;  pour  le  jardinage,  les  Délices  de  Cérès^  Pomone  et 
Flore,  1774  ;  pour  les  voyageurs,  Y  Indicateur  fidèle,  1766. 

La  danse  a  VAlmanach  dansant,  1770  ;  la  chasse. 
VAlmanach  du  chasseur,  1773  ;  la  religion,  VAlmanach 
théocraUque,  1797  ;  les  fables  ont  le  leur  :  les  Étrennes 
(f  Esope  aux  Français, 

Les  Métamorphoses  d*  Ovide  en  chansons  et  le  Petit 
Manuel  mythologique  sont  ceux  de  la  mythologie. 

Et  même  !  les  maris  infortunés  ont  le  leur  :  VAlmanach 
des  C...S,  1740. 

Les  enfants  ne  sont  pas  oubliés  ;  le  Devoir  des  enfants, 
1793,  par  Silvain  Maréchal,  a  été  écrit  et  illustré  pour  eux. 

En  regard  d'une  figure  représentant  une  scène  enfan- 
tine, le  nouvel  an,  Técole,  les  vacances,  la  bonne  fête, 
les  oreilles  d'àne,  la  danse,  etc..  une  page  de  texte  gravé 
relatif  au  sujet  et  commençant  par  ces  mots  :  c  Mes 
petits  amis  i»  (pour  l'école),  c  Mes  petits  amis,  le  jeune 
arbre  qui  prend  ime  croissance  irréguUère  ne  regarde 
pas  de  mauvais  œil  le  jardinier  sage  qui  le  redresse. 
Imitez  ce  jeune  arbre,  un  jour  vous  nous  remercierez 
des  rigueurs  de  nos  leçons,  etc.,  etc.  d 

n  y  en  a  de  microscopiques  Paul  et  Virginie,  1793; 
le  Télescope  des  clairvoyans,  1791,  etc.,  que  l'on  met  dans 
des  médaillons  servant  de  breloques  ou  que  le  confiseur 
Chervain,  au  grand  Mazarin,  place  dans  les  bonbons  à 
surprise  qu'il  vend  à  ses  nombreux  clients. 

M.  le  baron  Pichon  a  la  bonne  fortune  d'en  posséder 
plusieurs  dans  sa  précieuse  collection  ;  l'un  surtout  très 
remarquable,  contenu  dans  im  étui  en  or  (0"»  025  de  hau- 
teur, 0  n» 02  de  largeur),  breloque  en  forme  délivre,  sur 

1891  10 


146  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

lequel  est  gravée  une  rose  entourée  de  feuillages  ;  il  est 
intitulé  :   Le  |  réveil  matin  |  almanach  |  pour  Vannée  \ 
1766  I  gravé  par  |  Cocquelle  |  rue  du   petit  |  Pont  chez 
un  I  limonadier  AP  (à  Paris?)  (1). 

Il  y  en  a  d'autres  encore  d'un  format  tout  particulier  ; 
leurs  gravures  sont  combinées  de  façon  à  ce  qu'en 
les  dépliant  et  repliant  de  certaine  manière  suivant  le 
caprice  du  moment,  on  obtient  les  mêmes  personnages 
dans  difierentes  poses  (les  Délices  ae  Cythère  ou  Vécole  de 
iamour,  1786  ;  Vallette,  1  titre  front,  et  quatre  figures 
en  couleur  taisant  douze  sujets. 

La  Révolution  a  ses  almanachs  ;  ils  sont  en  très  grand 
nombre  et  M.  Henry  Welshinger  a  publié  sur  eux  un 
travail  des  plus  intéressants  (in-12,  Paris,  Jouaust,  1884). 
Mais,  à  l'exception  de  V Almanach  de  la  Révolution  Fran- 
çaise, ornée  des  figures  de  Moreau,  1792  ;  de  celui  des 
époques  les  plus  intéressantes  des  révolutions  de  Paris  ou 
le  triomphe  de  la  liberté  1790  ;  du  Panthéon  des 
philantropes,  1791  ;  du  fanal  des  patriotes,  1791,  et  de 
quelques  autres  illustrés  aussi  par  Dorgez,  ils  se  ressen- 
tent de  la  décadence  de  l'art  et  du  goût  ;  les  petites 
estampes  de  médiocre  composition  sont  moins  finement 
gravées  ;  les  reliures  n'ont  plus  les  attributs  galants  qui 
en  faisaient  le  charme.  Le  bonnet  phrygien  remplace  le 
carquois  de  l'amour  ;  le  joli  chansonnier  n'est  plus  I 

Presque  tous  les  almanachs  illustrés  du  XVIII®  siècle, 
étaient,  en  effet,  des  chansonniers. 


(1)  En  voici  la  description  due  à  Tinépuisable  obligeance  de  Theureux 
possesseur  : 

En  regard  du  titre,  figure  représentant  deux  laitières  dont  une  sur  un  âne 
avec  deux  paniers  ;  2*  gravure,  la  marchande  d'oranges  ;  3*,  la  marchande  de 
melons  ;  4%  la  marchande  d'allumettes  ;  5*,  le  marchand  de  vieux  chapeaux  ; 
6",  la  marchande  de  plaisirs  ;  7*  la  marchande  de  macra',  le  calendrier  de 
Janvier  et  février  ;  les  images  reprennent  :  8«,  le  porteur  d'eau,  calendrier 
mars,  a\Til,  mal,  juin  ;  9*,  le  remouleur,  juillet  et  août  ;  10*,  la  Bouquetière, 
septembre  et  octobre;  11*,  le  facteur  de  la  petite  poste,  novembre  et  décembre. 


ALMANACHS   DU  XVHI®   SIÈCLE  447 

a  Notre  goût  pour  les  chansons,  dit  Fauteur  de  VAlma- 
«  nach  chantant  ou  étrennes  aux  jolies  voix,  se  décèle 
«  en  quelque  sorte  malgré  nous;  nous  mettons  encore 
a  en  chansons  tous  les  événements  qui  nous  intéressent 
a  et  nos  malheurs  mêmes.  C'est  à  ce  goût  décidé  que  Ton 
a  consacre  chaque  année  une  quantité  d'almanachs 
«  chantants  ;  il  n'est  point  de  si  mince  rimeur  qui  ne 
«  fournisse  aux  libraires  sa  juste  part  de  chansons  nou- 
«  velles  ;  le  plus  souvent  elles  sont  pitoj'ables  ou  n'ont 
«  que  le  mérite  de  la  circonstance,  ayant  été  composées 
«  pour  des  fêtes  ou  dans  des  sociétés  particulières.  » 

Cependant,  dans  ces  recueils  périodiques,  qui  comme 
tous  les  ans,  sont  meilleurs  ou  pires  et  dont  les  titres 
sont  parfois  des  plus  drôles,  Valmanach  jovial,  chantant, 
dansant  et  même  buvant.  Il  est  joli  comme  un  cœur.  Il  a 
le  diable  au  corps.  Le  petit  fou  ou  le  polisson  aimable. 
Loptimisme  des  nouveautés.  Le  narcotique  des  sages  ou 
le  véhicule  de  la  folie,  etc.,  etc..  on  rencontre  des  vers 
spirituels  et  bien  tournés,  a  Souvent  l'anémone,  la  rose 
toute  brillante  qu'elle  est  se  trouvent  au  milieu  des  char- 
dons »  ;  et  Voltaire,  le  cardinal  de  Bernis,  BouÊQers, 
Florian,  de  Piis,  la  comtesse  de  Beauharnais,  Marivaux, 
^jme  Deshoulicres,  s'égarent  parmi  les  plus  médiocres 
rimeurs,  nous  faisant  apprécier  un  genre  de  littérature 
frivole,  il  est  \Tai,  mais  ne  manquant  ni  de  charme  ni 
de  grâce. 

Dans  Tannée  1789,  des  Etrennes  lyriques  et  anacréon- 
tiques  (1781-1794),  une  chanson  de  M.  de  Piis  inspire  à 
Cochin  un  charmant  frontispice,  très  finement  gravé  par 
Gaucher.  Sur  le  comptoir  d'une  librairie,  une  jeime  fille 
coupe  un  livre  avec  une  flèche  qui  lui  a  été  donnée  par 
l'amour  libraire,  pendant  qu'un  jeune  homme  fait  discrè- 
tement un  signe  au  dieu  malin  et  admire  la  jolie  cliente. 

Et  devinez- vous  ce  qu'il  a  dans  sa  boutique,  l'amour? 
Des almanachs  chantants  !  ! 


148  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


L'AMOUR   LIBRAIRE 

Air  :  PhUis  demande  son  portratU 


Quels  métiers  n'a  pas  fait  l'amour 

Depuis  qu'il  est  sur  terre  ? 
Peintre  et  médecin,  tour  à  tour, 

Robin  et  militaire, 
On  l'a  TU  même  en  capuchon, 

Courir  le  monde  et  plaire  ; 
Groiriez-vous  bien  que  le  fripon 

Est  à  présent  libraire  ? 

n  yend  Sapho,  Bion,  Moschus, 

Anacréon,  Tibulle, 
Horace,  Properce,  Gallus, 

Jean  Second  et  Catulle, 
n  ne  tient,  à  la  vérité, 

Qu'un  chant  de  l'Enéide, 
Mais  il  met  sa  félicité 

A  livrer  tout  Ovide. 

Voltaire,  en  face  de  Chaulieu, 

Près  du  bon  Jean  repose  ; 
Molière  et  Racine,  au  milieu. 

Sont  sur  du  bois  de  rose. 
Dorât,  Pezay,  Gesner,  Bernard^ 

Bertin,  Pamy,  Chapelle, 
Imbert,  Florian,  Léonard, 

Sont  rangés  sur  une  aile. 

Chez  lui,  point  de  roman  bavard. 

De  drame  léthargique, 
Quinault,  Piron,  Collé,  Favart, 

Décorent  sa  boutique. 
Du  vaudeville,  né  Français, 

Bravant  les  froids  critiques, 
11  favorise  le  succès 

Des  étrennes  lyriques. 


ALMANACHS  DU  XYIII®    SIÈCLE  149 

D'entrer  chez  ce  joli  marchand, 

Lise  eut  hier  envie  : 
Monsieur,  lui  dit-elle  en  tremblant. 

Je  n'ai  lu  de  ma  vie, 
Pour  choisir  un  livre  en  ce  lieu. 

Le  hasard  seul  m'amène. 
Je  vous  entends,  lui  dit  le  dieu, 

Et  voici  La  Fontaine. 

Ses  vieux  vers  sont  toujours  nouveaux 

Pour  les  beautés  novices, 
Croyez  que  des  yeux  aussi  beaux 

Lui  doivent  leurs  prémices; 
Ils  y  pourront  voir  à  profit, 

Cent  histoires  gentilles, 
"Et  vous  saurez  comment  F  esprit 

Vient  tout  à  coup  aux  filles. 

De  ce  volume  curieux, 

Las  !  les  feuilles  rebelles. 
Quatre  par  quatre,  deux  par  deux. 

Tiennent  encore  entre  elles. 
Contre  l'amour  en  ce  moment. 

Lise  tout  bas  murmure  ; 
Sa  main  va  précipitamment 

Diviser  la  brochure. 

C'est  où  le  malin  Cupidon 

Attendait  l'innocente. 
Vite,  il  l'arrête  et  lui  fait  don 

D'une  flèche  tranchante. 
Lise,  vos  doigts  trop  indiscrets 

Déchireraient  la  page. 
C'est  de  la  pointe  de  mes  traits 

Qu'il  vous  faut  faire  usage. 

Pauvre  Lise,  je  m'aperçois 

Que  ta  main  n'est  pas  sûre, 
N'ouvre  qu'un  feuillet  à  la  fois. 

Pour  le  lire  à  mesure. 
Lise  veut,  dans  son  ardeur, 

En  couper  davantage. 
Et  le  trait  va  percer  son  cœur 

En  glissant  de  l'ouvrage. 


450  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  plus  grandes  dames  ne  dédaignent  pas  de  donner 
une  place  dans  leurs  élégants  boudoirs  à  ces  petits  volu- 
mes de  poésies  légères  ;  la  reine  Marie-Antoinette  possé- 
dait un  charmant  exemplaire  à  ses  armes,  reliure  de 
maroquin  rouge,  avec  agraflfes  d'argent,  comprenant  les 
huit  recueils  suivants  :  (1) 

Les  fête^  publiques  sur  Vavènement  de  Louis  XVI  au 
trône,  almanach  chantant,  à  Paris,  chez  la  V*'  Duchesne. 
Le  Monde,  comédie.  Id.,  idem.  Etrennes  de  V amitié  ou 
nouvel  almanach  des  Francs-Maçons.  Mon  favori  ou  les 
jeux  lyriques,  almanach  chantant  à  Paphos.  Tablettes  de 
Thalie  ou  l'amour  et  la  nature,  almanach  chantant  à 
Paphos.  Le  don  du  sentiment,  etrennes  expressives  du 
cœur,  à  Paphos,  chez  Anacréon.  Almanach  de  table 
chantant  ou  les  plaisirs  de  Bacchus  et  l'amour.  Les  amu- 
sements du  bel  âge,  etrennes  chantantes,  à  Paris,  chez 
la  V®  Duchesne. 

Les  almanachs  illustrés  du  XVII^  siècle  n'ont  pas  tous 
la  même  valeur  artistique  ;  mais  un  certain  nombre 
d'entre  eux,  en  bonne  condition  de  fraîcheur,  et  les 
gravures  en  épreuves  de  l®"*  tirage  n'est  pas  indigne  de 
figurer  dans  les  collections  les  mieux  choisies.  Plus  d'un 
bibliophile  ouvrirait  avec  amour  l'almanach  de  Gotha^ 
avec  les  délicieuses  figures  de  Freudeberg  pour  le  monu- 
ment du  costume,  celui  de  la  loterie  de  l'École  Royale 
militaire,  les  délices  de  Gérés,  Pomone  et  Flore,  les 
amusements  et  promenades  de  Paris,  le  bijou  de  la 
reine,  l'amour  parmi  les  jeux,  les  belles  marchandes  de 
Paris,  les  fantaisies  aimables,  les  délices  du  Palais-Royal  > 
l'instant  heureux  de  Gythère,  les  intrigues  de  la  capitale. 


(1)  Ce  précieux  exemplaire  figurait  sous  le  numéro  204,  catalogue  la  Bérau- 
diére,  1883.  Vendu  760  fr.  M.  le  baron  Pichon  possède  un  recueil  du  même 
gem'e,  contenant  7  almanachs,  1791,  sans  figures,  la  reliure  est  la  même  ;  il  a 
aussi  une  facture  de  Blaisot,  libraire,  où  l'on  voit  que  ces  recueils  coûtaient  à 
la  reine  22  livres  10  sols. 


ALMANACHS   DU   XVIIIC   SIÈCLE  151 

la  journée  d'une  jolie  femme,  les  petits  recueils  de  modes 
et  costumes  ;  d'autres  encore,  presque  tous  mis  en  vente 
par  Desnos,  Boulanger,  Jubert,  de  1771  à  1792,  et  se 
plairait  à  faire,  en  compagnie  de  Tun  de  ces  charmants 
petits  livres,  un  retour  vers  le  XVIII^  siècle,  ce  siècle  de 
toutes  les  élégances. 

Et  maintenant,  cher  lecteur,  «  considérant  qu'il  n'y  a 
non  plus  de  livres  sans  fautes  que  de  printemps  sans 
chenilles  »,  comme  dit  Jean  Elzevier  dans  un  volume 
imprimé  à  Leiden,  1759,  soyez  indulgent  et  pardonnez 
les  omissions,  les  erreurs  peut-être,  qui  ont  pu  se  glisser 
dans  cette  petite  notice. 

Vicomte  de  Savigny  de  Moncorps. 

Château  de  Fertot.  décembre  1890. 


BIBLIOGRAPHIE  DTN  AMATEUR 


DESCRIPTION  ET  ANALYSE 

DE   LIVRES   ANCIENS 

RARES  ET   CURIEUX 

(suite) 


11 .  —  fflSTOIRE  1 1 ANTIQVE 1 1  ET  MERVEILLEVSE 
1 1  dv  Chasteav  de  Vi-  1 1  cestre  près  Paris.  1 1  —  Et  se 
vendent  en  la  rue  S.  lacques  à  1 1  l'enseigne  saint 
Nicolas.  —  Sans  date. 

Pet.  in-8o  de  seize  feuillets  non  chiffrés.  Signatures  A.B. 
Cahiers  de  huit  feuillets.  Réclame  au  verso  du  dernier 
feuillet  du  premier  cahier.  Imprimé  en  lettres  rondes. 
Figure  sur  bois  sur  le  titre. 

Le  titre  occupe  le  recto  du  premier  feuillet  ;  il  contient  une 
figure  sur  bois  représentant  un  château  fort,  assiégé  par  une  armée. 
Le  verso  de  ce  feuillet  ne  contient  qu*un  bois  d'ornement  en  forme 
d'encadrement.  Le  texte  commence,  par  une  lettre  ornée,  au  recto  du 
second  feuillet  et  se  termine  au  bas  du  verso  du  seizième  ;  il  est  divisé 
en  neuf  chapitres,  dont  les  sommaires  sont  imprimés  en  caractères  ita-  9 
ligues.  <  Cette  édition  sans  date,  dit  Brunet,  est  celle  qu'annonce  le 
catalogue  d'un  amateur  par  Renouard,  III  p .  299  comme  in-12  et 
imprimée  vers  1530;  c'est  néanmoins  un  petit  in-8o  que  nous  ne  croyons 
pas  antérieur  aux  années  1560  ou  1580  et  qui  aura  été  imprimé 
par  Nicolas  Bonfons.  »  Brunet  a  raison,  quand  il  affirme  que  cette 
édition  est  imprimée  en  petit  in-S».  Elle  ne  peut-être  un  in-12,  les 
pontuseaux  étant  perpendiculaires,  et  chaque  cahier  se  composant 


BILLIOGR\PHIE  d'UN  AMATEUR  453 

de  seize  pages  ;  mais  il  doit  se  tromper,  quand  il  indique  Nicolas 
Bonfons  comme  Timprimeur.  Sa  boutique  portait  bien  l'enseigne 
de  Saint  Nicolas,  mais  elle  était  située  rue  Neuve  Notre-Dame. 
Rue  Saint  Jacques,  à  cette  même  enseigne  de  Saint  Nicolas,  se 
trouvait  la  boutique  des  Jehan  Ruelle  libraires,  le  premier  de  1541 
à  1571  et  le  second  de  1571  à  1606.  Ce  qui  établit  en  outre  que 
rhistoire  antique  et  merveilleuse  du  chasteau  de  Vicestre,  sort  de 
chez  Tun  des  Jehan  Ruelle,  c'est  que  la  figure  qui  se  trouve  sur  le 
titre,  est  celle  qui  a  servi,  dans  un  ouvrage  d'Artus  Désiré  :  Les 
batailles  et  les  victoires  du  chevalier  céleste,  imprimé  par  Jehan 
Ruelle,  à  renseigne  Sainct  Nicolas,  rue  Sainct  Jacques,  en  1560. 
Cette  figure,  dans  ce  dernier  ouvrage,  est  placée  au  f»  154  où  elle 
représente  la  Cité  de  Dieu,  allégée  par  les  Hérétiques. 

Le  roi  saint  Louis,  en  1250,  avait  acquis  d'un  nommé 
Le  Queux  un  enclos  situé  sur  la  paroisse  de  Gentilly.  Il 
en  fit  don  à  des  chartreux  ;  ils  y  élevèrent  un  cloître, 
qu'ils  abandonnèrent  quelques  années  plus  tard.  Vers  1285, 
Jean  de  Pontoise,  évêque  de  Winchester  et  courtisan  de 
Philippe-Auguste^  construisit  un  château  sur  l'emplace- 
ment de  ce  cloître.  Confisqué  par  Philippe  le  Bel,  occupé 
par  les  Anglais  lors  des  guerres  du  roi  Jean,  le  château 
de  Winchester,  vers  1345,  entra  dans  le  domaine  de  la 
maison  royale  de  France.  Charles  V  en  fit  don  à  son 
frère  le  duc  de  Berry.  Sous  le  règne  de  Charles  VI,  ce 
seigneur  en  augmenta  considérablement  les  constructions 
et  en  fit  une  demeure  royale.  Dans  la  Fleur  des  Antiquités 
de  Paris,  qu'il  publia  en  1532,  Corrozet  cite  ce  château 
parmi  les  beaux  édifices  élevés  sous  le  règne  du  roi 
Charles  VI,  alors  qu'Hugues  Aubriot  a  estait  Prévost  de 
Paris  par  la  poursuyte  duquel  furent  faictz  et  ediffiez  plu- 
sieurs beaulx  et  fors  édifices.  Assavoir  est  le  pont  Sainct 
Michel,  les  murs  de  devers  la  Bastille  Sainct  Antoine,  le 
long  de  la  rivière  de  Seine.  Et  aussi  le  petit  Chastellet  et 
petit  Pont  qui  furent  faitz  de  pierre  de  la  sôme  de  dix 

huit  mille  escus 

Séblablement  environ  ce  téps  le  duc  de  Berrg  fils  du  rog 
Jehan  et  oncle  de  Charles  sixiesme  fit  ediffier  Ihostel  de 


154  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

Neelle  a  Paris  près  la  porte  sainct  Germain  et  aussi  une 
maison  de  plaisance  près  Paris  quon  appelle  le  chasteau 
de  Vicestre,  »  Le  nom  primitif  de  Winchester  s'était  ainsi 
modifié  ;  il  devait  encore  se  transformer  et  devenir  Bicètre . 
Lors  de  la  lutte  des  Bourguignons  et  des  Armagnacs,  le 
duc  de  Berry  s'y  retira  avec  le  duc  d'Orléans.  Assiégé  en 
1411  par  les  bouchers  de  Paris,  dévoués  au  duc  de  Bour- 
gogne, le  château  fut  pillé  et  incendié.  En  1416,  le  duc  de 
Berry  en  donna  les  ruines  au  chapitre  de  Notre-Dame  de 
Paris.  Cette  donation  fut  confirmée  par  Charles  VII  en 
1441  et  par  Louis  XI  en  1464.  Les  chanoines  de  Notre- 
Dame  ne  prirent  aucun  soin  du  domaine  dont  on  les 
avait  gratifiés,  et  ses  ruines  devinrent  le  refuge  des  rou- 
tiers, des  détrousseurs  et  des  Egyptiens.  Dans  son  Petit 
testament,  Villon,  qui  avait  sans  doute  fréquenté  le  châ- 
teau de  Vicestre  avec  ses  compagnons  ordinaires,  le  légua 
au  seigneur  de  Grigny. 


Item  au  seigneur  de  Grigny^ 
Laisse  la  garde  de  Nygon, 
Et  six  chiens  plus  qu'à  Montigny, 
Vicestre,  chastel  et  donjon. 


Dans  le  cours  du  XVI^  siècle  et  au  commencement  du 
XVII«,  la  superstition  populaire  considérait  Vicestre 
comme  un  séjour  maudit,  hanté  de  démons.  En  1632,  il 
rentra  dans  le  domaine  de  la  couronne.  Le  cardinal  de 
Richelieu  fit  alors  raser  ce  qui  restait  encore  debout  de 
ce  repaire,  et  construisit  sur  son  emplacement  un  hospice 
pour  les  soldats  invalides.  Ces  bâtiments  sont  aujourd'hui 
ceux  de  l'hôpital  de  Bicètre.  Peu  après  la  destruction  des 
ruines  de  l'ancien  château,  en  1634,  on  publia  à  Paris, 
chez  J.  Brunet,  une  pièce  in-12,  intitulée  :  a  La  chasse 
donnée  aux  espouventahles  esprits  du  chasteau  de  Bicestre 
près  la  ville  de  Paris,  par  la  démolition  qui  en  a  esté 
faite  avec  les  estranges  tintamarres  et  effroyables  apport- 


BIBLIOGRAPHIE   D'UN  AMATEUR  155 

tions  qui  s  y  sont  toujours  veus,  »  Elle  a  été  réimprimée 
en  fac-similé  chez  Motteroz,  en  1875. 

L histoire  antique  et  merveilleuse  du  chasteau  de 
Vicestre,  publiée  vers  la  fin  du  XVI*^  siècle,  par  Jehan 
Ruelle,  est  un  conte  légendaire,  sur  les  origines  de  ce  châ- 
teau, qu'on  peut  classer  parmi  les  romans  de  chevalerie. 

Comme  il  n'a  pas  encore  été  réimprimé,  je  le  transcris 
en  entier  pour  ceux  qui  s'intéressent  aux  documents 
relatifs  aux  environs  de  Paris. 

UHistoire  Merveilleuse  du  Chasteau  de  Vicestre. 

Il  fut  vn  Roy  d'estrange  contrée  nommé  Fernand,  qui  eut  vn 
beau  fils  nommé  Geson,  lequel  il  fit  cheualier  en  l'aage  de  vingt 
ans.  Et  par  le  conseil  que  son  père  luy  donna,  il  eut  enuie  d'aller 
chercher  diuers  pays  &  trouuer  nouuelle  habitation  &  pour  le  con- 
duire luy  bailla  vingt  cheualiers  bien  montez  &  en  bon  ecjuipage. 
Si  se  partit  Geson  Se  ses  vingts  cheualiers  après  auoir  prins  congé 
de  son  père,  &  cheuaucherent  tant  qu'ils  arriuerent  a  Paris,  ou  ils 
trouuerent  le  Roy  de  Paris  qui  pour  loi's  y  faisoit  sa  demeure,  & 
après  la  reuerance  par  eux  faite,  le  Roy  leur  demanda  ce  qu'ils 
cherchoient  en  son  pays,  &ilsluy  respondirent.  Sire  nous  cherchons 
aduenture,  certes  dict  le  Roy  il  y  a  assez  près  de  ceste  ville  vn  chas- 
teau nommé  vicestre  ou  on  trouue  tonsiours  grandes  aduentures, 
&  se  vous  y  vouliez  demeurer  &  le  garder  ie  vous  le  dône,  ce  que 
Geson  accepta ,  &  le  remercia  grâdemêt,  &  vint  au  chasteau  de 
vicestre  qu'il  trouua  fort  beau.  Alors  il  demanda  a  vn  Hermite  qu'il 
trouua  dedans  qui  auoit  faict  ce  chasteau,  &  il  luy  resuondit  que 
sçauoit  esté  vn  enchanteur  nommé  sommas  qui  auoit  enchanté 
ledict  chasteau,  &  qu'il  y  auoit  des  grans  trésors  en  la  caue  diceluy 
ou  nul  n'osoit  y  aller.  Lors  se  logèrent  Geson  &  ses  cheualiers  au 
chasteau  &  le  fit  meubler  en  peu  de  iours  de  tout  ce  qu'il  faut  a  la 
garnison  d'vn  tel  chasteau.  Se  quàd  il  eut  magniûquement  faict 
accoustrer  ledict  chasteau,  il  enuoya  le  plus  grand  de  ses  cheualiers 
vers  le  Roy  de  Paris  luy  demander  sa  fille  pour  estre  sa  femme  qui 
estoit  vne  belle  &  excellente  princesse  nomme  Yolant,  laquelle  luy 
fut  promise,  &  peu  de  temps  après  l'espousa  en  gràd  ioye.  Si 
furent  les  nopces  faites  audit  chasteau  ou  assistant  le  Roi  de  Paris 
couronna  Geson  Roy  du  chasteau  de  Vicestre  en  présence  des  che- 
ualiers tant  d'vn  costé  que  d'autre,  adonc  tous  les  cheualiers  de 
plusieurs  pays  vindrent  aux  nopces  lesquels  se  donnèrent  tous  au 


456  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Roy  Geson  pour  estre  ses  subiets.  Et  quâd  se  vint  au  disner  que  les 
deux  Roys  8c  Roines  8c  leurs  barons  estoient  assis  8c  mangeoient, 
Sômas  renchanteur  fondateur  de  Vicestre  s'apparut  au  milieu  de  la 
salle  auec  tonnerres  foudres  8c  tempestes,  8c  estoit  ledict  Sommas 
vestu  a  la  mode  de  Turquie  lequel  commença  a  dire  en  présence  de 
tous.  Geson  sçachez  cpie  ie  suis  Sommas  fondateur  de  ce  chasteau 
lequel  te  fais  a  sçauoir  que  tant  que  tu  viuras  en  seras  Roy  paisible  : 
mais  que  tu  ne  me  vienne  point  troubler  en  ma  caue  ou  sont  mes 
trésors  &  enchantemens  lesquels  enchantemens  ne  seront  iamais  mis 
afin  que  par  vn  cheualier  qui  descendra  de  ta  lignée  8c  ce  aduiendra 
quand  il  y  aura  eu  cent  Rois  a  Paris  Se  de  ce  n'en  faites  nulle  doubte. 

Comment  après  que  Sommas  Venchanteur  fut  disparu  le  Roy 
ordonna  des  ioustes  par  l'espace  de  huict  iours  et  des  choses 
qui  advindrent. 

Après  qu'il  eut  acheué  sa  parolle  il  se  disparut  8c  s'en  ala  8c  a 
son  retour  le  chasteau  de  Vicestre  trembla  dont  les  deux  Roys  en 
furent  bien  esbahis,  &  voua  le  Roy  Geson  de  ne  faire  aucun  em- 
peschement  a  la  caue,  8c  se  resiouit  que  de  luy  deuoit  descendre 
celuy  qui  mettroit  la  fin  aux  aduentures  du  chasteau  de  Vicestre, 
lors  leuerent  incontinent  les  tables,  le  disner  faict,  8c  les  cheualiers 
nouueaux  venus  entreprindrent  vn  tournoy  contre  ceux  que  le  Roy 
Geson  auoit  emmenez  de  son  pays,  8c  pour  se  faire  il  s'en  allèrent 
tous  armer  et  bien  montez  a  cheual  vindrêt  chacun  sur  les  rancs  ou 
ils  iousterent  fort  bien.  Les  deux  Roys  y  iousterent  aussi  &  firent 
des  merueilleux  faits  d'armes  abatàs  tous  les  cheualiers  qu'ils  r'en- 
côtroient  iusques  a  tant  que  la  retraicte  fut  sonnée  pour  aller  sou- 
per. Aussi  dura  la  feste  par  l'espace  de  huit  iours  en  tous  esbate- 
mens,  durant  lequel  temps  deux  cheualiers  l'vn  nommé  Brandis,  et 
l'autre  Brasdefer  vouèrent  d'accomplir  ce  qui  s'ensuit  pour  l'amour 
de  la  belle  Geande  qui  estoit  cousine  de  la  Roine  de  Vicestre.  C'est 
a  sçauoir  Brandis  voua  qu'il  se  tiendroit  tout  assis  sur  son  ceual 
sans  mouuoir  par  l'espace  de  deux  heures  ou  il  attêdroit  tous  che- 
ualiers qui  voudroient  iouster  contre  luy  a  lance  aceree  8c  celuy 
qui  Tabbateroit  :  il  auroit  vn  leurier  d'or  massif  &  Bras-defer  voua 
qu'il  abbateroit  tous  ceux  qu'il  trouueroit  au  tournoy  :  &  que  s'il 
failloit  a  abbatre  vn  cheualier  il  luy  donneroit  vn  cerf  tout  d'or  :  & 
que  iamais  en  après  il  ne  porteroit  armes  cy  ce  n'estoit  pour  les 
dames.  Et  encores  cpie  tous  ceux  qu'il  abbatroit  il  les  enuoieroit 
prisonniers  à  la  belle  Geande,  ce  que  les  deux  cheualiers  vouerêt  ils 
l'accomplirent  en  leur  grand  honneur  &  gloire,  dont  depuis  ils 
furent  bien  renommez. 


BIBUOGRAPHIE  D'UN  ABfATEUR  157 

Comment  Helias  un  des  cheualiers  du  Ray  Geson  fut  victorieux  et 
emmena  le  Cheval  Fee  nomme  passavant^  &  comme  deux 
Roys  vindrent  assiéger  le  chasteau  de  Yicestre, 

Adonc  Helias  le  principal  de  toute  la  cheualerie  ayant  ouy  reciter 
que  a  cinquante  lieue  loing  de  là   y  avoit  vn  cheual  fee  nommé 
passauant  qui  par  l'ëchantement  de  Sommas  estoit  gardé  en  vne 
motagne  par  deux  esprits,  se  délibéra  de  Taller  conquerre,  &  pour 
ce  faire  print  c5gé  de  la  court,  et  cheuaucha  tant  qu'il   vint  au 
lieu  ou  estoit  le  cheual.  Lorscpi'il  fut  là  il  s'arma  de  ses  armes 
&  Tint  contre  les  deux  esprits  qui  estoient  en  estât  de  cheualiers 
tous  noirs  lesquels  fraperent  Helias  de  leurs  laces  rouge  comme 
feu  sus  son  escu  :  mais  Helias  en  abbatit  vn  par  terre  qui  ne  s*en 
peut  releuer,  puis  après  il  recouura  sur  l'autre  &  luy  en  fit  autant, 
&  leur  fit  créances  qu'il  auroit  le  cheual  passauant^  &  alors  les 
esprits  luy  creancerêt  &  en  outre  luy   dirent  que  le  cheual  serui- 
roit  a  celuy   qui  mettroit  a   fin  les  aduentures   du   chasteau   de 
\icestre   qui  descendroit  de  la  lignée  du  Roy  Geson,  adonc  Helias 
print  le  cheual  fee  &  le  mena  au  Roy   Greson  en  luy  disant  ce  que 
les  esprits  luy  auoiêt  dit,  dont  il  fut  moult  ioyeux,  &  adonc  le  Roy 
de  llsle  noire  &  le  Roy  de  la  terre  saunage  qui  auoient  ouy  parler 
des  enchantemës  de  la  caue  de  Yicestre  par  leur  orgueil  délibérè- 
rent de  mettre  à  fin  les  aduentures,  &   que  si  on  ne  les  y  laissoit 
aller  ils  destruyroient  le  Roy  Geson,  si  menerêt  leur  ost  deuant 
Yicestre,  et  quàt  Geson  sçeut  pourquoy  cestoit,  il  ne  les  y  voulut 
laisser  passer  :  mais  les  admonesta  du  danger  qui  y  estoit,  ce  qui 
ne  voulurent  croire,  parquoy  ils  assiégèrent  le  chasteau  de  Yicestre. 
Le  Roy  Geson  voyant  cela  fit  armer  ses  cheualiers  et  manda  secours 
au  Roy  de  Paris  qui  lui  en  bailla,  &  sortit  tous  du  chasteau  auee 
ses  gens,  lesquels  firent  si  bien  leur  deuoir  que  les  deux  Rois  et 
leurs  gens  furent  desconfits  &  s'en  retournèrent  tous  confvs. 

Des  choses  merueilleuses  qui  advindrent  aux  canes  du  chasteau, 
et  des  esprits  qui  apparurent  a  la  belle  Geande  dont  elle  en 
mourut. 

w 

Âpres  que  ceste  bataille  fut  aussi  faite  chacun  s'en  alla  retraire  a 
son  logis  :  &  aussi  comme  le  Roy  disnoit  on  vit  des  fiâmes  de  feu 
ardentes  qui  cheurent  sur  le  trou  de  la  caue  auec  grosse  têpeste,  et  lors 
fut  ouye  vne  voix  qpii  dit  aussi.  C'est-cy  la  caue  aux  merueilles  ou 
nul  tant  soit  hardy  ne  descende  s'il  ne  veut  mourir,  &  quàd  la  voix 
fut  cessée  chacun  demeura  fort  esbahy  fors  d'vn  cheualier  nommé 


158  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Branor  le  Brun  qui  dit  deuant  tous  que  ce  n'estoit  que  mocquerie, 
&  qu'il  y  decendroit  pour  essaier  s'il  estoit  vray  et  nôobstant  la 
remonstrance  qu'on  luy  fit  il  s'arma  print  son  espee  &  descêdit  en 
la  caue,  dont  puis  ne  reuint  :  car  on  l'ouit  crier  iusques  a  la  mort 
&  la  il  fma  ses  iours.  De  ces  choses  fut  le  Roi  Geson  bien  esbahy, 
&  quant  on  eut  disné  chacun  s'en  alla  esbatre  a  son  plaisir,  &  la 
belle  Geande  accompagnée  du  cheualier  Bataquas  s'en  alla  en  sa 
chambre  iouer  aux  esches  mais  a  elle  s'apparurét  deux  esprits  qui 
lui  semblèrent  si  hideux  qu'elle  en  mourut  la  nuit  ensuiuât,  lors 
Bataquas  qui  estoit  auec  elle  empoigne  son  espee,  et  court  sus  les 
esprits  pour  les  combatre  &  tant  les  poursuit  qu'il  les  contraignit  a 
eux  en  fuir,  &  les  vit-on  entrer  tout  bruyant  dedàs  la  caue  :  Puis  fut 
la  belle  Geande  bruslee  selon  la  coustume  ancienne  laquelle  fut  de 
toute  la  court  fort  plainte. 


Comme  le  Roy  Geson  donna  congé  à  son  fils  d*aller  combatre  un 
lyon  qui  venoit  souvent  faire  dômage  a  Paris, 

Or  auoit  le  Roy  de  Vicestre  vn  fils  nommé  Cloudœre  auquel  les 
nouuelles  vindrent  qu'aux  portes  de  Paris  couroit  tous  les  iours  vn 
Lion  qui  emportoit  sa  proie.  Si  demanda  côgé  a  son  père  pour  l'aller 
combatre  et  il  luy  donna.  Lors  se  vestit  de  ses  armes  &  monta  a 
cheual  :  &  cheuaucha  vers  Paris,  &  en  son  chemin  rencontra  le 
Lyon  qui  venoit  de  quérir  proie  lequel  il  assailli  de  sa  lance  et  le 
naura  au  costé  :  puis  il  se  mist  a  pied,  &  après  plusieurs  assaillies 
de  l'vn  &  de  lautre  le  Lyon  fut  mys  à  mort  lequel  fut  escorché  de 
Cloudoere  :  &  la  peau  portée  au  Roy  Geson  qui  en  fut  moût  ioieux. 
De  la  ioie  que  le  Roy  Geson  eut  de  ceste  aduenture  il  voulut  aller  à 
la  chasse.  Si  fit  aprester  les  cheualliers  montèrent  a  cheual  et  en- 
trèrent en  la  forest  ou  ils  leuerent  vn  cerf  qui  fut  bien  chassé  et  vené 
des  chiens.  Et  si  bien  coururent  le  Roy  &  ses  cheualliers  que  chacun 
s'esgara  &  demoura  le  Roy  tout  seul.  Lors  pensa  de  retourner  au 
chasteau  de  "Vicestre  ou  estoit  sa  femme.  Et  en  se  peser  se  mist  a 
chemin  pour  retourner  :  adonc  quant  il  fut  a  la  court  du  chasteau 
de  Vicestre  pour  se  vouloir  mettre  a  pied  (car  il  estoit  sus  le  cheual 
I)assaiiant)  a  luy  vindrent  trois  dames  fées  qui  luy  dirent  ainsi. 
Roy  il  n'est  pas  temps  de  descendre,  parquoy  se  tu  es  hardy  viens 
après  nous.  Lors  le  Roy  assis  sus  le  cheual  passauât,  les  suyuit  : 
&  il  le  mèneront  en  la  caue  des  merveilles  ou  estoient  les  enchante- 
mens  &  de  ce  lieu  oncques  puis  ne  bougea  car  il  garde  les  trésors 
de  Sommas  l'enchanteur. 


BIBLIOGRAPHIE  D'UN  AMATEUR  159 


Comment  Cloudœre,  fils  du  Roy  Geson  après  que  les  barons  eurent 
entendu  la  reuelation  le  couronnèrent  Roy. 

En  c'est  endroit  dit  le  compte  que  quant  le  Roy  fut  perdu  tout  le 
chasteau  de  Vicestre  trembla  :  &  de  la  peur  que  la  Royne  en  eut 
elle  mourut  &  ne  scait  on  quelle  deuint.  Et  a  ces  entrées  faictes, 
reuindrent  les  cheualliers  de  la  chasse  qui  cherchoient  leur  maistre. 
Lesquels  quant  ils  virêt  le  chasteau  trembler  ils  cuiderêt  mourir  de 
peur,  adonc  ils  ouyrêt  vue  voix  qui  dit.  Vostre  Roy  par  le  vouloir 
de  Dieu  &  de  Sômas  Tenchanteur  est  en  la  caue  de  ce  chasteau  avec 
le  cheual  passauant  lequel  n'en  sera  deliuré  iusques  a  ce  que  le 
cheuallier  vienne  qui  doit  descendre  de  la  lignée  de  Gloudouere  qui 
mettra  a  fin  les  aductures  dudit  chasteau  &  aura  le  cheual  passauant  : 
&  autres  choses  qu'on  luy  garde.  Et  pour  ce  faictes  Roy  Gloudoere 
le  fils  dudit  Roy  Geson.  A  ces  mots  fut  le  Roy  pleuré  des  barons 
de  Vicestre  :  Et  couronnèrent  Gloudoere  Roy  de  Vicestre  qui  le 
mesme  iour  se  maria  :  &  a  ses  nopces  fut  le  Roy  de  Paris  &  plu- 
sieurs gros  seigneurs.  Et  dura  la  feste  trois  sepmaines  dot  chacun 
se  despartit.  Vn  peu  après  le  Roy  Gloudoere  estant  a  l'esbat  tout 
seul  hors  du  chasteau  vint  a  luy  une  Fee  qui  luy  donna  vne  espee 
nommée  argentine  en  luy  disant  ainsi.  Roy  voila  vne  espee  que  ie 
te  done  laquele  tu  porteras  en  ta  vie  :  &  a  ta  mort  tu  commanderas 
quelle  soit  enterrée  auprès  de  la  caue  de  ton  chasteau  :  car  c'est 
pour  le  cheuallier  qui  de  toy  descendera  qui  en  acheuera  les  aduen- 
tures,  lors  le  Roi  print  Tespee  &  la  fee  s'esuanouit  :  &  le  Roi  la 
raostra  a  ses  baros  en  leur  disàt  ce  que  la  fee  lui  avoi  dit. 

Comme  annva  vn  Nain  nommé  le  Roy  de  la  terre  Maligne  lequel 
voulut  iouster  contre  tous  les  cheualliers  de  Vicestre  &  fut  abbatu 
2)ar  Cloudoere  <£'  de  ce  qui  en  advint. 

Apres  cela  vint  vn  nain  nommé  le  Roy  de  la  terre  Maligne  qui 
demanda  la  iouste  a  tous  les  cheualliers  de  la  court  de  Vicestre  : 
Se  iousta  contre  Brandis  &  Brasdefer,  Helias,  Bataquas  &  tous  les 
autres  lesquels  il  abbatit  par  terre  :  mais  en  la  fin  il  fut  abbatu  par 
le  Roy  Gloudoere  avec  lequel  il  se  tint  vne  espace  de  temps  puis  print 
congé  de  luy  &  s'en  alla  en  son  pais,  le  Roi  Glodœre  auoit  vn  fils  nômé 
Fortamàt  lequel  estant  allé  a  l'esbat  auprès  de  la  caue  vit  saillir  de 
la  dite  caue  vn  grand  Dragon.  Lors  il  courut  cpierir  ses  armes  en 
sa  chambre  &  vint  l'espee  traicte  vers  le  dragon  auquel  il  bouta 
l'espee  iusques  a  la  garde  &  le  toucha  au  cœur,  le  dragon  fit  vn 
hideux  cry,  tellement  que  plusieurs  Fouirent  qui  vindrent  voir,  ils 


460  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

furent  tous  esbahis  quant  ils  virent  le  dragon  mort  et  Fortaman 
auprès,  si  Tallerent  dire  a  son  père  qui  de  la  ioye  qu'il  en  eut  en  fit 
faire  feste  l'espace  de  huict  jours  durant,  les  huict  iours  passez  vint 
vn  cheualier  de  France  nommé  Palixes  qui  emmena  douze  preud'- 
hommes  hermites  confez  et  repêtans  de  tous  péchés  lesquels  en  pro- 
cession :  8c  auecques  torches  8c  luminaires  entrèrent  en  la  caue  pour 
voir  ce  que  c'estoit,  8c  alloit  le  cheuallier  Palixes  après  eux  tout 
armé  pour  eombatre.  Et  quant  ils  furent  vn  peu  entrés  auant  toutes 
les  torches  se  souflerent  tellement  qu'ils  ne  voierent  goutte  8c  furent 
des  esprits  batus  tellement  que  quant  ils  furet  dehors  il  ne  se  pou- 
voient  soustenir  :  &  retournèrent  a  Paris. 

Comment  Fortamant  allant  à  la  chasse  é  fut  arresté  par  la  Dame 
de  l'Isle  fortunée,  &  comme  il  s* en  amoura. 

Ces  choses  ainsi  faites  Fortamant  alla  a  la  chasse  ou  il  sesgara  & 
ainsi  qu'il  cuidoit  retourner  la  dame  de  l'Isle  fortunée  le  print  par 
le  frain  de  son  cheual  &  le  mena  en  son  pays  :  8c  d'elle  s'énamoura 
si  bien  qu'il  en  eut  vn  fils  qui  fut  nommé  Ganor.  Lors  Fortamant 
a  qui  il  enuoioit,  s'en  voulut  retourner,  &  quant  la  dame  le  sceut 
elle  lui  donna  vn  escu  de  cristal  et  luy  dist  ainsi  mon  amy  vous  me 
laissez  :  tenez  voila  vn  escu  de  cristal  que  ie  vous  d5ne  a  la  charge 
que  vous  commâderez  a  vos  gens  cpie  après  vostre  mort  ledit  escu 
soit  enterré  empres  lespee  au  casteau  de  Vicestre,  cela  luy  promist 
Fortamant  lequel  s'en  retourna  au  chasteau  vers  son  père  auquel 
racôpta  &  a  ses  gens  ce  qu'il  luy  estoit  aduenu,  8c  monstra  lescu  de 
cristal  dont  on  fit  grand  ioye  par  tout  le  chasteau.  Mais  la  dite  ioie 
guère  ne  dura  car  deux  iours  après,  ainsi  que  le  Roy  Gloudœre  se 
pourmenoit  dedans  la  cour  de  son  chasteau  suruint  vne  foudre  qui 
abatit  vne  grosse  tour  dudlct  chasteau  laquelle  crauenta  le  Roi 
chacun  vint  a  la  rescouce  :  mais  comme  on  le  cuida  prendre  il  fut 
euanouy,  8c  oncques  puis  on  ne  le  vit.  Lors  commencèrent  les  pleurs 
et  gemissemens  par  le  chasteau  en  très  piteuse  manière,  8c  les  barons 
firent  enterrer  l'espee  argentine  comme  on  Tauoit  commandé.  Et 
Fortamant  voyant  cela  commanda  que  quant  8c  quât  l'escu  de  cristal 
fut  mis  auec  ce  qui  fut  fait  et  accomply. 

Comme  le  Roy  fortamant  demeura  Roy  de  Vicestre  &  mourutbientost 
après ^  &  comme  le  chasteau  dura  inhabitable. 

Alors  fut  fait  Roy  de  Vicestre  Fortamât,  qui  peu  régna,  car  au 
bout  de  huit  iours  (de  couroux  de  la  mort  de  son  père)  il  mourut 
&  fut  mys  a  la  manière  des  Roys.  Et  aussi  fit  sa  mère  a  la  mort  de 


BIBLIOGRAPHIE  D'UN  AMATEUR  161 

cestuy  tout  le  chasteau  trembla,  il  esclaira,  tonna,  8c  fouldroia 
&  demoura  sans  gouuemeur.  Deslors  commença  le  chasteau  a  amen- 
drir  8c  a  choir  pièce  T^ne  après  Fautre.  Et  la  dame  de  Tlsle  for- 
tunée qui  eut  ses  nouuelles  conseilla  a  Ganor  son  fils  quelle  auoit 
eue  du  Roy  Fortamant  de  laisser  ledit  chasteau  et  emmener  la  che- 
uallerie  de  Yicestre  8c  chercher  nouueUe  habitation.  Car  dist  elle  il 
est  destiné  de  par  Sommas  que  tous  ceux  qui  y  demourôt  iusques 
a  ce  que  le  cheuallier  qui  de  vous  doit  descendre  ait  mis  a  fin  les 
merueiUes  de  la  caue,  lequel  aura  le  bon  cheual  passauant,  Tespee 
argentine  Tescu  de  cristal,  Ganor  creut  le  conseil  de  sa  mère  car 
il  fit  seller  chevaux,  trousser  bagage,  et  manda  tous  les  cheualliers 
de  Yicestre  ausquels  il  desclara  son  courage.  Si  montèrent  a  cheual 
trestous  et  tant  cheuaucherent  qu'ils  arriuerent  en  Turquie  ou  ils 
demeurent  de  présent,  &  d'eux  doit  descendre  vn  cheualier  qui 
conquerra  le  chasteau  de  vicestre,  et  ainsy  finjray  Thistoire  merueil- 
leuse  dudict  chasteau  de  Vicestre.  Priant  tous  ceux  qui  la  liront  qui 
la  tiennent  aussi  vraye  que  vous  estes  en  Paradis.  Nonobstant  en  la 
lisant  on  euitera  oysiueté  et  y  prendra-on  resiouissance. 

FIN 


L'exemplaire  que  je  viens  de  décrire  et  de  reproduire, 
a  fait  partie  de  la  bibliothèque  du  prince  d'Essling,  ven- 
due en  1847  /Catalogue  n»  300J.  Il  était  alors  relié  en 
veau.  Depuis  il  a  été  relié  en  maroquin  rouge,  avec  filets 
et  dos  orné,  par  Trautz-Bauzonnet.  Il  existe  un  exem- 
plaire d'une  autre  édition,  dont  le  titre  est  le  même,  im- 
primée aussi  à  Paris,  rue  Saint-Jacques,  à  renseigne 
Saint-Nicolas,  mais  portant  la  date  dé  M.DC.VI;  d'après 
Brunet,  elle  est  de  format  in-8®  et  de  29  pages.  Cet 
exemplaire  relié  en  maroquin  rouge  par  Padeloup,  a  fait 
partie  de  la  bibliothèque  du  duc  de  La  Vallière  (Cata- 
logue no  Al 29),  puis  de  celle  de  William  Beckford  (Ca- 
talog.  n^  1676)  vendue  à  Londres,  au  mois  de  décembre 
1882.  Il  a  été  acquis  par  L.  Techener,  pour  M.  le  comte 
de  Lignerolles.  {Bullet,  du  Bibliophile,  —  Avril  1883, 
page  166.) 

11  1891 


UN    SONNET    INEDIT 


ATTRIBUE     A     BOILEAU 


Dans  un  recueil  manuscrit  de  poésies  réunies 
pour  réducalion  de  Henriette  de  Bourbon,  dite 
Mademoiselle  de  Verneuil ,  fille  légitimée  du  duc  de 
Bourbon,  premier  ministre  du  roi  Louis  XV  en 
1723,  nous  avons  découvert  un  sonnet  de  Boileau, 
assez  mauvais,  du  reste,  qui  nous  parait  être  resté 
inconnu.  Du  moins,  le  recueil  de  M"^  de  Verneuil 
semble  le  dire. 

Le  voici,  avec  le  petit  commentaire  qui  l'accom- 
pagne dans  notre  manuscrit  : 

SONNET    DE   BOILEAU 

«  L'Empereur  Leopol  ayant  fait  représenter  une  pièce 
de  théâtre  injurieuse  à  Louis  XIV,  Boileau  fit  ce  sonnet 
contre  ce  Prince  : 

Chimérique  héritier  du  grand  nom  des  Césars 
Crois-tu  bien  soutenir  Vhonneur  de  leur  mémoire 
Renfermé  dans  Vienne,  à  V ombre  des  remparts, 
Ou  prenant  à  Cologne  une  vengeance  noire? 

Aux  dépens  de  leur  sang,  au  milieu  des  hazards. 
Ces  héros  en  personne  allaient  droit'à  la  gloire. 
Ils  n'étoient  ennemis  que  dans  le  champ  dé  Mars^ 
Amoureux  des  combats  plus  que  de  la  Victoire. 


UN  SONNET  INÉDIT  ATTRIBUÉ  A  BOILEAU  163 

Noire  Roi,  tous  les  ans,  dans  ce  champ  glorieux 
Brillant  comme  un  Soleil,  se  fait  voir  à  nos  yeux  : 
Là,  comme  un  vrai  Soleil,  V Univers  le  regarde; 

Mais  pour  toi  qui  n*en  as  qu*un  vain  nom  sans  effet, 
Si  tu  ne  veux  passer  pour  une  aigle  bâtarde. 
Viens  sans  braver  de  loin,  le  regarder  de  près  ! 

Louis  XIV,  à  qui  Boileau  lut  ce  sonnet,  lui  dit  de  ne 
pas  le  faire  imprimer.  j> 

Louis  XTV  montra  une  fois  de  plus  qu'il  était  un 
homme  de  goût. 

Bon  Double. 


LA  BIBLIOTHÈQUE  ET  LE  GRENIER 


DE  M.  CHARLES  COUSIN 


Dans  les  sphères  de  la  bibliophilie,  il  n*y  a  assurément  personne 
qui  ne  connaisse,  tout  au  moins  en  efQgie,  le  créateur  du  fameux 
Grenier  dont  les  préciosités  affriolantes,  qui  vont  prendre  le  chemin 
de  rhôtel  Drouot,  suscitent  en  ce  moment  d'ardentes  convoitises.  Il 
serait  téméraire  de  rêver  un  collectionneur  plus  accompli,  aimant 
les  choses  belles  ou  intéressantes  avec  plus  de  passion,  y  apportant 
plus  de  discernement,  de  goût  et  d'impartialité,  et  qui  pourtant  ne 
s'est  point  figé  dans  l'exercice  du  sacerdoce  auprès  du  moderne 
Olympe,  et  chez  qui  ce  culte,  souvent  exclusif,  n'a  pas  supprimé 
l'Homme.  Et  l'Homme  en  lui  est  excellent,  d'une  amabilité  capti- 
vante, d'un  esprit  aiguisé  comme  une  fine  lame  de  Tolède,  mais 
«  bonhomme,  nullement  médisant,  et  ami  du  prochain^  »  et  avant 
tout  a  Français  et  Lorrain  jusqu'aux  moelles  ».  De  là  une  existence 
qu'il  déclare  «  très  agitée  et  très  laborieuse  »,  mais  qu'il  reconnaît 
aussi  «  très  heureuse  et  finissant  bien  ».  On  le  croira  sans  peine. 
Il  eut,  en  effet,  des  condisciples  illustres,  tels  que  M^^  le  duc  d'An- 
maie,  Octave  Feuillet,  Baudelaire  (sur  lequel  il  publia  en  1872  d'in- 
téressants Souvenirs)  ;  il  fut  ou  est  encore  lié  avec  des  sommités  de 
l'intelligence  et  du  talent  ;  il  a  utilement  servi  sa  patrie  et  ses  conci- 
toyens, il  fut  aux  honneurs  comme  Grand  Maître  de  l'Orient  de 
France,  il  a  conquis  un  nom  en  bibliophilie^  et  il  eut  dans  son  foyer 
toutes  les  joies  du  cœur  et  les  plus  hautes  satisfactions  pour  son 
orgueil  de  père.  Et  avec  tout  cela,  quand  il  se  sera  décidé  <  à 
mourir  de  rire  »  (genre  de  trépas  qu'il  s'est  choisi,  mais  dont  ses 
affectionnés  le  supplient  de  reculer  le  plus  possible  l'échéance), 
comme  il  n'a  semé  que  la  graine  qui  fait  pousser  des  amis,  il 
entrera  sûrement  dans  ce  le  paradis  des  bons  d  de  Lamartine.  Il  y 
conquerra  ses  devanciers  par  les  charmes  de  sa  conversation  et  par 
sa  franche  bonhomie  (notez  qu'il  se  rattache  par  des  liens  de  parenté 
à  La  Fontaine) .  Je  suis  aussi  convaincu  qu'il  s'empressera  d'y  fonder 
une  société  de  bibliophiles,  car  on  ne  saurait  s'attendre  à  moins  de 


LE  GRENIER  DE  M.   COUSIN  165 

la  part  de  Tun  des  promoteurs  et  du  premier  vice-président  des 
c  Amis  des  Livres  »  (1874),  qui  a,  à  son  avoir,  la  publication  d'une 
série  de  livres  magnifiques,  et  de  la  société  récente  (1889)  des 
c  Bibliophiles  contemporains  )»• 

Un  collectionneur  d'une  vitalité  aussi  débordante  ne  pouvait  pas 
se  cantonner  dans  une  spécialité  quelconque  :  il  a  donc  adopté  tous  les 
genres,  sauf  le  genre  ennuyeux,  c  Un  livre  rarissime,  mais  illi- 
sible, nous  dit-il,  une  estampe  introuvable  mais  laide,  une  assiette 
unique  mais  sans  charme,  ne  me  tentent  pas  !  »  Quoique,  en  sa  qualité 
d'inspecteur  principal  de  Texploitation  des  chemins  de  fer  du  Nord, 
il  ait  eu  sous  les  yeux  des  freins  perfectionnés,  il  n'a  jamais  réussi 
à  en  adapter  un  à  sa  passion.  D  s'est  mis  à  la  poursuite  de  tout  ce 
qui  peut  réjouir  la  vue  ou  délecter  l'esprit,  et,  servi  par  des  connais- 
sances variées,  par  un  flair  inné,  par  une  ténacité  lorraine,  et  quel- 
quefois par  des  chances  exceptionnelles,  il  est  parvenu  à  se  consti- 
tuer un  véritable  petit  musée  d'objets  d'art  et  de  curiosité,  de  ta- 
bleaux, de  dessins,  d'estampes,  et  surtout  une  remarquable  collec- 
tion de  livres.  Pour  excuser  sans  doute  son  goût  éclectique  auprès 
de  ses  confrères  chez  lesquels  la  spécialisation  est  généralement  la 
règle,  il  prit  le  surnom  malicieux  de  Toqué,  que  les  contemporains 
se  sont  refusés  d'admettre  au  sens  propre. 

Tout  Paris  compétent  et  même  tous  les  collectionneurs  de  France, 
de  Navarre  et  autres  lieux,  connaissent  plus  ou  moins  son  Grenietf 
qui  n'a  de  commun  que  le  nom  avec  celui  de  Béranger,  et  il  fàxk» 
drait  une  plume  singulièrement  alerte  pour  en  esquisser  une  phy- 
sionomie fidèle.  En  récompense  des  services  éminents  qu'il  avait 
rendus,  aux  heures  sombres  de  notre  histoire  contemporaine,  en 
qualité  de  délégué  des  chemins  de  fer  du  Nord  et  de  commandant 
d'un  bataillon  ou  plutôt  d'un  régiment  de  2,400  hommes,  formé  par 
ses  soins  avec  le  personnel  du  Nord,  il  a  reçu  de  cette  Compagnie 
la  jouissance  d'un  appartement  composé  de  deux  étages,  dont  le  plus 
élevé  fut  converti  en  grenier  d'un  genre  nouveau.  Et  ce  charmant 
réduit  où  vinrent  s'entasser  tant  de  belles  choses  se  transformait  en 
un  temple  de  l'esprit  dans  les  soirées  où  les  Amis  des  livres  et  les 
amoureux  des  bibelots  venaient,  c  en  veston  obligatoire  »,  y  tenir 
des  assises.  Lorsque  tout  le  Grenier  s'éclairait  d'une  vive  lumière  et 
s'illuminait  du  beau  sourire  de  la  gracieuse  maîtresse  de  la  maison^ 
qui  partage  les  goûts  du  Toqué  (que  Dieu  en  soit  loué!),  et  que 
la  conversation  devenait  un  interminable  feu  d'artifice,  les  hôtes 
étaient  tentés  de  se  porter  à  des  actes  de  violence  sur  les  cartels  et 
les  pendules,  dont  les  aiguilles,  toujours  trop  rapides,  leur  rapp^ 
laient  impitoyablement  que  tout  a  une  fin  dans  ce  bas  monde. 


466  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Dès  que  le  Grenier  eut  emmagasiné  une  récolte  respectable,  son 
^opriétaire,  qui  ne  sut  jamais  s'isoler  dans  une  jouissance  égoïste  y 
^ngea  aussitôt  à  faire  profiter  le  public  du  résultat  de  ses  efforts 
persévérants.  Nous  devons  à  cette  aimable  pensée  deux  publications 
de  grand  luxe  :  Voyage  dans  un  grenier  (4878)  et  les  Racontars 
illustrés  d'un  vieux  collectionneur  (1888),  livres  d'une  conception 
originale  et  sans  précédent,  d'un  esprit  bien  français,  d'une  séduc- 
tion toute  particulière.  Au  point  de  vue  de  l'image,  de  charmantes 
reliures  y  alternent  avec  des  joyaux  de  la  céramique  française  et  étran  - 
gère  et  du  royaume  du  bibelot,  et  les  Joyeux  convives  de  Dirk  Hais, 
tableau  daté  de  1624,  semblent  prendre  en  pitié  l'attitude  réservée  de 
Rose  et  CoZo^,  délicieuse  gouache  deBaudouin,  acquise  pour  le  Grenier 
au  prix  d'une  métairie.  Les  suprises  sont  plus  vives  encore  de  la  part 
du  texte  où,  à  côté  de  curieux  détails  touchant  la  bibliophilie,  la 
bibliographie  et  tous  les  arts,  on  rencontre,  grâce  à  une  abondante 
réunion  d'autographes  et  aussi  à  des  souvenirs  personnels  de  l'auteur^ 
des  révélations  piquantes,  parfois  douloureuses,  sur  des  points  de 
rhistoire  contemporaine  littéraire,  sociale  et  politique. 

Ceux  qui  ont  eu  le  plaisir  de  lire  les  Racontars  s'étonneront  peut- 
être  de  ce  que  «  le  vieux  collectionneur  »^  après  avoir  déclaré  à  plu- 
sieurs reprises  que  les  habitants  chéris  de  son  Grenier  ne  le  quitte- 
ront qu'après  son  décès,  leur  fait  prendre  dès  à  présent  le  chemin 
de  l'exil.  Il  faut  donc  qu'ils  sachent  que,  non  content  d'avoir  donné 
«ne  satisfaction  à  ses  goûts  et  une  agréable  mais  coûteuse  pâture 
intellectuelle  à  un  public  d'élite,  le  maître  du  Grenier  a  voulu  aussi 
semer  le  bon  grain  parmi  les  humbles.  En  patriote  ardent,  il  a 
conçu,  il  y  a  un  an,  l'idée  d'une  Encyclopédie  populaire  Uluslrée^ 
destinée   «  à  instruire  et  surtout  à  éduquer  le  suffrage  universel  >, 
c'est-à-dire  à  compléter  l'instruction  primaire  par  des  connaissances 
indispensables  aujourd'hui  dans  toutes  les  conditions  sociales.  Cette 
Encyclopédie  devait  comprendre  un  résumé  élémentaire  de  l'histoire 
de  l'humanité  dans  tous  les  pays  et  dans  tous  les  âges,  et  de  ses 
derniers  progrès  dans  la  science  appliquée,  l'agriculture,  l'industrie, 
le  commerce  et  les  arts.  Dans  ce  noble  but,  il  s'était  assuré  le  con- 
cours de  savants  et  d'écrivains  tels  que  Jules  Simon,  Berthelot,  Léon 
Say,  Louis  Ménard,  le  générai  Thoumas,  etc.  L'ouvrage,  en  un  gros 
yolUme  in-folio,  devait  être  imprimé  et    illustré  avec  luxe,  pour 
former  en  même  temps  le  goût  et  captiver  l'imagination  •  de  la  jeu- 
nesse. M.  Cousin  pensait  le  faire   distribuer  gratuitement  au  plus 
grand  nombre  possible  d'écoles,  en   demandant  un   sacrifice  de 
quelques  centaines  de  firancs  à  tous  ceux  qui  exercent  un  mandat  au 
nom  du  suffrage  universel.  L'éminent  Toqué  a  justifié  là  pour  la 


LE  GRENIER  DE  M.    COUSIN  167 

première  fois  son  glorieux  surnom,  en  oubliant  dans  sa  candeur 
patriotique  qu'il  est  plus  avantageux  d'exploiter  pour  son  profit  ou 
sa  vanité  le  suffrage  universel  que  de  «  l'instruire  et  de  Téduquer  ». 
Le  numéro  spécimen  adressé  aux  sénateurs,  députés  et  conseillers 
généraux  n'ayant  pas  réussi  à  provoquer  les  souscriptions  néces- 
saires, M.  Cousin  a  tenu  à  rembourser  intégi-alement  les  dons  offerts 
par  de  généreux  amis  de  l'instruction  populaire,et  le  Toqué  désabusé 
a  gardé  pour  lui  toutes  les  dépenses  de  son  essai.  Cette  circonstance, 
jointe  à  des  sacrifices  qu'il  avait  faits  pour  la  publication  ruineuse  de 
ses  Racontars  (dont  il  a  distribué  libéralement  nombre  d'exemplaires),, 
est,  croit-on,  pour  beaucoup  dans  la  détermination  qu'il  a  prise  de 
liquider  prématurément  la  partie  la  plus  précieuse  de  ses  collections. 
Après  tout  la  gloire  d'un  collectionneur  n'est  définitivement  consa* 
crée  que  par  la  dispersion  de  ses  trésors  et  notre  bibliophile  a  biea 
mérité  d'assister  vivant  à  son  apothéose. 

Le  Catalogue  de  sa  bibliothèque,  dont  la  vente  aura  lieu  du  7  au 
11  avril  prochain,  par  l'intermédiaire  de  M.  Durel,  libraire-expert,  est 
précédé  d'une  étourdissante  Oraison  funèbre,  due  à  la  plume  de 
M.  Henri  Beraldi,  vice-président  des  Bibliophiles  contemporains* 
n  comprend  836  articles,  dont  les  annotations  abondent  souvent  en 
sailUes  piquantes.  Toutes  les  grandes  branches  du  savoir  humain  y 
sont  représentées,  mais  d'une  façon  très  inégale.  L'ensemble,  image 
fidèle  de  la  tournure  de  l'esprit  du  Toqué,  dénote  qu'au  point  de  v«e 
extérieur  il  ne  recherchait  que  les  manifestations  du  beau  ou  de 
l'agréable,  et  que  sous  le  rapport  intrinsèque,  lorsque  l'attrait  artis- 
tique du  livre  ou  de  son  enveloppe  faisait  défaut,  il  ne  s'attachait 
qu'aux  œuvres  immortelles  ou  à  celles  capables  de  récréer  l'esprit  et 
d'exciter  ce  qui  est  «  le  propre  de  l'homme  ».  C'est  pour  cela  que 
les  Belles-Lettres  occupent  une  place  prépondérante  dans  sa  collec- 
tion, qui  brille  d'autre  part  par  une  déKcieuse  sélection  de  livres 
illustrés  et  par  de  belles  reliures  de  tous  les  temps. 

Tout  d'abord  on  y  trouve  plusieurs  manuscrits  depuis  le  xrv» 
jusqu'au  xviiie  siècle,  quelques-uns  décorés  luxueusement.  Nous  y 
remarquons  un  poème  inédit  sur  la  Passion  de  Jésus-Christ,  par 
Nicolas  de  Vérone,  trouvère  franco-italien,  volume  exécuté  vert 
1380  et  orné  de  trente  miniatures  ;  puis  deux  manuscrits  d'afi 
intérêt  historique  :  la  Prosopopée  sur  M^  le  duc  d^Orléans,  RégeMj 
M°^^  de  Berry  et  le  cardinal  Dubois,  accompagné  de  vingt  dessins 
en  couleurs,  et  le  Carnet  autographe  du  duc^d'Orléans  (Philippe- 
Egalité)  sur  rassemblée  de  notables  réunie  en  ilSl  ;  enfiir  te 
Dernier  Carnet  de  poche  d'Alfred  Delvaù,  propre  à  exciter  la 
curiosité,  comme  offrant  des  c  notes  prises  au  jour  le  jour  sur  diirenit' 


168  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

personnages  connus  »  et  contenant  des   c  indiscrétions  croustil- 
lantes »  (1). 

Il  faut  croire  que  M.  Cousin  ne  professe  pas  un  culte  bien  vif 
pour  les  incunables,  car  l'imprimerie  au  xv«  siècle  n'y  est  repré- 
sentée que  par  deux  œuvres,  et  encore  ce  n'est  point  leur  âge 
respectable  qui  Ta  tenté,  mais  leur  conservation  et  les  sujets  qu'ils 
traitent .  L'un  est  l'épitre  de  Pétrarque  De  Fide  nxoria  avec  le  char- 
mant opuscule  Griselidis  (Ulm,  1473)  ;  l'autre  est  le  Liber  Face- 
ciarum  de  Pogge  (Venise,  1475),  tous  deux  non  rognés,  a  Ces  deux 
perles,  dit  la  note  du  catalogue,  ont  été,  il  y  a  plus  d'une  vingtaine 
d'années,  l'objet  d'une  lutte  héroïque  entre  le  Grenier  et  la 
Librairie  Techener.  » 

M.  Cousin  n'ambitionnait  pas  non  plus  de  colliger  des  chefs- 
d'œuvre  de  la  typographie  ancienne,  ce  qui  constitue  une  spécialité 
très  vaste.  Il  a  bien  quelques  produits  des  presses  des  Aide  et  de 
Plantin,  mais  ce  n'est  qu'en  raison  des  reliures  qui  les  recouvrent. 
Les  Elzeviers  sont  plus  nombreux,  mais  encore  plutôt  pour  leurs 
brillants  habits,  ou  bien  à  cause  des  auteurs  dont  ils  reproduisent 
les  œuvres,  par  exemple:  les  Philosophica  de  Cicéron  (1642),  les 
Satyres  de  Régnier  (1692),  les  Provinciales  de  Pascal  (1657). 

Bien  qu'il  soit  avant  tout  un  moderniste ,  il  fit  entrer  dans  son 
grenier  la  substance  du  génie  français ,  généralement  en  dehors  de 
toute  préoccupation  extérieure,  et  il  témoigne  même  d'une  singu- 
lière tendresse  pour  les  poètes  du  Moyen- Age  et  de  la  Renaissance. 
Il  a  deux  bonnes  éditions  des  Essais  de  Montaigne  (  1595  et  1602) 
et  quatre  de  La  Bruyère  (1692, 1694, 1696  et  1750)  ;  il  a  le  Roman  de 
la  Rose,  édition  Galiot  du  Pré  (  1529)  en  ancienne  reliure  de  Derome  ; 
la  meilleure  édition  des  Œuvres  d'Alain  Chartier  (Paris,  1617), 
exemp.  en  grand  papier;  Les  Faicts  et  Dits  de  Molinet  (  Paris,  1531, 
in-fol.,  go  th.  )  ;  L'Adolescence  Clémentine  de  Cl.  Marot  (Lyon,  Fr. 
Juste,  1535),  l'un  des  trois  exemplaires  connus,  dit-on  ;  les  Œuvres 
du  même  auteur  (Lyon,  1545),  en  ancienne  reliure  doublée;  et 
aussi  l'édition  de  Jean  de  Tournes,  1553,  et  celle  de  La  Haye,  1700, 
revêtue  d'une  charmante  reUure  de  Derome  le  jeune.  Puis  viennent  : 
un  superbe  exemp.  des  Œuvres  de  Baïf,  au  complet  (Paris,  1572 et 
1573),  de  ceUes  d'Amadys  Jamin  (Paris,  1579-1584,2  vol.  in-12),de 
celles  de  Joachimdu  Bellay  (Rouen,  1592),  etc.  Son  illustre  parent 


(1)  Nous  apprenons  au  dernier  moment  que  le  bonhomme  nulUmeni 
médUatU  et  ami  du  prochain,  désirant  éviter  à  plusieurs  journalistes,  dont  il 
goûta  fort  le  talent,  l'ennui  que  pourrait  leur  causer  la  pubUcation  probable 
du  Cornet  de  Delvau,  s'est  décidé  à  ne  pas  le  mettre  en  vente. 


LE  GRENIER  DE  M.   COUSIN  169 

La  Fontaine  est  représenté  par  vingt  articles.  En  tète  figure  une  vieille 
connaissance  à  moi,  Tédition  originale,  introuvable,  de  VÉlégie,  aux 
Nymphes  de  Vaux,  composée  à  l'occasion  de  la  disgrâce  de  Fouquet^ 
et  le  brouillon  de  son  Ode  pour  la  paix ,  publiée  avec  de  notables 
changements  en  1671.  Ces  précieuses  reliques  proviennent  de  la 
bibliothèque  Ambroise  Firmin  Didot,  mais  ce  que  je  n'avais  pas  vu, 
et  ce  qui  n  a  pas  échappé  au  perspicace  Toqué,  c'est  que  cette  ode, 
en  rhonneur  de  Mazarin,  a  été  écrite  sur  du  papier  aux  armes  du 
cardinal,  en  filigrane,  ce  qui  prouve  qu'elle  a  été  improvisée  dans  le 
cabinet  même  de  ce  ministre,  détail  qu'on  ignorait  encore. 

Dans  la  section  consacrée  au  Théâtre ,  nous  remarquons  d'excel- 
lentes éditions  de  Corneille  (1668,  4  vol.  in-12),  de  Molière  (1682, 
8  vol.).  de  Racine  (1697,  2  vol.),  et  même  l'édition  originale  du 
Misanthrope  (1667),  exemplaire  relié  par  Trautz-Bauzonnet  au  chifi&*e 
de  Mr*  le  duc  d'Aumale.  —  Enfin,  dans  l'Histoire,  notons  en  fait  de 
vieux  livres  :  la  Chronique  de  Gommines,  l'édition  rarissime  impri- 
mée en  1525  par  «  Maistre  J.  G.  »,  et  les  Illustrations  de  Gaulle^ 
de  Le  Maire  de  Belges  (1548),  en  reliure  du  temps  mosaîquée. 

Mais  c'est  surtout  sous  le  rapport  de  l'art  que  cette  bibliothèque 
brille  d'un  vif  éclat.  Si  la  gravure  sur  bois  du  XYi®  siècle  n'y  est 
représentée  que  par  quelques  échantillons ,  en  revanche  la  taille- 
douce  y  joue  un  rôle  important.  11  serait  trop  long  de  tout  énumé- 
rer,  et  je  me  borne  à  signaler,  pour  le  xvii®  siècle,  la  représenta- 
tion du  célèbre  carrousel  de  1662  (  Courses  de  têtes  et  de  bagues  ; 
Paris,  1670,  gr.  in-fol.),  avec  96  planches  par  Israël  Silvestre  et  Fr. 
Cliauveau,  superbe  exemp.  aux  armes  royales  ;  et  pour  le  xyiii®  siècle  : 
les  Fables  à^  La  Fontaine,  avec  les  figures  d'Oudry,  superbe  exemp. 
de  premier  tirage,  en  maroquin  ancien  ;  les  Contes^  de  l'édition  des 
Fermiers  généraux,  avec  épreuves  de  premier  tirage  et  figures 
découvertes,  exemp.  relié  par  Derome;  les  Amours  de  Cupidan  et 
de  Psyché ,  avec  les  figures  de  Moreau  le  jeune,  avant  et  avec  la 
lettre,  aussi  en  maroquin  de  l'époque;  les  Baisers,  de  Dorât,  exemp. 
en  grand  papier,  revêtu  d'une  riche  reliure  triplée,  et  les  Fables  du 
même  auteur,  en  condition  semblable  ;  Zélis  au  bain,  en  grand 
papier,  avec  des  épreuves  hors  ligne  des  figures  d'Eisen  ;  le  Rabe- 
lais de  Le  Duchat,  avec  le  dessin  original  (payé  par  le  Toqué 
1,500  fr.)  du  beau  frontispice  du  tome  II ,  par  Folkema;  Manon 
Lescaut  (ilbS) y  en  reliure  doublée  de  Trautz-Bauzonnet,  exemp* 
de  Delbergue-Gormont  (2,0(X)  fr.)  ;  Il  Decatnerone  (1757),  avec  la 
suite  de  vingt  figures  libres  et  leur  titre.  Une  mention  spéciale  est 
due  â  la  Galerie  du  Palais-Royal  (1786),  l'exemplaire  même  du 
duc  d'Orléans,  en  épreuves  de  premier  choix,  en  vingt-deux  livrai- 


i70  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

sons  cartonnées  en  papier  bleu  de  roi,  aux  armes  et  aux  écoinçons 
du  duc. 

Le  xixe  siècle  illustré  est  ici  aux  honneurs.  La  plupart  des  beaux 
livres  s'y  trouvent,  depuis  ceux  ornés  de  figures  en  couleurs  de 
Debucourt,  de  lithographies  des  Vernet,  de  gravures  sur  acier  et  sor 
bois,  de  chromolithographies,  de  chromotypies,  jusqu'aux  magie* 
traies  publications  de  ces  dernières  années,  illustrées  par  nos  meil- 
leurs aquafortistes  et  xylographes  ou  à  l'aide  d'ingénieux  procédés. 
On  y  voit  des  Grand  ville,  des  Raffet,  des  Daumier,  des  Monnier^ 
etc.,  puis  les  joyaux  bibliophiliques  édités  par  Jouaust,  Lemerre, 
Quantin,  Galmann-Lévy,  Launette,  Boussod  et  Valadon,  Ferroud,  la 
Société  des  Amis  des  Livres,  et  surtout  ceux  de  L.  Gonquet,  que  la 
postérité  classera  au  nombre  des  éditeurs  d'élite  pour  son  goût  et 
son  intelligente  initiative.  Et  presque  tous  ces  livres  sont  en  exem- 
plaires exceptionnels,  souvent  avec  des  dessins  originaux  ajoutés. 

Dans  cette  bibliothèque,  aimable  et  gaie  avant  tout,  il  y  a  aussi 
une  section  •  gaillarde  »  très  corsée.  Rassurez-vous  cependant,  car 
ce  n'est  point  de  l'obscénité  grossière,  mais  de  la  gauloiserie 
franche  ou  raffinée,  relevée  par  un  cachet  d'art.  Le  roi  de  cet 
c  enfer  j>  est  le  fameux  livre  du  fermier  général  de  la  Popeliniëre^ 
Tableaux  des  mœurs  du  temps  dans  les  différents  âges  de  la  viey 
imprimé  à  un  seul  exemplaire  pour  l'auteur  qui  se  fit  représenter 
lui-même  ce  en  action  y>  dans  dix-huit  miniatures,  dont  la  plupart 
sont  d'une  beauté  sans  égale. 

-  Quant  aux  belles  reliures  de  cette  collection,  c'est  un  véritable 
enchantement.  Il  y  en  a  des  centaines,  les  unes  phis  riches  ou  plus 
intéressantes  que  les  autres,  de  toutes  les  époques,  depuis  les  grand» 
artistes  du  xvi^  siècle  jusqu'aux  maîtres  relieurs  contemporains. 
Quel  plaisir  que  de  contempler  la  finesse  des  plats  dorés  à  petit8> 
fers  par  Le  Gascon  sur  deux  volumes  de  Gureau  de  la  Ghambre, 
ou  la  sobriété  magistrale  des  reliures  de  Boyet,  dont  il  y  a  ici  toute 
une  série,  et  plusieurs  doublées  ;  l'une  d'elles  recouvre  l'édition 
originale  du  Discours  sur  Vhistoire  universelle,  de  Bossuet,  et  est 
au  chiffre  de  Marie  d'Aspremont,  duchesse  de  Lorraine  ;  une  autre 
a  été  exécutée  pour  Philippe  d'Orléans,  le  régent  (Mezeray,  Histoire 
de  France,  4692).  Padeloup  nous  ravit  par  sa  délicieuse  décoration 
en  mosaïque  sur  un  des  exemplaires  de  présent  de  la  Suxtte 
d'Estampes,  gravées  par  M™»  de  Pompadour,  et  nous  charme  par 
les  losanges  mosaïques  dont  il  a  orné  les  plats  du  Daphnis  et  ChLoèj 
avec  les  figures  du  Régent.  Les  Derome  brillent  par  leur  fraîcheur. 
On  vient  de  voir  que  certains  de  ces  livres  sont  de  provenance 
illustre,  mais  il  y  en  a  bien  d'autres  encore,  et  des  plus  importants 


LE  aRENIER   DE   M.    COUSIN  171 

i  c«[  égard.  Nous  nous  bornerons  à  dire  que  le  Grenier  se  glorifiait 
de  posséder  des  exemplaires  dont  la  reliure  est  à  l'efligie,  aux  armes 
ou  au  chiffre  de  François  l",  de  la  reine  Margot,  de  Marie  Leczynska, 
de  Marie- Antoinette,  du  cardinal  de  Richelieu,  de  M»°  de  Mainteooa, 
de  la  duchesse  de  Retz,  de  la  comtesse  de  Verrue,  de  de  Thou,  du 
comte  d'Hovm,  et  d'une  foule  d'autres  personnages  célèbres  ou 
bibliophiles  de  marque.  Ajoutons-y  un  Canevari  d'une  rare  beauté  et 
le  manuscrit  des  Statuts  des  ordres  de  la  Jarretière  et  de  Saint- 
Miehel,  en  fran;ais,  dont  la  reliure  en  maroquin  sombre,  comme  le 
destinataire,  porte  cette  audacieuse  dédicace  à  Philippe  II,  roi 
d'Espagne  ;  D.  PhiUppo  Hispaniarum  et  Angu-E  Régi.  AniM 
MBL  VI. 

Je  n'ai  pas  tout  dit  sur  cette  bibliothèque  ;  ceux  qui  voudront  en 
savoir  plus  long  n'ont  qu'à  lire  tout  le  calalo'gne  :  je  leur  garantis 
qu'ils  y  trouveront  plaisir  et  profit. 

Et  maintenant,  cher  bibliophile,  il  faut  recommencer.  Votre  Gre- 
nier, dépouillé  de  sa  parure,  est  en  deuil  et  attend  des  consolations 
que  vous  ne  sauriez  lui  refuser,  car  vous  ne  sauriez  renoncer  aux 
séductions  de  la  carrière  de  collectionneur.  Il  est  nécessaire,  d'ail- 
leurs, que  vous  prêchiez  d'exemple  usque  ad  finem  pour  inoculer 
votre  belle  passion  à  de  nouveaux  bibliophiles  contemporains,  afin 
que  vous  ne  soyiez  pas  le  dernier  Toqué,  et  laissiez,  au  contraire, 
une  nombreuse  progéniture. 

G.  Pawlowski. 


REVUE    CRITIQUE 


DE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 


La  loi  Gombette.  Reproduction  intégrale  de  tous  les 
manuscrits  connus  recueillis,  publiés  et  annotés  par 
J.  E.  Valentin-Smith,  conseiller  honoraire  à  la  Cour 
d'appel  de  Paris,  officier  de  la  Légion  d'honneur  et 
de  l'Instruction  publique*  Lyon,  Louis  Brun  ;  Pcwis, 
Alphonse  Picard,  14  fascicules  gr.  in-8  dont  un  en 
fac-similé. 

L'influence  des  Burgondes  sur  les  mœurs  et  la  civilisation  fran- 
çaises est  aujourd'hui  un  fait  admis  ;  cette  influence  était  encore 
contestée,  il  n'y  a  pas  bien  longtemps,  même  par  les  plus  érudits,  et 
les  Burgondes  étaient  tenus  chez  nous  dans  un  injuste  oubli.  Un 
vénérable  savant,  M.  Yalentin-Smith ,  frappé  du  rôle  important 
qu'avait  joué  ce  peuple  méconnu,  publiait  dès  1860  d'intéressantes 
notes  sur  l'initiative  politique  de  cette  nation  et  lisait  à  la  Sorbonne, 
deux  ou  trois  ans  plus  tard,  des  travaux  qui  furent  très  remarqués 
alors  sur  V Établissement  de  la  Monarchie  tempérée  à  Lyon  à  la 
fin  du  ye  siècle  et  sur  la  Famille  chez  les  Burgondes,  Ces  essais 
n'étaient,  en  réalité,  que  la  préface  d'une  étude  générale  dont  la 
seconde  partie  devait  être  l'examen  approfondi  de  la  législation  de 
ce  peuple. 

Et  ce  n'est  qu'aujourd'hui,  après  trente  années  d'études,  que  M. 
Yalentin-Smith,  travailleur  infatigable,  met  à  exécution  le  projet 
qu'il  avait  formé  depuis  si  longtemps  de  publier  les  treize  manus- 
crits de  l'un  des  deux  codes  burgondes,  la  Loi  Gombette.  La  tâche 
était  ardue,  et  les  recherches  considérables,  que  nécessitaient  la 
publication  de  ces  documents  importants,  ont  été  d'autant  plus 
laborieuses  que  les  textes  de  cette  loi  sont  disséminés  dans  cinq 
dépôts  différents,  en  France,  en  Allemagne  et  en  Italie. 


REVUE  CRITIQUE   DE  PURLICATIONS  NOUVELLES       173 

De  la  loi  Gombette  édictée  au  VI«  siècle  par  Gondebauld,  il  ne 
nous  est  resté  que  des  manuscrits  relativement  modernes  des  ix®  et 
x«  siècles.  Déjà  un  savant  allemand,  M.  Bluhme,  avait  publié  des 
variantes  de  la  loi  burgonde,  mais  il  arrive  firéquenmient  que  ces 
variantes  comme  le  dit  avec  raison  M.  Valentin-Smitb,  «  éparses, 
séparées  du  texte  auquel  elles  appartiennent,  perdent  de  leur  inté- 
rêt B  et  que  oc  juxtaposées  les  unes  auprès  des  autres,  elles  deviennent 
parfois  même  une  fatigue  pour  l'attention  bien  plus  qu'une  lumière 
pour  la  critique.  i> 

Le  savant  auteur  de  la  Bibliotheca  Dutnhensis  (  1  ),  voulant  four- 
nir aux  hommes  d'étude  tous  les  éléments  et  les  moyens  d'apprécier 
et  de  choisir  entre  ces  différents  textes,  s'est  déterminé  à  publier  les 
manuscrits  de  la  Loi  Gombette  dans  leur  intégralité  et,  malgré  ses 
96  ans,  il  n'a  épargné,  pour  mener  à  bonne  fin  sa  délicate  entre- 
prise, ni  son  temps  ni  sa  peine. 

M.  Valentin-Smith,  jurisconsulte  éminent  autant  que  consciencieux 
historien,  ne  s'est  pas  borné  à  copier  ou  à  faire  copier  d'abord,  à 
donner  à  Timpression  ensuite  les  manuscrits  qu'il  publie  aujour- 
d'hui ;  après  les  avoir  comparés  les  uns  avec  les  autres,  il  a  eu  soin 
de  les  accompagner  de  notes  substantielles  et  précises  que  sa  haute 
compétence  en  ces  matières  ne  pouvait  [manquer  de  nous  rendre 
particulièrement  précieuses.  Très  modestement  aussi,  l'éditeur  de  la 
Loi  Gombette  a  fait  appel  à  Bluhme  et  à  Gaupp  qui  ont,  nous  dit-il, 
élucidé  et  résumé,  l'un  au  point  de  vue  de  la  législation,  l'autre 
sous  le  rapport  de  l'histoire,  tout  ce  que  l'on  sait  sur  les  Burgondes. 
On  trouvera  du  reste,  précédant  les  treize  manuscrits  publiés  inté- 
gralement aujourd'hui  pour  la  première  fois,  la  traduction  des  tra- 
vaux de  ces  deux  auteurs  allemands. 

Le  sixième  fascicule  reproduit  en  fac-similé  le  précieux  mss. 
de  la  Lex  burgondionum,  conservé  dans  la  bibiothèque  des  cha- 
noines d'I\Tée,  découvert  par  Peyron  en  1843,  et  qui,  écrit  en  Italie, 
daterait  du  ix^  siècle.  Ajoutons  que  la  Bibliothèque  nationale  ne 
possède  pas  moins  de  dix  mss.  de  la  Loi  Gombette. 

Nous  ne  pouvons,  on  le  comprendra,  nous  livrer  ici  à  une  étude 
approfondie  des  différences  qui  existent  entre  chacun  des  textes 
publiés  par  M.  Valentin-Smith.  Ce  serait  témérité  de  notre  part  que 
de  vouloir  aborder  la  discussion  périlleuse  d'un  sujet  essentiellement 


(  1  )  Bibliotheca  Dumbensis  ou  Recueil  de  chartes,  titres  et  documents  pour 
servir  à  l'histoire  de  Dombes  recueillis  et  publiés  par  MM.  Valentin-Smith  et 
M.  G.  Guigue,  archiviste  en  chef  du  département  du  Rhône.  Trévoux,  Jules 
Jeannin,  2  vol.  gr.  in-4. 


174  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

spécial  ;  notre  rôle,  infiniment  plus  modeste,  se  borne  donc  à  signa- 
ler à  nos  lecteurs  l'important  travail  de  M.  Valentin-Smith  et  à 
enregistrer  le  succès  qui  Ta  accueilli,  dès  son  apparition,  dans  le 
monde  des  jurisconsultes  et  des  savants. 

Georges  Vicaire. 


Notes  POUR  servir  a  l'histoire  de  l'Imprimerie  a  Niort 
ET  DANS  LES  Deux-Sèvres,  par  Henri  Clouzot,  atta- 
ché aux  Archives  des  Deux-Sèvres.  Niort,  L.  Clouzot, 
1891,  gr.  in-8  de  III-163  pp.  et  1  £.  de  table. 

Les  origines  de  l'Imprimerie  en  province,  si  Ton  en  excepte 
quelques  grands  centres  comme  Lyon,  Albi,  Troyes,  etc.  sont,  en 
général,  assez  peu  connues.  Dans  le  précédent  numéro  du  Bulletin, 
notre  savant  collaborateur,  M.  A.  Glaudin,  nous  entretenait,  avec  sa 
haute  compétence,  des  origines  de  l'art  typographique  à  Hesdin  en 
Artois,  et  tandis  que  M.  Monceaux,  dont  j'ai  récemment  parlé  à  pro- 
pos de  sa  Hévolution  dans  V  Yonne,  prépare  une  histoire  de  Tim- 
primerie  dans  ce  même  département,  M.  Henri  Clouzot,  attaché  aux 
archives  des  Deux-Sèvres,  publie  des  notes  pour  servir  à  celle  de 
rimprimerie  niortaise  et  de  quelques  villes  voisines.  On  ne  saurait 
trop  encourager  les  érudits  dévoués  qui  se  consacrent  à  l'étude  de 
pareilles  questions  et  pour  peu  que  chaque  province  apporte  son 
contingent,  toutes  ces  monographies  ne  tarderont  pas  à  former  une 
histoire  générale  qui  constituera  un  monument  précieux. 

L'établissement  de  l'imprimerie  dans  les  Deux-Sèvres  présente  un 
caractère  très  particulier  ;  c'est  le  protestantisme  qui  a  été  sa  seule 
raison  d'être  et  M.  Henri  Clouzot  nous  apprend,  dans  un  avertisse- 
ment où  il  expose  le  plan  de  son  ouvrage  en  termes  brefs  mais  clairs 
que  «  presque  tous  les  produits  des  presses  de  ce  pays  sont  des  ma- 
nuels de  piété,  des  traités  théologiques  ou  polémiques,  des  caté- 
chismes, des  livres  de  prière  ou  de  liturgie  à  l'usage  de  ceux  de  la 
Religion  réformée.  »  On  sait  d'autre  part  quelles  peines  sévères 
étaient  édictées,  aux  xviie  et  XYiii^  siècles,  contre  les  imprimeurs 
et  les  libraires  qui  imprimaient  ou  mettaient  en  vente  des  ouvrages 
protestants  ;  les  acheteurs  eux-mêmes  devaient,  pour  ne  pas  être 
inquiétés,  prendre  de  sérieuses  précautions.  Dans  de  semblables  con- 
ditions, il  n'est  pas  surprenant  que  les  livres  imprimés  à  Niort  et 
dans  les  Deux-Sèvres,  avant  1789,  soient  devenus  fort  rares,  car  il 
faut  croire  que  grand  a  été  le  nombre  de  ceux  qu'ont  détruits  les 
flammes  du  bûcher. 


REVUE   CRITIQUE   DE   PUBLICATIONS  NOUVELLES       175 

On  trouve  encore  assez  fréquemment,  écrit  M.  Clouzot,  des  psautiers  im- 
primés par  les  Bureau,  au  XVII«  siècle  ;  on  rencontre  aussi  quelques  livres 
du  premier  imprimeur  niortais  Thomas  Portau,  et  plus  souvent  encore  les 
œuN-res  ded'Aubignéet  de  du  Plessis-Mornay  imprimées  à  Maillé  et  à  la  Forêt- 
sur-Sévre  ;  mais  à  part  ces  quelques  titres,  la  plupart  des  ouvrages  cités  dans 
notre  étude  n'existent  qu'à  quelques  exemplaires,  disséminés  dans  les  biblio- 
thèques de  Paris,  de  Poitiers,  de  Niort,  de  La  Rochelle,  de  Bordeaux,  et  dans 
quelques  collections  particulières. 

L'auteur  avoue  même  consciencieusement  avoir  dû  pour  une 
dizaine  d'ouvrages,  qu'il  n*a  pu  trouver,  les  décrire  de  seconde 
main.  Quant  aux  autres  il  s'est  évertué  à  en  donner  des  descriptions 
aussi  exactes  que  possible  et  à  recueillir,  à  noter  toutes  les  indica- 
tions de  nature  à  guider  l'amateur  ou  le  bibliophile.  Le  travail  de 
M.  H.  Clouzot  est  d'ailleurs  divisé  en  deux  parties  distinctes  :  les 
biographies  et  la  bibliographie  qu'il  a  fait  suivre  d'une  liste  chro- 
nologique des  libraires  et  imprimeurs  de  1789  à  1870. 

Ce  ne  fut  qu'en  1594  que  l'imprimerie  fit  son  apparition  à  Niort 
avec  Thomas  Portau  dont  le  premier  livre  sorti  de  ses  presses  est 
intitulé  :  Responce  a  Vinstrvction,  et  confession  de  foy  adressée  au 
peuple  François  par  F.  Clau  de  de  Xainctes,  et  envoyée  par  VAn- 
goumoys  par  C.  de  Boni,  Par  laquelle  est  aisé...  Par  George 
C.  D.  Parcard  (sic)  Segusien. 

D'après  M.  Clouzot,  l'arrivée  du  premier  imprimeur  à  Niort  doit 
être  considérée  beaucoup  plus  comme  une  conséquence  des  polé- 
miques religieuses  que  comme  une  entreprise  littéraire  répondant 
aux  besoins  intellectuels  de  la  population.  Thomas  Portau  exerça 
jusqu'au  mois  de  juillet  1600,  époque  à  laquelle  il  céda  son  impri- 
merie à  René  Troismailles  dont  nous  reproduisons  ici  la  marque. 


176  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

TroiBmaillea  termina  sa  carrière  en  1610,  laiesant  ses  presees  A  sa 
veuve  qui  semble  n'avoir  imprimé,  après  la  mort  de  sou  mari,  que 
le  Tkréaor  d'itislrvctions  et  consolations  pour  l'ame  Chrestietute, 
par  !.  de  Cuville,  pasteur  de  l'église  réformée  de  Couhé,  le  seul 
ouvrage  que  cite  M.  Clouzot.  L'imprimerie  de  Tbomaa  Portau  dont 
Troismailles  avait  pris  la  succession  passa  ensuite  entre  les  mains 
d'Anthoine  André,  de  Jean  Lambert  et  de  Jean  Moussât.  Elle  était  le 
seul  établissement  de  ce  genre  lorsque,  vers  162S,  un  nouvel  atelier 
flit  fondé  à  Niort  par  Jean  Bureau  qui  arrivait  de  la  Forét-eur-Sëvre 
où  il  avait  déjà  imprimé  et  qui  avait  pris  pour  marque  l'orme  et  le 
solitaire  des  Elzeviers  avec  cette  devise  :  Vide  benignitatem  ac 
severitatem  Dei. 


La  dynastie  des  Bureau  exerça  pendant  plus  de  cmqnante-cinq 
ans,  à  Niort. 

Nous  ne  prétendons  pas  donner  ici  une  analyse  complète  de  l'ex- 
cellente étude  de  M.  H.  Clouzot  ;  il  nous  faudrait  une  place  plos 
grande  que  celle  dont  nous  disposons  pour  parcourir  avec  lui  la 
liste  des  typographes  des  Deux-Sèvres  qui  ont  exercé  dans  ce  dé- 
partement jusqu'à  la  Révolution  ;  mais  nous  ne  pouvons  cependant 
pas  omettre  de  mentionner  l'exercice  d'Antoine  Faultré  et  de  son 
fils  Antoine  Faultré  II,  les  premiers  imprimeurs  catholiques  qui 
vinrent  s'établir  à  Niort  et  dont  la  première  production  Reglemens 
pour  la  congrégation  des  dames  de  la  miséricorde  daterait  non  de 
1751  comme  l'indique,  par  erreur  probablement,  te  titre,  mais  bien 
de  1656,  date  qui  se  trouve  inscrite  dans  l'approbation. 


REVUE   CRITIQUE  DE   PUBLICATIONS  NOUVELLES        177 

En  somme,  la  monographie  que  nous  donne  aujourd'hui  M.  Clou- 

zot  est  excessivement  intéressante  ;  elle  est  faite,  on  le  voit,  par  un 

travailleur  scrupuleux,  et  si  l'on  considère  que  les  documents  sur 

les  imprimeurs  des  Deux-Sèvres  sont  des  plus  rares,  il  faut  convenir 

que  l'auteur  s'est  tiré,  à  son  grand  honneur,  de  la  tâche  difficultueuse 

qu'il  a  entreprise- 

G.  V. 


Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Tlnstitut, 
rédigé  par  Fernand  Bournon,  archiviste  paléographe. 
Paris,  Honoré  Champion,  1890,  gr.  in-8o  de  66  pp. 

Les  catalogues  imprimés  sont  malheureusement  trop  peu  nom- 
breux dans  nos  bibliothèques  publiques  ;  c'est  là  une  lacune  qu'il 
est  sans  doute  difficile  de  combler  du  jour  au  lendemain,  en  dépit 
de  toutes  les  bonnes  volontés,  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la 
publication  de  travaux  de  ce  genre  rendrait  aux  travailleurs  les  plus 
éminents  services.  Il  faut  donc  féliciter  les  savants  dévoués  qui  se 
consacrent  à  cette  tâche  parfois  aride,  toi]gours  minutieuse,  et  qui 
trouveront  la  récompense  de  leurs  peines  et  de  leurs  laborieuses 
recherches  dans  l'utilité  même  de  leur  œuvre.  Les  catalogues  ma- 
nuscrits sont  bien  souvent  incorrects,  et  celui  des  manuscrits  de  la 
bibhothèque  de  l'Institut,  rédigé  par  Ameilhon,  et  encore  en  usage 
aujourd'hui,  n'est  pas  exempt  de  ces  incorrections. 

M.  Fernand  Bournon,  pour  parer  à  cet  inconvénient  qui  peut  être 
préjudiciable  aux  travailleurs,  s'est  mis  courageusement  à  l'œuvre 
et  a  dressé  la  liste  des  manuscrits  de  l'Institut  ;  il  en  enregistre  543 
qu'il  décrit  avec  soin  sans  compter  l'importante  collection  de  pièces 
manuscrites  formée  par  Godefroy  et  dont  M.  Lalanne  a  entrepris 
l'inventaire  détaillé.  M.  Bournon  a  rédigé  son  travail  non-seulement 
en  suivant  l'ordre  des  principales  classifications  :  théologie,  juris- 
prudence, sciences  et  arts,  etc.,  mais  il  a  pris  soin  de  faire  dans 
ces  différentes  parties  principales  une  sous-classification  qui  faci- 
litera notablement  les  recherches.  Il  indique  en  outre  l'origine  ou 
la  provenance  des  manuscrits,  en  même  temps  qu'il  donne  la  des- 
cription des  reliures  qui  les  habillent. 

M.  Fernand  Bournon  a  fait  une  œuvre  utile  en  rédigeant  ce  trsH 
vail,  M.  Champion  en  le  publiant,  et  il  convient  de  les  en  remercier* 

G.  V. 

1891  12 


178  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Bibliographie  des  écrits  relatifs  à  Mandrin,  par  Edmond 
Maignien^  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Gre- 
noble. Grenoble,  Emile  Baratter,  1890,  gr.  in-S®  de 
31  pp. 

La  popularité  de  Mandrin  fut  telle,  au  milieu  du  xvni«  siècle,  et 
dans  le  Dauphiné  surtout,  dont  il  est  originaire,  que  ses  exploits 
devinrent  Tobjet  d'un  nombre  considérable  de  publications  de  tous 
genres.  Les  prosateurs  ont  écrit  l'histoire  du  fameux  contrebandier, 
les  poètes  ont  rimé  des  poèmes  sérieux  ou  burlesques,  pour  la  plu- 
part d'une  facture  assez  piteuse,  en  l'honneur  de  l'ennemi  déclaré 
des  fermiers  généraux .  Les  opinions  les  plus  diverses  ont  circulé  au 
sujet  de  ce  bandit,  cruel  selon  les  uns,  qui  n'aurait  fait  de  mal  à 
personne  suivant  les  autres,  et  que  le  maire  de  la  ville  de  Beaune, 
prise  par  Mandrin,  à  la  tète  de  quelques  hommes  armés,  eût  la 
faiblesse  de  recevoir  à  la  maison  commune  où  il  lui  offrit  le  vin 
d'honneur  Bref,  malgré  les  trop  nombreux  écrits  relatifs  à  ce  per- 
sonnage qu'il  était,  en  somme,  préférable  de  ne  pas  rencontrer  au 
coin  d'un  bois,  il  paraît  que  l'on  découvre  encore  chaque  jour  sur 
sa  vie  mouvementée  de  nouveaux  et  piquants  détails.  C'est  pour 
faciliter  les  recherches  des  historiographes  à  venir  du  célèbre  mal- 
faiteur qu'un  bibliophile  érudit,  M.  Edmond  Maignien,  l'obligeant 
conservateur  de  la  bibliothèque  de  Grenoble,  vient  de  dresser  la 
bibliographie  des  ouvrages  de  toute  sorte,  livres,  articles  de  revues 
et  de  journaux,  romans,  comédies,  chansons,  etc.,  affiches  illustrées 
même,  relatifs  à  Mandrin. 

Le  sujet  est  bien  spécial,  mais  en  matière  bibliographique,-  tout 
sujet  devient  intéressant,  du  moment  qu'il  est  traité  avec  conscience, 
et  c'est  bien  le  cas  de  l'originale  plaquette  de  M.  Maignien. 

G.  V. 

Traité  complet  de  la  science  du  blason  à  Tusage  des 
bibliophiles,  archéologues,  amateurs  d'objets  d'art 
et  de  curiosité,  numismates,  archivistes,  par  Jouffroy 
d'Eschavannes.  Ouvrage  orné  de  nombreux  blasons 
finement  gravés.  Paris,  Marpon  et  Flammarion, 
in-16  carré  de  280  pp. 

•  Les  bibliophiles  et  tous  les  collectionneurs  en  général,  ont  besoin, 
à  un  moment  donné,  de  recourir  à  des  traités  du  blason.  Les  ou- 
vrages  héraldiques  anciens    sont    fort    recherchés   aujourd'hui   et 


REVUE   CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES        179 

atteignent  parfois  des  prix  relativement  élevés.  Pour  mettre   à  la 

portée  de  tous  ce  livre,  indispensable  aux  archéologues  comme  aux 

numismates,  la  librairie  Marpon  et  Flammarion  vient  de  publier 

une  nouvelle  édition   du  traité  de  JoufTroy  d'Eschavannes .  Très 

clairement  expliqué  et  orné  de  blasons  gravés  avec  soin,  le  traité  de 

M.  JoufTroy  d'Eschavannes  sera  pour  tous  d'un  précieux  secours. 

Il  en  a  été  tiré  25  exemplaires  numérotés  sur  papier  du  Japon  et 

10  sur  papier  de  Chine. 

G.  V. 


L'Évasion  de  la  Valette  (1815).  Documents  inédits 
annotés  et  publiés  pour  la  première  fois  par  Georges 
d'Heylli .  Paris,  P.  Roiiquette  et  fils  1891 ,  in-18  de  40  pp. 

.  Tout  le  monde  connaît  le  célèbre  procès  criminel  intenté  au  comte 
de  La  Valette,  en  1815,  après  les  Cent  jours  ;  M.  Georges  d'Heylli 
vient  de  découvrir  des  documents  inédits  relatifs  à  l'évasion  du  direc- 
teur général  des  postes  de  l'Empire  et  ce  sont  ces  documents,  tous 
originaux,  qu'il  livre  aujourd'hui  à  la  publicité.  Provenant  du  cabinet 
d'un  ancien  secrétaire  de  l'un  des  plus  illustres  ministres  de  la  Res- 
tauration, ils  ont  le  mérite  d'être  absolument  authentiques  et  jettent 
un  jour  nouveau  sur  les  suites  de  ce  procès  considérable  qui  pas- 
sionna alors  si  vivement  l'opinion  publique. 

Très  soigneusement  imprimée  par  Jouaust,  cette  plaquette  n'a  été 
tirée  qu'à  200  exemplaires. 

G.  V. 


Les  Œvvres  poétiqves  de  M.  Bertavt,  évesqve  de  Sées, 
abbé  d'Aunay,  premier  aumosnier  de  la  Royne  pu- 
bliés d'après  l'édition  de  1620  Avec  introduction 
Notes  et  Lexique  par  Adolphe  Chenevière,  docteur 
ès-lettres.  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  O^,  imprimeurs- 
éditeurs,  1891,  in-16  de  LXIV-557  pp. 

C'est  une  bien  curieuse  figure  que  celle  de  Jean  Bertaut  dont  les 
éditeurs  de  la  Bibliothèque  elzévirienne  publient  aujourd'hui  les 
œuvres  poétiques.  Homme  de  cour  et  prélat,  c'est  en  même  temps 
un  lettré,  un  dilettante  d'amour  et  d'art  ;  c'est  surtout  un  poète  dé- 
licat dont  chaque  larme,  chaque  sourire,  chaque  tressaillement  se 
traduit  en  élégies,  en  complaintes,  en  sonnets,  en  stances  !  Disciple 


180  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

de  Ronsard  qui  lui  inspirait  une  profonde  admiration,  compatriote 
et  contemporain  de  Malherhe,  Jean  Bertaut  a  tenu  sa  place  entre  ces 
deux  poètes  ;  et  si  Boileau  qui  manquait  rarement  une  occasion 
de  manifester  sa  haine  pour  le  chef  de  la  Pléiade  a  félicité  l'élève 
d'être  plus  retenu  que  son  maître,  on  retrouve  néanmoins  dans  les 
œuvres  de  Tévéque  de  Sées  une  désinvolture  assez  sincère  et  d'assez 
nobles  audaces  pour  que  nous  aimions  à  les  lire. 

Depuis  1633,  aucune  édition  de  Bertaut  n'avait  été  publiée.  C'était 
une  lacune  dans  notre  galerie  d'ancêtres  poétiques.  La  librairie  Pion 
a  eu  à  cœur  de  ne  pas  laisser  cette  place  vide,  et,  au  moment  où 
elle  reprenait  en  main,  pour  la  continuer,  l'intéressante  collectioa 
dé  la  Bibliothèque  elzévirienne,  elle  a  tenu  à  remettre  en  lumière 
la  figure  du  poète  Jean  Bertaut.  C'est  à  M.  Adolphe  Chenevière, 
docteur  ès-lettres,  qu'elle  a  confié  ce  soin  et  il  faut  dire  que  cet 
écrivain  s'est  acquitté  consciencieusement  de  sa  tâche,  en  homme  qui 
répare,  avec  une  sorte  de  satisfaction,  un  oubli  de  la  postérité.  M. 
Chenevière  était,  du  reste,  tout  désigné,  lui  qui  a  le  culte  de  nos 
vieux  maîtres  et  qui  a  déjà  replacé  à  son  rang  le  mystérieux  ami  de 
la  reine  de  Navare,  Bonaventure  Despériers.  L'édition  nouvelle  des 
œuvres  de  Bertaut  peut  être  considérée  comme  l'édition  définitive; 
soigneusement  imprimée  sur  papier  vergé,  elle  contient  une  intro- 
duction littéraire  et  biographique,  des  notes  piquantes,  une  bibliogra* 
phie  très  complète  et  un  glossaire.  Nous  ne  doutons  pas  du  boa 
accueil  que  recevra,  dans  le  monde  des  lettrés,  ce  livre  digne  de 
toute  son  attention  et  de  toute  sa  sympathie. 

G.  V. 


Les  Régiments  d'autrefois.  Le  Régiment  de  la  Couronne 
(1643-1791).  Annales  et  documents  recueillis  par  le 
vicomte  Oscar  de  Poli.  Illustrations  de  C.  de  VEpi-' 
nois,  Paris,  conseil  héraldique  de  France,  21  Avenue 
Carnot,  1891.  Grand  in-S»  de  lvi-370  p. 

Le  beau  volume  que  je  viens  examiner  contient  :  io  Une  remar- 
quable introduction  de  M.  le  vicomte  de  Poli,  de  laquelle  nous  nous 
occuperons  tout  à  l'heure  ;  2»  une  notice  sur  le  Régiment  de  la 
Couronne,  rédigée  par  André  Borne  de  Gagères,  lieutenant-colonel 
commandant  au  corps  du  génie,  mort  le  2  mars  1812,  tirée  des 
Archives  du  château  de  Beauvoir,  résidence  du  comte  de  Ck)urtin 
de  Neufbourg,  et  qui  forme  un  court,  mais  excellent  historique  dudit 
régiment  depuis  1643  jusqu'à  1740  ;  3<>  une  autre  notice  plus  déve- 


REVUE   CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS   NOUVELLES        181 

loppée,  écrite  en  1766  par  Louis  Picault  des  Dorides,  capitaine 
aide- major  dans  ce  régiment,  mort  général  en  i802,  conservée 
parmi  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  Mazarine,  sous  le  n»  2947 
et  intitulée  :  Annales  du  Régiment  de  la  Couronne,  de  1643  à 
1766  (1)  ;  4«  la  reproduction  des  pages  consacrées  par  M.  le  général 
Susane,  dans  son  Histoire  de  V Infanterie  Française,  au  régiment 
de  la  Couronne  et  qui  conduisent  ses  Annales  jusqu'au  jour  où  il 
perdit  son  glorieux  nom  ;  5^  une  série  de  cinquante  documents 
inédits,  communiqués  pour  la  plupart  par  M.  le  commandant  Robert 
de  Gourson  et  extraits  des  Archives  de  son  château  de  Lisandré  (2)  ; 
&>  un  grand  nombre  de  gravures,  dues  au  très  distingué  talent  de 
M.  Charles  de  Buchère  de  TEpinois  (3),  parmi  lesquelles  on  distingue 
un  magnifique  portrait  du  marquis  de  Lameth,  colonel  du  régiment 
de  la  Couronne  de  1784  à  1791,  les  portraits  (de  plus  petites  dimen- 
sions) du  duc  de  Vitry,  premier  colonel  du  même  régiment  (1643- 
1666),  du  duc  d'Havre,  colonel  de  1735  à  1745,  du  prince  de  Mont- 
barrey,  colonel  de  1758  à  1761,  du  comte  de  Ghoiseul-Goufïier, 
colonel  de  1782  à  1783,  de  Louis  de  Pontis,  premier  capitaine  et 
organisateur  du  régiment  en  1643,  de  divers  autres  officiers,  le 
fac-similé  d'une  estampe  de  la  bibliothèque  Nationale,  représentant 
le  siège  de  Maëstricht  (1673),  le  fac-similé  d'un  dessin  de  Delaittre 
conservé  au  Ministère  de  la  Guerre  et  représentant  un  soldat  du 
régiment  de  la  Couronne  au  xviiie  siècle,  etc.  ;  7©  un  index  ono- 
mastique aussi  net  que  complet. 

Revenons  à  l'Introduction.  C'est,  à  tous  les  points  de  vue,  un 
morceau  véritablement  exquis.  L'auteur  y  résume,  en  un  vif  et 
chaleureux  langage,  les  admirables  annales  du  régiment  de  la  Cou- 


(1)  M.  de  Poli  explique  ainsi  (p.  ui)  pourquoi  il  a  séparé  les  deux  récits 
au  lieu  de  les  donner  ensemble  :  «  J'ai  dû  me  demander  s'il  ne  vaudrait  pas 
mieux  fondre  en  un  seul  les  deux  historiques  de  Borne  et  de  Picault  ;  mon 
amour-propre  n'y  contredisait  point  ;  j'aurais  pu,  ce  faisant,  me  donner  aisé- 
ment les  gants  d'une  œuvre  personneUe  ;  mais  c'eût  été  priver  ii^ustement 
les  deux  historiens  d'un  honneur  posthume,  et  chacun  des  deux  historiques 
de  son  caractère  original.  Il  vaut  mieux  que  Ton  puisse  conférer  les  deux 
textes,  qui  fréquemment  se  complètent  l'un  l'autre,  encore  que  l'écrit  de 
M.  de  Gagères  ne  soit  guère  qu'un  sommaire,  une  sorte  de  livre  de  raison  du 
Régiment,  tandis  que  l'œuvre  de  Picault  en  est  une  véritable  histoire.  » 

(2)  Quelques-uns  de  ces  documents,  qui|  complètent  ce  que  M.  de  Poli 
appelle  «  une  encyclopédie  du  Régiment  >  sont  d'un  très  grand  intérêt.  Ûa 
trouve  en  tête  une  Table  alphabétique  des  Officiers  du  Régiment  de  la  Cour€ainB 
dressée  d'après  les  meilleurs  documents  ip[iprimés  ou  manuscrits. 

'  (3)  Ce  n'est  pas  un  vain  compliment  que  l'auteur  adresse  à  son  ami  (p.  uV) 
en  déclarant  qu'il  a  ajoute  un  fleuron  charmant  auv  vieux-  trophée  de  tLà 
Couronne  »  ;  c'est  là  l'expression  même  de  la  vérité.  L'habile  artiste  a  M 
le  digne  collaborateur  de  l'habile  historien. 


182  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

ronne,  mêlant  à  ses  émouvants  récits  d'importantes  considérations 
dliistoire  générale,  traitant,  par  exemple,  d'une  façon  supérieure, 
ces  questions  tant  débattues  et  désormais  oiseuses  :  tout  noble  était-il 
officier  d'emblée  ?  Est-il  vrai  que  sous  la  monarchie  les  nobles  seuls 
pussent  parvenir  aux  grades  ?  On  ne  saurait  trop  recommander  à 
ceux  qu'aveuglent  encore  les  vieux  préjugés,  la  lecture  des  pages 
décisives  on  M.  de  Poli,  critique  non  moins  solide  que  brillant 
narrateur,  prouve  qu'autrefois  le  stage  militaire  était  aussi  rigoureux 
et  surtout  aussi  long  qu'à  présent,  et  que  c'est  une  contre-vérité 
manifeste  d'attribuer  aux  nobles  de  naissance  le  privilège  exclusif 
des  grades.  Faute  de  place,  car  j'ai  deux  autres  excellentes  publica- 
tions à  présenter  encore  à  mes  chers  lecteurs,  je  ne  puis  insister 
autant  que  je  le  voudrais  sur  les  divers  mérites  du  volume,  mais  je 
donnerai  à  l'auteur  l'éloge  qui  certainement  le  touchera  le  plus  en 
déclarant  que  son  recueil  produira  une  impression  fortifiante  en 
notre  pays.  On  se  dira  qu'un  si  beau  passé  promet  un  avenir  répa- 
rateur, et  aux  devises  guerrières  rappelées  par  M.  le  vicomte  de 
Poli  en  une  page,  écrite  avec  une  verve  éloquente^  chacun,  en 
refermant  le  livre,  ajoutera  cette  devise  de  la  maison  de  Bourbon, 
qui  terminait  si  heureusement  le  mémorable  discours  de  réception 
à  l'Académie  Française  de  Monseigneur  le  duc  d'Aumale  :  Espé^ 
rance  ! 

T.  DE  L. 


Les  Bibliothèques  communales.  Historique  de  leur  for- 
mation.  Examen  des  droits  respectifs  de  VÉtat  et  des 
villes  sur  ces  collections  par  M.  Jules  Loiseleur, 
bibliothécaire  de  la  ville  d  Orléans,  —  Orléans, 
H.  Herluison,  1891,  grand  in-S»  de  127  p. 

M.  Loiseleur  dit  trop  modestement,  à  la  fin  de  son  avant-prùpoê 
(p.  IX)  :  a  Je  ne  vise  qu'à  un  seul  mérite,  le  bon  sens  appuyé  sur 
la  bonne  foi  et  l'exactitude.  »  Son  important  travail  a  été  fort  Men 
analysé  et  fort  bien  apprécié  dans  un  Rapport  présenté  à  la  Société 
des  Sciences  et  Arts  d'Orléans  (séance  du  18  juillet  1890)  par  M.  Marcdi 
CSIuuroy  et  reproduit  à  la  suite  dudit  travail  (p.  115-129).  M.  Gharoj, 
juge  des  plus  compétents,  a  beaucoup  loué  ce  traité  qui  éclaire  ai 
Tivement  une  période  des  plus  intéressantes  —  surtout  pour  nons, 
bibliophiles  —  de  l'histoire  de  la  Révolution,  traité  c  où  se  mèleot 
les  vues  générales  les  plus  larges  et  les  aperçus  spéciaux  les.  pins 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBUCATIONS  NOUVELLES      183 

précis,  »  où  •  rbistorieQ  et  l'érudit  se  montrent  i»  également  et  où 
«  se  manifeste  aussi  le  jurisconsulte.  »  A  mon  tour,  je  féliciterai 
M.  Loiseleur  d'avoir  apporte  tant  de  conscience  dans  ses  recherches, 
tant  d'élégante  netteté  dans  sa  rédaction,  tant  de  sagesse  dans  ses 
conclusions.  Il  a  traité  avec  non  moins  de  tact  que  de  savoir  une 
grosse  et  difficile  question  pendante  depuis  près  d'un  siècle  et  il  en 
a  préparé  sinon  la  situation  parfaite,  du  moins  celle  qui,  en  l'état 
des  choses,  semble  la  meilleure  possible.  Quoi  qu'on  pense,  d'ail- 
leurs, de  la  combinaison,  de  la  transaction  proposée  par  le  judicieux 
critique,  on  reconnaîtra  que,  pour  le  plus  grand  plaisir  des  lettréS| 
il  a  tiré  un  habile  parti  de  divers  documents  peu  ou  point  con- 
nus (1),  et  qu'il  a  heureusement  emprunté  à  l'impartiale  histoire 
son  flambeau  pour  ne  laisser  rien  d'obscur  dans  un  débat  juridique 
aussi  délicat  et  aussi  compliqué.  Les  six  chapitres  dont  se  compose 
sa  magistrale  étude  sont  pleins  de  curieuses  particularités  sur  les 
origines  des  bibliothèques  communales.  Le  savant  bibliothécaire 
d'Orléans  nous  entretient  tour  à  tour  des  premières  mesures  prisée 
pour  la  conservation  et  la  distribution  des  livres  confisqués  par  la 
Révolution  ;  du  décret  du  8  pluviôse  an  II  créant  les  bibliothèques 
de  district  ;  de  la  Commission  des  monuments  (c'est-à-dire  des 
anciens  documents  historiques  )  ;  du  rapport  d'un  des  membres  les 
plus  célèbres  de  cette  commission,  Dom  Poirier;  de  la  loi  du 
7  messidor  an  II  sur  les  archives  ;  des  collections  annexées  aux 
Écoles  centrales ,  des  imprimés  et  des  manuscrits  des  divers  dépôts 
de  Paris  versés  à  la  Bibliothèque  Nationale,  à  la  Mazarine,  à  l'Arse- 
nal et  à  diverses  autres  bibliothèques  de  Paris  et  de  la  province,  en 
particulier  à  la  bibliothèque  d'Orléans  (2)  ;  des  commbsaires envoyés 
dans  les  départements  et  chargés  de  choisir  les  livres  destinés  à  la 
Bibliothèque  Nationale  (Chardon  de  la  Rochette  et  son  acjyoint  le 
Dr  Prunelle)  ;  de  leurs  relations  avec  le  ministre  Ghaptal  ;  de  leurs 


(1)  Voir  notamment  (second  appendice,  p.  9S-110)  le  rapport  adopté  par 
rinstitut  le  5  floréal  an  V,  touchant  les  meilleurs  moyens  de  disposer  dat 
livres  conservés  dans  les  dépôts  littéraires.  M.  Loiseleur  le  croit  inédit,  car^ 
dit-il  (p.  XI),  «  il  ne  figure  point  dans  le  très  utile  recueil  de  lois,  ordoiii* 
nanceset  circulaire  relatives  aux  bibliothèques  publiques  que  M.  Ulysse 
Robert  a  publié.  > 

(2)  Voir  pp.  58y  S9,  la  donation,  du  6  avril  1719,  par  laquelle  Guillaume 
Prousteau  fonda  la  bibliothèque  publique  d'Orléans,  donation  que  M.  l4>ltW' 
leur  a  eu  la  bonne  pensée  de  rapprocher  du  testament  de  M"'  d'inguimbert» 
évéque  de  Carpentras,  à  qui  la  bibliothèque  et  le  Musée  de  cette  ville  dotvani 
leur  origine. 


184  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

prélèvements  dans  la  bibliothèque  de  Troyes  au  proût  de  la  Biblio- 
thèque Nationale  -,  de  leurs  dons  trop  généreux  à  l'École  de  méde- 
cine de  Montpellier  ;  de  la  résistance  qu'opposèrent  à  leurs  tentatives 
de  spoliation  les  bibliothèques  de  Garpentras  et  de  Ni  mes,  et,  à  ce 
propos^  des  collections  de  Peiresc  et  de  Séguier,  comme,  plus  haut, 
il  avait  été  question,  à  propos  de  Troyes,  des  collections  de  Bouhier 
et  de  Pithou,  etc.  L'intérêt  de  l'ouvrage  se  prolonge  jusque  dans 
Fappendice  où  M.  Loiseleur  s'occupe  de  l'affaire  Libri,  des  diverses 
bibliothèques  qui  furent  les  victimes  «  de  cet  illustre  escroc,  »  et 
surtout  de  la  bibliothèque  d'Orléans  où  le  trop  zélé  bibliophile  vola 
six  manuscrits  entiers  et  en  lacéra  une  douzaine  d'autres  à  l'aide  de 
ce  fatal  canif,  instrument  de  dommage  s'il  en  ÏM  jamais,  dont  j'ai 
retrouvé,  le  cœur  plein  de  douleur  et  d'indignation,  les  traces  mau- 
dites dans  les  registres  de  Garpentras  et  de  Montpellier. 

M.  Loiseleur  avait  déjà  des  titres  considérables  à  l'estime  et  à  la 
reconnaissance  des  travailleui's  (1)  :  sa  publication  sur  les  Biblio- 
thèques Communales  ne  sera  pas  un  des  moindres  services  rendus 
à  la  science  par  ce  vétéran  qui,  malgré  sa  santé  chancelante,  reste 
toujours  sur  la  brèche  et  de  la  vaillante  main  duquel  on  peut  encore 
attendre  bon  nombre  d'écrits  excellents. 

T.  DE  L. 


Les  Fables  de  La  Fontaine,  par  A.  Delboulle.  Addi- 
tions à  r histoire  des  fables^  coirq)araisonSy  rapproche-- 
mentSy  notes  littéraires  et  lexicographiquesy  etc.  Paris^ 
Emile  Bouillon^  18^,  in-18  Jésus  de  174  p. 

(1)  A  la  suite  de  la  table  analytique,  M.  Loiseleur  a  donné  en  quatre  page» 
supplémentaires  la  liste  de  ses  nombreux  ouvrages  et  opuscules,  ainsi  que  la 
liste  de  ses  études,  publiées  dans  les  journaux  VArt  et  le  Temps,  et  autres  que 
celles  qui  ont  été  réunies  en  volumes.  Tous  les  écrivains  quelque  peu  féconds 
devraient  imiter  cet  exemple  et  épai^er  ainsi  force  tortures  aux  Brunei  et 
aux  Quérard  de  l'avenir.  Au  moment  où  j'écris  ces  lignes,  je  reçois  d'unénidit 
Limousin  aussi  laborieux  que  distingué,  M.  Louis  Guibert,  une  monographie 
de  la  commune  de  Saint-Léonard  de  Noblat  au  Xllb  siècle  (Limoges,  1891,  grand 
in-8,)  où  figure  la  longue  liste  des  publications  de  l'auteur.  Mon  vénéré  con- 
frère et  ami  Paul  Lacroix  m'avait  montré,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  une 
àiontagne  de  fiches  où  étaient  inscrits  les  titres  de  ses  innombrables  livres  et 
livrets.  Quel  dommage  que  cetie  bibliographie  qui  eût  été  si  curieuse  soit  oon- 
damnée  à  rester  inédite  t  Nous  tous  qui  avons  souvent  fait  gémir  la  presse, 
évitons  ces  difficultés  posthumes  en  prenant  nous-mêmes  la  précaution  de 
dresser  notre  inventaire.  Ce  que  nous  publions,  qui  le  sait  mieux  que  nous  f 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES        185 

Dans  une  préface  qui  a  le  double  mérite  d'être  très  courte  et  de 
tout  dire,  M.  Delboulle  nous  présente  ainsi  son  recueil  :  «  Tous  les 
lettrés  connaissent  la  belle  édition  des  Fables  de  La  Fontaine^  publiée 
par  la  librairie  Hacbette.  C'est  un  monument  digne  du  poète  qui  a 
été  nommé  assez  justement  Y  Homère  de  la  France.  Les  notices  qui 
précèdent  cbacune  des  fables  et  qui  enseignent  les  sources  où  a 
puisé  La  Fontaine,  le  commentaire  littéraire  et  grammatical,  ont 
été  faits  avec  le  plus  grand  soin  (1).  Mais  dans  un  travail  de  ce 
genre,  il  est  difficile  d'être  complet  ;  c'est  avec  ce  qui  a  échappé  aux 
recherches  des  éditeurs  que  j'ai  fait  ce  petit  livre,  où  rien  n'a  été 
accueilli  qui  ne  fût  bon  à  enrichir  le  commentaire  ou  à  éclairer  le 
texte  (2).  »  M.  Delboulle,  grâce  à  sa  profonde  connaissance  des 
littératures  anciennes  et  de  notre  propre  littérature,  a  pu  faire  à  la 
fois  œuvre  très  utile  et  très  agréable  en  ajoutant,  pour  près  d'une 
centaine  de  fables,  ses  indications  et  citations  à  toutes  celles  de 
M.  Henri  Régnier.  Tantôt  des  vers  d'Homère,  d'Hésiode,  de  Théo- 
crite,  de  Ménandre,  d'Horace,  de  Catulle,  de  Martial,  de  Perse,  de 
Plante,  de  Prudence,  le  savant  auteur  des  Matériaux^  rapproche 
des  vers  de  nos  vieux  poètes  :  le  Rendus  de  Moi  liens,  Eustache 
Deschamps,  Baïf,  Jean  Doublet,  François  Perrin,  le  sieur  d'Esternod^ 
Gringore,  François  Habert,  Vauquelin  de  la  Fresnaye,  l'auteur  du 
roman  du  Renart  (3),  Sonnet  de  Gourval,  Amadîs  Jamyn,  Charles 
d'Orléans,  Clément  Marot,  Claude  Gauchet,  d'Aubigné,  etc.  Tantôt 
des  extraits  de  Plutarque,  de  Salluste,  de  Sénèque,  de  Solin,  de 
saint  Ambroise,  de  Lactance,  il  rapproche  des  extraits  de  nos 
savoureux  prosateurs  d'autrefois  :  saint  François  de  Sales,  P.  Gruget, 
Nicole  Bozon,  Henri  Estienne,  Bonaventure  des  Périers,  Guillaume 
Tardif,  Montaigne,  Tahureau,  Noël  du  Fail,  Guillaume  de  la  Per- 
rière, Charron,  Guillaume  Bouchet,  Pierre  Le  Loyer,  Vigenère^ 


(  1  )  On  n'a  pas  oublié  les  excellents  articles  de  la  Reoue  critiqiu,  dans  les- 
quels M.  Delboulle  a  rendu  compte  de  chacun  des  volumes  de  la  Collection 
des  grands  écrivains,  qui  contiennent  les  œuvres  de  La  Fontaine, 

(2)  Aussi,  M.  Delboulle  a-t-il  très  heureusement  donné  pour  épigraphe  à  son 
recueil,  ces  deux  vers  souvent  cités,  mais  qui  n'ont  jamais  été  cités  avec 
plus  d*à-propos  : 

...  Ce  champ  ne  se  peat  tellement  moinonner 
Qoe  les  demien  venot  n'y  troavent  rien  à  glaner. 

(3)  Au  sujet  de  l'expression  Martin  dont  Jeanne  d'Arc  aimait  à  se  servir 
comme  synonyme  de  bâton,  il  s'est  trouvé  un  annotateur,  dit  M.  Delboulle 
(p.  br.),  pour  expliquer  ce  mot  par  valet  ctécurie^  Moins  cruel  que  M.  Del- 
boulle je  ne  nommerai  pas  ce  fantaisiste  annotateur* 


186  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Calvin,  Charles  Liébaud,  Ant.  Mizauld,  etc.  Ici  brille  un  quatrain 
de  Ronsard,  auprès  d'une  phrase  de  La  Bruyère  ;  là,  Bernardin  de 
Saint-Pierre  est  invoqué  non  loin  de  Bossuet  ;  ailleurs,  sont  mis  à 
contribution  le  P.  Grarasse,  Tévéque  Huet,  Molière,  Pascal,  Voltaire, 
Chamfort,  Joubert,  etc.  Tant  de  citations  délicatement  choisies,  tant 
de  justes  et  fines  observations  littéraires  ou  philologiques  (1)  font 
c  mieux  goûter  Fart  merveilleux  du  bon  homme^  et  son  ample 
comédie  à  cent  actes  divers,  d  Nul  ne  reviendra  de  cette  charmante 
promenade  autour  des  Fables,  sans  aimer  un  peu  plus  La  Fontaine 
et  sans  remercier  un  guide  qui  a  si  bien  tout  expliqué.  Je  ne  vou- 
drais pas  insister  sur  le  mérite  du  travail  d'un  camarade,  la  discré- 
tion devant  toujours  l'emporter  sur  la  sympathie,  mais  il  me  sera 
bien  permis  de  dire  que  son  précieux  petit  volume  mérite  d'être 
placé  dans  la  bibliothèque  de  tous  les  amis  de  La  Fontaine,  auprès 
des  volumes  qui  font  tant  d'honneur  au  digne  fils  de  M.  Adolphe 
Régnier. 

T.  DE  L. 


(1)  On  retrouve  le  phUologue  accompli  dans  le  Glostaire  des  mots  diffleiUsou 
tombés  en  désuétude  qui  est  à  la  fin  du  volume  (p.  169-174). 


CATALOGUE    DESCRIPTIF 


DE 


LIVRES  ET   PIÈCES   RARES 


EN  VENTE  AUX  PRIX  MARQUÉS  A  LA  LIBRAIRIE  TEGHENER 


S,  —  Ratio  atq.  institutio  studiorum.  —  Romœ,  in 
Collegio  Societatis  Jesu.  Anno  Dni  M.D.XCI,  Cam 
facultate  superioram  ;  pet.  in-8»  de  2  fiF.  prél., 
332  p.,  1  fit.  non  chiflF.,  v.  fauve,  fil.  tr.  dor. /Anc- 
re/.; 70  fr. 

Ouvrage  très  intéressant  pour  l'histoire  de  TOrdre  des  Jésuites. 
G*est  un  exposé  très  méthodique  des  règles  imposées  aux  divera 
membres  du  corps  enseignant  de  la  fameuse  Société,  depuis  le 
Prapositus  provincialis  jusqu'au  PrœfectxAs  sttidiarwn  inferiarum. 
Toutes  les  matières  de  l'enseignement  sont  visées  avec  soin  par  oe 
code  pédagogique,  très  explicite  et  très  impératif.  Les  heures  d'étude 
et  de  récréation,  le  choix  des  professeurs,  la  discipline,  les  indta^ 
tnenta  studiorum  sont  également  l'objet  de  prescriptions  minutieuses. 
A  lire  surtout  les  curieux  chapitres  de  Casihus  consdenHm. 

Édition  rare,  non  citée  par  Brunet,  qui  indique  celle  de  1586, 
même  format  et  même  nombre  de  pages  ;  cette  édition  de  1586  a 
été  vendue  660  Gaignat,  151  LaVallière  et  175  Henrott. 

Bel  exemplaire  aux  armes  de  M.V  Double,  évéque  de  Tàrbes,  toutes 
différentes  de  celles  que  V Armoriai  du  Bibliophile  attribue  à  ce 
prélat. 


188  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

9.  —  Livret  (Le)  des  consolations  contre  toutes  tribu- 
lations. Imprimé  à  Paris,  Van  1502,  le  7®  jour  de 
février,  par  Pierre  Le  Dru,  pour  Geffroy  de  Marnef, 
demeurant  en  la  rue  S.  Jacques,  à  renseigne  du 
Pellican;  in-16,  goth.,  de  72  ff.  avec  le  titre,  signât, 
a-i,  fig.  sur  bois,  vélin  blanc.  120  fr. 

Joli  exemplaire  d'une  édition  très  rare,  que  nous  n'avons  trouvée 
dans  aucune  bibliothèque  publique  de  Paris.  Le  Manuel  du  libraire 
ne  cite  que  les  éditions  de  Guy  Marchand,  1499;  d'Alain  Lotrian, 
vers  1530,  et  de  Lyon,  1532.  L'édition  de  Marnef  paraît  être  la 
seconde.  Elle  est  ornée,  sur  le  titre,  de  la  marque  des  De  Marnef, 
et  dans  le  texte,  de  onze  figures  sur  bois;  trois  grandes  :  La  prinse 
de  Jésus ^  V Auteur  méditant  dans  son  cabinet  d* études,  David 
repentant  ;  et  huit  petites. 

Cet  ouvrage  se  compose  de  deux  Dialogues  traduits,  ou  plutôt 
paraphrasés  du  latin  de  saint  Isidore  de  Séville,  évéque  du  VII«  siècle. 
Le  traducteur  a  intercalé  entre  les  deux  dialogues  d'autres  opuscules, 
dont  il  est  peut-être  l'auteur. 

Voici  le  sommaire  des  différentes  parties  de  ce  volume  : 

1»  Ce  présent   traicté   contient  une   dévote  contemplation 

Içujuelle  quiconque  la  dira....  il  pourra  obtenir  de  Dieu  consola^ 
tions  en  toutes  tribulations.  C'est  un  dialogue  entre  le  poure  pécheur 
et  le  benoist  sauveur  Jésus.  Nous  en  citerons  seulement  un  passage  : 
a  Jésus  :  Et  quand  tu  vouldras  vaillamment  résister  et 'batailler 
contre  tes  mauvaises  inclinacions,  contre  le  monde,  le  dyable  et  la 
ehair,  et  généralement  contre  tous  péchez,  alors  j'entreray  preste- 
ment en  la  bataille  avec  toy  pour  toy  aider  et  avoir  la  victore  et  ne 
te  laisseray  point.  A  cette  heure  la  tous  tes  péchez  te  seront  par- 
donnez et  mesmement  ton  ame  sera  mon  amye  et  espouse,  affln 
qu'il  y  ait  superabondance  de  ^ace  où  il  y  a  eu  superabondance  de 
péchez.  »  Quoique  nous  soyons  fort  ignorant  en  théologie,  il  non» 
semble  cependant  que  la  proposition  suivante  de  saint  Isidore  est 
peu  orthodoxe,  a  Jésus  :  Je  ne  suis  point  plus  obligié  ne  tenu  à 
Dieu  que  les  autres  créatures.  Car  par  sa  seule  paroUe,  il  m'a  créé 
comme  les  bestes,  et  n'a  non  plus  labouré  pour  moy  que  pour  les 
bestes  brutes.  »  Ce  Dialogue,  de  53  pages,  fmit  par  un  Épilogue  de 
l'auteur,  qui  contient  un  avertissement  au  poure  pécheur  :  t  Je 
vous  admoneste  que  vous  en  lisiez  tous  les  jours  trois  faeilles  en  le 
bien  savourant.  Et  au  cas  que  vous  faillez,  mettez  paine  de  donner 
trois  deniers,  ou  de  dire  trois  Pater  ou  Ave  Maria.  » 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET   PIÈCES   RARES  189 

2o  Cy  commence  le  Prologue  de  V  acteur  sur  les  sept  péchez  mor- 
telz  et  des  filles  ou  branches  d'iceulx.  Nous  transcrirons  une  sin- 
gulière comparaison  relative  à  l'éternité  des  peines  :  «  Or,  afin  que 
▼ous  puissiez  congnoistre  que  c'est  de  éternité  ou  d'estre  éternelle- 
ment dampné,  mettez  le  cas  en  vostre  entendement  que  s'il  estoit 
une  montaigne  aussi  grande  que  tout  le  monde,  et  ung  petit  oyselet 
venist  au  bout  de  mille  ans  prendre  et  emporter  de  son  becq  autant 
de  la  terre  d'iceile  montaigne  qu'il  en  pourroit  porter  en  son  dit 
bec,  et  une  ame  dampnée  eust  espérance  et  creust  d'estre  sauvée, 
quant  ledit    oyselet  venant  ainsi  au  bout  de  mil  ans  auroit  emporté 

toute   ladite  montaigne,  icelle  ame  dampnée   se  resioiroit  fort 

car  la  montaigne  prendroit  fin,  et  en  ceste  espérance,  Tame  danp- 
née  seroit  merveilleusement  consolée.  »  Parmi  les  causes  d'orgueil, 
l'auteur  signale  une  belle  voix  et  haulte,  et  ce  advient  aux  chantres 
par  quoy  ils  s'en  orgueillissent.  L'exposition  de  chaque  péché  avec 
toutes  ses  filles  est  suivie  des  remèdes  à  employer  pour  s'en  préser- 
ver. Cette  2«  partie  a  31  pages. 

3»  Sensu ivent  les  dix  commandemens  de  la  loy  (4  pages). 

4®  Sensuivent  les  cinq  sens  de  nature  (1  page). 

5»  Sensuivent  les  sept  sacremens  (3  pages). 

6"  Sensuyvent  les  douze  articles  de  la  foy  (2  pag.). 

Ces  six  traités  ont  pour  but  de  guider  le  pécheur  dans  l'examen 
de  sa  conscience,  afin  qu'il  fasse  une  bonne  confession,  et  puisse 
acquérir  la  gloire  étemelle. 

70  Cy  après  sensuyt  une  tresconsolatoire  contemplacion  par  forme 
de  dyalogue...,  composée  par  très  vénérable  docteur  Isidore.,.  Et 
sont  introduis  en  ce  présent  traictié  deux  personnaiges,  c'est  assavoir 
lomme  et  rayson.  Nous  en  extrairons  une  pensée  de  haute  philo- 
sophie :  a  Prens  couraige  et  si  bataille  contre  les  douleurs  et  tribula- 
cions  temporelles  et  soies  ferme  en  tous  cas.  Porte  et  endure  egaale- 
ment  les  adversitez  et  prosperitez  :  Ne  peniâe  point  que  tu  soies  seul 
souffrant,  et  que  nul  ne  ayt  adversité  que  toy.  »  (48  pages). 

'  On  lit  sur  le  recto  du  dernier  feuiUet  :  a  Priez  pour  celuy  qui  a 
translaté  ce  présent  traictié  de  latin  en  francois,  et  la  fait  mettrejm 
moule,  pour  le  salut  des  âmes...  »  Au-dessous,  on  trouve  quatre 
vers  blasés  ;  et  sur  le  verso  la  souscription  de  l'imprimeur. 


10.  —  Discours  au  Roy,  sur  son  instruction  ;  par  Jean 
d'AIary,  advocat  au  parlement  de  Thoulouze.  Paris, 


190  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

J.   Bourriquani,  s.  d.  (1615);  pet.  in-8  de  64  pages^ 
d.-rel.,  V.  f.  20  fr. 

Pièce  très  singulière .  —  Le  titre  semble  annoncer  un  petit  traité 
d'éducation^  ou,  au  moins,  quelques  conseils  utiles  pour  Pinstruc- 
tion  du  Roi.  Mais  ce  n'est  point  le  but  de  cet  écrit.  Il  s'agit  d'un 
secret  découvert  par  Jean  d'Alary,  secret  merveilleux,  à  l'aide  duquel 
Louis  XIII  devait  devenir  savant  et  éloquent,  sans  travail  ^d'esprit  et 
sans  ouvrir  aucun  livre.  D'Alary  ne  veut  confier  ce  secret  qu'au  roi, 
et  déclare  que  six  mois  suffiront  pour  en  reconnaître  les  bons  résul- 
tats. Il  ne  demande,  pour  récompense,  que  la  confirmation  des 
offices  possédés  par  sa  famille. 

Cette  prodigieuse  réclame  pour  «  un  artifice  tout  rare  et  tout 
royal,  qui  semble  surpasser  l'entendement  humain,  et  que  ce  n'est 
rien  encore  de  ces  mémoires  artificielles,  de  cet  art  de  Lulle,  ny  de 
ces  bagatelles  et  niaiseries  de  je  ne  sçay  quels  charlatans  et  vendeurs 
de  fumées....  »,  est  illustrée  de  nombreuses  citations  et  de  compa- 
raisons extraordinaires,  le  tout  dans  un  style  ampoulé  et  déclama- 
toire, plein  de  puériles  antithèses  :  a  Le  vulgaire  doit  estudier  pour 
sçavoir,  mais  les  rois  doivent  sçavoir  sans  estudier  :  les  autres  doivent 
acquérir  les  sciences  par  un  grand  travail,  et  les  Princes  par  une 
grande  facilité  :  et  bien  que  la  peine  de  l'estude  soit  sans  fin^  ils  en 
doivent  voir  une  fin  sans  peine  ».  Ces  belles  raisons  ne  convain- 
quirent point  Louis  XIII  et  le  secret  d'Alary  a  été  perdu  pour  la  pos- 
térité. 

Cet  opuscule  n'est  point  daté  ;  mais  un  passage,  où  il  est  question 
de  voyage  que  le  jeune  roi  fit  après  la  proclamation  de  sa  majorité, 
permet  de  lui  assigner  la  date  de  1615. 


11.  —  De  puellâ,  quae  sine.cibo  et  potu  vitam  transigit, 
brevis  narratio,  teste  et  authore  Gerardo  Bucoldiano 
physico  regio.  Parisiis,  Rob.  Stephanus,  1542  ;  pet. 
in-8  de  8  fif.  18  fr. 

Dissertation  curieuse.  —  Grérard  Bochoitz,  plus  connu  sous  le  nom 
latin  de  Bucoldianus,  né  à  Cologne,  et  médecin  de  Ferdinand,  roi 
des  Romains,  exerçait  la  médecine  à  Spire.  Il  adressa  cette  relation 
à  Corneille  de  Berg,  évéque  de  Liège,  le  9  mars  1542.  —  Une  jeune 
fille,  nommée  Marguerite,  d'un  village  près  de  Spire,  commença  à 
se  dégoûter  des  aliments,  en  1539  ;  elle  était  alors  âgée  de  10  ans* 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET  PIÈCES  RARES  IM 

Depuis^  elle  ne  but  ni  ne  mangea  et  ne  cessa  cependant  de  se  bien 
porter.  On  la  visita,  on  la  surveilla  avec  soin  et  jamais  cette  enfant 
ne  prit  aucune  nourriture.  Le  roi  Ferdinand  la  fit  venir  à  Spire, 
pendant  le  temps  de  la  diète,  au  mois  de  février  1542  et  lui  fit 
quelques  présents.  Bocholtz  ajoute  à  ce  récit  des  observations  mé- 
dicales sur  les  causes  présumées  de  cette  inappétence,  et  cite  d'autres 
cas  du  même  genre,  tels  que  ceux  d'une  jeune  fille  de  Gommercy 
qui  resta  sans  manger  pendant  deux  ans  et  demi^  de  1322  à  1325, 
et  d'un  copiste  de  la  cour  de  Rome,  nommé  Jacques,  prêtre  de 
Noyon,  qui  ne  prit  aucun  aliment  pendant  deux  ans,  de  1451  à  1453. 

12.  —  L'exécution  et  la  mort  du  Roy  d'Angleterre,  faite 

publiquement  le  nœufième  février  1649,  à  Londres 
en  Angleterre  :  avec  ce  que  le  Roy  a  dit  sur  Teschaf- 
faut.  Jouxte  la  copie  imprimée  à  Londres,  s.  d.  ;  in-4 
de  4  ff.  cart.  38  fr. 

