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HARVARD UNIVERSITY.
UBRARY
OF THE
MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY.
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NOV S 1
BULLETINS
lU
DE
L'ACADEMIE ROYALE
DES
Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts
DE BELGIQUE.
67me ANNÉE, 5me SÉRIE, T. XXXIII.
1897
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BRUXELLES,
HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
Rue de Louvain. 112.
1897
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BULLETINS
DE
L'ACADÉMIE ROYALE
DES
Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts
DE BELGIQUE.
BULLETINS
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L'ACADEMIE ROYALE
DES
Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts
DE BELGIQUE.
(I7me ANNÉE. 5"ie SÉRIE, T. 55.
1897
HRUXELLES,
HAYEZ, IMPRIMEUR DE L ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES LETTRES ET DCS BEAUX-ARTS DE BELGIQUE,
Rue de Louvain, 112.
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BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
1897. — N° 1.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 9 janvier 1897.
M. Al. Brialmont, directeur pour 1896, occupe le fau-
teuil.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. Alfr. Gilkinet, directeur pour 1897;
lebaronEdm.de SelysLongchamps, G. Dewalque, E.Can-
dèze, Éd. Dupont, C. Malaise, F. Folie, Alph. Briart,
F. Plateau, Fr. Crépin, J. De ïilly, Ch. Van Bambeke,
G. Vander Mensbrugglie, M. Mourlon, P. De Heen, C. Le
Paige, F. Terby, J. Deruyts, H. Valérius, L. Fredericq,
J.-B. Masius, membres; A. -F. Renard, L. Errera, J. Neu-
berg, A. Lancaster et G. Cesàro, correspondants.
MM. Henry, Mansion et Lagrange écrivent pour motiver
leur absence.
Ome SÉRIE, TOME XXXIII. 1
( 2 )
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
transmet :
1° Une ampliation : a) de l'arrêté royal, en date du
16 décembre dernier, nommant président de l'Académie,
pour l'année 1897, M. le comte E. Goblet d'Alviella,
directeur de la Classe des lettres pendant la même année;
b) un arrêté royal du 28 du même mois approuvant l'élec-
tion de M. V. Masius, en qualité de membre titulaire de
la Classe;
2° a) Une requête, avec annexe, de M. le D1 Paul
Masoin, assistant à l'Université de Louvain, qui demande
à être envoyé à la station zoologique de Naples pour y
étudier l'action de quelques substances sur la vitalité de
certains organismes ou sur le cœur de certains Mol-
lusques; b) une lettre de la Société royale belge de géo-
graphie demandant que M. Taquin, docteur en médecine
et membre de l'expédition antarctique belge, soit envoyé
en mission à la même station.
— Commissaires : MM. Van Beneden, Van Bambeke,
L. Fredericq et Errera.
— MM. Masius, élu membre titulaire, et Mendeléeff,
Beltrami, Janssen et des Cloizeaux, élus associés, adres-
sent leurs remerciements.
( 3)
MM. (.. Cesàro, De Bruyne, Heymans, Van der
Stricht, Massart et Lancaslcr (au nom du Comité de
rédaction de Ciel et Terra, remercient pour les distinc-
tions académiques qu'ils ont remportées.
M"" Jeannette du Bois-Reymond, née Claude, notifie
la mort de son mari, M. le professeur D1 Emile-Henri du
Bois-Reymond. ;issocié de la Classe, et secrétaire perpé-
tuel de l'Académie royale des sciences de Berlin, décédé
en cette ville, le 26 décembre 1896, à l'âge de 7(J ans.
Une lettre de condoléances sera adressée à Mrae veuve du
Bois-Reymond.
- M. Stanislas Cannizzaro, associé de la Classe, à
Home, remercie pour les marques de sympathie qui lui ont
été adressées à l'occasion de son soixante-dixième anni-
versaire. Il ofl're, en même temps, le compte rendu de la
cérémonie ainsi que quelques-uns de ses écrits publiés
pour la circonstance. — Remerciements.
— La Classe accepte le dépôt dans les archives d'un
pli cacheté adressé le G janvier par M. Folie.
— M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio-
thèque de l'Académie, un exemplaire du tome VI des
OEuvres de Galilée. — Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
1° Scritti intorno alla teoria moleeolare ed atomica ed
alla notazione chimica; par S. Cannizzaro;
2° Onoranze al professore Stanislao Cannizzaro (Mil
luglio 1896). Rendiconto générale;
( 4)
5" a) Les bactériacées de la houille; b) Notice sur les
calamariees (suite); par B. Renault, associé, à Paris;
•1° Station agronomique et laboratoires d'analyses de
l'État, 1871-4896; llapport présente au Ministre de l'Agri-
culture et des Travaux publies; par A. Peteniianu. (Pré-
senté par M. C. Malaise avec une note);
5° Annuaire pour l'an /<S\97, publié par la Société belge
d'astronomie. (Présenté par M. ïerby avec une note);
6° Cultures spéciales. Expériences de Borsbeke lez-Most,
1890-1896, par P. De Vuysl. (Présenté par M. L. Errera
avec une note.)
— Remerciements.
Les notes bibliographiques de MM. Malaise, Terby et
Errera figurent ci-après.
— Travaux soumis à l'examen :
4. Établir les relations <jui existent, au point de vue
lithologique, entre les roches considérées connue cambriennes
des massifs de Rocroi, du Brabant el de Stavelot (avec
4 planches); par Jean De Windt, docteur en sciences
naturelles.
Commissaires : MM. de la Vallée Poussin, Malaise et
Renard.
2. Étude sur les effluves électriques, deuxième partie,
suite (Sur le spectre de quelques vapeurs); par Alex, de
llemptinne.
Commissaires : MM. De Heen, Van der Mensbrugghe
et Spring.
•
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
J'ai l'honneur d'offrir, au nom de M. A. Petermann,
directeur de la station agronomique de l'Etat a Gem-
bloux, le Rapport qu'il a présenté au Ministre de l'Agricul-
ture el des Travaux publics, dans lequel se trouve tout ce
qui concerne la station agronomique el les laboratoires
d'analyses de l'État, depuis vingt-cinq ans, date de leur
création.
On v voit un exposé de l'historique et de l'organisa-
tion actuelle, ainsi qu'une notice sur ces utiles établis-
sements h sur leurs travaux effectués pendant cette
première période de vingt-cinq années, el «Joui plusieurs
ont été favorablement accuellis par l'Académie. L'ou-
vrage est illustré de quinze photographies.
(]. Malaise.
J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de M. Fer-
nand Jacobs, président «le la Société belge d'astronomie,
r Annuaire que «elle Société vient de faire paraître pour
l'année 1897.
Ce volume, comme le dit avec raison M. Jacobs dans
son avant-propos, s'adresse aux savants qui y trouveront
l'indication complète des phénomènes astronomiques,
avec leurs particularités, pendant l'année qui vient de
commencer, aux amateurs astronomes et météorologistes,
qu'il aidera à effectuer leurs observations par lesinstruc-
( «
lions qui y sont condensées. Le relevé chronologique des
observations à faire s'est enrichi de l'indication des
phénomènes périodiques du règne animal et du règne
végétal.
U Annuaire contient cette année une notice de
M. E. Lagrange sur Les unités électriques, des Instructions
pour effectuer des observations météorologiques dans les
régions tropicales et plus particulièrement au Congo, par
M. J. Vincent; une notice Sur les cadrans solaires, par
M. le capitaine Le Maire; des Conseils pour la photogra-
phie des nuages; un Supplément aux instructions pour
l'observation des nuages et une Revue climatologique annuelle,
par M. J. Vincent.
Cet Annuaire a été rédigé sous la direction de
MM. P. Stroohant et J. Vincent, de l'Observatoire royal,
et avec l'aide, pour les calculs, de MM. G. Balat, De
Banterlé, De Ceuster, Ch. Fiévez et Edgard Jacobs.
F. Terby.
M. P. De Vuyst, inspecteur-adjoint de l'Agriculture à
Gand, a organisé et dirige avec beaucoup de soin des
expériences de culture à Borsbeke lez-Alost (canton de
Herzele, Flandre orientale). Il a réuni ses rapports sur
ce sujet en un volume qu'il m'a prié de présenter en
son nom à l'Académie : je le fais avec plaisir.
Pour le sol de la localité, qui est formé de limon hes-
bayen, les essais, poursuivis pendant sept ans et concer-
nant plus de 2,300 parcelles, ont conduit à des résultats
parfaitement nets.
( 7)
A Borsbeke, l'addition de potasse au sol n'est guère
rémunératrice; tandis que la restitution de l'acide phos-
phori(jue [tour toutes les récoltes, et celle de l'azote pour
toutes à l'exception des Léguminées, sont une nécessité
impérieuse. Le dispositif de culture électrique du frère
Paulin n'a pas donné à Iîorsbeke de résultats avantageux.
Enfin, le choix des variétés, la sélection des semences,
les procédés de culture ont fait l'objet d'investigations
méthodiques.
On peut affirmer qu'en suivant toutes les indications
qui découlent des expériences, les cultivateurs du canton
de Herzele sont assurés d'un surcroît moyen de béné-
fices de près de un million de francs par an. Au point de
vue pratique, il n'y a rien à ajouter à l'éloquence d'un
tel chiffre.
Au point de vue scientifique, les rapports de M. De
Vuyst constituent une véritable monographie agrono-
mique locale, d'un grand intérêt; et il est regrettable
que nous possédions en Belgique trop peu de travaux
analogues, exécutés avec autant de circonspection, de
zèle et d'esprit critique.
Je ne doute pas que la Classe ne veuille bien se joindre
à moi pour adresser de vifs remerciements à l'auteur.
L. Errera.
( 8
ELECTIONS.
Il est procédé à l'élection du directeur pour l'an-
née 1898. Les suffrages se portent sur M. Dupont.
M. Brialmont, directeur sortant, remercie ses confrères
pour le concours sympathique qu'il a rencontré pendant
la durée de son mandat.
En prenant possession du fauteuil présidentiel, M. Gil-
kinet se fait l'organe de la Classe pour remercier
M. Brialmont au sujet de la manière dont il a dirigé les
travaux de l'année écoulée.
M. Dupont, invité à venir prendre place au bureau,
remercie pour l'honneur que la Classe veut bien lui faire
de nouveau.
RAPPORTS.
Sur les conclusions favorables d'un rapport de
M. Dewalque, auxquelles ont souscrit MM. Dupont et
Malaise, la Classe décide l'impression au Bulletin d'une
note (avec planche) de M. Julien Fraipont, correspon-
dant, sur Iai grotte du mont Falhise (Anthée).
( 9 )
.Sur un nouveau développement de la fonction gamma qui
contient la série de Stirling et celle de Kummer ; par
G. Landsberg.
Rapport de ff. /P. .flansion, premier coattniësaire.
« I. Schaar, Limbourg, Genocchi, M. De Tilly, Gil-
bert et Catalan ont publié dans les recueils de l'Acadé-
mie, sur la fonction gamma, un grand nombre de notes
et de mémoires, parmi lesquels il faut citer spécialement
les travaux des deux premiers sur la série de Stirling.
M. Landsberg, privat-docent à l'Université de Heidel-
berg, a trouvé une généralisation très remarquable, à la
fois de cette dernière série et de celle de Kummer. De
plus, il est parvenu à montrer que ces deux nouvelles
séries et, par suite, les anciennes qui n'en sont qu'un cas
particulier, découlent d'une source commune. Ce résultat
est assurément singulier, car la série de Kummer et la
nouvelle série correspondante de M. Landsberg sont
convergentes pour certaines valeurs de la variable; la
série de Stirling et la série plus générale trouvée par
M. Landsberg, au contraire, sont essentiellement pseudo-
convergentes si nous pouvons ainsi dire : elles peuvent
servir au calcul pratique de gamma avec une exactitude
comparable à celle que donnerait une série convergente
et même très convergente, si l'on en prend un nombre
convenable de termes; mais en réalité, elles sont radica-
lement divergentes pour toute valeur de la variable.
M. Landsberg a cru devoir soumettre le mémoire où il
( iO )
fait connaître ses nouvelles séries à la Classe des sciences
de l'Académie, en souvenir des travaux anciens des géo-
mètres belges que nous avons rappelés plus haut. Nous
allons en donner une analyse aussi exacte que nous le
pourrons, en nous excusant de ne pas mettre davantage
les résultats nouveaux trouvés par M. Landsberg en rap-
port avec les recherches antérieures des analystes, parce
que nous n'avons qu'une compétence très limitée dans le
domaine de la théorie des intégrales eulériennes.
II. Le point de départ de l'auteur est la formule con-
nue :
/' T e" — e~°'l dx
e-.(B_„___j_
0
_A + /•"*[«- (,_iU_î^__I"|.
J x L \ 27 I — e x x J
ou
r« dx i i
I I
x e' — I
En soustrayant de A la valeur il-n de lY(i), on trouve,
h étant un nombre entier,
r°° dx ! i e°-x
A-*/* — / - (- — —
,/ x \x e* —
o
/'x dx i 2x I
-7 7("iy??T43F-ïa
( << )
Par suite, A = il(2ic). Dans /Ta — A, sous le signe
intégral, M. Landsberg fait les substitutions suivantes,
qui sont fondamentales :
I +00 0ÏTikn
x Tt x -+- 2t//i
1 1£, e*7'7"1
2 .4 2t/A
E' désignant une série où manque le terme correspondant
à h = 0. En échangeant les signes d'intégration et de
sommation, on trouve aisément :
£, r™ dx I 1 e"x
Pour déterminer les coefficients P„, on en retranche
l'expression (C : 2roft), où C désigne la constante d'Eu-
ler et de Mascheroni. On trouve ainsi :
Cl ni
>— — log(2T/a), Iog(2>r7ti) = log|2W/| h sign./*.
" 2ti7i 2tM ov y nv ' ol '2
Par suite, tous calculs faits, on a la formule de Rum-
iner, où a est compris entre 0 et 1, d'après les formules
auxiliaires employées :
(j \ ce g-2T<fto
( 12 )
On peut aisément le mettre sous la forme réelle connue.
III. Si l'on écrit la formule qui a servi de point de
départ sous la forme
où a — r, compris entre 0 et 1, joue le même rôle que a
plus haut, et où
r*dx
J x
dx le~vi - 1
ve
on en tirera, par le procédé qui a donné la formule de
Kummer,
, Va r*dxT +" e,T,h0 *> -^ e«r.*(« oi
/-— =B-+-/ — e-"^ — — — e-*y ■ ., ■
o
On trouve
o n
dt I — (e"x — e'x)= I ltdt = vlv—v;
O 0
( 13 )
puis, après quelques transformations,
,„ _ lra _ j W _ (. _ .) fa + , _ _ 2' », ___ ,
Ra=/ — r^
-,x(/x
~h
Connue ma = <p (a -+- 1), la formule est vraie même poul-
ies valeurs extrêmes de a, ce qui est assez remarquable.
M. Landsberg détermine les coefficients R,, d'une
manière très élégante en faisant intervenir Y exponentielle
intégrale de Gauss, définie d'une manière précise par la
relation
/■ e~'dz
er'dz z z* z"°
C -+- Iz -+- - h • h etc.
I 1.2.2 1.2.3.5
dans le plan affecté d'une coupure le long de l'axe des z
réels négatifs, comme on le fait pour Iz. On trouve que C
est la constante d'Euler comme plus haut ; ensuite
Rft = — "Ei(2#iA»)ë"rtto.
Par suite, on a enfin la série de Kummer généralisée :
lUa = ^/(2t) -+- I a — -J Iv — v -*- S, v <« < v -
k >2xih
( M)
C'est le premier nouveau résultat important dû à
M. Landsberg.
Pour v = 0, cette formule devient celle de Kummer.
IV. L'auteur s'attache ensuite à mettre la somme S qui
entre dans la série nouvelle sous une forme telle que l'on
obtienne la formule de Stirling et la formule de Stirling
généralisée. En laissant aux coefficients RA leur forme
primitive, on trouve aisément :
/°° e~lxdx e'bt i
— — [%(x,a-ii)— %(0,a-i>)],x(x,6)= — — --.
0
résultat qui peut s'établir d'ailleurs, à partir de la pre-
mière formule du n° TI, par une voie plus simple. Pour
v = a, S prend la forme qui a servi à trouver la formule
de Stirling, par le développement de % suivant les puis-
sances croissantes de x. M. Landsberg indique en parti-
culier comment on peut obtenir, dans ce cas, la célèbre
forme du reste, en intégrale définie, due à Schaar.
Dans le cas général, on a :
X X*
x(x, b) = i0b -*- -<f,6 -+- — — fj> -+- etc.,
I 1.2
les ty désignant certaines fonctions bernouilliennes. On en
obtient la valeur en comparant cette série au développe-
ment trigonométrique connu, lequel peut s'écrire :
;(*,&) = 2'
iwih
+wf tfzihb l X (- i)aXa
*l7rihb ( "Inih (2jt//i)"~' (x -+- Ixih)
( '5 )
En introduisant le dernier terme de ce développement
dans S, on trouve finalement, si a = 6 ■+- v :
lTa = lT{b -+- v)= il(tw)
h Wr — dh h — -
/oc +oo „ÏTihb
ir"dx xniY — —
* (2*ih)n[x+2rilt)
(Test la formule généralisée de Stirling, avec un reste,
due à M. Landsberg. Il enferme ce reste entre deux
limites,
l t
-f„(ft)±-f;0
et prouve que ce reste aura la valeur la plus convenable si
n = E (2-v) ou E (2m>) -+- 1, par une discussion plus
simple que celle qui est relative à la formule de Stirling
non généralisée. La nouvelle formule est d'ailleurs diver-
gente comme l'ancienne, quand on ne l'arrête pas à un
reste.
V. L'auteur termine son mémoire en faisant diverses
applications des résultats obtenus. La comparaison des
deux séries nouvelles lui a fait trouver une série pseudo-
convergente pour Ew, mais il l'établit directement pour
éviter toute objection.
( 16 )
Il trouve aisément la formule suivante :
Eiz = I e~*dx I yz~*dy
a> 0
0 oc » 1 -+- lûg --
y
La série pseudo-convergente nouvelle s'obtient en
remplaçant 1 -+- log - par
I - log --t- log- + ..-*-(— I)'
y \ y
On trouve ainsi :
l -+- log
n 1 1.2 txn i.2...(rt-r
\z z- z zn
1 . 2 ... »\
wr4*
G et 6' étant compris entre 0 et 1, et R(a) désignant la
partie réelle de z. Si z est réel, 6' est nul et il faut
remplacer l\(z) par z.
VI. Comme on le voit, le mémoire de M. Landsberg est
une contribution importante à la théorie de la fonction
gamma et de l'exponentielle intégrale; il généralise de la
manière la plus heureuse les résultats trouvés par Schaar
( *7
et Ruminer; il montre les liens cachés <|iii existent entre
des parties en apparence absolument hétérogènes de la
doctrine des eulériennes.
.Nous proposons à la Classe d'adresser des remercie-
ments à L'auteur et de voter l'impression de son mémoire
dans le Recueil des Mémoires des savants étrangers. »
MM. Deruyts et Neubergse rallient aux conclusions du
rapport du savant premier commissaire; celles-ci sont
adoptées par la Classe.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Comment les /leurs attirent les Insectes. — Recherches expé-
rimentales. Troisième partie; par Félix Plateau, pro-
fesseur à l'Université de Gand, membre de l'Académie.
§4. — Introduction.
Les expériences sur les inllorescences dont les portions
voyantes sont masquées par des feuilles vertes et sur les
Heurs ou les inllorescences dont les organes colorés,
pétales, sépales, fleurons, ont été coupés, décrites dans la
première (1) et dans la seconde partie (2), conduisent a
(1) Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3e série, t. XXX,
n° 11 (novembre,/, 189o.
(2) Ibid., 3l série, t. XXXII, h° Il (novembre). 1896.
5me SÉRIE, TOME XXXIII. -
( 18 )
cette conclusion principale que le rôle attractif attribué
à l'éclat ou à la couleur est loin d'avoir l'importance
admise jusqu'à présent, les Insectes étant probablement
guidés, dans leur recherche du pollen et du nectar, sur-
tout par un sens autre que la vue, vraisemblablement par
l'odorat.
Si cette conclusion est l'expression réelle de ce qui se
passe dans la nature, il faut :
1° Que, contrairement à ce qui a été avancé plusieurs
fois, les Insectes manifestent l'indifférence la plus com-
plète pour les couleurs diverses que peuvent présenter
des fleurs de même espèce ou de même genre;
2° Qu'ils se portent, sans hésitation, vers des fleurs
habituellement négligées pour absence ou pauvreté de
nectar, du moment où l'on met dans celles-ci du nectar
artificiel représenté par du miel;
5° Que les Insectes cessent leurs visites lorsque, tout
en respectant les organes voyants colorés, on enlève la
partie nectarifère de la fleur, et qu'ils recommencent ces
visites si l'on remplace ultérieurement le nectar supprimé
par du miel.
Ce sont ces trois points qui font l'objet de la notice
actuelle. D'autres faits seront décrits dans une quatrième
partie en cours de préparation.
§ 2. — Indifférence des Insectes pour les couleurs
diverses des variétés d'une même espèce de fleurs ou
des espèces d'un même genre.
Une des idées difficiles à extirper, conséquence naturelle
de l'hypothèse de l'attraction prépondérante par l'éclat
des corolles, est que certaines espèces ou certains groupes
( «9 )
d'Insectes ont une préférence marquée pour des couleurs
déterminées et une répugnance instinctive pour d'autres.
J'exposerai ailleurs connue quoi les divers ailleurs qui
parlent de ce sujet devaient arriver, et arrivent en effet,
aux résultats les plus discordants. Ici je me bornerai ;i
une simple remarque :
A supposer que certains Insectes manifestent une préférence
apparente pour des pétales bleus, des pétales jaunes ou des pétales
rouges, cela ne signifierait aucunement qu'ils voient bleu ce que
nous appelons bleu, ou rouge ce que nous appelons rouge; cela
indiquerait uniquement qu'ils perçoivent une différence entre des
rayons lumineux très réfrangibles et îles rayons peu réfrangibles.
On oublie toujours les patientes et remarquables recherches de
V. Graber (1), d'où résulte que les Arthropodes se divisent en leuco-
philes et leucophobes, que les leucophiles recherchent les rayons très
réfrangibles et les leucophobes les rayons de moindre réfrangibilité,
prenant le rouge pour l'obscurité, etc.
Ainsi, l'Abeille, que les expériences de Graber montrent être leu-
cophile, c'est-à-dire avide de lumière, comme ses habitudes pouvaient
le faire prévoir, étant appelée à choisir entre un éclairage rouge clair
et un éclairage violet foncé, se porte toujours vers le violet foncé, bien
moins lumineux, mais plus réfrangible ; entre le rouge clair et le jaune
foncé, elle choisit le jaune encore une fois plus réfrangible que le
rouge ; entre le vert foncé et le jaune clair, elle ne manifeste pas de
préférence : les individus, au lieu de se diriger en majeure partie vers
le jaune clair, qui est plus lumineux, se partagent au contraire égale-
ment entre les deux couleurs d'une réfrangibilité trop peu différente
pour que les Insectes s'en aperçoivent (2).
Ce sont là des faits de valeur que les biologistes devraient toujours
avoir présents à la mémoire quand ils parlent de choix que semblent
faire des animaux articulés entre des couleurs diverses.
(1) Graber, Grundlinien zur Erforschung des Helligkeits and
Farbensinnes der Thiere. Prag und Leipzig, 1884. — Id., Ueber die
Helligkeits and Farbenempfindligkeit ciniger Meerthiere. (Sitzungsber.
Akad. Wien, Math. Naturwiss. Classe, XCI. Bd, I. bis IV. llelt,
I. Abth., 1885.)
(2j Graber, Grundlinien, etc., pp. 167 et suiv.
(20)
Pour en revenir aux préférences ou aux répugnances
montrées par des Insectes à l'égard de fleurs de couleurs
particulières, je crois que les naturalistes ont été trompés
par de simples coïncidences. Les observations suivantes
me paraissent prouver que les Insectes se chargent eux-
mêmes de nous montrer que toutes les couleurs des
corolles ou des inflorescences leur sont parfaitement
indifférentes, du moment que ces mêmes corolles ou
inflorescences contiennent soit le nectar, soii le pollen
cherché.
a. — Observations sur le Centaurea cyanus L.
G. Bonnier(I) ayant rencontré dans un champ de blé
la variété blanche du Bleuet répandue au milieu d'indi-
vidus à fleurs bleues, constata que les Abeilles visitaient
à peu près en même nombre les fleurs des deux couleurs.
Mes observations, tout en confirmant celle de Bonnier,
sont plus complètes.
J'ai cultivé en mélange les variétés bleue, rose, blanche
et pourpre foncée du Centaurea cyanus. Le groupe de
plantes était assez grand, très serré, et les inflorescences
se comptaient par centaines. Parmi les quatre variétés, la
bleue ou ordinaire dominait quelque peu.
Les Hyménoptères affluaient et semblaient se rendre
indifféremment aux capitules des diverses couleurs; mais
afin d'éviter des erreurs, je me suis astreint à suivre des
yeux certains individus déterminés, en notant d'un signe
sur mon carnet chacune des couleurs visitées.
(1) Bonnier, Les Nectaires. (Annales des sciences nat. bot.,
49° année, VI1' série, t. VIII, nos 1 et 2, p. 45, 1879.)
(31 )
"21 juin, beau temps.
Une Abeille se rend aux Ileurs successives, dans l'ordre
suivant: bleu, pourpre, blanc, bleu, bleu, bleu.
2\) juin.
Une autre Abeille donne la série : blanc, bleu, bleu,
pourpre, bleu, bleu, pourpre, bleu, pourpre, bleu.
J'observe, le 27, les allures de Mégachiles (Megachile
ericetorum) sur les mêmes Bleuets.
lri> Megachile : blanc, bleu, pourpre, blanc;
2« — blanc,. bleu, bleu;
3e — rose, pourpre, blanc;
4e bleu, rose, bleu, bleu.
La préférence apparente pour les capitules bleus tiont
à cette particularité indiquée plus haut que ceux-ci étaient
plus nombreux que les autres variétés. L'indifférence
pour la coloration est du reste à peu près complète.
b. - Observations sur le Dahlia variabilis Dest.
Depuis plusieurs années, je cultive en mélange une
série de variétés du Dahlia variabilis simple, rouges écar-
lates, pourpres, roses, jaunes orangées (saumon) et
blanches.
J'ai constaté à satiété que les nombreux Insectes,
Abeilles, Bourdons, Mégachiles, Piérides, Vanesses,
Eristales, etc., qui fréquentent les inllorescences vers la
fin d'août et durant tout le mois de septembre, passent
continuellement, sans le moindre choix, d'une variété
aux autres.
C'est là un fait banal dont tout observateur peut être
témoin dans les jardins où l'on cultive des Dahlias sim-
( 22! )
pies. Si l'une des variétés semble plus fréquemment
visitée, cela dépend uniquement du nombre prépondé-
rant de capitules par lequel elle est momentanément
représentée (1).
c. — Observations sur le Scabiosa atropurpurea L.
Première série, 19 et 24 juillet, beau temps.
De nombreux pieds de Scabiosa atropurpurea à petits
capitules sont plantés en ligne. Les inflorescences offrent
les variétés de coloration suivantes, sans ordre et avec de
fréquents mélanges : pourpre foncé, rouge, rose et blanc
à peu près pur.
J'y observe butinant: Apis melti/ica, Bombus hypnorum,
Megachile ericetorum, Eristalis tenax, Syrphus divers,
Vanessa c-album, Pieris napi.
Or, ici où les inflorescences ne sont pas densément
serrées comme pour les Bleuets, mais rangées en ligne,
l'examen des allures des Insectes est singulièrement faci-
lité, et je constate que tous indistinctement se portent
d'un capitule à l'autre sans aucun choix dans la couleur,
visitant un peu plus souvent les fleurs pourpres tout sim-
plement parce que ce sont les plus nombreuses.
Deuxième série, 9 et 10 août, beau temps.
Des Scabiosa atropurpurea d'une variété à capitules
beaucoup plus volumineux que ceux de la précédente et
mesurant de 4 à 5 centimètres de diamètre, en pieds
(1) Quelques variétés sont, en effet, plus florifères que d'autres;
telle est, chez moi, la variété pourpre.
(23 )
nombreux plantes aussi en ligne, avec couleurs mélan-
gées, offrent les colorations qui suivent : blanc pur, rose
franc, violet et pourpre foncé.
Les visiteurs sont des Lépidoptères diurnes, Wuiessa
lo, Pieris brassicae, Pieris napi. (".es Insectes, qui butinent
longuement sur chaque inflorescence, passent sans hésiter
de l'une à l'autre, quelle que soit la couleur, se rendant
cette fois un peu plus fréquemment sur les capitules roses
parce qu'ils sont plus nombreux.
Ainsi, un observateur superficiel aurait conclu de la
première série à une préférence pour la couleur pourpre,
et s'il n'avait examiné que la deuxième série, il aurait
admis une préférence pour le rose.
d. — Observations sur les Linum gramhflorum Desf.
et L. US1TATISSIMUM L.
Au milieu d'un groupe de Lin à fleurs écarlates,
Linum grandiflorum, ont poussé par hasard deux pieds de
Lin à fleurs bleues, L. usitatissimum, circonstance des
plus favorables à l'observation, le rouge vif et le bleu étant
ici deux couleurs extrêmes.
Les Insectes visitent peu les fleurs de Lin (1) ; cepen-
(1) Suivant Mac Leod (Over de bevruckting (1er bloemen in het
Kempisch gedeelte van Vlaanderen, blz. 421, Gent, 1894), le Linum
usitatissimum est peu visité chez nous, par suite de sa pauvreté en
nectar. L'auteur ne signale sur cette fleur qu'un seul Hyménoptère,
Bombus agrorum, et un seul Diptère, Hylemyia coarctata. H. Millier
(The Fertilisation of Flowers, pp. 147 et 148), parlant du Linum
Catharticum, dit : « Malgré la grande abondance de cette plante, je
n'y ai observé que deux Insectes », et il cite deux Diptères : Systoechus
( 24 )
dant un examen attentif permet, le 6 juillet, par un beau
temps, de voir de petits Diptères syrphides allant du Lin
écarlate au Lin bleu. Un Hyménoptère, une Andrena,
butine sur le Lin rouge, puis, spontanément, sans hésita-
tion, va butiner sur le Lin bleu. L'indifférence pour la
couleur me parut être absolue.
e. — Observations analogues faites par d'autres auteurs.
Ch. Darwin (1) dit : « J'ai vu des Bourdons volant
directement d'une plante de Dictarnnus fraxinella de la
variété rouge à une autre de la variété blanche, se rendant
d'une variété à une autre variété de Delphinium consolida;
le même fait s'est répété pour les variétés de Primai a
veris. Ces Insectes se portaient d'une Pensée d'un pour-
pre foncé à une autre d'un jaune clair, d'une espèce de
Papaver à une autre espèce différente. »
Et il ajoute plus loin (2) que les cas qu'il a cités d'Hy-
sulphureus et Empis livida. Sur le L. usitatissimum, il n'a vu que
deux Hyménoptères : Apis melliftca, Halictus cylindricus, et un Lépi-
doptère, Plusia Gamma. Le faible nombre de visites que j'ai pu noter
rentre donc dans la catégorie des faits normaux.
(1) Darwin, The effects of cross and self Fertilisation in the vege-
table kingdom, p. 416. London, 1876.
(2) Darwin, Op. cit., p. 421. « That the colour of the flowers is
not the sole guide, is clearly shown by the six cases above given of
Bées which repeatedly passed in a direct Une from one variety to
another of the same species, although they bore very differently
coloured flowers. » J'ai tenu à reproduire intégralement le passage
pour lever tous les doutes. Darwin y parle de six cas ; en réalité, dans
les lignes auxquelles il fait allusion, l'auteur n'en signale que cinq.
Petite erreur de rédaction sans importance.
( 25 )
ménoptères passant d'une façon répétée et directe d'une
variété à une autre variété, bien qu'elles présentassent
des couleurs très différentes, démontrent clairement que la
coloration n'est pas le seul guide qui détermine le choix
des Insectes.
G. Bonnier (l), dont j'ai déjà rappelé plus haut l'obser-
vation sur le Centaurea cyanus à (leurs bleues et à (leurs
blanches, signale en outre les cas suivants : Trois pieds
d'Althaea rosea à (leurs simples rouges, trois pieds à (leurs
blanches et trois pieds à fleurs d'un rose pale ont été
observés quatre jours consécutifs. Quinze (leurs de chaque
couleur avaient été marquées. Les Hyménoptères visi-
teurs appartenaient aux espèces : Apis mdlifica, .1 . meUifica
var. ligustica, Bombus lerrestris, Ilombits hortorum. D'un
petit tableau que donne l'auteur et qui renseigne les
moyennes des nombres d'Insectes visitant quinze (leurs
de chacune des variétés résulte que ces animaux n'ont
fait aucun eboix spécial et se sont rendus indifféremment
aux diverses (leurs, quelle que fût leur coloration.
Mêmes résultats en opérant comparativement sur les
variétés roses et blanches de Digilalis purpurea et d'Epilo-
biiim spicatum.
Enfin, il a vu un grand nombre de fois des Hyméno-
ptères butinant sans choix sur les Brassica oleracea à (leurs
jaunes et à fleurs blanches, la même Abeille passant
d'un pied à fleurs jaunes à un pied à fleurs blanches et
réciproquement.
De tout ce qui précède, des observations de mes devan-
ciers comme des miennes, on peut évidemment conclure
(1) Bonnier, Op. cit., pp. 44 ot
( 26 )
que les Insectes se montrent parfaitement indifférents aux
couleurs, n'ont ni préférences ni répugnances.
Il est fort probable que chaque fois qu'une préférence
ou une répugnance pour certaines fleurs a été nettement
constatée, le phénomène trouvait sa cause dans tout
autre chose que la coloration : pauvreté en nectar ou
même obstacle mécanique, tel que celui signalé par Errera
et Gevaert (1).
Ces deux botanistes, observant un parterre où crois-
saient en mélange les Pentstemon Hartwegi Benth. et
Pentstemon gentianoides G. Don. offrant des variétés à
fleurs rouges écarlates, rouges foncées, blanches, striées
et mauves violacées, virent les Syrphides et les Hyméno-
ptères visiter presque exclusivement les fleurs mauves,
dédaignant les autres. « Ce n'est, disent-ils, ni le goût du
nectar, ni son parfum, ni la couleur de la corolle (2) qui
produisent ... cette sympathie particulière, » et ils con-
cluent que « la cause de beaucoup la principale, sinon la
seule qui détermine la préférence des Insectes (dans ce cas
particulier), est l'inégale distance chez les diverses variétés
entre le point où s'incurve le staminode et le fond de la
corolle. Cette distance représente la longueur de la
trompe qui puisse puiser tout le nectar. » Suivent des
mesures qui confirment cette opinion.
(t ) Errera et Gevaert, Sur la structure et le mode de fécondation
des fleur?,, pp 188 à 190. (Bull. Soc. roy. de botanique de Belgique,
t. XII, 1878.)
(2) Ces mots ne sont pas soulignés dans le texte original.
( 27 )
§ .">. Pleurs très voyantes, mais normalement
PEU VISITÉES, RENDUES ATTRACTIVES PAR DU MIEL.
Quelques-uns de mes savants prédécesseurs se sont
assurés :
1° Que des fleurs bien apparentes, négligées pendant
un certain temps par les Insectes, reçoivent tout d'un
coup des visites fréquentes au moment de la sécrétion du
nectar;
2° Que des fleurs apparentes aussi, mais toujours
dédaignées à cause de leur pauvreté en liquide sucré,
attirent au contraire les Insectes lorsqu'on y introduit du
miel.
Donnons d'abord ces observations :
Ch. Darwin (1) s'exprime ainsi :
La visibilité de la corolle ne suffit pas pour déterminer les visites
répétées des Insectes si en même temps il n'y a pas sécrétion de nectar
et peut-être émission d'un peu d'odeur. J'observai pendant une quin-
zaine de jours et chaque jour durant un certain temps, une muraille
couverte de Linaria cymbalaria en pleine floraison, et je ne vis jamais
une Abeille y faire attention. Vint ensuite un jour très chaud, et immé-
diatement plusieurs Abeilles apparurent au travail sur les fleurs. Il
semble qu'un certain degré de chaleur soit nécessaire pour la sécré-
tion du nectar... c'est le cas pour les Linaria, Pedicularis sylvatica,
Polygalu vulgaris, Viola tricolor et quelques espèces de Trifolium.
J'ai surveillé les fleurs jour par jour sans voir une Abeille à l'ouvrage,
puis soudainement toutes les fleurs furent visitées par beaucoup
d'individus de cette espèce. Comment un si grand nombre d'Abeilles
découvrent-t-elles à la fois que les fleurs sécrètent du nectar? 1 présume
that it miist hâve been by their odour (2).
(1) Darwin, Op. cit., p. 422.
(2) Ces mots ne sont pas en italique dans le texte de Darwin.
( 28 )
G. Bonnier (1), observant des Pulmonaria officinalis qui, dans les
circonstances ordinaires, n'étaient visitées avec succès que par des
Bombus, la trompe des Abeilles étant trop courte pour atteindre le
nectar (2i, assista au changement de conditions suivant : « . . Comme
des jours chauds et soleilleux avaient succédé à une longue suite de
jours de pluie, le nectar devint très abondant. Dans beaucoup de
fleurs de Pulmonaria, le niveau du nectar s'était élevé de 3 à 4 milli-
mètres au-dessus des nectaires. Dès lors, l'Abeille pouvait atteindre
la matière sucrée avec sa trompe; aussi les Pulmonaires furent-elles
abondamment visitées par les Abeilles ce jour-lit. »
J. Pérez (3) relate ce qui suit : « Je considérais un jour d'automne
où la température était un peu basse, bien qu'il fit un beau soleil,
une vaste corbeille de Salvia splendens, au jardin public. Pendant un
temps fort long, ces plantes ne reçurent pas la visite d'une seule
Abeille et j'étais tout disposé à attribuer leur délaissement absolu,
suivant l'opinion du savant italien (4), à la couleur rouge éclatante de
la fleur. Mais voilà qu'à un certain moment la corbeille, jusque-là
dans l'ombre, vint à recevoir le soleil et presque aussitôt, des Abeilles
survinrent et même assez nombreuses... Il y a tout lieu de croire que
la chaleur communiquée aux fleurs de la Sauge par les rayons du
soleil avait favorisé l'excrétion du nectar ou provoqué le dégagement
de son parfum, précédemment imperceptible ou tout à fait nul. »
Il résulte donc bien de ces diverses observations que,
comme je le disais plus haut, des fleurs voyantes négli-
gées durant un temps par les Insectes reçoivent tout d'un
coup des visites fréquentes au moment de la sécrétion
du nectar.
Arrivons maintenant au second point à démontrer :
l'effet presque infaillible de l'introduction artificielle dans
(1) Bonnier, Op. cit., p. 67.
(2) H. MiiLLER, Op. cit., p. 413, cite effectivement sur la Pulmo-
naire : des Anthophores, des Osmies, des Andrènes, des Bourdons, et
pas d'Abeilles.
(3) Péuez, Notes zoologiques. (Actes de la Société Linnéenne de
Bordeaux, vol XLV1I, série V, tome VII, pp. 250 et 251. Bordeaux, 1894.)
(4) Il fait ici allusion à Delpino.
29 )
dos fleurs négligées, de nectar, c'est-à-dire de miel. Ainsi
qu'on va le voir, c'est à .1. Pérez qu'on doit la première
expérience dans ce sens.
Les fleurs, cependant si brillantes, de Pelargonium
zonale sont presque complètement dédaignées par les
Insectes, comme tout observateur a pu s'en assurer el
comme le fait ressortir le passage suivant, emprunté' à
Errera et Gevaert (1).
« ... nous avons plusieurs fois observé un parterre de Pélargoniums
(vulgo Géraniums) tout couvert de fleurs très voyantes, roses et rouges,
et entouré d'une bordure d'Héliotropes dont la teinte, comme on Le
sait, n'est pas fort apparente. Et cependant, les Héliotropes sont
extrêmement visitées par une foule de Papillons et d'Hyménoptères,
tandis que les Pélargoniums n'ont pour hôtes qu'un petit nombre
de Papillons. » (Ils signalent en note quelques Rhopalocères et le
Macroglossa stellatarum.)
J. Pérez (2) a songé, comme il dit, à « voir comment
les butineuses (les Abeilles) se comporteraient en pré-
sence de ces Heurs dédaignées, si on les garnissait artifi-
ciellement de miel ». 11 ;i choisi des Pélargoniums
écarlates et a déposé du miel dans la gorge des corolles.
« Des Abeilles qui butinaient sur des Héliotropes voisines n'ont pas
lardé a être frappées par l'odeur du miel dont elles ont eu bien vite
découvert la situation. Sans la moindre hésitation, elles se sont jetées
sur les fleurs écarlates, en ont avidement sucé le miel et n'ont cessé,
jusqu'au soir, de les visiter assidûment... J'ajouterai même qu'elles
se portaient directement et même d'assez loin sur ces fleurs, sans
prêter la moindre attention aux variétés blanches ou roses de la même
espèce, taisant partie de la même corbeille, et dont aucune n'avait été
garnie de miel. »
(1) Errera et Gevaert, Op. cit., p. 107.
(2) Pékez, Op. cit., p. 253.
( 30)
Tel est le résultat capital de cet essai intéressant.
Pérez termine par ces lignes que je reproduirai, afin de ne
pas avoir l'air de tronquer une citation :
« La couleur écarlate s'était si bien associée dans leur souvenir à
l'idée du miel, qu'elles se posaient à la fin sur des fleurs de cette
couleur n'en ayant pas reçu et ne les quittaient qu'après s'être
assurées, par un examen scrupuleux et persistant, qu'elles n'avaient
rien à y recueillir. »
Le lecteur verra que je puis confirmer l'exactitude de
l'expérience de Pérez. Pour un seul détail seulement,
celui qui concerne le rapport qu'auraient établi les
Abeilles entre la couleur et la présence du miel, je suis
en contradiction avec l'éminent naturaliste.
Après cette revision de ce qu'ont observé mes devan-
ciers, revision un peu longue, mais indispensable pour
prouver que mes expériences personnelles avaient leur
raison d'être, j'aborde la description de ces dernières.
a. — Expériences sur le Pelargonium zonale Willd.
19 août, temps pluvieux, parfois un rayon de soleil.
Un parterre elliptique assez étendu est couvert de Capu-
cines naines, fleurs qui sont généralement visitées par
des Hyménoptères, surtout par des Bourdons. Ce par-
terre est garni, en bordure, de Pelargonium zonale à fleurs
écarlates, toujours dédaignées par les Abeilles et les
Bourdons, malgré leur coloration intense.
Le matin, j'introduis, à l'aide d'une pipette effilée, une
goutte de vrai miel liquide de rucbe (1) dans les fleurs
(1) Éviter les mélanges falsifiés qu'on vend chez les confiseurs.
( 31 )
de dix-sept ombelles de Pélargoniums situés en série
continue et en prenant la précaution de marquer, par des
piquets ûchés en terre, le commencement et la lin de la
série, dans le but de ne pas confondre les fleurs miellées
avec d'autres.
I. 'après-midi, durant une éclaircie, je pus déjà observer
en une beurc huit visites de Bombus terrestris. Chaque
fois le Bourdon négligeait absolument les Capucines et
visitait activement les Pélargoniums garnis de miel,
passant de fleur en fleur et restant souvent à sucer sur la
même durant vingt-cinq secondes.
Lorsque l'Insecte avait ainsi absorbé le liquide d'un
certain nombre de Heurs miellées, il lui arrivait de se
diriger vers des Pélargoniums non munis de miel; il se
bornait alors à voler en tournant rapidement autour,
sans se poser, puis partait vers son nid ou revenait aux
Pélargoniums à miel.
20 août, temps beau et chaud.
Le lendemain matin, entre 8 et 9 heures et avant
l'installation d'une nouvelle expérience, j'observe deux
Abeilles butinant sur les Pélargoniums miellés de la
veille.
Vers 40 heures, je remets encore du miel dans les
Ileurs de vingt-six ombelles de Pélargoniums appartenant
à la même rangée limitée par des piquets.
Dès le moment de l'opération et en trois quarts d'heure,
je note les visites de :
3 Apis niellifica suçant leur Heur pendant dix-sept et vingt-sept
secondes;
5 Bombus terrestris se comportant comme ceux de la veille;
3 Vespa vulgaris;
D, -, n- ,. I Eristalis tenax,
Plusieurs Diptères . . \
/ Lucilia caesar.
( 32 )
Le même jour, à 2 heures de l'après-midi, les Hymé-
noptères foisonnent. En trente minutes, je compte appro-
ximativement (1) :
18 ApLs mellifica ;
5 Bombus terres tris ;
5 Vespa vulgaris.
A un moment donné, sur cette étroite bande de
4 mètres au plus de longueur, butinaient à la lois de
nombreuses Abeilles et deux Bourdons.
Le jour suivant, 21 août, Abeilles et Bourdons visi-
taient encore avec assiduité les mêmes Pélargoniums.
Sauf le cas de quelques vols d'exploration de Bourdons
que j'ai indiqués plus haut, les Pélargoniums de tout le
reste de la bordure du parterre (plus de vingt-cinq plantes
en Heurs) qui n'avaient pas reçu de miel, sont restes abso-
lument négligés par les Abeilles, comme s'ils n'existaient pas.
L'expérience de Pérez est donc exacte, à cette excep-
tion près que les Abeilles n'ont été attirées que par le
miel et non par la couleur, puisqu'elles n'ont jamais
exploré les Heurs vides des Pélargoniums voisins. Fait
dont je suis parfaitement certain, les essais ayant eu lieu
dans mon jardin où durant les mois de vacances je passe
les journées entières.
b. — Expériences sur le Phlox paniculata L.
Le Phlox ordinaire des jardins, malgré ses nombreuses
Heurs à couleurs vives, est relativement peu visité par les
Insectes diurnes (2). Ceux qu'on observe pendant le jour
(1) La quantité d'Insectes était trop grande pour pouvoir noter
exactement leur nombre.
(2) Le soir, le Phlox est visité par des Noctuelles, entre autres par
Plusia Gamma.
( 33 )
sur cette plante sont par-ci, par-là un Lépidoptère rhopa-
locère, dont la visite est du reste très courte, et quelques
Diptères syrpliides de petite taille.
20 août, vers 3 heures, temps beau et chaud.
Je choisis deux variétés communes, l'une à Ileurs
violettes, l'autre dont les Ileurs sont blanches à centre
rose. Les deux touffes sont au moins à 20 mètres l'une
de l'autre, et plus de vingt autres touffes de Phlox sont
disséminées dans le jardin.
Au moyen d'une pipette effilée, je mets une goutte de
miel liquide dans une vingtaine de fleurs des deux
variétés indiquées.
L'expérience est à peine commencée que j'observe une
Abeille sur la variété violette. En moins d'une heure, j'y
ai vu :
3 Apis mcllifica;
1 Vespa vulgaris ;
2 Picris brussicae,
les Pieris butinant cette fois longuement pendant plu-
sieurs minutes.
La variété blanche à cœur rose étant en ce moment à
l'ombre, n'a rien donné.
22 août, temps trais (vent du nord), beau.
Je recommence la même expérience sur les deux pieds
de Phlox précédents. Quoique d'autres occupations ne
me permettent pas d'observation continue, je note
cependant :
„,,.,. I Avis mellifica. . . 1 visite.
Phlox violet ••••},, , ...
( vespa vulgaris . . 4 visites.
Plilox blanc et rose . . . Vespa vulgaris . . 4 —
3me SÉRIE, TOME XXXUI. 5
(34)
c. — Expériences sur /'Anémone japonica Sieb. et Zucc.
Bien que ses nombreuses et grandes fleurs blanches ou
rosées soient très voyantes, l'Anémone du Japon n'est
guère visitée que par des Diptères (1).
22 août, temps beau et frais (vent du nord).
Quatre fleurs seulement de la variété blanche sont
ouvertes. Au moyen d'un pinceau, j'y mets du miel dès le
matin.
Aussitôt les Insectes arrivent en nombre. Je note, en
me promenant, non seulement de fréquents Syrphides
(Syrphus et Eristalis), mais de plus, comme Hymé-
noptères :
Bombus muscorum 1 visite.
Bombas terres tris 1 —
Odynerus quadratus 1 —
Vespa vulgaris 4 visites.
On remarquera que n'ayant pas observé d'une manière
continue, beaucoup de visites ont dû m 'échapper.
8 septembre, temps beau et chaud.
Afin de rendre l'expérience aussi démonstrative que
possible, je procède cette fois de la manière suivante :
La touffe d'Anémones blanches porte en tout vingt-
neuf fleurs épanouies. Je mets du miel dans six seulement
de celles-ci, formant un petit groupe bien reconnaissable,
quoique contigu aux autres.
(1) J'ai vu une fois une courte visite de Bombus terrestris.
( 33 )
En une heure d'observation continue, de 10 à 1 1 heures
du matin, je note tous les Insectes visitant d'une pari
les vingt-trois Heurs intactes et d'autre part les six fleurs
miellées :
■27, FLEURS INTACTES.
(i FLEURS MILLI.ÉES.
Eristalis tenax 76 visites. 66 visites.
Helophiltis 4 — 5 —
Syrphus 1 visite. 4 —
Calliphora vomitorïa .... 0 — 3 —
Musca 8 visites. 4 —
Petit Diptère indéterminé . . 10 — 9 —
Odynerus quadratus .... 0 visite. 2 —
Petit Hyménoptère indéterminé. 1 — 0 visite.
Pieris napi 0 — 1 —
Totaux. . . 100 visites. 94 visites.
Si maintenant on calcule la proportion de visiteurs
par fleur, on trouve qu'elle n'est que de 4.5 pour les fleurs
intactes et qu'elle monte à 15.6 pour les fleurs miellées.
L'influence attractive de la présence du miel est ainsi
démontrée.
d. — Expérience sur le Convolvulus (Calystegia) sepium L.
Le grand Liseron blanc des haies, Convolvulus sepium,
dont la large corolle d'un blanc pur se détache nettement
sur le feuillage, passe avec raison pour être négligé par la
plupart des Insectes, et surtout pour être beaucoup
moins visité que le petit Liseron des champs, Convolvulus
arvensis.
( 36 )
II. Millier (1) et ses continuateurs attribuent cette dif-
férence à la production d'un parfum assez intense par le
Convolvulus arvensis, alors que le Convolvulus sepium
n'aurait presque pas d'odeur. Millier fournissant là un
argument contre la théorie du rôle de l'éclat des fleurs
dans l'attraction des Insectes, il était fort intéressant de
voir ce qui arriverait lorsque, sans changer l'aspect de la
corolle du Convolvulus sepium, on lui donnerait une
odeur de nectar.
5 septembre, temps beau et chaud.
Je choisis à la campagne un pied de Convolvulus sepium
ne portant qu'une seule fleur épanouie bien en évidence;
il est à plus de 20 mètres de tout autre pied fleuri.
La fleur est sans visiteurs ; j'y introduis, au moyen d'un
pinceau, un peu de miel étendu d'eau. Immédiatement les
Insectes arrivent et, en trente minutes d'observation, je
note vingt-neuf visites que je groupe comme suit :
Panorpa communis 3 visites.
Musca {dômes tica ?) 12 —
Syrphns divers 9 —
Callipkora vomitoria 1 visite.
Lucilia caesar 1 —
Eristalis tenax 1 —
Bombus muscorum 1 —
Vespa crabro 1 —
L'ardeur des Insectes est considérable; à certains
moments, il y a dans la corolle jusqu'à quatre Insectes à
la fois.
(lj Muller, Op. cit., |> 424.
( 37 )
Les Panorpes, quoique Névroptères carnassiers, ne
venaient pas là pour capturer des Diptères, mais, comme
je l'ai nettement constaté, pour lécher le miel. Elles
étaient si occupées à eelte opération qu'elles ne faisaient
pas attention aux Mouches placées près d'elles dans la
fleur.
L'arrivée du liomlnts muscorum eut lieu d'une façon
directe, sans hésitation, et la durée de sa visite fut
longue. L'arrivée de la Vespa crabro (l) eut lieu aussi
directement, sans recherches. Enfin, lorsque j'ai inter-
rompu l'observation, les visites d'Insectes continuaient.
L'expérience confirme donc parfaitement l'explication
hypothétique que donne H. Millier du faible nombre de
visiteurs pour le Liseron des haies et prouve que, dans le
cas actuel, comme presque toujours du reste, les Insectes
ont été guidés par un sens qui ne peut être que l'odorat.
$ 4. — Cessation des visites après la suppression de la
portion nectarifère; rétablissement des visites a
l'aide de miel.
11 serait ordinairement impossible de supprimer la
portion nectarifère des fleurs sans en altérer profondé-
ment l'aspect. Cependant les Composées radiées se prêtent
bien à ce genre d'opération ; c'est pourquoi je me suis
adressé à ce type, choisissant encore une fois les Dahlias
simples si abondamment visités et dont les hôtes habi-
tuels m'étaient connus dans les moindres détails de leurs
allures.
(1) Le lecteur verra surtout dans J;i quatrième partie de ces
recherches que c'est bien le miel qui attire les Guêpes dans les essais
que j'ai institués.
( 38)
Expériences sur le Dahlia variabilis.
50 août, temps beau et chaud.
Au milieu d'un massif de Dahlias simples comprenanl
plus de douze touffes en fleurs, on choisit un pied portant
des inflorescences à fleurons périphériques pourpres et
très visitées.
Sur huit capitules, on enlève soigneusement tous les
fleurons centraux et on remplace chacun de ces cœurs
jaunes par un petit disque, jaune aussi, découpé dans une
feuille jaunie de Cerisier et fixé à l'aide d'une fine
épingle neuve.
La couleur jaune des disques est à peu près la même
que celle des fleurons centraux enlevés et appartient à
un corps végétal n'ayant fait partie d'aucune fleur.
Les Insectes qui fréquentent à cet instant l'ensemble
des Dahlias, sont des Bombus terrestris, B. lapidarius,
B. muscorum, Megachile ericetorum, Eristalis tenaxet autres
Eristalis, Pieris napi.
Durant trois quarts d'heure d'observation attentive, on
ne voit aucun Insecte se poser sur les inflorescences
transformées. Les Bourdons ou les Mégachiles qui quit-
tent des capitules de Dahlias intacts se portent naturel-
lement assez souvent vers les Dahlias mutilés mélangés
aux précédents, mais ces Insectes se bornent à décrire
devant ces inflorescences quelques courbes prouvant
incontestablement un examen rapide, puis fondent tout
droit sur un Dahlia intact.
Ces hésitations ne doivent pas être immédiatement
interprétées comme résultant de la prétendue fonction
(39)
vexillaire dos fleurons périphériques restés en place (1).
Il ne faut pas oublier, en effet, que je venais d'enlever
les fleurons tubuleux centraux en les écrasant entre les
doigts, et que les capitules devaient en avoir conservé un
peu d'odeur.
Dans tous les cas, je le répète, aucun Insecte ne se
posa sur les Dahlias mutilés.
Ceci constaté à satiété, j'enduis de miel, à l'aide d'un
pinceau, les disques artificiels jaunes. Aussitôt, les
Insectes n'hésitent plus un instant et visitent les Dahlias
mutilés aussi activement, ou même plus activement que
les autres. En une demi-heure, je note quarante et une
visites, se répartissant comme suit :
Bombus terrestris 26 visites.
Bombus muscorum 1 visite.
Megachile ericetorum 2 visites.
Vespa vulgaris 12 —
41 visites.
Je n'ai jamais annoté comme visite que l'arrivée d'un
nouvel individu ou le retour d'un individu qui s'était
éloigné vers son nid. On remarquera de nouveau l'appari-
tion des Guêpes, attirées de loin par l'odeur du miel.
Les Insectes y mettent tant d'ardeur qu'on observe
plusieurs des inflorescences occupées simultanément par
(1) On sait, par la première partie de mes recherches (Bulletin de
l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXX, n° 11, novembre 1895), que
le fait de cacher tous les fleurons périphériques, en laissant à nu les
tleurons centraux, ne diminue en rien le nombre des visites des
Insectes.
( 40;)
deux individus. Nombre de fois un Bombus ou une Vespa
se rendent successivement à deux ou trois capitules
miellés.
Deux jours après cet essai, les disques jaunes artificiels
sont desséchés, leur miel épuisé et les capitules qui les
portent sont encore une fois entièrement négligés par les
Insectes.
J'enlève les disques et, dans la cupule vide et verddtrc
qu'ils occupaient, je dépose à nouveau un peu de miel au
moyen d'un pinceau. Quoique cette opération fût rapide,
les Insectes arrivèrent avant qu'elle eût été entièrement
terminée et, en quarante-cinq minutes, je pus encore
noter quarante et une visites, savoir :
Megachde cricctorum . . .
, . . 5 —
Vespa vulgaris ....
. . . 13 —
41 visites
Ces visites à des réceptacles vides de fleurons centraux,
mais enduits de miel, sont tellement actives qu'à plusieurs
reprises on voit à la fois deux Bourdons ou un Bourdon
et une Guêpe se disputer le même capitule. Seize fois, le
même Bourdon ou la même Guêpe ont visité successive-
ment deux inflorescences. Quatre fois, le même Insecte
se porte successivement aussi sur trois ou quatre Dahlias
mutilés et garnis de miel.
Quelques jours plus tard, je recommence la même
série d'expériences en employant onze capitules d'un
autre pied. Tout se passe encore exactement de la même
façon.
( 4" )
Il est impossible de ne pas être frappé de la netteté de
ces résultats : absence de visites lorsqu'il n'y avait pas de
miel, et cela malgré la présence des fleurons périphé-
riques pourpres; au contraire, visites actives, presque
incessantes, lorsque du miel a été mis, non seulement sur
des simulacres de cœurs jaunes découpés dans des
feuilles jaunies, mais encore dans le centre verdàtre de
capitules absolument privés de fleurons tubuleux.
C'est, on le voit, la confirmation, par un autre procédé,
des résultats de la première partie concernant les Dahlias
masqués par des feuilles vertes.
En résumé, les Insectes ont répondu clairement aux
trois questions qu'on leur avait expérimentalement posées:
1° Ils ne manifestent aucune préférence ou aucune
antipathie pour les couleurs diverses que peuvent pré-
senter des fleurs des différentes variétés d'une même
espèce ou d'espèces voisines;
2° Ils se portent sans hésitation vers des fleurs habi-
tuellement négligées, pour absence ou pauvreté de nectar,
dès qu'on met dans celles-ci du nectar artificiel repré-
senté par du miel ;
5° Us cessent leurs visites lorsque, tout en respectant
les organes voyants colorés, on enlève la partie nectari-
fère de la fleur, et ils recommencent ces visites si l'on
remplace ultérieurement le nectar supprimé par du
miel.
(«)
Identité de l'effet produit par la lumière et par l'effluve
électrique sur une plaque photographique recouverte d'une
lame peu conductrice; par P. De Heen, membre de
l'Académie.
Nous avons montré, dans nos précédentes notes, que
si P représente une plaque photographique (1) préala-
blement voilée, e une feuille
e d'étain en contact avec la sur-
face sensible, /"une feuille de bois,
un faisceau de rayons émanant
du soleil ou d'une lampe à arc,
détermine une impression plus
forte sur la partie de la plaque
préservée par la feuille d'étain.
P Si la plaque n'a pas été voilée,
l'impression derrière la feuille
d'étain est sensiblement nulle.
Nous avons interprété ce phénomène en admettant que
sous l'influence des rayons R la planchette reçoit une
f
R
FlG. 1.
(1) Nous avons fait usage du bain révélateur suivant : eau,
100 grammes; sulfite sodique, 7sr,5; carbonate sodique, 15 grammes;
bydroquinone, 1 gramme; éosine, de quoi colorer le bain en rose.
Les plaques Beernaert's ont été généralement employées; de plus, pour
réussir convenablement ces expériences, il faut placer le châssis dans
le voisinage le plus immédiat possible d'un puissant arc électrique,
ou encore utiliser le rayonnement d'un beau soleil d'été.
( 43 )
variété de l'énergie électrique à laquelle nous avons
donné le nom d'inf'ra-éleetricité , laquelle ne produit que
des effets peu sensibles à l'électroscope. D'autre part,
elle participe à toutes les propriétés photographiques de
l'électricité proprement dite. Elle est avant tout un
agent continuateur de ces réactions, lorsqu'elle est en
repos, mais elle enlève le voile déjà produit si elle est en
mouvement.
Nous avons interprété l'expérience (ligure 1), en mon-
trant qu'elle est une conséquence de l'équilibre électro-
statique. Nous allons montrer que les effets photogra-
phiques produits par l'effluve électrique se confondent
avec ceux produits par un rayon de lumière.
/
e p
l'IG. 2.
Le châssis est composé de la même manière, et l'on
substitue aux rayons lumineux l'effluve produit par deux
plateaux, A et B, munis de pointes et reliés aux deux
pôles d'une machine de Holtz. Le temps de pose était à peu
près le même que pour la lumière, c'est-à-dire qu'il variait
( 44 )
de 1 heure à 1 l/2 heure. En f se trouve une deuxième
lame de bois, destinée à préserver la plaque.
L'impression est sensiblement nulle lorsque la plaque
n'a pas été voilée. Une plaque voilée donne le résultat
reproduit par la planche, résultat absolument identique à
celui fourni par les rayons lumineux; la surface recou-
verte par la feuille d'étain est vivement impressionnée.
Cette photographie nous montre encore des points très
brillants où l'électricité s'est portée en trop grande abon-
dance pour pouvoir se maintenir en équilibre-. Il en
résulte que de ceux-ci une certaine quantité d'électricité
s'est déversée dans l'espace environnant, lequel déplace-
ment a déterminé la disparition du voile, autour de cha-
cun de ces points. Des aigrettes qui se sont développées
sur le bord de la feuille ont provoqué autour d'elles le
même phénomène.
Si l'on reproduit la même expérience à l'aide d'une
bobine d'induction, on obtient des résultats négatifs; on
observe cependant sur les bords de la feuille d'étain des
aigrettes dont la forme est toute différente de celle que
l'on obtient avec la machine de Holtz. Elles présentent
la forme filamenteuse, mais elles sont moins déliées que
celles que l'on obtient par le procédé indiqué dans une
précédente note (l). Il résulte de ceci que la quantité de
l'électricité se modifie en se transmettant sous forme
d'effluve; de plus, on peut conclure de ces faits que
l'électricité de Holtz se rapproche davantage de l'infra-
électricité que celle de la bobine d'induction.
(1) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, tome XXXI, p. 458,
1896.
( tâ :
En résumé, les effets photographiques obtenus à
l'aide de la lumière et à l'aide de l'ellliive électrique,
présentent les mêmes caractères (impression des plaques
voilées, dévoilage par le mouvement de l'électricité,
résultat négatif sur la plaque non voilée). La seule nuance
qui différencie l'infra-électricité de l'électricité même,
se trouve dans une action répulsive inoins sensible
de ses éléments entre eux. De là, absence d'aigrettes
et action très faible sur l'électroscope. Certaines photo-
graphies manifestent cependant les points brillants a
entourés de la zone dévoilée. Les pulsations électriques
paraissent plus lentes et moins actives.
Il m'a paru intéressant de répéter l'expérience pré-
cédente en interposant une lame de celluloïde entre la
surface sensible et la feuille d'étain, à la demande qui m'en
avait été faite par M. Le Bon. Dans ces conditions, rien
n'est changé au résultat final et il en est encore de même si
l'on substitue à l'effluve un faisceau de rayons lumineux.
Une planche reproduite dans un de nos précédents
travaux, montre encore ce phénomène de disparition du
voile, lorsque l'étincelle chemine dans l'épaisseur de la
gélatine (1).
Ce résultat a été obtenu à l'aide de la bobine de Rubm-
korff. L'une des feuilles d'étain abcd était disposée sur la
surface sensible, une deuxième feuille était placée sur la
surface opposée a'b'c'd', puis elles étaient mises respec-
tivement en contact avec les pôles de la bobine. Cela
étant, une étincelle partant du point a était attirée par
l'électricité de nom contraire de la feuille a'b'c'd' et che-
(1) Voir le travail cité plus haut.
Fig. 3.
( *6 )
minait à l'intérieur de la gélatine sur la longueur a*
(fig. 3). La plaque devenait sur ce trajet absolument
vierge; au delà du point a', elle
déterminait les phénomènes lu-
mineux ordinaires et produisait
la trace habituelle.
L'expérience (fig. 2) permet
encore de reproduire les effets
d'ombre et de lumière que nous
avons obtenus à l'aide des rayons
lumineux. A cet effet, nous avons
recouvert la partie inférieure du
châssis à l'aide d'une lame de
plomb; la partie supérieure seule était soumise à l'ef-
fluve (fig. 4).
On remarque que si AB représente la ligne d'ombre,
ABCD étant la surfacç
préservée par la lame de
plomb, abcd la surface
de la plaque recouverte
B par la feuille d'étain, la
surface ae ADCB fb est
fortement et uniformé-
ment impressionnée.
Les surfaces a'aek et
bb'Bf le sont beaucoup
fig. 4. moins, ainsi que cela
se passe en faisant usage des rayons lumineux, pour
lesquels ABCD représente l'ombre.
h'
a'
a
h
e
f
A
dr
D
C
I'. Di
3« sér , t XXXIII, ii' i, p. 4J, .
Cliché P. De Ilcen
Phoiotypic E. Castclcin. Bruxelles
(47 )
l.a grotte du mont Falhise (Anthée); par Julien Fraiponl.
La petite caverne dont il va être question est creusée
dans le calcaire carbonifère, à l'extrémité du mont Falhise,
au lieu dit : « lhirt du Gibet », commune <T Anthée. L'en-
trée, qui regarde le N.-N.-E. et qui se trouve à quelques
mètres du plateau, était fermée par un mur en pierres
sèches quand nous avons entrepris l'exploration de la
grotte. Un couloir de 2 à 5 mètres de longueur s'ouvre
brusquement à gauche dans une salle arrondie de 5 à 6
mètres de diamètre, dont la voûte s'est effondrée, de
sorte que le sol du plateau en ce point forme un enton-
noir de plusieurs mètres de profondeur.
Les tranchées pratiquées dans toute l'épaisseur des
dépôts meubles, depuis l'entrée jusqu'au fond de l'exca-
vation, m'ont permis de relever la coupe suivante, de haut
en bas :
a) Éboulis et terre végétale, contenant des débris de
squelettes humains, des restes de la faune actuelle et des
produits de l'industrie néolithique;
b) Terre brune contenant encore des restes humains,
des instruments en silex des types chelléen et mousté-
rien, et des ossements brisés appartenant à des représen-
tants de la faune du Quaternaire inférieur ;
r) Terre jaune, stérile.
La couche a, formée d'éboulis et de terre végétale,
avait été creusée par l'homme, ainsi qu'une partie du
dépôt sous-jacent, pour y enterrer des morts, et les blai-
reaux l'avaient bouleversée en plusieurs points.
(48)
Les ossements humains étaient trop brisés pour pou-
voir être étudiés au point de vue anthropologique.
J'ai recueilli avec ces ossements une demi-hache polie,
deux pointes de flèches (pi., fig. 1,2), ungrattoir, quatorze
lames et une quinzaine d'éclats, huit morceaux de poteries
néolithiques. Il y avait aussi quelques os brisés de mouton,
de bœuf et de cheval, et même quelques débris d'hyène,
d'ours et de bœuf, ramenés de la couche sous-jacente par
les blaireaux.
Le dépôt b était formé d'une terre brun grisâtre,
d'une épaisseur variable, contenant des os brisés inten-
tionnellement, appartenant à des animaux de la faune du
Quaternaire inférieur, aussi bien dans les parties intactes
que dans celles qui avaient été remuées, à savoir :
1° Bhinoceros tichorhinus •• quatre molaires et des
esquilles d'os ;
2° Elephas primigenius : un morceau de la mâchoire
inférieure gauche et des fragments d'os ;
5" Equus caballus : une portion de mâchoire et quel-
ques os brisés ;
4° Ursus spelaeus : vingt et une incisives, sept canines,
quatre prémolaires, quatorze molaires, deux cubitus, un
radius, un morceau de fémur, un astragale, trois axis,
vingt vertèbres et quarante phalanges ;
5° Hyena crocuta (var. spelaea) : deux demi-mâchoires
inférieures gauches, un fragment droit, quelques dents
isolées, des os longs brisés.
Certains os avaient été brisés par un instrument con-
tondant et la moelle en avait été enlevée avec le tissu
spongieux ; d'autres avaient été manifestement rongés
par l'hyène.
Au milieu de ces ossements gisaient quelques inslru-
( 49)
noents en silex : deux morceaux de pointes taillées sur
les deux faces, une superbe pointe en amande (type de
Saint-Aeheul), un gros racloir et une fort belle pointe
moustérienne.
Le « coup de poing » est le plus bel instrument de ce type
que l'on ait jusqu'ici recueilli dans une grotte ; il mesure
137 millimètres de haut sur <S0 millimètres à sa plus
grande largeur et 30 millimètres à sa plus grande épais-
seur (pi., tig. 5).
La pointe moustérienne a 107 millimètres de liant sur
il) millimètres dans sa plus grande largeur (pi., fig. 4).
(les deux instruments d'industries différentes se trou-
vaient dans les terres remaniées. Nous ne pouvons
donc rien inférer de leur présence dans le même niveau
archéologique et géologique. L'homme qui a perdu le
«. coup de poing » a pu visiter la grotte bien des siècles
avant celui qui a taillé la pointe moustérienne, ou il a pu
être son contemporain. En tout état de cause, ils étaient
contemporains d'une même faune.
J'ai dit plus haut qu'il y avait des débris humains intro-
duits par l'homme dans les dépôts a et b; en voici l'inven-
taire :
I' Un grand nombre de fragments de crânes ;
2° Huit morceaux de mâchoires inférieures, apparte-
nant à six sujets (quatre adultes, un enfant et un vieillard);
3" Quatre fragments de mâchoires supérieures ;
4° Un atlas d'enfant, trois axis, deux vertèbres cervi-
cales, onze dorsales, dix-huit lombaires, cinq premières
sacrées ;
5° Un sacrum ;
6° Deux morceaux d'omoplates, dont un d'enfant et un
d'adulte ;
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 4
(50)
7° Huit morceaux de bassin ;
8" Treize côtes ;
9° Neuf métacarpiens et métatarsiens ;
10° Deux clavicules ;
11" Un humérus droit, entier et d'adulte, deux extré-
mités inférieures droites, dont une d'enfant, une extrémité
inférieure gauche, sept morceaux de diaphyses ;
12° Trois extrémités supérieures et trois inférieures de
radius gauches; trois extrémités inférieures de radius
droits ; un radius d'adulte et un d'enfant.
Ces ossements humains, brisés par la pression des
terres et les éboulis, appartenaient à six individus : qua-
tre adultes, un vieillard et un enfant. J'aurais considéré
volontiers ces restes comme faisant partie d'une sépulture,
ou mieux d'un ossuaire néolithique, d'abord à cause des
pièces caractéristiques qui les accompagnaient dans la
couche a et b, et ensuite parce qu'ils se trouvaient dans
des conditions de gisement identiques à celles que nous
avons déjà rencontrées à plusieurs reprises en Belgique,
notamment au trou « al Wesse », à Modave.
Mais j'ai dit, au commencement de cet article, que la
grotte se trouvait sous le point du mont Falhise dit : « le
Hart du Gibet ». Ce nom caractéristique rappelle que
c'était là que l'on pendait jadis les criminels. Un doute
m'était venu : la totalité ou une partie de ces ossements
humains n'avait-elle pas appartenu aux suppliciés du
« Hart du Gibet » ? Je me suis adressé à notre savant
confrère, M. Godefroid Kurth, pour avoir des renseigne-
ments sur les coutumes judiciaires du moyen âge. Il m'a
répondu que jadis les corps des pendus pouvaient être
réclamés, dans certains cas, par les parents et être
enterrés par les soins de ceux-ci ; que dans d'autres cas
et comme signe de peine aggravante, les corps devaient
Julien Fkaipûnt, Bull, de l'Acad. roy. de Belgique,
3' sér., t. XXXIII, n° i, p. 47, 1897.
Éd. Bory.
Phototypie E. Castelein. Bruxelles.
( 31 )
rester pendus jusqu'à ce qu'ils se détachassent par suite de
la décomposition et qu'ils ue pouvaient être recueillis,
alors même qu'ils gisaient au pied du gibet. Il ajouta
qu'il n'entrait guère dans les mœurs de ces temps de
pendre un enfant. On a donc tout lieu de croire que les
ossements humains sont bien contemporains des pièces
néolithiques. J'ai tenu cependant à soulever cette ques-
tion, à cause de la proximité de ces deux endroits et à
cause de l'absence de tout caractère anthropologique
utilisable.
Quoi qu'il en soit, on peut tirer les conclusions sui-
vantes des faits renseignes dans cette notice :
La grotte a été habitée par l'homme pendant l'époque
du Quaternaire inférieur (âge du Mammouth), peut-être à
plusieurs reprises et à de longs intervalles. Il y a laissé
des reliefs de ses repas, consistant en débris d'ours,
d'hyène, de cheval et de bœuf. L'hyène venait, pendant
les absences des habitants de la caverne, ronger les os
abandonnés sur le sol après les repas. Plus tard, les Néo-
lithiques sont venus dans la grotte, soit pour y séjourner
temporairement, soit pour y enterrer leurs morts et y
faire des repas funéraires. Peut-être encore a-t-elle servi,
à une époque relativement récente, à recevoir des cadavres
ou des ossements de suppliciés.
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
Les figures sont photographiées grandeur naturelle.
Fig. 1 cl 2. Pointes de flèches néolithiques.
Fig. 3. Coup de poing chélléen.
Fis- 4. Pointe moustérienne.
( »«)
CLASSE »ES LETTRES.
Séance du 4 janvier 1897.
M. Ch. Piot occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edm. Marghal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph. Wauters, P. Willems,
S. Bormans, Ch. Potvin, T.-J. Lamy, Ch. Loomans,
G. Tiberghien, L. Vanderkindere, F. Vander Haeghen,
Ad. Prins, J. Vuylsteke, Ém. Banning, A. Giron, le
baron J. de Chestret de Haneffe, Paul Fredericq, God.
Kurth, Mesdach de ter Kiele, H. Denis, le chevalier
Ed. Descamps, G. Monchamp, membres; Alph. Piivier,
J.-C. Vollgraff, associés ; D. Sleeckx, Paul Thomas,
Ch. Duvivier, V. Brants et Ch. De Smet, correspondants.
M. le comte Goblet d'Alviella fait exprimer ses regrets
de ne pouvoir venir présider la séance.
M. Piot, faisant fonctions de directeur, adresse les
félicitations de la Classe à M. Stecher, promu comman-
deur; MM. Discailles et Kurth, promus officiers, et
MM. Paul Fredericq et Vollgraff, nommés chevaliers de
l'Ordre deLéopold par arrêtés royaux duo décembre 1896.
— (Applaudissements.)
( 53 )
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
adresse une ainpliation de l'arrêté royal du H) décembre
dernier, qui nomme président de l'Académie, pour l'année
1897, M. le comte Eugène Goblet d'Alviella, directeur de
la Classe pendant la même année.
— Le même haut fonctionnaire envoie, pour la biblio-
thèque de l'Académie, un exemplaire des ouvrages
intitulés :
1° Dietsche Warande, 1896;
2° Statistique médicale de l'armée belge, 1895;
5° Rapport sur la situation de la Bibliothèque royale
durant les années 1894-1895; par Éd. Eétis.
— Remerciements.
— M. le Ministre des Finances t'ait don de deux exem-
plaires du catalogue de la bibliothèque de son Départe-
ment. -- Remerciements.
Hommages d'ouvrages :
1° Observations sur le système monétaire delphique du IV
siècle; par Théodore Reinach, associé ;
2° Les Cliff Dwellers; par le marquis de Nadaillac,
associé ;
5° Waterloo, 2e édition; par Louis Navez;
4° Les monnaies des Voconces; par G. -A. Serrure
(présenté par M. Ch. Piot, avec une note);
5° Essai sur l'origine et les attributions de l'audiencier
( 54)
dans les anciens Pays-Bas; par Eug. Lameere (présenté
par M. Ch. Piot, avec une note);
6° Johannes Ruysbroeck, door van Otterloo; réimpres-
sion dirigée par J.-C. van Slee, de Deventer (présenté
par M. Paul Fredericq, avec une note);
7° A. Essai sur la responsabilité civile (articles 1582-
1586 du Code civil); B. La loi Aquilienne; par Jos. Willems
(présentés par M. V. Brants, avec une note);
8° Distels. Proeve van taalzuivering ; par H. Meert. (Cet
ouvrage a remporté un prix De Keyn en 1896.)
— Bemerciements.
Les notes lues par MM. Ch. Piot, P. Fredericq et
V. Brants figurent ci-après.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
M. C.-A. Serrure, connu depuis longtemps par des
publications concernant la numismatique, m'a chargé de
présenter à la Classe un travail imprimé dans Y Annuaire
de la Société numismatique à Paris et intitulé : Les monnaies
des Voconces; essai d'attribution et de classement numisma-
tique.
Je m'étais occupé, depuis nombre d'années, des mon-
naies gauloises offrant à l'avers la tète casquée de Pallas
et au revers un cavalier galopant de gauche à droite
et tenant une lance. Ce numéraire, imité des monnaies
romaines, dites consulaires, porte des légendes dont
plusieurs numismates voulaient tirer la conséquence
qu'elles rappelaient les noms d'Ambiorix, le chef des
( M )
Finirons, et la ville de Tournai. J'ai combattu cette
interprétation en faisant observer que les légendes
de ces monnaies se rapportent, non à la Belgique, niais
à une population du midi des Gaules. Je crus que ces
légendes désignaient les noms des duumvirs dont César,
dans ses Commentaires, t'ait mention à propos des insti-
tutions des populations gauloises.
M. Serrure vient de démontrer, par les légendes d'un
grand nombre de ces monnaies, qu'il ne faut y lire ni
Ambiorix, ni Tournai, mais bien Auscrocos, Bricco,
Calitix, Candillos, Comanos, Coses, Donnus, Durnacos,
Eburov, Esianniios Ogru, Petrucorios, Briganlicos,
Bovuca, Turoca, etc., noms qui appartiennent aux
Voconces.
Ainsi est justitié par des preuves évidentes ce que je
disais il y a environ trente ans au sujet de monnaies
attribuées à tort à la Belgique.
Charles Piot.
La Revue de l'Université de Bruxelles vient de publier
un travail intitulé : Essai sur l'origine et les attributions
de l'audiencier dans les anciens Pays-Bas. C'est une dis-
sertation présentée, en 1895, à la Faculté de philosophie
et lettres, par M. Eugène Lameere, pour l'obtention du
titre de docteur en cette Faculté, section historique.
L'auteur m'a demandé de présenter ce travail à la
Classe. Je le fais d'autant plus volontiers qu'il se rattache
intimement à l'histoire de nos institutions anciennes et
à celle des Archives du royaume à Bruxelles.
( 86 )
C'est dans ce dépôt qu'il a puisé sous ce rapport les
renseignements les mieux établis. A cet effet, il a spécia-
lement consulté les papiers d'État et de l'Audience, et
d'autres collections qu'il cite en détail.
Avant d'entrer en matière, l'auteur a eu la bonne idée
de faire connaître ce qui s'est fait à ce sujet chez nos voi-
sins du Midi. Il n'a pas perdu de vue qu'en fait d'admi-
nistration, nos souverains, surtout pendant la période
bourguignonne, ont constamment suivi l'exemple donné
par les rois de France.
Après avoir fait cet examen, il passe à la position de
l'audiencier et des secrétaires du Conseil privé avant
l'institution des conseils collatéraux. Il commence cet
examen à partir du gouvernement de Marguerite d'Au-
triche, c'est-à-dire pendant la période durant laquelle nos
institutions subirent un changement notable.
Dans le chapitre II, M. Lameere parle de l'audiencier
et des secrétaires des conseils collatéraux jusqu'au règne
d'Albert et Isabelle. Il fait observer à ce sujet que les
Conseils privé et des finances, établis dès le commence-
ment du règne de Charles-Quint, étaient jusqu'à ce
moment simplement ébauchés. Lors de son départ pour
l'Espagne, en 1551, l'Empereur nomma Marie de Hongrie
régente et gouvernante des Pays-Bas, créa un Conseil
d'État et organisa les Conseils privé et des finances.
L'auteur donne sur ces faits des explications détaillées
et continue à les développer dans les chapitres suivants
jusqu'à la fin du règne de Charles VI. Un des chapitres
les plus intéressants est celui consacré à la suppression
de l'Audience. A ce propos, je crois devoir faire une obser-
vation. L'auteur affirme (p. 69) que les Archives du
rovaume auraient attribué à une secrétairerie d'Étal espa-
(87 )
gnole distincte des registres appartenant à la secrétairerie
d'État et de guerre.
Feu M. Gachard a l'ait voir, dans un travail spécial, que
toutes les correspondances y sont classées dans le fonds
de la secrétairerie d'Etat et de guerre, partie espagnole.
En résumé, le travail de M. Lameere sera consulté avec
fruit par les personnes qui s'occupent de l'histoire de nos
institutions.
Charles Piot.
J'ai L'honneur de présenter à la Classe des lettres un
exemplaire de la seconde édition de l'ouvrage consacré à
Ruusbroec par feu le pasteur A. -A. van Otterloo :
Johannes Huysbroeck, eene bijdrage tôt de hennis van den
ontwikkelingsgang der Mystiek (1).
Ce livre a paru en 1874, comme dissertation doctorale
de l'auteur. Tiré à un petit nombre d'exemplaires, il
était aussitôt devenu presque introuvable, le libraire
ayant détruit une grande partie de l'édition par suite d'un
malentendu. Néanmoins, cette étude approfondie sur le
mysticisme médiéval et sur notre grand mystique dans les
Pays-Bas, ne tarda pas à être considérée par la critique
comme un ouvrage de très haute valeur. Même après les
deux savantes monographies de M. l'abbé Alfred Auger
(1) Opnieuw uitgegeven door J.-C. van Slee, predikant te Deventer,
met een woord tôt inleiding van D1' Paul Fredericq, hoogleeraar te
Cent (xxiv-392 p.; La Haye, Belinfante, 1896.)
( 58 )
sur Rimsbroec (1), le livre de van Otlerloo a conservé
toute son importance.
C'est que ce pasteur protestant avait su pénétrer d'une
façon admirable les secrets de la pensée et les nuances
du sentiment chez notre doctor exstaticus du XIVe siècle.
M. le pasteur J.-C. van Slee, bibliothécaire de la ville
de Deventer, a dirigé cette réimpression et y a ajouté ça
et là quelques notes d'une grande utilité. En tête de
l'ouvrage, il a placé une intéressante introduction où il
passe en revue tous les travaux dont Ruusbroec a été
l'objet depuis la première édition (1874).
Paul Fredkricq.
J'ai l'honneur d'offrir à la Classe, au nom de M. Jos.
Willems, docteur en droit, chargé de cours à l'Université
de Liège, les deux ouvrages suivants :
1° Essai sur la responsabilité civile (art. 1582-1580 du
Code civil). Paris et Louvain, 189(3.
2° La loi Aquilienne, théorie du dommage aux choses en
droit romain. Ibid., 189G.
La théorie de la responsabilité est encore de nos jours
une des plus controversées, et les débats soulevés par la
grave question des accidents du travail rendent cette
controverse plus vivante encore. Un jeune savant, M. Jos.
Willems, récemment chargé du cours d'institutes du
droit romain à l'Université de Liège, a cons:icré à cette
(1) A. Auger, De doctrina et meritis Joannis van Ruysbroeck disser-
tatio theologica (Louvain, Vanlinthout 1892), et le livre III (pp. 157-264)
de son mémoire couronné en 1891, par l'Académie royale de Belgique,
Étude sur les mystiques des Pays-Bas au moyen âge (Bruxelles, Hayez).
( 59 )
théorie deux volumes que j'ai l'honneur de présentera la
Classe.
Le premier examine surtout la législation en vigueur,
celle du ('ode civil, sous ses diverses faces. Il fixe d'abord
la distinction entre la responsabilité contractuelle et
délictuelle, étudie les règles de l'imputabililé et de la
faute, les effets de l'acte illicite et jette un coup d'œil
sur les applications que comporte le régime du travail.
L'autre volume concerne le droit romain, la célèbre
Lex Aquilia, qui est la base du système de dédommage-
ment. Très documentée, cette étude nous fait connaître
les origines historiques de la loi, son texte, sa portée
juridique, la place qu'elle occupe dans le système de la
responsabilité romaine.
Ce travail n'est pas le premier que l'auteur livre au
public et déjà notre confrère, M. Rivier, a présenté à la
Classe une autre étude d'histoire juridique. Ce sont là
des débuts qui font bien augurer d'une carrière scienti-
fique qui n'aura d'ailleurs, pour être féconde et brillante,
qu'à suivre de paternels exemples.
V. Brants.
ÉLECTIONS.
La Classe procède : 1° à l'élection de son directeur
pour l'année 1898. M. Ferd. Vander Haeghen est élu;
2° à l'élection des sept membres dont les noms suivent :
MM. Banning, Bormans, P. Fredericq, L. Fredericq,
J. Neuberg, Ch. Potvin et P. Willems pour former le jury
chargé de juger la première période du neuvième concours
pour les prix De Keyn.
( 60)
Prix Joseph Gantrelle.
IMIII.OI.OI.I9 CLASSIQUE*
(Troisième période : 1895-1896.)
PREMIÈRE QUESTION.
Préparer une édition critique des Vies des douze Césars,
par Suétone.
Un mémoire a été reçu en réponse à cette question.
Il porte pour devise : Ne quid nimis. — Commissaires :
MM. Thomas, P. Willems et Vollgraff.
DEUXIÈME QUESTION.
Étude sur l'art oratoire, la langue et le style d'Hypéride.
Deux mémoires ont été reçus en réponse à cette ques-
tion. Le n° 1 porte pour devise :
A û'ioziv acpav*?], àvâyxrj
TO'JÇ OLoâfTXOVTaÇ
T£X[Ji7iptoiç xal roîç
V.Y.Ô'7'. "Qf\XSXV
Hypéride (frag. 195).
Le n° 2 porte pour devise : Ense et calamo. — Com-
missaires : MM. Vollgraff, P. Willems et Thomas.
( 61 )
RAPPORTS.
M. Monehamp donne lecture de son rapport et de celui
de M. de Harlez sur un travail de MM. T.-J. Lamy et
A. Geluy : Le monument chrétien de Si-ugan-fou, sott texte
et sa signification. — Impression dans les Mémoires in-4°.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Alph. Wauters donne lecture d'un travail intitulé :
Quelques mots sur André Vésale. — Impression dans les
Mémoires in-8°.
Un cours de droit au jlvii6 siècle. — Tractatus de redi-
tibus annuis, de Gérard de Courselle(1625); parV. Brants,
correspondant de l'Académie.
Il existe, à la Bibliothèque royale de Bruxelles, un
manuscrit portant le n° 153G2. Il est intitulé : Tractatus
de reditibus annuis cum insertis nonnullis quœstionibus.
Quelle est la nature de ce petit traité? Nous croyons qu'on
peut y voir un cahier d'étudiant, d'un cours de droit professé
au XVIIe siècle, à l'Université de Louvain, par Gérard de
Courselle, jurisconsulte distingué. Il a bien l'apparence
( 62)
d'un cahier d'étudiant, et se termine par cette mention :
Finis 8 martii 1625. Prœlexit ampliss. vir Gerardus
Corselius. Descripsit Gerardus Berghus, le nom du
professeur et celui de l'étudiant. Ce petit cahier nous a
paru déjà à ce titre présenter de l'intérêt au point de vue
de l'histoire de renseignement et du droit. De plus, l'au-
teur, qui eut de la notoriété, ne nous a presque rien
laissé, et le nom de Gérard de Courselle, estimé à son
temps, ne tient pas grand'place dans la bibliographie
juridique.
A ces divers titres, je me permettrai de dire quelques
mots du cahier, du professeur, de la matière enseignée.
Ce sera une très modeste contribution à trois histoires
vastes et importantes qui sont encore à faire pour notre
pays : celle de l'économie politique, celle de l'enseigne-
ment et celle du XVIIe siècle lui-même.
Je vais me permettre seulement de mettre en quelques
mots ce petit cahier dans son cadre réel. C'est tout l'objet
de ma courte communication.
I. — Le professeur.
Maître Gérard de Courselle, le professeur de notre
cahier, est Liégeois ; il a laissé une renommée juridique,
fut neuf fois recteur, notamment pendant une période
importante, la réforme universitaire de 1017, et mourut
en 1656 à un âge avancé; mais nous ne possédons de lui
aucune œuvre considérable (1). Bien que la période des
(1) Voir, dans la Biographie nationale, l'article qui lui est consacré
par M. Alph. Leroy.
( «3 )
troubles précédant celle-ci fût peu favorable à réclusion
de vocations scientifiques, le début du XVI1P siècle pré-
sente cependant quelques noms marquants dans rensei-
gnement du droit. C'est à leur collègue, Valère André,
que nous devons les meilleures notes sur les professeurs
de cette époque et les réformes académiques qui la signa-
lèrent.
Nous croyons inutile de refaire ici la notice biogra-
phique de Courselle; les quelques éléments connus déjà
suffisent à nous édifier. L'éloge pompeux que fait de lui
son collègue Diodore Tulden, ses fréquents rectorats, sa
nomination au Conseil privé, où il siégea de 1619 jusqu'à
sa mort, prouvent la notoriété du personnage. C'est un
des hommes considérables de la nouvelle école juridique.
Peut-être sera-t-il de quelque intérêt de rappeler ici l'état
des écoles juridiques en ce moment-là dans nos pro-
vinces, dont notre savant collègue, M. Rivier a donné
naguère un court mais suggestif aperçu, et le caractère de
la réforme académique de 1617.
L'enseignement supérieur appartenait alors exclusive-
ment à l'Université de Louvain et à sa filiale de Douai,
établie sous le dernier roi. Mais les désordres des guerres
civiles avaient apporté des perturbations dans l'organisa-
tion de la grande Université brabançonne, qui approchait
de deux siècles d'existence (142(3). Cette décadence était
aussi nuisible au prestige du pays qu'à ses intérêts, et les
archiducs Albert et Isabelle prirent l'initiative d'une
enquête et d'une réforme. Pendant plusieurs années, des
plans et des projets se firent jour.
La visite de l'Université fut décrétée déjà en 1(>0(>. La
situation des professeurs avait beaucoup souffert; les pri-
( 64 )
vilèges avaient été méconnus; l'enseignement avait été
désorganisé; la splendeur du grand institut en était
menacée gravement. Cette visite est la première régu-
lière depuis l'origine, ainsi que le disent les textes offi-
ciels de cette date, ne considérant donc pas comme telle
celle de Charles le Téméraire en 1476.
Les princes se mirent d'accord avec le Saint-Siège, car
l'Université, en vertu de son institut, dépendait à la fois
des deux pouvoirs. Par leur accord furent chargés de
l'enquête Jean Drusius, député aux États de Brabant, et
Etienne van Craesbeek, conseiller de Brabant, conjointe-
ment avec le nonce, Dèce Carafa, archevêque de Damas.
L'enquête fut assez laborieuse; interrompue par la guerre,
elle aboutit à un règlement solennellement confirmé par
Paul V et promulgué en séance plénière de l'Université,
le 5 septembre 1617. L'exécution en fut confiée à l'un
des commissaires, Drusius, qui s'en acquitta avec tant de
zèle que le règlement entra promptement dans les mœurs
et qu'en 1054, à son décès, on ne lui donna pas de suc-
cesseur. Les nombreux privilèges de l'Université furent
confirmés, notamment dans l'ordre de la juridiction
comme dans l'ordre fiscal, et leur puissance réglée par
les statuts de la visite.
Pendant la durée de la visite, la Faculté de droit avait
été représentée au rectorat par Gérard de Courselle. Les
fonctions de chancelier, vacantes pendant quelque temps,
avaient été confiées dès 1598a Grégoire d'Autriche, neveu
de l'empereur Maximilien, qui les conserva jusqu'en 1619.
Le règlement nouveau qui sortit de la visite de 1617,
chercha à assurer la marche régulière de l'enseignement
dans les diverses Facultés. Au point de vue spécial de
65 )
notre travail, nous allons dire en quelques mots l'orga-
nisation de renseignement juridique (1).
Le personnel est double, ayant à pourvoir à rensei-
gnement des deux droits : le droit canonique et le droit
romain. Le règlement oblige à parcourir le cycle entier
de la matière; pour certains cours, il y a un roulement,
de telle façon que les divers titulaires d'un cours fassent
toute la matière des décrets, ou des lois civiles. En outre,
il y avait des cours spéciaux et annuels.
Étaient annuels le cours sur le décret de Gratien, à la
revision duquel l'Université avait largement contribué
peu auparavant ; annuels aussi le cours d'institutes et
celui de Paratitla Digestorum, exposé général et rationnel
des matières du corpus juris civilis.
Pour nous limiter au droit civil, constatons ensuite
que trois professeurs se partageaient les matières des
Pmulectes du droit romain, suivant l'ancienne division
maladroite, mais acceptée, en Diyeslum velus, infortiatum,
et novum (2). Ils devaient y joindre le Code et les NoveUes.
I | Sur l'ensemble : Privilégia Academiœ lovaniensi concessa; éd.
Lov., 1752. On y trouvera le texte de la visite de 1617, p. 253. Sur la
visite, cf. les documents groupés dans les Annuaires de l'Université de
Louvain pour 1840, 1841 et 1855. On y trouve les lettres de l'archiduc
et celles du nonce Carafa. Dans les Privilégia, à la suite de la visite, est
inséré le bref de Paul V confirmatif de la visite. Sur l'organisation des
cours et les fonctions, on trouve une foule de détails dans les Fasli
aeademici de Vai.ère André, qui est contemporain. (Sur les Fasti, cf
1". Nève, La renaissance des lettres en Belgique, Louvain, 1890, p. 421.)
On trouve aussi des indications utiles dans YAcademia lovaniensis île
Vernulacus, qui était à la même époque professeur à la faculté des
arts, ed 1627.
(2/ Sur cette division toute factice, voir C.-J. de Ferrière, Histoire
du droit romain. Paris, 1726, p. 264.
5me SÉRIE, TOME XXX11I. 5
(66)
Le droil féodal s'y rattachait grâce aux Consuetudincs feu-
dorum qui se trouvent jointes aux lois romaines.
Il y avait trois professeurs ordinaires, chargés de l'en-
seignement des Pandectes. Les cours annuels étaient
donnés par trois autres professeurs dits professores regii.
Il y avait en outre deux professeurs extraordinaires de
droit civil enseignant extra-or dinem, en temps de va-
cance, etc.
Les professeurs ordinaires et extraordinaires sont nom-
més par le magistral communal de Louvain. Telle est la
règle dès l'origine. C'est aussi le magistrat qui fournit une
partie de leur salaire, auquel se joignent des subsides
divers. Le choix du magistrat pouvait présenter des
inconvénients; la compétence pouvait être mal jugée, ou
mise au second plan. Parfois la nomination était criti-
quée par l'Université ; c'est ainsi qu'en 1580 un juris-
consulte de haute valeur, dont nous reparlerons, Gude-
linus, appuyé aussi par le patricial local, s'était vu
préférer par les voix démocratiques un concurrent, pour
la chaire des Pandectes. Le mécontentement académique
ne fut apaisé que par la promesse de nommer Gudelinus à
la première chaire vacante. Mais les princes jugèrent qu'il
était sage de prévenir ces faits et exigèrent qu'on ne s'in-
spirât, dans les nominations, que de la science et des apti-
tudes, et qu'on s'éclairât toujours de l'avis de la Faculté.
Depuis Philippe II, quelques nominations professorales
appartiennent au roi : ce sont les professores regii, dont il
a déjà été question.
Les professeurs n'avaient pas seuls accès à la chaire.
Le titre de docteur, qui avait alors une signification
éminente, indiquait la capacité d'enseigner (doccre); les
docteurs constituaient, à côté du collège strict des profes-
( 07 )
seins directement investis et appointes, un coUegium
latum, dont les membres pouvaient participer aux exer-
cices des disputes académiques et aux autres functiones
consuetœ. En 1()J7, les princes, craignant la trop grande
extension de ces attributions, les réservèrent aux profes-
seurs et à un seul docteur désigné par les suffrages de ses
collègues.
Les matières enseignées, la collation des grades, la
durée des éludes, les conditions requises pour l'exercice
des professions furent aussi déterminées. Examen et exer-
cices étaient requis pour les grades de bachelier, puis de
licencié. De sérieuses recommandations sont faites quant
à cet examen et aux thèses qui doivent fournir des prati-
ciens instruits et respectables. Quatre années d'études et de
fret] uentation des cours étaient exigées pour la licence en
droit. Ce titre était requis pour exercer la profession
d'avocat.
Quant au doctorat, nous l'avons déjà dit, il était
réservé aux personnalités distinguées, solum selectissimi
ad doctoratum provehantur; aussi rend-on rigoureuses les
épreuves qui conduisent à la doctoralis laurea.
Le règlement académique détermine, on l'a vu, la
répartition des matières. Les professeurs étaient tenus
d'exercer leurs fonctions.
L'enseignement du droit (1), tel qu'il résulte de la visite
de 1017 et des faits bien connus, portait presque exclu-
sivement sur le droit romain. La fondation de l'Uni ver-
( I j Voir, sur l'ensemble, Valère André, qui, dans la Bibliolheca et les
Wasti, donne les renseignements biographiques, ainsi que Foppens.
Paoiot, etc. Cf. Riyiek, Histoire de la science du droit en Belgique.
(Païkia belgica, II.) — Britz, Ancien droit belgique.
( 08 )
site remontait à l'époque de la grande vogue de la loi
romaine, ratio scripla. La réception du droit romain
en 1495, par la diète de Worms, dans le Saint-Empire,
bien qu'elle n'eût pas, au moins en fait, vigueur dans nos
provinces, y exerçait une grande influence morale. Il serait
d'ailleurs oiseux de démontrer le fait bien connu de
l'empire de ce droit au XVIe siècle.
Le droit national n'avait encore, en principe, aucune
part dans l'enseignement. Il en fut d'ailleurs ainsi jusqu'à
la lin de l'ancien régime, et cette situation, au XVIIIe siè-
cle, soulèvera les plaintes des jurisconsultes(l). Au début
du XVIIe siècle, le monopole de l'enseignement ne parais-
sait guère contesté au droit romain. Seul le droit féodal,
grâce aux annexes du Digeste, y pénétrait, et encore
était-ce le droit féodal étranger à nos États. Cependant,
dans les développements des leçons, les professeurs fai-
saient des échappées sur le droit national; parfois même,
notamment pour le droit féodal, ils le déclarent ouverte-
ment (2). Cependant quelques matières spéciales, par leur
rapport avec le droit canonique et leur importance pra-
tique, sont aussi l'objet des leçons de jurisconsultes; notre
cahier en fera bientôt la preuve.
Le droit national ne devait prendre plus d'importance
que grâce à l'Édit perpétuel de 1611 et à l'homologation
des coutumes, et encore cette importance se manifeste par
les livres plutôt que dans l'enseignement proprement dit.
La méthode de l'enseignement juridique, à cette
(1) de Ghe^iet, Méthode pour étudier la profession d'avocat. Cf.
Piot, Le règne de Marie-Thérèse. Louvain, 1874. p. 152.
(2) Voir notamment Gudelinus, J.-C, De jure feudorum et pacis
eommentarii ad mores Belgii ac Francité conscripli. Lov., 1641.
( 69 )
période, était celle des commentaires judicieux et scienti-
fiques dont Alciat et Cujas inaugurèrent le système en
France. Les commentaires rationnels de la loi avaient
été, nouvelle méthode, déjà introduits à Louvain par
Gabriel Mudée (Valider Mtiyden, de Brecht), qui débuta
en 1547. Des commentaires et des interprétations rem-
placent les citations et les analyses; c'est l'école de juris-
prudence rationnelle, Yécole élégante, qui l'ait à Mudée une
place hors pair dans l'histoire de l'enseignement juri-
dique, jurisprudentiœ purius tractandœ et docendœ auc-
tor (I). Sans être, comme lui, des initiateurs, les maîtres
de notre période peuvent prétendre à un rang distingué;
nous n'avons pas ici à analyser leurs opinions, mais à les
marquer comme professeurs, élèves et continuateurs de
Mudée.
Au début du KVÏP siècle n'appartiennent cependant
que peu de noms professoraux très marquants. L'époque
des troubles, qui avait permis aux anciens de tra-
vailler, avait sans doute été peu favorable à l'éclosion
de vocations scientifiques nouvelles. Cependant, on peut
citer avec éloges P. Gudelinus et son successeur, Henri
Zoesius, Tulden, Valère André et quelques autres.
Gudelinus, d'Ath (1556-1619), s'attache avec quelque
prédilection au droit moderne; dans ses études et leçons
de droit féodal, il reproche à ses devanciers de com-
menter les lois féodales des Lombards, oubliant le droit
national, et il promet d'y consacrer ses soins. Ses leçons
de droit féodal méritent à cet égard de faire date dans
l'enseignement.
(1) Valère André, op. cit., p. 187. Cf. Britz, p. 82. — Kivier, op. et
loc.'cit.
( 70)
Quant à Henri Zoes, d'Amersfort, son éloge est plutôt
celui d'un professeur consciencieux et intelligent que
d'un grand jurisconsulte. Il occupait les fonctions recto-
rales au moment de sa mort, en 1627, l'année même où
se célébrait le deuxième centenaire de la fondation de
l'Université.
A Louvain appartient encore Diodore ïulden, de Bois-
le-Duc, devenu professeur en 1620, dont les ouvrages
sont assez étendus et qui joint aux connaissances juri-
diques des qualités brillantes de style et des aperçus phi-
losophiques en matière politique et sociale.
Citons enfin, dans la môme Faculté de droit, Valère
André, qui avait d'abord occupé une chaire d'hébreu et
dont le principal titre scientifique se trouve dans la
Bibliotheca, où il a réuni de précieuses notions sur les
écrivains des Pays-Bas. Le même professeur nous a
fourni de très abondantes données sur l'histoire de l'Uni-
versité par la publication de ses Fasti academici, qui con-
tiennent des indications précises sur les coutumes et le
personnel de nos anciennes Facultés (1).
Enfin, à la même époque appartient notre Gérard
de Courselle, dont nous connaissons aussi la valeur et
qui jouit d'une grande renommée.
il) En dehors de l'Université, la science juridique est représentée
par des noms éminents, soit dans la magistrature et les conseils par
Peckius, Maes, soit ailleurs, dans l'Église, par Zypœus et le jésuite
Lessius. Dans la Faculté canonique, une mention spéciale est due à
Jean Malderus, qui devint ensuite évêque d'Anvers et laissa d'impor-
tants travaux.
( 71 )
II. - Le cahier.
Le cahier de cours môme nous invite maintenant à
dire un mot de la méthode de l'enseignement oral au
\ VIP siècle.
Quant à la méthode d'enseignement, nous savons peu
de choses bien intéressantes. II est clair que les textes
en formaient la hase.
En droit canon, le décret de Gratien avait été recon-
stitué, on l'a dit. Pour le droit civil, on suivait les textes
législatifs de l'Empire, sans se borner, comme autrefois,
à la sèche analyse du texte lui-même. Le cours annuel
d'Institutes était complété par le cours général des Pan-
dectes, qualifié de Paratitla parce qu'il comportait un
aperçu d'ensemble des titres de ce vaste recueil. Venait
enfin l'explication, devenue juridique et approfondie, des
lois romaines elles-mêmes, les Pandectes, avec des com-
mentaires souvent étendus et parfois des aperçus civils
ou canoniques. Le professeur tantôt dictait, tantôt par-
lait (1). Le cahier était la base d'étude. Bien des leçons
n'ont été publiées qu'après la mort des docteurs par leur
famille ou leurs disciples. Le cahier écrit ad calamum
ne variait pas également partout. C'était un signe de
travail continu et tenace que Valère André signale chez
Henri Zoes qui, pendant treize ans, modifia chaque année
quelque partie de son cours et parfois le refondait tout
entier (2).
(1) Valère André, Fasti, p. 147 : « Horas continuas, qua dictando,
qua disserendo. »
(2) Idem, Biblioth. belgic. : «■ Elogium Henrici Zoesii. »
( 72 )
Un des professeurs de notre époque, Diodore Tulden,
nous a laissé un curieux discours d'ouverture, Oratio
auspicalis, où il discute la question des mérites compa-
ratifs de la dictée et de la parole. Il est intéressant de
parcourir cette dissertation : De metltodo docendi discen-
dique commodissimd (1). Le professeur y expose avec
verve et en termes pittoresques la supériorité de son
système qui supprime la dictée, la remplace par un texte
imprimé et le complète par des explications orales. Il en
énumère amplement les avantages : l'élève a la moitié
de la besogne faite; il suit la pensée avec vivacité au lieu
de s'hébéter; on gagne beaucoup de temps; la parole,
loin d'être uniforme, insiste sur les points délicats, les
répète sous diverses formes accessibles aux esprits divers,
souligne les principes et met les arêtes en vive lumière; la
parole, par son animation, son entrain, sa vigueur, donne
à la leçon du charme, de la liberté, de la vie. J'en passe, et
des plus piquants.
On voit que les débats pédagogiques n'étaient pas
ignorés de nos anciens, et ils y mettaient une vigueur
d'aperçus, une verve qui d'ailleurs se rencontre souvent
dans les thèses de l'époque.
III. — La matière du cours.
Il s'agit d'une matière de droit à la fois canonique et
économique, celle des cens et rentes. La matière à cette
époque était très importante; chez les juristes et les cano-
(1) Tuldeni Opéra, éd. Lovanii, 1702, t. IV. (Initiamenta jurispru-
dentije, pp 55 et suiv.)
(73)
nistes, elle tient une grande place. C'était, en effet, un
des moyens les plus usilés de faire valoir ses capitaux.
Nous n'avons pas le projet de l'aire ici même une
esquisse de l'économie financière du XVIIe siècle, nous
espérons le l'aire bientôt plus longuement, mais il est
curieux de signaler renseignement universitaire d'un
juriste sur cette question.
Le cours comprend de nombreux chapitres que nous
n'analyserons [tas ici, investigant toutes les questions
relatives à la constitution des rentes; mais il en est beau-
coup dont l'intérêt est exclusivement juridique et qui
sortiraient de notre cadre.
Au moyen âge (1), la rente réservée par le vendeur
lors de l'aliénation d'un fonds de terre, était fréquente,
et ce n'est pas de celle-là que nous aurons à parler ici ;
la constitution d'une rente, ayant pour effet de se créer
un revenu en l'achetant et le payant d'un capital, est un
mode de placement plus récent, mais déjà usité aussi au
moyen âge.
Ce mode de taire valoir son capital, déjà en usage
depuis longtemps, est généralement admis à certaines
conditions depuis les décisions pontificales du XVe siècle.
On sait quel en est le caractère ordinaire : une personne
se reconnaît débitrice d'une rente annuelle moyennant
payement d'un capital qu'on s'engage à ne pas lui récla-
mer, mais qu'elle peut rembourser. La nature juridique
des rentes constituées les ramène à une vente de rente
(1) Voir notre livre sur Les théories économiques aux XIIIe et
XIVe siècles, p. 164. Louvain, 1895.
( 7* )
au prix de... (1). L'objet de la vente est le droit de per-
cevoir la rente : jus ad pensionem annuam exigendam (2).
Mais la nature des rentes était loin d'être uniforme, et
la controverse qui les concerne variait d'après les rap-
ports de plus ou moins de ressemblance qu'elles présen-
taient avec le prêt à intérêt.
Vu l'extension et l'importance de ce mode de place-
ment, les auteurs s'en occupent beaucoup et longue-
ment (3). Deux canonistes belges de cette époque, Zypseus
et Lessius, surtout celui-ci, en ont traité avec détails. C'est
aussi la matière du cahier de cours de Gérard deCourselle.
Ce petit livre juridique est instructif, bien que les ques-
tions de doctrine économico-canonique y soient traitées
avec moins d'étendue, d'attention et même de précision
qu'on ne le souhaiterait.
Le droit romain ne connaissait que le prêt; les circon-
stances tirent surgir le contrat de rente, dont on trouve
à peine l'indication en droit romain et qui répondait à
une situation spéciale. Il rendit de grands services en
donnant aux emplois de capitaux des formes utiles et
légitimes.
Le cours de G. de Courselle traite fort en détail la
question juridique des rentes et nous nous garderons de
la reprendre minutieusement; les controverses y foison-
nent, mais certains chapitres présentent quelque intérêt
au point de vue économico-juridique. Le premier chapitre
(1) Zyp.els, Consultât, canonic, éd. Antverpiie 1675, lib. III.,
p. 1 13, et Notitia Juris Belgici, liv. IV, § H.
('2i Lessius, De Justitia et Jure, éd. Antverpiae 163Gi, p. 297, lib. II,
cap. 22.
(3) Cf. Britz, op. cit, p. 602
(73 ,
contient une sorte d'exposé historique; il indique com-
ment l'interdiction de l'usure a fait songer à ce mode de
placement, inconnu ou à peu près au droit romain. C'esl
la fréquence même de son emploi qui donne le motif de
son cours (l).
Le chapitre 3 : Quid sit reditus, quotuplex (2) et (in sit
licitus, indique la forme très variée de ce contrat. Il exa-
mine la licéité de ces placements au point de vue du
droit canonique. Ce chapitre est un des plus curieux. Le
chapitre 8 enfin étudie : Quod sitjustum precium redituum
annuorum. Ce sont les plus importants, les seuls sur les-
quels je me permettrai de m'arrèter quelques instants (S).
Il y avait bien des genres divers de rentes. Il y avait les
rentes foncières et les rentes constituées ; les rentes réelles
et les rentes personnelles; les rentes rachetables ou non
rachetables. Les auteurs, et notamment G. de Courselle,
en déterminent la nature (4). Ces distinctions répondaient
à de multiples intérêts.
(1) Cum in sacris canonibus usure damnate sint, inventa est poste-
riori bus seculis liée ratio questus ex pecunia faciendi sine usurarie
improbitatis iabe .. opère precium est ob fréquentera eorum usuin
pauca hic dicere velut per indicem.
(2) Reditum definire licet jus légitime constitutum percipiende
annue pensionis ex re aliéna. Redituum gênera multa constitui pos-
sunt.
(3) Le reste du cahier, assez long, est absorbé par une foule de
controverses juridiques, dans lesquelles il serait impossible d'entrer
ici, mais qui sont détaillées.
(4i Cap. 3 : Inseremus ea que distinguuntur in usu. Reditus alii
fundiarii sunt, alii constitutii. Fundiarius est cum dominus fundum
suum in alium transtulit ea lege ut annuarn pensionem sive annuum
reditum ei ex dicto fundo prœstet. Constitutus reditus est quem quis
fundo aut bonis suis imposuit aut ad quem prœstandum se obligavit.
( 76 )
I^a rente est dite foncière ou réservée quand elle est le
résultat de l'aliénation de la chose dont le vendeur se
réserve une rente. Elle est constituée si l'établissement
même de la rente a été l'objet d'un contrat spécial.
La rente est réelle si elle repose sur les choses ; elle
est personnelle si elle repose sur une personne qui
s'oblige à payer la rente.
La rente réelle, portant sur une chose qui donne des
fruits, est le point de départ des rentes constituées, dont
l'usage s'est étendu.
La rente personnelle s'éloigne évidemment de cette
notion première et présente un danger d'usure qui peut
s'écarter cependant à certaines conditions.
La rente est rachetable ou irrachetable notamment
selon qu'on peut ou non s'en libérer par le rembourse-
ment du capital (surs).
Le contrat qui établit la rente est de la nature de la
vente.
Ces contrats s'étaient fort multipliés dans l'usage, sur-
tout depuis la déclaration de la licéité du contrat lui-
même.
Hic precio pecuniario vel aliis modis uti legato, donatione, ratione
dotis, causa divisionis constituuntur.
Rursus vel perpetui, hereditarii vel temporanei reditos sunt.
Item reditus alii sunt redimibiles, alii irredimibiles dicuntur. Redi-
mibiles qui sorte restituta a debitori redirai possunt. Irredimibiles
qui invito creditore, redimi aut solvi nequeunt. Redimibiles sunt
omnes precio quesiti Geteri irredimibiles nisi lex contractus sive
constitutio redimi permittant.
Item reditus alii reaies, alii personales dicuntur. Reaies sunt qui
impositi rébus seu prediis, personales qui personali solum obliga-
tione inducuntur
Et d'autres distinctions encore.
(77 )
La législation sur l'usure maintenait sévèrement les
principes de l'égalité dans les contrats et opposait une
barrière à l'exploitation. On cherchait à faire des emplois
légitimes de ses biens, et c'est ce qui a fait naître le
contrat de rente et ses nombreuses modalités. La
controverse surgissait sur les diverses formes. Les uns
y trouvaient un moyen d'éluder la loi ; les autres, au con-
traire, cherchaient loyalement à distinguer l'emploi
permis et honnête de l'exploitation abusive et prohibée.
Aussi le contrat de rente, d'une autre nature juridique
que le prêt, joue-t-il un très grand rôle dans l'économie
de la Renaissance et déjà dans celle du moyen âge.
Les faits multiples, souvent variables, de l'ordre écono-
mique, alors très agité, faisaient surgir des combinaisons
qui soulevaient des critiques et des interprétations. La
rente réelle, reposant sur une chose frugifère, tirait de là
sa justification initiale. La rente personnelle était plus
exposée à dissimuler des fraudes usuraires et les auteurs
y assignaient des conditions multiples.
La licéité de la constitution de rente réelle et ruche-
table déjà usitée depuis longtemps, avait été otlicielle-
ment reconnue par constitution des papes Martin V,
en 1425, et Calixte III, en 1455 (1). L'usage avait étendu
la notion et la pratique. La rente personnelle présentait
davantage le danger de simuler l'usure. Quand la renie
repose sur des choses matérielles, ainsi que le prévoit la
constitution de ces papes, la question est plus simple
que lorsqu'il s'agit d'un revenu promis par une per-
sonne. Une constitution de Pie V de 1569 exige pour la
(i) Coi'pus juris canon. Exlrav. comm., lib. 111 : De Emtione.
( 78 )
rente une foule de conditions, notamment que la rente
porte sur une chose frugifère. Notre auteur, lui, tranche
en quelques mots la question de licéité, et d'une façon
vraiment trop sommaire. La constitution de Pie V,
d'après lui, n'est pas en vigueur dans les Pays-Bas où
elle ne fut pas promulguée, et il n'y a pas de raison, dès
lors, de condamner les reditus personales. Mais Lessius(l),
bien que tenant grand compte des faits pour bien ana-
lyser l'application des principes, tout en admettant que
la constitution de Pie Y n'est pas en vigueur, exige
cependant des conditions spéciales pour la rente person-
nelle et notamment que la personne sur qui elle est con-
stituée, soit de situation à payer la rente de son bien ou
de son industrie, ce qui explique la matière du contrat.
L'usage de la stipulation de rachat en faveur du débi-
teur était très répandu. Plusieurs décisions particulières
et des édils de Charles-Quint l'imposaient dans bien des
cas; c'était le cas prévu par les premières constitutions
pontificales et celle de Pie V l'exigeait expressément (2).
Le débi-rentier pouvait donc se libérer quand il voulait en
restituant le capital, et cette situation lui était très favo-
(1) Lessius, De Justitia et jure, lib. Il, cap. 22. - Zyp.uus, Notitia,
loc cit. Nous n'avons pas à nous prononcer ici ni sur la portée exacte
des constitutions pontificales en cette matière, ni sur les interpréta-
tions qu'on en donnait en Belgique. Cf., outre les ouvrages cités
de Lessius et Zyp.eus, le Cardinal de Lugo, De justitia et jure, 27,
Reiffenstuel, Jus canonicum universum, t. VI, pp. 442 et sq.
(2) Bien que le droit canonique positif exigeai la faculté de rachat
en faveur du débiteur, il est certain que le droit positif belge permet-
laii l'usage de rentes perpétuelles, qui étaient moins favorables au
débiteur, mais que les canonistes déclaraient d'ailleurs licites en droit
naturel. Cf. Lessius, Ibid., n° <)*2.
(79)
rable, lui donnait une grande sécurité. Quant au crédi-
rentier, il pouvait toujours rentrer dans ses l'omis en \cn-
dant à un tiers le droit à la rente.
En pratique, très grave aussi est la question du juste
prix des revenus, et les auteurs y insistent comme sur un
clément essentiel à l'honnêteté du contrat. Elle est très
intéressante au point de vue économique.
On sait d'ailleurs l'importance que présente cette ques-
tion du juste prix dans tous les contrats (1).
Comment fixer ce prix? L'examen de ce point nous
amènerait a un aperçu du taux des revenus dans nos
provinces à cette époque; malheureusement, la précision
manque ici. C'est une question de valeur à régler d'après
l'estimation commune, qui est le critère bien connu, mais
quel est le prix que fixe cette estimation? Il est très
variable d'après les régions et les circonstances (2). On
comparera le revenu des terres; on tiendra compte de
la rareté de l'argent : car si l'argent est rare, on préfère
ne pas l'engager, le prix des rentes baisse, l'expérience le
prouve \Sj. Le goût du public pour tel ou tel placement
influe donc sur le prix. Il y avait d'ailleurs aussi des prix
légaux (lege taxatum).
Nous ne pouvons examiner ici la théorie môme du juste
prix ni en décomposer les éléments ; tâchons seulement
d'examiner, en fait, quel fut le taux de capitalisation des
rentes à cette époque.
Il v avait, nous l'avons dit, des rentes irrachetables.
(I) Cf. notre ouvrage cité sur Les théories économiques, p. 198.
(% Justum precium redituum, dit notre auteur (cap. 8), constitui
débet ex communi estimatione. Et variât pro locorum et regionum
varietate prout et commereia rerum et rci pecuniarie ratio variât.
(3) Lessius, op. et loc. cit., n° 103.
( 80)
Les perpétuelles irrachetables étaient fort appréciées dans
nos provinces, parce que c'était là un revenu très sûr.
Mais elles étaient rares : un édit de Charles-Quint de 1520
avait détendu d'en établir sur les terres féodales et un édit
de 1528 défendit, en général, d'en constituer de nouvelles
à prix d'argent, à cause des charges qui s'accumulaient sur
les terres.
Les rentes rachetables, même réelles, étaient bien
moins chères; la faculté de rachat, d'après les auteurs,
les déprécie, car la situation du débi-rentier qui peut
toujours se libérer est plus large, et partant celle du
crédi-rentier moins stable.
La rente, constituée par un capital mobilier, même
quand elle est garantie par hypothèque, se ressent de la
vivacité des affaires commerciales; elle peut être dépré-
ciée par la facilité des lucres commerciaux.
Pour le taux même de capitalisation, les auteurs ne
sont pas bien d'accord; il est difficile de le dégager avec
une netteté suffisante.
Notre auteur lui-même manque de clarté, et c'est en
combinant ses données avec celles tirées d'autres auteurs,
tels que Zypa'us et Lessius, que nous tâcherons d'établir
un petit calcul très approximatif, car les indications sont
souvent peu claires.
Le taux s'exprime par le prix d'achat de la rente.
Ainsi, on dit que la rente est au denier 20 quand on
donne 20 pour avoir 1 de revenu annuel; nous dirions
donc qu'on est à 5 °/„.
D'après cette terminologie, les rentes réelles irrache-
tables sont aux environs de 25, vers 1625 (1) ; un peu plus
(1) L'édit de Io"20, de Charles-Quint, avait déjà déclaré rachetables
•i ce taux les anciennes rentes féodales, irrachetables jusque-là.
( 81 )
tard, on n'en trouvera plus guère en dessous du denier 50,
donc de 4 °/„ à 3.55 %. Elles deviennent très rares, ce
qui s'explique notamment, nous l'avons dit, par la
défense d'en rétablir (1).
Les rentes rachetables, on l'a vu, valent beaucoup
moins cber, c'est-à-dire que le revenu y est plus élevé,
relativement au capital d'achat. Leur prix ordinaire
dans nos provinces est même aux environs du denier 1G,
ce qui va à (5.25 °/0, mais il n'en est pas ainsi partout;
parfois elles valent moins, parfois plus, et il y a là beau-
coup d'influences locales. Divers édits ont cherché à fixer
le taux des rentes; les oscillations entre les taux du
denier 20 et du denier 1G, c'est-à-dire de 5 à G. 25, sont
peu précises. En tous cas, ce dernier taux paraît être un
maximum dans nos États (2). D'ailleurs les textes sou-
vent ici manquent de clarté.
Il est certain que le taux fut variable; les auteurs citent
les exemples pour les autres pays et on sait combien cette
matière est sujette à oscillations. Nos indications sur ces
taux de capitalisation sont donc très insuffisantes; c'est
une voie dans laquelle on pourrait faire peut-être encore
de curieuses trouvailles, mais nous y engager serait sortir
de notre sujet, car il faudrait rechercher aussi le taux des
autres profits que nous ne pouvons étudier ici.
(1) Cf. une lettre curieuse de Zypœus sur le taux d'une rente à
payer par l'Université, dans l'Annuaire de l'Université de Loavain de
1853, p. 230
(% Zyp.kis, Xotitia, lue. cit. : « Legitimum reditum hic constitui
nummo decimo sexto non minori nisi Princeps speciatim induisent.
— Lessius, op. et loe. cit. (n° 134), parle pour le cens réel rachetable
d'une taxe légale de 14, que nous n'avons pu retrouver.
3me SÉRIE, TOME XXXIII. G
(82 )
Nous nous arrêtons donc pour le moment dans ces
calculs.
La matière des rentes est une des plus importantes de
l'histoire économique de cette période. On l'a souvent
mal exposée, et c'est ce reproche que nous faisons à bien
des historiens de la Renaissance. On a cru voir des trans-
formations de doctrine là où il y avait tout simplement
des modifications dans l'application, résultant du chan-
gement même des faits. Quoi de surprenant que des prin-
cipes identiques amenassent des conclusions différentes
quand les circonstances des faits se modifiaient si sensi-
blement? Quelle différence entre l'état économique du
XIIIe siècle et celui du XVIIe, et qu'y a-t-il d'étonnant à
ce que le même droit y aboutît en fait à des solutions
diverses? Ce n'étaient certes pas les règles de la justice
qui se modifiaient, mais les conditions matérielles de
l'équivalence dans les contrats. Il en était ainsi dans
cette matière si vivante du contrat de rente, arrange-
ment économique riche en combinaisons utiles. Sans
doute cette matière pouvait prêter, comme bien d'autres,
à des abus, — il y a souvent moyen d'éluder une loi, —
mais dans sa sphère régulière, maintenue avec netteté
par la doctrine, elle a eu un grand rôle économique.
Nous ne pouvons songer ici à développer ces aperçus.
Mais l'importance du contrat de rente explique comment,
au milieu des splendeurs du droit romain, on fait des cours
détaillés sur le régime des rentes; c'est aussi notre excuse
d'avoir attiré l'attention sur ce modeste manuscrit et d'en
avoir entretenu la Classe pendant quelques instants.
( 83 )
CXASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 7 janvier 1897.
M. Th. Radoux, directeur pour l<S!)(>, occupe le fau
(cuil.
M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Th. Vinçotte, directeur pour I8i)7 ;
Éd. Fétis, F. -A. Gevaert, Ad. Samuel, G. Guffens, Peter
Benoit, Jos. Jaquet, J. Demannez, P.-J. Clays, G. De
Groot, Gustave Biot, H. Hymans, Alex. Markelbach, Max.
Rooses, J. Robie, G. Huberti, A. Hennebicq, Éd. Van
Even, Ch. Tardieu, Alfr. Cluysenaar, F. Laureys, J. Win-
ders, Em. Janlet, H. Maquet, membres; J.-B. Meunier et
Van Ysendyck, correspondants.
M. Jules Pécher exprime, par écrit, ses regrets de
n'avoir pu assister aux dernières séances à cause de son
état de santé. Il se voit encore obligé, ajoute-t-il, de
réclamer l'indulgence de la Classe au sujet de son absence
à la réunion actuelle.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique transmet une ampliation de l'arrêté royal, en
date du 16 décembre, nommant président de l'Académie,
( 84 )
pour l'année 1897, M. le comte Goblet d'Alviella, direc-
teur de la Classe des lettres pendant la même année.
M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux
publics, ayant les beaux-arts dans ses attributions,
demande l'avis de la Classe sur le second rapport semes-
triel de M. Jean Delville, prix de Rome pour la peinture
en 189<>, ainsi que sur le premier envoi des travaux
réglementaires que le même lauréat a exécutés pendant
la première année de ses voyages d'études. - - Renvoi
aux commissaires qui ont examiné le premier rapport :
MM. Hymans, Robie, Hennebicq et Cluysenaar.
- Le même Ministre transmet une expédition de l'ar-
rêté allouant la pension de 4,000 francs à M. Arthur
Sterck, lauréat du grand concours de gravure de 1890.
MM. Vloers et Baetes remettent une reproduction
photographique de leurs œuvres couronnées lors du der-
nier concours de la Classe.
— Hommages d'ouvrages :
1° La musique et les écoles nationales; par Th. Radoux;
2° Essai sur Cari contemporain ; par H. Fierens-
Gevaert ;
5° Le peintre lorrain Claude Jacquard suivi de : Un
protecteur des arts, le prince Charles-Alexandre de Lor-
raine; par Albert Jacquot. (Présenté par M. H. Hymans.)
— Remerciements.
( 85 )
RAPPORTS.
Sur l'avis favorable de la section de sculpture, la
Classe adopte le buste en marbre de feu Henri Van der
Haert, commandé par le Gouvernement à M. J. Hérain,
pour la galerie des bustes des académiciens décédés.
ELECTIONS.
La Classe se constitue en comité secret pour procéder
aux élections pour les places vacantes.
Ont été élus :
SECTION DE PEINTURE.
Correspondant, en remplacement de M. le comte J. de
Lalaing, élu membre titulaire : M. Bourlard, directeur de
l'Académie des beaux-arts de Mons.
Associé, en remplacement de lord Frédéric Leigbton,
décédé : sir Edward Burne- Jones, baronnet, artiste
peintre, à Londres.
SECTION D'ARCHITECTURE.
Associés : 1° en remplacement de Ch.-Fred. de Leins, de
Stuttgart, décédé : J.-L. -Charles Garnier, membre de
( ««)
l'Institut de France, à Paris; 2° en remplacement de
Mariano Medino Contreras, de Grenade, décédé : George
Aitchison, président de l'Institut royal des architectes, à
Londres.
SECTION DE MUSIQUE.
Correspondant , en remplacement de Jules Busschop,
décédé : Emile Mathieu, directeur de l'École de musique
de Louvain.
Associé, en remplacement d'Ambroise Thomas, décédé :
Vincent d'Indy, compositeur, à Paris.
— La Classe procède ensuite à l'élection de son direc-
teur pour l'année 1898. Les suffrages se portent sur
M. Charles Tardieu, membre de la section des sciences
et des lettres dans leurs rapports avec les beaux-arts.
M. Tardieu remercie pour cette marque de bienveillance.
M. Radoux, directeur sortant, exprime ses sentiments
de gratitude pour l'honneur d'avoir été appelé à diriger
les travaux de la Classe pendant l'année 1896. Il ajoute
qu'il conservera le plus vif souvenir du concours qu'il
a rencontré dans la Classe pour faciliter sa tâche. Il
installe ensuite au fauteuil M. Vinçotte, lequel remercie
M. Radoux pour la manière dont il s'est acquitté de son
mandat et surtout pour le discours qu'il a prononcé en
séance publique.
M. Vinçotte invite M. Tardieu à venir prendre place au
bureau.
(87 )
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Radoux (J.-Th.). La musique et les écoles nationales, dis-
cours. Liège, 1896; extr. in-8° (20 p.).
Petermann (A.). Station agronomique et laboratoires
d'analyses de l'État, 1871-181)13. Rapport au Ministre de
l'Agriculture. Bruxelles, 1896; in-8° (84 p., pi).
De Vuyst (P.). Cultures spéciales. Expériences de Bors-
beke Iez-Alost, 1890-1896. Rapports. Louvain, 1896 ; in-8°
(238 p.).
Navez (Louis). Waterloo, deuxième édition. Bruxelles,
1896; in-8° (183 p., 14 photogravures, 2 cartes et une
réduction photolithographique de la notice historique de
Craan).
Sermre(C.-A.). Les monnaies des Voconces. Essai d'attri-
bution et de classement chronologique. Paris, 1896; extr.
in-8° (95 p.).
Lameere (Aiuj.). Essai sur l'origine et les attributions de
l'audiencier dans les anciens Pays-Bas. Dissertation. Bru-
xelles, 1896; in-8°(78p.).
Willems {Jos.). Essai sur la responsabilité civile (articles
1382-1386 du Code civil). Paris-Louvain, 1896; in-8°
(184 p.).
— La loi Aquilienne, théorie du dommage aux choses en
droit romain. Louvain, 1896 ; in-8° (112 p.).
Meerl (//.). Distels. Proeve van taalzuivering, te gebrui-
ken bij het onderwijs in de nederlandsche taal. Bruxelles,
1897;in-8°(186p.).
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— Ministère des Finances. Catalogue des bibliothèques.
Bruxelles, 1896; gr. in-8°.
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dimanche, volume V; pays étrangers. Rapports, 1896.
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M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
sur la situation de la Bibliothèque durant les années 1894-
1895; par M. Ed. Fotis, conservateur en chef. 1896.
Gand. Dietsche Warande. Tijdschrift voor Schoone-kunst,
enz., 1896.
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tome III, 1896.
Tournai. Société historique et archéologique. Annales,
nouvelle série, tome Ier, 1896.
Allemagne.
Berlin. Archàologische Gesellschaft, 56. Programm :
Griechisches Pferdegeschirr im Antiquarium der kônigli-
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von Fôhr und Ludwig 3Iayer), 1893 ; in-8".
— Fundc antiker Mùnzen im Kônigreich Wùrttemberg
(Dr. Wilhelm Nestlé), 1893 ; in-8".
— Geschichte des Feldzuges 1814 gcgen Frankreieh,
unter besonderer Berùcksichligung der Anteilnahme der
kôniglich wùrttembergischen Truppen. (Fritz von Hiller),
1893; in-8°.
— Wurttembergische Geschichtsquellen (Dielrich Schà-
fer), Bund Mil, 1894-1896 ; 3 vol. in-8°.
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(Wilhelm Heyd), Band I und II, 1895-1896; 2 vol. in-8».
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Madrid. Observatorio. Observaciones meteorologicas,
1894-1895. Resumen de las observaciones meteorologicas,
1893-1894. 2 vol. in-8».
— — ~S~' &&&&&*>*
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
1897. — N° 2.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 6 février 1897.
M. Alfr. Gilkinet, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. Éd. Dupont, vice-directeur; le
baron Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, E. Can-
dèze, Al. Brialmont, Éd. Van Beneden, C. Malaise,
F. Folie, Alph. Briart, Fr. Crépin, J. De Tilly, Ch. Van
Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, W. Spring, M. Mour-
lon, P. Mansion, P. De Heen, F. Terby, J. Deruyts,
Léon Fredericq, J.-B. Masius, membres; Ch. de la Vallée
Poussin, associé; A. -F. Benard, L. Errera, J. Neuberg,
Alb. Lancaster et G. Cesàro, correspondants.
3mt SÉRIE, TOME XXXIII. 7
( 94)
CORRESPONDANCE.
M. Hervé Faye, associé de la Classe, adresse ses remer-
ciements pour les sentiments qui lui ont été exprimés à
l'occasion de la célébration, le 25 janvier dernier, de son
cinquantenaire d'élection de membre de l'Académie des
sciences de Paris.
— MM. D.-I. Mendeléeff, Beltrami, Janssen et Des
Cloizeaux remercient pour l'envoi de leurs diplômes
d'associé.
— La « Smitbsonian Institution » de Washington
annonce la mort de son secrétaire assistant, George
Brown Goode, décédé le 6 septembre dernier.
— M. Gilkinet dépose sur le bureau le discours qu'il
a prononcé à l'Université de Liège, le 17 décembre der-
nier, lors de la cérémonie qui a eu lieu en mémoire de
J. Delbœuf, membre de l'Académie.
La Classe remercie M. Gilkinet pour ce discours, qui
ligure ci-après.
— L'Association générale pharmaceutique de Belgique
annonce que le huitième Congrès international de phar-
macie aura lieu à Bruxelles au mois d'août prochain.
— L'Académie des sciences de l'Institut de Bologne
envoie le programme du concours ouvert pour le prix
Aid i ni sur le « Galvanisme ».
( 95 )
- L'Académie royale des sciences de Turin envoie le
programme du onzième concours pour le prix Bressa.
L'Académie de Stanislas, à Nancy, envoie le pro-
gramme des prix Despeux et Herpin à décerner en 1N!)K
et en 1899.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages suivants :
1° Ânatomie du système nerveux de l'homme, 2e édition :
par A. Van Gehuchten;
2° Flora Balava, 3I5,le en 516,le alleveringen.
— Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
1° Annales du Musée royal d'histoire naturelle, tome XII :
Les Arachnides de Behjique; par Léon Becker (présente
par M. Éd. Dupont, directeur du Musée);
2° Les origines des }\'allons et des Flamands; par Julien
Kraipont;
5° Huit brochures sur la géologie de la Belgique ; par
Michel Mourion;
4° Onderzoekingen in het physiologisch Laboralorium te
l trecht, IV, 4; par Th.-W. Engelmann, associé;
5° Album de statistique graphique : démographie et
hygiène de la ville de Bruxelles; par le D' E. Janssens;
G0 Instructions pour effectuer des observations météoro-
logiques au Congo; par J. Vincent;
7° Sur la géométrie des courbes transcendantes; par
Ant. Cabreira, à Lisbonne.
— Remerciements.
( 96 )
— Travaux manuscrits renvoyés à l'examen :
1° Recherches sur l'acide phénoxacétique. — Deuxième
communication : Acide phénoxycinnamique ; par le docteur
A.-J.-J. Vandevelde, assistant à l'Université de Garni. —
Commissaires : MM. Spring et Henry;
2° Action des vibrations électriques sur quelques sub-
stances ; par A. de Hemptinne. - Commissaires :
MM. Spring, De Heen et Van der Mensbrugghe.
— Sur sa demande, M. A. Renard est remis en pos-
session de son mémoire Sur la météorite de Lesve et sur le
mode de formation des météorites pierreuses, sur lequel il
n'a pas encore été fait rapport.
Discours prononcé au nom de la Classe des sciences, par
M. A . Gilkinet, lors de la cérémonie à l'Université de Liège,
le 17 décembre 1896, à la mémoire de J. Delbœuf, membre
de l'Académie.
Respectant la volonté exprimée par la famille, l'Aca-
démie royale de Relgique s'était abstenue d'exprimer sur
la tombe de Joseph Delbœuf les regrets que sa mort
avait causés au sein du corps académique. L'Université
de Liège ayant décidé de consacrer une séance solennelle
ii l'éloge de celui qui fut une de ses illustrations les plus
incontestées, la Classe des sciences ne pouvait manquer
de s'associer à cette cérémonie.
Élu membre correspondant de l'Académie le 14 dé-
cembre 1877 et membre titulaire le 15 décembre 1887,
Joseph Delbœuf n'a cessé d'apporter au corps savant qui
( 97 )
l'avait appelé dans ses rangs le concours de son activité
scientifique.
M. le Recteur de l'Université de Liège et M. le Doyen
de la Faculté de philosophie ont caractérisé d'une façon
complète l'œuvre de Delbœuf et en ont l'ait ressortir
l'importance.
Qu'il me soit permis de rappeler, comme organe en
cette circonstance de la Classe des sciences, que plusieurs
mémoires très importants de Delbœuf ont été publiés
par l'Académie royale de Belgique. Je citerai notamment
ses Recherches théoriques et expérimentales sur la mesure des
sensations: une Théor'œgénérale de la sensibilité; plusieurs
mémoires Sur la liberté et ses effets mécaniques ; différents
travaux Sur les illusions d'optique, Sur le daltonisme; enfin,
Sur l'hypnotisme et ses effets curatifs, etc.
Savant aux vues larges et originales, Delbœuf était prêt
à accepter toutes les innovations qui lui paraissaient justi-
fiées. Rien n'échappait à son esprit critique. Personne ne
savait mieux que lui analyser une théorie et mettre en
lumière ses côtés faibles; bien peu ont possédé au même
degré cette facilité extraordinaire de travail dont témoigne
l'œuvre considérable qu'il laisse après lui.
En dépit du mal dont il souffrait depuis longtemps,
mal qui inquiétait tous ses amis et contre lequel il réagis-
sait avec une énergie extraordinaire, jusqu'à ses derniers
moments, Delbœuf assista régulièrement aux réunions
académiques. Quelques semaines avant sa mort, il prenait
part encore aux travaux de la Classe des sciences et don-
nait lecture d'un rapport qu'il ne lui a pas été donné de
voir imprimé.
L'Université de Liège n'oubliera pas le nom du col-
lègue dont l'enseignement et les travaux ont jeté sur elle
un si vif éclat.
(98)
L'Académie royale de Belgique conservera la mémoire
du Confrère dévoué, du savant infatigable dont la vie
entière a été consacrée à la recherche de la vérité.
CONCOURS.
Programme du concours annuel pour 1898.
SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES.
PREMIÈRE QUESTION.
Faire l'exposé des recherches exécutées sur les phénomènes
critiques en physique.
Compléter nos connaissances sur cette question par des
recherches nouvelles.
DEUXIÈME QUESTION.
Faire t exposé et la critique des diverses théories proposées
pour expliquer la constitution des solutions. Compléter, par
des expériences nouvelles, nos connaissances sur cette ques-
tion, surtout en ce qui concerne l'existence des hydrates en
solution dans l'eau.
TROISIÈME QUESTION.
Apporter une contribution importante à l'étude des cor-
respondances (Verwandtschaften) que l'on peut établir entre
deux espaces.
L'Académie accepterait, par exemple, une étude des
connexes à deux séries de quatre variables homogènes,
dans le sens des recherches de Clebsch (voir Vorlesungen
iiber Géométrie, chapitre Vil); de même, on pourrait
( 99 )
répondre par une étude géométrique et analytique de
l'équation
«H *î -*• «îî *î ■*■ «33 x« + "4« x\
-+- 2ct„ xt Xj •+- 2</,j x, xs -+- 2au x{ xt -+- 2aH x, x,
-♦- lau x4 Xi -*- 2o5t x5 x, = 0,
dans laquelle les coeflicients sont des fonctions du second
degré de variables ft, ys, y3, y4.
QUATRIÈME QUESTION.
Déterminer l'influence exercée par le radical nitryle J\02,
dans les composés aliphatiques, sur les caractères ou fonc-
tions alcool, éther haloïde, oxy-élher, etc.
(SCIENCES NATURELLES.
PREMIÈRE QUESTION.
On demande de nouvelles recherches, macrochimiques et
microchimiques, sur la digestion chez les plantes carnivores.
DEUXIÈME QUESTION.
On demande des recherches physiologiques nouvelles sur
une fonction encore mal connue chez un animal invertébré.
TROISIÈME QUESTION.
On demande de nouvelles recherches sur l'organisation et
sur le développement d'un Platode, en vue de déterminer s'il
existe ou non des rapports phylogéniques entre les Platy-
helmes et les Entérocœliens.
La valeur du prix attribué a la solution de chacune
de ces questions est de six cents francs, à l'exception
de la quatrième question des sciences mathématiques
et physiques pour laquelle cette valeur est portée à
huit cents fanes.
( 100 )
Les mémoires devront être écrits lisiblement et pour-
ront être rédigés en français ou en flamand. Ils devront
être adressés, francs de port, à M. le Secrétaire perpétuel,
au Palais des Académies, avant le 1er août 4898.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les
citations; les auteurs auront soin, par conséquent, d'in-
diquer les éditions et les pages des ouvrages cités. On
n'admettra que des planches inédites.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage;
ils y inscriront seulement une devise, qu'ils reprodui-
ront sur un pli cacheté renfermant leur nom et leur
adresse (il est défendu de faire usage d'un pseudonyme) ;
faute, par eux, de satisfaire à cette formalité, le prix ne
pourra leur être accordé.
Les mémoires remis après le terme prescrit ou ceux
dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière
que ce soit, seront exclus du concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que
les mémoires soumis à son jugement sont et restent
déposés dans ses archives. Toutefois, les auteurs peuvent
en faire prendre copie, à leurs frais, en s'adressant, à cet
effet, au Secrétaire perpétuel.
Prix de chimie en mémoire de Jean-Servais STAS,
ANCIEN MEMRRE DE LA CLASSE DES SCIENCES.
Un prix extraordinaire, de la valeur de mille francs,
sera attribué à la meilleure solution du sujet suivant :
Déterminer, par des recherches nouvelles, le poids ato-
mique d'un ou de plusieurs éléments pour lesquels cette
constante physique est encore incertaine aujourd'hui.
( 101 )
Le délai pour la remise des manuscrits expirera le
1" août 1897.
Les règles habituelles des concours de la Classe devront
être suivies par les concurrents.
Prix Charles Lemaire
en faveur de questions relatives aux travaux publics.
(Troisième période : 1895-1897.)
Extrait du testament mystique de M"c Lemaire en date
du 28 novembre 1890, fondant un prix à la mémoire de
son frère, ancien ingénieur :
« Je donne à l'Académie des sciences de Belgique la
» somme de vingt-cinq mille francs pour que les revenus
» en soient affectés à la formation d'un prix qui sera
» décerné tous les deux ans, sous le nom de prix Charles
» Lemaire, à l'auteur du meilleur mémoire publié sur
» des questions relatives aux travaux publics. »
En conséquence, un prix de quatorze cent vingt francs
est attribué, pour la troisième période de ce concours, à
l'auteur du meilleur mémoire répondant au but de la
fondation.
Seront seuls admis les ouvrages présentés par des
auteurs belges ou naturalisés. Ils devront être rédigés en
français ou en flamand, et publiés en Belgique pendant
la période du 1er juillet 1895 au 30 juin 1897.
Le délai pour la remise des ouvrages expirera le
50 juin 1897; ils devront être adressés, francs de port,
à M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie, au Palais des
Académies, à Bruxelles.
Le résultat du concours sera proclamé dans la séance
publique de la Classe des sciences, en décembre 1897.
( 102 )
Prix Edouard Mailly pour favoriser les progrès
de l'astronomie en belgique.
(Deuxième période : 1896-1899.)
Un prix de mille francs est attribué à l'auteur du
meilleur ouvrage, imprimé ou manuscrit, répondant aux
vues du fondateur.
Seront seuls admis les travaux présentés par des
auteurs belges ou naturalisés.
Ils devront être rédigés en français ou en flamand, et
être adressés, francs de port, avant le 51 décembre 1899,
à M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie, au Palais des
Académies, à Bruxelles.
Les ouvrages imprimés devront être publiés dans la
période précitée.
Les travaux manuscrits devront être datés et porteront
une devise, qui sera répétée sur un pli cacheté renfer-
mant le nom et le domicile de l'auteur.
Le prix remporté par les ouvrages manuscrits ne sera
délivré à l'auteur que contre la présentation du premier
exemplaire imprimé de son travail.
Le résultat du concours sera proclamé dans la séance
publique annuelle de la Classe des sciences, en décembre
1900.
RAPPORTS.
Il est donné lecture des rapports :
1" De MM. Van Beneden, Van Bambeke, L. Fre-
dericq et Errera sur les requêtes par lesquelles M. le
l)r Paul Masoin, assistant à l'Université de Gand et
( «03 )
M. le D' Taquin, membre de l'expédition antarctique;
belge, sollicitent de pouvoir bénéficier, cette année, de la
table réservée à la Belgique à la station zoologique de
Naples.
— Communication des rapports à M. le Ministre de
l'Intérieur et de l'Instruction publique.
2° De MM. De Heen, Spring et Van der Mensbrugghe
sur des notes de M. A. de Hemptinne intitulées : Études
sur les effluves électriques et sur le spectre de quelques
vapeurs. — Impression dans les Mémoires in-8".
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Réflexions sur l'aberration planétaire; par F. Folie,
membre de l'Académie.
1. — Soit un point lumineux P au repos à l'instant T.
Si un observateur au repos est,
au même instant, en 0, il verra P 0" P F'
dans la direction vraie OP.
S'il est en mouvement, et si \ ; \
la vitesse de la lumière était infi-
nie, il en serait encore de même.
Mais la vitesse de la lumière Y \L~ -K',
étant lime, si un rayon lumineux,
parti de P à l'instant T, arrive FlG- *"
à T -t- 8 = t en 0', en même temps que l'observateur
qui est parti à l'instant T du point 0, PO' sera la direc-
tion vraie du rayon lumineux dont la direction apparente
( 104 )
est PO ou PO; or, au même instant T, le point lumi-
neux et l'observateur sont respectivement en P et en 0 ;
au temps T -t- 9 = *, l'observateur est en 0' : la direction
apparente à l'instant t est donc la même que la direction
vraie à l'instant T.
Telle est la théorie de l'aberration de la lumière émise
par un point fixe.
Tl est à remarquer que la direction apparente peut se
trouver en composant la vitesse PO' de la lumière avec la
vitesse PO" de l'observateur prise en signe contraire.
"2. Soient maintenant deux points lumineux Pt, P2,
et un observateur 0 placé sur la
P P droite qui les réunit, à égale dis-
tance des deux points, et suppo-
/ / S sons le système PiOP2 animé
;'/' / d'un même mouvement rectiligne
°,f- :'° et uniforme.
Ici nous aurons deux hvpo-
/ ', / thèses à examiner.
T2 "P2 I. La direction du rayon lumi-
FlG 2_ neux émis par un point en mou-
vement n'est pas influencée par le mouvement de ce
point, hypothèse admise par presque tous les astrono-
mes et par la grande majorité des physiciens.
II. La direction de ce rayon est celle de la résultante
de la vitesse de la lumière et de la vitesse du point lumi-
neux.
Imaginons un tube absolument capillaire réunissant
le point 0 aux points Pt et P2, et dont l'intérieur absorbe
complètement la lumière.
( 105 )
a. Dans l'hypothèse I, les rayons lumineux partis de
Pi et de P2 vers 0 seront absorbés par les parois du tube,
;i cause du mouvement de celui-ci dans la direction 00'.
a'. Dans l'hypothèse II, ces rayons parcourront le
tube comme si tout le système était en repos; car, étant
animés des vitesses simultanées PO et PP', ils parcour-
ront la diagonale PO' comme le ferait un point matériel
lancé dans le tube avec la vitesse PO et entraîné dans le
mouvement de celui-ci ; ils arriveront donc en 0' en
même temps que 0, lorsque P4 et P2 arriveront en Pt'
et P2\
Supposons notre tube capillaire percé dans un écran
qui s'étendrait dans la direction opposée à celle de PP'.
b. Dans l'hypothèse I, les rayons lumineux partis de
Pj et de P2 vers 0 n'arriveront pas à l'observateur, et
ceux qui partiraient dans les directions Pt0', I\20' seront
interceptés par l'écran.
b'. Dans l'hypothèse II, ces rayons seront visibles
(voir a').
Les deux conséquences a', b' sont confirmées par les
observations des mires terrestres.
Les conséquences a, b nous paraissent absolument
fausses (*).
(*) On pourrait vérifier le fait au moyen de l'expérience suivante,
dont l'idée nous est venue, à M. Spée, l'un des astronomes de l'Obser-
vatoire, et à moi, dans nos conférences sur ce sujet.
Soit un faisceau lumineux traversant une ouverture de 1 millimètre
de diamètre a percée dans un écran A, et deux ouvertures semblables
b, c rigoureusement en ligne droite avec a, percées aux extrémités
d'un canal bc traversant la pièce B.
On s'assure qu'on voit le faisceau lumineux au moyen de la
lunette /, située à 30 mètres de l'ouverture c.
On interpose ensuite sur le trajet, près de la lunette, une pièce D
( i06 )
Or les raisonnements qui précèdent sont tout à lait
indépendants de la distance du point lumineux à l'obser-
vateur; il suffit, pour qu'ils soient applicables, que les
distances O'P et O'O soient respectivement proportion-
nelles aux vitesses de la lumière et de l'observateur.
Ces conséquences peuvent donc s'appliquer au cas où
le point lumineux P est remplacé par une planète.
Elles conduisent à ce corollaire fondamental, qui est
considéré comme un axiome en mécanique rationnelle :
Corollaire. — Dans la théorie de l'aberration, il est
permis d'animer tous les points du système d'une vitesse
identique (en grandeur et en direction), sans altérer en rien
les phénomènes relatifs qui se produisent dans le système,
à la condition de restituer au système cette même vitesse
prise en signe contraire.
3. — Supposons, en troisième lieu, un observateur eu
-pi repos au point 0, et un point P,
u : qui devient lumineux à l'instant
T, et qui se dirige vers P' avec
une vitesse v.
Le rayon lumineux que le point
0'" 0 P aurait émis, au repos, dans la
Fig. 3. direction PO', arrivera en 0 avec
percée de deux ouvertures d, c semblables à b, c, et rigoureusement
en ligne droite arec celles-ci.
Si la lumière participe du mouvement de la source, c'est-à-dire do
la vitesse de la Terre, on la verra encore dans le dernier dispositif:
sinon, non.
Car la pièce D ayant avancé de 3 millimètres dans le dix-mil-
lionième de seconde pendant lequel le rayon lumineux, supposé
animé de la seule, vitesse de la lumière, a francbi la distance ad,
viendra frapper les parois de la pièce D et n'arrivera pas à la lunette.
Y
W
( <07 )
une vitesse V, résultante de la vitesse V de la lumière et de
la vitesse v du point lumineux, à l'instant ï -+- 0, 0 étant
, , , PO
égal a yf
L'observateur voit donc le point lumineux en P à
l'instant où celui-ci est arrivé en P\
Examinons les conséquences qui résultent de la com-
binaison des cas 1 (point immobile, observateur mobile)
et 5 (point mobile, observateur immobile).
Dans le cas I, pour trouver la direction apparente,
on peut supposer le point lumineux animé d'une vitesse
égale et contraire à celle de l'observateur : la résultante
de cette vitesse et de la vitesse absolue de la lumière dans
la direction vraie sera la direction apparente.
Dans le cas 3, pour trouver la direction apparente, il
suffit de composer la vitesse absolue de la lumière dans la
direction vraie avec la vitesse du point lumineux.
4. — Si le point lumineux P et l'observateur 0' sont
animés de vitesses égales, parallèles et de même sens,
en appliquant successivement les deux règles précédentes,
le rayon vrai PO deviendra PO ou O'P.
La direction apparente se confondra donc avec la vraie
dans ce cas, qui est celui des mires.
Cette conséquence est conforme à la précédente a'.
Mais il y a un résultat assez important à en tirer.
Si l'on déduit la vitesse de la lumière d'expériences
directes, comme l'ont fait Fizeau, Foucault, Michelson,
Cornu, on doit tenir compte de la vitesse v de la mire
à l'instant de l'observation, et considérer la vitesse V,
donnée par celle-ci, comme la résultante de la vitesse V
de la lumière et de cette vitesse v .
Au nombre des composantes de cette dernière doit
108
figurer la vitesse de transport du système solaire dans
l'espace. Le procédé théoriquement le plus certain pour
déterminer directement la vitesse de la lumière consiste
donc à faire l'expérience vers l'époque à laquelle la Terre
se meut dans une direction opposée à celle de l'Apex.
P^
v-
5. — Le corollaire précédent servira de base à la théo-
rie de l'aberration planétaire.
Soient P et 0 les positions de la planète et de l'obser-
vateur à l'instant T, Pp et Ou
représentant leurs vitesses res-
pectives. J'anime tout le système
d'une vitesse Oo' égale et directe-
ment contraire à Vp.
La planète P pourra être consi-
dérée comme au repos, et l'obser-
vateur 0 comme animé de la
vitesse 00'.
Le cas de l'aberration plané-
taire est ainsi ramené au cas de
l'aberration des fixes, traité au commencement de cette
note. Et l'on reconnaît immédiatement que la seule
différence entre la théorie de Gauss et celle que nous
avons exposée, consiste en ce que, dans la première,
le rayon lumineux arrive à l'observateur avec la seule
vitesse de la lumière, dans la seconde, avec la résultante
de cette vitesse et de celle de la planète.
Ce que nous disons des planètes est également appli-
cable aux étoiles. Seulement, comme les mouvements
propres (objectifs) des étoiles nous sont inconnus, force
nous est de considérer celles-ci comme fixes. Mais on ne
doit pas être surpris de trouver, par différentes étoiles,
différentes valeurs de la constante de l'aberration.
(109)
Il est probable, toutefois, d'après les connaissances
que nous possédons sur ces mouvements propres, que la
différence entre la valeur déduite de l'observation, pour
la constante de l'aberration (rapport de la vitesse
moyenne de la Terre à celle de la lumière), et la valeur
correcte de ce rapport, ne portera que sur le chiffre des
millièmes de seconde.
(5. — Depuis six ans, nous avons critiqué, sans la
moindre hésitation, les formules dont les astronomes
font usage quant aux variations de coordonnées qui pro-
viennent du mouvement de l'axe de la Terre. Mais ce
1 n'est pas sans avoir longuement médité le sujet que nous
nous sommes décidé à combattre la théorie de l'aberra-
tion proposée par les astronomes géomètres les plus
perspicaces du siècle.
L'étude de cette théorie n'exige point, à la vérité, les
mêmes connaissances analytiques et mécaniques que
l'étude du mouvement de rotation de la Terre; par contre,
elle est beaucoup plus subtile, et ce n'est pas d'une façon
bien nette que des astronomes très distingués, comme
Herschel et Y. Villarceau, et même des physiciens éminents
se sont prononcés sur l'indépendance entre la vitesse de
la lumière et celle de la source lumineuse d'où elle
émane.
Le caractère élémentaire de la présente note permettra
à tout astronome ou physicien, même peu géomètre,
d'en suivre la lecture, et de nous réfuter si nos raisonne-
ments sont incorrects.
Le sujet en vaut la peine : en effet, s'ils sont corrects,
et qu'on veuille effectuer des réductions très précises
Ûme SÉRIE, TOME XXXIU. K
( HO )
quant à l'aberration, bien des calculs devraient être
repris à nouveau.
Nous espérons que les physiciens et les astronomes
voudront bien se donner la peine de méditer ces quelques
pages, et nous faire l'honneur de les réfuter, si la théorie
admise jusqu'à ce jour leur paraît irréprochable.
Sur la monochlorhydrine glycérique d'origine allylique (*) ;
par Louis Henry, membre de l'Académie.
Je me suis occupé autrefois, au cours de mes recherches .
sur les composés glycériques, des produits d'addition de
l'acide hypochloreux au propylène (**) et aux composés
allyliques (***). Ceux-ci fournissent, dans ces conditions,
des composés glycériques.
Je crois avoir démontré expérimentalement, d'une
Cil
manière suffisante, que le système m des composés
CHt>
allyliques se transforme, en s'ajoutant à l'acide hypo-
i
CHf'l
chloreux, dans le système chloro-hydroxvlé i
CH2-OH
des dérivés glycériques. Quoi qu'il en soit de ma démon-
O La présente notice est ancienne, car elle date de 1878; je ne sais
pour quel motif elle n'a pas été publiée à cette époque. Depuis lors,
je l'avais complètement oubliée, lorsqu'il y a peu de jours, je l'ai
retrouvée au milieu d'autres papiers scientifiques.
Le temps ne lui a pas fait perdre, ce me semble, de son intérêt, et
je ne crois pas inutile de la livrer aujourd'hui à la publicité.
(") Comptes rendus, etc., t. LXXIX et t. LXXXII.
("*) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 2« sér., t. XXXVII, pp. 357
et suiv.; pp. 521 et suiv. (1874).
{ m )
stratioD, M. Hanriol a mis en doute la nature de la
monochlorhydrine glycérique résultant de l 'addition de
OH - Cl à l'alcool allvlique. Voici ce qu'on lit, en effet,
dans un mémoire publié par ce savant dans le BuUelin de
la Société chimique de Paris (*) :
« Il est probable que l'action de l'acide hypochloreux sur
» l'alcool aUylique donne l'isomère cherché», — il s'agit de la
monochlorhydrine bi-primaireCH2(OH)-CHCl-CH2-(OH),
- « mais la constitution du produit obtenu dans ces con-
» ditions n'a pas été nettement établie. »
Je ne partage pas les doutes que conserve M. Hanriol
sur la constitution de la monochlorhydrine que j'ai obtenue
et décrite précédemment, par l'addition de l'acide (OH)CI
à l'alcool allylique; le but de la présente notice est de
montrer qu'ils ne sont pas fondés, et je me propose de
démontrer que Y analogie et les faits autorisent à attribuer
à ma monochlorhydrine la constitution exprimée par la
formule
Ch\OH)
i
CUCI
CHâ(OH).
El d'abord l'analogie. J'ai démontré, par des expériences
directes, que lors de l'addition de l'acide hypochloreux -
et même de l'acide hypobromeux — tant au propylène
qu'à ses dérivés primaires de substitution, c'est-à-dire les
composés allyliques
CH3 CH,X
C3tl6 CH C3IISX Cil
il il
Cil, Cll2,
(*) T. XXIX, p. 399.
( 112 )
le corps halogène, chlore ou brome, se fixe sur le chaî-
non - CH = et l'hydroxyle sur le chaînon = CH.2, donnant
ainsi un dérivé alcoolique primaire susceptible d'être
transformé en un acide C3 sous l'action de l'acide azo-
tique. La monochlorhydrine propylénique C3H6 -+- (OH)Cl
m'a fourni l'acide monochloro-propionique
CO^OII)
i
CHCI
i
CIV,
la dichlorhydrine (C3H5)C1 4- (OH)CI m'a donné l'acide
bichloro-propionique
COOI1
i
CHCI
i
Cu\CI;
les chloro-bromhydrines (C3H3)Br -+- (OU)Cl et (C3H5)C1
-+- (OH)Br ont produit respectivement les acides chloro-
bromo-propioniques (*)
COOH COOI1
i i
CHCI et CHBr
i i
CHjBr CHaCI.
En présence de ces faits, il est légitime d'admettre que
le dérivé hydroxylé correspondant à ces dérivés haloïdes,
(*) Ces deux acides, dont j'ai fait connaître l'existence ('), ont été
étudiés plus tard dans mon laboratoire par M. U. Massalski. Les
résultats des recherches de M Massalski sont consignés dans la dis-
sertation inaugurale qu'il a présentée à la Faculté des sciences de
l'Université de Louvain pour l'obtention du grade de docteur en
sciences chimiques.
(«) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, t. XXXY'It, 2« séi\, p. 521 (mai 1874).
( "3 )
c'est-à-dire l'alcool allylique C3Hg (OH), se comporte ave»
l'acide (OII)Cl comme ces dérivés haloïdes eux-mêmes, et
que son produit d'addition a une constitution identique
à celle des produits qu'ils fournissent eux-mêmes, c'est-
à-dire que la monochlorhydrine (C3H;)OH + (OH)Cl
répond à la formule
CH.OII
i
CHCI
i
CILOI!
Quant aux faits, deux méthodes se présentent pour
déterminer la position du chlore dans ce composé : l'oxy-
dation et la réduction.
Une monochlorhydrine de cette nature doit fournir
par oxydation un acide bihasique, l'acide malonique
monochloré CqH - CHCI - CqH> J'ai tenté cette réaction
autrefois, mais sans succès; en oxydant cette monochlor-
hydrine d'origine allylique par l'acide azotique dans les
conditions ordinaires, j'ai obtenu de l'acide oxalique.
Cet insuccès n'a d'ailleurs rien de surprenant, et la
formation de l'acide oxalique correspond à l'existence
dans ce composé d'un chaînon médian CHCI; je ferai
remarquer que l'oxydation par l'acide azotique de la
monochlorhydrine, éther haloïde primaire CH^Cl-CH-OIl
-CH2-OH, fournit l'acide acétique monochloré ^ - oïl
-CH2CI.
J'ai soumis à l'action réductrice de l'amalgame sodique
en présence de l'eau, la monochlorhydrine allylique el
j'en ai obtenu le glycol propylénique biprimaire CH2OH
- CH.2-CH2-OH. Voici quelques détails au sujet de cette
opération.
( H4 )
La monochlorhydrine a été dissoute dans l'alcool for-
tement aqueux additionné d'acide chlorhydrique, et on y
a introduit, par portions successives, une quantité d'amal-
game sodique beaucoup plus considérable que la quantité
théoriquement nécessaire, en ayant soin de maintenir la
liqueur acide. L'addition du carbonate potassique sépare
de la liqueur l'alcool qui tient en dissolution le glycol pro-
pvlénique formé. Par la distillation, on obtient celui-ci
sous forme d'un liquide exempt de chlore et bouillant
vers 210°.
On sait que la monochlorhydrine ordinaire CtLCl-CH
-OH-CH2-OH fournit dans ces conditions du glycol
isopropylénique CH2 - OH - CH - OH - CH3 bouillant à
188° (*)".
J'ajouterai, en terminant, un mot encore au sujet de la
monochlorhydrine C3H5-OH -+- OHC1. J'ai dit dans mon
travail sur les produits d'addition de l'acide hypochloreux
aux composés allyliques, que le rendement de cette opé-
ration est faible. Cette assertion n'est exacte qu'en appa-
rence. J'ai retiré autrefois le produit formé par l'addition
de OHC1 à C-H--OH par l'éther. Or, les monochlorhy-
drines glycériques ne se dissolvent pas ou fort peu dans
l'éther. En remplaçant l'éther par l'alcool avec le carbo-
nate bipotassique, j'ai obtenu des résultats beaucoup plus
avantageux et un rendement en monochlorhydrine satis-
faisant.
Cette monochlorhydrine bouillait vers 200°; elle avait
pour densité à 18", 8, 1,31, et pour densité à l'état de
vapeur, 5,(36; la densité calculée est 3,81.
(*) H.-L. Buff, Liebig's Annalen der Cfiemie, etc., Supplément,
t. V, p. 249(1867).
( US )
.Sur l'alcool nitro-propylique primaire
(HO)Cl!,-(:il(NO,)-CH3;
par Louis Henry, membre de l'Académie.
Je me suis occupé, dans diverses communications anté-
rieures (*), de la condensation des aldéhydes alipha-
tiques avec les paraffines nitrées, réaction qui donne lieu
à des alcools nitrés, renfermant le système bicarboné
(N02)C-C(0H).
i
J'ai constaté que la capacité réactionnelle des nitro-
paraffines vis-à-vis des aldéhydes, et notamment vis-à-vis
du me'thanal rUC = 0, l'aldéhyde par excellence, est
déterminée par le nombre des atomes d'hydrogène hvés
sur l'atome de carbone auquel est lui-même attaché le
radical nitryle NO^, et égal à ce nombre.
Alors qu'elle est multiple, cette aptitude à la conden-
sation peut s'opérer, comme la saturation des bases et des
(aides polyvalents, de deux façons différentes : en une fois
et d'une manière complète, ou d'une manière partielle et
successive, en plusieurs fois.
En ce qui concerne spécialement le nitro-étltane
CH5-CHç)(N02), composé bivalent, j'ai déjà fait connaître
le produit de sa condensation totale avec le méthanal (**),
(*) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e sér., t. XXIX, p. 834: t. XXX,
p. 25 (1895); t. XXXII, p. 17 (18%).
f) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e sér., t. XXX, p. 25 (1895).
c'est-à-dire le qlycol isobutylique mononitré tertiaire
ncn \r s (CH2 " 0H)2
Je m'occuperai dans la présente notice du produit
d'une condensation incomplète de ce corps avec la môme
aldéhyde, c'est-à-dire de l'alcool nitro-propylique primaire
(HO)CH2 - CH(N02) - CH3.
Ce corps résulte de la fixation d'une seule molécule de
méthanal sur la molécule de l'éthane mononitré. La
réaction s'accomplit, au sein de l'eau, avec un dégage-
ment de chaleur sensible, sous la stimulation du carbo-
nate bipotassique.
Il se forme en même temps, comme il fallait s'y
attendre, une certaine quantité de glycol isobutylique
mononitré (N02)C < Vj^ " '"2, produit de la réaction
du méthanal sur l'alcool nitro-propylique formé tout
d'abord.
Voici le détail d'une opération :
Dans 50 grammes de la solution aqueuse du méthanal
à 55 °/0, additionnés d'environ leur volume d'eau, on a
introduit 25 grammes de nitro-éthane. Celui-ci tombe au
fond du mélange liquide. On ajoute quelques petits frag-
ments de carbonate bipotassique et on agite vivement.
La réaction s'accomplit petit à petit et la température
s'élève d'environ une trentaine de degrés. La couche
insoluble du nitro-éthane disparait en grande partie.
Cette opération a été faite plusieurs fois et l'on a réuni
les masses liquides.
On extrait les produits nitro-alcooliques formés à l'aide
del'éther; après l'expulsion de celui-ci par distillation
au bain d'eau, il reste un liquide épais et visqueux, à peu
près incolore.
( M7 )
On l'abandonne pendant quelque temps sur l'acide
sulfurique dans le vide, puis on le soumet à l'action d'un
mélange réfrigérant de glace et de sel. La plus grande
partie du glycol nitro-isobutylique formé se sépare à
l'état cristallin.
Le liquide restant est soumis à la distillation sous
pression raréfiée; on recueille ce qui, sous la pression de
50 à 40 millimètres, passe de 120° à 135°. Il ne reste que
peu de produit solide dans le ballon à distillation.
Une seconde rectification du produit distillé donne un
produit pur, passant fixe à 120"- 122° sous la pression de
52 millimètres.
Le nitro-propanol primaire (HO)CrL> - CH(N02) - CH3
ainsi préparé a donné à l'analyse les résultats suivants :
Azote
Substance.
Trouvé. Calculé.
l .
11.
. . . 08r,5106
. . . 0«r,3G79
13,20% |
> 1o,û3 7
13,12 •/. j
La détermination de son poids moléculaire par la mé-
thode cryoscopique dans l'eau a fourni les chiffres sui-
vants :
Abaissement
Poids
du point
molécu-
Substai
ice.
de congélation.
laire.
Moyenne.
1 .
0gr,3009
0°,215
103,5
H .
.
0«r,6260
0°,425
113,0
108,3
III .
.
CKr,9457
0%650
107,0
IV .
.
lev2G29
0°,850
110,0
( H8 )
Le poids moléculaire calculé est 105 (*).
L'alcool nitro-propylique primaire (H0)CH2 - CH(NO^)
- CH3 ainsi obtenu est analogue extérieurement à son
isomère Yalcool nitro-isopropylique, produit de la conden-
sation du nitro-méthane avec l'éthanal (**). C'est un
liquide parfaitement incolore, plus ou moins épais et
visqueux, soluble dans l'eau, l'alcool et l'éther. Son odeur
est faible, légèrement piquante; sa saveur piquante n'a
pas cet arrière-goût nauséabond qui caractérise si désa-
gréablement son isomère.
Sa densité à 6° est égale à 1 ,209. Son isomère a pour
densité, dans les mêmes conditions, 1,199.
Il bout sans décomposition à 120°-1:2!20 sous la pres-
sion de 52 millimètres. Son isomère bout dans les
mêmes conditions à 115°.
Le pentachlorure de pbospbore l'attaque vivement et
le transforme en chlorure de propyle primaire mononilré
C1CH2 - CH(N02) - CH3. Éb. 172M750 (***).
La réaction du méthanal sur les deux alcools propy-
liqucs nitrés les différencie d'une manière frappante.
Le dérivé alcoolique primaire (HO)CH2 - CH(N0.2)
- CH-, composé monovalent que je viens de décrire,
fournit un composé en Cj, le ylycol isobutylique mono-
(') Ces déterminations numériques, de même que d'autres consta-
tions expérimentales, ont été faites par mon préparateur, 31. Aug. De
Wael, dont il m'est agréable de reconnaître le zèle et l'habileté.
(") Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, t. XXIX, p. 834 (1895).
(***) Ce produit sera décrit dans une communication ultérieure. Je
dirai dès à présent que les ring propanes chloro-nitrés C3H6 < ™ -
possibles ont été faits dans mon laboratoire.
( *i9 )
nitré (N02)C < ru~ "• corpssolide nettement cris-
tallin, fusible à 139°-140°.
Le dérivé alcoolique secondaire (N02)CH2 - CH(OH)
- CH3, en sa qualité de composé bivalent, fournit au
contraire un dérivé en C8, une glycérine isoamylique
mononitrée (N02)C < ^H(OH) - CH3' comPosé solide
cristallin, fusible à 125M260 (*)..
Sur la prétendue existence de la densité critique;
par P. De Heen, membre de l'Académie.
La croyance actuellement répandue et qui consiste à
admettre qu'à partir de la température critique il ne peut
exister qu'un fluide unique, et par conséquent qu'une
seule densité, devait nécessairement conduire à la con-
ception, du reste purement idéale, d'une densité critique.
Je dis purement idéale, car jamais cette densité n'a été
observée directement.
M. Amagat se montre d'ailleurs très explicite à cet
égard; il dit en effet: « Il ne faut pas oublier que le
groupe de constantes obtenu par une coïncidence est
fonction de toutes les parties du réseau qu'il caractérise,
et non point, particulièrement, de celles qui avoisineut
le point critique: il est même rationnel de moins se
O Ces produits ont été décrits antérieurement.
( 120 )
préoccuper de la coïncidence des isothermes trop rap-
prochées de ce point, que de celles qui l'encadrent de
plus loin, dont la détermination présente moins de ditti-
cultés »; et encore : « L'instabilité de la matière finit par
devenir telle qu'on ne peut plus arriver à obtenir une
position t\\e du ménisque au voisinage du point criti-
que (I). »
En se servant du procédé absolument direct que nous
avons indiqué antérieurement (2), il est facile de recon-
naître que l'on obtient nécessairement l'homogénéité de
densité de la masse à la température critique dans deux
cas particuliers; et lorsque ces conditions sont satisfaites,
ces densités sont sensiblement dans le rapport de un à
deux, l'une représentant la densité critique du liquide,
l'autre la densité critique de la vapeur.
Il nous a paru intéressant d'examiner à ce point de vue
les magnifiques réseaux d'Amagat, afin de vérifier si les
faits représentés par ceux-ci correspondent à l'idée que
l'on se fait généralement du phénomène critique.
On dit que la température critique est la température
à partir de laquelle les parties rectilignes des isothermes
cessent d'exister. Mais on commet certainement une
erreur si l'on admet que la dernière de ces droites (celle
qui correspond à la température critique) se confond avec
un élément rectiligne.
La figure l représente à peu près l'aspect général que
prendrait le réseau s'il en était ainsi. On pourrait alors
(1) Journal de physique de d'Alnieida, 3e série, 1. 1, p. 290.
l2j Bull de l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXXI, p. 379, 1890.
( '21 )
légitimement attribuer à la courbe abc la loi me que nous
lui donnons et qu'on lui donne généralement.
PV
l'iG. 1.
Mais, on réalité, rien de semblable n'a jamais été
observé; le réseau affecte au contraire très nettement
dans son ensemble l'aspect indiqué ligure 2. Et ce n'est
qu'en faisant passer la courbe par des points absolument
arbitraires qu'on parvient à réaliser la forme abc (ïig. 1).
rie. y.
( 122 )
Les droites AB ne se réduisent donc pas à un élément
de droite à la température critique.
Enfin, la portion rectiligne ne disparaît pas brusque-
ment à la température critique ; elle persiste au contraire
un peu au delà, en s'inclinant légèrement sur l'axe des
ordonnées; mais il ne peut en aucun cas être question
d'une courbe telle que celle qui est représentée par la
ligure 3, dont un élément a unique est parallèle à l'axe
des ordonnées. Ce tracé est aussi contraire à la réalité
que celui représenté figure 1 .
Fie. 3.
Nous avons agrandi à l'aide de la photographie les
remarquables réseaux que M. Amagat vient de publier (1),
afin de vérifier la belle loi des températures correspon-
dantes de M. van der Waals. Les planches qui accom-
pagnent cette note et qui reproduisent ces photographies
nous permettent non seulement de reconnaître ce que
(1) Journal de physique de d'Almeida, 3e série, t. VI, p. 9, 1897.
T. De Heen, Bull, de l'Acad roy. de Belgique
3< scr , t. XXXUI, n« -'. p. 123, 1897.
P. De Heen, Bull de l'Acad. roy. de Belgique,
3' scr , t. XXX III, n« 2, p. i23, 1
( wz )
nous venons d'affirmer, mais permettent encore d'établir
à l'aide de mesures quel est le rapport existant entre la
densité critique du liquide et la densité critique de la
vapeur, ce rapport étant l'inverse de celui qui existe
entre les valeurs de PV, prises à la pression critique el
correspondant respectivement à l'état liquide et à l'étal
de vapeur.
Le diagramme A fournit, pour le rapport des densités
critiques du liquide et de la vapeur, le rapport 4^== 2,17;
le diagramme B fournit le rapport ^= 1,98; les recher-
ches faites à l'aide de l'analyseur de l'étal critique nous
ont fourni le rapport ^g = 2,15. Si donc nous admet-
tons le théorème des états correspondants, nous pouvons
dire que le rapport des deux densités critiques est sensi-
blement égal à 2 pour tous les corps.
Quant à l'adoption de la courbe admise et que nous
indiquons en pointillé, elle est absolument contraire
à l'expérience et rien ne la justifie. Ajoutons que la den-
sité critique telle qu'elle a été déterminée jusqu'à pré-
sent, représente la moyenne des deux densités.
Ces considérations permettent de reconnaître que les
observations antérieures à celles que nous avons entre-
prises à l'aide de l'analyseur de l'état critique et qui
mettent la question hors de doute, permettaient déjà de
reconnaître l'erreur que l'on commet en admettant l'exis-
tence d'une densité critique unique.
Nous avons tous eu le malheur de considérer comme
axiome une proposition mal établie, que l'expérience
dément actuellement et sur laquelle on a fondé malheu-
reusement de fort laborieuses recherches théoriques, qui
ont enraciné le préjugé.
J'exprime en terminant le souhait de voir les physi-
( *24 )
ciens qui s'occupent de la question, répéter l'expérience
faite à l'aide de Yanalyseur de l'état critique. J'ai du reste
la conviction que la thèse que je viens de soutenir ne
commencera à se généraliser que lorsque ces expériences
auront été répétées un grand nombre de fois par plusieurs
physiciens. Ce n'est que dans ces conditions que l'on
peut porter atteinte à des convictions ayant poussé de si
profondes racines.
Sur l'observation d'étincelles positives et négatives ; par
P. De Heen, membre de l'Académie.
M. Zenger avait déjà observé que si l'on détermine la
production d'étincelles électriques sur la surface d'une
glace recouverte de noir de fumée, la traînée produite
est double et présente sensiblement l'aspect du dessin
(fig. 1). Ce physicien en conclut
avec raison que cette étincelle
Fie. i. revêt la forme d'un cyclone dont
la partie centrale représente l'œil de la tempête. Déjà
précédemment nous avons confirmé cette manière de
voir.
M. Zenger ajoute d'une manière interrogative : « Ne
peut-on expliquer cette observation en admettant qu'il y
a. dans la décharge, formation de deux tourbillons mar-
chant en sens contraires? »
Nous avons eu la bonne fortune de voir directement
celte prévision réalisée.
L'étincelle que nous avons observée était produite par
une forte bobine fournissant des décharges de 20 à
( 125
30 centimètres, et munie d'un condensateur de grande
dimension et d'un gros (il induit. Cela étant, en faisant
varier la distance des deux électrodes formées de deux
(ils de cuivre, on pouvait observer directement les aspects
suivants (fig. 2) :
a) Lorsque la distance dépassait la distance explosive,
on observait l'aigrette négative et l'aigrette positive bien
caractérisée par la délicatesse de ses ramifications.
a) — r—^~z &
l)
Fig. 2.
b) En rapprochant légèrement les deux conducteurs, on
observait avec une admirable netteté la disparition de
l'aigrette positive et la production de l'étincelle négative
présentant la forme d'un tube dont la partie centrale
était absolument noire et dont les bords présentaient des
irrégularités.
c) Mais si, partant de la position a, on rapproche
davantage les deux électrodes, on voit très nettement un
des filaments de l'aigrette positive s'insinuer dans le
tube de l'étincelle négative et le double courant d'étin-
celles positives et négatives jaillir en sens contraires.
L'étincelle positive présente un éclat très vif; elle est de
Ome SÉRIE, TOME XXXIII. 9
( 126)
plus très déliée et n'occupe que la partie centrale du tube
obscur. L'étincelle négative, qui représente la périphérie
du tube, offre un éclat beaucoup moins vif.
Les étincelles que l'on observe habituellement sont
des étincelles positives.
Il semble résulter de l'ensemble de ces considérations
que l'étincelle c est le résultat de deux mouvements
tourbillonnants qui, étant emboîtés l'un dans l'autre, se
meuvent en sens contraires, le pas de vis étant incom-
parablement plus petit pour l'étincelle positive que pour
l'étincelle négative.
Note. — Une bobine qui ne fournissait que l'étincelle
positive ordinaire à fil induit long et fin, a produit les étin-
celles dont nous venons de parler à l'aide de la disposition
suivante (fig. 5). A et B, pôles de la bobine; a, b, c, d, pla-
£ c d
FlG
teaux isolés (suspendus à l'aide d'un fil de soie) munis
de pointes; R, résistance. L'étincelle jaillit entre c et d.
( 427 )
C LASSE DES LETTRES.
Séance du 1n février 1897.
M. le comte Goblet d'Alviella, directeur, président de
l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. F. Vander Haeghen, vice-direc-
teur; Alph. Wauters, P. Willems, S. Bormans, Ch. Piot,
Ch. Potvin, T.-J. Lamy, G. Tiberghien, J. Vuylsteke,
Ém. Banning, A. Giron, le baron J. de Chestret de
Haneffe, Paul Fredericq, God. Kurth, Mesdach de ter
Kiele, H. Denis, le chevalier Ed. Descamps, G. Mon-
champ, membres; Alph. Rivier, J.-C. Vollgraff, associés;
Paul Thomas, Ern. Discailles, Ch. Duvivier, V. Brants,
Ch. De Smedt et A. Willems, correspondants.
CORRESPONDANCE.
L'École française d'Athènes, qui célébrera les 26, 27
et 28 avril prochain, le cinquantième anniversaire de sa
fondation, adresse une circulaire relative à un projet de
congrès archéologique qu'elle tiendrait à Athènes à cette
occasion.
— La Commission permanente du Congrès interna-
( 128 )
tional des orientalistes annonce que sa onzième session
se tiendra à Paris du 5 au 12 septembre prochain.
M. Lamy y représentera l'Académie.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire de la publication : Uitgave der Antwerpsche
Inbliophilen, n' 20 : Le passe-temps de Jehan Lhermite,
tome II, publié par MM. Ouverleaux et J. Petit. — Remer-
ciements.
Hommages d'ouvrages :
1° David Teniers et son fils, le troisième du nom ; par
Alph. Wauters (présenté par l'auteur, avec une note);
2° Triptyque : Le Paquebot — Le Village — L'Épopée
du fer; poésies par Honoré Ponthière (présenté par
M. Lamy, avec une note);
5" Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de
Mithra, publiés avec une introduction critique, par
F. Cumont (présenté par M. Paul Thomas, avec une note).
— Remerciements;
Les notes bibliographiques lues par MM. Wauters,
Lamy et Thomas figurent ci-après:
- Travaux manuscrits à l'examen :
1° Notes pour servir ci l'histoire du règne de Charles-
Quint ; par Ern. Gossart, conservateur à la Bibliothèque
royale. — Commissaires : MM. Piot, Bormans et P. Fre-
derieq;
2° Notes d'aneien wallon ; par Maurice Wilmotte, pro-
fesseur à l'Université de Liège. Commissaires :
MM. Stecher, Discailles et Bormans.
( i29 )
Prix Anton Bekgmann,
fondé pour inte monographie, en langue néerlandaise, d'une
ville ou d'une commune flamande de la Belgique.
M. le Secrétaire perpétuel présente les trois monogra-
phies suivantes, adressées à l'Académie, pour la deuxième
période décennale de ce concours, ayant pour objet les
villes ou communes de la province de Brabant (l'arron-
dissement de Nivelles excepté).
Le n° 1, intitulé : Gesehiedenis van Leuven, porte pour
devise : le scrive die historié compleet ende impartiaelic.
Le n° 2, intitulé : Gesehiedenis der slad Leuven, a pour
auteur M. Herman Vander Linden, professeur à l'Athénée
royal d'Anvers.
