Skip to main content

Full text of "Bulletins de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique"

See other formats


liiiiisisiss 


ftLPt 
0I4H 


HARVARD    UNIVERSITY. 


UBRARY 

OF  THE 

MUSEUM  OF  COMPARATIVE  ZOOLOGY. 


&xs$ 


IAAVC 


Crue^Ji^SJ^^  . 


NOV    S    1 

BULLETINS 

lU 


DE 


L'ACADEMIE  ROYALE 


DES 


Sciences,  des  Lettres  et  des  Beaux-Arts 

DE  BELGIQUE. 


67me  ANNÉE,  5me  SÉRIE,  T.  XXXIII. 
1897 


n$ty3>Ql&Ç* 


BRUXELLES, 

HAYEZ,    IMPRIMEUR    DE    L'ACADÉMIE    ROYALE   DES   SCIENCES, 

DES   LETTRES    ET    DES    BEAUX-ARTS   DE   BELGIQUE. 

Rue  de  Louvain.  112. 

1897 


*  f 


BULLETINS 


DE 


L'ACADÉMIE  ROYALE 


DES 


Sciences,  des  Lettres  et  des  Beaux-Arts 

DE  BELGIQUE. 


BULLETINS 


[)K 


L'ACADEMIE  ROYALE 

DES 

Sciences,  des  Lettres  et  des  Beaux-Arts 
DE  BELGIQUE. 

(I7me  ANNÉE.         5"ie  SÉRIE,  T.  55. 
1897 


HRUXELLES, 


HAYEZ,    IMPRIMEUR    DE    L  ACADEMIE    ROYALE    DES    SCIENCES, 

DES    LETTRES    ET    DCS   BEAUX-ARTS    DE    BELGIQUE, 

Rue  de  Louvain,  112. 


IX!  )1 


\v 


INU  v 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 


DES 


Lettres  et  des  Beaux-Arts  de  Belgique. 

1897.  —  N°   1. 


CLASSE    DES    SCIENCES. 


Séance  du  9  janvier  1897. 

M.  Al.  Brialmont,  directeur  pour  1896,  occupe  le  fau- 
teuil. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents: MM.  Alfr.  Gilkinet, directeur  pour  1897; 
lebaronEdm.de  SelysLongchamps,  G. Dewalque, E.Can- 
dèze,  Éd.  Dupont,  C.  Malaise,  F.  Folie,  Alph.  Briart, 

F.  Plateau,  Fr.  Crépin,  J.  De  ïilly,  Ch.  Van  Bambeke, 

G.  Vander  Mensbrugglie,  M.  Mourlon,  P.  De  Heen,  C.  Le 
Paige,  F.  Terby,  J.  Deruyts,  H.  Valérius,  L.  Fredericq, 
J.-B.  Masius,  membres;  A. -F.  Renard,  L.  Errera,  J.  Neu- 
berg,  A.  Lancaster  et  G.  Cesàro,  correspondants. 

MM.  Henry,  Mansion  et  Lagrange  écrivent  pour  motiver 
leur  absence. 

Ome    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  1 


(  2  ) 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
transmet  : 

1°  Une  ampliation  :  a)  de  l'arrêté  royal,  en  date  du 
16  décembre  dernier,  nommant  président  de  l'Académie, 
pour  l'année  1897,  M.  le  comte  E.  Goblet  d'Alviella, 
directeur  de  la  Classe  des  lettres  pendant  la  même  année; 
b)  un  arrêté  royal  du  28  du  même  mois  approuvant  l'élec- 
tion de  M.  V.  Masius,  en  qualité  de  membre  titulaire  de 
la  Classe; 

2°  a)  Une  requête,  avec  annexe,  de  M.  le  D1  Paul 
Masoin,  assistant  à  l'Université  de  Louvain,  qui  demande 
à  être  envoyé  à  la  station  zoologique  de  Naples  pour  y 
étudier  l'action  de  quelques  substances  sur  la  vitalité  de 
certains  organismes  ou  sur  le  cœur  de  certains  Mol- 
lusques; b)  une  lettre  de  la  Société  royale  belge  de  géo- 
graphie demandant  que  M.  Taquin,  docteur  en  médecine 
et  membre  de  l'expédition  antarctique  belge,  soit  envoyé 
en  mission  à  la  même  station. 

—  Commissaires  :  MM.  Van  Beneden,  Van  Bambeke, 
L.  Fredericq  et  Errera. 

—  MM.  Masius,  élu  membre  titulaire,  et  Mendeléeff, 
Beltrami,  Janssen  et  des  Cloizeaux,  élus  associés,  adres- 
sent leurs  remerciements. 


(  3) 
MM.  (..   Cesàro,  De  Bruyne,  Heymans,  Van  der 
Stricht,  Massart  et  Lancaslcr  (au   nom  du  Comité  de 
rédaction  de  Ciel  et  Terra,  remercient  pour  les  distinc- 
tions académiques  qu'ils  ont  remportées. 

M""  Jeannette  du  Bois-Reymond,  née  Claude,  notifie 
la  mort  de  son  mari,  M.  le  professeur  D1  Emile-Henri  du 
Bois-Reymond.  ;issocié  de  la  Classe,  et  secrétaire  perpé- 
tuel de  l'Académie  royale  des  sciences  de  Berlin,  décédé 
en  cette  ville,  le  26  décembre  1896,  à  l'âge  de  7(J  ans. 
Une  lettre  de  condoléances  sera  adressée  à  Mrae  veuve  du 
Bois-Reymond. 

-  M.  Stanislas  Cannizzaro,  associé  de  la  Classe,  à 
Home,  remercie  pour  les  marques  de  sympathie  qui  lui  ont 
été  adressées  à  l'occasion  de  son  soixante-dixième  anni- 
versaire. Il  ofl're,  en  même  temps,  le  compte  rendu  de  la 
cérémonie  ainsi  que  quelques-uns  de  ses  écrits  publiés 
pour  la  circonstance.  —  Remerciements. 

—  La  Classe  accepte  le  dépôt  dans  les  archives  d'un 
pli  cacheté  adressé  le  G  janvier  par  M.  Folie. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  envoie,  pour  la  biblio- 
thèque de  l'Académie,  un  exemplaire  du  tome  VI  des 
OEuvres  de  Galilée.  —  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Scritti  intorno  alla  teoria  moleeolare  ed  atomica  ed 
alla  notazione  chimica;  par  S.  Cannizzaro; 

2°  Onoranze  al  professore  Stanislao  Cannizzaro  (Mil 
luglio  1896).  Rendiconto  générale; 


(  4) 

5"  a)  Les  bactériacées  de  la  houille;  b)  Notice  sur  les 
calamariees  (suite);  par  B.  Renault,  associé,  à  Paris; 

•1°  Station  agronomique  et  laboratoires  d'analyses  de 
l'État,  1871-4896;  llapport  présente  au  Ministre  de  l'Agri- 
culture et  des  Travaux  publies;  par  A.  Peteniianu.  (Pré- 
senté par  M.  C.  Malaise  avec  une  note); 

5°  Annuaire  pour  l'an  /<S\97,  publié  par  la  Société  belge 
d'astronomie.  (Présenté  par  M.  ïerby  avec  une  note); 

6°  Cultures  spéciales.  Expériences  de  Borsbeke  lez-Most, 
1890-1896,  par  P.  De  Vuysl.  (Présenté  par  M.  L.  Errera 
avec  une  note.) 

—  Remerciements. 

Les  notes  bibliographiques  de  MM.  Malaise,  Terby  et 
Errera  figurent  ci-après. 

—  Travaux  soumis  à  l'examen  : 

4.  Établir  les  relations  <jui  existent,  au  point  de  vue 
lithologique,  entre  les  roches  considérées  connue  cambriennes 
des  massifs  de  Rocroi,  du  Brabant  el  de  Stavelot  (avec 
4  planches);  par  Jean  De  Windt,  docteur  en  sciences 
naturelles. 

Commissaires  :  MM.  de  la  Vallée  Poussin,  Malaise  et 
Renard. 

2.  Étude  sur  les  effluves  électriques,  deuxième  partie, 
suite  (Sur  le  spectre  de  quelques  vapeurs);  par  Alex,  de 
llemptinne. 

Commissaires  :  MM.  De  Heen,  Van  der  Mensbrugghe 
et  Spring. 


• 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

J'ai  l'honneur  d'offrir,  au  nom  de  M.  A.  Petermann, 
directeur  de  la  station  agronomique  de  l'Etat  a  Gem- 
bloux,  le  Rapport  qu'il  a  présenté  au  Ministre  de  l'Agricul- 
ture el  des  Travaux  publics,  dans  lequel  se  trouve  tout  ce 
qui  concerne  la  station  agronomique  el  les  laboratoires 
d'analyses  de  l'État,  depuis  vingt-cinq  ans,  date  de  leur 
création. 

On  v  voit  un  exposé  de  l'historique  et  de  l'organisa- 
tion actuelle,  ainsi  qu'une  notice  sur  ces  utiles  établis- 
sements h  sur  leurs  travaux  effectués  pendant  cette 
première  période  de  vingt-cinq  années,  el  «Joui  plusieurs 
ont  été  favorablement  accuellis  par  l'Académie.  L'ou- 
vrage est  illustré  de  quinze  photographies. 

(].  Malaise. 


J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  au  nom  de  M.  Fer- 
nand  Jacobs,  président  «le  la  Société  belge  d'astronomie, 
r Annuaire  que  «elle  Société  vient  de  faire  paraître  pour 
l'année  1897. 

Ce  volume,  comme  le  dit  avec  raison  M.  Jacobs  dans 
son  avant-propos,  s'adresse  aux  savants  qui  y  trouveront 
l'indication  complète  des  phénomènes  astronomiques, 
avec  leurs  particularités,  pendant  l'année  qui  vient  de 
commencer,  aux  amateurs  astronomes  et  météorologistes, 
qu'il  aidera  à  effectuer  leurs  observations  par  lesinstruc- 


(  « 


lions  qui  y  sont  condensées.  Le  relevé  chronologique  des 
observations  à  faire  s'est  enrichi  de  l'indication  des 
phénomènes  périodiques  du  règne  animal  et  du  règne 
végétal. 

U  Annuaire  contient  cette  année  une  notice  de 
M.  E.  Lagrange  sur  Les  unités  électriques,  des  Instructions 
pour  effectuer  des  observations  météorologiques  dans  les 
régions  tropicales  et  plus  particulièrement  au  Congo,  par 
M.  J.  Vincent;  une  notice  Sur  les  cadrans  solaires,  par 
M.  le  capitaine  Le  Maire;  des  Conseils  pour  la  photogra- 
phie des  nuages;  un  Supplément  aux  instructions  pour 
l'observation  des  nuages  et  une  Revue  climatologique  annuelle, 
par  M.  J.  Vincent. 

Cet  Annuaire  a  été  rédigé  sous  la  direction  de 
MM.  P.  Stroohant  et  J.  Vincent,  de  l'Observatoire  royal, 
et  avec  l'aide,  pour  les  calculs,  de  MM.  G.  Balat,  De 
Banterlé,  De  Ceuster,  Ch.  Fiévez  et  Edgard  Jacobs. 

F.  Terby. 


M.  P.  De  Vuyst,  inspecteur-adjoint  de  l'Agriculture  à 
Gand,  a  organisé  et  dirige  avec  beaucoup  de  soin  des 
expériences  de  culture  à  Borsbeke  lez-Alost  (canton  de 
Herzele,  Flandre  orientale).  Il  a  réuni  ses  rapports  sur 
ce  sujet  en  un  volume  qu'il  m'a  prié  de  présenter  en 
son  nom  à  l'Académie  :  je  le  fais  avec  plaisir. 

Pour  le  sol  de  la  localité,  qui  est  formé  de  limon  hes- 
bayen,  les  essais,  poursuivis  pendant  sept  ans  et  concer- 
nant plus  de  2,300  parcelles,  ont  conduit  à  des  résultats 
parfaitement  nets. 


(  7) 

A  Borsbeke,  l'addition  de  potasse  au  sol  n'est  guère 
rémunératrice;  tandis  que  la  restitution  de  l'acide  phos- 
phori(jue  [tour  toutes  les  récoltes,  et  celle  de  l'azote  pour 
toutes  à  l'exception  des  Léguminées,  sont  une  nécessité 
impérieuse.  Le  dispositif  de  culture  électrique  du  frère 
Paulin  n'a  pas  donné  à  Iîorsbeke  de  résultats  avantageux. 
Enfin,  le  choix  des  variétés,  la  sélection  des  semences, 
les  procédés  de  culture  ont  fait  l'objet  d'investigations 
méthodiques. 

On  peut  affirmer  qu'en  suivant  toutes  les  indications 
qui  découlent  des  expériences,  les  cultivateurs  du  canton 
de  Herzele  sont  assurés  d'un  surcroît  moyen  de  béné- 
fices de  près  de  un  million  de  francs  par  an.  Au  point  de 
vue  pratique,  il  n'y  a  rien  à  ajouter  à  l'éloquence  d'un 
tel  chiffre. 

Au  point  de  vue  scientifique,  les  rapports  de  M.  De 
Vuyst  constituent  une  véritable  monographie  agrono- 
mique locale,  d'un  grand  intérêt;  et  il  est  regrettable 
que  nous  possédions  en  Belgique  trop  peu  de  travaux 
analogues,  exécutés  avec  autant  de  circonspection,  de 
zèle  et  d'esprit  critique. 

Je  ne  doute  pas  que  la  Classe  ne  veuille  bien  se  joindre 
à  moi  pour  adresser  de  vifs  remerciements  à  l'auteur. 

L.  Errera. 


(  8 


ELECTIONS. 

Il  est  procédé  à  l'élection  du  directeur  pour  l'an- 
née 1898.  Les  suffrages  se  portent  sur  M.  Dupont. 

M.  Brialmont,  directeur  sortant,  remercie  ses  confrères 
pour  le  concours  sympathique  qu'il  a  rencontré  pendant 
la  durée  de  son  mandat. 

En  prenant  possession  du  fauteuil  présidentiel,  M.  Gil- 
kinet  se  fait  l'organe  de  la  Classe  pour  remercier 
M.  Brialmont  au  sujet  de  la  manière  dont  il  a  dirigé  les 
travaux  de  l'année  écoulée. 

M.  Dupont,  invité  à  venir  prendre  place  au  bureau, 
remercie  pour  l'honneur  que  la  Classe  veut  bien  lui  faire 
de  nouveau. 


RAPPORTS. 


Sur  les  conclusions  favorables  d'un  rapport  de 
M.  Dewalque,  auxquelles  ont  souscrit  MM.  Dupont  et 
Malaise,  la  Classe  décide  l'impression  au  Bulletin  d'une 
note  (avec  planche)  de  M.  Julien  Fraipont,  correspon- 
dant, sur  Iai  grotte  du  mont  Falhise  (Anthée). 


(  9  ) 


.Sur  un  nouveau  développement  de  la  fonction  gamma  qui 
contient  la  série  de  Stirling  et  celle  de  Kummer  ;  par 
G.  Landsberg. 

Rapport  de   ff.   /P.   .flansion,  premier  coattniësaire. 

«  I.  Schaar,  Limbourg,  Genocchi,  M.  De  Tilly,  Gil- 
bert et  Catalan  ont  publié  dans  les  recueils  de  l'Acadé- 
mie, sur  la  fonction  gamma,  un  grand  nombre  de  notes 
et  de  mémoires,  parmi  lesquels  il  faut  citer  spécialement 
les  travaux  des  deux  premiers  sur  la  série  de  Stirling. 