Plaquette  très  rare .  —  Cette  curieuse  relation  de  l'exécution  du 
roi  Charles  I^'^  a  été  évidemment  traduite  en  français  par  un  Anglais 
peu  au  courant  des  règles  de  notre  grammaire .  C'est  bien  certaine- 
ment la  première  qui  ait  été  écrite  en  notre  langue.  U  est  intéressant 
de  remarquer  que  le  propos  prêté  à  Charles  I^'  :  «  Prenez  garde  à 
la  hache  d  et  le  Remember,  sur  lesquels  on  a  tant  discuté,  sont 
signalés  avec  précision  par  l'auteur  anonyme,  en  ces  termes  :  «  Et 
comme  un  gentilhomme  s'approchoit  de  la  hache,  le  Roy  lai  disait  : 
Gardez-vous  de  la  hache,  je  vous  prie,  gardez-vous  de  la  hache  t. 
Puis  plus-  loin  :  a  Et  quittant  son  manteau  et  le  S.  George,  le  donnait 
au  docteur  Juxon,  disant  :  Souvenez-vous.  On  croid  qu'il  le  donnait 
pour  le  Prince  ». 

13.  —  La  Manière  de  dicter  Lettres,  Missives,  avecq'  les 

responces  :  composé  par  Jehan  Quinerit  de  Mousne, 
estimé  Rhethoricien.  En  laquelle  vous  trouverez  la 
Rhethoricque  ciceroniane,  avecq'  plusieurs  belles 
acclamations,  lesquelles  font  les  Amantz  l'un  à 
Faultre.  Tholoze,  J,  Colomies,  1548  ;  pet.  in-8  de 
72  p.,  cart.,  non  rogné.  (Quelques  mouillures).   80  fr. 

Livre  très  rare  et  singulier  ;  c'est  le  plus  ancien  et  le  plus  curieux 
Manuel  épistolaire,  écrit  en  français.  —  Jehan  Quinerit  de  Mousnes, 


192  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

OU  plutôt  de  Mosnes  en  Touraine,  estimé  Rhethoricieriy  est  resté 
inconnu  aux  biographes  et  aux  bibliographes.  On  apprend  seulement 
par  une  lettre  qu'il  adresse  à  son  ami  le  greffier  de  Blois,  qu'il 
était  marié  et  qu'il  avait  envoyé  à  Blois  sa  femme  Jehanne  et  sa  fille, 
afin  de  les  soustraire  aux  violences  commises  à  Mousnes  par  les 
gens  d'armes  et  les  aventuriers,  qui  mirent  au  pillage  cette  bourgade 
et  enlevèrent  femmes  et  filles. 

Quant  au  nom  ou  surnom  de  Quinerit,  il  semble  la  traduction  du 
latin  Qui  non  ridet,  que  Ton  trouve  dans  de  très  vieux  documents 
cité  comme  nom  propre.  Peut-être  Quinerit  n'est-il  qu'un  pseudonyme 
destiné  à  donner  une  haute  idée  du  sérieux  de  l'ouvrage. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  soixante-six  épîtres  dont  se  compose  le 
recueil  sont  des  plus  variées  :  lettres  d'amour,  bien  entendu,  lettres 
d'afiaires  entre  banquiers  et  marchands,  correspondance  de  famille, 
modèles  de  suppliques  adressées  à  de  hauts  personnages  (parlement 
devant  un  pape,  parlement  devant  un  empereur,  etc.  ),  enfin,  échan- 
tillons d'épitres  dans  certaines  circonstances  délicates,  comme 
celles-ci  :  «  Excuse  quand  tu  aurais  esté  négligent  à  escripre  à  un 
amy  duquel  tu  aurais  receu  plaisir  ». 

Ge  très  curieux  livre  se  termine  par  un  modèle  de  testament  ainsi 
présenté  :  Item,  une  belle  manière  de  faire  Testament  pour  laisser 
ses  enfans  paisibles  avecques  leurs  adhérens,  Instituée  par  un  Roy 
inspiré  du  Créateur,  comme  vous  pourrez  amplement  veoir  cy' 
après.  On  croirait  qu'il  s'agit  d'un  monarque  chrétien,  éclairé  par  la 
grftce  divine.  Point  du  tout  ;  Jehan  Quinerit  se  borne  à  traduire  la 
harangue  adressée,  dans  Xénophon,  par  Cyrus  mourant,  à  ses  deux 
fils  Gambyse  et  Zanoaxare  (que  l'auteur  appelle  Zanazor),  harangue 
pleine  d'ailleurs  d'excellents  conseils  qui  toent  peu  suivis. 


ORIGINES  DE  L'IMPRIMERIE 


A    REIMS 


LES  TROIS  PREMIERS  IMPRIMEURS  : 

GUUDE  CHAUDIÈRE.  —  NICOLAS  TRUMEAU.  —  NICOLAS  BACQUENOIS 


I.  —  CLAUDE  CHAUDIERE 

1561-1557 

Les  débuts  de  rimprimerie  à  Reims-en-Champagne  ne 
remontent  pas  au-delà  de  la  seconde  moitié  du  xvi®  siècle 
et  peuvent  être  fixés  avec  quelque  apparence  de  certitude 
vers  la  fin  de  Tannée  1551.  Claude  Chaudière,  fils  de 
Regnauld  Chaudière  et  neveu  du  célèbre  typographe 
Simon  de  Colines,  amena  de  Paris  une  partie  du 
matériel  typographique  de  ce  dernier,  dont  il  avait 
hérité  (1),  et  vint  s'installer  à  Reims  sous  les  auspices 
du  cardinal  Charles  de  Lorraine,  fondateur  de  TUni- 
versité. 

Le  premier  produit  de  cette  imprimerie,  qui  soit 
venu  à  notre  connaissance,  ne  nous  est  est  révélé  que 


(  1  )  C'est  ce  que  nous  apprend  on  avis  de  Ci.  Cliaudlère,  placé  en  tcte  de  La 
manière  de  tourner  toutes  espèces  de  noms  latins,  en  nostre  langue  françogse  ; 
Paris,  de  l'imprimerie  de  Regnault  Chaudière  et  Claude  son  ftlz,  Î5A6;  pet.  in-8 

1891  13 


194  BULLETra  DU  BIBLIOPHILE 

par  un  fragment  de  titre  de 
85  centimètres  de  hauteur  sur 
44  centimètresdeIargeDr,con- 
tenant  la  marque  de  l'impri- 
meur, qui  n'est  autre  que 
l'emblème  de  Charles  de  Lor- 
raine :  une  pyramide  surmon- 
tée d'un  croissant  au  chifire 
royal  autour  de  laquelle  s'en- 
roule une  plante  grimpante, 
avec  la  devise  :  Te  stante 
Dtrebo.  Dans  le  soubassement, 
le  nom  et  les  insignes  du  car- 
dinal-archevêque. Au-dessous 
une  souscription  portant  le 
lieu  d'impression,  la  date  et 
KHEMIS.  l'indication    de  l'officine  ly- 

EX  CTiiwfif  CafJà^  o^îcfna.  pographique ,    conjointement 
I  f    5    i>  avec  le  nom  de  l'imprimeur; 

de  12  8.,  el  qui  accompagne  une  série  d'autres  pclils  opuuulei  pédagogiquei. 
sortis  des  mêmes  presses,  réunit  dans  le  recueil  2D-1226  de  la  BibUothéque 
Mazariae.  Voici  le  texte  de  ce  document  Intéressant  pour  ["histoire  de  llmprl- 
merie  puisleiuie  : 

CLAUDE  CHAUDIÈRE  AU  LECTEUR 

AHi  Irctear,  lorsque  Simon  de  Collnes  par  stpa- 
Tatlon  du  corpt  é:  de  Vame  paaa  de  ce  monde 
morlfl  a  immorlalilé,  Il  lalata  pluiieart  hoirt:  ex- 
tre  leiqudi  Mnl  les  Chaudieret.  A  iceaix  Chaadlerei  par 
iDCceiifon  héréditaire  lonJ  etcheaz  et  adoenuz  la  chara- 
ettrei,  lettres  el  nutrei  utenslles  de  l'Imprlmrrtt  d'iallog, 
eaiemble  la  merquc  du  Temps  portant  la  faulxque  Itditt 
de  Collnes  apposait  coustiimkremenl  aa  commençimenlde 
ses  tiares.  Or  donc  tous  llurea  qui  doresenaaant  sortiront 
en  lanilere  de  l'Offcine  ou  Imprimerie  des  lusdlets  Cbau- 
dlerti,  saches  Lecteur,  qu'ils  sont  împrimexdes  tneunei  cha- 
racleres  desquels  usait  ledict  de  Coliats.  Et  pour  l-adutnlr, 
lots  seur  qu'on  s'efforcera  tellement  satisfaire  a  let  désirs 
que  l'eleganct  i  beaulté  des  susdidi  charaeteret  sera  tons- 
loars  aceompaigaee  de  bonne  et  entière  correction.  Voila 
le  point  que  nou»  auoni  iioulu  te  faire  brlefuement  en- 
tendre I;  ffauolr. 

7ou(  aote  U  temp*. 


L'iMPRDfERIE  A  REIMS  195 

le  tout  disposé  comme  on  peut  voir  par  le  fac-similé 
reproduit  à  la  page  précédente  (1). 

Le  verso  qui  est  imprimé  contient  quelques  lignes 
tronquées  d'une  dédicace  en  latin,  au  milieu  de  laquelle 
nous  remarquons  des  mots  laissant  percevoir  un  sens, 
dont  rinterprétation  nous  fera  connaître  la  matière 
traitée. 

Pour  plus  de  clarté,  nous  mettons  sous  les  yeux  du 
lecteur  le  fac-similé  de  ce  fragment  imprimé. 


:^  aniê  quàniiipfey/I  Erf ne 
ncéUigar^bonis  dKciplinisfii 
!  caufa^polt  Elementariam 
dcfihi  ^uasaïitèiajFnfîbus 
iraï;âcînDgâlIi(:a  j^recencê  in 
nôfolûm  ad  tê  micCereniin 
erofiffinraelta^jndoii.dicaK 
re:pôft:dcnïum,praraç  xtâ 
(yt  fpcco^  mîiTûrus.  Cicra  ef 
imlibct  mînutârum  cagnît 
•;)!inas  iionmodo  inimisii 
1  étiampnndpum  prdprias 
)uis  nçmpc,ni(î  mcntc^apf 
daméntis^  rcdifidum  âlcius 
rua  vciquc  funt  hxCifed  na 
d  fublimiôra  nunqna  eudis 
cténeor,forc>vc  hoc  mnnd 
ûie%  Rcsia  tua  tiumdnicas* 


(  1  )  Claude  .Chaudière  avait  pour  devise  particulière  :  Toat  avec  le  tempe, 
comme  [on  le  lit  au  bas  de  l'avis  que  nous  venons  de  raf^porter  au  bas  de  la 
page  précédente.  Il  l'employait  en  guise  de  signature,  à  la  fin  des  pré&ces  ou 
des  pièces  liminaires  de  ses  éditions  de  Paris  ou  de  Reims. 


196  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Nous  en  extrayons  les  passages  suivants.  Les  lettres  que 
nous  avons  restituées  pour  compléter  des  mots  mutilés  ont 
été  placées  entre  crochets  :  ....bonis  disciplinis...  postEle- 
mentariam...  [Celsi\tudini paucisante mensibus  [Eleme]nia 
Latinogallica,  recentem  in  [lucem?]...  non  solum  ad  te  mit-- 
teresum[psi ?]....  [g]enerosissimœ  tuœ  indoli  dicat[à\.... 

Après  cette  lecture,  il  est  facile  de  se  rendre  compte  qu'il 
s'agit  d'Éléments  latins-français  (Elementa  latino-gallicaj 
qui  viennent  d'être  mis  en  lumière  [recentem  in  lucem} 
après  un  autre  traité  élémentaire  de  grammaire  (post 
Elementariam...)  paru  ou  présenté  quelques  mois  aupa- 
ravant [paucis  ante  mensibus)  et  que  l'éditeur  envoie  à 
un  grand  personnage.  Le  mot  Celsitudini,  qui  signifie 
Grandeur,  est  une  qualification  qui  s'applique  parfaite- 
ment au  cardinal,  prince  de  la  maison  de  Lorraine.  Ces 
Elementa  latino-gallica  lui  sont  dédiés  par  le  même,  qui 
se  recommande  à  la  générosité  du  prélat  [non  solum  ad  te 
mittere  sum[psi ?]..,.  generosissimœ  tuœ  indoli  dicat[a\. 

L'Université,  que  Charles  de  Lorraine  venait  de  fonder 
à  Reims,  n'avait  pas  encore  de  libraire,  ni  d'imprimeur 
attitré.  Ces  traités  pédagogiques  étaient  destinés  à  la  jeu- 
nesse pour  la  préparer  à  l'étude  des  belles-lettres  [bonis 
disciplinis)  (1). 


(1)  Claude  Chaudière  n'était  pas  seul  à  faire  la  cour  au  Cardinal  en  lui 
adressant  des  li\Tes  destinés  aux  élèves  de  sa  jeune  Université.  Charles 
Estienne  prit  aussi  à  Paris,  pendant  quelque  temps,  le  titre  d'imprimeur 
du  cardinal  de  Lorraine.  En  tête  de  son  Dictionarium  gallico-laiinum,  pet. 
in-foL,  on  lit  une  dédicace  de  son  auteur  :  Illustrissimo  principi  ampUssi- 
moque  Cardinali  Carolo  Lotharingio.  Après  avoir  rappelé  l'intérêt  que  le  Car- 
dinal portait  à  son  établissement  typographique,  et  en  particulier  à  une  édition 
des  œuvres  de  Cicéron,  que  ce  dernier  paraît  avoir  subventionnée,  il  lui  pré- 
sente ce  dictionnaire,  à  la  suite  d'un  autre  petit  dictionnaire  qu'il  vient  de 
terminer,  pour  l'adopter,  et  lui  demande  la  permission  de  le  mettre,  comme 
l'autre,  entre  les  mains  de  la  jeunesse  de  son  Académie  de  Reims  :  «  Interea 
LatinO'Gallicum  hoc  dictionarium  post  puerorum  Dictionariolum  tandem  abso- 
lutum  veluti  meliorîs  laboris  nostri  pignus  accipies  coque  Remensis  acadbmlc 
Tv.ïùjuventutem  frui  tantispcr  sines.  —  Ex  tua  tgpographia,  Idib.  Jul.  MDUI.  » 


l'imprimerie  a  REIMS  197 

Antoine  Du  Verdier,  sieur  de  Vauprivas,  dans  sa 
Bibliothèque  Françoise,  publiée  à  Lyon  en  1585,  consacre 
un  article  à  Claude  Chaudière,  Parisien.  «  Il  a  écrit,  dît- 
il.  Les  principes  et  fondemens  de  grammaire  latin-françois 
avec  les  accens.  j>  Cette  désignation  parait  pouvoir 
s'appliquer  au  premier  traité  de  grammaire  élémentaire 
{post  Elementariam...J  mentionné  dans  la  dédicace  de 
Claude  Chaudière.  Du  Verdier  le  dit  imprimé  à  Paris, 
mais  il  n'en  indique  pas  la  date.  Nous  avons  retrouvé  à 
la  Bibliothèque  Mazarine  un  précieux  recueil  (recueil 
20-1226)  de  traités  pédagogiques,  la  plupart  composés  ou 
revus  par  Claude  Chaudière,  antérieurement  à  son  éta- 
blissement à  Reims,  et  nous  y  avons  remarqué  un  livret 
qui  doit  être  celui  que  Du  Verdier  a  voulu  indiquer  et 
dont  voici  le  titre  exact  :  Les  Principes  &  premiers 
ELEMENs||f/e  la  langue  Latine,  par  lesquels  tous  ieu\\ 
nés  enfans  sont  facilement  introduicts  \\à  la  cognoissance 
d'icelle.  ||  Auec  les  accens.  ||  Le  tout  reveu  et  corrigé  en 
grande  diligence. 

Au  dessous  :  la  marque  de  Simon  de  Colines,  le  Temps, 
avec  sa  faux  ;  a  paris  |  |  De  l'imprimerie  de  Regnauld 
Chaudière,  ||  &  de  Claude  son  filz.  ||  m.d.xlvi.  ||  Auec 
Priuilege.  1 1  Petit  in-8,  de  8  feuillets. 

Nous  trouvons  dans  le  même  recueil  le  traité  suivant  : 
Principia  elementÂria  lu- 1 1  vénibus  maxime  accômoda  : 
quibus  1 1  Naturae  verbôrum  subnectuntur.  1 1  Cum  accén- 
tibus.  1 1 

Au  dessous  :  la  marque  du  Temps  avec  sa  faux. 
Parîsiis,  1 1  Ex  officina  Reginàldi  Caldérîj,  1 1  &  Clâudii  eius 
filij.  1 1 1546. 1 1  Cum  priuilégio.  1 1 Petit  in-8,  de  8  feuillets. 

Ce  titre  en  latin,  accentué  d'une  façon  toute  particu- 
lière, doit,  selon  nous^  s'identifier  davantage  avec  notre 
fragment.  C'est  évidemment  le  même  opuscule,  sauf  la 
souscription  et  la  dédicace  toute  de  circonstance.  Cette 
édition  de  Reims,  1551,  qui  n'est  mentionnée  par  aucun 


198  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

bibliographe,  et  dont  nous  venons  de  démontrer  l'exis- 
tence,  constitue  le  premier  produit  actuellement  connu 
de  l'imprimerie  rémoise. 

Nous  ne  pensons  pas  que  l'on  puisse  remonter  plus 
haut.  Claude  Chaudière  exerçait  encore  à  Paris  dans  le 
courant  de  Tannée  1551.  Il  y  imprimait,  conjointement 
avec  son  père,  V Oraison  funèbre  de  la  reine  Marguerite 
de  Navarre,  par  Charles  de  Sainte-Marthe,  en  latin  et  en 
français,  2  parties  in-4o,  suivie  des  Epitaphes  de  ladicte 
Dame  par  aulcuns  poètes  françois.  La  souscription  porte  : 
Par  Regnault  Chaudière  et  Claude  son  filz,  le  vingtiesme 
dApvril,  1550  (v.  style).  L'année  commençant  alors  à 
Pâques,  cette  date  correspond  aux  premiers  jours  de 
1551.  Les  Annales  Tgpographici  de  Maittaire  nous  four- 
nissent l'indication  de  deux  autres  ouvrages  imprimés 
par  lui  la  même  année  à  Paris.  L'un  est  du  mathémati- 
cien Oronce  Fine  :  Oront.  Fine  de  Universali  Quadrante; 
Ex  officina  Reginaldi  Calderii  et  Claudii  ejus  fdii;  in-4o; 
l'autre  se  compose  d'un  recueil  de  vers  latins  :  Sermonum 
liber  unus  ex  Isocratis  oratione  de  regno,  carminé  heroîco, 
autore  Joa.  Blacco,  Dano  ;  Ex  officina  Reginaldi  Calderii 
et  Claudii  ejus  filii;  in-4®.  Dans  V Histoire  naturelle  des 
estranges  poissons  marins,  ouvrage  de  P.  Belon,  du  Mans, 
daté  encore  de  1550  (v.  style),  on  lit  parmi  les  liminaires 
une  pièce  de  vers  latins  :  Claudii  Calderii  typographi 
hexastichon.  C'est  probablement  la  dernière  impression  à 
laquelle  Claude  ait  collaboré  à  Paris  avant  son  départ 
pour  Reims.  Le  livre  de  Belon  étant  souscrit  De  r  impri- 
merie de  Guillaume  Chaudière,  seul,  ainsi  que  les  autres 
labeurs  sortis  depuis  cette  époque  de  l'atelier  de  Paris, 
on  doit  en  conclure  que  le  fils  venait  de  se  séparer  de  son 
père  pour  aller  s'établir  à  Reims. 

Qaude  Chaudière,  comme  on  le  voit,  a  travaillé  à  Paris 
une  bonne  partie  de  l'année,  et  si  l'on  tient  compte  du  temps 
nécessaire  à  cette  époque  pour  le  charroi  d'un  fonds  de 


l'imprimerie  a  REIMS  199 

librairie  assez  considérable  (1)  et  d'un  matériel  typo- 
graphique plus  ou  moins  lourd,  on  arrive  à  limiter  à  la 
fin  de  l'année  l'installation  de  Claude  Chaudière  à  Reims. 
Le  nouvel  imprimeur-libraire  rémois  n'était  ni  un 
artisan  de  passage,  ni  le  premier  venu.  «  Claude  Chau- 
dière estoit  sçavant  et  homme  docte  d,  dit  La  Caille,  dans 
son  Histoire  de  V Imprimerie  (p.  127).  A  Paris,  il  avait 
été  prote  ou  correcteur  chez  Simon  de  CoUnes,  son  oncle 
maternel,  et  c'est  en  cette  qualité  (2)  qu'il  y  dirigeait,  en 
1545,  une  édition  des  Epistolœ  familiares  de  Cicéron,  revue 
sur  les  manuscrits,  citée  comme  un  chef-d'œuvre  de  cor- 
rection. Il  était  l'auteur  de  plusieurs  traités  de  pédagogie 


(  1  )  Claude  Chaudière  est  qualifié  de  marchand  libraire  de  M*'  le  Cardinal  de 
Lorraine,  dans  un  acte  passé  le  22  avril  1553  (v.  style),  à  Reims.  Il  avait  amené 
avec  lui  les  livres  imprimés  ou  édités  en  société  avec  son  père,  à  partir  de 
1547,  et  une  partie  du  fonds  de  Simon  de  Colines,  dont  il  avait  rédigé  le  cata- 
logue sous  ce  titre:  Libri  vénales  in  bibliopolioReginaldiCalderiitumab Simone 
Colinœo  tum  &  Calderio  excusi;  Parisiis,  15^6,  mense  Augusto;  pet  in-8  (Bibl. 
Mazarine,  n*  34,344,  réimprimé  en  entier  dans  MArrrAiRB,  Annales  typogra- 
phici,  tom.  III,  pp.  147-205).  Le  tout,  comme  on  peut  en  juger,  présentait  un 
choix  et  un  ensemble  assez  considérables  pouvant  répondre  aux  besoins  litté- 
raires de  l'Université  de  Reims. 

(2)  «  Inter  primos  illius  temporis  librarios  intignissimus ,  Simoni  Colinceo, 
cujus  ex  filio  nepos  erat  operam  et  studium  diligenter  naoauit..,  b  (Maittairb, 
Annales  tgpographici,  tom.  III,  p.  136,  note  f  ). 

Le  poète  rémois  Jean  Faciot/"  Vu/feiusy  nous  a  conservé  dans  une  de  ses  pièces 
les  noms  de  deux  autres  correcteurs  de  l'imprimerie  de  Simon  de  CoUnes^Sioupe 
et  Bésard,  qui  avaient  précédé  Claude  Chaudière  dans  les  mêmes  fonctions. 

Valete  Hendecasyllabum  lihri 
Valete  Hendecasyllabum  patroni 
Simon  cujus  ope  <ic  labore  multo 
Cujus  œre  typisque  lux  perennis 
Data  est  Hendecasyllabum  quadrigœ 
(Quadrigam  uoco  quattuor  libellos) 
JEternum  valeas.  Stupa  et  Bbsarob 
Nœuos  tergere  queis  datur  librorum, 
Prcetermittere  syllabam  née  ullam 
Nullam  inuertere  litteram,  née  ullum 
Punctum  omittere,  quojuvetur  ipte 
Lector,  cura  quibus,  simul  valete, 

(  JoH.  VuLTEn  Rhemi,  Inscriptionsun  libri  H,  HendeetugUalmm  libri  U,  ete. 
Parisiis,  S.  Colinœus,  1538  ;iii-16,  fol.  106). 


aoo 


BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


estimés.  Ces  livrets,  d'un  usage  journalier  auprès  de  la 
leunesse  studieuse,  étaient  sujets  à  de  Ifréquentes  réim- 
pressions. C'est  par  une  de  ces  rééditions  qu'il  débute  à 
Reims.  Il  entreprend  ensuite  la  traduction  d'une  des  ha- 
rangues les  plus  célèbres  de  Cicéron,  son  auteur  favori,  et 
l'imprime  sans  plus  tarder  dans  son  nouveau  logis.  Nous 
donnons  ci-dessous  le  titre  de  ce  livre,  en  reproduisant  aussi 
exactement  que  possible  sa  disposition  typographique  : 


PREMIER    LIVRE    DES 

Accusations  de  M.  T.  Ciceron, 

contre   Gains  Verres, 

nommé  Diuination. 

Faict  François,  par  Claude  Chau- 
dière Parisien. 

Et  pour  rvtilite  &.  vraye  intelligence  du  liure,  icelui  Chaudiè- 
re a  fait  et  mis  en  marge  brieves  expositions. 


Id,  dans  l'espace  occupé  par  ce 
cadre,  on  voit  dans  l'original  la 
marque  de  l'imprimear,  arec  la 
devfse  :  Te  Hante  virebo.  Nous 
l'aTons  reproduite  plus  haut. 


Obserration  particulière.  —  Le 
haut  de  la  pyramide  a  subi  un 
cboc,  le  chiflre  royal  est  oblitéré, 
et  c'est  à  peine  s'il  reste  trace  du 
croissant  en  partie  écrasé,  don 
une  partie  seule  parait.  Le  fllet 
de  gandM,  dans  le  coin  du  pié- 
destal, manque. 


A    RHEIMS, 

De  llmprimerie  dudict  Chaudière,  Imprimeur 
de  must.  et  Reu.  Cardinal  de  Lorraine. 

Auec  Priuilege  du  Roy, 
pour  six  ans. 


L'iMPROfERIE  A  REIMS  201 

La  date  de  l'impression  n'est  pas  indiquée  sur  le  titre, 
mais  nous  allons  trouver  plus  loin  un  achevé  d'impri- 
mer (1).  Au  verso  du  titre  on  lit  un  privilège  que  de 
hautes  influences  firent  octroyer  par  le  roi  Henri  II,  lors 
de  son  passage  à  Reims,  Nous  transcrivons  ici,  dans  sa 
forme  et  teneur,  ce  privilège,  qui  fixe  particulièrement 
la  position  de  Claude  Chaudière  à  Reims  : 

Plusieurs  gents  sçavants  d'autho- 

rite  &  grands  seigneurs  (2)  ont  commandé  à  Claude  Chaudière, 
de  faire  bien  et  correctement  imprimer  ses  œuures.  Et  pour 
ce  faire  lui  ont  fait  donner  du  Roy,  lettre  de  treiample  Prui- 
lege,  par  lesquelles  est  défendu  à  tous  Imprimeurs  &  Libraires 
du  Royaume,  pais,  terres,  &  seigneuries  dudict  Seigneur  d'im- 
primer ni  vendre  aucunes  œuures  dudict  Chaudière,  &  non 
seulemêt  ses  œuures  ,  mais  tous  autres  liuures  que 
bon  lui  semblera  faire  imprimer  en  son  logis  ou  autre  lieu  sans  son  gre& 
consentement,  iusques  au  terme  de  six  ans,  commençât  le  iour 
que  lesdits  liures  seront    achevez    d'imprimer   sur    grandes   pei- 


(1)  Cette  impression  forme  un  mince  volume  pet.  in-4%  relié  en  vélin,  qui 
se  trouve  à  la  Bibliothèque  Nationale  sous  la  cote  :  Inventaire,  Réserve,  X, 
1081.  La  collation  des  caliiers.  est  :  A  par  2;  B  par  3;  C  par  3;  D  par  3,  soit  en 
tout  22  feuillets.  Le  1"  feuillet  comprend  le  titre,  et  le  privilège  imprimé  au 
verso.  La  dédicace  occupe  les  deux  pages  suivantes.  Les  pages  5  et  6  (non 
chiflFrées)  contiennent  une  Ode  de  Claude  Chaudière,  Page  7,  recto  (non  chiff.)» 
une  pièce  de  vers  adressée  par  Jacques  Tigeou,  Angevin,  au  Lecteur.  Au  verso, 
page  8,  non  chiffrée  :  Sommaire  et  argument  de  ce  livre  par  Claude  Chaudière. 
Le  texte  de  la  traduction  commence  au  cahier  Bi,  paginé  par  erreur  7  au  lien 
de  9,  et  se  termine  ainsi  à  la  page  21,  cotée  par  erreur  23  :  FIN  DU  PREMIER 
LIVRE  DES  ACCVSA-  |  TIONS  DE  M.  T.  CICERON,  CONTRE  |  C.  VERRES, 
NOMME  DIVINATION  I  FAICT  FRANÇOIS  PAR  CLALDE  |  CHALDIERE. 
Le  verso  du  feuillet  est  blanc.  Le  dernier  feuillet  est  occupé  au  recto  par  des 
ornements  tj-pographiques  à  fond  criblé,  au  milieu  desquels  est  placée  la 
devise  particulière  de  Claude  Chaudière  : 

TOVT  AVEC 
LE  TEMPS 
La  dernière  page  est  blanche. 

(2)  Parmi  les  «  gens  sçavants  et  d'authorité  »  qui  protégaient  notre  savant 
typographe  et  s'intéressaient  à  ses  travaux,  nous  devons  mentionner  Nicolas 
Psaimie,  évéque  de  Verdun.  La  traduction  de  Cicéron  lui  est  dédiée  par  son 


202  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

nés,  amendes,  &  confiscations,  applicables  tant  enuers  ledict 
Seigneur,  qu'enuers  ledict  Chaudière.  Le  contenu  desquelles 
lettres,  icelui  seigneur  veult  être  gardé  &  observé,  nonobstant 
oppositions  ou  appellations ,  ordonnâces ,  restrictions ,  mande* 
ments,  défenses  8c  lettres  à  ce  contraires,  ainsi  qu'il  est  plus  au 
long  contenu  en  icelles.  Scellées  du  grand  seau,  8c  données  a 
Rheims  au  mois  de  Mars.  M.D.  LI.  En  vertu  duquel  Priui- 
lege,  icelui  Chaudière  a  faict  imprimer  en  son  logis,  ce  premier 
liure  des  accusations  de  M.  T.  Ciceron ,  contre  Caius  Ver- 
res, nommé  Diuination,  faict  François  par  lui  avec  très  amples 
annotations. 

Acheué  d'imprimer  le  14  iour  d'apvril. 

Le  jour  de  Pâques  tombant  cette  année  le  29  mars, 
c'est  au  commencement  de  Tannée  1552  (nouveau  style) 
qu'il  faut  reporter  la  date  de  cette  impression.  Elle  doit 
être  placée  après  celle  des  Principia  elementaria.  La 

auteur,  qui  exprime  sa  reconnaissance  en  ces  termes  :  c  Pour  ce  que,  dit-il, 
je  sçai  mon  Seigneur,  que  vous  prenez  autant  de  plaisir  aux  choses  antiques 
et  vertueuses  et  à  celles  qui  ont  esté  des  plus  estimées  et  mieulz  dictes  que  nul 
autres  que  je  cognoisse,  j'ai  bien  voulu  traduire  et  mettre  en  François  cesf 
Oraison  qu'a  fait  Cicéron  pour  vous  la  présenter  ;  à  cette  fin  que  je  cognoi 
mon  labeur  et  style  vous  estre  aggreable  &.  qu'il  vous  ait  pieu  en  quelque 
chose,  je  poursuive  par  vostre  commandement  la  traduction  des  six  autres. 
Vous  assurant  Monseigneur,  que  le  plus  grand  plaisir  que  je  pourrai  avoir 
en  ce  monde  seroit  de  sçavoir  faire  quelque  chose  qui  vous  pleut,  tant  par 

mon  imprimerie  qu'autre  diligence  et  labeur N'estimerai  cesf  Oraison 

devoir  estre  mieulx  reçeue,  mais  plustot  venant  en  lumière  soubs  le  nom  d*un 
personnage  de  vertu,  sçavoir  et  authorité,  tel  que  vous  estes  mon  Seigneur 
duquel  j'ai  reçeu  longtemps  y  aetreçoi  chascun  jour  beaucoup  de  faveur,  vous 
suppliant  très  humblement  me  continuer  cette  volunté,  &  me  maintenant 

perpétuellement  en  vostre  bonne  grâce » 

La  dédicace  est  suivie  d'une  «  Ode  de  Claude  Chaudière  au  mesme  Seigneur  », 
pièce  qui  occupe  deux  pages  et  dont  nous  ne  citerons  que  les  deux  premières 
strophes  : 

PovR  le  vrai  Mecenas 

le  te  prin  &  Seigneur, 

Quand  a  mon  cœur  donnas 

Courage  de  labeur 

Qui  esteins  la  mémoire 

De  mes  profonds  ennuis 
A  iamais  aurons  gloire 
Veu  qu'en  vertu  reluis. 


l'imprimerie  a  REIMS  203 

gravure  sur  bois  du  titre  représentant  remblême  du  car- 
dinal est  intacte  dans  la  première,  tandis  que  cette  même 
marque  porte  les  signes  matériels  d'un  second  état  dans 
le  CicéroTXm 

Nous  voyons  maintenant  Claude  Chaudière  officielle- 
ment pourvu  du  titre  d'imprimeur  de  Monseigneur 
V Illustrissime  et  Révérendissime  Cardinal  de  Lorraine. 
Comme  tel,  il  est  logé  avec  sa  femme  Anne  Cremyllier  (i) 
dans  une  maison  dite  le  Petit  Saint  -  Martin ,  rue  des 
Fusilliers  (2)  à  Reims. 

En  1553  (v.  style),  Chaudière  imprime  le  texte  d'un 
autre  traité  de  Cicéron,  dont  le  titre  est  rapporté  par 
Maittaire  (3)  ainsi  qu'il  suit  :  Ciceronis  Rhetoricorum 
libri  ad  Herennium  et  de  Inventione;  In  Rhemorum 
academia,  excudit  Claudius  Calderius,  Caroli  Lotharingi 
Cardinalis  typographus,  1553;  in-S^. 

La  mention  :  In  Rhemorum  academia  indique-t-elle 
que  le  volume  a  été  imprimé  dans  un  nouveau  local, 
dépendant  des  bâtiments  de  l'Université  ?  Le  fait  n'aurait 


(  1  )  La  présence  de  cette  dernière  à  Reims  est  constatée  par  un  acte  passé  le 
19  septembre  1S52  (v.  st.)  devant  Taillet,  notaire  à  Reims,  c  Honorable  femme, 
Anne  Cremyllier,  femme  de  honorable  homme  Claude  Chaudière,  marchand 
libraire  de  M*'  le  Cardinal  de  Lorraine  en  sa  ville  de  Reims,  vend  à  honorable 
honmie,  sire  Mathurin  du  Puis....  la  9*  partie  qui  appartient  audit  Claude 
Chaudière,  de  son  propre  en  la  moitié  de  deux  maisons...  ».  (Jaoard,  Notice 
sur  Nicolas  Bacquenois;  Reims,  1890;  in-8,  p.  5.) 

(2)  Un  acte  du  22  avril  1553  (vieux  style),  découvert  par  M.  Jadard  dans  les 
minutes  du  notaire  Jean  Rogier,  à  Reims,  nous  apprend  cpie  c  M'*  Pierre 
Bellangier,  prebtre  chanoine  de  Reims,  somme  Claude  Chaudière  imprimeur 
demeurant  à  Reims,  qu'il  ait  incontinent  à  faire  estansonner,  tringler  et  rete- 
nir ung  comble  et  crespon  faisant  séparation  de  lad.  maison  et  de  celle  dudit 
Bellangier,  lequel  menasse  ruine....  Par  lequel  Chaudière  a  été  fait  response 
qu'il  n'est  que  concierge  de  la  maison  en  laquelle  il  est  à  présent  demeuraot 
et  ne  luy  appartient,  ains  à  M*'  le  reverendiss.  cardinal  de  Lorraine,  arche- 
vesque  de  Reims,  à  cause  de  son  abbaye  de  Saint-Martin  de  Laon,  au  moyen 
de  quoy  il  n'est  tenu  des  réparations  d'icelle....  »  (Jadard,  Notice  sur  Nicolas 
Bacquenois;  Reims,  1890  ;  in-8,  page  5.) 

(3)  Annales  typographici,  tome  UI,  p.  626. 


^04  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

jien  d'improbable,  étant  donné  que  la  maison  où  le 
Cardinal  avait  logé  son  imprimeur  menaçait  ruine.  (Voir 
note  2,  p.  203).  Maîttaire  s'exprime  ainsi,  relativement  à 
la  marque  de  Claude  Chaudière  :  «  Libris  prœfigebat  Car- 
dinalis  [caro.  cardi.  de  loth.  arch.  dux  rhem.]  insignia; 
qaibus  ianquam  basi  insistebat  pyramidalis  columna  cir- 
çumcincta  ramo  frondente  [cum  his  versibus  te  stante 
viREBo]  columnœ  apici  superstante  luna  falcaia  ».  Cette 
description  minutieuse  et  scrupuleusement  exacte,  corres- 
pond d'une  façon  si  précise  avec  oe  que  nous  savons  déjà 
qu'il  n'est  pas  permis  d'élever  de  doutes  sur  l'existence 
de  cette  précieuse  édition  rémoise  que  Maittaire  a  vue 
en  1726  et  qui  a  disparu  depuis. 

Il  en  est  de  même  des  autres  productions  typogra- 
phiques de  Claude  Chaudière,  qui  ne  nous  sont  plus 
connues  que  par  les  témoignages  de  La  Croix  du  Maire 
et  de  Du  Verdier.  a  II  a  écrit,  dit  le  premier,  un  Dialogue 
du  vrag  amour  duquel  les  enireparleurs  sont  VAmi  et 
VAmie;  imprimé  à  Reims  en  Champagne,  par  ledit 
Chaudière,  Fan  1555.  »  a  II  est  auteur,  dit  le  second,  de 
Y  Accord  de  vertu  à  la  vie  humaine,  en  trente-sept  cha- 
pitres, imprimé  à  Reims,  l'an  1557  »  ;  in-S®. 

Là  s'arrête  la  carrière  du  premier  imprimeur  rémois. 
Cinq  impressions  à  son  actif  pendant  son  séjour  de  près 
de  sept  années  à  Reims,  voilà  tout  ce  que  nous  avons  pu 
découvrir.  En  1555-56,  son  titre  d'imprimeur  de  Monsei- 
gneur le  Cardinal  de  Lorraine  est  donné  à  Nicolas 
Bacquenois,  son  concurrent.  Claude  Chaudière  rentre 
définitivement  à  Paris,  où  il  succède  à  son  père,  et  y 
exerce  encore  une  dizaine  d'années.  «  La  grande  quantité 
de  livres  qu'il  a  imprimez  ou  fait  imprimer,  dit  La 
Caille,  ont  fait  voir  qu'il  a  esté  un  des  plus  habiles 
libraires  de  son  temps.  » 

Son  fils  Guillaume,  marié  avec  Gillette  Haste,  lui  suc- 
céda en  1568.  Ce  dernier  était  imprimeur  de  la  Ligue. 


l'imprimerie  a  REIMS  205 

Comme  tel  il  publia  les  Sermons  de  la  simulée  conversion 
dHenry  de  Bourbon  (Henry  IV),  par  Jean  Boucher,  le 
fougueux  curé  de  Saint-Benoît.  Ses  fils  et  petits-fils  con- 
tinuèrent le  métier  à  Paris  jusqu'en  1647  au  moins  (1). 
Le  dernier,  Jean,  fils  de  Pierre  Chaudière,  quitta  la  capi- 
tale en  1654,  pour  venir  s'établir  à  Bourges,  où  il  succéda 
à  Maurice  Levez,  imprimeur  de  la  ville  (2).  En  tête  des 
Privilèges  de  Bourges  ^  qu'il  imprime  en  1660,  Jean 
Chaudière  s'intitule  :  imprimeur  ordinaire  du  Roy,  de 
M9r  r Archevêque  et  de  la  Ville,  Avec  lui  s'éteignit  la 
dynastie  typographique  des  Chaudière,  qui  datait  de 
1516  et  avait  duré  un  siècle  et  demi . 


IL  —  NICOLAS  TRUMEAU 


Après  Claude  Chaudière  à  Reims,  et  presque  en  même 
temps  que  lui,  nous  avons  à  signaler  Nicolas  Trumeau, 
qui  parait  avoir  été  imprimeur  de  la  \âlle.  La  mention 
qui  le  concerne,  tirée  des  Archives  communales  de  Reims, 
nous  est  fournie  par  M.  Jadard  :  «  A  Nicole  Trumeau, 
imprimeur  pour  avoir  imprimez  3.500  brevetz  416  sols 
tournois.  Pour  328  brevetz  qu'il  a  convenu  escripre  à  la 
main,  à  raison  qu'il  n'y  en  avoit  à  suffisance,  16  sols, 
3  deniers  tournois.  »  (Comptes  des  deniers  patrimoniaux, 
1550-1552,  fol.  304). 


(  1  )  Voir  LoTTiN,  Catalogue  alphabétique  des  libraires  et  des  libraires-impri- 
meurs  de  Paris,  page  80,  et  Chronologie  histor.  des  curés  de  Saint-Benoit  (par 
Brité),  1722,  2'  partie,  page 40. 

(2>  Archtves  de  la  ville  de  Bourges.  Registre  des  délibérations  de  1654. 


206  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Nous  ajouterons  à  ce  renseignement  l'indication  de  la 
demeure  de  Trumeau  et  de  Tannée  où  il  exerçait.  Il 
imprimait  en  1552  (vieux  style)  la  pièce  suivante  : 

Ampliation   de 

L'  E  D  I  CT     DE     LA 

création  des  Conseillers,  Magi- 
strats 8c  luges  presidiaux, 
auec  establissement  de 
leurs  Sièges  & 
ressortz. 

Au-dessous  de  ce  titre,  dont  nous  avons  conservé  la 
disposition,  on  voit  Técu  de  France  aux  trois  fleurs  de 
lys,  gravé  sur  bois,  et  la  souscription  suivante  : 

On  les  vend  à  Reins,  par  Nicolas 

Trumeau,  près  l'Eglise 

nostre  Dame. 

1552 

L'édit  en  question  avait  été  donné  à  Reims,  en  mars 
1551,  après  Pâques,  c'est-à-dire  dans  les  deux  premiers 
jours  de  Tannée  1552  (nouveau  style),  pendant  un  séjour 
du  roi  à  Reims,  en  même  temps  que  le  privilège  de 
Claude  Chaudière. 

L'opuscule  imprimé  par  Trumeau  forme  un  petit  in-8® 
de  24  feuillets  non  chiffrés  (la  dernière  page  blanche),  en 
caractères  romains,  à  longues  lignes,  au  nombre  de  27  à 
28  par  page,  avec  des  signatures  de  A  à  F,  disposées  par 
deux,  c'est-à-dire  par  demi-feuilles.  L'ensemble  en  est 
régulier  et  l'impression  très  égale.  On  y  voit  l'œuvre 
d'un  typographe  qui  connaît  son  métier* 

Nicolas  Trumeau  appartient  à  une  très  ancienne 
famille   d'imprimeurs   qui   exerça  à   Provins,  près   le 


l'imprimerie  a  REIMS  207 

Pont-aux-Poissons,  dès  la  fin  du  xv®  siècle,  et  que  les 
alliances  transportèrent  ensuite  à  Troyes.  Thibault 
Trumeau,  fils  de  Jean  Trumeau,  de  Provins,  épousa  la 
fille  de  Jean  Lecoq,  maitre  imprimeur  à  Troyes.  Après 
la  mort  de  ce  dernier,  vers  1525,  il  demeura  auprès  de 
sa  belle-mère,  pour  la  seconder  dans  l'exploitation  de 
son  imprimerie.  Après  la  mort  de  la  veuve  Lecoq,  en 
1532  ou  1533,  il  dirigea  l'établissement  jusqu'à  la  majo- 
rité du  fils  Lecoq,  en  1541.  Nicolas  Trumeau,  qui  vint 
chercher  fortune  à  Reims,  nous  paraît  être  le  fils  aîné  de 
ce  Thibault  Trumeau,  de  Troyes,  et  le  petit-fils  de  Jean 
Trumeau,  de  Provins.  Il  disparait  de  Reims  après  1552 
(1553,  n.  style).  Son  père  venait  de  mourir  et  cet  événe- 
ment le  ramena  sans  doute  à  Troyes,  où  il  vint  diriger 
l'imprimerie  paternelle  pour  le  compte  de  sa  mère,  qui 
imprimait  en  1553  (v.  style)  :  les  Mandements  pour  le 
Carême  ;  en  1559  (v.  style),  une  série  de  placards  pour  les 
stations  et  les  lacticines  ;  en  1560,  des  Indulgences  (1). 


in.  —  NICOLAS  BACQUENOIS 

C'est  à  Nicolas  Bacquenois,  originaire  de  Beine,  près 
Reims,  que  revient  l'honneur  d'avoir  implanté  définiti- 
vement l'imprimerie  dans  la  ville  du  sacre  des  rois  de 
France.  Parti  de  son  pays  natal  à  une  époque  que  l'on 
ne  saurait  préciser,  il  fit  son  apprentissage  de  typographe 
à  Lyon.  Nous  le  trouvons,  en  1548,  d'abord  associé  avec 
Jean  Pidier.  Us  impriment  ensemblent  à  Lyon,  pour 
Guillaume  Roville  et  Thibault  Payen,  la  Bible  en  frcui- 


(1  )  Voir  SocARD  et  Assier  :  Livres  liturgiques  du  diocèse  de  Troges,  p.  38,  et 
AssiER  :  Archives  curieuses  de  la  Champagne ,  p.  102. 


208  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

çoySy  très  beau  volume  in-fol.  à  2  colonnes,  avec  nom- 
breuses figures  sur  bois  dans  le  texte,  lettres  ornées  et 
historiées  (1).  Les  deux  associés  se  séparèrent  aussitôt 
après  et  travaillèrent  chacun  de  leur  côté  (2).  Bacquenois 
imprime  pour  Thibault  Payen  le  Livre  de  plusieurs 
pièces,  in-16,  de  128  ff.,  daté  de  la  même  année.  Il 
imprime  et  édite  pour  son  propre  compte  en  1548  (vieux 
style)  Y  Oraison  panégyrique  disocrates,  traduite  de  grec 
en  français  par  Pierre  Adam  de  Wassigny  ;  petit  in-8o  de 
88  pages  chiffrées,  et  présente  ce  livre  à  son  futur  pro- 
tecteur, a  Monseigneur  le  Reverendissime  Cardinal  de 
Guyse,  archevesque  de  Reims  d  (3).  Il  obtient  un  privi- 
lège du  Roi  pour  cette  traduction  et  d'autres  du  même 


(  1  )  Voici  la  description  bibliographique  de  cette  édition  fort  peu  connue  : 
LA  BIBLE  EN  I  FRANCO YS,  |  qui  est  la  saincte  Escriture,  en  laquelle  sont  j 
contenuz  le  vieil  &  Nouveau  Testament,  |  Recentement  reueuz  &.  fidèle  |  ment 
corrigez  selon  |  l'Ebrieu,  Grec,  |  &  LaUn.  |  A  LYON,  |  PAR  GVH..  RO VILLE,  | 
ET  THIBAVLT  PAYEN  |  m.d.xlvhi.  2  parties  en  un  vol.  in-fol.  à  2  colonnes. 
La  première,  composée  de  12  ff.  préliminaires  non  chiffrés,  et  de  260  ff.  chiff, 
de  texte.  La  seconde,  dont  les  signatures  et  la  pagination  recommencent,  com- 
prend 75  ff.  chiffrés,  plus  2  ff.  non  chiffrés  pour  la  table,  qui  finit  au  verso,  et 
au  bas  de  laquelle  on  lit  : 

Imprimé  à  Lyon  par  lehan  Pidier 
&  Nicolas  Bacquenois. 

Au-dessous  on  trouve  l'Ordre  des  Cayez  de  la  Bible,  indiquant  leur  disposi- 
tion typographique  en  ternes,  quaternes  et  duernes, 

(2)  Jean  Pidier  a  exercé  de  1544  à  1558.  Le  premier  volume  sorti  de  ses 
presses  est  le  suivant  :  Rimes  d'Henry  Tabourot,  1544.  In-8  (Du  Veroier,  édit. 
de  Rigoley  de  Juvigny,  tome  II,  p.  185);  et  le  dernier  :  Arrcs/s  notables,  1558,  in-8 
(Du  Verdier,  tome  III,  p.  199). 

(3)  Nous  pensons  qu'on  nous  saura  gré  de  citer  les  passages  de  cette  dédi- 
cace, jusqu'ici  iguorée,  de  Bacquenois,  qui  établissent  les  premiers  rapports 
du  typographe  lyomiais  avec  Charles  de  Lorraine  :  t  Puis  n'agneres,  Prince 
consacré,  en  despit  de  l'occasion,  à  éternité,  Pierre  Adam  de  Vuasigny, 
enfant  de  vostrc  Eglise  de  Reims,  m'a  envoyé  ces  œuvres  d'Isocrates ,  par  luy 
traduictes  de  Grec,  en  iiostre  \-ulgaire  Françoy»  poid*  Imprimer  &  mettre  aux 
usages  de  ceux  cfui  n'ont  que  le  Françoys  familier.  Or  les  ay-je  osé  mettre  en 
lumière  soubz  la  saulvegarde  de  V.  R.  cognoissant  que  Isocrates  a  du  crédit 
assez  envers  icellc  pour  inipctrer  excuse  pour  moy,  si  j*ay  trop  osé.  Que  s'il 


l'imprimerie  a  REIMS  fi09 

auteur  faites  par  son  compatriote  de  Wassigny  (1).  Nous 
trouvons  ensuite  VOraison  consultoire  disocrates,  faicte 
en  la  personne  de  Nicolas  Rog  de  Cyprès;  à  Lyon,  par 
Nicolas  Bacquenois,  1549  ;  pet.  in-S®^  de  28  pp.  chiffrées. 

Le  Manuel  du  Libraire  de  Brunet,  tome  II,  col.  1540, 
cite  :  Le  grand  et  bon  mesnager  de  Constantin  César  ; 
Lyon,  Bacquenois^  ou  Thibauld  Payen,  1550;  in-16.  C'est 
une  édition  qui  aurait  été  partagée  et  exécutée  pour  le 
compte  de  ce  dernier. 

Nous  connaissons  encore  de  Bacquenois  une  traduction 
latine,  par  le  médecin  Comaro,  d'un  traité  de  Galien  : 
Galeni  de  Hippocratis  et  Platonis  dogmatïbus  libri  IXy 
Jano  Cornario,  medico  physico  interprète,  1550;  in-16,  de 
608  pages  chiffrées,  qu'il  imprime  pour  le  compte  du 
libraire  Paul  Miralliet,  demeurant  à  Lyon,  à  l'enseigne 
Saint-Paul  fsub  insigni  Divi  Pauli). 

En  1552,  il  exécute  pour  Guillaume  Gazeau,  qui  fut 
pendant  quelque  temps  l'associé  de  Jean  de  Tournes,  un 
gros  volume  in-8o,  en  latin,  divisé  en  2  tomes  :  Aristotelis 
et  Theophrasti  historia  Plantarum.  C'est  son  dernier 
labeur  daté  de  Lyon.  On  en  trouvera  une  description 
exacte,  pages  42-43  de  l'intéressante  monographie  que 
M.  H.  Jadard  a  consacrée  à  Bacquenois.  Bien  que  l'indi- 
cation de  sa  demeure  à  Lyon  ne  se  trouve  sur  aucun  de 
ses  livres,  un  document  du  temps  nous  permet  d'établir 
l'emplacement  de  son  atelier,  situé  rue  Mercière,  où  il 


ne  le  peult  obtenir,  je  m'ose  pres-qiies  asseurer,  que  vostre  clémence  plus  que 
humaine,  ne  la  me  refusera,  ainsme  laissera  à  quelque  anglet  du  renc  de  ses 
favoriz  serviteurs,  attendu  que  ce  que  j'ay  entrepris,  est  pour  recongnoissance 
publicque  de  ce  que  luy  doibs,  et  pour  pleige  de  obéissance  eteme,  &  derniè- 
rement pour  nionstrer  que  me  suis  (je  pense)  fatalement  mis  à  l'Imprimerie 
pour  laisser  a  la  postérité  monuments  de  vos  divines  vertus »  etc. 

(1  )  Le  privilège  qu'on  lit  au  verso  de  l'Oraison  panégyrique  fait  mention  de 
«  certaines  œuvres  d'Isocrates  comme  le  Panégiricque, DemoniCfBu8iri8,Pana- 
thenaic,  et  autres  contenuez  et  nommées  aux  lettres  de  privilège » 

1891  14 


210  BULI.ETIN  DU  BIBUOPHa.E 

occupait  un  local  appartenant  à  sa  femme  Etiennette 
Lhéritier,  d'Annonay  (1). 

Sollicité  par  le  cardinal  de  Lorraine,  qui  passait  par 
Lyon^  à  son  retour  dltalie,  Bacquenois  quitta  la  ville  de 

de  Lyon  pour  venir  à  Reims,  a Vous,  Monseigneur, 

retournant  dltalie  et  passant  par  Lyon,  me  comman- 
dastes,  comme  à  votre  subject,  à  vous  obligé  et  appar- 
tenant naturellement,  que  pour  vous  faire  ser\'ice  et  aux 
vostres,  m'en  retournasse  au  lieu  de  ma  naissance....  i 
Telle  est  la  déclaration  que  Bacquenois  prend  soin  de 
mettre  en  tête  du  Coustumier  de  Reims,  imprimé  par 
lui  à  Reims  et  portant  la  date  de  1553  (v.  style). 

Bacquenois  avait  transporté  à  Reims  le  matériel  qu'il 
avait  à  Lyon.  On  retrouve  ses  caractères,  ses  fleurons 
et  les  grandes  lettres  ornées  de  la  Bible  de  1548  dans  ses 
diverses  impressions  de  Reims.  Il  avait  aussi  amenéaveclui 
un  excellent  ouvrier  qu'il  avait  à  Lyon,  nommé  Geoffroy, 

En  souvenir  de  Lyon,  sa  patrie  typographique,  Bac- 
quenois adopte  pour  marque  l'emblème  parlant  de  cette 
ville  :  le  Lion.'  Le  noble  animal  tient  sa  patte  droite 
appuyée  sur  la  pyramide,  emblème  du  Cardinal  de 
Lorraine,  et  de  la  gauche  déroule  une  banderolle  avec 
la  devise  :  Sequitur  fortuna  laborem. 

Nous  ne  suivrons  pas  M.  Jadard  dans  ses  détails  sur 
la  vie  et  les  travaux  de  Bacquenois  à  Reims.  Maintenant 
que   nous  avons  établi  ses  antécédents    peu   ou    mal 

(1  )  C'est  ce  qui  ressort  du  document  suivant,  dont  nous  devons  la  commu- 
nication à  Textréme  obligeance  de  M.  J.  Baudrier,  de  Lyon.  C'est  un  acte 
notarié  dont  voici  le  résumé  tel  qu'il  nous  a  été  transmis  : 

c  Insinuations,  26*  vol.,  1558.  —  M*  Jourdain,  notaire  à  Lyon.  7  jan%ier  1558. 
—  Acte  d'où  il  résulte  que  Bacquenois  avait  épousé  Etiennette  Lhéritier,  sceur 
d'Ennemond  Lhéritier  habitant  d'Annonay.  Elle  parait  aussi  être  la  veuve 
d'un  nommé  Gaulme.  Enncmond  Lhéritier,  créancier  de  sa  soeur  et  de  son 
beau-frère  pour  une  somme  de  cent  livres  tournois,  ne  pouvant  se  faire  payer 
avait  fait  saisir  une  boutique,  arrière-boutique  et  cave,  appartenant  à  Etien- 
nette Lhéritier  femme  Bacquenois,  mais  dépendant  d'une  maison  de  Benott 
Moutaudoyne,  sise  rue  Mercière.  » 


l'imprimerie  a  REIMS  211 

connus  jusqu'ici,  nous  n'empiéterons  pas  sur  le  terrain 
que  M.  Jadard  vient  de  défricher  avec  un  zélé  et  un 
succès  dignes  d'éloges.  Nous  renvoyons  le  lecteur  à  la 
notice  spéciale  à  Nicolas  Bacquenois,  qu'il  vient  de 
publier  dans  les  Travaux  de  V Académie  de  Reims  (tome 
Lxxxv).  On  y  trouvera  le  texte  de  divers  actes  authen- 
tiques concernant  Bacquenois,  et  la  liste  détaillée  de  ses 
éditions  connues  jusqu'à  ce  jour. 

Qu'il  nous  suffise  maintenant  de  dire  que  Bacquenois, 
après  avoir  travaillé  pendant  une  dizaine  d'années  à 
Reims,  ne  parait  pas  avoir  fait  fortune  (1).  Contrairement 
à  ce  que  dit  sa  devise,  richesse  ne  s'est  pas  ensuivie  de 
ses  travaux.  Le  17  octobre  1561  (v.  style),  il  s'associe 
avec  Jean  de  Foigny,  mari  de  sa  belle-fille,  Françoise 
Gosme,  qui  reste  seul  imprimeur  à  Reims,  pendant  que 
lui-même  va  fonder  l'imprimerie  à  Verdun,  sous  les 
auspices  de  Nicolas  Psaume,  évêque  de  cette  ville. 

Le  11  mai  1568  (v.  style),  par  acte  passé  devant  Girard 
et  Rogier,  notaires  à  Reims,  il  cède  définitivement  son 
imprimerie  avec  tout  ce  qui  en  dépend  au  même  Jean 
de  Foigny,  et  se  retire  du  métier.  Bacquenois  meurt  vers 
1575,  investi  des  fonctions  de  receveur  de  l'évêché  et 
comté  de  Verdun. 

A.  Claudin. 


(1)  Bacquenois  était  déjà  endetté  en  quittant  Lyon.  L'acte  du  7  janvier  1558, 
passé  à  Lyon,  et  dont  nous  venons  de  citer  un  extrait  (voir  note,  page  210), 
nous  donne  encore  les  renseignements  suivants  : 

c  Pour  se  liquider,  Etiennette  Lhéritier  représente  son  mari  absent  et  en 
vertu  de  sa  procuration  vend  ladite  boutique  à  Montaudoyne  à  charge  de 
payer  :  1*  son  frère  ;  2*  30  écus  d'or  à  Guillaume  Rouville,  etc....  Le  prix  est 
340  livres,  qui,  diminuées  des  sommes  déléguées,  ne  laisse  qu'un  excédent  de 
27  livres  payées  à  Etiennette.  Bacquenois  est  qualifié  de  Maistre  imprimeur 
juré  en  l'Université  de  Rheims  en  Champagne.  Françoise  Gausme  (belle-fille  de 
Bacquenois)  est  fiancée  à  Jehan  Fougny,  greffier  du  dit  lieu  de  Rheims.  Guil- 
laume Rouville  est  un  des  témoins  de  l'acte.  La  procuration  en  vertu  de 
laquelle  Etiennette  Cherrier  représente  son  mari  est  reçue  par  M*  Rogier. 
notaire  à  Reims,  le  8  août  1557  (n.  style)  >. 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE 


A    PROPOS    d'un    livre    DE    LA    BIBLIOTHÈQUE   DE   LYON 


Dans  ce  réveil  de  la  pensée,  dans  cette  immense 
poussée  de  Tesprit  humain,  qu'on  a  si  justement  appelée 
la  Renaissance,  pas  un  art  qui  n'ait  pris  son  élan,  pas 
une  science  qui  n'ait  eu  son  apogée,  pas  une  idée  géné- 
reuse qui  n'ait  pris  son  essor  vers  des  régions  jusque-là 
inconnues  ;  aussi,  à  Rome  comme  à  Florence,  à  Venise 
comme  à  Paris,  pas  un  cœur  qui  ne  battît  aux  nouvelles 
qu'à  chaque  instant  faisait  naître  cette  époque  brillante 
et  fameuse.  La  boussole  avait  ouvert  les  plaines  de  la 
mer  au  navigateur  qui,  hardiment  désormais,  pouvait 
perdre  de  vue  les  sables  du  rivage  ;  la  découverte  admi- 
rable de  l'Amérique  avait  doublé  la  surface  de  cette 
petite  planète  où  l'homme  se  trouvait  si  à  l'étroit  ; 
l'imprimerie  avait  centuplé  la  somme  de  nos  connais- 
sances et,  comme  corollaire,  l'astronomie  nous  faisait 
voir  ou  deviner  cent  millions  de  soleils  plus  vastes  et 
plus  éclatants  que  le  nôtre,  éclairant,  vivifiant,  fécon- 
dant un  milliard  de  planètes  plus  grandes,  plus  riches  et 
sans  doute  plus  heureuses  que  le  grain  de  poussière  que 
nous  habitons  et  qui  tremblotte  imperceptible  dans  un 
petit  coin  de  l'espace. 

L'orgueil  humain,  écrasé,  anéanti  par  sa  nullité,  ne 
pouvait  plus  alors  que  murmurer  ces  mots  découragés  : 
«  O  étendue  !  O  immensité  I  » 

Il  y  avait  là,  en  effet,  de  quoi  briser  l'esprit  le  plus 
robuste  et  jeter  l'àme  épouvantée  jusque  dans  les  abîmes 
de  la  folie.  Y  a-t-il,  connaît-on  mystère  plus  terrible  que 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  213 

l'infini  de  Tespace,  si  ce  n'est  l'infini  des  temps?  Notre 
intelligence  peut-elle  les  comprendre  et  les  contenir  ? 
Pensez-y  et  répondez. 

Dès  les  premiers  jours,  l'architecture,  avec  ses  filles  : 
la  sculpture,  la  peinture,  la  gravure,  l'ornementation, 
s'était  hâtée  de  donner  ces  chefs-d'œuvre  que  les  temps 
modernes  n'ont  point  dépassés.  L'ameublement  avait 
suivi  ;  le  confort  était  né.  Partout,  chez  le  seigneur  et  le 
manant,  suivant  sa  fortune,  la  terre  battue,  les  brassées 
de  fleurs  et  de  feuillages  avaient  été  remplacées  par  des 
lambris,  des  parquets,  des  tapis  ;  les  volets  de  bois  par 
des  vitrages  ;  les  peaux  d'ours  par  des  lits  ou  des  divans; 
les  coffres  grossiers  et  durs,  sièges  habituels,  même  dans 
les  châteaux,  par  des  sofas,  des  canapés,  des  fauteuils  ; 
partout,  le  velours  et  la  soie  allaient  vêtir  l'humanité. 

Il  fallait  que  tout  marchât  de  pair.  Le  plus  modeste, 
le  plus  infime  des  beaux-arts,  la  reliure  vint  à  son  tour 
offrir  des  merveilles  de  goût  et  de  grâce,  et  l'imprimé 
qui  venait  de  naitre  eut  sa  parure  avec  non  moins  d'éclat 
et  d'orgueil  que  le  manuscrit. 

Le  missel  des  princes  était  encore  soigné,  mais  l'écrit 
vulgaire  ne  visait  qu'à  la  soUdité.  Le  bois,  la  peau 
grossière  couvraient  le  livre  où  priait  le  moine,  qu'épelait 
l'étudiant,  que  lisait  l'érudit,  et  qu'une  chaîne  de  fer 
attachait  au  pupitre  pour  le  protéger  contre  les  indiscrets 
ou  les  voleurs.  Mais  l'in-folio  d'alors  était  si  vaste,  le 
livre  était  si  épais,  si  pesant,  que  le  moine  le  plus  robuste 
ne  pouvait  le  lire  que  sur  un  appui  et  que  le  sav^t 
pressé,  le  pèlerin,  le  voyageur  ne  pouvaient  l'emporter 
avec  eux.  Le  premier  progrès  fut  donc  de  diminuer  le 
format  et  de  lui  donner  moins  de  solennité.  Le  châtelain 
put,  dès  lors,  en  se  promenant,  lire  les  contes  badins 
que  lui  envoyait  l'Italie,  et  l'érudit,  l'ouvrage  de  vulgari-  ' 
sation  devenu  un  compagnon  fidèle,  commode  et 
charmant. 


214  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  anciens  avaient  connu  la  reliure  ;  quel  art  ont-ils 
ignoré  ?  Demandez-le  aux  ruines  de  Ninive,  aux  temples 
sacrés  du  Mexique,  de  TÉgypte  ou  de  TExtrême-Orient. 
Pour  venir  à  des  temps  plus  modernes,  les  Grecs  et  les 
Latins  avaient  roulé  leurs  volumes  qu'ils  enfermaient 
dans  de  riches  coffrets.  Quand  ils  eurent  plié  à  plat 
leurs  élégants  manuscrits,  on  confia  aux  orfèvres  le  soin 
de  les  couvrir  de  feuilles  d'or,  de  plaques  bosselées, 
gaufrées  ou  repoussées  et  parfois  ornées  de  perles,  de 
nacre  ou  de  diamants. 

Artistes  d'instinct  et  de  sentiment,  les  Arabes,  nos 
précurseurs  sur  tant  de  points,  déployèrent  leur  génie 
d'ornementation  sur  leurs  livres,  comme  sur  les  murailles 
mystérieuses  de  TAlcazar  et  de  TAlhambra.  Ils  rempla- 
cèrent le  bois,  le  cuir  et  le  parchemin  par  des  vélins 
blancs,  fins  et  légers,  ou  par  ces  admirables  papiers  de 
riz,  de  lin  ou  de  coton  qu'ils  avaient  apportés  de  l'Inde 
ou  qu'ils  avaient  su  créer.  Ils  utilisèrent  tout  particuliè- 
rement leurs  maroquins  odorants  qu'ils  gaufrèrent, 
qu'ils  ciselèrent  et  qu'ils  couvrirent  de  ces  ravissants 
dessins  autorisés  par  la  loi,  d'où  la  figure  humaine  était 
bannie,  mais  dont  les  arabesques,  les  fleurs,  les  feuillages, 
les  entrelacs,  les  rinceaux  si  fins,  si  légers  et  si  purs 
s'enroulaient,  s'entrecroisaient,  se  poursuivaient  avec 
toute  la  grâce  voluptueuse  de  l'Orient. 

Bientôt  l'Italie  s'empara  de  cette  industrie  de  luxe  et 
lui  donna  le  charme  et  l'élégance  que  cette  terre  heu- 
reuse imprime  à  toutes  ses  productions.  Là  aussi,  comme 
en  Espagne,  la  peau  de  truie  ou  de  cerf,  les  coins  de  fer, 
les  clous  épais,  les  fermoirs  massife,  les  chaînes  dispa- 
rurent. Le  velours,  la  soie,  l'ivoire,  le  vélin,  le  cordouan, 
le  maroquin,  le  chagrin,  les  cuirs  orientaux  firent  leur 
triomphante  apparition,  à  la  grande  joie  des  dames,  des 
seigneurs  et  des  amateurs.  Là  aussi,  le  format  diminua 
et  se  fit  léger  et  coquet.  Le  gaufrage,  les  fermoirs  ciselés. 


BIAIOU  ET  SA  FAMILLE  215 

les  crochets  en  argent  doré,  les  ors  sur  les  plats  et  sur 
I^s  tranches,  toutes  les  fantaisies  de  l'imagination  unies 
à  un  goût  fin  et  pur  ;  les  filets  tracés  d'une  main  ferme 
sous  la  conduite  d'un  œil  exercé  ;  les  branchages  de  fan- 
taisie, les  feuillages  enlacés  et  noués  par  la  main  des 
fées  ;  les  fleurs,  emblèmes  de  poésie  et  d'amour,  firent 
du  livre  transformé  une  œuvre  d'art  que  le  prince  et  le 
gentilhomme  étalaient  avec  orgueil  sur  les  rayons  d'une 
étagère  et  que  la  jeune  châtelaine  portait  à  la  chapelle 
comme  une  parure,  un  bijou,  à  l'ébahissement  des 
vassaux  comme  à  l'envi  des  riches  bourgeoises  à  qui 
leur  rang  ne  permettait  pas  un  luxe  pareiL 

Les  rois,  les  princes,  les  dames,  la  Ville  et  la  Cour  se 
passionnèrent  pour  cette  nouvelle  et  ravissante  manifes- 
tation de  l'art.  Il  se  trouva  aussitôt  des  artistes  pour 
répondre  à  de  si  nobles  désirs,  et  la  reliure  devint  un 
objet  de  goût,  de  mode  et  surtout  de  bon  ton,  qui  eut 
ses  adeptes  et  jusqu'à  de  fanatiques  partisans. 

(L  Les  relieurs  lyonnais,  qui  jouissaient,  dès  les  pre- 
mières années  du  xvi®  siècle,  d'une  réputation  méritée, 
dit  M.  Marins  Michel,  dans  un  livre  devenu  classique  (1), 
nous  ont  laissé  beaucoup  de  modèles.  Guidés  par  Jean 
de  Tournes  et  Petit-Bernard,  l'un  des  meilleurs  graveurs 
de  la  Renaissance,  ils  dépassèrent  bien  vite  les  Italiens 
qu'ils  avaient  d'abord  servilement  imités.  » 

Mais  à  cette  éqoque  bénie  que  certaines  gens  appellent 
arriérée  et  barbare,  la  réclame  n'était  pas  une  puissance; 
elle  n'était  pas  une  institution.  Les  hommes  illustres 
étaient  modestes.  Les  écrivains  se  cachaient  sous  des 
pseudonymes  ;  les  peintres  dédaignaient  de  signer  leurs 
fresques  ou  leurs  toiles,  et  on  ne  connaît  pas  mieux  les 
artistes  à  qui  on  doit  tant  de  reliures  enchanteresses  que 
ceux  qui  ont  érigé,  sur  tous  les  points  de  l'Europe^  ces 

(  1  )  La  Reliure  française;  Paris,  1881,  in-4'  planches. 


216  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

cathédrales  gigantesques,  aux  portails  historiés,  aux 
flèches  légères  qui  montent  dans  les  nues  et  font  aujour- 
d'hui l'admiration  en  même  temps  que  le  désespoir  des 
connaisseurs. 

Après  les  reliures  italiennes  si  merveilleuses  et  les 
reliures  lyonnaises,  sur  lesquelles  nous  avons  si  peu  de 
détails  et  dont  nous  ne  connaissons  pas  les  auteurs,  on 
eut,  en  France,  ou  du  moins  on  connaît  un  peu  mieux 
Geoffroy  Tory,  libraire,  graveur,  et  sans  doute  aussi 
relieur,  Eve  père  et  fils,  le  Gascon,  Dusseuil;  à  leur 
suite,  une  révolution  se  fit.  L'architecture,  les  colonnes, 
les  portiques,  les  lignes  droites  ou  courbes,  les  entrelacs 
et  les  rinceaux  cédèrent  la  place  aux  fleurettes  et  aux 
feuillages.  Les  reliures  à  la  Fanfare  parurent  et  firent 
école.  François  1®%  Henri  II,  Catherine  de  Médicis,  Diane 
de  Poitiers  s'illustrèrent  par  les  collections  ravissantes 
qu'ils  surent  assembler  ou  créer.  L'art  sérieux  était 
devenu  joli,  mais  c'était  encore  du  grand  art.  Il  devint 
riche  sous  Louis  XIV,  futile  et  rococo  sous  Louis  XV, 
lourd  et  froid  avec  Napoléon  et  les  règnes  suivants, 
malgré  les  vains  efforts  de  quelques  hommes  qui  croyaient 
naïvement  que  la  main  peut  remplacer  l'esprit. 

Vint  un  temps  même  où  il  y  eut  comme  une  éclipse 
du  génie  français.  Mais,  dans  notre  pays  privilégié,  ces 
instants  d'obscurité  ne  durent  pas. 

Une  réaction  se  fit  ;  une  nouvelle  école  se  créa  ;  le  goût 
pubUc  s'affina  et  on  vit  paraître  Bauzonnet,  le  vieux 
maître,  Trautz,  son  gendre  et  son  rival,  Niédrée,  Dura, 
Cape,  Kœhler,  pour  les  veaux  fauves,  et,  de  nos  jours. 
Marins  Michel,  qui,  non  content  d'égaler  les  plus 
illustres,  a  pris  la  plume  et,  en  donnant  l'exemple  en 
même  temps  que  les  préceptes,  a  fait  si  magistralement 
l'histoire  de  son  art. 

Malheureusement,  le  truc  est  survenu,  le  pastiche  s'en 
est  mêlé  ;  la  cohue  ardente  s'est  précipitée  à  la  suite  des 


MAIOLI  ET  SA  FAMILUB.  217 

maîtres  et  •  ;ru  pouvoir  les  imiter.  Or,  on  le  sait,  le 
génie  ne  slmite  pas  :  on  a  beau  copier,  pasticher  ; 
llmagination  manque,  le  cœur  fait  défaut;  la  main 
trahit  l'effort,  et  la  copie  ne  trompe  que  la  foule,  souvent 
si  dénuée  de  connaisseurs.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai, 
qu'à  notre  époque  surtout,  il  n'est  pas  un  atelier  de 
reliure  qui  ne  vous  propose  et  ne  vous  fasse  du  Grolier, 
du  Henri  II,  du  Mazarin  ;  comme  il  n'est  pas  de  cabinet 
d'architecture  où  on  ne  vous  crée  immédiatement  des 
monuments  de  tous  les  âges,  de  tous  les  styles  et  de 
tous  les  pays  :  villas  italiennes,  cottages  anglais,  temples 
chinois,  châteaux  byzantins,  ogivaux  ou  Renaissance, 
églises,  cathédrales  ou  chapelles  des  xiii^,  xiv«,  xv«, 
XVI®  siècles,  ressemblance  garantie  et  à  juste  prix. 

On  étonnerait   bien  leurs  auteurs  si  on  leur  disait 
qu'ils  ne  font  pas  de  l'art. 

Illusions  naïves  !  L'art  véritable ,  l'art  immortel  et 
sacré  demeure  plus  haut  que  cela. 

Cette  introduction  hasardée,  sur  la  reliure  ;  ces  préli- 
minaires établis  ;  cette  esquisse  faite,  à  main  levée,  sans 
ombres  ni  détails,  qu'il  me  soit  permis  de  m'occuper  de 
deux  hommes  que  la  bibliophilie  et  surtout  la  reliure 
ont  rendus  célèbres  et  qui  ont  brillé  de  manière  à 
éclipser  leurs  contemporains  et  leurs  rivaux,  l'un 
comme  un  astre  splendide  qui  a  parcouru  harmonieu- 
sement son  orbite  et  dont  on  a  pu  suivre  à  toute  heure 
la  route  et  les  mouvements  ;  l'autre  qui,  pareillement,  a 
illuminé  le  ciel,  mais  comme  un  météore  fugitif,  dont 
on  n'a  su  ni  d'où  il  venait,  ni  où  il  est  allé. 

Leurs  deux  noms  sont  liés,  ils  vont  de  compagnie  ;  qui 
dit  l'un  dit  l'autre  :  on  a  nommé  Grolier  et  Maïoli. 

Rien  ne  nous  est  caché  de  la  vie  de  Grolier.  Né  à  Lyon 
en  1479,  il  fut  trésorier  général  de  l'armée  française  dans 
le  Milanais,  ambassadeur  de  François  I®*"  à  Rome,  pro- 
tecteur des  hommes  de  lettres  de  son  temps,  ami  des  arts 


218  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

et  connaisseur.  II  fut  généreux,  quoique  riche;  aimé 
quoique  puissant,  et  mourut  tranquille  dans  son  lit,  à 
quatre-vingt-quatre  ans,  le  22  octobre  1565,  à  Paris, 
entouré  d'amis,  sincèrement  pleuré,  honoré  et,  par  consé- 
quent, mille  fois  plus  heureux  que  certains  de  ses  col- 
lègues à  qui  des  courtisans  dissipateurs  et  corrompus, 
pesant  sur  la  justice,  arrachèrent  l'honneur  avant  de  les 
envoyer  à  Téchafaud ,  sans  que  l'histoire  ait  dit  si  une 
mort  violente  leur  avait  été  appliquée  à  cause  de  crimes 
plus  ou  moins  établis,  plus  ou  moins  prouvés,  ou  tout 
simplement  à  cause  de  leur  luxe  et  de  leur  richesse. 

Beaucoup  de  dessous  de  cartes  restent  voilés  ;  la  vérité 
se  fait  connaître  quelquefois,  mais  pas  toujours.  Malgré 
sa  fortune,  qui  a  dû  faire  des  envieux,  Grolier,  chose 
admirable,  n'a  eu  à  se  plaindre  ni  de  ses  contemporains, 
ni  de  la  postérité. 

Notre  compatriote  a  eu  des  historiens.  L'étude  savante 
et  vraie  de  M.  Leroux  de  Lincy,  son  complément  par 
M.  de  Cazenove,  les  travaux  incessants  des  bibliophiles, 
des  érudits,  des  critiques  et  des  commentateurs  ont  porté 
la  lumière  sur  les  moindres  actes  de  sa  vie  et  ont  entouré 
son  nom  d'une  auréole  égale  à  celle  de  nos  plus  éminents 
écrivains,  quoiqu'il  n'ait  jamais  rien  écrit. 

M.  Monfalcon  a  cru  que,  dans  sa  splendide  collec- 
tion, (1)  M.  Coste  n'avait  jamais  possédé  que  dix  Grolier. 
Ce  serait  déjà  beaucoup ,  les  plus  belles  bibliothèques 
publiques  de  France  n'en  possédant  pas  autant  et  la 
bibliothèque  de  la  ville  de  Lyon  n'en  pouvant  offrir  que 
quatre  ou  cinq.  Le  célèbre  bibliophile  lyonnais  croyait 
être  riche  d'une  quinzaine. 

Où  est  la  vérité  ? 

On  sait  que  M.  Coste  était  un  fin  lettré,  un  érudit  et 
un  connaisseur. 

(1)  Nouveau  Spon,  Lyon,  1856,  in-8,  page  79. 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  219 

Toutes  ses  facultés  s'étaient  concentrées  sur  ses  livres 
et  on  sait  qu'il  avait  autant  de  fierté  que  de  bonne  foi. 

Entre  le  bibliothécaire  et  le  bibliophile,  je  crois  donc 
que  la  question  reste  entière  et  qu'elle  ne  sera  pas  tranchée 
de  longtemps. 

Mais  si  M.  Monfalcon  ne  passait  que  dix  Grolier  à  M. 
Coste  au  lieu  de  quinze,  il  me  semble  qu'il  était  tout 
aussi  loin  de  la  vérité  lorsque  lui,  conservateur  de  la 
Bibliothèque  de  la  ville,  ayant  tous  ces  volumes  sous  la 
main,  il  croyait  n'en  avoir  que  quatre  dans  ses  collections. 

Il  admettait  : 

lo  PII  PONT,  MAX.  decadum  Blondi  Epitome.  Basile», 
1533,  in-fol. 

20  POLYBII  HISTORIARUM  libri  quinque.  Venetiis, 
1521,  petit  in-8o. 

3»  Praemio  délia  seconda  parte  délie  vite,..  Sans  titre, 
sans  lieu  ni  date.  Petit  in-4o,  552  pages. 

40  Enfin,  un  magnifique  dELIUS  RHODIGINUS. 
Venetiis,  in  sedibus  Aldi  et  Andreae  soceri,  mense 
februario  M.  D.  XVI  in-4o. 

Tous  ces  ouvrages  portant  la  signature  autographe  ou 
la  devise  de  Grolier. 

Je  déclare  cette  liste  inexacte. 

Outre  un  Grolier  authentique,  inattaquable,  dont  je 
parlerai  plus  tard,  la  Bibliothèque  pourrait,  son  devoir 
serait  de  se  parer  de  trois  autres  volumes  qui  ne  me 
paraissent  pas  douteux,  surtout  les  deux  tomes  in-folio 
de  la  Bible  de  Robert  Estienne  : 

BIBLIA.  Hebraea,  chaldaea,  graeca  et  latina  nomina 
Virorum,  mulierum,  populorum,  idolorum,  vrbium, 
fluuiorum,  montium,  cœterorumque  locorum  quae  in 
Bibliis  leguntur,  restituta,  cum  latina  interpretatione. 

Grande  vignette  gravée,  marque  et  devise  de  Robert 
Estienne  :  Un  philosophe  debout,  en  robe  et  pieds  nus, 
la  main  droite  tendue  vers  un  olivier  nouvellement  greffé, 


220  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

dont  les  branches  coupées  tombent  à  terre,  et  prononçant 
ces  paroles  :  «  Noli  altvm  sapere.  » 

Parisiis,  ex  oflicina  Robert!  Stephani,  typographi 
Regii,  M.  D.  XL. 

CUM  PRIVILEGIO  REGIS, 

Belle  et  magistrale  impression.  Grandes  marges,  titres 
courants  en  petites  capitales,  cinquante-cinq  lignes  à  la 
page,  corps  douze,  capitales  ornées  ;  glose  en  manchettes, 
index  à  trois  colonnes.  Quatre  parties  en  deux  volumes  ; 
chacune  d'elles  avec  la  vignette  de  Robert  Estienne. 

Couverture  Grolier,  veau  brun,  petites  dentelles,  filets, 
grandes  dentelles,  filets,  encadrement  de  cinq  filets  droits, 
deux  gaufrés  et  trois  dorés,  coins  arrondis  ouverts  en 
demi  lune,  entourant,  aux  quatre  angles,  quatre  fleurons  ; 
autre  encadrement,  composé  de  cinq  filets  droits,  deux 
gaufrés  et  trois  dorés  entourant  un  losange  de  cinq  filets, 
deux  gaufrés  et  trois  dorés.  Au  centre,  quatre  entrelacs 
arrondis,  entourant  un  bouquet  de  quatre  fleurons. 

Splendide  dessin,  du  goût  le  plus  pur,  digne  des  plus 
beaux  Grolier  ;  tranches  dorées. 

Le  nom  de  notre  compatriote  ne  se  voit  nulle  part,  ni 
dans  le  texte  ni  sur  le  superbe  vêtement,  mais,  son  génie 
s'y  retrouve  partout  tout  entier.  Les  entrelacs,  les  compar- 
timents, les  feuillages  qui  courent  dans  le  rectangle  des 
plats  et  qui  se  groupent  au  centre  de  la  composition  ;  les 
filets  droits,  poussés  d'une  main  si  ferme  et  si  sûre,  la 
courbe  élégante  et  fine  des  quatre  angles,  n'ont  pu  être 
créés  que  par  les  ouvriers  de  Grolier,  par  son  inspiration, 
sous  ses  yeux  peut-être,  pour  lui  sans  doute,  et  M.  Re- 
nard, l'illustre  bibliophile  que  Lyon  regrette,  n'hésitait 
pas  à  déclarer  que  ces  deux  magnifiques  volumes  avaient 
appartenu  au  Trésorier  de  France,  que  ces  deux  reliures 
sont  les  plus  beaux  spéci-  mens  d'une  école  inimitable  ; 
il  les  estimait  vingt  mille  francs  et  déclarait  n'avoir 
jamais  vu  qu'un  volume  qui  pût  leur  être  comparé. 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  221 

A  propos  des  Heures  manuscrites  données  par  Marie, 
veuve  de  Louis  XII,  à  son  frère  le  roi  d'Anglerre,  petit 
bijou  que  j'avais  décrit  naguère,  dans  ma  brochure  :  Les 
deux  Bancel  (1),  un  illustre  statuaire  lyonnais(2)  s'étonnait 
qu'il  ne  se  formât  pas  des  pèlerinages,  des  processions 
pour,  venir  admirer  les  peintures  de  ce  manuscrit  :  Noël, 
David,  Job,  la  Présentation,  le  Jardin  des  Oliviers,  vingt 
pages  sublimes  dignes  des  plus  beaux  temps  de  l'Italie  et 
surtout  les  adorables  soubassements  représentant  des 
enfants,  de  ravissants  petits  génies  ailés,  pareils  à  ceux 
de  Brou,  et  certainement,  comme  eux,  de  la  main  de  Jean 
Perréal.  A  mon  tour,  je  m'extasie  de  voir  que  non-seule- 
ment la  Bible  de  Robert  Estienne  dort  dans  un  si  pro- 
fond oubli,  mais  que  les  savants  bibliothécaires,  mes 
prédécesseurs,  n'aient  jamais  signalé,  dans  leurs  ouvrages 
pas  plus  que  sur  nos  catalogues,  quelle  admirable  reliure 
la  recouvre  et  la  classe  parmi  les  chefs-d'œuvre  de  l'art. 

Ouvrez  nos  catalogues,  article  :  BIBLIA, 

Le  numéro  5289  porte  simplement  : 

«  Eadem,  Parisiis,  R.  Stephanum,  1540;  quatre  parties 
en  deux  volumes,  in-folio,  grand  papier,  v.,  tr.  d.  » 

Et  c'est  tout  î  Un  homme  de  peine,  un  copiste  ignorant, 
qui  n'eût  ni  aimé  ni  connu  les  livres  n'eût  pas  décrit 
ces  volumes  autrement. 

Quelques  personnes  attribuent  aussi  une  certaine  valeur, 
c'est-à-dire  une  semblable  origine  à  un  petit  in-4o  portant 
le  numéro  25765  :  Annales  de  Foix,  par  Guillaume  de  la 
Perrière.  Toulouse,  1539,  veau  brun.  Mais  le  nom  de  Grolier 
ne  s'y  trouve  pas  davantage.  Devise  et  nom  sont  absents. 

Le  trésorier  de  France  est  une  des  gloires  de  Lyon,  et, 
quoique  ce  ne  soit  pas  lui  qui  ait  donné  son  nom  célèbre 
à  la  petite  place  des  bords  du  Rhône  qui  fait  face  au  palais 
des  Facultés,  la  place  Grolier,  dans  tous  les   esprits, 

(1  )  Les  deux  Bancel.  Lyon,  Palud,  1891,  in-8. 
(2)  M.  deGra\illon. 


322  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

éveillera  plutôt  le  souvenir  de  rami  de  François  le',  que 
celui  du  riche  propriétaire,  son  descendant,  dont  les 
terrains  furent  englobés  dans  V entreprise  Perrache,  spé- 
culation qui,  au  siècle  dernier,  donnait  à  la  ville  un 
nouveau  et  bruyant  quartier. 

Comment  expliquer  le  sort  si  différent  de  deux  biblio- 
philes qui  eurent  tant  de  points  de  ressemblance,  tant 
d'affinités;  de  deux  hommes  riches,  haut  placés,  ayant 
mêmes  goûts,  même  tendance,  même  but  ;  la  gloire  de 
Tun,  Tobscurité  de  l'autre  ;  la  publicité  qui  a  entouré  la 
carrière  de  Grolier  ;  Toubli  implacable  qui  a  frappé  Maîoli  ? 

De  celui-ci,  rien.  Son  nom  brille  dans  toutes  les  ventes  ; 
il  est  à  chaque  page  des  livres  qui  s'occupent  de  reliure  ; 
les  documents  sur  sa  personne,  sa  naissance,  sa  patrie, 
sa  vie,  sa  mort  ne  se  trouvent  nulle  part. 

Le  Bibliophile  Jacob,  dans  ses  Curiosités  de  Vhistoire 
des  Arts  (1  )  ne  parle  de  lui  qu'en  passant.  Il  ne  lui  accorde 
que  deux  ou  trois  lignes  ;  juste  assez  pour  commettre 
une  ou  deux  erreurs. 

Il  est  question  du  xvi^  siècle,  époque  par  excellence , 
pensions-nous,  des  belles  reliures  et  des  amateurs  pas- 
sionnés. 

En  première  ligne,  naturellement,  notre  auteur  cite 
Grolier  ;  puis  il  ajoute  :  ce  L'art  delà  reliure  n'ayaiV  quart 
petit  nombre  d adeptes  et  de  protecteurs  :  En  Italie,  le  pape 
Paul  V  et  Maîoli.  Ce  bibliophile,  pour  imiter  les  reliures 
et  la  devise  de  GroUier  fsicj  faisait  graver  sur  ses  livres  : 
Ta.  Maioli  et  Amicorum.  Ingratis  servire  nephas;  en 
Espagne,  le  cardinal  de  Granvelle  ;  en  Belgique,  Marc 
Laurin,  de  Bruges,  et  Roger  Bathis,  de  Bruxelles  ;  c\u\ 
avaient  adopté,  l'un  et  l'autre,  la  devise  de  Grollier.  d 

Ainsi,  c'est  Maîoli  qui  a  pris  la  devise  de  Grolier  ? 
J'avais  lu  le  contraire. 

(1)  Paris,  1858,  m-12 


MAIOU  ET  SA  FAMILLE  223 

D'après  le  savant  écrivain,  on  n'aurait  eu,  en  Europe, 
outre  Grolier,  que  deux  amateurs,  en  Italie  ;  unen  Espagne, 
et  deux  en  Belgique. 

C'est  un  bien  petit  nombre  I  surtout,  quand  on  voit 
quelles  gens  étaient  à  la  tète  du  mouvement  I 

Il  m'avait  semblé,  au  contraire,  qu'à  cette  époque  d'en- 
thousiasme et  d'ardeur,  d'ébullition  et  de  vie,  adeptes, 
amateurs,  et  connaisseurs  fourmillaient  dans  toutes  les 
classes  de  la  Société  et  que  les  rois,  les  princes,  les  dames 
et  les  seigneurs  étaient,  conmie  le  pape  et  les  cardinaux, 
passionnés  pour  ce  nouvel  art. 

Voici  l'avis  d'un  bibliophile  plus  moderne,  d'un  jeune, 
M.  Gaston  Brunet,  qui  écrit  sous  le  pseudonyme  de  Phi- 
lomneste  junior  (1)  : 

a  En  1883,  M.  Bernard  Quaritch,  un  des  principaux 
libraires  de  Londres,  fit  un  catalogue  de  vente  de  973 
numéros. 

«  Un  Grolier,  Lactantii  Firminiani  de  divinis  instiiii- 
iionibus  aduersus  gentos,  sub  anno  Dni  M.CCCCLXV,  in 
vcnerabili  monasterio  sublacensi  (subiacensi?)^  c'est  le 
premier  livre  imprimé  en  Italie  avec  une  date,  portait 
rinscription  habituelle  :Jo.  Grolierii  et  Amicorum.  Il  était 
coté  600  livres  st.  15,150  francs. 

a  Un  bibliophile  italien,  contemporain  de  Grolier, 
moins  célèbre  que  le  trésorier  de  François  I^r,  mais  tenant 
toutefois  un  rang  fort  distingué,  il  vivait  de  1500  à  1550, 
ne  nous  est  connu  que  par  les  reliures  de  ses  livres,  chefs- 
d'œuvre  d'élégance  et  de  goût,  que  les  amateurs  couvrent 
de  billets  de  banque. 

tt  Tout  comme  Grolier,  il  mettait  sur  ses  livres  :  Te, 
Maïoli  et  Amicorum....  Un  Orlando  furioso  (Venelia), 
Nicolas  Zopino ,  1524,  était  évalué  395  livres  st., 
9,925  francs. 

\,\)  La  Bibliomanie  en  i883.  Bordeaux,  1884,  in-8. 


224  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

«  Un  autre  bibliophile  italien  fut  le  Génois  Mecenati 
Canevari.  Sur  ses  livres  est  un  médaillon  représentant 
Apollon  conduisant  un  chariot  d'or  sur  des  flots  verts  et 
se  dirigeant  vers  un  rocher  qui  porte  Pégase.  » 

Deux  choses  à  prendre  dans  ce  récit  : 

Le  Bibliophile  Jacob  n'avait  pas  cité  tous  les  amateurs 
italiens. 

On  voit  de  quelle  haute  estime  les  livres  de  Maîoli 
jouissent  chez  les  collectionneurs. 

A  propos  de  MaïoIi  que  je  voulais  faire  connaître,  je 
me  suis  étendu,  trop  longuement  peut-être,  sur  Grolier, 
qui  n'était  pas  en  cause,  que  le  monde  érudit  apprécie, 
sur  qui  je  n'ai  rien  avancé  de  nouveau,  et  j'ai  à  peine 
prononcé  le  nom  de  son  rival,  sur  lequel  on  ne  sait  rien 
et  sur  qui  même  quelques  écrivains  ont  égaré  l'opinion. 
Ainsi  le  fameux  Dibdin,  dans  ses  ouvrages  si  précieux 
pour  la  bibliographie,  le  donne  comme  un  relieur,  et  un 
érudit  lyonnais,  profondément  versé  dans  la  connaissance 
des  livres,  a  commis  dernièrement  la  même  erreur,  en 
avançant  que  le  duc  d'Aumale  avait  acquis,  à  la  vente 
Bergeret,  au  prix  de  4,600  francs,  un  ouvrage  :  Roma 
Triomphons,  uniquement  parce  qu'il  avait  été  relié  par 
Maîoli. 

Protestons  vite.  Ce  dernier  était  un  riche  amateur,  un 
habile  collectionneur,  comme  Grolier,  de  Thou,  la  belle 
Diane,  Henri  II,  Mazarin  ou  M™®  de  Pompadour,  mais  il 
n'opérait  pas  lui-même,  il  ne  travaillait  pas  de  ses  doigts, 
il  n'était  pas  ouvrier,  comme  le  furent  les  deux  Eve,  le 
Gascon,  Duseuil  et  probablement  le  graveur  Geoflroy  Tory. 

D'autres  ont  fait  honneur  à  Grolier  de  sa  devise  géné- 
reuse et  ont  cru  que  Maîoli  la  lui  avait  empruntée  ;  on 
discute,  mais  il  est  à  présumer  que  c'est  le  contraire  qui 
a  eu  lieu. 

Maintenant  si  on  sait  ce  qu'il  n'était  pas,  qui  nous  dira 
ce  qu'il  était  ? 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  225 

Si  j'ai  fait  faire  un  pas  à  la  question  c'est  si  peu  de 
hose  que  je  n'ose  m'en  glorifier. 

Cependant,  j'ai  trouvé  une  voie  et  si  j'offre  au  public 
le  finit  de  mes  recherches,  c'est  dans  l'espoir  qu'un  autre 
sera  plus  heureux  et  qu'il  ira  plus  loin  que  moi. 

Brunet,  cite  un  Laurent  Maîolus,  auteur  d'un  ouvrage 
de  médecine  imprimé  à  Venise,  en  1497,  in-4,  et  il  ajoute  : 

«  Il  ne  faut  pas  confondre,  comme  l'a  fait  M.  Renouard, 
ce  Laurent  Maïoli,  mort  en  1501,  avec  un  Thomas  Maîoli, 
contemporain  de  Grolier  et  qui,  de  même  que  ce  célèbre 
bibliophile,  a  laissé  des  livres  magnifiquement  reliés  et 
où  il  avait  fait  inscrire,  sur  un  des  côtés  de  la  couverture, 
le  titre  de  l'ouvrage,  avec  ces  mots  au  bas  :  a  TTio.  Maioli 
et  amicorum.  d  et,  sur  l'autre  sa  devise  :  a  inimici  mei 
mea  mihi  non  me  mihi,  » 

Ou  bien  celle-ci  :  a  Ingratis  seruire  nephas.  » 

a  Nous  en  possédons  un,  ajoute  fièrement  Brunet,  qui  a 
aussi  appartenu  à  Grolier  et  sur  le  titre  duquel  ce  grand 
amateur  a  écrit,  de  sa  main,  sa  devise  ordinaire  : 

a  Portio  mea,  Domine,  sit  in  terra  viventium.  « 

<i  Ce  Maïoli  vivait  encore  en  1549,  ainsi  que  nous  le 
prouve  un  volume  sous  cette  date,  avec  son  nom.  -» 

Ainsi,  trésor  précieux,  richesse  dont  il  se  félicitait, 
Brunet  a  possédé  un  ouvrage  qui  a  authentiquement 
appartenu  à  nos  deux  célébrités. 

On  ne  connaissait,  jusqu'ici,  qu'un  volume,  un  seul 
volume,  un  unique  volume  qui  ait  eu  ce  brillant  honneur. 

Un  autre  Maïolus,  Maïoli  ou  Maïole  est  auteur  d'une 
compilation  qui  eut  le  plus  grand  succès  :  Les  jours  canicu- 
laires, c  est-à-dire  vingt-trois  excellents  discours  des  choses 
naturelles  et  surnaturelles,.,,  par  Simon  Maïole,  d'Asti, 
évêque  de  Valtour...  Paris,  Fouet,  1609,  in-4,  trois  vol. 

Ne  serait-ce  point  un  parent  du  nôtre  ? 

a  Venise  était  peut-être  alors  le  plus  grand  marché  de 
l'Europe,  dit  M.  Octave  Uzanne,  dans  son  beau  volume 

1891  15 


226  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

sur  Fart  qui  nous  occupe  (1)  et  il  n'est  point  étonnant 
que  ses  ateliers  de  reliure  y  aient  pris  une  importance 
de  premier  ordre...»  Mais,  a  sauf  le  nom  de  Vicenti  filius, 
relieur  estampeur,  on  ne  connaît  pas  le  nom  des  ouvriers 
émérites  de  ce  temps.  Aucun  des  maîtres  de  style  qui 
s'entendirent  si  bien  à  rompre  l'austérité  de  la  ligne  par 
des  rinceaux  élégants,  ou  des  lacs  de  feuillages  et  de 
fleurs,  aucun  de  ces  mosaïstes  n'a  légué  le  moindre  docu- 
ment biographique  à  la  postérité.  Il  n'en  est  pas  de  même 
des  bibliophiles  qui  stimulèrent  cette  grande  école  de 
reliure  et,  outre  le  fameux  Thomas  Maîoli,  l'histoire  des 
amateurs  de  livres  compte  encore  les  noms  du  cardinal 
Bonelli,  du  doge  Cigogna  et  surtout  celui  du  Génois 
Démétrio  Canevari,  médecin  d'Urbain  VII...  Cependant, 
les  exemplaires  provenant  de  Thomas  Maîoli  sont  encore 
les  plus  recherchés. 

a  Quel  était  ce  Maîoli  ?  où  et  quand  vivait-il  au  juste  ? 
se  demande  M.  Fournier  ;  c'est  ce  qu'on  ne  sait  aucune- 
ment. On  pourrait  affirmer  néanmoins  que  Maîoli  vivait 
de  1510  à  1560.  Il  aimait  les  livres  ;  il  en  avait  d  admi- 
rables ;  cela  suffit. 

a  ...Les  reliures  de  Thomas  sont  la  perfection  de  l'art,  » 
ajoute  notre  écrivain...  Ceux-ci  a  portent  souvent  une 
devise,  tantôt  sous  une  forme,  tantôt  sous  une  autre. 
La  phrase  assez  énigmatique,  mais  d'autant  mieux  dans 
l'esprit  du  temps  :  a  Inimici  mea  Michi  non  me  Michi  », 
en  est  la  forme  la  plus  ordinaire. 

a  Quelquefois,  elle  se  varie  ainsi  :  a  Ingratis  servire 
nephas,  y>  formule  bien  digne  d'un  amateur  éclairé. 

a  Les  livres  de  Maîoli  sont  très  variés  de  décoration  ; 
le  plus  souvent,  l'ingénieux  agencement  des  ornements 
d'un  style  italiano-arabe,  se  détache  en  listels  de  cuir 
blanc,  sur  un  fond  brun  foncé.  Au  milieu,  est  réservé, 

il)  La  reliure  moderne,  Paris,  1887,  in-8,  fig* 


MAIOLI   ET  SA  FABOLLE  227 

en  forme  de  médaillon,  un  grand  compartiment  pour  rece- 
voir le  titre,  tandis  qu'au  bas,  on  lit,  selon  la  formule 
hospitalière  des  nobles  bibliothèques  de  la  Renaissance  : 
«  To.  MaioUet  amicorum  b  devise  que  Grolier,chez  nous, 
rendit  à  jamais  fameuse,  d 

La  Bibliothèque  de  Lyon  n*est  pas  riche  en  reliures 
Maîoli  ;  on  dirait  que  les  jésuites  et  les  oratoriens  qui 
Tout  créée  ;  que  les  ordres  religieux  dont  les  livres  sont 
venus,  en  1792,  augmenter  nos  richesses;  que  les  biblio- 
thécaires mes  prédécesseurs  qui  disposaient  de  leurs  fonds 
sans  contrôle,  n'ont  pas  tenu  à  posséder,  acquérir  ou 
conserver  un  souvenir  de  l'illustre  bibliophile.  Quelques 
volumes  portent  une  imitation,  parfois  très  réussie,  du 
genre  qu'il  avait  adopté  ;  on  peut  penser  que  les  entrelacs, 
les  filets,  les  nœuds  d'entrelacs,  les  plaques  de  certains 
veaux  bruns  ou  fauves  ont  été  inspirés  par  lui,  peut-être 
même  tracés  ou  gaufrés  sous  ses  yeux.  Nous  ne  citerons 
que  les  Œuvres  de  Clément  Marot,  de  Cahors,  vallet 
de  chambre  du  Roy  ;  plus  amples  et  en  meilleur  ordre  que 
parauant.  A  Lyon,  à  l'enseigne  du  Rocher,  1545,  in-12. 

Sur  le  frontispice,  vignette  représentant  un  rocher 
assailli  par  les  vents  et,  autour,  ces  mots  :  Adversis  Cons- 
tantia  durât.  Au  colophon  :  fin.  Imprimé  à  Lyon. 

Genre  Maîoli,  veau  fauve,  admirable  dessin,  listels, 
entrelacs  droits  entourant  un  nœud  d'entrelacs,  avec 
petits  fleurons.  Tranches  dorées,  ciselées. 

Reliure  probablement  exécutée  à  Lyon  et  faisant  hon- 
neur à  notre  ville. 

Mais  pourquoi  ce  long  travail  ? 

Pourquoi  nommer  Maîoli  puisqu'on  ne  sait  absolument 
rien  de  lui  ? 

Pourquoi  m'occuper  de  ce  bibliophile  puisque  la  ville 
ne  possède  rien  des  richesses  qui  ont  fait  sa  réputation  et 
sa  gloire  ? 

Parce  que  mes  études  n'ont  pas  toutes  été  vaines. 


228  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Parce  que  mes  recherches  n'ont  pas  été  complètement 
inutiles. 

Parce  que,  si  je  n'ai  pas  découvert  beaucoup,  j'en  ai 
trouvé  assez  pour  en  être  comblé  de  joie. 

J'ai  arraché  à  la  poussière,  j'ai  mis  au  jour  un  des 
volumes  les  plus  précieux  de  Maïoli.  Si  je  n'ai  pas  levé  le 
voile  qui  couvre  la  personnalité  de  l'éminent  bibliophile, 
j'ai  mis  la  main  sur  sa  famille  et  sur  son  pays.  J'ai  donc 
bien  mérité  des  érudits,  et  de  tous  ceux  qui  étudient  les 
livres  avec  passion.  Quand  on  n'a  rien,  un  commence- 
ment c'est  beaucoup.  A  d'autres  à  faire  plus  et  mieux. 

Un  jour  de  bonheur,  en  ftiretant  sur  les  rayons  oubliés  ; 
en  cherchant  des  reliures  précieuses,  des  le  Gascon,  des 
Duseuil,  des  reliures  à  la  Fanfare  ou  à  VEveniail,  je  tirai  à 
moi,  j'ouvris  et  j'admirai,  tout  tremblant,  tout  palpitant, 
un  volume  simple,  modeste,  sans  ornements,  un  livre  qui, 
au  premier  coup  d'œil,  n'avait  rien  pour  attirer  les  re- 
gards, et  dont  le  catalogue  ne  m'avait  pas  dit  la  valeur  ; 
une  édition,  rare  sans  doute,  belle,  mais  étrangère  à  mes 
recherches  et  à  mes  désirs.  Je  n'en  demeurai  pas  moins 
muet  de  surprise.  La  couverture  portait  le  nom  de  Maïoli. 

Je  cours  à  la  fin.  Au  bas  du  colophon,  je  vois,  je  lis  un 
autographe  connu  :  le  nom  et  la  de\ise  de  Grolier. 

Ce  trésor,  ce  petit  in-4,  sans  apparence ,  avait  eu  l'insigne 
honneur,  l'heureuse  chance,  l'unique,  ou  presque  unique 
bonheur  d'avoir  appartenu  à  nos  deux  plus  célèbres 
bibliophiles,  à  Maïoli  et  à  Grolier . 

Comment  ?  la  bibliothèque  avait  un  Maïoli  ?  un  authen- 
tique, un  vrai  ?  Elle  était  fière  de  posséder  quatre  Grolier 
signés,  mais  elle  n'avait  que  des  imitations  de  son  illustre 
rival.  Un  Maïoli  incontestable  et  incontesté  lui  manquait. 
Lacune  profonde  ! 

Le  vide  était  comblé.  Non  seulement,  j'en  avais  trouvé 
un,  mais  j'avais  découvert  un  cinquième  Grolier. 

Comment  avait-il  échappé  à  mes  prédécesseurs  ? 


MAIOU  ET  SA  FAMILLE  229 

L'un  d'eux,  tout  à  d'autres  travaux,  ne  s'était  jamais 
occupé  de  nos  livres  ;  mais  M.  Monfalcon  passait  pour 
avoir  tout  vu  et  tout  connu.  Servi  par  une  mémoire  spé- 
ciale, d'une  imperturbable  fidélité,  M.  Péricaud  les  avait 
tous  étudiés.  M.  Janon  les  avait  tous  timbrés,  maniés, 
rangés  et  catalQgués.  M.  Delandine  qui,  le  premier,  les 
avait  triés,  en  avait  écrit  l'histoire  ;  MM.  Tabard  et  Brun 
qui,  de  l'an  IV  à  1803,  avaient  esquissé  un  premier  classe- 
ment d'après  les  ordres  clairs  et  précis  du  représentant 
Poullain-Grandprey,  avaient  reçu  et  déballé  les  caisses, 
les  sacs  et  les  paniers  apportés  des  couvents  voisins  et 
empilé,  à  côté  des  livres  des  jésuites  et  des  oratoriens, 
les  ouvrages  saisis  par  la  Nation.  Comment  aucun  de  ces 
Messieurs  n'avait-il  vu  les  noms  éblouissants  que  j'avais 
là,  sous  mes  yeux  ?  Qui  donc  avait  timbré  ce  volume  ? 
Qui  lui  avait  donné  son  numéro  10349  ? 

Dans  tous  les  cas,  il  venait  du  dehors  et  n'avait  jamais 
appartenu  aux  maîtres  du  Collège  de  la  Trinité.  Leur 
marque  ne  s'y  trouvait  pas. 

D'où  venait-il  alors  ? 

Impardonnable  mutisme  du  catalogue  ;  le  répertoire 
qui  devait  no  us  guider,  nous  éclairer,  n'en  disait  rien. 

Revenons  à  ses  premiers  possesseurs. 

Avoir  été  la  propriété  successive  de  ces  deux  honmies 
d'élite  avait  été  une  rare  et  insigne  faveur,  avais-je  dit. 

Ce  n'était  pas  seulement  mon  avis,  c'était  aussi  l'opi- 
nion des  chefs  de  la  science.  Brunet  n'avait  indiqué 
qu'un  seul  volume  dans  cette  condition,  le  sien.  A  la 
Bibliothèque  Nationale,  on  n'en  connaissait  pas  d'autre. 

Brunet,  en  le  signalant  conune  une  rareté,  ne  nous  en 
avait  pas  donné  le  titre. 

M.  Thierry-Poux,  le  savant  et  bienveillant  conservateur 
de  la  Bibliothèque  Nationale,  a  bien  voulu  combler  cette 
lacune. 
Le  livre  cité  dans  le  Manuel  du  libraire  est  : 


230  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

c  I  Sacri  Psalmi  di  David,  trad.  per  Antonio  Brucioni^ 
Venezia,  1534,  in-4,  mar.  vert,  compartiments,  tr.  dorées.  » 

c  Ce  volume,  relié  pour  Maîoli,  porte  son  nom  et  sa 
devise  : 

«  THO.  MAIOLI  ET  AMICORUM. 

c  Inimici  mei  mea  michi,  non  me  michL 

c  II  a  aussi  appartenu  à  Grolier  qui  a  écrit  sur  le  titre  : 

c  Custodit  Dominas  omnes  diligentes  se. 

c  Et  omnes  impios  disperdit. 

c  Et  plus  bas  : 

«  Portio  mea  sit  in  terra  viventium. 

c  Vendu  seulement  1.020  francs,  à  la  vente  Brunet,  le 
jeudi  23  avril  1863.  ]> 

Ce  volume  atteindrait  un  prix  plus  élevé  aujourd'hui 

Ainsi,  comme  Brunet,  M.  Thierry-Poux  ne  connaissait^ 
en  Europe,  qu'un  seul  volume  portant  à  la  fois  les  deux 
noms  glorieux  de  Maîoli  et  de  Grolier.  Ne  me  sera-t-il 
pas  permis  de  m'enorgueillir  d'en  avoir  trouvé  un 
second? 

Voici  la  description  détaillée,  exacte  et  précise  de 
celui  qui  appartient  à  notre  ville.  Que  mes  lecteurs  non 
bibliophiles  me  pardonnent  mon  aridité. 

Premier  plat  de  la  couverture  : 

M.  T.   CICERONIS 

Officia 

Laelivs 

Cato 

Paradoxa 

etc. 


Plus  bas 


Tho.  Maîoli  et 
amicorMU. 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  231 

Second  plat  : 

inimici  mei  mea 

Michi  non  me 

Michi. 


Veau  brun,  trois  filets  très  simples,  dont  deux  gaufrés  ; 
celui  du  milieu  doré;  tranches  dorées,  dos  orné,  sans 
nervures,  petit  in-4 

Frontispice  : 

MARCI    TVLLII 
CICERONIS 

Officia  De  Senectute  &. 

de  Amicitia  Sonmium  Scipionis 

de  Senectute  Etiam  ex  THEODORI 

Paradoxa  GAZAE  uersione 
Somnium  Scipionis 

Omnia  denuo    uigilantiori    cura    recognita , 

Per  Des.  Erasmvm  Rot.  et  CONRA// 

DVM  Godenium,deprehensis  acrestitutis 

aliquot  locis ,  non  cuilibet  obuiis 

Fro  I  i  ben 


ce    2 


Basileae,  in  officina  Frobeniana 
an.  M.  D.  xxviii 


232  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Au-dessous  de  la  seconde  ligne,  le  sceau  du  Collège 
national  :  a  Ex  biblioth.  Pub,  Colleg.  lugdun,  -» 

De  l'autre  côté  du  bâton,  le  sceau  adopté  sous  la 
Restauration  :  les  armes  de  la  ville,  avec  le  lion  armé 
d'une  épée,  et,  en  chef,  les  fleurs  de  lis. 

A  la  page  3,  préface  d'Erasme  : 

«  ERASMUS  RO\\TERODAMUS  ORNATISSIMO\\ 
Jacobo  iuiori  inclytae  ciuitatis  ant  \  \  uerpiensis  Pensiona- 
tio,  S.  D.  » 

Vigilette  coloriée  encadrant  la  page  des  quatre  côtés  et 
composée  de  feuillages  accompagnés,  à  la  plinthe, 
d'enfants  et  d'animaux  sauvages.  Lettre  majuscule  dorée, 
dans  un  encadrement  orné  et  colorié,  avec  portrait. 

A  la  page  7,  fin  de  la  préface  : 

a  Superest,  ut  quBmadmodum  mihi  in  hoc  labore 
uersanti  iuior  semper  ab  oculos  uersabatur,  ita  tïbi  crnn 
haec  leges,  Erasmus  in  mentem  ueniat,  tui  cum  primis  et 
amans  et  studiosus,  Beneuale.  Louanii  (Louvain),  quarto 
Mus  septembres  (sic)  anno  M.D.XIX.  » 

Page  8  :  a  Voces  aliqvot  annotatae  ex  Officiis  M. 
Tullii,  per  Erasmum  Roterodamum  ex  praefatum.  -» 

Page  40  :  a  Bene  uale.  Lutetiae,  quarto  calendas  Maias, 
anno  MCCCCXCVIIL  » 

Après  cette  page  40,  nous  recommençons  une  nouvelle 
pagination. 

Page  1  :  a  MARCI  TVLLII  Ciceronis  officiorvm  liber 
primvs  ad  Marcum  filivm. 

«  Argvmentvm  per  Erasmvm  Roterodamvm.  » 

Grande  capitale  dorée,  dans  un  encadrement  orné  et 
colorié,  représentant  un  combat.  Signature  A. 

Petites  lettres  capitales  ornées  et  coloriées. 

Page  168  :  a  MARCI  TVLLII  Ciceronis  Laelius,  sive  de 
amicitia  dialogus,  ad  T.  Pomponium  Atticum  prae- 
fatio.  D 

Capitale  dorée,  ornée  et  coloriée. 


MÂIOLI  ET  SA  FAMILLE  233 

Page  211  :  «  MARCI  TVLLII  Ciceronis  Cato  Maior,  sen 
de  Senectate,  ad  Titum  Pomponium  Atticum  Praefatio.  » 

Capitale  dorée,  ornée  et  coloriée. 

Page  249  :  «  MARCI  TVLLII  Ciceronis  Paradoxa,  ad 
Marcum  Brvtvm.  » 

Capitale  dorée,  ornée  et  coloriée. 

Page  269:  «  MARCI  TVLLII  Ciceronis  de  Somno  Sci- 
pionis.  Ex  libro  de  Repub,  Sexto,  j> 

Capitale  dorée,  ornée  et  coloriée. 

Page  278  :  a  A  la  fin  :  Marci  Tvllii  Ciceronis,  |  )  de 
somnio  Scipionis  finis,  d 

Page  279  :  «  Erasmvs  Roterodamus.  y> 

Page  en  italique,  expliquant  le  cours  et  l'harmonie  des 
astres. 

La  page  suivante  est  une  planche  gravée,  donnant  le 
nom,  la  position  et  la  marche  des  planètes  autour  de  la 
terre.  Le  mouvement  des  sphères  produit  huit  tons,  et 
non  pas  sept  comme  les  anciens  le  croyaient. 

Page  279  bis  :  «  Markou  Tyllioy  Kikerônos  Romaioy 
Katon  êperigerôs.  )d 

Vignette  coloriée  entourant  la  page.  Capitale  dorée, 
d'un  goût  charmant,  dans  un  encadrement  orné  et 
colorié. 

Le  Caton  ou  de  la  Vieillesse,  par  Marcus  Tullim 
Ciceron, 

Page  324  et  dernière.  Au  colophon  :  a  Basileae  apvd 
joannem    Hervagivm  et  Hieronimvm  Frobenivm.  Anno 

M.  D.  XVIII.  )» 

Et  au-dessous,  de  la  main  et  de  l'écriture  de  Grolier  : 
«  Jo,  Grolier  a  Lugdunén  et  amicorum,  d 

La  page  326,  non  paginée,  porte,  dans  un  cartouche  de 
style  allemand,  la  marqpie  du  libraire  Froben  :  a  Un  bâton 
de  paix,  tenu  par  deux  mains,  surmonté  d'une  colombe, 
symbole  de  l'innocence,  et  entortillé  de  deux  serpents, 
symbole  de  la  prudence,  dont  les  têtes  couronnées  viennent 


234  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

former  encadrement  à  la  colombe.  ]>  —  Delalain.  Inven- 
taire des  marques  dimprimears  et  de  libraires.  Paris, 
4888,  in-4. 

Caractères  corps  12,  ouverts,  vingt-sept  lignes  à  la 
page,  outre  le  titre  courant,  imprimé  en  petites  capitales  ; 
quarante-cinq  lettres  à  la  ligne  ;  notes  marginales  en  ita- 
liq[ues  ;  les  titres  de  chapitre  en  majuscules  dorées. 

De  la  page  31  à  la  page  229,  on  lit,  en  marge,  vingt 
notes  manuscrites,  peut-être  de  la  main  de  Maïoli,  peut- 
être  de  celle  de  Grolier.  L'écriture  calme  et  posée  de  ces 
notes  ressemble  énormément  à  celle  du  trésorier  général. 

Mais,  ce  précieux  volume  entre  mes  mains,  j'étais  fort 
embarrassé  pour  comprendre  ou  deviner  le  sens  de  la 
devise  de  Maïoli  :  a  Inimici  mei  mea  Michi,  non  me  Michi.  » 

Devise  aussi  obscure  que  possible  et  telles  que  les 
aimaient  les  dames  et  les  seigneurs  du  Moyen- Age.  Les 
plus  connus  et  les  plus  simples  :  F.  e.  r.  t;  Rien  ne  m* est 
plus,  plus  ne  m* est  rien  ;  Fortune^  infortune,  fort  une  ne 
semblent-elles  pas  calquées  sur  le  modèle  des  casse-têtes 
chinois,  rois  du  genre  ? 

Eh  bien  I  mon  embarras  n'a  pas  été  de  longue  durée. 

Que  faire,  en  effet,  en  présence  du  sphinx  quand  on 
n'est  pas  Œdipe  ? 

Ma  voie  était  tracée  ;  j'ai  avoué  mon  ignorance  et  j'ai 
appelé  les  savants  à  mon  secours. 

Je  consultai  aussitôt  les  lecteurs  de  la  bibliothèque  ;  le 
journal  si  utile  et  si  bienveillant  :  L Intermédiaire  des 
savants  et  des  curieux  et,  en  premier  lieu,  mon  illustre 
collègue  de  la  Bibliothèque  Nationale,  qui,  bien  vite,  me 
répondit  : 

c  Mon  cher  Collègue, 

c  On  ne  sait  absolument  rien  de  la  vie  de  Thomas  Maïoli. 
Son  nom  serait  complètement  inconnu  sans  les  somptueux 
témoignages  qui  nous  restent  de  son  amour  des  livres. 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  235 

a  Pour  ce  qui  est  de  sa  devise,  on  peut  l'interpréter 
ainsi  :  c  Mes  ennemis  peuvent  atteindre  mes  biens,  mais 
ils  ne  peuvent  pas  m'atteindre  moi-même.  » 
*  «  Veuillez  croire.... 

a  Signé  :  Thierry,  d 

Cette  explication  était  claire,  plausible  et  je  pensais  pou- 
voir m'y  tenir  ;  mais  d'autres  arrivèrent  successivement. 
U Intermédiaire  m'apporta  les  suivantes  : 

c  On  pourrait  lire  :  inimici  mei  mea  sunt,  mihi  resy  non 
me  rébus  subjungo  mihi. 

a  Ou  bien,  voyez  Horace,  Epist  1, 1, 19  :  Bf  mihi  reSy 
non  me  rébus  subjugere  conor. 

c  Je  m'efforce  de  me  soumettre  les  choses,  et  non  de 
leur  être  soumis. 

a  Inimici  mei  agunt  mihi  (pro  me)  ;  pingant  non  me 
mihi. 

«  Voyez  Sénèque,  dialogue  I,  3,  2,  «  Pro  ipsis  esse  qui- 
bus  eoeniunt  ista,  qaae  horremus  ac  treminus. 

«  H.  H.  » 

Tout  cela  est  profondément  subtil. 
Autre  avis  : 

«  Selon  moi,  ces  mots  semblent  vouloir  dire  : 
c  Ce  sont  mes  ennemis  qui  sont  mes  vrais  amis  et  non 
pas  mes  amis.  "b. 

Encore  plus  subtil. 

Plus  tard,  V Intermédiaire  ajouta  : 

c  II  me  semble  que,  dans  la  devise  de  Maïoli,  il  y  a  un 
verbe  sous  entendu  et  que  ce  verbe  doit  avoir  le  sens 
d'enlever  :  Rapuerunt.  Par  exemple  :  Inimici  mei  michi 


336  BmXETIN  DU    BIBUOPHILE 

(pour  mihi,  forme  usitée  au  Moyen- Age,)  non  me  michi, 
\eut  dire  :  Mes  ennemis  m'ont  enlevé  mes  biens,  mais 
ils  n'ont  pu  me  ravir  à  moi-même* 

a  Au  fond,  c'est  la  paraphrase  du  fameux  mot  de  Médée  : 
«  Que  vous  reste-t-il  ?  —  Moi.  » 

fl 

Signé  :  Dicostès. 

•  Enfin,  je  reçus  la  version  suivante  : 

«  (Possant)  inimici  mei  mea  mihi  (eriperej,  non  me  mihi. 
'  a  Que  mes  ennemis  m'enlèvent  ce  qui  est  à  moi  ;  il 
me  restera  toujours  moi.  » 

Signé  :  Dupùis,  professeur  au  lycée  de  Montélimar. 

On  voit  s'il  était  facile  de  répondre  à  ma  question. 

Conclusion  :  je  crois  qu'on  peut  s'en  tenir  à  la  défi- 
nition de  mon  habile  collègue  de  la  Bibliothèque  Natio- 
nale. 

Mais  ce  n'est  pas  la  découverte  seule  du  précieux  volume 
qui,  pendant  de  longs  mois,  m'a  si  profondément  troublé. 

Ce  n'est  pas  la  traduction  de  la  devise  de  Maîoli  qui  m'a 
jeté  dans  un  si  vif  émoi. 

Tout  cela  rentrait  dans  la  limite  des  recherches  ordi- 
naires et  des  découvertes  communes. 

J'avais  porté  bien  plus  haut  mon  ambition. 

Ce  qui  m'avait  ravi,  c'est  la  croyance  bien  formulée 
que  j'avais  deviné  le  véritable  nom  de  Maîoli ,  et  (jue 
j'étais  sur  la  trace  du  mystère  qui  enveloppe  cet  illustre 
inconnu.  Le  nom  admis,  on  connaissait  naturellement  la 
famille,  les  origines,  le  pays,  tout  ce  qui  avait  échappé 
à  la  sagacité  des  plus  tenaces  érudits* 
.  Était-il  possible  qpie  j'eusse  trouvé  le  mot  d'un  secret  si 
bien  gardé  ? 

Partant  de  ce  principe,  qu'au  xvi«  siècle,  les  auteurs, 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  237 

par  modestie,  mode  ou  caprice,  avaient  la  coutume  de  tra- 
vestir leur  nom,  de  le  latiniser,  de  le  gréciser,  j'avais 
commencé  par  me  demander  si  le  bibliophile  nous  avait 
bien  donné  le  sien? 

Aertel,  le  géographe,  se  faisait  appeler  Ortelius  ;  Van 
den  Steen,  le  jésuite,  Cornélius  a  Lapide,  ou  Corneille  de 
la  Pierre  ;  Philippe  de  Cavaillon,  Philippus  Cabassalus. 

Wolf  était  Loup  ;  Kaiser  était  César  ;  Lévêque  était 
Bischof. 

La  Biographie  universelle  cite  un  certain  Gilbert  Ca- 
gnati  qui  était  né,  d'après  elle,  à  Nocera,  ville  du  royaume 
de  Naples  et  lui  attribue  un  ouvrage  :  De  Hortorum  lau- 
dibus.  Bâle,  1546. 

L'écrivain  était  allé  chercher  fort  loin  ce  qu'il  avait 
sous  la  main. 

L'ouvrage  De  Hortorum  laudibus  est  tout  simplement 
d'un  Franc-comtois,  Gilbert  Cousin,  de  Nozeroy,  arron- 
dissement de  Poligny. 

Cousin  avait  été  secrétaire  d'Érasme. 

Séduit  par  la  mode  du  jour,  il  avait  traduit  Cousin  par 
Cagnati,  ou  Cognati,  de  Cognatus,  Cousin,  parent.  C'était 
de  l'italien  ou  du  latin  approximatif.  Il  n'en  avait  pas 
Callu  davantage  pour  dérouter  tous  les  biographes  de 
notre  temps. 

Incité  par  ces  exemples,  j'ai  aussitôt  traduit  Maïoli  par 
Mayol,  nom  d'une  vieille  famille  provençale,  établie, 
depuis  le  xv«  siècle,  dans  le  Vivarais  et  le  Forez. 

Puis,  j'ai  cherché  de  ce  côté. 

Il  paraît  que  j'étais  sur  la  bonne  voie,  et  chaque  pas 
m'a  confirmé  dans  ma  croyance. 

Après  avoir  tenu  un  rang  élevé  en  Provence,  où  ils 
étaient  connus  et  puissants  depuis  une  très  haute  anti- 
quité, les  Mayol  se  sont  trouvés  mêlés  à  tous  les  événe- 
ments de  nos  pays,  ont  occupé  de  hauts  emplois  et  ont 
jeté  des  rameaux  en  Espagne  et  en  Italie. 


238  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Au  XVIII®  siècle,  ceux  de  Bourg-Argental  ont  ajouté  à 
leur  nom  le  titre  de  comtes  de  Lupé. 

Cette  maison  produit,  parmi  ses  plus  brillantes  illus- 
trations, saint  Mayol,  quatrième  abbé  de  Cluny,  homme 
de  haute  intelligence  qui  fiit  en  relation  avec  tous  les 
princes  de  son  temps. 

Ce  célèbre  abbé,  fils  de  Foucher,  un  des  plus  grands 
seigneurs  de  la  Provence,  était  né  en  906,  à  Avignon. 
Il  avait  fait  ses  études  à  Lyon.  Il  gouverna  Cluny,  de 
954  à  991,  avec  énergie,  sagesse,  prudence,  agrandit  son 
abbaye  dont  il  étendit  la  puissance  et  fit  de  profondes  et 
radicales  réformes  dans  les  prieurés  de  sa  dépendance  qui 
se  relâchaient.  II  mourut  le  11  mai  994,  après  avoir  choisi 
et  fait  élire  à  sa  place,  quatre  ans  auparavant,  Odilon 
qui  était  digne  de  le  remplacer. 

L'abbé  Mayol  est  une  des  grandes  figures  de  l'ordre  de 
Cluny. 

On  retrouve  dans  les  chartes  du  xi®  siècle,  au  cartu- 
laire  de  Saint- Victor,  de  Marseille,  années  1036,  1056, 
1074,  1075,  Archambault  et  Pierre  Mayol  ;  en  1276,  Guil- 
laume Mayol,  qualifié  Miles,  chevalier.  Bérenger  Mayol 
fiit  amiral  de  Pierre  II,  en  1285. 

Pierre  Mayol  était  possessionné,  en  1347,  à  Malleval, 
en  Forez.  C'est  le  premier  personnage  connu  de  cette 
famille  dans  nos  pays.  Depuis  lors,  ils  sont  nôtres,  de  la 
façon  la  plus  intime. 

Joachim  de  Mayol,  prieur  et  seigneur  de  Vindelle,  fiit 
un  personnage  important,  II  était  né,  au  commencement 
du  XVII®  siècle,  à  Bourg-Argental,  ou,  suivant  une  autre 
version,  à  Annonay,  pays  de  sa  mère.  Il  vivait  en  1659  ; 
son  père  était  Guillaume  de  Mayol,  seigneur  de  Logilière, 
maître  des  requêtes  d'Anne  d'Autriche;  sa  mère  était 
Marie  de  Carron,  d'une  vieille  famille  alliée  aux  Cler- 
mont. 

Un  neveu  du.  prieur  Joachim,  Charles  de  Mayol,  fils. 


MAIOLI  ET  SA  FAMILLE  239 

de  noble  Joseph  de  Mayol,  président,  lieutenant  général 
à  Bourg-Argental,  fut  prieur  de  Notre-Dame  de  Bonlieu 
et  chanoine  régulier  de  Saint- Augustin,  au  diocèse  de 
Rouen.  Sa  mère  était  Marthe  de  Cusson  de  Saint-Ignace, 
d'une  famille  du  Velay,  qui  a  donné  un  vice-amiral, 
gouverneur  du  Hâvre-de-Grâce. 

Au  XVII®  siècle,  un  Mayol  fut  lieutenant  au  siège  de 
Bourg-Argental  ;  un  autre,  en  1710,  fut  président  des  Tré- 
soriers de  France,  à  Lyon. 

C'est  à  cette  ancienne  lignée  que  j'avais  demandé  mon 
Thomas  Maïoli  et  je  l'y  ai  bien  découvert,  mais  non  dans 
la  branche  du  Forez,  comme  je  l'espérais. 

Leur  nom  n'a  presque  pas  été  défiguré;  les  Mayol 
avaient  italianisé  leur  nom  en  se  dépaysant. 

J'étais  bien  toujours  dans  le  vrai. 

Les  Mayola  et  les  Maïoli  sortent,  en  effet,  des  Mayol  de 
la  Provence  ;  le  fait,  d'après  leurs  archives,  est  authen* 
tique,  est  certain. 

Ils  s'établirent  en  Italie,  vers  le  x«  siècle,  quand 
ils  furent  dépossédés  par  des  événements  majeurs,  dans 
leur  patrie,  de  leurs  titres,  de  leur  fortune  et  de  leur  sou- 
veraineté. On  en  retrouve  des  branches  à  Parme,  à 
Ferrare  et  surtout  dans  la  petite  ville  d'Asti,  en  Piémont. 

La  plupart,  un  très  grand  nombre  du  moins,  a  porté 
le  prénom  de  Thomas,  comme  les  Montmorency,  celui 
de  Mathieu. 

C'est  dans  la  ville  d'Asti  qu'est  né,  vers  1430,  l'illustre 
philologue  Laurentius  Maïolus,  Lorenzo  Mayola,  dit  aussi 
Maggioli,  comme  écrivaient  les  Vénitiens  qui  pronon- 
çaient Mazzioli,  suivant  leur  douce  et  harmonieuse  pro- 
nonciation. 

Lorenzo  mourut  en  1501.  Il  avait  été  l'ami  de  Pic  de 
la  Mirandole,  et  de  plusieurs  grands  personnages  de 
l'époque.  Il  avait  été  en  relation  avec  des  princes  et  des 
souverains.  Il  avait  habité  Gênes,  après  avoir  enseigné  à 


240  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Padoue,  à  Pavie  et  à  Ferrare,  où  il  avait  été  appelé, 
peut-être,  par  les  membres  de  sa  famille.  C'est,  du  moins, 
par  une  singulière  coïncidence  que,  jeune  homme,  il  ait 
paru  précisément  dans  les  villes  italiennes  où  se  trou- 
vaient des  Maîoli  (1  ). 

C'est  dans  la  même  ville  d'Asti  qu'était  né,  vers  1520, 
Simon  Maïolo,  évêque  de  Valtour  (Volturara),  l'habile 
compilateur,  mort  vers  1598  (2). 

J'ai  la  certitude  que  Thomas,  connu  comme  bibliophile 
hors  ligne,  de  1500  à  1550,  était  un  proche  parent  de  ces 
deux  illustres  érudits,  et  que  lui  aussi  était  originaire 
d'Asti  ;  naissance  à  établir  vers  1480. 

On  me  permettra  d'en  émettre  la  profonde  conviction. 

Mes  recherches  poussées  aussi  loin  que  possible,  mon 
thème  fait,  plein  d'espoir  et  d'ardeur,  je  m'en  ouvris  à 
M.  le  comte  de  Mayol  de  Lupé,  le  chef  actuel  de  cette 
haute  maison  qui,  avec  une  grâce  charmante  et  une  bien- 
veillance extrême,  se  mit  aussitôt  à  fouiller  ses  notes  et 
à  compulser  ses  archives,  à  mon  intention. 

Les  branches  d'Espagne  ne  pouvaient  nous  être  d'aucune 
utilité  ;  mais  l'Italie  vint  confirmer  mes  convictions. 

Dès  le  xi^  siècle,  les  Mayol  de  la  Péninsule,  après 
avoir  porté  le  nom  de  Majol  et  Majola,  s'étaient  scindés. 
Une  partie  avait  adopté  le  surnom  de  Sacrati,  sous  lequel 
ils  furent  désormais  connus  ;  l'autre  s'était  fait  appeler 
Maîoli  et  Majola. 

Le  prénom  des  Majola  et  des  Sacrati  fut  très  souvent 
Thomas  ;  ce  qui  prouve  que  nous  étions  bien  sur  la  trace 
que  nous  cherchions.  Ils  étaient  bibliophiles,  érudits, 
intelligents.  C'était  dans  la  race  et  le  sang. 

Enfin,  nous  voyons  que  le  marquis  Thomas  Mayola- 
Sacrati,  père  du  cardinal  François,  créa,  en  1622,  un 


(1)  On  lui  doit  :  De  Gradibus  medicinarum.  Veneliis  (Aide)  1497,  in-4. 

(2)  Auteur  des  Jours  caniculaires,  éditions  de  1609,1612, 1613, 1614, 1C17,1C42. 


MAIOU  ET  SA  FAMILLE  241 

prieuré,  à  Saint-Maximin,  en  Provence,  preuve  nouvelle 
et  irrécusable  que  tous  ces  Sacrati,  Majola,  Maïolo, 
Maïolus,  Maïoli,  Mayol,  ne  font  qu'une  seule  et  même 
lignée,  une  seule  et  unique  maison  :  les  Mayol  dans  le 
Vivarais,  les  Mayola  et  les  Sacrati  à  Parme  et  à  Ferrare, 
les  Maïoli  dans  le  Piémont. 

Aux  généalogistes,  maintenant,  à  découvrir  Thomas, 
notre  célèbre  amateur,  au  milieu  de  cette  famille^  la 
sienne,  habitant  Asti. 

On  ne  savait  où  le  prendre  autrefois,  où  le  rencontrer  ; 
on  ne  savait  rien  de  lui,  tout  le  monde  l'a  dit.  Si  je  n'ai 
pas  posé  une  main  triomphante  sur  son  illustre  person- 
nalité, si  je  n'ai  pas  ses  titres  et  son  acte  de  naissance 
paraphé  par  l'autorité  ;  si  je  n'ai  pu  l'arracher  complète- 
ment lui-même  à  son  obscurité  et  l'oflFrir  à  la  foule  en 
disant  :  a  Le  voilà  !  »  j'ai  du  moins  le  bonheur  de  pouvoir 
annoncer  aux  amateurs,  aux  bibliophiles  et  aux  curieux  : 
«  Voici  son  lieu  de  naissance,  voici  où  il  a  vécu,  voici 
son  nom  d'origine,  le  nom  nouveau  de  sa  parenté,  toutes 
choses  qui  nous  permettront  de  le  rencontrer  lui-même, 
dans  sa  maison,  dans  son  cabinet  de  travail,  au  milieu  de 
ses  livres,  de  ses  parents  et  de  ses  amis.  » 

C'est  tout  ce  que  M.  le  comte  de  Lupé  a  pu  me  révéler  ; 
mais  il  y  en  a  bien  assez  pour  que  ma  reconnaissance  ne 
s'éteigne  jamais. 

L'autre  découverte,  qui  m'appartient  à  moi  seul  et  en 
propre,  c'est  que  la  Bibliothèque  de  la  ville  de  Lyon  pos- 
sède un  volume  que  tous  les  bibliophiles,  individus,  villes 
ou  gouvernements  pourraient  lui  envier  ;  livre  que  nul 
n'avait  signalé,  qui  n'était  connu  de  personne  et  qui, 
cependant,  avait  eu  le  mérite  immense  et  presque  unique 
d'avoir  jadis  appartenu  à  Maïoli  et  à  Grolier. 

Aimé    ViNGTRINIER. 

891  16 


UNE  FEMME  BIBLIOMANE 


Mademoiselle    d'Yve 


Il  sagit  ici  d*un  phénomène  sans  exemple  dans  les  an- 
nales de  la  bibliophilie  :  une  femme  qui  avait  la  passion 
des  in-fol.  et  des  impressions  du  xv®  siècle  ;  une  femme 
qui  possédait  deux  Bibles  polyglottes,  les  productions 
primitives  de  la  typographie  Mayençaise,  la  collection 
des  grands  et  petits  voyages  des  frères  de  Bry,  le  recueil 
des  historiens  des  Gaules  et  une  foule  d'autres  ouvrages, 
tous  importants  et  d'une  haute  valeur.  Nous  ne  croyons 
pas  qu'il  y  ait  jamais  dans  l'avenir  une  collection  sem- 
blable formée  par  de  semblables  mains. 

M.  Quentin-Bauchart  dans  son  très  remarquable  tra- 
vail sur  les  femmes  bibliophiles  n'a  point  parlé  des  étran- 
gères qui  sont  d'ailleurs  en  bien  petit  nombre  ;  mais  s'il 
était  entré  dans  son  plan  d'en  faire  mention,  W^^  d'Yve 
eût  été  l'objet  d'une  notice  tout  à  fait  exceptionnelle. 

Nous  manquons  de  détails  sur  la  vie  de  cette  biblio- 
mane  ;  nous  savons  seulement  qu'elle  appartenait  à  une 
famille  noble  de  la  Belgique  (elle  portait  le  titre  de  com- 
tesse) ;  elle  se  trouva,  dans  un  âge  peu  avancé,  maîtresse 
d'une  fortune  considérable  dont  elle  employa  les  revenus 
à  satisfaire  une  passion  non  moins  vive  que  celle  qui 
anima  le  comte  d'Hoym,  le  duc  de  La  Vallière,  le  comte 
de  Mac-Carthy  et  bien  d'autres  bibliophiles  célèbres. 


UNE  FEMME  BIBLIOMANE  243 

Elle  avait  réuni  plus  de  25,000  volumes  en  tous  genres; 
après  sa  mort  survenue  en  1817,  ils  furent  livrés  aux 
enchères. 

Le  catalogue  forme  deux  volumes  în-8,  imprimés  à 
Bruxelles,  1819  et  1820,  et  rédigés  par  Gaudefiroy,  ancien 
libraire  à  Paris  ;  le  premier  volume,  19  et  338  pages^ 
s'arrête  au  numéro  2,915  ;  le  second  volume,  bien  plus 
épais,  compte  95  et  561  pages,  il  va  du  numéro  2,916  à 
6,821  ;  il  est  entièrement  consacré  aux  sciences  histo- 
riques ;  elles  étaient  Tobjet  de  prédilection  des  études  de 
M»'«  dTve. 

En  ouvrant  le  catalogue  dès  son  début,  nous  y  trou- 
vons deux  grands  ouvrages  qui  figurent  bien  rarement 
dans  des  collections  particulières,  nous  y  rencontrons  : 
la  Polyglotte  imprimée  par  Plantin,  Anvers  1569,  8  vol. 
in-fol.  et  celle  de  Londres  1657,  6  vol.  in-fol.,  avec  le 
dictionnaire  de  Castell,  2  vol.  in-fol.  Nous  y  découvrons 
ensuite  quelques-unes  des  productions  de  l'imprimerie  à 
son  berceau  :  la  Bible  de  Mayence,  sans  date  vers  1455, 
dans  sa  première  reliure,  imprimée  par  Gutenberg;  la 
première  édition  de  la  Bible  avec  date  1462,  imprimée 
également  à  Mayence  par  Furst  et  Schœffer  ;  l'exem- 
plaire de  Crevenna,  payé,  à  la  vente  de  ce  bibliophile, 
en  1790,  1460  florins,  chiffire  élevé  pour  l'époque, 
exemplaire  très  bien  conservé  dans  sa  reliure  originale 
en  bois. 

Les  numéros  101  jusqu'à  111,  présentent  une  forte 
collection  de  manuscrits,  sur  vélin,  d'Heures  et  Prcce^picp. 
Mentionnons  encorele  Commentaire  de  saint  Jean  Chrisos- 
tome  sur  le  psaume  L,  imprimé  par  Ulric  Zell,  de 
Hanau,  en  1466.  Et  les  Epistolès  de  saint  Cyprien,  impri- 
mées à  Venise,  1471,  par  Vindelin  de  Spire,  exemplaire 
du  duc  de  La  Vallière. 

Dans  la  section  de  la  Jurisprudence,  on  trouve  la 
Bulle  du  Pape  Pie  II,  contra  Tarchos,  sortie  des  presses 


î244  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

de  Schœffer  à  Mayence,  1460.  Mentionnons  aussi  un  bel 
exemplaire  en  reliure  uniforme  du  corps  universel  diplo- 
matique du  Droit  des  gens,  par  Jean  Dumont  (Amster- 
dam, 1726)  avec  le  supplément,  23  volumes  in-fol.  Nous 
passons  sous  silence  un  assez  grand  nombre  de  manus- 
crits importants  relatifs  au  droit  cononique  et  au  droit 
civil  de  la  Belgique. 

Passons  aux  Sciences  et  aux  Arts.  Sans  nous  arrêter  au 
bel  exemplaire  de  Buffon,  avec  les  suites,  39  volumes  in-4, 
citons  le  volumineux  travail  bien  peu  feuilleté  de  nos 
jours,  d*Aldrovande  :  Histoire  naturelle  (1599,  Bologne), 
13  vol.  in-fol.  ;  Historia  naturalis  de  la  Caroline,  par 
Catesby,  2  vol.  in-fol.  (Londini,  1731)  ;  les  Glanures  avec 
les  Oiseaux  dEwards  (Londres,  1758)  ;  3  vol.  in-4,  exem- 
plaire de  Buffon,  provenant  de  la  vente  Mirabeau,  lequel 
avait  acheté  en  bloc  la  bibliothèque  de  Tillustre  natura- 
liste ;  Y  Entomologie,  d'Olivier  (1789),  6  vol.  in-4,  figures 
coloriées  ;  Les  Papillons  d'Europe,  par  Ernst,  8  vol.  in-4, 
Paris  1779. 

Voici  pour  la  Botanique  :  Les  Plantes,  de  Miller  ; 
r Herbier  de  la  France,  par  Bulliard,  10  vol,  in-fol.  (1764, 
Paris.  ) 

La  section  relative  aux  Beaux- Arts,  présente  un  choix 
fort  intéressant  d'ouvrages  très  dignes  d'attention  et  qui 
font  honneur  au  goût  de  M^^^  d'Yve.  Nous  citerons  entre 
autres  :  La  Galerie  du  Luxembourg,  par  Rubens  (1710)  ; 
Le  grand  cabinet  des  tableaux  de  Varchiduc  Léopold 
Guillaume  (Amsterdam,  1755)  ;  Admiranda  Raphaelis 
Urbinatis  monumenta  à  Jacque  Rubeis  incisa  Roma  ;  le 
Cabinet  des  plus  beaux  portraits  faits  par  Van-Dgck  ; 
Recueil  de  sculpture  antique,  grecque  et  romaine,  par 
Van-Daclen  (1734).  Nous  laissons  de  côlé  divers  recueils 
factices  d'estampes  de  choix. 

La  partie  des  Belles-Lettres  est  loin  d'être  aussi  com- 
plète qu'on  aurait  eu  le  droit  de  l'attendre.  Les  romans 


UNE  FEBfME  BIBUOlfANE  245 

et  les  pièces  de  théâtre  qui  formaient,  on  peut  le  dire, 
le  fonds  des  collections  de  la  comtesse  de  Verrue  et  de 
la  marquise  de  Pompadour,  sont  en  petit  nombre  chez 
Mlle  dTve,  dont  l'esprit  sévère  écartait  les  lectures  fri- 
voles. On  peut  cependant  relever  quelques  articles  d'une 
véritable  importance  :  d'abord  le  Glossaire  de  Ducange, 
avec  le  supplément,  10  vol.  in-folio  ;  citons  ensuite  le 
Roman  de  la  Rose,  manuscrit  sur  vélin  du  xiv«  siècle, 
orné  de  miniatures  ;  Le  Pèlerinage  de  Vhomme,  par  Guil. 
de  Guileville  (Paris,  Vérard,  le  4®  jour  d'avril  1541); 
Le  Livre  de  Mathéolus  (Lyon,  AmouUet,  sans  date; 
YEstrif  de  fortune,  par  Martin  Franc  (Paris,  Michel 
Le  Noir,  1519)  ;  Le  Séjour  d'Honneur,  par  Octavien  de 
Saint-Gelais  (Paris,  Vérard,  sans  date)  ;  Les  Loups  Ravis- 
sants, par  Robert  Gobin  (Paris,  Antoine  Vérard,  sans 
date)  ;  les  figures  de  V Apocalypse  de  Saint-Jean  (Paris, 
1547),  et  plusieurs  autres  ouvrages  importants  qu'il 
serait  trop  long  de  signaler. 

Molière  n'est  représenté  que  par  l'édition  de  1734,  6  vol. 
in-4.  Un  roman  de  chevalerie  se  présente  à  nos  yeux  ; 
c'est  Meurvin,  fds  dOgier  le  Danois  (Paris,  sans  date), 
in-4  ;  dans  la  classe  des  contes  l'édition  italienne  du 
Decaméron,  publié  par  les  Elzevir,  1665. 

Un  livre  des  plus  curieux  pour  l'ancienne  littérature 
française  se  trouvait  dans  la  bibliothèque  de  M"«  dTve  : 
Œuvre  essentielle  nouvelle  contenant  plusieurs  matières 
et  premier  Lan  des  Sept  Dames  (Anvers,  1503)  ;  le  Ma- 
nuel du  libraire,  tome  6®,  colonne  550  donne  une  des- 
cription détaillée  de  ce  volume  dont  on  ne  connaît  qu'un 
seul  exemplaire.  Après  avoir  appartenu  à  la  bibliothèque 
Sainte- Geneviève,  il  passa  on  ne  sait  comment  chez  le 
duc  de  La  Vallière  ;  réintégré  dans  son  premier  domi- 
cile il  en  sortit  clandestinement  une  seconde  fois  et  entra 
dans  la  collection  de  M"®  d'Yve;  à  la  vente  faite  en  1819, 
il  fut  acquis  par  M.  de  Soleine,  au  prix  très  modique  de 


S46  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

350  fr.  (Voir  de  longs  détails  au  catalogue  de  cet  ama- 
teur, 1843,  numéro  105.) 

Il  revint  de  nouveau  à  la  bibliothèque  dont  il  avait  si 
singulièrement  disparu;  espérons  que  cette  fois  on  n'aura 
plus  lieu  de  constater  son  absence  et  ajoutons  qu'Aimé 
Martin  a  consacré  une  notice  à  ce  livre  si  curieux  dans 
le  Bulletin  du  Bibliophile  (1845,  page  470). 