Le n" 5, intitulé : Gesehiedenis vun Sehaarbeek, porte
pour devise : Vis unila fortior.
Conformément à l'acte de fondation de ce prix, la
Classe dresse la liste de dix noms à soumettre au Gou-
vernement pour le choix du jury de cinq membres qui
jugera ce concours.
ÉLECTION.
La Classe procède, conformément à l'article 12 de
son règlement, à la formation du comité de trois
membres, élus au scrutin secret, pour s'occuper, conjoin-
tement avec le Bureau, de la présentation des candida-
tures pour les places vacantes.
Les suffrages se portent sur MM. Wauters, Stecher et
Piot.
130 )
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
M. Alphonse Wauters, en présentant à la Classe des
lettres son travail intitulé : David Teniers et son fils, le
troisième du nom , fait remarquer à ses confrères que son
but principal a été d'insister sur l'inconvénient que pré-
sente l'emploi de la qualiiication de le Jeune, donnée habi-
tuellement au grand artiste d'Anvers. Actuellement on
connaît, au moins dans ses principales lignes, la bio-
graphie d'un troisième artiste appelé David Teniers,
mort avant son père en 1685. C'est à lui que revient
absolument cette désignation; elle a été adoptée par
lui pour se distinguer de son père et, comme il travaillait
dans le même genre, il est important de ne pas laisser
s'accréditer une confusion qui n'a déjà que trop duré.
M. Wauters, après avoir constaté les dissensions qui ont
divisé les deux artistes, décrit en détail des peintures et
des tapisseries signées par l'un et par l'autre, et montre
la différence qui séparait leurs productions. Le talent de
Teniers ne doit plus désormais être amoindri par la
fausse attribution d'œuvres sans date ni signature, qui
sont probablement dues à un Teniers dont le nom —
mais non le mérite — était semblable au sien.
J'ai l'honneur d'offrir à la Classe, de la part de mon
collègue, M. Ponthière, le recueil de poésies qu'il a
publié sous le titre de Triptyque et dont M. de Hérédia,
membre de l'Académie française, a accepté la dédicace.
C'est une suite de sonnets rangés sous trois titres : le
( 131 )
Paquebot, le Village, l'Épopée du fer. Ces titres indiquent
suffisamment les sujets que l'auteur a choisis. Dans le
Paquebot et VÉpopee du fer, sa muse apparaît doublée
d'un ingénieur et elle sait enchâsser dans de jolis vers
une foule de termes techniques qui semblent tout étonnés,
en sortant de la houillère, de la forge ou du hateau, de se
trouver si élégamment habillés.
Le Village, au contraire, nous transporte dans les beaux
sites de nos Ardennes, nous introduit à un foyer hospi-
talier, dans une de ces familles aux mœurs simples et
pures dont le divin Crucifié est la foi et l'espérance à tra-
vers les épreuves de la vie. Le poète ingénieur se délasse
et se repose dans ce délicieux séjour des fatigues arides
de l'industrie et chante les charmes si divers du prin-
temps, de l'été, de l'automne et de l'hiver, et les travaux
qui leur sont propres.
Habitué à disséquer les mots et les phrases des langues
sémitiques, je n'ai pas qualité pour apprécier le travail
de M. Ponthière : je me borne à l'indiquer à mes con-
frères qui cultivent les belles-lettres et la poésie. Ils
éprouveront, je n'en doute pas, le bonheur que j'ai res-
senti à sa lecture, se souvenant
Qu'un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.
T.-J. Lamy.
J'ai l'honneur d'offrir à la Classe, de la part de M. Franz
Cumont, professeur à l'Université de Gand, le 4e fascicule
des Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de
Mithra. Ce fascicule contient le supplément et les tables
du recueil. On y trouve entre autres une description très
( 132 )
complète des mithréums récemment découverts à Petro-
nell (Autriche) et à Sarrebourg (Lorraine).
M. Cumont a mené à bonne fin sa vaste et laborieuse
entreprise. Il ne lui reste plus qu'à exposer, dans une
Introduction critique, les résultats de l'étude dont il a
réuni les matériaux avec une si admirable patience, une
exactitude si scrupuleuse, une érudition si étendue et si
sûre.
Nous attendons avec impatience cette introduction, qui
couronnera dignement, nous n'en doutons pas, l'œuvre
magistrale de notre jeune et savant collègue.
P. Thomas.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. H. Denis donne lecture de la première partie d'un
travail, accompagné de diagrammes, Sur l'interprétation
des données de la statistique et sur la natalité et la matrimo-
nialité. — Impression dans les Mémoires.
Des graves dangers auxquels sont exposés les livres et les
manuscrits de nos dépôts publics ; par Ferd. Vander Hae-
ghen, membre de l'Académie.
Les livres et les manuscrits de nos dépôts littéraires et
scientifiques ont beaucoup à souffrir d'une funeste habi-
tude qui se propage de plus en plus, celle de se mouiller
le 'doigt pour tourner les pages. Au nom des conser-
vateurs de nos dépôts publics comme au mien, je crois
( i35 )
devoir appeler l'attention de l'Académie sur on état de
choses qui tend à la destruction ou tout au moins ;i la
détérioration de nos documents littéraires et historiques,
et qui est de nature à nuire à la santé des hommes
d'étude.
Je prie l'Académie de vouloir prendre en considération
quelques réflexions sur ce sujet.
Dans une de ses causeries qui, sous une forme attrayante,
ont tant contribué à répandre des notions scientifiques.
M. de Parville adressait naguère ce conseil aux biblio-
philes : « Essuyez, n'époussetez pas. »
Le savant vulgarisateur constatait — et pourtant les
études de M. Pasteur n'avaient pas rendu tangibles les
périls que nous créent les infiniment petits — combien
néfastes peuvent être, pour l'organisme humain, les débris
organiques ou minéraux qui, après s'être joués invisibles
autour de nous, gisent inertes en apparence sur les rayons
de nos bibliothèques, attachant des germes mortels aux
feuillets de nos livres préférés.
Les études poussées fort loin aujourd'hui dans le
domaine de la bactériologie révèlent toute l'étendue du
danger que produisent les bibliothèques mal tenues, et
particulièrement celles contenant des livres maniés par
des mains malpropres.
Il résulte des observations des spécialistes que la pous-
sière s'attache par une sorte d'attraction aux papiers secs
accumulés : le public est donc en droit d'exiger qu'une
grande propreté, entretenue par de fréquents nettoyages,
règne dans les dépôts publics.
C'est là la part de l'administration dans l'hygiène des
bibliothèques; mais il ne semble pas que le public se
( 134 )
doute qu'il dépend surtout de lui de rendre nocives ou
non les collections mises à sa disposition.
L'observation médicale a permis de constater que de
simples lettres missives avaient servi de véhicule à des
germes morbides, et cela après de longs voyages.
Des précautions minutieuses ont été suggérées par ces
constatations aux administrations postales pendant les
épidémies; mais il est à remarquer qu'en tout temps les
amis du livre sont exposés à des périls dénoncés par de
récentes expériences.
Deux praticiens français, attachés l'un et l'autre à
l'hôpital de Val-de-Gràce, MM. Du Cazal et Catrin, se
sont livrés à des essais dont voici les conclusions : Des
livres mis en contact avec des malades atteints de diph-
térie, de tuberculose ou de typhus ont été soumis à une
macération plus ou moins prolongée dans des liquides
stérilisés; ils ont, par voie d'inoculation, communiqué le
virus à divers animaux.
Une remarque typique a été consignée par les médecins
du Val-de-Gràce.
La contamination a été rapide surtout lorsqu'on s'est
borné à faire macérer dans le liquide de culture les coins
des pages de livres confiés aux malades. Or, cette toxicité
spéciale est, au jugement des expérimentateurs, imputable
« à l'habitude commune à beaucoup de personnes de se
mouiller les doigts de salive pour tourner les feuillets
d'un livre ».
Il n'est pas dans les attributions de notre Classe de
s'occuper de questions médicales; aussi ne veux-je m'ar-
rôter qu'incidemment aux travaux de MM. Du Cazal et
Catrin, et me bornerai-je à enregistrer leurs conclusions :
elles démontrent l'étendue de ce péril engendré pour
(13b)
tous par la contamination qu'une habitude, hautement
vicieuse, inflige aux documents de toute nature confiés à
nos dépôts publics, et dont ne sont pas même exempts les
manuscrits les plus précieux.
La singulière particularité sur laquelle les spécialistes
du Val-de-Grâce appellent l'attention, comme une des
pires causes de contagion morbide, et qui ne tend mal-
heureusement qu'à se propager, fait depuis longtemps
le désespoir de tous ceux qui ont le respect des livres.
La salive déposée par des doigts qui peuvent être
imprégnés eux-mêmes de sueurs morbides, amène, on le
conçoit, une sorte d'inoculation presque directe de la
plus implacable contagion.
Tout en me gardant encore d'empiéter sur le terrain
de nos confrères de la Classe des sciences, je crois pou-
voir ajouter que la salive humaine recèle, d'après les
bactériologues, un nombre considérable de ferments dan-
gereux. Ceux-ci ne se rencontrent pas seulement chez
les malades notoires qui forment la clientèle des hôpi-
taux : quantité de personnes saines se trouvent à même
de communiquer de graves et même de mortelles infir-
mités.
De telles considérations devraient n'être ignorées de
personne, car la vicieuse habitude à laquelle je fais allu-
sion est plus répandue que l'on ne pense. Sa fréquence
est même faite pour étonner.
On comprend assez aisément que des ouvriers, chez
lesquels de rudes travaux manuels ont pour ainsi dire
détruit le tact de l'épiderme, jugent nécessaire de se
mouiller le doigt pour provoquer une sorte de sensibilité
et faciliter ainsi la préhension. Nous voyons les terras-
siers en agir de la sorte, pour mieux faire adhérer à
( 136 )
leurs mains calleuses le manche de la bêche, de la pioche
ou du marteau, lorsqu'il s'agit de se livrer à quelque
rude effort. Mais n'est- il pas stupéfiant de voir des gens
du monde avoir recours à ce procédé aussi peu respec-
tueux de la propriété collective que de la santé du pro-
chain?
Un regard jeté autour de nous révèle immédiatement
l'étendue de cette fâcheuse habitude, et c'est même quel-
quefois, hélas! aux personnes les plus honorables qu'il
faut s'en prendre. Si l'on trouvait demain dans un jour-
nal ceci :... Dans la réunion de savants auxquels étaient
soumis les précieux codices de la bibliothèque de X***,
l'un des assistants, après s'être mouillé le pouce et l'in-
dex d'un geste large, s'apprêtait à saisir le coin d'une
miniature, lorsque, à sa grande surprise, son bras fut
arrêté par le conservateur!... Y aurait-il quelqu'un qui
révoquât le fait en doute, ou le crût seulement invrai-
semblable? Mais n'insistons pas. Laissons chacun faire,
s'il y a lieu, son mea culpa...
Vous le savez, Messieurs, les ouvrages communiques
dans les salles de lecture ou à domicile sont, au bout
d'un terme plus ou moins long, — et proportionnelle-
ment au mérite de l'auteur, — souillés et parfois mécon-
naissables. Quelques-uns portent trace de tels contacts
qu'il n'est d'autre ressource que de les livrer au feu.
A la rigueur, on se consolerait de ces maculatures, si
celles-ci prouvaient que les livres en question ont beau-
coup servi, et, par ainsi, répondu au vœu de ceux qui
créèrent les collections publiques, de ceux encore qui
provoquent l'extension de ces institutions si nécessaires.
Cette constatation consolante peut être faite sans doute
en de tels cas, mais dans quelque proportion seulement.
i 137 )
car ces souillures établissent surtout que les ouvrages qui
les portent ont été livres à des mains malpropres OU Ion!
au moins peu scrupuleuses.
Il devrait exister chez ions un vif désir de respecter le
livre qui appartient à tout le momie et de contribuer de
la sorte à l'utilité des dépôts publics el à leur durée. On
voii qu'il n'en est pas ainsi.
Les règlements atteignent difficilement de tels abus, si
graves qu'ils nous paraissent, car lorsque la souillure
d'un livre se révèle irréparable, c'est une nombreuse
collectivité qui est responsable du t'ait accompli.
La persuasion seule peut être mise en œuvre pour
déraciner de si malpropres traditions, et, sans doute, on
contribuerait efficacement à ce résultat en fixant l'atten-
tion du public sur le danger que les germes d'infection
déposés sur les pages des livres présentent pour la santé
des lecteurs.
( 138 )
classe de§ beaux. -a ht».
Séance du i février 1897.
M. Th. Vinçotte, directeur.
M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. ïardieu, vice -directeur;
Éd. Fétis, Ad. Samuel, G. Guffens, Th. Radoux, Jos.
Jaquet, Jos. Stallaert, J. Demannez, P.-J. Clays, G. De
Groot, Gustave Biot, H. Hymans, Alex. Markelbach, Max.
Rooses, J. Robie, A. Hennebicq, Éd. Van Even, le comte
J. de Lalaing, J. Winders, Ém. Janlet, H. Maquet, mem-
bres; J.-B. Meunier, Alb. De Vriendt, C. Hermans et
A. Boudard, correspondants.
M. le Directeur souhaite la bienvenue aux deux nou-
veaux correspondants : MM. Bourlard, de la section de
peinture, et Emile Mathieu, de la section de musique.
Je saisis cette occasion, continue M. Vinçotte, pour
annoncer à la Classe que l'un de nos confrères, M. Henri
Hymans, vient d'être élu correspondant de l'Académie
des beaux-arts de l'Institut de France. Je crois que la
Classe apprendra cette nomination avec d'autant plus de
fierté que c'est la première fois qu'un de nos confrères
s'occupant de littérature ou d'histoire des arts est appelé
à faire partie de l'Institut de France.
( \o9 )
Cette distinction, si flatteuse pour M. Hymans, rejaillit
donc sur l'Académie tout entière, qui ne saurait qu'ap-
plaudir à ce choix. L'élection de M. llyinans vient res-
serrer encore les liens de confraternité qui unissaient
déjà la Classe à l'Académie des beaux-arts de Paris,
parmi laquelle figurent aussi, comme associé étranger,
M. Gevaert, et comme correspondants dans les diffé-
rentes branches artistiques, MM. G. Guffens, E. Wauters,
Alb. De Vriendt, Peter Benoit, Paul De Vigne et G. Biot.
Les applaudissements de la Classe accueillent ces
paroles ainsi que les remerciements que M. Hymans
adresse à ses confrères.
CORRESPONDANCE.
MM. Bourlard et É. Mathieu, élus correspondants; sir
Edw. Burne-Jones, Charles Garnier, George Aitchison et
Vincent d'Indy, élus associés, adressent leurs remercie-
ments.
— M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux
publics envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire de l'ouvrage :
La peinture en Europe : Venise; par Georges Lafenestre
et Eugène Richtenberger. — Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
1° Forschungen zur Kunstgeschichte Bôhmens. II. Der
Bildercyklus des Luxemburger Stammbaumes aus Karlstein;
( 140 )
par le Dr Joseph Neuwirth (présenté par M. Hymans, avec
une note qui figure ci-après) ;
2° Net Wilhelmuslied uit een musikaal oogpunt beschouwd;
par Flor. van Duyse;
5" A. Phidppe de Monte, célèbre musicien du XVIe siècle ;
1). Les carillons el les carillonneurs à Malines; par G. Van
Doorslaer.
Remerciements.
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
Y)' Joseph Neuwirth. Forschungen zur Kunstgeschichle
Bôhmens. — II. Uer Bildercyldus des Luxemburger Stamm-
baumes ans Karlslein. Prague, 1897, I vol. grand in-fol.
avec 16 planches.
Pour faire suite à la série de ses remarquables études
sur le passé de la Bohème, le Dr Neuwirth, de Prague (1),
vient de mettre au jour un document de très haute
importance et, en l'espèce, unique pour l'époque.
D'intérêt d'abord national, il n'est pas sans rapports
multiples avec l'histoire de notre pays et sollicite, par là
même, l'attention de l'Académie à laquelle, du reste,
l'auteur en fait hommage.
En octobre lilô, le chroniqueur brabançon Edmond
(I) Le prof. D«- Neuwirth a publié dans nos Bulletins, G4a année,
.!' série, t. XXVIII (-1894), un important travail intitulé : Beziehungen
Brabunler KUnstler :-u Bôhmen wiïhrend des XIV. Jahrhundertes.
(Ul )
de Dynter, alors au service d'Antoine de Bourgogne, duc
de Brabant, se trouvait à Prague, chargé d'une mission
de son maître auprès du roi de Bohême. Il raconte qu'â-
pres un festin somptueux, réunissant au palais de Karl-
stein, sur le Hradschin, de nombreux convives, le roi
Wenceslas, lui prenant la main, le conduisit dans une salle
dont les murs portaient une généalogie de ses ancêtres,
parmi lesquels les ducs de Brabant, jusqu'à Jean III,
peintures que l'empereur Charles IV, le père de Wences-
las, avait consacrées à la gloire de ses aïeux:.
Rappeler les alliances de la maison de Luxembourg,
de laquelle étaient issus les rois de Bohème, avec celle de
Brabant, me parait superflu. La tâche du peintre appelé
à représenter les membres de l'une et de l'autre n'était
point mince, attendu que la maison de Luxembourg pré-
tendait descendre de Saturne et que celle de Brabant se
réclamait de Priani ; que toutes deux, par une combinai-
son savante dont le mieux est de vous faire grâce, avaient
pour ancêtre commun Noé. Le déluge les empêchait mal-
heureusement de remonter plus haut.
La chose n'a d'ailleurs rien de très spécial; au XVIe
et au XVIIe siècle, les grands avaient pour invariable pré-
tention de se réclamer des héros des temps fabuleux.
Quant aux peintures de Prague, l'intérêt de la commu-
nication de M. le professeur D' Neuwirth est surtout
que, ayant cessé d'exister depuis plusieurs siècles, elles
revivent dans un manuscrit de la Bibliothèque impériale
de Vienne, que l'auteur a eu la bonne fortune de décou-
vrir et le mérite d'identifier, avec une certitude qui ne
saurait surprendre de la part d'un homme aussi profon-
dément versé dans la connaissance des sources de l'his-
toire de son pays.
5rae SÉRIE, TOME XXXIII. 10
( M2 )
Le doute est d'autant moins permis que la série des
miniatures composant la généalogie de Weneeslas se
complète de divers groupes et portraits reproduisant
d'une manière intégrale des fresques jusqu'à ce jour con-
servées au palais de Hradschin.
Telle est la portée de l'intéressant travail qui l'ail l'ob-
jet de cette notice.
M. Neuwirth arrive à élucider la plupart des questions
que soulève l'ensemble dont il s'occupe. Le manuscrit est
postérieur d'une couple de siècles à l'exécution des fres-
ques qu'il a pour objet de reproduire. Comme il porte
sur le frontispice les portraits en médaillon de l'empe-
reur Maximilien II et de l'impératrice Marie, fille de
Charles-Quint, il s'agit nécessairement d'un travail du
XVIe siècle. Les fresques subsistèrent jusque vers 1597;
à cette époque, elles étaient dégradées au point de rendre
vaine toute tentative de restauration.
Si profondément qu'il pénètre dans son sujet, M. INeu-
wirth n'arrive à préciser ni le nom de l'auteur des pein-
tures originales, ni même celui de l'interprète évidem-
ment chargé par l'Empereur d'en conserver le souvenir.
A Thomas de Modène ou à Théodoric de Prague, les
deux peintres les plus notables ayant travaillé en Bohême
au moyen âge, il n'y faut pas songer. Reste Nicolas
Wurmser, de Strasbourg, que l'on sait avoir été au service
de l'empereur Charles IV en 1557.
Qu'il s'agisse de ce dernier ou de tout autre, à travers
les altérations presque inévitables d'une transcription
faite au XVIe siècle, les originaux, comme conception
générale, attitude et disposition, accusent un ensemble de
fort respectables qualités.
Que si les personnages font songer aux rois et aux
( U3 )
dames des cartes à jouer et des jeux d'échecs, cela tient
tout simplement à ce que ceux-ci nous fournissent préci-
sément quelques-uns des types les plus fréquents de la
sculpture et de la gravure à ses débuts et encore plus tard.
A peine est-il besoin de rappeler les imposantes figures de
bronze groupées autour du sarcophage de Maximilien Ie',
à l'église des Franciscains d'Inspruck.
Pour ce qui concerne la gravure, ce sera parmi les
cartes à jouer que nous trouverons ses plus anciens repré-
sentants, et rien de fort étrange, dès lors, à ce qu'un rap-
prochement s'opère entre leurs productions et l'œuvre de
notre miniaturiste.
Quant à lui, son rôle est subordonné, mais nous pou-
vons louer sa conscience. Elle nous procure, et M. Neu-
wirlh le démontre, une œuvre de précieuse valeur pour
l'histoire du costume au XIVe siècle, ses courants géné-
raux et ses variations. Le texte du savant professeur
abonde en informations et en aperçus qui, peut-on dire,
épuisent la matière et dont l'intérêt pour l'archéologue
et pour l'artiste n'est pas moindre que pour l'historien.
Henri Hymans.
RAPPORTS.
La Classe, sur la proposition de la section de sculp-
ture, adopte le buste en marbre de J.-B. Brasseur, exécuté
par M. Ém. Cantillon, pour la galerie des bustes des
académiciens décédés.
( 144 )
Elle se rallie ensuite à l'avis favorable de la même
section sur le modèle qui lui est soumis par M. Charlier
du buste de Théodore Schwann, aussi commandé par le
Gouvernement pour la même galerie.
OUVRAGES PRESENTES.
Duyse (Flor. Van). Het Wilhelmuslied uit een musikaal
oogpunt beschouwd. 1897; extr. in-8° (40 p.).
Fraipont (Julien). Les origines des Wallons et des
Flamands. Liège, 1896; extr. in-12 (31 p., 4 pi.).
Mourlon (Michel). Sur la non-existence des dépôts de
l'éocène supérieur asschien, en dehors des environs de
Bruxelles, dans la région comprise entre la Senne et la
Dyle. Liège, 1895; extr. in-8° (4 p.).
— Sur une nouvelle interprétation des dépôts rapportés
par Dumont à son système laekenien dans la région com-
prise entre Waterloo et Ottignies. Bruxelles, 1895;
extr. in-8° (4 p.).
— Sur la nécessité de maintenir les étages asschien et
wemmelien de l'éocène supérieur. Bruxelles, 1895; extr.
in-8° (7 p.).
— Observations à propos du gîte fossilifère découvert
par M. Velge dans l'argile de la bruyère de Haut-Ittre.
Liège, 1895; extr. in-8° (6 p.).
— Sur l'âge des sables qui, entre Aerschot et Watervliet,
au nord d'Eecloo, séparent l'argile de Boom (oligocène
moyen) de l'argile sous-jacente à ces sables. Liège, 1895;
extr. in-8° (20 p.).
— Compte rendu de l'excursion de la Société royale
( 143 )
malacologique du lundi 24 septembre 1894, aux massifs
tertiaires entre Waterloo el Ottignies. Idem du mardi
23 septembre, aux collines tertiaires au sud-est de Louvain.
Bruxelles, 4895; extr. in-8° (12 p.).
— Les mers quaternaires en Belgique, d'après l'étude
stratigraphique des dépôts flandriens, etc. Bruxelles, 1896;
extr. in-8° (43 p.).
— L'avenir delà géologie en Belgique. Bruxelles, 1897 ;
extr. in-8° (6 p.).
Wauters {AlphX David Teniers et son fils, le troisième
du nom. Bruxelles, 1897 ; extr. in-8° (40 p.).
Janssens IE.). Album de statistique graphique : démo-
graphie et hygiène de la ville de Bruxelles. Bruxelles, 1896;
vol. in -4°.
Vincent (J.). Instructions pour effectuer des observations
météorologiques dans les régions tropicales, et plus parti-
culièrement au Congo. Bruxelles, 1897 ; extr. in-18 (25 p.).
Doorslaer (G. Van). Philippe de Monte, célèbre musicien
du XVIe siècle. Malines, 1894; in-8° (9 p.).
— Les carillons et les carillonneurs à Malines. Mali-
nes, 1896; in-8<MS0p.).
Gehucltlen {A. Van). Anatomie du système nerveux de
l'homme. Leçons professées à l'Université de Louvain.
2e édition. Louvain, 1897; vol. in-8° (xxiv-941 p., fig.).
De Ceuleneer (A.). De kerkdeur van Sinte-Sabinate Rome.
Gand, 1896;in-8°(13 p.).
Ferron (Eug.). Note sur l'état intérieur du globe terrestre.
Bruxelles, 1896; extr. in-8° (11 p.).
Van (1er Stricht (0.). Le premier amphiaster de rebut de
l'ovule. — Anomalies lors de la formation de l'amphiaster
de rebut. — Origine des globules sanguins de l'aorte et
de l'endocarde chez les embryons de Sélaciens. Nancy, 1896;
3 exlr. in-8°.
— Origine des globules sanguins, de l'aorte et de l'en-
( 146 )
docarde chez les embryons de Sélaciens. Paris, 1896; extr.
in-8° (4 p.).
— Anomalies lors de la formation de l'amphi aster de
rebut. Nancy, 1896; extr. in-8° (4 p.).
Serrure (Raymond). La plus ancienne monnaie féodale
d'Anvers. Compte rendu du discours prononcé en séance
publique de la Société royale de numismatique, par
M. Camille Picqué. Bruxelles, 1897; extr. in-8° (5 p.).
Cumont (Franz). Textes et monuments figures relatifs
aux mystères de Mithra, fasc. 4. Bruxelles, 1896; in-4°.
Crispo (/).). Rapport sur les accidents provoqués par
l'emploi du nitrate de soude au printemps de 1896.
Bruxelles, 1896; in-8° (27 p.).
Stocquart. Note sur un cas de polydactylie bilatérale.
Bruxelles, 1896; extr. in-8° (2 p.).
de Jonghe (le vte B.). Sceau matrice du couvent « Het
besloten Hof », à Hérenthals (l'e moitié du XVIe siècle).
Anvers, 1896; extr. in-8° (6 p. et 1 pi.).
— Monnaies de Reckheim. Bruxelles, 1897; extr. in-8°
(10 p. et 1 pi.).
Anvers. Antwerpsche bibliophilen. Uitgave nr 20 : Le
passetemps de Jehan Lhermite, publié d'après le manu-
scrit original, tome II (E. Ouverleaux et J. Petit), 1896.
Bruxelles. Musée royal d'histoire naturelle. Annales ,
tome XII : Les Arachnides de Belgique; par Léon Becker,
deuxième et troisième parties. 1896; 2 vol. in-folio dont
un atlas de 43 pi.
Louvain. Université. Annuaire pour 1897. In-16.
Allemagne et Autriche-Hongrie.
Lessla (Franz). Neue Art des lntegrirens, Méthode der
Gegenkurven. Debreczin, 1896; in-4° (2 p.).
Neuwirth (Joseph). Forschungen zur Kunstgeschichte
(117 )
Bôhmens, II. Der Bildercyklus des Luxcmburgcr Stamm-
baumesaus Karlstein. Prague, 1897; in-folio (54 p. et 16 pi.).
Altenbourg. Naturforschende Gesellschaft. Mitteilun-
gen, Vil. Band. 1896.
Berlin. Astronomisches Jarhbuch fur 1899.
Budapest. Statislisches Bureau. Die statistischc Commis-
sion der Kgl. Hauptstadt Prag sammt Vororten und das
Prager stâdtische statistischc Bureau, in der Zcit von
1870 bis 1895. 1895.
— Wohnverhâltnisse in der Kgl. Hauptstadt Prag und
der Vororten, 1895.
Munich. Kôn. Ahademie (1er Wissenschaften. Ludwig
Otto Hesse's gesammelte Werke. 1897; in-4°.
France.
Lafenestre [Georges) et Richtenberger {Eugène). La pein-
ture en Europe. Catalogue raisonné des œuvres principales
conservées dans les musées : Venise. Paris (1896) ; pet. in-8°
(xxiii-363 p., 100 reproductions photographiques et 6 plans).
Chantre [Ernest). Etudes paléoethnologiques dans le
bassin du Rhône. Premier âge du fer. Nécropoles et tumul us.
Paris-Lyon, 1880; in-4° (60 p. et 50 pi.).
— Recherches anthropologiques dans le Caucase,
tomes I-IV. Paris-Lyon, 1885-1887; 5 vol. in-4°.
Faisan [A.) et Chantre [E.). Monographie géologique des
anciens glaciers et du terrain erratique de la partie moyenne
du bassin du Rhône, tomes I et II. Lyon 1879-80; 2 vol.
in-8°.
Saint-Lager. Les nouvelles flores de France. Étude
bibliographique. Paris, 1894; in-8° (31 p.).
- La vigne du mont Ida et le vaccinium. Paris, 1896;
in-8° (37 p.).
Ponthière [Honoré). Triptyque : Le Paquebot — Le
Village — L'Épopée du fer. Paris, 1897; pet. in-8° (150 p.).
( U8)
Angers. Société d'agriculture, sciences et arts. Mémoires,
4e série, tome IX, 1895.
— Société industrielle et agricole. Bulletin, 1893-94 et 1895.
Bobdeaux. Société d'anatomie et de physiologie. Bulletins,
tome XVI. 1895.
— Société linnéenne. Actes, vol. 48. 1895.
Lyon. Muséum d'histoire naturelle. Archives, tome I,
1876-95; 6 vol. in-4°.
— Société linnéenne. Annales, tomes XLl et XLII,
1894-95.
— Académie des sciences. Mémoires, 3e série, tome III,
1895.
— Société d'agriculture. Annales, 7e série, tomes II et III,
1894-95.
— Société d'anthropologie. Bulletin, tomes I-XIV. 1881-95.
Nancy. Académie de Stanislas. Mémoires, 1895, 5e série,
tome XIII.
— Société des sciences. Bulletin, 1895, tome XIV.
Nantes. Société des sciences naturelles. Bulletin, tome VI,
1er, 2e et 3e trimestres, 1896.
Paris. Ministère de l'Instruction publique. Comptes des
bâtiments du Boi sous le règne de Louis XIV, tome IV,
1896; in-4°.
— Observatoire. Atlas photographique de la lune exécuté
par 31. Loewy et P. Puiseux, 1er fascicule. Paris, 1896;
cahier in-4° et atlas in-plano de 5 planches.
— Société de l'histoire de France. Annuaire pour 1895.
Reims Académie nationale. Travaux, 1893-95, vol. 96 et 97.
Rouen. Société des amis des sciences naturelles. Bulletin,
1895.
— Académie des sciences. Précis analytique, 1894-95.
Sèvres. Comité des poids et mesures. Procès-verbaux des
séances de 1895. — Comptes rendus des séances de la
deuxième conférence générale, réunie à Paris en 1895.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
1897. — N° 5.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 6 mars 4897.
M. Alfr. Gilkinet, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. [Éd. Dupont, vice-directeur ; le
baron Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, E. Can-
dèze, Al. Brialmont, Éd. Van Beneden, C. Malaise,
F. Folie, Alph. Briart, F. Plateau, Fr. Crépin, J. De
Tilly, Ch. Van Bambeke, G. Van der Mensbrugghe,
W. Spring, L. Henry, M. Mouiion, P. Mansion, P. De
Heen, C. Le Paige, F. Terby, J. Deruyts, Léon Frede-
ricq, J.-B. Masius, membres; Ch. de la Vallée Poussin,
associé; A. -F. Renard, L. Errera, J. Neuberg, Alb. Lan-
caster et G. Cesàro, correspondant*.
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 11
( ISO)
M. le Directeur adresse les félicitations de la Classe à
M. le général De Tilly, promu, par arrêté royal du
25 février dernier, commandeur de l'Ordre de Léopold.
(Applaudissements . )
CORRESPONDANCE.
La Classe apprend, avec un vif sentiment de regret, la
mort du professeur Charles-Théod.-Wilhelm Weierstrass,
né à Ostenfelde (Westphalie) le 51 octobre 1815, élu
associé de la section des sciences mathématiques et phy-
siques le 14 décembre 1888, décédé à Berlin le 19 fé-
vrier 1897.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages suivants :
Revue de l'Université de Bruxelles, 2e année, n°" 1-5, 1896;
La Cellule, recueil de cytologie, tome XII, 1er fascicule.
— Remerciements.
— L'Académie royale des sciences de Turin annonce
la mort de deux de ses membres : MM. les professeurs
Galileo Ferraris, sénateur du royaume, et Luigi Schia-
parelli.
— M. Melchior Treub, directeur du jardin botanique
de l'Etat, à Buitenzorg (Java), adresse des remerciements
pour son élection d'associé.
( 1»" )
— La Classe accepte le dépôt, dans les archives de
l'Académie, d'un pli cacheté de M. P. Stroobant (Sur les
perturbations d'une comète à longue période).
- Le Comité organisateur du VIIe Congrès géologique
international annonce la réunion de cette session à Saint-
Pétersbourg, au mois d'août prochain.
— Hommages d'ouvrages :
1° A. Résultats des campagnes scientifiques, fasc. XI :
Contribution à l'élude des sjellerides de l'Atlantique Nord;
B. Sur la troisième campagne scientifique delà « Princesse
Alice »; par S. A. M& le Prince Albert Ier de Monaco;
2° Annuaire de l'Observatoire royal de Belgique, 1807;
par F. Folie;
5° Le climat de la Belgique en t896, 11e année; par
A. Lancaster;
4° A. Note sur des troncs d'arbres verticaux dans le
bassin houiller de Lens; B. Note sur les giles de phosphate
de chaux d' Hem-Monacu ; par J. Gosselet, associé.
— Bemerciements.
— Travaux manuscrits à l'examen :
1° Sur quelques propriétés des polyèdres non centrés
superposables à leur image; par G. Cesàro. — Commis-
saires : MM. De Tilly, Neuberg et Ch. de la Vallée
Poussin;
2° Recherches sur la maturation, la fécondation et la
segmentation chez les Polyclades; communication prélimi-
naire, par P. Francotte, professeur à l'Université de
( 152 )
Bruxelles. — Commissaires : MM. Éd. Van Beiieden et
Masius ;
5° Sur la courbure des lignes et des surfaces; par
M. Stuyvaert, professeur à l'Athénée royal de Gand. —
Commissaires: MM. Mansion et Neuberg.
RAPPORTS.
MM. Spring, De Heen et Van der Mensbrugghe don-
nent lecture de leurs rapports sur un travail de M. A. de
Hemptinne, intitulé : Action des vibrations électriques sur
quelques substances. — Renvoi à l'auteur pour modifica-
tions demandées par les commissaires.
Recherches sur l'acide phénoxacétique. Deuxième commuai-
cation. — Acide phénoxycinnamique ; par le D' A.-J.-.l.
Vandevelde.
'*"/'/""'' fie "• •■' SjH'ittg, pi-ftiiiff cotitmisêaii'v.
a M. Vandevelde a continué ses recherches sur Y acide
phénoxacétique. Comme suite à la note qu'il a présentée à
l'Académie à la séance du mois d'août dernier (*), il fait
0 Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3» sér., t. XXXII, pp. 302-315.
( 153 )
connaître aujourd'hui deux dérivés de l'aride phénoxai ■ -
tique : l'acide phénoxycinnamique
C,IF80 — C — CO,H
II
c6\h — cu
et l'acide phénoxyhydrocinnamique
C6II50 — CH — COjH
I
C6HS — CfF,.
Le premier se forme par l'élimination d'une molécule
d'eau entre l'acide phénoxacétique et l'aldéhyde ben-
zoïque, sous l'influence de l'anhydride acétique; le second
se produit par réduction du premier à l'aide de l'amal-
game de sodium en présence de l'eau.
L'auteur a préparé en outre les sels de sodium, d'ar-
gent, d'aniline, et l'éther phénylique de l'acide phénoxy-
cinnamique.
Les analyses qu'il donne de toutes ces combinaisons
sont de nature à ne laisser aucun doute sur leur identité;
je n'hésite donc pas à proposer à la Classe l'insertion de
la note de M. Vandevelde dans le Bulletin de la séance. »
M. L. Henry, second commissaire, partage, dit-il, l'avis
de son savant confrère et se rallie à sa proposition; celle-ci
est adoptée par la Classe.
( m )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
De la nécessité d'une réaction en astronomie sphérique;
par F. Folie, membre de l'Académie.
Au mois de mai 181)6, une conférence internationale
des rédacteurs des grandes éphémérides astronomiques
s'est réunie à Paris, dans le but d'arriver à l'uniformité
du calcul des éphémérides. On s'est entendu sur les posi-
tions des fondamentales, sur les valeurs des constantes à
employer, et même sur les formules dont on fera usage à
partir de 1901 dans ces calculs.
Peut-être n'y a-t-il pas été question de la manière
dont on calculera les termes du second ordre dans la
réduction des circompolaires (*) ; en tout cas, on y a con-
sidéré comme correctes les formules d'OppoIzer, rappor-
tées à l'axe instantané, qui ne diffèrent de celles de
Poisson, rapportées à l'axe d'inertie, que par l'omission
des termes de la nutation eulérienne.
Dans des notes précédentes (**), j'ai fait voir que les
(') L'expression complète de ces termes a été donnée dans ma
Revision des constantes de l'astronomie stellaire. Elle est identique,
dans la forme, à celle de Fabritius, mais renferme des termes qui ne
sont pas négligeables et qui ont été omis par l'astronome russe.
(") Notices extraites de YAnnuaire de l'Observatoire pour 1897.
Vierteljahrschrift, octobre-décembre 1896.
( 155 )
formules de réduction en usage, prétendument rapportées
à l'équateur instantané, sont radicalement fausses, préci-
sément parce que leur auteur ne s'est pas aperçu qu'en
prenant pour point de référence le pôle instantané, il n'a
pas pris en même temps pour plan de référence l'équateur
instantané, et qu'il a appliqué néanmoins à ses transfor-
mations analytiques les formules servant à passer d'un sys-
tème orthogonal à un autre système orthogonal.
J'ai ajouté que ces transformations seraient exactes
dans le cas où l'équateur instantané serait pris comme
plan de référence, mais que, dans ce cas, la définition la
plus capitale de l'astronomie, celle de l'heure, me sem-
blait extrêmement difficile à établir.
Bien des astronomes, probablement, ne se seront pas
rendu compte de la grave inexactitude des formules en
usage; il faut, en effet, pour saisir la subtilité dans
laquelle Oppolzer a versé à son insu, être très familier
avec la théorie du mouvement de rotation de la Terre.
Je me propose de leur démontrer, sans calcul, le point
capital que je viens d'affirmer, savoir que, si les formules
d'Oppolzer sont, comme il le dit (*) et comme elles le
doivent pour être correctes, rapportées à l'équateur
instantané, la définition de l'heure doit absolument être
modifiée; j'ajoute que je laisse aux partisans d'Oppolzer
le soin d'en donner une correcte dans son système.
Comme c'est sur la manière de tenir compte de la
nutation eulérienne que roule toute la discussion, je ferai
(') On doit se rappeler que, dans les observations, l'équateur est
pris pour plan fondamental et qu'il est déterminé parle plan perpen-
diculaire à l'axe de rotation. (Oppolzek, traduction Pasquier, p. 155.)
(186)
abstraction des actions du Soleil et de la Lune, c'est-à-
dire de la précession, et de la nutation tant bradléenne
que diurne, qui sont dues à ces actions; je négligerai de
plus les termes du second ordre de la nutation eulérienne,
qui sont, du reste, absolument insensibles.
Ceci admis, on peut affirmer que l'axe instantané de
rotation et, par suite, l'équateur instantané, sont absolu-
ment fixes dans l'espace; l'ascension droite et la décli-
naison d'une étoile rapportées à ce système, seront donc
absolument constantes, c'est-à-dire que, dans ce système,
on n'a nullement à se préoccuper de la nutation eulé-
rienne (*).
Cette dernière provient, non des actions du Soleil et
de la Lune, mais de ce que le mouvement initial de 'rota-
tion de la Terre s'est effectué, non autour de l'axe polaire
d'inertie, mais autour d'un axe incliné de 0",1 environ
sur celui-ci.
11 résulte de là que le pôle (d'inertie) tourne, avec toute
la Terre, autour du pôle instantané, d'où le caractère
diurne de la nutation eulérienne dans le système d'axes
de Laplace.
Mais il résulte également des formules de la mécanique
que le pôle instantané se déplace à la surface de la Terre
en une période que j'ai évaluée à 520 jours (**), Chandler
(*) C'est là, au fond, ce qu'a démontré Oppolzer, et sa démonstra-
tion est correcte, mais pour le système du pôle et de l'équateur
instantanés seulement, qui n'est pas le système d'axes employé par
lui.
(**) Annuaire de V Observatoire roxjal de Belgique, années 1890, 1891,
1894, 1895, 1897.
( 157 )
à 450 jours environ (pour une Terre solide, la période
serait de 305 jours), décrivant, autour du pôle d'inertie,
une petite ellipse dont les axes ne sont pas encore bien
déterminés, niais dont le plus grand ne surpasse proba-
blement guère 0",l .
L'axe instantané étant immuable dans l'espace, les
deux mouvements précédents donnent lieu à un mouve-
ment uniforme de l'axe d'inertie autour de ce premier axe,
mouvement dont la période est de 1 -+- - jour, y. étant
égal à 5:20 d'après moi, à 450 d'après Chandler.
C'est dans ce mouvement que consiste, au fond, la
nutation eulérienne, et il en résulte à l'évidence que, si
cette nutation est sensible, on le reconnaîtra aux varia-
tions journalières delà hauteur du pôle (d'inertie), passage
de Laplace que j'ai cité bien souvent à l'appui de ma
manière de voir, qui n'est autre que la sienne (*).
Evidemment aussi, lorsqu'on rapporte les latitudes au
pôle instantané, comme le font tous les astronomes
modernes, suivant en cela Oppolzer, puisque l'axe in-
stantané passe toujours par la môme étoile fixe (abstrac-
tion faite de la précession et de la nutation), mais qu'il
se déplace à la surface de la Terre en une période de 500
à 400 jours, les latitudes ainsi estimées seront sujettes à
des variations de même période.
Telle est, en ce qui concerne la latitude, la différence
essentielle entre la méthode de Laplace, dont les for-
mules sont rapportées aux axes d'inertie, et celle d'Op-
O Bulletin astronomique, 1890; Bulletin de l'Acad. roy. de Bel-
gique, 4895.
( 138 )
polzer, qui prend pour point de référence le pôle instan-
tané.
Examinons maintenant quelle sera la seconde défini-
tion capitale de l'astronomie, celle de l'heure, dans les
deux systèmes.
Dans celui de Laplace, la vitesse de la Terre autour de
l'axe polaire (d'inertie) étant constante, et le méridien
d'un lieu étant fixe, ce méridien passera tous les jours, à
des intervalles de temps parfaitement égaux, par une
même étoile fixe, et la durée de ces intervalles, qui est le
jour sidéral, ou bien une fraction quelconque de cette
durée, pourra être prise comme unité de temps.
Dans ce système, les heures sont donc rigoureusement
uniformes.
Il n'est pas aussi simple, tant s'en faut, de définir
l'heure dans le système d'Oppolzer.
Dans le système de Laplace, les axes de référence X, Y, Z
sont les axes principaux de la Terre. T étant l'équinoxe
fixe, 01 l'intersection de l'équateur (géographique) avec
l'écliptique fixe, <\> désignera l'axe TOI, <p l'angle IOX.
Ce dernier angle croît d'une manière rigoureusement
uniforme en vertu de l'uniformité du mouvement diurne
autour de Z (*), c'est-à-dire qu'on a tp = nt.
Pour un autre méridien que ZX, on aurait <pt =L •+- nt;
les longitudes terrestres sont donc constantes et peuvent
se réduire de la différence des heures ? l =' o.
Dans le système d'Oppolzer, pour qu'il soit analytique-
(') J'entends par là la projection autour de z du mouvement diurne
qui s'effectue en réalité autour de l'axe instantané.
( iw )
ment irréprochable, les axes de référence doivent être
Xi, Y1? Zls ce dernier étant l'axe instantané, les deux
premiers, deux axes rectangulaires dans le plan de l'équa-
teur instantané.
Il faut définir ces deux axes.
Quant au choix de l'axe X,, deux systèmes sont en pré-
sence.
Le premier, logique, en harmonie avec l'idée mère,
consiste à prendre pour méridien d'un lieu le plan qui
passe par ce lieu et par l'axe instantané.
Analysons les conséquences qui découlent, en ce cas,
des formules d'Oppolzer. Faisons remarquer d'abord que
ces formules donnent, pour l'ascension droite, a = a0
-+- précession -+- nutation -+- aberration, sans nutation
eulérienne, et par suite a = »0, puisque nous avons fait
abstraction des forces perturbatrices et que nous ferons
également abstraction de l'aberration (et de la parallaxe).
La constance de l'ascension droite résulte, au surplus,
de la fixité de l'axe instantané. Or, pour Oppolzer, comme
pour tous les astronomes, l'ascension droite d'une étoile
est l'heure de son passage au méridien. On va voir qu'il
y a contradiction tlagrante entre cette définition et les
conséquences logiques du système d'Oppolzer.
Je supposerai négligeables les petites variations pro-
duites par la nutation dans la vitesse angulaire de la
Terre autour de son axe instantané, variations qui n'in-
terviennent pas dans les formules de Laplace, où n'entre
que la vitesse constante autour de l'axe d'inertie (*).
(*) Voir la définition absolument rigoureuse de l'heure dans la
Revision des constantes de l'astronomie stellaire, pp. 93 à 97.
( 160 )
Le plan de l'étoile et de l'axe instantané est fixe dans
le Ciel. Supposons-le passant, un certain jour, par le lieu
de l'observation. Pour qu'il y repassât, les jours suivants,
après vingt-quatre heures sidérales exactement, il fau-
drait que ce plan fût fixe dans la Terre également, ce
qui n'est pas, puisque le pôle instantané décrit, en 500 «à
400 jours, une ellipse autour du pôle d'inertie.
L'ascension droite déterminée par l'observation, à une
pendule parfaite, au lieu d'être constante, subira donc
des variations dont la période sera la période eulérienne.
Mais ce sont les ascensions droites des fondamentales
qui servent à la détermination de l'heure. Comment
déterminer à la fois celle-ci et le méridien instantané ?
Comment déterminer la longitude du lieu, longitude qui
varie périodiquement avec le pôle instantané, et dont les
variations dépendent, en plus, de la latitude ?
Je ne vois pas la possibilité, dans ce système, de déter-
minations absolues de l'heure ni de l'ascension droite. On
a vu, au surplus, qu'il conduit à des contradictions,
puisque l'observation ne peut pas donner a = constante,
comme le donne la formule d'Oppolzer.
Ce n'est pas trop exiger des partisans de sa méthode
que de leur demander de traduire correctement en
analyse l'idée qu'il a incorrectement traduite.
Je ne m'en occuperai pas, trouvant le procédé de
Laplace absolument correct, et beaucoup plus limpide.
Et qu'on ne vienne pas arguer de la petitesse des
négligences commises.
Les formules de la mécanique céleste doivent être
rigoureuses. S'il y a des termes négligeables, il faut que
l'analyse en donne l'expression, et que celle-ci montre
( 161 )
qu'en effet ils peuvent être négligés. Ce n'est pas affaire
de sentiment.
Le système que je viens de critiquer est celui que
suivent les astronomes contemporains.
Un second système, moins logique, mixte, peut-on
dire, mais qui se rapproche davantage de celui qu'Op-
polzer semble avoir eu dans l'esprit, est le suivant (je
dis semble, car Oppolzer n'a pas parlé des axes X1? Y4, et
ma conviction est que ses axes sont Z1} X, Y, axes
obliques, et, par conséquent, que ses formules, fondées sur
les formules de transformation d'axes orthogonaux, sont
fausses) :
Prenons, pour axe Xt, la trace du méridien géogra-
phique ZL sur l'équateur instantané. Puisque le pôle
d'inertie Z décrit dans le Ciel, autour du pôle instan-
tané Z4, abstraction faite du mouvement diurne, l'ellipse
eulérienne, et que le point L revient occuper identi-
quement, après vingt-quatre heures sidérales, la même
position par rapport à l'axe et à l'équateur instantanés,
il en résulte que le méridien ZL, après vingt-quatre
heures, n'occupera plus la même position; il en sera
également ainsi de sa trace sur l'équateur instantané
qui est fixe; et, comme c'est l'angle <p4, compris entre
cette trace et la droite fixe OIj, qui détermine l'heure
sidérale du lieu L, on voit que cette heure, au lieu d'être
uniforme, comme celle de Laplace, subira des variations
d'une période eulérienne, et que ces variations seront
d'autant plus considérables que la latitude du lieu sera
plus élevée.
La nutation eulérienne, qui, dans le procédé corrigé
d'Oppolzer, disparaît aussi bien en longitude qu'en obli-
( 102 )
quité, reparaît donc, chose bien plus grave, dans l'ex-
pression de l'heure.
Le dernier système d'axes a l'avantage de conserver un
méridien fixe. Mais tous deux ont l'inconvénient irrémé-
diable de ne pouvoir définir l'heure correctement, à cause
de l'ignorance dans laquelle nous sommes encore quant
à la véritable expression et quant à la grandeur de la
nutation eulérienne. Tout au moins — on me permettra
d'insister sur ce point — devrait-on, avant de faire usage
des formules d'OppoIzer, les compléter dans le sens que
je viens d'indiquer, en substituant aux axes Zj, X, Y,
qu'il a employés inconsciemment, et auxquels il a appli-
qué incorrectement les transformations orthogonales, des
axes Zls X^ Y4 rectangulaires.
On pourra lire, dans la Révision des constantes de l'as-
tronomie steUaire, pages 62 et suivantes, l'exposition
détaillée de la méthode de Laplace, et s'assurer com-
bien elle est simple, lucide, correcte et adéquate au
mode d'observation.
Pour terminer, je rapporterai les paroles que j'ai
prononcées à la réunion de la Société astronomique, qui
a eu lieu à Bamberg au mois de septembre dernier,
après y avoir démontré l'incorrection des formules
d'OppoIzer :
« Depuis six ans, c'est en vain que je crie aux astro-
» nomes : Caveant consnles ! Aujourd'hui je puis dire aux
» directeurs des grands observatoires et des grandes éphé-
» mérides : Si quid détriment i res aslronomica capit, vous
» serez responsables de ce dommage devant la postérité.
» Tout l'avenir de l'astronomie dépend de la voie dans
» laquelle elle va s'engager. Si elle persévère dans ses
( 1«3 )
» errements actuels, elle fait fausse route, tant dans les
» observations que dans le calcul de l'heure et de l'as-
» cension droite.
» Il faut, de toute nécessité, qu'on en revienne aux
» méthodes d'observation de Bessel et aux formules
» complètes de Laplace, c'est-à-dire aux formules du
» grand géomètre, complétées par les termes de la nuta-
» lion eulérienne et de la nutation diurne, qu'il a pu
» négliger eu égard à la précision des observations de
» son temps. Et j'espère que l'astronomie du XXe siècle
» sera fondée sur des définitions et sur des méthodes
» d'observation et de calcul absolument correctes. »
Après avoir écrit cette note, j'ai parcouru, avec un vif
intérêt, l'article de MM. Jabely et Simonin sur la mire
lointaine de l'Observatoire de Nice (*), et j'y remarque
l'omission de la cause la plus importante, selon moi, des
différences d'azimut déduites, pour la mire, des passages
supérieurs et inférieurs des circom polaires : cette cause
est incontestablement l'omission de la nutation eulé-
rienne dans la réduction des observations, nutation qui
est éliminée dans la moyenne des deux passages.
C'est donc avec infiniment de raison que les auteurs
disent : « Que reste-t-il dès lors pour le mouvement de
la mire lointaine? Peu de chose, sans doute, sinon rien. »
Je pense même qu'ils peuvent hardiment supprimer le
« peu de chose ».
(*) Bulletin astronomique, janvier 1897.
( 164 )
Phénomènes botaniques et zoologiques observés en Belgique
(février 1897); par F. Folie, membre de l'Académie.
Laroche s/Ourthe. — Le 4, floraison du perce-neige;
le 13, chant du pinson ; le 16, chant de l'alouette; le 18,
chant du verdier; papillon jaune; réveil des grosses four-
mis; le 25, ver-luisant; le 26, bergeronnette grise.
Linsmeau. — Le 18, réveil des fourmis.
Spa. — Le 15, floraison du noisetier.
Hamoir. — Le 19, floraison d'une anémone sylvie.
Longchamps (Waremme). - - Avant le 14, floraison du
perce-neige.
Ledererg. Le 21, chant du merle; réveil de la
chauve-souris.
Iseghem. — Le 7, floraison du noisetier.
Méry (Tilff). — Le 21, floraison de la violette;
chauve-souris.
Uccle. — Le 21, chant du rouge-gorge; le 23, chant
du merle; chant de l'alouette; le 26, papillon vanesse;
le 23, feuillaison du groseillier sanguin ; le 24, floraison
du Dapline mezereum (bois-gentil); le 27, floraison du tus-
silage pas-d'âne.
( 165 )
Sur le spectre d'absorption de quelques corps organiques
incolores et ses relations arec la structure moléculaire;
par \Y. Spring, membre de l'Académie.
A la suite des recherches que j'ai reprises dernière-
ment Sur la couleur de'l'eau (*), j'ai cru intéressant de
vérifier si d'autres substances, passant aussi pour incolores,
ne manifestent pas, comme celle-ci, des phénomènes de
coloration quand on les examine sous une épaisseur
suffisamment grande. L'obligation de ne faire emploi
que de corps pouvant être préparés en grande masse à
un degré de pureté irréprochable, a limité singulière-
ment le champ d'exploration. J'ai du me borner alors à
l'examen des corps organiques les moins compliqués,
savoir : quelques alcools, des acides, l'acétone, l'éther
éthvlique et les acétates d'éthyle et d'amyle (**). Néan-
moins, ces quelques matières ont permis de faire une
constatation assez curieuse, paraissant démontrer une
relation réelle entre la couleur et la structure moléculaire
des corps composés. Ainsi, tous les corps dans la molé-
cule desquels on admet la présence du groupe oxhydryle
(OH) — les alcools et les acides — ont fait voir une couleur
se rapprochant d'autant plus du bleu de l'eau que le chai-
(') Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e sér., t. Y, pp. 55-84; t. XII,
pp. 814-857; t. XXXI, pp. 94-110 et 256-260.
O Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e sér., t. XXXI, pp. 246-256;
t. XXXII, pp. 43-51.
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 12
( 166 )
non carboné qui fait suite au groupe OH est plus court.
Si le groupe (OH) fait défaut, la matière est jaune d'or
plus ou moins foncé, même si elle renferme de l'oxygène :
c'est ce que l'acétone et les divers élhers ont permis de
constater.
Les choses se passent donc comme si certains groupes
atomiques étaient doués d'un pouvoir absorbant propre
qui ne subirait qu'une faible altération à la suite de leur
combinaison avec d'autres groupes. On pourrait dire
que l'absorption de la lumière ne serait pas sous le com
mandement absolu de la molécule entière, mais qu'elle
subirait encore l'influence de ses parties constituantes.
On conviendra que si cette conclusion n'est pas illusoire,
elle ne tend à rien moins qu'à faire regarder un corps
composé comme formé de parties réellement distinctes,
remplissant, chacune, un rôle déterminé. Un corps orga-
nique serait comme une fédération d'États ayant conservé
une certaine autonomie, tout en contribuant à donner à
leur ensemble un caractère d'individualité.
L'analyse spectrale que j'ai faite de la lumière passant
par des corps ayant des groupes atomiques identiques,
par exemple l'alcool éthylique, l'éther éthylique et
l'acétate d'éthyle, qui tous trois dérivent de C2H5, a
montré l'absorption d'un faisceau d'ondes lumineuses de
même longueur. Il apparaît dans le spectre de chacune
de ces substances une bande d'absorption étroite, occu-
pant exactement la même place, malgré la différence
capitale des fonctions chimiques des corps et de leur
composition générale.
Ce fait fournissait un appui très sérieux aux conclusions
que je viens de rappeler. Il soulevait, de plus, une ques-
( 167 )
tion fondamentale : celle de savoir si, pour des combi-
naisons de certaine nature, l'absorption de la lumière
est ou n'est pas la résultante des diverses forces en jeu
dans une molécule. Je m'explique. Si nous supposons
un corps formé de (\vu\ groupes A et B, dont A occasion-
nerait à l'état isolé une absorption donnée dans le
spectre, tandis que B serait absolument transparent, la
combinaison AB devra, selon toute apparence, montrer
la bande d'absorption de A sans altération ni déplace-
ment, l'action de B étant nulle, si tant est que la combi-
naison de A avec B ne produit pas, dans la molécule,
des tensions de nature à altérer les propriétés optiques
de A. Mais le problème, ainsi posé dans toute sa simpli-
cité, n'est pas accessible à l'expérience. On ne peut
opérer à l'aide de groupes A ou B isolés d'abord et com-
binés ensuite. La difficulté pourrait cependant être
tournée si l'on rencontrait d'autres combinaisons, telles
que AB', AB", AB", etc., pour lesquelles il apparaîtrait,
dans le spectre, une bande d'absorption à la même place.
Alors il serait sans doute permis d'attribuer cette bande
constante à l'élément constant des diverses combinaisons
AB, AB', etc., et de regarder les parties B, B', B"
comme également inactives au point de vue optique.
Si, au contraire, la bande d'absorption se déplaçait
dans un sens constant, on en pourrait conclure que les
groupes B, B', B", ou bien possèdent une absorption
propre, qui se composerait avec la première, ou bien
qu'ils modifient d'une façon de plus en plus profonde la
nature optique de A, ensuite de la tension qu'ils exer-
ceraient sur celui-ci. En un mol, l'exercice de ce que l'on
a nommé ïaffinité, ou la force d'attache des groupes ou
i 168)
des atomes dans une molécule, pourrait se traduire par
la position des bandes d'absorption de la lumière.
On le voit, par l'emploi de corps de composition peu
compliquée, on peut espérer arriver à la solution des deux
questions suivantes :
4° L'apparition de certaines bandes d'absorption dans
le spectre lumineux a-t-elle pour cause la présence réelle
de groupes d'atomes définis, dans la molécule?
2° Le déplacement éventuel de ces bandes est-il en
relation avec l'affinité enjeu entre les parties déterminées
d'une même molécule?
Dans le cas d'une solution positive, l'analyse spectrale
fournirait un moyen de dévoiler, dans un certain nombre
de cas, la structure des molécules et de contrôler, par
une voie physique, les conclusions tirées des procédés
chimiques servant à la construction des corps.
Il est bien entendu que cette méthode suppose des
substances présentant une absorption lumineuse simple
dans la région visible du spectre et qu'elle est exclusive
des matières dont le pouvoir absorbant s'exerce seulement
sur les extrémités du spectre, car les difficultés que l'on
rencontre dans la préparation de corps dans un état de
pureté tel que leur transparence générale soit comparable
exactement, ne sont pas de nature à être vaincues : tout
chimiste qui s'est occupé de l'étude des phénomènes
d'absorption lumineuse a eu l'occasion de s'édifier à cet
égard.
D'autre part, si les substances ne donnant pas de
bande d'absorption sont inutilisables, il en sera de même
de celles qui en fournissent un nombre trop grand ou de
celles qui, comme les matières colorées proprement dites,
( 169 )
en donnent de trop larges. Dans ce cas, les bandes ont une
origine si compliquée que Ton ne pourrait éviter des mé-
comptes si l'on essayait de la débrouiller dans l'état
actuel de nos connaissances.
En résumé, il pourrait en être de l'analyse à laquelle
il est fait allusion ici, comme de l'analyse spectrale des
corps simples. Celle-ci ne donne ses résultats les plus
certains et. les plus commodes à constater que pour les
éléments fournissant un spectre qui n'est pas sillonné par
un trop grand nombre de raies.
Telles sont les vues théoriques que j'ai désiré vérifier.
On verra par la suite qu'elles se trouvent confirmées,
sinon d'une manière absolue, au moins de façon à sus-
citer des recherches complémentaires de la part des chi-
mistes qui seront, mieux que je ne l'ai été, en état de se
procurer des matériaux plus variés pour leurs expériences.
État de la question.
Dans mes recherches Sur la couleur des alcools et
d'autres corps organiques (*), j'avais pour objet principal
de constater seulement les phénomènes d'absorption
tels que l'œil les perçoit, c'est-à-dire la réalité ou
l'absence d'une couleur. J'opérais sur des épaisseurs
de liquide de 26 mètres et je me trouvais dans un
domaine pour ainsi dire non encore exploré. Il en est
autrement aujourd'hui. L'analyse spectrale ne réussit pas
avec une si grande épaisseur de matières, parce que le
(*) Lococitatc.
( 170 )
spectre lumineux est alors trop faible et surtout trop
court : le côté rouge, notamment, est si fortement
affaibli, qu'une bande d'absorption obscure qui y régne-
rait ne pourrait se distinguer au milieu de cette obscurité
relative.
Il faut donc, de toute nécessité, diminuer l'épaisseur
des liquides, même jusqu'à la limite à laquelle la cou-
leur propre de la matière commence à ne plus être per-
ceptible. Mais alors on se trouve dans des conditions
physiques qui ont été réalisées souvent par plusieurs phy-
siciens. Il est donc utile de résumer les observations déjà
recueillies, d'autant que certaines d'entre elles forment un
groupe auquel il ne manquait qu'un complément pour
permettre de conclure à l'influence de la structure molé-
culaire sur l'absorption de la lumière. Il est bien entendu,
toutefois, que seuls les travaux se rapportant à l'absorp-
tion par les matières dites incolores et dans la région
visible du spectre pourront nous servir : les observations
de O.-N. Witt, de G. Kriiss, de Schùtze, de A.-E. Bost-
wick et surtout les données si nombreuses de W.-N. Hart-
ley, pour ne citer que les principales, se rapportant à des
matières colorées, s'écartent du cas spécial de notre exa-
men des substances incolores; d'autre part, les recherches
de W.-N. Hartley et A.-K. Huntington, ainsi que celles
de J.-L. Soret et A. Rilliet, étant relatives à l'absorption
des rayons ultra-violets par de petites épaisseurs de liqui-
des, ne sont pas non plus en rapport direct avec le sujet
présent. On sait depuis longtemps déjà que les corps
organiques absorbent d'une manière intense les rayons
les plus réfrangibles. Pour faire des observations dans la
partie ultra-violette du spectre, on est donc obligé d'opé-
rer sur des épaisseurs minimes, hors d'état de faire appa-
( 171 )
raître l'absorption des rayons moins réfrangibles. Il se
peut même qu'il n'y ait aucune relation simple entre
l'absorption de l'énergie rayonnante à ondes courtes et
celle de l'énergie rayonnante à ondes longues.
Le physicien qui a observé le premier, je crois, qu'un
liquide donne un spectre d'absorption même quand son
épaisseur est insuffisante pour qu'il paraisse coloré, est
J.-S. Schonn (*). Occupé de l'examen des lignes atmo-
sphériques, il jugea intéressant d'observer l'absorption de
la lumière par l'eau. A l'aide d'un tube de lm,95, il vit
dans le spectre de l'eau deux bandes, l'une vers D et
l'autre près de C. Des indications plus précises font
défaut. Il constata aussi que le pétrole donne trois bandes
d'absorption, et l'alcool éthylique, une bande. Schonn
compléta ses observations plus tard en examinant l'alcool
méthylique, avec lequel il trouva deux bandes dans le
rouge, puis avec l'alcool amylique et l'acide acétique, pour
lesquels il vit aussi deux bandes. Soit dit dès maintenant,
ces résultats ne concordent pas avec les miens : pour cha-
cune de ces substances, je n'ai constaté qu'une seule
bande en opérant sur les matières les plus pures. Il est
donc probable que Schonn n'a pas opéré avec des sub-
stances de pureté irréprochable ; aussi est-il superflu de
préciser les lieux du spectre où ses bandes se sont révé-
lées. Quoi qu'il en soit, je rappellerai que Schonn a déjà
été frappé de la similitude des spectres des alcools :
« Si nous comparons, dit-il, les trois alcools qui ont fait
» l'objet de notre examen, il n'est pas possible de
(*) Poggendorffs Annalen. Erg , VIII, p G70, et Wiedemann's
Annalen (2), t. VI, p. 267, 1879.
( 172 )
» méconnaître une certaine parenté (Familienàhnlieh-
» keit) jusque dans leurs spectres (*). »
J.-L. Soret et E. Sarasin (**) ont examiné aussi le spec-
tre d'absorption de l'eau. Ils ont vu une bande d'absorp-
tion dont le milieu correspond à la longueur d'onde 600
environ. Leur observation n'est donc pas non plus d'accord
avec celle de Schônn, qui trouva deux bandes pour l'eau;
mais les résultats de mes observations sont conformes à
ceux de Soret et Sarasin, car j'ai trouvé également pour
l'eau une seule bande, située à la place où À = 601.7.
Peu de temps après Schônn, W.-J. Russel et W. La-
praik, à qui les travaux de Schônn paraissent avoir
échappé, publièrent des recherches semblables sur un
certain nombre de corps organiques et inorganiques (***).
Ils trouvèrent pour les alcools méthylique, éthylique,
propylique et amylique des spectres semblables, mais
dans chacun d'eux la bande d'absorption se rapprochait
d'autant plus de l'extrémité rouge que le poids molécu-
laire était plus élevé. Les iodures d'éthyle et d'amyle ont
fourni un spectre semblable à celui des alcools qui leur
correspondent; de même le nitrate et l'acétate d'amyle,
et aussi l'amyiène. Les auteurs concluent de là que l'ori-
gine de la bande d'absorption serait indépendante du radical
acide. Les autres matières examinées ont été : le chloro-
forme, l'éther, l'aldéhyde et l'acide acétiques, puis le
benzène, le toluène, le xylène, le phénol, la naphtaline,
les mono- et bichlorbenzène, l'ammoniaque et quelques
aminés, l'aniline, la toluidine et l'acide azotique. Chacune
0 Loc. cit., p. 268.
O Comptes rendus, t. XCVIII, p. 624, 1884.
("*) Journal of the Chem. Society, t. XXXIX, pp. 168-173, 1881.
( i73 )
de ces substances a donné un spectre traverse par une ou
deux bandes; les dérivés de l'azote en ont fourni quelque-
fois trois ou quatre.
Malgré leur nombre, ces matières ne permettent pas
de tirer de la comparaison des spectres des conclusions
certaines. Le choix des corps n'a pas assez porté sur des
substances ayant des groupes atomiques communs, unis
à d'autres groupes dont les modifications chimiques sont
suffisamment connues. Le travail de Russel et Lapraik
ouvre néanmoins une perspective intéressante; il est dans
l'intérêt de la science de la parcourir d'une façon plus
complète. C'est donc, je le répèle, à titré de complément
que je désire faire connaître, à présent, mes propres
observations.
Description des expériences.
L'analyse spectrale de tous les liquides employés a été
faite au moyen d'un spectroscope à vision directe, de
grand modèle, construit par F. Schmidt et Haensch, de
Berlin. Les matières étaient contenues dans des tubes en
verre enveloppés de fort papier noir et fermés à leurs
extrémités par des plans de verre fixés à l'aide de douilles
lutées au moyen de plâtre gâché avec une solution de
gomme arabique. Ce lut est absolument résistant aux
hydrocarbures, alcools, éthers, etc. La source lumi-
neuse était une lampe à incandescence Auer; une len-
tille rendait les rayons parallèles à l'axe des tubes, pour
éviter, autant que possible, les réflexions sur les parois.
Des expériences préliminaires ayant fait voir que
l'opacité et la largeur des bandes d'absorption étaient en
relation avec l'espèce chimique des liquides et avec leur
( «74 )
épaisseur, il était nécessaire, tout d'abord, d'assurer la
comparaison des spectres en recevant, dans le spectro-
scope, de la lumière ayant traversé des colonnes compa-
rables. A cette fin, je n'ai pas fait usage de tubes de
même longueur pour chaque substance, mais de tubes
dont la longueur était proportionnelle au volume molé-
culaire des divers corps; de cette façon, la lumière
traversait, dans chaque cas, un nombre égal de molé-
cules. A titre de renseignement, je dirai que le tube à
alcool méthylique (le plus court) avait 4 mètres de long
et le tube à acétate d'amyle (le plus long) mesurait
15™,04. Dans les cas où l'insuffisance de matière ne per-
mettait pas de remplir un tube de longueur proportion-
nelle au volume moléculaire en prenant les 4 mètres
d'alcool méthylique comme unité, j'ai changé le point de
comparaison et je l'ai choisi parmi les corps donnant
une bande plus sombre que l'alcool méthylique. Par
exemple, l'éther éthylamylique eût demandé une lon-
gueur de tube de 14n,,9G relativement aux 4 mètres
d'alcool méthylique. Mais je ne disposais que de quoi
remplir un tube de 5 mètres; j'ai donc comparé cette
longueur avec la longueur équivalente d'alcool amylique,
qui est 5"\54. L'épaisseur d'alcool méthylique corres-
pondant à 5 mètres d'éther éthylamylique n'est que lm,53,
mais alors la bande de l'alcool n'est pas marquée dans le
spectre.
Une exception a été faite aussi pour l'eau, qui a été
examinée dans un tube de 4 mètres et non dans un tube
de 1"',80, comme l'eût demandé son volume moléculaire.
En outre, les solutions dans l'eau ont été examinées dans
des tubes de longueur quelconque.
Schônn, Russel et Lapraik ont opéré sur des épaisseurs
( *75 )
de liquides non en rapporl avec leur volume moléculaire
(le plus souvent elle était la même pour des matières
différentes); je crois pouvoir attribuer à cette circonstance
plusieurs différences que montrent leurs observations
ainsi que certains écarts de mes propres observations.
L'analyse spectrale a porté sur les substances sui-
vantes :
1. L'eau.
2. L'alcool méthylique.
5. — éthylique.
4. — propvlique.
5. — isopropylique.
6. — isobutylique.
7. — amvlique.
8. La glycérine.
9. La saccharose (en solution).
10. L'éther éthylique.
11. — éthylamylique.
12. Le formiate d'éthyle.
15. L'acétate de méthyle.
14. — d'éthyle.
15. — d'isobutyle.
16. — d'amyle.
17. Le benzoate d'éthyle.
18. L'acétone.
19. L'aldéhyde benzoïque.
20. L'acide fonnique.
21. — acétique.
22. — butyrique.
23. Le bromure d'éthyle.
24. L'iodure d'éthyle.
( 176 )
25. Le chlorure d'éthylène.
26. Le bromure d'éthylène.
27. Le chlorure d'amyle.
28. Le bromure d'amyle.
29. Le chloroforme.
30. Le tétrachlorure de carbone.
51. Le chlorure de benzyle.
32. Le sulfure de carbone.
33. Le nitrobenzol.
34. Le nitrotoluol (ortho).
33. Le trinitrophénol.
36. La nitronaphtaline (en solution).
37. La binitronaphtaline (en solution).
58. La ligroïne (ébull. 40 à 1 10).
59. (ébull. 55-50).
40. ( — 40-70).
41. ( — 70-85).
42. Le pétrole rectifié (ébull. 120-270).
45. L'amylène.
44. Le benzène.
45. Le toluène.
46. Le xylène.
47. Le cumène.
48. L'essence de térébenthine.
49. L'acide oxalique.
50. — malique.
51. tartrique.
Ces substances ont été les seules que j'ai pu me pro-
curer en quantité suffisante et au degré de pureté néces-
saire. Les unes ont été préparées dans mon laboratoire, les
autres provenaient de la collection de produits chimiques
i '177 )
de l'Université de Liège; les matières volatiles ont été
rectifiées avec le plus grand soin par distillation dans un
appareil entièrement en platine. Chacune a été examinée
aussitôt après la purification : le temps modifie, en effet,
leur pouvoir absorbant avec une grande rapidité; tel
alcool, par exemple, qui est bleu verdâtre quand il vient
d'être distillé, est jaune au bout de quelques jours, sur-
tout s'il a subi l'influence de la lumière.
La position des bandes d'absorption a d'abord été
relevée à l'aide de l'échelle empirique du spectroscope,
puis exprimée en longueurs d'onde X, à la manière
ordinaire. Comme repères, il a été fait usage de raies de
K, Li, Na, Tl, Sr et In.
Expériences de contrôle.
Pour s'assurer si les divers spectres observés sont
véritablement comparables entre eux, et si la cause de
leurs différences se trouve dans la structure des molé-
cules, il était nécessaire de vérifier l'influence de l'état
moléculaire actuel ainsi que l'influence de la tempé-
rature.
État moléculaire. — Au regard de ce facteur, J.-S. Ko-
nic (*) dit que le spectre de la vapeur du benzène diffère
de celui du liquide; il lui manquerait une bande. Je ferai
remarquer toutefois que Ronic a comparé une épaisseur
de vapeur de benzène de 5 mètres avec une épaisseur de
liquide de 2 mètres, c'est-à-dire des masses de matières
non comparables. Si l'on tient compte de la densité de la
C) Beiblâtter, IX, p. 669.
( 178)
vapeur et de celle du liquide, il est facile de calculer
que la lumière ne traversera des masses égales de
matière que si elle passe par une épaisseur de vapeur
257 fois aussi grande que l'épaisseur de liquide!
La comparaison des vapeurs avec leurs liquides étant
incommode, sinon impossible, j'ai eu recours aux solu-
tions réciproques des liquides; pour celles-ci, les ten-
sions moléculaires sont aussi changées, si, à la vérité,
elles ne sont pas annulées comme dans les gaz.
Dans une première expérience, j'ai rempli un tube de
o mètres d'eau pure, puis un autre tube de 5 mètres
d'alcool éthylique. Les deux tubes étant placés dans le
prolongement l'un de l'autre, on voit la bande de l'eau
et la bande de l'alcool. J'ai ensuite mélangé l'eau et
l'alcool, et rempli un tube de (> mètres en suppléant à la
contraction qui accompagne la solution, par un complé-
ment de liquide. Le spectre du mélange a été identique
au précédent. Une vérification semblable a été faite à
l'aide d'alcool éthylique et d'alcool amylique, puis à
l'aide d'eau et de glycérine, chaque fois avec le même
résultat.
Je rappellerai d'ailleurs que dans mon travail sur la
transparence des solutions des sels incolores (*), j'ai déjà
constaté que le spectre de l'eau n'était modifié en rien
par la présence des sels dissous.
Je citerai encore des observations de A.-E. Botswick (**),
qui a trouvé que si dans un mélange de carmin et de
bichromate de potassium on voit un déplacement des
C) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3« série, t. XXXI, p. 640,
4896.
(") Jahresbericht f. reine Chemie, 188$, p. 320.
( "» )
bandes d'absorption, il n'en est pas de même dans un
mélange de fuchsine et de bleu d'aniline. On peut vrai-
semblablement conclure de là que le déplacement n'a lieu
que si les corps mélangés sont en état de se combiner;
mais alors ce n'est pas l'état moléculaire qui entre seul en
jeu.
Un travail plus récent, de 0. knoblauch (*), conduit
à la même conclusion.
En résumé, il me paraît établi que la position des
bandes d'absorption est plutôt en rapport avec les ten-
sions qui s'exercent dans les molécules qu'avec celles des
molécules entre elles.
Influence de la température.
W.-J. Russel et W. Lapraik (**) trouvèrent que le
spectre de la chlorophylle se modifie par la chaleur
comme par l'action des acides.
J'ai donc comparé le spectre de quelques substances
(chlorure d'éthylène, alcool amylique, benzoate d'éthyle)
à 0° et à environ 50°. Le tube de 2 mètres de long qui
contenait les liquides, occupait le milieu d'une longue
cuvette que l'on remplissait alternativement de glace et
d'eau chaude. Il ne s'est manifesté aucune différence dans
les spectres. On peut donc admettre que la position des
bandes d'absorption n'est pas influencée par la tempéra-
ture dans les limites indiquées. Ce résultat, qui est con-
forme, au fond, au précédent, donne à penser que la
O Wiedemann's Annalen, t. XLIII, pp. 738-783, 1891.
C*) Journal of the Chem. Society, t. XLI, pp. 334-339.
( i80 )
chlorophylle subit, sans doute, une altération chimique
au contact de l'eau quand la température s'élève, comme
elle en subit sous l'influence des acides dissous ou des
sels.
Résultats des observations.
Couleur des corps et fluorescence. — L'examen des cin-
quante et un corps mentionnés plus haut a confirmé
entièrement mes observations antérieures (*) au sujet de
la couleur des matières organiques. Les corps organiques
sont de couleur jaune plus ou moins foncée, selon l'épais-
seur de la couche liquide, si leur molécule ne renferme
aucun groupe oxhydryle (OH).
Lorsque cette condition n'est pas remplie, les corps
sont bleus, bleu-vert, verts ou vert jaunâtre, selon la
prépondérance du chaînon carboné sur le ou les
groupes OH. Ainsi l'alcool bulylique, qui compte un (OH),
est vert-jaune, tandis que l'acide tartrique, qui en a
quatre, donne une solution bleue immédiatement après
la filtration sur du noir animal pur. De même, une solu-
tion de sucre pur est bleue, malgré les deux chaînons C6
que contient sa molécule, tandis que l'alcool amylique
est vert jaunâtre, bien que dérivant seulement d'une
chaîne C5. Dans mon travail précédent (**), j'avais exa-
miné déjà les acétates d'éthyle et d'amyle, que l'on
peut envisager comme des homologues supérieurs de
l'acide acétique, afin de vérifier l'altération de la couleur
de l'acide libre. Ces éthers se sont montrés jaune ver-
O Bull, de l'Acud roy. de Belgique, 3" série, t. XXXI, pp. 246-256.
(**) Loco citato.
( 181 )
ddlre. Aujourd'hui la série est complétée pour l'acétate
de méthyle et l'acétate d'isobutyle ; aussi la gradation de
la couleur est-elle intéressante à observer : l'acétate de
méthyle est bleu sans mélange; ce n'est qu'à l'étage
éthylique (CgHj;) que la nuance verte apparaît, pour virer
ensuite de plus en plus au jaune à mesure de rallon-
gement de la chaîne carbonée. Le groupe 011 forme donc
bien la tète de la série OCuHÎI1 + ,, dont les termes entrent
dans la composition des élhers; en un mot, les éthers
composés forment la suite des acides au regard de la
couleur.
Os phénomènes de coloration me paraissent montrer,
jusque dans leur dégradation successive, la présence
réelle de groupes atomiques distincts dans les molécules
carbonées.
Je ne terminerai pas ce paragraphe sans mentionner
encore un fait qui se rapproche des phénomènes de colo-
ration, car il est de ceux qui se constatent immédiate-
ment par la vue.
La fluorescence que certaines matières montrent sous
faible épaisseur, comme c'est le cas par exemple pour
une solution de sulfate de quinine, est à ranger à la
suite des phénomènes de coloration. Comme la couleur,
elle apparaît chez certains liquides seulement quand on
envisage des épaisseurs suffisamment grandes. Pour con-
stater le fait, j'ai rempli des tubes de verre, de 5 mètres
de long, de différents liquides et je les ai éclairés latéra-
lement au moyen de la lumière du jour, en empêchant, par
un écran, la lumière d'entrer longitudinalement dans l'ap-
pareil. En regardant alors dans la direction de la lon-
gueur du tube, on voit la paroi éclairée, d'une couleur
5,ne SÉRIE, TOME XXXIII. 15
( 182 )
bleu foncé, alors môme que par transmission le liquide
est jaune. Cette fluorescence a pu être constatée avec
tous les hydrocarbures cycliques cités plus haut, mais non
avec les dérivés qui, comme l'essence de térébenthine,
portent des chaînes latérales assez longues et sont plus
saturées; elle a fait défaut aussi chez toutes les combi-
naisons aliphatiques. Il paraîtrait donc que cette faible
fluorescence est le propre du benzène, comme la couleur
bleue est le propre de l'eau; fluorescence et couleur dimi-
nuant chacune à mesure que la complication des dérivés
du benzène ou de l'eau grandit, pour finir par reparaître,
l'une ou l'autre, dans des composés particuliers de com-
plication extrême.
Spectres continus.
Toutes les substances que j'ai examinées n'ont pas
donné un spectre interrompu par une ou plusieurs
bandes. Quelques-unes ont fourni un spectre continu,
l'absorption de la lumière étant générale dans la région
visible, ou intéressant, tout au moins, les extrémités du
spectre.
11 importe de distinguer d'abord les corps à spectre
continu et de s'assurer s'ils permettent de faire une
remarque générale sur leur structure moléculaire.
Le premier point frappant, c'est que les combinaisons
à un atome de carbone donnent un spectre continu ou un
spectre à bandes extrêmement peu sombres. Ainsi, le
sulfure de carbone, le tétrachlorure de carbone, l'acide
formique ont un spectre continu; le chloroforme, l'al-
cool méthylique, un spectre clans lequel les bandes appa-
raissent seulement comme une ombre. Or le CS9 et
( «83 )
le CCI4 sont des combinaisons symétriques, tandis
que HCCI3 et CH3.OH ne le sont pas; l'acide formique
H.CO.OH ne l'est pas non plus, niais peut-être le groupe
carboxyle CO^H est-il doué d'une transparence telle que
sur une épaisseur de 5"',75 (équivalente à 4 millimètres
d'alcool méthylique) la bande d'absorption ne se marque
pas (*).
Un second point remarquable est que les combinai-
sons polycarbonées donnent aussi un spectre continu
quand leur symétrie chimique est plus ou moins complète.
Tel est le cas pour l'acide oxalique (en solution), l'acide
tartrique (id.), la glycérine, la saccharose, l'acide malique
et même le trinitrophénol, dans lequel les trois groupes NO^
sont en position symétrique (1, 5, 5) autour du noyau C6.
Si l'on rapproche ces points d'une remarque faite par
Metzki dans son traité des matières colorées orga-
niques (**), il est impossible de méconnaître une certaine
analogie entre les propriétés optiques des combinaisons
aliphatiques incolores et des combinaisons cycliques colo-
rées. « On voit, dit Nietzki, que la constitution des
» chromogênes dont il est question, est définie par un
» groupe ckromophore qui fait partie d'une chaîne fermée
» et se distingue essentiellement des autres groupes par
)> sa valeur et ses attaches. Même quand il y a quatre C
» secondaires dans une molécule, comme dans l'acide
» rhodizonique CG(OH).204, la coloration persiste. Mais
» quand les six atomes de C passent à l'état secondaire,
O Même pour une épaisseur double de liquide, le spectre îeste
continu.
(**) Chemie der organischen Farbsto/jè, p. 10, 1894.
( m )
» comme c'est le cas dans le perchinone CG06, la couleur
» disparaît complètement. » En d'autres termes, un
groupe chromophore tel que C'.O cesse d'agir comme
colorant, même dans les combinaisons cycliques, lorsqu'il
se trouve distribué symétriquement dans une molécule.
Il est sans doute permis d'étendre cette remarque aux
corps aliphatiques : CC14, CS2, (C02H)2, etc.; ceux-ci
présenteraient une résistance homogène à la lumière par
suite de Y équilibre des tensions dans leurs molécules;
mais lorsque les atomes ou groupes différents du carbone
se distribuent inégalement autour d'un chaînon carboné,
c'est-à-dire lorsque les substituants de l'hydrogène sont
surtout concentrés vers l'une des extrémités de ce chai-
non, la résistance au passage de la lumière n'est plus
homogène : certains faisceaux d'ondes (généralement
comprises entre l = 600 et / = 650) sont alors facile-
ments éteints.
Spectres à bandes.
D'après ce qui a été dit dans le paragraphe précédent,
nous ne rencontrerons ici que des substances dont le
chaînon carboné a des extrémités hétérologues. Les résul-
tats seront plus commodément dominés si l'on adopte
l'ordre suivant dans l'observation des corps : 1° alcools;
2° acides; 5° éthers (simples, haloïdes et composés);
4° hydrocarbures.
Voici d'abord les résultats des observations; j'ai fait
figurer, afin de comparaison, les résultats de Russel et
Lapraik chaque fois que nous nous sommes rencontrés
sur les mêmes substances; ils sont marqués par les
lettres R et L.
( 185 )
Alcools.
Eau . . .
Métlianol .
Éthanol . .
l'ropanol 1 ,
2.
Isobutauol (
Amvlol ('*) .
MILIEU
de la bande.
LARGEUR
de la bande.
GO 1,7
639,5
633,7
636,7
634,o
636,1
638,1
7,0
18,2
6,6
7,0
8,2
10,2
10,3
H. et L
603,0 (')
632,0
638,5
632,5
634,0
Il est à remarquer que l'opacité de la bande des alcools
est inégale : elle est très faible pour le métlianol, puis,
toutes choses restant égales d'ailleurs, elle est plus faible
pour les termes de rang impair (CH3.OH; C3H7.OH;
C-;H,i.OH) que pour les termes de rang pair (C2Hs.OH;
C4Hn.OH). Tl est très curieux de constater toutefois que le
propanol 2, [(CH5)2CH.OH], se comporte comme s'il était
de rang pair.
O Ces nombres sont déduits de la planche qui accompagne le
mémoire deRussel et Lapraik.
(**) Sous une épaisseur de lo mètres, on constate une seconde
bande vague, vers 562.
( 186 )
Acides.
MILIEU
de la bande.
LARGEUR
de la bande.
B. et L
pas de bande
614,7
033,3
3,4
9,8
613,0
VI H ERS.
PREMIÈRE BANDE.
SECONDI
; BANDE.
R. et L.
Milieu.
Largeur.
Milieu.
Largeur.
Élher éthylique . . .
633,8
6,6
630
— éthylamylique
636,1
11,4
(2 bandes j
uxtaposées)
-
Formiate d'éthyle . .
632,0
8,6
-
-
-
Acétate de méthyle .
624,7
21,2
(2 bandes j
jxtaposées)
-
— d'éthyle .
632,0
6,6
615,4
3,6
-
— d'amyle .
636,9
9,0
615,0
4,0
-
Butyrate d'éthyle. .
635,3
9,8
(2 bandes j
uxtaposées)
-
Benzoate d'éthyle
633,8
5,9
605,6
14,2
-
Bromure d'éthyle
633,0
6,5
628,2
11,0
-
lodure d'éthyle .
624,0
8,0
-
-
625
Chlorure d'amyle.
636,9
9,8
630,4
3,3
-
Bromure d'amyle
636,9
9,8
625,7
6,0
-
lodure d'amyle .
—
-
-
-
632
Chlorure d'élhylène
622,7
8,0
5t2,3
2,0
—
Bromure d'éthylène
620,6
8,3
542,3
2,0
-
Chlorure de benzyle
606,9
12 2
562,5
1,0
-
1 Chloroforme . .
626,7
1,0
613,3
8,4
615
( 187 )
Hydrogarbures.
PREMIÈRE BANDE.
SECONDE
UANDE.
15. et L.
Milieu.
Largeur.
Milieu.
Largeur.
Ligroïne (3o0-45°) . . .
058,6
1,0
636,1
8,2
— ( KJ°-70»)
648,6
1,0
G36,l
8,2
-
— (40°-110°)
635,0
2,0
641,0
4,8
-
— (70°-85°)
630,0
1,0
637,0
6,5
-
Pétrole (120»-270°;
646,7
22,7
—
-
-
632,0
8,0
632
Benzène. . . .
606,5
613,0
9,0
14,6
563,0
563,0
6.0
6,0
610,533
612
636,9
9,8
611,0
10,1
612,636
637,7
«,4
12,4
10,3
—
Carvène ....
6-20.1
Spectic
8,6
vague
636,1
11,4
610,636
Ess. de térébenthine
(*"
Autres corps.
Acétone . . .
Benzaldéhyde .
Nitrobenzène .
Nitrotoluène. .
Nitronaphtaline.
Binitronaphtaline
PREMIERE BANDE.
Milieu.
632,0
606,9
603,2
606,2
Largeur.
6,5
12,2
5.6
3,5
SECONDE BANDE.
Milieu.
Largeur.
619,6
311,0
589,7
591,2
6.3
3,0
11,4
16.5
En solution clans l'alcool. — Spectre vague.
Id. Id.
(*) Le toluène a une troisième bande faible, à (.02,7.
(**) L'essence de térébenthine a une troisième bande à 615,8.
( 188)
Les conclusions à tirer de ces résultats me paraissent
être les suivantes.
La position des bandes d'absorption ne dépend pas,
d'une manière essentielle, du poids moléculaire des corps.
En effet, des substances de même poids moléculaire
fournissent des bandes différentes. Par exemple, l'acide
acétique et les deux propanols ont pour poids molécu-
laire 60, tandis qu'ils donnent les bandes 014,7; 634,5
et 636,7; l'acétate d'étbyle, l'amylol et l'acide butyrique
ont tous trois pour poids moléculaire 88, et cependant
on constate pour le premier corps deux bandes (615,4 et
652,0) lorsque les derniers n'en ont qu'une (638,1 et
655,3), etc.
Il est visible aussi que le poids spécifique et le volume
moléculaire sont sans influence immédiate sur la position
des bandes. Celle-ci paraît en relation directe avec les
groupes hydrocarbonés entrant dans la composition des
molécules et en relation indirecte avec les groupes com-
plémentaires.
Dans la série des alcools, chaque groupe alkyle donne
une bande spéciale dont la position dépend, sans doute,
de sa structure, mais qu'il n'est pas possible de mettre en
relation avec le poids moléculaire, comme Russel et
Lapraik l'ont fait dans leur mémoire. Les bandes ne
s'approchent pas régulièrement de l'extrémité rouge du
spectre à mesure que le groupe alkyle grandit. Cette con-
clusion se dégage même des observations de Russel et
Lapraik que j'ai reproduites plus haut. Dans la série des
acides, le déplacement de la bande vers le rouge parait
suivre l'augmentation du poids moléculaire, mais le
nombre des corps examinés est trop faible pour conclure
avec certitude.
v '89 )
Si la position des bandes est spéciale aux groupes
alkyles, il est important de s'assurer si elle se conserve
dans les corps qui renferment des alkyles identiques.
On aura à comparer d'abord des corps différents, mais
dans lesquels la liaison de Falkyle est dans les mêmes
conditions chimiques; ensuite on comparera des corps
dans lesquels cette liaison est hétérologue.
Poursuivons d'abord la bande du groupe élhyle à travers
ses combinaisons oxygénées.
Dans l'éthanol C2H5.OH, la bande est à 635,7, et dans
l'éther éthylique C2H5.O.C2H5, nous la trouvons à 635,8
avec la même largeur; la position est donc identique.
Dans le formiate d'étbyle, elle est à 632; dans l'acétate
d'étbyle, on voit deux bandes, l'une à 632 et l'autre à
615,1; or l'acide acétique a donné une bande à 614,7;
il est donc permis de regarder la première bande comme
causée par C^H; et la seconde par le radical acétyle
CH5.CO. Dans lebutyrate d'étbyle, il n'y a qu'une bande
1 655, 5), mais sa largeur est 9,8, comme dans l'acide buty-
rique lui-même. Ici la bande de C2H5 esl couverte par
celle du radical butyryle C-II7.CO. Dans le benzoate
d'éthyle, ce recouvrement n'a plus lieu : il y a deux
bandes distinctes, l'une à 655,8 et l'autre à 605,6, qui
est sans doute celle du radical benzoyle (C6H5CO), car
on trouve dans le benzène une bande dans la posi-
tion 606,5.
On voit donc que si une molécule organique est for-
mée de fragments distincts, caractérisés par une bande
spéciale, elle fournit un spectre dans lequel s'inscrit
chacun de ces fragments.
Voyons si le fait persiste dans d'autres groupes. L'amy-
lol a une bande à 658,1 ; or, celle de l'éthanol étant à
( 190 )
635,7, le groupe arayle CriHH et le groupe C2H5 réunis
devront donner deux bandes dont le milieu sera à
63S,I -v- 633,7
! = 635,9;
or on trouve, pour l'éther éthylamylique C2H5 - 0 - C5H4,
la bande dans la position 656,1, ce qui peut être regarde
comme suffisant.
L'acétate d'amyle donne deux bandes : G3G,9 et 615,0.
La première est, malgré son léger déplacement (voir
plus loin), celle de l'amyle, et dans la seconde on retrouve
celle de l'acétyle.
Dans la comparaison des bandes de l'alcool méthylique
et de l'acétate de méthyle, les résultats paraissent moins
évidents, par suite de l'incertitude qui règne sur les limites
de la bande du méthyle ; nous avons vu que celle-ci se
présente comme une ombre dans le spectre; néanmoins
il est très remarquable que la somme des largeurs des
bandes du méthyle et de l'acétyle est à peu près égale à
la largeur de la bande de l'acétate de méthyle : 18,2
-i- 3,4 = 21,6, au lieu de 21,2.
Passons à présent au cas où la liaison des alkyles a
lieu avec des atomes hétérologues.
Dans le bromure d'éthyle, nous retrouvons la bande à
653,0 au lieu de 655,7 que donnait l'éthanol; mais dans
l'iodure d'éthyle, il y a un déplacement certain de la bande,
car elle est à 624, c'est-à-dire bien en dehors des limites
des erreurs d'observation. Pour le chlorure et le bromure
d'amyle, on obtient la même position 636,9, qui est très
voisine de 658,1 trouvée pour l'alcool et qui se confond
avec 656,9 correspondant à l'acétate d'amyle. J'ajouterai
491 )
que Russe! ci Lapraik ont trouve (>r>:2 pour l'iodure
d'amyle. Le chlorure et le bromure d'éthylène ont fourni
respectivement 02:2,7 et <>:2<U>. On remarquera que les
déplacements des'bandes dans ces combinaisons hétéro-
logues suivent un ordre régulier : les bandes s'écartent
plus du rouge du spectre quand le chlore est remplace
par l'iode. Or la position des bandes n'étant pas en rela-
tion directe avec, le poids moléculaire ni avec la densité
des corps, il ne reste qu'à supposer quelle varie avec l'affi-
nité chimique, c'est-à-dire avec l'intensité de la tension
que provoque dans la molécule la liaison du carbone avec
Cl, Br ou I.
Si cette conclusion est vraie, on reconnaîtra qu'un
faible déplacement des bandes devra nécessairement
avoir lieu aussi quand un alkyle déterminé entre dans la
composition de corps différents à liaisons de même nature
chimique. C'est peut-être à celte circonstance que l'on
doit attribuer les petites différences relevées dans la com-
paraison des alcools et des acides avec les éthers.
Hydrocarbures.
Ces corps ont donné aussi des spectres à bandes. Si
l'on fait état des considérations émises plus haut au sujet
de la cause de la présence ou de l'absence de bandes dans
le spectre, on regardera les hydrocarbures comme n'étant
pas formés de molécules homogènes dans lesquelles les
tensions seraient équilibrées. Malgré l'identité matérielle
des atomes d'hydrogène, on doit concevoir qu'un certain
nombre d'entre eux ne forment pas aussi intimement
groupe avec les chaînons carbonés. Ainsi on remarquera
que l'amylène a une bande unique à (>ô!2, tandis que les
( 192 )
hydrocarbures cycliques (benzène, toluène, etc.) en ont
deux ou trois. On peut se demander si ce fait n'est pas en
relation avec la facilité de formation des produits de bi-
et de trisubstitution dans ces corps.
Si nous comparons la position des bandes dans les
hydrocarbures cycliques, nous pourrons faire quelques
remarques curieuses.
Le benzène a une bande à 606,5 et une antre à 563;
la première correspond sans doute à la seconde bande du
benzoate d'éthyle, qui a été trouvée à 605,6; elle est peut-
être propre au groupe C^H-;.
Le toluène, le xylène, le cumène ont leur première
bande (celle qui est la plus rapprochée de l'extrémité
rouge du spectre) respectivement à 613, 636,9 et 637,7,
c'est-à-dire de plus en plus vers le rouge et de plus en
plus vers la position de la bande du groupe méthyle qui a
été trouvée à 659,5 dans l'alcool méthylique. Or ces trois
hydrocarbures ont aussi, respectivement, 1 , 2 ou 5 groupes
CHr, dans la molécule; on est donc porté à conclure que
ce groupe fait sentir son influence d'autant plus qu'il
entre un nombre beaucoup plus grand de fois dans la
composition de l'hydrocarbure. En outre, dans chaque
cas, la position paraît influencée par la tendance du
groupe C6 à absorber les rayons 606. Ce qui tend à
donner un appui à cette manière de voir, c'est que le
benzène et le toluène ont une bande commune à 565,
c'est-à-dire assez loin de la sphère d'influence d'un groupe
méthyle. S'il y a deux ou trois groupes méthyle (xylène et
cumène), la bande commune apparaît à 611,0 et à 612,4,
c'est-à-dire toujours davantage vers l'extrémité rouge.
L'essence de térébenthine, qui est en majeure partie for-
mée de pinène CH5.C6H6.G5H7, donne une bande à 636,1,
( 193 )
voisine donc île colle du méthyle, et une autre à 646,1,
qui n'est pas éloignée de la première bande de la ligroïne
(6-i8,(>). On ne perdra pas de vue que le pinène est un
hydrocarbure plus saturé que les dérivés proprement dits
du benzène.
Je ne ferai pas ressortir les remarques que suggèrent
les ligroïnes de divers points d'ébullition comparative-
ment avec le pétrole, parce que tous ces corps sont des
mélanges non définis.
Autres corps.
La benzaldéhyde donne une première bande à (>(>(>,!);
elle correspond sans doute à la bande 606,5 du benzène;
puis une autre bande particulière à 511.
Le nitrobenzène et le nitrotoluène donnent lieu à des
observations analogues à celles qui se rapportent au ben-
zène et au toluène ; les bandes se rapprochent plus de
l'extrémité rouge du spectre quand la molécule renferme
le groupe CH3. Il est curieux de constater que le groupe
NOg ne donne pas, dans ces dérivés nitrés, cette multi-
tude de bandes que l'on observe à l'aide du peroxyde
d'azote libre (j'en ai compté au moins 55).
Quant à l'acétone, elle donne une première bande (652)
qui se rapproche de celle de l'alcool isopropylique (654,5),
et une autre bande particulière, à 619,6.
Conclusions.
Malgré les lacunes que ces observations présentent
encore, on peut, je crois, résumer comme il suit les
résultats auxquels elles ont conduit.
Les corps organiques passant pour incolores ne donnent
pas de spectres à bandes d'absorption quand leur mole-
( \U )
cule est formée de chaînons carbonés autour desquels
des atomes ou des groupes hétéroiogues sont distribués
d'une manière sensiblement égale ou symétrique.
Lorsque, au contraire, ces atomes ou ces groupes sont
concentrés ou réunis à l'une des extrémités de la chaîne
carbonée, les corps donnent des spectres à bandes. Le
nombre de ces bandes paraît en relation étroite avec le
nombre des groupes hydrocarbonés que l'on doit distin-
guer dans la molécule : ainsi, par exemple, un éther
composé donnera deux bandes dont l'une correspondra
au radical acide et l'autre au radical alcoolique, alors que
l'acide et l'alcool isolés ne fournissaient chacun qu'une
seule bande. La position de ces bandes paraît spéciale à
chaque groupe et elle se conserve, le plus souvent, pour
chacun d'eux, quel que soit l'étage chimique du groupe
avec lequel celui-ci est associé. Elle est donc caractéris-
tique, au moins pour les substances dans lesquelles les
liaisons ne dépassent pas un certain degré de compli-
cation.
Si deux groupes se trouvent unis assez intimement
pour que l'influence de l'un retentisse sur l'autre, les
bandes propres à cbaque groupe pris isolément sont
déplacées (cas des dérives méthylés du benzène); elles
tendent même à se confondre en une bande résultante.
Les corps compliqués formés d'un grand nombre de
groupes fortement unis les uns aux autres, pourront donc
donner des spectres plus simples; ils se rapprochent, à
cet égard, des corps dont la structure est bomogène.
On observe encore un déplacement des bandes d'ab-
sorption dans les séries hétéroiogues, suivant les varia-
tions de l'affinité des groupes bydrocarbonés pour les
groupes bétérologues, alors même que ces derniers ne.
( 195 )
sont pas de nature à produire une absorption d'ondes
lumineuses de longueur déterminée.
En somme, ces observations viennent à l'appui de la
théorie chimique des corps organiques telle qu'elle s'est
développée à la suite des idées que Kekulé a introduites
«huis la science : un corps organique n'est pas un tout
homogène, mais il est assimilable à un organisme formé
de parties diverses concourant à imprimer à l'ensemble le
caractère de l'individualité. L'analyse spectrale permet
de découvrir ces parties, mais seulement dans les
matières dont la constitution répond à des conditions
de simplicité statique et dynamique telles que la réalisent
le plus souvent les matières dites incolores.
Liège. — Institut de chimie générale,
1er mars 1897.
Recherches sur la volatilité dans lks composés carbonés ;
par Louis Henry, membre de l'Académie.
Sur la volatilité dans les composés fluorés.
Le fluor est un gaz dont le point d'ébullition, malheu-
reusement encore inconnu, doit être situé fort loin
sous 0°. Aussi, quoique le poids atomique de cet élément
soit 19, alors que celui de l'hydrogène est 1, sa substitu-
tion â l'hydrogène dans les hydrocarbures intacts ne paraît
pas déterminer une notable élévation dans leur point
d'ébullition. C'est ce que montrent les exemples suivants,
dans le groupe aromatique, les seuls d'ailleurs à citer :
C6H6 .... Kl). 80°
C6H5F1 8i°-8o°
C6HS-CH3 . . . . Hl°
CeH^l-CHj . . . il G"
( 196 )
Il n'en est pas ainsi lorsque le fluor remplace de
l'hydrogène dans un hydrocarbure dont l'hydrogène a déjà
subi une substitution préalable, assez avancée. Dans ces
conditions, l'entrée de cet élément dans la molécule a
pour conséquence un abaissement dans le point d'ébulli-
tion de celle-ci.
Il y a là une confirmation éclatante de la loi que j'ai
formulée à diverses reprises, à savoir que l'accumulation
des radicaux négatifs 01 un point des ?nolécules carbonées
constitue pour celles-ci une cause puissante de volatilité,
dont l'intensité peut aller jusqu'au renversement de la
relation normale de volatilité que l'on constate entre
un composé carboné hydrogéné et son dérivé de substi-
tution.
L'hydrogène étant l'élément gazeux par excellence et
celui dont le poids atomique est le plus faible, il s'en-
suit que les bydrocarbures sont les plus volatils parmi les
composés du carbone. Toute substitution de II par X
réalisée dans un hydrocarbure intact, a pour résultat, en
même temps qu'une augmentation dans le poids molé-
culaire de celui-ci, une diminution dans sa volatil ilé et
une élévation dans son point d'ébullition.
Grâce aux travaux de divers chimistes (*), le nombre
des dérivés fluorés s'est notablement accru dans ces der-
niers temps. Il m'a paru qu'il ne serait pas inutile de
(*) A côté des noms de chimistes français tels que MM. Chabrié,
Colson, Meslans et Girardet, qui, à la suite de M. Moissan, se sont
occupés des composés fluorés du carbone, il m'est agréable de citer
celui d'un chimiste belge, M. Frédéric Swarts. Ses remarquables tra-
vaux sur les composés du fluor en Ci et en C2 m'ont fourni des
exemples nombreux et du plus haut intérêt, au point de vue des
relations générales qui m'occupent en ce moment.
( <97 )
présenter l'ensemble des combinaisons lluorées où se
constate le fait d'apparence anormale que je viens de
signaler.
a) Voisinage de corps halogènes, Cl ou Br.
Poids moléculaire. Ëbullition.
UCC15
FICC15
HjCCl,
HC < cl
"*C < Br
FI
HC < Cl
Br
OC -Cl
i
CljCH
OC -Cl
I
CljCFl
OC - OH
i
C)2CH
OC - OH
i
C12CF1
3me SÉRIE, TOME XXXIII.
121,5
159,5
85,0
103,0
129,5
147,5
147,5
1G5,5
129,0
147,0
+ Gl°
+ 24°
+ 41°
+ 14°,5
+ 68°
+ 58°
107»
75°
+ 190°
1C2°,5
Différence.
- 37u
- 26%5
- 30°
- 32°
- 27°,5
14
OC - OC2H5
i
CI2CH
OC - OC2HB
i
CIXFI
OC-NU2
i
C1XH
OC - NH,
i
Cl9CFi
( ^98 )
Poids moléculaire. Ébullition.
157,0
175,0
128,0
1 40,0
157e
130°
+ 253°
+ 215°
Différence.
27e
- 18e
6) Voisinage de Yoxygène (*).
Poids moléculaire.
H3C - C < g 44
H5C - C < ° 02
Ébullition. Différence.
+ 21° \
20°,8
+ 0°
(*) L'augmentation de volatilité que détermine la substitution de FI
à H dans le chaînon aldéhyde C < u, semble, par ces trois exemples,
les seuls du reste à citer aujourd'hui, croître à mesure que s'élève le
poids moléculaire et que le groupement hydrocarboné C„HX fixé sur
le chaînon aldéhyde ou fluorure acide, est plus considérable. Il serait
intéressant, sous ce rapport, de mettre au jour et d'examiner les
fluorures acides supérieurs à C3, tels que les fluorures butyrique,
valérique, etc. Je regrette de n'être pas à même de faire cette
recherche.
Les fluorures acides sont plus volatils que les chlorures correspon-
( ^99 )
Poids
moléculaire.
Ébullition.
Différence,
HBC2-C<2
58
+ 49° \
) - 5°
H8C2 - C <[ pj
76
+ 44° /
H>C6-C<°
106
+ 179° \
) - 25»
HSC6- C < p.
124
+ 154° /
On sait quelle influence puissante exerce sur la vola-
tilité des molécules carbonées le voisinage du chlore et de
dants. Des relations de volatilité analogues à celles des fluorures vis-
a-vis des aldéhydes se constatent entre ces deux classes de composés.
H3C-C < qj
H3C-C<°
78,5
62,0
Éb.
t 51° \
> - 30*
H5C2-C< qj
92,5
78° \
S - :-îi°
HSC2- C <pj
76,0
44° /
l °*
HsC6 - C < ç|
HSC6- C <C y\
140,5
124,0
194' ^
154° 1
} - 40°
Sous ce rapport encore, il serait désirable de connaitre les fluorures
acides supérieurs à C3.
( 200 )
Y azote (*). Je n'en rappellerai, entre beaucoup d'autres,
que deux exemples :
Poids moléculaire. Ébullition. Différence.
HC-N
27,0
+ 26° \
- 11
C1C - N
f>1,S
+ 15° /
CN
i
ira
110,0
112M130 \
ILLIj
)
- 50'
CN
/
i
14i,5
830-84° /
CCI,
Il serait intéressant de connaître quelle est celle du
voisinage du fluor et de Y azote; il est à prévoir qu'elle
est plus puissante encore. Malheureusement, on ne con-
naît aujourd'hui aucune combinaison carbonée azoto-
fluorée (**).
Cet abaissement dans le point d'ébullition, à la suite
O Voir ma notice dans les Comptes rendus, etc., t. C, p. 1502
(année 1885).
(**) Le chlorure de cyanogène C1CN bouillant déjà à 15°,5, le fluorure
correspondant doit être un gaz dont le point d'ébullition doit être
assez loin sous 0°. Si le chlorure est aisé à obtenir, on prévoit de
quelles difficultés doit être entourée la production du fluorure F1CN.
La déshydratation de l'amide fluo-bichloro-acétique F1C12C-C ^ ^\
de M. F. Swarts fournira , probablement sans embarras, le nitrile
correspondant F1C12C - CN. L'acétonitrile bichloré HC12C- CN bouillant
à 4120-1130, il est vraisemblable que son dérivé fluoré F1C12C-CN
aura un point d'ébullition notablement moins élevé, au-dessous de 83°
qui est celui de C13Ç - CN.
( 201 ;
du remplacement de H par FI, est d'autant plus intéres-
sant que le remplacement de H par CI dans les mêmes
composés a une conséquence toute contraire et déter-
mine une élévation dans le point d'ébullition.
a) Voisinage des corps halogènes.
Poids moléculaire. tfbullition. Différence.
HC-CI3 !19,5 + 61-
CIC-Clj 154,0 + 75°
H2C-CI2 85,0 + 41°
HC-CIS 119,5 + 6I<"
ri
l»8C < gj, 428,5 + 68°
HC < gr2 164,0 + 92°
OC -Cl
1 145,7 + 107°
C12CH
OC -Cl
i
CLC - Cl
OC -OH
i
CISCH
OC -OH
i
ca
182,0 +118°
129,0 + 190°
163,5 + 195»
+ 14°
20°
+ 24°
+ 11'
( 202 )
Poids moléculaire. Ébullition.
OC - OC,H8
i
C12CII
OC - OC2H5
i
CCI,
OC-NH2
i
CI2CH
OC - NH2
i
CCI,
157,0
128,0
H3C - C <
H3C - C <
II
44,0
78,5
157<
191,5 + 1G4°
233°
162,5 + 238°
6) Voisinage de Y oxygène.
Poids moléculaire. Ébullition.
0
21'
+ 51°
Différence.
+ 7°
+ 5°
Différence.
+ 30°
H8C2 - C < JJ 58,0
H„C3 - C <
0
CI
92,5
+ 49°
78°
27°
HKC6-C<JJ 106,0
0
+ 179°
HgC6-C < ~ 140,5 + 194"
+ 15°
( 203 )
Dans les composés que je viens d'envisager, les radi-
caux substituants X, X', etc., et le fluor sont fixés sur le
même atome de carbone, et par conséquent dans le plus
étroit voisinage; l'influence volatilisante de cet clément
y est à son maximum d'intensité. La question de savoir
l'étendue du rayon dans lequel, à l'intérieur de la molé-
cule, s'étend cette influence, et la relation qui existe entre
son degré d'intensité et l'éloignement des radicaux
FI, X, X', etc., alors qu'ils sont iixés sur des atomes de
carbone distincts, se pose immédiatement, mais les élé-
ments pour la résoudre font défaut, car on ne connaît
pas jusqu'ici, du moins en nombre suffisant, si tant est
qu'il en existe, des composés renfermant les systèmes
> CF1
> CF1 > CF1
> CX i •
Ch\> (CH,),, etc.
i i
> CX > CX
Une dernière observation. Le fait général que je viens
de signaler, une fois encore, est au fond moins étrange
qu'il ne le parait dès l'abord, si l'on tient compte de la
nature des éléments en question.
L'hydrogène est, comme M. Dumas l'a nommé avec
tant de vérité, un métal gazeux; c'est un élément
positif très énergique, si l'on tient compte surtout de la
faible masse par laquelle il intervient dans les actions
chimiques. Aussi ses combinaisons avec les éléments
négatifs énergiques, tels que le fluor, l'oxygène, etc., se
font-elles remarquer, comme celles des métaux les plus
forts, alcalins et alcalino-lerreux, par leur caractère de
fixité relative, alors que ces mêmes éléments déterminent
( 204 )
avec les éléments négatifs proprement dits, des composés
remarquables par leur volatilité et souvent par leur état
gazeux (*).
Le carbone est, d'autre part, un élément de signe
ambigu, que son indifférence chimique permet de ranger
aussi bien dans les éléments négatifs que dans les élé-
ments positifs. C'est l'hydrogène qui communique aux
groupements hydrocarbonés CnHx leur caractère positif
et qui diminue la volatilité dans leurs combinaisons avec
le fluor et avec l'oxygène. Sa pénurie et plus encore sa
disparition totale vis-à-vis du carbone restitue à cet élé-
ment son caractère propre d'élément négatif-relatif. Aussi
voyons-nous ses combinaisons avec le fluor, l'oxygène, le
chlore, le soufre se faire remarquer par leur volatilité et
souvent par leur état gazeux.
0 HFl
Liquide
th. 19°,4
H20
»
100»
PF13
Gaz
PF1S
»
PF13GI,
»
PFI3l!r_,
•'
- 10»
PF130
»
- 50»
PF13S
»
AsFls
Liquide
63»
8iFl4
Gaz
SOs
»
- 10»
( 20o )
Photographie de la chromosphère du Soleil et consti-
tution de cet astre; par P. De Heen, membre de l'Aca-
démie.
Nos précédentes recherches nous avaient déjà permis
de reconnaître que si l'on dirige un faisceau de lumière
sur une plaque voilée en partie préservée par une mince
planchette de bois, et dont la moitié est complètement
préservée contre le rayonnement par un écran métallique,
par exemple, la partie exposée au rayonnement se dévoile,
alors que le voile s'accentue dans l'ombre. Ce phénomène
est dû à la présence de variétés de l'énergie électrique,
produites par le rayonnement, auxquelles nous avons
donné le nom d'infra-électricités. On obtient du reste
les mêmes résultats si l'on substitue au faisceau de rayons
lumineux l'effluve de la machine de Holtz.
D'autre part, mon assistant M. Dwelshauvers-Dery avait
remarqué qu'en photographiant un paysage où le Soleil
faisait partie de l'image, celui-ci fournissait une impres-
sion positive au lieu de fournir une image négative. Il
résultait donc de ceci que le dévoilage dont nous avons
parlé ne se produisait pas seulement lorsque la plaque
était préservée par la planchette, mais alors même que
celle-ci était supprimée. La première impression produite
par la lumière déterminait un voile qui était ensuite com-
plètement éliminé.
Guidé par ces observations, nous avons eu la curiosité
de rechercher quelles étaient les parties du Soleil qui
( 206 )
présentaient plus particulièrement ce pouvoir dévoilant.
Nous avons à cet effet projeté sur une plaque photogra-
phique et déjà fortement voilée l'image non agrandie du
Soleil, obtenue à l'aide de l'objectif d'une petite lunette
de Secretan, la pose étant de deux secondes. Nous avons
constaté de la sorte que le pouvoir dévoilant s'accentue
lorsque l'on part du centre pour se diriger vers la péri-
phérie du Soleil, c'est-à-dire là où la chromosphère pré-
sente pour nous sa plus grande épaisseur et là où l'astre
envoie la plus faible proportion de radiations calorifiques,
actiniques et lumineuses. Si l'on fait usage d'une plaque
très fortement voilée, la pose étant de deux secondes,
on obtient la photographie de la chromosphère sous la
forme d'un anneau très délié entourant le Soleil (pi. I). Si
la plaque est moins voilée, on constate la variation du
pouvoir dévoilant à la surface même de l'astre, depuis le
centre jusqu'à la périphérie (pi. II). En résumé, c'est cette
atmosphère solaire qui nous envoie les radiations dévoi-
lantes les plus actives, c'est-à-dire les plus aptes à la pro-
duction des phénomènes électriques ou infra-électriques.
On voit donc que cette atmosphère, à laquelle on avait
attribué jusqu'ici un rôle relativement passif, celui
d'absorber les radiations de la photosphère, possède au
contraire un rôle éminemment actif.
Il est intéressant de remarquer combien la limite de la
chromosphère est nettement définie; le pouvoir dévoilant
cesse brusquement d'agir à cette limite, pour reprendre
un peu au delà, mais il serait difficile de décider actuel-
lement si l'impression que l'on observe dans le voisinage
du Soleil est produite par la couronne ou par la diffusion
dans l'atmosphère terrestre.
( 207 )
11 est très vraisemblable que ce procédé permettra éga-
lement de reproduire les protubérances.
Nous avons ensuite recherché quelles étaient les ana-
logies qui pouvaient exister entre le Soleil et l'arc élec-
trique. Si l'on projette celui-ci sur un écran, on remarque
que les charbons sont relativement brillants alors que
l'arc lui-même, beaucoup plus sombre, présente une belle
coloration bleue entourée d'une auréole vert pâle.
Il résulte de cette première observation que si nous
comparons le Soleil à une lampe à arc, les charbons
incandescents représentent la photosphère relativement
brillante, alors que l'arc lui-même représente l'atmo-
sphère. Si cette hypothèse est exacte, nous devrons
retrouver à l'aide de cette lampe tous les phénomènes
photographiques présentés par le Soleil.
Si l'on photographie l'arc en faisant usage d'une pose
excessivement courte, résultat que l'on obtient en pas-
sant rapidement devant l'objectif un écran muni d'une
fente, on obtient la planche III, pour laquelle les char-
bons ont présenté une action photogénique beaucoup
plus intense que l'arc lui-même. Nous reconnaissons
donc ici la photographie normale du Soleil, dont le bord
qui correspond plus particulièrement à l'atmosphère est
moins impressionné que le centre de l'astre. Ce centre
envoie en quantité plus grande les rayons émis par
l'incandescence des parcelles solides ou liquides qui
constituent la photosphère, au même titre que les
charbons.
Si ensuite nous prolongeons la pose (pi. IV), nous
voyons le centre de l'arc se dévoiler complètement, alors
que les charbons restent brillants, de même que dans le
premier cliché. Nous voyons donc ici se produire la
( 208 )
caractéristique de l'atmosphère solaire, dont le pouvoir
dévoilant est plus grand que celui de la photosphère.
Lorsque, enfin, on fait usage d'une plaque voilée et d'une
pose très longue, on obtient un dévoilage complet, non
seulement des parties correspondant à l'arc, mais aussi
de celles qui correspondent à l'incandescence des char-
bons (pi. V). Cela a lieu pour le Soleil lorsque la pose est
exagérée.
En résumé, la partie du spectre qui correspond à
V incandescence simple possède un pouvoir dévoilant plus
faible que celle qui correspond à l'arc. Mais ce pouvoir
dévoilant existe, ainsi que nous l'avons reconnu à l'aide
de la lumière Drumont et de la lampe à incandescence.
Les rayons du spectre déterminent donc l'énergie élec-
trique ou infra-électrique, quelle que soit la nature de la
source. Il n'y a, en un mot, qu'un seul spectre; l'effet produit
dépe?id uniquement de l'intensité et de la longueur d'onde du
rayon, et il détermine à la fois la chaleur, la lumière et
l'électricité. La qualité de l'énergie électrique dépend de
la longueur d'onde du rayon qui l'a engendrée (1).
On voit qu'il est tout à fait inutile de compliquer la
nature en faisant intervenir d'énigmatiques rayons élec-
trisés.
Nous allons, du reste, montrer directement que là où
le spectre est particulièrement lumineux, là aussi se pro-
(1) Remarquons cependant qu'à partir d'une certaine limite de lon-
gueur d'onde, la diminution de celle-ci peut entraîner une diminution
de réfrangibilité. Un deuxième spectre peut alors se superposer au
premier. Il est vraisemblable que les phénomènes de décharge
observés par Hertz sont dus à celui-ci, car le verre cesse d'être trans-
parent pour ces radiations, alors que le quartz les laisse parfaitement
passer.
( 209 )
cliiit le maximum d'énergie électrique ou infra-électrique,
c'est-à-dire le plus grand pouvoir dévoilant.
A cet effet, nous avons projeté, à l'aide de l'objectif
d'une lunette astronomique, l'arc électrique sur la fente
d'un spectroscope. L'observation directe montre que son
spectre est composé de trois bandes particulièrement
brillantes, situées vers la partie la plus réfrangible. Si l'on
prend la photographie instantanée de ce spectre, ces
bandes se présentent en noir (sur le négatif) (a, pi. VI);
si la pose est plus longue (une minute : b, pi. VI), on
observe un commencement de dévoilage dans les parties
les plus brillantes; et si, enfin, on fait usage d'une pose
très longue (de vingt minutes) à l'aide d'une plaque voilée,
on obtient les bandes parfaitement dévoilées (c, pi. VI).
Le rouge produit un dévoilage faible, mais très nette-
ment accentué. Cette partie du spectre jouit donc de la
propriété de produire simultanément des effets calori-
fiques, électriques et lumineux.
Il sera extrêmement intéressant d'examiner à ce point
de vue le spectre solaire, lorsque le temps le permettra.
Disons encore que la remarquable découverte de Stas,
qui a établi que le spectre solaire est bien celui que l'on
réalise à l'aide de l'électricité, ne nous permet plus de
douter que la lampe à arc représente bien la miniature
du Soleil. La couronne solaire ne représenterait autre
chose que l'effluve s'échappant de cette atmosphère saturée
d'énergie électrique, dans le milieu ambiant beaucoup
plus raréfié. L'étendue de la couronne dépendrait donc
simplement de la tension électrique de la chromosphère.
Quant aux protubérances, elles représentent les aigrettes
qui s'échappent violemment de ce corps électrisé.
La cause de la recrudescence des aurores boréales
( 210 )
pendant les périodes de perturbation de l'atmosphère
solaire, découle immédiatement de tout ceci, attendu que
c'est elle qui nous envoie les rayons les plus efficaces au
point de vue de la production de l'électricité.
Si enfin nous jetons un coup d'ceil sur l'aspect que
présentent les diverses étoiles, les étoiles bleues sont
celles qui sont le siège des plus puissantes manifestations
électriques de leur atmosphère et dans lesquelles le phé-
nomène de l'incandescence n'occupe qu'une place secon-
daire. Les étoiles rouges paraissent au contraire être
celles où le phénomène de l'incandescence est prédo-
minant.
Nouveaux faits (Télectrochrose, et sur l'infinie variété des
phénomènes dits cathodiques; par P. De Heen, membre
de l'Académie.
En partant de cette considération, au début purement
hypothétique, que nous avons déjà développée précédem-
ment et d'après laquelle l'électricité serait la manifes-
tation de pulsations d'un éther plus ou moins condensé,
nous avons été amené à admettre les conclusions sui-
vantes :
Lorsque les pulsations sont concordantes, il y a attrac-
tion ; lorsqu'elles sont discordantes, il y a répulsion, comme
le montrent les expériences classiques de Bjerknacs.
Cependant l'attention du célèbre physicien ne paraît pas
avoir été attirée par cette circonstance que l'on peut réali-
ser des phénomènes attractifs ou répulsifs, alors même
que le nombre de pulsations par seconde n'est pas le
Hebn, Bull, de l'Acad
. t. XXXIII, n », p. ho,
h. VI.
Pl. II.
©
Pl. I.
Clkhé P. De Hecn.
Phototypie E. Castclein. Bruxelles.
P. l)i Hebn, Bull, dt l'Acad
3* sér , t. XXX11I, u' 3, p. MO, 1897.
Pl. III
Pl. IV.
Pl. V.
Cliché P. De Ileen.
Phototypie E. Castclcin. Bruxelles.
( 241 )
même pour les deux corps puisants, la qualité des éner-
gies électriques-dépendant précisément du nombre de ces
pulsations.
Considérons deux corps puisants, A et B par exemple,
tels que le corps puisant A exécute une pulsation tandis
que le corps puisant B en exécute trois. Supposons égale-
ment A et B concordants à l'origine de l'opération. Nous
pourrons, dans ces conditions, diviser la période de pulsa-
tions A en six phases, ainsi que eela est indiqué (tîg. 1).
/
B
lJ L^î
concordant discordant concordant concordant discordant concordant
I II III IV V VI
FiG. i.
Nous aurons deux phases discordantes et quatre phases
concordantes; le résultat final sera donc une attraction.
Si, au contraire, nous supposons l'un des corps puisants
gonflé et le deuxième déprimé à l'origine de l'opération,
nous aurons deux phases concordantes et quatre phases
discordantes; il y aura donc répulsion.
Il est facile de voir que si B exécute deux pulsations
alors que A n'en exécute qu'une, il n'y a ni attraction ni
répulsion, car il y a autant de concordances que de dis-
cordances.
11 est vraisemblable que lorsque les deux électricités
sont produites simultanément par le même producteur,
c'est généralement la pulsation la plus rapide qui corres-
pond à l'électricité dite positive.
( 212 )
En réalité, le fait que deux électricités s'attirent ou se
repoussent, d'un grand intérêt lorsqu'il s'agit de l'étude
des forces développées par cette énergie, est le moins
important lorsqu'on se place au point de vue de la
physique proprement dite. Au contraire, le nombre de
pulsations exécutées pendant l'unité de temps, nombre
qui caractérise la qualité de cette énergie, au même titre
que le nombre de vibrations éthérées caractérise le rayon
lumineux ou calorifique, présente le plus vif intérêt au
point de vue de la philosophie naturelle.
Les énergies électriques constituent dans leur ensemble
un véritable spectre. Les recherches que nous avons
entreprises nous ont montré qu'il est aisé de transfor-
mer cette énergie et d'en obtenir un nombre indéfini de
variétés, de même que les phénomènes de thermochrose
permettent de modifier la radiation calorifique. Il importe
dès lors, pour étudier la qualité d'une électricité, de faire
usage d'une méthode dans laquelle les actions réciproques
des molécules électrisées ou puisantes puissent être
considérées comme négligeables ou tout au moins très
faibles par rapport à l'action de la surface puisante de
l'électrode qui communique à ces molécules des vitesses
initiales qu'elles sont destinées à conserver plus ou
moins parfaitement, eu égard à leur indépendance à peu
près parfaite. Cette condition est réalisée daus le tube de
Crookes.
D'autre part, l'observation photographique des aigrettes
montre que l'énergie électrique se transforme lorsqu'on
l'oblige à se transmettre sous forme d'effluve.
Afin d'exécuter ces expériences, nous avons d'abord
photographié directement l'aigrette positive. A la plaque
photographique b on superpose une feuille d'étain c, à
( 213 )
laquelle est appliqué le conducteur positif A d'une forte
bobine; le tout est enveloppé du papier noir a (fig. 2).
Si l'on fait usage de la pile au bichromate,
on obtient par ce procédé des aigrettes
d'une linesse excessive (pi. I). On peut
faire ensuite usage de l'effluve. A cet
effet, le même dispositif photographique
est placé entre deux plateaux métalliques
munis de pointes A, B (fig. 5), suspendus
par des fils de soie à des tiges de verre
fixées horizontalement et mis en commu-
nication avec les pôles de la bobine.
L'effluve positive électrise les lames d'étain dont les
bords fournissent toujours des aigrettes, mais celles-ci
sont incomparablement moins fines que les premières
(pi. II).
a
Fig. 2.
Fig.
Fig. 4.
Si l'on fait usage de quatre plateaux (fig. 4) et si l'on
3rae SÉRIE, TOME XXXIII. 15
( 214 )
règle les choses de manière à obtenir des aigrettes pré-
sentant à peu près les mêmes dimensions, afin d'éviter
l'objection que l'on pourrait faire et qui se rapporterait à
une variation de tension, on remarque que l'émanation
électrique tend à prendre la forme de taches rondes d'où
s'échappent des aigrettes relativement rares, mais encore
droites (pi. III). Avec six plateaux, on obtient des aigrettes
pour ainsi dire flasques, manquant de force de projection
et se recourbant en tous sens (pi. IV). Les taches rondes
se transforment en surfaces impressionnées plus étendues.
Enfin, avec huit plateaux, l'aspect de l'émanation est
complètement modifié, il n'y a pour ainsi dire plus trace
d'aigrette (pi. V). On voit dès à présent que notre système
A B de plateaux est comparable à un
véritable spectre électrique.
Guidé, d'une part, par ces der-
nières considérations et, d'autre
part, par l'idée que nous venons
de développer et que nous nous
sommes faite du tube de Crookes,
nous avons entrepris les expé-
riences ci-après.
Mettons l'un des pôles de la
bobine, par exemple le pôle posi-
tif, en communication avec le
plateau A muni de pointes, lequel
envoie des effluves à un deuxième
plateau identique B (fig. 5). Le
plateau A est mis en communi-
cation avec le plateau a d'un tube
de Crookes, et le plateau B en communication avec
l'écran en forme de croix b. On obtient dans ces condi-
FlG.
( 215 )
lions une ombre anodique très agrandie, à contours
estompés, de la croix, mais dont les dimensions dimi-
nuent à mesure que l'on écarte les deux plateaux A el B.
Si, au contraire, on fixe le conducteur du plateau B à a
et celui de A à b, on obtient une ombre ayant des dimen-
sions normales, sensiblement indépendante de la distance
des plateaux, ayant en un mot tous les caractères de
l'ombre cathodique normale, mais excessivement faible.
Considérons encore l'expérience telle qu'elle est indi-
quée (fig. 5) et intercalons entre A et a une résistance
(on peut se servir à cet effet d'un tube capillaire de
I millimètre de diamètre environ sur 80 centimètres de
longueur, renfermant une colonne d'eau et aux extrémités
duquel on plonge les fils conducteurs); on remarque que
l'ombre anodique s'agrandit.
Les faits que nous venons de signaler nous permettent
déjà de démontrer que la qualité de l'électricité A est
différente de la qualité de l'électricité B, et qu'on ne
peut les interpréter par la considération d'une simple
différence de potentiel. En effet, si nous diminuons pro-
gressivement le potentiel en a, l'ombre de la croix
s'agrandit d'une manière continue, le potentiel a devient
plus petit que le potentiel b et devient finalement sensi-
blement nul. Or, si nous supposons la qualité de l'élec-
tricité A identique à celle de B, et si nous renversons la
disposition, le potentiel b étant plus petit que a, nous
devrons obtenir une croix d'autant plus agrandie que la
distance des plateaux deviendra plus grande, c'est-à-dire
que b deviendra plus faible. Or nous avons vu qu'il n'en
était rien; l'ombre possède alors sa dimension normale, et
sa grandeur est indépendante de la position du plateau B.
( 216 )
En résumé, B se comporte comme une cathode vis-
à-vis de A, bien qu'étant électrisé positivement dans
l'ancienne acception du mot.
Si l'on répèle les mêmes expériences avec le pôle
négatif de la bobine, on obtient les mêmes résultats; dans
l'expérience (fig. 5), la croix, tout en étant agrandie, est
plus petite; les choses se passent comme si le plateau B
était plus éloigné du plateau A.
Si l'on relie B à a et A à 6, B se comporte toujours
comme une cathode et A comme une anode; il n'y a plus
agrandissement de l'ombre. On pourrait exprimer cette
proposition en disant que B est ultra-négatif.
On obtient encore exactement les mêmes résultats,
mais d'une manière plus affaiblie,
si, en faisant usage de trois pla-
teaux à pointes A, B, C, on se
sert pour activer le tube des pla-
teaux B et C. Dans ces conditions,
le plateau B joue le rôle du pla-
teau A de la première expérience,
et le plateau C, le rôle du pla-
teau B (fig. 6).
Nous avons dit que si l'on
considère l'expérience (fig. 5) en
écartant progressivement B de A,
l'ombre devient de plus en plus
petite et atteint une dimension
limite lorsque B est à l'infini ou
supprimé. Lorsque, dans ces con-
ditions, on fait usage du pôle
fig. 6. positif, cette ombre conserve tou-
C 2|7 )
jours des dimensions plus grandes que la dimension
normale.
Ce fait que le tube fournit une ombre avec un seul (il
nous a suggéré l'idée de rechercher la loi des variations
de la dimension de l'ombre en fixant successivement le
fil aux plateaux A, B, C, D. Si l'on fait usage du pôle
positif de la bobine, comme cela est indiqué figure 7, on
D
FlG. 7.
remarque : 1° que la dimension de l'ombre est indépen-
dante de la distance des plateaux ; 2° qu'elle est plus grande
pour le plateau B que pour le plateau A; elles ont à peu
près la même dimension en B et en C; mais en D, elle
est notablement diminuée, ses contours sont très nets
( 218 )
et, contrairement à ce qui avait lieu, ses dimensions sont
sensiblement celles que l'on obtient dans l'expérience
classique. Remarquons qu'il s'agit ici précisément de
l'énergie dont la photographie ne fournit plus d'aigrettes.
Si l'on fait usage du pôle négatif de la bobine, la dimen-
sion de la croix est toujours celle de l'expérience clas-
sique pour tous les plateaux.
Mais voici un lait extrêmement curieux : supposons le
conducteur c. lixé au plateau D, pour lequel l'ombre posi-
tive et l'ombre négative ont à peu près mêmes dimen-
sions. Supposons que le pôle positif active d'abord l'appa-
reil et qu'à un moment donné on substitue au pôle
positif le pôle négatif. On constate à ce moment un agran-
dissement considérable delà croix, et ce n'est qu'après une
minute environ qu'elle reprend sadimension ordinaire.
L'agrandissement anormal de l'ombre parait donc être
le résultat de cette circonstance que le tube est activé
simultanément par des énergies de qualités différentes,
mélangées pendant les premiers moments du renverse-
ment du courant. L'agrandissement anormal de l'ombre
que l'on observe généralement avec le pôle positif serait
le résultat de ce que l'électricité positive représente un
mélange de plusieurs énergies, dont les temps de pulsa-
tions sont très variables, alors que l'énergie fournie par
le pôle négatif est plus homogène.
Nous avons encore fait usage de deux séries de pla-
teaux, l'une étant activée par le pôle positif de la bobine,
l'autre par le pôle négatif. Pour les trois premiers pla-
teaux, la marche est normale; mais si l'on se sert simul-
tanément des quatrièmes plateaux, comme cela est indi-
qué (fig. 8), on obtient toujours une ombre, quelle que soit
( 219 )
la position du pôle. L'ombre cathodique est un peu plus
grande que l'ombre anodique.
A B
1)
B' C D'
Fie. 8.
On remarquera que dans l'expérience précédente, où
l'on fait usage d'un seul fil, c'est à partir du quatrième
plateau que l'ombre devient normale ; rappelons encore
que cette électricité ne détermine plus en photographie
la formation d'aigrettes.
Nous avons cependant réussi à obtenir une ombre ano-
dique faible et agrandie à l'aide des troisièmes plateaux.
En réalité, il n'y a ni rayons cathodiques ni rayons
anodiques, mais il y a une infinité de rayons ou mieux
de projections produites par des énergies différentes, les
vitesses de projection dépendant du mode d'énergie dont
( 2-20
on t'ait usage; el si, pour faciliter le langage, nous employons
l'ancienne appellation, nous pouvons dire que les rayons
anodiques existent au même titre que les rayons catho-
diques. La démonstration de l'existence de rayons ou de
projections anodiques confirme singulièrement l'hypo-
thèse faite par nous et d'après laquelle les rayons \
seraient dus à des vibrations résultant des chocs provo-
qués par la rencontre des projections cathodiques et
anodiques.
L'agrandissement de l'ombre anodique serait dû à ce
que le manque d'homogénéité de l'électricité positive la
rend moins propre à projeter les molécules, lesquelles, en
rencontrant d'autres molécules lancées par la croix, rico-
chent et possèdent dès lors des trajectoires qui se rap-
prochent probablement de celles que nous indiquons
(fig. 0).
1 Omi
Te
FlG. 9.
Disons enfin que l'aimant exerce sur ces rayons une
action qui nous a paru indécise.
P. Ds Hr.EH, Bull, de l'Acad roy.
3'icr , t. XXXIII.
Pl. I,
Pl. II.
It^«
Pl. Il
Pl. IV
Pl. V
Cliché P. De Hccn.
Pholotypie E. Castclcin. Bruxelles.
( 221 )
Recherches sur l'acide phénoxacé tique. - Acide phénoxy-
cinnamique. — Deuxième communication; par le
I)rA.-J.-J. Vandevelde, assistant à l'Université deGand,
Dans une précédente communication (*), j'ai fait l'étude
de l'éthcr phénoxacétique monosodé, et montré de quelle
manière se comporte cette substance quand elle se trouve
en présence de certaines combinaisons balogénées.
Comme il m'avait été impossible de greffer une chaîne
latérale sur la molécule de l'élher phénoxacétique
C6H30 — CH2 — COc2C2H5 en partant de son dérivé
métallique et en appliquant la méthode synthétique géné-
rale de Fittig, j'ai eu recours à la réaction de Perkin;
j'ai remplacé H2 de C6H30 — CH2 — C02H par le grou-
pement C,;H-; — CH = de l'aldéhyde benzoïque et pré-
paré ainsi l'acide phénoxycinnamique
f 6H50 — C — C02II
II
C6H5 — CH
C'est l'étude de ce nouvel acide et de quelques-uns de
ses dérivés que j'ai l'honneur de soumettre à l'apprécia-
tion de l'Académie.
O Bull, de l'Acad. roy. de Behjique, 3e série, tome XXXII, n° 8,
pp. 302-315. 1896.
( 222 )
Acide phénoxycinnamique.
100 grammes de phénoxacétate de sodium bien sec,
additionnés de 64 grammes d'aldéhyde benzoïque et de
120 grammes d'anhydride acétique, sont chauffés durant
18 heures à 140-160° au bain de glycérine, dans un
ballon muni d'un réfrigérant ascendant. La masse brune
résultant de l'opération est reprise par beaucoup d'eau ;
après ébullition, fîltration à chaud et refroidissement, il
cristallise un mélange d'acide phénoxacétique inaltéré et
d'acide phénoxycinnamique, qu'une seconde cristallisa-
lion de l'eau permet de séparer, l'acide phénoxycinna-
mique étant à peu près insoluble à froid. Le rendement
est de 20 grammes.
C6HK0 — CH2 — C02Na -t- CGHsCH0 -*- (CH3C0),0
= C6H„0 — C — C02H -+- CH3C0,H ■+- CH8CO*Xa
II
C6HS — CH
Cet acide est insoluble dans l'eau froide, soluble dans
beaucoup d'eau bouillante, soluble dans l'alcool, l'éther,
le chloroforme et le benzol, d'où il cristallise facilement.
Il sublime aisément et fond à 121°.
Une analyse par combustion a donné les résultats sui-
vants :
0^,0805 de substance donnent 0*r,2209 C02
0*r;0381 H20,
soit C = 0«r,0603 74,91 %
H = 0&r,004:2 5/21 •/.
Calculé pour C6HsO — C — CO..H C = 75,00 %
II
C,H„ — CH H= 5,00 •/.
( 223 )
Les sels alcalins de cet acide sont solubles dans l'eau,
et leur solution précipite l'acide phénoxycinnamique par
addition d'un acide; ces sels alcalins sont solubles dans
l'alcool et précipitent par addition d'éther. Les chlorures
de calcium et de baryum donnent, avec les solutions
aqueuses d'un phénoxycinnamate alcalin, des précipités
blancs cristallins, apparaissant lentement. Le nitrate
d'argent et l'acétate de plomb donnent des précipités
blancs pulvérulents.
L'acide phénoxycinnamique est un acide non saturé,
auquel l'hydrogène s'additionne facilement pour produire
un acide hydrocinnamique. 11 se combine aussi au brome
pour donner un acide que je n'ai fait qu'entrevoir, et qui
semble être à la fois un composé additionnel et un pro-
duit de substitution; le brome, en agissant sur l'acide en
suspension dans l'eau, semble donner un acide tribromé.
L'acide phénoxycinnamique renferme à la fois un groupe-
ment phénylique CGH ; et un groupement oxyphénylique.
Il sera intéressant de rechercher dans quel noyau vient se
fixer l'atome de brome de substitution. Je me propose
d'étudier les dérivés halogènes de cet acide, ainsi que
d'autres composés qui présentent, dans leurs molécules,
des groupements benzoliques différents.
Acide phénoxyhydrocinnamique.
L'amalgame de sodium, en agissant pendant 24 heures
sur l'acide phénoxycinnamique en suspension dans l'eau,
provoque la dissolution complète de ce dernier; il donne
naissance au sel de sodium de l'acide phénoxyhydrocin-
namique par fixation de deux atomes d'hydrogène
C0HsO - C — COJI + H, = C0HBO — CH — COoH
Il I
CfiHK — CH ('H, - CH,
( 224 )
Le liquide filtré précipite en blanc quand on l'acidulé;
le précipité, qui n'est autre que l'acide lui-même, est le
plus souvent laiteux et cristallise difficilement; on le
purifie par plusieurs dissolutions dans l'eau bouillante,
en ayant soin de plonger la dissolution encore chaude
dans un mélange réfrigérant, ce qui provoque une cristal-
lisation plus rapide et permet d'éviter toute précipitation
huileuse.
Cet acide, insoluble dans l'eau froide, soluble dans
l'eau bouillante, soluble dans les dissolvants organiques,
fond à 81°. Une analyse par combustion a donné les
résultats suivants :
0^,1311 de substance donnent Oer,356(; COa
Osr,OG96 ll20,
soil C = 0<rr,0972 74,14%
H = 0*%0077 5,87 -/.
Calculé pour CJI.O — CH — C02H C = 74,38 •/.
I
C6H8 — CH2 H= 5,78 •/»
Oglialoro (*) a obtenu, en chauffant un mélange de
phénylacétate de sodium, d'aldéhyde benzoïque et d'anhy-
dride acétique, l'acide phénylcinnamique
C6HS — C — C02H
C6HS - Cil
fondant à 170°, lequel, avec l'hydrogène naissant, a donné
l'acide phénylhydrocinnamique
C,H, - CH - C02II
I
CfiH5 - CH2
(") Gazz. chim. Ital, 8, 429.
( 225 )
fondant à 84° et identique à l'acide dibenzylcarboxylique
de Wurtz (*). Une relation intéressante concernant le
point de fusion rattache les acides cinnamique et hydro-
cinnamique, phénylcinnamique et phénylhydrocinna-
mique : la différence entre l'acide non saturé et son
dérivé hydrogéné est dans les deux cas 8(>.
Points de fusion. Différences.
Acide cinnamique 155
» hydrocinnamique ... 47
» phénylcinnamique ... 170
» phcnylhydrocinnamique . 84
8G
86
Cette relation ne se retrouve plus dans le cas de l'acide
phénoxycinnamique :
l'oints de fusion. Différence.
Acide phénoxycinnamique. . . 121
phénoxyhydrocinnamique. 81
40
Phénoxycinnamale de sodium.
L'acide phénoxycinnamique neutralisé exactement par
de la soude titrée donne un sel de sodium. Ce composé
est blanc, cristallin, soluble dans l'eau, soluble aussi dans
l'alcool, mais précipité pai l'éther à l'état de poudre
cristalline, ce qui permet de le purifier facilement; le
produit est finalement desséché dans le vide.
(*) Ann. de Chimie et de Phys. (4), t. XXVII, p. 378.
( 226 )
Un dosage de sodium par la méthode au sulfate de
sodium a conduit au résultat suivant :
0er,2b47 de substance donnent 0er,0685 Na2S04,
soit Na = 0er,0222 8,71 •/.
Calculé pour C6H50 - C - CO,Na Na = 8,78 •/.
Il
C,:HK— CH
Phénoxycinnamate d'argent.
De l'acide phénoxycinnamique est neutralisé exacte-
ment par de l'ammoniaque, ce qui amène sa dissolution;
la solution obtenue donne avec le nitrate d'argent un
précipité blanc, pulvérulent, soluble dans l'ammoniaque
et l'acide nitrique. C'est le phénoxycinnamate d'argent.
La simple calcination de ce sel lavé à l'eau et desséché
dans le vide a donné :
0er,1369 de substance donnent 0er,0434 Ag,
soit Ag = 31,05%
Calculé pour C6H50 — C - CO,Ag Ag = 31,12 •/.
II
CrH, - CH
Ph en oxycinnama te d'aniline .
Une dissolution éthérée de i grammes d'acide phénoxy-
cinnamique et de lgr,2 d'aniline laisse, par évaporation,
des cristaux transparents assez volumineux, très solubles
dans les dissolvants organiques. Le produit cristallisé de
l'alcool et de l'éther fond à 15()°.
( 227 )
Un dosage par combustion donne les nombres suivants :
■ C«fr,1229 de substance donnent 0er,3417 C04
0er,0G42 HîO.
soit C = 0*r,0952 75,85 0/0
H = 0er,007l 5,77%
Calculé pour C^O — C — COsH NII,C6H, C = 75,68 "/.
11
C6H, — LH H= 5,71 •/.
Phénoxycinnamate de phényle.
Cet éther phénolique a été préparé en passant par le
chlorure acide. 8 grammes d'acide phénoxycinnamique
bien sec furent additionnés de 8 grammes de pentachlo-
rure de phosphore pulvérulent ; la réaction ne tarda pas
à s'établir avec un vif dégagement d'acide chlorhydrique.
Après avoir éliminé par distillation l'oxychlorure de
phosphore formé, j'obtins un résidu brun, qui s'altérait
sous l'action de la chaleur, et dont la purification s'an-
nonçait comme devant être fort difficile, attendu que je
n'avais à ma disposition que 1) grammes de produit brut.
A ce dernier, qui vraisemblablement devait être le chlo-
rure acide de l'acide phénoxycinnamique, j'ai ajouté
4 grammes de phénol cristallisé sec; de nouveau l'acide
chlorhydrique se dégagea et j'obtins au bout de peu de
temps une huile noire épaisse, refusant de cristalliser.
La masse entière fut lavée au moyen d'une solution
étendue de soude caustique pour enlever l'excès de
phénol et dissoudre également, après les avoir décom-
posés, le chlorure acide de l'acide phénoxycinnamique et
une trace d'oxychlorure de phosphore encore présents.
La partie insoluble dans la lessive alcaline fut dissoute
( 228 )
dans l'éther, séchée sur du chlorure de calcium et sou-
mise à la distillation dans le \ide après évaporation de
l'éther. La portion distillant entre 250-260° sous 90 mil-
limètres de pression se prit rapidement en une masse
cristalline soluble dans les dissolvants organiques. Je l'ai
purifiée par plusieurs cristallisations de l'éther et dessé-
chée dans le vide.
Le produit fond à 74° et ne renferme pas de chlore, ce
qui prouve que le penlachlorure de phosphore, en agissant
sur l'acide phénoxycinnamique, ne fixe pas de chlore à la
double soudure pour la simplifier. Les réactions sont
donc les suivantes :
C,iHsO — C — C02H -t- PCI5 = C6HbO — C — COC1 -t- POCI,
Il . Il
C6H5 — CH C6H5 — CH -*- HCI
C,HsO — C - COC1 -+- C6H5OH = C6H50 - C — CO.CelI, -+- HCI
Il II
C6H5 — CH C6H5 — CH
La combustion du produit a conduit au résultat sui-
vant :
0er,1523 de substance donnent 0er,4454 C04
Oer,0709 H,0,
soit C = 0sr,l 209 79,38%
H = 0er,0079 5,18%
Calculé pour C6H60 — C — C02CGH5 C = 79,74 %
II
C6HS — CH H= 5,0G%
Comme je l'ai annoncé au cours de cette note, j'ai
l'intention d'étudier la substitution halogénée dans des
( 229 )
combinaisons renfermant des groupements benzoliques
différents; j'avais dans ce but essayé de préparer, outre
l'acide phénoxycinnamique, des composés synthétiques
analogues. J'avais, entre autres, fait agir la benzophénone
sur le phénoxacétate de sodium et l'anhydride acétique
pour obtenir :
C6H50 — C — CO-H
II
C6H,-C -C6H8;
de même j'avais essayé de provoquer la réaction de
Friedel et Crafts entre le chlorure de phénoxacétyle (pré-
paré par l'acide phénoxacétique et le pentachlorure de
phosphore et bouillant vers 213°) et le benzol en solution
dans le sulfure de carbone en présence du chlorure d'alu-
minium, dans le but de préparer le dérivé
QH.O — CIL — CO — CCHS.
Mais jusqu'ici mes essais dans ce sens sont restés infruc-
tueux. J'espère revenir plus tard sur ces réactions.
Je présente ici mes remerciements à M. le professeur
Th. Swarts, dans le laboratoire duquel ce travail a été
effectué.
Laboratoire de chimie générale de l'Université de Gand.
4 février -1897.
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 16
( 230 )
CLASSE »ES LETTRES.
Séance du 1ev mars 1897.
M. le comte Goblet d'Alviella, directeur, président de
l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. F. Vander Haeghen, vice-direc-
teur; Alph. Wauters, P. Willems, S. Bormans, Ch. Piot,
Ch. Potvin, J. Stecher, T.-J. Lamy, Ch. Loomans,
G. Tiberghien, L. Vanderkindere, Ad. Prins, J. Vuyl-
steke, Ém. Banning, Paul Fredericq, God. Kurth, Mes-
dach de ter Kiele, le chevalier Ed. Descamps, G. Mon-
champ, membres; A. Bivier, J. Vollgraff, associés;
D. Sleeckx et P. Thomas, correspondants.
CORBESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publi-
que envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages suivants :
1° Chansons et poésies lyriques ; par N. Defrecheux ;
2° / fioretti. Les petites fleurs de la vie du petit pauvre de
Jésus-Christ; par saint François d'Assise. Traduction
d'Arnold Golïîn ;
( 251 )
3° Annales de lu Fédération archéologique et historique
de Belgique. Congrès de Gond, 1S*)(>;
4° Textes et monuments figurés relu/ifs aux mystères de
Mithra, avec une introduction critique ; par F. Cumont ;
5° Recueil de travaux publiés pur lu Faculté de philoso-
phie et lettres de i 'Université de Gand, fascicules 15, 17, 1S
et 19.
— Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
I" Un peuple oublié: les Matiènes ; par Théod. Reinach,
associé ;
2° VeTslag aarigaande een voorloopig onderzoek te Parijs
naar archivalia belangrijk voor de geschiedenis van Neder-
luud; par P.-J. Blok. (Présenté par M. Piot, avec une note
qui figure ci-après.)
— Remerciements.
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
Depuis plusieurs années, le Gouvernement des Pays-
Bas a chargé les savants de ce pays d'examiner, dans les
dépôts d'archives à l'étranger, les documents relatifs à
l'histoire des provinces septentrionales des Pays-Bas
anciens. Tour à tour l'Allemagne, l'Autriche, la Russie et
l'Angleterre ont reçu de ces délégués des visites dont les
résultats sont publiés.
M. Blok, professeur à l'Université de Leide, a été
chargé l'année dernière de visiter, dans le même but, les
dépôts de Paris.
( 232 )
Le résultat de ses recherches est consigné dans le
travail que j'ai l'honneur de présenter à la Classe en son
nom, et dont le titre porte : Verslag aangaande een voor-
loopig onderzoek te Parijs naar archivalia belangrijk voor
de gcschiedenis van Nederland; La Haye, 1897, in-8".
Il a visité, dans la capitale de la France, la Bibliothèque
nationale, celle de l'Arsenal, celle dite Mazarine, le
Ministère des Affaires étrangères et les Archives nationales.
Partout il a été accueilli avec déférence.
Ce travail n'intéresse pas uniquement les provinces
septentrionales des Pays-Bas; maint et maint passage du
rapport concerne la Belgique. A ce titre, la publication de
M. Blok s'adresse autant à notre pays qu'à la Hollande.
La cause en est facile à comprendre. Longtemps les
deux pays ont eu les mêmes souverains, les mêmes
intérêts, des tendances similaires; la même langue était
en usage dans une grande partie de leurs provinces :
l'idiome bas-allemand. C'est la Révolution du XVIe siècle
qui les a séparés.
Par exemple, M. Blok parle dans son travail des papiers
de Colbert, si intéressants au point de vue des chartes
et actes de la Flandre, et dont M. Gachard s'est déjà
occupé. Ensuite il donne des notes sommaires à propos
de la Bibliothèque de Bourgogne à Bruxelles, des négo-
ciations de Nimègue, des affaires de Gueldre, de Hai-
naut, etc., ainsi que sur d'autres questions relatives aux
deux fractions des Pays-Bas anciens.
On le voit, le travail du savant professeur mérite une
attention spéciale de la part des historiens belges.
Ch. Pl'OT.
( 235 )
ÉLECTIONS.
La Classe se constitue en comité secret pour prendre
connaissance de la liste des candidatures présentées poul-
ies places vacantes.
RAPPORTS.
MM. Vanderkindere, Alph. Willems et le comte Goblet
d'Alviella donnent lecture de leurs rapports sur le
mémoire en réponse à la deuxième question du concours
annuel (Croyances et cultes de l'île de Crête dans l'antiquité).
— La Classe se prononcera dans sa séance de mai sur les
conclusions des rapports de ses commissaires.
.Xotes d'ancien wallon; par M. Maurice Wilmotte,
professeur à l'Université de Liège.
ii«), ,,<>>! île fl. J. Slecher, premier cotntt*i**nire.
« M. Wilmotte, professeur à l'Université de Liège,
communique à l'Académie quelques notes assez curieuses
sur un manuscrit wallon de Turin et sur un travail alle-
mand concernant le dialecte d'une chronique de Flo-
refife.
La Classe, qui s'intéresse aux choses wallonnes comme
aux choses flamandes, accueillera, je crois, avec faveur
ces remarques suggestives pour notre philologie natio-
nale.
( 234 )
En se fondant sur la caractéristique établie par sa
Dialectologie wallonne, M. Wilmottc conteste à M. Camus,
professeur à Turin, la provenance namuroise d'un traité
de médecine superstitieuse comme elle l'était en Grèce
avant le rationalisme d'Hippocrate. Il croit que les gra-
phies dénoncent la zone liégeoise. On sait que le parler
de l'antique Éburonie est des plus originaux et des plus
imprégnés de pénétration germanique.
Cette origine liégeoise est aussi revendiquée pour
un Livre de l'expocicion des songes que M. Wihnotte
compare à un texte de l'ancien couvent de Saint-Jacques
de Liège qu'il a décrit dans ses Etudes romanes. Tous ces
Sompniaris, comme disait Maerlant en son thiois, ne
sont que des paraphrases d'un Sommarius latin. Il est
probable que celui de Saint-Jacques, trouvé à Darmstadt,
est plus ancien, étant plus sobre, moins délayé que celui
de Turin. Au fond, toujours la même anémie médiévale.
Dans ces Notes d'ancien wallon envoyées à l'Académie,
la critique du travail allemand sur le texte de Floreffe
(recommandé, chose piquante, par le chroniqueur wallon
« à ceux de langue tyoise ») est basée sur des documents
que M. Wilmotte a autrefois insérés dans la Bomania de
M. Gaston Paris. Elle est encore confirmée par des publi-
cations de la Société liégeoise de littérature wallonne
en 1890.
Dans l'intérêt des études romanes, j'ai l'honneur de
proposer à la Classe l'insertion de la notice de M. Wil-
motte au Bulletin. Quant à certaines particularités idio-
matiques, je dois m'en référer aux autres Commissaires,
à M. Discailles pour la région du Hainaut, à M. Bormans
pour celle de la Meuse. »
( 235 )
Slapi><>> t rie ff. Kff. «m nillfê, </ciui«inc « o»imil*nif«.
a L'étude du vieux français est toujours en grand hon-
neur en Allemagne. La dialectologie wallonne y occupe
nombre de savants. Tout récemment encore, M. Kosch-
witz, dans son livre : Les plus anciens monuments de la
langue française (5e édition, Leipzig, 1897), revisait le
texte de la Cantilène d'Enlalie et le fragment de Valen-
ciennes; M. Marchot en étudiait le dialecte (Zeitschrift fur
romanische Philologie, t. XX, 1896); M. Ennecerus repre-
nait de plus près l'examen paléographique du manuscrit
qui nous a conservé la Cantilène (Zur lateinischen und
jranzôsischen Eulalia, Marburg, 1897); M. Hermann
Peters, dans une dissertation inaugurale soutenue à l'Uni-
versité de Halle en 1896, analysait une chronique de
l'abbaye de Floreffe qu'il avait découverte dans un manu-
scrit de Bruxelles.
Stimulé par l'exemple des savants allemands, un pro-
fesseur italien, M. Giulio Camus, qui enseigne le français
à l'École de guerre de Turin, s'est mis à faire des recher-
ches parmi les manuscrits wallons que possède la Biblio-
thèque de cette ville et il en a trouvé un du XVe siècle.
C'est des découvertes de MM. Camus et Peters qu'il est
question dans la notice que M. Wilmotte envoie à
l'Académie.
Le manuscrit que M. Camus a découvert à Turin
reproduit : 1° certains traités scientifiques qui ont eu leur
heure de popularité au moyen âge, tels que celui d'Ale-
brant et celui de Guilleame l'Englois (« l'orine »); 2° une
( 236 )
énumération de remèdes populaires, de recettes culi-
naires; 5° une Expocicion des soinges, etc.
M. Wilmotte s'occupe particulièrement de cette Expo-
cicion.
Il prouve, par des comparaisons très convaincantes,
qu'elle a des traits d'étroite parenté avec un manuscrit
de la Bibliothèque grand-ducale de Darmstadt (1) qu'il
avait vu en 1890 et dont il a fait une description som-
maire dans ses Etudes romanes.
L'antériorité du manuscrit de Darmstadt sur celui de
Turin est évidente.
L'un et l'autre, d'ailleurs, ne sont que la traduction du
texte latin des Somnia Danielis, qui faisait partie d'un
manuscrit (2) dont l'origine liégeoise est hors de con-
testation.
M. Camus croit que le manuscrit de Turin est namu-
rois : il y reconnaît l'influence du dialecte picard et celle
du dialecte bourguignon.
Tel n'est pas l'avis de M. Wilmotte.
Se basant d'une part sur l'origine liégeoise du texte
latin des Somnia Danielis comme du manuscrit de Darm-
stadt, d'autre part sur la dialectologie, il soutient que le
manuscrit de Turin est, lui aussi, de provenance liégeoise.
Et je pense qu'il a raison.
« Nos chartes les plus authentiques du XIIIe siècle, di l-il ,
offrent des spécimens de toutes ou de presque toutes les
graphies relevées par M. Camus. Peu de formes parmi
(1) Provenant de l'ancien couvent de Saint-Jacques, de Liège.
(2) M. Wilmotte rappelle que c'est celui d'après lequel M. Pasquet
a publié des sermons wallons (Mémoires de l'Académie, t. LXI).
( 237 )
celles que le glossaire m'a permis d'identifier se refusenl
à une descendance strictement liégeoise; une foule d'au-
tres (M. Wilmotte en cile une quarantaine) sonnent comme
dans le nord wallon. »
Toutefois M. Wilmotte est porté à supposer que le
copiste est namurois, ou bien de la frontière picarde, ou
encore de la Picardie belge ou française.
Certaines particularités idiomatiques qu'il signale dans
son travail — et sur lesquelles mon confrère M. Stecher
appelle plus spécialement mon attention — me parais-
sent autoriser cette supposition.
Cependant, avant de prononcer un jugement définitif, il
conviendrait de voir les manuscrits. Je signale, à cet
égard, à la Classe ce passage du travail du savant profes-
seur de l'Université de Liège : « Il dépend de l'Académie
que nous entreprenions, M. Camus et moi, à bref délai,
la publication intégrale des traités que renferment les
manuscrits de Darmstadt et de Turin. »
Ajoutons, pour compléter l'analyse de cette première
partie, — la plus importante de la communication de
M. Wilmotte, — qu'il a enrichi d'excellentes additions et
observations le glossaire que M. Camus a rédigé pour le
manuscrit de Turin.
M. Wilmotte, dans la seconde partie de ses Notes, éta-
blit que la chronique de l'abbaye de Floreffe (manu-
scrit 18064-09 de Bruxelles) publiée par M. Hermann
Peters, n'offre pas moins d'intérêt que les manuscrits de
Darmstadt et Turin pour la dialectologie wallonne.
En ce qui concerne la langue de l'auteur de cette chro-
nique, M. Wilmotte (sans être aussi catégorique que pour
( 258 )
les manuscrits précédents) est bien près d'affirmer que
c'est le liégeois.
Il démontre que, dans tous les cas, elle s'en rapproche
singulièrement.
Les altérations qu'il est permis d'attribuer au copiste
« attestent son picardisme ».
Il v a autant d'ingéniosité que de science dans l'étude
du vocalisme, sur laquelle s'appuie l'argumentation de
M. Wilmotte.
Sur quelques points, il a habilement corrigé et éclairci
le travail critique de M. Peters.
Comme M. Stecher, je propose l'insertion au Bulletin
de la notice de M. Wilmotte. »
tCuj>i>:til dtt fi. Itorituttts, ti'oitièniB contint a attire.
« Dans la note qu'il présente à la Classe, M. Wilmotte
rend compte de deux publications récentes faites à
l'étranger, et qui intéressent la dialectologie wallonne.
Sous ce titre : Un manuscrit namurois du XVe siècle,
M. le professeur Camus, de Turin, a décrit et analysé un
manuscrit wallon conservé dans la bibliothèque de cette
ville. M. Wilmotte pense qu'il est plutôt liégeois que
namurois, et il le prouve, d'abord par l'étude des graphies
ou formes dialectales, ensuite par la comparaison avec un
autre manuscrit plus ancien, de la Bibliothèque grand-
ducale de Darmstadt, provenant de l'ancienne abbaye de
Saint-Jacques, à Liège. Examinant de près un traité des
songes qu'ils renferment tous deux, il croit pouvoir
( 239 )
établir que le manuscrit de Turin n'est qu'une copie
délavée de celui de Darmstadt. C'est possible. Mais ne
serait-il pas possible aussi que les deux versions déri-
vassent directement d'un texte latin, l'une par une traduc-
tion littérale, l'autre par une sorte de paraphrase?
Un manuscrit de la Bibliothèque royale de Bruxelles a
t'ait l'objet de la seconde publication dont nous entretient
M. Wilmotte. Elle est intitulée : Ueber Sprache und Vers-
bau der Chronik von Floreffe, et a pour auteur M. Peters,
élève de l'Université de Halle. M. Wilmotte en donne un
compte rendu détaillé, accompagné d'observations cri-
tiques. Sa conclusion est que « si la langue de l'auteur de
cette chronique rimée de Floreffe n'est pas le liégeois,
elle s'en rapprocbe singulièrement ».
M. Discailles attire l'attention de la Classe sur la propo-
sition que le savant romaniste de Liège fait de publier
pour l'Académie, avec la collaboration de M. Camus, les
manuscrits de Darmstadt et de Turin. L'offre est sédui-
sante. Mais, si je ne me trompe, l'Académie n'admet pas
dans ses Mémoires, tant in-8° qu'in-4°, des éditions d'au-
teurs anciens, et la Collection des grands écrivains du
pays, destinée aux œuvres littéraires, semble exclure,
par son titre même, la publication de textes dans un but
purement philologique. C'est à examiner.
En attendant, je me joins aux deux premiers commis-
saires pour proposer à la Classe l'insertion de la note de
M. Wilmotte dans le Bulletin. » — Adopté.
( 240 )
COMMUNICATION ET LECTURE.
Notes d'ancien wallon; par Maurice Wilmotte,
professeur à l'Université de Liège.
Ii a paru à l'étranger, depuis deux ans, toute une série
de monographies et d'articles se rapportant à notre passé
littéraire. Un professeur de l'École de guerre de Turin,
M. Giulio Camus, a signalé un manuscrit wallon du
XVe siècle, conservé à la bibliothèque de la ville, où il
enseigne le français; un élève de M. Suchier, l'illustre
maître de l'Université de Halle, M. Hermann Peters, a
consacré une étude minutieuse à un texte oublié et en
partie inédit, la Chronique de Floreffe; il en a montré les
caractères dialectaux, qui sont ceux du wallon. D'autres
publications ont été faites en Allemagne, qui ont trait à
la Cantilène d'Eulalie et au Fragment de Valenciennes. Ces
deux textes vénérables, nos plus anciens monuments
littéraires, ont été réédités par M. Koschwitz (1). M. Mar-
chot a étudié le dialecte de la Cantilène (2) et M. Ennecerus
a repris de plus près l'examen paléographique du manu-
scrit qui nous l'a conservée (3). Enfin, M. Salverda de
Grave a publié dans le Tijdschrift van Nederiandsche Taal-
en Letterkunde (XV) ses Bijdragen tôt de hennis der uit het
(1) Les plus anciens monuments de la langue française, publiés par
Ed. Koschwitz, 5e édition. Leipzig, 1897.
(2) Zeitschrift fur romanische Philologie, t. XX, pp. 509-14 (1896).
(3) Zur lateinischen und franzôsischen Eulalia. Marburg, 1897.
( 241 )
fransch overgenomen woorden in het nederlandsch, où le
wallon a une large part.
J'ai fait, dans les pages qui suivent, abstraction de ces
derniers travaux; en revanche, je me suis attaché à ceux
de MM. Camus et Peters, essayant de compléter les
données du premier par la comparaison de l'un des traités
qu'il a mis au jour avec une œuvre du même genre,
beaucoup plus curieuse, que j'ai pu consulter à Darmstadl
et que j'ai copiée ensuite. En attendant une publication
intégrale de cette œuvre et des autres traités scientifiques
que renferment les manuscrits de Darmstadt et de Turin,
publication qu'il dépend de l'Académie que nous entre-
prenions, M. Camus et moi, à bref délai, j'ai pensé que
la présente notice ne serait pas jugée inutile; j'y ai joint
des additions et la critique du travail de M. Peters.
Le manuscrit M. IV, II de Turin.
Ce manuscrit a été signalé, décrit et analysé par
M. le professeur Camus (I). Il date du XVe siècle et
renferme un certain nombre d'œuvres plus ou moins scien-
tifiques, notamment une copie du fameux traité d'Ale-
brant et le traité de « l'orine » de Cuilleame l'Englois.
Mais près de la moitié du codex est consacrée à l'énu-
mération de remèdes populaires, de recettes culinaires,
à l'interprétation des songes, à la chiromancie, à des
pronostics diurnes ou lunaires, bref, à toutes les supersti-
tions chères au moyen âge et qui n'ont pas disparu totale-
ment aujourd'hui. Le manuscrit de Turin est d'origine
wallonne; c'est ce qu'a démontré M. Camus en s'appuyanl
(1) Un manuscrit namurois du XVe siècle, extrait de la Revue des
langues romanes, t. XXXVIII, n06 l et -i. Montpellier, I89o.
( 242 )
sur la caractéristique que j'ai donnée de nos dialectes
romans dans mes Études de dialectologie wallonne. Est-il
namurois, comme le présume le distingué professeur de
Turin? C'est ce qu'il me semble plus difficile d'établir. Je
me refuse, en tout cas, à y reconnaître « d'une part
l'influence du dialecte picard, de l'autre celle du dialecte
bourguignon ». Nos chartes les plus authentiques du
XIIIe siècle offrent des spécimens de toutes ou presque
toutes les graphies relevées par M. Camus. Peu de formes,
parmi celles que le Glossaire m'a permis d'identifier, se
refusent à une descendance strictement liégeoise; une
foule d'autres sonnent comme dans le nord -wallon :
arrase, arsille (ârzëy), as (â), bruwyre (brouwîr), celoigne
(sêlogne), chauldire (tchàdir), clawechon (clawson), crevece
(grèvesse), deventrain (d'vintrin), esblatcee (esblawi),
espillé (spiyi), espatter (spaté), freixe (frëZ), gaille (djav
ou djèy), harpoix (hârpik),7'a/ie (djane), lavasche (lavasse),
macquette (idem), maradich (mérédiZ), martruel (mwè-
trou), noisier (nceXi), papin (idem), papire (idem), paul
(pau), persin (pierzin), plomrne (idem), plueve (plève),
pyonne (idem), raloier (raloyi), reculisse (récoulisse),
roinsce (ronX), royenne (royène), saiien (idem), sayer (sayi),
soyer (soyi), tapper (idem), tieste (tyesse), tourteal (tortè),
trauer (idem), vaincre (vink), veyue (vèyowe), voi(r)le
(veule).
Plusieurs de ces formes n'appartiennent qu'au parler
de Liège ou de la région voisine ; la plupart sont encore
vivantes chez nous. Je signalerai particulièrement torteal
qui est nord-wallon, à l'exclusion de Huy et du cours
supérieur de la Meuse (1). Il est inadmissible que cette
(1) Voyez Romania, t. XVII, p. 556.
( 24-3 )
forme soit duc au copiste (l), qui est, lui, certainement
Namurois ou même de la frontière picarde. D'ailleurs, elle
n'est ))as isolée dans le texte, si j'en juge d'après le Traité
des songes que M. Camus a publié récemment et dont je
m'occuperai tantôt (2). Dans ce seul traité, qui occupe
les feuillets 179-197 du manuscrit de Turin, je note les
formes liégeoises aneal \ anneal , nouveal, ruisseal \ ruiseal),
chapeal. Le copiste a introduit d'autres graphies à côté de
celles-là; il écrit tantôt ial (coutial), tantôt iel (muyel),
tantôt el (annel, mantel), donc des formes sud-wallonnes,
picardes et même centrales; de même les formes fléchies
sont soit en eaulx (poureheaulx, beauls, etc.), soit en iau I ce
(soliaus, capiaulx), non en eaz ou iaz, comme l'exige la
prononciation de nos patois. Le « picardisme » du scribe
s'accuse davantage dans la façon dont il orthographie les
mots en c(a) et c(e, i); il écrit ehiel, chierges (cierges),
rechoipt, chainture, souspechon, exaulclrie, etc., mais
canchon, cachier (chasser), escapper; ceci n'est ni liégeois
ni namurois, mais du picard belge ou français. En
revanche, si je consulte de plus près le vocabulaire du
Traité des songes, outre les termes bien liégeois signalés
par M. Camus et reproduits plus haut, je relève encore
coulons (colon), hourdée (voyez Gggg. s. v. hourder),
poillus (liégeois: poyou), reversie (riviersé), non renviersie
qui aurait donné rinv- ou rèviersé.
Une place à part doit être faite aux mots qui, dans les
parlers modernes, ont un traitement particulier de sy ou
de x(sc); le liégeois en a fait X(xh), le namurois, ch(j); dans
(1) Je dis au copiste, bien qu'il y ait toute vraisemblance qu'ils
soient plusieurs; M. C. parle de « divers copistes », mais il ne fait
pas d'exact départ entre eux.
(2) Bulletin de Folklore, t. II, fascicules VII-VIII. Liège, 1895.
( au )
les extraits publiés du manuscrit, le scribe, sinon l'auteur,
écrit régulièrement boisier, nois, noisier, ois (d'où otè
liégeois, ochia plus au midi), oiseaulx, paisieble, peissons,
roinsse. Toutefois, à côté de ces graphies, qui nous
laissent dans l'incertitude, il en est d'autres qui ne
peuvent se justifier que par une provenance tout à fait
septentrionale : craixse (crâ/.), laixse (ta*/?), touxse et
peut-être freix, si ce mot, allégué dans le Glossaire et
qui figure aussi dans les Prophéties d'Ezéchiel (n° XI du
manuscrit), est bien le correspondant ancien du wallon
freV. (= humide). Des autres traits phonétiques (1) et
flexionnels, il n'en est pas un seul qui exclue l'hypothèse
de l'origine liégeoise du manuscrit.
Il y a plus : cette origine est confirmée par un fait qui
a forcément échappé à M. Camus et que je dois de con-
naître à un séjour que j'ai fait et à des notes que j'ai
prises à Darmstadt, en 1890. Je reconnus, en effet, dans
un manuscrit (n° 2i()0) de la Bibliothèque grand-ducale
de cette ville, le caractère wallon d'un manuscrit qui avait
été signalé, pour la première fois, à l'attention du monde
savant par un collaborateur des Roman ische Forschungenfë) .
Ce manuscrit, que j'ai décrit sommairement ailleurs (5),
provient du couvent de Saint-Jacques, à Liège, et il
renferme, entre autres traités de même nature que ceux
du manuscrit signalé par M. Camus, une interprétation
des songes, qui offre avec le Livre de l'expocicion des soitujes
de Turin des traits d'étroite parenté. L'écriture du traité
renfermé dans le manuscrit de Darmstadt est, comme
(1) Je n'ai plus a revenir sur le traitement de c(e, i ; <c), qui est par-
tiellement picard, ce qu'il faut attribuer au copiste.
(2) VI, 20.
(3) Études romanes, dédiées a Gaston Paris le "29 décembre 1890,
p. 239.
( 2i5
celle de la plupart îles autres portions de ce manuscrit,
de la lin du XIIIe siècle; elle atteste donc l'antériorité de
cet ouvrage sur celui qu'a publié M. Camus. L'examen de
son contenu n'est pas moins instructif à cet égard.
L'exposé des songes est beaucoup plus sobre et plus
complet dans la copie de Darmstadt que dans celle de
Turin. Néanmoins l'ordre adopté et la nature des inter-
prétations proposées offrent de telles similitudes, de part
et d'autre, qu'il est difficile de ne pas admettre que le
plus récent en date des deux ouvrages dérive de son aîné.
Là où celui-ci se contente d'une brève indication, son
cadet explique, commente et délaie à plaisir. En voici
trois exemples, pris entre de plus nombreux :
Darmstadt.
Béas bras avoir croisement sc-
netie (ICO \°j.
Lion veïr corochier guer[re'dc
son anemi(s) senefie (162 \°).
Ungles veïr chair angois[se] se-
nefie (163 v° .
TliKIN (1).
Qui soinge qu'il a beauls bras
et loings, c'est signe de puissance
et d'accroissement de bien, et
d'avoir boins serviteurs (p. 312).
Mais se li lyons en son soinge
li fait alcune moleste ou que il
l'assaille, c'est signe que il sera
en l'indignacion d'aulcun granl
seigneur. Et s'il lui samble que li
lyon l'estrangle ou ochie(s), dont
sera en péril que le dit seigneur
ne li face perdre la vie (p. 320j.
Qui soinge que on li retaille ses
ongles, c'est signe que luy ou ses
serviteurs, ou gens ou mainnie
d'cnlour li, auront anuy et angois-
se (p. 324;.
(1) Je cite la pagination du Bulletin tic Folklore, conservée dans le
tiré-à-part.
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 17
( 246 )
Dans d'autres passages, l'imitation est plus ou moins
littérale :
Darmstadt.
Arbres veïr a tos les fruis gain-
gne senefie. Arbre monteir aleune
dignité senefie (160 r°i.
Baisier altruj domaige v ten-
ceee senefie (163 r°j.
Barbe tondre v reir[e] a soi
domaige senefie (160 v°).
Baignier soi en baigne anuj v
anguosse senefie (jd.).
Cief blanke avoir gaingne sene-
fie (id. .
Corone prendre v soi veir coro-
neir leece v gaingne senefie (id).
Home s) mueit en beste sauaige
travaillh senefie. Hostes avoir an-
nuj senefie (1) (162 r°).
Lune cleir veïr senefie creisse-
mens... Lunes plusors veir puis-
sance creistre senefie (162 v°).
Turin.
Quand la personne soinge qu'elle
voit arbres, c'est signe d'aulcun
prouflit, (et par especial s'il y a
aulcunes branches rompues). Et
s'il lui samble que elle monte sus,
c'est signe d'aulcune dignité...
(p. 311).
Qui soinge veoir aulcun baisier
ung aultre, ce n'est mie proufit ..
(p. 312).
Qui soinge que sa barbe soit
rese, ou que on li voelle tondre
ou rere, c'est signe de perte ou
dampnage (p. 312).
Qui soinge qu'il se baigne, c'est
signe d'avoir aulcune angoisse (id).
Qui en soinge voit son chief
bland (sic) et chenu, c'est signe
de gaingnage et de proufit (p. 313).
Qui en soinge prent ou rechoipt
la couronne d'aulcun, c'est signe
d'honeur et de lyesse... (p. 3-14).
Qui soinge que hommes soyent
changiez et muez en bestes salva-
ges, c'est signe de paine et de
labeur. Qui soinge qu'il voit hos-
tes..., c'est signe d'envie (p. 318).
Qui en soinge voit la lune belle
et clere, c'est signe de puissance
et d'acroissement de bien ; mais
s'il en veoit pluiseurs... de tant
(1) Les deux interprétations se suivent des deux parts.
247
Darmstadt.
La meir veir paisule ioie senefie
(163 r°).
Se meir veir mort v vive joie
senefie (162 v°).
Pain d'ourge prendre vmaingier
leeee senefie (163 r°).
Sanc de soi veir gutteir damaige
senefie (163 v°).
Ténèbre veïr ent'ermeteit sene-
fie (id.).
Testaniens faire segureteit se-
nefie (id.).
Il Itl.N.
seroit la puissance et le dit acreis-
sement plus ample et en plus
grant bien (1) (p. 319).
Qui en soinge voit la mer clere
et paisible, c'est signe de joie et
de bonne aventure (p. 321).
Qui en soinge voit sa mère qui
soit morte en samblance, qu'elle
soit en vie vrayemcnt, c'est signe
de joie... (p. 322).
Et qui soinge que on li donne
ung pain (ou pluiseurs), c'est signe
de joie el de h esse, voir seli pain
est d'orge (p. 326).
Qui soinge que il voit son sang
issir hors de son corps, c'est signe
de perte et de dampnage (p. 328).
Qui soinge que il voit ténèbres
ou qu'il en soit couver?, c'est signe
d'enfermeté ou de maladie (p. 329).
Qui soinge qu'il a fait son tes-
tament, c'est signe de joie et de
seureté (id.).
Ces extraits montrent qu'il existe entre les deux tra-
ductions d'un Traité des songes, dont le moyen âge se
plaisait à attribuer la paternité au prophète Daniel (2),
(1) Cette formule, que n'a pas Darmstadt et en vertu de laquelle
l'accroissement de la chose signifiée dépend du nombre, de la qualité
meilleure ou de l'intensité plus grande de phénomènes ou d'êtres
vus en songe, est reproduite plusieurs fois dan? Turin. (Voyez, s. v.
cachier, estoilles et terré).
(2) M. Camus a déjà fait observer que ces clefs des songes, dont il
nous reste deux spécimens wallons du moyen âge, avaient été attri-
buées au prophète Daniel. Ce qu'il ne pouvait savoir, c'est qu'un
troisième manuscrit, d'origine liégeoise (celui d'après lequel M. Pas-
( 248 )
mi rapport certain de filiation. Au surplus, la version la
plus moderne, outre qu'elle ne renferme qu'une parti»'
des interprétations de son aînée (1), est loin d'être aussi
correcte dans sa teneur; ce n'est évidemment que la copie
assez médiocre d'un remaniement du texte de Darmstadi
ou d'un texte voisin de celui-là. Page 515, on lit dans le
manuscrit de Turin : « Qui en soinge unit enfans, c'est
» signe de joie, et par especiaul s'il luy samble est appa-
» rans en sa vision que il se jue et esbanie avecque
» eulx. » II faut lire et est apparans. De même, p. 3±2,
on lit : « Qui en soinge uoit une nef ou plusieurs nefz,
» c'est signe de joie, de fraude et de decepeion... » Joie
est un non-sens du copiste. De même encore, p. 524 :
« Qui soinge qu'il at perdu ou crevé un œil, c'est signe
» que son frère ou son filx, ou aulcun sien bon amy
» morra. Et s'il soinge qu'il aist perdu ou crevé le senestre
» œil... » Il faut lire son destre œil et non un œil;
Darmstadt a d'ailleurs (165 r°) « son œlh destre ». S. v.
Pouchins (p. 52,'i), le scribe de T. dit que les poussins se
battant en rêve sont « un signe d'envie et de haine »;
(c mais, ajoute-t-il, s'il plukent ou grattent ou menguent,
c'est signe de paine... » L'opposition marquée par mais
ne se conçoit pas; elle devient très légitime si l'on adopte
la leçon de Darmstadt : « Pulchiens veïr chanteir ioie
» senefie. » C'est joie qu'il conviendrait de lire et qui
quet a publié des sermons wallons [Mémoires de l'Académie royale de-
Belgique, tome XLI), renferme un texte latin des Sompnia Danielis
(fol. 293 r°-2(J8 r°), et que la teneur de ce texte permet de conjecturer
qu'il a servi de modèle au traducteur dont nous avons la copie à
Darmstadt. Je reviendrai plus tard sur ce sujet.
(1) C'est ainsi que sous l'initiale C, je note seize rubriques dans T.
et dans Da. 26, dont une comprend neuf interprétations.
( 249 )
«Hait dans L'original, de mémo que plus haut, c'est envie
et non joie qu'il faudrait (p. 324). Je doute, enfin, de
l'exactitude de la leçon de Turin, s. v. Toile: le scribe
oppose la vision du travail d'autrui et celle du travail
propre que fait celui qui rêve; dans le premier cas, le
signe est bon; dans le second, il est mauvais. Darmstadt
a simplement ceci : « Toile ueir a testre leece senefie. »
Il me reste à dire quelques mots du Glossaire très
soigneux que M. Camus a rédigé pour le manuscrit de
Turin et qu'il a publié à la suite de sa note sur ce manu-
scrit. J'ai déjà signalé plus haut quelques additions que
m'a fournies la lecture de YExpocieion des soinges; voici
mes observations sur le reste (4) :
Amontance. L. montance (la), mot très usuel en ancien français
(= la valeur).
Ancher(se). N'est-ce pas (h)asckier avec n intercalaire, suivant un
procédé familier au wallon?
Autrei,. L. autretel.
Bourssure. L'ancien wallon B. a son correspondant moderne dans
bourse, gonflement produit par un heurt violent à la tête.
Clatte, qui a embarrasse M Camus, me parait être (s)clatte, pour
esclatte, éclat, fragment.
Cochet. C'est la (ormenlille, dit l'auteur; cette forme est dans les
Remèdes populaires édités par M Salmon.
Espillié est le liégeois spiyi blesser, mettre en pièces; le contexte
confirme cette interprétation.
Flassekie-assecr. Je n'oserais repousser dans l'espèce l'interpré-
tation de M. C. si elle reposait sur le dictionnaire de Godefroy; mais
(1) Pendant l'impression de cette note a paru le fascicule VII- VIII
du Bulletin de Folklore, contenant (pp. 370-71) un compte rendu de
la publication de M. Camus que j'analyse ici. Sur un ou deux points,
je me suis rencontré avec l'auteur de ce compte rendu, M Jules Feller.
de Verviers.