M.  Landsberg,  privat-docent  à  l'Université  de  Heidel- 
berg,  a  trouvé  une  généralisation  très  remarquable,  à  la 
fois  de  cette  dernière  série  et  de  celle  de  Kummer.  De 
plus,  il  est  parvenu  à  montrer  que  ces  deux  nouvelles 
séries  et,  par  suite,  les  anciennes  qui  n'en  sont  qu'un  cas 
particulier,  découlent  d'une  source  commune.  Ce  résultat 
est  assurément  singulier,  car  la  série  de  Kummer  et  la 
nouvelle  série  correspondante  de  M.  Landsberg  sont 
convergentes  pour  certaines  valeurs  de  la  variable;  la 
série  de  Stirling  et  la  série  plus  générale  trouvée  par 
M.  Landsberg,  au  contraire,  sont  essentiellement  pseudo- 
convergentes si  nous  pouvons  ainsi  dire  :  elles  peuvent 
servir  au  calcul  pratique  de  gamma  avec  une  exactitude 
comparable  à  celle  que  donnerait  une  série  convergente 
et  même  très  convergente,  si  l'on  en  prend  un  nombre 
convenable  de  termes;  mais  en  réalité,  elles  sont  radica- 
lement divergentes  pour  toute  valeur  de  la  variable. 

M.  Landsberg  a  cru  devoir  soumettre  le  mémoire  où  il 


(  iO  ) 
fait  connaître  ses  nouvelles  séries  à  la  Classe  des  sciences 
de  l'Académie,  en  souvenir  des  travaux  anciens  des  géo- 
mètres belges  que  nous  avons  rappelés  plus  haut.  Nous 
allons  en  donner  une  analyse  aussi  exacte  que  nous  le 
pourrons,  en  nous  excusant  de  ne  pas  mettre  davantage 
les  résultats  nouveaux  trouvés  par  M.  Landsberg  en  rap- 
port avec  les  recherches  antérieures  des  analystes,  parce 
que  nous  n'avons  qu'une  compétence  très  limitée  dans  le 
domaine  de  la  théorie  des  intégrales  eulériennes. 

II.  Le  point  de  départ  de  l'auteur  est  la  formule  con- 
nue : 

/'  T  e"  —  e~°'l  dx 

e-.(B_„___j_ 

0 

_A  + /•"*[«- (,_iU_î^__I"|. 

J        x  L       \         27        I  —  e  x       x  J 


ou 


r«  dx  i     i 


I  I 


x       e'  —  I 


En  soustrayant  de  A  la  valeur  il-n  de  lY(i),  on  trouve, 
h  étant  un  nombre  entier, 


r°°  dx  !  i  e°-x 

A-*/*  —  /      -  (-  — — 

,/        x  \x       e*  — 

o 

/'x  dx  i         2x  I 

-7    7("iy??T43F-ïa 


(  <<  ) 

Par  suite,  A  =  il(2ic).  Dans  /Ta  —  A,  sous  le  signe 
intégral,  M.  Landsberg  fait  les  substitutions  suivantes, 
qui  sont  fondamentales  : 


I  +00  0ÏTikn 


x       Tt  x  -+-  2t//i 


1  1£,  e*7'7"1 

2  .4  2t/A 


E'  désignant  une  série  où  manque  le  terme  correspondant 
à  h  =  0.  En  échangeant  les  signes  d'intégration  et  de 
sommation,  on  trouve  aisément  : 


£,  r™  dx  I        1  e"x 


Pour  déterminer  les  coefficients  P„,  on  en  retranche 
l'expression  (C  :  2roft),  où  C  désigne  la  constante  d'Eu- 
ler  et  de  Mascheroni.  On  trouve  ainsi  : 


Cl  ni 

>— —  log(2T/a),  Iog(2>r7ti)  =  log|2W/|  h sign./*. 


"      2ti7i      2tM    ov        y       nv        '         ol        '2 

Par  suite,  tous  calculs  faits,  on  a  la  formule  de  Rum- 
iner, où  a  est  compris  entre  0  et  1,  d'après  les  formules 
auxiliaires  employées  : 

(j  \  ce      g-2T<fto 


(  12  ) 
On  peut  aisément  le  mettre  sous  la  forme  réelle  connue. 

III.  Si  l'on  écrit  la  formule  qui  a  servi  de  point  de 
départ  sous  la  forme 


où  a  —  r,  compris  entre  0  et  1,  joue  le  même  rôle  que  a 
plus  haut,  et  où 


r*dx 
J         x 


dx  le~vi  -  1 

ve 


on  en  tirera,  par  le  procédé  qui  a  donné  la  formule  de 
Kummer, 


,    Va                  r*dxT       +"    e,T,h0  *>  -^  e«r.*(«  oi 

/-— =B-+-/       —    e-"^ — —  —  e-*y   ■        .,       ■ 

o 

On  trouve 

o  n 

dt    I      —  (e"x  —  e'x)=  I     ltdt  =  vlv—v; 


O  0 


(  13  ) 
puis,  après  quelques  transformations, 


,„  _  lra  _  j  W  _  (.  _  .)  fa  +  ,  _  _  2'  »,  ___  , 


Ra=/    — r^ 


-,x(/x 
~h 


Connue  ma  =  <p  (a  -+-  1),  la  formule  est  vraie  même  poul- 
ies valeurs  extrêmes  de  a,  ce  qui  est  assez  remarquable. 
M.  Landsberg  détermine  les  coefficients  R,,  d'une 
manière  très  élégante  en  faisant  intervenir  Y  exponentielle 
intégrale  de  Gauss,  définie  d'une  manière  précise  par  la 
relation 


/■  e~'dz 


er'dz  z         z*  z"° 

C  -+-  Iz  -+-  -  h • h  etc. 

I       1.2.2       1.2.3.5 


dans  le  plan  affecté  d'une  coupure  le  long  de  l'axe  des  z 
réels  négatifs,  comme  on  le  fait  pour  Iz.  On  trouve  que  C 
est  la  constante  d'Euler  comme  plus  haut  ;  ensuite 

Rft  =  —  "Ei(2#iA»)ë"rtto. 

Par  suite,  on  a  enfin  la  série  de  Kummer  généralisée  : 


lUa  =  ^/(2t)  -+-  I  a  —  -J  Iv  —  v  -*-  S,     v  <«  <  v  - 


k     >2xih 


(  M) 
C'est   le   premier  nouveau   résultat  important   dû   à 
M.  Landsberg. 

Pour  v  =  0,  cette  formule  devient  celle  de  Kummer. 

IV.  L'auteur  s'attache  ensuite  à  mettre  la  somme  S  qui 
entre  dans  la  série  nouvelle  sous  une  forme  telle  que  l'on 
obtienne  la  formule  de  Stirling  et  la  formule  de  Stirling 
généralisée.  En  laissant  aux  coefficients  RA  leur  forme 
primitive,  on  trouve  aisément  : 

/°°  e~lxdx  e'bt        i 

— — [%(x,a-ii)— %(0,a-i>)],x(x,6)=  — — --. 

0 

résultat  qui  peut  s'établir  d'ailleurs,  à  partir  de  la  pre- 
mière formule  du  n°  TI,  par  une  voie  plus  simple.  Pour 
v  =  a,  S  prend  la  forme  qui  a  servi  à  trouver  la  formule 
de  Stirling,  par  le  développement  de  %  suivant  les  puis- 
sances croissantes  de  x.  M.  Landsberg  indique  en  parti- 
culier comment  on  peut  obtenir,  dans  ce  cas,  la  célèbre 
forme  du  reste,  en  intégrale  définie,  due  à  Schaar. 
Dans  le  cas  général,  on  a  : 

X  X* 

x(x,  b)  =  i0b  -*-  -<f,6  -+-  — —  fj>  -+-  etc., 
I  1.2 

les  ty  désignant  certaines  fonctions  bernouilliennes.  On  en 
obtient  la  valeur  en  comparant  cette  série  au  développe- 
ment trigonométrique  connu,  lequel  peut  s'écrire  : 


;(*,&)  =  2' 


iwih 


+wf    tfzihb     l  X  (-    i)aXa 


*l7rihb  (  "Inih  (2jt//i)"~'  (x  -+-  Ixih) 


(  '5  ) 
En  introduisant  le  dernier  terme  de  ce  développement 
dans  S,  on  trouve  finalement,  si  a  =  6  ■+-  v  : 

lTa  =  lT{b  -+-  v)=  il(tw) 


h Wr  —  dh h  — - 


/oc                               +oo                     „ÏTihb 
ir"dx  xniY — — 
*  (2*ih)n[x+2rilt) 


(Test  la  formule  généralisée  de  Stirling,  avec  un  reste, 
due  à  M.  Landsberg.  Il  enferme  ce  reste  entre  deux 
limites, 

l  t 

-f„(ft)±-f;0 


et  prouve  que  ce  reste  aura  la  valeur  la  plus  convenable  si 
n  =  E  (2-v)  ou  E  (2m>)  -+-  1,  par  une  discussion  plus 
simple  que  celle  qui  est  relative  à  la  formule  de  Stirling 
non  généralisée.  La  nouvelle  formule  est  d'ailleurs  diver- 
gente comme  l'ancienne,  quand  on  ne  l'arrête  pas  à  un 
reste. 

V.  L'auteur  termine  son  mémoire  en  faisant  diverses 
applications  des  résultats  obtenus.  La  comparaison  des 
deux  séries  nouvelles  lui  a  fait  trouver  une  série  pseudo- 
convergente pour  Ew,  mais  il  l'établit  directement  pour 
éviter  toute  objection. 


(  16  ) 
Il  trouve  aisément  la  formule  suivante  : 

Eiz  =  I     e~*dx  I     yz~*dy 

a>  0 

0  oc  »  1     -+-    lûg  -- 

y 

La    série   pseudo-convergente   nouvelle   s'obtient   en 
remplaçant  1  -+-  log  -  par 


I  -  log --t-    log-     +  ..-*-(—  I)' 

y     \    y 


On  trouve  ainsi  : 


l  -+-  log 


n        1        1.2  txn    i.2...(rt-r 

\z       z-         z  zn 


1  .  2  ...  »\ 


wr4* 

G  et  6'  étant  compris  entre  0  et  1,  et  R(a)  désignant  la 
partie  réelle  de  z.  Si  z  est  réel,  6'  est  nul  et  il  faut 
remplacer  l\(z)  par  z. 

VI.  Comme  on  le  voit,  le  mémoire  de  M.  Landsberg  est 
une  contribution  importante  à  la  théorie  de  la  fonction 
gamma  et  de  l'exponentielle  intégrale;  il  généralise  de  la 
manière  la  plus  heureuse  les  résultats  trouvés  par  Schaar 


(  *7 

et  Ruminer;  il  montre  les  liens  cachés  <|iii  existent  entre 
des  parties  en  apparence  absolument  hétérogènes  de  la 
doctrine  des  eulériennes. 

.Nous  proposons  à  la  Classe  d'adresser  des  remercie- 
ments à  L'auteur  et  de  voter  l'impression  de  son  mémoire 
dans  le  Recueil  des  Mémoires  des  savants  étrangers.  » 

MM.  Deruyts  et  Neubergse  rallient  aux  conclusions  du 
rapport  du  savant  premier  commissaire;  celles-ci  sont 
adoptées  par  la  Classe. 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


Comment  les  /leurs  attirent  les  Insectes.  —  Recherches  expé- 
rimentales. Troisième  partie;  par  Félix  Plateau,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Gand,  membre  de  l'Académie. 


§4.  —  Introduction. 

Les  expériences  sur  les  inllorescences  dont  les  portions 
voyantes  sont  masquées  par  des  feuilles  vertes  et  sur  les 
Heurs  ou  les  inllorescences  dont  les  organes  colorés, 
pétales,  sépales,  fleurons,  ont  été  coupés,  décrites  dans  la 
première  (1)  et  dans  la  seconde  partie  (2),  conduisent  a 


(1)  Bulletin  de  l'Académie  royale  de  Belgique,   3e  série,  t.  XXX, 
n°  11  (novembre,/,  189o. 

(2)  Ibid.,  3l  série,  t.  XXXII,  h°  Il  (novembre).  1896. 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  - 


(  18  ) 

cette  conclusion  principale  que  le  rôle  attractif  attribué 
à  l'éclat  ou  à  la  couleur  est  loin  d'avoir  l'importance 
admise  jusqu'à  présent,  les  Insectes  étant  probablement 
guidés,  dans  leur  recherche  du  pollen  et  du  nectar,  sur- 
tout par  un  sens  autre  que  la  vue,  vraisemblablement  par 
l'odorat. 

Si  cette  conclusion  est  l'expression  réelle  de  ce  qui  se 
passe  dans  la  nature,  il  faut  : 

1°  Que,  contrairement  à  ce  qui  a  été  avancé  plusieurs 
fois,  les  Insectes  manifestent  l'indifférence  la  plus  com- 
plète pour  les  couleurs  diverses  que  peuvent  présenter 
des  fleurs  de  même  espèce  ou  de  même  genre; 

2°  Qu'ils  se  portent,  sans  hésitation,  vers  des  fleurs 
habituellement  négligées  pour  absence  ou  pauvreté  de 
nectar,  du  moment  où  l'on  met  dans  celles-ci  du  nectar 
artificiel  représenté  par  du  miel; 

5°  Que  les  Insectes  cessent  leurs  visites  lorsque,  tout 
en  respectant  les  organes  voyants  colorés,  on  enlève  la 
partie  nectarifère  de  la  fleur,  et  qu'ils  recommencent  ces 
visites  si  l'on  remplace  ultérieurement  le  nectar  supprimé 
par  du  miel. 

Ce  sont  ces  trois  points  qui  font  l'objet  de  la  notice 
actuelle.  D'autres  faits  seront  décrits  dans  une  quatrième 
partie  en  cours  de  préparation. 

§  2.  —  Indifférence  des  Insectes  pour  les  couleurs 
diverses  des  variétés  d'une  même  espèce  de  fleurs  ou 
des  espèces  d'un  même  genre. 

Une  des  idées  difficiles  à  extirper,  conséquence  naturelle 
de  l'hypothèse  de  l'attraction  prépondérante  par  l'éclat 
des  corolles,  est  que  certaines  espèces  ou  certains  groupes 


(  «9  ) 

d'Insectes  ont  une  préférence  marquée  pour  des  couleurs 
déterminées  et  une  répugnance  instinctive  pour  d'autres. 
J'exposerai  ailleurs  connue  quoi  les  divers  ailleurs  qui 
parlent  de  ce  sujet  devaient  arriver,  et  arrivent  en  effet, 
aux  résultats  les  plus  discordants.  Ici  je  me  bornerai  ;i 
une  simple  remarque  : 

A  supposer  que  certains  Insectes  manifestent  une  préférence 
apparente  pour  des  pétales  bleus,  des  pétales  jaunes  ou  des  pétales 
rouges,  cela  ne  signifierait  aucunement  qu'ils  voient  bleu  ce  que 
nous  appelons  bleu,  ou  rouge  ce  que  nous  appelons  rouge;  cela 
indiquerait  uniquement  qu'ils  perçoivent  une  différence  entre  des 
rayons  lumineux  très  réfrangibles  et  îles  rayons  peu  réfrangibles. 
On  oublie  toujours  les  patientes  et  remarquables  recherches  de 
V.  Graber  (1),  d'où  résulte  que  les  Arthropodes  se  divisent  en  leuco- 
philes  et  leucophobes,  que  les  leucophiles  recherchent  les  rayons  très 
réfrangibles  et  les  leucophobes  les  rayons  de  moindre  réfrangibilité, 
prenant  le  rouge  pour  l'obscurité,  etc. 