Arrivons  à  l'Histoire,  c'est  la  partie  la  plus  intéressante 
du  catalogue  que  nous  parcourons  :  d'abord  un  exem- 
plaire à  peu  près  complet  de  la  très  pricieuse  collection 
des  Grands  et  petits  Voyages,  publiés  à  Francfort,  par  les 
frères  Debry.  Notons  une  réunion  intéressante  de  Voyages 
en  divers  pays,  notamment  aux  terres  australes.  N'ou- 
blions pas  le  Voyage  pittoresque  à  Naples,  par  l'abbé  de 
Saint-Non;  la  Description  générale  de  la  France,  par 
Laborde,  8  vol.  in-folio,  et  le  Voyage  pittoresque  en  Grèce, 
par  Choiseul-Gouffier ,  in-folio.  Les  Pérégrinations  de 
Jérusalem,  par  le  frèreNicole  le  Huen  (Lyon,  1585),  in-folio^ 
manquent  aux  plus  riches  collections  en  ce  genre  ;  nous 
sommes  heureux  de  les  trouver  ici.  Plus  loin  se  présentent 
diverses  chroniques  fort  anciennes.  La  grande  publica- 
tion illustrée  par  l'infatigable  B.  Picart,  10  volumes 
in-fol..  Cérémonies  et  coutumes  Religieuses,  mérite  d'être 
signalé. 

Mentionnons  le  Recueil  de  tous  les  costumes  des  ordres 
monastiques,  par  J.  Ch.  Bar  (Paris,  1778)  ;  10  vol.  in-fol. 
et  surtout  n'oublions  pas  la  volumineuse  collection  des 
Acta  sa/ic/oram,  recueillis  par  les  bollandistes;  W^^  d'Yve 
en  possédait  ceux  qui  avaient  paru  jusqu'alors,  52  vol. 
in-folio,  et  Ton  peut  affirmer  que  c'est  la  seule  fois  que  ce 
recueil  a  figuré  dans  la  bibliothèque  d'une  femme. 
L'Histoire  de  France  est  représentée  par  un  grand  nom- 
bre d'ouvrages,  parmi  lesquels  il  s'en  trouve  de  très 
dignes  d'attention  :  Les  Grandes  chroniques  de  France, 
appelées  Chroniques  de  Saint-Denis,  Paris  (Vérard,  1493)  ; 


UNE  FEMME  BIBUOMANE  247 

3  vol.  in-folio;  Le  Rosier  historial  de  France  (Paris,  1522), 
Regnault,  in-fol.  ;  V Histoire  de  France,  par  Mezeray  (1685) , 
3vol.  in-folio;  Le  Recueil  des  historiens  des  Gaules,  par 
les  Bénédictins  (1738-86),  13  vol.  in-fol,;  Chronique  de 
Froissard  (1559),  4  vol.  in-fol.;  autre  édition  (1574),  4  vol. 
in-fol.;  les  Chroniques,  par  Monstrelet  (1518),  3  volumes 
in-folio;  autre  édition  (1572);  Histoire  de  saint  Louis^  par 
Joinville  (1668),  in-fol.;  Gazette  Nationale,  ou  le  Moniteur 
Universel  (1793  à  1813),  24  vol.  in-fol.;  le  Cérémonial 
français,  par  Godefroy  (1649)  ;  2  vol.  in-fol.;  Le  Sacre  de 
Louis  XVI  (1775),  in-4;  Y  Histoire  de  Paris,  par  Félibien, 
5  vol.  in-folio. 

L'Histoire  de  la  Belgique,  numéros  4,527  à  5,439,  offre 
une  réunion  très  complète  d'ouvrages  spéciaux  souvent 
rares  et  précieux,  et  de  manuscrits  importants  ;  nous  ne 
nous  y  arrêterons  pas,  non  plus  qu'à  une  collection  con- 
sidérable de  grands  ouvrages  sur  Fart  héraldique  et  de 
nombreuses  généalogies.  Nous  distinguons  à  la  section  de 
l'Archéologie  la  grande  publication  da  Oltav.  Ant.  Ba- 
yardi  sur  les  antiquités  d'Herculanum  (1757-92),  9  vol. 
in-fol.;  Descriptions  des  pierres  gravées  du  cabinet  du 
duc  dOrléans  (1780),  2  vol.  in-fol.  N'oublions  pas  les 
Mémoires  de  l Académie  des  Belles-Lettres  (1701-1793)  ; 
50  vol.  in-4,  ni  les  Annales  typographici,  de  Maittaire, 
5  vol.  in-4,  la  Bibliographie  instructive,  deDebure,  7  vol. 
Parmi  divers  ouvrages  signalés  dans  un  appendice  au 
second  vol.  on  remarquera  :  Les  Simulachres  et  historiés 
faces  de  la  mort,  par  Holbein(Lyon,  1538).  Les  diverses  fan- 
taisies des  hommes  et  des  femmes,  composées  par  Mèresotte 
(P.  Gringore.  Paris,  1538);  deux  exemplaires,  dont  l'un 
imconiplet,  de  la  Politique  dAristote,  traduite  par  Nico- 
las Auresme  (Paris,  Vérard,  1489),  in-fol.;  l'édition  origi- 
nale du  Liber  conformitatum  (1481)  ;  ouvrage  resté  cé- 
lèbre à  cause  des  absurdités  qu'il  contient  au  sujet  de 
saint  François  ;  la  traduction  espagnole  de  Salluste,  im- 


248  BU1XETIN  DU  BIBUOPHILE 

primée  par  Ibarra,  est  le  chef  d'œuvre  de  la  typographie 
Castillane  ;  enfin  un  superbe  exemplaire  des  ouvrages 
achéologiques  de  Monfaucon,  20  vol.  in-foL,  grand  papier 
maroquin  bleu. 

Mlle  dTve,  dont  le  nom  est  inconnu  en  France,  mérite, 
on  le  voit,  d'être  placée  parmi  les  bibliomanes  les  plus 
célèbres;  elle  occupe  une  place  unique  en  son  genre  ;  elle 
avait  entrepris  une  œuvre  sans  modèle  avant  elle  et  qui 
ne  se  reproduina  sans  doute  pas.  Rencontrera-t-on  jamais 
une  autre  femme  formant  une  bibliothèque  de  plus  de 
25,000  volumes  parmi  lesquels  brillent  de  longues  rangées 
de  vénérables  in-folios  où  Ton  distingue  deux  Bibles 
latines,  production  primitive  de  la  typographie  à  Mayence 
et  le  volumineux  recueil  des  Acta  Sanctorum,  entrepris 
il  y  a  plus  de  250  ans,  et  encore  inachevés. 

B.  G. 


ETUDE 


SUR  LES 


LIVRES  A  FIGURES  VENITIENS 

DE    LA    FIN    DU    XV*    SIÈCLE    ET    DU    COMMENCEMENT    DU    XVI« 

(Suite,) 


1520 

Haly  deiuditijs.  Preclarissimus  in  luditiis  Astrorum 
Albohasen  Haly  filius  Abenragel  Nouiter  Impressus 
fideliter  emendatus. 

In-folio,  gothique  à  deux  colonnes,  107  feuillets  numé- 
rotés ;  au-dessous  du  titre,  bois  ombré  prenant  la  moitié 
de  la  page  :  à  droite,  un  astronome  âgé,  à  tête  chauve  et 
à  longue  barbe,  assis  à  terre,  prend  une  mesure  avec  un 
compas  qu'il  tient  des  deux<  mains  sur  un  globe,  placé 
devant  lui,  où  Ton  voit  le  soleil,  la  lune  et  les  balances  ; 
à  ses  pieds,  un  lapin  ;  derrière  le  personnage ,  une  sorte 
de  petite  colline  surmontée  d'un  bouquet  d'arbres;  dans 
le  fond  à  gauche,  la  mer  et  des  palais  vénitiens  ;  dans 
le  coin  à  gauche,  en  bas,  •  La  •  Cette  gravure  est  d'un 
fort  joli  dessin  et  d'une  taille  très  bonne  et  très  avancée 
pour  répoque  ;  la  tête  du  personnage  est  traitée  avec 
soin  et  dénote  le  travail  d'un  artiste  de  mérite.  Elle  me 
paraît,  comme  le  pense  Passavant  (vol.  V,  page  66), 
sur  métal  plutôt  que  sur  bois.  Verso  O  v,  le  colophon  : 
Finit..,  Impësis  vero  nobilis  viri  Luceâtonij  de  giûta 
florëtini  Venetijs  Jpressus  Anno  a  natiuitate  dni.  1520. 
die.  2  mèsis  Januarij.  Au  dessous,  le  registre  et  le  lys 
noir  de  Giunta.  Pour  terminer  le  cahier  il  doit  y  avoir 
un  feuillet  blanc.  (B.  N.  Réserve,  V.  272  +  1). 


250  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Cette  gravure  est  copiée  sur  une  estampe  en  taille  douce 
de  Giulio  Campagnola,  quoique  certains  détails  soient  on 
peu  modifiés.  Ici,  Tastrologue  ou  le  magicien,  c'est  ainsi 
qu'il  est  indiqué  dans  Bartsch  et  Passavant  (vol.  V,  p.  165), 
représenté  par  un  vieillard  à  tête  chauve  et  à  barbe 
longue,  est  assis  par  terre,  à  gauche,  prenant  une  mesure 
sur  un  globe  placé  devant  lui  ;  on  y  voit  la  lune,  le 
soleil,  les  balances  et  les  chiffres  3  dans  le  haut,  2140  au- 
dessous,  plus  bas  4350,  et  dans  la  partie  inférieure  1509  ; 
derrière  lui,  une  sorte  de  petite  colline  surmontée  d'un 
bouquet  d'arbres,  à  droite  un  monstre  et  une  tête  de 
mort  ;  dans  le  fond,  des  palais  vénitiens.  La  gravure  de 
4520  est  retournée  :  le  personnage  y  regarde  vers  la 
gauche,  tandis  que  dans  l'original  il  regarde  vers  la 
droite  ;  les  positions  sont  identiques  ainsi  que  les  fonds 
et  le  singulier  monticule  contre  lequel  Haly  est  appuyé; 
les  mêmes  chiffres  se  trouvent  sur  le  globe,  3  entre  les 
branches  du  compas  dans  le  haut,  2140  plus  bas,  4350 
près  des  balances  et  1519  au  lieu  de  1509  ;  la  lune  et  le 
soleil  y  sont  aussi  placés  de  même  relativement  aux 
nombres.  L'astrologue  ou  le  magicien  étant  devenu  un 
astronome,  l'animal  fantastique  et  la  tête  de  mort  ont  été 
supprimés  et  remplacés  par  un  lapin.  L  estampe  au 
burin  est  une  fort  bonne  gravure  d'une  taille  fine  et  élé- 
gante ;  le  copiste  a  cherché  à  rendre  de  son  mieux  la 
finesse  du  modèle.  Nous  avons  vu  qu'elle  est  signée 
•  La-,  marque  que  Passavant  attribue  à  Luc  Antonio 
Giunta  et  tout  nous  porte  à  croire  que  son  attribution 
est  exacte  ;  il  a  gravé  aussi,  d'après  les  dessins  de  Dôme- 
nico  Campagnola,  V Adoration  des  Mages  et  le  Massacre 
des  Innocents  en  y  mettant  sa  signature.  (Passavant, 
vol.  V,  page  172). 

Parmi  les  gravures  signées  d'un  LA,  affectant  les 
formes  les  plus  différentes,  si  tant  est  que  toutes  soient 
du  même  auteur,  celle  dont  nous  nous  occupons  est  une 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  251 

des  meilleures.  Le  cuivre  a  été  copié  trois  fois  par  des 
artistes  anonymes,  deux  fois  en  contre-partie,  tel  que  la 
copie  de  1520  nous  le  montre,  et  une  fois  dans  le  sens  de 
l'original.  (Passavant,  t.  V.,  p.  165). 

1520 

Folengo  (Theophilo).  —  Macaronea,  Merlini  Cocai 
poète  Mantuani  macaronices  libri  XVII .  post  omnes 
impressiones  ubiqz  locorù  excussas,  nouissime  reco- 
gniti,  omnibusqz  menais  expurgati.  Adjectis  insuper 
qpluribus  pêne  viuis  imaginibus  materie  librorum 
aptissimis,  &  congruis  locis  insertis,  &  alia  multa, 
quœ  in   aliis  hactenus  impressionibus   non  reperies. 

Pet.  in-8o  de  cxix  ff.  chiffrés,  en  tout  ;  31  lig.  par 
page.  A  la  fin  :  Impressam  Venetiis  sumina  diligentia per 
Cesarem  Arriuabenum  Venetam  Anna.,,  Millesimo  quin- 
gentesimo  supra  uigesimuz  die  decimo  menais  lanuarii. 

Cette  édition  de  1520,  (augmentée  de  quelques  mor- 
ceaux prélim.)  est  imprimée  en  caractères  romains,  et 
ornée  de  figures  en  bois.  La  vignette  du  frontispice  repré- 
sente un  homme  qui  joue  du  violon.  La  souscription  est 
au  recto  du  dernier  feuillet,  coté  par  erreur  xix,  et  dont 
le  verso  porte  la  marque  de  l'imprimeur.  A  en  juger  par 
le  titre  ci-dessus,  l'édition  de  1520  aurait  été  précédée 
par  plusieurs  autres  ;  cependant  nous  ne  connaissons 
que  celle  de  1517  qui  soit  plus  ancienne.  L'une  et  l'autre, 
moins  complètes  que  celle  de  1521,  présentent  un  texte 
différent  de  celui  des  éditions  postérieures. 

Molini  a  décrit,  sous  le  n®  292  de  ses  Aggiunte,  une 
édition  de  cette  Macaronea,  in-S*',  sans  date,  en  carac- 
tères romains,  et  portant  absolument  le  même  titre  que 
celle  de  1520  ci-dessus  :  elle  a  cviii  ff.  chiffrés,  et  des 
signatures  de  A— P.  Le  texte  finit  par  les  mots  LAVS 


^2  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

DEO.  Comme  ce  texte  ne  présente  pas  les  corrections 
que  Lodola  a  faites  à  l'édition  de  1521,  elle  doit  être  anté- 
rieure à  cette  dernière,  et  peut-être  même  a-t-elle  pré- 
cédé celle  de  1520.  (Brunet,  t.  II,  col.  1316). 

1520 

Alsaharavius.  —  Chirurgia  Argelate  cum  Albucasi. 

In-folio  gothique  à  deux  colonne,  de  155  feuillets  numé- 
rotés ;  lettres  ornées,  figures  sur  bois  et  instruments  de 
chirurgie  dans  la  partie  commençant  au  feuillet  125, 
Prologus.  Verso  155  :  Venetijs  mandato  et  expensis  nobilis 
oiri  domini  Liiceantonij  de  Giunta  Florëtini  :  Anno  dO" 
mini,  1520.  die  primo  Martij,  Au-dessous,  le  registre  et 
la  grande  marque  rouge  de  Giunta.  (Bibl.  Nat.  Réserve 
T  d  73.5).  Brunet  (t.  I.  col.  200)  donne  sous  le  même 
nom  ce  titre  assez  sensiblement  différent  de  Tédition  de 
1520  :  Chirurgia  omnium  chirurgorum,  edente  Gerardo 
Cremonensi. 

1520 

Secreto,  De  Francesco  Petrarcha  in  dialoghi  di 
latino  in  vulgar  et  in  lingua  toscha  tradocto  noua- 
mente  [da  Francesco  Orlandini  Senese)  cum  exactis- 
sima  diligentia  stampato  et  correcte. 

In-8o,  titre  rouge  et  noir,  la  première  ligne  gothique  ; 
texte  en  lettres  rondes  à  deux  colonnes  ;  8  feuillets  par 
cahier  ;  au-dessous  du  titre,  bois  légèrement  ombré 
pour  les  vêtements  et  au  trait  pour  les  visages  :  cinq  per- 
sonnages, avec  des  couronnes  de  laurier,  debout  ;  deux 
arbres  dans  le  fond  ;  trois  bouquets  d'herbes  au  premier 
plan  et  la  marque  z.  a,  dans  le  coin  à  droite  en  bas. 
{jette  gravure  est  une  des  moins  bonnes  de  ce  tailleur  sur 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  253 

bois.  A  la  fin,  au-dessous  du  registre  :  Impressoin  Venetia 

per  Nicolo  Zopino  e  Vlcenlio  compagno Nel  anno 

M.D.XX  Adi  IX  de  Marzo,  Au  recto  suivant,  la  marque 
grossièrement  taillée  avec  S.  Nicolavs  et  les  deux  lettres 
N.Z. 

1520 

Caviceo  (Jacomo),  —  Libro  del  Peregrino  Dili- 
gentemente  in  ligua  Toscha  correcto. 

In-8o  ;  lettres  rondes  ;  8  feuillets  par  cahier  ;  au-dessous 
du  titre,  joli  bois  de  page  ombré  représentant  un  per- 
sonnage nu,  attaché  à  un  arbre  ;  au-dessous  de  lui 
P  Amor  ;  à  gauche,  un  satyre  jouant  d*une  sorte  de 
cithare  ;  à  droite,  un  autre  soufflant  dans  un  instrument  ; 
au-dessus  d'eux,  une  banderole  s'enroulant  autour  de 
Tarbre  et  portant  à  gauche  angora  spero  ;  à  droite, 
soLVER  ME  ;  un  Amour,  dans  le  coin  à  droite  en  haut, 
décoche  une  flèche  à  Thomme  attaché  ;  le  verso  du 
12«  feuillet  est  encadré  ;  trois  petits  bois  ombrés,  un  en 
tête  de  chaque  livre.  Stâpato  in  Venetia  in  casa  de  Geor- 
gio  di  Rusconi  milanese  ad  instàtia  sua  et  de  Nicolo 
Zoppino  e  Vincézo  côpagno  adi  V  April  M.  D,XX  (Bibl. 
Nationale,  Réserve,  Y  +  963). 

1520 

La  Passione  del  nostro  signore  per  Bartolomeo 
Riccio  da  Lugo. 

In-8"  en  lettres  rondes,  sauf  le  dernier  feuillet  qui  est 
en  caractères  gothiques  ;  56  feuillets,  signature  A.-G.  Sur 
le  titre,  une  Crucifixion,  A  la  fin  :  Acta  die  passionis  in 
ede  diue  Marie  Formos^  :  per  eûdem  Bartolomœum  Ricciam 
tanto  freqnencissimo  Christianorum  cœtu  ;  ut  parum 
ahfuit  :  quin  templum  dirumperetur,  Venetiis  octauo  idus 


254  BULXiETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Aprile  M.D.XX  Nouamenta  composta  (Rubriques  10651- 
7347.  Biblioteca  Colombina,  G.  37-21).  «  C'est,  paraît-U, 
une  sorte  de  mystère  facétieux,  bien  que  dédié  Alla 
Reuerendissima  M.  S.  Diodata  de  VE.  Sig.  di  Urbino. 
Cette  dédicace  montre  bien  la  vanité  qui  a  rendu  Barto- 
lomeo  Riccio  si  ridicule  aux  yeux  de  ses  contemporains. 
Il  s'y  vante  d'avoir  improvisé  en  dix  matinées  1700  vers. 
Quadrio  ne  cite  de  cet  humaniste,  en  fait  de  pièce,  que 
Le  Balle  )>.  (Harrisse,  £.  Columbinianay  page  232.) 

1520 

Âgostini  (Nicolô).  —  //  secondo  e  terzo  libro  di 
Trisiano  neliqli  si  tracta  côe  re  Marco  di  Cornouaglia 
trouâdolo  vno  giorno  cô  Isotta  sua  moglie  luccise  a 
tradimëto  e  corne  la  ditta  madôna  Isotha  vedëdolo 
morto  di  dolore  mori  sopra  il  suo  corpo. 

In-8<»  ;  8  ff.  par  cahier  ;  caractères  gothiques  ;  en 
vers  ;  à  deux  colonnes  ;  le  titre  se  trouve  au  recto 
du  premier  feuillet.  Au-dessous  du  titre,  un  bois  légère- 
ment ombré  représentant  un  tournoi  :  au  premier  plan, 
deux  chevaliers,  la  lance  en  avant,  galopant  l'un  vers 
l'autre  ;  dans  le  fond,  six  personnages  assis  qui  assistent 
au  combat  ;  verso  blanc.  31  petites  vignettes  légèrement 
ombrées  et  fort  médiocres.  Au  recto  A-J2,  le  poème  com- 
mence par  ces  mots  à  la  première  colonne  :  Incomenza  il 
secôdo  libro  de  Tristano...  A  la  fin  :  Qui  Finisse  il  Terzo 
libro  de  Tristano  Côposto  per  N,  A,  Impresso  in  Venetia 
per  Alexâdro  e  Benedetto  de  Bindoni.  Anno  salutis 
M.  D.  XX,  Die  xxijii.  Mensis  lunii...  Les  initiales  N.  A. 
nous  indiquent  le  nom  du  poète  Nicolo  Agostini,  le 
continuateur  de  Boïardo.  11  doit  exister  une  édition  anté- 
rieure du  premier  livre,  qui  nous  est  restée  inconnue. 
(Melzi,  page  314.  Bibl.  de  l'Arsenal,  in-12,  Nouv.  F.  4444.) 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  255 

S.  d.  —  Libri  tre  dello  Innamoramento  di  messer 
Tristano,  et  di  Madonna  Isotta  :  nelquale  si  traita  le 
mirabil  prodezze  di  esso  Trislano,  e  di  tutti  li  cava- 
lieri  délia  Tavola  Ritonda, 

In-8o  ;  figures  en  bois.  Venetia,  per  Mat,  Pagan  in 
Frezzaria.  (Brunet,  t.  I,  col.  110  et  Melzi,  p.  316.) 

1520 
Pontificale  sm  Rituz  sacrosancte  Romane  ecclesie. 

In-folio  gothique  à  2  colonnes,  rouge  et  noir  ;  le  titre 
en  rouge,  entouré  d'un  encadrement  formé  à  droite  et  à 
gauche  d'objets  du  culte  ;  dans  le  haut,  les  12  apôtres, 
et  dans  le  bas,  un  pape  entouré  de  4  saints.  Marque  de 
Giunta  rouge  ;  6  feuillets  préliminaires  et  253  numérotés  ; 
au  verso  du  dernier  feuillet  préliminaire,  le  Christ  en  croix 
entre  la  Vierge  et  saint  Jean  ;  la  Vierge,  de  trois  quarts 
à  droite,  les  mains  jointes;  saint  Jean,  pleurant,  tournant 
la  tête  à  droite  ;  trois  anges  recevant  dans  des  calices  le 
sang  qui  s'échappe  des  plaies  du  Christ  ;  un  quatrième 
est  symétriquement  placé  à  celui  qui  reçoit  le  sang  de 
la  poitrine  ;  un  pélican  au-dessus  de  L  N.  R.  I.  Ce  bois 
est  beau,  surtout  la  figure  de  la  Vierge  ;  taille  sans  finesse; 
encadrement  formé,  à  gauche,  de  cinq  petits  bois  repré- 
sentant des  scènes  de  l'Évangile  ;  dans  le  haut.  Dieu  le 
Père,  entouré  de  chérubins  jouant  de  divers  instruments; 
au  bas,  la  Cène.  Recto  des  feuillets  1  et  174,  deux  bois 
encadrés  dans  deux  bordures,  dont  le  haut  et  les  deux 
côtés  sont  semblables  au  titre.  Nombreux  bois  et  lettres 
ornées,  d'un  assez  joli  style.  Verso  253  :  In  florëtissima 
Venetiarù  iirbe  per  spectabilez  virù  dhm  Lucamantoniû 
de  Giûta  florentinum  Anna  dni  M.  D.  XX.  Die  XV  Sep- 
trbris  studiosissime  et  diligentissime  Impressus  explicit 
féliciter  (Bibl.  de  M.  G.  Duplessis;  Bibl.  de  Darmstadt  ; 
Bibl.  Nat.  Rés.  inv.  B.  98,  B.  397). 


256  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

1520 

Facétie,  Piaceuoleze,  Fabule  e  Motti  del  Piouano 
Arlotto  prête  fiorentino  Opéra  molto  diletteuole  uul- 
gare  i  (sic)  ligua  (sic)  Toscha. 

In-8o  de  86  feuillets  à  deux  colonnes,  non  chiffrés; 
caractères  gothiques  ;  figures  sur  bois  ;  fi'ontispice  rouge 
et  noir  avec  quatre  petits  bois  occupant  presque  toute 
la  page.  A  la  fin  :  Impresso  in  Venetia  par  Jôane  Tacuino 
da  Trino  nel  M,  CCCCCXX,  adi  xu  di  Mazo.  Regnâte  /o 
iclito  (sic)  principe  Leonardào  (sic),  a  C'est  par  erreur 
que  Gamba  et  après  lui  Brunet  et  Graesse  dirent  que  cette 
édition  porte  M.  CCCCXX  (sic)  au  lieu  de  M.  CCCCCXX  ; 
Tessier  a  constaté  que  dans  son  exemplaire  et  dans  un 
autre  qu'il  examina,  la  date  était  bien  réellement 
M.  CCCCCXX.  Il  serait  possible  que  dans  l'exemplaire  vu 
par  Gamba,  ce  soit  une  erreur  du  typographe,  corrigée 
dans  les  autres  exemplaires  ».  (G.  Passanti,  Catalogo  dei 
novellieri  iialiani,  Livorno,  1871,  page  20,  et  Passano, 
I  nouellieri  italiani  in  prosa,  1864,  page  16;  Brunet,  1. 1, 
col.  481). 

1520.  —  Facétie  :  Fabule  :  e  Motti  :  del  Piouano 
Arlotto  Prête  Fiorentino  :  etc. 

Pet.  in-8  ;  lettres  gothiques  ;  titre  rouge  et  noir  gothique; 
au-dessous,  Arlotto  s'entretient  avec  trois  personnages 
auxquels  il  présente  une  fleur  ;  bois  ombré  dans  le  style 
de  Z.  A.  ;  22  petits  bois  dans  le  style  du  petit  c  qui  grava 
pour  Zopino.  A  la  fin  :  Impresso  in  Venetia  per  Nicolo 
Zopino  et  Vincentio  Compagni  Nel  M.  CCCCC.  XX.  Adi 
xxiiij  del  Mese  de  Nouembrio.  Sur  ,1e  recto  du  feuillet 

• 

suivant,  marque  de  Zopino  (Marciana  4161  et  Museo 
Civico  e  Correr.  I.  1001).  Il  existe  à  la  Marciana  une 
autre  édition  en  lettres  rondes  de  cet  ouvrage  avec  les 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  257 

mêmes  fig.,  le  titre  diffère  un  peu.  Facétie  :  Piaceuoleze  : 
Fabule  :  e  Motii  :  Del  Piouano  Arlotio  Prête  Fiorentîno  : 
etc.  —  Mais,  malheureusement,  le  colophon  manque. 
Quoique  ce  volume  soit  certainement  postérieur  au  pré- 
cédent, il  ne  m'est  pas  possible  de  lui  assigner  une  date 
précise. 

1522.  —  Motti... 

In-8o  avec  figures  sur  bois.  A  la  fin  :  Venetia,  Tacuino, 
M.CCCC  (sic)  XXII,  a  di  xv  de  MarzOy  Régnante  lo  inclito 
principe  Antonio  Grimano.  Cette  édition  est  indiquée  par 
Gamba  et  Brunet  comme  ayant  par  erreur  Tannée  1422 
au  lieu  de  1522.  On  lit  dans  Passano  à  propos  de  l'édi- 
tion de  novembre  1520  :  «  Ginguené  (Biog,  Universelle, 
art.  Arlotto)  dit  que  l'édition  de  1520,  —  sans  indiquer 
laquelle  des  deux  —  est  plus  complète  que  toutes  celles 
parues  après  ;  je  crois  que  la  majeure  partie  des  éditions 
de  ce  recueil,  faites  antérieurement  à  celle  des  Giunti, 
sont  des  copies  identiques  de  la  première.  »  (Passano, 
/  Novellieri  in  prosa,  p.  17  ;  Brunet,  t.  I,  col.  481). 

1525.  —  Facecie  :  Piaceuolezze  :  Fabule  :  e  Motti.,. 

In-12,  caractères  gothiques,  à  deux  colonnes  ;  au  titre 
Arloto  et  les  trois  personnages  ;  45  mauvaises  petites 
vignettes  légèrement  ombrées.  A  la  fin  :  Stampato...  per 
Francisco  Bindoni  e  Mapheo  Pasini  côpagni  :  Nel  anno 
1525,  Del  mese  di  FeZ)raro...  (Bibl.  Nationale,  Réserve  Y* 
1328.) 

1520 

Auli  Flacci  Persij  satyrographi. 

In-folio  de  10  feuillets  préliminaires  et  104  chiffrés  ; 
encadrement  ombré,  d'un  assez  bon  style,  mais  gravé 
sans  finesse  ;  au  milieu  du  grand  côté  de  gauche,  au 

1891  17 


258  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

niveau  de  la  tête  de  deux  femmes  aux  corps  de  lion, 
les  deux  lettres  i.  c.  Cette  signature  se  retrouve  dans  le 
bas  du  grand  côté  de  droite.  En  tête  de  la  première 
satire,  le  bois  du  Juvénal  1512  ;  un  bois  par  satire.  A  la 
fin  :  Venetiis  In  Casis  Bernardini  de  Vianis  de  Lexona 
Vercelësis,  Anno  Circûcisionis.  M.D.XX  die  xv  decembris 
(Marciana  42572). 

1520 

Côstitutiones  Sinodales  aime  ecclesie  strigoniensis. 
nouiter  impresse. 

In-4o  gothique  ;  au-dessous  du  titre,  grande  Annoncia- 
tion  ombrée,  d'une  mauvaise  taille  et  d'un  dessin  mé- 
diocre ;  au  verso  saint  Augustin  :  un  évêque  flanqué  de 
deux  anges,  couvrant  de  son  vêtement  des  religieux  et 
des  religieuses  à  genoux  ;  au-dessous  :  Ora  pro  nobis 
béate  pater  Augustine  ;  cette  vignette  est  assez  jolie,  la 
taille  en  est  fine;  quoique  occupant  toute  la  page  elle  n'a 
que  54  ™™  sur  82  de  hauteur.  A  la  fin  :  Impresse  Venetiis 
M.D.XX  die  primo  decembris  (Marciana,  1104). 

1520 

Compilatio  Leupoldi  diicatiis  Austriae  filii  De  Astro- 
rum  scientia  decem  continens  tractatus. 

In-4'»,  de  94  feuillets  (A.  L.  par  8,  M.  en  4  )  ;  caractères 
gothiques,  figures  sur  bois.  A  la  fin  :  Venetiis,  per  Mel- 
chiorem  Sessam  etPetrum  de  Raiianis  socios.  Anno  incar- 
nationis  domini  M.CCCCC.XX  die  xv  lulij.  (Catal.  de 
M.  de  Landau,  t.  II,  page  208). 

1520 

Scamnalia  sni  ritum  ac  ordiné  ecclesie  &  dioce- 
sis  Frisingen  Pars  hyemalis. 

Grand  in-folio,  gothique  rouge  et  noir,  à  deux  colonnes  ; 
12  feuillets  préliminaires  pour  le  titre,  le  calendrier  et 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  259 

les  tables,  243  ff.  chifiFrés,  plus  1  f.  non  chiffré  pour  le 
registre  ;  au  recto  et  au  verso,  la  marque  de  Petrus  de 
Liechtenstein,  au-dessus  :  1520,  Venetiis,  Au-dessous 
du  titre,  grand  bois  :  les  armoiries  de  Philippe  de  Bavière; 
au  verso  :  la  Vierge  entre  saint  Corbinien  et  saint  Sigis- 
mond  ;  ces  deux  bois  ornent  aussi  un  Missale  de  Freisin- 
gen,  daté  également  1520.  Au  verso  54,  la  grande  Annon- 
ciation, de  style  allemand,  empnmtée  au  Bréviaire  de 
Passau  de  1517.  Au  f.  55,  belle  lettre  ornée  avec  la  figure 
en  pied  d'Isaïe  et  une  ville  dans  le  fond.  Au  verso  243  : 
Finis.  Laiis  Deo  optimo  maximoqz  anno  1520  Venetiis  in 
edibus  Pétri  Liechtëstein  impensis  Joannis  Oswalt,  et  la 
marque  sur  fond  noir  d'Oswalt.  (Librairie  Rosenthal). 

1520 

Corvus.    —  Excellent issimi  et  Singularii   viri 

Venetiis.  G.  de  Rusconibus  1520. 

Petit  in-8°,  gothique  ;  gra^^re  sur  bois  ;  au  recto  du 
feuillet  Aij\  une  ^avure  porte  sur  une  tablette  :  Matio  da 
Treviso  F.  C'est  peut-être  l'artiste  mentionné  dans  le 
Dictionnaire  des  Monogrammes,  de  Brulliot,  t.  III,  p.  126, 
n'»  881.  (Cat.  Tross,  p.  410,  n^  3382).  Ce  Matio  ne  semble 
pas  se  confondre  avec  un  graveur  signant  Matio  fecit, 
dans  un  Missale  Romanum  de  1561,  un  Calvaire  copié 
d'après  un  Missel  de  lunta.  Ce  dernier  Matio  est  le  même 
que  celui  qui,  dans  un  Missale  Romanum  de  1549,  signe 
Matheus  F.  un  grand  Calvaire  à  nombreux  personnages 
et  M.  F.  une  Annonciation  ombrée,  assez  bien  traitée, 
entourée  de  blocs  avec  des  saints  en  buste  ou  en  pied. 

1520 

Apollonio  de  Tira  nouamente  stampato  con  le  figure. 
In-4'^.  In  Xenetia  per  Bernardino  di  Lesona...  MDXX. 


260  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

a  Réimprimé  à  Venise,  en  1555,  in-S®  ;  et  aussi  sous  ce 
titre  :  Apollonio  di  Tiro  historiato  et  novamenie  risiam" 
pato  Milanoper  Valerio  et  Hieronimo  fratelU  da  Meda, 
1560,  in-8o  ;  la  date  est  exprimée  à  la  fin,  dans  une  stance 
de  huit  vers.  »  (Brunet,  t.  I,  col.  352), 

Vers  1520 

Historîa  di  papa  Alessandro  IIL  et  di  Federico 
Barbarossa  imperatore.  nuouamente  Ristampata  et 
diligentemente  Corretta.  In  Venetia  et  in  Bassano. 
Con  licenza  de'  superiori. 

In-4o  •  4  feuillets.  Au-dessous  du  titre,  bois  ombré, 
très  médiocre  et  taillé  très  grossièrement,  représentant  : 
à  gauche,  le  Pape,  suivi  de  religieux,  se  rencontrant 
avec  le  Doge  ;  à  droite,  Tempereur,  sa  couronne  à  terre, 
couché  entre  les  deux,  et  sur  le  point  d'être  écrasé  par 
les  pieds  du  Pape  ;  92  octaves,  dont  la  première  commence 
ainsi  :  a  Signore  a  te  ricorro  per  aiuio,  (Bibl.  de  Bo- 
logne, tab.  III.  M.  II.  16,  et  cat.  de  M- de  Landau,  t.  II. 
384). 

S.  d.  —  Hisioria  de  papa  Alexandre  e  de  FedC" 
rico  barbarossa  Imper atore, 

In-4  de  4  feuillets  ;  même  bois  au  titre  que  dans  l'édi- 
tion précédente  ;  au-dessous  du  bois,  texte  en  lettres 
rondes,  à  deux  colonnes  ;  le  reste  aussi  à  2  colonnes,  en 
caractères  semi-gothiques  ;  7  mauvaises  petites  vignettes 
ombrées.  Au  verso  du  dernier  feuillet  :  Per  Mattio  Pagan 
in  Frizzaria  a  Vinsegno  de  la  Fede,  (Deschamps,  644, 
Bib.  Nationale,  réserve  Y). 

Vers  1520 

La  copia  de  una  littera  mandata  da  Anglia  del 
parlamen  \  ta  del  Christianissimo  Re  de  Franza  col 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  261 

serenissi  \  mo  Re  de  Angilterra  col  nome  de  tutti  li 
Prin  I  cipi  e  signori  Ambassatori  :  Cortesani  \  Zétil- 
homini  :  e  del  uestir  de  li  Re: e  \  Signori  che  acom- 
pagnauano  \  la  sua  maesta  :  e  similmen  \  te  de  la 
Madama  Re  \  gina  de  Franza  cô  \  la  sua  com  \ 
pagnia. 

In-4o  de  2  feuillets  ;  au-dessous  du  titre,  bois  ombré 
représentant  des  guerriers  romains,  à  pied,  au  bord  de 
la  mer,  avec  un  roi  ;  près  du  rivage,  un  marin  qui  les 
attend;  de  chaque  côté,  deux  petits  bois,  l'un  d'ornement, 
l'autre  représentant  un  personnage.  Ces  gravures  sont 
médiocres.  Cette  pièce  est  vénitienne,  comme  le  prouve 
l'orthographe  Zëtilhomini  ;  c'est  une  description  du  camp 
du  drap  d'or,  faite  sans  doute  par  un  témoin  oculaire, 
à  en  juger  par  le  titre  et  surtout  par  le  scrupule  des 
détails.  (Marciana  1873). 

Vers  1520 

Littera  mddata  délia  Insala  de  Cu  \  ha  de  India  in 
laquale  se  contie  \  ne  de  le  Insuie  citta  gente  \  et 
animali  nouamente  trouate  de  lanno.  \  M.D.XIX. 
p  li  I  Spagnoli, 

In-4«,  de  8  CF.  non  chiffrés.  Le  titre,  gothique,  compre- 
nant le  i^^  feuillet,  porte  une  gravure  sur  bois  assez 
grossière  ;  le  texte  est  imprimé  en  caractères  romains. 
Cette  pièce  est  consacrée  au  récit  de  l'expédition  de 
Grijalva  dans  le  Yucatan  ;  elle  dififère  essentiellement 
de  la  narration  donnée  par  Juan  Diaz,  [Supplément  au 
Manuel  du  libraire.  Deschamps,  t.  I.  col.  874). 

Vers  1520 

La  COPIA  DUNA  LETRA  DELA  INGORONATIÔE  DE  |  lo 

Imperator  Romano  col  nome  de  Signori  Conti  Duchi  | 
Vescoui  che  si  trouano  alla  incoronatione. 


262  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

In-4«  de  2  feuillets  ;  la  première  ligne  du  titre  gothique, 
le  reste  et  le  texte  en  lettres  rondes  ;  au-dessous  du  titre, 
bois  cité  à  propos  de  Epistola  del  potentissimo  et  Inoictis- 
simo  Hemaniiel  de  1513.  On  peut  assigner  la  date  1520 
à  cette  plaquette  qui  est  une  description  du  cou- 
ronnement de  Charles-Quint  (8  octobre  1520).  Son  ori- 
gine vénitienne  est  attestée  par  le  style  du  bois,  des 
caractères  de  Timpression,  et  Tensemble  du  texte  qui  est 
tout  à  fait  conforme  à  ce  que  Ton  imprimait  à  Venise 
à  cette  époque  (Marciana,  1873). 

Vers  1520 

Exposilione  pacis  proemium, 

In-8",  titre  gothique.  Au-dessous,  mauvais  bois  ombré 
dont  la  signification  reste  énigmatique  ;  dans  le  haut, 
quatre  personnages,  avec  leurs  emblèmes  à  leurs  pieds, 
qui  sont  posés  sur  la  terre,  les  tètes  étant  dans  les 
nuages  :  un  empereur,  un  pape,  un  noble  et  un  vilain  ; 
devant  les  deux  figures  du  milieu,  une  sorte  de  circon- 
férence ;  bois  tiré  de  Opéra  nouamente  composta  del  dw- 
prezzamëto  del  mondo  de  Lotharius  de  1515.  A  la  fin  : 
Stampata  in  Venetia  ad  instaniia  de  Felice  da  Bergamo. 
Jusqu'ici  ce  volume  parait  être  demeuré  inconnu,  ainsi 
que  ce  Felice  da  Bergamo.  (Marciana,  2175). 

1521 

Vite  de'  Philosophi  moralissime.  Et  de  le  loro 
elegantissime  sententie.  Extraite  da  Lahertio  e  altri 
antiquissimi  auctori  Istoriate  e  di  noua  carrelle  in 
lingua  Tosca. 

In-8o,  de  56  ff.  non  chiffrés  ;  titre  en  caractères  go- 
thiques rouges  et  noirs  ;  texte  à  deux  colonnes  en  lettres 
rondes.  Au-dessus  du  titre,  un  grand  bois  ombré  repré- 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  263 

sentant  un  personnage  coiffé  d'un  chapeau  haut  de  forme, 
parlant  à  quatre  auditeurs  en  robe  placés,  deux  à  sa 
gauche  et  deux  à  sa  droite  ;  à  terre,  deux  livres  ;  à 
gauche,  dans  le  coin,  en  bas  :  z.a.  Cette  gravure  est  mé- 
diocre et  ressemble  à  toutes  ces  sortes  de  vignettes  illus- 
trant les  publications  de  Zoppino.  Nombreux  portraits  en 
buste,  du  même  style  et  sans  doute  de  la  même  main. 
A  la  fin,  au-dessous  de  la  marque  portant  S.  Nicolavs  et 
N,  Z.y  le  colophon  :  Stampato  in  Veneiia  per  Nicolo 
Zopino  e  Vincëtio  compagno  nel,  M.CCCCCXXL  Adi, 
XXiiii  de  Zenaro,  Régnante  lo  inclite  Principe  messer 
Antonino  Grimani,  Et  con  moite  additione  agiunte  le 
qnale  non  sono  in  su  li  altri.  (Bibl.  Nat.  de  Florence). 

1521 

Alexander  Achillinus  de  humani  corporis  Anato- 
mia. 

Petit  in-8o;  titre  gothique,  texte  en  lettres  rondes; 
signatures  A.  G.  par  deux.  Au-dessus  du  titre,  placé  au 
bas  de  la  page,  la  marque  du  Christ  sur  fond  noir  du  Legen- 
dario  de  1518  ;  feuillet  A.iiii,  bois  de  page  représentant 
Magnas  Alexander  Achillinus,  dont  le  nom  se  trouve 
écrit  dans  le  haut,  en  dehors  du  cadre  du  bois  ;  il  est  vu 
en  buste,  de  profil,  coiffé  d'une  toque,  regardant  à  droite 
et  parlant  à  un  jeune  homme  qui  tient  un  livre  à  la 
main  et  dont  on  voit  la  tête  tournée  de  profil,  à  gauche; 
dans  le  fond,  un  intérieur  à  portiques  avec  une  fenêtre 
entr'ouverte,  donnant  sur  la  campagne.  Cette  gravure 
ombrée  est  fort  belle  de  style  et  d'exécution  ;  le  person- 
nage principal  a  même  beaucoup  d'allure.  Recto  G.iiii 
Venetiis  per  lo.  Anionium  et  Fratres  de  Sabio.  M,D,XXL 
Mense  lanuario.  Le  registre  au-dessous,  et  au  verso  la 
marque  :  un  arbre  ayant  une  cime  en  forme  de  chou, 
sans  doute  un  palmier  ;  autour  du  tronc  s'enroule  un 


26  i  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

dragon  ;  au-dessus  une  banderole  avec  ces  mots  :  lo. 
ANT.  ET.  PRAT.  DE.  SABio  ;  au  pied  du  tronc  :  Brasiga. 
(Bibl.  Nat.  Rés.  T  a».  13  et  coll.  de  M.  Georges  Duplessis). 

1521 

Libri  tre  di  Orlando  innamorato  del  conte  de 
Scandiano  Mattheo  Maria  Boiardo  tratti  fidelmente 
dal  suo  emendatissimo  exemplare  con  li  apostille 
historiato,  Novamente  Stampato. 

In-4<»  ;  titre  en  caractères  gothiques  rouges  et  noirs  ;  le 
texte  en  caractères  romains  à  deux  colonnes.  Au-dessous 
du  titre,  un  grand  bois  ombré  représentant  un  guerrier 
à  cheval,  terrassant  son  adversaire  également  couvert 
d'une  armure.  Dans  le  fond  à  droite,  sur  un  endroit  un 
peu  élevé,  une  femme  assiste  au  combat  ;  dans  les  airs, 
un  amour  aux  ailes  déployées,  les  yeux  bandés,  visant 
avec  son  arc  tendu  le  guerrier  vainqueur.  On  y  lit  dans  le 
bas  le  monogramme  10.  B.  P.  Tosi  croit  pouvoir  attri- 
buer cette  gravure  à  Giovanni  Battista  Padovano  qu'il 
qualifie  de  célèbre,  mais  que  nous  ne  trouvons  mentionné 
nulle  part.  Le  marquis  d'Adda  ne  pense  pas  que  l'auteur 
de  ce  bois  puisse  être  Giovanni  Battista  del  Porto,  le 
maître  à  l'oiseau  ;  peut-être  a-t-il  taillé  sur  bois,  ce  qui 
est  très  contesté  d'ailleurs  ;  mais  certes,  il  n'aurait  pas 
produit  une  œuvre  aussi  médiocre. 

La  page  est  entourée  d'un  encadrement  à  fond  noir 
formé  de  feuilles  d'acanthe,  comme  ceux  dont  Zoppino  se 
servait  à  cette  époque  pour  ses  in-4«,  dans  le  style  de  ceux 
dvL  Lancilotto,  du  Plutarqae,  etc.  Au  verso,  au  feuillet  Aii, 
autre  bois  de  page  représentant  un  combat  entre  des 
cavaliers,  des  fantassins  et  de  l'artillerie  ;  dans  le  fond^ 
une  forteresse  ;  sur  les  bannières,  les  trois  lys  de  France  ; 
sur  la  marge  supérieure  on  lit  :  Bataglia  del  primo  libro 
del  Conte  Mattheo  Maria  Bojardo  en  caractères  rouges  ; 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  205 

dans  le  bas,  les  initales  /.  B.  P.  comme  au  frontispice. 

Nous  noterons  que  les  «  Successi  bellici  x),  stances  de 
Nicolode  Agostini  imprimées  par  NicoloZoppino  et  Vin- 
cenzo  en  M.CCCCC.XXI,  1^  di  Agosto,  contiendront 
quelques-uns  de  ces  bois,  où  les  légendes  seules  sont 
changées.  Par  exemple  la  bataglia  del  primo  lihro  de  Bo- 
jardo  sera  la  Rotta  di  Marigniano  (sic)  et  ainsi  de  suite. 
Verso  du  feuillet  N.iii,  bois  de  page  :  Vattaque  dune  for^ 
teresse  ;  dans  le  haut  :  Bataglia  del  seconda  libre  ;  dans 
le  bas:  z.  a. 

Le  troisième  bois  représente  un  combat  entre  cavaliers 
et  fantassins  ;  dans  le  fond,  trois  grandes  pierres  super- 
posées, en  forme  de  dolmen  ;  dans  le  haut  :  Bataglie 
del  terzo  libro  del  Conte  Mattheo  Bojardo;  dans  le  bas  :  z.  a. 

Ces  trois  premiers  livres,  dus  à  Boiardo,  se  terminent 
au  recto  du  dernier  feuillet  du  cahier  BB  ;  puis  le  colo- 
phon  :  Qui  finisse  li  tre  libri  stampati  nouamente  in 
Venetia  per  Nicolo  Zopino  e  Vincentio  compagno  nel 
M.  CCCCC.  XXI  a  di  XXI  de  Marzo,  Au-dessous,  la 
marque  de  l'imprimeur. 

Suit  le  quarto  libro,  le  premier  composé  par  Agostini^ 
avec  de  nouvelles  signatures  AAA-EEE,  et  se  terminant 
au  recto  du  quatrième  feuillet  du  cahier  EEE  par  ce 
colophon  :  Finito...  Stampato  per  Nicolo  Zopino  e  Vin- 
cenzo  compagno  nel  M.  CCCCC,  XXI,  Adi  viii  de  Marzo 
Le  quinto  libro,  le  second  d'Agostini,  commence  ensuite 
avec  les  signatures  A-L. 

Au-dessous  du  titre  :  El  quinto  libro  dello  Inamora- 
mento  de  Orlando  nouamente  stampato  et  diligentemente 
corretio.  Un  bois  signé  .  z.  a.,  représentant  Curtius  se 
jetant  dans  l'abîme.  Ce  dernier  livre  se  termine  au  qua- 
trième feuillet  du  dernier  cahier,  avec  ce  colophon  :  Qui 
finisse  el  quinto  libro.,.  Stampato  in  Venetia  per  Nicolo 
Zopino  e  Vîcëtio  côpagno  nel  M,  CCCCCXXU  Adi  XXII 
de  Zugno  côposto  per  Nicolo  di  Augustini  con  el  suo  priui- 


266  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

legio  régnante  Vinclito  principe  Leonardo  Lauredano. 
Au-dessous,  la  marque  de  Zoppino,  et  enfin  un  avis  annon- 
çant que  le  sixième  et  dernier  livre  a  été  également 
imprimé  nouamente  par  Zoppino.  Il  n'y  a  aucune  trace 
de  ce  complément  final.  (Voir  marquis  d'Adda  :  Note  6Î6/10- 
grafiche  del  fu  D.  Gaetano  Melzi,  édite  per  cura  di  un 
bibliofilo  milanese;  Milano  1863,  page  47.)  Nous  devons 
une  grande  partie  de  la  description  ci-dessus  au  bienveil- 
lant concours  du  marquis  Gioachino  d'Adda. 

1521 

Puteo  (Paris  de).  —  Duello,  libro  de  Re,  Impera^ 
ioriy  Principiy  gentil hominiy  et  de  tutti  armigeri, 
continente  disfide,  concordie^  pace,  casi  accadutti  ecc. 
Opéra  dignissima  et  utilissima  a  tutti  gli  spiriti  gen- 
tili, 

In-80  de  200  fi*,  non  numérotés.  Lettres  cursives; 
registre  A-Z,  a-b.  Sur  le  frontispice,  une  gravure  ombrée 
représentant  un  groupe  d'hommes  vêtus  de  toges,  assis 
sur  un  palco  ;  en  bas,  deux  jeunes  hommes  cuirassés 
s'escrimant  avec  des  sortes  de  lances.  Grandes  et  petites 
initiales  ornées.  Stampato  in  la  Inclita  cita  di  Venetia. 
Adi.  XIL  Maggio  M,  D,XXI.  (Bibliothèque  de  S.  Daniele 
et  Bibl.  Nat.  de  Florence.) 

1525.  —  DuELLO  :  libro  de  Re,  Imperatori,  Prin- 
cipi,  Signori, 

In-80  ;  lettres  cursives,  8  feuillets  par  cahier,  8  feuillets 
préliminaires  pour  les  tables  ;  au  neuvième  :  Incomincia 
il  libro  de  re  militare  in  materno,  Composto  per  il  Gène- 
roso  misser  Paris  de  Puteo  Dociore  de  lege.  Lege  féliciter. 

Le  titre  est  entouré  d'un  joli  encadrement  ombré, 
formé  de  chaque  côté  par  des  armes,  cuirasses,  boucliers, 


LIVRES   A   FIGURES  VÉNITIENS  267 

boulets,  etc.  ;  dans  la  partie  supérieure,  à  gauche  :  Marie; 
à  droite  :  Bellona;  au  milieu,  un  duel  entre  deux  soldats 
romains  ;  dans  la  partie  inférieure,  deux  troupes  armées 
de  lances  se  rencontrent,  prêtes  à  se  combattre;  au 
milieu,  un  tambour  tournant  le  dos;  au-dessous,  des 
soldats;  à  droite  :  evstachivs ;  jolies  lettres  ornées  à  fond 
noir.  A  la  fin  :  Stampato  in  la  Inclita  citta  de  Venetia 
per  Marchio  Sessa,  e  Piero  delà  Serena  compagni,  Adi. 
X.  Marzo  M.  D,XXV. 

1521 

Marco  Mantovano.  —  Lheremita. 

In-8o  (Je  48  fF.  non  chiffrés;  les  deux  derniers  sont 
blancs  ;  A-F,  par  8  ;  caract.  cursifs.  Bordure  sur  le  titre. 
Au  verso  du  frontispice,  un  arbre,  au-dessous  duquel 
on  lit  les  mots  suivants  :  VTCV  VENERIS  IN  REGNV 
TVVM.  A  la  fin  :  Impresso  in  Venecia  p  Zorzi  Ruscone 
deir  anno  M.D.XXI  il  di  primo  di  Giugno. 

Édition  si  peu  correcte,  dit  Brunet,  que  Yerrata  de 
la  fin  n'occupe  pas  moins  de  trois  pages  (Bibliothèque  de 
M.  de  Landau). 

1521 

Agostini  (Nicolô  di).  —  Li  successi  bellici  seguiti 
NELLA  Italia  dal  fatto  Darmc  di  Gieredala  Del 
M.CCCCC.IX,  fin  al  présente  M.CCCCC.XXL...  Cosa 
bellissima  et  nuoiia  stampata. 

In-40  de  132  fi*,  sign.  A-R;  A-Q  par  8  fi*.,  R  en  4  ff.; 
à  2  colonnes;  car.  rom.  ;  long  poème  en  octaves;  au- 
dessous  du  titre,  bois  de  page  ombré  :  Marc-Aurèle  à 
cheval,  de  profil,  regardant  à  gauche,  tel  qu'il  est  repré- 
senté dans  la  gravure  de  Marc-Antoine  ;  au-dessous,  la 


268  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

signature  .IB.P.  retourné  (1).  Le  bois  est  entouré  d'un 
encadrement  à  fond  noir  au  pointillé.  Verso  Âiiii,  grand 
bois  de  page  ombré  :  Questo  sie  il  fatto  darme  de  Geror 
dada  ;  à  gauche,  en  haut,  un  camp  et  de  nombreux 
guerriers  à  pied  et  à  cheval  ;  à  droite,  des  cavaliers  ;  dans  le 
bas  à  gauche,  des  soldats  à  pied  ;  à  droite,  un  canon  ;  le 
groupe  de  gauche  porte  le  lion  de  Venise  sur  son  étendard  ; 
celui  de  droite,  la  fleur  de  lys  ;  dans  le  coin  à  gauche  : 
.z.a.  Feuillet  D.  i  :  Questo  sie  lassedio  di  Padoa  ;  à  gauche^ 
des  soldats  avec  des  canons,  placés  derrière  les  murailles 
de  Padoue,  se  défendent  contre  les  assaillants  ;  dans 
le  coin  à  droite  :  z.a.  Verso  Fvii,  même  bois  :  Questa 
sie  la  presa  di  Dressa,  Verso  Gviii  :  Questo  e  il  fatto 
darmi  de  Rauenna,  un  combat  devant  une  ville  ;  dans 
le  coin  à  gauche,  en  bas  :  z.a,  ;  verso  I.  vi  :  Questo  e  il 
fatto  darme  de  Vicenza,  combat  entre  cavaliers  et  fan- 
tassins ;  au  milieu,  un  chevalier  portant  l'étendard  avec 
l'aigle  à  deux  têtes  ;  dans  le  coin  à  droite  :  z.a.;  verso  N.  ii  : 
Questa  sie  la  rota  de  Marigniano,  bataille  entre 
deux  corps  d'armée  ;  celui  de  gauche  porte  les  fleurs  de 
lys  sur  ses  étendards.  Cette  gravure  est  d'une  tout  autre 
facture  ;  la  taille  est  beaucoup  plus  fine,  moins  finie  et 
traitée  avec  moins  de  soin  ;  dans  le  coin  à  gauche,  en 
bas  :  .I.B.P.  ;  verso  Piiii,  même  bois  que  Gviii.  Nous 
avons  déjà  constaté,  à  propos  de  l'OrZando/nna/nora/o,  que 
la  plupart  de  ces  bois,  sinon  tous,  sont  des  reproductions, 
avec  de  simples  changements  de  légende,  des  gravures  de 
cet  Orlando.  Ces  gravures  sont  des  plus  intéressantes  et 
.z.a.  s'y  est  montré  assez  habile,  surtout  dans  ce  bois  du 
Fatto  darme  de  Vicenza  où  il  y  a  du  mouvement  et  de 
la  finesse  ;  il  est  fort  supérieur  à  I.B  J.  Au  bas  :  Com- 
posta per  Nicolo  diAgustini  e  stampata  per  Nicolo  Zopino 


(1)  Nous  avons  rencontré  dans  V Orlando  innamorato  de  Boiardo  la  signa- 
ture lo.  B.  P.  qui  semble  se  confondre  avec  cet  .1.  B.  P. 


\ 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  260 

e  Vincenzo  da  Venetia  compagni  M.CCCCCXXI  die  .i. 
Augu...  Le  verso  blanc.  Au  recto  du  dernier f.  les  deux 
dernières  octaves  ;  au-dessous  :  Finis  ;  puis  un  privilège 
du  pape  Léon  X.  Ensuite  :  Finisse  li  successi  fatti  de 
italia.  Et  in  breue  gli  antecedenti  de  molti  anni  se  daranno 
in  lace.  Les  années  antérieures  dont  il  est  ici  question  sont 
les  années  1495-1509  visées  par  le  bref  papal  qui  annonce 
historias  rerum  in  Italia  ab  anno  domini  M.CCCCVC  usqz 
in  hodiernum  ferme  diem  gestarum,  (Bibl.  de  l'Arsenal, 
B.  L.,  in-4,  4961). 

Duc  DE  RrvoLi. 

(A  suivre,} 


Errata  du  Coup  d'œil  sur  les  Almanaghs  illustrés 
DU  xviiie  SIÈCLE  (Hvraison  mars-avril  du  Bulletin 
du  Bibliophile). 

Page  131,  2®  ligne  des  notes,  les  figures  du  Trottoir  de 
Permesse  ont  été  attribuées  à  tort  à  Binet.  Elles  sont  de 
Dorgez. 

Même  page,  note  n®  5,  au  lieu  A'Almanach  de  Gotha, 
1786,  lisez  :  Almanach  de  Gœttingen,  1780. 

Page  141  :  En  1789  également;  lisez  :  En  1779  égale- 
ment. 

Page  151,  au  lieu  de  1759,  lisez  :  1659. 


REVUE    CRITIQUE 


DE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 


Essai  de  bibliographie  charitable,  par  Camille  Granier^ 
ancien  magistrat,  inspecteur  général  des  services- 
administratifs  du  ministère  de  Tintérieur.  Paris, 
Giiillaiimin  et  C'^'',  189^1,  gr.  in-S»  de  450  pp. 

La  charité  se  manifeste  sous  des  formes  bien  diverses,  qu'elle 
émane  de  l'assistance  publique  ou  qu'elle  provienne  du  fait  des 
particuliers.  Nous  en  avons  eu  récemment  une  preuve  touchante, 
au  cours  de  l'éjiouvantable  hiver  que  nous  venons  de  traverser,  jet 
qui  a,  hélas  !  causé  tant  de  misères  cruelles.  Les  bourses,  sur  un 
simple  appel,  se  sont  ouvertes  d'elles-mêmes  et  chacun,  suivant 
ses  moyens,  a  généreusement  contribué  à  soulager  des  souffrances 
vraiment  dignes  do  pitié.  Ce  chapitre  lugubre  de  notre  histoire 
sociale  demeurera,  dans  la  mémoire  de  tous,  comme  l'un  des  sou- 
venirs les  plus  poignants. 

Les  économistes  et  les  philanthropes  ne  cessent  d'étudier  les 
moyens  propres  à  chasser  la  misère  ou  tout  au  moins  à  en  atténuer 
les  douloureux  ellets,  mais,  si  généreuses  que  soient  leurs  inten- 
tions, la  grave  (jucstion  de  l'extinction  du  paupérisme  ne  paraît, 
malheureust'mont  pas,  devoir  être  encore  de  si  tôt  résolue.  Toute- 
fois, ce  (fui  est  de  nature  à  consoler  c'est  l'elfort  constamment 
tenté  pour  multiplier  les  œuvres  charitables.  Et  quiconque  voudrait 
écrire  une  histoire  générale  de  la  charité,  depuis  ses  premières 
manifestations  jusqu'à  nos  jours,  trouverait  dans  ce  grandiose 
mais  pénible  sujet  la  matière  d'un  livre  bien  intéressant. 

La  tâche,  il  est  vrai,  ne  serait  pas  de  peu  d'importance,  bien 
(ju'olle  se  trouve  cependant  facilitée,  simplifiée  par  l'ouvrage  que 
vient  de  ])uhlier  M.  Camille  Granier.  J^ Essai  de  hihliotjraphie 
chiu'itablr  (pril  nous  oll're  aujourd'hui  constitue  un  ensemble  de 
(!«'  (loriiuKMits  précieux  que  ne  manqueront  pas  de  consulter  les 
historiographes  futurs  de  la  charité.  Ce  n'est  pas,  Tauteur  prend 
soin  (le  \v  «liiv  lui-même,  une  bibliographie  complète  des  ouvrages 
relatifs   aux   uuxrcs  de    bienfaisance  ;  M.  Granier    s'est   borné  a 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBUCATIONS  NOUVELLES        271 

dresser  le  catalo^e  d'une  collection  particulière  mais  cependant 
très  importante,  puisqu'elle  ne  compte  pas  moins  de  2,181  numéros  ; 
il  n'a  pas  fouille  dans  nos  bibliothèques  publiques,  elles  lui  inspirent 
de  l'horreur  et  c'est  cette  horreur  même,  nous  dit  M.  Granier,  qui 
Ta  empêché  de  donner  à  son  travail  de  plus  vastes  proportions. 

Telle  qu'il  nous  la  livre,  sa  bibliographie  est  certainement  fort 
intéressante  et  fort  instructive  ;  précédée  d'une  copieuse  introduc- 
tion dans  laquelle  l'auteur  aborde  tour  à  tour  la  question  sociale ^ 
la  mendicité,  l'hospitalisation,  etc.,  elle  est  très  ingénieusement 
classiGée  ;  un  index  alphabétique  soigneusement  établi  simpHfie 
considérablement  les  recherches.  Etant  donné  l'ordre  et  la  méthode 
qu'il  a  apportés  dans  la  rédaction  de  son  ouvrage,  on  ne  peut  que 
regretter  l'aversion  instinctive  qu'éprouve  M.  Granier  pour  les 
bibliothèques  publiques.  En  puisant  aux  sources  fécondes  de  nos 
dépôts,  que  de  pièces  curieuses,  introuvables  nulle  part  ailleurs, 
que  de  livres  rares  il  eût  ajoutés  à  la  liste  déjà  longue  des  articles 
cités  dans  la  collection  qu'il  décrit  !  que  de  précieuses  trouvailles 
faites  il  nous  eût  signalées  !  Car  ce  que  nous  cherchons  tous,  tra- 
vailleurs et  bibliophiles,  c'est  le  document  ignoré  qui,  satisfaisant 
notre  légitime  curiosité,  apporte  à  l'édifice  de  nos  travaux  une  pierre 
nouvelle,  c'est  le  livre  rare  qui  nous  apparaît,  après  plusieurs 
siècles  d'oubli,  et  force  par  la  valeur  de  son  texte,  la  beauté  de  sa 
tyj)Ograpliie,  l'attrait  de  ses  figures,  notre  respectueuse  admiration. 

Avec  les  matériaux  dont  il  dispose  actuellement,  M.  Granier 
n'aurait  très  probablement  que  peu  de  chose  à  faire  pour  parache- 
ver son  travail  volontairement  incomplet  ;  il  est  en  trop  bonne 
voie  pour  s'arrêter  à  mi-côte  et  il  faut  souhaiter  que,  faisant  abstrac- 
tion de  son  horreur  pour  les  bibliothèques,  il  faut  souhaiter,  dis-je, 
qu'il  en  franchisse  le  seuil  et  les  mette  largement  à  contribution. 

G.  V. 


La  vie  privée  d'autrefois.  Arts  et  métiers,  modes,  mœurs, 
usages  des  parisiens  duxii<^  au  xviii^  siècle  d'après  des 
documents  originaux  ou  inédits  par  Alfred  Franklin. 
Variétés  gastronomiques.  Paris,  librairie Plon,iSQl, 
in- 18  de  2  (T.,  111-280  pp.  et  2  fî. 

M.  Alfred  Franklin  a  entrepris,  il  y  a  quelques  années,  de  nous 
initier  à  la  vie  privée  de  nos  ancêtres.  Au  siècle  dernier.  Le  Grand 
d'Aussy  avait  commencé  une  histoire  des  mœurs  et  usages  des  Fran- 


272  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

çais  ;  mais  son  œuvre  est  restée  inachevée.  L*érudit  administratetir 
de  la  Bibliothèque  Mazarine,  dans  les  huit  volumes  déjà  publiés,  a 
étudié  les  soins  de  la  toilette,  Tannonce,  la  réclame,  la  mesure  du 
temps,  l'hygiène,  les  repas,  la  cuisine  et  la  civilité  de  la  table. 
Aujourd'hui,  M.  Franklin  qui  semble  prendre  un  intérêt  tout  spé- 
cial aux  mœurs  épulaires  de  nos  aïeux  nous  fait  passer  de  la  cuisine 
où  s'apprêtent  les  plats  à  la  salle  à  manger  où  on  les  mange.  D  nous 
raconte  les  origines  de  tous  les  ustensiles  employés  à  table  aussi  bien 
des  nappes,  des  serviettes,  que  des  assiettes,  des  cuillères  et  des 
couteaux  ;  il  nous  apprend,  et  toujours  en  s'appuyant  sur  des  docu- 
ments originaux,  à  quelle  heure  on  prenait  ses  repas,  au  xii*  siècle 
et  depuis  cette  époque  jusqu'à  nos  jours.  Les  jeûnes  et  abstinences 
font  le  sujet  d'un  chapitre  spécial  de  même  que  les  cure-dents. 
Enfin,  après  nous  avoir  montré  Louis  XIV  à  table,  l'auteur  des 
Variétés  gastronomiques  fait  suivre  son  intéressant  ouvrage  de 
quelques  extraits  d'un  maître  livre,  le  Ménagier  de  Paris^  de  la 
Maison  réglée  et  du  Maistre  d'hostel. 

La  collection  que  publie  M.  Franklin  est  très  instructive  et,  en 
même  temps,  d'une  lecture  très  agréable. 

G.  V. 


Œuvres  complètes  de  Pierre  de  Bourdeîlles,  abbé  et  sei- 
gneur de  Branthôme.  Publiées  pour  la  première  fois 
selon  le  plan  de  Fauteur  augmentées  de  nombreuses 
variantes  et  de  fragments  inédits...  avec  une  introduc- 
tion et  des  notes  par  M.  Prosper  Mérimée,  de  l'Acadé- 
mie françoise  et  M.  Louis  Lacour,  archiviste-paléo- 
graphe. Tome  X.  Pans,  librairie  Pion,  1890,  in-12de 
1  f.  et  376  pp.  (6  fr.) 

Les  éditeurs  de  la  Bibliothèque  elzévirienne  vont  enfin  terminer 
les  ouvrages  laissés  inachevés  par  les  anciens  propriétaires  de  cette 
collection.  Ainsi  peu  à  peu  seront  comblées  les  lacunes  dont  s'in- 
quiétaient les  premiers  souscripteurs.  Il  s'agit  aujourd'hui  des 
Œuvres  complètes  de  Branthôme,  dont  nous  recevons  le  dixième 
volume,  le  premier  des  Darnes^  sans  qualificatif.  Lorsqu'au  dix- 
septième  siècle  on  imprima  pour  la  première  fois  les  écrits  de  Bran- 
thôme, ce  fut  sous  des  titres  appropriés  à  la  mode  du  moment. 
Pour  briller  a  la  cour  ou  à  la  ville  ne  fallait-il  pas  avoir  réputation 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES       273 

de  «  galant  »  ou  «  d'illustre  »?  Le  naïf  écrivain  dut  faire  son  en- 
trée dans  les  ruelles  à  la  tête  d'  «  honnestes  »  personnes  déguisées 
en  précieuses  :  les  unes  en  dames  illustres,  les  autres  en  dames 
galantes.  Prosper  Mérimée  rejeta  ces  enjolivements.  Il  faisait  obser- 
ver que  les  manuscrits  ne  contenaient  rien  sous  ces  dénominations 
prétentieuses.  Comme  précédemment,  le  texte  est  accompagné  de 
commentaires  inédits  de  ce  célèbre  académicien,  reconnaissables  à 
bien  des  boutades  érudites  qui  donnent  une  saveur  particulière  aux 
indiscrétions  de  l'auteur. 

Ajoutons  que  les  volumes  sont  d'un  format  commode  et  que  les 
textes  sont  soigneusement  revus  L'exactitude,  tel  est  le  principe  de 
la  Bibliothèque  elzéviHetine  et  c'est  ce  qui  lui  a  valu  la  sympathie 
des  bibliophiles. 

G.  V. 


Diderot.  Le  Neveu  de  Rameau,  satyre  publiée  pour  la 
première  fois  sur  le  manuscrit  original  autographe 
avec  une  introduction  et  des  notes  par  Georges 
Monval,  accompagnée  d'une  Notice  sur  les  premières 
éditions  de  l'ouvrage  et  de  la  vie  de  Jean-François 
Rameau  par  Er.  Thoinan.  Paris,  librairie  Pion,  1891, 
in-12  de  xxxii-232  pp.  et  2  fî.  (6  fr.) 

Nous  n'a\ions  eu  jusqu'à  ce  jour  que  des  textes  tronqués  et  défi- 
gurés du  Neveu  de  Rameau,  le  chef-d'œuvre  de  Diderot. 

Le  manuscrit  original  n'existait  pas  ;  il  était  perdu  ;  nul  ne  l'avait 
jamais  vu,  nul  ne  l'avait  découvert,  et  toutes  les  éditions  données, 
même  la  première,  l'avaient  été  sur  des  copies  plus  ou  moins 
incorrectes  ou  plutôt,  —  ce  qui  est  pire,  —  plus  ou  moins  corrigées. 

Mais  les  chercheurs  ont  parfois  sur  les  quais,  dans  les  boites  des 
bouquinistes,  d'inestimables  bonnes  fortunes,  et  c*est  ainsi  que  M. 
Monval^  Térudit  archiviste  de  la  Comédie  française,  a  récemment, 
comme  il  le  raconte  dans  son  introduction,  mis  la  main  sur  l'introu* 
vable  manuscrit  original  et  autographe. 

Cette  satire  est  donc  publiée  aujourd'hui,  pour  la  première  fois 
telle  qu'elle  a  été  écrite,  par  la  librairie  Pion.  Deux  fac-similé  du 
manuscrit  de  Diderot  accompagnent  le  Neveu  de  Rameau,  que  tous 
les  lettrés  et  les  curieux  voudront  goûter  dans  son  texte  pur  et 
intégral. 

G.  V. 

ISOi  18 


274  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

Etudes  et  récits  sur  Alfred  de  Musset,  par  la  Vicomtesse 
de  Janzé.  Avec  fac-similé  de  deux  dessins  d'Alfred  de 
Musset.  Paris,  librairie  Pion,  1891,  in-18  de  3  fif.  et 
280  pp. 

Le  plus  aimé  de  nos  trois  grands  poètes  :  Hugo,  Lamartine  et 
Musset,  est  à  coup  sûr  le  dernier.  11  est  resté  Técrivain  favori  des 
femmes  et  des  jeunes  hommes,  car  sa  poésie  a  conservé  toute  sa 
fraîcheur  juvénile.  Derrière  le  poète,  que  sa  sincérité,  son  émotion 
poignante,  son  charme  irrésistible  mettent  au  premier  rang  dans  la 
liitérature  française,  il  y  a  Thomme,  qui  inspire  aussi  une  vive  curio- 
sité et  une  profonde  sympathie.  On  sait  en  effet  qu'Alfred  de  Musse 
aima  beaucoup,  fut  souvent  aimé,  qu'il  prodigua  follement  sa  vie 
avec  une  insouciance  peu  commune,  et  qu'il  souffrit  cruellement. 
On  le  chérit,  on  le  plaint  ;  on  est  invinciblement  attiré  par  ce 
merveilleux  génie  et  cette  existence  aventureuse.  L'ouvrage  exact 
et  charmant,  plein  de  traits,  d'anecdotes,  de  piquants  tableaux,  de 
curieuses  révélations,  de  détails  inédits,  que  madame  de  Janzé  fait 
paraître  à  la  librairie  Pion,  éclaire  d'un  jour  nouveau  la  vie  intime 
et  l'œuvre  de  Musset.  C'est  une  biographie  très  bien  documentée, 
très  finement  écrite,  que  voudront  lire  tous  les  admirateurs  du  poète 
et  de  l'amour. 

Deux  fac-similé  de  dessins  d'Alfred  de    Musset   accompagnent 
l'ouvrage.  G.  V. 


Avant  de  terminer  cet  article  bibliographique,  je  tiens  à  signaler 
une  petite  plaquette  que  nous  envoie  M.  le  M»^  de  Granges  de  Sur- 
gères et  dans  laquelle  mon  collègue  de  la  Société  des  Bibliophiles 
contemporains  émet  sur  la  Possession  du  lim^e  des  idées  excessive- 
ment sages.  Ces  idées,  nettement  formulées  à  la  conférence  qui  s'est 
tenue,  l'été  dernier,  à  Anvers  ont  été  adoptées  à  l'unanimité  par  les 
membres  de  cette  assemblée.  L'auteur  considère  que  les  bibliophiles, 
n'étant  que  détenteurs  passagers  des  livres  qu'ils  possèdent  ont  le 
devoir  d'en  assurer  la  bonne  conservation  et,  pour  ce  faire,  il  les  en- 
gage à  s'interdire  d'une  manière  absolue  l'usage  de  timbres  à  encre 
grasse,  en  relief  ou  à  l'emporte-pièce  qui  laissent  sur  le  papier  où  on 
les  appose  des  taches  indélébiles.  h*ex~libris,  les  fers  poussés  sur 
plats  extérieurs  ne  détériorent  pas  le  volume  et  suffisent  amplement 
a  en  garantir  la  possession. 

Je  veux  également  mentionner  dix  petits  Contes  alscunens  de 
M.   Ristelhuber,  l'un  de  nos  traditionnistes    les  plus  distingués. 


REVUE   CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES       275 

Publiés  dans  un  des  derniers  numéros  de  la  Tradition,  M.  Ris- 
telhuber  a  fait  faire  un  tirage  à  part  de  ces  contes  qui  ne  manque- 
ront pas  d'être  lus  par  tous  ceux  que  passionne  la  recherche  de  nos 
anciens  usages  comme  de  nos  vieilles  légendes. 

G.  V. 


Théophile  Foisset  (1800-1873)  par  Henry  Boissard, 
ancien  procureur  général  à  la  Cour  de  Dijon.  Paris, 
Pion,  1891  ;  in-18  de  321  pag.  Prix  :  3  fr.  50. 

Le  nom  de  M.  Foisset  est  peu  connu  et  cependant  cet  homme  de 
bien  a  tenu  une  place  importante  parmi  les  catholiques  militants  de 
France  au  xixe  siècle.  Ami,  conseil,  inspirateur  de  ceux  qui  ont 
joué  les  premiers  rôles  dans  cette  brillante  armée,  il  a  amené  les 
uns  à  la  vérité,  il  y  a  retenu  les  autres,  en  les  mettant  en  garde 
contre  de  dangereux  entraînements.  C'est  cette  efficacité  d'une  vie 
volontairement  obscure  que  M.  Boissard  met  en  relief,  en  laissant  le 
plus  possible  la  parole  à  M.  Foisset  et  à  ses  illustres  amis,  pour  que 
leurs  portraits  soient,  en  quelque  sorte,  tracés  de  leurs  mains. 

Comme  le  disait,  il  y  a  peu  de  temps  dans  le  Correspondant  y 
M.  Thuroau-Dangin,  M.  Boissard  était  bien  l'écrivain  indiqué  pour 
mettre  en  lumière  la  vie  de  cet  ami  de  sa  famille.  M.  Boissard  était 
naguère  Tun  des  membres  les  plus  distingués  et  les  plus  estimés  de 
notre  magistrature  ;  arrivé  jeune  encore  à  des  postes  considérables, 
son  talent  et  son  caractère  devaient  le  porter  aux  plus  hautes  situa- 
tions ;  mais  ils  le  désignaient  aussi  aux  coups  des  épurateurs.  Rejeté 
brusquement  dans  la  vie  privée,  il  s'est  donné  tout  entier  au  service 
des  idées  qui  lui  sont  devenues  d'à  utant  plus  chères  et  sacrées  qu'il  a 
souffert  pour  elles.  Par  plus  d'un  côté,  il  se  trouvait  attiré  vers 
M.  Foisset  :  Bourguignon  comme  lui,  il  était  encore  plus  son  com- 
patriote dans  Tordre  des  idées  ;  il  avait  ses  convictions,  ses  afifections, 
ses  qualités  :  chez  tous  deux  même  mélange  d'ardeur  et  de  sagesse, 
même  droiture  désintéressée,  même  façon  de  comprendre  et  de 
remplir  les  devoirs  publics  et  privés.  Faut-il  s'en  étonner?  En  dépit 
du  voile  modeste  dont  l'auteur  couvre  tout  ce  qui  le  regarde  per- 
sonnellement, ne  devine-t-on  pas  qu'il  est  un  peu  le  fils  spirituel  de 
celui  dont  il  raconte  la  vie?  Suis-je  indiscret  en  supposant  que 
M.  Henri  Boissard  touche  de  très  près  à  cet  adolescent  dont  il  est 
parlé  plusieurs  l'ois  à  mots  couverts  dans  les  derniers  chapitres  du 
livre,  à  cet  étudiant  dont  M.  Foisset,  vieillard,  dirigeait  avec  une 


276  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

sollicitude  paternelle  Téducation  philosophique  et  religieuse,  A 
j  eune  magistrat  qu'il  assistait  de  ses  conseils  et  au  père  duquel  il 
écrivait  avec  une  émotion  charmante  :  «  Oui,  j*ai  pour  H...  des 
montées  de  tendresse.  Plutarque  dit  de  Tun  de  ses  héros  :  la  Grèce 
Taima  comme  le  dernier  homme  de  vertu  qu'elle  eût  porté  dans  sa 
vieillesse.  Il  y  a  quelque  chose  de  cela  dans  mon  affection  pour  votre 
fils.  H...  est  seul,  tout  seul,  notre  représentant,  et,  s'il  plaît  à  Dieu, 
notre  continuateur  dans  la  vie  publique.  A  ce  titre,  je  l'aime  comme 
un  fils.  »  On  peut  donc  croire  que  M.  Boissard  a  rempli  une  sorte 
de  devoir  filial  en  écrivant  son  livre.  De  là  ce  qu'on  y  sent  de  vrai, 
de  profond,  d'ému,  de  vraiment  pieux. 

En  racontant  la  vie  de  M.  Foisset,  l'auteur  résume  à  grands  traits 
l'histoire  des  efforts  par  lesquels,  à  travers  des  épreuves  incessantes, 
l'Église  catholique  s'est  relevée  en  France  de  l'abandon  où  la  lais- 
saient, il  y  a  soixante  ans,  les  classes  élevées  de  la  nation,  jusqu'au 
point  où  nous  la  voyons  aujourd'hui.  Les  chapitres  intitulés  :  Cam-- 
pagne  pour  la  liberté  de  renseignement  ;  Révolution  de  i  848  ;  ledeux' 
décembre;  le  Correspondant  ;  la  question  romaine;  le  Syllabus  ;  la 
vie  du  P.Lacordaire;  le  concile  du  Vatican,  sont  d'un  puissant  intérêt 
et  résument  admirablement  l'histoire  du  parti  catholique  durant  ce 
demi-siècle.  Il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  montrer  aux  jeunes 
gens  de  notre  temps  comment,  sans  avoir  jamais  consenti  à  sortir 
de  sa  province,  en  se  confinant  à  dessein  dans  une  petite  fortune  et 
dans  une  condition  modeste,  pour  mettre  toute  l'indépendance  et  toute 
l'intensité  de  son  travail  au  service  de  l'Église,  M.  Foisset  a  su  prendre 
une  part  considérable  à  cette  œuvre  de  relèvement.  Ils  comprendront 
ainsi  qu'on  peut  faire  en  ce  monde  beaucoup  de  bien  en  faisant  peu 
de  bruit  ;  que,  pour  cela,  il  n'est  pas  besoin  de  génie,  mais  seulement 
de  la  volonté  constante  et  ferme  d'employer  pour  Dieu  toutes  les 
facultés  qu'il  nous  a  données,  sans  autre  ambition  que  de  bien  faire. 

Le  P.  Lacordaire,  vers  la  fin  de  sa  vie,  jetant  un  regard  sur  le 
passé  a  pu  dire,  avec  un  juste  orgueil,  de  celui  qui  avait  été  l'ami  de 
sa  jeunesse  et  qui  devait  être  le  gardien  de  sa  mémoire  :  «  M.  Foisset 
est,  en  ce  siècle,  du  petit  nombre  d'hommes  qui  ont  honoré  leurs 
services  par  la  constante  rectitude  de  leur  dévouement.  Étranger  à 
toutes  les  apostasies  de  conviction  dont  on  nous  a  faits  les  témoins, 
il  a  respecté  dans  sa  personne  la  vérité  dont  il  était  l'organe  et  la 
vérité  le  rencontre  aujourd'hui  au  même  poste  qu'il  occupait  y  a 
trente  ans,  poste  connu  de  ceux  qui  aiment  la  mesure  dans  la  force, 
la  charité  dans  la  verve,  la  lumière  dans  le  style  et  une  érudition  sûre 
dans  une  pensée  qui  s'appartient.  J'ai  tant  pleuré  de  chutes  qu'il  me 
fait  plaisir  de  m'arrôter  devant  ce  chrétien  qui  est  demeuré  debout.  » 


REVUE    CRITIQUE  DE  PUBUGATIONS  NOUVELLES        277 

M.  Foisset  était  digne  de  Téloge  adressé  à  Ozanam  :  c  Nul  chrétien, 
en  France  et  de  notre  temps,  n'aima  davantage  TÉglise,  ne  sentit 
mieux  ses  besoins,  ne  pleura  plus  amèrement  les  fautes  de  ceux  qui 
la  servaient,  n'eut  enfin  dans  une  existence  laïque,  un  plus  véritable 
et  plus  profond  apostolat.  » 

On  comprend  qu'un  tel  sujet,  une  pareille  vie,  un  tel  caractère, 

aient  tenté  une  pareille  plume. 

P.-L.  d'Arc. 


Cabinet  dun  curieux.  Description  de  quelques  livres  rares. 
Se  donne  chez  Tauteur  à  Paris,  1890,  gr.  in-S®  de  134  p. 

iS^  donne  chez  Vauteur.  Notons  tout  d'abord  cette  gracieuse  for- 
mule si  digne  d'un  homme  dont  la  générosité  est  proverbiale  et  qui 
s'est  toujours  si  noblement  servi  de  sa  grande  fortune.  Cela  console  de 
la  sécheresse  et  de  l'égoisme  de  prétendus  bibliophiles  pour  qui 
n'existe  pas  le  doux  mot  de  confraternité.  M.  le  baron  Double, 
l'heureux  possesseur  d'un  des  plus  précieux  cabinets  que  l'on  con- 
naisse, se  montre  fidèle  aux  traditions  des  grands  amateurs  d'autre- 
fois. Ses  joyaux  appartiennent  à  ses  amis  autant  qu'à  lui-même,  et 
dans  le  cercle  immense  de  ses  amis,  il  fait  entrer  tous  ceux  qui, 
comme  lui,  ont  la  passion  des  a  beaux  vieux  livres.  *  Cette  passion 
qu'il  dépeint  admirablement  dès  la  première  page  de  son  recueil, 
il  l'éprouva  tout  enfant,  de  même  qu'il  l'éprouvera  encore  dans  son 
extrême  vieillesse,  car,  si  nos  vœux  sont  exaucés,  sa  vie  sera  aussi 
longue  que  paisible,  et  le  modèle  des  bibliophiles  deviendra  leur  vénéré 
doyen.  On  lira  avec  un  vif  intérêt  le  récit  de  ses  premières  impres- 
sions devant  la  magnifique  collection  formée  par  son  père  c  très 
érudit  et  très  connaisseur,  »  et  qui  l'initia  «  au  culte  des  belles 
choses  et  des  vieux  souvenirs.  »  C'est  une  sorte  de  rapide  autobio- 
graphie où  nous  retrouvons  l'éloquente  traduction  de  nos  propres 
émotions,  particulièrement  en  des  phrases  comme  celle-ci  sur  les 
reliures  du  .wi^  sièlce  qui  «  rayonnaient  devant  moi  comme  des 
astres,  »  ou  comme  celle-ci  sur  des  livres  qui  t  avaient  des  mur^ 
mures  compris  de  moi  seul.  » 

Avant  de  décrire  une  à  une  les  richesses  du  Cabinet  d'un  curieux^ 
M.  Double  énumère  les  principales  de  ces  richesses,  saluant  au  pas- 
sage d'un  mot  heureux  le  Spéculum^  «  ancêtre  des  incunables,  » 
le  Kalandvier  et  Compost,  a  ancêtre  des  almanachs  dont  nous 
sommes  inondés  quand  viennent  les  pluies  d'automne,  »  les  romans 


278  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

de  chevalerie  (  1  ) ,  les  livres  qui  proviennent  de  la  bibliothèque  de 
Louis  XIV  au  palais  de  Fontainebleau.  Parmi  ces  derniers,  on  dis* 
tingue  surtout  un  livre  qui  inspire  à  M.  Double  (p.  5)  un  trop  char- 
mant éloge  pour  que  je  ne  m'empresse  pas  de  le  reproduire  :  «  Je 
m'arrête  avec  délices  sur  un  petit  Henri  IV  que  j'ose  déclarer  un 
diamant.  Il  est  en  maroquin  rouge,  tout  semé  de  dauphins  et  de 
fleurs  de  lys.  Au  milieu,  les  armes  de  France  et  de  Navarre  ;  aux 
angles,  des  H  couronnés,  enlacés  de  lauriers.  C'est  un  bijou  de  re- 
liure ancienne.  Le  Béarnais,  plus  spirituel  à  lui  tout  seul  que  tous 
les  livres  réunis,  avait  une  bibliothèque  fort  restreinte  (2),  et  dans  ce 
petit  volume,  la  rareté  et  la  gloire  du  souvenir  s'unissent  pour  faire 
la  joie  du  collectionneur  (3).  »  J'emprunte  encore  à  ces  pages  pré- 
liminaires une  défmition  du  bonheur  que  la  plupart  d'entre  nous  ne 
manqueront  pas  de  s'approprier  (p.  6)  :  «  On  a  souvent  demandé 
quelle  idée  chacun  de  nous  se  fait  du  bonheur.  Pour  moi,  le  bon- 
heur est  dans  cette  cité  des  livres  où  je  m'enferme  sous  la  lueur 
égale  et  claire  de  la  lampe,  oublieux  de  la  foule  qui  s'agite,  des 
vanités  qui  s'affolent,  des  plaisirs  qui  se  lassent.  Dans  la  calme 
retraite  et  la  paix  souriante,  le  flot  des  heures  s'écoule  doucement, 
mes  amis  silencieux  me  disent  leurs  secrets.  » 

Quel  plaisir  de  suivre  M.  Double  dans  son  voyage  autour  de  sa 
bibliothèque  !  Ses  descriptions  sont  si  colorées,  ses  analyses  si  péné- 
trantes, ses  appréciations  si  remarquables  !  Sans  doute,  le  guide  est 
enflammé  d'enthousiasme,  et  c'est  avec  une  complaisance  et  une 

(1)  M.  Double  dit  très  agréablement  (p.  4)  au  sujet  d'un  de  ces  romans  :  c  En 
regardant  la  Mclusine,  comtesse  de  Poitou,  je  ne  plains  pas  trop  son  maître, 
le  seigneur  de  Lusignan.  Mélusine  était  une  sirène  dont  on  voyait  la  queue  de 
poisson.  Les  charmeuses  d'aujourd'hui  en  ont  souvent  une  de  serpent  et  on  ne 
la  voit  pas  !  »  L'auteur  a  fait  reproduire,  d'après  une  presque  introuvable 
édition  du  poème  de  Mélusine  (1517),  un  bois  représentant  avec  une  naïveté 
toute  primitive  le  sire  de  Lusignan  observant  par  le  trou  d'une  serrure  la  fée 
au  moment  où  elle  se  baigne  et  se  change  en  sirè  ne. 

(2)  Encore  est-il  permis  de  croire  qu'il  n'en  avait  pas  tout  lu  !  Je  n'hésiterais 
pas  à  soutenir,  par  exemple,  qu'il  n'avait  pas  feuilleté  le  Lactance  que 
M.  Double  vient  de  décrire  avec  tant  de  feu.  Si  l'on  m'objectait  que  le  prince , 
qui  avait  lu  les  Vies  de  Plutarque,  pouvait  bien  avoir  lu  les  sept  li\Tes  des 
Institutions  divines,  je  rappeUerais  que  la  lettre  où  Henri  IV  vante  tant  l'écri- 
vain de  Chéronée  est  de  fabrication  toute  moderne  et  l'œuvre  d'un  ingénieux 
mystificateur. 

(  3  )  Auprès  du  Lactance  du  mari,  M.  Doublementionne  le  Lucrèce  de  l'épouse, 
disant  avec  une  malicieuse  finesse  :  c  A  côté  de  lui,  (  Henri  IV)  on  peut  placer, 
plus  près  qu'il  ne  la  voulut  jamais  avoir,  la  Marguerite  de  France.  >  La  jeûnait 
de  M.  Double  n'est-il  pas  un  peu  trop  absolu  ? 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES        279 

fierté  en  quelque  sorte  paternelles  qu'il  nous  présente  les  divers 
chefs-d'œuvre  de  son   incomparable  cabinet.  Mais  n'aime-t-on  pas 
mieux  cette  passion  débordante  que  la  froide  méthode  des  rédacteurs 
de  catalogues  officiels,  surtout  si  l'on  considère  qu'au  milieu  de  tant 
de  poésie,  la  vérité  ne  perd  rien  de  son  éclat,  et  que  partout  la  pureté 
du  goût  de  l'artiste  s'unit  à  la  consciencieuse  exactitude  de  l'érudit  *? 
Nous   ne    pouvons  que   mentionner   rapidement   l'inappréciable 
manuscrit  des  Chroniques  de  France  sur  vélin,  du  xv^  siècle,  aux 
armes  de  Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne,  orné  de  trente-deux 
miniatures,  ï Image  de  Vertu   de  Pierre  Doré  (Paris,  1540)  (1), 
décorée   par  la  duchesse  de  Guise  (Antoinette  de  Bourbon)  d'une 
reliure  digne  d'être  offerte  à  François  1er,  un  Claudien  aux  armes 
de  ce  même  prince,  imprimé  par  Aide  en  1523  et  revêtu  d'une 
reliure  du  luxe  le  plus  délicat,  où  resplendit  la  Salamandre,  un 
Ovide  aux  armes  de  Henri  VIII  donné  au  Barbe-Bleue  de  l'Angleterre 
par  François  I^r,  le  Diodore  Sicilien,  aux  armes  du  Dauphin,  futur 
Henri  II  (2),  le  Plante  d'Antoine  Gryphe  (Lyon,  1549)  aux  armes 
et  emblèmes  du  roi  Henri  II  et  de  Diane  de  Poitiers  (lys,  arcs  et 
croissants),  les  Ordonnances  royaulx  (Paris,  1539,  Galliot  du  Pré), 
aux  armes  de  François  II  et  de  Marie  Stuart,  plusieurs  volumes  aux 
armes  de  Henri  III,  un  volume  aux  armes  du  cardinal  de  Bourbon, 
le  Charles  X  de  la  Ligue  (3),  un  volume  aux  armes  et  aux  chiffres 
de  Charles  de  Valois,  comte  d'Auvergne ,  duc  d'Angouléme,  les  Dia- 
logues et  Devis  des  damoiselles  pour  les  rendre  vertueuses  (  1583  )  (4), 
aux  chiffres  couronnés  de  Louis  XIII  et  d'Anne  d'Autriche,    un 
Sidoine  Apollinaire  (1609),  aux  armes  de  cette  princesse,  avec  la 


(1)  D'aprt's  11  no  note  d'un  maitrc  dont  la  mémoire  doit  nous  rester  toujours 
chère,  Paul  Lacroix,  c'est  ici  une  première  édition  inconnue  des  bibliographes. 
Brunet  n'a  cité  que  la  troisième  édition,  celle  dont,  moins  heureux  que  le 
baron  Double,  dut  se  contenter  le  duc  de  la  Vallière. 

(2)  Comme  Antoine  Macault,  traducteur  de  l'ouvrage,  commulait  les  fonc- 
tions de  notaire,  secrétaire  et  valet  de  chambre  ordinaire  de  François  I*», 
M.  Double  l'appelle  gaîment  «  ce  notaire  à  tout  faire.  » 

(3)  Selon  V Armoriai  du  Bibliophile,  tous  les  livres  du  cardinal  étaient  reliés 
en  maroquin  rouge.  M.  Double  s'élève  contre  cette  généralisation  impru- 
dente :  «.  Presque  tous  ceux  que  nous  avons  vus,  »  déclare-t-il,  c  sont,  comme 
celui-ci,  reliés  en  maroquin  vert.  »  Observons  que  ce  qui  n'est  .pas  vrai  pour 
les  livres  du  cardinal  est  presque  complètement  vrai  pour  ceux  de  Peiresc 

(4)  Prière  de  ne  pas  se  fier  à  cette  épithète.  M.  Double  rappelle  (p.  26)  qae 
c  c'est  un  ouvrage  d'une  rare  indécence,  un  peu  atténuée,  ici,  dans  Ih  traduc- 
tion »  de  François  d'Amboise,  ajoutant  qu'il  est  curieux  de  rencontrer  on  t«| 
recueil  «  avec  les  chiffres  du  chaste  Louis  XIII  ».  . 


280  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

cordelière  de  veuve,  les  Éloges  historiques  des  empereurs^  des  roiiy 
etc.,  }>ar  A.  Godeau  (1661),  exemplaire  de  dédicace  aux  armes  de 
Louis  XIV  et  de  Marie-Thérèse  (  1  ),  et  (je  suis  obligé  d'abréger 
l'éblouissante  énumération  )  cinq  ouvrages  aux  armes  de  l'adorable 
Marie-Ântoinctte;  puis  vient  la  description  d'une  merveilleuse  série 
d'exemplaires  de  Grolier,  de  Ganévarius,  médecin  du  pape  Urbain  VII, 
de  Louis  Du  Lys,  descendant  d'un  frère  de  Jeanne  d'Arc,  du  mar- 
quis de  Goligny,  de  Jacques- Auguste  de  Thou,  du  cardinal  de  Monti, 
du  cardinal  Bellarmin,  du  cardinal  de  Médicis,  du  cardinal  de  Riche- 
lieu (reliure  de  Le  Gascon),  du  cardinal  Mazarin  (reliure  de  Duseuil), 
de  Matiiieu  Mole  (reliure  de  Le  Gascon),  d'Habert  de  Montmaur 
(reliure  du  m^me  magicien),  du  chancelier  Boucherat,  du  président 
de  Harlay,  de  la  marquise  de  Montespan,  de  la  marquise  de  Main- 
tenon,  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Montausier,  de  Nicolas  Fouc- 
quet(2),  de  Golbert,  de  Lou  vois,  du  marquis  de  Seignela y ,  du  maréchal 
de  Villeroy,  de  Longepierre,  du  comte  d'Hoym,  de  la  comtesse  de 
Verrue,  de  la  marquise  de  Pompadour,  de  la  comtesse  Du  Barry  (3), 
du  duc  de  Choiseul,  du  chancelier  Hue  de  Miroménil,  du  cardinal 
de  Rohan,  de  M.  de  Saitine,  de  la  maréchale-duchesse  de  Montmo- 
rency-Luxembourg (Madeleine-Angélique  de  Villeroy),  de  la  duchesse 
de  Boufllers  (Marie- Anne  de  Montmorency),  de  M&r  Double,  évêque 
de  Tarbes  (V Imitation  de  Jésus-Christ,  traduction  de  l'abbé  Valart, 
impression  de  Barbou,  reliure  de  Derome). 

Dans  la  seconde  partie  de  l'ouvrage,  l'auteur  signale,  outre  le 
Spéculum,  qui  est  le  plus  précieux  des  joyaux  de  son  écrin,  et  le 


(1)  M.  Double  cite  quelques  extraits  de  l'épltre  dédicatoire  où  de  sages 
conseils  accompagnent  des  éloges  discrets,  et  il  constate  que  Tévéque  de 
Vence  est  à  peu  près  le  seul  écrivain  de  l'époque  qui,  dans  une  dédicace  aa 
roi,  ne  donne  pas  le  spectacle  d'une  c  phénoménale  platitude.  »  L'humiliante 
posture  des  flatteurs  de  Louis  XIV  me  déplaît  fort,  mais  n'avons-nous  pas 
TU,  de  nos  jours,  des  écrivains  se  prosterner  devant  des  personnages  qui 
n'avaient  rien  du  prestige  du  grand  roi  ?  Aplatissement  pour  aplatissement, 
l'un  est  autrement  excusable  que  l'autre. 

(2)  Rappelons  que  dans  la  liuraison  de  Janvier  1891  des  Études  religieuses, 
philosophiques,  historiques  et  littéraires  (p.  54-81)  a  paru  un  savant  et  charmant 
article  du  R.P.Henri  Chérot  sur  le  surintendant  Foucquet  ami  des /f  tires,  article 
qui  complète  les  deux  remarquables  volumes  consacrés  au  ministre  de  Louis 
XIV  par  M.  Jules  Lair  (  Pion,  1890). 

(3)  Il  s'agit  là  d'un  ouvrage  du  P.  Malebranche.  M.  Double  ne  se  refuse  pas 
Ift  satisfaction  de  signaler  la  piquante  antithèse  que  forment  ces  deux  noms  : 
Malebranche  et  la  Du  Barry. 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS    NOUVELLES        281 

Compost  et  Kalendrier  des  bergiers^  qui  n*est  guère  moins  rare  et 
moins  curieux,  la  Fontaine  de  toutes  sciences  du  philosophe  Sydrach 
{avec  extraits  de  celle  singulière  encyclopédie),  la  Danse  des 
aveugles,  la  Grande  nef  des  folz  du  monde,  la  Manière  d'enter  et 
planter  en  jardins  (exemplaire  unique)^  les  Loups  ravissants  (livre 
aussi  rare  qu'il  est  hardi  et  amusant),  Ces  présentes  heures  de  Tan 
1500,  édition  non  décrite,  diverses  autres  Heures,  notamment  celles 
de  Simon  Vostre  (1512),  le  Quadra^ésimal  spirituel  (1  ),  le  Livre 
de  Mathéolus,  exemplaire  qui  a  eu  Thonneur  d'appartenir  à  cinq 
bibliophiles  célèbres  :  Charles  Nodier,  Glinchamp,  Solar,  Yemeniz  et 
le  baron  Double,  un  grand  nombre  d'autres  livres  de  haute  valeur 
dont  un  (Grans  chroniques  de  France,  1514),  a  appartenu  à  Peiresc, 
dont  un  autre  est  une  édition  non  citée  des  Anciennes  et  modernes 
généalogies  des  Roys  de  France  (1529),  dont  plusieurs  ont  été 
inconnus  à  Brunet  (2). 

Si  j'ajoute  qu'à  toutes  les  exquises  qualités  littéraires  du  recueil 
sont  jointes  toutes  les  autres  qualités  d'un  autre  ordre  qui  peuvent 
le  mieux  nous  séduire  (belle  impression,  beau  papier,  belles  gra- 
vures) (3),  on  voit  que  rien  ne  manque  é  un  volume  destiné 
à  devenir,  un  jour,  aussi  précieux  que  bon  nombre  de  ceux  qui 
forment  le  cabinet  d*un  curieux,  ce  cabinet  dont  je  dirais,  si  je  ne 
craignais  de  scandaliser  les  théologiens,  que  c'est  vraiment  un  coin 

du  paradis. 

T.  DE  L. 


(1)  Exemplaire  de  J.-C  Brunet,  relié  par  Bauzonnet.  c  Un  des  plus  curieux 
livres  mystiques,  mélange  bizarre  de  cuisine  et  de  dévotion.  Au  moyen  de 
rapprochements  étranges,  l'auteur  attache  un  sens  mystique  à  tous  les  mets 
qu'on  mangeait  alors  en  Carême  ».  M.  Double  dpnne  la  1  iste  de  ces  mets  qui 
n'ont  rien  d'affriolant  et  où  les  feues  frites  brillent  à  côté  des  pois  poMtés, 
comme  les  pruneaux  à  côté  des  échaudés.  La  notice  sur  le  qucuiragésinud  est 
écrite  avec  une  bonne  humeur  qui  dériderait  le  lecteur  le  plus  morose.  Voir 
quelques  autres  éclairs  de  cette  gaieté  qu'aimaient  tant  nos  pères  et  qui  est  si 
bien  appelée  la  gaieté  gauloise  dans  la  notice  sur  le  Rebours  de  Mathéolus, 
à  propos  du  mal  qu'on  a  dit  des  femmes  (n*  99-100),  et,  plus  haut,  dans  la 
notice  sur  Vart  d'embellir  le  visage,  par  M"*  Cochois,  à  propos  de  la  recette  du 
fard  donnée  en  1745  (p.  72-73). 

(2)  Par  exemple,  Olivier  deCastille  (1505),  Paris  et  Vienne  (1502),  Mélusine 
<1517),  Florent  et  Lyon  (vers  1532^,  Pierre  de  Provence  et  la  belle  Maguelonne. 

(3)  On  n'en  compte  pas  moins  d'une  vingtaine  qui  reproduisent  en  perfec- 
tion soit  les  splendides  reliures,  soit  les  images  des  vieux  bouquins. 


RABELAIS    VOYAGEUR 


Malgré  runiversellc  popularité  dont  jouissent  les  œuvres  de 
François  Rabelais,  il  n'est  peut-être  pas  d'auteur,  de  sa  célébrité^ 
dont  la  vie  nous  soit  relativement  si  peu  connue,  puisque  la  date  de 
sa  naissance  elle-même  est  encore  indécise.  Ce  n'est  pas  cependant 
que  l'on  n'ait  consacré  nombre  d'études  A  cet  illustre  personnage, 
mais  jusqu'à  présent  on  avait  dû  se  contenter  de  renseignements 
plus  ou  moins  va^^fucs,  pour  la  plupart  accueillis  sans  contrôle,  et 
les  documents  précis  relatifs  au  nMe  considérable  qu'il  a  joué  dan» 
son  temps  étaient  demeurés  enfouis  dans  les  archives  sans  que  les 
érudits  aient  pu  parvenir  à  les  exhumer. 

Plus  heureux  que  ses  devanciers,  M.  Arthur  Heulhard,  après  dix 
années  de  consciencieuses  recherches,  vient  de  faire  d'importantes 
découvertes  qui  serviront  à  reconstituer  la  vie,  en  partie  tout  au 
moins,  de  l'auteur  de  Gargantua  et  de  Pantagruel.  Déjà,  il  y  a 
quelques  années,  il  nous  avait  présenté  Rabelais  légiste  et  Rabelais 
chirurgien;  aujourd'hui,  dans  rexcellent  travail  qu'il  publie  (1), 
M.  Arthur  Heulhard  nous  montre  Rabelais  voyageur.  Car  si  Ton  a 
cru  long^temps  que  l'ami  des  du  Bellay  n'avait  fait  qu'un  seul  voyage 
en  Italie,  on  a  la  certitude  maintenant  que  Rabelais  ne  la  visita  pas 
moins  de  quatre  fois. 

Ce  que  fut  Rabelais  en  France,  M.  Heulhard  ne  s'en  occupe  ici 
qu'accidentellement  ;  la  vie  de  maître  François,  dans  son  pays  natal, 
fera,  nous  dit  l'auteur,  l'objet  d'un  autre  volume  qui  paraîtra  s'il 
vient  à  point,  ce  dont  nous  ne  saurions  douter  et  ce  que  même  nous 
souhaitons  vivement  ;  car  M.  Heulhard  appartient  à  la  bonne  école, 
à  cette  école  de  travailleurs  qui,  profondément  amoureux  de  leur 
sujet,  puisent  directement  aux  sources  et  ne  s'attardent  pas  aux 
renseignements  de  seconde  main  dont  le  seul  résultat  est  de  con- 
duire fatalement  k  perpétuer  de  déplorables  erreurs. 

Nous  venons  de  dire  que  Rabelais  n'avait  pas  été  moins  de  quatre 
fois  en  Italie.  M.  Heulhard,  grâce  aux  trouvailles  qu'il  a  eu  la  bonne 
fortune  de  faire  en  compulsant  les  archives  de  plusieurs  villes  de 
France  et  d'Italie,  en  fouillant,  en  vrai  chercheur  qu'il  est,  dans  des 
documents  de  toutes  sortes  tels  que  papiers  d'Etat,  correspondances 

(1)  ARTHUR  Heulhard,  Rabelais,  ses  voyages  en  Italie,  son  exil  d  Metz» 
Ouvrage  orné  d'un  portrait  à  l'eau-forte  de  Rabelais,  de  deux  restitutions  en 
couleur  de  l'Âbhaye  de  Thêlème,  de  neuf  planches  hors  texte  et  de  soixante- 
quinze  gravures  dans  le  texte,  autographes,  etc.  Paris,  librairie  de  VArt,  L. 
il///50/i  et  C,  29,  cité  d'Antin;  1891,  gr.  in-8  de  1  feuiUet.  X-404  pages  et 
2  feuillets.  (40  fr.) 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS   NOUVELLES       283 

diplomatiques,  poésies,  estampes,  M.  Heulhard,  disons-nous,  a  pu 
suivre  le  maître  écrivain,  pour  ainsi  dire  pas  à  pas,  dans  chacun  de 
ses  voyages.  Il  nous  faudrait  assurément  plus  de  place  que  celle 
dont  nous  disposons  ici  pour  analyser,  de  façon  complète,  le  livre  si 
intéressant  qui  éclaire  d'un  jour  tout  nouveau  la  grande  figure  de 
Rabelais.  Aussi  bien,  devrons-nous  faire  un  choix  parmi  ces  docu- 
ments, qui  sont  cependant  tous  d'un  réel  intérêt  ;  et  laissant  de  côté 
les  deux  premiers  voyages  que  fit  à  Rome  Fauteur  de  Pantagruel, 
à  la  suite  de  Jean  du  Bellay,  évêque  de  Paris,  ne  nous  occuperons- 
nous  que  du  troisième,  le  voyage  en  Piémont  (1589-1540-1541-1542). 
Ce  fut,  du  reste,  le  plus  long  comme  durée  et  le  plus  important. 

François  l^^  a  conquis  la  Savoie  et  pris  racine  en  Piémont,  dont 
Guillaume  du  Bellay,  seigneur  de  Langey  et  frère  de  Jean,  vient 
d'être  nommé  gouverneur,  après  la  trêve  conclue  le  28  novembre 
1537,  avec  les  Impériaux.  Langey,  diplomate  habile  et  stratégiste 
hors  ligne,  estime  qu'il  faut  armer  Turin,  point  de  mire  des  troupes 
de  Charles-Quint.  S'il  est  nécessaire  d'élever  des  fortifications  pour 
parer  à  quelque  surprise  de  l'ennemi,  il  faut  aussi  installer  un  Par- 
lement chargé  d'appliquer  la  loi  française. 

Pour  cette  œuvre  considérable  de  civilisation,  Langey  devait  s'entourer 
de  toutes  les  lumières  de  l'expérience  et  de  la  raison  :  à  la  tête  du  Parle- 
ment, il  fit  placer  un  Angevin,  François  Errault,  seigneur  de  Chemant, 
conseiller  au  Parlement  de  Paris,  et  comme  il  fallait  un  homme  de  con- 
fiance avec  qui  délibérer  et  décider  :  suivant  l'exemple  de  son  frère  le 
cardinal,  il  choisit  Rabelais  pour  médecin  et  secrétaire. 

Rabelais,  mandé  par  Guillaume  du  Bellay,  arrive  à  Turin,  et  son 
rôle  de  médecin  n'est  pas  une  sinécure  ;  car,  dès  juillet  1538,  le 
gouverneur  du  Piémont,  v(  attaqué  par  la  maladie,  ne  connut  plus 
de  répit  ».  Néanmoins,  Langey,  dont  l'autorité  grandissait  toujours, 
ne  songeait  qu'à  mettre  le  Piémont  en  état  de  défense. 

La  fortification  pouvait  défier  une  brusque  attaque.  La  présence  de 
Rabelais  auprès  de  lui  est  très  significative.  C'est  le  mathématicien,  le 
géomètre,  l'ingénieur  consultant. 

Même  en  l'absence  d'autres  preuves,  quel  moyen  de  n'être  pas  frappé 
par  le  grand  étalage  de  termes  spéciaux  dont  Rabelais  use  quand  il  s'agit 
de  défense  militaire?  Le  prologue  du  Troisième  Livre  m'avait  singulière- 
ment saisi  à  ce  point  de  vue,  écrit  M.  Heulhard,  et,  dans  Téclat  guerrier 
qu'il  respire,  j'avais  deviné  la  traduction  d'impressions  personnellement 
ressenties. 

Rabelais  s'acquitta,  en  conscience,  de  ses  fonctions  de  secrétaire 
d'État,  accompagnant  partout  son  maître  et  l'aidant  de  ses  conseils. 


284  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

En  1541,  au  commencement  de  janvier,  nous  trouvons  Rabefaûs  ft 

Ghambéry,  et  sa  présence  dans  cette  ville  s'explique,  dit  M.  Heulhard, 

par  les  intérêts  privés  qu'y  avait  son  maître.  Le  secrétaire  de  loûag^j 

ne  fit  d'ailleurs  qu'une  assez  courte  absence  de  Turin.  Guiliaume  dn 

Bellay,  ayant  obtenu  un  congé,  vient  en  France  à  la  fin  de  noTemlire 

1541  et  y  séjourne  jusqu'en  mai  1542,  et,  comme  l'on  n'a  pas  de 

nouvelles  de  Rabelais  avant  le  retour  de  son  maître,  il  est  probable 

qu'ils  partirent  et  revinrent  ensemble;  il  y  a  également  lieu  de  croire 

que  Rabelais  se  produisit  souvent  à  la  cour  dans  l'entourage  de 

Langey.  Ici  se  place  une  particularité  bien  curieuse  qui  avait  échappé 

aux   biographes  et  aux   éditeurs   de  Rabelais.   Qaude  Ghappuis, 

«  libraire  et  varlet  de  chambre  ordinaire  »  du  Roi,  fait  imprimer,  en 

1543,  un  Discours  de  la  Court  en  vers,  dans  lequel  il  passe  en  revue 

tous  les  personnages  qui  approchent  François  I^r.  Dans  le  passage 

concernant  les  Maistres  des  Requestes,  cité  en  entier  par  M.  Heu- 

Ihard,  voici  deux  vers  relatifs  au  secrétaire  de  Langey,  excessivement 

importants  : 

Et  Rabelais  a  nul  qu'a  soy  semblable 
Par  son  scavoir  partout  recommandable. 

En  mai  1542,  Langey  revient  à  Turin;  la  goutte  dont  il  était 
atteint  le  tenaille  avec  violence,  et  vers  le  mois  de  janvier  1543,  il  se 
met  en  route  dans  une  litière  pour  rentrer  en  France;  maisàSaint- 
,  Symphorien,  près  de  Roanne,  la  maladie  a  empiré,  et  le  10  janvier 
il  rend  sa  belle  âme  à  Dieu.  Ce  fut  à  Rabelais,  aidé  d'un  autre  méde- 
cin, Gabriel  Taphenon,  qu'incomba  la  tâche  délicate  d'embaumer  le 
corps  de  Langey  et  de  le  ramener  au  Mans,  où  furent  célébrées  les 
obsèques,  dans  l'église  abbatiale  de  Saint-Vincent. 

De  ses  voyages  en  Italie,  il  n'en  est  pas  qui  ait  laissé  d*empreintes  plus 
profondes  chez  Rabelais.  Il  avait  eu  cette  satisfaction  incomparable  de 
trouver  en  Langey  un  homme  qui  avait  su  se  servir  de  son  génie  universel. 

Voilà  Rabelais  de  retour  en  France  ;  il  va  s'occuper  désormais  du 
Tiers  Livre,  qui  lui  vaudra  les  attaques  violentes  des  Sorbonistes 
et  le  forcera  à  s'exiler  momentanément  à  Metz  ;  puis  il  retournera 
pour  la  quatrième  fois  en  Italie. 

Nous  ne  pouvons  le  suivre  dans  ce  quatrième  voyage,  dont  le 
récit  intéressant  nous  entraînerait  trop  loin,  mais  avant  de  terminer 
ces  lignes,  qu'il  nous  soit  permis  de  dire  à  M.  Arthur  Heulhard 
qu'en  publiant  cette  étude  si  documentée,  il  s'est  acquis  un  nouveau 
titre  à  la  reconnaissance  des  admirateurs  de  Rabelais. 

Georges  Vicaire. 


CATALOGUE    DESCRIPTIF 


DE 


LIVRES  ET   PIECES  RARES 

EN  VENTE  kUl  PRIX  MARQUÉS  A  LA  LIBRAIRIE  TECHENER 


14.  —  Dialogus  quo  multa  exponuntur  quae  Lutheranis 
et  Hugonotis  Gallis  accidenint.  Nonnulla  item  scitu 
digna  et  salutaria  consilia  adjecta  sunt.  Oragniœ, 
Adamus  de  Monte,  1573,  in-8  de  4  flF.  prél.  170  pp.  et 
2  flF.  de  table,  mar.  r.,  dos  orné,  dent,  de  fleurs  sur 
les  plats,  tr.  dor.  [Rel.  anc. y  Exemplaire  réglé.   120  fr. 

Ce  dialogue,  écrit  quelques  mois  après  la  Saint-Barthélémy,  suit 
pas  à  pas,  avec  une  remarquable  exactitude,  Thistoire  du  protestan- 
tisme en  France,  depuis  les  premières  persécutions  sous  François  I*"" 
jusqu'à  la  nuit  du  24  août  1572.  Les  interlocuteurs  sont  Alethia,  la 
vérité,  qui  s'est  réfugiée  en  Hongrie,  dans  Tempireturc;  Phila- 
lethes  qui,  accompagné  d' Historiographus  et  de  Politicus,  a  quitté 
la  France  après  le  massacre  des  Huguenots  ;  Ecclesia  et  le  prophète 
Daniel.  Historiographus  et  Politicus  racontent,  sans  se  départir 
d'une  modération  relative,  rare  dans  les  écrits  de  cette  époque, 
toutes  les  phases  des  luttes  religieuses  et  le  sanglant  épilogue.  Us 
affirment  à  plusieurs  reprises  que  Charles  IX  déclara,  en  plein  Parle- 
ment, que  tout  ce  qui  s'était  passé  lors  de  la  Saint-Barthélémy  avait 
été  fait  par  son  ordre  :  a  Ibi  sedens  frequenti  SenatUy  collecHs 
curiœ  omnibus  classibus,  palam  professas  est  quidquid  his  diebus 
gestum  fuerat,  non  solum  se  assentiente  sed  etiam  autore  etjubente 
gestum  fuisse.  »  Et  plus  loin  :  a  Palatium  adiit,  ibi  pro  tribunali 
confirmavit  hœc  omnia  gesta  fuisse  proprio  et  spontanée  suo 
motu.  » 

A  la  fin,  sur  la  prière  d' Ecclesia,  Daniel  apparaît  et  trace  aux 
églises  réformées  un  plan  de  constitution  en  quarante  articles,  plan 
où  domine  très  nettement  le  système  de  fédération  républicaine. 

Cette  édition  latine,  imprimée  à  Orange,  est  la  première  de  ce 
très  curieux  dialogue  ;  il   en  parut,  cette  même  année  1573,  une 


286  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

traduction  française  :  Dialogue  des  choses  advenues  aux  Luthériens 
et  Huguenots  de  France,  Basle.  En  1574,  Tédition  latine  reparut  à 
Edimbourg,  augmentée  d'une  seconde  partie  :  Dialogi  ab  EusMo 
Philadelpho,  cosmopolita,  in  Gallorum  et  cœterarum  nationum 
gratiam  compositi,....  La  traduction  française  de  cette  édition  fut 
publiée  presque  aussitôt  sous  le  titre  de  Le  RéveUle-Matin  des 
Français  et  de  leurs  voisins,  Edimbourg,  1574,  qui  n'a  rien  de 
commun  avec  Le  Vray  Resveille-matin  des  Calvinistes  et  Publia 
cains  françois,  de  Sorbin.  On  a  voulu  attribuer  le  Dialogus  à  Théo- 
dore de  Bèze  ;  il  est  plus  vraisemblablement  de  Nicolas  Bamaud. 


15.  —  De  origine,  causis,  typo  et  ceremoniis  illius  ritus 
qui  vulgo  in  Scholis  Depositio  appellatur,  oratio  M. 
Johannis  Dinckelii.  Addilum  est  ludicium  Reverendi 
Patris.  D.  Doctoris  Martini  Lutheri,  de  hoc  ritu, 
typusque  ejusdem  ritus,  Heroico  Carminé  descriptus, 
Authore  Friderico  Widebrando. —  A  la  fin  :  Erphor- 
diœ  excudebat  Esaias  Mechlerus,  M.D.LXXVIII  ;  pet. 
in-8  de  24  flF.  non  chiflF.,  fig.  s.  bois,  maroq.  vert, 
fil.,  tr.  dor.  (Cape).  95  fr. 

La  Depositio  Scholastica,  en  usage  dans  les  académies  allemandes 
du  xvie  siècle,  était  quelque  chose  d'analogue  aux  épreuves  de  la 
franc-maçonnerie  ou  aux  brimades  de  nos  écoles.  Le  nouveau  ou 
beanus  était  soumis  par  les  vétérans  à  ces  épreuves  qui  avaient  pour 
but  de  lui  faire  déposer  (d'où  le  mot  Depositio)  ses  défauts,  ses 
travers  et  surtout  sa  présomptueuse  confiance  en  lui-même.  En  1540, 
des  étudiants  célébrant  ce  rite  scolaire  furent  reçus  par  Martin 
Luther,  qui  approuva  fort  cet  usage,  comme  très  propre  à  préparer 
la  jeunesse  aux  luttes  de  l'avenir  :  «  Hisitaque, dit-il  en  s'adressant 
à  l'un  d'eux,  ab  ineunte  œtate  assuesce,  ut  œquiore  anima  ad 
maiora  adhibitus,  curas  et  rémoras  ferre  queas.  » 

Les  principaux  instruments  de  torture  sont  énumérés  dans  ces 
vers  : 

Serra,  dolabra,  bidena,  dons,  claua,  novactUa,  pecten, 
Cum  terebra  tornus^  cum  lima  malleus,  incus, 
Rastraq;  cum  rostris,  cum  força  et  forcipe  forpex. 

Les  initiés  étaient  coiffés  d'un  bonnet  à  cornes,  symbole  des  vices 
diaboliQues,  qu'ils  déposaient  après  la  cérémonie.  Selon  Dinckelius, 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET  PIÈCES  RARES  287 

ce  rite  remontait  à  une  assez  haute  antiquité  ;  il  était  usité  dans  les 
écoles  d'Orient  ;  saint  Grégoire  de  Nazianze  en  fait  mention  et  dit 
que  saint  Basile  seul  fut  exempté  de  ce  noviciat^  sa  science  lui 
donnant  le  droit  d'être  considéré  comme  vétéran. 

Plusieurs    curieux   bois  représentent   les    diverses    phases    des 
épreuves. 


16.  —  Marchais  (Ant.).  L*Estat  présent  de  la  France  ; 
assavoir  celuy  de  la  présente  année  1653,  avec  plu- 
sieurs recherches  curieuses  et  très  utiles  pour  l'intel- 
ligence de  riiistoire  de  France,  par  Ant.  Marchais. 
Jouxte  la  copie,  imprimée  à  Blois,  1653  ;  in-12,  mar. 
vert,  fil.,  tr.  dor.  fRel.  anc.J  90  fr. 


Très  curieux  ouvrage,  important  pour  l'histoire  intérieure  de  la 
France  au  xviie  siècle.  Il  est  divisé  en  trois  livres;  dans  le  premier 
l'auteur  passe  successivement  en  revue  la  maison  royale,  les  maisons 
princières,  les  ducs  et  pairs  (il  donne  la  liste  des  pairies),  les  prin- 
cipaux officiers  de  la  couronne,  les  officiers  d'ordre  inférieur,  tels 
que  le  grand-queux,  le  gran d- fauconnier ,  le  grand-louvetier,  le 
grand-voyer,  etc.;  le  tout  avec  des  détails  très  précis  sur  les  attri- 
butions de  chacun. 

Le  second  livre  est  divisé  en  sept  chapitres.  Ch.  I  :  de  la  maison 
du  Roy.  —  II  :  de  la  maison  de  la  Reyne.  —  III  :  des  gardes  du 
Roy.  —  IV  :  des  armées  du  Roy.  —  V  :  des  finances  du  Roy.  — 
VI  :  des  officiers  des  finances.  —  VII  :  de  la  Chambre  des  comptes. 

Le  troisième  livre  est  consacré  aux  «  trois  estats  »  de  France  : 
clergé,  noblesse  et  tiers-état.  A  signaler  surtout  :  une  liste  des 
archevêchés  de  France  et  évêchés  suffragants  ;  un  très  intéressant 
chapitre  sur  les  ordres  de  chevalerie  ;  un  «  recueil  des  plus  nobles 
familles  de  France  »  ;  de  précieux  renseignements  sur  les  assemblées 
des  notables  ;  sur  la  table  de  marbre  ;  sur  les  divers  conseils  ;  sur 
les  Universités  (avec  une  énumération  des  collèges  fondés  par  les 
Pères  Jésuites  et  répartis  par  eux  en  cinq  provinces  :  France, 
Guyenne,  Lyon,  Toulouse,  Champagne)  ;  sur  les  blasons  des  rois 
de  France  et  les  armes  des  six  pairs  laïques  et  des  six  pairs 
ecclésiastiques. 


288  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

17.  —  Xeres  (Fr.  de).  Libro  Pri||mo  de  la  conquista|| 
del  Peru  et  prouincia  del  Cuzco  1 1  de  le  Indie  occi- 
dentali  ||.  (Colophon  :)  Stampato  in  Vinegia  per 
Maestro  Stephano  da  Sabio  del  M, D, XXXV,  NeV  mese 
di  Marzo,  In-4  (sign.  par  8),  titre,  1  f.,  59  ff.  non 
chiff.,  plus  un  feuillet  portant  le  colophon  au  recto, 
et  au  verso  la  marque  de  Timprimeur  ;  in-4,  mar. 
vert,  fil.  à  comp.,  semis  de  fl.,  tr.  dor.  400  fr. 

Édition  italienne  rarissime  que  M.  Harrisse  cite  comme  la  pre- 
mière. Exemplaire  superbe  de  conservation. 

Sur  le  titre,  l'aigle  à  deux  tètes  des  Hapsbourg,  surmontant  des 
armoiries  ;  plus  bas,  les  deux  colonnes  avec  la  devise  de  Charles- 
Quint  :  Plus  ultra.  Au-dessous,  un  paysage  maritime  encadré  dans 
un  cercle,  avec  ces  mots  dans  la  bordure  :  In  omnem  terram  exivit 
8onu8  eorum. 

Francesco  de  Xerez,  auteur  de  la  narration,  était  secrétaire  de 
Pizarre  ;  il  raconte  de  visu  la  conquête  du  Pérou  et  de  la  province 
de  Cuzco. 

La  traduction  d'espagnol  en  italien  est  due  à  Dominico  de  Gazteiu, 
gentilhomme  de  la  province  de  Tudela,  secrétaire  de  don  Lope  de 
Soria,  ambassadeur  de  Charles-Quint  à  Venise.  Dans  une  courte 
préface,  Gaztelu  vante  moite  cose  degne  di  admiratione  circa  le 
cittadi  eggregie  di  quelle  provintie  et  costumi  di  habitatori;  il 
n'oublie  pas  la  grande  quantité  d*or  et  d'argent,  les  pierres  pré- 
cieuses et  les  riches  minéraux  trouvés  dans  ce  merveilleux  pays;  il 
parle  des  hauts  faits  des  Espagnols,  quali  deletteranno  misabilmente 
il  lettore.  Vient  ensuite  la  dédicace  de  la  traduction  à  Andréa  Gritti, 
doge  de  Venise,  puis  le  récit  de  la  conquête. 

Bien  entendu,  Francesco  de  Xerez  passe  sous  silence  les  perfidies 
des  Espagnols  ;  ils  n'ont  fait  que  se  défendre  contre  les  projets  de 
trahison  des  Caciques.  Un  des  passages  les  plus  dramatiques  est  la 
narration  de  la  bataille  entre  Pizarre  et  le  malheureux  Atabalipa  : 
les  décharges  inattendues  de  l'artillerie  effrayèrent  tellement  les 
Indiens  qu'ils  s'enfuirent  sur-le-champ,  laissant  leur  souverain  aux 
mains  du  vainqueur  ;  un  grand  nombre  fut  massacré.  Du  côté  des 
Espagnols,  il  n'y  avait  eu  qu'un  cheval  légèrement  blessé.  A  la  fin, 
rônumération  des  immenses  quantités  d'or  et  d'argent  recueillies 
par  les  conquérants. 


BIBLIOGRAPHIE 


DE 


QUELQUES  ALMANACHS  ILLUSTRÉS  DU  XVIII'^  SIÈCLE 


(1759-1790) 


Le  printemps  a  eu  ses  chenilles,  le  Coup  d'œil  sur 
les  almanachs  illustrés  du  xvnie  siècle  a  eu  ses 
fautes  ;  mais  les  lecteurs  ont  été  indulgents,  plus 
qu'indulgents  même,  et  leur  bienveillance  m'encou- 
rage à  donner,  le  plus  exactement  possible,  la  descrip- 
tion des  vingt  plus  jolis  almanachs  de  cette  époque 
galante.  On  pourra  ainsi,  pendant  quelques  instants, 
revivre  dans  un  passé  tout  rempli  de  charmes  et  de 
séductions,  avec  ces  délicieux  petits  in-18  qui  sont 
si  délicatement  illustrés,  si  coquettement  habillés  et 
si  intéressants  à  tous  les  points  de  vue. 

1759 

Almanach  utile  et  agréable  de  la  loterie  de  V Ecole 
Royale  Militaire^  pour  Vannée  1759. 

Où.  Von  voit  son  origine,  ses  progrès,  son  établisse- 
ment en  France,  et  la  façon  de  placer  le  plus  avan- 
tageusement sa  mise  ; 

Enrichi  de  quatre-vingt-dix  figures  en  taille  douce, 
qui  pourront  servir  de  devises; 

1891  19 


290  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

A  Amsterdam,  et  se  vend  à  Paris,  chez  Prault, 
père,  quai  de  Gèvres,  et  Laurent-Fr.  Le  Qerc,  au 
Palais. 


Le  titre  et  la  préface,  VIII  pages.  Texte  (98  pages),  se 
composant  du  calendrier  des  jours  de  la  semaine  et  noms 
des  saints  pour  Tannée  1759  ;  d'un  autre  calendrier 
intitulé  :  Perte  et  Gain  ;  origine  de  la  loterie  accordée  par 
sa  majesté  à  l'École  Royale  Militaire  ;  réflexions  pour 
rintelligence  de  cette  loterie  ;  avis  sur  la  même  loterie  ; 
instruction  concernant  les  opérations  à  faire  pour  mettre 
à  cette  loterie;  explication  abrégée  de  la  loterie  de 
rÉcole  Royale  Militaire;  invitation  au  public  de  la 
roue  de  la  fortune  de  la  loterie  de  l'École  Royale 
Militaire  ;  nombres  extraits  de  la  loterie  du  séminaire  de 
Naples,  depuis  1713  jusqu'en  1758;  tirages  de  la  même 
loterie  à  Paris  en  1758  ;  table  des  90  petits  sujets  annexés 
à  chacun  des  numéros. 

Ces  sujets  sont  dessinés  par  Gravelot,  qui  a  bien  voulu 
composer  les  petits  quatrains  qui  les  accompagnent,  et 
ils  sont  gravés  par  Le  Mire,  un  des  plus  habiles  artistes 
en  ce  genre,  a  On  n'a  eu  égard  dans  le  choix  des  figures 
qu'à  la  galanterie  qui  est  naturelle  à  la  nation  française,  » 
et  c'est  en  regardant  ces  figures  qu'on  donnait  la  préfé- 
rence à  tel  numéro  ce  pour  en  faire  la  cour  à  quelque 
dame  qui  a  rcvé  de  la  figure  affectée  à  ce  nombre,  ou 
parce  qu'on  trouve  telle  figure  plus  à  son  goût  que  les 
autres,  ou  enfin  par  quelque  raison  que  ce  soit,  qui 
détermine  le  choix  qui  était  indécis  et  suspendu,  i» 

Un  frontispice,  représentant  la  fortune  faisant  tourner 
la  roue  de  la  loterie  sous  les  yeux  de  nombreux  specta- 
teurs attendant  leur  sort,  précède  les  90  gravures  portant 
chacune  le  titre  du  sujet  en  haut  d'un  gracieux  encadre- 
ment, le  numéro  dans  un  enroulement  du  bas,  et  au- 


V 


ALMANACHS  DU  XYIII®  SIÈCX.E  291 

dessous  le  quatrain  gravé  dans  un  deuxième  encadre- 
ment très  arlislement  relié  au  premier. 

Ces  figures  sont  : 

LEtrennée,  un  jeune  cavalier  embrassant  une  demoi- 
selle à  laquelle  il  a  donné  un  de  ces  almanachs  pour 
étrennes. 

La  Criarde,  la  nourrice  appaisant  les  cris  de  sa  petite, 
en  faisant  jouer  le  hochet. 

La  Contente,  la  nourrice  faisant  manger  la  bouillie  à 
la  petite. 

L'Assurée,  la  petite  marchant  à  la  lisière. 

La  Glorieuse,  la  petite  à  la  croix  de  Par-dieu. 

La  Honteuse,  la  petite  avec  des  oreilles  d*asne. 

La  Bien  élevée,  la  petite  apprenant  ses  prières. 

L Affairée,  la  petite  coéflFant  sa  poupée. 

La  Bien  instruite,  une  mère  faisant  dire  les  prières  de 
table  à  sa  petite  fille. 

La  Bienfaisante,  une  jeune  fille  donnant  la  becquée  à 
son  oiseau. 

La  Désolée,  une  jeune  fille  qui  pleure  la  mort  de  son 
oiseau. 

La  Bien  conseillée,  une  jeune  fille  qui  est  le  Collin- 
Maillard. 

La  Badine,  une  jeune  fille  faisant  danser  son  chien. 

L'Eventée,  une  jeune  fille  dans  une  balançoire. 

La  Petite  Maîtresse,  ce  sont  des  enfants  qui  jouent  à  la 
maîtresse  d'école. 

La  Rieuse,  une  jeune  fille  qui  rit  de  la  chute  d'un  petit 
garçon. 

L Espiègle,  une  jeune  fille  mouillant  des  petits  garçons 
avec  une  seringue. 

L Amusée,  une  petite  fille  élevant  un  château  de 
cartes. 

La  Complaisante,  une  jeune  fille  traînant  son  petit 
firèredans  un  chariot. 


292  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

La  Polissonne,  une  petite  fille  jouant  à  la  toupie  avec 
des  petits  garçons. 

La  Paresseuse,  une  petite  fille  que  sa  mère  bat. 

La  Friande,  une  jeune  fille  achetant  du  plaisir  des 
dames. 

La  Grondeuse,  une  jeune  fille  querellant  son  petit  frère. 

L Isolée,  une  jeune  fille  jouant  seule  au  volant. 

La  Curieuse,  la  sœur  aînée  avec  son  amant  et  la  cadette 
qui  les  observe. 

La  Mal  à  son  aise,  un  jeune  garçon  frappant  une  petite 
fille  à  la  main  chaude. 

L  Avertie,  une  jeune  fille  cueillant  des  roses. 

L  Occupée,  une  jeune  personne  qui  brode. 

La  Comédienne,  un  petit  théâtre  sur  lequel  une  jeune 
fille  représente. 

La  Maraine,  le  parain  faisant  à  sa  commère  le  présent 
ordinaire  de  dragées. 

L  Attentive,  une  jeune  fille  au  catéchisme  que  le  prêtre 
interroge. 

LEndoctrinée,  une  jeune  personne  avec  son  maitre 
d'écriture. 

LElectrisée,  une  demoiselle  qui  reçoit  le  coup  de 
l'électricité. 

0 

LEcolière,  le  maître  à  danser  donnant  sa  leçon. 

La  fdle  à  talent,  une  espèce  de  concert  où  une  belle 
chante. 

La  Modeste,  une  jeune  personne  tenant  son  éventail 
devant  ses  yeux. 

L  Envieuse,  une  fille  regardant  avec  dépit  une  autre 
personne  mieux  parée  qu'elle. 

La  Matineuse,  une  belle  en  négligé. 

L  attrapée,  une  belle  attrapée  au  pied  de  bœuf. 

La  festée,  une  belle  à  qui  on  présente  des  bouquets. 

La  Resveuse,  une  jeune  personne,  dans  une  attitude 
pensive,  vis-à-vis  de  deux  tourterelles  qui  se  caressent. 


ALMANACHS  DU  XVIII®  SIÈCLE  293 

L Ennuyée,  une  jeune  personne  bâillant. 

La  Langoureuse,  une  jeune  personne  abattue,  et  près 
d'elle  un  vieux  médecin  regardant  aujour  ce  que  contient 
une  petite  fiole. 

L Agaçante,  une  rencontre  dans  la  rue. 

La  Voluptueuse,  une  belle  sur  sa  duchesse. 

La  Dévote,  une  belle  embeguinée  allant  à  l'église. 

La  Charitable,  une  belle  faisant  Taumône. 

La  Bichonnée,  une  belle  à  sa  toilette. 

La  Coquette,  une  jeune  personne  qui,  d'un  côté  laisse 
baiser  sa  main  et  donne  un  billet  doux  de  l'autre. 

La  Jalouse,  une  jeune  personne  exprimant  son  chagrin 
de  voir  son  amant  saluer  une  autre  belle. 

La  Parée,  une  jeune  personne  essayant  une  robe  neuve. 

La  Parleuse,  une  conversation. 

La  Joueuse,  une  table  de  jeu. 

L Intéressée,  une  belle  qui  reçoit  les  présens  d'un  vieux 
galant  et  le  jeune  amant  qui  se  retire. 

La  Frileuse,  une  jeune  personne  se  chauffant  les 
genoux. 

La  Baigneuse,  une  belle  sortant  de  l'eau  et  un  curieux 
qui  regarde. 

La  Déguisée,  une  belle  se  préparant  pour  le  bal. 

La  Dormeuse,  une  belle  dormant  à  l'église. 

La  Chasseuse,  une  belle  en  habit  d'amazone,  allant  à 
la  chasse. 

La  Liseuse,  une  jeune  personne  lisant. 

La  Savante,  une  jeune  personne  entourée  des  attributs 
des  sciences. 

La  Pèlerine,  une  jolie  fille  allant  en  pèlerinage. 

La  Bouquetière,  la  marchande  de  bouquets  qui  en  passe 
un  à  la  boutonnière  d'un  jeune  homme. 

La  Bohémienne,  une  belle  se  faisant  dire  la  bonne 
aventure. 

La  Vielleuse,  une  savoyarde. 


294  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

La  charmante  Catin,  c'est  la  petite  figure  qui  est  censée 
parler. 

La  Preneuse  d'oiseaux,  représentée  portant  des  cages. 

La  Jardinière,  une  jeune  personne  le   râteau  à  la 
main. 

La  Pescheuse,  une  jeune  fille  péchant  à  la  ligne. 

La  Fermière,  occupée  des  soins  domestiques. 

La  Moissonneuse,  une  jeune  fille  sciant  le  bled. 

La  Vendangeuse,  une  jeune  fille  portant  le  raisin  à  la 
cuve. 

La  Bergère,  attentive  à  la  flûte  de  son  berger. 

La  Trayeuse  de  vaches,  une  jeune  fille  à  cette  occupa- 
tion. 

La  Cresmière,  une  jeune  fille  apportant  sa  crème  à  la 
ville. 

La  Pileuse,  une  jeune  fille  des  champs  à  son  fuseau. 

La  Blanchisseuse,  une  fille  lavant  à  la  rivière. 

La  Tricoteuse,  une  fille  le  tricot  à  la  main. 

La  Buraliste^  une  jolie  débitante  dans  un  bureau  de 
la  loterie  de  TÉcole  Royale  militaire. 

La  Petite  Marchande  ofi'rant  sa  marchandise  dans  un 
café. 

L* Hirondelle  de  Caresme,  présentant   sa  bourse  à  un 
cavalier. 

La  Sœur  du  Pot,  allant  visiter  les  malades. 

La  Fille  de  chambre  faisant  le  lit  de  sa  maîtresse. 

La  Cuisinière  représentée  à  son  ouvrage. 

La  Couturière  garnissant  une  jupe. 

La  Coeffeuse  montant  un  bonnet. 

La  Ravaudeuse  prêtant  Toreillc  à  un  laquais. 

La  Poissarde,  les  poings  sur  les  côtés,  disant  ses  in- 
jures. 

La  Hardie,  une  belle  signant  son  contrat  de  mariage. 

La   Mariée,   Tépoux    mettant   Tanneau  au   doigt    de 
l'épouse. 


ALMANACHS   DU  XVIIP   SIÈCLE  295 

Les  quatrains  de  Gravelot  ne  sont  le  plus  souvent 
qu'un  badinage  ;  pourtant,  quelques  sujets  lui  fournissent 
des  pensées  plus  sérieuses. 

Voici  ceux  qui  ont  été  faits  pour  V Avertie,  la  Coquette, 
la  Parleuse,  la  Liseuse  : 

27 

Lise,  prenez  garde  à  vos  doigts  ; 
Souvent  ce  qui  flatte  en  impose, 
Et  l'on  a  trouvé  bien  des  fois 
L'épine  où  Ton  cherchait  la  rose. 

49 

Coquettes,  voilà  de  vos  jeux, 
Amour  trompeur  rit  sur  vos  lè^Tes, 
Mais  sachez  que  qui  court  deux  lièvres, 
Bien  souvent  les  manque  tous  deux. 

52 

On  fait  ou  reçoit  des  visites. 
Il  faut  parler,  c'est  Tembaras  ; 
Ce  sont  redites  sur  redites. 
Si  médisance  n'en  est  pas. 

60 

En  fait  d'amis,  le  sage  dit  : 
Le  choix  demande  un  soin  extrême  ; 
En  fait  de  livres,  c'est  de  même, 
Lecture  orne  ou  gâte  l'esprit. 

Cet  almanach  se  complète  pour  ainsi  dire  par  : 

UOniroscopic  ou  application  des  songes  aux  numé-- 
ros  de  la  lotterie  de  V École  Royale  Militaire;  tirée  de 
la  cabale  italienne  et  de  la  sympathie  des  nombres, 
ornée  de  jolies  figures  analogues  au  sujet,  et  de  tablettes 
de  papier  composé,  très  essentielles  à  cet  ouvrage; 

A  Paris,  chez  Desnos,  libraire  et  ingénieur 
géographe  chi  Roi  de  Dancmarck,  rue  Saint- Jacques 
au  Glol)c,  M.  DCC.  LXXIII. 


296  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Quoique  souvent  les  songes 
Ne  soient  que  des  mensonges, 
Quelquefois  au  réveil, 
On  trouve  véritable 
Ce  qui  n'était  que  fable. 
Dans  les  bras  du  sommeil. 

Frontispice  très  finement  gravé  :  V Interprète  des  Songes. 
Dans  une  grotte,  séjour  d'un  vieillard  onirocritique, 
lequel  est  assis  devant  sa  table  chargée  d'une  quantité  de 
livres,  une  dame  accompagnée  de  sa  suivante,  demande 
l'interprétation  d'un  rêve  ;  elle  tient  une  bourse  à  la  main 
pour  récompenser  le  mage  ;  à  l'entrée,  on  aperçoit  son 
carrosse  et  ses  gens  qui  l'attendent. 

Préface  ;  puis,  de  la  page  11  à  la  page  112,  noms  alpha- 
bétiques numérotés.  Ce  sont  ceux  dont  les  songes  invitent 
à  se  servir  pour  mettre  à  la  loterie. 

l''^  Estampe.  —  La  Cabale.  Observatoire  d'où  un  savant 
astrologue,  entouré  de  ses  élèves,  examine  le  cours  des 
astres  à  travers  un  télescope  ;  au  bas,  plusieurs  personnes 
empressées  à  recevoir  des  nouvelles  de  ce  qui  se  passe 
dans  les  cieux,  et  saisissant  avec  avidité  tous  les  papiers 
qui  tombent. 

2®  Estampe.  —  La  belle  Receveuse,  Une  élégante  du 
siècle,  vêtue  et  coëffée  suivant  l'art,  assise  dans  son 
bureau  de  recette  et  enregistrant  des  mises  de  toutes 
espèces  ;  à  ses  côtés,  est  la  roue  de  la  fortune  ;  au-dessus 
d'elle  et  à  ses  pieds,  sont  des  génies  voltigeant  avec  des 
numéros  à  la  main  ;  l'un  entr  autres,  lui  présente  le  livre 
des  combinaisons,  ou  l'almanach  des  trois  fortunes.  On 
voit  un  abbé  occupé  à  payer  sa  mise  ;  un  militaire,  une 
dame  et  différentes  personnes  arrivant  pour  faire  la  leur. 
Chacun  paraît  mettre  autant  d'importance  que  d'empres- 
sement dans  cette  expédition,  et  notre  belle  receveuse 
semble  suffire  à  peine  à  satisfaire  tant  d'actionnaires  à  la 


ALMANACHS  DU  XVHI®  SIÈCLE  297 

fois.  Ah  !  si  toutes  les  belles  étaient  receveuses,  combien 
l'espoir  d'un  lot  fortuné  ne  ferait-il  pas  courir  par  ambes 
et  ternes  nos  magnifiques  petits  maîtres  ?  Tout  ne  serait 
plus  que  combinaisons  ;  on  commencerait  par  Tamour 
du  jeu,  on  finirait  par  le  jeu  de  l'amour. 

3e  Estampe.  —  Le  Tirage.  Salle  de  Thôtel  de  ville  de 
Paris.  Un  enfant,  les  yeux  bandés,  tire  les  nombres  de  la 
roue,  un  commis  les  appelle  au  public  ;  foule  de  specta- 
teurs de  tout  rang,  de  tout  sexe  et  de  tout  âge. 

Ces  quatre  figures  sont  des  plus  intéressantes  (1). 


1774 


Les  délices  de  Cérès,  de  Pomone  et  de  Flore  ou  la 
Campagne  utile  et  agréable,  avec  un  précis  des  tra- 
vaux de  Vagriculture,  du  jardinier  et  du  fleuriste  ; 
contenant  le  temps  des  semailles,  de  la  floraison  de 
chaque  plante  et  celui  des  récoltes  ; 

Ornées  de  douze  estampes  relatives  aux  amusements 
de  la  ville  pendant  chaque  mois  ; 

Suivies  de  tablettes  pour  écrire  et  dessiner  ce  que 
Von  désirera,  en  se  servant  de  telle  pointe  que  Von 
voudra,  même  d'une  épingle  ; 


(1)  Plus  tard,  à  Lugano,  en  Italie,  on  a  publié  les  Étrennes  aux  amateurs  de 
la  loterie  royale  de  France  ou  la  vraie  explication  des  songes  aoec  leur  rapport 
aux  quatre-vingt-dix  numéros  de  la  loterie  royale  de  France,  suivie  de  quatre- 
vingt-dix  figures  allusives  aux  mêmes  numéros,  avec  des  cabales  pour  le  calcul, 
tirées  des  meilleurs  auteurs  italiens. 

Ouvrage  traduit  de  l'italien  en  français,  fort  intéressant  à  tous  ceux  qui 
veulent  tenter  la  fortune  par  des  mises  heureuses. 

Les  figures  sont  gravées  sur  bois  ;  six  sujets  par  page  :  le  Savetier,  Porte' 
Enseigne,  le  Criminel  pendu,  le  Cabaret  ou  l'Hôtellerie,  le  Pécheur  d  la  ligne,  le 
Marchand  de  tabac  et  sa  boutique,  pag.  111,  etc.,  etc. 


298  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

A  Paris,  chez  Desnos,  libraire  et  ingénieur-géo- 
graphe de  S.  M.  Danoise,  rue  S.  Jacques,  au  Globe, 
pour  la  présente  année. 