( 250 )
celui-ci n'a que farcerie. En revanche, il a flassier = « abattre » dans
un passage de Jean de Stavelot, et c'est à ce verbe que je rattacherais
les formes mentionnées. Du sens physique de abattre, incliner, s'in-
cliner (sens neutre), on a pu fort bien passer au sens moral de faire
des courbettes, faire la cour à quelqu'un, tlatter, etc. Cette significa-
tion conjecturale conviendrait bien aux passages allégués du manu-
scrit. Ce qui me décide en sa faveur, c'est que j'ai trouvé dans la
Chronique de Flore ffe (1) flasseric avec ce sens (2650;.
Heluon est-il une bonne lecture? M. Salmon a (h)enule, d'où pour-
rait dériver henulon.
Macquette = gros bout (encore aujourd'hui — la tète dans le
langage familier); comparez Cggg. s. v. maket.
Madechi devrait être rapproché de maradic.
Martkuel. Sorte de gâteau. Le mot est dans d'autres documents
ancien-wallons, notamment sous la forme niortuel, sans doute
mort(er)uel dans le Liber officiorum ccclesiœ leodiensis (p. 35 du tiré
à part de l'édition Bormans-Schoolmesters); il a survécu dans le
moderne mwètrou.
Mieil(x). 11 y a ici deux mois : a) moieul (mioel aussi dans Godefroy)
= milieu de l'œuf («es' dans le premier passage); b) larme de miel,
encore aujourd'hui lâm (miel).
Piewe — bienveillante, non pieuse.
Rhotte. L. rihotte (iîiote).
Tappez. M. Camus traduit « atteint ». Le wallon a conservé le
composé kitapé, malmener, maltraiter.
Tueil. Ne faut-il pas lire tuiel ou tueal? Le wallon n'a que touwè.
Viron. N'est-ce pas baron qu'il faut lire?
Le manuscrit 18064-69 de Bruxelles.
Les manuscrits de Turin et de Darmstadt ne sont pas
les seuls qui aient été signalés, dans ces dernières années,
en raison de l'intérêt qu'ils offrent pour la dialectologie
(1) Dans la Chronique de Floreffe, on a encore [lastir avec un sens
analogue (édition Reiffenberg), vers 1152 :
Moy, qui ;i nuls fias t. r ne quier.
( 231
wallonne. Un élève de M. Suchier, M. Hermann Peters,
vient de publier (l'intéressantes observations sur un manu-
scrit de Bruxelles qui renferme, entre autres ouvrages,
une Chronique de l'abbaye de Floreffe, due à un moine de
celte célèbre abbaye (1). Nous ignorons le nom de l'auteur;
mais la modestie extrême de celui-ci, qui se confond en
aveux d'ignorance et en excuses au lecteur, ne l'a pas
empêché de nous donner des détails très précis sur le but
de son livre et sur la façon dont il fut composé. Dans
son préambule, il s'adresse, en termes pleins d'humilité,
à l'abbé de Floreffe sous lequel il vivait et lui confesse
qu'il se mil à l'œuvre le 1 \ novembre 1462. « J'ay, » dit-il,
« pris hardiment en moy, combien que indigne et non
» suffisant en sui, de faire et rimoier en rude franchois
» ung petit traittié, par manière de songe et fiction, selon
)> ce qu'il m'est apparut et que j'en ai eubt l'advertisse-
» ment, tant par vrais escrips comme par vives voix,
» lequel traittié touche et declaire aucunement la 1res
» sainte, dévote et sollempnee fundacion et hault estât
» de la vénérable église et monastère dudil Floreffe. »
L'auteur offre ce traité à l'abbé de Florelfe, persuadé qu'il
voudra bien le lire, quoiqu'il soit écrit en français :
« Aussi, ajoute-t-il, il m'est avis que vous et cheulx de
o la langue tyoise pourront prendre alcune récréation et
» plaisance en lisant ce franchois (2). »
(1) Ueber Sprache und Versbau der Ckronik von Floreffe, inaugural
dissertation... von Hermann Peters, Halle a. S., 1896 (aussi dans la
Zeitschrift fur romanische Philologie, XXI).
{% Voilà un intéressant témoignage en faveur de notre bilinguisme
dans le passé; il me parait mériter une place à côté de ceux que, dès
1859, M. Stecher avait réunis si utilement dans son opuscule, Flamands
et Wallons.
( 2j-2 )
Les derniers vers de la Chronique renferment de nou-
velles excuses au lecteur et concluent ainsi :
Le xime jour de février
Je cessai lors de rimoier
Ce présent et petit livre,
Lequel baillai tout à délivre
A ung escripvain courtois,
L'an quatorse cens sexante trois,
Pour le mettre au net et doubler
Et a mon amy présenter.
Nous savons donc quand l'auteur écrivit (1462-1465)
et qu'il lit taire une copie de son ouvrage (1). Est-ce cette
copie que nous possédons ou une autre, laite ultérieure-
ment d'après elle? M. Peters ne se prononce pas, et
d'ailleurs, il est difficile d'émettre un avis motivé, car si
nous sommes certains de n'avoir pas l'original même de
notre Chronique, rien ne nous détend d'attribuer les
négligences (2) de la copie qui nous en reste, au plus
ancien scribe, chargé de la « mettre au net et doubler »;
ce scribe pouvait fort bien n'être pas non plus du même
(1) Cette copie est restée en partie inédite, et M. Peters annonce
la publication du premier tiers dans la Zeitschrift fur romanische
Philologie. Les deux autres tiers 3570 vers) ont été imprimés par
M. de Reiffenberg, dans le tome VIII de ses Monuments pour servir
à l'histoire des provinces de Namur, de Hainaut et de Luxembourg .
(2) Je n'insiste pas ici sur les négligences imputables à l'auteur
lui-même. M. Peters en a fait le relevé minutieux, notamment dans
les pages qu'il consacre à la versification de la Chronique. Je signalerai
seulement qu'en six endroits du texte de Reiffenberg (727, 1514, 2340,
2504, 3240, 3309), trois vers n'ont qu'une seule rime; que dans deux
autres passages (après 2175 et 3376) il manque un vers sans que le
sens paraisse altéré.
; 253 )
pavs que rauleur, quoiqu'il nous soit interdit de lui
assigner une provenance bien éloignée de celle que les
rimes permettent d'établir; c'était sans doute, sinon un
Picard, du moins un habitant de la zone wallonne-picarde,
de la région qui s'étend entre Floreffe et Charleroi; ainsi
s'expliquent certaines graphies qui sont en contradiction
avec les rimes, donc avec la langue de l'auteur; il écrit,
par exemple, yawe (aqua), alors que nous avons la rime
eaue : saine (R. 1<S0!)) (1); langhe qu'il prononçait 1res
probablement lantve, aujourd'hui dénasalisé : laïc'; ie
pour i (plus nasale dans bien et sans nasale dans une
foule de mots, notamment à la rime, touchier : dire,
R. 1 i(>l ; fièrent : restablirent, R. 201)0, etc.) ; ch pour c\ e. i)
et k pour ch(c + a), enfin ch final dans des mots tels que
euch, peuch, vich, fich, etc. La rime des vers P. l^ilT-
12!)8 ne peut, comme l'observe M. Peters (§ 51), s'accom-
moder du traitement picard que nous notons dans ces
quelques formes. Il y a plus. P..1023-1024, on trouve
puis : Machabeus que M. Peters interprète ainsi : peus
(analogique de la deuxième et de la troisième personne
du singulier) : Machabeus. Au contraire, je lis pu i)s
Machabë-us, avec un son u (ou français) des deux parts et,
de même, P. 1297-12UN illeuc : peuch me paraît devoir
être entendu ainsi illou(c) : pou <■ .
Telles sont les principales altérations que la simple et
rapide lecture du texte permet d'attribuer au copiste :
elles attestent son « picardisme ». En revanche, la langue
de l'auteur, si elle n'est le liégeois, s'en rapproche singu-
(1) R. désigne la partie de la chronique publiée par de Reiffenberg;
P., le début qu'il n'a pas communiqué et (pic nous devions de con-
naître à M. Peters.
( 254 )
lièrement. Pour s'en assurer, M. Peters aurait bien t'ait
d'user plus fréquemment de la méthode comparative, de
consulter d'autres documents du wallon, notamment les
chartes que j'ai publiées dans la Romania, dont il n'a
tiré presque aucun parti et, à défaut de renseignements
directs sur le parler actuel de Floretîe, la version la plus
proche de la Parabole de l'Enfant prodigue. Cette version
est celle de Fosses (1); en la mettant à profit et en com-
plétant ses données à l'aide de quelques notes prises dans
la région voisine par un de mes anciens élèves, je crois
être en mesure de corriger et d'éclaircir sur quelques
points l'exposé qui nous est fait de la langue de l'auteur
anonyme de la Chronique de Floreffe. C'est par là que je
terminerai ma notice.
Pour le vocalisme, il faut observer qu'on a de-ci de-là
le traitement français. Ainsi, o > eu est général sauf -our
(ôrem) à la rime; or, le liégeois a conservé très tard
ou = o (voyez nouk, -planton, etc.), et ce n'est que sous
l'influence du français qu'il a adopté le son eu dans
des mots dont la plupart ont une valeur abstraite. De
même o > ou graphie ue comme dans nos vieux textes
(Darmstadt a uo; Turin, des formes telles que : martruel
et oingteruelle ; coin p. Ig. planlroûl et mwètrou). Ici on a
Chartruex R. 1715, 1755 = lg. Chàtrou; cuert = court,
etc. Ainsi s'expliquent les rimes précitées où figurent
puis, peuch (prononcez pou); de même, on a dit jou
(Poème moral juin) et fou (Eulalie, Poème moral, etc.),
qu'on retrouve dans fou-uà, èfou-ue, alou-ué, etc., ce qui
explique la rime fu : virtù, P. 10(>9, où il faut prononcer
ou des deux parts.
(lj Publications de la Société liégeoise de littérature wallonne.
année 1870.
( 255 )
Le traitement des autres voyelles est bien celui du lié-
geois (a > et; iee > ie et ie > i); je signalerai les Tonnes
stea?, rfiex et egliesc où l'on note une transcription spéciale
de e -h y; deismes n'est pas « eine abweichcnde Schrei-
bung », c'est la l'orme populaire, de même que le moderne
diX et sïX. (plus au sud dîch et sïch). Le traitement de
* sequere qui donne sûr, écrit swt're (: conduire), rend
difficilement explicable ri(eg)le rimant en i (1); le patois
du nord dit rûl'. Enfin, ai > a, oi > o sont caractéris-
tiques de la région d'où provient le texte; on lit dans la
Parabole : évoe (envoie), vae (vaie) ; tout le pays wallon dit
tchènôn', Anton (le texte a Ânthonne, c(h)anonnes, avec
la voyelle non encore dénasalisée). De même, dj'a, l'a's)
sont liégeois; à Fosses [Parabole), on dit aussi : dji v'sa.
Une des grosses ditlicultés phonétiques du texte consiste
dans les rimes femme : âme, P. 798; baptesmes : dames,
R. 5514. M. Peters ne s'en est guère soucié (S 21), et il a
eu tort. Le mot feme, dans les textes du Centre et de la
Champagne, rime avec ame (Yvain, 5757), avec dame
(Ibid., 1651, 2489, etc.) et même avec règne (2) (Prise
d'Orenge, 181 ; Erec, 1900, etc.). Il y a donc toute une
(1) Toutefois, dans les Vers (tel Juïse, on trouve ces rimes : lins :
i 96; rius : i 269; Mathius : i 367. Dans Meyer, Rapports, etc., p. 206,
Andrius : (raiti(e)rs. Le liégeois dit : ri, Mathi, Andri, mais non
li — locus; li(u) : i est aussi picard. Voyez Adam de la Halle,
Congié. 113; mais siwe : i...e 347.
(2) Outre dame: gemme <Erec, 2400, etc.; comp. Lap. Marb., 179,
435, 805; Marie Fr. Eliduc, 1021, etc.), Chrétien connait aussi famé :
sane (synodum), dont M. Fôrster rapproche assane ( — ïgn), forsane et
même same (seminat), dont la parenté avec fe mince est digne d'inté-
rêt; Gautier de Coincy (Léoc., 849; a bien ordene (ordmat) : ord a(s)ne
(asïnum).
( 256 )
série de mots où e (ë, ï) (1) a été traité comme un a
devant une nasale. En ce qui concerne sambler et trembler,
il n'eût pas été superflu d'invoquer les formes actuelles :
tranlé, sanlé (lg. tronlé, sonlé). Nous ne voulons pas laisser
le chapitre des nasales sans signaler les formes bi(e)n,
crestifejns, qui correspondent à bin de la Parabole. A
Longchamps, plus au nord, et à Soulme, plus au sud, on
dit bé, né, ré; de même, il faut prononcer chine, écrit
chienc (: bien R. 265), où M. Peters voit une transforma-
tion de chieunc.
A l'atone se note la prédilection, si accusée à Liège (2),
pour i; add. desordinée(s) R. 1257, 1530. Fosses dit :
siti = lg. situ (été) ; des formes alléguées, j'en relève une
qui est liégeoise, ligier, P. 778, et le préfixe di — = de
Seriment, qui est dans nos chartes, a conduit à notre
sêrùmin. Ligois (liégeois) est partout. Le a initial de
manachant est déjà dans Eulalie.
La notation gh = g prête aussi à une remarque. En
règle générale, on s'attend à avoir gh -+- a, o, u avec la
valeur de j français, gh -+- e, i avec celle de la gutturale
(Dighon, mais vigheur). Toutefois, cette règle est loin
d'être observée; on a Digon à côté de Dighon, etc. Dans
le manuscrit de Turin, je note dragon, draghon et drachon.
La fantaisie des scribes est sans bornes. — La rime
royalme : ame n'a rien de caractéristique. V. Cor. Loeys et
les autres exemples allégués par M. Suchier, AUfranz.
Gramm., § 59. — De -abilis > aie, les exemples ne sont
(1) Et même o comme le prouvent le? rimes où entrent dame et
sane.
(2) Voyez Romania, t. XVII. p. 560.
257
pas rares dans le wallon oriental; mais a Fosses el lieux
voisins, on dit taure {Parabole), stôf, stâvlatch, fof, etc.
Il -+- cous, est a m u i dans tout le nord wallon; comp.
le liégeois : lâm, dji palle, lâge, etc. Même observation
pour sir, réduit d'abord à si [paislre : tempesle II. 121!),
puis à s (Ig. limpess). Quant à la deuxième consonne
de -et, on constate déjà ici sa disparition. Acke est liégeois
(= aete). La conservation du -/ de deiibtement rappelle
des pbénomènes analogues que j'ai signales dans mes
Études précitées. Le manuscrit de Turin a rut' lue = rue.
La llexion n'offre rien de bien notable; j'ai déjà parlé de
peitch et puis, de vich et de fich; les troisièmes personnes
du pluriel du présent en -eut ont assourdi la dernière
syllabe; mais le patois de la région, au contraire, a des
formes accentuées sur la désinence [tchant'nù); il s'agit
donc d'un compromis entre l'usage populaire et l'ana-
logie du français.
( 258
CXASSR DES Itl \I \-\StI v
Séance du 4 mars 1S97.
M. Th. Vinçotte, directeur.
M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch. Tardieu, vice-directeur ;
Éd. Fétis, Ad. Samuel, G. Guffens, Th. Radoux, Jos.
Jaquet, J. Demannez, P.-J. Clays, Gustave Biot, II.
Ilynians, Jos. Stallaert, Alex. Markelbach, Max. Rooses,
J. Robie, G. Huberli, A. Hennebicq, Éd. Van Even, Alfr.
Cluysenaar, J. Winders, Ém. Janlet, H. Maquet, membres;
J.-B. Meunier, Alb. De Vriendt et Flor. van Duyse, cor-
respondants.
CORRESPONDANCE.
M. le Directeur, en ouvrant la séance, annonce à la
Classe la perte qu'elle vient de faire en la personne de
l'un de ses membres titulaires, M. Félix Laureys, de la
section d'architecture, né à Ostende le 10 avril 1820 et
décédé à Bruxelles le 13 février dernier.
Des remerciements sont votés à M. Vinçotte, qui a bien
voulu, en sa qualité de directeur, se faire l'organe de la
Classe lors des funérailles qui ont eu lieu le 17 février.
v 259 )
Le discours de M. Vinçotte paraîtra au Bulletin.
Une lettre de condoléance sera adressée à M. Eugène
Laureys, frère du défunt.
M. le Ministre de l'Agriculture et «les Travail v
publies transmet :
1° Une ampliation de l'arrêté royal en date du 10 lévrier
dernier ouvrant le double concours des cantates flamandes
et françaises pour le choix d'un poème destiné à servir de
thème aux concurrents pour le grand concours de com-
position musicale de 181)7.
M. le Ministre invite en même temps l'Académie à lui
soumettre une liste de quatorze noms pour le choix du
jury de sept membres chargé de juger ce concours;
2° Le 4e rapport semestriel de M. Emile Vereecken,
lauréat du grand concours d'architecture de 1893.
- Renvoi à la section d'architecture;
5° La 21m0 livraison des œuvres de Grétry (L'Amant
jaloux, comédie en trois actes) éditées par la Commission
académique pour la publication de ces œuvres.
— Remerciements.
— Sir Edward Burne-Jones et MM. Charles Garnier,
Georges Aitchison et Vincent d'indy remercient pour
leurs diplômes d'associé.
260
Discours prononcé aux funérailles de Félix Laureys,
membre de la Classe, par Th. Vinçotte, directeur de
la (liasse.
Messieurs,
Talent, beauté de caractère, générosité de cœur, voilà
celui que nous pleurons.
Le plus bel hommage, et le plus complet, qui puisse lui
être rendu, serait le récit fidèle de ce que fut sa vie. Je
viens, au nom de la Classe des Beaux-Arts de l'Académie
royale de Belgique, rappeler quelques traits de cette
existence si utilement et si noblement remplie.
Félix Laureys naquit à Ostende en 1820. Ses années
d'enfance ne reçurent d'autre instruction que celle que
peut donner une école de village. Bientôt après, le voilà
à Bruges, commençant seul le dur apprentissage de la
vie, travaillant tout le jour à la conquête du pain quoti-
dien, prolongeant ses veilles dans l'étude du dessin et
surtout de l'architecture, vers laquelle une passion irré-
sistible l'entraîne.
Son beau zèle le pousse aussi à acquérir de solides
connaissances générales, et seul, sans le secours d'aucun
maître, il apprend plusieurs langues avec une facilité
merveilleuse. A 29 ans, il remporte le prix de Rome !
Succès inouï si l'on tient compte des conditions où se
trouve le jeune homme! Mais que ne peut la volonté unie
à une belle intelligence et au culte du bien et du beau,
cette seconde religion des âmes d'élite?
Le jeune lauréat parcourt la France, l'Italie, l'Espagne,
( 201
dans un élan d'enthousiasme qui ue se refroidit p;i>
un seul jour. L'Académie conserve les rapports de ses
voyages et de ses impressions. L'admiration exaltée, les
appréciations savantes et judicieuses en sont la marque
distinctive, et caractérisent bien ce que fut Laureys : une
âme de poète unie à un jugement droit et lucide.
Ce besoin d'idéal et d'art devait être sa passion domi-
nante. Tous les ans, malgré ses travaux, malgré les mille
obligations tyranniques de la vie sociale, maigre la vieil-
lesse, il retourne en Italie. A soixante-dix ans, il entre-
prend un long voyage en Grèce et en Orient... Quoi de
plus touchant que cet enthousiasme qui persiste à travers
une vie longue et laborieuse? C'est que l'amour des
beautés de l'art et de la nature va sans cesse grandissant
chez d'aussi nobles esprits, et que jamais il ne laisse de
déception dans l'âme de ceux qui lui ont voué leur culte.
Comme artiste, comme créateur, comme auteur, Félix
Laureys laisse des œuvres remarquables. Comme profes-
seur, son nom restera attaché aux succès de toute une
pléiade d'architectes dont plusieurs sont déjà des maîtres
incontestés. Comme caractère, il était la droiture, le
désintéressement, la générosité. Il était modeste jus-
qu'à l'effacement, réservé presque jusqu'à la timidité.
Mais ce charmant et sympathique défaut, devenu si rare,
lui servait de rempart contre les amitiés banales et super-
iicielles. Il observait les hommes avec une puissante
pénétration et ne se livrait qu'aux natures droites et
libres comme la sienne.
La profonde affliction de ceux qui ont pénétré celte
âme délicate nous dit assez quel ami ils ont perdu.
5™"' SÉRIE, TOME XXXIII. IN
( 262
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
Le peintre lorrain Claude Jacquard. — Un protecteur des
arts : le prince Charles-Alexandre de Lorraine, par
Albert Jacquot. Paris, J. Rouani, 1890. Une brochure
in-8°, de 95 pages.
Claude Jacquard, né à Nancy en 1680, mort dans la
même ville en 1750, est au nombre des artistes que l'on
voit, en compagnie de Boffrand, concourir à l'embellisse-
ment de la riante capitale des ducs de Lorraine. Les
palais et les églises de Nancy gardent les traces de son
activité ; elles lui assignent une place honorable parmi
les maîtres dont la réputation, il faut l'avouer, n'a pas
franchi de beaucoup les limites du sol natal.
M. Jacquot relève, au sujet de l'artiste, un certain
nombre de particularités intéressantes, précise la date de
sa naissance et dresse une liste assez développée de ses
œuvres existantes ou disparues.
Comme graveur, Jacquard a laissé des planches non
dénuées de mérite ni d'intérêt. Notre Cabinet des estampes
en possède quelques-unes.
Au nombre des mentions recueillies par M. Jacquot,
ligure celle d'une composition de la Prise de Bude par
le duc Charles V de Lorraine. Le renseignement nous met
sur la trace de la détermination d'un morceau de haute
valeur, une tapisserie appartenant à la couronne d'Au-
(riche et que l'Empereur avait envoyée à l'Exposition du
Millénaire hongrois, organisée à Pesth en 1890. Elle y
figura sous le n° 7085, salle LfV, et fut un des orne-
ments de ce brillant ensemble.
( 263 )
L'inscription portait : Pillage et saccagement de Bude.
L'Aga des Janissaires conduit prisonnier. I^iis était fait un
retranchement. Le 2 septembre 1686.
L'armoirie de Lorraine, décorant la partie supérieure
de ce spécimen, de très remarquable composition et de
coloris tout à fait distingué, autorise à croire qu'il s'agit
bien d'une reproduction du tableau de Jacquard, men-
tionné par lui-même dans la noie de ITL'i recueillie par
M. Jacquot.
In protecteur des arts, le prince Charles- Alexandre de
Lorraine, offre pour notre pays un intérêt plus spécial.
Nous y voyons qu'à peine âgé de 14 ans, le futur gou-
verneur général de nos provinces voulant, comme plus
tard Albert de Saxe-Teschen, faire œuvre d'architecte,
lit ériger, d'après ses plans, dans les bosquets de Luné-
ville, un château toujours conservé. Il n'avait oublié
qu'un détail : l'escalier! Ce fut Boffrand qui dut venir en
aide au royal architecte pour réparer cette incroyable
inadvertance. Le plafond circulaire du grand salon -
M. Jacquot en reproduit l'esquisse - est l'œuvre de
Claude Jacquard.
Diverses lettres adressées à Charles de Lorraine et que
reproduit M. Jacquot, sont intéressantes. La plupart,
faut-il le dire? sont des suppliques. Deux émanent de
Mme de Gralligny; elles concernent un de ses neveux.
Une mention spéciale revient à la pièce suivante, signée
Macmahon, directrice de l'Opéra à Toulouse. Elle consti-
tue un document pour l'histoire du théâtre en Belgique.
( 264 )
« Mon Prince,
» J'ay appris que Votre Altesse Royal estoit dans le des-
sein davoir un spectacle a Bruxelle, comme je suis à la
teste d'un opéra qui est très bon, souffrez quejose prendre
la liberté de vous Loffrir. Les sujets qui le composent
dans cette ville sont digne d'un grand prince comme
vous, comme j'ay eu l'honneur de chanter devant Madame
Royal et Son Altesse Royal Madame la Princesse Char-
lotte à Commercy, et quel m'ont fait pressentir qu'els
aimoit les talens, soyez sure grand prince, que personne
au monde ne feroit de plus grands effort que moy pour
amuser Votre Altesse Royal, par les grands soins que je
prendroit à faire allés cette opéra qui jusqu'à présent va
de peire avec celuy de Paris. Si je pouvois réussir a avoir
l'honneur de votre protection, personne au monde,
grand Prince ne tacheroit à la mériter mieux que moy
par la grande attache que jay toujours eu pour la Maison
de Votre Altesse Royal. Lorsque Mde des Jardins fut à
Bruxelles avec Lopera, la ville luy envoya quinze mille
livre pour y arriver. J'espère que Votre Altesse Royal
feroit le mesme don gratuit pour pouvoir transporter
celuy cy qui est composé de quatre vingt personnes,
grand prince, si Votre Altesse Royal veut bien recevoir
mes vœux, hommage, et voir mon opéra, je mourerez
contente pour la grande satisfaction que j'auroi davoir le
plaisir de voir en face le prince le plus grand jenereux de
Lunivers, jattens de Votre Altesse Royal un succès favo-
rable âmes vœux et suis avec toute la soumission possible,
grand Prince
» Votre très humble et très obéissante
et soumise servante,
» Macmahon,
» L»i lectrice de lopera de présent à Toulouze
dans le Languedoc.
» \ Toulouse ce "Ie aoust 1749. »
( 263
L'opuscule de M. Jacquot se termine par l'inventaire
des curiosités et objets d'art possèdes par le prince
Charles de Lorraine à son décès, arrive, comme on sait,
au château de Tervueren, le 4 juillet 17X0. Le document
n'offre qu'un intérêt secondaire, attendu qu'en dehors (le
la liste des pensionnaires du prince et des prix d'estima-
tion, on le retrouve mot à mot dans le catalogue de
la vente des collections ducales faite à Bruxelles dès
Tannée 1 7S I .
Henri Hymans.
CONCOURS DES CANTATES.
La Classe procède à la formation de la liste de quatorze
noms pour le choix du jury chargé de juger le concours
des cantates de l'année actuelle.
Cette liste sera transmise à M. le Ministre de l'Agri-
culture et des Travaux publics.
RAPPORTS.
MM. Hymans,Robie, Hennebicq et Cluysenaar donnent
lecture de leurs appréciations sur le deuxième rapport
semestriel de M. Jean Delville, lauréat du grand concours
de peinture de 1895. — Renvoi à M. le Ministre de
l'Agriculture et des Travaux publics.
( 266 )
OUVRAGES PRESENTES.
Folie (F.). Annuaire de l'Observatoire royal de Belgique,
1897. Bruxelles, 1897 ; in-12.
Lancaster (A.). Le climat de la Belgique en 1896,
11e année. Bruxelles, 1897; in-18.
Du Jardin {Jules). L'art flamand; la Renaissance. 1897;
vol. in-4° (vin-214 p.; photogravures et dessins dans le
texte).
Defrecheux (N.). Chansons et poésies lyriques. Liège,
1896; in-12 (243 p.).
Assise {Saint François d'). I fioretti. Les petites fleurs de
la vie du petit pauvre de Jésus-Christ. Traduction d'Arnold
Goffin. Bruxelles, 1896; pet. in-8° (196 p.).
Laurent (Ém.), Marchai (Ém.) et Carpiaux {Ém.). Recher-
ches expérimentales sur l'assimilation de l'azote ammo-
niacal et de l'azote nitrique par les plantes supérieures.
Bruxelles, 1896; extr. in-8° (53 p.).
Grétry. OEuvres complètes, livraison 21 : L'Amant jaloux,
comédie en 3 actes. Leipzig-Bruxelles, 1896; in-4°.
Meunier {F.). Les agrionides fossiles des Musées de
Munich et deHaarlem. Paris, 1896; extr. in-8° (8 p.).
— Les chasses hyménoptérologiques aux environs de
Bruxelles, 2e partie: Fouisseurs. Bruxelles, 1897; extr.
in-8° (11 p.).
Fédération archéologique et historique de Belgique. An-
nales : Congrès de Gand, 1896; tome XI, lre partie.
Cand, 1897.
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Bruxelles. Ministère de l'Industrie et du Travail. Travail
du dimanche, vol. I, II, V. 1890-97; gr. in-8°.
— Troisième session (1895-96) du Conseil supérieur du
Travail : Contrat du travail. 189G; in-4°.
Bruxelles. Revue de l'Université de Bruxelles, 2e année,
n°s 1-5. 1896.
CiAND. Université. Recueil de travaux publiés par la
Faculté de philosophie et lettres :
loe fascicule. Les gildes marchandes dans les Pays-Bas
au moyen âge; par Herman Vanderlindcn. 1896.
17e fascicule. Anecdota Bruxellensia, III : Le « Codex
Schottanus » des extraits « de Legationibus »; par Ch.
Justice. 1896.
18e fascicule. Catalogue des manuscrits de classiques
latins de la Bibliothèque royale de Bruxelles; par P. Tho-
mas. 1896.
19e fascicule. L'élément historique dans le Coronement
Lovïs, contribution à l'histoire poétique de Louis le Débon-
naire; par Léonard Willems. 1896.
Louvain. La Cellule, recueil de cytologie iJ.-B. Carnoy ,
t. XII, lerfasc. 1897 ; in-i°.
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CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 5 avril 1897.
M. Alfr. Gilkinet, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. Éd. Dupont, vice-directeur; le
baron Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, E. Can-
dèze, Al. Brialmont, Éd. Van Beneden, C. Malaise,
F. Folie, Alph. Briart, Fr. Crépin, J. De Tilly, Ch. Van
Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, W. Spring,
L. Henry, M. Mourlon, P. De Heen, C. Le Paige,
F. Terby, J. Deruyts, H. Valérius, Léon Fredericq,
membres; Ch. de la Vallée Poussin, associé; A. -F. Re-
nard, L. Errera, J. Neuberg, Alb. Lancaster, M. Delacre,
G. Cesàro et Julien Fraipont, correspondants.
M. le comte Goblet d'Alviella, président de l'Académie
et directeur de la Classe des lettres, assiste à la séance.
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 1!»
( 274 )
CORRESPONDANCE.
La Classe apprend avec un vif sentiment de regret la
mort du professeur James-Joseph Sylvester, né à Londres
le 5 septembre 1814, élu associé de la section des scien-
ces mathématiques et physiques le 13 décembre 1895,
décédé le 15 mars 1897.
— M. Melchior Treub, directeur du jardin botanique
de l'Etat, à Buitenzorg (Java), remercie pour son diplôme
d'associé.
— La Classe accepte le dépôt dans les archives de
l'Académie d'un pli cacheté de M. le D1 M.-C. Schuyten,
rue Van Luppen, 51 , Anvers.
— Hommages d'ouvrages :
1" Mathesis, recueil mathématique, 1896; par P. Man-
sion et J. Neuberer:
2° Observations de la planète Mars, faites par M. Schia-
parelli, à Milan, en 1885-1884; par F. Terby;
5° Contribution à l'étude des tourteaux... pour le bétail,
1" partie; par Fréd. D'Hondt;
4° Description géologique de Java et Madoura, tomes I
et II ; par Verbeek et Fennema.
— Remerciements.
— Travaux manuscrits à l'examen :
1° Sur quelques dérivés (luobromés en C2; parFr. Swarts,
( 275' )
répétiteur à l'Université de Gand. — Commissaires :
MM. Spring et Henry;
2° Notice sur un appareil permettant de tailler un cristal
suivant une direction déterminée, et sur une méthode de
tuilier des plaques à faces parallèles; par le Dr V. Stôber,
répétiteur à l'Université de Gand. - Commissaires :
MM. Ch. de la Vallée Poussin et A.-F. Renard;
5" Lettre relative à la théorie des nombres premiers ; par
M. ,1. Marchai, géomètre-arpenteur à Jamioulx. ■ — Com-
missaire : M. Mansion.
RAPPORTS.
Il est donné lecture des rapports de :
1° MM. Cl), de la Vallée Poussin, Malaise et Renard.
sur un mémoire de M. Jean De Windt, docteur en scien-
ces naturelles : (Établir les relations qui existent au point
de vue lithologique entre les roches considérées comme cam-
briennes des massifs de Rocroi, du Brabant et de Stavelot.)
— Impression dans les Mémoires in-4° après que l'auteur
aura satisfait aux observations des commissaires;
2° De MM. Spring et De Heen, sur la revision du tra-
vail de M. A. de Hemptinne concernant VAction des
vibrations électriques sur quelques substances. — Impres-
sion dans les Mémoires in-S°.
v 276 )
Sur la courbure des lignes et des surfaces; par M. Stuyvaerl.
Êlai>i>oi-t dtf MM. H «i»«*io»i et !\t'tthwy.
a Ce mémoire est surtout intéressant par les méthodes
qu'il met en œuvre.
Nous citons d'abord le principe suivant dont M. Stuy-
vaert déduit des conséquences curieuses :
Si l'e'quation d'une courbe algébrique passant par l'ori-
gine 0 des coordonnées est mise sous la forme
F„ = fn -f- ?„„, -+- ••• •+- fp -t ?,,_, -4" ••• -4- ?t = 0,
où cp, désigne un polynôme homogène en x et y, de degré i,
l'équation
Fp=?p "+- ?P-t H -4- ?, = 0
représente une courbe qui a, avec la première, un contact
d'ordre p au point 0.
En particulier, l'équation 91 = 0 est celle de la tan-
gente en 0. Cette remarque, appliquée à une conique,
conduit rapidement à l'expression du rayon de courbure.
L'équation F2 = <p2 ■+- cpx = 0 représente une conique
qui a, en 0, le même cercle de courbure que la courbe F„,
et qui est homothétique à la conique polaire de 0, le
centre de similitude étant en 0 et le rapport de simili-
tude égal à n — 1.
Parmi les propositions que l'auteur tire du principe
énoncé ci-dessus, nous faisons ressortir la suivante :
Si p, p4, p2, ... désignent le rayon de courbure d'une
( 277 )
courbe l\, en l'un de ses points, et ceux de la première, deu-
xième, ... polaire de ce point, on a
[n — \)p =(« — 2)p, = (n — Z)pt = ••• = ?„_«.
Si l'origine 0 est un point multiple, on a le principe
suivant :
Les équations
fn -+- ?„_, + — ■+■ fP ■*- ••• -*•?,=■ 0,
représentent deux courbes qui ont, en l'origine des coor-
données, un point multiple d'ordre q, avec les mêmes tan-
gentes; les branches qui se louchent en ce point, ont un
contact d'ordre p.
M. Stuyvaert considère le cas de p = 2 et trouve des
relations simples entre les courbures d'une courbe en un
point double, et celles de la cubique polaire de ce point.
Des considérations analogues s'appliquent sans diffi-
culté aux surfaces. On peut aussi traiter par les mêmes
procédés certaines courbes transcendantes ou dont {es
équations renferment des radicaux.
En résumé, le Mémoire sera lu avec intérêt par les
géomètres. 11 aurait pu être abrégé par-ci, par-là; mais
l'auteur aya.it voulu donner un exposé complet, nous
n'insistons pas sur ce point.
Nous proposons volontiers l'insertion de la Note de
M. Stuyvaert dans les Mémoires in-8° de l'Académie. » -
Adopte.
( 278
Recherches sur la maturation, la fécondation et la segmen-
tation chez les Polyclades; par M. le professeur P. Fran-
cotte.
a Le mémoire que M. Francotte, professeur d'em-
bryologie à l'Université de Bruxelles, soumet à l'appré-
ciation de la Classe, traite de la maturation, de la fécon-
dation et de la segmentation chez divers représentants du
groupe des Polyclades. L'auteur s'est attaché d'abord à
l'étude de ces phénomènes chez une espèce de notre litto-
ral, la Trémellaire (Leptoplana tremellaris). L'observation
attentive des mœurs de cet animal lui a appris le moyen
de s'en procurer de nombreux exemplaires et de les
déterminer à pondre en captivité. Après avoir poursuivi
pendant plusieurs années l'étude de la Trémellaire ,
M. Francotte s'est adressé à d'autres Polyclades, Oliffo-
cladus auritus, Cycloporus papillosus et Prosthecœreus
viltatus, trois formes des côtes de France, qu'il a réussi à
se procurer soit au Portel, soit à Concarneau.
Le mémoire fait connaître d'abord la technique que
l'auteur a appliquée dans ses recherches, le dispositif
utilisé pour l'étude des œufs vivants, les procédés qui
permettent d'analyser des œufs montés entiers, après
fixation et coloration préalables, les méthodes employées
pour les fixer, les colorer et les enchâsser, enfin celles
qu'il a pratiquées pour la confection et le traitement de
coupes sériées.
( 279 )
Il rend compte ensuite des observations faites, chez les
quatre espèces, sur la genèse et l'évolution de la pre-
mière et de la seconde figure dicentriques, qui précèdent
la formation des globules polaires, étudie la constitution
de la vésicule germinative, l'origine, le nombre <i la
transformation des éléments chromatiques, les sphères
attractives et leurs corpuscules centraux, le fuseau achro-
matique, l'aster et la constitution du protoplasme, dans
ses rapports avec les sphères; il suit le spermatozoïde
depuis le moment où il pénètre dans le vitellus jusqu'à
l'apparition du pronucleus mâle et du spermocentre,
observe l'union des pronucleus et décrit la formation de
la première figure dicentrique de segmentation. Toutes
ces questions n'ont pu, en raison de l'insuffisance du
matériel, être poursuivies dans chacune des quatre
espèces; mais chacune d'elles a fourni son contingent
d'observations utiles; leur valeur ressort surtout de leur
caractère essentiellement objectif.
Je ne puis songer à faire dans ce rapport une analyse
détaillée du mémoire de M. Francotte, ni même à men-
tionner, tant ils sont nombreux, les faits intéressants ou
nouveaux qu'il a eu l'occasion de constater. Je me borne
à attirer l'attention sur deux points.
La plupart des cytologistes s'accordent à considérer les
globules polaires comme des œufs abortifs. De même
que le spermatocyte de premier ordre, à la suite de deux
divisions successives, donne naissance à quatre sperma-
tides, qui se transforment ultérieurement en spermato-
zoïdes, de même l'oocyte, pendant la période dite de
multiplication ou de maturation, se divise deux fois et
engendre une tétrade d'ootides. Mais, contrairement à ce
( 280 )
que montre la spermatogenèse, des quatre ootides, trois
sont rudimentaires et avortent régulièrement; le qua-
trième seul, auquel on réserve le nom d'œuf mûr, est
capable de recevoir un zoosperme et d'évoluer ultérieu-
rement.
L'opinion qui fait des globules polaires des équivalents
morphologiques de l'œuf a été formulée pour la première
fois par Mark en 1881 et, aussitôt après, défendue par
Bùtschli; elle a rallié la plupart des embryologistes et se
fonde sur des faits d'ordres divers. Néanmoins, il faut
bien reconnaître qu'elle n'est jusqu'ici qu'une hypo-
thèse, cadrant avec l'ensemble des idées qui ont cours
aujourd'hui, mais enfin une hypothèse.
L'on a constaté que, chez plusieurs espèces animales,
les dimensions des globules polaires sont sujettes à varia-
tions; que ces éléments sont parfois d'un volume relati-
vement considérable. Témoins les Myzostomes étudiés
par M. Wheeler, la Souris, à en juger par les observations
de MM. Tafani et M. Sobotta, et plusieurs autres animaux.
M. Francotte lui-même a vu, chez la Tremellaire, le pre-
mier globule polaire présenter jusqu'au quart du diamètre
de l'œuf. Mais quelles que soient leurs dimensions, ces
globules sont toujours des éléments abortifs, destinés
à disparaître sans avoir joué aucun rôle. Personne n'a
jamais vu, à ma connaissance, un globule polaire être
fécondé par un zoosperme et se développer en un embryon.
C'est cette lacune que M. Francotte vient de com-
bler par ses observations chez Prosthccœreus vittatus.
Pendant son séjour à Concarneau, il a récolté de cette
espèce six exemplaires de dimensions exceptionnelles.
Tandis que Lang, dans sa monographie des Polyclades
( 281
de la baie de Naples, assigne au Prostheccereua vitta-
tus une longueur maximum de 3 l/a centimètres, dimen-
sion qui se retrouve chez la plupart des individus des
cotes de Bretagne, M. Francotle a recueilli si\ exem-
plaires qui n'atteignaient pas moins de ."> centimètres de
longueur. Dans les pontes produites par ces individus
atteints de gigantisme, la moitié des œufs produisaient
un premier globule polaire de dimensions exception-
nelles, pouvant atteindre, dans certains cas, le diamètre
de l'œuf lui-même, de sorte que l'on aurait pu croire
avoir affaire à une segmentation, n'était que l'on pouvait
voir côte à côte, dans la même ponte, toutes les transi-
tions entre les globules normaux et les globules les plus
volumineux. L'auteur a pu suivre le développement ulté-
rieur de ces globules gigantesques, les voir produire un
second globule de grosseur normale, l'œuf lui-même
donner en même temps un semblable élément, un sper-
matozoïde pénétrer dans le premier globule et deux
gastrula se développer côte à côte dans la même coque.
Ces observations résolvent définitivement la question
si longtemps mystérieuse de la nature des globules
polaires.
Le second point sur lequel je désire attirer l'attention
est relatif à la constitution des ligures dicentriques de
direction.
La présence de sphères attractives et de corpuscules
centraux dans les ligures de direction est encore contes-
tée. M. Francotle affirme, et ses préparations ne laissent
pas le moindre doute sur l'exactitude de ses observations,
que, chez toutes les espèces étudiées par lui, aussi bien
dans la seconde que dans la première ligure, il existe de
( 282 )
belles sphères, bien délimitées, au centre desquelles se
montre toujours un corpuscule central facile à mettre
en évidence par la méthode de Heidenhain. Les images
obtenues par M. Francotte sont très semblables à celles
que M. Wheeler a observées chez les Myzostomes.
M. Francotte, comme M. Wheeler, voit une sphère
avec corpuscule central persister, à côté du pronucleus
maternel en voie de reconstitution. Mais tandis que,
chez les Myzostomes, il ne se forme pas de spermocentre,
au voisinage du pronucleus mâle, chez les Polyclades une
sphère avec corpuscule central procède du zoosperme.
Malheureusement, aux stades subséquents, les sphères et
les corpuscules deviennent indistincts; il n'est plus pos-
sible de les mettre en évidence, même en recourant à la
méthode de Heidenhain. Il en est résulté que l'étude des
Polyclades n'a pu servir à élucider la question si con-
troversée de l'origine des sphères de la première figure
de segmentation.
Le mémoire de M. Francotte est accompagné de plan-
ches, dans lesquelles l'auteur a reproduit, par la photo-
graphie, ses préparations les plus démonstratives. Ces
planches ont la valeur de documents authentiques.
Je n'hésite pas à proposer à l'Académie d'ordonner
l'impression de ce beau travail dans la collection des
Mémoires in-4° et la reproduction des photogrammes qui
accompagnent le texte. Je propose, en outre, de voter
des remerciements à l'auteur.
Le mémoire adressé à l'Académie est le fruit de plu-
sieurs années d'un labeur ininterrompu, et j'éprouve,
pour ma part, la plus haute estime, non seulement pour
le talent, mais aussi pour l'énergie, la ténacité et le
désintéressement de celui qui a su le mener à bonne tin.
( 283 )
Ceux-là seuls qui ont suivi de pics M. Prancotte peu-
vent se rendre compte des difficultés de tous genres qu'il
a dû vaincre, des obstacles qu'il a eu à surmonter pour
aboutir. Alors que la plupart d'entre nous, grâce à nos
nouvelles installations universitaires, disposent pour
leurs travaux et ceux de leurs élèves, de laboratoires bien
outillés, M. Francotte en est réduit à devoir travailler
chez lui. Instruments, réactifs, livres et matériaux
d'études, il doit se les procurer par ses propres ressources.
Pour se livrer à ses travaux, il n'hésite pas à s'installer
itérativement à Ostende et à y faire des séjours prolongés;
il se rend au Portel, puis à Concameau, puis encore au
Portel, et tous ces voyages, il les fait à ses frais, sans l'in-
tervention ni de l'Etat, ni de l'Université de Bruxelles,
ni de personne. Un travailleur de cette trempe mérite à
coup sûr d'être encouragé par l'Académie. Je demande
donc que des mesures soient prises pour que la publica-
tion du mémoire de M. Francotte ne subisse pas de
retards. »
M. Masius, second commissaire, se rallie, aux conclu-
sions du rapport de M. Ed. Van Beneden.
Ces conclusions sont adoptées par la Uasse.
D'un caractère différentiel entre leucoblasles et érythroblastes;
par M. le professeur A. Trambusti.
i:iij>/ii>il de M. Ch. I <•#• ViêistbeliPf />»•€•»#»!>#• tomtttéttnii tf .
« En histologie normale aussi bien qu'en histologie
pathologique, il importe de pouvoir distinguer nettement,
à toutes les phases de leur existence, les leucoblastes
( 284 )
des érythroblastes. Or, comme le remarque l'auteur, s'il
est en général possible d'établir une distinction entre les
formes jeunes des globules rouges et celles des globules
blancs, il est souvent très difficile (comme le rappelle le
professeur Trambusti, Flemming estime même qu'il est
presque impossible), dans l'étude des organes hémato-
poiétiques, de reconnaître l'une ou l'autre espèce cellu-
laire, s'il s'agit d'éléments non au repos, mais en voie de
division karyokinétique.
Cette difficulté rend compte de la divergence qui existe
entre les anatomistes au sujet de la genèse des leuco-
cytes et des érythrocytes, certains d'entre eux soutenant
encore l'origine leucoblastique des globules rouges.
En exposant l'état de la question, M. le professeur
Trambusti rappelle notamment les caractères distinctifs
préconisés par Bizzozero et par 0. Van der Stricbt.
Par sa méthode, le premier reconnaît les érythro-
blastes, même à l'état de division, à la présence de l'hé-
moglobine, qui manque dans les leucoblastes, et à
l'absence, dans le cytoplasme, des granulations caracté-
ristiques de ces derniers.
Dans son mémoire sur la formation du sang, Van der
Stricht insiste tout particulièrement sur ce dernier carac-
tère.
Mais la présence de l'hémoglobine signalée par Biz-
zozero ne se constate que dans certaines conditions
spéciales d'éclairage, et il faut avoir l'œil sensible, sur-
tout à la couleur jaune, pour pouvoir l'apprécier. Cela
diminue naturellement la valeur de ce caractère distinctif.
Beste donc l'aspect homogène du cytoplasme des éry-
throblastes, alors que celui du cytoplasme des leuco-
blastes est granuleux. Comme Bizzozero et Van der Stricht
( m )
l'ont établi, ce caractère différentiel se constate même
pendant la mitose.
Lo travail du professeur Trambusti ;i pour 1 > 1 1 1 de l'aire
ressortir la valeur de ce caractère. Dans un mémoire anté-
rieur sur La moelle osseuse dans la diphtérie, l'auteur
avait pu constater qu'après double coloration par la
safranine et Pinduline, les granulations renfermées dans
le cytoplasme des leucoblastCS en mitose fixent celle
dernière substance, tandis que rien ne décèle la présence
de granulations dans le cytoplasme des érytbroblastes en
voie de division. C'était la première lois que la présence
de granulations, dans le cytoplasme des leucoblastes à la
première phase de leur évolution et durant la scission
indirecte, était mise en évidence par l'emploi de colo-
rants.
Aujourd'hui, le professeur Trambusti confirme ces pre-
miers résultats à l'aide d'une nouvelle méthode; conten-
tons-nous de dire que, dans cette nouvelle méthode, les
coupes sont colorées par la thionine et l'éosine. Alors
qu'avec la première méthode les granulations prennent la
couleur de l'induline, avec la seconde elles se colorent
par l'éosine. Le cytoplasme des érythroblastes, à toutes
les périodes de leur cycle évolutif, reste clair. La planche
qui accompagne le travail fait bien ressortir ces diffé-
rences.
A la fin de sa notice, l'auteur insiste sur certaines con-
ditions qui font varier la quantité de granulations ren-
fermées dans le cytoplasme des leucoblastes, granulations
qui, d'après lui, représentent de véritables produits de
sécrétion.
Le travail dont nous venons de donner une courte
analyse apporte une contribution utile à la connaissance
( 286 )
des éléments morphologiques étudiés par l'auteur. Aussi
je n'hésite pas à proposer à la Classe : 4° d'insérer le
travail de M. Trambusti dans le Bulletin de nos séances;
2° d'adresser des remerciements à l'auteur. »
M. Van Beneden se rallie aux conclusions du rapport
de l'honorable premier commissaire.
Ces conclusions sont adoptées par la Classe.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Silex néolithiques et paléolithiques de Court-Saint-É tienne ;
par le comte Goblet d'Alviella, président de l'Académie.
La commune de Court-Saint-Etienne, qui a eu, à
plusieurs reprises, l'honneur d'attirer sur ses produits
minéralogiques l'attention de l'Académie (1), avait la
chance de posséder il y a une vingtaine d'années encore,
sous les sapins presque centenaires de la Quenique, un
cimetière, à peu près intact, du premier âge du fer. On
se rappelle l'émoi que causa, en 1879, dans le monde des
I Voyage et observations minéralogiques depuis Bruxelles jusqu'à
Cour t-Saint-É tienne, par le conseiller Burtin. Tome V des Mémoires
de l'Académie impériale et royale. Bruxelles, 1788. — Sur une espère
minérale nouvelle pour la Belgique: V Arsénopyrite ou Mispickel, par
C. Malaise. Bulletins de l'Académie royale de Belgique, t. XLVI (1878 ,
( 287 )
archéologues, la nouvelle de ee que M. le baron de Loë
a appelé « le grand sac de la nécropole de Court-Saint-
Etienne ». Parmi les centaines d'urnes et d'objets en
métal qui y avaient revu le jour sous la bêche et la pioche
des terrassiers, pour être aussitôt brisés et dispersés, c'est
à peine si quelques échantillons ont pu être conservés
dans des collections particulières (1). Les explorateurs,
comme MM. Rucquoy, (Hoquet, Lebon , d'autres encore,
qui, prévenus trop tard, accoururent visiter, sur le plateau
de la Quenique, l'emplacement des tombelles nivelées,
n'y trouvèrent plus guère de vestiges du premier âge du
1er, mais ils découvrirent, à la surface du terrain, de nom-
breux silex, attestant l'existence d'une véritable station
néolithique, et. depuis cette époque, on n'a cessé d'y
recueillir des outils ou des éclats travaillés qui se ratta-
chent à l'industrie de la pierre polie.
Je me suis particulièrement appliqué à cette recherche
depuis 1885, tant sur. le plateau de la Quenique que
dans les autres parties de la commune, et je suis parvenu
à réunir, avec le concours de quelques personnes habi-
tant la localité, près de quinze cents silex travaillés, dont
(1) Les objet? qui se trouvent au Musée du Cinquantenaire, rensei-
gnés comme provenant de Court-Saint-Étienne, ont été recueillis dans
une fouille partielle, exécutée en 1861 par M. Tarlier pour le compte
du Gouvernement. Une dernière tombelle, qui avait été seulement
effleurée en 1879, a été fouillée, en 1891, devant les membres de la
Fédération archéologique et historique. (Baron de Loë, Fouille d'une
tumbcllc du plateau de la Qucnique, dans les Comptes rendus du septième
Congrès de la Fédération. Bruxelles, 1892, pp. 517 etsuivantes.^ — Voir
aussi N. Cloquet, Cimetière celtique de Court-Saint-Étienne, dans le
tome II des Annales delà Société archéologique de Nivelles. Nivelles,
1881.
( 288 )
la majeure partie portent dès traces d'usage, entre autres
quatre-vingt-quatre échantillons complets, éclats ou frag-
ments retravaillés, de haches polies.
Ce sont les pièces les plus importantes de cette collec-
tion que je prends la liberté de soumettre aujourd'hui à
la Classe des sciences.
A. — Néolithique.
En premier ordre, j'ai placé quelques spécimens de
blocs-matrices et de percuteurs, en m'efforçant de mon-
trer les différentes étapes de l'opération qui a fait déta-
cher des premiers, à l'aide des seconds, des lamelles et
des éclats plus ou moins réguliers. Nous avons ainsi le
simple caillou roulé qui a été employé comme percuteur,
puis le nucleus utilisé lui-même comme marteau à ses
deux extrémités, enfin le percuteur sphérique soit en
silex, soit en grès bruxellien. Ce dernier exemplaire est
assez important, non seulement à raison de sa taille,
mais encore parce qu'il s'agit peut-être de l'utilisation
d'une roche locale.
Les nuclei sont, en somme, assez rares; j'ai exposé le
plus volumineux que j'ai trouvé; il pèse 2k,75.
En fait de lames, à côté de quelques éclats et de quel-
ques grandes lames travaillées, j'ai exposé une vingtaine
de lames qui présentent un beau bulbe de percussion ou
qui ont été utilisées sur les deux tranchants, parfois même
qui ont l'extrémité arrondie pour servir de grattoir.
J'ai disposé parallèlement une cinquantaine de petites
lames qui se distinguent par la finesse de la taille.
( 289 )
Les scies sont fort rares. Je n'en ai recueilli qu'une, et
encore n'est-ce peut-être qu'une lame ébréchée.
Parmi les poinçons et les éclats qui ont servi comme
tels, on peut suivre la gradation du travail, depuis l'uti-
isation de la pointe accidentellement produite, jusqu'à
l'emploi de longues lames taillées pour servir sur les
deux bouts (pi. I, n° 4).
Deux de ces lames triangulaires pourraient bien être
des pointes de javelots.
Les grattoirs offrent des formes très variées. Il y a
d'abord la forme bien connue en bec de canard; ensuite
l'instrument va en s'arrondissant jusqu'à ce qu'il atteigne
la forme circulaire. Ce sont surtout des grattoirs de tête;
cependant quelques-uns ont servi également sur la face
latérale. L'un d'eux présente une double tête. Un autre
qui s'est, par l'usage, arrondi comme une pièce de mon-
naie, a encore son bulbe de percussion.
Viennent ensuite quatre javelots et treize pointes de
flèches. Parmi ces dernières, douze sont en forme
d'amande; une est triangulaire; deux seulement sont à
ailerons. Je n'en ai pas trouvé qui soient à pédoncule
latéral ni à tranchant transversal.
Je passe maintenant aux ciseaux, haches et hachettes.
Signalons trois ciseaux polis; un quatrième, finement
taillé, est poli non seulement sur le tranchant , mais
encore sur une partie des aspérités de la crête.
Une des plus belles pièces est une ébauche de grande
hache, considérablement dégrossie, en silex de Spiennes.
Elle mesure 41 centimètres de large à la base et 25 cen-
timètres de long.
A côté j'ai placé la moitié d'une hache polie qui a dû
sortir d'une ébauche analogue.
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 20
( 290 )
Je signalerai encore :
Une hachette finement taillée, de proportions régu-
lières, offrant presque la l'orme des celts (pi. I, n° 1).
Une hachette polie, retaillée en forme de ciseau.
Une hachette polie et retouchée d'un côté.
Une hachette taillée, polie sur l'extrémité en biseau,
adoucie sur la crête et finement retaillée sur les côtés
latéraux, d'un silex très pur (pi. I, n° 3).
Deux hachettes dont le tranchant oblique et recourbé
a été aménagé en vue de l'emmanchement.
Une petite hachette à tranchant horizontal, d'un beau
poli et d'aspect porphyrique.
Une petite hachette à bords épais et à tranchant
oblique, qui rappelle, comme forme, les haches des cités
lacustres.
Deux haches d'un beau poli, en forme de cognée, dont
on a retaillé le tranchant.
Une belle hache complète, aux bords latéraux aplatis,
qui offre cette particularité d'avoir été trouvée dans les
murs d'une vieille maison en démolition au hameau du
Sart. Elle y avait évidemment été insérée à titre de
« pierre de tonnerre », comme amulette contre la foudre.
Les gisements étaient assez éloignés pour que la plu-
part des outils arrivassent tout taillés, comme en
témoignent la rareté des nuclei ainsi que le nombre des
tentatives pour utiliser les fragments brisés de haches
polies. Je possède de ces fragments qui ont servi tantôt
de percuteur; tantôt de hachette, après une taille nou-
velle; tantôt de grattoir, après une fine retouche; tantôt
de javelot. Parfois c'est une moitié de hache à laquelle
on a voulu refaire un tranchant; parfois ce sont des
( 294 )
haches hors d'usage donl la moitié a été taillée sur un
côté latéral ou sur l'extrémité.
Parmi les objets qui paraissent mériter une mention
spéciale, je citerai encore :
Un couteau avec deux encoches intentionnelles qui ont
peut-être été taillées pour faciliter la suspension de l'outil.
Un silex, avec encoignure sur ses quatre faces qui a
servi de racloir et probablement de poinçon.
La partie terminale d'un petit ciseau à tige arrondie
qui a peut-être servi de lissoir (pi. I, n° 2).
J'ai ajouté, pour compléter la collection, plusieurs bri-
quets, pierres à fusil et pierres à pistolet, dont quelques-
uns ont été fabriqués à l'aide de silex déjà travaillés par
l'homme préhistorique.
Les gisements dont proviennent tous ces silex sont
assez divers. Les échantillons les plus beaux et les plus
nombreux sont en silex de Spiennes. Viennent ensuite des
roches qu'on serait tenté de rattacher au silex de Wan-
sin, à celui d'Orp-le-Grand, à celui de Maeslricht, etc.:
enfin, un grès lustré, de teinte brunâtre, à paillettes de
mica, dont je n'ai pu déterminer la provenance.
J'ai cru bon de grouper ensemble les éclats travaillés
en phtanhe, cette roche affleurant sur plusieurs points
dans les terrains primaires des environs, notamment en
gros rognons, d'une extrême dureté, à la base des sables
bruxclliens, le long du chemin creux qui monte du
village vers la Quenique. Cette roche aura sans doute
été travaillée sur place, par nécessité plus que par choix.
J'en ai réuni quelques nuclei; l'un d'eux a ultérieu-
rement servi de percuteur; un certain nombre de cou-
teaux; un fragment avec encoche utilisé comme racloir:
( 292 )
plusieurs grattoirs, dont un, bien taillé, à forme classique;
une hachette dont le tranchant a été fortement retouché;
enfin, une pointe de flèche à ailerons (pi. I, n° 5), objet
dont je ne connais pas d'autre exemplaire en phtanite.
Les quatre cinquièmes des silex compris dans cette col-
lection ont été recueillis à la Qucniquc ou dans les
terrains qui forment la continuation de ce plateau, c'est-
à-dire sur les parties les plus élevées du trapèze qui a
pour base le chemin de fer du Grand-Luxembourg, pour
côtés les vallées de l'Orne et de la Dyle, pour sommet
la vallée inférieure de la Thyle. Le reste a été trouvé des
deux côtés de la vallée de la Dyle, particulièrement en
deux endroits : l'un au-dessus du confluent de la Dyle et
de la Cala, sur le plateau où s'élève, aux confins de la
commune de Bousval, une tombe! le dite la Tombe de la
iielle-Alliancc, fouillée sans résultat il y a quatre ans (1);
l'autre, au lieu dit le Fond des Mées, parmi les ondulations
qui dominent la rive gauche de la Thyle. En général, on
peut dire que, dans toute la partie de la commune située
en deçà de la rive gauche de la Thyle et de la rive droite
de l'Orne, des traces de l'industrie préhistorique ont été
relevées partout où le sol est resté à l'état de bruyères
et de bois, c'est-à-dire, en général, là où il est formé
de sables bruxelliens. Toutefois il n'est pas permis d'en
conclure que ces produits aient été moins abondants sur
les points intermédiaires. Ici, en effet, le sol ordinaire-
ment argileux a été livré à la culture de temps immé-
morial, ce qui a dû amener depuis longtemps la disper-
(1) Voir sur cette fouille le rapport de M. le baron de Loë dans
I' 'Annuaire de la Société d'archéologie de Bruxelles, année 1893.
( 293 )
sion des silex travaillés. Il convient de mettre à part 1rs
cinq ou six hectares de la Quenique, où l'abondance des
produits semble attester l'existence d'une véritable
station, antérieure aux tombelles ou contemporaine de
leur érection.
B. - - Paléolithique.
Si intéressants que puissent être, à titre de collection
exclusivement locale, ces vestiges de l'époque néolithique,
je ne me serais pas cru autorisé à en occuper les moments
de la Classe, s'ils n'avaient été complétés récemment par
une découverte qui tend à reculer considérablement dans
le passé l'âge où l'homme a occupé la région.
Déjà à plusieurs reprises j'avais rencontré des éclats
travaillés qui, par leur aspect général, leur forme, leur
patine, faisaient penser à une industrie paléolithique,
comme celle dont M. (J. Cumont a recueilli les produits
dans une autre localité du Drabant, à Rhode-Saint-Genèse,
— entre autres un couteau grossier, ayant servi sur les
deux tranchants, un racloir latéral, des éclats grattoirs,
dont un, assez volumineux, laisse apercevoir son bulbe
de percussion (pi. II, n° 1), un fragment de hache (pi. II,
n° 2); etc. L'an dernier, e'était une hache en grès sili-
ceux, assez ébrêçhée, taillée en amande, présentant de
nombreuses traces de martelage, qui était trouvée, au
bord d'un petit jardin, près de la Quenique (pi. III).
Enfin, il y a deux mois, mes ouvriers, en défonçant le sol
d'une sapinière, à 70 centimètres de profondeur, rame-
naient à la surface du sable bruxellien deux belles haches
en amande d'un type acheuléen parfaitement caractérise
( 294 )
bien que d'une patine différente, Tune d'un blanc laiteux
sur les deux faces, la seconde blanche sur une face, bleuâtre
nuancée de blanc sur l'autre (pi. ÏV, n0< 1 et 5). Elles
étaient enfouies à quelques mètres de distance; aux alen-
tours, je relevai, dans le terrain remanié, des traces de
charbon de bois.
Ces deux haches sont identiques de forme et de pro-
portions avec celles que M. De Pauvv, le savant conserva-
teur des collections de l'Université de Bruxelles, a décou-
vertes, il y a quelques années, dans une autre localité du
bassin de la Dvle, localité dont il s'est réservé de faire
ultérieurement connaître le nom (1). Il est donc probable
que la peuplade quaternaire dont j'ai retrouvé les traces
à Court-Saint-Étienne occupait plusieurs stations dans la
vallée de la Dyle, s'étendant peut-être vers le nord-ouest
jusqu'à Rhode-Saint-Genèse, et, en tout cas, maintenant
des relations avec les populations du Hainaut qui lui four-
nissaient ses silex. Ainsi se trouve de plus en plus justifiée
l'opinion — émise il y a longtemps déjà par notre émi-
nent confrère M. Éd. Dupont - - qu'à l'époque où les
troglodytes quaternaires du bassin de la Meuse utilisaient
les silex de la Champagne, nos plaines étaient habitées
par des peuplades en rapport avec les populations de la
Somme et des environs de Mesvin.
Il est à observer que le point exact où ces haches ont
été exhumées n'est pas à cent mètres de la première
(l)Les haches de M. De Pauw, de même que les pièces deM. Cumont,
ont figuré à l'exposition préhistorique organisée à Bruxelles, il y
a six ans, par la Fédération archéologique et historique de Belgique.
^Compte rendu de la septième session delà Fédération. Bruxelles 1892,
pi. IX et X.)
( 29d )
tombelle de la Qucniquc. Il y a donc là une nouvelle
confirmation de la thèse que, à toutes les époques de la
préhistoire comme de l'histoire, les populations qui se
sont succédé ont habité de préférence les mêmes régions,
se sont fixées à tour de rôle sur les mêmes points.
On ne peut, du reste, s'en étonner, quand on voit les
avantages naturels qu'offrait ce plateau. Dominant, en
effet, de ses escarpements le cirque naguère marécageux
où coule l'Orne, il vient aboutir au point où la crête
commence à s'abaisser sur la vallée de la Thyle, près de
la naissance d'un vallon latéral qui descend en pente
douce dans la large vallée de la Dyle, alors qu'en arrière
le terrain s'incline d'une façon presque insensible vers
un petit atïïuent de la Dyle, le Ry Angon. (Voir la carte
ci-jointe.)
En résumé, nous trouvons à la Quenique :
1° Des traces d'une industrie paléolithique;
2° Les vestiges d'une importante station néolithique;
3° Un cimetière à incinération appartenant au premier
âge du fer.
Pour continuer la série, du moins en ce qui concerne
le territoire de la commune, dans un rayon de moins de
"2 kilomètres, on peut encore mentionner :
4° Des traces d'occupation romaine. On a trouvé, en
effet, il y a une cinquantaine d'années, au bois de Mori-
mont, près du Ry Angon, les débris d'une antique con-
struction où la tradition veut qu'on ait recueilli des
lampes et même des monnaies romaines. Des fragments
de tuiles romaines s'y rencontrent encore aujourd'hui.
Enfin, sur la rive droite du Ry Angon, au sommet de la
colline qui forme la limite entre les communes de Court,
( 290 )
de Céroux-Mousty et d'Ottignies, MM. Thibaut et Cordier
ont trouvé, il y a sept ans, avec les restes d'une petite
station néolithique, une monnaie d'Hadrien ainsi que
des urnes et des vases gallo-romains dont l'un portait le
nom du potier (1);
5° Le souvenir d'établissements francs, qui s'est
maintenu dans le nom même du Ry Ângon, ainsi que
dans celui, plus significatif encore, du hameau de Fran-
quegnies;
6° En face de la Quenique, au confluent de l'Orne et
du Glory, sur une butte naturelle, une enceinte retran-
chée qui doit être antérieure à l'époque où le village entre
dans l'histoire, vers le XIe siècle de notre ère (2).
Des constatations analogues ont déjà eu lieu sur d'au-
tres points du pays. Tout permet de présumer qu'elles
ne s'arrêteront pas là. Où ont séjourné les conquérants de
notre sol, à l'origine de l'histoire, ont campé avant eux
les peuplades des âges du métal; celles-ci n'ont fait que
succéder aux hommes de la pierre polie, et c'est là où se
sont accumulées les traces de l'industrie néolithique qu'il
y a le plus de chances de trouver les vestiges de ses devan-
cières, aussi bien sur les plateaux du Brabant que dans
les vallées du Hainaut, les grottes de la Meuse et les
plaines du Limbourg.
(1) Bulletins de la Société d'anthropologie de Bruxelles, t. X,
Bruxelles, 1891-1892, pp. 184-186.
(2) Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles, t. IV, Bruxelles.
1891, t. V, p. 54 et pi. II»».
CARTE ARCHÉOLOGIQUE DE COURT-ST-ÉTIENNE
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Echelle do + o ooo
( 297 )
Carte archéologique de Court-Saint-Étienne.
LÉGENDE.
X^X Station.
A Découverte d'objets réunis.
A Découverte d'objets isoles.
r> Tumulus.
..*.♦/ Cimetière à incinération.
\_ï^ Sépulture isolée
Q Oppidum.
(Les sept signes ci-dessus sont empruntés à la nomen-
clature proposée par M. E. Delvaux dans son Essai d'un*'
carte préhistorique de la Belgique, Feuille de Flobecq,
dans le tome VIII des Annales de la Société belge d'anthro-
pologie. Bruxelles, 1888.)
P. Paléolithique.
N. Néolithique.
F1. Premier âge du 1er.
R. Romain ou gallo-romain.
S
( 298 )
Silex travaillés de Court Saint É tienne
EXPLICATION DES PLANCHES.
(Figures de grandeur naturelle.)
PLANCHE I.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE.
Fig. 1. — Hachette polie en psammite.
Fig. 2. — Ciseau ou lissoir poli en silex du gisement de Wansin.
Fig. 3. — Hachette taillée, polie sur l'extrémité en biseau, adoucie
sur la crête et retaillée sur les côtés, en silex de
Spiennes.
Fig. 4. — Couteau, qui a pu servir de racloir et de poinçon, en
silex gris.
Fig. 5. — Pointe de flèche en phtanite.
PLANCHE 11.
ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE.
Fig. 1. — Grattoir, montrant le bulbe de percussion, eu grès
siliceux.
Fig. 2. — Moitié inférieure d'une hache, l'orme d'amande, en grès
siliceux.
PLANCHE III.
ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE.
Fig. 1. — Hache, forme d'amande, en silex.
Fig. 2. — Coupe de la même, passant par les points a, b, c de la
figure 1. La lettre b marque un point qui a été martelé
pour enlever les saillies.
PLANCHE IV.
ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE.
Fig. 1. — Hachette, forme d'amande, eflilée a son extrémité, en
silex de Spiennes (?).
Fig. 2. — Coupe de la même, passant par les lettres a, b c.
Fig. 3. — Hachette, forme d'amande, en silex de Spiennes ? .
. . t. XXXIII,
FlG. 2.
Fig. 3.
FiG. 5.
Fig. 4.
Phctotypie E. Castelein. Bruxelles.
.y. d» lActtd. roy
r., t. XXXIII, n« i, p. 2S6. 1897.
Pl. 11.
Fig. 2.
'
**,.
r
^
Fig. 1.
Phototypie E. Casteleiu. Bruxelles.
Iles.
3« scr., t. XXXIII,
Pl. III.
FlG. 1.
Phototypic E. Castelein. Bruxelles.
: a, Bull, d* VAcad
3. s<ir., t. XXXIII, n« 1, p. «86, 1897.
IV. IV.
Fig. 3.
Fig. I.
Phototypie E. Castelein. Bruxelles.
( 299 )
Preuve de la nutation diurne par les écarté systématiques
(ronces dans les latitudes déterminées à ÏJck Observatoru,
par F. Folie, membre de l'Académie.
Dans une laborieuse analyse des latitudes observées de
septembre 1893 à juin 1896, M. Tucker, astronome de
Lick Observalory, a eu l'idée de rechercher les variations
horaires de la latitude observée, variations qui présentent
un caractère nettement systématique (*).
Il ne fait aucune allusion à la cause probable de ces
variations, étant persuadé, comme la grande majorité des
astronomes, de la correction des formules dont ils font
usage, et ces formules ne renfermant, parmi les termes
de réduction des déclinaisons observées dans le méridien,
aucun terme exclusivement horaire.
Car la nutation eulérienne ne présente nul caractère
horaire dans ces formules, qui sont rapportées au pôle
instantané; et, si elle le présente dans les formules
rapportées au pôle géographique, ce n'est pas à cette
nutation, toutefois, que nous pouvons attribuer les varia-
tions horaires constatées, parce que l'argument de la
nutation eulérienne en déclinaison est, dans le méridien,
<A — «, U désignant l'argument eulérien, dont la période
est de 505 jours pour une Terre solide; en sorte mie,
dans la combinaison d'observations faites à des dates t
différentes, la moyenne ne pourra plus dépendre nette-
ment de cl.
(') Astronomical Journal, n° 398.
( 300 )
C'est donc dans l'existence d'un autre ternie théorique
horaire de la natation en déclinaison qu'il faut rechercher
la cause des variations constatées.
Or, si je laisse de côté les termes périodiques de la
nutation diurne, auxquels s'applique ce que je viens de
dire de la nutation eulérienne, elle se réduira, en décli-
naison, à
Aj = v 1,155 sin(iL -+- a) = ^ - fa (*),
L représentant la longitude du premier méridien par
rapport à l'observatoire, cp0 la latitude observée, calculée
au moyen des formules usuelles, <I>() cette latitude corrigée
du terme non périodique de la nutation diurne. Soit o la
moyenne des ç(),
r désignant le résidu obtenu par M. Tucker, w la correc-
tion de la latitude moyenne qu'il a adoptée, on aura
Ao = <f — f0 -+- 'i>0 — <f = r ■+■ w,
ou, en prenant
1,155 v sin2L = x, 1,155 v cos2L = y,
(1) x cos« -+- y sina — w = r.
Les valeurs de x et de y étant déterminées, on en
déduira
x
ig2L = -;
U
(2).
X 7/
1,11)5 v =
si ii -2 L cosv2L'
(*) Traité des réductions stellaires, 1889, p. 70.
( 501 )
et l'on connaîtra ainsi la longitude orientale L du pre-
mier méridien par rapport à Lick Observatory, et le
coefficient v de la nutation diurne.
On remarquera que L'équation (1) est, abstraction faite
de toute formule préétablie, la forme empirique la plus
simple qu'on puisse employer pour réduire les résidus r,
qui présentent indubitablement, comme on le voit dans
le tableau qui suit, un caractère systématique dépendant
de l'ascension droite.
"J heures i heures t> heures
7 —10
11
15
1"
12
■+-
11
2"
9
5"
6
—
5
5"
14
—
1
6"
7
7"
1
—
17
9"
50
■+■
14
10"
19
111'
9
—
1
15"
— 1
—
2
14"
2
I5L
— 5
-+-
4
17"
— 12
■+■
2
18"
— 12
19"
— 12
-4-
4
21 ii
— IG
—
2
21"
— 10
-25"
— 17
—
9
15"
21" —15 — 1
Dans ce tableau, les r sont les différences entre la
( 502 )
latitude moyenne adoptée et la latitude déduite des étoiles
observées : 1° entre 0 et 2 heures, 2 et 4 heures, etc.;
2° entre 0 et 4 heures, etc. ; 5° entre 0 et 6 heures, etc.;
les r' sont les résidus obtenus par la substitution à x, »/,
a- des valeurs trouvées pour ces inconnues.
Ces valeurs, résultant des vingt-deux équations de
condition (1) formées au moyen du tableau précédent,
en attribuant les poids respectifs 1,4 et 1,7 aux résidus
de la deuxième et de la troisième colonne, sont
a = —0,051, 7/ = -+- 0,166, w = 0,914.
On en déduit, au moyen des équations (2),
]glg2L = 9,4884,,, 2h = 22h,8, L = ll",4,
longitude orientale du premier méridien par rapport à
Lick Observatorv, ou ô heures par rapport à Greenwich;
puis v = 0",lo0, coefficient de la nutation diurne. Or
les déterminations que nous avons faites des constantes
de la nutation diurne, au moyen des observations de
Struve en ascension droite et de Gyldén en déclinaison,
ont donné toutes deux
L = Sh 25"' E. de Greenwich, v = 0",067 [').
Eu égard au très petit nombre d'équations employées,
on doit reconnaître que la longitude du premier méridien
(*) Révision des constantes de l'astronomie stellaire, 189G.
( 50.1 )
est déterminée, par les observations de la latitude de
Lick Observatory, d'une manière fort satisfaisante; quanl
au coefficient de la nutation diurne, il va <!«' soi, me
semble-t-il, que la valeur qu'on a déduite de ces obser-
vations doit être trop forte, parce que la mita I ion eulé-
rienne n'en est que très imparfaitement éliminée. J'ajou-
terai que, si l'on résout séparément les trois groupes 1 .
2° et 5°, on arrive, pour 2L, à des valeurs très concor-
dantes.
Cette preuve de la nutation diurne vient s'ajouter à
toutes eelles que j'en ai données, et dont voici les plus
importantes.
Après avoir éliminé, par des combinaisons de passage
supérieurs et intérieurs, la nutation eulérienne des obser-
vations de la polaire faites par Struve, en ascension
droite, de 182:2 à 182<>, au nombre de 200, et par Gyldén,
en déclinaison, de 1805 à 1870, au nombre de Ô12.
nous en avons déduit, pour les constantes de la nutation
diurne :
v ■= 0",070 ± 0,001 9, L = 1 1 " 9m ± 7"1 E. de Poulkova ;
et
0",0G2 ± 0,0024, L = 1 2h 5 1 "' ± 8'"
dont la combinaison a donné
v = 0",067 ± 0,001 5, L = 1 Si" 16m db 5™ f)
= 2,,25m E. de Greenwich.
t*j Revision des constantes de l'astronomie stelluire, 1896.
( 304 )
La comparaison des catalogues de Bruxelles et de
Washington, fondés sur un système de réduction uni-
forme, a donné
y = 0",071, L = 12h54m.
Je suis parvenu à réduire très considérablement les
différences systématiques constatées par Downing entre
les catalogues de Greenwich, de Melbourne et du Cap,
en prenant
v = o",075, L = ll"5m.
Les variations systématiques constatées par Gould dans
les déclinaisons qu'il a observées à Cordoba pendant
sept ans, sont représentées empiriquement par sa formule
Ac?=0",075sin(l8h -4- a).
Le terme de notre formule précédente (1) est absolu-
ment de la même forme, et sa comparaison avec le terme
empirique de Gould donne
v = 0",0G5, L = 01' 5m,
valeur trop faible de l''5m environ (*).
Nous venons de trouver enfin, par les différences
systématiques de Lick Observatory,
v = 0",l5, L = 5,l0ra.
(*) Notices extraites de Y Annuaire de l'Observatoire pour 1897.
( 305 )
Les écarts entre les dernières valeurs de L et la véri-
table proviennent de la non-élimination de la nutation
eulérienne. Il en est de même des valeurs tirées des
observations de la polarissime de Fabritius à des inter-
valles de quelques heures seulement, au nombre de onze,
dont chacune a donné individuellement des valeurs com-
prises toutes entre 0",05 et 0",15 pour y, entre <Sh Tm
e1 I2h7m pour L (*).
Aussi longtemps qu'on ne tiendra pas compte de la
nutation diurne, on doit s'attendre à des réductions
incorrectes, à moins qu'on ne veuille se borner, au plus,
au 0",4 en déclinaison.
Je serais bien charmé que la critique qui en a été
faite (**) fût reprise à nouveau sur les éléments résumés
dans mon Précis historique de la découverte de la nutation
diurne {***).
Si l'on ne le fait pas, il me sera certes permis de
considérer ce silence comme un aveu d'impuissance.
Le calcul des observations de Lick Observatory a été
effectué avec une extrême obligeance par M. Nieslen, chef
du service astronomique à l'Observatoire royal; je me
plais à lui réitérer ici l'expression de ma plus vive recon-
naissance pour l'aide dévouée qu'il n'a cessé de me prêter
dans mes recherches sur ce sujet.
(') Révision des constantes de i 'astronomie s tel luire.
C) Astr. Nachr., 2975.
(*") Notices ex traites jle l'Annuaire pour 1897.
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 21
( 306 )
Phénomènes naturels observés pendant le mois de mars 1 89 7 ;
par F. Folie, membre de l'Académie.
Uccle. - - Le 45, feuillaison : chèvrefeuille de Tar-
tarie; le 18, floraison : saule Marceau; le 19, pulmonaire,
bruyère carnée ; le 20, feuillaison : daphné, lilas, sureau,
framboisier; le 20, floraison : saule Marceau, ficaire,
anémone, luzule; le 25, poteiilillc blanche; le 26, feuil-
laison : merisier, poirier; le 26, floraison : groseillier
sanguin, primevère, oxalis; le 27, feuillaison : épine
vinette, groseillier rouge, groseillier noir; le 29, faux
ébénier, lilas de Perse, sorbier, aubépine; le 29, flo-
raison : groseillier à maquereau, ortie blanche, couronne
impériale.
Tilff. Le 15, feuillaison : chèvrefeuille; le 19,
floraison : saule Marceau, violette, primevère, potentille
blanche; le 22, potentille jaune; premières fleurs de
l'ajonc; le 29, floraison : pécher en plein vent, cresson
alénois, pleine floraison des ajoncs.
Linsmeau. - - Le 12, floraison : violettes.
Hestreux. Le 19, floraison : daphné; chant du
rouge-gorge.
Uccle. - - Le 28, une hirondelle de cheminée.
Tilff. - Le 5, salamandre terrestre.
( 307 )
l.'oocyte de Pholcus phalangioides Fuessl. Communication
préliminaire (1); par Ch. Van Bambeke, membre de
l'Académie.
Les préparations qui ont servi de base à ce travail
ont été faites du 21 au 20 avril de l'année 1896. Les
ovaires, après isolement rapide, onl été traités de deux
Tarons différentes : 1° fixation par la liqueur de Ilermann.
coloration par la safranine, décoloration par l'alcool à
l'acide picrique, etc.; "2° fixation par la solution aqueuse
de sublimé; traitement par l'iode, coloration par l'héma-
toxvline (méthode de M. Heidenhain), etc.
Les modifications subies par l'œuf ovarique de Pholcus
phalangioides, pendant la période dite d'accroissement,
permettent de distinguer quatre stades principaux, quand
on a surtout en vue la formation du vitellus nutritif
(protoleucvte, Fol.; deutoplasme, Éd. Van Beneden). Je
désignerai ces stades comme il suit :
Premier stade. - - Apparition et développement d'une
formation que je considère comme représentant un corps
vitellin de Balbiani ;
(l) Le mémoire in extenso avec planches est presque entièrement
achevé en ce moment. Dans une note qui vient de paraître dans le
numéro du 18 mars 1897 de l'ANATOMlSCHER Anzeiger : Ueber die
Structiir der Diplopodeneier, le Dr Bohumil Némec arrive à des résul-
tats qui, sous plusieurs rapports, concordent avec ce que j'ai vu chez
Pholcus. C'est ce qui m'engage à présenter aujourd'hui, à la Classe,
la présente communication.
( 508 )
Deuxième stade. — Désagrégation de ce corps vitellin ;
Troisième stade. - - Métamorphose graisseuse des élé-
ments figurés provenant de cette désagrégation ;
Quatrième stade. — Vacuolisation progressive du vitel-
Ins à la suite de la genèse des sphères vitellines.
Premier stade. — Apparition et développement du corps
vitellin.
Les oocytes les plus jeunes, de forme assez variable,
le plus souvent sphérique ou ovoïde, renferment une vési-
cule germinative relativement volumineuse (son plus
grand diamètre égale au moins la moitié de celui du
vitellus); les granulations y contenues et sa paroi sont
colorées en rouge par la safranine; quand il existe une
tache germinative, elle est aussi le plus souvent safrani-
nophile; toutefois, dans quelques ovules, je l'ai trouvée
pâle et de couleur jaunâtre.
.Mais ce qui frappe surtout dans ces jeunes oocytes,
c'est la présence d'un élément fixant aussi la safranine,
siégeant dans le vitellus et se présentant sous différents
aspects : tantôt sous celui d'une granulation sphérique en
contact avec la paroi nucléaire; tantôt sous celui d'un
croissant embrassant cette paroi par sa face concave;
enfin, et c'est le cas le plus fréquent, sous l'aspect d'une
sorte de bâtonnet ou de petite niasse ovoïde qu'entoure
une zone claire très nette. Dans certains ovules, cette
zone semble se confondre avec le contenu clair de la
vésicule germinative; la zone et son contenu apparaissent
alors comme une sorte de bourgeon de cette vésicule. Peut-
être la forme de bâtonnet ou de petite masse ovoïde repré-
( 309 )
sente-t-elle un stade plus avancé de la forme granulaire
et de celle en croissant. A cette phase, «m trouve fréquem-
ment dans le vitellus, indépendamment de l'élément en
question, un amas de petites granulations safranino-
philes; mais je n'ai rien rencontré rappelant un centro-
some ou une sphère attractive.
Au sujet de Vorigine de l'élément safraninophile ren-
fermé dans le vitellus, je ne puis rien affirmer de façon
positive, et je ne veux pas discuter cette question pour
le moment; je dirai toutefois que plusieurs faits me
semblent favorables à l'hypothèse d'une origine nucléaire.
Quelle que soil d'ailleurs son origine, je crois devoir
considérer l'élément safraninophile comme représentant
un corps vitellin de Balbiani. Sans doute, pour ainsi dire
dès son apparition, il s'éloigne par sa forme, et notam-
ment par l'absence de vésicule centrale, d'un corps vitellin
typique. Nous allons voir que, dans la suite, il s'en éloigne
davantage encore par son aspect général et son grand
développement. Mais, d'autre part, plusieurs arguments
plaident en faveur de la signification que je lui attribue :
tels sa colorabilité, sim siège au milieu d'une zone claire
et dans le voisinage de la vésicule germinative, et surtout
son rôle exactement identique à celui que, chez d'autres
aranéides, l'Argyronète aquatique par exemple, joue l'élé-
ment auquel tous les biologistes reconnaissent la valeur
d'un vrai corps vitellin.
L'accroissement des ovules du premier stade porte sur
toutes leurs parties constituantes, de telle façon que les
dimensions relatives de la vésicule germinative et du vitel-
lus paraissent d'abord se maintenir; mais peu à peu ce
dernier l'emporte en développement sur la première dont
le plus grand diamètre n'équivaut plus, à la fin «lu stade,
qu'au tiers environ de celui du vitellus. Quant au corps
( 310)
vitellin, indépendamment de son augmentation de
volume, il se transforme aussi notablement, comme nous
allons le voir, dans sa forme et, jusqu'à un certain point,
dans sa constitution.
A part l'augmentation progressive de sa masse, le
vitellus ne subit pas de modifications bien appréciables.
Dans la vésicule germinative, c'est surtout la tache
germinative qui mérite de fixer l'attention. Je dois me
contenter de dire ici qu'elle est constante (si elle fait
défaut sur une coupe, on peut s'assurer de sa présence
par l'examen des coupes voisines), presque toujours
unique, très rarement accompagnée d'une tache ou de
taches accessoires, volumineuse, sphérique ou à peu près
sphérique, fixant fortement la safranine, sans structure,
mais constamment vacuolée, les vacuoles ayant des
dimensions variables et faisant fréquemment saillie à sa
surface; dans certains vacuoles, on découvre des granules
safraninophiles.
Des cristalloïdes rappelant, à maints égards, ceux
décrits par Reinke dans les cellules interstitielles du tes-
ticule chez l'homme, se rencontrent fréquemment dans
le vitellus, plus rarement dans la vésicule germinative,
et plus rarement encore dans la tache germinative.
Les transformations subies par le corps vitellin portent
sur sa forme, ses dimensions et sa constitution.
Forme. - — A la forme de bâtonnet ou de petite masse
ovoïde, caractéristique de la plupart des plus jeunes
oocytes, succède bientôt une sorte de boyau ou de bour-
relet incurvé, à convexité externe, à concavité tournée
vers le centre de l'œuf. Ce bourrelet s'accroît rapide-
ment; il tend de plus en plus à former, autour de la par-
tie centrale du vitellus et de la vésicule germinative, une
( 3" )
zone nettement distincte du reste de la masse vitelline.
Dans la plupart des ovules, la zone n'embrasse pas toute
la masse vitelline centrale et se termine par deux extré-
mités libres; mais, dans certains oocytes, les extrémités
se rejoignent et l'espèce de croissant ou de 1er à cheval
qui constitue la règle se trouve alors remplacée par une
zone complète.
Comme il ressort également de l'examen de coupes
successives d'un même ovule, fréquemment le bourrelet
ne présente pas, dans toute son étendue, une épaisseur
uniforme, et souvent aussi son trajet est plus ou moins
llexueux. Ailleurs, on voit partir, de la face interne du
bourrelet, des prolongements de forme et de longueur
variables, qui ajoutent encore à son irrégularité. On peut
aussi se convaincre que, dans certains ovules, le corps
vitellin, au lieu d'être représenté par un bourrelet, con-
siste plutôt en une sorte de cupule ou de coiffe. Dans ce
cas, si la coupe passe par la partie centrale de l'élément,
celui-ci se présente le plus souvent sous forme de croissant
ou de fer à cheval, pouvant en imposer pour l'existence
d'un bourrelet. Bref, la forme du corps vitellin varie
dans de larges limites, et il n'est guère possible de lui
assigner une forme fixe, applicable à tous les ovules.
Siège. — Nous avons vu apparaître la première ébauche
du corps vitellin dans le voisinage de la vésicule germi-
native, dont il est ensuite simplement séparé par la zone
claire qui l'entoure. Plus tard, cette zone persiste et, à
mesure du développement de l'œuf, prend parfois des
dimensions considérables; mais, fait digne de remarque,
elle ne se retrouve guère que du côté externe, c'est-k-
dire à la face convexe du corps vitellin, et elle a presque
toujours disparu du côté interne; presque toujours aussi,
( 312 )
elle est délimitée, à la périphérie de l'œuf, par une mince
couche vitelline. Sur les coupes axiales, les extrémités
libres du corps vitellin semblent logées dans des encoches
du vitellus. Par sa face interne concave, ou bien le corps
vitellin est encore en contact immédiat avec la vésicule
germinative, ou bien, ce qui constitue la règle, il en est
séparé par une épaisseur variable de vitellus.
Constitution. — Dès que la forme primitive a fait place
à la forme de boudin, de bourrelet ou de cupule, la con-
stitution du corps vitellin semble très semblable, voire
même identique à celle de la tache germinative. De part
et d'autre, même coloration intense par la safranine; de
part et d'autre aussi, présence de nombreuses vacuoles;
seulement, dans le corps vitellin, les vacuoles de volume
sensiblement égal n'atteignent jamais les grandes dimen-
sions de quelques-unes de celles de la tache germinative.
Je ne puis pas, dans cette communication préliminaire,
m'arrêter à l'historique de la question touchant l'exis-
tence du corps vitellin dans l'œuf de Pholcus. Je rappel-
lerai seulement que Balbiani (1875, 1879, 1895) range
Pholcus parmi les genres dépourvus de ce corps; que
Sabatier (1885) l'admet, au contraire; mais la courte
description donnée par le professeur de Montpellier ne
permet pas de décider si le corps rencontré par lui
correspond à celui que nous avons observé. Par contre,
l'Italien Giuseppe Jatta a, le premier, observé et décrit
(1882) le corps vitellin chez Pholcus phalangioides ; seule-
ment la description et les deux figures données par lui
se rapportent à ce corps ayant atteint son complet déve-
loppement et ne donnent pas une idée des divers
aspects de l'élément; l'auteur n'a pas vu sa première
origine ni les modifications qu'il éprouve dans la suite.
( 313 )
J'ai déjà fait valoir certains motifs qui me portent ii
considérer l'élément safraninophile renfermé dans le
viteHus comme ayant la valeur d'un corps vitellin; mais
il est, en laveur de cette manière de voir, d'autres argu-
ments encore, sur lesquels je compte revenir dans le
mémoire in extenso.
Deuxième stade. — Désagrégation du corps vitellin.
Il ne parait pas exister de rapport constant entre le
volume des ovules et la désagrégation du corps vitellin.
En effet, à côté d'ovules relativement volumineux à
corps vitellin encore entier, il en est d'autres, plus
petits, où ce dernier est déjà en pleine voie de morcelle-
ment. Il importe de ne pas confondre le début de ce
phénomène avec certaines images où le corps vitellin se
montre fragmenté, mais qui résultent uniquement de son
épaisseur variable en divers points et des inflexions [dus
ou moins nombreuses qu'il présente fréquemment. D'ail-
leurs, quand ce corps se désagrège, son aspect est assez,
caractéristique pour rendre toute confusion impossible.
L'étude des coupes de différents ovules permet de suivre
pas à pas ce processus de désagrégation. A mesure qu'il
progresse, les grumeaux ou fragments toujours safranino-
philes qui en résultent, d'abord la plupart assez volumi-
neux et de forme irrégulière, se rapetissent de plus en
plus, toute trace de vacuoles disparait à leur intérieur,
et ils montrent une tendance manifeste à abandonner la
périphérie du vitellus pour s'accumuler surtout autour de
la vésicule germinative; finalement, il ne reste plus,
comme derniers vestiges du corps vitellin, que des gra-
( 314 )
miles sphériques de dimension variable et fixant encore
la safranine.
Déjà dans les ovules de la fin du premier stade, dans
beaucoup de ceux du stade actuel et aussi du troisième
stade, on constate l'existence d'une disposition radiaire
très nette du vitellus tout autour de la vésicule germina-
tive. 11 est permis d'en conclure que les rapports entre
le vitellus et la vésicule germinative sont devenus plus
intimes, et que la disposition radiaire, qui s'efface insen-
siblement à mesure qu'on s'éloigne de la vésicule, est
probablement le résultat de la pénétration du suc
nucléaire dans le vitellus.
Si l'on ajoute à cela les changements de forme de la
vésicule germinative, appréciables dans beaucoup d'ovules
à la fin du deuxième stade, cbangements de forme qui
marquent le début des mouvements amœboïdes très
prononcés surtout caractéristiques du dernier stade, on
doit admettre que, dans les ovules où s'opère la désagré-
gation, cette partie constituante de l'œuf joue un rôle
dans le processus.
Des phénomènes à rapprocher du morcellement du
corps vitellin dans l'œuf de Pliolcus ont été observés,
dans d'autres ovules, par plusieurs auteurs. Je ne puis
non plus m'y arrêter pour le moment.
Troisième stade. — Métamorphose graisseuse des éléments
figurés provenant de la désagrégation du corps vitellin.
C'est en effet la transformation des éléments issus de
la désagrégation du corps vitellin en gouttelettes et
granules adipeux qui caractérise ce troisième stade. Ces
gouttelettes et granules de volume variable sont disse-
v 3i5 )
minés dans tout le vitellus, en formant toutefois, dans
la plupart des ovules, un amas plus considérable dans le
voisinage immédiat de la vésicule germinative. La nature
graisseuse de ces (Moments se traduit par leur coloration
noire au contact des liqueurs osmiques et par leur solu-
bilité dans le xylol et la térébenthine. Sur plusieurs
coupes, on peut voir le passage insensible des granules
safraninophiles auv granules graisseux.
Dans la plupart des ovules de ce stade, la coloration
du vitellus par la safranine rappelle celle du stade précé-
dent; dans d'autres, les plus âgés probablement, l'affi-
nité du vitellus pour cette matière colorante a quelque
peu diminué, d'où un ton rose pâle ou légèrement jau-
nâtre.
Mais quelle que soit la coloration de la masse du
vitellus, tout autour de la vésicule germinative existe
généralement une zone plus fortement teintée par la
safranine; nettement délimitée du côté de la vésicule,
ellese fond insensiblement, à la périphérie, dans le vitellus
ambiant. Cette zone correspond au strié radiaire dont il
a été question. Au niveau du strié, on distingue des
rangées de granules safraninophiles séparées par des
espaces plus clairs.
La paroi chromatique de la vésicule germinative per-
siste généralement; son contour, comme eela s'observe
déjà dans des ovules du deuxième stade, est le plus sou-
vent irrégulier.
Dans les oocytes d'Argvronète aquatique que j'ai pu
étudier comparativement, le corps vitellin typique pré-
sente normalement, à sa partie périphérique, une zone de
granules adipeux. Plus tard, à mesure que la maturation
(U'> ovules progresse, ces granules se répandent dans le
(316)
vitellus sans que la couche périphérique semble perdre
de son importance, ce qui doit faire supposer qu'une
genèse de granules a lieu à ce niveau. Comme le prou-
vent le rôle et le siège qu'ils occupent dans les ovules à
sphères vitellines en voie d'évolution, les granules adi-
peux répandus dans le vitellus sont bien les homologues,
au point de vue fonctionnel, de ceux qui, chez Pholcus,
proviennent de la métamorphose des grains safran ino-
pbiles issus eux-mêmes du morcellement du corps vitellin.
Quatrième stade. - - Vacuolisalion progressive du vitellus
à la nui le de la genèse des globules vilellins.
Au troisième stade, qui semble être de courte durée, eu
égard aux ovules peu nombreux qui le représentent, fait
suite un stade surtout caractérisé par l'apparition des
sphères vitellines et par la vacuolisation grossière du
vitellus, conséquence de cette apparition. Les œufs de ce
quatrième stade, contrairement à ceux du précédent,
sont nombreux. En se basant notamment sur la manière
d'être de la vésicule germinative, on peut les ranger en
deux catégories; bien entendu, il n'existe pas, entre ces
deux catégories, de démarcation tranchée : elles sont
reliées par des formes intermédiaires.
Première cale'gorie. — La vésicule germinative a perdu,
au moins partiellement, sa paroi propre; l'irrégularité
de son contour, conséquence de mouvements amœboïdes.
est encore peu prononcée; son contenu n'a pas éprouvé,
en apparence du moins, de modifications notables.
Du côté du vitellus, la principale modification résulte
de l'apparition des vacuoles avec les sphères vitellines y
( 317 )
renfermées. Celles-ci sont homogènes, hyalines; elles
tranchent, par leur ton pâle, faiblement jaunâtre, sur le
fond rosé de la masse du vitellus; leur surface est lisse,
.1 contour toujours arrondi; leur forme est sphérique,
ellipsoïde ou ovoïde; leurs dimensions varient, parfois
dans d'assez, larges limites. Dans certains ovules, les
vacuoles et leur contenu arrivent jusque près de la vési-
cule germinativ.e ; mais c'est là une exception à la règle;
en eifet, dans presque tous, une zone libre de vacuoles
s'observe tout autour de la vésicule germinative. A cet
endroit, le vitellus, plus fortement coloré par la safra-
nine, affecte encore parfois la disposition radiaire dont il
a été question.
La distribution des granules adipeux, à l'intérieur du
vitellus, varie : tantôt ils sont répartis assez uniformé-
ment dans toute la masse vitelline, en laissant plus ou
inoins libre la zone périvésiculaire susdite; tantôt on les
trouve accumulés en plus grand nombre en certains
endroits du vitellus, mais partout ils occupent les inter-
valles des vacuoles où sont logées les sphères vitellines.
il en résulte que le cytoplasme ovulaire renferme deux
espèces de vacuoles : les unes, plus volumineuses, rem-
plies par les sphères vitellines; les autres, plus petites,
situées dans les travées qui séparent les premières, et
renfermant les granules adipeux.
On peut dire que l'apparition des granules adipeux est
le signal de celle des grosses vacuoles vitellines et de
leur contenu. Grâce à l'appoint fourni par les éléments
adipeux, le cytoplasme, devenu plus actif, sécrète ou éla-
bore les matériaux qui donnent lieu à la vacuolisation
grossière du vitellus. Or, comme les granules adipeux pro-
viennent en définitive du corps vilellin, il est permis d'en
( 318 )
conclure que ce dernier intervient, du moins indirectement,
dans la formation du vitellus nutritif.
Deuxième catégorie. Dans les ovules de la seconde
catégorie, les modifications dont la vésicule germinative
est le siège sont des plus remarquables. Elles intéressent
sa délimitation, sa tonne et sa constitution.
De la paroi nucléaire safraninophile, partiellement effa-
cée dans les ovules de la première catégorie, il ne reste
bientôt plus de trace.
Nous avons interprété les irrégularités du contour
nucléaire visibles jusqu'alors comme étant l'expression
de mouvements aniœboïdes du noyau. La forme actuelle
de ce contour ne laisse plus le moindre doute à cet égard.
Ce contour doit manifestement son irrégularité à la pré-
sence d'expansions pseudopodiques nombreuses et parfois
très développées. Leur forme varie : dans certains cas,
elles sont épaisses et obtuses, méritant alors le nom de
lobopodes; mais le plus souvent elles sont allongées,
diminuant de plus en plus d'épaisseur à mesure qu'elles
s'éloignent du noyau, jusqu'à devenir filiformes; en nu
mot, elles se présentent avec les caractères de pseudo-
podes en aiguilles; il n'est pas rare non plus de voir un
pseudopode massif en émettre d'autres plus déliés. Les
expansions parlent en général de tout le pourtour nuclé-
aire, mais il est rare qu'elles atteignent, sur tout ce pour-
tour, un égal développement. 11 est fréquent de rencon-
trer un faisceau de longs pseudopodes limité à une
certaine région, alors que, sur le reste du pourtour, les
expansions sont [dus rares et moins développées. Comme
j'ai pu m'en assurer, cette direction et ce développement
prédominants de certains pseudopodes correspondent
( 319 )
généralement à un endroit du viteïlus où se trouve un
plus gros amas de granules adipeux.
Le contenu nucléaire a subi d'importantes transforma-
tions. Le réticulum safraninophile ne tarde pas à disparaître
complètement, pour faire place à nue masse assez com-
pacte, jaunâtre ou jaune-bistre, pins ou moins granuleuse,
à vacuoles plus ou moins nombreuses. La tache germina-
tive ;i conservé, en grande partie, son caractère antérieur;
mais fréquemment le contour net, safraninophile, qui la
délimitait, a disparu en tout ou en partie, et l'on remarque
parfois une solution de continuité au niveau de laquelle
le contenu de la tache s'épanche dans le reste du contenu
nucléaire (1).
Dans beaucoup d'ovules, la zone périnucléaire dépour-
vue de vacuoles est bien apparente; elle tranche, par son
ton rosé et son aspect granuleux, sur la substance nu-
cléaire plus opaque, jaunâtre ou jaune-bistre; plus rien
n'y trahit la disposition radiaire du viteïlus. Quand existe
la zone, c'est dans sa substance que pénètrent les pro-
longements amœboïdes du noyau ; en son absence,
ceux-ci plongent directement dans les travées cytoplas-
miques délimitant les vacuoles.
Comparées à celles de la vésicule germinative, les modi-
fications éprouvées par le viteïlus sont beaucoup moins
importantes et, en tout cas, moins appréciables. Les
vacuoles, dont la forme est conservée, sont devenues plus
volumineuses, ce qui fait que les travées qui les séparent
sont plus étroites. Le viteïlus est délimité maintenant
(1) Cette sorte d'évacuation ne doit pas être confondue avec la rup-
ture de vacuoles nucléolaires, laquelle peut s'observer à tous les
stades.
( 320 )
par une zone périphérique à vacuoles plus petites que
celles situées plus profondément; parmi les éléments
contenus dans ces vacuoles, il en est qui se distinguent
des sphères vitellines par la couleur rouge plus ou moins
accentuée que leur communique la saframne.
La quantité et la distribution das granules adipeux
varient notablement d'après les ovules et, dans le même
ovule, aux diverses profondeurs du vitellus. Dans certains
ovules, sans doute les plus avancés en développement,
ils sont rares ou même ont disparu complètement ; dans
d'autres, ils sont plus nombreux, et généralement alors
on les trouve surtout amassés dans le voisinage de la
vésicule germinative; ailleurs, nombreux et uniformé-
ment distribués, ils délimitent le contour nucléaire et
irradient, à partir de ce point, dans les travées séparant
les vacuoles; ailleurs encore, les granules adipeux forment
des amas tellement considérables qu'on se met à douter
si tous ont bien pour origine les granules safranino-
philes issus du morcellement du corps vitellin.
Quoi qu'il en soit, dans l'oocyle de Pholcus phatan-
giohles, le protoleucyte ou deutoplasme consiste, à une
certaine phase de l'évolution de l'œuf : a) en les gra-
nules adipeux, et b) en les sphères vitellines. Toutefois,
on peut considérer les premiers comme n'ayant qu'une
existence transitoire, leur mission étant de fournir des
matériaux nutritifs au cytoplasme et de le rendre ainsi
plus apte à sécréter les secondes; les sphères vitellines
représentent, par conséquent, le vrai vitellus nutritif; elles
ne diffèrent entre elles que par leurs dimensions, et, si
l'on tient compte des caractères de certaines sphères
périphériques, jusqu'à un certain point, par leur compo-
sition chimique.
( 321 )
il résulte aussi de ce qui précède que le fait surtout
caractéristique du quatrième stade de l'oocyte en voie iU
maturation consiste en une relation plus intime et en une
augmentation de la surface de contact entre le ci/toplasmt d
la substance de la vésicule germinative. D'où vienl l'impul-
sion première? Est-ce du noyau dont l'action sur le cyto-
plasme ambiant sciait comparable, comme le veut kor-
schelt, à celle d'un ferment ; ou bien est-ce du cytoplasme
qui, ayant éprouve une modification dans sa composition
chimique, exerce une action attractive sur la substance
nucléaire? Dans ce cas, nous serions eu présence d'un
phénomène de chiniiotropisme positif, .le me bâte
d'ajouter que je pose ces questions sans les résoudre. \u
surplus, ce n'est pas sur des objets lixés. comme ceux
qui ont servi à la confection de mon travail, qu'elles
peuvent trouver une solution, .le compte d'ailleurs entrer
dans plus de détails à ce sujet dans le mémoire in
extenso.
Détermination de la partie du spectre qui développe la plus
grande proportion d 'infra-électricité; par P. De Heen,
membre de l'Académie.
Dans notre précédente note relative à la photographie
de l'atmosphère solaire, nous avons montré que la partie
du spectre de l'arc électrique qui présente le plus fort
pouvoir décodant se trouve dans la portion la plus réfran-
gible. Il ('tait dès lors important de vérifier directement
si ce sont ces mêmes radiations qui accentuent le voile.
5,ne SKRIK, TOME XXXIII. 22
( 322 )
lorsque la plaque sensible voilée est recouverte par une
feuille métallique, une feuille d'étain par exemple.
Si l'on projette simplement le spectre sur une bande
d'étain recouvrant la plaque sensible voilée, on trouve,
après une pose de cinq heures environ, que la plaque s'est
considérablement noircie derrière la bande; mais l'éner-
gie s'étant répandue d'une manière à peu près uniforme
sur toute l'étendue de celle-ci, on ne trouve pas de diffé-
rence de ton appréciable.
Afin de faire l'expérience d'une manière décisive, on
dégarnit complètement la plaque
photographique de sa couche sen-
sible, excepté en a et en b. Ces
parties étant séparées par un
canal dénudé, chacune d'elles est
recouverte par une feuille d'étain
de même dimension. Cela étant,
nous avons projeté sur la feuille a
le rouge et le vert du spectre, et
sur la feuille b le bleu et le violet. Enfin, un morceau
de la plaque voilée avait été conservé comme point de
comparaison.
Après une pose de cinq heures, nous avons remarqué
que la partie a, qui correspond au rouge et au vert, avait
gardé sensiblement la teinte primitive de l'échantillon
conservé, tandis que la portion b, correspondant au bleu
et au violet, s'était considérablement renforcée.
Ce sont donc les mêmes radiations les plus réfran-
gibles qui possèdent le pouvoir dévoilant ou le pouvoir
voilant le plus actif, suivant que l'on expose la surface
sensible découverte ou recouverte d'une feuille métal-
lique.
( 323 )
C'est du reste la vérification du résultat que nous
avions obtenu précédemment. En opérant simultanément
à l'aide de châssis munis de verres bleu, vert et rouge,
nous avons remarqué que les verres rouge et bleu fournis-
saient respectivement les clichés les moins et les plus
vigoureux.
Description du glycol isobutylique mononitre :
CHs.OH
ISO* — C — CH5
I
CH'.OH;
par G. Cesàro, correspondant de l'Académie.
Ce corps a été obtenu par notre savant confrère
M. Henry, en faisant agir deux molécules d'aldéhyde
fbrmique sur une molécule de nitro-éthane (*).
J'ai examiné deux lots de cristaux : les uns, jaunâtres,
très volumineux, ont quelquefois plus de 15 millimètres
de longueur; les autres, plus petits, sont parfaitement
incolores. Les uns comme les autres possèdent un clivage
1res net suivant un plan de symétrie; ils rayent fortement
le gypse, mais sont rayés par le spath.
a) Les grands cristaux, représentés par la ligure 1, ont
la forme générale d'un clinorhomboctaèdre. Cependant,
l'angle e, sensiblement droit, montre que l'on pourrait
(*) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3me série, t. XXX, n° 7, |>|>. 28
et 29, 1895.
( 524 )
Fie. 1.
( 325 )
bien avoir affaire à des cristaux orthorhombiqnes : prismes
primitifs modifiés sur leurs arêtes basiques, modifications
dont quatre faces seulement seraient développées; ajoutons
que dans plusieurs cristaux, deux petites facettes, cou-
pant m suivant des horizontales, modifient chaque angle i
et viennent compléter le rhomboctaèdre //'*.
Enfin, une lame produite par le clivage tut parait
s'éteindre, entre les niçois croisés, nettement suivant
l'axe z, ce qui ajoute encore à la probabilité de la symé-
trie orthorhombique.
Les faces des grands cristaux sont ternes et irrégu-
lières; on n'a pu obtenir que des mesures approximatives,
dont on s'est servi pour identifier ces cristaux avec ceux
qui vont suivre. On a mesuré :
mmsurx = 81°, »m(Ï10j//'*(M 1) = 34°, b'ub''- sur z = 67 a.
b) Les petits cristaux ont donné lieu à des mesures
plus exactes, mais cependant pas assez exactes pour que
l'on puisse décider si ces cristaux doivent être considérés
comme géométriquement orthorhombiques, ou bien
comme provenant d'un prisme clinorhombique à base
presque horizontale. Empressons-nous de dire que ce
point a peu d'importance : comme nous le verrons plus
loin, la présence d'un clivage, seul de son espèce, normal
au plan de symétrie et oblique sur la verticale, met hors de
doute la symétrie clinorhombique de ces cristaux, au point
de vue physique. Le point douteux est donc purement
géométrique; il se réduit à savoir si la base du prisme
clinorhombique primitif est inclinée à 88° ou à i)0° sur la
verticale.
Les petits cristaux dont il s'agit sont représentés par
( 326 )
la figure 2; la pyramide sensiblement orthorhom bique \
Fig. 2.
est développée à une extrémité de l'axe vertical. Les
facettes qui se rencontraient quelquefois comme modifi-
cation des angles i des grands cristaux (fig. 1), sont ici
nettement développées; c'est à elles que nous assignons
la notation d"2 = 111; comme les faces d"' sont plus
nettes que les faces b"*, nous partons des incidences rela-
tives aux premières pour le calcul des dimensions du
prisme primitif. On a mesuré :
mm = (HO) (1 10) = 80» 41' (5, Î5, 4, 1 4, 8, 5),
mil '» = (1 10) (111) = 33° 52' (5, 6, 2, 9, ÏÔ),
d¥' = (1H)(1Ï1)«= 63° 52' (2, 1,1).
( 327 )
En partant de ces trois angles, on obtient d'abord :
o'/i' = 41» 2' 0",7, puis: (3 «= 88° 12'45",2,
log a =7,9288501, loge — 7,9774291,
a :b:c = 0,8489: 1 : 0,9494.
Si Ton supposait la base du prisme horizontale, c'est-
à-dire (3 = 90°, en partant des deux premiers angles
cités ci-dessus, on obtiendrait pour le troisième :
tr«<T«=»65B2'
et
a : b : c = 0,8493 : 1 : 0,9040.
Le tableau suivant montre que la correspondance est
passablement satisfaisante, soi t que l'on parte de (3=88°15\
soit que l'on suppose (3 = 90° :
Calculés : Calculés :
Angles >S = 88°i3' /3 = 90° Mesurés
(H0)(IÏ0) "80° 41' "80° 41' 80° 41'
(110) (H 1) *55°52' *53°52' 53° 52'
(111) (iTl) '65° 52' 65° 2' 05° 52'
(Ï*H)(ÏH) 65° 27' 05° 2' Gi° 49' appr.
(Ul)(Tll) 78° 4' 78° 52' 78° 50'
(H0)(Tiï) 98° 22' 97° 44' 98M'
(Tl I) (TlT) 08' 54' G7°44' 09e 25'
Les laces opposées à d"* par rapport au centre, faces
qui dans le groupe holoédrique devraient leur être iden-
tiques, sont toujours différentes des premières. Quelque-
( 328 )
fois ce sont des faces dm différentes de dx>i\ ainsi dans le
cristal représenté par la figure 3, tandis que l'arête d"*d' *
l'ic. 3.
fail avec la verticale un angle d'environ il0, l'arête
opposée fait avec la même direction un angle de 52° et
correspond à l'intersection de deux faces cP\ forme pour
laquelle l'angle dont il s'agit est de 52° 9' (*).
En général, les faces opposées à d1'* sont très irrégu-
(') En supposant p = 88° 13', nous faisons la même hypothèse dans
ce qui suit.
( 529 )
lières et paraissent dues à l'alternance de différentes
formes : dans le cristal représenté par la figure "1, on a pu
déterminer la lacet/'* inférieure par les angles de 09° 23'
et 1)8° 1' qu'elle fait respectivement avec b"* =111
et r»= 110; d'autres facettes en zone avec 110 et ïlï
donnaient des images correspondant aux anglesa=»18°21
et 21° 15' avec 44 f. Ces facettes sont de la forme
h . k
h -+- k
la première correspond à
la seconde à
Les formes
et
h
-=2,5156,
h
- = 3,0812.
10.4.7 — rf,;« *(("•/»"'
3l2 = o.
correspondent assez bien avec x = 18° 11' et 20°54'.
Rarement les faces dont nous nous occupons sont
mesurables : elles forment d'ordinaire une surface cylin-
drique cannelée, à génératrices parallèles à l'arête d'inter-
section avec m = 1 10.
Clivages. — Nous avons déjà dit qu'il existe dans ces
cristaux un clivage très net, parallèle au plan de symé-
trie g1.
{ 350 )
Un second clivage, peu net et cireux, normal au pre-
mier, se produit lorsqu'on exerce une pression sur une
lame g1 (*). La trace de ce clivage (fig. 5) fait un angle œ
d'environ 19° avec la verticale; il correspond à la notation
o1 » = 502, avec ? = 19° 28' (**).
Le même clivage se produit plus ou moins parfaite-
ment lorsqu'on chauffe les cristaux au-dessus de 60°.
Conclusion. - - Le clivage o*'% qui ne se répète pas
symétriquement par rapport à la verticale, montre que le
plan de symétrie vertical normal à g1, plan qui parait
exister d'après les angles obtenus dans certaines parties
du cristal, n'existe pas en réalité. Les cristaux de glycol
isobutylique mononitré ne possèdent donc qu'un seul
élément de régularité : un plan de symétrie suivant lequel
existe un clivage facile. Leur symbole est
P,
c'est-à-dire qu'ils doivent être classés dans le groupe anti-
hémiédrique du système clinorhombique ; le prisme primitif
dont ils dérivent est géométriquement très voisin d'un
prisme orthorhombique.
Propriétés optiques. — Si l'on examine une lame de
clivage g1 air microscope, on voit que l'une des directions
(*) Par exemple, en abaissant le corps du microscope jusqu'à ce
que l'objectif presse la lame cristalline sur le porte-objet.
(**) Les notations o£ et oi donnent respectivement tp=23°47' et
«p = 16°27\
( 331 )
d'extinction z (ûg. 3) esl dirigée suivant la verticale;
cette direction est positive. Une lame de clivage o*'5 montre
une très belle figure d'interférence en lumière conver-
gente : une bissectrice négative peu inclinée sur la normale
à la lame, à axes très rapprochés; elle montre aussi que
le plan des axes optiques coïncide avec g1.
L'orientation optique peut donc se résumer ainsi :
p . A . 0 = (/, Biss. < 0 normale à /i',
2E = 35°.
L'indice moyen d'une lame g1, déterminé approxima-
tivement, par la méthode du duc de Chaulnes, a été
trouvé de 1 ,48.
La biréfringence, c'est-à-dire la différence entre les
indices extrêmes, exprimée en millièmes, est
n9 — "p = H-
Les lames normales à la bissectrice aiguë présentent
une particularité remarquable lorsqu'on les observe en
lumière blanche parallèle : dans les positions où l'extinc-
tion devrait se produire, la lame, au lieu de s'éteindre,
prend une teinte bleue violacée; la même teinte est
obtenue lorsqu'on essaye de compenser la lame, placée
à 45°, par un biseau de quartz croisé.
Ce fait paraîtrait indiquer un genre de dispersion
incompatible avec la symétrie clinorhombique; en effet,
dans ce système, le plan de symétrie g[ est un plan
diamétral principal des ellipsoïdes de toutes les couleurs;
donc toute section normale à ce plan doit s'éteindre
rigoureusement suivant la trace du plan de symétrie.
( 332 )
quelle que soit la couleur et par conséquent aussi en
lumière blanche.
Mais ce phénomène n'est pas dû à une dispersion des
axes d'élasticité : une lame normale à la bissectrice aiguë
se présente en lumière blanche convergente sans aucun
genre de dispersion des bissectrices ; la figure d'interférence
possède nettement deux plans de symétrie rectangulaires,
dont l'un dirigé suivant y1 ; c'est-à-dire que, au point de
vue optique, non seulement le corps possède la symétrie
clinorhombique, mais aussi celle d'un corps orthorhom-
bique (*).
La teinte violacée dont nous nous occupons est exces-
sivement basse, car elle ne paraît pas influencer une
hune teinte sensible; le phénomène en question, ana-
logue à celui qui est présenté par certaines chlorites, est
probablement un phénomène d'absorption.
La figure d'interférence présentée en lumière blanche
convergente par une lame normale à la bissectrice accuse
une dispersion notable des axes optiques (p > u) ; les
branches hyperboliques, dans le voisinage de la trace du
plan des axes optiques, sont fortement colorées en bleu
dans leur partie concave, en rouge dans leur partie
convexe.
Action de la chaleur. — En chauflant un cristal sur une
lame de verre, à 140°, il fond en un liquide transparent;
si ensuite on laisse refroidir lentement, on constate au
microscope, entre les niçois croisés, que la masse solidifiée
est amorphe et quelle reste amorphe jusqu'à ce que la tempé-
(') Comme le sphène.
( 535 )
rature soit descendue à endroit 57°; à ce moment, elle cristal-
lise brusquement, et le champ du microscope, qui était
obscur, s'éclaire subitement. Si l'on chauffe de nouveau
la substance modérément, au-dessus de 57° elle redevienl
amorphe, pour redevenir cristalline par le refroidisse-
ment, et ainsi de suite.
Je me suis demandé si ce phénomène nécessitait la
fusion préalable de la substance, ou bien si le glycol que
nous examinons jouissait de la singulière propriété de ne
pouvoir présenter l'état cristallin qu'au-dessous de 57°: à cet
effet, j'ai chauffé vers 70° une lame de clivage g1; j'ai
constaté qu'effectivement elle devenait amorphe, tout en
conservant sa forme extérieure, pour redevenir cristalline
lorsque la température descendait à 57°. Seulement, le
bouleversement produit par ces transformations fait que
le cristal ne s'éteint plus régulièrement, tout en devenant
lumineux entre les niçois croisés. Pour la même raison,
une lame perpendiculaire à la bissectrice, placée dans les
mêmes conditions, tout en redevenant cristalline à 57°,
ne présente plus de figure d'interférence en lumière con-
vergente.
D'un caractère différentiel entre leucoblastes et érythroblastes.
— Observations cytologiques ; par M. le professeur
A. Trambusti, de l'Université de Ferrare.
S'il est possible, pour un œil très exercé dans les
recherches hématologiques, de différencier les foi uns
jeunes des globules rouges des formes jeunes des
globules blancs, il est souvent très difficile (et Flemming
estime même qu'il est presque impossible), dans l'étude
( 334 )
des organes hématopoiétiques, d'établir la diagnose de
l'une ou de l'autre espèce cellulaire, si, au lieu d'avoir
sous les yeux des éléments à l'état de repos, ceux-ci se
présentent en voie de division karyokinétique.
Les difficultés inhérentes à ce genre d'observations
nous expliquent les différences d'opinions des auteurs
relativement à la genèse des globules blancs et des glo-
bules rouges, au point que beaucoup soutiennent encore
l'origine leucoblastique des globules rouges.
Quelques-uns de ceux qui se sont occupés de cette
question ont essayé d'établir des caractères différentiels
entre les leucoblastes et les érythroblastes. Ainsi, Lôwit
attribuerait une certaine importance au type de division
que l'on rencontrerait dans les deux formes cellulaires :
suivant lui, les leucoblastes se diviseraient d'après un
mode spécial de mitose qu'il appelle divisio indirecta per
(jranula, plus simple que la mitose ordinaire et différente
de la divisio indirecta per fila, qui serait propre aux
érythroblastes. Denys, au contraire, établit sa diagnose
d'après le siège occupé par les deux formes cellulaires :
ainsi, tandis que les cellules en division que l'on ren-
contre dans le parenchyme médullaire appartiendraient
à des leucoblastes, celles qui se trouvent dans les capil-
laires veineux devraient être considérées comme appar-
tenant à des érythroblastes.
Bizzozero reconnait les érythroblastes, même à l'état
de division, à leur contenu en hémoglobine, qui manque
dans les leucoblastes, et à l'aspect granuleux que présente
le protoplasme de ceux-ci.
Van der Stricht insiste plus spécialement sur ce der-
nier caractère, sur lequel il appelle plusieurs fois l'atten-
tion dans ses travaux.
( 335 )
Parmi les caractères différentiels que je viens d'énu-
mérer, les plus importants sont ceux <pii ont été établis
par Bizzozero et par Van der Striclit.
Bizzozero, dans ses recherches sur les organes hémato-
poiétiques, avait reconnu, dès le principe, les difficultés
auxquelles on se heurte pour établir une diagnose diffé-
rentielle entre les deux formes cellulaires, et, après
diverses épreuves, il était parvenu, au moyen de la lixa-
lion au sublimé dans une solution aqueuse de chlorure
de sodium et avec la coloration par l'hématoxyline et
l'alcool picrique, à obtenir une méthode de fixation et de
coloration très précieuse pour ces recherches. En effet,
la coloration avec l'alcool picrique, convenablement réglée,
permet d'obtenir la coloration jaune, non seulement du
cytoplasme des globules rouges adultes, mais aussi de
celui des glohules rouges jeunes encore nucléés, et — ce
qui est plus intéressant - - cette coloration jaunâtre se
conserve même pendant la mitose des érythrocites, tan-
dis que le cytoplasme des globules blancs reste toujours
incolore dans toutes les périodes de leur évolution. Cette
coloration jaunâtre apparaît avec évidence, non seulement
dans les coupes des pièces fixées, mais encore à L'examen
des éléments à l'état Irais.
Toutefois, d'après Bizzozero, pour pouvoir apprécier
nettement la coloration dont il s'agit, plusieurs condi-
tions sont nécessaires: en premier lieu, il faut avoir l'œil
sensible aux couleurs, et spécialement à la couleur jaune ;
en second lieu, il est nécessaire, si l'on emploie, dans
l'observation, des objectifs apochromatiques avec ocu-
laires compensateurs, que le ciel soit d'un bleu bien
clair, parce que, si le ciel est bleu foncé, le coloration
( 336 )
jaune devient peu visible dans les érythroblastes. Il est
évident, d'après cela, que l'exacte détermination de ce
critérium différentiel peut parfois échapper à l'obser-
vateur.
Il n'est donc pas ('tonnant que Denys et d'autres, qui
ont admis le contenu hémoglobinique dans les globules
rouges jeunes, le nient dans les érythroblastes. Mais
Bizzozero ne s'est pas borne à relever ce seul caractère
du contenu hémoglobinique; plusieurs fois, dans ses
travaux, il a insisté sur l'aspect homogène que présente
le cytoplasme des érythroblastes et sur l'aspect granuleux
du cytoplasme des leucoblastes.
A la page 2.v> de sou travail Sur la structure de la
moelle des os chez les oiseaux, en parlant des scissions
indirectes des leucocytes, Bizzozero s'exprime ainsi :
<( il n'est pas possible de penser que ces mitoses appar-
» tiennent à des éléments cellulaires autres que les leu-
» cocytes, puisque, [tendant le processus de scission,
» leur protoplasme se modifie beaucoup moins que dans
» d'autres formes cellulaires, de sorte que, soit par le
» manque de couleur, soit parce qu'il est grossièrement
» granuleux, il ressemble beaucoup au protoplasme
» des leucocytes circonvoisins qui se trouvent en état de
» repos. »
(l'est d'après l'ensemble de ces caractères que Bizzo-
zero a pu établir le principe que « la production des
» globules rouges, chez tous les vertébrés, a lieu par
» multiplication karyokinétique d'une forme cellulaire
» typique, constituée par un noyau sphérique revêtu
o dune mince couche de protoplasme contenant de l'hé-
» moglobine ».
Le caractère de granulosité du protoplasme des leuco-
( 537 )
blastes, sur lequel Bizzozero avait déjà attiré l'attention,
csi considéré par Van der Stricht comme le caractère
différentiel le plus important qui distingue les leuco-
blastes des érythroblastes. Plusieurs Ibis, dans son ample
monographie Sur la genèse des globules rouges et des
globules blancs du sang, il s'arrête sur ce caractère et il
en démontre toute l'importance au point de vue de la
diagnose des formes cellulaires.
Ainsi cet auteur a pu, lui aussi, on s'appuyant spécia-
lement sur ces données, établir que les globules blancs,
des leur apparition, « présentent des caractères distinctifs
ii tous les stades de leur évolution », parce que, même
au stade de division indirecte, tandis que « les érythro-
» blastes se reconnaissent à la présence d'une mince
» bordure de protoplasme homogène, les leucoblastes
» sont reconnaissantes à l'existence d'une zone proto-
»» plasmatique plus large, analogue à celle qui caractérise
» ces éléments au stade de repos » (globules blancs à
protoplasme finement granuleux et globules blancs à gra-
nulations éosinophiles.)
Dans des préparations de moelle d'os de lapin que
j'avais faites dans un autre but, en employant la méthode
de coloration de Flemming, mais en colorant successive-
ment avec une solution aqueuse d'induline, j'avais pu
démontrer que les leucoblastes et les leucocytes adultes
présentaient tous, à un degré plus ou moins grand, cette
caractéristique, qu'ils contiennent, dans le cytoplasme,
des granulations tantôt très petites, tantôt un peu plus
5me SÉRIE, TOME XXXIII. --">
( 338 )
grosses, eolorables avec l'induline, et que ces granula-
tions persistaient chez les leucoblastes en mitose, tandis
que, dans le cytoplasme des érythroblastes en repos ou
en voie de scission indirecte, on ne rencontrait jamais
aucune granulation.
Le fait que j'avais mentionné incidemment, dans mon
travail Sur la moelle des os dans la diphtérie, était très
intéressant, car bien que Bizzozero et Van (1er Strichl
eussent parlé d'état granuleux du cytoplasme des leuco-
cytes en repos ou en divison, c'était la première t'ois que
l'on démontrait, au moyen de la coloration, les granula-
tions cytoplasmatiques de ces éléments cellulaires dans les
premières phases de leur évolution et durant la division
cellulaire.
Et c'est précisément à cause de l'importance que peut
avoir cette donnée pour l'étude des problèmes de l'hémato-
poièse que je me proposai de revenir sur cette observation,
en cherchant à établir, au moyen d'autres conditions
expérimentales, si le fait était constant.
dette l'ois, je me suis servi de la moelle d'os de lapins
jeunes, saignés à plusieurs reprises, et qui était extraite
douze à quatorze heures après la dernière saignée,
moment regardé comme le plus propice pour trouver de
nombreuses mitoses.
Outre la méthode, mentionnée plus haut, de la double
coloration avec la safranine et avec l'inuline, j'ai employé
aussi la coloration avec la thionine et l'éosine, qui m'a
donné également d'excellents résultats.
La planche qui accompagne le travail a été dessinée
d'après des préparations colorées suivant cette seconde
méthode.
( 359 )
Le procédé de coloration est très simple. Les coupes
des pièces fixées en Flemming se colorent pendanl vingt-
quatre heures dans une solution à 1 ° 0 de thionine dans de
l'eau d'aniline (eau, KM) narlies; huile d'aniline. îi. Les
coupes fortement colorées se décolorent au moyen de
l'alcool chlorhydrique; ensuite on les passe dans une solu-
tion aqueuse, puis dans une solution alcoolique d'éosine,
de celle-ci en xylol, après quoi l'on monte en baume.
I>e même que les granulations, par la première mé-
thode, prennent la couleur propre de l'induline, ainsi.
par cette seconde méthode, elles prennent, au contraire,
la couleur rouge de l'eosine (planche, le).
Également dans les [(réparations de moelle de lapins
saignés, tandis que le cytoplasme des érythroblastes, à
quelque période de leur cycle évolutif que se soit, se
montre clair et homogène (planche, er), celui des leuco-
cytes et des leucoblastes, aussi bien dans le stade de
repos que dans celui de division, présente constamment
des granulations (planche, le).
Os granulations sont tantôt très fines, tantôt un peu
plus grosses; parfois elles répondent au type des granu-
lations éosinophiles d'Ehrlich. Dans les moelles de lapins
saignés, cependant, on ne les rencontre pas avec autant
d'abondance que dans d'autres conditions physiologiques
che/. ces animaux, et spécialement lorsqu'il \ a une
grande stimulation de l'activité de sécrétion des cellules
médullaires.
J'ai, en effet, soutenu dans d'autres travaux et
d'autres le soutiennent avec moi — que les leucocytes ont
principalement une fonction sécrétoirc. Les observations
de (iahrietchewskv, de Van (1er Stricht. de Neusser, de
( 340)
Kantack, de Buchner, <le Cuénot et les miennes paraissent
le démontrer.
11 est donc naturel que le nombre des granulations,
* I u i , pour moi et pour d'autres, représentent de véritables
produits de sécrétion, doive se trouver d'autant plus
abondant que les leucocytes se rapprochent davantage de
l'état de maturité et que leur fonction sécrétoire est plus
stimulée.
Dans les éléments que l'on rencontre dans la moelle
des os d'animaux privés de sang, nous nous trouvons en
présence de cellules pour la plupart jeunes et dans les-
quelles est principalement stimulée la fonction de repro-
duction, afin de pouvoir compenser la perte de la partie
corpusculaire qu'a subie la masse sanguine. 11 s'agit donc
de cellules dont la fonction sécrétoire n'a pas atteint
son maximum d'intensité.
Et cela est si vrai que, si l'on examine les moelles
trois ou quatre jours après la dernière saignée, on voit
un nombre moindre de mitoses et une plus grande abon-
dance des granules dans le cytoplasme des leucocytes; ce
qui indique que, dès que la fonction de reproduction a
cessé, les éléments cellulaires reprennent à un plus liant
degré la fonction de sécrétion à laquelle ils sont appelés.
Les méthodes de coloration que j'ai employées servent
ainsi à établir que la présence des granulations colo-
rables avec quelques couleurs d'aniline à l'intérieur du
cytoplasme des leucocytes, dans quelque période que ce
soit de leur développement, est un fait constant, et «pie
cela constitue un caractère certain pour différencier les
leucoblastes d'avec les érythroblastes.
Ces observations viennent ainsi confirmer les recber-
Bull.de l'Acad. 3e Serve. Tome AXA'///
% •
É5?
1
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;"•'•• .-;v... .".V^ •• ..-:■- :--v.
".¥ ▼ •■.•••• •• •* •■.'•• •'.••. .••-■
/,-
Gitï J.L.GOFFÂRT, Bruxelles
( 341 )
ches de Bizzozero el de Van der Strient, <-i elles induisenl
à croire, avec ces auteurs, que les globules blancs el les
globules rouges <lu sang, vu leur structure morphologique,
doivent être considérés, dans toutes les époques <l<' leur
évolution, comme <!»'ii\ espèces cellulaires différentes,
n'ayant «Mitre elles aucun rapport génétique.
Ferrare, 1.". février 18'J7.
Institut de Pathologie générale de l'Université.
EXPLICATION l)K LA PLANCHE.
La planche a été dessinée avec un ohj. Koristka à immersion I
gène, apoenromatique ^ ,,Q ocul. compensât, i.
La planche représente une coupe de la moelle du fémur de lapin
saigné. Les éléments figurés en er représentent les astes;
les éléments figurés en le, les leucoblastes.
( 342 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du o avril 1897.
M. le comte Goblet d'Alviella, directeur, président de
l'Académie.
M. le chevalier Edm. Mahchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph. Wauters, P. Willems,
S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin, J. Stecher, Ï.-J. La-
my, G. Tiberghien, L. Vanderkindere, Ad. Prins, J. Vuyl-
steke, Ém. Banning, A. Giron, le baron J. de Cheslret
de Haneffe, Paul Fredericq, God. Kurth, Mesdach de ter
kiele, H. Denis, le chevalier Éd. Descamps, G. Mon-
champ, membres; A. Rivier, J. Vollgraff, associés;
D.Sleeckx, P. Thomas, Ch. Duvivier, V. Brants et Ch. De
Smedt, correspondants.
M. Vander Haeghen écrit que son état de santé l'em-
pêche d'assister à la séance.
M. le Directeur adresse les félicitations de la Classe à
M. Piot, promu commandeur de l'Ordre de Léopold par
arrêté royal du 29 mars dernier. (Applaudissements.)
( 345 )
CORRESPONDANCE
M. le Ministre de l'Intérieur et do l'Instruction pu I>1 i-
qtie transmet une expédition de l'arrêté royal en date du
ï2<) mars, qui décerne à M. Ch. Duyivier, correspondant
de l'Académie, le prix quinquennal d'histoire nationale
(période de 1891-1895), pour son ouvrage : /.'/ querelle
îles d'Avesnes et des Dam/pierre.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages cites ci-après :
1° La Belgique sous l'Empire et ht défaite de )Va(erloo
f 804-1815), tomes I et II; par Sylvain Balau;
2° Quelques noms et quelques faits à propos de la guerre
des paysans 1 798-1799); par l'abbé Van Caenegem;
7>" Cartuluire de la commune d'Andenne, tome [er; par
Léon Lahaye ;
\ Institut colonial international. Publications, 2e série:
Les fonctionnaires coloniaux, tomes I et II.
— Remerciements.
M. le Minisire de l'Industrie et du Travail (dire un
exemplaire des ouvrages suivants :
Travail du dimanche, vol. 1, II et V.
Conseil supérieur du travail: 51' session, 1895^-1896,
(Amiral du travail.
— Remerciements.
Hommages d'ouvrages :
1° Poésies. Théâtre de salon. Monologues et saqnètes ; par
Paul Henrard, offert par M"" veuve Paul Henrard;
( 344 )
2° j Le roi Louis-Philippe et le droit de grâce. \ Lecture
faite à l'Académie française, dans la séance du 18 mars ISf/7:
par le duc d'Aumale, associé de la Classe ;
5° Colonies françaises et colonies anglaises; par le mar-
quis de Nadaillac, associé de la Classe;
4° a) Inscriptions de Delphes; b) Statue de bronze décou-
verte à Delphes; par J. -Th. Homolle, associé de la Classe;
5° a) Sur l'administration de la justice en Suéde, en 1895;
b) Sur l'état des prisons en Suéde, en 1895; par C. d'Oli-
vecrona, associé de la Classe.
— Remerciements.
RAPPORTS.
Notes pour servir à l'histoire de Charles-Quint;
par Ernest Gossart.
Hupporl de M. M*iot, preêniet' commissaire.
« Le mémoire présenté à la Classe par M. Gossart et
portant pour titre : Jotes pour servir à l'histoire de
Charles-Quint, est divisé en cinq parties intitulées :
1° Relations des ambassadeurs vénitiens Pasqualigo et
Corner sur Charles-Quint et les Pays-Bas (1515 à 1521);
2" L'apprentissage politique de Charles-Quint ; 5° Projets de
cession des Pays-Bas; 4° Après l'abdication; o° Les testa-
ments de Charles-Quint.
Ces chapitres sont suivis de deux appendices : A. Le
Grand Capitaine et la république de Venise, d'après la
( 345 )
correspondance de Corner; I». Avis donne à l'Empereur
pour le bon gouvernement de ses royaumes ci i'.iais. Ces
documents, dont les copies reposent aux Archives <lu
Royaume à Bruxelles, servent en quelque sorte de pièces
justificatives.
Dans le chapitre concernant les relations des ambas-
sadeurs vénitiens, l'auteur résume avec tact tout ce que
les diplomates de la célèbre république ont l'ait connaître
touchant la personnalité de l'Empereur et son entourage
de 1515 à 1521. Si cette partie du mémoire n'est pas
entièrement neuve, elle a le grand avantage d'exposer
tous les faits d'une manière à la fois lucide et précise.
Le chapitre intitulé : V apprentissage politique de Charles-
Quint, est plus intéressant, à raison des aperçus nouveaux.
L'auteur y explique la position du jeune prince placé sous
la tutelle de son grand-père, l'empereur Maximilien, qui,
à un moment donné, voulait réunir le pouvoir temporel
et le pouvoir spirituel. C'était à ses yeux la conséquence
nécessaire de la chute de la féodalité, le triomphe complet
de la monarchie.
Jeune et sans expérience aucune, l'archiduc Charles
subit la double influence de l'Autriche et de l'Espagne. Il
ne fut ni Néerlandais, ni Allemand, ni Autrichien, ni
Espagnol, pas même Français, quoique d'origine française
par sa grand'mère et les aïeux de cette princesse. Ainsi,
par suite d'atavisme sans doute, il avait le menton
proéminent des ducs de Bourgogne, dont parle Marguerite
d'Autriche. Au reste, il est lui-même, bien que son esprit
reçut successivement l'empreinte des leçons de son gou-
verneur, Guillaume de Croy, de son précepteur, Adrien
d'Utrecht, et de ses « maîtres d'école » espagnols. Ces
impulsions si différentes, souvent contraires, mais ten-
( 346 )
dant toujours au même but, la centralisation du pou-
voir, produisirent, quant à la politique du prince, des
effets très complexes. Il faut y joindre les résultats de
l'éducation qu'il reçut de sa tante, Marguerite d'Autriche,
femme dont l'intelligence élevée eut sur les princes de sa
maison un ascendant considérable.
L'auteur décrit parfaitement l'action de ces courants
divers, voire si opposés, nous venons de le dire. C'est
un tableau qu'il nous présente de l'éducation politique, de
l'esprit éclectique d'un prince appelé à gouverner des
peuples dissemblables, ayant des aptitudes divergentes
résultant du génie national de chacun d'eux.
A mon avis, c'est la partie la plus intéressante du
mémoire, qui forme en quelque sorte un ensemble varié
d'épisodes de la vie de l'empereur.
Les chapitres ayant pour titres : Projets de cession des
Pays-Bas et Après l'abdication apprécient fort bien les
faits. Sous ce rapport, l'auteur entre dans des détails clai-
rement et nettement expliqués.
Lu ce qui concerne les testaments de l'Empereur, il a
recueilli toutes les données connues à ce sujet.
En somme, je pense que ce travail mérite de figurer
dans les Mémoires de la Classe, où il pourra être consulté
utilement jusqu'au moment de la publication complète
de la correspondance de l'Empereur, dont de Leva,
Roesler, Bradford, Heine, Dôllinger, de Reiffenberg,
Kluckhohn, Mignet, etc. ont fait connaître des fragments
importants, qui n'ont pas toujours été mis à profit par les
historiens. »
( 547 )
/(,i///m.»/ île M. KM*. Iluiitnitfi . t$ftij-$4'tii*' <o»*l»»il««««»<*.
M. Ernest Gossart communiquait l'an dernier à la
Classe des lettres, qui en ordonnait l'impression dans le
recueil des Mémoires in-S de l'Académie, une étude d'un
vil' intérêt sur Les tirigines de la prépondérance politique de
l'Espagne en Europe. Il montrait dans ce travail comment
Charles-Quint, étranger et d'abord hostile à l'Espagne,
accueilli à son avènement dans ce pays par une insurrec-
tion redoutable, se transforma graduellement en prince
espagnol, s'imprégna de plus en plus de l'esprit et des
mœurs d'une nation qui l'avait longtemps détesté, et finit
par taire des États que lui avaient légués Ferdinand et
Isabelle, le pivot même de la conception politique qu'il
avait représentée pendant quarante ans. Cette conception,
que M. (iossart définissait en ces termes : « Concentration
de toute l'autorité dans sa main comme chef de la maison
d'Autriche, prééminence sur les autres souverains, reven-
dication du rôle de protecteur de la chrétienté et d'arbitre
de la paix en Europe » (page m), il s'était proposé de la
suivre dans ses orientations multiples, de dégager la
pensée fondamentale du règne, à travers ses phases succes-
sives et dans les applications diverses qu'elle avait reçues.
L'entreprise était digne d'être tentée; mais une diffi-
culté grave se révéla dès le début. « Les documents impri-
més que l'on possède au sujet du règne de Charles-Quint
sont loin de suffire à une histoire de sa politique exté-
rieure » (p. vin). Cette observation, M. (iossart n'a pas
été le premier à la faire. Le règne de Charles-Quint
accuse, en se poursuivant, une complication extrême, un
désarroi croissant; il finit sans être achevé, laissant toutes
( 348 )
les questions ouvertes, tous les intérêts en suspens.
L'empereur lui-même ne se sentit pas le goût ou la force
de le conduire jusqu'au bout; lassé de ses mécomptes
bien plus peut-être qu'épuisé par les infirmités, après
avoir accumulé au cours de sa vie les dispositions testa-
mentaires, il devança la mort et renonça à un pouvoir
dont il n'avait su faire l'instrument d'aucune création
durable. Ce caractère d'inachevé se retrouve, par un
trait bizarre, dans l'œuvre des historiens qui se sont
appliqués à retracer sa carrière. Après Robertson, dont
le livre encore intéressant est naturellement suranné, il
n'a point paru d'histoire complète de Charles-Quint.
Notre ancien confrère, M. Henné, ne l'a étudié que dans
les Pays-Bas, comme G. de Leva ne le considère que
dans sa politique italienne, comme Maurenbrecher l'envi-
sage au point de vue de la Réforme. Il y a douze ans,
Hermann Baumgarten voulut essayer un ouvrage d'en-
semble et crut pouvoir récrire à l'aide des seuls docu-
ments édités; arrivé au troisième volume en 1892, le
dernier de son travail que la mort ne lui permit de
conduire que jusqu'à l'année 1558, il constata lui-même
l'impossibilité de poursuivre sa tache, si ce n'est à la
condition d'aller s'installer pour plusieurs années dans
les grands dépôts d'archives de l'Europe. Même en
s'eftbrçant de remplir un cadre plus restreint, M. Gossarl
aboutit ii la même conclusion. Mais s'il n'a pas écrit
l'histoire diplomatique de Charles-Quint, il a pu, au coins
de ses longues recherches, éclairer par bien des côtes la
voie où d'autres marcheront après lui et nous apporter
une suite d'informations réunies avec un soin scrupuleux
et pour la plupart mises dans un jour nouveau.
Le mémoire qu'il soumet à l'Académie se compose de
cinq notes et de deux appendices.
( 349 )
La première de ces noies est une analyse de la relation
des <lt'ii\ plus anciens ambassadeurs de Venise auprès de
Charles-Quint : Pasqualigo en 1515, el Corner, le premier
agent de la République régulièremenl accrédité à sa
cour, en 1521. Ces relations, qui ont échappé aux recher-
ches d'Alberij complètent le recueil formé par Gachard
des relations des ambassadeurs vénitiens sur Charles-
Quint et Philippe II; les éléments en sont empruntés aux
Diarii de Marino Sanuto. Ces documents fournissent de
fort intéressants détails sur la situation politique et éco-
nomique de l'Espagne comme des Pays-Bas (tendant les
premières années du XVI'" siècle. Les traits de mœurs
piquants n'y sont pas rares. Les deux diplomates tra-
cèrent un portrait peu ilatté du jeune souverain, qui leur
parut alors promettre le contraire d'un grand homme.
Son instruction première à coup sûr avait laissé beau-
coup à désirer. Dix ans plus tard, Contarini, après la
négociation de Bologne, tient un autre langage.
La seconde note constitue une étude importante sur la
formation de la personnalité politique de Charles-Quint.
Il s'agit d'établir le moment précis où le prince se dégage
des influences qui ont dirigé sa jeunesse et manifeste une
volonté propre. C'est à l'année 1521, pendant la diète de
Worms, que M. Gossart reporte la date de cette émanci-
pation. Le seigneur de Chièvres, qui avait présidé à son
éducation, garda jusqu'à sa mort, survenuele 28 mail521,
sur l'esprit du jeune souverain un empire incontesté : en
sa présence, Charles n'est qu'un élève, son attitude est
passive, son rôle nul, au point que des observateurs sagaces
se méprennent sur la portée de son intelligence. Le pre-
mier ministre meurt pendant la diète de Worms même :
la pensée dirigeante qui s'y manifeste vient certainement
( 350 )
de lui. C'était un compromis formulé en ces termes : que
Léon X renonce à l'alliance avec la France, qu'il unisse
sa cause à celle de l'Empereur et celui-ci lui livrera en
retour Luther. Cette négociation, qui s'ouvrit entre
Chièvres et Aleander, représentant des intérêts du Saint-
Siège, avait abouti dès le <S mai, car l'édit de proscription,
publié seulement le 25, est arrêté dès lors. Trois jours
après, Chièvres est mort, mais Charles s'approprie sa
politique et la poursuit désormais en son nom. « Vous
serez content de moi, » dit-il à Aleander. Quand, plus tard.
Clément Vil, revenant sur les engagements de Léon X et
d'Adrien, se rapproche de François Ier, l'Empereur
s'irrite et menace : « lin jour ou l'autre peut-être, dit-il
alors à Contarini, Martin Luther deviendra un homme
important. » C'est la pensée de 1521 qui reparait un mois
avant la bataille de l*avie. A ce moment, Charles-Quint
est bien lui-même; son nouveau ministre, Gattinara,
n'avait pas hérité de l'autorité du premier, dont il ne
parait pas avoir, au surplus, égalé le mérite. M. Cossarl
publie, en appendice, un long mémoire que Gattinara
adressa à son maître vers 1523 et qui est un examen
général de la situation politique. Ce document l'ut dis-
cuté en conseil et chargé d'apostilles : la lecture n'en
donne pas une haute idée de la manière dont se traitaient
les affaires dans cette assemblée. L'étude tout entière
fournit des indications et des rapprochements d'un grand
intérêt.
Les trois autres notes ont reçu moins de développe-
ments. La première concerne les projets conçus à diverses
époques par Charles-Quint de constituer les Pays-Bas eu
un Etat indépendant. Les négociations à ce sujet se rat-
tachèrent à la possession du Milanais, auquel François IPI
( 38)
paraît avoir tenu beaucoup plus qu'à celle des Pays-Bas.
Le projet de 1527 avorta en germe; il renaît en 1539 et
en 1544. En Espagne, on y était hostile; le motif vaut la
peine d'être noté. Les États de Flandre, disait-on, étaient
au milieu de l'Europe « une citadelle d'acier [tour la mai-
son d'Autriche, un bouclier qui lui permettait de recevoir
les coups de l'Angleterre, de l'Allemagne et de la France
loin de la tète de la monarchie. » Le rôle était modeste;
il allait résumer un siècle et demi de notre histoire.
Plus tard, en 1555, à l'occasion du mariage de Philippe
avec Marie Tudor, on voit l'Empereur rêver d'unir
sur la tète de leur héritier éventuel la couronne d'Angle-
terre à la souveraineté des Pays-Bas. Ce projet ne ren-
contra pas d'hostilité dans nos provinces où l'alliance
anglaise était populaire et semblait promettre aux États
associés la suprématie maritime et commerciale. Un
dernier dessein de l'Empereur aurait donné les Pays-Hasà
sa fille ainée qui aurait épousé son cousin Maximilien;
une préoccupation dynastique lit encore renoncer à cette
pensée : il ne fallait pas risquer d'affaiblir la puissance de
Philippe IL M. Gossart, en passant en revue ces diverses
combinaisons, met en doute la sincérité de Charles-
Quint dans ses projets de transférer ses possessions
belges à un prince de la maison de France.
La quatrième étude donne de nouveaux détails sur
la seconde abdication de Charles-Quint, que la solen-
nité de la première a quelque peu mise dans l'ombre et
qui eut lieu à Bruxelles, le 1<> janvier 1556. L'attitude de
Philippe et de ses courtisans espagnols ne fut rien
moins qu'édifiante à ee moment : on trouvait l'Empe-
reur bien lent à se dessaisir de l'Espagne et de Naples;
Marie de Hongrie dut intervenir pour rappeler ces impa-
( 352 )
tiences au respect. On aurait voulu retenir à Bruxelles
le monarque dépouillé de son pouvoir et lui faire porter
le poids de la lutte qui allait s'engager avec la France. Il
n'en fit rien; le 8 août 1556, Charles-Quint quittait défi-
nitivement les Pays-Bas : la scène du départ fut émou-
vante. De tous côtés se manifestaient de sombres pres-
sentiments.
La dernière note de M. Gossart se rapporte aux testa-
ments et codicilles de Charles-Quint, au sujet desquels il
s'est livré à de longues et minutieuses recherches; il en
signale quinze, de 1522 à 1558, dont plusieurs inédits.
Un certain nomhre de ces actes ont disparu : l'auteur
s'est borné jusqu'ici à en établir le catalogue, qui pourra
servir de point de départ à un travail ultérieur.
Ces considérations m'amènent à la même conclusion
que notre savant confrère, M. Piot. En accueillant avec
sympathie les nouvelles études de M. Gossart, il me sera
permis d'exprimer le vœu de lui voir continuer ses fruc-
tueuses recherches sur l'histoire du XVIe siècle. Après les
résultats dignes d'attention qu'il a obtenus, il faut garder
l'espoir qu'il n'a pas renoncé entièrement au plan qu'il
s'était tracé tout d'abord, et qu'il finira par coordonner
en une œuvre d'ensemble les chapitres isolés qui vien-
nent prendre place dans les recueils de l'Académie. »
Ra/jfioi't tte .If. f*. f<V*>rfeWc«jr, troisième con»»t»i*»aire.
ce Les développements que les deux premiers commis-
saires ont donnés à leurs rapports, me dispensent d'entrer
dans le détail du nouveau mémoire soumis à la Classe
des lettres par M. Ernest Gossart.
( 353 )
C'est un travail remarquable, contenant beaucoup de
choses neuves; l'auteur a fait lui-même d'heureuses trou-
vailles et les met en œuvre avec une grande sûreté d'in-
formations.
C'est pourquoi je n'hésite pas à me rallier aux conclu-
sions de mes deux honorables confrères et j'ai l'honneur
de proposer avec eu\ l'impression du manuscrit de
M. Gossart dans les Mémoires in-8" de l'Académie. » -
Adopté.
JUGEMENT DES CONCOURS.
Conformément à l'article 38 du règlement, il est donné
lecture des rapports sur les mémoires présentés aux con-
cours de cette année.
Le prononcé du jugement aura lieu dans la prochaine
séance, lixée au 10 mai.
COMITÉ SECRET
La Classe se constitue en comité secret pour discuter
les titres des candidats aux places vacantes et pour l'adop-
tion de candidatures nouvelles.
■ — ^JifrÇ-g^gHSX
SÉRIE, TOME XXXIII.
( 354- )
CREASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 1er avril 1897.
M. Ch. Tardieu, vice -directeur, occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Th. Vinçotte, directeur; Éd. Fétis,
F. -A. Gevaert, Ad. Samuel, Th. Radoux, Jos. Jaquet,
J. Demannez, P.-J. Clays, G. De Groot, Gustave Biot,
H. Hymans, Jos. Stallaert, Alex. Markelbach, Max. Roo-
ses, G. Huberli, A. Hennebicq, Éd. Van Even, Alfr. Cluy-
senaar, le comte J. de Lalaing, J. Winders, Ém. Janlet,
H. Maquet, membres; J.-B. Meunier, A. Bourlard et
Em. Mathieu, correspondants.
M. J.-J. Van Ysendyck exprime ses regrets de ne
pouvoir assister à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux publics
adresse une expédition d'un arrêté royal en date du
:2r> mars, nommant MM. Benoît, Gevaert, Samuel, Fétis,
:>55
Rooses. Snieders et P. Willems membres du jury chargé
de juger le double concours pour un poème en langue
française et un poème en langue flamande destinés à
servir de thème aux concurrents du grand prix de com-
position musicale de cette année.
M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio-
thèque de l'Académie, un exemplaire du livre intitulé :
Les heures (Je i\olre Dame dite de Hennexsy, élude sur an
manuscrit de la Bibliothèque royale de Belgique, par
Joseph Destrée. Remerciements.
M. L. Laureys remercie, par écrit, la Classe, pour
le discours prononcé par M. Vinçotte lors des funérailles
de M. Félix Laureys, et pour les condoléances qui ont été
exprimées à la famille du défunt.
- La Classe renvoie à l'appréciation de la section
d'architecture le cinquième rapport semestriel de M. E.
Vereecken, premier prix du grand concours d'architec-
ture de 1893.
Hommages d'ouvrages :
Annuaire da Conservatoire royal de musique de
Bruxelles, vingtième année; offert par M. Cevaert.
(tara dvl Monte en Deodatus Van (1er Mont; par
P. Génard.
Remerciements.
( 556 )
RAPPORTS.
MM. Fétis, Clays, Cluysenaar, Hennebicq et Stallaert
donnent lecture de leur appréciation «les troisième el
quatrième rapports de M. Ed. Van Esbroeck, boursier
pour la peinture, en 1<X<),">, de la fondation Godecharle.
- Renvoi à M. le Ministre de l'Agriculture et des Tra-
vaux publics.
CONCOURS DES CANTATES IMUT, L'ANNEE 1«S«)7.
M. le Secrétaire perpétue] dépose sur le bureau les
poèmes portant les titres suivants, qu'il a reçus pour ce
eoncours :
POÈMES FRANÇAIS.
1. Salul à l'Escaut. Noël. Le Drapeau. Sans devise.
2. Mu ils héroïques. Devise : Dieu! (jiie le son du cor est
triste au fond des Lois. A. de Vigny.
."*>. Alcyuue. Devis*' : Eros.
\. Job. Sans devise.
.">. La Vierge-Cygne, légende. Sans devise,
(i. Le Mousse Angelo, monologue. Sans devise.
7. Myrrha, poème lyrique en trois tableaux. Devise :
Ilonos alit artes.-
8. Paix! poème lyrique et sympbonique en trois parties.
Devise : Exulsior.
1>. Judith. Sans devise
{ 557
10. Adam et Eve. Sans devise.
I I. Le Crépuscule Devise : L'aine, de reres d'or, fait une
ample cueillette !
12. A Jérusalem, épisode de la première croisade; Sans
devise.
15. Yconnic. Sans devise.
11. Le Triomphe des Arts et de l'Industrie. Sans billet
cacheté. Monogramme L: .1.
15. Le Vieux Saule. Sans devise.
16. Germankm, mélodrame. Sans devise.
17. La Foret. Sans devise.
IN. Lizel, poème lyrique en trois fragments. Sans devise.
10. La Civilisation belge au Congo. Sans devise.
20. L'Adoration <les Bernas. Devise : Le peuple qui
marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière,
Es. IX, 1.
21. Saritri, légende hindoue: Sans devise.
22. Laus Arti. Devise : Paulo majora canamus.
2">. Jephtah Victorieux! Sans devise.
2i. Lu ( haniuiue. Sans devise.
25. A tire d'aile. Sans devise.
20. Les Inoubliables. Sans devise.
27. La Paix. Sans devise.
2K. Démence de Judas l'iscarîole. Sans devise.
2!). Désespérance. Devise : Bondissant dans ma course
errante, puissé-je aller avec le souffle des cents.
Aristophane, Les Oiseaux.
30. Antigonc. Sans devise.
51. Honneur à la langue maternelle, conversation entre
deux soldats. Sans devise.
52. Les Vaincus Devise : Gloria victis.
33. (omala, d'après Ossian. Sans billet cacheté.
( 358 )
POÈMES FLAMANDS.
1 . Menschemtrijd. Kenspreuk : Godsdienst, kunst, welen-
schap.
"2. Agrippina. Kenspreuk : Kanst is leven.
5. Nachtmijmering. Kenspreuk : Poesis sollatiuw per
vicissitudines vitœ.
4. Zomernachtsdroom. Kenspreuk : Ich homme (ang-
sam, enz. Goethe, Torquato Tasso.
5. Lenledag. Kenspreuk : lilijde lente, lusl der aardc, enz.
Feith.
<j. Mozcs gered. Zonder kenspreuk.
7. .4 dol 'f vin Niïiiwland en Machteld van Vlaandercn.
Zonder kenspreuk.
8. Livfde en Harmonij. Zonder kenspreuk.
9. De Mqrfelaars der vrijheid. Kenspreuk : Pro Palria.
10. Ilesiona. Zonder kenspreuk.
1 1. Mijne Moederlaal. Zonder kenspreuk.
lc2. De Morgen De Meernrinnen. Zonder kenspreuk.
15. Wanneer de Redding? Zonder kenspreuk.
14. Irold. Zonder kenspreuk.
15. Naar het land der gedachten. Zonder kenspreuk.
10. Coriolan bij de belegering van Home (488 vôdr J.-C).
Zonder kenspreuk.
17. Een Kind der ecnw. Kenspreuk : Ilulde wien hulde
toekomt!
18. De Brugsche Mellen (Nachl van 18 Met 1502). Zonder
kenspreuk.
19. Cassel. Kenspreuk : Hoe zalde overwinnaar de Spar-
tiaten beleltcn, enz. A.RISTACRATISDAS.
20. Mater Dolorosa, of cantate ter eere van O.-L.-V. der
zeven Weeën.
( 559 )
21. Passie Christ i. Zonder kenspreuk.
"i-1. Ucschaving. Zonder kenspreuk.
23. Voloespa. Zonder kenspreuk.
*1\. De Oogst. Zonder kenspreuk.
25. Pompeïa. Kenspreuk : Avondstille, kalmc zee, allés
advint rus t. en vrede. Sans billet cacheté.
2(>. Niobe. Kenspreuk : Deemoed.
27. Ilcrodias. Kenspreuk : Excelsior.
28. l>e Val van Woden. Kenspreuk : Amant alterna
( amœnœ.
2i). Robrecht en Anna. Zonder kenspreuk.
.10. Kandia Zonder kenspreuk.
11. Humanos. Kenspreuk : Excelsior.
52. De Iioep van Smte Fransiscus van Sales. Kenspreuk :
Qttis similis lai inforlibus, Domine'/ etc. (iïxod. XV,
11.)
33. De Liefde. Kenspreuk : Ehret die Frauen! etc.
31. Phadaëla. Zonder kenspreuk.
35. De Sporenslag. Zonder kenspreuk.
36. Iphigenia in Tanris. Zonder kenspreuk.
37. De Moed. Kenspreuk : Waarom nict?
38. Frei/a. Zonder kenspreuk.
39. Odusseus. Kenspreuk : Es ist eine aile Geschichte.
U). Coram populo. Kenspreuk : Zoo rein als 7 dons der
zwanen.
il. Esdrade. Kenspreuk : Pro arte.
fâ. Inawaca. Kenspreuk : Fatum fatorum et omnia fatum !
13. Het Werk. Kenspreuk : Fiai!
11. Mené, Thekel, Uphnrsin! Kenspreuk : Nog éénf
13. Een Lied vanVIaandcrens Vtas. Kenspreuk : Waarom
moel destofvan onze kantaten allijd episch, mi/tho-
logisch of gescliicdkundig zijn? enz.
360 )
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1898.
PARTIE LITTERAIRE.
PREMIERE QUESTION.
Quelles sont les analogies ou les différences qui existent
entre l'allégorie et le symbole? Établir et caractériser, par
des exemples empruntés à l'histoire de la peinture, les élé-
ments essentiels qui rapprochent ou distinguent ces deux
conceptions esthétiques .
DEUXIÈME QUESTION.
Faire l'histoire de la céramique au point de vue de l'art.
dans nos provinces, depuis le XVe siècle jusqu'à la fin du
XVIIIe siècle.
TROISIÈME QUESTION.
Écrire l'histoire des édifices construits place de l'Hôtel
de Ville à Bruxelles, après le bombardement de 1695. Expo-
ser les faits, donner une appréciation esthétique des bâtiments
et faire connaître leur importance au point de vue de l'his-
toire du style architectonique auquel ils appartiennent.
QUATRIÈME QUESTION.
Faire l'historique de la partie spécialement musicale de la
chanson flamande (origine des mélodies et des formes ryth-
miques), depuis le haut moyen âge jusqu'aux temps
modernes.
( 561 )
La valeur des médailles d'or présentées comme prix
sera de huit cents francs pour la première question, de
mille francs pour la deuxième, pour la troisième et pour
la quatrième question.
Les mémoires envoyés en réponse à ces questions
doivent être lisiblement écrits et peuvent être rédigés
en français, en flamand ou en latin. Ils devront être
adressés, francs de port, avant le 1er juin 181)8, à
M. le Secrétaire perpétuel, au Palais des Académies.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage ;
ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reproduiront sur
un pli cacheté renfermant leur nom et leur adresse (il est
défendu de faire usage d'un pseudonyme); faute, par eux,
de satisfaire à ces formalités, le prix ne pourra leur être
accordé.
Les ouvrages remis après le temps prescrit ou ceux
dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière
que ce soit, seront exclus du concours.
L'Académie demande la plus grande exactitude dans
les citations : elle exige, à cet effet, que les concurrents
indiquent les éditions et les pages des ouvrages qui seront
mentionnés dans les travaux présentés à son jugement.
Les planches inédites, seules, seront admises.
L'Académie se réserve le droit de publier les travaux
couronnés.
Llle croit devoir rappeler aux concurrents que les
manuscrits des mémoires soumis à son jugement restent
déposés dans ses archives comme étant devenus s;i
propriété. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre
copie à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au
Secrétaire perpétuel.
362 )
ART U'I'UÇII
GRAVURE EN TAILLE-DOUEE.
On demande le portrait en buste, gravé en taille-douce,
d'un Helge contemporain, ayant une notoriété reconnue
dans le domaine politique, administratif, scientifique, lit-
téraire ou artistique.
Le prix sera de 800 francs.
Ce portrait doit être absolument inédit.
La tète aura 0 à 7 centimètres de hauteur.
Les concurrents sont tenus de soumettre deux épreuves
au moins de leurs planches, dont une sur chine, et non
encadrées ni sous verre. Ils devront y joindre le dessin
qui leur a servi de modèle; ce dessin devra avoir été fait
d'après nature.
Les épreuves soumises au concours resteront la pro-
priété de l'Académie.
SCULPTURE.
On demande un bas-relief (à figures demi-nature) repré-
sentant la Belgique recevant les Nations étrangères à l'occa-
sion de l'Exposition internationale de Bruxelles.
Le prix sera de 800 francs.
Les concours d'art appliqué sont limités aux Belges de
naissance ou naturalisés.
Les gravures et dessins et les bas-reliefs devront être
remis, francs de port, au secrétariat de l'Académie avant
le l*r octobre 1898.
363
I,' Académie n'accepte que les travaux entièrement
achevés.
Les auteurs couronnés du bas-relief sont tenus de
donner une reproduction photographique de leur œuvre,
pour être conservée dans les archives de l'Académie.
Les concurrents ne mettront point leur nom à leur
travail ; ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reprodui-
ront dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur
adresse. Faute, par eux, de satisfaire à cette formalité, le
prix ne pourra leur être accordé.
Les travaux remis après le terme prescrit ou ceux
dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière
que ce soit, seront exclus du concours.
Un délai de trois mois à partir du jugement des
concours est accordé aux auteurs des bas-reliefs pour
reprendre leurs oeuvres.
PROGRAMMA DER PRUSKAMPEN VOOR 1898.
IITTKI(kl>IMI. CSEDKKI.TB.
KKRSTF. VRAAG.
Welke overeenkowsl of welk verschil bestaat er tusschen
de figuurlijke voorstellin<i (allégorie) en bel zinnebeeld (sym-
bool)? Bij middel van voorbeelden ontleend aan de geschie-
denis der schilderkunst, de hoofdpunten vaststellen en ken-
merken, die verwantschap of onderscheid tusschen beide
kunstbegrippen te weeg brengen.
V
564 )
TWEEDK VRAAG.
Schrijf de geschiedenis der poitebakkerswaren, als kunst-
werken beschouwd, in onze provinciën van de XVe toi fiel
einde der XVIIIe eeuw.
DERDE VRAAG.
Schrijf de geschiedenis der gebouwen dieopgericht werden
op de Groote Mark! van Brussel na de beschieting van 1695.
Zet de feiten uiteen, beoordeel de kunstwaarde der huizen en
duid hun belang aan voor de geschiedenis van den boun-
tranl, lot welken zij behooren.
VIERDE VRAAG.
Schrijf de geschiedenis van fiel Vlaamsche lied meer
bepaald van muzikale zijde beschouwd (oorsprong der zang-
wijzen en der rythmische corme») sedert de vroegste middel-
eenœen lot op onze dagen.
Dewaardedergouden eerepenningen, die als prijsdezer
vragen vyorden uitgeloofd, bedraagt achlhonderd frank
voor de eerste, en duizend frank voor de tueede, voor de
derde en voor de vierde vraag.
De verhandelingen, als antwoord oj) deze prijsvragen
ingezonden, moeten daidelijk geschreven zijn en mogen
in het Fransch, in het Nederlandsch of in het Latijn
opgesteld worden. Zij moeten vôdr Ie" Jnni 1898 vracht-
vrij aan den bestendigen Secretaris, in het Paleis der
Academmn, te Brussel, toegestuurd worden.
De schrijvers zullen hunnen naam niet op hun werk
zetlen; zij zullen er alleen een kenspreuk op vermelden,
die zij zullen herhalen in eenen verzegelden brief, hunnen
naam en adres aanduidende. (Het is verboden eenen
schijnnaam te bezigen.)
( 305 )
Indien zij dit voorschrifl nie! in acbl nemen, kan de
prijs hun niet toegekend worden.
De werken, die na den bepaalden termijn besteld zijn,
en diegene, wier schrijvers zich /.nllen doen kennen, op
welke wijze liet ook /.ij, /.nllen buiten den prijskamp
gesloten worden.
De Académie verlangt de grootste nauwkeurigheid in
de aanhalingen : zij eischt te dien einde, dat de mede-
dingers de uitgaven en de bladzijden aanduiden der
boeken, welke vermeld worden in de verhandelingen,
;i;m hare beoordeeling onderworpen.
De met de liand geteekende platen /.nllen alleen toege-
laten worden.
De Académie behoudt zich liet recht voor de bekroonde
werken nit te geven.
Zij acht het nuttig aan de mededingers te herinneren,
dal de handschriften der verhandelingen, aan hare beoor-
deeling onderworpen, haar eigendom worden en in haar
archief blijven berusten.
De schrijvers mogen er éditer afschrift laten van nemen
op hnnne kosten, mits zich te dien einde tôt den besten-
digen Secretaris te wenden.
lOK.II'lsn kl^NT.
l'LAATSM.IKl NSI.
Men vraagt het op koper gegraveerde borstbeeld van eenen
Helgischen tijdgenoot, die zich een naam verwierf op hei
gebied van Staatkunde, Openbaar Bestuur, Wetenschappen
of Kunsten.
De prijs zal achthonderd frank bedragen.
( 366 )
Het portret zal voistrekt ônuitgegeven zijn.
Het hoofd zal G a 7 centimeters hoog zijn.
De mededingers zijn verplicht ten minste twee afdruk-
ken hunner plaat in te zenden, waarvan één op Chineesch
papier, niet ingelijst en niet onder glas. Zij zullen er de
teekeningen bijvoegen, naar welke zij gegraveerd hebben;
deze teekening moet naar de natuur vervaardigd zijn.
De afdrukken ingezonden tôt dien prijskamp zullen
den eigendom der Académie blijven.
BEELDHOUWKUNST.
Men vraagt een halfverheven beeldhouwuerk (met figuren
te halver natuurgrootte) verbeeldende Belgic de vreemde
Volkeren onthalende bij gelegenheid der Wereldtentoonstelling
van Brussel.
De prijs zal achthonderd frank hedragen.
Aan de prijskampen van toegepaste kunst mogen alleen
geboren of genaturaliseerde Belgen deelnemen.
De gravuren, teekeningen en beeldhouwwerken \<x>r
deze beide wedstrijden zullen bij het Secretariaat der
Académie vôôr <len lenOctober 1898 moeten ingezonden
worden.
De Académie aanvaardt geene andere dan geheel
voltooide vverken.
De bekroonde mededinger in den prijskamp van beeld-
houwkunst is verplicht eene photographische afbeeldini»
van zijn werk te bezorgen, \\elke in het archief der
Académie zal bewaard blijven.
De mededingers zullen hunne werken niet onder-
teckencn, maar zullen er eene kenspreuk op zettén, die
zij zullen lieihalen in eenen verzegelden hi'ief, luinnen
( 5(17
naam en adres behelzende. Indien /.ij dit voorsclirifl nie!
in acht ncinen, kan de prijs Inm niet toegekend worden.
De werken, die na den bepaalden lennijn ingezonden
zijn, en degene, wier vervaardigers zich zullen doen
kennen, op welke wijze het ook /ij, zullen buiten den
prijskamp gesloten worden.
Ken termijn van drie maanden te rekenen van den dag
der beoordeeling, wordl verleend aan de mededingers in
den prijskamp van beeldhouwkunst om hun werk al' te
lialen.
COMMUNICATION ET LECTURK.
Note sur Nicolas Stramot, peintre belye de la fin du
XVIIe siècle; par Edward Van Even, membre de l'Aca-
démie.
Le Musée d'Anvers renferme, sous le n° 594, un
tableau de la fin du XVIIe siècle offrant le portrait d'un
compatriote qui ligure avec éclat dans l'histoire du pays,
savoir François van Sterbeeck, à la fois ecclésiastique
instruit, botaniste habile et architecte de mérite.
Le personnage est représenté à mi-corps, coiffé d'une
longue perruque et portant une soutane noire à rabat
blanc. Il est assis dans un fauteuil garni de cuir rouge,
devant une table couverte d'un riche lapis et chargée de
trois in-folio. Un de ces livres, V Herbier de Dodoens, est
ouvert devant le prêtre, lequel indique le volume de la
main droite et le feuillette de la main gauche. Sur la
( 308 )
plinthe d'une colonne, on lit la signature de l'artiste :
N. Stramot, ainsi que le millésime 1G93.
Le fait que van Sterbeeck, personnage considérable,
artiste lui-même, lié avec le grand sculpteur Verbruggen,
posa devant le chevalet de Stramot, prouve que celui-ci
dut jouir alors d'une certaine notoriété; cependant, nous
ne l'envisageons que comme un décadent — mais un
décadent d'une certaine valeur encore — de notre grande
école du XVIIe siècle. A notre avis, les artistes de cette
époque ne doivent pas être complètement négligés. A
défaut de génie, ils avaient du talent et contribuèrent à
entretenir dans le pays le feu sacré du beau, à nourrir
l'élément spirituel de la nation, alors à peu près sans
littérature. Ils méritent, par conséquent, une mention
sommaire dans l'histoire de l'art en Belgique.
On a attribué à Gaspar de Crayer certaines peintures
de Stramot. Celui-ci avait incontestablement étudié les
œuvres de l'artiste anversois. Mais on se tromperait en ne
voyant dans ses toiles qu'un pâle reflet du maître distingué
que nous venons de citer. Bien que peintre d'ordre secon-
daire, Stramot a son originalité propre, son accent par-
ticulier, sa manière à lui, manière à la fois large, ferme
et vigoureuse.
On ne connaît rien ou peu de chose sur l'artiste. Feu
notre ami M. Théodore Van Lerius, en parlant du por-
trait de van Sterbeeck, dans son Supplément au catalogue
du Musée d'Anvers, fait observer ce qui suit :
« Les recherches qui ont été faites dans les archives
de notre confrérie de Saint -Luc pour y découvrir
l'entrée en apprentissage et la réception à la maîtrise de
N. Stramot, n'ont pas abouti. Le prénom de cet artiste
reste même un doute, nos efforts pour trouver l'acte de
369 )
baptême de Stramot n'avanl été couronnés d'aucun
résultat (1). »
Nos recherches nous ont fait rencontrer sur l'artiste
quelques renseignements que nous allons communiquer
à la Classe des beaux-arts.
Il s'appelait Nicolas Stramot et était probablement
originaire, non d'Anvers, mais de Diest, où une famille
de son nom exista pendant à peu près tout un siècle.
Un Pierre Stramot naquit à Diest le 22 avril 1617,
de Nicolas et de Marie Peeters. Un autre, Pierre Stramot,
dit le -Jeune, lils de Pierre, épousa, à la cathédrale
d'Anvers, le 28 mars 1656, Cornélie de Meulder. Les
témoins de ce mariage furent le père de l'époux et Jean
de Loose, peintre sur verre (2). Pierre Stramot résida à
Diest, où son lils Nicolas fut baptisé à l'église de Saint-
Sulpice, le 22 septembre 1(>(>8. Un Nicolas Stramot, lils
de Pierre etd'AnneSchandelyns, y naquit le lî) avril 1657.
En 1636 demeurait dans cette ville un autre Nicolas
Stramot, époux de Martine 's Hertogen. Il était bourgeois
de Diest et propriétaire de la maison qu'il occupait et qui
était située à côté du local de la Chambre de rhétorique :
Les OEillets du Christ (5). Encore un autre Nicolas
Stramot s'y maria, le 25 août 1669, avec Marie Vranckx.
Il en eut quatre enfants, dont le dernier fut baptise à
l'église de Saint-Sulpice, le 12 novembre l(>7;i.
L'artiste se fixa à Louvain et v rencontra l'accueil
(1) Anvers, 1863, p. 159.
(2) Supplément au catalogue du Musée d'Anvers, p. i(j().
(3) h ... Nicolaes Sthamot, mari on moinboir vom Marlynkcn
's Hertogben, borger der stadt van Diest... » Diplôme de Philippe III.
donné à Bruxell.'s, le 16 mai 165b'.
5"" SÉRIE, TOME XXXIU. 2-)
( 370 )
le plus bienveillant. L'administration communale lui
accorda, le 6 juin 4079, l'exemption de la taxe sur la
bière, du service de la garde urbaine et d'autres charges
communales. Il dut cette faveur, on le comprend, à son
talent d'artiste.
Il est possible, probable même, que Stramot avait
été appelé à Louvain par Claude-François de la Vief-
ville, prélat de l'abbaye noble de Sainte-Gertrude, qui
le chargea de plusieurs travaux importants. Ce dignitaire
était pour l'artiste un protecteur qui occupait une situa-
tion brillante: non seulement il était abbé mitre de Sainte-
Gertrude, mais aussi juge synodal, membre des Etats de
Brabant et conservateur des privilèges de l'Université.
Par sa naissance, il appartenait à la haute noblesse : il
était fils d'Eustache de la ViefVille et de Claudine de
Mérode, laquelle était fille de Philippe de Mérode et de
Jeanne de .Montmorency. C'était un homme d'un carac-
tère aimable et charmant. A une haute instruction, il
unissait un vif amour des arts. Il se plaisait à rassembler
à son abbaye des œuvres d'art de toutes sortes et à vivre
au milieu de ces belles productions.
Appelé à l'abbatiat en 1668, il porta la crosse pen-
dant à peu près trente ans, c'est-à-dire jusqu'en 1697.
En 1082, on célébra à l'église de Sainte-Gertrude le
cinquantième anniversaire de la fondation de la confrérie
des Trépassés, érigée par un autre prélat de cette abbaye,
Joseph-Geldolphe van Ryckel, savant distingué, auteur
de plusieurs travaux sur l'hagiographie nationale. Afin
de conserver le souvenir de cette solennité, de la Viefville
chargea Stramot de l'exécution d'une toile de vastes
dimensions pour être placée dans son église. Elle a une
largeur de o mètres et une hauteur de 4 mètres.
( ">7( )
La toile orne encore le temple pour lequel flic a (;i<;
exécutée. La scène se [tasse à l'intérieur de l'église
de Sainte-Gertrude. La composition, qui a pour tond le
jubé du temple, représente l'office dos morts sur le point
de prendre tin. Tous les personnages, de grandeur natu-
relle, sont des portraits. Au premier plan et au centre de
la toile se trouve l'abbé de la ViefVille, agenouillé sur un
prie-Dieu, les yeux lixés sur le spectateur : sa superbe tête
est d'une grande fermeté de dessin et de modèle. Placé
en pleine lumière, l'abbé domine majestueusement toute
la composition. A sa droite, on voit tous les chanoines de
l'abbaye en surplis, portant des flambeaux allumés. Seul
le prieur, qui est agenouillé comme ses confrères, porte
le costume noir de l'ordre de Saint-Augustin. Au second
plan, un prêtre, revêtu de la chasuble en deuil et portant
le calice voilé de noir, revient de l'autel. Il est précédé
d'un jeune homme tenant un plateau sur lequel se trou-
vent des burettes renversées. A gauche, sur le premier
plan, on voit un des maîtres de la confrérie en toge;
un autre se trouve du côté opposé. Comme pose et comme
tournure, ces deux ligures rappellent les grands portraits
en pied de l'époque. Une dame dans un beau costume se
penche pour retenir son enfant, afin de permettre à l'offi-
ciant de passer. Sur Parrière-plan apparaît le curé' de la
paroisse en rochet et revêtu de l'étole noire.
Cette vaste composition est une page des plus intéres-
santes au point de vue archéologique. Elle a toute la vérité
d'une chronique écrite par un témoin oculaire.
Le prie-Dieu est orné- des armoiries de (Mande de la
Viefville et de cette inscription :
N. Stramot, I.. An \o 1682.
( 372 )
Le sujet de cette toile était, il faut bien le reconnaître,
peu fait pour inspirer un tableau d'histoire. Stramot en
a tiré tout le parti possible. Dans son ensemble comme
dans ses détails, cette énorme machine révèle un artiste
joignant à l'étude des grands maîtres celle de la nature.
Les personnages sont bien campés et bien groupés, et
leurs têtes sont rendues avec une grande sûreté de
pinceau. Quant aux draperies, elles sont arrangées et
disposées avec goût. Inutile d'ajouter que toute la com-
position respire la foi religieuse de l'époque. La couleur,
un peu sombre, convient à cette peinture, qui constitue,
nous le répétons, une très intéressante page d'histoire
locale de la fin du XVIIe siècle.
L'église de Sainte-Gertrude renferme deux autres
toiles de Stramot : la première représente saint Augus-
tin debout, en vêtements pontificaux; la seconde, sainte
Gertrude, également debout, en costume d'abbesse de
Nivelles. Ces deux ligures sont d'un beau caractère et
d'une agréable tournure. Au premier aspect, on pren-
drait la Sainte Gertrude [jour une œuvre de de Graver :
c'est la même couleur blonde et chaude, le même travail,
le même contraste de lumière et d'ombres.
Ces toiles sont ornées des armoiries de Claude de la
Yiefville : fasce'es d'or et d'azur à trois annelels de gueules
rangés en chef brochant sur les deux premières fasces.
Devise : /Eterna rectis.
Stramot exécuta indubitablement d'autres peintures à
l'abbaye de Sainte-Gertrude. Malheureusement, elles ont
été déplacées ou détruites lors de la suppression de ce
monastère, il y a aujourd'hui tout juste cent ans.
L'artiste a dû exécuter à Louvain des portraits de
famille. Nous y avons rencontré plusieurs tableaux de
( 373
l'époque dans lesquels nous avons cru reconnaître son
pinceau. Mais comme ils no portent aucune signature,
on n'a aucune certitude à cel égard.
Nicolas Stramot avait épousé Marie Scliouters. qui lui
donna deux enfants : Jean-François, baptisé à Saint-
Pierre, le 11 septembre 1689, et Paul-Maximilien, bap-
tisé à la même église, le 5 octobre l<>!):2.
Le 2.vi février 1690, l'artiste prit en location, de maître
Guillaume Herthals, licencié es lois, pour le terme de
trois années, au prix annuel de 57 florins, une habitation
située dans la cour de la maison Le Glauve, rue de Namui .
Cet immeuble forme la troisième maison à partir de la
rue de Stemdonek, vers la porte urbaine. Le bail, reçu
par le notaire Van Vossum, est signé par le peintre et
son épouse. On -y Ut : Nicolaes Stramot; Maria Scliouters.
La signature du mari trahit un homme qui a l'habitude
de manier la plume. Toutes les lettres dont elle se com-
pose sont tracées dans une forme élégante et correcte; la
signature de l'épouse témoigne également d'une cer-
taine instruction.
L'artiste travailla aus^i eu Angleterre, où, depuis le
séjour d'Antoine Van Dyck, les peintres flamands étaient
en estime. 11 y exécuta probablement des portraits. De
retour dans le pays, le magistrat de Louvain lui renou-
vela, le dernier février 1696, les franchises dont nous
avons parlé plus haut (1).
(1) « Oock is aen Myue Hecren verthoont by S1 Niclaes Stramot den
vrydora welcken der selver vonrsaeten syn gedient geweest hem ver-
thoondere te jonnen van den bieraccynse, wachte, en/.., by acte van
den 6 Julii 1679, vvaerinne de teghcnwoordighe pàchters van den
bieraccynse stoot msecken, onder pretext dat hy nyet en soude vuyt-
gesteken wesen, by condition van verpachtinghe, ende geconsidereert
( 374 )
Stramot exécuta plusieurs dessins pour l'ouvrage du
baron Jacques Le Roy intitulé : Châteaux et maisons de
campagne des gentilshommes de Brabant et les monastères
les plus remarquables représentés au naturel. Leyde, 1690,
in-folio.
On y trouve de l'artiste une vue à vol d'oiseau du prieuré
de Bethléem lez-Louvain, ainsi que des vues des châ-
teaux d'Heverlé, Thy et Rouxmiroir ; ces trois dernières
planches sont gravées par Jacques Harrevvyn.
La belle planche représentant le prieuré de Bethléem
est dédiée à Jacques Marien, prieur de ce monastère,
mort le 27 lévrier 1702. Elle est gravée par Philippe
Bouttas, d'Anvers.
L'artiste fournit plusieurs autres dessins à des gra-
veurs de son temps.