Ainsi,  l'Abeille,  que  les  expériences  de  Graber  montrent  être  leu- 
cophile,  c'est-à-dire  avide  de  lumière,  comme  ses  habitudes  pouvaient 
le  faire  prévoir,  étant  appelée  à  choisir  entre  un  éclairage  rouge  clair 
et  un  éclairage  violet  foncé,  se  porte  toujours  vers  le  violet  foncé,  bien 
moins  lumineux,  mais  plus  réfrangible  ;  entre  le  rouge  clair  et  le  jaune 
foncé,  elle  choisit  le  jaune  encore  une  fois  plus  réfrangible  que  le 
rouge  ;  entre  le  vert  foncé  et  le  jaune  clair,  elle  ne  manifeste  pas  de 
préférence  :  les  individus,  au  lieu  de  se  diriger  en  majeure  partie  vers 
le  jaune  clair,  qui  est  plus  lumineux,  se  partagent  au  contraire  égale- 
ment entre  les  deux  couleurs  d'une  réfrangibilité  trop  peu  différente 
pour  que  les  Insectes  s'en  aperçoivent  (2). 

Ce  sont  là  des  faits  de  valeur  que  les  biologistes  devraient  toujours 
avoir  présents  à  la  mémoire  quand  ils  parlent  de  choix  que  semblent 
faire  des  animaux  articulés  entre  des  couleurs  diverses. 


(1)  Graber,  Grundlinien  zur  Erforschung  des  Helligkeits  and 
Farbensinnes  der  Thiere.  Prag  und  Leipzig,  1884.  —  Id.,  Ueber  die 
Helligkeits  and  Farbenempfindligkeit  ciniger  Meerthiere.  (Sitzungsber. 
Akad.  Wien,  Math.  Naturwiss.  Classe,  XCI.  Bd,  I.  bis  IV.  llelt, 
I.  Abth.,  1885.) 

(2j  Graber,  Grundlinien,  etc.,  pp.  167  et  suiv. 


(20) 

Pour  en  revenir  aux  préférences  ou  aux  répugnances 
montrées  par  des  Insectes  à  l'égard  de  fleurs  de  couleurs 
particulières,  je  crois  que  les  naturalistes  ont  été  trompés 
par  de  simples  coïncidences.  Les  observations  suivantes 
me  paraissent  prouver  que  les  Insectes  se  chargent  eux- 
mêmes  de  nous  montrer  que  toutes  les  couleurs  des 
corolles  ou  des  inflorescences  leur  sont  parfaitement 
indifférentes,  du  moment  que  ces  mêmes  corolles  ou 
inflorescences  contiennent  soit  le  nectar,  soii  le  pollen 
cherché. 

a.  —  Observations  sur  le  Centaurea  cyanus  L. 

G.  Bonnier(I)  ayant  rencontré  dans  un  champ  de  blé 
la  variété  blanche  du  Bleuet  répandue  au  milieu  d'indi- 
vidus à  fleurs  bleues,  constata  que  les  Abeilles  visitaient 
à  peu  près  en  même  nombre  les  fleurs  des  deux  couleurs. 

Mes  observations,  tout  en  confirmant  celle  de  Bonnier, 
sont  plus  complètes. 

J'ai  cultivé  en  mélange  les  variétés  bleue,  rose,  blanche 
et  pourpre  foncée  du  Centaurea  cyanus.  Le  groupe  de 
plantes  était  assez  grand,  très  serré,  et  les  inflorescences 
se  comptaient  par  centaines.  Parmi  les  quatre  variétés,  la 
bleue  ou  ordinaire  dominait  quelque  peu. 

Les  Hyménoptères  affluaient  et  semblaient  se  rendre 
indifféremment  aux  capitules  des  diverses  couleurs;  mais 
afin  d'éviter  des  erreurs,  je  me  suis  astreint  à  suivre  des 
yeux  certains  individus  déterminés,  en  notant  d'un  signe 
sur  mon  carnet  chacune  des  couleurs  visitées. 


(1)  Bonnier,  Les  Nectaires.  (Annales  des   sciences  nat.    bot., 
49°  année,  VI1'  série,  t.  VIII,  nos  1  et  2,  p.  45,  1879.) 


(31  ) 

"21  juin,  beau  temps. 

Une  Abeille  se  rend  aux  Ileurs  successives,  dans  l'ordre 
suivant:  bleu,  pourpre,  blanc,  bleu,  bleu,  bleu. 

2\)  juin. 

Une  autre  Abeille  donne  la  série  :  blanc,  bleu,  bleu, 
pourpre,  bleu,  bleu,  pourpre,  bleu,  pourpre,  bleu. 

J'observe,  le  27,  les  allures  de  Mégachiles  (Megachile 
ericetorum)  sur  les  mêmes  Bleuets. 

lri>  Megachile  :  blanc,  bleu,  pourpre,  blanc; 

2«         —  blanc,. bleu,  bleu; 

3e         —  rose,  pourpre,  blanc; 

4e  bleu,  rose,  bleu,  bleu. 

La  préférence  apparente  pour  les  capitules  bleus  tiont 
à  cette  particularité  indiquée  plus  haut  que  ceux-ci  étaient 
plus  nombreux  que  les  autres  variétés.  L'indifférence 
pour  la  coloration  est  du  reste  à  peu  près  complète. 

b.      -  Observations  sur  le  Dahlia  variabilis  Dest. 

Depuis  plusieurs  années,  je  cultive  en  mélange  une 
série  de  variétés  du  Dahlia  variabilis  simple,  rouges  écar- 
lates,  pourpres,  roses,  jaunes  orangées  (saumon)  et 
blanches. 

J'ai  constaté  à  satiété  que  les  nombreux  Insectes, 
Abeilles,  Bourdons,  Mégachiles,  Piérides,  Vanesses, 
Eristales,  etc.,  qui  fréquentent  les  inllorescences  vers  la 
fin  d'août  et  durant  tout  le  mois  de  septembre,  passent 
continuellement,  sans  le  moindre  choix,  d'une  variété 
aux  autres. 

C'est  là  un  fait  banal  dont  tout  observateur  peut  être 
témoin  dans  les  jardins  où  l'on  cultive  des  Dahlias  sim- 


(  22!  ) 
pies.    Si  l'une  des  variétés  semble   plus  fréquemment 
visitée,  cela  dépend  uniquement  du  nombre  prépondé- 
rant de  capitules  par  lequel  elle  est  momentanément 
représentée  (1). 


c.  —  Observations  sur  le  Scabiosa  atropurpurea  L. 

Première  série,  19  et  24  juillet,  beau  temps. 

De  nombreux  pieds  de  Scabiosa  atropurpurea  à  petits 
capitules  sont  plantés  en  ligne.  Les  inflorescences  offrent 
les  variétés  de  coloration  suivantes,  sans  ordre  et  avec  de 
fréquents  mélanges  :  pourpre  foncé,  rouge,  rose  et  blanc 
à  peu  près  pur. 

J'y  observe  butinant:  Apis  melti/ica,  Bombus  hypnorum, 
Megachile  ericetorum,  Eristalis  tenax,  Syrphus  divers, 
Vanessa  c-album,  Pieris  napi. 

Or,  ici  où  les  inflorescences  ne  sont  pas  densément 
serrées  comme  pour  les  Bleuets,  mais  rangées  en  ligne, 
l'examen  des  allures  des  Insectes  est  singulièrement  faci- 
lité, et  je  constate  que  tous  indistinctement  se  portent 
d'un  capitule  à  l'autre  sans  aucun  choix  dans  la  couleur, 
visitant  un  peu  plus  souvent  les  fleurs  pourpres  tout  sim- 
plement parce  que  ce  sont  les  plus  nombreuses. 

Deuxième  série,  9  et  10  août,  beau  temps. 

Des  Scabiosa  atropurpurea  d'une  variété  à  capitules 
beaucoup  plus  volumineux  que  ceux  de  la  précédente  et 
mesurant  de  4  à  5  centimètres  de  diamètre,  en  pieds 


(1)  Quelques  variétés  sont,  en  effet,  plus  florifères  que  d'autres; 
telle  est,  chez  moi,  la  variété  pourpre. 


(23  ) 

nombreux  plantes  aussi  en  ligne,  avec  couleurs  mélan- 
gées, offrent  les  colorations  qui  suivent  :  blanc  pur,  rose 
franc,  violet  et  pourpre  foncé. 

Les  visiteurs  sont  des  Lépidoptères  diurnes,  Wuiessa 
lo,  Pieris  brassicae,  Pieris  napi.  (".es  Insectes,  qui  butinent 
longuement  sur  chaque  inflorescence,  passent  sans  hésiter 
de  l'une  à  l'autre,  quelle  que  soit  la  couleur,  se  rendant 
cette  fois  un  peu  plus  fréquemment  sur  les  capitules  roses 
parce  qu'ils  sont  plus  nombreux. 

Ainsi,  un  observateur  superficiel  aurait  conclu  de  la 
première  série  à  une  préférence  pour  la  couleur  pourpre, 
et  s'il  n'avait  examiné  que  la  deuxième  série,  il  aurait 
admis  une  préférence  pour  le  rose. 


d.  —  Observations  sur  les  Linum  gramhflorum   Desf. 

et  L.    US1TATISSIMUM  L. 

Au  milieu  d'un  groupe  de  Lin  à  fleurs  écarlates, 
Linum  grandiflorum,  ont  poussé  par  hasard  deux  pieds  de 
Lin  à  fleurs  bleues,  L.  usitatissimum,  circonstance  des 
plus  favorables  à  l'observation,  le  rouge  vif  et  le  bleu  étant 
ici  deux  couleurs  extrêmes. 

Les  Insectes  visitent  peu  les  fleurs  de  Lin  (1)  ;  cepen- 


(1)  Suivant  Mac  Leod  (Over  de  bevruckting  (1er  bloemen  in  het 
Kempisch  gedeelte  van  Vlaanderen,  blz.  421,  Gent,  1894),  le  Linum 
usitatissimum  est  peu  visité  chez  nous,  par  suite  de  sa  pauvreté  en 
nectar.  L'auteur  ne  signale  sur  cette  fleur  qu'un  seul  Hyménoptère, 
Bombus  agrorum,  et  un  seul  Diptère,  Hylemyia  coarctata.  H.  Millier 
(The  Fertilisation  of  Flowers,  pp.  147  et  148),  parlant  du  Linum 
Catharticum,  dit  :  «  Malgré  la  grande  abondance  de  cette  plante,  je 
n'y  ai  observé  que  deux  Insectes  »,  et  il  cite  deux  Diptères  :  Systoechus 


(  24  ) 
dant  un  examen  attentif  permet,  le  6  juillet,  par  un  beau 
temps,  de  voir  de  petits  Diptères  syrphides  allant  du  Lin 
écarlate  au  Lin  bleu.  Un  Hyménoptère,  une  Andrena, 
butine  sur  le  Lin  rouge,  puis,  spontanément,  sans  hésita- 
tion, va  butiner  sur  le  Lin  bleu.  L'indifférence  pour  la 
couleur  me  parut  être  absolue. 


e.  —  Observations  analogues  faites  par  d'autres  auteurs. 

Ch.  Darwin  (1)  dit  :  «  J'ai  vu  des  Bourdons  volant 
directement  d'une  plante  de  Dictarnnus  fraxinella  de  la 
variété  rouge  à  une  autre  de  la  variété  blanche,  se  rendant 
d'une  variété  à  une  autre  variété  de  Delphinium  consolida; 
le  même  fait  s'est  répété  pour  les  variétés  de  Primai  a 
veris.  Ces  Insectes  se  portaient  d'une  Pensée  d'un  pour- 
pre foncé  à  une  autre  d'un  jaune  clair,  d'une  espèce  de 
Papaver  à  une  autre  espèce  différente.  » 

Et  il  ajoute  plus  loin  (2)  que  les  cas  qu'il  a  cités  d'Hy- 


sulphureus  et  Empis  livida.  Sur  le  L.  usitatissimum,  il  n'a  vu  que 
deux  Hyménoptères  :  Apis  melliftca,  Halictus  cylindricus,  et  un  Lépi- 
doptère, Plusia  Gamma.  Le  faible  nombre  de  visites  que  j'ai  pu  noter 
rentre  donc  dans  la  catégorie  des  faits  normaux. 

(1)  Darwin,  The  effects  of  cross  and  self  Fertilisation  in  the  vege- 
table  kingdom,  p.  416.  London,  1876. 

(2)  Darwin,  Op.  cit.,  p.  421.  «  That  the  colour  of  the  flowers  is 
not  the  sole  guide,  is  clearly  shown  by  the  six  cases  above  given  of 
Bées  which  repeatedly  passed  in  a  direct  Une  from  one  variety  to 
another  of  the  same  species,  although  they  bore  very  differently 
coloured  flowers.  »  J'ai  tenu  à  reproduire  intégralement  le  passage 
pour  lever  tous  les  doutes.  Darwin  y  parle  de  six  cas  ;  en  réalité,  dans 
les  lignes  auxquelles  il  fait  allusion,  l'auteur  n'en  signale  que  cinq. 
Petite  erreur  de  rédaction  sans  importance. 


(  25  ) 
ménoptères  passant  d'une  façon  répétée  et  directe  d'une 
variété  à  une  autre  variété,  bien  qu'elles  présentassent 
des  couleurs  très  différentes,  démontrent  clairement  que  la 
coloration  n'est  pas  le  seul  guide  qui  détermine  le  choix 
des  Insectes. 

G.  Bonnier  (l),  dont  j'ai  déjà  rappelé  plus  haut  l'obser- 
vation sur  le  Centaurea  cyanus  à  (leurs  bleues  et  à  (leurs 
blanches,  signale  en  outre  les  cas  suivants  :  Trois  pieds 
d'Althaea  rosea  à  (leurs  simples  rouges,  trois  pieds  à  (leurs 
blanches  et  trois  pieds  à  fleurs  d'un  rose  pale  ont  été 
observés  quatre  jours  consécutifs.  Quinze  (leurs  de  chaque 
couleur  avaient  été  marquées.  Les  Hyménoptères  visi- 
teurs appartenaient  aux  espèces  :  Apis  mdlifica,  .1 .  meUifica 
var.  ligustica,  Bombus  lerrestris,  Ilombits  hortorum.  D'un 
petit  tableau  que  donne  l'auteur  et  qui  renseigne  les 
moyennes  des  nombres  d'Insectes  visitant  quinze  (leurs 
de  chacune  des  variétés  résulte  que  ces  animaux  n'ont 
fait  aucun  eboix  spécial  et  se  sont  rendus  indifféremment 
aux  diverses  (leurs,  quelle  que  fût  leur  coloration. 

Mêmes  résultats  en  opérant  comparativement  sur  les 
variétés  roses  et  blanches  de  Digilalis  purpurea  et  d'Epilo- 
biiim  spicatum. 

Enfin,  il  a  vu  un  grand  nombre  de  fois  des  Hyméno- 
ptères butinant  sans  choix  sur  les  Brassica  oleracea  à  (leurs 
jaunes  et  à  fleurs  blanches,  la  même  Abeille  passant 
d'un  pied  à  fleurs  jaunes  à  un  pied  à  fleurs  blanches  et 
réciproquement. 