1  front,  et  12  figures  ;  en  regard  du  front,  et  de  chaque 
figure,  une  page  de  texte  gravé  en  caractères  italiques 
donnant  l'explication  du  sujet  de  l'estampe.  Charmantes 
compositions  en  haut  desquelles  et  dans  le  même  cadre 
un  médaillon  suspendu  par  un  nœud  de  ruban  et  des 
guirlandes  de  fleurs. 

Explication  du  frontispice  : 

Les  quatre  Saisons  et  le  signe  du  Zodiaque,  qui  indique 
les  douze  mois.  Un  vendangeur  et  une  vendangeuse  fai- 
sant leur  dernier  voyage  et  une  femme  portant  un  fagot 
sur  sa  tête  ;  plus  loin,  un  homme  labourant  et  un  autre 
semant.  Le  Printemps  est  désigné  par  la  bordure  duhaut, 
représentant  des  fleurs.  LEté  par  la  faulx,  la  faucille,  le 
fléau  attachés  avec  un  lien  de  paille  et  par  des  gerbes  de 
bled  éparses.  L Automne,  par  le  pampre  et  les  vendan- 
geurs. LHijvQr,  par  différents  instruments  de  musique, 
des  masques  et  un  flambeau,  qui  sont  les  attributs  des 
bals  et  de  Tobscurité  de  l'hiver. 

Janvier.  —  Le  Gâteau  des  Rois, 

L'estampe  représente  une  famille  faisant  les  rois.  Un 
petit  enfant,  entre  son  père  et  sa  mère,  vient  de  distri- 
buer les  parts  du  gâteau  ;  différentes  attitudes  de  crier  : 
le  Roi  boit  !  Les  domestiques,  derrière  leurs  maîtres,  font 
chorus  avec  des  contorsions  grotesques.  Au  bruit,  le 
chien  et  le  chat  se  battent  près  de  la  cheminée  où  il  y  a 
bon  feu. 

Médaillon,  —  Le  portrait  du  roi  Janus  ayant  deux 
faces,  caractérise  le  mois  de  janvier  qui  lui  est  consacré 
et  la  duplicité  des  hommes,  contre  lesquels  il  faut  se 
tenir  en  garde  dans  le  commerce  de  la  vie. 


ALMANACHS  DU  XVIII»  SIÈCLE  299 

FÉVRIER.  —  La  Foire  de  Saint-Germain, 

La  garde  arrête  deux  filles  du  monde  qui  ont  volé  une 
marchande  de  modes.  Celle-ci,  en  colère,  leur  arrache 
ses  pièces  de  rubans,  un  sac  à  ouvrage,  etc.;  les  autres 
marchandes  leur  rient  au  nez  et  leur  font  les  cornes  ;  il 
n'y  a  que  la  bouquetière  qui  leur  témoigne  la  douleur 
qu'elle  ressent  de  cette  triste  aventure  ;  pendant  la  scène, 
un  petit  filou  tire  le  mouchoir  de  la  poche  d'un  abbé. 

Médaillon.  —  Le  portrait  de  Pluton,  surnommé  Februus, 
que  Ton  croyait  attirer  autant  d'hommes  qu'il  pouvait 
dans  les  enfers;  ce  qui  peut  caractériser  le  danger  des 
plaisirs. 

Mars.  —  Un  Jardin  potager  et  fleuriste. 

L'estampe  représente  des  laboureurs  et  des  jardiniers  ; 
les  uns  occupés  à  donner  la  seconde  façon  aux  terres 
pour  y  semer  les  mars  ;  les  autres  appliqués  à  greffer  les 
arbres,  semer  des  fleurs,  faire  des  couches,  etc.  Les 
oiseaux  commencent  à  s'accoupler  autour  des  chau- 
mières, etc. 

Médaillon,  —  Le  portrait  de  la  déesse  Anne  Perenne,  à 
laquelle  on  faisait  à  Rome  de  grands  sacrifices  au  mois 
de  mars.  Le  petit  autel  avec  une  flamme,  au  milieu,  est 
le  symbole  de  la  reconnaissance  que  nous  devons  à 
l'Être  suprême  pour  les  biens  qu'il  nous  envoie  tous  les 
ans. 

Avril.  —  Lassemblée  à  Longchamps, 

Dames  parées  dans  une  multitude  de  carrosses,  de 
calèches  et  de  cabriolets;  cavaliers  superbement  montés, 
escortant  les  équipages  ou  caracolant  ;  petits  maitres  et 
petites  maîtresses  allant  et  venant. 

Médaillon.  —  La  déesse  Vénus  sortant  des  eaux  de  la 
mer,  est  traînée  par  des  colombes  sur  une  coquille  ; 
symbole  de  la  beauté,  dont  l'impression  semble  se  mani- 


300  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

fester  dans  ce  mois  plus  que  dans  les  autres  et  inspirer  la 
galanterie. 

Mai.  —  Les  effets  de  la  sève. 

Une  jeune  villageoise  et  son  amant  se  tiennent  la  main 
et  fixent  deux  colombes  qui  se  becquètent .  Deux  paysannes, 
leurs  mères,  les  surprennent  sans  qu'ils  s'en  aperçoivent. 
Elles  paraissent  satisfaites  de  l'amour  innocent  de  leurs 
enfants.  On  voit  dans  le  lointain  les  paysans  occupés  aux 
travaux  des  champs  ;  une  bergère  garde  ses  moutons  en 
filant  sa  quenouille. 

Médaillon.  —  Le  Taureau,  signe  de  ce  mois,  ayant  sur 
la  poitrine  les  sept  étoiles  que  Ton  nomme  Pléiades.  Elles 
étaient  filles  de  Plêione  et  à' Atlas  et  furent  ainsi  méta- 
morphosées parce  que  leur  père  avait  voulu  lire  dans  le 
ciel  pour  découvrir  le  secret  des  dieux.  On  les  appelle  : 
Alcyoné,  Céténo,  Electre,  Maîa,  Asterope^  Mérope  et 
Taygeté. 

Juin.  —  L Accroc  prémédité. 

Un  cabriolet  renversé  par  une  de  ces  voitures  que  Ton 
appelle  «  diables  ».  Chute  d'une  jolie  femme  et  d'un 
vieux  financier.  Un  jeune  seigneur  aussi  accompagné 
d'une  jolie  femme  font  des  éclats  de  rire  et  semblent 
s'applaudir  d'avoir  si  bien  accroché  le  cabriolet.  Un 
garçon  limonadier  présente  un  verre  de  liqueur  aux 
malheureux  qui  viennent  de  tomber.  La  scène  se  passe 
sur  le  grand  boulevard. 

Médaillon.  —  Hébé,  déesse  de  la  jeunesse,  à  qui  ce 
mois  est  consacré.  Elle  était  tombée  en  présence  des 
dieux  qui  en  rirent  beaucoup,  et  sa  douleur  fut  si  grande 
qu'elle  n'osa  plus  reparaître  depuis. 

Juillet.  —  Le  rendez-vous  au  Cotisée. 

La  cour  d'entrée  du  Colisée.  Cercle  de  conversation  de 
dames  et  de  messieurs.  Un  jeune  chevalier  parle  avec 


ALMANACHS  DU  XYIIP  SIÈCLE  301 

beaucoup  d'affection  à  une  demoiselle  dont  la  servante 
est  un  peu  éloignée.  Passent  une  autre  demoiselle  qui  se 
couvre  de  son  éventail  pour  surprendre  le  chevalier, 
dont  elle  est  jalouse,  et  en  même  temps  un  homme  entre 
deux  âges,  qui  écoute  en  se  baissant,  la  conversation  de 
la  demoiselle  et  du  chevalier. 

Médaillon.  —  La  naissance  de  Jules-César  (dont  ce  mois 
porte  le  nom),  allaité  par  Aurélie,  sa  mère. 

Août.  —  Le  Sallon  des  tableaux  au  Louvre. 

Un  tailleur  tient  le  programme  des  peintures  et  dispute 
avec  un  auteur  gascon  en  habit  noir,  mal-propre  et  traî- 
nant une  longue  épée  ;  plusieurs  personnes  les  écoutent  ; 
on  remarque  parmi  les  principaux  tableaux  celui  de 
Madame  Victoire  et  ceux  de  Thistoire  de  saint  Louis, 
destinés  pour  TÉcole  royale  militaire. 

Médaillon.  —  L'empereur  Auguste,  revêtu  des  orne- 
ments du  Consulat,  qu'il  avait  obtenu  avant  Tàge  dans 
ce  mois,  et  qu'il  nomma  de  son  nom  Augustus,  depuis 
appelé  Août  par  corruption.  Auparavant,  il  s'appelait 
Sexnlis,  parce  qu'il  était  le  sixième  de  l'année,  qui  dans 
ce  temps-là  commençait  au  mois  de  mars.  L'habit  de 
consul  était  la  robe  Prétexte,  bordée  d'une  bande  de 
pourpre,  etc. 

Septembre.  —  La  partie  interrompue. 

Plusieurs  petits  maîtres  et  jolies  femmes  descendent 
de  carrosse.  Un  d'eux  est  surpris  par  son  père  qui  le 
relient  par  le  bras  au  moment  qu'il  entre  chez  le 
s»"  Torré.  Honte  et  dépit  du  fils.  La  jolie  femme  qu'il 
conduit  repousse  le  père  et  veut,  en  continuant  sa  route, 
entraîner  le  fils  avec  elle.  On  voit  la  patrouille  du  guet 
à  cheval,  quelques  arbres  du  boulevard  et  autres  acces- 
soires. 

Médaillon.  —  Madame  la  Comtesse  de  Provence,  née  le 
2  de  ce  mois,  habillée  en  Cérès.  Elle  tient  d'une  main 


302  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

une  faucille  et  de  l'autre  une  poignée  d'épis  et  de  pavots. 
Sur  sa  tète  est  une  couronne  pareille  entrelacée  dans  la 
sienne. 

Octobre.  —  Les  plaisirs  de  la  vendange. 

On  voit  d'un  côté  des  vendangeurs,  de  l'autre  des 
chasseurs,  sur  la  gauche  des  pêcheurs.  Collation  de  sei- 
gneurs et  de  dames  sur  l'herbe.  Un  jeune  seigneur  écolier 
mangeant,  grain  à  grain,  une  grappe  de  raisin,  alterna- 
tivement, avec  une  jolie  petite  villageoise  de  son  âge  qui 
tient  la  grappe. 

Médaillon.  —  Le  Comte  d'Artois^  né  le  9  de  ce  mois,  en 
habit  de  chasseur,  reçoit  du  dieu  Bacchus  une  grappe  de 
raisin  pour  le  rafraîchir  des  travaux  de  la  chasse. 

Novembre.  —  Les  Travaux  de  la  Campagne. 

D'un  côté  un  laboureur  sème  le  froment,  de  l'autre  on 
emporte  le  fourrage  par  charretées.  Ici,  c'est  un  vigneron 
qui  encave  son  vin  ;  là,  un  domestique  va  serrer  les 
échalas.  Les  jardiniers  émondent  les  arbres  et  les  saules 
au  bord  d'un  ruisseau.  Les  garçons  font  des  bourrées 
pour  le  four. 

Médaillon.  —  Madame  la  Dauphine  recevant  un  bou- 
quet de  Monseigneur  le  Dauphin,  relativement  à  la 
naissance  de  cette  princesse,  arrivée  le  2  de  ce  mois. 

Décembre.  —  La  Saison  des  bals. 

L'estampe  représente  une  salle  de  bal  et  ses  danseurs 
de  tous  sexes  en  domino  et  différens  habits,  masqués  et 
non  masqués.  Un  masque  entr'autres  porte  une  lanterne 
magique  sur  ses  épaules.  Une  dame  et  un  homme  rient  à 
gorge  déployée  de  ce  qu'ils  ont  vu. 

Médaillon.  —  Le  dieu  Momus,  levant  son  masque  d'une 
main  et  tenant  une  marotte  de  l'autre.  Caractère  de  la 
folie  et  des  fous. 


ALMANACHS  DU  XVIIie  SIÈCLE  303 

Ce  délicieux  almanach  se  compose  en  outre  de  53  pages 
de  texte,  d'un  avis  de  Téditeur  annonçant  ceux  qu'il  met 
en  vente  pour  Tannée  1774;  d'un  autre  avis  annonçant 
une  nouvelle  édition  du  Secrétaire  des  Dames,  puis  le 
Secrétaire  des  Dames  et  des  Messieurs  ou  Tablettes  polyp- 
tiqiies  et  économiques,  composées  d'un  nouveau  papier 
d  pour  écrire  et  dessiner  aussi  distinctement  qu'avec  la 
a  plume,  sans  encre  ni  crayon  et  seulement  avec  une 
a  pointe  d'un  métal  de  composition  ou  une  tête  d'épingle, 
a  tracer  et  effacer  à  volonté  toutes  sortes  d'écritures  et 
a  écrire  de  nouveaux  caractères  ».  38  feuillets  ;  sur  le  cin- 
quième est  gravé  ï  Usage  du  Secrétaire  : 

a  Les  six  premières  pages  serv^ent  pour  écrire  à  chaque 
«  jour  de  la  semaine  ses  pensées,  rendez-vous,  souvenirs, 
a  etc.;  les  vingt-quatre  suivantes,  qui  comprennent  les 
a  douze  mois  de  l'année,  sont  destinées  pour  placer  dans 
d  chaque  colonne  le  gain  et  la  perte  du  jour.  Les  autres 
d  pages  pour  y  marquer  la  recette  et  dépense  de  la  maison, 
a  et,  à  la  fin,  une  table  de  récapitulation  pour  chaque 
a  mois  et  autre  papier  blanc  pour  écrire  ce  que  Ton 
((  désirera.  » 

Le  volume  est  terminé  par  six  pages  calendrier  des 
mois  de  l'année. 

Quant  au  texte,  il  est  des  plus  intéressants  ;  il  contient 
pour  chaque  mois  les  indications  pour  les  travaux  de 
la  campagne,  ceux  du  potager,  ceux  du  fleuriste,  les 
récoltes,  arbres  et  plantes  en  fleur,  fruits  en  maturité, 
manières  de  greffer,  maladies  de  chaque  saison,  précau- 
tions à  prendre,  etc. 

Les  Délices  de  Cérès,  Pomone  et  Flore  sont  la  perle 
des  Desnos. 


304  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1776 

Almanach  de   Gotha  contenant  diverses  connais-- 
sances  curieuses  et  utiles  pour  Vannée  MDCCLXX  VL 
Gotha,  chez  C.  \V.  ErriNGER. 

Titre  gravé  dans  un  triple  encadrement  très  simple  ;  un 
petit  fleuron,  mappemonde  et  deux  cornes  d'abondance. 

Joli  frontispice  gravé. 

12  délicieuses  figures,  réductions  des  estampes  de 
Freudeberg,  pour  le  monument  du  costume,  intercalées 
dans  le  calendrier,  en  regard  de  chaque  mois,  au  com- 
mencement du  volume.  Le  Lever ^  le  Bain,  la  Toilettey  la 
Visite  inattendue,  V  Occupation,  la  Promenade  du  matin, 
le  Boudoir,  les  Confidences,  la  Promenade  du  soiry  la 
Soirée  dhyver,  le  Bal,  le  Coucher, 

Feuillet  replié  pour  la  généalogie  de  la  maison  de  Saxe; 
72  pages  de  généalogie;  8  fl*.  non  paginés  de  la  table 
chronologique  des  souverains  ;  151  pages  de  texte  ;  table 
et  avis,  3  pages  ;  enfin,  12  feuillets  perte  et  gain,  et  2  de 
peau  d'âne  pour  écrire  le  mémento. 

Le  texte  est  des  plus  intéressants  ;  il  contient  les  articles 
suivants  : 

Epoques,  comput  ecclésiastique,  fêtes  mobiles,  quatre- 
temps,  équinoxcs,  solstices,  le  soleil  avec  les  six  planètes, 
les  douze  signes  du  Zodiaque,  éclipses,  apparition  des 
planètes,  lumière  zodiacale,  anniversaires  de  la  maison 
de  Saxe-Gotha,  généalogie  de  la  maison  de  Saxe,  généa- 
logie de  la  maison  d'Anhalt,  liste  généalogique  des 
princes  et  princesses  de  l'Europe,  table  chronologique 
des  empereurs  de  l'Allemagne,  des  rois  d'Angleterre,  de 
Daneinarck,  d'Espagne,  de  France,  des  souverains  et 
empereurs  de  Russie,  des  rois  de  Suède. 

Diflerentes  manières  de  commencer  le  jour,  année 
astronomique  et  commune,  les  trois  calendriers,  ères 
diflerentes,  les  étoiles  fixes,  le  soleil  et  les  planètes,  les 


ALMANACHS  DU   XYIII^  SIÈCLE  305 

comètes,  apparition  du  satellite  de  Vénus  et  de  son  pas- 
sage par  le  disque  du  soleil,  de  la  terre,  arithmétique 
politique,  arithmétique  économique,  cacao.  Corps  de 
l'homme,  accroissement,  proportion,  différence  de  pro- 
portion par  la  différence  des  sexes,  hauteur  de  Thomme, 
poids  de  Thomme,  les  cheveux,  les  dens,  les  yeux,  le 
cerveau,  les  os,  les  muscles,  les  vertèbres,  le  cœur,  le 
pouls,  la  chaleur  naturelle,  la  transpiration  insensible. 
Histoire  :  les  Kamtschadales  ;  probabilité  :  la  population 
de  Londres  et  de  Paris  ;  principales  découvertes,  époques 
intéressantes,  inventions  de  luxe  ;  Histoire  naturelle  :  le 
paon  ;  Beaux-arts  :  les  grotesques  ;  Marchandises  :  les 
huîtres,  les  moules,  les  sardines,  les  anchois  ;  prix  des 
oiseaux  étrangers,  poids,  poids  ou  marc  d'or  et  d'argent, 
rapport  de  ToràTargent,  titre  de  For  et  de  l'argent 
ouvragé,  rapport  des  mesures  courantes,  mesures  de 
grains,  mesure  de  bois,  mesure  pour  les  corps  liquides, 
comparaison  des  différens  milles,  distance  entre  Gotha  et 
plusieurs  autres  villes,  note  des  foires,  cours  des  postes. 

Le  prix  de  ce  charmant  volume  était  de  seize  gr., 
relié  en  parchemin  vernissé  et  doré  sur  tranches  avec  des 
tablettes  et  douze  taille-douces. 

Que  les  temps  sont  changés  !  aujourd'hui,  on  ne  le 
trouve  pas  à  moins  de  deux  cents  francs  !  Il  vaut  beaucoup 
plus  encore  quand  les  épreuves  des  figures  sont  bonnes 
etcjue  la  reliure  en  maroquin  est  d'une  grande  fraîcheur. 

1780 

Etrennes  galantes  des  promenades  et  amusements 
de  Paris  et  de  ses  environs. 

A  Paris,  chez  Boulanger,  rue  du  Petit-Pont,  près  le 
petit  Chàtelet,  avec  privil.  du  Roi. 

Titre  frontispice  dessiné  par  Queverdo,  1780.  Deux 
amours,   dont  l'un  soufflant  dans  la  trompette  de  la 

1891  20 


non  BULT.ETIN   Dl-   BIBLIOPHILE 

renommée,  tiennent  au-dessus  du  titre  gravé  dans  un 
médaillon  ovale,  une  draperie  sur  le  coin  de  laquelle  on 
lit  :  Bijou  des  Dames. 

6  feuillets  pour  le  calendrier. 

62  pages  dont  12  figures,  une  pour  chaque  mois,  en 
regard  desquelles  la  chanson  relative  au  sujet. 

Janvier.  —  Le  Contrat  de  mariage.  Un  notaire,  assis 
devant  une  table,  fait  signer  le  contrat  aux  charmants 
fiancés  et  à  leurs  parents. 

Le  contrat,  le  notaire, 
Paraissent  charmans 
A  deux  vrais  amans. 
Etc 

Février.  —  Variétés  amusantes.  Intérieur  d'une  salle 
de  spectacle  remplie  de  spectateurs.  Sur  la  scène,  un 
acteur  avec  une  lanterne,  causant  avec  une  jeune  femme 
à  sa  fenêtre. 

En  vain  l'auteur  le  plus  habile 
Voudrait  ailleurs  nous  entraîner, 
La  mode  règne  en  cette  ville, 
Par  elle  on  s'v  laisse  enchaîner  : 
Quicomiue  oserait  en  médire. 
Risquerait  de  passer  pour  sot. 

Il  faut  aller  rire 
De  .Teannot. 

Etc.,  etc 

Mars.  —  Promenade  de  Longchamps.  Beaux  carrosses 
et  élégants  cavaliers  passant  devant  les  curieuses  et 
curieux  assis  sur  des  chaises. 

Avril.  —  l.es  grands  Boulevards,  Sous  les  grands 
arbres,  un  groupe  de  beau  monde  ;  plus  loin,  la  foule 
devant  des  parades. 


ALMANACHS  DU  XVIIIO   SIÈCX,E  307 

Après  Pâques,  sur  les  remparts, 
On  voit  le  peuple  et  le  beau  monde  ; 
Ils  accourent  de  toutes  parts 
Vers  les  jeux  où  la  foule  abonde, 
A  celui  qu'occupe  Jeannot 
Chacun  applaudit  à  son  mot. 

On  trouve  surtout 
Que  ce  genre  est  du  meilleur  goût. 

Ceux  qui  n'ont  pas  beaucoup  d'argent 

S'amusent  à  voir  les  parades, 

Et  plus  d'un  Gascon  indigent 

Y  fit  maintes  et  maintes  passades  ; 

Mais  si  quelqu'un,  dont  il  fait  cas, 

Vient  lui  proposer  un  repas, 

Ah  !  pour  l'obliger. 
Comme  il  va  bien  boire  et  manger. 

Sur  les  chaises  sont  des  abbés. 
Occupés  a  lorgner  des  belles, 
Mille  marchands  de  nouveautés 
Leur  présente  des  bagatelles  ; 
D'un  air  satisfait  et  content, 
Les  vielleuses  vont,  chantant 

Mille  petits  airs. 
Dont  on  n'écoute  pas  les  vers. 

Cependant,  au  fond  des  caffés, 
On  entend  une  autre  musique, 
Dont  les  sons  semblent  étouffés 
Par  une  clameur  diabolique. 
Pendant  qu'on  dit  une  chanson, 
Un  manant  crie  :  A  moi  garçon, 

L'autre  dit,  paix,  là, 
Ce  n'est  que  du  bruit  que  cela. 

May.  —  Le  Palais-Royal.  Des  dames,  élégamment 
habillées,  se  promènent  sous  les  ombrages  du  jardin^ 
d'autres  sont  assises. 

Juin.  —  Fêtes  de  Sceaux.  Un  grand  seigneur  et  une 
grande  dame,  d'autres  personnages  se  promènent  dan& 


308  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

le  parc  de  Sceaux,  près  d'une  pièce  d'eau  ;  dans  le  lointain, 
beaux  orangers,  statues  et  charmilles  : 

Qui  veut  voir  de  belles  fêtes 
Et  de  magnifiques  eaux, 
A  surprendre  toujours  prêtes, 
Qu'il  porte  ses  pas  à  Sceaux. 
Là,  cent  nymphes,  cent  naïades, 
Le  front  couronné  de  fleurs, 
Folâtrent  dans  les  cascades. 
Avec  les  amours  vainqueurs. 
Etc.,  etc. 

De  la  page  21  à  la  page  44,  les  mois  avec  perte  et  gain. 

Juillet.  —  Champs-Elisées.  Promenade  d'élégants  et 
d'élégantes,  d'autres  assis  sous  les  arbres. 

Août.  —  Salon  du  Louvre,  Exposition  de  tableaux 
(Délicieuse  estampe). 

Chers  amis,  courons  tous  au  Louvre, 
Pour  en  admirer  les  tableaux  ; 
Au  Salon,  qu'en  ce  jour  on  ouvre, 
lis  ne  furent  jamais  si  beaux. 
De  toute  une  famille  auguste, 
Nous  y  devons  voir  les  portraits. 
Etc.,  etc.... 

Septembre.  —  Fêtes  de  Saint-Cloud.  Danses  populaires 
sous  les  grands  arbres  :  plus  loin  des  baraques  de  saltim- 
banques. 

Octobre.  —  Les  Vendanges  à  Vanvres.  Très  gracieuse 
scène.  Une  jeune  fille  apporte  à  la  dame  du  château  une 
corbeille  de  raisins  ;  dans  le  lointain,  la  vigne,  le  mur  et 
la  grille  du  parc. 

Novembre.  —  Marrons  et  dessert.  Une  soubrette  fait 
griller  des  marrons  au  bon  feu  d'une  élégante  salle  à 
manger,  pendant  qu'un  jeune  seigneur  lutine  la  maîtresse 
du  logis. 


ALMANACHS  DU  XYIII^   SIÈCLE  309 

DÉCEMBRE.  Académie  de  jeux.  Réunion  de  joueurs  au- 
tour d'une  grande  table  ;  derrière  eux  des  spectateurs. 

Que  de  gens  de  tout  état, 
L'avarice  ici  rassemble; 
De  même  qu'en  un  combat, 
On  les  voit  périr  ensemble. 
Loin  de  vouloir  comme  eux, 
Perdre  ainsi  mes  journées, 
A  des  chants  amoureux 
J'emploierai  mes  années. 

1782 

Almanach  des  Marchés  de  Paris.  Etrennes  curieuses 
et  comiques  avec  des  chansons  intéressantes,  dédié  à 
Marie  Barbe,  fruitière  orangère  ;  dessiné  et  gravé  par 
M,  Que  ver  do. 

A  Paris,  chez  Boulanger,  rue  du  Petit-Pont,  à 
rimage  Notre-Dame,  avec  privilège  du  Roi. 

Titre  frontispice  gravé  sur  une  draperie,  à  la  porte 
d'une  maison  devant  laquelle  se  passe  une  dispute  entre 
femmes  de  la  Halle.  De  la  corbeille  de  Tune  d'elles, 
jetée  à  terre,  s'échappent  des  oranges.  Au  premier  plan, 
un  porteur  d'eau  retourne  la  tête  pour  considérer  la 
bataille  ;  au  verso  du  titre,  remarques  pour  la  présente 
année  1782. 

Calendriers  des  six  premiers  mois  de  l'année.  12 
figures,  une  pour  chaque  mois,  et  en  regard,  chansons 
ou  couplets  relatifs  au  sujet. 

Janvier.  —  Le  bon  Portugal,  oranges  fines.  Marchandes 
d'oranges  et  acheteurs  à  côté  de  la  statue  d'Henri  IV,  au 
Pont-Neuf. 

Février.  —  La  Vallée,  marché  à  la  volaille. 

Mars.  —  Marché  au  poisson. 


310  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Avril.  —  La  rue  au  Fer,  marché  aux  fleurs. 

Mai.  —  Les  Ecosseuses. 

Juin.  —  Les  gros  Gobeis  à  la  courte  queue. 

Feuillets  :  Perte  et  gain. 
Juillet.  —  La  Marchande  dabricots. 
Août.  —  La  Marchande  de  crème. 
Septembre.  —  Via  le  melon,  via  le  sucré. 
Octobre.  —  Marchand  de  chasselas  à  la  livre. 
Novembre.  —  Marrons  bouillis,  ils  brûlent  la  poche, 
DÉCEMBRE.  —  Du  bon  boudin  gras  et  salé. 

Calendrier  pour  les  six  derniers  mois.  Un  dernier 
feuillet  pour  une  annonce  de  Boulanger. 

Les  titres  des  romances,  rondes  ou  chansonnettes  sont  : 
Henri  IV  au  Pont-Neuf  ou  les  Oranges,  la  Volaille  ou  les 
Dindons,  les  Poissardes  ou  le  Marché  aux  poissons,  les 
Fleurs,  Vadé  à  la  Halle  ou  les  Kcosseuses,  Madame  Ur- 
gande  ou  les  Cerises,  les  Ahricots,  la  Marchande  de 
crème,  les  Melons  ou  la  Guinguette,  le  raisin  ou  Colinette, 
les  Marrons,  dame  Gertrude  ou  le  Boudin. 

Cet  almanach  est  le  chef-d'œuvre  du  genre.  Rien  de 
plus  gracieux  que  ces  estampes,  rien  de  plus  amusant 
que  ces  scènes  de  la  Halle,  rien  de  plus  intéressant  que 
ces  vues  des  marchés  de  Paris  ! 

Les  eaux-forles  et  les  avant-lettre  de  ces  figures  sont 
remarquables  de  finesse. 


1782 


Almanach  Dauphin, 


Français,  vos  vcl'ux  ardents  sont  enfin  accomplis, 

D'un  monarque  adoré  voici  la  vive  imagée. 

Dans  un  Dauphin  le  Ciel  nous  donne  un  nouveau  gage 


à 


ALMANACHS  DU   XYIII®  SIÈCLE  311 

De  gloire  et  de  bonheur  pour  Tempire  des  lys. 
Venez,  beaux-arts,  venez  amuser  son  enfance, 
Son  accueil  vous  promet  le  plus  brillant  succès, 
Et  vous  devrez  uu  jour  de  rapides  progrès 
A  son  auguste  bienfaisance. 

En  regard  de  ces  vers,  un  frontispice  (1). 
12  pages  perle  et  gain. 

1^^  Figure.  —  L'Arrivée  du  Courrier.  Un  cavalier, 
bride  abattue,  passe  au  milieu  d'une  foule  enthousiaste. 

En  regard,  un  feuillet  ;  au  recto  :  V Arrivée  du  Courrier, 
air  nouveau. 

Chantons,  chantons  notre  souveraine. 
Le  cœur  s'est  choisi  ce  refrain. 
Vive  à  jamais  notre  aimable  reine 
Et  Louis  seize  et  le  Dauphin. 
Soyons  joyeux,  redoublons  d'espérance. 
Livrons-nous  aux  plus  parfaits  plaisirs, 
Un  lis  manquait  au  berceau  de  la  France, 
Le  Ciel  vient  de  le  faire  fleurir. 
Etc.,  etc 

Au  verso,  calendrier  du  mois  de  janvier. 

2^  Figure.  —  U Inauguration  du  Dauphin.  Deux  grands 
seigneurs  apportent  au  Dauphin,  porté  dans  les  bras 
d'une  dame  d'atours,  suivie  de  plusieurs  autres  dames, 
le  grand-cordon  et  l'Étoile  du  Saint-Esprit. 

Feuillet;  au  recto  :  L'Inauguration  du  Dauphin,  Air  : 
Dès  le  matin  ma  vive  impatience,  de  Tom  Jones. 

Au  verso  :  Calendrier  du  mois  de  février. 

La  3""  figure  manque,  ainsi  que  le  feuillet  en  regard. 

La  4*^  figure  manque  aussi  ;  elle  devait  être  intitulée  : 
La  Présentation  de  Monseigneur,  Comme  la  romance  du 
4<î  feuillet.  Air  :  Charmante  Gabrielle, 


(1)  Malheureusement,  dans  Texemplaire  que  j'ai  sous  les  yeux,  il  manque, 
ainsi  que  les  figures  3  et  4.  Ce  petit  almanach  est  tellement  rare  que  Je  n'ai 
trouvé  personne  pouvant  me  renseigner  sur  ces  trois  gravures. 


312  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

5«  Figure.  —  La  bonne  Nourrice.  La  nourrice  (1)  du 
Dauphin,  en  grande  toilette,  allaite  le  royal  enfant,  près 
d'un  berceau  surmonté  de  la  couronne.  Autour  d'elle, 
seigneurs  et  dames  de  la  cour. 

En  regard,  la  romance  La  bonne  Nourriture,  Air  :  Je 
ne  suis  qu*une  Bergère,  de  Sancho-Pança. 

6«  Figure.  —  L*  Offrande  de  Mars.  Le  dieu  Mars  pré- 
sente une  palme  au  Dauphin  assis  sur  les  genoux  de  la 
France  appuyée  sur  un  palmier  portant  sous  ses  branches 
un  médaillon  contenant  les  profils  d*Henri  IV  et  de 
Louis  XIV. 

6^  feuillet  :  UOffrande  de  Mars.  Au  verso  :  Calendrier 
du  mois  de  juin. 

7®  feuillet.  Au  recto  :  Calendrier  du  mois  de  juillet  ; 
au  verso  :  la  romance  L Enfant  des  dieux. 

7o  Figure.  —  VEnfant  des  dieux.  La  reine,  sur  son 
trône,  présente  le  Dauphin  à  Louis  XVI,  à  genoux  devant 
elle.  Dans  un  nuage,  des  dieux  portent  le  flambeau 
allumé  de  l'hymen. 

8®  feuillet  :  Calendrier  d'aoust  ;  au  verso  :  V action  f^e 
grâce.  Air  :  Au  bord  dune  fontaine. 

Paris  qui  loge  en  France 
Depuis  longtemps  n'a  vu 
Tant  de  réjouissance 
Pour  un  nouveau  venu. 


De  la  sainte  qui  chasse 

Les  fièvres  de  Paris 

Ou  s'en  va  voir  la  châsse 


(1)  Madame  Poitrine,  choisie  entre  toutes  à  son  apparence  de  santé  et  de 
bonne  humeur.  Ce  fut  elle  qui  mit  à  la  mode  Malborough  s'en  va  fen  guerre, 
qu'elle  chantait  en  berçant  le  Dauphin. 


ALBfANACHS  DU  XVIU«  SIÈCLE  313 

Déeouverte  pour  lui. 
Puis  devant  le  pupitre 
Disant  Gatideamus, 
L'abbé  quittant  sa  mitre 
Chante  des  Oremuê. 

S^  Figure.  —  L action  de  grâce.  Le  haut  clergé,  sur  le 
parvis  de  Notre-Dame,  reçoit  le  roi  suivi  des  princes  du 
sang,  de  grands  seigneurs  et  de  la  foule. 

9«  feuillet  :  Calendrier  de  septembre  ;  au  verso  :  Lu 
dons  de  Minerve.  Air  :  Hun  bouquet  de  romarins  {les  Ven- 

dangeursj. 

9^  Figure.  —  Minerve  présente  une  branche  d'olivier 
au  Dauphin  couché  dans  son  berceau,  à  côté  d'un  lis  et 
au  pied  d'un  palmier  qui  porte  Técusson  des  dauphins 
de  France. 

10«  feuillet  :  Calendrier  d'octobre  ;  au  verso  :  La  Joie 
publique.  Air  :  Travaillez,  travaillez,  bon  tonnelier. 

Chaque  bourgeois  de  sa  maison 

Fait  illuminer  la  façade  ; 

Le  marchand  orne  son  plafond 

Et  l'artisan  boit  à  rasade  ; 

Les  fillettes  et  les  garçons 

Se  prennent  pour  danser  en  rond 

En  chantant,  en  criant  :  Vivent  sans  fin 

Le  Roi,  la  Reine  et  le  Dauphin  ! 


10«  Figure.  —  Feu  d'artifice  thré  devant  l'Hôtel^de-Ville. 

11«  feuillet  :  Calendrier  de  novembre  ;  au  verso  :  La 
digne  mère.  Air  :  Elle  fixe  mes  désirs. 

il®  Figure.  —  Charmant  portrait  de  la  reine,  assise 
sur  son  trône  et  tenant  le  Dauphin  dans  ses  bras. 

12«  feuillet  :  Calendrier  de  décembre  ;  au  verso  :  Le 
présent  de  Vénus.  Air  :  Je  le  compare  avec  Loais  {des  trois 
Fermiers. 


314  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Quel  présent  nous  fait  la  beauté  ? 
Ah  !  c'est  le  trident  de  Neptune. 


12«  Figure.  —  Vénus,  dans  sa  conque  marine,  autour 
de  laquelle  joue  un  dauphin,  fait  à  la  France  guerrière 
présent  du  trident  de  Neptune. 

Après  cette  figure,  les  douze  dernières  pages,  perte  et 
gain,  et  deux  feuillets  pour  les  vers  présentés  à  Mff'  le 
duc  de  Lauzun  le  lendemain  de  son  arrivée,  et  des  vers 
sur  la  reine. 

Les  figures  de  cet  almanach  sont  des  plus  intéressantes 
au  point  de  vue  historique,  comme  celles  d'un  autre 
almanach  qui  contient  les  fêtes  données  à  l'occasion  du 
mariage  du  Dauphin  (1774)  :  le  Couple  adoré,  les  Hom- 
mages sincères,  la  Soirée  brillante,  le  Banquet  Royale  le 
Bal  majestueux^  la  nouvelle  Halle,  la  Place  de  Louis  XV, 
le  Palais  Bourbon,  la  Place  Dauphine,  la  Placé  Royale,  la 
Place  des  Victoires,  charmantes  estampes  dessinées  et 
gravées  par  Baquoy  filius  et  représentant  fidèlement 
les  fêtes  de  la  cour  et  les  réjouissances  populaires. 

Vicomte  de  Savigny  de  Moncorps. 


(A  suivre  \ 


A  PROPOS  DE  J.  DE  BARCLAY 


Après  les  tlièscs  de  M.  Boucher  et  de  M.  Dupond,  et 
même  après  la  substantielle  étude  de  M.  J.  Dukas  (1),  la 
biographie  de  Jean  Barclay  présente  encore  bien  des 
lacunes.  Notre  intention  n'est  pas  de  la  recommencer; 
nous  en  rappellerons  seulement  certains  points  obscurs 
qui  peuvent  recevoir  quelque  lumière  des  documents  que 
nous  mettons  sous  les  yeux  du  lecteur. 

Barclav  était  de  famille  noble.  Sa  mère,  Anne  de  Mala- 
villers  (et  non  de  Malleville,  comme  on  Ta  dit  jusqu'à 
ces  dernières  années)  (2)  appartenait  à  la  noblesse  de 
Lorraine.  Son  père,  Guillaume  Barclay  (3),  était  issu 
d'une  famille  de  barons  écossais,  ainsi  que  le  témoignent 
des  lettres  patentes  du  roi  Jacques  VI  (4). 

Notre  auteur  signait  Jean  de  Barclay,  et  plusieurs 
lettres  de  lui  que  nous  avons  découvertes  à  la  Bibliothèque 
nationale,    conservent   encore   son   cachet  armorié.  Il 


(1)  L.  Boucher.  De  J.  Barclaii  Argenide,  Paris,  1874,  in-8*  ;  A.  Ddpond, 
L'Argenis  de  Barclay,  Paris,  1875,  in-8*  ;  J.  Dukas,  Le  Satgricon  de  Bcurclag, 
trois  articles  publiés  dans  le  Bulletin  du  Bibliophile^  1880. 

(2)  Cette  rectification  est  due  à  M.  Em.  Dubois,  auteur  d'une  savante  et 
curieuse  notice  sur  Guillaume  Barclay,  qui  fait  partie  des  Mémoires  de  VAcO' 
demie  de  Stanislas,  année  1870  (Nancy,  1872,  in-8*)  et  qui  a  été  tirée  à  part. 
(Paris,  Thorin,  1873,  in-8'.) 

(3)  M.  Dubois  distingue  deux  Guillaume  Barclay,  tous  deux  Ecossais  et 
résidant  à  la  même  époque  en  France.  Le  père  de  notre  auteur  enseignait  le 
droit  :  son  homonyme  était  docteur  en  médecine  et  maître  es  arts. 

(4)  Ce  document  a  été  publié  d'abord  par  Bugnot,  en  tête  de  J.  Bardait 
Argenis  nitnc  primum  illustrata,  Lugd.  Batav.  etRoterod.,  exofficina  Hackiana 
1664,  in-8*.  Il  a  clé  reproduit  par  M.  Dubois. 


316  BULLETIN    DU   BIBLIOPHILE 

portait  d'azur  au  chevron  d'argent  accompagné  de  trois 
croix  d'argent  pattées,  timbré  d'un  heaume  de  profil  au 
cimier  à  la  croix  pattée. 

Jean  de  Barclay  alla  se  fixer  en  Angleterre.  C'est  là  que 
vint  aussi  Casaubon  après  la  mort  de  Henri  IV.  Le  jour- 
nal de  l'illustre  philologue  porte  quelques  traces  de  ses 
relations  avec  Barclay  : 

XV  Kal.  Mai.  i6ii.  A  prandio  ad  Reginam  uxor  est  profecta 
Grenovicum,  ubi  Bardai um  virum  pium  vidi. 

m  Non.  Fcbr.  161  A.  Preste  a  M.  Bardai  Buchari.  histor. 

VII  Eid.  Jun.  i614.  Ad  Regem  hodie  Grenovicum  profectus  cum 
eruditissimo  et  amidssimo  Bardaio  diera  suavissime  consumpsi. 

Eid.  Jun.  i6iA.  Hodie  partim  oiTidi  causa,  partim  recreandi 
animi  gratia,  ego,  uxor  et  amici  Barclaius  et  Thorius  (1)  cum  ipso- 
rum  uxoribus  Grenovicum  ivimus.  Fuitque  oblectationi  hoc  iter,  nisi 
quod  meae  infirmitates  multum  me  vexarunt  (2). 


(1)  Il  s'agit  ici  de  Ralph  Thorie  ou  Raphaël  Thorius.  Ce  personnage,  né  en 
France,  avait  étudié  à  Oxford  et  exerçait  la  médecine  à  Londres,  où  il  mourut 
de  la  peste  en  1G25  (et  non  en  1629,  comme  le  dit  Moréri).  Il  avait  pour  Teau 
une  horreur  profonde.  Gassendi  (Yita  Peirescit,  1.  II)  a  raconté  dans  quel 
plaisant  embarras  le  mit  un  jour  Peiresc  en  exigeant  de  lui  par  surprise  la 
promesse  de  boire  un  verre  de  ce  liquide  détesté.  Thorius  a  publié  :  Epistola 
de  causa  morbi  et  mortis  Is.  Casauboni.  (Lugd.  Batav.  1619,  in-4*),  pièce  réim- 
primée avec  la  correspondance  de  Casaubon,  1638  ;Hyninus  tabacisioe  dePaeto. 
(Lugd.  Bat.  1622, 1623,  etc.)  Il  est  aussi  l'auteiu"  anonyme  d'une  Elegia  in  obitum 
Jo.  Barclaii.  (Lond.  1621,  in-4*).  Voir  sur  lui,  Lusus  in  funere  Raphaelis  Thorii 
medici  et  poetae  praestantissimi  qui  Londini  peste  extinctus,  triste  sui  deside- 
rium  reliquit  anno  1625.  (Lond.  1626,  in-4*)  et  la  notice  de  H.  Player  en  tète  de 
son  édition  de  VHynmus  tabaci  (Lond.  1716,  in-12;. 

(2)  Is.  Casauboni  Ephemerides,  Oxonii,  1850,  2  vol.  in-8*,  p.  833, 1037, 1062  et 
1063.  —  Rappelons  que  daiisles Epistres  françaises  d  M.  J.J.de  la  Scala  (édit.  J. 
de  Rêves,  Harderwyck,  1624,  in-12).  p.  15, 198  et  361,  on  trouve  trois  lettres  de 
J.  de  Rnrclay,  résiflant  à  Londres,  ù  Scaliger.  De  ces  lettres,  deux  seulement 
sont  datées  :  elles  ont  été  écrites  le  13  juin  et  le  2  août  1606.  Elles  nous 
montrent  Barclay  désireux  d'entrer  en  relations  avec  Scaliger,  et  insistant 
pour  obtenir  de  lui  une  réponse.  Scaliger  a-t-il  cédé  à  ses  instances? Nous  ne 
savons.  On  voit  aussi  par  ces  lettres  que  notre  auteur  avait  fait  en  Angleterre 
la  connaissance  fie  Bongars,  qu'il  a  eu  l'intention  de  faire  un  voyage  en  Hol- 
lande pour  y  voirScaliger,  et  un  autre  en  France  pour  assisleraux  solennités 
du  baptême  des  enfants  de  Henri  IV, 


A  PROPOS   DE  J.    DE  BARCLAY  317 

Barclay  fut  un  des  lieutenants  de  Jacques  I^»*  dans  la 
guerre  que  ce  théologien  couronné  soutint  contre  le 
pouvoir  du  Pape  sur  le  temporel  des  rois.  Il  publia  un 
ouvrage  posthume  de  son  père  :  Tractatus  de  potesiate 
papae  (1)  et,  pour  le  défendre,  écrivit  le  livre  intitulé  : 
Pietas  sive  piibllcae  pro  Regibus  ac  Principibiis,  etprivatae 
pro  Guil.  Barclaio  parente  Vindiciae  adversus  Card,  Bel- 
larmini  Tractatum  de  potesiate  summi  Pontificis  in  rébus 
iemporalibus  (2). 

Ces  deux  ouvrages  furent  mis  à  l'index,  le  premier  par 
décret  du  9  novembre  1609,  et  le  second,  le  10  mai  1613. 
Bien  plus,  un  ouvrage  antérieur  de  J.  de  Barclay,  le 
Satyricon,  fut  de  même  condamné  le  7  septembre  1609. 

Malgré  cette  sévérité,  notre  auteur,  quelques  années 
plus  tard,  quitta  Londres  et  transporta  ses  pénates  à  Rome 
même.  Les  motifs  de  ce  départ  sont  restés  obscurs. 
Barclay  céda-t-il  à  des  scrupules  religieux,  ou  bien, 
sentant  sa  faveur  diminuer  auprès  du  roi  Jacques, 
espérait-il  trouver  près  du  Pape  une  fortune  plus  bril- 
lante ou  plus  tranquille  ?  On  ne  le  sait  pas  trop.  Un  de 
ses  biographes  assure  qu'il  avait  voulu  éviter  à  ses  enfants 
les  tracasseries  auxquelles  ils  pouvaient  être  en  butte  à 
cause  des  lois  portées  en  Angleterre  contre  les  catholiques, 
et  il  ajoute  que  le  roi  Jacques  lui  donna,  au  moment  du 
départ,  son  portrait  orné  de  brillants  (3). 

Jusqu'à  quel  point  J.  de  Barclay  dut-il,  pour  obtenir 
son  pardon  du  Pape,  désavouer  ses  ouvrages  frappés  par 
l'index?  Personne  ne  l'a  dit.  Toujours  est-il  que,  dès  1615, 
Barclay  écri\it  de  Londres  à  Paul  V  la  lettre  suivante  où. 


(1)  Londres,  1609,  M.  Dupond  en  mentionne  une  traduction  française  avec 
une  dédicace  au  Pape,  Pont-à-Mousson,  1611. 

(2)  Paris,  Mettayer,  1612,  in-4*.  Cet  ou\Tage  a  été  reproduit  par  Melchior 
Goldast  dans  le  tome  lU  de  sa  Monarchia  S.  Romani  Imperii  (Francofurti, 
1613,  in-foUo). 

(3)  BuGNOT.  J.  Barclaii  Vita,  en  tête  de  rédition  de  YArgenh  citée  plus  haut. 


318  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

tout  en  faisant  son  meà-culpà,  il  sollicite  de  lui  un  dédom- 
magement de  la  perte  qu'il  éprouvera  en  renonçant  au 
service  du  roi  d'Angleterre  (1). 

BicATissiMi:  Pater, 

Si  votorum  copiam  mihi  numen  antea  fecisset,  Beatissime  Pater, 
nihil  optassern  avidius  quam  quod  tuac  clcracntiae  sponte  nunc 
obtigit,  ut  neinpe  mutata  rerum  inearum  sorte,  tuam  Sanctitatem 
placatam  habeam,  possitnque  te  non  coramuni  tantum  christianorum 
jure,  scd  praccipuo  aliquo  parentem  appellare.  Equidem  augustis- 
simam  tuam  sedcm  unicum  verae  fidei  virtutisque  domicilium,teque 
in  ea  divinis  auspiciis  coUocatum,  Beatissime  Pater,  semper  colui  ; 
sed  locorum  divortio  et  temporum  culpa,  minor  quam  voluissem 
fuit  hic  cultus,  et  minor  quam  fuerit,  fuisse  est  creditus.  Urebar 
anxiis  molibus  quod  offensum  tantum  Patrem  haberem  et  placare 
non  auderem.  Scd  nobilissimi  viri,  et  hic  omnia  pro  tua  Sanctitate 
expert!,  Domini  Didaci  Sarmiento  de  Acuno,  legati  Catholici,  opéra 
atque  verl)ia,  primum  de  tuae  Serenitatis  clementia  omnia  sperare 
visus  sum,  mox  non  sperare  modo  sed  credere.  Ingenti  itaque 
gaudio  ubi  [)rimum  tuam  Sanctitatem  vocantem  audivi,  relictis 
retibus  et  navi,  tuam  vocem  secutus  sum,  nec  luculentius  animi  mei 
pignus  dare  potui,  quam  quod  spem  mihi  meisque  liberis  undecim 
annis  quacsitam  apud  Regem  nunc  maxime  mihi  benevolentem,  non 
modo  omisi,  scd  prorsus  interverti  ad  tuam  Sanctitatem  pervolaturus. 
Urgeo  profectionem  meam  quantum  impedita  mulierculis  et  infan- 
tibus  familia  sinit.  Habebis  nos  propediem  omnes  Sanctitatis  tuae 
pedibus  stratos,  nec  aliam  salutem  aut  fortunam  habituros,  quam 
quae  tuae  Sanctitati  placuerit.  Deus  te,  S.  P.  incolumem  diu  servet  in 
Ëcclesiac  utilitatem,augmentumquecoronae,quam  quotidie  in  felicis- 
simam  immortalitatem  texis.  Vale.  Londini,  Idibus  septembris,  1615. 

Barclay,  avec  les  siens,  quitta  TAngleterrc,  sans  doute 
dans  les  derniers  mois  de  Tannée  1615.  Il  séjourna  quel- 
que temps  à  Paris,  puis  traversa  la  France  et  s'embarqua 
pour  l'Italie.  Auparavant,  il  s'était  arrêté  à  Marseille,  chez 
le  poète  latin  Balthazar  de  Vias,  dont  Guil.  du  Vair  lui 


(1)  Elle  nous  a  été  conservée  par  Bii{;not.  ibid. 


A   PROPOS   DE  J.    DE   BARCLAY  319 

avait  ménagé  la  connaissance.  De  Marseille,  Barclay  et 
sa  famille  firent  voile  pour  Livourne.  Leur  traversée  fut 
signalée  par  une  violente  tempête  qui  leur  fit  craindre 
pour  leurs  jours.  Toutefois,  ils  débarquèrent  sains  et 
saufs,  et  se  rendirent  à  Florence,  où  ils  furent  bien  ac- 
cueillis par  le  grand-duc.  De  là,  ils  allèrent  à  Rome  où 
ils  durent  arriver  au  mois  de  février  ou  de  mars  1616. 
Quoi  qu'il  en  soit,  nous  les  y  trouvons  installés  au  mois 
d'avril  de  cette  année. 

Ces  détails  nous  sont  fournis  par  deux  élégies  latines 
publiées  sous  ce  titre  :  Balthazaris  de  Vias  ad  Aloysiam 
de  Bonnaire  Barclaiam  elegiacum  carmen  cui  subjecta  est 
Aloysiae  de  Bonnaire  Barclaiae  ad  Balthazarem  de  Vias 
elegiaca  responsio  (1). 

On  sait  que  J.  Barclay  avait  épousé  une  Parisienne, 
fille  de  Michel  de  Bonnaire.  Le  poète  marseillais,  dont  la 
pièce  est  datée  du  l^»-  mars  1616,  exprime  à  la  femme  de 
son  ami  le  regret  qu'il  a  éprouvé  de  leur  départ  ;  il  lui 
parle  des  enfants  qu'elle  emmenait  avec  elle,  une  fille 

Quae  nondum  bis  sex  Dictynnae  cornua  vidit, 

et  un  garçon,  dont  il  vante  la  beauté,  Fesprit  et  la  sagesse 
supérieure  à  son  âge.  La  réponse,  datée  de  Rome,  Idib. 
Aprilis  1616,  est  pleine  de  sentiment.  On  y  voit  le  récit  du 
voyage  de  France  en  Italie,  et  un  souvenir  pour  Peiresc  (2). 

(1)  Paris,  Th.  Pepingné,  1647,  in-4».  L'éditeur  avertit  le  public  que  la  per- 
sonne dont  il  tient  ces  deux  pièces  de  vers  l'a  assuré  qu'il  existait  d'autres 
œu\Tes  inédites  de  Barclay  ;  nous  ne  croyons  pas  qu'elles  aient  été  mises  au 
jour. 

(2)  Nous  y  relevons  seulement  ces  vers  charmants  sur  le  petit  Barclay  à  son 
arrivée  sur  le  territoire  romain  : 

Tybridis  aadito  surrexit  nomine  Natu>, 

Fa  teadem  geminas  ad  mea  colla  manu^  : 

»  Hic,  precor,  6  geaitrix ,  quo  cespite  conditor  Urbis, 
Quo  jacuit  frater  cespite  Rhemu.*,  ait? 

Onae  sylvae  misère  Lupam?  quave  arbore  sedit 
Qui  tenerus  Picus  detuJit  ore  cibof?  > 

Hi^imiN  :  urgebat.  FaUum  monstraTiinns  agrum. 

Finie  «alis  hoc,  «ati<  est  hoc  qaoqne  saepe  vins. 


320  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

Ce  petit  poème  a  fait  grand  honneur  à  LiOuise  de 
Bonnaire  ;  malheureusement  elle  n'en  est  pas  l'auteur, 
comme  on  l'a  cru  :  c'est  son  mari  qui  a  tenu  la  plume 
pour  elle.  C'est  ce  que  nous  apprend  une  note  qui  suit  la 
pièce  dans  la  réimpression  qu'en  a  faite  B.  de  Vias  lui- 
même,  à  la  fin  de  ses  Charités  :  loannes  Barclaias  uxoris 
nomine  respondit  (1). 

Bientôt  après  son  arrivée  à  Rome,  Barclay  s'occupe  de 
donner  des  preuves  de  résipiscence,  et  écrit  sa  Paraenesis 
ad  sectarios(2).  Il  parait  que  dans  la  rédaction  primitive 
de  cet  ouvrage,  Barclay  malmenait  quelque  peu  son 
ancien  patron,  le  roi  d'Angleterre,  si  bien  qu'on  dut 
modérer  son  zèle  et  lui  demander  des  corrections  avant 
de  lui  accorder  V Imprimatur.  C'est  ce  que  nous  apprend 
une  lettre  du  cardinal  Bonsi,  évoque  de  Béziers,  et  depuis 
peu  nommé  membre  de  la  congrégation  du  Saint-OfBce. 

«  ...  Je  serois  marry,  écrit-il  à  M.  de  Puysieux,  que  de  mon 
temps  se  passast  chose  qui  ne  soit  conforme  a  la  commune  intelli- 
gence de  la  France  et  au  seruice  du  Roy,  me  pouuant  donner  ceste 
louange  que  i'ay  empesché  l'impression  de   plusieurs  libures  qui 


(1)  Balth.  de  Vias.  Charititm  lihri  III,  Paris.  16C0,  in-4*,  p.  362.  —  Il  parait 
que  Louise  de  Bonnnire  était  très  jalouse.  Cela  ne  contribuait  pas,  il  s*en  faut, 
à  la  paix  du  ménage  ni  au  bonheur  de  son  époux,  qui  s'en  plaignait,  comme 
on  le  voit  par  une  idylle  de  Vias  (Charités,  1. 1,  eid.  x,  p,  24),  adressée  à  Bar- 
clay lui-même.  On  voit  aussi  par  cette  pièce  que  Barclay  songeait  déjà  à 
VArgenis  avant  d'être  A  Rome,  et  que  H.  de  Vias  est  pour  quelque  chose  dans 
les  vers  dont  ce  roman  est  mêlé  : 

Milita  tua  Argents  de  me  (ert  carmioa,  qiiae  t^ 
laserui  alloquiU  sollicitante  tui«, 

Kl  tihi  sum  Nirupompa«  ego,  Mteria  per  me 
Viilnerihu-t  saQi<>  hic  Puliarcliu^  habet. 

(2)  Homae,  1617:  autre  édition,  Coloniae,  1617.  Une  traduction  française 
fut  publiée  à  Liège,  1634,  in-4',  par  J.  Waltery  de  Castro,  chanoine  de  Visé- 
sur-Meuse. 

On  a  attribué  ù  notre  Barclay  l'écrit  intitulé  /.  Barcleii,  de  rébus  Britannicis 
novis  ad  snos  Geniiles  epistolae,  Francopoli.  s.  d.  in-8»  (Mazarine,  32,328). 
C'est  à  tort,  car  cet  ouvrage  fait  allusion  au  règne  de  Charles  I".  et  notre  au- 
teur est  mort  quatre  ans  avant  que  ce  prince  montAt  sur  le  trône. 


A  PROPOS  DE  J.   DE  BARCLAY  321 

n'auroient  esté  aggreables  ny  au  Roy,  ny  aux  autres  Princes,  et  que 
Sa  S^*^  m'a  fait  rhonneur  de  dire  autresfois  en  pleine  Congrégation 
que  ie  Tauois  bien  conseillée  et  par  ceste  cause  on  n'a  pas  laissé 
imprimer  icy  un  nouueau  libure  du  S'  Barclay  Contra  sectarios 
sans  quMl  ayt  esté  auparauant  corrigé  en  plusieurs  endroicts,  roesmes 
ou  il  traictoit  avec  peu  d'honneur  du  Roy  d'Angleterre...  »  (1). 

Dans  une  longue  préface,  Barclay  donne  des  explica- 
tions assez  embarrassées  sur  les  motifs  qui  Font  porté  à 
publier  les  ouvrages  condamnés  par  la  cour  romaine,  et 
sur  ceux  qui  lui  ont  fait  quitter  TAngleterre.  A  l'en  croire, 
il  n'écrit  pas  sa  Paraenesis  parce  qu'il  s'est  réfugié  à  Rome, 
mais  il  s'est  rendu  dans  cette  ville  afin  de  pouvoir  libre- 
ment récrire.  Il  rend  hommage  à  la  bienveillance  que  lui 
témoigne  le  cardinal  Bellarmin,  son  ancien  adversaire. 

Il  déclare  du  reste  qu'il  n'a  jamais  cessé  de  professer  la 
religion  catholique ,  môme  en  Angleterre ,  usant  pour 
cela  de  la  tolérance  que  lui  valait  sa  qualité  d'étranger. 
Tout  autre  aurait  été,  d'après  lui,  la  situation  de  ses  enfants 
qui,  nés  en  Angleterre,  auraient  été,  par  là  même,  exposés 
aux  vexations  édictées  en  ce  pays  contre  les  catholiques  ; 
et  c'est  surtout  pour  les  en  préserver  qu'il  a  quitté  la 
Grande-Bretagne,  malgré  les  avantages  que  lui  faisait  le 
roi  Jacques. 

Quant  aux  ouvrages  qu'il  a  écrits  précédemment,  Bar- 
clay nous  apprend  que  les  applaudissements  qu'ils  lui  ont 
valus  de  la  part  des  hérétiques  qui  lui  ont  ouvert  les  yeux.  Il 
réprouve  donc  certaines  opinions  qu'il  y  avait  émises, 
notamment  sur  l'indépendance  absolue  des  rois  à  l'égard 
du  pouvoir  spirituel  et  sur  les  immunités  ecclésiastiques. 

Enfin,  il  désavoue  un  libelle  injurieux  pour  le  roi 
d'Anglererre,  répandu  dans  le  peuple  peu  après  son  départ 
de  Londres,  et  dont  on  le  faisait  l'auteur  ou  l'éditeur. 


(  1  )  Lettre  du  19  septembre  1617.  Biblioth.  Nation.,  fonds  français,  18,011, 
f221. 

1891  21 


322  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

Tout  en  recueillant  à  Rome  les  bienfaits  du  Pape , 
Barclay  travaillait  à  se  ménager  les  bonnes  grâces  du 
gouvernement  français  et  à  obtenir  de  lui  quelques 
faveurs.  Déjà  en  passant  par  Paris  pour  se  rendre  d'Angle- 
terre en  Italie,  il  avait  vu  M.  de  Puysieux,  secrétaire  des 
commandements  du  roi,  et  lui  avait  fait  ses  offres  de 
service.  Pour  se  rappeler  à  son  souvenir,  il  lui  fit  hom- 
mage (le  sa  Paraenesis  ad  sectarios.  Voici  en  quels 
termes  : 


Monsieur, 

La  courtoisie  auec  laquelle  il  vous  a  pieu  autresfois  receuoir 
quelques  escris  que  i'auois  mis  au  iour  m'a  donné  la  hardiesse  de 
vous  enuoyer  un  petit  ouurage  que  i'ay  dressé  contre  les  Sectaires 
de  ce  temps.  Ce  n'est  pas  que  ie  l'estime  digne  de  passer  sous  vostre 
veuo,  mais  pour  auoir  nouucau  suiet  de  vous  offrir  mon  treshumble 
scruice  et  vous  dire  qu'il  n'y  a  rien  qui  m  afflige  plus  en  ce  monde 
que  le  peu  d'occasion  a  faire  paroistre  auec  combien  de  vérité  ie 
vous  ay  voui'  le  peu  qui  est  en  moy.  II  me  fust  impossible  au  partir 
d'Angleterre  de  vous  dire  les  raisons  qui  me  portoyent  en  Italie,  ce 
que  ic  desirois  infiniment  pour  me  régler  selon  vos  commandemens, 
mais  ic  vous  peus  dire  en  vérité  qu'autant  que  la  fortune  m'a  esloignee 
de  la  France  autant  me  sont  crcus  les  désirs  d'estrc  éternellement 

Monsieur, 

Vostre  très  humble  et  tresobeyssant  seruiteur 

Jean  db  Barclay. 

Dt»  Home,  25  septembre 
1017. 

A  Monseigneur, 

Monseigneur   de    Pisieux , 

Conseiller    du    Roy  on    ses 

Conseils    d' Estât     et    privé,    et 

Secrétaire  de  ses  commandemens. 

A  Paris  (1). 


(  1  )  Nationale,  fr.  IS.OH,  f-  239. 


A    PROPOS   DE  J.    DE  BARCLAY  323 

Quelque  temps  après,  Barclay  composa  VArgenis, 
roman  dans  lequel  il  voulut  faire  entrer  l'histoire  de  son 
temps  (l).  Il  eut  la  pensée  de  se  faire  payer  les  éloges 
qu'il  y  donnerait  et  la  gloire  qu'il  y  pourrait  distribuer. 
Il  intéressa  à  ce  projet  la  vanité  du  chancelier  Brulart  de 
Sillery  et  celle  de  M.  de  Puysieux,  son  fils.  Celui-ci 
échangea  à  ce  propos  plusieurs  lettres  avec  Barclay,  et 
lui  fournit  même  certains  documents  à  mettre  en  œuvre 
dans  le  roman.  Il  pensait  sans  doute  tout  d'abord  en  être 
quitte  pour  recommander  l'auteur  à  la  bienveillance  du 
marquis  de  Cœuvre,  ambassadeur  de  France  à  Rome,  et 
lui  assurer  ainsi  la  faveur  de  la  cour  pontificale.  L'ambas- 
sadeur le  détrompa  : 


...  Monsieur  jay  rcceu  la  lettre  que  vous  maves  escripte  pour  M»" 
Barclee  auquel  comme  jusques  icy  ie  lay  veu  fort  incliné  au  seruice 
du  Roy  jay  aussy  fait  tout  le  bon  accueil  que  jay  peu  mais  ie 
continueray  d'aultant  plus  volontiers  que  ie  voy  le  soing  que  vous 
en  auez  et  que  le  Roy  la  aggreable,  mais  ie  croy  que  ce  n'est  pas  son 
principal  but  estant  bien  traicté  du  Pape  et  en  bonne  estime  près  de 
Sa  Sainteté  et  de  plusieurs  cardinaulx,  et  disant  que  si  l'affection 
quil  porte  au  seruice  de  Sa  Ma**  et  de  la  France  lempesche  de 
voulloir  entendre  aux  offres  qui  luy  sont  faictes  par  les  Espagnols 
de  le  gratiffîer  de  bénéfices  au  Roy™e  de  Naples,  il  croit,  comme  il 
semble  estre,  bien  raisonnable  auoir  subiect  de  désirer  quelque  effet 
présent  de  la  libéralité  de  sa  Ma**  soit  en  pension  ou  en  beneGces 
pour  ses  enfanlz  et  quoy  que  ce  soit  que  Sa  Ma**  face  pour  luy 
jestime  qu'il  sera  fort  bien  employé...  »  (2). 


(  1  )  M.  Boucher  (  op.  cil.)  et  M.  Dupoiid  ne  sont  pas  d'accord  sur  le  but  de 
VArgenis.  Le  premier  ne  voit  dans  cet  ouvrage  qu'un  traité  de  politique 
encadré  dans  un  roman  qui  n'a  rien  d'historique  ;  le  second  le  considère, 
au  contraire,  comme  la  peinture  allégorique  d'une  époque  en  même  temps 
qu'un  traité  «le  politique  sous  forme  de  roman.  Les  lettres  de  Barclay  que 
nous  publions  donnent  raison  à  M.  Dupond. 

(2)  Dépêche  du  manjuis  de  Cœuvre  à  M.  de  Puysieux.  Home,  15  juillet  1G20. 
-  Bibl.  Nal.  fr.  18.014.  P  XYl,  V. 


324  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

Nous  n'avons  pas  les  lettres  de  M.  de  Puysieux  à  Barclay, 
et  c'est  dommage.  Toutefois,  nous  avons  retrouvé  les 
réponses  de  Barclay  :  elles  nous  montrent  que  Louis  XIII 
s'était  résolu  à  lui  accorder  une  pension  et  que  certains 
passages  de  VArgenis  ont  été  retouchés  sur  l'avis  du  chan- 
celier Sillery.  Voici  ces  lettres  (1)  : 

Monsieur, 

lay  receu  celles  dont  il  vous  a  pieu  m'honorer  du  3  etdu  17  de  juin, 
accompaignees  des  mémoires  que  ie  desirois  infiniment  pour  auoir 
occasion  de  faire  esclorre  quoique  partie  du  treshumble  seruice  que 
ie  vous  ay  voué.  l'espère  d'en  vser  en  sorte  que  vous  aurés  quelque 
occasion  de  vous  contenter  de  mon  seruice,  et  que  le  crayon  que  ie 
tireray  de  Monseigneur  le  Chancellier  durera  aus  yeux  de  la  postérité. 
Je  vous  suis  extresmement  obligé  Monsieur  pour  la  recommendation 
qu'il  vous  a  pieu  faire  de  moy  de  la  part  du  Roy  à  Monsieur  le  Mar- 
quis de  Cœuure  ;  quoy  que  ie  ne  croye  point  que  l'occasion  me  deut 
arriver  de  l'importuner  pour  aucune  assistance  à  mes  affaires  de  deçà, 
ayant  Dieu  soit  loué  tout  le  suport  que  ie  scaurois  désirer  en  sa 
Sainteté  et  en  sa  Court.  Il  cognoit  la  passion  que  i'ay  de  me  déclarer 
françois  et  crois  luy  en  auoir  donné  quelques  prennes  depuis  qull 
est  icy  Ambassadeur,  mais  il  scait  ce  qui  m'empcsche  de  rendre  les 
seruices  que  peut  estre  ie  pourrois,  et  lui  en  ay  dit  rondement  les 
causes,  lesquelles  il  n'a  peu  desapprouuer,  et  m'a  dit  qu'il  s'asseuroit 
que  quant  vous  en  sériés  aucrty  vous  les  trouucriés  légitimes  et 
et  apporteriés  le  remède  qu'il  faut.  le  crois  qu'il  vous  en  escrit  et 
scai  bien  Monsieur  que  si  quelque  chose  ce  fait  pour  moy  ie  vous 
en  dcui'ay  tout  entièrement  le  grammercy,  comme  aussy  ie  tascheray 
de  ne  point  estre  le  plus  inutil  de  tant  de  seruiteurs  que  vous  aués 
obligé.  Si  vous  faites  plus  pour  moy  que  la  naissance  n'a  fait,  cest 
a  dire  si  vous  m'obliges  a  estre  françois,  i'addresseray  l'œuure  que 
i'ay  a  cett'  heure  en  main  au  Roy  auec  une  préface  qui  peut  estre 
de  quelque  importance,  particulièrement  icy,  ascavoir  des  obligations 
que  les  Roys  ont  au  Saint  Siège  et  mutuellement  que  le  Saint  Siège 
a  aus  Roys  de  France.  Outre  ce  que  i'ay  a  dire  au  corps  du  livre  de 


(1)  Les  originaux  sont  à  In  UiblioUiôque  nationale,  fonds  français,  n*  18,014, 
f**  324  et  524  :  n- 18,015,  f  5. 


A  PROPOS  DE  J.   DE  BARCLAY  325 

Monseigneur  le  Gbancellier,  il  y  auroit  en  cette  préface  un  tresbaeu 
et  honorable  champ  pour  ses  louanges.  Ce  ne  sera  pas  par  la 
plume  seulement  mais  par  toutte  sorte  de  seruices  que  ie  seray 
iamais  capable  de  vous  rendre  que  ie  m'estudieray  de  me  monstrer 

Monsieur, 

.  ,  ,    ,.  .     ,  ..  .  Vostre  treshumble  et  très 

Lesuietduhureoujepretendsfaire       ^^eyssant  seruiteur 
entrer  a  bon  escient  Monseigneur 

le  Ghancellier  et  vous  aussy,  est  une  Jean  de  Barclay. 

inuention  assés  gaye  comprise   en 

cinq  liures  ou  se  traitte  de  la  pluspart  des  affaires  de  nostre  temps. 
J'y  adjousteray  cette  préface  de  laquelle  ie  vous  ay  parlé  si  le  Roy 
accepte  mon  seruice  (1)  et  tourneray  aisément  le  stile  de  tous  les 
cinq  liures  à  l'honneur  de  la  France. 

De  Rome,  12  Juillet  1620. 

A  Monseigneur, 
Monseigneur  de  Puysieux,  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils 
d'Estat  et  priué  et  secrétaire  de  ses  commanderaens,  etc. 


Monsieur, 

Ayant  appris  depuis  peu  que  Sa  Maiesté  s'estoit  résolue  de  me  faire 
son  pensionnaire,  i'ay  tresasseureement  creu  que  cett'  avantage  ne 
m'estoil  pas  arriué  sans  l'honneur  et  le  port  de  vostre  faneur.  Ce 
mot  sera  pour  vous  en  remercier  treshumblement  et  vous  dire  que 
ie  me  tiens  entièrement  asseuré  qu'il  vous  plaira  acheuer  Touurage 
si  bien  commencé.  Je  scai  Monsieur  qu'il  dépend  tout  a  fait  dévoua 
de  borner  ou  eslargir  en  cet'  endroit  la  libéralité  du  Roy.  Gela  me  fait 
vous  supplier  auec  plus  d'instance  qu'il  vous  plaise  me  monstrer  par 
cette  occasion  qui  ne  se  recouure  pas  ayseement  que  vous  me  tenés 
pour  vray  et  perpétuel  seruiteur  de  vostre  maison.  La  chose  sera 
tant  plus  aysee  que  ie  ne  suis  ny  françois  ny  Italien,  et  que  ie  pour- 
rois  seruir  le  Roy  et  me  ressentir  de  ses  libéralités  quant  bien  ie  ne 
serois  pas  en  cette  ville  de  Rome,  tellement  que  les  pensionnaires 
Italiens  et  François  que  Sa  Maiesté  a  icy  ou  qu'elle  y  fera,  ne  seau- 
royent  tirer  a  conséquence  la  faueur  auec  laquelle  on  me  traittenu 


(  1  )  Cetle  préface,  si  elle  a  été  écrite,  n'a  pas  été  imprimée. 


326  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

Enfin  Monsieur,  c'est  de  vostre  bonté  et  courtoisie  que  ie  demande 
et  espère  issue  fauorable  a  cett'  affaire  sachant  bien  qu'elle  est 
entièrement  en  vostre  main.  J'attens  aussy  quelque  responce  sur  les 
pièces  que  ie  vous  enuoyay  dernièrement  pour  m'y  pouuoir  reigler 
selon  que  me  le  commandercs.  le  n'attens  quasi  autre  chose  pour 
acheuer  tout  Tœuure,  lequel  pourra  commencer  a  estre  mis  sous  la 
presse  enuiron  ce  Noël  prochain,  si  vous  en  faites  scauoir  d*heur 
vostre  iugement  à 
Monsieur, 

Vostre  treshumble  et  tresobeyssant  seruiteur. 

Jean  de  Barclay. 

De  Rome,  18  octobre  1G20. 

A  Monseigneur, 
Monseigneur    de    Puysicux  , 
CSonseiller   de    Sa    Maiesté    en    ses 
CSonseils  d'Estat  ot  priué  et  secrétaire 
de  ses  Gommendcmens,  etc. 

Monsieur 

J'ay  receu  celles  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  du  2  Décembre,  et  y 
ay  appris  la  resolution  de  Monseigneur  le  Ghancellier  touchant  ce 
que  ie  m'estois  proposé  de  faire  pour  son  seruice.  Je  ne  faudray  pas 
de  suiure  son  commandement,  quoy  que  ie  soye  fort  d'opinion  que 
s'il  eut  veu  tout  l'œuure  il  eut  modéré  ce  sien  auis.  S'il  eut  trouué 
bon  que  ie  changeasse  on  adioutasse  quelque  chose  en  ce  qui  le 
concerne  je  me  fusse  estudié  de  ne  point  passer  ses  volontés  (  1  ) .  Ge 
sera  quant  il  luy  plaira  que  ie  luy  rendray  ce  très  humble  seruice. 
Et  si  ie  peus  apprendre  qu'il  ne  doiue  point  trouuer  mauuais  que  ie 
face  doresnauant  quelque  semblable  essay  a  son  desceu,  ie  n'atten- 
dray  pas  qu'il  me  le  commande,  désirant  sur  tout  de  monstrer,  soit 
par  la  plume  soit  par  auti-e  moyen  combien  grand  admirateur  ie 
suis  de  ses  treseminentes  qualités,  et  des  vostres  Monsieur  de  qui 


(1)  Ces  paroles  indiquent  bien  que  le  chancelier  Sillery,  sous  un  nom  em- 
^prunté,  joue  un  rôle  dans  le  roman.  Cependant  les  clés  ne  i>arlent  pas  de  lui. 
Au  contraire,  toutes  reconnaissent  Villeroy  sous  le  personnage  de  Clâibule, 
bien  qu'ily  ait  à  cotte  identification  degrosses  difficultés,  ainsi  que  le  rt^marque 
l'auteur  du  Discursus  in  Argenidem,  placé  en  télc  de  Tédition  eizévirienne. 
U  est  donc  probable,  sinon  certain,  qu'il  faut  corriger  les  clés  et  lire  Sillery 
au  lieu  de  Villeroy.  , 


A   PROPOS   DE  J.   DE  BARCLAY  327 

Fattens  sur  toutte  autre  faueur  l'ouuerture  de  quelque  moyen  pour 
faire  paroistre  la  vérité  de  ces  miens  vœus.  le  m'asseure  que  vous 
aués  deuant  cett'  heure  résolu  de  mon  affaire,  de  laquelle  ie  me  tiens 
seur  d'auoir  bien  tost  des  nouuelles  qui  me  feront  recognoistre  que 
vous  m'aurés  traitté  auec  la  faueur  que  doit  espérer 

Monsieur, 

Vostre  treshumble  et  tresobeyssant  serviteur, 

Jean  de  Barclat. 

De  Rome,  !«' janvier  1621. 

A  Monseigneur, 
Monseigneur  de  Puysieux, 
Conseiller  de  S.  M.  en  ses  Conseils 
d'Estat  et  Priué  et  secrétaire  de 
ses  Commendemens,  etc. 

Le  roman  terminé,  Barclay  l'envoya  à  Louis  XIII  avec 
une  lettre  différente  de  la  dédicace  latine  qui  le  précède 
dans  les  éditions.  Il  y  sollicitait  les  bienfaits  du  roi  et 
promettait  de  travailler  encore  pour  son  service.  Cette 
lettre  n'est  pas  autographe  comme  les  autres  ;  elle  porte 
seulement  la  signature  de  Barclay.  Sans  doute,  la  maladie 
l'avait  empoché  de  l'écrire  lui-même.  On  sait,  en  effet, 
qu'il  mourut  deux  jours  après  (1). 

Sire, 

Quoy  que  les  vertus  et  les  armes  de  Vostre  Maiesté  esclatent  de 
sorte  quil  semble  que  ce  soit  leur  faire  tort  de  choisir  en  ce  siècle 
autre  suiect  d'escrire,  sy  est-ce  que  i*ay  osé  vous  ad  dresser  cet  œuvre 
comme  chose  deuë  a  Vostre  Maiesté,  puis  que  son  principal  but  est 
de  traicter  des  guerres  et  des  amours  d'un  jeune  et  chaste  Prince 
qui  semblent  estre  tirées  sur  le  modelle  de  vostre  courage  et  génie 


(1)  I^  12  août  1621.  selon  Moréri  ;  le  Dictionary  of  National  Biography 
edited  by  Leslie  Stephen  (London,  1885,  in-8-,  t.  HI,  p.  163)  dit  le  15.  Ralph 
Thorie.  dans  son  élégie  latine  sur  la  mort  de  Barclay,  insinue  qu'il  ftit 
empoisonné.  , 


328  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Gecy  n*e8t  qu'un  essay  de  l'estude  ou  ie  pretens  m^emploier  pour 
estre  conté  au  nombre  de  ceux  qui  se  seront  penéz  de  représenter  a 
la  postérité  quelque  partie  de  toz  actions  plus  heroiques,  ne  voulant 
céder  en  ce  point  a  ceux  qui  ont  l'honneur  d'estre  néz  suietz  de 
Vostre  Maiesté.  Recevez  donc  cecy,  sire,  s'il  vous  plaist  pour  arres 
d'un  travail  qui  vous  sera  plus  aggreable,  et  sy  vostre  royale  bonté 
veut  encourager  ces  miens  desseins  par  quelque  faueur,  que  ce  soit 
de  me  donner  par  ses  commandemens  suiect  de  me  faire  paroistre. 

De  Yoste  Maiesté, 
Sire 
Très  humble  très  obéissant  et  très  affectionné  seruiteur, 

Jean  de  Barclay  (i). 
De  Rome,  X  Âoust  1621 

La  pension  promise  à  Barclay  par  le  roi  de  France  lui 
fut-elle  payée  ?  Nous  ne  savons,  mais  après  sa  mort,  sa 
veuve  ne  fut  pas  oubliée  de  M.  de  Puysieux  ;  nous  en 
avons  pour  preuve  la  lettre  suivante  écrite  parle  frère  de 
cette  dame  : 


Monseigneur, 

Jay  creu  estre  obligé  de  ioindre  a  celle  de  Madii®  de  Barclay,  ma 
seur ,  ce  peu  de  lignes  pour  vn  remerciement  très  affectionné  de 
la  bonne  volonté  qu'il  vous  plaist  luy  monstrer  par  vos  lettres,  et  a 
son  filz  mesmement,  qui  s'aduance  désormais  et  croist  en  espoir  de 
vous  pouuoir  seruir.  Il  se  voit  par  icelles  que  la  protection  des 
voufues  et  des  pupilles,  ne  vous  est  pas  moins  recommandée  par 
vostre  bonté  propre,  que  vous  estoit  la  seruitude  du  père  par  sa 
sincérité  et  deuotion.  Nous  ne  pouuons  augurer  que  tout  bon  succès 
voyant  ceste  propension  en  leur  endroit.  Que  s'il  en  reuscit  le  bien 
que  nous  auons  suiet  d'espérer  par  vostre  moyen,  et  elle,  et  moy, 
vous  en  pourrons  a  bon  droict  nommer  l'autheur  et  principal  motif. 
Et  est  mal  aisé  de  croire  que  l'aiTection  passionnée  du  deffunct  au 
seruice  du  Roy  et  de  TEstat,  aydée  d'vn  sy  grand  et  fauorable  port 


(1)  Nationale,  tr.  18,017,  f^  26» 


A  PROPOS  DE  J.   DE  BARCLAY  329 

comme  le  vostre  ne  soit  en  quelque  considération  d'autant  plus  que 
les  mesmes  vœux  (bien  que  plus  foibles)  viuent  en  sa  postérité  et 
en  moy  particulièrement  de  me  faire  cognoistre  et  estimer 

Monseigneur, 

Pour 
Votre  très  humble  et  très  affne  seruiteur, 
De  Bonnaire 

Rome,  ce  12  feurier  (1622). 

Monseigneur, 
Monseigneur  de  Puisieux. 
En  coort  (1). 

Peu  de  temps  après,  le  roi  accorda  au  fils  de  Barclay, 
âgé  d'une  douzaine  d'années,  une  pension  de  douze  cents 
livres.  Nous  avons  trouvé  une  copie  du  brevet  qui  lui  en 
fut  octroyé  : 

Aujourd'huy  III»  d'Auril  Tan  Mil  six  cens  vingt  deux,  le  Roy  estant 
a  Blois  bien  informe  de  Taffection  du  feu  Si*  de  Barclay  au  bien  de 
son  seruice,  et  voulant  espérer  que  Jean  (2)  de  Barclay  son  fils  a 
son  imitation  sesleuera  en  ceste  mesme  deuotion,  Sa  Ma^  pour  luy 
donner  plus  de  moyen  de  continuer  ses  estudes,  et  se  former  a  la 
vertu  luy  a  liberallement  accordé  et  faict  don  de  la  somme  de  XIIc 
liures  de  pension  a  presleuer  sur  les  deniers  tant  ord^®*  qu'extraord"» 
de  son  Espargne,  veult  et  entend  qu'il  soit  couché  et  employé  dans 
fVestatJ  de  ses  pensionnaires  pour  lad.  somme  de  XII^  liures  et 
d'icelle  payé  par  les  Trésoriers  de  son  Espargne  chacun  en  Tannée 
de  son  exercice  à  commencer  du  premier  jour  de  la  présente  année 
et  ce  en  vertu  du  présent  breuet  quelle  a  voulu  signer  de  sa  main.  (3). 

Nous  donnons,  en  terminant,  une  pièce  de  vers  latins 
attribuée  à  un  Barclay.  Est-elle  de  Guillaume  ou  de  son 
fils?  Rien  ne  nous  le  dit;  pourtant  nous  n'y  trouvons 


(  1  )  Nationale,  fr.  18,018,  f^  72. 

(2)  Le  fils  de  Barclay  s'appelalt-il  Jean  ?  D'autres  disent  Guillaume. 

(3)  NaUonale,  fr.  17,364,  f ,  page  520.  Copie. 


330  BULLETIN  DU  BreLIOPHILE 

pas  l'élégante  facilité  de  l'auteur  de  VArgenis,  Ce  petit 
poème  ne  se  trouve  pas  dans  les  Deliciae  poetarum  scoto- 
rum  (1)  où  l'on  a  donné  place  à  quelques  poésies  de 
Guillaume  Barclay  à  la  suite  de  celles  de  son  fils  (2). 

In  Reditum  Reginae  Margaritae  in  Gallias  (sic),  i605, 

0  patria,  o  arces,  o  dulcia  tecta  parentum  ; 
Unde  auus,  vnde  pater,  très  vnde  ex  ordine  fratres 
Sceptra  tulere  mei,  me  n'o  cur  nescitis  arces  ? 
Ula  ego  sum,  cui  vos  cunabula  chara  dedistis, 
Et  patrio  ingentem  cultu  jactastis  alumnam  ; 
Stirpe  Deas,  et  fronte  Deas,  et  sidéra  vultu 
Gum  premerem,  amborum  spes  ambitiosa  procorum  ; 
Nunc  conjux  vidua  et  vani  cum  nomine  Regni, 
Rupibus  e  nudis  longique  e  carcere  montis 
Excedo,  sed  et  hic  causas  infesta  dolendi 
Disponit  fortuna  mihi  monstratque  colendam 
Quae  mihi  successit,  quique  ah  de  corpore  nostro 
Debuit  esse  puer  ;  sed  nec  contendere  promptam 
Damnauit  dudum  miseram  fecitque  nocentem 
Prosperior  fortuna  viri,  nunc  cedere  Diuis 
Aduersoque  juuat  miseram  subscribere  fato. 
0  dolor,  en  potui  victos  inflectere  vultus, 
Despectosque  orasse  viros  ;  ne  crédite  viuam, 
lam  mea  non  vnum  consumpsit  stamina  lethum  ; 
Et  viuo  et  morior  toties,  me  funere  longo 
Nempe  raori  decuit,  quae  tôt  per  saecula  clarum 
Induco  tumulis  suprema  Valesia  nomen.  (  3  ) 

Ch.  Urbain. 


(1)  Amstelodami,  1637,  iii-18,  p.  76-141. 

(2)  Les  poésies  de  Jean  de  Barclay  avaient  paru  d'abord  sous  ce  titre  : 
J,  Bcwclaii  Poematum  libri  duo.  Londini,  Edw.  Griftln,  1615,  iii-4. 

(3)  Nation,  fr.  25,560, 1^  58. 


ÉTUDE 


SUR  LES 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS 

DE  LA  FIN  DU  XV*  SIÈCLE  ET  DU  COMMENCEMENT  DU  XVI* 

(Suite  et  fin.) 


1521 

Poliziano.  —  Stanze  per  la  giostra  del  magnifico 
Giiiliano  di  Piero  De  Medici, 

In-8o .  40  ff.  non  numérotés,  registres  A-E,  par  8,  le 
dernier  est  blanc.  Car.  cursifs.  Encadrement  au  fron- 
tispice, à  fond  noir,  pointillé  de  blanc.  Au  verso  de  D3, 
un  bois  assez  joli,  mais  gravé  sans  soin,  occupant  toute 
la  page,  et  représentant  un  homme  (Orphée)  jouant  du 
violon,  et  sept  femmes  assises,  qui  l'accompagent  sur  diffé- 
rents instruments.  A  la  fin  :  Stampate  per  Nicolo  Zopino 
e  Vincentio  côpagno  nel.  M.CCCCC.XXL  adi  XXX.  de 
Agosto Régnante  lo  inclito principe  Messer Antonio  Grimant. 
(Bibliothèque  Landau).  Voir  Bibliografia  délie  antiche  rap- 
presentazioni  italiane...  par  le  vicomte  Colomb  de  Batines, 
page  74  (1).  Batines  cite  à  propos  des  Stanze  de  Politien, 
les  éditions  vénitiennes  in-8®  du  10  octobre  1505,  de 
Maestro  Manfredo  di  Bonello  di  Monteferrato,  du  12  mars 
1513,  de  Zorzi  de  Rusconi  ;  du  14  mars  1515,  de  Zorzi  de 
Rusconi  ad  instanza  di  Niccolà  Zoppino  e  Vincenzo  corn- 


(  1  )  La  Favola  dOrfeo,  fut,  scion  AfTo,  récitée  à  Mantoue  en  1472  ;  il  est  pro- 
bable que  les  Stanze  furent  composées  à  la  même  époque. 


332  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

pagni  ;  du  10  novembre  1516,  de  Marchiô  Sessa  e  Pietro 
de  Ravani  Bresciano  compagni;  du  20  octobre  1518, 
de  Zorzi  de  Rusconi.  Il  ne  dit  pas  si  elles  ont  des  bois, 
mais  il  est  probable  que,  comme  celle  de  1521,  elles  en 
sont  ornées. 

1524.  —  Stanze  di  Messer  Angelo  Politiano  Comin-- 
tiate  per  la  Giostra. 

Petit  in-8o  ;  encadrement  à  fond  noir,  mal  grave  ; 
verso  D  iii,  le  bois  de  la  première  édition.  A  la  fin  : 
Fine.,,  Stampate  nella  inclita  Citta  di  Venetia  per  Nicolo 
Zopino  e  Vicentio  compagno  nel  M,D,XXIIII,  Adi,  xii  de 
Marzo...  Au-dessus,  marque  de  Zopino  (Marciana,  6403). 

1521 

Opéra  vtilissima  a  qualunche  fidel  Christiâo,  Inti- 
tulata  Spechio  délia  Sancta  matre  ecclîa.  Con  la  sua 
Tabula  deli  capitoli,  Nouamente  stàpata.  Feuillet  A. 2.: 
Opéra,,,  composta  dal  Reuerendissimo  Ugone  Cardi- 
nale de  Sancto  Uictore. 

Petit  in-S®  gothique  de  37  feuillets  numérotés,  plus  3, 
un  pour  la  table,  un  pour  la  marque  placée  au  verso  et 
un  blanc.  Le  titre  est  entouré  d'un  encadrement,  au 
trait,  formé  d'arabesques  pour  le  haut  et  les  deux  côtés, 
et  d'une  scène  dans  la  partie  inférieure.  A  l'intérieur  de 
l'encadrement,  en  bas  à  droite  et  à  gauche,  un  petit  bois 
ombré  à  fond  noir  au  pointillé,  représentant  VElévation  ; 
très  médiocre.  Au  verso,  une  Crucifixion,  au  trait,  rendue 
extrêmement  confuse  par  la  multiplicité  des  person- 
nages. Recto  E.  7,  un  assez  joli  bois  ombré,  représentant 
la  Pentecôte,  Dans  le  milieu,  en  bas,  au-dessous  de  la 
Vierge,  s'appuyant  sur  l'encadrement  à  fond  noir,  une 
petite  colonne  flanquée  de  deux  pointes,  différant  un 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  333 

peu  de  forme  de  celle  que  nous  avons  signalée  dans  le 
Dante  de  1512  el  autres  ouvrages.  Cette  colonnette  ne 
saurait  être  un  ornement;  elle  est  à  coup  sûr  une 
marque  qui  paraît  imitée  de  celle  de  1512  ;  peut-être 
même  est-ce  la  signature  du  graveur  •  /  •  •  C  •  qui  aurait 
modifié  en  1521  la  marque  adoptée  par  lui  de  1512  à 
1515.  Le  style  de  ce  bois  est  différent  de  celui  des  bois 
antérieurs  avec  la  colonnette;  les  détails  ne  sont  pas 
plus  soignés,  l'ensemble  n'est  pas  meilleur  ;  il  est  ombré 
très  fortement  à  l'aide  de  hachures  profondes  et  très 
rapprochées,  ce  qui  donne  des  ombres  beaucoup  plus 
accusées  qu'elles  ne  le  sont  habituellement  à  cette  époque. 
L'encadrement  à  fond  noir  est  très  fin  et  fort  gracieux. 
Au  verso,  la  Justice,  avec  l'épée  et  la  balance,  assise  sur 
des  livres  ;  au-dessous  A.  B.,  marque  de  A.  Bindoni.  Le 
colophon  est  au  bas  de  la  table,  au  verso  E.  6  :  Stampata 
in  Venetia  per  Alessandro  di  Bendoni.  M.  D.  XXL  Die.  7. 
Septébris,  (Librairie  Rosenthal). 

1524.  —  Opéra  utilissima  a  qualunque  fidel  chris- 
tiano  intiiulaia  Specchio  délia  Sancta  Chiesa. 

In-S*^  goth.  ;  figures  sur  bois.  Vinegia,  Bindoni,  1524. 
(Deschamps,  t.  II,  col.  78). 

1521 

Lo  amoroso  Côuinio  di  Dante  :  con  la  additione  : 
Nouamente  Stampata. 

In-8o  de  8  ff.  prél.  et  151  numérotés,  registres  A-a-t; 
caract.  rom.  et  goth.  Au-dessous  du  titre  goth.,  le  buste 
de  Dante  couronné  de  lauriers,  vu  de  profil;  bois  un  peu 
grossier,  mais  assez  bon.  A  la  fin  :  Stampata  in  Venetia 
per  Ziiane  Antonio  :  et  FradelU  da  Sabio:  Ad  instantia 
de  Nicolo  e  Dominico  dal  lesus  fradelli.  Nel  Anna  del 


334  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Signore.  M.  D.  XXL  Del  Mese  di  Ottobrio,  (Bibl.  Nat.  de 
Florence,  dont  l'exemplaire  est  annoté  en  marge  par  le 
Tasse.  —  Arsenal,  B.  L.  4855). 

1521 

Agostini  (Nicolô  di).  —  Lo  inamoramento  di  messer 
Lancilotto  e  di  MAdonna  geneura  nelquale  si  trat^ 
tano  le  horribile  prodezze  e  le  strane  uenture  de  tutti 
li  Cauallieri  erranti  délia  tauola  ritonda. 

In-4o .  titre  rouge  et  noir  ;  la  première  ligne  gothique  ; 
le  reste,  ainsi  que  le  texte,  en  lettres  rondes;  à  2  colonnes. 
Le  premier  et  le  second  livres  de  A  à  K-viii  ;  le  second 
livre  n'a  pas  de  titre  ;  au  recto  K-viii,  au-dessous  de  Finis, 
le  colophon  suivant  :  Composta  per  Nicolo  de  Agustini  e 
Stampata  in  Venetia  per  Nicolo  Zopino  e  Vicentio  sua 
compagno  NeL  M.  CCCCC.XXL  Adi  XXXI  de  Ottobrio... 
Au-dessous  se  trouve  la  marque  de  Zopino  :  S.  Nicolavs 
avec  .N,  ,Z,  Le  troisième  livre  commence  au  feuillet  A, 
par  ce  titre  :  Libro  terzo  e  vltimo  del  innamoramento  di 
Lancilotto  e  Gineura  con  li  grandissimi  torniamenti  e 
battaglie  fatti  per  amor  :  historiato  :  e  composta  per 
Nicolo  di  Aiignstini,.,  Nouamëte  stâpaio  del  M.  D.  XXVj, 
imprimé  en  lettres  rondes  et  gothiques  rouges  et 
noires;  le  registre  de  A  à  K-iiii.  Au-dessous  du  titre, 
grand  bois  ombré  :  un  cavalier,  tourné  vers  la  droite, 
lève  son  épée  pour  en  frapper  un  homme  à  terre  ;  dans 
le  bas,  à  droite,  la  signature  .  z,  a.  Cette  gravure,  entourée 
d'un  large  encadrement  à  fond  noir,  au  pointillé,  formé 
de  feuilles  d'acanthes,  est  assez  bonne,  et  dans  la  facture 
ordinaire  de  z.  a.  ;  11  bois  pour  le  premier  livre,  du 
même  style  que  le  bois  du  titre,  mais  non  signés  ;  5  bois 
pour  le  second  livre,  du  même  style.  Le  bois  placé  au- 
dessous  du  titre  du  troisième  livre  représente  Lancilotto  à 
cheval,  regardant  à  gauche  et  perçant,  d'une  longue 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  335 

lance  qu'il  tient  des  deux  mains,  un  cavalier  venant  de 
gauche  ;  dans  le  fond,  arbres,  monticules  et  combat  de 
cavaliers  à  gauche.  Cette  gravure,  non  signée,  est  du 
style  des  précédentes  ;  8  bois  jusqu'au  verso  H-iiîi  qui 
porte  FINIS  ;  le  recto  suivant  commençant  par  un  bois 
au-dessus  duquel  se  lisent  ces  mots  en  gothique  :  Fine  de 
tutti  li  libri  de  Lancilotto  delstrenuo  milite  Marco  Guazzo; 
4  bois  y  compris  celui-ci.  Au  recto  du  dernier  feuillet  : 
Stampata  in  Vinegia  per  Nicolo  Zoppino  Ferrarese  il  mese 
di  Marzo  del  M,  D.XXVL  Plusieurs  bois  répétés. 

1521 

Opéra  nvova  del  conte  de  Conti  da  camerino  inti- 
tvlata  Triompho  del  miouo  mondo  et  vno  inamora- 
menio  de  cgidio  in  terza  rima. 

Pet.  in-8^,  en  lettres  rondes  ;  mauvais  encadrement  au 
titre  ;  A-ii,  bois  déjà  cité  :  une  couronne  traversée  par  un 
chapelet  sur  fond  noir  au  pointillé  ;  verso  A-iiii,  copie 
légèrement  ombrée  du  bois  du  Boccaccio  de  1492  ;  le  per- 
sonnage, à  gauche,  jouant  de  Torgue,  est  accompagné 
par  un  jeune  homme  jouant  de  la  guitare;  puis,  dans  le 
texte,  petit  bois  à  fond  noir  et  au  trait  ;  verso  &m  : 
Incomincia  sonetti...  :  des  bergers  gardant  leur  troupeau  ; 
au  premier  plan,  à  droite,  deux  chèvres  courant  Tune  sur 
l'autre  tête  baissée  ;  à  gauche,  un  personnage  assis  contre 
un  arbre.  A  la  fin  :  Stampato  in  Vinegia  per  Georgio  di 
Rusconi  Milanese  nel  anno  del  Signore.  M,D,XXL  Adi 
uinti  de  nouembrio,  (Arsenal,  5279.  B.  L.) 

1521 

Lamento  di  quel  tribulato  DI  Strascino  Càpana 
Senese  :  sopra  el  maie  incognito  :  elqle  traita  de  la 


336  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Patiétia,   et  impatiétia  î  ottaua  rima  :  opa  molto 
piaceuole. 

Petit  in-8o,  en  vers  ;  lettres  cursives  ;  28  feuillets  dont 
un  blanc.  Au-dessous  du  titre,  bois  ombré  :  sur  un  lit,  un 
homme  nu  couvert  de  pustules,  trois  personnes  le  soignent^ 
dont  une,  le  médecin,  lui  tient  le  bras  ;  au-dessus  de  lui^ 
un  diable  ailé  verse  sur  lui  les  pustules  dont  son  corps 
est  couvert  ;  une  banderole  à  hauteur  de  sa  bouche  porte 
ces  mots  :  hoime  le  doghe.  Verso  du  27®  feuillet,  marque 
de  Zopino  :  S.  Nicolavs  avec  .N,.Z.  Au-dessous  :  Stam- 
pato  in  Venetia  per  Nicolo  Zopino  e  Vincentio  compagne 
nel  M.CCCCC.  XXi.  Adi.  XII.  De  Decembrio.  Cette  édition 
est  la  première  ;  Brunet  ne  cite  que  celle  de  1523.  (Mar- 
ciana,  2166). 

1523.  —  Lamenta  di  quel  tribulato  di  strascino 
campana  senese  sopra  et  maie  incognito  et  quale 
traita  de  la  patientia  et  impatientia. 

In-8°  ;  lettres  rondes  ;  sous  le  titre,  bois  de  l'édition  de 
1521.  A  la  fin  :  Stampata  nella  inclyta  Citta  di  Venetia p 
Nicolo  Zopino  e  Vincétio  compagno.  Nel.  MXCCCC.XXIIL 
Adi.  L  de  Setembrio.  Verso,  la  marque  de  Zopino  (Mar- 
ciana). 


1521 


Epistole  e  Lectione  Evangelii  i  quali  si  legono  in 
tutto  Vanna  alla  messa  seconda  Vusa  de  la  sancta 
chiesa  Ramana. 

In-4o  ;  148  jolis  bois  ;  la  première  page  du  texte  est 
entourée  d'un  encadrement.  Vinegia  per  Pietro  da  Pauia, 
1521 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  337 

1521 

Rosario  de  la  gloriosa  Vergine  Maria, 

In-8o,  avec  figures.  Venetiis  MDXXL  Panzer,  t.  VIII.  p. 
470,  donne  ce  livre  à  F.  Alberii  Castellani,  désigné  dans 
le  privilège  du  5  avril  1521,  sous  le  nom  de  Alberto  da 
Castello.  Brunet  cite  Téditionde  1522  comme  la  première. 
D'après  Panzer,  elle  ne  serait  que  la  seconde.  Toutes  les 
éditions  qui  se  succèdent  de  1521  à  1564  sont  identiques 
sauf  quelques  légers  changements  dans  l'impression  ou 
les  bordures  des  pages.  Libri  (catalogue  de  1859)  cite  une 
édition  de  ce  Rosario,  s.  Z.  n.  cf.,  in-8%  supposée  de  Ve- 
nise 1521,  avec  des  bordures  et  des  gravures  sur  bois. 
Ne  serait-ce  pas  celle  de  Panzer  et  dont  Libri  n'aurait  vu 
qu'un  exemplaire  incomplet  du  colophon  ? 

1522.  —  Rosario  de  la  gloriosa  Vgîe  Maria. 

In-S"  ;  caract.  goth.  ;  252  feuillets  et  quatre  pour  la  table  ; 
signatures  A.  Z.  AA.  JJ.  8  ff.  par  cahier.  Au-dessousdu  titre, 
placé  en  haut  de  la  page  sur  une  seule  ligne,  grand  bois  : 
l'invention  du  Rosaire  ;  dans  le  bas  à  gauche,  des  hommes 
à  genoux  tenant  des  chapelets;  à  droite  des  femmes; 
dans  le  haut,  la  Vierge  et  le  Christ  tiennent  une  banderole 
sur  laquelle  sont  écrites  des  paroles  de  TEcclésiaste  ; 
à  droite  et  à  gauche,  en  haut,  un  ange  portant  un  livre 
ouvert,  celui  de  gauche  ayant  ces  mots  :  EXERCITIVM 
CHRISTIANO,  celui  de  droite  :  HIC  EST  LIBER  MADA- 
TORVM  DEI  ;  une  banderole  partant  de  chacun  des 
groupes  du  bas  va  s'enrouler  autour  du  cou  d'un  person- 
nage placé  au-dessus  de  lui  ;  le  fond  de  la  gravure  figure 
des  branches  et  des  feuilles  partant  de  tiges  plantées  en 
terre  au  milieu  dans  le  bas.  Au  milieu  de  la  gravure,  la 
lettre  P.  Verso  2  et  recto  3,  le  privilège  daté  du  5  avril  1521. 

18U1  22 


338  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

488  bois  encadrés  ;  style  médiocre,  surtout  en  ce  qui  con- 
cerne la  gravure  qui  est  épaisse,  lourde  et  sans  élégance  ; 
néanmoins  quelques-unes  des  vignettes  ne  sont  pas  sans 
intérêt  ;  c'est  tout  à  fait  le  style  en  usage  pour  Tillustration 
des  livres  à  cette  époque.  A  la  fin  :  Questo  sacro  rosario 
e  sta  diligentemente  ordinato  corretto  e  emendato  e  nella 
Inclita  cita  de  Venetia  studiosissimamente  impresso  per 
Marchio  Sessa  e  Piero  di  Rauani  compagni  nel  anno  del 
signore.  M. D, XXII  adi  XXVII  de  Marzo.,,  Au-dessous  la 
marque  de  Sessa.  (Marciana). 

9 

1524.  —  Rosario  délia  glîosa  Vgine  Maria. 

In-8o  de  252  feuillets  chiffrés  et  quatre  non  chiffrés. 
188  gravures  avec  entourage  à  chaque  page.  Bois  des 
éditions  précédentes  A  la  fin  :  Questo  sacro  Rosario,.. 
Uenetia...  impresso  per  Marchio  Sessa  e  Piero  da  la  Serena 
compagni  nel  Anno  del  signore  M.CCCCCXXiiij  adi  XV 
Dicëbrio.  (Didot.  Cat.  raisonné,  colonne  cxvin). 

1522 

Expositiones  siue  declarationes  oîuz  Titulorum  tam 
iuris  Ciuilisqz  Canonici  p.  D.  Sebasiianii  Brant. 

In-4o  goth.  Au-dessous  du  titre  goth.,  bois  ombré  à 
fond  noir  :  deux  putti  tiennent  de  la  main  droite  la  tête 
de  saint  Jean-Baptiste  placée  sur  un  plat  ;  un  arbre 
derrière  chaque  putto  ;  au  premier  plan ,  trois  lapins  ; 
au-dessous  de  la  tête,  la  marque  avec  les  lettres  I.  B.  P. 
Assez  bon  dessin,  mais  taille  lourde.  A  la  fin  :  Explicit... 
Venetiis  vero  per  Alexandriim  ac  fratres  de  Bindonis  : 
Summa  diligëtia  impressiis.  Sumptibus  Vo  ac  impensis 
loannis  baptiste  de  Pedercanis  Brixiêsis.Anno...  1522.  Die 
Vo.  Xj.  mensis  jamiarij.  (Biblioth.  du  comte  Girolamo 
Soranzo). 


LIVRES   A  FIGURES  VÉNITIENS  339 


1522 


La  vita  DEL  GLORioso  APOSTOLO  E  Eiiàgelista 
loanni  côposia  dal  Venerabile  pâtre  fraie  Antôio  de 
Adri  de  lordine  de  frati  miiiori  délia  obseriiàiia. 

Petit  in-8<^  ;  8  feuillets  par  cahier  registre  de  A  à  H  ; 
non  chiffré  ;  lettres  rondes,  à  deux  colonnes  ;  titre  rouge 
et  noir  ;  la  première  ligne  est  en  gothique.  Au-dessous 
du  titre,  bois  de  page  fortement  ombré  de  traits  lourds 
et  très  accusés  ;  le  graveur  s'est  ser\4  pour  ses  fonds  de 
traits  serrés  et  un  peu  courbes  ;  la  vignette  représente, 
dans  un  paysage,  saint  Jean  nimbé,  tenant  dans  sa  main 
gauche  un  calice  d'où  sort  un  serpent  ;  dans  le  coin,  à 
gauche  en  bas  Z.  A.  D.  V.  au-dessus  de  A.  et  D.  V.  qui 
sont  liés,  une  croix.  Cette  signature  est  celle  de  Vavas- 
sore.  Au  verso,  une  Crucifixion  à  nombreux  person- 
nages :  à  gauche,  la  Vierge  assise  à  terre,  soutenue 
par  deux  saintes  femmes;  à  droite,  un  homme  tient 
des  deux  mains  une  hallebarde  dont  le  fer  affecte  la 
forme  d'une  hache  ;  il  se  penche  à  gauche  et  regarde  à 
droite  ;  dans  le  fond,  Jérusalem  à  droite  et  une  forêt  à 
gauche  ;  ce  bois  est  entouré  d'un  encadrement  noir  au 
pointillé  avec  des  ornements  formés  d'animaux  fantas- 
tiques, de  fleurs  et  de  feuilles.  Au  recto  de  l'avant- 
dcrnier  feuillet,  un  sonnet  italien  avec  ce  titre  :  Consola- 
torium  ad  amicissimum  suum,  et  deux  distiques  latins, 
suivis  de  ces  mots  :  Vale  :  mi  Siluester,  puis  le  colophon  ; 
deux  pages  pour  la  table  et  une  page  blanche.  A  la  fin  : 
FINIS,  et  au-dessous  :  Stampata  in  veneiia  per  Nicolo 
Zopino  e  Vincentio  compagno  nel  M.D,  xxii,  adi.  iiii,  de 
Marzo. 


340  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

1522 

Guarna  (Andréas).  —  Bellum  grammaticale  de 
Principalitate  de  orationis  Nominis  et  Verbi  Regum 
inter  se  coniendentium.  Nouiter  mira  quadam  arte 
compendiosa  excussum. 

In-8o  ;  8  feuillets  par  cahier  ;  au-dessous  du  titre,  bois 
ombré  ;  une  troupe  de  guerriers  tant  à  pied  qu'à  cheval 
sort  d'un  camp  dont  on  voit  les  tentes  à  droite  ;  devant 
ces  tentes,  un  jeune  homme  semblant  leur  parler,  tenant 
une  branche  d'oliviers  de  la  main  gauche.  Vignette  sans 
style.  A  la  fin:  Explicit,,,  Venetiis  uero  p  Alexàdrû  de 
bindonis  accuratissime  Jpressum.  Anno  dni  M.D.XXIL 
Die  uero.  V,  mensis  Martii  (Marciana  2167). 

1522 

Libro  de  la  perfectione  humana  Thesoro  eterno 
sopra  tutti  altri  Thesori  al  quale  se  puene.  per  uno 
de  tre  modi  delli  quali  alanimo  dedito  al  studio  de 
esso,.,  etc.  del  uen.  pâtre  frate  Henrico  Herp  del 
ordine  de  frati  mîori.  de  lobservàtia. 

In-S»  ;  lettres  rondes  ;  à  deux  colonnes  ;  4  feuillets  pour 
les  tables,  8  feuillets  par  cahier  ;  le  titre  est  entouré  d'un 
encadrement  architectonique,  légèrement  ombré  ;  deux 
pilastres  avec  des  ornements  au  trait  soutenant  un 
chapiteau  au  milieu  duquel  est  une  tête  ailée  ;  au  verso  : 
saint  François  à  genoux  recevant  les  stigmates,  un  livre 
devant  lui  ;  le  Christ  à  droite  ;  des  traits  vont  des  stig- 
mates au  saint.  Au  cinquième  feuillet  :  Specchio  de  la 
perfectione  humana  opéra  noua.,.  ;  au-dessous,  bois 
ombré,  d'un  joli  style  :  le  Christ  debout,  dans  sa  gloire, 
des  flammes  s'échappant  de  ses  stigmates  et  allant  à  six 


LIVRES   A  FIGURES  VÉNITIENS  341 

groupes  de  personnages,  trois  à  gauche  et  trois  à  droite  ; 
au-dessous  du  Ciirist,  une  banderole  :  Accipite  spiritum 
sanctûy  et  au-dessous  :  Qui  sitit  veniat  ad  me  et  bibat.  Au 
verso,  même  bois  ;  nous  le  retrouverons  dans  le  Specchio 
délia  perfectione  humana  de  Zopino  de  1539.  Verso  D-iii, 
Chemin  de  la  croix  :  Jésus  à  genoux  succombant  sous  le 
fardeau  de  la  croix,  qu'un  personnage  vient  soutenir  ;  à 
droite,  un  soldat  romain  à  cheval  tenant  un  étendard  ;  à 
gauche,  les  saintes  femmes  ;  dans  le  fond,  deux  hommes 
préparent  le  terrain  pour  la  Passion  ;  dans  le  coin  à  droite  : 
Z.A.D.V.,  monogramme  que  nous  avons  signalé  dans 
La  vita  del  glorioso  apostolo  Euàgelista  loanni  du 
4  mars  1522  de  Adri .  Nous  avons  attribué  cette  gra\aire 
à  Z.  A.  Vavassore  en  raison  de  la  signature  et  de  la  taille 
lourde  et  sans  élégance  ;  nous  y  retrouvons  le  faire  et  les 
défauts  de  VOpera  contemplativa  imprimé  par  ce  même 
Vavassore  auquel  on  attribue  les  bois  de  cet  ouvrage  ; 
mêmes  arbres,  même  façon  arrondie  de  traiter  les  mon- 
tagnes, mêmes  hachures  épaisses.  Cette  vignette  commence 
la  2»^  partie.  Verso  G-ii,  pour  commencer  la  3®  partie  : 
la  Crucifixion  de  La  vita  del  glorioso,.,  déjà  citée.  Verso  Q, 
précédant  \c  prologo  délia  terza  parte,  une  Pietà  :  le  Christ 
étendu  sur  les  genoux  de  la  Vierge,  qui  est  appuyée  le 
dos  contre  la  croix;  derrière, un  groupe  nombreux,  prin- 
cipalement de  femmes  ;  à  gauche,  à  genoux  près  du 
Christ,  un  religieux.  Cette  vignette  est  d'un  aspect  un 
peu  sec,  la  taille  très  fine  manque  de  relief  et  de  fini  ; 
les  extrémités  sont  peu  soignées,  les  attitudes  roides.  En 
somme,  le  tailleur  a  médiocrement  rendu  un  dessin  qui 
n'était  pas  sans  charme  autant  qu'on  en  peut  juger  par 
ce  que  nous  voyons.  Même  encadrement  que  pour  la 
Crucifixion  ;  cet  encadrement  a  déjà  été  employé  dans 
les  Bréviaires  de  lacobus  de  Leucho,  Verso  S-iii,  la  marque 
de  Zopino  :  S.  Nicolavs  avec  .iV.  .Z.  ;  le  saint  est  seul,  de 
face,  bénissant  de  la  main  droite.  Il  est  assez  mal  gravé. 


342  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Au-dessous  :  Stampato  nella  incliia  Citta  di  Venetia  per 
Nicolo  Zopino  e  Vincentio  compagno  nel  M.D.XXII  Adi 
XIIII  de  Mazo.,.  Il  doit  se  trouver  un  feuillet  blanc  à  la 
fin  pour  compléter  le  cahier  de  4  feuillets. 

1522 

Sonetti  del  Burchiello  nouamëte  stampati  e  diligen- 
temète  correcti. 

In-8o,  en  vers;  lettres  rondes;  mauvais  bois  au  titre.  A 
la  fin  :  Stampato  in  Venetia  per  Georgio  di  Rusconi  nel 
anno  M.D.XXII  adi  XVIII  de  Marzo  (Arsenal  4360,  B.  L). 

1522 

Opère  di  Girolamo  Benivieni  fîrentino.  Novissima" 
mente  riiiediite  et  da  molti  errori  espiirgate  con  una 
canzona  dello  amor  céleste  et  divino^  col  commenta 
dello  m.  S.  Conte  Giovanni  Pico  Mirandolano  distinto 
in  Libri  III.  Et  altre  frottole  de  diuersi  auttori. 

In-8»  de  302  ff.  nura.  ;  caract.  cursifs;  regist.  A-Z,  AA- 
BB.  Très  beau  frontispice  ombré,  dans  un  encadrement. 
Il  est  fort  bizarrement  disposé.  En  haut,  aux  angles, 
deux  guerriers  à  cheval,  en  sentinelle  ;  entre  eux,  ces 
mots  :  fa.che.tu.  non.  faci  a  me  qiielo.  che.  tu.  non.  vo. 
per.  te.  En  bas,  trois  autres  guerriers  à  cheval  ;  au-des- 
sous, ces  mots  :  chi.  altri.  caza.  per.  se.  non.  possa.  A 
droite,  un  guerrier  à  pied,  la  visière  levée  ;  sur  une  ban- 
deroUe  :  chi.  non  po  fare  sià  el  dano  so;  à  gauche,  une 
figure  semblable  tenant  en  main  une  hache  levée  avec 
cette  devise  :  faza  hogmim  faza  hipo.  A  la  fin  :  Stampato 
in  Venetia  per  Nicolo  Zopino  e  Vincentio  compagno  nel 
MCCCCCXXII,  a  di  XII  de  aprile  Régnante  h  Inclito 


LIVRES   A  FIGURES  VÉNITIENS  343 

Principe  messer  Antonio  Grimani  (Bihl,  Nat.  de  Florence, 
Arsenal,  B.  L.  4004.  Brunet,  t.  I,  col.  773,  parle  d'une 
autre  édition  de  Gregorius  de  Gregoriis,  1524,  in-S»,  qui 
a  peut-être  le  même  bois. 

1522 

Probae  Falconiae  Centonis  Clarissimœ  fœminœ 
exceptnm  e  Maronis  Carminibus. 

Petit  in-8";  au-dessous  du  titre,  bois  ombré;  à  gauche, 
une  femme  écrit  à  son  bureau  ;  à  droite,  deux  femmes 
causent  ensemble  ;  au-dessus  d'elles,  une  ville  :  ROM  A  ; 
à  gauche,  au-dessus  de  la  femme  :  CENT,  Le  mot  n'est 
pas  complet,  il  devrait  y  avoir  sans  doute  centone.  Bois 
très  médiocre.  A  la  fin  :  Finis  Probœ  Cenione.,..  Venetiis 
impressœin  officina  loannis  Tacuinide  Tridino,  M.  D.XXII. 
Die  XXIIIL  Aprilis,  (Marciana  3356). 

1522 

Viazo.  Qiiesto  sotto  scritto  sic  tutto  el  Viazo  de 
andare  in  Icrusalem  E  per  tutti  II  lochi  sancti, 

In-8*^  de  8  feuillets  non  chiffrés.  Au  titre,  le  Christ  sur 
la  croix,  entouré  des  saintes  femmes  ;  quatre  autres  bois 
d'un  caractère  religieux  dans  le  corps  du  livre.  A  la  fin  : 
Stampato  in  Venetia  per  Alexandro  di  Bindoni,  Nel  anno 
tr^22.  A  di.  2/.  del  mese  di  Luio.  (Rubriques  10669-8768. 
Biblioieca  Colomlnna,  recueil  G.  37-34).  «  Pièce  inconnue 
à  Tobler,  à  Chitroiuo,  a  Ponomarew,  à  Rœhrichi,  à  Meisner 
et  à  tous  les  bibliographes.  La  description  qui  en  approche 
le  plus  est  celle  que  donne  Ternaux,  Bibliot,  africaine^ 
142,  sous  la  date  1520.  Rien  dans  le  livre  ne  permet  de 
déterminer  quand  ce  voyage  fut  accompli  ni  par  qui.  On 
y  voit  seulement  que  c'était  un  noble  pèlerin:   Questo 


344  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

viazzo  ha  fatto  uno  dignissimo  pelegrino  gentilhuomo. 
Cependant,  Lechi  (Tipografia  bresciana  nel  secolo  XF, 
page  110)  donne  un  titre  en  tout  semblable  à  celui-ci, 
mais  dont  le  coloplion  porte  :  Stampato  in  Salo  (ville  du 
Milanais),  ad  instantiadeAlex.  Paganino  di  Paganini  bri- 
xiano,  nel  anno  M,  DXVIL  Quant  au  voyage  même, 
I^chi  Tattribue  à  un  nommé  Francisco  de  Alexandre  da 
Modena,  personnage  d'ailleurs  complètement  inconnu.  » 
(Harrisse,  Excerpta  Colombiniana,  page  240). 

1522 

Sermones  Qiiadragesimales  venerabilis  viri  fratris 
loànis  Aqiiilani  Ordinis  predicatorCi  de  obseruantia. 

Petit  in-8<> ,  gothique  à  deux  colonnes.  Le  titre  est 
encadré  d'un  ornement  ombré,  d'une  médiocre  exécu- 
tion, formé  de  feuilles  d'acanthes,  de  deux  putti  ailés 
dans  le  bas  et  de  deux  autres  sans  ailes,  dans  le  haut, 
groupés  avec  un  oiseau.  Verso  du  quatrième  feuillet,  bois 
ombré,  représentant  le  saint  debout,  les  bras  étendus, 
tenant  une  église  dans  la  main  gauche  et  le  crucifix 
dans  la  droite  ;  à  genoux  à  sa  gauche  des  religieux,  et  des 
religieuses  à  droite  ;  dans  le  haut,  au  milieu,  la  Vierge 
ayant  à  sa  droite  saint  Pierre  et  à  sa  gauche  saint  Paul. 
Ce  bois  est  entouré  d'une  bordure  décrite  à  propos  du 
Breviarium  Romanum  de  1518,  du  même  Leucho.  A  la 
fin  :  Expliciàt.,,  :  et  a  Magistro  lacobo  pentio  de  Leucho 
nouissime  impressi.  Anno  1522,  die  vero,  20.  Septemb. 

1522 

Le  case  volgari  de  Joâ  briino  Ariminense.  Cioe 
sonetti, . . 

Petit  in-8'*  ;  8  ff.  par  cahier  ;  lettres  gotli.  ;  au-dessous 
du  titre  gotli.  très  mauvais  bois,  au  trait,  avec  le  ter- 
rain noir  :  un  personnage  dans  son  cabinet,  assis  à  un 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  345 

bureau  ;  copie  d'un  bois  du  xv®  siècle.  A  la  fin  :  Stampato 
in  Venetia  per  li  heredi  de  Georgio  de  Rusconi  M.  D,  XXII, 
Adi  xvii  de  Setembrio.  (Marciana,  2423,  Bib.  Nat.  rés.  Y. 
3948).  Brunet,  vol.  I,  col.  1297,  cite  deux  éditions  anté- 
rieures, l'une  de  1508,  l'autre  de  1517,  de  Rusconi,  mais 
ne  parle  pas  de  figures. 

1522 

Opéra  noua  del  Magnifîco  Caualiero  Messer  Antonio 
Phileremo  Fregoso  laquai  tracta  de  doi  Philosophi  : 
cive  de  Democrito  che  rideua  de  le  pacte  di  questo 
mondo  :  &  Heraclgto  che  piàgeua  de  le  miserie 
humane  diuisa  in.  XV.  Capi.  casa  bellissima. 

Petit  in-8"  de  48  ïî.  (A-F,  par  8).  Car.  rom.  Au-dessous 
du  titre  goth.,  bois  ombré  médiocre  :  deux  personnages 
assis,  se  faisant  face  ;  entre  eux,  le  globe  du  monde  que 
celui  de  droite,  Démocrite  riant,  montre  à  Heraclite; 
au-dessous,  trois  distiques  latins,  in  imagines  Heraclgti 
&  Democritiy  par  Bartolameus  Simonetta.  Puis  deux 
dédicaces.  Le  poème  en  tercets  commence  au  recto  du 
troisième  feuillet.  A  la  fin  :  Stampata  in  Venetia  per  lî 
heredi  de  Zorzi  de  Rusconi,  Nel,  M.D.XXII  Adi  xxvii, 
del  Mese  di  Setembre  (Bibl.  de  M.  de  Landau). 

1522 

L.  Annei  Senecœ Opus  Tragœdiaz  aptissimisqz 

figuris  excultum  Cîi  expositoribus  luculétissimis  Ber- 
nardino  Marmita  :  et  Daniele  Caîetano. 

In-folio  de  140  feuillets  chiffrés,  titre  encadré  et  cu- 
rieuses gravures  sur  bois.  A  la  fin  :  Impressum  Venetiis 
per  Bernardinum  de  Vianis  de  Lexona  Vercellensem. 
Anna  Domini,  M.D.XXII  die  vi,  Nouembris.  (Catalogue 
Didot,  juin  1881,  page  165). 


346  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1522 

Pronostico  de  Francesco  Rvstighello  dello  anno 
M,D,XXIL 

In-4«  de  4  feuillets  ;  au-dessous  du  titre,  bois  carré, 
représentant  un  personnage  assis,  tenant  le  globe  céleste  ; 
à  ses  pieds,  un  livre,  un  instrument  d'astronomie  ;  dans 
le  haut,  des  étoiles.  Au-dessus  du  titre  :  Al  reverendo 
IN  CHRiSTO  PATRE  MONSiGNOR  Misser  Bcmardo  Ruffi 
Vescouo  de  Taruiso  conte  de  Berceto  Présidente  de  la 
Romagnia  e  Guhernatore  Delta  inctgta  citta  de  Bologna 
Dignissimo.  A  la  fin  :  Stampato  in  Venetia  (Marciana 
2490). 

Vers  1522 

Lagrimoso  Lamento  che  fa  il  gran  maestro  di 
Rodi.  Con  i  soiii  Caiialieri,  à  tutti  in  Principi  délia 
christianità  nella  sua  partita.  Con  la  presa  di  Rodi. 

In-4"  en  vers,  à  deux  colonnes,  en  lettres  rondes  ; 
6  feuillets,  dont  le  dernier  blanc.  Au-dessous  du  titre, 
bois  au  trait,  que  nous  avons  décrit  à  propos  de  VObsi^ 
dione  di  Padua  de  1510.  Brunet,  (t.  II,  col.  1792),  men- 
tionne une  édition  de  Venise  de  Bindoni  (circa  1540),  et 
une  autre  édition  de 4  feuillets  à  deux  colonnes,  s.  1.  n.  d., 
mais  paraissant,  dit-il,  imprimée  à  Venise  ;  toutes  deux 
avec  une  figure  sur  bois  au  titre  ;  il  ne  cite  pas  celle-ci. 
Est-ce  la  même  figure  que  celle  de  notre  édition  (Marciana, 
1016)?  Voir  Libri,  catalogue,  p.  20. 

1523 

Agonis  Opéra. 

Au-dessous  du  titre,  grand  bois  médiocre,  ombré  :  un 
professeur  faisant  une  leçon  d'anatomie  devant  un  nom- 


LIVRES  A  FIGURES   VÉNITIENS  347 

breux  auditoire.  Lys  de  Giunta.  A  la  fin  :  Impressum 
Venetiis.  Anno  1523.  Die  7  Februarij.  (Bibliothèque  de 
S.-Daniele.) 

1523 

Nicolai  Leonici  Thomaei  opvscvla  Nvper  in  Lucem 
aedita. 

ln-4o  titre  en  lettres  rouges  ;  encadrement  ombré,  d'un 
assez  mauvais  style.  Lettres  rondes.  A  la  fin  :  Opas- 
ciilum...  Bernardimis  Viialis  Venetus.  Anno  Domini 
MCCCCCXXV.  Die  xxiii.  Februarii,  Ex  Venetiis.  (Museo 
Civico  e  Correr,  G.  201.) 

1523 

Erasmus  roterodamus.  Paraphrasis  in  evangelivm 
Matthaei  nvnc  primvm  nata... 

In-8^  ;  8  feuillets  préliminaires  et  104  numérotés.  Le 
titre  est  entouré  d'un  encadrement  formé  de  petits  bois 
représentant  des  personnages  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament  ;  dans  le  haut,  entre  saint  Marc  et  saint  Jean, 
la  marque  de  Gregorius.  Au  dernier  feuillet  :  Impressum 
Venetiis  per  Gregorium  de  Gregoriis.  Expensis  Laurentii 
Locii  Portesiensis...  Anno  M. D. XXIII.  Die.  19.  Maii.  Au- 
dessous,  une  marque  noire  avec  les  lettres  *L*  'L*  et  'P- 
au-dessous.  Le  verso  contient  un  grand  bois  de  page 
ombré  :  sainte  Catherine  couronnée,  une  palme  dans  la 
main  gauche,  un  livre  dans  la  droite,  soutenant  les  plis 
de  son  vêtement  ;  à  gauche,  la  roue  dont  on  ne  voit  que  la 
moitié  ;  à  gauche,  à  la  hauteur  de  sa  tête,  L.  La.  Cette 
gravure  est  médiocre  et  trahit  un  peu  le  style  allemand. 

Les  lettres  L.  L.  P.  de  la  marque  typographique  et 
L.  Lo.  de  la  gravure  ne  peuvent  que  désigner  un  seul  et 


348  BULLETIN  DU  BIBLIOPHOiE 

même  personnage,  Lorentius  Locius  (Portesiensîs),  qui 
était  à  la  fois  éditeur  et  graveur.  (Marciana  49853.) 

1523 

Clarissimi  atqz  eruditissimi  viri  Alberti  Pataui 
ordinis  Eremilarum  diui  Augu,  doctoris  Parisië. 
sacri  eloquij  preconis  fainosissimi  :  Evangeliorum 
Quadragesimalium  opus  aureum  nunq.  als.  impressum, 

In-8<>  gothique  à  deux  colonnes  ;  8  f.  préli.,  407  numé- 
rotés ;  le  titre  est  entouré  d'un  encadrement  très  légère- 
ment ombré  en  partie,  mais  bien  antérieur  à  l'époque  de 
l'impression  du  volume  ;  dans  le  bas,  un  blason  avec  le 
chapeau  de  cardinal.  Au  verso  du  dernier  feuillet  préli- 
minaire, joli  bois  ombré  :  S.  AVGVST.  debout,  couvrant 
de  son  manteau  des  religieux  à  genoux.  Ce  bois  est  tiré 
d'un  missel  de  Giunta.  Encadrement  à  fond  noir  et 
ornements  blancs.  Au  verso  du  dernier  feuillet  :  ExpU- 
cit.,.  Impressa  Venetijs  per  magistruz  lacobum pentium  de 
Leucho  impressoré  accuratissimum,  Anno,,.  M.D.XXiij. 
Die,  XX,  Mai], 

1523 

ThOSCANELLO  de  LA  MVSICA  DI  MESSER  PIETRO  AARON 
FIORENTINO  CANONICO  DA  mMINI  CON  PRIVILEGIO. 

In-folio  de  55  feuillets  répartis  en  treize  chœurs.  4  ff. 
prélim.  et  51  flf.  (A-M,  par  4  à  l'exception  de  B  qui  est  en 
5  ff.  et  du  dernier  cahier  qui  compte  6  flf.,  dont  le  dernier 
bl.).  Car.  ronds.  Titre  en  rouge  et  en  noir,  entouré  d'une 
bordure  de  feuillages  et  d'animaux,  avec  deux  médaillons 
sur  les  côtés;  l'un  représente  une  licorne  se  réfugiant 
dans  les  genoux  d'une  jeune  fille,  l'autre  un  phénix  ;  au 
bas,  un  écusson  vide  soutenu  par  deux  sphinx  entre  un 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  349 

lion  et  une  vache  regardant  un  livre,  à  terre,  ouvert 
devant  eux.  Au  verso  du  4«  feuillet  prélim.,  un  bois 
ombré  prenant  toute  la  page  (246  sur  163),  représentant 
Aaron  assis  dans  une  chaire  de  professeur,  un  groupe 
d'élèves  debout  de  chaque  côté  de  lui  ;  au  premier  plan, 
une  table  sur  laquelle  se  trouvent  plusieurs  instruments 
de  musique  ;  le  tout  est  entouré  d'un  ornement  avec  des 
bustes  d'hommes  aux  angles.  Ce  bois  est  signé  :  La; 
onze  autres  gravures,  ayant  trait  à  la  théorie  de  la  mu- 
sique, sont  intercalées  dans  le  texte.  Neuf  lettres  ornées. 
Ce  traité,  qui  porte  le  nom  du  pays  natal  de  l'auteur,  la 
Toscane,  est  dédié  à  Sébastien  Michèle,  patricien  de 
Venise,  chevalier  de  Jérusalem  et  prieur  de  Saint-Jean 
du  Temple.  Ce  volume  fut  réimprimé  par  les  mêmes  en 
1525  et  en  1529,  en  1539  par  M.  Sessa,  et  par  D.  NicoUnî 
en  1557  et  1562.  Le  colophon  au  feuillet  52  :  Impressa  in 
Vinegia  per  maestro  Bernardino  et  maestro  Mattheo  de 
Vitali  fratellii  Venitiani,  régnante  Andréa  Gritti  Serenis- 
simo  Principe,  Nel  di.  XXIIII.  di  Luglio  M.D.XXIIL 
(Weale...  page  123  et  Bibl.  de  M.  de  Landau.) 

1525.  —  Trattato  della  natvra  et  cognitione  di 
tvtti  gli  tvoni  di  canto  figvrato  non  da  altrvi 
piv  scritti  composti  per  messer  piero  âaron  mvsico 
fiorentino  canonico  in  rlmini. 

In-folio  ;  3  feuillets  prélim.  pour  le  titre,  la  dédicace 
à  Messer  Piero  Gritti  patritio  Veneto  et  les  tables  ;  au  verso 
du  troisième  feuillet  préliminaire,  bois  décrit  à  propos  du 
Toscanello  de  1523  ;  20  ff.  de  texte  non  chiffrés,  registres 
a-g  ;  le  titre  est  entouré  d'un  joli  encadrement  ombré  ; 
à  droite  et  à  gauche,  de  chaque  côté,  cinq  portraits  en 
buste  d'hommes  célèbres  ;  au  milieu  de  la  partie  supé- 
rieure, en  forme  de  voûte,  une  femme  jouant  du  violon; 
dans  le  bas  à  gauche  :  Melpomene,  Polymnia,  Urania,  Clio 


350  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

et  Terspsichore  ;  à  droite  :  Evterpe,  Calliope,  Thalia  et 
Erato,  faisant  de  la  musique.  Au  feuillet  20  :  Impresso  in 
Vinegia  per  maestro  Bernardino  de  Vitali  venitiano  al  di 
quarto  di  Agosto,  M.CCCCCXXV  (Marciana  25962. 
Weale,  p.  124;  Brunet,  t.  I,  col.  493). 

1523 

Comedia  de  lacob  :  e  de  losepli  composta  del 
Magnifico  Caualiero  e  Dottore  Messere  Pandolpho 
Collenutio  da  Pesaro, 

In-8o  ;  titre  gothique  rouge  et  noir  ;  texte  en  lettres 
rondes;  signatures  A-K  (de  A  à  I  par  8,  K  par  4,  le 
dernier  contient  la  marque)  ;  le  titre  est  entouré  d'un 
encadrement  à  fond  noir  au  pointillé  ;  dans  de  petits 
carrés  blancs  dans  le  coin  à  gauche  en  haut  PR  \  0  ; 
à  droite  DONO  ;  en  bas  à  gauche  MA  ;  à  droite  LV  \  M  ; 
6  jolis  petits  bois  très  ombrés,  d'un  style  tout  différent 
de  ceux  employés  auparavant  par  Zopino.  A  la  fin, 
verso  K-iii  :  Stampata  nella  inclita  Citta  di  Venetia  per 
Nicolo  Zopino  e  Vicentio  compagno.  Net,  M. D, XXIII.  Adi. 
xiiii  de  Agosto.  Au  recto  suivant,  la  marque  S.  NICOLA  VS; 
dans  un  bois  rectangulaire  au-dessus  S.  A.  et  dans  un 
bois  de  même  forme  au-dessous  N.  /.  (Collection  E.  Piot). 

La  Drammaturgia  ne  cite  pas  cette  édition,  elle  indique 
celle  de  1525  comme  la  première.  Yemeniz  dans  son 
catalogue  page  424,  cite  une  édition  de  cette  pièce  impri- 
mée primo  de  Aprile,  qui  serait  par  conséquent  antérieure 
à  celle  que  nous  décrivons.  Il  ne  dit  pas  si  il  s'y  trouve 
des  bois. 

1525. —  Comedia  de  Jacob  :  et  de  Josep  (sic):  côposta 
dal  Magnifico  Caualiero  e  Dottore  :  Messere  Pandol- 
pho Collenutio  da  Pesaro. 


LIVRES  A   FIGURES  VÉNITIENS  351 

Petit  in-8«,  conforme  à  rédition  précédente.  Au  verso 
de  K-iii:  Stampata  nella  inclyia  Cittadi  Venetiaper  Nicolo 
Zopino  de  Aristotile  de  Ferrara,  Nel.  M.CCCCCXXV.  Adi 
XIX  de  Mazo  ;  recto  suivant,  les  marques  (Bib.  Nat. 
Réserve  Y,  3771). 

Les  mêmes  bois  se  retrouvent  dans  une  édition  de 
Venise  de  1564,  in-S^  de  74  feuillets  signés  A-I  (catalogue 
de  M.  de  Landau,  page  142). 

1523 

Cornazzano  (Antonio).  Proverbii....  in  facecia  et 
Lvciano  De  asino  aureo  uiilgari  e  istoriati  nouamente 
stampati. 

In-8<^  ;  lettres  cursives,  signatures  A-H  ;  titre  entouré 
d'un  encadrement  ombré  ;  27  petites  vignettes  ombrées, 
la  première  avec  fond  noir  pointillé  et  les  autres  dans  le 
style  des  premières  vignettes  données  par  Zoppino  se 
rapprochant  du  z,  a.  ;  verso  H-iii  la  marque  avec  S'  'N'  et 
au-dessous  :  Stampata  nella  inclyta  Citta  di  Venetia  per 
Nicolo  Zopino  e  Vincentio  compagne.  Nel  M.CCCCCXXIII 
Adi  XXII  de  Agosto  ;  recto  suivant  :  fama.  n.  z.  volât 
(Arsenal,  in-8«,  20076,  B.  L.). 

Brunet  cite,  (t.  II,  col.  277),  une  édition  in-S»  de  1518 
imprimée  à  Venise  par  Francesco  Bindoni  e  Maffeo  Pasini 
compagnie  réimprimée  en  1523  ;  il  ne  dit  pas  si  elle 
contient  des  gravures.  Du  même  Zoppino  une  autre 
édition  en  1526. 

1525.  —  Prouerbi  rf';  M.  Antonio  Cornazano  in 
Facétie:  ristâpati  di  nuouo...  MDXXV. 

In-8o  de  48  ff.  non  chiffrés,  registres  A-F,  8  feuillets  par 
cahier.  Lettres  cursives  ;  frontispice  ombré  représentant 
une  perspective  architecturale  avec  des  colonnes  latérales 


352  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

dont  les  bases  sont  embrassées  par  deux  putti.  Au  second 
feuil.,  une  vignette  sur  fond  noir  au  pointillé  avec  trois 
figures  d'hommes  et  trois  figures  de  femmes  discourant 
ensemble.  18  vignettes  ombrées  dont  quelques-unes  sont 
répétées  plusieurs  fois.  Verso  F  vi,  la  marque  typographi- 
que :  S.  Nicolas  avec  N  à  droite  dans  le  haut  ;  au-dessous 
le  colophon  :  Stampaia  in  Veneiia  per  Nicolo  Zopino  de 
Aristotile  di  Rossi  de  Ferrara  MDXXV  (Bibl.  Nat.  de 
Florence).  Recto  suivant  :  tabvla  de  li  proverbii  di 
MESSER  ANTONIO  CORN Azz ANC.  Le  rccto  du  demicr  feuillet 
est  blanc. 

<L  C'est  la  première  édition,  dit  Brunet  (t.  II,  col.  277), 
où  Ton  ait  ajouté  les  Tre  Proverbi,  ou,  pour  mieux  dire, 
lesdeux  nouveaux  proverbes  et  les  due  dialoghi.  Un  de  ces 
derniers,  celui  del  Philosofo  col pidocchio,  porte  un  frontis- 
pice séparé,  derrière  lequel  se  trouve  un  Proemio,  commen- 
çant ainsi  :  Necessario^  a  chi  salire.,. 

1523 

Phileremo  Fregoso.  —  Dialogo  de  Fortuna  del 
magnifîco  cavalliero  Antonio. 

Petit  in-8<»,  en  vers  ;  lettres  rondes.  Au-dessous  du 
titre,  bois  ombré,  assez  médiocre  :  la  fortune,  nue,  debout 
sur  les  ondes  ;  elle  tient  de  la  main  droite  la  vergue  d'une 
voile  dont  elle  maintient  l'extrémité  de  la  gauche  et  qui 
est  gonflée  par  le  souffle  de  trois  jeunes  génies  (putti) 
dont  on  voit  la  tête  dans  le  coin  à  droite,  en  haut  ;  au 
verso  P.  NON,  F.  CHE  .D.  F.  F.  Au  recto  du  dernier 
feuillet  au-dessous  de  Tekoç  :  Stampata  nella  inclyta  Citta 
di  Venetia  p  Nicolo  Zopino  e  Vincélio  compagno.  Nel 
M.CCCCCXXIII  Adi  I  de  Setembrio,  Au  verso  la  marque 
de  Zopino,  S.  Nicolavs;  au-dessus  'N*  N*;  au-dessous  'D* 
(Bibl.  Nat.,  Réserve  Y  +  3936,  A;  Bibl.  Nat.  de  Florence). 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  353 


1523 


Viaggio  del  Sepolchro  di  G.  Cristo  scritto  da  un 
valente  uomo, 

In-8û,  figures.  Venezia  MDXXIII  (Panzer,  t.  VIII,  p.  481). 

1523 

ïommaso  Rangone  da  Ravenna.  De  la  vera  Pro^ 
nosticatione  de  Diluuio  del  mille  e  cinquecento  e 
vintiqiiatro.  Composta  per  lo  excellétissimo  Philo- 
sopho  Thomaso  da  Rauenna. 

In-4",  de  6  feuillets  ;  titre  gothique  ;  texte  en  lettres 
rondes.  Au-dessous  du  titre,  joli  bois,  très  légèrement 
ombrés  :  au  premier  plan,  au  milieu,  deux  hommes  qui 
piochent  la  terre  ;  à  gauche  un  Pape,  à  droite  un  guerrier; 
dans  le  haut  le  Christ  assis  sur  le  monde,  les  mains  éten- 
dues ;  dans  le  coin  à  gauche,  le  soleil,  à  droite  la  lune  ; 
entre  le  pape  et  le  Christ  TV  ORA  ;  entre  le  Christ  et  le 
guerrier  TV  DEFEDE  et  au-dessus  des  deux  ouvriers 
TV  LABORA.  Quoiqu'il  n'y  ait  aucune  indication  ni  de 
lieu  de  date,  le  style  permet  d'afl&rmer  que  ces  bois  sont 
vénitiens.  (Marciana  2490.) 

Quant  à  la  date  du  livre,  elle  ne  peut  être  que  1523  : 
les  grandes  pluies  tombées  pendant  les  mois  de  juin  et 
juillet  de  cette  année  firent  craindre  pour  1524  un  second 
déluge  dont  parle  ici  Tomaso  da  Ravenna.  L'alarme  fut 
si  vive  que  les  habitants  du  territoire  de  Vicence  et  du 
Frioul  se  firent  bâtir  sur  les  montagne  des  maisons  de 
bois  pour  s'y  réfugier  en  cas  d'inondation  (V.  Diarii  di 
Marin  Samito.  T.  XXX  (encore  inédit)  p.  201.) 

Tommaso  Rangone  da  Ravenna,  médecin  et  philo- 
logue, professa  à  l'Université  de  Padoue,  puis  vint  s'éta- 
blir à  Venise  où  il  mourut  plus  que  centenaire  vers  1577, 

1891  23 


354  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1523  (?) 

Astolfo  borioso  di  Marco  Guazzo,  poema. 

.  In-4o,  fig.  ;  Venezia,  Zoppino,  1523. 

ce  Ce  poème  est  en  deux  part,  de  XIV  chants  chacune, 
et  qui,  selon  Quadrîo  (VI.  577),  auraient  été  imprimées 
Tune  et  l'autre  en  1523.  La  première  partie,  au  moins, 
a  été  réimprimée  sous  ce  titre  :  Astolfo  borioso  di  Marco 
Gvazzo  tvtto  riformaio.  Et  per  Vauttore  nouamente  ag- 
giunto,  con  somma  diligentia  ristampatOy  Et  historiato 
M.  D.  XXXII  (et  portant  à  la  fin)  :  Stampato  in  Vinegia 
per  Guglielmo  da  Fontaneto  di  Monferra  nel  annoM,  D. 
XXXII.  a  di  quattro  delmese  deAprile,iii-4,  à  2col.,sign. 
A. -P.  Il  existe  une  édition  de  la  2«  partie,  ove  contiensi  le 
horribile  battaglie  delta  Frâza,  &  delta  Margiana, , .  imprim. 
per  Nicoto  dAristotile  detto  Zoppino,  det  mese  di  Agosto. 
M.  D.  XXXIII,  in-4o  de  59  ff.  chifT.  à2col.(plus2  ff.dont 
1  bl.;,  contenant  les  chants  xv  à  xxviii  ;  et  le  même  im- 
primeur a  donné  une  édition  de  la  première  partie,  sous 
la  date  de  MDXXXIX,  in-4,  de  62  fT.  à  2  col.  Ces  trois 
volumes  sont  décrits  par  M.  Melzi,  page  268  ;  mais  nous 
ignorons  s'il  existe  réellement  des  exemplaires  des  deux 
parties  sous  une  même  date.  »  (Brunet,  T.  II  col.  1781.) 

Nous  n'avons  aucune  autre  indication  ;  quant  aux 
gravures,  elles  ne  sont  citées  ni  par  Melzi  ni  par  Tosi 
(1865). 

Cette  édition,  que  nous  n'avons  pas  vue,  et  dont  nous 
ne  connaissons  aucune  description  complète,  ne  serait- 
elle  pas  la  même  que  celle  de  1531  du  même  imprimeur, 
qui  n'est  citée  nulle  part,  ni  dans  Brunet,  ni  dans  Melzi, 
ni  dans  Tosi,  ni  enfin  par  le  marquis  d'Adda.  Nous 
décrivons  cette  dernière  d'après  l'exemplaire  de  M.  E. 
Piot. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  385 

1531.  —  Astolfo  borioso. 

In-4<»,  rouge  et  noir  ;  texte  en  lettres  rondes,  à  deux 
colonnes  ;  LX  feuillets  numérotés.  Au-dessous  du  titre, 
grande  gravure  :  Malacalza  couché  à  terre,  au  premier 
premier  plan  ;  à  côté  de  lui  Astolfo  et  Doralice  à  droite  ; 
à  gauche,  dans  le  fond,  des  corbeaux  qui  assaillent  une 
chouette  perchée  sur  un  arbre.  Cette  gravure  semble  sur 
métal  ;  elle  est  d'une  taille  fine  et  sèche.  Au  verso  2  : 
à  gauche,  un  chevalier,  assis,  écrivant  ;  à  droite,  un  che- 
val presque  de  face  ;  sur  son  poitrail  la  lettre  F;  derrière, 
une  lance,  autour  de  laquelle  une  banderole,  en  partie 
déroulée,  avec  une  légende.  Recto  suivant,  au-dessus  du 
texte,  deux  chevaliers,  la  lance  en  avant,  se  précipitant 
Tun  sur  l'autre,  en  présence  de  leurs  troupes  ;  dans  le  coin 
à  gauche,  au  bas,  un  petit  cartel  blanc  rectangulaire  qui 
semble  réservé  pour  un  monogramme  ;  au  dernier 
feuillet  LX  :  Stampato  in  Vinegia  per  Nicolo  UAristoiile 
detto  Zoppino.  M.DXXXI;  au  dessous,  le  registre. 


Vers  1523. 

Qiiesta  sie  la  profetia  del  re  de  francia  casa  noua. 

In-4o,  goth.,  de  4  fT.,  en  vers;  au-dessus  du  titre,  le  grand 
bois  de  VApramonte  de  1523:  un  roi  sur  un  trône,  en- 
touré de  chevaliers,  serre  la  main  de  l'un  d'eux  agenouillé 
devant  lui.  Au  verso  du  dernier  feuillet,  grande  Crucifixion 
archaïque  au  trait  :  à  gauche  de  la  croix,  la  Vierge  ; 
à  droite,  saint  Jean  et  sainte  Madeleine  étreignant  le 
pied  de  la  croix  ;  trois  anges  recueillent  le  sang  du 
Christ  ;  dans  le  haut,  le  soleil  et  la  lune  ;  une  ville  dans 
le  fond.  Zeno  indique  comme  auteur  de  cette  plaquette 
d'Abano  Pietro  (Marciana,  2623). 