Le protecteur de Stramot, Claude de la Viefville,
mourut le 16 juillet 1697. Ce fut probablement cette
perte qui obligea l'artiste à quitter Louvain, pour cher-
cher de l'occupation ailleurs. Ce qui nous autorise à le
supposer, c'est qu'après cette date, on ne trouve plus de
trace desa présence dans cette ville. Que devint ensuite
le coloriste? Dans quelle localité passa-t-il le reste de sa
vie? Les archives, qui ont encore tant de choses à nous
révéler, répondront un jour, nous l'espérons, à cette
double question.
dat suIck is toegecomen ter saecke van de absentie des suppliants bin-
nen Engelant, soo is geseght dat hy in desen synen vrydomme sal
vermoglien te continueren van Marie Magdalene naesteomende, mits
hiervan doende houden notitie ten registre. »
Résolution du magistrat, séance du dernier février 1695, f° 252
(375)
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Uenrard {Paul,. Poésies. Théâtre de salon. Monologues
et saynètes. Bruxelles, 1897; in-18 (322 p.).
Génard {P.). Clara del Monte en Deodatus Van rier Mont.
Anvers, 1897; in-8«(8p.).
Mansion (P.) et Neuberg (,/.). Mathesis, recueil mathéma-
tique; 1893, 1894 et 1896.
Terby (F). Observations de la planète Mars faites par
M. Schiaparelli à Milan, en 1883-84. Bruxelles, 1897 ;
extr. in-8° (8 p.)
Balau {Sylvain). La Belgique sous l'Empire et la défaite
de Waterloo (1804-1815), tomes I et II. Paris-Louvain,
1894; 2 vol. in-8°.
Swaen {A.). Recherches sur le développement du foie, du
tube digestif, de l'arrière-cavité du péritoine et du mésen-
tère. Paris, 1897; extr. in-8° (67 p. et û2 pi.).
Caenegem {L'abbé Van). Quelques noms et quelques faits
à propos de la guerre des paysans ;1 798-1799). Gand, 1896;
in-8°(49 p.).
D'Hont (Fréd.). Contribution à l'étude des tourteaux et
farines alimentaires pour le bétail, lre partie. Bruxelles,
1897 ;in-8° (105 p.).
Destrée {Joseph). Les heures de Notre-Dame dite de Hen-
nessy, étude sur un manuscrit de la Bibliothèque royale de
Belgique. Bruxelles, 1895; in-4° (79 p. et lviii pi.).
Dm Jardin {Jules). L'art flamand : La Renaissance. Ouvrage
illustré de photogravures d'après les œuvres originales des
maîtres; dessins dans le texte par Joseph Middeleer. Bru-
xelles, 1897; vol. in-4°.
Lahaye {Léon). Cartulaire de la commune d'Andenne,
tome 1er. Namur, 1896: in-8° (cxc p.).
i 376 )
IS'imal [II... Villcrs et Aulne, célèbres abbayes de l'ancien
diocèse de Liège. Les gloires de leur passé. Liège, 1896;
in-8°(xu-290) p..
Anvehs. Bulletin des Archives, tome XX, 2e livr. 4897.
Bruxelles. Office international de bibliographie. Catalogue
des publications, 1897; (23 p.)
Club alpin belge. Bulletin, n° 23, 1897.
Conservatoire rouai de musique de Bruxelles. Annuaire,
20e année. 1896.
Institut colonial international. Publications, 2e série :
Les fonctionnaires coloniaux, tomes I et 11. 1897; 2 vol.
in-8°.
Liège. Société royale des sciences. Mémoires, 2"'e série,
tome XIX. 1897.
Allemagne et Autriche-Hongrie.
Bonn. Verein von Alterthumsfreunden. Jahrbùcher, Heft
C. 1896; in-8°.
Breslau. Gesellschaft fur vaterlàndische Cultur, 73. Jahres-
bericht, 1895. Litteratur des Landes- und Volkskunde der
Provinz Schlesien, 4.
Berlin. K. Akademie der Wisscnschaften. Politische Cor-
respondent Friedrich's des Grossen, Band XXIII. 1896.
Technisclie Hochscliule. Ueber innere Anschauung und
bildliches Denken. Rede. 1897; in-4°.
Gratz. NaturwissenschaftUcher Verein, Mitteilungen. 1895.
Darmstadt. Verein fur Erdkunde. Notizblatt, 17. Heft,
1896.
Vienne. Bosnisch-Hercegovinische Landesregierung. Ergeb-
nisse der meteorologische Beobachtungen im Jahre 189o.
In-4°.
K. K. Gradsmessung- Bureau. Astronomische Arbeiten,
Band VIII. 1896; in-4».
( 377 )
Vienne. Kais. Akademie der Wissenschaflen. Vénetia-
nische Depeschen vom Kaiserhofe, Band II und III. 1892-5;
S vol. in-8°.
Kônigsberg. Physikalisch-okonamische Gesellschaft. Schrif-
ten, 37. Jahrgang. 1890; in-4°.
Munster. Verein fur Wissenschaft und Kunst. 24. Jahres-
bericht. 1896.
Katisbonne. Hislôrischer Verein. Verhandlungen, 48. Bd.
1896.
Marbourg. Flora, oder botanische Zeitung, 82. Band, 1896.
Franck.
Aumale (le duc d'). [Le roi Louis-Philippe et le droit de
grâce.] Lecture faite à l'Académie française, dans la séance
du 18 mars 1897. Paris, 1897; in-4° (42 p. et 3 fac-similé
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Pascaud (//.). L'inviolabilité de la propriété privée
ennemie dans les guerres maritimes. Paris, 1897 ; in-8°
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Nadaillac(le marquis de). Colonies françaises et colonies
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Paris. Institut national de France. Annuaire pour 1896
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Académie des inscriptions et belles-lettres. Mémoires,
tome XXXV, 2e partie. Mémoires par divers savants,
lre série, tome X, 2e partie. Notices et extraits des manu-
scrits de la Bibliothèque nationale, etc., tome XXXV,
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Académie des sciences morales et politiques. Mémoires,
tome XIX. Catalogue des actes de François Ier, tome VII.
Observatoire du Mont Blanc. Annales, tome II. Paris,
1896; in-4°.
Grande-Bretagne et Colonies britanniques.
Calcutta. Geological Survey of India. Memoirs, séries
XIII, vol. Il, part 1 ; séries XV, vol. II, part 2.
Liverpool. Literary and philosophical Society . Proceedings,
vol. XLIV-XLIX. 1890-95.
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in 1897.
Pays-Bas et Indes néerlandaises.
Verbeek (D.-M.) et Fennema(B.}. Description géologique
de Java et Madoura, tomes I et IL Amsterdam, 1896;
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La Haye. Kon. Instituut voor de taal-, land- en volken-
kunde. Het Burusch van Masarete (H. Hendriks). 1897.
Pays divers.
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l'administration de la Justice en Suède, 1895. Stockholm,
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l'état des prisons et sur L'application du régime pénitentiaire
en Suède, 1895. Stockholm, 1895; in-4°.
Fazy {Henri). La Guerre du Pays de Gex et l'occupation
genevoise (1589-1601). Genève, 1897 ; in-8° (vn-416 p.ï.
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sons XXX et XXXVI. Berne, 1896; 2 vol. in-4».
IIklsingfoks. Société de géographie de Finlande. Bulletin,
n- 1-2 et 13. 1896.
Poilkova. Observatoire. Publications de l'Observatoire
central Nicolas, série II, vol. II. 1896; in-4°.
Le Caire. Comité de conservation des monuments. Procès-
verbaux et Rapports, 1895-1896 ; in-8°.
Lund. Université. Acta, t. XXXII : fôdra och andra Àfdel-
ningen. 1896; 2 vol. in-4°.
Christiania. Université royale. Samlede philologiske
Afhandlingar (P.-O. Schjott). 1896; gr. in-8°.
— Crania antiqua in parte orientali Norvegiae meridio-
nalis inventa (Justus Barth). 1896; gr. in-8°.
— Fauna Norvegiae, Bd. I; phyllocarida og phyllopoda
[G.-O. Sars). 1896; in-4".
— Diplomatarium Norvegicum, XV, 1. 1896.
— Meteorologisches Institut. Jahrbuch fur 1893, 1894
und 1895. In-4°.
— Physiographiske Forening, Nyt Magazin, Bd. XXXIV,
3 og 4; XXXV, 1-3.1894-95.
— Archiv for Mathemalik og Nalurvidenskab, Bd. XV11I ;
XIX, 1 og 2. 1896.
( 380 )
Liste des ouvrages déposés dans la bibliothèque de l'Académie
par la Commission royale d'histoire.
Duyse [Hermann van). Le « goedendag », Anvers, 1896;
in-8° (29 p.).
Ilove (l'abbé A. Van). Séminaire historique. Rapport sur
les travaux pendant l'année 1895-96. Louvain, 1897 ;
in-8» (47.).
Uynderick de Theulegoet (le chevalier). Des perquisitions
et des saisies en matière répressive. Gand, 1896 ; in-8°
(67 p.).
Lahaye (Léon). Cartulaire de la commune d'Andenne,
tomes I et II. Namur, 1895-96; 2 vol. in-8°.
Lameere (Eug.) Essai sur l'origine et les attributions de
l'audiencier dans les anciens Pays-Bas. Bruxelles, 1896;
extr. in-8° (78 p.}.
Poncelet (Edouard). Le comté de Beaurieux. Liège, 1895;
in-8" (108 p.).
— Rapport sur les cartulaires et documents manuscrits
se rapportant à la Belgique. Bruxelles, 1896; in-8° (24 p.).
— L'abbaye de Vivegnies. Liège, 1896; extr. in-8° (41 p.).
Vannérus (Jules). Un projet d'émigration en Hongrie de
quelques familles de Musson, Halanzy, Habay-la-Vieille et
Tintigny. Arlon, 1896; in-8° (17 p.).
— Le siège de Luxembourg de 1684. Luxembourg, 1896;
extr. in-8° (50 p.).
du Chastel de la Howarderies-Neuvireuil (Comte Paul- A.).
Note sur Pierre d'Oudegherste. Tournai; extr. in-8° (2 p.).
— Origine et description de l'église de Saint-Nicolas du
Bruile, dite du Château, à Tournai. Mons, 1874; extr. in-8°
(8 p.).
Notices généalogiques tournaisiennes, dressées sur titres,
tomes I-IH. 1881-87; 3 vol. gr. in-8°.
( 581 )
— Crayon généalogique de la maison du Chaste), par
1». De Waldencourt. Tournai, 1882; gr. in-8°(44 p.).
— Epitaphes et blasons. Choix d'épitaphes et d'inscrip-
tions actuelles du canton de Tournai, suivi d'articles divers
concernant Pcpigraphie et le blason. Tournai, 1882; gr.
in-8° (320 p.).
— Le livre noir du patriciat tournaisien ou Mémoires de
Pierre de la Hamayde. Douai, 1884; in-8° (110p.).
— Généalogie de la famille Pallio di Rinco ou Pally,
dressée sur titres. Tournai, 1884; in-4° (17 p.).
— Origines historiques de la famille du Chastel, dite de
Blangerval, et des sires de Villers en Artois, lre partie. Bou-
logne-sur-Mer, 1884; gr. in-8° (42 p.).
— Preuves des extravagantes prétentions de la famille
roturière Chanel, dite de Crouy-Chanel de Hongrie, et de
la légitimité de la maison princière de Croy-Dùlmen. Tour-
nai, 1885 ; gr. in-8° (30 p.).
— Généalogie de la famille Hardy dite de Beaulaincourt.
Douai, 1888;in-8° (54 p.).
— Généalogie de la famille d'Aubermont, dressée sur
titres. Tournai, 1889; in-8° (84 p.).
— Un cartulaire de la Hovvarderie. Actes scabinaux,
mémoriaux et documents divers. Tournai, 1889; in-4"
(234 p.).
— Epigraphie nobiliaire du Tournaisis, epitaphes et
inscriptions. Tournai, 1890; in-8° (18 p.).
— Notes pour servir à l'histoire de la famille Li Muisis
ou Le Muisi. 1891. Tournai, 1891 ; in-8" (32 p.).
— Filiation des Dennetières avant leur anoblissement
1280 à 1523), précédée de la critique de leur origine. Tour-
nai, 1892 ; in-8° (40 p.).
— Les familles Croquevilain, de la Foy et de Cambry.
1893; in-8°(132p.).
— Notes sur la famille de l'aventurier Perkin Warbeck.
Tournai, 1893; extr. in-8° (4 p.).
( 382 )
— Donation de la ferme d'Aubergus aux Chartreux de
l'abbaye du Mont-Saint-André, a Chereq-lès-Tournai. Tour-
nai, 1893; extr. in-8° (6 p.).
— Notes sur les familles Bousin et de la Vacquerie, dit
Vairon, suivies de l'origine de Jean Sarrazin. Tournai, 1893;
in-8" (14 p.).
— Les vrais sires de Woudripont, 1381 à 1472. Note sur
l'origine de la famille de Tornaco. Tournai, 1893; in-8°
(88 PO-
— Notes pour servir à la généalogie de la famille
Bernard (à l'épée^. France, Belgique, Néerlande, 1250-
1894. Tournai, 1894; in-8° (118 p^.
— A propos d'un monument tournaisien de la famille
de Seclyn. Tournai, 1894; in-8" (8 p.).
— Notes sur les armoiries des Du Bos (aux Boquets),
des Bernard (à l'épée) et sur l'origine de la maison de Hau-
dion, dite de Ghiberchies. Tournai, 1894; in-8°(26 p.).
Généalogie de la famille tournaisienne de Bary ou de
Barry. Tournai, 1894; in-8° (30 p.).
— Notes pour servir à la généalogie de la famille Nicolas
dite de Surpalis. Tournai, 1895; in-8° (28 p.).
— Essai de libation sur la famille des seigneurs de
Calonne-lès-Tournai, et sur quelques-unes de ses branches.
Tournai, 1895; in-8" (90 p.).
— Généalogie de la famille de la Croix, dite de Maubray
et d'Ogimont. Tournai, 1896; in-8° (35 p.)-
— Le terrier d'Esplcchin. Tournai, 1896 ; extr. in-8°
(23 p.).
— A propos de trois médailles (Numismatique et généa-
logie). Tournai, 1896; extr. in-8° (45 p.).
— Arrestation, jugement et exécution du chevalier félon
Walter de le Plagne ou de Laplaingne. Sort de ses com-
plices (1273-1274). 1896; in-8" (7 p.).
— []n mot sur une origine présumée. Tournai, 1896;
in-8°(2 pA
( 583 )
— In bibliophile lournaisien du XVIIIe siècle. Tournai,
1896; in-8°(2 p.).
— Origine de la famille du Maulde de la Tourelle. Tournai,
1896; in-8«(4 p.).
— Généalogie de la maison de Condet, dile de Bailleul
(Beloeil) et de Moriamez. Tournai, 1896; in-8° (31 p. et
1 pi.).
— Le livre de raison de la famille d'Aubermont. Tour-
nai, 1896; in-8°(32 p.).
— Origine et généalogie de la famille Déchaux, dite
Deschaux, qui s'est dite Declmux et se croit De Chaux.
Tournai, 1897; in-8° (17 p.).
— Epigraphie nobiliaire du Tournaisis, épi ta ph es et
inscriptions recueillies. Tournai, 1890 ; extr. in-8° (18 p.).
Bruxelles. Société d'archéologie. Annales, t. XI, 1. —
Annuaire pour 1897.
Charleroi. Société paléontologique. Documents et Rap-
ports, t. XX, 2e livraison, 1895.
Gand. Cercle historique et archéologique. Bulletin, 4e année,
n- 4, 6-8, 1896.
Malin es. Cercle archéologique. Bulletin, t. III- VI, 1892-95.
Mons. Société des sciences. Mémoires, t. VI et VIII,
1893-96.
Namur. Société archéologique. Annales, t. XVIII, 4.
Tournai. Société historique et littéraire. Annales, nouvelle
série, t. I, 1896.
Carlsrlhe. Zeitschrift fur die Geschichte des Oberrheins;
neue Folge, Band XI, 1-4; XII, 1.
Leipzig. Universitàt. 35 Inaugural-Dissertationen.
Strasbourg. Uistorisch-litteraturischer Zweigvereiu des
Yogesen-Clubs. Jahrbuch fur Geschichte, Sprache und Lit-
leratur Elsass-Lothringens, Jahrgang XII, 1896.
Paris. Ministère de l' Instruction publique. Bibliothèque
des Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, fasc. 74.
( 384 )
— Collection de documents inédits : Comptes des bâti-
ments du Roi sous Louis XIV, t. IV.
Le Moyen A(je. Bulletin d'histoire et de philologie, 1895,
6-12; 1896, 1-12.
Reims. Almanach-annuaire historique de la Marne, 1890
et 1897; in-16.
Roiïbaix. Société d'émulation. Mémoires, t. XVI, 1894-95.
Naples. VOrienle, rivista trimeslrale, anno II, 1895-96,
n°s 3-4.
Rome. Accademia dei Lincei. Rendiconti, spienze moral i,
série quinta, vol. Y, 10-12. Atti, parte 2% Scavi, 1896,
novembre e dicembre.
— Società romana di storia patria. Archivio, vol. XIX,
3-4; 1896.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
1897. — lN° 5.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du II mai 1897.
M. Alf. (Iilkinet, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. Éd. Dupont, vice-directeur; le
baron Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, E. Can-
dèze, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alph.
Briart, F. Plateau, Fr. Crépin, J. De Tilly, Ch. Van Bam-
beke, W. Spring, L. Henry, P. De Heen, C. Le Paige,
Ch. Lagrange, F. Terby, J. Deruyts, Léon Fredericq,
J.-B. Masius, membres; Ch. de la Vallée Poussin, associé;
L. Errera, J. Neuberg, Alb. Lancaster et Julien Fraipont,
correspondants.
MM. Van der Mensbrugghe et Mansion font exprimer
leurs regrets de ne pouvoir assister à la séance, désirant
être présents aux funérailles de M. Valérius.
5me SÉRIE, TOME XXX1I1. 26
( 586 )
CORRESPONDANCE.
La Classe apprend, sous l'impression d'un vif senti-
ment de regret, la mort de M. Hubert Valérius, membre
de la section des sciences physiques et mathématiques,
décédé à Gand le 8 courant, à l'âge de 76 ans.
M. Valérius avait exprimé le désir qu'aucun discours
ne fût prononcé à ses funérailles, fixées au mardi 11 mai.
Une lettre de condoléance sera adressée à la famille.
La Classe prend ensuite notification de la mort du
professeur Edouard Drinker Cope, né à Philadelphie
le 28 juillet 1840, élu associé de la section des sciences
naturelles le 15 décembre 1895, décédé à Philadelphie
le 12 avril 1897.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire de l'ouvrage intitulé : De Vlaamsche volks-
namen der planten van België, etc. ; par E. Pâque.
— M. le Ministre de la Guerre fait hommage du Cata-
logue de la bibliothèque de son Département, Ie' volume,
supplément.
- M. le Ministre de l'Industrie et du Travail transmet
16 feuilles de h Carte géologique de la Belgique, formant
le quatrième envoi de cette publication.
— Remerciements.
( 387
— Hommages d'ouvrages :
1" Musée royal d'histoire naturelle de Belgique. Guide
(huis les collections. Bernissart et les fguanodons; par
Éd. Duponl (avec une noie bibliographique «le l'auteur);
2° Extension de l'Université libre de Uni. relies. Année
académique 1896-1897. Existe-t-it une force vitale? p; v
L. Errera ;
.">" Compte rendu de la session extraordinaire de m
Société géologique de Belgique et de la Société royale malaco-
logique de Belgique, journée du mardi 8 septembre 1896,
de Bruxelles à Tervueren; par (i. Velge (présenté par
M. Dewalque avec une note);
i° Die Energiden von v. Sachs im Lichte der Gewebdeh
der Thiere; par A. von Kôlliker, associé, à Wurzboure:
.V Températures de saturation et températures critiques;
application à l'analyse générale; parL. CrismeretJ. Motteu;
(>° A. Températures critiques de dissolution ci tubes
ouverts. Application à l'analyse du beurre; ]>. L'analyse
des beurres par la détermination de la température critique
de dissolution; par L. Crismer (présentés par .M. Gilkineî
avec mie note) ;
7° Les théories physico-chimiques; par A. Reychler;
<S" Le problème proportionnel arithmétiquement résolu à
deux points de rue différents; par le comte <i. Van der
Burch.
- Remerciements.
Les notes de MM. Dupont, Dewalque e( Gi'kinei
figurent ci-après.
Travaux manuscrits à l'examen :
I" Sur une combinaison de certains ter} eues arec les sali-
( 588 )
cijla es alcalins; par M. Duyk, pharmacien-chimiste, à
Ixelles. — Commissaires : MM. Spring et Henry;
2' Théorie substantielle de la chaleur; par M. W. Gold-
schild, à Bruxelles. — Commissaires : MM. De Heen et
Van der Mensbrugghe;
7 Sur les dérivés mercuriques halogènes de l'antipyrine;
par M. C. Schuyten, docteur en sciences. - - Commis-
saires : MM. Spring et Jorissen;
■1" Sur la synthèse des substances organiques par les
effluves électriques; par Alex, de Hemptinne. -- Commis-
saires : MM. Spring et De Heen ;
." Sur l'éther anisoyl-acétyl-acélique et ses dérivés; par
M. A. Schoonjans. - - Commissaires : MM. Spring et
Henry;
G" A. Contribution à l'étude des cellules dorsales (Hinter-
zellen) de la moelle épinière des Vertébrés inférieurs; B. Le
ganglion basai et la commissure habénulaire dans l'encéphale
de la Salamandre; par M. A. Van Gehuchten. — Commis-
saires : MM. Van Beneden et Van Bambeke.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
j'ai l'honneur d'offrir à l'Académie un Guide du Musée
royal d'histoire naturelle, que je viens de rédiger pour les
collections de Bernissart, et je lui demande de me per-
mettre de présenter quelques réflexions sur le caractère
que, selon moi, ces sortes de répertoires doivent revêtir.
Dans les vues qui, il y a un siècle, ont fait créer le
principe d'établissements de cet ordre, le Musée central
d'un pays a deux buts à atteindre :
I " premier vise l'avancement de l'histoire naturelle;
38!)
notre Musée le réalise principalement par l'exploration
scientifique de la l>t*li^i<|n«" qui ;i produit des résultats
dépassant nos espoirs par leur importance et leur é en-
due.
Le second but concerne l'enseignement, et il «-vis: tel
par le l'ait que ces sortes d'institutions sont rendues
publiques.
Le nombre de nos visiteurs fut l'an dernier de mes
de soixante-dix mille; ils sont attirés par le désir de
s'instruire, d'augmenter leurs connaissances.
Les collections exposées, même avec leurs étiqu
déterminatives, les planisphères ou les vignettes de
reconstitution que j'y lais joindre depuis vingt-cinq ans,
ne peuvent suffire à la curiosité du public. Il réclame
des catalogues ou, pour mieux dire, des explications,
des notions précises et à sa portée sur les objets.
C'est bien là un enseignement direct, et je fus long-
temps à trouver la voie pratique pour le donner; car, à
l'opposé de renseignement classique, cet enseignement
ne peut être ni didactique ni gradué : la nature et l'ex-
tension des collections s'y opposeraient; il est siq Hu
de faire remarquer qu'il n'est pas davantage soumis à
sanction.
Les visiteurs sont de toutes les classes de la soci té,
depuis l'illettré jusqu'aux hommes de haute culture scien-
tifique.
Pour arriver à me définir exactement les données qu'ils
désiraient, j'ai accompagné pendant de longues années
de nombreuses personnes dans leurs visites : des savants,
des lettrés, des ouvriers, des gens de la campagne, des
écoles conduites par leurs instituteurs; j'ai écouté leurs
réflexions, répondu à leurs questions et cherché à com-
( 590 )
prendre ce qu'ils désiraient savoir. Il m'a été ainsi pos-
sible de saisir quel pourrait être le thème d'une sorte de
conférence à donner sur chacune des collections pour
satisfaire à leurs aspirations.
Je me mis, en conséquence, il y a deux ans, à rédiger
de courtes notices explicatives qui, imprimées en gros
caractères, turent placées devant les objets eux-mêmes.
Comme elles reçurent l'accueil que j'attendais, je n'hé-
sitai pas à compléter la mesure en faisant imprime)' en
brochure ces explications, à commencer par les collec-
tions de Bernissart.
A l'aide de textes sommaires, de dessins d'objets, de
la reconstitution du site, la signification à donner aux
célèbres restes de ce gisement y est, je crois, rendue
accessible à un grand nombre et, s'il en est réeilemenl
ainsi, le but que j'ai poursuivi se trouverait atteint.
É. Dupont.
le Compte tendu de l'excursion géologique de Uni relies
à Tervueren; par Ci. Velge.
J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de
M. G. Velge, ingénieur, le compte rendu de la troisième
journée de la session extraordinaire de la Société géolo-
gique de Belgique, excursion de Bruxelles à Tervueren,
le S septembre dernier. A ce tiré à part {\é6 Annales de
cette société, l'auteur a ajouté une seconde carte, extraite
de la feuille IJccle-Tervueren, :2e édition, de la Carte
géologique en cours d'exécution, par M. M. Mourlon.
INous avons regretté que notre honorable confrère ne fût
pas venu défendre ses tracés, dont le diestien et la plus
591 ï
grande partie du tongrien ont disparu pour être rem-
placés par de l'asschien.
On connaît le problème posé depuis longtemps par la
constitution de l'étage asschien aux dépens «lu tongrien
inférieur dix* Flandres et d'une partie du Brabant. Le
uœud de la question se trouvait entre Bruxelles el Ter-
vueren, où les deux étages se rencontrent.
La c;iilii de M. Mourlon -dont on regrette de n'avoir
pas le texte explicatif, prévu par le règlement - n'a pas
résolu le problème. .M. Velge nous offre une solu-
tion, qui est probablement la bonne. J'ai dit, à la lin de
l'excursion, que j'avais vu à Louvain, dans le tongrien
inférieur, tout ce que M. Velge venait de nous montrer
dans l'asschien : notre confrère est d'avis que cette partie
inférieure du tongrien inférieur de l'est n'est que de
l'asschien, méconnu jusqu'aujourd'hui. Je signale cette
question aux recherches de nos jeunes géologues de
Bruxelles et de Louvain. (i. Dewalque.
J'ai l'honneur de faire hommage à l'Académie, au nom
de M. Crismer, de trois brochures relatives à l'analyse du
beurre.
La méthode d'analyse décrite par M. Crismer est basée
sur la détermination de la température critique de disso-
lution du beurre dans l'alcool absolu; elle découle des
recherches de l'auteur insérées dans un précédent Bulletin
de l'Académie; elle est d'une extrême simplicité et
permet de déterminer, en un temps très restreint, sans
recourir à aucune pesée, le contenu d'un beurre en
margarine avec une exactitude comparable à celle que
donnent les meilleurs procédés d'analyse actuellement
connus. A. Gilkinet.
( 592 )
ELECTIONS.
— M. Crépin est réélu délégué de la (liasse auprès de
la Commission administrative pour l'exercice 1897-1898.
RAPPORTS.
Sur l'avis de M. Mansion, une note de M. J. Marchai,
de Jamioulx : Théorie des nombres premiers, sera déposée
aux archives.
Sur quelques propriétés des polyèdres non centrés superpo-
sables n leur image; par M. (i. Cesàro.
Kapport tie .M. »«• Tètly , pfea» !>»• coiitmitaait'e.
« Le petit mémoire actuel de M. Cesàro l'ait suite à
trois autres travaux du même auteur (1). Si Ton parcourt
le tableau I du dernier de ces mémoires, on reconnaît
les deux propriétés suivantes :
J° Un polyèdre non centré ne possède, dans un même
;t) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, t. XXII, 1891.
Mémoires des savants étrangers, in-i°, t. LUI, 1893.
Mémoires de l'Académie royale de Belgique, t. LUI, 1896.
( 393 )
ordre, qu'une OU deux espèces (Taxes inverses simples;
2° Un polyèdre non centré ne possède qu'un ou deux
ordres d'axes inverses.
On sait, par le second des mémoires de M. Cesàro,
que pour les axes directs il en est autrement, le nombre
d'espèces d'axes du même ordre pouvant s'élever à trois.
ainsi que le nombre d'ordres différents.
Dans le travail actuel, l'auteur se propose de démon-
trer directement les propriétés énoncées plus haut, en
établissant pour les axes inverses une relation analogue
à celle qu'il a établie pour les axes directs.
Seulement, celle équation, qui est si féconde dans le
cas des axes directs (car elle permet d'en chercher toutes
les combinaisons possibles dans les polyèdres), devient
une identité lorsqu'il s'agit d'axes inverses, après avoir
donné les deux propriétés ci-dessus.
La méthode paraît donc absolument inféconde en ce
qui concerne la recherche de toutes les classes possibles
de polyèdres superposables à leur image. Cependant, en
y ajoutant la méthode de combinaison des axes par le
triangle d'Euler (a priori et non a posteriori, comme il a
été fait pour les axes directs), l'auteur est parvenu a
déterminer, plus simplement qu'il ne l'avait fait précé-
demment, les différentes classes de polyèdres superposa-
bles à leur image.
Pour bien dégager ce qu'il y a de nouveau dans cette
note et pour éviter les redites, notre confrère la présente
comme un appendice à son mémoire intitulé : Des
polyèdres superposables à leur image, en laissant, au
moins pour le moment, au lecteur le soin de réunir les
deux notes de manière à en éliminer les théorèmes inu-
tiles pour le but à atteindre.
( 39i )
C'est à |)cu près le vœu que j'ai émis moi-même à la
fin de mon rapport précédent (I) :
Il est à désirer que quelqu'un entreprenne la tâche de
refondre l'ensemble des travaux de M. Cesàro sur les
polyèdres, pour en former une théorie simplifiée des axes
de symétrie, propre à être introduite dans les traités de
géométrie.
J'ai l'honneur de proposer à la Classe d'ordonner l'im-
pression de la note actuelle de M. Cesàro dans les
Mémoires de l'Académie. »
La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles se sont
ralliés les (\vu\ autres commissaires, MM. Neuberg et
île la Vallée Poussin.
Sur quelques dérives fluobromés en C>; par F. Swarts,
répétiteur à l'Université de Gand.
Stti/t]n>È't de .*#. *V. S/n-it»;/ , ftt'fttiief vo»nnti*Mait'C
« M. Swarts a continué les travaux qu'il a entrepris,
il y a quelques années déjà, sur les dérivés fluorés du
carbone. Il a soumis, à présent, à l'action du mélange de
fluorure d'antimoine et de brome Véthane télrabromé; il
a pu obtenir deux dérivés fluorés qui ont été, à leur
tour, le point de départ de plusieurs combinaisons nou-
velles.
il) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXXII, 1896.
593 )
Ces deux dérives fluorés répondent respectivement
aux formules
CJLBi-F! et CtlItBr.PI*
ainsi <|iril résulte des analyses et des valeurs obtenues
pour la densité de leur vapeur. Ces corps sont des liquides
bouillant à 107", :i et 171", et ne se solidifiant pas encore
à — 85°.
En taisant réagir sur ces deux dérivés une solution de
potasse dans l'alcool, M. Swarts a obtenu, de l'un et de
l'autre, de Véthylène bromofluoré : C2HBr2Fl (ébullition
à 91°). Ce corps absorbe l'oxygène de l'air et fournit alors
le fluorure acide de l'acide bibromacétique :
C,HBr2FI + 0 = CuY,H . COFI.
L'ammoniaque ne forme pas d'aminé avec les éthanes
bromotluorés, mais réagit, comme la potasse, pour don-
ner des éthylènes bromofluorés.
La poudre de zinc enlève du brome au corps C2H2Br3Fl
et le convertit en éthylène bromofluoré C2H2BrFl, qui
bout à 56°,5. Le même produit s'obtient également par
l'action du zinc sur le corps C2H2Br2Fl2 ; dans ce cas, il y
a donc enlèvement des éléments brome et fluor.
L'auteur conclut à la formule
CllIJr, — CtlFI,
pourcetéthanebibrombifluoré, parce que, selon Sabanejeff,
le zinc n'enlèverait exclusivement le brome que si cet
élément est fixé à deux atomes de carbone différents et
( 396 )
que, si celte condition n'est pas remplie, le zinc enlèverait
le brome associé à un autre halogène.
Si l'on admet la formule susdite, la réaction «le la
potasse devra s'écrire comme il suit :
CHBi\, CBr.2
- KOH= || -+- KFI 4- H,0.
CHF1, CIIFI
(c Cependant, fait remarquer l'auteur, celte formule
» serait le premier exemple de substitution totale du
» brome par le fluor sur un même atome de carbone. »
Enfin M. Swarts a constaté que l'éthylène fluobromé
C2HBr2Fl se combine au brome pour donner C^HBi^Fl
(ébullition à 204°), lequel, à son tour, abandonne les élé-
ments de l'acide bromhydrique à la potasse et devient
l'éthylène fluotribromé Cç>Br3Fl (ébullition à 147°,2).
Ce dernier fixe Voxygene de l'air et se convertit en un
fluorure acide; il fixe aussi le brome et devient C2Br5FI,
qui est un corps solide cristallin, sublimant à 120°, pour
fondre finalement à 176°.
Les lignes qui précèdent font voir que le travail de
M. Swarts est riche d'observations nouvelles; j'ajouterai
qu'il a été exécuté avec grand soin et qu'il témoigne d'un
travailleur expérimenté. Je n'hésite donc pas à proposer
à la Classe l'insertion de cet article dans le Bulletin de la
séance. »
M. L. Henry, second commissaire, adhère à celte pro-
position, qui est adoptée par la Classe.
( 397 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
L'expression de l'heure (Unis le système de l'axe instantané;
par F. Folie, membre de l'Académie.
Dans nue note précédente (*), j'ai dit que, si la mita-
tion enlérienne est éliminée en obliquité et en longitude
dans les formules rapportées à l'axe instantané, c'est pour
reparaître dans l'expression de l'heure, chose autrement
grave, puisque l'uniformité absolue de l'heure est la hase
la plus essentielle de l'astronomie sphérique.
Il y a un moyen fort simple de le démontrer.
On sait que, dans le cas où il n'existe pas de forces
perturbatrices, cas que nous traiterons ici, l'axe instan-
tané de rotation Ç est immuable dans l'espace.
Dans l'équateur instantané, fixe également, nous choi-
sirons deux axes rectangulaires, l'un ç, dirigé suivant
l'intersection de cet équateur et de l'écliptique fixe,
l'autre v\, perpendiculaire au premier.
Ces deux axes, joints à l'axe instantané Ç, constitueront
notre système d'axes fixes.
Les axes mobiles sont les trois axes principaux de la
Terre, x, //, r.
Nous appellerons, avec les astronomes contemporains,
C) Bull, de VAcad. roxj. de Belgique, 3e sér., i. XXXIII. p. 154.
( 598 )
déclinaison d'une étoile, sa distance à l'équateur instan-
tané; ascension droite, la distance du cercle de déclinai-
son à l'équinoxe, qui est fixe; colatitude d'un lieu de la
Terre, sa distance au pôle instantané, comptée sur le
méridien (instantané) du lieu; sa longitude sera la dis-
tance de ce méridien instantané au méridien, instantané
également, de Greenwich.
Lorsqu'il s'agira des coordonnées du lieu rapportées
aux axes d'inertie, que nous supposerons fixes dans la
Terre, nous les appellerons latitude et longitude géogra-
phiques, et ces coordonnées du lieu, à l'inverse des pré-
cédentes, seront absolument constantes.
Au contraire, les coordonnées d'une étoile, rapportées
aux axes instantanés, seront évidemment constantes, tan-
dis que, rapportées aux axes géographiques, elles seront
soumises à la nutation eulérienne.
Les formules de transformation des coordonnées ortho-
gonales donnent
dy ,
— = — l cos y -+- m sin »,
dl
dp
(1). . . . / sin y — = /sin » -+- meoso,
dl ' T
dj d^
— = // — c-osy — ;
dl dl
/, m, n représentent les composantes de la vitesse de
rotation de la Terre autour des trois axes principaux
x, y, z;
y est l'inclinaison de l'équateur instantané sur l'équa-
teur géographique, ® et <\> sont les angles compris entre les
axes des x et des H, et l'intersection des deux équateurs;
( 599 )
ces angles sont comptés, le premier, dans le sens du mou-
vement de rotation, le second, en sens inverse.
Dans le cas traité, où il n'existe pas de forces pertur-
batrices, on a
/ / = <ythcos (it -4 (3,),
(2) } m = 7',«sin(/f -4- S,),
f // = constante (*);
a et h représentent
v^- « V~
et '., nab; A, B, C sont les moments d'inertie principaux
de la Terre.
Substituant, on trouve, en admettant, pour simplifier
l'étude de la question, que a = h, et en faisant ayt =
''ïi = !J-i ■
dr
dt
fi{ cos(/f -*- S, -+- y).
H
(5). . ( sinr -.— = /"i !>in(<t -+- pt
(U
dt
- = II — ^c, (Ot y sin (// -f- pK -+- y).
L'intégration rigoureuse de ces équations offrirait de
très grandes difficultés. Pour le but que nous voulons
1*) Revision des constante* de l'astronomie stellaire, p. 64.
( 598 )
déclinaison d'une étoile, sa distance à l'équateur instan-
tané; ascension droite, la distance du cercle de déclinai-
son à l'équinoxe, qui est fixe; colatitude d'un lieu de la
Terre, sa distance au pôle instantané, comptée sur le
méridien (instantané) du lieu; sa longitude sera la dis-
tance de ce méridien instantané au méridien, instantané
également, de Greenwich.
Lorsqu'il s'agira des coordonnées du lieu rapportées
aux axes d'inertie, que nous supposerons lixes dans la
Terre, nous les appellerons latitude et longitude géogra-
phiques, et ces coordonnées du lieu, à l'inverse des pré-
cédentes, seront absolument constantes.
Au contraire, les coordonnées d'une étoile, rapportées
aux axes instantanés, seront évidemment constantes, tan-
dis que, rapportées aux axes géographiques, elles seront
soumises à la nutation eulérienne.
Les formules de transformation des coordonnées ortho-
gonales donnent
(h ,
lit f
. <U
(1). . . . ( siny — = / sm r -+- mcosf,
dt 'lt
i m, >i représentent les composantes de la vitesse de
rotation de la Terre autour des trois axes principaux
x, y, z;
y est l'inclinaison de l'équateur instantané sur l'équa-
teur géographique, cp et <p sont les angles compris entre les
axes des x et des £, et l'intersection des deux équateurs;
( 599 )
ces angles sont comptés, le premier, dans le sens du mou-
vement de rotation, le second, en sens inverse.
Dans le cas traité, où il n'existe pas de forces pertur-
batrices, on a
(2)
i i = ytheos (it -4 p,),
/ »i =■= Tt(t sin (tt .+_ p^
I n = constante (*);
a et l> représentent
v— rt y—'
et -., /*ab; A, B, C sont les moments d'inertie principaux
de la Terre.
Substituant, on trouve, en admettant, pour simplifier
l'étude de la question, que a = b, et en faisant ay, =
6y, — fxj :
(3)
— = jM, l'OS(/f -4-5,-4- v).
smr -.— = a, sin(/£ -f- fej n- y),
— = " — ^ <'Ot t sin (// + 6,+ ?).
L'intégration rigoureuse de ees équations offrirait de
très grandes difficultés. Pour le but que nous voulons
i*) Revision des constantes de l'astronomie stellaire, p. 04.
( 400 )
atteindre, nous pourrons, à cause de la petitesse de ml9
supposer, dans le second membre, » = nt ; alors
ic.
(41. . . . ày = sin (d -+- S, -t- y),
n -+- i
quantité très petite, de sorte que y pourra être considéré
comme constant dans l'intégration de la seconde et de la
troisième équation, qui donneront ainsi
5). . . sin y Ai = cos(/J ■+- fi, -+- s-),
(6). . . ? = nt coty sin(<J ■+- pi -+■ ?)•
Or l'observation a établi que l'angle y, compris entre
l'axe instantané et l'axe d'inertie, n'est probablement
pas supérieur à 0",1; coty est donc très considérable,
et rien ne prouve que les facteurs ^^ cotyet^jjycoséc y
soient des quantités très petites.
Bien au contraire : en admettant, ce qui est suffisam-
ment correct, que u.j cosécy et p., coty sont égaux à
l'unité, les facteurs précédents seront, en nombres
abstraits, un peu inférieurs a 2^36635' ou, en temps, a six
secondes (*).
O Cette valeur extrêmement grande provient de ce que nous avons
pris pour plan fixe, non Fécliptique, mais l'équateur instantané, dont
l'incdinaison sur l'équateur géographique reste toujours très faible.
Mais la forme même de la troisième des équations (1) montre que
l'angle <p, ou l'heure, est affecté de la nutation eulérienne. On s'en
assurerait en développant cette équation d'après le système (corrigé)
d'Oppolzer. Si nous ne le faisons pas, c'est pour les motifs invoqués
( 401 )
Si donc la nutation eulérienne disparaît en obliquité
(elle n'est pas de 0"*00005) dans le système de l'axe
instantané, il n'en est pas de même en longitude, et la
valeur de l'angle ?, qui, évalué en temps, représente
l'heure pour un lieu de l'équateur géographique situé sur
le premier méridien, c'est-à-dire sur l'axe principal j\
est sujette à des variations dont la période est de
1 -+. JL jour pour une Terre solide, mais dont il ne
serait guère possible d'évaluer actuellement la grandeur.
Ainsi, malgré l'uniformité que nous avons admise pour
le mouvement de rotation de la Terre autour de l'axe
instantané [uniformité qui n'a pas lieu autour de cet axe
dans le cas de l'existence de forces perturbatrices (*)],
nous voyons que l'heure est soumise à des variations qui
ont une période eulérienne, mais dont la grandeur nous
est actuellement inconnue (**). Encore n'avons-nous pu
la définir que pour un lieu déterminé de l'équateur géo-
graphique, l'inconstance des longitudes et latitudes ter-
restres, rapportées à l'axe instantané, empêchant d'écrire,
pour un autre lieu, comme dans le système des axes
géographiques)
dans notre critique de ce système. (Voir Une réaction en astronomie,
dans les notices extraites de Y Annuaire de l'Observatoire pour 1897,
ainsi queVierteljahrschrift, 1896, et la note du Bulletin citée ci-dessus.
Si les astronomes veulent continuer à faire usage de ce système,
ils sont tenus d'en corriger les développements, qui sont fautifs, et
surtout d'y définir correctement l'heure et les longitudes, qui sont
affectées de la nutation eulérienne.
(*) Voir l'expression de la vitesse w dans Oppolzer et Tisserand.
(**) Nous n'avons encore aucune notion certaine, ni sur la période,
ni sur la grandeur de la nutation eulérienne.
5me SÉRIE, TOME XXX1U. 27
( 402 )
<I> désignant l'heure pour un lieu de longitude géogra-
phique orientale / par rapport au premier.
La définition la plus capitale de l'astronomie, celle
d'une heure rigoureusement uniforme, est donc radicale-
ment impossible dans le système de l'axe instantané; et,
si l'ascension droite et la déclinaison d'une étoile y sont
constantes, il n'est plus possible de définir la première
comme étant l'heure de son passage au méridien; il n'est
[dus même possible de déterminer exactement ce méri-
dien, soumis lui-même à la nutation eulérienne, à moins
d'admettre que l'ascension droite d'une étoile est l'heure
de son passage à ce méridien, ce qui est faux dans ce
système, et que les ascensions droites de toutes les étoiles
observées sont, et rigoureusement connues, et rigoureu-
sement calculées.
On m'objectera peut-être que cette dernière condition
doit être réalisée également dans le système des axes
géographiques.
A quoi je répondrai :
1° Que, dans ce système, l'ascension droite d'une
('toile se déduit tout à fait correctement de l'heure de son
passage au méridien;
2° Que ce méridien est fixe et que, par conséquent,
on peut le déterminer au moyen d'une très longue série
d'observations, dans laquelle les petites erreurs de posi-
tion ou de calcul du lieu apparent de l'étoile se compen-
seront.
Une autre objection qu'on fait à ce dernier système
d'axes, c'est que la nutation eulérienne y apparaît dans les
expressions de l'ascension droite et de la déclinaison;
mais la forme connue de sa nutation permet de l'éliminer
assez fréquemment ; elle permet, en tout cas, de juger de
la négligence que l'on commel si l'on n'en lient pas
compte: elle permettra enfin de la déterminer. Tandis
que, dans le système de l'axe instantané, à cause des
erreurs dans lesquelles Oppolzer a versé à son insu (*),
on a cru de bonne loi, avec lui. qu'il sullisait de rappor-
ter les formules de réduction à cet axe pour éliminer la
nutation eulérienne, sans altérer en rien la notion de
l'heure : la nutation eulérienne, pense-t-on, se traduit
simplement par la variation des latitudes (astronomiques);
on reconnaît bien qu'il en résulte également une varia-
tion des longitudes, mais on n'a pas donné l'expression
de celte variation, qui n'est pas insensible, comme l'a
montré la discussion de l'équation (5). Non; cette opi-
nion est tout à fait erronée : on vient de voir que si,
dans le système de l'axe instantané, la nutation eulérienne
est éliminée en obliquité, elle ne disparaît ni en longi-
tude, ni dans les expressions des longitudes et latitudes
terrestres, ni dans celle de l'heure; et que, dans ce sys-
tème, l'ascension droite d'une étoile n'est plus l'heure
de son passage au méridien. Dans le système des axes
géographiques, au contraire, l'heure est rigoureusement
uniforme, l'ascension droite se détermine par l'heure du
passage de l'étoile au méridien, celui-ci est fixe, les lon-
gitudes et les latitudes terrestres sont constantes (**).
Rref, dans le système de Laplace, on marche sur un
O Voir Une réaction en astronomie iNotices extraites de VA nnpaire
de V Observatoire pour 1897) et Vierteljahrschrift, 189G, 4e trimestre.
(*') Je fais ici abstraction <le la variation de latitude qui proviendrait
d'un déplacement annuel du pôle d'inertie, dû à des circonstances
climatologiques.
( 404 )
sol ferme; dans celui d'Oppolzer, même corrigé des
erreurs flagrantes commises par son auteur, on ne pourra
marcher jamais que sur un sol mobile : rien de fixe, ni
heure, ni méridien, ni longitude, ni latitude; et l'ascen-
sion droite d'une étoile n'est pas même l'heure de son
passage au méridien.
Je pense qu'un très grand nombre d'astronomes,
préoccupés surtout de la nutation, qui se tire des deux
premières des équations (1), n'ont guère porté leur atten-
tion sur la troisième, qui sert à définir l'heure au moyen
de l'équation (G), et qu'ils se sont imaginé qu'il suffisait
de l'uniformité du mouvement de rotation de la Terre
pour assurer l'uniformité de l'heure.
Ils se convaincront aisément, par la lecture de ces
pages, que cette conclusion n'est pas aussi simple à
déduire et que, pour qu'elle soit vraie, il importe tout
d'abord de donner de l'heure une définition rigoureuse
qui justifie cette conclusion, et, pour cela, d'observer
dans un méridien fixe.
Il ne suffit pas de dire : la Terre tourne uniformément
sur elle-même en vingt-quatre heures; il faut encore
déterminer l'heure en chaque lieu.
Oppolzer n'a traité cette question que d'une manière
très superficielle dans les éditions allemandes de son
ouvrage; et, s'il y a consacré un paragraphe spécial dans
fa traduction française de M. Pasquier, c'est en abandon-
nant complètement le système de l'axe instantané, pour
adopter, inconsciemment sans doute, celui des axes
d'inertie et du méridien lixe.
C'est, en effet, dans ce dernier système seulement
qu'on peut donner une définition absolument rigoureuse
( 405 )
de l'heure, rélémen( le plus fondamental de l'astro-
nomie (*).
Résumons en quelques lignes les pages précédentes.
La nutation eulérienne, abstraction laite des termes
tout à faii insignifiants du second ordre, a identiquemem
la même forme, qu'il existe ou non des foires perturba-
trices.
Nous avons traité ce dernier cas, en prenant pour axes
de référence un système d'axes rectangulaires lixes,
auquel l'axe de l'équateur instantané sert de base, et nous
avons conclu de notre analyse que, si la nutation eulé-
rienne est nulle en obliquité dans ce système [voir
l'équation (4)], il n'en est pas de même de la nutation en
longitude [voir l'équation (5)] et que, chose bien plus
grave, cette nutation apparaît d'une manière sensible
dans l'expression (6) de l'angle <p, qui détermine l'heure
pour un point de l'équateur situé sur le premier méri-
dien. Or, dans cette expression, comme dans celle de la
nutation en longitude, interviennent deux quantités, la
constante (u., et l'argument t, qui nous sont inconnues.
Nous ne pouvons donc songer à déduire l'heure d'un
autre lieu de celle du lieu pour lequel elle est y, puisque
nous devrions connaître pour cela les variations de lon-
gitude et même de latitude de ces deux lieux.
Dans le système de l'axe instantané, correctement
exposé, la définition de l'heure est donc actuellement
impossible, et ses variations eulériennes, de même que
celles de la longitude, sont bien plus grandes qu'on ne
0 Voir le paragraphe relatif ;i l'heure dans la Révision des con-
stantes de l'astronomie stellaire, pp. 93-08.
( 406 )
serait tenté de le croire à première vue, en ne considé-
rant que la faible inclinaison des deux équateurs l'un sur
l'autre.
Je le déclare à nouveau : l'astronomie sphérique est
entrée dans une fausse voie en suivant la méthode d'Op-
poJzer, qui ne peut qu'enrayer ses progrès ultérieurs.
Une réaction s'impose.
Il ne suffit pas que les astronomes s'entendent sur les
constantes et les formules dont ils feront usage au
XXe siècle; il faut surtout que ces formules soient cor-
rectes.
Celles dont on fait actuellement usage ne le sont pas.
La démonstration en a été faite dans la Vierteljahr-
schrifl (*), dans les notices extraites de V Annuaire de
l'Observatoire pour 1897, enfin dans les pages précé-
dentes.
Je conçois que les astronomes qui n'ont pas fait une
étude spéciale du mouvement de rotation de la Terre, se
soient laissé séduire par le beau talent astronomique
d'Oppolzer.
Je conçois moins bien que les astronomes géomètres,
après qu'on leur a démontré l'incorrection des formules
du savant viennois, gardent un silence trop prudent, en
présence d'une décision, de longtemps irréparable, qu'ils
vont prendre bientôt quant aux formules de réduction
dont il sera fait usage en 1901, et de la lourde respon-
sabilité qu'ils assumeront de ce chef devaut le prochain
siècle.
(*) Octobre-décembre 1896.
( 407 )
Sur divers composes triméthyléniques ; par Louis Henry,
membre de l'Académie.
Comme suite à ma note (*) Sur divers composés Irimc-
thyléniques, je ferai connaître aujourd'hui quelques nou-
veaux dérives appartenant à ce groupe.
1. — Monoiodhydrine triméthyléni que (HO)CH2-CH2
- CH.2I.
Ce corps résulte de la réaction de la monochlorhydrine
triméthylénique CH2C1 - CH2 - CH2(OH) sur l'iodure de
sodium dans l'alcool méthylique (**). On prend des quan-
(') Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3* *érie, t. XXXII, p. 253, 1896.
(") Je me sers depuis longtemps, pour transformer les éthers
chlorhydriques ou bromhydriques en éthers iodhydriques correspon-
dants, de l'iodure de sodium dans l'alcool méthylique. 11 est plus
avantageux d'employer ces deux corps que l'iodure de potassium et
l'alcool ordinaire.
Les chiffres suivants expliquent et précisent cette préférence (*).
Solubilité dans 100 parties d'alcool en poids :
CH3-OH. Température. C^-OH.
Nal .... 77,7 parties 22»,5 43,1
Kl .... 16,5 » 20°.o 1,7»
La solubilité de NaCl et de NaBr dans l'alcool méthylique est assez
faible pour en assurer une précipitation, sinon intégrale, au moins
très suffisante.
(l) VoirLoBHY dk. Bri'yn, Zeilschrift fur phtjxikalische Cliemie, t. \, p. 782,
1892.
( 408 )
tités de ces deux composés correspondant à leur poids
moléculaire et l'on chauffe au bain d'eau dans un appa-
reil à reflux. La réaction s'établit rapidement et se ter-
mine après quelque temps.
Il se précipite abondamment du chlorure de sodium.
On chasse l'alcool méthylique par distillation et il
reste un liquide dense qui est le produit formé que l'on
distille sous pression raréfiée.
La monoiodhydrine triméthylénique ainsi obtenue se
présente sous forme d'un liquide plus ou moins épais,
incolore, mais se colorant en brun à la lumière, à la
façon des dérivés iodhvdriques, d'une odeur quelque peu
piquante, d'une saveur très piquante, rappelant le rai-
fort.
Elle est assez peu soluble dans l'eau, au fond de laquelle
elle tombe, mais très soluble dans l'alcool et l'éther.
100 parties en poids de H3C - OH dissolvent à 18°, 5 :
NaCl 1,41 parties.
NaBr 17,3
L'iodure de sodium est, à la vérité, un peu plus coûteux que
l'iodure de potassium ('), mais cette différence est, à peu de chose
près, compensée par une différence en sens inverse dans le poids
moléculaire de ces deux composés :
Nal poids moléculaire 150
Kl » 166
Les produits des prix en kilogrammes par les poids moléculaires
sont fort rapprochés :
Nal 36,50X150 = 517,5
Kl 32,50 X <66 = 539.5
(') Prix courant de De Haen (Hanovre), avril 1897:
Nal 1 kilog fr. 36,50
Kl » » 32,50
( 409 )
Sa densité, à la température de 13°, est égale à 2,549.
Elle bout sans décomposition à la température de 115°
sous la pression de 58 millimètres, el à la température
de 225° sous la pression de 7-18 millimètres.
Je rappellerai à cette occasion que le glycol trimé-
thylénique bout à 216°, et le bi-iodure de triméthylène
GH2I - CH2 - CH2l à 221°, que le propanol primaire
CH2(OH) - CH2 - CH3 bout à 96° et son iodure CH2l
- ÇH2 - CH3 à 100-1010. On voit qu'à l'étage C3, le rem-
placement de l'hydroxyle (OH) par I exerce peu d'in-
fluence sur les points d'ébullition.
Il n'est pas inutile de faire remarquer en ce moment
le peu de stabilité que présente le glycol monoiodhy-
drique (*) sous l'action de la chaleur. Il bout à 176°- 177°
sous la pression de 702 millimètres, mais en se décom-
posant notablement. Le bi-iodure d'éthylène CH2I - CH2I
est encore moins stable.
On voit quelle stabilité détermine dans cette sorte de
composés l'existence d'un chaînon CH2 entre les chaî-
nons alcools - CH2(OH) et le chaînon éther iodhydrique
- CH2l ou entre les deux chaînons- CH2I.
L'analyse de ce produit a fourni les chiffres sui-
vants (**) :
I. 0*%3946 de produit ont donné 0^,4968 d'iodure
d'argent.
(•) Voir ma notice, Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3« série,
t. XVIII, p. 182, 1880.
("j Ces dosages d'iode peuvent se faire d'une manière expéditive :
la mono-iodliydrine triméthylénique précipite la solution aqueuse
d'azota.te argentique, dès la température ordinaire, à la façon d'un
iodure métallique soluble.
( 410 )
IL 0»'*,457(j ont donné 0*l,5489 d'iodure argentique.
Ce qui correspond à
Trouvé.
I. II. Calculé.
Iode0/. • • • 68,03 67,78 C8,fc27
L'iode, dans cette monoiodhydrine, se fait remarquer
par une aptitude réactionnelle considérable. Le chaî-
non H2C - I fait la double décomposition très facilement
avec les combinaisons hydrogénées et métalliques. Il y a
certainement un grand parti à tirer de cette propriété,
sous divers rapports. L'étude de ce composé sera con-
tinuée dans mon laboratoire dans ce but. Je rappellerai,
à cette occasion, la belle synthèse de V acide adipique
(HO)CO - (CH2)4 - CO(OH) réalisée par M. Wislicenus (*)
a l'aide de l'acide iodo-propionique ICH2- CH2- CO(OH).
J'ai des raisons de croire que la monoiodhydrine trimé-
thyléniqne réagit aussi facilement avec l'argent molécu-
laire
H,C - OH
-+- Ag, = (CHS),
i
ILC - OH
pour donner directement le qlycol adipique ou hexaméthy-
lénique (HO)CH2 - (CH2)4 - CH2(OH).
J'espère être à même de pouvoir faire à l'Académie une
communication sur cet objet d'un si haut intérêt, dans
un prochain avenir.
O Liebig's Annalen der Chemie, t. CXLIX, p. 2-21, 1869.
( 411 )
ï.—lodo-acétate de irimettnjlene (]\\J -VAl^-rALiilM^O.,).
Ce corps résulte de la réaction du chloro-acétate de
triméthylène surl'iodure de sodium dissous dans l'alcool
méthylique, sans excès. On prend de ces deux corps des
quantités correspondant à leur poids moléculaire.
On chauffe au bain d'eau dans un appareil à reflux.
Après une heure, la précipitation du chlorure sodique est
complète. On tiltre et l'on expulse l'alcool par la distil-
lation.
Le résidu introduit dans l'eau laisse déposer le produit
sous forme d'une huile lourde, que l'on purifie par la
distillation.
Le rendement de l'opération est presque intégral.
L'iodo-acétate de triméthylène ainsi obtenu constitue un
liquide quelque peu épais, d'une odeur agréable, d'une
saveur piquante. Sa densité, à la température de 15°, est
égale à 2,112.
11 bout fixe à 1 12°- 1 15° sous la pression de 38 à 40 mil-
limètres et à 207°-210° sous la pression de 7<>7 milli-
mètres, sans subir de décomposition.
L'iode du chaînon - CHJ présente, dans ce composé,
les mêmes aptitudes réactionnelles que dans la mono-
iodhydrine correspondante.
L'analyse de ce produit a donné les chiffres suivants :
I. 0,6007 de substance ont fourni 0,6415 d'iodure
d'argent.
II. 0,4715 de substance ont fourni 0,4954 d'iodure
d'argent.
Ce (jui correspond à
Trouvé.
I. II. Calculé.
Iode 7, . . . 55,82 56,44 r55,72
( 412 )
5. -- Propanol mononitré bi-primaire i -5, (H0)CH2
- CH2 - CH8(N02).
Il résulte de la réaction de la monoiodhydrine trimé-
thylénique sur le nitrite d'argent.
4. Acéto- propanol mononitré bi-primaire 1-5,
(N02)CH2 - CH2 - CH2{C2H302).
Il résulte de la réaction de l'acéto-iodliydrine triméthy-
lénique sur le nitrite d'argent.
Ces deux composés seront décrits dans le mémoire
suivant : Sur divers alcools nitrés.
Sur divers alcools nitrés ;
par Louis Henry, membre de l'Académie.
I. — Alcools nitrés en C3.
Nitro -propanol bi-primaire 1 - 3, (HO)CH2 - CH2
- CII2(NO)2 ou nitrô-propanol triméthylénique.
Au propane H5C - CH2 - CH3 correspondent trois
alcools nitrés :
a) Deux continus :
h\C - OU H2C - NO,
i i
HC-N02 et IIC -OH
H3C H3C.
Je les ai l'ait connaître précédemment (*). Ils résultent
(*) Voir Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXIX, p. 834,
ett, XXXIII, p. 117.
( 415 )
respectivement de la condensation du méthanal HgC = 0
avec le nilro-éthane ll-C - C1L(N0,_>) el de colle du nitro-
méthane ll-C - N02 avec Véthanal ll-C - Cil =0.
b) Un discontinu (*) :
II.C-OH
I
II,C
I
IIX - NO,,
le nitro-propanol bi-primaire I -5.
J'avais cru obtenir ce composé par la condensation du
nitro-méthane avec l'oxyde d'éthylène
H C
*i > 0 + HCIIa.NO.
H,C - OH
i
HjC - NO.
On sait que l'acide cyanhydrique, en s'ajoutant à
(*) Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, j'entends par com-
posés continus les composés polyatomiques à fonctions multiples,
simples ou mixtes, où les radicaux fonctionnels X, X', etc. sont fixés
sur un même atome de carbone ou des atomes de carbone distincts,
mais directement unis les uns aux autres, et par composés discontinus
ceux où ces radicaux sont fixés sur des atomes de carbone distincts,
unis, ou, ce qui revient au même, séparés par au moins un autre atome
de carbone. On sait combien cette circonstance influe puissamment
sur les propriétés de la molécule totale et sur la valeur fonctionnelle
des divers composants CX, CX' Voir mes études sur la Solidarité
fonctionnelle dans les Comptes rendus, etc. e1 1rs Btdletins de l'Aca-
démie royale de Belgique.
( 444 )
l'oxyde d'éthylène, fournit le nitrile lactique primaire (*)
H,C - OH
H C '
2: > 0 + IICiN = H2C
ll8C i
NC.
Je ne suis pas parvenu jusqu'ici à réaliser cette syn-
thèse. Le pouvoir additionnel aux composés renfermant
le système HC-. à hydrogène basique, qui est si déve-
loppé dans les oxydes CnHïn = 0 renfermant le système
HC = 0, parait avoir, en grande partie, disparu dans ceux
renfermant le système bicarboné
>C
J'ai dû recourir, pour arriver à ce nitro-propanol 1 - ô,
à la méthode de Y. Meyer pour la préparation des dérivés
nitrés aliphatiques.
En fait, le nitro-propanol bi-primaire 1 - 3 résulte de
la réaction de la monoiodhydrine triméthylénique (HOJCHg
- CH2 - CH2I sur le nitrite d'argent AgNOo.
La réaction est aisée; elle s'établit déjà dès la tempé-
rature ordinaire. On la réalise le plus commodément dans
l'éther anhydre. Il suffit de chauffer au bain d'eau dans
un appareil à reflux, pendant quelque temps, une demi-
heure environ. On filtre, on expulse l'éther et l'on soumet
le résidu à la distillation sous pression raréfiée. Le pro-
(*) Ehi.enmeyer, Liebig's Annalen, etc., t. CXCI, }>. 173 (année 1878).
( 415
duit boul vers 140°-145° sous la pression de 40 milli-
mètres.
Le rendement de l'opération est avantageux : on
recueille environ 70 °/0 de la quantité théorique.
Le nitro-propanol bi-primaire 1 - 3 (HO)CH2 - CH2
- CH2(N02) constitue un liquide plus ou moins épais et
visqueux, incolore, d'une faible odeur piquante, piquant
sur la langue, mais beaucoup moins que le dérivé iodé
qui en est l'origine. 11 n'a pas cet arrière-goût nauséabond
qui caractérise son isomère 1 - 2, (N(h,)CIL> - CH(OH)
- CH3.
Il se dissout aisément dans l'eau, l'alcool, l'étber, etc.
Sa densité à 15° est égale à 1,173.
Il bout à 158°-140° sous la pression de 52 millimètres.
Son isomère 1 - 2, le nitro-propanol secondaire (N02)CH2
- CH(OH) - CH3, bout à 1 12° sous la pression de 50 mil-
limètres.
Il n'est pas inutile de rappeler, à cette occasion, les
points d'ébullition des deux alcools propyliques, primaire
et secondaire,
CH3-CHs-CIJa(OII) Éb. 90°
C1I3-CH(0I1)-CH3 82°.
Quoique les poids moléculaires des alcools nitrés
soient plus considérables que ceux des alcools simples
correspondants
Poids
moléculaire. Diff.
NO
C^H«>OH m \
C3W7-OII GO /
( 446 )
la différence de volatilité que l'on constate entre eux est
plus grande que celle que l'on constate entre ceux-ci.
Différence
de volatilité.
Propanols nilrcs 25° environ
Propanols 14°
La raison en est évidemment dans le voisinage des
radicaux (N02) et (OH) ; ce voisinage constitue une cause
de volatilité qui cesse par l'éloignement résultant de
l'interposition du chaînon - CH2 entre les atomes de car-
bone sur lesquels sont fixés ces radicaux fonctionnels.
La densité de vapeur du nitro-propanol 1-5 a été
trouvée égale à 5,4(>.
Substance 0sr,0079
Pression barométrique .... 758"
Mercure soulevé 739"
Tension de la vapeur 49u
Volume de la vapeur 104",4
Température 130°
j ni ii i
km oi
lium
La densité calculée est 5,61.
Son analyse a fourni les résultats suivants :
Azote °/0
Substance. Trouvé. Calculé.
I . . . . Cs',2348 15,01
13,33
II ... . 0er,2l98 13,16 )
Le nitro-propanol bi-primaire se condense aisément
OH
avec l'alcool méthyléno-pipéridique IL>C < ^ r „ . Le
r\ - i^nio
mélange des deux liquides s'échauffe et se transforme
( *n )
en une masse épaisse qui se prend à la longue en cris-
taux. Le produit répond à la formule
(HO)CHî-CHJ-C<^_N==C5„|o)j
Insoluble dans l'eau, il est aisément soluble dans les
alcools méthylique et éthylique, dans l'éther, etc. Il cris-
tallise aisément de l'alcool méthylique en aiguilles d'assez
grandes dimensions, fusibles à 70"-7l".
J'ai fait connaître précédemment (*) le dérive chlor-
hydrique correspondant à ce nouveau nitro-propanol,
c'est-à-dire le propane chloro-nilré bi-primaire 1-5 C1CH2
- CIL - CH2«(N02), qui résulte de la réaction du chloro-
iodure de triméthylène CICIL - CH2 - CH J sur le nitrite
d'argent.
C'est un liquide à odeur piquante, bouillant sous la
pression ordinaire à 197°, ayant pour densité 1,267
Son acétate (N02) CIL - CH.2 (C2H302) peut s'obtenir
dans les mêmes conditions par la réaction de Viodo-acé-
tate triméthylénique ICH2 - ClU - CH2 (C2H30.2) sur le
nitrite d'argent.
Il constitue, comme son alcool, un liquide incolore,
plus ou moins épais, faiblement odorant, d'une saveur
piquante, insoluble dans l'eau.
Sa densité à 40° est égale à 1,191.
Il bout, sous la pression de 58 millimètres, à
14(1-142°.
• liait, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXXII, p. 263.
.">"" SÉRIE, TOME XXXIII. 28
( 418 )
Son analyse a donné le résultat suivant :
Substance.
0*r,1678
Je tiens à faire remarquer combien il importait d'ap-
peler à l'existence le nilro-propanol bi-primaire 1-5.
non pas parce qu'il complète la série des propanols
nitrés, C3H(i (OH) (N02), mais parce qu'il est nécessaire
pour résoudre la question de la relation qui existe entre
le degré de rapprochement des radicaux N02 et OH, et
l'intensité de l'influence que subit ce dernier dans son
énergie alcoolique de la part du nitryle N02.
II. — Alcools nitrés en C5.
OH
A. Alcools normaux ou nitro-pentanols C-Hj,, < ^ .
Nitro-pentanolZ-ù CHtl-CH(i\02)-CH(OH)-CH2-CH3.
Il résulte de l'addition du nitro-éthane CH3 - CH2(N02)
au propanol CHr> - CH2 - CHO.
15 grammes de propanol et 19 grammes de nitro-
éthane ont été mis en réaction. Les deux liquides se
mélangent en se dissolvant. On y a ajouté quelque peu
d'eau et quelques fragments de carbonate bipotassique.
Le mélange des ingrédients liquides surnage.
La réaction se détermine lentement par l'agitation de
la masse. Le thermomètre s'élève de 18° à 59°-40°.
Le produit formé reste incolore; il surnage ou tombe
au fond de la solution potassique, suivant la concentra-
tion de celle-ci.
( 419 )
On continue l'opération suivant la méthode ordinaire :
extraction par l'éther; expulsion de celui-ci et distilla-
tion du résidu sous pression raréfiée.
Le nilro-peiilmwl 2 - 3 ainsi préparé constitue un
liquide incolore, peu épais, d'une faible odeur aldéhy-
dique, d'une saveur amère.
Il est insoluble dans l'eau, mais l'alcool et l'éther le
dissolvent aisément.
Sa densité à 14° est égale à 1,071.
Il bout, sous la pression de 43 millimètres, à
H8M210 (*).
Son analyse a fourni les chiffres suivants :
Azote %.
Substance. Trouvé. Calculé.
I . . . . QS',3345 10,80 j
> 10,52
II . . . . 0«r,2422 10,4 G )
Penlanol miré 2-5 CH3 - CH(OH) - CH(N02) - CIL,
- CH3.
Il résulte de l'addition du nitro-propane normal H3C
- CH2 - CH2(N02) à Véthanal CH3 - CH = 0.
C'est un corps analogue au précédent, liquide incolore,
bouillant à 112° sous la pression de 30 millimètres.
Ce produit a été fait par un de mes élèves, le P. Pau-
wels, S. J., et sera étudié dans un travail spécial.
B. Alcools nitrés dichotomiques ou nitro-isopentanols
CH3 ^ r „ .OH
CH-, ^ li5"4 ^ N(V
,* Son homologue immédiat en C.iH3G - CH(N0S) - CH(OH) - CH,
bout à 112°-115° dans les mêmes conditions à peu près. (Voir mon
travail, Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXXII, p. 23.
( 4-20 )
ISitro-isûpentanol 1 -2 J^ > CH - CH(OH)-CH2(JSOâ).
!1 résulte de l'addition du nitro-méthane à Yisobulanal
| |];x;ii-<:h = o.
24 grammes d'aldéhyde ont été mélangés à 20 grain nies
de nitro-méthane. Les deux liquides se dissuivent en une
masse homogène qui surnage l'eau que l'on y ajoute en
faible quantité, en même temps que quelques fragments
de carbonate bipotassique.
La réaction se détermine lentement et progressivement
par l'agitation vive de la masse. Le thermomètre s'élève
d'environ 30° à 55°.
Pour extraire le produit, on suit la méthode ordinaire :
traitement à l'éther, etc., et l'on distille, après expulsion
de celui-ci, sous pression raréfiée.
Le nitro-isopentanol ainsi obtenu constitue un liquide
incolore, d'une faible odeur aldéhydique, d'une saveur
piquante avec un arrière-goût nauséabond (*).
Ce corps est insoluble dans l'eau, mais soluble dans
l'alcool, l'éther, etc.
Sa densité à 14° est égale à 1,096.
Il bout sous la pression de 40 millimètres à 120M250.
Son analyse a fourni les chiffres suivants :
Azote ° o.
Substance. Trouvé. Calculé.
I . . . . C«r,227l 10,30 j
10,52
II . . . . 0*r,209S 10,28
Cet arrière-goût nauséabond me parait propre aux alcools nitrés
renfermant le système -CH(0H)-CH2(N02). On le retrouve dans les
termes moins carbonés en C( et en C3.
( 421 )
fsopentanol mononitré I - 2 [:[[•"' > GH - CH(N02)
-CH2(OH).
Ce corps résulte de la condensation du méthanal CH2=0
(Il
avec le nitro-isobutane primaire p„3 > CH - CH2(N02).
Il est analogue au précédent. C'est un liquide incolore,
insoluble' dans l'eau, peu odorant, ayant pour densité
f, <>!)()(> et bouillant à 158°-159° sous la pression de
56 millimètres.
Ce produit a été préparé et étudié par un de mes
élèves, M. Shaw, qui s'en occupera, avec d'autres, dans
un travail spécial.
III. — Alcools nitrés en C6?
Nitro-isohexanol I - 2 £|{3 > CH - CH2 - CH(OH)
- CH2(N02).
Il résulte de l'addition du nilro-me'thane CH3 - NOo à
Visohexanol £**3 > CH - CH., - CHO (aldéhyde valé-
Ui3
rique).
On a mis en réaction - l0 de molécule de chacun de
ces composés, 18 grammes d'aldéhyde et 12 grammes de
nitro-méthane.
Les deux liquides se dissolvent l'un dans l'autre. On
ajoute quelque peu d'eau et quelques fragments de car-
bonate bipotassique. On agite vivement la masse.
La réaction se détermine lentement et la température
s'élève de 14° à 42°.
On extrait la couche surnageante par l'éther addi-
tionné d'un peu d'acide chlorhydrique étendu, et l'on
distille, après expulsion de l'éther, sous pression raréfiée.
r 4.22 )
Ce nitro-hexanol est en tous points analogue au nitro-
pentanol correspondant Çfjs > CH - GH(OH) - CH2(N02),
produit à l'aide de l'aldéhyde isobutylique et du nitro-
méthane.
C'est un liquide plus ou inoins épais, peu odorant,
d'une densité de 1,025 à 1 i".
Il est insoluble dans l'eau. Sous la pression de 38 mil-
limètres, il bout à 127°-130°.
Son analyse a donné les chiffres suivants :
Azote o'o.
Substance. Trouvé. Calculé.
I . . . . 0er,lG60 9,35
9 59
Il . . . . Oe',2403 9,49
Nitro-isohexanol 2-5 £[J3 > CH - CH(N02) - CH(OH)
- CH5. Ce produit a été obtenu par M. Shaw. ïl résulte
( 'H
de la condensation du nilro-isobutane primaire '„■" > CH
CH3
- CH2(N02) avec l'éthanal CH- - CHO.
C'est un liquide analogue au précédent. Sa densité à
l'état liquide est 1,0533 à la température ordinaire.
11 bout à 119°-123° sous la pression de 38 millimètres.
J'ai fait connaître jusqu'ici des alcools nitrés en C3,
C4, C3 et C6. Leur comparaison au point de vue physique
permet de faire certaines remarques qui ne sont pas,
ce me semble, dénuées d'intérêt. Je n'en mentionnerai
qu'une seule en ce moment, celle qui concerne la densité
de ces corps à l'état liquide.
De même que dans les paraffines nitrées, la densité à
l'état liquide va, dans les alcools nitrés correspondants.
; «3 )
en diminuant à mesure que leur poids moléculaire
s'élève, c'est-à-dire qu'ils sont plus riches en carbone.
Paraffines mirées Densité. Étage. Alcools nitrés. Densité.
CHs(NOs) 1,1441 à 15° C,
CH-j-CH^NO,) 1,0583 à 13» ^
CHj-CHj-CBitNOi) 1,0108 à 15° C3 Crls-CHOHj-CH^NOi) 1,191 à >«J
JjjJ^CHCH.NO, C4 CHs-CHj-CHlOH CiyNO*) I,144à35«
C- [i[jï >CH-CH OH -CH.tNOi) l,096à li°
C6 ^jj3>CH-CH.rCH( OHî-CHilNOi) 1,0525 a 14».
Les densités des alcools simples correspondants à ces
divers alcools nitrés sont respectivement :
C, . . . . 0,7870 à 10°
C, ... . 0,8190 à 20°
C5 . . . 0,8113 à 18"
Cc . . . . 0,8183 ;i 17°
Le remplacement d'un atome d'hydrogène dans un
chaînon - CH- par le radical - N(X», en déterminant une
augmentation dans le poids moléculaire du composé pri-
mitif, entraîne une augmentation dans la densité à
l'état liquide. Celle-ci est d'autant plus faible que le poids
moléculaire de l'alcool est lui-même plus considérable.
Ces augmentations sont respectivement :
à Iclagc C- ... 0,404
C, ... 0,325
C, .... 0,285
C„ . . 0,207
( An )
Il en doit être ainsi dans tous les cas; le radical - NO^
ou 46 représente une fraction d'autant plus faible du
poids moléculaire que celui-ci est plus considérable,
c'est-à-dire que le composé est plus carboné.
Il serait intéressant de connaître les résultats de Yoxy-
dation et de la réduction des alcools nitrés. Des recherches
sont entreprises dans ce but dans mon laboratoire. J'ai
confié à l'un de mes élèves, M. De Battice, la tache d'exa-
miner sous ce rapport l'alcool nitro-isopropylique
CH3 - CH (OH) - CH2 (N02), celui d'entre ces corps que
l'on peut préparer le plus aisément en grande quantité.
Il est à prévoir que Y oxydation ménagée de ce composé
donnera Y acétone mononitrée CH3 - CO - CH2(N02) et
sa réduction, Y alcool isopropylique amidé H5C - CH(OH)
- CH2(NH2) (*). H serait superflu de faire ressortir l'in-
térêt que présentent des composés de ce genre.
IV. — Synthèse d'alcools halo-mtrés.
Les paraffines chloro- etbromo-nilrées, de divers genres,
renfermant encore de l'hydrogène dans le système carbo-
nilré > C - N02, se condensent aisément avec les aldé-
hydes. Il en résulte des alcools chloro- et bromo-nilrés.
Ci Je viens de lire dans le dernier numéro du Bulletin de la Société
chimique de Berlin, t. XXX, p. 909, la description de l'alcool amido-
éthvlique (H0)CH2 - CIL NH2 que M. L. Knorr a obtenu par la fixation
H C
de l'ammoniaque sur l'oxyde d'éthylène ,,2/, > 0. Il est à prévoir que
l'alcool amido-isopropylique possède des propriétés en tous points
analogues.
( 425 )
Je fais connaître aujourd'hui les produits de l'addition
du methanal à Péthane chloro- el bromo-nitré (-11,-, -
CH < 9L (*), CH3 - Cil < v!\ . c'est-à-dire les alcools
propyliques ou propanols primaires, chloro- el bromo-
nitrés Cil- - C < ^Q - CH2(OH).
Propanol primaire chloro-nitré (III- - CH < J,-*
- CH2(OH).
20 grammes d'éthane chloro-nitré (*) ont été mélangés
avec 20 grammes de la solution aqueuse à 40 °/0 du
methanal, ce qui représente un léger excès. Le nitro-
chloro-éthane tombe au fond. On y ajoute quelques
petits fragments de carbonate bipotassique. La réac-
tion s'établit par l'agitation. Le thermomètre s'est élevé
de 14° à 58°. Tout se dissout pour former un liquide
homogène, d'où le carbonate bipotassique fait sortir
l'alcool chloro-nitré produit sous forme d'une huile
surnageante. On la dessèche à l'aide du K2C03 en frag-
ments et on la rectifie sous pression raréfiée.
Le chloro-nitro-propanol primaire CH5-C(N02)C1
- CH2(0H) ainsi obtenu constitue un liquide épais et vis-
queux, parfaitement incolore, qui se soliditie a la longue
' Je m'occuperai dans un travail spécial des deux dérivés chlores
du nitro-éthane :
a) HC<{jq Kh. 124°-I2Ô°;
b) HgC-NOi Éb. 163°-16S°.
H,C - Cl
v *26 )
en cristallisant en grosses aiguilles prismatiques fusibles
à 15°, 5. A la température de 14", sa densité est égale à
1,570. La densité de l'alcool nitro-propylique primaire
CH- - CH(N02) - CH^OH) est, à 6°, égale à 1,209.
Il bout sans décomposition à 115° sous la pression
de 44 millimètres.
Sa densité de vapeur a été trouvée égale a 4,50 dans
la vapeur de l'alcool amylique.
Substance ....
Pression barométrique
Mercure soulevé . .
Tension de la vapeur.
Volume de la vapeur.
Température . . .
0er,02 1 0
722""-
38""»
106te,8
130°
La densité calculée est 4,81.
Son analvse a fourni les chiffres suivants
II .
Substance.
0*r,2G58
0f5r.255î>
10,03
Propanol primaire bromo-nitré H3C - C < ^L
-CH2(OH).
27 grammes de bromo-nitro-éthane H-C - CHBr (NO)2
ont été mélangés avec 14 grammes de la solution à
40 % du méthanal; celle-ci surnage et ne dissout pas le
composé nitré. On y ajoute un fragment de carbonate
427
bipotassique et l'on agile vivement. La réaction ne tarde
pas à s'établir et la température s'élève de 13° jusque
vers 70°.
Vers K)', la masse liquide devient homogène et tout
est dissous.
Le carbonate bipotassique sépare le produit dissous
sous l'orme d'une huile loir le qui tombe au tond; <>u
l'extrait par l'éther. Après expulsion de celui-ci, la masse
se prend en cristaux.
Le propanol primaire bromo-nitré (III- - C < ,.! .
.\ i )._>
-CH2(OH) ainsi obtenu se présente sous l'orme d'ai-
guilles cristallines d'une blancheur parfaite, d'une odeur
et d'une saveur très piquantes, insolubles dans l'eau, aisé-
ment solubles dans l'alcool, l'éther, etc.
11 fond ii 42° en tube capillaire.
L'analyse de ce composé a fourni les résultats suivants :
Azote °/0.
Substance. Trouvé. Calculé.
I . . . . Oer, 18-26 7,49
7,60
II . . . . 0*V2000 7,42
Je ferai remarquer, à l'occasion de ces dérivés halo-
nitrés, la différence de capacité de condensation avec le
méthanal HoC = 0, qui existe entre l'éthane mononitré
et ses dérivés chloré et brome
CHs-CH^NO,) Cil, Cil < ^0
Cil- - Cil s
( w$ )
L'éthane mononitré, qui est bihydrogéné dans son
chaînon actif Hc2C - N02, est bivalent, alors que ses
dérivés chloré et brome, qui sont monohydrogénés,
- CM S CM S **''
sont monovalents, conformément à la règle que j'ai for-
mulée précédemment (*).
Je ne suis pas parvenu jusqu'ici à produire le propanol
primaire binitré CH3 - C(N02)2 - CH2 - OH, corps qu'il
importe de posséder pour résoudre la question de l'in-
fluence que subit l'hydroxyle alcool - OH de la part du
radical nitryle - N02, eu égard à la masse de celui-ci. Le
méthanal ne se condense pas dans les conditions ordi-
naires avec l'éthane binitré CH- - CH(N02), qui est un
véritable acide. Peut-être réussirai-je à obtenir ce corps
important par la réaction du propanol bromo-nitré CH3
- CH < J^0 - CH2(OH) sur les nitrites alcalins.
Je ne suis pas parvenu non plus à produire \e propanol
iodo-nitré CH5 - CH < /v . - CH9(0H). On a vainement
tenté de préparer dans ce but Yiodo-nitro-élhane CH5
- CH < /XA . . Voici la relation d'une expérience faite
pour arriver a ce compose :
50 grammes d'iodure sodique ont été dissous dans
l'alcool méthylique. On y a ajouté 30 grammes de bromo-
nitro-éthane CH- - CH < z,^ . La réaction s'établit déjà à
Bull, de VAcad. roy. de Belgique, 3-' série, t. XXX, p. 30, 1895.
( 429 )
froid. La liqueur brunit intensivement. Apres avoir
chauffé pendant un quart d'heure au bain d'eau, on a
filtré pour séparer le bromure sodique formé. Par l'addi-
tion de l'eau, il se précipite une huile très lourde, de cou-
leur très foncée. C'est évidemment le nitro-iodo-éthane
CH- - CH < Ln . Mais il n'a pas été possible de purifier
ce produit brut. Soumis à la distillation, il passe dès 75"
sous une pression de 40 millimètres, en se décomposant
fortement, avec mise en liberté d'iode.
Les dérivés iodo-nitrés, renfermant lesvstème> C(N02)I,
me paraissent manquer de la stabilité nécessaire pour
pouvoir être obtenus à l'état de pureté.
Avant de terminer, j'aime à constater toute la part qu'a
prise dans ce travail et le précédent, au point de vue
expérimental, mon zélé préparateur, M. Aug. de Wael,
qui a droit à tous mes remerciements.
De l'action du soleil sur les plaques photographiques;
par C. Le Paige, membre de l'Académie.
Dans une des dernières séances de l'Académie, notre
savant Confrère M. P. De Heen a communiqué quelques
résultats intéressants qu'il a obtenus en photographiant
le soleil à l'aide de l'objectif d'une petite lunette de
Sécrétan.
Les faits observés par M. De Heen, s'ils devaient
recevoir l'interprétation qu'en donne notre honorable
Confrère, seraient d'une telle importance qu'il nous a
paru nécessaire de les contrôler par une observation
( 450 )
attentive. Ils ne tendraient à rien moins, en effet, qu'à
prouver qu'il est possible, en se servant d'une plaque
sensible préalablement voilée, de photographier la chro-
mosphère solaire.
Dans la courte note que j'ai l'honneur de présenter à
la Classe, je ne veux en rien discuter les idées de M. De
Heen sur l'assimilation possible des diverses parties du
soleil à l'arc voltaïque; je n'ai pour but que de présenter
les observations que j'ai faites.
J'ai disposé, à l'extrémité qui porte l'oculaire de la
lunette équatoriale de l'Institut astro-physique de Cointe,
un châssis photographique qui reçoit l'image formée
par l'oculaire.
Ayant conçu autrefois quelques doutes sur l'origine
des faits constatés par M. De Heen, j'ai cru nécessaire, en
premier lieu, de contrôler le fait du dévoilage de la
plaque sous l'action du soleil.
Ce fait est parfaitement établi.
Ayant exposé d'abord une plaque sensible à la lumière
diffuse, pendant deux secondes, cette plaque reçut pen-
dant deux secondes l'action des rayons solaires, concen-
trés par l'objectif de la lunette. Placée ensuite dans un
autre appareil photographique, elle m'a donné, dans la
partie centrale, actionnée par la lumière solaire, une
image parfaitement visible, bien que peu définie, d'un
paysage fortement éclairé (fig. 1). L'image s'arrête nette-
ment à la partie dévoilée.
Il est donc établi que l'action lumineuse renferme au
moins trois phases distinctes : voilage de la plaque;
dévoilage sous l'action solaire; impression nouvelle sur
la partie dévoilée.
, «I )
J'ai essayé de me rendre compte, jusqu'à un certain
point, de la rapidité de ces actions.
Pour y arriver, l'appareil photographique étant muni
d'un obturateur instantané analogue à l'obturateur de
Dallmayer employé par le P. Secchi, j'ai exposé une
plaque sensible à l'action solaire pendant un intervalle
extrêmement petit.
Une seconde plaque, exposée une première fois dans
les mêmes conditions, est restée dans le châssis et a été
soumise une seconde fois à l'action instantanée du
soleil.
Les clichés obtenus ont un aspect pour ainsi dire
identique; mais, en effectuant le développement, j'ai pu
observer que, dans la première plaque, le centre vient
d'abord, tandis que dans la seconde, les bords viennent
en premier lieu.
On peut donc en conclure que sous l'action d'une
lumière puissante, les deux premières phases constatées
par la première expérience se succèdent pour ainsi dire
instantanément.
Le premier fait de l'action lumineuse et le mode de
cette action étant établis, il restait à contrôler l'interpré-
tation qui en a été donnée.
Une première vérification s'imposait.
Si, en réalité, la chromosphère a le pouvoir dévoilant,
l'image produite sur la plaque voilée devait être plus
grande que l'image produite par la photosphère.
J'ai donc mesuré d'abord sur l'écran en verre dépoli de
l'appareil photographique l'image produite par le soleil
et ensuite l'image du soleil sur la plaque voilée.
Les dimensions sont parfaitement concordantes.
( 432 )
On ne peut objecter que cette vérification est insuf-
fisante. En effet, d'après les observations spectrosco-
piques et celles qui ont pu être faites pendant les éclipses
totales de soleil, la chromosphère s'étendrait à environ
5,000 milles anglais au delà de la limite de la photo-
sphère (1).
Dans une image du diamètre de 35 millimètres envi-
ron, telle que celles que j'ai obtenues, l'agrandissement
diamétral de l'image devrait être deOmm,8 environ.
Bien que les procédés de mesure dont je me suis servi
n'aient pas toute la délicatesse qu'on pourrait désirer,
une pareille différence ne saurait échapper.
On pourrait objecter que la plaque photographique
et l'écran ne sont pas rigoureusement dans le même
plan, que l'épaisseur du verre de l'écran peut modifier le
diamètre, qu'enfin le foyer chimique ne coïncide pas
rigoureusement avec le foyer optique.
Il m'a donc paru nécessaire d'obtenir l'image photo-
graphique de la photosphère.
Cette image a été obtenue à l'aide d'une obturation
instantanée : la concordance des diamètres des deux
plaques obtenues au même temps s'est conservée.
Cette première vérification rendait déjà douteuse
l'action de la chromosphère dans le phénomène du dévoi-
lage.
Les observations suivantes me semblent de nature à
augmenter ces doutes.
J'ai déjà fait observer que l'exposition instantanée au
(1) H. E. Uoscoe, Spectriim analysis, p. 233.
( 453
soleil, suivie d'une seconde action instantanée, décelait,
au développement de la plaque, l'origine centrale du
dévoilage.
Les figures II, III, IV donnent les images du soleil
obtenues sur une plaque sensible : 1" avec une pose
instantanée; 52° avec une pose d'un quart de seconde;
5° avec une pose de 1 seconde environ.
Avec le premier mode de photographie, l'image du
soleil est complètement blanche. On s'aperçoit même,
comme cela doit être, que l'action lumineuse diminue du
centre vers les bords.
Dans la seconde image, le bord est parfaitement blanc ;
le dévoilage a commencé au centre.
Dans la troisième, la partie blanche se réduit à un
simple anneau; la partie la plus dévoilée est encore au
centre.
Si la chromosphère devait intervenir dans l'action
dévoilante, ce serait l'inverse qui se produirait. Bien plus,
l'action lumineuse primitive étant la plus faible sur les
bords, et l'action dévoilante qui lui succède étant la plus
forte aux bords, ce seraient nécessairement les bords qui
présenteraient une coloration foncée relativement au
centre.
Il est aisé, en même temps, de se rendre compte de
l'image que présente la croisée des fils que j'avais fait
placer en avant de la plaque afin d'orienter le soleil,
croisée que j'ai fait enlever pour la remplacer prochaine-
ment par une autre, établie dans de meilleures conditions
d'ajustement.
Dans les figures III et IV, l'image des lils apparaît en
blanc, sauf sur les bords ; néanmoins, la partie impres-
3m* SÉRIE, TOME XXXIII. 29
( 434 )
sionnée et noire est plus considérable dans la figure III,
exposition un quart de seconde, que dans la figure IV,
exposition une seconde.
Suivons le phénomène dans ses trois phases, détermi-
nées par l'expérience I.
L'action lumineuse impressionne le disque, sauf aux
parties cachées par les fils, qui apparaissent en noir; l'ac-
tion se continue et voile, même sous les fils, en com-
mençant par le centre, en même temps que le dévoilage
commence dans les parties non protégées par les fils.
La partie centrale doit donc apparaître en blanc au
centre, en noir aux bords, et le rapport des parties noires
et blanches doit diminuer avec la durée de l'exposition.
Il y a plus, l'explication se vérifie jusque dans ses
moindres détails. J'ai dit que le voilage de la seconde
phase se fait sous les fils; c'est donc par les bords des
fils qu'il doit commencer; or, en examinant l'image à la
loupe, on aperçoit parfaitement des traces d'impression
sous la partie médiane des fils et surtout au centre de la
croisée, où la protection contre la lumière est la plus
efficace.
Jusqu'ici, sauf pour établir le fait du dévoilage, je n'ai
pas fait usage de plaques voilées préalablement. Au fond,
le fait importe peu, puisque, ainsi que je l'ai établi par
mes deux premières séries d'expériences, les actions suc-
cessives de voilage et de dévoilage se présentent, dans les
photographies obtenues, avec une intensité qui croît
d'après la durée de pose, et en observant toutefois que
la sensibilité de la plaque, dans ces diverses phases, va
en diminuant, comme il résulte de la faiblesse de l'image I.
Les figures V et VI ont été obtenues à l'aide de pla-
( 435 )
ques voilées par l'ex position à la lumière diffuse pendant
deux secondes.
L'exposition au soleil a eu lieu, pour toutes les deux,
pendant {\cu\ secondes, mais pour la ligure V, j'ai
employé un diaphragme 2, tandis que pour la figure VI.
j'ai fait usage du diaphragme (> appliqué à l'objectif de
l'équatorial (1).
La ligure M est la seule qui présente quelque intérêt,
parce qu'elle revêt l'apparence de celles qui ont été com-
muniquées à l'Académie par M. De Heen.
Si nous la rapprochons de la figure IV, on constate à
première vue qu'elle offre en quelque sorte le négatif de
celle-ci.
Cette apparence est parfaitement explicable d'une
manière générale, puisque, dans la formation de cette
image, nous avons une phase de plus que dans la figure I V .
la plaque ayant été préalablement voilée.
Comme pour la ligure IV, il n'est pas difficile de pré-
senter l'explication des différentes circonstances qui s'y
font remarquer, explication directement en contradiction
avec l'hypothèse de M. De Heen.
La plaque a été uniformément voilée; l'action lumi-
neuse, dans la seconde phase, la dévoile en commençant
par le centre; la partie centrale ayant été dévoilée, l'ac-
tion lumineuse du soleil agit à nouveau, en commençant
par le centre. Celui-ci paraîtra donc sur l'image, relati-
vement clair à l'égard des bords. L'intervention de la
chromosphère n'a rien ii faire dans l'image VI.
(1 L'éclairage augmente avec le numéro du diaphragme.
( 436 )
Cette interprétation est confirmée par l'apparence que
donne l'image des fils.
Ceux-ci apparaissent en blanc dans la partie non
impressionnée par le soleil ; le blanc pénètre en partie
dans l'intérieur du disque. La partie centrale est noire,
sauf la croisée des fils, qui est relativement claire.
Reprenons l'examen de l'action de la lumière.
La plaque est uniformément voilée. Les fils protègent
partiellement la plaque contre l'action lumineuse. Celle-
ci, faible en debors de l'image solaire, dévoile faiblement
la partie circulaire impressionnée; les fils apparaîtront en
blanc. Le même phénomène, à un degré moins fort, se
présentera sur les bords du disque où l'action solaire est
moins intense.
Dans la partie centrale, l'action lumineuse, très forte,
dévoile en dessous des fils; ceux-ci s'impressionnent. La
plaque devenant de moins en moins sensible, la troisième
phase de l'action lumineuse ne parvient plus à voiler uni-
formément au-dessus des fils; ceux-ci apparaissent en
noir.
A la croisée, où la protection est double, la seconde
phase n'a pas le temps de se produire; le centre de la
croisée est relativement blanc.
S'il restait quelque doute sur la vérité de l'interpréta-
tion que je crois devoir donner des phénomènes, il s'éva-
nouirait, je pense, à l'inspection de la figure VIL
Ici, j'ai également fait usage d'une plaque voilée préa-
lablement et dévoilée par action solaire. Le dévoilage est
à peu près uniforme, parce que j'ai fait usage du dia-
phragme 2; mais si l'action dévoilante était due à
l'action de la chromosphère, c'est dans le voisinage des
( 457 )
taclies qu'elle devraii se manifester davantage : celles-ci
apparaîtraient en noir. Or, il est très visible que le dévoi-
lage n'a pas eu lien à l'endroit des taches qui apparais-
sent en blanc et d'autant plus en blanc que nous sommes
dans le voisinage du noyau obscur.
La comparaison des figures II et VII ne laisse aucun
doute à cet égard (I).
Cointe, Institut astrophysique, le 9 mai i 897 .
Réponse à M. Le Paige; par P. De Heen,
membre de l'Académie.
La question de la réalisation de la photographie de la
chromosphère solaire peut se résumer comme il suit :
Trouver un procédé capable de rendre plus particulière-
ment sensibles les parties du soleil qui présentent comme
la chromosphère le plus faible pouvoir actinique.
Le procédé des plaques voilées réalise cette condition,
ainsi que cela résulte également des expériences de
M. Le Paige, lesquelles ne font que compléter ce que
nous avons dit à cet égard. Mais il importe évidemment
de déterminer par tâtonnements le degré de voilage et
le temps de pose les plus efficaces. Les effets successifs
constatés par mon savant confrère me paraissent égale-
il) Je me plais à dire que tous les accessoires construits pour exé-
cuter ce travail : châssis photographiques, obturateur instantané, etc.,
ont été exécutés à l'Institut astrophysique de Cointe par le prépara-
teur M. Ch. Mottet, qui a également effectué le développement de la
plupart des clichés.
( 438 )
ment le résultat de ce fait que, par suite d'un voilage
insuffisant, les plaques n'avaient pas complètement perdu
leur faculté aclinique. Dans ces conditions, le dévoilage
au centre doit nécessairement être en avance sur le dé voi-
lage au bord, puisque le voilage s'est d'abord produit
d'une manière plus énergique au centre également (1).
Quoi qu'il en soit, les photographies que j'ai pu réaliser
pendant le petit nombre de jours de beau temps qui se
sont produits vers le milieu de février m'ont permis de
reconnaître que le bord du soleil, à cette époque, pré-
sentait des différences considérables : il est ilou sur
une grande partie de la périphérie, représentant d'une
manière non douteuse celle qui est occupée par les
protubérances, alors qu'une autre partie de la périphérie
présente au contraire une grande netteté.
L'existence d'une différence sensible éventuelle entre
le diamètre solaire obtenu par ce procédé photographique
et la mesure directe s'était également présentée à mon
esprit. Le mauvais temps ne m'a pas permis de réaliser
cette recherche. Il faudrait, pour admettre d'une manière
définitive l'argument que fait valoir M. Le Paige à cet
égard, connaître d'abord l'état du soleil au moment de
ses expériences et s'assurer si les temps de voilage et de
pose sont, comme je l'ai dit, ceux qui permettent l'appa-
rition des particularités que j'ai remarquées.
Quoi qu'il en soit, je ne doute pas que toute divergence
de vues ne cesse d'exister entre mon honorable Confrère
et moi, lorsque le soleil voudra bien nous prêter son
concours d'une manière quelque peu continue.
(I) De nouvelles expériences faites depuis cette lecture ont com-
plètement vérifié ces prévisions.
( 439
Sur quelques dérivés (luobromés en Cg (première commu-
nication); par Fréd. Swarts, répétiteur à l'Université
de Gand.
Dans un précédent mémoire (*) que j'eus l'honneur de
présenter à l'Académie, j'annonçai des recherches sur
les dérivés ftuobromés de l'éthane que pourrait donner
l'éthane tétrabromé symétrique, sous l'influence du fluo-
rure d'antimoine et du brome. Ce travail, que j'ai dû
interrompre à plusieurs reprises, n'a pu être achevé
qu'aujourd'hui. Je me permets d'en soumettre les résul-
tats à l'appréciation de l'Académie.
Le télrabromure d'acétylène, d'une préparation jadis
pénible et coûteuse, est actuellement facile à obtenir en
grandes quantités. L'acétylène brut obtenu par l'action
de l'eau, ou mieux de l'acide chlorhydrique étendu, sur
le carbure de calcium, est dirigé dans un tube à boules
de Thorner contenant du brome. Pour parer à la forte
élévation de température que provoque la réaction, ce
tube est plongé dans un baquet rempli déglace. L'acéty-
lène, qui peut passer en quantité assez notable sans être
absorbé, est reçu dans un deuxième tube qui le retient
presque complètement (**).
*) Bull de l'Acad. roy. de. Belgique, 3e sér., t. XXVI, p. 102, 1893.
(**) J'ai observé que quand on fait passer de l'acétylène à travers une
série de tubes de Thorner contenant du brome, le premier tube se
décolore lentement, beaucoup d'acétylène passant sans être absorbé,
tandis que le brome est complètement transformé dans le deuxième
( 440 )
On arrive à se préparer ainsi en un jour plus d*un
kilogramme d'acétylène létrabromé brut. Celui-ci est
secoué avec de la soude, puis séché sur du chlorure de
calcium. Pour obtenir un produit pur, je ne me suis pas
servi de la méthode recommandée par Sabanejeff et par
Anschïitz (*). Ces auteurs réduisent le tétrabromure brut
par le zinc, de manière à préparer de l'éthylène bibromé
symétrique, lequel peut être distillé à la pression atmo-
sphérique et obtenu très pur. On le transforme en tétra-
bromure par addition de brome. A ce procédé, assez
long, j'ai préféré substituer la distillation fractionnée
dans le vide, en me servant d'un tube de Lebel à six bou-
les. En recueillant le liquide bouillant entre 150° et 135°
sous une pression de 30 millimètres de mercure, et en le
distillant encore une fois sous la même pression, j'obtins,
aux dépens de 1 kilogramme de tétrabromure brut, envi-
ron 850 grammes de produit tout à fait pur, bouillant à
i34°. Pour m'assurer de sa pureté, j'ai déterminé sa den-
sité à 20°. Elle s'est trouvée être de 2,9G56, tandis que le
produit le plus pur obtenu par Anschùtz aurait à cette
température une densité de 2,9648 [valeur déterminée
par interpolation linéaire à l'aide des densités données
par Anschùtz (**)]. En outre, son indice de réfraction à 20"
et même le troisième tube avant de l'être dans le premier. Je n'ai pas
étudié la réaction à ce point de vue, mais il y a là un point intéressant
à élucider. Sabanejeff a observé un phénomène de ce genre : l'acéty-
lène impur provenant de l'action de la potasse caustique sur le bromure
d'éthylène et contenant du bromure de vinyle était mieux absorbé
que l'acétylène pur.
(*) Anschùtz, Ann. (1er Ckem., t. CGXXI.
(" Anschùtz, /. c.
( 441 )
était de l ,65795, c'est-à-dire exactement celui qu'a
trouvé Weegmann (*).
La distillation sous pression réduite permet donc, à
condition d'opérer sur des quantités de matière un peu
toiles, d'isoler, sans longues manipulations, un produit
tout aussi pur que celui qu'on obtient par réduction
préalable, et cela avec un minimum de perte.
Le tétrabromure d'acétylène a été soumis à l'action
ûuorurante du mélange de fluorure d'antimoine et de
brome. A cet effet, j'ai introduit dans l'appareil de platine
que j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de décrire, trois
molécules d'éthane tétrabromé avec une molécule de fluo-
rure d'antimoine et environ une demi-molécule de brome.
Celui-ci étant constamment régénéré, peut être employé
en quantité notablement inférieure à celle que comporte
la formation du composé SbFl5Br2. J'ai chauffé au réfri-
gérant ascendant à 150', d'abord pendant huit heures.
Après refroidissement, j'ai constaté qu'il s'était produit
une abondante cristallisation de bromure d'antimoine,
mais que le fluorure n'était pas entièrement transformé.
J'ai repris l'opération en chauffant pendant douze heures,
ce qui amena une transformation totale du fluorure d'an-
timoine.
Le produit brut de la réaction a été lavé d'abord avec
de l'acide chlorhydrique, puis avec une solution d'acide
tartrique, afin d'enlever complètement le bromure d'anti-
moine. Il fut secoué ensuite avec une solution de sulfite
de sodium, pour le débarrasser du brome. Ces opérations
furent faites en évitant une élévation trop notable de
température. Le liquide incolore que j'obtins de la sorte
(*) Weegmann, Zeitsch. fur physik. Cliemie, t. CXXII, p. 217.
( 442 )
fut lavé à l'eau, séparé à l'entonnoir à robinet et séché
sur du chlorure de calcium.
Après dessiccation, je l'ai soumis à la distillation frac-
tionnée. L'ébullition commence à 95° et une assez forte
proportion du liquide distille entre 100° et 120°, le ther-
momètre se maintenant surtout entre 105° et 110°. Au
delà de 120°, la température d'ébullition s'élève assez
rapidement jusque 170° et une nouvelle portion de liquide
distille à température fixe. Mais on constate en même
temps une décomposition du produit restant dans le bal-
lon, avec dégagement de brome et d'acide bromhvdrique.
Comme le tétrabromure d'acétylène commence à se
décomposer vers 190°, j'ai supposé qu'une certaine quan-
tité de ce corps était restée inaltérée dans le produit de la
réaction et que c'était à sa destruction partielle qu'était
dû le dégagement de brome et d'acide bromhvdrique.
Pour éviter cette destruction, j'ai soumis le résidu bouil-
lant au-dessus de 170" à la distillation sous pression
réduite, sous une pression de 30 millimètres de mercure.
Je n'ai plus observé aucun phénomène de dissociation.
Une partie du liquide distille vers 90°, puis le thermo-
mètre s'élève peu à peu jusque 134° et se maintient à
cette hauteur, c'est-à-dire à la température d'ébullition
du tétrabrométhane symétrique.
Toute la portion distillant au-dessous de 130° sous une
pression de 30 millimètres de mercure fut soumise à une
nouvelle distillation à la même pression et séparée en
trois fractions, la première bouillant au-dessous de 100°,
la seconde de 100° à 130°, la troisième de 150° à 153°,
limite que le thermomètre n'a pas dépassée.
La première fraction fut rectifiée sous la pression atmo-
sphérique et commença à distiller vers 163°, sans décoin-
( 445 )
position. Le thermomètre se maintint presque tout le
temps entre 170" et 17o°, el ne s'est pas élevé au-dessus
de 180".
La deuxième fraction fournit à la distillation sous la
pression ordinaire un peu de liquide bouillant vers 170",
mais ne tarda pas à subir un commencement de décom-
position. Par rectification dans le vide sous une pression
de 30 millimètres de mercure, je parvins à en extraire
encore une certaine quantité de liquide passant au-dessous
de 100° et qui s'est laissé distiller sans décomposition à la
pression ordinaire pour fournir le corps bouillant à 170-
175°. La fraction passant à 150°-155° est du létrabrom-
éthane inaltéré.
Par une série de rectifications des portions bouillant
de 100" à 120°, de 120" à 170° et de 170" à 180" sous la
pression atmosphérique, je suis parvenu à isoler deux
liquides, dont l'un distille entre 100" et 109°, l'autre entre
172" et 175°.
Il y avait donc eu formation de deux composés diffé-
rents. Comme j'avais employé une quantité de fluorure
d'antimoine suffisante pour remplacer un atome de brome
par du fluor dans la totalité du tétrabrométhane, et que
je retrouvais une partie de celui-ci inaltéré, il était pro-
bable que la flttoruration avait porté, au moins partielle-
ment, sur plus d'un atome de brome. La différence des
points d'ébullition entre le produit primitif et le liquide
bouillant à 175" (01") d'une part, avec le liquide bouil-
lant à 107° d'autre part (128°), me firent supposer que
j'avais entre les mains deux corps don! l'un était mono-,
l'autre bifluoré. En effet, la température d'ébullition d'un,
hydrocarbure fluoré est généralement inférieure de 65°- 70°
;i celle de l'hydrocarbure brome correspondant, comme
j'ai déjà eu l'occasion de le montrer.
( 444 )
L'analyse a confirmé ces prévisions.
Le liquide bouillant à 107°-109° fut rectifié une der-
nière fois au Lebel à cinq boules et fournit un corps
bouillant absolument constant à i()7°,5 sous 764 milli-
mètres de pression.
J'y ai dosé le carbone et l'hydrogène par la méthode
que j'ai décrite ailleurs.
0Br,7046 de substance ont donné 0er,0648 EIaO,
soit 0er,0071 !G H ou 1,01 %
et Osr,2797 C02, soit 0er,0765 C ou 10,75 •/..
0«p,5959 de substance ont donné 0^,0581 11*0,
soit 0«p,00645 II ou 1,08°/.
et (J<5',2289 C08, soit 0«-,0G24 C ou 10,51 •/•
Calculé pour CiHiBriFl1
C 10,71 %
II 0,895 •/.
Trouvé.
10,75°/.- 10,51 •/„
LOI •/„- 1,08%
J'ai pris en outre la densité de vapeur du nouveau
jtroduit, en employant la méthode d'Hofmann.
Poids
Pression
en millimètres
Volume
Densité
Poids
de
Température.
de Hg
observé.
déduite.
moléculaire.
substance.
(réduite à 0°;.
Ob', 1405
100°
212,3
67cc,7
7,83
226,7
Os',126
100«
170,4
76«,2
7,8
224
( *4:> x
Cette densité est donc absolument normale : le poids
moléculaire théorique <vsi de ^1\.
Le difluordibrométhane est un liquide incolore, assez
volatil, d'une odeur chloroformiquc agréable, d'une
saveur sucrée et légèrement brûlante. Il jaunit très fai-
blement à la lumière. Sa densité à ^0" est de 2,31204.
Son indice de réfraction a la même température, de
1,46223. Il attire légèrement l'humidité atmosphérique
en devenant louche. Il ne se congèle pas à <s;>". H
n'attaque le verre qu'au rouge et n'est pas combustible.
Le liquide bouillant de 170" à 17;i" fut rectifié égale-
ment et donna un corps rigoureusement pur, bouillant
à 171° et dont l'analyse a fourni les résultats suivants :
1«r,023I de substance ont donné 0«r,ôt92 CO*,
soit 0«r,08705' C ou 8,49 •/.
el 08r,0779 H,0, soit 0«r,008G4 II ou 0,84 %.
u*r,7509 de substance ont donné 0er,2274 COt,
soit 0<?r,062 C ou 84,7 %
et 0*r,0585 HjO, soit 06r,00(i48 II ou 0,88 •/„.
Calculé pour CâHâBr3Fl. Trouvé.
C 8,42 % 8,49 7„-8,47 "/,,
H 0,7 •/. 0,84 °/o - 0,88 •/.
La détermination de la densité de vapeur a également
donné des résultats corroborant l'exactitude de cette
formule. Elle a été faite dans la vapeur de m. xylol,
par la méthode d'Hofmann.
( 446 )
Poids
de
substance.
Température
Pression
en millimètres
de Hg
(réduite à 0°).
Volume
observé.
Densité
déduite.
i
Poids
moléculaire.
0«M1685
«8o,5
171,4
61 «,2
9,87
285
Le poids moléculaire théorique est de 285.
Le tribromfluoréthane, auquel on ne peut assigner que
la formule
CIlBr,— CHBrFI,
est un liquide incolore, d'une odeur rappelant celle du
tétrabrométhane symétrique, mais moins forte. Il boul
à 175°, 2 sous 760 millimètres de pression. Sa densité est
de 2,675(39 à 18°; son indice de réfraction à 18° est de
1,56385. Il s'altère légèrement à la lumière et attire
l'humidité de l'air comme le difluordibrométhane et le
tétrabrométhane. Il ne se solidifie pas à — 85°. Il n'attaque
pas le verre à la température ordinaire, mais sa vapeur le
corrode au rouge. Il n'est pas combustible.
La substitution du brome par le fluor à l'aide du fluo-
rure d'antimoine et du brome se produit donc ici d'une
manière différente de celle que j'ai observée jusqu'ici
vis-à-vis des hydrocarbures polyhalogénés. Tandis que
dans le tétrachlorure de carbone, le chloroforme, etc.,
un seul atome de l'halogène est remplacé par le fluor,
je constate ici que la substitution porte en partie sur
(\eu\ atomes de brome, même en n'employant qu'une
( 447
quantité de fluorure d'antimoine exactement suffisante
pour ue déplacer qu'un seul atome de brome. Après
formation du tribromfluoréthane, le fluorure d'antimoine
réagit de préférence sur ce dernier plutôt que de se porter
sur le tétrabromure d'acétylène non encore transformé.
J'ai cru intéressant d'étudier cette réaction au point de
vue quantitatif, en travaillant sur de grandes quantités de
matière. Comme mon appareil de platine n'était pas
suffisamment spacieux, j'ai fait deux opérations succes-
sives, l'une sur 500, l'autre sur 270 grammes de tétra-
bromure d'acétylène et, pour éviter les pertes, j'ai réuni
le produit brut des deux opérations, lequel j'ai purifie
comme je l'ai expliqué plus haut. J'ai obtenu de la
sorte 145 grammes de difluordibrométhane, 20 grammes
de produit distillant de 115° à 170°, 85 grammes de
tribromfluoréthane, 20 grammes de produit bouillant au-
dessus de 175" et au-dessous de 150° sous la pression
de 50 millimètres, 225 grammes de tétrabrométhane et
enfin 15 grammes de résidu de distillation. La transfor-
mation intégrale du tétrabrométhane aurait dû donner
469 grammes de tribromfluoréthane; une réaction se pro-
duisant uniquement dans le sens d'une substitution
bifluorée aurait laissé 2X5 grammes de produit inaltéré
et fourni 1K4 grammes de difluordibrométhane.
En fait, la réaction ne porte que sur 570 — [225 -+-
20 -+- 15 1 = 310 grammes d'éthane tétrabromé, si nous
considérons le résidu de distillation et la portion bouil-
lant au-dessus de 175° comme étant du tétrabromure
d'acétylène.
Ces 215 grammes ont donc donné les 115 grammes de
difluordibrométhane et les <S5 grammes de tribromfluor-
éthane; c'est-à-dire que l'attaque du tribromfluoréthane
( 44-8 )
par le fluorure d'antimoine se fait plus vite que celle du
tétrabrométhane.
Une quantité suffisante de fluorure d'antimoine, soit
deux molécules pour une molécule d'éthane tétrabromé
symétrique ne devait fournir que du difluordibrométbane.
En chauffant pendant dix-huit heures, à 150% 800 grammes
d'éthane tétrabromé divisés en trois portions, avec le
poids voulu de fluorure d'antimoine et du brome, j'ai
obtenu une transformation totale du fluorure employé en
bromure d'antimoine et le produit, après purification et
distillation, s'est trouvé être formé uniquement de tluor-
dibrométhane. J'ai obtenu ainsi 450 grammes de substance
absolument pure, bouillant à 106°, 8 sous 700 millimètres
de pression barométrique et environ 70 grammes de
liquide bouillant de 100° à 100°, 5 et de 107" à 120°, plus
un très léger résidu non volatil à cette température et
distillant vers 200° avec légère décomposition. Cette
fluoruration double pouvait s'expliquer par le fait que le
tétrabromure d'acétylène contient deux fois deux atomes
de brome voisins. J'ai déjà dit, dans un autre travail (*), que
l'action fluorurante du fluorure d'antimoine et du brome
ne se manifeste pour les chaînes hydrocarbonées, que si au
moins deux atomes d'halogène sont fixés au même atome
de carbone. L'éthane tétrabromé est deux fois du bro-
mure de méthényle et pourrait par conséquent subir
dans chacun de ces chaînons la substitution fluorée. La
formule du dibromdilluoréthane serait donc
CHBrFI
I
CHBrFI.
(") Sw le fluochlorure d'antimoine iDull. de i.'Acad. koy. de Bel-
ote, 3< sér., t. XXIX, pp. 898 et suivantes).
( 44<> N
Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser de cette
interprétation.
La préparation des deux dérivés fluorés que je viens de
décrire ne s'exécute que malaisément dans un appareil
en verre. D'abord, parée qu'un contact aussi prolongé
ave.- du fluorure d'antimoine chaud produit déjà à lui seul
une corrosion du verre. En outre, à cette température, le
brome agit faiblement comme substituant, et il se forme
un peu d'acide bromhydrique et du tétrabromfluoréthane,
corps dont je parlerai plus loin et dont j'ai reconnu la
présence, en petite quantité, dans le produit distillant
de 180° à 200°, de 100" à 150° sous une pression
de 30 millimètres. L'acide bromhydrique formé décom-
pose un peu de fluorure d'antimoine avec production
d'acide fluorhydrique, qui attaque le verre. Cette forma-
tion d'acide fluorhydrique peut aussi se constater dans
l'appareil de platine. Le tube de verre en U contenant
de l'acide sulfurique, qui ferme supérieurement le réfri-
gérant ascendant, est corrodé.
La formation du tétrabromfluoréthane peut être due,
ou bien à une action substituante du brome sur le tri-
bromfluoréthane, ou bien à ce que le brome attaque
légèrement le tétrabrométhane pour le transformer en
pentabrométhane (*), lequel subirait à son tour la substi-
tution fluorée. En tous cas, cette réaction est très limitée
et il ne se forme que des traces de tétrabromfluoréthane.
Je me suis assuré qu'en chauffant du tétrabrométhane
pendant trente-six heures avec du fluorure d'antimoine
seul à 150°, il ne se produit aucune réaction.
O Bourgoin a démontré que cette réaction se produite 160\ {Bull.
de la Soc. chim. de Paris, t. XXIII, p. 173.)
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 30
( 450 )
En possession de ces deux nouveaux corps, j'ai essayé
d'en préparer les dérivés éthyléniques.
J'ai fait agir la potasse alcoolique sur le tribromtluor-
éthane. J'ai introduit dans un ballon muni d'un réfrigé-
rant ascendant et d'un entonnoir à robinet 8«v> grammes
de tribromfluoréthane et j'y ai fait couler en un mince
tilet une solution de 17 grammes de potasse caustique
dans 1:20 grammes d'alcool, c'est-à-dire un léger excès
d'alcali par rapport à l'étbane. La température s'élève
fortement et il se produit instantanément un précipité
blanc cristallin. Il n'y a pas de dégagement gazeux, mais
si l'on ne prend pas soin de refroidir en immergeant le
ballon dans l'eau froide, le liquide s'écbauffe jusqu'à
bouillir.
Après introduction de toute la potasse alcoolique, ce
qui prend environ un quart d'heure, j'ai abandonné l'ap-
pareil à lui-même pendant une heure et, afin d'assurer
éventuellement une réaction complète, j'ai chauffé ensuite
pendant une heure au bain-marie. Puis je laissai refroidir;
j'attendis douze heures. Ce repos ne provoque pas la
précipitation d'une nouvelle quantité de sel de potassium.
Le produit de la réaction fut ensuite soumis à la distil-
lation au bain d'huile jusqu'à obtention d'un résidu abso-
lument sec. Ce résidu fut analysé et s'est trouvé exclusi-
vement formé de bromure de potassium.
Quant au distillât, il fut fractionné au Lebel. La
distillation commence à 70° et le thermomètre se main-
tient assez longtemps lixe à 74°, 5, puis il monte lentement,
s'arrête à 78° et ne s'élève pas au-dessus de 85". J'ai
séparé le liquide bouillant à 74°-7«)" et j'ai secoué le reste
avec de l'eau pour enlever l'alcool. Il s'est précipité ainsi
m\ liquide [dus dense que l'eau, qui fut séché sur du
( 48! )
chlorure de calcium et distillé. Il bouillait entre 90° et
100° et donna par rectification un corps distillant à 91°.
Mais le rendement l'ut peu satisfaisant : j'obtins à peine
l.-i grammes de produit.
Pour débarrasser le liquide bouillant à 74°-75° de
l'alcool qui aurait pu l'accompagner, je l'ai secoué avec
de l'eau, ce qui amena une diminution de volume de plus
de moitié, 10 centimètres cubes donnant 3CC,8 d'un
liquide insoluble dans l'eau, qui fut séché et distillé. La
température d'ébullition de la substance ainsi purifiée fui
trouvée être de 91°.
Il \ avait donc eu production d'une vapeur mixte d'al-
cool et du corps bouillant à 91", vapeur ayant un point
d'ébullition fixe.
J'ai été amené à reprendre plusieurs fois cette opéra-
tion, et chaque t'ois j'ai observé que la distillation du
liquide alcoolique primitif donnait un distillât bouillant
à 74",.-> et contenant la presque totalité du dérive éthylé-
nique.
J'ai soumis à l'analyse le nouvel éthylène ainsi pré-
paré :
0Br,8991 de substance ont donné Osr,5766 COa,
soit Oer, 10266 C ou 11,49°/»
et (Jsr,0492 11,0, soit Oer,00546 H ou 0,6 "/„.
Calculé pour CâHBrsFl. Trouvé.
C H,76"/0 U,49'/«
Il 0,49% 0,6 %
Il s'est donc formé du dibromfluoréthylène, comme le
faisait prévoir la formation exclusive de bromure de
( 452 )
potassium et la disparition totale du Irihromfluoréthane.
Il n'y a pas production de dérivé acétylénique.
Le fluordibrométhylène est un liquide incolore, d'une
odeur assez désagréable, bouillant à 90°, 3 sous 748 mil-
limètres de pression; sa densité est de 2,29082 à 17°, 5;
son indice de réfraction, de 1,49539 à 17". Je n'ai pas pu
constater de phénomène de polymérisation.
La détermination de la densité de vapeur à 100° a con-
duit au résultat suivant :
Poids
de
substance.
Température.
Pression
en millimètres
de Hg
(réduite à 0°).
Volume
observé.
Densité
déduilc.
Poids
moléculaire.
Og'^2Ho
100°
307,6
""fi
7,H9
205,8
J'obtiens donc un résultat théorique, le poids molécu-
laire calculé étant 204.
Le dibromfluoréthylène n'attaque pas le verre à froid.
Il salière à l'air en absorbant l'oxygène, comme le font
d'ailleurs le tribrométhylène et le dibromélhylène dissy-
métriques. Tl se transforme alors en fluorure acide, prend
une odeur piquante et fume à l'air. Ce qui démontre que
c'est un fluorure acide et non un bromure acide qui se
forme, c'est que si l'on conserve le dibromfluoréthylène
dans un tube scellé, il ne s'altère pas et le verre reste
transparent. Mais si on l'enferme dans un flacon impar-
faitement bouché, il fixe l'oxygène, et l'humidité de l'air
attaque le produit d'oxydation en donnant de l'acide
( 453 )
fluorhydrique, «loin la formation se manifeste par une
corrosion énergique du verre. Il v a donc production de
fluorure acide de dibromacétyle d'après l'équation
C*IIBr,FI -+- 0 = ClirJI — COKI.
Le dibromfluoréthylène retient très facilement l'eau et
surtout l'alcool. Pour enlever totalement ce dernier, il
tant un lavage soigné.
La constance avec laquelle se produit, dans la distilla-
tion d'un mélange d'alcool et de dibromfluoréthylène, la
vapeur mixte à point d'ébullition constant dont j'ai parle
plus haut, m'a amené à déterminer la densité de vapeur
<\e ce mélange. J'ai obtenu ainsi les données suivantes :
Poids
de
substance.
Température.
Pression
en millimètres
de Hg
(réduite à 0°).
Volume
observé.
Densité
déduite.
Poids
moléculaire.
08',()2i
100"
259,2
72«,3
4,04
'
Cette densité correspond à peu de chose près à celle
d'un mélange d'alcool avec une molécule d'éthylène fluo-
dibromé, mélange dont la densité serait 4,5.
Sur le tribromfluoréthanej'ai également fait agir l'am-
moniaque en solution alcoolique. On sait qu'en tubes
scellés celte solution agit sur le tétrabrométhane pour
donner de l'éthylène tribromé. Une réaction semblable
a lieu pour le tribromlluoréthane. Il n'est pas néces-
( 454 )
saire de chauffer. J'ai simplement laissé en contact dans
un llacon bien bouché 28ë',5 de tribromfluoréthane et
100 centimètres cubes d'une solution alcoolique d'ammo-
niaque deux fois normale. Après quatre jours, il s'était
produit une abondante cristallisation de bromure d'am-
monium. J'ai distillé le liquide. La distillation commence
à 70° pour donner une combinaison additionnelle d'un
dérivé éthylénique et d'alcool bouillant à 74°, et tout le
liquide bout au-dessous de 80". En précipitant le distillât
par l'eau, j'ai isolé un liquide bouillant à 90°, 3, présen-
tant toutes les propriétés du dibromfluoréthylène et qui a
donné à l'analyse les résultats suivants :
0e'\7427 <le substance ont donné O?r,0473 11*0,
soit 0^,05255 II ou 0,7 °/„
et 0er,5174 C0a, soit 0^,0^650 C ou 1 1,63 %.
Calculé pour CjFIHHi.,. Trouvé.
C 11,76 % H,63°/„
H 0,49°/. 0,7 °/„
I. 'action de l'ammoniaque en solution alcoolique est
donc exactement la même que celle de la potasse.
En chauffant à 40°, la réaction se produit plus vite et
est achevée après un jour.
J'ai également fait agir le zinc sur le tribromfluoré-
ihane, dans le but d'obtenir un éthylène bisubstitué.
J'ai d'abord opéré comme Anschûtz l'avait fait pour pré-
parer le bibromure d'acétylène symétrique, savoir : en
mélangeant l'éthane avec un cinquième de son poids
d'alcool et en ajoutant peu à peu du zinkstaub. Seule-
ment, en opérant ainsi, il s'est produit, par l'introduc-
tion des premières portions de zinc et malgré un refroi-
( 455 )
dissement énergique, une réaction tellement vive que
tout le produit a été projeté hors de l'appareil.
Pour modérer la réaction, j'ai mélangé le tribromfluor-
éthane (70 grammes) avec deux fois son poids d'alcool.
J'introduisis le tout dans un ballon à deux tubulures,
dont l'une était reliée à un réfrigérant ascendant et dont
l'autre servait à l'introduction du zinc. Le ballon était
plongé dans de l'eau glacée. L'introduction du zinc doit
se faire très lentement et par portions de 2 grammes au
plus, si l'on veut éviter une élévation de température trop
forte, qui amènerait des pertes notables. La température
ne peut dépasser 55°. On agite vivement après chaque
introduction de poussière de zinc. Quant 50 grammes
de zinc environ eurent été ajoutés, j'ai laissé reposer
l'appareil pendant trois heures et me suis assuré que
l'addition d'une nouvelle quantité de zinc ne provoquait
plus de réaction. Le dérivé éthylénique qui se forme
est extrêmement volatil; aussi le réfrigérant ascendant
doit-il être traversé par un courant d'eau bien froide.
Malgré l'emploi d'un excès de zinc, il ne se produit
pas d'acétylène.
Sans changer de ballon, j'ai distillé le produit de la
réaction au bain-marie, en recueillant le distillât dans un
tube en U très fortement refroidi ( — 20°). La distillation
commence à 28° et le thermomètre se tixe entre 34°
et 38°, pour s'élever ensuite jusqu'à la température
d'ébullition de l'alcool.
Pour enlever l'alcool, j'ai secoué avec de l'eau glacée.
Le liquide plus dense que l'eau ainsi séparé fut séché et
rectitié plusieurs fois au Lebel à cinq boules. Le distillai,
était condensé dans un tube en U à robinet fortement
refroidi. La distillation, qui commence à 30°, m'a permis
( 456 )
d'isoler un corps passant à l'ébullition exactement à 36°,5.
En raison de la très grande volatilité de cette substance,
le rendement n'est pas très avantageux et je n'ai pu
isoler que 15 grammes de produit pur.
J'y ai dosé le carbone et l'hydrogène en opérant,
comme je l'ai décrit jadis pour l'analyse du lluochloro-
forme, par entraînement de la substance par un courant
d'air.
J'ai trouvé ainsi que
0er,5681 de substance donnent CKr,iô03 CO*,
soit 0er, 1 1835 C on 19,08%
et 0Rr,0879 11,0, soit 0*r,009766 II ou 1,71 %.
Calculé pour CâHsBrFl. Trouvé.
C 19,20 % 19,08%
II 1,60% 1,71%
Le tluorbrométhvlène est un liquide incolore, très
volatil, bouillant à 5(3°, 5 sous 7G0 millimètres de pres-
sion. Sa densité est de 1,6939 à 16°, 5, son indice de
réfraction de 1,41705. Son odeur est agréable et ne
rappelle en rien l'odeur des éthylènes dissymétriques. H se
combine au brome pour régénérer le tribromfluorméthane.
Il n'attaque pas le verre et ne s'altère ni à la lumière ni
à l'air humide. Je n'ai pas constaté de phénomènes de
polymérisation. Ceux-ci se produisent d'aileurs pour les
éthylènes bisubstitués dissymétriques. Or la formule de
l'éthylène lluobromé que j'étudie est évidemment
Cil FI
II
CHBr,
ce qui résulte de son mode de formation.
( 457 )
Sa densité de vapeur a été également déterminée.
Poids
de
substance.
Température.
Pression
en millimètres
de Hg
(réduite à 0° .
Volume
observé.
Densité
déduite.
Poids
moléculaire.
0^,0428
17»
101,8
r. 1< , ;
4,24
122,8
Poids moléculaire théorique : 125.
J'ai soumis ensuite le dibromdifluoréthane à l'action de
la potasse alcoolique, en opérant comme pour le tribrom-
éthane iluoré et en employant également un léger excès
de potasse caustique.
La réaction ne s'accomplit pas, à beaucoup près, aussi
facilement que pour le tribromlluoréthane, et l'addition
de la potasse ne provoque que la formation d'un préci-
pité peu abondant. Après addition de toute la potasse,
j'ai chauffé au bain-marie pendant dix-huit heures. Le
précipité devient beaucoup plus abondant. Il ne se pro-
duit pas de gaz et je n'ai pas constaté la formation d'un
liquide très volatil, comme aurait dû l'être le dilluor-
brométhvlène, que je comptais obtenir par enlèvement
d'acide bromhydrique.
L'appareil fut alors abandonné à lui-même pendant
un jour, puis le liquide fut distillé au bain d'huile.
La distillation commença à 70", le thermomètre
s'arrêta un certain temps à 74°-75°, puis à 78°, pour
s'élever ensuite jusqu'à 150°.
Le distillât fut précipité par l'eau, le liquide insoluble
séparé et séché sur du chlorure de calcium et redistillé.
( 458 )
La distillation commence à 85°. Le produit rectifié plu-
sieurs fois m'a permis d'isoler un corps bouillant à 91"
ainsi que du difluordibrométhane inaltéré. Un peu de
liquide (1 à2 centimètres cubes) distille au-dessus de 130°.
Pour identifier la substance bouillant à 91°, je l'ai
analysée.
0sr.708 de substance ont donne ()er,50i; CO„
soil ()er,083i5 C on I 1,78%
cl 0^,0471» HA soit O'r,00:j:2X8 H on 0,73 •/..
Cette composition correspond absolument à celle du
dibromfluoréthylène. Le produit a d'ailleurs exacte-
ment les mêmes propriétés que le dibromfluoréthylène
obtenu aux dépens du tribromlluoréthane. Comme lui, il
possède une odeur désagréable; comme lui, il s'altère à
l'air en se transformant en fluorure acide que l'eau
décompose, comme lui également il forme avec l'alcool
une vapeur mixte bouillant à 74°, 5 et dont la densité de
vapeur correspond à peu près à celle d'un mélange d'une
molécule d'alcool avec une molécule de dibromfluor-
éthylène.
Pour contrôler l'identité des deux corps, j'ai déterminé
la densité du dérivé du dibromdifluoréthane. Celte den-
sité est de 2,2940 à 10°, de 2,291 4 à 17°,5, c'est-à-dire la
même, à 0,0008 près, que celle du dibromfluoréthylène
provenant du tribromlluoréthane.
Les deux produits sont donc identiques. Une diffé-
rence de constitution se fût révélée par quelque diffé-
rence, si légère fût-elle, dans les températures d'ébul-
lition et dans les densités (*).
*) On peut à ce sujet étudier le tableau d'Anschûtz. [Annales,
t. CCXXI, p. 155.)
159 )
A la formule C^HBr^Fl peuvent en effet correspondre
deux isomères
CBp. . CHBr
Il II
CHFI CBrFI.
J'essayerai de déterminer plus loin la constitution du
corps que j'ai obtenu.
La formation du dibromfluoréthylène aux dépens du
difluordibrométhane implique une élimination d'acide
fluorhydrique. Le résidu solide devait donc être formé de
fluorure de potassium. L'analyse m'a montré qu'il con-
tenait cependant une petite quantité de bromure. Il
avait donc dû se produire une réaction du côté brome de
la molécule, ou bien le dibromdifluoréthane que j'avais
employé n'était pas pur.
Pour élucider cette question, j'ai repris l'expérience en
opérant sur une plus forte quantité de matière et en par-
tant d'un produit absolument pur. C'est à cet effet que
j'ai préparé les 430 grammes de dichlordifluoréthane
d'une pureté absolue, bouillant à IO(i",K, dont j'ai parlé
plus haut.
J'en ai prélevé ±24 grammes, soit une molécule-
gramme, sur laquelle j'ai fait agir exactement une molé-
cule d'alcoolate de sodium. J'ai pris l'alcoolate de
sodium au lieu de la potasse alcoolique, l'expérience
in avant prouvé que la réaction marche mieux et est plus
rapidement complète dans ce cas. En outre, j'employais
ainsi un matériel absolument exempt de sels haloïdes.
Le mélange fut chauffé pendant seize heures à 80°,
puis le liquide fut distillé et rectifié avec le plus grand
iCO )
soin au Lebel à cinq l>oules. J'ai séparé d'abord un
liquide alcoolique, dont j'ai extrait le dibromfluoréthylène
par précipitation par l'eau, dessiccation et rectification,
un peu de dibroindilluoréthane inaltéré, puis un liquide
peu abondant, distillant de 130" à 180° (10 centimètres
cubes environ). Ce dernier produit, rectifié derechef,
m'a donné une petite quantité d'un corps bouillant de
150° à 160°, sans point d'ébullition bien constant. Je n'en
ai obtenu que 5 centimètres cubes.
Il possède une odeur rappelant celle du bromacétate
d'éthyle, irrite très vivement la conjonctive et est attaqué
par la soude caustique et l'acide sulfurique concentré.
Chauffée au rouge dans un tube de verre, sa vapeur cor-
rode vivement le tube.
Malheureusement, j'ai eu trop peu de substance à ma
disposition pour pouvoir la purifier d'une manière com-
plète. Sa densité de vapeur est égale à 180 et se rap-
proche de celle de l'éther lluodibromé inconnu (490),
qui pourrait se former par substitution du brome par
l'oxéthyle. Trois dosages de carbone et d'hydrogène ont
donné comme teneur en ces deux éléments, respective-
ment 25,79 %, 25,64° „ et 25,7 % de carbone, et 5,52- 0,
5,46 °/0 et 5,50 % d'hydrogène. L'éther lluodibromé'
contiendrait 25,2 ° „ de carbone et 5,68 % d'hydrogène.
La forte teneur en hydrogène exclut l'hypothèse que le
corps serait un éthylène substitué. En outre, il ne se
combine pas au brome par addition. Sa teneur en
brome (environ 43 "■„, calculée pour l'éther lluodibromé,
41,05) constitue une présomption de plus en faveur de la
formation d'un dérivé par substitution d'un atome de
brome par l'oxéthyle. Ces teneurs en brome, hydrogène
ci carbone correspondent en effel à (-«'Iles d'une substance
qui contiendrait un atonie de brome pour quatre atonies
rie carbone el sept d'hydrogène. En rapprochant ce
fail de la grandeur du poids moléculaire (180), l'hypo-
thèse que je me trouve en présence de l'éther fluodibromé
devient très plausible.
Je ne puis évidemment, à l'heure actuelle, me prononcer
d'une façon définitive, mais la formation d'un corps de
ce genre explique la formation du bromure de sodium
que j'ai trouvé dans le résidu de distillation. L'analyse
m'a montré, en effet, que le résidu contenait 15^,1
de lluor au lieu de 11), et lO^o de brome au lieu de 80,
quantités que j'aurais dû trouver si la réaction avait été
totale dans le sens d'une substitution fluorée ou d'une
substitution bromée.
Je me propose de revenir sur ce point, de l'étudier
avec plus de détails, en opérant sur de fortes proportions
de substance, puisque le rendement est si mauvais.
J'aurai l'honneur de tenir l'Académie au courant de mes
recherches.
L'enlèvement de l'acide fluorhydrique par l'alcoolate
de sodium est une réaction chimique en apparence
déconcertante. Mes travaux antérieurs ont en effet montré
la grande affinité du carbone pour le lluor et l'énergie
avec laquelle ces deux éléments tiennent l'un à l'autre.
J'ai montré ailleurs (*) combien il est difficile d'enlever
le lluor au carbone par l'hydrogène naissant.
D'autre part, nous savons qu'en général, dans les
C) Sur l'acide fluoracc tique (Bull, de l'Acad. roy. de Belgique,
:> série, t. XXXII, n" 7, p. 77) et Sur l'acide dichlor/luoracctitjue
Mémoires cour, et autres mémoires, in-S°, t. LI).
( 462 )
éthanes bisubstitués par des halogènes différents, l'acide
bromhydrique est plus facilement enlevé que l'acide
chlorhydrique. Cependant il existe de nombreuses excep-
tions à cette règle, exceptions dont M. Henry a signalé
plusieurs exemples. Ce savant a démontré (*) quel'iodure
d'éthyle bichloré, soumis à l'action de l'éthylate de
sodium, donne surtout (pour les 4/5) de l'éthylène bichloré
par enlèvement d'acide iodhydrique, mais que pour un
cinquième il est transformé en éthylène chloroiodé, el
cela malgré l'affinité beaucoup plus grande du chlore
pour le carbone, comparée à celle de l'iode. De même,
il a observé (**) que l'éthane chlorobromoiodé, traité par
la potasse alcoolique, se transforme surtout par arrache-
ment d'acide chlorhydrique en éthylène bromoiodé
dissymétrique (pour les 3/4) ; mais un quart du produit
mis en œuvre perd de l'acide iodhydrique pour devenir
éthylène chlorobromé dissymétrique.
Ici j'observe un phénomène du même genre; la réaction
se produit surtout dans le sens d'un enlèvement d'acide
fluorhydrique aux dépens du dibromdifluoréthane, mais
il se produit en même temps une réaction du côté brome
de la molécule. M. Henry attribue la production de deux
réactions simultanées, dans les cas qu'il a étudiés, à
l'existence de deux isomères dans les éthanes dont il est
parti.
Malgré tous les soins que j'y ai apportés, je ne suis pas
parvenu à séparer deux isomères dans le dibromdilluoré-
(*) Sur T addition du chlorure d'iode à l'éthylène monochloré (Comptes
RENDUS, t. XCVIII, p. 519).
(**) Sur l'addition du chlorure d'iode à l'éthylène monobromé (Comptes
rendus, t. XCVIII, p. 680).
( 463 )
thane, et je suis plutôt porté à croire que c'est un corps
unitaire, mais qu'il réagit de deux manières différentes :
principalement en perdant de l'acide fluorhydrique, et
secondairement en donnant un dérivé par substitution du
brome. L'enlèvement de l'acide fluorhydrique par la
potasse est un phénomène analogue à ceux déjà observés
par M. Henry dans les réactions que j'ai signalées plus
haut, et dans lesquelles c'est l'halogène le plus actif qui
est arraché avec l'hydrogène, malgré son affinité plus
forte pour le carbone.
L'action du zinc sur le difluordibrométhane est de
nature à donner des indications sur la constitution de ce
corps et par conséquent sur celle des dérivés éthylé-
niques qu'il engendre.
J'ai l'ait réagir le zinc dans les mêmes conditions que
pour le tribromlluoréthane, c'est-à-dire en mélangeant
le dibromfluoréthane avec deux fois son poids d'alcool.
J'ai mis en œuvre 100 grammes de produit dans chaque
expérience. La réaction est beaucoup moins vive qu'avec
le tribromlluoréthane, mais elle se produit néanmoins
avec élévation notable de température.* Il ne se dégage
pas de gaz, mais il se produit un liquide très volatil.
L'introduction du zinc fut faite en deux heures envi-
ron; l'appareil fut abandonné à lui-même pendant trois
heures, puis je distillai le liquide au bain-marie. J'ai
recueilli le liquide condensé dans un tube en U à
robinet, fortement refroidi. La distillation commence
à 20" et le thermomètre se fixe à 34"-3Gu, pour s'élever
ensuite jusqu'à la température d'ébullition de l'alcool,
limite qu'il ne dépasse pas.
Le distillât fut secoué avec de l'eau glacée pour
enlever l'alcool, puis séché et soigneusement rectifié.
( 464 )
J'ai séparé ainsi un liquide bouillant à 56°, 5 et ressem-
blant en tous points au fluorbrométbylène obtenu aux
dépens du tribromtluorétbane et du zinc.
Je l'ai analysé et suis arrivé aux résultats suivants :
0er,9578 de substance ont donné 0er,685 COj,
soit Oer,OI8627 Cou 19,44 •/•
et 0gr,1655 11,0 ou Oer,OI833 H ou 1,90°/.-
Calculé pour CjH4BrFl
C 1 9,20 •/.
H 1,6 •/-
Trouvé.
19,44"/.
1,9 °/«
La densité de vapeur a également conduit à des don-
nées concordant avec la formule C2BrFlH2.
Poids
de
substance.
Température.
Pression
en millimètres
de Hg
(réduite à 0»).
Volume
observé.
Densité
déduite.
Poids
moléculaire
O6'',087o5
17o,5
9,4
67«,3
4,29
m,\
Le poids moléculaire de C2H2FlBr est égal à 124,75.
L'indice de réfraction à 16°, 4 est de 1,41765,
J'ai donc obtenu le même étbylène fluobromé aux
dépens du tribromfluoréthane et du dibromdifluorétbane
et qui ne peut être que
CHBr
Cil Kl.
( 4(K> )
Or la formation de ce corps aux dépens du dibrom-
difluoréthane implique le départ d'un atome de brome et
d'un atome de fluor. Sabanejeff a montré (*) que, pour les
dérivés chlorobromés contenant plusieurs atomes de
brome, celui-ci seul est enlevé par le zinc quand il est
lixé à deux atomes de carbone différents, mais que quand
le brome est fixé entièrement sur un seid carbone, il se
produit une soustraction d'un atome de brome et d'un
atome de chlore par le zinc.
Or, c'est un phénomène absolument analogue qui
s'observe ici. Dans le tribromfluoréthane, chez lequel
il y a certainement i\u brome sur les deux atomes de
carbone, le brome seul est enlevé, mais dans le dibrom-
difluoréthane, il y a arrachement d'un atome de brome
et d'un atome de fluor. Nous pouvons en conclure que
dans le dibromdilluorétliane, les deux atomes de brome
sont fixés sur un même carbone et la formule de ce corps
sera donc
CHBr,
I
Cil FI,.
dette formule nous rend un compte satisfaisant de
l'action de l'alcoolate de sodium ou de la potasse causti-
que. Il y a enlèvement d'acide lluorhvdrique dans le
difluordibrométhane et d'acide hromhydrique dans le tri-
bromfluoréthane parce que, dans le premier, deux atomes
de tluor sont fixés sur le même carbone, ce qui doit ren-
dre cet halogène plus mobile et diminuer l'affinité de
chacun des atomes de fluor pour le carbone. De même
que nous voyons que les éthanes bichlorés dissymétriques
bromes peuvent plus facilement perdre de l'acide chlorhv-
■ Sabakejeff, Ann. der ('.hem., 021l).
Ome SÉRIE, TOME XXXIII. -">!
( 4C6 )
drique (jue les dérivés symétriques sous l'influence de
l'alcoolate de sodium, de même l'enlèvement de l'acide
Huorhydrique est rendu plus facile par la présence de
deux atomes de fluor au même atome de carbone.
In autre argument pour expliquer le départ d'acide
Huorhydrique plutôt que d'acide bromhydrique repose sur
la grande aflinité du fluor pour l'hydrogène. Dans le corps
IICHr,
I
FIC — Il FI,
l'enlèvement d'acide fluorhydrique satisfait le mieux cette
aflinité, l'hydrogène restant se trouvant à côté du fluor,
lin enlèvement d'acide bromhydrique irait au contraire à
l'encontre de l'affinité du fluor pour l'hydrogène.
De la formule dissymétrique du difluordibrométhane,il
résulte que l'action de la potasse doit être représentée
par l'équation
ClIBi-s CBr*
| + KOII = || -*- Kl I -+- 11,0,
CIIFI, HIFI
ce qui nous permet de fixer la formule du dibromfluor-
éthylène.
Cependant, c'est la première fois que je constate une
substitution totale du brome par le fluor sur un même
atome de carbone. Dans mes précédentes recherches,
j'avais réalisé d'une façon constante le remplacement d'un
seul atome de chlore ou de brome par le fluor, et la
réaction s'arrêtait là, pour les chaînons hydrocarbonés .
Je n'ai jamais observé auparavant la formation simultanée
de deux produits de substitution fluorée dans la chaîne
hydrocarbonée.
La fluoruration double qui donne lieu à la production
( 46? )
du difluordibrométhane ne peut donc pas s'expliquer, si
la formule CHBr2- - CHF12 est exacte, par l'argument,
invoqué plus haut, que le tétrabrométhane symétrique est
deux fois du bromure de méthényle.
La formule
CHBr* — CHFIs
du dibromdifluoréthane est justifiée par la formation de
l'éthylène fluobromé symétrique sous l'action du zinc et
par l'enlèvement de l'acide fluorhydrique dans le traite-
ment par l'alcool ate de sodium. Cependant elle ne parait
pas s'accorder avec les faits que j'ai observés jusqu'ici
dans la tluoruration des chaînons hydrocarbonés poly-
bromés. Peut-être le chaînon CHBi\> — exerce-t-il sur le
chaînon CHFIBr une action de voisinage, rendant le
brome de ce dernier plus mobile. Nous connaissons
maint exemple de faits de ce genre.
On peut, d'autre part, admettre que la formation du
dibromdifluoréthane dissymétrique est un nouvel exemple
de ces réactions de substitution si fréquentes dans les-
quelles nous voyons que deux atomes de même espèce
tendent à se placer aussi près que possible l'un de
l'autre. Dans ce cas, le fluor choisirait de préférence la
position « à la position (3 quand il se substitue au brome
dans le tribromfluoréthane :
/s
CHBi-j
I
CHBrFI.
y.
A ce fait se rattache le phénomène mentionné plus
haut, à savoir que la présence du fluor dans la molécule
facilite la substitution fluorée, le tribromfluoréthane étant
( «»)
plus vite attaqué par le fluorure d'antimoine que le tétra-
brométhane.
D'un autre côté, la formule CHBr2 — CHF12 aurait pu
faire croire à la possibilité d'une fluoruration plusavancée,
le chaînon — CHBi\> encore intact pouvant à son tour
subir la substitution fluorée par le fluorure d'antimoine
et le brome. Il n'en est rien. J'ai traité le dibromdifluor-
éthane par un tiers de molécule de fluorure d'antimoine
en présence du brome, et cela sans aucun résultat.
Je me propose d'établir encore par d'autres recherches
la constitution du dibromdifluoréthane et, par consé-
quent, du dibromfluoréthylène.
Le dibromfluoréthylène se combine énergiquement au
brome avec élévation de température. J'ai obtenu de
celte manière le tétrabromfluoréthane
CBi3
I
CHBrFI
en faisant agir une molécule de brome sur une molécule
de dibromfluoréthylène.
Pour modérer la réaction, je dissous l'éthylène dans
son poids de tétrachlorure de carbone. J'en fais de même
pour le brome. La solution d'éthylène dibromofluoré est
introduite dans un ballon immergé dans l'eau froide et
muni d'un réfrigérant ascendant et d'un entonnoir à
robinet. Je laisse couler la solution de brome goutte à
goutte. Il se produit une décoloration immédiate. Si le
brome arrive un peu vite, la température peut s'élever
jusqu'au point d'ébullition du tétrachlorure de carbone.
A la fin de l'opération, la décoloration se produit plus
lentement et, après addition de tout le brome, le liquide
reste coloré en rouée.
( 401) )
Le méthane perchloré fut éliminé par distillation au
bain-marie et le résidu chauffé à feu nu. Le thermomètre
monte à 190° et le tétrabromfluoréthane commence à
distiller. Cette distillation s'accompagne d'une dissocia-
tion partielle, avec formation de vapeurs de brome. Le
thermomètre s'élève jusqu'à 205°-206° et se maintient à
cette température, à laquelle distille la presque totalité
de la substance. Le distillât, coloré en rouge, se décolore
rapidement, les produits de dissociation se recombinant
à froid.
J'ai rectifié au Lebel et j'ai isolé ainsi un liquide bouil-
lant à 204° sous 758 millimètres de pression. Il y a
décomposition partielle à la distillation, mais reconstitu-
tion dans le ballon récipient.
Pour éviter cette décomposition, j'ai, dans une autre
opération, effectué la distillation sous pression réduite.
Sous une pression de 50 millimètres, le point d'ébulli-
tion se trouva être de 106° et la distillation s'accomplit
sans trace de décomposition.
Le rendement est de 1 10 grammes pour 7(> grammes
de dibromttuoréthylène.
Voici les résultats du dosage de carbone et d'hydro-
gène :
0*r,9452 de substance ont donne 0er,03o9 H.20,
soit 0er,005988 H ou 0,42 °/0
et 0i?r,2347 co^ soit o«r,Of»4 C on (5,77 •/„.
Oer,9i!27 de substance ont donne Oe',0321 H,0,
soit 0er,0035 H ou 0,37 »/.
et 0^,2505 CO„ soit 0er,06267 C ou 6,64 %.
Calculé pour C4HBr4Fl. Trouvé.
C 6,61°/. 6,77%- 6,64%
H 0,27 % 0,4-2 %-0,57 %
; 47.) )
La densité de vapeur tut déterminée par la méthode
d'Hofmann dans la vapeur d'aniline.
Poids
de
substance.
Température.
Pression
en millimètres
de Hg
(réduite à 0°j.
Volume
observé.
Densité
déduite.
Poids
moléculaire.
Os',9195
182*
65
12o«,9
12,72
366, '♦
Il ne se produit donc pas de dissociation à cette tem-
pérature.
Le tétrabromtluorétliane est un liquide incolore, très
réfringent, mouillant mal le verre, jaunissant à la lumière.
Il possède une odeur camphrée et ses vapeurs irritent
fortement les paupières. Il n'attaque le verre qu'au
rouge. Sa densité à 10° est de 2,95800, son indice de
réfraction est de 1,59707 à 16°. Il ne se congèle pas
à — 58°, bout à 20i" sous 700 millimètres de pression,
à 100° sous 30 millimètres et à 105°,5 sous 23 milli-
mètres.
J'ai dit plus haut qu'il se forme en petite quantité par
l'action du fluorure d'antimoine et du brome sur le tétra-
brométhane.
Soumis à l'action de la potasse alcoolique, il réagit
( «1 )
immédiatement ci il se produit un abondant précipité de
bromure de potassium. Après addition de la potasse, je
chauffe au bain-marie pendant une heure, puis je traite le
produit brut par l'eau pour dissoudre le sel de potassium
et précipiter l'éthylène. La solution aqueuse ne contient
que du bromure de potassium. Le liquide insoluble dans
l'eau est sécbé et distillé. La distillation s'effectue sans
la moindre décomposition et donne un liquide bouillant
de 140° à 150°. Par rectification répétée, j'ai séparé un
corps bouillant à 1 47°, 2 sous 758 millimètres de pres-
sion. Rendement : 45 grammes de produit tout à t'ait pur
et 15 grammes de substance bouillant de 140° à 147° et
de 147° à 150° pour 90 grammes de tétrabromfluoréthane
mis en œuvre.
Un dosage de carbone et d'hydrogène a fourni les don-
nées suivantes :
1^.477 de substance ont donné 0*r/*G-2G CO*.
soit 0?r,l26l6 C ou 8 52 % pas d'eau
Calculé pour C4Br3Fl. Trouvé.
C 8,47 •/. 8,5'2 %
Il se produit donc élimination d'acide bromhydrique,
avec formation de tribromfluoréthylène.
Le tribromfluoréthylène est un liquide incolore, ne
s' altérant pas à la lumière, d'une odeur camphrée. Sa
densité est de 2,0699 à 15°, de 2,6659 a 20°. Son indice
de réfraction est égal à 1,54821 à 20". Il bout à 147°,2
( 472 )
sans décomposition. J'ai recherché sa densité de vapeur
et j'ai trouvé les données suivantes :
Poids
de
substance.
Température.
Pression
en millimètres
de Hg
(réduite à 0°).
Volume
observé.
Densité
déduite.
Poids
moléculaire
0er,0852
139°,8
138,8
87«<\4
9,81
283,2
Le poids moléculaire théorique est 285,2.
Le tribromfluoréthylène iixe l'oxygène de l'air en se
transformant en fluorure acide, comme le prouve l'at-
taque du verre quand on le conserve dans des flacons
imparfaitement bouchés.
Il se forme probablement du fluorure de tribromacé-
tyle.
Cependant cette transformation se produit beaucoup
moins facilement que pour le dibromfluoréthylène.
Le tribromfluoréthylène ne se polymérise pas.
Dissous dans le tétrachlorure de carbone ou le chlo-
roforme, il s'additionne à une molécule de brome. Cette
réaction ne se fait pas très vivement et l'absorption des
dernières portions de brome a lieu très lentement; le
liquide reste même coloré en rouge. En évaporant le
dissolvant, j'ai obtenu un produit cristallin, que j'ai fait
recristalliser de l'alcool chaud, dans lequel il était assez
soluble. A froid, au contraire, la solubilité était beau-
coup plus faible, ce qui permit une purification facile.
( 473 )
J'ai recueilli de la sorte de beaux cristaux eu paillettes
blanches, nacrées, dont j'ai l'ait l'analyse.
tgr -2754 de substance ont donné 0er,2G53 C()t,
ou 0er,O7255 C ou 5,67 °/0
U',5835 de substance ont donné 0er,3OI C02,
soit 0er,08209 C ou 5,19%.
Calculé pour CâBr5Fl. Trouvé.
5,42% 5,G7%-5,»9%
Le pentabromfluoréthane est un corps solide, blanc,
d'une odeur fortement camphrée, cristallisant en prismes.
Il est peu soluble dans l'alcool froid, plus soluble dans
l'alcool chaud, très soluble dans la benzine, le chloro-
forme et l'éther. 11 commence à se sublimer vers
120° et fond à 176° en subissant une légère décomposi-
tion. Chauffé plus fort, il se dédouble complètement.
Les éthylènes substitués que j'ai préparés sont vive-
ment attaqués par l'acide nitrique fumant. Cette réaction
fera l'objet d'une étude ultérieure.
J'ai également observé que le tétrabromiluoréthane est
susceptible d'être fluorure par le trifluorure d'antimoine
et le brome, ce qui était à prévoir. J'ai obtenu ainsi un
liquide bouillant à 146° et qui pourra être le point de
départ d'une nouvelle série de dérivés (luobromés.
Avant de clôturer cette note, je voudrais cependant
faire une remarque sur les points d'ébullition des dérivés
que j'ai obtenus. Ces points d'ébullition sont en général
inférieurs d'environ 70° à ceux des dérivés bromes cor-
( 474 )
respondants, comme le prouve le tableau suivant, donné
pour les corps dont on connaît les points d'ébullition:
DÉRIVÉ BROME.
a
o
t- '-3
Z 13
DÉRIVÉ FLUORÉ.
ri
0
u
X
a. _a
a. j3
■0
S
CHBr4- CHBr., . .
2350?
CHBr 8 — CHBrFl. .
174°
!
61° ?
CHBrt — CHBrFl. .
I74o
CHBrj— CHF1, . .
107»
67»
CHBr — CHBr. . .
110»
CHBr — CHF1 . . .
36°
74°
GHBr — CBrs . . .
163»
CBrj-CHt'l . . .
91°
72°
( «7S )
CLASSE IMS II IlitlH
Séance du ta mai 1897.
M. le comte Goblet d'Alviella, directeur, président de
l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. F. Vander Haeghen, vice-directeur ;
Alph. Wauters, P. Willems, S. Bormans, Ch. Piot,
Ch. Potvin, J. Stecher, T.-J. Lamy, Ch . Loomans,
G. Tiberghien,L. Vanderkindere, Ad. Prins, J. Vuylsteke,
Ém. Banning, A. Giron, le baron J. de Chestret de
Hanefl'e, Paul Fredericq, God. Kurth, Mesdach de ter
Kiele, H. Denis, G. Monchamp, membres; A. Rivier,
J. Vollgraff, associés; P. Thomas, V. Brants, Ch. De Smet
et Alph. Willems, correspondants.
M. le comte Goblet, en ouvrant la séance, annonce que
le duc d'Aumale est décédé inopinément, le 6 de ce mois,
dans son domaine de Zucco, à Montelepre (Sicile).
« La mort du duc d'Aumale, dit-il, ne frappe pas seule-
ment la Famille royale et l'Institut de France, elle atteint
aussi l'Académie royale de Belgique, qui s'honorait de
compter parmi les associés de la Classe des lettres l'il-
lustre auteur de V Histoire des princes de Condé.
» Aussi est-ce sous l'impression d'une profonde émotion
( 4-76 )
que l'Académie vient d'apprendre le douloureux événe-
ment qui ravit à l'Institut l'un de ses membres les plus
glorieux.
La Classe charge le Bureau d'écrire à l'Institut combien
elle s'associe d'esprit et de cœur aux regrets soulevés par
la perte du grand historien.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
fait connaître que, par arrêté royal du 10 avril 181)7, pris
sur la décision du jury qui a examiné les travaux de la
troisième période du Prix quinquennal des sciences
sociales, le prix de 5,000 francs est décerné à M. P. De
Paepe, conseiller à la Cour de cassation, pour son ouvrage
intitulé : Études sur lu compétence civile.
- M. le baron Lambert, président de la Commission
d'organisation du Congrès international colonial, invite
les membres de l'Académie à s'intéresser à ce Congrès.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages dont les titres suivent :
1° Bibliotheca Belgica, livraisons 157 à 141 ; par
F. Vander Haeghen ;
2° Cartulaire de la commune d'Ancienne, tome II ; par
Léon Lahaye ;
( 477 )
5° Dietsce rime. Geestelijke gedichten uit de XIIIe, XIVe
en XV'eeutc; par K. de Gheldere ;
4° Inventaire analytique et chronologique des archives de
la ville de Saint-Trond, tome VI, 1" livraison; par
Fr. Straven;
*')" Histoire du Conseil provincial de Luxembourg;
6° Bulletin de Folklore, 1895, tome [J, 7e-8e fascicules.
— Remerciements.
— M. le Ministre de la Justice envoie un exemplaire
des Coutumes des pays et comte de Flandre, quartier de
Fumes, tome II.
— Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
1° Histoire des systèmes économiques et socialistes,
volume Ier : Les fondateurs; par Hector Denis;
2° Quelques mots sur André Vésale, ses ascendants, sa
famille et sa demeure à Rru.relles, nommée la maison de
Vésale; par Alph. Wauters;
5° The Svastika, the earliesl knoun Symbol, and Us
Migrations; ivith observations on the migration of certain
Industries in prehistoric limes; par Thomas Wilson, à
Washington (présenté par M. Goblet d'Alviella avec une
note qui ligure ci-après);
4° Des fresques de la Leugemeele; leur découverte en ISi6;
leur authenticité; par J. Van Malderghem (présenté par
M. Alph. Wauters);
5° Monasticon belge, tome I", 2" livraison; par
le R. P. dom l'rsmer Berlière.
( 478 )
NOTE BIBLIOGUAPHIQUE.
J'ai l'honneur de présenter à l'Académie une publica-
tion que lui offre M. Thomas Wilson, curateur au dépar-
tement de l'anthropologie préhistorique du Musée natio-
nal de Washington. C'est un volume renfermant 254 pages,
ï>;> planches et 571 figures, sur la croix gammée ou
svastika (1). Il résume d'une façon très complète tout ce
qui a été imprimé jusqu'ici sur ce signe cosmopolite que
l'auteur appelle le plus ancien symbole connu; il ren-
ferme en outre des renseignements nouveaux très inté-
ressants sur la présence et la diffusion de la croix
gammée parmi les populations aborigènes du Nouveau-
Monde.
Il y a surtout deux problèmes qui se posent à propos
de la croix gammée : l'un est relatif à son origine, l'autre
à sa signification. M. Thomas Wilson reproduit le tableau
que j'ai publié, en 18«Xi), dans les Bulletins de l'Académie
royale de Belgique, sur les migrations de la croix gammée
et il ne semble pas éloigné d'admettre mes conclusions
qui placent dans la vallée du Danube le point de départ
de ce symbole, pendant le premier âge du fer, vers le
XIIIe siècle avant notre ère. Il est même plus affîrmatif
que je ne l'ai été, lorsqu'il proclame sans hésitation l'iden-
tité d'origine des croix gammées dans l'ancien et le nou-
veau continent. A l'entendre, la croix ordinaire est un
(ii The Svastika, the car lies l known Symbol, andits Migrations ;with
observations on the migration of certain Industries in prehistoric Urnes.
Washington Government printing Office, 189G.
( 479
signe si simple et si naturel qu'il a pu naître partout
spontanément, alors que la croix gammée est un symbole
trop complexe pour qu'on puisse lui attribuer plus d'un
berceau.
Cette conclusion me parait trop absolue. Si je me suis
prononcé pour la commune origine <le la croix gammée
en Europe et en Asie, c'est que partout, en dehors même
de l'identité de forme, elle y comporte le même usage et
la même signification. Chez tous les peuples anciens, nous
la voyons, en effet, utilisée comme amulette et générale-
ment employée à rendre l'idée du mouvement solaire
ou astronomique.
De ces deux emplois primordiaux du signe, M. Wilson
n'admet que le premier; il conteste le second, comme il
conteste du reste toutes les autres significations origi-
naires qu'on a essayé d'attribuer à la croix gammée. Il
me prend personnellement quelque peu à partie pour Fin-
suffisance de mes preuves. Je reconnais que dans quelques
cas, pour retrouver le sens symbolique de la croix
gammée, j'ai dû me contenter d'analogies et de présomp-
tions. Mais il y a plusieurs pays où la signification résulte
de preuves indéniables, et alors c'est toujours d'un phé-
nomène solaire ou astronomique qu'il s'agit, notamment
dans l'Inde et la Grèce antique.
Le savant curateur du Musée de Washington nous l'ait
connaître lui-même un nouvel exemple du même cas. Il
s'agit de la Chine où, d'après les renseignements que
lui a tournis un lettré chinois, le signe employé à figurer
le soleil parmi les caractères dont la tradition attribue
l'origine à l'impératrice Wu, est une croix gammée
inscrite au centre d'un large cercle. Il nous fournit égale-
ment un exemple — que j'avais vainement cherché dans
( 480 )
l'archéologie américaine — de l'association entre la croix
gammée et la roue ou le disque, ces images universelles
du soleil. C'est un fragment de dalle trouvé dans les
ruines d'une vieille cité maya de l'Amérique centrale, où
la croix gammée se trouve sculptée à côté d'une roue,
absolument comme dans certaines cavernes bouddhiques,
sur des fuséoles troyennes et sur des autels gaulois.
CiOBLET d' Al niella.
RÉSULTATS DES CONCOURS POUR 181)7.
Concours annuel de la Classe,
DEUXIÈME QUESTION.
On demande une étude, d'après les découvertes des
dernières années, sur les croyances et les cultes de l'Ile de
Crète dans l'antiquité.
ttafipot'l tir .fi. #.. I ntêilftliiiulftf. i>ffiièicf romiHMiiiiiVi
ce L'examen du mémoire sur Les croyances et les cultes
de l'île de Crète, pour lequel la Classe m'a l'ait l'honneur
de me nommer commissaire, présente de réelles dilïî-
cultés. Il faudrait, pour être tout à fait compétent,
connaître non seulement les religions de la Grèce, mais
encore celles des peuples sémitiques, car la Crète a été,
dès les temps les plus anciens, comme une terre de
transition entre l'Orient et l'Europe, et d'ailleurs la ten-
dance actuelle de l'étude des religions est de donner des
( 484 )
origines phéniciennes même aux mythes qui ont été
considérés jusqu'ici comme l«' plus franchement helléni-
ques. Peut-être ce mouvement d'idées a-t-il pris une
fâcheuse exagération; mais il fallait s'y attendre. Il y a un
demi-siècle, c'était une thèse en faveur de représenter les
Grecs comme autodidactes; on se plaisait alors à soutenir
qu'ils n'avaient rien emprunté aux autres peuples; dans
l'art, la philosophie, la politique, la religion, on reven-
diquait pour eux une originalité sans mélange. Les
découvertes de l'archéologie ont rudement Ébranlé tes
assertions, et il ne semble plus trop hardi d'enseigner
aujourd'hui que si les Hellènes diffèrent si profondément
des Romains, s'ils ont des aptitudes que n'ont jamais
montrées ces derniers, ils les doivent peut-être en partie
aux influences de leurs voisins non ariens de la Méditer-
ranée orientale.
Dans le domaine religieux, on tente la même démons-
tration; mais il me semble qu'on dépasse le but; pour
quelques faits authentiques, combien d'hypothèses aven-
tureuses, et combien de fois n'imagine-t-on pas des éty-
mologies à la légère pour retrouver sous les figures de
l'Olympe hellénique des prototypes phéniciens!
L'auteur du mémoire que j'ai sous les yeux s'est laissé
entraîner très loin dans cette direction ; le livre de Lewy,
Die semitischen Fremdwôrter im Griechischen, parait avoir
exercé sur lui une grande influence. Il n'a pas connu
cependant celui de M. Victor Bérard, non plus que l'ou-
vrage anglais du professeur Robertson Smith : Religion of
the Semits, dont il est difficile de se passer aujourd'hui
pour l'étude d'un tel sujet.
Le travail qui nous est soumis dénote d'ailleurs des
recherches approfondies et une connaissance sérieuse des
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 52
( 482 )
sources. Pour ce qui concerne l'antiquité, il n'a, ce
me semble, rien négligé ; il s'oriente parfaitement dans
la science allemande; en revanche, les livres anglais ne
sont guère mentionnés, notamment les précieux volumes
de Farnell, The cuits of the Greek States.
Après une introduction traitant de la géographie et de
l'ethnographie de l'île de Crète, railleur consacre un
long chapitre aux divinités sémitiques (pp. 30 à 140) et
un second chapitre aux divinités helléniques (pp. 141 à
285). Il passe en revue, avec une méthode assez sévère,
les diverses personnalités mythiques que les écrivains
anciens, les inscriptions, les monuments figurés nous
révèlent, et il cherche à définir leur caractère et leur rôle.
Ce qui fait défaut, ce sont les vues d'ensemble. Tout le
mémoire n'est qu'une minutieuse analyse, dans laquelle
on demande en vain un fil conducteur. 11 eût été impor-
tant, tout d'abord, de bien faire comprendre en quoi les
religions sémitiques différaient de celles des Hellènes
ariens ;_ l'auteur ne semble pas s'en être préoccupé, et
maintes fois il attribue aux Phéniciens, non seulement une
figure divine, une appellation, un détail du culte, mais
encore le mythe dans sa floraison la plus touffue.. Or, je
crains que ce ne soit là une erreur fondamentale. Les
savants qui se sont occupés avec le plus de compétence
des religions sémitiques, comme Tliiele, Edouard Meyer,
Pietschmann, Renan, Roberlson Smith, font tous ressortir
leur simplicité relative, je dirais presque leur nudité. Les
Phéniciens adorent les formes mystérieuses, particulière-
ment celles qui sont redoutables, sombres, menaçantes:
ils se préoccupent de les apaiser; mais ils n'ont rien de la
brillante fantaisie des Grecs, ils ne transforment pas leurs
185 ;
dieux en créatures vivantes el d'oui pas souci de raconter
leur histoire, leurs aventures analogues à celles des
humains. Ces créations n'ont aucune individualité; elles
demeurenl vagues, el sons leurs noms divers on retrouve
partout la même force. C'est à l'astre solaire que les
Sémites primitifs paraissent avoir songé toujours : ils
craignaient l'ardeur de ses rayons qui brûlaient les hérites
indispensables à leurs troupeaux, et s'ils le représentent
parfois sous la forme mâle, comme le puissant Baal, par-
fois comme divinité femelle, ou encore comme la triade du
père, de la mère et du iils, au fond c'est toujours le
même principe: M. Renan s'est peut-être trompé en les
dépeignant comme monothéistes par essence, mais Thiele
n'a pas eu tort de les appeler motioldtres. Quelle diffé-
rence avec la joyeuse fécondité des Hellènes, qui ont dis-
tingué dans la nature mille phénomènes auxquels se rat-
tachent la vie et la pensée des hommes, et qui à chacun
de ces phénomènes ont su donner le support d'une per-
sonnalité nettement caractérisée.
On aurait aimé à retrouver dans le mémoire quelque
reflet de ces considérations générales. Mais, à dire vrai,
le monde hellénique y apparaît comme noyé dans le
monde sémitique, et la grande île qui a vu se développer
avec tant d'ampleur des institutions doriennes, qui nous
a conservé des lois aussi essentiellement grecques que
celles de Gortyne, ne s'y montre guère que comme une
annexe de la Phénicie. Ce n'est pas seulement Aphrodite,
Héraclès, c'est Zeus lui-même, Artémis, Athéna, combien
d'autres! qui ont emprunté un masque sémitique, et tou-
jours c'est le soleil et c'est la lune qui doivent fournir
l'interprétation mythique. Voici, par exemple, Britomartis,
( 4-84 )
une figure originale de la religion Cretoise. Pour l'auteur,
c'est encore une divinité lunaire sémitique. M. Farnell
me semble avoir montré parfaitement qu'elle a plutôt
des origines phrygiennes, et qu'elle est, comme Artémis
elle-même d'ailleurs, une déesse de la végétation, de la
sève vivace, des forces de la nature dans leur épanche-
ment fécond.
Je ne voudrais pas cependant faire à l'auteur un procès
de tendance. Il a étudié consciencieusement son sujet, et
s'il arrive à des conclusions qui ne me plaisent pas entiè-
rement, il peut répondre qu'elles sont plus fondées que
mes critiques.
Mais ce que je dois lui reprocher, c'est la négligence
et la pauvreté de la forme; les mêmes expressions se ré-
pèlent plusieurs fois sur la même page avec une mono-
tonie désolante ; des membres de phrase entiers se retrou-
vent identiques à divers passages, et si le mémoire n'est
qu'une perpétuelle analyse, le style a le même caractère;
il procède par courtes propositions que ne relie aucun
enchaînement. Ce défaut de rédaction et de composition
rend la lecture pénible, ou tout au moins peu intéres-
sante, et il ne me semble pas vraiment que dans ces
conditions la Classe puisse couronner le travail qui lui est
soumis.
Toutefois, comme il présente de réelles qualités d'éru-
dition, je n'irai pas jusqu'à le repousser absolument.
Nous avons décidé, avec raison, je pense, de ne plus
accorder de prix à une œuvre qui ne soit pas complète-
ment achevée et prête pour l'impression; je suis donc
obligé de conclure à la prorogation du concours. »
( *M )
rtti/i/nx t tir n. Êl/ih. llifffiiM, tli-H.rn-im- cottmtiuair*.
« J'éprouve quelque embarras ii contester les conclu-
sions de l'excellent rapport que vous venez d'entendre.
Je n'ai garde de méconnaître le bien-fondé des critiques
qu'il renferme. L'auteur du mémoire sur Les croyances et
les cultes de l'ile de Crète eût mieux fait, je suis tout dispos»''
à eu convenir, de suivre le plan tracé par l'éminenl rap-
porteur, d'élargir quelque peu son horizon et de ne point
s'en tenir exclusivement à la Crète. Les vues d'ensemble
l'ont défaut, et c'est évidemment une lacune. Mais, quoi
qu'il en soit, j'avoue que j'ai été surtout frappé du savoir
très étendu et du talent très réel dont ce travail fait foi.
Non que je partage en toutes choses la manière de voir
de l'auteur. Sur un point surtout, je tiens à exprimer de
formelles réserves. La part qu'il fait à l'élément sémi-
tique est très exagérée, et c'est à mes yeux un tort fon-
damental. Si, comme il le donne à entendre, Cronos et
Zeus, Hêra et Athèné, Cypris, Poséidon, Héraclès et tant
d'autres ont emprunté leurs traits essentiels aux dieux
phéniciens, en quoi donc consistaient les croyances pri-
mitives des Grecs? Sans doute en de simples abstractions,
en de purs symboles, vagues, flottants, sans formes arrê-
tées, sans existence individuelle, et ces symboles n'au-
raient pris corps et ne seraient devenus des êtres vivants,
que sous l'action de l'esprit sémitique. De sorte que la
race la plus richement douée et la plus créatrice qui fut
jamais, celle qui à elle seule inventa plus de légendes
que tous les Aryens réunis, aurait emprunté ses croyances,
dans ce qu'elles ont de typique, à des étrangers sans
imagination et sans idéal, et qu'elle tint de tout temps
pour des barbares!
( 48H )
Je crains que l'auteur n'ait cédé à une pure illusion.
Les conceptions religieuses, prises à leur origine, peuvent
toujours se ramener à quelques principes fort simples.
Chez les Phéniciens comme chez les Grecs, les dieux ne
sont en dernière analyse que des personnifications des
puissances de la nature. Certains phénomènes naturels,
favorables ou nuisibles, mais toujours les mêmes, le
soleil et la lune, l'été et l'hiver, l'aurore et le crépuscule,
leur ont donné naissance. Que des phénomènes iden-
tiques aient servi de support à des mythes analogues,
quoi de plus naturel? Et si des races d'origine très
diverse possèdent ces mythes, est-on en droit de con-
clure qu'elles se les soient mutuellement empruntés? Cer-
tainement pas. Les unes comme les autres ont subi la loi
qui préside partout aux créations religieuses.
Mais ce fonds premier de croyances suggéré par les
forces naturelles, chaque peuple l'a développé suivant
son génie propre. Et c'est ici qu'apparaît la profonde
originalité des Grecs. Car non seulement les dieux de
l'Orient n'ont pas créé les dieux hellènes, mais on
démontrerait sans peine qu'ils n'ont pas même eu sur
eux une influence décisive. Quand, riches de leur propre
fonds, les populations helléniques, jeunes, actives, exu-
bérantes d'imagination et de vie, se trouvèrent en contact
avec les vieilles civilisations de l'Asie et de l'Afrique, loin
de se mettre à leur école, elles eurent tôt fait d'absorber
tout ce qui pouvait rentrer dans le cadre de leurs idées et
de leurs croyances; les divinités rudimentaires des bar-
bares et les mythes assez pauvres auxquels elles avaient
donné lieu, elles les adoptèrent, mais en les dépouillant de
leur caractère national, en les transfigurant, en les
recréant à leur image, si bien qu'il a fallu toute la saga-
( 487 )
cité de l'érudition contemporaine pour en retrouver les
linéaments primitifs.
Gardons-nous de confondre le corps avec le squelette.
A éliminer dans les choses humaines ce qui l'ait la variété
et la vie, nous risquerions de méconnaître partout l'ori-
ginalité. Pour emprunter un exemple à un livre récent,
on pourrait tout aussi bien démontrer l'action décisive de
la danse grecque sur les danses modernes. Car, en par-
tant du principe que les pas et les temps sont forcément
les mêmes en tout temps et en tous lieux, M. Maurice
Emmanuel a réussi à prouver l'analogie profonde qui
existe entre nos pas de danse et ceux des Grecs. S'il avait
procédé comme l'ont certains mythographes, il eût été
tout aussi fondé à prétendre que sans les Grecs les danses
modernes n'existeraient pas ou seraient essentiellement
différentes.
Le principal théâtre de la fusion des mythes grecs et
sémitiques fut la Crète, et c'est ce qui fait l'intérêt du
mémoire qui vous est soumis. Je ne pense pas qu'on
puisse faire un grief à l'auteur du point de vue où il s'est
placé. Les belles découvertes de ce siècle écoulé, dans le
domaine de l'archéologie orientale, ont créé un puissant
courant d'idées dans ce sens. L'auteur n'est pas le pre-
mier qui ail tenté de faire de la Grèce comme une pro-
vince de l'Asie. Il est utile, il est même souhaitable que
cette thèse soit défendue. Je crois, pour ma part, qu'en
religion comme en art, quand on aura fait le départ de
ce qui appartient en propre à l'Orient, l'originalité des
Grecs apparaîtra plus puissante que jamais.
En tous cas le travail dont vous avez bien voulu me
charger de vous rendre compte, témoigne d'une érudition
très solide et très sûre. Si l'auteur a cru que le caractère
( 488 )
tout spécial de son sujet le dispensait d'entrer dans des
considérations générales, du moins le détail est-il partout
précis et exact. Tous les documents fournis par les textes,
très minutieusement épluchés, par l'épigraphie et par les
monuments figurés, ont été mis à contribution. De sorte
que ce n'est pas trop de dire que nous avons là une ency-
clopédie complète de la mythologie Cretoise. On peut
regretter avec M. Vanderkindere que l'auteur n'ait pas
eu connaissance du livre de M. Farnell sur les cultes des
fctats grecs. Mais ce livre, dont il reste, je crois, un
volume à paraître, n'a vu le jour que dans la seconde
moitié de l'an dernier, et il se peut qu'à celte époque le
mémoire fût déjà terminé.
Quant aux négligences de rédaction et à la répétition,
choquante en effet, de certaines formules, il serait aisé,
ce me semble, de les faire disparaître avant l'impression.
Sous ces réserves, le mémoire sur Les croyances et les
cultes de l'Ue de Crète me paraît digue d'être couronné
par la Classe des lettres. »
Rapport do .Vf. le couèto «loblel rf' Aleinlla,
tt'oittiôtnf vo»tft»i**nit'P.
Le rôle du troisième commissaire, assez facile à rem-
plir quand il s'agit simplement de souscrire à l'avis
unanime de ses deux prédécesseurs, devient quelque peu
embarrassant quand il faut se prononcer entre les conclu-
sions divergentes de deux membres aussi compétents
que mes savants confrères MM. L. Vanderkindere et
Alpb. Willems. Heureusement leurs rapports ont une
partie commune, et, après une lecture attentive du
manuscrit soumis au jury, je crois qu'il serait difficile
de ne pas se rallier aux passages où ils s'accordent pour
( 489 )
faire ressortir d'une pari les recherches consciencieuses,
l'esprit d'analyse et les qualités d'érudition qui distin-
guent le mémoire, d'autre part les lacunes ducs à l'omis-
sion de toute vue d'ensemble, ainsi qu'à l'ignorance «le
sources désormais indispensables, comme les ouvrages de
Robertson Smith et de Farnell.
L'auteur possède l'avantage assez rare d'être également
verse dans la connaissance des antiquités grecques et des
langues sémitiques, au moins d'une façon suffisante pour
traiter de première main les principaux problèmes qui
se rattachent à son travail. On ne peut s'étonner dès lors
si, par réaction contre les tendances exclusives des hellé-
nistes de l'école classique, il fait un peu pencher la balance
en faveur des religions de l'Asie. Il ne nie pas, du reste,
— comme on pourrait le croire à prendre trop à la lettre
les observations d'un de mes savants confrères, — que
les divinités helléniques ne soient le produit d'un déve-
loppement religieux propre à la Grèce. Il se borne à sou-
tenir — ce qui est incontestable — que les dieux grecs et
surtout leurs mythes se sont plus ou moins modifiés au
contact des croyances sémitiques et que ces modifications
sont particulièrement nombreuses dans les cultes de la
Crète. Le reproche que je lui adresserai, c'est moins
d'avoir fait une grande part aux influences sémitiques
que d'avoir trop laissé dans l'ombre l'apport des autres
religions exotiques, notamment celles de la IMirvgie et
de l'Egypte.
Tout ce qui a trait aux mythes, sinon au culte de Rhéa,
à Dionysos, aux Curetés, aux Dactyles, aux Corv-
bantes, etc., atteste bien l'influence de cette mythologie
phrygienne que l'auteur laisse un peu à l'arrière-plan
ou qu'il nous présente trop souvent comme un reflet des
traditions sémitiques. De même, quand il mentionne (pie
( 490 )
le tombeau de Zeus dans l'île de Crète avait son pendant
dans le tombeau de Bel à Babylone, il aurait bien pu
rappeler le tombeau d'Osiris dans des parages moins
éloignés. Au lieu de chercher en Pbénicie les origines
du rite qui représentait Zeus Zagreus mis en pièces et
dévoré par les Titans, à l'exception du cœur, il aurait
pu se demander s'il n'y avait pas là un écho de la destinée
d'Osiris mis à mort et dépecé par Typhon. Pourquoi
allirme-t-il d'une façon aussi nette, contrairement aux
apparences et même aux témoignages des écrivains
antiques, que Zeus Ammon procédait du Baal Hamman
vénéré à Tyr et non de l'Amoun-Ra installé dans l'oasis
libyenne dès le VIIe siècle avant notre ère, à l'époque où
se fondait, sur le rivage voisin, la colonie grecque de
Cyrène? Enfin l'Astarté phénicienne, au temps où elle
put influencer la conception hellénique des déesses
lunaires, n'avait-elle pas déjà opéré des échanges d'attri-
buts, de symboles, peut-être de mytbes, avec les Isis et les
Hathor sorties de la vallée du Nil? L'auteur ne semble
pas même avoir bien compris la double face de la grande
déesse sémitique. Si j'ai saisi sa manière de voir, c'est
seulement après s'être confondue avec l'Aphrodite grecque
qu'Astarté serait devenue la déesse de l'amour. Partout
cependant, dans le monde sémitique, cbez les Babylo-
niens aussi bien que chez les Cananéens, nous la voyons
apparaître avec le double caractère, tantôt de déesse
vierge et guerrière, tantôt de déesse amoureuse et féconde.
Les procédés mythologiques de l'auteur sont un peu
vieillis et d'une simplicité qui ne répond pas à la réalité.
Je comprends et je partage l'impatience de mes savants
confrères, quand nous le voyons retrouver exclusivement
le soleil et la lune dans toutes les divinités mâles et
femelles du panthéon sémitique. Sa clef des mythes
( M)i )
devient ainsi un passe-.partout aii(}uel nulle serrure ne
résiste. Je n'entends pas lui faire un grief de chercher
dans la liera hellénique et l'Athèné Cretoise des divi-
nités originairement lunaires; dans Ares un dieu solaire;
dans Eros un dieu de la guerre; dans Kronos, suivant
les besoins de la cause, tantôt le soleil vivifiant, tantôt le
soleil destructeur, tantôt enfin le soleil couché ou souter-
rain. Mais il ferait bien de ne pas nous laisser ignorer
que ces interprétations sont fort controversées et ne
peuvent guère figurer qu'à titre d'hypothèses.