De  tout  ce  qui  précède,  des  observations  de  mes  devan- 
ciers comme  des  miennes,  on  peut  évidemment  conclure 


(1)  Bonnier,  Op.  cit.,  pp.  44  ot 


(  26  ) 
que  les  Insectes  se  montrent  parfaitement  indifférents  aux 
couleurs,  n'ont  ni  préférences  ni  répugnances. 

Il  est  fort  probable  que  chaque  fois  qu'une  préférence 
ou  une  répugnance  pour  certaines  fleurs  a  été  nettement 
constatée,  le  phénomène  trouvait  sa  cause  dans  tout 
autre  chose  que  la  coloration  :  pauvreté  en  nectar  ou 
même  obstacle  mécanique,  tel  que  celui  signalé  par  Errera 
et  Gevaert  (1). 

Ces  deux  botanistes,  observant  un  parterre  où  crois- 
saient en  mélange  les  Pentstemon  Hartwegi  Benth.  et 
Pentstemon  gentianoides  G.  Don.  offrant  des  variétés  à 
fleurs  rouges  écarlates,  rouges  foncées,  blanches,  striées 
et  mauves  violacées,  virent  les  Syrphides  et  les  Hyméno- 
ptères visiter  presque  exclusivement  les  fleurs  mauves, 
dédaignant  les  autres.  «  Ce  n'est,  disent-ils,  ni  le  goût  du 
nectar,  ni  son  parfum,  ni  la  couleur  de  la  corolle  (2)  qui 
produisent  ...  cette  sympathie  particulière,  »  et  ils  con- 
cluent que  «  la  cause  de  beaucoup  la  principale,  sinon  la 
seule  qui  détermine  la  préférence  des  Insectes  (dans  ce  cas 
particulier),  est  l'inégale  distance  chez  les  diverses  variétés 
entre  le  point  où  s'incurve  le  staminode  et  le  fond  de  la 
corolle.  Cette  distance  représente  la  longueur  de  la 
trompe  qui  puisse  puiser  tout  le  nectar.  »  Suivent  des 
mesures  qui  confirment  cette  opinion. 


(t  )  Errera  et  Gevaert,  Sur  la  structure  et  le  mode  de  fécondation 
des  fleur?,,  pp  188  à  190.  (Bull.  Soc.  roy.  de  botanique  de  Belgique, 
t.  XII,  1878.) 

(2)  Ces  mots  ne  sont  pas  soulignés  dans  le  texte  original. 


(  27  ) 
§  .">.        Pleurs  très  voyantes,  mais  normalement 

PEU  VISITÉES,  RENDUES  ATTRACTIVES  PAR  DU  MIEL. 

Quelques-uns  de  mes  savants  prédécesseurs  se  sont 
assurés  : 

1°  Que  des  fleurs  bien  apparentes,  négligées  pendant 
un  certain  temps  par  les  Insectes,  reçoivent  tout  d'un 
coup  des  visites  fréquentes  au  moment  de  la  sécrétion  du 
nectar; 

2°  Que  des  fleurs  apparentes  aussi,  mais  toujours 
dédaignées  à  cause  de  leur  pauvreté  en  liquide  sucré, 
attirent  au  contraire  les  Insectes  lorsqu'on  y  introduit  du 
miel. 

Donnons  d'abord  ces  observations  : 

Ch.  Darwin  (1)  s'exprime  ainsi  : 

La  visibilité  de  la  corolle  ne  suffit  pas  pour  déterminer  les  visites 
répétées  des  Insectes  si  en  même  temps  il  n'y  a  pas  sécrétion  de  nectar 
et  peut-être  émission  d'un  peu  d'odeur.  J'observai  pendant  une  quin- 
zaine de  jours  et  chaque  jour  durant  un  certain  temps,  une  muraille 
couverte  de  Linaria  cymbalaria  en  pleine  floraison,  et  je  ne  vis  jamais 
une  Abeille  y  faire  attention.  Vint  ensuite  un  jour  très  chaud,  et  immé- 
diatement plusieurs  Abeilles  apparurent  au  travail  sur  les  fleurs.  Il 
semble  qu'un  certain  degré  de  chaleur  soit  nécessaire  pour  la  sécré- 
tion du  nectar...  c'est  le  cas  pour  les  Linaria,  Pedicularis  sylvatica, 
Polygalu  vulgaris,  Viola  tricolor  et  quelques  espèces  de  Trifolium. 
J'ai  surveillé  les  fleurs  jour  par  jour  sans  voir  une  Abeille  à  l'ouvrage, 
puis  soudainement  toutes  les  fleurs  furent  visitées  par  beaucoup 
d'individus  de  cette  espèce.  Comment  un  si  grand  nombre  d'Abeilles 
découvrent-t-elles  à  la  fois  que  les  fleurs  sécrètent  du  nectar?  1  présume 
that  it  miist  hâve  been  by  their  odour  (2). 


(1)  Darwin,  Op.  cit.,  p.  422. 

(2)  Ces  mots  ne  sont  pas  en  italique  dans  le  texte  de  Darwin. 


(  28  ) 

G.  Bonnier  (1),  observant  des  Pulmonaria  officinalis  qui,  dans  les 
circonstances  ordinaires,  n'étaient  visitées  avec  succès  que  par  des 
Bombus,  la  trompe  des  Abeilles  étant  trop  courte  pour  atteindre  le 
nectar  (2i,  assista  au  changement  de  conditions  suivant  :  «  .  .  Comme 
des  jours  chauds  et  soleilleux  avaient  succédé  à  une  longue  suite  de 
jours  de  pluie,  le  nectar  devint  très  abondant.  Dans  beaucoup  de 
fleurs  de  Pulmonaria,  le  niveau  du  nectar  s'était  élevé  de  3  à  4  milli- 
mètres au-dessus  des  nectaires.  Dès  lors,  l'Abeille  pouvait  atteindre 
la  matière  sucrée  avec  sa  trompe;  aussi  les  Pulmonaires  furent-elles 
abondamment  visitées  par  les  Abeilles  ce  jour-lit.  » 

J.  Pérez  (3)  relate  ce  qui  suit  :  «  Je  considérais  un  jour  d'automne 
où  la  température  était  un  peu  basse,  bien  qu'il  fit  un  beau  soleil, 
une  vaste  corbeille  de  Salvia  splendens,  au  jardin  public.  Pendant  un 
temps  fort  long,  ces  plantes  ne  reçurent  pas  la  visite  d'une  seule 
Abeille  et  j'étais  tout  disposé  à  attribuer  leur  délaissement  absolu, 
suivant  l'opinion  du  savant  italien  (4),  à  la  couleur  rouge  éclatante  de 
la  fleur.  Mais  voilà  qu'à  un  certain  moment  la  corbeille,  jusque-là 
dans  l'ombre,  vint  à  recevoir  le  soleil  et  presque  aussitôt,  des  Abeilles 
survinrent  et  même  assez  nombreuses...  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que 
la  chaleur  communiquée  aux  fleurs  de  la  Sauge  par  les  rayons  du 
soleil  avait  favorisé  l'excrétion  du  nectar  ou  provoqué  le  dégagement 
de  son  parfum,  précédemment  imperceptible  ou  tout  à  fait  nul.  » 

Il  résulte  donc  bien  de  ces  diverses  observations  que, 
comme  je  le  disais  plus  haut,  des  fleurs  voyantes  négli- 
gées durant  un  temps  par  les  Insectes  reçoivent  tout  d'un 
coup  des  visites  fréquentes  au  moment  de  la  sécrétion 
du  nectar. 

Arrivons  maintenant  au  second  point  à  démontrer  : 
l'effet  presque  infaillible  de  l'introduction  artificielle  dans 


(1)  Bonnier,  Op.  cit.,  p.  67. 

(2)  H.  MiiLLER,  Op.  cit.,  p.  413,  cite  effectivement  sur  la  Pulmo- 
naire :  des  Anthophores,  des  Osmies,  des  Andrènes,  des  Bourdons,  et 
pas  d'Abeilles. 

(3)  Péuez,  Notes  zoologiques.  (Actes  de  la  Société  Linnéenne  de 
Bordeaux,  vol  XLV1I,  série  V,  tome  VII,  pp.  250  et  251.  Bordeaux,  1894.) 

(4)  Il  fait  ici  allusion  à  Delpino. 


29  ) 
dos  fleurs  négligées,  de  nectar,  c'est-à-dire  de  miel.  Ainsi 
qu'on  va  le  voir,  c'est  à  .1.  Pérez  qu'on  doit  la  première 

expérience  dans  ce  sens. 

Les  fleurs,  cependant  si  brillantes,  de  Pelargonium 
zonale  sont  presque  complètement  dédaignées  par  les 
Insectes,  comme  tout  observateur  a  pu  s'en  assurer  el 
comme  le  fait  ressortir  le  passage  suivant,  emprunté'  à 
Errera  et  Gevaert  (1). 

«  ...  nous  avons  plusieurs  fois  observé  un  parterre  de  Pélargoniums 
(vulgo  Géraniums)  tout  couvert  de  fleurs  très  voyantes,  roses  et  rouges, 
et  entouré  d'une  bordure  d'Héliotropes  dont  la  teinte,  comme  on  Le 
sait,  n'est  pas  fort  apparente.  Et  cependant,  les  Héliotropes  sont 
extrêmement  visitées  par  une  foule  de  Papillons  et  d'Hyménoptères, 
tandis  que  les  Pélargoniums  n'ont  pour  hôtes  qu'un  petit  nombre 
de  Papillons.  »  (Ils  signalent  en  note  quelques  Rhopalocères  et  le 
Macroglossa  stellatarum.) 

J.  Pérez  (2)  a  songé,  comme  il  dit,  à  «  voir  comment 
les  butineuses  (les  Abeilles)  se  comporteraient  en  pré- 
sence de  ces  Heurs  dédaignées,  si  on  les  garnissait  artifi- 
ciellement de  miel  ».  11  ;i  choisi  des  Pélargoniums 
écarlates  et  a  déposé  du  miel  dans  la  gorge  des  corolles. 

«  Des  Abeilles  qui  butinaient  sur  des  Héliotropes  voisines  n'ont  pas 
lardé  a  être  frappées  par  l'odeur  du  miel  dont  elles  ont  eu  bien  vite 
découvert  la  situation.  Sans  la  moindre  hésitation,  elles  se  sont  jetées 
sur  les  fleurs  écarlates,  en  ont  avidement  sucé  le  miel  et  n'ont  cessé, 
jusqu'au  soir,  de  les  visiter  assidûment...  J'ajouterai  même  qu'elles 
se  portaient  directement  et  même  d'assez  loin  sur  ces  fleurs,  sans 
prêter  la  moindre  attention  aux  variétés  blanches  ou  roses  de  la  même 
espèce,  taisant  partie  de  la  même  corbeille,  et  dont  aucune  n'avait  été 
garnie  de  miel.  » 


(1)  Errera  et  Gevaert,  Op.  cit.,  p.  107. 

(2)  Pékez,  Op.  cit.,  p.  253. 


(  30) 
Tel  est  le  résultat  capital  de  cet  essai  intéressant. 
Pérez  termine  par  ces  lignes  que  je  reproduirai,  afin  de  ne 
pas  avoir  l'air  de  tronquer  une  citation  : 

«  La  couleur  écarlate  s'était  si  bien  associée  dans  leur  souvenir  à 
l'idée  du  miel,  qu'elles  se  posaient  à  la  fin  sur  des  fleurs  de  cette 
couleur  n'en  ayant  pas  reçu  et  ne  les  quittaient  qu'après  s'être 
assurées,  par  un  examen  scrupuleux  et  persistant,  qu'elles  n'avaient 
rien  à  y  recueillir.  » 

Le  lecteur  verra  que  je  puis  confirmer  l'exactitude  de 
l'expérience  de  Pérez.  Pour  un  seul  détail  seulement, 
celui  qui  concerne  le  rapport  qu'auraient  établi  les 
Abeilles  entre  la  couleur  et  la  présence  du  miel,  je  suis 
en  contradiction  avec  l'éminent  naturaliste. 

Après  cette  revision  de  ce  qu'ont  observé  mes  devan- 
ciers, revision  un  peu  longue,  mais  indispensable  pour 
prouver  que  mes  expériences  personnelles  avaient  leur 
raison  d'être,  j'aborde  la  description  de  ces  dernières. 

a.  —  Expériences  sur  le  Pelargonium  zonale  Willd. 

19  août,  temps  pluvieux,  parfois  un  rayon  de  soleil. 
Un  parterre  elliptique  assez  étendu  est  couvert  de  Capu- 
cines naines,  fleurs  qui  sont  généralement  visitées  par 
des  Hyménoptères,  surtout  par  des  Bourdons.  Ce  par- 
terre est  garni,  en  bordure,  de  Pelargonium  zonale  à  fleurs 
écarlates,  toujours  dédaignées  par  les  Abeilles  et  les 
Bourdons,  malgré  leur  coloration  intense. 

Le  matin,  j'introduis,  à  l'aide  d'une  pipette  effilée,  une 
goutte  de  vrai  miel  liquide  de  rucbe  (1)  dans  les  fleurs 

(1)  Éviter  les  mélanges  falsifiés  qu'on  vend  chez  les  confiseurs. 


(  31  ) 
de  dix-sept  ombelles  de  Pélargoniums  situés  en  série 
continue  et  en  prenant  la  précaution  de  marquer,  par  des 
piquets  ûchés  en  terre,  le  commencement  et  la  lin  de  la 
série,  dans  le  but  de  ne  pas  confondre  les  fleurs  miellées 
avec  d'autres. 

I. 'après-midi,  durant  une  éclaircie,  je  pus  déjà  observer 
en  une  beurc  huit  visites  de  Bombus  terrestris.  Chaque 
fois  le  Bourdon  négligeait  absolument  les  Capucines  et 
visitait  activement  les  Pélargoniums  garnis  de  miel, 
passant  de  fleur  en  fleur  et  restant  souvent  à  sucer  sur  la 
même  durant  vingt-cinq  secondes. 

Lorsque  l'Insecte  avait  ainsi  absorbé  le  liquide  d'un 
certain  nombre  de  Heurs  miellées,  il  lui  arrivait  de  se 
diriger  vers  des  Pélargoniums  non  munis  de  miel;  il  se 
bornait  alors  à  voler  en  tournant  rapidement  autour, 
sans  se  poser,  puis  partait  vers  son  nid  ou  revenait  aux 
Pélargoniums  à  miel. 

20  août,  temps  beau  et  chaud. 

Le  lendemain  matin,  entre  8  et  9  heures  et  avant 
l'installation  d'une  nouvelle  expérience,  j'observe  deux 
Abeilles  butinant  sur  les  Pélargoniums  miellés  de  la 
veille. 

Vers  40  heures,  je  remets  encore  du  miel  dans  les 
Ileurs  de  vingt-six  ombelles  de  Pélargoniums  appartenant 
à  la  même  rangée  limitée  par  des  piquets. 

Dès  le  moment  de  l'opération  et  en  trois  quarts  d'heure, 
je  note  les  visites  de  : 

3  Apis  niellifica  suçant  leur  Heur  pendant  dix-sept  et  vingt-sept 
secondes; 
5  Bombus  terrestris  se  comportant  comme  ceux  de  la  veille; 
3  Vespa  vulgaris; 

D,     -,       n-  ,.  I    Eristalis  tenax, 

Plusieurs  Diptères  .     .     \ 

/     Lucilia  caesar. 