356  BULLETIN  DU  BIBLIOPHa.E 

Vers  1523 

Amaistramenti  di  Senecha  morale.  Con  certe  altre 
Frottole  morale. 

In-4o,  de4ff.,  en  vers.  Au-dessous  du  titre,  bois  ombré  : 
un  professeur  dans  sa  chaire,  quatre  élèves  de  chaque 
côté  ;  le  professeur  est  démesurément  grand  (  bois  de  la 
Grammatica  Georgij  Vallae  Placentini,  parue  chez  Simone 
de  Luere  en  1514,  rééditée  dans  le  Cresceniiiis,  de  1519). 
Trois  feuillets  en  lettres  rondes  ;  au  verso  du  troisième 
commencent  les  Frottole  morale  en  lettres  goth.  qui  oc- 
cupent aussi  le  quatrième  feuillet  ;  au  bas,  FINIS.  S.l.n.  d., 
mais  du  même  temps  que  la  Profetia  del  re  di  francia, 
les  caractères  goth.  des  deux  plaquettes  étant  les  mômes. 
Zeno  désigne  Sercco  comme  Fauteur  de  cet  opuscule. 
(Marciana,  2623). 

1524 

Pétri  delphini  Veneti prioris  Sacre  Eremi  :  et  Gène- 
ralis  totius  ordinis  Camaldulensis  Epistolarum  uolu- 
men. 

In-folio  ;  titre  goth.  Au-dessous  du  titre,  joli  bois, 
ombré  avec  beaucoup  de  finesse  :  Petrus.  Delphinus. 
dépose  la  mitre  d'évèque  aux  pieds  de  saint  Romualdus 
en  signe  de  son  acceptation  de  la  règle  des  Camaldules. 
Son  nom  est  écrit  à  ses  pieds  :  Petrus.  Delphinvs  Generalis 
Encadrement  ombré  imité  des  entourages  au  trait  ;  dans 
le  haut  à  gauche  - 1'  'C'  marque  de  graveur  déjà  citée. 
A  la  fin  :  Impressum  Venetiis  arte  et  studio  Bernar- 
dini  Benalii  impressoris...  Amw  Dni...  M.D.XXIIII.  Die 
prima  Martii.  Suit  le  registre.  Cet  ouvrage  passe  pour 
être  de  la  plus  grande  rareté.  (Museo  Civico  e  Correr.  E.  291). 


LI\TŒS  A  FIGURES  VÉNITIENS  857 


1524 


Comedia  nuoua  del  magnifico  et  celeberrimo  poeta 
signor  Galeotto  Marchese  dal  Carretto  intitvlata 
tempio  de  amore, 

In-8o .  en  vers  ;  1 12  feuillets  non  chiffrés  ;  signatures  A-0  ; 
8  ff.  par  cahier  ;  lettres  rondes.  Titre  entouré  d'un  encadre- 
ment ombré  où  se  voient  des  cuirasses,  des  boucliers, 
des  enfants  soufflant  dans  des  trompettes,  etc.  Verso 
du  troisième  feuillet,  la  gravure  connue  :  Apollon  de- 
bout, jouant  du  violon,  au  bord  d'une  pièce  d'eau  ; 
quatre  femmes  à  gauche  et  trois  à  droite  jouent  de 
divers  instruments.  Cette  assez  jolie  gravure,  ombrée, 
non  signée,  est  la  même  que  celle  de  l'Opéra  moralissima 
de  diversi  auiori  de  1524,  signée  Z.  A.  A  la  fin  :  Stampaio 
nella  inclita  Cita  di  Venetia  per  Nicolo  Zopino  e 
Vicentio  compagno  net  M.CCCCC.  e,  XXiiii.  Adi  iiii  de 
Marzo.  Régnante  lo  inclito  Principe  messer  Andréa 
Gritti.  Au-dessus  du  colophon,  la  marque  avec  S.  Nicolavs 
et  les  deux  lettres  'N  '  'Z-  (Arsenal,  B.  L.,  6078;  catal.  de 
M.  de  Landau,  page  124;  Brunet,  T.  I,  col.  1600;  Cat. 
Libri,  305.) 

1524 

Oratiôes  deuotissime  continentes  vitam  dni  nostri 
lesu  xpi  qiias  qcunqz  dixerit  quottidie  genibus  flexis 
ante  crucifixâ,  sentiet  ipsum  vbiqz  fauentem  :In  morte 
qiioqz  libëter  adjuiuité. 

In- 12,  gothique  rouge  et  noir.  Au-dessus  du  titre,  petit 
bois  représentant  saint  Pierre  et  saint  Paul,  ombré,  d'une 
taille  fine  et  délicate  ;  dans  le  coin,  à  gauche  en  bas,  la 
marque  C.  Au  verso,  Annonciation  :  à  droite,  la  Vierge  à 
genoux,  les  cheveux  pendants,  la  figure  presque  de  trois- 


358  BULLETIN  DU  BIBLIOPHOf 

quarts  ;  l'ange,  debout  devant  elle,  a  la  main  droite  levée 
et  tient  le  lys  de  la  gauche  ;  des  arcades  au  second  plan  ; 
arbres,  monticules  et  maisons  dans  le  fond  ;  Dieu  le  Père 
dans  le  coin  à  gauche,  en  haut  ;  un  enfant  avec  la  croix, 
partant  de  Dieu  le  Père,  se  dirige  vers  la  Vierge  ;  dans  le 
coin  en  bas  à  gauche,  -Z  -  A.  Verso  A  ii,  Dieu  le  Père, 
tenant  de  ses  deux  mains  le  Christ  en  croix,  dans  les 
nuages.  Cette  vignette,  prenant  environ  la  moitié  du 
feuillet,  est  d'une  taille  très  fine,  mais  chargée  et  serrée  ; 
les  ombres,  fortement  accusées,  donnent  au  bois  un  aspect 
assez  moderne  ;  le  dessin,  habile,  est  également  d'un  art 
avancé  ;  au  pied  de  la  croix,  le  monogramme  F  V.  E.vn, 
petite  Crucifixion.  F.  m,  répétition  de  la  gravure  placée 
sur  le  feuillet  A  ii.  Nombreuses  et  jolies  lettres  ornées. 
F  XII,  le  colophon  :  Impressuz  Venetijs  per  Bernardinû 
Benaliuz.  Anno  dnice  incarnatiôis  Domini  nostri  lésa 
Christi,  M.D,XXIIIL  Die,  X,  Martij.  (Librairie  Rosenthal.) 

1524 

Pellenegra  (J.  F.)  Operetta  volgare  di  messer  Ja- 
cobo  Philippo  Pelle  Negra  Troiano  alla  Serenissima 
Regina  di  Pollonia  Donna  Bona  Sforzesca  Di  Aragona. 

In-8  de  24  flf.  (A-L,  par  8).  Car.  rom.;  bordure  sur  le 
titre  et  12  fig.  intercalées  dans  le  texte,  dont  une  répétée. 
A  la  fin  :  Stampata  nella  inclita  Citta  Di  Venetia  per 
Nicolo  Zopino  e  Viceniio  côpagno.  Nel  anno,  M,D,XXIIIL 
Adi,  X,  De  Marzo.  Régnante  lo  inclito  Principe  Messer 
Andréa  Gritti,  Puis,  la  marque  des  imprimeurs.  (Biblio- 
thèque de  M.  de  Landau.) 

1524 

Sassoferrato.  —  Libro  nouo  damore  chiamato  Ar- 
délia  :  nouamente  côposto  per  Baldasar  Olympo  de 
Sassoferrato, 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNim^S  359 

Petit  in-8o  ;  frontispice  gravé  sur  bois.  A  la  fin  :  Stanir 
pata  in  Venetia  per  Zouane  Tacuino  da  Trino.  A  diXXVII 
Marzo.  MCCCCC,  xxiiij.  (Deschamps,  T.  II,  col.  593.) 

1524 

//  Psalterio  di  Davitte,  et  di  altri  propheti  del  tes^ 
tamento  vecchio  :  per  Silvio  Phileto  Romano  già  di 
latino  in  volgare  tradotto 

In-8o  à  deux  col.,  de  83  ff.  numérotés  au  recto;  caract. 
rom.  ;  registre  *-a-/.  Titre  gothique  rouge  et  noir  ;  sous 
le  titre,  petite  vignette  oblongue,  ombrée  :  le  roi  David, 
tète  nue,  agenouillé,  priant  à  mains  jointes;  au  loin,  un 
groupe  de  maisons  ;  dans  le  coin,  à  droite,  en  haut,  le 
Père  éternel  dans  une  gloire  ;  en  bas,  à  droite,  une  harpe. 
A  la  fin  :  Impresso  in  Venitia  per  maistro  Siephano  de 
Sabio,  quai  habita  a  Santa  Maria  formosa.  MDXXIIII, 
nel  mese  di  maggio,  (Florence,  Guicciardiniana.) 

1524 

Lodovici.  —  UAntheo  Gigante. 

In-4«  à  deux  colonnes;  caractères  romains;  162  feuillets. 
Au-dessous  du  titre,  une  grande  figure  sur  bois  ;  au  verso 
se  trouvent  deux  privilèges,  l'un  de  Clément  VII,  l'autre 
de  la  Seigneurie  de  Venise.  Au  recto  du  second  feuillet 
commence  une  préface  avec  le  titre  :  Lvcretia,  M,  B,  agit 
Lettori  ;  au  verso,  un  sonnet  de  Francesco  de  Lodovici 
alla  Magnifica  Madonna  Lucrezia.  Au  feuillet  A.  3,  la 
première  colonne  commence  par  les  mots  suivants  en 
majuscules  :  LAntheo  gigante  di  Francesco  de  Lodovici 
da  Venetia  novamente  per  lui  composto  ad  istanza  délia 
magnifica  madonna  Lucrecia  et  cetera  signora  sua.  Au 
recto  du  feuillet  162  :  Fine  dello  Antheo  gigâte,,.  côposto 
ranno  del  nostro  signore.  M.D.XXIIL  e  siampato  in  Vineg^ 


360  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

gia  per  Francesco  Bindoni  e  Mapheo  Pasini,  compagni. 
NelVanno  1524-.  Adi,  9,  del  mese  di  Luglio,  Ad  istâza  délia 
Magnifica  Madonna  Lucrecia  M.  B. 

Poëme  en  30  chants,  en  octaves,  comprenant  les  pre- 
mières aventures  (supposées)  de  Charlemagne  luttant 
contre  le  géant  Antée.  (Brunet,  T.  III,  col.  1142  ;  Meizi, 
page  32.) 


1524 


Cortez  (Fernand).  —  La  Preclara  narratione  di 
Ferdinando  Cortese  délia  Niioua  Hispagna  del  Mare 
Oceano,  al  Sacratissimo  et  Imiictissimo  Carlo  di  Uo- 
mani  Imperatore  sempre  Augusto  Re  Dhispagna,  et 
cio  che  siegiie  nellano  del  signore.  M,D,  XX,  Iras- 
messa  :  Nella  qiiale  si  côtëgono  moite  cose  degne  di 
scienza  et  ammirationey  circa  le  cittadi  egregie  di 
quelle  Proiiincie,  costiimi  dhahitatori,  sacrifici  di 
Fanciulli  et  religiose  persone.  Et  massimamente  délia 
célèbre  citta  Temixtitlan  (trad,  per  Nicolo  LibiirnioJ. 

In-4",  de  7i  feuillets  non  chiffrés.  Grand  plan  de  la 
ville  de  Mexico  ;  le  dernier  feuillet  contient  un  éléphant, 
marque  de  l'imprimeur.  (Deschamps,  col.  320  ;  Harrisse, 
Bihliotheca  americana  vetustissima,  page  241.  Brunet, 
t.  II,  col.  312). 

A  la  fm  :  Stampato  in  Venetia  per  Bernnrdino  de  Viano 
de  Lexona  Vercellese.  Anna  domini  M,D,XXIIIL  A  di  XX 
Agosio. 

Il  existe  une  édition  italienne  avec  ce  colophon  : 
Stampata  in  Venetia  per  Znan*  antonio  de  Nicolini  da 
Sabio  Ad  instantia  de  M,  Baptista  de  Pederzani  Brixiano, 
Anno  D.  InA^  ;  M.  Harrisse  ne  la  date  pas  ;  Brunet  dit 
qu'elle  a  été  terminée  le  17  août  1524. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  361 

Nous  indiquons  ce  volume,  tout  en  ignorant  si  la  carte 
est  sur  bois  ou  gravée  en  taille  douce  ;  mais  il  nous 
semble  plus  probable  que  c'est  un  bois.  Dans  tous  les 
cas,  la  marque  à  l'éléphant  est  sûrement  xylographique. 


1524 


CoNSTiTUTiONES  PatricB  Foriiulij  cum  additionibus 
nouiter  impresse. 

In-folio  ;  titre  encadré  d'un  ornement  très  ombré  :  de 
chaque  côté,  des  colonnes;  dans  la  partie  supérieure, 
des  guerriers  et  deux  monstres  ailés,  au  corps  de  lion, 
tenant  dans  leur  bec  de  perroquet  une  sorte  d'écu  ;  dans 
la  partie  inférieure,  deux  autres  monstres  bipèdes  ailés, 
à  la  figure  humaine,  jouant  avec  un  Amour  qui  se  trouve 
au  milieu,  entre  eux.  Ce  bois  a  perdu  son  caractère 
italien,  il  se  ressent  des  influences  du  nord.  A  la  fin  : 
Venetiis  per  Bernardinum  De  Vitalihus  Venetû  Anno  Diii 
M.CCCCC.XXIIII.  Die  XX  Setembris.  (Marciana,  16220.) 


1524 


Statuta  Fratrum  Carmelitarum. 

In-4o  ;  le  feuillet  A-i,  entouré  d'un  joli  ornement 
légèrement  ombré,  contient,  en  tête,  un  assez  bon  bois 
ombré  :  au  milieu  la  Sainte- Vierge,  tenant  l'enfant  Jésus 
dans  ses  bras,  avec  ces  mots  au-dessous  d'elle:  Décor  car- 
meli.  A  droite,  S.  Helisevs  .  P.  tenant  sa  banderole  ;  à 
gauche  S.  Helias  .  P .  tenant  l'épée  d'une  main  et  la 
banderole  de  Tautre.  A  la  fin  :  Finis  bullœ,.,  Venetiis 
Coimpressœ  per  Joannem  antoniû  et  Fratres  de  Sabio... 
Anno  salutis  M.D.XXIIIL  Kalédis  Septébris.  (Marciana, 
56654). 


362  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1524 

Thesauro  spirituale  vulgare  in  rima  et  hgstoriato 
comp.  da  diuote  persone  de  Dio  e  délia  gloriosa  Ver^ 
gine  Maria,  a  consolatione  de  li  catholici  et  deuoti 
christiani. 

Petit  in-8o,  de  40  feuillets  non  chiffrés,  signés,  A.-J5., 
par  huit.  Petit  volume  orné  de  vignettes  gravées  sur  bois, 
Stampato  nella  iclita  citta  di  Venetia,  p  Nicolo  Zopino  e 
Vicëtio  côpagno,  nel  MDXXIIIIy  adi  II  de  nouëb,  regnâte 
lo  iclito  principe  masser  Andréa  Griiti. 

La  grande  figure  du  titre,  dit  le  catalogue  Yeme- 
niz,  est  signée  Zoan  Andréa  de  Vavasori.  (Brunet.  t.  V., 
col.  805;  Yemeniz,  p.  71;  Libri,  1859,  p.  353.) 

1524 

Opéra  Moralissima  de  diuersi  Auttori  huomini 
dignissimi  e  de  eloqiientia  perspicaci  : 

In-8",  en  vers  ;  titre  gothique  ;  texte  en  lettres  rondes  ; 
signature  A-E,  par  huit.  Au-dessous  du  titre,  bois  ombré 
bien  connu  :  Apollon  jouant  de  la  flûte  au  bord  d'une 
petite  pièce  d'eau  entourée  de  personnages  jouant  de  divers 
instruments;  signature  -Z-  A-  ,  dans  le  coin  à  gauche 
en  bas.  A  la  fin,  recto  E-vii  :  Stampata  nella  inclita  Citta 
di  Venetia  p  Nicolo  Zopino  e  Vicentio  compagne,  Nel. 
M.D.XXiiii.  Adi.  xviii  de  Nouembrio,,,  Recto  suivant, 
la  marque  :  saint  Nicolas  avec  la  femme  à  genoux  à 
gauche.  (Arsenal,  B.  L.  4242.) 

1524 

Confessionale  del  Beato  Antonio  Arciuescouo  de 
Firenze  del  Ordine  de  Predicatori, 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  363 

Petit  in-8o,  gothique  ;  78  flf.,  plus  2  pour  les  tables  ;  au- 
dessous  du  titre,  bois  carré,  au  trait  avec  quelques  ha- 
chures, d'une  fort  belle  exécution  et  d'un  beau  dessin  ; 
la  tête  surtout  est  remarquable  :  un  évêque  est  représenté 
dans  une  salle  voûtée  dont  on  aperçoit  une  colonne 
de  chaque  côté  de  la  gravure  servant  d'encadrement  ;  il 
est  assis,  nimbé,  la  crosse  dans  la  main  droite  et  un  livre 
dans  la  gauche.  Nous  ne  reconnaissons  pas  dans  cette 
gra^^lre  le  faire  des  Vénitiens;  elle  semble  plutôt  un 
bois  français  ;  trois  cassures,  deux  dans  le  haut  et 
une  dans  le  bas,  font  supposer  que  ce  bois  a  déjà  servi. 
A  la  fin,  après  la  table,  le  colophon  :  Finisse.,,  Stâpato  in 
Venetia  per  Benedetto  e  Augustino  fradelli  di  Bindoni.  Nel 
anno  del  Signore  1524^  (Librairie  Rosenthal). 

1524 

Opéra  noua  chiamata  itinerario  de  Hierusalem, 
ouero  dele  parte  orientale,  diuiso  in  doi  uolumi,  Nel 
primo  se  contengono  le  indulgentie  :  et  altre  cose  spiri" 
tuale  che  sono  in  quelli  lochi  santi  :  Nel  secundo  la 
diuersita  de  le  cose  che  se  trouano  in  quelle  parte  orien- 
tale, différente  date  nostre  occidentale. 

Pet.  in-8o,  goth.,  avec  fig.  sur  bois  au  titre.  Venetia,  Fr. 
Bindoni,  152A, 

Ce  volume  rare  est  porté  sous  le  nom  de  Suriano  dans 
le  catalogue  de  la  librairie  Tross,  1861,  n^  1402.  (Brunet 
T.  IV,  col.  190). 

1524 

Vita  del  diuo  et  glorioso  confessore  Sancto  Ni- 
chola  da  Tollentino. 

Pet.  in-8o,  goth.;  46  feuillets;  la  première  page  est  occu- 
pée par  un  grand  et  beau  portrait  de  saint  Nicolas,  /m- 


364  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

pressa  Venetia  per  Bernadinum  Benalium,  1524-.  (Tross, 
1878,  no  11,  p.  158,  n^  1237). 


1524 

Historia  (la)  de  li  doi  nobilissimi  amanti  Ludouicho 
et  madona  Béatrice, 

In-4o  ;  huit  feuillets  ;  une  figure  grotesque.  Le  sujet  est 
le  même  que  celui  du  Cocu  battu  et  content.  Bindoni,  1524', 
Venetia.  (Brunet,  T.  III,  col.  223.  Passano.  I  novellîeri 
in  verso,  Bologna  1868,  page  70.) 

1524 

Tagliente.  (Giov-Anton).  —  La  présente  libre  In- 
segna  la  vern  arte  delà  Excellète  scriuere  de  diuerse 
sorti  de  litere  lequali  sefano  p  geometrica  Ragione.... 
Opéra  del  tagliente  nouamente  composte  ciim  gratia 
nel  anno  di  nra  sainte  MDXXIV. 

In-4o  ;  signatures  A.-L.;  4  feuillets  par  cahier.  Verso  du 
titre,  gravure  de  page  représentant  le  compas,  Tencrier,  les 
ciseaux...  en  un  mot  tous  les  objets  de  bureau.  Cette  gra- 
vure est  répétée  dans  un  autre  ouvrage  de  Tagliente  paru  en 
1530  :  Opéra  mioua  che  insegna  a  le  donne  a  cucire,  a  racam- 
mare  et  a  disegnare  a  ciascuno...  Grandes  lettres  noires  sur 
fond  blanc  indiquant  la  manière  de  dessiner  géométrique- 
ment ;  elles  vont  du  verso  E.  4  au  recto  H.  3  inclusive- 
ment. Ce  volume  contient  les  mêmes  matières  que  l'édi- 
tion de  1525,  mais  la  distribution  est  différente;  les  mo- 
dèles d'écritures  sont  les  mêmes.  Cette  édition,  sans 
indication  de  lieu,  doit  être  de  Venise,  puisqu'on  lit  au 
dernier  feuillet  :  Hauëdo  io  Giouàniani  antonio  Taiëte 
pronisionato   dal  Serenissimo,    dominio    Venetiano,   per 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  366 

meriio  de  insegnare  questa  uirtute  del  scriuere.  D'ail- 
leurs, les  caractères,  la  gravure  sont  vénitiens.  (CataL 
Piot,  1891.  no  1525.) 

1525.  —  Tagliente.  Même  titre  que  celui  de  l'édition 
de  1524. 

In-4<*;  signatures  A.  K. ;  40  flF.,  4  par  cahier;  feuillet 
F.  2,  la  gravure  de  page  qui  est  placée  au  verso  du 
titre  de  l'édition  de  1524  ;  feuillet  G.  4,  dans  un  car- 
touche à  fond  noir  :  intagliato  per  evstachio  cel- 
LEBRiNO  DA  vDENi  ;  le  nom  de  cet  Eustachio  dont  nous 
voyons  ici  la  signature  paraît  également  sur  une  gravure 
de  titre  du  Duello  :  libro  deRe,,,  de  Puteo,  1525  ;  elle  est 
signée  à  droite  dans  le  bas  Evstachivs  ;  il  n'y  a  pas  de 
doute  que  ce  soit  le  même,  d'autant  plus  que  la  taille  est 
conduite  de  la  même  façon.  Ce  volume  est  du  plus  grand 
intérêt  à  cause  de  cette  signature  en  toutes  lettres  du  gra- 
veur, si  rare  dans  les  livres  à  figures.  Les  grandes  lettres, 
sur  fond  noir,  occupant,  dans  l'édition  de  1524,  du  verso 
E.  4.  au  recto  H.  3,  manquent.  La  distribution  des  deux 
volumes  est  absolument  différente.  Au  dernier  feuillet,  la 
marque  de  Antonio  Blado  de  Rome  :  dans  un  écusson  un 
aigle  couronné;  à  gauche  -A-  à  droite  -B-  (Librairie 
Labitte,  cat.  Piot). 

1525 

Niger  (Franciscus).  —  De  modo  epistolandi, 

In-4"  ;  8  feuillets  par  cahier.  Au-dessous  du  titre  rouge 
et  noir,  grand  bois  ombré,  d'une  taille  lourde  et  com- 
mune :  un  professeur,  dans  sa  chaire,  entouré  de  nom- 
breux auditeurs  assis  ou  debout.  Deux  sirènes  dos  à  dos 
ornent  le  devant  de  la  chaire.  A  la  fin  :  Impressum  Ve- 
netiis  per  loannem  de  Tridino  alias  Tacuinum,  Anno 
Domini.  M.D.XXV.  Die.  VIII,  Martii,  Au-dessous,  le 
registre.  (Marciana,  2626.) 


366  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

1525 

Andreae  Alciati,  iurisconsulti  mediolan.  MDXXV. 
Opéra  varia, 

In-4»  ;  20  ff.  prélim.  ;  340  numérotés  et  un  blanc, 
registres  A-Z,  AA-FF,  tous  par  quatre;  caract.  rom. 
Encadrement  au  frontispice  :  un  dessin  d'architecture 
avec  figures  ombrées  représentant  des  monstres  et  des 
puttiy  dont  un  porte,  appendu  à  une  lance,  un  cartel 
avec  I.  O.  Le  même  encadrement,  très  peu  modifié, 
reparait  aux  ff.  1  et  253.  Initiales  ornées. 

A  la  fin  :  Venetiis  loan,  Antonii  et  fratrum  de  Sabio^ 
Instantia  loan,  Baptista  de  Pederzonis  Brixiensis.  Anno 
Dni  MD,XXV  mense  martio, 

1525 

Prima  Pars  Plyniani  ludicij  édita  per  loannem 
Camertem  minoritanum  :  sacrae  Theologiae  Doc.  in 
qua  (tabellae  pictae  instar)  mira  litterarum  annexions 

In-folio  de  86  flF.  non  chiffrés;  caract.  rom.;  registre 
a-i.  Frontispice  avec  titre  goth.  et  lapidario  romano  rouge 
et  noir,  marque  typographique  de  Sessa.  Encadrement 
formé  de  petits  bois  ombrés  qui  n'ont  pas  été  faits  pour 
le  livre  :  dans  la  partie  supérieure,  le  combat  d'Horatius 
Ck)clès  ;  dans  la  partie  inférieure,  les  portraits  de  Tite- 
Live,  de  Cicéron,  de  Virgile  et  de  Sénèque;  le  côté 
gauche  offre  de  petits  blocs  représentant  la  mort  de 
Caton,  de  Camille,  de  Scipion,  de  César  et  de  Curtius, 
plus  une  vignette  montrant  un  groupe  de  personnages 
sans  aucune  indication  ;  le  côté  droit  se  compose  d'autres 
petits  blocs  avec  Galba,  Sertorius,  Caton,  Pompée, 
Crassus  et  Tibère.  A  l'angle  gauche  de  Crassus,  la 
signature  z  -  a.  Initiales  ornées,  à  fond  noir  ou  blanc. 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  367 

avec  figures  et  ornements  divers.  A  la  fin  :  Excussum 
Venetiis  accurata  diligentia  per  Melchiorem  Sessam  et 
Petrum  Serenae  socios,  anno  domini  MDXXV,  Die  XXIHI 
aprilis,  (Bibliothèque  Nationale  de  Florence.) 

1525 

Oratione  de  sancta  Helena  con  la  oratione  délia 
Magdalena  et  del  crucifixo  che  fa  parturire  le  donne 
con  poco  dolore.  Et  délia  inuenzione  délia  croce, 

In-4o  de  4  feuillets,  avec  le  registre  a,  en  caractères 
ronds.  Au-dessous  du  titre,  un  bois  ;  puis  le  texte  à  deux 
colonnes,  partie  en  vers,  partie  en  prose.  A  la  fin  : 
Stampala  in  Veneiia  per  Francesco  Bindoni.  Nel  anno. 
1525 M  del  mese  di  Aprile,  (Molini...  Opérette,,,  p.  165.) 

1525 

Repertorium  alphabeticum.  D.  Christophori  porci 
eximij  Juris  vtriusqz  interpretis  :  super  primo  secundo 
T  tertio  institutionum  :  nouiter  cuz  summa  diligen- 
tia :  T  laboriosissimo  studio  :  a  quodam.  II.  prof  es- 
sore erudito  excussum. 

In-fol.  ;  10  ff.  prélim.  et  cxviii  ch.;  car.  goth.;  à  2  col. 
Au-dessous  du  titre,  la  marque  de  l'imprimeur,  avec  la 
légende  :  Laudate  Dominum  omnes  gentes.  Au  commen- 
cement du  texte  de  l'ouvrage,  un  bois  représentant 
l'empereur  assis  sur  le  trône  ;  à  gauche,  des  soldats;  à 
droite,  des  jurisconsultes.  Sur  une  colonne,  est  gravée  la 
marque  de  l'imprimeur,  portant  :  P  H  I.  P.  A  la  fin  : 
Venetijs  in  edibus  Philippi  pincij  Mantuani  impressum. 
Anno  Dni  MCCCCCXXV.  Die  vij.  Junij.  (Bibliothèque  de 
M.  de  Landau.) 


368  BULLETIN   DU  BIBUOPHILE 

1525 

Guazzo.  —  Belisardo  fratello  del  conte  Orlando  del 
strenvo  milite  Marco  di  Guazzi  Mantuano, 

In-4o  de  clxvi  feuillets,  en  lettres  rondes,  à  deux  co- 
lonnes. La  page  du  titre  est  entourée  d'un  encadrement 
à  fond  noir  avec  feuilles  ;  dans  la  partie  inférieure  se 
trouvent  des  animaux,  et  à  gauche  un  renard  devant  un 
vase  au  long  col,  en  face  d'une  cigogne  essayant  de 
boire  dans  un  plat.  Cette  représentation  de  la  fable 
d'Esope  a  sans  doute  paru  dans  un  autre  ouvrage  ;  l'en- 
cadrement est  d'un  joli  style,  mais  le  bois  est  fatigué; 
au-dessous  du  titre,  à  gauche,  Marco  Gvazzo,  en  armure, 
écrit  à  son  pupitre,  tandis  que  dehors  son  cheval  tout 
harnaché  attend  à  côté  de  sa  lance^  son  casque,  ses  gan- 
telets et  son  écu.  Cette  vignette  est  d'une  taille  peu  soi- 
gnée. A  la  fin  :  Impresso  in  Venetia  per  Nicolo  de  Aristo- 
tilede  Ferrara  diitoZoppino.,,  MDXXV,  Adixviii,  Agosio, 
(Bibliothèque  Nationale,  réserve  Y.  H.  3509.) 

1525 

/  Dilettevoli  dialogi  (sic)  :  le  vere  narrationi  :  le 
facele  epistole  di  Lucciano  plùlosopho  :  di  greco  in 
volgare  novamente  tradotte  et  historiate. 

m 

In-8»  de  4  fif.  prél.  et  de  130  numérotés  au  recto.  Caract. 
cursifs,  registre  de  *  -A-Z-AA-FF.  par  quatre,  sauf  «j^,  qui 
est  par  deux.  Au  frontispice,  un  encadrement  avec  de 
bizarres  figures  de  paysans,  de  paysannes,  d'animaux  de 
toutes  sortes,  etc.  Nombreuses  vignettes  appropriées  au 
texte  ;  elles  sont  ombrées,  jolies,  de  la  seconde  manière 
de  Zoppino,  c'est-à-dire  beaucoup  moins  raides,  plus 
soignées  dans  tous  les  détails  et  ombrées  plus  finement 
cl  beaucoup  plus  fortement.  C'est  un  autre  art  qui  com- 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  369 

mence,  peut-être  plus  élégant,  plus  fini,  plus  agréable  à 
Tœil,  mais,  à  coup  sur,  d'un  style  moins  pur  et  moins 
sérieux  que  les  vignettes  antérieures  ;  les  hachures,  au 
lieu  d'être  employées  avec  sobriété,  pour  donner  seule- 
ment du  relief,  deviennent  Taide  nécessaire  de  tous  les 
effets  et  produisent  souvent  un  empâtement  déplorable. 
A  la  fin  :  Stampato  in  Vinegia  per  Nicolo  di  Aristotile 
detio  Zoppino  neVanno  del  Signore.  M.D.XXV.  del  mese 
di  seitembre.  Au-dessous,  la  marque  de  Zoppino  avec  ,N. 
(Arsenal,  B.  L.  19328,  et  Bibliothèque  Nationale  de 
Florence.) 

1525 

Orlando  Furioso  di  Ludouico  Ariosto  nobile  Fer- 
rarese  imovamente  ristampato  e  con  molia  diligentia 
ricorretto  e  quasi  iuiio  riformato,  Di  nuouo  e  am- 
pliato. 

In-8o  ;  caractères  gothiques  ;  à  deux  colonnes  ;  le  titre 
ci-dessus,  imprimé  en  rouge  et  noir,  est  entouré  d'un 
encadrement,  copié  sur  celui  de  l'édition  de  1524  chez 
Zoppino  ;  au  verso,  au  lieu  du  privilège  accoutumé,  on 
lit,  pour  la  première  fois,  un  sonnet  adressé  A  lo  ecceU 
lente  messer  Ludouico  Ariosto  da  Ferrara  da  Giouan 
Battista  Dragonzino  da  Fano,  qui  commence  par  SE  dar 
si  deue  Vhonorata  fronde.  Au-dessous,  se  trouve  une  petite 
figure  sur  bois.  Le  poème  commence  au  feuillet  suivant, 
numéroté  2  (A.  2)  et  finit  au  recto  du  huitième  feuillet  du 
cahier  cc^  page  208,  par  la  souscription  :  Finisse  Orlando 
Furioso,,.  Stampato  nella  inclita  citta  di  Uinegia  :  apresso 
santo  Moyse  nelle  case  nuoue  Justiniane  :  per  Francesco 
di  Alessandro  Bindoni  e  Mapheo  Pasini  compagni  :  Nelli 
anni  del  signore,  1525.  del  mese  di  Settembre...  Suit  le 
registre  ;  le  verso  est  occupé  par  la  ruche  ornée  de  l'en- 
cadrement  habituel.    L'unique    exemplaire  connu  est 

1891  24 


370  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

celui  qui  appartenait  à  Melzi  et  qui  a  servi  à  faire  cette 
description.  (Melzi...  105,  et  Ulisse  Guidi.  Annali  délie 
edizioni  e  délie  versioni  delV Orlando  Furioso,,,  Bologna, 
1861,  page  8.) 

1525 

Augustini  Dalhi  scribe  Senensis  Elegâtiole:  nouiter 
correcte  : 

In-4*'  ;  titre  gothique  ;  texte  en  lettres  rondes.  Au-dessous 
du  titre,  un  personnage  écrivant  à  son  bureau  ;  des 
livres  sur  un  rayon,  et,  au-dessus,  AEMILIUS  PROBVS  ; 
bois  ombré  médiocre.  A  la  fin  :  Impressum  Venetiis 
Melchiorem  Sessam  :  et  Pétri  de  Rauanis  socios,  Anno  dHi 
MDXXV  Die  IX  mensis  Octobris  (Marciana  2052). 

1525 

Interpretatio  preclara  Abbatis  loachim  in  Hiere- 
miam  Prophetam  (sancto  dictante  spiritu)  ad  hœc 
usqz  tempora  minime  prospecta  (nunc  vero  eius  ican 
cœpta  impletione  :  intcllectumqz  dante  vexatione)  in 
dies  magis  perspicua  fiet. 

In-4o  ;  la  première  ligne  du  titre  gothique,  le  reste  ainsi 
que  le  texte  en  lettres  rondes  ;  20  feuillets  préliminaires 
et  62  numérotés,  à  deux  colonnes.  Titre  avec  encadre- 
ment, foiTiié  de  petits  bois  ombrés,  représentant  des 
sujets  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  ;  au  milieu, 
au-dessous  des  titres,  un  écusson,  encadré,  avec  un  ange 
agenouillé  qui  tient  une  palme  de  la  main  droite.  Au- 
dessus  de  reçu,  à  gauche  P,  à  droite  A.  Après  les  feuillets 
de  table,  un  encadrement  avec  les  mêmes  bois  que  celui 
des  titres,  mais  Técu,  qui  se  trouve  ici  au-dessus  du  texte, 
contient  une  rose  ;  au-dessous,  les  lettres  'F*  *S'.  Les 
4  feuillets  suivants  sont  ornés  de  bois  médiocres.  Lettres 


LHTŒS  A  FIGURES  VÉNITIENS  371 

ornées.  Feuillet  62  :  Impressum  Venetiis  per  Bernardiûn 

Benaliiim.  1525.  Die.  20,  Nouembris Au-dessous,  le 

registre  (Bibl.  Nat.,  Résene  A.  1629  et  2060). 

1525 

Dragonzino  da  Fano  (Giov.  Battista).  —  Nobilita 
di  Vicenza, 

In-8o  de  20  ff.  (A-E  par  4)  ;  caract.  rom.  Deux  Viaggi 
in  oitava  rima.  Sur  le  titre,  une  vue  de  Vicence,  et  au 
verso,  un  Carmen  d'Antonio  Forlivese;  des  pièces  de  vers 
en  latin  et  en  italien,  à  la  louange  de  Dragoncîno, -oc- 
cupent les  quatre  derniers  feuillets  (Bibliothèque  de 
M.  de  Landau). 

1525 

Lassedio  di  Pavia  con  la  Rotta  e  presa  del  Re 
christianissimo  M.CCCCCXXV. 

In-4o;  lettres  gothiques;  opuscule  en  vers  de  trois  feuillets 
suivi  d*un  feuillet  où  François  I®»"  raconte  son  départ  de 
France  pour  la  conquête  du  Milanais  et  sa  prise  par 
TEmpereur.  Au-dessous  du  titre,  bois  ombré,  environ  de 
la  largeur  de  la  page,  représentant  la  capture  du  Roi  ; 
hommes  et  chevaux  semblent  être  en  bois.  Au-dessous 
de  la  dernière  pièce  :  Finis,  Per  Giouan  Andréa  Vavassore 
deito  Guadagnino.  (Réserve  PX  d,  I-L»»  3.)  Libri  (208)  cite 
une  édition  S.  1.  n.  d. 

1525 

Arias  'de  Avila  (?).  —  Lettere  di  Pietro  Arias 
Capitano  Générale  délia  conquista  del  paese  del 
Mar  Occeano  Scripte  alla  Maesta  Cesarea  dalla  Cipta 


372  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

di  Panama  délie  cose  Vltimamente  scoperte  nel  Mar 
Meridiano  dicto  el  Mar  Sur  MDXXV. 

In-16,  sans  lieu,  mais  de  ^Venise  ;  bois  sur  le  titre  ; 
(Harrisse,  Additiones,  p.  88). 

1525 

Victurii  (Ciceronis) .  Synonima  una  cum  Stephani 
Flisci  synonimis, 

In-4«  ;  figures  sur  bois.  Venetiis,  M.  Sessa  e  P.  de  Rauanis 
(Libri  1861,  page  115). 

1525 

Probus  de  notis  Roma  ex  codice  manuscripto  cas- 
tigator, 

In-4»  ;  le  4«  ff.  est  occupé  par  une  belle  gra\aire  sur 
bois.  Venetiis,  L  Tacuinus  Tridinensis,  1525  (Tross,  1878, 
no  11,  p.  120,  no  951.). 

Vers  1525 

Ordinationes  officii  totius  anni  et  agendoz.  et  dicen- 
dorum  a  sacerdote  in  missa  priuata  et  ferlait  iuxta 
ordinez  ecclesie  Romane. 

Petit  in-8o  gothique  ;  au-dessous  du  titre,  bois  décrit  à 
propos  de  :  Caraciolo,  Prediche  de  fra  Ruberto  de  1524-. 
A  la  fin  :  Impressum  Venetiis  p  loânem  Tachuinum 
(Marciana  2192). 

Vers  1525. 

Li  Stupendi  et  marauiglîosi  miracoli  del  Glorioso 
Christo  de  Sancto  Roccho  Nouamente  Impressa. 

In-12  ;  caractères  gothiques  en  vers  ;  4  feuillets.  Au- 
dessous  du  titre,  une  très  jolie  gravure  en  relief,  qui 


LIVRES  A  FIGURES  VÉNITIENS  373 

semble  plutôt  sur  métal  que  sur  bois,  représentant  une 
sorte  de  portique  où  se  trouvent  :  au  milieu,  le  Christ 
portant  sa  croix,  et  devant  lui  un  personnage,  de  profil, 
la  lui  attachant  avec  des  cordes  ;  tout  à  fait  à  gauche,  un 
personnage  dont  on  ne  voit  que  le  visage,  la  colonne 
cachant  le  reste  ;  ces  trois  personnes  ne  sont  vues  que 
jusqu'à  mi-corps.  Le  tympan  est  occupé  par  une  vignette 
nous  montrant  Dieu  le  Père  et  des  anges  portant  les  instru- 
ments de  la  Passion.  Au-dessus  ces  mots:  .  svper.  dorsv. 
MEVM.  FABRiCAVERVT.  PECAT.  Tout  à  fait  daus  Ic  bas,  au 
milieu  de  la  base  du  portique  :  .  evs  .  F  .  Ces  lettres  nous 
sont  expliquées  par  la  signature  qui  se  trouve  à  la  fin  du 
poème.  Eiistachius  Utinensis  fecit.  Au-dessous  :  cum 
gratta.  Cette  charmante  gravure  a  donc  pour  auteur 
Eustachius  de  Udine  du  Tagliente  et  du  Duello.  Ce 
volume  est  sans  doute  de  Venise,  car  il  raconte  les  nom- 
breux miracles  faits  par  le  Christ  de  San-Roccho engageant 
les  fidèles  à  s'y  rendre  pour  Thonorer  et  le  prier.  Il  est 
de  la  plus  grande  rareté  ;  nous  n*en  connaissons  qu'un 
exemplaire  ;  nous  ne  le  voyons  cité  nulle  part. 

Vers  1525. 

Qiiesta  sie  la  régula  del  glorioso  confessore  miser 
Sancto  Benedeto  in  vulgare  ad  instantia  de  le  uenera- 
bile  monache   de   la    celestia    observâte   nouamente 

siàpaia. 

In-4'',  de  2  fi",  prélim.  pour  le  titre  et  la  table  (4  et  2 
chiffres)  et  de  24  flf.  pour  le  texte  (de  3  à  25  et  le  dernier 
f.  non  chiffré  ).  Cahiers  de  4  ff.  de  a  à  /■.,  sauf  le  dernier  qui 
en  a  six  ;  lettres  rondes  ;  à  deux  colonnes.  Le  titre  goth. 
est  encadré  d'une  bordure  dont  les  trois  côtés  offrent  de 
simples  ornements.  Le  côté  droit  est  composé  d'un  petit 
bloc  inférieur  représentant  une  Annonciation  bien 
connue  ;  et  d'un  plus  long  bloc  où  se  voient  quatre  enÊmts 


374  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

nus  grimpant  sur  un  tronc  d'arbre,  celui  d'en  haut 
cueillant  des  fruits.  Au-dessous  du  titre  goth.  un  religieux 
(saint  Benoit)  dans  sa  cellule,  recevant  un  jeune  garçon 
que  lui  amène  un  abbé  ;  bois  assez  joli,  ombré.  Au* 
dessous,  en  caract.  ronds  :  Nel  nome  del  Saluatore  nostro 
miser  lesu  Christo  &  delà  sua  gloriosa  madré  Vergine  Maria 
incomenzael prologo  del  Sanctissimo  patriarcha  etprecipuo 
reformatore  del  ordine  monastico  Miser  Sancto  Benedeto- 
nela  régula  sua. 

A  la  fin,  après  le  registre,  en  gothiques  :  Stampata  in 
Venetia  per  maistro  Andréa  de  Rota  (1)  de  Leucho  librany 
nela  contrada  di  Santo  Apolinaro  (Librairie  Techener). 

Duc  DE  Rivoli. 


FIN 


(1  )  Ce  maestro  Andréa  n'imprima  que  très  peu  de  volumes  et  mourut  très- 
jeune  ;  M.  Torre  nous  dit  qu'il  est  presque  inconnu  et  qu'il  ne  donna,  à  sa 
connaissance,  qu'un  ^volume  imprimé  dans  le  premier  quart  du  xvi*  siècle, 
orné  de  graviu-es  de  prophètes  dans  le  genre  d'Ugo  da  Capi  et  des  preghiere 
délia  Vergine  avec  une  Madone  sur  le  titre,  ressemblant  à  la  Madone  du. 
frontispice  de  Ul  Vie  de  la  Vierge  de  Durer. 


CORRESPONDANCE 


Nous  recevons  du  savant  prefetto  de  la  Marciana^  à 
Venise,  M.  Castellani,  la  communication  suivante,  qui 
mettra  en  garde  les  amateurs  de  livres  vénitiens  contre 
une  trop  ingénieuse  falsification  : 

Venise,  Juin  1891, 

On  m'a  proposé  à  l'étranger,  il  y  a  quelque  temps,  Tachât  d'un 
exemplaire  d'un  Livius  qu'on  disait  imprimé  à  Venise  en  1469  par 
Jean  de  Spire;  je  fis  observer  au  détenteur  du  livre  qu'une  telle 
édition  ne  pouvait  exister  :  les  termes  du  privilège  de  la  Seigneurie 
de  Venise,  18  septembre  1469,  en  faveur  de  l'imprimeur  susdit, 
aussi  bien  que  le  colophon  de  son  frère  Vindelin  au  Saint  Augustin 
rfeCii'i7a^eDei,  1470,  s'y  opposaient  absolument.  Néanmoins,  comme 
il  persistait  dans  son  affirmation,  disant  que  le  volume  avait  un 
colophon  qui  attestait  Tauthenticité  de  l'édition,  je  ûs  venir  ce 
volume,  pour  l'examiner.  Aussitôt  j'ai  vu  que  le  colophon  annoncé 
est  le  même  que  celui  qui  se  trouve  dans  l'édition  1469  des  Epistol» 
ad  FamiliareSy  de  Cicéron  :  a  PHmiis  in  Adrûica »,  à  l'excep- 
tion de  deux  mots  changés  dans  le  dernier  vers  ;  ensuite,  il  m'a  été 
facile  d'apercevoir  que  ce  colophon  a  été  placé  au  verso  du  dernier 
feuillet  de  la  première  partie  du  LiviuSy  1470,  par  Vindelin,  moyen- 
nant des  types  admirablement  imités. 

Je  crois  conséquemment  de  mon  devoir  de  prévenir  de  cette  Màr 
fication  toute  personne  qui  s'intéresse  à  cette  espèce  de  livres,  pour 
le  cas  où  le  volume  en  question  serait  mis  dans  le  commerce. 

C.  Castellani, 

Préfet  de  la  Bibliothèque  de  Saint-Marc. 


REVUE    CRITIQUE 


DE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 


Rapports  inédits  du  lieutenant  de  police  René  d'Argenson 
(1697-1715),  publiés  d'après  les  manuscrits  conservés 
à  la  Bibliothèque  Nationale  par  Paul  Cottin.  Paris, 
librairie  Pion,  1891,  in-12  de  cxxxvi-418  pp.  (6fr.). 

La  Bibliothèque  elzévirienne^  fondée  par  Jannet  et  continuée  par 
l'éditeur  Pion,  vient  de  s'enrichir  d'un  volume  contenant  toute  la 
partie  qui  était  restée  inédite  des  rapports  adressés  par  le  lieutenant 
de  police  René  d'A.rgenson  au  comte  Jérôme  de  Pontchartrain, 
secrétaire  d'Etat  ayant  Paris  dans  son  département.  Ces  documents 
sont  conservés  au  Cabinet  des  mss.  de  la  Bibliothèque  Nationale 
dans  sept  registres  cotés  8119  à  à  8125. 

Le  Roi,  qui  traitait  d'Argenson  en  ministre,  lui  accordait  une 
entière  confiance  et  travaillait  souvent  seul  avec  lui.  Déjà  dignes,  à  ce 
titre,  d'éveiller  l'attention,  ces  Rapports  font  connaître  les  relations 
de  la  lieutenance  de  police  avec  le  ministère  et  le  Châtelet  ;  l'impor- 
tance qu'on  attachait  aux  placets,  aux  dénonciations  ;  le  système  des 
lettres  de  cachet  ;  le  service  de  la  surveillance  et  des  recherches 
appliqué  aux  divers  justiciables  :  gens  d'Église,  gens  d'épée,  gens 
de  qualité,  charlatans,  joueurs  étrangers  ;  ils  initient  le  lecteur 
aux  secrets  de  la  police  des  mœurs,  de  la  librairie,  des  spectacles» 
etc.  Enfin,  les  conséquences  de  la  révocation  de  l'Édit  de  Nantes, 
si  terribles  au  point  de  vue  national,  y  sont  mises  en  lumière  et 
achèvent  de  donner  une  réelle  importance  à  ces  documents. 

M.  Paul  Cottin,  qui  dirige  avec  tant  de  compétence  la  Revuê 
rétrospective,  a  placé  en  tête  du  volume  une  substantielle  introduc- 
tion dans  laquelle  il  étudie  l'ensemble  de  la  correspondance  de 
d'Argenson.  M.  Paul  Cottin  a  accompagné  les  documents  qu'il 
publie  de  notes  intéressantes.  Les  chercheurs  et  les  curieux  consul- 
teront, avec  fruit,  le  copieux  index  alphabétique  qui  termine 
l'ouvrage  et  dans  lequel  figurent  tous  les  noms  illustres  de  la  fia 
du  dix-septième  siècle  et  des  premières  années  du  dix-huitième. 


REVUE   CRITIQUE  DE  PUBUGATIONS  NOUVELLES       377 

Les  Tragédies  de  Montchrestien.  Nouvelle  édition  d'après 
l'édition  de  1604,  avec  notice  et  commentaire  par 
L.  Petit  de  Julleville,  professeur  à  la  Sorbonne.  Paris, 
librairie  Pion,  1891,  in-12.  (6  fr.). 

Anthoine  Mauchrestien  ou  de  Montchrestien,  «ieur  de  Yastevillei 
méritait  à  tous  égards  de  figurer  à  côté  de  tant  d'auteurs  rares  et 
curieux  dans  la  Bibliothèque  élzémrienne.  Il  le  méritait  aussi  biea 
par  la  valeur  de  son  œuvre  que  par  la  singularité  de  son  personnage. 

Figure  étrange,  en  effet,  que  celle  de  ce  fils  d'iqwthieaire 
normand  qui  traversa  les  fortunes  les  plus  diverses  et  qui  aurait  été 
capable  des  plus  grandes  choses  si  Tinquiétude  de  son  caractère 
n'était  venue  gâter  ses  bonnes  qualités  naturelles.  Les  procès,  les 
duels,  Texil  et  la  guerre,  la  poésie  et  Voeconomie  politique  (1)  dont 
U  inventa  le  nom,  les  entreprises  industrielles  et  les  querelles  de 
religion,  remplirent  cetle  existence  aventureuse,  terminée  par  une 
mort  tragique  et  qui  apparaît  avec  tout  Tintérét  d*un  roman  dans  la 
notice  érudite  que  lui  a  consacrée  M.  Petit  de  Julleville. 

Son  œuvre  vaut  son  histoire.  Grand  poète  inachevé,  plus  théâtnd 
peut-être  que  dramatique,  écrivain  aisé  et  vigoureux,  plein  de  beaux 
vers,  largement  lyrique,  Montchrestien  fait  en  plus  d'un  endroit 
penser  à  Corneille  qui  ne  dédaigna  pas  de  le  lire.  Mais  s'il  doit  être 
compté  comme  un  des  précurseurs  de  notre  tragédie  classique,  il  est 
surtout  de  son  temps  et  son  œuvre  comme  sa  vie  porte  bien  la  marqas 
de  notre  seizième  siècle  littéraire. 

La  mort  d'Hector  ;  la  mort  de  Gléomèue,  roi  de  Sparte  ; 
Sophonisbe  ;  les  Amours  du  roi  David  et  de  Bethsabée  ;  l'histoire 
d'Aman  et  d*£sther,  qui  devait  être  reprise  par  Racine  ;  la  condam- 
nation de  Marie  Stuart,  reine  d'Ecosse  :  tels  sont  les  scgets  de  ses 
six  tragédies  rééditées  aigourd'hui  pour  la  première  fois  depuis 
l'édition  défectueuse  de  1627. 

Outre  la  notice,  l'ouvrage  est  accompagné  d'une  bibliographie, 
d'un  lexique  et,  pour  chaque  pièce,  d'un  savant  commentaire. 


(  1  )  MontchresUen  a  pubUé  à  Rouen,  en  1615»  un  Traicté  de  réronomlepoil- 
tique  (in-4*).  Ce  Traité  a  été  réimprimé  récemment,  avec  introductt<m et  notes, 
par  M.  Th.  Funck-Brentano.  Paris,  Pion,  gt.  in-8  de  cxvn-MSpp. 


378  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

PÉTRARQUE.  Eglogucs  traduites  pour  la  première  fois  par 
Victor  Develay.  Paris,  Librairie  des  Bibliophiles, 
1891,  2  vol.  in-32  carré  (5  fr.). 

Deux  nouveaux  volumes  viennent  d'entrer  dans  la  collection  de 
la  Bibliothèque  récréative^  publié  par  Victor  Develay.  Comme  tout 
ce  qui  sort  des  presses  de  Jouaust,  ces  petits  livres,  tirés  à  310 
exemplaires  dont  10  sur  papier  de  Chine,  sont  très  soigneusement 
imprimés. 

M.  Develay  a  fait  précéder  les  Eglogues  de  Pétrarque,  traduites 
pour  la  première  fois,  d'une  intéressante  introduction. 


Chansons  nouvelles  de  M.  de  Piis,  écuyer.  Paris^  Bon- 
guette  et  fils,  in-18,  fig.,  papier  de  Hollande.  (20  fr.) 

Reproduction  à  trois  cents  exemplaires,  par  la  librairie  Rouquette 
et  fils,  de  rédition  originale  publiée  chez  Defer  de  Maisonneuve, 
aujourd'hui  fort  rare  et  atteignant  des  prix  très  élevés.  Les  trëff 
jolies  figures  de  Le  Bai'bier  sont  reproduites  avec  une  scrupuleuse 
exactitude,  qui  ne  leur  laisse  rien  perdre  de  leur  grâce  native.  L'im- 
pression du  texte,  imitant  avec  non  moins  de  fidélité  l'élégante  mai- 
greur des  types  du  xviuo  siècle,  est  due  à  M.  Pigelet,  de  Chàteaudun, 
dont  on  connaît  le  soin  minutieux.  A  la  fin,  la  musique  de  quelques 
chansons.  Le  tout  concourt  à  faire  de  cette  publication  très  artis- 
tique un  aimable  livre  que  les  bibliophiles  se  disputeront. 


Au  moment  des  vacances  et  des  voyages,  signalons  une  nouvelle 
collection  anglaise  dont  la  librairie  Hachette  vient  de  mettre  en 
▼ente  le  premier  volume.  The  Light  that  Failed,  par  Rudyard 
Kipling,  tel  est  le  titre  de  ce  livre  d'un  format  commode  et  facile  à 
lire  en  chemin  de  fer. 


CATALOGUE    DESCRIPTIF 


DE 


LIVRES  ET   PIECES  RARES 

EN  VENTE  AUX  PRIX  MARQUÉS  A  LA  LIBRAIRIE  TECHENER 


Epytoma  Joànis  de  môte  regio  In  almagestû  ptolomei, 
Venetiis,  1496  ;  in-fol.  parch.  160  fr. 

Un  des  plus  beaux  livres  vénitiens  des  dernières  années  du 
xve  siècle.  In-folio  ;  lettres  gothiques.  Au  verso  a-3,  un  grand  bois 
occupant  toute  la  page  :  dans  un  très  bel  encadrement,  en  haut,  le 
soleil,  la  lune  et  les  étoiles  ;  au-dessous,  une  sphère  :  dans  la 
partie  inférieure,  Ptolémée  et  son  commentateur,  s*entretenant,  de 
chaque  côté  d'un  socle  qui  soutient  le  globe  céleste.  La  figure  de 
Monteregio  est  d'une  remarquable  exécution  et,  selon  M.  Piot,  le 
portrait  fidèle  du  célèbre  abréviateur  de  Ptolémée.  Cette  gravure 
est  une  des  plus  belles  productions  de  la  xylographie  vénitienne  ; 
Tencadrement,  sans  égaler  celui  de  V Hérodote,  si  justement  vanté, 
semble  être  de  la  môme  main. 

Nombreuses  figures  de  mathématiques.  Grandes  et  petites  lettres 
ornées  du  meilleur  style...  A  la  fin  :  Explicit  Magne  Compositionis 
Astronomicon  Epitoma  Johannis  de  Regio  monte...  Opéra...  viri 
solertis  Johannis  hàman  de  Landoia...  Anno  salutis  iA96  currente: 
Pridie  Calen.  Septemhris  Venetiis....  Voir,  pour  une  description 
plus  déUillée  :  Étude  sur  les  livres  à  figures  vénitiens  de  la  fin  du 
xve  siècle  et  du  commencement  du  xvi«,  par  le  duc  de  Rivoli, 
Bulletin  du  Bibliophile,  1890. 

Très  bel  exemplaire,  malgré  une  piqûre  de  ver  dans  la  marge 
intérieure. 


Ptolémée.  —  Claudii  Ptolomaei  Cosmographia.  In  fine  : 
Impressiim  Ulmœ  opéra  et  expensis  Justi  de  Albano 
de  Venetiis  per  provisorem  suum  Johannem  Reger, 


380  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

anno  M.CCCC  L  XXXVI  (1486)  XII  Kalendas  AugusH, 
in-fol.  à  2  col,  de  204  ff.  en  tout,  avec  32  cartes 
doubles  et  lettres  ornées,  peintes  à  la  main  ;  veau 
brun,  estampe  à  froid,  cabochons  et  ferrure  cuivre 
ciselé  ;  les  deux  plats  sont  différents  d'ornementa- 
tion. 450  fir. 

Superbe  exemplaire  dans  sa  reliure  originale,  avec  toutes  les 
cartes,  vignettes  et  lettres  ornées  dans  leur  coloris  du  temps.  Le 
dernier  feuillet  est  doublé,  quelques  mouillures. 

Toutes  les  cartes  de  cette  très  curieuse  édition  sont  intéressantes 
à  divers  titres.  Nous  nous  bornons  à  signaler  la  Mappemonde,  qui 
ouvre  la  série  des  32  cartes,  entourée  des  vents  Eurus^  Notus^ 
Caurus,  etc.,  figurés  par  des  têtes  joufflues  qui  soufflent  avec 
entrain  ;  l'Equateur,  les  Tropiques,  les  degrés  de  longitude  et  de 
latitude  sont  notés  avec  une  minutieuse  précision  ;  —  la  Grande- 
Bretagne,  Albion  insula  britatmica,  assez  exacte  en  ce  qui  concerne 
l'Angleterre  et  l'Irlande,  mais  où  l'Ecosse,  Caledonia,  au  lieu  de 
s'étendre  vers  le  Nord,  s'infléchit  bizarrement  à  l'Est,  formant 
presque  un  angle  droit  avec  l'Angleterre  ;  les  Orcades  y  figurent, 
ainsi  que  la  mystérieuse  Thulé,  beaucoup  trop  rapprochée  d'elles  ;  — 
deux  très  belles  cartes  de  l'Italie,  la  carte  de  l'Egypte  et  de 
l'Ethiopie,  où  le  cours  du  Nil  est  tracé  beaucoup  plus  exactement 
que  dans  nos  atlas  d'il  y  a  trente  ans  ;  les  trois  lacs,  appelés  ai:your- 
d'hui  Tanganyika,  Albert  Nyanza  et  Victoria  Nyanza,  sont  marqués 
à  peu  près  à  leur  place,  quoique  trop  au  Nord  ;  la  distinction  des 
deux  Nils  est  sufûsamment  indiquée  ;  mais  ce  qui  est  plus  étonnant 
encore,  c'est  que  Ptolémée  a  une  notion  très  nette  des  montagnes 
neigeuses  de  l'Afrique  centrale  ;  soit  dans  la  Mappemonde,  soit  dans 
cette  carte,  ces  montagnes  sont  accompagnées  de  cette  annotation 
significative  :  Ab  his  7nontibus  Nili  paludes  nives  suscipiitnt.  Ainsi 
les  monts  Kenia  et  Kilimandjaro,  ignorés  des  géographes  modernes 
jusqu'à  nos  jours,  étaient  connus  ou  devinés  par  Ptolémée  ou  aa 
moins  par  son  éditeur  latin  de  1486. 

A  lire  la  dédicace  de  Nicolas  Donis  au  pape  Paul  II,  précédée 
d'une  grande  N  ornée,  dans  laquelle  l'auteur  est  représenté  à 
genoux,  ofl'rant  son  livre  au  Saint-Père. 


•  Hippocrate  dépaïsé,  ou  la  version  paraphrasée  de  ses 
Aphorismes,  en  vers  françois,  par  M.  L.  de  F.  (Louis 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET   PIÈCES  RARES  381 

de  Fonlenettes),  doct.  en  med.  dans  P.  (Poitiers). 
Paris,  Edme  Pepingué,  1654  ;  in-4  de  12  ff.  et  176  pag., 
mar.  du  Levant  La  Vall.,  dent,  intér.,  tr.  dor.    50  fr. 

Livre  rare,  curieux  et  non  cité.  —  Louis  de  Fonlenettes,  docteur 
en  médecine,  naquit  en  1612  au  Blanc  (Berry),  et  mourut  à  Poitiers 
au  mois  d'octobre  1661.  Ce  médecin  eut  l'idée  singulière  de  para- 
phraser en  vers  burlesques  les  Aphorismes  d'Hippocrate.  Il  parait 
avoir  composé  ce  livre  en  dix  jours,  puisqu'il  s'exprime  ainsi  dans 
l'Epilogue  : 

Que  si  Monsieur  le  Révérend, 
Qui  me  tient  pour  un  ignorant 
En  matière  de  médecine, 
Despouilie  son  humeur  chagrine, 
Et  considère  ce  discours 
Comme  un  ouvrage  de  dix  jours. 
Etc 

Les  feuillets  préliminaires  contiennent  une  dédicace  au  célèbre 
Guy  Patin,  datée  de  Poitiers,  le  20  octobre  1652,  une  Préface  en 
vers  ;  des  vers  latins  et  français,  à  la  louange  de  l'auteur,  et  un 
Avertissement  au  lecteur,  dans  lequel  de  Fontenettes  fait  l'apologie 
de  la  poésie  burlesque. 

On  y  trouve  (sect.  i,  Aph.  23),  une  allusion  aux  troubles  de  la 
Guyenne,  en  1650,  et  (sect.  ii,  Aph.  22),  une  satire  virulente  de 
Paracelse  et  de  ses  adeptes. 


Brief  discours  sur  la  mort  de  la  Royne  de  Navarre, 
aduenue  à  Paris,  le  ix  iour  de  Juin  1572.  —  Pseaulme 
116-15.  La  mort  des  débonnaires  du  Seigneur  est  en 
estime  enuers  luy.  S.  /.,  1572  ;  plaq.  in-8  de  71  ff. 
non  rel.  18  fr. 

Récit  très  circonstancié  des  derniers  moments  de  Jeanne  d'Albret. 
On  sait  que  cette  mort  fut  attribuée  à  des  gants  empoisonnés, 
envoyés  à  la  reine  de  Navarre  par  Catherine  de  Médicis.  L'auteur 
ne  fait  aucune  allusion  à  ces  soupçons  et  explique  ainsi  la  fin 
prématurée  de  la  reine  :  «  Estant  doncq  cette  vertueuse  Princesse 
venue  à  Paris  le  15.  iour  du  mois  de  may  1572  pour  l'exécution  de 

ce  mariage, elle  ne  cessa  d'aller  journellement  çà  et  là  par  la 

ville,  es  maisons  et  boutiques  des  artisans,  pour  veoir  ce  qui  serait 


382  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

propre  pour  le  iour  de  la  solênité,  tant  de  ce  qui  concernait  les 
habits  nuptiaux  et  autres,  dont  elle  prétêdait  faire  présent,  que  de 
plusieurs  choses  nécessaires.  Enqnoy  faisant  elle  print  si  grand 
travail,  mesmes  estas  lors  les  chaleurs  fort  véhémentes,  qu'en  fin  le 
mecredy  4  de  Juin  elle  tôba  malade  au  lict  d'vne  ûebure  continue, 
causée  d'un  mal  de  polmons,  où  dez  long  têps  s'estoiêt  formez 
quelques  apostumes,  lesquels  esmeus  et  irritez  par  vn  travail  côtinuel, 
luy  ^nflâmerent  ceste  fiebure,  qui  ne  l'abâdonna  point  iusques  à  ce 
qu'elle  rendit  son  ame  à  Dieu,  au  grand  regret  de  plusieurs 
amateurs  de  la  religion  et  du  repos  de  ce  royaume.  »  Le  Brief 
Discours,  étant  évidemment  d'un  protestant  très  zélé,  ne  manquerait 
pas  de  mentionner  les  bruits  d'empoisonnement,  s'ils  avaient  eu 
quelque  fondement  sérieux.  Il  semble  donc  qu'il  faille  décharger  de 
ce  crime  au  moins  la  mémoire  de  Catherine  de  Médicis. 

Viennent  ensuite  les  pieux  entretiens  de  Jeanne  d'Albret  avec  le 
ministre  huguenot  a  qui  la  venoit  consoler  »  et  une  très  touchante 
prière  ;  puis  le  testament  de  la  mourante,  son  épitaphe  latine  et 
une  suite  de  poésies  funèbres  en  français,  en  latin,  en  italien,  en 
espagnol  et  même  en  grec. 

Eîpitome  de  Torigine  et  succession  de  la  duché  de 
Ferrare,  composé  en  langue  toscane  par  le  seigneur 
Gabriel  Syméon  &  traduict  en  francoys  par  luy- 
mesme.  Auec  certaines  epistres  à  diuers  personnages 
&  aucuns  epigrammes  sur  la  propriété  de  la  lune 
par  les  douze  signes  du  Ciel.  Pour  Madame  la 
Duchesse  de  Valentinois.  Paris,  Guillaume  Cauellat, 
1553  ;  in-8  parch.  32  fr. 

Un  des  ouvrages  les  plus  curieux  du  fécond  Gabriel  Siméon  ;  il 
comprend,  outre  ce  l'origine  et  succession  de  la  duché  de  Ferrare  » 
des  renseignements  assez  précis  sur  la  Seigneurie  et  les  ducs  de 
Venise,  sur  les  vicomtes  et  ducs  de  Milan,  sur  les  marquis  et  ducs 
de  Mantouc,  des  «  Epistres  Françoises  envoyées  par  le  mesme 
autheur  à  divers  personnaiges,  »  enfin  un  certain  nombre  de  poésies 
fugitives.  Le  livre  est  dédié  à  Madame  la  Duchesse  de  Valentinois 
(Diane  de  Poitiers),  ce  qui  fournit  à  Siméon  un  prétexte  pour 
célébrer  en  vers  italiens,  dont  quelques-uns  assez  ingénieux,  la 
déesse  Diane,  la  fontaine  d'Anet  et  a  la  propriété  et  vertu  de  la 
Lune^  tandis  qu'elle  passe  par  les  douze  signes  du  Ciel  »« 


CATALOGUE  DE  LIVRES  ET  PIÈCES   RARES  383 

Au  commencement  un  arbre  généalogique  de  la  maison  d'Esté  et, 
sous  le  titre,  un  portrait  (  d'un  prince  ferrarais  ou  de  Siméon  même?), 
avec  cette  devise  peu  modeste  :  Invidia  virtute  parta  gloria  non 
invidia  putanda  est. 

Payé  49  fr.  à  la  vente  Cailhava. 


De  quattuor  heresiarchis  ordinis  Praedicatorum  de  Obser- 
vantia  nuncupatorum  apud  suitenses  in  civitate  Ber- 
nensi  côbustis.  AnnoChristi  M.D.IX;  s,  l.  n,  d.,  pet. 
in-4«,  de  28  ff.  non  chiff.  fig.  en  bois  sur  le  titre, 
cart.  38  fr. 

Livre  rarissime.  C'est  le  récit  du  supplice  de  quatre  pseudopatres 
de  l'ordre  des  Prêcheurs,  torturés,  puis  brûlés  à  Berne  en  1509. 
Le  narrateur  expose  en  ces  termes  l'apparition  de  cette  hérésie  qui 
ne  devançait  Luther  que  de  quelques  années  : 

Anno  ab  incamatione  domini  nostri  Jesu  Christi  mxllesimo 
quingentesimo  septimo^  in  cinitate  Beimèsi  Lausanësis  diocesis 
pullulauit  et  exorta  est  hœresis  omniù  j)lane  nequissima,  et  qua 
nulla  major  audiH  potuit  sed  neqiie  cogitari.  Quant  aux  griefs 
articulés  contre  les  hérésiarques,  ils  sont  spécifiés  dans  le  dernier 
chapitre  :  Primo,  quia  deum,  ahneg avérant.  Secundo ,  venei^ahUe 
saa^amentum.  corporis  et  sanguinis  domini  nostri  lesu  Christi 
rubricarunt  et  depinxerunt.  Tertio,  quia  imaginent  virginis  glo- 
riose  plorantè  finxerunt.  Et  quarto  quia  vulnetHbus  redèptionis 
nostrœ  illudètes  fratrê  quinque  vulnerihus  insigniuerunt.  Et  voilà 
pourquoi  ces  quatre  malheureuses  victimes  de  l'intolérance  furent 
condamnées  à  la  torture  et  au  bûcher.  On  les  brûla  hors  de  la  ville 
dans  une  prairie  au-delà  de  l'Aar  :  Cineres  quoque  in  fluentë  aquam 
xnjecti,  ne  fortasse  quid  superstitionis  hinc  oriretur. 

Au  titre,  une  curieuse  gravure  représentant  le  supplice  ;  au- 
dessous,  deux  distiques  adressés  ad  Joannë  Scotù  doc.  subtUë. 

Sans  lieu,  mais  très  probablement  imprimé  à  Berne  ;  le  livre  est 
dédié  aux  a  magnifiques  et  nobles  sénateurs,  patriciens  et  magis- 
trats de  l'illustre  cité.    • 


Frederici  Nauseaî  Blanci  campiani,  eximii  LL.  doctoris, 
inclytae  ecclesiae  Moguntinae  à  sacris  Concionibus 
eminentiss.  libri  mirabilium  septem.  Coloniae,  apud 


384 


BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


Petrum  Quentell.  Anno  M.D.XXXII  ;  iii-4o  de  6  if. 
prél.  et  76  ff.  chiff.,  fig.  sur  bois,  vélin  blanc.    65  fr. 

Après  avoir  donné  une  définition  du  mot  mirabiliaj  Tautenr 
répartit  les  phénomènes  surnaturels  en  diverses  catégories,  mirocufa, 
prodiyia,  ostenta,  portenta,  omina,  prœsagiay  naturalia.  Il  indique 
les  moyens  de  distinguer  ces  diverses  sortes  de  faits  merveilleux  et  d'en 
reconnaître  Tauthenticité.  Passant  en  revue  les  miracles  accomplis 
par  le  Christ  et  depuis  le  Christ,  il  insiste  particulièrement  sur 
certains  prodiges  contemporains  et  sur  les  inductions  qu'on  en  peat 
tirer.  C'est  ainsi  qu'il  explique  à  sa  façon  :  Quid  partus  prodigiosua 
nupei*  portenderit,  ou  Quid  puella  Romœ  e  latere  aquatn  lympi^ 
dissimam  desudans  portenderit  ou  encore  Quidnà  Comètes^  qui 
nuper  apparuit,  esse  perhibeatur  aut  portenderit.  Le  septième  et 
dernier  livre  est  consacré  aux  tremblements  de  terre  et  aux  catas- 
trophes qui  les  suivent  ordinairement. 

Nombreuses  planches  représentant  les  prodiges  commentés  par 
Nausea.  Au  feuillet  lxix,  un  grand  bois  très  singulier  :  Typus 
eomelse,  qui  hoc  anno  post  Christ,  natum  M.D.XXXI  apparuit. 


BIBLIOGRAPHIE 


DE 


QUELQUES  ALMANACHS  ILLUSTRÉS  DU  XYIII-^  SIÈCLE 

[Suite  et  fin) 


1782 

Almanach  galant  des  costumes  français  des  plus  à 
la  mode  dessinés  d'après  nature,  dédié  au  beau  sexe, 
A.  P.  D.  R. 

A  Paris,  chez  le  S^  Boulanger,  rue  du  Petit-Pont, 
près  le  Pelil  Chàtelet. 

Titre  frontispice  gravé.  Sur  un  petit  pont,  un  amour 
à  genoux,  regarde  avec  une  lorgnette  une  gracieuse  petite 
fille  assise,  et  remettant  sa  jarretière;  lui,  coifTé  d'un 
chapeau  de  paille  :  elle,  d'un  chapeau  à  plumes.  Une 
rivière  coule  sous  le  pont  et  des  arbres  s'élèvent  de 
chaque  coté,  supportant  à  leurs  extrémités  abaissées  l'une 
vers  Taulre,  une  couronne  de  roses.  Au  verso  du  titre, 
remarques  pour  la  présente  année  1782.  Calendrier  des 
six  premiers  mois  ;  74  pages  dont  38  pour  les  gravures 
(le  recto  est  en  blanc),  les  autres  pour  les  chansons  ana- 
logues aux  costumes  : 

Dame  de  cour  en  grand  étiquet. 

Sous  cet  habit  éclatant, 
Qui  peint  la  naissance, 
Et  la  grandeur  et  le  rang, 
Est-on  toujours  content? 

1891  25 


386  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

Souvent  au  sein  de  Toppulence, 
On  est  dévoré  de  soucis, 
Mais  à  la  cour  avec  aisance, 
Quand  on  doit  pleurer,  on  sourit 
Etc.,  etc.     .     . 

Dame  en  camisole  de  nuit  qui  se  baigne. 

Dame  en  pelisse,  chapeau  en  soleil. 

Dame  en  lévite,  fourreau  à  langlaise. 

Dame  mettant  sa  jarretière. 

Dame  en  robe  à  langlaise. 

M.  tabbé. 

Le  bourgeois  marchand. 

Il  a  calculé  son  livre, 
Il  a  compté  son  argent, 
Et  sur  le  soir  il  se  livre 
Au  bourgeois  amusement. 
11  s'occupe  au  Domino  ; 
Il  rentre  dans  son  ménage, 
On  lui  présente  un  loto. 

Fredonnant  la  Dithyrambe 

Au  milieu  de  ses  amis, 

Il  tire  le  terne  et  Vambe, 

Et  perd  ou  gagne  un  louis. 

Le  jeu  fmi,  on  arrange 

Vite  un  salubre  souper  ; 

Ce  bon  marchand  boit  et  mange, 

Ensuite  il  va  se  coucher. 

Avec  l'aurore  il  se  lève 
Pour  attendre  le  chaland  : 
Et  le  Paynon,  le  lodève. 
En  conscience  il  le  vend. 
Car  cet  homme  est  respectable. 
Et  je  crois  que  par  ses  mœurs, 
11  est  cent  fois  préférable 
A  certains  petits  seigneurs. 

A  la  fin  de  la  semaine 
11  part  pour  se  divertir, 
A  la  campagne  il  emmène, 


bis 


ALMANACHS  DU  XVIIP  SIÈCLE  387 

Femme,  enfans,  qu'il  sait  chérir. 
Si  quelques  amis  surviennent, 
Ses  plaisirs  en  sont  plus  grands  ; 
Tous  s'amusent,  tous  reviennent, 
Très  heureux  et  très  contents. 

L officier  en  redingote  verte,  galonnée  en  or. 

Lhomme  de  robe  en  habit  de  velours  ciselé. 

Le  petit  maître  en  gilet  blanc,  culotte  de  nanquin. 

Le  comte  en  habit  du  matin, 
Lestement  la  canne  à  la  main, 
Parcourt  tous  les  coins  de  Paris. 


D'un  petit  maître  c'est  le  ton, 
Souvent  de  quitter  la  maison 
Et  de  rester  jusqu'à  minuit. 
Etc.,  etc 


Le  financier  en  habit  de  velours  brodé  en  or. 

Demoiselle  habillée  galamment,  coiffée  en  pouf. 

Dame  arrosant  des  fleurs. 

Dame  en  déshabillé,  coiffe  à  la  paysane. 

Dame  en  lévite,  coiffée  en  Pont  galant. 

Dame  en  robe  de  satin,  coiffée  à  la  paysanne. 

Paysanne  des  environs  de  Paris  en  habit  des  dimanches. 

Calendrier  pour  les  six  derniers  mois  de  Tannée,  et 
enfin  une  annonce  de  Boulanger. 

1784 

Étrennes  de  Vamour  des  ris,  des  jeux  et  des  plai- 
sirs. Almanach  chantant,  orné  de  gravures  faites  par 
un  célèbre  artiste  A.  P.  D.  R. 

A  Paris,  chez  Boulanger,  relieur  et  doreur,  rue  du 
Petil-Pont,  à  Timage  Notre-Dame. 

Titre  frontispice.  Le  texte  est  gravé  dans  une  guir- 
lande de  feuilles  et  de  fleurs  (formant  médaillon  ovale) 


388  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

le  tout  dans  un  cadre,  à  la  partie  supérieure  duquel  court 
une  guirlande  de  roses  ;  l'adresse  de  Boulanger  sur  une 
tablette  au  bas  du  cadre. 

Au  verso,  remarques  sur  la  présente  année  1784.  Ca- 
lendrier des  six  premiers  mois. 

Douze  gravures  pour  les  mois  ;  en  regard,  les  feuillets, 
texte  gravé  des  chansons  relatives  au  sujet  : 

Janvier.  —  Les  Etrennes  d'amour. 

Février.  —  La  Toilette  dune  jolie  Femme. 

Mars.  —  Le  Rafraîchissement  de  la  Chasse, 

Avril.  —  L'Agrément  de  la  Pêche, 

Mai.  —  Le  May. 

Juin.  —  La  Promenade  sur  Veau. 

Feuillets  pour  perte  et  gain. 

Juillet.  —  Zélis  au  Bain, 

Hilas  guettait  sous  le  feuillage. 
Zélis  et  Chloc  dans  le  bain, 
N'ont  d'autres  témoins  que  Tombrage, 
Les  oiseaux  et  l'amour  malin. 

Août.  —  Les  Moissonneurs. 
Septembre.  —  Le  Plaisir  de  la  Chasse. 
Octobre.  —  La  Guinguette. 
Novembre.  —  La  Marchande  d'Huîtres. 
Décembre.  —  L'Heureux  Ménage, 

Ces  figures,  dont  les  titres  indiquent  bien  le  sujet,  sont 
ravissantes  et  peuvent  se  mettre  au  nombre  des  meilleures 
de  Queverdo. 

1784 

Les  belles  Marchandes,  almanach  historiques  (sic) 
proverbiale  et  chantans. 

A  Paris,  chez  Jubert,  rue  Saint-Jacques,  la  porte 
cochère  vis-à-vis  les  Mathurins. 


ALMANACHS  DU  XVIII«  SIÈCLE  389 

Titre  front,  gravé  ;  12  figures  charmantes,  24  pages 
de  texte  et  24  pages  pour  les  mois  avec  colonnes  perte 
et  gain  ;  en  plus,  le  calendrier  pour  l'année  1784. 

Le  titre  est  gravé  sur  une  draperie  formant  l'entrée 
d'une  boutique  dans  laquelle  un  commissionnaire  porte- 
faix emballe  difTérents  objets  dans  une  caisse,  et  où  une 
jeune  femme,  au  comptoir,  fait  peser  par  le  marchand 
ce  qu'elle  vient  de  lui  acheter. 

1^  Figure.  —  La  Marchande  de  Plaisir.  ^ 

Un  nouveau  parvenu  de  province,  voulant  goûter  le 
plaisir  de  Paris,  propose  à  une  marchande  de  monter 
dans  sa  chaise. 

2«  FiG.  —  La  Jardinière. 

Un  jeune  amant,  entré  dans  un  jardin  avec  sa  maîtresse, 
beauté  surannée,  trouvant  la  jardinière  de  son  goût,  excite 
la  jalousie  de  cette  femme  qui,  de  dépit,  fuit  et  jette  des 
fleurs  qu'elle  tenait. 

3®.  —  Les  Marchandes  de  Mode. 

Tandis  qu'une  dame  examine  on  chapeau  de  gaze, 
surmonté  d'une  aigrette,  de  jeunes  courtois  en  content 
à  de  jolies  ouvrières,  qui  s'occupent  moins  à  travailler 
qu'à  les  entendre. 

4«.  —  La  Couturière. 

Tandis  que  la  maîtresse  de  la  maison  essaye  une  robe 
sur  un  mannequin,  en  présence  d'une  jeune  étrangère, 
un  jeune  homme  déniche  des  baisers  à  une  ouvrière. 

5«.  —  La  Chapelière. 

Un  jeune  homme  essayant  un  chapeau  devant  un 
miroir,  le  campe  si  bien  sur  sa  tête,  que  la  marchande 
lui  fait  inconséquemment  un  léger  compliment  dont  il 
abuse. 


390  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

6®.  —  La  Bijoutière, 

Une  jeune  fille  essayant  une  croix  dite  à  la  Jeannette, 
la  laisse  tomber  dans  son  sein  ;  son  amant  profite  de  cette 
occasion  de  paraître  obligeant  et  la  lui  retire. 

7®.  —  La  Boulangère. 

Un  jeune  homme  amoureux  de  la  maîtresse,  lui  fait  la 
cour.  Celle-ci  lui  offre  des  petits  pains,  mais  l'autre  lui 
montre  du  doigt  ceux  dont  il  est  le  plus  affamé. 

8®.  —  La  Marchande  d'Œufs  frais. 

Une  jolie  paysanne,  dupe  de  sa  bonne  foi,  se  défend 
en  vain  d'un  jeune  homme  qui  Ta  fait  entrer  un  matin 
dans  son  appartement. 

9<î.  —  La  Belle  Foureuse, 

La  maîtresse,  amoureuse  d'un  jeune  homme,  profite 
du  moment  qu'un  financier  entre  chez  elle  avec  une  gri- 
sette,  pour  le  faire  évader  de  sa  maison  où  il  était  entré 
pendant  la  nuit. 

10«.  —  La  Limonadière, 

Tandis  qu'un  vieux  financier  contemple  les  grâces  de 
la  marchande,  une  grisette,  assise  à  sa  table,  donne  fur- 
tivement un  billet  de  rendez- vous  à  son  jeune  amant. 

Ile.  —  La  Parfumeuse, 

Une  jeune  dame,  obsédée  des  importunités  d'un  vieil- 
lard qui  prétend  en  vain  à  ses  faveurs,  lui  montre  un 
masque,  auquel  on  voit  un  pied  de  nez. 

12e.  __  La  Belle  Fruitière. 

Des  dames,  marchandant  des  fraises  chez  une  fruitière, 
fournissent  au  mari  l'occasion  de  quelques  plaintes  aux- 
quelles sa  femme  répond  par  un  bon  conseil. 


ALMANACHS  DU  XVIIie   SIÈCLE  391 

Les  belles  Marchandes  de  Paris  11^  partie  ;  alma^ 
nach  chantant,  sur  les  plus  jolis  airs, 

A  Paris,  chez  Tauteur,  rue  Saint-Jacques,  vis-à- 
les  Mathurins,  n<>  37. 

Faux-titre  ;  titre,  frontispice  gravé  ;  12  charmantes 
figures  ;  48  pages  de'texte  suivies  du  a  nécessaire  des  dames 
«  et  des  messieurs,  ou  le  dépositaire  fidèle  et  discret  utile 
a  aux  gens  d'affaires,  négociants,  voyageurs,  militaires 
«  et  à  tous  les  états.  Composé  d'un  papier  nouveau,  sur 
«  lequel  on  peut,  à  l'aide  d'un  stylet  de  minéral  sans  fin, 
«  adapté  au  livre,  écrire  aussi  distinctement  qu'avec  la 
((  plume,  ses  pertes  et  gains,  les  visites  à  rendre,  les  agenda 
«  de  la  semaine,  les  rendez-vous,  pensées,  bons  mots, 
((  pièces  fugitives,  comme  épigrammes,  madrigaux,  traits 
«  de  conversation,  saillies,  adresses,  etc.  Il  y  en  a  avec  de 
((  la  peau  d'àne  pour  les  personnes  qui  en  désirent.  On 
((  écrit  aussi  distinctement  avec  le  même  stylet,  et  l'on 
((  peut  laver  plusieurs  fois  pour  y  substituer,  d'autres  écri- 
((  tures  )) .  46  feuillets  pour  les  jours,  les  mois  (perte  et  gain), 
l'explication  de  l'usage  du  secrétaire,  une  annonce  de 
Jubert.  Enfin,  un  feuillet  replié  :  en  tète  du  calendrier  des 
douze  mois,  les  signes  du  zodiaque.  Page  3  de  l'almanach, 
avertissement  : 

ce  On  a  l'honneur  d'offrir  au  public  la  2^  partie  de  FA/- 
((  manach  des  Belles  Marchandes  (la  première  parait 
ce  depuis  un  an).  L'accueil  que  ce  même  public  a  daigné 
((  faire,  à  ce  très  petit  recueil,  a  dû  être  un  encouragement 
«  pour  l'éditeur,  qui  lui  promet  qu'il  n'épargnera  ni 
«  soins,  ni  peines,  ni  dépenses,  pour  rendre  ses  alma- 
cc  nachs  dignes  de  lui  être  présentés.  La  troisième  partie 
a  decetalmanach  paraîtra  Tannée  prochaine  1784.  (1)  i 

(1)  Probablement  cette  3*  partie  n'a  jamais  paru.  Aucun  collectioimeur  n'en 
a  jamais  eu  connaissance. 


392  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

.  Titre  gravé  au  milieu  d'arbres,  aux  pieds  desquels 
jouent  trois  amours,  deux  couches  et  un  debout,  et  au- 
dessous  d'une  couronne  de  fleurs  portée  par  deux  autres 
amours,  armés  Tun  d'une  flèche,  l'autre  d'un  flambeau 
allumé. 

Les  figures,  en  regard  desquelles  sont  des  chansons 
relatives  à  l'estampe,  représentent  les  intérieurs  de  bou- 
tiques meublés  et  garnis  suivant  la  profession  de  chaque 
marchande,  avec  plusieurs  personnages. 

Elles  sont  intitulées  : 

V^  Figure.  —  La  Marchande  d étoffes  de  soies. 


2«.       — 

La  Restauratrice. 

3«.       — 

La  Confiseuse. 

40.       _ 

La  Miroitière. 

5«.       — 

La  Fourbisseuse. 

6«.       - 

La  Lingère. 

70.       — 

L'Orlogerie  (sic). 

8«. 

La  l'Hulière  (sic). 

9«.       — 

La  Bottière. 

10«.     — 

La  Bonnetière. 

H«.      — 

La  jolie  Chandelière. 

42«.     — 

La  Vitrière. 

C'est  dans  cette  deuxième  partie  des  Belles  Marchandes 
que,  sous  le  titre  de  :  Premier  petit  chef-d'œuvre^  se 
trouvent  ces  jolis  vers  du  chevalier  de  Boufflers,  ayant 
pour  sujet  le  Cœur. 


Prince,  manant,  abbé,  none,  reine,  marquise. 
Celui  qui  dit  Sanctus,  celui  qui  crie  Allah^ 
Le  bonze,  le  rabin,  le  carme,  la  sœur  grise, 
Tous  reçurent  un  cœur  ;  aucun  ne  s'en  tint  là. 

C'est  peu  d'avoir  chacun  le  nôtre  ; 

Nous  en  cherchons  partout  un  autre, 

Qui  lui  réponde  à  qui  va  là. 


ÂLMANACHS  DU  XVIII*  SIÈCLE  388 

On  fait  partout  d'un  cœur  tout  ce  qu'on  en  veut  faire  : 
On  le  prend,  on  le  donne,  on  Tacheté,  on  le  vend  ; 
Il  s'élève,  il  s'abaisse,  il  s'ouvre,  il  se  ressere. 
C'est  un  merveilleux  instrument. 
Etc.,  etc.... 

Le  Cœur  poème  de  Boufler  (sic)  a  été  réimprimé  dans 
le  Bijou  de  V Amour  ou  VAlmanach  des  Cœurs,  hommage 
à  la  galanterie,  à  la  décence  et  à  la  beauté,  A  Paris,  chez 
Janety  1807,  et  a  donné  lieu  à  une  charmante  petite 
estampe  représentant  une  grotte,  sous  laquelle  une  forge 
avec  son  soufflet,  ses  marteaux  et  ses  enclumes,  où  de 
petits  amours  fabriquent  des  cœurs;  au-dessous  de 
l'estampe,  la  légende  suivante  prise  dans  les  vers  de 
BoufQers  : 

Car  que  deviendraient  les  familles 
Si  les  cœurs  des  jeunes  garçons 
Étaient  faits  comme  ceux  des  filles  ? 

Une  fois  fabriqués,  l'amour  les  vend  !  et  dans  une 
figure  de  V Enchanteur ^  ou  VAlmanach  sans  pareil,  publié 
aussi  chez  Janet,  le  petit  marchand,  portant  une  cor- 
beille remplie  de  cœurs,  se  promène  au  milieu  de  beaux 
messieurs  et  de  belles  dames,  où  il  parait  avoir  le 
plus  grand  succès. 

Voilà  le  petit  marchand  de  cœurs. 
Messieurs 
N'allez  pas  ailleurs  ! 

Cœur  chaud,  cœur  froid,  cœur  vif,  cœur  lent, 
Étrennez  le  petit  marchand, 

Il  peut  vous  satisfaire, 
n  en  a  de  toutes  façons. 
Des  noirs,  des  méchants  et  des  bons, 

n  aura  votre  affaire. 

J'en  vends  où  l'on  va  droit  au  but. 
J'en  donne  qui  sont  de  rebut, 
Il  en  est  que  je  prête. 


394  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

J'en  ai  des  neufs^  j'en  ai  des  vieux, 
Je  troque  les  capricieux  ; 
Venez  me  faire  emplette. 

Des  cœurs  volans,  cœurs  constans, 
Cœui^s  amoureux,  cœurs  langoureux. 

Cœurs  tendres,  cœurs  barbares. 
En  voulez-vous  des  scrupuleux  ? 
Il  ne  m'en  reste  plus  que  deux, 

Ces  derniers-là  sont  rares. 

Voilà  le  pcMt  marchand  de  cœurs, 
Messieurs, 
N'allez  pas  ailleurs. 

1784 

Les  Aventures  parisiennes,  almanach  nouveau, 
galant,  historique,  moral  et  chantant,  sur  les  plus 
jolis  airs. 

Mélangé  de  nouvelles  chansons^  d'anecdotes  plai- 
santes, de  contes,  d'épigrammes,  de  bons  mots,  de 
maximes  curieuseSj  d'observations  intéressantes,  etc., 
etc,  première  partie. 

A  Paris,  chez  Jubcrt,  rue  Saint-Jacques,  la  porte 
coclîère  vis-à-vis  les  Matliurins  (1784). 

Charmant  recueil  de  72  pages  avec  douze  figures  très 
finement  gravées  et  dont  les  sujets  sont  amusants  et  des- 
sinés dans  la  perfection. 

1'''  FiG.  —  La  Préférence  au  mérite.  Une  femme  élé- 
gante, entourée  de  trois  jeunes  seigneurs,  offre  la  pomme 
à  Hercule. 

Faiseurs  de  madrigaux. 
Pour  elle  sont  des  sots. 

2'.  —  Le  Bal  de  V Opéra.  Un  grand  seigneur  conduit 
une  grande  dame  à  son  carrosse  à  la  sortie  de  l'Opéra. 


ALMANACHS  DU  XVIIF   SIÈCLE  395 

3^.  —  Le  Mécompte  ou  la  dame  qui  sait  compter.  Scène 
galante  dans  un  appartement  très  luxueusement  meublé  ; 
Tamour  éclaire  de  son  flambeau  cinq  couronnes  passées 
autour  d'une  de  ses  flèches. 

4«.  —  Le  Sallon  de  Curtius,  Des  spectateurs  derrière 
une  balustrade,  regardent  le  souper  de  la  reine  ;  six  per- 
sonnages en  cire,  très  élégamment  vêtus. 

5^.  —  Le  faux  médecin  ou  V Argus  dépisté. 

Comment  se  voir? 


Uamour  médecin, 
D'un  auteur  divin, 

Leur  offre  un  moyen  facile  ; 
Il  est  arrêté. 
Que  pour  sa  santé, 

Il  en  faut  un  à  Lucile. 


Scène  représentant  Tentrevue. 

6«.  —  La  jeune  Musicienne  ou  le  faux  Mendiant.  Ici, 
Tamoureux  est  déguisé  en  musicien  pauvre  et  se  jette 
aux  genoux  de  la  jeune  musicienne,  debout  devant  son 
clavecin  et  soutenue  par  une  des  sœurs  du  couvent  pen- 
dant le  moment  d'émotion  qu'elle  éprouve  à  la  vue  de 
Lindor  ainsi  travesti. 

7^.  —  LAmi  des  Femmes.  Un  faune  agitant  le  grelot  de 
la  folie,  présente  l'ami  des  femmes  à  un  cercle  nombreux 
de  jeunes  femmes. 

8"".  —  Les  jeunes  Amans  ou  Iheureuse  Fuite.  D'une 
échelle  appliquée  aux  murailles  d'un  couvent,  une  jeune 
fille  descend  et  tombe  dans  les  bras  de  son  amoureux  ; 
un  carrosse  les  attend  pour  s'enfuir. 

9«.  —  L'Abbé  congédié.  Très  jolie  scène  se  passant  dans 
une  bibliothèque.  Figure  très  intéressante  au  point  de 
vue  de  l'ameublement  d'une  salle  de  ce  genre. 


396  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

10''.  —  Le  nouveau  Turcaret.  Scène  galante  dans  un 
délicieux  pavillon,  éclairé  des  feux  de  mille  bougies, 
pendant  que  la  lune  darde  ses  rayons  sur  les  grands 
arbres  du  parc. 

11<^  et  12^.  — Le  Porteur  deau,  et  suite  du  porteur  d-ean. 
Estampes  relatives  aux  aventures  de  Le  Loutre,  porteur 
d'eau  de  la  rue  Fromenteau;  très  bien  dessinées,  très 
bien  gravées. 

Almanach  amusant  à  lire,  ce  qui  lui  est  un  mérite  de 
plus. 

1786 

Les  Délices  du  Palais-Royal, 
A  Paris,  chez  Boulanger,   rue   du   Petit-Pont,    à 
l'image  Notre-Dame,  avec  pr.  du  Roi. 

Titre  frontispice  dessiné  et  gravé  par  Queverdo. 

Pyramide  surmontée  par  un  globe  portant  les  armes 
de  la  branche  d'Orléans,  et  placée  sur  un  piédestal  rec- 
tangulaire, où  est  gravée  l'adresse  de  Boulanger,  au  bas 
duquel  on  lit  :  Musée  et  Arts,  Deux  colonnes,  adroite  et  à 
gauche,  en  haut  desquelles  deux  amours  tendent  une 
draperie  sur  laquelle  l'artiste  a  gravé  :  Les  Délices  da 
Palais-Roijal.  Autour  de  ces  colonnes,  guirlandes  de 
fleurs  et  cartouches  où  on  lit  : 

Variétés  amusantes,  figures  aérostatiqueSy  comédiens  de 
bois,  Curtius,  ombres  chinoises,  étoffes  soieries,  bains  de 
santéy  caffé  de  Foy,  caffé  du  Caveau,  modes  bijoux,  caffé 
mécanique. 

Au  verso  du  frontispice,  remarques  pour  la  présente 
année  1786  ;  calendrier  pour  les  six  premiers  mois. 

Douze  figures  avec  chansons  analogues  en  regard  : 

Le  Marchand  de  Marrons^  Galleries  ou  Arcades,  la 
Soirée  an  Jardin^  les  Ombres  chinoises  y  le  Caffé  du  Caveaa. 
Bains  de  santé. 


ÂLBIANAGHS  DU  XVm*  SIÈCLE  907 

Feuillets  pour  perte  et  gain. 

Variétés  amusantes,  sallon  de  Curtias,  les  boutiques 
de  bois,  les  comédiens  de  bois,  pavillons  de  treillage,  vue 
générale  du  jardin 

Calendrier  pour  les  six  derniers  mois  et  un  dernier 
feuillet.  Catalogue  des  almanachs  qui  se  vendent  chez  le 
sieur  Boulanger. 

Âlmanach  excessivement  rare.  Précieux  pour  les  vues 
différentes  du  Palais-Royal  qu'il  contient  ;  documents  des 
plus  importants  pour  la  physionomie  de  Paris,  à  la  fin 
du  xviii*  siècle. 


1786 


Les  Fantaisies  aimables,  ou  les  Caprices  des  belles, 
représentés  par  les  costumes  les  plus  nouveaux. 

A  Paris,  chez  Jubert,  rue  Saint-Jacques,  yis-u-vis 
les  Mathurins. 

Recueil  d'anecdotes,  bons  mots,  petits  vers,  etc. 

Très  joli  titre  frontispice.  12  figures  de  costumes  très 
finement  gravés,  avec  chansons  relatives  au  sujet  : 

Le  galant  Coeffeur,  la  belle  Chasseresse,  le  Retour, 
r  Extase  du  beau  Léandre,  F  Enfance  de  F  amour,  le  Rap- 
prochement,  Vabbé  Madrigal,  la  Scrupuleuse,  la  Réponse 
de  Zirzabelle,  la  Rencontre,  le  Bal,  la  Présidente  et  le 
Conseiller, 

Ces  figures  retournées  font  partie  d*un  autre  •  recueil 
sous  les  noms  de  :  Mantelets  au  nouveau  goût,  Amazone 
galante,  Robe  à  la  circassienne.  Chemise  à  la  guimard, 
Dame  en  Chambrelaine,.  Robe  au  plaisir  du  cosur,  lévite 
à  trois  collets,  Caracot  au  charme  d'amour,  Robe  anglaise 
retroussée,  Robe  à  la  turque,  Domino  et  Capote  de  bal, 
Robe  au  plaisir  des  dames. 


398  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


1786 


L'Amour  parmi  les  jeux,  le  souvenir  du  bon  temps 
dédié  aux  belles, 

A  Paris,  chez  Boulanger,  relieur  et  doreur,  rue  de 
Petit-Pont,  Mon  de  Timage  Notre-Dame. 

Titre  frontispice  dessiné  et  gravé  par  Queverdo.  Des 
amours  jouent  à  l'entrée  d'une  grotte  recouverte  de  fleurs, 
dans  un  encadrement  d'où  partent  des  guirlandes  et  de 
gracieux  enroulements.  Au  verso,  remarques  pour  la  pré- 
sente année  1786. 

Trois  feuillets,  calendrier  pour  les  six  premiers  mois 
de  Tannée. 

62  pages,  dont  12  de  gravures  ;  en  regard  de  chaque 
gravure,  une  chanson  relative  au  sujet  et  légèrement 
grivoise. 

Janvier.  —  Les  Quilles, 
Février.  —  Le  Cligne  musette. 
Mars.  —  La  Courte  paille. 
Avril.  —  Le  Pied  de  Bœuf. 
Mai.  —  Le  Gage  touché. 
Juin.  —  Les  Quatre  Coins. 

De  la  page  21  à  la  page  44,  différentes  romances  et  leur 
musique. 

Juillet.  —  Le  Cheval  fondu. 
Août.  —  Le  Billard. 
Septembre.  —  Le  Colin-Maillard. 
Octobre.  —  La  Bascule. 
Novembre.  —  Le  Cache-Cache. 
Décembre.  —  La  Main  chaude. 

Les  trois  derniers  feuillets  pour  le  calendrier  des  six 
derniers  mois 


ALMANACHS  DU  XVIIF   SIÈCLE  399 

Toutes  ces  figures  de  Queverdo  sont  absolument  déli- 
cieuses ;   les   sujets  y  sont  traités  de  main  de  maitre. 

C'est  une  vraie  bonne  fortune  d'avoir  les  eaux-fortes  et 
les  avant-lettre  de  ces  minuscules  estampes. 

1786 

Les  Amusements  de  Paris,  almanach  lyrique  et 
galant, 

A  Paris,  chez  Jubert,  doreur,  rue  Saint-Jacques, 
vis-à-vis  les  Matliurins,  MDCCLXXXVI. 

Titre  frontispice  gravé.  12  figures  dessinées  par  Dorgez, 
en  regard  desquelles  les  chansons  relatives  au  sujet. 

i^^  Figure.  —  Le  Dessert  à  la  mode.  Marchand  de 
marrons  achalandé  par  la  foule. 


galant. 


Combien  on  en  vend  à  la  porte 
Du  jardin  du  palais  Roïal  ! 
En  foule  on  se  presse,  on  se  porte, 
Autour  de  leur  marchand  loïal. 

Les  Rencontres   inopinées.  Double  rendez-vous 

Le  crépuscule  est  favorable 
A  tous  les  couples  enflammés. 


Auprès  du  tapis  de  Fougère, 
Dont  la  verdure  plaît  aux  yeux. 
jCiio»,  eiv/.     .      .     .     •     • 


3^  —  Les  Rafraichissemens  utiles.  Consommateurs  de 
groseille,  chez  de  Foi. 

Non-seulement  sa  salle  est  pleine, 
Ainsi  que  son  pavillon  verd  : 
Mais  tout  à  Tentour,  sur  l'arène, 
On  voit  des  gens  à  découvert. 

l_jLi^a«       wLOa  •  •  •  •  • 


400  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

4<î. —  Les  Plaisirs  de  la  jeunesse.  Dans  le  jardin  du 
Palais-Roïal,  garçons  et  fillettes  s'amusent  à  qui  mieux 
mieux,  pendant  qu'un  abbé  très  musqué  conte  fleurette 
à  Aenu  pimpantes, 

5e.  —  C Heureuse  Surprise,  Damés  retrouve  Lucile  après 
une  longue  absence.  Dans  le  fond,  galerie  du  Palais- 
Royal. 

6^.  —  L Etonnement  mutuel.  Deux  dames  accompagnées 
de  chacune  un  cavalier,  rencontrent  leurs  antiques  époux 
devant  le  pavillon  verd  de  de  Foi. 

7^.  —  Le  Tableau  du  Bonheur,  Deux  élégans  menant 
des  dames,  s'arrêtent  à  la  Rotonde  du  Palais-Royal,  de- 
vant une  estampe  qui  leur  est  montrée  par  la  marchande. 

Admirez  par  quelle  attitude 
Sait  plaire  Vamatit  écouté  ! 

8®.  —  L* Amant  sot  et  timide. 

Tandis  que  le  bailli  Toussaint 
Tombe  aux  genoux  de  Florine, 
Lubin  baise  en  tremblant,  la  main 

De  Suzette  moins  fine. 
Cet  amant^  qui  paraissait  sot, 

A  plu  quoique  timide. 
Le  bonheur  est  toujours  le  lot 
De  ceux  dont  l'amour  est  le  (^uide. 

Qe.  —  La  Promenade  délicieuse.  Jardin  du  Palais-Royal 
avec  beaucoup  de  promeneurs. 

10e.  —  La  Liqueur  spiritueuse.  Café  du  Caveau  avec  un 
buste  de  Gluck,  éclairé  par  des  appliques  à  droite  et  à 
gauche. 

11^.  —  Le  Triomphe  de  la  Gaieté,  Des  spectateurs  assis- 
tent à  une  représentation  théâtrale.  (Scène)  Pluton  sur 
son  trône,  pendant  que  Proserpine  s'élance  vers  Arlequin. 


ALMANACHS  DU  XVIIF  SIÈCLE  401 

12«.  —  Le  Passage  difficile.  Un  pont  rompu.  Heureuse- 
ment, une  batelière  vient  au  secours  du  gentilhomme 
qui  veut  passer  pour  aller  rejoindre  le  groupe  aimable 
que  Ton  aperçoit  sous  les  bosquets  de  la  rive  opposée. 

A  la  suite  des  figures  et  des  24  pages  de  texte,  le  néces- 
saire des  dames  et  des  messieurs,  et  les  feuillets  pour  les 
jours  et  les  mois,  avec  colonnes  perte  et  gain. 

A  la  fin  du  volume,  calendrier  de  Tannée. 

1786 

Almanach  galant,  moral  et  critique,  en  vaudevilles, 
orné  de  gravures,  A.  P.  D,  R. 

A  Paris,  chez  Boulanger,  rue  du  Petit-Pont,  près 
le  Petit  Châtelet,  à  Paris.  Dessiné  par  Berthaut, 
gravé  par  Queverdo. 

Titre  frontispice  gravé  sur  une  draperie  fermant 
intérieurement  la  porte  d'une  boutique  de  libraire,  où 
Ton  voit  deux  amateurs  regardant  des  livres  que  leur 
présente  le  marchand. 

Au  verso  :  remarques  pour  la  présente  annnée  1786. 

Calendrier  des  six  premiers  mois. 

Douze  figures  avec  chansons  analogues. 

Janvier.  —  La  Boutique  du  Confiseur. 

Qui  veut  acheter  du  bonbon  ? 
Messieurs,  ouvrez  vos  escarcelles, 
Qui  veut  de  friand  macaron  ? 
Mettez-vous  en  frais  pour  vos  belles. 
Etc.,  etc.  .  .  . 

FÉVRIER.  —  Les  Patineurs. 

Mars.  —  Les  Masques.  Un  char  attelé  de  deux  chevaux, 
rempli  de  masques,  dedans,  dessus. 

1891  26 


402  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Vive  Scaramouche  et  Pierrot  ! 
Vive  Arlequin,  le  commissaire, 
Et  Polichinelle  et  Jeannot, 
Et  leur  bonne  vieille  grand'mère  ! 
Etc.,  etc.  .  .  . 

Avril.  —  La  Bouquetière. 

?Jai.  —  La  Danse,  Des  villageois  et  villageoises  dansent 
une  ronde  aux  sons  d'un  violon  et  d'un  flageolet. 

Chantez,  dansez,  amusez-vous. 
Venez  garçons,  venez  liilettes, 
Faites  honneur  au  mois  de  mai, 
Qui  nous  rend  toujours  le  cœur  gai. 
Etc.,  etc.  .  .  . 

Juin.  —  Le  Bain, 

Feuillets  pour  perte  et  gain. 

Juillet.  —  La  Cavalcade.  Une  femme  à  cheval,  un 
cavalier  qui  met  le  pied  à  Tétrier. 

Août.  —  La  Moisson. 

Septembre.  —  Les  Parades  de  la  Foire.  Au  balcon 
d'une  baraque  de  bois,  le  bonhomme  Cassandre  et  Pierrot 
annoncent  la  représentation  à  de  nombreux  curieux  qui 
les  écoutent.  Le  titre  de  la  pièce,  le  grand  Festin  de 
Pierre  avec  tous  les  costumes,  est  écrit  sur  un  drapeau  qui 
flotte  en  haut  de  la  maison. 

Octobre.  —  Les  Buveurs  attablés  sous  une  tonnelle, 
devant  la  porte  du  cabaret. 

Novembre.  —  La  Marchande  de  Marrons,  Biaise  et 
Thérèse,  accompagnées  d'un  petit  garçon,  se  dirigent 
vers  la  marchande  de  marrons. 

Décembre.  —  Le  Départ  de  Campagne.  Deux  person- 
nages, chaudement  vêtus  (Hylas  et  Lucile),  reprennent 
le  chemin  de  la  ville. 


ALMANACHS  DU   XVIII*^  SIÈCLE  403 

L'hvver  nous  chasse, 
Retournons-nous  en  à  Paris, 
Nous  y  trouverons  Tabondance, 
Au  milieu  des  jeux  et  des  ris. 
Etc.,  etc.  .  .  . 

Calendrier  pour  les  six  derniers  mois. 
Ces  figures  existent  avant  la  lettre,  elles  sont  d'une 
finesse  exquise. 

1787 

La  journée  d* une  jolie  femme,  les  loisirs  de  la  beauté 
ou  le  lever  de  V aurore  et  le  coucher  du  soleil;  orné 
de  douze  gravures  et  de  chansons  analogues,  avec 
tablettes  économiques,  perte  et  gain.  Souvenir  et  né- 
cessaire  le  plus  agréable  qu  on  puisse  offrir  aux  dames, 

A  Paris,  chez  le  sieur  Desnos,  ingénieur-géographe 
et  lihrairc  de  sa  majesté  Danoise,  rue  Saint-Jacques, 
au  Glohe. 

En  regard  du  titre  gravé,  frontispice  :  Le  Génie  et  les 
Grâces,  puis  les  onze  autres  gravures  :  le  Réveil,  le  Lever, 
te  Déjeuner,  la  Toilette,  le  Diner,  te  Jeu,  ta  Promenade, 
le  Spectacle,  te  Cercle,  le  Bat,  le  Coucher.  Jolies  scènes 
bien  dessinées,  bien  gravées,  apprenant  à  bien  connaître 
les  habitudes  quotidiennes  d'une  élégante  de  1787. 

Chodowiecki,  dans  une  suite  de  figures  destinées  sans 
doute  à  un  almanach,  avait  dessiné  :  Les  Occupations  de/s 
Dames  :  les  Visites,  le  Ménage,  la  Couture,  la  Broderie, 
rÉcriture,  la  Lecture,  le  Dessin,  la  Promenade,  le  Chant, 
la  Musique,  la  Danse,  le  Jeu. 

1788 

Souvenir  ci  Vanglaise  et  recueil  de  coiffures,  dédié 
aux  dames  de  bon  goût,  avec  tablettes  perte  et  gain. 


404  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

A  Paris,  chez  Desnos,  ingénieur-géographe  et 
libraire  de  Sa  Majesté  Danoise,  rue  Saint-Jacques, 
au  Globe.  (Calendrier  pour  1788). 

Titre  frontispice  gravé  sur  une  draperie  dont  les  plis 
retombent  autour  d'un  miroir  posé  sur  une  toilette  élé- 
gante, garnie  de  ses  accessoires,  en  regard  d'une  gravure 
représentant  une  soubrette  coiffant  sa  maîtresse,  à  laquelle 
un  auteur  offre  un  livre.  (Charmants  détails  d'ameuble- 
ment). 

12  figures  représentant,  gravées  dans  un  médaillon 
ovale  encadré  dans  des  guirlandes  de  fleurs,  de  jolies 
femmes  à  mi-corps,  avec  des  coiffures  différentes,  dont 
le  nom  est  indiqué  sur  une  tablette  placée  à  la  partie 
inférieure  de  la  planche. 

En  face  de  chaque  tête,  très  bien  parée,  des  vers  ana- 
logues. 

La  Daphnéy  en  1774. 
Coeffure  en  plumes,  en  1774. 
Chapeau  à  la  Henri  IV,  en  1775. 
Coeffure  en  plumes,  en  1774. 
Chapeau  à  ianglaise,  1776. 
Le  Lever  de  la  Reine,  1776. 

De  la  Reine,  c'est  la  coeffure, 
Sans  doute  elle  est  de  très  bon  goût  ; 
C'est  bien  d'adopter  sa  parure, 
Prenez-la  pour  modèle  en  tout. 
En  imitant  sa  bienfaisance, 
Faites-vous  aimer,  respecter. 
Et  comme  elle,  sachez  porter 
Un  prompt  secours  à  l'indigence. 

Baigneuse  à  la  Frivolité,  en  1776. 
Chapeau  à  la  Henri  IV,  en  1776. 
Le  Chien  couchant  du  côté  droit,  en  1777. 
Bonnet  au  Cotisée,  en  1777. 


ALMANACHS  DU  XVm«  SIÈCLE  406 

-    UHérisson,  en  1776. 

On  ne  voit  dans  cette  coeffùre. 
Rien  qui  ressemble  au  hérisson  ; 
Tout  est  bien  dans  cette  parure, 
Pourquoi  donc  lui  donner  ce  nom  ? 
Quant  à  Htumeur,  au  caractère, 
Mainte  femme  au  front  sourcilleux, 
An  regard  sombre,  à  Taîr  austère. 
Le  mériterait  beaucoup  mieux. 

Le  Chien  couchant  du  côté  gauche,  en  1777. 

Toutes  ces  coifiures  étaient  tellement  élevées  qu'en 
1778,  le  sieur  Devimes,  directeur  de  l'Opéra,  fit  pour 
l'amphithéâtre  un  règlement  particulier  suivant  lequel 
on  ne  pouvait  s'y  placer  qu'avec  une  coêfifure  c  de  hau- 
teur modeste  i».  C'était  le  temps  où  le  fameux  Léonard^ 
perché  sur  une  petite  échelle^ 

Bâtissait  des  cheveux  le  galant  édifice. 

Il  excellait  à  y  placer  plumes,  aigrettes,  épingles  trem- 
blantes, etc.  Le  métier  était  bon  I  car,  en  1779,  il  courait 
ses  pratiques  en  cabriolet,  un  L  sur  les  panneaux,  et 
son  jockey,  grimpé  derrière,  portant  en  bandoulière  un 
sac  de  maroquin  dépositaire  des  peignes  et  ustensiles  de 
son  maître. 

Ces  12  estampes,  numérotées  de  13  à  25,  font  partie 
d'une  série  de  48  coi£fures,  dont  le  recueil  a  été  publié 
chez  Desnos,  sous  le  titre  suivant  : 

Recueil  général  de  cœffures  de  différents  goats,  oà  Ton 
voit  la  manière  dont  se  coêffaient  les  femmes,  soas  diffi^ 
rents  règnes,  à  commencer  en  1689,  jusqvten  i778,  avec 
des  vers  analogues  à  chaque  costume,  suivi  dune  collée^ 
tien  de  modes  françaises,  contenant  les  dîffirens  habille- 
mens  et  coëffures  des  hommes  et  des  femmes,  la  plus 
complette  qui  ait  paru  en  ce  genre,  ouvrage  fort  disiri  de 
Fun  et  Vautre  sexe.  *^ 


406  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Alors  comme  aujourd'hui  il  était  de  bon  ton  de  chan« 
ger  souvent  le  genre  des  coiffures,  la  forme  des  vêtements, 
d'adopter  une  nouvelle  parure,  ce  qui  faisait  dire  à  Vol- 
taire : 

Il  est  une  déesse  inconstante,  incommode, 
Bizarre  en  ses  goûts,  folle  en  ses  ornements. 
Qui  parait,  fuit,  revient  et  naît  en  tous  les  temps. 
Protée  était  son  père  et  son  nom  est  la  Mode. 

et  ce  qui  donna  naissance  à  la  chanson  suivante,  impri- 
mée dans  Les  dons  de  Vamour  et  de  Vamitié,  almanach 
nouveau  sur  les  plus  jolis  airs,  A  Paris,  chez  Janet,  1790: 

LA  NOUVEAUTÉ  ET  LES  FOUS 

ou 

LE   SORT  DE  LA   MODE 

Un  jour  la  nouveauté  parut 
Aux  lieux  où  règne  la  folie  ; 
Chacun  disait  :  qu'elle  est  jolie  ! 
De  toutes  parts  on  accourut, 
c  Demeurez  dans  notre  patrie, 
0  madame  la  nouveauté  ! 
Plus  que  l'esprit  et  la  beauté, 
Toujours  vous  y  fûtes  chérie.  » 

Lors  la  déesse  à  tous  ces  fous 
Répondit  :  messsieurs,  j*y  demeure, 
Et  leur  donna  le  rendez-vous 
Le  lendemain  à  la  même  heure. 
Le  lendemain  on  se  montra 
Aussi  brillante  que  la  veille  ; 
Le  premier  qui  la  rencontra 
S'écria  :  Mon  Dieu  !  qu'elle  est  vieille  ! 

Chaque  série  de  12  figures  servait  à  orner  un  almanach; 
cependant,  il  y  a  des  almanachs  où  Ton  trouve  des  séries 


ALMANACHS  DU  XVIIP  SIÈCLE  407 

de  24  (1)  ;  et  même  dans  le  recueil  paru  chez  Desnos,  en 
1782,  se  trouvent  les  48  figures  de  costumes  gravés,  en 
miniature  et  en  pied,  pour  distinguer  les  habillements. 

Le  prix  de  ces  almanachs  s'élève  de  jour  en  jour  et 
dernièrement,  à  la  vente  de  la  bibliothèque  Destailleur, 
on  a  payé  le  Manuel  des  Toilettes  (Valade  1778),  500  fr.  ; 
le  Souvenir  à  la  Hollandaise,  1782,  200  fr.,  les  Modes  Pa^ 
risiennes,  (Desnos  1781),  400  fr.  etc.,  etc. 

1790 

Etrennes  galantes,  ou  tableau  de  Ihymen  et  de 
Vamour,  chansonnier  français. 

Élite  des  meilleures  chansons,  romances,  vaude- 
villes, etc.j  des  auteurs  les  plus  estimés  de  ce  genre, 
savoir  :  Chaulieu,  madame  Deshoulières,  Houdart 
de  la  Motte,  Piron,  Moncrif,  Marivaux,  Ferrand, 
Fuselier,  la  Grange-Chancel,  Le  Grand,  Autreau,  Rie- 
coboni,  A  visse,  de  Vlsle  Dominique,  etc. 

A  Paris,  chez  Desnos,  ingénieur-géographe  et 
libraire  du  roi  de  Danemarck,  rue  Saint-Jacques,  au 
Globe. 

Après  le  titre,  96  pages  dont  4  feuillets  de  musique 
gravée  pour  huit  des  chansons  du  petit  volume  et  un 
feuillet  pour  un  avis  de  l'éditeur.  «  Il  ne  faut  que  par- 
ce courir  les  cinq  premières  parties  d'Anacréon  en  belle 
«  humeur,  pour  se  persuader  qu'il  n'est  peut-être  pas  de 
«  recueil  plus  varié  dans  ce  genre.  Il  ne  faut,  de  même,  que 


(1  )  Almanach  de  la  Toilette  et  de  la  Coiffure  des  dames  françaises,  suivi  éPune 
Dissertation  sur  celles  des  dames  romaines»  Pari»,  Desnos,  1777. 

Etrennes  chantantes  avec  des  couplets  analogues  aux  Modes  Parisietuies^ 
enrichies  de  nouvelles  cocffures  les  plus  galantes  et  habilleinens  les  plus  en 
usage.  Paris,  Desnos,  1780. 


408  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

«  lire  les  noms  de  la  plupart  des  auteurs  dont  on  a  employé 
«  les  productions,  pour  s'accorder  sur  le  mérite  et  le  scru- 
«  pule  de  notre  choix,  etc.,  etc.  » 

A  la  suite  de  ce  recueil  :  Etrennes  galantes,  ou  V Instant 
heureux  de  Cythère,  dédié  aux  deux  sexes  ;  à  Paris,  chez 
Desnos,  etc.,  contenant  11  estampes,  l'explication  de  ces 
-figures,  les  chansons  analogues,  le  secrétaire  des  dames 
et  des  messieurs,  avec  perte  et  gain  et  le  calendrier. 

Le  titre  frontispice  est  gravé  dans  un  médaillon  en- 
touré de  guirlandes  de  fleurs,  surmonté  d'un  carquois 
garni  de  flèches  et  du  flambeau  allumé  de  l'hymen  et 
supporté  par  deux  amours,  dont  l'un  suspend  une  cou- 
ronne au-dessus  de  deux  tourterelles  prêtes  à  se  becqueter. 

l»"®  Estampe.  —  Les  Aveux  mutuels.  Céphise  et  Lindor 
se  font  réciproquement  l'aveu  de  l'amour  le  plus  tendre. 
Céphise  expose  à  son  amant  la  crainte  qu'elle  a  de  le  voir 
changer.  Lindor  se  jette  à  ses  genoux  pour  lui  jurer  la  plus 
longue  constance  ;  et  Céphise,  de  son  côté,  lui  promet 
une  fidélité  à  toute  épreuve. 

Lindor 

Soupçonner  ma  foi,  serait  me  faire  ou  trappe  ! 

J'en  atteste  l'astre  du  jour  ; 
Vous  m'avez,  Ci^.phise,  inspiré  trop  d'amour. 

Pour  que  je  devienne  volage. 

Céphise 

Je  brûle  pour  vous  d'une  flamme  éternelle, 

Je  n'en  atteste  que  mon  cœur. 
Vous  m'avez,  Lindor,  inspiré  trop  d'ardeur, 
Pour  que  jamais  je  vous  sois  infidelle. 

2®.  —  La  Toilette  de  la  Mariée.  Céphise  se  pare  pour 
aller  engager  aux  pieds  des  autels  sa  liberté  et  sa  foi.  Une 
de  ses  femmes  lui  met  ce  qu'on  nomme  le  chapeau  de  la 
inariée  ;  arrive  son  amant  qui  lui  pose  le  bouquet  devant 
terminer  sa  parure. 


ALMANACHS  DU  XYHI®  SIÈCLE  409 

3<^.  —  Le  Coucher  de  la  Mariée,  La  jeune  mariée,  pen- 
dant qu'une  de  ses  femmes  la  déshabille,  témoigne  à  sa 
mère  le  regret  qu'elle  a  de  se  séparer  d'elle.  Cette  mère 
tendre  la  console,  et  son  nouvel  époux  lui  fait,  à  genoux, 
les  plus  belles  protestations. 

¥.  —  Le  Lever  de  la  Mariée,  La  mariée,  selon  l'usage, 
est  visitée  par  sa  mère,  qui  demande  aux  deux  époux 
s'ils  sont  satisfaits  de  leur  choix  mutuel.  La  femme  baisse 
les  yeux  par  modestie,  et  le  mari  montre,  pour  preuve  de 
leur  satisfaction,  l'amour  chargé  des  couronnes  de  son 
triomphe. 

5^.  —  Les  Charmes  de  V Amour,  Clitandre  et  Philis, 
seuls  sous  un  ombrage  agréable,  y  interrompent  leurs 
plaisirs  pour  s'occuper  de  celui  que  prennent  deux  tour- 
terelles à  se  récidiver  les  témoignages  de  leur  tendresse. 
L'amour  pendant  ce  temps-là,  s'amuse  à  les  enchaîner 
de  fleurs. 

6'".  —  Le  Repos  interrompu.  Glycère  dort,  la  porte  de 
son  boudoir  ouverte.  Son  amant  se  présente  chez  elle 
pour  lui  faire  visite. 

Qu'elle  est  jolie!  oh!  qu'elle  est  belle! 

7«.  —  Les  Charmes  de  la  Liberté,  Les  plaisirs  de  Rose 
et  Guillot  ne  sont  empoisonnés  ni  par  la  crainte,  ni  par 
les  remords. (Jolie  scène  de  la  vie  pastorale). 

8«.  —  La  Femme  mal  gardée,  La  jeune  Thémire  occupe 
agréablement  ses  loisirs  avec  son  cher  Lindor,  pendant 
que  son  époux  s'amuse  à  boire.  Heureusement,  un  para- 
vent sépare  le  joli  couple  de  l'ivrogne. 

Pendant  qu'il  s'enivre  de  vin. 
Elle  s'enivre  de  tendresse. 

9«.  —  Les  Charmes  du  Ménage.  Pendant  que  la  vertueuse 
Aglée  allaite  elle-même  le  second  fruit  précieux  de  son 


410  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

plus  tendre  amour  conjugal,  son  sage  époux  s'amuse  à 
partager  ses  caresses  entre  ses  deux  enfans  et  leur  tendre 
mère. 

10®.  —  Les  Amours  nocturnes,  La  jeune  Glycère  a 
accordé  pour  la  nuit  un  rendez-vous  au  beau  Lindor, 
qui  s'introduit  chez  elle  par  la  fenêtre,  au  moyen  d'une 
échelle  de  corde.  Elle  lui  recommande  de  ne  point  parler, 
crainte  d'éveiller  sa  mère. 

Ile.  _  La  Liberté  perdue.  Damon  poursuit  depuis 
longtemps  la  charmante  Emilie  ;  il  lui  fait  une  attaque 
des  plus  vives.  Elle  se  défend  d'abord,  et  finit  par  se 
rendre.  A  peine  remise  de  son  désordre,  Emilie  pleure  la 
perle  qu'elle  vient  de  faire,  et  son  vainqueur  la  console. 

Estampes  d'une  grâce  infinie,  incomparable  finesse 
d'exécution  dans  la  gravure,  excellent  choix  de  chansons, 
Hout  est  réuni  dans  cet  almanach  pour  le  rendre  des  plus 
charmants. 

Ces  figures  avaient  déjà  paru  dans  le  tableau  de 
VHijmen  et  de  l Amour  ou  Manuel  des  époux  et  des 
amans,  orné  de  figures  et  de  chansons  analogues,  avec 
tablettes  économiques,  perte  et  gain,  petit  secrétaire  à  la 
mode,  à  l'usage  des  dames  et  des  messieurs.  A  Paris,  chez 
Desnos,  etc.  Calendrier  de  1784,  et  auparavant,  de  1781. 

1790 

Les  Etrennes  du  jour  de  Van,  ou  le  cadeau  sans 
prétention, 

A  Paris,  chez  Le  Vachez,  m^  de  tableaux  et  d'es- 
tampes, sous  les  colonnades  du  Palais-Royal,  n^  258. 

Almanach  excessivement  curieux,  pour  la  façon  dont 
il  est  illustré.  Les  gravures  sont  tirées  en  couleur  par  les 
procédés  employés  pour  les   estampes  de  Debucourt, 


ALMANACHS   DU  XVIII«   SIÈCLE  411 

Taunay,  Sergent,  Janinet,  etc.  De  plus,  ces  figures  sont 
des  réductions  d'estampes  très  à  la  mode  en  1790,  et  leur 
exécution  ne  laisse  rien  à  désirer. 

Le  titre  est  gravé  sur  le  frontispice,  où  est  représentée 
une  table  recouverte  d'un  tapis  rouge  à  franges  jaunes, 
sur  laquelle  sont  placés  des  jouets  destinés  aux  enfans 
pour  le  jour  de  Tan  :  poupée,  cheval  de  bois,  chapeau  à 
plume,  manchon,  petits  livres  à  images,  etc.  Aux  pieds 
de  la  table,  une  épée,  un  tambour,  un  polichinelle. 

Calendrier  pour  les  six  premiers  mois,  1790. 

l»^»^  Estampe.  —  Le  premier  jour  de  Van,  Réduction  de 
Testampe  de  Debucourt,  les  Compliments  du  jour  de  Van. 

2«^.  —  Les  Cadeaux.  Réduction  du  Bouquet  inattendu,  de 
M"*^  Gérard. 

3*^.  —  V Arrivée  du  petit  frère  ou  V Amour  fraternel. 
D'après  Greuze. 

4*\  —  Eloge  de  la  Campagne.  Réduction  de  la  gravure 
anglaise  de  Morland,  77ie  rural  Amusement. 

5»^.  —  La  Leçon  du  Vieillard.  Gravure  anglaise  :  The 
Moraliste  de  Smith,  publiée  à  Londres,  1787,  gravée  par 
Nutter. 

6*^.  —  La  Jardinière,  D'après  une  gravure  anglaise  de 
Morland. 

Feuillets  pour  perte  et  gain. 

7*'.  —  La  petite  poste  de  Vamour  ou  le  Départ,  D'après 
l'estampe  de  Boucher,  portant  le  même  titre. 

8\  —  La  Fêle  de  la  grandmaman.  D'après  Debucourt. 

9'.  —  L'Amant.  Réduction  de  la  gravure  anglaise 
Courtship,  d'après  Williams. 

10«.  —  La  petite  poste  de  Vamour  ou  V Arrivée.  D'après 
l'estampe  de  Boucher,  portant  le  même  titre. 


412  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

lie.  —  ^e  Mari.  Réduction  de  la  gravure  anglaise  Matri- 
monijy  d'après  Williams. 

12*^.  —  LWmour  Hermite,  Fragment  de  VHermite  de 
Greuze. 

Calendrier  pour  les  six  derniers  mois. 

Beaucoup  d'autres  almanachs  illustrés  méritent  les 
honneurs  de  la  description;  ils  auront  leur  tour  et  ne 
perdront  pas  pour  attendre,  le  très  érudit  M.  John 
Grand-Carteret,  auteur  du  remarquable  livre  :  Les  Mœurs 
et  la  Caricature  en  France  (grand  in-8<»,  Paris,  1888)^ 
préparant  en  ce  moment  la  bibliographie  très  complète 
de  tous  les  almanachs,  depuis  i60f)  jusqu'à  nos  jours. 
Ceux  qu'intéresse  le  sujet,  que  je  n'ai  fait  qu'effleurer, 
trouveront  largement  à  satisfaire  leur  curiosité  dans  les 
nombreux  documents  réunis  pour  cet  intéressant  ouvrage 
dont  la  publication  est  impatiemment  attendue  par  le 
monde  des  bibliophiles. 

Pour  moi,  tenant  h  rester  dans  le  cadre  que  je  me  suis 
tracé  d'avance,  je  ne  saurais  mieux  terminer  qu'en  citant 
l'épilogue  du  V^  livre  de  La  Fontaine. 

Bornons  ici  cette  carrière. 

Les  longs  ouvrages  me  font  peur  ; 

Loin  d'épuiser  une  matière. 

On  n'en  doit  prendre  que  la  fleur. 


Vicomte  de  Savigny  de  Moncorps. 


LETTRES   OUBLIÉES 


I 


TROIS  LETTRES  DE  HENRI  IV 

Les  trois  lettres  qu'on  va  lire  ne  se  trouvent  pas  dans 
la  volumineuse  correspondance  de  Henri  IV,  publiée  par 
Berger  de  Xivrey.  Elles  intéressent  l'histoire  religieuse 
du  XV w  siècle. 

La  première  est  extraite  de  VHistoire  de  Véglise  cathé- 
drale de  Vaison,  par  le  P.  Ans.  Boyer  de  Sainte-Marthe, 
dominicain  (1).  Il  y  est  question  d'un  évèque  de  Vaison, 
ancienne  ville  du  Comtat-Venaissin.  Cet  évêque  était 
Guillaume  II  Cheisolme  (en  anglais  Chisholmjy  de  la 
famille  écossaise  des  barons  de  Crombis.  Sa  grand'mère 
maternelle  était  sœur  du  roi  Jacques  IV.  Tout  jeune 
encore,  il  avait  quitté  sa  patrie  lors  des  troubles  excités  par 
le  protestantisme,  et  avait  étudié  à  Paris,  puis  à  Rome. 
Plus  tard,  son  oncle  paternel  ayant  résigné  Tévêché  de 
Vaison,  il  lui  fut  donné  comme  successeur  par  Sixte- 
Quint  (1585)  et  sacré  par  le  cardinal  de  Pellevé. 

En  1602,  il  éprouva  le  désir  d'aller  revoir  les  parents 
qui  lui  restaient  en  Ecosse.  Pour  lui  faciliter  ce  voyage, 
le  Pape  Clément  VIII  le  chargea  d'une  mission  auprès  du 

(1)  Avignon.  1731.  in-4«,  p.  210. 


414  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

roi  Jacques  VI,  devenu  roi  d'Angleterre  sous  le  nom  de 
Jacques  I<^'".  Avant  de  franchir  le  détroit,  GuilI.CheisoIme 
séjourna  quelques  mois  à  Paris  pour  y  attendre  le  sauf- 
conduit  du  roi  d'Angleterre.  Là,  il  vit  Henri  IV,  qui  lui 
donna  une  lettre  de  recommandation  pour  son  «  bon 
frère  ».  L'évêquc  passa  en  Ecosse,  resta  quelque  temps  à 
Edimbourg,  mais  ne  put  pénétrer  dans  Dumblan,  sa  ville 
natale.  Il  était  de  retour  dans  son  diocèse  au  mois 
d'octobre  1603. 
Voici  la  lettre  de  Henri  IV  : 


Très  Haut,  très  excellent  et  très  puissant  Prince  Nostre  très 
cher  et  très  amé  bon  frère  et  ancien  Allié. 

L'Evesque  de  Yaison,  Tun  de  vos  sujets,  ayant  demeuré  long 
temps  en  ce  Royaume,  a  eu  désir  d'aller  faire  un  voyage  en  Ecosse 
pour  y  revoir  ses  Parens  et  Amis  ;  Et  parce  qu'il  est  Prélat  de 
bonnes  qualités  et  mérites  et  que  Nous  affectionnons,  aussi  Nous 
anons  bien  voulu  par  lui  vous  écrire  cette  Lettre  pour  vous  prier 
comme  Nous  faisons,  de  l'auoir  en  toute  bonne  et  fauorable  Recom- 
mandation, Et  Nous  Nous  en  revancherons  en  vostre  endroit  aux 
occasions  qui  se  présenteront,  priant  Dieu,  Très  Haut,  Très  Excellent, 
et  Très  Puissant  Prince  Nostre  Très  Cher  et  Très  Amé  bon  Frère, 
Cousin  et  ancien  Allié,  qu'il  ^ous  aye  en  sa  sainte  Garde.  Ecrit  à 
Paris  le  20.  jour  de  Feurier  1603. 

Yostre  bon  Frère,  Cousin  et  ancien  Allié, 

Henry 

El  sur  le  dos  : 

A  Trrs  Haut,  très  Excellent  et  Très  Ptiissant  Prince,  Nostre  Très 
Cher,  et  Très  Amé  bon  Frère,  Cousin  et  ancien  Allié  le  Roy 
(V  Ecosse. 


Nous  avons  trouve  une  autre  lettre  de  Henri  IV  à  la 
suite  de  la  Responce  à  la  demande  d*uii  gentilhomme  de 


LETTRES  OUBLIÉES  415 

la  Religion  P.  R.  touchant  F  usage  des  images  (1).  Elle 
est  adressée  à  Fauteur  de  ce  livre,  le  P.  Gonteri  ou 
Gontier,  jésuite  alors  fameux  par  ses  controverses  avec 
les  protestants.  Elle  nous  montre  l'intérêt  que  prenait  le 
Roi  à  la  conversion  de  ses  anciens  coreligionnaires  : 

Père  Gontery,  Ayant  sceu  le  grand  fruict  que  tous  auei  ûdt  par 
vos  prédications  en  ma  ville  de  Dieppe,  en  si  peu  de  temps  qu'il  y 
a  que  vous  y  estes,  et  recognoissant  pour  la  plus  grande  gloire  de 
Dieu  et  le  bien  de  mon  seruice,  qu'il  est  à  propos  que  vous  y  demeu- 
riez encore  quelque  temps,  ie  vous  ay  foit  la  présente  pour  vous  dire 
que  ie  désire  que  vous  y  seioumiez,  iusques  à  ce  que  ie  vous  donne 
aduis  de  ma  volonté  sur  vostre  retour,  et  m'asseurant  que  ce  com- 
mandement vous  seruira  de  suffisante  descharge  enuers  ceux  de  ma 
ville  de  Rennes  ausquels  vous  avez  esté  promis,  le  prieray  Dieu, 
Père  Gontery,  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  et  digne  garde. 

Escrit  à  Fontainebleau  ce  dixiesme  iour  d'Auril  1606. 

Signé  :  Henry 
Contresigné  :  De  Lomenie 

La  lettre  suivante,  bien  que  nous  n'en  ayons  qa*une 
traduction  latine,  nous  parait  curieuse,  car  elle  jette 
quelque  lumière  sur  la  question  si  discutée  des  rapports 
de  Henri  IV  avec  la  Compagnie  de  Jésus. 

Elle  fut  écrite  aux  Pères  de  la  province  de  Germanie 
Supérieure,  en  réponse  à  la  dédicace  qu'ils  lui  avaient 
faite  du  Commentaire  de  saint  Cyrille  d'Alexandrie  snr  les 
Petits  Prophètes,  avec  la  traduction  latine  de  Pontanus(2). 
Le  P.  Jac.  Gretser  en  a  donné  une  version,  qu'il  dit  litté- 
rale (3),  la  voici  : 


(1)  Rouen,  1608,  in-12 (Un  exemplaire  est  eonservé  à  la  Bibliothèque: 
rine,  37.228). 

(2)  S,  Cgrillus  Patriardia  AlexandrinuM  in  XII  ProptutoB  a  Jacobo  Pontano 
latine  nunc  primum  editus  ad  Henriciim  IV  Franciae  cl  Navairaa  Bapem 
christanis.  Ingolstadii,  MDCVH,  in-f^. 

(3)  Jac.  Gretser,  S.  J.  Uxivium  pro  aUatndo  maUmmo  eag^te  oiMWfiiii  c^/nt* 
dam  fabulatoris,  etc.  IngolstadU,  ICiO,  in-4%  p.  17  et  18  (Maiariae,  13.40^ 


416  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

MuLTUM  DiLECTi.   Gratutn  nobis   acccptumque ,  quod  obtulistis 

munus  fuit,    sancti    scilicet   Gyrilli    Alexandrini   super  duodecim 

Prophetas.  In  quo  cognovimus,  quantum  in  dies  Ecclesiae  Catholicae 

magis  ac  magis  utiles  sitis,  nec  de  superis  et  hominibus  bene  mereri, 

ac  nos  pro   nostro    more,    amare    desistatis.    Protégera   vestrara 

societatem  contra  omncs^  quamdiu  erit  et  amare  non  desistemus  ; 

praesertim  autem  eruditum  virum  P.  Pontanum,  qui  tantum  in 

hoc  opère  laboris  iinpcndit,  Deum   orantes,  ut  nos  ipse  amet  et 

charos    habeat,    ac   sancta   sua   dignaque  gratia  tueatur.  Parisiis, 

3  septembris  1(507. 

Hemucus. 
Inscriptio 

Dilectis  meis  Patribus  P.  Provinciali 

et  reliquis  e  societate  lesu,  Germaniae 

superioris  Patribus. 


II 


UN  PLAIDOYER  EN  FAVEUR  DU  SEXE  FAIBLE 

MARGUERITE  DE  VALOIS  ET  LE  P.  LORYOT,  S.  J. 


V Histoire  littéraire  du  Maine  (1)  contient  un  article 
consacré  au  jésuite  François  Loryot,  né  à  Laval  en  1571 
et  mort  à  Angers  en  1642.  Entre  autres  ouvrages,  cet 
auteur  a  publié  les  Secrets  moraux  concernant  les  passions 
du  cœur  humain  (2)  et  les  Fleurs  des  secrets  moraux  sur 
les  passions  du  cœur  humain  (3). 


(1)  Hauréau,  Ilist.  litt.  du  Maine,  Paris,  1874,  in-12,  t.  VII,  p.  268  à  273. 

(2)  Paris.  Claude  Chappelct,  1614,  iii-4*.  (Bibl.  Nationale,  Réserve  R,  1138). 
L'ouvrage  est  dédié  au  roi.  Le  privilège  accordé  à  Cl.  Cliappelet  et  à  Jos.  Cot- 
tereau,  est  du  9  décembre  1614.  L'achevé  d'imprimer  est  du  9  février  1614. 

(3)  Paris,  1614,  in-4*.  L'ouvrage  est  dédié  à  la  Reine  Marguerite;  rachevé 
d'imprimer  est  du  12  septembre  1614.  L'exemplaire  de  la  Bibliothèque  Natio* 
nale  (D,  8396)  a  eu  pour  éditeur  Claude  Desmarquets,  et  celui  de  la  Mazarine 
(14,377)  Guillaume  Guyot;  du  reste,  le  frontispice,  gravé  par  Fircns,  est  le 
même  dans  les  deux  exemplaires. 


LETTRES   OUBLIÉES  417 

M.  Hauréau  a  analysé  le  premier  de  ces  ouvrages  et  Ta 
justement  caractérisé  ;  mais  trompé,  sans  doute,  par  la 
similitude  des  titres,  le  savant  historien  donne  pour  deux 
éditions  du  même  livre  deux  ouvrages  diflërents  (1). 

Les  Fleurs  des  secrets  moraux  roulent  sur  des  questions 
du  même  genre  que  le  premier  volume  ;  elles  auraient 
aussi  peu  de  valeur  pour  nous  si  nous  n'y  avions  décou- 
vert une  curieuse  lettre  de  Marguerite  de  Valois,  la  pre- 
mière femme  de  Henri  IV  (2). 

Voici  à  quelle  occasion  elle  fut  écrite.  La  reine  Marguerite 
s'était  fait  lire  la  seconde  question  des  Secrets  moraux, 
intitulée  :  Pourquoi  i homme  honore  tant  le  sexe  féminin? 
Trouvant  trop  faibles  les  raisons  alléguées  par  Tauteur, 
elle  se  mit  aussitôt,  dit  le  P.  Lor^'ot,  «  à  dicter  les  raisons 
qui  luy  sembloient  les  plus  propres  pour  esta nçonner  les 
miennes  un  peu  ruineuses  (3).  Sa  Majesté,  qui  met  une 


(  1;  Le  p.  (le  Bac'ker  s'est  aussi  trompé  en  disant  que  les  Fleurs  des  Secrets 
moraux  sont  rabrégé  de  l'ouvrage  précédent.  (Bibl.  des  écriuains  de  laCompa- 
gnie  de  Jéxus,  t.  II.  1872,  in-fol.,  col.  817.)  C'est  par  erreur  aussi  que  le  même 
auteur  donne  pour  la  publicaHon  des  Fleurs  des  secrets  la  date  1644.  De  même 
la  Marguerite  victorieuse,  poème  du  père  Lorj'ot,  se  trouve  à  la  suite  de&Fleurs 
des  secrets  et  non  après  les  Secrets  moraux,  comme  le  dit  le  P.  de  Backer. 

(2)  Livre  I.  question  17  :  Pourquoi  il  se  trouue  souuent  des  femmes  qui  ont 
tant  d'esprit  et  de  capacité  et  au-delà  de  plusieurs  hommes  ? 

(3)  Voici  le  sommaire  de  ces  raisons  données  par  le  P.  Loryot  (Secrets 
moraux,  p.  63  à  80). 

1.  La  compassion  esmeut  à  rendre  honneur  aux  affligés. 

2.  I^i  crainte  produit  souuent  de  l'honneur. 

3.  La  femme  n'estant  point  servante  de  l'homme,  doitestre  honorée  de  luy. 

4.  La  femme  enorgueillie  de  sa  beauté  se  faict  honorer. 

5.  La  modestie  et  vergongne  naturelles  à  la  femme  méritent  force  honneur. 

6.  La  femme  est  fort  respectueuse. 

7.  La  parure  artificielle  de  la  femme  la  fait  respecter. 

8.  La  femme  pour  sa  douceur  est  respectée. 

9.  La  femme  par  les  travaux  a  fort  obligé  l'homme  à  l'honorer. 

10.  La  femme  faict  particulière  profession  de  la  deuotion. 

11.  Lii  femme  par  sa  cholere  se  faict  craindre  et  respecter. 

12.  L'honneur  appriuoise  un  naturel  farouche. 

13.  La  Prudence  et  la  Vertu  des  femmes  leur  acquiert  de  rhonneur. 

14.  Les  femmes  ont  leur  honneur  en  singulière  recommandatioii. 

1891  27 


418  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

partie  de  sa  grandeur  à  ne  desdaigner  point  les  plus 
petits,  m'a  faict  Thoiineur  de  me  les  enuoyer. 

«  le  ne  les  eues  pas  leuës  que  la  pensée  me  vint  (il  flEiut 
que  ie  le  confesse)  (jue  c'estoit  un  des  plus  doctes  de  ses 
sçauants  (  1  )  qui  auoit  faict  voir  la  fécondité  de  son 
esprit  en  un  subiect  si  stérile  ;  et  si  demeuray  en  ceste 
croyance,  iusqucs  à  ce  qu'estant  allé  remercier  sa  Maiesté 
de  tant  d' honneur,  ((ue  i'auois  receu  en  la  réception  de 
ses  lettres,  toute  sa  Cour  me  tira  d'erreur,  m'asseurant 
qu'elle  auoit  dicté  tout  ce  Discours  sur  le  champ  ;  et  y 
demeuray  du  tout  satisfaict,  quand  aussi  tost  que  Sa 
Maiesté  m  apercent,  elle  fist  le  déduit  de  tout  son 
Discours  auec  autant  de  perfection  qu'il  est  couché  sur 
le  papier  (2)  ». 

Voici  la  lettre  de  Marguerite,  mais  le  P.  Loryot  nous 
semble  seul  responsable  des  textes  grecs  et  latins  qui 
l'accompagnent. 

Discours  docte  et  subtil^  dictr.  promptement  par  la  Reyne  Manjucrite 
et  envoyé  à  l*Autheur  des  secrets  moraux. 

Mon  Poro,  l'Iiour  nj'ayaiit  ostô  si  «rrand,  lorsqu'il  vous  pleut  me 
bailler  vostre  J)eau  liui*e,  de  m'estre  rencontive  en  quelqu'une  de 
vos  conceptions,  aux  raisons  que  vous  apporter,  sur  la  question  : 
Pourquoy  la  femyne  est  plus  propre  à  la  deuotion  que  Vhomme  ? 


(l)La  Kciiu*  Marguerite  avait  toujours  à  sa  table  au  moins  quatre  per- 
sonnages célèbres  dans  les  seitneesoula  litléiature,  dont  elle  excitait  la 
verve  par  ses  questions,  et  av<  c  le^qu('Is  elle  entrait  souvent  en  discussion 
sur  les  sujets  les  plus  <li\ers.  Voir  Li'o  de  Saim-Poncy.  Histoire  de  Margue^ 
rite  de  Valois,  Paris.  1887,  ln-12. 

(2)  L'achevé  d'imprimer  des  Secrets  étant  du  3  février  1614.  cest  peu  de 
temps  après  que  fut  écrite  la  lettre  de  Marguerite.  Du  reste,  la  Fleur  des 
secretz  qui  la  contient,  parut  le  12  septembre  de  la  même  année.  La  partie  de 
la  question  première  de  cet  ouvrage,  jusqu'à  la  lettre  de  la  reine  inclusive- 
ment, manque  de  pagination  :  ce  qui  prouve  qu'on  l'a  imprimée  après  coup 
et  pour  pouvoir  donner  cettre  lettre  reçue  au  cours  de  Timprcssion. 