Un chapitre est consacré au culte des héros. Mais
l'auteur ne nous dit rien du culte des morts, qui serait
intéressant à étudier sur un territoire où les pratiques
funéraires des Grecs se sont rencontrées avec celles des
Phéniciens. Il ne nous dit rien des fouilles qui ont mis à
jour, dans le territoire de l'ancienne Gortyne, des tombes
qui remontent jusqu'à l'époque mycénienne et qui ont
livré ces vases-ossuaires en forme de cuve, sans analogues
ailleurs. A vrai dire, il ne nous parle pas davantage des
fouilles qui ont été pratiquées aux abords du sanctuaire
de Zeus sur l'Ida, ainsi qu'en d'autres points encore de
l'île. Sans doute, les résultats de ces explorations ne sont
pas jusqu'ici fort importants, mais il n'est pas possible
de les passer sous silence dans un travail complet sur
les cultes de la Crète, et l'auteur se montre trop au
courant de la numismatique Cretoise pour qu'il ait le
droit de négliger le concours de l'archéologie. Il ferait
bien de parcourir à cet égard les collections de la Revue
archéologique et peut-être aussi de la Revue des éludes
grecques.
Je ne voudrais pas que ces critiques donnassent le change
sur mon appréciation des qualités sérieuses par lesquelles
se recommande le manuscrit soumis au jury. Si nous
( 492 )
pouvions le recevoir à correction, je n'hésiterais pas à me
rallier aux conclusions de M. Alphonse Willems. Mais je
crois que la Classe atteindrait plus sûrement le même
résultat en se rangeant à l'avis de son premier commis-
saire, M. Léon Yanderkindere, c'est-à-dire en prorogeant
le concours d'une année et en engageant, par la publi-
cation des présents rapports, l'auteur à reprendre son
manuscrit pour le compléter. Ce procédé nous a permis
tout récemment de remplacer un autre travail, rempli
d'excellents éléments, mais hâtif et incomplet, par une
œuvre de valeur qui fera honneur à la fois, comme nous
l'avions prévu, à l'auteur et à l'Académie. Je suis con-
vaincu que nous pourrons en dire autant du présent
mémoire, si l'auteur veut en revoir les conclusions et en
combler les lacunes, après avoir pris connaissance des
ouvrages que lui signalent les deux premiers rapporteurs.
Il devrait aussi y ajouter, comme introduction, une vue
d'ensemble, où il examinerait d'une façon plus générale
les rapports entre les croyances de la Grèce et les reli-
gions étrangères avec lesquelles ces croyances se sont
trouvées en contact sur le sol de la Crète. Il y a là une
question de méthode à vider tout d'abord. Je l'engage
fort, à cet égard, à s'inspirer des sages conseils que
donne M. C.-P. Tiele dans son mémoire : Comment dis-
tinguer les éléments exotiques de la mythologie grecque,
publié dans le second volume de la Revue de l'histoire des
religions.
La Classe remet la question au concours dont le délai
pour la remise des manuscrits expirera le Ier novembre
prochain.
493
CINQUIEME QUESTION.
Quel est le fondement du droit de propriété individuelle?
La suppression de ce droit sentit-elle compatible avec l'exis-
tence d'un État régulièrement organisé et arec le développe-
ment de la richesse publique?
L'auteur analysera et discutera les principales théories
socialistes et collectivistes modernes.
« Diverses productions, au nombre de cinq, ont répondu
à l'appel de l'Académie, qui avait pour objet cette triple
proposition, à savoir :
4° Quel est le fondement du droit de propriété indi-
viduelle?
2° La suppression de ce droit est-elle compatible avec
l'existence d'un Etat régulièrement organisé et avec le
développement de la richesse publique?
3° Analyser et discuter les principales théories socia-
listes et collectivistes modernes.
I.
Notre examen porte en premier lieu sur un travail
assez développé, d'environ trois cents pages de texte
imprimé, petit format, sous la devise :
Le défaut d'unité est le signal de la mort; il est également
le signal de l'erreur.
Et la première conjecture à en tirer a été pour nous
l'espoir que cette unité si désirable en toute discussion
scientifique ne ferait défaut ni dans le plan que l'auteur
( 494 )
s'est imposé, ni dans Tordre des déductions qui devaient
l'amener à l'aboutissement final.
Malheureusement, notre illusion ne fut pas longue et,
dès l'introduction déjà, il était aisé d'entrevoir que
l'auteur, au lieu de condenser son sujet, déjà suffisam-
ment vaste par lui-même, se laisserait aller à l'étendre
bien au delà de ses limites naturelles, par des digressions
peu opportunes et peu coordonnées, dont il ne cherche
môme pas à se rendre compte, au risque de rompre cette
unité d'ensemble à laquelle, avec raison, il attache tant
de prix.
Aussi ne tarde-t-il pas, comme il en l'ait l'aveu, « tantôt
» à s'élever à des spéculations d'ordre philosophique,
» tantôt à s'arrêter aux indications toutes contingentes
» de l'art politique » (p. 5).
Ces digressions ne laissent pas de répandre un certain
vague sur l'ordonnance générale, comme sur la suite du
raisonnement, à ce point de ne pouvoir pas toujours
démêler avec certitude le fond de la pensée de leur
auteur.
Les exemples n'en sont que trop nombreux; n'en
citons qu'un seul, emprunté au prélude de sa conclusion,
précisément à l'endroit où s'impose le besoin d'une for-
mule précise et claire qui frappe l'esprit, page 275, où
nous lisons ce qui suit :
« L'état des esprits, tel est l'élément prépondérant
» dans l'organisation sociale; les institutions ne peuvent
» se modifier utilement que d'après lui.
.... » Des conditions de la vie matérielle dépend,
» dans une certaine mesure, l'état des esprits; le côté
» économique a donc son importance et, dans la mesure
» où il agit sur l'opinion publique, il agit nécessairement
I 495 )
» par contre-coup sur les institutions six iules. Celles-ci
» sont, en définitive, le résultat des doctrines et elles
» n'ont de stabilité que si les doctrines dont elles s'in-
» spirent ont su adapter à la contingence des laits les
» principes éternels de l'ordre naturel. Ces principes,
» invariables quant au fond, laissent néanmoins les
» institutions revêtir les formes les plus diverses, suivant
» le milieu où elles se trouvent établies, suivant la place
» que l'opinion leur a virtuellement faite à l'avance.
» Rien donc ne s'opère que par la lente élaboration des
» idées; elles président à la formation de l'opinion,
» suivent ses développements et travaillent à maintenir
» continuellement l'organisation sociale au niveau mar-
» que par l'état des esprits et dans le sens tracé par
» l'éternelle justice. C'est le travail du temps, et non
» pas l'œuvre des théoriciens de la révolution. »
Ces citations, nous les pourrions multiplier sans peine;
qu'il nous suffise de dire que l'œuvre presque tout
entière se meut dans ce même plan, à quelques variantes
près, et que ce n'est pas sans quelque effort que le lecteur
parvient à démêler le sentiment de l'auteur. Nous nous
prenons à douter que, prise de si haut, sa thèse soit
d'un grand secours au maintien de celle de nos institu-
tions publiques qui importe le plus à la conservation de
notre ordre social. Ses devanciers n'y avaient pas employé
autant de détours, comprenant fort bien que, s'adressant
plus particulièrement à une classe de la société peu
préparée à l'intelligence de ces graves problèmes, ils n'y
pouvaient apporter trop de clarté.
Ce n'est pas cependant qu'il hésite à formuler sa pen-
sée; partisan convaincu, avec l'immense majorité du
( 494»
genre humain, de la légitimité de la propriété indivi-
duelle et de son inéluctable nécessité, il en trouve le
fondement dans l'individualité des énergies propres à
chaque individu, dans la personnalité du travail et des
besoins inhérents à tout être humain (pp. 17, 20, 25,
56, 112, 148, 171, 172).
Mais, en matière scientifique, il ne suffit pas d'une
simple affirmation ; la conviction, pour se former, a
besoin de lumières et de preuves à l'appui.
Sous ce rapport, on trouvera sans doute que la person-
nalité éminente de la nature humaine constitue à elle
seule une justification suffisante du principe, pour se
passer de l'invocation du droit à l'existence avec les
moyens de le satisfaire. Si tout homme, en ce monde, a
le droit indéniable de posséder en propre et de retenir
pour lui le produit de son industrie, c'est bien moins à
cause de l'utilité qu'il en peut retirer qu'en vertu d'un
principe primordial d'équité et de sens intime déposé au
fond de la conscience universelle; invoquer ici la loi
du besoin, c'est implicitement reconnaître que son droit
doit s'arrêter à l'endroit précis où cette nécessité aura
obtenu pleine satisfaction. 11 n'en est pas ainsi. La pro-
priété des biens est le premier attribut de la liberté poli-
tique, et l'atteinte qui lui serait portée, si légère qu'elle
fût, se répercuterait inévitablement sur l'autre. 11 n'est
pas plus au pouvoir du Souverain d'imposer à la pro-
priété quelque régime arbitraire, que de régler les
volontés, les inclinations de chaque individu, dont cette
même propriété est la résultante. Libre à lui de la sou-
mettre à quelque sage règlement, en vue du bien-être
général, mais la supprimer, jamais. La propriété est le
rapport des choses et des personnes. Ce rapport est
( 497
préexistant à toute loi. Si ses facultés, si son génie sont
bien à chaque individu, au même titre que le sang qui
coule dans ses veines, comment n'aurait-il pas le droit
de proclamer sienne l'œuvre exclusive de ses propres
mains et ce qu'il continue de faire sien par un judicieux
emploi de son intelligence? Assurément, ce n'est pas
dans le seul but d'entrer en partage avec la masse de ces
oisifs, à qui manque le courage de suivre son exemple
et d'aller comme lui puiser à la rivière l'eau qui va
rafraîchir leurs lèvres altérées ! Des cigales et des four-
mis, il y en aura toujours. C'est assez (pie la voie soit
libre et accessible à tous, sauf à prêter aide et assistance
aux impotents et aux invalides, hors d'état de se suffire à
eux-mêmes.
Ces préceptes, notre auteur est loin de les mécon-
naître, nous avons même de justes motifs de croire qu'ils
constituent le fond de sa doctrine, mais nous eussions
été heureux de leur voir donner plus de relief encore,
par le motif que, à notre sens, c'est là que réside le prin-
cipe dirigeant en cette matière. A l'existence indivi-
duelle, dit-il (p. 17), correspond la propriété « indivi-
» duelle dans son principe rudimentaire». C'est une grande
vérité, que l'on ne saurait assez méditer et que, cepen-
dant, le génie le plus puissant de l'antiquité dédaigna de
reconnaître, en poussant la rigueur de son système jus-
qu'à l'anéantissement légal de la personnalité humaine.
Nous ne pouvons qu'acquiescer aux vues de l'auteur
lorsqu'il déclare (p. 171) que « le droit de propriété
» individuelle est indissolublement lié à l'existence d'un
» État régulièrement organisé et au développement de la
» richesse publique ».
.")""' SÉRIE, TOME XX XIII. 33
( 498 )
Avons-nous besoin d'ajouter que, malgré ses imperfec-
tions et parmi bien des obscurités, cet écrit ne laisse pas
de renfermer, en passant, nombre de propositions justes
et solides, qui ne manqueront pas de réunir la grande
majorité des suffrages, telles que celles-ci :
Page 64. Les abus pratiqués dans l'administration de
nos sociétés anonymes.
Pages 63-7-1 et 167. Les réformes à apporter dans le
contrat de louage.
Pages 151-155. La nécessité de favoriser l'esprit de
spéculation honnête et, par contre, de réprimer l'agio-
tage.
Pages 164-175. De même le besoin de réagir contre les
excès du luxe et le gaspillage insensé de tant de patri-
moines, là où tant d'hommes manquent encore du néces-
saire.
Page 170. La réduction du degré successible.
Page 172. Combien l'industrialisme favorise le déve-
loppement régulier de la population, combien au con-
traire le communisme lui est funeste.
Page 179. Et surtout, la nécessité, pour la classe
indigente, de redoubler d'efforts pour aider au relèvement
de sa race, par un emploi plus judicieux de ses res-
sources, par des habitudes plus rigoureuses d'ordre et
d'économie, par la suppression radicale, absolue de toute
boisson enivrante, comme de tout jeu de hasard, où tant
de patrimoines ont péri. — Si l'homme voulait toujours
être sage, rarement aurait-il besoin d'être heureux. —
Que l'on daigne jeter les yeux sur l'emploi donné au
salaire par l'ouvrier dans nos grandes industries, telles,
par exemple, que les charbonnages, les usines métallur-
giques ou la pèche de marée. Quoique, dans la plupart
( 499 )
des cas, suffisant pour l'entretien d'une famille, quelle
est la part qui en revient à la ménagère? Bien souvent, à
peine la moitié. Vainement la rémunération sera-t-elle
majorée, l'épargne n'en aura rien, si le salarié ne revient
pas à des habitudes régulières trop souvent négligées par
lui. Il est utile de le lui redire et de l'y encourager sans
cesse.
Si nous passons enfin à la troisième partie, qui a pour
objet l'examen des systèmes adverses (p. 183), nous
éprouvons toujours, quoique à un moindre degré, quelque
difficulté ii suivre l'auteur dans Tordre de ses déductions;
mais nous nous plaisons à reconnaître le fondement de
ses critiques et la justesse de ses appréciations, soit qu'il
conteste (p. 188) à la puissance publique le droit d'im-
poser une doctrine en opposition manifeste avec la loi
naturelle, ne lui reconnaissant d'autre mission que celle
de protéger tous les droits, sans faire violence à aucun,
soit qu'il relève (p. 206) le revirement inattendu qui
s'est produit naguère, au sein du clergé romain, relative-
ment à l'attitude à prendre vis-à-vis du socialisme
(Rerum novarum), réservant, non sans raison (p. 253), ses
meilleures armes contre cet esprit de révolution qui. s;ms
se décourager, agile de nouveau la société moderne.
Toutes pensées auxquelles il est difficile de refuser
son assentiment; mais, tout en rendant hommage aux
convictions de leur auteur, il échet de se demander si
son œuvre se signale par quelque aperçu nouveau à
l'attention de l'Académie, au point de mériter la distinc-
tion à laquelle il aspire. Nous ne saurions vous le pro-
poser.
500 )
M.
La deuxième production, sous la devise : Suum cuique,
est conçue d'après un plan tout opposé et dans des vues
complètement différentes. L'auteur se pose en adversaire
déterminé de la propriété individuelle; laissant de côté
les enseignements de l'histoire, il discute en théorie pure
la légitimité de son fondement.
Ce n'est pas cependant qu'il méconnaisse l'existence
de toute espèce de propriété personnelle, en tant que
fruit promérité de l'industrie de chaque individu, mais,
cet aveu consenti, il fait aussitôt apparaître le phéno-
mène d'une propriété impersonnelle enveloppant, dans
son immensité, toutes les productions du domaine pur
de l'ordre de la nature, avec tout ce qu'il renferme de
contingent (p. 7).
Cette ahstraction forme le point de départ et comme
l'âme de tout son système; bientôt (p. 11) il en déduit
cette conséquence, que chacun a déjà pressentie, à savoir :
« que la propriété du sol n'est pas absolue, et que la
» nature y a sa part de travail, qui constitue un bien im-
» personnel ! Elle a donc droit au sol et à la récolle ! »
Faire de la nature un être personnel, investi de droits
personnels, tels que de propriété, en possession du sol
avec une dîme sur la récolte, c'est confondre toutes
choses et perdre de vue cette notion élémentaire qui fait
que l'homme seul, personne physique et vivante, est
capable de droits, à l'exclusion de toute abstraction pure,
sauf, bien entendu, certaines fictions légales en petit
nombre, qu'impose la nécessité sociale, la force des choses;
( soi )
jamais, que nous sachions, ou n'a songé à faire de la
nature, considérée en elle-même, et qui n'existe qu'en
pensée, un sujet de droit, juris capax. Comme la pro-
priété ne consiste que dans un simple rapport de chose
à personne, où cette personne fait défaut, la propriété
n'a pas occasion de naître et se trouve frappée de néant
dans son principe même. Elle n'a pas de raison d'être:
ombre sans corps, elle n'a pas de besoins, elle est sans
droit. La propriété est l'organe de la vie.
<c Celui qui veut affirmer qu'il a une chose comme
» sienne, doit en être en possession; s'il n'y était pas, il
» ne pourrait être lésé par l'usage qu'on en ferait sans
. son consentement, parce que si quelque chose qui n'est
» pas lié juridiquement avec lui affecte cet objet, le sujet
» lui-même n'en peut être aft'ecté, ni injustice lui être
» faite. » (Kant, Principes métaphysiques du droit, trad.
par Tissot. Paris, 18;)-", t. III, p. (38.)
Du côté de la nature, nous voilà ainsi pleinement ras-
surés. Si une plainte vient à surgir, ce ne sera pas d'elle;
pour lui en donner un juste sujet, il faudrait, au préa-
lable, transformer fondamentalement l'ordre établi de
toute éternité, et la pourvoir d'un organisme complet, en
état de fonctionner régulièrement et de consommer.
Robinson, aussi longtemps qu'il s'est trouvé seul dans
son ile, face à face avec l'immensité, n'eut à compter
avec personne pour le domaine d'aucune des choses à sa
portée; de propriété, il n'en existait pas, non plus que
pour l'atmosphère qui l'entourait; propriété suppose con-
currence, coexistence de quelque droit rival, avec préfé-
rence; elle implique, de toute nécessité, l'existence d'une
valeur échangeable; or, pour échanger, il faut être au
moins deux.
( 502 )
Le droit de propriété est un dans chacune de ses parties
intégrantes, comme dans son ensemble. « Toutes les
). conditions du contrat qui la fonde forment une portion
» de cette même propriété. Si vous en retranchez une
» des conditions qui l'accompagnent, qui l'affermissent,
.. qui la rendent plus avantageuse, vous l'altérez, vous la
» dénaturez. » (Tronchet, Rapport au comité féodal de
l'Assemblée nationale, sur If rachat des droits féodaux,
1 789, i». 09.)
Le jour, déjà lointain, où le premier occupant prit
possession du sol, pour le féconder de ses sueurs, ce lut
avec tous les avantages nés et à naître dont il était suscep-
tible, d'où qu'ils vinssent, sans en excepter un seul.
Jusque-là, il ne présentait encore que de simples utilités;
quant à la valeur, elle lui est venue par son travail et rien
que par le travail. La terre, il ne faut pas l'oublier, n'est
qu'un objet de réceptivité, un instrument de labeur, qui
reçoit le labourage, les fumures et les semences, pour
les rendre, après se les être assimilés, en produits utiles
et fertiles récoltes.
L'auteur semble l'ignorer quand il avance (p. 30) « que
. la récolte ne représente pas exclusivement l'activité de
i) l'homme et n'en dépend pas uniquement. C'est, ajoute-
nt t— il, grâce à la composition de la terre arable arrosée
> périodiquement par la pluie que la plante se développe
•) sous l'action fécondante des rayons du soleil. Or, le
>» travail de la nature n'est plus la propriété personnelle
• de l'homme et appartient à tout le monde. Par consé-
» quent, l'occupant n'est pas propriétaire exclusif de la
récolte, et il doit la partager avec ses congénères. »
Et l'auteur de s'étonner de ce que, « quelque fondé
> que paraisse cet argument, jusqu'ici personne ne s'est
» décidé à s'en prévaloir pour le mettre en pratique! »
( 503 )
L'aveu est bon à retenir.
L'auteur n'apporte pas dans ses jugements plus de
rectitude quand (p. 1<>) il aborde la légitimité d'un inté-
rêt, en retour d'un capital prêté, et il formule sa thèse
en ces termes : « L'emprunteur ne doit rien que la
» restitution du capital et sa gratitude. En effet, ajoute-
» t-il, le capital est le produit d'un travail accompli, mais
» il ne travaille pas et, par conséquent, ne produit
o rien. »
Mais bientôt, comme pris d'un remords subit, revenant
sur lui-même, il confesse que « si, au point de vue pure-
.> ment moral, le capitaliste ne peut exiger aucun intérêt,
>. rien ne l'empêche cependant de profiter de la situation
» et d'exiger, en véritable matérialiste, l'intérêt le plus
» élevé qu'il puisse obtenir », ... par le motif qu'il est bon
.< qu'il ait un profit matériel en épargnant et en prêtant,
» profit qui se trouve déterminé par le libre échange ».
Ces affirmations contradictoires n'ont pas seulement le
défaut de s'entre-choquer et s'entre-détruhe, mais encore
de jeter le lecteur dans l'indécision entre deux régimes
qui s'excluent réciproquement el dont l'un est la néga-
tion de l'autre.
Passant ensuite (p. 19) à la discussion du rôle de
l'Étal et à la nature de sa haute mission, l'auteur la fait
consister à garantir le gagne-pain à chacun de ses mem-
bres, avec obligation d'occuper les .sans travail à des
travaux d'utilité publique.
Il ne manque, en effet, pas d'économistes et de philan-
thropes, surtout parmi les moins bien inspirés, qui se
complaisent à exalter les avantages de l'assistance
publique prétendument due aux misérables; mais il reste
ii démontrer les avantages de cette doctrine et son etlica-
( 506 )
leur, lorsqu'il énonce (p. 22), cette autre proposition :
a que la propriété agraire ne peut être aliénée ni hypo-
» théquée! »
Que (p. 25), « en cas de décès, le bien ne pourra être
» partagé qu'avec l'autorisation du gouvernement... ; que
» là où ce fractionnement serait contraire à l'économie
» agricole, le bien passerait à l'aîné des descendants
» mâles, ... les autres enfants héritant des économies
» laissées par le défunt. En cas de conflit, vente du bien
» aux enchères, pour compte des héritiers; en cas d'ab-
» sence de ceux-ci, au profit de l'Etat. »
Bientôt il revient à sa thèse favorite, des accroisse-
ments de valeur dont toute propriété foncière est suscep-
tible, sans que le travail personnel du maître y ait aucune
part; telles, par exemple, certaines plus-values subites,
comme il s'en voit tous les jours dans les grands centres
de population, ensuite de l'ouverture de quelque voie
nouvelle.
On pourrait y ajouter la suppression de l'octroi, qui a
fait la fortune de nos faubourgs. Mais est-ce là un motif
qui justifie l'attribution de cette valeur nouvelle à la col-
lectivité sociale? Puis, est-ce tenir la balance d'une main
cquitable que de passer, par contre, sous silence les
multiples causes de diminution auxquelles tout fonds de
terre est sujet? Que de quartiers importants, dans nombre
de nos grandes cités, aujourd'hui délaissés, qui naguère
s'étaient rapidement développés, et, sans sortir de notre
chère capitale, l'établissement récent d'une avenue
splendide n'a-t-il .pas déplacé tout le trafic du monde
élégant, au détriment d'une section qui eut aussi son
heure de prospérité?
( 507 )
La vérité est que ce sont là autant de causes de fluc-
tuations do valeur qu'il n'est pas au pouvoir de la
société, moins encore des individus, de conjurer et qui,
en définitive, à ne les considérer qu'en masse et dans
leur ensemble, Unissent à la longue par se compenser
dans quelque mesure, grâce a une espèce de solidarité
qui, dans un même rayon, enveloppe tontes les pro-
priétés.
L'auteur ne se montre pas plus heureux (p. 27) quand
il discute les éléments de la propriété minière et suppute
les bénéfices considérables prétendument réalisés par
certains maîtres de fosses, sans faire état, par contre, des
pertes incalculables essuyées par tant d'autres dont le
nom même s'est éteint. Il Test moins encore dans le rap-
port dressé par lui entre l'insignifiant salaire, parcimo-
nieusement compté au mineur, et les opulents revenus
dont s'engraisse à ses dépens la féodalité industrielle,
passant habilement sous silence le chiffre du capital
engagé dans cette pénible entreprise et qui, pour la seule
province de Hainaut, passé trente ans, ne s'élevait pas à
moins de six cents millions (Rapport de la Chambre de
commerce de Mons, par H.-C. Sainctelette, in Belgique
judiciaire, 1870, p. 1365), aujourd'hui anéanti pour
plus des deux tiers.
A ces enseignements, marqués pour la plupart au coin
d'une critique peu judicieuse, nous préferons le conseil
(p. 35) de réduire l'intervention du commerce à ce qui
est vraiment nécessaire et indispensable à l'effet de mettre
les produits fabriqués à la portée du consommateur ; hors
de là, son intervention n'a pas de raison d'être et grève
la marchandise de frais dépourvus d'une juste cause; ceci
( 508 )
est un problème qui est plus du ressort de l'économie
politique que du droit public et de la science sociale, à la
solution duquel notre époque a eu la satisfaction de voir
apporter un tempérament d'une inappréciable utilité par
l'institution féconde des coopératives de consommation.
Arrivons actuellement, car il est temps de conclure, à
la partie la plus délicate dé cet examen et qui consiste à
démêler, parmi divers théorèmes difficiles à saisir, la
conclusion finale de l'auteur ; nous ne le faisons qu'avec
d'infinies précautions et sous les réserves les plus
expresses.
Fixons-nous, avant tout, sur la valeur des termes qu'il
emploie. Il qualifie du titre de thèse la base du régime
actuel (p. 57). Par contre, l'antithèse constitue celle du
collectivisme (p. 58). Enfin, la synthèse est l'expression
du régime normal.
Nous espérons ne pas nous tromper en estimant que
ses préférences sont pour cette dernière, par une sorte
d'éclectisme; mais cela implique (p. 57) l'adoption de
tant de réformes, et de ce nombre le principe de l'inalié-
nabilité de la propriété dite impersonnelle ou foncière,
que nous ne voulons pas nous arrêter à la combattre en
détail; contentons-nous de dire que celte école, beaucoup
trop imbue d'esprit nouveau, a le tort grave, comme plus
d'une de ses consœurs, de ne tenir aucun compte de ce
principe fondamental, essentiel à toute société bien coor-
donnée, qu'en matière gouvernementale, ce à quoi il faut
veiller avant tout, c'est à faire marcher les idées et les
doctrines de pair avec les faits.
Pour nous résumer, le mémoire est de ceux qui ne
gagnent rien à être tirés de la poussière de l'oubli.
509 )
III.
La troisième production revêt des qualités autrement
sérieuses, sous la devise : Improbos odimus odio civili,
témoignant ainsi, dès le frontispice, que l'auteur entend
faire œuvre de polémiste et de critique, sans toutefois se
faire illusion « sur ses lacunes et ses défauts » (p. 558).
« Obscur soldat de la liberté et de la démocratie »,
comme il se complaît à le dire (p. 170) — et pourquoi
non? — il témoigne de beaucoup de lecture avec des
emprunts discrètement faits aux meilleures sources, non
sans méthode ni sûreté de jugement, à quelques excep-
tions près.
Sa foi dans la meilleure direction à donner au gouver-
nement de la société, il n'a garde de la dissimuler, tant
est grande sa conviction et réfléchie. Comment en eût-il
pu douter? Car ses propositions, pour la plupart, ne
manqueront pas de recueillir les suffrages de tous les
partisans de l'ordre avec la liberté pour base.
Qu'il affirme, soit :
1° Le dominium ou la puissance de l'artisan sur les
produits de son travail (p. 7), l'homme n'est homme qu'à
la condition de pouvoir posséder (pp. 76, 510, 542),
avec cette conséquence rationnelle, non seulement
(p. 12) d'en disposer à son gré, par voie d'échange ou
autrement, mais de les tenir en réserve par épargne
(pp. 27, 172, 554).
2° D'où naturellement le droit de lester (pp. 22, 41),
au même titre que toutes les autres libertés de droit
naturel, telles que de religion, d'industrie, d'enseigne-
ment, de charité (p. 501), etc., voire même celle de la
( 5*0 )
voie publique; ce qui sans doute sera trouvé excessif, car
il lui faut compter avec un pouvoir qui ne comporte de
restriction d'aucune espèce, vu sa souveraineté, la police
de la rue. (Cour de Cassation, chambres réunies.
8 juin 1892. Pasic, 1892, 1,286.)
5° Le maintien indiscutable de la famille, de la pro-
priété et de la justice, fondement indispensable de tout
ordre social bien ordonné (p. 169). Quoi qu'on fasse,
quelque violence que l'on mette en œuvre, jamais on
n'empêchera le libre jeu de l'offre et de la demande «le
mettre le véritable prix aux choses, aux salaires non
moins qu'à l'intérêt (p. 171). Pas plus qu'on n'empêchera
l'ouvrier de se servir d'un outil, ni un ingénieur de per-
fectionner cet instrument, pour en faire une machine.
(Ibid.) Jamais de marché abondant, où il n'y a pas grande
facilité d'accès. (Ibid.)
4° Pas de capital sans l'épargne qui le constitue
(p. 172). En état de mutuelle dépendance l'un de l'autre,
ils se doivent un appui réciproque. (Ibid.)
5° L'utilité indispensable des machines à tous les
degrés, depuis la simple bêche et la pioche jusqu'à la
locomotive perfectionnée. Quel sort serait réservé au
travailleur, si l'on en venait à les lui retirer? N'est-ce pas
dans les contrées les mieux pourvues de machines, que
l'activité industrielle est la plus grande et prospère le
mieux (p. 288)?
6° Une notion non moins exacte qu'édifiante sur le
droit d'appropriation par le travail (p. 509) comme sur
l'état improductif de toute portion du sol qui n'est pas
mise en valeur.
7° Tandis que la plus grande somme de liberté doit
être laissée au travail avec appel au concours de toutes
( 5H
les intelligences et de tous les efforts, en vue d'une plus
grande somme de produits (p. 355), conséquent avec sa
prémisse, l'auteur ne pouvait manquer, par contre, de
définir la mission restreinte de l'Etat, toute de surveil-
lance et de police bienveillante, de crainte d'étouffer
l'initiative et la spontanéité de chaque individu, source de
progrès incalculables.
Le gouvernement n'a pas charge d'âmes, non plus que
le devoir de prendre soin du bien positif de ses adminis-
trés; au delà de la sécurité personnelle il ne leur doit
rien; différemment, il s'expose inévitablement à donner
atteinte à leur liberté, et à les entraver dans leur déve-
loppement naturel. Gouverner le moins possible; son
devoir est négatif et consiste à s'abstenir, laissant à
chacun la faculté de se mouvoir librement dans la sphère
qui lui est propre; il est peu digne de la grandeur morale
de l'homme de vivre emmaillotté. Dans l'industrie comme
dans le commerce, l'activité privée est seule féconde.
Voulez- vous étouffer le génie, contentez- vous de le
protéger (p. 88).
Chez toutes les nations civilisées, le progrès se mesure
au minimum d'action gouvernementale; c'est la vraie
cause de la supériorité de la race saxonne dans l'art de
la colonisation. Peuple autoritaire, médiocre colonisa-
teur; en regard de la Nouvelle-Calédonie, où l'adminis-
tration déploie le plus grand zèle à occuper militairement,
à fortifier, à clôturer, à verbaliser, à inspecter, mettez la
Nouvelle-Galles du Sud, où fleurit la plus grande liberté.
L'auteur pouvait se dispenser d'en convenir, il est de
l'école manchestérienne et sans réserve (pp. 532 à 555).
faisant observer avec justesse que cette école n'a pas
créé un dogme économique, mais s'est contentée de con-
( 512 )
staterun fait, une situation difficile à méconnaître (p. 354).
Comment ne pas l'en féliciter?
En Russie, pays protectionniste à outrance, l'industrie
et le commerce se trouvent singulièrement en retard
sur le reste de l'Europe, comme aussi le confort bour-
geois, qui en est une conséquence naturelle. De même
que, en France, par l'effet d'un revirement soudain dans
sa législation économique que l'on ne peut que déplo-
rer, le commerce d'exportation va à la dérive, tandis
que, par un sort inverse, mais bien justifié, la surproduc-
tion ne cesse de s'élever. Grâce au nouveau droit de
7 francs par hectolitre de blé, l'ouvrier paie son pain
60 et 70 °/0 plus cher que le Belge, mais le gros proprié-
taire foncier s'en trouve bien. Jamais le commerce étran-
ger ne va mieux que quand toutes les portes sont
ouvertes.
Rien de surprenant, dès lors, que l'auteur se montre
adversaire déterminé de ce malencontreux esprit de
réglementation qui se complaît à semer des restrictions,
des empêchements et des gênes sans nombre, sur une
route à l'usage du public et dont le Souverain n'a que la
police, « avec le devoir de la rendre bien libre, bien
dégagée et bien roulante », comme tout bon cantonnier.
(Cormenin, Le livre des orateurs, II, p. 548.)
Ce n'est pas dans une pensée différente qu'il combat
cette tendance toute moderne à imposer à nos adminis-
trations publiques, dans les travaux qu'elles décrètent,
un minimum de salaire, avant que de l'étendre à toutes
les transactions d'intérêt purement privé (pp. 249 à 238),
la journée de huit heures (p. 278) et cette autre utopie
de la mine aux mineurs, qui en est encore à faire ses
preuves.
343 )
S* L'auteur ne se contente pas de ces seuls aspects de
la question; sa conception est plus haute; il l'envisage
encore avec infiniment d'à-propos, au point de vue de
ceux qu'elle intéresse le plus, se demandant si ce n'est
pas d'eux-mêmes que doit venir le premier effort, témoi-
gnant qu'il prend sérieusement à cœur la cause du
peuple; et, par cette expression, nous entendons non
seulement les déshérités de la fortune, mais la société tout
entière. \ compris la classe aisée qui est encore du
peuple, l'adjurant de modérer certains appétits factices
et de réduire, dans de larges proportions, tout un ordre
de dépenses ruineuses, inspirées par la seule vanité, dont,
malheureusement, les plus indigents ne sont pas toujours
exempts (p. 557).
Quelle satisfaction pour la plupart d'entre nous que de
posséder ce qui n'est qu'à la portée d'un petit nombre,
quelque exemplaire unique, et de détruire dans l'espace
de peu d'heures le produit de bien des journées de travail
pénible! Notre luxe, par ses excès, éveille les plus cou-
pables convoitises, sans faire jamais d'heureux, et discré-
dite à bon droit la propriété individuelle. C'est surtout
aux époques de relâchement et de décadence qu'on le
voit se développer sans mesure; il est le plus grand
obstacle aux résolutions viriles, non moins qu'à tout
effort personnel; par contre, combien lui sommes-nous
redevables des malaises qui affligent la cohorte des gens
blasés et ennuyés, tous les oisifs de nos grandes cités, à
commencer par le spleen et les pertes d'appétit, quand,
d'autre part, nous entendons, dès l'aurore, le savetier
voisin entonner son chant de gaité?
Ce qui est déplorable à notre époque, c'est l'oisiveté
dans le luxe et la pratique du luxe extravagant (pp. 22i),
3me SÉRIE, TOME XXX1JI. 54
( su )
362, 366, 368, 378). « C'est une chose de fait, a dit
» un philosophe plein de sagesse, que la vie simple peut
» seule rendre un peuple riche, puissant et heureux. »
(Co;ndillac, Le commerce el le gouvernement, ch. XXVII.)
Bannissons, en conséquence, de nos demeures toute
folle magnificence, pour n'y laisser régner que propreté,
économie et commodité, voire même quelque confort de
bon goût, réservons notre superflu aux ouvrages d'uti-
lité générale, aux temples, aux palais, aux collections
publiques d'art et d'enseignement, et ne nous lassons pas
de dire que si nous voulions toujours être sages, rare-
ment aurions-nous besoin d'être heureux.
Là est le remède. Aussi l'auteur se montre-t-il sans
pitié ni merci « pour cette tourbe éhontée de fauteurs
» de désordre, bohème avide de corrupteurs de la con-
» science publique, en lutte ouverte et incessante
» avec l'ordre politique, l'ordre économique et l'ordre
» social » (p. 378). Anarchistes en un mot, dont le
champ d'expériences est au Pérou, au Paraguay (p. 266),
en Icarie (p. 176). Depuis le divin Platon jusque de nos
jours, qu'ont-ils enfanté?
Après avoir ainsi rapidement acquitté notre dette
envers l'auteur dans ce qui nous a paru digne d'appro-
bation, notre devoir est d'apporter plus de réserve dans
certaines parties de son œuvre, moins importantes il est
vrai, mais relativement auxquelles nous avons le regret
de ne pas partager son sentiment, notamment en matière
d'impositions publiques, qu'il propose (p. 357) de modi-
fier radicalement, au point de les supprimer toutes,
sans exception, pour y substituer un droit unique :
l'impôt proportionnel sur le revenu (pp. 140-14(5).
r;iî> )
C'esl déjà, en elle-même, une réforme qui ne manque
pas d'une certaine hardiesse, si pas de témérité, que de
renoncer bénévolement, en matière de^revenu, au béné-
fice de la multiplicité, pour s'en tenir rigoureusement à
l'unité. N'avoir qu'une corde à son arc, quand il est
possible d'en mettre plusieurs, n'est pas toujours consi-
déré comme un avantage; bien au contraire, uno avulso,
von déficit aller.
Mais l'objection revêt un caractère plus sérieux à
l'endroit de la progression assignée à celte taxe, et qui,
au lieu de se renfermer dans des limites restreintes qui
la rendraient supportable, ne s'arrête pas, si baut que
puisse monter le revenu, au risque d'une confiscation
inévitable du capital destiné à le produire. Nous avions
espéré que l'exemple récent tenté par nos voisins, tant
au nord qu'au midi, nous eût épargné jusqu'à la tentative
de semblable infortune.
Puis, quand l'auteur condamne en principe « tous les
» impôts indistinctement, parce que tous, et pris en
» bloc, ils sont arbitraires, injustes et attentatoires au
» droit (p. 156), » ne se laisse-t-il pas aller trop facile-
ment au charme d'une critique qui ne manque jamais
d'approbateurs, sans être appelé en retour à combler le
précipice creusé par sa témérité?
A un autre point de vue, l'auteur paraît peu renseigné
sur notre législation fiscale, notamment sur l'incidence
de plusieurs de nos impôts; par exemple, quand il dit
(p. 95):
« L'Etat moderne, plus jperfectionné que Tibère, n'y
» regarde pas de si près, et, s'il tond toujours, il écorche
« le plus souvent.
( »16 )
» Travailler est non seulement un droit naturel, mais
» un devoir social. Or, avant de pouvoir le faire, le
citoyen doit payer patente, et demander à l'État la
» permission d'ouvrir atelier ou boutique. »
Le reproche manque absolument de justesse, car la
partie la plus considérable de nos travailleurs, toute celle
qui vit du produit de ses mains, échappe à l'impôt. Sans
doute le banquier, l'armateur, l'importateur, le commer-
çant, aussi bien que l'industriel, doit payer tribut, au seul
titre des bénéfices qu'il peut tirer de son industrie ; il agit
dans une pensée de lucre, et toutes les fois qu'il apparaît
d'un gain, ne fût-il qu'en espérance, le Roi ne renonce
pas à son droit ; par contre, la loi, toujours paternelle, ne
connaît le simple artisan que pour le protéger, et pousse
la condescendance jusqu'à lui faire remise de toute con-
tribution à raison de l'habitation qu'il possède en toute
propriété. C'est pourquoi sont exempts de tout droit de
patente la classe si nombreuse des cultivateurs, des tis-
serands, des compagnons, ouvriers et apprentis, et d'une
manière générale tous journaliers, manœuvres et porte-
faix, etc. Mais quiconque ouvre boutique et s'interpose,
dans des vues intéressées, entre producteur et consom-
mateur, est soumis à taxe; et chacun dira que c'est jus-
tice.
« Pourquoi)), se demande l'auteur (p. 136), « l'accise sur
» les bières, l'alcool, le tabac? Pourquoi pas sur la fàbri-
)> cation de la toile, du coton, du drap, du cuir, du
» papier, du savon? »
La raison en est simple : c'est que les premiers sont
des articles de consommation, dont le peuple, s'il est
sage, peut aisément se passer. Celui-là paie l'impôt qui
le veut bien, nul n'y est contraint. Ce revenu, d'ailleurs,
( 517 )
n'acquiert d'importance que par l'énorme quantité de la
denrée consommée pour la majeure partie sans nécessité
aucune; c'est à peine si le fumeur d'habitude paie un
centime par semaine, à raison d'une couple de pipes
par jour; le litre de bière, pas un centime. Quant à
l'alcool, que ne nous est-il donne, à l'exemple de l'Angle-
terre, dont il défraie la marine, d'élever au quadruple la
licence qu'il supporte !
Tandis que les tissus à l'usage des classes nécessiteuses,
tels que la toile, le drap, de même que le cuir, justifient
d'un titre suffisant à l'immunité, à la différence des tissus
de luxe, tels que le velours et la soie.
Pourquoi, ajoute-t-il (p. 156), taxer les chevaux et non
les vaches, les porcs et les chats? C'est que les chevaux
ne sont imposés que comme objet de luxe, autant qu'ils
servent au transport des personnes, tandis que le bétail
ne participe pas de ce caractère et fait partie du capital
fixe de toute exploitation agricole. Ne mentionnons que
pour mémoire les chats qui, vraisemblablement, ne doi-
vent leur salut qu'à la difficulté de les porter sur aucun
rôle, non plus que les coqs de combat et les pigeons
sportifs (p. 157).
Il ne faut pas davantage laisser s'accréditer cette autre
erreur (p. 145), que les ministres du Roi et les hauts
prélats ne paient pas l'impôt des bâtiments qu'ils occu-
pent (p. 145). Le foncier, évidemment non, car c'est une
charge de la propriété que le maître de tout domaine
acquitte à l'aide du revenu qu'il en retire. Ici le droit de
propriété réside dans le chef de la Nation, en laquelle les
deux qualités de créancier et de débiteur se trouvant réu-
nies, l'obligation et la créance se compensent mutuelle-
ment (muluâ compensatione todun(ur).
( S18 )
Quant au mobilier existant dans les parties d'un hôtel
ministériel ou d'un palais épiseopal à d'autres usages
que le service de l'État, des provinces ou des communes,
il est passible de la contribution personnelle (loi du
28 juin 1822, art. 27).
Est-il nécessaire d'ajouter que, relativement aux
domestiques et aux chevaux, tout chef d'un Département
ministériel en est personnellement tenu.
Quoique le programme de ce concours soit déjà, par
lui-même, suffisamment ample et de grande portée,
l'auteur s'est naturellement senti entraîné à dire en pas-
sant quelques mots de divers autres problèmes de science
sociale, dont la solution n'est pas indifférente au bonheur
du peuple, tels que celui du service personnel, de l'ensei-
gnement par l'État, de la lutte contre l'alcoolisme, etc.,
qu'il est de notre devoir de passer sous silence, par le
motif qu'ils ne rentrent pas dans notre sujet.
Mais nous ne saurions lui infliger aucune censure pour
avoir courageusement dénoncé, au tribunal de la con-
science publique, la perversité d'une école qui n'a d'autre
but que de renverser les bases fondamentales de la société
par la confiscation de la propriété privée, avec suppres-
sion de la personnalité individuelle et du droit de famille
(pp. 175 et 191 à 11)7). Elle ne compte pas de pires
ennemis.
I\
Après la lecture décevante des théories qui réprouvent
la propriété individuelle, quel soulagement n'éprouve-
t-on pas à revenir à des notions plus saines et plus con-
( 5*9 )
formes à la nature des choses, dont à notre époque Por-
talis a buriné la formule magistrale!
Tel est le but que se propose l'auteur du quatrième
mémoire (devise : L'homme est une personne sociable,
17 cahiers petit in-4", de 356 pages) et, dès le début, il
est aisé d'entrevoir la conclusion à laquelle il va aboutir
en définitive.
Avant que d'exposer son plan, il nous donne la liste
des ouvrages consultés par lui, au nombre de non moins
de quatre-vingt-deux, non par vain étalage de science
facile, mais uniquement pour en extraire la substance et
la faire partager par le lecteur.
A ce premier aspect déjà, l'excellence de sa méthode
ne saurait être trop prisée en ce que, sous une forme con-
densée, elle l'initie rapidement à la connaissance des
nombreux systèmes auxquels, déjà dans l'antiquité, la
théorie légale de la propriété a donné naissance et que
les concurrents sont invités à analyser et à discuter.
Cela fait, il ne fallut pas longtemps à l'auteur pour
marcher droit au but et (p. 8) marquer du doigt la date
précise de la naissance du droit de propriété individuelle,
au lendemain même du premier jour de l'humanité,
s'im posant à elle par la force des choses, au seul titre de
son indispensable nécessité, faisant très large la part de
la communauté sociale sans l'exagérer toutefois, lui
accordant tout ce qui lui est absolument indispensable,
mais rien au delà, de crainte d'entreprendre sur la per-
sonnalité humaine, qui est tout, n'oubliant pas que
■ ( toutes les fois que les hommes se réunissent pour former
» une corporation, chacun d'eux, par une convention
> tacite et réciproque, met dans un dépôt commun la
» somme de moyens et de force nécessaire pour le main-
( 520 )
» lien de la société, la conservation de ses membres et la
» défense de ses droits et de ses propriétés ». (Arrêté du
Directoire exécutif du 15 floréal an Vif, Pasinomie, IX,
p. 202.)
Il va de soi que, en se réunissant en société, chacun
n'aliène en sa faveur que le minimum possible des droits
qu'il tient de la nature : peu d'apports, avec la plus grande
somme d'avantages en retour; et l'on a toujours observé
que le meilleur gouvernement est celui qui accorde à
chacun toute la liberté compatible avec l'intérêt de tous.
L'auteur trouve ainsi (p. 15) sa raison d'affirmer que
le droit de propriété ne procède pas de la loi, qui ne fait
que la réglementer dans l'intérêt de tous, uniquement
pour en contenir les abus; faisant de la famille, à l'exem-
ple de Cicéron (p. 10), la première de toutes les sociétés
avec primauté d'honneur et de rang au Roi de la créa-
tion, à la personnalité humaine.
Que si la mise en commun de certaines jouissances
foncières a pu exister à l'origine, non pas de nombre
de nations régulièrement ordonnées, mais seulement
de simples peuplades nomades, comme il s'en rencontre
encore de nos jours, aux derniers confins de la civilisa-
tion (p. 80), adonnées au pacage et au libre parcours,
sans pouvoir se fixer nulle part, cet exemple trouve sa
justification dans l'impossibilité même, pour ces miséra-
bles usagers, de cantonner le bétail qui lait toute leur
richesse sur un point déterminé, susceptible de culture
réglée. 11 n'est personne qui ne reconnaisse que cette
communauté sans ordre est la source des plus grands
abus, et que là où il n'est pas de propriété individuelle,
l'industrie ne peut ni naître ni prospérer. Bien plus,
comme l'étendue des jouissances de cette sorte est en
( 521 )
raison de l'importance des troupeaux de chaque manant,
nécessairement l'avantage est pour les riches seuls (p. 27).
Mais autant nous souscrivons volontiers à la plupart
(les propositions énoncées par l'auteur, autant il nous est
difficile de partager celte affirmation (p. 89) trop souvent
renouvelée d'une prétendue confiscation des anciens biens
du clergé, dès le début de la Révolution de I7<S!), par le
motif que la Nation n'était pas en situation de s'appro-
prier des domaines qui, de temps ancien, n'avaient cessé
de lui appartenir, et dont l'affectation seule avait été
consentie à l'Église, en considération des services qu'elle
rendait à la chose publique, sous la condition bien
expresse de taire retour au domaine, le jour où ces
services prendraient fin (Causa data, causa non scruta).
« Un corps politique, dit Condorcet, une classe d'hom-
» mes ne peut jamais acquérir une propriété véritable;
» cette propriété ne peut jamais être regardée qui;
» comme une destination particulière d'un bien apparte-
» nant à la masse totale de la Nation ; c'est à la Nation
» et au législateur qui la représente à juger si celte desti-
» nation est utile; le droit de la changer, lorsqu'elle cesse
» de l'être, est un droit aussi inaliénable, aussi impres-
» criptible que celui de changer la forme d'un impôt. »
(Éd. Arago. Paris, Didot, 1847, t. V, p. 567, lPl octobre
1780.)
« On n'a donc plus aucun doute que la vente des biens
» du clergé, faite au profit de l'État et pour l'extinction
» de ses dettes, ne fût une opération à la fois légitime
» et utile. » (Id., p. 508.)
Être de raison et n'existant qu'à des tins déterminées,
pour l'accomplissement de quelque service d'utilité géné-
rale, un établissement public se trouve dépourvu des
( a°22 )
organes indispensables à la jouissance d'aucun bien cor-
porel, à l'égal des personnes physiques; c'est pourquoi
une certaine portion de biens lui est confiée à titre pré-
caire, à des lins toutes différentes, à titre d'instrument,
sans pensée aucune de luxe ou de bien-être matériel.
Aussi, à toute époque, le Souverain s'est-il appliqué, les
choses n'étant plus entières, à reprendre la libre dispo-
sition de ces biens devenus sans emploi, pour une desti-
nation en rapport avec les fins proposées (Ad similem
usum) (1). Encore ne s'y croit-il pas rigoureusement
obligé, et Valentinien, ravissant aux temples païens sup-
primés les biens composant leur ancienne dotation, en
lit l'attribution, non aux chrétiens, comme chacun pour-
rait le croire, mais au fisc lui-même. Ils n'en demeuraient
pas moins, comme par le passé, non des biens particu-
culiers, mais des propriétés administratives, soumises à
des principes différents. Et l'on observe que, sous le
régime de nos archiducs, la faculté de droit de Louvain
conclut à la parfaite légitimité de la mesure.
« Collegii damnati, bona universa confiscantur, »
(Bodinus III, de Rep. 7) « quemadmodum et Universi-
-» tatis, v. g. civitatis dissolutae, si nempè et incolae
» dissipentur, neque ultra societatem tueantur. » (L. 17,
verb. signif. -- Bodinus I, de Rep. r. Tuldenus, prof, à
(1) C'est pourquoi « tous les biens ecclésiastiques sont à la dispo-
» sition de la nation, à la charge de pourvoir, d'une manière con-
» venable, aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au
» soulagement des pauvres... » (Décret du 2 novembre 1789.)
Ce n'est pas là une confiscation; le clergé ne s'était rendu conpable
d'aucune infraction, à la différence des émigrés, « bannis à perpé-
>» tuité du territoire français, morts civilement, et dont les biens
» furent acquis à la République ». (Décret des 28 mars-5 avril 1793.)
( 525 )
Louvaiii, 1645, Comra. in l'ami., tome I", |». I2X.
Lib. III, tit. IV, quaestio IV.)
Vers la même époque, au cœur de l'Allemagne, lors
des négociations <|ni précédèrent la paix de Westphalie,
les États catholiques, qui représentaient l'ancien ordre
de choses, entrèrent en composition et consentirent à la
sécularisation des biens de l'Église. (Albert Sorel,
L'Europe et la Révolution française, 1895, 1"' partie,
p. 249.)
D'autre part, en France, au siècle précédent (août 1559),
François I1', abolissant les confréries de métiers, n'hé-
sita pas à reporter au trésor tous leurs biens meubles et,
pour les contestations, s'il venait à s'en élever, à en attri-
buer la connaissance à ses juges royaux.
En ce qui concerne nos provinces, est-il [besoin de
rappeler la mainmise nationale dont turent frappés jtous
les biens ci-devant possédés par la plus puissante de
toutes les compagnies religieuses (20 septembre 1775)?
Plus près de notre époque, au sein des États-Unis
d'Amérique, l'assemblée de Virginie ne se contenta pas
de prononcer la séparation de l'Église et de l'État, elle
dépouilla de ses biens l'Église épiscopale pour les attri-
buer au domaine. (Baird, liv. Il, ch.XX. — A. Carlier,
Hist. du peuple américain, I, p. 125.)
Que le lecteur bienveillant nous permette cette dernière
invocation. Personne n'ignore que l'ancienne Église des
Mormons, fixée aux Étals-Unis, s'était acquis une déplo-
rable notoriété par ses mœurs non moins que par l'étran-
geté de ses statuts. Après plusieurs avertissements, une
loi du 5 mars 1887 finit par ordonner sa dissolution avec
liquidation consécutive. Ses biens s'élevaient à une valeur
de cinq millions de francs, que le gouvernement fédéral
( 524 )
se proposait de réaliser, lorsque l'ancienne association
excipa de l'inconstitutionnalité de la mesure. Mais la
Cour suprême, jugeant qu'elle continuait à poursuivre son
but et à contrecarrer les efforts du Congrès, reconnut au
pouvoir le droit d'en disposer. (Arrêt du 19 mai 1890.
Annuaire de législation-étrangère, 1890, p. 790.)
Ces développements échapperaient difficilement au
reproche de n'être ici qu'un hors-d'œuvre, n'était la
nécessité de répandre quelque lumière sur un point de
l'histoire qu'on se complaît à obscurcir et d'empêcher de
s'accréditer une erreur bien des fois combattue. Hâtons-
nous de rentrer dans la discussion de notre sujet.
11 nous faut renoncer à suivre l'auteur pas à pas dans
les assauts répétés qu'il livre aux adversaires de la société,
non plus que dans ses considérations sur la part faite au
salaire industriel comparativement aux bénéfices préten-
dument réalisés par le capital, sur le droit d'occupation,
la loi d'airain, les crises d'abondance (p. 143), le protec-
tionnisme et la réglementation.
Notons cependant, à raison de son importance, la
concentration capitaliste et ses dangers (p. 157), les
riches devenant plus riches et les pauvres plus pauvres,
tandis que les classes moyennes sont appelées à dispa-
raître !
L'auteur y répond (p. 100), non sans avantage, en
démontrant que le machinisme ne lue ni la petite ni la
grande industrie, que le nombre des petits ateliers ne se
chiffre pas et qu'ils n'ont rien à redouter de leur absorp-
tion par quelques banques colossales.
Sa réponse est dans le développement de l'esprit d'as-
sociation qui ne saurait être enrayé et ne manquera pas
d'avoir raison de l'accaparement imaginaire, par quelques
( 525 )
individualités, des éléments de la richesse générale. En
attendant, te morcellement du sol en infinies parcelles
poursuit régulièrement son œuvre bienfaisante et civi-
lisatrice. Qu'importe que, au point de vue de la produc-
tion, le capital se condense en quelques mains, si, an
moment de la répartition, il retourne à chaque ayant
droit?
I Mus loin, l*auteur se montre adversaire déterminé du
protectionnisme (p. 152), du suffrage universel (p. 188), de
l'abus des grèves (p. 189), de la règle des trois huit (p. 194),
de l'impôt progressif (p. 206), comme de toute réglemen-
tation tendant à paralyser l'initiative individuelle. Nous
ne saurions lui en faire un grief.
l'ai contre, il préconise (p. 215), ce qui n'est pas moins
bien, la solidarité féconde du capital et du travail.
Mais toute sa verve et sa puissance d'argumentation,
l'auteur, en bon stratégiste, la tient en réserve contre cet
effondrement général dont la propriété privée se trouve
menacée, et qui, nonobstant toutes les cautèles dont on
s'efforce de l'enguirlander, n'en forme pas moins le
credo ne varietur du collectivisme intégral. « Le
» socialisme limite la propriété aux seuls objets de con-
)> sommation, d'usage quotidien ou immédiat, de sorte
» que les associés de la grande coopérative socialiste
» n'auront plus qu'un outil, un pain, une paire de draps,
» pas même une culotte de rechange » (p. 222). (Citoyen
» Ad. Tabarant, Catéchisme socialiste, 78° question.)
Assurément, parmi toutes ces propositions discutées
tour à tour, il en est peu qui aient le mérite de la nou-
veauté; mais c'est beaucoup déjà que d'avoir retracé,
avec clarté et méthode, celles qui présentent un relief
suffisant pour en tirer une conjecture et caractériser
toute une école.
( 526 )
Après^ètre parvenu ainsi, non sans un talent réel, à
faire judicieusement la part de l'ivraie d'avec le bon
grain, l'auteur ne pouvait manquer de répondre au vœu
de la Classe, en passant à l'analyse et à la discussion des
principales théories socialistes et collectivistes modernes.
Cette troisième partie ne le cède en rien aux deux pre-
mières et, dès le début, l'auteur s'attache, avec l'auto-
rité de Fustel de Coulanges (p. 235), à réfuter la pré-
tendue existence d'une communauté absolue chez les
Germains d'autrefois, Valemende n'apparaissant que tard
vers le XIIIe siècle et se limitant aux forêts, aux pâquis
livrés à la jouissance, comme de nos jours encore dans
certains cantons de la Suisse, de la Belgique et de la
France.
Plus loin (p. 258), il s'en prend aux inconvénients de
la théorie proposée par de Laveleye, pour nous initier au
régime de la propriété foncière de Java (p. 259). Là aussi
le manant est attaché à la glèbe, ce qui n'empêche aucu-
nement la propriété privée de subsister à côté de cette
tenure; encore, sur vingt provinces, c'est à peine s'il en
existe six où [ce mode soit pratiqué; il s'explique d'ail-
leurs par des nécessités inhérentes à la culture étendue
des rizières et des terres irriguées, — et semble, du reste,
peu se recommander par ses résultats financiers.
L'auteur ne pouvait passer sous silence (p. 245) l'argu-
ment tiré par ses adversaires de ce que l'on est convenu
d'appeler le socialisme d'Etat, en tant qu'il s'applique
à l'exploitation du chemin de fer, des postes et télégra-
phes, etc., avec les agrandissements incessants du domaine
national.
Mais, il est. aisé de le pressentir, d'avance la raison a
répondu pour nous que ce ne sont là qu'autant de ser-
( 527 )
vices publics et d'administration pure, auxquels, pour
constituer de vraies industries, l'esprit de spéculation fait
complètement défaut, et, pourrions-nous ajouter, plût au
Ciel que le gouvernement de la société n'eût pas d'autres
sujets de crainte, et bientôt la paix universelle se trouve-
rait solennellement scellée. « Malheureusement, ses
» adversaires ne dissimulent pas (p. 310) <jue ce qu'ils
» visent, c'est aussi bien le renversement de l'autel que
» celui du trône et du capitalisme (VoUcsrecht du 16 dé-
» cembre 1893), et la famille réduite, dans l'espace, à la
» mère et à l'enfant, dans le temps, à la période
» d'allaitement [Guesde, Catéchisme socialiste, p. 79]. »
(P. 315.) L'État voulant bien se charger (p. 513), par res-
pect pour la doctrine de Malthus, de limiter prudemment,
par des commissaires attitrés, le développement de la
population à ce que comportent, chaque année, les pro-
duits de la récolte, « de façon, écrit B. Mal on (Précis de
» socialisme, p. 322), à n'être pas pris au dépourvu, si
» elle est mauvaise ».
L'auteur ne pouvait davantage laisser sans réponse ce
grief de l'inégalité des patrimoines, perfidement exploité
dans la seule vue d'éveiller de coupables convoitises et
d'arriver plus facilement à une fusion générale de tout
l'actif social ; puis, pour ne parler que de la région qui
nous touche de plus près, il rappelle cet exemple con-
cluant (p. 288) que, en 1892, dans la province de Hainaut,
87,000 ouvriers de charbonnages ont touché un salaire
de 82 millions de francs, tandis que les bénéfices distri-
bués n'ont pas atteint sept millions et demi; de telle
sorte que si l'on avait ajouté le bénéfice au salaire, celui-
ci n'eût été augmenté que de vingt centimes par jour,
beaucoup moins que la consommation normale de spiri-
tueux nuisibles.
( 528 )
Le capit.il, il est vrai, n'en aurait rien eu, quoique
<c premier auteur et originel fondateur d'icelle houillerie »
(de Loivrex, II, 228, n° 5). A lui, et à lui seul, tout le
risque d'une entreprise aussi colossale.
Cet exemple, il faut le rapprocher de cet autre (p. 522),
non moins à propos, que dans une contrée telle que la
Prusse ou la France, si l'on mettait en commun tous les
revenus excédant 25,000 francs pour les distribuer au
peuple, chaque tète d'habitant n'en recevrait pas plus de
onze centimes par jour.
Contentons-nous d'ajouter, pour l'édification de cha-
cun (p. 552), que, à une époque relativement récente,
dans la Psouvelle-Galles du Sud, l'acte des chemins de fer,
avec quelques autres expériences collectivistes de ce
genre, a eu pour résultat une crise financière dont le
souvenir n'est pas effacé. Les tentatives de Paris, Rou-
baix, Marseille, Saint-Denis, Seraing n'ont pas été plus
heureuses (p. 554) (Journal de Bruxelles, octobre 481)5);
non plus que cette autre, due à l'initiative de six cents
agriculteurs australiens débarqués au Paraguay, comblés
par le gouvernement de privilèges et de concessions sans
nombre, pour ne pas réussir mieux que leur triste ini-
tiateur Cabet, dont la carrière prit misérablement fin en
police correctionnelle.
Et sans pouvoir, dès à présent, indiquer le rang que
l'auteur nous parait devoir occuper dans cette épreuve
scientifique, disons que son œuvre mérite de fixer l'atten-
tion de la Classe et qu'il serait profondément regrettable
de ne pas lui procurer les honneurs d'une publicité dont
la science sociale ne sera pas la dernière à recueillir le
bénéfice.
( 529 )
V,
Beaucoup des qualités que nous venons de constater
dans le précédent mémoire, nous sommes heureux de les
retrouver dans le cinquième, portant pour devise une
sentence d'Aristote, mais au talent près, avec une élévation
de pensée plus haute et une vigueur d'argumentation qui
ne laisse à la réplique aucune place, ce qui nous permet
d'abréger quelque peu l'analyse qui va suivre.
Les deux plans marchent ainsi comme de conserve; le
second d'une allure vraiment magistrale et dans une
forme plus alerte.
L'auteur commence par nous rappeler la notion de la
propriété en droit romain (p. 15) et en droit moderne
(p. 22), sans négliger le peuple hébreu, qui pratiqua le
régime de l'individualité.
Il en retrace les fondements (p. 55), d'accord avec
Cicéron (p. 58) et Sénèque, avant que de passer à Thomas
d'Aquin, qu'il doit posséder à fond. A ses yeux, sa justi-
fication git dans l'ordre de la nature et dans sa nécessité
même (p. 48).
Quoi d'étonnant, dès lors, de le voir se séparer nette-
ment de Hohbes et Spinoza, comme fit Montesquieu? Sa
pensée, il la formule par une sentence non moins impé-
rative que catégorique : Le bien public n'est jamais qu'on
prive un particulier de son bien.
Quand il en vient à discuter la théorie du Contrat
social, il ne se fait pas faute de relever les contradictions
qu'il y rencontre ; c'est qu'il trouve en son auteur non
5"'e SÉRIE, TOME XXXIII. 35
( 530 )
moins de trois personnages différents, difficiles à concilier
entre eux, entassant à plaisir sophismes sur sophismes
et obscurités sur obscurités en vue de coordonner les
diverses parties d'un système qui se heurtent et s'entre-
choquent.
D'ailleurs, trop souvent l'on perd de vue que ce
fameux Contrat n'a été écrit que pour une petite répu-
blique, de fort peu d'étendue; que Genève est une cité
à la manière antique, où les mœurs républicaines sont de
tradition; « que Rousseau idéalisait toutes ses passions,
» voyant le monde dans son âme et considérant l'huma-
» nilé dans sa patrie, n'ayant, en réalité, observé et ne
» connaissant que Genève ». (Albert Sorel, L'Europe et
la Révolution française, tome Ier, p. 183.)
Puis, après avoir discuté successivement l'école de
Grotius et celle de Puffendorf, il en arrive à affirmer, une
fois de plus, sans hésitation (p. 97), que le principe de
la propriété individuelle n'est pas ailleurs que dans la
nature intime de l'homme, dans sa condition d'être rai-
sonnable et libre, avec la destinée de se continuer au
sein de la famille, dont il a le gouvernement avec la
responsabilité.
Sa transmission par voie d'hérédité n'en est que le
corollaire (p. 527) ; à la veille de 89, les célèbres Cahiers
ne manquèrent pas d'en exprimer le vœu (p. 128).
Pour Mommsen, comme pour Fustel de Goulanges, ce
qui apparaît dès le premier âge de la cité romaine,
c'est le principe de la propriété familiale (p. 240), de
même que chez les peuples de moindre civilisation, tels
que les Indous, les Hébreux, les Babyloniens, les Égyp-
tiens, sans en excepter l'Extrême-Orient (pp. 249-289).
S5I )
l'assaut à la discussion des théories modernes, l'au-
teur uo pouvait passer sous silence les deux ouvrages qui,
depuis le XVIIe siècle, ont inspire le socialisme moderne,
à savoir les écrits de Platon et de Thomas Moins (p. ±)ii.
Mais il a hâte d'ajouter, pour le premier (p. 297), qu'il
ne propose la communauté des biens que pour les guer-
riers; il ne l'étend ni aux laboureurs ni aux artisans, à
la différence de Bebel et ses adeptes, qui font dériver le
principe de la propriété du pouvoir social, conception
que Platon a soin de repousser. Grande est la diffé-
rence.
Quant à Utopie, écrite dans une langue au-dessus de
la portée du peuple et dont on a fait le plus étrange
abus, son auteur ne s'est proposé d'autre but que de flé-
trir les abus de son époque, traçant, comme par pur
caprice de littérateur, un idéal que lui-même, le premier,
eût refusé de mettre en pratique (p. 299). Ce n'était pas
l'œuvre d'un anarchiste.
Suit une analyse méthodique et consciencieuse de
l'œuvre entière qui ne paraîtra longue à personne tant
elle renferme d'érudition et de développements nouveaux,
sous une forme pleine de simplicité.
Ce n'est pas avec une aisance moins grande que l'au-
teur passe en revue les théories sans nombre qui vinrent
au jour, avant que de jeter les yeux sur l'Allemagne, au
sein de laquelle le collectivisme moderne déposa son
berceau avec Marx et Lasalle.
L'auteur résume à larges traits cette époque néfaste (1 795)
que chacun aspire à effacer de l'histoire et qui, formons-
en le vœu, n'est pas à recommencer.
Bientôt il passe rapidement en revue toute la légion
( 532 )
des réformateurs modernes, parmi lesquels Robert
Ovven, Fourier, Saint-Simon, Cabet, dont aucun ne fit
école, pas même Louis Blanc (pp. 541-566), et dont plus
d'un finit dans l'oubli, si pas dans la misère.
Enfin, Malon, Jaurès, Georges Renard et Jules Guesde,
parmi les plus illustres de ces agitateurs (pp. 409-420),
et pour finale, le collectivisme en Belgique, avec une
devise qui est tout un programme : Suppression des
classes, transformation radicale de la société actuelle
(Ém. Vandervelde).
Ce n'était pas assez d'initier le lecteur à la connais-
sance de ces théories funestes, l'auteur n'a pas reculé
devant le devoir de les réduire à néant (p. 455).
Le grand reproche qu'il adresse au coryphée de ce
parti subversif, c'est de ne voir, dans la production
de la plus-value que le travail de l'ouvrier et de fermer
les yeux sur la fonction du capital, qui a aussi son impor-
tance. On ne les séparerait pas impunément. En toute
entreprise industrielle de quelque importance, une direc-
tion intelligente et ferme s'impose de toute nécessité.
Avec quel bonheur d'expression n'expose-t-il pas ensuite
le jeu régulier des conditions du contrat de travail, de
cette sombre loi d'airain qui n'empêche cependant pas
les salaires de s'élever sans cesse et la condition du
prolétaire de s'améliorer, tandis que le patron rapace ne
sort de ces épreuves que honni et conspué, au prix d'in-
quiétantes malédictions. Néanmoins, qui a fait les avan-
ces, qui a fourni les outils, qui a recruté le personnel
nécessaire à l'entreprise?
Enfin, et pour ne rien omettre, il formule à son tour,
en manière de déclaration des droits de l'homme, le
( 535 )
nouveau credo d'économie sociale dont voici les assises
principales (p. 545), et qui résume toute sa pensée :
1° Reconnaissance et respect des droits naturels de
l'individu et de la famille;
2° Liberté des citoyens;
5° Force de l'autorité et de ses pouvoirs;
4° Production des richesses au sein de l'union et de la
paix.
Tout ceci, on le pense aisément, n'est pas une ébauche
esquissée à la hâte, à l'annonce de quelque concours scien-
tifique : ce ne peut être que la quintessence honnête et
consciencieuse de toute une vie de bénédictin, laissant
entrevoir un méditatif accompli, un sage de grande allure
doublé d'un sociologue plein de correction et, pour tout
dire, un fin lettré qui n'a pas oublié ses classiques et
que nous soupçonnons fort d'avoir été en apprentissage
chez les Pères de l'Église, dans la familiarité desquels il
semble avoir vécu. Thomas d'Aquin ne l'eût pas renié.
Toujours en pleine possession de son sujet, hébraïsant
en Judée, assyriologue à son heure, pour lui, les textes
cunéiformes n'ont pas de secret.
Poursuivant l'erreur, visière relevée, sans merci, par-
tout où il la rencontre, sans jamais offenser la moindre
susceptibilité de personne, comme il sied à un champion
loyal, à un féal chevalier. Parcere personis, dicere de vitiis.
La collectivité sociale en ressortira singulièrement
amoindrie ; elle ne pouvait rencontrer d'adversaire plus
redoutable, de même que votre Classe ne pouvait recevoir
une assurance plus haute de l'opportunité de la question
posée ; et la réponse qui lui est donnée est de celles qui
peuvent aspirer à l'unanimité des suffrages.
( 531 )
Hnji/xnl tit' fff . #*#•<•»•/* , tlftt-fiontf rt>ninté»stiii-f
« Il n'est peut-être pas de question agitée depuis plus
de temps que celle que nous sommes appelés à juger.
Depuis que l'esprit humain discute l'organisation sociale,
il a dû débattre cette question de la propriété privée. Si
les adversaires ont changé, les arguments directs et essen-
tiels changent peu. Certes, l'organisation du régime
économique des sociétés modernes a fourni quelques
données nouvelles; on a articulé contre la propriété quel-
ques griefs nouveaux. La stratégie de l'attaque a amené
une modification dans celle de la défense. II y a un côté
neuf du problème, mais le fond est vieux de plusieurs
siècles. Vapparatus se complique, l'art du débat s'aflîne,
la polémique essentielle demeure toujours la même. En
demandant aux concurrents la défense de la propriété, on
ne pouvait donc espérer beaucoup de neuf; on ne pou-
vait que réclamer un clair exposé de la doctrine et un
habile et sagace système de défense adapté à la stratégie
contemporaine.
Ainsi comprise d'ailleurs, la question était vaste déjà;
presque tous les concurrents l'ont prise dans sa notion
stricte, sans chercher à la rattacher à des systèmes plus
généraux. Ont-ils eu tort? On serait tenté de le croire, car
il y aurait eu du charme à voir prendre corps à corps ces
théories qui ont accaparé le nom de sociologie et n'ont
pu encore s'accorder sur un système déterminé. Il y
aurait eu plaisir à voir éclater, sous la plume vigoureuse
de certains concurrents, le rapport intime qui existe
entre le principe de la propriété et la finalité humaine
que proclame l'un d'entre eux. Mais peut-être valait-il
( 535 )
mieux sacrifier cette satisfaction scientifique et ne pas
élargir une question déjà si vaste, savoir se borner pour
rester méthodique. C'est ce qu'ont fait les meilleurs con-
currents, se contentant, dans de rapides aperçus, d'indi-
quer les causes plus lointaines des erreurs qu'ils combat-
tent. Ils s'en sont tenus aux. théories se rattachant tout
intimement à la propriété; s'ils y ont perdu en envergure,
ils y ont gagné en précision ; ils ont jugé, peut-être à
bon droit, qu'ils ne pouvaient, à propos de propriété,
discuter toute la vie sociale, sous peine de faire des
volumes ou de rester superficiels et vagues.
M. le premier Commissaire a analysé les cinq mémoires
soumis au jugement de l'Académie; il ne les a point tous
classés, mais il a indiqué celui qui lui paraît mériter vos
suffrages. Ma tâche se trouve d'autant plus simplifiée que
sur ce dernier point, la conclusion, je me trouve d'accord
avec lui : c'est également au mémoire qu'il a marqué n° 5
et portant pour épigraphe : Aëi xxX. que je propose à
la Classe d'accorder la palme.
Il me sera permis cependant d'ajouter quelques consi-
dérations au sujet des divers mémoires reçus en les pre-
nant sans suivre un ordre déterminé, selon qu'ils s'offrent
à mon examen.
Je ne m'attache pas au mémoire qui porte pour
devise : Cuique suum, dont M. le premier Commissaire a
parlé longuement; je me permets de dire un mot des
quatre autres.
( 536 )
Le défaut d'unité est le signal de la mort, etc. Telle esl
l'épigraphe d'un petit volume coquettement imprimé.
Il se divise en trois parties : Fondement du droit. -
Opportunité du droit. — Systèmes adverses. — Au point
de vue du style, il paraît le meilleur; peut-être le paraît-
il à cause de la facilité de lecture d'un texte imprimé.
Il a aussi un autre mérite, celui de mettre en vedette le
caractère matérialiste du marxisme. L'évolution maté-
rialiste a une influence très grande sur la doctrine de
Marx, et nos concurrents en général, même celui-ci, y
insistent trop peu. Il le fait aussi, je le reconnais, comme
le lui reproche M. le premier Commissaire, avec trop
peu de clarté. Dire que « la structure économique est la
base réelle sur laquelle s'élève ensuite l'édifice juridique
et politique », cela peut s'interpréter de vingt façons; ce
qu'il importe d'exclure, c'est le déterminisme de l'évolu-
tion intégrale par le phénomène économique, s'il m'est
permis d'employer ce style que je ne chéris pas, pour
exprimer une idée que je ne chéris pas davantage.
L'auteur expose le fondement de la propriété indivi-
duelle; il le trouve dans la personnalité, mais sa démons-
tration, en effet, est imparfaite. Il a l'air de limiter la
propriété aux besoins de l'existence; il en a l'air, dis-je,
car en réalité peut-être ne le veut-il point; il cherche à
s'expliquer, mais il y a là évidemment un défaut de
netteté.
D'autre part, il expose longuement les atténuations
de la propriété, des correctifs par justice et charité
(paragr. XIX : Propriété, justice, charité) dans l'usage.
( 537 )
dos biens, dans 1rs contrats, dans l'ensemble de la vie
sociale. L'idée est fort à sa place, et nous reprochons aux
autres mémoires de l'avoir un peu négligée. .Nous voulons
bien admettre que l'auteur se soit un peu trop éloigné du
sujet principal, que son étude des contrats de société et
d'industrie prenne relativement trop de place; nous
ajouterons que nous ne partageons pas son avis sur les
limites qu'il assigne à la justice et à la charité, mais il
n'en est pas moins vrai que cette théorie est en rapport
intime avec le rôle de la propriété dans l'économie
sociale. Cet exposé, avec le chapitre intitulé : Opportu-
nité du droit, tout converge vers cette idée maîtresse que
le régime de la propriété individuelle, malgré ses abus,
est conforme à l'ordre naturel, qu'il est lié au dévelop-
pement de la richesse publique. « Le régime de la pro-
priété individuelle, dit-il (p. 180), se caractérise précisé-
ment par là, qu'il livre en quelque sorte l'homme à ses
propres destins et à ses délibérations personnelles; là se
trouvent à la t'ois son mérite et ses dangers, mais ceux-ci
peuvent être combattus sans qu'on doive pour cela faire
disparaître le régime, tandis que son mérite ne se retrouve
nulle part ailleurs, et, lui disparu, disparaîtrait sans
retour. » « S'en prendre aux abus, rien de mieux, ce
doit être l'objet d'un travail incessant, mais ayons tou-
jours soin, dit-il (p. 172), de distinguer l'abus de l'insti-
tution à laquelle il s'attache. » Ces abus, il en signale de
diverses natures, comme il marque les avantages du
système actuel. Peut-être va-t-il trop loin, et les limites
qu'il assigne aux devoirs moraux qui restreignent la
liberté sont-elles trop peu sévères; mais nous n'avons pas
à faire la critique détaillée des opinions des concurrents.
On pourrait se demander ici si les démonstrations ne sont
( 538 )
pas trop affirmatives, si la preuve est assez fournie.
L'auteur est aussi évidemment plus philosophe et théori-
cien que statisticien, mais il y a dans ses remarques bien
des observations très justes, et l'empire qu'il donne à la
notion de la finalité humaine mérite d'être noté.
En somme, l'auteur ne traite bien certainement pas la
question suivant les traditions classiques; il a une allure
personnelle; peut-être se dégage-t-il même trop des tradi-
tions. Il y a des idées trop générales, des aperçus qui
manquent de netteté, mais il y a des qualités sérieuses.
Nous regrettons que la notion philosophique n'ait pas été
étudiée suivant une méthode plus rigoureuse. C'est le
présent mémoire qui s'attache surtout à ce que j'appelle-
rai la psychologie de la propriété, et néglige son histoire
externe. Il le fait souvent avec ingéniosité, souvent aussi
avec justesse, sinon avec assez de netteté et de méthode.
Si le résultat ne répond pas à l'attente, si le travail ne
répond pas suffisamment à son plan, il faut cependant
lui tenir compte de ce plan lui-même et des aperçus très
suggestifs qu'il contient.
Improbos odimus odio civili, tel est le titre d'un autre
mémoire. Il se divise en quatre parties : Fondement du
droit de propriété individuelle. — Suppression du droit de
propriété individuelle. — Le socialisme. — Conclusion.
Nous voudrions commencer par celle-ci, où il y a quel-
ques pages éloquentes, défendant en termes émus et élevés
la doctrine du spiritualisme. Le souci trop exclusif des
intérêts matériels est un des éléments essentiels du socia-
lisme; on ne peut assez le mettre en lumière. Le matéria-
( 539 )
lisme est l'âme du socialisme; il est la raison d'être de
ses succès pratiques.
Mais, même dans cette partie du mémoire, s'il y a
quelque éloquence, il y a bien peu de méthode et de pro-
cédé scientifique.
Les autres chapitres, où, sans doute, se trouvent aussi
quelques bonnes pages, sont, dans l'ensemble, d'une
lamentable faiblesse.
L'auteur du mémoire est un partisan intransigeant de
la liberté, un libertaire féroce. Selon lui, sans doute, la loi
morale doit régler les actes humains, mais dans la vie
sociale le rôle de l'État doit être réduit à sa plus simple
expression. Il y a des choses qu'il doit faire, mais il les fait
déjà bien mal, et chaque jour on lui trouve de nouvelles
attributions! Il se mêle de tout, il limite, il entrave la
propriété individuelle; c'est lui le grand coupable. Que
l'auteur critique certains abus, certaines erreurs de l'Etat,
parfait! Mais quelles exagérations ne sont pas les siennes!
L'État a toujours été un socialiste incorrigible! Toute
intervention lui parait socialiste, et c'est à grand regret
qu'il laisse à l'État quelques attributions essentielles. Il
est clair qu'en matière économique l'intervention ne se
justifie pas pour l'auteur. La célèbre formule du laisser
faire, laisser passer a toute sa sympathie. C'est dur peut-
être parfois, dans certaines circonstances, mais la justice
est toujours implacable ! Il y a d'ailleurs la loi divine de
la charité à laquelle il remet le soin d'en corriger les
rigueurs.
Il n'y a pas lieu de combattre ici la thèse même de
l'auteur. Réduire à un tel point le droit de l'Etat est
une exagération funeste dont les faibles sont trop souvent
victimes. Et, sans doute, si partout régnait une vive effer-
( 540 )
vescence de charité, on pourrait se passer de lois réprimant
les abus; mais nous ne sommes pas dans cette cité idéale.
L'auteur n'a aucun besoin de déclarer qu'il appartient à
l'école de Manchester; au surplus, je me demande s'il se
trouve beaucoup d'auteurs, même de son école, allant aussi
loin que lui. Il n'y a pas de pire moyen de défendre la
propriété que de la rendre illimitée dans le sens absolu où
l'auteur l'entend.
Défendre la propriété et la liberté ne suffît pas d'ail-
leurs; il faudrait tout au moins marquer les devoirs qui y
servent de contrepoids. L'auteur, qui combat si bien les
abus de l'État, parle à peine de ceux des hommes. Défen-
due comme elle l'est par l'auteur, la propriété me parait
en très fâcheuse posture devant ses juges.
Mais ce n'est pas la doctrine de l'auteur qui fait l'objet de
ce rapport. S'il avait su la bien défendre, il eût mérité notre
suffrage. Mais il est difficile de concevoir méthode moins
scientifique. Sans doute, le style est alerte, incisif, mais il
procède presque partout par affirmations tranchantes, se
bornant à enlever la preuve par quelques arguments aussi
clinquants que rapides. C'est un feu d'artifice, qui éblouit
plus qu'il n'éclaire.
Il n'y a dans tout ce manuscrit presque pas une cita-
tion, même des auteurs socialistes qu'il doit combattre;
il y en a bien peu d'autres, car je ne puis compter quelques
mots latins passés en quasi-proverbes ou en brocards
juridiques. Il est bien clair que l'auteur n'a pas besoin de
citations, et le lecteur serait mal avisé de ne pas se
déclarer satisfait!
Je n'insisterai pas sur quelques bizarreries d'un style si
original qu'il est souvent étrange. Ce qui domine, c'est
l'affirmation sans preuve suffisante, le procédé de démons-
tration par suggestion.
( S4I )
L'auteur a d'ailleurs des qualités, il en a même de
sérieuses. Il a des idées: il en a même de bonnes, pas
loutes; mais il n'a pas les qualités d'un démonstrateur
rigoureux et convaincant.
Le mémoire ayant pour litre: L'homme est une personne
sociable, est de la part de M. le premier Commissaire
l'objet de justes éloges. Il est divisé en trois parties. La
première étudie !e fondement du droit de propriété pri-
vée; la seconde critique les divers systèmes socialistes;
la troisième réfute le socialisme intégral.
Le travail s'ouvre par une démonstration directe du
droit individuel de la propriété. L'auteur procède par voie
philosophique et rattache ce droit individuel au droit de
perfectionnement de l'homme. Le style est un peu lourd,
et l'on voudrait quelques arêtes plus vives. Cet argument
est par lui-même si éclatant et si aisé à mettre en valeur !
La thèse du régime légal, organisation concrète et
variable du droit, est courte; elle l'est trop; les limites
sont indiquées, mais combien sommairement!
L'argument de l'utilité sociale est mieux exposé.
La question de l'inégalité est l'objet d'un aperçu; com-
bien il est facile de montrer celte inégalité de fortune,
sœur jumelle de celle des capacités physiques, intellec-
tuelles et, comme celles-ci, indestructible!
La deuxième section de cette première partie s'attache
à démontrer par l'expérience que« le régime économique,
tel qu'il tend à s'établir aujourd'hui, satisfait en général
aux exigences du régime social ». L'auteur divise cette
étude d'après les principaux griefs que font les socialistes
( 542 )
à l'élat social actuel : acquisition de la propriété, notam-
ment celle des mines, valeur, capital commercial,
industriel, propriété foncière, son exploitation, rente,
plus-value, fermage, progrès industriel, renvoi d'ouvriers,
coopération, division manufacturière, travail des femmes
et des enfants, prolongation de la journée, compensation,
loi de la conjoncture, effet du capitalat, etc. Cette partie
est d'une argumentation serrée. Les divers points traités
sont bien ceux qui s'imposent naturellement ici ; il y a
de la controverse et de l'analyse. 11 y a, semble-t-il, une
nuance d'optimisme chez l'auteur, mais il y a de la
vigueur, et cette note d'optimisme est plutôt d'impres-
sion que de réalité, résultant de l'entrain de la réfutation,
plaidant surtout le pour, sans méconnaître qu'il y ait un
certain contre, c'est-à-dire des misères humaines qu'il
faut tâcher de guérir.
Cette section n'est pas très neuve, sans doute, mais on
ne pouvait espérer beaucoup de neuf, nous l'avons fait
observer au début. Il y a des faits bien groupés, et notre
suffrage serait très favorable à l'auteur si nous ne nous
étions aperçu par hasard qu'il a emprunté à un ouvrage
du P. Castelein sur le même sujet avec une abondance
un peu grande (Le socialisme et le droit de propriété, Lou-
vain, 1896).
La seconde partie du mémoire contient l'examen dé-
taillé du marxisme, seule théorie socialiste que l'auteur
examine à fond. Il analyse la théorie de la valeur et du
profit, et les critiques du régime capitaliste. Ici encore il
est malaisé d'être neuf, mais il y a beaucoup de faits bien
choisis.
L'examen, que fait l'auteur, du collectivisme pratique se
divise en collectivisme relatif et absolu. Le premier mot
( 5i3 )
n'est pas nouveau, mais il est joli. Il y aborde les ques-
tions des heures de travail, de participation aux bénéfices,
d'impôt progressif, mais trop sommairement. Evidem-
ment, on ne pouvait lui demander une étude détaillée de
tous ces points, mais, ainsi présenté, cet aperçu l'ait
un effet de pauvreté. Peut-être aussi les vues sont-elles un
peu systématiques, bien qu'il y ait de bonnes idées, mais
il n'y a pas lieu de s'y étendre ici.
Bien meilleure est la partie consacrée à la réfutation du
socialisme intégral; elle est traitée avec vigueur et une
argumentation très serrée.
Les citations, surtout belges il est vrai, sont abondantes;
la thèse mise en lumière est vigoureuse; les extraits
sont indiqués avec soin et l'arsenal des textes est riche-
ment pourvu pour la polémique.
Dans son ensemble, ce travail est une œuvre conscien-
cieuse; on peut en louer à la l'ois le sens, la réflexion et
la vigueur; c'est une étude sérieuse et qui mérite l'atten-
tion.
J'ai eu le regret et la surprise de voir M. le premier
Commissaire profiter d'un aperçu de ce mémoire pour
essayer la justification de la confiscation des biens ecclé-
siastiques en 1789. Ce n'est pas ici le moment ni la place
de discuter cette thèse, mais je ne puis la laisser sans
protestation. Il est douloureux de voir émettre une théo-
rie qui nie les droits naturels de la société religieuse et
même de toutes les sociétés légitimes en les soumettant à
l'arbitraire légal, en invoquant l'autorité d'un des spolia-
teurs, le ci-devant marquis de Condorcet. M. le premier
Commissaire, qui m'a dit lui-même, avec sa courtoise
bienveillance, qu'il acceptait la contradiction, me pardon-
nera d'autant mieux celle-ci que je la considère comme
un devoir.
( SU )
Reste le mémoire qui porte en exergue une devise
grecque empruntée à Aristote : Ait. xzk. Cet important tra-
vail commence par définir le droit de propriété et s'étend
longuement sur cette notion. Il fait dès le début une dis-
tinction entre « l'essence » et « l'usage » du droit. La
théorie du devoir est dans presque tous les mémoires
une des plus sacrifiées. Elle importe cependant à la judi-
cieuse défense du droit lui-même. L'auteur ne la passe
pas sous silence; et sans examiner ici le fond de son
système, il faut lui en savoir gré, si court que ce soit.
Il examine longuement les divers fondements qui ont
été assignés à la propriété et en fait la critique. M. le
premier Commissaire a fait remarquer l'analogie qui
existe entre l'allure générale de ce mémoire et celle du
précédent. Il en est bien ainsi, mais l'auteur de celui-ci
est de ceux qui s'attachent beaucoup au côté historique
des doctrines. L'exposé en prend une part importante de
son travail, soit pour les défenseurs, soit pour les adver-
saires de la propriété et pour le régime légal et positif de
l'appropriation elle-même. Les auteurs anciens, dans
cette première partie, sont étudiés surtout avec une
abondante prédilection, en sacrifiant ceux du moyen âge,
qui mériteraient plus ample description.
Puis il énonce en quelques pages fermes et claires le
principe du droit individuel, et établit la distinction,
fort opportune, entre le droit d'acquérir la propriété et
la réalisation de ce droit, qui est subordonné pour
chaque homme à un titre concret et positif. L'argu-
ment de V utilité sociale de la propriété n'est pas assez
( 345 )
nettement dégagé, sous prétexte que la réfutation du col-
lectivisme intégral y suilit.
Les divers titres d'acquisition de la propriété occupent
ensuite l'auteur. Dans un long chapitre, il expose le
régime historique et législatif de la propriété chez les
peuples anciens avec une abondance d'érudition que nous
avouons ne pouvoir contrôler, mais qui est très riche en
citations variées. Il s'en prend, comme l'a l'ait aussi d'ail-
leurs le mémoire précédent, et avec raison, à la thèse du
communisme primitif.
La démonstration directe ainsi faite, l'auteur expose
les théories socialistes. De Platon, il passe à Thomas
Moins, puis aux écrivains du XIXe siècle, Saint-Simon,
Fourier, L. Blanc, Proudhon, puis les collectivistes
qu'il classe par pays. Il a voulu, à la différence des autres
concurrents, donner une idée des écoles. La question y
prêtait ainsi que le goût évident de l'auteur pour les expo-
sés historiques. Certes, ces aperçus ont leur intérêt, et le
texte de la question parait même les demander. Peut-être
était-il peu utile de s'attacher aux précurseurs. On les a
résumés tant de fois, et l'auteur ne semble le faire pour
plusieurs que de seconde main. On peut le lui pardonner;
sans doute la genèse théorique est intéressante, mais après
tout, c'est moins l'histoire rétrospective que la doctrine
vivante que désirait l'Académie. Au surplus, il est le
seul qui ait cru devoir refaire cet exposé, après Sudre,
Reybaud, Thonissen, de Laveleye et autres, qui l'ont fait
à leurs points de vue divers. Aujourd'hui sans doute, on
reprend cette histoire, mais ce serait affaire d'une étude
spéciale que de remettre à leur vraie place tous ces écri-
vains dans la filiation des idées.
Au point de vue critique, le mutuellisme de Proudhon,
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 5G
( 54-6 )
bien que détrôné, méritait une exécution plus soignée; il
a d'ailleurs avec le collectivisme contemporain plus de
parenté qu'il n'y paraît à prime vue. Ce qui serait très
curieux, serait de montrer la parenté des systèmes. Qui
est le vrai père du collectivisme? Ce n'est certes pas
César de Paepe, bien qu'il ait décidé de l'adoption de sa
formule dans le programme des congrès socialistes.
Revenons à notre mémoire : il étudie Marx, Bebel.
Malon, sans s'arrêter, il est vrai, aux multiples diver-
gences des écoles françaises, mais avec une étendue suf-
fisante, puis, sous le nom surtout de Vandervelde, il
examine les formes dites transitoires, en marquant
chaque fois les points considérés comme les plus saillants.
Vient ensuite la réfutation des arguments socialistes et
collectivistes : notion du capital, maux résultant du
capitalisme, loi de l'évolution, loi d'airain, etc. Il exa-
mine ces idées au point de vue théorique et au point de
vue des faits. Sauf une attaque injustifiée contre la théo-
rie du prêt au moyen âge, il y a là bien des considéra-
tions sages et bien des faits accumulés, quoique peut-
être dans un ordre qui eût pu être plus méthodique. Il
insiste avec raison — encore trop peu — sur les théories
de l'évolution morale, de l'égalité. Il y a des citations bien
choisies et reproduites même en entier.
La dernière partie du mémoire est la critique du col-
lectivisme intégral ; elle est relativement courte, mais
peut l'être, vu l'ensemble qui précède. Ici d'ailleurs,
l'auteur a beau jeu; cette partie de la tâche a été prépa-
rée par tant d'autres!
Ces quelques critiques sont compensées par notre con-
clusion. La voici :
Ce mémoire, fort étendu, est le résultat d'un efforl
( 347 )
très considérable. Il a du mérite, de l'érudition histo-
rique, bien que donnant peut-être trop d'importance
relative à certains côtés de l'histoire et en négligeant
d'autres; nous n'admettons pas toutes les appréciations
qu'il contient, mais c'est un ensemble sérieux et impor-
tant.
Dans sa partie non historique, il ressemble beaucoup
au mémoire précédent, mais il nous parait supérieur en
clarté dans la démonstration directe de la propriété; il
lui est égal dans la réfutation, moins détaillée peut-
être à certain égards, mais d'autre part plus étendue,
grâce à l'exposé historique. Après mûre réflexion, nous
proposons à la Classe d'accorder ses suffrages à ce mé-
moire, qui est très considérable et dénote un travail opi-
niâtre; nous nous rallions donc sur ce point à la conclu-
sion de M. le premier Commissaire. »
Rnpport de M IPeniê troitiètne i onttuit ««•'#•#■.
<< Les deux honorables premiers rapporteurs proposent
à la Classe de couronner le mémoire qui porte comme
devise un extrait en grec de la Politique d'Aristote. Ce
mémoire est à plus d'un titre digne d'être remarqué par
l'Académie. Philologue, jurisconsulte, théologien, méta-
physicien même d'une réelle distinction, armé d'une vaste
érudition classique, l'auteur a consacré un travail consi-
dérable à son œuvre, dont plusieurs parties sont vraiment
d'une grande valeur. Cependant, j'ai le regret de me déta-
cher de mes collègues, et je me borne à voter l'impression
de ce mémoire : j'ai d'autant plus le devoir d'exposer les
motifs de mon vote que j'ai plus profondément senti,
comme il est arrivé peut-être à d'autres qu'à moi, mes
( 548 )
préoccupations de doctrine et d'école ébranler parfois
mon impartialité de juge.
Aucun débat d'une plus haute portée ne peut se pro-
duire devant l'Académie : il touche aux fondements
mêmes de l'organisation de la société, il pénètre au cœur
du problème social. C'est dans l'institution de la propriété
privée que le philosophe, le législateur, l'économiste
ont cherché l'une des conditions essentielles de la stabi-
lité et du progrès des sociétés économiques; c'est dans
la transformation de la propriété que les novateurs socia-
listes recherchent l'une des conditions essentielles d'un
ordre social supérieur, tendant à la réalisation de l'éga-
lité des conditions. Dans les temps troublés, comme le
nôtre, les doctrines, après avoir été, ce qu'elles sont
toujours en une large mesure, le reflet des besoins, des
aspirations de leur époque, redescendent à leur tour, si
je puis ainsi dire, de la sphère de l'esprit pour inspirer
les intérêts dans leurs revendications et leurs résistances,
et il n'est pas de plus sûr moyen de réduire les antago-
nismes sociaux à leurs limites les plus étroites, de pré-
parer dans une paix au moins relative une évolution
sociale supérieure, que d'éclairer les doctrines elles-
mêmes de la lumière la plus vive, la plus pure, la plus
sereine.
L'Académie est placée à une telle hauteur qu'elle peut
enlever aux controverses une grande part de leur àpreté
en les rendant plus fécondes. En effet, ce qui l'arrête sur-
tout dans les concours, ce sont les méthodes et leurs appli-
cations, c'est la iidélité, la précision dans l'exposition des
doctrines ou des faits, c'est l'importance des sources aux-
quelles les auteurs ont puisé, c'est l'abondance et la soli-
dité des matériaux employés, c'est la netteté, la sûreté,
( 549 )
l'impartialité, l'élévation de pensée dans la critique des
textes, dos documents, des théories. Dans l'accomplisse-
ment de cette juridiction suprême, à la fois scientifique
et morale, l'Académie peut produire une action pacifi-
catrice sur la direction des esprits, bienfaisante sur la
conduite d'un peuple.
C'est dans ce seul domaine que j'ai le devoir de porter
la discussion, c'est là aussi que le mémoire la porte par
ses caractères et ses tendances. C'est qu'en effet, par un
retour remarquable, l'œuvre qui nous occupe, dans toute
sa partie théorique, s'oppose à celle d'Emile de Laveleye :
Im propriété et ses formes primitives; dans toute sa partie
critique sur le socialisme, elle renferme une condamnation
des tendances mêmes d'Emile de Laveleye. L'auteur cri-
tique à la l'ois les fondements philosophiques et la concep-
tion historique de la propriété, que notre illustre compa-
triote a adoptés et proposés, et c'est à des erreurs de
méthode qu'il rattache la direction socialiste qu'a prise
sa pensée. Rarement un rapprochement plus intéressant
et plus important s'imposera à l'attention d'un corps
savant. En traits plus décisifs, l'opposition sera, au fond,
entre la méthode inductive et la méthode déductive, elle
sera entre une conception flexible et évolutionniste et
une conception inflexible, absolue, immuable de la pro-
priété; dans cet effort de redressement des méthodes et
des doctrines, l'auteur n'a pas triomphé, à mes yeux,
d'Emile de Laveleye ; il m'a surtout paru de beaucoup
inférieur à lui dans la compréhension du problème
social; et pourtant, plus nous avançons dans ce siècle
de controverses ardentes et violentes sur les principes
constitutifs des sociétés, et plus doit s'élargir la coin-
préhension des événements qui les ont fait naître :
( 550 )
il semble que l'esprit des historiens et des critiques doive
décrire des cercles concentriques, d'un rayon toujours
plus étendu, embrassant et coordonnant dans leurs rap-
ports réels un nombre toujours plus grand de faits et
d'idées. Ce n'est pas l'impression que m'a laissée la
lecture de l'œuvre de l'auteur.
Mes observations ne peuvent évidemment porter que
sur un certain nombre de points; elles se rattachent :
1° A la méthode de l'auteur dans l'exposé des théories
de la propriété, et à ces théories mêmes;
2° A la théorie qu'il a adoptée;
3° A sa revue des doctrines socialistes;
i ' A certaines critiques du socialisme.
I.
L'auteur ramène à trois les théories de la propriété :
a la première, qui la fonde sur la nature humaine, il
rattache les noms d'Aristote, de Cicéron, de Sénèque,
des jurisconsultes romains, de saint Thomas d'Aquin et,
plus avant dans l'histoire moderne du Droit, de Portalis,
de Troplong, de Laurent; la seconde, qui fait dériver
son institution de la loi, compte parmi ses défenseurs
Platon, Hobbes, Spinoza, Montesquieu même, J.-J. Rous-
seau, Kant et Fichte; la troisième, adoptée par Grotius
et Puffendorf, la fait naître d'un contrat social primitif.
Il v a, dans cet exposé de l'auteur, des morceaux d'une
érudition à la fois abondante et solide.
Cependant on s'étonne de voir resserrer dans d'aussi
étroites limites la classification des théories et celle des
théoriciens de la propriété : à peine les noms de quel-
ques contemporains se mêlent à ceux de philosophes et
( 551 )
de jurisconsultes d'époques déjà éloignées. Ou s'étonne,
par exemple, que la théorie légale de la propriété
n'appelle pas les noms de Laboulaye et surtout d'Adolphe
Wagner, le savant professeur de Merlin; on s'étonne
davantage en constatant que pas un seul économiste
moderne ne prend place dans cette revue historique.
Il semble, à lire ce mémoire, que la théorie des fonde-
ments de la propriété se ramène à quelques types fixés
dès l'antiquité, autour desquels gravite la pensée de tous
les âges. Or c'est là, à mon avis, une erreur essentielle de
méthode.
Les théories justificatives de la propriété individuelle
présentent une véritable évolution, et l'absence des éco-
nomistes dans l'exposition de l'auteur m'a convaincu que
tout un aspect des théories du Droit, le Droit économique,
a peu fixé ses recherches.
Non seulement l'esprit humain s'est efforcé de cher-
cher la justification de la propriété dans ses origines,
comme la nature humaine, la loi, le contrat, mais il s'est
appliqué de plus en plus, dans les temps modernes, à la
justifier par ses fins, par sa fonction sociale, par son utilité
sociale; la considération prépondérante du droit privé
a fait place à celle d'un droit public nouveau; les théories
de la propriété sont devenues économiques et sociales.
Dès lors, elles se sont incorporées insensiblement à la
sociologie même ; elles obéiront désormais aux progrès
de la science sociale. Les conceptions primitives du droit
naturel, de l'origine légale de la propriété se transfor-
meront elles-mêmes au contact des connaissances socio-
logiques accumulées, et le droit naturel n'aura plus et ne
pourra plus avoir la même signification pour de Laveleye
que pour Cicéron, l'institution légale n'aura plus et ne
( 552 )
pourra plus avoir, pour Adolphe Wagner, la même signi-
fication que pour Hobbes.
L'un des moments les plus importants de l'histoire
des théories de la propriété est la constitution du Droit
économique naturel par l'École physiocratique. C'est par
cette École, en effet, que la justification de la propriété,
dans sa fonction économique, est tentée ; et cette fonction
sera de déterminer les énergies humaines volontaires à
réagir sur la nature extérieure avec le plus haut degré
d'efficacité possible, et, par suite, à assurer d'une manière
constante et normale une production économique qui
satisfasse aux besoins d'une population croissante.
La propriété n'a plus, dès lors, un caractère purement
individuel, mais un caractère social et organique, car elle
concourt à la conservation et au développement de la vie
collective, et le degré de sa légitimité sera dans le degré
de perfection avec lequel elle accomplit sa fonction.
Ce rôle social de la propriété a été célébré dans un
langage enthousiaste par les physiocrates, et surtout par
Lemercier de la Rivière, Dupont de Nemours, Baudeau,
Letrosne, par Turgot lui-même, qui procède à la fois de
Locke et de Quesnay dans sa théorie de la propriété, et
qui, tidèle à Locke dans son mémoire sur les mines,
assigne à l'extension de la propriété les limites de l'oc-
cupation par le travail.
Plus tard, dans l'école d'Adam Smith, les liens du
Droit naturel et de l'économie politique se relâchèrent:
celle-ci cessa d'être, selon le mot de Dupont de Nemours,
tout entière dans ce Droit, mais la conception des physio-
crates, désormais incorporée à la science, reparut sous
une autre forme dans les théories de la propriété. C'est
pour son utilité sociale qu'on la verra justifier par Ben-
( 533 )
lham, par John Stuart Mill, par Roscher, par Courcelle-
Seneuil, et, chose intéressante au plus haut degré, c'esl à
l'utilité sociale de la propriété que s'arrêteront eu der-
nière analyse les économistes contemporains, les adver-
saires les [tins ardents du socialisme, comme M. l\ Le-
roy-Beaulieu; et un [tenseur comme Proudhon lui-même,
après avoir ébranlé tous les systèmes philosophiques qui
justifient la propriété- dans ses origines, et en maintenant
la condamnation qu'il a prononcée, s'arrêtera néanmoins,
dans une théorie de la propriété publiée après sa
mort, — devant la justification de la propriété, unique-
ment par ses fins politiques.
Une fois le problème de la propriété individuelle
transporté dans le domaine de sa fonction sociale, de son
utilité sociale, l'institution a été livrée au contrôle perma-
nent des méthodes d'observation : un tait primitif,
immuable, indéfectible n'a plus sufli à en assurer la justi-
fication éternelle. C'était là le terrain d'un débat néces-
saire.
On peut dire que c'est une véritable révolution qui
s'est accomplie dans la méthode; la méthode déductive,
qui fait dériver la légitimité de la propriété d'une donnée
primitive ou d'un fait irréductible, s'est combinée de plus
en plus avec la méthode inductive, qui interroge les rap-
ports de la propriété avec tout l'ensemble des phéno-
mènes sociaux. Les théoriciens d'une économie politique
progressive, comme Sismondi et Mill par exemple, recher-
chent sans cesse dans quelles conditions l'institution
réalise le plus parfaitement sa fonction sociale, son uti-
lité effective, et jusqu'où il suffit d'étendre les droits
inhérents à la propriété pour assurer l'accomplissement
de sa fonction sociale ou la réalisation de son utilité
sociale. La conception primitivement absolue des théo-
( 584 )
riciens devient relative, limitée, conditionnée, la pro-
priété est conçue comme pouvant se modifier suivant les
milieux et les temps; elle est, dans la pensée des théori-
ciens, comme soumise incessamment à une œuvre d'adap-
tation. C'est ce qui a t'ait dire à de Laveleye que cette
théorie utilitaire permet d'améliorer successivement l'in-
stitution actuelle; elle entr'ouvre, en effet, la perspective
d'une évolution future du Droit, elle lui communique
une flexibilité qu'elle ne peut avoir quand elle puise dans
un fait primitif, dans un antécédent causal désormais
immuable ou inaccessible, la légitimité de résistances
absolues à toute transformation.
La théorie de l'utilité autorise aussi, et surtout, à divi-
ser ce redoutable problème : par exemple, en se plaçant
dans la direction intellectuelle de Stuart Mill, on a pu se
demander si, pour atteindre les fins sociales assignées à
la propriété, il est nécessaire et légitime d'assurer au
propriétaire tous les accroissements de rente foncière et
de rente d'emplacement qui se produisent indépendam-
ment de son action et sous l'influence de causes pure-
ment sociales; on a pu se demander, dans la direction
des idées d'Emile de Laveleye et de Mill, si la reconsti-
tution au moins partielle du domaine communal collectif
ne permettrait pas d'obtenir tous les avantages actuels de
la culture, en y ajoutant ceux d'une diffusion plus
grande et plus égalitaire de la jouissance de la terre, et
même des garanties plus solides et plus flexibles pour le
cultivateur; si c'est un régime idéal que le régime d'ex-
ploitation du sol, où la plus grande partie du territoire
arable est cultivée par des locataires, où ceux-ci n'ont
que d'insuffisantes garanties de jouir des améliorations
qu'ils apportent au sol, et où les propriétaires non cultiva-
( :»s )
leurs n'accomplissent le plus souvent que d'une manière
insuffisante leur fonction «le veiller aux intérêts perma-
nents du sol. On a pu se demander, dans la direction
des idées de Wagner el de Laveleye, si le système des
concessions, adopté comme régime légal des mines, est
bien celui qui devait satisfaire au plus haut degré aux
exigences de la production et à celles de l'harmonie des
intérêts du capital et du travail ; ou bien, si le régime
exclusif de la propriété individuelle, considéré à l'égard
des habitations, sullit, avec la seule sollicitation de l'in-
térêt personnel, à assurer à la masse de la population des
logements ii bon marché, salubres, compatibles avec les
exigences de la morale (1); si l'intervention directe des
pouvoirs et du domaine publics ne concourrait pas à
mieux résoudre ce problème que la seule propriété indi-
viduelle dont la fonction, quand elle se sépare de la
jouissance, n'est nullement ici la même que dans l'exploi-
tation du sol; là, elle agit comme stimulant de la produc-
tivité du travail ; à l'égard des habitations, malgré des
réformes salutaires, elle n'est accessible qu'à une partie
limitée de la classe ouvrière. On a pu se demander encore
(1) On s'émeut devant les résultats des enquêtes qui se poursuivent
sur les logements de la classe ouvrière et auxquelles j'ai moi-même
pris part : si l'on admet, par exemple, avec les hygiénistes, qu'un
logement de trois pièces par ménage soit seul conforme aux vraies
prescriptions de l'hygiène, et qu'un logement d'une seule pièce soit
décidément condamnable, on aboutit à cette conclusion, exprimée
par le résultat de mes calculs approximatifs, que, dans les communes
réunies de Bruxelles, Schaerbeek, Ixelles, Etterbeek, sur 100 ménages
d'ouvriers, il en est 18 qui sont logés dans des conditions manifeste-
ment conformes à l'hygiène, 44 dans des conditions passables
et 38 environ dans des conditions vraisemblablement contraires à
l'hygiène. Voir les travaux de MM. De Quéker, Lagasse, Bauvais,
Brasseur, Bosschaert, Lamal, etc.
( ooG )
si la limitation des degrés de succession en ligne collaté-
rale n'est pas l'un des éléments de solution du problème
social les plus compatibles avec l'évolution de la société
et de la famille, etc., etc.
J'ai dit tout à l'heure que même les théories classiques
de la propriété ne doivent pas être ramenées à des types
invariables. Il suffit d'un trait pour s'en convaincre.
Adolphe Wagner s'est rattaché à la théorie légale de la
propriété, après avoir soumis toutes les autres à une
critique qui est certainement l'une des plus savantes et
des plus profondes de ce siècle; mais il est aisé de voir
«pie sa théorie légale est une véritable synthèse où il
donne place à des éléments complexes et dont le facteur
principal est l'utilité sociale méthodiquement et sévère-
ment interrogée. Comme il le dit lui-même, le législateur
devra, dans les formes à donner à l'organisation de la
propriété, s'inspirer de considérations sur la nature éco-
nomique de l'homme, notamment sur l'intérêt personnel
de l'individu, comme il devra faire une part à la théorie
de l'occupation en général, et à celle de l'occupation par
le travail. Et il ajoute, pour écarter l'arbitraire du légis-
lateur : <c II ne suit pas de là que, dans le domaine de la
propriété, non [dus (pie dans d'autres, apparaisse l'arbi-
traire de la législation ou de l'État. Certainement, ce sont
des idées morales, c'est le sentiment du Droit, ce sont des
considérations de conformité au but justement réalisées
qui devront guider l'Etat dans toute législation, et spécia-
lement dans la législation sur la propriété. Toute abolition
de la propriété privée sur les moyens de production,
toute modification au Droit existant sur la propriété
suppose, dès lors, l'examen préalable de la conformité au
but et de la justice de la propriété existante, et des effets
( 557
présumables d'une abolition des formes de pi*oprîô(«; en
question <>u d'une modiûcation »lu droit de propriété.
Ensuite de cela, il s'agit de créer ici des garanties pour
un examen de cette espèce, (les garanties siègent dans
l'éducation morale et intellectuelle, surtout économique
du peuple, et dans l'éducation morale et l'indépendance
de toutes les classes économiques, et dans une représen-
tation du peuple organisée avec justice et fonctionnant à
côté d'un bon gouvernement. La question de la propriété,
comme question de droit privé, touche ici à des questions
importantes de droit public... » (§ 279.")
Quand la théorie philosophique de la propriété s'est
élevée au point où J. Stuart Mill l'a portée avec ['uti-
lité, Ad. Wagner avec la légalité, on est bien près de
la ramener à une conception plus générale, toujours
perfectible, la conception que j'appellerai sociologique
pure et simple, qui prendrait la place de toutes les con-
ceptions abstraites des jurisconsultes et des métaphysi-
ciens du Droit. Le Droit apparaîtrait comme la fonction
suprême qui coordonne et règle toutes les activités
sociales, qui s'adapte aux conditions d'existence et de
développement progressif des sociétés humaines, comme
la puissance organique par excellence, et dès lors, sa
flexibilité serait non seulement concevable sans arbitraire,
mais elle ne serait que l'expression la plus haute de la
fonction sociale incomparable qu'il remplit, elle expri-
merait son adaptation aux conditions variables d'exis-
tence et de progrès des sociétés civilisées. C'est certaine-
ment d'une telle conception du Droit que s'inspirait de
Laveleye quand il sollicitait avec une éloquence si
admirable et parfois si déchirante les hommes de notre
génération à accomplir un énergique effort dans la direc-
( 558 )
lion de l'égalité, et lorsqu'il terminait la préface de son
célèbre ouvrage par ces tristes paroles : « Nos sociétés
européennes, où se développent la démocratie et les
aspirations égalitaires, sont donc très menacées, et je ne
sais si elles trouveront en elles-mêmes la sagesse, l'énergie
et la science nécessaires pour modifier leurs institutions
par des réformes successives. »
La pensée ne m'est même pas venue de faire grief à un
savant aussi sincère et aussi convaincu que l'auteur du
mémoire, d'avoir suivi une direction opposée à celle
d'Emile de Laveleye et cherché à fixer sur des fonde-
ments indestructibles et inaccessibles à toute atteinte, la
propriété quiritaire, au lieu de s'engager dans la théorie
évolutionniste du Droit. Mais j'ai l'obligation de signaler
les lacunes dans son exposé et sa critique des théories.
La conception du Droit économique, qui revêt des formes
si importantes depuis les physiocrates jusqu'à Mill, cette
sorte de syncrétisme des doctrines qui s'opère avec
Wagner et de Laveleye, l'importance décisive que don-
nent à l'utilité les économistes qui y trouvent, comme
M. P. Leroy-Beau] ieu. une justification suffisante de la
propriété quiritaire, et qui y puisent, comme Mill, la justi-
fication de modifications progressives de la propriété, la
nécessité d'un retour incessant à l'observation, qu'elle
exige parce qu'elle comporte une justification de l'insti-
tution par les fins sociales qui lui sont assignées, et non
[dus seulement par ses origines; tout cet ensemble de con-
sidérations est d'une telle importance au point de vue
scientifique et au point de vue pratique, il entraîne de
tels changements dans les méthodes, dans la direction
des recherches, et surtout dans celle des réformes, que j'ai
cru devoir leur donner une large place dans ce rapport.
( 559 )
II.
Cest une remarque d'une très haute portée à faire que,
sur les fondements de la propriété, les théoriciens indi-
vidualistes et socialistes s'accordent souvent ; niais il y a
toujours cette différence radicale que tout théoricien
socialiste tend à l'égalité et généralise l'interprétation
ou l'application d'un principe, dont la généralisation
n'apparaît pas connue nécessaire au théoricien indivi-
dualiste. Voyez, par exemple, en quoi diffèrent les physio-
crates de William Thompson. Les physiocrates ont fondé
la théorie du Droit naturel économique, mais la pro-
priété du sol est aux mains d'une classe et la fonction
sociale que la propriété exerce, la réalisation du produit
net le plus élevé possible parait à leurs yeux remplie
par une classe distincte de la nation ; ils s'émeuvent fort
peu des protestations de Maldy, qui, entrevoyant le pro-
blème social du XIXe siècle, leur crie : « 11 faut être bien
sûr de son éloquence et de son adresse à remuer des sophis-
mes pour oser se flatter qu'on persuadera à un manouvrier
qui n'a que son industrie pour vivre laborieusement dans
la sueur et dans la peine, qu'il est dans le meilleur état
possible, que c'est bien fait qu'il y ait de grands pro-
priétaires qui ont tout envahi. Qu'on nous vante tant que
l'on voudra cette merveilleuse correspondance de besoins
et de rapports qui unit et lie toutes les parties de la
société, et vous verrez, après toutes vos démonstrations,
que ces parties si unies et si nécessaires les unes aux
autres continueront à être divisées, tant qu'on ne leur fera
pas un sort égal. »
( 5G0 )
William Thompson, le plus savant disciple d'Owen,
n'adopte pas un autre principe que celui des physiocrates;
seulement, il le généralise, et il attend de cette générali-
sation une productivité du travail humain que les phy-
siocrates eux-mêmes n'avaient pas soupçonnée : « Aussi
longtemps que deux niasses d'intérêts opposés existeront
en société, dit-il, les propriétaires du travail d'un côté,
les propriétaires des moyens de travail de l'autre, aussi
longtemps qu'une distribution aussi contraire à la nature
sera maintenue, les neuf dixièmes des produits que l'hu-
manité peut atteindre ne seront pas réalisés, et les nouante
centièmes parties de bonheur que l'humanité peut réaliser
seront sacrifiées. » Thompson ne l'ait ainsi qu'étendre le
principe des physiocrates. quand il rêve d'assurer à tout
producteur l'intégralité de son produit. C'est l'aspect
individuel du collectivisme moderne.
Toute la partie critique du premier mémoire de
Proudhon sur la propriété se ramène essentiellement ii
soutenir qu'aucune théorie ne se justifie que par la
généralisation de son principe, c'est-à-dire par l'égalité..
L'auteur du mémoire reconnaît, à l'égard de la théorie
qu'il adopte sur le fondement de la propriété, qu'il est
d'accord au point de départ avec les socialistes aboutis-
sant à certaines formes de propriété collective.
Il est évident que rien n'est [dus important que d'exa-
miner comment la séparation s'accomplit et se légitime
à ses yeux.
L'auteur admet que la propriété est un droit naturel,
inhérent à la nature humaine; ce droit dérive du droit
de conserver sa vie physique, de travailler librement et
de jouir des fruits de son travail. Pendant que les socia-
listes s'appliquent à déduire de ce droit naturel un ensem-
( 56! )
Lie d'institutions qui en fassent une réalité tangible et une
réalité universelle, l'auteur du mémoire l'ait une distinc-
tion entre le droit d'acquérir la propriété, considéré in
abslracto et qui seul est commun à tous les hommes, et le
droit de propriété réalisé, concrétisé. Il reconnaît à chacun
le droit de devenir propriétaire, mais la qualité de pro-
priétaire ne dérive pas nécessairement de la nature
humaine; il faut, pour que le droit réel se constitue, un
titre, un fait positif. C'est ainsi qu'il reconnaît à chacun
le droit de se marier : c'est le droit au mariage in abs-
tracto; mais pour qu'il y ait mariage effectif, il faut le con-
sentement de deux époux. C'est ainsi qu'il reconnaît in
abslracto à chacun le droit de devenir membre du Parle-
ment, mais encore est-il qu in concrelo il faut les suffrages
des électeurs.
L'auteur a trouvé cette distinction si lumineuse et si
décisive qu'elle suffit, à ses yeux, à l'anéantissement des
sophismes du socialisme, et pour l'avoir méconnue, il
reproche à Emile de Laveleye d'avoir radicalement vicié
toute sa théorie de la propriété.
C'est par Yoccupation que le droit abstrait passe dans
la réalité : voilà le fait complémentaire et nécessaire qui
donne originairement une objectivité décisive à l'élément
subjectif de la propriété.
L'auteur ne s'applique pas d'ailleurs, comme Locke et
Turgot, à chercher les limites d'une occupation légitime
par le travail.
On conçoit à quel point une telle doctrine simplifie la
solution pratique du problème redoutable de la propriété ;
elle en supprime même toutes les difficultés, car l'occu-
pation, à l'égard de la terre, est devenue aujourd'hui un
mode d'acquisition de la propriété à ce point rare dans
5,:ic SÉRIE, TOME XXXIII. 57
{ 562 )
les Étals civilisés, que le Code civil n'en parle même pas;
il ne l'exclut pas, il l'oublie, sans qu'il ait même à
distinguer l'occupation en général de l'occupation par le
travail.
« Où est en Europe, dit quelque part l'auteur du mé-
moire lui-même, la partie du sol qui soit sans maître? »
Couverte par la prescription que l'auteur légitime,
l'occupation primitive est à l'abri de toute atteinte, et en
l'ait, il ne reste dans sa théorie que deux modes d'acquérir
la propriété : l'hérédité et le contrat, c'est-à-dire des
modes de transmission.
Il ne m'appartient nullement de faire reproche à l'au-
teur d'avoir accueilli ou repoussé quelque doctrine que
ce soit. Je comprends trop d'ailleurs les graves préoccu-
pations auxquelles il obéit pour y songer. J'ai le devoir
seulement de rechercher si, dans le développement de sa
thèse, il a sullisamment tenu compte de l'état de la cri-
tique au moment même où il l'a produite, et si le repro-
che adressé à de Laveleye, page 108, est fondé, « de
n'avoir point remarqué la distinction qu'il donne aujour-
d'hui comme fondement théorique à la propriété, et
d'avoir, sous l'empire de cette erreur, trouvé mauvais
les arguments invoqués en faveur de la propriété ».
Or, je regrette, je l'avoue, de n'avoir pas vu discuter
de plus près les objections que la critique moderne a
opposées, soit à la théorie du fondement personnel de la
propriété, soit à celle de l'occupation proprement dite ou
à l'occupation par le travail, soit à la combinaison de ers
théories, et qui sont développées avec une grande force,
surtout chez certains économistes, comme Ad. Wagner,
et certains juristes, comme Suinner Maine. A ne prendre
que cette distinction de la condition personnelle et de
( 303 )
l'occupation, et la nécessité de leur réunion pour donner
une réalité au droit, il est intéressant de voir les écoles
les plus diverses s'entendre pour les rejeter.
M. de Laveleye, autant et plus que personne, s'est pré-
occupé de définir le droit naturel : « Aujourd'hui, dit-il,
les défenseurs de la propriété quiritaire répètent à l'envi
qu'elle est un droit naturel, mats il en est peu qui compren-
nent la portée de ce mot. » Et il s'applique alors, en invo-
quant la philosophie du droit dans Fich te, Krause, Ahrens,
Hegel lui-même, à montrer que la théorie du droit
naturel implique un droit primordial sur la matière, et qu'tï
suffit d'être homme pour avoir droit à une propriété. Pour
lui, le concret est inséparable de Vabstrait.
Au témoignage d'Emile de Laveleye, écrivain libéral et
socialiste de la chaire, on peut joindre celui d'un écri-
vain catholique remarquable : Fr. lluet, l'auteur du
Règne social du Christianisme (p. 245).
« On a beaucoup disserté, dit-il, on disserte encore
tous les jours sur l'origine de la propriété. Nous parlons
ici de l'origine philosophique et du fondement premier
du droit. Les uns l'appuient sur le travail, les autres sur
une première occupation, quelques-uns sur la prescrip-
tion ou le seul bénétice du temps. Mais il serait étrange
que le droit de propriété fût un droit naturel et qu'on
en dût chercher l'origine hors de la nature humaine, qu'il
dépendit d'un acte extérieur, d'un accident, d'un hasard.
Ou les mots n'ont plus de sens, ou mettre la propriété au
nombre des droits naturels signifie que le titre originel
d'investiture pour les biens de la terre est la qualité
d'homme, que la qualité d'homme engendre par elle seule
et immédiatement un droit èi une quantité déterminée de ces
biens : première propriété qui devient pour chacun la
( 564 )
source, le fondement et le moyen de toutes les autres. »
ïr. Huet combat ainsi directement la distinction, dès 1855.
Ad. Wagner a consacré de longs chapitres à cette
théorie naturelle de la propriété qui la fait dériver de
l'essence de la personnalité humaine, et à celles de
l'occupation en général et de l'occupation par le travail
en particulier. Aucune d'elles ne sutlit à justifier l'insti-
tution, d'après lui, mais il interprète la théorie naturelle
comme impliquant un droit actuel et immédiat sur la
matière; seulement, elle ne peut, selon lui, fournir de
justification de la propriété que dans d'étroites limites, et
telle qu'elle est en général exposée, elle ne peut complè-
tement asseoir la propriété sur un terrain stable. « Ce qui
le montre le mieux, dit-il, c'est que du côté socialiste il
y a, avec aussi peu ou autant de raison, une organisation
juridique précisément contraire à la propriété privée et
qui dérive de l'essence de la personnalité humaine,
c'est-à-dire une telle organisation qui procure à tous les
hommes les biens économiques nécessaires à l'accomplis-
sement des buts physique et moraux de la vie, ou qui
établissent du moins les conditions économiques et juri-
diques égales pour tous, à l'effet d'atteindre ces buts.
Voilà pourquoi la propriété des moyens de production
aux mains des individus, point caractéristique de l'orga-
nisation de la propriété privée qui est en vigueur, a été
attaquée et fondamentalement rejetée. »
La théorie de l'occupation en général, et celle de
l'occupation par le travail, présentées par Wagner, ne
fournissent pas à la théorie naturelle l'élément com-
plémentaire qu'elle réclame, dans la pensée de l'auteur
du mémoire, et qui lui suffit, d'après lui. La théorie de
l'occupation, pas plus que la théorie personnelle, natu-
( 565 )
relie, ne légitime par elle-même la propriété, selon
Wagner : elle fournit seulement certains éléments <le
son organisation; l'occupation par le travail, à laquelle
Wagner attache plus de prix, et avec raison, donne une
direction aux réformes de l'institution.
11 ne m'appartient pas de descendre au fond de la
question et d'apprécier définitivement la théorie de
l'auteur. Il suffit de montrer que sa distinction n'a pas
échappe réellement à l'appréciation d'hommes comme
de Laveleye, Ad. Wagner, Fr. lluet, pour ne point parler
de socialistes, comme Proudhon.
Indépendamment de cette conception déductivc de la
propriété individuelle, la préoccupation de l'auteur est
de trouver la confirmation de sa thèse dans l'expérience
universelle des peuples et de recueillir la preuve de
l'existence de la propriété individuelle à toutes les
époques de l'histoire.
Ici encore, c'est à Emile de Laveleye qu'il s'oppose, et
il s'associe à la critique sévère en apparence, dit-il, que
Fustel de Goulanges a dirigée contre la Propriété et ses
formes primitives, mais qui ne serait que trop fondée,
d'après l'auteur.
Les études qui suivent sur les origines de la propriété,
particulièrement en Grèce et à Rome, sont d'une solide
érudition, et je souhaite vivement que toute cette partie
de l'œuvre soit livrée à la publicité.
Mais l'auteur a-t-il réfuté la thèse d'Emile de Laveleye?
Cette thèse est que la propriété est livrée à une véri-
table évolution historique, que la propriété individuelle du
sol se dégage peu à peu de formes collectives et, dès lors,
n'est qu'un événement tardif de l'histoire. De Laveleye
a cru, comme il l'écrivait encore à la fin de 1890, trouver
( 366 )
dans les laits recueillis chez toutes les races, la preuve
que, sous l'empire d'un instinct naturel de justice et d'une
notion innée du Droit, les hommes réunis en société
sont portés à attribuer primitivement à chaque famille
la jouissance d'un lot de terre qui lui permette de sub-
sister par son travail. Et c'est une organisation nou-
velle et infiniment plus complexe de ce droit qu'il
pressent comme solution pratique du problème social
au XIXe siècle.
L'auteur du mémoire a-t-il réussi à démontrer que la
propriété individuelle du sol n'a pas pour antécédent his-
torique une forme de propriété collective du sol?
On peut admettre, en présence des matériaux rassem-
blés par l'auteur, particulièrement sur la Grèce, que
l'ordre de succession des formes de propriété tracé par
de Laveleye ne peut, dans l'état actuel de la critique,
être considéré comme une loi universelle de l'histoire.
Mais cet ordre n'est-il pas incontestablement établi à
l'égard de certaines races, et n'est-ce pas tout au moins
une loi empirique de leur histoire?
Prenons un seul exemple, le plus intéressant pour nous,
celui des Germains. L'auteur du mémoire affirme, dans
la conclusion de la partie de son œuvre qui se rapporte
à la propriété chez les Germains, qu'à l'époque de
Tacite, ils connaissaient et pratiquaient la propriété privée
même du sol.
Même dans ces termes, la conclusion de l'auteur ne
serait pas décisive contre de Laveleye, car il se pourrait :
1) ou qu'une évolution de la propriété se fût accom-
plie depuis l'époque de César ;
2) ou qu'à l'époque de Tacite, les deux formes de pro-
priété coexistassent, et que ce qui était vrai pour les
567 )
habitations individuellement appropriées, le fût pour
une partie du sol.
Ces deux solutions suffisent à la thèse d'Emile de Lave-
leve; on peut même aller au delà. Les textes de César
sont extrêmement embarrassants pour les adversaires de la
collectivité primitive. Aussi s'applique-t-on, soit à mettre
en doute l'exactitude des observations du vainqueur des
Gaules, soit à le mettre en contradiction avec Tacite. Les
divergences qui existent entre Tacite et César ne sont pas
suffisantes pour légitimer une opposition radicale dans
les conceptions du régime agraire. Ce qui me porte à le
penser, c'est, d'une part, que le système de culture était
resté sensiblement le même, et n'était autre que la forme
la plus extensive de la culture, qui correspond à notre
essartage; ensuite, c'est le texte môme de Tacite :
« Agri pro numéro cultorum ab universis per vices
occupantur, quos mox inter se secundum dignationem
partiuntur : facilitatem partiendi camporum spatia praes-
tanl. Xr\dL per annos mutant et superest ager. »
Tout est dans ce texte. Le système de culture est tou-
jours l'essartage : arva per annos mutant, et il y a une
corrélation profonde entre la propriété et la culture,
comme l'a montré Roscher.
L'occupation est générale; il n'y a pas d'exclusion, bien
qu'il y ait inégalité dans le partage : ab universis... secun-
dum dignationem.
Des terres en abondance restent dans l'indivision,
patrimoine manifeste de la communauté : facilitatem
partiendi camporum spatia praestant... Et superest ager.
C'est si bien le domaine de tous, que Tacite souligne l'inu-
tilité de le partager encore.
L'auteur me paraît avoir interprété ces textes à travers
( 568 )
des idées préconçues. On n'y voit pas même de terme
qui réponde au domaine privé du sol, à la propriété
quiritaire; mais, dussent les deux formes de propriété
avoir coexisté à cette époque, la thèse d'Emile de Lave-
leye, à la fois économique, juridique et morale, n'est-elle
pas empiriquement établie, au moins pour notre race?
III.
L'exposé des théories socialistes embrasse environ cent
cinquante pages, dont une centaine au plus sont consa-
crées au XIXe siècle; pendant que YUtopie de Thomas
Morus compte quinze pages, les œuvres réunies de Saint-
Simon et de son école, de Fourier et de Proudhon en
comptent à peine autant. L'honorable second Commissaire
regrette que l'auteur n'ait pas discuté de plus près le
mutuellisme de Proudhon. A la vérité, il ne paraît l'avoir
discuté ni de près ni de loin. Proudhon a médité pen-
dant un quart de siècle le problème de la propriété et
celui du crédit et de la circulation ; le lecteur était en
droit d'attendre, dans un écrit sur la propriété, au
moins une esquisse du développement des idées ou des
variations doctrinales d'un penseur qui a exercé une
influence si profonde sur son temps; du premier mémoire
de Proudhon sur la propriété à la théorie de la propriété
qui parut après sa morl, la pensée réformatrice de l'écri-
vain socialiste a subi des changements profonds, et il était
assurément intéressant de montrer comment, en mainte-
nant toute sa critique première sur les fondements de la
propriété, Proudhon en était venu à justifier la propriété
du sol dans ses fins, ou, avec plus de précision, dans sa
( 369 )
fonction politique. Il eût été non inoins intéressant devoir
discuter les opinions de Proudhon sur l'intérêt du capital
et le crédit; il y avait place, là, pour des rapprochements
avec les doctrines des théologiens sur l'usure.
Mais pendant que l'auteur s'arrête à rappeler que le
mot célèbre : La propriété, c'est le vol, se retrouve dans
Brissot, dont le livre, que j'ai lu et que l'auteur n'a vrai-
semblablement pas consulté, n'a rien de commun avec
l'œuvre de Proudhon, il ne trouve pas une ligne pour rap-
peler la polémique célèbre de Proudhon avec Fr. Bastiat,
polémique dans laquelle les deux adversaires ont été l'un
et l'autre excessifs, mais qui reste un événement impor-
tant de l'histoire des idées.
L'étude d'hommes comme Owen, Fourier, Saint-Simon
n'est faite que de seconde main, et formée le plus sou-
vent de citations de L. Reybaud; cependant des travaux
considérables ont paru sur ces différentes écoles. On peut
juger avec plus d'impartialité les essais de coopération
mutuelle d'Owen et apprécier si leurs échecs dégagent
bien, comme le dit l'auteur, la nature du travailleur prise
sur le vif (p. 341), ce qui éveille l'idée de causes indé-
fectibles. Les fondements du Droit économique, qui
domine le communisme d'Owen, ont été exposés par l'un
de ses disciples, W. Thompson, avec une puissance intel-
lectuelle peu commune, et c'est à lui qu'il faut demander
l'interprétation des doctrines modernes. Il semble diffi-
cile à l'auteur de ranger Fourier parmi les socialistes, à
moins qu'il ne mérite ce titre par ses attaques contre
l'ordre actuel, contre le mariage, par l'apologie des pas-
sions (p. 353). Il est certain, pour l'auteur, que les socia-
listes modernes sont les adversaires du mariage et les
apologistes des passions, mais Fourier et son école n'ont
' 570 )
jamais cessé de se ranger eux-mêmes parmi les socia-
listes, et il est regrettable qu'au lieu de recueillir quel-
ques détails sur l'organisation du phalanstère, l'auteur
n'ait pas étudié la théorie fouriériste de la propriété, que
V. Considérant a si nettement exposée.
Ce qui m'a frappé le plus dans cette revue des doc-
trines socialistes, ce sont les lacunes vraiment inexpli-
cables qu'elle présente. Dans l'évolution des théories de
la propriété et du collectivisme, la Belgique occupe une
place considérable, ce qui n'a jamais été suffisamment
remarqué et ce que j'exposerai plus complètement à
l'Académie; le collectivisme contemporain procède, en
Belgique, beaucoup plus directement d'un réformateur
belge, de Colins, que des écoles françaises ou allemandes;
le mot collectivisme est une création de l'école môme de
Colins, qui employait en général les termes : propriété
collective, rentrée du sol à la propriété collective. A sa mort,
en 1859, Colins avait publié dix-neuf volumes sur sa
doctrine; ses disciples achèvent aujourd'hui même la
publication de ses manuscrits. En 1848, Louis de Potter,
dans un livre devenu rare et oublié : La réalité démontrée
par le raisonnement des questions sociales sur l'homme, la
famille, la propriété, etc., disait de son ouvrage :
« J'ai puisé ce dont il se compose dans les manuscrits,
les conversations et la correspondance d'un ami qui
refuse de se faire connaître, parce que, dit-il, son nom,
sans autorité sur les esprits, n'ajouterait rien à la force de
la vérité dont le triomphe est son unique but. Pendant
plus de dix ans, j'ai lutté contre la doctrine nouvelle dont
maintenant je me fais le propagateur... » Cet auteur
inconnu n'était autre que Colins lui-même.
( 571 )
II sortit de son obscurité volontaire après le coup d'Étal,
et son premier grand ouvrage, publié en 1854, renferme
sa théorie de la propriété collective, qui diffère de la
doctrine saint-simonienne en ce qu'elle respecte l'héré-
dité en ligne directe et ne reconstitue le domaine collec-
tif que par la réduction des degrés de succession en ligne
collatérale. Aujourd'hui, l'héritier du nom et des aspira-
tions de Louis de Potter, M. Agathon de Potier, poursuit
la vulgarisation et la défense des doctrines auxquelles son
père a donné une adhésion aussi irrésistible; la revue :
La Philosophie de l'Avenir, qu'il dirige, se maintient
a force de sacrifices depuis plus de vingt ans. A peu près
au moment où Colins livrait son nom et son œuvre à la
publicité, un penseur catholique audacieux et vraiment
grand par l'esprit et par le cœur, François Huet, qui pro-
fessa à l'Université de Gand, publia Le règne soeial du
Christianisme, qui renferme une théorie de la propriété
collective; Fr. Huet fut l'un des maîtres d'Emile de Lâve-
leye, et la conclusion de l'ouvrage célèbre sur La Pro-
priété et ses formes primitives, est un rayonnement des
doctrines exposées dans Le règne social du Christianisme.
Pour achever de marquer, enfin, le développement de
cette doctrine en Belgique, c'est en 18G8, à Bruxelles, au
Congrès de l'Association internationale des travailleurs,
que le D' De Paepe présenta un rapport, désormais célèbre,
sur la propriété collective, B. Malon, dans son livre sur
Le socialisme intégral, qualifie de collectivisme interna-
tionaliste l'exposé doctrinal de De Paepe. C'est en faire
connaître la portée, ce n'est pas en faire connaître la
genèse. C'était un effort de synthèse des diverses écoles
socialistes; De Paepe, par la nature même de son esprit,
était porté à ces conceptions synthétiques.
( 57<2 )
Sur cet ensemble de doctrines et sur cette filiation
des idées, il n'est pas une ligne dans l'ouvrage présenté
à l'Académie. Je ne regretterais point un vain étalage
d'érudition, et il est bien évident que tout exposé des
doctrines socialistes présentera toujours quelque lacune;
mais il s'agit ici de conceptions théoriques qui ont
exercé sur le développement du socialisme une influence
profonde, qui non seulement sont l'expression du collec-
tivisme même, sous certaines de ses formes les plus
importantes, mais dont l'omission laisse l'histoire des
idées en Belgique dans une complète obscurité, et rend
peut-être inintelligible l'histoire sociale elle-même qui se
déroule sous nos veux.
IV.
La dernière partie de l'œuvre est consacrée à la réfu-
tation des arguments sur lesquels s'appuient les socialistes et
les collectivistes : c'est le titre même de cette division de
l'ouvrage. La lecture m'en a pénétré d'un profond senti-
ment de tristesse, moins à voir à chaque page l'auteur
s'acharner à l'anéantissement de doctrines où rien ne lui
apparaît que de faux, de funeste, de pervers, de négatif,
qu'à mesurer la distance qui sépare les penseurs mo-
dernes livrés aux plus hautes spéculations de l'esprit, la
difficulté pour les représentants des écoles de s'élever à
cette impartialité sereine qui n'est que le légitime hom-
mage rendu à la recherche sincère de la vérité et de la
justice.
Les arguments principaux du socialisme sont, d'après
( 373 )
l'auteur, au nombre de dix, qu'il classe lui-même, exa-
mine et réfute dans l'ordre suivant :
1° La notion du capital à laquelle la réfutation de
Marx se rattache ;
2° Les maux provenant du capital et des richesses;
5° L'origine attribuée par Marx et par les socialistes au
capitalisme et aux grandes fortunes;
4° La loi d'évolution considérée à l'égard de la société
en général, de la morale et des institutions politiques;
5° La loi d'airain du salaire et la disparition de la
petite propriété ;
0° L'opinion des Pères de l'Église;
7° L'Évangile, les actes des apôtres et les commu-
nautés religieuses ;
8° La richesse et le patrimoine commun de l'huma-
nité;
9° L'obligation pour tous de travailler;
10° Le droit au travail.
Il suffirait du peu d'ordre dans lequel les arguments
sont développés pour douter, dès le début, que l'auteur ait
saisi les grandes lignes de l'évolution des doctrines et le
caractère organique du socialisme moderne.
Ici, les lacunes manifestes sont considérables. L'auteur
n'apprécie ni la critique des lois naturelles en économie
politique, celle du laisser-faire proposée par le socia-
lisme, ni la psychologie économique, la conception orga-
nique de la liberté et des fonctions de l'État qui lui
servent de fondement.
On eût dû s'attendre à voir l'auteur, dans un livre sur
la propriété, embrasser la théorie de la rente foncière
sous tous ses aspects et discuter la légitimité de son
appropriation par le propriétaire du sol. On peut dire
( 574 )
que depuis Ricardo, à travers le pessimisme de son école,
el l'optimisme de Bastiat et de Carey, cette théorie
domine toutes les conceptions de la propriété, et l'une
des solutions du problème de la propriété a été recher-
chée dans une action systématique sur la rente foncière.
Proudhon, comme Mill, comme Henry Georges ou Achille
Loria, sous des formes bien différentes et à des degrés
divers, caractérisent cette direction de la pensée réfor-
matrice ; et comme expressions radicales de la propriété
transformée dans des directions distinctes, on voit dans
le socialisme, d'une part, la propriété privée subsister
sans l'appropriation individuelle de la rente, de l'autre,
la propriété collective du sol se constituer avec sociali-
sation de la rente. C'est la différenciation fondamentale
des plans socialistes, avec des modalités nombreuses et
graduées. L'auteur n'a fait aucun exposé critique des
théories de la rente.
Assurément, la baisse de la rente foncière chez les
nations de l'Occident est indéniable; mais l'importance
théorique de la question subsiste, et la théorie doit
s'éclairer de l'évolution antérieure de la rente. L'auteur
trouverait-il dans les travaux agronomiques de de Lave-
leye, ou dans ceux de Piret, l'explication des accrois-
sements de la rente foncière en Belgique par l'action
prépondérante des propriétaires du sol, qu'il admet en
puisant ses matériaux en France (troisième argument) ?
L'auteur, après s'être appliqué consciencieusement,
dans la seconde partie de son livre, à l'analyse du Capital
de Marx, le critique dans la troisième (premier argument).
C'est à tort, à mon avis, qu'il dénie aux doctrines de Marx
toute originalité, alors surtout qu'il ne signale même pas
comme ses prédécesseurs, Rodbertus el Thompson. Je
( 575 )
crois qu'il Tant rendre à Marx une plus large part d'ori-
ginalité que Menger ne l'admet. Je nie borne à renvoyer
sur ce point à mon étude sur Thompson et à mes obser-
vations sur Menger.
La théorie de la plus-value est un aspect particulier de
la théorie de la valeur hasée sur le travail. On ne peut les
séparer. Deux courants socialistes se rattachent réelle-
ment à Smith et à Ricardo : la théorie d'après laquelle le
travail est la cause essentielle de la valeur d'échange, a été
transportée dans le domaine du Droit économique, et l'on a
soutenu que ceux qui engendrent la valeur du produit par
leur travail, doivent recueillir le produit intégral de leur
travail; mais les uns, comme les saint-simoniens, comme
Proudhon, comme Owen et Thompson, voient dans la
rente et l'intérêt des prélèvements sur le travail ; Marx fait
la distinction de la force de travail que le capitaliste
achète pour la quantité de travail que son entretien coûte,
et du travail incorporé au produit par l'application de
cette force de travail ; elle produit une valeur supérieure à
sa propre valeur d'échange. De là, la plus-value. Pour cri-
tiquer Karl Marx, l'auteur revient à la notion du capital
et à sa fonction dans la production, et il considère les
rapports du capitaliste individuel avec le travailleur
individuel dans le contrat de travail : la séparation
initiale de deux personnes juridiques, correspondant au
travail et au capital, étant admise, la nécessité du concours
du capital dans la production étant évidente, la participa-
tion légitime de l'entrepreneur capitaliste à la plus-value
en est la conséquence nécessaire. C'est ce qu'admettait
même Proudhon dans son débat avec Bastiat. Mais pour
apprécier l'œuvre de Marx, il faut se placer à un point de
vue social historique; on ne comprendrait pas l'influence
de cette œuvre s'il s'était borné à dissimuler le rôle du
( 876)
capital dans la production. Marx n'a pas eu, d'ailleurs,
cette dissimulation; un rappel aux éléments de l'économie
politique ne suffît pas pour en triompher (4).
Nul écrivain plus que Marx ne doit être jugé, critiqué
au point de vue social et historique. Ce qu'il étudie dans
son livre sur le capital, c'est une phase de l'évolution éco-
nomique et sociale des nations, et ce qui caractérise cette
phase, c'est la distinction de deux classes : l'une qui
monopolise les moyens de production, l'autre, celle des
travailleurs, qui, soustraite au servage, est libre de con-
tracter, mais qui n'a d'autre bien que sa force de travail.
Ces conditions initiales d'inégalité étant données, le
moteur de l'intérêt stimulant les forces en présence, ce
qu'il faut étudier, c'est la succession des phénomènes
qui caractérisent une telle phase et le terme auquel elle
aboutit. Comment s'est établie originairement cette sépa-
ration radicale du travail et du capital, c'est là un pro-
blème historique que Marx a tenté d'éclaircir par
l'exemple de l'Angleterre, mais ce troisième soi-disant
argument du socialisme d'après l'auteur du mémoire, n'a
qu'un intérêt historique; nul n'oserait songera légitimer
des réformes sociales profondes par des considérations
autres que celles qui dérivent de l'état social présent et de
1 L'auteur dirige contre Marx, au sujet de la formation du capital,
des critiques aussi hasardées que celle-ci : « Marx attribue la forma-
tion du capital à la plus-value; avec une telle théorie, jamais il n'y
aurait eu de capital. En effet, les bâtiments, les machines, les
matières premières, etc., qui constituent le premier capital, préexistent
à la plus-value, au travail des ouvriers (p. 4oG;. » Il faut bien recon-
naître cependant que les bâtiments, les machines sont le produit
d'un travail antérieur, et qu'aucune épargne de ces éléments du
capital n'a pu se faire que sur l'excédent disponible d'un produit net,
après déduction de l'entretien de la force de travail, toute question
d'appropriation de la plus-value étant d'ailleurs réservée.
( 577 )
ses tendances : quelle que soit l'origine de la séparation,
c'est révolution soeiale qu'il importe de considérer.
D'après Marx, l'organisme capitaliste obéit à une loi
de concentration successive que la concurrence détermine,
par la ruine et la résorption des entreprises les plus fai-
bles; cette concentration s'accompagne d'une combinai-
son de plus en plus étroite des forces de travail et d'une
application de plus en plus parfaite des moyens de pro-
duction. Ce sont ces forces associées, combinées par le
capitalisme même en vue de la production, qui prendront
finalement possession d'elles-mêmes, et quand le proces-
sus de concentration capitaliste sera arrivé à son apogée,
brisant à leur tour cette structure historique vieillie,
substitueront un organisme nouveau à l'organisme capita-
liste. La théorie de la plus-value n'est qu'un mode
d'interprétation de la répartition des richesses qui s'opère
dans un tel processus. On pourrait reprocher à Marx de
considérer pendant toute cette évolution l'infériorité du
travail dans la lutte comme toujours absolument indéfec-
tible, d'avoir exagéré les inégalités de la répartition,
d'avoir donné à l'évolution le caractère d'un sombre
fatalisme, d'avoir fait abstraction de l'hypothèse d'une
association graduelle du capital et du travail, conjurant
cette transformation radicale, brusque ou peut-être vio-
lente, qui apparaît au terme du processus. Mais les ten-
dances de l'évolution capitaliste ne sont pas moins le
problème extraordinaire qui se dresse devant nous.
L'auteur du mémoire conteste, contre Marx, que les
crises périodiques, entraînant les fluctuations redoutables
d'une surpopulation relative, accompagnent notre évolu-
tion moderne. Je n'ai pas cet optimisme. J'ai interrogé
avec conscience l'histoire de la dépression actuelle dans
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 38
( 578
un livre sur L'histoire des prix et j'ai reconnu la large
part de vérité qu'il faut attribuer aux théories de Marx.
Toutes les écoles socialistes et réformatrices interrogent
avec anxiété l'avenir des sociétés industrielles, qu'elles
se préparent à un déchirement final et à une transforma-
tion radicale et brusque, ou qu'elles recherchent les
conditions d'une réalisation progressive de l'union du
capital et du travail, comme je m'y attache moi-même de
toutes mes forces. C'est précisément cette unité finale,
jugée nécessaire et générale, ce sont les conditions
morales et juridiques de sa stabilité et de son universa-
lité qui sont l'âme des plans socialistes.
Cependant, l'auteur du mémoire ne paraît pas avoir
cette vision ni cette préoccupation poignante du problème
social, et pour en juger, il suffit de citer les dernières
lignes qu'il consacre à Marx :
« Mais, objectent encore certains socialistes, la majo-
rité des hommes ne peut avoir de capital.
» Cela prouve-t-il que ceux qui peuvent en former un
par leur travail et par l'heureuse chance même commet-
tent une injustice? Que ceux qui héritent du capital
légitimement acquis par leur père commettent un vol?
» Combien de musiciens s'élèvent à la hauteur de Bee-
thoven et de Wagner? Combien de peintres ont égalé
Rubens? Combien de poètes ont l'imagination de Victor
Hugo? Etc.
» Qu'importe que les capitalistes soient en minorité dans
le inonde? Si leur capital a été acquis légitimement, on
doit le respecter, c'est leur propriété, car la propriété,
nous l'avons démontré, est un droit naturel. »
Qu'importe? dit l'auteur; mais cela importe tant que
c'est le problème social tout entier. Nul ne peut songer
à dépouiller !e capitaliste ni le propriétaire; là, l'auteur
( S79 )
a raison; mais tout socialiste, qu'il appartienne à l'école
de Marx ou à toute autre école, se préoccupe des destinées
d'un état social marqué par la division des intérêts et dos
classes, par la concentration des entreprises qu'accepte
aussi allègrement l'auteur. De Laveleye, qui n'est pas assu-
rément suspect de marxisme, a rendu celle universelle pré-
occupation des esprits les plus clairvoyants du siècle : « Tôt
ou tard, la situation économique étant à peu près partout
la même, partout l'hostilité des classes mettra la liberté
en péril, et plus la propriété sera concentrée et le con-
traste entre les riches et les pauvres marqué, plus la
société sera menacée de bouleversements profonds. Ou
l'égalité s'établira, ou les institutions libres disparaî-
tront. » Dans ces graves prédictions, de Laveleye n'est-il
pas à la fois l'interprète de l'histoire et l'organe de la
raison et de la justice ?
Les huitième, neuvième, dixième arguments me sug-
gèrent les observations suivantes :
Ce qui caractérise toutes les écoles socialistes dignes
de ce nom, c'est qu'elles rattachent leurs doctrines à une
conception de l'évolution historique qu'elles prolongent
dans une certaine direction idéale : chacune d'elles légi-
time sa direction idéale par la critique plus ou moins
profonde de l'état social présent ; de Saint-Simon,
d'Owen, de Fourier à Karl Marx, leur tendance géné-
rale est de faire dériver des institutions historiques,
modifiables, transformables, les maux des classes déshé-
ritées et l'inégalité des conditions, au moins dans une
large mesure. Elles réagissent par là contre les doctrines
proposées surtout par Ricardo et Malthus, qui les font
dériver directement de la nature immuable des choses ou
de celle de l'homme. C'est de la critique d'un état social
jugé modifiable qu'elles déduisent les principes dirigeants
( S80 )
d'un Droit économique nouveau, plus ou moins rigoureu-
sement adapté à l'état moral actuel de l'homme. Quoi que
l'on pense du socialisme, la critique scientifique impar-
tiale doit reconnaître, comme elle le fait surtout en
Allemagne, qu'il a puissamment agi sur la relativité des
conceptions de la science, qu'il a, plus que toute autre
école, développé le côté éthico-juridique des problèmes
sociaux, en élargissant sans cesse le droit au profit des
classes pauvres, et par un retour de la morale sociale sur
les laits de richesse, qu'il a largement contribué à la
constitution et au progrès de la science sociale théorique
et pratique.
Le socialisme et le collectivisme, considérés dans leur
expression synthétique et dégagés des empreintes par-
ticulières des écoles, apparaissent comme un ensemble de
directions abstraites de la pensée réformatrice : ces ten-
dances maîtresses sont comme la trame sur laquelle on
s'efforcera de tisser successivement les formes d'un droit
pénétré de solidarité et qui sont destinées à se substituer
à celles qui actuellement protègent, stimulent, règlent,
harmonisent les activités humaines. La tendance à effacer
toute distinction entre une classe détentrice du sol et des
instruments collectifs de travail et une autre classe n'ayant
d'autre bien que sa force de travail ; la tendance corréla-
tive à éliminer les inégalités d'origine historique, d'in-
stitution humaine, dans les conditions d'existence et de
développement, et à en empêcher le retour par les insti-
tutions nouvelles du Droit économique et de la propriété;
parallèlement à l'élimination de la distinction des classes,
la tendance à ramener toutes les branches du revenu au
seul revenu du travail, la tendance à considérer les
sociétés humaines comme des organismes supérieurs, des
existences collectives, dont les fonctions et les organes
( 581 )
peuvent être portés au plus haut degré «le coordination
harmonique et réaliser par là progressivement un équi-
libre stable et juste dans les conditions de la vie col-
lective; la conception corrélative de l'État, des fonctions
de justice positive qu'il remplit, à l'opposé de la pure
justice négative que lui confiait Adam Smith; la tendance
à assurer finalement une participation permanente de tous
aux bienfaits de la civilisation, et à se rapprocher de
l'égalité réelle des conditions; tout ce faisceau de direc-
tions de la pensée réformatrice constitue les lignes
maîtresses du socialisme abstrait, en dehors de toute
école, et exprimer le résultat d'une élaboration collective
pendant le cours de l'un des siècles les plus tourmentés
de l'histoire.
On a pu même, dans des travaux critiques vraiment
profonds sur le socialisme, comme ceux de l'illustre
Anton Menger, ramener à quelques formules le droit
idéal qu'il poursuit au XIXe siècle : le droit à l'existence1,
le droit au travail, le droit à l'intégralité du produit de
son travail. L'utopiste seul peut tenter de donner à ces
formules une expression actuelle, immédiate, concrète,
définitive : pour l'esprit positif, elles ne peuvent se tra-
duire que par un vaste ensemble de réformes qui se
dérouleront dans le temps. C'est à ce point de vue qu'il
faut se placer pour s'élever à la large compréhension des
doctrines et des faits, des institutions qui sont la pro-
jection des doctrines.
C'est ainsi qu'il faut juger le droit au travail. C'est le
dixième argument de l'auteur. Tl réfute vigoureusement
ce droit en citant quelques pages de Thiers. Thiers était
peu fait pour les inductions historiques profondes. La
critique impartiale prochaine verra dans le système des
assurances ouvrières contre la maladie, les accidents,
( o82 )
l'invalidité, la vieillesse, le chômage, dans l'organisation
des syndicats, dans celle du marché du travail, de rensei-
gnement professionnel, daus la limitation des heures de
travail, les ateliers de chômage, l'organisation des travaux
publics, la reconstitution graduelle des domaines collec-
tifs, communaux, nationaux, comme les premiers élé-
ments d'un vaste système de garanties nationales et
internationales coordonnées dans une direction uniforme,
qui s'étendront, au profit des travailleurs, depuis ces
institutions jusqu'à la réalisation bien plus complexe, de
l'équilibre de la production et de la consommation dans
l'économie mondiale par la convergence des efforts des
nations, jusqu'à l'organisation internationale de la colo-
nisation du monde. Toutes les réformes de cet ordre,
qu'aucun penseur ne peut énumérer dès aujourd'hui, à
mesure qu'elles acquerront une étendue et une cohésion
suffisantes et qu'elles seront saisies dans leur unité, se
réfléchiront de plus en plus nettement sur l'individu comme
une expression synthétique, positive, du contenu du droit à
l'existence et du droit au travail.
C'est ainsi qu'il faut interpréter, je pense, les anticipa-
tions de l'idéal socialiste qui agit avec la puissance et la
continuité d'action de l'idée-force sur la direction des
réformes.
Le huitième argument appelle des observations du
même ordre.
L'auteur a recueilli chez un écrivain socialiste ou dans
les résolutions d'un congrès, cette formule : « La richesse
est le patrimoine commun de l'humanité. »
Cette formule, qui n'appartient rigoureusement à aucune
école, ne renferme rien de déterminable ici qui ne se rap-
porte au droit à l'existence ou au droit au travail.
Si elle embrasse les richesses naturelles et les richesses
( 585 )
produites, elle ne peut trouver d'application que dans
une société communiste. Hors de là, l'auteur objecte avec
raison qu'il y aurait atteinte aux droits du travail : « Un
avocat qui réclame 10,001) lianes d'honoraires pour un
procès très important commettrait alors une injustice,
un vol. » Mais cet avocat, dans une société communiste,
plaiderait selon ses aptitudes et serait rémunéré selon ses
besoins. 11 aurait lui-même accepté une règle qui ne
proportionne pas la rémunération au travail. Ou bien
cette formule s'applique aux richesses naturelles qui pré-
existent au travail humain, et la réfutation de l'auteur,
souvent reproduite dans son livre, ne sulïit pas. « C'est
que, dit-il, si la formule socialiste est vraie, il faut logique-
ment réunir en congrès international tous les peuples de
l'univers. » A cela il faudrait répondre que la constitution
de l'humanité est l'œuvre lente et tardive de l'histoire,
que jusqu'ici l'aménagement du globe par une entente
des nations est à peine ébauché, que le particularisme,
l'égoïsme national y forme encore un invincible obstacle,
que la législation nationale doit précéder historiquement
les conventions internationales, et que la réalisation de
la justice est nécessairement graduelle.
La loi d'airain du salaire (sixième argument) n'est pas
une création socialiste : elle appartient à Turgot, à
Necker et aux disciples étroits de Ricardo, sinon à
Rieardo lui-même. Cependant, elle a été reproduite par
Sismondi, Rodbertus, Lassalle, Pierre Leroux, en s'in-
spirant directement des faits observés par eux. C'est à tort
que l'auteur la considère comme une partie intégrante du
socialisme contemporain, car elle a eu pour principaux
critiques les socialistes eux-mêmes. La traduction fran-
çaise de Capital et Travail (1881) de Lassalle, par Eugène
Monti, est précédée d'une introduction du Dr C. De Paepe
( S»* )
qui renferme la réfutation même de la loi d'airain des
salaires.
Des sectaires étroits et des esprits portés à généraliser
des phénomènes particuliers peuvent encore se rattacher
à cette théorie désespérante, mais elle est désormais
condamnée par l'observation, comme je me suis appliqué
à le démontrer moi-même. (Voir La dépression écono-
mique.)
Le sombre fatalisme qu'elle répandait sur l'état social
moderne se dissipe ainsi aux lumières de la critique
scientifique. L'auteur a raison de rassembler dans des
tableaux étendus et intéressants la preuve de l'accroisse-
ment des salaires dans le cours du siècle : on ne peut trop
élucider de telles questions, ni trop complètement dissi-
per des erreurs pessimistes. Mais si la part absolue du
travail salarié dans le partage des richesses n'est pas
réduite à un minimum inflexible, si elle tend à s'accroi-
tre, sa part relative, sa part proportionnelle dans la masse
tend-elle à s'élever de plus en plus, et la direction écono-
mique des sociétés est-elle spontanément dans le sens
d'une approximation progressive de l'égalité des condi-
tions et de la fusion des classes ?
C'est là l'un des aspects dynamiques les plus impor-
tants du problème social, car il exprime l'allure sponta-
née des sociétés économiques basées sur la propriété»
individuelle. On peut dire que des socialistes vraiment
puissants, comme Rodbertus, dont l'auteur ne parle pas
dans sa revue des doctrines, ont porté sur cette loi histo-
rique toutes leurs préoccupations théoriques et pratiques.
Comme Rodbertus, Pierre Leroux, Colins et son école,
Lassalle ont, dans des formules différentes, exprimé la
même tendance historique : que la pari relative du travail
dans la répartition des richesses tend à décroître. A l'opposé
( 585 )
de cette conception pessimiste <le l'histoire, les théori-
ciens optimistes, comme Carey, Bastial et ses disciples,
ont soutenu que la part absolue et la part relative du
travail dans le produit collectif tendent indéfiniment à
s'accroître. L'avenir tend ainsi, selon les inductions his-
toriques, à s'assombrir ou à s'éclaircir. Dans ces essais
de dynamique sociale, les socialistes n'ont pas été isolés.
C'est ainsi qu'un économiste illustre, Cairnes, a dégagé
cette même tendance! historique des doctrines de Ricardo,
et des économistes orthodoxes, comme de Molinari, n'ont
pas hésité à reconnaître que les travailleurs placés dans
des conditions inégales de lutte n'ont pas participé dans
la même mesure que la classe des entrepreneurs-capita-
listes-propriétaires à 1 accroissement des richesses, et tout
récemment, un économiste indépendant, M. A. Coste,
a montré dans la mobilité et l'exportation croissante des
capitaux, une cause générale, puissante et persistante de
cette inégalité de répartition.
On est aisément entraîné dans l'optimisme, comme je
l'ai montré, quand on s'abstient d'interroger de près
les matériaux statistiques accumulés qui se rapportent à
d'aussi graves problèmes. Leur étude m'a révélé que la
réalité s'éloigne à la fois de l'optimisme et du pessi-
misme. (Voir La r/épression économique.) Mais l'égalité no
se fera pas d'elle-même (1).
On comprendra mieux la portée de mes observations
1 L'auteur a des élans d'optimisme comme celui-ci : « Grâce à la
propriété du sol, à l'amour du paysan pour sa terre, les grains
s'entassent sur nos marchés ; c'est une crise d'abondance : les prix des
céréales ont baissé considérablement; bien que leur salaire ait
augmenté, les ouvriers agricoles désertent la campagne. Et l'on pré-
tendrait qu'il n'y a pas assez de terres (p. 123;. » Voilà une interpré-
tation de la crise qui dissipe toute inquiétude.
( 586 )
si nous considérons les chapitres consacrés par l'auteur à
la loi d'évolution. L'auteur n'admet l'évolution qu'en tant
qu'elle est conçue comme déroulant le contenu primitif
d'un phénomène ; il la rejette en tant qu'elle peut
aboutir à une transformation complète du phénomène
originaire. Il admet qu'une même idée, une même per-
sonne, une même doctrine évolue, parcoure les diffé-
rentes phases de son développement, mais sans changer de
nature. Ou cette théorie n'a pas de sens, ou elle aboutit
à la négation de la mutabilité des espèces en biologie,
comme elle aboutit à la négation de la transformation
possible de certaines institutions. L'application de ces
idées à la science montre à quel point ce penseur sincère
est dominé par la déduction. « L'évolution de la science
a de l'analogie avec la précédente : les axiomes, les pre-
miers principes, les lois constituées qui en sont la base
ne varient pas, quoique l'étude, l'observation, l'expé-
rience étendent les conquêtes et le domaine de chaque
branche de la science. » Assurément, les lois des phéno-
mènes ne changent pas et, une fois découvertes, elles
permettent de nombreuses déductions; mais dans l'évo-
lution de l'esprit humain, la conception des lois s'élève
successivement des formes les plus étroites des lois empi-
riques à des degrés de généralité supérieure; la loi de
gravitation de Newton n'a été conçue qu'après les lois de
Kepler, la loi de conservation de l'énergie, qu'après les
lois des différents modes d'énergie physique.
Que pourrais-je dire ici de la conception de l'évolution
morale de l'auteur, qui ne m'inspirât le regret d'offenser
des croyances respectables, alors même que la philoso-
phie que je sers est livrée par lui aux derniers outrages?
L'auteur enchaîne la morale à l'absolu et la subordonne
à la religion, il flétrit toutes les formes de la philosophie
( 387 )
morale indépendante, qu'il accuse de déchaîner toutes les
convoitises et toutes les passions. Je me borne, pour ne
pas oublier que je suis juge, à réserver les droits de la
science inorale et ;i renvoyer au dernier historien des
systèmes de morale, M. Alfred Fouillée, qui démontre
que l'indépendance de la morale à l'égard de la religion
est une acquisition définitive de la science.
Il me suffira d'un trait, à l'égard de la morale, pour
mettre en garde l'auteur contre la facilité à accueillir les
imputations les plus graves contre le socialisme.
Il a consacré vingt pages, plus que ce qu'il a donné à
la théorie de l'évolution sous tous ses aspects, à dégager
les Pères de l'Église de toute solidarité socialiste, en
discutant, en rapprochant avec le plus grand soin les
textes qu'ont invoqués Laurent et de Laveleye pour
leur attribuer des idées communistes. Rien assurément
de plus légitime. Mais, page 548, il n'hésite pas à dire, à
propos de la famille, que « toutes les législations en con-
sacrent et en protègent les liens. Les collectivistes s'en
indiquent, la plupart d'entre eux prêchent l'amour libre ».
Et il cite en note un texte de Malon. Voici ce que cite
l'auteur : « Tous les socialistes, dit Malon, admettent
que les unions de l'avenir doivent être fondées sur le
choix libre et être résiliables quand le sentiment qui les
inspira n'existe plus. »
Pour avoir l'intelligence de la pensée de Malon, il faut
reproduire les lignes qui précèdent et celles qui suivent :
« Les socialistes des partis ouvriers, dit-il, sont tous
partisans de l'émancipation de la femme, de l'entretien
et de l'éducation des enfants par la commune ou par
l'État. Ils diffèrent sur le point de savoir si les unions de
l'avenir seront ou non consacrées par la loi : mais tous
admettent qu'elles doivent être fondées sur le libre choix
( 588 ;
affectif et être résiliables quandj le sentiment qui les
inspira n'existe plus. Compte tenu, bien entendu, des
devoirs moraux contractés vis-à-vis de l'autre conjoint,
si soi seul on's'est détaché, et vis-à-vis des enfants. Ce sont
là questions complexes, que l'amélioration morale, le
développement intellectuel des contractants et l'har-
monisation de leurs sentiments affectifs pourront seuls
complètement résoudre. » (Socialisme intégral, p. 372.)
Il est évident, pour quiconque interroge avec impar-
tialité les textes, que l'auteur confond à tort l'amour libre
avec Yunion libre, le déchaînement des passions sans
règle avec la règle purement contractuelle et conçue
comme inséparable du sentiment affectif lui-même, le
mariage sans affection réciproque étant considéré comme
immoral. Il est non moins évident que les socialistes du
parti ouvrier sont divisés sur l'intervention de la loi.
Mais la question dominante est de savoir si le socialisme,
comme l'une des directions intellectuelles du XIXe siècle,
mène à l'abolition du mariage ou à sa consolidation. II
est évident d'abord que, par là même qu'il tend à amé-
liorer les conditions matérielles de la vie, il doit anéan-
tir l'action d'un grand nombre de facteurs qui concourent
aujourd'hui à la dissolution de la famille et à la déprava-
tion des mœurs par l'exploitation facile de la misère
des femmes. Des théoriciens socialistes téméraires diri-
geassent-ils contre le mariage les attaques les plus
insensées, l'influence économique du socialisme ne con-
courrait pas moins puissamment à rétablir les conditions
économiques d'équilibre propres à la stabilité du mariage.
Mais les théoriciens du socialisme eux-mêmes ont-ils
poussé à sa dissolution? Les communistes des écoles
les plus différentes, Owen comme Cabet, se sont tous
prononcés énergiquement pour la monogamie et ont eon-
( 589 )
damné la promiscuité. L'école saint-simonienne n'a
jamais défendu d'autre principe que l'égalité de l'homme
et de la femme dans le mariage. C'est ce que des adver-
saires du socialisme, comme M. I'. Janet, ont reconnu et
établi. Quand le Père Enfantin voulut faire accueillir ses
idées funestes sur la liberté des amours, il souleva la
réprobation et provoqua un déchirement décisif au sein
de l'école, et les plus illustres disciples du maître, comme
Bazard et Rodrigues, comme J. Reynaud et Pierre
Leroux, se retirèrent.
J'ai sous les yeux en ce moment le procès-verbal peu
connu de cette séance mémorable de la famille saint-
simonienne. Ch. Fourier, après Enfantin, et malgré son
génie, s'abandonna à des aberrations phanérogamiques,
mais l'un et l'autre ne rencontrèrent nulle part de juges
plus redoutables que dans le socialisme même : Pierre
Leroux accabla Fourier dans ses Lettres sur le fouriérisme,
et Proudhon fut implacable pour Enfantin. Proudhon
a vu dans le mariage, non seulement un contrat privé,
mais un contrat social, et placé la justice au-dessus et au
delà de l'amour ; il tend à la fixité croissante, comme
Auguste Comte, ce qui est pour moi, avec l'égalité des
époux, la conception vraie du mariage moderne.
Plus récemment, Bebel a eu soin de déclarer que ses
doctrines lui sont personnelles. Ce qui reste de constant
dans l'évolution des doctrines socialistes, en fait et en
droit, c'est la consécration de plus en plus décisive de
l'égalité de l'homme et de la femme dans le mariage,
qui tend à devenir un contrat entre des dignités morales
et des personnalités juridiques égales, et qui restent
égales. L'histoire dira s'il y a là un progrès moral.
Les observations de l'auteur sur l'évolution politique
touchent aux plus graves problèmes. L'auteur condamne
( 590 )
l'idée que l'égalité économique soit une déduction légi-
time de l'égalité civile et politique. 11 faut voir ici non
une déduction de cette nature, mais une tendance géné-
rale à éliminer toutes les causes quelconques d'inégalité
d'institution sociale; elle est constante à la fin de ce
siècle, elle fut moins apparente au début, dépendant, la
première école socialiste, l'école saint-simonienne, n'a,
en poursuivant la suppression de l'héritage direct, fait
que prolonger, au fond, le mouvement abolitif de tous les
privilèges : son mode de sol til ion absolue est condam-
nable, mais sa signification historique est indéniable et
grande.
L'auteur s'arrête à une solution du problème de l'iné-
galité dont il puise les éléments dans sa foi. Pour lui,
l'inégalité des conditions a pour source primitive l'inégalité
des facultés et des talents. Ces inégalités sont voulues par
Dieu et les rémunérations ultra-terrestres en sont la com-
pensation éternelle. Il revient à diverses reprises sur cette
doctrine.
La science n'a pas à franchir les limites du domaine de
l'inconnaissable, ni à chercher dans l'absolu la justifica-
tion finale des inégalités jugées inhérentes à la nature
humaine. Dans son existence terrestre, la seule dont les
lois lui soient accessibles, l'humanité doit poursuivre la
réalisation graduelle de la justice, et son œuvre ne sera
accomplie que lorsque toutes les causes d'inégalité que
les institutions sociales ont fait naître seront éliminées par
des institutions supérieures. Ce sera l'œuvre des généra-
tions : il est redoutable et très peu scientifique de chercher
au sein de notre état social, dans l'inégalité des aptitudes
et des capacités des hommes, la justification dernière de
l'inégalité des conditions.
Dans un débat récent et plein de grandeur sur la divi-
594 )
sion du travail au point de vue historique, M. Karl
Bûcher a montré, au contraire, contre M. Schmoller,
l'influence énorme que l'inégalité des conditions exerce
sur la répartition des travaux dans la société humaine et
sur le développement des individus. 11 a, par là seul,
soustrait les membres de la communauté à une sorte de
prédestination désolante, dérivant de la nature, et déroulé
le champ des réformes qui s'ouvre devant nous, dans
notre effort incessant vers l'égalité.
La conception de l'évolution sociale chez l'auteur
résiste à la transformation de certaines institutions, irré-
ductibles d'après lui, et qui sont de droit naturel, c'est-à-
dire d'un droit invariable, immuable, absolu. Tel est le
régime du salaire.
Il n'est pas une seule théorie socialiste qui ne tende à
la transformation radicale du salariat; c'est à l'école
saint-simonienne qu'appartient cette sériation histo-
rique : esclavage, servage, salariat, association, qui se
retrouve désormais dans tous les systèmes, quels qu'ils
soient. Les économistes eux-mêmes, comme Ch. Gide
par exemple, tendent à cette transformation radicale.
Mais, d'après l'auteur, et sur la foi de M. d'Haussonville,
qu'il cite, l'évolution progressive nécessaire ne va pas
au delà de l'abolition de l'esclavage. Le contrat du sala-
riat, commun aux civilisations les plus diverses, est de
droit naturel, et ce qui est de droit naturel ne disparaît
pas. Il dit du droit romain qu'il en caractérise bien la
nature par les mots : do ut facias. Dans la réalité, le
droit romain n'a fait du contrat du salaire qu'une vente
de travail, il en a méconnu l'élément supérieur qui s'y
introduit aujourd'hui, et d'après lequel ce contrat, où le
travailleur s'engage tout entier, physiquement, intellec-
tuellement, moralement, a cessé d'être une vente. Les
( 592 )
garanties dont la législation moderne entoure le travail-
leur sont d'un droit historique bien supérieur au droit
romain.
Il faudrait quelque chose de plus que le droit romain et
le témoignage de M. d'Haussonville pour fixer les bornes
d'une évolution, pour glacer les aspirations les plus
élevées de la classe des travailleurs. « Peut-être, dit
l'auteur avec M. d'Haussonville, trouvera-t-on d'ingénieuses
combinaisons qui associeront les travailleurs aux prolits
éventuels du capital, mais vouloir supprimer les condi-
tions, c'est s'épuiser en vain contre la nature des choses. »
Ainsi, tendre à supprimer les conditions, c'est-à-dire
l'inégalité, c'est se heurter à l'impossible.
Les seuls progrès de la théorie du salaire se dressent
contre cet arrêt. Le peut-être et les ingénieuses combinai-
sons dont parle M. d'Haussonville ne sont à ses yeux que
des inventions de l'esprit philanthropique ; malgré leur
mérite, elles ne sont rien devant les voies larges et déci-
dément humaines que la théorie du salaire nous offre.
L'antique théorie d'après laquelle le fonds des salaires
n'était qu'une partie prédéterminée du capital, la wages
fund theory que Mill avait soutenue lui-même, est
ruinée aujourd'hui, et c'est Mill qui lui a porté le coup de
grâce.
Seule, elle répondait rigoureusement au soi-disant
droit naturel des Romains et à la formule do ut facias au
sens étroit. Aujourd'hui le vrai fonds des salaires, c'est le
produit du travail même; le véritable objet du contrat,
c'est le partage de ce produit; la véritable nature du con-
trat sera demain l'association. Cette conception nouvelle
et désormais indestructible du fonds des salaires implique
au moins des formes préparatoires d'entente des entre-
preneurs capitalistes et des groupes ouvriers. Elle
( 593 )
s'adapte à des organes supérieurs, l'union professionnelle
et le conseil de conciliation qui la couronne; et grâce à
elle, par elle, le salariat, d'individuel, devient au moins en
partie collectif, et prépare des formes plus parfaites; ce
qui n'est pas naturel aujourd'hui dans le régime du con-
trat de travail, c'est la survivance générale de cette
forme étroitement individualiste, par laquelle se révèle
l'infériorité du salariat moderne, et l'absence générale
d'intérêt de l'ouvrier dans le résultat final de la production.
Ce qui serait naturel dans le large sens du mot, c'est-à-
dire ce qui correspondrait à nos doctrines modernes les
plus solides, comme aux aspirations les plus nobles, ce
serait la généralisation rapide de ces institutions con-
ciliatrices, de ces contrats collectifs qui ne font que pré-
parer eux-mêmes une organisation du travail supérieure
et l'abolition finale du salariat. Il est nécessaire que de
telles vérités, — car je les tiens pour vérités, — soient
affirmées au sein d'un corps qui, placé au-dessus des
passions, peut éclairer les intérêts de toutes les lumières
de la science et conjurer cette issue funeste, ce déchire-
ment final que Karl Marx fait redouter au terme de l'évo-
lution capitaliste.
Je ne discuterai pas la dernière partie du mémoire,
que l'auteur intitule : Critique du collectivisme intégral,
critique contractée en quelques pages passionnées. Je me
borne à citer un seul fait. L'auteur voit dans les journées
de juin 18i8 une confirmation de ses thèses. 11 met au
compte du socialisme les ateliers nationaux dont la
brusque fermeture a été la cause immédiate de l'insur-
rection. « Comme on les avait vantés, dit-il, comme on
les avait désirés : ils devaient être le remède, le grand
5rae SÉRIE, TOME XXXII. 59
( 594 )
remède aux maux du peuple! » Louis Blanc a démontré
à satiété que la Commission du Luxembourg et le socia-
lisme ont été étrangers à cet expédient fatal. Quant à la
répression de ce mouvement, ce n'est pas, comme le dit
l'auteur, de la nécessité du respect de l'autorité qu'elle
témoigne, c'est de la nécessité de réformes à la fois pro-
fondes et positives, conçues dans un large esprit de con-
ciliation.
J'arrête ici ces considérations déjà beaucoup trop éten-
dues. Que l'Académie me le pardonne, je me sens
entraîné par la préoccupation dominante de franchir
pacifiquement la transition sociale actuelle. Si mes cri-
tiques renferment quelque amertume, elles ont là leur
explication et non dans la méconnaissance des intentions
d'un écrivain digne sans doute de la plus profonde
estime. Pendant qu'il cherche dans l'absolu les gages de
stabilité de la société, la critique scientifique moderne
montre qu'il faut les chercher dans une transformation
progressive. Il n'y a de progrès des méthodes, de solu-
tion positive du problème social, de gages de paix pour
cette société si profondément divisée, que dans l'élimi-
nation de l'absolu. C'est la voie où s'engagea la pensée
de l'homme illustre dont le livre sur la propriété marque
une date féconde dans l'histoire des idées, Emile de
Laveleye. Le mémoire présenté à l'Académie marque un
retour à l'absolu. »
La Classe a accordé sa médaille d'or, d'une valeur q>
six cents francs, au travail portant pour devise une sen-
tence d'Aristote; l'auteur est M. Alphonse Caparl, pro-
fesseur au collège Notre-Dame de la Paix, à Namur.
( 595 )
SIXIEME QUESTION.
Kxposcr les théories de la colonisation au XIXe siècle et
étudier le rôle de l'État dans le développement des
colonies.
na/i/iofl de Kl, ##<"»•*». fit fittirt- rôtit miuair*.
« La dépression économique, qui prolonge son action
sur les principales nations industrielles du monde depuis
près d'un quart de siècle, a, d'une part, refoulé un grand
nombre d'entre elles dans une réaction protectionniste,
de l'autre, en exaltant le sentiment de la conservation col-
lective, a fortifié ou éveillé la préoccupation de rechercher
des débouchés nouveaux dans l'établissement de colonies.
Pendant que la constitution de l'unité économique et
morale du monde, cédant devant le particularisme natio-
nal, subit un temps d'arrêt, les économistes et les hommes
d'Etat interrogent l'avenir de ces entreprises lointaines.
Plus durement éprouvée peut-être par la crise économique
qu'aucune autre nation, parce qu'elle est plus profondé-
ment qu'aucune autre engagée dans l'économie générale
du monde, la Belgique industrielle, elle aussi, dirige sa
préoccupation inquiète vers le problème colonial. C'est
dans ces circonstances que l'Académie a mis au concours
la question, avec sa haute portée scientifique et pratique.
Un seul mémoire a été présenté en réponse à la ques-
tion proposée. Il se compose de trois énormes volumes
grand in-quarto, de plus de douze cents pages. Cet ouvrage
( 596 )
se divise en trois parties, fort inégales d'ailleurs en
étendue : la première est consacrée à l'émigration; la
seconde, à la théorie générale de la colonisation; la troi-
sième, à l'exposé des systèmes de colonisation des princi-
paux peuples modernes. Les notices bibliographiques
placées en tête des différents chapitres révèlent des
recherches fort étendues. J'y ai cependant constaté l'ab-
sence de travaux considérables publiés en Allemagne, en
Angleterre, en Italie; on en jugera en consultant la
bibliographie des mots Kolonien du dictionnaire de
Conrad et Lexis, ou Colonisation du dictionnaire de Pal-
grave. Quoi qu'il en soit, la lecture de ce vaste ouvrage
convainc qu'il est le fruit d'un dur et patient labeur. On
y trouve peu de vues originales et d'audaces de pensée,
mais l'auteur, écrivain sincère, consciencieux, économiste
éclairé, animé de nobles sentiments, a le souci réel et
constant d'être juste; seulement, une sorte de bienveil-
lance générale, souvent admirative, qu'il répand sur les
entreprises coloniales de la plupart des gouvernements,
t'ait perdre à ses jugements, à ses appréciations, quelque
chose de leur netteté, de leur précision, de leur vigueur.
Le style s'élève dans plusieurs chapitres, mais, en géné-
ral, il manque d'élégance. La phrase est parfois négligée,
lourde et embarrassée, ou même incorrecte. Dans l'analyse
qui suit, je ne comprendrai pas les chapitres consacrés
aux travaux de la Conférence de Berlin. Des collègues
éminents, qui ont pour ainsi dire vécu cette phase impor-
tante de l'histoire du droit colonial, prépareront là,
mieux que moi, le jugement de l'Académie.
( 597 )
l.
L'auteur traite d'abord de l'émigration. Il l'étudié suc-
cessivement dans ses effets généraux, dans ses formes,
dans ses conditions, dans ses perspectives d'avenir, et
recherche quelle législation doit lui être appliquée. L'in-
fluence de l'émigration sur la population a préoccupé
beaucoup d'économistes : l'auteur reproduit l'opinion
généralement admise, et que Roscher et M. P. Leroy-
Beaulieu ont savamment défendue. L'observation révèle
que l'émigration n'a pas, en général, pour effet de conte-
nir l'essor de la population, et, le plus souvent, le contin-
gent de l'émigration reste au-dessous de l'accroissement
de population résultant de l'excédent des naissances sur
les décès. L'auteur eût pu puiser les plus riches informa-
tions dans des travaux démographiques récents et très
remarquables, tels que ceux de MM. Levasseur, Bodio et
Geffken; celui-ci a rappelé que de 1820 à 1880, l'émigra-
tion a enlevé à l'Europe 17 millions d'habitants; dans le
même intervalle, la population européenne s'est élevée de
200 millions à 530 millions d'habitants : l'émigration n'a
doue pas réussi à contenir ce mouvement progressif qui
inquiétait, hier encore, M. le général Brialmont.
Dans tout pays, le mouvement réel de la population
dérive du concours de divers facteurs : il résulte du rap-
port entre les naissances et les décès, combiné avec le
rapport entre l'immigration et l'émigration. L'auteur
admet que l'émigration et l'immigration s'équilibrent en
Belgique; les conditions du travail et du salaire sollici-
( 593 )
tent à quitter le pays un nombre de Belges sensiblement
équivalent à celui des étrangers que ces mêmes conditions
sollicitent à y venir.
La thèse de l'auteur est justifiée par les résultats
globaux des recherches statistiques; elle est loin d'avoir
la même rigueur si l'on décompose en périodes l'histoire
de l'émigration et de l'immigration, en les rattachant à
nos grandes fluctuations économiques. C'est ainsi que
de 1841 à 18(30, on peut constater la prédominance de
l'émigration ; de 1871 à 1880, et même peut-être à 1880,
année décisive dans la dépression économique contem-
poraine, la prédominance de l'immigration. La poussée
d'émigration devient alors plus énergique; mais, de 1891
à 1805, une véritable onde de retour des autres peuples,
plus douloureusement affectés encore par leur situation
économique, se produit en Belgique. L'auteur eut dû suivre
cette évolution.
Les formes et la direction des courants d'émigration
donnent lieu à des considérations intéressantes, beaucoup
trop courtes pour le second objet. C'était le moment
d'exposer, d'après la statistique moderne, les résultats de
l'expérience de près d'un siècle, comme l'ont fait Duval,
Bodio, Guyot, Levasseur, et de chercher, dans les lois
effectives suivant lesquelles les émigrants d'Europe se
distribuent à la surface du globe, des indications pré-
cieuses pour assurer la direction la plus judicieuse possi-
ble aux courants d'émigration dans l'avenir. Il faut
regretter cette lacune.