(  32  ) 
Le  même  jour,  à  2  heures  de  l'après-midi,  les  Hymé- 
noptères foisonnent.  En  trente  minutes,  je  compte  appro- 
ximativement (1)  : 

18  ApLs  mellifica  ; 
5  Bombus  terres  tris  ; 
5  Vespa  vulgaris. 

A  un  moment  donné,  sur  cette  étroite  bande  de 
4  mètres  au  plus  de  longueur,  butinaient  à  la  lois  de 
nombreuses  Abeilles  et  deux  Bourdons. 

Le  jour  suivant,  21  août,  Abeilles  et  Bourdons  visi- 
taient encore  avec  assiduité  les  mêmes  Pélargoniums. 

Sauf  le  cas  de  quelques  vols  d'exploration  de  Bourdons 
que  j'ai  indiqués  plus  haut,  les  Pélargoniums  de  tout  le 
reste  de  la  bordure  du  parterre  (plus  de  vingt-cinq  plantes 
en  Heurs)  qui  n'avaient  pas  reçu  de  miel,  sont  restes  abso- 
lument négligés  par  les  Abeilles,  comme  s'ils  n'existaient  pas. 

L'expérience  de  Pérez  est  donc  exacte,  à  cette  excep- 
tion près  que  les  Abeilles  n'ont  été  attirées  que  par  le 
miel  et  non  par  la  couleur,  puisqu'elles  n'ont  jamais 
exploré  les  Heurs  vides  des  Pélargoniums  voisins.  Fait 
dont  je  suis  parfaitement  certain,  les  essais  ayant  eu  lieu 
dans  mon  jardin  où  durant  les  mois  de  vacances  je  passe 
les  journées  entières. 

b.  —  Expériences  sur  le  Phlox  paniculata  L. 

Le  Phlox  ordinaire  des  jardins,  malgré  ses  nombreuses 
Heurs  à  couleurs  vives,  est  relativement  peu  visité  par  les 
Insectes  diurnes  (2).  Ceux  qu'on  observe  pendant  le  jour 

(1)  La  quantité  d'Insectes  était  trop  grande  pour  pouvoir  noter 
exactement  leur  nombre. 

(2)  Le  soir,  le  Phlox  est  visité  par  des  Noctuelles,  entre  autres  par 
Plusia  Gamma. 


(  33  ) 

sur  cette  plante  sont  par-ci,  par-là  un  Lépidoptère  rhopa- 
locère,  dont  la  visite  est  du  reste  très  courte,  et  quelques 
Diptères  syrpliides  de  petite  taille. 

20  août,  vers  3  heures,  temps  beau  et  chaud. 

Je  choisis  deux  variétés  communes,  l'une  à  Ileurs 
violettes,  l'autre  dont  les  Ileurs  sont  blanches  à  centre 
rose.  Les  deux  touffes  sont  au  moins  à  20  mètres  l'une 
de  l'autre,  et  plus  de  vingt  autres  touffes  de  Phlox  sont 
disséminées  dans  le  jardin. 

Au  moyen  d'une  pipette  effilée,  je  mets  une  goutte  de 
miel  liquide  dans  une  vingtaine  de  fleurs  des  deux 
variétés  indiquées. 

L'expérience  est  à  peine  commencée  que  j'observe  une 
Abeille  sur  la  variété  violette.  En  moins  d'une  heure,  j'y 
ai  vu  : 

3  Apis  mcllifica; 

1  Vespa  vulgaris  ; 

2  Picris  brussicae, 

les  Pieris  butinant  cette  fois  longuement  pendant  plu- 
sieurs minutes. 

La  variété  blanche  à  cœur  rose  étant  en  ce  moment  à 
l'ombre,  n'a  rien  donné. 

22  août,  temps  trais  (vent  du  nord),  beau. 

Je  recommence  la  même  expérience  sur  les  deux  pieds 
de  Phlox  précédents.  Quoique  d'autres  occupations  ne 
me  permettent  pas  d'observation  continue,  je  note 
cependant  : 

„,,.,.  I    Avis  mellifica.    .    .    1  visite. 

Phlox  violet    ••••},,  ,  ... 

(     vespa  vulgaris    .     .    4  visites. 

Plilox  blanc  et  rose .     .     .     Vespa  vulgaris    .    .    4     — 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXUI.  5 


(34) 


c.  —  Expériences  sur  /'Anémone  japonica  Sieb.  et  Zucc. 

Bien  que  ses  nombreuses  et  grandes  fleurs  blanches  ou 
rosées  soient  très  voyantes,  l'Anémone  du  Japon  n'est 
guère  visitée  que  par  des  Diptères  (1). 

22  août,  temps  beau  et  frais  (vent  du  nord). 

Quatre  fleurs  seulement  de  la  variété  blanche  sont 
ouvertes.  Au  moyen  d'un  pinceau,  j'y  mets  du  miel  dès  le 
matin. 

Aussitôt  les  Insectes  arrivent  en  nombre.  Je  note,  en 
me  promenant,  non  seulement  de  fréquents  Syrphides 
(Syrphus  et  Eristalis),  mais  de  plus,  comme  Hymé- 
noptères : 

Bombus  muscorum 1  visite. 

Bombas  terres  tris 1     — 

Odynerus  quadratus 1      — 

Vespa  vulgaris 4  visites. 

On  remarquera  que  n'ayant  pas  observé  d'une  manière 
continue,  beaucoup  de  visites  ont  dû  m 'échapper. 

8  septembre,  temps  beau  et  chaud. 

Afin  de  rendre  l'expérience  aussi  démonstrative  que 
possible,  je  procède  cette  fois  de  la  manière  suivante  : 

La  touffe  d'Anémones  blanches  porte  en  tout  vingt- 
neuf  fleurs  épanouies.  Je  mets  du  miel  dans  six  seulement 
de  celles-ci,  formant  un  petit  groupe  bien  reconnaissable, 
quoique  contigu  aux  autres. 


(1)  J'ai  vu  une  fois  une  courte  visite  de  Bombus  terrestris. 


(  33  ) 

En  une  heure  d'observation  continue, de  10  à  1 1  heures 
du  matin,  je  note  tous  les  Insectes  visitant  d'une  pari 
les  vingt-trois  Heurs  intactes  et  d'autre  part  les  six  fleurs 
miellées  : 


■27,    FLEURS   INTACTES. 


(i   FLEURS   MILLI.ÉES. 


Eristalis  tenax 76  visites.  66  visites. 

Helophiltis 4     —  5     — 

Syrphus 1  visite.  4     — 

Calliphora  vomitorïa  ....  0     —  3     — 

Musca 8  visites.  4     — 

Petit  Diptère  indéterminé     .     .  10     —  9      — 

Odynerus  quadratus    ....  0  visite.  2     — 

Petit  Hyménoptère  indéterminé.  1      —  0  visite. 

Pieris  napi 0     —  1     — 

Totaux.    .    .  100  visites.  94  visites. 

Si  maintenant  on  calcule  la  proportion  de  visiteurs 
par  fleur,  on  trouve  qu'elle  n'est  que  de  4.5  pour  les  fleurs 
intactes  et  qu'elle  monte  à  15.6  pour  les  fleurs  miellées. 
L'influence  attractive  de  la  présence  du  miel  est  ainsi 
démontrée. 


d.  —  Expérience  sur  le  Convolvulus  (Calystegia)  sepium  L. 


Le  grand  Liseron  blanc  des  haies,  Convolvulus  sepium, 
dont  la  large  corolle  d'un  blanc  pur  se  détache  nettement 
sur  le  feuillage,  passe  avec  raison  pour  être  négligé  par  la 
plupart  des  Insectes,  et  surtout  pour  être  beaucoup 
moins  visité  que  le  petit  Liseron  des  champs,  Convolvulus 
arvensis. 


(  36  ) 

II.  Millier  (1)  et  ses  continuateurs  attribuent  cette  dif- 
férence à  la  production  d'un  parfum  assez  intense  par  le 
Convolvulus  arvensis,  alors  que  le  Convolvulus  sepium 
n'aurait  presque  pas  d'odeur.  Millier  fournissant  là  un 
argument  contre  la  théorie  du  rôle  de  l'éclat  des  fleurs 
dans  l'attraction  des  Insectes,  il  était  fort  intéressant  de 
voir  ce  qui  arriverait  lorsque,  sans  changer  l'aspect  de  la 
corolle  du  Convolvulus  sepium,  on  lui  donnerait  une 
odeur  de  nectar. 

5  septembre,  temps  beau  et  chaud. 

Je  choisis  à  la  campagne  un  pied  de  Convolvulus  sepium 
ne  portant  qu'une  seule  fleur  épanouie  bien  en  évidence; 
il  est  à  plus  de  20  mètres  de  tout  autre  pied  fleuri. 

La  fleur  est  sans  visiteurs  ;  j'y  introduis,  au  moyen  d'un 
pinceau,  un  peu  de  miel  étendu  d'eau.  Immédiatement  les 
Insectes  arrivent  et,  en  trente  minutes  d'observation,  je 
note  vingt-neuf  visites  que  je  groupe  comme  suit  : 

Panorpa  communis 3  visites. 

Musca  {dômes tica  ?) 12     — 

Syrphns  divers 9     — 

Callipkora  vomitoria 1  visite. 

Lucilia  caesar 1     — 

Eristalis  tenax 1     — 

Bombus  muscorum 1     — 

Vespa  crabro 1      — 

L'ardeur  des  Insectes  est  considérable;  à  certains 
moments,  il  y  a  dans  la  corolle  jusqu'à  quatre  Insectes  à 
la  fois. 


(lj  Muller,  Op.  cit.,  |>  424. 


(  37  ) 
Les  Panorpes,  quoique   Névroptères   carnassiers,  ne 

venaient  pas  là  pour  capturer  des  Diptères,  mais,  comme 
je  l'ai  nettement  constaté,  pour  lécher  le  miel.  Elles 

étaient  si  occupées  à  eelte  opération  qu'elles  ne  faisaient 
pas  attention  aux  Mouches  placées  près  d'elles  dans  la 
fleur. 

L'arrivée  du  liomlnts  muscorum  eut  lieu  d'une  façon 
directe,  sans  hésitation,  et  la  durée  de  sa  visite  fut 
longue.  L'arrivée  de  la  Vespa  crabro  (l)  eut  lieu  aussi 
directement,  sans  recherches.  Enfin,  lorsque  j'ai  inter- 
rompu l'observation,  les  visites  d'Insectes  continuaient. 

L'expérience  confirme  donc  parfaitement  l'explication 
hypothétique  que  donne  H.  Millier  du  faible  nombre  de 
visiteurs  pour  le  Liseron  des  haies  et  prouve  que,  dans  le 
cas  actuel,  comme  presque  toujours  du  reste,  les  Insectes 
ont  été  guidés  par  un  sens  qui  ne  peut  être  que  l'odorat. 

$  4.  —  Cessation  des  visites  après  la  suppression  de  la 
portion  nectarifère;  rétablissement  des  visites  a 
l'aide  de  miel. 

11  serait  ordinairement  impossible  de  supprimer  la 
portion  nectarifère  des  fleurs  sans  en  altérer  profondé- 
ment l'aspect.  Cependant  les  Composées  radiées  se  prêtent 
bien  à  ce  genre  d'opération  ;  c'est  pourquoi  je  me  suis 
adressé  à  ce  type,  choisissant  encore  une  fois  les  Dahlias 
simples  si  abondamment  visités  et  dont  les  hôtes  habi- 
tuels m'étaient  connus  dans  les  moindres  détails  de  leurs 
allures. 


(1)  Le  lecteur  verra  surtout  dans  J;i  quatrième  partie  de  ces 
recherches  que  c'est  bien  le  miel  qui  attire  les  Guêpes  dans  les  essais 
que  j'ai  institués. 


(  38) 


Expériences  sur  le  Dahlia  variabilis. 

50  août,  temps  beau  et  chaud. 

Au  milieu  d'un  massif  de  Dahlias  simples  comprenanl 
plus  de  douze  touffes  en  fleurs,  on  choisit  un  pied  portant 
des  inflorescences  à  fleurons  périphériques  pourpres  et 
très  visitées. 

Sur  huit  capitules,  on  enlève  soigneusement  tous  les 
fleurons  centraux  et  on  remplace  chacun  de  ces  cœurs 
jaunes  par  un  petit  disque,  jaune  aussi,  découpé  dans  une 
feuille  jaunie  de  Cerisier  et  fixé  à  l'aide  d'une  fine 
épingle  neuve. 

La  couleur  jaune  des  disques  est  à  peu  près  la  même 
que  celle  des  fleurons  centraux  enlevés  et  appartient  à 
un  corps  végétal  n'ayant  fait  partie  d'aucune  fleur. 

Les  Insectes  qui  fréquentent  à  cet  instant  l'ensemble 
des  Dahlias,  sont  des  Bombus  terrestris,  B.  lapidarius, 
B.  muscorum,  Megachile ericetorum,  Eristalis  tenaxet  autres 
Eristalis,  Pieris  napi. 

Durant  trois  quarts  d'heure  d'observation  attentive,  on 
ne  voit  aucun  Insecte  se  poser  sur  les  inflorescences 
transformées.  Les  Bourdons  ou  les  Mégachiles  qui  quit- 
tent des  capitules  de  Dahlias  intacts  se  portent  naturel- 
lement assez  souvent  vers  les  Dahlias  mutilés  mélangés 
aux  précédents,  mais  ces  Insectes  se  bornent  à  décrire 
devant  ces  inflorescences  quelques  courbes  prouvant 
incontestablement  un  examen  rapide,  puis  fondent  tout 
droit  sur  un  Dahlia  intact. 

Ces  hésitations  ne  doivent  pas  être  immédiatement 
interprétées  comme  résultant  de  la  prétendue  fonction 


(39) 
vexillaire  dos  fleurons  périphériques  restés  en  place  (1). 
Il  ne  faut  pas  oublier,  en  effet,  que  je  venais  d'enlever 
les  fleurons  tubuleux  centraux  en  les  écrasant  entre  les 
doigts,  et  que  les  capitules  devaient  en  avoir  conservé  un 
peu  d'odeur. 

Dans  tous  les  cas,  je  le  répète,  aucun  Insecte  ne  se 
posa  sur  les  Dahlias  mutilés. 

Ceci  constaté  à  satiété,  j'enduis  de  miel,  à  l'aide  d'un 
pinceau,  les  disques  artificiels  jaunes.  Aussitôt,  les 
Insectes  n'hésitent  plus  un  instant  et  visitent  les  Dahlias 
mutilés  aussi  activement,  ou  même  plus  activement  que 
les  autres.  En  une  demi-heure,  je  note  quarante  et  une 
visites,  se  répartissant  comme  suit  : 

Bombus  terrestris 26  visites. 

Bombus  muscorum 1  visite. 

Megachile  ericetorum 2  visites. 

Vespa  vulgaris 12     — 

41  visites. 

Je  n'ai  jamais  annoté  comme  visite  que  l'arrivée  d'un 
nouvel  individu  ou  le  retour  d'un  individu  qui  s'était 
éloigné  vers  son  nid.  On  remarquera  de  nouveau  l'appari- 
tion des  Guêpes,  attirées  de  loin  par  l'odeur  du  miel. 