LETTRES   OUBLIÉES  419 

et  maintenant,  sans  sortir  du  subiect  qui  est  propre  à  ma  faible 
co^noissauce  ;  (1)  cOme  fist  le  cordofiier,  duquel  le  Peintre  se 
mocqua,  quàd  il  le  voulut  reprendre  d'autre  chose  que  de  son  sou- 
lier, (2)  ains  m'appuyant  sur  ce  commun  dire  que  chacun  doitestre 
sçauàt  en  (3)  son  propre  fait. 

l'oseray,  ayant  lu  tous  les  chapitres  que  vous  faictes  sur  ceste 
question,  sçavoir  :  Pourquoy  Vhomme  rend  tant  d'honneur  à  la 
femme  ?  vous  dire  que,  poussée  de  quelque  ambition  pour  l'honneur 
et  la  gloire  de  mon  sexe,  ie  ne  puis  supporter  le  mespris  où  vous  le 
mettez,  voulîint  qu'il  soit  honore  de  l'homme  pour  son  infirmité  et 
foiblesse;  (4)  Vous  me  pardonnerez  si  ie  vous  dis  que  l'infirmité  et 
foiblesse  n'engendrent  point  l'honneur  mais  le  mespris  et  la  pitié. 
Et  qu'il  y  a  bien  plus  d'apparence  que  les  femmes  soient  honorées 
des  hommes  par  leurs  excellences,  (5)  espérant  par  les  raisons  qui 
s'en  suiuent,  vous  prouuer  que  non  par  l'infirmité,  mais  par  l'excel- 
lence de  la  femme,  l'homme  lui  rend  honneur. 

I.  (6)  Dieu  procède  par  tel  ordre  en  ses  œuures  qu'il  fait 
les  })remieres  les  moindres ,  et  les  dernières  les  plus  excel- 
lentes, les  plus  parfaictes  et  les  plus  dignes  ;  comme  il  a  monstre 
en  la  Création  du  Monde,  faisant  l'homme  le  dernier,  pour  lequel 


(  1  )  Eodem  postera  die  superbe  emendationem  pristinae  admonitionis  cauiUâte 
circa  crus,  indignatû  (Apellè)  prospexisse^  denuniiantem  ne  supra  crepidcun 
sutor  indicaret  'Plix.,  /.  A'XXV,  c.  10). 

(2)  ;>fOv  0£  fTO'j  y.'XTccyskx  irspi  yv  où  ULSULiBvïxaç  ip^aasvojj  Xa^iscv, 
Ces  enfants  ^disait  Apelles  à  Megabyzus)  se  rient  de  toy,  quand  tu  as  cômencé  d 
parler  de  ce  que  tu  n'entêds  pas.  /^Plut.,  de  adul.  et  amie,  discer.) 

(3;  Exy.TToç  0£  x^tvst  y,oà.'7)^  a  y^yvo-jotcsc  xaÎTO'JTwvèoTtv  stYaôoçxfltTTQÇ. 

Ka9'  êx«(T70v  a^a  ô  rsTraiSsvixsvoç,  dcTr^wç  Se  o  Trepi  ;râv7rE7racSei>|xévoc.  Celug- 
là  iuge  bien  d'un  fait  qu'il  cotjnoist,  et  il  en  iuge  selon  qu'il  est  bien  instruit, 
/Arist.  /.  /,  Ethic.  c.  1,  al.  3.J 

(4)  Quid  est  autem  miser icordia,  nisi  alienae  miseriae  quaedam  in  nostro corde 
compassio.qua  utique  si possumus,  subuenir e  compellimur? (AvG.  I.  IX.deCiuit, 
c.  5.) 

(5)  Honor  exhibetur  alicui  propter  aliquam  eius  excellentiam^  et  ita  est  signam 
et  testimonium  quoddam  illius  excellentiae,  quae  est  in  honorato.  {D.  Th. 
1.2.  q.  ?,  a.  2.  c.  Arist.  /.  II  Rhetor.,  c.  5.) 

(0)  Ta  y'}p  \KjTîpoL  Tt\  ysvéaet,  npôrepa  tt/V  ^^tviffri  *  xaè TrpSrw to  t^ 
yîvitTîi  TîA-'Jzy.iov.  Les  choses  qui  se  font  les  premières  par  la  Nature,  sont  les 
dernières  en  son  intention  {laquelle  regarde  premièrement  ce  qui  est  de  plus  peur • 
faictj  et  ce  qui  est  fait  le  premier  par  la  mesme  Nature  est  le  dernier  en  son 
intention.  (Arist..  /.  /,  de  Partib.  animal.,  c,  1.) 


420  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

il  auoit  faict  toutes  les  autres  Créatures.  (  1  )  Dont  il  faut  aduoûer 
que  la  femme  estant  encores  faicte  après  l'homme,  et  comme  der- 
nière Création  de  Dieu,  que  Texcellence  et  surpréme  degré  de  dignité 
lui  doit  être  attribué,  ainsi  que  les  plus  grandes  perfections  sont  en 
elle,  estant  formée  comme  Thomme  des  mains  de  Dieu,  mais  d*ane 
matière  d'autant  plus  elabouree,  (2)  que  la  coste  de  l'homme  surpasse 
la  fange  en  degré  d'excellence. 

2.  (3)  L'on  voit  la  Nature  procéder  en  l'Embrion,  de  mesme  sorte  : 
formant  premièrement  le  corps  humain  (4)  elle  commence  par  les 
organes  de  la  Vegetable,  puis  de  la  Sensitiue,  et  pour  le  dernier,  de 
la  Raisonnable  ;  qui  est  le  degré  de  perfection  autant  esleué  au  des  - 
sus  de  la  Sensitiue,  que  celle-ci  surpasse  la  Vegetable.  Aristote  tient 
ce  mesme  ordre  aux  biens  et  aux  lins,  disant  que  la  dernière  fin  est 
tousiours  la  plus  (5)  excellente. 

3.  Et  faut  aduoiier  que  Là  où  les  organes  sont  composez  d'une 
matière  plus  délicate  et  excellente,  qu'ils  seront  au  préalable  mieux 
proportionnez  :  comme  il  se  voit  extérieurement  au  visage  (6)  et  au 
corps  de  la  femme  tant  délicate,  il'où  il  faut  inférer  Tinterieur  sem- 
blablement  estre  plus  délicatement  et  mieux  organisé  pour  les  fonc- 
tions de  l'Ame.  Et  par  conséquent  l'ame  de  la  femme  sera  plus 
propre  à  faire  des  plus  belles  actions,  que  celle  de  l'homme  fait  de 
fange,  matière  rude  et  sale  et  grossière,  qui  le  doibt  rêdrc  plus 
grossier  et  lourd  (7)  en  toutes  ses  actions  tant  de  l'esprit  que  du 
corps. 

4.  Gecy  conuia  les  hommes,  au  commencement  qu'ils  s'assem- 
blèrent, de  reietter  la  première  élection  qu'ils  auoient  faite  des  plus 


(1)  Igitnr  pcrfecti  siint  cœli  et  terra  et  omnis  creatio  eorum,  compleuitque 
Deux  die  septimo  opiis  suum  quod  fecerat  etc.  formauit  igitur  Dominas  Deus 
hominem  de  limo  terrae,  etc.  (Gènes,  c.  2.J 

(2)  Et  aedificavit  Domimis  Deus  costam,  quam  tulerat  de  Adcun^  in  mulierem, 
et  adduxit  eam  ad  Adam.  (Gènes,  c.  2.) 

(3)  AmsT.  /.  VII  de  Ilistor.  anim.  c.  3,  i  et  seq.  Idem.  l.  II  de  Anim.  c.  2  tex,  14 
15,  16, 17. 

(4)  Anima  praeexistit  in  embrione  ;  a  principio  quidè  nutritiuat  postmodù 
autem  sensitiua  et  tandem  intellectiua.  (D.  Th.  l.p.  q.iiS  a.  2.  ad  2.) 

(5)  Arist.  l.  VFAhic.  c.  î. 

(6)  Semper  in  robusto  et  uegetato  corpore  animas  moUior  iacet  atque  tepidum 
cor  :  et  rursiim,  in  corpore  dcbili  et  infirmo  jortior  uiijet  et  prôptior  spiritus. 
(Bernard,  in  Apolog.) 

(7)  Gencs,  c.  2.  vers.  7. 


LETTRES  OUBLIÉES  421 

forts  de  coq)s  pour  les  gouverner  et  (1)  défendre  des  bestes 
saunages,  pour  se  faire  régir  par  les  plus  beaux  esprits,  plus  capables 
de  raison,  iustice  et  équité,  qui  les  feraient  pins  heurensement  viure  ; 
En  quoy  la  femme  excellant,  comme  la  dernière  et  plus  parfoitte 
œuurede  Dieu  (2)  et  Thonmie  le  cognoissant,  se  recognent  obligé 
à  luy  rendre  ce  grand  honneur,  et  presque  Tadorer,  comme  pins 
sainctc  et  plus  viue  image  de  la  Diuinité,  et  en  qui  relnit  plus  de  ses 
grâces.  Par  quoy  il  ne  faut  plus  dire  le  monde  auoir  esté  &it  pour 
rhonimc  et  Thorame  pour  Dieu,  mais  il  faut  dire  le  monde  anoir 
esté  fait  pour  Thomme  et  Thomme  pour  la  femme,  et  la  femme  pour 
Dieu. 

5.  (  3  )  Dieu  a  tousiours  voulu  que  ses  sacrificateurs  furaent  bien 
accomplis,  et  que  ses  offrandes  se  choisissent  des  choses  les  phis 
excellentes  et  parfaictes,  comme  vous  voyei  en  l'ancienne  Loy  anoir 
esté  ordonné  aux  sacrifices  (4),  de  n'estre  offertes  à  Dieu  aucunes 
victimes  viciées  ou  imparfaictes  (5).  De  sorte  que  le  plus  parfoict 
estant  le  plus  agréable  à  Dieu,  nous  pouuons  clairement  inférer  que 
la  femme  a  cest  aduantage  sur  Thomme.  Car  si  c'est  pour  le  corps, 
c'est  chose  trop  cogneue,que  celuydela  femme  est  trop  plus  beau, (6) 


(1  )  Aeo  xov  oDîkoç  rtç  ri  TtpgtTTwt  xocr*  àptrij»  xac  Ttarà  ^uyajpuv  rii»  wpttr 

XTCXY^  Tûv  optoTftiy,  Tointa  juàw  cbtoXouOi»,  xai  rovrâ  miBta^àU  3£muo». 

Aet  8s  oO  fxôvov  àperTptj  ôûîkoi  xai  Svvecpcv  incàp^tn  ittff  4v  wsrat  nptOLVU&ç, 
Et  partanU  si  quelqu'un  est  plus  vertueux  que  foMttre^  et  qjBtil  sçaehe  mkam 
prattiquer  ce  qui  est  le  meilleuTy  il  est  honneste  de  le  suture  et  tfest  iuttiee  ée  Inp 
obéir.  Il  ne  faut  donc  pas  seulement  qu*U  affi  de  la  vertu,  BnÊds  tutssi  fàut-^  q/tû 
ayt  le  moyen  de  l'exercer.  CArist.,  l.  VU  Potitie,,  e,  5.) 

(2)  Gen.  c.  2  vers.  25,  24. 

(3)  'Edcv  ovv  rtç  rûv  Upéênù^càfuSnKfixfipotÇtipdoniiç^irtf^iacSX^ 

faTs;(sra>  Seà  ràç  r/yivopttvac  TÔipaç.  S'A  g  a  quelque  éacrifkaieur  qjut  agt 
perdu  un  œil  ou  une  main  ou  vn  pied,  ou  soit  amtOi  de  quèJqne  autre  monin^ 
ou  qu'il  ait  quelque  tache,  il  doit  estre  interdit  de  rexereke  de  sa  cfcflrjpe.  ^Rbox» 
luD.  I  de  Monarchia)» 

(4)  Levitic,  c.  21. 

(5>  ndcvra  S'  ô>oxXi|pa,  mpi  futSb  p^oç  Ta^atmmu  TdêToS^ufMEnc,  OUe 
8c'  okuv  àdivTi,  prûfMi>v  ôprojj^a.  H  faut  que  toutes  ces  victimes  aoiotf  Mot 
entières,  sans  manquement  d'aucune  sorte  et  sansoMteune  tad»engordure.(PBit0^ 
l.  de  victim.  generib.  —  Levitie,  c  i  etseq.) 

(6)  Mo|9f  à  BrikuTtprrn^i  nùst  xsîkn  isipi  V  dÛaeé.  La  heaaU  eti  le 
de  la  femme,  ainsi  que  la  force  Vest  de  Phomme,  (Biok,  InBtÊDotteJ 


422  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

plus  délicat  et  mieux  élaboré  que  celuy  de  l'homme,  et  si  c'est  pour 
Tame,  Dieu  se  plaist  aux  esprits  tranquilles,  (1  )  reposez,  deuots  et 
tels  que  celuy  de  la  feunne  :  non  aux  esprits  tumultueux  et  sangui- 
naires, cùnie  est  celuy  de  l'homme,  n'ayant  voulu  pour  cestccause,  ^2) 
que  Dauid  homme  de  guerre  iist  son  Temple,  mais  Saiomon  qui 
fut  paisible,  (3)  et  qui,  en  la  douceur  de  ses  humeurs,  approchoit 
de  fort  près  du  natun»!  de  la  femme. 

6.  Partant,  puisqu'elle  sur-passe  l'homme  en  toute  sorte  d'excel- 
lence, de  perfection  et  de  dignité,  et  que  toutes  choses  se  nipportent 
au  plus  excellent,  (4)  plus  parfaict  et  plus  digne,  comme  sa  dernière 
fin  ;  il  faut  dire  la  femme  auoir  esté  faicte,  comme  chef  de  toute  ia 
création  du  monde,  et  son  dernier  œuure,  qui  possède  le  Trans- 
cendant de  t4)utes  choses  créées  en  plus  pur  et  ])arfaict  degré.  Et 
par  conséquent,  elle  est  une  digne  oUnuide  pour  estre  présentée  à 
Dieu,  et  pour  estre  plus  capable  de  luy  rendre  grâces  de  toutes  celles 
qu'il  a  espanduës  en  la  Nature,  et  sur  toute  sa  création. 

7.  Et  tout  ainsi  qu'il  n'y  a  rien  en  la  Nature,  si  digne  d'estre  dict 
estre  faict  pour  Dieu,  que  la  femme  :  aussi  toutes  choses  en  la  Nature 
estant  soubs  elle,  et  l'homme  inesme,  elles  ne  peuvent  estre  dictes 
faictes  que  pour  la  femme,  ne  pouuant  sans  se  rabaisser  et  faire  tort 
à  sa  dignité,  se  dire  faicte  pour  autre  que  pour  Dieu. 

8.  (5)  Que  si  on  la  dict  estre  descheuë  de  l'excellence  de  sa  cn*a- 
tion,  par  la  menace  que  Dieu  lui  fist  pour  le  péché  de  la  pomme, 
disant  en  courroux  et  par  punition  qu'elle  seroit  assujettie  à  son 
mary  ;  cela  monstre  qu'auparauant  elle  luy  estoit  supérieure,  et 
pour  ce  iuste  courroux,  il  ne  la  priua  de  l'e-xcellence  de  son  Estre, 


(1)  /n  tantum  hiimanae  pacis  Christus  stiiduit  concordiae,  ut  unitatis 
merito  oninia  quae  a  Deo  precanda  sunt,  impetranda  esœ  conflrmei.  ^Hilar.,  in 
Uaith.) 

(2)L.  IIReg.c.  7. 

(Z)  L.  m  Reg.  c.  2. 

(4)  £c  8^  re  rtXoç  èorî  rûv  Trpoxrûv,  o  ^i  avro  ^ovXôasOa,  rà  sQlXse  Ss  Stà 
toOto,  xai  pvi  Trdcvra  Se'  srspov  alpoûusOa,  Sr/^ov  ^ç  tout'  àv  stn  Toyadôv  xoi 
TÔ  a/oeOTOV.  Que  s'il  est  urag  qu'il  y  a  une  fin  des  choses  que  nous  deuons  faire, 
et  laquelle  nous  desirons  pour  l'amour  d'elle,  et  voulons  toutes  choses  pour  elle, 
et  ne  choisissons  rien  que  pour  elle  :  il  faut  bien  dire  qu'elle  soit  lesouuerain  bien 
et  entièrement  le  plus  excellent  et  parfaict.  /'Arist.,  1. 1  Ethic,  c.  1,  al.  2.) 

(5)  Mulieri  quoque  dixit  :  multipliaibo  aerupinas  tuas  et  concepttis  tuos  :  in 
dolore  jMries  ftlios  et  sub  uiri  potestate  eris  et  ipse  dominabitur  tui.  (Gènes,  e.  3. 
vers.  16.) 


LETTRES  OUBLIÉES  4S3 

rayant  choisie  pour  mère  de  Dieu,  honneor  auquel  (1)  le  sexe  de 
l'homme  n'est  point  paruenu.  Par  qnoy  enoores  il  doibt  honneur  el 
submission  à  la  femme,  (2)  comme  à  la  mère  de  son  Dieu. 

Ces  raisons  escrites  par  une  femme,  ne  peuuent  pas  auoir  bean* 
coup  de  force,  mais  si  elles  estoient  si  heureuses  d'estre  adoptées  de 
vous  et  comme  telles  despoûillees  de  mon  rude  et  grossier  langage, 
pour  estre  reuestués  et  parées  des  fleurs  de  ▼ostre  éloquence,  el 
mises  au  pied  d'un  de  vos  cluq)ites  de  ce  sabied,  ccNttme  Tostrea» 
le  crois  que  nostre  sexe  en  receuroit  un  immortel  honneur,  pour 
lui  estre  par  un  autheur  si  célèbre  comme  vous,  attribuée  telle 
dignité.  Ce  que  ie  mettray  à  vostre  discrétion,  et  vous  priant  que 
i'aye  part  en  vos  bonnes  prières  ;  le  demeureray  de  tonte  voetre 
Compagnie  et  de  vous. 

Vostre  tres-affectionnee  amye, 

Maroubrittb. 

Et  au-dessus  : 

Au  Reuerend  Père  Lortot, 
Iesuitte. 


ni 


A  PROPOS  DU  DIVORCE  DE  HENRI  IV 

On  sait  comment  M.  de  Caumartin,  chargé  par  Henri  IV 
d'amener  sa  femme  à  consentir  à  leur  dimariage^  s'était 
rendu  au  château  d'Usson,  en  Auvergne,  où  demeurait 


(  t  )  Quemadmodum  enim  iUa  per  angeUeam  urmonem  mdjaeta  eif,  of  tffù^âni 
Deum,  praeuariccUa  oerbum  eius,  Ua  et  hatee  per  angéttaun  wermonem 
zata  est  ut  portaret  Deum  obediau  eitu  verho.  (S.  Irbhab.,  l.  V  adoen. 
c.  i9.  ) 

(2)  Amplectamur  Mariae  vestigia  et  éemMe^ma  euppUeÊtkme  keatiM  Um 
pedibus  prouoluamar.  TeneamuM  eam,  née  df mttfaauf  AiiMe 
potens  est  enim.  (Beswabd.,  Serm.  in  e.  19  Apee,) 


424  BULLETIN   DU   UIULIOPHILE 

la  reine.  Marguerite  de  Valois  céda  ;  elle  envoya  à  sa 
sœur  naturelle,  la  duchesse  d'Angoulênie  (l),des  procura- 
tions notariées,  passées  à  Usson  le  3  février  1599,  et  char- 
geant Ed.  Mole  et  M.  Langlois  de  poursuivre  en  cour  de 
Rome  la  nullité  de  son  mariage.  Les  motifs  allégués 
étaient  1"  le  défaut  de  dispense  pour  des  empêchements 
dirimants(2)  tels  que  la  parenté  à  un  degré  prohibé  et  la 
disparité  de  culte,  et  2»  le  défaut  de  liberté. 

Ce  que  ne  disent  pas  les  historiens,  c'est  que  M.  de 
Caumartin  ayant  quitté  Usson,  Marguerite  changea  d'avis. 
Croyant  qu'il  y  allait  de  son  honneur  qu'on  pensât  que  le 
mariage  n'avait  pas  été  consommé,  elle  eut  Tidée  de 
révoquer  ses  procurations  et  d'en  faire  d'autres  où  elle 
alléguerait,  outre  les  raisons  données  tout  d'abord,  la  non- 
consommation  du  mariage  :  preuve  qu'elle  n'était  guère 
persuadée  que  son  union  n'était  pas  valide.  Voici  la 
lettre  (ju'elle  écrivit  à  ce  sujet  à  la  duchesse  d'Angou- 
lême  en  lui  envoyant  ces  nouvelles  procurations  (3)  : 

Ma  sœur,  j  ay  considéré  la  teneur  des  Procurations  que  je  vous 
ay  envoyées,  où  je  trouve  que  le  Koy  et  moi  avons  esté  tous  deux 
trompez,  luy  en  ce  qu'estant  comme  elles  sont,  sans  doute  le  Pape 
ne  les  trouvera  pas  valables  pour  la  nullité  du  mariage  que  le  roi 
désire,  et  la  refusera,  et  moy  en  ce  que  je  requière  chose  qui  me 
seroit  très  honteuse  que  le  mariage  fust  dit  nul,  ayant  habité  avec  le 
roy   comme  une  femme  avec  son  mary,  cela  m'a  fait  résoudre  à 


(1)  C'était  Diane,  fille  légitimée  de  Henri  H  et  d'une  Piémontaise  nommée 
Philippe  Duc  :  elle  avait  été  mariée  à  Horace  Farnèse,  puis  à  François  de 
Montmorency. 

(2)  M.  Léo  de  Saint-Poncy,  dans  son  Histoire  de  Marguerite  de  Vatois,  (Parla, 
Gaunie,  1887.  2  vol.  in-12)  étude  aussi  complète  qu'im])artialo.  nous  apprend 
que  les  dispenses  étaient  arrivées  seulement  après  la  célébration  du  mariage. 

(3)  Elle  ne  fait  pas  partie  du  recueil  de  Lettres  (le  Marguerite  public  par 
M.  Guessard.  Elle  se  trouve,  ainsi  que  celles  que  nous  donnons  ensuite,  dans 
l'Histoire  des  chanceliers  et  gardes  des  sceauxldc  France,  de  Fr.  du  Chesne. 
(Paris,  1680.  in-fol.,  p.  744-751.)  C'est  à  elle  que  fait  allusion  Marguerite  dans  le 
billet  qu'elle  écrivit  à  M.  <]e  Loménic,  le  22  mars  1599  (éd.  Guessard,  p.  332). 


LETTRES  OUBLIÉES  435 

refaire  les  deux  procurations  que  je  tous  enToye,  qui  sont  l'une 
comme  Tautre,  et  sont  semblables  en  tout  à  cdles  qa'avez,  sinon 
que  j'y  ay  adijousté  que  le  Roy  ne  m'a  point  connue  ny  touchée,  qui 
est  ce  mesme  prétexte  sur  quoy  fût  faite  la  séparation  du  Roy 
LoOis  XII  et  de  Jeanne  de  France,  fille  de  Louis  XI,  laquelle  a  esté 
si  heureuse  et  valable,  que  les  Rois  nos  pères  et  frères  en  sont  sortis. 
Car  le  Roy  Louis  XII,  après  cette  séparation  espousa  Anne  de  Bre- 
tagne mère  de  la  Reine  Claude  ma  grand  mère  (1).  Que  si  je  n'y 
eusse  a4iousté  cette  clause  pour  la  nullité,  le  Pqpe  eust  pu  dire  que 
pour  l'opinion  que  j'avois  que  nostre  mariage  ne  ftist  bon^  il  na 
s'ensuivoit  pas  qu'il  ne  le  fùst  ;  que  les  raisons  que  j'en  donnais 
n'estoient  valables  pour  la  nullité.  Car  pour  la  proximité  de  parenté 
et  différence  de  la  Religion,  que  son  prédécesseur  en  avoit  donné 
dispense.  Que  si  je  dis  ne  l'atoir  Teûe  ny  demandée,  que  l'on  sçait 
bien  que  je  n'estois  en  âge  pour  me  mesler  de  cela,  mais  qu'il  suffit 
que  la  Reine  ma  mère  Tait  demandée  pour  moy  et  receué.  Que  de 
dire  que  je  n'ay  point  consenty  au  mariage  et  y  aye  esté  forcée,  il 
pourroit  aussi  respondre  que  j'estois  en  puissance  de  mère,  et  d'âge 
pour  estre  sujette  à  y  obeîr  ;  mais  le  Pape  ne  peut  rien  objecter  pour 
la  nullité  à  ce  que  j'y  ay  adjousté  ;  car  si  le  Roy  ne  m'a  rien  esté, 
ne  m'ayant  point  touchée,  si  le  Roy  et  moy  le  disons,  il  £Biut  qu'il  le 
croye  ;  il  ne  peut  refuser  la  séparation  avec  nullité  du  mariage,  et 
de  cette  vérité  l'on  ne  peut  tirer  preuve  que  de  la  bouche  du  Roy, 
et  si  tous  deux  nous  le  disons  (car  j'en  supplie  très  humblement  le 
Roy)  puisque  Sa  Majesté  veut  la  séparation  et  la  nullité,  il  foui 
que  Sa  Sainteté  y  consente,  mesme  voyant,  ce  qui  est  nay,  que  je 
suis  hors  de  moyen  d'avoir  des  en&ns,  qui  sont  nécessaires  à  sa 
Msjesté  pour  son  contentement  et  le  bien  de  cet  Estai  et  de  toute  la 
Chrétienté.  Ce  que  je  vous  prie,  ma  sœur,  représenter  au  Roy  :  Que 
si  j'estois  si  heureuse  qu'il  voulust  prendre  la  peine  de  lire  cette 
Lettre,  sa  Majesté  connoissant  combien  en  ces  dernières  Proeunt- 
tions  luy  et  moy  y  avons  esté  trompes,  je  desirerois  bien  qu'il  pleust 
à  Sa  Majesté  ne  s'en  servir  encore  que  je  n'aye  eu  nouvelle  de  mes 
Mandemens  des  Receveurs,  ce  que  soudain  que  j'auray,  Je  vous  en 
donneray  advis  :  soudain  que  le  Roy  aura  veu  les  deux  proeoratioiis 
cy  encloses,  dattées  du  21  mars,  comme  cette  lettre,  ie  vous  supplie 
mettre  le  trenche>plumes  dedans  les  autres,  et  me  les  renvoyer  par 
ce  porteur  toutes  rompues,  et  m'obligerex  de  foire  voir  au  Roy  cdla- 


(1)  Qaude  de  France,  flUe  de  Louis  xn  et  d'Anne  de  firetagne» 

François  !•%  le  7  juin  1499. 


426  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

^Yi  6t  l'y  bailler  ma  lettre  cy  enclose  le  plus  promptement  que 
pourrez,  et  luy  faire  bien  parfaitement  entendre  ce  qui  est  dans  cette 
lettre.  J'eusse  fait  les  premières  que  je  vous  envoiay  semblablement, 
mais  M.  de  Beau  repaire,  et  quelques-uns  qui  m'écrivirent,  me  firent 
peur  d'une  Visitation  ;  mais  estant  sortie  du  trouble  de  mes  afflic- 
tions, et  en  ayant  pris  conseil,  i'ay  reconnu  que  cela  ne  se  fait  que 
quand  les  deux  parties  n'en  sont  pas  d'accord,  et  qu'encore  ce  n^est 
à  personne  de  ma  qualité  ;  quMl  n'en  fut  point  fait  à  Jeanne  de 
France,  qui  fut  séparée  du  roy  Louis  Xll  sur  ce  prétexte  ;  et  ayant 
reconnu  qu'il  estoit  plus  assuré  pour  le  Roy,  et  plus  honorable  pour 
nioy,  j'ay  soudain  mis  la  main  à  la  plume  pour  faire  cette  despesche, 
qui  sera,  ma  sœur,  un  comble  d'obligations  envers  vous,  que  ie  8çay 
prendre  plus  de  plaisir  de  vous  mesler  de  cette  alfaire  avec  honneur 
pour  moy,  qu'avec  la  honte  que  l'on  m'y  vouloit  faire  recevoir.  Je 
vous  supplie  me  faire  redepcscher  mon  laquais  Guilain  présent  por- 
teur soudain  qu'aurez  parié  au  Roy,  et  me  renvoyer  par  luy  mes 
précédentes  Procurations  rompues,  aussi  sont-elles  inutiles,  estant 
révoquées  par  celles-cy.  le  m'assure  Uuit  de  la  bonté  du  Roy,  qu'il 
n'avoit  iamais  entendu  la  honte  qu'on  m'y  vouloit  faire  recevoir,  me 
faisant  confesser  mon  mariage  nul,  sans  ce  que  i'y  ay  à  cette  heure 
adiousté,  qui  estoit  me  faire  une  iniure,  et  à  moy  et  à  tous  ceux  à 
qui  l'appartiens,  telle  qu'elle  ne  se  peut  plus  grande,  ce  que  îe  fis 
estant  troublée,  n'osant  d'un  costé  refuser  le  Commandement  du 
Roy,  et  craignant  pour  la  nullité,  et  craignant  d'autre  part  si  ie  le 
faisois  comme  ie  le  fais  à  cette  heure^  la  Visitation  de  quoy  il  m'aToit 
espouvantée,  d'autre  part,  voyant  qu'on  me  menaçoit  d'une  extrême 
nécessité,  ne  me  voulant  point  bailler  les  expéditions  de  ma  pension 
et  autres  assignations,  que  premier  ie  n'envoyasse  ladite  procura- 
tion (1),  à  quoy  Ton  me  precipitoit,  je  crois,  de  cette  façon  pour  me 
faire  tomber  en  ce  malheur,  et  retarder  tout  ensemble  le  contente- 
ment du  Roy  ;  car  sans  doute  elles  ont  esté  aussi  peu  valables  pour 
luy,  que  préjudiciables  à  mon  honneur  et  indignes  de  ma  qualité, 
car  il  eut  toujours  falu  revenir  pour  la  rendre  bonne  pour  la  nullité, 
à  la  faire  comme  cette-cy  ;  ce  que  ie  vous  prie  représenter  au  Roy 
et  empescher  que  ceux  qui  ont  eu  ce  mauvais  dessein  ne  luy  em- 
peschent  de  reconnoistrc  ce  qui  en  est  ;  vous  obligerez,  ma  sœur, 
en  cela  le  Roy  et  moy  qui  vous  la  suis  déjà  tant,  qu'il  ne  reste  rien 
en  moy  et  de  moy,  qu'après  Dieu  je  ne  vous  doive.   Usez  donc 


<  1  )  On  voit  de  quelles  raisons  on  s'est  servi  pour  peser  sur  l'esprit  de  Mar- 
guerite. 


LETTRES  OUBLIÉES  4S7 

absolument  de  la  puissance  que  vous  y  avez  et  me  conservez  le  bia^ 
de  vostre  amitié  aussi  entière  que  ie  prie  Dieu,  ma  sœur,  de  toute, 
mon  affection,  vous  donner  très  heureuse  et  longue  vie.  D'Usson  ce 
21  mars  1599. 

Fay  commandé  à  mon  lacquais  présent  porteur,  de  vous  bailto  eo- 
pacquet  avant  qu'avoir  veu  personne  ;  je  vous  supplie  m'escrire  s'il. 
l'aura  fait,  et  si  le  pacquet  sera  bien  fermé  et  le  jour  que  Taures 
receu  (1).  A  la  souscription  est  escrit  : 

Vostre  très  fidelle  sœur  à  vous  servir.  Iftrguerite.  J^  à  {a«u^ 
cription  :  A  ma  sœur  Madame  la  Duchesse  d'Angoulesme. 

Cette  lettre  ne  plut  pas  à  Henri  IV.  Il  réunit  ses  con- 
seillers :  nous  avons  leur  avis  dans  la  lettre  écrite  par 
Pomponne  de  Bellièvre  à  Villeroy,  qui  dirigeait  alors  les 
affaires  étrangères. 

Monsieur,  j'ay  veu  cette  apresdisnëe  Madame  d'Angoulesme, 
Messieurs  Langlois,  Mole  (2)  et  moy  la  somme  allé  trouver  au  Bois 
de  Vincennes,  la  lettre  du  Roy  que  je  luy  ay  baillée  estoit  en  creaneo 
seulement  ;  j'ay  pris  peine  de  luy  fiiire  comproidre  l'intention  de  Sa 
Maiesté,  comme  par  sa  grande  bonté  Elle  avoit  pris  en  bonne  part 
ce  que  la  Reine  a  voulu  ad|jouster,  que  Sa  Maiesté  n'a  pas  eu  con- 
noissance  charnelle,  je  luy  ay  dit  que  cens  aaaquels  le  Roy  fidi 
rhonneur  de  communiquer  cette  Affiiire,  jugent  qu'il  n'y  a  danse 
qui  peust  estre  plus  considérable  pour  fonder  le  jugement  de  la 
dissolution  du  mariage,  que  si  par  quelque  moyen  on  pouvoit  iUrè 
apparoir  qu'il  n'a  pas  esté  consommé,  car  en  ee  cas  la  dtqpense 
s'obtiendroit  sans  difficulté,  mais  si  ee  M%  est  allégué  sans  avoir 
bien  considéré  et  projette  comme  il  se  peut  vérifier,  au  lîeii  d'ad- 
vancer,  nous  ne  reculerions  pas  seulement,  mais  nous  perdrions  dn 
tout  l'affaire  :  Que  nous  avons  i  considérer  la  Dignité,  la  Qualité  et 
1  Estât  des  personnes  dont  il  s'agit,  et  avec  lesqaeUea  nous  avoai 
affaire.  Quant  au  Roy,  c'est  la  personne  m  laquelle  eonsisie  FEalil 
que  nous  devons  mettre  devant  les  yeuz^  qu'il  ne  lèra  sarmeiit  qa'fl 
ne  sache  et  juge  en  sa  conscience  estre  véritable  :  Qua  oatre  FId» 


(1>  Marguerite  savait  qu'elle  avait  de  pniiisnti  cnnMiiis;  cUe  avait  wm 
raisons  pour  être  défiante. 
(2)  Martin  Langlois  et  Edouard  Mole  étaient  les  procamm  fondés  de  Miir-t 

guérite. 


428  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

terest  et  la  réputation  de  Sa  Majesté  en  ce  fait,  il  y  va  bien  avant  de 
celuy  de  TEstat,  car  si  le  Pape  juge  ainsi  les  François  Catholiques, 
qui  est  la  plus  importante  et  la  plus  grande  force  de  l'Estat,  ils  juge- 
ront et  prendront  opinion  que  le  Roy  fust  pour  se  résoudre  à  faire 
un  faux  serment  pour  parvenir  à  cette  dissolution,  et  avoir  moyen 
de  se  remarier  ailleurs.  Considérez,  Monsieur,  et  entrés  en  appré- 
hension avec  moy  du  danger  qu'il  y  a  qu'ils  entrent  en  doute,  et 
fassent  jugement  qu'ils  ne  se  peuvent  assurer  du  serment  que  Sa 
Majesté  a  fait  en  son  sacre,  et  depuis  à  Rome  par  ses  Députez  entre 
les  mains  du  Saint  Père,  de  \\\re  et  mourir  en  la  Religion  catho- 
lique, apostolique  et  romaine,  lequel  serment  il  a  depuis  confirmé 
et  fait  de  nouveau  entre  les  mains  de  Monsieur  le  Cardinal  de  Flo- 
rence, Légat  de  Sa  Sainteté,  quMl  signa  si  franchement,  et  avec  un 
si  grand  contentement  de  toute  l'assistance.  Considérons  maintenant 
le  fait  :  si  l'on  dit  au  Pape  que  le  Roy  n'a  point  habité  avec  ladite 
Dame,  estans  tous  deux  jeunes,  beaus  et  sains,  quand  il  seroit  vray 
cent  fois,  il  n'y  a  presque  point  d'apparence  de  le  croire,  et  la  mau- 
vaise opinion  que  l'on  prendroit  de  ce  prétexte,  pourroit  destruire 
les  autres  preuves  pour  fortes  et  convaincantes  qu'elles  fussent: 
d'alléguer  qu'ils  le  faisoient  par  scrupule,  sçachans  le  degré  prohibé, 
qui  le  croira?  Premièrement  en  la  Religion  dont  le  Roy  faisoit 
lors  profession,  on  n'en  fait  point  de  scrupule,  et  peut-estre  que  ny 
l'un  n'y  l'autre  ne  pensoient  que  ce  fust  chose  prohibée  par  les 
constitutions  canoniques,  et  peu  de  gens  croiront  que  ieunes  Princes 
soient  si  scrupuleux  en  telles  matières.  D'ailleurs  que  sçait-on  les 
preuves  que  à  l'advenir  en  pourroit  avoir  au  contraire,  si  l'un  ou 
l'autre  en  a  parlé,  comme  ce  n'est  pas  chose  dont  les  jeunes  per- 
sonnes mariées  fassent  grand  scrupule  de  se  découvrir,  et  peut-estre 
que  ladite  Dame  se  seroit  découverte,  et  auroit  dit  qu'elle  se  doutoit 
d'estre  enceinte,  et  comme  Testant  se  seroit  gardée  et  fait  visiter, 
le  me  remets  de  ces  choses  à  ce  qui  en  est  :  Bien  diray-je  que  se 
fondant  le  jugement  de  dissolution  sur  cette  clause,  qu'ils  n'ont  pas 
cohabité  ensemble,  et  se  vérifiant  le  contraire,  le  mariage  qui  se 
feroit  de  nouveau  par  le  Roy  pourroit  estre  débattu  à  l'advenir, 
Testât  des  enfans  nez  en  ce  mariage,  mis  en  controverse,  et  ce  pauvre 
Royaume,  en  une  misérable  combustion.  Quand  au  Pape  nous  le 
connoissons  pour  fort  severe,  fort  religieux,  et  fort  ferme  en  ses 
opinions  ;  il  ne  faut  pas  attendre  de  luy  qu'il  donne  jugement  sur 
cette  clause,  qu'ils  n'ont  pas  habité  ensemble,  de  toute  nécessité,  il 
sera  contraint,  et  ne  faut  pas  attendre  qu'il  en  use  autrement,  ou 
d'ordonner  la  Visitation,  ou  donner  le  serment,  ou  peut-être,  ce  à 
quoy  par  mon  advis  il  se  résoudra  le  plus  tost,  il  ordonnera  Tun  et 


LETTRES  OUBLIÉES  439 

l'autre  ;  si  Ton  ordonne  le  serment,  j'ay  touché  les  inconveniens  qui 
en  peuvent  advenir,  si  Ton  ordonne  la  Visitation,  il  ne  £Biat  rioi 
espérer  de  cette  affaire,  car  on  ne  la  souffirira  pas,  et  peut-estre  que 
pour  rien  le  Pape  qui  est  fort  conscientieax  ne  voudroit  ordonner 
le  serment,  craignant  de  donner  occasion  de  faite  un  mauvais  ser- 
ment, jugeant  que  c'est  péché  de  donner  occasion  aux  autres  de 
pécher.  Je  representay  ce  que  dessus  à  madite  Dame  d'Angonlesme, 
et  ausdits  sieurs  Langlois  et  Mole,  qui  reconnurent  qu'U  y  avoil 
grand  fondement  en  ce  que  je  leur  ^remontray  :  Advisasmes  qu'ils 
escriroient  à  la  Reine,  de  bonne  ancre,  sans  toutefois  se  rendre  sus- 
pects, pour  ne  rendre  leurs  conseils  inutiles,  connoissant  ladite 
Dame  fort  soupçonneuse  et  défiante  :  ils  font  chacun  deux  Lettres 
de  mesme  substance,  dont  vous  en  recevrez  une  avec  la  présente, 
l'autre  ils  la  bailleront  à  ladite  Dame  Reine. 

Monsieur,  j'ay  obmis  escrivant  ma  longue  Lettre,  de  traitter  d'un 
point  qui  a  esté  le  plus  débattu  lorsque  je  vis  Madame  d'Ân- 
goulesme  ;  la  Reine  dit  qu'il  va  trop  avant  de  son  honneur  si  elle 
passe  la  Procuration  sans  adiouster  la  clause,  que  le  Roy  n'a  pas 
habité  avec  elle  ;  je  dis  qu'il  y  va  bien  plus  avant  de  l'honneur  de 
l'un  et  de  l'autre,  s'ils  s'offirent  à  faire  un  serment  d'une  chose  qui 
semble  et  sera  jugée  incroyable.  Quant  à  ce  que  ladite  Dame  aUegue, 
que  la  Reine  Jeanne,  fille  du  Roy  Louis  onziesme  ftit  crue  à  son 
serment  sans  que  l'on  procedast  à  la  Visitation  il  y  avoit  beaucoup 
de  choses  qui  concouroient,  que  le  Roy  n'a  pas  eu  sa  connoîssanee. 
Premièrement  estant  prisonnier,  il  foi  contraint  de  promettre  oe 
mariage  à  un  Roy  qui  le  menaçoit  de  la  vie  et  estoit  en  possession 
d'exécuter  ses  menaces,  puis  ladite  Reine  Jeanne  estoit  de  petite 
stature,  contrefaite,  et  comme  l'on  dit ,  punaise  :  H  estoit  aisé  à 
croire  qu'aisément  le  dit  Roy  Louis  XII  se  passa  d'habiter  avec  elle. 
Plus  ils  apparoissoit  de  plusieurs  protestations  par  luy  fiâtes 
devant  ceux  qui  couchoient  en  sa  chambre,  qu'U  nliabitoit  et 
ne  vouloit  habiter  avec  elle  ;  tellement  que  sur  teUes  preuves  U 
fut  facile  d'obtenir  qu'il  ne  seroit  pas  procédé  à  la  Visitation  :  En 
l'afiaire  qui  se  présente,  il  n'y  a  rien  de  semblable,  mds  {dus 
tost  tout  contraire.  Se  peut  d'ailleurs  remonstrer,  qu'il  n'y  a 
apparence  qu'il  y  aille  de  l'honneur  de  ladite  Dame  Reine,  se  fidsant 
cette  séparation,  encore  que  le  Roy  ait  eu  sa  oonnoissaiiee  ;  car 
estant  en  bonne  foy  mariée  de  l'autorité  de  la  Reine  sa  Mère,  el  du 
Roy  son  frère,  on  ne  luy  peut  imputer  aucune  ûiute,  et  cette  bonne 
foy  qui  est  notoire  est  de  telle  efficace,  que  si  elle  avoit  des  Enfims 
dudit  Roy  qui  Ta  espousée  en  face  d'Eglise,  la  bonne  foy  d'une  des 
parties  feroit  que  les  enfans  seroienttenus  pour  légitimes.  LaDachesse 


430  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

de  Guienne  qui  fut  séparée  d'avec  le  Roy  Louis  VU  avoit  eu  dudit 
Roy  deux  filles  qui  furent  mariées  comme  légitimes.  Ladite  Dame 
fut  depuis  mariée  au  Roy  d'Angleterre,  dont  avint  une  si  grande 
diminution  au  Royaume.  Il  ne  fut  pas  dit  que  ladite  Dame  qui  avoit 
habité  avec  ledit  Roy,  par  cette  dissolution  de  mariage  eust  perdu 
son  honneur,  et  le  Pape  donnant  sa  sentence  de  dissolution  sur  le 
mariage  de  nostre  Roy  avec  ladite  Reine,  prononcera  en  la  faveur 
de  l'un  et  de  l'autre,  tout  ce  que  l'on  sçaura  désirer  pour  la  conserva- 
tion de  leurs  honneurs,  estant  sans  doute  que  son  devoir  Toblige  à 
ce  faire,  et  que  c'est  chose  qu'il  fera  très- volontiers.  l'allegueray  un 
autre  exemple  d'une  fille  de  la  Maison  de  Salviati  niepce  de  ce 
Pape,  mariée  à  un  Gentilhomme  Florentin  de  la  Maison  de  Gaponi  : 
la  dissolution  en  fut  poursuivie  par  ce  Pape,  estant  lors  Avocat 
Gonsistorial,  et  fut  obtenue  sur  ce  que  ladite  Salviati  n'avoit  pas 
sceu  la  dispense  que  ledit  Gaponi  avoit  obtenue  du  degré  de  consan- 
guinité après  la  consommation  du  mariage.  J'escris  cette-cy  estant 
si  pressé  de  plusieurs  qui  me  sont  venus  voir,  que  ie  vous  prieray 
d'excuser  la  négligence  de  l'escriture. 

Les  procureurs  fondés  de  Marguerite  et  la  Duchesse 
d'Angoulême  lui  rendirent  compte  de  refTet  produit  par 
sa  lettre.  De  plus,  le  roi  envoya  de  nouveau  M.  de  Cau- 
martiii  à  Usson.  Cette  fois,  Marguerite  consentit  à  tout. 
Henri  IV  en  témoigna  sa  satisfaction  dans  les  lettres  sui- 
vantes qu'il  écrivit  à  sa  femme  et  à  Caumartin  (1). 

LETTRE  DU  ROY  A  LA  REINE 

Ma  Mie,  j  ay  receu  par  les  mains  de  ma  sœur  d'Angoulesme,  en 
la  présence  de  mon  Compère  le  Connestable  (2),  la  première  Lettre 
que  vous  m'avez  escrite,  et  la  deuxiesme  par  la  voye  du  sieur  de 
Caumartin,  par  lesquelles  j  ay  appris  la  resolution  que  vous  avec 
prise  pour  le  bien  public  de  mon  Royaume,  vostre  consolation  et  la 
mienne,  laquelle  m'a  esté  bien  agréable,  et  comme  j'estime  en  vérité 
que  Dieu  sera  glorilié,  et  le  public  servi  en  cette  œuvre,  je  ne  doute 
l)oint  aussi  que  vous  ne  receviez  de  l'un  et  de  l'autre  la  remunera- 


(  1  )  Elles  ont  ('cliappé  aux  recherches  de  M.  Berger  de  Xivrey. 
(2)  Le  Connétable  Henri  I*'  de  Montmorency  (1534-1614 ). 


LETTRES  OUBLIÉES  431 

tion  que  vous  cherchez  pour  vostre  repos  :  A  quoy  pour  contribuer 
ce  que  vous  desirez  de  ma  bonne  volonté,  j'ay  aussi-tost  permis  et 
commandé  ce  dont  j'ay  esté  requis  de  vostre  part  (1)  :  de  sorte  que 
vous  pouvez  faire  estât  d'en  recevoir  l'entière  satisfaction  que  vous 
en  promets,  de  quoy  j'ay  bien  voulu  vous  advertir  par  la  présente, 
priant  Dieu,  Ma  Mie,  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  et  digne  Garde. 
Escrit  à  le jour  de  May  1599. 


LETTRE  DU   ROY  A  M.    DE  CAUMARTIN 

Monsieur  de  Caumartin,  j'ay  receu  avec  grand  contentement  les 
Despesches  que  vous  m'avez  envoyées  par  ce  porteur,  suivant 
lesquelles  et  celles  que  ma  sœur  d'Angoulesme  a  receuës  en  mesme 
temps,  les  pièces  que  vous  sçavez  que  j'avois  besoin  ont  esté  mises 
en  mes  mains,  ainsi  que  portoient  lesdites  Lettres  et  ay  désiré,  en 
quoy  vous  m'avez  fait  service  tres-agreable  ;  i'ay  sur  cela  advisé 
d'écrire  la  Lettre  à  la  Reine  que  vous  trouverez  avec  la  présente, 
avec  le  double  d'icelle,  afin  que  vous  sçachiez  ce  qu'elle  contient, 
vous  la  luy  ferez  tenir  ou  bien  vous  la  luy  porterez  vous-mesme  si 
la  charge  que  ie  vous  ai  commise  pour  les  Suisses  (2)  vous  permet 
de  le  faire,  et  l'assurerez  du  contentement  que  i'ay  receu  de  la 
resolution  (|u'eile  a  prise,  et  mesme  qu'elle  ait  reconnu  que  le  conseil 
quon  luy  avoit  donné  de  changer  ses  premières  Procurations  estoit 
sorti  de  personnes  qui  ne  l'aiment  gueres,  car  c'est  chose  très  véri- 
table, ayant  descouvert  depuis,  comme  ie  fais  tous  les  iours  davan- 
tage, que  les  Auteurs  d'icelui  ont  des  desseins  particuliers  qui  ne 
s'accordent  pas  bien  avec  les  miens,  ny  avec  le  bien  public  de  mon 
Royaume,  à  quoy  i'espere  donner  si  bon  ordre  que  mes  bons  sujets 
et  serviteurs  en  recevront  avec  l'aide  de  Dieu,  la  consolation  avec 
moy,  qui  est  nécessaire  à  tous  ;  vous  l'asseurerez  aussi  que  tout  ce 
qui  luy  a  esté  promis  luy  sera  tenu  et  observé  de  bonne  foy,  et  quand 


(  1  )  Le  lecteur  c  oraprend  qu'il  s'agit  ici  de  la  pension  de  la  reine,  que  son 
mari  avait  (k-fendu  de  payer  avant  quelle  eût  consenti  à  faire  prononcer  la 
nullité  de  leur  union. 

(  2)  M.  de  Caumartin  avait  été  envoyé  comme  Intendant  en  Auvergne  et  en 
Hourbonnais  avec  mission  «  de  chercher  les  moyens  de  satisfaire  les  Suisses 
et  leur  faire  payer  les  assignations  qui  leur  avaient  été  données  sur  les  re- 
cottes de  cette  province  v  ;  car  ils  étaient  mécontents  et  murmuraient  de  la 
lenteur  des  paiements. 


434  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

ques  détails  sur  Tapplication  du  règlement  à  certaines 
époques. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  puisque  nous  venons  de  citer  le 
savant  et  si  intéressant  ouvrage  de  Térudit  abbé,  avec 
quelle  al)ondance  de  détails  et  quelle  précision,  le  tout 
puisé  aux  nioilleuros  sources,  M.  Fabre  a  suivi  rétablisse- 
ment et  les  transformations  intérieures  de  la  docte  assem- 
blée. 

Parcourant  dtMnièrement  le  catalogue  dressé  par  M. 
Omonl,  de  la  collection  Renaudoi  à  la  Bibliothèque 
Nationale,  notre  regard  a  été  attiré  par  le  sommaire  du 
tome  28  :  u  Dissertttlions  littéraires,  historiques  etc., 
Compte-rendu  des  séances  de  l'Académie  française,  au  sujet 
de  la  nomination  de  l'abbé  Tallemant  i  1651  ).  » 

Nous  reportant  au  volume  nous  avons  été  \ivement 
étonné,  car  la  précision  ordinaire  de  Térudit  bibliothé- 
caire est  aussi  connue  de  tous  les  travailleurs  que  son 
extrême  obligeance,  de  voir  qu'il  s'agissait  non  de  labbé 
Tallemant,  mais  de  la  nomination  de  son  successeur. 
IBM  doit  donc  être  annulé. 

Notrt^  document  otTre  tout  l'attrait  que  peut  présenter 
la  reproduction  fidèle  dune  séance,  dune  scène  inté- 
rieure de  la  grande  Compagnie  par  un  témoin  oculaire, 
un  de  ses  membres,  car  la  pièce  est  tout  entière  de  la 
main  de  l'abbé  Euscbe  Renaudot,  qui  fut  reçu  en  lt)89  il). 

Maintenant,  ici  se  présentait  une  difliculté.  Notre  pièce 
ne  porte  aucune  date  d'anme,  et  on  sait  d'autre  part 
qu'il  y  a  eu  au  xvir  et  au  commencement  du  xviir  siècle 
c/ciLV  ablvs  Renaudot  membres  de  l'Académie  :  /-ni/îo/s, 
né  en  U*^ùK  frt're  du  fameux  Tallemant  des  Rtaux,  acadé- 
micien en  liv^l  et  mort  en  UW.  et  Pdii/ Tallemant,  lillê- 
râleur  et  cousin  des  deux  précédents,  acadtmicien  en 
U'^V  et  mort  en  ITTJ   D'où  une  hésitation,  au   premier 


UNE  PAGE  INÉDITE 


DE  LA 


CHRONIQUE  DES  ÉLECTIONS  A  L'ACADÉMIE  FRANÇAISE 


Succession  de  l'Abbé  Paul  Tallemant  (1712) 


Rien  de  ce  qui  se  rattache  à  l'histoire  de  Tillustre 
Compagnie  qui  a  nom  V Académie  Française  ne  saurait 
être  indifférent  à  ceux  qui  consacrent  leur  vie  à  ce  que 
notre  savant  ami,  M.  Tamizey  de  Larroque,  a  si  bien 
appelé,  à  la  fin  de  l'avertissement  de  sa  précieuse  publica- 
tion des  Lettres  de  Chapelain  /Documents  inédits  sur  V His- 
toire de  France,  1880)  «  les  nobles  choses  de  l'esprit.  »• 

Après  tant  de  travaux  de  toute  sorte  consacrés  à  l'his- 
toire littéraire  ou  administrative  du  grand  corps  savant, 
dont  notre  érudit  ami,  M.  l'abbé  Fabre,  dans  son  récent 
Chapelain  et  nos  deux  premières  Académies  (1),  a  dit 
avec  tant  de  raison  <t  une  institution  qui  a  résisté  à 
toutes  les  attaques,  qui  est  demeurée  supérieure  à  toutes 
nos  vicissitudes  politiques,  et  après  tant  d'épreuves  vic- 
torieusement supportées,  semble  bien  destinée  à  vivre 
autant  que  la  nation  française  d,  on  est  heureux  de  ren- 
contrer quelque  document  peu  connu  ou  même  inédit 
nous  donnant  par  exemple  un  aperçu  des  séances,  quel- 


(  1  )  Nous  avons  été,  qu'on  oous  permette  de  le  dire,  'péniblement  impres- 
sienné  par  le  jugement,  aussi  bref  que  défavorable,  du  livre  de  notre  ami, 
porté  dans  la  Reuue  historique  de  1890  par  la  plume  savante  et  autorisée,  cha- 
cun le  sait,  de  M.  Louis  Farges.  Nous  sommes  heureux  d'en  rapprocher 
l'appréciation  favorable  d'un  autre  juge  dont  personne  n'osera  contester  la 
valeur,  celle  de  M.  Charles  Canivet  dans  sa  Causerie  littéraire  du  journal  le 
Soleil  du  7  septembre  1890.  où  rou\'rage  est  traité  «  d'excellent  livre  *. 

1891  28 


434  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

ques  détails  sur  Tapplication  du  règlement  à  certaines 
époques. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  puisque  nous  venons  de  citer  le 
savant  et  si  intéressant  ouvrage  de  Térudit  abbé,  avec 
quelle  abondance  de  détails  et  quelle  précision,  le  tout 
puisé  aux  meilleures  sources,  M.  Fabrc  a  suivi  rétablisse- 
ment et  les  transformations  intérieures  de  la  docte  assem- 
blée. 

Parcourant  dernièrement  le  catalogue  dressé  par  M. 
Omont,  (le  la  collection  Renaudot  à  la  Bibliothèque 
Nationale,  notre  regard  a  été  attiré  par  le  sommaire  du 
tome  28  :  a  Dissertallons  littéraires,  historiques  etc., 
Compte-rendu  des  séances  de  i  Académie  française,  au  sujet 
de  la  nomination  de  Vabbé  Tallemant  (1651).  » 

Nous  reportant  au  volume  nous  avons  été  \ivement 
étonné,  car  la  précision  ordinaire  de  Térudit  bibliothé- 
caire est  aussi  connue  de  tous  les  travailleurs  que  son 
extrême  obligeance,  de  voir  qu'il  s'agissait  non  de  l'abbé 
Tallemant,  mais  de  la  nomination  de  son  successeur. 
1651  doit  donc  être  annulé. 

Notre  document  olTre  tout  Tattrait  que  peut  présenter 
la  reproduction  fidèle  d'une  séance,  d'une  scène  inté- 
rieure de  la  grande  Compagnie  par  un  témoin  oculaire, 
un  de  ses  membres,  car  la  pièce  est  tout  entière  de  la 
main  de  l'abbé  Eusèbe  Renaudot,  qui  fut  reçu  en  1689  (1). 

Maintenant,  ici  se  présentait  une  difficulté.  Notre  pièce 
ne  porte  aucune  date  d'année,  et  on  sait  d'autre  part 
qu'il  y  a  eu  au  xvir  et  au  commencement  du  xviii*^  siècle 
deux  abbés  Renaudot  membres  de  l'Académie  :  François^ 
né  en  1620,  frère  du  fameux  Tallemant  des  Réaux,  acadé- 
^micien  en  1651  et  mort  en  1693,  et  Paul  Tallemant,  litté- 
rateur et  cousin  des  deux  précédents,  académicien  en 
16()()  et  mort  en  1712.  D'où  une  hésitation,  au  premier 

{ 1  )  Krudit  né  à  Paris  en  1G46  cl  mort  en  1720. 


CHRONIQUE  DES  ÉLECTIONS  A  L' ACADÉMIE  496 

abord  possible,  mais  qu'a  vite  dissipée  cette  mention, 

comme  chancelier  au  moment  du  récit,  de  l'abbé  Genest, 

qui  ne  fut  reçu  à  l'Académie  qu'en  l'année  1698.  1098 

étant  donc  écarté,  il  s'agit,  dans  la    pièce  que  nous 

publions,  des  séances  qui  précédèrent  l'élection  mouve^ 

montée  du  successeur  de  l'abbé  Patd  Tallemant,  le  poète 

Danchet  (1). 

L'élection  de  Danchet  et  les  pièces  satiriques  auxquelles 

donna  lieu  l'élévation  à  un  si  grand  honneur  d'un  poète 

qui  n'a  jamais  connu  les  hauteurs  du  Parnasse,  sont 

intéressants  dans  l'ouvrage  connu  de  M.  Albert  Rouxel  : 

Chronique  des  élections  à  V  Académie  française,  c  Mesdames 

de  Ferriol  et  de  Tencin,  nous  dit  M.  Rouxel,  montèrent 

une  telle  cabale  que  l'indignation  gagna  certains  cœurs 

généreux...  » 

Emile  Du  Boys 

Le  icr  de  ce  mois  la  Compagnie  s'assembla  sur  le  billet  de  GonTO- 
cation  qui  avoit  esté  envoyé  par  M^  TEvesque  d^Avranches,  directeur, 
et  M>^  s'y  trouvèrent  au  nombre  de  seize. 

M.  le  Directeur  proposa  de  procéder  suivant  le  billet  de  Convoca- 
tion, a  la  proposition  d'un  sujet  pour  remplir  la  place  de  feu  M.  l'abbé 
Tallemant,  décédé  le  30  aoust  dernier  (2).  Avant  qu'on  commençast 


(1  )  Danchet  (Antoine),  poète  dramatiqae,  né  à  Riom  le  7  septembre  1871» 
mourut  à  Paris  le  21  février  1748. 

(2)  II  y  a  là  une  erreur  de  Renaudot  Toutes  les  Biogn^hks  postent  le 
30  juillet  au  lieu  du  30  août^  et  le  SOjuUUi  est  eonfirmé  par  le  Mereare  gtiant 
lui-même  d'août  1712,  p.  129  :  «  messire  Fanl  Tallemant  prieur  de Saint-Gcnj, 
l'un  des  40  de  T  Académie  françoise,  et  vétéran  de  celle  des  médaille»  et  !»• 
criptions,  mourut  le  30  juillet  1712.  > 

Voici  maintenant  le  mot  de  Saint-Simon  (  heureux  ceux  qui  ont  pu  avoir 
dans  la  maison  du  redoutable  et  parfois  acerbe  chroniqueur  une  aussi  bomM 
note  !  )  II  ne  désigne  pas  leiour  de  la  mort  de  l'abbé  Tallemant,  mais  U  dit  à 
la  page  330  du  tome  IX  (édition  Chérueî,  la  savante  édition  de  IL  de  BntsJtsîa 
n'étant  pas  encore  arrivée  à  cette  date):  c  1712.  L'abbé  Tallemant  mourut  eb 
même  temps,  assez  vieux,  [né  en  1042,  il  avait  à  sa  mort  en  1730^  78  ÊaiM% 
regretté  de  tous  les  gens  de  lettres,  et  mémo  d'assea  de  gens  de  coMJdéwtftaa 
dans  l'Église  et  d'autres  du  grand  monde.  > 


436  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

à  délibérer,  quelques  uns  de  la  Compagnie  représentèrent  que  la  con- 
vocation  paroistroit  un  peu  précip  tée,  d'autant  plus  que  plusieurs 
de  Mrs  estoient  à  Fontainebleau  attachez  au  service  du  Roy  par  leurs 
charges,  et  qu'il  ne  paroissoit  pas  d'inconvénient  à  les  attendre. 
D'autres  proposèrent  la  difficulté  qu'on  pou  voit  former  sur  ce  que 
le  Règlement  portoit  qu'on  ne  pouvoit  procéder  a  une  Election  si 
on  n'cstoitau  nombre  de  vingt. 

Mr  d'Avranches  mit  l'affaire  en  délibération,  pour  sçavoir  si  on 
procèderoit  à  la  proposition  d'un  nouvel  académicien  ou  si  elle 
scroit  différée.  Ceux  qui  opinèrent  les  premiers  furent  d'avis  de 
procéder  à  l'élection.  Mais  d'autres  furent  d'auis  de  s'en  tenir  an 
Règlement,  qui  estoit  une  loy  que  la  Compagnie  ne  pouvoit  pas 
interpréter,  ny  abroger. 

D'autres  pour  soutenir  l'opinion  contraire  dirent  qu'il  y  avoit  eu 
une  délibération  par  laquelle  il  avoit  esté  résolu  que  lors  qu'à  une 
première  assemblée  il  ne  se  trouvoit  pas  vingt  académiciens,  le 
directeur  en  convoqueroit  une  seconde,  dans  laquelle  on  pourroit 
procéder  à  la  première  proposition,  quelque  nombre  qu'on  fust. 
D'autres  alléguèrent  aussi  l'exemple  de  l'Election  de  W  Des  Préaux, 
et  dirent  qu'il  y  en  avoit  de  semblables,  mais  qu'ils  ne  purent  citer. 

Ceux  qui  concluoient  à  différer  l'Élection  ne  convinrent  pas  de 
cette  délibération,  et  sur  ce  que  les  autres  persistoient  à  la  souttenir, 
on  demanda  si  elle  estoit  escrite  dans  le  Registre  :  Comme  toua 
convinrent  que  non,  il  fut  conclu  a  la  pluralité  des  voix  qu'on  n'en 
pouvoit  tirer  aucun   avantage,  et  qu'on  n'en  feroit  plus  mention. 

Âpres  que  la  voix  eut  couru,  il  se  trouva  d'abord  neuf  de  Mr«  qui 
opinoient  a  procéder  à  l'élection,  et  M^  le  Directeur  ayant  conté  les 
voix  dit  que  cet  avis  passoit  à  la  pluralité.  Mais  sur  ce  que  quelques 
uns  persistèrent  dans  leur  opposition,  que  d'autres  protestèrent  et 
se  levèrent  pour  se  retirer,  quatre  revinrent  à  l'avis  de  ne  point  pro- 
céder à  l'Élection  et  il  fut  suivi.  On  se  sépara  sans  rien  conclure 
pour  la  prochaine  convocation . 

Le  sainedy  3e  on  s'assembla  et  M»"  le  Directeur  ne  proposa  rien 
sur  ce  sujet. 

Le  lundy  b*^  M.  le  Directeur  ne  vint  point  et  en  l'absence  de 
M.  l'abbé  Genest,  chancelier,  et  de  M.  l'abbé  Régnier,  secrétaire, 
M.  l'abbé  de  Dangeau,  comme  ancien,  présida.  Le  s''  Coignard, 
imprimeur  de  l'Académie  apporta  un  billet  apostille  qui  luy  auoit 
esté  envoyé  par  M^  d'Avranches,  pour  Convoquer  la  Compagnie  le 
10^  et  ce  pour  la  seconde  assemblée.  Me  l'abbé  de  Dangeau  fit  dé- 
libérer sur  ce  billet.  L'avis  de  tous  à  l'exception  d'un  seul,  fut  que 
le  directeur  n'avoit  pas  le  droit  de  convoquer,  sans  en  communi- 


CHRONIQUE  DES  ÉLECTIONS  A  L'ACADÉMIE  437 

qucr  à  la  Compagnie,  et  sans  prendre  l'avis  des  officiers  :  qu'après 
la  délibération  du  10*  il  n'estoit  plus  question  d'alléguer  une  résolu- 
tion qui  n'avoit  jamais  esté  escrite,  et  qui  avoit  esté  contestée.  Ainsi 
fut  conclu  que  le  billet  de  convocation  ne  seroit  ny  imprimé  ny 
envoyé.  M.  de  Sacy  contesta  fort,  et  représenta  qu'on  entreprenoit 
sur  les  droits  du  Directeur,  et  que  Mr  d'Avranches  pourroit  auoir 
sujet  de  regarder  cette  résolution  comme  un  affront,  chacun  en 
particulier  et  tous  par  la  bouche  de  Mr  l'abbé  de  Dangeau  président 
tesmoignèrent  toute  la  considération  possible  pour  la  persone  de 
Mr  TEvesque  d'Avranches,  mais  ils  déclarèrent  en  mesme  temps 
qu'ils  ne  consentiroient  jamais  que  les  Directeurs  s'attribuassent 
une  autorité  despotique  sur  la  Compagnie,  ny  le  droit  de  la  convo- 
quer de  chez  eux,  sans  la  consulter  et  qu'on  avoit  tousjours  pra- 
tiqué le  contraire,  sans  qu'il  y  eut  d'exemple  de  pareille  prétention... 
On  pria  M.  de  Sacy  de  rendre  conte  à  M'  d'Avranches  de  ce  qui 
s'estoit  passé,  mais  on  ne  jugea  pas  à  propos  de  l'en  charger  par 
une  députation. 

Le  mercredy  1^  on  s'assembla  a  cause  de  la  feste  du  lendemain  : 
et  Mr  l'abbé  de  Dangeau  présida.  M'  de  Saey  fut  escoufé  pour  ins- 
truire la  Compagnie  de  ce  qui  s'estoit  passé  dans  la  visite  qu'il  avoit 
faite  à  Mr  d'Avranches.  Après  s'en  estre  expliqué  en  termes  géné- 
raux, il  dit  que  comme  il  ne  vouloit  rien  dire  de  son  chef,  mais  rap- 
porter exactement  les  sentiments  et  les  paroles  mesmes  de  Mr  d'A- 
vranches, il  l'avoit  prié  de  s'expliquer  luy  mesme  par  une  lettre  : 
qu'il  l'avoit  escrite  a  luy  (M.  de  Sacy)  :  il  la  tira  et  il  en  fit  la  lec- 
ture. 

Cette  lettre  contenoit  des  plaintes  générales  sur  ce  qui  s'estoit 
passé  dans  les  séances  du  i^r  et  du  5«  de  ce  mois,  2o  de  particulières 
sur  l'entreprise  contre  le  droit  du  Directeur,  3»  sur  l'irrégularité  de 
la  délibération  du  i^r  par  ce  que  quatre  de  Mn  avoient  changé 
d'avis,  après  les  voix  contées.  4»  des  raisons  pour  prouver  qu'on  ne 
devoit  pas  attendre  les  absents  qui  estoient  à  la  Cour,  5®  d'autres 
pour  establir  qu'on  pouvoit  nonobstant  le  Règlement  procéder  a  une 
élection,  sans  estre  vingt,  6»  une  nouvelle  allégation  de  la  délibéra- 
tion qu'il  avoit  citée  sur  ce  sujet.  M'  d'Avranches  concluoit  que  son 
procédé  avoit  esté  dans  les  règles  :  qu'ainsi  on  n'avoit  pas  dû  sy 
opposer  de  la  manière  dont  on  l'avoit  fait,  et  qu'enfin  cela  l'obligeoit 
à  abdiquer  l'employ  de  Directeur,  qu'il  abdlquoit  entre  les  mains 
de  la  Compagnie. 

Mr  le  Président  fit  opiner  sur  la  matière.  Il  fut  d'abord  résolu 
tout  d'une  voix  que  la  Compagnie  ne  vouloit,  ne  devoit,  et  ne  pou- 
voit recevoir  cette  abdication  dont  nous  n'ayions  point  d'exemple 


438  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

que  M.  de  Sacy  qui  avoit  apporté  la  lettre  seroit  prié  de  le  dire  à 
Mi  d'Avranches  et  de  l'exhorter  le  plus  vivement  qu'il  seroit  possible 
de  revenir  prendre  sa  place  de  directeur,  devant  estre  assuré  du 
respect  de  la  Compagnie,  pour  sa  personne,  sur  quoy  chacun  s  esten- 
dit  en  termes  aussi  obligeants  que  respectueux.  Que  pour  le  suplus 
TAcadémie  n'avoit  point  prétendu  Toffenser,  ny  innover  :  mais  seule- 
ment conserver  ses  loix  et  les  usages,  à  quoy  elle  se  tenoit,  ayant  voulu 
observer  literalcment  ce  qui  est  oit  escrit  ;  sans  avoir  égard  a  des 
délibérations  non  escrites,  que  plusieurs  ne  connoissoient  pas,  et 
que  d'autres  contestoient  avec  autant  de  raison  que  ceux  qui  les 
avoicnt  alléguées,  qu'elle  ne  vouloit  pas  laisser  establir  dans  le 
Directeur  une  autorité  absolue,  et  indépendante  du  Conseil  des 
officiers,  et  de  la  Compagnie,  dont  on  pourroit  abuser  dans  la  suite  : 
que  tout  avoit  esté  selon  les  règles  dans  les  délibérations  du  i^^  et 
du  4®  de  ce  mois  et  que  quand  la  civilité  qu'on  devoit  a  des  confrères 
tels  que  ceux  qui  estoienl  à  Fontainebleau,  n'auroit  pas  esté  fondée 
en  quelques  exemples  qu'on  rapporta,  le  règlement  qui  prescrit  le 
nombre  de  vingt  pour  les  élections,  la  rendoit  nécessaire. 

Me  l'abbé  de  Dangeau,  président,  dit  à  M.  de  Sacy  qu'il  le  prioit 
de  rapporter  ce  qui  s'estoit  dit,  comme  tesmoin,  a  Mr  d'Avranches 
et  de  l'exhorter  encore  au  nom  de  tous  de  revenir  prendre  sa  place 
de  Directeur  et  d'en  faire  les  fonctions. 

Sur  cela  M.  de  Sacy  dit  que  si  on  vouloit  luy  donner  un  adjoint, 
il  pourroit  espérer  plus  de  succez  de  ses  sollicitations.  Un  de  M^^  ne 
s'éloigna  pas  de  cet  avis.  Les  autres  a  l'avis  desquels  il  revint 
dirent  que  si  on  eut  reconnu  par  la  lettre  dont  on  venoit  d'entendre 
la  lecture  quelques  dispositions  de  Mr  d'Avranches  pour  terminer 
cette  contestation  a  l'amiable,  on  pourroit  luy  donner  une  marque 
extraordinaire  de  considération,  en  luy  faisant  une  députation.  Mais 
que  comme  il  paroissoit  qu'il  persistoit  dans  ses  premières  pensées,, 
et  qu'il  soutenoit  les  mesmes  prétentions,  que  la  Compagnie  croyoit 
insoutenables,  il  ne  luy  convenoit  pas  de  faire  une  députation  qui  ne 
serviroit  qu'à  exciter  de  nouvelles  contestations  et  qui  pourroit 
mesme  estre  interprétée  d'une  manière  contraire  aux  bonnes  inten- 
tions de  l'Académie. 

Ainsi  il  fut  conclu  que  M.  de  Sacy  feroit  seul  le  rapport  comme 
témoin  et  non  comme  député. 


\ 


LETTRES  INÉDITES 


DE 


NICOLAS  TfiOYNÂRD,  L'ABBE  NICAISE,  DD  CANGE  W  HADRIEN  DE  VALOIS 


A  GUILLAUME  PROUSTEAU 


Fondateur  de  la  Bibliothèque  publique  d'Orléans. 


(1679-1693) 


Les  lettres  que  je  publie  aujourd'hui  ont  été  extraites 
des  autographes  nombreux  que  possède  hi  biUiothèqpe 
pubUque  d'Orléans.  Guillaume  Prousteau,  à  qui  eUet 
sont  adressées,  est  assez  connu  pour  que  je  me  dJftpiMMt 
d'esquisser  sa  biographie.  Je  ne  parlerai  pas  non  jUvm  dtf 
ses  correspondants  :  de  savantes  notices,  publiées  dans 
ces  dernières  années,  ont  retracé  l'existence  de  NiooIflHft 
Thoy  nard  et  de  l'abbé  Nicaise  ;  les  ouvrages  de  X3m  Caqge 
et  d'Hadrien  de  Valois  font  romement  de  loales  les  bi- 
bliothèques. Leurs  lettres  à  G.  Prousteau  montrent  cet 
homme  sous  le  même  jour  :  c'est  d'un  cftté  son  opinift-' 
treté  indomptable  pour  garder  précieusement  les  richesKS 
bibliographiques  que  lui  ont  fournies  les  annotations  nuH 
nuscrites  de  Henri  de  Valois  ;  ce  sont,  de  l'autre,  les  solli- 
citations renouvelées  sans  cesse  et  sous  fontes  Ifiê  foims 


•  • 


440  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

de  ses  amis  le  pressant  de  livrer  au  public  savant  ces 
trésors  menacés  d'un  étemel  oubli.  En  outre  elles  font 
connaître  la  vie  littéraire  de  la  fin  du  xvn®  siècle  et  four- 
nissent quelques  détails  inconnus  sur  la  vie  de  plusieurs 
personnes  de  mérite  et  de  talent.  Dans  cette  publication 
je  me  suis  borné  à  quelques  notes  brèves  et  explicatives 
servant  à  éclaircir  des  points  obscurs  ou  à  aider  la  con- 
naissance de  faits  peu  saillants. 

Ch.  Cuissard. 


A.  —  LETTRES  DE  THOYNARD 


Ge  28  mars  (1679). 

J'ai  la  joie,  monsieur,  d'avoir  apris  par  monsieur  de  Bengy  le  bon 
état  de  votre  santé.  La  mienne  va  selon  le  tems  et  j'espère  voir  la  con- 
firmer en  prenant  Tair  natal  après  Pasques.  Je  ne  donnay  pas  llion- 
neur  de  repondre  a  votre  dernière  lettre,  je  la  receus  dans  le  tems  de 
mon  rhumatisme  qui  dura  long  tems  après  lequel  un  remerciement 
auroit  été  hors  de  saison  et  si  je  le  fais  a  présent,  c'est  bien  moins 
pour  vous  marquer  ma  reconnoissance  dont  je  vous  crois,  monsieur, 
très  persuade,  que  pour  prendre  occasion  de  vous  donner  de  la 
peine. 

Voiez  jusques  ou  je  porte  la  liberté  que  me  fait  prendre  votre 
amitié.  Le  fils  de  madame  Borde  la  veuve  (1)  qui  etoit  chanoine  de 
Meun  est  mort.  Je  lui  avois  prêté  Capelli  Critica  sciera,  in-fol.,  trois 
ou  quatre  volumes  et  Horae  hébraicae  et  tcUmudicae  de  Ligfoot 
in-4.  et  quelques  autres  livres  que  je  scaurois  pas  dire  a  personne 
parce  qu'en  jugeray  par  les  miens  qui  sont  a  Orléans.  Je  vous  prie 


Cl)  Madame  B«rde  était  la  veuve  de  Jacques  Borde,  libraire  à  Orléans. 


s 


LETTRES  INÉDITES  441 

«n  passant  par  le  cloistre  de  les  vouloir  demander  a  madame  sa 
mère  et  de  lai  témoigner  que  je  prens  beaucoup  de  part  a  son  aflic- 
tion  et  que  ca  m'est  sensible,  car  monsieur  son  ûls  etoît  un  fort 
honete  garson.  Vous  m'obligerez  aussi,  monsieur,  de  vouloir  garder 
ces  livres  et  de  croire  que  je  suis  avec  passion  votre  très  humble 
et  très  obéissant  serviteur. 

Thotnard. 


Je  suis  d'avis  come  monsieur  Formentin  (1  )  d'atendre  venir  votre 
marchand  de  livres,  j'en  parleray  néanmoins  a  monsieur  labé  de 
S^e  Beuve  (2),  si  vous  me  l'ordonnez.  Cependant  je  saluerai  de  votre 
part  ces  débauchez  du  faubourg  (  3  )  qui  pourront  en  devenir  un  peu 
plus  morigénez.  Ils  ont  bien  doné  de  la  pratique  au  comissaire  de 
leur  quartier  depuis  leur  arivée.  Nous  consentirons  touchant  la 
bi))liothèque  vacante,  si  elle  est  vacante. 

Au  dos  :  A  monsieur  Prousteau  docteur  régent  en  l'université 
demeurant  au  cloitre  de  St«  Croix  (4).  A  Orléans.  (5) 


(  1  )  Archidiacre  de  Sologne  et  sous-doyen  de  la  Cathédrale  ;  il  mourut  le 
6  mai  1703.  Son  anniversaire  au  nécrologe  est  marqué  au  5  mai.  Dom  Pabre 
composa  sur  lui  une  notice  conservée  à  la  bibliothèque  d'Orléans,  ms.  467  et 
à  la  Bibl.  Nat.,  Manuscrits.  N.  acq.  fr.  561.  La  biblloth.  d'Orléans  possède  en 
ms.  le  Voyage  d  Rome  de  M.  Formentin,  d9  387. 

(2)  L'abbé  Jacques  de  Ste  Beuve  était  c  grand  mattre  en  escrime  sorbo- 
nique  »  et  un  gallican  avéré.  Cf.  Faugère,  Lettre»^  opu$cule$  et  mémoires  de 
Madame  Périer,  Paris,  1845,  pag.  427  ;  Ste  Beuve,  Port  Royal,  T.  IV,  p.  568,  et 
E.  de  Ste  Beuve,  Étude  d'histoire  privée,  Paris,  1865. 

(3)  Ces  débauchés  du  faubourg,  que  Thoynard  appelle  encore  c  certains 
quidams  du  Val  de  grâce,  »  étaient  probablement  les  Périer.  Cf.  Faugère, 
op.  citât,  pag.  428. 

(4)  Dans  son  testament,  Prousteau  l^ue  aux  chanoines  de  Sainte-Croix 
une  somme  de  300  livres  pour  les  remercier  de  lui  avoir  laissé  dans  leur 
cloitre  la  jouissance  qui  lui  avait  été  donnée  à  vie  par  un  de  leurs  collègues 
d'une  maison  et  de  l'avoir  ainsi  traité  comme  chanoine.  Son  anniversaire  est 
marqué  dans  le  nécrologe  au  13  mars. 

(5)  G.  Prousteau  répondit  à  la  lettre  de  Thoynard  le  5  avril:  Cf.  E.  Jovy, 
G,  Prousteau  et  ses  lettres  inédites  d  Thoynard^  Paris,  t888»pag.  11. 


442  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 


II 


Ce  jeudi  (1581). 

J'ay  votre  livre  in-8  d'Allutius  sur  le  concile  d'Ephèse  (  1  ),  le  neveu 
de  monsieur  Ghupc  me  la  raportc  co  matin  et  Je  dois  rendre  justice 
a  l'oncle  et  au  neveu  que  vous  1  auriez  eu  il  y  a  long  tems  si  j'avois 
voulu  leur  dire  mon  logis  ou  je  ne  voulois  pas  qu'ils  prissent  la  peine 
de  Tenvoier  et  ils  en  l'a  isolent  la  cérémonie.  Il  est  important,  monsieur^ 
que  vous  écriviez  prontement  a  Mr  Graevius  (2)  et  que  vous  lui 
marquiez  précisément  de  ne  point  remetre  \ oive  Harpocration  (3) 
entre  les  mains  de  M>^  Emericus  Bigot  (4)  de  Rouen,  mais  de 
Tadresser  directement  à  monsieur  Justel  (5)  Ciir  essct  novissimus 
error  pejorc  et  votnî  livre  courroit  grand  risque.  Vous  pouvez  m'a- 
dresser  cete  letre  et  je  prieray  M""  Justel  de  l'acompagner  d'une  des 
sienes.  Je  voudrois  pouvoir  en  toute  autre  rencontre  vous  marquer 
avec  combien  de  passion  je  suis,  monsieur,  votre  très  humble  et 
très  obéissant  serviteur. 

Au  dos,  ut  supra.  (0) 


(1)  *i  J'avois  prié  M.  Chuppé  de  vous  remettre  entre  les  mains  un  de 
livres  qu'il  a  depuis  loiigtems.  C'est  unVindiciae  ephesinae  synodi  de  Léo  Aila- 
tius,  in-8.  »  Lettre  de  G.  Prousteau  du  5  déc.  1680.  E.  JoN-y,  op.  cit.,  p.  18. 

(2)Labi)>liotIi.  d'Orl.  possède  une  lettre  de  Graevius  à  G.  Prousteau  du 
8  décembre  1G94. 

(3)  Parmi  les  livres  provenant  de  la  bibliothèque  de  M.  de  Valois,  acheté 
par  G.  Prousteau,  se  trouvait  un  exemplaire  de  l'ouvrage  suivant  :  Harpoeni' 
tionis  lexicon  in  deceni  rhetores,  gr.,  suppletum  et  emendatum  a  Phil.  Jac. 
Muussaco.  Paris,  Morel,  1614,  contenant  des  notes  manuscrites  très  étendiiOb 
Gronovius  les  demanda  et  les  fit  imprimer  sous  ce  titre  :  Henrici  Valetii  nofoc 
(1*  animaduersiones  in  Ilarpocrationem  et  Phil,  Maussaci  notas  ex  MMfofA. 
G.  Prousteau.  Lwjduni  Hatatxirum,  Gaesbeck,  1683. 

(1)  Emeric  Bigot  (1626-1689)  possédait  une  magnifique  bibliothèque  qu'il 
communiquait  avec  plaisir  à  tous  les  savants  de  l'Europe. 

(5)  Henri  Justel.  Cf.  Ut  France  protestante  des  frères  Haag,  t.  VI,  pag.  114. 

(6)  Cette  lettre,  comme  plusieurs  autres,  n'est  pas  signée  :  elle  porte  senle^ 
ment  la  barre  supérieure  du  T. 


LETTRES  INÉDITES  443 


III 


Ce  21  juillet  (1690) 


J'ay  fait  part,  monsieur,  de  vos  honetetés  a  ma  sœur  dont  elle  et 
mov  vous  remercions  très  humblement.  Plus  d'un  abé  vous  baise 
les  mains.  L'un  a  encore  écrit  a  Graevius.  Vous  savez  bien  qu'il  ora 
mal  emploie  son  panégyrique.  Tout  est  en  confusion  en  Angleterre 
et  en  Ecosse  (1).  Si  la  dernière  conspiration  n'avoit  été  découverte, 
on  orait  empaqueté  la  princesse  d'Orange  pour  nous  la  livrer.  Les 
leties  du  9.  marquent  cela.  Et  vous  remarquerez  que  c'estoit  durant 
la  bataille  navale.  Jugez  des  suites.  On  a  encore  brûlé  du  débris  du 
combat  deux  grands  vaisseaux  anglois  qui  etoient  échoués.  L'un 
etoit  le  vis  amiral  de  80.  pièces  de  canon.  Trente  chaloupes  armées 
ont  fait  l'exécution  a  la  vue  des  miliers  qui  etoient  a  terre  et  qui 
n'ont  pu  l'empêcher.  Ce  qu'il  y  a  de  plaisant  c'est  que  les  Ânglois 
arhortrent  sur  ces  deux  vaisseaux  pavillon  holandois  pour  couvrir 
leur  honte  au  depans  de  leurs  alliez. 

On  imprime  in  12.  les  Notes  sur  Lactance  (2),  c'est  a  dire,  mon- 
sieur, (ju'ùi  cerbo  tuo  laxavi  rete.  11  y  a  des  négociations  pour  un 
ouvi;i;j;e  de  plus  grand  volume  (3)  pour  lequel  vous  ne  m'avez  pas 
marqué  de  Tindifference.  On  ne  peut  être,  monsieur,  avec  plus  de 
reconnoissance  que  je  le  suis  votre  très  honore  et  très  obéissant 
serviteur. 

Thoynard. 

Un  de  mes  amis  m'a  prié  de  faire  tenii'  seize  loQis  d'or  a  un  jeune 
homme  :ipele  M^  Halon  qui  étudie  en  droit  et    demeure,  je  crois, 


(1)  Ces  paroles  et  les  suivantes  concernent  les  événements  du  mois  de 
juillet  1690  et  la  bataille  gagnée  par  TourvUle. 

(2)  Cet  ouvrage  a  pour  titre  :  In  Lactantium  de  mortibuê  persecutorum  notae 
Sic.  Toinardi  Aurel.  Parisiis,  apud  Àrnulphum  Seneuze,  in  vico  de  la  Harpe^ 
1690.  G.  Prousteau  écrivait  à  Thoynard  au  sujet  de  cet  opuscule  :  «  Je  suis 
fasché  que  le  texte  de  Lactance  n'ayt  pas  été  mis  avec  vos  notes,  car  il  en 
fait  encore  mieux  voir  l'excellence.  Le  livre  n'en  auroit  gueres  été  plus  gros 
et  assurément  qu'il  en  auroit  été  mieux  débité.  Ce  texte  est  assez  rare  id, 
cependant  il  est  bon  de  les  approcher  l'un  de  l'autre  et  de  les  avoir  Ions  deux 
à  la  main.  »  E.  Jovy,  op.  cit.,  p.  25 et  27. 

(  3  Wl  s'agit  probablement  de  son  Harmonie. 


444  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

chez  Mr  Fournier  (1).  Corne  voila  le  tems  de  votre  voiage  aimue| 
a  Paris  qui  aproche,  pouriez  vous  me  doner  ordre  de  les  doner  id 
a  quelcun  pour  vous  et  les  conter  a  Orléans  aud.  Sr.  Ezcuseï  ma 
liberté. 

Au  dos,  ut  supra. 

En  note  :  Paris  21  Juillet  1690  (de  la  main  de  G.  Prousleftn.) 


IV 

Ce  mercredi. 

Un  de  mes  amis  voudroit  avoir  le  commentaire  de  M',  de  la 
Lande  sur  notre  coutume  (2).  Il  vous  prie,  monsieur,  de  prendre 
la  peine  de  savoir  de  lui  ou  de  son  libraire  si  Ion  en  trouve  a  Paru 
et  chez  qui.  Sinon  de  me  faire  la  grâce  de  m'en  envoler  un  a  votre 
première  commodité  par  le  messager  et  qu'il  soit  bien  relié.  S'il  n'y 
en  a  pas  de  relié  ou  qu'il  ne  soit  pas  bien  condltioné,  je  le  prendray 
en  blanc. 

J'écris  a  ma  sœur  Thoynard  de  me  déposer  une  feuille  de  papier 
pour  m'envoier.  Vous  me  ferez  plaisir  de  la  mètre  dans  ce  livre,  si 
vous  m'en  adressez  un.  Il  n*y  aura  qu'a  l'envoier  quérir  de  votre 
part  au  logis.  Je  suis  ici  avec  beaucoup  d'autres  dans  Tafliction  de  la 
part  de  M.  Tevenot  qui  n'a  pu  résister  a  un  chagrin  dévorant  depuis 
lafaire  de  la  bibliothèque.  Je  vous  prie  de  dire  ici  un  petit  à  Tau- 
teur  du  comentaire  touchant  ce  que  vous  savez. 

Je  salue  tous  vos  voisins  et  voisines  et  suis,  monsieur,  votre  trèa 
honore  et  très  obéissant  serviteur.  Sans  signature. 

Grand  phénomène  littéraire.  On  imprime  la  version  du  Nouveau 
Testament  du  P.  Bouhours  (3).  Si  Gaspard  Migrot  vivoit,  il  en 
mourroit  de  déplaisir  car  il  seroit  ruiné  de  par  Dieu.  Je  vous  feray 
tenir  le  prix  du  livre. 

Au  dos,  ut  supra. 

En  note  :  Paris  1692,  5  nov.  (de  la  main  de  G.  Prousteau*) 


<1)  Jurisconsulte  Orléanais. 

(2)  Cf.  Éloge  de  J.  Delalande,  '  par  Prévost  de  Jannés,  en  tête  du  t  II 
de  la  Couf lime  d'Orléans,  édit.  1740;  E.  Bimbenet,  Etude  sur  J.  Delakaiét. 
Orléans,  1879. 

(3)  Nouveau  Testament,  traduit  en  fhmçais  selon  la  Vulgate.  Cette  tra- 
duction fût  fortement  critiquée. 


LETTRES   INÉDITES  445 


Ce  dernier  (16)92. 

L'amitié,  monsieur,  dont  vous  m'honorez  aiant  commencé  dans 
un  païs  ou  Ton  va  <  desear  buenos  anos  »  dès  la  veille  (  i  );  je  mets 
ici  cet  usage  en  pratique  pour  vous  ofrir  mes  très  humbles  respects 
après  vous  avoir  souhaité  une  heureuse  année  et  une  longue  suite 
de  semblables.  Je  vous  prie,  monsieur,  de  vouloir  vous  charger  d*en 
faire  autant  de  ma  part  a  vos  voisins  a  droite  et  a  gauche  et  a 
Mr  Formentin  et  autres  quos  glossa  reludit  abunde. 

Eumene  Pacat  nous  a  régalé  depuis  trois  jours  d'un  ouvrage 
charmant  intitulé  Protiisio  de  nummis  Herodiadum.  Il  y  a  varia 
lectio  dans  le  titre,  car  la  pluspart  des  gens  lisent  Detusio.  Il  y  dit 
qu'un  de  vos  amis  ultramontains  ne  connoît  pas  une  letre  en  mé- 
dailles samaritaines.  On  en  a  bien  ri  (2).Ilimpugne  aussi  dans  des 
plus  belles  corrections  dlosephe  qui  sont  dans  votre  petit  Lactance 
de  mortis.  Je  vous  en  feray  partir  un  exemplaire  vendredi  pour 
etrenes  que  je  vous  prie  d'accepter  comme  venant  de  voto.  M  l'abé 
Cadran  ne  s  amende  point.  Voila  qu'il  vient  de  me  prier  de  souper 
ce  soir  chez  lui.  Nous  y  aurons  bu  votre  santé,  avant  que  cete  letre 
vous  ait  été  rendue.  Bon  prou  fac.  Sans  signature. 

Au  dos,  ut  supra. 

En  note  :  Paris  1692,  31  déc.  (de  la  main  de  C.  Prousteau. ) 


VI 


Ce  25  juin  (1693) 


J'atendois,  monsieur,   le  départ  de  monsieur  Boier  de  Savigny 
pour  vous  faire  réponse  sur  le  livre  du  P.  Noris  (3).  Gomme  vous 


(1)  Souhaiter  de  bonnes  années.  Thoynard  et  Prousteau  s'étaient  liés 
d'amitié  durant  un  voyage  en  Espagne  en  1660. 

(2)  Jeaii-Pierre  Rigord  publia  à  Paris  en  1689  une  dissertation  historique 
sur  une  médaille  d'Hérode  Antipas  ;  le  P.  Noris  n'eut  pas  de  peine  à  démon- 
trer que  cette  médaille  était  moulée  sur  Tantlque. 

(3)  Le  V  Noris,  plus  tard  le  cardinal  Noris  en  16d5,  l'un  des  plus  savants 
italiens  du  wii*  siècle  fut  nommé  par  le  piq>e  Innocent  XII  bibliothécaire  de 


446  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

ne  me  mandâtes  pas  positivement  si  vous  voulez  en  avoir  un,  je 
n'en  aretay  un  pour  vous  que  conditionellement,  mais  si  vous  en 
voulez,  vous  n'avez  qu'a  dire.  Ncantmoins  vous  pouriez  auparavant 
de  vous  déterminer,  parce  que  rendu  à  Orléans  il  vous  reviendra  a 
15.  livres  ou  environ  compris  la  reliure,  voir  celui  de  M.  Formenlin 
et  si  vous  jujrez  pouvoir  vous  en  j)asser,  je  n'en  prendray  point. 
J'atends  des  nouvelles  de  M.  Graevius  qui  m'avoit  mandé  par 
sa  dernière  qu'il  vouloit  luy  même  porter  vos  livres  a  Leyden  de 
peur  (raccident.  Il  me  doit  envoier  des  Lactances  roWofMWi,  mais 
on  ne  scait  a  présent  coment  rien  taire  passer  tant  a  aler  que  venir. 
Le  Joannes  Maliiln  Antiochenus  (  1  )  est  imprimé  grec-lat.  en  Angle- 
terre. J'en  ay  un  en  Holande  d'où  je  l'atens  aussi.  Il  y  a  une  nou- 
velle pièce  volante  du  P.  Ilardoïiin  (que  vous  avez  toujours  tant 
estimé)  contre  le  P.  Noris  ou  je  ne  suis  pas  épargné  (2).  Il  dit  a 
présent  (|u'elle  n'est  pas  de  lui.  Elle  a  excite  l'indignation  de  tous 
les  honetes  jiens.  Un  P.  J.  l'envoiant  à  M.  Morel(3)  dansunc  Iclli-e 
luy  (lisoit  :  Je  vous  envoie  une  petite  salade  pour  le  P.  Noris  ou  je 
trouve  bien  plus  de  vinaigre  qu«*  d'huile.  On  dit  que  le  P.  Noris  y 
ajouteia  du  sel.  11  en  a  otrefols  donné  a  un  Antonius  Macedo  (4). 
Ce  P.  est  j)résenteinent  en  pleine  possession  de  la  bibliothèque  vati- 
cane,  après  avoir  essiiié  bien  des  opositions.  Le  Pape  lui  donne 
1300.  ecus  de  pension  extraordinaire  pour  avoir  un  petit  équipage  et 


In  Vaticniic-  Il  appartenait  à  l'ordre  de  saint  Augustin.  Ses  œuvre.s  thôolo- 
gi(|ues  ont  clé  pul)li('0.s  par  Zazzori,  Padoue,  V7i)S,  ses  œuvres  complètes 
furent  recueillies  par  les  soins  du  comte  MafTéi  et  de  Pierre  et  Jérôme  Itulle- 
rini.  Vérone.  1729-1711,  .')  volumes.  Ce  savant  cardinal  adres.sa  de  longues 
lellres  à  M.  Tlioynard  sur  des  (piestions  «le  chronologie.  Cf.  Les  correspon- 
dants de  Tlwijnurd.  Hibliotli.  Nation.  Nouv.  acq.  fr.  5G()-5C3.  —  L.-G.  Pelissier, 
Le  Curdiiml  dr  \oris  et  sa  correspondance.  Paris  1885. 

(1  )  Jean  Malala,  écrivain  grec,  natif  d'Antioche,  est  auteur  d'une  cliro- 
ni(]ue  pul)Iiée  sous  ce  titre  :  Joannis  Antiocheni  cognomento  Malalae  hisioria 
chnniira  cuin  interpretatione  et  notis  Edm.  ChUweudi...  praem.  dissertai,  de 
uuctorc  per  Ilumfred.  Ilodinni.  Accedit  epistola  R.  Hcntleii  ad  Joli.  Millium. 
O.ro/j//.  l(iî)l.  (^el  ouvrage  forme  le  t.  \xix  des  iîi/ranf/mie  historiae  scripiores 
et  1<>  t.  Mil  du  Corpus  scriptoriim  historiae  hyzantinae,  cdïié  en  1831. 

(2)  Jean  llardr)uin.  .Jésuite,  se  lit  une  grande  réputation  par  ses  ophiiuiiK 
originales  (  l(iiri-172î>  ). 

i:J)  Daniel-Hoberl  Morel  ( Kl'Nl-n.'îl ). 

<  I)  Antoine  de  Maee<lo,  Jésuite  portugais  (1012-1093)  auteur  de  Lusifania 
infuUitii  et  purpuntta.  Paris.  l(î(»3.  —  François  de  Macedo  (1396-1U81),  célèbre 
par  ses  tlémélés  avec  le  P.  Nori:?. 


LETTRES  INÉDITES  44? 

en  atendant  il  prend  un  carosse  au  Palais  pour  faire  ses  visites.  Il 
a  envoie  ici  une  lettre  ou  il  dit  que  luy  qui  n'a  jamais  voulu  avoir 
dans  sa  cellule  un  seul  petit  oiseau  en  cage  est  présentement  obligé 
d'avoir  deux  chevaux  a  Fecurie.  M.  Nicaise  (1)  est  parti  ce  matin 
pour  Dijon. 

Je  suis  parfaitement  votre  très  honoré  et  très  chassant  servi- 
teur (2). 

Sans  signature. 
Au  dos,  ut  supra. 


VII 


De  Paris  ce  vendredi  5Mi. 

J'ay  enÛQ  vu  monsieur  Chupé  qui  ne  revient  de  la  campagne  que 
dimanche  et  je  ne  lay  pu  joindre  qu*hier  après  midi.  B  a  donné  a 
monsieur  Nubie  (3)  un  de  vos  exemplaires  et  aussi  a  monsieur 
Talon  ( 4  ).  A  Tegard  de  YHarpocratwnj  j'en  ay  écrit  a  M.  Elsevier  (5) 
qui  en  a  été  le  porteur  et  pour  plus  grande  sûreté,  je  vous  prie, 
monsieur,  de  me  faire  une  bonne  petite  lettre  du  tems  précis  par 
laquelle  vous  me  redemandez  votre  livre.  Il  est  bon  d'y  marquer  et 
pour  cause  que  vous  ne  l'avez  confié  qu'a  moi  seul  et  que  c'est  &k 
ma  considération  que  vous  avez  bien  voulu  le  risquer.  Tant  plus 
forte  elle  sera,  tant  mieux  elle  vaudra  et  je  la  remetray  a  mond» 
Sr.  et  le  presseray  d'une  réponse.  Certains  quidams  du  Val  de  grâce 
pouroient  bien  l'un  de  ces  jours  prendre  prétexte  de  la  mort  d'un 
frère  pour  sortir  honetement  non  setdement  du  cartier,  mais  aussi 


(1)  Cf.  Jacquet,  La  uie  littéraire  danê  une  oflle  cbjiroràiet  $ùuê  Iâmèm  Xif^ 
Paris,  1886,  in-8.  Un  volume  de  la  coirespondaiiee  de  l'abbé  IQcalae  a 
été  publié  par  M.  Caillemer  dans  les  Mémoires  de  rAcadémie  de  Lyon. 

(2)  G.  P  rousteau  répondit  à  eette  lettre  .le  9  JniUet  1688.  Cf.  B.  Jovy,  op. 
cit.  p.  34. 

(  3)  Louis  Nubie,  né  à  Amboise,  le  22  novembre  1606.  Voir  Fabbé  CtMnSKktt 
Inventaire  analytique  des  archives  conanmuijlÊ»  ^Aanbohe,  Toors,  1874^  pp.  Wê, 
297  et  298. 

(  4  )  Denis  Talon,  fils  d'Orner  (1628-166$). 

(  5  >  Daniel  Efausvier  (  1617-1680X  eélèbn  iasprimenr. 


448  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

de  Paris  et  tout  le  monde  ne  saura  pas  que  le  comissaire  joue  son 
jeu  (1). 
Je  suis  avec  passion,  votre  très  humble  et  très  obéissant  senritenr. 

Sans  signature. 

Il  court  de  mauvais  bruits  du  soleil,  il  s'y  trouvoit  de  nouvean 
deux  grandes  taches.  Tune  de  Tautre  mois  et  l'autre  depuis  4.  jours. 

Au  dos,  ut  supra. 


VIII 


Ce  7  sept. 

Soiez  le  bien  revenu,  monsieur.  Je  vis  hier  M.  Bigot  chez  M. 
Ménage  et  lui  fis  part  de  la  continuation  de  votre  heureuse  obli- 
geance. Des  que  vous  aurez  eu  la  bonté  de  me  remetre  YHarpoera^ 
tiouj  on  l'acheminera  en  Holande.  M.  Elzevier  est  ici  depuis  8.  jourSy 
qui  le  fera  tenir  sûrement  a  M.  Heinsius  (2),  car  autrement  il  n'y  a 
pas  lieu  d'en  faire  imprimer  ce  qu'il  y  a  de  M.  de  Valois,  personne 
ne  peut  se  charger  d'en  faire  l'extrait  pour  l'envoier  en  Holande» 
come  il  semble  que  vous  le  desiriez  par  votre  précédente  ;  c'est 
pourquoi  il  faut  vous  résoudre  a  trouver  bon  que  votre  exemplaire 
fasse  le  voiage,  sinon  le  public  ne  peut  espérer,  cete  ocatsion  présente 
manquée,  de  voir  jamais  ces  notes  que  M.  Heinsius  conferroit  sor 
les  livres  avec  le  nouvel  imprimé.  En  atendant  vos  sentiments  la 
dessus,  je  demeure,  monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur. 

TOINARD. 

Au  dos,  Kt  supra. 


(  1  )  Thoynard  fait  allusion  probablement  à  la  mort  d'Etienne  Périer  qu  i 
eut  lieu  le  11  mai  1680.  Ce^  neveu  de  Pascal  avait  de  1666  à  1669  suivi  les  cours 
de  rUnivcrsité  d'Orléans.  —  Cette  lettre  peut  avoir  été  écrite  vers  1680;  mais 
comme  elle  ne  porte  aucune  date,  je  l'ai  transcrite  à  cette  place,  aussi  bien 
que  la  suivante,  parce  qu'U  pourrait  y  être  question  de  la  mort  de  Biaise 
Périer,  survenue  le  15  mars  1684. 

(2)  Nicolas  Heinsius,  lUs  de  Daniel  Heinsius,   philologue   hollandais, 
mourut  à  la  Haye,  le  7  octobre  1681,  entre  les  bras  de  Graevius. 


i 


LETTRES   INÉDITES  449 


IX 


Ce  samedi  16  sept. 

Je  ne  vous  ay  pas  donné  avis  de  la  réception  de  votre  Harpocrationy 
parce  que  je  voulois  en  même  tems  vous  faire  part  des  sentimens 
de  tous  ceux  que  vous  m'avez  ordonné  de  consulter  sur  Fenvoi  de 
ce  livre  de  Holande.  Monsieur  Nublé  a  qui  j'ay  rendu  la  votre  n'en 
fait  aucune  dificulté  et  dit  qu'il  vous  avoit  écrit  que   l'on  envoioit 
bien    ici  l'original  de   Lindenbrogius   sur  Ammian  Marcellin  (1). 
Monsieur  Fromentin  dit  plus,  qu'il  envoie  son  exemplaire  d'JIarpo- 
cration  noté  de  la  main  de  M.  Sarau  (?).  M.  Bigot  ny  personne  ne 
pourront  jamais  se  résoudre  a  copier  ces  notes  et  mons.  de  Valois  (2) 
dit  qu'il  faut  que  M.  Graevius  soit  bien  des  amis  de  feu  son  frère  pour 
se  vouloir  donner  la  peine  de  les  faire  imprimer.  Jugez  des  notes 
de  monsieur  d'Herouval,  de  monsieur  du  Gange  (3).  Ils  me  firent 
l'honneur  de  me  venir  voir  hier.   Je  leur  montray  l'exemplaire  et 
les  entretins  de  la  chose  et  demeurâmes  d'acord  que  si  vous  man- 
quez cete  ocasion  d'obliger  le  public,  vous  pouvez  vous  atendre  a 
enterrer  votre  livre  et  ils  s'étonnèrent  coment  on  trouve  en  Holande 
un  homme  qui  veuille  se  charger  de  faire  ces  extraits  et  de  les  adap- 
ter la  ou  il  faudra.  Monsieur  Justel  dit   que  si  vous  avez  quelque 
crainte  de  perdre  votre  livre,   quoiqu'on  en  risque  de   bien  plus 
considérables,  vous  devez  le  garder  et  je  suis  de  ton  avis  ;  car  si 
vous  n'êtes  pas  résolu  de  vous  même  a  l'envoier,  je  serois  fâché 
qu'en  cas  qu'il  en  mesarivast,   vous  eussiez  le  moindre  reproche  a 
me   faire  la  dessus  ;   car  je  ne   prens  aucune  part  à  l'impression 
&'Har})Ocralion,  L'exemplaire  n'est  point  a  moy  pour  que  l'on  me 
dise  qu'il  est  sorti  de  ma  bibliothèque.  Je  n'ay  jamais  connu  M.  de 
Valois.  Je  n'ay  aucune  relation  avec  le  libraire  qui  imprime  ce  livre 
ny  avec  celui  qui  le  donne  :  c'est  pourquoi,  monsieur,  je  suis  tout 
prest  a  vous  le  rendre  a  votre  premier  ordre.   Que  si  vous  voulez 
bien  l'envoier,  vous  pouvez  vous  assurer  que  M.  Graevius  qui  etoit 
fort  ami  de  M.  de  Valois  fera  imprimer  séparément  les  notes  et  se 


(1)  Reruni   gestarum...    libri  XVIII  ope  mss.  codicum  emendati  ab  Fred. 
lÀndenhrogio  et  Ilenrico  Hadrianoque  Valesia.  Lugd.  Batau.  1693,  in-4. 

(2)  Adrien  de  Valois.  Voir  plus  loin  une  lotte  écrite  à  G.  Prousteau. 
(3;  Voir  ci-après  une  lettre  de  Du  Gange  à  G.  Prousteau. 

1891  29 


450  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

donera  la  peine  dé  les  dechifrer,  ce  qui  n'est  pas  aisé  (1)  ;  il  mar- 
quera que  c'est  de  votre  bibliothèque  qu'elles  ont  été  tirées  et  il 
vous  les  rendra  fidèlement.  M.  Elzevier  qui  est  ici  se  chargera  de  les 
faire  tenir  sûrement,  s'il  ne  le  porte  lui  même  ;  mais  surtout  je  vous 
prie  encore  que  rien  ne  roule  sur  moy  qui  aurois  un  extrême  de- 
plaisir  qu'en  voulant  procurer  quelque  avantage  au  public,  je  fusse  en 
quelque  manière  la  cause  innocente  d'un  chagrin  qui  pouroit  vous 
ariver.  C'est  sur  quoy  j'atendray  l'honneur  de  vos  ordres  et  cepen- 
dant je  me  diiay,  monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur.  Toinard. 

M.  le  duc  d'Yorck  (2)  est  passé  travesti  en  Angleterre.  J'ay 
autrefois  ouï  dire  a  de  méchants  plaisants  d'entre  ces  insulaires  qu'il 
avoit  toute  l'encolure  d'un  martir. 


B.  -  LETTRES  DE  L'ABBÉ  NICAISE 


Paris  le  iO  avril  1688. 

Je  prens  la  liberté,  monsieur,  de  vous  écrire  ce  mot  pour  vous 
asseurer  de  mes  respects  et  pour  vous  demander  des  nouvelles  de 
monsieur  Toinard.  Je  lui  ay  escript  trois  fois  depuis  peu  sens  rece- 
voir aucunement  de  ses  responses.  Il  ne  fault  point  passer  le 
jeudy  absolu  et  faire  sa  pasque  sens  estrc  asscuré  qu'il  se  porte  bien 
et  ({ue  nous  avons  toujours  part  à  sa  préticuse  amitié.  Je  vous  prie 
de  luy  témoigner  qu'il  est  oblijîé  de  rompre  son  silence  avec  moy, 
à  moins  qu'il  ne  veuille  que  je  croye  qu'il  me  veut  mal.  Il  ne  doibt 
piis  fain^  sa  pas<{ue  dans  une  si  méchante  disposition.  Dictes  luy  pour 
toutes  nouvelles  qu'on  distribue  présentement  la  Dissertation  sur 
Vllrmiitr  de  St.  Benoist  de  dom  Claude  Lancelot  (3)  augmentée 


(  1  )  u  Mirabar  minutissimas  litteriis  pedum  muscarum  similes  manu  ejuM 
scriptus  qnae  a  nullo  jyosse  legi  oidebantur.  »  Vitae  selectae  aliquol  uirorum 
ab  II.  Valesio. 

(2)  Jacques  II. 

(  :i  )  Mt'inoirc  sur  l'hémine  de    vin  et  la  livre  de  pain  accorda  parsaiot 
Itciioit  à  SOS  religieux,  16G7.  2'  édit.  1688. 


LETTRES   INÉDITES  451 

dans  cette  ti**  édition  des  réponses  aux  obiections  de  dom  Mabillon 
et  d'une  disqussion  sur  Tannée  et  le  jour  de  la  mort  de  St. 
Benoist  (1).  L'auteur  m'en  a  fait  part.  L'on  y  parle  du  bas  relief  de 
Dijon  sens  en  dire  1  histoire,  parce  que  Mons.  Cîourcier  théologal 
de  Paris  qui  a  examiné  et  approuvé  le  livre  a  voulu  qu'on  l'ayt 
retranchée.  Cela  nous  donnera  peut  estre  lieu  à  faire  un  peu  une 
dissertation  sur  cette  antiquité  et  de  parler  du  grand  card»!  Frégose, 
1er  abbé  conmiendataire  de  St.  Bénigne  de  Dijon  (2)  qui  a  donné 
lieu  à  ce  bas  relief  et  au  distique  fameux  qui  fust  mis  au  bas  par 
des  moines  qu'il  vouloit  réduire  à  Thémine  : 


Aurictilas  asitii  merito  fert  improbus  abhiL^i, 
Quod  monachis  pintas  jusserit  esse  brèves. 


Quand  ie  seray  de  retour  en  Bourgogne,  ie  tacheray,  monsieur, 
de  vous  trouver  un  exemplaire  du  livre  qui  fust  fait  par  un  mons^ 
David  i'A)  de  nostre  ville  contre  le  Pachymère  (4^  du  P.  Poussin  (5). 
Le  bonhomme  y  travailla  le  jour  mesme  de  sa  mort.  le  luy  avois 
donné  un  petit  horolo^jiutn  des  Grecs  qui  luy  servit  beaucoup.  Pour 
toujours,  monsieur,  à  vostre  amitié.  Mes  très  humbles  respects  à 
monsieur  Fromentin.  Je  suis  du  meilleur  de  mon  cœur  tout  à  vous. 

NiCAISE. 

Au  dos  :  Monsieur  Prousteau  professeur  en  l'Université  d'Or- 
léans. A  Orléans. 

Fra^Muent  de  cachet  portant  ces  mots  :  L'un  après  l'autre. 


(  1  )  Ce  sujet  avait  été  traité  par  l'abbé  de  Fleury,  Abbon.  dans  une  longue 
dissertation  conservée  à  Chartres,  ms.  45. 

(2  )  Ce  prélat  gouverna  l'abbaye  de  1525  à  1559.  Cf.  Gallia  christiana,  t.  IV, 
col   093. 

(  3  )  David  Maurice  (1614-1679)  fit  Touvrage  suivant  :  Animadoersiones  in 
ohsernaliones  chronologicas  Possini  ad  Pachymerem.  Dijon,  1679,  in-4. 

(  4)  Pachymère  (Georges)  un  des  écrivains  de  l'histoire  Byasantine. 

(.')>Le  P.  Poussines  (  1609-1681  )  édita  les  ouvrages  suivants  :  G.  Pachgmeriâ 
historia.  gr.  et  lat.  cum  observationibus  Possini.  Romae,  1666-1669,  tome  28  des 
Byzantinae  hist.  scriptores  et  22  du  Corpus  script,  hist.  Byzant.  :  Audronieus 
ValeolcKfiia  ex  interpretatione  Possini.  Roniîe,  1669,  in-fol. 


452  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 


II 


Paris  le  17  janr  1689. 

Ce  n'est  pas  assés,  monsieur,  de  vous  avoir  donné  des  marques 
de  mon  souvenir  dans  la  lettre  de  monsieur  Toinard  et  de  vous  y 
avoir  souhaitté  une  heureuse  année  ;  il  fault  vous  la  souhaiter 
ancore  par  une  lettre  propre  et  particulière  avant  qu'elle  soit  plus 
advencée  et  vous  demander  la  continuation  de  vostre  chère  et  pré- 
tieuse  amitié. 

J'ay  rocii  des  lettres  de  Hollande  et  de  la  Haye  et  d'Utreke  de 
mons'"  Saumaise  et  de  mons»"  Graevius.  Le  l^'*"  a  reçu  le  Polluz  de 
delFunt  monsr  son  père  qui  est  chargé  d'une  infinité  de  notes  sur 
cet  authcur  qu'il  donne  à  monsr  Graevius  pour  les  commu- 
niquer au  public  dans  l'édition  qui  se  fait  de  cet  excellent  glos- 
saire (1).  Vous  voulés  bien  que  je  vous  invite  à  ne  point  envier  au 
public  les  trésors  de  mous'*  de  Vallois  que  vous  avés  sur  cet  autheur 
et  sur  THesychius  (2).  Je  vous  en  ofl're  une  occasion  admirable  et 
telle  que  vous  n'en  rencontrerez  iamais  une  pareille  pour  la  seu- 
reté  de  l'envoy  de  ces  livres  qui  est  celle  de  l'excellent  monsi*  de 
Spanheim  (3)  qui  a  son  congé  de  la  cour  et  qui  doibt  partir  bien 
tost  ;  il  passera  d'abord  en  Hollande  et  verra  mons^  Graevius  (4). 
11  me  pria  de  vous  asseurer  de  ses  respects  et  du  désir  qu'il  auroît 
de  vous  rendre  ce  service  et  au  public  qui  vous  aura,  monsieur,  une 
obligation  immortelle  de  la  communication  de  ces  ouvrages.  Monsr 


(1)  <v  Juin  PoUucis  Ononmsticony  gr.  et  lat.,  Rodotph.  Gualtero  interprète 
studio  }Yolfan(ji  Seberi  editum.  Francof.^  Marnius,  1G08.  »  Cet  ouvrage  couvert 
de  notes  manuscrites  de  Henri  de  Valois  a  été  réimprimé  avec  ces  notes  par 
H.  Lederlin  en  1706  à  Amsterdam. 

(2)  L'édition  aldine  de  1511  conser\'ée  dans  la  biblioth.  d'Orléans,  D  216. 
contient  des  notes  de  II.  de  Valois  avec  ces  mots  :  Ex  libri  H.  Valesii  qui  sunt 
pênes  G*  Prousteau,  anteccss.  Aureliae.  Liber  commodatus  et  commendatus 
V.  C.  IK  Gracvio  atino  1089.  14  pages  de  notes  manuscrites.  J.  Âlborti  donna 
une  nouvelle  édit.  (VHesychius  :  Hesychii  lea^iœn  cum  notis  doctorum  uirorum 
J.  Scaligeri,  Cl.  Salniusii,  hl.  Christiani  et  II.  Valesii.  Lugd.  Bai.  1746,  2  vol. 
in-fol.  Emptus  suniptibus  bibliothecae  1779. 

(3)  Cf.  Relation  de  la  cour  de  France,  en  1G90,  par  Kzéch.  Spnnhrim, 
publiée  par  Schefer.  Paris,  1883. 

(4)  Graevius,  savant  humaniste  du  xvn*  siècle  (1G32-1703).  Voir  plus  loin  la 
lettre  d'il,  de  Valois, 


LKTTRKS   INÉDITES  453 

de  la  Monnoye  ^1)  a  faict  une  ode  sur  la  prise  de  Philipsbourg  (2) 
dont  je  vous  aurois  faict  part,  s'il  m'en  avoit  envoyé  ;  elle  viendra 
peut-estre  trop  tard  et  ce  sera  de  la  moustarde  de  Dijon  après 
disner.  Monsr  de  Meaux  la  fait  imprimer.  Il  ne  nous  en  a  point 
envoyé.  Je  vis  hier  Santeul  (3)  qui  l'avoit  veûe  et  qui  n'en  est 
pas  trop  content.  Je  suis,  monsieur,  avec  tout  le  respect  possible, 
vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

NiCAISE. 

Au  dos,  ut  supra. 


C   -  LETTRE  DE  DU  GANGE 


Paris,  le  4  may  1684 
Monsieur, 

Je  [irends  la  liberté  de  vous  addresser  une  lettre  pour  monsieur 
Thoinard,  estant  persuadé  que  les  muses  aussi  bien  que  les  grâces 
se  tiennent  par  la  main,  je  veux  dire  que  vous  estes  amis  (4).  Je 
lui  écris  au  sujet  du  Chronicon  Alexandrinum  (5)  que  j*ay  ordre 
de  joindre  aux  Annales  de  Zonare  (6)  que  je  fais  imprimer  au 
Louvre  de  l'ordre  de  MMr*  les  Ministres.  G*est  une  pièce  ou  il  a 
travaillé  et  ou  il  a  de  c[uoi  rectifier  beaucoup  de  mauvaises   leçons 


(  1  )  M.  de  la  Moanoie  Ht  son  droit  à  Orléans  (1M1-172B), 
(2  )  Philipsbourg  capitula  le  29  octobre  1688, 

(3)  Jean  de  Santeul,  célèbre  poète  connu  par  ses  hymnes  religieiiaes. 

(4)  Amauimus  ambo  inoicem  ex  quo  te  in  Hi^tania  jueundissinmm  habtd 
molestae  peregrinationis  comitem.  Inde  redux  meos  amoreSt  miuas  inquam, 
denuo  colui.  Préface  de  Thoynard  sur  Lactance  dédiée  à  G*  Prousteaa. 

(5)  na9';^â^cov  seu  chronicon  pasehale  a  mundo  condito  ad  Heraelii  impm 
ann.  vicesimum.  Opus  Iiactenus  Fastorum  Siculorum  nomine  landatum,  deinde 
Chronicae  temporum  epitomes  ac  deniqae  Chroniei  Âtexandrini  Ummate  put' 
gatum  nunc  tandem  auctius  et  emendatiuM  prodit  cum  nooa  oerrione  latina  cf 
no/r5  chronologicis  et  historicis  cura  et  studio  C  da.FresneD.  da  Caoge,  Paris, 
1688,  tom.  21.  des  Bgzcuitinae  histor.  Seriptores,  et  îé  du  Corpus  striptarum 
hist.  Byzantinae. 

(6)  Joann.  Zonarae  annales,  gr.  et  lat.  ex  interpretoHone  H.  Woifti  reeoi- 
tnit  et  notis  illustraoit  C.  du  Fresne  du  Caoge*  Paris.  188S-]fi87, 2  toI.  in-fiol., 
tom.  22  des  Byzantinae  liistor.  Script,  et^  da  Corpus  seripiarum  hist.  Bgum- 
tinae. 


et  la  vtMsioii  latitie  en  hoiiue  partie  lui  ayant  esté  confiée  par  M. 
Bi^ot.  Jo  110  soay  pas  tout  a  fait  s'il  voudra  s'en  dessaisir,  qtioiqae 
j(»  Ta^seuro  qu'on  lui  rendero  tout  l'honneur  c[ui  lui  est  deu  et  qu'il 
souhaitera.  C'est  une  occasion  pour  lui  pour  faire  que  ce  qu'il  a  tra- 
vaillé ne  pelisse  pas  avec  lui,  y  ayant  longr  temps  qu'il  promet  de  le 
donnor  ot  non  arrivant  à  rien.  Je  lui  mande  que  s'il  ne  veut  pas 
on  (fratilior  le  public,  on  me  promet  de  Rome  les  diverses  leçons 
liréos  du  iiis.  do  Sicile  par  M.  Holstenius  ;  car  pour  corriger  la 
version  j'ospôre  i\uo.  nous  en  viendrons  à  bout  n\ec  Taide  de  Dieu. 
Mais  il  soroit  plus  couri  do  les  avoir  de  lui.  Faites  moi  la  gn^ce, 
luonsiour,  de  lui  peisuader  avec  monsieur  Fromentin  d'en  gratifier 
la  litératuro  (1)  ne  prétendant  pas  en  mon  particulier  profiter  de 
riionnour  qui  est  du  à  un  autre  et  à  co  sujet  il  m'est  venu  en 
pensé(»  quo  feu  M.  de  Valois  (2)  auroit  pu  faire  des  observations 
sur  cette  chronique  qu'il  avait  fort  leûe.  Je  vous  prie  de  voir  sur 
son  exemplaire  s'il  y  a  quelque  chose  que  vous  vouliez  bien  pareil- 
lement communiquer,  nous  en  userions  à  vostre  ég^ard  comme 
nous  devons.  Pardonnez,  monsieur,  aux  muses  importunes  qui  ne 
sont  jamais  satisfaites  lorsqu'elles  enfantent.  Ce  sont  des  vierges 
qui  ont  de  la  peine  à  avouer  leurs  productions  à  moins  qu'elles  ne 
soient  bien  achevées  et  alors  elles  les  croient  légitimes.  Excusez  donc 
cette  liberté  que  j'ose  prendre    estant   avec   respect  vostre   très 

humble  et  très  obéi.s.sant  serviteur. 

Du  Gange. 
Rue  des  Egouffiers. 

Au  dos  :  A  monsieur  Prousteau  cons^  du  roy  et  professeur  royal 
en  l'université  d'Orléans.  A  Orléans. 


D.  -  LETTRE  D'HADRIEN  DE  VALOIS 


A  Paris  ce  G  juin  1686. 
Monsieur, 

J'avois  escrit  à  Monsieur  Nublé  nostre  ami   commun    lorsqu'il 
estoit  à  Amboise  que  ie  m'estonnois   fort  qu'on  ne  m'eust    point 


(1)  Thoynard  ne  coAimunlqiA  pas  ses  notes,  da  moins  Du  Gange  n'en  dit 
rien  dans  la  préfhèe  de  son  ouvrage. 

(2)  M.  de  Valois  n'a  laissé  aucune  note  sur  la  chronique  d'Alezandriet 


LETTRES    INÉDITES  455 

envoyé  de  Hollaode  V Harpocration  de  mon  frère.  Il  me  rescrivit 
qu'en  retournant  à  Paris,  en  passant  par  Orléans,  il  vous  deman- 
deroit  pour  moi  un  exemplaire  de  cet  auteur,  si  vous  en  aviez 
encore.  Ainsi  dit,  ainsi  fait.  Vous  avez  eu  la  bonté,  Monsieur,  de 
lui  donner  un  exemplaire  de  V Harpocration  pour  moi,  en  tesmoi- 
gnant  mesme  d  estre  fâché  de  n'en  avoir  point  de  relié  et  d'estre 
obligé  de  me  le  donner  en  blanc.  J'en  suis  infiniment  redevable  à 
vostre  courtoisie  et  la  manière  dont  vous  m'avez  fait  ce  présent 
m'a  autant  plû  que  le  présent  mesme.  Si  ie  ne  vous  ay  pas  escrit 
si  tost  pour  vous  remercier,  en  voicy  la  raison.  Je  voulois  aupara- 
vant lire  les  notes  de  mon  frère  sur  V Harpocration  et  voir  qui 
s'estoit  chargé  du  soin  de  l'impression.  Mais  la  lecture  de  la  pre- 
mière feuille  m'a  bien  surpris  et  fâché  tout  ensemble  :  quand  i'ay  re- 
connu que  feu  M.  Heinsius  et  Graevius  à  quii'avois  fort  recommandé 
ces  notes  et  qui  m'avoient  promis  d'avoir  eux  mesmes  le  soin  de 
l'édition,  contre  leur  parolle  s'en  estoient  deschargez  sur  un  autre. 
Cet  autre,  c'est  Gronovius  le  fils  autant  cbétif  auteur  qu'hardi  entre- 
preneur :  qui  ne  sait  pas  parler  latin  et  qui  semble  avoir  pris  à 
tasche  de  déshonorer  la  mémoire  de  mon  frère  dans  sa  belle  dédi- 
cace. Il  a  osé  donner  à  l'ouvrage  un  titre  impertinent  qui  est  tel  : 
Henr.  Valesii  notae  in  Maussaci  notas  (i)  :  comme  si  le  principal 
dessein  de  mon  frère  eust  esté  non  pas  de  commenter,  d'expliquer 
et  corriger  ï Harpocration,  mais  de  critiquer  et  reprendre  les  notes 
de  Maussac  sur  cet  auteur  :  ce  que  mon  frère  n'a  fait  que  par  occa- 
sion et  en  passant.  En  suite  dans  l'epistre  dedicatoire  Gronovius 
fait  bien  pis.  11  y  appelle  les  notes  de  mon  frère  tantost  inordinata 
coacervatio^  p.  8,  tantost  lituraria,  p.  12.  J'ay  lu  dans  ce  galima- 
tias de  l'epistre  p.  11,  ces  mots  :  Si  forsan  occursura  sunt  quoe- 
dam,  quae  à  iuvene  potiusquam  à  robusto  adnotata  videbuntur  ; 
si  in  quibusdam  haesitatio  aliqua  apparebit;8i  mutata  aliquando 
sententia  ;  immo  si  qua  iam  àb  aliis  anticipata,  hic  enimvero 
eristimationis  metus,  haec  illa  syrtis  est  propter  quant  cogor 
scrihere.  S'il  y  avoit  dans  ces  notes  quelques  remarques  plustost 
convenables  à  un  ieune  homme,  que  dignes  d'une  personne  oon- 


i  1  )  Henrici  Valesii  notae  et  animadoersiones  in  Harpoerationem  et  Philippe 
Jacobi  Maussaci  notas  ex  bibliotheca  Guilielmi  Prousteau  antecessoriM  iliireUa- 
nensis.  Lugd.  Batav.  apud  Danielem  à  Gaesbeeck,  1682.  L*ouvrage  est  dédié 
à  Viro  Joanni  Antonio  de  Mesmes^  comiti  de  Avanx.  Jacques  Gronovius,  Tédi- 
teur  (1645-1716)  était  un  homme  qui  aima  beaucoup  la  dispute  et  ftit  sou- 
vent fort  injuste  envers  ses  adversaires. 


456  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

sommée  ;  si  mon  frère  a  hésité  en  quelques  endroits,  s'il  a  quelque- 
fois changé  d'avis  ;  s'il  a  dit  des  choses  qui  avoient  desia  été   dites 
par  d'autres  :  enfin  s'il  se  rencontroit  rien  qui  pûst  faire  tort  à  la 
réputation  de  mon  frère,  Gronovius  n'a-t-il  pas  dû  faire  en  sorte 
qu'il  ne  parust  rien  de  tout   cela.  S'il  avoit  du  iugement  ou  s'il 
étoit  bien   intentionné   a-t-il  dû  mettre  des  choses    propter   quae 
maculam  aut  ignominiam  aliqtuim  suscipi  necessum  sit  ?  comme 
il  parle  p.  42.  dans  cette  mesme  epistre.  Il  s'avance  de  dire  p.  13,. 
que  les  estudcs  et  la  vie  de  mon  frère  ont  eu  assez  de  malheur 
dans  le  commencement  et  qu'Henri  de  Mesme,  président  a  mortier 
lui  asseura  sa  vie  durant  la  pension  qu'il   lui  donnoit.  Ce  qui  est 
faux.  M.  le  président  avoit  bien  fait  semblant  de  le  vouloir  ;  mais 
il  ne  le  fit  pas.  Il  appelle  mesme  mon  frcre  virum  optimum  his 
obscuritatibiis  inhaerentem,  p.  13.,  ne  sachant  pas  que  mon  firere 
durant  tout  le  temps  qu'il  a  reçu  la  pension  de  M.  le  président  de 
Mesme  estoit  un  fils  de  bonne  et  lionneste  famille,  ne  manquant 
de  rien  dans  la  maison   paternelle  ;  qu'il   n'a  pas  voulu  iamais 
quitter  pour  aller  demeurer  chez  lui  et  estre  son  commensal  et  son 
confident  :  ni  mesme   depuis   pour  aller  à  Toulouse  avec  M.   de 
Montchald)  archevesque,  qui  travailloit  lors  a  l'histoire  ecclésias- 
tique. Mais  c'est  trop  vous  entretenir  des  sottises  de  ce  hollandois, 
qui   blasme  souvent  un  homme  qu'il  a  entrepris  de  louer  et  qui 
certes  meritoit  bien  d'estre  loué  et  de  tomber  en  meilleures  mains 
pour  l'édition  de  ses  notes.  Voylà  le  malheureux  sort  des  livres 
postumes  et  indigestes  imprimez  par  des  ignorants  du  pays  étranger. 
Quant  à  moi,  ie  ne  vous  suis  pas  moins  obligé  de  vostre  présent,  que 
i'estime   beaucoup  :  et  en  revanche  si  vous  me  iugez  capable   de 
vous  rendre  quelques  services  à  Paris,  ie  vous  prie  de  ne  me  point 
espagner,   comme  estant.   Monsieur,   vostre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

De  Valois 

Ah  dos  :  A  Monsieur,  monsieur  Prousteau,  conseiller  du  Roy  et 
Professeur  en  droit  dans  l'Université  d'Orléans  à  Orléans. 


(1)  Montchal  fut  le  24-  archevêque  de  Toulouse  (1028-1651).    Cf.  GalUa 
ehristiana,  t.  xm,  col.  61. 


BIBLIOGRAPHIE 


DES 


ÉDITIONS  ILLUSTRÉES  DES  FABLES  DE  U  FONTAINE 


(1678  à  1757)  (1) 


ÉDITIONS  COMPLÈTES 

I.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La  Fontaine, 
et  par  lui  reveues  et  corrigées  et  augmentées.  —  A  Paris, 
chez  Denys  Thierry,  rue  Saint-Jacques,  et  Claude 
Barbin  au  Palais  MDCLXXVIII  et  MDCLXXIX  avec 
privilège  du  roy  :  (les  armes  du  Dauphin  sur  le  premier 
volume)  4  vol.  in-12  avec  les  figures  de  F.  Chauveau 
gravées  sur  cuivre  et  tirées  à  mi-page.  Et  Fables  choisies 
par  M.  de  La  Fontaine.  —  A  Paris  chez  Claude  Barbin 
au  Palais,  sur  le  second  perron  de  la  Sainte  Chapelle 
MDCXCIV  avec  privilège  du  roy;  1  vol.  in-12,  figures 
à  mi-page. 

Les  fig.  du  !«''  volume  sont  toutes  signées  F.  C.  saut 
une.  Les  fig.  du  2«  vol.  sont  signées  F.  C.  sauf  2.  Les  fig. 
du  3«  volume  sont  signées  F.  C.  et  F.  Chauveau  sauf  26. 


(1)  Extrait  d'ua  ouvrage  en  préparation  :  Les  Illustrations  des  FaMet  dej, 
de  La  Fontaine,  par  le  Docteur  A.  D.  Paris,  1  vol.  in-8*.  La  mention  :  CottatUumi 
indique  que  l'ouvrage  est  entre  les  mains  de  l'auteiir  ou  lui  a  passé  sons 
les  yeux. 


458  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

Une  de  celles-ci  est  signée  N.  Luc  (?).  Les  fig.  du 
4«  vol.  sont  signées  F.  C,  sauf  37.  Les  fig.  du5«  voL 
ne  sont  pas  signées.  Collationné, 

Première  édition  illustrée  complète  des  fables  publiée  du  vivant 
de  La  Fontaine.  Quelques  exemplaires  portent  des  notes  de  la  main 
de  La  Fontaine. 

I*'"''  vol.  32  ff.  non  chilfrés,  216  p.  numérotées,  1  f.  d'errata. 
Achevé  d'imprimer  3  mai  1678. 

2«  vol.  232  pp.  numérotées,  2  fl'.  non  chiffrés  pour  la  table. 

3e  vol.  i  feuillet  non  chiffré,  220  pp.  numérotées,  compris  la  table. 

4*?  vol.  221  pp.  numérotées;  le  verso  de  la  dernière  page  contient 
un  extrait  du  privilège,  en  date  du  29  juin  1677.  i  feuillet  non 
chiffré  pour  la  table. 

5c  vol.,  non  tome,  le  chiffre  de  Barbin,  entrelacé,  sur  la  première 
page.  La  dernière  page  est  numérotée  228,  mais  les  pages  186  et 
187  sont  répétées  2  fois.  4  feuillets  non  chiffrés  ;  privilège  du  24 
décembre  1692  ;  1  feuillet  non  chiffré  pour  la  table. 

Cette  édition  vaut  de  300  à  800  fr.  suivant  la  reliure  et  l'état  des 
marges. 

Les  premières  figures  de  Ghauveau  avaient  été  publiées  dans  : 

Fables  choisies  mises  en  ve^*s  par  M.  de  La  Fontaine,  à  Paris, 
chez  Claude  Barbin  au  Palais,  sur  le  perron  de  la  Sainte-Chapelle, 
M.DC.LXVIll.  1  vol.  pet.  in-4.  Privilège  du  roi  daté  du  6  juin  1667. 
Achevé  d'imprimer  mars  1868.  Fig.  en  taille  douce  de  Chauveau. 
Les  VI  premiers  livres  seulement.  Coll.,  et 

Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La  Fontaine,  chez  Denys 
Thierry,  rue  Saint-Jacques,  à  renseigne  de  la  ville  de  Paris, 
M  D.C  LXVIII,  avec  privilège  du  roi.  2  vol.  in-12  avec  les  armes  du 
Dauphin  sur  le  premier  volume.  —  C'était  la  réimpression  de  l'édition 
in-4.  Fig.de  Chauveau  (Bibliographie  de  A.  Pauly,  in  Œuvres  corn- 
plètes  de  La  Fontaine,  Lemerre,  1868),  puis 

Fables  nouvelles  et  avtres  Poésies  de  M.  de  La  Fontaine,  —  A 
Pa/is,  chez  Denys  Thierry,  rue  Saint-Jacques,  à  l'enseigne  de  la 
ville  de  Paris.  M  DC  LXXl,  avec  privilège  du  roi.  In-12,  12  ff.  préli- 
minaires, non  chiffrés,  et  184  pages  avec  les  fig.  de  Chauveau  ;  8 
fables  nouvelles  illustrées  et  faisant  partie  du  3^  et  du  4^  vol.  de 
l'édition  ultérieure  de  1698-1694.  Quelques  exemplaires  portent  le 
nom  de  Barbin.  Coll. 


FABLES  DE  LA   FONTAINE  450 

II.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La  Fontaine, 
et  par  lui  reveues  et  corrigées  et  augmentées  à  nouveau. 
—  A  Paris,  chez  Denys  Thierry,  rue  Saint-Jacques,  et 
Claude  Barbin  au  Palais,  MDCLXXVIII,  MDCLXXIX 
avec  privilège  du  roy.  4  vol.  in-12  avec  fig.  de  F.  Chau- 
veau  gravées  sur  cuivre  et  tirées  à  mi-page.  —  Fables 
choisies  par  M.  de  La  Fontaine,  A  Paris,  chez  Claude 
Barbin  au  Palais,  sur  le  second  perron  de  la  Sainte 
Chapelle,  MDCXCIV,  avec  privilège  du  roy.  1  vol.  in-12 
avec  fig.  à  mi-page.  Coll. 

Réimpression  de  Tédition  précédente.  Avec  privilèg'e  accordé  à 
Pierre  Trabouillet,  18  septembre  1692.  Les  figures  ne  sont  pas  toutes 
signées,  il  n'y  a  pas  les  armes  du  Dauphin  sur  le  premier  volume, 
ni  le  chiffre  de  Barbin  au  5^  volume.  Il  se  pourrait  que  cette  édition 
ait  paru  en  1G97,  car  on  trouve  à  la  fin  du  privilège  accordé  à  P. 
Trabouillet  et  joint  aux  exemplaires  de  l'éd.  de  1709  :  Achevé  d'im- 
primer pour  la  l®""  fois,  22  mars  1697. 


III.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La  Fon- 
taine,  et  par  lui  revues  et  corrigées  et  augmentées  de 
nouveau  suivant  la  copie  de  Paris,  et  se  vendant,  à  la 
Haye,  chez  Henr}'  van  Bulderen,  marchand  libraire 
dans  le  Pooten,  à  renseigne  de  Mezeray.  MDCLXXXVIII, 
MDCXCIV.  Fig.  de  Henri  Cause  d'après  Chauveau,  dans 
un  cadre  plus  grand.  5  parties  en  3  vol.  reliés  en  2  ;  la 
5^  partie  a  une  pagination  isolée.  Privilège  des  états  du 
29  novembre  169^1  Frontispice  original  de  Romeyn  de 
Hooge.  Coll. 

On  trouve  quelquefois  cette  édition  dans  le  commerce  sans  le  5« 
volume.  Première  copie  de  Cbauveau  qui  a  été  exécutée  du  vivant 
de  La  Fontaine.  Un  exemplaire  a  été  vendu  210  fr.,  vente  Chaiicel, 
1891. 


460  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

IV.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La  Fon-- 
laine,  et  suivant  la  copie  imprimé  {sic)  à  Paris,  et  se 
vendant  à  Anvers  chez  Henry  van  Dunewalt,  marchand 
libraire  au  Marché-aux-Œufs,  aux  3  moines.  — 
5  parties  en  2  vol.  fig.  de  H.  Cause  d'après  Chauveau  ; 
même  édition  que  la  précédente,  plus  rare.  Van  Bul- 
deren  avait  fait  part  sans  doute  d'une  partie  de  son 
privilège  à  Van  Dunewalt. 

V.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M,  de  La  Fontaine, 
à  Amsterdam,  chez  Daniel  de  la  Feuille  demeurant 
près  de  la  Bourse  MDCXCIII.  4  parties  en  1  vol.  in-12. 
Frontispice  par  R.  de  Hooge,  figures  de  Jean  Van 
Vranen  d'après  Chauveau,  dans  un  cadre  plus  grand  ; 
titre  en  deux  couleurs.  52®  copie  de  Chauveau  exécutée 
du  vivant  de  La  Fontaine.  Coll. 

11  n'y  a  que  les  XI  premiers  livres  des  fables.  Toutes  les  figrures 
ne  sont  pas  signées. 

Cette  édition  vaut  50  à  80  fr.  avec  la  reliure  du  temps. 

VI.  —  Nouvelles  Fables  choisies  et  mis  (sic)  en  vers  parles 
plus  célèbres  auteurs  françois  de  ce  temps.  Même  édition 
que  la  précédente,  augmentée  d'une  5«™e  et  quelquefois 
(^mo  partie.  A  Amsterdam  chez  Daniel  de  la  Feuille  et  à 
La  Haye  chez  Meindert  Uitwerf  1693-1696.  2  vol.  in-12, 
(Bibl.  Nationale).  ColL 

La  cinquième  partie  ne  comprend  que  le  Juge  arbitre^  l'Haspi^ 
talier  et  le  Solitaire ^  le  Soleil  et  les  Grenouilles,  les  Compagnonê 
d'Ulysse^  de  La  Fontaine.  Les  éditeurs  ont  ajouté  un  conte  :  la  Ser^ 
vante  justifiée,  de  La  Fontaine,  sous  ce  titre  la  Servante  et  %tn 
avocat.  Les  autres  fables  de  la  5«  et  de  la  6®  partie  sont  des  fables 
de  Régnier,  S^  Ussans,  Furetière,  Yalicour  et  Desmarest.  Les  figures 
qui  accompagnent  ces  fables  sont  originales. 

L'édition  vaut  le  même  prix  que  l'édition  précédente. 


FABLES   DE  LA    FONTAINE  461 

VIL  —  Fables  choisies  mis  (sicj  en  vers  par  M.  de  La  Fan- 
laine.  Première  à  cinquième  partie  à  Lion  {sic)  chez 
J.-B.  Girin  rue  Mercière  à  la  Victoire,  1698,  avec  fig.  et 
frontispice  gravé  daté  de  1699.  5  parties  en  2  vol. 
in-12.  Privilège  du  roi  du  19  juillet  1677,  permis  d'im- 
primer à  Lyon  1698.  Les  figures  ne  sont  pas  signées. 
(Bibl.  Nationale).  3<^  copie  de  Chauveau.  Coll. 

Cette  édition  parait  être  une  réimpression  de  l'édition  de  Daniel 
de  la  Feuille,  1693,  à  laquelle  a  été  sgoutée  une  cinquième  partie 
avec  un  titre  spécial  portant:  Nouvelles  fables  choisies  mises  en  vers 
par  M.  de  La  Fontaine,  et  autres  plus  célèbres  auteurs  frapçais  de 
ce  temps.  A  Amsterdam,  chez  Daniel  de  la  Feuille,  près  la  Bourse* 
Cependant,  les  illustrations  ne  sont  pas  celles  de  l'édition  Daniel  de 
la  Feuille.  Au  l*?»"  vol.  il  y  a  le  frontispice  de  R.  de  Hooge;  au  2«, 
un  frontispice  original  :  Ésope  au  milieu  des  animaux.  Les  fig. 
sont  dt^s  copies  de  Chauveau,  dans  un  cadre  plus  grand,  avec  le  no 
de  la  fable  et  le  n"  de  la  page  sur  la  planche.  Les  figures  des  V«  et 
Vl«  parties  sont  celles  de  Téd.  Daniel  de  Ja  Feuille,  comprenant 
d'autres  fables  que  celles  de  La  Fontaine. 

A  la  même  date,  il  a  été  signalé  une  édition  ainsi  désignée  : 
Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La  Fontaine,  ouvrage 
enrichy  ^'sicj  de  jolies  figures  jouxte  la  copie  (?)  a  Paris,  chei 
Michel  Hrunet,  KiOO.  2  tomes  en  i  vol.  in-8«  (?)  (signalés  par  Paul 
Lacroix,  in  yonrelles  Œuvres  inédiles  de  J,  de  La  Fontaine^  Paris, 
librairie  des  Bibliophiles,  1872.  1  vol.  in-8o).  Cette  indication  incor- 
recte est  très  inconiplète,  et  nulle  part  je  n'ai  pu  trouver  un  exem- 
plaire de  cette  édition  qui  est  peut-être  la  même  que  l'édition  publiée 
par  J.-B.  Girin,  si  toutefois  elle  existe. 

VIIL  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fonlaine,  et  par  lui  reveues  et  corrigées  suivant  la  copie 
imprimée  à  Paris.  —  Se  vendant  à  Anvers  chez  la  veuve 
de  Barthélémy  Foppens  au  Marchë-aux-Œufs  au  3 
Moines  M  DC  LXXXXIX.  Fig.  de  H.  Cause.  5  parties  en 
2  vol.  in-12.  (Foppens  était  évidemment  le  successeur 
de  Henri  van   Dunewalt.)    Réédition  de  l'édition  en 


462  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

commun  de  H.   van  Dunewalt  et  H.  van   Bulderen, 
1694.  Coll. 

IX.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine,  etc.  avec  les  fig.  de  H.  Cause.  A  La  Haye, 
chez  H.  van  Bulderen,  1700;  5  parties  en  2  vol.  in-12. 
Reproduction  de  l'édition  de  1688-1694.  ColL 

X.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M,  de  La  Fontaine, 
etc.  Amsterdam,  à  la  Sphère,  1700;  5  parties  en  2  vol. 
in-12.  Très  probablement  la  même  édition  que  celle 
de  La  Haye  avec  les  mêmes  figures. 

.  Nulle  part  je  n  ai  pu  trouver  cette  édition  qui  est  pourtant  signalée 
par  le  bibliophile  Jacob,  F^aul  Lacroix  (in  Nouvelles  œuvres  inédites 
de  J.  de  Li  Fontaine.  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  MDCCCLXXII). 
Ou  trouve  signalée  sommairement  dans  la  bibliographie  de  Quérard 
une  édition  Zacharie  Cliatelain,  Amsterdam,  1700.  Kst-ce  cette 
édition  7  Gela  est  possible. 

XL—  Réimpression  et  fac-similé  de  IVd.  de  1678-169i, 
avec  les  noms  d'éditeurs  suivants  : 

(1.)  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine.  —  A  Paris,  chez  Henry  Charpentier,  grande 
salle  du  Palais,  près  la  Chapelle.  Au  bon  (]lharpentîer 
M.DC(nX  avec  privilège  du  roi.  5  vol.  in-12.  Fig.  de 
Chauveau  gravées  en  taille  douce.  Coll. 

Les  fig-iires  ont  en  haut  une  lettre  indiquant  le  livre  et  la  page  de 
la  fablo.  Ces  chiffres  se  rapportent  à  la  pagination  de  1  édition  de 
1078-l(>04.  C/est  dans  cette  édition  que,  pour  la  première  fois,  les 
fables  sont  divisées  en  12  livres. 

(  2  )  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La  Fontaine, 
de  Paris.  Nombreuses  figures  sur  cuivre  à  mi-page. 
Michel  Clouzier  M  DCCIX.  5  vol.  in-PJ.  Même  édition, 
mêmes  figures ,  en  tout  semblable  à  la  précédenle. 
(Catalogue  Rochebilière  numéro  109  ). 


FABLES  DE   LA  FONTAINE  463 

(3)  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M,  de  La 
Fontaine,  etc.  —  Paris,  chez  Pierre  Ribou,  M  DCCIX. 
5  vol.  in-ri.  Même  édition,  mêmes  figures,  en  tout 
semblable  aux  deux  précédentes.  Coll. 

(4)  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine,  etc.  —  A  Paris  par  la  Compagnie  des  libraires 
M. DCCIX.  5  vol.  in-12.  Même  édition,  mêmes  figures, 
en  tout  semblable  aux  trois  éditions  précédentes.  Coll. 