La répartition des émigrants européens entre la zone
tempérée et la zone chaude, l'attraction persistante et
prédominante de la région tempérée et la faiblesse des
( 599 )
contingents que la zone intertropicale a reçus, ce sont là
les leçons les plus éloquentes de l'histoire, que la statis-
tique traduit en quelques chiffres et peut exprimer en
diagrammes saisissants.
L'auteur, qui est un écrivain loyal et sincère, reconnaît
d'ailleurs que tous ceux qui ont étudié les régions inter-
tropicales s'accordent à dire que l'Européen ne peut y
cultiver la terre. En 1890, le Congrès international
d'hygiène de Londres, sur des rapports décisifs, que
l'auteur n'a peut-être pas eus sous les yeux et qui émanent
de médecins des colonies des Indes et de l'Insulinde, a
confirmé cette opinion.
J'ai cru intéressant de rechercher les directions prin-
cipales que l'émigration helge a prises dans le cours du
siècle. Duval signalait déjà les États-Unis comme la région
attractive par excellence; elle l'est restée pour nous. La
République Argentine vient ensuite, puis le Brésil, mais
avec une importance bien moindre.
Le rôle du Gouvernement est le principal objet des pré-
occupations de l'auteur; il est hostile à toute organisation,
même à tout encouragement de l'émigration par l'Etat,
et condamne non moins énergiquement toutes les mesures
législatives qui auraient pour objet direct d'arrêter les
courants d'émigration. Il eût été intéressant de rappeler
ici les efforts infructueux tentés de 1841 à 1850, en Bel-
gique, pour alléger, par l'organisation de l'émigration, la
misère effroyable des Flandres, et les travaux de Ducpe-
tiaux, de Duval, du Congrès de bienfaisance de 1856, qui
s'y rattachent.
L'auteur réduit l'intervention de l'État aux mesures de
police et d'hygiène auxquelles s'obligent déjà la plupart
des gouvernements civilisés.
( 600 )
Il expose d'une manière intéressante la législation
brésilienne, destinée à assurer aux immigrants un accueil
conforme à la fois aux intérêts de la colonisation et à
ceux de l'humanité.
Le rôle de l'État à l'égard du fait de l'émigration est
ainsi étroitement circonscrit et se réduit à régulariser le
laisser- faire. On pouvait attendre de l'auteur qu'il étendit
ses recherches au delà de ce modeste objet, et pénétrât
dans le domaine des causes générales de l'émigration.
C'est à cet autre point de vue, en effet, qu'il faut se placer
pour pouvoir attribuer une intervention plus directe et
plus positive à l'État; car si l'émigration n'exerce sur le
mouvement de la population qu'une influence insigni-
fiante, temporaire ou secondaire, des réformes inté-
rieures, économiques et sociales, peuvent avoir une
action durable et profonde sur le mouvement de la popu-
lation. Cette étude des conditions sociales, de ce grand
problème, et des remèdes sociaux, domine toute la théo-
rie et la pratique de la colonisation.
L'excédant annuel moyen des naissances sur les décès,
en Belgique, est de 8.5 par 1,000 habitants, soit, absolu-
ment, de 52,700 pour le pays tout entier; mais ce n'est
là que l'excédant absolu de la population : il y a un excé-
dant relatif qui dérive des transformations du régime agri-
cole, des progrès du machinisme, de la contraction des
débouchés. J'ai évalué à plus de 400,000 âmes la popu-
lation flottante des travailleurs, de 1880 à 1890. C'est là
que surgit la question très complexe des réformes sociales
intérieures, qui pourraient contribuer à contenir le prin-
cipe de la population.
L'auteur, en abordant la question de l'émigration au
( 601 )
point de vue international, entend surtout parler de la
législation et des conventions entre les nations. Jusqu'ici,
aucune entente internationale n'a arrêté les principes
qui doivent régir rémigration et l'immigration. L'auteur
indique, avec une réelle hauteur de vues, les ques-
tions qui devraient être soumises à une conférence :
Peut-on contraindre un État à arrêter son émigration?
L'État vers lequel le courant se dirige peut-il le refouler?
Au milieu de l'insolidarité générale qui subsiste aujour-
d'hui, il n'y a guère qu'à enregistrer, comme l'a fait
l'auteur, les mesures législatives nationales destinées à
contenir l'immigration ou à la refouler, telles que la loi
Greary, aux États-Unis, et l'acte du G décembre 1882,
dans la Nouvelle-Galles du Sud. Le problème supérieur
d'une redistribution rationnelle, réglée par le contrat, de
la population humaine sur le globe, implique deux condi-
tions : la première, c'est que le mouvement et la distri-
bution de la population dans chaque pays, embrassés sous
tous leurs aspects et dans toutes les causes qui les
affectent, deviennent des objets permanents de préoccu-
pation pour la société et pour l'État; la seconde, c'est que
la solidarité humaine s'affirme avec une énergie suffisante
pour vaincre les résistances injustes du particularisme
national.
Cette première division de l'œuvre soumise à l'Aca-
démie est insuffisamment documentée et manque de pro-
fondeur dans certaines parties essentielles.
( 602 )
II.
Dans la seconde partie, l'auteur aborde successivement
les caractères généraux de la colonisation, ses causes, la
classification des colonies; puis viennent les systèmes et
les moyens de colonisation, l'intervention de l'État et le
rôle des compagnies de colonisation, la constitution de
l'armée coloniale, la main-d'œuvre pénale, les missions ;
l'exploitation des colonies appelle donc l'histoire de
l'esclavage, la question du recrutement actuel des colons
et du personnel administratif des colonies. Leur repré-
sentation législative, leur émancipation future sont les
objets de deux chapitres; vient ensuite un long exposé des
travaux de la Conférence de Berlin, expression la plus
récente et la plus élevée de la conception du droit colo-
nial. L'utilité des colonies est l'objet du dernier chapitre.
Il y a ici un vice de méthode; des considérations de cet
ordre se rattachent aux causes de la colonisation et au
classement des colonies.
Les considérations générales sur la colonisation sont
d'une réelle élévation de pensée; l'établissement de colo-
nies de peuplement, qui surtout préoccupe ici l'auteur,
n'est pas seulement, en effet, un problème économique
et politique, une opération commerciale, un compte de
doit et avoir, c'est un problème social au sens le plus
complexe, et qui relève directement de la sociologie : il
embrasse toutes les conditions biologiques et sociales de
l'adaptation d'un agrégat d'êtres humains à un autre
milieu; il exige, d'une part, la connaissance de l'état phy-
( 603 )
sique, économique, intellectuel, moral, social de la
population qu'il s'agit de transplanter ailleurs, de ses
besoins, de ses aptitudes, de son génie propre; de l'autre,
la connaissance suffisamment précise du milieu auquel
ces éléments empruntés à la mère patrie devront s'adapter,
et non seulement du milieu physique, mais encore du
milieu social nouveau. C'est donc une véritable applica-
tion des lois de la sociologie, avec tous les aspects
mésologiques, biologiques et psychologiques qu'elles pré-
sentent.
Les causes de la colonisation ne sont guère l'objet que
d'une simple énumération, et l'auteur se borne à résumer
en deux pages les historiens de la colonisation. La clas-
sification des colonies forme un chapitre beaucoup plus
étendu. L'auteur reproduit d'abord les divisions généra-
lement adoptées et que Roscher a, je pense, tracées avant
M. I1. Leroy-Beaulieu. Les colonies sont militaires,
pénales ou civiles; les colonies civiles, qu'il s'agit d'étu-
dier ici, se subdivisent en colonies commerciales, colonies
de plantations, colonies de peuplement ou agricoles. Les
colonies commerciales n'exigent ni forte émigration ni
appropriation du sol : leur prospérité dépend de l'étendue
de leurs relations avec les indigènes; elles tendent à une
pénétration de plus en plus profonde dans le territoire
étranger. Les colonies de plantations réclament surtout
des capitaux, et l'élément colonisateur, qu'une faible
émigration peut alimenter, s'y superpose à l'élément
indigène et aux travailleurs importés qu'il domine et
exploite. Dans les colonies agricoles ou de peuplement,
i'élément colonisateur se substitue à l'élément indigène, il
le refoule; il s'alimente d'une forte émigration, s'adapte
à la zone tempérée et tend à s'émanciper graduellement.
( 604 )
Je ne rappelle ici ces distinctions adoptées par la
plupart des auteurs que pour insister sur leur importance
pratique; tout peuple qui tente de s'engager dans la voie
de la colonisation doit avoir une claire vision de la
nature des établissements coloniaux qu'il peut eflective-
ment entreprendre : le but à poursuivre doit être en rap-
port avec les conditions mêmes dans lesquelles se trouve
la nation colonisatrice et les moyens quelle a d'y attein-
dre. Une erreur dans la notion peut entraîner des désas-
tres. L'auteur critique des classifications récentes et plus
simples qui réduisent ces établissements à deux formes
fondamentales : les colonies peuplées et les colonies à
peupler de Chailley-Bert, les colonies et les simples pos-
sessions de Pommorino. Cette opposition a été plus accen-
tuée encore par un écrivain que l'auteur ne cite pas,
M. Hùbbe-Schleiden, qui distingue la colonie proprement
dite de la Kultivatîon : M. Hùbbe-Schleiden réserve le
nom de colonie, comme M. Pommorino, à l'établisse-
ment qui sert à l'expansion de la population de la mère
patrie; c'est la colonie à peupler de M. Chailley-Bert. La
Kvltivalion embrasse alors les établissements commer-
ciaux et les plantations par les indigènes. Cette division
fondamentale peut parfaitement, à nos yeux, se combiner
avec la division tripartite adoptée par l'auteur, et elle
met mieux en relief les caractères distinctifs les plus
généraux de ces établissements. L'étude des caractères
des protectorats complète celle des colonies; elle est
approfondie, bien que l'auteur ne me paraisse pas trop
attendre de cette méthode de colonisation et de son
caractère éducatif; elle exige une organisation suffisam-
ment cohérente des indigènes et elle est une transition à
l'annexion plutôt qu'à l'émancipation du peuple protégé.
( 605 )
Nous voici parvenus maintenant à l'examen des prin-
cipes des institutions coloniales. L'auteur est d'abord en
présence du système colonial dont Adam Smith a fait si
puissamment la critique et qui n'était qu'un élément du
système mercantile. Il y avait peu de chose à ajouter à la
critique du pacte colonial qui, sous l'apparence d'un
contrat synallagmatique, dissimulait tout l'échafaudage
des combinaisons égoïstes destinées à assurer l'exploi-
tation la plus lucrative et la plus tyrannique même des
colonies. Quand l'auteur recherche les principes de justice
absolue qui doivent régir désormais ces rapports, il
semble que sa pensée soit parfois hésitante et qu'elle
n'ait pas atteint son expression définitive. D'une part, il
admet que toute possession doit être, en général, admi-
nistrée dans l'intérêt du pays dont elle relève, mais que
rien ne peut excuser les rigueurs excessives, les iniquités
ajoutées au tissu des monopoles (p. 424). De l'autre, il
invoque Rossi qui dit : Le droit et la morale ne peuvent
pas facilement se concilier avec un système fondé sur le
principe que la métropole exploite la colonie à son
profit (p. 117). La justice absolue est du côté de Rossi
et l'auteur montrera lui-même plus tard, par les exemples
de l'Inde et de l'Insulinde, que telle est bien la direction
normale de l'histoire. Ce chapitre porte les traces de
remaniements et il est nécessaire que l'auteur donne de
l'unité à sa pensée.
Les trois chapitres qui suivent nous font pénétrer dans
la pratique qui sera toujours, quelque forme qu'elle revête,
dominée par la conception sociologique de la colonisation,
et mettra en rapport, de la manière la plus parfaite pos-
sible, des éléments empruntés à un état de civilisation
donné avec un milieu physique et social nouveau. L'auteur
( 606 )
embrasse dans son étude la colonisation libre, la coloni-
sation officielle et l'institution de compagnies de colo-
nisation. Il se prononce, en général, pour l'initiative
privée, quand il s'agit d'établir une colonie dépeuplement
dans des terres inhabitées et uniquement peuplées de
chasseurs errants; mais là où il s'agit de juxtaposer deux
populations et deux races, l'intervention de l'État est
nécessaire.
L'intervention économique de l'État, une fois admise,
se ramènera à mettre à la portée des colons la libre dis-
position des forces naturelles; les travaux préparatoires
qu'il accomplira comprendront les travaux des ports, la
viabilité, l'allotissement des terres. L'auteur rappelle
lui-même que des hommes d'État, comme Gladstone, ont
étendu l'intervention de l'État bien au delà. Il s'arrête
assez longuement au régime de distribution des terres. Il
se prononce pour la vente des lots, sauf à admettre des
concessions gratuites tout au début.
J'ai regretté vivement de ne pas voir l'auteur exposer
et discuter les projets d'Emile de Laveleye et de Ch. Gide,
d'après lesquels des baux emphytéotiques sont accordés
aux colons, à très longs termes, ce qui concilie l'intérêt
de l'Etat et de la conservation du domaine public avec
l'intérêt du colon. J'eusse souhaité un exposé plus com-
plet des doctrines de Wakeheld, et une critique plus
développée et plus précise du suflicient piice et du prix
fixe et uniforme auquel les lots étaient vendus aux colons,
d'après le plan de cet économiste célèbre, qui exerça une
si profonde influence sur la colonisation en Australie.
Le chapitre qui se rapporte aux compagnies de coloni-
sation est très étendu. L'auteur divise leur histoire en
( 607 )
deux parties: Tune, consacrée aux compagnies anciennes;
l'autre, aux compagnies contemporaines. Adam Smith
a résumé depuis longtemps l'histoire des compagnies
anciennes dans ce jugement terrible : « Le gouvernement
d'une compagnie privilégiée de marchands est peut-être
le pire de tous les gouvernements pour un pays quel-
conque. » Le tableau qu'en retrace l'auteur ne fait que
confirmer ces paroles. Investies d'un monopole commer-
cial, elles y trouvèrent la cause de leur ruine en sacrifiant
les préoccupations d'avenir à des avantages immédiats;
unissant des attributions politiques à la préoccupation
du lucre, elles se rendirent odieuses par leurs actes
oppressifs.
Les compagnies ont reparu à l'époque contemporaine,
depuis le moment où, selon l'expression d'un écrivain
anglais, l'Afrique s'est tout à coup offerte comme un butin
immense à toutes les nations. Les compagnies nouvelles
ont en commun avec les compagnies anciennes une
délégation de pouvoirs politiques et administratifs; elles
en diffèrent par l'absence de tout monopole légal.
L'auteur connaît si bien les controverses qu'elles sou-
lèvent qu'il s'applique à reproduire en détail les argu-
ments invoqués pour et contre leur établissement. Et il
le fait avec impartialité et d'une manière intéressante.
Les arguments invoqués en leur faveur sont des considé-
rations d'utilité; ces pays primitifs n'offrent aucun point
d'appui solide aux gouvernements colonisateurs; le
recours aux compagnies apparaît comme une solution
entre l'impuissance de l'initiative privée et les difficultés
d'une intervention directe de l'État; elle favorise surtout
les entreprises des gouvernements en atténuant et mas-
quant leur responsabilité. Il y a des besognes qu'un
( 608 )
gouvernement n'aime pas à faire, des responsabilités ou
des reculades qu'il veut s'épargner. On invoque d'ailleurs
le contrôle, les devoirs spéciaux et les garanties que les
gouvernements métropolitains peuvent imposer aux com-
pagnies ou exiger d'elles; c'est ainsi qu'elles préparent
la prise de possession définitive de la colonie par l'Etat.
L'auteur ne se prononce pas entre les deux systèmes;
il aura d'ailleurs, par la suite, l'occasion d'y revenir, dans
l'histoire de la colonisation hispano-portugaise, anglaise,
allemande. J'avoue, quant à moi, que des arguments
invincibles contre les compagnies se dressent dans mon
esprit : il est impossible que l'État délègue une partie de
ses pouvoirs à une association poursuivant avant tout un
but de lucre; il est d'autant plus immoral que l'État tente
de se soustraire à une responsabilité directe que le
domaine inévitablement abandonné à l'arbitraire est plus
vaste, et le contrôle plus incertain.
L'étude des moyens de colonisation nous fait successive-
ment aborder des considérations d'ordre militaire, d'ordre
économique, d'ordre moral, d'ordre administratif et poli-
tique, tableau complexe où se succèdent les différents
aspects de l'organisation coloniale et de son activité.
L'auteur se prononce pour une armée de mercenaires
et il s'applique à réhabiliter ce mot lugubre, qui ne laisse
pas, je pense, de faire une impression pénible, même sur
celui qui voit dans l'institution d'une telle armée l'une
des conditions nécessaires du régime colonial.
Le chapitre des missions religieuses soulève de graves
problèmes. L'auteur condamne la neutralité des auto-
rités colonisatrices et la qualifie même en un endroit
de béate, et non seulement l'antagonisme du christia-
nisme et du mahométisme lui apparaît comme inévi-
( ()09 )
table, mais comme une sorte de fatalité à laquelle
il faut se préparer. « Entre chrétiens et musulmans,
dit-il, il n'y a pas de conciliation possible... » Ici encore
je déclare, quant à moi, que ces perspectives me font
frémir, et plus le péril religieux est imminent, plus
rigoureusement aussi le gouvernement me parait tenu
de rester fidèle aux principes fondamentaux du droit
public moderne et à la tolérance la plus large, la plus
humaine, en donnant aux missions tous les gages de
liberté et de sécurité.
[.es considérations sur la main-d'œuvre pénale mêlent
à l'ordre moral les préoccupations économiques. L'auteur
se prononce, dans certaines limites, pour la transporta tion,
mais sans la rendre obligatoire pour aucune catégorie de
criminels : il en fait une sorte de faveur; il est préoccupé
d'assurer des bras à la colonie et de hâter la libération
définitive des criminels.
Une autre partie de ce chapitre soulève des objections
d'une gravité extrême. L'auteur propose de développer
dans les écoles de bienfaisance les métiers propres à la
colonisation, d'appliquer, l'été, les élèves de ces écoles
aux travaux agricoles de la Campine, puis, après une
certaine préparation, de tenter l'expatriation de jeunes
gens vers les régions africaines en leur confiant des terres
à exploiter et en les préparant à devenir propriétaires.
L'auteur lait ici, d'abord, une confusion qu'il faut avant
tout redresser. L'école tle bienfaisance ne réalise pas un
système de répression, mais un système d'éducation
obligatoire; les pouvoirs du gouvernement ne peuvent
aller au delà des exigences de l'éducation des enfants qui
lui sont confiés. C'est à la mère patrie et non à la colonie
qu'il doit les rendre.
."i"" SÉRIE, TOME XWIII. 40
( 610 )
L'auteur oublie aussi, ce qu'il a d'ailleurs reconnu lui-
même, que le travail en plein air est impossible pour
l'Européen dans les régions des tropiques. Le gouver-
nement, par ses essais d'expatriation, alfronterait la plus
lourde responsabilité, il dénaturerait l'école de bien-
faisance en en faisant un objet de terreur.
L'étude du recrutement des colons a pour préliminaires
inévitables un chapitre sur l'esclavage, qui ravive toutes
les boutes de la colonisation. L'histoire de la traite, de son
abolition, celle de l'abolition de l'esclavage y sont résu-
mées avec un réel intérêt.
On se sent pénétré d'une sorte de remords collectif en
songeant aux destinées qui sont, d'après l'auteur, réser-
vées aux nègres des Etats-Unis et du Brésil, condamnés à
disparaître, soit par leur fusion dans la masse des immi-
grants, soit par les ravages de la misère et de l'alcoo-
lisme; et l'idée se fortifie dans l'esprit que l'abolition de
l'esclavage ne devrait être que la première mesure d'une
œuvre de réparation, de tutelle et d'émancipation pro-
gressive qui s'impose aux anciennes colonies esclava-
gistes.
Désormais, ce sont des travailleurs libres qui accom-
pliront l'œuvre de la colonisation. L'auteur condamne
justement le système odieux de recrutement des colons,
qui, inspiré du seul esprit de lucre, livre à tous les
hasards les hommes les moins faits pour les affronter.
Les vertus qu'il exige du vrai colon en font un être presque
idéal, tel qu'on rêve de le voir rester dans la mère patrie.
11 veut que le colon s'engage dans son œuvre sans esprit
de retour. C'est bien de la théorie de Wakefield qu'il
s'inspire ici visiblement : la colonie doit être une fin, et
non un moyen de rapide fortune; l'auteur veut d'ailleurs
( 6W )
que la colonie reste attachée à la métropole comme une
province, comme une extension de la patrie : le déchire-
ment sera moins profond. La prévoyance et l'esprit de
suite sont des conditions nécessaires à l'évolution de la
colonie, mais ces vertus doivent régir la conduite collec-
tive autant que la conduite individuelle, et l'œuvre colo-
niale est celle de groupes compacts, emportant avec eux
tous les éléments essentiels d'une civilisation. C'est
encore bien là l'aspect moral de la théorie de Wake-
field. Même ainsi dirigée, la colonisation est une œuvre
de longue haleine et la première génération sème pour
celles qui la suivent. Il faut louer ici la mesure, la réserve
de l'auteur, qui ne songe pas à nourrir de vaines illusions.
Le recrutement des fonctionnaires s'inspire des mêmes
principes. Ce sont les organes permanents des intérêts
de la colonie ; il ne faut pas qu'ils soient dominés par la
préoccupation de leur intérêt personnel, et leurs garanties
morales doivent être d'autant plus solides que, investis
d'une plus grande autorité, ils peuvent être les artisans
des plus grands maux pour les indigènes. Les réformes
réclamées par l'auteur, dans l'organisation de l'enseigne-
ment commercial, sont bien conçues et justes.
Les considérations sur la représentation des colonies
eussent dû être rattachées à celles qui ont pour objet
l'indépendance future des colonies, alors qu'elles sont
séparées les unes des autres par une longue étude sur la
Conférence de Berlin. La question de la représentation
des colonies est résolue différemment par les nations
métropolitaines, selon leurs tendances fondamentales
dans la colonisation même. Pour les unes, comme
l'Angleterre, cette tendance est à l'autonomie coloniale
et à un empire colonial fédérât if ; pour les autres, comme
( 612)
le Portugal et l'Espagne, elle est à l'incorporation des
colonies au gouvernement de la métropole. Cette oppo-
sition se traduit par le développement des institutions
parlementaires aux colonies pour les premières, par la
représentation partielle ou par la représentation appa-
rente des colonies au Parlement métropolitain pour les
autres. L'auteur, ici encore, comme dans le chapitre sur
les compagnies de colonisation, fait plutôt une exposition
objective de ce qui est ; mais il est visiblement favorable
à l'émancipation de toutes les colonies qui seront capables
de pratiquer des institutions libres. M. P. Leroy-Beaulieu,
qui lui sert souvent de guide, se prononce pour l'indé-
pendance finale des colonies de peuplement et des colo-
nies mixtes; mais est-il interdit d'espérer que l'action
tutélaire des nations de l'Occident européen puisse pré-
parer les mêmes destinées aux établissements du sud de
l'Asie et même du centre de l'Afrique?
Le chapitre le plus important de la théorie de la colo-
nisation a été placé à la fin du traité. Il a pour objet
l'utilité des colonies. L'examen et la réfutation des argu-
ments d'adversaires tels que de Molinari, de Laveleye,
F. Passy, Yves Guyot, Colajanni, Achille Loiïa, exigeaient
de larges développements et la réunion de matériaux
solides. L'auteur s'est placé successivement au point de
vue de l'intérêt particulier des nations et de l'intérêt
général de l'humanité. Il a écrit des pages vraiment
éloquentes, mais j'ai regretté bien des fois qu'il s'en tint
à des considérations générales, ne serrant ni les faits ni
les arguments d'assez près, et qu'il ne répondit pas mieux
aux préoccupations présentes. Ce ne sont pas les avantages
des colonies de peuplement, par exemple, qui peuvent
provoquer en ce moment un débat scientifique utile, ni
( 613
préoccuper même l'opinion publique : l'ère de ces colo-
nies est close, selon un mot de Bordier; des rapports
comme ceux qui ont été soumis au Congrès d'hygiène de
Londres révèlent que l'adaptation de notre race au cli-
mat des bautes terres des ^tropiques serait même d'une
difficulté extrême et que le travail des champs devrait
encore y être proscrit. Le rôle des colonies commerciales,
comme remède aux crises, exigeait de plus longues recher-
ches. Les plus puissantes nations colonisatrices modernes
ont-elles échappé aux fluctuations générales du com-
merce, à la baisse des prix qui caractérise la dépression
économique contemporaine? Une étude attentive montre
la concordance des phénomènes en Angleterre, en France,
en Belgique, et l'opération de causes générales agissant
sur l'économie des nations les plus avancées. Dans quelle
mesure les colonies ont-elles exercé une action régula-
trice sur l'industrie et le commerce de leur métropole,
dans le cours de cette longue dépression économique?
L'auteur semble ignorer que, depuis 1886, l'Angleterre
a institué successivement trois vastes enquêtes sur la
dépression du commerce, sur les variations de la valeur
relative des métaux précieux, sur la situation de la classe
des travailleurs, triple aspect de la crise économique
actuelle. J'ai calculé qu'en Belgique les prix exprimés
par les index numbers avaient baissé, en 1895, de 56 °0,
relativement aux moyennes de 1 807-77 . Sauerbeek a
abouti à peu près au même résultat pour l'Angleterre.
De 1890 à 1892, les exportations des produits britanni-
ques se sont abaissées de 263,530,585^ à 227,060,224 £,
c'est-à-dire de 15.7 °/0, chute plus forte qu'en Belgique.
Sans doute, le commerce colonial prend d'une manière
constante une place assez grande dans le commerce
( 614 )
anglais, et il y a là un facteur dont il serait puéril de
méconnaître l'importance; mais cette importance a-t-elle
varié dans les moments de crise au point d'assigner au
commerce colonial une action compensatrice, même mo-
dératrice? En 1890, les exportations aux colonies repré-
sentaient 55.2 °/0 de l'ensemble; en 1891, 54.8 %.
Les questions se pressent dans l'esprit de quiconque
a interrogé avec impartialité les matériaux statistiques.
A quel point la statistique comparative donne-t-elle tort
à de Laveleve, quand il soutient qu'un État ne doit
pas posséder de colonies pour avoir un commerce floris-
sant? Il y avait là place pour des investigations étendues,
dont j'ai pu apprécier moi-même à la fois la difficulté et
la nécessité.
L'influence des colonies sur le trésor public ne pou-
vait être négligée, au moins dans ses résultats généraux.
L'aspect humanitaire du problème touche par bien des
côtés à son aspect utilitaire. La colonie commerciale dans
la région des tropiques tend à se transformer en colonie
de plantations pour réaliser son maximum d'utilité et
s'alimenter dune production intérieure régulière; la
plantation implique l'adaptation des indigènes au travail
régulier. C'est là qu'apparaît le problème moral dans
toute sa grandeur : comment éviter que l'œuvre éduca-
trice des nations inférieures devienne une œuvre d'exploi-
tation? Et s'il est vrai de dire, avec M. Gide, que la
colonisation soit une obligation morale des peuples
avancés, n'est-ce pas uniquement à une action collective
et coopérative de ces peuples qu'il faut en demander
l'accom plissement aujourd'hui à l'égard des races infé-
rieures, et ne faut-il pas élever d'un degré encore la
pensée féconde de la Conférence de Berlin, et subor-
( 6!S )
donner par là définitivement, sans les effacer, les intérêts
commerciaux particuliers à l'intérêt humanitaire dans la
colonisation de l'Afrique centrale?
A l'idée d'un partage pacifique de l'Afrique, qui porte
encore la trace de la conquête et ouvre les voies à l'esprit
de lucre des nations copartageantes, est-il impossible de
substituer l'idée d'une tutelle collective, contenant davan-
tage les égoïsmes nationaux, et celle d'une éducation
économique des races inférieures, qui se concilie avec les
intérêts industriels et commerciaux de l'ancien monde?
L'auteur ne pourra donner à tant de problèmes une
réponse sommaire qu'à la condition de les reprendre un
à un dans les conclusions générales de son livre. En
effet, la distribution des matières qu'il a adoptée porte
logiquement à penser que la théorie générale de la colo-
nisation, du premier volume, ne renferme que les déduc-
tions pratiques des principes de la science économique,
à l'égard des grands problèmes de l'intervention de l'Etat,
du rôle de l'initiative privée; l'étude historique des
systèmes coloniaux des différents peuples va l'amener à
corriger, à modifier, à compléter à l'aide des données
des méthodes inductives, les déductions préparatoires.
Il tient d'ailleurs formellement en suspens son apprécia-
tion sur certaines grandes institutions, telles que les
compagnies de colonisation. Le plan qu'il a adopté ne
présente pas d'autre justification. 11 reste à voir comment
il l'a exécuté.
III.
Dans le deuxième et le troisième volumes de son œuvre,
l'auteur déroule l'histoire des systèmes coloniaux des
nations européennes.
( 616 )
Nous pourrions résumer l'évolution coloniale, où cepen-
dant se sont accumulées tant d'horreurs, par un mot de
Roseher : «Le point fondamental, dans l'histoire des colo-
nies, c'est leur passage progressif du régime de restric-
tion au régime de liberté. »
Qu'on l'interroge, en effet, dans la colonisation anglaise,
française, néerlandaise, aussi bien que portugaise ou
espagnole, elle témoigne de la destruction graduelle de
cet ensemble de monopoles, de privilèges qui formaient
le système colonial et que l'on avait décoré du nom de
pacte colonial, à raison de la réciprocité apparente des
avantages que se promettaient la métropole et les colonies.
La décomposition graduelle du pacte colonial s'accom-
pagne du progrès de la liberté des échanges et de la con-
sécration graduelle du principe de l'égalité de traitement
de toutes les nations dans le commerce colonial ; sous des
aspects bien plus importants encore pour l'avenir de la
civilisation, elle s'accompagne de l'émancipation des
esclaves et d'efforts soutenus dans la direction de l'éman-
cipation politique des colonies ou, tout au moins, de la
participation des colonies à l'administration de leurs
propres intérêts.
Les différentes nations colonisatrices, les différentes
colonies franchissent plus ou moins laborieusement les
phases d'une évolution commune, et à travers les résis-
tances qui dérivent soit des antécédents historiques, soit
du milieu, on voit se dégager les traits différentiels des
systèmes de colonisation qui sont propres à chacune
d'elles. C'est ainsi que la tendance persistante à l'auto-
nomie coloniale se révélera dans la politique anglaise,
c'est ainsi que l'incorporation des colonies à la mère
patrie caractérisera, au contraire, les systèmes portugais
( 617 )
ou espagnol, c'est ainsi qu'une tendance persistante ;»
la centralisation, tantôt exclusivement autoritaire, tantôt
démocratiquement dirigée vers l'assimilation, caractéri-
sera la politique coloniale française.
L'auteur commence sa revue des entreprises modernes
par la colonisation portugaise, dont les destinées ont été
si étroitement associées à la traite des noirs. Ce sont les
Portugais qui inaugurèrent cet effroyable trafic au
XVe siècle, et l'abolition définitive de la traite, en 1854,
ouvrit une phase décisive dans l'histoire des colonies
portugaises. L'auteur a expos;'? avec intérêt les longues et
honteuses résistances à l'abolition de la traite, qui mar-
quent la première moitié du siècle. L'un des traits du
système portugais, c'est l'incorporation politique des
colonies à la métropole. Cependant, bien que les colonies
aient des députés aux Cortès, il s'en faut que l'assimi-
lation soit complète. L'auteur expose l'organisation admi-
nistrative et l'étendue des pouvoirs du gouvernement
métropolitain. Il y a peut-être là une faiblesse de l'admi-
nistration portugaise, dit-il : il ne doit pas hésiter à
l'affirmer nettement. Des raisons d'économie ont fait
reparaître, dans les établissements des côtes d'Afrique,
des compagnies portugaises de colonisation, mais l'auteur
n'a pu exposer leurs actes.
L'histoire des colonies espagnoles du nouveau monde
se divise en trois périodes principales : la première, qui
va jusqu'à l'édit du commerce libre de 1778; la seconde,
jusqu'à l'émancipation des colonies de l'Amérique du
Sud; la troisième se prolonge jusqu'à nos jours pour les
débris de l'empire colonial. L'auteur expose très bien
l'ensemble des causes qui ont précipité l'émancipation
des républiques sud-américaines, et quelle part considé-
( 618)
rable y eurent les fautes accumulées des gouvernements,
la corruption, les excès, joints à une situation financière
déplorable. Les récents événements donnent un attrait
particulier aux chapitres étendus qui sont consacrés
à Cuba et Porto-Rico. La question cubaine, depuis la
première tentative insurrectionnelle de 1823, retentit
douloureusement à travers le siècle. Il est impossible de
juger trop sévèrement l'administration métropolitaine :
la cause véritable de tant de soulèvements répétés et
sanglants, c'est le maintien d'un régime colonial con-
damné par l'histoire tout entière. L'auteur expose toutes
les solutions possibles de la question cubaine, et il n'hésite
pas à reconnaître qu'il ne s'agit plus aujourd'hui de
concessions et de réformes, mais de la suppression com-
plète de l'exploitation espagnole, que l'on adopte pour
Cuba le régime du Canada, ou que les iles s'incorporent
aux États-Unis ou à une fédération républicaine des
Antilles.
Les conclusions générales de l'auteur sur la colonisation
espagnole témoignent d'une indulgence que les chapitres
antérieurs ne faisaient pas attendre. « La législation
donnée aux colonies espagnoles, dit-il, a toujours été
pleine d'humanité ; elle était, de même que les instruc-
tions qui en étaient les corollaires, la conséquence d'une
nécessité reconnue. » Il faut redouter que par un tel lan-
gage on ne semble légitimer tous les abus de l'histoire.
L'auteur prend inutilement la peine de venger contre
Merivale la vaillance du peuple espagnol que nul ne peut
sérieusement contester, mais il lui reconnaît les plus
belles qualités pour un peuple colonisateur : la fierté, la
bravoure, la ténacité. Il faut avouer que le moment est
mal choisi pour en constater les effets. L'auteur affirme
( M 9 )
néanmoins la nécessité des réformes. Le dernier chapitre,
qui porte la trace de remaniements, me semble avoir
besoin d'une revision complète.
Le système colonial des Pays-Bas et son histoire em-
brassent la plus grande partie du second volume. Cette
histoire comprend, d'après l'auteur, quatre périodes que
l'on pourrait même subdiviser en cinq. Dans la première,
qui va de 1605 à 17ÎJ5, l'auteur retrace le tableau de la
formation, du développement rapide, de la prospérité
inouïe, de la décadence et de l'effondrement de la Com-
pagnie des Indes; de 1795 à 1830, on peut former deux
périodes intermédiaires. L'année 1850 est marquée par
l'institution du célèbre système de culture du général
Vandenbosch; de 1862 à nos jours, sous la pression de
l'opinion publique, ce funeste système est aboli et le
régime colonial transformé. L'auteur a très bien exposé,
en puisant aux meilleures sources, les caractères et les
ellèts de cette culture forcée, et montré comment tous les
intérêts individuels des fonctionnaires étaient associés à
l'intérêt inavouable de l'État, et toutes les énergies com-
binées dans l'odieuse exploitation des indigènes. On voit
comment le travail exagéré des hommes et l'épuisement
graduel de la terre provoquèrent ainsi des famines ter-
ribles, des insurrections sanglantes qui furent à la fois la
sanction physique et la sanction morale des excès d'un
système colonial inique. Le soulèvement des consciences
en Hollande, l'œuvre préparatoire de Vandeputte, les lois
agraires réparatrices de 1870 sont l'objet d'une section
très étendue de l'ouvrage. L'évolution de la propriété qui
s'accomplit sous ces régimes coloniaux successifs, le
mouvement oscillatoire auquel elle obéit et qui déter-
mine, d'abord, une extension du domaine communal.
( 620 )
ensuite, une tendance inverse à la décomposition de la
dessa, sont fort intéressants à suivre pour le sociologue.
Il eût été très important de connaître de près les effets
du système de la liberté commerciale sur l'industrie hol-
landaise : les lois des 17 novembre 1872 et 16 avril IS<X<>,
qui anéantissent le régime du monopole et consacrent
l'uniformité des droits d'entrée, ouvrent une période
vraiment expérimentale, d'un puissant intérêt pour la
science. Aucun privilège n'étant plus accordé aux
nationaux dans le commerce avec l'Insulinde, on pourra
mesurer les avantages indirects de la colonisation et
apprécier à quel point elle assure un débouché aux indus-
tries de la métropole et la place dans des conditions de
lutte plus favorables que les nations concurrentes. L'au-
teur a des conclusions optimistes, mais, je l'avoue, je
désire des statistiques plus étendues et plus précises.
Dans cette transformation de régime, la Hollande a
sacrifié ses intérêts matériels immédiats à la justice et
aux intérêts supérieurs de la civilisation. C'est la gran-
deur indéniable du spectacle qu'elle présente; l'histoire
des difficultés premières, des perturbations dans l'équi-
libre budgétaire qui sont les résultats de la transformation
coloniale, est l'objet d'intéressants chapitres. L'auteur
examine aussi si l'Insulinde est susceptible de devenir
une colonie de peuplement. Il confirme le témoignage
de l'expérience. Le blanc n'y fait pas souche après la
troisième génération; pût-il même s'établir à de grandes
altitudes, il serait toujours soumis à la concurrence
dépressive des indigènes. Cette vaste étude sur les sys-
tèmes de colonisation de la Néerlande est richement
documentée et forme la meilleure partie de tout l'ouvrage.
Dans l'histoire du système colonial de l'Angleterre,
( 621 )
l'auteur trace les phases dont le soulèvement et l'émanci-
pation des Ktats de la Nouvelle-Angleterre marquent la
dernière. Dès le début, et à travers les fautes de ta
métropole, il dégage les traits généraux d'un système qui
ira s'affermissant : le principe de non-intervention dans
les affaires locales des colonies, la tendance à leur accor-
der des institutions libérales. L'auteur s'applique à mon-
trer qu'entre les partis anglais il n'y a, à l'égard de la
politique coloniale, que des différences de degrés. L'An-
gleterre compte cependant des esprits éminents qui vou-
draient hâter l'émancipation des colonies, même celle de
l'Inde. L'auteur, à ce sujet, oublie de signaler les repré-
sentants de l'école positiviste anglaise, comme Harrison
et Congrève.
L'administration des colonies est étudiée longuement.
L'un des principes dirigeants de l'Angleterre, et qui
place son système à l'opposé du système hispano-portu-
gais, c'est que les colonies n'ont aucun représentant au
Parlement anglais. Le corollaire de ce principe, ce sont
les larges prérogatives des établissements coloniaux. La
distinction des colonies administrées directement par le
gouvernement britannique et des colonies ayant à des
degrés divers des institutions représentatives, les droits
restreints qui restent au gouvernement métropolitain,
l'indépendance grandissante des colonies, tous ces aspects
du système sont successivement passés en revue; l'auteur
consacre, en outre, un chapitre aux compagnies de colo-
nisation, qui ont eu une nouvelle efflorescence, surtout en
Afrique, depuis 1881. Elles s'appliquent à étendre l'in-
fluence de la métropole et à préparer le dominium plénum.
Des études monographiques sur l'Inde et le Canada
permettent de suivre les transformations (\u système de
colonisation de l'Angleterre.
( 6-22 )
L'histoire de la Compagnie des Indes, dont le privilège
commercial a pris fin en 1853, et dont les pouvoirs poli-
tiques, comme une sorte de funeste survivance, se sont
maintenus un quart de siècle et plus, est exposée à grands
traits.
L'auteur enregistre les jugements sévères que les histo-
riens de la colonisation ont prononcés sur la Compagnie
des Indes. La substitution de l'État à cette compagnie
tendra à transformer graduellement le système colonial
en simple protectorat. La métropolejprépare les Indes au
self government; mais, bien qu'il faille tenir compte des
lieux, des temps, des aptitudes de la race, selon le vœu
de l'auteur, il faut reconnaître que la'métropole est loin
encore ici d'avoir accompli sa mission coloniale tutélaire.
Le Canada nous offre un État qui a pris et atteint le
degré le plus élevé de l'évolution dans le système colo-
nial anglais; il ne lui reste qu'un lien 'fragile à rompre
pour achever de consolider sa constitution fédérative.
L'Angleterre tend ainsi à dégager l'individualité de ses
colonies, surtout de ses colonies de peuplement. Ce sont
les premières qui s'émanciperont, et sans doute, selon le
beau mot d'Erskine May, quand le lien se rompra, ce sera
par la seule énergie expansive de la liberté.
Dans les chapitres consacrés à l'histoire coloniale de
la France, l'auteur montre un antagonisme incessant
entre la politique continentale et la politique coloniale
de cet État. C'est parce que la France n'a pas su conser-
ver son empire colonial qu'elle a adopté, pour les débris
qui en subsistent, un régime opposé à celui de l'Angle-
terre. Ce régime est caractérisé par la centralisation poli-
tique et administrative, et par un effort persistant dirigé
vers l'assimilation des colonies à la métropole. Les fluc-
( 625 )
mations de la politique intérieure de la France reten-
tissent dans les colonies, et la centralisation y revêt la
forme autoritaire quand la politique monarchique pré-
vaut; la rigueur de la centralisation ilécliit et les mesures
favorables à l'assimilation remportent avec la politique
républicaine. Il y a des degrés dans cette assimilation :
ainsi, la Guadeloupe et la Martinique sont devenues de
véritables départements lointains. L'auteur expose en
détail l'administration coloniale et l'organisation mili-
taire des colonies françaises; il consacre un long chapitre
aux compagnies de colonisation, ou plutôt aux efforts
accomplis pour les installer; avec une réelle impar-
tialité, il reconnaît les résistances jusqu'ici invincibles
qu'elles ont rencontrées dans l'esprit public, malgré l'avis
favorable d'économistes éminents, comme M. P. Leroy-
Beaulieu ; il pense lui-même qu'il est au moins douteux
que la création de compagnies nouvelles soit un bien
pour la France.
L'Algérie est l'objet d'une étude spéciale. L'auteur
retrace les alternatives de la prépondérance civile et de
la prépondérance militaire dans l'administration de cette
colonie. Elle participe de la nature des colonies de peu-
plement et de celle des colonies d'exploitation : elle
doit être dotée d'un bon régime foncier. L'auteur
expose les changements successifs qu'il a subis, le pas-
sage du système de concessions des terres domaniales au
système de vente de ces terres, et le retour actuel au
systèmes de concessions, que l'auteur condamne comme
aboutissant à la création de villages artiiiciels. Les dispo-
sitions légales sur la conservation et la transmission de
la propriété ont subi des variations successives impor-
tantes, qui sont exposées en détail. En 1852, on livre à la
( 024 )
colonisation les terres du domaine, en respectant la pro-
priété individuelle et collective des indigènes; de 1857
à 18G5, on s'efforce de faire entrer dans la circulation la
totalité des terres familiales; en 1865, la législation a des
retours vers la propriété collective des terres; depuis
1875, le législateur tend à l'organisation de la propriété
individuelle et à la transformation de la propriété col-
lective des Arabes.
L'auteur, après avoir exposé le régime colonial de
l'Algérie, livré à tant d'instabilité, exprime l'opinion que
sa colonisation a été une idée malheureuse, qu'au-
jourd'hui encore elle coûte des millions à la France et
qu'avec une population égale à la moitié de la nôtre,
elle n'atteint pas le dixième de la valeur de nos impor-
tations et de nos exportations.
Le système colonial de la Russie révèle un esprit de
suite, une persévérance, une continuité d'action qui
contraste avec la colonisation française. L'auteur en
divise l'histoire en deux périodes : la première, qui va
de Pierre le Grand à la réorganisation des colonies mili-
taires en 1818; la seconde, s'étendant de 1818 à nos
jours; il déroule le plan gigantesque d'une entreprise
qui menace à la fois la Chine, la Perse et l'Inde. Le
trait le plus important du système, au point de vue
d'une étude comparative, c'est l'intervention de l'État.
Nulle part l'État n'a concouru plus directement à l'ex-
pansion coloniale; il a exécuté des travaux publics
énormes, favorisé le transport et le commerce, concédé
des territoires entiers pour les mettre en culture, et fait
servir son armée à la fois à la conquête et au développe-
ment économique.
L'étude de la colonisation allemande présente l'intérêt
considérable d'une expérience qui s'accomplit sous nos
( 64S )
yeux mêmes et dont nous avons pu suivre lotîtes les
phases. L'auteur y consacre une grande partie de son
troisième volume. Deux ordres de circonstances ont
porte les préoccupations vers les colonies : l'importance
grandissante de l'émigration allemande, d'abord, et la
direction des courants d'émigration, sans avantages directs
pour la mère patrie, la réaction protectionniste en
Europe ensuite, qui détermine les peuples industriels à
rechercher des débouchés nouveaux. Mais à l'égard de
l'émigration, la solution ne pouvait être cherchée que
dans les colonies de peuplement, et les seuls établisse-
ments coloniaux allemands auxquels l'auteur assigne ce
caractère sont ceux du sud-ouest de l'Afrique et de la
Nouvelle-Guinée. J'avoue que, même dans ces limites,
je ne partage pas son avis. L'auteur nous dit d'ailleurs
que les courants primitifs d'émigration ne se sont pas
détournés. On le croit sans peine.
L'évolution coloniale allemande, retracée avec détail,
a commencé par l'institution de compagnies de coloni-
sation, et l'intervention de l'État affectait, à Poriffine,
la seule forme du protectorat : l'extension rapide de ces
compagnies et de ces protectorats en Afrique et en Océanie
est exposée dans plusieurs chapitres. Mais ces formes cir-
conspectes de la colonisation allemande ne devaient être
que transitoires. Si les hommes d'État allemands n'y
virent d'abord que des établissements commerciaux, la
pression des événements contraignit l'Empire à une
intervention de plus en plus étendue et durable, jusqu'à
transformer en véritables colonies de la Couronne, au sens
anglais, une partie de ces établissements. L'auteur consi-
dère que cette mesure doit se généraliser, et réclame des
sacrifices nouveaux de l'État allemand.
3n,e SÉRIE, TOME XXXIII. -\ \
( 626 )
Dans les dix pages de conclusions qui se rattachent
à l'Allemagne, l'auteur résume les principes de la poli-
tique coloniale allemande par ces mots : « Faire le mieux
possible, et laisser tout faire. »
Après l'exposé qu'il a tracé lui-même, ces paroles
semblent quelque peu ironiques.
La colonisation italienne vient la dernière dans cette
revue historique.
Ici encore, les préoccupations coloniales sont nées du
développement considérable de l'émigration italienne,
mais ici aussi, la seule voie raisonnable eût été dans la
direction des colonies de peuplement. Aux yeux de
l'auteur, l'Italie a une véritable vocation coloniale, et il
y a pour elle nécessité de coloniser, (le n'est pas l'avis de
publicistes italiens d'un grand mérite, comme Colajanni,
qui a consacre un livre important à la colonisation
italienne; et il semble certain que des réformes agraires
profondes, en Italie même, eussent paralysé ou ralenti
l'émigration. C'est là qu'est le vrai remède à l'émigration.
Les établissements de la mer Rouge, conquis par l'Italie,
ne pouvaient, d'après l'auteur môme, servir de colonies
de peuplement, et une colonie d'exploitation ne pouvait
guère qu'attirer les capitaux étrangers. Voilà le dilemme
dans lequel était enserrée l'Italie.
Cependant, avec cette sorte d'indulgence coloniale qu'il
montre trop souvent, malgré son indéniable sincérité.
l'auteur s'efforce encore de légitimer, au point de vue
commercial, les entreprises italiennes. Au moment où il
terminait son ouvrage, des nuages assombrissaient ce
qu'il appelle le ciel de la colonisation italienne. Nous
savons que c'est une pluie de sang qui a jailli de ce ciel et
baigné l'Ervthrée.
( 627 )
Cette longue exposition des systèmes de colonisation
appelait des conclusions d'un sérieux et fécond enseigne-
ment, en même temps que d'une haute portée sociale.
L'étude comparative des systèmes de colonisation, des
formes de colonies, des zones colonisées, des influences
qu'exerce le milieu physique sur le sort de la colonisa-
tion, des modes d'intervention de l'État, des effets de
l'initiative privée, des résultats que l'application des
divers systèmes a produits pour la métropole, toutes ces
recherches précieuses devaient fournir des principes diri-
geants pour la conduite des peuples.
L'auteur nous devait ces conclusions à un double titre :
en effet, la méthode d'exposition adoptée par lui et
d'après laquelle la théorie déductive de la colonisation
précède les inductions spéciales de l'histoire et de la
statistique, l'obligeait à opérer une revision des princi-
pales conclusions de la première partie de l'ouvrage,
et, surtout, à préciser celles qu'il avait expressément
réservées. Des questions que l'histoire et la statistique
pouvaient seules éclairer surgissaient d'elles-mêmes. Par
exemple : dans quelle mesure les colonies et le commerce
colonial peuvent-ils contre-balancer les changements
généraux dans l'économie commerciale du monde? Lue
étude statistique comparative de l'ensemble du mouve-
ment commercial et du commerce colonial s'imposait. In
exemple en marquera la portée. Le traité de 1860 avec
l'Angleterre ouvre en France la période du libre échange.
Le commerce reçoit une impulsion considérable : de
18(51 à 1<S(>;>, le montant des exportations s'accroît en
moyenne de 290 millions de francs par an: or le chiffre
total des exportations françaises, dans toutes les colonies
delà France, n'atteint que 503 millions de francs en l.X«i ! .
( 028 )
Qu'on se transporte à trente ans du traité anglo-français.
La réaction protectionniste a entraîné la France. Sous
l'influence de ce régime et de la baisse des prix, le com-
merce d'exportation tombe de 3,753,000,000 de francs en
1890, à 3,209,619,000 francs en 1892. L'écart est de près
de deux fois toute l'exportation aux colonies. Après le
iraité de 18(>1, qui inaugure en Belgique l'ère de la liberté
progressive, nos exportations s'élèvent, de 1 80 1 à 1871,
de 453 millions de francs à 888 millions; l'écart est égal à
une fois et demie tout le montant des exportations de la
France dans ses colonies. De 1891 à 1892, la dépression
des affaires fait retomber les exportations en Belgique de
130 millions de francs, la moitié du chiffre des exporta-
tions de la France aux colonies françaises. Ne faut-il pas
conclure que, même à l'égard des nations engagées depuis
longtemps dans la colonisation, alors surtout que leurs
colonies se distribuent dans les régions intertropicales et
les régions chaudes, les changements généraux dans
l'économie mondiale ont une influence infiniment plus
rapide et plus profonde que les colonies? Quelle place
reste-t-il à l'action régulatrice des colonies? Quelle pourra
être la limite de cette action dans le cas d'une colonisa-
tion récente? C'est là un problème que l'auteur a lui-
même elfleuré dans la première partie de son livre.
11 résulte des recherches de l'auteur que la tendance
invincible de l'évolution historique est à réaliser l'égalité
des conditions de toutes les nations dans le commerce
colonial, et à abolir tous les privilèges de la métropole.
Quels avantages spéciaux subsistent alors en fait pour
celle-ci? Dans quelle mesure la communauté de langue,
d'origine, de race, de traditions, d'habitudes, fait-elle
naître des relations commerciales durables, qui persistent
( 629 )
après que les privilèges ont disparu, après même que le
lien colonial s'est dissous? Quelle comparaison utile ne
peut-on Taire à cet égard entre l'Angleterre et l'Espagne,
à l'égard de leurs anciennes colonies émancipées; quelle
comparaison entre les colonies de peuplement et les
colonies de plantations ou de commerce! Quels enseigne-
ments la statistique néerlandaise du dernier quart de
siècle, déjà interrogée partiellement par des économistes
comme M. G. de Laveleye, peut-elle nous procurer
aujourd'hui? Dans quelle mesure ces liens multiples et
complexes de la métropole avec les colonies se relâchent-
ils devant cette loi générale que, à égale qualité des
produits, la préférence est donnée dans le commerce des
colonies à la nation qui produit au meilleur marché?
Bien d'autres questions se posent dans la pensée du
lecteur.
L'auteur, clans ses conclusions, ne s'est pas mis au
point de vue rigoureusement positif auquel lui-même
s'était obligé à se placer. Ses conclusions, d'un caractère
beaucoup trop général et sommaire, élèvent sans doute la
pensée à la considération abstraite et philosophique de
l'influence qu'exerce la colonisation sur les progrès de la
consommation et de la production, sur le peuplement du
globe, sur la diffusion et la pénétration réciproque des
races humaines, sur l'expansion des institutions libres et
de la solidarité humaine. Il ouvre les perspectives de la
constitution finale de l'économie mondiale, de l'unité
économique et morale du monde. Cependant, il fallait
nous ramener plus directement et plus rigoureusement
des hauteurs de la philosophie de l'histoire aux pro-
blèmes qui pèsent aujourd'hui d'un si grand poids sur
l'esprit des hommes d'État, et demander à l'histoire et à
{ 630 )
la statistique d'éclairer plus vivement et plus complè-
tement les efforts actuels des nations industrielles de
l'ancien monde.
La légitimité des observations critiques qui précèdent
ne peut me faire oublier le travail considérable auquel
l'auteur s'est livré, l'utilité des matériaux qu'il a ras-
semblés, la science et le talent avec lesquels il a souvent
réussi à les mettre en œuvre.
D'une part, la considération des mérites incontestables
et même vraiment supérieurs de ce mémoire me porte à
proposer à l'Académie de le distinguer; de l'autre, la
considération des lacunes qu'il présente, de l'imperfection
de certaines parties, et l'insuffisance des conclusions géné-
rales, mises en rapport avec les grands intérêts qu'elles
doivent éclairer, me portent à suspendre un jugement
favorable. J'attendrai la communication des rapports de
mes honorables collègues avant de me prononcer définiti-
vement, mais j'exprime, dès à présent, l'avis formel que
l'Académie, en couronnant ce mémoire, devrait réclamer
le l'auteur la revision de plusieurs chapitres de la
première et de la seconde parties, et la refonte des con-
clusions générales, en donnant à celles-ci de larges déve-
loppements. »
ttaft/tui-t U« H. Bmtning, </«*m.W«*»i«» cou: utitmtiftf
« La question de la colonisation a pris, au cours de ce
siècle, une importance dont témoignent, d'une part, les
grandes entreprises d'exploitation et d'occupation qui.
parties simultanément de la plupart des pays européens,
ont renouvelé l'aspect de trois continents, d'autre part,
( 631 )
les innombrables publications auxquelles a donné lieu ce
mouvement d'expansion civilisatrice. La (liasse des let-
Ires, eu attirant de ce côté l'attention des travailleurs, avait
formulé le problème en ces termes : « Exposer les théo-
ries de la colonisation au XIXe siècle et étudier le rôle de
l'État dans le développement des colonies. » Ce n'est pas
un mémoire qu'elle a reçu en réponse : c'est un ouvrage
considérable, en trois volumes in-!", d'environ quinze
cents pages. L'étude critique d'une telle œuvre aurait
réclame un temps prolongé; l'époque tardive où j'ai pu
m'y livrer m'a obligé de borner mon examen à quelques
points essentiels. Au surplus, l'analyse développée qu'en
a donnée notre savant confrère, M. Denis, éclaire toutes
les parties de cette laborieuse enquête et me dispense
d'entrer dans le détail des recherches et des doctrines de
son auteur.
A serrer les termes de la question, il semble que pour
la traiter rationnellement dans les limites qu'ils tracent,
il eût pu suflire d'esquisser à grands traits, de caracté-
riser par leurs principes fondamentaux, les systèmes de
colonisation qui ont été mis à l'épreuve chez les diverses
nations, sous des climats différents, dans des conditions
variées, et de déduire de cette étude comparative les
bases d'une conception organique, justifiée par la raison,
sanctionnée par l'expérience, conciliant dans une mesure
satisfaisante le pouvoir dirigeant de la métropole avec
l'autonomie relative de la colonie, les intérêts du peuple
colonisateur avec ceux des races ou des territoires colo-
nisés. On aurait débuté ainsi par l'analyse pour aboutir
à une synthèse, scientifique dans ses principes, pratique
dans ses conclusions. C'est la voie opposée qu'a prise l'au-
teur : il commence par la théorie, qui remplit le premier
( 632 )
tiers de son ouvrage, et finit par l'histoire, qui occupe tout
le reste. En t'ait, son travail ressemble plutôt à une his-
toire qu'à une théorie de la colonisation. N'était-ce pas
l'inverse que la Classe avait demandée? De toute façon,
cette méthode compromet l'unité du plan et enlève aux
déductions du tome premier une part de leur force
démonstrative.
Après une préface et une introduction, la première par-
tie traite exclusivement deux matières : l'émigration, qui
fait l'objet de quatre chapitres, et la colonisation, qui en
occupe dix-sept. La question de l'émigration est pour
nombre de pays de la vieille Europe, encombrés d'une
population surabondante, une préoccupation de premier
ordre : elle appelle un examen approfondi. L'étude que
nous avons sous les yeux l'a-t-elle poussé assez loin ? On y
relève des tendances, des courants contradictoires : tantôt
l'émigration est envisagée comme un mal contre lequel il
faut réagir, tantôt elle apparaît comme un instrument de
salut. Pour qu'elle soit et reste ce qu'elle doit être, un
acte d'initiative privée, il n'est pas nécessaire que l'État
s'abstienne ; au contraire, sa mission est ici non seule-
ment d'avertir, d'informer, mais d'orienter, de conseil-
ler, de soutenir. N'est-ce pas une erreur de considérer
l'indigence comme le stimulant principal de l'émigration?
N'en est-ce pas une autre de compter les émigrés comme
une force perdue pour le sol natal? Les vrais principes
en cette matière n'échappent certes pas à l'auteur ; mais
l'application qu'il en fait paraît défectueuse et pleine
d'hésitations.
La colonisation est traitée avec plus d'étendue : elle
est, dit l'auteur, « le grand moyen d'arriver à la posses-
sion du globe, elle s'impose comme devoir de conserva-
( 633 )
tion » (I, p. 260). En effet, et il eût pu ajouter : comme
principe de progrès. Prise du point de vue international,
la colonisation est un devoir que les races supérieures
s'imposent au profit des races arriérées qui, à leur tour,
fécondent et rémunèrent l'effort et les sacrifices consentis
pour les appeler à la civilisation. Cet aspect moral et
social de la colonisation demandait ;i être abordé de
front. Toute nation qui peut coloniser parce qu'elle dis-
pose des hommes et des capitaux nécessaires, le doit,
sous peine de manquer à sa mission, de déchoir parmi
ses émules ou ses rivales, de compromettre son titre au
respect universel. Ce point de vue domine le débat ; il se
concilie aisément avec l'intérêt national et n'en exclut
aucune des préoccupations légitimes. La coordination de
ce double système de rapports était, au contraire, de
nature à dégager des aperçus nouveaux, à préparer la
vraie solution de l'avenir.
Si cette lacune abaisse le niveau de l'ouvrage, les
matières d'application occupent en revanche de nom-
breux et copieux chapitres : causes de la colonisation,
diverses espèces de colonies, protectorats, modes et
moyens de colonisation, compagnies à charte, armées
coloniales, colonies pénales, missions et esclavage, quali-
tés des colons, agents coloniaux, représentation politique
des établissements d'outre-mer, indépendance et utilité
des colonies. Des notions abondantes et variées sont accu-
mulées sur ces données qui, si elles n'épuisent pas le pro-
blème colonial, en éclairent au moins les laces principales.
L'auteur s'inspire des saines doctrines économiques; il
discerne bien les erreurs et les contradictions de l'ancien
régime colonial, et rompt nettement avec les préjugés
d'un autre âge. C'est par la liberté, non par l'autorité,
( 634 )
qu'on colonise avec fruit. Des mains débiles, des aines
inertes ne créenl par des Etats : nulle tâche ne réclame
davantage des caractères trempés, des énergies qui
domptent l'obstacle et forcent le succès. A de tels élé-
ments, on n'impose pas des lisières, on ouvre la carrière
toute large. C'est ce qu'avait compris et voulu la Conférence
de Berlin. L'auteur attache avec raison une haute impor-
tance aux résolutions de cette assemblée qui renouvela
le droit colonial et y introduisit des principes nouveaux.
On doit regretter d'autant plus que le chapitre qu'il y
consacre laisse tant à désirer sous le rapport de l'exacti-
tude des faits comme de l'interprétation juridique des
clauses. Sur l'origine de cette grande transaction diplo-
matique, sur l'aire géographique du bassin conven-
tionnel (1), sur le statut des compagnies commerciales,
sur le régime de la navigation et surtout de la neutralité,
les erreurs sont graves et fréquentes : elles s'expliquent
d'autant moins que les événements sont récents et les
sources authentiques d'information d'un accès aisé. Avec
cela, des citations incorrectes ou sans référence aucune,
et des digressions qui déroutent par leur imprévu. Le
chapitre relatif à la traite des nègres et à la législation
('•dictée par la Conférence de Bruxelles ne comporte
pas moins de réserves : les lacunes de ce côté sont parti-
culièrement apparentes, puisqu'il s'agit d'un acte contem-
l Un exemple : l'auteur fait déboucher le bassin de la liberté com-
merciale sur l'Atlantique par 150,000 kilomètres, sur l'Océan Indien
par 2,500,000 kilomètres. La réalité est 600 kilomètres à l'ouest,
2,500 kilomètres à l'est. Encore faut-il déduire de ce côté le littoral
portugais de Mozambique, et tenir compte des anciennes réserves
du Sultan de Zanzibar.
63;i
[>orain. La source du mal es! parloul la même : les vues
sont trop générales, les considérations abstraites domi-
nent, l'examen n'atteint pas le fond des problèmes. En
matière d'émigration et de colonisation, la statistique est
d'un grand secours : il convient d'en compulser avec
soin les éléments et d'interpréter judicieusement les
chiffres. Ce moyen efficace de contrôle est reste dans
l'ombre : son absence infirme la portée pratique d'un
travail qui commande la sympathie par l'ampleur de ses
proportions et la sincérité de l'effort.
L'histoire de la colonisation forme la seconde partie
de l'ouvrage : elle remplit deux loris volumes. Après une
esquisse assez sommaire, non à l'abri de toute critique,
de la colonisation dans l'antiquité et au moyen âge,
railleur passe successivement en revue les entreprises
coloniales exécutées depuis le XVIe siècle jusqu'à nos
jours par le Portugal, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Angle-
terre, la France, la Russie, l'Allemagne, l'Italie. L'avant-
dernier chapitre traite de la question coloniale en Bel-
gique et le dernier formule les conclusions finales,
Le champ d'exploration est vaste : pour s'y mouvoir
avec succès, il faudrait une érudition peu commune, une
initiation profonde à nombre de questions politiques et
sociales de la nature la plus complexe. Malgré tout le
désir que j'éprouve de rendre hommage à l'application de
l'auteur, à la somme considérable de labeur qu'il a
accomplie, je ne saurais émettre l'opinion qu'il ail réussi
dans sa lourde tache. La plupart de ses chapitres sont des
résumés rapides, ne sortant pas des généralités, soule-
vant au passage bien des objections sous le rapport de
l'exactitude historique. II convient de faire une exception
pour l'exposé de l'œuvre coloniale des Pays-Bas. surtout
( 636 )
dans la période contemporaine : î * - i l'on sent une prépa-
ration spéciale et la connaissance directe des sources. Le
tableau est plein d'intérêt : la question des cultures for-
cées est traitée avec maturité et l'analyse de la réforme
entreprise et poursuivie avec persévérance sur ce terrain
donne une haute idée de l'administration néerlandaise et
de l'esprit colonisateur de la nation.
Il s'en faut malheureusement que les chapitres consa-
crés aux entreprises coloniales des autres peuples soient
trains avec cette compétence. En général, l'historien
n'est pas à la hauteur de l'économiste. Les sévères
méthodes de la critique historique ne lui semblent pas
familières. Les bibliographies qui précèdent les diverses
parties de l'ouvrage accusent un singulier mélange
d'ouvrages d'une valeur fort inégale; elles retardent trop
souvent sur l'état de la science et il n'est pas rare d'y
voir omettre l'œuvre capitale sur la matière. Une source
largement utilisée, ce sont les articles de revues : elle
n'est pas toujours sûre.
Dans une œuvre aussi étendue, d'un caractère presque
encyclopédique, on s'étonne que l'expérience coloniale
qui se poursuit depuis 1885 sous le nom de l'Etat Indé-
pendant du Congo n'ait pas fait l'objet d'une étude spé-
ciale : ii peine en est-il fait quelques mentions rapides.
Cette abstention s'explique d'autant moins qu'elle ne
saurait être attribuée à un sentiment d'hostilité. L'exposé
de l'activité coloniale des Belges aux diverses époques
de leur histoire est à peine esquissé. Sans même sortir
de ce siècle, les tentatives dans cette voie ne furent pas
rares. La dernière en date n'est autre que le projet de
reprise de l'État du Congo, qui fit l'objet du traité du
9 janvier 1895. Il semble que cette transaction tant dis-
( 637 )
eutée et si peu comprise eût pu fournir à l'auteur l'occa-
sion de terminer sur le terrain national sa revue des
entreprises coloniales des peuples européens.
Ce n'est pas sans quelque regret que j'arrive à la con-
clusion de cet examen. La (liasse se trouve en présence
d'une œuvre dont les proportions dépassent le cadre
habituel des travaux qui lui sont soumis. L'effort est
grand et sérieux: il témoigne d'un zèle soutenu, inspiré
d'idées justes et vraies, dirigé vers un but élevé, digne
de toute approbation ; mais cet effort s'est trouvé dispro-
portionné aux moyens d'exécution. Est-ce le temps qui
;i l'ait défaut? On peut le supposer, ne fût-ce qu'en con-
statant l'état rudimentaire de la forme, qui réclame une
revision attentive. De nombreux indices dénoncent un
travail hâtif, dominé sans doute par la préoccupation
d'aboutir à un délai fatal, manifestement trop court pour
remplir un aussi vaste programme. Dans les conditions
actuelles, le livre qui nous est soumis ne peut être consi-
déré comme une œuvre de science, parce qu'il ne satisfait
pas pleinement aux exigences d'une critique rigoureuse.
et il n'est pas davantage une œuvre de vulgarisation,
parce que celle-ci commande des vues mieux arrêtées,
des lignes plus précises. Cependant plusieurs de ses par-
ties sont traitées avec un réel talent et partout se révèle
un labeur persévérant avec une intelligence peu commune
des aspects multiples du problème colonial. Quoi de plus
légitime dès lors que de permettre au concurrent de
remettre son ouvrage sur le métier, de lui donner le
temps nécessaire pour mûrir sa pensée, étendre et appro-
fondir ses recherches? En décidant, dès à présent, de
maintenir la question de la colonisation au concours, la
Classe garderait la confiance de recevoir dans quelques
( 638 )
années une œuvre qu'elle pourrait couronner en toute
sécurité et qui assignerait à son auteur un rang en rap-
port avec son incontestable mérite. »
J<<</>/<<>» I il,- in. If cheraléff Op«rnmp«,
/»•«#»'»»»•*»«»• <(><><><< ls»a if *■
« Après les rapports étendus de mes honorés confrères,
MM. Denis et Banning, ma tâche est simplifiée et je puis
me borner à formuler brièvement mon opinion concer-
nant le mémoire qui nous est soumis.
Je me rallie à l'opinion de M. Banning. Je ne le fais
pas sans hésitation et sans un vif regret, car des efforts
comme ceux qu'atteste le mémoire semblent mériter une
récompense immédiate. Malgré les défauts de méthode
et les inégalités qui existent entre les diverses parties de
cet ouvrage, malgré les négligences de forme relevées par
mes honorés confrères, il y a dans ce travail une .étude
consciencieuse et remarquable du problème colonial sous
ses multiples aspects. Aussi ai-je la confiance que le délai
nouveau éventuellement accordé par l'Académie aura pour
conséquence, non de décourager l'auteur très méritant du
mémoire, mais de lui permettre, en profitant des cri-
tiques dont son ouvrage a été l'objet, de nous présenter
une œuvre de nature à taire honneur, de tous points, ii
notre littérature nationale. »
La (liasse, adoptant les propositions de ses commis-
saires, n'a pas décerné le prix proposé.
La question sera remise au concours pour 1899.
( 659 )
PRIX PERPÉTUELS.
V r i v Joseph G à n t r e l le.
Philologie classique.
(Troisième période : 1895-1896.)
PREMIÈRE QUESTION.
Préparer une édition critique des « Vies des douze
Césars », par Suétone.
« Je ne cacherai pas à l'Académie que j'ai éprouvé une
vive satisfaction en examinant le mémoire qui porte pour
épigraphe : Ne quid nimis, el qui répond à la question :
Préparer une édition critique des « Vies des douze Césars ».
par Suétone. Dès la première lecture, je me suis senti en
présence d'une œuvre véritablement scientifique, et une
étude plus approfondie n'a fait que confirmer cette
impression.
Le sujet proposé était singulièrement difficile. Les
manuscrits de Suétone sont nombreux, et ils ne sont (je
parle même des meilleurs) qu'imparfaitement connus.
Quels sont ceux qu'il faut choisir pour guides et comment
convient-il de les classer? Roth et G. Becker ont assuré-
ment contribué à élucider ce problème compliqué, mais
ils sont loin de l'avoir complètement résolu et, sur plu-
( 640 ;
sieurs points, leurs conclusions sonl erronées ou contes-
tables : il n'en pouvait être autrement, car ils n'avaient
pas suffisamment étendu leur enquête.
Après le choix des manuscrits vient le choix des leçons,
opération délicate, qui dépend sans doute de la première,
mais qui en est distincte; il ne s'agit pas, en effet, de
suivre aveuglément tel manuscrit ou telle famille de ma-
nuscrits : les témoignages doivent être à chaque instant
comparés et pesés; or les cas embarrassants ne sont pas
rares dans Suétone.
Enfin le texte des Vies des douze Césars est corrompu
en maint endroit et ne peut être rétabli que par con-
jecture. Ce n'était pas une tâche aisée que de réunir
les corrections qui ont été proposées non seulement
dans les anciennes éditions, les commentaires, les
Adversaria, etc., mais encore dans les journaux savants,
les dissertations spéciales, les livres d'histoire et les trai-
tés d'antiquités; de discerner celles qui méritent d'être
introduites dans le texte d'avec celles qui ne sont que
vraisemblables ou propres à en suggérer de meilleures, et
d'apporter à la restitution des passages altérés sa contri-
bution personnelle.
L'auteur du mémoire a abordé franchement toutes ces
ditïicultés et il n'a pas épargné sa peine pour satisfaire à
toutes les conditions qu'on exige aujourd'hui d'une bonne
édition critique.
Il a commencé naturellement par se rendre compte de
l'état des sources. Dans son Introduction, il nous signale
1Ô7 manuscrits de Suétone. Il a vu lui-même tous ceux
de Paris, de Londres, de Florence, de Rome, de Naples,
de Venise, de Milan, de Berne, de Soissons, de Montpel-
lier, de Leyde et de Harlem; pour les autres (du moins
v 641 )
pour ceux qui lui paraissaient présenter quelque intérêtjr,
il s'est procuré les renseignements nécessaires en s'adres-
sant à des personnes compétentes. Les manuscrits les
plus importants ont été collationnés en entier (4) et, ce
semble, avec beaucoup de soin.
Une t'ois en possession de ces riches matériaux, l'au-
teur s'est appliqué à établir la généalogie des manuscrits.
Sa classification diiîère sensiblement de celles de Roth
et de G. Becker. Il divise tous les manuscrits de Suétone
en deux grandes classes, qu'il désigne par X et par /.
Dans la première, qui est aussi la meilleure, il place le
M( minianus (A), dont la primauté est incontestable, le
Valkanus 1904 (B), le Gudianus 268 (C), le Parisinus
5804 (D) et l'archétype, aujourd'hui perdu (x'), d'un
groupe formé par le Mediceus tertius ou Laurenrianus
(>8,7 (a), le Parisinus 5801 (b), le Mediceus primus ou
Laurentianus 66,39 (c) avec son descendant le Bemensis
104 (d), et le Montepessulanus (f). B et x' semblent déri-
ver d'un même manuscrit perdu (x), frère de A. La
seconde classe comprend quatre manuscrits principaux :
le Londinensis Regius 15 C 111 (a), le Parisinus 6146 (js),
le Parisinus 5802 (y) et le Suessionensis (-), ainsi qu'un
certain nombre de manuscrits de moindre valeur. Quant
à la tourbe des détériores (quelques manuscrits du XIVe
siècle et tous ceux du XVe), l'auteur l'écarté résolument
comme dépourvue de toute autorité. Je n'oserais affirmer
que cette classification est irréprochable et définitive;
mais en tout cas elle me semble bien plus près de la
(t) Pour le Gudianus, l'auteur, n'ayant |>u le consulter, a dû se
contenter d'une collation qui se trouve à la bibliothèque de Gôttingue.
3",e SÉRIE, TOME XXXlll. i2
( 642 )
vérité que celles île Hoth et de G. Becker, et elle marque un
progrès considérable dans la critique de Suétone. Ajou-
tons que l'auteur a redressé en passant plus d'une erreur
de ses devanciers et qu'il a réussi à identifier bon nom-
bre de manuscrits qui avaient servi à divers savants et
dont on ne connaissait pas exactement le caractère et la
valeur.
Dans la constitution du texte, il a procédé avec tact cl
avec prudence. Il a pris pour base le Memmianus ; mais,
sans verser dans un éclectisme arbitraire, et appliquant
une saine méthode, il n'a pas hésité à adopter de bonnes
leçons que lui fournissaient les autres manuscrits, et dont
une partie était ignorée jusqu'ici. Pour les conjectures,
il s'est montré très réservé et n'a admis que les plus cer-
taines; il n'en a lui-même hasardé qu'une ou deux.
L'apparat critique est fort bien rédigé ; je n'en saurais
assez louer la clarté et la sobriété. Les variantes inutiles
ont été laissées de côté; en revanche, les indications pré-
cieuses y abondent. Les conjectures des savants sont
séparées des leçons des manuscrits; celte disposition
permet de mesurer le chemin parcouru depuis que les
efforts de la critique se sont portés sur Suétone.
Le concurrent, avec une franchise qui l'honore, déclare
qu'il n'a pas eu le temps de mettre la dernière main a
son travail. Son Introduction est, en effet, écourtée; il n'a
pu développer toutes ses idées ni donner toutes les preu-
ves à l'appui de ses assertions; il a été obligé de suspen-
dre son jugement sur des questions de détail, sur des
passages controversés; je pourrais aussi relever ça et là
de légères inadvertances. Mais les résultats auxquels il est
parvenu dans le trop court délai qui lui a été accordé
sont un sûr garant qu'il sera bientôt à même de livrer à
( M5 )
la publicité son ouvrage entièrement achevé ci amélioré
par une révision attentive, et je ne doute pas que cotte
édition, préparée avec tant de zèle, d'intelligence et de
méthode, ne tasse honneur à la science belge.
Pour ces considérations, j'estime que le mémoire por-
tant pour épigraphe Nequid m'mis est digne du prix. »
ttappoi't tin .Vf. f*a II illtttti, ilt-ux irnif rAHiiiiiunirr.
« Notre savant confrère, M. Thomas, a exposé les
mérites du mémoire envoyé en réponse à la question :
Préparer une édition critique des « Vies des douze Césars »,
par Suétone.
Il a mis parfaitement en lumière le labeur immense,
souvent aride, que le concurrent s'est imposé, et il a fait
ressortir les résultats acquis : une connaissance plus
approfondie de l'histoire et du texte de nombreux manu-
scrits, une classification plus exacte de ces manuscrits,
et partant une base plus certaine pour la constitution
du texte de Suétone: enfin, la rédaction d'un apparat
critique perpétuel et complet, rédigé avec soin et confor-
mément au système du concurrent sur la valeur relative
des manuscrits.
Toute cette partie mérite les grands éloges que notre
honoré confrère lui décerne.
Mais il restait une seconde partie, où l'auteur avait
spécialement l'occasion de faire preuve de ses aptitudes
critiques. C'est la constitution du texte. Je suis porté à
croire que le défaut de temps aura empêché l'auteur de
mettre la dernière main à cette partie. En effet, je
( 044 )
remarque que le texte qui nous est proposé est celui de
Roth, modifié seulement dans une cinquantaine de pas-
sages, et encore ces modilications portent souvent sur
d'anciennes corrections ou conjectures reprises, ou par-
fois sur des détails d'orthographe. Les corrections diplo-
matiques introduites dans le texte sont peu nombreuses,
et, à quelques exceptions près, d'une importance secon-
daire. J'en conclus que, ou bien l'édition de Roth était
quasi parfaite, ce qui écarterait la nécessité d'une, édi-
tion critique nouvelle, ou bien les résultats pratiques
obtenus par le concurrent ne sont pas en rapport avec la
somme de travail préparatoire fournie. C'est ce qui me
porte à croire, et d'ailleurs l'auteur en convient, que le
concurrent n'a pas eu le temps de mûrir la constitution
définitive du texte.
Bref, comme M. Thomas, je suis d'avis que l'énorme
travail fourni, de même que les résultats déjà acquis,
méritent la récompense du prix, mais que si l'édition de
Suétone était imprimée aux frais de l'Académie, le travail
devrait être revisé, et après revision, être soumis à nou-
veau à la Classe. »
lln/t/Hit'l dtf 11. I «//«/» «»// lf«i»iètne rouiuii'nah'e.
« Je n'hésite pas à me rallier aux conclusions de mes
savants confrères, MM. Thomas et P. Willems.
Le concurrent n'a pas présenté, il est vrai, à l'Acadé-
mie, une édition nouvelle de Suétone : nous ne pouvons
pas même juger par son mémoire s'il possède les quali-
tés d'esprit très spéciales, indispensables pour bien
accomplir une tâche si difficile. Cependant, son travail,
( 613 )
qu'il nous es! évidemment impossible d< contrôler dans
tous ses détails, mais qui nous semble être fait avec beau-
coup de soin, mérite sans doute d'être considéré comme
une bonne préparation d'une édition de Suétone.
L'apparat critique est très bien rédigé.
Le concurrent a répondu sous ce rapport au vœu de
l'Académie, et je propose donc de lui décerner le prix. »
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de ses
commissaires, a décerné le prix proposé (3,000 francs) à
l'auteur de ce travail, M. L. Preud'honime, à Gand.
DEUXIÈME QUESTION.
Étude sur l'art oratoire, la langue et le style (THypéride.
/{»;>//<>t« tfr M. l'ollgtutff, f(t'«>uii>>' eommiaiaire.
« La Classe des lettres a reçu, en réponse à cette ques-
tion, deux mémoires d'étendue et de valeur très di île-
rentes.
Le n° t porte pour devise :
"A OettIv â'^avT|, âvàvxr,
-où; owàffxovTaç
TcXf/VpW'.Ç XX'. ~o~.q
H y péri de (frag. 195 Blass)
et se compose de 105 pages; le n" 2 porte la devise :
Ense et calamo et ne se compose que de 61 pages.
Le second travail, fort mal rédigé et fort incomplet, ne
saurait en aucune façon être considéré comme répondant
au vœu de l'Académie.
( 646 )
L'auteur, très faible helléniste et qui semble ignorer
jusqu'à l'accentuation du grec, ne s'est occupé ni de l'art
oratoire ni du style de l'orateur. 11 se borne à nous
entretenir de la langue d'Hypéride ou plutôt à présenter
une série d'observations grammaticales incohérentes et en
grande partie inexactes sur : a) lés prépositions et leurs
régimes; b) l'emploi des cas et des temps.
En ce qui concerne sa méthode, il la caractérise eu ces
termes :
« Lorsqu'il nous paraîtra que la langue de notre
auteur n'est autre que la langue classique ou usuelle,
nous nous bornerons à l'indiquer d'un mot, en ayantsoin,
toutefois, même en ce cas, de citer, empruntés aux prin-
cipaux auteurs grecs, quelques exemples bien choisis de
l'explication (?) dont il s'agit. »
Je suis convaincu que mes collègues estimeront que ce
travail partiel ne peut, à aucun point de vue, prétendre
à l'obtention du prix.
Le premier mémoire, au contraire, contient un examen
complet et bien coordonné.
Après une introduction générale sur la vie et les dis-
cours d'Hypéride, l'auteurétudie successivement, et d'une
façon détaillée, les traits caractéristiques de son énergi-
que et touchante éloquence dans l'admirable arrangement
de ses discours ; dans son pathétique plein d'esprit
qu'anime et colore presque toujours le mouvement d'une
imagination vive et ingénieuse; dans ses mœurs oratoires
et dans son invention.
Partout l'auteur observe une louable exactitude dans
les nombreuses citations des textes et des travaux philo-
logiques anciens et modernes qu'il a consultés, et nous
montre, par des exemples généralement bien choisis.
( 647 )
dans les différentes parties de l'éloquence d'Hypéride,
tonte cette simplicité, cette souplesse et cette vigueur que
lui reconnaissait Denys d'Halicarnasse.
Avec le même soin, il examine ensuite, dans deux
longs chapitres, les particularités de la langue et du style.
k En somme, lisons-nous dans sa conclusion, le style
d'Hypéride est clair et naturel. Soignant particulière-
ment le fond de ses discours et sans trop se soucier de la
forme, il réalise, connue écrivain, la pensée de Boileau,
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. »
On peut dire que l'auteur de ce mémoire mérite lui-
même, dans une certaine mesure, cet éloge.
Sans doute, il ne serait pas bien difficile de faire quel-
ques observations et quelques critiques de détail. Parfois
l'auteur, épris de son sujet, découvre des ligures et des
beautés littéraires jusque dans les fragments les plus
arides et les plus insignifiants. Non rarement le lecteur
attentif est péniblement surpris par quelque grave faute
d'accentuation comme fioùX/j, fera;, xaO(<rraç, çpârai, etc.
Tantôt l'auteur ajoute aux passages cités une traduction,
tantôt il l'omet : on ne voit pas trop bien la règle qu'il
s'est imposée. Si la traduction est utile — ce qui nous
semble contestable - - pourquoi ne traduit-il pas tou-
jours? Et s'il donne une traduction, pourquoi pas plutôt
la sienne que celle de Caffiaux ou de Weil ?
'Mais, d'une façon générale, le mémoire qui a pour
devise le fragment 195 d'Hypéride, nous paraît très bien
fait, et nous n'hésitons pas à proposer à la (liasse de lui
conférer la palme. »
( 648 )
« Je suis parfaitement d'accord avec mon savant con-
frère, M. Vollgraff, au sujet de la valeur des deux mémoires
envoyés en réponse à la question : Etude sur l'art ora-
toire, la langue et le style d'Hypéride.
Inutile de nous arrêter au mémoire n° 2, qui a pour
devise : Ense et calamo. Il ne traite pas, il n'effleure
pas même le sujet proposé. Ce sont des notes de gram-
maire grecque plus ou moins exactes, jetées sur le papier
au courant de la plume, pendant une première lecture
d'Hypéride.
Tout autre est le mémoire n° 1, qui porte comme
devise : a 8'êarlv ctyav9j, x. t. X. Il compte cent soixante-
trois pages in-folio, non compris les notes inscrites en
regard sur le verso des pages.
Les neuf premières pages contiennent une Introduc-
tion sur la vie et les discours d'Hypéride. Des pages
suivantes, soixante-dix-sept sont consacrées à l'art ora-
toire, vingt-six à la langue et cinquante-deux au style
d'Hypéride.
L'auteur a donc traité toute la matière qui lui était
imposée. Toutes les questions relatives à l'art oratoire et
au style ont été élucidées à la lumière de la théorie des
anciens sur la rhétorique, théorie que l'auteur possède
à fond , de même que la connaissance étendue qu'il
a des orateurs attiques et même des écrivains grecs
en général lui a permis de faire à chaque instant des
rapprochements intéressants et de déterminer avec une
grande précision ce en quoi Hypéride ressemble aux ora-
teurs attiques qui l'ont précédé ou qui furent ses contem-
porains et ce en quoi il en diffère.
049
Pour faire ressortir retendue <le ses recherches, il
suffira d'énumérer les subdivisions des trois chapitres
principaux. Dans l'art oratoire, l'auteur étudie, en pre-
mier lieu, l'arrangement des discours; en second lieu,
leurs différentes parties, à savoir : l'exorde, la proposi-
tion, l'ephodos, la narration, la confirmation et la réfu-
tation, et enfin la péroraison: en troisième lieu, le
pathétique; en quatrième lieu, les mœurs oratoires; en
cinquième lieu, l'invention.
Au point de vue de la langue, l'auteur examine ce que
les discours d'Hypéride contiennent d'anti-attique, c'est-
à-dire les répétitions des mêmes termes et les termes
impropres, les néologismes, les mots empruntés aux
poètes comiques, auxquels on peut ajouter les proverbes
et les sobriquets, les termes empruntés à la poésie, enfin
les négligences au point de vue du dialecte et de la gram-
maire.
Pour apprécier le style d'Hypéride, l'auteur étudie suc-
cessivement les différents éléments qui, dit-il, constituent
le style : la construction de la phrase, la place des mots,
les figures, l'hiatus, le rythme et la période.
L'auteur a choisi avec soin dans les œuvres d'Hypéride
les passages les plus propres à résoudre toutes ces ques-
tions si nombreuses et si variées. Et l'étude de chacun
de ces passages est l'œuvre d'un esprit exact, judicieux,
critique, qui sait apprécier la valeur littéraire d'un pas-
sage et exprimer simplement, mais correctement, son
opinion.
Aussi les mérites de ce mémoire ne sont guère dimi-
nués par quelques critiques de détail qu'on pourrait
présenter. Je ne m'arrêterai pas à quelques fautes d'ac-
centuation par lesquelles mon honore confrère a été
(Î50 )
péniblement surpris. La copie du manuscrit n'est évi-
demment pas de la main de l'auteur, mais d'un copiste
qui ne savait probablement pas le grec. Je reprocherais
plutôt à l'auteur d'avoir traité plus brièvement que
les autres parties ce qui est relatif à la langue d'Hypé-
ride, spécialement en ce qui concerne la grammaire et la
syntaxe. Je serais étonné si, sous ce rapport, il n'y avait
pas d'autres particularités dans la langue d'Hypéride que
celles qui sont notées dans ce mémoire.
Nos confrères se rappellent que la question sur Hypé-
ridea été mise au concours parce que la découverte
relativement récente de nouveaux textes permet enfin de
vérifier l'opinion des critiques anciens sur les mérites de
cet orateur et de lui assigner le rang qui lui est dû parmi
les orateurs attiques.
L'auteur du mémoire n° 1 a parfaitement résolu ce
problème, et, de même que mon honoré confrère, je
n'hésite pas à proposer à la Classe de couronner ce
mémoire. »
Itattfsoi'i «/*» fi f lhii«i/ii, li-i>tftcifr fon*n*i**aéf« ,
« Mes savants confrères proposent d'écarter le mémoire
n° 2 et d'accorder le prix au mémoire n° 1. Sur le pre-
mier point, je suis entièrement d'accord avec eux ; sur le
second, j'aurais quelques observations à présenter.
Le mémoire n° 1 est mal écrit : les incorrections gram-
maticales, les expressions impropres, les tournures
lourdes et négligées, y abondent. Choquant en tout genre
d'ouvrage, ce défaut est particulièrement grave dans une
étude littéraire, et je ne puis approuver qu'on analyse en
mauvais style les beautés d'un orateur attique.
( 651 )
De plus, il conviendrait de supprimer certaines ré-
flexions un peu naïves et certaines répétitions vraiment
intolérables.
Enfln, le sujet ne me parait pas épuisé; la partie
grammaticale notamment est, comme l'a remarqué
M. P. Willems, excessivement maigre.
Toutefois, comme ce mémoire a des qualités sérieuses,
je me rallierai à l'avis des deux premiers commissaires ;
seulement, j'engagerai l'auteur à revoir très attentive-
ment son travail avant de le livrer à la publicité. »
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de
ses commissaires, a décerné le prix proposé (3,000 francs)
à l'auteur du travail n° 1, M. Simon Kayser, professeur
au Collège communal de Nivelles.
ELECTIONS.
La Classe procède à ses élections annuelles; les résul-
tats seront proclamés dans la séance publique du 12 mai.
M. Alph. Wauters est réélu délégué de la Classe
auprès de la Commission administrative pour l'exer-
cice 1897-1898.
PRÉPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE.
Conformément à l'article 15 du règlement de la Classe,
MM. le comte Goblet d'Alviella et Ad. Prins soumettent
leurs communications pour la séance publique.
( 652 )
Cll«4««i; DES LETTRES.
Séance publique du 12 mai 1897.
M. le comte Goblet cI'Alviella, directeur, président de
l'Académie.
M. le chevalier Edmond Marchai, , secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. S. Bormans, Ch. Potvin, Ch. Loo-
mans, G. Tiberghien, L. Vanderkindere, Ad. Prins,
,l. Vuylsteke, Ém. Banning, A. Giron, le baron J. de
ChestretdeHaneffe, Paul Fredericq, God. Kurth, Mesdach
de ter Kiele, G. Monchamp, membres; Alph. Rivier,
J.-C. Vollgraff, associés; C. De Smedt, Alph. Willems et
Jules Leclercq, correspondants.
Assistent à la séance :
Classe des sciences. — MM. Éd. Dupont, vice-directeur;
G. Dewalque, E. Candèze. Éd. Van Beneden, C. Malaise,
F. Folie, Alph. Briarl, Fr. Crépin, J. de Tilly, Ch. Van
Bambeke, G. Van der Mensbrugghe, Louis Henry, P. De
Heen, C. Le Paige, J. Deruyts, Léon Fredericq, membres;
Ch. de la Vallée Poussin, associé; L. Errera, correspon-
dant.
Classe i>ks beauv-auts. -- MM. Charles Tardieu, vice-
directeur; Éd. Fétis, F. -A. Gevaert, Ad. Samuel,
Th. Radoux, Joseph .laquet, J. Demannez, P.-J. Clays,
( 653
(.. De Groot, Gustave Biot, Joseph Stallaert, Alex.
Markelbach, Max. Rooses, G. Huberti, A. Hennebicq,
Ed. Van Even, AU'. Cluysenaar, J. Winderset IL Maquet,
membres.
A *2 heures, M. le comte Goblet d'Alviella ouvre la
séance et prononce le discours d'usage; il a pour titre :
Les (hecs dans l'Inde, essai de résiliation historique.
L'Inde antérieure aux invasions musulmanes nous a
longtemps étonnés par le contraste entre l'éclat de sa cul-
ture et l'obscurité de son histoire. A n'en juger que par
les indications éparses dans l'énorme masse des documents
indigènes, on ne se douterait guère que le grec est resté,
pendant plusieurs siècles, la langue officielle dans tout
le nord-ouest de la péninsule, et que des souverains
helléniques s'y sont transmis, pendant de nombreuses
générations, un empire dont Strabon a pu «lire à un
moment donné : « Il finit par posséder plus de sujets et
de tributaires que n'en a compté Alexandre (1). »
L'est que les Indiens ont toujours voulu envisager les
laits historiques comme des incidents secondaires de leur
vie sociale et religieuse, tout au plus propres à fournir
des exemples grammaticaux, des titres généalogiques ou
des thèmes édiliants. Ajoutez que, pour cette race éprise
de son isolement et convaincue de sa supériorité, les
Grecs, les Yavanas, n'ont jamais été que des étrangers,
des barbares, des infidèles, des agités, — des sans-caste,
(i) Sthabon, Géographie, liv. M, chap. XI, !,
( 654 )
ce qui, daii6 la société hindoue, est le dernier terme
de la dégradation.
D'autre part, les Grecs de l'Inde furent bientôt coupés
du monde hellénique par toute l'épaisseur de l'empire
parthe. et, pendant longtemps, leurs destinées ne nous
ont été connues que grâce à quelques allusions brèves et
isolées des auteurs classiques, comme Justin, Plutarque
et Strabon.
Cependant, l'Inde n'a pu se dérober aux entreprises
des sciences historiques, qui ont renouvelé de nos jours
la connaissance de l'Orient. Une investigation plus com-
plète et une interprétation plus rigoureuse des documents
indigènes ont conduit à d'ingénieux rapprochements avec
les informations contenues non seulement dans les histo-
riens et les géographes classiques, mais encore dans les
voyageurs et les annalistes chinois. L'archéologie, l'épi-
graphie, la numismatique, mettant à profit les matériaux
amassés par des explorations de plus en plus fécondes,
ont apporté à leur tour des renseignements qui ont
contrôlé et, sur bien des points, complété les décou-
vertes de la critique littéraire. On ne s'est plus contenté
d'approfondir l'histoire de la domination hellénique au
sud de l'Hindou-Koush ; on a cherché à déterminer la part
des influences classiques dans le développement artis-
tique, littéraire, voire social et religieux, de cette civili-
sation indienne, qui a passé, jusqu'à nos jours, pour ne
rien devoir à personne et où même, à plus d'une reprise,
des esprits enthousiastes ont cherché les origines pre-
mières de notre propre culture.
Parmi les indianistes qui ont le plus contribué à l'élu-
cidation de ces problèmes, nous devons mentionner en
premier lieu Lassen, qui, dans son Indische Alterthums-
( 655 )
kunde, publié il y a un demi-siècle, avait rassemblé et
commenté, avec autant de sagacité que d'érudition, tous
les textes de la littérature classique relatifs à l'Inde. De son
côté, M. Albrechl Weber s'est attaché, dans de nombreux
et brillants travaux qui couvrent un espace de près de (in-
cluante ans, ii rechercher, dans les productions littéraires
de l'Inde, tous les indices qui dénotent une inspiration
hellénique fl). S'adressant aux mêmes sources que l'émi-
nent indianiste allemand, un jeune savant français,
actuellement professeur au Collège de France, M. Syl-
vain Lévy, a réuni en î8«»0, dans une thèse latine : Quid
de Grœcis veterum Indorum monumenta tradiderint, les
passages relatifs aux Grecs, qui se rencontrent dans les
traités et les monuments de l'Inde antique. En même
temps, un membre de l'Institut, M. Emile Sénart, tirait
de la savante critique à laquelle il a soumis les plus
anciennes inscriptions sanscrites, des jalons précieux pour
l'histoire et la chronologie de la période qui nous
occupe (2).
En Angleterre, les deux principaux représentants de
l'archéologie anglo-indienne, James Fergusson et le
général Cunningham, ont consacré une partie de leur
longue et fructueuse carrière à démêler la part qui revient
aux influences classiques dans les plus anciens monuments
de l'Inde. Ces recherches, qui ont reçu, en 1870, une
impulsion décisive grâce aux belles découvertes archéolo-
(1) Voir notamment son mémoire : Die Gricchcn in India, dans les
Siteungsberichte dcr Kôniglich Preussischen Akademie der Wissen-
schaften. Berlin, 1890, pp. 901 et suiv.
(2) Notes d'épigraphie indienne, dans le tome XV, 8e série, du
Journal asiatique, pp. 139 et ?niv. l'ari?. 1890.
( 656 )
giques réalisées par le Dr Leitner parmi les ruines boud-
dhiques du Gandhâra, ont été poursuivies par toute une
pléiade d'archéologues et d'explorateurs qui ont publié
leurs travaux dans YIndian Antiquary, VArchœological
Survey of India, les journaux des Sociétés asiatiques de
Londres et de Calcutta, etc. Parmi ces travaux, je me
bornerai à recommander, comme une des meilleures vues
d'ensemble, le mémoire de M. Vincent A. Smith, Grœco-
Roman Influence on the Civilization of India (1). Nous
ne devons pas non plus oublier l'ouvrage de M. Percy
A. Gardner, qui, sous le modeste titre de Catalogue of
Indian Coins in the British Muséum, Greek and Sçythic
Kings (2), est devenu le manuel indispensable de tous
ceux qui désirent approfondir l'histoire de la domination
grecque dans l'Inde du nord-ouest. Enfin, je mentionnerai
un autre catalogue encore, le petit volume qui a paru dans
les publications du Musée royal de Berlin, liuddislischc
Kunst in Indien, où M. A. (irunwedel a reproduit, avec
de judicieux commentaires, les principaux chefs-d'œuvre
de la sculpture gréco-bouddhique (5).
Les premiers Indiens qui se trouvèrent en contact avec
la Grèce furent peut-être les mercenaires appartenant
aux contingents de l'Inde et du Gandhâra, que Xerxès
avait incorporés dans son armée d'invasion sous les
(1) Journal of the Asiatic Society ofBengal. Calcutta, t. LVII, part. I
(1889), et t. LXI, part. I (1892).
(2) Un vol. in-8°. Londres, 1886.
(S) Un vol. in-12 de 178 pages, avec 77 figures. Berlin, 1893.
( 657)
ordres de Mardonius (i). Mais les vaincus de IMatée, s'ils
revirent leur pays d'origine, ne durent guère y rapporter
qu'une vague description de la civilisation hellénique,
peut-être avec quelques légendes transmises de seconde
main.
Même l'expédition d'Alexandre n'exerça aucune action
durable sur les populations établies à l'est de l'Indus.
Son seul résultat immédiat fut de rattacher au monde
hellénique les provinces méridionales de la Bactriane,
c'est-à-dire l'Afghanistan et le Bélouchislan actuels, qui,
depuis près de deux siècles, gravitaient dans l'orbite de la
monarchie perse.
On a retrouvé dans Pânini le nom d'Ambhi, rajah de
Takshaçilà (Taxila), qui fut le premier allié d'Alexandre
sur le sol indien (2), et l'on possède des monnaies émises
parSaubhouti (Sophylès), un autre prince qui joue un rôle
dans l'histoire de l'expédition (5). Cependant, le nom
même d'Alexandre n'est mentionné dans aucun ouvrage
de l'Inde antique (4). Nul vestige n'a survécu des douze
autels de pierre qu'il éleva sur les bords de l'Hyphase,non
plus que des deux villes qu'il passe pour avoir fondées sur
l'Indus : Nicée et Bucéphalie (5). Quant aux alliés qu'il
(1) Hérodote, Histoire, Vil, 65 et 66.
(2) S. Lévy, dans le Journal asiatique (le Paris, mars-avril 1890.
(3) Percy Gardner, Greek and Sajtltic Kings, pi. 1, n" 3.
(4) M. Weber a essayé de mettre le nom d'Alexandre en rapport
avec celui du dieu de la guerre, Skanda (Die Griechen in India,
pp. 903-903 . Mais l'hypothèse est péremptoirement écartée par la
plupart des indianistes.
(5j[ Ce n'est pas qu'on ne trouve aujourd'hui dans le Penjab des
traditions se rapportant à Alexandre Un artiste anglais qui a parcouru
plusieurs fois le pays, M. W. Simpson, rapporte que les ruines boud-
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 4*>
( 058 )
laissa au pays des Sept-Rivières, ils ne tardèrent pas à
payer de leur trône l'appui qu'ils avaient prêté à l'étran-
ger (1). Porus lui-même périt assassiné, entre 521 et 325,
dans la satrapie qu'il gouvernait sur l'Indus intérieur (2).
A cette époque dominait, dans la vallée du Gange, le
dernier souverain de la dynastie Nanda, Xandramès, dont
Alexandre avait songé un moment à envahir les États.
Un sujet rebelle du prince indien s'était présenté au camp
macédonien ; dédaigneusement écarté, peut-être même
menacé de mort par Alexandre, il chercha son salut dans
la fuite, groupa autour de lui les tribus du Penjab et,
ayant détrôné Xandramès dans sa capitale de Pâtalipou-
tra (la moderne Patna), étendit son autorité sur tout le
nord de l'Inde (5). C'était Tchandragoupta, dont l'identi-
fication avec le Sandracottos des historiens classiques,
établie il y a un peu plus d'un siècle par Sir William
Jones, a été le premier point de repère dans les horizons
fuyants de l'histoire de l'Inde antique.
Le fondateur de la dynastie des Mauryas ne tarda pas
dliiques de Manikyala étaient communément appelées la tombe de
Bucéphale et qu'il n'est pas un bosquet de dattiers qui ne soit donné
pour un ancien camp d'Alexandre; les Pcnjabis affirment que les
arbres sont issus des noyaux de dattes jetés par les soldats grecs
(Journal of the Royal Institule of Architects, p. 101. Londres, 1894).
Mais lien ne prouve que ces légendes ne soient pas d'origine rela-
tivement récente. Les Anglais et, avant eux, les Musulmans ont du
trop souvent parler aux Penjabis du passage d'Alexandre dans le
pays des Sept-Rivières pour que les indigènes n'aient pas fini par en
localiser au hasard les épisodes traditionnels.
(1) Justin, liv. XV, 4.
(2) Von Gldschmid, au mot Persia, dans le t. XVIII de YEncycbpœdia
britannica. 0_uant a Sopliytès, sa capitale était tombée, vers la même
époque, entre les mains des Mauryas.
(3) Justin, liv. XV, 4.
( 659 )
à entrer en collision avec le lieutenant d'Alexandre à qui
l'Asie était échue en partage, Séleucus Nicator. Celui-ci
dut s'estimer heureux d'acheter la paix en concluant avec
Tchandragoupta une alliance matrimoniale et en lui
cédant les provinces situées au sud de l'Hindou-Koush,
la Paropamisade, l'Arachosie et la Gédrosie, qui, depuis
le passage d'Alexandre, avaient reçu plusieurs colonies
grecques (1). C'est à l'occasion ou à la suite de ces négo-
ciations que Séleucus envoya, entre 511 et 302, à la cour
de Pàtalipoutra, son secrétaire Mégasthène, dont les
curieux mémoires fournirent pour longtemps la matière
première aux descriptions de l'Inde dans les écrivains
classiques.
Nous ignorons ce que devinrent, sous la domination des
Mauryas, les établissements helléniques de la Paropami-
sade et de l'Arachosie. L'histoire rapporte que les succes-
seurs de Tchandragoupta renouvelèrent leur alliance avec
les Séleucides. Quelques années plus tard, la Perse et la
Bactriane, ayant secoué le joug d'Antiocbus II, se consti-
tuaient en États indépendants, la première sous le Parthe
Arsacès, la seconde sous le Grec Diodote. Le fils de ce
dernier, Diodote II, fut renversé par un Magnésien,
Euthydême, qui fit adroitement reconnaître son indépen-
dance, vers 208, par Antiochus le Grand, et lui fournit,
en échange, des secours pour envahir l'Inde (2). Antiochus
étant rentré en Syrie après avoir repris aux Mauryas
le pays de Caboul et sans doute une partie du Penjab,
Euthydême garda ces conquêtes pour son propre
(1) Sir Alexandre Cinwixgham, Ancient Geography of ludia, t. I,
1871. — Il semble que Darius avait déjà déporté des Grecs en Bac-
triane.
(2j Poi.ybe, Histoire, X et XI, 34.
( 6G0 )
compte (1), si bien que, sous son fils Démélrius (peut-être
le Dattâmilra du Mahâbhârata), l'empire bactrien s'éten-
dait de la Tartarie chinoise au golfe de Cambaye et du
Khorassan au bassin du Gange. — Une conséquence de
cette extension fut la création de monnaies bilingues qui,
à partir de Démélrius, mettent pour ainsi dire sur un
pied d'égalité les langues de la Grèce et de l'Inde (2).
Fie. t. Démélrius coiffé d'une tête d'éléphant.
(D'après une monnaie reproduite par M. Percy Gardner, pi. 11, 9.)
Entre 181 et 171, Démétrius, à son tour, fut détrône
par un de ses généraux, Eucratide, qui était peut-être de
sang royal par sa mère (5). Suivant Justin, Eucratide sou-
leva la Bactriane pendant que Démétrius faisait une
expédition dans l'Inde. Le roi revint en toute hâte, mais
malgré la supériorité numérique de ses forces, il fut
vaincu par une habile manœuvre de son rival (4). Le règne
(1) La ville de Çàgala dans le Penjab reçut le nom d'Euthydêmia.
(2) Percy Gardner. Greek and Scythic Kings of India, pp. xxv
et un.
(3) On trouve au revers d'une pièce d'Eucratide les portraits
géminés de son père, Hélioclès, et de sa mère, Laodice. Mais cette
dernière porte seule le diadème. (Percy Gardner, op. cit., pi. VI,
fig. 9 et 10.)
(4) Justin, liv. XLI, 6.
( «61 )
d'Eucratide eut de brillants débuts, mais la lin en lut mar-
quée par des revers qui s'accentuèrent sous son fils, le
parricide Hélioclès (155-120). La Bactrianese trouva, dans
l'ouest, aux prises avec Mithridate Ie', roi des Parthes,
qui lui enleva deux de ses satrapies (1), et dans l'est avec
Pouchpamitra, le successeur des Mauryas, qui, vers 150,
infligea aux Grecs une sanglante défaite sur les bords de
Pïndus inférieur (2). Enfin, entre 150 et 128, une peu-
plade descendue de l'Asie centrale, les Yueh-tcbi, pressés
par les Huns, envahirent la Bactriane, prirent sa capitale
Bactres, et refoulèrent les Grecs au sud de l'Hindou-
Koush (3).
Ainsi réduite à ses possessions de l'Inde, la domination
grecque se prolongea pendant près d'un siècle. Elle est
représentée dans le monnayage par vingt rois et deux
reines, dont l'ordre chronologique est assez incertain.
On suppose que certains d'entre eux exercèrent parallèle-
ment le pouvoir dans différentes parties de la région.
Deux de ces princes seulement, Apollodotos et Menander,
nous sont connus par d'autres sources que les monnaies.
Apollodotos est l'équivalent grec du sanscrit Bhagadatta,
le puissant roi des Yavanas, que le Mahabhàrata présente
successivement comme l'adversaire malheureux et l'allié
iidèle du légendaire Arjouna, dans la lutte des Pàndavas
(1) Strabon, liv. XI, chap. XI, § 2.
(2) Telle est, du moins, la tradition indienne rapportée par Kâlidasa.
(Voy. S. Lévy, Quid de Grœcis, p. 15.;
(3) La date est précisée par des documents chinois. {Journal asia
tique de Paris, t. II de la 8e série, p. 348.)
( 662 )
contre les Kauravas. Quanta Ménandre, dont les exploits
et les vertus ont été célébrés à la fois par des écrivains
classiques et des auteurs indiens, non seulement il réunit
entre ses mains toutes les anciennes possessions de la
Bactriane au sud de I'Hindou-Koush, mais encore il
étendit son empire jusqu'au cours moyen du Gange et aux
bouches de la Nerboudda, peut-être jusqu'au Konkan et à
l'Orissa (1).
C'est sans doute à ces conquêtes que se rapporte la
prédiction de la Gârgî-Samhitâ, que : sous le règne de
Çâliçouka, les Yavanas s'empareront de Çaketa (Oude),
du Pancâla, de Malbourà et même de Pâtalipoutra,
« bouleversant toutes les provinces et établissant une
» religion odieuse ». L'auteur du traité ajoute que,
néanmoins, leur conquête sera éphémère : « Ivres de
> carnage, ils se livreront entre eux, sur leur propre ter-
» ritoire, des combats cruels et horribles; après quoi,
» sur les ruines de leur domination, sept rois régneront
-> simultanément (2). »
N'est-ce pas là une allusion à l'anarchie qui dut suivie
de près la mort de Ménandre et qui coïncida avec le
progrès des envahisseurs étrangers? Au cours du der-
(1) Strabon XI, 11, 1) rapporte que Ménandre franchit l'Hypanis
(le Sutlej) et pénétra jusqu'à l'Isamos [probablement la Jumna]. De
son côté, l'auteur anonyme du Périple de la mer Erythrée [ch. XLVII,
éd. Didot) mentionne que les drachmes d'Apollodote et de Ménandre
circulaient encore de son temps au port de Barygaza, la moderne
Barouch, au sud du Goujerat. Ces assertions sont confirmées par la
constatation de M. Percy Gardner, que des monnaies de Ménandre
sont encore continuellement trouvées de nos jours dans toute la
région comprise entre Caboul, Jellalabad, Peshawar, Mathourâ et
Rampour. (Greek and Sr.ythic Kitiys of India, p. xxxvn.)
(2) S. Lévy, Quid de Grœcis, p. 17.
( 063 )
nier siècle avant notre ère, nous trouvons le nord-est de
l'Inde partagé entre de nombreux souverains, les uns
d'origine grecque, Epander, Strato, Agathocleia, Dio-
mède, Archebios, Zoïlos, Dionysios, Antimachos, Philo-
xenos, Amyntas; d'autres portant des noms parthes,
comme Arsacès et Gondopharès; d'autres encore de race
évidemment scythique, Maucs, Azes, Azilises, Spali-
rises (1). Presque tous gravent sur leurs monnaies des
légendes bilingues, en grec et en sanscrit.
Peut-être la rivalité des Scythes et des Parthes eut-elle
pour résultat de prolonger l'agonie de la domination
grecque dans le Penjab. Vers l'an 25 avant notre ère, le
dernier des rois indo-grecs, Hermaios, se trouva contraint
de partager le pouvoir avec un chef des Yueh-tchi, le
koùshan Kadphisès. Quand Hermaios, après un long
règne, mourut, Kadphisès gouverna seul tout l'ancien
royaume de Bactriane.
Ces faits tendent à établir qu'il n'y eut pas de dépos-
session violente. Nous ne savons si Kadphisès, devan-
çant une parole célèbre, s'écria : « Il n'y a rien de changé
dans l'Inde, il n'y a qu'un Yavana de plus. » Mais il
semble que les Scythes se fussent assimilé la civilisation
grecque pendant leur siècle de séjour dans le nord de la
Bactriane, et des vestiges nombreux attestent que les
arts continuèrent à fleurir sous leurs premiers souve-
rains dans le Penjab ainsi que dans le Caboulistan.
Grecs et Scythes se mêlèrent même à tel point que.
(lj Suivant M. Von Gutschmid (Encyclopaedia britannica, au mot
Persia), les Imlo-Parthes étaient également des Scythes, appartenant
à la tribu des Sse, que l'invasion des Yueli-Tchi rejeta sur l'Afgha-
nistan et le Cachemire.
( 604 )
dans la littérature indienne de l'époque, ils sont désignés
comme formant un seul peuple sous le nom composé de
Çaka-Yavanas, dénomination ethnique qui ne laissa pas
d'intriguer plus tard les grammairiens indigènes et même
certains orientalistes européens.
C'est de cette période que datent les premières rela-
tions de l'Inde avec l'empire romain. Auguste rapporte
dans son testament qu'il reçut de l'Inde plusieurs ambas-
sades. Selon Suétone, elles venaient des Indiens et des
Scythes, « pays que jusque-là on connaissait seulement
de nom (1) ». Strabon dit expressément que l'une d'elles
avait été envoyée par un successeur de Porus qui régnait
sur les Gandhariens (2). On a, du reste, recueilli de nos
jours, dans les ruines bouddhiques du Gandhâra, des
monnaies romaines qui vont, sans interruption, d'Auguste
et même des derniers temps de la république à Caracalla.
Les Indo-Scythes frappèrent des pièces d'or sur le modèle
des aurœi romains. M. Percy Gardner fait observer que
le portrait de Kadaphès, le successeur immédiat de Kad-
phisès, rappelle singulièrement le profil d'Auguste (5), et
une pièce de Houvichka, qui monta sur le trône en 106,
porte l'inscription RIOM avec l'image d'une femme armée
où l'on a cru reconnaître la déesse Roma (4).
Il est probable que cette influence se fit surtout sentir
par les relations maritimes avec la côte occidentale de
(1; Suétone, Octave Auguste, chap. XXI.
(2) Strabon, liv. XV, cliap. 1, § 4.
(3) Greek and Scythic Kings, pi. XXV, n- S.
(4) Idem, pi. XXVIII, n° 20. — 11 ne faut pas oublier que la monnaie
romaine circulait abondamment dans toute l'Asie. Pline [Histoire
naturelle, XII, 41, 18 rapporte que l'Inde, la Chine et l'Arabie absor-
baient chaque année cent millions de sesterces.
( ()()D )
l'Inde. La table de Peutinger mentionne l'existence d'un
temple dédié à Auguste, près de Calicut, sur la côte du
Malabar. Déjà sous Açoka, le petit-lils de Sandracottos,
vers le milieu <lu troisième siècle avant notre ère, les
établissements des (liées et des Syriens dans le Goujerat
étaient assez importants pour que leur chef prît dans
l'administration de l'empire le titre de roi des Yavanas (1).
Un peu plus lard, les Pouranas parlent de dynasties yava-
nas qui régnaient à Mirttikâvatî, dans le Goujerat, et à
Kilakila, dans le Konkan (2).
Les relations de l'Inde avec l'Egypte prirent une
extension nouvelle après qu'Hippalus eut trouvé ou
retrouvé la direction des vents alizés. A l'époque de
Strabon, cent vingt navires quittaient annuellement le
port de Myos-Hormos pour la mer des Indes : « Chaque
année, écrit à ce propos M.Reynaud, il partait d'Egypte,
par la mousson, environ deux mille personnes, qui visi-
taient les côtes de la mer Rouge, du golfe Persique et de
la presqu'île de l'Inde. Six mois après, il arrivait, avec la
mousson contraire, le même nombre de personnes en
Egypte (5). »
De nombreuses inscriptions en langue pâlie, qui se
succèdent jusque dans les premiers siècles de notre ère,
rappellent la générosité dont faisaient preuve les Grecs
établis sur la côte occidentale de l'Inde, soit par sympa-
thie, soit par politique, envers les sanctuaires boud-
dhiques du Konkan : les uns faisaient creuser des
(1) Indiun Antiquary, t VII, p. "200.
(2) S. LÉVY, Quid de Grœcis, p. 11.
3) Reynald, Relations de, l'Empire romain avec l'Asie oriental*'
ans le Jouiinai. asiatique de 1803. Paris, lre sorie, t. 1, p. 7.
( 666 )
citernes c;t des cryptes, les autres offraient, qui une
colonne ou un chapiteau, qui une châsse à reliques (1).
Sans doute, parmi ces Yavanas, il y avait beaucoup plus
de Syriens et d'Égyptiens que d'Hellènes proprement
dits. Mais tout l'Orient romain était alors plus ou moins
hellénisé, et c'est en ce sens que Sénèque pouvait
écrire : « Il y a en Asie alïlucnce d'Athéniens (2). »
Comment s'évanouirent tous ces éléments helléniques
qui constituaient dans l'Inde les avant-postes de la civili-
sation occidentale ? Disparurent-ils en une soudaine
catastrophe, comme auraient disparu les foyers de culture
européenne, lors de la révolte des Cipayes, si les An^lo-
Indiens n'avaient eu derrière eux une mère-patrie pour
leur envoyer des renforts illimités? L'histoire ne nous
apprend rien de semblable.
Des traditions brahmaniques rapportent bien qu'en
l'an 78 de notre ère, Çâlivâhana, rajah du Décan (le
Celibethonos de Pline), détruisit les Çakas et les Yava-
nas, forçant ces derniers à se rembarquer pour l'Occi-
dent (.">). Il ne peut s'agir que des Yavanas établis dans le
Goujerat; en effet, les Çaka-Yavanas étaient alors à l'apo-
gée de leur puissance, et d'autres documents nous les
montrent s'alliant, au contraire, à Çâlivâhana pour
conquérir l'Orissa, où ils avaient déjà fait des incursions
à plusieurs reprises (4). Peut-être même cette expulsion
(1) Blrgess, Archœological Survey of Western India, t. IV.
(2) « Atheniensis in Asia tuiba est. » (Con.solatio ad Helviam,
ch. VI.)
(3) S. Léw, Quid de Grœcis, p. 16.
(4) D'après les annales de l'Orissa, compulsées par M. A. Stirling
(An account of Orissa, dans le tome XV des Asiatic Researclies,
Seramporc, 1 845 Suivant les traditions brahmaniques, l'ère dite d<js
( 667 )
partielle doit-elle être attribuée, avec plus de vraisem-
blance, à un descendant de Çalivâhana, Gotamîpata, qui
revendique à son tour dans ses inscriptions l'honneur
d'avoir anéanti la puissance des Çakas, des Yavanas et
des Parthes (1).
Les annales de l'Orissa rapportent même que, dans
la première partie du IVe siècle après Jésus-Christ, un
Yavana débarqua sur la côte orientale de l'Inde, à la tête
d'une nombreuse armée, pilla le célèbre sanctuaire de
Jaggernaulh, à Pouri, et fonda une dynastie qui régna
sur l'Orissa pendant cent quarante-six ans. Ses descen-
dants ne furent expulsés qu'en 473, par le fondateur d'une
maison royale qui portait le nom suggestif de Kesari et
qui conserva le pouvoir pendant plus de cinq siècles (2).
Toutefois, il faut ici prendre en considération que,
peu à peu, la dénomination de Yavanas avait cessé de
s'appliquer exclusivement aux Grecs ou même aux étran-
Çakas aurait son point de départ, non dans le couronnement de
Kanichka, mais dans la destruction des Çakas par Çalivâhana. Cette
interprétation a été absolument condamnée par la découverte, dans
un temple du Décan, à B ad ami, d'une inscription datée de la
douzième année du règne de Sri Jlangalievara, « l'an cinq cent après
» l'inauguration (abhùliekai du roi des Çakas ». (Indian Antiquary,
t. X, 1881.)
(i) Indian Antiqmry, t. X, p. ÏTô.
(2) Déjà dans le Mahûbhârata, un des chefs qui tombent sous
les coups de Krishaa porte le nom de Kaseroumant. M. Weber
en a ingénieusement rapproché la dénomination de César romain.
11 faut noter, dans cet ordre d'idées, que, près de Patna, à Vaiçali,
se trouve un stoupa ruiné qui porte le nom de Kesariya. Suivant
Hiouen-Tsangh, ce monument marquerait la localité où le Bouddha
annonça que, dans une existence antérieure, il avait occupé la situa-
tion d'un Rajah tehakravartin, c'est-à-dire d'un empereur universel.
(Cf. Cunningham, Archœological Survey of India, t I, p. 64).
( 668 )
gers hellénisés. Yavana est le vieux nom des Ioniens,
MâTove;, que portaient les Grecs d'Asie, et qui, devenu
Yauna chez les Perses, Yâvân chez les Hébreux, Yavanai
chez les Assyriens, passa dans les langues de l'Inde
sous la forme de Yavanas, Yonas, Yonakas. De même
que plus tard, dans toute l'Asie antérieure, les termes
de Roumi et de Franc, le nom de Yavana finit par être
appliqué à tous les Occidentaux, voire à tous les étran-
gers en général (I) ; si bien que, par une singulière des-
tinée, cette dénomination, à l'époque où elle avait disparu
d'Europe, était encore appliquée par les habitants de
l'Inde à des populations orientales de l'Indo-Chine, sans
aucun rapport avec les Grecs (2).
Il est vrai que nous faisons aux habitants de l'Inde
un honneur analogue, en donnant leur nom, par une
autre illusion de perspective géographique, aux Peaux-
Rouges du nouveau continent.
En réalité, la culture grecque disparait de l'Inde au
troisième, sinon au deuxième siècle de notre ère. Avant
même que les guerres des Romains contre les Sassanides
et la destruction de Palmyre, en 275, ne vinssent fermer
au commerce européen la route de terre vers l'Indus et
que les relations maritimes ne se lissent plus rares
grâce au déclin du commerce alexandrin, ainsi qu'à
l'extension de l'influence perse dans la mer Rouge, les
Indo-Scvthes étaient tombés en pleine décadence. Après
Vasou-Deva (1122 à 126), la langue grecque disparaît des
monnaies; les lettres qui forment les légendes deviennent
il) Aujourd'hui encore, U parait que dans l'Inde, les étrangers sont
parfois appelés des « Yavanas ».
(2; A. Beugaigne, L'ancien royaume de Campa, dans le Journal
asiatique, t. XI de la 8e série, 1888, pp. 61-62.
( M(J
des arabesques sans signification apparente; les types de
divinités se transforment en grossières ébauches, pour ne
reprendre quelque valeur artistique que dans le mon-
nayage hindou des Gouptas, au IVe siècle de notre ère.
Toute trace des Yavanas s'évanouit dans les territoires
<jui avaient été le principal centre de leur domination et
où ils n'ont pas laissé même une inscription tombale
pour perpétuer leur souvenir.
Cette complète et, en apparence, brusque disparition
ne l'ait que les rendre plus intéressants à nos yeux.
Nous sommes nous-mêmes trop lils de la Grèce pour ne
pas désirer en savoir davantage sur ces enfants perdus
de la culture hellénique qui, deux mille ans avant les
peuples de l'Europe occidentale, introduisirent dans
l'Inde et y maintinrent, pendant près de trois siècles,
la langue, les mœurs, les arts et les connaissances de la
culture européenne.
Il est vraisemblable que les rois indo-grecs n'essayèrent
pas de modifier les institutions de leurs nouveaux sujets.
Us se bornèrent à prendre la place des rajahs qu'ils
avaient dépossédés. C'est, du reste, de la sorte que, depuis
Alexandre, ils agissaient dans tout l'Orient. Mais il est
également probable que les familles d'origine grecque
groupées autour du souverain, conservèrent leur statut per-
sonnel et leurs coutumes héréditaires (1). Les institutions
(1) Dans une inscription qui relate la donation d'un pilier avec
chapiteau sculpté faite au sanctuaire bouddhique de Karli par un
certain Dhenoukâkata. celui-ci est qualifié de « Grec suivant la loi »
(Dhamma-Yavana). Toutefois, le mot Dharma, « loi » proprement
dite, signifie fréquemment, surtout chez les Bouddhistes, la loi reli-
gieuse, la religion.
; 670 )
hindoues, dans leur rigidité et leur originalité, ne peuvent
et n'ont jamais pu convenir qu'à des Hindous. Parmi les
quelques observations que Mégasthène nous a transmises
sur la condition sociale des indigènes, une de celles sur
lesquelles il insiste, c'est qu'ils ne pouvaient changer de
caste ni même de profession (1); et réciproquement, parmi
les rares détails que les auteurs indigènes parvenus jus-
qu'à nous se sont donné la peine de relever chez les
Yavanas, le principal, c'est que les maîtres peuvent y
tomber au rang d'esclaves, et les esclaves s'élever au rang
de maîtres (2). Le nom même de Vavana, selon le Gana-
pâtha, signifierait « celui qui mélange », c'est-à-dire qui
ne tient pas compte de la séparation des castes (3).
Ainsi, d'un côté, on trouve l'esprit de caste le plus absolu;
de l'autre, une instabilité de conditions qui devait être
particulièrement accentuée dans une société d'aventuriers
et de colons. Même au rang suprême, dans la longue
suite des rois qui va de Théodotc à Hermaios, nous ne
pouvons constater un seul cas où, dînant plus de deux
générations, la couronne se soit transmise de père en iils!
Les Grecs du Pcnjab durent conserver, avec leur
langue originaire, toutes leurs habitudes intellectuelles.
C'est évidemment des Indo-Grecs, ou au moins des Indo-
Scythes, que nous parle Philostrate, quand il nous montre
son héros, Apollonius de Tyane, conversant en grec,
sur des sujets de haute philosophie, avec les princes et
les lettrés de l'Inde, au cours du premier siècle après
Jésus-Christ. Je sais que les dires de Philostrate sont
(1) Strabon, liv XV, chap. I, 49.
(2) Assaldynna-Soutta, cité par S. Lévy, Quid de Grœcis, p. 23.
(3) De la racine vu, qui signifie mêler, combinée avec le suffixe ana.
( 671 )
assez suspects. Toutefois, en supposant qu'il ait simple-
ment composé un roman à la Jules Verne, il a bien dû,
dans l'intérêt de la vraisemblance, se conformer autant
que possible aux renseignements fournis par les voya-
geurs de l'époque. Nous possédons, du reste, d'autres
témoignages encore, notamment celui de Sénèque, quand
il rapporte que les Perses et les Indiens parlent entre
eux la langue macédonienne (1). Enfin, il est évident que
les Indo-Scythes ne se seraient pas servis du grec pour
les légendes de leurs monnaies, si cette langue n'avait été
jusqu'à un certain point comprise et même parlée par
une partie de leurs sujets.
Que la littérature hellénique ait été cultivée jusque
sous les rois indo-scythes, alors même que le grec avait
peut-être cessé d'être la langue vulgaire, semble résulter
de ce que, parmi les qualificatifs gravés sur les monnaies
de ces princes, on voit apparaître des expressions d'ordi-
naire réservées au langage poétique, comme celles de
xo'ipavoç, Tuppavétov, dvîxr/roç (2). M. Stein rapporte un
fait qui rend hommage, sur ce terrain, à l'érudition
des Indo-Scythes. Quand on eut à transcrire, sur les
monnaies de Kanichka, certains noms où figure la
sifflante ch, le graveur résolut la difficulté en ressuscitant,
(1) Consolalio ad Helviam, chap. VI. - Strabon (XV, 1, 70) relate,
d'après Nicolas de Damas, que la lettre apportée à Auguste par les
envoyés d'un successeur de Porus était rédigée en grec.
(2) Peucy Gardner, Greek and Scythic Kings of India, p. lui. —
C'est ainsi que, dans notre moyen âge, quand le latin ne fut plus usité
qu'à l'intérieur des couvents et des chancelleries, on se mil à employer
dans les diplômes des termes empruntés au langage poétique : lux
pour vita, lethum pour mors, tellus pour terra, jaculum pour
telum, etc.
672 )
pour la circonstance, une vieille lettre dorienne qui était
tombée en désuétude depuis de nombreux siècles, le san
ou sambi (■!).
L'afflux de nouveaux émigrants devait, surtout pendant
le premier siècle de la conquête, constamment raviver les
facteurs de la culture hellénique.
Il s'en faut que la révolte des Parlhes, au IIIe siècle
avant notre ère, eût immédiatement coupé toute commu-
nication entre le nord-est de l'Inde et le bassin de la
Méditerranée. Un incessant va-et-vient se produisait alors
dans toute l'étendue du monde grec. Le premier souve-
rain qui porta au delà de l'ïndus les frontières de la
Baetriane, Euthydême, était un natif de Magnésie, parti,
comme tant d'autres, pour chercher fortune dans la
Haute-Asie. Il n'y avait pas d'ailleurs que des merce-
naires pour s'expatrier de la sorte, mais des commer-
çants, des artistes, des ingénieurs, des grammairiens.
Quelle fête, à la cour des dynastes grecs, quand c'était un
philosophe qui leur arrivait d'Athènes ou d'Alexandrie,
comme le légendaire Apollonius de Tyane, apportant
dans les plis de son manteau un parfum de l'Académie
et de la Bibliothèque, ou des auteurs illustres, comme
Ménandre et Philémon, qui s'en allaient donner des
représentations chez le roi d'Egypte Ptolémée Soter?
Parmi .ces aventuriers, certains mouraient en route.
D'autres regagnaient leur patrie dans leurs vieux jours,
et c'est vraiment dommage qu'aucun d'entre eux ne nous
ait laissé ses mémoires, à l'instar de quelques compa-
gnons d'Alexandre. Un grand nombre se fixaient à
demeure ; les uns, qui avaient pris goût au pays dans
(1) Voy. VAcademy du 10 septembre -1887.
( 673 )
leurs comptoirs; les autres, qui avaient trouve une posi-
tion avantageuse dans l'année ou l'administration. Là
surtout où la cour avait conservé les traditions hellé-
niques, il est clair que les émigrants restaient Grecs de
sentiments, d'idées, d'habitudes, de mœurs, et que, s'ils
se créaient une famille, ils s'efforçaient de transmettre
à leurs descendants les éléments d'une culture qui ((in-
stituait leur titre de noblesse.
La situation des Anglais, dans l'Inde contemporaine,
peut aider à comprendre celle des Grecs dans l'Inde d'il
y a deux mille ans. Cependant, le parallélisme ne doit
pas être poussé trop loin. Tout d'abord, entre l'Indien et
le Grec des temps classiques, la différence était bien
moins considérable qu'entre l'Hindou et l'Anglais de
notre siècle. Non seulement les hommes de l'âge clas-
sique étaient plus près de la nature, plus malléables,
moins asservis à des besoins artificiels, mais encore
l'Hellène était déjà presque un Oriental, que sa façon de
vivre, ses mœurs, ses croyances, son habitat sous une
latitude plus méridionale, rapprochaient davantage de ses
sujets subhimalayens. Sans doute, dans les premiers
temps, la population grecque du Penjab, comme aujour-
d'hui encore la société anglaise dans l'Inde, forma une
véritable caste, méprisée des indigènes et les méprisant à
son tour, par suite d'un malentendu que nous retrouvons
à deux mille ans de distance. Mais, si profond que fût cet
antagonisme, il n'empêcha pas le sang indien de s'infil-
trer peu à peu dans les veines des familles helléniques.
Au début, les princes bactriens, tels que Démétrius,
pouvaient bien chercher des alliances matrimoniales chez
les Séleucides, leurs voisins, et, à l'instar d'Eucratide,
3me SÉRIE, TOME XXXIU. 44
( 674 )
attester la pureté de leur sang en exhibant sur leurs
monnaies le profil grec de leur père et de leur mère.
Mais l'expédient n'était pas à la portée de tout le
monde. Bientôt, du reste, les relations avec le monde
grec devinrent de plus en plus difficiles, quand l'empire
parthe se fut étendu jusqu'au golfe Persique et que les
rois de Bactriane eurent été rejetés par les Scythes au sud
de l'Hindou-Koush. L'exemple des mariages mixtes avait
déjà été donné par Alexandre, quand il épousa à peu
près simultanément la fille d'un satrape bactrien, plus
deux princesses perses, et ses lieutenants ne se gênèrent
pas pour se conformer à son initiative. — Dans mainte
famille indo-bactrienne, au bout de quelques générations,
il ne devait plus guère y avoir de grec que le nom et le
langage.
Les maîtres actuels de l'Inde, même quand ils sont
établis dans le pays sans esprit de retour, ce qui est rare,
épousent des Anglo-Saxonnes et font élever leurs enfants
en Angleterre. Aussi l'atmosphère de leur foyer reste-t-elle
exclusivement anglaise, et le récent développement des
moyens de communication n'a fait que rendre plus étroite
cette dépendance morale vis-à-vis de la mère-patrie.
A cet égard, le terme d'Anglo-Indien est un non-sens.
Celui d'Indo-Grec, au contraire, a été, pendant plusieurs
siècles, une profonde vérité.
Les Anglais eux-mêmes ont été contraints de faire à
l'Inde certaines concessions dans les questions d'habita-
tion, de domesticité, de cérémonial. Les Grecs, habituésà
de nombreux esclaves, durent s'accoutumer plus vite encore
à l'extrême division du travail domestique et à la multi-
plicité de serviteurs qui sont un trait caractéristique de
la vie indienne. Tous les emplois inférieurs étaient tenus
( 675 )
par des indigènes appartenant à dos castes où ces fonc-
tions restent héréditaires. Le train d'un stratège OU d'un
satrape sous Apollodote et Ménandre ne pouvait différer
beaucoup de celui qui s'attache de nos jours à la per-
sonne d'un lieutenant-gouverneur ou d'un liant commis-
saire, surtout dans les districts un peu écartés OÙ les
chemins de fer n'ont pas encore trop entamé l'Inde des
rajahs. Bien plus, la vie privée des Yavanas, quel que
tïit leur rang, devait se développer dans les mêmes con-
ditions et s'entourer du même personnel que celle des
officiers, des fonctionnaires, voire des négociants britan-
niques, en dehors de quelques grandes villes plus ou
moins européanisées, telles que Calcutta et Bombay.
Comme aujourd'hui, les enfants étaient d'abord confiés
aux soins d'une nourrice indigène, Vayah, ce qui, ajouté
à la nationalité généralement indienne de la mère, im-
primait à leur éducation première un caractère particu-
lièrement indien. Indiens ils seraient restés, et la culture
hellénique aurait disparu avec la première génération, si,
à l'âge où, suivant la tradition classique, ils étaient
retirés des mains féminines, ils n'avaient reçu, par les
soins ou sous la surveillance du père, une éducation
exclusivement grecque. On leur montrait alors à lire et à
écrire en grec, — en Yavanàni, comme dit le gram-
mairien Pânini. On les initiait aux chefs-d'œuvre de la
littérature classique, particulièrement aux ouvrages d'Ho-
mère et des tragiques. On leur inculquait les éléments des
arts et des sciences où les écrivains indiens eux-mêmes
n'ont pas hésité à proclamer la supériorité des Grecs (1).
On leur apprenait à chercher des modèles dans la vie des
(h Mahâbh., VIII, 2107.
( 676 )
héros qui formaient une part de l'héritage anceslral,
d'Achille à Alexandre. Celui-ci surtout était tenu en
grande estime, et non sans raison, comme le fondateur de
la puissance grecque en Asie.
En même temps qu'on leur ornait ainsi l'esprit, on les
rompait aux exercices du corps, aux jeux d'adresse, au
maniement des armes. Leur éducation était surtout
dirigée vers la carrière militaire. Certains écrivains indi-
gènes considèrent les Yavanas comme des Kshatryas; du
moins ils en font des Kshatryas déclassés, soit pour avoir
manqué à leurs devoirs religieux (Manou, X, 41), soit
pour avoir épousé des femmes de caste coudra (Gautama
Dharmâ-Çastra, IV, 21).
Les uns fournissaient d'officiers les corps indigènes de
l'année royale; les autres constituaient une sorte de
garde prétorienne qui, comme tous les corps analogues,
dut plus d'une fois prendre l'initiative des insurrections
militaires.
Les documents indigènes s'accordent à célébrer leur
vaillance; le Mahâbhârata déclare qu'avec les Cambodjiens
et les habitants de Mathoura, les Yavanas possèdent « la
supériorité dans les combats (1) ». Ils excellaient surtout
comme archers et comme cavaliers. Leur équipement
était resté celui des Grecs. Ils se rasaient la tête, portant
peut-être parfois autour du casque une pièce d'étoffe
enroulée en turban (2). Une tunique revêtue d'une cui-
rasse descendant jusqu'aux genoux, des jambières de cuir,
le glaive à deux tranchants, le bouclier et la lance com-
plétaient leur armement.
(1) Mahàbh., XII, 3735-37.
(2) Voir le bas-relief reproduit dans Albert Grunwedel, Buddhis-
tische. Kunst in Indien, p. 91.
( 677 )
Après avoir achevé leur temps de service <»u dans les
intervalles de la vie des camps, nos Yavanas habitaient
de préférence les villes. Leurs demeures, disséminées au
milieu de beaux jardins, formaient un quartier spécial à
l'écart du tumulte des bazars indigènes. Dans ce « can-
tonnement », comme disent aujourd'hui les Anglais,
s'élevaient le palais du roi, les sanctuaires du culte, ainsi
que la citadelle où tout le inonde officiel se retirait en cas
d'alarme.
Villas, palais et temples mariaient l'élégance grecque
à l'originalité du style indien (1). La sculpture et la pein-
ture, non moins que la gravure des monnaies, familiari-
saient les yeux, par de fidèles copies, avec les productions
les plus célèbres de l'art classique, en même temps
qu'avec l'image des dieux immortalisés par Praxitèle ou
Léocharès.
Quant aux délassements de celte petite société oscillant
entre deux civilisations, ils consistaient en représenta-
tions dramatiques dont l'influence s'est fait sentir sur le
développement ultérieur du théâtre indien; en exhi-
bitions de jongleurs et de bayadères, qui ont toujours
formé un passe-temps favori de l'Inde; — en banquets
somptueux, où les Yavanas mangeaient couchés, à l'eton-
nement, sinon au scandale des indigènes (2); — en joutes
littéraires et philosophiques, dont Grecs et Indiens parais-
sent avoir été également friands (3); — en longs cortèges,
I Sir (ieorge Birdwood fait observer que les habitations actuelles
des riches indigènes, à Bombay, du moins celles qui n'ont pas subi
l'influence de l'architecture portugaise, rappellent singulièrement,
par leur aménagement et leur décoration, les demeures des anciens
Grecs d'Ionie. (Indus trial Arts oflndia, Londres, 1884, p. -11 ï.
(2) \.e scholiaste de Pànini cité par S. Lévy, Quid de Grœcis, p. 22.
(3) Vov. le Milinda Pan ha.
( 678 )
où chars, éléphants et cavaliers faisaient escorte au sou-
verain, et en réceptions fastueuses, dont le cérémonial
actuel des cours indigènes peut encore donner l'idée (1).
Lorsque, en 1876, le maharaja de Jeypore reçut le prince
de Galles, la décoration de la capitale et le programme de
la cérémonie furent littéralement calqués sur la descrip-
tion que le Râmâyana donne d'une solennité analogue qui
eut lieu à la cour d'Oude sous le maharaja Dasaratha,
il y a plus de deux mille ans, et je puis assurer d'expé-
rience (pie les assistants n'y sentirent pas le moindre ana-
chronisme. Il y a là un cérémonial auquel les princes
grecs n'ont pas plus songé à se soustraire que de nos
jours les représentants olliciels de S. M. l'Impératrice des
Indes.
La religion, fortifiée par ses traditions littéraires et
ses pratiques officielles, resta, pendant plusieurs généra-
tions, celle qu'on pratiquait dans tout le monde grec
sous les successeurs d'Alexandre. Peu à peu cependant,
sous la pression des croyances indigènes, il dut s'y intro-
duire des éléments étrangers, et les preuves ne manquent
pas que la culture hellénique s'accommoda à des cultes
nouveaux.
Une médaille assez curieuse et véritablement symbo-
lique d'Antialcidas, un proche successeur de Démet rius.
(1) Les sculptures de Bharhout et de Sanchi. plus vieilles que notre
ère, confirment à cet égard le témoignage des poèmes épiques. (Voy.
L. Rousselet, L'Inde des Rajahs. Paris, 1877, p. 514.) — « Qu'il s'agisse
des cérémonies publiques ou de la vie intime, écrit M. W. Simpson,
à propos des sujets représentés sur les bas-reliefs de Sanchi. vous
trouverez aujourd'hui les mêmes scènes qui se reproduisent dans les
moindres villages, montrant ainsi combien la civilisation et le costume
sont restés stationnaires. » {Journal of tke Royal Institute of British
Architects, p. 166. Londres, 1861-62.)
(679 )
nous montre un éléphant qui, la trompe levée, rend
hommage à un Zeus tenant en main une Victoire.
FiG 2. Monnaie d'Antialeidas.
(D'après Percy Gardner, pi. VII, tig. 9.)
Deux siècles et demi plus tard, Zeus a disparu; Nikè,
passée au service d'un autre Panthéon, est devenue
Oaninda, une déesse iranienne de la victoire; enfin on
voit apparaître, parmi les monnaies de Kaniehka, une
multitude de figures étrangères au panthéon de l'Hellade,
parmi lesquelles le Bouddha, tantôt debout, la main levée,
dans l'attitude de l'enseignement, tantôt assis, les jambes
croisées, dans l'attitude de la bénédiction — et même ce
n'a pas été une des moindres surprises dont nous soyons
redevables à la numismatique que cette exhibition d'un
Sakya Mouni vêtu du chiton et de l'himarion, avec son
double nom écrit en lettres grecques : Boooo et Caxaua.
Fie. 3.
(Percy Gardner, pi. XXVI, fïg. 8.)
Il est probable que l'art grec, en se mettant indistincte-
( 680 )
nient au service de tous les êtres divins, avait beaucoup
contribué, surtout dans les derniers temps de la domina-
tion grecque, à amener le rapprochement des cultes et
l'identification des symboles. Sur les monnaies de
Kanichka, les mêmes personnages portent tantôt le nom
d'Hélios et de Miiro (Mitra), tantôt celui de Sélènè et
de Mao.
Fie. 4. Hélios et Mitra.
(Percy f.ardner, pi. XXVI. tig. -2 et 10.)
Est-ce un Poséidon ou un Çiva, ce dieu qui apparaît
sur les monnaies de l'Indo-Parthe Gondopharès, tenant
d'une main un trident, de l'autre une palme? (Fig. 56.)
Poséidon. (Monnaie Çiva .
vMonnaie d'Antimachos.) de Gondopharès.) (Monnaies de Kanielika.
Fig. 5. Transition de Poséidon a Çiva (1).
(1) Percy Gardner, op. cit., pi. V, 4; XXII. 8; XXVIII, 14; XXXII,
13. — Ailleurs, l'image de Çiva (0KP0), armé d'une massue, parait
procéder directement des représentations d'Hercule. (Voy. Cunnin-
gham. dans la ISumismatic Chronicle, t XII de la 3e série, p. 32.)
( 081 )
Il existe au Musée de Lahore une statue représentant
une dame plantureuse, indienne par les bijoux, classique
par les traits du visage et les particularités de la coiffure,
entourée d'entants qui lui grimpent sur les hanches (1).
Figure-t-elle une Cybèle ou une Lakshmî, voire, comme
le veut M.Vincent Smith, la mère du Bouddha, ou encore,
comme le suggère M.Sénart,la personnification iranienne
de l'Abondance royale? Peut-être a-t-elle tour à tour
incarné chacune de ces conceptions pour différentes séries
d'adorateurs.
On a trouvé dans le Penjab plusieurs copies du célèbre
groupe de Léocharès représentant l'enlèvement de Gany-
mède. M. Vincent Smith croit que ce thème en était venu
à figurer l'ascension de Maya Devi, la mère du Bouddha
ravie au ciel par un aigle. Voici maintenant M. Griin-
wedel qui, avec toute apparence de raison, nous y fait
voir l'enlèvement d'une Nàgi par un Garouda, fréquem-
ment décrit dans les légendes empruntées par le Boud-
dhisme aux traditions antérieures du folklore indien (2).
Nous nous imaginerions volontiers, dans les jardins de
Çagala, la capitale de Ménandre, sous le péristyle des
palais et jusque dans l'atrium des habitations privées,
l'image d'une Minerve avec casque et lance, -- comme
la statue du Musée de Lahore, - - faisant vis-à-vis à un
Çiva de bronze, muni de plusieurs bras, sous le regard
extatique d'un Bouddha émacié, - - pareil à celui que
nous exhibe une statue de Sikri, dressée sur une base
où des personnages à physionomie classique se tiennent
1) Reproduite dans le Journal du Royal Institute of British Archi-
tects, 1894, t. I de la 3e série, p. 136.
{% Grunwedel, Buddhistische Kunst, fig. 34.
( 682 )
en adoration devant un pyrée(l). De même, on n'a anémie
peine à se figurer Apollodote ou Ménandre, au sortir d'un
sacrifiée otïieiel à Zeus ou à Pallas, présidant le défilé
d'une procession hindoue qu'escortent des soldats grecs (2),
ou s'en allant rendre hommage aux cendres d'un pieux
anachorète, enterré sous un de ces stoupas bouddhiques
dont l'image figure sur une monnaie d'Agalhoclès (.">).
L'éclectisme religieux des rois indo-grecs nous est
attesté par un document indigène fort curieux et fort
instructif, le Milinda Panha, traduction pâlie d'un
ouvrage sanscrit qu'on croit avoir été composé vers le
commencement de notre ère. Le but de l'auteur est de
raconter la conversion du roi Ménandre au bouddhisme.
Décrivant la capitale de ce prince, Çâgala, avec une
richesse de couleur locale qui fait songer à certaines pages
des Mille et une Nuits, il ajoute que « les rues y résonnent
de paroles de bienvenue adressées aux apôtres de tous les
cultes et que les docteurs de toutes les sectes y trouvent
un asile (4) ».
L'auteur nous apprend ensuite que son héros était né
à Kalasi, dans une île de l'Indus, près d'Alasanda, l'une
(1) E. Sénakt, Notes d'epigrapkie indienne, dans le t. XV, 8e série,
du Journal asiatique, pi. II. Paris, 1890.
(2) A. Grunwedel, Buddhistische Kunst, fig 29, p. 91.
(3) Percy Gardner, pi. IV. 10.
(4) I, I, 2. Traduction de M. Rhys Dayids, The Questions of King
Milinda, formant les volumes XXXV et XXXVI des Sacred Books of
the East, publiés sous la direction de M. Max Mûller. Oxford. 1890-
1894.
( (383 )
des villes, fondées par les Grecs, (jui portaient le nom
d'Alexandrie. C'était, nous dit-il, un prince « instruit,
éloquent et sage, observateur Jidèle et judicieux de son
propre culte ». Il brillait dans toutes les sciences:
« Comme dialecticien, il était difficile à égaler, plus diffi-
cile encore à vaincre, ouvertement supérieur à tous les
chefs d'école. En force, en agilité, en vigueur, de même
qu'en sagesse, il n'avait pas de rival dans l'Inde. Riche
et heureux, il possédait des soldats innombrables (1). »
Nous avons vu plus haut que la puissance de Ménandre
est également attestée par les auteurs classiques; la lon-
gue durée de son règne semble résulter de ses monnaies
qui le représentent à plusieurs âges. La physionomie qui
s'y révèle est a la fois fine, calme, énergique. Le front
est un peu fuyant, mais largement développé. Sa coiffure
est tantôt le diadème, tantôt le casque. En exergue sont
gravés, au droit, le titre de Basiieus Sôter, au revers, en
sanscrit, celui de Maharaja Tradata.
Fie <>. MéiKiiuhe, d'après ses monnaies (2).
Le Milinda Panha raconte comment, après avoir passé
la matinée à exercer ses troupes dans les environs de la
capitale, Ménandre consacrait une partie de la journée à
(1) Questions of Milinda, liv. I, § 9.
(2) Percy Gardner, op. cit., pi. XI, 7 à 13, et XII, \ à 4.
( 6M )
s'entretenir avec les philosophes, les sophistes, les doc-
teurs les plus illustres de toute école et de toute secte.
Cet exemple de haute curiosité et d'indépendance d'es-
prit devait être imité dans les mêmes parages, seize siè-
cles plus tard, par un souverain qui, sans doute, n'avait
jamais entendu parler de Ménandre : le Grand Mogol
Akhar. Lui aussi réunit, dans son palais de Fouttipour
Sikri, des oulémas, des brahmanes, des rabbins, des
dastours guèbres et jusque des jésuites portugais, qu'il
chargeait à tour de rôle de lui exposer leurs doctrines
respectives. Ces « Parlements de religions », qui ont
tant de peine à se taire accepter dans notre vieille
Europe, n'ont jamais eu dans l'Inde rien de choquant ni
même d'insolite. Les interprètes de la pensée indienne
ont pu avoir de tout temps, en philosophie comme en
religion, des vues bien exubérantes et bien fantasques,
pour ne pas dire pis. Cependant, à de rares exceptions
près, nous leur voyons, dans toutes les périodes de l'his-
toire, pratiquer non seulement la tolérance, mais encore
le respect des opinions divergentes, comme s'ils voulaient
rester fidèles à l'adage védique que l'Être unique a plus
d'un nom. En matière d'extravagances religieuses, l'Inde
a beaucoup péché. Mais il doit lui être beaucoup par-
donné, parce qu'elle a beaucoup toléré.
Ménandre, tel que le Milinda Panha nous le dépeint,
était avant tout un chercheur de vérité : « Vénérable
Seigneur, lui dit un jour un docteur bouddhiste, voulez-
vous discuter en savant ou en roi? — Quelle est la diffé-
rence? — Lorsqu'on discute entre savants, aucune des
parties ne se fâche, quand elle est convaincue d'erreur.
Quand c'est le roi qui discute, si l'on n'est pas de son
avis, il vous fait punir par ses officiers. — Eh bien !
( 685 )
reprit Ménandre, c'est en savant et non en roi que je
veux discuter. Votre Révérence peut s'exprimer sans
réserve, comme elle le ferait devant un frère, un dis-
ciple, un novice ou même un serviteur (4). »
Le roi de Çâgala ne se contentait point, comme Akbar,
de convoquer dans son palais les docteurs des différentes
sectes; il les visitait chez eux, après les avoir fait pré-
venir par son astrologue. « La nuit est belle, disait-il
parfois à ses conseillers. Quel est le Maître itinérant ou
le Brahmane que nous pourrions visiter ce soir pour
converser avec lui et résoudre nos doutes (2)? » Aussitôt
renseigné, il faisait atteler le char royal et, escorté de
ses principaux ofliciers, s'en allait courir les monastères
et les ermitages.
Tant qu'il eut seulement affaire aux principaux repré-
sentants des écoles brahmaniques, le Milinda Panha nous
le montre sortant sans peine victorieux de la contro-
verse ; si bien que, lassé par ses succès mêmes, il finit
par murmurer : « Il n'y a donc personne, philosophe ou
prêtre, qui soit capable d'éclaircir mes doutes. L'Inde est.
vide. En vérité, tout n'y est que bavardage (5). »
C'est saint Augustin, s'écriant, dans un état moral
. analogue : « Tout cela n'est que vent et fumée, vanité
et néant. » Et, de même que l'illustre rhétoricien de
Carthage se convertit à la religion du Christ, quand il
eut ouvert son âme à la prédication de l'évêque Ambroise,
ainsi le grand roi de Çâgala se laissa gagner à la religion
(1) Questions of Milinda, II, t, 3.
(2) Idem. I, 37.
(3) Idem, 1, H.
( 68(i )
du Bouddha, le jour où il eut rencontré sur son chemin
l'arhat Nâgasêna, qu'une longue suite de mérites dans
des existences antérieures avait prédestiné à devenir
l'instrument de cette conversion.
Le Milinda Panha relate, dans sa conclusion, que
Ménandre, après avoir fondé un monastère qui porta son
nom et y avoir installé Nâgasêna avec ses moines, abdi-
qua le trône en faveur de son (ils, pour s'adonner jusqu'à
sa mort à la vie d'ascète (1). M. Rliys Davids n'est pas
éloigné de croire que ce passage a été interpolé par le
traducteur pâli (2). Mais la conversion môme de Ménandre
au bouddhisme n'a rien d'invraisemblable. Plutarque,
après avoir rapporté que ce prince mourut dans son camp,
ajoute que les principales villes de l'empire se dispu-
tèrent ses cendres, pour rendre hommage à sa réputation
de justice, et que, finalement, se les étant partagées à
l'amiable, elles les déposèrent dans des monuments
élevés à sa mémoire (3). C'est là un trait essentiellement
bouddhique, qu'on croirait emprunté à l'histoire de Sakya
Mouni et qui implique l'existence de nombreux stoupas
dédiés à la mémoire de Ménandre.
11 est d'ailleurs avéré que, dans tout le nord-ouest de
l'Inde, le paganisme classique lit place au bouddhisme (4).
Le doute ne peut porter que sur la date de cette substi-
tution. Quand, moins d'un siècle après Ménandre, les
Scvthes s'établirent dans le Penjab, ils n'apportèrent pas
(1) Questions of Milinda, VII, 7, 21.
(2j Idem, introduction, p. xxiv.
(3) IIoXtTtxa napayyeXiJLaTa. Éd. Didot, t. II, p. 1002.
(4) C'est ce qu'attestent les sculptures du Gandhâra.
( 687 )
la religion du Bouddha, ils l'y trouvèrent établie et
l'acceptèrent avec le reste de l'héritage des Grecs (1).
A l'eneontre de cette conclusion, ou a fait valoir que
les divinités représentées sur les monnaies des rois indo-
grecs appartiennent toutes au panthéon hellénique et que
l'image du Bouddha apparaît seulement sous les Indo-
Scythes. Mais jamais les Bouddhistes ne proscrivirent la
représentation ni même ne contestèrent la réalité des
dieux qui se trouvaient sur leur chemin; ils se bornèrent
à en faire des êtres un peu plus rapprochés de l'homme
et soumis, comme lui, à la loi de l'universelle nature.
Les divinités helléniques se maintiennent d'ailleurs
dans tout le monnayage indo-seythe, à une époque où
personne ne nie plus la prédominance du bouddhisme.
Il est très vrai que l'image du Bouddha ne se montre pas
sur les monnaies antérieurement au règne de Kanichka.
Toutefois, nous savons qu'on s'est longtemps abstenu
chez les Bouddhistes de reproduire les traits du Maître :
dans toutes les sculptures antérieures à notre ère, il n'est
jamais figuré que par un symbole : trône vide, parasol,
triçul, une paire de pieds, l'arbre sacré ou la Roue de la
Loi. Or, sur une monnaie de Ménandre, le revers est
précisément occupé par la représentation de cette roue,
qui remplace, ici, l'image ordinaire d'une divinité, et
sur certaines pièces, le titre habituel du souverain,
(1) Kanichka lui-même, dont la tradition a fait un des propagateurs
les plus zélés du bouddhisme, semble avoir appartenu d'abord à la
religion de Zoroastre, si l'on en juge par les monnaies où il nous
apparait dans son costume royal, étendant la main sur un pyrée ira-
nien, et aussi par les légendes où il prend le titre de MA2A00NAN0,
que Cunningham traduit par « Mazdéen », c'est-à-dire « adorateur
d'Ahoura Mazda ». (Babylunian and Oriental Record, t. II, p. 44.)
( 688 )
Tradata (Sôter) est remplacé par la dénomination de
Dhramika (pour Dharmika), que le graveur grec a traduite,
dans la circonstance, par Dikaios (Juste), mais qui se
rend plus exactement par « Fidèle à la Loi », expres-
sion essentiellement bouddhique (1).
On a quelque peine à comprendre comment celte
société grecque, légère et raffinée, fière de son passé,
tout imprégnée d'une culture qui implique une concep-
tion sereine et optimiste de la vie, en vint à se jeter dans
les bras d'une religion de renoncement et de désespé-
rance, où l'idéal s'incarne dans l'ascète et non plus dans
le héros, où le but devient l'anéantissement de la per-
sonnalité en un sommeil sans rêves, et non plus son épa-
nouissement dans la radieuse clarté des Champs Élyséens.
Cependant, un phénomène analogue n'allait-il pas bientôt
se produire en plein Occident?
(1) Dans un récent article du journal de la Royal Asiatic Society
\avril 1897), M. L.-A. Weddel a soulevé des objections contre l'identifi-
cation du roi Ménandre avec le héros du Milinda Panha. 11 fait valoir
que, dans certaines traditions du bouddhisme septentrional, le sou-
verain converti par Nâgasêna se nommait Nanda ou Ananta, et,
s'appuyant sur divers détails de la version pâlie elle-même, il en
conclut que le prince en question pourrait bien être un roi de l'Orissa
ou du Bengale. A cela nous répondrons que le rôle attribué à Milinda
dans les dialogues du Milinda Panha a pu être également prêté à
d'autres souverains dont on voulait raconter la conversion édifiante.
Mais il n'en est pas moins évident que, dans la pensée de l'auteur du
Milinda Panha, il s'agissait bien de Ménandre, le roi des Yavanas qui
régnait à Eutliydêmia, dans le Penjab. D'ailleurs, M. Rhys Davids offre
d'excellentes raisons pour faire remonter l'original de la version pâlie
au premier siècle de notre ère, c'est-à-dire à une époque où les sou-
venirs de Ménandre étaient encore vivants, alors que, de l'aveu de
M. Weddel, l'existence de la version chinoise à laquelle il fait allusion
ne peut être établie qu'au cinquième siècle après Jésus-Christ.
V
«89
Les Grecs de l'Inde se trouvèrent en proie, trois siècles
avant leurs cousins d'Europe, à la crise morale qu'engen-
dre dans les âmes de haute culture la prédominance des
jouissances matérielles et l'impuissance des anciennes
croyances à satisfaire les besoins de la raison et
du cœur. Le bouddhisme s'offrit à point pour fournir un
refuge à ces désabusés, qui, comme Ménandre, trouvaient
l'Inde « vide ». Us y rencontrèrent la paix de l'âme,
mais ce fut peut-être aux dépens de l'activité et de
l'énergie qui allaient leur devenir plus nécessaires que
jamais pour lutter contre les éléments désorganisateurs
au dedans et au dehors.
Que Ménandre ait terminé ses jours, comme Charles-
Quint, dans la paix d'un monastère, ou comme Marc-
Aurèle, dans le tumulte d'un camp, il ne nous apparaît
pas moins le symbole de sa race et de son temps.
Pour mettre dignement en lumière celte grande figure
qui s'esquisse dans la pénombre du passé, l'histoire ne
suflit guère: il faudrait le talent d'un romancier comme
Bulwer Lytton ou Ebers, d'un poète comme Edvvin
Arnold, d'un librettiste comme Richepin. Ajouter un cha-
pitre à la psychologie des peuples, en personnifiant le
conflit du génie hellénique avec l'âme indienne, — mon-
trer comment les fiers successeurs des compagnons
d'Alexandre et la non moins orgueilleuse descendance
des brahmanes deux fois nés communièrent dans l'évan-
gile d'humilité et d'amour prêché par le doux ascète de
Kapilavastou, - - faire la part de l'éternel féminin en
opposant une Sacountalâ ou une Izeil au double type que
la civilisation grecque a partout porté avec elle : l'épouse
et la courtisane, — grouper enfin tous ces éléments
r>roe SÉRIE, TOME XXXIII. 45
( G90 )
autour d'une des physionomies les plus attirantes et les
plus énigmatiques de la royauté indo-grecque, — dans un
cadre fourni par le mélange de deux civilisations aussi
complexes et aussi disparates que celles de la Grèce et de
l'Inde à l'apogée de leur épanouissement, — n'est-ce pas
un sujet bien fait pour tenter un écrivain de talent, dans
un siècle aussi favorable que le nôtre aux restitutions
archéologiques?
Même sur le terrain historique, l'élément tragique ne
ferait pas défaut devant l'ombre grandissante que
devaient projeter, comme plus tard en Occident, les
« barbares » — Scythes, Parthes, Hindous — campés le
long des frontières. Les dix mille Grecs de Ménandre,
poignée d'hommes perdus dans un coin de l'Asie, au
milieu de races étrangères, isolés de la mère patrie,
comme les compagnons de Gordon à Khartoum et d'Émin
dans le Soudan, par toute la profondeur d'un continent
hostile, devaient instinctivement sentir que leurs victoires
n'auraient pas de lendemain. Or, je neconnais rien de
plus mélancolique que les dernières floraisons d'une race
qui s'éteint ou d'une société qui s'écroule, quand elle
commence à prendre conscience que l'avenir lui échappe.
Puissent ces angoisses être épargnées à nous et à nos
enfants !
Les Indo-Grecs étaient donc condamnés. Mais une
civilisation ne périt jamais tout entière et la culture
classique, qu'ils avaient importée dans l'Inde, laissa der-
rière elle plus d'un germe qui devait fructifier chez leurs
successeurs.
<i!H
De la santé morale dans les lettres et les arts de notre
temps; par Adolphe Prins, membre de la Classe des
lettres.
Mesdames et Messieurs,
Dans le Banquet de Platon, Diotime s'écrie: « 0 mon
cher Socrate, si quelque chose donne du prix à la vie
humaine, c'est la contemplation de l'éternelle Beauté! »
En commençant cette lecture, j'invoque les paroles de
l'étrangère de Mantinée : je ne suis pas un artiste, je
suis simplement quelqu'un de la foule, et si je me crois
permis cependant de vous entretenir d'Art, c'est que je
m'imagine qu'attacher du prix à la Beauté est un titre
suffisant pour en parler.
Nous sommes, Mesdames et Messieurs, à la fin d'un
grand siècle; nous assistons à une glorieuse efflorescence
de l'Art. Seulement les écoles et les tendances sont si
nombreuses et diverses, qu'il est bien difficile de suivre
la direction du mouvement artistique.
Une seule chose se dégage du chaos et apparaît dis-
tinctement : c'est ce que Brunetière a appelé l'insurrec-
tion du cœur contre l'intelligence, c'est la réaction de la
passion contre la froide raison, de la légende contre le
fait, et, en un mot, la Renaissance de l'Idéalisme.
Parmi les causes de cette Renaissance, il unit signaler
d'abord les excès de l'esprit d'analyse qui, sous prétexte
d'exactitude dans les détails, décompose et détruit l'unité
692 ■)
de la sensation. La photographie, de même, en saisissant
sur la plaque sensible des centièmes de seconde, en dé-
composant à l'infini les mouvements les plus simples,
'nous fournit des images ne rendant plus l'impression res-
sentie, et, pour reconstituer celle-ci, il nous faut une
synthèse. L'Art aussi a soif de synthèse et comprend la
supériorité de la force qui coordonne sur la force qui
desagrège.
Il faut signaler ensuite la dégénérescence du natura-
Usine, la recherche du terre à terre et de la vulgarité pour
la vulgarité, aboutissant à dépeindre le monde autrement
qu'il n'est, et à construire une sorte d'épopée de la lai-
deur et i\u vice.
Le naturalisme a peu à peu dévié de son origine; sous
prétexte de vérité, il est devenu conventionnel et outré;
sous prétexte de réalité, il est devenu faux et a démontré
une fois de plus qu'un art faux est un art malsain.
Je ne discuterai pas le problème si complexe de la
moralité dans l'art. On l'a dit souvent, il n'y a pas de
mauvais livres, il n'y a que de mauvais lecteurs, car seul
l'être faible interprète les livres dans le sens de ses vices
et de ses passions. Qui donc oserait scruter les intentions
de l'artiste? Les juges les plus sévères sont souvent les
moins vertueux, et l'histoire est là pour dire que rien
n'est plus dangereux et plus grotesque à la fois qu'un
cuistre se mêlant d'apprécier la moralité du génie.
Mais si l'art n'a pas uniquement pour but de défendre
une thèse morale, je pense cependant que l'art digne de
ce nom, l'art sincère est une force sociale salutaire qui
élève l'individu, tandis qu'il y a un art artificiel qui ne
répond à aucun des plus nobles besoins sociaux. Et
( 693 )
pour prendre un exemple, il n'est pas contestable qu'une
partie de la littérature de langue française se caractérise
en ce moment par l'absence de santé morale; je veux
parler de l'école <|iii semble avoir pris pour devise, non
la liberté dans l'art, mais la dépravation dans la littéra-
ture. Son signe particulier n'est pas le choix du sujet,
mais la façon de le traiter, un procédé qui, à travers des
œuvres innombrables, apparaît toujours le même et a tou-
jours le même résultat : rendre le vice sympathique ou
attrayant.
A coup sûr. il ne peut être question ici de la liberté
du penseur dégagé de tout préjugé bourgeois, car jamais
on n'a vu plus de préjugés, d'étroitesse, de routine, de
banalité, moins de véritable invention.
Sous la plume des disciples de cette école, qu'il s'agisse
du roman ou du théâtre, l'humanité n'est plus qu'une
sorte de règne inférieur, vivant uniquement pour la salis-
faction du génie brutal de l'espèce.
Leur monde se compose de pantins groupés dans des
hôtels luxueux ou sur des plages à la mode.
Leurs personnages sont, en général, des fantoches qui.
n'ayant aucun but dans leur vie stérile et désœuvrée, ont
trouvé une distraction unique, l'adultère.
Et si le genre varie, s'il est tantôt réaliste et sensuel,
tantôt élégiaque et sentimental, tantôt allègre et humo-
ristique, le fond ne varie pas.
Assurément, cette littérature a ses degrés : il y a un
degré tout à fait inférieur, le pur libertinage, ces fameuses
tranches de vie sans passion, couleur ni relief, observées
et découpées, sans doute, dans le monde des tripots
et des mauvais lieux où, sous le règne de Charles II,
Wycherley et Congreve allaient prendre leurs modèles.
v 694 )
Il est aussi un degré supérieur, des œuvres d'un art
raffiné, de subtiles études psychologiques, des analyses
savantes et quintessenciées. Chez les uns, tels Bourgetet
ses imitateurs, une grâce alanguie et perverse revêt toutes
les défaillances des séductions d'une fausse sentimenta-
lité; chez d'autres, comme Marcel Prévost et Hervieu, se
trahit une licence aimable et de bon ton, une corruption
distinguée, une complaisance experte à excuser, à poétiser
et même à glorifier l'immoralité. Mais de cette littérature
mondaine, de ces œuvres chatoyantes, que subsiste- t-il,
sous leur enveloppe charmeuse et provocante, sinon la
vision aussitôt effacée de pâles fantômes, d'âmes ané-
miées, d'aventures aussi hardies que banales, en un mot
de poupées et de mannequins vêtus à la mode du jour,
gracieux ou grimaçants, mais ne rendant pas quand on
les heurte le son de la vie, ne nous parlant jamais de nos
passions, de nos inquiétudes ou de nos espérances et ne
rappelant en rien cette humanité vraie dont nous sommes
et que nous aimons?
Je dis, Mesdames et Messieurs, que celte littérature est
malsaine.
« La vie est brève, écrivait Ruskin, les heures paisi-
» blés sont rares; il ne faudrait les employer qu'à lire
•) de bons livres. »
Eh bien, ces livres qui ne fournissent ni une idée, ni une
émotion, ni une réflexion, ne sont pas de bons livres.
D'abord, quand depuis cinquante ans ils décrivent une
société uniformément vicieuse et frivole, ils ne devien-
nent pas seulement terriblement ennuyeux et monotones,
ils sont malsains parce qu'ils ne sont pas vrais.
Vous n'êtes pas sans avoir déjà constaté qu'il y a dans
le monde autre chose que des débauchés et des hvsté-
( 695 )
riques. Il en existe, c'est incontestable. Il y en a même
beaucoup. A mie époque de grande civilisation, on voit
toujours augmenter le nombre des parasites qui s'élei-
gnent dans une oisiveté dorée, comme le nombre des
vagabonds qui s'éteignent dans les dépôts de mendicité.
Il y a de l'écume partout, et l'écume apparaît à la surface.
Mais malgré tout, du haut en bas de l'échelle sociale,
on peine, on lutte : ouvriers intellectuels ou manuels,
tous sont soumis à la loi commune; chacun a ses devoirs
et ses souffrances; chacun a ses idées à défendre, sa
famille à soutenir; chacun doit assurer sa vie, faire son
chemin ou maintenir une position acquise. Chacun doit
agir et marcher, et celui qui reste immobile tombe et
disparaît sous la poussée des autres. Or, quand les partis
révolutionnaires nous montrent dans les classes diri-
geantes un ramassis de millionnaires paresseux et désœu-
vrés qui s'amusent pendant que le peuple travaille et
gémit, ils peuvent, à l'appui de leurs malédictions,
invoquer avec d'autant plus de raison les œuvres qui, fai-
sant prendre l'exception pour la règle, donnent l'impres-
sion d'une société universellement odieuse et corrompue,
que les auteurs de ces romans et de ces comédies ont la
prétention de se livrer à l'étude des mœurs et de refléter
l'état social. Et il faut un certain jugement pour se per-
suader que l'Univers conserve son éternelle harmonie,
que depuis l'origine des choses le soleil éclaire les
mêmes vices et les mêmes vertus, et qu'il y a encore,
après tout, autant de cœurs droits et d'actes utiles que
d'êtres dégradés et d'actes nuisibles.
La littérature dont je parle est malsaine à un second
point de vue : elle exerce une influence pernicieuse parce
qu'elle distille goutte à goutte dans les veines le subtil
( 696 )
poison d'une sensualité voulue. Pour le nier, il faut nier
le pouvoir évocateur des mots, oublier que l'homme se
laisse par eux conduire et duper. Et s'il y a des mots
capables d'enfanter l'enthousiasme, de refléter les idées
pour lesquelles on vit, on lutte et on meurt au besoin, il
enestd'autres qui, lentement, mais sûrement, dessèchent,
dépravent, abaissent et finissent par étouffer l'idéal que
chacun porte en soi.
Songez donc à la production et à la consommation
etfrénées, résultat de la démocratisation de l'art ; songez
à la légion d'oeuvres mal écrites, mal pensées, grave-
leuses ou brutales, que chaque jour voit éclore, au bon
marché de ces publications, au bas prix des places popu-
laires au théâtre, à la grivoise vulgarité de certains spec-
tacles, à ces stupéfiantes affiches où des directeurs, avec
une inconscience surpassée encore par celle des parents
qui les écoutent, annoncent que les enfants paieront
demi-place. Songez à ce que doivent à la longue éprouver,
non pas des lettrés, car les lettrés peuvent impunément
tout lire, mais de petits bourgeois dont la vie est dure,
l'instruction sommaire et l'éducation négligée; songez
que pendant les heures rares dont parle Ruskin, heures
dérobées à un labeur sans trêve, ils se repaissent de cette
littérature frelatée, et que constamment devant les
mêmes yeux reviennent les mêmes images, éveillant les
mêmes sensations, et vous comprendrez comment une
littérature peut être malsaine, engendrer le plus désolant
des pessimismes, inspirer le dégoût de la vie que l'on
mène et du milieu où l'on vit, enseigner le mépris de tout
ce qui constitue l'honneur, la dignité, la joie de l'hom-
me, le dédain de cette chose à la fois si près de nous et
si haute, et si loin des décevantes chimères : je veux dire
( 697 )
le devoir de chaque jour accompli par chacun suivant
ses forces.
Oui, cet arl est anti-social au suprême degré, et en
Belgique, l'éducation populaire en subit plus que par-
tout ailleurs, et sans aucun contrepoids, les détestables
effets.
Quand on voyage à l'étranger, on est frappé des res-
sources offertes par le théâtre et la presse littéraire. En
Angleterre, en Allemagne, à Paris, on représente les
chefs-d'œuvre de la littérature; la jeunesse apprend à
goûter la joie des plus nobles manifestations de l'art :
le théâtre reste une école de goût et d'enthousiasme, et
contribue à former l'âme de la nation. En Angleterre, en
Allemagne, en Hollande, en Norwège, il y a d'innom-
brables journaux littéraires appropriés à la vie de famille.
Nous n'avons rien de tout cela. A part certaines tentatives
de la jeune école, tentatives dignes d'éloges, mais qui
restent confinées dans un cercle restreint, nous ne con-
naissons rien de tout cela.
En fait de littérature, notre grand public ne connaît
même pas les lettres françaises; il ne connaît que les
vaudevilles français et les feuilletons français. Au lieu de
ces revues littéraires de l'étranger qui, grâce à la modi-
cité du prix, ont leur place aux plus humbles foyers et
font partie des veillées familiales, nous sommes entourés
de journaux licencieux dont les illustrations s'étalent dans
la rue et frappent les yeux de tous. Personne ne pourrait
contester qu'il n'y ait là pour les masses un ferment de
décomposition.
C'est une plante fragile qu'une âme naissante, et c'est
quelque chose après tout, dans les épreuves de la matu-
rité, que le souvenir d'une atmosphère où les imaginations
( <>!)8 )
tendres et délicates ont pu conserver leur fraîcheur, où
les impressions premières ont été saines. C'est ainsi que
l'on protège la sève, la vigueur et la fécondité d'un
peuple, qu'on lui inspire le sentiment de la dignité et
du respect de soi-même et que l'on conserve son patri-
moine moral.
C'est ainsi qu'une nation a des enfants dont le cœur
n'a pas été flétri, dont on n'a pas fait des monstres de
précocité, des petites filles qui n'ont pas encore l'expé-
rience d'une femme blasée, des garçons sans rides assez
naïfs pour ne pas comprendre tout ce qu'on dit et deviner
tout ce qu'on ne dit pas; des enfants enfin, dont l'œil
clair et le rire franc révèlent qu'ils sont restés simple-
ment des enfants.
N'oublions pas que ce qu'on enlève à l'idée morale, on
le donne à la force brutale et à l'égoïsme, et, comme le
dit Albert Sorel, que la licence du marquis de Sade
enfante la cruauté de Carrier.
Partout l'on comprend ces cboses, et cela suffit à expli-
quer la réaction contre la grossièreté et la vulgarité, et
l'aspiration générale vers la région supérieure de l'idéa-
lité.
Je me figure un jeune bomme dont les sentiments ne
sont pas émoussés. Il a passé quelques années à la ville;
il a coudoyé tous les mondes, respiré l'odeur des tavernes,
entendu les propos des chambrées et il est convaincu
que désormais il connaît la réalité de la vie. Et voici qu'il
retourne au foyer paternel et que le village natal apparaît
au loin dans la campagne baignée de clarté; et des fonds
verdoyants où le ruisseau clapote sous les saules, où les
blés d'or ondulent au soleil, monte avec une inexpri-
mable fraîcheur la sensation de l'éternelle jeunesse et de
la fécondité sacrée de la Terre.
1>99 )
Mors la grande paix de la nature le reprend; des souf-
fles mystérieux, semblant venir de très haut et de très
loin, l'enveloppent et le pénètrent de l'infinie douceur de
vivre et il sent que tout cela, c'est aussi la réalité, mais
une réalité plus pure (pie celle qu'il vient d'abandonner.
Eh bien, Mesdames et Messieurs, c'est quelque chose
de semblable <pie notre aspiration vers l'Idéal, ('e n'est
pas le dédain de la réalité, mais une façon plus haute de
la comprendre, la conviction que l'idéal peut s'élever
d'autant plus que noire connaissance de l'Univers sera
plus large, et que pour être complètement vrai, il ne
suflit pas de s'appuyer uniquement sur des faits et de n'en
connaître qu'une partie.
Dans son roman La Terre, Zola, sur un tout petit
coin du sol français, rassemble ce que dans l'univers
entier la vie rurale inculte et primitive peut offrir de
mœurs bestiales et repoussantes, de sentiments vils et bas,
et Zola est presque aussi loin des vrais paysans qu'Honoré
d'Urfé quand, nous promenant sur les bords du Lignon,
il nous décrit les amours idylliques du berger Céladon et
de la bergère Astrée. Dans Pot-Houille, il condense
en une seule maison, habitée par <\v>> familles diverses,
tout ce que la vie bourgeoise peut offrir de cynisme, de
scandales et de hontes; l'effet d'optique est tout aussi
factice et mensonger, et il est facile de montrer combien
il y a moyen d'être plus naturel en étant moins natura-
liste.
Permettez-moi de prendre un exemple banal a force
d'être connu. Je veux parler de Dickens, que je choisis
précisément parce que tous l'ont lu et qu'il a exercé une
grande influence au dehors : il ne vise pas, lui, à la
reproduction photographique; sa caractéristique, au con-
( 700 )
traire, est l'exubérance de l'imagination. Pourtant, le
nom de David Copperfield subsiste dans notre mémoire
comme celui d'un ami avec lequel nous avons passé des
jours joyeux ou sombres. Et quand, à la dernière page du
roman, à côté d'Agnès qui le regarde et de la lampe qui
s'éteint, il dépose la plume, nous nous séparons de lui à
regret, avec l'espoir qu'il sera heureux.
Et pourquoi donc connaissons-nous si bien, non seule-
ment l'âme de David Copperfield, mais le milieu où il a
vécu, et les rues anglaises, et le brouillard anglais, et la
pluie anglaise, et les pauvres anglais, et les abus anglais,
sinon parce que l'imagination de Dickens lui permet de
donner à la fois la personnalité aux êtres et le relief aux
objets? En même temps que la chaude lumière de son
esprit éclaire ses héros et les empêche d'être étouffés sous
le poids inexorable des choses, elle donne aux choses le
reflet de la vie. Voilà la réalité même, l'art complet qui
réveille la matière endormie et donne aussi la force et la
puissance à l'idée. Nous ne sommes pas de simples appa-
reils enregistreurs, de simples miroirs, dit Fouillée. La
vérité philosophique est aussi la vérité artistique.
Il y a toujours action et réaction réciproque. Le milieu
agit sur l'individu, l'individu projette son âme sur le
milieu. Et si parfois, dans les souvenirs de l'âge mûr, se
détache, avec une netteté admirable, la chambre des jours
d'enfance, si la fenêtre où l'on s'accoudait aux heures de
pluie, où l'on faisait des bulles de savon aux heures de
soleil, si la table où l'on apprenait à épeler dans le livre
aux lettres immenses, si le polichinelle usé et défraîchi,
compagnon de toutes les joies et de toutes les douleurs,
avec lequel on pouvait entamer de si longues causeries
sans jamais l'ennuyer, si tout cela se lève dans la brume
701 )
du passé et semble parler, pleurer, aimer, sourire, n'est-
ce pas qu'il y a eu nous une force invincible et cachée
qui, à travers le temps et l'espace, prête aux choses nos
sentiments et nos pensées?
Laissez-moi vous donner un second exemple d'un
genre tout opposé : le roman plus récent de Suderman,
Frau Sorge, « La Dame < 1 1 1 Souci ». Rien n'est plus
simple, et rien n'est plus émouvant. C'est l'histoire d'une
conscience engourdie qui s'ignore, et solitaire, repliée
sur elle-même, se détend peu à peu. Elle sent les mor-
sures de l'existence d'autant plus profondément qu'elle
est incapable de s'épancher.
Les privilégiés nés avec les dons les plus brillants, et
qui vont droit devant eux, hardis, assurés, s'assimilant
toutes choses comme en jouant, ne soupçonnent pas les
jours amers et douloureux de l'être fruste ayant la notion
du devoir et le désir de l'accomplir, mais ne trouvant
jamais le mot juste ou le geste nécessaire. Sans cesse
heurté par la foule des médiocres, il trébuche quand eux
marchent sans hésitation et toute sa conduite met en
relief le contraste entre l'être d'instinct et le monde de
convention et de formule, entre l'esprit d'élite et la tourbe
des esprits ordinaires.
Paul Meyhofer, le héros du roman, est une de ces âmes
d'exception renfermées et incertaines ; son moi se dégage
lentement, il se forme et s'élève dans les épreuves, au
milieu des chagrins, des humiliations, des secousses, des
incidents terre à terre d'une vie difficile. Quand la plu-
part des romans contemporains nous montrent l'individu,
victime fragile et assouplie de la fatalité sociale ou héré-
ditaire, ici, au contraire, la volonté du héros réagit contre
( 702 )
le milieu, et Paul Meyhofer triomphe, fidèle à un idéal
confus vaguement entrevu, et à un amour d'enfance naïf,
timide et pur, qui, traversant sa jeunesse comme un doux
rayon de chaleur perce le froid de la brume, fait évanouir
enfin la Dame du Souci.
Tout cela n'est pas compliqué, et pourtant c'est rede-
venu neuf au regard de la majorité des œuvres actuelles;
car en général, ou bien l'individu est le jouet de la néces-
sité organique, nous savons d'avance dans quelle direc-
tion il sera poussé et l'intérêt dramatique disparaît pour
ne laisser dominer que le mérite de la facture; ou bien
ce sont même parfois, comme dans Lourdes ou La
Débâcle, des toiles d'un coloris splendide ; l'homme
s'efîace dans la mêlée; l'on songe aux tableaux des
anciens peintres de batailles, où les plans étaient con-
fondus, où l'on s'ingéniait à rendre les mouvements
d'ensemble sans souci du rôle des personnages et où les
masses profondes de cavaliers et de fantassins se perdaient
elles-mêmes dans la fumée des combats.
Cependant, encore une fois, le développement de
l'énergie spontanée de l'individu, l'éclosion de la con-
science, le spectacle de la force morale aux prises avec le
milieu organique, la lutte de ce qu'il y a en nous de
liberté immanente avec les puissances extérieures, ces
choses vieilles comme l'Humanité sont aussi la vie et la
nature et la vérité, et elles ne sont pas seulement vivantes
et naturelles et vraies, elles inspirent, non la satiété et le
désenchantement, mais le désir de l'action et l'enthou-
siasme sans lequel une société n'est qu'un mécanisme
vide et perd jusqu'au patriotisme ; elles reconstituent le
foyer où viennent converger les espoirs et les aspirations
( 703 )
dos hommes, cl il est [tennis d'affirmer que si un natura-
lisme excessif a donné à la conscience universelle l'appa-
rence d'une nébuleuse, il appartient à l'idéalisme bien
compris de montrer sous cet amas confus le inonde des
étoiles. Les idées ne sont-elles pas pour nous, après tout,
ce que sont pour le navigateur les étoiles qui palpitent
dans le silence de la nuit sans bornes?
L'idéalisme renaît donc en ce moment et l'on assiste
à une sorte de montée de l'esprit dans les nuées du rêve
et de la fantaisie. Mais si le réalisme a pu devenir con-
ventionnel et systématique, l'idéalisme est exposé aux
mêmes écueils. Gardons-nous des systèmes d'où qu'ils
viennent : « En fait de systèmes, écrit Brunetière, il n'y
» a que les morceaux qui soient bons. » Et Arioste pen-
sait de même. Il envoie Astolplie dans la lune pour y
retrouver les choses perdues; et Astolphe remarque des
flacons plus grands que les autres : ils contenaient tout
le bon sens perdu sur la terre par les faiseurs de systèmes.
Oui, gardons-nous des faiseurs de systèmes. Il y en a
des milliers; il n'y a (prune façon d'être sincère et, à
travers les siècles, les styles et les écoles, l'œuvre d'inspi-
ration vraie résiste; l'artificiel et le convenu sont balayés
de la mémoire des hommes.
L'Europe actuelle compte beaucoup d'artistes qui,
vivant de la vie de tout le monde, semblent par leur jar-
gon rocailleux ou leur dessin tourmenté n'avoir de sym-
pathie que pour l'indéchiffrable, le singulier, le bizarre,
le macabre ou le monstrueux, et qui se plaisent à défor-
mer jusqu'aux sentiments les plus simples, à troubler
jusqu'aux sources les plus pures de la poésie, comme
l'amour ou la mélancolie.