Les  Insectes  y  mettent  tant  d'ardeur  qu'on  observe 
plusieurs  des  inflorescences  occupées  simultanément  par 


(1)  On  sait,  par  la  première  partie  de  mes  recherches  (Bulletin  de 
l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  série,  t.  XXX,  n°  11,  novembre  1895),  que 
le  fait  de  cacher  tous  les  fleurons  périphériques,  en  laissant  à  nu  les 
tleurons  centraux,  ne  diminue  en  rien  le  nombre  des  visites  des 
Insectes. 


(  40;) 
deux  individus.  Nombre  de  fois  un  Bombus  ou  une  Vespa 
se   rendent   successivement   à   deux   ou  trois   capitules 
miellés. 

Deux  jours  après  cet  essai,  les  disques  jaunes  artificiels 
sont  desséchés,  leur  miel  épuisé  et  les  capitules  qui  les 
portent  sont  encore  une  fois  entièrement  négligés  par  les 
Insectes. 

J'enlève  les  disques  et,  dans  la  cupule  vide  et  verddtrc 
qu'ils  occupaient,  je  dépose  à  nouveau  un  peu  de  miel  au 
moyen  d'un  pinceau.  Quoique  cette  opération  fût  rapide, 
les  Insectes  arrivèrent  avant  qu'elle  eût  été  entièrement 
terminée  et,  en  quarante-cinq  minutes,  je  pus  encore 
noter  quarante  et  une  visites,  savoir  : 


Megachde  cricctorum  .     .    . 

,     .    .      5     — 

Vespa  vulgaris  .... 

.    .    .    13     — 

41  visites 

Ces  visites  à  des  réceptacles  vides  de  fleurons  centraux, 
mais  enduits  de  miel,  sont  tellement  actives  qu'à  plusieurs 
reprises  on  voit  à  la  fois  deux  Bourdons  ou  un  Bourdon 
et  une  Guêpe  se  disputer  le  même  capitule.  Seize  fois,  le 
même  Bourdon  ou  la  même  Guêpe  ont  visité  successive- 
ment deux  inflorescences.  Quatre  fois,  le  même  Insecte 
se  porte  successivement  aussi  sur  trois  ou  quatre  Dahlias 
mutilés  et  garnis  de  miel. 

Quelques  jours  plus  tard,  je  recommence  la  même 
série  d'expériences  en  employant  onze  capitules  d'un 
autre  pied.  Tout  se  passe  encore  exactement  de  la  même 
façon. 


(  4"   ) 

Il  est  impossible  de  ne  pas  être  frappé  de  la  netteté  de 
ces  résultats  :  absence  de  visites  lorsqu'il  n'y  avait  pas  de 
miel,  et  cela  malgré  la  présence  des  fleurons  périphé- 
riques pourpres;  au  contraire,  visites  actives,  presque 
incessantes,  lorsque  du  miel  a  été  mis,  non  seulement  sur 
des  simulacres  de  cœurs  jaunes  découpés  dans  des 
feuilles  jaunies,  mais  encore  dans  le  centre  verdàtre  de 
capitules  absolument  privés  de  fleurons  tubuleux. 

C'est,  on  le  voit,  la  confirmation,  par  un  autre  procédé, 
des  résultats  de  la  première  partie  concernant  les  Dahlias 
masqués  par  des  feuilles  vertes. 


En  résumé,  les  Insectes  ont  répondu  clairement  aux 
trois  questions  qu'on  leur  avait  expérimentalement  posées: 

1°  Ils  ne  manifestent  aucune  préférence  ou  aucune 
antipathie  pour  les  couleurs  diverses  que  peuvent  pré- 
senter des  fleurs  des  différentes  variétés  d'une  même 
espèce  ou  d'espèces  voisines; 

2°  Ils  se  portent  sans  hésitation  vers  des  fleurs  habi- 
tuellement négligées,  pour  absence  ou  pauvreté  de  nectar, 
dès  qu'on  met  dans  celles-ci  du  nectar  artificiel  repré- 
senté par  du  miel  ; 

5°  Us  cessent  leurs  visites  lorsque,  tout  en  respectant 
les  organes  voyants  colorés,  on  enlève  la  partie  nectari- 
fère  de  la  fleur,  et  ils  recommencent  ces  visites  si  l'on 
remplace  ultérieurement  le  nectar  supprimé  par  du 
miel. 


(«) 


Identité  de  l'effet  produit  par  la  lumière  et  par  l'effluve 
électrique  sur  une  plaque  photographique  recouverte  d'une 
lame  peu  conductrice;  par  P.  De  Heen,  membre  de 
l'Académie. 


Nous  avons  montré,  dans  nos  précédentes  notes,  que 
si  P  représente  une  plaque  photographique  (1)   préala- 
blement   voilée,    e    une    feuille 
e  d'étain  en  contact  avec  la  sur- 

face sensible, /"une  feuille  de  bois, 
un  faisceau  de  rayons  émanant 
du  soleil  ou  d'une  lampe  à  arc, 
détermine  une  impression  plus 
forte  sur  la  partie  de  la  plaque 
préservée  par  la  feuille  d'étain. 
P       Si  la  plaque  n'a  pas  été  voilée, 
l'impression    derrière   la   feuille 
d'étain  est  sensiblement  nulle. 
Nous  avons  interprété  ce  phénomène  en  admettant  que 
sous  l'influence  des  rayons  R  la  planchette  reçoit  une 


f 


R 


FlG.    1. 


(1)  Nous  avons  fait  usage  du  bain  révélateur  suivant  :  eau, 
100  grammes;  sulfite  sodique,  7sr,5;  carbonate  sodique,  15 grammes; 
bydroquinone,  1  gramme;  éosine,  de  quoi  colorer  le  bain  en  rose. 
Les  plaques  Beernaert's  ont  été  généralement  employées;  de  plus,  pour 
réussir  convenablement  ces  expériences,  il  faut  placer  le  châssis  dans 
le  voisinage  le  plus  immédiat  possible  d'un  puissant  arc  électrique, 
ou  encore  utiliser  le  rayonnement  d'un  beau  soleil  d'été. 


(  43  ) 

variété  de  l'énergie  électrique  à  laquelle  nous  avons 
donné  le  nom  d'inf'ra-éleetricité ,  laquelle  ne  produit  que 
des  effets  peu  sensibles  à  l'électroscope.  D'autre  part, 
elle  participe  à  toutes  les  propriétés  photographiques  de 
l'électricité  proprement  dite.  Elle  est  avant  tout  un 
agent  continuateur  de  ces  réactions,  lorsqu'elle  est  en 
repos,  mais  elle  enlève  le  voile  déjà  produit  si  elle  est  en 
mouvement. 

Nous  avons  interprété  l'expérience  (ligure  1),  en  mon- 
trant qu'elle  est  une  conséquence  de  l'équilibre  électro- 
statique. Nous  allons  montrer  que  les  effets  photogra- 
phiques produits  par  l'effluve  électrique  se  confondent 
avec  ceux  produits  par  un  rayon  de  lumière. 


/ 


e      p 


l'IG.  2. 


Le  châssis  est  composé  de  la  même  manière,  et  l'on 
substitue  aux  rayons  lumineux  l'effluve  produit  par  deux 
plateaux,  A  et  B,  munis  de  pointes  et  reliés  aux  deux 
pôles  d'une  machine  de  Holtz.  Le  temps  de  pose  était  à  peu 
près  le  même  que  pour  la  lumière,  c'est-à-dire  qu'il  variait 


(  44  ) 
de  1  heure  à  1  l/2  heure.  En  f  se  trouve  une  deuxième 
lame  de  bois,  destinée  à  préserver  la  plaque. 

L'impression  est  sensiblement  nulle  lorsque  la  plaque 
n'a  pas  été  voilée.  Une  plaque  voilée  donne  le  résultat 
reproduit  par  la  planche,  résultat  absolument  identique  à 
celui  fourni  par  les  rayons  lumineux;  la  surface  recou- 
verte par  la  feuille  d'étain  est  vivement  impressionnée. 

Cette  photographie  nous  montre  encore  des  points  très 
brillants  où  l'électricité  s'est  portée  en  trop  grande  abon- 
dance pour  pouvoir  se  maintenir  en  équilibre-.  Il  en 
résulte  que  de  ceux-ci  une  certaine  quantité  d'électricité 
s'est  déversée  dans  l'espace  environnant,  lequel  déplace- 
ment a  déterminé  la  disparition  du  voile,  autour  de  cha- 
cun de  ces  points.  Des  aigrettes  qui  se  sont  développées 
sur  le  bord  de  la  feuille  ont  provoqué  autour  d'elles  le 
même  phénomène. 

Si  l'on  reproduit  la  même  expérience  à  l'aide  d'une 
bobine  d'induction,  on  obtient  des  résultats  négatifs;  on 
observe  cependant  sur  les  bords  de  la  feuille  d'étain  des 
aigrettes  dont  la  forme  est  toute  différente  de  celle  que 
l'on  obtient  avec  la  machine  de  Holtz.  Elles  présentent 
la  forme  filamenteuse,  mais  elles  sont  moins  déliées  que 
celles  que  l'on  obtient  par  le  procédé  indiqué  dans  une 
précédente  note  (l).  Il  résulte  de  ceci  que  la  quantité  de 
l'électricité  se  modifie  en  se  transmettant  sous  forme 
d'effluve;  de  plus,  on  peut  conclure  de  ces  faits  que 
l'électricité  de  Holtz  se  rapproche  davantage  de  l'infra- 
électricité  que  celle  de  la  bobine  d'induction. 


(1)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  série,  tome  XXXI,  p.  458, 
1896. 


(  tâ  : 

En  résumé,  les  effets  photographiques  obtenus  à 
l'aide  de  la  lumière  et  à  l'aide  de  l'ellliive  électrique, 
présentent  les  mêmes  caractères  (impression  des  plaques 
voilées,  dévoilage  par  le  mouvement  de  l'électricité, 
résultat  négatif  sur  la  plaque  non  voilée).  La  seule  nuance 
qui  différencie  l'infra-électricité  de  l'électricité  même, 
se  trouve  dans  une  action  répulsive  inoins  sensible 
de  ses  éléments  entre  eux.  De  là,  absence  d'aigrettes 
et  action  très  faible  sur  l'électroscope.  Certaines  photo- 
graphies manifestent  cependant  les  points  brillants  a 
entourés  de  la  zone  dévoilée.  Les  pulsations  électriques 
paraissent  plus  lentes  et  moins  actives. 

Il  m'a  paru  intéressant  de  répéter  l'expérience  pré- 
cédente en  interposant  une  lame  de  celluloïde  entre  la 
surface  sensible  et  la  feuille  d'étain,  à  la  demande  qui  m'en 
avait  été  faite  par  M.  Le  Bon.  Dans  ces  conditions,  rien 
n'est  changé  au  résultat  final  et  il  en  est  encore  de  même  si 
l'on  substitue  à  l'effluve  un  faisceau  de  rayons  lumineux. 

Une  planche  reproduite  dans  un  de  nos  précédents 
travaux,  montre  encore  ce  phénomène  de  disparition  du 
voile,  lorsque  l'étincelle  chemine  dans  l'épaisseur  de  la 
gélatine  (1). 

Ce  résultat  a  été  obtenu  à  l'aide  de  la  bobine  de  Rubm- 
korff.  L'une  des  feuilles  d'étain  abcd  était  disposée  sur  la 
surface  sensible,  une  deuxième  feuille  était  placée  sur  la 
surface  opposée  a'b'c'd',  puis  elles  étaient  mises  respec- 
tivement en  contact  avec  les  pôles  de  la  bobine.  Cela 
étant,  une  étincelle  partant  du  point  a  était  attirée  par 
l'électricité  de  nom  contraire  de  la  feuille  a'b'c'd'  et  che- 


(1)  Voir  le  travail  cité  plus  haut. 


Fig.  3. 


(    *6    ) 

minait  à  l'intérieur  de  la  gélatine  sur  la  longueur  a* 
(fig.  3).  La  plaque  devenait  sur  ce  trajet  absolument 
vierge;  au  delà  du  point  a',  elle 
déterminait  les  phénomènes  lu- 
mineux ordinaires  et  produisait 
la  trace  habituelle. 

L'expérience  (fig.  2)  permet 
encore  de  reproduire  les  effets 
d'ombre  et  de  lumière  que  nous 
avons  obtenus  à  l'aide  des  rayons 
lumineux.  A  cet  effet,  nous  avons 
recouvert  la  partie  inférieure  du 
châssis  à  l'aide  d'une  lame  de 
plomb;  la  partie  supérieure  seule  était  soumise  à  l'ef- 
fluve (fig.  4). 

On  remarque  que  si  AB  représente  la  ligne  d'ombre, 

ABCD  étant  la  surfacç 
préservée  par  la  lame  de 
plomb,  abcd  la  surface 
de  la  plaque  recouverte 
B  par  la  feuille  d'étain,  la 
surface  ae ADCB fb  est 
fortement  et  uniformé- 
ment impressionnée. 
Les  surfaces  a'aek  et 
bb'Bf  le  sont  beaucoup 
fig.  4.  moins,   ainsi  que  cela 

se  passe  en  faisant  usage  des  rayons  lumineux,  pour 
lesquels  ABCD  représente  l'ombre. 


h' 

a' 

a 

h 

e 

f 

A 

dr 

D 

C 

I'.  Di 

3«  sér  ,  t   XXXIII,  ii'  i,  p.  4J,  . 


Cliché  P.  De  Ilcen 


Phoiotypic  E.  Castclcin.  Bruxelles 


(47  ) 


l.a  grotte  du  mont  Falhise  (Anthée);  par  Julien  Fraiponl. 

La  petite  caverne  dont  il  va  être  question  est  creusée 
dans  le  calcaire  carbonifère,  à  l'extrémité  du  mont  Falhise, 
au  lieu  dit  :  «  lhirt  du  Gibet  »,  commune  <T Anthée.  L'en- 
trée, qui  regarde  le  N.-N.-E.  et  qui  se  trouve  à  quelques 
mètres  du  plateau,  était  fermée  par  un  mur  en  pierres 
sèches  quand  nous  avons  entrepris  l'exploration  de  la 
grotte.  Un  couloir  de  2  à  5  mètres  de  longueur  s'ouvre 
brusquement  à  gauche  dans  une  salle  arrondie  de  5  à  6 
mètres  de  diamètre,  dont  la  voûte  s'est  effondrée,  de 
sorte  que  le  sol  du  plateau  en  ce  point  forme  un  enton- 
noir de  plusieurs  mètres  de  profondeur. 

Les  tranchées  pratiquées  dans  toute  l'épaisseur  des 
dépôts  meubles,  depuis  l'entrée  jusqu'au  fond  de  l'exca- 
vation, m'ont  permis  de  relever  la  coupe  suivante,  de  haut 
en  bas  : 

a)  Éboulis  et  terre  végétale,  contenant  des  débris  de 
squelettes  humains,  des  restes  de  la  faune  actuelle  et  des 
produits  de  l'industrie  néolithique; 

b)  Terre  brune  contenant  encore  des  restes  humains, 
des  instruments  en  silex  des  types  chelléen  et  mousté- 
rien,  et  des  ossements  brisés  appartenant  à  des  représen- 
tants de  la  faune  du  Quaternaire  inférieur  ; 

r)  Terre  jaune,  stérile. 

La  couche  a,  formée  d'éboulis  et  de  terre  végétale, 
avait  été  creusée  par  l'homme,  ainsi  qu'une  partie  du 
dépôt  sous-jacent,  pour  y  enterrer  des  morts,  et  les  blai- 
reaux l'avaient  bouleversée  en  plusieurs  points. 