(  5)  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine.  A  Paris  chez  Michel  David,  M  DCCIX.  5  vol. 
in-12.  Même  édition,  mêmes  figures,  en  tout  semblable 
aux  quatre  précédentes.  Coll. 

i  ()  )  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine,  etc.  Paris,  Chrystophe  David,  M. DCCIX. 
5  vol.  in-12.  Mêmes  figures,  même  édition  en  tout  sem- 
blable aux  cinq  précédentes.  Coll. 

(  7  )  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine.  Paris,  M  DCC IX,  chez  Ant.  Damonneville 
(juai  des  Grands-Augustins.  5  vol.  in-12.  Même  édition, 
mêmes  figures,  en  tout  semblable  aux  six  précédentes. 
Coll. 

(  8  )  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine.  Paris  M  DCC  IX  chez  Michel  Guignard  rue 
Saint-Jacques  à  Timage  de  Saint-Jean.  5  vol.  in-12. 
Même  édition  en  tout  semblable  aux  sept  précédentes. 
Coll. 

Pour  ces  huit  éditions  semblables  les  éditeurs  se  sont  servi  des 
cuivres  de  Chauveau.  C'est  un  fac-similé  de  l'édition  originale  de 
1678-lG9i;  mais  les  cuivres  sont  très  usés,  et  quelques-uns  sont 
retouchés  ;  il  y  a  des  tailles  nouvelles  sur  plusieurs  planches. 

Ces  huit  éditions  n'en  font  en  réalité  qu'une  ;  il  y  a  en  effet  une 
faute  d  impiession  quï  leur  est  commune  au  troisième  feuillet  de  la 
table  du  tome  4,  dernière  ligne  :  L  de  Lion  est  en  travers. 


464  BULLETIN  DU    BIBLIOPHILE 

Eq  prenant  un  volume  de  chacun  de  ces  exemplaires  et  en  les 
réunissant  on  fait  un  exemplaire  régulier  et  complet. 

La  raison  de  cette  variété  de  noms  d'éditeurs  est  que  le  privilège 
accordé,  pour  quinze  années,  par  le  roi  à  la  date  de  1708  à  Michel 
David  avait  été  transmis.  David  avait  fait  :  ce  part  du  droit  du  pré- 
sent privilège  aux  sieurs  Cavalier,  Charpentier  Glouzier  (Michel), 
Guignard,  Osmont,  Ribou  et  consorts,  libraires  à  Paris,  pour  en 
jouir  conjointement  avec  lui,  suivant  les  traités  faits  entre  eux  ». 
Ce  privilège  accordé  aux  libraires  sus-nommés  n^est  pas  le  seul  qui 
ait  été  placé  dans  les  huit  éditions  signalées.  On  y  trouve  encore  le 
privilège  déjà  ancien  accordé  à  Pierre  Trabouillet,  daté  du  18  sep- 
tembre 1692,  et  qui  avait  servi  pour  l'édition  de  1694,  fac-simUc  de 
Fédition  de  1678-1694. 11  y  a  à  la  fin  du  privilège  :  «  le  dit  sieurTra- 
bouillet  a  cédé  entièrement  le  privilège  des  fables  de  La  Fontaine 
aux  sieurs  Auboin,  Guignard,  David,  Charpentier,  Osmont,  Ribou, 
Glouzier  et  consorts.  » 

11  y  a  des  exemplaires  de  H.  Charpentier  qui  renferment  soit  le 
privilège  accordé  à  Michel  David,  soit  le  privilège  accordé  à  Pierre 
Trabouillet. 

On  a  tiré  seulement  un  titre  à  part  pour  chaque  libraire. 

Suivant  Paul  Lacroix  deux  de  ces  libraires  auraient  réimprimé  la 
même  édition  avec  les  mômes  figures  aux  dates  1718  et  1719,  Paris, 
Guignard,  et  Paris,  Ribou,  mais  c'est  une  erreur  :  il  n'y  a  que  les 
éditions  de  1709.  Les  cuivres  de  Chauveau  n'étaient  plus  désormais 
utilisables,  et  c'est  alors  que  les  libraires  réunis,  la  compagnie  des 
libraires  nommés  dans  le  privilège  ou  leurs  successeurs,  ont  fait 
reproduire  les  gravures  de  Chauveau  par  des  graveurs  du  temps, 
et  cette  fois  dans  un  cadre  plus  grand  pour  une  édition  qui  parut  en 
1729. 


XII.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M,  de  La 
Fontaine,  et  par  lui  revues  et  corrigées  et  augmentées 
de  nouveau  puis  traduites  et  mises  en  prose  le  plus 
succintcment  possible  par  M.  Balthazar  Nickisch  maitre 
de  langue  à  Ausburg:  cliés  {sic)  Jean  Ulrick  Kraus 
bourgeois  et  graveur  en  taille  douce  ;  cum  privilégia 
sacrœ  Cœsaris  majestatis  :  Âugsburg  chés  (sicj  Jacques 
Lotter  M  DCC  XIII.  Un  second  titre  en  allemand.  2  vol, 
in-12  en  un.  Frontispice  original  pour  chaque  partie  ;  les 


V 


FABLES   DE   LA   FONTALNE  465 

autres  figures  sont  copiées  de  Chauveau,  2  par  page 
hors  texte.  Il  a  été  signalé  une  autre  édition,  Augsbourg, 
1725,  introuvable.  (Bibl.  Nat.)  4'' copie  de  F.  Chauveau. 
Coll. 

Cette  édition  est  notée  1708  et  1709  par  quelques  bibliographes. 
L'exemplaire  relié  en  vélin  de  la  Bibliothèque  Nationale  est  daté 
1713. 

11  y  a  bien  à  la  date  1707,  à  Augsbourg,  un  recueil  de  fables  en 
3  langues,  en  prose,  avec  la  version  allemande  de  Balthasar  Nickisch 
et  les  gravures  de  Kraus,  mais  ce  recueil  ne  renferme  que  23 
planches  se  rapportant  aux  fables  de  La  Fontaine,  celles  que  celui- 
ci  a  empruntées  à  Ésope.  Les  autres  planches  se  rapportent  à  des 
fables  d'Esope,  de  Phèdre,  ou  des  Italiens  du  Moyen-Age.  Voici  le 
titre  du  livre,  en  texte  français  :  Faldes  choisies,  traduites  du  fran- 
çais (Ml  italien  par  le  sieur  Veneroni,  maître  des  susdites  langues  à 
Paris,  puis  en  Allemand  par  M.  Balthazar  Nickisch^  maître  de 
langues  à  Augsbourg,  enrichies  de  gravures  en  taille  douce,  au 
protit  de  la  jeunesse  aimant  les  langues  et  les  arts.  Augsbourg, 
chez  Jean  Ulrich  Kraus,  bourgeois  et  graveur  de  la  dite  ville,  1707, 
cum  pririleffio  sacrœ  majestatis  Augspurg,  Drucks  Gaspard  Bre- 
chenmacher.  (Les  figures  des  tables  sont  originales  avec  des  imita- 
tions des  ligures  de  F.  Chauveau).  Coll. 


XIII.  -  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  Iai 
Fontaine,  et  par  lui  revues,  corrigées  et  augmentées 
de  nouveau.  Avec  Figures  (fîg.  à  mi-page  de  H.  Cause, 
portrait  et  deux  frontispices  par  Picart;  2  titres  en 
deux  couleurs).  Amsterdam ,  chez  Zacharie  Châtelain 
M.DCCXXVIII  (la  première  partie)  ;  M  DCC  XXVII  (les 
quatre  autres  ;  5  parties  en  2  vol.  ColL 

Réimpression  de  Téd.  dt*  la  Haye,  H.  v.  Bulderen.  Texte  de  lédi- 
tion  hançaise  de  1078-1G04,  excepté  pour  la  cinquième  partie. 

La  Lif/tie  drs  Rats,  le  Soleil  et  les  Grenouilles  ont  été  ajoutés 
après  coup,  ainsi  que  l'Hyménée  et  VAmour,  et  2  contes  de  Lîi 
Fontaine  :  l'Atnotir  varnjé  (sic)  et  le  Fleuve  Scamandre.  La  figure 
de  ÏAnwur  rctvjù  est  la  lig.   de  Daphnis  et  Alcimadure  répétée. 

1  8  "J  1  30 


466  BULLETIN   DU   UIBLTOPHILE 

C'est  ce  (fiii  distingue  lï'dition  do  Zacliarie  Châtelain  de  Tédition 
H.  V.  Hulderen,  de  1088-1004.  L'»Miition  est  d'ailleurs  enricliie  de 
notes  au  ha.s  di'S  pages.  Il  y  avait  eu  à  la  même  époque  la  même 
édition  avec  les  mêmes  fljrures.  C'est  la  suivante  : 


XIV.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M,  de  La 
FonUtine,  etc.  Aiiisterdam,  R.  et  J.  Wetstein,  1727.  5 
parties  en  î2  vol.  iii-l'J.  (bibliographie  A.  Pauly,  in  éd. 
Lemerre,  citée). 

Crfto  édition  a  peut-être  ])aru  la  première,  car  dans  Téditioa  de 
Zach.'irie  Châtelain  la  première  partie  est  datée  1728,  et  les  suivantes 
iT21. 


XW  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M,  de  La 
Fontaine,  avec  la  vie  d'I^Lsope.  Nouvelle  édition  à  Paris 
par  la  Compagnie  des  iil)raires.  MDCCXXIX  avec 
approbation  et  privilège  du  roi.  Î3  vol.  in-12.  Imprimerie 
Prault,  ;>"  copie  de  (^iiauveau. 

Privilèjre  du  roy  accordé  à  Michel-Kticnne  David,  daté  du  29 
juillet  17^20. 

Fi^»'ures  copié«'s  de  Cliauveau,  assez  honnes  copies  dans  un  cadre 
pins  frran<l  cfue  les  figures  de  l'édition  11)78-1094  et  plus  petit  que 
celui  des  fij^ures  do  H.  Cause,  ct)innie  dans  l'éd.  .T.-H.  Girin,  et  ce 
sont  peut-être  h's  mêmes  lij?nres.  Sur  chaque  planche  il  y  a  le  nu- 
méro do  la  fable  et  île  la  i»a«,^o  correspondante.  Avant  la  table  au 
troisième  volume  :  .\pprobation;  .signée  :  Fontenellc  et  datée  du 
7  juillet  1715. 

Ouvrapre  très  soigné.  A  chaque  volume  il  y  a  un  ieuillet  d'errata, 
(î  fautes  à  corripfer  dans  le  ju'omier  tome,  7  dans  le  second  et  8  dans 
le  troisième. 

Cette  édition  est  extrêmement  rare  ;  elle  n'a  pas  été  tirée  à  grand 
nombre,  et  du  reste  IT)  ans  à  j)eine  après  a  paru  l'édition  avec  le 
commentaire  do  («oste.  Au  surplus  les  nombreux  exemplaires  de 
l'édition  de  I70î)  sutlisaiont  aux  besoins  du  temps.  Coll. 

Cette  édition  bien  reliée  et  en  bon  état  vaut,  en  raison  de  sa 
grande  rareté,  100  Ir.  environ. 


FAÏU.ES   DE   LA   FONTAINE  467 


XVI.  —  Fables  choisies  mises  en  ucrs  par  M.  de  La  Fon- 
taine,  avec  un  nouveau  commentaire  par  M.  Coste. 
A  Paris,  M.DCC.XLV.  Avec  Approbation  et  Privilège 
du  Roi  accordé  à  Michel-Etienne  David  à  la  date  du 
13  noveml)re  1744.  2  vol.  reliés  en  un.  Petit  in-12. 
Imprimerie  Prault  père.  Frontispice  de  B.  Picart  gravé 
par  Fessard.  2  frontispices  tète  de  page  représentant 
des  animaux,  gravures  non  signées.  14  petites  vignettes 
haut  de  page,  dont  12  sujets  de  fables.  Culs-de-lampe 
et  lellres-vignelles.  Les  figures  de  fables,  signées  Caron. 
Titre  en  deux  couleurs.  Coll. 

PremitT  essai  d'iilustrattoii  des  fables  avec  le  commentaire  de 
Coste.  In  des  frontispices  tète  de  page  placé  au  conmiencement  du 
2«  volume  a  été  reproduit  dans  Tédition  illustrée  de  1740  et  gravé 
par  Fessard  sur  le  dessin  de  Cochin.  C'est  la  première  fois  qu'il  n'y 
a  qu'un»'  illustration  pour  un  livre  entier  de  fables. 

Héiiupression,  Paris,  1751). 


XVII.  —  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M,  de  La 
Fontaine,  avec  un  nouveau  commentaire  par  M.  Coste, 
membre  de  la  Société  Rovale  de   Londres.   Nouvelle 

• 

édition  ornée  de  figures  en  taille  douce.  Paris 
M.DCC.XLVI  avec  approbation  et  privilège  du  roy. 
Pas  de  nom  de  libraire.  Titre  en  deux  couleurs.  Fron- 
tispice par  Cocliin  ;  un  frontispice  tête  de  page  au  l®"" 
volume  les  armes  du  Dauphin  par  De  Sene  gravé  par 
Fessard.  —  1  frontispice  tète  de  page  au  2**  volume,  des 
animaux  par  Cochin  fils  gravé  par  Fessard.  Imprimerie 
de  Prault  père,  5«  copie  de  Chauveau.  Coll. 

Le  privilègre  est  accordé  encore  à  Michel-Etienne  David,  daté  du 
8  janvier  1733,  et  il  y  est  joint  un  extrait  d'un  privilège  antérieur 
accordé  au  même  libraire,  daté  de  1720.  C'est  pour  cela  que  dans 


468  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

réd.  des  fables  de  Gh.  Nodier  (Paris,  Eymery,  1818),  dans  la  biblio- 
graphie annexée,  Tédition  avec  les  notes  de  Goste  est  désignée  : 
Paris,  David,  1746. 

Cette  édition  est  très  belle  à  tous  égards  ;  il  y  a  un  cul-de-lampe 
de  De  Sene  ou  De  Sève  gravé  par  Fessard  en  tête  de  chaque  Tolume. 
Les  figures  sont  des  copies  de  F.  Ghauveau,  dessinées  par  Gochin  et 
De  Sève  ou  De  Sene,  gravées  par  Fessard.  Mais  il  y  a  huit  dessinB 
originaux  des  mêmes  artistes  pour  les  fables  que  n'avaient  pas  illustrées 
Ghauveau  ou  ses  élèves  dans  1  édition  de  1678-1694.  Il  y  a  aussi  un 
dessin  original  pour  une  fable  qui  n'est  pas  de  La  Fontaine  et  qui  a 
été  sgoutée  :  la  Cigale  trouvée  parmi  une  foule  de  Sauterelles^  tirée 
d'Ésope.  G"est  Goste  qui  est  l'auteur  de  la  traduction  en  vers  dans 
le  genre  de  La  Fontaine.  Gette  édition  a  été  tirée  à  grand  nombre  et 
a  été  conservée. 

Il  y  a  eu  une  réimpression,  Paris,  1761. 

Les  figures  ont  été  copiées  à  leur  tour  et  les  cuivres  ont  été 
employés  pour  quatre  éditions  :  Paris,  1769,  1770,  1787  et  1806. 

L'édition  n'est  pas  rare  ;  on  la  trouve  facilement,  et  elle  est  estimée 
25  à  50  fr.  avec  la  reliure  du  temps;  avec  une  belle  reliure  et  peu 
rognée  elle  vaut  davantage. 


XVIII.  —  1^  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine,  avec  un  nouveau  commentaire  par  M.  Coste. 
Paris  Davidtz  quai  des  Âugustins  .  M.  DCC.  LU  avec 
le  privilège  accordé  à  M.-Ét.  David.  2  vol.  in-12  en 
un.  Imp.  H.-L.  Guerin.  Coll. 

!2'>  Fables  choisies  mises  en  vers  par  M.  de  La 
Fontaine,  avec  un  nouveau  commentaire  de  M.  Coste. 
Paris  chez  Barbou  rue  Saint-Jacques  près  la  fontaine 
Saint-Benoit  M.DCC.LVII  avecle  privilège  du  roy  daté 
du  13  novembre  1744  accordé  à  Michel-Etienne  David. 
2  vol.  pet.  in-12  en  1  vol.  Imprimerie  de  Didot.  Même 
édition  en  tout  semblable  à  la  première.  Coll. 

.>  Même  édition  en  tout  semblable,  même  impri- 
meur. Paris,  chez  la  veuve  Gandouin  quai  des  Augus- 
tins M.DCC.LVII.  2  vol.  en  un.  Coll. 


FABLES   DE  LA  FONTAINE  469 

4<>  Même  édition  en  tout  semblable.  Paris  Cellot  imp. 
Libraire  rue  Dauphine  et  au  palais  M.DCC.LVII.  2  vol. 
en  un.  ColL 

Figures  de  Caron,  les  mêmes  que  celles  de  Tédition  de  Goste  de 
1745  ;  une  seule  petite  vignette  en  tête  de  chaque  livre,  en  haut  de 
page.  Il  y  a  en  outre  dix  en-têtes  de  livre.  Frontispice  de  Picart, 
gravé  par  Fessard,  le  même  que  celui  de  Tédition  avec  les  notes 
de  Goste  sans  figures,  à  la  date  1743  ;  et  celui  de  Téd.  de  Zach.  Gha- 
telain,  1727-1728  ;  le  titre  en  deux  couleurs.  Gette  édition  a  été 
quelquefois  jointe  à  des  éditions  des  contes  de  La  Fontaine,  de 
Gazin,  Paris  et  Londres,  pour  faire  des  œuvres  complètes  en  5  vol. 
Coll.  Deux  ou  trois  exemplaires  ont  été  vendus  de  25  à  30  fr. 

Il  y  a  sans  doute  d'autres  exemplaires  de  cette  édition  portant 
d'autres  noms  de  libraire.  Ges  4  éditions  sont  la  reproduction  de 
réd.  de  Paris  M.  DCG.  XLV  citée  plus  haut,  avec  des  variantes  dans 
les  culs-de-lampe. 


Près  d'un  siècle  s'est  écoulé  depuis  la  première  publica- 
tion des  fables  de  La  Fontaine  illustrées  par  Chauveau,  et 
nous  entrons  dans  la  belle  période  des  illustrations  des 
beaux  et  bons  livres.  En  1755  va  paraître  Tédition  illus- 
trée par  Oudry.  Pendant  la  fin  du  XVIII®  siècle  et  au 
commencement  du  XIX®  il  y  aura  encore  quelques 
milateurs  et  copistes  de  Chauveau,  mais  ils  seront  plus 
rares  (1). 


(1)  Si  l'auteur  veut  bien  nous  la  confier,  nous  publierons  prochainement  la 
bibliographie  des  copies  d'Oudry. 


A    PROPOS    D'UN    LIVRE 


ANNOTE    PAR    VOLTAIRE 


Ce  livre  est  le  Christianisme  dévoilé  ou  Examen  des 
principes  et  des  effets  de  la  religion  chrétienne,  par  feu 
M.  Boulanger,  à  Londres,  MDCCLVI.  Le  volume,  en  lui- 
même,  n'a  qu'une  médiocre  importance;  Nicolas- Antoine 
Boulanger,  bien  que  son  principal  ouvrage,  L Antiquité 
dévoilée,  publié  après  sa  mort  par  le  baron  d'Holbach, 
ait  fait  un  certain  bruit,  n'occupe  qu'un  rang  fort 
secondaire  parmi  les  écrivains  du  xvnp  siècle  ;  il  n'est 
d'ailleurs  pas  sûr  qu'il  soit  le  véritable  auteur  du 
Christianisme  dévoilé,  dont  la  Nauvelle  Bibliographie 
générale  lui  conteste  la  paternité.  Tout  l'intérêt  de 
l'exemplaire  que  nous  présentons  au  lecteur  est  dans  les 
nombreuses  annotations  dont  Voltaire  l'a  enrichi.  Disons 
avant  tout  que  ces  notes  sont  d'une  authenticité  incon- 
testable ;  il  suffit,  pour  qu'aucun  doute  ne  soit  possible, 
d'en  comparer  l'écriture  avec  les  autographes  si  nombreux 
de  Voltaire. 

D'abord,  sur  le  titre  :  «  Cet  ouvrage  est  plus  rempli  de 
€  déclamation  que  méthodique.  L'auteur  se  répète  et 
«  se  contredit  ;  quelquefois  on  dira  que  c'est  Timpiété 
«  dévoilée.  »  On  voit  que,  dès  le  début,  Voltaire  se  pose 
en  quelque  sorte  comme  un  défenseur  du  christianisme. 
Et  ce  n'est  pas  là  un  accident,  la  plupart  de  ces  notes 
nous  le  montrent  dans  ce  rôle  assez  inattendu.  Â  propos 
d'une. réflexion  de  Boulanger  sur  «  l'inutilité  et  la  perver 


UN  LIVRE  ANNOTÉ  PAR  VOLTAIRE  471 

c  site  de  la  morale  que  le  christianisme  enseigne  aux 
«  hommes  »,  l'annotateur  s'indigne  presque  :  a  Peut-on 
€  appeler  perverse  la  morale  de  Jesu  {sici  Ch*  ?  »  Bou- 
langer soutenant  que  le  fanatisme  des  chrétiens  se  nourrit 
par  ridée  révoltante  d'un  enfer,  a  L'autheur,  dit  Voltaire, 
«  publie  que  les  autres  religions  admettaient  un  enfer 
«  longtemps  auparavant  ». 

Boulanger,  parlant  de  la  vie  future,  en  tire  un  argument 
contre  la  justice  de  Dieu:  a  Nous  ne  pouvons  l'appeler 
€  juste  dans  celle-ci,  où  nous  voyons  si  souvent  la  vertu 
«  opprimée  et  le  vice  récompensé.  »  Il  s'attire  cette  très 
judicieuse  observation  de  son  critique  :  a  Cecy  est  contré 
«  toutes  les  relligions  qui  ont  admis  une  autre  vie,  aussi 
«  bien  que  contre  la  crétienne.  »  Autre  remarque  non 
moins  juste.  L'auteur  soutient  que  le  Dieu  des  chrétiens 
«  n'a  prétendu  se  faire  connaître  qu'à  quelques  êtres 
c  favorisés,  tandis  qu'il  a  voulu  rester  caché  pour  le  reste 
«  des  mortels,  à  qui  pourtant  cette  révélation  était  égalé- 
es ment  nécessaire  ».  Voltaire  réplique  :  «  Cela  n'est  pas 
«  vrai  ;  les  apôtres  se  disent  envoyés  par  toute  la  terre . 
«  L'autheur  confond  continuellement  la  religion  mo- 
«  saïque  et  la  chrétienne.  »  Il  combat  également  cette 
assertion  de  Boulanger  :  «  L'effet  des  miracles  de  Mahomet 
«  fut  au  moins  de  convaincre  les  Arabes  qu'il  était  un 
«  homme  divin.  Les  miracles  de  Jésus  n'ont  convaincu 
c  personne  de  sa  mission.  »  Voltaire,  qui  a  la  prétention 
de  connaître  le  fondateur  de  l'islamisme  mis  par  lui  sur 
la  scène,  répond  :  a  Mahomet  n'a  point  fait  de  miracles, 
«  il  n'y  a,  dans  le  Koran,  que  le  miracle  du  voïage  de  La 
«  Mecque  à  Jérusalem  en  une  nuit.  »  Boulanger  demande: 
«  Est-ce  connaître  la  divinité  que  de  dire  que  c'est  un 
a  esprit,  un  être  immatériel  qui  ne  ressemble  à  rien  de 
«  ce  que  les  sens  nous  font  connaître?  ».  L'orthodoxie 
spiritualiste  de  Voltaire  se  révolte  :  a  L'autheur  combat  bien 
«  mal  à  propos  cette  idée  de  Dieu,  reçue  non  seulement 


A    PROPOS    D'UN    LIVRE 


ANNOTÉ    PAR    VOLTAIRE 


Ce  livre  est  le  Christianisme  dévoilé  ou  Examen  des 
principes  et  des  effets  de  la  religion  chrétienne,  par  feu 
M.  Boulanger,  à  Londres,  MDCCLVI.  Le  volume,  en  lui- 
même,  n'a  qu'une  médiocre  importance;  Nicolas- Antoine 
Boulanger,  bien  que  son  principal  ouvrage,  L* Antiquité 
déuoilée,  public  après  sa  mort  par  le  baron  d'Holbach, 
ait  fait  un  certain  bruit,  n'occupe  qu'un  rang  fort 
secondaire  parmi  les  écrivains  du  xviii»  siècle  ;  il  n'est 
d'ailleurs  pas  sûr  qu'il  soit  le  véritable  auteur  du 
Christianisme  dévoilé,  dont  la  Nouvelle  Bibliographie 
générale  lui  conteste  la  paternité.  Tout  l'intérêt  de 
l'exemplaire  que  nous  présentons  au  lecteur  est  dans  les 
nombreuses  annotations  dont  Voltaire  l'a  enrichi.  Disons 
avant  tout  que  ces  notes  sont  d'une  authenticité  incon- 
testable ;  il  suffit,  pour  qu'aucun  doute  ne  soit  possible, 
d'en  comparer  l'écriture  avec  les  autographes  si  nombreux 
de  Voltaire. 

D'abord,  sur  le  titre  :  m  Cet  ouvrage  est  plus  rempli  de 
«  déclamation  que  méthodique.  L'auteur  se  répète  et 
«  se  contredit  ;  quelquefois  on  dira  que  c'est  l'impiété 
«  dévoilée,  t)  On  voit  que,  dès  le  début.  Voltaire  se  pose 
en  quelque  sorte  comme  un  défenseur  du  christianisme. 
Et  ce  n'est  pas  là  un  accident,  la  plupart  de  ces  notes 
nous  le  montrent  dans  ce  rôle  assez  inattendu.  A  propos 
d'une  réflexion  de  Boulanger  sur  a  l'inutilité  et  la  perver 


L'N   LIVRK   ANNOTÉ   PAR   VOLTAIRE  471 

«  site  de  la  morale  que  le  christianisme  enseigne  aux 
((  hommes  »,  Tannolateur  s  indigne  presque  :  a  Peut-on 
<(  a[)peler  perverse  la  morale  de  Jesu  (sicl  Ch*  ?  r>  Bou- 
langer soutenant  que  le  fanatisme  des  chrétiens  se  nourrit 
par  ridée  révoltante  d'un  enfer.  «  L'autheur,  dit  Voltaire, 
a  oublie  que  les  autres  religions  admettaient  un  enfer 
«  longtemps  auparavant  ». 

Boulanger,  parlant  de  la  vie  future,  en  tire  un  argument 
contre  la  justice  de  Dieu:  a  Nous  ne  pouvons  l'appeler 
«  juste  dans  celle-ci,  où  nous  voyons  si  souvent  la  vertu 
«  opprimée  et  le  vice  récompensé.  »  Il  s'attire  cette  très 
judicieuse  observation  de  son  critique  :  a  Cecy  est  contre 
«  toutes  les  relligions  qui  ont  admis  une  autre  vie,  aussi 
«  bien  (fue  contre  la  crétienne.  »  Autre  remarque  non 
moins  juste.  L'auteur  soutient  que  le  Dieu  des  chrétiens 
((  n'a  prétendu  se  faire  connaître  qu'à  quelques  êtres 
«  favorisés,  tandis  qu'il  a  voulu  rester  caché  pour  le  reste 
((  des  mortels,  à  qui  pourtant  cette  révélation  était  égale- 
((  ment  nécessaire  ».  Voltaire  réplique  :  «  Cela  n'est  pas 
a  vrai  ;  les  apôtres  se  disent  envoyés  par  toute  la  terre. 
((  L'autheur  confond  continuellement  la  religion  mo- 
«  saûiue  et  la  chrétienne.  »  II  combat  également  cette 
assertion  de  Boulanger:  «  L'elTet  des  miracles  de  Mahomet 
((  fut  au  moins  de  convaincre  les  Arabes  qu'il  était  un 
((  homme  divin.  Les  miracles  de  Jésus  n'ont  convaincu 
a  personne  de  sa  mission.  »  Voltaire,  qui  a  la  prétention 
de  connaître  le  fondateur  de  l'islamisme  mis  par  lui  sur 
la  scène,  répond  :  «  Mahomet  n'a  point  fait  de  miracles, 
a  il  n'y  a,  dans  le  Koran,  (jue  le  miracle  du  voïage  de  La 
«  Mecque  à  Jérusalem  en  une  nuit.  »  Boulanger  demande: 
«  Kst-ce  connaître  la  divinité  que  de  dire  que  c'est  un 
((  esprit,  un  être  immatériel  qui  ne  ressemble  à  rien  de 
((  ce  (pie  les  sens  nous  font  connaître?  ».  L'orthodoxie 
spiritual  iste  de  Voltaire  se  révolte  :  «  L'autheur  combat  bien 
((  mal  à  propos  cette  idée  de  Dieu,  reçue  non  seulement 


474  BULLETIN    DU    BIBLIOPHILE 

Suit  une  notice  sommaire  des  pièces  contenues   dans  ce  recueil. 

Tome  If»"  ; 

1.  Discours  de  la  légitime  succession  des  femmes  aux  possessions 
de  leurs  parents  :  et  du  gouvernement  des  princesses  aux  Empires 
et  Royaumes  ;  par  David  Chambre,  Escossois,  conseiller  au  par- 
lement d'Edimbourg  :  dédié  à  Catherine  de  Mcdici,  royne-mère  du 
lioij  Henry  III,  le  25  août  1513  ;  37  pag.  avec  la  dédicace. 

Imprimé  à  Paris,  en  1570.  L'épitre  dédicatoire  est  précédée  d'un 
grand  tableau  géncalogi(iuc  (gravé)  des  rois  d'Angleterre,  depuis 
Guillaume  le  Conquérant  jusqu'en  1580  ;  dressé  par  J.  Leslœus, 
évoque  de  Ross. 

2.  De  titulo  et  jure  Mariie  scotorum  reginse,  quo  regni  Angliœ 
successionem  sibi  juste  vendicat^  libellus  ;  à  Jo.  Leslœo,  episcopo 
Rossensi.  Parisiis,  calendas  januatHi  iuSO  :  pp.  37-107. 

Le  tableau  généalogique  cité  plus  haut,  devrait  être  placé  en  tète 
du  traité  de  Leslœus,  qui  fut  imprimé  à  Reims  en  1580. 

3.  Ad  Anglos  et  acotos  parœyiesxs ;  ab  eodcm  :  pp.  108-116. 

4.  De  illustriuyn  fœminarum  in  republicd  administrandây  ac 
ferendis  legibus,  auctoritatc^  libellus  ab  eodem  Leslœo  ;  dicatus 
Catharime  de  Medicis^  Galliarum  reginm  :  pp.  117-147. 

5.  De  rébus  gestis  scotorum  (sub  Maria  reginâ),  1542-1562; 
à  Jo.  Leslœo  :  pp.  149-236. 

6.  Detcctio  Marisa  regiiiœ  scotorum  ;  studio  Georgii  Buchananiy 
scoti  :  pp.  237-280. 

Satire  infâme  contre  Marie  Stuart,  imprimée  en  1572. 

7.  Histoire  tragique  de  Marie,  royne  d'Escosse,  touchant  la 
conjuration  faicte,  contre  le  Roy  son  mari,  mis  à  mort  ;  et  Vadul^ 
tère  par  elle  commis  avec  le  comte  de  Bothwel;  pp.  281-377. 

On  trouve  dans  cette  histoire  :  Le  plaidoyer  contre  Marie  Stuart ^ 
auquel  est  monstre  qu*élle  est  coulpable  de  ce  meurtre  et  parricide. 
—  Epilogue,  ou  coyiclusion  monstrant  que  la  Royne  a  esté  par  un 
très  juste  jugement  privée  de  son  estât.  —  Discours  de  la  procédure 
tenue  pour  Vabsolution  du  comte  de  Bothwel.  —  Sensuivent  aucunes 
lettres  et  papiers  trouvés  en  un  petit  coffre,  qui  ont  été  approuvés 
estre  escrits  de  In  jiropre  main  de  la  royne  d'Escosse.  —  Autres 
lettres  en  rime  franroise,  en  forme  de  sotmets,  qu*elle  escrivit  au 
comte  de  Bothwel.  —  Des  placards  et  proclamations  du  combat^ 
affichés  par  Bothwel,  et  de  la  response  qui  y  fut  faicte.  —  Confes- 
sion de  Jean  Habruu,  du  jeune  Talla,  d'Aglish  et  Pouric,  qui  fu- 


CATALOGUE    DESCRIPTIF 


DE 


LIVRES   ET   PIÈCES  RARES 


EN  VENTE  AUX  PRIX  MARQUÉS  A  LA  LIBRAIRIE  TEGHENER 


Histoire  de  Marie  Stuart,  reine  d'Escosse  et  douairière 
de  France,  ou  Recueil  de  toutes  les  pièces  qui  ont 
été  publiées  au  sujet  de  cette  princesse  (édité  par 
Samuel  Jebb).  Londres,  1725  ;  2  volumes  in-foL, 
portrait,  v.  f.  70  fr. 

Les  exemplaires  de  ce  curieux  recueil  ont,  presque  tous,  un  titre 
latin  ;  les  exemplaires  avec  un  titre  français  sont  rares.  D'après  la 
liste  des  souscriptions  (270),  imprimée  sur  les  derniers  feuillets  du 
second  volume,  on  ne  compte  que  39  exemplaires  souscrits  en  France, 
par  un  banquier  de  Paris,  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève, 
l'abbé  Ricbard  du  collège  Mazarin,  et  deux  libraires,  Gandouin  et 
Rollin. 

Chaque  volume  contient  une  préface  latine  de  l'éditeur,  dans 
laquelle  on  trouve  des  renseignements  intéressants  sur  les  auteurs 
et  sur  les  ouvrages  insérés  dans  le  Recueil.  La  Préface  française, 
placée  en  tête  du  premier  volume,  est  transposée  ;  elle  appartient 
au  Discours  de  David  Chambre. 

La  plupart  des  pièces  que  renferment  les  deux  volumes  avaient 
été  déjà  imprimées  séparément;  mais  il  était  fort  difficile  de  les 
réunir.  C'est  par  ce  motif  que  Samuel  Jebb,  médecin  anglais,  entre- 
prit la  publication  de  ce  Recueil,  à  l'aide  de  souscriptions. 

Le  discours  de  David  Chambre,  est  précédé  d'un  portrait  de 
Marie  Stuart,  presque  en  pied,  gravé  sur  un  feuillet  séparé,  par 
George  Yertue,  d'après  Frédéric  Zuchar  ;  et  Ton  voit,  en  tête  de 
la  première  pièce  du  second  volume,  un  autre  portrait  de  Marie 
Stuart,  en  médaillon,  également  gravé  par  George  Vertue. 


476  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

bethœ  et  senlentià  mortis,  his  additum  est  supplicium  et  mon 
reginsB  Scotiœ  ;  opet'à  Romoaldi,  scoti  :  pp.  117-174. 

Imprimé  pour  la  première  fois  en  1587.  Cette  relation  est  suivie 
de  plusieurs  pièces  de  vers  latins,  en  faveur  de  Marie  Stuart  et 
contre  Elisabeth. 

14.  Martyre  de  Marie  Stuart,  royne  d'Eacosse  et  douairière 
de  France  ;  par  Adayn  Blacwood,  escossois^  cotiseiller  au  préndial 
de  Poitiers  :  pp.  175-328. 

Imprimé  pour  la  première  fois  en  1587. 

15.  Historia  de  lo  sucedido  en  Escosia  y  Inglaterra  en  qua^ 
renta  y  quatro  aiios  que  hivio  Maria  Eatuarda,  reyna  de  Escoda; 
esctnta  por  Afitonio  de  llerrei'a.  Madrid,  1589  :  pp.  32&440. 

Antoine  de  Herrcra,  historiograplie  de  Philippe  II,  est  Tauteur 
d'une  excellente  histoire  des  Indes  Occidentales,  publiée  en  1601. 

16.  Extrait  des  Mémoires  de  Michel  de  Castelnau,  relatif  à 
Marie  Stuart  :  pp.  441-468. 

17.  Extrait  des  additions  aux  Mémoires  de  Castelnau,  par 
Le  Laboureur^  contenant  aussi  tout  ce  que  le  sieur  de  Brantosme  a 
écrit  de  la  rcync  d'Escosse  :  pp.  441-610. 

18.  La  mort  de  la  royne  d'Escosse,  douarière  de  France;  où 
est  contenu  le  vray  discours  de  la  procédure  des  Anglois  à  Vexécu- 
tïond*icelle,  la  constante  et  royale  résolution  de  sa  majesté  défuncte^ 
ses  funérailles  et  enterrement  -,  d'où  on  peut  cognoistre  la  traistre 
cruauté  de  Vhérétique  Anglois  à  Vencontre  d*une  Royne  très  chrea- 
tienne,  catholique  et  innocente  :  pp.  61 1-669. 

Cette  pièce  avait  été  imprimée  en  1588.  On  y  trouve  l'ordre  du 
convoi  de  la  reine  d'Ecosse,  fait  en  la  ville  de  Peterbourgh,  le  10  août 
1587,  avec  les  noms  de  toutes  les  personnes  qui  y  assistèrent.  La  reine 
Elisabeth  se  lit  représenter  à  cette  cérémonie  funèbre  par  la  com- 
tesse de  Bedford,  soutenue  sous  les  bras  par  les  comtes  de  Rutland 
et  de  Lincoln  ;  madame  saint  Jean  de  Bassing,  soutenue  par  M«  Jean 
Maners,  vice-chambellan,  portait  la  queue  de  la  comtesse  de 
Bedford. 

10.  Oraison  funèbre  de  Marie,  royne  d*Escosse,  morte  pour 
la  foy,  le  IH  febvrier  i587,  prononcée  au  mois  de  Mars  en  l'église 
de  nostre-Dame  de  Pai*iSy  au  jour  de  ses  obsèques  et  service^  par 
Menauld  de  Beaulne,  archvèque  de  Bourges  :  pp.  671-686. 

Imprimé  en  1588. 

20.  Epitaphium  Mariée  Scotise  regtnœ  :  pp.  687-688. 


CATALOGUE  DE  LIVRES   ET   PIÈCES  RARES  477 

21.  Epitaphe  de  la  royne  d'Escosse,  douairière  de  France  (en 
20  vers  français  )  :  p.  689. 

22.  Mariœ.  Stuartœ  Scotoram  reginse  tumulus  (en  6  vers  latins). 
—  Régale  monumentum  (en  prose)  :  p.  690. 

23.  Sonnet  contre  la  reine  Elisabeth  :  p.  691. 

—  Table  des  matières  contenues  dans  le  second  volume  (en 
latin  ot  en  français»  :  pp.  693-703. 

Pièces  du  procès  de  Simon  Morin  en  1  vol.  pel.  in-é», 
mar.  l)leu,  fil.,  dos  orné,  tr.  dor.,  contenant  : 

Factum  contre  Simon  Morin,  dans  lequel  se  trouve 
l'analyse  de  tous  ses  ouvrages.  —  Déclaration  de 
Morin  sur  la  révocation  de  ses  pensées.  —  Autre 
déclaration  de  Morin,  de  sa  femme  et  de  made- 
moiselle MaFlierhe  sur  le  même  sujet.  —  Arrêt  de  la 
(]lour  (le  Parlement  qui  condamne  Simon  Morin  à 
être  brillé  vif.  —  Procès-verbal  d'exécution  de  mort 
(le  Simon  Morin,  contenant  l'abjuration  de  son 
hérésie.  110  fr. 

On  connaît  Thistoire  de  ce  malheureux  visionnaire.  Emprisonné 
à  plusieurs  reprises,  il  fut  enfin,  sur  la  dénonciation  de  Desmarets 
Saint-Sorlin,  condamné  à  ôtie  brûlé  vif  et  exécuté.  Il  prétendait  que 
le  Christ  sV'tait  incorporé  en  lui  pour  le  salut  de  tous  les  hommes, 
et  il  avait  su  gagner  quelques  disciples,  entre  antres  deux  femmes 
ap])elées  la  Malherbe  et  la  Chapelle.  Sa  «  doctrine  »  était  exposée 
dans  un  livre  intitulé  :  Pcyisèes  de  Morin,  dédiées  au  roy,  1647, 
in-8. 

Notre  recueil  forme  un  historique  complet  de  la  triste  carrière 
(le  Morin  :  il  comprend  les  deux  déclarations  de  Tautcur  des  Pensées, 
abjurant  ses  erreurs  (1049),  le  factum  rédigé  pour  le  Procureur  du 
Roy  au  Chàtelet  de  Paris,  contre  Simon  Morin,  natif  d'Aumale,  le 
curé  de  la  Magdeleine  et  le  vicaire  de  Saint-Marcel  lez  Paris,  la 
femme  et  le  lilz  dudit  Morin,  la  demoiselle  Malherbe  et  autres  leurs 
complices  ilGf)2);  l'arrêt  de  la  Cour  du  Parlement  (1663);  enfin  le 
procès-v(;rb;»l  d«^  l'exécution  qui  eut  lieu  en  place  de  Grève,  le 
14  mars  \m3. 

Ce  volum»^  vient  de  la  bibliothèque  Girardot  de  Préfond,  dont  il 
porte  ï'px-llhri'i. 


BULLETIN    Dl'   BrBLIOPIliLï: 


5Bc  ta  5f oj»  c^!  t  Hifnt/  faicir  p  îllfl  6» 

mrtitpdtie.toufÇSt  auttûv axticliia 

A  c3  frff tre  (t  r9f  iimHS  en  ta  pivfctirc  Ot 
tefacaCïetietÇtofosiïc  :  ^wtfatebtta 

ftift/fnyct  toitonnict  i)c«îiffnK 


Petit  iii-8"  12.=)  Ir. 

Ctt  bachelier  i>li  lhi-uli);rie  l'st  un  ri'|ii'iit!tnl  :  il  :i  cru  il'ubord  qu'il 
pouvait  suiis  dntijrer  «  ^niMcr  !tu\  l'iil'^iuls  lic  »:i  \iavoinic  et  aux  en- 
l'ailts  rouges  n  uti  iictit  :ii|)li;ilifl  n  h  r,  rral-i'i-djiv un  lics  opuscules 
(l(>(:nr]oslniU<nu  sair  ijuc  ci-liii-ci  sij;miit  si-s  ou\rii)n.v  Aea  |ircinièreii 
lettres  lie  HilpImliPt  )  ;  mah  bientôt  le  liiidiclii-r  s'est  u|icrçu  ite  non 
erreur;  il  ;i  reeoniiu  coniljieii  U'S  ii|iiiii(iiis  du  diertleii  Sacrumen- 
tuires  éliiient  bétérmloxi-s,  siii'Ioiit  i-u  uKiIim-  île  cutilrssion  nurîeu- 
laire  et  <lo  [irérieuee  ri'i'lle  <biis  IKiicliuriKlie.  AunsI  r;ijt-tl  pleine' 
meut  son  ini'"  viil/iâ  et  rcvit-nt-il  :iu\  s.'iiues  ilocti-înes  :  «  Ledict 
livre  abc  il  sei-.iit  pernicieux  i-t  mauvais  -  ;  le  mii-crmliir  ne  sutni 
pns  pour  ralisoliitiun,  «  utuf  fiiult  ipie  le  |ii'eb>^trc  use  de  rot  mntz  : 
£;/0  absoliw  le.  » 


CATALOGUE  DE  LIVRES  ET  PIÈCES  RARES  470 

Le  déclarant  n'est  pas  moins  explicite  en  ce  qui  concerne  la  pré- 
sence réelle,  admise  par  Luther,  mais  rejetée  par  Garlostadt  et  les 
réformateurs  plus  radicaux  :  «  Je  croy  que  au  sainct  sacrement  de 
Tautel  est  bien  et  sainctement  dict  que  le  corps  de  Dieu  et  de  nostro 
Seigneur  Jesu-christ  y  est.  »  Les  déclarations  relatives  au  cidts  de 
la  Vierge  Marie,  au  pui^toire,  au  jeûne  du  Garéine  sontégalemaiil 
formulées  en  termes  très  catégoriques  ;  on  smit  que  le  bachdisr 
veut  se  faire  pardonner  ses  erreurs  passées  et  ne  laisser  aucun  doale 
sur  son  retour  à  Torthodoxie.  U  conclut  ainsi  :  «  Je  croy  que  ks 
cérémonies  et  traditions  de  leglise  sont  bonnes  et  louables  et 
doibvent  estre  obseruees  et  gardées.  » 

Cette  plaquette  est  des  plus  intéressantes  pour  Tbistolre  des  pre* 
miers  temps  de  la  Réforme  en  France  ;  elle  nous  (Sut  oonnaltre,  sur 
les  nouveautés  qui  venaient  de  réU*anger,  Topinion  non  du  seul 
bachelier,  mais  de  la  Sorbonne  entière  ;  en  effet  il  est  dit  expressé- 
ment au  titre  :  ce  Lesqlles  de  point  en  point  a  côfessees  et  cdfir- 
mees  en  présence  de  la  faculté  de  théologie,  i  La  pièce  n'est  point 
datée  ;  mais  on  peut  la  placer  entre  1590  et  1340,  à  l'époque  où  la 
doctrine  des  Sacramentaires  commençait  à  se'  répandre  dans  les 
pays  limitrophes  de  TAllemagne. 

Au  verso  du  dernier  feuillet,  la  marque  de  Jehan  Lhomme,  un 
arbre  avec  les  trois  fleurs  de  lys,  deux  écus  et,  autour  du  trône,  une 
banderole  avec  ces  mots  significatifs  :  Ung  Dieu,  Ung  Roy.  Vite 
Foy.  Une  Loy. 


Dubitantius  de  vera  certaque  per  Christi  Jesu  euange- 

lium,  salutis  œtemae  via  librisIU  instmctus  :  quibus 

« 

populariter  docetur  ueram  certam^  ;  salutis  œtémae 
uiani,  nisi  apud  catholicos,  non  inueniendam  :  Ver- 
bumq.  Dei  Euangelicum  per  Luthemm,  Caluinum, 
aliosqi  istos  evangelicos  sectis  prope  nonaginta 
misère  dissectos  non  restitutum,  aut  instauratum  : 
sed  vere  adulteratum,  priscis  haeresibus  fere  omni- 
bus euangelii  titulo  renouatiscomiptuniyatqi  humar 
nae  doctrinae  fermento  adeoqf  Judaismo  &  Maho- 
met ismo,  reipsa  depravatum  uerissimeq.  prophana- 
tum  ad  uniuersos  Gennaniamm  Gallianm^.  firatres 


480  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

cathoHcos Coloniae,    1565.    in-8^,  veau  f.,  plats 

entièrement    dor.,    tr.    cis.   et  dor.,  ;reL  du    xvi* 
siècle  '.  100  fr. 

Œuvre  de  violente  polémique  dirigée,  ainsi  que  l'indique  le  titre, 
contre  Luther,  Calvin  et,  en  général,  contre  tous  les  adversaires  du 
catholicisme.  Dans  trois  dialogues  entre  Dubitantius  et  ConstantiuSj 
l'auteur,  Wilhelmus  Damasius  Lindanus,  évëque  de  Ruremonde, 
s'adressant  à  tous  ses  frères  catholiques  de  la  Germanie  et  de  la 
Gaule,  combat  avecâpreté  les  doctrines  nouvelles  ;  il  substitue  volon- 
tiers les  injures  aux  arguments  et  se  répand  en  virulentes  invec- 
tives contre  Luther  :  à  l'entendre,  le  réformateur  allemand  est  né 
d'un  iiicubr;  ;  il  est  disciple  du  diable  avec  lequel  il  a  de  nombreux 
entretiens  et  qui  Tarrache  au  sommeil  pour  Texciter  à  écrire  contre 
la  messe  ;  il  est  omnium  calamitatum  auctor:  son  mariage  avec 
Catherine  Bora  indigne  surtout  l'auteur  qui  en  parle  avec  une  étrange 
crudité  de  langage  :  a  Istum  heluinam  concumbendi  subandique 
anima  sao  camali  persuasam  necessitatem    suo   ut  comprobaret 

exemplo ,  bellam  illam  Catherinam  iam  annos  aliquot  Witten- 

berrjfp  varia  per  studiosorum  osada  volutatam  aibi  uxorem  duxit.  » 

Calvin  est  moins  maltraité;  toutefois,  il  est  flétri  comme /tomtcida 
et  sanfjuinarius  judexj  et  l'auteur  se  demande  an  morbo  iUo  Hero- 
dis,  id  est,  pediculari  erosus  miserrime  perierit.  Zwingle  n'est  pas 
oublié  ;  c'est  le  Diable  qui  lui  fournit,  comme  à  Luther,  des  armes 
contre  l'Eucharistie. 

On  a  relié  à  la  suite  les  deux  ouvrages  suivants,  également  hostiles 
à  la  Réforme:  De  expresse  Dei  verbo^  Reverendiss.  D.  Stanislai 
Jlosii  Episcopi  Varmiensis  {Dilinyœ  excudebat  Sebaldus  Mayer^ 
M.D.L.X.)  et  De  Sacrilegorum  vindictis  et  posnis...,  nunc  primum 
Ijitinitate  donatus  per  Tilmannum  Bredehachium^  s.  l.  M.D.LXV, 
traduction  d*un  opuscule  publié  à  Ingolstadt  en  1560,  a  pio  quodam 
et  catholico. 


BIBLIOGRAPHIE  D'UN  AMATEUR 


DESCRIPTION  ET  ANALYSE 


DE   LIVRES  ANCIENS 


RARES  ET  CURIEUX 


(SCITE) 


12.  —  DISCOVRS 1 1 DV  TRIOMPHE  1 1  DES  NOPŒS 
dv  Roy  1 1  de  Nauarre  auec  Madame  1 1  Marguerite 
de  France,  1 1  sœur  du  Roy  très-  1 1  chrestien.  1 1 
Avec  ample  narration  de  l'occurance  1 1  de  la 
mort  de  TAdmiral  et  ||  ses  complices.  —  A 
Lioriy  1 1  Par  Michel  loue,  à  renseigne  du  lesus.  1 1 
1572.  Il  Avec  permission. 

Pet.  in-8®  de  seize  feuillets  non  chiffrés.  Signatures 
A.-D.  Cahiers  de  quatre  feuillets.  Imprimé  en  lettres 
rondes. 

Le  titre  qui  occupe  le  recto  du  premier  feuillet  est  composé  en 
lettres  capitales,  en  lettres  rondes  et  en  lettres  italiques.  Il  contient 
au-dessus  du  lieu  d'impression,  la  marque  de  Michel  Jove,  impri- 

1891  31 


482  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

meur  A  Ljon  de  1557  A  1579,  reproduite  par  Silvestre,  sous  le 
no  11^.  Cet  iin]irimeur  avait  une  autre  marque  en  deux  dimensions 
différentes,  que  Silvestre  donne  sous  les  n»*  405  et  1300. 

DISCOVRS 

D  V    TR  rOMP  HE 

DES  NOPCES  DV  ROY 

de  Nauarre  auce  Madame 

Marguerite  de  France) 

fœucduRoycrer- 

chreftîeo. 

^. 

f/i»ee  ample  namuion  de  taccurriua 

de  lamcrtde  tcyidmiral  g^ 

/es  cemplictSi 


t/f    LION, 
Pâl  Michel  loue,  irenfcigne  du  lefiii, 

I  î  7  «• 

Aucc  pcimiliion- 

Le  texte  commeiio',  au  r.'cto  ilii  second  l'euillet,  par  une  lettre 
ornée,  après  lu  reproduetioii  il'une  partie  ilu  titre  ainsi  moàilié  : 


BIBLIOGRAPHIE  D  UN  AMATEUR 


483 


Discours  des  Triumphes  et  succez  des  nopces  du  Roy  de  Nauarre 
avec  Madame  Marguerite  de  France.  Il  se  termine  au  bas  du  verso 
du  seizième  feuillet. 

Les  personnages  cités  dans  cette  pièce,  sont  : 


Henry  de  Bourbon,  Roy  de 

Navarre. 
Catherine  de  Bourbon. 
Marguerite  de  France. 
Charles  IX. 
Catherine  de  Médicis. 
Duc  d'Anjou. 
Duc  d'Alencon. 
Duchesse  de  Lorrayne. 
Cardinal  de  Bourbon. 
Prince  de  Condé. 
Marquise  de  l'IsLE,  princesse 

do  Condé. 
Marquis  du  Contil. 
Duc  et  duchesse  de  Montpen- 

sier. 
Duc  et  duchesse  de  Xevers. 
Duc  et  duchesse  de  Guyse. 
Duc  Daumalle. 
Duc  d'Vzks. 

Maréchal  de  Montmorency. 
Maréchal     et     maréchal  le    de 

DaMI'VILLE. 

Maréchal  de  GossÉ. 
Maréchal  de  Ta  vannes. 


Maréchal  de  Savoye. 
L'amiral  de  Coligny. 
Cardinal  de  R.vmboillet. 
L'eveque  de  Digne. 
L'eveque  de  Cisteron. 
L'eveque  de  Paris. 
Mad»e  de  Chasteauneuf. 
La  Rochefoucault. 
Le  Vidame  de  Chartres. 
Le  comte  de  Rets. 
Le  chevalier  d'Angolesme. 

MONTGOMERI. 

MM"  de  RuBEMPRÉ. 

de  ViLLEQUIER. 

de  Sansac. 

de  LossES. 

de  Chavigny. 
M.  de  S.  Germain,  docteur  en 

théologie. 
Frère  Hébert,  cordelier. 
LaRozièhe,  Ministre  calviniste. 
Gavasse,  comédien. 
Tabarin,  comédien. 
Leroy,  chanteur. 


Il  existe  un  assez  grand  nombre  de  pièces  historiques, 
où  sous  un  titre  pompeux  on  ne  trouve  souvent  que  des 
faits  connus  ou  de  peu  d'importance.  Ce  n'est  pas  le  cas 
de  celle  que  je  viens  de  décrire  ;  elle  tient  plus  que  son 
titre  ne  promet.  Après  les  détails  les  plus  circonstanciés 
et  les  plus  intéressants  sur  le  mariage  du  roy  de  Navarre 
avec  Marguerite  de  Valois,  et  sur  les  fêtes  qui  eurent  lieu 
à  son  occasion,  elle  donne  des  renseignements  très  eu- 


484  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

rieux  sur  la  Saint-Barthélemy .  A  en  juger  par  le  titre,  cette 
partie  du  récit  serait  secondaire  ;  il  n'en  est  rien.  Il  est 
même  probable  que  c'est  pour  elle  principalement  que 
cette  petite  pièce  anonyme  a  été  écrite,  et  comme  elle 
témoigne  de  certains  faits,  dont  on  voulait  faire  dispa- 
raître la  trace  dans  l'histoire,  on  a  dû,  autant  que  possible 
en  supprimer  les  exemplaires,  ce  qui  expliquerait  son 
excessive  rareté. 

Elle  débute  par  la  relation  détaillée  des  cérémonies  et 
des  fôtes,  qui  eurent  lieu  depuis  le  dimanche  17  août  1572, 
jour  des  fiançailles  de  Henry  de  Bourbon  roy  de  Navarre 
et  de  Marguerite  de  Valois,  jusqu'au  vendredi  suivant. 
Ces  fiançailles  furent  célébrées  au  Louvre,  par  le  cardi- 
nal de  Bourbon,  oncle  paternel  du  Roy  de  Navarre  ; 
après  la  cérémonie,  on  soupa  et  on  dansa,  puis  la  reine 
Marguerie  fut  conduite  par  le  roy  son  frère,  par  la  reine 
sa  mère,  par  la  reine  régnante,  par  la  duchesse  de  Lor- 
raine sa  sœur,  par  des  seigneurs  et  des  dames  en  la 
maison  de  révéclié  de  Paris,  où  elle  passa  la  nuit.  Le 
lendemain  eut  lieu  le  mariage  en  Téglise  Notre-Dame  que 
le  narrateur  décrit  ainsi  : 


Le  lendemain  qui  fust  le  lundy  x\ii,j  des  moys  &  an  que  dessus, 
le  Roy  de  Nauarre,  conduict  par  messeigneurs  les  ducs  d'Anîoa 
Se  d'Alêçô  frères  du  Roy,  les  princes  de  Codé,  &  marquis  du  Gontil 
son  l'rère,  duc  île  Montponsier,  prince  Daulphin,  ducs  de  Guyse» 
Dauinalle,  &  de  Xeuei*s,  les  mareschaux  de  Montmorency,  de 
Dampuille,  de  Cossé,  de  Tauanes,  de  Sauoye,  l'Admirai,  la  Roche- 
focault  Se  vue  inlinitê  d'autres  grands  seigneurs,  tant  de  l'vne  que 
Tautre  religion,  alla  trouuer  laditte  dame  sa  future  cspouse  audit 
lieu  de  i'eueschô.  Et  l'aut  noter  que  ce  iour  là  les  Roys  de  Frâce  & 
de  Nauarre,  messieurs  les  ducs  d'Aniou  &  d'Alêçon  Se  le  prince  de 
Condé  estoyent  v«'stuz  d'vne  mesme  parure,  qui  estoit  d'vn  accoos* 
trement  à  fonds  de  satin  iaune  palle,  tout  couuert  d'vn  enrichisse- 
ment de  broderie  d\'irgent  releue  en  bosse  enrichie  de  perles  & 
pierreries.  Les  autres  Princes  &  seigneurs  Catholiques  estoyent 
vestuz  de  diuerses  couleurs  Se  façons,  auee  tant  d'or,  d'argent  & 


BIBLIOGRAPHIE  D'UN   AMATEUR  485 

pierreries,  que  seroit  chose  impossible  le  raconter  :  mais  quant  aux 
seigneurs  reformez,  ilz  n'estoyent  vestuz  que  de  leurs  habits  ordi- 
naires. 

Arrivez  que  furent  les  dessusdicts  audKt  logis  de  l'euesché  Ton 
s'achemina  pour  aller  espouser,  &  fust  la  ditte  madame  Marguerite 
côduicte  par  le  Roy  son  frère,  estant  vestue  d'vne  robbe  de  vellours 
violet  semée  de  fleurs  de  lys,  auec  le  mâteau  royal  la  grande  queue 
trainant  aussy  dudit  vellours,  bourdee  tout  à  Têtour  aussy  de  fleurs 
de  lys,  vue  corône  Imperialle  sur  la  teste,  faicte  de  grosses  perles, 
enrichie  de  diamants,  rubis.  Se  autres  pierres  pretieuses  de  valleur 
inestimable  :  &  estoit  suyvie  par  la  Royne  sa  mère,  la  Royno 
régnante,  madame  la  duchesse  de  Lorrayne  sa  seur,  &  touttes  les 
princesses  &  autres  dames  de  la  court,  toutes  richement  vestues, 
n'y  ayant  la  moindre  qui  n'eust  pour  le  moings  la  robbe  de  toille 
d'or  &  d'argent. 

En  cest  équipage  &  compaignie,  précédée  par  les  cent  gentilz 
homes  les  haches  au  poing,  heraulds  d'armes  auec  leurs  cottes 
accoustumées,  gardes,  officiers  de  la  maison  du  Roy,  trompettes, 
clairons,  haulboys  &  autres  instrumens,  furent  lesdits  futurs  espoux 
conduicts  par  vue  gallerie  qui  auoit  esté  dressée  tirant  depuys 
l'euesché  tout  le  long  de  l'église  nostre  Dame,  iusques  au  deuantde 
la  grand  porte  de  laditte  église,  au  deuant  de  laquelle  auoit  este 
basty  un  grand  eschauflaut  haut  esleué  à  la  veue  d'vn  chacû  :  sur 
lequel  eschauffaut  les  attendoyent  messeigneurs  les  reuerendissimes 
Cardinaux  de  BourbÔ  et  de  Ramboillet,  vestuz  de  leurs  rocquets 
et  domino ,  accompaignez  de  Teuesque  de  Digne  cy  deuant 
précepteur  de  laditte  dame,  reuestu  de  sa  grande  chappe,  mitre 
&  crosse  en  main,  l'euesque  de  Gisterô  portant  l'eau  beniste, 
&  de  plusieurs  autres  euesques,  abbez,  prelatz  auec  la  croix,  les 
cierges  allumez  &  autres  semblables  appareils  ecclésiastiques.  Et  là 
arriuez  lesdits  luturs  espoux  receurent  la  bénédiction  nuptiale  par 
mondit  seigneur  le  Cardinal  de  BourbÔ,  auec  les  mesmes  parolles 
&  cerimonies  d'où  lô  a  coustume  vser  en  l'église  Romaine  :  & 
après  furent  conduicts  iusques  dans  le  cueur  de  l'église,  où  estâts 
le  Roy  de  Nauarre  avec  le  prince  de  Codé,  l'Admirai  &  autres  sei- 
gneurs de  la  nouuelle  religion  se  retirerët  en  vn  lieu  qui  leur  auoyt 
esté  préparé  à  quartier  du  cueur,  &  laditte  dame  demeura  sonbs 
son  poisie  pour  ouir  la  messe,  &  môsieur  le  duc  d'Aniou  son  frère 
soubs  l'autre,  tenant  lieu  du  Roy  de  Nauarre  tout  le  long  de  la  messe 
qui  fut  cellebree  par  l'euesque  de  Digne  :  8c  iceUe  paracheaee  reuint 
le  Roy  de  Nauarre  &  sa  trouppe  la  reprendre  dans  le  cueur,  &  tous 
ensemble  furet  reconduicts  à  l'euesché,  où  fut  faict  le  disner  ce  iourla« 


486  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Après  le  dîner  on  se  rendit  au  LfOuvre,  et  le  soir  le 
le  Roi,  les  Princes  et  les  Princesses  y  donnèrent  un  festin 
aux  membres  du  Parlement,  de  la  Cour  des  aides,  des 
Chambres  des  comptes  et  des  monnoyes.  Après  souper, 
bal  ;  après  le  bal,  des  jeux  scéniques  à  machines,  mêlés 
de  chants,  où  Ton  admirait  la  voix  mélodieuse  du  célèbre 
chantre  de  Charles  IX,  nommé  Le  Roy.  Le  lendemain 
mardi  19,  on  se  leva  fort  tard,  et  Ton  ne  fit  qu'aller  diner 
à  rhôtel  d'Anjou  où  le  roi  de  Navarre  avait  fait  préparer 
le  repas  ;  après  le  dîner  on  retourna  au  Louvre  pour  le 
bal  qui  dura  jusqu'au  soir. 

Le  mercredi  20,  il  y  eut  grand  spectacle  en  la  salle  de 
Bourbon  ;  les  acteurs  étaient,  le  roi  et  les  princes  qui 
représentaient  des  chevaliers  ;  des  rôles  de  diables  et  de 
petis  diabloteaux,  étaient  tenus  par  Gauasse,  Tabarin  (1) 
&  leur  côpagnie  faisans  une  infinité  de  singeries,  &  me- 
nans  vn  bruit  &  tintamarre  inestimable. 

Le  jeudi  21,  il  y  eut  courses  de  bague  dans  la  cour  du 
Louvre  ;  elles  devaient  continuer  le  lendemain  ven- 
dredi 22;  lorsque  ce  jour-là,  sur  les  dix  heures  du  matin, 
l'amiral  de  Coligny  en  revenant  du  conseil  tenu  au 
Louvre  et  en  passant  devant  le  doyenné  de  Saint-Ger- 
main de  TAuxerrois,  fut  blessé  d'une  arquebusade,  tirée 
par  un  meurtrier  resté  inconnu. 


(1)  Il  est  assez  singulier  de  trouver  dans  une  pièce  datée  de  1572,  un  bouf* 
fon  du  nom  de  Tabarin.  Il  est  bien  évident  que  ce  ne  peut  être  le  bateleur 
qui  fit  les  beaux  jours  de  la  place  Dauphine  cinquante  ans  plus  tard.  M.  G. 
Leber  dans  ses  Plaisantes  recherches  d^un  homme  grave  sur  un  farceur,  à  pro* 
pos  des  origines  de  Tabarin  et  de  son  nom,  dit  qu'on  ignore  à  quelle  époque 
il  naquit  ou  vint  s'établir  en  France  :  que  sa  réputation  n'éclata  à  Paris  que 
vers  1618  ou  1619  ;  qu'il  était  peut-être  un  italien  ayant  fhmcisé  son  nom  en 
faisant  de  Tabarini,  Tabarin.  Du  Discours  du  triomphe  des  Nopces  du  Rog  de 
Naoarre,il  résulte  que  le  nom  de  Tabarin  était  celui  d'un  acteur  connu  sous  le 
régne  de  Charles  IX  ;  le  farceur  de  la  place  Dauphine,  ou  était  son  fils,  ou 
plutôt,  avait  pris  ce  nom  déjà  porté  au  siècle  précédent  par  un  bouffon  ajuA 
eu  une  certaine  réputation,  puisqu'on  le  faisait  figurer  dans  les  spectacles 
de  la  Cour. 


BIBLIOGRAPHIE  D'UN  AMATEUR  487 

Cettte  blessure,  dit  le  narrateur  : 

....  estonna  grâdemêt  toute  la  court  :  &  mesmes  le  Roy  la 
Royne  &:  messieurs  frères  du  Roy  môstroyêt  en  estre  fort  mal  con- 
tes, &  allèrent  visiter  ledit  seigneur  Admirai  Tapres  disner  en  son 
logis.  Et  dura  cest  estonnement  le  vendredi  &  le  samedi,  durant 
lesquels  deux  iours  Ion  parloit  de  ceste  blesseure  en  diucrses  façons 
&  vsoyêt  ceux  de  la  nouuelle  religion  de  grades  menasses,  en 
sorte  que  Ton  voyoit  quasi  vn  nouveau  trouble  suscité  :  mais  dien 
ayant  pitié  de  ce  paoure  Royaume  affligé,  inspira  en  fin  le  cueur 
de  nostre  Roy  lequel  ayant  descouuert  ce  que  machinoyët  contre 
lui  &  messieurs  ses  frères  &  les  Roynes,  ceux  de  ladicte  religion, 
se  délibéra  les  preuenir. 

Et  à  ces  fins  le  dimâche  de  grand  matin  iour  sainct  Barthelemi 
xxiiij.  Aoust,  commanda  que  tous  les  chefs  de  ceux  de  ladite  reli- 
gion fussent  mis  à  mort.  Ce  qui  fut  soubdainement  exécuté  par  ceux 
qui  auoyêt  voluntc  de  seruir  fidellemêt  le  Roy  :  en  sorte  qu'é  peu 
d'heure  l'Admirai  et  tous  ses  côplices  qui  auoyêt  tant  toormêté  la 
paouure  France,  furent  tous  estêduz  morts  sur  le  paué  :  &  ne  se 
sauua  de  personnes  de  nom  que  Montgomeri  &  le  Vidame  de  Char- 
tres, qui  estoyent  logez  au  faubourg  S.  Germain,  lesquels  ayant 
esté  longucmêt  suiuis  par  les  seigneurs  de  Guyse,  Daumalle  et  le 
cheuallier  d'Angolesme,  ne  peurent  estre  attrappez.  Les  Parisiens 
aussi  de  leur  costé  se  mirent  en  armes,  &  n'oblierent  rien  à  faire 
despeche  de  ceux  de  leur  ville  qui  estoyêt  dudit  parti  :  &  en  plu- 
sieurs endroicts  de  la  ville  ne  furent  espargnez  mesmes  les  femmes. 

Ceste  exécution  dura  ledit  iour  de  dimâche,  &  le  lundy  tout  le 
iour.  Ledit  iour  de  lûdy  se  descouurit  qu'vne  espine  ou  aulbespin 
estât  dans  le  cymetiere  sainct  Innocêt,  an  deuât  d'vne  grand  image 
nos're  Dame,  qui  estoit  des  long  têps  seiche  &  morte,  florit,  ren- 
dant tout  à  coup  fueille  &  fleur  :  chose  miraculeuse,  mesmes  estât 
hors  de  saison,  qui  monstroit  que  la  terre  mesme  se  reiouissoit 
d'vne  si  heureuse  exécution.  Ladite  espine  fut  par  l'espace  de  plu- 
sieurs iours  visitée  en  grâd  deuotion  par  tout  le  peuple  de  Paris, 
k  outre  ce  par  la  Royne  mère,  la  Royne  de  Nauarre  &  Madame  de 
Lorraine,  mosieur  le  duc  d'Aniou  &  tons  les  autres  princes  8c  sei- 
gneurs, chacû  descpiels  se  mettoit  en  deuoir  de  faire  sa  deuotion  an 
deuàt  de  la  ladite  image  nostre  Dame. 

Le  mardy,  qui  fut  le  xxvj.  le  Roy  accompagné  de  messeigneurs 
ses  frères,  du  Roy  de  Nauarre  &  autres  grands  princes  8c  seigneurs, 
alla  au  palais  tenir  son  lict  de  iustice,  où  seât  il  déclara  toat  ce  qjû 


488  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

estoit  passé  auoît  esté  fait  et  exécuté  par  son  cdmandemêt.  C5me 
sa  maiesté  passoit  par  les  rues  allât  &  venant,  le  peuple  cryoit  à 
haute  voix,  Yiue  le  Roy.  Et  signa  sa  maiesté  le  registre  de  la  court 
de  sa  propre  main. 

C'est  là  le  fait  capital  de  ce  récit,  et  ce  témoignage 
d*un  auteur  contemporain  est  précieux  ;  car  cette  décla- 
ration faite  sur  le  moment  avec  une  terrible  franchise, 
fut  désavouée  et  supprimée  immédiatement  après  la 
séance.  On  publia  même  une  autre  relation  de  la  Saint- 
Barthélemy,  dans  laquelle  Charles  IX  déclinait  toute  res- 
ponsabilité à  ce  sujet.  On  trouvait  bien  cette  accusation 
dans  des  écrits  et  dans  des  pamphlets  protestants,  mais 
provenant  d'adversaires,  on  pouvait  en  suspecter  la  véra* 
cité  (1).  Ici  ce  n'est  pas  le  cas;  le  narrateur  ne  reproche 
pas  au  roi  Charles  IX  le  massacre  de  la  Saint-Barthélémy  ; 
il  le  considère  comme  une  heureuse  exécution,  inspirée 
par  Dieu,  pour  conjurer  les  troubles  que  les  hugenots  se 
préparaient  à  fomenter  en  France  (2)  ;  on  ne  peut  donc 
admettre  qull  eût  relaté  la  déclaration  du  roi  au  Parle- 
ment, si  elle  n'avait  pas  été  faite  effectivement.  La  suite 


(1)  On  trouve  cette  déclaration  du  roi  Charles  IX  au  parlement,  relatée, 
notamment  dans  un  opuscule,  attribué  par  Baillet  à  Théodore  de  Béze,  ouds 
qui  serait  plutôt  de  Nicolas  Bamaud,  et  intitulé  :  Dialogus  quo  multa  expo- 
nuniur  quœ  Lutheranis  et  Hugonotis  Gallis  acciderunt.  —  Oragniœ,  AdanuM 
de  Monte,  1573.  pet.  in-8*.  (Catalog.  de  la  Biblioth.  de  M.  C.  Leber.  T.  H.  n*  39S(0- 
Une  traduction  française  en  a  été  donnée  à  Bflle  la  même  année  et  dans  le 
même  format,  sous  le  titre  de  :  Dialogue  des  choses  adoenues  aux  Luthérien»  ef 
Huguenots  de  France. 

(2)  Les  pièces  publiées  pour  Justifier  les  massacres  de  la  Salnt-Barthélemj 
sont  fort  nombreuses.  L'ouvrage  de  ce  genre  le  plus  important  et  le  plus  vio- 
lent, est  celui  d'Arnault  Sorbin,  intitulé  :  Le  vray  rbsveillb-matin  des  calvi- 
nistes ET  PLUBLICAINS  FRANÇOIS  :  OU  EST  AMPLEMENT  DISCOURU  DE  L'aUTORITC 

DBS  PRINCES  ET  DES  DEVOIRS  DES    SUIETS  ENVERS  ICEUX.  PuriSf  G.    ChOUdière, 

i576,  in-8*.  Il  répondait  au  Resoeille-matin  des  catholiques,  attribué  à  Nie. 
Bamaud  ou  à  Théod.  de  Bèze.  Parmi  les  pièces  les  plus  rares,  on  peut  citer  : 

BrIÈVB   REMONSTRANCE    sur  la  mort   de   L*ADMIRAL  ET   SES  ADHiRANS.   LjfOtt, 

Benoist  Rigaud,  1572.  —  C'est  un  pet,  in-8  de  dix-neuf  feuillets.  Audessoui  du 


BIBLIOGRAPHIE  D'UN  AMATEUR  489 

du  récit  semble  d'ailleurs  la  confirmer.  Le  jeudi  4  sep- 
tembre le  roi  fit  faire  une  procession  solennelle  pour 
remercier  Dieu  de  la  grâce  qu'il  lui  avait  faite,  de  pré- 
venir l'entreprise  des  Calvinistes.  On  porta  toutes  les 
reliques  de  Paris,  et  entre  autres,  les  châsses  de  Saint  Mar- 
ceau et  de  Sainte  Geneviève.  Toute  la  Cour  assista  à  cette 
procession,  qui  alla  de  la  Sainte-Chapelle  à  Notre-Dame, 
où  la  messe  fut  célébrée.  Le  cardinal  de  Bourbon  portait 
le  Corpus  Domini  soubs  le  poésie» 

Le  dimanche  7  septembre,  la  princesse  de  Condé  et 
son  beau-frère  le  marquis  du  Contil,  en  l'église  des 
Augustins,  abjurèrent  l'hérésie  entre  les  mains  d'un  cor- 
delier  nommé  frère  Hébert.  Le  jeudi  48  du  même  mois, 
ce  fut  le  tour  du  prince  de  Condé,  qui  abjura  entre  les 
mains  de  Monsieur  de  Saint-Germain,  docteur  en  théolo- 
gie, dans  l'église  Sainte-Germain-des-Prez.  La  Rozière,  ci- 
devant  ministre  de  Calvin,  fit  ce  jour-là  en  présence  du 
Roy,  un  discours  pour  l'approbation  de  la  messe,  tiré  tant 
des  Écritures  saintes  que  des  docteurs  de  l'Eglise.  Le  ven- 
dredi 26  enfin,  le  roy  de  Navarre  et  sa  sœur  Catherine  de 
Bourbon  après  avoir  été  catéchisés  pendant  plusieurs 
jours,  abjurèrent  en  présence  du  Cardinal  de  Bourbon 
qui  leur  donna  l'absolution  dans  sa  chapelle  ;  et  ce  fut 
La  Rozière  qui  au  cours  de  la  cérémonie  et  de  la  messe, 
expliqua  au  roi  de  Navarre  et  à  sa  sœur,  les  actions  du 
prêtre  officiant. 


titre  se  trouve  une  Jolie  gravure  sur  bois,  aux  armes  de  France,  entourées  de 
la  Justice,  de  la  Force,  de  la  Prudence  et  de  la  Tempérance.  Le  texte  finit  au 
recto  du  dix-huitième  feuillet  et  le  dernier  ne  contient  qu'une  figure  sur  bois 
ornée  de  cette  sentence  :  Dum  tempos  hahemus,  operemur  bonum.  L'auteur 
annonce  dans  un  avis  imprimé  sur  le  verso  du  titre,  qu'il  a  voulu  prouver 
<  qu'à  bonne  et  juste  occcLsion  le  roy  a  fait  mourir  V Admirai  et  ses  adhérans,  » 
Cette  pièce  n'est  pas  citée  dans  la  Bibliothèque  historique  du  P.  Lelong.  Une 
petite  notice  lui  est  consacrée  au  Bulletin  du  Bibliophilef  année  1860,  catalogoe 
raisonné,  n*  636,  page  1575  ;  je  lui  ai  emprunté  la  description  de  cet  opuscnle. 


490  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  derniers  feuillets  sont  consacrés  à  la  relation  d'une 
assemblée  de  Tordre  des  chevaliers  de  Saint-Michel 
tenue  par  le  roi,  le  29  septembre  jour  de  la  fête  de  ce 
saint,  dans  Téglise  Notre-Dame. 

Le  cueur  de  ladite  église  fut  préparé  pour  cest  effect,  &  tapissé 
d'vne  belle  &  riche  tapisserie  des  actes  des  apostres,  faitte  toute 
d*or  &  de  soyc,  &  les  sièges  dudit  cueur  tous  couuers  de  haut  en  bai 
de  drap  d'or,  auec  les  armoiries  des  seigneurs  qui  deuoyent  assister 
audit  ordre.  Et  arrivât  le  Roy  dâs  ledit  cueur,  fut  assis  à  la  main 
droitte,  soubs  vn  grand  poésie  ou  daiz  de  drap  d'or.... 

On  y  trouve  une  description  des  magnifiques  orne- 
ments de  l'église,  des  splendides  costumes  du  Roy  et  des 
chevaliers,  et  de  l'étiquette  qu'ils  observèrent  en  allant 
à  y  offerte.  Le  roi  de  Navarre  assistait  à  cette  cérémonie. 


Cette  pièce  qui  par  son  intérêt  historique  serait  digne 
d'être  réimprimée,  parait  ignorée  des  bibliographes. 
Dans  sa  Bibliothèque  historique,  le  P.  Lelong,  sous  le 
n<>  18124,  l'indique  seulement,  sans  l'accompagner  d'au- 
cune note  ;  il  est  probable  qu'il  n'en  a  connu  que  le  titre. 


LA  MÉDAILLE  DE  LOUIS  XIV 


Dernièrement,  nous  avons  présenté ,  aux  lecteurs  du 
Bulletin,  un  sonnet  inconnu,  attribué  à  Boileau,  que 
nous  avions  recueilli  dans  un  choix  de  poésies  inédites 
rassemblées  pour  Téducation  littéraire  de  M"«  de  VemeuU, 
fille  légitimée  de  M.  le  Duc,  le  successeur  du  r^eut 
Philippe  d'Orléans  dans  le  gouvernement  de  la  Rrance. 

Ce  sonnet  suscita  d'assez  vives  polénDÛques,  et  notre 
excellent  ami,  M.  Anatole  France,  voulut  bien  y  consacrer 
tout  un  de  ses  remarquables  articles  de  la  Vie  littéraire. 

Aujourd'hui,  nous  offit>ns  à  nos  confirères  en  lublio- 
graphie  et  en  curiosité  une  autre  pièce  également  inté- 
ressante. 

C'est  la  médaille  de  Louis  XIV,  face  et  reoert.  L'éloge 
et  le  blâme  y  sont  tour  à  tour  distribués,  et  véritable  tour 
de  force,  le  vers  louangeur  et  le  vers  vengeur  finissent 
chacun  par  la  même  rime.  Cette  pièce  n'a  ni  nom 
d'auteur,  ni  même  d'attribution.  Elle  a  dû  être  écrite  an 
moment  des  revendications  du  Régent  et  du  doc  de 
Saint-Simon  contre  les  princes  légitimés. 

L'allusion  suivante  en  est  la  preuve  : 


<  Du  pur  sang  des  Bourbons  fldre  d'albeux  mélaqflBt, 
Et,  pour  pousser  lliorrenr  Jusque  rexUéiulK, 
N*aimer  que  les  eofuiti  de  «m  iniqidtf.  » 


492  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Il  est  à  remarquer  que  les  vers  de  blâme  sont  très 
supérieurs  aux  vers  élogieux,  ce  qui  prouve  une  fois  de 
plus  qu'il  est  moins  aisé  de  louer  que  de  critiquer. 
L'homme  a  toujours  un  vieux  levain  de  révolté  ;  c'est  ce 
qui  explique  le  succès  de  toutes  les  oppositions. 

Boo  Double. 


MEDAILLE  DE  LOUIS  XIV 


FACE 

Au  milieu  des  grandeurs,  vaincre  la  vanité, 

Etre  un  parfait  miroir  de  la  divinité, 

Du  seul  bruit  de  son  nom  renverser  les  murailles. 

Suspendre  par  la  paix  le  cours  de  ses  batailles, 

Mêler  à  ses  travaux  d'héroïques  plaisirs, 

Sur  la  règle  des  lois  mesurer  ses  désirs. 

Captiver  les  duels  par  de  justes  entraves. 

Etouffer  les  erreurs  et  les  tenir  esclaves. 

De  la  seule  vertu  fidèle  partisan 

Traverser  les  desseins  de  V adroit  courtisan, 

Même  à  ses  ennemis  arracher  des  louanges. 

De  fierté,  de  douceur,  faire  d'heureux  mélanges. 

Se  tenir  toujours  loin  de  toute  extrémité. 

De  ses  puissants  états  bannir  V iniquité, 

Déconcerter  lui  seul  les  plus  fins  politiques. 

Connaître  leurs  détours  et  leurs  routes  obliques, 

Être  le  ferme  appui  de  la  religion, 

L ennemi  du  faux  zèle  et  de  la  passion, 

A  parer  les  autels  employer  la  dépense, 


LA  MÉDAILLE  DB  LOBIS  XHT  108 

Attirer  par  ses  vœux  le  bonheur  de  la  France, 
Soulager  Vindigent  dans  sa  mendicité. 
Des  captifs  pour  la  foi  payer  la  liberU, 
Établir  avec  soin  les  plus  sages  maximes 
Pour  sauver  V  innocence  et  réprimer  les  crimes, 
Dépeupler  chaque  jour  F  empire  du  démon. 
N'aimer  que  la  vertu  dedans  la  Maintenons 
Mourir  en  vrai  héros,  en  chrétien,  en  m<marqm. 
Du  trône  sans  frayeur  voir  approcher  la  Parque^ 
Voilà  du  grand  Louis  lés  mémorables  faits  : 
Ne  mérite-t'il  pas  nos  pleurs  et  nos  regrets  9 


REVERS  DE  LA  MÉDAILLE 


S^ élever  des  autels,  pousser  la  vanité 
Jusqu'à  prendre  le  nom  de  la  divinité, 
Au  mépris  des  traités  surprendre  les  marailles. 
Livrer  en  pleine  paix  de  perfides  batailles. 
Forcer  les  éléments  à  servir  ses  plaisirs, 
Sans  respecter  les  lois  suivre  tous  ses  désirs. 
Traiter  ses  ennemis  conune  de  vrais  esclaves. 
Leur  donner  sans  raison  des  fers  et  des  entraves. 
Être  Tunique  Dieu  du  fade  courtisan. 
Abandonner  son  peuple  au  cruel  partisan, 
Croire  que  ces  beaux  faits  méritent  des  louanges. 
Du  pur  sang  des  Bourbons  faire  dt affreux  mélanges, 
Et  pour  pousser  V horreur  jusqif  à  Fextrémité 
N'aimer  que  les  enfants  de  son  iniquité, 
Avoir  pour  confesseur  de  rusés  politiques 
Qui  mènent  les  esprits  par  des  routes  obliques. 


496  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

On  doit  au  comte  de  Blégier-Pierregrosse,  ancien  biblio- 
thécaire, quelques  notes  sur  les  imprimeurs  avignon- 
nais  (1),  complétées  depuis  par  M.  Paul  Achard,  archi- 
viste de  Vaucluse  (2),  par  M.  le  marquis  de  Monclar, 
dans  une  courte  mais  curieuse  note  (3),  et  par  M.  Pelle- 
chet  (4).  Le  docteur  Martial  Millet  a  fait,  avec  goût,  un 
tableau  instructif  des  imprimeurs  d'Orange  (5)  ;  il  est 
mort,  laissant  des  notes  substantielles  destinées  à  refondre 
et  à  compléter  ce  premier  essai.  Marseille  n'a  rien  à  envier. 
Les  découvertes  de  Tavocat-bibliophile  Bory  (6),  ont 
donné  satisfaction  aux  curieux.  Des  points  obscurs  tou- 
chant la  typographie  dans  la  ville  de  Toulouse,  ont  été 
éclaircis  par  le  docteur  Desbarreaux-Bernard,  dans  une 
série  d'opuscules  travaillés  (7). 

Sans  prétendre  égaler  la  science  de  cette  foule  d'érudits, 
nous  venons  combler  une  lacune,  en  jetant  ici  quelques 
notes  sur  la  typographie  toulonnaise,  mal  connue,  et 
entourée  d'obscurités  dans  les  ouvrages  locaux  qui  en  ont 
fait  mention.  Deux  chercheurs  obligeants,  MM.  le  docteur 
Gustave  Lambert,  l'historien  de  Toulon,  et  Hubert  Cour- 
rier, nous  ont  fourni  des  matériaux  puisés  dans  les 
archives  communales. 


il)  Notice  sur  l'origine  de  l'Imprimerie  d  Avignon,  Avignon,  P.  Chaillot, 
1840,  in-8,  8  p. 

(2)  Simples  notes  sur  l'introduction  de  VImprimerie  d  Avignon,  publiées  dans 
le  Bulletin  hist.  et  archéol.  de  Vaucluse,  mai  1879,  p.  181. 

(S)  Pierre  Roux,  imprimeur  d  Avignon.  Bulletin  cité,  id.,  p.  501. 

(4)  Notes  sur  les  Imprimeurs  du  Comtat  Venaissin,  Paris,  1887,  in-4. 

(5)  Notice  sur  les  Imprimeurs  d'Orange  et  les  livres  sortis  de  leurs  pressée. 
Valence,  imp.  Chenevier,  1877;  in-8,  75  p.  Tiré  à  160  exemplaires. 

(6)  Les  origines  de  l'Imprimerie  d  Marseille,  Recherches  historiques  et  bibliO' 
graphiques.  Tiré  à  100  exemplaires.  Marseille,  veuve  Mu  Olive,  1858  ;  in-8, 
177  p. 

(7)  L'Imprimerie  à  Toulouse,  auxxv\  xvx*  et  jyu*  siècles.  Toulouse,  Chauvin, 
1868  ;  ln-8, 138  p.,  17  pi.  Tiré  à  100  exemplaires. 


L'DIPRIMERIE  a  TOULON  497 


II 


Henricy  a  dit  :  a  II  fut  établi,  par  arrêt  du  conseil 
a  d'État,  du  21  juillet  1704,  une  seule  imprimerie  à  Tou- 
«  Ion.  Je  ne  connais  aucun  acte  de  son  administration 
a  qui  ait  concouru  à  y  fixer  Fart  typographique.  Pierre- 
a  Louis  Mallard  a  été  le  premier  imprimeur  à  Toulon. 
t  Ses  descendants  y  ont  joui  de  son  établissement  jusques 
a  vers  la  fin  du  siècle  dernier.  »  (1). 

Les  archives,  les  livres  imprimés,  nous  permettent  de 
détruire  cette  affirmation  donnée  sans  peuves.  Benoit 
Collomb,  imprimeur  à  Lyon,  est  le  premier  typographe 
toulonnais.  Les  consuls  de  la  ville  fixèrent  son  établisse- 
ment et  il  dut  intervenir  un  contrat  pour  en  asseoir  les 
bases  :  l'imprimeur  était  alors  une  sorte  de  fonctionnaire 
municipal  qui  n'aurait  pu  gagner  sa  \ie  sans  le  secours 
d'une  subvention.  Ce  contrat  n'a  pas  été  découvert.  Il  ne 
serait  pas  invraisemblable  qu'il  eût  existé  des  accords 
verbaux  sanctionnés  par  la  délibération  du  conseil  de 
ville,  prise  le  2  août  1650,  et  allouant  à  Collomb  120  livres 
en  plus  des  gages  ordinaires  auxquels  la  Commune  s'était 
obligée,  a  pour  entièrement  l'indemniser  des  frais  qu'il 
a  a  faits  à  la  voiture  pour  ses  outils,  meubles  et  famille, 
a  de  la  ville  de  Lyon,  lieu  de  son  habitation  originaire, 
a  en  cette  ville.  » 

La  même  année,  la  ville  loue  à  Collomb,  le  «  paroir 
à  draps  »,  situé  à  Dardennes,  et  qui  depuis  longtemps  est 
occupé  par  une  fabrique  de  papier,  peut-être  créée  par 
lui  pour  les  besoins  de  son  industrie.  Le  24  octobre  1650, 
la  ville  fait  payer  à  Collomb,  75  li\Tes  «  en  à  compte  de 
«  ses  gages.  »  Le  11  août  1660,  une  délibération  men- 


(  1  )  Textuellement  répété  par  A.  Fabre,  Histoire  de  Provence,  t.  IV,  p.  18. 
1891  32 


496  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

On  doit  au  comte  de  Blégier-Pierregrosse,  ancien  biblio- 
thécaire, quelques  notes  sur  les  imprimeurs  avignon- 
nais  (1),  complétées  depuis  par  M.  Paul  Achard,  archi- 
viste de  Vaucluse  (2),  par  M.  le  marquis  de  Monclar, 
dans  une  courte  mais  curieuse  note  (3),  et  par  M.  Pelle- 
chet  (4).  Le  docteur  Martial  Millet  a  fait,  avec  goût,  un 
tableau  instructif  des  imprimeurs  d'Orange  (5)  ;  il  est 
mort,  laissant  des  notes  substantielles  destinées  à  refondre 
et  à  compléter  ce  premier  essai.  Marseille  n'a  rien  à  envier. 
Les  découvertes  de  Tavocat-bibliophile  Bory  (6),  ont 
donné  satisfaction  aux  curieux.  Des  points  obscurs  tou- 
chant la  typographie  dans  la  ville  de  Toulouse,  ont  été 
éclaircis  par  le  docteur  Desbarreaux-Bernard,  dans  une 
série  d'opuscules  travaillés  (7). 

Sans  prétendre  égaler  la  science  de  cette  foule  d'érudits, 
nous  venons  combler  une  lacune,  en  jetant  ici  quelques 
notes  sur  la  typographie  toulonnaise,  mal  connue,  et 
entourée  d'obscurités  dans  les  ouvrages  locaux  qui  en  ont 
fait  mention.  Deux  chercheurs  obligeants,  MM.  le  docteur 
Gustave  Lambert,  l'historien  de  Toulon,  et  Hubert  Cour- 
rier, nous  ont  fourni  des  matériaux  puisés  dans  les 
archives  communales. 


(1)  Notice  sur  Vorigine  de  l'Imprimerie  d  Avignon,  Avignon,  P.  Chaillot, 
1840,  in-8,  8  p. 

(2)  Simples  notes  sur  Vintroduction  de  V Imprimerie  d  Avignon,  publiées  dans 
le  Bulletin  hist.  et  archéol.  de  Vaucluse,  mai  1879,  p.  181. 

(S)  Pierre  Roux,  imprimeur  d  Avignon,. Bulletin  cité,  id.,  p.  501. 

(4)  Notes  sur  les  Imprimeurs  du  Comtat  Venaissin,  Paris,  1887,  in-4. 

(5)  Notice  sur  les  Imprimeurs  df Orange  et  les  livres  sortis  de  leurs  presses. 
Valence,  imp.  Chenevier,  1877;  in-8,  75  p.  Tiré  à  160  exemplaires. 

(6)  Les  origines  de  VImprimerie  d  Marseille,  Recherches  historiques  et  bibliO' 
graphiques.  Tiré  à  100  exemplaires.  Marseille,  veuve  Mu  Olive,  1858  ;  in-8, 
177  p. 

(7)  L'Imprimerie  d  Toulouse,  auxxv\  xvx*  et  xva*  siècles.  Toulouse,  Chauvin, 
1868  ;  in-8, 138  p.,  17  pi.  Tiré  à  100  exemplaires. 


l'imprimerie  a  TOULON  497 


II 


Henricy  a  dit  :  oc  II  fut  établi,  par  arrêt  du  conseil 
et  d'État,  du  21  juillet  1704,  une  seule  imprimerie  à  Tou- 
a  Ion.  Je  ne  connais  aucun  acte  de  son  administration 
«  qui  ait  concouru  à  y  fixer  Fart  typographique.  Pierre- 
«  Louis  Mallard  a  été  le  premier  imprimeur  à  Toulon. 
«  Ses  descendants  y  ont  joui  de  son  établissement  jusques 
«  vers  la  fin  du  siècle  dernier.  »  (1). 

Les  archives,  les  livres  imprimés,  nous  permettent  de 
détruire  cette  affirmation  donnée  sans  peuves.  Benoît 
CoUomb,  imprimeur  à  Lyon,  est  le  premier  typographe 
toulonnais.  Les  consuls  de  la  ville  fixèrent  son  établisse- 
ment et  il  dut  intervenir  un  contrat  pour  en  asseoir  les 
bases  :  l'imprimeur  était  alors  une  sorte  de  fonctionnaire 
municipal  qui  n'aurait  pu  gagner  sa  vie  sans  le  secours 
d'une  subvention.  Ce  contrat  n'a  pas  été  découvert.  Il  ne 
serait  pas  invraisemblable  qu'il  eût  existé  des  accords 
verbaux  sanctionnés  par  la  délibération  du  conseil  de 
ville,  prise  le  2  août  1650,  et  allouant  à  CoUomb  120  livres 
en  plus  des  gages  ordinaires  auxquels  la  Commune  s'était 
obligée,  «  pour  entièrement  l'indemniser  des  frais  qu'il 
<K  a  faits  à  la  voiture  pour  ses  outils,  meubles  et  famille, 
«  de  la  ville  de  Lyon,  [lieu  de  son.  habitation  originaire, 
a  en  cette  ville.  » 

La  même  année,  la  ville  loue  à  CoUomb,  le  a  paroir 
à  draps  »,  situé  à  Dardennes,  et  qui  depuis  longtemps  est 
occupé  par  une  fabrique  de  papier,  peut-être  créée  par 
lui  pour  les  besoins  de  son  industrie.  Le  24  octobre  1650, 
la  ville  fait  payer  à  CoUomb,  75  livres  «  en  à  compte  de 
«  ses  gages,  b  Le  11  août  1660,  une  délibération  men- 


(1)  Textuellement  répété  par  A.  Fabrje,  Histoire  de  Provence,  t.  IV,  p.  18. 
1891  32 


498  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

tionne  :  a  II  sera  donné  à  Benoit  Collomb,  imprimeur, 
((  75  livres  de  salaires  par  an,  ainsi  que  son  logement  et 
(c  sa  boutique.  »  A  partir  de  cette  date,  nous  perdons  la 
trace  de  cet  imprimeur,  remplacé  sans  doute  par  un  suc- 
cesseur. 

Les  premiers  produits  sortis  des  presses  de  CoUomb 
sont  des  raretés  bibliographiques  à  peu  près  inconnues, 
la  plupart,  des  documents  officiels  utiles  à  consulter. 
Nous  connaissons  les  suivants  : 

Le  Bon-heur  dv  diocèse  de  Tholon  en  V érection  de  la 
Confrérie  dite  des  Agonizans  sous  la  protection  de  S. 
loseph,  qui  a  esté  le  premier  de  tous  assisté  de  lesvs  et 
de  Marie  au  temps  de  son  agonie,  A  Tholon,  de  Vim- 
primerie  de  Benoist  Collomb,  M,  DC.  L.  ;  in-12,  142  p. 

L'auteur  a  signé  :  a  Garnier,  théologal.  »  Ce  doit  être 
François  Garnier,  chanoine  théologal,  appartenant  à  une 
vieille  famille  toulonnaise,  qui  a  donné  des  prêtres,  des 
magistrats  et  des  avocats  distingués. 

Déclaration  dv  Roy  pour  l'innocence  de  Messieurs  les 
Princes  de  Condé,  de  Contg,  et  duc  de  Longveville  auec 
restàblissement  de  toutes  leurs  charges  et  govvernemens. 
Vérifié  au  Parlement  de  Paris  le  28  feurier  1651.  A  Tho- 
loUy  chez  Benoist  Collomb,  demeurant  av Palais,  M.DC.  LL 
Jouxte  la  copie  imprimée  à  Paris  ;  in-4,  10  p. 

La  Resiouissance  extraordinaire  de  la  ville  de  Tholon 
pour  la  deliurance  de  Messieurs  les  Princes  et  la  reunion 
de  la  Maison  Royale.  M.  DC.  LL;  in-4,  22  p.  sans  le  nom 
de  l'imprimeur. 

La  ville  de  Toulon  détestait  Mazarin.  Elle  s'engagea 
avec  ardeur  dans  le  parti  des  Princes.  Leur  délivrance 
fut  l'objet  d'une  fête  enthousiaste,  qui  dura  du  27  février 
au  6  mars  1651.  Les  habitants  portaient  les  couleurs  des 
Princes,  bleu  et  jaune;  les  femmes,  armées  c  d'espée, 
«  mousquets,  fuzils,  pistolets,  »  criaient  :  «  Vive  le  Roy, 
oc  et  les  Princes  et  nostre  bon  gouverneur,  »  le  comte 


L'DfPRIMEaElIE  A  TOULON  480 

d'Alais.  On  banqaetait  en  plein  vent  :  les  riies  étaient 
encombrées  de  idoles.  La  joie  se  manifestait  d'une  Suçon 
bruyante  ;  on  brisait  les  verres  et  les  bouteilles.  Dès  le 
3  mars,  il  était  constaté  qu'il  manquait  dans  la  ville  les 
verres  et  les  bouteilles  nécessaires  pour  le  service  du 
diner  que  la  municipalité  allait  oflBrir  aux  notables,  à 
l'armée  et  à  la  marine.  Les  consuls  c  donnèrent  ordre 
c  aux  principaux  nobles  verriers  de  la  ville,  de  tenir 
c  particulièrement  prestes  pour  leur  festin,  deux  cent» 
c  douzaines  de  verres  et  soixante  douzaines  de  bouteilles 
c  d'un  pot  la  pièce,  qui  est  deux  pintes  de  Paris.  » 

Le  diner  municipal  fut  gigantesque.  On  tira  cent  trente 
coups  de  canon,  c  Les  premier  et  second  consuls  estant 
c  demeurés  dans  Tbostel  de  ville,  le  troisiesme,  avec 
c  tout  le  reste  des  festoyés,  firent  en  dansant  le  tour  de  la 
c  ville.  »  Un  fiait  curieux  à  signaler  est  la  réunion  d'une 
même  fiamille,  les  de  Pomet,  composée  de  trds  cents 
membres,  c  tous  portant  armes,  »  et  groupés  autour 
d'une  table  dressée  sur  la  place  Saint-Jean,  buvant  à  U 
santé  du  roi  (1). 

Arrest  de  la  Cour  de  Parlement  Umtee  les  Chambrée 
assemblées  portant  que  le  Cardinal  Maxarin,  ses  paren» 
et  domestiques  estrangers  uaideront  le  Rogaume  de  Fhmeep* 
autrement  permis  aux  Communes  et  antres  de  courir  sus; 
auec  autres  ordres  pour  cet  effet.  A  ITiolon,  chez  Besndsl 
Collomb,  demeurant  au  Palais,  jouxte  la  copie  ioqm- 
mée  à  Paris,  M.  DC.  LL;  in-4, 8  p. 

Cette  pièce  fut  imprimée  dans  le  but  de  manifester  la 
haine  des  Toulonnais  pour  le  cardinal  Ifaarin.  La  ville 
payait  à  Colomb  six  livres  pour  les  fraisde  rimj^Msioii  ^;- 


(1  )  Voy.  l'excellente  étnde  du  D*  Laiobit,  Ub  Omm/U  et  Tutàam^ 
danU  militaira,  Tookm,  Laurant,  187S,  in-8. 
(2)I>élibératkMida 


SOO  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

Le  Purgatoire  ouvert  ov  la  Saincte  Dévotion  establie  soas 
le  titre  de  Nostre  Dame  du  Suffrage  dans  VEglise  des 
RR.  PP.  Minimes  de  la  ville  de  Tholon,  pour  le  soulage- 
ment  des  amas  détenues  dans  les  flammes  du  Purgatoire, 
Par  le  R,  P.  François  loachim  PaveZy  minime.  A  Tholon, 
chez  Benoist  Collomb,  imprimeur  de  la  ville,  M.  DC.  LI.  ; 
in-12,  200  p. 

L'auteur  naquit  à  Toulon,  en  1620,  et  mourut  à  Mar- 
seille, en  1701. 

Paraphrase  svr  les  Pseavmes  penitentiavx  et  svr  les 
Lamentations  de  leremie.  Par  Lavis  Imberty  docteur  en 
Médecine,  A  Tholon,  chez  Benoist  Collomb,  demeurant 
au  Palais,  M.  DC,  LL  Auec  approbation;  in-4,  190  p. 

Tholon  aux  Pieds  dv  Roy,  1652  ;  in-4,  57  p.,  sans  nom 
d'imprimeur. 

Toulon  se  justifie  d'avoir  suivi  le  parti  du  comte  d'Âlais. 

Lettre  de  Messievrs  les  Consvls  de  Tholon  à  Messieurs 
les  Procvrevrs  du  pais  et  députez  des  Communautez  de 
r  Assemblée  générale  de  la  Provence  convoquée  à  Aix  (1). 

—  Protestation  faicte  par  Messievrs  les  députez  de  la  ville 
de  Tholon  à  Messievrs  les  députez  de  V Assemblée  générale, 

—  Articles  accordez  à  la  ville  de  Tholon  par  Monseigneur 
le  dvc  de  Mercœvr  Pair  de  France,  commandant  pour  le 
Roy  en  Prouence,  3  pièces,  in-4,  imprimées  par  Col- 
lomb (2). 

Intéressants  documents  sur  les  troubles  de  la  Fronde. 
La  ville  avait  refusé  la  sortie  du  port  aux  vaisseaux  char- 
gés d'aller  en  Catalogne.  Elle  fut  la  seule  de  la  province 
à  ne  pas  rendre  ses  devoirs  au  nouveau  gouverneur  de  la 
Provence,  le  duc  de  Mercœur.  Les  articles  mirent  fin  au 
différend.  Ils  furent  signés  à  Ollioules,  le  13  sep- 
tembre 1652,  par  le  Gouverneur,  a  Louis  de  Vandosme,  » 


(1)  Tirée  à  400  exemplaires. 

(2)  Délibérations  communales  des  8  juillet  et  90  septembre  1652. 


L'OCPRIMERIK  A  TOVtMlf  801 

et  par  les  députés  de  Toulon  :  Jacques  de  Guers,  Jacques 
Garelly,  P.  Cordeil,  Rodeillat  et  DehieU.  La  irille  de  Tou- 
lon était  maintenue  dans  ses  pri^^es  et  dans  ses  liber- 
tés, et  une  amnistie  générale  était  accordée  aux  habitants. 

La  vie  de  Saincie  Dcmftdne  Vierge  epome  de  Samct 
Elzear  Gentilhomme  prouençal,  sa  naissance  et  du  bat' 
heur  de  son  éducation.  A  Thohm,  par  Benoist  Collosnb, 
demeurant  à  la  Maison  de  Ville,  M.  DC.  LVL  ;  in-4, 90  pé 

Résumé  ou  extrait  de  la  vie  et  des  Eminentes  vertus  de 
S.  Elzear  de  Sabran  et  de  la  bicn-heareme  comtesse  Dath 
phine,  par  le  père  Etienne  Binet,  jésuite  de  Dijon  (1).  Un 
exemplaire  a  atteint  le  prix  de  100  francs  au  feu  des 
enchères  bibliographiques. 

Le  tableau  de  la  vie  dévote  commencée^  avancée  et  ooii*> 
sommée,  représenté  en  la  vie  et  meurt  du  vénérable  serui^ 
teur  de  Diev  le  Fr.  lacqves  Martinot,  de  Tordre  de» 
Minimes.  Par  le  R.  P.  Antoine  Morel,  religieux  du  mesme 
ordre.  A  Tholon,  par  Benoist  Collomb.  bnp.  M.  DC.  LUL  ; 
in-4,  avec  portrait  gravé.  r 

L'auteur  était  aixois  et  son  confrèife  avait  vu  lé  jour 
aux  environs,  à  Velaux. 


m 


Le  remplacement  de  Collomb  par  son  successeur 
Qaude  Du  Tour,  n'a  laissé  dans  les  archives  communabi 
aucune  trace  de  nature  à  en  fidre  connaître  le  motiCi 
Une  délibération  du  16  octobre  IflSO,  porte  :  c  Le  sleiir 
c  du  Tour  sera  rétabli  dans  ses  fonctions  dlmprimenr 
c  de  la  Communauté,  aux  ga^  de  180  livres  par  an;  i 
une  autre,  datée  du  10  mars  1670,  le  nomme  c  imjpil- 


(1  )  Paris,  Séb.  Chappelet,  1825  ;  in-U^  4»p.,  poctr. 


-  « 


502  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

c  meur  de  la  Communauté  aux  gages  de  100  livres  l'an 
€  née;  t>  une  troisième  enfin,  du  26  juin  1676,  décide 
a  que  les  gages  de  100  livres  par  an  accordés  au  sieur  du 
t  Tour,  imprimeur,  sont  supprimés.   » 

Il  y  a  là  un  mystère  difficile  à  pénétrer.  Il  a  dû  exister 
un  second  atelier  typographique,  ou  le  seul  créé  par 
CoUomb,  géré  un  moment  par  Du  Tour,  peut-être  repris 
par  le  premier  ou  par  un  inconnu,  et  abandonné  ensuite 
à  Du  Tour,  lequel  imprimait  en  1688,  dans  le  local  de  la 
tour  de  Thorloge  à  Tarsenal,  et  pour  le  compte  de  la 
marine. 

Rien  n'indique  d'où  venait  Du  Tour.  Les  produits  de 
ses  presses  offrent  beaucoup  plus  d'intérêt  que  ceux  de 
Collomb.  Nous  citerons  : 

Relation  de  ce  qui  s* est  passé  à  Tolon  à  la  belle  et  somp^ 
tueuse  Cérémonie  de  la  Feste  de  S.  François  de  Sales,  le 
28  Janvier  1667,  par  messire  Jacques  Borne,  prestre.  A 
Tolon,  chez  Claude  Dv  Tour,  libraire  et  imprimeur  ordi- 
naire de  la  ville.  M,  DC,  LXVIL  ;  in-4. 

Les  Pseavmes  de  don  Antoine  Roy  de  Portugal,  de  la 
paraphrase  du  R,  P.  honoraire  Flameng^  docteur  en  theo^ 
logie,  de  Vordre  des  Frères  Prescheurs  de  Tolon,  prescmtés 
a  Messieurs  les  Consuls  de  ladite  uille,  A  Tolon,  par 
Claude  Du  Tour,  imprimeur  du  Roy  et  de  la  Ville, 
M.  DC,  LXXIL  ;  in-12, 163  p. 

Ce  religieux  naquit  à  Toulon  ;  sa  famille  y  est  encore 
honorablement  représentée. 

r 

Le  Petit  Chien  de  VEuangile  abboyant  contre  les  Erreurs 
de  Luter  et  Caluin,  dédié  a  Monsieur  Nicolas  Arnoul,  con^ 
seiller  du  Roy  en  ses  conseils,  intendant  gênerai  de  la 
iustice  police  et  finance  de  la  marine  ez  mers  du  Leuant, 
Par  les  Religieux  de  Notre  Dame  de  la  Merci  Rédemption 
des  Captifs  au  conuent  de  Tolon,  A  Tolon,  par  Claude  Du 
Tour,  imprimeur  du  Roy  et  de  la  uille,  M.  DC.  LXXIII, 
auec  approbation  ;  in-12,  145  p.,  3  ff. 


l'imprimerie  a  TOULON  503 

Petit  livre  curieux,  vendu  40  francs  en  1847.  Il  a  eu 
une  seconde  édition,  à  Marseille,  de  rimprimerie  de 
Charles  Brébion,  1675  ;  in-8,  184  p. ,  vendue  22  francs, 
Libri,  1857,  n^  217. 

Le  clergé  confia  à  Du  Tour  Timpression  de  ses  livres, 
à  partir  de  1674,  ce  qui  est  prouvé  par  une  Ordonnance 
de  Monseigneur  iEuesquede  Tolon  (1) portant  Règlement 
de  quelques  points  de  doctrine  sur  les  matières  de  la  Grâce 
et  autres  dans  son  diocèse,  au  bas  de  laquelle  du  Tour 
prend  le  titre  d'imprimeur  du  clergé. 

Remonslrances  av  Roy,  Sire,  La  sublimité  de  votre 
Esprit,.,.  1677;  in-4,  4  p.  sans  nom  d'imprimeur  (2). 
L'administration  de  la  guerre  avait  emmagasiné  une 
trop  grande  quantité  de  poudre  dans  la  ville.  Les  consuls 
portent  plainte  et  offrent  l'emplacement  pour  construire 
une  poudrière  hors  la  \âlle. 

Panégyrique  de  saint  Dominique^  par  le  P,  Damasse, 
de  Grasse.  A  Tolon,  chez  Claude  Dv  Tour,  imprimeur 
ordinaire  du  Roy  et  de  Ms^  VEvesquey  1678,  in-4  (3).  Cet 
opuscule  doit  avoir  quelque  rapport  avec  la  réunion  du 
chapitre  des  dominicains  qui  eut  lieu  à  Toulon  ,  le 
17  février  1679  et  en  faveur  duquel  la  ville  vota  400  livres 
pour  subvenir  à  la  dépense. 

Du  Tour  fit  sortir  de  ses  presses  plusieurs  pièces  cu- 
rieuses, marquant  le  début  du  jansénisme  en  Provence. 
Jean  de  Vintimille,  des  comtes  de  Marseille  et  du  Luc, 
évèque  de  Toulon,  se  prit  de  querelle  avec  l'évêque  de 
Saint-Pons,  au  sujet  du  Rituel  de  l'évêque  d'Alet,  M.  du 
Pavillon.  D'avril  à  septembre  1678,  furent  publiées,  sous 
le  format  in-4  :  Lettre  dun  théologien  a  un  (uny  et  la 


(  1  )  Louis  de  Forbin-d'Oppède. 

(  2  )  Tiré  à  100  exemplaires,  payés  6  livres  à  Du  Tour.  Arch.  comm.  Comptab. 
ce.  609. 
(3)  Cité  par  Bory,  orig.  de  VImprim.  d  MartetUe^ 


504  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

constitution  du  Pape  Clément  IX  contre  le  Rituel  (FAleL 
—  Réponse  de  Monseigneur  VEuesque  de  Tolon  a  Monsei' 
gneur  VEvesque  de  Saint-Pons.  —  Seconde  lettre  dtun 
théologien  a  un  amy  contenant  des  observations  sur  la 
seconde  lettre  de  M,  de  Saint-Pont,  écrite  a  M.  de  Tolon 
au  sujet  du  Rituel  d*Alet,  Dans  la  Réponse  de  M.  VEvesque 
de  Saint-Pons  a  M,  VEvesque  de  Tolon,  escrite  le 
19  aoust  1678,  on  lit  ce  curieux  passage  : 

oc  Le  style  de  la  dispute  dispense  de  cette  politesse 
c[  dont  les  gens  de  cour  font  tant  de  cas,  et  donne  des 
<(  libertés  qui  passeroient  pour  malhonnêtes  dans  lecom- 
€  merce  ordinaire  du  monde.  Je  vous  conjure  d'examiner 
c  le  style  des  Pères  dans  leurs  œuvres  polémiques.  Vous 
«  trouverez  que  les  disputes  entre  saint  Etienne  et 
«  saint  Cyprien  ;  celle  de  saint  Chrysostôme  et  de 
c  saint  Épiphane  ;  celle  de  saint  Augustin  et  de  saint 
«  Hierôme,  et  ce  que  saint  Bernard  écrit  aux  Papes 
«  même,  ne  sont  pas  d*un  style  qui  endorme  le  lecteur  ; 
a  qu'au  contraire  il  le  réveille  par  le  sel  et  le  vinaigre 
a  dont  il  semble  que  leur  plume  soit  trempée.  » 

Le  titre  seul  imprimé  d'un  registre  des  comptes  tréso- 
raires  de  la  commune  de  Toulon  (1)  indique  que  le 
24  juin  1681,  Du  Tour  était-  a  imprimeur  du  Roy,  da 
a  clergé,  de  la  ville  et  de  la  marine,  à  la  rue  des  Beauz- 
a  Esprits.  j>  En  1687,  un  logement  pour  l'imprimeiir 
dans  l'hôtel-de- ville,  est  installé  par  le  Conseil  com- 
munal (2). 

Recueil  des  Antiquités  cvrievses  de  Tovlon,  DediéaMonsei^ 
gneur  Lovis  de  Girardin  de  Vavvré,  intendant  de  la  Ma^ 
rine,  A  Tovlon  de  Vimprimerie  Royalle  par  Clavde  Dv 
Tour,  imprimeur  dv  Roy,  M.  DC,  LXXXVIII.  ;  in-18. 


(1)  Livre  de  la  Trésorerie  gérée  par  M.  Louis  Tournibr. 

(2)  Arch.  comnu  Comptab.  CC,  610. 


L'mPRDIEIlIB  ▲  TOULON  906 


Un  des  plus  rares  livres  de  la  Mbliograplde.  toatooK 
naise  (1).  Il  n'a  guère  de  vàleia  an  point  de  vue  hlih 
torique.  L'auteur  divague  dans  des  récifs  purement  IGm- 
taisistes.  D'après  lui,  la  fondation  de  Toulon  remonte  à 
Tan  1642  avant  Jésus-Christ,  par  l'établissement  dm 
Camatuliens  ou  Temiens  ;  la  ville  fut  brûlée  et  réédifiée 
quatorze  fois  avant  le  christianisme  et  une  dizaine  de 
fois  depuis  jusqu'au  xni«  siècle.  Ce  livre  n*est  que  la 
traduction  de  Las  Causas  antiqaas  de  Fantiqna  Cieaiai 
de  Tollon,  manuscrit  inventé  par  Honoré  Aycard,  écoyer, 
premier  consul,  viguier  et  conseiller  de  ville,  et  Fnn  <k8 
correspondants  de  Peiresc,  et  conservé  dans  les  archivea 
communales. 


IV 


Michel  Mallard,  exerçait  Tart  de  l'imprimerie  à  AvI* 
gnon,  de  1670  à  1688.  François  Mallard  y  imprimait  de 
1710  à  1748.  Jean- Antoine  Mallard  était  fixé  à  Marsdile 
(1720-1722).  Pierre-Louis  Mallârd,  succesBeor  dje  Do 
Tour,  devait  être  un  fils  de  llficUel  et  un  fière  de  Fran- 
çois. D  débuta  à  Tbulon,  non  en  J^TOi, .  maia  en  1689,  et 
depuis,  jusqu'en  1793,  l'imprimerie  tôofonnaise  irasl^  dins 
sa  fimiille  et  fut  gérée  successivement  par  ses  descendants 
directs. 

Sa  veuve,  c  imprimeur  et  papetier,  »  eut  ponrsooces- 
seurs  :  Louis  Mallard,  leur  fils,  Jean-Antoine  IfaUard,  la 
veuve  de  ce  dernier,  Jean-Louis  Mallard,  sa  venvè,  Jean 
Baptiste-Henry  Mallard,  lequel  fut  reçn  à  Tôfflee  dlna- 
pecteur  et  contrôleur  des  imprimeurs,  lifandres  et  le- 


I 


(1)  Un  exemplaire  est  à  la 
archives  de  Toulon. 


« 


,f- 


I 


•»>  * 


506  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

lieurs,  créé  pour  Toulon  suivant  un  édit  du  roi,  daté  du 
mois  de  février  1745.  Un  sieur  Joseph  Surre  demandait 
l'autorisation  de  vendre  des  livres  ;  Mallard  protesta  dans 
un  mémoire  sorti  de  ses  presses  et  un  arrêt  du  conseil 
privé  du  roi  rejeta  la  demande  de  Surre  (1764).  Il  n*est 
pas  indifïërent  de  mentionner  ici  qu'une  ordonnance 
rendue  par  les  Maire  et  Consuls  de  Toulon  (1772)  défen- 
dait a  à  tous  colporteurs,  porte-balles,  de  vendre  ni  de 
a  débiter  dans  la  ville  et  terroir  aucun  livre  de  quelque 
c  nature  qu'il  soit,  sous  peine  de  500  livres  d'amende.  » 
Jean-Louis-Raymond  Mallard,  le  dernier,  député  du 
tiers-état  de  la  Communauté  de  Toulon  aux  États  pro- 
vençaux de  1789,  était  un  homme  de  valeur  ;  il  avait  une 
grande  influence  au  conseil  communal.  Débordé  par  un 
parti  plus  accentué,  il  abandonnait  son  imprimerie  (1793) 
et  allait  se  réfugier  sur  un  vaisseau  anglais. 

Nous  citerons  quelques-uns  des  livres,  produits  des 
presses  de  la  dynastie  des  Mallard. 

Traité  de  Paix  entre  VEmpereur  de  France  et  le  Gou- 
vernement de  la  ville  et  du  Royaume  d* Alger,  A  Toulon, 
chez  Pierre-Louis  Mallard,  imprimeur  du  Roy,  1689;  in-4. 

et  L'an  1689  et  le  19  septembre,  le  très-chrétien,  trèa- 
«  puissant  et  très-invincible  prince  Louis  XIV,  par  la 
et  grâce  de  Dieu,  Empereur  de  France  et  Roy  de  Navarre, 
€  et  les  très  -  illustres  et  très  -  magnifiques  seigneurs 
c  Hussein-Pacha,  dey,  divan  et  milice  de  la  ville  et 
«  royaume  d'Alger,  il  aurait  été  résolu  de  rétablir  et 
a  même  de  conserver  et  maintenir  à  l'avenir  une  bonne 
«  paix....  (1)  » 

Les  Epitres  et  Evangiles  avec  les  Oraisons  de  V Eglise  qui 
se  disent  à  la  sainte  messe,  pendant  toute  Vannée.  Traduc- 
tion nouvelle  par  le  sieur  de  Bonnevald,  prêtre.  Dernière 


(1)  Inventaire  des  archives  hist.  de  la  Chambre  de  Commêreê  de  IfaraefIZe. 
Marseille,  1878  ;  in-4,  p.  78. 


l'imprimerie  a  TOULON  507 

édition  revue,  corrigée  et  augmentée  de  nouveau  des  Prières 
de  la  Messe.  A  Toulon,  chez  la  veuve  de  Pierre-Louis 
Mallard,  imprimeur  du  Roy,  1708;  in-12. 

Argument  de  tout  ce  qui  sera  représenté  dans  la  Proces- 
sion de  la  Feste-Dieu  ou  du  corps  de  Jésus-Christ  que 
Von  faira  dans  la  ville  de  Toulon,  sous  la  direction  des 
Pères  Minimes,  par  ordre  de  Monseigneur  iEvéque,  le 
16  juin  1718.  A  Toulon,  chez  la  veuve  de  Pierre-Louis 
Mallard,  imprimeur  du  Roy,  de  Monseigneur  VEvéque,  et 
de  la  ville,  à  la  place  Saint-Pierre,  1718  ;  in-12. 

On  y  donne  Tordre  et  la  marche  des  cortèges,  la  descrip- 
tion des  figures  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament, 
qui  furent  représentées  dans  celte  cérémonie,  les  chants 
notés  sur  les  airs  du  temps,  tels  que  :  Ton  humeur,  ma 
Catherine  ou  la  Musette  dAjax. 

L Adoration  perpétuelle  du  Très  Saint  Sacrement  établie 
dans  la  Cathédrale  de  Toulon,  le  19  novembre  1726,  par 
Monseigneur  Louis-Pierre  de  La  Tour  Du  Pin  de  Montau- 
ban,  abbé  des  Abbayes  dAnianCy  de  Saint-Guillaume  des 
Déserts,  conseiller  du  Roy  en  tous  ses  conseils,  Evésque  de 
Toulon.  A  Toulon,  chez  Louis  Mallard,  imprimeur,  place 
Saint-Pierre,  1726  ;  in-12,  96  p. 

M.  Teissier  indique  (l)un  imprimé  sorti  des  presses 
de  Louis  Mallard,  en  1727,  donnant  le  traité  intervenu 
entre  le  représentant  de  la  France  et  le  bey  de  Tunis,  et 
dans  lequel  ce  dernier  s'engageait  à  sévir  contre  les  cor- 
saires. Cette  pièce  est  introuvable,  tous  les  exemplaires 
mis  en  circulation  ayant  été  saisis  et  brûlés.  L'imprimeur, 
menacé  d'être  poursuivi,  obtint  les  faveurs  du  Ministre, 
grâce  à  Tintervention  des  Consuls. 

Cayer  des  titres  de  la  Lieutenance  de  Roy  de  la  ville  de 
Toulon.  Extraicts  des  Archives  de  la  Communauté,  A 


(  1  )  Les  Rues  de  Toulon,  p.  18. 


SOS  BULLETIN  DU  BIBUOPIÙLE 

Toulon,  chez  Jean  Antoine  Mallard,  1733  ;  in-4,  de  46, 
10  et  9  p. 

Rituel  du  diocèse  de  Toulon,  par  Afr*"  Louis-Albert  Jolg 
de  Choin,  Évèque.  A  Toulon,  chez  Jean-Louis  Mallard, 
imprimeur-libraire,  1749  ;  2  vol.  în-4. 

Cantiques  spirituels  en  français  et  en  langue  vulgaire, 
à  Vusage  des  Missions  des  RR.  PP.  capucins  de  Provence. 
A  Toulon,  chez  la  veuve  de  Jean-Louis  Mallard,  1763  ; 
in-12,  95  p. 

Par  le  chanoine  dlsnard,  de  Salon. 

La  Christiade,  ou  le  Saint  Évangile  de  Jésus-Christ, 
par  M,...  de  V Académie  des  Arcades,  A  Toulon,  chez  J. 
L.  R.  Mallard,  1786;  in-8,  xvi-230  p. 

Les  Rudimens  de  la  Langue  latine  avec  des  Règles  pour 
apprendre  facilement  et  en  peu  de  temps  à  lire,  décliner  et 
conjuguer,  pour  r  utilité  et  soulagement  des  maîtres  et  des 
enfans.  Par  F.  Bistac.  A  Toulon,  chez  J.  L,  R.  Mallard, 
1788  ;  in-12,  208  p. 

Edition  non  citée  d'un  ouvrage,  alors  très  répandu, 
du  grammairien  François  Bistac,  de  Langres. 

En  1791,  Mallard  prenait  le  titre  d'imprimeur  du 
département  du  Var.  On  remarque  sur  les  pièces  oflBi- 
cielles  sorties  de  son  atelier  différents  bois  grossièrement 
faits,  dont  l'un  semble  représenter  la  vue  du  port  de 
Toulon.  Il  fut  le  dernier  imprimeur  privilégié  :  la  révolu- 
tion venait  de  proclamer  la  liberté  de  l'imprimerie. 


Raymond  Mallard  fut  remplacé  par  Aurel  dans  des 
circonstances  qui  offrent  un  intéressant  document  à 
l'histoire  générale.  Toulon  était  au  pouvoir  des  Anglais 
(1793)  et   l'imprimeur  privilégié  avait  abandonné 


l'imprimerie  a  TOULON  509 

presses.  Un  nouvel  atelier  fonctionnait  dans  la  ville, 
sous  les  ordres  de  Tautorité  locale  rebelle  à  la  Conven- 
tion. Il  était  dirigé  par  Surre  fils,  lequel  prenait  le  titre 
d*  a  imprimeur  du  Roi  et  du  Tribunal-Populaire-Martial 
«  de  Toulon  »,  sur  une  pièce  datée  «  du  vingt-sept  sep- 
<t  tembre  mil  sept  cent  quatre-vingt-treize,  Tan  premier 
«  du  règne  de  Louis  XVII  (1).  »  Ce  tribunal  rendait  la 
justice  au  nom  du  Roi.  On  lit  en  tète  de  ses  sentences  : 
«  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  et  par  la  Loi  constitution- 
<t  i\elle  de  TÉtat,  Roi  des  François,  à  tous  présens  et  à 
a  venir  ;  salut.  » 

L'armée  révolutionnaire  campée  aux  environs  de  Tou- 
lon, était  suivie  d'une  imprimerie  de  campagne,  confiée 
aux  soins  de  Marie-Auguste  Aurel,  imprimeur  venu  de 
Valence  et  dont  le  plus  important  produit  d'alors  est  le 
Mémoire  sur  la  prise  de  Toulon  adressé  au  président  de  la 
Convention  nationale,  par  Dugommier,  général  en  chef  de 
V armée  d Italie  et  chargé  du  siège  de  Toulon.  Au  quartier 
général^  8  nivôse,  an  II  de  la  République,  à  Ollioules,  chez 
Afarc-Aure/ (sic),  imprimeur  de  V armée;  in-4. 

Cette  imprimerie  de  l'armée  était  une  création  de 
Bonaparte,  lieutenant  d'artillerie.  M.  Courrier  a  eu  le 
mérite  de  la  signaler  d'après  des  documents  inédits  (2). 
Une  imprimerie  et  un  cabinet  de  lectures,  étaient  gérés 
à  Valence  par  le  père  d' Aurel.  Un  jeune  sous-lieutenant 
d'artillerie  tenait  garnison  dans  cette  ville  dès  le  début 
de  Tannée  1793  ;  il  était  très  bien  reçu  dans  la  maison 
Aurel.  Envoyé  avec  trente  artilleurs  pour  l'escorte  d'un 
convoi  de  poudres  destiné  à  Toulon,  Bonaparte  et  ses 
hommes  a  furent  arrêtés  à  Avignon  par  l'armée  départe- 


il)  Jugement  du  Tribunal  populaire  Martial  de  Toulon,  qui  condamne,  d  Ut 
peine  de  mort,  les  nommés  Joseph  Bonnaud,  Pierre  Sénés  et  Joseph  Buttet, 
atteints  ci  convaincus  d'assassinat  ;  placard,  in-fol.  à  3  colon. 

(2)  Le  Xoiwelliste  du  Midi,  Toulon,  11  août  1882. 


510  BULLETIN  DU  BIBUOPHU£ 

mentale  des  Bouches-du-Rhône,  qui  s'était  portée,  sous 
les  ordres  du  tailleur  Morellet,  de  Marseille,  jusques  à 
A\îgnon  pour  se  joindre  aux  contingents  anti-révolution- 
naires des  Alpes  et  de  la  vallée  du  Rhône  Cette  cohue 
manquait  absolument  de  chefs  capables,  et  surtout 
d'unité  dans  la  direction  et  le  commandement.  C'est 
alors  que  les  chefs  songèrent  à  oiMr  le  commandement 
en  chef  au  jeune  lieutenant  d'artillerie  retenu  dans  Avi- 
gnon et  logé  chez  un  négociant  de  cette  ville,  partisan 
très  avéré  de  la  royauté.  En  causant  le  soir,  après  les 
affaires,  avec  l'officier  d'artillerie,  son  hôte  avait  vite 
reconnu  que  c'était  là  un  sujet  hors  de  pair,  dont  les 
sentiments,  au  surplus,  étaient  encore,  au  point  de  vue 
politique,  flottants,  indécis,  mais  dont  l'extraction  nobi- 
liaire, il  s'appelait  M.  de  Buonaparte,  l'attirait  vers  la 
légitimité.  Il  l'avait  proposé  lui-même  et  il  le  présenta 
aux  chefs  dans  un  grand  dîner  donné  à  cette  intention. 
Des  pourparlers  sérieux  eurent  lieu  pendant  quelques 
jours,  et,  finalement.  Napoléon,  qui  s'était  rendu  compte 
du  peu  de  cohésion  de  toutes  ces  forces,  refusa  et  songea 
sérieusement  à  fuir  d'Avignon,  dont  le  séjour  pouvait 
lui  être  dangereux  à  la  suite  des  propositions  qui  lui 
avaient  été  faites  et  de  son  refus. 

«  Bonaparte  ayant  réussi  à  sortir  d'Avignon,  grâce  au 
concours  de  son  hôte  qui  l'accompagna  lui-même,  à 
cheval,  jusques  au  Pontet,  se  dirigea  vers  Valence  où  il 
reçut  le  commandement  en  sous-ordre  du  parc  d'artillerie 
de  siège  dans  le  corps  d'armée  de  Cartaux,  en  voie  de 
formation,  pour  opérer  contre  les  forces  royalistes  du 
midi.  Bonaparte  proposa  alors  au  fils  de  M.  Aurel,  à 
Marie- Auguste  Aurel,  de  quelques  années  plus  jeune  que 
lui,  avec  lequel  il  s'était  fort  lié,  de  suivre  l'armée  à  la 
tête  d'une  imprimerie  de  campagne  ;  et,  comme  de  ce 
temps  il  était  d'usage  de  transformer  ses  prénoms  ou 
de  s'en  affubler  de  nouveaux,  le  Marie-Auguste  Aurel 


L'mPRIMEIUE  A  TOULON  Sll 

de  Valence,  devint  le  Marc-Aurel  de  rimprimerie  de  Tar- 
mée,  des  sans-culottes  et  de  la  Montagne,  an  siège  de 
Toulon,  dans  lequel  il  entra  pour  remplacer,  à  la  place 
Saint-Pierre,  le  dernier  des  Mallard.  > 

Les  opuscules  produits  par  cette  imprimerie  révolution- 
naire sont  des  documents  qui  appartiennent  à  l'histoire^ 
des  écrits  curieux  où  sont  burinées,  en  traits  de  feu, 
l'énergie  de  nos  pères  et  leur  foi  profonde  à  la  cause  de 
la  liberté  pour  laquelle  ils  s'inmiolèrent.  Nous  en  citerons 
un,  à  titre  de  spécimen  de  la  violence  des  partis  : 


LIBERTÉ,    ÉGALITÉ. 

RÉPUBLIQUE  FRANÇAISE. 

La  Commission  Municipale 
A  ses  Concitoyens. 

CrroYENS; 

Des  esclaves,  vos  ennemis,  ceux  de  régallté  et  de  la  liberté, 
de  la  raison  et  de  la  justice  ;  terrassés  de  tonte  part,  perdant 
tout  espoir  de  résister  à  des  Républicains  et  à  Ténergle  de 
leurs  vertus,  ne  trouvant  plus  d'antres  moyens  que  ceux  de 
la  bassesse  et  de  la  Iftcbeté,  fondent  leur  dernière  ressource 
sur  des  bruits  aussi  perfides  qu'adroitement  semés,  et  contre 
lesquels  il  est  de  notre  devoir  de  prémunir  ceux  d'entre  vous 
que  leur  franchisse  expose  k  être  les  dupes  de  cette  nouvelle 
espèce  de  brigandage.  Ils  caressent  les  passions  les  ph»  vio- 
lentes et  les  plus  brutales  ;  les  scélérats  !  Ils  dherehent,  d*an 
côté,  à  rallumer  les  brandons  du  fanatisme,  à  apitoyer  les 
hommes  simples  sur  le  sort  de  ces  monstrueux  ^olstes,  qui 
ne  se  servoient  du  nom  de  la  Divinité,  que  pour  eacher  et 
satisfaire  à  loisir  tous  les  vices  qu'enfantent  les  rfchewes, 
Foisiveté  et  Timpunité,  et  dont  la  raison,  armée  dn  liambepo 
de  la  philosophie,  vient  de  vous  faire  Justice  ;  Us  répandent 
que  les  fêtes  de  leur  culte  imposteur  vont  être  renonvdlées  ; 
le  jour  du  repos  des  Républicains  supprimés  ;  de  l'antre,  ils 
flattent  les  passions  les  plus  brutales,  l'avariée,  la  licence  ; 


512  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

ils  allarment  la  pudeur,  discréditent  la  monnoie  nationale, 
excitent  votre  mécontentement  en  supposant  des  lois  con- 
traires à  cette  Liberté  décente,  qui,  en  écartant  le  luxe  scan- 
daleux, entretient  la  propreté  du  corps  et  la  régularité  de 
ses  formes,  effets  des  bonnes  mœnrs,  le  tout  dans  le  perfide 
espoir  de  faire  naître  de  ces  menées  scélérates  des  partisans 
aveugles,  dont  l'insurrection  désorganisatrice  favoriseroit 
leur  projet  infernal,  celui  de  vous  ramener  à  l'esclavage  par 
vos  propres  erreurs. 

Éloignez  donc  de  vous  ces  pestes  publiques,  fermez  vos 
âmes  simples  et  crédules  à  leurs  insinuations  perfides  ;  et 
lorsque,  aux  traits  hideux  que  nous  venons  de  vous  marquer^ 
vous  les  reconnoîtrcz,  accourez  les  dénoncer  aux  autorités 
constituées  qui  veillent  sans  cesse  autour  de  vous,  et  pour 
lesquelles  le  salut  du  Peuple  est  la  suprême  loi. 

Fait  et  arrêté  en  la  Maison  Commune,  le  28  Germinal,  de 
l'an  2  de  la  République  Française,  une,  indivisible  et  démo- 
cratique. 

Les  Membres  de  la  Commission  municipale, 

Signé  :  Le  général  Bizanet,  Giraudy,  agent  national  ; 
De>ioluns,  Beausset,  Lautard,  Tournier,  et 
MoNNiER.  Félix  Aune,  secrétaire-greffier. 

Au  Port  (le  la  Montogae,  de  Hmprimerie  de  rArmée. 


L'imprimerie  toulonnaise  prospéra  sous  le  premier 
des  Aurel,  mort  en  1844,  conseiller  municipal,  chevalier 
de  la  Légion  d'honneur.  Eugène  Aurel,  son  fils,  la  trans- 
forma et  en  fit  l'un  des  principaux  ateliers  typogra- 
phiques de  la  Provence.  Il  était  artiste  et  lettré. 

Le  successeur  en  ligne  directe  du  premier  typographe 
de  Toulon  est  aujourd'hui  M.  Isnard,  fils  d'un  impri^ 
mcur,  et  l'heureux  continuateur  des  produits  luxueux 
sortis  des  presses  des  Aurel. 


LES  FAUSSAIRES  DE  LIVRES 


Après  les  fausses  momies  égyptiennes,  les  fausses  anti- 
quités lacustres  ou  préhistoriques,  voici  une  nouvelle 
fraude  visant  spécialement  les  bibliophiles,  que  nous 
dénonçons  urbi  et  orbi. 

Depuis  quelque  temps  on  voit  circuler  dans  le  com- 
merce et  Ton  trouve  dans  les  collections  particulières 
des  reliures  de  provenances  illustres,  aux  armoiries  de 
rois,  de  reines,  de  princes,  de  personnages  célèbres. 
La  plupart  de  ces  reliures  sont  falsifiées  par  des  procédés 
que  nous  allons  dévoiler  successivement.  Nous  tracerons 
en  même  temps  un  historique  des  falsifications  du  genre 
qui  ne  sera  pas  sans  intérêt  et  édifiera  le  bon  public 
sur  les  manœuvres  employées  par  les  truqueurs  de  tout 
temps. 

Autrefois  on  ne  connaissait  que  le  remboitage,  opéra- 
tion qui  consistait  à  détacher  une  reliure  intéressante 
d'un  livre  sans  valeur  intrinsèque,  et  à  l'adapter  à  un 
livre  rare  de  même  format.  Cette  substitution  réussissait 
plus  ou  moins  et  laissait  toujours  des  traces  faciles  à 
découvrir.  C'est  depuis  une  trentaine  d'années  environ 
qu'une  falsification  plus  artistique  des  reliures  de  prix  a 
été  tentée  par  des  industriels  malhonnêtes» 

1891  SS 


514  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

Certain  relieur  établi  à  Londres,  très  habile  dans  l'art 
de  restaurer  les  reliures  anciennes,  employé  jadis  par  le 
fomeuxLibri,  eut  le  premier  l'audace  de  fabriquer  de 
toutes  pièces  des  reliures  du  xvi^»  siècle,  qu'il  signait  tour- 
à-tour  des  noms  de  Grolier,  de  Maioli  ou  d'autres  noms 
non  moins  illustres  au  gré  de  complices  aussi  indélicats 
que  lui.  On  cite  notamment  un  recueil  de  Motets,  à  la 
reliure  de  Diane  de  Poitiers  comme  un  des  chefs-d'œuvre 
de  ce  maître-faussaire.  Un  peu  plus  tard,  un  manuscrit 
à  la  reliure  de  Charles-Quint  fut  vendu  en  France  à  un 
financier  et  après  la  mort  de  ce  dernier  acheté  par  M. 
Quentin-Bauchard,  qui  ne  s'aperçut  que  quelques  jours 
après  et  par  un  pur  effet  du  hasard  de  la  fraude. 

Un  trafiqueur  de  livres  dans  une  petite  ville  d'Angle- 
terre, quis'intitulaiten  même  temps  professeur  de  langues, 
désirant  réaliser  son  stock  de  livres,  en  rédigea  lui-même 
le  catalogue  et  amena  sa  marchandise  à  Paris  pour  en 
faire  faire  la  vente  aux  enchères.  Ce  catalogue,  véritable 
monument  de  pufiGisme,  de  mauvaise  foi  et  d'ignorance, 
contenait  bon  nombre  de  reliures  suspectes  ou  avec  de 
fausses  attributions.  L'opinion  publique  s'en  émut.  Un 
journal  satirique  oc  Le  Fouet  d  flagella  comme  il  le  méri- 
tait, l'effronté  truqueur.  Celui-ci,  mal  inspiré,  assigna  le 
rédacteur  en  diffamation.  Le  tribunal  acquitta  ce  dernier 
par  les  considérants  les  plus  honorables,  jugeant  qu'on 
ne  saurait  trop  mettre  le  public  en  garde  contre  de 
pareilles  tentatives  d'escroquerie.  Le  négociant  en  faux, 
piqué  au  vif,  estimant  qu'on  était  trop  clairvoyant  en 
France  et  que  les  spéculateurs  de  son  acabit  ne  seraient 
pas  encouragés,  ne  tarda  pas  à  quitter  un  pays  aussi  peu 
hospitalier  selon  lui  et  transporta  ses  pénates  et  ses  belles 
choses  sous  le  ciel  bleu  de  l'ItaUe. 

On  avait  reproché  au  personnage  en  question  son 
ignorance  des  dates.  Les  armoiries  qui  se  trouvaient  sur 
les  reliures  qu'il  offrait  en  vente  ne  concordaient  point 


LES  FAUSSAIRES  DE  LIVRES  515 

avec  la  chronologie  historique.  On  voyait  dans  sa  collec- 
tion des  volumes  ayant  appartenu  à  Henri  IV,  à  Louis  XIII 
et  à  d'autres  princes,  plusieurs  années  après  leur  mort. 

Cette  critique,  qui  fournissait  un  argument  topique  et 
sans  réplique,  ne  fut  pas  perdue  pour  tout  le  monde> 
Les  faussaires  en  prirent  bonne  note  et  en  firent  leur 
profit,  ayant  soin  de  ne  plus  commettre  la  même  faute. 
Ceci  se  passait  en  1868. 

Entre  temps,  le  faussaire  de  Londres,  à  la  suite  de 
quelques  difficultés,  avait  quitté  FAngleterre  et  était 
venu  s'installer  dans  une  villa  des  environs  de  Paris. 
Tout  en  venant  offrir  aux  amateurs  et  aux  libraires  ses 
talents  pour  la  réparation  des  reliures  anciennes,  il  pré- 
parait dans  l'ombre,  loin  des  regards  indiscrets  de  la 
grande  ville,  un  coup  de  maître.  Plus  de  remboitages. 
Les  reliures  neuves  aux  dessins  et  aux  arabesques  com- 
pliqués exigeaient  trop  de  temps.  Il  Csdlait  produire  vite 
et  bien.  Pour  atteindre  ce  but,  il  ramassa  sournoisement 
de  droite  et  de  gauche  les  livres  revêtus  de  reliures 
anciennes  en  maroquin  simple  et  sans  ornementation  et 
y  appliqua  des  armoiries  de  haut  parage.  Gomme  le  voleur 
de  profession  qui  prend  l'empreinte  des  serrures  pour 
lesquelles  il  fabrique  des  fausses  cle&,  il  prenait  les 
empreintes  d'armoiries  illustres  sur  des  volumes  anthen*. 
tiques  et,  par  les  procédés  les  plus  nouveaux  de  la  galva- 
noplastie, il  fabriquait  lui-même  des  fiers  armoriés  afasp* 
lument  semblables  aux  anciens.  La  chronologie  pour  les 
dates  de  possession  était  exacte.  A  première  vue,  Tilluaioii 
était  complète.  Rien  n'y  manquait,  il  n'y  avait  que  For 
moderne  dont  le  ton,  quoique  éteint,  ne  s'harmonisait  pas 
complètement  avec  celui  de  l'andenne  dorure,  qui  pût 
déceler  la  fraude  aux  yeux  d'un  connaisseur  attentif. 

Lorsque  notre  homme  eut  réuni  un  certain  nombre  de 
volumes  ainsi  préparés,  il  alla  trouver  un  libraire  et  M 
tint  à  peu  près  ce  langage.  «  Je  connais,  dit-il,  un  vieil 


516  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

amateur  qui  possède  une  riche  bibliothèque  dans  laquelle 
se  trouvent  beaucoup  de  belles  reliures  anciennes  en 
maroquin  avec  armoiries.  Ce  monsieur  ayant  éprouvé 
de  fortes  pertes  d'argent  désirerait  vendre  petit  à  petit  et 
discrètement  quelques-uns  de  ses  livres  en  les  ajoutant  à 
une  vente  publique.  Si  vous  voulez  faire  TafTaire  dont  je 
suis  chargé,  vous  n'avez  qu'à  faire  une  avance  à  valoir 
sur  le  produit  de  la  vente  future  et  je  vous  ferai  envoyer 
les  livres  dont  j'ai  apporté  avec  moi  un  échantillon  >. 
11  retira  aussitôt  d'une  voiture  qui  l'avait  amené  une 
petite  caisse  dont  le  contenu  fut  déballé  sans  plus 
tarder. 

Le  libraire,  qui  connaissait  de  réputation  le  quidam, 
flaira  un  piège.  11  examina  les  livres  présentés.  Il  fut 
frappé  de  leur  ressemblance  avec  des  exemplaires  qu'il 
se  souvenait  vaguement  avoir  vu  passer  soit  dans  les 
ventes,  soit  dans  les  magasins  des  confrères,  lorsque  tout 
d'un  coup  ses  regards  s'arrêtèrent  devant  trois  ou  quatre 
volumes  in-8,  reliés  en  maroquin  bleu  aux  armes  de  la 
reine  Marie-Antoinette.  11  les  ouvre  et  reconnaît  un 
recueil  manuscrit  de  recettes  de  toutes  soiies  qu'il  avait 
possédé  deux  ou  trois  ans  aupnravant,  et  minutieuse- 
ment décrit  dans  son  catalogue.  Les  recettes  pour  la  toilette 
et  la  conservation  de  la  beauté,  que  l'ouvrager  enfermait, 
le  papier  lisse  et  encore  parfumé,  comme  le  papier  orien- 
tal, sur  lequel  il  était  écrit,  suggéraient  à  l'idée  que  ces 
volumes  avaient  dû  faire  partie  du  boudoir  d'une  grande 
dame  du  xviip  siècle.  Il  n'y  manquait  plus,  disait  une  note 
du  catalogue,  que  les  armoiries  de  la  Du  Barry  ou  de 
Marie  Antoinette.  Ce  furent  les  armoiries  de  la  Reine  qui 
obtinrent  la  préférence,  et  ces  armoiries  rêvées  trois  ans 
auparavant,  apparaissaient  maintenant  éblouissantes  de 
réalité  aux  yeux  du  libraire  étonné.  C'était  par  trop  fort  I 
Pour  le  coup,  il  congédia  notre  homme,  en  lui  disant  son 
fait  et  le  priant  de  ne  plus  revenir. 


LES  FAUSSAIRES   DE  LIVRES  517 

Ce  dernier  ne  se  déconcerta  pas  pour  si  peu.  Avisant 
un  libraire  débutant,  jeune  et  sans  expérience,  il  lui 
apporta  sa  caisse  de  livres  fraîchement  armoriés  et  le 
décida  sans  peine  à  les  comprendre  dans  une  vente  à 
l'Hôtel  Drouot.  La  fraude  fut  reconnue  et  le  fait  ébruité. 
La  plupart  des  bibliophiles  et  des  libraires  s'abstinrent. 
Quelques-uns,  moins  scrupuleux,  espérant  en  tromper 
d'autres,  achetèrent  à  vilprix  ces  livres  à  fausses  armoiries. 
Lesvolumes  de  Marie-Antoinette  ainsi  que  d'autres  pas- 
sèrent chez  un  spéculateur  de  la  région  du  Nord,  qui  ne 
craignit  pas  de  les  revendre  comme  authentiques  à  un 
libraire  parisien  de  passage  en  sa  ville. 

Son  coup  ayant  été  manqué  cette  fois,  le  maitre- 
faussaire  changea  ses  batteries.  Ses  ruses  étant  éventées 
à  Paris,  il  se  tourna  du  côté  de  la  province.  On  le  vit 
rôder  en  Champagne,  où  il  réussit  à  placer  auprès  d'un 
riche  banquier  un  certain  nombre  de  reliures  soi-disant 
historiques  du  xvi^  siècle,  de  sa  fabrication,  quece  dernier 
lui  acheta  de  confiance.  Quelque  temps  après,  cet  ama- 
teur, voulant  borner  sa  collection  aux  livres  et  documents 
intéressant  sa  province,  appela  le  libraire  Tross  et  lui 
vendit  tout  ce  qui  était  en  dehors  de  la  spécialité  à 
laquelle  il  s'était  désormais  arrêté. 