701 )
Pourquoi les strophes de la Tristesse d'Olympio, du Lac
ou du Souvenir, les cris de désespoir de Rolla ou de
Childe Harold nous émeuvent-ils encore?
Parce que sous la magnificence des vers transparaît
de la vraie souffrance humaine; parce (pie rien n'est plus
pénétrant devant le pourquoi des choses, que la douleur
du penseur saisi du vertige de l'infini et scrutant en vain
le mystère décevant d'êtres passionnés qui s'agitent et
passent, dans la sérénité de l'Univers qui demeure!
A côté de cette flamme ardente, l'agencement de mots
qui ne reflètent pas une âme sincère, est stérile et nous
choque.
Et parfois, en lisant certaines œuvres, en regardant
certains tableaux modernes, plus d'un a du, comme moi,
se dire que la mère de famille ignorante, ornant son
modeste intérieur, mettant aux fenêtres des rideaux
blancs et des fleurs parfumées, donnant à ses enfants,
avec la santé physique et morale, la joie de vivre, est au
regard de l'idéal une plus grande artiste que les intel-
lectuels alignant des phrases entortillées et composant
des dessins obscurs pour étonner le pauvre monde.
Plus d'un a dû songer à ce passage de Rabelais, où
Panurge et Thaumaste discutent par signes, puis « s'acca-
blent mutuellement d'éloges pompeux, convaincus que
pour éblouir les sots, le grand point est d'avoir l'air de
comprendre ce qui est inintelligible (1) ».
Assurément, le génie est en dehors et au-dessus de
nous; il a cette étincelle qui le différencie des esprits
moyens, et Napoléon n'a pas dû attendre Lombroso
(1) René Millet, Rabelais, p. 125.
( 705 )
pour dire à Esquirol qu'il u'y a pas loin d'un fou à un
homme de génie.
Mais si parfois le génie manque de pondération, il ne
s'ensuit pas qu'il suffise de manquer de pondération
pour avoir du génie, ni même de faire des vers de dix-
sept pieds pour donner la sensation de Tau delà.
M. Paul Deschanel a reconnu chez certains hommes
politiques la crainte singulière de ne pas paraître assez
avancé. La littérature de ces derniers temps nous a révélé
une peur plus singulière encore : la peur de paraître
trop bien équilibré. De là une recherche d'excentricité,
une absence de goût, quelque chose de maladif et d'in-
cohérent qui n'est pas de la décadence ou de l'épuise-
ment, mais le fait de ne pas se résigner à être vrai, à se
montrer tel que l'on est et surtout à penser avec simpli-
cité, ce qui est peut-être le meilleur moyen de penser
avec force.
Si maintenant l'on demandait pourquoi il y a encore
tant de Thaumastes et de Panurges se faisant des signes
incompréhensibles et tant de spectateurs se pâmant
devant eux, la réponse serait simple : La force directrice,
le principe d'ordre et d'harmonie qui fait défaut en
politique, nous manque aussi dans la recherche du beau.
L'art actuel ne condense plus en un faisceau les senti-
ments et les idées.
L'art grec est un hymne à la gloire de la beauté; l'art
hindou s'inspire des Védas, comme l'art du XIIIe siècle
de la foi chrétienne; l'art de la Renaissance est en rapport
avec l'humanisme, comme l'art du XVIIe siècle avec l'esprit
cartésien. L'art moderne n'a plus de caractéristique. La
pensée et la forme se sont morcelées et individualisées
à outrance. A l'accord social a succédé l'émiettement,
7ime SÉRIE, TOME XXXIII. 46
( 700 )
l'inquiétude et le tourment d'une conscience tiraillée
en tous sens. A l'effort en commun a succédé l'anar-
chie des esprits, un état Ilot tant et contradictoire tel
qu'on en a rarement connu de semblable.
Parmi toutes les preuves générales qu'on en peut
donner, il est un détail non sans importance et qui
mérite d'attirer un instant l'attention. Richelieu, en
fondant une académie, avait eu l'illusion d'imposer et de
conserver artificiellement une sorte de maîtrise du goût
et de l'esprit; plus tard, au XVIIe siècle et plus près de
nous, sous la Restauration, les salons ont été comme les
écoles de la discipline intellectuelle et ont exercé leur
influence sur l'Europe entière, tandis qu'aujourd'hui nous
n'avons plus ni la centralisation factice de Richelieu, ni la
décentralisation moins factice des salons. Pourtant, dans
nos démocraties, entre les masses passionnées et l'autorité
bureaucratique, le salon pourrait avoir une signification.
J'entends parler, bien entendu, non de groupes mon-
dains exclusifs, mais de ces groupes intellectuels d'autre-
fois où toutes les classes et tous les partis se réunissaient
dans le culte du beau, où l'artiste et le penseur affinés
par les dons naturels et le bourgeois, fils de ses œuvres,
affiné par la lutte pour l'existence, et le grand seigneur
affiné par l'éducation et l'hérédité, se coudoyaient, se
pénétraient, se comprenaient, constituaient une élite
ayant pour but de maintenir le respect des choses de la
pensée et établissaient une communion intime entre l'art
et le public.
Le salon peut accomplir une pareille tâche même avec
la dose de snobisme qu'il comporte. J'aurais peut-être à
m'excuser de sacrifier à l'universelle manie de parler des
snobs. Mais à l'heure où tout le monde les attaque et où
( 707 )
Jules Lemaître seul leur accorde sou indulgence souriante,
j'aimerais à dire qu'à mon avis l'émiiient ironiste ;i
raison.
Les snobs font partie de l'humanité; il y en avait chez
les Scipion à Home, chez les Médieis à Florence, comme
chez le Grand-Duc Karl-Augusl à Weimar, comme dans
la retraite de Wahnfried à Bayreuth. Il yen a peut-être
un peu plus aujourd'hui parce que les névrosés dont le
nombre augmente forment un appoint dans la grande
armée des snobs. Il y en a partout, jusque dans la poli-
tique, où ils sont parfois dangereux. Mais dans les arts,
où ils n'ont jamais su barrer la route à une idée ou à un
homme, ils ne sont jamais dangereux: ils ne sont ([lie
ridicules.
Leurs appréciations n'ont pas de valeur; ils louent
quand il est distingué de louer; ils ne jouissent pas de
l'art, mais du bon ton qu'il y a à étaler leur approbation;
ils admirent avec d'autant plus d'énergie qu'ils savent
combien ils auraient dédaigné l'homme désormais arrivé,
si, humble, ignore, luttant pour l'existence, il avait
encore son chemin à faire.
Et pourtant ils ont leur utilité; ils sont un élément de
cohésion, ils servent d'escorte au talent reconnu; ils
subissent la suggestion hypnotique du succès et ils con-
tribuent ainsi à former les courants dont l'artiste a besoin
pour s'épanouir. On aurait tort de ne pas utiliser des
instruments aussi dociles.
Donc nous avons et nous aurons toujours les snobs,
mais nous n'avons plus de salons; notre siècle niveleur
et industriel, avec ses classes supérieures privées de cul-
ture intensive, a tué le salon. Aussi l'artiste, seul devant
( 708 )
la foule, est devenu plus esclave des préjugés, des fantai-
sies, des caprices de celle-ci; immédiatement il a été
plus tenté de lui plaire, de faire des confidences et des
professions de foi à tout l'univers, d'afficher des théories
extraordinaires, de se procurer la notoriété par l'affecta-
tion des sentiments, du style ou du costume.
Chacun d'eux a voulu être chef d'école; chacun est
levenu moins simple, oubliant cette parole si vraie de
faine : « Les artistes sont moindres quand l'Art est plus
grand. »
Pour le même motif, l'opinion publique a été réduite
en poussière; c'est pour cela qu'on se laisse si facilement
séduire par l'excentrique, le compliqué, le bizarre; c'est
pour cela que les engouements sont aussi violents
qu'éphémères; on adore l'idole d'un jour; on l'adore avec
frénésie et partialité, car l'ignorance rend sectaire; on
l'adore par impulsion irréfléchie, par parti-pris d'esthète
ou par mode.
Qu'est-ce donc, en effet, sinon une mode et un caprice,
que l'ensemble des manifestations qui, dans tous les
domaines artistiques, l'ait défiler devant nous des déca-
dents et des préraphaélites, des séraphiques, des occul-
tistes, des mages, des symbolistes de tout genre, et nous
révèle entre eux tous le même point de contact : la
recherche de l'artificiel?
Oui, l'art tout entier n'est que symbole; oui, au delà
le la région étroitement bornée où nous marchons,
s'étend la région illimitée de l'Inconnaissable et de l'In-
tangible; oui, l'Univers n'est qu'une vaste énigme, et
partout derrière le fini et le compréhensible se dresse le
sphinx de l'infini et du mystère. Mais pas plus que notre
709
raison, l'art n'a de prise sur lui, car l'arl el la raison
c'est nous, el nous sommes et nous resterons impuissants
(levant le sphinx.
Et le symbolisme éternel que nous rencontrons dans
Eschyle ou le Dante, dans Michel-Ange ou Wagner, dans
Victor Hugo ou dans certaines œuvres d'Ibsen, n'a rien
de commun avec la forme étriquée d'un symbolisme
conventionnel dont la tendance est de faire croire à un
sens ésotérique et de transformer l'art en une science
réservée à quelques initiés hautains et méprisants.
Comme si les géants qui dominent l'humanité ont
jamais dû, pour la conquérir, s'entourer de nuages, et
comme s'il n'avait [tas suiïi de s'approcher d'eux pom
être ébloui par la chaude clarté qui jaillit de leur génie
comme du soleil!
N'y a-t-il pas une part de mode et de caprice aussi
dans le culte exclusif rendu aux primitifs? Nul assuré-
ment ne leur refusera le tribut de son admiration; Van
Eyck et Memling nous enveloppent de la profondeur et
de la naïveté flamandes, comme Masaccio, Fra Filippo
Lippi et Botticelli nous pénètrent de la grâce et de la
fraîcheur florentines; jamais on n'a dépassé leur délica-
tesse infinie, jamais on ne rendra mieux la candeur des
rêves angéliques et des visions virginales.
Mais leur art est une étape et non un point d'arrivée.
Ces maîtres sont des précurseurs. S'ils se rattachent aux
enlumineurs exquis des vieux missels, ils les laissent der-
rière eux et ils signifient, avant tout, une inspiration plus
libre et plus personnelle, désireuse de se dégager de^
formules et de comprendre le monde.
Ils ne pouvaient la posséder encore, cette compréhen-
sion complète: ils ne pouvaient saisir la noblesse d<
( 710 )
l'être parfait, la beauté de l'Univers, la puissante lluidité
de la vie coulant incessamment comme un grand lleuve.
Seulement, quand on les admire, non pour leur élan vers
la vérité, mais aussi pour ce qui devait leur manquer,
quand on loue leur gaucherie, leur gracilité et leur
incorrection, on nie l'évolution artistique, on méconnaît
qu'ils n'ont pu qu'entrevoir et deviner ce que d'autres
ont réalisé. Ce sont leurs descendants qui, à l'intensité
de l'expression, ont joint la magie de la forme et de la
couleur, et ont réuni les éléments d'un idéalisme sain,
fécond et créateur.
Après des siècles d'efforts, nous voyons mieux que
jamais que l'art n'est pas uniquement l'exubérance de la
nature plastique sans flamme intérieure qui l'anime, ou
la pure contemplation intérieure, le rêve de l'esprit sans
attaches avec le milieu ambiant, mais à la fois la splendeur
de l'idée vivifiée par la réalité, la splendeur de la réalité
vivifiée par l'idée. « Le réel et l'idéal sont la double
patrie de nos âmes (1). »
La jeunesse actuelle, produit d'un siècle exceptionnel,
est bien placée pour garder et défendre cette double patrie.
Jamais on n'aura légué aux générations nouvelles une
i-onnaissance plus détaillée du Cosmos; jamais on n'aura
avec plus de patience essayé d'en pénétrer les secrets;
jamais on n'aura scruté plus avant les replis les plus
intimes du cœur et de la nature. Jamais on ne leur aura
transmis une plus riche moisson de formes et de mots,
une plus grande profondeur de sentiment.
Ce n'est plus la naïveté primesautière et charmante du
regard étonné s'ouvrant à la matinale lumière du prin-
1) Noi.en, Introduction aux œuvres de Lange, p. xlvi.
( 711 )
temps, unis l'émotion grave comme un beau soir d'au-
lomne de ceux qui ont, en vain, tenté d'aller au fond des
choses.
Et c'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, à travers
tout et malgré tout, l'art continue sa marche triomphale.
De même qu'il a fallu les rêveries des astrologues pour
provoquer les découvertes des astronomes, de même que
l'alchimie a préparé la chimie, de même que des milliers
et des milliers de talents avortés, d'ambitieux, déçus,
sont sacrifiés à 1 eclosion d'un seul génie, de même que
des milliers et des milliers de semences se perdent dans
les airs pour que quelques-unes puissent germer, de même
c'est de tâtonnements et de recherches sans nombre,
d'essais bizarres et multiples de formes et d'idées bientôt
oubliées que sortent les progrès durables de l'art.
Dans la mêlée confuse des écoles et des tendances, la
jeunesse contemporaine rappelle un peu l'enchanteur
Merlin qui, au temps jadis, dans l'enchevêtrement de la
forêt de Brocéliande, toute peuplée des fées du songe et
de l'espace, s'était élancé à la poursuite de Viviane.
Elle aussi, cette jeunesse enthousiaste et capricieuse,
s'est mise à la poursuite de la fée aux cheveux d'or qui
verse aux mortels le philtre divin de l'inspiration sin-
cère !
Elle aussi est sur le point de l'atteindre et l'aura bientôt
trouvée ! Et ce jour-là elle pourra inscrire sur sa bannière
ces trois mots que j'ai lus dans l'église de Weimar sur
la tombe du noble Herder, et qui caractérisent si bien à la
fois et les conditions de l'art en général et les condi-
tions de notre grand art flamand : Licht, Liebe, Leben !
« Clarté, Amour et Vie ! »
( 712 )
M. Paul Fredericq donne lecture du rapport suivant,
fait au nom du jury qui a décerné les prix Joseph De
Keyn (neuvième concours, première période, 1895-1896) :
Enseignement primaire (1).
Messieurs,
Une cinquantaine d'ouvrages nous ont été soumis par
les auteurs ou les éditeurs; mais le jury a examiné égale-
ment, autant que possible, ceux qui ne lui avaient pas
été adressés.
Pour pouvoir prétendre à un prix Joseph De Keyn, il
faut évidemment que l'ouvrage soit neuf et que son ori-
ginalité soit de bon aloi.
Or, la plupart des livres qui nous ont été envoyés
manquent absolument de nouveauté et d'originalité.
Sans parler des mauvais, dont l'envoi au jury fait suppo-
ser chez l'auteur une ignorance candide ou une assurance
digne d'une meilleure cause, beaucoup de ces ouvrages
soumis à notre jury se bornent à répéter ce que d'autres
manuels avaient déjà dit avant eux, souvent même sous
une forme plus pédagogique.
Quelques-uns, enfin, ne manquent pas d'originalité
dans le plan ou dans la méthode, mais trop de défauts
viennent contre-balancer ces qualités pour nous permettre
de décerner une récompense.
(1) Le jury était composé de MM. Ch. Potvin, président; Êm. Ban-
ning, S. Bormans, Léon Fredericq, J. Neuberg, P. Willems, membres.
et Paul Fredericq, secrétaire-rapporteur .
; 7i3
En revanche, quelques bons ouvrages nous ont payés de
tous nos ennuis.
C'est ainsi que nous avons examine avec un vif intérêt
les deux brochures de Ml|p Marie Du Caju : De l'éducation
de la prévoyance (\) [texte flamand sous le titre de : De
verbreiding der insteUingen van vooruitzicht doorhet onder-
wijs (2)] et De vrouwelijke opvoeding in haar verband met
deeischen des levens (5).
L'opuscule que Mlle Du Caju a consacré à l'éducation
de la femme, sans contenir beaucoup de choses vraiment
neuves, en contient beaucoup de très raisonnables, ce qui
est déjà un mérite peu commun. Mais l'attention du jury
s'est portée surtout sur son second opuscule (16 pages),
concernant la Caisse d'épargne, la pension de retraite,
les assurances sur la vie et la mutualité, que l'auteur vou-
drait faire pénétrer dans les masses par le canal de
l'école primaire.
L'idée n'est pas neuve quant à l'épargne scolaire. On
sait que notre illustre confrère François Laurent y a atta-
ché son nom pour l'avoir introduite le premier dans les
écoles communales de Gand et pour l'avoir répandue
dans le monde entier par ses écrits. Mais, comme M"e Du
Caju le constate avec tristesse, dans énormément d'écoles
belges l'épargne est encore inconnue. Autour de cette
ville de Gand d'où le mouvement est parti, il y a une
trentaine d'années déjà, dans la Flandre orientale, plus
des trois quarts des élèves n'épargnent pas. La propor-
tion est désolante, si l'on prend à part les élèves des
(1) Nouvelle édition, 16 pages, 1896.
(2) Nieuwe druk, 16 blz., 1896.
(3) Nieuwe vermeerderde druk, 84 blz., 1896.
714 )
écoles adoptées et subsidiées de celte même province ;
il n'y a parmi eux que 8 °/0 d'élèves épargnants.
En indiquant les progrès qui restent à réaliser de ce
côté, M"e Du Caju insiste aussi pour que les élèves des
écoles d'adultes, des écoles professionnelles el même des
écoles primaires soient affiliés à la Caisse de retraite de
l'État et forment entre eux des mutualités scolaires.
M"e Du Caju cite, à titre d'exemple, ce qui a été fait à
Gand à l'école professionnelle des garçons (École JMcaise)
et dans certaines communes du Hainaut. L'administration
de celte province s'occupe activement de cette impor-
tante question et depuis quelque temps le Conseil pro-
vincial du Hainaut a voté des subsides relativement
élevés pour favoriser l'organisation de sociétés de jeunes
mutuellistes dans les écoles primaires. Mlle Du Caju pré-
conise aussi la vulgarisation par l'école des notions con-
cernant les diverses combinaisons de l'assurance sur la
vie, qui, bien comprise, est appelée à produire des résul-
tats merveilleux.
La brochure de M"e Du Caju fait éloquemment appel
au dévouement du personnel enseignant et à l'initiative
des administrations communales. Creusé davantage, le
sujet qu'elle traite pourrait fournir la matière d'un livre
précieux, qui rentrerait assurément dans les conditions
du concours Joseph De Keyn.
Citons aussi les ouvrages suivants dont le jury a appré-
cié les mérites divers : Premières leçons de néerlandais
parlé à l'usage des Wallons, par Aug. Gittée; L'enseigne-
ment des formes géométriques et du dessin, par E. Welsch ;
Cours de perspective et Le dessin, par P. Wathoul ; Car-
tonnage, par J.-B. Tensi ; Liederen en gezangen voor
groote en Heine kinderen, par Emmanuel Hiel; Atlas illustré
{ 713 )
ou géographie en images, par J. Roland, et Essai d'un
cours méthodique île dessin, par E.-J. Thys.
Après mûre délibération, le jury a spécialement dis-
tingué les trois ouvrages suivants :
1° Kinder lust. Gedichten voor de jeugd, manuscrit de
109 pages, dont l'auteur a fait connaître son nom dans
un billet cacheté;
2° De (a réorganisation des cours d'adultes, par Victor
De Vogel et Luc Lontils; et
5° L'enseigmment des travaux manuels, par A. Sluys.
Ce dernier ouvrage n'est qu'une seconde édition, d'ail-
leurs remaniée et augmentée, du rapport publié dès 1885
par M. Sluys sur sa mission en Suède. Déjà à cette
époque, le rapporteur du jury De Keyn, feu notre con-
frère Wagener, avait consacré quelques lignes élogieuses
au remarquable ouvrage de M. Sluys. Depuis lors, l'in-
troduction des travaux manuels dans nos écoles primaires
est sortie du domaine de la théorie pure et, quoique trop
d'administrations communales se refusent encore, par
esprit de routine, par esprit d'économie ou par manque
de ressources, à appliquer la réforme préconisée par
M. Sluys, ses idées ont fait ça et là leur trouée et dans
quelques écoles on a pu en apprécier les heureux résul-
tats. Une littérature scolaire toute nouvelle en est née et
déjà notre jury a couronné, en 1895, un ouvrage qui se
rattache au mouvement dont M. Sluys a été l'initiateur
en Belgique, notamment le livre de MM. Stepman et
Calozet sur Le modelage scolaire. II nous a paru juste de
ne pas oublier le père de la réforme, alors que nous
avions été heureux de pouvoir couronner deux de ses dis-
ciples. D'ailleurs, en remaniant et en complétant son
rapport de 1885, M. Sluys y a ajouté de curieux détails
v 716 )
sur mainte question connexe, ainsi qu'une vue d'en-
semble suc les efforts tentés en Belgique jusqu'à ce jour.
Le livre de MM. V. De Vogel et L. Lonfils est aussi
une œuvre originale et forte. Frappés de l'état d'abandon
dans lequel l'enseignement des adultes est laissé en Bel-
gique, les auteurs ont consacré une étude complète et en
beaucoup de points neuve à la question de la réorganisa-
tion des cours d'adultes. Ils ont réuni une masse consi-
dérable de documents émanant des autorités scolaires de
Belgique et de l'étranger et les ont mis en œuvre en
remuant beaucoup d'idées.
Ils commencent par faire l'histoire de l'enseignement
des adultes; cette partie, d'une érudition un peu bàtive,
ne devient vraiment intéressante qu'à partir de 1815,
époque où l'administration éclairée du roi Guillaume ne
nous dota pas seulement d'universités, mais aussi d'un
excellent enseignement moyen et d'écoles primaires
admirables pour le temps, sans négliger les adultes.
Le tableau désolant que les auteurs nous retracent
de l'état actuel des cours d'adultes en Belgique est peut-
être un peu poussé au noir, mais on ne peut nier que la
situation ne soit affligeante. Le livre de MM. De Vogel et
Lonfils, où ils signalent une série de remèdes, contri-
buera sans aucun doute à réveiller l'opinion publique et
à stimuler le zèle des administrations communales et de
l'État.
Peut-être y a-t-il quelque naïveté d'optimisme à récla-
mer en ce moment l'obligation de fréquenter les écoles
d'adultes jusqu'à l'âge de dix-huit ans, dans un pays qui
répugne encore à imposer l'instruction obligatoire aux
petits enfants; mais les auteurs, qui poursuivent un idéal
absolu, l'exposent avec confiance, en détournant les yeux
( 717 )
de la triste réalité qui nous entoure en matière d'ensei-
gnement populaire.
Bâtons-nous (rajouter, du reste, que les autres remèdes
indiqués par eux sont loin d'être aussi utopiques. Ils
sont au contraire vraiment pratiques. Aussi le livre de
MM. De Vogel et Lonfils sera-t-il consulté avec le plus
grand fruit non seulement par nos administrateurs com-
munaux, à qui incombe la mission officielle de pourvoir
à l'instruction des adultes, mais encore par tous ceux que
cette œuvre, si importante et trop négligée en Belgique,
ne laisse pas indifférents. Le livre de MM. De Vogel et
Lonlils est une mine extraordinairement riche en pré-
cieux renseignements et en conseils utiles.
Si les deux ouvrages qui précèdent soulèvent des pro-
blèmes irritants et redoutables, sur lesquels bien de bons
esprits ont peine à se mettre d'accord, l'auteur du recueil
intitulé Kinderlust s'est réfugié dans les régions sereines
de cette poésie délicate, pure et naïve, d'ailleurs difficile
et rare entre toutes, qui veut parler au cœur et à l'ima-
gination de l'enfant.
L'auteur nous semble avoir réussi presque toujours à
trouver le ton juste. Dans une soixantaine de poésies
assez courtes d'ordinaire, il s'est fait le poète des bam-
bins de sept à dix ans. Il a réussi à mettre beaucoup de
variété dans les sujets frais et naïfs qu'il traite avec une
verve et une originalité de style incontestables. Comme
il prend soin de l'indiquer lui-même, il a emprunté huit
de ses petits poèmes à des auteurs allemands et anglais
(Fr. Gùll, R. L. Stevenson et J. Lohmeyer), mais, même
alors, il a imité plutôt que traduit.
Le meilleur éloge que l'on puisse faire du recueil Kin-
derlust, c'est qu'il a tenté la verve poétique d'un des
( 718 )
membres de notre jury. On devinera sans peine le nom
de celui qui a mis en vers français quelques-unes des
bluettes enfantines de l'auteur flamand : pendant toute sa
vie, le poète wallon a fraternisé avec la poésie flamande.
Le jury, en remerciant notre excellent confrère de la
peine qu'il a prise, exprime le désir que ces imitations en
vers français soient publiées comme annexe à ce rapport,
afin que le lecteur français soit à même de deviner la
saveur des piécettes flamandes.
Pour conclure, le jury a l'honneur de proposer à la
Classe des lettres d'accorder un prix de mille francs à
chacun des trois ouvrages appréciés plus haut et dont les
auteurs sont MM. De Vogel et Lonfils, A. Sluys, et
Théophile Coopman.
LE MORCEAU DE PAIN (1).
Vois-tu, dans la rue, un morceau de pain,
Ne l'écrase pas du pied, ma fillette :
Peut-être va-t-il sauver de la faim
Quelque bonne bête.
Ocb! mets-le plutôt sur la pierre, ici,
Le long du trottoir; alors, s'il s'émietto.
Peut-être bientôt quelque souricetîe
Te dira merci.
CHANTEK (2).
Auprès de ses œufs mouchetés,
Au bord du nid l'oiseau chante.
Le marin, sur les flots domptés.
Chante dans sa barque errante.
(1) Ceci est imité de l'allemand de Fr. Giill. L'auteur nous en prévient dans sa
table des matières.
(-') Traduit de l'anglais de R. L. Stevenson.
( 719
Partout, de la Flandre au Japon.
L'enfant, lui, chante et bavarde.
Et l'aveugle, en toute saison,
Chante aussi sur sa guimbarde.
LE PORTRAIT.
Au livre d'heures de ma mère,
Je vis — oh! le portrait charmant! —
En un joli berceau dormant,
Une enfant, blonde, douce et chère.
Blanche comme son oreiller.
Rigide sous la mousseline,
Deux lis lui couvraient la poitrine.
Mêlés de roses d'églantier.
Mère, m'écriai-je, distraite,
Si je m'endors un jour ainsi,
Cueilleras-tu des fleurs aussi
Pour me parer dans ma couchette?
Elle me regarda : ses veux
Montraient une douleur si forte !
Et sur ma petite sœur morte,
Nous pleurâmes longtemps à deux.
LE NOUVEAU PETIT FRÈRE.
Littre do Ninettc h Caroline.
Cette nuit — j'en reste ahurie et hère —
La mère Cigogne, avec grand mystère,
M'apporta, devine, un tout petit frère.
Un fameux gaillard, oui, foi de Ninette:
Avec une rose à chaque pommette,
Avec menton rond et gente fossette.
Son béguin mignon est coquet vraiment.
Un ruche de soie en fait l'ornement,
Jamais on ne vit bonnet plus charmant.
( 720 )
Sa robe est de lin, garnie en entier
De rubans d'un bleu de ciel printanier;
La fraîche layette abonde au panier.
Pour le garantir d'un soleil trop chaud,
Pour qu'il n'entre pas de mouche au berceau.
On l'enveloppa d'un mince rideau.
Et quand je l'ouvris d'une main légère.
Et je me penchai sur mon petit frère,
lin bonheur nouveau m'attendait, ma chère.
11 tenait en main un cornet soyeux,
Dentelle d'argent et papier or vieux,
Tout plein des bonbons que j'aime le mieu\.
Pralines, fondants, amandes sucrées,
Tout ce qu'on peut voir de tines dragées,
De saint Nicolas à peine espérées !
Donc, je vais compter jusqu'à dix, ma chère,
Et puis, je t'attends, heure militaire,
Pour te faire voir mon beau petit frère.
L ORPHELIN.
0 petit rosier chéri,
Tu dois être bien sous ce frais abri !
Dans mon cœur je te porte envie.
L'hiver tu paraissais sans vie,
Et maintenant que revient le beau temps
Je te vois tout couvert des roses du printemps.
Après la gelée et les brumes,
Tu crois, tu souris, tu parfumes!
Et moi, le jour, la nuit, je suis dans les tourments
C'était une rose aussi que ma mère,
Tout le monde te le dira.
Mais sans refleurir elle se fana,
Et je reste seul sur la terre!
( 721 )
0 cerisier, grand et beau,
Te voir, chaque année, à ton renouveau,
Est une merveille de joie.
Front nu, branchage à claire voie,
Squelette raidi de froid tout l'hiver,
Aujourd'hui, te voilà de fruits roses couvert,
D'une saveur rafraîchissante,
Où l'oiseau se délecte et chante.
Et moi, je fonds en pleurs et fuis le jardin vert.
C'était un bel arbre aussi que mon père,
Tout le monde te le dira.
Mais rien qu'en mon rêve il refleurira,
Et je reste seul sur la terre.
M. le Secrétaire perpétuel proclame les résultats
suivants des concours et des élections :
CONCOURS ANNUELS, 1897.
Un manuscrit portant pour devise : Dicit Sallustius Cre-
toises primos invertisse religionem (Servius in Verg. Aeneid,
VIII, 355), a été reçu en réponse à la deuxième question
du programme sur Les croyances et les cultes de l'île de Crète
dans l'antiquité.
La Classe a reporté la question au concours dont le délai
pour la remise des manuscrits expirera le 1er novembre
prochain.
Cinq mémoires ont été reçus en réponse à la cin-
quième question : Quel est le fondement du droit de propriété
individuelle?
La Classe a accordé sa médaille d'or d'une valeur de six
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 47
( 722 )
cents francs an travail portant pour devise une sentence
d'Aristote; l'auteur est M. Alphonse Ça part, professeur
au collège Notre-Dame de la Paix, à Namur.
Un manuscrit portant pour devise : Quid deceat, quid
non (Horace, Art poétique), a été reçu en réponse à la
sixième question Exposer les théories de la colonisation au
XIXe siècle et établir le râle de l'État dans le développement
des colonies.
La Classe n'a pas décerné le prix proposé.
La question sera remise au concours.
Prix Joseph Gantrelle.
(Troisième période : 1895-1896.
Un mémoire portant pour devise : Ne quid nimis, a été
reçu en réponse à la première question (Préparer une édi-
tion critique des « Vies des douze Césars », par Suétone).
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de ses
commissaires, a décerné le prix proposé (3,000 francs) à
l'auteur de ce travail, M. L. Preud'homme, à Gand.
Deux mémoires ont été reçus en réponse à la seconde
question (Etude sur l'art oratoire, la langue et le style
d'Hypéride).
Le numéro 1 a comme devise le fragment 195 d'Hypé-
ride.
Le numéro 2 porte pour devise : Ense et calamo.
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de
ses commissaires, a décerné le prix proposé (5,000 francs)
à l'auteur du travail n" 1, M. Simon Kayser, professeur
au Collège communal de Nivelles.
( 723 )
Prix De Keyn.
(Neuvième concours, première période, 1895-1896.
Enseignement primaire.)
Sur la proposition du jury, la Classe décerne un prix
de mille francs :
1° A M. Th. Coopman, à Bruxelles, pour son manuscrit
intitulé : Kinderlust. Gedichten voor de Jeugd;
2° A MM. Victor Devogel, professeur agrégé de l'ensei-
gnement moyen, et Luc Lonfils, instituteur, à Saint-Gilles,
pour leur livre : De la réorganisation des cours d'adultes;
5° A M. A. Sluys, directeur de l'École normale d'insti-
tuteurs, à Bruxelles, pour son livre : L'enseignement des
travaux manuels dans les écoles primaires de garçons.
Prix quinquennal d'histoire nationale.
(Dixième période : 1891-1895.)
Par arrêté royal du 20 mars 1897, pris sur la décision
du jury qui a examiné les travaux de cette période, le
prix de cinq mille francs est décerné à M. Charles Duvivier,
correspondant de l'Académie, professeur à l'Université de
Bruxelles, pour son ouvrage intitulé : La querelle des
d'Âvesnes et des Dampierre.
Prix quinquennal des sciences sociales.
(Troisième période : 1892-1896.)
Par arrêté royal du 10 avril 1897, pris sur la décision
du jury qui a examiné les travaux de cette période, le
( 724 )
prix de cinq mille francs est décerné à M. P. De Paepe,
conseiller à la Cour de cassation, pour son ouvrage inti-
tulé : Études sur la compétence civile.
ÉLECTIONS.
Depuis ses dernières élections, la Classe a perdu
MM. Aug. Wagener et Paul Henrard, membres titulaires;
Ern. Curtius et le duc d'Aumale, associés.
Sont élus :
Membres titulaires (sauf approbation royale) : MM. Domi-
nique Sleeckx, Paul Thomas et Ernest Discailles, corres-
pondants.
Correspondants : MM. Jules Leclercq, juge au tribunal
de première instance, à Bruxelles, et Maurice Wilmotte,
professeur à l'Université de Liège.
Associé : M. Jules Lemaître, membre de l'Institut
(Académie française), à Paris.
( 7w2o )
Séance générale des trois Classes du 11 mai 1897.
Salle de marbre.)
M. le comte Goblet d'àlmella, président de l'Acadé-
mie.
M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel.
Prennent également place au bureau :
M. Alf. Gilkinet, directeur de la Classe des sciences;
M. Th. Vinçotte, directeur de la Classe des beaux-arts, et
M. le baron Edm. de Selys Longchamps.
Sont présents :
Classe des sciences. — MM. Éd. Dupont, vice-direc-
teur ; G. Dewalque, E. Candèze, Brialmont, Éd. Van
Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alph. Briart, F. Plateau,
Fr. Crépin, J. De Tilly, Ch. Van Bambeke, G. Van der
Mensbrugghe, W. Spring, L. Henry, P. Mansion, P. De
Heen, C. Le Paige, F. Terby, J. Deruyts, Léon Frede-
ricq, J.-B. Masius, membres; L. Errera, J. Neuberg, Alb.
Lancaster, M. Delacre et Julien Fraipont, correspondants.
Classe des lettres. — MM. P. Willems, S. Bormans,
Ch. Piot, Ch. Potvin, Ï.-J. Lamy, Ch. Loomans,
G. Tiberghien, Ad. Prins, J. Vuylsteke, Ém. Banning,
A. Giron, le baron J. de Chestret de Haneffe, Paul Fre-
dericq, God. Kurth, Mesdach de ter Kiele, le chevalier
Ed. Descamps, G. Monchamp, membres; Alph. Rivier,
J.-C. Vollgraff, associés; Ch. De Smedt et Jules Leclercq,
correspondants.
( 720 )
Classe des beaux-arts. — MM. Charles Tardieu, vice-
directeur; Éd. Fétis, F. -A. Gevaert, Ad. Samuel,
Th. Radoux, Joseph Jaquet, J. Demannez, P.-J. Clays,
G. De Groo-t, Gustave Biot, Joseph Stallaert, Alex. Mar-
kelbach, Max. Rooses, G. Huberti, A. Hennebicq, Ed.
Van Even, Ém. Janlet, H. Maquet, membres; Flor. van
Duyse et Van Ysendyck, correspondants.
MM. Wauters, membre de la (Masse des lettres, et
Hymans, membre de la (Masse des beaux-arts, écrivent
qu'une indisposition les empêche d'assister à la séance.
CINQUANTENAIRE ACADÉMIQUE
DE M. LE BARON EDM. DE SELYS LONGCHAMPS.
M. le comte Goblet ouvre la séance à 2 heures pré-
cises en prononçant l'allocution suivante :
La séance des trois Classes coïncide, cette année, avec
le cinquantenaire académique d'un de nos membres les
plus estimés et les plus sympathiques, l'honorable baron
de Selys Longchamps.
L'Académie ne pouvait laisser échapper cette occasion
de témoigner à l'éminent jubilaire les sentiments qu'elle
éprouve pour lui de longue date et que justifie l'étendue
de ses services.
Une voix plus autorisée que la mienne, celle de
l'honorable directeur de la Classe des sciences, va vous
retracer la carrière scientifique du baron de Selys et vous
exposer ses titres à notre reconnaissance.
J'ai donc prié notre vénérable confrère de vouloir bien
prendre place au bureau pour nous permettre de lui ren-
dre l'hommage que nous lui devons. (Applaudissements,)
( 727 )
M. Giikinet a pris ensuite la parole, au nom de la
Classe des sciences.
Cher et vénéré Confrère,
Je dois à ma qualité de directeur de la Classe des
sciences le grand honneur de vous exprimer aujourd'hui
les félicitations de la Classe à l'occasion du cinquantième
anniversaire de votre entrée à l'Académie royale de Bel-
gique.
Cet honneur, j'en comprends l'importance, mais j'en
sens aussi le fardeau. Non pas que, moins que tout
autre, j'apprécie les éminentes qualités qui vous distin-
guent, non pas que mon admiration pour vos travaux et
votre caractère le cède en rien à celle que vos confrères
ont tenu à vous manifester aujourd'hui, mais je crains
que ma voix ne soit impuissante à vous rendre dignement
justice, qu'elle ne paraisse faible et insuffisante à l'Aca-
démie qui désire exalter, comme elle le mérite, votre
carrière tout entière consacrée au culte de la science et
au bien du pays, et j'aurais désiré qu'un confrère plus
ancien et plus autorisé que moi eût solennisé de sa
parole cette cérémonie dont vous êtes le héros.
C'est en 1831, il y a de cela soixante-six ans, que vous
préludiez aux recherches qui devaient vous illustrer, en
insérant dans le Dictionnaire géographique de la province
de Liège publié par Van der Maelen un catalogue des
oiseaux et des insectes aptères, névroptères et lépido-
ptères de la province de Liège, et, depuis lors, votre acti-
vité scientilique n'a cessé de se manifester par des travaux
concernant presque toutes les subdivisions du règne ani-
mal. Vous avez revu les genres Mus, Arvicola, Sorex,
( 7:28 )
publié des notices sur le Mus agrestis, les Musaraignes, les
Campagnols observés en Belgique, et YArvicola Savii,
espèce italienne nouvelle de Campagnols, vous doit la
dénomination qui l'introduisit dans la systématique.
Dans vos études de micromammalogie, vous étendiez vos
recherches aux Mammifères d'Europe en général, et dans
votre Faune belge, qui si longtemps a servi de guide à
nos naturalistes, vous avez décrit les Mammifères, les
Oiseaux, les Reptiles et les Poissons de notre pays.
La classe des Oiseaux n'a pas manqué d'exercer votre
sagacité : vous avez opéré un grand nombre de croise-
ments dans la famille des Anatidés et constaté que la
sous-famille des Ansérinés est celle qui fournit le plus
d'hybrides. Dans vos Bemerkungen iiber die irahren Ganse,
publiées par Naumannia de Dessau, vous avez étudié
spécialement le genre Amer; enfin, vous avez consacré
de très nombreuses notices aux Oiseaux de passage, aux
Oiseaux américains inscrits dans la faune européenne, à
la famille des Récurvirostridés, aux Mésanges, à l'Hiron-
delle rousseline, au Buteo variegatus, à la Columba livia,
aux Becs croisés, aux Nucifrages, aux Passereaux, etc.
Dans la classe des Poissons, les Cypridinés, le Corre-
gonus oxyrhynchus, les Anguilles ont fait l'objet de vos
recherches; mais c'est dans l'étude de la classe des
Insectes que votre activité scientifique s'est surtout mani-
festée et, parmi ceux-ci, les Odonates ou Libellules vous
doivent les travaux les plus importants qui aient été
publiés sur leur classification.
Non seulement vous avez réuni de ces jolis insectes
la collection la plus complète qui existe, mais vous leur
avez consacré de nombreuses notices qui, réunies, forme-
( 729 )
raient la matière de plusieurs volumes. Des savants
étrangers s'occupant des mêmes études, entre autres le
D1 Hagen,de Kônigsberg, ont réclamé votre collaboration,
et la monographie des Caloptérygines, que vous avez
publiée avec ce savant, vous a valu, en 1857, une part du
prix quinquennal des sciences naturelles.
Odonates d'Italie, de Sicile, du Mexique, des îles Sey-
chelles, d'Algérie, de l'Asie septentrionale, de Madagas-
car et des Mascareignes, des Philippines, de Sumatra,
de la Nouvelle-Guinée, de Cuba, vous avez tout examiné,
tout passé au crible de votre critique éclairée et judi-
cieuse.
Après les Libellules, les Lépidoptères semblent avoir
été l'objet de vos prédilections et vous leur avez consacré
de nombreuses pages dans les Mémoires de la Société des
sciences de Liège et dans les Annales de la Société
entomologique de Belgique.
Admirateur fervent de la nature, vous ne vous êtes pas
borné à l'étudier dans le règne animal, et tous ceux qui
ont eu le bonheur de vous approcher savent quel soin
jaloux vous apportez à conserver et à augmenter la végé-
tation magnifique qui fait le charme de ce parc de Long-
champs dans lequel vous allez chercher le repos après
les fatigues de l'étude ; vous avez décrit ces arbres dans
le Bulletin de la Société royale de botanique et fait con-
naître les effets qu'a produits sur eux l'hiver néfaste de
1879-1880; vous avec décrit également une variété nou-
velle du Populus virginiana.
Ce ne sont pas seulement les recueils de l'Académie et
des Sociétés belges qui ont publié les résultats de vos
recherches : un grand nombre de revues scientifiques im-
( '30 )
portâmes de l'étranger ont été heureuses de leur accorder
l'hospitalité. Je citerai notamment : la Société entomolo-
gique de France, la Revue zooloyique de Guérin-Méne-
ville, les Bulletins de l'Académie d'Hippone et de la
Société zoologique de France, de l'Académie royale de
Turin, les Actes de l'Académie de Florence, les Annales
du Musée d'histoire naturelle de Gênes, de la Société
espagnole d'histoire naturelle de Madrid, de la Société
entomologique de Russie, les Annals and Magazine of
nalural history, le Journal d'ornithologie, les Transactions
of Entomological Society et Y Entomologist monthly Maga-
zine de Londres, le Naumannia de Dessau, les Mitlheilun-
gen des Kôniglichen Zoologischen Muséums de Dresde, etc.
Je ne puis, cher et vénéré Confrère, passer en revue
tous vos travaux, dont la liste seule n'occupe pas moins de
vingt pages de notre Bibliographie académique. J'ajoute-
rai pourtant que la question si importante de l'épuration
et du repeuplement de nos rivières a trouvé en vous un
protagoniste ardent et convaincu, tant au Sénat qu'à
l'Académie, et qu'en l'année 1K82 vous avez institué un
prix de 5,000 francs destiné à récompenser le meilleur
mémoire sur la purification des eaux contaminées.
Ces titres, cher et honoré Confrère, ont fait votre gloire
et celle de l'Académie. Vous en possédez d'autres, d'une
nature plus intime, qui vous ont conquis nos cœurs : je
parle ici de votre caractère si droit, si loyal, si digne, si
élevé, de cette courtoisie qui ne se dément jamais, du
tact et de l'exquise délicatesse dont vous faites preuve
dans vos rapports avec vos confrères, de votre inépuisable
bonté, en un mot.
( 731 }
Cher kt vénéré Confrère,
De votre longue carrière, si noblement parcourue,
découle un grand enseignement. Né dans des conditions de
fortune et de position sociale qui vous dispensaient de la
lutte pour l'existence, vous auriez pu, comme tant d'au-
tres, vous borner à jouir des biens que le destin vous
avait départis; vous ne l'avez pas voulu. Votre vie, vous
l'avez consacrée tout entière au culte de la science et au
service de votre patrie. Vous avez montré que le travail,
représenté par certaines théories dissolvantes comme un
châtiment immérité infligé par le sort aux déshérités de
la fortune, est au contraire la loi et en même temps
l'honneur et la consolation de tous. L'exemple que vous
avez donné ne sera pas perdu.
L*Académie, fière de vous posséder dans son sein,
vous présente ses vœux les plus respectueux. Elle espère
que pendant de nombreuses années encore vous conti-
nuerez à siéger au milieu de vos confrères et à les éclai-
rer de vos lumières.
Les applaudissements unanimes de l'assemblée ont
accueilli ces paroles ainsi que les remerciements que
l'honorable jubilaire a adressés à ses confrères.
( 732 )
INAUGURATION DU MONUMENT STAS.
(Grande salle des séances solennelles.)
A 4 heures, le Comité exécutif de la souscription pour
la publication des œuvres de Jean Stas, composé de
MM. le général Brialmont, Depaire, Banning, Spring et
Léo Errera, ainsi que M. le comte Goblet d'Alviella, pré-
sident, et le chevalier Edm. Marchai, secrétaire perpétuel
de l'Académie, viennent se constituer en bureau pour la
cérémonie de l'inauguration du monument élevé à la
mémoire de Jean Stas, dans le jardin du Palais des Aca-
démies.
Assistent à la cérémonie : M. le Ministre Nyssens, le
Bureau de l'Académie royale de médecine, M. Buis,
bourgmestre de Bruxelles, M. Graux, administrateur-
inpecteur de l'Université libre de Bruxelles, M. Linls,
bourgmestre, et MM. De Coster et Bosmans,échevins de la
ville de Louvain, M. Leclercq, président de la Commission
centrale de statistique, des membres de la famille Stas,
des députations de plusieurs associations d'étudiants de
l'Université libre de Bruxelles avec leurs drapeaux res-
pectifs et un nombreux public composé principalement
d'amis du défunt.
( 733 )
M. le général Brialmont, président du Comité exécutif
de la souscription prononce le discours suivant (i) :
Messieurs,
Après la mort de Jean Stas, une commission inter-
nationale se constitua et lit appel aux savants de tous les
pays dans le but de perpétuer le souvenir des grands
services rendus à la science par cet illustre chimiste.
Avec les fonds qui ont été réunis ainsi, le Comité
exécutif de la souscription a élevé à la mémoire de Stas
an monument impérissable : l'édition complète de ses
œuvres. Mais les trois volumes qui la constituent reposant
dans les bibliothèques et les laboratoires, ne peuvent être
appréciés que par une élite. Il nous a paru que ce n'était
pas assez et qu'il convenait de faire connaître également
au peuple, par un monument accessible à tous, un
homme sorti de ses rangs, qui par son génie et ses tra-
vaux fait honneur au pays et à l'humanité.
Il fut un temps où les sciences, encore peu cultivées,
n'intéressaient qu'un petit nombre d'esprits supérieurs et
ne se manifestaient que rarement par des inventions ou
des produits utiles à la masse des citoyens. Il n'en est
plus de même aujourd'hui ! Les sciences, et particulière-
ment la chimie, ont fait depuis le commencement de
notre siècle des découvertes dont les applications ont
exercé la plus heureuse influence sur la condition écono-
mique des nations. C'est donc faire acte de justice et de
(1) Ce Comité est composé de MM. Brialmont, Depaire, Banning,
Spring et Léo Errera. Feu M. Maus en a fait partie également.
( 754 )
reconnaissance que d'honorer publiquement les savants
qui ont créé ce mouvement sans précédent dans l'histoire.
Le reliquat de la souscription après la publication des
œuvres de Stas et les subsides mis à notre disposition
par le Gouvernement et la Ville de Bruxelles nous ont
permis de réaliser cette pensée par l'érection d'un monu-
ment dans l'enceinte de ce Palais où son souvenir ne
s'effacera pas.
Au moment de procéder à l'inauguration de ce monu-
ment, il convient d'exposer les principaux titres de
l'homme illustre dont il consacre la mémoire.
Jean Stas était élève à la Faculté de médecine de
l'ancienne Université de Louvain, sa ville natale, quand
il organisa dans les combles de la maison de son père
— qui exerçait la profession de serrurier-poèlier — un
petit laboratoire dont plusieurs instruments furent fabri-
qués par lui. C'est là qu'il fit, en 1853, à l'âge de 20 ans,
sa première découverte, celle de la phlorhizine, qui lui
valut les félicitations de deux chimistes célèbres : Dumas
et Berzelius. Celui-ci entrevit dès lors l'avenir réservé à
notre jeune compatriote. Dans son Jahresbericht de 1855,
il disait : « Il y a beaucoup à attendre d'un chimiste qui
débute de cette manière. »
Admis peu de temps après dans le laboratoire de
Dumas, Stas compléta son mémoire et fut appelé à en lire
des extraits devant l'Institut de France, honneur qui
n'avait été fait jusque-là à aucun savant belge.
Sous la direction et avec la collaboration de son illustre
maître, Stas rédigea plusieurs mémoires, dont les plus
remarquables, ceux qui devaient immortaliser son nom,
ont pour titres : Recherches sur le véritable poids atomique
du carbone et Mémoire sur les types chimiques.
( 733 )
Les travaux qu'il entreprit ensuite pour déterminer les
rapports réciproques des poids atomiques lurent inter-
rompus, en 1841, par sa nomination de professeur de
chimie à l'École militaire de Bruxelles. Stas s'engagea à
les continuer, mais il n'y avait pas alors en Belgique un
laboratoire outillé pour de pareilles recherches, et le Gou-
vernement refusait de compléter celui de l'École militaire.
Stas fut donc obligé d'en faire construire un à ses frais
dans la petite maison qu'il avait louée rue de Joncker.
Celte construction et les expériences auxquelles il se livra
pendant plusieurs années absorbèrent son petit patri-
moine et une partie de son modeste traitement de profes-
seur. En 1860, il écrivait à un de ses amis intimes :
a Pour continuer mes recherches, je me suis imposé des
sacrifices qui m'ont mis dans une gêne voisine de la
pauvreté. »
Le grand chimiste allemand Liebig connut cette situa-
tion. Après la réception des Recherches sur les poids ato-
miques, frappé d'admiration pour ce travail, il engagea
vivement l'auteur à élargir encore le champ de ses
investigations et lui offrit de réclamer à cet effet le con-
cours du Roi Maxim ilien de Bavière, qui mettait chaque
année à la disposition des savants une somme d'environ
100,000 florins pour faciliter leurs recherches. Cette
lettre, qui est de 1860, a fait dire avec raison à l'un des
biographes de Stas : « Un homme ayant au cœur quelque
fierté pour son pays ne saurait lire cette lettre sans un
profond sentiment d'humiliation. »
Stas déclina l'offre de Liebig. Nul ne se méprendra sur
le sentiment qui le guidait. La grandeur de son œuvre et
l'étendue de son sacrifice n'ont été compris ni par le
Gouvernement belge ni par la nation. L'esprit scienti-
( 736)
tique était alors et est encore aujourd'hui peu développé
dans le pays. A la fin cependant, les démarches de
quelques amis décidèrent le Ministre de l'Intérieur à
allouer à Stas, pour continuer ses expériences, un crédit
de 6,000 francs à répartir sur trois années !
Trois ans auparavant, d'obscures intrigues avaient
écarté d'une chaire universitaire à Liège cet homme qui
l'aurait illustrée. Il faut rappeler ces faits, il faut les met-
tre en parallèle avec ce qu'ont fait, par exemple, l'Angle-
terre pour Faraday, la France pour Pasteur, l'Allemagne
pour Helmholtz, atin qu'ils servent d'avertissement à tous.
Qui peut dire jusqu'où Stas, qui alors avait encore devant
lui trente ans d'incessant labeur, aurait poussé ses recher-
ches et quels plus grands services encore il eût rendus à
la science, à l'agriculture, à l'industrie, si l'Etat avait créé
pour lui un laboratoire à la hauteur de toutes les exi-
gences, où il eût poursuivi ses travaux à l'abri de toutes
préoccupations matérielles, avec le concours de quelques
élèves choisis, héritiers de sa pensée, continuateurs de
son œuvre ? Si, depuis, les devoirs de l'État ont été mieux
compris, si les moyens d'investigation sont devenus plus
abondants, les successeurs de Stas se plaisent à le pro-
clamer, c'est encore à lui, à ses persistants efforts que ce
progrès est dû.
Le premier travail fait par Dumas et Stas sur le poids
atomique du carbone avait été une confirmation partielle
de l'hypothèse de Prout : que les poids atomiques des
corps sont des multiples exacts du poids atomique de
l'hydrogène et que ce dernier est, par conséquent, la
matière primordiale de laquelle les autres corps dérivent
par voie de condensation.
Cette preuve avait une grande importance, non seule-
( 737)
ment au point de vue scientifique, mais encore au point
de vue philosophique, car la notion de l'unité de la
matière se rattache par un lien étroit à celle de sa nature
et de son origine. Mais Stas se défiait des conclusions
prématurées, qui généralement procèdent d'idées pré-
conçues, et défendait à l'imagination d'envahir le domaine
de la science. Avant d'admettre l'hypothèse de Prout
comme une loi de la chimie, il jugea nécessaire de véri-
fier si le résultat constaté pour le poids de l'atome de
carhone avait un caractère général ; en d'autres termes,
il voulut savoir si tous les poids atomiques s'expriment
aussi par un multiple de l'hydrogène lorsque leur déter-
mination a lieu d'une manière irréprochable. Il contrôla
donc, par une méthode nouvelle, le poids du carbone;
puis il fit connaître le poids de plusieurs autres corps
simples, avec un degré de certitude qui étonna le monde
savant. C'est à la suite de ces laborieuses recherches,
poursuivies durant trois années, qu'il put conclure « que
» l'on doit considérer la loi de Prout comme une pure
y> illusion ».
Un temps plus long lui fut nécessaire pour terminer
son célèbre mémoire intitulé : Recherches sur les rapports
réciproques des poids atomiques.
Ce travail provoqua une admiration générale, excepté
en France, où Dumas et quelques-uns de ses élèves ne
purent se résoudre à abandonner l'hypothèse anglaise, si
séduisante, de l'unité de la matière. « Vos importantes
recherches, écrivit Bunsen à Stas, attacheront votre nom
pour toujours au domaine le plus difficile delà chimie. »
Et Liebig s'exprima ainsi : « C'est vraiment le fruit
d'un travail extraordinaire et immense, poursuivi avec
Ô""J SÉRIE, TOME XXXIII. 4<X
( 738 )
une persévérance et un talent que j'admire... Vos chiffres
deviendront la base du système de la chimie. »
Fidèle à sa constante habitude de soumettre les prin-
cipes et les lois de la chimie au plus rigoureux examen
avant de les accepter, Stas entreprit, dans la période
finale de sa carrière, une série d'expériences pour con-
trôler les idées de Lockyer sur la dissociabilité des corps.
Sa conclusion fut que l'hypothèse de ce savant est inad-
missible et ne peut, pas plus que celle de Prout, servir à
démontrer l'unité de la matière.
Au cours des observations spectroscopiques qu'exigea
l'examen des travaux de Lockyer, Stas eut l'occasion de
constater que le spectre de la lumière solaire n'est pas
superposable au spectre d'une flamme, mais qu'il se
superpose au spectre électrique. ïl en conclut que la
lumière solaire, loin d'être un phénomène d'incandes-
cence produit, comme on l'a cru jusqu'à présent, par les
flammes d'un immense foyer, est au contraire un phéno-
mène électrique, le résultat de formidables et continuels
orages dont les éclairs déchirent l'épaisse enveloppe
gazeuse de l'astre.
Cette remarquable étude a été résumée par Stas dans
le discours qu'il prononça en décembre 1890 -- un an
avant sa mort — en séance publique de l'Académie.
Ce n'est pas le lieu d'insister ici sur l'active et féconde
collaboration de Stas aux travaux de l'Académie, ni sur
les services qu'il a rendus comme professeur à l'Ecole
militaire, membre de l'Académie de médecine, membre
du Conseil supérieur d'hygiène publique et de la Com-
mission centrale de statistique , membre du Conseil
d'administration de l'Université de Bruxelles, Commis-
( 739 )
saire des monnaies, e! Conseil technique de la Banque
nationale.
Notre éminent compatriote eut à remplira l'étranger
plusieurs missions qui lui fournirent l'occasion de dé-
ployer ses talents sur un plus vaste théâtre. Dans toutes
les réunions internationales dont il fit partie, son rôle
fut de premier ordre. Il faut citer particulièrement la
Conférence monétaire de 1867, la Commission internatio-
nale dn mètre, de 1872, la Conférence internationale et le
Comité exécutif qui furent chargés, en 1875, de faire une
nouvelle vérification des étalons du système métrique.
Ce travail présenta de grandes difficultés qui furent apla-
nies par les nombreuses et délicates expériences de Stas.
Sa participation à cette œuvre lui valut les félicitations
de ses collaborateurs et des remerciements publics du
Gouvernement français.
Jusqu'en 1850, sa réputation n'était pas sortie du
cercle des savants. Après cette date, elle s'étendit au delà
et son nom acquit une grande notoriété par son inter-
vention dans l'instruction judiciaire à laquelle donna lieu
un empoisonnement célèbre. Chargé par la magistrature
de l'examen des organes de la victime, Stas crut recon-
naître à certains indices que le poison employé était un
alcaloïde volatil. 11 parvint à l'isoler et à prouver que
c'était la nicotine. Ce poison avait été choisi précisément
parce que, d'après Orfila, « il n'existe pas de réactif pour
la nicotine ».
C'est donc Stas qui, le premier, a fourni à la science
le moyen de déceler les alcaloïdes dans les cas d'empoi-
sonnement. En vain Orfila chercha-t-il à lui disputer
l'honneur de cette découverte. La riposte de notre com-
patriote fut péremptoire.
( 740 )
Dans les dernières années de sa vie, il eut la douleur
de voir anéantir par le feu, lors de l'incendie du Palais
du Midi, où il avait été obligé de les transférer, une
partie des appareils et des produits qui avaient servi à ses
immortels travaux.
Le grand mérite de Stas est d'avoir poursuivi avec une
rare persévérance et presque sans appui, durant un
demi-siècle, l'immense travail de l'établissement des
bases de la cbimie et de l'avoir mené à bonne tin au
milieu des souffrances que lui causaient sa complexion
délicate et son état maladif. Dans cette lutte persistante,
comme dans les difficultés qu'il eut à surmonter, son
ardeur et son énergie étaient soutenues par l'amour de
la science et la volonté de rendre service à son pays et à
l'humanité.
Il eut, au soir de sa vie laborieuse, la satisfaction de
voir reconnaître et proclamer par ses émules la valeur
de ses travaux et l'importance capitale de leurs résul-
tats. En 1885, la Société royale de Londres lui conféra
une distinction hautement appréciée parmi les savants :
la médaille Davy, et, le 3 mai 1891, l'Académie de Bel-
gique célébra son jubilé scientifique. Ce fut une apothéose.
De toutes les contrées des deux mondes affluèrent les
félicitations et les témoignages d'admiration. La Société-
chimique de Berlin lui dit, par l'organe de Kekulé : « Vos
recherches sur les lois des proportions chimiques, sur les
poids atomiques et leurs rapports réciproques sont deve-
nues les plus solides fondements de toute la chimie. »
Le collège des rédacteurs des Annales chimiques de l'Alle-
magne lui écrit « qu'il a donné à la chimie une direction
nouvelle et l'a élevée au rang des sciences les plus rigou-
reusement exactes ».
(741 )
La Société chimique de Londres tient le même langage.
« Parmi ceux qui oui élevé la chimie à la dignité d'une
science exacte, dit-elle, personne ne mérite ni ne tient
un rang supérieur à celui de Stas. » La Société royale de
Londres déclare que « par son influence personnelle,
Stas a grandement servi la cause delà science en Europe ».
Et l'Université de Liège résumait, parmi tant d'autres, ces
magnifiques témoignages en disant : « Vous vous êtes
élevé au rang des plus grands génies de notre temps. »
Oui, Messieurs, grand par le génie et non moins grand
par sa hauteur d'âme et la noblesse de ses sentiments.
Stas joignait aux plus rares dons de l'intelligence, les
vertus qui inspirent l'affection et commandent le respect :
un caractère ferme et indépendant, un désintéressement
qui lui faisait dédaigner les avantages matériels qu'au-
raient pu lui assurer ses découvertes, un dévouement
absolu à la science et à ceux qui la cultivent, une fidélité
inébranlable à ses convictions et à ses amitiés.
Les jeunes savants qui aspirent à de hautes destinées
apprendront, en suivant ses traces, à préférer l'honneur
de faire progresser la science aux satisfactions passagères
que peut donner la fortune.
Le monument que nous inaugurons aujourd'hui, .Mes-
sieurs, est dû à l'un de nos meilleurs statuaires, M. Tho-
mas Vinçotte. Son œuvre fait revivre parmi nous des
traits qui nous furent chers à tant de titres. Organe du
Comité des souscripteurs, je prie M. le Président de
l'Académie d'accepter le dépôt et la garde de ce monu-
ment au nom du Corps savant dont Stas fut pendant
cinquante ans l'une des illustrations.
( 742 )
M. le Président répond à ce discours par les paroles
ci-après :
« Au nom de l'Académie, je remercie le Comité d'orga-
nisation pour l'hommage qu'il rend à un des hommes
qui ont le plus contribué à illustrer notre corps savant,
et je félicite particulièrement l'honorable général Brial-
mont pour les termes heureux par lesquels il a fait ressor-
tir non seulement les travaux et les découvertes, mais
encore les côtés élevés et attirants de cette grande figure
scientifique.
Les bustes de nos confrères décédés ont leur place
sous le toit qui a abrité leurs travaux. Eu élevant ce
monument à Jean Slas, dans le jardin du Palais, vous
avez voulu mettre sa mémoire plus en contact avec le
public, et certes nul ne méritait mieux cet honneur.
L'Académie accepte le dépôt et la garde de cette belle
œuvre qui, due au merveilleux ciseau du directeur de la
Classe des beaux-arts, va perpétuer ici le souvenir d'un
homme à proposer en modèle à tous ceux qui voient dans
la science un sacerdoce et non simplement un moyen de
développer nos satisfactions matérielles. »
( 743 )
M. Ch. Potvin a lu ensuite les vers suivants
JEAN STAS.
I.
Au bronze de l'apothéose,
Stas, du tombeau, s'est relevé,
Et, sur son labour achevé,
Quand l'admiration se pose.
Qu'on revoit l'atome pesé ,
Ou le soleil analysé,
Ou le poison, ce traître infâme,
Dans ses ténèbres dépisté,
Au socle d'immortalité
C'est le savant que l'on acclame.
II.
Qui dit savant ne dit pas homme,
Non, s'il s'en faut d'un peu de cœur.
Lui, dans son œuvre qu'on renomme,
L'homme tient la place d'honneur.
11 soumettait sa conscience
Au respect du fait observé,
Et sur tous ses pas la Science
Marchait, le pavillon levé.
Chercheur profond, trouveur habile,
Né pauvre, il vécut généreux,
A peine eut le temps d'être heureux,
Prit toujours le temps d'être utile ;
Il en dut négliger souvent
La balance et le spectroscope.
Battons des mains : c'est émouvant
Quand la barrette du savant
Sert de sébile au philanthrope !
III.
Ce cœur bon avait l'esprit fier :
Pour venger les hautes écoles,
Il trouva "de mâles paroles.
Il semble que ce soit hier!
Chacun de nous s'en remémore :
Jusqu'au trône il avait porté
Les plaintes de la Liberté,
Et le Roi disait a parte,
Et le Pays redit encore :
Stas honore l'humanité.
( 744 )
Rapport sur les travaux de la Commission de la
Biographie nationale pendant l'année 1896-1897; par
M. Ferd. Vander Haeghen, secrétaire.
Messieurs,
J'ai l'honneur de vous présenter le rapport sur les tra-
vaux de la Commission de la Biographie nationale pen-
dant l'exercice 1896-1897.
Dès le mois de juin 1896, j'ai pu, conformément à ma
promesse, faire distribuer le premier fascicule du tome XIY
de notre publication. Celte livraison comprend cent qua-
rante-cinq notices, de Massezk Mercy-Argenteau. Relevons-
y les articles consacrés à l'archiduc Mathias d'Autriche,
le poète Adolphe Mathieu, la duchesse d'Athènes Mathilde
de Hainaut, l'archiduc Maximilien d'Autriche, Maximi-
lien-Emmanuel de Bavière, le jurisconsulte liégeois
Charles de Méan, le dernier prince-évêque de Liège
François de Méan, les Van Meenen, les Vander Meersch,
l'homme d'État brugeois Adolphe van Meetkercke, les
peintres Gérard et Jean Vander Meire, les Melun,
l'illustre Hans Memling, les musiciens Mengal, les Mer-
cator et surtout le plus célèbre d'entre eux, Gérard, dont
les cartes marines assurent la gloire, le chroniqueur-
poète Jean de Merchtem, les Mercy-Argenteau, etc. Le
second fascicule du volume est sous presse, et sans un
retard matériel indépendant de notre volonté, il aurait
déjà pu vous avoir été envoyé. Toutefois il est en épreuve
jusques et y compris l'article Mirseus. C'est dire que la
plus grande partie de la lettre M est achevée. Les séries
suivantes sont beaucoup plus courtes et l'on peut espérer
( MB )
l'achèvement de notre dictionnaire dans un délai relati-
vement peu éloigné. Il faudra alors s'occuper du complé-
ment de notre dictionnaire, œuvre pour laquelle le
secrétariat recueille dès à présent des matériaux.
Dans sa séance du 29 avril 1897, la Commission a
nommé notre confrère, M. J. Stecher, membre de la
sous-commission chargée spécialement des affaires admi-
nistratives. M. Stecher a bien voulu accepter également
de remplacer M. A. Le Roy au sein du Comité de revision.
Qu'il me soit permis, en terminant ce rapport, de
payer un juste tribut d'hommages à la mémoire
de notre confrère M. Paul Henrard, décédé le 45 no-
vembre 1890. M. Henrard avait donné à notre recueil une
vingtaine d'articles consacrés à des illustrations militaires
et politiques de notre pays, parmi lesquelles je citerai les
Mansfelt et les Marchin, le général Jardon, le major
Kessels, etc.
— Des remerciements sont votés à M. VanderHaeghen
ainsi qu'à la Commission de la Biographie.
Liste des ira eaux publiés par l'Académie royale des
sciences, des lettres cl des beaux -arts de Belgique
(mai 1896 à mai 1897); dressée par M. le Secrétaire
perpétuel en conformité d'une décision de la Commis-
sion administrative.
IIIM.ITI^, 3e SÉRIE.
Tome xxxi, 1896, n° 6 (106 pages et 5 figures).
Tome xxxn, 1896, n0s7;H2(984pages, 18 planches et 31 figures).
Tome xxxiii, 1897, nos 1, 2, 3, 4, 5 '756 pages, 13 planches et
il figures).
( 746 )
Les Bulletins sont publiés par numéros et renferment
les lectures et communications faites en séances men-
suelles de chacune des trois Classes; des tables terminent
chaque volume.
%\>i %iiii: de 1897.
V Annuaire de 1897 contient vi-171 pages, comprenant
la liste des membres, des correspondants et des associés
de l'Académie, et les notices biographiques suivantes :
Gustave Frédérix (156 pages avec portrait), par Ch.
Potvin; Gustave De Man (8 pages avec portrait), par le
chevalier Edm. Marchai.
KUTH'EW BIOGRAPHIQUES ET IIIIM.KM. Il « !>■■ I©1 \K»
concernant
les membres, les correspondants et les associés.
En assemblée générale des trois Classes du 6 mai 1852,
l'Académie décida la publication, comme annexe à son
Annuaire, d'une Bibliographie renfermant la liste des
travaux des membres, des correspondants et des associés
habitant le pays.
Le volume actuel (vi-832 pages) est la quatrième édition
de ce recueil dont la première parut en 1854, la
deuxième en 1876 et la troisième en 1886.
11 comprend : 1° un aperçu historique sur l'organisation
de l'Académie depuis la fondation, en 17(>9, de la Société
littéraire qui fut érigée en 1772, par Marie-Thérèse, en
Académie impériale et royale des sciences et belles-
lettres de Bruxelles; supprimée de fait, en 1794, elle
fut rétablie en 1816 par le Roi Guillaume Ie' et réorga-
nisée en 1845 par le Roi Léopold Ie' en Académie
royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de
( 747 )
Belgique; 2° la liste des présidents, secrétaires perpé-
tuels, directeurs, membres régnicoles el étrangers de
1769 à 181(> ; celle des présidents, secrétaires perpétuels,
membres honoraires, directeurs, membres, correspon-
dants et associés des Classes des sciences, des lettres et
des beaux-arts, de 1 «S 1 < ï jusqu'à ce jour; 3° la liste des
notices biographiques consacrées aux académiciens et
insérées dans les publications de l'Académie; !" les noti-
ces bibliographiques des membres, correspondants et
associés des trois classes habitant le pays.
(mémoires dk l'académie, l\-4 ".)
Tome eiii. 3e fascicule. {Sciences.) Des polyèdres superposables à
leur image (40 pages et 9 figures); par «. Cesàro.
id. 4e fascicule. (Lettres.) De secten der Geeselaars en der
Dansers in de Nederlanden tijdens de 14de eeuw
(62 pages et 1 chromolithographie); par 1». Fre-
dfiitq.
■d. 5e fascicule. (Sciences.) Description des minéraux phos-
phatés, sulfatés et carbonates du sol belge (Mémoire
couronné en décembre 1896, 136 pages et 54 figures);
par ft. osiin».
■d. 6e fascicule. (Lettres.) Le monument chrétien de
Si-ngan-fou; son texte et sa signification (32 pages
imprimées1; par t.-j. i.»hh> et .%. oueiuy.
MÉMOIRES COURONNÉS
ET MÉMOIRES OES SAVANTS ÉTRA**»ERS (lI%-4°).
Tome lt. 2e fascicule. (Lettres.) La torture aux Pays-Bas pen-
dant le XVIII0 siècle; son application ; ses partisans
et ses adversaires; son abolition. Étude historique
(176 pages); par Eugène Hubert.
■d. 3e fascicule. (Lettres.) Histoire du Bouddhisme du
Nord, principalement au Népaul (Mémoire couronné
( 748 )
en 1896, lOi pages imprimées); par Louis do la
Vallée Poussin.
Tome LV, 4e fascicule. (Sciences.) Recherches sur la maturation,
la fécondation et la segmentation chez les Poly-
clades (16 pages imprimées;; par ■». Francotte.
HÉNOIRFJ I.K-S0.
Tome vi.% in. {Lettres.) La frontière linguistique en Belgique et
dans le nord de la France (Grand prix de Stassart
en 1888, 2e volume, 32 pages imprimées); par
G. Kurth
Tome L. [Lettres.) Étude historique sur les corporations profes-
sionnelles chez les Romains depuis les origines
jusqu'à la chute de l'Empire d'Occident (Mémoire
couronné en 1889, vol. II, pages 433-553); par
J.-l». Walizing.
Tome mv. 4e fascicule (Lettres.) La rivalité de la France et de
l'Espagne aux Pays-Bas, 1633-1700. Étude d'histoire
diplomatique et militaire (Mémoire couronné en 1894,
367 pages); par Henri Loncuay.
Tome i>v. 1er fascicule. (Sciences.) Le poids moléculaire de l'eau
et de l'iode. (Mémoire couronné en 1895, 94 pages
et 2 figures : par .i Versciioffelt.
Contribution à l'étude de la localisation microchimique
des alcaloïdes dans la famille des orchidacées
(30 pages et 1 planche); par i>c uroog.
■il. 2"ie fascicule. [Lettres.) Joseph II et la liberté de
l'Escaut. — La France et l'Europe (254 pages ; par
F. Magnctte.
Quelques mots sur André Vésale, ses ascendants, sa
famille et sa demeure à Bruxelles, nommée la
maison de Vésale 75 pages, 3 planches et 1 figure :
par Al pli. Wauters.
id. 3me fascicule. (Sciences.) Sur un nouveau développe-
ment de la fonction Gamma qui contient la série
( 719 )
de Stirling et celle de Kummer 28 pages); par
G. l.andNbtM'K-
Tome lv. Sur l'action chimique des effluves électriques et des
rayons de Rôntgen (36 pages et 11 figures). — Action
des vibrations électriques sur quelques substances
"28 pages, 2 figures-, par A. de llemplinue.
Tome LVi. [Lettres.) Les caisses d'épargne en Belgique. (Mémoire
couronné en 1894 (112 pages imprimées); par
F. Iturny et I- . llumande.
LISTE DES TRAVAUX A PIBLIEB.
Sur les impôts de consommation. (Mémoire couronné en 1893.
137 pages manuscrites); par Norman ScuoolnieeMters.
Sur le rôle de la gravure en taille douce (mémoire couronné
en 1893, 85 pages); par René van Hastelaer.
Sur l'intervention de la phagocytose dans le développement des
invertébrés (Mémoire couronné le 13 décembre 1896, 114 pages pro-
patria et 5 planches in-4°); par le ■»■' c «e Rmyne.
Sur le système nerveux périphérique de l'amphioxus (Mémoire
couronné le 15 décembre 1896, 78 pages et 13 planches); par
rm. J.-F. Heymaus et <>. Van lier Mtrleht.
Sur la cicatrisation chez les végétaux (Mémoire couronné le
15 décembre 1896); par Jean Maasart.
Sur les fonctions hypergéométriques d'ordre supérieur (26 pages
manuscrites); par J. Reaupaln.
Les passions allemandes du Rhin dans leur rapport avec l'ancien
théâtre français (50 pages ; par m. Wiimofte.
Sur la courbure des lignes et des surfaces (18 pages); par
IM. Stuyvuert.
.Notes pour servir à l'histoire du règne de Charles-Quint (158 pages);
par Km. Gossart.
Sur l'interprétation des données de la statistique et sur la natalité
et la matrimonialité; par h. Rouis.
Sur quelques propriétés des polyèdres non centrés superposables
à leur image (10 pages et 8 figures); par c. Cesaro.
Quel est le fondement du droit de propriété individuelle? Mémoire
couronné, 591 pages); par Aipii. tapait.
( 750 )
CLASSE DES lll-MI \-ARTK.
Séance du 12 mai 1897.
M. Ch. Tardieu, vice -directeur, occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Éd. Fétis, F. -A. Gevaert,
Ad. Samuel, Th. Radoux, Jos. Jaquet, J. Demannez,
P.-J. Clays, G. De Groot, Gustave Biot, Jos. Stallaert,
Alex. Markelbach, Max. Rooses, G. Huberli, A. Henne-
bicq, Ed. Van Even, Alfr. Cluysenaar, J. Winders et
H. Maquet, membres; C. Hermans et Ém. Mathieu, cor-
respondants.
M. H. Hymans écrit qu'une indisposition l'empêche
d'assister à la séance.
CORRESPONDANCE.
La Classe apprend avec un vif sentiment de regret la
perte qu'elle vient de faire en la personne de Johannes
Brahms, né à Hambourg le 7 mars 1855, élu associé de
la section de musique le 7 janvier 1880, décédé à Vienne
le 5 avril 1897.
( 751 )
— Hommages d'ouvrages :
i. La sculpture française depuis le XIVe siècle; par
Louise Gonse ;
5. a) In peintre belge de la fin du XVIIIe siècle, Antoine
Clevenbergh, de Louvain ; h) La bienheureuse Marguerite de
Loucain dite Marguerite la Fière, sa légende, son culte, sa
chapelle; par Éd. Van Even;
5. Les futurs boulevards de Bruges; par Ad. Duclos;
4. De la gamme musicale; par Frédéric Hesselgren, à
Turin.
— Remerciements.
- M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux
publics transmet :
1° Le cinquième rapport réglementaire de M. Van
Esbroeck, boursier pour la peinture, de la fondation
Godecbarle, en 1895. — Renvoi à MM. Fétis, Clays,
Hennebicq et Cluysenaar;
2° Une nouvelle composition intitulée : Salvo Regina,
envoyée par M. Mortelmans, lauréat du grand concours
de composition musicale de 1895, en exécution de ses
obligations réglementaires. — Renvoi à MM. Huberti et
Van Duyse.
ELECTION.
La Classe renouvelle le mandat de M. Éd. Fétis
comme membre de la Commission administrative pour
l'année 1897-1898.
( 752 )
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Dupont (Edouard). Guide dans les collections du Musée
royal d'histoire naturelle de Belgique. Bruxelles, 1897;
in-8°(o4 p.).
Van (1er Haeghen [F.). Bibliotheca Belgica, livraisons
137-141.
Denis {Hector). Histoire des systèmes économiques et
socialistes, vol. Ier : Les fondateurs. Bruxelles, [1897]; pet.
in-8° (271 p.).
Errera {Léo). Extension de l'Université libre de Bru-
xelles. Année académique 1896-1897. Existc-t-il une force
vitale? Bruxelles, 1897; in-8° (20 p.).
Even {Edw. Van). Un peintre belge de la fin du
XVIIIe siècle, Antoine Clevenbergh, de Louvain. Gand,
1897; extr. in-8° (30 p.).
— La bienheureuse Marguerite de Louvain dite Mar-
guerite la Fière, sa légende, son culte, sa chapelle. Lou-
vain, 1896; in-8°(68p.).
Wauters (Alph.). Quelques mots sur André Vésale, ses
ascendants, sa famille et sa demeure à Bruxelles, nommée
la maison de Vésale. Bruxelles, 1897; extr. in-8° (74 p. et
3 fig.).
Crismer (L.) et Motteu(J.) Températures de saturation et
températures critiques; application a l'analyse générale.
Bruxelles, 1896; extr. in-8° (19 p.).
Crismer {L.). La résazurine, indicateur pour l'alcali-
métrie. Bruxelles, 1896; extr. in-8°(4 p.).
— Températures critiques de dissolution en tubes
ouverts; application à l'analyse du beurre. Bruxelles, 1896;
extr. in-8° (7 p.).
( 735 )
Crismer (L.). — L'analyse des beurres par la détermina-
tion de la température critique de dissolution. Bruxelles,
1897; extr. in-8» (31 p.).
Meunier [Fernand). La prétendue période glaciaire à
l'époque houillère de M. Julien, et la faune entomologiquc
du stéphanien de Commentry. Bruxelles, 1896; extr. in-8°
(2 p.).
— Note sur un hyménoptère des lignites du Rhin.
Bruxelles, 1890; extr. in-8° (2 p.).
— Sur les prétendues empreintes d'arachnides du coral-
lien de la Bavière. Bruxelles, 1897 ; extr. in-8" (4 p.).
— Quelques réflexions au sujet du nouveau système de
classification des insectes « muscides » de M. Girschner.
Bruxelles, 1897 ; extr. in-8° (5 p.).
— Les chasses diptérologiques aux environs de Bru-
xelles. 1897; extr. in-8°(10 p.).
Lahaye {Léon). Cartulaire de la commune d'Andenne,
tome II, 1651-1792. Namur, 1895; in-8° (460 p.).
Pàque (£.). De vlaamsche volksnamen der planten van
België, Fransch-Vlaanderen en Zuid-Nederland. Namur,
1896; in-8°(o69 p.).
Reychler {A.). Les théories physico-chimiques. Bruxelles,
1897; in-8" (281 p.).
Duclos (Ad.). Les futurs boulevards de Bruges. Bruges,
1897; in-8°(24 p.).
Van der Burch (le comte Guillaume). Le problème pro-
portionnel arithmétiquement résolu à deux points de vue
différents. Bruxelles, 1897; in-4° (35 p.).
Gheldere (K. de). Dietsce Rime. Geestelijke gedichten uit
de XIIIe, XIVe en XVe eeuvv, naar een Hs. van het einde
der XVe eeuw uitgegeven, en van aanteekeningen en woor-
denlijst voorzien. Bruges, 1896; in-8° (vm-280 p.).
Slraven (François). Inventaire analytique et chronolo-
gique des archives de la ville de Saint-Trond, tome VI,
lre livraison. Saint-Trond; in-8°.
5me série, tome xxxm. 49
( 1U )
Meerens (Ch.). Une réforme de pédagogie musicale.
Bruxelles, 4897; extr. in-4° (2 p.).
Malderghem {Jean van). Les fresques de la Leugemeete ;
leur découverte en 4846 ; leur authenticité. Bruxelles,
4897; extr. in-8° (24 p.).
Velge{G.). Compte rendu de la session extraordinaire de
la Société géologique de Belgique et de la Société royale
malacologique de Belgique : journée du mardi 8 septembre
4896, de Bruxelles à Tervueren. Liège, 4897; extr. in-8°
(48p., 4 pi).
Berlière (le R. P. Dom Ursmer). Monasticon belge, tome 1,
2me livraison. Maredsous, 1897; in-4°.
Histoire du Conseil provincial de Luxembourg. Arlon,
4896; in-8° (xi-249 p.).
Ministère de l'Industrie et du Travail. Carte géologique de
la Belgique au 40,000e, 4e envoi : feuilles de Brecht-Oost-
malle, Beersse-Turnhout, Arendonck-Postel, Saint-Gilles-
Waes-Beveren, Anvers-Borgerhout, Schilde Grobbendonck,
Lille-Casterlé, Béthy-Moll, Knesselaere-Somergem, Lierre-
Berlaer, Hérenthals-Gheel, Meerhout-Baelen, Wynghene-
Thielt, Aeltre-Nevele, Welteren-Zele, Boisschot-Westerloo,
Kappelhoek-Hoogstaede.
Ministère de la Guerre. Catalogue de la bibliothèque,
4e' volume : supplément. 4897; in-88.
Ministère de la Justice. Coutumes des pays et comté de
Flandre. Quartier de Furnes, tome Iï et III. (L. Gilliodts-Van
Severen.) 4896; in-4°.
Bulletin de Folklore, 4895, tome II, 7e-8e fascicules.
Gand. Kon. Vlaamsche Académie. Middelnederlandsche
gedichten en fragmenten, 3de aflevering (Nap. dePauw).
— De Keure van Hazebroek van 4336, 3de deel (Edw.
Gailliard). 4897; 2 vol. gr. in 8°.
Liège. Institut archéologique . Bulletin, tome XXV. 4896.
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Kôlliker {Albert von). Die Energiden von v. Sachs ira
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Leipzig. Verein fur Erdkunde. Mittheilungen, 1896.
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Munich. Aon. b. Akademie der Wissenschaften. Almanach,
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Zeitschrift, 31. Band. Autorenregister zu Band I-XXX.
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Halle. Akademie der Naturforscher. Repertorium zu den
Acta und Nova Acta der Akademie (Arnim Graesel),
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(actes et comptes rendus des travaux). 1895 et 1896.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
1897. — iV G.
CLASSE DES SCIEMCKS.
Séance du o juin 1897.
M. Alf. Gilkinet, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. Éd. Dupont, vice-directeur; le
baron Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, E. Can-
dèze, Gluge, Brialmont, Éd. Van Beneden, C. Malaise,
F. Folie," F. Plateau, J. De Tilly, Ch. Van Bambeke,
G. Van der Mensbrugghe, W. Spring, L. Henry, M. Mour-
lon, P. Mansion, P. De Heen, C. Le Paige, F. Terby,
J. Deruyts, Léon Fredericq, J.-B. Masius, membres;
Ch. de la Vallée Poussin, associé; A. -F. Renard et J. Neu-
berg, correspondants.
MM. Ch. Lagrange et G. Cesàro expriment leurs regrets
de ne pouvoir assister à la séance.
5rne SÉRIE, TOME XXX1U. 50
( 758 )
CORRESPONDANCE.
La Classe apprend avec un vif sentiment de regret la
mort de deux de ses associés de la section des sciences
naturelles :
Alfred-Louis Legrand Des Cloizeaux, né à Beauvais
le 17 octobre 1817, décédé le 7 mai 1897;
Et le D1 professeur Julius von Sachs, né à Breslau le
2 octobre 1852, décédé à Wurzbourg le 29 mai 1897.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publi-
que transmet une demande du Gouvernement russe de
voir représenter l'Académie au Congrès international
de géologie de Saint-Pétersbourg. — La Classe délègue
M. Dewalque.
— Hommages d'ouvrages :
1° Musée d'histoire naturelle de Belgique. D'Omalius
d'Halloy (1785-1875); par Éd. Dupont (avec une note qui
figure ci-après) ;
2° A. L'oocyte de Pholcus phalangioïdes Fuessl; I>. A
propos de la délimitation cellulaire; par Ch. Van Bambeke;
5° De la nécessité d'une nouvelle loi au sujet de la partie
de la médecine qui traite des signes de la mort; par le
docteur Guillery.
— Remerciements.
— Travaux renvoyés à l'examen :
1° Sur quelques éthers des acides monochlor- et mono-
bromacétiques ; par Rodolphe Steinlen, préparateur adjoint
( '59 )
à l'Université de Gand. Commissaires : MM. Spring
et Henry;
2° Sur la triphényléthanone; par A. Gardeur. — Com-
missaires : MM. Delacre et Henry.
NOTE BIBLIOGRAPH1QIK.
J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie un exemplaire
dune seconde édition de la biographie de M. d'Omalius
d'Hallôy. Elle se rappellera que la première édition
a paru dans notre Annuaire de 1876.
A cette époque déjà, j'étais convaincu de la nécessite
de reproduire la Carte géologique du premier Empire
français, terminée par l'illustre savant en 1815, et d'y
joindre le tracé des énormes itinéraires qu'il avait exé-
cutés pour la lever.
C/ctait à la lois maintenir le souvenir d'une œuvre qui
marque un point de départ dans la géologie de l'Europe
occidentale, et préciser, par un procédé tangible, l'admi-
rable effort qu'elle nécessita.
Mais Y Annuaire ne comportait pas une annexe de ce
genre.
D'un autre côté, le moment présent me parut particu-
lièrement opportun pour une deuxième édition.
La question de l'origine des Indo-Européens et de
leur civilisation première semble sur le point d'être
élucidée dans le sens que préconisa d'Omalius d'Hallôy
dès 1839. C'est seulement dans ces derniers temps que
ses droits de promoteur sur ce sujet fondamental d'ethno-
graphie ont été formellement reconnus dans la science.
11 importait de les affirmer.
( 760 )
L'étendue de ce nouvel exposé de la vie et des travaux
de mon vénéré maître, non moins que l'adjonction de sa
Carte géologique, ne lui faisait pas trouver place dans
nos recueils. J'ai été par là amené à en faire une publica-
tion à part. K. Dupont.
KAPPOHTS.
Il est donné lecture des avis de .MM. De lleen et
Van der Mensbrugghe, sur une Théorie substantielle de la
chaleur; par W. Goldschild. -- Dépôt aux archives.
Sur l'éther (Uiisoy lacély lacet ique et ses dérivés ;
par A. Sclioonjans.
ltap/un-1 de ti . S/it-iuff, />«•*>»••>»- coiNiMJttai'i'P,
(( L'auteur s'est proposé de vérifier si la méthode indi-
quée par M. le professeur L. Claisen, pour obtenir l'éther
benzoylaeétylacétique a un caractère général ou non.
Dans le travail qu'il présente aujourd'hui à l'Académie,
il a constaté qu'en effet le radical benzoyle peut être rem-
placé par le radical anisoyle dans la méthode indiquée,
sans préjudice pour le succès des opérations; des essais
avec d'autres radicaux seront faits ultérieurement.
Les recherches de M. Schoonjans peuvent être résu-
mées comme il suit :
Si l'on traite de l'éther acétylacétique mêlé d'éthylate
( 761 )
de sodium en solution alcoolique par du chlorure d'ani-
soyle, en avant soin d'ajouter ce dernier par portions suc-
cessives de plus en plus faibles, il se produit, en quantité
presque théorique, de Véther anisoylacétylacétique
CII!.CO.CH<COO^'.OCHi
qui, connue son correspondant benzoylique (Claisen),
donne avec l'acétate de cuivre un dérivé métallique
Cu(C|4H1505)2 cristallin, très soluhle dans le chloroforme.
En traitant l'éther anisoylacétylacétique par une solu-
tion d'ammoniaque, le groupe acétyle est emporté par
l'ammoniaque et il se forme de l'éther anisoylaeétique
. f. co ocjï5
n*L < CO . C«H, . OCH3
qui forme aussi un dérivé métallique avec l'acétate de
cuivre.
D'autre part, le chlorhydrate d'hydroxylamine donne
avec cet éther anisoylaeétique de la phénylisoxazolone.
Enfin, l'éther anisoylaeétique fournit, pendant sa distil-
lation, Y acide déliydroauisoylacélitjae, analogue à V acide
déhydracétique, qu'on obtient aisément à l'aide de l'éther
acétylacétique.
Les analyses que M. Schoonjans a faites me semblent
ne laisser aucun doute sur l'identité de ces substances.
Au reste, ce travail a été fait avec grand soin, sous les
auspices du savant professeur L. Claisen, d'Aix-la-Cha-
pelle, et je n'hésite pas à en proposer l'insertion dans le
Bulletin de la séance. »
Cette proposition, à laquelle se rallie M. Henry, second
commissaire, est adoptée par la Classe.
( 7*>2 )
Sur les dérivés mercuriques halogènes de l'antipyrine;
par le D' M.-C. Schuyten, docteur en sciences.
Rapport ilf M. .1 . Jo »*»***•»•, pi'etniff commitintii'e.
« Poursuivant ses recherches sur la composition et les
propriétés des combinaisons que forme l'antipyrine avec
les chlorures, bromures, iodures et cyanures de divers
métaux, M. Schuyten s'est occupé en dernier lieu de
l'étude des composés de mercuricum obtenus au moyen
de cette base.
Si l'on se rappelle (pie l'antipyrine est un médicament
d'un usage courant en thérapeutique, qu'elle se caracté-
rise par la facilité avec laquelle elle est influencée par
beaucoup d'agents chimiques et que l'association de cette
substance avec d'autres produits peut, à la suite de réac-
tions spéciales, donner naissance à des mélanges dange-
reux pour l'homme (1), on reconnaîtra que des recherches
de ce genre présentent un réel intérêt au point de vue
de la chimie pharmaceutique.
Dans la note qu'il adresse à l'Académie, l'auteur fait
connaître les conditions dans lesquelles se forment
les composés de mercuricum dont il a entrepris l'étude,
et décrit les caractères analytiques de. ces combinaisons.
A ce propos, il a cru devoir indiquer, avec de nombreux
détails, l'action de divers réactifs sur les produits qu'il
a préparés.
Sans offrir une bien grande importance au point de
vue de la chimie générale, cette partie du travail de
1) Dr B. Fischer, Die neueren Arxeneimittel. Berlin, 1893, p. 233.
( 763)
M. Schuvten constitue cependant, à notre avis, une con-
tribution utile à l'étude des propriétés de l'antipyrine.
En conseillant à l'auteur de présenter à l'avenir ses
observations sous une forme plus concise, nous avons
donc l'honneur de proposer l'impression de cette note
dans le Bulletin de nos séances. »
M. Spring, second commissaire, se rallie à cette pro-
position, qui est adoptée par la Classe.
Notice sur un appareil permettant de tailler un cristal
suivant une direction déterminée et sur une méthode
de tailler des plaques à faces parallèles; par le D1'
F. Stober, répétiteur à l'Université de Gand.
Kn/tpot't dft Jf . Ch. tle la Vallée t*ou**it*f
ftffiiitff coiiittti.ssttiff.
« L'appareil de M. Stober permet de tailler un cristal
donné suivant une orientation déterminée. Cet appareil
l'emporte par sa simplicité sur ceux qui ont été imaginés
dans le même but. Il repose sur ce fait qu'une face
plane est fixée de position quand on connaît son incli-
naison sur un plan donné et la direction de sa trace dans
le plan. L'auteur a imaginé un dispositif d'une grande
simplicité, qui permet d'appliquer ce principeàun cristal,
qu'il ne reste plus qu'à tailler et à polir suivant le plan
indiqué par l'instrument. Les expériences consignées
dans le mémoire de M. Stober font voir que les résultats
obtenus par sa méthode ne comportent pas un écart
dépassant 15 minutes angulaires.
.le propose l'insertion de ce travail dans les Bulletins
de l'Académie et la publication des figures qui l'accom-
pagnent. »
( 764 )
Rapport de M. Kenat'H, aecottd romtiiMiairf,
« L'étude des propriétés optiques des corps cristallisés
réclame des appareils qui permettent de tailler les cris-
taux suivant une orientation déterminée. On s'est beau-
coup occupé, ces derniers temps, de la construction de ces
appareils, et l'auteur de la notice rappelle ces divers
instruments et discute les résultats qu'ils ont fournis.
L'appareil qu'a imaginé M. Stôber n'a pas seulement
le mérite d'être très simple, mais il est d'une grande
précision et peut s'appliquer à la taille orientée de cris-
taux de petites dimensions. Le principe du dispositif
dont il s'agit repose sur le fait qu'une face est déterminée
quand on connaît son inclinaison sur un plan donné,
et une droite contenue dans le plan et par laquelle passe
la face considérée. Cet appareil se compose d'un prisme
en cuivre à base triangulaire équilatérale, sur lequel sont
appliquées deux plaques de verre. On oriente celles-ci
et le cristal de manière que le plan passant par les arêtes
libres des plaques occupe par rapport au cristal la posi-
tion de la face à tailler. L'auteur entre dans les détails
du fonctionnement de l'appareil, il consigne une série
d'expériences qui montrent que les écarts entre les angles
des faces obtenues par le polissage et ceux déterminés
par le calcul dépassent rarement 15 minutes, approxi-
mation remarquable, si l'on tient compte que ces résul-
tats furent obtenus par un instrument susceptible de subir
encore quelques légères modifications de détail que l'auteur
signale et qui en feront un appareil parfait.
En terminant cette note, M. Stôber indique le procédé
dont il se sert pour tailler dans un cristal une face paral-
lèle à une autre face.
( 765 )
J'ai l'honneur de proposer à la Classe la publication de
cette notice et des figures qui l'accompagnent dans les
Bulletins de l'Académie. »
La Classe adopte les conclusions des rapports de ses
commissaires.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur l'incorrection de l'heure et de l'ascension droite déter-
minées dans le système de l'axe instantané; par F. Folie,
membre de l'Académie.
Dans l'une des notices extraites de V Annuaire pour
1897, j'ai dit (p. 185) que les formules d'Oppolzer, qui
suppriment la nutation eulérienne, pour la remplacer
simplement par la variation des latitudes, seraient cor-
rectes si ses angles s' et <{/i, angles compris entre l'axe
instantané et l'axe de Fécliptique d'une part, entre l'in-
tersection de l'équateur instantané avec Fécliptique et
Féquinoxe lixes d'autre part, se rapportaient à trois axes
rectangulaires X", V", Z", dont le dernier est l'axe
instantané; mais qu'il n'en est pas ainsi dans l'exposition
de l'astronome viennois.
Je vais examiner, avec plus de détails que je ne i'ai t'ait
dans F Annuaire, la signification des équations d'Oppolzer
dans le cas où elles sont correctes.
Supposons la Terre et ses axes principaux fixes; l'équa-
( 766 )
teur instantané oscillera, en vertu de la nutation eulé-
rienne, de part et d'autre de sa position moyenne en une
période de trois cent et quelques jours; il en sera de
même de son intersection avec l'écliptique fixe; en sorte
que l'angle ^1 d'Oppolzer sera soumis à la nutation
eulérienne.
Et lorsqu'il a démontré, dans le cas que je considère,
et qui est celui d'une exposition correcte, que
de\ de'
, dp' . dp
— — — i
sin f,> — = sin e' —
dt dt
dt dt
les conclusions qu'on en peut tirer sont les suivantes :
La nutation eulérienne disparaît en obliquité; elle
disparaît en longitude relativement à l'intersection de l'équa-
leur instantané avec l'écliptique fixe.
Mais elle ne disparaît nullement pour cela en longitude,
comme le dit l'auteur, puisque la droite à partir de
laquelle se comptent les variations A<[> de l'angle ^î?
variations qui sont indépendantes de la nutation eulé-
rienne, est soumise elle-même à cette nutation; de sorte
que l'angle total, compté à partir de l'équinoxe fixe, y
est soumis également, contrairement à l'affirmation
d'Oppolzer.
Nier ce point reviendrait à nier l'existence de la nuta-
tion eulérienne.
En d'autres termes, s'il est vrai que, dans le cas où le
mouvement de la Terre est rapporté aux axes instantanés
rectangulaires X", Y", Z", la nutation eulérienne est
nulle dans l'espace, à d'intimes quantités près, pour ces
axes, elle existe néanmoins pour l'observateur, dont la
position, relativement à ces axes, varie en vertu de cette
nutation.
( 7<>7 )
Et ce n'est pas seulement aux. variations de sa latitude
qu'il le reconnaîtra, niais également aux variations de
l'heure et de l'ascension droite.
(1 me semble que c'est là un point sur lequel n'a pas
encore été appelée l'attention des astronomes.
Une objection que je nie suis faite à moi-même, se
présentera peut-être à leur esprit.
Dans le cas le plus simple, où il n'y a pas de forces
perturbatrices, l'axe de rotation et l'équateur instantané,
qui lui est perpendiculaire, sont immuables dans l'espace,
à une intime quantité près; l'ascension droite et la décli-
naison sont donc invariables lorsqu'on les observe par
rapport aux axes instantanés.
La latitude et la déclinaison, rapportées aux mêmes
axes, sont faciles à déterminer au moyen de combinaisons
de passages supérieurs ou inférieurs; la latitude sera
naturellement variable, à raison de la notation eulérienne
de l'axe géographique, supposé immobile dans la Terre;
la déclinaison sera constante.
Mais l'ascension droite, comment sedélerminera-t-elle?
Admettons que la Terre tourne uniformément en vingt-
quatre heures autour de l'axe instantané et considérons
un lieu déterminé.
Le méridien instantané repassera-l-il devant une étoile
vingt-quatre heures exactement après son passage précé-
dent? Évidemment non, puisque la position relative du
lieu et du pôle instantané a varié en vertu du mouvement
eulérien, et comme cette variation a une période de trois
cent quatre jours, la quantité dont l'heure du passage de
l'étoile au méridien instantané différera de vingt-quatre
heures, ira en croissant à partir de zéro, pendant
C 768 )
septante-six jours; elle pourra donc acquérir une valeur
qui ne sera pas insignifiante, et il n'est pas permis d'aftir-
mer que l'ascension droite, qui est constante, est l'heure,
variable, du passage de l'étoile au méridien.
Comment donc déterminer l'heure et l'observer dans le
système de l'équateur instantané? Et comment observer
l'ascension droite, qui doit être constante dans ce sys-
tème, tandis que l'heure, déterminée par le passage d'une
étoile au méridien instantané, est nécessairement variable?
On voit ici reparaître, sous une autre forme, la nutation
eulérienne du lieu de la Terre, dans les observations,
malgré l'immuabilité des axes instantanés dans l'espace
absolu !
Si donc, dans le système correct de ces axes, on peut
atlirmer, avec Oppolzer, que la nutation eulérienne dispa-
raît en obliquité et en longitude dans V espace absolu, elle
se manifeste, pour l'observateur qui y est soumis, et
par une variation dans la latitude, et, chose autrement
grave, par une variation dans l'heure, dont l'uniformité
absolue est l'élément le plus capital de l'astronomie.
11 va de soi, et l'un des astronomes les plus distingués
l'a, du reste, reconnu, que les longitudes terrestres sont
variables également dans ce système, et que leurs varia-
tions dépendent non seulement de la nutation eulérienne,
dont l'expression ne nous est guère connue, mais, en
plus, de la latitude du lieu.
En résumé, Oppolzer a affirmé que, si l'on rapporte les
formules du mouvement de rotation de la Terre à l'axe
instantané :
1° La nutation eulérienne disparaît en obliquité;
2" Elle disparaît en longitude;
( 769 )
3° La définition de l'heure reste la môme que dans le
système des axes principaux.
On vient de voir que, si l'on rapporte correctemenl les
formules à l'axe instantané, la première affirmation seule
est exacte, les deux autres sont absolument fausses.
Et (jue l'on n'arguë pas de la petitesse de la négligence
commise dans l'omission de la notation eulérienne en
longitude et en temps : autant vaudrait dire qu'on peut
négliger la variation, bien établie, des latitudes; car les
deux négligences sont absolument du même ordre.
Certes, la matière est extrêmement délicate, et l'on n'a
pas le droit d'être surpris que tous les astronomes, même
géomètres, se soient laissé induire en erreur par la sub-
tilité de l'analyse d'Oppolzer, qui ne s'est pas douté lui-
même du vice originel dont elle est entachée.
Résumons. En admettant même que la position abso-
lue de l'axe instantané fût immuable dans l'espace, ce
qui ferait disparaître toute notation en obliquité et en
longitude, sa position apparente ne le serait pas, parce
que l'observateur est soumis à la rotation de la Terre et
à la nutation eulérienne; celle-ci se manifestera donc, et
en obliquité, relativement à l'axe géographique, et en
longitude, relativement à une origine iixe sur la Terre,
et même dans l'heure.
Ce qui manque au système d'Oppolzer, c'est surtout
de pouvoir considérer la Terre comme lixe et le Ciel
comme mobile.
Et c'est le grand avantage du système de Laplace de
pouvoir le faire.
Dans l'un et l'autre système, on a les mêmes expres-
sions des vitesses angulaires de la Terre autour des trois
axes principaux X, Y, Z, fixes dans la Terre.
( 770 )
Au moven des formules connues
do . . d*
— = / cos » — m sin » ; sin 0 — • = l sin « -+• m cos o
— — n — cos e — i
dl dt
on obtient, dans l'un et l'autre système, les expressions
différentielles des variations en obliquité dO, en longi-
tude dfy, et en vitesse angulaire do autour de l'axe prin-
cipal Z, par rapport à trois axes fixes dans l'espace,
auxquels l'écliptique et Péquinoxe fixes servent de base.
Dans le système de Laplace, quoi de plus simple et de
plus adéquat aux observations que de dire maintenant :
Les axes principaux de la Terre sont fixes, l'écliptique
et Péquinoxe sont mobiles?
Dans le système de l'axe instantané, ceci n'est plus
possible, puisque cet axe n'est pas immobile dans la
Terre, et de là, indépendamment des erreurs de transfor-
mation d'Oppolzer, des obscurités à peu près indéchiffra-
bles dans son système.
Après la démonstration que je viens de donner, il
m'est permis de dire :
Malheur à l'astronomie du XXe siècle, si elle persiste
à se servir des formules d'Oppolzer, au lieu d'en revenir
aux formules de Laplace et de Bessel, augmentées des
termes dont le grand géomètre a donné l'expression,
mais qui avaient pu être négligés jusqu'à ce que la pré-
cision de l'astronomie contemporaine, et surtout la
découverte des variations de latitude, eût obligé à en
tenir compte!
( 771 )
Et malheur aussi aux astronomes qui prendraient,
devant le XXe siècle, la responsabilité de cette injusti-
fiable décision !
Ce serait imprimer à leur réputation une tache qu'ils
auront à cœur d'éviter.
Sur la période eulérienne; par F. Folie,
membre de l'Académie.
Depuis plusieurs années, j'ai nié que la période eulé-
rienne pût différer notablement de la valeur théorique
(504 jours) qu'elle a pour une Terre solide.
Le plus illustre des astronomes-géomètres contem-
porains a cherché à expliquer, par l'élasticité de l'écorce
terrestre, la période chandlérienne (*) ; mais il semble
que cette élasticité devrait avoir également pour effet de
modifier assez notablement les termes dépendants des
doubles longitudes de la Lune et du Soleil, fait que
l'astronomie n'a pas constaté.
Aussi ai-je cherché une explication plus simple de cette
période, en faisant remarquer qu'elle serait celle-là même
que l'on trouverait pour le mouvement eulérien consi-
déré comme direct, si celui-ci était, au contraire, rétro-
grade. Si le mouvement de 504 jours, auquel correspond
un arc de 452° par an, est rétrograde, cet axe sera égal
à — 452°, ou à 288" dans le sens direct, nombre qui
correspond assez bien à la période de Chandler.
C Monthly Sot., 1892.
( 772 )
La seule question est donc de savoir s'il existe un
terme appréciable, à mouvement rétrograde, dans la
nutation eulérienne.
Ce terme existe en théorie.
L'expression de la nutation eulérienne est, en effet,
en obliquité :
(I) Aa = — ^i sin (? -+-/£-♦- S0) -t- v{ sin (— ? -*- A -* ô0) (*);
l'expression de sin 0AX est la même, à part le changement
des sinus en cosinus dans le second membre.
|30 est une constante arbitraire; «, et vt sont les pro-
duits respectifs d'une seconde constante arbitraire par
nAfW
C — B
est égal à
V
(C — A)(C — B)
AB
Les deux arbitraires sont déterminées par les condi-
tions initiales du mouvement.
Lorsque l'on a posé les équations différentielles du
mouvement de rotation, soit de la Terre solide, soit de
son écorce, en tenant compte des forces extérieures
(attractions du Soleil et de la Lune, et, dans le second
cas, attraction du noyau interne), l'intégration amène,
dans l'un et l'autre cas, identiquement les mêmes
expressions (I) pour les termes dépendants des constantes
arbitraires. Il va de soi que, dans l'un ou l'autre cas,
(') Révision des constantes de ["astronomie stellaire, p. 24.
( 775 )
A, B, C représentent les moments d'inertie principaux
de la Terre ou de l'écorce. Si, pour la Terre solide, les
mesures d'arcs de méridiens permettent d'affirmer qu'elle
diffère peu d'un ellipsoïde de révolution, et que, par
suite, B - A, qui entre comme facteur dans
I!
peut être considéré comme insensible, rien absolument ne
nous autorise à supposer qu'il en soit de même pour
l'écorce, à cause des différences d'épaisseur qui s'y mani-
festent certainement.
Bien au contraire, l'existence de la nu talion diurne
établit que la différence précédente a une valeur sensible.
Nous avons trouvé, pour le coefficient de la nutation
diurne de l'écorce, par deux excellentes séries d'obser-
vations, l'une en ascension droite, l'autre en 1),
ys= 0",0G7 (*). L'expression de ce coefficient est
3/w.V/C — A C — B
8 V n I \ B
— représentant le rapport du moyen mouvement du Soleil
à celui de la Terre autour de son axe.
Delà on[déduit, pour l'écorce terrestre.
C — A C — B 8 / w \«
(11) = - — 0",067sin 1" = 0,116.
v ' B Afc-, 5 »»,/
(*) Revision des constantes de l'astronomie stellaire.
Ô"IP SÉRIE, TOME XXXIII. 51
( 774 )
Cette valeur très considérable permet certainement
d'affirmer que celle de
V
G — A _» / (J — B
V â
B
n'est pas minime et que, par conséquent, on est tenu
d'avoir égard au second terme de la nidation eulérienne
dans l'étude du mouvement de l'écorce terrestre.
On peut observer, au surplus, que la quantité précé-
dente 0,1 16 est égale au produit u, vA; d'où il suit que vt
n'est pas insignifiant.
Pour la Terre entière, pt serait égal à 0,08; mais nous
ne pouvons avoir, par là, la moindre idée de sa valeur pour
l'écorce. La seule relation que nous possédions entre les
moments d'inertie de celle-ci est (II). Quant aux rela-
tions qui sont données par les valeurs des constantes de
la précession et de la nutation, on sait qu'elles sont
relatives à la Terre entière, et non à son écorce (*).
C'est donc l'observation seule qui pourra nous fixer
sur le rapport des coefficients y{ et vt; mais une chose
est hors de doute : c'est qu'il existe deux termes de
nutation eulérienne, le premier à mouvement direct,
le second à mouvement rétrograde. Si la période du pre-
mier est de 501 jours, celle du second, considéré comme
direct, sera de 456, o jours. Si l'on admettait que, pour
l'écorce, la période du premier est de 529 jours, celle du
second, considéré comme direct, serait la période chand-
lérienne.
(*) Ronkar, Sur l'influence du frottement et des- actions mutuelles
intérieures dans les mouvements périoditjues d'un système (MÉM. COUR.
ET DES SAV. ÉTBANG. DE l.'ACAD IN-4°, t. 1.1 .
( "5)
Telle est, ce me semble, l'explication la plus simple
de cette [tri iode. Les tentatives que Ton a laites pour
expliquer un mouvement direct de l'écorce, d'une période
de 4-30 jours, se heurtent à des objections irréfutables.
Il serait possible, toutefois, que la période de Chandler
provînt d'un terme de nutation tout à l'ait inconnu, dont
l'existence semble révélée par certains faits nouveaux,
qui ne trouvent pas leur explication dans la nutation
eulérienne.
Dans l'exposé qui précède, j'ai dit que celle-ci a la
même expression pour l'écorce que pour la Terre entière,
même si l'on tient compte de l'attraction du noyau sur
l'écorce.
Il n'en serait pas tout à fait ainsi dans le cas où l'on
tiendrait compte également du frottement qui a lieu
entre l'écorce et la couche superficielle fluide du noyau.
Néanmoins, les termes eulériens resteraient inaltérés;
mais il s'y ajouterait des termes, dépendants du frotte-
ment, de la forme fie "', comme cela a été démontré
dans un mémoire très savant que j'ai consulté dans les
archives de l'Académie (*).
Ces termes, décroissant très rapidement avec le temps,
sont probablement insensibles à l'époque actuelle, et,
dans tous les cas, trop peu sensibles pour que l'observa-
tion puisse en constater l'existence.
Les astronomes auront déjà beaucoup de peine à
déterminer la période du mouvement eulérien, ainsi que
les trois constantes, [3,„ yu,, yvL, qui déterminent ce mou-
vement. Jusqu'à ce jour, on peut dire que les nombreuses
et très laborieuses recherches auxquelles a donné lieu la
(*) Voir mon rapport sur ce mémoire dans le Bulletin, t. XXVIII,
p. 449.
(776)
variation des latitudes n'ont abouti à aucun résultai
certain. Elles doivent être reprises conformément à la
théorie du mouvement de rotation, non de la Terre, pour
laquelle y, est insensible, mais de l'écorce terrestre (1).
La faune marine du quaternaire mose'en révélée par les
sondages de Strybeek (Meerle) et de Wortel, prés de Hooy-
straeten, en Campine; par Michel Mourlon, membre de
l'Académie.
j'ai montré dans une publication récente (2) qu'il
existe sous les amas de cailloux quaternaires, si bien déve-
loppés en Campine, un puissant dépôt de sable blanc, dit
sable de Moll, présentant, vers le nord-ouest, des bancs
d'argile dont le plus supérieur a fourni à Merxplas des
bois de Cervidés et de Bison (?).
Il ressort également des nombreux sondages que j'ai
effectués dans toute cette région, que le sable de Moll
surmonte les dépôts tertiaires les plus récents du pliocène
diestien et poederlien.
Je me suis attaché enfin à montrer que le sable de
Moll a été déposé par la mer quaternaire la plus ancienne
et qu'il constitue le seul représentant bien défini de
l'étage moséen.
Malgré les considérations que j'ai fait valoir en faveur
de l'origine marine dudit sable, certains géologues ne
m'ont pas caché leurs doutes à cet égard.
(1) Voir Essai sur les variations de latitude (1894) et Révision des
constantes de l'astronomie Stella ire.
(2) Les mers quaternaires en Belgique (Bull, de i.'Acad. roy. de
Belgique, 3<- série, t. XXXI 1. p. t>7! ; 1896).
( 777 )
Rien que j'eusse signalé la présence de tubulations
d'annélides dans le sable blanc deWaltwilder, près de Bil-
sen, lequel occupe une position identique à celui de Moll,
ils n'ont pas manqué de m'objecter, (l'une part, l'absence,
dans ce dernier sable, de débris organiques marins et,
d'autre part, la présence dans le même sable, à de certains
endroits, de bancs tourbeux.
C'est ainsi, notamment, que notre savant collègue
d'Utrecht, M. le D1 Lorié, en me faisant connaître, par
sa lettre du 25 janvier dernier, ses préférences pour l'ori-
gine fluviatileà attribuer au « sable de Moll », s'exprime
comme il suit :
« En délibérant sur la possibilité de l'origine lluviatile,
on ne doit pas penser (d'après ma manière de voir) aux
rivières actuelles, qui coulent dans des chenaux assez
étroits, mais plutôt aux terrains inondés où l'eau coule
plus lentement, en nappes très larges, mais peu profondes,
qui auraient déposé le sable en couches plus horizontales,
de la même manière qu'elles déposent actuellement
l'argile. Certes les coquilles peuvent disparaître des sables
marins, élevés au-dessus du niveau de l'eau souterraine,
mais il serait très curieux qu'il n'en restât pas une seule,
surtout dans les lentilles ou les couches intercalées d'ar-
gile. Ces couches contiennent des fossiles, mais ce sont
des fossiles terrestres, des ossements de Cervus et de
Bison. En outre, il y a de la tourbe dans le moséen, ce
qui n'est pas non plus en faveur d'une origine marine :
1° Calmpthout . . . 9,20 — 11,20 m. ou 11, 00— 9,00m. -t-0
2« Westmalle. . . . 10,20 — 11,00m. ou 9,30— 9,00m.-+-0
3° Oostmalle. . . . 5,50 — 5,70 m ou 17,50 — 17,30 m. h- 0
4° Arendonck . . . 19,50 — 19,90 m. ou 5,50- 5, 10 in. h- 0
» Or la tourbe est une formation non marine. Il faudrait
( 778)
invoquer, pour l'expliquer, des oscillations du sol, tandis
qu'elle s'explique sans difficulté quand on considère le
moséen, ainsi que le campinien, comme fluviatile. »
J'ai cru devoir reproduire les lignes qui précèdent,
non seulement parce qu'elles résument bien les princi-
pales objections laites à mon interprétation de l'origine
marine du sable de Moll, mais aussi parce qu'elles éma-
nent de l'un des géologues les plus compétents en la
matière.
Aussi n'est-ce pas sans une vive satisfaction que je me
trouve à même aujourd'hui de pouvoir annoncer que les
objections dont il s'agit ne subsistent plus. Tous les
doutes qui pouvaient encore exister dans l'esprit de cer-
tains géologues quant à l'origine marine du sable de
Moll sont levés maintenant par les résultats aussi impor-
tants qu'inattendus des deux derniers grands sondages
que je viens d'effectuer à l'extrémité septentrionale de la
Campine.
Le premier de ces sondages, pratiqué à l'estaminet In
de Vos, situé à la frontière de Hollande, au hameau de
Strybeek, à 12 kilomètres au nord de Hoogstraeten, a
donné la coupe suivante :
Sondage de StrybeeL
Mèires.
///. 1. Sable quartzeux, blanchâtre 1,00
2. Sable quartzeux, gris, graveleux, avec quelques
petit? cailloux 1,00
3. Sable quartzeux, jaunâtre, graveleux 0,80
qlas. 4. Argile sableuse, grisâtre 0,30
ijls. 5. Sable quartzeux, jaunâtre, assez grossier 0,60
({las. b\ Argile sableuse, gris jaunâtre 0,10
A KEPORTEK. . . :i,80
( 779 )
Mètres.
Report. . . 3,80
qls. 7. Sable quartzeux, jaunâtre 1,20
if fa. 8. Argile schistoïde, gris bleuâtre, pailletée, parfois
plastique 6,00
qls. 9. Sable quartzeux, demi-fin, grisâtre, pailleté. . . . 4,70
10. Sable quartzeux, grisâtre, pailleté 1,00
11. Sable très quartzeux, gris un peu plus foncé. . . . 0,50
qtsa. 12. Sable argileux, grossier, gris foncé, avec taches
noires 0,20
qls. 13. Sable quartzeux, assez, grossier, plus pâle 0,60
14. Sable très quartzeux, grisâtre 0,30
qla. 15. Argile grise très fine, légèrement pailletée .... 0,30
qls. 16. Sable quartzeux fin, gris, pailleté 0,60
qla. 17. Argile grise, très fine et légèrement pailletée . . . 3,80
qls. 18. Sable gris, très quartzeux 4,00
qla. 19. Linéole d'argile grise 0,20
qls. 20. Sable gris, très quartzeux 3,80
qls(f). 21. Sable quartzeux, eoquillier :
Cerithium... sp. ? <•. Cardium edule.
Hydrobia ulvœ. Mya arenaria.
Cette couche a une épaisseur de 4,30
qls. 22. Sable quartzeux, gris bleuâtre 10,50
23. Sable très quartzeux, gris, avec fragments et linéoles
d'argile grise 1,0)
24. Sable très quartzeux, gris 1,00
qlm(f).1o. Idem, très eoquillier :
Littorina littorea. Mya arenaria ce.
— rudis ce . Corbula ... sp. ?
Cerithium... sp. ? Cardium edule c.
Murex... sp.? Pectuncidus... sp.?
Ensis ensis. lialanus.
avec fragments de bois et d'argile grise, ainsi que
es cailloux de différentes grosseurs 3,50
A K PORTEK. . . 53,50
(780)
Mètres.
Report. . . 53,50
20. Un gros caillou.
27. Sable quartzeux, gris blanchâtre 1.00
28. Sable très quartzeux, gris, très coquillier :
Littorina rudis ce. Cardium edule c.
Cerithium... sp.? — norwegicum.
Mya arenaria ce. lialanus.
Dosinia exoleta. C-rustacé (pince).
Lucina... sp.? Oursins (piquants).
Mytilus edulis.
avec fragments et linéoles d'argile, quelques frag-
ments de bois et de petits cailloux 8.00
Totai,. . . 62,50
Le second sondage qui m'a fourni des coquilles mannes
dans le moséen est situé au sud du précédent et à Test
de Hoogstraeten, au village de Wortel, dans les dépen-
dances d'une ferme appartenant à M. l'avocat Vaes,
d'Anvers, et occupée par les enfants Vermeulen. En voici
la coupe :
Sondage de Wortel.
Mètres.
q4. 1. Sable quartzeux, jaunâtre, avec quelques grains de
gravier 1,30
qia. 2. Argile grise plastique 1,70
qlas. 3. Argile sableuse, grise, bigarrée 0.50
4. Idem, gris bleuâtre, pailletée 0,50
qisa. 5. Sable argileux, gris bleuâtre, pailleté 1,00
6. Sable légèrement argileux, gris bleuâtre, pailleté . 4,50
qlas. 7. Argile sableuse, gris jaunâtre, pailletée 0,20
qts. 8. Sable gris bleuâtre, pailleté 2,50
A ueporter. . . 12,20
( 781 )
Mètres.
Report. . . 12,20
9. Sable fin, gris verdâtre clair, légèrement glauconi-
fère et pailleté 2,00
10 Sable quartzeux, assez grossier, jaune verdâtre . • 2,30
qlas. II. Argile grise, légèrement sableuse, finement pailletée 2,00
12. Argile sableuse, gris foncé, avec taches noires. . . 2,00
qlsa. 13. Sable argileux, gris bleuâtre, pailleté 0,50
<{\a. 14. Argile bleue, légèrement pailletée 0,10
qlaa. 15. Sable légèrement argileux alternant avec de l'argile
sableuse, grise, pailletée et des bancs de sable
durci . . '. 12,00
q1s. 16. Sable un peu quartzeux, gris bleuâtre, pailleté, avec
quelques linéoles d'argile gris bleuâtre '2,00
17. Sable assez grossier, gris bleuâtre, avec quelques
linéoles d'argile et des fragments de tourbe. . . 2,00
18. Grès 0,0:i
19. Sable grossier, gris, légèrement pailleté 5,95
20. Sable quartzeux, pailleté, gris, légèrement glauco-
nifère 5,00
qim. 21. Sable grossier, gris, graveleux, légèrement glauco-
nifère. ' 2,00
c22. Gravier, cailloux et fragments de bois 0,30
23. Sable très quartzeux, gris, graveleux, glauconifère 1,70
q1m(f).%. Sable quartzeux, gris, glauconifère, graveleux,
coquillier :
Cardium edule c. Dosinia exoleta.
— sp.'/ Balanus ce.
Peclen 3 sp.? Ihyozoairc
avec cailloux, fragments de grès roulés et de bois. 0,70
Total . . 53,70
Comme on le voit par ce qui précède, les sondages de
Strybeek et de Wortel ont fourni respectivement à la
( 782 )
prorondeur de 51"\50 à 62m,50 pour le premier et à celle
de 55 mètres pour le second, des amas de coquilles
marines à différents niveaux dans le sable moséen et dans
les couches graveleuses de la base de cet étage.
Ces coquilles, que j'ai eu l'occasion de soumettre à un
examen rapide de M. P. Dautzenberg et pour l'élude
desquelles M. de Cort, le sympathique secrétaire général
de la Société royale malacologique, a bien voulu me
prêter son concours, constituent une faune non encore
signalée, au moins à ma connaissance. Elles compren-
nent, outre un certain nombre d'espèces qui se retrouvent
dans nos dépôts quaternaires flandriens et modernes,
quelques formes se rapportant aux genres Cerithium,
Corbula, etc., qui n'ont encore été signalées jusqu'ici que
dans nos couches tertiaires.
Ce fait témoigne bien que les sédiments moséens qui
renferment ces coquilles marines se sont déposés à l'au-
rore des temps quaternaires dans le grand estuaire de la
vallée de la Meuse, laquelle était par conséquent déjà
formée à cette époque.
Les sciences minérales devant les jurys des prix quinquen-
naux des sciences naturelles; par G. Dewalque, membre
de l'Académie.
Au moment où, pour la première fois, les publications
relatives aux sciences minérales sont soumises à l'appré-
ciation d'un jury chargé de décerner le prix décennal
récemment institué pour elles, après une longue attente,
il m'a paru intéressant de revoir ce qui s'est passé chez
nous pendant quarante ans, lorsqu'il existait seulement
( 783 )
un prix des sciences naturelles pour la meilleure des
publications concernant les trois règnes de la nature.
Cette revue m'a semble de nature à intéresser le public
savant et en particulier mes confrères de l'Académie, et
je demande la permission de la faire devant eux : les
réflexions qu'elle suggère se présenteront naturellement.
En 1845, à l'occasion de la réorganisation de l'Aca-
démie, le (iouvernement institua un prix de 5,000 francs
en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire du pays,
publié durant chaque période de cinq années. La fonda-
tion de ce prix quinquennal fut accueillie avec faveur, et
bientôt les lettres et les sciences furent appelées à des
encouragements semblables. Sur la proposition de M. Ch.
Rogier, Ministre de l'Intérieur, un arrêté royal du
(> juillet 1851 instituait cinq prix quinquennaux, dont
un pour les sciences physiques et mathématiques, un
autre pour les sciences naturelles ; puis un arrêté royal
du 29 novembre suivant édictait le règlement de ces
prix. Le premier devait porter sur les sciences naturelles,
pour la période finissant le 31 décembre 1851. D'après
l'article 2, « tout ouvrage sur une des branches énoncées
» dans l'article précédent est admis au concours s'il est
» publié en Belgique, s'il est entièrement achevé et si
:» l'auteur est Belge de naissance ou naturalisé ». Par
l'article 5, le jugement est attribué à un jury de sept
membres. Aux termes de l'article 6, les ouvrages des
membres du jury ne peuvent faire l'objet de son examen.
A part quelques modilications de détail, dont la prin-
cipale a été l'interdiction de diviser le prix, nous avons
vécu pendant quarante ans sous l'empire de ce règlement.
iN'ous allons voir ce qui est advenu pour les sciences
minérales.
(784 )
Première période : I8i7-1851 (l).
Le jury était composé de J.-B.-J. d'Omalius d'Halloy,
Cantraine, Gluge, Stas, Martens, Lacordaire et A. Spring.
Nous ne savons qui lurent le président et le secrétaire ;
Lacordaire fut rapporteur.
Nous ne voyons pas ce qu'un chimiste pouvait faire
dans ce jury.
Le jury a d'abord résolu affirmativement la question
de savoir si les mémoires académiques sont admis au
concours, et négativement celle d'y admettre les travaux,
dont les auteurs ont eu seulement en vue les applications
dont la science est susceptible, et non la science elle-
même. Puis il s'occupe de « la carte géologique du
» royaume, à laquelle M. le professeur Dumont a tra-
» vaille avec une si infatigable persévérance pendant
» plus de dix années, et qui n'a été terminée qu'à la tin
» de l'année dernière. M. Dumont a offert un exemplaire
D de cette carte à la Classe des sciences de l'Académie
» dans sa séance du mois de décembre 1851 ; d'autres
» se trouvaient, à la même époque, déposés au Ministère
» de l'Intérieur; bors de là, il n'en existait nulle part,
» lorsque le concours fut fermé, un seul exemplaire à la
» disposition du public, (le double dépôt, entre les
» mains du Gouvernement et celles de l'Académie, pou-
)> vait-il être considéré comme constituant une publicité
» réelle? Le jury s'est prononcé pour la négative. »
(i) Voir Bull. Acad. roy. de Belgique, l>'« série, t. XIX, 3e partie,
jjp. (iO'2 et suivantes
( 78.-; )
Le jury déclare ensuite qu'il « a passé en revue tous
» les travaux sur les sciences naturelles qui ont vu le
» jour en Belgique depuis cinq années, et que, dans le
» nombre, trois lui ont paru mériter son attention la
» plus sérieuse, savoir :
» 1° La Description des animaux fossiles du calcaire car-
» bonifère de Belgique, 1842-1844, avec Supplément, 1S,*J1,
» par L.-(î. De Koninck;
» 2° Le mémoire de M. le professeur Dumont sur les
» terrains ardennais et rhénan;
» 5° Le mémoire sur les vers cestoïdes, par M. le
» professeur Van Beneden.
» Cet ordre ... n'est qu'un simple classement alpha-
» bétique, basé sur les noms de leurs auteurs. »
Le rapport analyse ensuite ces trois ouvrages, et il con-
clut ainsi :
« Tel est, Monsieur le Ministre, l'exposé lidèle des
» impressions que l'examen de ces trois ouvrages a fait
» naitre dans l'esprit du jury. Son amour-propre ne
» souffre pas en vous avouant la perplexité qu'il a éprou-
» vée lorsqu'il s'est agi de se prononcer en faveur de
» l'un d'eux, à l'exclusion des autres. Porter un jugement
» sur les œuvres de l'esprit humain dans lesquelles les
» pensées, l'imagination et le style sont tout, c'est une
» tâche comparativement facile; à lui seul, l'instinct du
)> vrai et du beau y suffirait au besoin. Mais dans une
» science positive, qui exige avant tout des faits, et qui
» se subdivise en une foule de branches distinctes, que
» faire lorsque des ouvrages rivaux, appartenant à des
» branches différentes, se présentent avec un cortège
» égal de résultats utiles à la science? Le problème à
)> résoudre n'est-il pas à peu près le même que si l'on
( 786 )
» proposait à un mathématicien de combiner des quan-
» tités de natures différentes? Les trois ouvrages dont il
» vient de vous être rendu compte, Monsieur le Ministre,
» n'ont rien de commun entre eux par le sujet, chacun
» d'eux a fait taire un pas égal à la partie des connais-
» sances humaines dont il traite. Dans l'impossibilité où
» il se trouve d'établir lequel d'entre eux est supérieur
» aux deux autres, le jury les met sur la même ligne et
» conclut à ce que le prix soit partagé, ex œquo, entre
» MM. De Koninck, Dumont et Van Beneden. »
On pourrait retrouver dans le rapport d'autres traces
de l'embarras où le jury s'est trouvé. Ainsi, l'analyse du
travail de De Koninck occupe trois pages, celle du
mémoire de P. Van Beneden, quinze pages, celle du
mémoire de Dumont, huit lignes, plus cet alinéa, qui
mérite d'être reproduit parce qu'on ne lit rien de pareil au
sujet des travaux de ses concurrents.
« Toutefois, cet immense travail, qui n'a vu le jour
» qu'en l<Si<S, n'ayant encore été l'objet d'aucune vérifi-
i) cation ni d'aucune critique, le jury eut été dans
» l'impossibilité d'apprécier la valeur des faits qu'il con-
» tient, si l'un de ses membres n'eût pris la peine de
)> visiter une partie des lieux pour s'éclairer à cet égard.
» Ce membre a choisi pour le but de cette excursion les
» bords de la Salm, c'est-à-dire l'une des régions les
» plus compliquées de l'Ardenne, et là, il a reconnu,
» pour ce qui concerne ce point, l'exactitude de tous les
)) faits énoncés par M. Dumont. Il faut dès lors admettre,
» jusqu'à preuve du contraire, qu'il en est de même
■» pour les autres assertions du savant professeur, et,
» cela étant, le jury n'hésite pas à dire que son mémoire
)> doit être placé parmi les plus remarquables travaux de
» géologie descriptive. »
( 787 )
On remarquera aussi que le rapport du jury ne fait
aucune mention des ouvrages qui venaient en seconde
ligne. L'exemple ne sera pas perdu.
Arrivons à la période suivante.
Deuxième période : I8i)2-ts:ifi (1).
Le rapport est signé J. d'Omalius, président, Gluge,
secrétaire, Stas, Spring et Lacordaire, rapporteur, c'est-
à-dire que les sciences minérales n'y avaient encore
qu'un seul représentant et qu'on y retrouve le chimiste.
La carte de Dumont revint sur le tapis. Voici ce que
le rapport nous apprend :
« La carte géologique de la Belgique, ouvrage de l'en
» M. le professeur Dumont, n'avait pu être admise à
» concourir faute d'avoir été publiée en temps opportun.
» Il s'en fallait, du reste, de très peu, car il en existait
)> déjà un exemplaire, offert par l'auteur, entre les mains
» de l'Académie et quelques autres déposés par lui au
» Ministère de l'Intérieur. Il s'agissait, par conséquent,
» de savoir s'il y avait dans ces deux dépôts une publicité
» suffisante. Le jury se prononça pour la négative, et le
» travail du savant professeur, dont la Belgique déplore
» la perte, se trouva ainsi reporté dans la période quin-
» quennale actuelle.
» Cette fois, une question plus grave se présentait :
» Cette carte pouvait-elle faire partie du concours?
» L'affirmative n'était pas douteuse, si l'on s'en tenait
» strictement à la lettre de la loi; mais en consultant
(l) Voir Bull. Acad. roy. de Belgique, 2e série, t. III, p. 504.
( 788 )
» l'esprit de cette dernière et l'équité, les choses pre-
» naient un tout autre aspect.
» Un concours suppose, entre ceux qui y prennent
» part, une certaine égalité de position et de forces.
» Or, ici, l'inégalité était immense à ces deux points de
» vue : d'un côté, des travaux dus à des savants livrés à
» leurs propres ressources, sans autre soutien que leur
» dévouement pour la science, manquant même parfois
» du temps nécessaire pour approfondir, autant qu'ils le
» voudraient, les questions objets de leurs études; d'un
» autre côté, un ouvrage commandé et patronné par le
» Gouvernement, exécuté à ses frais, élaboré avec len-
» teur et maturité pendant dix-huit longues années.
» Évidemment la partie n'était pas égale, et appeler
» concours une lutte établie dans des conditions aussi
» dissemblables, ce serait presque une dérision. A quoi
» il faut ajouter que si la valeur scientifique du travail
» en question était grande, le Gouvernement et l'opinion
» publique, tant en Belgique qu'au dehors, ne s'étaient
)> pas montrés ingrats envers l'auteur. Il a eu le bonheur
» peu commun d'obtenir de son vivant une justice qui,
» trop souvent, ne commence qu'après leur mort pour
» les hommes qui ont consacré leur vie à la science. »
Cette décision lut généralement approuvée. Le but
du Gouvernement, en instituant des prix quinquennaux,
avait été de favoriser la publication d'uuivres de valeur,
à ce point que le règlement admet que le prix ne soit
point décerné ou ne le soit qu'en partie. Il est clair que
des travaux commandés et payés par lui n'ont pas besoin
qu'on en favorise la publication.
Le jury s'est alors occupé des publications les plus
remarquables, et, après un examen attentif, son choix
( 789 )
s'est porté sur les œuvres <le Kickx, De Koninck et Lehon,
de Selys Longchamps et Wesmael. Il divisa le prix et
accorda une somme de 1,000 francs aux Recherches sur
les crinoïdes du terrain carbonifère delà Belgique, Je crois
inutile d'en dire davantage.
Le rapport ne revient pas sur l'impossibilité de com-
parer des ouvrages de nature si différente, mais la divi-
sion du prix, survenue comme au premier concours,
amena le Gouvernement à décider qu'à l'avenir il ne
pourrait plus être partagé.
Troisième période : 18.Ï7-186I (1).
Le jury était formé de MM. L.-G. De Koninck, d'Oma-
lius, Martens, Kickx, le vicomte Du Bus, Gluge et Lacor-
daire, rapporteur. Il ne comptait, encore une fois, qu'un
géologue. Il n'est pas nommé de président ni de secré-
taire.
Le rapport regrette que les prix quinquennaux soient
désormais indivisibles, puis annonce qu'il a mis, à l'una-
nimité, au premier rang, l'ouvrage que P. Van Beneden
avait publié en 1861, sur les Crustacés du littoral de la
Belgique. Il n'est pas dit un mot des autres concurrents.
Quatrième période : 1862-1866 (2).
Le jury était composé de MM. J. d'Omalius, président,
E. Coemans, secrétaire, Th. Lacordaire, rapporteur,
A. Spring, Du Bus, Th. Schwann, E. de Selys Long-
(1) Voir Bull. Acad. roy. de Belgique, 2e série, t. XIV, p. 52°2.
(2) Voir Bull. Acad. roy. de Belgique, b2e série, t. XXIV, pp. 578
et suiv.
3me SÉRIE, TOME XXXIII. 52
( 790 )
champs. C'est-à-dire que les sciences minérales n'y
comptaient qu'un seul représentant.
Le prix fut accordé à P. Van Beneden pour ses Recher-
ches sur la faune littorale de la Belgique (Polypes). Mais,
contrairement aux précédents, le rapport accorde des
mentions honorables. L'une fut donnée à la Monographie
des platypides, par F. Chapuis; une autre à la Monogra-
phie des élatérides, par E. Candèze, et la troisième aux
recherches de M. É. Dupont sur le calcaire carbonifère,
présentées à l'Académie en 1862. « On fut surpris, dit le
» rapport, lorsque M. Dupont annonça qu'il avait distin-
» gué dans cette nappe, réputée homogène (!), six assises
» successives, offrant des caractères minéralogiques et
» paléontologiques particuliers; de plus, que ces assises
» ne s'étaient pas étendues régulièrement sur la contrée
» qu'elles occupent, mais s'étaient déposées sous la forme
» de boudins (!) dont plusieurs manquent dans la plupart
» d'entre elles... Pour mettre les géologues à même de
» contrôler ses assertions, il a présenté à l'Académie,
» en 1864, une carte géognostique des environs de
» Dinant, accompagnée des coupes nécessaires...
» Ce travail stratigraphique, qu'un membre du jury,
» géologue éminent, déclare être un des plus remarquables
» qui aient été publiés jusqu'ici, n'a pas encore été sou-
» mis à la discussion par des juges compétents. En l'ab-
» sence de cette preuve, plus nécessaire peut-être en
» géologie que partout ailleurs, le jury n'a pu aller plus
» loin que de rendre hommage au talent dont il est la
» preuve incontestable. »
J'ai eu beau lire les rapports, je n'ai vu nulle part
qu'il fût question de contrôle pour les ouvrages des bio-
logistes.
( 794 )
Cinquième période : 1867-4874 (1).
Le jury était compose de MM. J. d'Omalius, président,
J. Putzeys, secrétaire, A. Bellynck, rapporteur, E. Can-
dèze, B. Du Bus, B. Dumortier, Th. Gluge, membres.
Le prix fut décerné, par une voix de majorité, à
M. J.-B. Carnoy pour ses Recherches anatorniques et phy-
siologiques sur les champignons.
Il convient de reproduire ici l'appréciation des publi-
cations relatives aux sciences minérales.
« Les travaux géologiques ont eu une large part dans
» les investigations de nos savants. La magnifique carte
» géologique d'André Dumont, qui fait tant d'honneur à la
» Belgique, demandait un interprète : le Prodrome de
» M. G. Dewàlque répondit à cet appel; cet excellent
» guide n'est pourtant que le prélude d'un ouvrage plus
» étendu qu'on attend avec impatience. On connaît les
» travaux importants de M. É. Dupont, les fouilles qu'il
» a dirigées avec tant d'intelligence et dont il a consigné
» les résultats et coordonné les faits dans un travail
» remarquable : L'homme pendant les âges de la pierre.
» Nous mentionnerons aussi en passant les intéressantes
» Observations de M. C. Malaise sur Le terrain silurien de
» l'Ardenne. Enfin, nous rappellerons les travaux géolo-
» giques de MM. A. Briart et F.-L. Cornet, sur lesquels
» notre illustre président a particulièrement insisté : ils
(1) Voir le Moniteur . belge du 7 décembre 1872. A partir de cette
année, les rapports du jury n'ont plus été insérés dans les Bulletins
de l'Académie royale de Belgique.
( 792 )
» ont surtout pour objet L'étage inférieur du terrain cré-
» lacé et La craie blanche du Hainaut, la Description de la
» meule de Braquegnies et les Fossiles du calcaire grossier
» de Mans. »
De l'examen des travaux de zoologie, nous retiendrons
seulement ceci. Au premier rang venaient les Recherches
sur la composition et la signification de l'œuf, etc., de notre
confrère, M. É. Van Beneden. Ce travail avait été couronné
par l'Académie en 1868. « Le jury n'a point regardé
» cette récompense académique comme un obstacle au
» concours. »
Sixième période : i872-i876 (1).
Cette fois, le jury se compose de MM. J. Putzeys, pré-
sident, F. Plateau, rapporteur, Crépin, F.-L. Cornet,
H. Nyst, J.-J. Kickx et J.-B. Masius. Il semble avoir
oublié de nommer un secrétaire, bien que les procès-
verbaux des séances doivent être déposés dans les archives
de l'Académie.
Après avoir écarté les ouvrages de quelques-uns de ses
membres et d'autres dont les auteurs ou collaborateurs
sont étrangers, le jury distingue les suivants, dans le
champ de la géologie.
« On remarque, dans les recueils de l'Académie,
» ... le beau travail de M. L.-G. De Koninck : Nouvelles
» recherches sur les animaux fossiles du terrain carbonifère
» de la Belgigue, les notices de M. P.-J. Van Beneden,
» qui font connaître toute une série de vertébrés nou-
(•!) Voir le Moniteur belge du °22 juillet 1877.
( 793 )
)> veaux de nos terrains tertiaires, le mémoire couronné
» de M. C. Malaise : Description du terrain silurien du
» centre de la Belgique, une note de M. E. Dupont Sur une
» nouvelle exploration des cavernes d'Engis, les recherches
» de M. Monrlon sur l'étage devonien des psammites du
» Condroz et sur les terrains des environs d'Anvers.
» Puis, publiés soit à part, soit dans des ouvrages spê-
» ciaux : les deux travaux de M. De Koninek : Recherches
» sur les animaux fossiles {monographie des fossiles
» carbonifères de Bleiberg en Carinlhie) et Recherches
» sur les fossiles paléozoïques de la Nouvelle-Galles du Sud,
» le manuel de Minéralogie pratique de M. Malaise,... les
» articles de J. d'Omalius, Dupont, Arnould et de Rodi-
» gués, Soreil, Hagemans et Berchem dans le compte
» rendu de la sixième session du Congrès d'anthropologie
» et d'archéologie préhistoriques; enfin, les chapitres
» Orologie, Populations préhistoriques, par E. Dupont,
» Géologie, par Mourlon, Paléontologie des vertébrés, par
» P.-J. Van Beneden, dans Patria Belgica, œuvre juste-
» ment estimée. »
Nous ne pouvons cacher notre étonnement de voir
classés dans les ouvrages de géologie des publications de
paléontologie pure dont la place est dans les sciences
zoologiques : nous voulons parler des travaux cités plus
haut de De Koninek et de P. Van Beneden. Si, avec les
prix décennaux actuels, la botanique et la zoologie fos-
siles venaient faire concurrence à la minéralogie, à la
pétrographie et à la géologie, plusieurs penseront qu'il
serait préférable de supprimer les prix.
Parmi tous ces travaux (au nombre de 161, compre-
nant 280)0 pages d'impression et 159 planches), le jury
en distingua deux, les Nouvelles recherches de De Koninek
( 794 )
sur les animaux fossiles du terrain carbonifère de la Belgique,
— mais l'œuvre ne concernant que les polypes, n'était qu'à
son début, — et la Description du terrain silurien du centre
de la Belgique, par C. Malaise, couronnée par l'Académie.
Finalement, le prix fut décerné à M. É. Van Beneden
pour ses Recherches sur les Dicyémides, sur les premiers
phénomènes du développement de l'œuf des Mammifères, etc.
Septième période : 1877-1881 (1).
Le jury était composé de MM. E. Candèze, président,
É. Dupont, rapporteur, E. Morren, Crépin, Van Bambeke,
(lilkinet et F. Plateau. Il semble s'être passé de secré-
taire.
La première phrase du rapport de ce jury doit être
reproduite textuellement, car elle indique un change-
ment complet de vues sur les ouvrages appelés à concou-
rir. La voici :
« Le jury chargé de décerner le prix quinquennal à
» l'auteur belge qui a fait réaliser le plus de progrès à
» l'histoire naturelle pendant la période... » C'était se
placer en dehors des conditions réglementaires. Comme
le rappellent la plupart des rapports précédents, les prix
sont institués, non en faveur des auteurs qui ont fait réa-
liser le plus de progrès, mais de l'ouvrage le plus remar-
quable. Le Gouvernement n'a pas fait d'observations,
mais ce précédent ne peut faire loi, malgré les réclama-
tions, tant que l'arrêté royal du 0 juillet 1851 n'est pas
modifié. Il y a pour son maintien des motifs importants,
que nous serons peut-être amené à développer.
(t) Voir le Moniteur belge du t« décembre 1882.
( 793 )
Le jury, après avoir constaté l'éclal avec lequel diverses
branches avaient été cultivées depuis le dernier concours,
distingua deux auteurs.
« Pendant la seule période quinquennale dernière,
» M. P.-J. Van Beneden a publié, sur la distribution
» géographique des mammifères marins, non moins de
» douze mémoires et notices, fruit de longues recher-
» ches qui ont nécessité à la fois une complète compé-
» tence et des relations scientifiques très étendues.
» Cette série de travaux ne constitue cependant qu'une
» sorte d'appendice à l'œuvre que M. Van Beneden exé-
» cute sur les cétacés fossiles... Il suffira de rappeler
» que ces descriptions (des cétacés d'Anvers) sont accom-
» pagnées d'atlas comprenant 127 planches in-plano,
» pour donner une idée de l'extension du travail; et
» encore les matériaux qu'il reste à faire connaître et
» dont l'élaboration est déjà fort avancée, atteignent-ils
» peut-être la même étendue que celle qui vient d'être
» décrite.
» Pendant la même période, M. De Koninck a publié
» deux groupes de travaux... : la description des fossiles
» siluriens, devoniens et carbonifères de l'Australie, dans
» les Mémoires de la Société royale des sciences de Liège,
» et la description des poissons, des céphalopodes et des
» gastéropodes du calcaire carbonifère de la Belgique,
» dans les Annales du Musée.
» Ce dernier ouvrage n'aurait peut-être pu l'emporter,
» dans la décision du jury, sur l'œuvre cétologique de
» M. Van Beneden, l'un et l'autre étant d'une impor-
» tance magistrale. Mais il nous a paru que les publica-
» tions de M. De Koninck sur l'Australie, s' adjoignant à
» son grand travail sur le calcaire carbonifère belge, fai-
» saient définitivement pencher la balance en sa faveur. »
( 796 )
Le rapport analyse ensuite la description des fossiles
de l'Australie et celle des poissons, céphalopodes et gas-
téropodes du calcaire carbonifère de notre pays, « com-
prenant trois volumes; un quatrième vient d'être mis en
librairie ».
Puis il insiste sur la partie slratigraphique de l'œuvre,
et ce dans des termes qu'il convient de reproduire :
« Alors que les opinions émises en dernier lieu consi-
» déraient la faune du calcaire carbonifère belge comme
» ayant évolué graduellement et avec continuité, il nous
» montre d'une manière irrécusable qu'elle s'est déve-
» loppée pendant trois époques distinctes et successives,
» que pendant ces trois époques la plupart des espèces
» ont été modifiées ou renouvelées au point de former
» une série faunique particulière et caractéristique pour
» chacune d'elles. La première... »
Il v a là des opinions à laisser pour compte au membre
représentant la géologie dans le jury.
Le prix fut décerné à l'unanimité.
Huitième période : 1882-4886 (1).
Le jury était composé de MM. Crépin, président, Ma-
sius, rapporteur, Fredericq, Gilkinet, Mourlon, Plateau,
Renard, membres. Pas de secrétaire.
« Parmi les nombreux travaux ressortissant aux
» sciences naturelles qui ont paru pendant la période
» quinquennale 1882-1 880, le jury a particulièrement
» distingué une œuvre de M. É. Van Beneden... Recon-
(lj Voir le Moniteur belge du 14 décembre 1887.
( 797 )
» naissant le mérite supérieur de cet ouvrage, le jury
» propose de lui décerner le prix. » Suit l'analyse de cet
ouvrage; il n'est pas question d'autre chose.
On peut partager l'opinion du jury et regretter qu'il
n'ait pas cru devoir citer les travaux qui, à défaut de
l'œuvre couronnée, auraient pu aspirer au prix.
Ce reproche ne peut être adressé au jury suivant.
Neuvième période : 1887-1891 (1).
Le jury était composé de MM. Crépin, président,
Errera, de la Vallée Poussin, Malaise, Mourlon, Renard
et Masius, rapporteur. Il n'avait donc point de secré-
taire, mais les sciences minérales y étaient représentées
par MM. de la Vallée Poussin, Malaise, Mourlon et
Renard.
Le rapport constate des travaux considérables, notam-
ment ceux de MM. Dollo, Cesàro, J. Fraipont, M. Lohest,
F. Plateau, Van Gehuchten, L. Fredericq et É. Van
Reneden; sans compter M. l'abbé Renard, qui s'était
retiré du concours et siégeait dans le jury.
« M. Dollo s'est occupé notamment des Chéloniens
» oligocènes et néogènes de la Relgique et des Mosasau-
» riens de Mesvin... »
« M. Cesàro a publié plusieurs mémoires de très
» grande importance et bon nombre de notes concer-
» nant la minéralogie et surtout la cristallographie,
» branche où il s'est acquis une réputation hors ligne. »
(I) Voir le Moniteur belge du 28 décembre 1892.
( 798 )
Suit une longue analyse des principaux travaux de
notre savant confrère.
« MM. J. Fraipont et M. Lohest se sont particulière-
» ment distingués par la publication de nombreux et
» importants travaux. Nous nous bornerons pourtant à
» l'exposé de ceux qui paraissent avoir la portée la plus
» étendue.
» Les Recherches sur les ossements humains découverts
» dans les dépôts quaternaires d'une grotte à Spy consti-
» tuent une œuvre capitale...
» M. Quatrefages a dit, à juste titre, au Congrès de
» Paris, en 1889, que nos deux jeunes savants belges
» ont établi la race de Neanderthal sur des bases scien-
» tifiques désormais indestructibles. »
« Mentionnons aussi la Monographie du genre Polygor-
» dius de M. J. Fraipont... »
« Nous citerons enfin différentes Notices sur les phos-
» phates de Hesbaye, les Recherches sur les poissons
» devoniens et les Recherches sur les argiles plastiques
» d'Andenne, par M. Lohest. »
« M. F. Plateau...
« M. A. Van Gelmchten...
« L'œuvre de M. L. Fredericq est très considérable.
» Elle le place au premier rang des physiologistes les
» plus renommés... »
« M. É. Van Beneden...
» Le jury estime que son mémoire a un mérite pré-
» pondérant. Il le considère comme l'ouvrage le plus
» remarquable paru pendant la période, le plus riche en
» idées générales et le plus fécond en enseignements
» scientifiques. L'importance exceptionnelle et la portée
» si étendue des découvertes qui sont consignées dans ce
» travail, le placent hors de pair. »
( 799 )
On voit la part qui a été faite aux sciences minérales
par des jurys dans lesquels, huit fois sur neuf, elles ne
comptaient qu'un représentant. Les travaux les plus
importants sont passés sous silence ou à peine honorés
d'une mention.
Mais n'insistons pas.
De cette revue se dégagent, croyons-nous, quelques
considérations qui méritent de ne pas être perdues de
vue :
1° Les jurys doivent nommer un secrétaire, et les pro-
cès-verbaux des séances, après approbation, doivent être
déposés dans les archives de l'Académie, au vœu des
instructions ministérielles ;
2° 11 est désirable que les rapports ne se bornent pas
à mentionner et à analyser le mémoire couronné, mais
fassent connaître l'appréciation des travaux qui ont
approché du prix ;
5° Il est désirable que les rapports des jurys soient
insérés dans les Bulletins de l'Académie, comme cela a eu
lieu dans les premiers temps. Il n'est pas à craindre que
le Gouvernement s'y oppose;
4° On doit en revenir à l'organisation primitive, attri-
buant le prix à Vœuvre la plus remarquable, et non à
l'auteur dont les notices ont fait faire le plus de progrès.
On peut différer d'opinion sur ce point; mais l'arrêté
royal doit être observé tant qu'il n'a pas été modifié. Et
s'il doit l'être, ce sera sans aucun doute après une discus-
sion à la Classe des sciences de l'Académie;
5° La proposition, adoptée par la Classe, de réduire le
nombre des membres du jury à cinq n'aura pas seule-
ment pour effet de faciliter la liste double des présenta-
( 800 )
tions, elle aura aussi pour avantage de donner plus de
responsabilité à chacun.
Cette réduction sera d'autant plus facile que les
ouvrages de paléontologie animale ou végétale prennent
part aux concours des sciences zoologiques ou botani-
ques, et que ceux de paléontologie stratigrapbique ont
pour juges naturels les stratigraphes.
Note relative à la photographie de l'atmosphère solaire;
par P. De Heen, membre de l'Académie.
Dans la dernière séance de l'Académie, notre savant
confrère, iM. LePaige,a communiqué une note pleine d'in-
térêt sur les phénomènes qui se présentent lorsqu'on
photographie le soleil à l'aide de plaques non voilées
ou relativement peu voilées. Les faits signalés sont abso-
lument conformes à la réalité, mais ils ne louchent qu'en
certains points au fait que nous avons voulu montrer.
Dans tout travail d'expérimentation, il importe d'isoler
aulant que possible le fait que l'on veut étudier, afin de
le montrer dans toute sa simplicité. Or, dans la question
qui nous occupe, deux actions inverses se superposent
généralement : le pouvoir actinique et le pouvoir dévoi-
lant. L'étude du pouvoir actinique d'une source lumi-
neuse doit se faire en éliminant le pouvoir dévoilant,
résultat que l'on obtient aisément en faisant usage de
poses très courtes et absolument instantanées lorsqu'il
s'agit du soleil. De même, lorsque l'on veut étudier le
pouvoir dévoilant, il importe de faire disparaître en tota-
lité ou en presque totalité le pouvoir actinique, par une
( 801 )
exposition préalable et prolongée à la lumière (1). De
pareilles plaques fournissent des résultats d'une grande
simplicité :
Quelque pelil tjue soit le temps de pose, l'image du bord
du soleil est toujours plus dévoilée que le centre.
Nous avons, à cet effet, fait varier les temps de pose
depuis celui qui fournissait une image à peine percep-
tible jusqu'à celui qui fournissait les images les plus
vigoureuses, et toujours le bord s'est trouvé plus dévoilé.
Nous remarquons que pour les images très faibles le
disque solaire n'a encore exercé aucune action sur la
plaque, lorsque le bord seul montre une trace de dévoi-
lage.
Le deuxième point touché par mon honorable confrère
se rapporte au diamètre des images observées. A l'aide
de plaques non voilées ou insuffisamment voilées, on
obtient bien des anneaux voilés ou dévoilés suivant le
temps de pose, dont le diamètre est celui de l'image
produite sur le verre dépoli, c'est-à-dire l'image de la
photosphère, mais il en est autrement lorsque la plaque
a perdu sensiblement sa faculté actinique. On remarque
alors que l'anneau présente un diamètre sensiblement
plus grand. Afin de le montrer d'une manière indéniable,
nous nous sommes servi successivement de deux plaques
auxquelles nous avons fourni le même temps de pose :
l'une était suffisamment voilée, l'autre l'était d'une ma-
nière insuffisante. Cettedernière a fourni l'anneau brillant
(positif) (fîg. I) bien nettement marqué; l'autre, l'anneau
(1) Le temps de voilage varie nécessairement avec le genre de
plaques et l'intensité de la lumière. Les résultats que nous signalons
ici ont été obtenus à l'aide de plaques Beernaerts exposées pendant
10 secondes dans un appartement éclairé par le soleil.
( 802 )
noir (fig. II), lequel ne représente pas le renversement
de l'anneau clair, car en superposant les deux clichés
nous avons obtenu l'image du phénomène de l'éclipsé;
l'anneau noir était entouré en tous ses points par l'anneau
dévoilé du deuxième cliché (fig. III).
L'anneau dévoilé représente donc bien, dans les conditions
que nous venons d'examiner, l'image de l'atmosphère solaire,
dont la photographie ou l'observation directe n'ont pas
été réalisées jusqu'à présent.
Cette interprétation est du reste confirmée d'une ma-
nière éclatante par cette circonstance que l'épaisseur de
cet anneau correspond précisément à celle que possède
généralement la chromosphère, soit un accroissement
diamétral inférieur à 1 millimètre pour une image de
4 centimètres de diamètre.
A la suite de la communication de M. De Heen,
M. Le Paige fait connaître verbalement à la Classe les
résultats qu'il a obtenus depuis la dernière séance. Il n'a
pas eu le temps de coordonner complètement ses obser-
vations et de les discuter. Cet exposé pourra se faire plus
utilement lorsqu'il aura pu prendre communication des
observations de son savant confrère. Il tient néanmoins à
faire consigner le fait suivant : la photographie du soleil
obtenue par une exposition suffisamment prolongée
donne un cliché négatif, presque aussi satisfaisant que
celui que l'on obtient par une pose instantanée. Il en
résulte que les trois phases successives dont il a déjà
indiqué l'existence dans sa première note, ont bien lieu.
La troisième phase, c'est-à-dire l'obtention du second
négatif, n'est plus modifiée par une prolongation de
l'exposition.
Bulletins, 3<> série, t. XXXIII, p. 802.
Fig. I
Fig. II
Fis. III
Clichés P. I)e Meen.
G. Lavalette, dessin.
( 805 )
ISote préliminaire sur la constitution de la bande silu-
rienne de Sambre-et-Meuse ; par C. Malaise, membre de
l'Académie.
J'ai signalé, à différentes reprises, des découvertes
apportant des données nouvelles sur la constitution de la
bande silurienne du Condroz ou de Sambre-et-Meuse (1),
que Dumont avait considérée comme extrêmement
simple.
J'ai pu y constater, jusqu'à présent, l'existence de
divers niveaux géologiques, correspondant aux divisions
anglaises classiques suivantes : Arenig — Llan-
deilo — Caradoc — Llandovery — Wenlock —
Ludlow.
J'ai démontré par l'étude des graptolithes (2) que les
(1) Description du terrain silurien du centre de la Belgique. 1873.
Mémoire couronné. (Mém. cour, et des sav. étr. de l'Acad. roy. de
Belgique, in4°, t. XXXVII, p. 56.)
Observations sur quelques graptolithes de la bande silurienne de
Sambre-et-Meuse. Liège, 1886-1887. (Annales de la Société géolo-
gique de Belgique, t. XIV.)
Les schistes de Huy et leur signification géologique. Liège, 1887-1888.
(Ibid., t. XV.)
Sur les schistes noirs de Sart-Bernard. (Ibid.)
Découverte de la faune de la base du silurien en Belgique. 1888. (Bull,
de l'Acad. roy. de Belgique, 3° série, t. XV, p. 365.)
Sur les graptolithes de Belgique. 1890. (Ibid., t. XX, p. 440.)
(2) Sur les graptolithes de Belgique. (Loc. cit., p. 440.)
( 804 )
niveaux de Arenig — Wenlock — Ludlow y étaient
parfaitement caractérisés, et que le Caradoc y était
représenté par les fossiles qui spécialisent celui-ci dans
le silurien du Brabant (1).
D'autre part, M. M. Lohest a trouvé au fond d'Oxhe,
près Ombret (2), une faune que je crois appartenir au
Llandeilo supérieur (5).
De nouvelles recherches et des débris organiques en
meilleur état de conservation m'ont fait découvrir, prin-
cipalement dans les schistes et calschistes supérieurs au
niveau du Caradoc, un ensemble de fossiles caractéris-
tiques du Llandovery , du Wenlock et peut-être du
Ludlow. Les subdivisions du silurien supérieur sont
caractérisées, soit par la présence de quelques espèces qui
leur sont particulières, soit par la réunion d'un ensemble
d'espèces spéciales, occupant une position stratigraphique
bien déterminée. Certaines espèces peuvent se trouver
dans plusieurs subdivisions, mais la réunion constante
d'un certain ensemble est particulière à une subdivi-
sion.
L'Arenig que l'on observe aux extrémités orientale
et occidentale du tunnel de Huy-Statte et dans la grande
(1) Description du terrain silurien du centre de la Belgique. (Loc.
cit., pp. 61-62.)
(2) G. Dewalque, Un nouveau gisement de fossiles siluriens à
Ombret. (Annales de la Soc. géol. de Belgique, t. XXI, p. lxxx..
Liège, 1893-1894.)
(3) C Malaise, Sur l'aspect Llandeilien du massif d'Oxhe (Ombret).
(Ibid., p. cvm.)
( 805 )
tranchée entre Sart - Bernard et Nanïnnè, contient les
espèces suivantes :
Climacograptus antennarius, Hall.
— Scharenbergi, Lapw.
Dichograpius hexabrachyatus, Mal.
— octobrachyatus, Hall.
Didymograptus Murchisoni, Beck.
Diplograptus pristinifbrmis, Hall.
— (Cryptograptus) tricornis, Carr.
Phyllograptus typus, Hall.
Tetragraptus bryonoides, Hall.
Caryocaris Wrightii, Sait.
.Eglina binodosa, Sait.
Je considère comme se rapportant au Llandeilo les
schistes quartzifères micacés, avec quartzites presque
noirs, du petit fond d'Oxhe, près Ombret.
Les fossiles que Ton y trouve appartiennent à des
genres renfermant de nombreuses espèces, et souvent la
partie caractéristique n'est qu'imparfaitement conservée;
aussi je ne puis que leur donner des noms justifiés par
affinités.
Homalonotus (aff. i bisulcatus, Sait.
Trinculetis{aiï.) concentricus, Eat., var. favus.
Beyrichia (aff.) complicata, Sait.
Orthis (aff.) redux, Barr.
La faune du Garadoc se trouve entre Arville et
Wierde, à Fosse, à Vitrival, caractérisée par les espèces
suivantes :
Calymene incerla, Barr.
Cheirurus juvenis, Sait.
Dalmania conophthalmus, Boeck. (sp.).
Homalonotus Omaliusii, Mal.
Illœnus Bowmanni, Sait.
— Davisii, Sait.
5,ne SÉRIE, TOME XXXIII. 55
( 80ii )
Lichus laxatus, M'Coy.
Trinucleus seticornis, His.
Sphœrexoctms mirus, Beyr.
Zethus verrucosus, Pand.
Orthoceras Belgicum, Mal.
Raphistoma lenticularis, Sow.
Orthis Actonice, Sow.
— biforata, Schloth (sp.).
— calligramma, Daim.
— porcata, M'Coy.
— lestudinuria, Daim.
— vespertilio, Sow.
Leplœna sericea, Sow.
— tenuicincta, M'Coy.
Strophomena rhomboidalis, Wilck (pp.).
Glyptocrinus basalis, M'Coy.
Tiges d'encrines.
Eckinosplumtes BaUicus, Eich.
Sphœronites stelluliferus, Sait.
Petraia subduplicata, M'Coy.
Fenestella Milleri, Lonsd.
— subantiqua, d'Orb.
Glanconome disticha, Goldf.
Phyllopora (Retepora) Hisingeri, M'Coy.
Plilodyctia dichotoma, Portl.
Des schistes et des calsehistes supérieurs aux roches
contenant la faune du Caradoc, s'observent à Fosse. On
y trouve un ensemble d'espèces caractéristiques du
Llandovery.
C. Lld. W. L. (1) Calymene Blumenbachii, Brongn.
lllœnus (atf.) parvulus, Holm.
Lld. W. Phacops Stockesii, Milne Edw.
(1) Les lettres Ll. — C. — Lld. — W. — L., précédant le nom des
espèces, indiquent le niveau, Llandeilo — Caradoc — Llandovery —
Wenlock — Ludlow, où elles ont été rencontrées dans les Iles Bri-
tanniques.
( $07 )
C. LUI? \V. Spluerexoctws tnirus, Beyr.
Orthoceras (sp.).
C. Lld. W. Atrypa marginalis, Daim.
C. Lld. W. Or////* W/oéa, L.
C. Lld. — crispa, M'Coy.
C. Lld. W. — insularis, Eichw.
C. Lld. W. Leptœna transversalis, Daim.
Ll. C. Lld. — tenuicincta, M'Coy.
Lld. Meristella subundata, M'Coy.
C. Lld. Strophomena corrugalella, Dav.
C. Lld. W. — peclen, L. (sp.).
C. Lld. W. L. — rlwmboidalis, Wilck (sp.).
Ll. C. Lld. W. Halysites catenularius, L. (sp.).
C. Lld. W. Heliolites (Propora) tubulatus, Sow.
Lld. W. Favosites Gothlandica, L.
Lld. W. — mttltipora, Sow.
W. L. Petraia bina, Sow.
A l'ouest de Naninne, des schistes contiennent des
graptolithes du niveau de Wenlock :
Cyrtograptus Murcliisoni, Carr.
MonograptiLS Bohémiens, Barr.
NUssoni, Barr.
priodon, Bronn.
vomerinus, Nich.
Retiolites Geinitzianus, Barr.
On y ^trouve en outre :
W. Orthoceras (aff.) atlenuatum, Sow(l).
L. — — gregarium, Sow.
C. W. L.? — primœvum, Forbes.
(1) Les Orthocères de la bande de Sambre-et-Meuse sont souvent
en très, mauvais état et, en général, peu susceptibles d'une déter-
mination spécifique.
( 808 )
A Maulenne (Floreffe), on trouve dans des schistes
noirâtres à Monograplus vomerinus:
Orthoceras (sp.).
W. Obolus Davidsoni, Sait., var. transversus.
Des calschistes avec nodules calcaires se trouvent à
Naninne au voisinage des schistes à Monograptus vome-
rinus; on y rencontre :
Ortfioceras ip.).
C? W. L Cardiola interrupla, Brod.
Des schistes, calschistes, calcaires compacts, parfois
crinoïdo-lamellaires, véritables petit granité silurien,
renferment une assez bonne faune, analogue à celle des
calcaires de Wenlock, à Claminforges (Falisolle - Fosse-
Lld. W. Phaeops Slockesii, Milne Edw.
W. Proetus Slockesii, Murch.
Orthoceras (s p. t.
W. Atrypa imbricata, Sow.
C. Lld. W. — marginalis, Daim.
Lld. W. L. — rcticularis, L. (sp.).
W. L. Discina rugata, Sow.
W. Leptœna segmenlum, Ang.
W. Meristella crassa, Sow. (sp.).
Lld. W. L. — didyma, Dav.
Lld. W. — tamida, Daim. (sp.).
C Lld. W. Orthis biloba, L.
W. — Edyelliana, Sait.
Lld. W. L.? Rhynckonella borealis, Schloth.
W. Retzia Salteri, Dav.
C. Lld. W. Strophomena antiquata, Sow.
C. Lld. W. pecten, L. (sp.).
C. Lld. W. L. — rhomboidalis, Wilck (sp.).
C? W. L. Cardiola inlerriipla, Brod.
( 809 )
C. Lld. W. L. Orthoceras ibex, Sow.
(sp.).
Lld. W. L. Cornulites serpularius, Schloth.
C. Lld. W. Tentaculites anglicus, Schloth.
W. Q cuites (s p.).
Lld. W. Favositçs Gothlandica, L.
W. — Hisingeri, Milne Edw.
Ll. C. Lld. W. Halxjsites catenularius, L. (sp. >.
C. Lld. W. Heliolites (Propora) tabulai us, Sow.
W. L. Petraia bina, Sow.
Près de la route de Fosse à Floreffe, à Thimensart
(Sart-Saint-Laurent), on trouve dans les schistes le
niveau de Ludlow, représenté par de nombreux exem-
plaires de :
Monograptus colonus, Barr (I |.
On y trouve également
L. Orthoceras Mocktreense, Sow.
Nous avons donc constaté dans la bande silurienne
de Sambre-et-Meuse l'existence de Arenig-Llandeilo-
Caradoc du silurien inférieur ou système ordovicien ; et
dans le silurien supérieur ou système silurien propre-
ment dit, celle de Llandovery-Wenlock-Ludlow.
De nouvelles recherches amèneront probablement la
constatation d'autres subdivisions et fourniront des don-
nées sur les rapports et l'arrangement des divers étages.
(1) C'est par erreur que Retioiites Geinitzianus est indiqué au
niveau de Ludlow, dans Les graptolithes de Belgique, Bruxelles, 1890,
p. 14, et Bull, de la Société belge de géologie, t. V. Bruxelles,
1891, p. 92.
( 810)
Sur l'éther anisoyl-acétyl-acétique et ses dérivés (première
communication); par A. Schoonjans.
M. Claisen a décrit récemment (*) un nouveau procédé
pour l'obtention de l'éther benzoyl-acétyl-acétique, et,
en général, des dérivés benzoylés des p dikétones. Ce
procédé, que l'on peut appeler procédé par benzoylisa-
tions fractionnées, est d'exécution commode et conduit à
des rendements presque théoriques, alors que les
méthodes antérieurement en usage donnaient lieu à de
nombreuses réactions secondaires et, par suite, à des
mélanges ne contenant que très peu de benzoyl-dikétone.
Il n'était pas sans intérêt d'établir expérimentalement
que la méthode par benzoylisations fractionnées est
susceptible de généralisation, qu'elle peut s'appliquer
avec succès à l'introduction de radicaux acides autres que
le benzoyle à la place de l'hydrogène du groupement CH2
dans l'acide acétyl-acétique.
Sur les conseils et sous la bienveillante direction de
M. le professeur Claisen, j'ai fait agir le chlorure d'ani-
soyle sur l'éther acétyl-acétique, d'après la méthode
susdite. Je me permets de soumettre à l'Académie le
résultat de mes recherches.
(*) Lieb. Ann., 291 (1896), pp. 33 et suiv.
SU )
Préparation du chlorure d'anisoyle.
Caliours, qui le premier a préparé ce corps (*), le
décrit comme un liquide bouillant à 2(>2°. D'après
Lossen (**), au contraire, le même composé est solide à la
température ordinaire et se décompose lorsqu'on essaie
de le distiller.
La préparation du chlorure d'anisoyle conduit à d'ex-
cellents résultats dans les conditions suivantes :
Dans un ballon distillatoire on mélange à molécules
égales du pentachlorure de phosphore et de l'acide ani-
sique finement pulvérisé et desséché dans l'exsiccateur à
vide. Au début, la réaction est très vive; on l'achève en
chauffant au bain-marie le ballon muni d'un tube à
chlorure de calcium et on maintient l'action de la cha-
leur jusqu'à ce que le dégagement d'acide chlorhydrique
ait cessé. Alors on substitue au tube a CaCl2 un tube
capillaire et on relie à la trompe le tube abducteur du
ballon distillatoire. En faisant passer à travers le liquide
un lent courant d'air desséché par un passage sur de
l'acide sulfurique, on détermine une prompte évapora-
tion de l'oxychlorure de phosphore. Dans ces conditions,
la masse restant dans le ballon ne se fonce pas. Une fois
le POCl5 éliminé, la distillation se fait de préférence au
bain d'air de L. Meyer. La température se maintient
constante et le résidu de distillation est insignifiant.
(") Annales de physique et de chimie, [3]23, p. 351.
(*') Lieb. Ann., 175, p. 284.
( 812 )
Voici les rendements obtenus :
30 grammes d'acide ont donné 32 grammes de chlorure
50 » » 53 » »
60 » 66 * »
Points d'ébullition observés :
1G0"-I64° sous 33 millimètres
152° -153° » 24
145° » 14
Le chlorure d'anisoyle se présente sous forme d'un
liquide incolore, très réfringent. Il a la propriété de se
maintenir parfois très longtemps en surfusion. Mais si
l'on plonge dans l'eau froide le récipient qui le contient,
il se prend immédiatement en un amas de longues
aiguilles enchevêtrées, blanches, fondant à 22°. L'obser-
vation de Lossen relative à l'état physique de ce corps à
la température ordinaire est donc exacte (*).
Méthode d'aïiisoylation .
La méthode suivie est la même que celle employée par
Claisen pour benzoyler l'éther acétyl-acétique (**). Elle a
dû subir toutefois une légère modification, la non-fluidité
du chlorure d'anisoyle ne permettant pas sa mesure
rigoureuse dans une burette. Pour tourner la difficulté,
on tare le flacon renfermant le chlorure d'anisoyle
(préalablement liquéfié par immersion du flacon dans
l'eau chaude) et on en déverse chaque fois la quantité de
O J'avais achevé cette préparation, lorsque j'ai pris connaissance
d'un travail de M. W. Jung, Ueber die Oxime des Anisils (Inaugural-
Dissertation. Erlangen, 1896). L'auteur y constate que le chlorure
d'anisoyle se laisse distiller dans le vide.
O Lieb. Ann., 291, p. 6S.
( 813 )
chlorure exigée. Il faut évidemment peser avec rigueur
et éviter soigneusement de dépasser le but en versant.
Dans 550 centimètres cubes d'alcool absolu, contenus
dans un ballon surmonté d'un réfrigérant ascendant, on
introduit par petites portions 55^,4 de sodium. La dis-
solution achevée, on parfait avec de l'alcool absolu à
<>00 centimètres cubes.
A 100 grammes d'éther acétyl-acétique, contenus dans
un vase de Berlin placé dans de la glace, on ajoute
500 centimètres cubes de la solution d'éthylate de sodium
et l'on agite ce mélange jusqu'à ce qu'il se soit refroidi à
10° environ. On y verse ensuite goutte à goutte et en
remuant constamment (ce qui peut se faire à l'aide d'une
turbine), (>5S',75 de chlorure d'anisoyle, soit la moitié
de la quantité exigée pour 100 grammes d'éther acétyl-
acétique. On laisse reposer durant 15 minutes environ,
pendant lesquelles on peut anisoyler une seconde portion
d'éther. Cela fait, on reprend le premier vase, on y ajoute,
dans les mêmes conditions que précédemment, 150 centi-
mètres cubes d'éthylate de Na et 32s',87 de chlorure d'ani-
soyle; puis de même pour le second et ainsi de suite.
Les quantités respectives à ajouter successivement
sont :
(C6H4.0CH5 -i
30CL
NaOC.2H5.
65*r,75
500 centimètres cubes
32«r,87
150
»
16er,U
75
»
8er,22
58
»
4*r,H
t9
•
4<M 1
18
i
15lFr,50 000 centimètres cubes
( 814 )
L'anisoylisation achevée, on place le récipient sous un
exsiccateur : il est recommandable de faire l'opération
l'après-midi et de laisser reposer jusqu'au lendemain
matin.
On remarque qu'il ne se produit pas ici une cristallisa-
tion en masse, comme c'est le cas lors de la préparation
de l'éther benzoyl-acétyl-acétique, et que le NaCl se
dépose presque seul. Cela tient à ce que le dérivé sodique
de ce dernier éther est beaucoup moins soluble que celui
de l'éther anisoyl-acétyl-acétique. Cette circonstance rend
aussi la lîltration superflue dans le cas présent : la
majeure partie du produit resterait dans les eaux mères.
Pour extraire l'éther anisoyl-acétyl-acétique, on procède
le plus avantageusement de la façon suivante.
On soumet le produit de la réaction ci-dessus à la dis-
tillation au bain-marie et dans le vide, pour en enlever
la majeure partie de l'alcool. Le résidu est dissous dans
deux fois son volume d'eau. Après avoir jeté dans cette
solution quelques morceaux de glace, on l'additionne
d'acide acétique : l'épaisse huile brune qui se dépose est
reprise par l'éther. La solution éthérée est desséchée sur
du chlorure de calcium (au contact duquel il ne faut pas
la laisser trop longtemps), puis l'éther est enlevé par
évaporation dans le vide. L'huile qui reste est reprise
par une solution de carbonate de soude, qui dissout
l'éther anisoyl-acétyl-acétique. Ce dernier s'obtient pres-
que pur lorsqu'on précipite sa solution sodique par l'acide
acétique.
Un produit purifié par trois dissolutions dans la soude
et précipitations alternatives a donné à l'analyse :
0«r,2087 de substance ont donné 0«r,4845 C04
et 0sr,1H3 H,0.
(815 )
Trouvé. Calculé pour C^BieOs-
C = 65,31 % C = 03,63 •/.
H= 5,93°/. H— 6,06°/.
ïl se décompose lorsqu'on essaie de le distiller dans le
vide.
L'éther anisoyl-acétyl-acétique a pour formule
ur s ^^ — CH3
ny < CO — C6HtOCH3
COOC,HK.
A l'instar de l'éther benzoyl-acétyl-aeétique, l'éther
anisoyl-acétyl-acétique, en solution dans l'alcool, fournit
avec l'acétate de cuivre un dérivé métallique bleu clair
de la composition Ci^C^H^O^. Ce dernier cristallise
en petites tables de l'alcool bouillant, en courtes aiguilles
brillantes du chloroforme, dans lequel il est extrêmement
soluble.
Analyses :
I. 0er,1708 de substance ont donné 0«r,3558 C04,
0^,0785 H20 et 0^,0225 CuO.
II. 0*r,5295 de substance ont donné 0sr,0715 CuO.
Trouvé. Calculé pour Cu(C,4H,505),.
0 = 56,81°/. » 57,04%
H= 5,10 "/o » 5,09"/.
Cu = 10,54°/. 10,79 10,70'/.
( 816 )
Éther anisoyl-acétique
HâC — CO — C6H4 . OCHj
I
COOC,H5.
Nous savons que si l'on traite par les alcalis les diké-
tones portant à un même carbone le benzoyle et l'acétyle,
c'est ce dernier qui s'échange de préférence contre un
atome d'hydrogène. Dans le travail déjà cité (*), Claisen
décrit un mode de préparation de l'éther benzoyl-acétique
qui consiste simplement à secouer l'éther benzoyl-acétyl-
acétique avec une solution d'ammoniaque. Cette méthode
donnant d'excellents résultats, Claisen insiste sur la pos-
sibilité éventuelle de l'appliquer, combinée à sa méthode
de benzoylisation, à la préparation de tous les éthers acé-
toniques qui répondent à la formule générale R — CO
— CH2 — COOQ>Hr;, dans laquelle R — CO — désigne
un radical acide plus positif que l'acétyle.
Une première confirmation expérimentale de ce fait
est fournie par l'éther anisoyl-acétique que j'ai isolé.
Lorsqu'on ajoute à de l'éther anisoyl-acétyl-acétique
deux fois et demie son poids d'une solution d'ammoniaque
à 10 %, il se forme d'abord un précipité jaune de dérivé
ammoniacal. Si l'on secoue vigoureusement, la masse
s'échauffe spontanément et le sel disparaît peu à peu
pour faire place à une huile. Après vingt minutes environ,
la décomposition est complète, sans qu'il soit nécessaire
de chauffer. On reprend par l'éther, on lave la solution
C) Patçe 70.
( 817 )
éthérée à l'eau, on la sèche sur du CaCL>, <>n distille
l'éther et on rectifie dans le vide. La majeure partie du
liquide passe entre 140° et 142° sous 10 millimètres de
pression. Elle se compose d'éther anisoyl-acétique, ainsi
qu'en témoigne l'analyse suivante :
06r,IC65 de substance ont donné 0',5969 CO,
et 0*',0956 H,0.
Trouvé.
Calculé pour CliH140,i.
C = 65,00 •/.
64,86 •/.
H= <>,37%
6,30 •/.
L'éther anisoyl-acétique est un liquide incolore, doué
d'une odeur agréable, insoluble dans l'eau, miscible à
l'alcool et à l'éther. Sa densité, déterminée au pienomètre,
est 1,0558 à 19°. Le chlorure ferrique colore sa solution
alcoolique en rouge foncé. Avec l'acétate de cuivre, il
donne un dérive métallique vert-olive Ci^C^H^O^, cris-
tallisable de l'alcool et du chloroforme en petites aiguilles
qui se décomposent à 180°.
L'analyse a donné :
I. 0sr,1500 de substance ont donné Oer,5150 CO*,
0*r,0700 Hs0 et 0sr,0237 CuO.
11. 0sr,191o de substance ont donné 0<?r,0298 CuO.
Trouvé. Calculé pour Cu(C12H130,i)ï.
C — 56,90 % » 57,03 %
H= 5,19% » 5,15%
Cu = 12,61 % 12,44 12,47%
Traité, en solution dans l'acide acétique glacial, par
le chlorhydrate d'hydroxylamine, l'éther anisoyl-acétique
I 818 )
donne naissance à un produit qui semble l'analogue de la
phénylisoxazolone :
CH50 — C6h\ — C = 0 ll2i\OH CHsO . C6H,— C = N
| =• | >0 + C,H604
H2C — COOC,HB H,C — C = 0
Ce corps cristallise de l'alcool bouillant en longues
aiguilles jaunes, fusibles à 145° en se décomposant.
Il est peu soluble dans la ligroïne, aisément soluble à
chaud dans le benzol et soluble à froid dans les alcalis.
Sa solution alcoolique donne avec FeCl3 une solution
noir d'encre; elle réduit le nitrate d'argent ammoniacal.
Une analyse n'ayant pu être faite, je m'abstiens pro-
visoirement de conclure à la présence certaine à'anisyli-
soxazolone.
La saponification de l'éther anisoyl-acétique par la
potasse alcoolique ne m'a pas réussi; même à froid, ce
réactif dédouble la substance en acétate et anisate de
potassium.
Lors de la distillation de l'éther anisoyl-acétique, il
reste comme résidu une masse solide, brune, d'aspect
cristallin, peu soluble dans l'éther et l'alcool, aisément
soluble dans le chloroforme. Pour extraire la partie utile
de ces résidus de distillation, on les traite à plusieurs
reprises par l'éther bouillant et l'on dissout le résidu d;ins
le chloroforme. On ajoute de l'alcool jusqu'à apparition
d'un trouble, on rechauffe et on laisse cristalliser. Il se
dépose bientôt des paillettes cristallines, jaune d'or,
miroitantes, très légères. Ce composé fond à 191°; il est
insoluble dans tous les dissolvants neutres, à part le
chloroforme qui le dissout abondamment et l'alcool bouil-
lant dans lequel il se dissout quelque peu.
( 819 )
Par son mode de formation et par ses propriétés, ce
produit présente la plus grande analogie avec les acides
déhydracétique et déhydro-benzoyl-acétique. Aussi ai-je
cru pouvoir le considérer comme acide déhydro-anisoyl-
acétique et interpréter sa formation par le schéma sui-
vant (*) :
lOCJhVtio
/ r \
0=C C-CJVOCH-,
I II
CH5OC6H4-CO-CH CH
\T /
;HC2H50:C=0
Éther anisoyl-acétique (2 mol.!.
0
A
0=C C-C6h\.OCH5
I II
=CH3OC6Hi-CO-CH CH -+ 2C2HsOH.
V
c
II
o
Acide déhydro-anisoyl- acétique.
Les résultats de l'analyse confirment cette interpréta-
tion :
0f?r,t65o de substance ont donné 0er,4125 COs
et 0er,0687 H20.
Trouvé. Calculé pour C20H1606.
C = 67,91% 68,18 •/.
H= 4,61 °/o 4,55%
L'acide déhydro-anisoyl-acétique fournit avec l'acide
(") Ce schéma est conforme à l'interprétation que Feist (Lieb. Ann.,
257, p. 213) donne de la formation de l'acide déhydro-acétique aux
dépens de l'éther acétyl-acétique.
( 8g20 )
sulfurique concentré une solution rouge-orange. Chauffée,
cette solution se fonce pour devenir brune avec fluores-
cence verte. Chauffée plus fort, elle pâlit et finit par
perdre entièrement sa coloration. Celle-ci ne réapparaît
ni par refroidissement ni par addition d'eau.
La solution alcoolique de l'acide, additionnée d'une
goutte de FeCl-, donne une magnifique coloration rouge-
pourpre.
L'acide déhydro-anisoyl-acétique est soluble à froid
dans l'ammoniaque. Si l'on abandonne cette solution à
elle-même, il s'y forme après quelque temps un dépôt
jaune qui est de l'acide inaltéré.
La solution ammoniacale neutralisée exactement par
l'acide nitrique donne avec AgN05 un précipité caséeux
jaunâtre, résistant à la lumière, soluble dans l'ammo-
niaque.
Si je me suis décidé à publier dès à présent les résul-
tats encore bien incomplets de mes recherches, c'est que,
par suite de circonstances indépendantes de ma volonté,
mon travail doit être momentanément interrompu, et
que je désire me réserver l'étude de l'éther anisoyl-acé-
tique et de ses dérivés. Dans quelque temps je repren-
drai mes recherches et aurai l'honneur d'en soumettre les
résultats à l'Académie.