(48) 

Les  ossements  humains  étaient  trop  brisés  pour  pou- 
voir être  étudiés  au  point  de  vue  anthropologique. 

J'ai  recueilli  avec  ces  ossements  une  demi-hache  polie, 
deux  pointes  de  flèches  (pi.,  fig.  1,2),  ungrattoir,  quatorze 
lames  et  une  quinzaine  d'éclats,  huit  morceaux  de  poteries 
néolithiques.  Il  y  avait  aussi  quelques  os  brisés  de  mouton, 
de  bœuf  et  de  cheval,  et  même  quelques  débris  d'hyène, 
d'ours  et  de  bœuf,  ramenés  de  la  couche  sous-jacente  par 
les  blaireaux. 

Le  dépôt  b  était  formé  d'une  terre  brun  grisâtre, 
d'une  épaisseur  variable,  contenant  des  os  brisés  inten- 
tionnellement, appartenant  à  des  animaux  de  la  faune  du 
Quaternaire  inférieur,  aussi  bien  dans  les  parties  intactes 
que  dans  celles  qui  avaient  été  remuées,  à  savoir  : 

1°  Bhinoceros  tichorhinus  ••  quatre  molaires  et  des 
esquilles  d'os  ; 

2°  Elephas  primigenius  :  un  morceau  de  la  mâchoire 
inférieure  gauche  et  des  fragments  d'os  ; 

5"  Equus  caballus  :  une  portion  de  mâchoire  et  quel- 
ques os  brisés  ; 

4°  Ursus  spelaeus  :  vingt  et  une  incisives,  sept  canines, 
quatre  prémolaires,  quatorze  molaires,  deux  cubitus,  un 
radius,  un  morceau  de  fémur,  un  astragale,  trois  axis, 
vingt  vertèbres  et  quarante  phalanges  ; 

5°  Hyena  crocuta  (var.  spelaea)  :  deux  demi-mâchoires 
inférieures  gauches,  un  fragment  droit,  quelques  dents 
isolées,  des  os  longs  brisés. 

Certains  os  avaient  été  brisés  par  un  instrument  con- 
tondant et  la  moelle  en  avait  été  enlevée  avec  le  tissu 
spongieux  ;  d'autres  avaient  été  manifestement  rongés 
par  l'hyène. 

Au  milieu  de  ces  ossements  gisaient  quelques  inslru- 


(  49) 

noents  en  silex  :  deux  morceaux  de  pointes  taillées  sur 
les  deux  faces,  une  superbe  pointe  en  amande  (type  de 
Saint-Aeheul),  un  gros  racloir  et  une  fort  belle  pointe 
moustérienne. 

Le  «  coup  de  poing  »  est  le  plus  bel  instrument  de  ce  type 
que  l'on  ait  jusqu'ici  recueilli  dans  une  grotte  ;  il  mesure 
137  millimètres  de  haut  sur  <S0  millimètres  à  sa  plus 
grande  largeur  et  30  millimètres  à  sa  plus  grande  épais- 
seur (pi.,  tig.  5). 

La  pointe  moustérienne  a  107  millimètres  de  liant  sur 
il)  millimètres  dans  sa  plus  grande  largeur  (pi.,  fig.  4). 
(les  deux  instruments  d'industries  différentes  se  trou- 
vaient dans  les  terres  remaniées.  Nous  ne  pouvons 
donc  rien  inférer  de  leur  présence  dans  le  même  niveau 
archéologique  et  géologique.  L'homme  qui  a  perdu  le 
«.  coup  de  poing  »  a  pu  visiter  la  grotte  bien  des  siècles 
avant  celui  qui  a  taillé  la  pointe  moustérienne,  ou  il  a  pu 
être  son  contemporain.  En  tout  état  de  cause,  ils  étaient 
contemporains  d'une  même  faune. 

J'ai  dit  plus  haut  qu'il  y  avait  des  débris  humains  intro- 
duits par  l'homme  dans  les  dépôts  a  et  b;  en  voici  l'inven- 
taire : 

I'    Un  grand  nombre  de  fragments  de  crânes  ; 

2°  Huit  morceaux  de  mâchoires  inférieures,  apparte- 
nant à  six  sujets  (quatre  adultes,  un  enfant  et  un  vieillard); 

3"  Quatre  fragments  de  mâchoires  supérieures  ; 

4°  Un  atlas  d'enfant,  trois  axis,  deux  vertèbres  cervi- 
cales, onze  dorsales,  dix-huit  lombaires,  cinq  premières 
sacrées  ; 

5°  Un  sacrum  ; 

6°  Deux  morceaux  d'omoplates,  dont  un  d'enfant  et  un 
d'adulte  ; 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  4 


(50) 

7°  Huit  morceaux  de  bassin  ; 

8"  Treize  côtes  ; 

9°  Neuf  métacarpiens  et  métatarsiens  ; 

10°  Deux  clavicules  ; 

11"  Un  humérus  droit,  entier  et  d'adulte,  deux  extré- 
mités inférieures  droites,  dont  une  d'enfant,  une  extrémité 
inférieure  gauche,  sept  morceaux  de  diaphyses  ; 

12°  Trois  extrémités  supérieures  et  trois  inférieures  de 
radius  gauches;  trois  extrémités  inférieures  de  radius 
droits  ;  un  radius  d'adulte  et  un  d'enfant. 

Ces  ossements  humains,  brisés  par  la  pression  des 
terres  et  les  éboulis,  appartenaient  à  six  individus  :  qua- 
tre adultes,  un  vieillard  et  un  enfant.  J'aurais  considéré 
volontiers  ces  restes  comme  faisant  partie  d'une  sépulture, 
ou  mieux  d'un  ossuaire  néolithique,  d'abord  à  cause  des 
pièces  caractéristiques  qui  les  accompagnaient  dans  la 
couche  a  et  b,  et  ensuite  parce  qu'ils  se  trouvaient  dans 
des  conditions  de  gisement  identiques  à  celles  que  nous 
avons  déjà  rencontrées  à  plusieurs  reprises  en  Belgique, 
notamment  au  trou  «  al  Wesse  »,  à  Modave. 

Mais  j'ai  dit,  au  commencement  de  cet  article,  que  la 
grotte  se  trouvait  sous  le  point  du  mont  Falhise  dit  :  «  le 
Hart  du  Gibet  ».  Ce  nom  caractéristique  rappelle  que 
c'était  là  que  l'on  pendait  jadis  les  criminels.  Un  doute 
m'était  venu  :  la  totalité  ou  une  partie  de  ces  ossements 
humains  n'avait-elle  pas  appartenu  aux  suppliciés  du 
«  Hart  du  Gibet  »  ?  Je  me  suis  adressé  à  notre  savant 
confrère,  M.  Godefroid  Kurth,  pour  avoir  des  renseigne- 
ments sur  les  coutumes  judiciaires  du  moyen  âge.  Il  m'a 
répondu  que  jadis  les  corps  des  pendus  pouvaient  être 
réclamés,  dans  certains  cas,  par  les  parents  et  être 
enterrés  par  les  soins  de  ceux-ci  ;  que  dans  d'autres  cas 
et  comme  signe  de  peine  aggravante,  les  corps  devaient 


Julien   Fkaipûnt,  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique, 
3'  sér.,  t.  XXXIII,  n°  i,  p.  47,  1897. 


Éd.  Bory. 


Phototypie  E.  Castelein.  Bruxelles. 


(  31  ) 

rester  pendus  jusqu'à  ce  qu'ils  se  détachassent  par  suite  de 
la  décomposition  et  qu'ils  ue  pouvaient  être  recueillis, 
alors  même  qu'ils  gisaient  au  pied  du  gibet.  Il  ajouta 
qu'il  n'entrait  guère  dans  les  mœurs  de  ces  temps  de 
pendre  un  enfant.  On  a  donc  tout  lieu  de  croire  que  les 
ossements  humains  sont  bien  contemporains  des  pièces 
néolithiques.  J'ai  tenu  cependant  à  soulever  cette  ques- 
tion, à  cause  de  la  proximité  de  ces  deux  endroits  et  à 
cause  de  l'absence  de  tout  caractère  anthropologique 
utilisable. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  tirer  les  conclusions  sui- 
vantes des  faits  renseignes  dans  cette  notice  : 

La  grotte  a  été  habitée  par  l'homme  pendant  l'époque 
du  Quaternaire  inférieur  (âge  du  Mammouth),  peut-être  à 
plusieurs  reprises  et  à  de  longs  intervalles.  Il  y  a  laissé 
des  reliefs  de  ses  repas,  consistant  en  débris  d'ours, 
d'hyène,  de  cheval  et  de  bœuf.  L'hyène  venait,  pendant 
les  absences  des  habitants  de  la  caverne,  ronger  les  os 
abandonnés  sur  le  sol  après  les  repas.  Plus  tard,  les  Néo- 
lithiques sont  venus  dans  la  grotte,  soit  pour  y  séjourner 
temporairement,  soit  pour  y  enterrer  leurs  morts  et  y 
faire  des  repas  funéraires.  Peut-être  encore  a-t-elle  servi, 
à  une  époque  relativement  récente,  à  recevoir  des  cadavres 
ou  des  ossements  de  suppliciés. 


EXPLICATION  DE  LA  PLANCHE. 

Les  figures  sont  photographiées  grandeur  naturelle. 

Fig.  1  cl  2.  Pointes  de  flèches  néolithiques. 
Fig.  3.  Coup  de  poing  chélléen. 

Fis-  4.  Pointe  moustérienne. 


(  »«) 


CLASSE  »ES  LETTRES. 


Séance  du  4  janvier  1897. 

M.  Ch.  Piot  occupe  le  fauteuil. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marghal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.  Wauters,  P.  Willems, 
S.  Bormans,  Ch.  Potvin,  T.-J.  Lamy,  Ch.  Loomans, 
G.  Tiberghien,  L.  Vanderkindere,  F.  Vander  Haeghen, 
Ad.  Prins,  J.  Vuylsteke,  Ém.  Banning,  A.  Giron,  le 
baron  J.  de  Chestret  de  Haneffe,  Paul  Fredericq,  God. 
Kurth,  Mesdach  de  ter  Kiele,  H.  Denis,  le  chevalier 
Ed.  Descamps,  G.  Monchamp,  membres;  Alph.  Piivier, 
J.-C.  Vollgraff,  associés  ;  D.  Sleeckx,  Paul  Thomas, 
Ch.  Duvivier,  V.  Brants  et  Ch.  De  Smet,  correspondants. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella  fait  exprimer  ses  regrets 
de  ne  pouvoir  venir  présider  la  séance. 

M.  Piot,  faisant  fonctions  de  directeur,  adresse  les 
félicitations  de  la  Classe  à  M.  Stecher,  promu  comman- 
deur; MM.  Discailles  et  Kurth,  promus  officiers,  et 
MM.  Paul  Fredericq  et  Vollgraff,  nommés  chevaliers  de 
l'Ordre  deLéopold  par  arrêtés  royaux  duo  décembre  1896. 
—  (Applaudissements.) 


(  53  ) 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
adresse  une  ainpliation  de  l'arrêté  royal  du  H)  décembre 
dernier,  qui  nomme  président  de  l'Académie,  pour  l'année 
1897,  M.  le  comte  Eugène  Goblet  d'Alviella,  directeur  de 
la  Classe  pendant  la  même  année. 

—  Le  même  haut  fonctionnaire  envoie,  pour  la  biblio- 
thèque de  l'Académie,  un  exemplaire  des  ouvrages 
intitulés  : 

1°  Dietsche  Warande,  1896; 
2°  Statistique  médicale  de  l'armée  belge,  1895; 
5°  Rapport  sur  la  situation  de  la  Bibliothèque  royale 
durant  les  années  1894-1895;  par  Éd.  Eétis. 

—  Remerciements. 

—  M.  le  Ministre  des  Finances  t'ait  don  de  deux  exem- 
plaires du  catalogue  de  la  bibliothèque  de  son  Départe- 
ment. --   Remerciements. 

Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Observations  sur  le  système  monétaire  delphique  du  IV 
siècle;  par  Théodore  Reinach,  associé  ; 

2°  Les  Cliff  Dwellers;  par  le  marquis  de  Nadaillac, 
associé  ; 

5°  Waterloo,  2e  édition;  par  Louis  Navez; 

4°  Les  monnaies  des  Voconces;  par  G. -A.  Serrure 
(présenté  par  M.  Ch.  Piot,  avec  une  note); 

5°  Essai  sur  l'origine  et  les  attributions  de  l'audiencier 


(  54) 
dans  les  anciens  Pays-Bas;  par  Eug.  Lameere  (présenté 
par  M.  Ch.  Piot,  avec  une  note); 

6°  Johannes  Ruysbroeck,  door  van  Otterloo;  réimpres- 
sion dirigée  par  J.-C.  van  Slee,  de  Deventer  (présenté 
par  M.  Paul  Fredericq,  avec  une  note); 

7°  A.  Essai  sur  la  responsabilité  civile  (articles  1582- 
1586  du  Code  civil);  B.  La  loi  Aquilienne;  par  Jos.  Willems 
(présentés  par  M.  V.  Brants,  avec  une  note); 

8°  Distels.  Proeve  van  taalzuivering ;  par  H.  Meert.  (Cet 
ouvrage  a  remporté  un  prix  De  Keyn  en   1896.) 

—  Bemerciements. 

Les  notes  lues  par  MM.  Ch.  Piot,  P.  Fredericq  et 
V.  Brants  figurent  ci-après. 


NOTES     BIBLIOGRAPHIQUES. 

M.  C.-A.  Serrure,  connu  depuis  longtemps  par  des 
publications  concernant  la  numismatique,  m'a  chargé  de 
présenter  à  la  Classe  un  travail  imprimé  dans  Y  Annuaire 
de  la  Société  numismatique  à  Paris  et  intitulé  :  Les  monnaies 
des  Voconces;  essai  d'attribution  et  de  classement  numisma- 
tique. 

Je  m'étais  occupé,  depuis  nombre  d'années,  des  mon- 
naies gauloises  offrant  à  l'avers  la  tète  casquée  de  Pallas 
et  au  revers  un  cavalier  galopant  de  gauche  à  droite 
et  tenant  une  lance.  Ce  numéraire,  imité  des  monnaies 
romaines,  dites  consulaires,  porte  des  légendes  dont 
plusieurs  numismates  voulaient  tirer  la  conséquence 
qu'elles  rappelaient  les  noms  d'Ambiorix,  le  chef  des 


(  M  ) 

Finirons,  et  la  ville  de  Tournai.  J'ai  combattu  cette 
interprétation  en  faisant  observer  que  les  légendes 
de  ces  monnaies  se  rapportent,  non  à  la  Belgique,  niais 
à  une  population  du  midi  des  Gaules.  Je  crus  que  ces 
légendes  désignaient  les  noms  des  duumvirs  dont  César, 
dans  ses  Commentaires,  t'ait  mention  à  propos  des  insti- 
tutions des  populations  gauloises. 

M.  Serrure  vient  de  démontrer,  par  les  légendes  d'un 
grand  nombre  de  ces  monnaies,  qu'il  ne  faut  y  lire  ni 
Ambiorix,  ni  Tournai,  mais  bien  Auscrocos,  Bricco, 
Calitix,  Candillos,  Comanos,  Coses,  Donnus,  Durnacos, 
Eburov,  Esianniios  Ogru,  Petrucorios,  Briganlicos, 
Bovuca,  Turoca,  etc.,  noms  qui  appartiennent  aux 
Voconces. 