Dans  le  lot  cédé  se  trouvaient  les  reliures  fausses.  Tross, 
qui  connaissait  la  fraude  et  le  fraudeur,  se  garda  bien  de 
les  faire  reparaître  sur  le  marché  français.  Il  les  expédia 
eu  Allemagne  et  en  Autriche,  où  il  les  vendit  comme 
modèles  à  des  musées  d'art  et  d'industrie  ^e  ces  pays. 

On  pouvait  espérer  que  le  mal  serait  enrayé.  Une  note, 
parue  dans  un  catalogue  de  librairie  assez  répandu  et 
reproduite  dans  la  Bibliographie  de  la  France,  Journal 
de  la  Librairie,  avait  mis  en  garde  le  public  des.amateurs 
et  des  libraires  contre  les  livres  à  fausses  armoiries  en  les 
engageant  à  vérifier  les  provenances  sur  les  catalogues 
imprimés  du  xviii*^  siècle. 


518  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Les  événements  qui  se  succédèrent  en  1870  et  1871, 
la  guerre,  le  siège  de  Paris  et  la  Commune,  firent  oublier 
le  faussaire  et  ses  œuvres.  On  pouvait  croire  qu'il  avait 
disparu  dans  la  tourmente,  lorsqu'on  apprit  un  beau 
jour  qu'il  avait  fait  un  héritage  et  qu'il  menait  une 
existence  de  châtelain  aux  environs  d'une  petite  ville  du 
Centre,  se  posant  on  dilettante  et  en  ami  des  arts.  On 
crut  qu'il  avait  renoncé  à  son  industrie  malfaisante. 
Il  n'en  était  rien.  Il  travaillait  pour  l'exportation.  Dans 
une  pièce  retirée  de  sa  nouvelle  habitation,  où  personne 
autre  que  lui  ne  pénétrait,  il  avait  installé  un  atelier  clan- 
destin, et  là,  comme  un  alchimiste  du  Moyen-Age,  il 
élaborait  de  nouveaux  produits  qu'il  expédiait  en  Angle- 
terre, en  Italie,  en  Belgique  et  ailleurs.  Les  huissiers 
vinrent  troubler  la  solitude  de  notre  gentilhomme  cam- 
pagnard. Il  fut  obligé  de  déguerpir.  On  saisit  et  vendit 
par  autorité  de  justice  les  livres  qu'il  avait  délaissés  et 
qu'il  n'avait  pas  eu  le  temps  transformer. 

Mettant  la  frontière  entre  lui  et  ses  créanciers,  il  s'en 
fut  en  Belgique,  cherchant  de  nouvelles  dupes.  Sa  pré- 
sence fut  décelée  par  l'apparition  soudaine  d'un  lot  de 
reliures  princières  au  milieu  d'une  de  ces  ventes  collec- 
tives organisées  par  l'entrepreneur  de  ventes  le  plus 
renommé  de  Bruxelles.  Un  libraire  de  Paris,  attiré  par 
l'annonce  d'armoiries  de  Marie-Antoinette  et  de  princes 
et  princesses  du  sang  royal,  entreprit  le  voyage.  Il  recon- 
nut aussitôt  que  les  volumes  étaient  falsifiés  et  dénonça 
la  supercherie.  Les  gens  honnêtes  s'abstinrent;  mais, 
comme  à  Paris,  des  spéculateurs  et  des  gens  sans  scrupule 
les  achetètent  à  de  petits  prix,  espérant  les  repasser  avec 
de  gros  bénéfices  à  des  passants  naïfs  ou  à  des  étrangers 
confiants. 

Cet  insuccès  n'était  pas  de  nature  à  encourager  notre 
industriel  à  rester  sur  le  sol  belge.  Disant  adieu  à  un 
pays  aussi  ingrat,  il  revint  en  France,  jetant  son  dévolu 


.* 


LES  FAUSfiAIBES  DE  UVBÉS  Mft 

sur  une  de  nos  plus  plantureuses  proirinces,  riche  en 
bibliophiles  et  y  arriva  juste  pour  mourir.  Ainsi  finit 
l'odyssée  de  ce  maitre-faussaire.  Que  la  terre  hn  soit 
légère  1 

Tournons  maintenant  nos  regards  vers  une  autre 
officine  fin  de  siècle.  Celle-là  se  trouve  en  Italie  et  est  en 
pleine  activité.  On  y  Dabrique  des  Maioli,  des  François  R^y 
des  Henri  II  et  Diane  de  Poitiers,  des  Henri  IV  et  Marie 
de  Médicis,  etc.,  et  généralement  toutes  sortes  de  reliure^ 
ornementées  et  à  provenances  illustres  des  zvr*  et 
xvii«  siècles.  Les  procédés  sont  pinilettionnéi.  On  évite 
le  remboîtage.  On  choisit  des  volumes  de  l'époque,  ph» 
ou  moins  ornementés  de  filets  ou  dorures  anciennes,  que 
Ton  complète,  si  nous  pouvons  nous  exprimer  ainsi,  en 
ajoutant  à  l'omementation  primitive  des  fers  spéciaux 
ou  des  monogrammes  moulés  par  les  procédés  galvano- 
plastiques  sur  d'autres  reliures  authentiques  ;  on  applique 
sur  les  plats,  dans  les  espaces  restés  libres,  tantôt  la 
salamandre  de  François  I^,  les  croissants,  le  chiflb« 
d'Henri  II  et  Diane  ou  tout  autoe  marque  illustre  ;  on 
recouvre  la  dorure  nouvelle  d'une  espèce  d'enduit  ou  de 
pommade,  afin  de  la  vieillir  comme  il  feut.  On  laisse  à 
dessein  les  coins  écornés,  les  coiffes  un  peu  éraillées  avec 
les  tranchefiles  chargées  de  poussière.  Ce  ne  sont  ph» 
des  livres  flambants  neufii  comme  les  autres.  Les  rèUnreB 
ainsi  traitées  ont  toutes  les  apparences  de  la  vétusté.  On 
laisse  exprès  de  légers  accrocs^dans  l'andennè  couverture» 
des  réparations  faciles  à  Cdre,  et  le  tour  est  joué.  Cest  un 
mélange  de  vrai  et  de  faux  présenté  avec  une  nmerie 
sans  pareille.  On  ne  peut  pas  dire  que  la  r^ure  soit 
fausse  en  elle-même  ;  elle  est  frelatée.  Quanta  la«piov^ 
nance,  elle  est  inventée  et  £ed>riquée  de  tontes  pièces  pat 
les  faussaires.  Car  ils  sont  plusieurs,  c'est  toute  une  bande, 
une  association  qui,  à  l'heure  présente,  exploite  efBmilé- 
ment  les  amateurs  des  deux 


t  :  ;^  I  n  '  »  i  ;  r  -4 


520  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

Le  siège  de  la  société  parait  être  à  Bologne,  avec  rami- 
fications dans  toute  la  péninsule.  Les  touristes  ont  été 
les  premières  victimes  de  ces  escrocs  de  haut  vol  qui  ont 
bibliothèques  et  musées  particuliers  qu'ils  laissent  visiter. 
Les  ciceroni  des  hôtels  leur  servent  de  rabatteurs.  Ils  ont 
des  agents  partout  où  il  y  a  des  bibliophiles.  L'un  d'eux 
promène  de  temps  en  temps  à  Paris  de  ces  reliures  frela- 
tées. Dernièrement  un  de  leurs  affidés,  présentait  an 
commerce  parisien  tout  un  lot  de  reliures  traitées  par  les 
procédés  que  nous  venons  de  décrire  et  en  demandait  la 
jolie  somme  de  quinze  ou  seize  mille  francs.  Ne  pouvant 
placer  sa  marchandise,  et  pour  ne  pas  la  remporter, 
de  guerre  lasse,  il  la  solda  au  prix  réduit  de  six  cents 
francs  I 

Plus  récemment  encore ,  un  monsieur  décoré  se 
présentait  dans  une  librairie  ancienne  bien  connue, 
porteur  d'un  volume  aux  insignes  et  au  chiffre  de 
François  Ie^  Il  était  chargé,  disait-il,  par  un  de  ses 
amis,  marchand  de  vins  en  gros  de  la  province,  de 
s'informer  de  la  valeur  du  livre  que  l'on  vendrait  si 
l'on  offrait  un  prix  convenable.  C'était  un  tome  des 
Orationes  de  Cicéron,  édition  d'Aide  1519,  que  son  ami 
avait  soi-disant  trouvé  dans  sa  bibliothèque  et  qu'on 
lui  avait  dit  avoir  de  la  valeur.  De  petites  fleurs  de 
lys,  accompagnées  de  l'initiale  F,  avaient  été  apposées 
sur  le  dos  et  sur  les  plats  d'une  reliure  vénitienne  du 
XVI»  siècle,  très  sobre  d'ornements  primitifs,  et  au 
milieu  s'étalait  l'emblème  de  la  salamandre.  La  &1- 
sification  était  évidente.  Le  libraire  répondit  à  son 
interlocuteur  que  le  livre  offert  ne  valait  rien  parce 
qu'il  était  falsifié  et  il  l'engagea  à  retourner  l'objet  à 
son  correspondant  qui  ne  pouvait  être  que  la  dupe  d'un 
fripon. 

Quelle  ne  fut  pas  la  surprise  du  libraire  d'apprendre 
quelques  jours  après  que  le  monsieur  en  question  s'était 


LES  FAUSSAIRES  DE  LIVRES  521 

rendu  chez  un  des  principaux  libraires  des  passages, 
avait  présenté  de  rechef  le  faux  François  I^^  et  reçu  la 
même  réponse  !  Le  plus  fort  dans  l'affaire  fut  que  quelques 
jours  après,  le  libraire  reçut  de  province  une  lettre  assez 
cavalière  par  laquelle  on  lui  enjoignait  de  faire  une  offre 
pour  ledit  volume. 

Que  penser  de  tout  ceci  sinon  que  le  mal  s'en  va  ga- 
agnantduterrain,s'infiltrant,etpénétrera  bientôt  partout, 
si  l'on  n'y  met  bon  ordre  ?  Les  faussaires  rusés  recrutent 
des  complices  et  trouvent  des  intermédiaires  dans  les 
diverses  classes  de  la  société.  Le  fait  suivant  va  nous 
édifier  à  cet  égard. 

Au  mois  de  septembre  dernier,  un  bibliophile  genevois 
nous  fit  voir  divers  volumes  qu'un  de  ses  amis  lui  avait 
adressés  d'Italie.  Dans  le  nombre  figuraient  une  reliure 
apocryphe  au  chiffre  d'Henri  II  et  de  Diane  de  Poitiers 
et  Touvrage  de  Grapaldi  :  de  partibus  œdium,  édition  de 
Lyon,  1538,  format  petit  in-8.  Ce  dernier  était  revêtu 
d'une  reliure  du  temps  à  laquelle  on  avait  ajouté  fort 
habilement  l'initiale  F,  des  fleurs  de  lis  et  le  fer  ovale  de 
la  salamandre.  Nous  n'eûmes  pas  de  peine  à  prouver, 
d'après  certains  indices,  la  fausseté  non  des  reliures, 
mais  des  signes  de  provenance  ajoutés  tout  récemment 
pour  créer  une  grosse  valeur  à  des  volumes  fort  ordi- 
naires. Les  livres  furent  renvoyés  en  Italie:  a  Je  les  ai 
réexpédiés,  à  la  personne  de  qui  je  les  tenais,  nous  dit 
quelques  après  l'amateur  en  question.  Celle-ci  du  reste 
est  au-dessus  de  tout  soupçon.  Elle  n'avait  aucun  intérêt 
dans  l'afTaire  et  ne  m'avait  envoyé  ces  livres  que  parce 
qu'elle  me  savait  bibliophile.  Elle-même  n'y  connaît 
rien.  » 

Peu  de  temps  auparavant,  deux  autres  amateurs  gene- 
vois du  meilleur  monde  avaient  été  victimes  de  ces  habiles 
escrocs.  Un  antiquaire  leur  avait  vendu,  comme  le  dessus 
du  panier  d'une  trouvaille,  une  reliure  d'Henri  II  et  de  Diane 


522  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

de  Poitiers,  et  une  autre  de  François  !•'  (1).  Une  mmear 
qui  vint  jusqu'à  eux  leur  fit  concevoir  des  soupçons  sur 
l'authenticité  des  volumes.  Ils  vinrent  à  Paris,  les  mon- 
trèrent à  des  libraires  et  à  des  relieurs  qui  les  déclarèrent 
faux.  Certains  maintenant  d'avoir  été  trompés,  ils  doivent 
chercher  les  voies  et  moyens  pour  se  faire  rendre  leur 
argent. 

Nous  avons  fait  prendre  des  informations  auprès  d'hon- 
nêtes gens  en  Italie  et  voici  le  résultat  de  l'enquête  qui 
nous  a  été  transmis  :  a  Le  siège  de  ces  faussaires  est  à 

Bologne Il  ne  faut  pas  croire  que  l'initiative  parte  de 

relieurs  quelconques  ;  le  ou  les  personnages  qui  ont  eu 
l'idée  de  ces  contrefaçons  sont  des  gens  ayant  une  cer- 
taine situation  et  une  bibliothèque.  Ce  sont  des  amateurs. 
Mais  ils  se  gardent  bien  de  vendre  eux-mêmes  si  ce  n'est 
un  volume  de  temps  en  temps.  En  général  les  pièces 
fausses  se  trouvent  dans  les  bibliothèques  d'anciennes  et 
riches  familles.  Et  c'est  là  le  trait  de  génie.  On  ne  songe 
pas  à  se  méfier.  Maintenant,  la  question  est  de  savoir  si 
les  possesseurs  de  ces  bibliothèques  sont  d'accord  avec 
les  faussaires  ou  ont  été  eux-mêmes  leurs  victimes.  > 
Une  des  reliures  d'Henri  II  incriminées  provient  de  la 
bibliothèque  d'un  noble  personnage,  ayant  villa  princière, 
chevaux  et  laquais,  situation  de  rang.  Pourquoi  vend-il 
ses  livres  lorsqu'un  bibliophile  de  passage  se  présente 
chez  lui,  muni  de  recommandations  ? 

On  admet  qu'il  puisse  être  parfois  à  court  d'argent 
comptant,  comme  presque  toute  la  noblesse  italienne. 


(1)  Les  reliures  ayant  appartenu  à  François  I",  autrefois  fort  rares,  sont 
devenues  plus  communes  depuis  qu'elles  sont  l'objectif  des  faussaires  et  des 
imitateurs.  Un  relieur  établi  à  Maisons-Lafltte,  prés  Paris,  en  fabrique 
moyennant  150  francs.  Il  nous  a  présenté,  il  y  a  quelques  Jours,  un  Boccaoe 
avec  entrelacs  de  couleur,  fermoirs,  tranche  ciselée,  armes  et  chifllres  de 
François  I",  parfaitement  réussis.  Il  fait  du  neuf,  style  François  I",  sur  com- 
mande sans  chercher  à  tromper  personne. 


LES  FAUS8ÀIBBS  BB  UVRIS  ttS 

mais  il  est  bon  de  noter  qall  refuse  de  traiter  avec  les 
libraires  qui  sont  trop  clairvoyants  pour  lui.  c  II  prétend 
qu'il  a  été  indignement  volé  par  les  marchands  de  Paris 
lesquels  lui  ont  changé  des  pièces.  Aref^  tout  cela  n'est 
pas  clair  et  il  ne  serait  pas  étonnant  que  ces  grands  sd* 
gneurs  s'entendissent  avec  les  faussaires  conmie  larrons 
en  foire....  i 

Que  conclure  de  tout  ceci  sinon  qu'il  est  t^nps  de 
sonner  l'alarme  en  criant  an  voleur  f  Les  forbans  qû  se 
livrent  à  cette  industrie  doivent  avoir  déjà  fisut  beaucoup 
de  dupes  surtout  parmi  les  Anglais  et  les  Américams. 
Ils  ont  réussi  à  placer  de  leur  marchandise  frelatée  en 
Allemagne  ;  ils  cherchent  maintenant  à  en  inonder  le 
marché  français. 

Il  est  temps  de  prendre  des  mesures  contre  ce  bandi- 
tisme d'un  nouveau  genre  ;  autrement  tout  serait  com- 
promis et  suspecté,  le  vrai  comme  le  faux.  Pourquoi  le 
gouvernement  italien  ne  considérerait-il  pasles  reliures  de 
ce  genre  comme  des  objets  d'art  et  ne  leiir  appliquerait-il 
pas  la  fameuse  loi  Pacca  ?  L'exportation  des  pièce»  fausses 
en  diminuerait  sensiblement  à  notre  grande  satisfiaction  ; 
les  Italiens  les  placeraient  chez  eux  et  se  tromperaient 
ainsi  mutuellement  ;  nous  n'aurions  rien  à  y  voir. 

Les  amateurs  de  reliures' d'art  rappelant  des  souvenirs 
historiques  paient  à  beaux  et  bons  deniers  les  curiosités 
de  ce  genre.  Us  ont  droit  en  retour  à  ce  qu'on  leur  garan*- 
tisse  l'authenticité  des  objets  qu'ils  achètent.  Qu'ils 
exigent  à  l'avenir  une  garantie  signée  de  leur  vendeur* 
Que  les  libraires  qui  vendraient  pour  authentiques  des 
reliures  fausses  soient  déclarés  responsables  et  obligés 
de  restituer  la  valeur  payée.  Que  les  commissaires- 
priseursy  chacim  en  ce  qui  les  concerne,  tiennent  la  main 
à  ce  que  le  public  ne  soit  point  trompé,  qu'il  soit  édairé, 
sans  ambiguité,  par  des  experts  dignes  de  ce  nom  et  vous 
verrez  les  vraies  reliures  d'art,  de  provenance  céUbre, 


524  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

conserver  leurs  prix  élevés  et  même  les  dépasser  à  mesure 
qu'elles  deviendront  de  plus  en  plus  rares.  Il  faut  qu'on 
puisse  les  acheter  avec  confiance  et  sécurité. 

Une  autre  fois  nous  parlerons  de  fraudes  d'un  genre 
différent  pratiquées  dans  les  livres,  ainsi  que  des  faussaires 
de  manuscrits.  Nous  compléterons  nos  révélations.  Nous 
nous  arrêtons  là,  pour  le  moment,  ne  voulant  pas  abuser 
de  la  patience  de  nos  lecteurs. 

J.  Verax. 


MÉMOIRE  SUR  LISLE  DE  WIGHT 

PROJET  D  UNE  DESCENTE  DANS  CETTE  ILE 

PAR  DUMOURIEZ,  EN   1779 


On  sait  que,  sous  les  règnes  de  Louis  XV  et  de 
Louis  XVI,  de  nombreux  projets  de  descente  en 
Angleterre  ou  dans  les  possessions  anglaises  furent 
mis  à  Tétude,  sans  qu'aucun  fût  suivi  d'un  commen- 
cement d'exécution.  Ainsi,  dans  les  années  1763-1766, 
le  comte  de  Broglie  rédigea,  sur  l'ordre  de  Louis  XV, 
un  plan  de  guerre  contre  l'Angleterre  qui  fut  plus 
tard  (1779)  a  refondu  et  adapté  aux  circonstances 
actuelles.  »  Le  Bulletin  du  Bibliophile  publiera  peut- 
être  ce  très  curieux  document.  Lors  de  la  guerre  de 
l'indépendance  américaine,  ces  projets  hostiles  à 
l'Angleterre  se  multiplient  avec  une  recrudescence 
des  plus  naturelles.  Nous  n'en  signalons  que  quel- 
ques-uns :  M.  de  Voyer  (1778)  propose  une  attaque  de 
Jersey  et  de  Guernesey,  puis  une  tentative  sur 
Portsmouth  et  l'île  de  Wight,  qui  devait  être  dirigée 
par  le  duc  de  Lauzun.  La  même  année,  un  vieil 
officier  irlandais,  Wall,  maréchal  de  camp,  soumet 
au  ministre  de  la  guerre  le  plan  d'une  invasion  en 
Irlande.  Enfin,  en  1779,  le  futur  vainqueur  de  Valmy 
et  de  Jemmapes,  Dumouriez  examine,  dans  un  tra- 
vail très  substantiel,  l'opportunité  et  les  chance  de 
succès  d'une  expédition  contre  Wight. 

C'est  ce  projet  que  nous  donnons  ici,  d'après  un 
manuscrit  de  l'époque ,  que  nous  croyons  inédit. 
Nous  respectons  la  bizarre  ortographe  du  manuscrit. 


526  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

avec  sa  profusion  de  majuscules  et  ses  italiques 
capricieuses  ;  nous  nous  bornons  à  ajouter  quelques 
signes  de  ponctuation  absolument  nécessaires  à  Tin- 
telligence  du  texte. 

PORTSMOUTH 

Portsraouth,  située  dans  Tlsle  de  Portsea,  est  presque 
inataquable,  même  par  terre,  par  ce  qu'en  dedans  de 
risle,  derrière  le  fort  extérieur  qui  défend  la  teste  de 
risle  auN.  N.  E.  du  côté  de  TAngleterre,  le  Rivage  est 
bordé  dun  Marais,  au  dessus  duquel  domine  un  terrein 
élevé,  qui  formerait  une  excellente  déffense,  après  que 
le  fort  serait  pris.  C'est  Tlsle  de  Wight  qui  fait  le  grand 
mérite  de  ce  Port,  en  luy  procurant  les  excellentes  Rades 
de  Spithead  &  de  S'«  Hélène, 

RADE  DE  SAINTE  HELENE 

La  Rade  de  S'«  hélene,  éloignée  de  Deux  lieues  de 
Portsmouth,  séparée  de  celle  de  Spithead  par  un  chenal 
entre  deux  Bancs,  (horse-Banck,  le  cheval),  &  Nomans- 
land.  Ce  chenal,  dirigé  par  deux  Bouées  placées  à 
l'extrémité  correspondante  de  chacun  de  ces  deux 
bancs,  à  environ.  600  Toises  de  largeur.  &.  seulement 
neuf  Brisses  de  profondeur,  quoique  la  carte  de  Bellin 
lui  en  donne  17... 

Le  Banc  du  Cheval,  attaché  au  S.  de  l'Isle  de  Portsea,, 
est  marqué  de  deux  Bouées,  l'une  au  S.  O.  nommée  le 
Chenal,  l'autre  au  S.  E.  sur  la  partie  S.  de  ce  Banc, 
nommée  le  Dean  ;  il  y  reste  à  mer  basse  8  à  10  pieds 
d'eau. 

Le  Banc  de  Nomans-land  est  plus  dangereux  par  ses 
Ecores  ;  une  partie  reste  à  sec  ;  il  y  reste  dans  d'autres 
parties  12  p.  d'eau  dans  les  grandes  marées,  &  seulement 
7.  a  8.  en  général. 


L'IIS  DB^  WI0BT  687 

LA  PASte  DE  L*OUEST 

La  Passe  de  l'Ouest,  autrement  appellée  la  Passe  des 
Aiguilles,  forme  un  détroit  dune  demie  lieue  entre  le 
Banc  de  Sheugles  &  le  Banc  de  Warden  dans  llsle  de 
Wight  ;  la  profondeur  de  ce  chenal  qui  a  1000  toises  de 
largeur  est  de  20  jusqu'à  35  Brasses,  excepté  entre  la 
pointe  du  Banc  de  Sheagles  A  celle  de  Warden,  où  une 
espèce  de  Barre  la  réduit  à  9  on  10  Brasses.  Cette  profon- 
deur a  pour  causes  les  marées  A  les  Courants  rapides 
qui  viennent  de  l'Ouest  avec  beaucoiq»  d'impétuosité 
jusqu'au  fonds  de  la  Baye  qui  forme  llsle  de  Wight, 
se  répandent  dans  la  Rade  de  Spithead  A  ressortent  par 
la  Rade  de  St  hilene. 

On  ne  peut  debouquer  de  cette  Passe  que  par  un  Vent 
très  frais,  sans  quoi  les  courants  tous  portent  sur  les 
Sheugles  ;  en  y  entrant  il  faut  manœuvrer  les  Bâtiments, 
pour  ne  pas  être  porté  par  la  Marée  et  les  Courants  sur 
la  pointe  des  Aiguilles  {Needles'  point)  A  dans  la  Baye 
de  Fresh'Water  dans  l'Isle  de  Wi^t. 

Ce  sont  ces  difKcultés  A  ces  dangers,  ainsi  que  la 
comodité  des  Rades  de  S^  helene  A  de  Spithead,  qui 
empêchent  les  Vaisseaux  de  Guerre  de  se  hazarder  jamais 
par  cette  Passe  pour  entrer  A  rarement  pour  sortir. 

ISLB  DE  WIOHT 

Llsle  de  Wight  a  7  lieues  de  long  sur  8  A  4  de  large  ; 
elle  est  abondante  en  tous  les  besoins  de  la  vie.  il  y  a 
peu  de  bois  mais  beaucoup  d'arbres  frotieni  qa'on 
n'épargnerait  pas  A  qui  y  snpléeraient  en  cas  de  besoin  ; 
eUe  contient.  3  Villes  ou  Bourgs.  6  Châteaux  A  SA 
Villages. 

Le  tour  de  l'Isle  à  beaucoup  d'excellents  monillagea 
dans  la  partie  du  N.  A  très  peu  dans  edle  da  &< 


528  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

lo  A  TE.  en  la  Rade  de  St.  hélene.  Cette  Rade  est 
terminée  à  TO.  par  une  petite  Rivière  &  une  Baye  qui 
assèche,  mais  que  la  pointe  de  Bembredge-Ledge,  A 
celle  du  Village  de  S^®  hélene  ferment  &  abritent,  dans 
laquelle  les  vaisseaux  sont  en  sûreté  ;  il  y  monte  8  à 
9  pieds  d'eau  dans  un  Chenal  étroit  &  tortueux* 

2^  et  3<>  En  dedans  du  Mortier  Bank  au  N.  sont  les 
deux  criques  de  Fish-bourg  &  de  Woller. 

4»  La  Rade  de  Cowes  droit  au  N.  est  située  à  TEmboa- 
chure  de  la  Rivière  de  New-Port,  que  les  petits  Bâtiments 
peuvent  remonter  jusqu'à  deux  milles  ;  un  fort  la  défend 
à  rOuest. 

5®  et  6®  Les  deux  Bayes  des  Gurnes  &  de  Thorness, 
forment  deux  petits  ports  propres  pour  des  Barques. 

7\  le  havre  de  Newtown  terminé  par  un  petit  Port 
fermé,  très  susceptible  d'une  descente,  mais  aussi  très 
aisé  à  défendre,  tant  des  Batteries  de  la  Ville  que  de 
celle  d'un  Islot  &  de  deux  pointes  qui  ferment  le  Port. 

8»  La  Baye  d'Yarmouth  terminée  par  une  petite 
Biviere  forme  un  bon  port,  défendu  par  le  château  de 
Sconee  à  l'O,  par  une  Redoute  et  des  Batteries  à  l'E  du 
côté  dYarmouth;  on  peut  en  établir  une  au  fond  &  vis-à- 
vis  de  l'Embouchure  de  la  Rivière  à  la  pointe  de  Thorney. 

9°  et  10>  Le  Banc  de  Warden  défend  le  reste  de  la  côte 
jusqu'à  la  pointe  des  Aiguilles  ;  on  peut  descendre  dans 
cette  partie,  près  de  cette  pointe  même,  devant  Totland, 
ou  à  la  Baye  d'Alum,  mais  cette  descente  est  difficile,  A  il 
serait  imprudent  de  la  tenter,  à  cause  de  la  force  des 
Courants  &  des  Marées  dans  la  Passe,  quoique  ce  soit  un 
mouillage  de  contrebandiers. 

11®  la  Baye  de  Fresh-water  est  profonde,  un  grand 
nombre  de  Chaloupes  peut  s'y  déployer  :  à  la  vente  la 
Mer  y  est  dure,  &  il  est  difficile  que  les  Vaisseaux  les  pro- 
tègent de  très  près  par  leur  feu,  parce  qu'il  y  a  des 
Roches  &  bas-fonds  surtout  aux  deux  Extrémités  ;  dans 


L'BLE  de  TNIGHT  529 

toute  la  partie  Sud  de  Tlsle  la  côte  est  bordée  de  hautes 
falaises  qui  ne  sont  interrompues  que  par  quelques 
coupures. 

12®  et  13^  la  Baye  Brisson  &  la  Baye  de  Chale,  qui 
suivent,  sont  de  la  même  nature  ;  elles  ont  peu  d'enfon- 
cement &  la  côte  est  difficile,  escarpée  et  battue  par  les 
Marrées  &  les  Courants  avec  beaucoup  de  force  jusqu'à 
la  pointe  de  Ste  Catherine,  Entre  cette  pointe  &  celle  de 
Dumnose  la  côte  est  escarpée,  toute  droite  &  peu  suscep- 
tible de  Débarquement. 

14»  Entre  la  pointe  de  Dumnose  &  le  Rocher  du  Cigne 
(Swan-Clit)  sur  la  côte  de  l'E.  dans  la  Baye  de  Sandoivn, 
on  peut  approcher  la  terre  à  la  portée  de  Canon,  et 
se  déployer  pour  une  grande  descente  sous  le  fort  de 
Sandown  jusqu'au  Village  de  ce  nom  ;  le  mouillage  y  est 
fort  bon,  ainsi  que  le  débarquement,  mais  ce  mouillage 
est  soumis  à  la  Rade  de  Ste  hélene  &  celle  de  Spithead, 
ainsi  il  ne  peut  pas  s'effectuer  sil  y  à  des  Vaisseaux  ne 
Rade... 

Du  Corps  de  Garde  situé  au  N.  E.  de  ce  mouillage 
jusqu'à  la  pointe  de  Bembridge-ledge  &  à  la  Ri\iere  de 
S^«  hélene,  la  côte  est  escarpée  &  semée  de  Bancs  de 
Roches. 

Ce  circuit  forme  14  à  15  points  de  Descente  à  garder. 


INTERIEUR  DE  l'iSLE 


L'Intérieur  de  l'Isle  est  coupé  en  deux  Bandes  du  N. 
au  S.  par  une  Chaîne  de  Montagnes  courant  de  l'E.  à  l'O. 
nommées  les  Cardinales;  au  pied  de  ces  montagnes  dans 
la  partie  du  Nord,  dans  une  plaine,  est  la  Ville  de 
Xeivport  au  centre  de  l'Isle;  de  ces  montagnes  descendent 
de  petites  Rivières,  qui  coulent  toutes  N.  &  N.E.  ;  aucune 
de  ces  Rivières  ne  court  au  S... 

1891  34 


530  BULLETIN  DU   BIBLIOPHILE 

Il  y  a  une  Plaine  &  un  grand  bois  entre  Yarmoutte, 
Newtown,  Cowes  &  Newport  &  une  autre  plaine,  entre 
Newporty  Cowes  &  Ste  hélene. 

Il  y  à  différents  passages  au  travers  des  montagnes 
pour  aller  de  Sic-Catherine,  Crebuington  &  Bow-church 
à  Newport  ;  il  serait  facile  &  nécessaire  d'accomoder  ces 
communications  ainsi  que  les  autres  &  d'en  ouvrir  de 
nouvelles. 

La  population  de  Tlsle  va  de  20  à  25000  âmes. 

En  1545,  sous  Henri  II,  TAmiral  d'Auncbault  proposa 
de  s'emparer  de  Tlsle  de  Wight,  de  la  fortifier  et  de  la 
garder  pour  obliger  les  Anglois  à  évacuer  Boulogne, 
(Valais  &  Guines,  qu'ils  occupaient  sur  nos  côtes  on  peut 
lire  ses  motifs  dans  le  xx\^^^  vol.  de  Thist.  de  France, 
continuée  par  Garnier  p.  465  &  suivantes 

Portsmouth,  ni  la  Marine  Anglaise  n'étaient  pas  à 
beaucoup  près  ce  qu'ils  sont  devenus  ;  Tlsle  de  Wîght 
n'a  cependant  pas  changé  de  face  ;  plus  peuplée  qu'alors, 
par  conséquent  plus  en  état  de  nourir  sa  Garnisson, 
cette  Isle  n'a  ni  forts  ni  Troupes  ;  l'attaque  en  est  infini- 
ment plus  aisée  que  celle  de  Jerzey  &  de  Guernesey  ;  au 
milieu  des  préparatifs  qui  se  font  à  Cherbourg,  les.Anglais 
imagineront  tout  autre  point  de  descente,  plutôt  que 
risle  de  Wight.  Se  fiant  à  leur  formidable  Marine,  qui 
selon  eux  la  protège,  ils  ne  soupçonneront  pas  même 
une  attaque  aussi  audacieuse  &  aussi  voisine. 

Comme  les  ordres  que  vient  de  donner  le  Ministre  de 
de  la  Marine  de  préparer  avec  célérité  tous  les  Bâtiments 
de  transport  regardent  tous  les  Ports  de  la  Manche, 
ils  se  fixeront  moins  sur  le  Port  de  Cherbourg  que  sur 
ceux  de  la  Picardie  &  de  la  Flandre,  qui  plus  près  de 
Londres  &  de  leurs  côtes  doivent  leur  donner  plus 
d'inquiétude;  ils  se  persuaderont  que  les  Armements 
regardent  les  Isles  voisines  plutôt  que  Tlsle  de  Wight... 


l'île  de  wight  581 

Il  n'y  a  pas  assés  de  Bâtiments  dans  ce  moment  à 
Cherbourg  pour  une  pareille  expédition.  On  n'en  compte 
que  15  à  20  de  100  Tonneaux  &  au  delà,  qui  pour  une 
aussi  courte  navigation  peuvent  porter  entre  4  à  5000 
hommes  avec  leurs  approvisionnements  &  Munitions 

NOMBRE  DE  TROUPES 

Il  faudrait  pour  cette  expédition  deux  Régiments  de 
Chevaux  Légers,  qu'on  embarquera  avec  leurs  selles  & 
leurs  bottes,  (il  y  a  des  chevaux  dans  l'Isle)  400  hommes 
d'Artillerie  &  24  Bataillons  à  100  hommes  par  Compagnie. 
On  propose  de  les  réduire  à  ce  nombre  parce  que  le 
surplus  des  Compagnies  resteroit  sur  la  Côte  voisine  de 
Normandie  pour  le  Recrutement  &  le  Remplacement  qui 
se  ferait  par  Cherbourg... 

ARTILLERIE 

Il  faudrait  un  Canon  de  Campagne  par  Bataillon  & 
Cent  pièces  de  Canon  depuis  12  jusqua  24,  20  Mortiers, 
200  Boulets  par  Pièces,  des  Bombes  à  proportion,  des 
affûts  de  Côtes  &  a  Rouage,  au  moins  60  Miliers  de  poudre, 
des  Ouvriers,  des  Mineurs,  des  Outils  de  Siège,  des  afïlits 
de  Côtes  &  à  rouage  de  rechange,  enfin  tout  lassortiment 
d'une  pareille  Artillerie,  dont  une  partie  serait  mise  en 
leste  dans  les  Bâtiments  de  transport. 

Il  faudroit  que  ce  train  d'Artillerie  fiit  amené  à  Cher- 
bourg ;  on  peut  à  cet  effet  prendre  l'emplacement  de 
l'Abbaye,  dont  on  fera  un  très  beau  Parc  d'Artillerie  & 
le  Logement  de  cette  Troupe,  qui  sera  couvert  par  l'em- 
placement des  Troupes. 

CANTONNEMENT  SUR  LA  CÔTE  DU  COTENTIN 

Le  Rassemblement  des  Troupes  de  cette  partie  du 
Cotentin  aura  pour  prétexte  les  travaux  de  Cherbourg 


532  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

qu'il  faut  publier  comme  résolus  et  devant  être  commencés 
dès  le  Printems,  ce  qui  place  naturellement 

Les  Troupes  dans  Tordre  suivant  : 

Î  chargés  de  la  constmction  du 
fort  de  Tourlaville,  de  celui 
du  Roule,  &  de  la  Batterie 
du  Rocquiers. 
\  chargés  de  la  construction  du 
2 à  Equerduville    |    fort  du  Home  &  de  Texcava- 

du  Roy. 


&  à  Bellecroix.    l    tion  du  Bassin  dans  le  pré 


♦ 


,  „  .„         \    chargés  de  la  construction  du 

2 a  Heuneville.  *    {    ,    .  .     r^       i  *     «.  j        i 

„  ,  ^  .„    >    fort  des  Couplets  &  de  celuy 

&àQuerqueviUej    ^e  QuerquevUle. 

n  ^  ^     .11  )    chargés  de  la  construction  du 

2 a  OcteviUe  ...    S    j,  _^c^^  r. 

\    fort  St-Sauveur. 

4 a  Barfleur,  la  Hougue,  St-Vaast,  &c«. 

10 campés  au   mont   Epinguet    pour   relever   les 

—  travailleurs  Comp.  de  maneuvre. 

24 

4  Escadrons  à  Montebourg. 

4 à  Sideville,  Harduvast,  Viraudeville,  &c*. 

Toutes  ces  Troupes  peuvent  en  six  heures  être  rassem- 
blées sur  Cherbourg  ;  il  leur  faut  pour  6  mois  de  vivres 
en  farine,  grains  <&%  une  Pharmacie  pour  un  an&*;  le 
rassemblement  de  ces  Troupes  exige  une  Construction  de 
tours  à  Cherbourg,  Valognes  ;  mais  ces  établissements 
resteront  :  et  c'est  un  bien. 

EMBARQUEMENT 

L'Embarquement  se  fera  dans  la  Rade  de  Cherbourg 
qui  est  spatieuse  &  commode  ;  il  faut  pour  cet  effet  une 
division  de  4.  ou.  5.  Vaisseaux  de  guerre  &.  8.  ou  10 
frégates;  il  serait  bon  vers  le  tems  prescrit  de  rassembler 


L'ILE  DB  WIOBT  IBS 

dans  les  Parages  depuis  la  Baye  de  Tcurboff  jusqu'au  Gap 
Beadiy  le  plus  de  Corsaires  que  Ton  pourra,  leur  près» 
crire  cette  Croisière,  A  surtout  de  se  tenir  en  plusieun 
flotilles. 

Le  Ministre  de  la  Marine  (  quelques  comptes  qu'on  fad 
ait  rendus  à  cet  égard),  ne  doit  rien  craindre  pour  les 
Vaisseaux  de  guerre  et  les  frégates  qui  se  rendront  dans 
la  Rade  de  Cherbourg,  A  pourront  être  dans  le  cas  d^ 
séjourner,  parcequ'on  peut  focilement  A  à  peu  de  frais 
y  pourvoir  à  leur  sûreté  du  côté  de  l'ennemi  : 

lo  en  établissant  2  Batteries  flotantes  an  centre  de  la 
Rade  entre  le  Home  A  Tlsle  Pelée... 

2o  en  établissant  sur  la  Plateforme  Pelée  de  llsle  une 
Batterie  provisoire  en  Seiscinage  en  madriers,  de  10. 
Canons  &  2.  Mortiers. 
3®  en  établissant  une  Batterie  de  IZ  Canons  A  %, 

Mortiers  au  fort  actuel  du  Home 

40  en  établissant  ime  Batterie  pareille  à  côté  de  la 
Redoute  de  Tourlaville  dont  le  Parapet  sera  en  gazon. 

Au  moyen  de  ces  Deffenses,  qui  peuvent  se  fiedre  avec 
beaucoup  de  promtitude  A  peu  de  frais,  l'Escadre  qui  y 
joindra  son  propre  feu  sera  aussi  en  sûreté  dans  la  Bade 
de  Cherbourg  que  Barington  dans  S^  Lucie.  Ces  travaux 
momentanés  suffiraient  même  pour  donner  un  abri  à  la 
flotte  entière  de  Brest,  si  par  des  circonstances  on  la 
faisait  entrer  dans  la  Manche.  Elle  parait  même  neoea- 
saire  &  utile  indépendament  de  tonte  Expédition. 

Comme  la  traversée  est  courte,  on  peut  calculer  pour 
rembarquement  au  moins  deux  hommea  par  Tonneaii  ; 
qu'on  pense  qu'il  n'y  a  que  18  lieues,  que  par  un  terne 
frais  il  ne  faut  en  flotte  que  9  ou  10  heures^  qu'aimi 
partant  le  Soir,  on  sera  sur  la  côte  de  llsle  de^  Wig|it 

avant  le  jour 

L'armée  n'est  que  de  16  a  17000  Têtes,  ayant  sd»  de 
ne  pas  embarquer  de  personnes  Inutilesy  A  en  ne  se  dbÉP^ 


534  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

géant  pas  de  beaucoup  de  Valets  &  de  Commis,  qu'on  peut 
faire  passer  en  suite  ;  il  faut  environ  cent  Bâtiments  de 

Transports 

Le  prétexte  pour  rassembler  ce  nombre  de  Bâtiments 
à  Cherbourg  est,  1®  de  retirer  dans  ce  Port  les  20  a  25 
Bâtiments  échoués  dans  la  Rivière  de  Regneville,  ou  ils 
sont  exposés  à  être  brûlés.  2^  dy  retirer  pareillement 
50  ou  60  des  Bâtiments  trop  pressés  &  trop  exposés  dans 
le  Port  de  Grandville  ;  le  surplus  des  Bâtiments  néces- 
saires descendra  du  havre  à  Cherbourg;  pour  y  transpor- 
ter le  train  d'Artillerie,  &  on  Ty  retiendra... 

DESCENTE 

*  On  pourvoira  chaque  Bâtiment  de  plusieurs  chaloupes; 
les  Vaisseaux  de  Guerre  selon  leur  différente  grandeur 
ô'aprocheront  de  terre  le  plus  qu'ils  pourront  pour  sou- 
tenir la  descente  par  leur  feu  ;  il  n'y  à  dans  la  Baye  de 
Freshivater  ni  redoutes,  ni  forts,  ni  batteries  ;  on  descen- 
dra dans  le  plus  grand  ordre  ;  le  Village  est  éloigné  ;  les 
premières  trouppes  gagneront  la  falaise  &  les  hauteurs  de 
droite  &  de  gauche  &  en  avant,  &  elles  sy  retrancheront... 
Comme  cette  Baye  ne  pourrait  pas  contenir  tous  les 
Bâtiments,  que  les  courants  pourraient  les  faire  dériver, 
on  mettra  la  flotte  sur  3  divisions  dont  les  Bâtiments 
de  Guerre  garderont  les  deux  flancs,  les  Gros  Vaisseaux 
se  raprochant  de  la  Rade  de  Ste  helène  ;  la  première 
Division  attaquera  la  Baye  de  Freshivater,  ou  elle  sera 
couverte  par  le  cap  des  Aiguilles,  les  deux  autres  se 
présenteront  dans  les  Bayes  Brisson  &  Chale  ;  elles  y 
exécuteront  la  descente,  si  elles  ne  trouvent  pas  d'obstacle  • 

MARCHE  DES  TROUPES,  CONQUÊTE  DE  L'iSLE 

•  ■  •   • 

L'Armée  marchera  sur  3  Divisions,  8  Bataillons, 
l'Artillerie  &  la  Cavalerie  (il  faut  embarquer  une  centaine 


l'île  de  wight 


535 


de  chevaux)  marcheront  sur  Fresh-water,  d'où  elle 
gagneront  Yarmouth  pour  tourner  les  Cardinales  &  ren- 
trer dans  la  plaine  du  Nord.  8  bataillons  avec  leur  canon 
se  porteront  également  par  la  droite  sur  New-Port,  Les 
8.  derniers  avec  leur  canon  se  porteront  également  par 
la  droite  sur  Sandown  &  la  Rivière  de  Ste  helene.  Il  n'y  à 
pas  un  seul  point  de  résistance,  on  trouvera  tout  au 
plus  quelques  milices;  l'Isle  est  percée  de  grands  chemins 
d'une  communication  facile,  et  il  ne  peut  y  avoir  d'obs- 
tacles qu'aux  châteaux  de  Sconce,  de  Cowes  &  de  San- 
down ainsi  toute  l'Isle  doit  être  soumise.  24.  heures 
après  la  descente.  Il  faut  sur  le  champ  semparer  des  prin- 
cipaux habitans,  ne  garder  dans  l'Isle  que  quelques 
Paysans  désarmés  pour  la  culture  &  les  travaux  publics 
&,  renvoyer  le  reste  en  France  par  les  Batteaux  de  trans- 
ports qui  retourneront  à  Cherbourg  ;  ce  sont  autant  de 
prisonniers  &  d'otages  qui  garantiront  le  sort  de  la 
Garnison.... 

L'Emplacement  fixe  des  Troupes  est 


A  Xewport, 


à  S^"-'  helene 

entre  Cowes  et  S*<^  helene  . 

k  Cowes 

à  Xewlon 

a   Yarmouth 

entre  Cowes  &  Yarmouth  . 


Les  grenadiers  &  chasseurs,  le  Quartier 
général,  le  Parc  d'Artillerie  &.  100. 
hommes  de  ce  corps... 

3  Bâtons  100  canoniers. 

2  Batoûs         cantonnés. 

3  Batoûs  50  canoniers. 
2  Bâton»  50  canoniers. 
2  Bâtons  50  canoniers. 
2  Bâtons         cantonnés. 


a  Fresh-water,  Totland.  .  . 
Seonce  &  Clevesend 


2  Bâtons   50  canoniers. 


de  Fresh-water  à  la  pointe 
de  Dumuose 

de  la  pointe  de  Dumuose  à 
Bembrige-ledge 


6  Bâtons 


2  Bâtons 


cantonnés. 


cantonnés. 


536  BULLETIN  DU  BIBUOPHILB 

Entre  Ste  helene  &  Cowes   |    ^  Escadrons, 
en  seconde  ligne ) 

Entre   Cowes   &    Yarmouth    )    .  „ 

...  >    4  Escadrons, 

en  seconde  ligne ) 

De  Newport  le  Général  peut  se  porter  en  trois  heures  à 
chaque  point  de  descente,  y  présenter  12  Bat«"«  &  4  EIsca- 
drons.  il  sera  averti  par  des  Signaux  établis  sur  les 
montagnes  détachées  d'Ashedoivn  à  TE.  &  de  Shaifleet 
à  rO.  qui  correspondront  avec  le  château  Carisbrook  qui 
forme  le  point  intermédiaire  au-dessus  de  Newport. 

Il  y  à  des  travaux  à  faire  pour  s'assurer  la  Possession 
de  risle.  Ces  travaux  regardent  4  points  principaux  par 
lesquels  elle  peut  être  attaquée  du  côté  de  l'Angleterre. 

1®  La  Baye  d' Yarmouth  ;  il  faut  fortifier  ce  Port,  et  y 
faire  des  Batteries  suffisantes. 

2®  Newtown. 

3^  Cowes  est  essentiel  ;  il  y  a  déjà  un  château  à  la 
côte  de  l'O.  ;  il  en  faut  un  à  celle  de  l'E. 

4^  Ste  helene;  c'est  surtout  [ce  Port  qui  est  essentiel; 
situé  devant  une  belle  Rade,  au  débouché  des  forces 
maritimes  de  Portsmouth  &  de  celles  qui  viendront  du 
dehors,  il  faut  le  rendre  presque  imprenable.  Comme  la 
la  Baye  est  large  &  profonde,  on  peut  y  retirer  tous  les 
Vaisseaux  de  transport  qu'on  voudra  conserver  dans 
risle,  &  c'est  d'où  on  partira  pour  le  projet  cyjoint. 

RENDRE  PORTSMOUTH  INUTILE 

C'est  déjà  un  grand  avantage  par  lui  même  que  de 
s'emparer  de  l'Isle  de  Wight,  de  sy  établir,  d'obliger  les 
Anglais  à  rappeller  leurs  Troupes  et  leur  flotte  pour  venir 
y  bloquer  12000  français,  de  les  constituer  dans  une 
prodigieuse  dépense  pour  les  y  attaquer.  Six  millions  & 
de  l'audace  avec  fort  peu  de  risques  suffisent  pour  exé- 
cuter ce  Projet;  toute  l'Angleterre  ensemble  ne  chasseront 


l'île  de  wight  537 

les  François  de  Tlsle  de  Wight,  toutes  les  flottes  nempè- 
cheront  pas  qu'ils  reçoivent  des  secours  journaliers  de 
Cherbourg,  1»  par  ce  qu'il  ny  a  que  18  lieues.  2®  parce 
que  les  petits  Bâtiments  abordent  partout.  S®  parce  que 
les  Vents  qui  mènent  de  Cherbourg  à  Tlsle  de  Wight 
empêcheront  les  vaisseaux  Anglais  de  stationer  dans  le 
Canal  qui  est  entre  cette  Isle  &  la  presqu'île  du  Cotentin. 
Mais  on  croit  pouvoir  ajouter  au  Projet  de  cette  Conquête 
celuy  de  l'Entreprise  la  plus  audacieuse  &  la  plus  simple 
en  même  tems  ;  qu'on  y  réfléchisse,  quon  l'examine 
mûrement,  que  l'on  consulte  les  Marins  les  plus  expéri- 
mentés et  les  plus  habiles,  &  l'on  sera  étonné  de  la  facilité 
que  procure  la  conquête  de  l'Isle  de  Wight  pour  priver  a 
jamais  l'Angleterre  de  son  plus  beau  Port  &  de  son  plus 
grand  Etablissement  de  Marine. 

On  a  dit  qu'il  fallait  fortifier  l'entrée  de  la  Rivière  de 
5**^  helène;  on  à  dit  qu'il  fallait  y  réfugier  une  partie  des 
Bâtiments  de  Tranports  ;  il  faut  y  en  rassembler  50  des 
plus  grands... 

La  Baye  de  S^^  hélene  est  terminée  par  la  Rade  de  ce 
nom.  Cette  Rade  est  séparée  de  celle  de  Spithead  par  un 
chenal  de  600  Toises  de  largeur  entre  les  Bancs  du  Cheval 
&  de  Nomansland  ;  cette  Passe  à  neuf  brasses  de  profon- 
deur ;  il  n'y  a  pas  une  lieue  de  la  Rivière  de  S'®  hélene  à 
cette  Passe  ;  on  peut  charger  de  Pierres  les  Bâtiments,  les 
toues  jusque  dans  le  Chenal,  les  y  ancrer  a  quatre  amarres 
de  distance  en  distance  &  les  couler  dans  cette  position, 
après  les  avoir  amarrés  les  uns  aux  autres  par  de  gros 
Cables  pour  que  les  Courants  ne  les  entraînent  pas  ;  par 
la  on  rend  les  deux  Rades  inutiles,  on  coupe  toute  com- 
munication entre  la  Rade  de  Spithead  &  celle  de  S*« 
helcne,  &  on  enlevé  à  jamais  cette  Passe  aux  Anglais... 

Il  leur  restera  celle  de  l'Ouest,  mais  outre  que  les  Cou- 
rants &  les  Marées  rendent  cette  Passe  dangereuse,  la 
Mer,  n'ayant  plus  une  issue  suffisante  à  la  Passe  de  TE., 


538  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

refluera  avec  plus  d'impétuosité  vers  celle  de  VO.  Dans 
TEtat  actuel  de  cette  dernière  Passe,  malgré  son  énorme 
profondeur,  il  existe  entre  le  Banc  de  Warden  &  la 
pointe  de  celui  de  Sheugles  une  Barre  qui  ne  donne  que 
5  brasses  jusqu'à  9.  La  Passe  de  TE  étant  Bouchée,  les 
Vases  et  les  Sables  du  fonds  de  la  Baye  de  Portsmoath 
reflueront  tout  naturellement  à  TO.  ils  augmenteront  A 
élèveront  cette  Barre  &  diminueront  la  profondeur  de 
cette  Passe,  mais  on  peut  encore  dans  cette  partie  aider  à 
la  nature,  en  coulant  pareillement  sur  cette  Barre,  de 
distance  en  distance,  de  gros  Bâtiments,  autour  desquels 
les  Sables  s'amasseront  et  finiront  par  former  un  Banc 
très  difflcile  qui  rendra  le  Passage  impraticable  pour 
les  Vaisseaux  de  Guerre. 

Si  ce  projet  est  exécuté,  quand  même  ensuite  on  ren- 
drait risle  de  Wight  à  la  paix,  on  aurait  enlevé  aux 
Anglais  leur  meilleur  Port,  le  mal  serait  irréparable  pour 
toujours^  &  ce  mal  est  incalculable. 

Que  Ton  juge  d'après  ces  détails  de  quelle  impor- 
tance est  l'expédition  de  l'Isle  de  Wight,  combien  elle 
mérite  l'attention  du  Roy  &  de  ses  Ministres,  &  que  Ton 
calcule  ce  qui  peut  en  résulter  dans  la  balance  de  cette 
guerre,  qui,  à  moins  d'entreprises  extraordinaires,  est 
entièrement  inégale  de  notre  côté. 


A    PROPOS 


DE 


QUELQUES  ERREURS    BIOGRAPHIQUES 


Doit-on  s'étonner  que,  dans  des  recueils  considérables 
tels  que  le  Dictionnaire  Larousse  ou  la  Biographie  Didot, 
il  se  soit  glissé  plus  d'une  erreur?  Non,  sans  doute,  et 
malgré  la  compétence  et  le  zèle  des  auteurs,  on  com- 
prend que  des  travaux  encyclopédiques  d'une  telle  étendue 
ne  puissent  échapper  à  la  loi  commune  :  Errare  !  Mais, 
sans  vouloir  rabaisser  le  mérite  de  ces  utiles  sources 
d'informations  et  de  savoir,  on  peut,  on  doit  peut- 
être  rectifier  ces  erreurs  que  la  réputation  méritée  de 
ces  recueils  ne  manquerait  pas  de  propager.  C'est  ce  que 
nous  allons  faire  à  propos  de  quelques  indications  erro- 
nées, concernant  spécialement  la  ville  de  Lyon. 

Ainsi  nous  lisons  dans  le  Dictionnaire  Larousse  : 
<c  Géta,  né  à  Lyon.  "»  —  Lisez  :  Né  à  Milan,  le  27  mai  189  . 

Idem  :  <c  Roland  de  la  Platière,  né  à  Lyon,.  » 
MiCHAUD  dit  :  ^  Né  à  Villefranche.  »  Lisez  :  Né  à 

Thizy,  le  19  février  1734. 
Il  est  vrai  qu'à  l'article  Roland,  Larousse  répare  son 

erreur  et  indique  Thizy, 

Larousse  :  Lugdunum  vient  de  Lougdounon,  attendu 
que  les  Gaulois  appelaient  le  Corbeau  :  Lougon.  » 

—  Est-ce  exact  ?  Qu'en  disent  les  celtisants  ? 

Idem  :  a  Léglise  dAinag  occupe  remplacement  d'un 
temple  dédié  à  Rome  et  à  Auguste,  par  soixante  nations 


540  BULLETIN  DU  BIBUOPHILB 

des  Gaules.  ]>  Lisez  :  L'autel  d'Auguste  fut  érigé  au  con- 
fluent du  Rhône  et  de  la  Saône,  qui  était,  en  ce  temps-là, 
au  bas  de  la  colline  de  Saint-Sébastien.  L-autel  était 
près  du  Jardin  des  Plantes  actuel,  entre  la  Croix-Rousse 
et  les  Terreaux,  jamais  il  ne  fut  à  Âinay. 

Biographie  Didot  :  a  Le  Père  La  Chaize,  né  le  25  août 
1624^,  fut  nommé  confesseur  du  Roi  en  1615.  »  —  Lisez  : 
1675.  * 

Idem  :  <c  Péricaud,  Marc- Antoine,  bibliographe  français, 
né  le  4  décembre  1782...  fut  admis  au  barreau...  En 
1827,  fut  nommé  conservateur  de  la  Bibliothèque  de  la 
ville  de  Lyon. 

Le  Dictionnaire  des  Contemporains  et  Vapereau 
appellent  aussi  :  Marc-Antoine  le  Bibliothécaire  de  la 
ville,  Péricaud,  Antoine,  ancien  avoué;  le  confondant 
avec  son  frère  cadet,  Marc-Antoine  Péricaud,  avocat 
renommé,  qui  plaida  beaucoup,  mais  écrivit  peu. 

Celui-ci,  né  le  18  octobre  1784,  est  mort  en  1864. 

Antoine,  l'infatigable  écrivain,  naquit  en  1782,  et  non 
en  1792,  comme  le  dit  la  Biographie  de  Rabbe.  Il  est 
mort  le  25  octobre  1867,  à  Tàge  de  85  ans,  et  non  en 
1840,  comme  le  dit  Tabbé  Simonin,  dans  son  Nouveau 
Feller. 

La  Biographie  Didot  tombe  dans  la  même  erreur  : 
a  Marc-Antoine  Péricaud  »  (C'est  le  cadet)  «  né  en  1782  » 
(c'est  l'aîné)  «  se  fit  recevoir  avocat...  »  (c'est  le  cadet) 
a  consacra  son  temps  aux  antiquités  de  sa  province  i^ 
(c'est  l'aîné)  «  et  devint,  en  1827,  conservateur  de  la  J5i- 
bliothèque  de  la  ville.  »  (c'est  encore  l'aîné). 

Barbier  va  plus  loin  ;  il  cite  :  «  Documents  pour  servir 
à  l histoire  de  Lyon^  tirés  des  Archives  de  cette  ville,  peur 
dant  les  années  183i,  35,  36  et  37.  Lyon,  Barret,  1839, 
in-8...  Et  il  attribue  cet  ouvrage  à  Marc- Antoine  Péricaud, 
prenant  aussi  l'avocat  pour  le  bibliothécaire,  et  le  cadet 


QUELQUES  ERREURS  BIOGRAPHIQUES  541 

pour  Taîné,  à  qui  on  doit  en  effet  un  livre  dont  le  titre 
est  approximatif  :  «  Notes  et  documents  pour  servir  à 
r histoire  de  Lyon,..  Lyon  et  Roanne,  1839-1867;  in-8, 
trois  volumes. 

Or  ni  Taîné  ni  le  cadet  des  deux  frères  n'est  l'auteur  de 
l'ouvrage  :  Documents,  cité  par  Barbier.  II  est  de  M.  Go- 
demar,  archiviste  du  département  du  Rhône,  et  ne 
traite  à  peu  près  que  de  la  Ligue,  tandis  que  les  Notes 
et  Documents  de  Péricaud,  Antoine,  embrassent  l'histoire 
entière  de  Lyon. 

JoANNE  ;  Dictionnaire  géographique,  article  Ambérieu. 

Il  y  en  a  deux  dans  le  département  de  l'Ain  et  un  dans 
le  département  du  Rhône.  Joanne  omet  le  dernier  et 
prend  les  deux  premiers  l'un  pour  l'autre  : 

a  Ambérieu  en  Bugey,  sur  VAlbarine,  chef-lieu  de 
canton.  Sources  du  Gordon.  i>  (Lisez  :  Garon).  «  Château 
ruiné  de  Saint-Maurice  t>  (Lisez  :  château  de  Saint-Mau- 
rice, élégante  et  confortable  résidence  de  la  comtesse 
douairière  de  Tricaud,  dans  un  gros  et  riche  village,  sur 
la  rivière  d'Ain,  à  quelques  kilomètres  d' Ambérieu.) 
a  Belles  ruines  de  la  forteresse  de  Saint-Germain.  » 
(Ajoutez  :  Où,  d'après  les  historiens  les  plus  autorisés, 
fut  promulguée  une  partie  de  la  loi  Gombette.  Prise  après 
un  siège  fameux,  par  Amé  le  Grand,  comte  de  Savoie, 
l'archevêque  de  Lyon  et  leurs  alliés  ;  détruite  en  1595, 
par  le  maréchal  de  Biron.  Ambérieu  est  la  patrie  du 
docteur  Amédée  Bonnet,  célèbre  chirurgien). 

a  Ambérieux  en  Dombes  (au  milieu  d'étangs  malsains) 
Ruines  dun  château  du  xiP  sièchy  sur  l'emplacement  d'une 
villa  des  rois  burgondes,  où  fut  rédigée,  en  partie ,  la  loi 
Gombette...  t>  (Opinion  problématique  et  sans  preuves, 
avancée  par  un  érudit  natif  de  Trévoux.)  «  Patrie  du,  mé- 
decin Bonnet,  1809-1858.  y>  (Erreur  palpable.  Le  buste 
érigé  par  ses  compatriotes  au  docteur  Amédée  Bonnet,  se 
voit  à  la  mairie  d' Ambérieu  en  Bugey). 


542  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

Balleydier.  Histoire  de  Lyon,  tome  I»*",  p.  8  :  «  Piisi- 
gnat,.,  d  (Lisez  :  Pusîgnan.) 

PÉRiCAUD  aîné,  Tablettes  chronologiques  :  «  La  Société 
littéraire  de  Lyon  fut  fondée  en  1817.  »  (Lisez  :  1807  ;  ou 
plutôt  :  fut  relevée  en  1807  ;  sa  fondation  remonte  au 
9  mai  1778). 

Deriard.  Biographie  lyonnaise  :  «  Ambérieu  {Pierre 
Dujat  d)  né  à  Lyon  en  1737,  »  (Lisez  :  le  27  novembre 
1739.)  Dans  son  Tableau  de  la  Société  littéraire,  M.  Bel- 
lin,  secrétaire  de  la  Société,  le  fait  naitre  le  18  octobre 
1739,  et  mourir,  à  Ambérieu,  le  21  mai  1847  ;  ce  qui  fidt 
trois  erreurs.  Lisez  :  mort,  à  Lyon,  le  20  octobre  1821  •) 

Idem  :  «  Bigolier,  Claude,  né  à  Treffort  (Ain),  en  1502, 
auteur  du  poème  latin  :  Rapina  sue  Raporum  eucomium, 
Lyon,  1540.  »  -—  (Lisez  :  Bigotier,  Claude,  né  à  Bourg,  le 
13  août  1517,  et  non  à  Treffort.  Voir  les  derniers  travaux 
de  M.  Brossard,  archiviste  de  TAin.  Auteur  du  poème 
latin  :  Rapina,  seu  Raporum  encomium^  Lyon,  Payen, 
1540,  in-12.) 

Si  les  coquilles  avaient  pu  être  passées  sous  silence,  les 
erreurs  de  nom  et  de  lieu  devaient  être  relevées  avec 
soin. 

Idem  :  ce  Bochard,  docteur  de  Sorbonne,  grand  vicaire 
du  cardinal  Fesch,  écrivain  ;  mort  à  Montluel  (Bresse)  en 
183i,  »  (Lisez  :  Ménestruel  en  Bugey). 

Idem,  ce  Boitel,  écrivain,  mort  à  Lyon  en  1854.  »  (Lisez  : 
mort  à  Irigny  (Rhône)  le  2  août  1856). 

Idem  :  ce  Cogelly  peintre,  né  à  Stockholm  en  1731.  » 
(Lisez  :  en  1734). 

Idem,  ce  FraissCy  Charles  y  écrivain,  mort  à  Lyon  en  1869.  » 
(Lisez  :  le  26  juin  1870). 

Idem,  ce  Martel,  Ange-Etienne,  illustre  architecte,  ni  à 
LyoUj  en  1509  ;  mort  à  Paris  en  1645.  »  (Lisez  :  Martel- 
lange,  Etienne,  mort  à  Paris  le  31  octobre  1641). 


QUELQUES  ERREURS  BIOGRAPHIQUES  543 

Idem  :  a  Mathon  de  la  Cour,  mathématicien,  né  à  Lyon, 
en  1712;  mort  en  1770.  »  (Lisez  :  le  7  novembre  1777). 

Idem  :  a  Marquis  de  Ragny,  né  à  Lyon  en  1810;  bienfai- 
teur de  Vhumanité.  »  (Lisez  :  Bourdin,  qui  signait  ses 
brochures  du  nom  de  :  Marquis  de  Ragny  ;  mystificateur, 
fils  d'un  aubergiste  de  la  Guillotière). 

Almanach  lyonnais  POUR  1865.  Par  Adrien  Péladan. 
Page  65  :  a  1792,  installation  d'Antoine  Nivière  Clos, 
nommé  maire  de  Lyon,  -»  (Lisez  :  Nivière  Chol.) 

Autres  erreurs  cueillies  un  peu  partout  : 

a  Xavier  Bichat,  né  à  Thoissey,  Ain.  »  (Lisez  :  Thoirette, 
Jura). 

a  Le  Cimetière  de  Loyasse,  par  Péricaud.  t>  (Lisez  : 
Pierre  Beuf). 

a  Colonel  Sève,  Soliman  Pacha,  généralissime  des 
armées  égyptiennes,  né  à  Lyon  le  17  mai  1788,  et  non 
le  l*^''  avril  1787;  dans  la  paroisse  de  Saint-Pierre,  et  non 
à  Fontaine-sur-Saône,  près  Lyon;  d'Anthelme  Sève, 
tondeur  de  draps  et  non  meunier,  et  d' Antoinette  Juillet, 
fille  d'un  meunier  de  Fontaine.  Entré  dans  la  marine  à 
douze  ans,  comme  enfant  indiscipliné  et  non  comme  fils 
de  famille.  Nommé  capitaine  par  Grouchy  le  l®""  mai 
1815,  grade  qui  ne  lui  fut  jamais  confirmé.  Ne  s'est  ja- 
mais appelé  Selves,  ni  de  Sèves  ;  ne  fut  jamais  colonel, 
ni  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  dans  l'armée  fran- 
çaise ;  ne  fut  jamais  attaché  à  l'état- major  du  maréchal 
Ney,  pendant  la  retraite  de  Russie,  n'étant  alors  qu'un 
simple  et  modeste  sous-ofiBcier.  Lorsqu'il  eut  été  nommé 
généralissime,  en  Egypte,  par  Méhémet  Ali,  et  qu'il  eût 
gagné  des  batailles,  on  lui  fit  une  histoire  de  fantaisie 
comme  cela  est  arrivé  à  plus  d'un  avant  lui.  » 

a  Suchet,  Louis-Gabriel,  duc  d'Albuféra,  né  à  Lyon, 
le  2  mars  1770,  et  non  en  1769,  ou  en  1772,  comme  le 
prétendent  ses  biographes  ;  baptisé  le  même  jour  par 
Goret,  vicaire.  Mort  au  château  de  Saint-Joseph,  près  de 


544  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

Marseille,  le  3  janvier  1826  et  non  le  6,  le  9  ou  le  19» 
comme  le  disent  la  Gazette  universelle  de  Lyon,  les  Ar* 
chives  du  Rhône,  et  la  plupart  de  ceux  qui  ont  écrit  sur 
lui.  }» 

Barbier,  tome  I.  <t  Concubitus  sine  Lucina.,.  Quérard, 
dans  la  France  littéraire,  a  confondu  ce  traducteur  avec 
de  Combes...  »  (Lisez  :  de  Combles.) 

M.  de  Combles,  né  à  Lyon  en  1702,  mort  en  1770,  a 
publié  un  Traité  sur  la  culture  des  pêchers  et  sa  traduc- 
tion du  Concubitus  ;  mais  c'est  son  fils,  Charles- Jean,  né 
à  Lyon  en  1755,  mort  en  1803,  qui  a  illustré  son  nom  en 
publiant  Caquire,  parodie  de  Zaïre,  plaisanterie,  dont 
Tapparition  causa  tant  d'amertumes  à  Voltaire.  M.  de 
Combles  fils  fut  membre  du  Conseil  supérieur  à  Lyon. 

Barbier,  tome  I.  ce  Défense  de  :  La  Vérité  sur  le  cardi- 
nal Fesch.,.,  par  l'abbé  Callet...  d  (Lisez  :  Cattet,  ancien 
vicaire  général  du  diocèse  de  Lyon,  historien,  polémiste, 
mort  à  Lyon  en  1858.) 

Larousse,  article  :  Genève.  «  Hommes  illustres...  Ca- 
saubon,  Scaliger...  r> 

Lisez  :  Scaliger,  Jules-César,  naquit  en  1484,  au  château 
de  Riva,  sur  le  lac  de  Garde  (Italie)  ;  son  fils,  Joseph- 
Juste,  naquit  à  Agen,  le  4  août  1540.  Il  habita  Genève 
quelque  temps,  mais  il  n'y  est  ni  né  ni  mort.  (Y  a-t-il  eu 
un  autre  Scaliger  célèbre  ?  je  ne  le  connais  pas.) 

Ces  quelques  erreurs,  cueillies  en  passant,  n'ôtent  rien 
au  mérite  des  grands  érudits  qui  les  ont  laissé  échapper; 
mais  rintention  de  ces  auteurs  était  d'instruire  et  d'en» 
seigner.  On  a  confiance  dans  leurs  lumières  et  leur 
puissante  érudition.  Par  respect  pour  la  science  qu'ils 
ont  élucidée,  par  affection  pour  cette  jeunesse  qu'ils  ont 
voulu  guider,  ne  serait-il  pas  bon  que  chaque  lecteur 
prît  la  peine  de  relever  les  fautes  qu'il  rencontre?  Ne 
pourrait-on  centraliser  ces  erreurs  et  les  donner  à  un 


QUELQUES  ERREURS  BIOGRAPHIQUES  545 

recueil  autorisé,  où  chaque  travailleur  pourrait  les  véri- 
fier et  rétablir  la  vérité  un  instant  éclipsée? 

Les  éditeurs,  en  donnant  de  nouvelles  éditions,  ne 
pourraient-ils  corriger  les  anciennes?  Enfin,  à  la  longue, 
ne  pourrait-on  pas  obtenir  la  vérité  vraie,  à  Tusage  de 
ceux  qui  tiennent  à  la  connaître  dans  tout  son  précieux 
éclat  ? 

Telle  est  la  pensée  qui  a  suggéré  cet  essai. 

L'Intermédiaire  des  chercheurs  et  des  curieux  ne  fait 
pas  autre  chose  ;  il  demande  au  public  lui-même  la  rec- 
tification des  erreurs  qui  ont  cours.  On  sait  les  services 
qu'il  rend  à  l'histoire. 

Je  serais  heureux  si  on  jugeait  ma  proposition  pratique 
et  si  mon  exemple  trouvait  quelques  imitateurs. 

Aimé  ViNGTRINIER. 


1891  35 


REVUE    CRITIQUE 


DK 


PUBLICATIONS   NOUVELLES 


Geoffroi  de  Villehardouin.  La  Conquête  de  Cons- 
tantinople,  texte  et  traduction  nouvelle  avec  notice, 
notes  et  glossaire  par  Emile  Bouchet.  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  1891,  2  vol.  in-8.  (40  fr.) 

Bien  que  la  conquête  de  Constantino])lc  par  les  Croisés  et  la 
fondation  d'un  empire  latin  en  Oriont,  au  xiii^  siôcle,  aient  eu  un 
grand  retentissement,  les  événements  de  la  quatrième  croisade  ne 
lurent  bien  connus  que  par  la  narration  qu'en  fitTun  des  principaux 
témoins  oculaires,  Geoffroi  de  Villehardouin,  maréchal  de  Cham- 
pagne. La  popularité  de  son  récit  devint  bientôt  fort  grande  en 
Occident  ;  de  nombreuses  copies  en  lurent  exécutées  et  les  jongleurs 
eux-mêmes  allèrent  de  ville  en  ville,  de  châteaux  en  châteaux,  réci- 
tant de  longs  fragments  de  cette  émouvante  chronique.  Malgré  cette 
popularité,  ce  ne  fut  qu'à  la  lin  du  xvie  siècle,  en  1585,  que  fut 
imprimée  pour  la  première  fois  et  publiée  par  Biaise  de  Vigenère, 
gentilhomme  bourguignon,  l'œuvre  de  Geoffroi  de  Villehardouin. 

A  cette  même  époqu(\  un  imprimeur  lyonnais,  Guillaume  de 
Ro ville  venait  d'acquérir  un  manuscrit  de  cette  chronique  ;  il  allait  le 
mettre  sous  ses  presses  quand  parut  l'édition  de  Biaise  de  Vigencre  ; 
arrêté  momentanément  dans  le  projet  qu'il  avait  conçu,  la  mort 
vint,  peu  après,  surprendre  Roville  avant  qu'il  eût  pu  le  mettre  à 
exécution.  Ses  héritiers  laissèrent  passer  quelques  années  et  don- 
nèrent, en  1601,  une  nouvelle  édition  du  texte  de  Villehardouin 
d  après  le  manuscrit  de  Venise.  Pendant  plus  de  80  ans,  on  ne 
s'occupa  plus  de  la  Conquête  de  Constantinople  ;  en  1687,  Ducange 
mit  \\  profit  l'édition  de  Biaise  de  Vigenère  dont  il  développa  les 


REVUE   CRITIQUE   DE   PUBLICATIONS  NOUVELLES       547 

notes  marginales  et  on  donna  une  nouvelle.  Depuis  cette  date,  la 
Conquête  de  Cotistantinople  ne  fut  pas  publiée  à  nouveau;  mais,  au 
commencement  de  notre  siècle,  plusieurs  historiens  parmi  lesquels 
Petitot,  Dom  Brial,  Buchon,  Michaud,  s'attachèrent  à  remettre  en 
lumière  et  à  vulgariser  l'histoire  des  croisades.  M.  Paulin  Paris  qui 
eut  la  l)Oime  fortune  de  décou\ir  à  la  bibliothèque  royale  deux 
manuscrits  nouveaux  —  on  en  connaissait  alors  seulement  trois  — 
donna,  sous  les  auspices  de  la  Société  de  VHLstoire  de  France, 
une  nouvelle  édition  de  la  chronique  de  Yillehardouin  accompagnée 
de  la  Continrtation  de  Henri  de  Valenciennes,  M.  Paulin  Paris 
pensait  eu  avoir  établi  définitivement  le  texte  lorsque  Buchon  lui 
opposa  de  sérieuses  contradictions.  Entre  ces  différentes  versions, 
il  devenait  difficile  de  savoir  quelle  était  la  bonne.  Fallait-il  s'en 
rapporter  à  Dom  Brial,  à  Paulin  Paris  ou  à  Buchon? 

M.  Natalis  de  Wailly  ïnit  sa  puissante  érudition  au  service  de  la 
cause  du  maréchal  de  Champagne  et  l'éminent  archiviste  donna,  k 
son  tour,  après  avoir  comparé  les  textes  de  tous  les  manuscrits 
connus  et  celui  d'un  septième  manuscrit  que  l'on  venait  de  décou- 
vrir, une  savante  édition  de  la  chronique  de  Yillehardouin.  Mais, 
en  travailleur  expérimenté  qu'il  était,  il  ne  se  fit  pas  l'illusion  de 
croire  qu'il  publiait  l'édition  définitive  de  ce  texte,  puisqu'il  prit 
soin  de  fournir  lui-même  les  éléments  d'une  revision.  Cette  édition 

* 

résumait  exactement,  comme  le  dit  M.  Emile  Bouchot  dans  l'excellent 
travail  qu'il  nous  donne  aujourd'hui  l'état  de  nos  connaissances 
itlati  veillent  à  la  quatrième  croisade  ;  mais  le  vieux  maréchal  est 
un  de  ces  auteurs  qu'il  convient  d'éditer  de  temps  en  ti'uips  à  nou- 
veau :  (•  lu  texte  n'est  jamais  si  définitivement  établi  qu'il  ne  soit 
pas  possible,  ajoute-t-il,  de  l'améliorer  dans  ses  détails.  Il  n'est  pas 
de  jour  où  soit  la  découverte  de  quelques  documents,  soit  la  publica- 
tion de  «luelque  étude  originale  et  importante  ne  vienne  tantôt 
accroître  nos  connaissances,  tantôt  modifier  les  opinions  admises 
sur  certains  événements  du  Moyen-Age.  La  quatrième  croisade  est 
(le  ce  nombre. 

L'érudit  éditeur  de  la  Conquête  de  Constantinoplc,  tenant  compte 
des  résultats  acquis,  sest  donc  attaché  à  perfectionner  le  texte  de 
\  illelifirdouin  et,  surtout,  à  vulgariser  l'un  des  plus  anciens  monu- 
ments d«'  notre  littérature.  «  Affirmer,  une  fois  de  plus,  qu'il  mérite 
de  compter  parmi  nos  cl.issiques  et  lui  attribuer  une  place  légitime 
dans  iiin"  «collection  où  doivent  venir  se  ranger  successivement  les 
cliefs-d'i  livre  <le  l'esprit  français  »,  t«'l  est  le  but  que  s'est  proposé 
M.  Kmilc  Ilouchet  en  ajout:»nt  une  édition  nouvelle  à  celles  qui  ont 
été  déjà  données  du  vieux  chroniqueur. 


548  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

n  n'est  pas  sans  intérêt  non  plus  de  dire  quelques  mots  sur  la 
composition  des  deux  volumes  de  la  Conquête  de  Constantinople. 
Le  tome  premier  qui  contient  le  texte  de  Villehardouin ,  très 
minutieusement  coUationné  sur  tous  les  manuscrits  connus,  est 
précédé  d'un  Avant-propos  où  M.  Emile  Bouchet  s'explique  sur  le 
système  qu'il  a  adopté  au  point  de  vue  orthographique.  £n  regard 
du  texte  original,  le  nouvel  éditeur  de  la  relation  du  maréchal  de 
Champagne  a  placé  une  traduction,  en  langage  moderne,  aussi 
littérale  que  possible,  tout  en  conservant  certains  mots  qui  n'ont 
plus  d'équivalent  dans  notre  langue  actuelle.  A  la  fin  du  volume  se 
trouvent  des  notes  —  de  véritables  petits  documents  —  et  on 
glossaire  qui  facilitera  l'intelligence  de  certains  mots  difficiles  à 
comprendre. 

Le  tome  deuxième  est  tout  entier  l'œuvre  de  M.  Emile  Bouchet  ; 
il  comprend  une  remarquable  étude  sur  la  quatrième  croisade  et 
sur  son  historien  qui  y  a  joué  un  rôle  si  considérable.  L'auteur 
qui  apporte  beaucoup  de  documents  nouveaux  s'est  attaché,  tout 
particulièrement,  à  défendre  Villehardouin  contre  les  attaques  dont 
il  a  été  récemment  l'objet  et  à  prouver  la  sincérité  et  la  probité 
historique  de  son  œuvre.  Puis  vient  la  Bibliographie  des  éditions 
de  la  Conquête  de  Constantinople  et  des  ouvrages  qui  ont  été 
consacrés  à  cet  événement  et  à  son  histoire.  Enfin,  les  lecteurs 
trouveront,  à  la  fin  du  volume,  une  très  copieuse  table  des  noms 
propres,  lesquels  sont  accompagnés  de  notes  des  plus  intéressantes 
sur  chacun  des  personnages  et  des  lieux  cités  dans  l'ouvrage. 

La  nouvelle  édition  que  vient  de  publier  M.  Emile  Bouchet  ne 
manquera  pas  de  lui  valoir  l'estime  du  public  lettré  et  des  biblio- 
philes ;  car  si  les  recherches  de  l'écrivain  sont  l'œuvre  d'un  érudit 
consciencieux  et  savant,  la  forme  élégante  et  sérieuse  à  la  fois  sous 
laquelle  l'éditeur  Lemerre  la  présente  en  fait  un  livre  qui  a  sa  place 
marquée  chez  tous  les  bibliophiles. 

Il  a  été  tiré  550  exemplaires  sur  papier  de  Hollande  in-8o  écu, 
60  sur  grand  papier  de  Hollande,  20  sur  papier  de  Chine  et  20  sur 
papier  Whatman,  tous  numérotés  et  paraphés  par  l'éditeur. 

Georges  Vicaire. 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES       549 
MÉMOIRE  SUR  LA  BATAILLE  DE  COURTRAI  (1302,  11  juillet)  et 

les  chroniqueurs  qui  en  ont  traité,  pour  senir  à 
riiistoriographie  du  règne  de  Philippe  le  Bel,  par 
M.  Frantz  Funck-Brentano.  Extrait  des  Mémoires 
présentés  par  divers  savants  à  TAcadémie  des  Inscrip- 
tions et  Belles-Lettres....  Paris,  impr.  Nationale; 
librairie  C.  Klincksieck,  M.DCCCXCI,  in-4o  (avec 
2  plans). 

Ou  sait  qu'il  existe,  depuis  les  premières  années  du  xiv«  siècle, 
sur  la  bataille  de  Courtrai  où  la  chevalerie  française  fut  mise  en 
déroute,  deux  traditions  nettement  distinctes,  la  version  flamande 
et  la  version  française.  Les  Flamands  attribuaient  l'issue  de  la 
journée  au  seul  iKTOïsme  de  leurs  milices  communales.  Les  Fran- 
çais, au  contraire,  prétendaient  avoir  été  victimes  d'un  stratagème 
qu'ils  qualifiaient  de  traîtrise,  conformément  aux  mœurs  militaires 
do  la  cbcvalerie.  Plusieurs  travaux  ont  été  écrits  sur  cet  événement 
bistorique,  l'un  des  plus  importants  du  Moyen-Age,  notamment  par 
Goethals-Vercruyssen,  H. -G.  Moke,  Tabbé  Duclos,  le  général  alle- 
mand Kuhler  et  plus  récemment  encore,  par  M.  Pirenne,  professeur 
îi  Université  de  Gand.  Ces  érudits  auteurs,  dont  l'un  va  jusqu'à 
qualifier  de  légende  la  version  française,  repoussent  unanimement 
rem}»loi  d'un  stratagème  par  les  Flamands. 

L'un  des  hommes  qui  connaît  le  mieux  l'histoire  des  Flandres, 
M.  Frantz  Funck-Brentano,  vient  à  son  tour  d'élever,  avec  autorité, 
la  voix  dans  le  débat  et  de  prouver,  en  basant  son  opinion  sur 
des  chroniques  et  des  pièces  d'archives,  que  l'infanterie  flamande 
avait  attiré  la  chevalerie  dans  des  pièges  préparés  par  elle  —  des 
Ibssés  creusés  et  recouverts  d'herbes  —  où  celle-ci  s'effondra  dans 
une  horrible  confusion. 

Cet  intéressant  mémoire,  écrit  dans  une  langue  concise  et  pleine 
de  précision,  excessivement  documenté  et  suivi  de  pièces  justifica- 
tives, a  trouvé  devant  l'Institut  un  accueil  des  plus  favorables  ;  en 
détruisant  la  version  flamande  qui  devient  alors  la  légende^  il  fixe 
dés  aujourd'hui,  d'une  manière  éloquente,  la  vérité  sur  la  journée 
des  Éperons  d'or  que,  grâce  à  de  savantes  et  patientes  recherches, 
son  auteur  vient  de  reconstituer  jusque  dans  ses  moindres  détails. 

G.  V. 


550  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 


Les  arts  de  l'ameublement.  —  La  Menuiserie  par  Henry 
Havard,  inspecteur  des  beaux-arts.  Cent  illustrations 
par  A.  Mangonot.  —  L Orfèvrerie  (parle  même). Cent 
vingt  illustrations  par  M.  Gouin.  —  La  Décoration 
(par  le  même).  Cent  illustrations  par  A.  Mangonot. 
Librairie  Charles  Delagraue,  3  vol.  pet.  in-8. 

L'art  industriel  a  été  pendant  longtemps  considéré  comme  un  art 
inférieur.  On  commence  aujourd'hui  à  lui  rendre  justice  et  des 
eflbrts  sont  tentés  pour  lui  donner  la  véritable  place  qu'il  est  di^e 
d'occuper  parmi  les  Beaux-Arts.  SHl  a  été  relégué  au  second  plan» 
c'est  peut-être  à  son  manque  de  caractère  et  d'originalité  qu'il  faut 
en  attribuer  la  cause.  M.  Henry  Havard,  membre  du  conseil  supé- 
rieur des  Beaux-Arts,  dont  la  haute  compétence  est  indiscutable 
dans  tout  ce  qui  touche  à  l'histoire  du  mobilier,  a  pensé  que  ce 
manque  d'originalité  qu'on  remarque  dans  les  produits  de  notre 
industrie  provient  surtout  de  l'ignorance  des  exigences  spéciales  et 
des  conditions  de  beauté  que  comporte  chacune  des  matières  qu'elle 
met  en  œuvre.  Si  l'on  apprend  à  dessiner  dans  nos  écoles  profes- 
sionnelles, on  ne  se  préoccupe  pas  suffisamment  d'une  application 
directe  du  dessin,  et  l'on  arrive  ainsi  à  créer  des  modèles,  qui  con- 
venant au  fer  aussi  bien  qu'à  l'argent,  au  bronze  autant  qu*à  la 
porcelaine,  manquent  fatalement  de  précision,  de  saveur  et  d'accent. 
M.  Henry  Havard,  pour  faire  cesser  ce  malentendu  regrettable,  a 
donc  eu  l'idée  de  publier  une  petite  bibliothèque  des  Arts  de  Vameu- 
hlement  dont  les  trois  premiers  volumes,  édités  avec  luxe,  par 
M.  Delagrave  viennent  de  paraître.  Ces  trois  volumes  traitent  de  la 
Menuiserie,  de  V Orfèvrerie  et  de  la  Décoration.  Trois  autres,  con- 
sacrés à  la  Serrurerie^  à  la  Tapisserie  et  à  Y  Horlogerie,  sont  sous 
presse.  Les  six  autres  —  car  la  publication  complète  comprendra 
douze  volumes  —  nous  initieront  aux  secrets  de  la  Porcelaine,  de 
la  Faïence,  de  V Ébénisterie,  de  la  fabrication  des  Bronzes  d'art,  de 
la  Verrerie  ;  le  dernier  nous  décrira  les  Styles, 

Chacun  de  ces  petits  livres  est  divisé  en  deux  parties  :  l'une  con- 
sacrée à  la  technique  de  l'industrie,  l'autre  à  son  histoire.  Nous  ne 
saurions  trop  louer  lauteur  de  la  précision  qu'il  a  apportée  dans 
son  intéressante  collection.  Quant  aux  dessins,  exécutés  avec  un 
grand  soin,  ils  comj>lètcnt  avantageusement  le  texte.  Les  Arts  de 


REVUE  CRITIQUE  DE  PUBLICATIONS  NOUVELLES       551 

V ameublement,  qui  s'adressent  aussi  bien  aux  gens  du  monde  qu'aux 
artistes,  sont  très  instructifs  et  rendront  certainement  de  grands 
services. 

Ajoutons  qu'il  a  été  tiré,  pour  les  bibliophiles,  100  exemplaires 
sur  papier  des  manufactures  impériales  du  Japon. (15  fr.  le  vol.) 

G.  V. 


Lettres  de  François  Pétrarque  à  Jean  Boccace  tra- 
duites du  latin  pour  la  première  fois  par  Victor 
Develay.  Paris,  Librairie  Marpon  et  Flammarion, 
M  DCCC  XCI,  in-18  (3  fr.  50). 

M.  Victor  Develay,  qui  a  déjà  publié  dans  la  Bibliothèque  récréa- 
tive la  traduction  d'un  grand  nombre  d'ouvrages  de  Pétrarque, 
continue  aujourd'hui  la  série  de  ses  traductions  en  offrant  au  public 
les  lettres  écrites  par  le  chantre  de  Laura  à  l'auteur  du  Décaméron, 
Il  n'y  «Ml  a  pas  moins  de  vingt-huit  parmi  lesquelles  plusieurs  pré- 
sentent un  réel  intérêt  comme  celle,  par  exemple,  où  Pétrarque 
que  l'on  accusait  d'être  jaloux  du  Dante  se  lave  de  cette  accusation. 
Dans  une  autre,  le  poète  italien  confie  à  son  illustre  ami  que,  s'il 
est  resté  longtemps  sans  lui  écrire,  c'est  qu'il  «  lui  est  venu  une  gale 
sèche  et  hideuse  »  et  que  ce  mal  «  empêchant  ses  mains  de  tenir 
non-seulement  une  plume,  mais  même  son  manger,  il  les  occupe 
uni([ue!nent  à  le  gratter  et  à  le  déchirer.  »  Signalons  également  la 
dernière  missive  clans  laquelle  Pétrarque  exprime  à  Boccace  le 
sentiment  de  plaisir  que  lui  a  causé  la  lecture  de  Grisélidis  dont  il  li^i 
envoie  la  traduction  latine,  et  que  M.  Victor  Develay  vient  à  son 

tour  de  traduire  en  français. 

G.  V. 


Zoan  Andréa  et  ses  homonymes,  par  le  duc  de  Rivoli  et 
Charles  Ephrussi.  —  Paris,  Bureaux  de  la  Gazette 
des  Beaux-Arts,  1891, 

Voici  une  «euvre  de  critique  investigatrice  et  patiente.  Le  nom  de 
Zoan  Andréa  est  familier  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'art  vénitien; 


552  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

mais  jusqu'ici  on  avait  attribué  à  un  seul  artiste  toutes  les  gravures 
en  taille-douce  ou  xylographies  signées  des  marques  saivantefl  : 

ZOVA  XDREA,  ZA,  îA,  îAD,  IA,  Io,  fa. 

On  n'avait  pas  remarqué  que  les  nombreux  morceaux,  portant 
ces  signatures  diverses,  présentaient  de  notables  différences  de  com- 
position et  d'exécution  qui  ne  permettaient  guère  de  les  attribuer  A 
une  même  main  ;  on  avait  oublié  de  tenir  compte  des  dates,  de  sorte 
que,  pour  identifier  le  premier  et  le  dernier  de  ces  Zoan  Andréa,  il 
eût  fallu  donner  à  la  carrière  artistique  de  cet  unique  personnage 
la  respectable  durée  de  114  ans. 

En  comparant  avec  un  soin  minutieux  les  gravures  aux  mul- 
tiples signatures,  en  restituant  aux  dates  Timporlance  qu'elles 
doivent  avoir  dans  les  travaux  de  critique  d'art  aussi  bien  qu'en 
matière  historique,  en  exhumant  un  certain  nombre  de  documents 
ensevelis  dans  la  poussière  des  bibliothèques  et  surtout  une  très 
curieuse  pièce  découverte  dans  les  archives  de  Mantoue  et  qui  avait 
passé  presque  inaperçue,  MM.  le  Duc  de  Rivoli  et  Charles  Ephrussi 
sont  parvenus  à  jeter  quelque  lumière  dans  ces  épaisses  ténèbres. 
Ils  ont  démontré,  preuves  en  main,  qu'il  faut  désormais  renoncer  à 
Tunité  fantaisiste  d'un  trop  fécond  Zoan  Andréa  et  répartir  les 
œuvres  qu'on  lui  a  trop  libéralement  assignées  entre  une  demi-don- 
znine  au  moins  d'auteurs  entièrement  distincts.  Leur  argumentation 
serrée,  pleine  de  faits,  ingénieuse  sans  subtilité,  relevant  sans  aucune 
aigreur  les  erreurs  de  leurs  devanciers,  établit  d'une  façon  décisive 
qu'il  convient  de  distinguer  : 

Zoan  Andréa,  peintre  graveur  de  Mantoue,  copiste  de  Mantegna, 
avec  lequel  il  eut,  à  cause  de  ces  copies  mêmes,  de  nombreux 
différends  ; 

Zoan  Andréa,  xylographe,  le  graveur  de  V Apocalypse  et  de  tant 
d  autres  blocs  qui  ne  sont  souvent  que  des  copies  de  bois  antérieurs; 
c'est  celui  qui  a  été  longtemps  considéré  comme  l'unique  Zoan 
Andréa  ; 

io,  xylographe  très  supérieur  au  précédent,  interprète  de  dessins 
originaux,  illustrateur  surtout  d'ouvrages  pieux,  la  plupart  sortis 
des  presses  de  Stagnino.  Sa  signature  se  trouve  au  bas  d'une  des 
meilleures  productions  de  la  gravure  vénitienne  à  la  fin  du  xv^  siècle, 
Apollon  et  Marsyas,  dans  V Ovide  de  1497  ; 

Enfin  Giovanni  Andréa  Valvassore,  secondé  par  ses  deux  frères 
Florio  et  Luigi,  et  leurs  héritiers,  éditeurs,  imprimeurs  et  graveurs. 

Ces  conclusions,  auxquelles  il  est  difficile  de  ne  pas  adhérer  après 


REVUE   CRITIQUE  DE   PUBLICATIONS  NOUVELLES       553 

la  lecture  de  Zoan  Andréa  et  ses  hom(mymeSy  ne  laisseront  pas  de 
surprendre  un  peu  la  critique  routinière  et  causeront  peut-être 
quelque  émoi  au-delà  des  Alpes,  où  Ton  sera  étonné  de  nous  voir  si 
bien  renseignés  sur  les  cose  d'Italia  ;  mais  il  faudra  bien  s'incliner 
devant  la  réalité  probante  des  faits  et  la  solidité  des  raisonnements. 
Les  deux  auteurs  font,  entre  ces  artistes  confondus  auparavant 
dans  une  trompeuse  identité,  un  partage  équitable  d'œuvres  dont  la 
diversité  aurait  dû  éveiller  l'attention.  Au  premier  2k)an  Andréa 
appartiennent  les  copies  de  Mantegna,  dont  il  était  tellement  im> 
prégné  que,  même  lorsqu'il  travaillait  d'après  d'autres  originaux,  il 
gardait  un  souvenir  très  prononcé  du  maître  mantouan.  Le  second 
doit  le  meilleur  de  sa  renommée  aux  bois  de  YApocal\fpse  de  1516  : 
«  Artiste  très  inégal,  disent  nos  auteurs,   et  peut-être  employant 
des  auxiliaires  de  valeur  et  d'expérience  diverses,  il  a  laissé  une 
oeuvre  considérable,  où  le  mauvais  et  le  bon  se  coudoient  sans  cesse, 
révélant  tantôt  une  habileté  courante  qui  n'est  pas  dénuée  de  mérite, 
tantôt  la  précipitation  d'un  travail  de  manœuvre,  appliqué  surtout  à 
des  copies  de  bois  antérieurement  parues  et  exécutées  pour  des  clients 
inédiocreraent  exigeants  et,  sans  doute,  peu  généreux.  Aussi  le  plus 
souvent  le  trait  est -il  rude  et  mou,  sans  fmesse  dans  les  extrémités, 
sans  soin  dans  les  détails  ;  aucun  effet  d'ensemble  ;  on  se  sent  déjà 
loin  de  cette  belle  école  de  gravure  vénitienne  des  dernières  années 
du  xve  siècle  ;  la  décadence  est  manifeste.  Même  les  bois  de  VApo^ 
calypse  de  1516,  quoique  soutenus   par  l'incomparable  beauté  des 
originaux  de  Durer,  ne  dépassent  point  assez  le  niveau  de  ses  pro- 
ductions ordinaires.  » 

Le  gracieux  maître  ta  se  consacre  surtout  à  l'ornement  des  livres 
de  dévotion.  On  rencontre  plusieurs  fois  sa  signature  dans  un  Mis- 
sale  Romaniim  de  1506  dont  les  bois  furent  accueillis  avec  une  telle 
faveur  qu'on  les  reproduisit,  pendant  plus  de  trente  ans,  dans  un 
très  grand  nombre  d'ouvrages  pieux  :  a  Toujours  soigné,  d'un  accent 
très  vif,  suivant  avec  conscience  le  trait  du  dessinateur,  cet  ta  inter- 
prète, sans  les  amollir,  de  jolies  compositions  d'une  inspiration  belli- 
nesque.  C'est  assez  dire  combien  il  se  sépare  du  Zoan  Andréa  de 
\  Apocalypse  à  la  taille  molle  et  ronde,  à  la  facture  négligée,  qui  lui 
est  très  sensiblement  inférieur.  »  Quel  nom  cache  cet  énigmatique 
ta?  Peut-être  celui  de  Jacobus  Argentoratensis. 

Quant  à  Zoan  Andréa  Valvassore,  Vavassore  ou  Vavassori,  dit 
Guadagnino  ou  Vadagnino  (gagne-petit),  il  se  recommande  spéciale- 
ment aux  bibliophiles  par  la  multiplicité  et  l'intérêt  de  ses  publica- 
tions. A  la  fois  libraire,  éditeur,  imprimeur,  graveur  sur  bois  et 
cartogra))he,  il  fut  un  des  plus  laborieux  dans  la  laborieuse  Venise 


554  BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 

du  xvi«  siècle.  On  lui  doit,  entre  autres  livres  curieux  et  fort  recher- 
chés :  un  Esatnplario  di  Lavori,  che  insegna  aile  done  il  modo  e 
ordine  di  Lavorare,  cuzire  e  racamare  ;  sorte  de  manuel  de  bro- 
derie et  de  couture  propre,  agoute  le  titre,  à  fare  una  donna 
virtuoaa  cô  laco  in  mano ,  à  rendre  une  femme  vertueuse  avec 
l'aiguille  en  main  ;  —  un  recueil  de  pieuses  xylographies,  YOpera 
noua  contemplatiua  per  ogtii  fidel  christiano  laquale  traita  de  le 
figure  del  testamento  vecchio  ;  —  un  Ârioste  dont  le  succès  fut  tel 
que  les  éditions  se  succèdent  annuellement  presque  sans  interrup- 
tion, de  1549  à  1568  ;  une  grande  carte  de  France,  en  quatre 
feuilles,  avec  cette  légende  :  Questo  sie  il  vero  dissegno  di  tutta  la 
Francia  con  tutti  H  suai  confini...  MM.  le  duc  de  Rivoli  et  Charles 
Ephrussi  ont  reconstitué,  avec  une  rare  sûreté  d'investigation,  la 
carrière  si  bien  remplie  de  cet  imprimeur-graveur  et  de  ses  auxi- 
liaires et  héritiers. 

Nous  dirions  plus  de  bien  encore  des  auteurs  de  Zoan  Andréa  et 
ses  homonymeSj  si  nous  ne  craignions  d'avoir  Fair  de  plaider  pro 
domo  nostra  ;  tous  deux  sont,  en  effet,  collaborateurs  du  Bulletin  : 
Tun  l'a  enrichi  de  cette  série  de  travaux  bibliographiques  sur  les 
livres  à  figures  vénitiens  de  1469  à  1525,  travaux  qui  vont  être 
réunis  en  un  volume  impatiemment  attendu  ;  l'autre,  bien  connu 
par  ses  deux  beaux  livres  sur  les  dessins  d'Albert  Durer  et  sur  Paul 
Baudry,  a  publié  aussi  dans  le  Bulletin  une  magistrale  étude  sur 
un  des  chefs-d'œuvre  d'Aide  l'ancien,  le  Songe  de  Polij)hile.  On 
voit  combien  l'un  et  l'autre  avaient  qualité  pour  parler  avec  compé- 
tence et  autorité  de  l'art  vénitien  et  rectifier  des  erreurs  trop 
longtemps  accréditées . 

E.  Delapiage. 


CHRONIQUE  DES  VENTES 


La  saison  des  ventes  a  commencé  d'assez  bonne  heure 
à  rhôtel  Drouot  et  s'est  ouverte  par  l'adjudication  d'un 
important  ensemble  de  livres  modernes,  provenant 
d'une  bibliothèque  de  Marseille  et  mise  aux  enchères 
par  la  librairie  Techener.  Nous  résumons  brièvement 
les  observations  que  suggère  cette  première  vente. 

Les  éditions  sur  papier  de  Hollande  brochées  de  nos 
principaux  romanciers  ont  atteint  des  prix  fort  élevés  ; 
c'est  ainsi  que  V Affaire  Clemenceau,  d'Alexandre  Dumas 
fils,  a  été  payée  170  fr.,  exemplaire  broché  mais  défraîchi, 
et  la  Maison  Tellier,  de  Guy  de  Maupassant,  80  fr.  Par 
contre,  certains  livres  modernes,  surtout  les  publications 
volumineuses,  les  livres  sur  grand  papier.  Hollande  ou 
Chine,  semblent  frappés  de  quelque  discrédit.  Les  livres 
à  figures  du  xviip  siècle  se  sont  vendus  à  des  prix  hono- 
rables, sauf  la  série  des  ouvrages  du  trop  fécond  Restif 
de  la  Bretonne,  qui  n'a  provoqué  que  d'assez  froides 
enchères  ;  on  paraît  se  fatiguer  un  peu  de  Monsieur 
Nicolas,  du  Paysan  peruerti  et  de  tous  ces  romans  d'une 
prolixité  monotone. 

Nous  donnons  la  liste  d'un  assez  grand  nombre  des 
ouvrages  adjugés  et  des  prix  obtenus. 

8.  ALMANAGH  nouveau  des  citoyennes  bien  actives  de  Paris  consa- 
crées aux  plaisirs  de  la  République,  1793  ;  in-16,  dos  et  coins 
de  maroq.  noir,  non  rog.  —  30  fr. 

19-20.  L'ARTISTE,  1831  à  1854  et  années  diverses.  —  445  fr. 


556  BULLETIN  DU  BIBUOPHILE 

28.  BALZAC.  Peau  de  chagrin,  1838  ;  in-8,  d.-rel.,  premier  tira^. 

—  65  fr. 

30.  BALZAC.  Pet.  misères  de  la  vie  conjugale,  1845  ;  iii-8,  d.-rel. 

n.  rog.  —  41  fr. 

34.  BALZAC.  Œuvres  complètes.  Michel  Lévy^  1869-76  ;  24  ^1. 
in-8,  d.-rel.  mar.  n.  rog.  Exempl.  sur  Hollande.  —  255  fr. 

45.  BAUDELAIRE.  Œuvres  compl.  1868-70;  7  vol.  in-12,  dem. 
maroq.  non  rog.  Ex.  sur  Hollande.  —  162  fr. 

53.  BÉRANGER.  Chansons.  Paris^  1828;  2  vol.  in-8,  quarante 
lithographies  coloriées  d'Henri  Monnier,  d.-rel.  veau  rose,  non 
rog.  —  126  fr. 

56.  BÉRANGER.  Œuvres  complètes,  illustrées  de  cinquante-deux 
belles  grav.  de  Charlet,  de  Lemud,  Johannot.  Paris,  1847  ;  2  vol. 

—  Dernières  chansons^  1857  ;  1  vol.,  14  fig.  de  Lemud.  -  Ma 
biographie,  1857  ;  1  vol.,  4  port,  et  7  fig.  —  Musique  des  chan- 
sons de  Déranger.  120  fig.  de  Grandville  sur  Chine.  1865  ;  in-8, 
2  port,  de  Béranger  et  8  figures.  Eus.  5  vol.  in-8,  dos  et  coins 
mar.  bleu,  non  rog.  (Trautz-Bauzonrtet) .  —  550  fr. 

Très  bel  exemplaire  avec,  toutes  les  figures  de  premier  tuiaoe  sur  Chine 

AVANT  LA  lettre. 

64.  BERTRAND  (Louis).  Gaspard  de  la  nuit,  1842;  in-8,  d.-mar. 
non  rog.  —  60  fr. 

108.  DON  QUICHOTTE,  figures  de  Gustave  Doré  sur  Chine. 
Hachette,  1863  ;  2  vol.  in-fol.  carf.  —  42  fr. 

113.  CHAMPFLEURY.  Les  Chats,  1869;  in-12,  dem.-mar.  n.  rog. 

—  30fr. 

121.  CHEFS-D'ŒUVRE  du  roman  contemporain.  Quan^tn,  1885- 
1889  ;  14  vol.  in-8,  dem.-toile  n.  r.  —  135  fr. 

123.  CHEVIGNÉ.  Contes  rémois,  1858;  in-12,  dem.-mar.  n.  rog. 
premier  tirage.  —  40  fr. 

125.  CHODERLOS  DE  LACLOS.  Les  liaisons  dangereuses,  1796  ; 
2  vol.  iu-8,  veau,  tr.  dor.  (rel.  anc).  Papier  vélin,  fig.  avant  la 
lettre.  —  260  fr. 

138.  COLLECTION  MONNIER,  1884-1886  ;  14  vol.  in.8,  dem.-toile, 
n.  rog.  Exempl.  sur  Japon.  —  131  fr. 

149.  COURRIER  (Le)  français,  1887-1890;  4  années  en  8  vol.  in-fol., 
dem.-rel.  n.  rog.  —  107  fr. 


CHRONIQUB  DES  VENTES  557 

154.  LE  DANTE,  fig.  de  G.  Doré  sar  Chine.  Hachette,  1862-68  ; 
2  vol.  in-fol.  cart.,  premier  tirage.  —  94  fr. 

160.  DAUDET  /Alph.).  Œuvres  compl.  Dentu,  1881-87  ;  8  vol. 
in-8,  d.-rel.  non  rog.  Ex.  sur  Chine.  —  75  £r. 

188.  DORAT.  Œuvres  compl.  1764-1777  ;  20  vol.  in-8,  v.  m.,  tr. 
dor.  —  170  fr. 

im.  DREUX  DU  RADIER.  L'Europe  Ulustre,  1755-65  ;  6  vol.  pet. 
in-4,  V.  marb.,  premier  tirage.  —  281  fr. 

198.  DUMAS  fils.  Péchés  de  jeunesse,  1847  ;  in-8,  d.-rel.  —  35  fr. 

202.  —  Affaire  Qémenceau,  1867  ;  gr.  in-8  br.  Elx.  sur  Hollande. 

170  fr. 

221.  FENELON.  Telemaque,  1783;  2  vol.  in-4,  fig.  de  Monnet, 
mar.  rouge,  rel.  de  Bradel.  —  173  fr. 

225.    FLAUBERT.  Madame  Bovary,  1857  ;  édition  orig.  ;  2  vol. 
in-12  br.  —  25  fr. 

227.  —  Tentation  de  St- Antoine,  1874  ;  in-8,  dem.-rel.   non  rog. 
Ed.  orig.,  exemp.  sur  Hollande.  —  36  £r. 

228.  —  Le  même  livre,  papier  ordinaire,  même  condition.  —  21  fr. 

230.  —  Œuvres  comp.  Quantin,  1885  ;  8  vol.  in-8,  demi-toile,  non 
rog.  Ex.  sur  Hollande.  —  67  fr. 

234.  ŒUVRE  de  Jean  Fouquet.  Curmer,  1866  ;  2  vol.  in-4,  maroq. 

rouge.  —  250  fr. 

237.  LES  FRANÇAIS  peints  par  eux-mêmes.  Curmer^  1841  ;  9  vol. 
in-8,  d.-mar.  n.  rog.  Figures  noires  et  coloriées. —  150  fr. 

247.   GAUTIER  (T.).  Mademoiselle  de  Maupin.   Conquête  1883; 
2  vol.  in-8  br.,  fig.  de  Toudouze.  —  2(X)  fr. 

251.  GAVARNI.  Œuvres  choisies,  1846;  4  vol.  iii-4,  dem.-toile 
n.  rog.  —  70  fr. 

254.  GESSNER.  Œuv.  Renouard,  1799  ;  4  vol.  in^,  v.  f.,  tr.  dor. 
rel.  de  Bozérian.  Fig.  de  Moreau  avant  la  lettre.  —  171  fr. 

261.  GONGOURT  (de).  La  fille  Elisa  ;  in-12  br.  Ed.  orig.,  ex.  sur 

Holl.  -  25  fr. 

269.  —  La  Maison  d'un  artiste  ;  2  vol.  in-12  br.  Ed.  orig.,  exempl. 
sur  Hollande.  -^  30  fr. 


558  BULLETIN  DU  BEBLIOPHILE 

28i.  GOYA.  Gaprichos  ;  in-fol.  cuir  de  Russie  non  rog.  Bel  exem- 
plaire. —  450  fr. 

292.  GRANDVILLE.  Fleurs  animées,  1847  ;  2  vol.  gr.  in-8«  dem.- 
rel.  n.  rog.  —  50  fr. 

298.  HALEVY.  Abbé  Constantin.  Edit.  orig.,  ex.  sur  Hollande  ; 
broché.  —  34  fr. 

300.  —  Criquette,  même  condition.  —  19  fr. 

319.  HUGO.  Œuv.  compl.  51  vol.  in-8,  dem. -toile,  n.  rog.  Ex. 
sur  Hollande.  —  300  fr. 

330.  JAIME.  Musée  de  la  Caricature,  1838;  2  vol.  in-4,  dem.-rel. 
-240fr. 

335.  JANIN  (J.).  Œuvres  compl.  Jouamt,  1876-1881  ;  13  vol.  pet. 
in-8  br.  Ex.  sur  Chine.  —  34  fr. 

345  à  348.  LACROIX  (P.).  Moyen  âge.  —  Dix-septième  siècle.  — 
Dix-huitième  siècle.  —  Directoire.  Ens.  9  vol.  in-4,  d.-rel.  mar. 
Exempl.  en  grand  papier.  —  237  fr. 

356.  LA  FONTAINE.  Contes,  édition  des  fermiers-généraux;  2vol. 
in-8,  mar.  rouge,  dentelle,  rel.  de  Derome.  —  1020  fr. 

359.  LA  FONTAINE.  Contes,  1795;  2  vol.  in-4,  pap.  vélin,  20  fig. 
de  Fragonard,  mar.  vert  n.  r.  —  280  fr. 

380.  LES  LETTRES  ET  LES  ARTS.  Paris,  Boussod  et  Valadon, 
1886-1889  ;  16  vol.  in-4,  dem.-rel.  n.  rog.  —  1220  fr. 

404.  MAUPASSANT  (G.  de).  Maison  Tellier,  édit.  orig.,  pap.  de 
Hollande,  broché.  —  74  fr. 

405.  —  Une  Vie,  même  condition.  —  40  fr. 

406.  —  M"e  Fin,  même  condition.  —  33  fr. 

408.  —  Miss  Harriet,  même  condition.  —  23  fr. 

409.  —  Sœurs  Rondoli,  même  condition.  —  25  fr. 

410.  —  Clair  de  lime,  même  condition.  —  13  fr. 

412.  —  Au  soleil,  même  condition.  —  21  fr. 

413.  —  Toine,  même  condition.  —  14  fr. 

414.  —  Bel- Ami,  même  condition.  —  35  fr. 

416.  —  Yv(itte,  même  condition.  —  20  fr. 

417.  —  La  Petite  Roque,  même  condition.  —  21  fr. 


CHRONIQUE   DES  VENTES  559 

418.  —  Monsieur  Parent,  même  condition.  —  30  fr. 

419.  —  Mont  Oriol,  même  condition.  —  21  fr. 

454.  MOLIÈRE.  1734;  6  vol.  in-4,  fig.  de  Boucher,  v.  marb., 
premier  tirage.  —  250  fr. 

469.  MONTESQUIEU.  Temple  de  Gnide,  1772  ;  gr.  in-8,  fig.  de  Le 
Mire,  veau  marb.  —  195  fi*. 

482.  MUSSET.  Œuv.  Leynen^e,  1876-77  ;  11  vol.  in-12,  dem.-rel. 
toile.  Ex.  sur  Chine.  —  130  fr. 

493.  OVIDE.  Métamorphoses,  1767-1770  ;  4  vol.  in-4,  v.  m.  Bel  ex. 
de  second  tirage.  —  160  fr. 

525.  MANON  LESCAUT.  Launette,  1885  ;  in-4.  Ex.  sur  pap.  de 
Chine,  eaux-fortes  sur  Japon  et  tirage  à  part  des  vignettes  sur 
Chine.  —  145  fr. 

527.  RABAUT.  Précis  de  la  Révol.  fr.,  1792;  in-18  br.,  fig.  de 
Moreau  avant  la  lettre.  Forte  tache  au  premiers  fT.  —  47  fr. 

531.  IL\BELAIS,  fig.  de  G.  Doré.  Gamier,  1872;  2  vol.  in-fol. 
cart.  Pap.  de  HoU.,  fig.  sur  Chine.  —  77  fr. 

532.  RABELAIS,  fig.  de  Robida  ;  2  vol.  in-4,  dem.-tofle.  Exempl. 

sur  Chine.  —  58  fr. 

533.  RACIXET.  Costume  historique,  1888;  6  vol.  in-fol.  dem.- 
iiKiroq.  n.  rog.  —  230  fr. 

545.  RESTIF  DE  LA  BRETONNE.  Le  paysan  perverti  et  la 
paysanne  pervertie,  1776-1784  ;  8  vol.  in-12,  dem.-rel.  n.  rog.  — 

24Ô  fr. 

550.    -  Les  contemporaines,  1781-1785  ;  42  tomes  en  21  vol.  v.  m. 

105  fr. 

561.  —  Les  nuits  de  Paris,  1788-1791  ;  8  vol.  in-12,  dem.-rel.  — 

46  fr. 

562.  —  Monument  du  costume,  1789;  in-fol.  demi-rel.  26  pi.  (La 
21*^  planche  remontée  et  remplacée  par  une  épreuve  de  premier 
tirage-.  Ex.  médiocre.  —  219  fr. 

5S7.  ROMAN  DE  LA  ROSE,  1813;  4  vol.  in-8  cart.  Exempl.  imp. 
sur  peau  de  vélin.  —  255  fr. 

bm.  SAINTE-BIBLE,  1789-1804;  12  vol.  in-4,  dem.-reL  n.  rog. 
fig.  de  Marinier.  —  70  fr. 


560  BULLETIN  DU  BIBUOPHILB 

613.   SOCIÉTÉ   d'aquarellistes  français.  Launette,  1883  ;   2  vol. 
in-fol.  dem.-mar.  —  101  fr. 

615.  SOIRÉES  DE  MÉDAN.  Charpentier,  1880,-  in.l2  br.  Exerapl. 
sur  Chine.  —  55  fr. 

619.  STENDHAL.  Chartreuse  de  Parme.  Conquet,  1883  ;  2  vol. 
in-8  br.  —  72  fr. 

620.  —  Le  Rouge  et  le  Noir.  Conquête  1884  ;  3  vol.  in-8  br.  — 
83  fr. 

637.  MANUEL  DU  DRAGON,  1779;  in-12,  mar.  r.   aux  armes 
d'Albert  de  Luynes,  duc  de  Chevreuse.  —  51  fr. 

651.  VADÉ.  Œuvres  poissardes,  1798  ;  in-12,  v.  m.,  pap.  vél.,  fig. 
avant  la  lettre.  —  50  fr. 

660.  VOLTAIRE.  Romans  et  Contes,  1778;  3  vol.  in-8,  v.  m.,  tr. 
dor.,  fig.  de  Monnet.  —  150  fr. 

672.  ZOLA.  Fortune  des  Rougon.  Ed.  orig.  br.  —  36  fir. 

673.  ZOLA.  Contes  (et  nouveaux  contes)  à  Ninon,  éd.  orig.,  dem.- 
maroq.  non  rog.,  couv.  imp.  Pap.  de  HoU.  —  22  fr. 

674.  —  Assommoir,  même  condition.  —  100  fr. 

675.  —  Page  d'amour^  même  condition.  —  49  fr. 
679.  --  Nana,  même  condition.  —  12  fr. 

685.  —  Nos  auteurs  dramatiques,  même  condition.  —  15  fr. 

691 .  —  Au  bonheur  des  dames,  même  condition.  —  14  fr . 

695.  —  Germinal,  même  condition.  —  50  fr. 

704.  ZOLOÉ  et  ses  deux  accolytes,  an  vin  ;  in-18,  dem.*rel.  mar. 
n.  rog.,  frontispice  avant  la  lettre.  —  50  fr. 


CATALOGUE    DESCRIPTIF 

DE 

LIVRES  ET   PIÈCES  RARES 

EN  VENTE  AUX  PRIX  MARQUÉS  A  LA  LIBRAIRIE  TECHENER 


29.  —  La  sage  folie  ou  pensées  extraordinaires  dédiées  à 
Madame  la  duchesse  de  Portsmouth  par  le  très  R.  P. 
F.  Guillaume  Felle,  dominicain.  Imprimé^  1679  ;  in-8» 
de  8  iî.  prél.  et  160  pag.  dem.-rel.  vélin,  fil.  tr.  dor. 

24  fr. 

Petit  volume  fort  rare  que  nous  ne  trouvons  cité  dans  aucune  bi- 
bliographie ;  il  a  été  imprimé  en  Angleterre,  sinon  à  Londres.  C'est 
un  recueil  de  propositions  paradoxales  dont  voici  la  nomenclature  : 

1 .  On  ne  doit  pas  blâmer  ni  haïr  les  bâtards. 

2.  La  femme  est  plus  excellente  que  Vhomme. 

3.  Cicéron  fut  très  ignorant. 

4.  Il  vaut  mieux  n'avoir  point  de  valet. 

5.  Pauvreté  vaut  mieux  que  richesse. 
0.  Il  vaut  mieux  pleurer  que  rire. 

7.  Aristote  fut  ignorant  et  méchant. 

8.  Une  vie  obscure  vant  mieux  qu'une  vie  somptueuse. 

9.  Il  vaut  mieux  avoir  une  femme  stérile  cpie  féconde. 

10.  Les  œuvres  d'Aristote  ne  sont  pas  de  lui. 

11.  Il  vaut  mieux  être  laid  que  beau. 

12.  Il  vaut  mieux  être  fou  que  sage. 

13.  Ce  n'est  pas  chose  blâmable  que  d'avoir  une  femme  deshon- 
n«He. 

14.  Le  Décaméron  de  Boccace  ne  mérite  pas  d'être  lu. 
ir>.  Il  vaut  mieux  naître  au  village  cpie  dans  une  ville. 
U\.  La  guerre  vaut  mieux  que  la  paix. 

17.  Il  vaut  mieux  être  ignorant  que  savant. 

18.  L'ivrognerie  vaut  mieux  que  la  sobriété. 
10.  Il  vaut  mieux  être  timide  que  hardi. 

2()  Il  n'est  pas  mal  qu'un  prince  perde  son  état. 

21 .  Il  vaut  mieux  avoir  une  naissance  obscure    qu'illustre. 

22.  Il  vaut  mieux  être  en  prison  qu'en  liberté. 

1891  36 


562  BULLETIN   DU   BIBLIOPHILE 

2:).  Il  vaut  mieux  mourir  que  vivre  longtemps. 

24.  Il  vaut  mieux  (>tre  aveugle  que  voir  clair. 

25.  Il  vaut  mieux  être  exilé  que  rester  dans  sa  patrie. 

26.  La  disette  vaut  mieux  que  Ta^  ondance. 

27.  Une  petite  maison  vaut  mieux  qu'un  palais. 

28.  G  est  un  sot  qui  pleure  sa  femme. 

29.  Il  n'est  pas  mauvais  d'être  blessé  et  battu. 

30.  Il  vaut  mieux  être  faible  que  robuste. 

La  duchesse  de  Porthmouth,  à  laquelle  le  volume  est  dédié,  est 
cette  demoiselle  de  Kéroualle  qui  accompagna  Henriette  d'Angle- 
terre à  l'entrevue  de  Douvres  (1070)  et  devint  la  favorite  de  Charles  II . 
Ses  charmes  ne  furent  pas  inutiles  au  succès  des  négociations  qui 
aboutirent  à  l'alliance  du  roi  d'Angleterre  et  de  Louis  XIV. 


30  —  Fables  nouvelles,  en  vers,  Paris,  C.  Blageart.  1685; 
in-12  de  4  (T.  148  pag.,  front,  gr.,  par  Mavelot, 
d.-rel.,  V.  30  fr. 

Rare.  Ces  fables,  traduites  du  latin  de  Jacques  Régnier,  médecin 
à  Beaune,  ont  été  attribuées  h  Donneau  de  Vizé,  puis  h  d'Aubigay. 
Le  catalogue  de  Simpson  et  M.  Weiss  {Biofjraphie  universelle)  les 
attribuent  à  Moreau  de  Mautour;  les  trois  têtes  de  Maure,  qui  figu- 
rent dans  les  armoiries  gravées  sur  le  frontispice,  donneraient 
quelque  probabilité  à  cette  opinion.  Cependant,  on  est  convenu  de 
restituer  cette  traduction  à  un  sieur  Daubaine,  poète  fort  inconnu, 
dont  le  nom  se  trouve  en  tête  d'une  des  fables  de  ce  recueil,  insérée 
dans  le  Mercure  galant  de  1682. 

L'abbé  Goujet  dit  que  a  la  versification  lui  a  paru  aisée,  naturelle, 

et  que  l'expression  est  pure  » .  Ces  fables,  au  nombre  de  trente, 

sont  suivies  d'un  Beau  mot  d'une  servante  d'hostdleiHej  des  Paroles 

du  poète  Anaxagoras,  et  d'un  conte  intitulé  Le  ver-luisant,  VA- 

beille  et  le  ver-à-soie.  —  Ce  conte,  qui  n'a  pas  moins  de  I^JOO  vers, 

est  la  pièce  la  plus  singulière  du  volume.  Un  ver-luisant,    logé  au 

pied  d'une  ruche,  devient  amoureux  d'une  abeille  qui  le   paie  de 

retour. 

Et  sans  souci,  sans  inquiétude, 

Siitisfnisant  leurs  passions. 

Ils  passèrent  deux  ans  dans  ce  doux  badinage. 

Or,  le  ver  luisant  avait  beaucoup  d'esprit.  II  dansait  et  chantait 
fort  agréablement  et  Jouait  passablement  de  la  guitare  ;  il  écrivait  ea 
prose  et  en  vers.  (^)uant  à  l'aboille,  elle  jouait  du  clavecin,  parlait 


CATALOGUE  DE  UVRES    ET   PIECES  RABES  563 

itdiei)  et  nii^iiic  un  peu  latin,  lisait  l'histoire  et  jusqu'uux  livres  de 
blasoD.  Les  amours  d'un  ver-luisant  cl  d'une  abeille,  et  les  talents 
iinagiuaires  des  deux  amaats,  semblent  une  allusion  -A  rhieloîre 
godante  d'un  couple  appartenant  à  la  société  que  fréquentait 
l'auteur. 


M.  - 


C  ïa  p;iût)i)étte 

&M99apCrfiMbii  Ot^S  Cnccq  :  CoaiKlif 
trmmU  tumfMa  te  Sfaïii^ny  £«|a< 


Petit  iii-8°  golh.  de  4  ff.  non  chifT.,   27  lig.,  à  la 
[laf^e,  lion  relié.  120  fr. 

Cette    bigarre    prophétie,  écrite    dans  un  style    apocalyptique, 
.1  chrélienlc  d'horribles  malheurs  qui   ne  prendront  fin 


5(54  BULLETIN  DU  BEBLIOPHILE 

qa*aprè8  la  conversion  du  Grand-Turc.  «  Nous  auons  perdu  le  vray 
chemin  de  Jésus  redêpteur  divin^  il  est  courroucé  contre  les  chres* 
tiens.  Le  turc  fera  une  grade  armée  contre  les  chrestians.  »  Suit  la 
peinture  lamentable  des  massacres  qui  désoleront  les  contrées 
envahies.  «  Helas  cobiê  de  fëmes  seront  vefues.  Helas  quât  grâd 
nombre  de  damoiselles  serôt  violées  avecques  grâd  fureur,  seront 
tirées  et  ropues  de  ca  et  de  la  sas  aulcune  advertêce,  porterôt  la 

penitêce  pour   nos  grâds  péchez Gôbiê  de  esponses  plorerôt 

pour  doleurs  de  leurs  maritz,  elles  rôpront  leurs  beaulx  cheveulx 

côme  se  elles  fussêt  hors  de  leurs  sâs GÔbien  de  poures  labou* 

reurs  serùt  mal  menez,  leurs  beufz,  vaches,  veaulx,  moutôs^  frou- 
ment,  grains  et  vins  leur  seront  usurpes  et  prins  par  force  de 
iceulx  turcz.  »  Enfîn,  un  saint  homme  viendra  au  secours  des  chré- 
tiens ;  il  convertira  les  mécréants  :  c  Toute  icelle  gêt  prêdront  le 
baptesme  ;  pmieremêt  le  turc  luy  mesme  laissera  Mahomet  ;  cestuy 
sait  glorieux  ne  est  poît  trop  côgneu,  il  est  caché  en  sa  chambrette 
affin  de  ne  estre  poTt  veu,  il  sera  le  bouclier  de  la  saîcte  foy  ;  frère 
et  de  lordre  de  saîct  augustin,  ainsi  le  veult  dieu  diuin.  »  Le  pro- 
phète engage  tous  les  chrétiens  à  bien  faire,  pour  que  Dieu  oc  veuille 
faire  eschapper  tout  le  monde  de  mal  »,  et  il  termine  Tiinsi  :  «  0 
benîg  auditeur,  cy  ie  fais  fin  a  mô  traicté,  sera  donc  le  turc  baptise 
par  le  miracle  dung  sainct  homme  ». 

L(;  verso  du  dernier  feuillet  est  occupé  par  une  prédiction  annon- 
çant la  venue  de  f  la  très  mauvaise  beste  avec  queue  »,  d*une  très 
grande  multitude  de  serpents,  d'un  certain  roi  qui  f  sera  faict 
seigneur  de  la  vefue  et  saincte  cité  aux  pties  du  timbre  (Tibre)  ». 

Faut-il  chercher  quelque  signification  historique  dans  cet  amal- 
game de  pronostics  étranges  ?  Peut-être  l'auteur,  en  menaçant  la 
chrétienté  d'une  invasion  ottomane,  exhorte-t-il  indirectemeHt  les 
princes  de  FOccident  à  oublier  leurs  querelles  pour  s*unir  contre 
Tennemi  commun  ;  peut-être  ce  conseil  s'adresse-t-il  surtout  k 
François  I^rqui,  en  ce  temps  mt^me,  était  Tallié  déclaré  du  redou- 
table Soliman. 

Pourquoi  le  saint  homme  qui  doit  convertir  le  Grand  Turc  est-il 
de  Tordre  de  Saint-Augustin,  auquel  appartenait  Luther?  Le  pro- 
phète a-t-il  voulu  consoler  les  Augustins  de  la  défection  du  réfor- 
mateur en  reservant  à  un  des  leurs  la  gloire  d'une  si  éclatante 
conversion  ? 

Il  est  dit  dans  lo.  titre  que  la  prophétie  est  f  nouvellement  trans- 
latée de  Italien  en  langue  fran^oyse»  Où  avait  paru  l'original  italien? 
A  Venise  peut-être  ;  car  le  prophète  fait  volontiers  l'éloge  de  la 
Kén'nissime  république  :  «  Venissiès  ont  mérité,  Yenissiês  ont  esté 


CATALOGUE  DE  LIVRES  ET  PIÈCES   RARES  565 

deffenseurs  de  leglise.  Ils  ont  despêdu  leurs  trésors,  ils  doibvent 
estre  seigneurs  » .  Il  semble  que,  seule  de  toutes  les  puissances 
chrétiennes,  Venise  ait  fait  son  devoir  envers  TËglise,  etil  ne  serait 
pas  étonnant  que  le  Jérémie  de  1544  ait  été  un  habitant  des  lagunes. 


32  —  Description  de  Tisle  de  la  Jamaïque,  et  des  diCFérents 
objets  remarquables  qui  s'y  trouvent  ;  trad.  de  Tangl. 
par  M.  Pingeron,  Avignon,  1782  ;  in-12,  de  58  pag., 
cart.  18  fr. 

Jean-Claude  Pingeron,  capitaine  d'artillerie  et  ingénieur  au  ser- 
vice de  Pologne,  fut  ensuite  attaché  au  bureau  des  plans  des  bâti- 
ments du  roi  à  Versailles,  où  il  mourut  en  1795;  il  était  né  à  Lyon 
vers  1730.  Il  a  publié  un  assez  grand  nombre  de  traductions  d'ou- 
vrages italiens  et  anglais.  Sa  Description  de  la  Jamaïque  est  dédiée 
à  A/A/,  les  Membres,  associés-libreSy  interprètesy  correspondant»- 
rêsideyits  et  correspondants-voyageurs  du  Musée  de  Paris,  société 
dont  Pingeron  était  le  secrétaire. 

Une  note  très  étendue  fournit  de  curieux  renseignements  sur  le 
Musée  de  Paris,  fondé  en  1780,  pour  réunir  les  savants,  les  litté- 
rateurs et  les  artistes.  En  1782,  Court  de  Gébelin  était  le  président 
de  cette  société,  qui  s'assemblait  tous  les  jeudis,  en  son  hôtel,  me 
Dauphine.  Parmi  les  61  membres  cités  par  Pingeron,  on  remarque 
Franklin,  Volta,  de  Lacépéde,  de  Cailhava,  de  Piis,  Mercier,  Monet 
et  Hoùel,  peintres  du  roi,  Gaucher,  graveur,  etc.,  etc. 

La  description  de  la  Jamaïque  contient  des  détails  intéressants 
sur  la  topographie  et  l'histoire  naturelle  de  cette  île,  ainsi  que  sur 
les  mœurs  et  coutumes  de  ses  habitants  ;  elle  est  la  traduction  d'un 
article  de  VUniversal  Magazine^  d'avril  1773. 


33  —  Factum  poétique  pour  Christophe  Polony,  vray 
orviétan  de  Rome,  contre  Contugy  Spacamont,  bate- 
leur. S.  cf.  (Toulouse,  1656)  ;  pet.  in-8  de  19  pag.  20  fr. 

Pièce  singulière  fort  rare,  en  458  vers,  qui  peut  servir  à  fixer  la 
date  de  l'introduction  de  l'Orviétan  en  France,  par  des  charlatans 
italiens.  Christophe  Polony^  se  prétendant  Tunique  possesseur  da 
secret  de  cet  antidote,  était  à  Montpellier,  lorsqu^il  apprit  qu'on 
certain  Contugy,  se  disant  successeur  de  rinventeur  de  l'Onôétan, 


566  BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

avait  obtenu  un  arrêt  du  parlement  de  Toulouse  pour  débiter 
remède.  Il  accourt  à  Toulouse  et  présente  une  requête  au  Parlement. 
La  Gour,  avant  de  faire  droit,  arrête  que  l'antidote  sera  éprouvé  sar 
des  animaux.  Cet  arrêt  est  daté  du  14  mars  1656.  L'expérience  faite 
sur  des  pourceaux  donne  gain  de  cause  à  Poiony.  Le  procès-verbal 
de  Laurent  Ferrier,  député  par  le  Parlement,  est  datée  du  6  mai  de 
la  même  année.  Gontugy  fut  obligé  de  s'enfuir  de  Toulouse,  à  la  suite 
d'une  émotion  populaire.  Le  récit  de  la  contestation,  la  requête» 
l'arrêt  et  le  procès-verbal  sont  en  vers  français.  A  la  suite  du  ffictum 
poétique^  quelques  épigrammes,  dont  deux  en  patois  languedocien, 
en  l'honneur  de  Poiony  et  contre  son  rival  ron^beureux. 

Le  passage  le  plus  piquant  du  poème  est  l'extrait  du  procès-ver- 
bal relatif  à  l'épreuve  faite  sur  les  deux  pourceaux  ;  tandis  que  le 
sujet  de  Gontugy  est  trouvé  mort,  celui  de  Poiony  est  tout  ragail- 
lardi par  rOviétan  qu'il  vient  d'absorber  : 


le  ne  trouvé  donc  qu'un  pourceau, 
Avec  un  ruban  à  la  cuisse, 
Qui  cherchait  du  som  et  de  l'eau. 
Qu'on  lui  donna  sans  avarice. 
Lors  Poiony  sans  regarder 
Autre  chose  que  cette  beste, 
La  fit  soigneusement  garder. 
Puis  qu'elle  faisoit  sa  conqucstc; 
Car  sortant  de  cette  prison, 
Elle  faisoit  mille  gambades. 
Et  sembloit  avec  cfue  raison 
Se  mocquer  de  ses  camarades. 


34.  —  Ad  christianissimum  regem  Galliae.  De  eanibus  et 
venatione  libellas.  Authore  Michaele  AngeloBlondo. 
In  quo  omnia  ad  canes  spectantia,  morbi  &  medica- 
mina  continentur,  prisca  &  neoterica  etiam  exempla, 
a  nemine  hactenus  accuratius  scripta,  insidiae  fera- 
rum,  &  proprietates,  cuni  quibusdam  venationibus 
nostri  soeculi  maximorum  principum  cognitu  dignis- 
simis.  Romae,  1544;  in-4o  de  37  feuillets  numérotés 
en  chiffres  romains,  plus  3  feuillets  non  chiffrés  pour 


CATALOGUE  DE  LIVRES  ET  PIÈCES  RARES  567 

la  table.  (A  la  fin  :)  Impressum  Romae  apad  Antonium 
Bladiim  Asulanum.  M.D.XLIIII  ;  parch.  95  fr. 

Le  traité  de  Blondus  est  divisé  en  quatre  parties  :  I,  du  choix  des 
chiens  et  de  leur  différentes  espèces,  de  cane  tnllatico,  de  cane  pas- 
toraliy  etc.,  avec  quelqncs  historiettes  sur  la  fidélité  et  la  sagacité 
de  ces  animaux  ;  II,  maladies  des  chiens,  gale,  vomissements,  toux, 
rage  et  le  reste  ;  III,  examen  des  diverses  parties  du  chien,  poil , 
dents,  langue,  etc  ;  IV,  de  la  chasse,  et  spécialement  de  la  chasse 
au  loup,  au  renard  et  à  Tours. 

Bel  exemplaire  d'un  livre  très  rare  ;  ii  provient  de  la  bibliothèque 
Sunderland. 


35.  —  HuTTEN  (Ulrîchi  de)  equitis  Germani.  Aula  dialo- 
gus.  Jn  fine  ./  In  officina  exciisoria  Sigismundi  Grimm 
Medici  et  Marci  Vuyrsung.  Anno  Virginei  parlas, 
M. D. XVIII  (1518K  die  vero  xvii  septembris  ;  in-4», 
front,  avec  encadrement  sur  bois,  cart.  24  fr. 

Les  interlocuteurs  du  dialogue,  dédié  par  Hutten  au  médecin 
Auerbach,  sont  Castus  et  Misaulus.  Aux  félicitations  de  son  ami 
qui  admire  son  riche  costume,  Misaulus  répond  qu'il  regrette  ses 
haillons  d'autrefois  et  il  fait  à  Gastus  un  tableau  navrant  des  mi- 
sères (le  la  Cour  :  Omnia  serviliter^  omnia  suppliciter  agere  ; 
nunquam  lui  juris  esse;  magnis  diu  labaribua,  rmdtis  vigUiiê 
farovem  Iwyninis  captare....;  nihil  dicere  quod  sentias,  sed  quod 
conveniat  ;  plurima  dehere,  plurima  accepta  referre  ;  assentari^ 
adidari  ;  ipsum  te  négligerez  omnia  alterius  curœ  mancipata 
hahcre  ;  indigna  nudta  facerCy  multa  paix,  telle  est  la  vie  du 
courtisan  Est-il  étonnant  qu'après  cette  lamentable  énumeration 
(et  nous  l'avons  abrégée),  Gastus  s'écrie  :  Mare  malorum  commet 
moras  ?  Oui ,  une  mer,  reprend  l'infortuné  Misaulus ,  semée 
d'écueils  ilont  le  plus  redoutable  est  la  colère  du  prince,  infestée 
par  les  pirates,  fertile  en  naufrages  ;  que  Gastus  se  garde  bien  de 
s'y  aventurer. 

A  la  suite  du  dialogue,  du  même  Ulrich  de  Hutten,  Prognosticum 
ad  ammm  M.D.XVT.  ad  Leoncm  X.  Pont.  Max.  Carmen Heroicum 
éloquente  déclamation  sur  les  guerres  qui  désolent  l'Italie.  Pourquoi 


568  -    BULLETIN  DU  BIBLIOPHILE 

les  nations  chrétiennes  n'unissent  pas   leurs  efforts     contre-elles 
Tennemi  commun  : 

lani  salis  hoc  luiniuesy  superet  de  sanguine  nostro 
Quod  melius  liceat  rabidis  offundere  Turcis, 

Brunet  cite,  d'après  la  Bibliotheca  pinelliana^  l'ouvrage  suivant 
de  Hutten  :  Ulrici  de  Hutten  Aula,  dialogua,  Iulius...,  vive  satire 
contre  le  pape  Jules  II,  qui  n'a  rien  de  commun,  malgré  la  simili- 
tude des  titres,  avec  l'opuscule  dont  nous  parlons. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Lettres  inédites.  Lettres  oubliées. 
l.  Trois  lettres  de  Henri  TV.  —  II. 
Un  plaidoyer  en  faveur  du  sexe 
faible,  Marguerite  de  Valois  et  le 
P.  Loriot  S.  J.  —  III.  A  propos  du 
divorce  de  Henri  IV,  publ.  par 
M.  l'abbé  Ch.  Urbain.        p.  413-432 

—  Lettres  inédites  de  Nicolas  Thoj'- 
nard,  l'abbé  Nicaise,  du  Gange  et 
Hadrien  de  Valois  à  Guillaume 
Prousteau  (1679-1693)  publiées  par 
M.  Ch.  Cuissard.  p.  439-456 

MÉLANGES  HISTORIQUES ,  BIBLIOGRA- 
PHIQUES ET  LITTÉRAIRES  :  Les  Ori- 
gines de  l'Imprimerie  à  Hesdin-en- 
Artois,  par  M.  A.  Glaudin.     p.  6-17 

—  Marie  Puech  de  Calages,  femme 
poète  du  XVII*  siècle,  par  M.  E. 
Duboys.  p.  18-29 

—  Étude  sur  les  livres  à  figiu-es  véni- 
tiens de  la  fin  du  xv  siècle  et  du 
commencement  du  xvi*,  par  le  Duc 
de  Rivoli.  —  Suite  .    .      p.     30-71 

—  Suite p.    97-128 

—  Suite p.  249-269 

—  Fin p.  330-374 

—  Coup  d  œil  sur  les  almanachs 
illustrés  du  x\iii*  siècle,  par  le 
Vicomte  de  Savigny  de  Moncorps. 

p.  129-151 

—  Un  sonnet  inédit  attribué  à  Boileau, 
par  le  Baron  Double.        p.  162-163 

—  La  Bibliothèque  et  le  Grenier  de 
M.  Charles  Cousin,  par  M.  G.  Paw- 
lowsky.  p.  164-171 

—  Origines  de  l'Imprimerie  à  Reims, 
par  M.  A.  Claudin.  p.  193-211 

—  Mnïoli  et  sa  famille  à  propos  d'un 
livre  (le  la  bibliothèque  de  Lyon, 
par  M.  Aimé  Vingtrinier.  p.  211-241 

—  Une  femme  bibliomane  :  Made- 
d  moiselle  Yve,  par  G.  B.  p.  242-284 


—  Errata  du  coup  d'œil  sur  les  alma- 
nachs illustrés  du  xvm*  siècle. 

p.  269 
~  Rabelais  voyageur,  par  M.  Georges 

Vicaire.  p.  283-284 

~  A  propos  de  J.  de  Barclay,  par 

M.  l'abbé  Ch.  Urbain.        p.  315-330 

—  Une  page  inédite  de  la  chronique 
des  élections  à  l'Académie  française. 
Succession  de  l'abbé  Paul  Talle- 
mant,  par  M.  Em.  Duboys.  p.  433-438 

—  A  propos  d'un  livre  annoté  par 
Voltaire,  par  M.  E.  Delaplace. 

p.  470-472 

—  L'Imprimerie  à  Toulon,  par  M. 
Robert  Reboul.  p.  495 

—  La  MédaiUe  de  Louis  XIV,  par  le 
Baron  Double.  p.  491 

—  Les  faussaires  de  reliures,  par  M. 
A.  Claudin.  p.  513 

BiBUDORAPHiE.  Llvres  anciens.  Bi- 
bliographie d'un  amateur.  Descrip- 
tion et  analyse  de  livres  anciens 
rares  et  curieux. 

10.  Elégie  sur  le  despart  de  Marie 
Stuart.  p.  1-5 

11.  Histoire  antique  et  merveilleuse 
du  chasteau  de  Vicestre.  p.  152-161 

12.  Discours  du  triomphe  des  nopces 
du  roi  de  Navarre.  p.  481 

—  Bibliographie  de  quelques  alma- 
nachs illustrés  du  xvm*  siècle  (1759- 
1790)  par  le  Vicomte  de  Savigny  de 
Moncorps.  p.  289-314 

—  Fin p.  385-412 

—  Bibliographie  des  éditions  illus- 
trées des  fables  de  La  Fontaine 
(1678  à  1757)  par  M.  le  docteur  A. 
Després.  p.  457-469 

Revue  cRrnQCE  des  pdbucationk 
NOUVELLES,  par  MM.  Georges  Vi- 


570 


BULLETIN   DU  BIBLIOPHILE 


caire,  Tamizey  de  Larroque,  Pierre 
L.  d'Arc,  E.  Delaplace. 

—  Nouvel  Armoriai  du  Bibliophile,  par 
Joannis  Guigard.  p.  72-79 

—  L'Evénement  de  Veurennes,  par 
Victor  Fournel.  p.  79-80 

—  Documents  sur  la  Révolution  fran- 
çaise. La  Révolution  dans  le  dépar- 
tement de  VYonne,  par  Henri  Mon- 
ceaux, p.  80-82 

—  Étude  sur  la  reliure  des  livres,  par 
Gustave  Brunct.  p.  83 

—  Les  lunettes  de  Princes,  par  Meschi- 
not.  P-  84 

—  La  loi  Gombette,  reproduction  de 
tous  les  manuscrits  connus,  recueil- 
lis, publiés  et  annotés  par  J.  E. 
Valentln  Smith.  p.  172-174 

—  Notes  pour  servira  l'histoire  de  l'im- 
primerie d  Niort  et  dans  les  Deux- 
Séorc».  par  Henri  Qouzot.  p.  174-177 

—  Catalogue  des  manuscrits  de  la 
bibliothèque  de  l'Institut,  rédigé 
par  Fernand  Boumon.  p.  177 

—  Bibliographie  des  écrits  relatifs  d 
Mandrin,  par  Edmond.  Maignien. 

p.  178 

—  Traité  complet  de  la  science  du 
blason  d  l'usage  des  bibliophiles,  par 
Jouffroy  d'Eschavannes.  p.  178-179 

—  L'Evasion  de  la  Valette,  documents 
publiés  par  Georges  d'Heylli.  p.  179 

—  Œuvres  poétiques  de  Berfauf ,  pu- 
bliées par  Adolphe  Chenevière, 

p.  179-180 

—  Les  Régiments  d'autrefois,  par 
Oscar  de  Poli.  p.  180-182 

—  Les  Bibliothèques  communales,  par 
Jules  Loiseleur.  p.  182-184 

—  -  Les  fables  de  La  Fontaine,  par  A. 

Delboulle.  p.  184-186 

—  Essai  de  bibliographie  charitable, 
par  Camille  Granler.         p.  270-271 

—  La  vie  d'autrefois.  Variétés  gastro- 
nomiques, par  Alfred  Franklin. 

p.  271-272 

—  Œuvres  de  Brantôme.  Paris,  Pion, 
tome  X.  p.  272-273 

—  Diderot.  Le  Neveu  de  Rameau,  pub. 
par  Monvnl.  p.  273 

—  Etudes  sur  A.  de  ^fusset,  par  la 
Vicomtesse  de  Janzé.  p.  274 


—  Théophile  Foi»set,  par  Henri  Bois- 
sard.  p.  275-277 

—  Cabinet  (tun  curieux  (biblioth.  du 
Baron  Double).  p.  277-2S1 

—  Rapports  inédits  du  lieutenant  de 
police  René  d'Argenson,  publiés  par 
Paul  Cottin.  p.  376 

—  Les  tragédies  de  Montchrestien , 
nouvelle  édition  par  L.  Petit  de 
JullevUle.  p.  377 

—  Pétrarque.  Eglogues  traduites  pour 
la  première  fois  par  Victor  Develay. 

p.  378 

—  Chansons  de  Piis.  Rouquette,  1890. 

p.  378 

—  Geoffroi  de  Villehardouin.  La  con- 
quête de  Constantinople,   texte   et 
traduction    nouvelle    par    Emile' 
Bouchet.  p.  546. 

—  Mémoire  sur  la  bataille  de  Courtrai, 
I       par  M.    Frantz  Funck   Brentaao. 

p.  S49 

—  Les  arts   de   l'ameublement,    par 
I       Henri  Havard.  p.  S50 

—  Lettres  de  Pétrarque  à  Jean  Bocaee, 
traduites  pour  la  première  fois  par 
Victor  Develay.  p.  551.. 

—  Zoan  Andréa  et  ses  homonymes,  pmr 
le  duc  de  Rivoli  et  Charles  Ephrussl. 

p.  551 

Catalogue  descriptif  de  livres  et 
pièces  rares  en  vente  aux  prix  mar- 
qués a  la  librairie  Techener. 

—  1.  Souuerain  remède  contre  les 
maladies,  pet.  in-8,  goth.      p.  87-88 

—  2.  Grande  prophétie  aultrefoys 
prophetizée  par  ung  Roy  de  Perse; 
pet.  in-8.  goth.  p.  88^ 

—  3.  Mutus  liber.  1677;  in-fol.  p.  90-91 

—  4.  Asscrtio  septem  sacramentonim 
adversus  Martinum  Luthenim , 
1522:  in-4.  p.  91-98. 

—  5.  U.  de  Hutten,  equitis  Germ. 
Invectivae  très  in  hier.  Aleandrum 
et  Marin.  Caracciolum,  Leonis  X- 
orntores  in  Germania...  1521;  in-4. 

p.  92-94 

—  G.  La  rencontre  de  Henry  le  Grand 
au  Roy  pendant  le  voyage  d'Espa- 
gne. 1G13:  in-8.  p.  94^ 

—  7.  Annotations  plaisantes  sur  la