Ce m'est un agréable devoir de remercier M. Je pro-
fesseur Claisen, ainsi que son assistant, M. le docteur
E. Haase, pour la bienveillance qu'ils n'ont cessé de me
témoigner au cours de mon travail.
Aix-la-Chapelle, mai 1897.
Organisches Laboratorium der Kônigl. Technischen
Hoehscliule.
( 821
Sur les dérivés mercuriques halogènes de l'antipyrine; par
C. Schuyten, docteur en sciences.
Je demande respectueusement à l'Académie la per-
mission de soumettre à son appréciation les résultats de
mes recherches sur la préparation et les propriétés des
chlorure, bromure, iodure et cyanure doubles de mercuri-
cum et d'antipyrine.
Chlorure double de mercuricum et d'antipyrine.
Ce composé a déjà été préparé et décrit (*). Il a pour
formule : CnH^N^O. HgCL>. Je crois qu'il ne sera pas
inutile de compléter ici l'étude de cette combinaison
intéressante.
Ses meilleurs dissolvants sont l'alcool et l'eau; le dis-
solvant le moins actif est l'éther sulfurique; on peut le
faire dissoudre, surtout à chaud, et dans des proportions
variables, dans le benzène, le toluène, le sulfure de car-
bone.
L'évaporation lente de tous ces dissolvants donne
généralement des résidus qui, examinés même à la loupe,
paraissent amorphes. L'examen microscopique n'a rien
décelé de bien intéressant non plus sous ce rapport.
(*) Schuyten, Maandbl. v. Natuurw., 7-8, 1895; Hirsch, Ber. pharm.
Ges., 6, 1896
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 54
( 822 )
Ainsi le résidu provenant de la solution aqueuse se
présente en petites aiguilles pointues isolées; celui de
l'alcool est composé d'une multitude de petits globules
bien distincts les uns des autres; l'étber donne des masses
opaques, assez rares, de forme variable; le benzène
montre des corpuscules irréguliers très nombreux; le
toluène, des points épars; le sulfure de carbone, des
masses irrégulières denses. Tous ces résidus, du moins
ceux qui m'ont paru transparents, s'éteignent quand on
tourne le nicol inférieur. Dans aucun cas, je n'ai pu
caractériser une forme cristalline nette dans les condi-
tions d'évaporation que je viens de décrire.
La solution aqueuse est neutre au papier de tournesol;
or les sels mercuriques solubles le rougissent; I'antipy-
rine donc, qui n'a pas d'action sur ce réactif à l'état
libre, possède des propriétés basiques suffisamment fortes
pour enlever au chlorure mercurique ses caractères
acides (*).
L'hydrogène sulfuré donne, dans les solutions primitive,
acidulée ou alcaline, un précipité blanc d'abord, puis
jaune, puis noir intense, soluble dans le sulfure de sodium
alcalin, insoluble dans les acides; ce précipité est du
HgS pur.
La soude caustique, ajoutée en excès, ne donne d'abord
rien; puis, lentement, il se forme un louche jaune à trans-
parence verdàtre; à l'ébullition, le liquide ne paraît pas
changer sensiblement ; ce n'est qu'après un repos d'une
(*/ J'ai fait une remarque analogue pour le CdCl2. Voir Bull. Acad.
roij. de Belg., 3* série, t. XXXII, p. 869.
( 823 )
heure environ qu'on peut remarquer au fond du tube un
léger dépôt jaune.
L'ammoniaque, bien que chassée de ses sels par l'anti-
pyrine. est assez forte pour produire un trouble blanc de
chloramidure de mercure.
Le chlorure stanneux, on solution chlorhvdrique, donne
un précipité blanc qui ne devient pas gris par l'addition
d'un excès de réactif; le précipité est lourd et se dépose-
rapidement; ce n'est que quand on laisse reposer long-
temps que les flocons se foncent; à l'ébullition, au con-
traire, la précipitation métallique s'opère tout de suite.
Le ferrocyanure de potassium produit un précipite
blanchâtre qui se dissout par l'agitation; à l'ébullition, le
liquide devient vert-bleu.
Une lame de cuivre bien décapée et bien brillante,
plongée dans la solution aqueuse du chlorure double de
mercuricum et d'antipyrine, se recouvre après quelque
temps d'une couche de matière grisâtre; séchée et frottée
avec un morceau de laine, elle ne donne pas le beau
miroir obtenu dans les mêmes conditions avec le mercure
métallique, mais un dépôt noirâtre brun, susceptible éga-
lement d'un beau brillant; chauffé dans le tube, il donne
un sublimé blanc dans lequel la loupe ne permet pas de
distinguer des globules; mais l'iode en vapeur a parfaite-
ment donné de l'iodure mercurique rouge et jaune. Le
cuivre semble donc précipiter des produits de décompo-
sition autres que le mercure libre.
Le couple galvanique, composé d'une lamelle de pla-
tine et d'une lamelle d'étain, plongée dans la solution
aqueuse du chlorure double, provoque la précipitation
totale du mercure sur les parois de la capsule dans laquelle
( SM )
on opère, sur la lamelle de platine, mais surtout abon-
damment sur l'étain.
Le nitrate d'argent donne un précipité blanc dont le
caractère principal est d'être très résistant à l'action de
la lumière solaire; le lendemain de sa formation, il
n'était pas encore devenu violet.
Le nitrate mercureux donne un précipité blanc de
chlorure mercureux, avec ses caractères habituels.
L'acétate de plomb n'a rien produit, peut-être bien à
cause de la faible concentration de la solution examinée.
Quand on pulvérise la substance organique sèche avec
du peroxyde de manganèse également sec et qu'on y
verse de l'acide sulfurique concentré, on constate d'abord
que celui-ci ne noircit pas le produit blanc qu'on peut
encore distinguer dans la masse; mais quand on chauffe,
le tout devient très noir et il se dégage un mélange
gazeux dans lequel j'ai pu distinguer de l'acide chlorhy-
drique, mais pas de chlore.
L'addition de l'acide sulfurique concentré au mélange
sec bien pulvérisé de la substance avec le chromate de
potasse, provoque une très vive réaction et unéchauftement
considérable du tube; il se dégage encore un mélange de
plusieurs gaz parmi lesquels j'ai caractérisé l'acide chlor-
hydrique; pas d'oxychlorure de chrome. Le résidu de la
réaction est vert.
La solution aqueuse, additionnée de quelques gouttes
d'une solution de nitrite alcalin, acidifiée ensuite par
l'acide acétique, donne immédiatement la coloration
verte typique pour la phényl-diméthyl-pyrazolône; la cou-
leur, toutefois, n'est pas stable : elle passe insensiblement
au jaune pâle.
( 825 )
Bromure double de mercuricum et d'antipyrine.
On peut préparer ce corps en traitant la solution
aqueuse du chlorure double correspondant par le KBr,
ou bien en mélangeant les solutions des components pris
en proportion convenable. J'ai trouvé que la meilleure
façon d'obtenir un rendement quantitatif est la suivante :
on dissout dans l'alcool l'antipyrine et le bromure mer-
curique, pris dans le rapport de leurs poids moléculaires,
on laisse refroidir s'il est nécessaire, et on mélange les
solutions froides; si alors on secoue en agitant en même
temps avec une baguette, il se produit une abondante
précipitation blanche, pulvérulente, lourde, qu'on peut
mettre tout de suite dans l'exsiccateur après lavage à l'al-
cool. Il faut éviter de mélanger les solutions chaudes des
components, car alors le produit est jaune; il ne faut pas
porter non plus le corps encore mouillé dans l'étuve, ni
le soumettre longtemps à l'action d'une chaleur même
modérée (70°), car, dans ces deux cas, le composé perd
rapidement sa belle blancheur.
Dans le tube, il fond en un liquide jaune clair qui se
fonce lentement et passe au rouge grenat; puis il se forme
des vapeurs blanches de HgBr2 en abondance; finale-
ment on a un charbon épais, difficile à brûler.
Point de fusion, déterminé dans l'appareil Anschùtz-
Schulz : 105° (non coor.) (*).
(*) On peut sécher le corps à 97°-100° sans que sa composition
s'altère; une analyse l'a prouvé; seulement il faut qu'il ait séjourne
au préalable assez longtemps dans l'exsiccateur ; ensuite il a perdu sa
blancheur et est devenu rose pâle.
( 826 )
L'analyse a démontré qu'il faut attribuer au corps cette
formule :
C„HlaN,0 . HgBiv
En voici les résultats :
SUBSTANCE.
HgS.
AgBr.
0,2030
0,2300
0,07543
0,1546
Exprimés en %, on obtient :
Hg
Br
Trouvé.
Calculé.
37,15
36,49
-28,f)0
29,19
Les meilleurs dissolvants du bromure double de mer-
curicum et d'antipyrine sont l'alcool, le benzène, le
toluène; le corps est peu soluble dans l'eau, le chloro-
forme, l'éther sulfurique, le sulfure de carbone.
L'évaporation spontanée de ces solutions ne donne pas
des formes cristallines décelables à la loupe. Au mi-
croscope, le résidu d'évaporation d'une solution aqueuse
est formé d'une couche uniforme de petits globules
amorphes en apparence; ils ne s'éteignent pas complè-
tement sur fond noir. Avec l'alcool comme dissolvant, on
obtient de petits globules très rapprochés les uns des
autres et qui s'éteignent également quand on tourne le
Tiicol inférieur; mais si on place sur le porte-objet une
certaine quantité de substance, qu'on l'arrose d'alcool et
( 827 )
qu'on en dissout une certaine partie en agitant le liquide
avec un fil de platine, on obtient un résidu global dont
les morceaux qui n'ont pas été en dissolution restent
transparents sur fond noir, tandis que le reste, le résidu
d'évaporation, se comporte comme ci-dessus. Le chloro-
forme et l'éther donnent des agglomérats sans forme régu-
lière avec de petits points brillants. Le benzène produit
des petits mamelons transparents, à l'aspect huileux; il
en est de même pour le toluène; mais quand on les
examine sous un grossissement convenable et qu'on
tourne avec précaution la vis micrométrique, les globules
provenant du toluène présentent trois cercles bien
tranchés, offrant une résistance différente au passage des
rayons lumineux; au centre, on observe un petit point
étincelant ; ils s'éteignent sur fond noir; les globules
provenant du benzène peuvent affecter, à un moment
donné, un aspect vert bleuâtre; alors on observe très
nettement qu'ils ont une forme hexagonale régulière,
qu'ils forment un hexagone dont les six côtés sont égaux ;
ils s'éteignent. Les globules provenant du sulfure de car-
bone présentent aussi un centre lumineux, avec des cercles
verts et rouges; le bord est sombre; ils s'éteignent.
L'hydrogène sulfuré, conduit à l'état gazeux dans la
solution primitive, alcaline ou acide, provoque la forma-
tion d'un précipité noir de HgS, avec ses caractères connus.
La soude caustique ne donne aucun précipité, non plus
quand on ajoute un excès de réactif et qu'on fait bouillir;
on peut observer à peine une trace de changement de
couleur du liquide bien incolore et transparent.
L'ammoniaque produit un précipité blanc jaunâtre,
floconneux; on obtient ce même résultat quand on fait
( 828 )
agir la soude en présence d'un sel ammoniacal, comme le
chlorure ammonique.
Le peroxyde de soude donne un précipité jaune d'oxyde
de mercure, qui rapidement se fonce et passe à l'état
métallique ; la précipitation métallique est complète, car
un courant d'hydrogène sulfuré, dirigé jusqu'à refus dans
le liquide alcalin filtré, n'y produit aucun trouble.
L'iodure de potassium se comporte d'une façon très
curieuse : quand on ajoute ce réactif au liquide primitif,
on obtient un précipité jaune verdâtre, qui passe au blanc
quand on secoue, pour disparaître ensuite et faire place
à un trouble rougeàtre transparent; celui-ci est soluble
dans un excès d'iodure de potassium.
A froid, le ferrocyanure potassique ne produit rien; mais
à l'ébullition, il y a formation de bleu de Prusse et colo-
ration verte de la liqueur.
Le chlorure stanneux chlorhvdrique précipite un corps
blanc volumineux ; une nouvelle addition de réactif ne le
réduit pas à l'état métallique; il ne devient gris-noir
qu'à l'ébullition.
Un couple galvanique (Sn ■+- Pt) produit un dépôt
métallique sur le platine, mais abondamment sur l'étaiu ;
seulement il est lent à se produire. Une baguette d'étain
donne le même résultat ; mais j'ai pu remarquer que
toujours la formation du trouble noir-gris est précédée
de la formation d'un précipité blanc floconneux, léger;
il est très possible que cette réaction se rapporte à
l'action précitée du chlorure stanneux.
Une lame de cuivre convenablement préparée se re-
couvre d'une couche de substance qui, séchée, est blan-
châtre; quand on la chauffe dans un tube, il se sublime un
composé blanc qui, examiné à la loupe, ne semble pas
( 829 )
se composer des globules de mercure bien caractéristiques
devant se produire dans ces conditions; toutefois, quand
on les traite par l'iode en vapeurs, il se convertit en
sublimé rouge de IIgL2.
Le nitrate d'argent, ajouté en excès, l'ait apparaître un
louche blanc, qui ne se réunit pas en cailleboté quand on
agite la liqueur; mais aussitôt qu'on acidulé par l'acide
nitrique étendu, le cailleboté se forme instantanément;
l'ammoniaque dissout le louche et fonce le liquide. L'eau
de chlore ne met pas le brome en liberté; il n'y a aucun
trouble, aucun changement de couleur; non plus quand
on fait bouillir.
C}uand on verse sur le mélange intime, sec, de peroxyde
de plomb et de bromure double de mercuricum et d'anti-
pyrine, de l'acide sulfurique concentré, il y a élévation
de température et la masse devient vert brunâtre; il se
dégage peu de gaz; si on chauffé, la réaction s'active et
il se dépose sur les parois froides du tube un corps
volatil blanc, amorphe à la loupe; il se dégage beaucoup
d'anhydride sulfureux, reconnaissable à l'odeur, mais pas
de brome.
Le bromure double, chauffé avec la solution concentrée
aqueuse de bichromate alcalin, additionnée d'acide sulfu-
rique, rend le liquide noir verdàtre à l'ébullition ; à cette
température, la réaction continue d'elle-même et il se
forme des vapeurs à odeur pyridique; pas de brome.
Le chlorure d'or, à froid, ne donne rien; mais à l'ébul-
lition, il y a coloration brune quand on regarde dans le
liquide de haut en bas, coloration verte quand on tient le
tube contre la lumière; odeur de substance aromatique
bromée; peu de temps après, on voit les parois de
( 830 )
réprouvette se couvrir, jusqu'à la hauteur du liquide,
d'un joli miroir rouge cuivré, à reflet métallique (*).
L'acide nitrique concentré colore la solution primi-
tive en jaune pâle; à l'ébullition, il se forme une teinte
rougeâtre faible; il est possible que la mise en liberté du
brome, se portant immédiatement sur le noyau anti-
pyrique, empêche la formation franche de la coloration
rouge-rubis ordinaire.
L'acide nitreux (KNOâ ■+- C2H402) donne tout de suite
la coloration verte, qui s'accentue d'abord, atteint un
point maximum d'intensité et diminue ensuite lentement.
Todure double de mercuricum et d'antipyrine.
J'ai vainement tout tenté pour préparer ce corps. Je
crois pouvoir affirmer qu'il ne peut pas exister dans les
conditions ordinaires de pureté et de température.
Quand on attaque par la chaleur l'iodure mercurique
;*) J'attribue cette métallisation de l'or à la présence de l'antipy-
rine, qui, comme matière organique, a naturellement des propriétés
réductrices; et ce qui le prouve, c'est que le HgBr2 ainsi que les bro-
mures alcalins (K, Na) ne donnent pas cette réaction; mais aussitôt
qu'on ajoute un peu de l'alcaloïde à la solution, le trouble brun café
apparait sans donner toutefois, à l'ébullition, le miroir de cuivre.
Celui-ci d'ailleurs ne se produit pas toujours: il m'a semblé qu'il faut
chauffer doucement et n'élever la température jusqu'à l'ébullition que
très lentement.
J'ai tenu à insister quelque peu sur cette réaction parce que, autant
que je sache , on ne connaît pas l'or précipité avec les caractères
extérieurs du cuivre vc'est parfois à s'y méprendre) et parce que,
dans le système Mendeléeff, le Cu, l'Au et l'Ag sont réunis dans un
même groupe.
; 83i }
en suspension dans une solution aqueuse d'anti pyrine, la
couche supérieure de la poudre rouge pâlit et devient
orange; on observe qu'il s'opère un phénomène de disso-
lution; l'évaporation de cette solution donne l'antipyrine
inaltérée avec, dans sa masse, de petits points rouges
observables à la loupe; les parties orangées non dissoutes
par le lavage redeviennent rouges.
J'ai eu recours alors à l'alcool comme dissolvant, et
j'ai mélangé les solutions alcooliques des components,
pris tous deux dans la proportion de leurs poids molé-
culaires. Le liquide abandonné dans un ballon fermé
dépose après quelque temps des cristaux jaunes et rouges;
finalement, tous sont rouges. L'iodure mercurique dissous
seul dans l'alcool se comporte exactement de la même
manière. En outre, j'ai examiné ces cristaux à l'action
de la chaleur et je n'ai pas pu constater la présence de
l'antipyrine.
Je crois bien que ces laits indiquent qu'il faut renoncer
à préparer l'iodure de mercuricum et d'antipyrine par
addition directe.
J'ai essayé ensuite la double décomposition, et j'ai
traité le chlorure double correspondant, en solution
aqueuse, par l'iodure de potassium. Il se forme un préci-
pité jaune qui se fonce de plus en plus au fur et à mesure
que l'on continue l'addition du réactif ; finalement,
il se sépare de l'iodure de mercure rouge, avec ses carac-
tères ordinaires. Cette méthode refuse donc également
ses services, et j'en suis réduit à dire que je n'ai pas
pu constituer l'iodure double de mercuricum et d'anti-
pyrine.
( 832 )
Cyanure double de mercuricum el d'antipyrine.
J'ai obtenu ce corps, au commencement, en évaporant
dans le dessiccateur le mélange des solutions aqueuses
des components pris tous deux dans la proportion des
poids moléculaires. On obtient ainsi, après quelque temps,
de beaux prismes clinorhombiques transparents, qui peu-
vent atteindre jusqu'à 1 centimètre de longueur, avec un
diamètre (diagonale des angles obtus) de I millimètre.
Toutefois, s'il s'agit d'obtenir le produit rapidement et
eu quantité convenable, on mélange les solutions chaudes
un peu concentrées et, pendant le refroidissement à l'air
libre, on remue le liquide avec un agitateur; il se forme
alors une abondante cristallisation sous forme de petits
prismes allongés ayant l'aspect d'aiguilles ; on laisse
reposer un peu, on décante l'eau mère et on recristallise
de l'eau bouillante. La masse blanche donne de très
jolies couleurs quand on y fait jouer la lumière. Séchés,
les cristaux conservent leur parfaite transparence. Chautfé
dans le tube, le corps émet des vapeurs blanches épaisses;
il reste un charbon abondant, difficile à brider.
Dans l'appareil Anschiitz-Schulte, un cristal de 5 milli-
mètres de longueur se trouble entre 160° et 165°, el devient
laiteux; il reste en cet état jusqu'à 224°, température à
laquelle il fond en un liquide jaune transparent; il m'a
semblé voir des vapeurs blanches dans le tube capillaire,
se condensant sur les parois en dépôt blanc ; peut-être
bien que le trouble blanc laiteux dont je viens de parler
est dû précisément à la mise en liberté d'un corps volatil
blanc.
( 855 )
L'analyse conduit à la formule CnHiaNgO.HgCya. J'ai
dosé le mercure à l'état de sulfure, en me basant sur la
propriété du cyanure de mercure d'être complètement
décomposé par l'hydrogène sulfuré. Le cyanogène a été
transformé en cyanure d'argent; j'ai pesé l'argent métal-
lique après calcination du cyanure. Pour mettre l'acide
cyanhydrique en liberté, j'ai employé la méthode de
Heintzsch, qui dose l'HCN du HgCy2 en traitant celui-ci
par l'hydrogène naissant (acide sulfurique -+- quelques
gouttes d'acide nitrique -+- zinc grenaille) et en recueil-
lant les gaz produits dans une solution aqueuse de nilrate
argentique. L'évacuation complète de l'appareil par un
courant d'air pur demande plusieurs jours, ce qui est dû
sans doute à la lenteur de la réaction; on ne perçoit, en
effet, qu'un très faible dégagement de gaz, et, au lieu du
départ tumultueux habituel de l'hydrogène, on n'observe
que l'amalgamation du zinc, qui se trouve ainsi soustrait
partiellement à l'action directe de rH2S04.
SIBSTANCL.
HSS.
A-.
0,3453
0,2003
0,10745
0,1605
Ces résultats exprimés en "/„ donnent
Trouvé.
Calculé.
Hg .
. . 40,13
45,45
CN . . .
11,29
11,81
LTn courant d'hydrogène sulfuré, conduit dans la disso-
lution aqueuse du cyanure double de mercuricum et
( «34 )
d'antipyrine, donne d'abord une coloration brune, puis
une précipitation noire fine de sulfure mercurique. La
soude caustique, les cyanures alcalins et l'acide nitrique
ne dissolvent le précipité ni a chaud ni à froid; à
lébullition, le sulfure se réunit en grumeaux fins qui se
rassemblent complètement au fond; en présence de la
soude, ce phénomène est peu net. L'acide chlorhydrique
concentré ne change pas, à froid, sensiblement l'aspect du
liquide louche tenant le HgS en suspension; mais à chaud,
la dissolution est complète et le liquide est incolore,
transparent. Le sulfure de sodium ne semble pas modi-
fier la précipitation; à chaud, le louche perd de son opa-
cité; et quand on ajoute un peu de soude, la dissolution
est complète à froid. Tous ces caractères montrent de la
façon la plus évidente que la présence de l'antipyrine ne
modifie en rien l'action de l'acide sulfhydrique sur le
HgCy2 inaltéré dans la molécule, que, par conséquent, le
précipité obtenu est du HgS pur et qu'une combinaison
additionnelle de HgS et d'antipyrine ne se produit pas
dans ces circonstances. Le sulfure obtenu après acidifica-
tion par l'HCl et départ de la majeure partie de l'acide
prussique, est également du HgS pur. Si on alcalinise
par la NaOH, le précipité noir se redissout quand on pro-
longe le courant d'hydrogène sulfuré, ce qui est dû évi-
demment à la formation du sulfure de sodium dans lequel
le sulfure de mercure est soluble.
La soude, l'ammoniaque, le ferrocyanure potassique
ne produisent aucun changement, ni à froid ni à chaud.
Le peroxyde de sodium, qui, comme on sait, décom-
pose complètement la plupart des sels de mercure (*),
O Schuyten, Ckem. Ztg., 1896, 20. 25.
( 835 )
avec dépôt du métal lourd, agit sur le cyanure de mercure
d'une façon très typique. Après la réaction (départ vio-
lent d'oxygène et d'ozone), la liqueur est jaune et au fond
de la capsule en porcelaine on n'observe aucun dépôt ;
quand on chauffe, il se forme un précipité gris en petite
quantité : c'est du mercure ; si on fait bouillir le liquide
décanté bien clair, il se forme un louche à peine percep-
tible, mais net; un courant d'hydrogène sulfuré y provo-
que immédiatement un précipité noir. La séparation du
mercure par le Na^O.) est donc incomplète. J'ai tenu à
comparer ces réactions avec celles qu'on peut observer
avec le cyanure de mercure traité dans les mêmes condi-
tions : le peroxyde alcalin donne tout de suite le dépôt
gris, mais la séparation du métal est incomplète aussi, car
l'hydrogène sulfuré décèle également le mercure en
abondance dans le liquide décanté. Ces résultats ne doi-
vent pas trop nous étonner si nous nous rappelons
que le HgCy2 est une substance qui se combine avec la
plus grande facilité aux sels les plus divers; puisque
l'oxygène et l'ozone, à l'état naissant, sont capables de
mettre une partie du mercure en liberté, du cyanogène
devient libre aussi et se combine au Na détaché du
superoxyde; ce nouveau cyanure peut se combiner au
HgCy2 (*); il devient donc probable qu'il se forme un
cyanure double ou triple très complexe, empêchant toute
précipitation métallique ultérieure, d'autant plus que la
soude caustique, même bouillante, n'altère ni le cyanure
mercurique ni les cyanures doubles que celui-ci peut con-
tracter.
O Gmelin a décrit entre autres HgCy2. 2KCy.
( 836 )
Le chlorure stanneux , en solution chlorhydrique ,
donne un précipité blanc devenant gris, puis noir; il est
composé d'un mélange d'étain et de mercure; en effet,
quand on lave le dépôt, qu'on le sèche prudemment et
qu'on le chauffe ensuite, on obtient un miroir de mercure;
il reste un petit résidu grisâtre, en faible quantité, qui ne
peut être que de l'élain.
L'iodure de potassium ne donne rien non plus quand
on chauffe; si l'on acidifie par l'acide chlorhydrique
étendu, le liquide jaunit légèrement et, après refroidisse-
ment, il se forme un dépôt blanc jaunâtre.
Un élément galvanique (Sn -f- Pt) plongé dans la solu-
tion acidulée par l'acide chlorhydrique, sépare du mer-
cure en partie dans le fond du vase, en partie sur la lame
de platine.
Une goutte de la solution aqueuse, déposée sur une
lame de cuivre bien décapée, produit après peu de temps
une tache noire, qui, après lavage et séchage, ne s'enlève
point quand on la frotte avec un papier buvard.
Les acides provoquent un dégagement d'acide cyanhy-
drique, et il m'a semblé que c'est l'acide chlorhydrique
qui amène la décomposition la plus complète, ce qui
répondrait aux résultats publiés par P.-C. Plùgge (*) au
sujet de la décomposition du cyanure de mercure par les
acides.
Le nitrate argentique ne donne pas tout de suite un pré-
cipité; il se forme d'abord, après quelques minutes, un
louche blanc bleuâtre qui ne s'accentue que très peu à
froid et à chaud ; si l'on ajoute un peu d'acide nitrique, il
O Plugge, Ztschr. anal. Chem., 18, 408.
( 857 )
disparait immédiatement. Le louche produit n'est donc
pas simplement du A.gCy.
Le mélange de sulfate ferreux -+- chlorure ferrique,
acidifié par quelques gouttes d'acide chlorhydrique, ne
produit rien; on observe seulement que le sel ferrique
tend à se décolorer; l'addition de NaOH fait apparaître
un précipité floconneux, dense, vert foncé, qui se dissout
complètement dans l'acide chlorhydrique et ne laisse pas
d'emblée du bleu de Prusse insoluble; il y a dégagement
d'acide prussique et le liquide vert-herbe se trouble sen-
siblement; le lendemain, il s'est formé un dépôt bleuâtre
pâle.
L'acide picrique, à chaud, ne donne aucune coloration.
L'hyposulfite de soude, à la boucle de platine, mélangé
au composé à la façon ordinaire, forme un sulfocyanure
reconnaissable à son action sur les sels ferriques.
Quelques gouttes de la solution aqueuse ajoutées à une
solution d'iodure d'amidon acidifiée par l'acide sulfurique,
décolorent celle-ci immédiatement.
L'hydrogène sulfuré chasse tout l'HCy du cyanure dou-
ble, soit que celui-ci se trouve dissous ou en suspension
dans l'eau.
J'ai pu caractériser le noyau antipyrique inaltérable
par ses réactifs ordinaires.
L'acide nitrique concentré donne une coloration rouge
un peu plus tardive qu'à l'ordinaire et après refroidisse-
ment elle s'affaiblit lentement.
La production de la coloration verte sous l'influence de
l'acide nitreux (KN02 ■+- C2H4O2) est favorisée par le
chauffage et l'agitation, mais n'apparaît pas immédiate-
ment; il est aisé de s'imaginer que l'HCy libéré n'est pas
étranger au phénomène.
5me SÉRIE, TOME XXXIII. 55
( 838 )
Il existe maintenant encore quelques réactions qui sont
propres à la molécule HgCy2 et que j'ai examinées aussi.
Quand on verse une solution aqueuse de chlorure de
chaux du commerce dans une solution aqueuse du cya-
nure mercurique, il se produit au hout de quelques
secondes un trouble laiteux accompagné d'une très vive
effervescence; d'après les auteurs, il y a mise en liberté
et départ violents de CN •+- N -+- C02. Dans la solution
aqueuse du cyanure double de mercuricum et d'antipy-
rine, rien de semblable: le liquide reste clair, il n'y a
pas d'effervescence, donc pas de départ de gaz; je n'ai pu
obtenir aucune bulle; le liquide regardé de haut en bas
apparut jaune clair.
Le brome, ajouté au cyanure mercurique solide, attaque
fortement ce composé, surtout si on encourage la réac-
tion par une chaleur même modérée; l'addition, après
quelques instants, de quelques gouttes de soude caus-
tique, produit encore une vive réaction avec formation de
HgO jaune. Le brome chasse donc le Cy du HgCy2. J'ai
observé qu'il en est de même pour le cyanure double
organique; seulement, il se forme à la surface du liquide
qui tient l'oxyde jaune en suspension une huile rouge
qui se solidifie bientôt et est composée surtout de bro-
mure d'antipyrine.
L'iode mis en présence de HgCy2 colore celui-ci en
rouge. Si on triture HgCy2 -+- T, on obtient une poudre
rouge homogène qui, chauffée, redevient blanche sans
émettre des vapeurs d'iode; mais bientôt il se sublime de
l'iodure mercurique jaune et rouge. L'iode chasse donc,
comme le Br, le Cy du HgCy2 (Davy). Si on fait les
mêmes opérations avec le cyanure double de mercuricum
et d'antipyrine, on obtient par le triturage une masse
( 859 )
jaune-brun pins ou moins collante, qui, chauffée, donne
d'abord une belle sublimation blanche floconneuse, en
aiguilles, d'une odeur pénétrante très forte (j'ai pu carac-
tériser Cyl), puis des vapeurs diode, puis un résidu char-
bonneux. J'ai donc assisté à ce phénomène curieux que
l'iode, en présence du noyau antipyrique, a plus d'affi-
nité pour le cyanogène que pour le mercure, et le lait
qu'il se forme des vapeurs d'iode après la sublimation
du Cyl, semble prouver qu'il s'était produit aussi de l'io-
dure d'antipyrine.
Il se trouve indique et il est généralement admis
(d'après Johnston et Schlieper) que le cyanure mercu-
rique dissout l'oxyde correspondant en quantité considé-
rable; j'ai pu constater que cela est, en effet, le cas pour
l'oxyde jaune, tandis que l'oxyde rouge se montre, au
contraire, très rebelle à la dissolution dans le HgCy2. (I
en est de même pour C^H^NgO.HgCyâ.
Appendice.
L'ensemble des faits qui précèdent permet de donner
;i cette nouvelle série de combinaisons la formule de
constitution générale suivante :
dans laquelle R' représente le résidu halogénique mono-
valent. Le mercure, élément mono- ou divalenl suivant
les cas, se combine à l'antipyrine à l'état maximum et con-
( 840 )
tracte des combinaisons dans lesquelles le noyau mercu-
rique semble rester en son état primitif, bien que cer-
taines réactions indiquées dans les pages qui précèdent
ne répondent nullement aux réactions des sels mercu-
riques. Mais il y a plus. Pourquoi l'atome métallique,
dans ses combinaisons additionnelles, ne fixe-t-il pas un
nombre de molécules antipyriques en rapport avec sa
valence? Nous savons que les composés du zinc (Van
Itallie) et du cadmium (Schuyten) fixent deux noyaux de
base, et ceux du ferricum (Hasse-Schuyten), trois. Dans
les combinaisons des sels mercuriques avec l'antipyrine,
le phénomène se présente donc comme si le métal pas-
sait au minimum, ou mieux peut-être comme s'il perdait
en partie de ses propriétés d'élément maximum; qui sait
s'il ne prend pas une position intermédiaire entre les
deux états de saturation habituels? Et ce qui semble don-
ner quelque poids à cette manière de voir, c'est le fait
que le calomel refuse de s'additionner à la phényldimé-
thylpyrazolône; il donne le chlorhydrate de cette base,
du sublimé, de l'oxyde de mercure et du mercure (*). Le
passage de l'état maximum à l'état minimum incomplet
pourrait se représenter graphiquement comme je viens
de le faire dans le dessin ci-dessus: un des atomes d'ha-
logène quitterait l'atome métallique auquel il se trouve
lié par aflinité et irait se porter sur l'atome N qui fixe
déjà la moitié des valences du mercure; l'azote méthy-
lique groupant ainsi dans la sphère de son activité deux
éléments à caractères électriques opposés, me semble
donner l'image de la possibilité du principe que j'avance.
0 Wekner, Pharm. Ztg., 1896, 41, 395.
( 841 )
à savoir : qu'i/ existe un étal de saturation intermédiaire
cuire l'étal maximum et l'état minimum des combinaisons du
mercure et qu'elles affectent cet état intermédiaire dans leurs
combinaisons arec l'antipyrine. Je pourrais l'exprimer
encore d'une autre façon, en disanl que les forces dyna-
miques que l'antipyrine est capable de déployer en pré-
sence d'un sel métallique HgR'9 provoquent dans la
construction moléculaire de celui-ci un ébranlement tel
que la solidité du groupement atomique se trouve par-
tiellement entamée; ce qui permet de conclure que plus
la combinaison mercurique est forte (stable), plus elle
sera difficilement disloquée par le corps avec lequel elle
peut contracter une addition. On mesure la force de com-
binaison par le nombre de calories qu'une combinaison
dégage ou absorbe lors de sa formation et on a coutume
de dire que la chaleur dégagée et absorbée est en raison
inverse de la solidité de la construction moléculaire. Si
l'on écrit
Pb -+- I, = PbL, -+- 52,8 cal.,
on veut dire que l'énergie de l'iodure de plomb est de
52,8 calories plus petite que la somme des énergies des
components. Il est par conséquent possible de comparer
entre elles les stabilités de plusieurs composés d'une
même série, et de dire d'avance lequel aura le plus de
facilité à se combiner, additionnellement par exemple,
à un corps quelconque; ce sera celui qui aura subi la plus
grande perte d'énergie, qui possède la plus forte chaleur
de formation; en effet, ce sera ce composé-là dont le
groupement atomique pourra le plus aisément se modi-
fier sous une influence extérieure (addition, réaction,
fusion, dissolution). Appliquons ces raisonnements aux
( 842 )
composés qui forment l'objet de la présente étude. Nou*
avons
Hg
-*-
Clâ
=
HgCL
-+-
62,8
Cil
Hg
■+■
Bi\
HgBr..
•+■
59,8
■
Hg
-+■
h
HgU
■+■
44,8
0
(rouge
"g
-+■
U
Hgl.
■4-
41,8
»
(jaune]
Ce tableau montre que le composé mercurique qui a
conservé le plus d'énergie, qui résistera donc le mieux à
l'ébranlement moléculaire, se trouve être l'iodure, qui
précisément ne se combine pas à l'antipyrine. J'ose
presque dire que la vitesse de combinaison des composés
halogènes du mercuricum avec cette base, diminue gra-
duellement du chlorure à l'iodure, et que l'iodure jaune
est encore plus rebelle que l'iodure rouge. Peut-être bien
qu'un jour je réussirai à réunir des preuves expérimen-
tales à ce sujet.
Le cyanure de mercure, que quelques chimistes rangent
dans cette série de composés, semble se soustraire à l'ap-
plication de ces principes. On a :
Hg -»- Cy2 = HgCy, -+- 23,8 cal.,
c'est-à-dire que ce composé se combinerait plus difficile-
ment encore à l'antipyrine que l'iodure; c'est le contraire
qui a lieu. Mais si le cyanogène a des analogies avec les
halogènes au point de vue analytique, au point de vue de
la chimie pure, ce groupe n'est comparable ni au Cl, ni
au Br, ni à l'I. Il était donc tout indiqué de ne pas pou-
voir appliquer les raisonnements précédents à la façon
dont se comporte le cyanure de mercuricum vis-à-vis de
l'antipyrine.
Anvers. Laboratoire privé. Avril 1897.
( 843 )
Notice sur un appareil permettant de tailler un cristal
suivant une direction déterminée, et sur une méthode de
tailler des plaques à faces parallèles; par le Dr F. Stober,
répétiteur à l'Université de Gand.
Tout cristallographe qui s'est occupé de recherches sur
les propriétés physiques des cristaux, et notamment de
l'étude de leurs propriétés optiques, aura reconnu la
nécessité d'avoir à sa disposition un appareil simple et
facile à manier, qui permît d'opérer la section des cris-
taux suivant une orientation donnée.
Nous n'en voulons pour preuve que les nombreuses
tentatives de divers savants pour construire un appareil
satisfaisant à ces conditions. Nous connaissons en effet,
en nous bornant à citer les auteurs qui sont parvenus à
une solution plus ou moins heureuse du problème, les
descriptions d'appareils données par MM. Rauff, Fuess,
Wùlfing, Tutton, Halle (*).
(*) Rauff. Ueber eine verbesserte Steinschneidemaschine sowie ïiber
einen von M. Wofc in Bonn construirten, damit verbundenen Schleif-
apparat zur Herstelhcng gênait orientirter Krystallplatten. (Neues
Jahrb. f. Min., etc., 1888. t. IL)
Fuess, Ueber eine Orientirungsvorrichtung zum Schneiden und
Schleifen von Mineralien in bestimmten Richtungen. (Neues Jahrb.
f. Min., etc., 1889, t. II.)
Wulfing, Ueber einen Apparat zur Herstellung von Krystallschlif-
fen in orientirter Lage. (Zeitschr. f. Kryst., etc., 1890.)
Tutton, Ueber ein Instrument zum Schleifen von genau orientirten
( 844 )
On trouvera dans les recueils cités en note tous les
renseignements relatifs à la construction de ces appa-
reils; aussi ne nous attarderons-nous pas à leur descrip-
tion. Qu'on nous permette seulement de faire ressortir
les raisons pour lesquelles l'usage de ces appareils ne
s'est pas généralisé dans les laboratoires de minéralogie :
précisons, à cet effet, les conditions auxquelles doit
répondre un appareil de ce genre pour être vraiment
utile et pratique. Il faut : 1° qu'il donne des résultats
suffisamment exacts; 2° que les faces obtenues soient par-
faitement planes; 5° qu'il permette de tailler des cristaux
relativement très petits; 4° que l'appareil soit commode
et d'un maniement facile. Les dispositifs imaginés par les
auteurs cités plus haut, si ingénieux que soient plusieurs
d'entre eux, ne réunissent pas toutes les qualités voulues
pour satisfaire à ces diverses conditions.
L'appareil de M. Rauff, qui s'adapte à la grande machine
à tailler les roches construite par la maison Max Wolz à
Bonn, ne peut servir que quand il s'agit de polir une
face parallèle ou perpendiculaire à une autre face, ou
quand la face à tailler tronque l'arête formée par deux
faces déjà existantes. D'autre part, cet appareil ne peut
être employé que pour des cristaux assez volumineux,
parfois difficiles à trouver; il en résulte que son usage
est nécessairement fort restreint.
L'appareil de M. Fuess est à la fois plus pratique et plus
précis; il s'adapte à la petite machine à tailler les roches
Platten und Prismen kiïnstlictier Krystalle. (Zeitschrift f. Kryst.,
etc.. 1895 und 1896)
Halle, Ein muer Handschleif apparat fur Krystallpriiparate.
(Neues Jahrb. f. Min., etc., 1896, t. 11.)
( 845 )
mise en vente par le même constructeur, et permet de
tailler les cristaux dans tous les sens, par l'emploi de
trois mouvements de rotation perpendiculaires l'un sur
l'autre. Pourtant, il serait difficile de tailler, à l'aide de
cet appareil, des cristaux qui n'atteignent pas une cer-
taine grosseur; et cet inconvénient réduit, dans beaucoup
de cas, la portée pratique de ce dispositif.
M. Tutton a été amené par ses travaux bien connus sur
les propriétés cristallographiques des sulfates isomorpbes,
à faire construire un instrument permettant de tailler des
laces parfaitement planes et dont l'orientation est exacte
à quelques minutes près. Cet instrument d'une précision
remarquable, mais qui ne peut servir que pour des cris-
taux artificiels de faible dureté, a été modifié plus tard
de manière à pouvoir être utilisé pour des cristaux d'une
dureté plus considérable, et à permettre même de section-
ner un cristal dans une direction donnée. D'après l'auteur,
cet appareil est fort commode et donne de très bons résul-
tats; mais par contre, il est très compliqué et par consé-
quent probablement très coûteux, ce qui l'empècbera,
nous semble-t-il, de s'introduire dans les laboratoires de
minéralogie.
M. Halle a construit tout récemment un appareil qui a
l'avantage de permettre, pendant l'opération, un contrôle
relatif à l'orientation de la face à polir; mais le degré
d'exactitude que donnent les deux mouvements de rota-
tion perpendiculaires à l'aide desquels on oriente le cris-
tal, n'atteint que dix degrés dans le sens de l'un de ces
mouvements, et un degré dans l'autre. Il sera toujours
fort difficile, croyons-nous, d'obtenir des résultats relati-
vement exacts à l'aide de cet appareil, et son emploi ne
peut être avantageux que dans les cas où il n'est pas
( 846 )
nécessaire d'atteindre une grande exactitude dans l'orien-
tation de la face à tailler.
Aucun de ces appareils ne peut être mis en comparaison
avec celui qui a été décrit par M. Wûlfing ; cet appareil,
le plus simple et le plus ingénieux de tous ceux que l'on
a construits pour l'usage dont il s'agit, donne, d'après
les expériences de l'auteur, une exactitude pour ainsi dire
parfaite; les angles formés par la face artificielle ne
s'écartent que de 3 à 4 minutes, tout au plus, de ceux qui
ont été trouvés par le calcul. On atteint donc, pour ainsi
dire, la dernière limite de l'exactitude par l'emploi de cet
instrument; il n'a qu'un seul inconvénient, qui semble
du reste avoir frappé l'auteur lui-même : c'est que l'usage
de ce petit appareil exige au préalable une série d'opé-
rations géométriques et parfois même quelques tâton-
nements qui, à la vérité, ne diminuent en rien son utilité
pratique, mais demandent du temps et nuisent à la rapi-
dité de l'opération ; c'est probablement cet inconvénient
qui a empêché les cristallographes de faire un usage
général de cet appareil.
On voit par ce qui précède que le problème de trouver
un dispositif réellement pratique et d'une exactitude suffi-
sante n'est pas résolu.
Dans beaucoup de cas, on doit recourir encore au pro-
cédé de Nôrremberg, qui consiste à donner au cristal
une orientation approximative en le serrant entre deux
morceaux de liège, au travers desquels on passe quelques
épingles pour les maintenir en place.
Il est vrai, d'autre part, qu'en beaucoup de cas on peut
se passer de tailler des plaques orientées, grâce à l'ingé-
nieuse méthode de Klein, en plongeant le cristal à étudier
dans un milieu dont l'indice de réfraction est à peu près
( 847 )
égal à l'indice moyen du cristal. Cependant il y a des cas,
notamment quand il s'agit de déterminations très pré-
cises, où il devient indispensable de tailler des plaques et
des prismes orientés; il ne sera donc pas inutile de
décrire ici un dispositif que nous avons imaginé récem-
ment et qui nous a déjà rendu de réels services.
Le principe de ce dispositif repose sur le fait qu'une
face est déterminée quand on connaît son inclinaison sur
un plan donné et une droite contenue dans ce plan et par
laquelle passe la face considérée. La droite située dans le
plan donné peut être une arête formée par un second
plan, une ligne de clivage, une trace de macle, etc.
fy*
La ligure i donne, en réduction, un croquis de notre
petit appareil; comme sa construction est facile à com-
( 848 )
prendre, nous pouvons nous borner à des indications
sommaires.
P est un prisme creux en cuivre, à base équilatérale et
à faces bien planes; sa hauteur est de 9 centimètres et sa
base mesure 5 centimètres de côté environ. Deux plaques
de verre rectangulaires sont fixées sur deux des faces de ce
prisme à l'aide de baume du Canada; l'une d'elles, V,,
mesurant à peu près 5 centimètres de largeur sur 9 cen-
timètres de hauteur, est placée de manière qu'un de
ses longs côtés coïncide exactement avec une arête A du
prisme; cette plaque garde la même position dans tous
les essais, tandis que l'autre plaque, V2, qui a la forme
d'un carré de 9 centimètres de côté, peut être déplacée
perpendiculairement aux arêtes du prisme. L'angle a du
prisme, correspondant à l'arête A formée par les deux
faces sur lesquelles s'appliquent les plaques de verre, est
mesuré au goniomètre une fois pour toutes; en outre, on
détermine aussi exactement que possible la largeur de la
plaque V4.
Pour expliquer le fonctionnement de l'appareil, suppo-
sons qu'il s'agisse de polir une face donnée X sur un
cristal terminé par deux faces M et N dont la position est
connue et qui se coupent suivant une arête réelle q; on
commence par calculer l'angle y formé par la face X et
l'une des deux faces M et N, M par exemple, ainsi que
l'angle <J> que l'arête q fait avec la trace de X sur la face M.
On détermine ensuite la longueur du côté c par la résolu-
tion du triangle plan ABC (fig. 1) dont on connaît le côté b
et les angles a et y; cela fait, on trace sur la plaque V2 une
ligne marquant la largeur c et on déplace cette plaque
jusqu'à ce que ladite ligne coïncide avec l'arête A du
prisme. On voit que le plan passant par les longs côtés
( 849 )
non contigus des plaques \\ et V2 forme alors avec le
plan V( un angle A.CB égal à y, et il ne reste qu'à fixer
la face M du cristal sur la plaque V, et qu'à le faire
tourner autour de la normale de celle lace jusqu'à ce que
l'arête 7 forme avec le bord de Y, l'angle <\> donné par
le calcul. Ces opérations étant exécutées, le cristal est
oriente; on n'a plus qu'à placer l'appareil de manière
que les bords non contigus des plaques de verre repo-
sent sur une plaque bien plane de verre ou de fer, et à
user le cristal à l'émeri jusqu'à ce que le bord libre de V!
touche la plaque à émeri (*). Pour éviter d'user le bord
de Vo, il est utile de placer une feuille de papier à l'en-
droit où ce bord porte sur la plaque à émeri, jusqu'au
moment où le bord de V( vient en contact avec elle.
Abstraction faite des mesures préliminaires et du
calcul déterminant la position de la face à tailler, l'instal-
lation de l'appareil consiste donc en deux opérations :
I" déplacement convenable de la plaque V,, et 2° orien-
tation du cristal sur Vt.
La première de ces opérations se fait sans aucune
difficulté : après avoir tracé sur V2, aussi exactement que
possible, la ligne indiquant la largeur c, on fixe cette
plaque sur le prisme au baume de consistance moyenne.
Pour faciliter le maniement de l'appareil, il est bon de
(') Nous avons remarqué que lorsqu'on opère sur des cristaux de
faible dureté, il est utile de remplacer l'émeri par la poudre qu'on
obtient en frottant un morceau de coticule sur une plaque de verre
dépoli; cette poudre convient surtout pour l'achèvement des faces :
elles sont plus lisses et se laissent polir plus facilement que lors-
qu'elles ont été usées à l'émeri, dont le grain est rarement uniforme.
( 850 )
passer dans le creux du prisme un morceau de bois
triangulaire et de placer V2 à plat sur une plaque métal-
lique qu'on chauffe doucement jusqu'au ramollissement
du baume; l'ajustage de V2 s'opère alors avec une grande
précision.
La seconde opération n'est pas plus difficile; on peut
s'y prendre de différentes manières, selon le degré
d'exactitude que l'on veut atteindre. La meilleure
méthode consiste à se servir du microscope; il est néces-
saire pour cela que la platine rotative du microscope soit
inunie d'une vis d'arrêt et possède deux mouvements de
translation perpendiculaires; il faut aussi que les angles
de rotation puissent être mesurés avec une exactitude
suffisante (trois minutes au moins). On commence par
coller le cristal sur la plaque \{ suivant une orientation
approximative, avec du baume convenablement bouilli;
on fixe ensuite l'appareil à l'aide de deux ressorts, en
couchant la plaque Vt sur la platine du microscope, puis
on amène le bord libre de Vj en coïncidence avec le fil
transversal du réticule; après avoir noté la position de la
platine, on la fait tourner, de l'angle j>, dans le sens
déterminé et on la fixe. Il ne reste qu'à ramollir le baume
du Canada d'une façon convenable et qu'à rectifier la
position du cristal jusqu'à coïncidence parfaite de son
arête q avec le fil transversal. Il va de soi que l'axe de
rotation de la platine doit coïncider avec l'axe du micro-
scope, et que, au besoin, on aura recours aux mouvements
de translation pour pouvoir procéder à l'orientation de
l'arête q, tout en donnant au cristal une position telle
qu'il soit possible de le tailler sur une étendue conve-
nable.
( 831 )
Le ramollissement du baume peut être obtenu par la
plupart des dispositifs qui servent à chauffer des prépa-
rations sous le microscope. On peut employer à cet effet
la flamme d'un chalumeau convenablement fixe à une
tige verticale et que l'on place, par-dessous, dans l'ouver-
ture de la platine dont on a enlevé les appareils d'éclai-
rage et de polarisation ; mais il faut que la pointe du cha-
lumeau soit très tine et sa courbure assez faible, afin
que la petite flamme soit stable et puisse être réduite à
volonté; une flamme grosse comme une tête d'épingle
suflit amplement.
Cette méthode d'orientation du cristal atteint une très
grande exactitude, pour autant que le bord de VL et
l'arête q soient suffisamment nets. Ainsi, par exemple,
ayant donné d'après cette méthode une orientation
<{, = 39° 2',S sur un porte-objet stauroscopique (P. Groth)
à l'une des arêtes d'un petit solide de clivage de calcite,
nous avons trouvé, après coup, au goniomètre les valeurs
suivantes (voir figure 2) :
«': 6= 74° 55'; 6:c = 4l°27';
c = 90«;
f.9
les faces supérieures du verre et du cristal coïncidaient
( 852 )
parfaitement; ces mesures prouvent que l'orientation
réellement obtenue était de 39°5'.
L'appareil disposé comme l'indique la figure permet
de tailler des cristaux sous des angles y, à partir d'envi-
ron 50°; pour des angles y inférieurs à 50°, on fait glisser
la plaque V2 ainsi que l'indique la figure 5; le cristal se
place alors sur la face inférieure de V,.
jy-s
Quant à l'approximation qu'on peut atteindre à l'aide
de notre appareil, on comprend qu'elle dépend essentiel-
lement de l'exactitude avec laquelle s'opèrent l'orienta-
tion du cristal et la mesure de la largeur des plaques V,
et V2; il faut aussi que les faces du prisme et des plaques
\\ et V2 soient bien planes, et qu'en outre les bords de ces
plaques qui sont parallèles aux arêtes du prisme soient
parfaitement droits et nets. Pourtant, lorsqu'on ne
recherche pas une exactitude absolue, on peut couper les
plaques Vj et V2 dans du verre ordinaire et les user con-
venablement sur une meule à émeri suffisamment plane:
v 853 )
il suffit alors de mesurer les largeurs à l'aide d'une
petite règle divisée en demi-millimètres, ce qui permet
d'atteindre par estimation une approximation d'un déci-
millimètre à peu près; pour un appareil présentant les
dimensions indiquées plus haut, une incorrection de l/10
de millimètre dans la position de la plaque Vç> se traduit
par une erreur de 20' environ dans l'inclinaison de la
face à tailler sur la face donnée M.
Pour nous rendre compte de l'utilité pratique de ce
dispositif, nous avons essayé de polir les faces
«' = (0001) et ri* = ( I l"âO)
sur de petits solides de clivage de calcite. Quand, pour
obtenir la première de ces faces, on prend une face du
rhomboèdre comme M et une de ses arêtes comme arête q
(l'angle dièdre du rhomboèdre étant de 105°5'), on a
f = 59'2'£; r = 44*50'*.
Comme la largeur de la plaque \\ était b = 62""",-") et
l'angle du prisme « = 60°lo', 5, nous avions
sinr
45-»,2.
sin (a •+- y)
Six solides de clivage ont été mis en expérience à l'aide
des deux données
* = 39°2'i et c = 45n"0,2,
3"" SÉRIE, TOME XXX III. ,')(>
( 854 )
et nous ont fourni, après le polissage, les résultats sui-
vants :
e/j
o
ce
■a
S
s
z
ANGLE DE LA FACE OBTENUE AVEC
ANGLE CALCULÉ.
(loii).
(4101).
(Oïll).
1
2
3
4
5
6
44° 24'
44» 36'
440 sir
44o55'
44» 23'
44° 44'
440 42'
44° 59'
44» 14'
44° 21'
44° 45'
4404g'
44° 50'
44° \r
44° 43'
44»34'
44° H'
44° 2 1'
44° 36'{
»
1
Quant à la face d2 = (1120), les angles y et <]> sont
respectivement de 52°32',5 et de 0°; il s'ensuit que
c = 53mm,7. Les deux faces que nous avons taillées étaient
situées exactement dans la zone des deux faces de clivage
dont elles tronquaient l'arête, et inclinées sur une de
ces faces, l'une de 52°38' et l'autre de 52°23' (angle calculé,
52°32',5).
Les écarts entre la valeur des angles calculés et mesurés
dépassent rarement 15', approximation remarquable,
surtout si l'on tient compte de ce que les plaques \\ et
\\2 étaient faites de verre ordinaire et usées à la main, de
sorte que les bords étaient légèrement courbés et peu
nets; en outre, les mesures b et c étaient prises à l'aide
d'une règle de bois divisée en 0mm,5. Il n'est donc pas
douteux que dans les opérations, d'ailleurs très rares, où
une plus grande approximation serait nécessaire, on ne
( 855 )
puisse arriver à des résultats beaucoup meilleurs en se ser-
vant de plaques de verre appropriées et d'un instrument
permettant de faire les mesures de b et c à 0mm,02 près.
Il n'est pas inutile de remarquer, en ce qui concerne
l'orientation du cristal sur la plaque Vt, qu'on peut recou-
rir à l'ingénieuse méthode imaginée par M. Bertrand
pour la mesure des cristaux microscopiques, notamment
dans le cas où l'arête q serait virtuelle ou peu nette; on
pourrait même, à l'aide de cette méthode, opérer sur des
cristaux très petits et obtenir de bons résultats sans
tâtonnements. Pourtant nous avons remarqué qu'il est
difficile d'orienter un petit cristal et de le coucher, en
même temps, exactement à plat sur une de ses faces. Pour
éviter toute erreur, nous nous servons, dans ce cas, d'une
plaque de verre auxiliaire (A, fig. 4, un verre porte-objet
découpé convenablement) que nous collons sur la
J&-4
plaque Vj à l'aide d'une goutte de baume préalablement
bouilli; le petit cristal est couché ensuite, bien à plat,
sur la plaque A, suivant une orientation approximative-
ment exacte, et on lui donne son orientation définitive,-
sous le microscope, par une rotation autour de la goutte
de baume B qu'on chauffe doucement de haut en bas à
l'aide de la petite flamme du chalumeau mentionné plus
haut. La plaque auxiliaire peut servir aussi lorsque le
( 85G )
nicol inférieur doit être remis en place, l'orientation du
cristal se faisant suivant une lamelle maclée. Ajoutons
que cette plaque peut faire l'office de porte-ohjet stau-
roscopique pour donner à l'orientation toute la précision
possible; en effet, en supposant que la face c soit polie
et perpendiculaire à la surface de la plaque A et qu'en
outre la gouttelette de baume B soit remplacée par un
axe fixe, on pourrait, après avoir collé solidement le cris-
tal sur \7!, déterminer sans difficulté, par le procédé de
Groth (*), l'erreur commise dansl'orientation du cristal par
rapport aux longues arêtes de c, et rectifier la position du
cristal en faisant tourner la plaque A jusqu'à ce qu'un
vernier glissant en regard d'une graduation tracée sur V,,
indique que cette plaque a tourné d'un angle égal à
l'erreur.
De cette manière, l'orientation du cristal se ferait sans
le secours du microscope ; de même, le déplacement de la
plaque V, pourrait s'opérer mécaniquement et avec une
grande précision, à l'aide d'une crémaillère convenable-
ment disposée à l'intérieur du prisme.
En somme, la construction de l'appareil est susceptible
de subir quelques modifications de détail, qui le ren-
draient certainement plus exact, sinon plus simple. Mais,
sous la forme que nous venons de décrire, il offre déjà des
avantages notables, qui sont : 1° la simplicité de sa con-
struction; 2° l'exactitude suffisante des résultats; 5° la
possibilité de l'appliquer même à des cristaux très petits
et à des cristaux à faces ternes; 4° la facilité avec laquelle
il permet d'obtenir des faces parfaitement planes et des
prismes à arêtes très nettes.
(*) P. Gkoth, Physikalische Krystallographie, p. 702.
( 857 )
Moyen de polir une face parallèle à une autre face.
On sait que pour opérer des coupes à faces parallèles,
on procède ordinairement de la manière suivante : On se
procure d'abord une des deux faces; on colle le cristal,
par cette face, sur un verre porte-objet et on l'use jusqu'à
ce qu'il présente l'épaisseur voulue, en maintenant le
verre porte-objet parallèle à la meule. Cette méthode, qui
ne garantit nullement le parallélisme des deux faces, peut
être d'une exactitude suffisante quand il s'agit de coupes
de faible épaisseur et d'étendue relativement grande ,
mais elle ne saurait être admise quand on opère sur de
petits cristaux ou que l'épaisseur de la plaque doit
dépasser quelques dixièmes de millimètre. On peut alors
recourir aux dispositifs indiqués par MM. Fuess et Tutton,
qui paraissent donner des résultats satisfaisants, mais on
peut aussi se passer de tout instrument, ou, pour être plus
exact, on peut fabriquer soi-même, en quelques instants,
un appareil convenable. A cet effet, on prend un morceau
de verre plan, de 1 centimètre carré environ, dont
l'épaisseur est à peu près celle que l'on veut donner à la
Jfy-s
plaque, et on le divise en quatre petits carrés a (v. fig. 5)
qu'on colle au baume du Canada aux quatre coins d'un
verre porte-objet ordinaire, en ayant soin de le chauffer
( 858 )
tout entier et de l'appuyer, pendant le durcissement du
baume, sur une surface bien plane, les morceaux de
verre a étant tournés vers le bas; on fixe ensuite le cristal
au centre du porte-objet entre les quatre morceaux de
verre, en le couchant bien à plat sur la face à laquelle la
face à polir doit être parallèle. Afin d'éviter tout ramollis-
sement du baume entre les verres a et le porte-objet, on
se sert d'une très petite flamme. Le cristal fixé, il ne
reste qu'à l'user jusqu'au moment où les quatre verres a
touchent également la meule.
On obtient ainsi sans aucune difficulté une face presque
rigoureusement parallèle à la première, même quand le
cristal est très petit et que la plaque doit avoir une
épaisseur notable. Nous avons taillé de cette manière
trois petites plaques dont deux avaient 1 millimètre
d'épaisseur et la troisième l'épaisseur d'un verre couvre-
objet; les angles compris entre les deux faces étaient
de 180°1\ 180°4',5 et 180°1\
Comme, dans les recherches cristallographiques, l'épais-
seur d'une plaque peut généralement varier entre cer-
taines limites, il est toujours facile de trouver un petit
morceau de verre plan dont l'épaisseur corresponde à
peu près à celle que l'on veut donner à la plaque à
tailler.
Université de Gand. Laboratoire de minéralogie.
■0C88fttt<
859 )
CXA8SK DUS LETTRES.
Séance du I i juin 1897.
M. le comte Goblet d'Alviella, directeur, président <le
l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph. Wauters, P. Willems,
S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin,J. Stecher, T.-J.Lamy,
Ch. Loomans, G.Tiberghien, L. Vanderkindere, Ad. Prins,
J. Vuylsteke, Ém.Banning, A. Giron, God. Kurth, Mesdach
de ter Kiele, le chevalier Descamps, G. Monchamp,
D. Sleeckx, Paul Thomas, Ern. Discailles, membres ;
J. Vollgraff, associé; V. Brants, Ch. De Smedt, Jules Le-
clercq et Maurice Wilmotte, correspondants.
M. Vander Haeghen télégraphie qu'une indisposition
l'empêche d'assister à la séance.
- M. le Directeur souhaite la bienvenue aux membres
et correspondants, élus récemment; il ajoute que la Classe
compte sur leur concours pour l'aider à remplir sa mission
à l'égard du pays pour le développement et le progrès des
branches des connaissances humaines dont elle s'occupe.
( 860 )
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction pu-
blique fait parvenir une ampliation de deux arrêtés
royaux : le premier en date du 22 mai, approuvant l'élec-
tion de MM. D. Sleeckx, P. Thomas et E. Discailles, en
qualité de membres titulaires; le second, en date du
7 juin, nommant MM. Bormans, P. Fredericq, Rooses,
Suieders et P. Willems, membres du jury chargé de
décerner le prix de la 2e période du concours Anton
Bergmann : Monographie d'une ville ou d'une commune
de la province de Brabant (l'arrondissement de Nivelles
excepté), comptant au moins 5,000 habitants, écrite par
un Belge ou un étranger, en néerlandais, et éditée en
Belgique ou dans les Pays-Bas.
— MM. Sleeckx, Thomas et Discailles, élus membres
titulaires; Jules Leclercq et M. Wilmotte, élus corres-
pondants, et Jules Lemaître, élu associé, adressent par
écrit leurs remerciements.
— MM. A. Capart, lauréat du concours annuel de la
Classe, L. Preud'homme et S. Kayser, lauréats du con-
cours Gantrelle, adressent des lettres semblables.
MM. G. Boissier, H. Wallon, J. Bertrand, Berthelot,
le comte H. Delaborde et Georges Picot, secrétaires per-
( 861 )
pétuels des cinq Académies de l'Institut de France, adres-
sent la lettre suivante en réponse aux sentiments de
condoléance exprimés au sujet de la mort de Monseigneur
le duc d'Aumale.
Paris, le 17 mai 1897.
Monsieur le Président,
« Nous avons été fort touchés de la lettre que vous
nous avez fait l'honneur de nous adresser, au nom de
votre Académie. La perte que nous avons faite est de
celles qu'on a grand'peine à réparer et que ressentiront
tous les corps savants. Vous avez vu de près Monseigneur
le duc d'Aumale; il vous appartenait, et nous savons
qu'il était très fier de vous appartenir. Vous avez pu
juger par vous-mêmes de l'étendue de ses connaissances,
de la curiosité de son esprit, de la sûreté de sa parole, et
en même temps de l'aménité de ses manières et des agré-
ments de son commerce. Vous comprenez donc nos
regrets et vous les partagez. La générosité royale avec
laquelle il a traité notre Institut ne sera pas appréciée
seulement en France: les Lettres s'en trouveront honorées
dans tous les pays. Nous vous prions, Monsieur le Prési-
dent, de transmettre nos remerciements à l'Académie de
Belgique et de lui dire combien nous sommes sensibles
à la part qu'elle prend à notre deuil, qui est aussi le
sien.
Croyez, Monsieur le Président, à nos meilleurs senti-
ments de haute considération. »
C 8t>w2 )
M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux publics
adresse un exemplaire du rapport fait par M. de Borch-
grave, au nom de la section centrale de la Chambre des
représentants, sur le projet de loi approuvant l'acte addi-
tionnel et la déclaration interprétative élaborés par la
Conférence internationale pour la protection des œuvres
littéraires et artistiques. -- Remerciements.
- M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages intitulés :
1° Monaslicon belge, tome Ie'. 2e livraison; par le
R. P. Dom Ursmer Berlière;
2° Een gerechtelijlt drama in 1815; par Aug. Thys.
— Remerciements.
— M. le Ministre de la Justice adresse deux exemplaires
de l'ouvrage : Coutumes des pays et comté de Flandre.
Quartier de Fumes, tome III; par Gilliodts-Van Severen.
— Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
1° A. Le Yi-King, traduit d'après les interprêtes chinois
avec la version mandchoue; B. Vocabulaire bouddhique
sanscrit-chinois ; par le chevalier C. de Harlez (avec une
note qui figure ci-après) ;
2° Cour de cassation de Belgique (deuxième chambre),
2i mai 1897. Immunité diplomatique. Ministre étranger.
Contestation civile. Excès de pouvoir; par Mesdach de ter
Kiele;
3° Discursos leidos ante la rèal Academia Seviflana de
buenas tétras; por los senores don Carlos Jiménez-Placer
( 865 )
v don Servando Arboli y Faraudo, en la réception publica
y solerane de] primero el dia 18 de diciembre de 1887
(présente par M. A. Wauters, avec une note qui figure
ci-après);
4° Catalogue général des manuscrits des bibliothèques
publiques de France : Besançon; par Aug. Castan, ancien
associé (offert par M""' veuve Castan) ;
5° Apollon, statue trouvée à Magnésie du Sipyle, Musée
impérial de Constantinopte; par Th. Reinach, associé.
— Remerciements.
La Société d'Émulation d'Abbeville fait savoir que
la célébration de son centenaire aura lieu le dimanche
11 juillet prochain et demande à l'Académie de s'associer
à cette manifestation.
Une lettre de félicitations sera adressée à la Société
d'Émulation.
Le comité pour la statue à élever à Lierre à
J.-R. David, ancien membre de la Classe, demande que
l'Académie délègue un de ses membres pour assister à
l'inauguration. -- M. P. Willems accepte de représenter
la Classe.
- Le Congrès archéologique de Malines de 1897
demande que la Classe s'associe officiellement à cette
réunion.
— La Société havraise d'études diverses envoie le
programme de son concours de poésie pour 1897.
{ 861 )
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
J'ai l'honneur de présenter à la Classe des Lettres mes
deux derniers opuscules.
Le premier est un vocabulaire des principaux termes
religieux employés par les bouddhistes. C'est un texte
chinois-sanscrit, édité avec une traduction explicative en
français. On y trouvera une sorte de résumé des doctrines
et coutumes des sectateurs du Bouddha.
Le second est la traduction définitive du Yi-king et de
tous sesappendices, d'après la version mandchoue faite par
les Chinois eux-mêmes. J'y ai adjoint le texte mandchou,
pour que les spécialistes puissent en vérifier l'exactitude.
Je ne dirai rien de cette traduction. Qu'il me soit per-
mis seulement de faire remarquer qu'elle confirme de
point en point celle que j'avais donnée précédemment du
texte chinois, si mal compris jusqu'ici.
C. de Harlez.
Il y a une trentaine d'années, je publiai, dans le Bulletin
de l'Académie royale de Belgique (1), une notice sur le
peintre Pierre Campana, dont je fis connaître, à cette
époque, le véritable nom de famille : De Kempeneer ou
le Campinois. Je ne pus toutefois éclaircir sa biographie,
car cet artiste vécut surtout à Séville, où il a orné les
(1) Quelques mots sur le Bruxellois Pierre De Kempeneer connu sous
le nom de Pedro Campana, 2e sér., t. XXIV, p. o69.
( 865 )
églises de peintures remarquables. Depuis, un Espagnol.
don Carlos Jiménez-Placer, a repris le même sujet dans
un discours qu'il a lu à l'Académie sévillane des belles-
lettres. En m'adressant un exemplaire de son travail, il
y en a joint un second, qu'il m'a prié d'offrir à l'Aca-
démie royale de Belgique. La brochure dans laquelle
figure son travail est intitulée : Discursos leidos ante la
real Academia Sevillana de buenas letras... en la recepeion
publica...del primer o eldia 18 de diciembre de 1887 (Séville,
1887, in-8°). Elle contient des détails pleins d'inté-
rêt sur les œuvres de Campana, mais des renseigne-
ments relatifs au peintre lui-même restent à connaître.
Peut-être quelque jour en trouvera-t-on davantage en étu-
diant la généalogie des de Kempeneer, qui, au XVIe siècle,
se livraient, à Bruxelles, à la pratique des beaux-arts,
comme la peinture, et des arts industriels, comme la
fabrication des tapisseries.
A propos de ces dernières, permettez-moi de vous
entretenir un instant d'un fait qui m'est personnel. Il y
a quatre ans, en 1895, j'eus l'honneur d'offrir à la Classe
un exemplaire d'une notice sur le peintre bruxellois Ber-
nard Van Orley, notice dans laquelle on a reproduit par
la phototypie des dessins qui sont attribués à notre com-
patriote et conservés au Musée du Louvre, où j'avais eu
l'occasion de les voir (1). Ils représentent les épisodes
d'une bataille que je soupçonnai être celle de Pavie,
d'après une étude minutieuse des détails de ces dessins.
(1) Bernard Van Orley, par Alphonse Wauters, dans la collection
intitulée : Les Artistes célèbres, collection placée par autorisation
ministérielle du 15 juillet 1892 sous le haut patronage du Ministère
de l'Instruction publique et des Beaux- Arts. Paris, 1893, in-8°.
( 866 )
Actuellement tout doute est levé à cet égard, car on vient
de publier à Milan un volume intitulé : La Battaglia
di Pavia, illustrata negli arazzi del marchese del Vasto al
Museo nazionale di Napoli, c'est-à-dire : La bataille de
Pavie décrite d'après les tapisseries du marquis du Guast
au Musée national de JSaples. Milan, 1896; in-folio.
Le volume contient un texte de l'architecte Luc Bel-
trami et sept héliotypies très remarquables. Ces dernières
sont évidemment la reproduction des dessins de Paris,
dont toutefois je n'avais pu faire reproduire que cinq, à
cause de difficultés matérielles. La comparaison entre mes
phototypies et les héliotypies de M. Beltrami ne permet
pas de concevoir le moindre doute à cet égard, quoique
M. Beltrami ne me paraisse avoir eu connaissance ni des
dessins de Bernard Van Orley, ni de mon travail. Mais un
fait est acquis aujourd'hui : la belle tenture du marquis
du Guast, dontj'avais essayé de rétablir l'histoire dans mes
Tapisseries bruxelloises, est bien une production de l'in-
dustrie de notre pays. Elle était autrefois, à cause de sa
beauté, attribuée au Titien, mais la paternité de l'œuvre
doit être restituée à un maître flamand de l'époque de
Charles-Quint, et le nom de Van Orley, sous lequel les
dessins figurent dans les inventaires du Louvre (voir
Reiset, Catalogue des dessins du Louvre, p. lxxxiii),
peut difficilement être contesté. Quant à l'exécution
comme tapisserie, il n'y a qu'à Bruxelles qu'on se livrait,
à la même époque, à la fabrication d'œuvres pareilles.
Si l'on ne voit pas sur la tenture la marque de cette
ville, instituée en 1528, ainsi que me l'ont rapporté des
personnes dignes de foi, qui ont vu et admiré ces tapis-
series, c'est probablement parce qu'elle a été fabriquée
immédiatement après la bataille de Pavie, livrée le
29 février 1524.
( 867 )
(les tapisseries représentent :
La première, l'attaque de l'artillerie de Gaillot de
Genouillac par les lansquenets de Georges Furstenberg.
La deuxième, les arquebusiers du marquis de Guast et
la cavalerie du connétable de Bourbon assaillant le centre
de l'armée de François Ier.
La troisième, l'attaque du camp français.
Abandon du camp français. Les Suisses, malgré les
exhortations de leur chef, Jean Diesbacb, et du marquis
de Fleuranges, refusent de combattre.
François Ier est fait prisonnier ; le vice-roi descend de
cheval pour recevoir l'épée du monarque.
Fuite du duc d'Alençon au delà du Tessin.
Les Suisses, en se séparant de l'armée française, sont
repoussés vers le Tessin.
Ces tapisseries sont au Musée de Naples, auquel elles
ont été données en 1860 par le marquis du Guast. Mais on
ne peut encore les exposer, car la donation est attaquée
par un parent du marquis, et un procès est engagé devant
les tribunaux. Quoi qu'il en soit, l'art flamand peut dès
aujourd'hui revendiquer cette belle tenture, dont la valeur,
peut-être exagérée, est évaluée à trois millions. Quant à
Van Orley, elle lui fournit l'occasion d'un nouveau triom-
phe. A ses portraits si pleins de vie, à ses vitraux de
l'église des Saints-Michel et Gudule, à Bruxelles, qui
peuvent être rangés parmi les plus beaux qui existent
encore, à ses tapisseries dites des Chasses de Maximilien,
où il se montre paysagiste et animalier excellent, il peut
joindre, en la revendiquant comme un titre de gloire de
plus, sa Bataille de Pavie où, dans un domaine différent,
il déploie toutes les qualités d'un talent de premier ordre:
la fougue militaire, inséparable du sujet; la beauté de
( 868 )
l'ordonnance, le naturel des poses, tout ce qui constitue
les mérites d'un peintre de batailles. Le premier il excelle
dans ce genre où depuis ont brillé Callot, Snyders, Van
der Meulen. A aucun, dans toutes les branches de l'art,
il ne le cède en puissance, ni comme pensée, ni comme
exécution.
Jusqu'à preuve du contraire, les dessins de h Bataille de
Pavie doivent donc lui être attribués. Y voir l'œuvre du
Titien ou du Tintoret, comme le fait M. Beltrami, c'est,
me semble-t-il, admettre une opinion contre laquelle
tout proteste. Alphonse Wauters.
M. Alphonse Wauters a présenté en mai dernier à l'Aca-
démie un exemplaire de sa brochure portant pour titre :
Quelques mots sur Vésale. Il fait remarquer à la Classe qu'il
a joint à son texte des phototypies, entre autres une vue
de la Maison de Vésale, 't huys van Vesalius, qui fut cédée
en 1617 parla princesse de Bournonville à la communauté
des Frères minimes, et un plan du quartier environnant,
d'après les anciens plans de la ville du XVIe et du XVIIe
siècle. Ces documents sont du plus grand intérêt pour
l'ancienne topographie de Bruxelles et fixent, d'une
manière positive, l'emplacement de la demeure que s'était
fait construire, dans cette ville, le Père de l'anatomie.
M. Wauters a présenté ensuite, au nom de M. Jean Van
M;ilderghem, archiviste adjoint de la ville de Bruxelles, un
exemplaire de son travail intitulé : Les fresques de la
Leugemeete, leur découverte en 1846, leur authenticité
(Bruxelles, Vromant, in-8°, 1897). Dans sa brochure,
M. Van Malderghem conteste l'ancienneté que l'on a attri-
buée aux fresques découvertes, dit-on, dans la chapelle
de la Leugemeete, à Gand, et que Félix De Vigne a fait
( 809 )
connaître dans le volume portant pour titre : Recherches
historiques sur les costumes civils et militaires des gildes et
des corporations de métiers. On a voulu attribuer une
grande autorité à ces représentations, dont M. Van Mal-
derghem signale, avec raison, les côtés faibles.
A mes yeux, la question ne peut être douteuse. Cette
exhibition des milices communales, divisées en métiers,
correspond mal avec l'organisation de la ville de (iand
où, au XIIIe siècle, tout le pouvoir appartenait à la coop-
mans gilde ou gilde des marchands, adversaire politique
«les métiers. L'apparition, à la même époque, d'une com-
pagnie de l'arc ou de Saint-Sébastien, reconnaissable à
sou étendard aux armes de Jérusalem, n'est pas conci-
liaire avec l'histoire au XIIIe siècle, pendant lequel on
ne cite, dans les villes des Pays-Bas, que des gildes ou ser-
ments d'arbalétriers. Ceux d'archers n'apparaissent qu'au
XIVe siècle. Tout contribue donc à l'aire rejeter l'exécu-
tion de ces fresques à une époque postérieure et à leur
ôter ce caractère d'ancienneté qu'on leur a attribué à tort,
sans le moindre motif. Sous ce rapport comme sous les
autres, la thèse de M. Van Malderghetn me paraît in-
contestable. Elle est en concordance parfaite avec les
documents que l'on possède au sujet de la chapelle et sur
sa destination ancienne de servir d'oratoire à un hospice
de vieilles femmes établi en 1315. On s'explique dillici-
lement la présence, dans un semblable édifice, de repré-
sentations militaires de la bourgeoisie de Gand.
3n,e SÉRIE, TOME XXX1U. ,*>7
( 870 )
COMMUNICATION ET LECTURE.
Les Marchanda Aventuriers à Anvers; par Ch. Piot,
membre de l'Académie.
I.
Dès les premières périodes du moyen âge, la Belgique
servait d'entrepôt aux marchandises du nord et du midi.
Ce fait est attesté par des documents contemporains d'une
authenticité incontestable, par des relations à l'abri de
toute critique et par les découvertes de monnaies belges
recueillies dans le nord de l'Europe, pays privés pendant
longtemps d'un numéraire national.
L'Angleterre contribua plus tard à ces échanges, grâce
aux nombreuses expéditions de laine et d'autres objets
de commerce envoyés dans notre pays, soit par la voie
de Damme, soit par celle de Bruges, soit par le port
d'Anvers, spécialement lorsque l'Escaut n'était plus l'ob-
jet de contestations territoriales entre les princes voisins
de ce fleuve (1).
(h Busr.H, England unter den Tudors, pp. 72 et suiv. Llndsay,
History of marchant shipping and amical commerce, pp. 417 et suiv.
Larrey, Histoire d'Angleterre, t. I, p. 723. Rymer, Fœdera, conven-
tions, littera, etc., t. XVI, pp. 323 et 324, le Sy Habits des Rymers
fœdera, vol. III, General Index, et Ducange, verbo Adventuraria
societas. Van Bruyssel, Histoire du commerce, t. II, p. 125, t. III,
pp. 58, 60 et 61. Comptes rendus des séances de la Commission royale
d'histoire, t. I, p. 367, t. VIII, p. 239 et t. XII, p. 53.
( 871
Nos provinces surent tirer un parti merveilleux de
cette situation pour créer à Anvers une place de com-
merce de premier ordre, un siège important d'affaires
financières, en y attirant les spéculateurs de tous les pays
par suite des privilèges que la cité avait obtenus des
ducs de Brabant (1).
Primitivement et surtout durant le XIVe siècle, le com-
merce anglais était exploité par les Stillards, vaste asso-
ciation de Marchands étrangers, préoccupés de spéculer
sur les produits de leur pays et de vivre à ses dépens. Il
y avait, en outre, une confrérie placée sous l'invocation
de saint Thomas Becket de Canterbury, une association
des Marchands d'Étaples et enfin celle des Marchands
Aventuriers, qui jouissait de grands privilèges.
A Anvers, ceux-ci formèrent une société de commer-
çants anglais, que M. Busch appelle : ein Bindcglierf
zwischen England und den Niederlanden (2). Cette associa-
tion donna lieu, au XVe siècle, à la création et à l'orga-
nisation d'une compagnie de négociants étrangers, dont
il n'est pas possible de fixer l'origine d'une manière pré-
cise (5). Complètement indépendante du gouvernement
des Pays-Bas, elle s'organisa comme bon lui semblait,
était dirigée par un gouverneur de nationalité an-
glaise, très entier dans ses opinions, poussait l'arbi-
traire à tel point, que William Davison s'en plaignit
il) Mertens et Torfs, Geschiedenis van Antwerpen, t. II, pp. &9 el
suiv. Hansenreecken, Halbaum Hansisches Urkundenbueh, Hansische
CeschichtMiitter. Worms, Histoire, commerciale de la ligue haméa-
tique.
(2) England unter den Tudors, p. 72.
(3) Gibbins, History of commerce in Europe, pp. 97, 136.
( 872 )
ouvertement à Walsinghara. La société s'occupait de spé-
culations financières, d'expéditions de marchandises à
l'étranger par l'intermédiaire du transit en Allemagne,
introduisit dans le pays des draps anglais au grand pré-
judice de l'industrie nationale, se mêlait des questions
de religion dans le sens de la Réforme et organisait de
l'opposition quand bon lui semblait au sujet des affaires
religieuses et civiles.
La dénomination de Marchands Aventuriers lui fut
donnée par suite des spéculations que ses membres fai-
saient sur les produits du commerce dans les pays les
plus éloignés. Partout on les rencontre, là spécialement
où il y avait moyen de spéculer sur les marchandises,
n'importe leur origine et leur nature.
Dans cette notice, nous devons nous borner à parler
uniquement des Aventuriers établis à Anvers (1).
II.
Gresham, agent anglais très connu et souvent cité dans
les annales de son pays au XVIe siècle, séjournait con-
stamment à Anvers et mettait ses compatriotes au cou-
rant de tout ce qui s'y passait. Par une lettre datée de
cette ville, le 18 avril 1560, il annonça un fait très
remarqué qui eut lieu à cette époque. Un moine s'étant
permis de faire, pendant un sermon, la critique des
(1) Dans son travail intitulé : Relations politiques des Pays-Bas et de
l'Angleterre, t. II, p. 230, M. le baron Kervyn de Lettenhove cite un
travail manuscrit conservé dans le Brilish Muséum, fonds Harlay,
n° 537, et intitulé : History ofthe marchants avanturers and of their
Lowe-Contries.
(873 )
i (formes introduites en Angleterre par Elisabeth en ma-
tière de religion, fut obligé de présenter ses excuses aux
Marchands Aventuriers, s'il voulait éviter le mauvais parti
que ceux-ci étaient prêts à lui iniligcr (1). Un ministre
protestant affilié à l'association en dirigeait les affaires
religieuses et autres, sans que le gouvernement des Pays-
Bas pût y intervenir en aucune façon. Par exemple,
l'État avait beau prohiber la sortie des armes, les Aven-
turiers s'en emparèrent clandestinement pour les envoyer
en Angleterre, grâce à la complicité des agents belges,
qui eurent soin de fermer les yeux sur ces fraudes. L'as-
sociation était tellement puissante, si bien fournie de
tonds qu'elle en prêtait aux souverains d'Espagne, de
Fiance, de Portugal, aux Guise et à la reine d'Angle-
terre. Celle-ci les faisait passer aux États des Pays-Bas,
dans le but d'entretenir dans ces provinces l'insurrection
contre le gouvernement espagnol, sachant très bien qu'au
grand jamais ces États ne seconderaient Philippe lï, s'il
se décidait à faire la guerre à l'Angleterre. Il n'y a, par
conséquent, pas lieu de s'étonner du prestige et de l'in-
fluence de cette société au XVIe siècle.
L'intervention du gouverneur des Marchands anglais
dans les affaires politiques allait si loin, qu'il se rendit à
Paris à l'effet de s'entendre avec Throckmorton, dans le
cas où l'insurrection des Pays-Bas pourrait avoir besoin
de l'appui de la France contre l'Espagne, et servir les
intérêts de l'Angleterre.
Les Aventuriers en voulaient surtout à Granvelle, grand
partisan de l'égalité en matière de commerce, toujours prêt
(1) Baron Kervyn de Lettenhove, loc. cit., p. 334.
( 874 )
à repousser les attaques dirigées contre notre industrie,
contre la maison d'Espagne et à contrarier l'introduction
des marchandises anglaises dans notre pays, spécialement
au moment où la peste régnait à Londres. De concert
avec Marguerite de Parme, il avait suspendu ce qu'on
appelait l'entrecours, par suite des nouvelles levées d'im-
pôts faites dans les ports d'Angleterre. Il avait beau pro-
tester et agir dans un sens favorable à notre commerce,
tous ses efforts échouèrent en présence de la ténacité
d'Elisabeth. Elle voulait à toute force déverser aux Pays-
Bas les marchandises prohibées par suite de la peste qui
sévissait dans sa capitale. Mettant à profit ces contesta-
tions, la ville d'Emden expédia en Angleterre trois agents
chargés de nouer des relations directes entre ce pays et la
Hanse, sans passer par l'intermédiaire des Pays-Bas. Ce
fait se passa précisément au moment où les navires de nos
provinces ne furent plus admis dans les trois ports
anglais (1504), par mesure de représailles, et lorsque la
(lotte des marchands d'Angleterre était prête à mettre à
la voile pour Emden. On prétendait en même temps,
dans le but d'effrayer l'Angleterre, qu'il y avait un com-
plot ourdi de livrer cette ville aux Espagnols. A la suite
de toutes ces circonstances, un agent, Georges Sout-
wicke, engagea Elisabeth à choisir, pour siège des rela-
tions commerciales avec l'Allemagne, les villes de Ham-
bourg et d'Emden, et à abandonner complètement Anvers.
111.
Devant toutes ces coïncidences, que restait-il à faire
au gouvernement des Pays-Bas? Celui-ci résolut d'en-
voyer en Angleterre un agent chargé d'une mission spé-
( 875 )
ciale et de faire à la reine des représentations à ce sujet.
Cet agent était le seigneur de Sweveghem, personnage
très peu au courant des affaires de commerce et moins
encore de la politique de l'Angleterre. Par bonheur, une
brouille survint entre les Anglais et la ville d'Emden;
elle avait pour cause la grossièreté des habitants de
la localité et l'envoi par eux, en Angleterre, de
produits expédiés des Pays-Bas en contrebande. Chaloner
constata, en outre, que rien n'y était prêt et lit observer
qu'il fallait, au préalable, conclure une paix stable avec la
France avant de prendre une décision définitive au sujet
de la demande si pressante des Aventuriers de s'établir
sur les bords de la Baltique.
Entretemps, les prêches prirent à Anvers un dévelop-
pement extraordinaire, à tel point qu'on y comptait,
dit-on, jusqu'à 40,000 personnes dévouées à la religion
nouvelle.
C'était la ville des Pays-Bas méridionaux dans laquelle
les adversaires de l'Inquisition furent les plus nombreux
et les plus décidés à défendre la liberté religieuse (i).
Les hardiesses des réformés y furent telles, que le magis-
trat, grand partisan de cette liberté, se vit obligé de
prendre des mesures contre les nouveaux croyants. Ce fut
surtout le concile de Trente qui souleva l'opposition
la plus vive (2).
Des Anglais appartenant au culte réformé y affluèrent
de tous côtés. Ils se rendirent complètement maîtres de
la situation, au grand préjudice du commerce indigène,
(i] Muldek, Twee verhandelirujen over de lnquisitie, pp. 6 et suiv.
(2) Ibid , pp. 29, 63, 76. Voy. aussi Brieger. Aleander und Luther
Qepeschen, pp. 78 et suiv.
(876 )
favorisaient les revendications des confédérés belges à
charge du gouvernement espagnol, excitaient le magis-
trat d'Anvers contre l'État. Ces étrangers se mêlaient de
toutes les affaires publiques, cherchaient querelle aux
délégués du gouvernement et spécialement à l'Université
de Louvain, lieu de refuge de bon nombre de catholiques
anglais. S'ils ne pouvaient complètement réussir dans
leurs revendications, les ministres de l'Église réformée
établis à Anvers réclamaient l'appui de la reine d'Angle-
terre qui, de son côté, ne se faisait pas défaut d'intervenir
dans les affaires du pays, sous prétexte de vouloir favo-
riser le commerce. Enfin, la situation de la ville d'Anvers
devint telle, que l'émigration y fut générale. Richard
Clotigh annonça, en lo(J7, que la cité était menacée
d'une ruine complète. Dans cette situation, le magistrat
d'Anvers s'adressa aux Marchands Aventuriers de cette
ville, en les engageant à intervenir près de la reine d'An-
gleterre afin de rétablir l'échange des marchandises
et mettre un terme aux pirateries commises sur les côtes
de son pays contre le commerce belge. Vains efforts, qui
n'eurent aucun résultat.
Au moment de la retraite de Marguerite de Parme et
de l'arrivée aux Pays-Bas du duc d'Albe, en 15GX, les
mesures prises par le nouveau gouverneur général contre
les marchands anglais, à propos du zèle qu'ils montraient
en faveur de la religion nouvelle, donnèrent lieu à des
plaintes formelles de leur part. La situation était telle-
ment tendue, que le gouvernement des Pays-Bas et
Elisabeth finirent par comprendre la nécessité absolue
de s'entendre, de respecter les droits et usages admis
pour sauver le commerce. Des correspondances furent
entamées à ce sujet. En principe, la question fut tranchée,
v *77 )
mais en application, elle présenta de graves difficultés.
Elisabeth désirait le triomphe complet de la Réforme
religieuse et, comme conséquence, l'expulsion des Pays-
Bas de tous les réfugiés anglais établis dans nos pro-
vinces. Philippe II, qui les avait reçus, ne voulait eu
aucune façon foriaire à sa parole. Selon sa manière de
voir, ils devaient jouir de leur liberté au même titre que
les réfugiés belges en Angleterre, dépendant don Guérau
d'Espès, agent espagnol à Londres, conseilla au duc
d'Albe de traiter aux Pays-Bas les marchands anglais de
la même façon qu'Elisabeth agissait à l'égard des nôtres
chez elle. Une pareille proposition ne résolvait pas les
dillicultés de la situation, il s'en faut. Celle-ci était telle,
que la reine finit par donner l'ordre de veiller à ce que
toutes les relations commerciales cessassent entre son
pays et la Belgique.
De son côté, le duc d'Albe lança une proclamation
dans laquelle il déclara positivement que si l'Angleterre
et la maison de Bourgogne avaient décidé la destruction
des pirates, ceux-ci étaient encouragés par Elisabeth.
En dépit, disait-il, des passe-ports accordés par elle aux
navires chargés de l'envoi des fonds destinés au payement
de l'année espagnole, elle s'en était emparée, (l'était
vrai. En retour, fît-il observer, les marchands anglais
étaient poursuivis, tracassés et détenus à Anvers. C'était
encore vrai. Enfin, la reine répondit à ces reproches en
défendant aux Anglais d'entrer en relations avec les sujets
du roi d'Espagne. De cette manière, tout le commerce
d'Anvers se bornait aux relations avec les Portugais et
les Italiens, à l'exclusion de l'Angleterre.
Pareille situation finit par léser les intérêts des deux
parties.
( 878 )
Les marchands anglais, prenant l'initiative, adres-
sèrent au duc d'Albe une requête tendant à obtenir un
changement complet dans les relations entre les deux
pays. Ils demandèrent au gouverneur général de mettre
eu liberté les marchands anglais et autres sujets de la
reine arrêtés dans les Pays-Bas, « de cesser et annuler
toutes et quelconques obligations, cautions et sûretés
qu'ils ont mises et données en manière et place dudit
général arrêt ». Le duc consentit volontiers à cette
demande, à la condition que la reine en fit autant. Il
était prêt, dit-il, à accorder aux sujets anglais une géné-
rale, franche et libre décharge et restitution de toutes les
marchandises, dettes, deniers et biens arrêtés à partir du
18 décembre 1568; mais toujours à la condition que la
reine en fit autant. Cette condition fut exigée pour toutes
les autres demandes des marchands en fait de restitution
de navires saisis et de biens confisqués.
Tous ces pourparlers eurent pour résultat la convention
conclue à Nimègue le 15 mars 1575, en vertu de laquelle
Llisabeth et Philippe II fermèrent les frontières de leurs
pays respectifs à tous les rebelles de l'un et de l'autre
parti, et rétablirent les relations commerciales; en outre,
les sectaires seraient poursuivis. Cette convention fut seu-
lement ratifiée par Philippe II le H juin suivant, au
grand déplaisir d'Elisabeth, et précisément au moment
où le duc d'Albe, complètement disgracié, allait remettre
ses fonctions au duc de Medina-Celi, le nouveau gouver-
neur des Pays-Bas. Le sire de Sweveghem fut de nouveau
chargé d'entamer des négociations en Angleterre, sans
obtenir aucun succès, par suite des assemblées secrètes
des réfugiés catholiques anglais en Belgique, dénoncées
par John Lee à lord Burleigh, et des lenteurs résultant
( 879 )
des négociations diplomatiques. Irritée au suprême degré
de toutes ces tergiversations, la reine menaça de taire
vendre les marchandises belges saisies en Angleterre,
malgré les démarches du sire de Sweveghem, qui, en pré
sence de son insuccès, se décida à demander son rappel.
IV.
Les Marchands Aventuriers établis à Hambourg finirent
par demander l'autorisation de se fixer à Emden,
de manière que l'agent espagnol annonça au secrétaire
Albornoz que l'on pouvait regarder comme rompues
toutes les négociations commerciales avec l'Angleterre.
Par contre, les Marchands Aventuriers d'Anvers avaient,
de l'aveu d'un négociant de cette ville, la main si haute
que, selon son expression, « leur maison était une peste
et un monopole contraire au bien public de la généralité».
Pour en finir, la reine proposa carrément la fermeture
de l'Escaut.
Cette menace produisit son effet. Le duc d'Albe
annonça à Elisabeth (15 avril 157Ô) qu'il s'était décidé à
rétablir les relations commerciales entre les deux pays.
Par conséquent, la liberté de l'Escaut fut demandée à
giands cris par les commissaires des Marchands Aventu-
riers (12 mai 1575). Tout le inonde comptait si bien sur
le bon résultat de cettedémarche,qu'unefète fut organisée
par le magistrat d'Anvers pour célébrer cet heureux évé-
nement. A ce moment, l'avenir semblait se présenter sous
un aspect riant, lorsque surgirent des difficultés nouvelles.
11 fallait, pour passer par les bouches de l'Escaut, le con-
sentement du gouverneur de Flessingue, ville dévouée
aux insurgés et au prince d'Orange. De là des négociations
( 880 )
sans issue; de là des plaintes de la part des marchands
anglais trafiquant à Anvers; de là des faveurs accordées
à certains négociants anversois, partisans des Gueux, et
expulsion de ceux qui n'appartenaient pas à ce parti.
Charles de Boisot, si dévoué à la Révolution et par
conséquent à l'Angleterre, put enfin annoncer de Middel-
bourg à lord Burleigh qu'on avait fait droit aux plaintes
des Marchands Aventuriers (8 mai 1574) ; c'étaient des
promesses qu'il voulait bien mettre à exécution sans avoir
l'autorisation nécessaire à cet effet. Cette autorisation
était d'autant plus difficile à obtenir, que la Zélande
était occupée par les insurgés, toujours disposés à causer
le plus grand tort possible aux provinces encore sou-
mises à la domination espagnole. Ils voulaient par consé-
quent empêcher la navigation sur l'Escaut, n'importe à
quel prix.
Dans le but de mieux encore embrouiller les affaires,
la reine réclama de nouveau l'expulsion des réfugiés
anglais établis dans les Pays-Bas (3 mai 1574) et la libre
navigation sur l'Escaut pour les marchands anglais,
sachant très bien que cette liberté était impossible par
suite de l'insurrection de la Zélande. On le voit, partout
Elisabeth avait des espions qui la mettaient au courant de
ce qui se passait.
V.
Lorsque Requesens, le nouveau gouverneur des Pays-
Bas, arriva à Anvers, il demanda aux États des subsides
dans le but de faire des armements en Flandre, d'y com-
battre l'hérésie et de contrarier l'Angleterre. Elisabeth en
tint compte pour agir en conséquence. Jean de Boisschot.
( «H )
avocat liscal près du Conseil de limitant et envoyé en
Angleterre dans le but d'y soutenir le sire de Sweveghem,
informa Requesens des nouvelles démarches laites par la
Hanse dans le but d'attirer les marchands aventuriers en
Allemagne. Ceux de Lubeck el «le Hambourg veulent bien,
dît-il (11 septembre 1574), traiter en particulier avec les
Anglais, dans le but d'y attirer le trafic et négoce de
l'Ançleterre, leur offrant d'excellentes conditions. Mais
j'apprends, ajoute-t-il, que ceux de Cologne n'y tiennent
pas, à cause de l'intérêt qu'ils ont à conserver leurs rela-
tions avec les Pays-Bas. Cette opposition n'aboutit pas.
L'Angleterre avait le plus grand avantage à contrarier notre
commerce, pendant que les Flamands dévoués à la Réforme
et réfugiés en Angleterre y faisaient une rude concur-
rence à notre industrie et à notre commerce, au plus
grand profit de leur nouvelle patrie. Du moment où les
bouches de l'Escaut étaient occupées par les insurgés, la
navigation y devenait impossible. De là des plaintes con-
tinuelles de la part des intéressés à propos des charges et
vexations endurées par les marchands belges en Angle-
terre et par les Anglais aux Pays- lias. Afin d'arrêter
l'essor de notre commerce, ceux-ci envoyaient directe-
ment leurs draps à Emden, dans le but d'exciter des
troubles dans le pays, ainsi que le fit observer à juste
litre l'évêque d'Aquila.
Requesens voulait, ii n'en pas douter, favoriser les
relations commerciales entre les deux pays, à la con-
dition d'établir une égalité parfaite entre les parties;
mais il lui était impossible d'affranchir les bouches du
lleuve occupées par les insurgés. En vain les intéressés
voulaient-ils tourner les difficultés au moyen de trans-
actions très équitables. Rien n'y lit. Si des Marchands
( 882 )
aventuriers obtenaient la permission de passer par l'Es-
caut, c'était par exception et lorsque les insurgés voulaient
bien le permettre en vertu des recommandations de
l'Angleterre. Celle-ci n'avait pas grand intérêt à ce que
ces laveurs fussent souvent accordées et devinssent géné-
rales. Un Anversois, Edouard Casteleyn, très peu disposé
à favoriser sa ville natale, avoua à lord Burleigh que les
Marchands Aventuriers d'Anvers étaient une source de
profit pour les Pays-Bas et fit observer qu'à son avis
mieux vaudrait la réserver en faveur de l'Angleterre
(29 mai 1575). En présence de pareils aveux, y a-t-il lieu
de s'étonner qu'Elisabeth abondait dans ce sens? A ses
yeux, l'Angleterre devait primer. En attendant, rien ne
se fit. Le temps se passait au milieu de correspondances
sans fin, d'entretiens avec d'Assonleville, de Champagney,
le duc d'Aerschot, le comte de Berlaymont, d'Everstein.
de Rassenghien, Schetz, etc.; et les plaintes des Anglais
détenus à Anvers ne produisirent aucun effet (15 avril
1576). Tout restait dans le statu quo. Requesens ne fut
pas capable de porter remède à la situation. Il en fut
de même sous les gouvernements de don Juan et de son
successeur Alexandre Farnèse.
L'association des marchands périclitait constamment,
sans qu'il fût possible de rien changer à sa position.
En novembre 157(3, elle eut beau se recommander aux
lords du Conseil privé, ce fut en pure perte. Roda promit,
il est vrai, de donner d'une manière générale satisfaction
aux marchands anglais; Wilson annonça au comte de
Leicester qu'il s'occupait des affaires des Anglais à
Anvers; mais rien ne fui exécuté. Enfin ils passèrent à
Lierre (15 décembre 157(i). (''était leur dernière étape
dans les provinces méridionales des Pays-Bas, malgré les
. 885 )
tentatives faites par Elisabeth et par les Etats géné-
raux d'obtenir de nouveaux emprunts par l'intermédiaire
de l'association (18 octobre 1577). En quittant son an-
cienne résidence, elle ne paya pas même ses dettes, ainsi
que le constate en vain un marchand anversois, Jean délia
Faille, dans une lettre de décembre 1577. A la suite de
cette disparition, le désarroi financier fut tel que les ban-
quiers résolurent de quitter la ville. C'est ce qu'ils tirent
(lettres des 5 décembre 1577 et 12 avril 1578). S'il faut en
croire Walsingham, les Aventuriers se plaignirent encore,
en mai 1578, de ne pas pouvoir exercer le culte réformé
dans leur maison. Finalement ils avaient bien positive-
ment quitté la ville pendant cette année, ainsi que le
constatent des lettres de juillet et du 14 octobre 1578.
William Davison adressa encore (10 octobre 1578) au gou-
verneur des Marchands une « admonition » en son nom et
celui de Cobham au sujet de la défense qu'ils avaient
faite au ministre Travers de prêcher, et d'agir ainsi sans
en avoir référé à Elisabeth.
Pareille situation s'explique facilement. Le commerce
veut la liberté, le cosmopolitisme, la paix, la fédération,
la sociabilité, la tolérance. 11 abhorre les violences, peu
importe leur origine, leur nature, déteste l'anarchie et
exige le respect des conventions. Aucune de ces condi-
tions, à très peu d'exceptions, n'existait à Anvers à partir
du milieu du XVIe siècle. Depuis cette époque, la ville fut
témoin des horreurs commises tour à tour par les Espa-
gnols, les Français, les mutins. Des Aventuriers se
fixèrent à Flessingue, à Middelbourg, dans les Pays-Bas
septentrionaux, puis en Allemagne, là où ils purent exer-
cer librement leur négoce avec les pays voisins, tels que.
le Danemark, la Suède, la Pologne, la Moscovie, etc.,
sans l'intervention de nos provinces.
( 884 )
A qui la faute de ce désarroi? A l'intolérance religieuse,
dont le docteur Wilson reconnut tous les dangers, sans
v porter remède. Elisabeth exigeait que tout le monde
liit protestant, Philippe 11 ne voulait que des catholiques.
C'est ainsi que l'intolérance en matière de foi et la scis-
sion entre les provinces méridionales et septentrionales
des Pays-Bas furent la cause première, nous ne dirons
pas unique, de la perte d'une institution appelée à enri-
chir le pays et spécialement la ville d'Anvers. Nous recon-
naissons aussi, en ce qui concerne nos provinces, que les
convoitises de l'Angleterre, de la France et de l'Alle-
magne contribuèrent singulièrement à ce désarroi. Elisa-
beth n'avait-elle pas fait dresser un travail généalogique
dans le but de prouver que la province de Hollande
devait passer à elle et à sa famille par droit et par devoir?
Elle était décidée à anéantir le commerce anversois. Les
Aventuriers allèrent plus loin encore en tâchant, pendant
l'année 1585, de contrarier le trafic avec la Hanse. A cet
effet, ils modifièrent complètement leur association et la
changèrent en «une société monopolière, pestiférée et con-
damnée parles lois», selon l'expression de Henri Suder-
mann, syndic de la Hanse, privèrent les Hanséates de
leurs privilèges, « ne cessèrent d'éluder et efforcer avec
la royne, non seulement de troubler, mais de perdre et
anéantir entièrement la fixe résidence des dits Hanséa-
liqiies en la ville d'Anvers (1) ». Enfin la situation était
tellement tendue, que Farnèse engagea la Hanse à prohi-
ber l'entrée des draps et autres marchandises d'Angle-
terre, et de ne plus rien fournir à la Grande-Bretagne (2).
il) Comptes rendus de la Commission royale d'histoire, ISîK'i, p. 91 .
-2 Md., p. 98.
( 885 )
(Tétait à nous de déjouer ces prétentions par l'union
et des vues larges et bien comprises, sans sacrifier les
convictions religieuses du pays et celles de nos voisins
du nord. Telle était aussi la manière devoir de plusieurs
membres du haut clergé et de quelques professeurs dis-
tingues de l'Université de Louvain; mais le mal était
fait, il fallait en subir les conséquences. De plus, Farnèse
détestait les Aventuriers. Il n'y en avait plus à Anvers
lorsqu'il fit la conquête de cette place.
Les Marchands Aventuriers n'y laissèrent plus ni traces
ni vestiges de leur existence, de leur ancienne splen-
deur. En fait de commerce et de spéculations financières,
le rôle de cette ville était terminé. Désormais elle ne
comptera plus dans le commerce du pays.
Au XVIIe siècle, il y eut encore en cette ville une asso-
ciation de marchands anglais, mais elle n'offrait rien de
commun avec celle des Aventuriers.
3n,e SÉRIE, TOME XWIll. 58
( 886
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 5 juin 1897.
M. Th. Viïnçotte, directeur.
M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Ch.Tardieu, vice- directeur ; Ad.
Samuel, Th. Radoux, Jos. Jaquet, J. Demannez, G. De
Groot, Gustave Biot, H. Hymans, Jos. Stallaert, Alex.
Markelbach, Max. Rooses, J. Robie, G. Fluberti, A. Hen-
nebicq, Éd. Van Even, Alfr. Cluysenaar, le comte J. de
Lalaing, J. Winders, Ém. Janlet et H. Maquet, membres;
J.-B. Meunier, Alb. De Vriendt, C. Hermans et Van Ysen-
dyck, correspondants.
M. Ém. Mathieu exprime ses regrets de ne pouvoir
assister à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux publics
transmet le rapport fait par M. de Borchgrave, au nom
de la section centrale de la Chambre des Représentants,
sur le projet de loi approuvant l'acte additionnel et
( 887 )
la déclaration interprétative élaborés par la confrérie
internationale pour la protection des œuvres littéraires
et artistiques. — Remerciements.
M. Plorimond van Duyse offre, au nom de M. Jan
Bols, curé de l'église d'Alsemberg, membre de l'Académie
llamande, un exemplaire de son livre : llonderd oude
VUmmsche liederen, met woorden en zangwijzen, verzameld
en voor de eerste maal aan het licht gebracht. Namur-Anvers,
1897, in-8°. — Remerciements et impression au Bulletin
de la note lue par M. van Duyse en présentant ce volume.
— La Classe renvoie à MM. de Lalaing, Slallaert et
Demannez une lettre de M. Delville, premier prix du
grand concours de peinture en 1895, datée de Rome,
Académie belge, juin 189".
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
Honderd oude Vlaamsche liederen, met woorden en zang-
wijzen, verzameld en voor de eerste maal aan het licht
gebracht door Jan Bols, pastoor van Alsemberg, lid der
Koninklijke Vlaamscbc Académie (Namen, Ad. Wes-
mael-Charlier, 1897).
J'ai l'honneur de présenter à l'Académie le volume
publié par M. J. Bols et comprenant cent chansons, la
plupart recueillies, texte et musique, d'après la tradition
orale.
Les textes se composent d'une partie pieuse : noëls.
chansons des Rois, chansons de la Passion, etc., el
( 888 )
d'une partie profane : chansons narratives, amoureuses,
satiriques, etc.
Ce volume prouve une fois de plus combien certaines
chansons populaires ont la vie dure.
M. Bols a pu, à l'heure actuelle, recueillir de la bouche
du peuple, dans la province de Brabant — une douzaine
de chansons ont été notées à Alsemberg, aux portes de
Bruxelles — des chants datant de plusieurs siècles.
Un des noëls, n° 16, p. 23 :
En er viel een hemelsch dauvvken
Al op eene blij magedje rein,
figure déjà dans un des manuscrits du XVe siècle ayant
appartenu à Hoffmann von Fallersleben et se trouvant
aujourd'hui à la Bibliothèque de Berlin. Certes, la nou-
velle leçon n'est pas absolument semblable à celle du
manuscrit, mais le fond est identique, la marche et le
nombre des strophes sont les mêmes, des vers entiers
sont demeurés. La mélodie n'est pas davantage celle qui
a été adaptée à ce chant au XVe siècle et qui nous a été
conservée, ni celle qui lui a été adjointe au XVIe et qui
nous est également demeurée; mais elle n'en est pas moins
ancienne et démontre que, jusqu'à ce jour, l'antique mode
éolien n'a pas perdu ses droits dans le chant populaire.
A côté d'intéressantes variantes, celle que nous venons
de citer, celles des Drij Koningsdochlerkens, et de la très
ancienne chanson des Douze nombres, celles des chansons
dites Verhuisliederen, le volume nous apporte des textes
et des mélodies non publiés jusqu'ici. Telle la chanson
Van de twee Gezusters (p. 131), reposant sur l'ancienne
légende des pains pétrifiés.
( 889 )
Outre des chanls à l'allure grave et austère, le recueil
contient aussi des pièces d'un caractère enjoué et badin.
Celles-ci, M. Bols n'est pas le dernier à le constater,
remplaceraient avec avantage mainte chanson populaire
de nos jours.
Chaque pièce est accompagnée de la mélodie. Toutes
les mélodies n'ont pas la même valeur musicale, mais il
en est de fort remarquables. Je citerai les quatre mélodies
adaptées à des chants de la Passion (pp. 60-70), et
notamment le beau chant en mode éolien : Wat zelten ze
onzen Lieven lleer op zyn Iwod. Le Kyrie eleison, le cri
populaire remontant aux premiers temps du christianisme,
que l'on trouve dans le refrain aussi bien que la mélodie
elle-même, est un sûr garant de l'ancienneté du texte et
de la musique.
M. Bols déclare modestement qu'il n'a fait que réunir
ce qu'il a pu glaner sur sa route. 11 oublie d'ajouter
qu'après avoir recueilli avec une piété filiale ces souvenirs
charmants que se sont légués les générations, il a co-
ordonné ces matériaux épars, qu'il a annoté, commenté
les textes et qu'en bien des endroits il les a élucidés. Son
œuvre revêt ainsi un caractère à la fois artistique et
scientifique. Elle sera consultée avec fruit par tous ceux
qui s'intéressent à notre littérature et à notre musique
anciennes.
Plorimond van Duyse.
( 890 )
CONCOURS DE LA CLASSE POUR 1897
M. le Secrétaire perpétuel présente un mémoire portant
pour devise : La nature, toujours la nature, rien que la
nature (Navez), envoyé en réponse à la question : Faire
l'histoire de l'influence de l'école de David sur l'art belge.
— Commissaires : MM. Stallaert, Hymans et Rooses.
OUVRAGES PRESENTES.
Rambeke {Ch. Van). A propos de la délimitation cellu-
laire. Bruxelles, 1897; extr. in-8° (16 p.).
— L'oocyte de Pholcus Phalangioides, Fuessl. Bruxelles,
1897; extr. in-8° (17 p.).
Dupont {Éd.). D'Omalius d'HalIoy, 1783-1875. Bruxelles,
1897; in-8°.
Hurlez {Le chevalier Ch. de). Le Yi-King, traduit d'après
les interprètes chinois avec la version mandchoue. Paris,
1897; in-8»(220 p.).
— Vocabulaire bouddhique sanscrit -chinois. Han Fan
Tsih-Yao. Précis de doctrine bouddhique. Leyde, 1897 ;
extr. in-8° (66 p.) (95 p., portrait et carte).
Mesdach de ter Kiele {Ch.). Cour de cassation de Belgique
(2e chambre), 24 mai 1897. Immunité diplomatique. Ministre
étranger. Contestation civile. Excès de pouvoir. Bruxelles,
1897; in-8°(5 p.).
Meunier {Fernand). Revue critique de quelques insectes
( 89» )
fossiles du Musée Teyler. Harlem, 1897; extr. in-8° (22 p.,
11 pi.).
Bols (Jean). Honderd oude Vlaanische liederen, met vvoor-
den en zangwijzen, verzameld en voor de eerste maal aan
het licht gebracht door Jan Bols. Namur-Anvers, 1897;
in-8° (263 p.).
(•uillery (Le DT). De la nécessité d'une nouvelle loi sur...
les signes certains de la mort. Charleroi, 1897; in-8° (5 p.).
Thys (Augustin). Een gerechtelijk drama in 1813; zaak
Werbrouck en consoorten, naar onuitgegeven oorkonden.
Anvers, 1897; in-8° (195 p.).
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symbol, and its migrations; vvith observations on the migra-
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1896; extr. in-8° (252 p.).
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Saint-Pétersbourg. Observatoire physique central. Annales,
1895, l,e et 2de parties.
BULLETINS DE L* ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
TABLES ALPHABÉTIQUES
DU TOME TRENTE- TROISIÈME DE LA TROISIÈME SÉRIE.
1897.
TABLE DES AUTEURS.
Académie des sciences de l'Institut
de Bologne. Envoie le pro-
gramme du Prix Aldini sur le
Galvanisme, 94.
Académie de Stanislas à Nancy.
Envoie le programme des Prix
Despeux, et Herpin, 95.
Académie royale des sciences, des
lettres et des beaux-arts de
Belgique. Liste des travaux pu-
bliés de mai 1896 à mai 1897,
745.
Académie royale des sciences de
Turin. Envoie le programme
du Prix Bressa, 95. — Annonce
la mort de MM. G. Ferraris
et L. Schiaparelli, 150.
Aitchison [George). Élu associé,
86; remercie pour son élection
et son diplôme, 139, v25!).
Albert Ier de Monaco .S. A. R. le
prince). Hommages d'ouvrages,
151.
Anonymes Concours de la Classe
des lettres, 1897) : Mémoire sur
les croyances et les cultes de
l'île de Crète dans l'antiquité
Rapports de MM. Vanderkin-
dere, Alph. Willems et le comte
Gobletd'Alviella), 480,485, 188.
— Mémoires sur le fondement
du droit de propriété indivi-
duelle (Rapports de MM. Mes-
dach de ter Kiele, Brants et
Denis), 193, 534, 547. — Mé-
moire sur les théories de la
colonisation au XIXe siècle.
(Rapports de MM. Denis, Ban-
ning et Descamps), 595, 630, 638.
Arboli y Faraudo :don S.). Voir
Jiménez-Placer.
Association générale pliant) accu-
891»
TABLK DES AUTEURS.
tique de Belgique- Annonce que
le VIIIe Congrès international
de pharmacie aura lieu à Bru-
xelles, 94.
Aumale (le duc d'). Hommage
d'ouvrage, 344. Annonce de sa
mort. Lettre de condoléances
à l'Institut de France. 175;
réponse de l'Institut, 861.
l\
Baetes J. . Remet une reproduc-
tion photographique de son
projet de médaille couronné
en 1896, 84.
Bambeke [Ch. Van). L'oocyte de
Pholcus phalangioides Fuessl.
Communication préliminaire ,
307. Hommages d'ouvrages, 758.
— Rapports : voir Goldschild
(W.y, Masoin (C): Taquin {A.);
Trambusti(A.).
Banning [Ém.). Membre du jury
pour les prix De Keyn, 59;
rapport, 712. —Rapports : voir
Gossart (Em.) et Anonymes
(Mémoire de concours).
Bêcher (Léon). Hommage d'ou-
vrage, 9."i.
Beltrami (Euy.). Remerciements
pour son élection et pour son
diplôme. 2, 94.
Beneden (Éd. Van). Rapports :
voir Masoin (C.) et Taquin ( A . :
Francotte (P.); Trambusti (A.).
Benoit (P.). Membre du jury du
concours des cantates, 354.
Berlière dom Ursmer\ Hommage
d'ouvrage. 477.
Blok(P.-J. :. Hommage d'ouvrage
avec note par Ch. Piot (Verslag
aangaande een voorloopig on-
derzoek te Parijs naar archi-
valia belangrijk voor de ge-
schiedenis van Nederland), 231.
Bols (Jan). Hommage d'ouvrage
avec note par Flor. van Duyse
(Honderd oude vlaamsche lie-
dercn), 887.
Bormans (Stanis.). Membre des
jurys : 1° Prix De Keyn, 59;
rapport, 712; 2° Prix Anton
Bergmann, 860. — Rapport : voir
WilmotteiM.).
Bourlard (A.). Élu correspondant.
85; remercie, 139.
Brahms (Johannes). Décès, 750.
Brants [V.). In cours de droit
au XVIIe siècle. Traetatus de
reditibus annuis, de Gérard de
Courcelle (1623), 61. — Note
bibliographique : voir Willems
(Jos.). — Rapport : voir Capart
(Alph.) et Anonymes (Mémoires
de concours).
Brasseur (ieu J.B.). Son buste en
marbre par Ém. Cantillon, 143.
Brialmont [Alexis). Discours pro-
noncé à l'inauguration du mo-
nument Stas, 733.
Burne-Jones (Sir Edward). Élu
associé, 85; remercie pour son
élection et son diplôme, 139,
259.
Cabreira (Ant.). Hommage d'ou-
vrage. 95.
TVRLK DES Al I II RS.
S97
Cannizzaro Stan.) Remercie pour
les félicitations au sujet de son
soixante -dixième anniversaire,
:!. Hommage d'ouvrages, 3.
Cantillon (Êm.). Buste en marbre
de .1.-15. Brasseur, L43.
Capart Alphonse). Fondement
ilu droit de propriété indivi-
duelle [Mémoire couronne).
Rapports de MM. Mesdacli de
ter Kiele, V. Brants et Denis,
193, 534, 547; proclamé lau-
réat, 7±!; remerciements, 860.
Castan kuAug.). Hommage d'ou-
vrage fait en son nom, 863.
Cesàro (G.). Remercie pour la
distinction accordée à son mé-
moire sur les minéraux du sol
belge (t. LUI, Mémoires de
l'Académie), 3. — Sur quelques
propriétés des polyèdres non
centrés superposables à leur
image {Mémoires de l'Académie).
Rapport de MM. De Tilly, Neu-
berg et Ch. de la Vallée Pous-
sin, 392, 394. — Glycol isobu-
tvliquemononitré :
CH*. OH
I
NO2 — C — CH*
i
CH'.OH,
description, 323.
Gharlïer (G.). Modèle du buste
de Th. Schwann, 144.
Ciel et r«"re(Comité de rédaction).
Prix Mailly, première période
(remerciements), 3.
Clays(P.). Rapport : voir Esbroeck
Éd. Van).
Cluysenaer (Alfr. . Rapports :
voir Delville J \; Esbroeck (Éd.
Van .
Coopman (Th. . Prix De Keyn,
TUS; proclamé lauréat, 743.
Cope(Éd. Drinker). Décès, 386.
Crépin /•>.). Réélu membre de
la Commission administrative,
392.
Crismer L.). Hommage d'ouvra-
ges avec note par Alfr. Gilkinet
Analyse des beurres;, 387, 391.
Cumont{F.). Hommage d'ouvrage
avec note par P. Thomas (Textes
et monuments figurés relatifs
aux mystères de Mithra, i-efasc),
128, 131.
I)
d'Aumale (Le duc).— Voir Aumale.
De llruyne (Ch.). Mémoire cou-
ronné sur la phagocytose (re-
merciements), 3.
DeHeen (P.). Identité de l'effet pro-
duit par la lumière et par l'effluve
électrique sur une plaque pho-
tographique recouverte d'une
lame peu conductrice, 42. —
Sur la prétendue existence de
la densité critique, T19. — Sur
l'observation d'étincelles posi-
tives et négatives, 124. — Pho-
tographie de la chromosphère
du soleil et constitution de cet
astre, 205. — .Nouveaux faits
d'électrochrose et sur l'intinie
variété des phénomènes dits
cathodiques, 210. — Détermi-
nation de la partie du spectre
MX
TABLE DES AUTEURS.
qui développe la plus grande
proportion d'infra- électricité ,
321. — Réponse à M. Le Paige
(Action du soleil sur les plaques
photographiques), 437. — Note
relative à la photographie de l'at-
mosphère solaire, 800, 802. —
Rapports : voir Goldschild ( W '.) ;
Hemptinne (A. de).
de la Vallée Poussin (Ck.). Rap-
ports : voir Cesàro (G.): De
Windt (Jean); Stùber (F.).
Delbœuf (/.). Hommage rendu à
su mémoire à l'Université de
Liège (Discours de M. Gilkinet),
96.'
Delville [Jean). Réception de son
second rapport semestriel et de
son premier envoi réglemen-
taire, 84; lecture des apprécia-
tions de MM. Hymans, Robie,
Hennebicq et Cluysenaar, 265 ;
réception de sa lettre datée de
Rome, juin 1897, 887.
Denis {H.). Sur l'interprétation
des données de la statistique et
sur la natalité et la matrimo-
nial i té (lecture), 132. — Hom-
mage d'ouvrage, 477. — Rap-
port : voir Capart{Alph.) et Ano-
nymes (Mémoires de concours).
De Paepe (P.). Prix quinquennal
des sciences sociales (IIIe pério-
de). 47(i ; proclamé lauréat. 723.
Deruyts (/. >. Rapport : voir Lands-
l'erg G.).
Descamps {Le chevalier Éd.). Rap-
port : voir Anonymes (Mémoires
de concours).
Des Cloizeavx (A .-L.-O, Legrand).
Remercie pour son élection
d'associé et pour son diplôme.
2, 94. — Son décès, 758.
Devogel ( Victor). Prix De Keyn,
718 ; proclamé lauréat, 723.
De Vuyst (P.). Hommage d'ouvra-
ge arec note par Léo Errera.
(Cultures spéciales. Expériences
de Borsbeke lez-Alost, 1890-
1896), 4. 6.
Dewalque (G.). Délégué au Congrès
international de géologie de
Saint-Pétersbourg, 758. — Les
sciences minérales devant les
jurys des prix quinquennaux
des sciences naturelles, 782. —
Rapport : voir Fraipont (/.). —
Note bibliographique : voir Vel-
ge(G.).
De Windt {Jean). Établir les rela-
tions qui existent, au point de
vue lithologique, entre les ro-
ches considérées comme cam-
briennes des massifs de Rocroi,
du Brabant et de Stavelot. Lec-
ture des rapports de MM. de la
Vallée Poussin (Ch.), Malaise et
Renard, 275.
D'Hondt (Fréd.i. Hommage d'ou-
vrage, 274.
d'indy {Vincent). Élu associé, 86:
remercie pour son élection et
son diplôme, 139, 259.
Discailles [Ern.). Promu Officier
de l'Ordre de Léopold, 52. —
Élu membre titulaire, 724; ap-
probation royale de son élec-
tion, 860; remercie, 860. —
Rapport : voir Wilmotte {M.).
TABLE I>KS WTKIKS.
899
d'Olivecronu ;C). Hommage d'ou-
vrage, 344.
Doorslaer (G. Van). Hommage
d'ouvrages, 140.
du Bois-Reymond Emile-Henri .
Décès, 3.
Duclos (Ad.).Hommaged'ouvrage,
751.
Dupont {Ed.). Élu directeur de la
Classe des sciences pour l'an-
née 1898, 8. — Hommage d'ou-
vrages avec notes : 1° Guide du
Musée royal d'histoire naturelle
de Belgique. 387, 388; 2° d'Oma-
lius d'Halloy, 1783- 1875, 758,
759.
Duvivier (Ch.). Prix quinquennal
d'histoire nationale i Xe période,
1891-1895), 343. — Proclame
lauréat, 723.
Dtcyck [M.). Sur une combinaison
de certains terpènes avec les
salicylates alcalins, 388.
Duyse(Flor.van). Hommage d'ou-
vrages, 140 — Note bibliogra-
phique : voir Bols (Jan).
École française d'Athènes. Célé-
bration de son cinquantenaire
(Remise à cause de la guerre),
127.
Engelmann (Th.-W.). Hommage
d'ouvrage, 95.
Errera (L.). Hommage d'ouvrage,
387. — Note bibliographique :
voir De Vuyst (P.). — Rapport :
voir Masoin^P) et Taquin (L.).
Esbroeck (Éd. Van). Troisième et
quatrième rapports semestriels ;
appréciation de MM. Fétis.
Clays, Cluysenaar, Hennebicq
et Stallaert, 350. — Réception
de son cinquième rapport, 751.
Even (lùhv. Van). Note sur Nicolas
Stramot, peintre belge de la fin
du XVII* siècle, 367. — Hom-
mage d'ouvrage, 751.
Faye (Hervé). Remercie pour les
sentiments qui lui ont été ex-
primés à l'occasion de son cin-
quantenaire de membre de
l'Institut, 94.
Fennema (H.). Hommage d'ou-
vrage, 274.
Ferraris (Galileo). Décès, 150.
Fétis (Éd.). Jlembre du jury du
concours des cantates, 354. —
Réélu membre de la Commis-
sion administrative, 751 . — Rap-
port : voir Esbroeck (Éd. Van).
Fierens-Gevaert (H.). Hommage
d'ouvrage, 84.
Folie (F.). Dépose un pli cacheté.
3. — Réflexions sur l'aberration
planétaire, 103. — De la néces-
sité d'une réaction en astro-
nomie sphérique, 154.— Preuve
de la nutation diurne par les
écarts systématiques trouvés
dans les latitudes déterminées
à Lick Observatory , 299. —
L'expression de l'heure dans
le système de l'axe instantané,
397. — Sur l'incorrection de
l'heure et de l'ascension droite
déterminées dans le système
!MK)
TABLE DES AUTFAIKS.
de l'axe instantané, 765. — Sur
la période eulérienne, 771. —
Phénomènes naturels observés
en Belgique (fév. et mars 1897),
164, 306. — Hommage d'ou-
vrage, 151.
Fraipont (</.). La grotte du mont
Falhise (Anthée), 47; lecture du
rapport de MM. Dewalque, Du-
pont et Malaise, 8. — Hommage
d'ouvrage, 95.
Francotte (P.). Recherches sur la
maturation, la fécondation et la
segmentation chez les Poly-
clades (Mémoires des savants
étrangers, in 4°, t. LV). Rapport
de MM. Éd. Van Beneden et 31a-
sius, 278, 283.
Fredericq iL.). Membre du jury
pour les prix De Keyn, 59; rap-
port, 712. — Rapport : voir
Masoin (P.) et Taquin (A.).
Fredericq (P.). Chevalier de l'Ordre
de Léopold, 52. — Membre du
jury pour les prix : 1° De Keyn,
59; rapport, 712; 2° Anton
Bergmann, 860. — Note biblio-
graphique : voir Siée (J.-C. van).
— Rapport: voir Gossart (Ern.).
Gardeur (A.). Sur la triphénylé-
thanone, 759.
Garnier iJ.-L. -Char les). Élu asso-
cié, 85; remercie pour son
élection et pour son diplôme,
139, 259.
Gehuchten{A. Van). A. Contribu-
tion à l'étude des cellules dor-
sales tHinterzellen) de la moelle
épinière des Vertébrés infé-
rieurs; B. Le ganglion basai
et la commissure habénulaire
dans l'encéphale de la Sala-
mandre, 388.
Génard (P.). Hommage d'ouvrage,
355.
Gevaert (F.-A.) Membre du jury
du concours des cantates, 354.
— Hommage d'ouvrage, 355.
Gilkinet (Alfred). Discours pro-
noncés : 1° à la cérémonie qui
eut lieu à l'Université de Liège,
en mémoire de J. Del bœuf, 96;
2° Au cinquantenaire académi-
que de M. le baron Edm. de Selys
Longchamps, 727. —Note biblio-
graphique : voir Crismer (L.).
Goblet d'Alviella (Le comte Eug ).
Nommé président de l'Académie
pour l'année 1897, 2, 53, 83. —
Silex néolithiques et paléoli-
thiques de Court-Saint-Ëtienne,
286. — Les Grecs dans l'Inde,
essai de restitution historique,
653. — Allocution (cinquante-
naire académique de M. le baron
Edm. de Selys Longchamps),
726. — Réponse au discours de
31. Brialmont à l'inauguration
du monument Stas, 742. —
Note bibliographique : voir W(7-
son (Thomas). - Rapport: voir
Anonymes (31émoire de con-
cours).
Goldschild (W). Soumet une note
sur la Théorie substantielle de
la chaleur, 388; dépôt aux
archives après avis de MM. De
TARLE DES AUTEURS.
901
Heen et Van der Mensbrugghe,
760.
Gonse (Lattis). Hommage d'ou-
vragé, 751.
Goode (G.-Brown). Décès, 94.
Gossart (Ern.). Notes pour servir
à l'histoire du règne de Charles-
Quint {Mémoires in-8°, t. LV).
Rapports de MM. Piot, Banning
et P. Fredericq, 344, 347, :S52.
Gosselet («/.). Hommage d'ouvra-
ges, 151.
Gûeluy (A.) et Lamy (T.-J.). Le
monument chrétien de Si-ngan-
fou. son texte et sa signification
(Mémoires de V Académie, in-4°,
t.. LUI). Lecture des rapports de
MM. Monchamp et de Harlez, 61 .
Guillery (Le Dr). Hommage d'ou-
vrage, 758.
II
Harlez (Ch. de). Hommage d'ou-
vrages avec note : A. Le Yi-
King; B. Vocabulaire boud-
dhique, sanscrit-chinois, 862,
864. — Rapport : voir Lamy
(T.-J.) etGueluy (A.).
Hemptinne{A. de). A. Sur l'action
chimique des effluves électri-
ques et des rayons de Rôntgen ;
B. Action des vibrations électri-
ques sur quelques substances
(Mémoires in-8°, t. LV). Lecture
des rapports de MM. Spring, De
Heen et Van der Mensbrugghe,
103, 152, 275. — Sur la syn-
thèse des substances organiques
par les effluves électriques, 388.
3,ne SÉRIE, TOME XXXIII.
Hennebicq (A.). Rapports : voir
Delville(J.); Esbroeck(Éd. Van).
Henrard (!'.). Hommage d'ou-
vrage fait en son nom, 343.
Henry (Louis). Sur la mono-
chlorhydrine glycérique d'ori-
gine allylique, 110. — Sur l'al-
cool nitro-propylique primaire
(H0)CH2-CH(N02)-CH3, 115.
— Recherches sur la volatilité
dans les composés carbonés.
195. — Sur divers composés
triméthyléniques, 407. — Sur
divers alcools nitrés, 412. —
Rapports : voir Schoonjans (A.);
Vandevelde (A .-J.-J.);Swarts (F. ) .
Hérain («/.). Avis de la section de
sculpture sur son buste en
marbre de H. Vander Haert, 85.
Hesselgren (Frédéric). Hommage
d'ouvrage, 751.
Heymans \J.-F.). Mémoire cou-
ronné sur l'Amphioxus (remer-
ciements), 3.
Homolle(J.-Th.). Hommage d'ou-
vrages, 344.
Hymans (IL). Élu correspondant
de l'Académie des beaux-arts
de l'Institut de France (félicita-
tions), 138. —Notes bibliogra-
phiques : voir Jacqttot (Alb.):
Neuwirth (J.\ — Rapport : voir
Défaille (Jean).
Institut de France. Lettre en ré-
ponse aux sentiments exprimés
par l'Académie au sujet de la
mort du duc d'Aumale. 861.
59
1M>2
TABLE DES AUTEURS.
Jacquot (Alb.). Hommage d'ouvra-
ges (Le peintre lorrain Claude
Jacquard. — Un protecteur des
arts : le prince Charles-Alexan-
dre de Lorraine). Note par H.
Hymans, 84, 262.
Janssen (P.-J.-C.). Remercie pour
son élection d'associé et pour
son diplôme, 2, 94.
Janssens (E.). Hommage d'ou-
vrage, 95.
Jiménez-Placer (don Carlos) y Ar-
boii y Faraudo (don Servando).
Hommage d'ouvrage avec note
par Alph. Wauters. (Discursos
leidos ante la rèal Academia
Sevillana...), 862, 864.
Jorissen (A.). Rapport : voir
Schuyten (Af.-C).
Kayser (Simon). Étude sur l'art
oratoire, la langue et le style
d'Hypéride (Mémoire couronné).
Rapports de MM. Vollgraff, P.
Willems et P. Thomas, 645,
648, 650. Proclamé lauréat, 722 ;
remercie, 860.
Kôlliker (A. von). Hommage d'ou-
vrage, 387.
Kurth (God.). Officier de l'Ordre
de Léopold, 52.
Lameere (Eug.). Hommage d'ou-
vrage avec note par Ch. Piot
(Essai sur l'origine et les attri-
butions de l'audiencier dans les
anciens Pays-Bas), 54, 55.
Lamy (T.-J.). Le monument chré-
tien de Si-nganfou, son texte et
sa signification en collaboration
avec Gueluy (A.) (Mémoires de
L'Académie in-4°, t. LUI). Lec-
ture des rapports de MM. Mon-
champ et de Harlez, 61. — Délé-
gué à la onzième session du
Congrès international des orien-
talistes, 127. — Note bibliogra-
phique : voir Ponthière (H.).
Lancaster (Alb.). Hommage d'ou-
vrage, 151.
Landsberg (G.). Sur un nouveau
développement de la fonction
gamma qui contient la série de
Stirling et celle de Kummer
(Mémoires in-8°, t. LV). Rapport
de MM. P. Mansion, J. Deruyts
et Neuberg, 9, 17.
Laureys (F.). Son décès, 258. —
Discours prononcé à ses funé-
railles ; par Th . Vinçotte, 260. —
Remerciements de la famille,
355.
Leclercq {Jules). Élu correspon-
dant, 72i; remercie, 860.
Lemailre (Jules). Élu associé, 724 ;
remercie, 860.
Le Paiye (C). De l'action du
soleil sur les plaques photogra-
phiques, 429. — Sur la photo-
graphie de l'atmosphère (suite
à une note de M. De Heen), 802.
Lon/ils (Lue). Prix De Keyn, 718.
Proclamé lauréat, 723.
TABLE DKS AUTEURS.
903
>l
Malaise (C). Sur la constitution
de la bande silurienne du Gon-
droz de Sambre-et-Meuse, 803.
— Note bibliographique : voir
Petermann [A.\ — Rapports :
voir DeWindt(J.);Fraipont ./.).
Malderghem (J. Van). Hommage
d'ouvrage avec note par Alph.
Wauters (Les fresques de la
Leugemeete, à Gand), 477.
Mansion P.). Hommage d'ou-
vrage, w274. — Rapports : voir
Landsberg (G.); Marchai (J.);
Stuyvaert [M.).
Marchai ./.). Lettre relative a la
théorie des nombres premiers,
275 ; déposée aux archives sur
l'avis de M. Mansion, 392.
Masius [V.). Approbation royale
de son élection de membre titu-
laire, 2; remercie, 2. — Rap-
port : voir Francotte (P.).
Masoin (P.). Demande à pouvoir
bénéficier de la table belge à
la station zoologique de Na-
ples, 2; lecture des rapports
de MM. Van Beneden, Van Bam-
beke, L. Fredericq et L. Errera,
102.
Massart J.). Mémoire couronné
sur la cicatrisation chez les vé
gétaux (remerciements), 3.
Mathieu (Emile). Élu correspon-
dant, 86; remercie, 439.
Meert(U.). Remet un exemplaire
imprimé de son travail cou-
ronne par le jury De Keyn (Dis-
tels), 54.
Mendeléef(D.-J. . Remerciements
pour son élection d'associé et
pour son diplôme, 2, 94.
Mesdach de ter Kiele (Ch.). Hom-
mage d'ouvrages, 862. — Rap-
port : voir Capart Alph.) et
Anonymes (Mémoires de con-
cours).
Ministre de l'Agriculture et des
Travaux publies. Envois d'ou-
vrages, 139, 259, 862, 886.
Ministre de la Guerre. Envoi d'ou-
vrage, 386.
Ministre de la Justice. Envois d'ou-
vrages, 477, 862.
Ministre de l'Industrie et du Tra-
vail. Envois d'ouvrages, 343,
386.
Ministre de l'Intérieur et de l'In-
struction publique Envois d'ou-
vrages, 3, 53, 95, 128, 150, 230,
343, 355, 386, 476, 862.
Ministre des Finances. Envoi d'ou-
vrages, 53.
Monchamp G.). Rapport : voir
Lamy i T.J.) et Gueluy (A. .
Mortelnians (L.). Envoi réglemen-
taire (Salée Recjina), 751.
Motteu J. . Hommage d'ouvrage,
387.
Mourlon (M.). Hommage d'ouvra-
ges, 95. — La l'aune marine
du quaternaire moséen révélée
par les sondages de Slrybeek
(Meerle) et de Wortel, près
de Hoogslraelen, en Campine,
776.
904
TABLE DES AUTEURS.
N
Nadaillac (Le marquis de). Hom-
mage d'ouvrages, 53, 344.
Navez (Louis). Hommage d'ouvra-
ge, 53.
Neuberg (/.). Membre du Jury
pour les prix De Keyn, 59;
rapport, 712. — Hommage d'ou-
vrage, 274. — Rapports : voir
Cesàro (G.); Landsberg (G.);
Stuyvaert (M.).
Neuwirth {Joseph). Hommage d'ou-
vrage avec note par H. Hy-
mans (Forschungen zur Kunst-
geschichte Bôhmens. II. Der
Bildercyklus des Luxemburger
Stammbaumes aus Karlstein\
139, 140.
O
Olivecrona [C. d'). Voir d'Olive-
crona.
Petermann (A.). Hommage d'ou-
vrage avec note par C. Malaise
(Station agronomique et labora-
toires d'analyses de l'État, 1781-
1896). 4, 5. *
Piot (Ch.). Commandeur de l'Or-
dre de Léopold, 342. — Les
Marchands Aventuriers à An-
vers, 870. — Notes bibliogra-
phiques : voir Blok (P.-J.);La-
meerc. (Eug.v, Serrure (C.-A.). —
Rapport: voir Gossart (Ern.).
Plateau (F.). Comment les fleurs
attirentles Insectes. Recherches
expérimentales. Troisième par-
tie, 17.
Ponthière (//.). Hommage d'ouvra-
ge avec note par T.-J. Lamy
(Triptyque : Le Paquebot — Le
Village — L'Épopée du fer), 128.
130.'
Potvin (Ch.). Membre du jury
pour les Prix De Keyn, 59; rap-
port, 712. Traduction en vers
français de poésies flamandes
(ouvrage couronné par le jury
De Keyn), 718. - Jean Stas (poé-
sie), 743.
Preud'ho)nmelL.).«Yies des douze
Césars » par Suétone (Mémoire
couronné). Rapports de MM.
P. Thomas, P. Willems et Voll-
graff, 639, 643, 644. Proclamé
lauréat, 722; remercie. 860.
1\
Radoux (Th). Hommage d'ou-
vrage, 84.
Reinach (Th.). Hommage d'ou-
vrages, 53, 231, 863.
Renard (A.-F.). Remis en posses-
sion de son mémoire Sur la
météorite de Lesve et sur le
mode de formation des météo-
rites pierreuses, 96. — Rap-
ports : voir De Windt (Jean);
Stôber (F.).
Renault (B.). Hommage d'ou-
vrages, 4.
Reychler (A.). Hommage d'ou-
vrage, 387.
TABLE DES AUTEURS.
905
Robie (</.). Rapport : voir Del-
ville J.\
Rooses (Max.). Membre des jurys :
1° concours des cantates, 355;
2° prix Anton Bergmann 860.
Sachs (Jiilius von). Décès, 758.
Samuel (Ad.). Membre du jury
du concours des cantates, 354.
Scliiaparelli (Luigi). Décès, 150.
Schoonjans (A.). Sur l'éther ani
soyl-acétyl-acétique et ses déri-
vés, 810; rapports de MM. Spring
et Henry, 760, 761.
Schuyten (M.-C). Dépose un pli
cacheté, 274. — Sur les déri-
vés mercuriques halogènes de
l'antipyrine, 821 ; rapports de
MM. Jorissen et Spring, 762,
763.
Schwann (feu Th.). Modèle de son
buste par G. Charlier, 144.
Selys Longchamps (le baron Edm,).
Célébration de son cinquante-
naire académique, 726.
Serrure (C.-A.). Hommage d'ou-
vrage avec note par Ch. Piot
(Les monnaies des Voconces),
53, 54.
Slée{J.-C. van\ Hommage d'ou-
vrage avec note par P. Frede-
ricq (Johannes Ruysbroeck,
door van Otterloo), 54, 57.
Sleeckx (D.). Élu membre titulaire,
72i; approbation royale de son
élection, 860: remercie, 860.
Sluys (A.). Prix De Keyn, 718;
proclamé lauréat, 723.
Snieders (A.). Membre des jurys :
1° concours des cantates, 355;
2° prix Anton Bergmann, 860.
Société, belge d'astronomie. Hom-
mage de son Annuaire pour
1897, avec note par Fr. Terby,
4, 5.
Société d'émulation d'Abbeville.
Célébration de son centenaire
(félicitations), 863.
Société havraise d'études diverses.
Réception de son programme
de concours de poésie, 863.
Spring [W.). Sur le spectre d'ab-
sorption de quelques corps or-
ganiques incolores et ses rela-
tions avec la structure molécu-
laire, 165. — Rapports : voir
Hemptinne (A. de); Schoonjans
A.); Schuyten (M.-C); Swarts
(F.); Vandevelde(A.-J.-J.).
Stallaert (/.). Rapport : voir
Esbroeck (Éd. Van).
Stas (l'eu J.-S.). Inauguration du
monument élevé à sa mémoire,
732. — Jean Stas (poésie par
Ch. Potvin), 743.
Stecher (J.). Commandeur de l'Or-
dre de Léopold, 52. — Rapport :
voir Wilmotle (M.).
Steinlen (Rod.). Sur quelques
éthers des acides monochlor- et
monobromacétiques, 758.
Sterck (Arthur). Allocation de sa
pension de lauréat, 84.
Stôber (F.). Notice sur un appareil
permettant de tailler un cristal
suivant une direction déter-
minée, et sur une méthode de
tailler des plaques à faces pa-
900
TABLE DES AUTEURS.
rallèles, 843; rapports de MiM.
Cli. de la Vallée Poussin et Re-
nard, 763, 764.
Stroobant (P.). Dépose un pli
cacheté, 151.
Stuyvaerl [M.). Sur la courbure
des lignes et des surfaces [Mé-
moires). Rapports de MM. Man-
sion et Neuberg, 276.
Swarts (Fr.). Sur quelques dérivés
fluobromés en C2,439; rapports
de MM. Spring et Henry, 394,
396.
Sylvester (James- Joseph). Décès,
274.
Taquin (A.). Demande à pouvoir
bénéficier de la table belge à la
station zoologique de Naples, 2;
lecture des rapports de MM. Van
Reneden, Van Bambeke, L. Fre-
dericq et L. Errera, 102.
Tardieu (Charles). Élu directeur
de la Classe des beaux-arts pour
1898, 86.
Terby [F.). Hommage d'ouvrage,
274. — Note bibliographique :
voir Société belge d'astronomie.
Thomas (P.). Élu membre titu-
laire , 724 ; approbation royale
de son élection, 860; remer-
cie, 860. — Note bibliographi-
que : voir Cumont (F ). — Rap-
ports : voir Kayser (S.); Preu-
a" homme (L.).
Tilly [J. De). Commandeur de
l'Ordre de Léopold (félicita-
tions^, 150. — Rapport : voir
Cesàro [G. ■
Trambusti (A.). D'un caractère
différentiel entre leucoblastes
et érythroblastes Observations
cytologiques, 333; rapports de
MM. Van Bambeke et Van Bene-
den, 283, 286.
Treub (Melchior). Remercie pour
son élection d'associé et pour
son diplôme, 150, 274.
Van der Burch (G.). Hommage
d'ouvrage. 387.
Vander Haegen [Ferd.). Élu direc-
teur de la Classe des lettres
pour l'année 1898, 59. — Des
graves dangers auxquels soi il
exposés les livres et les manu-
scrits de nos dépôts publics,
132. — Rapport sur les tra-
vaux de la Commission de la
Biographie nationale pendu ni
l'année 1896-1897, 744.
Vander lrindere(L.). Rapport: voir
Anonymes (Mémoires de con-
cours).
Van der Mensbrugghe (G.). Rap-
ports : voir Goldschild (W.);
Hcmptinne(A. de).
Vander Stricht (0.). Mémoire cou-
ronné sur l'Amphioxus (remer-
ciements), 3.
Vandevelde (A.-J.-J.). Recherches
sur l'acide phénoxacétique .
Deuxième communication : Aci-
de phénoxycinnamique, 221;
rapports de MM. Spring et Hen-
ry, 152, 153.
Valérius (Hubert). Décès, 386.
Velge (G.). Hommage d'ouvrage
TABLE DES AUTEURS.
«MIT
avec noie par G. Dewalque
(Compte rendu de L'excursion
géologique de Bruxelles à Ter-
vueren), 387, 390.
Verbeek (D.-M.). Hommage d'ou-
vrage, 274.
Vereecken (Km.). Réception de ses
quatrième et cinquième rap-
ports semestriels, 250, 355.
Vincent -/.)• Hommage d'ouvrage,
93.
Vinçotte [Th.). Discours prononcé
aux funérailles de Félix Lau-
reys, 260.
\loors (EA Remet une photo-
graphie de son projet de frise
pour un asile de nuit, 84.
Vollgraff J.-C). Chevalier de
l'Ordre de Léopold. 52. — Rap-
ports : voir Kayser (S.); Prend'-
homme (L.).
W
Wau.tP.rs (Alph.). Quelques mots
sur André Vésale (Mémoires
in-8°, t. LVi, 61. — Hommage
d'ouvrages avec notes : (David
Teniers et son fils, le troisième
du nom), 128. 130. — Quelques
mots sur Vésale, 477, 808. —
Réélu membre de la Commis-
sion administrative, 651. —
Notes bibliographiques : voir
Jiménez - Pincer ; Malderghem
(J. Van).
Weierstrass [Ch.-Th.-Wilh. . Dé-
cès, 150.
Willems (Alph.). Rapport : voir
Anonymes 'Mémoires de con-
cours).
Willems (Jos.). Hommage d'ou-
vrages avec note par V. Brants
{A. Sur la responsabilité civile;
B. La loi Aquilienne), 54, 58.
Willems {P.). Membre des jurys :
Ie prix De Keyn, 59; rapport,
712; 2° concours des cantates,
355; 3° prix Anton Bergmann,
860. - Accepte de représenter
l'Académie à l'inauguration de
la statue élevée à J -B David,
863. — Rapports : voir Kayser
(S.); Prend' homme (L.).
WilmolteiM.). Notes d'ancien wal-
lon, 240; rapports de MM. Ste-
eher, Discailles et Bormans .
233, 235, 238. — Élu corres-
pondant, 721; remercie, 860.
Wilson (Thomas). Hommage d'ou-
vrage avec note par le comte
Coblet d'Alviella (The Swastika,
the earliest known symbol and
its migrations \ 477, 178.
TABLE DES MATIÈRES.
Aberration planétaire (Réflexions
sur 1'); par F. Folie, 103.
Acide phénoxycinnamique; par le
D' A.-J.-J. Vandevelde, 221;
rapports de MM. Spring et L.
Henry, 152, 153. — Voir Éther.
A/jronomie. Note par M. L. Errera
(Cultures spéciales. Expériences
de Borsbeke lez-Alost, 1890-
1896; par P. De Vuyst), 6. -
Voir Station agronomique.
Alcool (Sur 1') nitro-propylique
primaire (H0)CH,-CHu\02)-CH5;
par L. Henry, 115. — Sur divers
alcools nitrés; par L. Henry,
412.
Anatomie. Voir Encéphale et
Moelle.
Anniversaires. Voir Jubilés.
Antipyrine. Sur les dérivés mer-
curiques halogènes de l'anti-
pyrine; par M -G. Schuyten,
821; rapports de MM Jorissen
et Spring, 762, 763.
Archives. Verslag aangaande een
voorloopig onderzoek te Parijs
naar archivalia belangrijk voor
de geschiedenis vanNederland;
par P.-J Blok (Note bibliogra-
phique par CI). Piot), 231.
Arts. Voir Beaux-arts ; Morale.
Astronomie. Annuaire pour 1897
de la Société belge d'astronomie
(Note bibliographique par F.
Terby), 5. — De la nécessité
d'une réaction en astronomie
sphérique; par F. Folie, 154. —
L'expression de l'heure dans le
système de l'axe instantané ;
par F. Folie, 397. — Sur l'in-
correction de l'heure et de
l'ascension droite déterminées
dans le système de l'axe instan-
tané ; par F. Folie, 765. — Sur
la période eulérienne; par F.
Folie, 771. — Voir Aberration ;
Nîitation; Soleil.
Audiencier (L'i dans les anciens
Pays-Bas; par Eug. Lameere
(Note bibliographique par Ch.
Piot), 55.
it
Beaux-arts. Forschungen zur
Kunstgeschichte Bôhmens. —
II. Der Bildercyklus des Lu-
xemburger Stammbaumes aus
Karlstein; von Dr J. Neuwirth
(Note bibliographique par H Hy-
mans), 140. — Voir Campana
P.); Concours de la Classe des
TABLE DKS MATIÈRES.
909
beaux-arts; Concours (grands).
Prix de Rome; Charles- Alexan-
dre de Lorraine ; Fresques ; Jac-
quard (Claude); Stramot (AM;
Tapisseries ; Ten iers .
Beurres (Analyse des) ; parL Cris-
mer (Note bibliographique par
A. Gilkinet), 391.
Bibliographie. Des graves dangers
auxquels sont exposés les livres
et les manuscrits de nos dépôts
publics; par Ferd. Vander Hae-
ghen, 132. — Liste des travaux
publiés par l'Académie (mai 18%
à mai 1897), 745.
Billets cachetés déposés par MM.
Folie F.), 3; Stroobant (P.),
151; Schuyten (M.-C), 274.
Biographie. Seconde édition de la
biographie de d'Omalius d'Hal-
loy; par Éd. Dupont (Note bi-
bliographique), 759. — Voir
Commission de la biographie
nationale; Funérailles; Jubilés.
Biologie. Voir Oocyte; Polyclades;
Station zoologique.
Bôhmens [ Ku nstgesch ich te .—Voir
Beaux-arts.
Bruxelles-Tervueren. Voir Excur-
sion.
Bustes des académiciens décèdes.
Adoption des bustes en mar-
bre : d'Henri Vander Haert, par
J.Hérain, 85; de J.-B. Brasseur,
par Ém. Cantillon, 143. —Avis
favorable sur le modèle du buste
de Th. Schwann, par G. Char-
lier, 144.
Campana i Pierre). Discursos lei-
dos ante la real Academia Sevil-
lana... por don G. Jimènez-Pla-
cer y don S. Arboli y Faraudo
(Note bibliographique par Alph.
Wauters), 864.
Césars (Vies des douze), par Sué-
tone. — Voir Prix Joseph Gan-
trelle (troisième période).
Chaleur. Théorie substantielle de
la chaleur; par W. Goldschild,
388; dépôt aux archives après
avis de MM. De Heen et Van
der Mensbrugghe, 760.
Chansons. Honderd oude vlaam-
sche liederen...; door Jan Bols
(Note bibliographique par FI.
van Duyse), 887.
Charles-Alexandre de Lorraine
(Le prince\ protecteur des arts;
par Alb. Jacquot (Note biblio-
graphique par H. Hymans , 262.
Charles-Quint. Notes pour servir
à l'histoire de son règne; par
Em. Gossart (Mémoires in-8°,
t. LVi. Rapports de MM. Piot,
Banning et P. Fredericq, 344,
347, 352.
Chimie. Voir Électricité.
Condoléances Voir Funérailles.
Colonisation au XIXe siècle. Voir
Concours de la Classe des lettres,
1897.
Commission administrative. JÏM.
Grépin, Wauters et Fétis, réélus
membres, 392, 651, 751.
Commission de la Biographie )ia-
fMO
TABLE DES MATIERES.
tionale. Rapport sur les travaux
de la Commission pendant l'an-
née 1896-1897; par F. Vander
Haeghen, 744.
Commission pour la publication
des œuvres des anciens musi-
ciens belges. M. le Ministre de
l'Intérieur envoie la vingt et
unième livraison des œuvres
de Grétry, 259.
Commission royale d'histoire. Lis-
te des ouvrages déposés dans
la bibliothèque de l'Académie,
380.
Composes (Sur divers) triméthylé-
niques; par L. Henry, 407. —
Voir Volatilité.
Concours (Envois de programmes):
Académie des sciences de l'In-
stitut de Bologne, 94; Académie
des sciences de Turin, 95; Aca-
démie de Stanislas, à Nancy,
95; Société havraise d'études
diverses, 863. — Voir Prix.
Concours de la Classe des beaux-
arts (1896). Art appliqué :
peinture et gravure en médaille
(MM. Vloers et Baetes remettent
les photographies de leurs œu-
vres couronnées i, 84. — (1897).
Partie littéraire : Mémoire reçu
en réponse a la question sur
l'influence de l'École de David,
890. — (1898). Programme,
360, 363.
Concours de la Classe des Ici 1res
(1897). Mémoire sur les croy-
ances et les cultes de l'île de
Crète dans l'antiquité (Rapports
de MM. Vanderkindere, Alph .
Willems et le comte Goblet
d'Alviella), 480, 485, 488. —
Mémoires sur le fondement du
droit de propriété individuelle
(Rapports de MM. Mesdach de
ter Kiele, Brants et Denis), 493,
534, 547. — Mémoire sur les
théories de la colonisation au
XIXe siècle (Rapports de MM.
Denis, Banning et le chevalier
Descamps), 595, 630, 638. —
Proclamation des résultats, 721.
— Remerciements de M. Alph.
Capart, lauréat, 860.
Concours de la Classe des sciences
(1896). Remerciements des
lauréats, 3. — (1898 ). Pro-
gramme, 98.
Concours (Grands). Prix de Rome •
Architecture (1893). Récep-
tion des quatrième et cinquième
rapports du lauréat E. Vereec-
ken, 259, 355
Gravure (1896). Allocation
de la pension au lauréat Sterckx,
84.
Musique (1893). Réception
d'une partition intitulée : «Salve
Regina», de M. L. Mortelmans.
75Î.
Peinture (1895). Second
rapport et envoi réglementaire
du lauréat Delville, 84; lecture
des appréciations de MM. Hy-
mans, Robie, Hennebicq et
Cluysenaar, 265. — Réception
d'une lettre, datée de Rome,
juin 1897. du même lauréat,
887.
TABLE I>KS MATIKHKS.
illl
Concours Godecliarle. Peinture
(1893). Lecture des apprécia-
lions de MM. Fetis, Clays, Cluy-
senaar, Hennebicq et Stallaerl
sur les troisième et quatrième
rapports du lauréat Éd. Van
Esbroeck, 356. Réception du
cinquième rapport du même
lauréat, 7S1.
Concours des cantates (1897).
Ouverture du concours et liste
de quatorze noms pour la for-
mation du jury, 259, 265; mem-
bres du jury, 354. — Liste des
poèmes reçus, 336.
Congrès de l'Association générale
pharmaceutique de Belgique
(Huitième), 94.
Congrès archéologique de Malines,
1897 (invitation), 863.
Congrès archéologique organisé
par l'École française d'Athènes
(remis à cause de la guerre),
127.
Congrès international colonial (in-
vitation), 476.
Congrès international de géolo-
gie, à Saint-Pétersbourg, loi. —
M. Dewalque délégué de l'Aca-
démie, 758.
Congrès international des orienta-
listes (onzième session à Paris).
M. Lamy délégué, 127.
Courbure (Sur lai des lignes et
des surfaces; par M. Stuyvaert
(Mémoires). Rapport de MM.
Mansion et Neuberg, 276.
Crète (Ile de). Sur ses croyances
et ses cultes dans l'antiquité. —
Voir Concours de la Classe des
lettres, 1897.
Cristallographie. Sur un appareil
permettant de tailler un cristal
suivant une direction déter-
minée et sur une méthode de
tailler des plaques à faces paral-
lèles; parle D' F. Stober, 843;
rapports de MM. Ch. de la Vallée
Poussin et A. -F. Renard, 763,
764. — Voir Polyèdres.
Croix gammée. Voir Symbolique.
Cultures. Voir Agronomie.
Cytologie. Voir Leucoblastes.
D
David (J.-B.). Voir Monument.
De Kémpeneer. Voir Campana ( P.).
Densité. Sur la prétendue exis-
tence de la densité critique;
par P. De Heen, 119.
Dérivés. Sur quelques dérivés fluo-
bromés en C2; par Fréd. Swarts,
439; rapports de MM. Spring et
Henry, 394, 396. — Voir Anti-
pyrine; Et fiers.
Dons. Ouvrages imprimés offerts
par : Albert I,r de Monaco (le
prince), 151; Arboli y Faraudo
(don S.), 862; Aumale (le duc d",
344; Bambeke (Ch. Van), 758;
Becker (L.)., 95; Berlière (doni
Ursmer), 477; Blok (P.-J.), 231 ;
Bols(J.),887;Cabreira(A.),95;
Cannizzaro (Stan.), 3; Castan
(feu Aug.), 863; Crismer (L.),
387: Cumont (Fr.), 128; Denis
912
TABLE DES MATIERES.
(H.), 477; De Vuyst (P.), 4;
D'Hondt (F.), 274; d'Olivecrona
(G.), 344; Doorslaer (G. Van),
140; Duclos (A.). 751; Dupont
(Éd.), 387, 758;Duyse F. van),
140; Engelmann (Th.-W.), 95;
Errera (L.), 387; Even (Edw.
Van), 751; Fennema iR.), 274;
Fierens-Gevaert (H.). 81; Folie
F.), ^51; Fraipont (J.), 95; Gé-
nard (P.), 355; Gevaert (F.-A.ï,
355; Gonse (L.), 751; Gosselet
(J.), 151;Guillery (Le D'0,758;
Harlez (Ch. de), 862; Henrard
(feu P.), 343; Hesselgren (F.).
751; Homolle (J.-Th.), 344;
Jacquot(Alb.),84;JanssensiE.),
95 ; Jiménez-Placer (don Carlos).
862; Kôlliker (A. von), 387;
Lancaster (A.), 151; Lameere
(Eug.),54;Malderghem(J. Van),
477; Mansion (P.), 274; Meert
(H.), 54; Mesdach de ter Kiele
(Ch.), 862; Ministre de l'Agri-
culture et des Travaux publics,
139, 259, 862, 885; Ministre de
la Guerre, 386; Ministre de la
Justice, 477, 862; Ministre de
l'Industrie et du Travail, 343,
386; Ministre de l'Intérieur et
de l'Instruction publique, 3, 53,
95, 128, 150, 230, 343, 355, 386,
476,862; Ministre des Finances,
53; Motteu (J.), 387; Mourlon
(M.), 95; Nadaillae (de), 53,
344; Navez (L.), 53; Neu-
berg (J.), 274: Neuwirth (J.),
140; Petermann (A.), 4; Pon-
thière (H.,, 128; Radoux (Th.).
84; Reinach iTh.), 53, 231 ;
Renault (B.), 4; Reychler (A.),
387; Serrure (C.-A.), 53; Siée
(J.-C. van)', 54; Société belge
d'astronomie, 4; Terby (F.),
274 ; Van der Burch (G.), 387 ;
Velge (G.), 387 ; Verbeek (D.-M.),
274; Vincent (J.), 95; Wauters
(Alph.), 128, 477, 862; Willems
(J.), 54; Wilson (Th.), 477.
Droit. Un cours de droit au XVIIe
siècle (Gérard de Courselle);
par V. Brants, 61. — Sur le fon-
dement du droit de propriété
individuelle (voir Concours de
la Classe des lettres, 1897). —
Voir Responsabilité.
E
Élections. M. le comte Goblet
d'Alviella nommé président de
l'Académie, 2, 53, 83.
Classe des sciences. M. Du-
pont élu directeur pour 1898,
8. Approbation royale de l'élec-
tion de M. Masius, 2. Remercie-
ments pour les élections et les
diplômes, 2, 94, 150, 274.
Classe des lettres. M. F.
Vander Haeghen élu directeur
pour 1898, 59; MM. Wauters,
Stecher et Piot élus membres du
Comité pour la présentation des
candidatures aux places vacan-
tes, 129; MM. Sleeckx, Thomas
et Discailles élus membres titu-
laires, 724; approbation royale
de leur élection, 860; MM. J.
TABLE DES MATIERES.
!>!.->
Leclercq ei M. Wilmotte «'lus
correspondants; Jules Lemaitre,
associé, 724. — Remerciements
pour les élections et les diplô-
mes, 860.
Classe des beaux - arts.
M. Ch. Tardieu élu directeur
pour 1898, 86; MM. Boudard
et Ém. Mathieu élus corres-
pondants, 85; sir Edw. Burne-
Jones, Cli. Garnier, G. Aitchison
et Vincent d'Indy élus asso-
ciés, 85; remerciements des
élus, 139, 259. M. H. Hymans
élu correspondant de l'Institut
de France félicitations), 138.
Électricité. A. Sur l'action chi-
mique des effluves électriques
et des rayons de Rontgen; B. Ac-
tion des vibrations électriques
sur quelques substances; par
A. de Hemptinne (Mémoires
in-8°, t. LV). Lecture des rap-
ports de MM. Spring, De Heen
et Van der Mensbrugghe, 103,
152, 275. — Sur la synthèse des
substances organiques par les
effluves électriques; par A. de
Hemptinne, 388. — Identité de
l'effet produit par la lumière et
par l'effluve électrique sur une
plaque photographique recou-
verte d'une lame peu conduc-
trice; par P. De Heen, 42. —
Sur l'observation d'étincelles
positives et négatives; par P.
De Heen, 124. — Nouveaux
faits d'électrochrose et sur l'in-
finie variété des phénomènes
dits cathodiques; par P. De
Heen, 210. — Détermination de
la partie du spectre qui déve-
loppe la plus grande proportion
d'inl'ra-électricité ; par P. De
Heen, 321. — Voir Soleil.
Embryologie. Voir Polyclades.
Encéphale de la Salamandre (Le
ganglion hasal et la commissure
habénulaire dans 1'); par A. Van
Gehuchten, 388.
Éther (Sur 1') anisoyl-acétyl-acé-
tique et ses dérivés; par A.
Schoonjans, 810; rapports de
MM. Spring et Henry, 760, 761.
— Sur quelques éthers des
acides monochlor- et mono-
bromacétiques; par R. Stein-
len, 758.
Excursion géologique de Bruxelles
à Tervueren. Compte rendu;
par G. Velge (Note bibliogra-
phique par G. Dewalque), 390.
Faune (La) marine du quaternaire
moséen révélée par les sondages
de Strybeek (Meerle) et de Wor-
tel, près de Hoogstraeten, en
Campine; par Michel Mourlon,
776.
Fleurs. Comment les fleurs atti-
rent les insectes. Recherches
expérimentales, troisième par-
tie; par F. Plateau, 17.
Fonction. Sur un nouveau déve-
loppement de la fonction gam-
ma qui contient la série de
91 1
TABLE DES MATIÈRES.
Stirling et celle de Kummer
(Mémoires in-8°, t. LV). Rapport
de MM. Mansion, J. Deruyts et
Neuberg, 9, 17.
Fondations Voir Concours et Prix.
Fresques (Les) de la Leugemeete,
à Gand; par J. Van 31alderghem
(Note bibliographique par Alph.
Wauters), 868.
Funérailles; Condoléances. Dis-
cours prononcé au nom de la
Classe des sciences, à la mé-
moire de J. Delbœuf; par Alfr.
Gilkinet, 96. — Discours aux
funérailles de Félix Laureys;
par Th. Vinçotte, 260. — Mort
du duc d'Aumale (condoléances
exprimées à l'Institut de France),
475. Réponse de l'Institut à la
lettre de l'Académie, 861.
G
Géologie. Note préliminaire sur la
constitution de la bande silu-
rienne de Sambre-et-Meuse ; par
C. Malaise, 803. — Voir Congrès;
Excursion, Faune et Minéra-
logie.
Gérard de Courcelle. Voir Trac-
ta tus...
Glycol isobutylique mononitré
CH2 . OH
I
N02 — C — CH3
I
CH2.0H;
description par G. Cesàro, 323.
Crrcs (Les) dans l'Inde, essai de
restitution historique ; par le
comte Goblet d'Alviella, 653.
Grotte (La) du mont Falhise (An-
thée), par J. Fraipont, 47; lec-
ture des rapports de MM. De-
walque, Dupont et Malaise, 8.
H
Histoire. Voir Archives; Beaux-
arts; Césars; Charles-Quint ;
Grecs; Marchands.
Heure (Expression et correction
de 1'). Voir Astronomie.
Hygiène. Voir Bibliographie.
Hypéride (art oratoire, langue et
style). Voir Prix Joseph Gan-
t relie (troisième période).
Inde. Voir Grecs.
Insectes. Comment les fleurs atti-
rent les insectes. Recherches
expérimentales, troisième par-
tie; par F. Plateau, 17.
Jacquard (Claude), peintre lor-
rain; par Alb. Jaequot(Note bi-
bliographique par H. Hymans),
262.
Jubilés. Soixante -dixième anni-
versaire de Stan. Cannizzaro
(remerciements), 3. — Cinquan-
tenaire de Hervé Faye comme
membre de l'Institut de France
(remerciements), 94. — Celé-
T.VBLK DES MATIKRKS.
915
bration du cinquantième anni-
versaire de l'École française
d'Athènes (remise à cause de la
guerre), 127. — Cinquantenaire
académique de M. le baron
Edm. de Sely s Longchamps (allo-
cution du président de l'Aca-
démie), 726; discours de M. Gil-
kmet, 727; remerciements de
M. de Selys Longchamps, 731.
— Centenaire de la Société
d'émulation d'Abbeville (félici-
tations), 863.
/.<j('(La)Aquilienne; par Jos. Wil-
lems(Note bibliographique par
V. Brants), 58.
Leucoblastes et érythroblastes
(D'un caractère différentiel en-
tre); par A. Trambusti, 323;
rapports de MM. Ch. Van Bam-
beke et Van Beneden, 283, 286.
Lex Aquilia. Voir Loi.
Lithologie. Établir les relations
qui existent au point de vue
lithologique entre les roches
considérées comme cambrien-
nes des massifs de Rocroi, du
Brabant et de Stavelot; par
J. De Windt. Lecture des rap-
ports de MM. Ch. de la Vallée
Poussin, Malaise et Renard, 275.
IH
Marchands (Les) Aventuriers à
Anvers; par Ch. Piot, 870.
Météorite. M. Renard est remis en
possession de son mémoire sur
la météorite de Lesve et sur le
mode de formation des météo-
rites pierreuses, 96.
Minéralogie. Les sciences miné-
rales devant les jurys des prix
quinquennaux des sciences na-
turelles; par G. Dewalque, 782.
— Voir Cristallographie; Géo-
logie; Glycol; Lithologie; Mé-
téorite.
Mithra. Textes et monuments
figurés relatifs aux mystères de
Mithra, quatrième fascicule ; par
F. Cumont (Note bibliogra-
phique par P. Thomas), 131.
Moelle épinière des Vertébrés infé-
rieurs (Contribution à l'étude
des cellules dorsales [Hinter-
zellen] de la); par A. Van
Gehuchten, 388.
Monnaies des Voconces; par C.-A.
Serrure (Note bibliographique
par Ch. Piot), 54.
Monochlorhydrine (Sur la) glycé-
rique d'origine allylique ; par
L. Henry, 110.
Monument (Le) chrétien de Si-
ngan-fou, son texte et sa signi-
fication ; par T.-J. Lamy et A.
Gueluy [Mémoires de l'Académie
in-4°, t. LUI). Lecture des rap-
ports de MM. Monchamp et de
Harlez, 61. — Inauguration du
monument Stas ; discours de
M. Brialmont, 733; réponse à
ce discours par le comte Goblet
d'Alviella, 742; Jean Stas, poé-
sie; par Ch. Potvin, 743. -
M. P. Willems, délégué à l'inau-
916
TABLE DES MATIERES.
guration de la statue élevée à
J.-B. David, à Lierre, 863.
Morale. De la santé morale dans
les lettres et les arts de notre
temps; par Ad. Prins, 691.
Musée royal d'histoire naturelle
de Belgique : A. Guide dans les
collections ; B. d'Omalius d'Hal-
loy, seconde édition; par Éd.
Dupont (Notes bibliographiques
par l'auteur), 388, 759.
Musique. Voir Chansons; Commis-
sion pour la publication des
œuvres des anciens musiciens
belges; Concours {Grands). Prix
de Borne.
H
Nécrologie : Aumale (le duc d'),
475; Brahms (Joh.), 750; Cope
(Ed.-Drinker), 386; Des Cloi-
zeaux (A.-L. Legrand), 758;
du Bois-Reymond (Emile-Henri),
3; Ferraris (Galil.), 150; Goode
(George Brown), 94; Laureys
(F.), 258; Sachs (Juiius von),
758; Schiaparelli (L.), 150; Syl-
vester (James-Joseph), 274; Va-
lérius (Hubert), 386; Weier-
strasse (Ch.-Th.-W.), 150.
Nederland{Geschiedenis van). Voir
Archives et Audiencier.
Nombres premiers (Théorie des);
par J. Marchai, 275; note dé-
posée aux archives après avis
de M. Mansion, 392.
Natation. Preuve de la nutation
diurne par les écarts systéma-
tiques trouvés dans les latitudes
déterminées a Lick Observa-
tory; par F. Folie, 299.
O
Oocijte (L') de Pholcus phalan-
gioides Fuessl; par Ch. Van
Bambeke, 307.
Ordre de Léopold. MM. J. Stecher,
J. De Tilly et Ch. Piot promus
Commandeurs, 52, 150, 342:
MM. Discailles et Kurth promus
Officiers; P. Fredericq etVoll-
graff nommés chevaliers, 52.
Ouvrages présentés : janvier, 87;
février, 144; mars, 266; avril.
375; mai, 751; juin, 890. —
Voir Dons.
Paléontologie. Voir Faune.
Pays-Bas. Voir Archives; Audien-
cier.
Phénomènes naturels observés en
Belgique (février et mars 1897; :
par F. Folie, 164, 306.
Philologie. Voir Prix Gantrelle.
Photographie. Voir Électricité ;
Soleil.
Poésies traduites du flamand; par
Ch. Potvin, 718. — J.-S. Stas;
par le même, 743. — Voir Con-
cours des cantates; Triptyque.
Polyclades. Recherches sur la ma-
turation, la fécondation et la
segmentation chez les Polycla-
des ; par P. Francotte {Mémoires
TARLK DES MATIERES.
917
des .savants étrangers, t. LV).
Rapports de MM. Éd. Van Bene-
den et Masius, 278, 283.
Polyèdres. Sur quelques proprié-
lés des polyèdres non centrés
superposantes à leur image ;
par G. C.esàro {Mémoires de
l'Académie in-4° . Rapports de
MM. De Tilly, Neuberg et Ch. de
la Vallée Poussin, 392, 394.
Prix Aldini sur le Galvanisme.
Réception du programme, 94.
Prix Anton Bergmann (deuxiè-
me période, 1887-1897). Mono-
graphies reçues, 129. — Mem-
bres du jury, 860
Prix Bressa. Réception du pro-
gramme, 95.
Prix Charles Lemaire (troisième
période : 1895-1897). Program-
me, 101.
Prix De Keyn (huitième concours,
seconde période,. M. Meert
remet un exemplaire de son
travail couronné : Distels. —
(Neuvième concours, première
période;. Membres du jury, 59;
rapport du jury, 712; procla-
mation des résultats, 723.
Prix Despeux. Réception du pro-
gramme, 95.
Prix Edouard Mailly (première
période > . Remerciements du
Comité de rédaction de « Ciel et
Terre », 3. — (Deuxième pério-
de, 1896-1899). Programme,
102.
Prix Herpin. Réception du pro-
gramme, 95
5,ne SÉRIE, TOME XXXIII.
Prix Jean-Servais Stas. Question
posée, 101.
Prix Joseph Gantrelle (troisième
période, 1895-1896. Mémoires
reçus et nomination des com-
missaires, 60. — Mémoire sur
les « Vies des douze Césars »
par Suétone (rapports de MM.
P. Thomas, P. Willerns et J.-C.
Vollgraff), 639, 643, 644. — Mé-
moires sur l'art oratotoire, la
langue et le style d'Hypéride
(rapports île MM. J.-C. Vollgraff,
P. Willerns et P. Thomas), 645,
648, 650. — Proclamation des
résultats, 722. Remerciements
de MM. L. Preud'homme et S.
Kayser, lauréats, 860.
Prix quinquennaux des sciences
naturelles (Les sciences miné-
rales devant les jurys des1 ; par
G. Dewalque, 782.
Prix quinquennal d'histoire na-
tionale (dixième période, 1891-
1895). M. Ch. Duvivier, lauréat,
343, 723.
Prix quinquennal des sciences so-
ciales (troisième période), dé-
cerné à M. Polyd. De Paepe.
476. 723.
Il
Responsabilité civile (La), par Jos.
Willerns (Note bibliographique
par V. Brants), 58.
Radiographie. Voir Électricité.
Ruysbroeck (Joh.), par feu A. -A.
van Otterloo. Réimpression par
GO
918
TABLE DES MATIERES.
J.-G. van Siée (Note bibliogra-
phique par P. Fredericq), 57.
Salamandre. Voir Encéphale.
Silex néolithiques et paléolithi-
ques de Courl-Saint-Étienne;
par le comte Goblet d'Alviella,
286.
Si-ngan-fou {Le monument chré-
tien de). Voir Monument.
Silurien. Voir Géologie.
Soleil. Photographie de la chromo-
sphère du soleil et constitution
de cet astre; par P. De Heen,
205. — De l'action du soleil sur
les plaques photographiques ;
par C. Le Paige, 429. — Réponse
à M. Le Paige; par P. De Heen,
437. — Note relative à la photo-
graphie de l'atmosphère solaire;
par P. De Heen et C. Le Paige,
800, 802.
Spectre (Sur le) d'absorption de
quelques corps organiques in-
colores et ses relations avec la
structure moléculaire; par W.
Spring, 165. — Voir Électri-
cité; Photographie.
Stas (Feu J.-S.). Voir Monument.
Station agronomique. Note par
C. Malaise (Station agronomique
et laboratoires d'analyses de
l'Étal; par A. Petermann), 5.
Station zoologique de Naples.
MM. P. Masoin et A Taquin
demandent à pouvoir bénéficier
de la table réservée à la Bel-
gique, 2; lecture des rapports
faits sur ces demandes par
MM. Éd.VanBeneden,VanBam-
beke, L. Fredericq et Errera,
102.
Statistique. Sur l'interprétation
des données de la statistique et
sur la natalité et la matrimo-
nialité. Lecture par H. Denis,
132.
Stramot (Nicolas), peintre belge ;
note par Edw. Van Even, 367.
Symbolique. The Svvastika, the
earliest known Symbol, and its
Migrations ; par Th . Wilson
(Note bibliographique par le
comte Goblet d'Alviella , 478. —
Voir Mit lira.
I
Tapisseries bruxelloises. [La ba-
taille de Pavie : par B. Van
Orley). Voir la note de M. Alph.
Wauters sur Campana (P.), 864.
Teniers i David et son fils, le troi-
sième du nom; par Alph. Wau-
ters (Note bibliographique par
l'auteur), 130.
Terpènes. Sur une combinaison
de certains terpènes avec les
salicylates alcalins; par M. Duyk,
388."
Tractatus de reditibus annuis, de
Gérard de Courselle (1623) ; par
V. Brants, 61.
Triphényléthanone (Sur la); par
A. Gardeur, 759.
Triptyque, poésies; par H. Pon-
thièreNote bibliographique par
T.-J. Lamvi, 130.
TABLE DKS MATIKRHS.
019
Vertébrés inférieurs. Voir Moelle.
épinière.
Vésale Quelques mots sur André);
par Alph. Wauters (lecture im-
primée dans le tome LV des
Mémoires in-8°), 61; note biblio-
graphique sur ce travail par
l'auteur, 868.
Vocabulaire bouddhique sanscrit
chinois; par le chevalier C. de
Harlez (Note bibliographique
par l'auteur), 8(34.
Voconces. Voir Monnaies.
Volatilité. Recherches sur la vola-
tilité dans les composés car-
bonés; par L. Henry, 19?).
w
Wallon (Notes d'ancien); par
M. Wilmotte, 240; rapports de
MM. J. Stecher, Ern. Discailles
et Bormans, 233. 235, 238.
Yi-King (Le) traduit d'après les
interprètes chinois; par le che-
valier C. de Harlez (Note biblio-
graphique par l'auteur), 864.
TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES.
Cesaro (G ). Glycol isobutylique
mononitré :
CH2 . OH
I
NO* — C — CH*
I
CH2.0H;
description (3 figures), 323-328.
De Heen (P.). Identité de l'effet
produit par la lumière et par
l'effluve électrique sur une pla-
que photographique recouverte
d'une lame peu conductrice
(1 planche et 4 figures), 42-46.
— Sur la prétendue existence de
la densité critique (2 planches
et 3 figures), 121-123. - Sur
l'observation d'étincelles posi-
tives et négatives (3 figures),
124-126. — Photographie de la
chromosphère du soleil et con-
stitution de cet astre (2 pi.), 210.
— Nouveaux faits d'électro-
chrose et sur l'infinie variété
des phénomènes dits catho-
diques (1 planche et 9 figures),
210-220. — Détermination de la
partie du spectre qui développe
la plus grande proportion d'in-
fra-électricité (1 figure), 322. —
Note relative à la photographie
de l'atmosphère solaire (1 plan-
che), 802.
Folie (F.). Réflexions sur l'aber-
ration planétaire (4 figures),
103-108.
Fraipont (J.). La grotte du mont
Falhise, Anthée (1 planche), 47.
Go blet d'Alviella (Le comte
Eug.). Silex néolithiques et
paléolithiques de Court-Saint-
Étienne (1 carte et 4 planches),
296-298. — Les Grecs dans
l'Inde ; essai de restitution histo-
rique (6 figures , 660, 679, 680.
683.
Stober (F.). Sur un appareil per-
mettant de tailler un cristal
suivant une direction déter-
minée, et sur une méthode
pour tailler des plaques à faces
parallèles (5 figures), 847-857.
Trambusti (A.). D'un caractère
différentiel entre leucoblastes
et érythroblastes (1 planche,,
341. "
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Depuis la réorganisation,
Nouveaux Mémoires, t. 1-X1X (1820-1845); in-4°. — Mémo^ e
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Annuaire, lrtÉ à 63mi: année, 1835-1897; in-18.
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xabies générales des Bulletins : t. 1-XXIII, lrc sér. (1882-1856). 1858;
Ul_8o. _ ± sér., t. 1-XX (1857-1866;, t. XXI-L (1867-1880), 1883; in-8°.
Bibliographie académique, lre édit., 1854, 2e édit., 1874, 3e édit.,
1S86; in-48; 4e édit., Is96.
catalogue de la Bibliothèque de l'Académie, lre partie : Sociétés savantes et
Recueils périodiques; 2de partie : sciences, lettres, arts, 1881-90; 4 vol. in-8°.
Catalogue de la bibliothèque du baron de Stassart, 1863; in-8°.
Centième anniversaire de fondation! 1772-1872). 1872; 2 vol. gr.in-8°
Monuments de la littérature flamande.
OEuvres de >ran Maerlant : Der NATUREN BLOEME, tome 1er, publié
par J. Bormans, 1857; 1 vol. in-8». — Kymuybel, avec Glossaire, publié par J. David,
18SS-1860; 4 vol.; — Alexanders Geesten, publié par Snellaert, 1860-1862; 2 vol.—
Nederlandscbe gedichten, etc., publiées par Snellaert, 1869; 1 vol. —
parthonopeus van Bloys, publié par J. Bonnans, 1871; 1 vol. —
Spegnel der AVysheit, van Jan Praet, publié par J. Bormans, 1872; 1 vol.
Œuvres des grands écrivains du pays.
oeuvres de Chastellain, publiées par le baron Kervyn de Lettenhove.
jliS, 8 vol. in- 8°. — Le 1" livre des Chroniques de Frois-
sax-t, par le même. 1861, 2 vol. — Chroniques de Jehan le Bel,
par L. l'olain. 1861, 2 vol. — L,i Roumans de Cléomadès, par André
Vau Hasselt. 1866, 2 vol — Dits et Contes de Jean et Baudouin
de Condé, par Auguste Scheler. 18lil>, 3 vol. — Li ars d'amour, etc.,
par J. Petit. 1866-1872, 2 vol. — Œuvres de Froissart : Chroniques, par
le baron Kervyn de Lettenhove. 1867-1877, 2d vol.; — Poésies, par Aug. Scheler.
1370-1872. 3 vol.; — Glossaire, par le même. 187 i, 1 vol. — Letres de Coin»
mines, par Kervyn de Lettenhove. 1867, 3 vol. — Dits de Watriquet
de Couvin, par A. Scheler. 1868, 1 vol. — Les Enfances Ogier, par
• même. 1874, 1 vol. — Bueves de Commarchis, par Adenès li Bois,
par le même. 1874, 1 vol. — Li Rouinans de Berte aux grans
pies, par le même. 1874, 1 vol. — Trouvères belges du XIIe au
Xiv siècle, par le même. 1876, 1 vol. — Nouvelle série. 1879, 1 vol. —
Li Bastars de Bullion, par le même. 1877, 1 vol. — Récits d'un
Bourgeois de Valenciennes (X.I"VC siècle), par le baron
n de Lettenhove. 1877, 1 vol. — Œuvres de Ghillebert de
Lannoy, par CI). Potvin. 1878, 1 vol. — Poésies de Gilles li
Muisis, par Kervyn de Lettenhove. 1882, 2 vol. — Œuvres de Jean
Lemaire de Belges, par J. Stecher. 1882-91, 5 vol. avec notice. —
Li Regret Guillaume, par A. Scheler. 1882, 1 volume.
Biographie nationale.
Biographie nationale, t. 1 à XIII; XIV, 1. Bruxelles, 1866-1896,
i 8*.
Commission royale d'histoire.
Collection de Chroniques belges inédites, publiées par
ordre du Gouvernement; 98 vol. in-4°. (Voir la liste sur la couverture des Chroniques.)
Comptes rendus des séances. I" sér.. avec table (1837-1849), 17 vol.
— 2me sér , avec table (1850-1859), 13 vol in-8». — 3me sér., avec table (1860-
il.in-8".— i»ie sér., 17 vol. in-8° (1873-1891).— 5»u' sér., t. l-VI; VII (n« 1-2;.
Ami oxes aux Bulletins, 22 vol. in-8°. (Voir la liste sur la couverture des Chro-
ii's Comptes rendus.)
3 2044 093 256 436