Ainsi  est  justitié  par  des  preuves  évidentes  ce  que  je 
disais  il  y  a  environ  trente  ans  au  sujet  de  monnaies 
attribuées  à  tort  à  la  Belgique. 

Charles  Piot. 


La  Revue  de  l'Université  de  Bruxelles  vient  de  publier 
un  travail  intitulé  :  Essai  sur  l'origine  et  les  attributions 
de  l'audiencier  dans  les  anciens  Pays-Bas.  C'est  une  dis- 
sertation présentée,  en  1895,  à  la  Faculté  de  philosophie 
et  lettres,  par  M.  Eugène  Lameere,  pour  l'obtention  du 
titre  de  docteur  en  cette  Faculté,  section  historique. 

L'auteur  m'a  demandé  de  présenter  ce  travail  à  la 
Classe.  Je  le  fais  d'autant  plus  volontiers  qu'il  se  rattache 
intimement  à  l'histoire  de  nos  institutions  anciennes  et 
à  celle  des  Archives  du  royaume  à  Bruxelles. 


(  86  ) 

C'est  dans  ce  dépôt  qu'il  a  puisé  sous  ce  rapport  les 
renseignements  les  mieux  établis.  A  cet  effet,  il  a  spécia- 
lement consulté  les  papiers  d'État  et  de  l'Audience,  et 
d'autres  collections  qu'il  cite  en  détail. 

Avant  d'entrer  en  matière,  l'auteur  a  eu  la  bonne  idée 
de  faire  connaître  ce  qui  s'est  fait  à  ce  sujet  chez  nos  voi- 
sins du  Midi.  Il  n'a  pas  perdu  de  vue  qu'en  fait  d'admi- 
nistration, nos  souverains,  surtout  pendant  la  période 
bourguignonne,  ont  constamment  suivi  l'exemple  donné 
par  les  rois  de  France. 

Après  avoir  fait  cet  examen,  il  passe  à  la  position  de 
l'audiencier  et  des  secrétaires  du  Conseil  privé  avant 
l'institution  des  conseils  collatéraux.  Il  commence  cet 
examen  à  partir  du  gouvernement  de  Marguerite  d'Au- 
triche, c'est-à-dire  pendant  la  période  durant  laquelle  nos 
institutions  subirent  un  changement  notable. 

Dans  le  chapitre  II,  M.  Lameere  parle  de  l'audiencier 
et  des  secrétaires  des  conseils  collatéraux  jusqu'au  règne 
d'Albert  et  Isabelle.  Il  fait  observer  à  ce  sujet  que  les 
Conseils  privé  et  des  finances,  établis  dès  le  commence- 
ment du  règne  de  Charles-Quint,  étaient  jusqu'à  ce 
moment  simplement  ébauchés.  Lors  de  son  départ  pour 
l'Espagne,  en  1551,  l'Empereur  nomma  Marie  de  Hongrie 
régente  et  gouvernante  des  Pays-Bas,  créa  un  Conseil 
d'État  et  organisa  les  Conseils  privé  et  des  finances. 

L'auteur  donne  sur  ces  faits  des  explications  détaillées 
et  continue  à  les  développer  dans  les  chapitres  suivants 
jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Charles  VI.  Un  des  chapitres 
les  plus  intéressants  est  celui  consacré  à  la  suppression 
de  l'Audience.  A  ce  propos,  je  crois  devoir  faire  une  obser- 
vation. L'auteur  affirme  (p.  69)  que  les  Archives  du 
rovaume  auraient  attribué  à  une  secrétairerie  d'Étal  espa- 


(87  ) 
gnole  distincte  des  registres  appartenant  à  la  secrétairerie 
d'État  et  de  guerre. 

Feu  M.  Gachard  a  l'ait  voir,  dans  un  travail  spécial,  que 

toutes  les  correspondances  y  sont  classées  dans  le  fonds 
de  la  secrétairerie  d'Etat  et  de  guerre,  partie  espagnole. 
En  résumé,  le  travail  de  M.  Lameere  sera  consulté  avec 
fruit  par  les  personnes  qui  s'occupent  de  l'histoire  de  nos 
institutions. 

Charles  Piot. 


J'ai  L'honneur  de  présenter  à  la  Classe  des  lettres  un 
exemplaire  de  la  seconde  édition  de  l'ouvrage  consacré  à 
Ruusbroec  par  feu  le  pasteur  A. -A.  van  Otterloo  : 
Johannes  Huysbroeck,  eene  bijdrage  tôt  de  hennis  van  den 
ontwikkelingsgang  der  Mystiek  (1). 

Ce  livre  a  paru  en  1874,  comme  dissertation  doctorale 
de  l'auteur.  Tiré  à  un  petit  nombre  d'exemplaires,  il 
était  aussitôt  devenu  presque  introuvable,  le  libraire 
ayant  détruit  une  grande  partie  de  l'édition  par  suite  d'un 
malentendu.  Néanmoins,  cette  étude  approfondie  sur  le 
mysticisme  médiéval  et  sur  notre  grand  mystique  dans  les 
Pays-Bas,  ne  tarda  pas  à  être  considérée  par  la  critique 
comme  un  ouvrage  de  très  haute  valeur.  Même  après  les 
deux  savantes  monographies  de  M.  l'abbé  Alfred  Auger 


(1)  Opnieuw  uitgegeven  door  J.-C.  van  Slee,  predikant  te  Deventer, 
met  een  woord  tôt  inleiding  van  D1'  Paul  Fredericq,  hoogleeraar  te 
Cent  (xxiv-392  p.;  La  Haye,  Belinfante,  1896.) 


(  58  ) 
sur  Rimsbroec  (1),   le  livre  de  van  Otlerloo  a  conservé 
toute  son  importance. 

C'est  que  ce  pasteur  protestant  avait  su  pénétrer  d'une 
façon  admirable  les  secrets  de  la  pensée  et  les  nuances 
du  sentiment  chez  notre  doctor  exstaticus  du  XIVe  siècle. 

M.  le  pasteur  J.-C.  van  Slee,  bibliothécaire  de  la  ville 
de  Deventer,  a  dirigé  cette  réimpression  et  y  a  ajouté  ça 
et  là  quelques  notes  d'une  grande  utilité.  En  tête  de 
l'ouvrage,  il  a  placé  une  intéressante  introduction  où  il 
passe  en  revue  tous  les  travaux  dont  Ruusbroec  a  été 
l'objet  depuis  la  première  édition  (1874). 

Paul  Fredkricq. 


J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Classe,  au  nom  de  M.  Jos. 
Willems,  docteur  en  droit,  chargé  de  cours  à  l'Université 
de  Liège,  les  deux  ouvrages  suivants  : 

1°  Essai  sur  la  responsabilité  civile  (art.  1582-1580  du 
Code  civil).  Paris  et  Louvain,  189(3. 

2°  La  loi  Aquilienne,  théorie  du  dommage  aux  choses  en 
droit  romain.  Ibid.,  189G. 

La  théorie  de  la  responsabilité  est  encore  de  nos  jours 
une  des  plus  controversées,  et  les  débats  soulevés  par  la 
grave  question  des  accidents  du  travail  rendent  cette 
controverse  plus  vivante  encore.  Un  jeune  savant,  M.  Jos. 
Willems,  récemment  chargé  du  cours  d'institutes  du 
droit  romain  à  l'Université  de  Liège,  a  cons:icré  à  cette 


(1)  A.  Auger,  De  doctrina  et  meritis  Joannis  van  Ruysbroeck  disser- 
tatio  theologica  (Louvain,  Vanlinthout  1892),  et  le  livre  III  (pp.  157-264) 
de  son  mémoire  couronné  en  1891,  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
Étude  sur  les  mystiques  des  Pays-Bas  au  moyen  âge  (Bruxelles,  Hayez). 


(  59  ) 
théorie  deux  volumes  que  j'ai  l'honneur  de  présentera  la 

Classe. 

Le  premier  examine  surtout  la  législation  en  vigueur, 
celle  du  ('ode  civil,  sous  ses  diverses  faces.  Il  fixe  d'abord 
la  distinction  entre  la  responsabilité  contractuelle  et 
délictuelle,  étudie  les  règles  de  l'imputabililé  et  de  la 
faute,  les  effets  de  l'acte  illicite  et  jette  un  coup  d'œil 
sur  les  applications  que  comporte  le  régime  du  travail. 

L'autre  volume  concerne  le  droit  romain,  la  célèbre 
Lex  Aquilia,  qui  est  la  base  du  système  de  dédommage- 
ment. Très  documentée,  cette  étude  nous  fait  connaître 
les  origines  historiques  de  la  loi,  son  texte,  sa  portée 
juridique,  la  place  qu'elle  occupe  dans  le  système  de  la 
responsabilité  romaine. 

Ce  travail  n'est  pas  le  premier  que  l'auteur  livre  au 
public  et  déjà  notre  confrère,  M.  Rivier,  a  présenté  à  la 
Classe  une  autre  étude  d'histoire  juridique.  Ce  sont  là 
des  débuts  qui  font  bien  augurer  d'une  carrière  scienti- 
fique qui  n'aura  d'ailleurs,  pour  être  féconde  et  brillante, 
qu'à  suivre  de  paternels  exemples. 

V.  Brants. 


ÉLECTIONS. 


La  Classe  procède  :  1°  à  l'élection  de  son  directeur 
pour  l'année  1898.  M.  Ferd.  Vander  Haeghen  est  élu; 
2°  à  l'élection  des  sept  membres  dont  les  noms  suivent  : 
MM.  Banning,  Bormans,  P.  Fredericq,  L.  Fredericq, 
J.  Neuberg,  Ch.  Potvin  et  P.  Willems  pour  former  le  jury 
chargé  de  juger  la  première  période  du  neuvième  concours 
pour  les  prix  De  Keyn. 


(  60) 


Prix  Joseph  Gantrelle. 

IMIII.OI.OI.I9      CLASSIQUE* 

(Troisième  période  :    1895-1896.) 
PREMIÈRE    QUESTION. 

Préparer  une  édition  critique  des  Vies  des  douze  Césars, 
par  Suétone. 

Un  mémoire  a  été  reçu  en  réponse  à  cette  question. 
Il  porte  pour  devise  :  Ne  quid  nimis.  —  Commissaires  : 
MM.  Thomas,  P.  Willems  et  Vollgraff. 

DEUXIÈME    QUESTION. 

Étude  sur  l'art  oratoire,  la  langue  et  le  style  d'Hypéride. 

Deux  mémoires  ont  été  reçus  en  réponse  à  cette  ques- 
tion. Le  n°  1  porte  pour  devise  : 

A  û'ioziv  acpav*?],  àvâyxrj 

TO'JÇ  OLoâfTXOVTaÇ 

T£X[Ji7iptoiç  xal  roîç 

V.Y.Ô'7'.  "Qf\XSXV 

Hypéride  (frag.  195). 

Le  n°  2  porte  pour  devise  :  Ense  et  calamo.  —  Com- 
missaires :  MM.  Vollgraff,  P.  Willems  et  Thomas. 


(  61  ) 


RAPPORTS. 


M.  Monehamp  donne  lecture  de  son  rapport  et  de  celui 
de  M.  de  Harlez  sur  un  travail  de  MM.  T.-J.  Lamy  et 
A.  Geluy  :  Le  monument  chrétien  de  Si-ugan-fou,  sott  texte 
et  sa  signification.  —  Impression  dans  les  Mémoires  in-4°. 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


M.  Alph.  Wauters  donne  lecture  d'un  travail  intitulé  : 
Quelques  mots  sur  André  Vésale.  —  Impression  dans  les 
Mémoires  in-8°. 


Un  cours  de  droit  au  jlvii6  siècle.  —  Tractatus  de  redi- 
tibus  annuis,  de  Gérard  de  Courselle(1625);  parV.  Brants, 
correspondant  de  l'Académie. 

Il  existe,  à  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  un 
manuscrit  portant  le  n°  153G2.  Il  est  intitulé  :  Tractatus 
de  reditibus  annuis  cum  insertis  nonnullis  quœstionibus. 

Quelle  est  la  nature  de  ce  petit  traité?  Nous  croyons  qu'on 
peut  y  voir  un  cahier  d'étudiant,  d'un  cours  de  droit  professé 
au  XVIIe  siècle,  à  l'Université  de  Louvain,  par  Gérard  de 
Courselle,  jurisconsulte  distingué.  Il  a  bien  l'apparence 


(  62) 
d'un  cahier  d'étudiant,  et  se  termine  par  cette  mention  : 
Finis  8  martii  1625.  Prœlexit  ampliss.  vir  Gerardus 
Corselius.  Descripsit  Gerardus  Berghus,  le  nom  du 
professeur  et  celui  de  l'étudiant.  Ce  petit  cahier  nous  a 
paru  déjà  à  ce  titre  présenter  de  l'intérêt  au  point  de  vue 
de  l'histoire  de  renseignement  et  du  droit.  De  plus,  l'au- 
teur, qui  eut  de  la  notoriété,  ne  nous  a  presque  rien 
laissé,  et  le  nom  de  Gérard  de  Courselle,  estimé  à  son 
temps,  ne  tient  pas  grand'place  dans  la  bibliographie 
juridique. 

A  ces  divers  titres,  je  me  permettrai  de  dire  quelques 
mots  du  cahier,  du  professeur,  de  la  matière  enseignée. 
Ce  sera  une  très  modeste  contribution  à  trois  histoires 
vastes  et  importantes  qui  sont  encore  à  faire  pour  notre 
pays  :  celle  de  l'économie  politique,  celle  de  l'enseigne- 
ment et  celle  du  XVIIe  siècle  lui-même. 

Je  vais  me  permettre  seulement  de  mettre  en  quelques 
mots  ce  petit  cahier  dans  son  cadre  réel.  C'est  tout  l'objet 
de  ma  courte  communication. 

I.  —  Le  professeur. 

Maître  Gérard  de  Courselle,  le  professeur  de  notre 
cahier,  est  Liégeois  ;  il  a  laissé  une  renommée  juridique, 
fut  neuf  fois  recteur,  notamment  pendant  une  période 
importante,  la  réforme  universitaire  de  1017,  et  mourut 
en  1656  à  un  âge  avancé;  mais  nous  ne  possédons  de  lui 
aucune  œuvre  considérable  (1).   Bien  que  la  période  des 


(1)  Voir,  dans  la  Biographie  nationale,  l'article  qui  lui  est  consacré 
par  M.  Alph.  Leroy. 


(  «3  ) 
troubles  précédant  celle-ci  fût  peu  favorable  à  réclusion 
de  vocations  scientifiques,  le  début  du  XVI1P  siècle  pré- 
sente cependant  quelques  noms  marquants  dans  rensei- 
gnement du  droit.  C'est  à  leur  collègue,  Valère  André, 
que  nous  devons  les  meilleures  notes  sur  les  professeurs 
de  cette  époque  et  les  réformes  académiques  qui  la  signa- 
lèrent. 

Nous  croyons  inutile  de  refaire  ici  la  notice  biogra- 
phique de  Courselle;  les  quelques  éléments  connus  déjà 
suffisent  à  nous  édifier.  L'éloge  pompeux  que  fait  de  lui 
son  collègue  Diodore  Tulden,  ses  fréquents  rectorats,  sa 
nomination  au  Conseil  privé,  où  il  siégea  de  1619  jusqu'à 
sa  mort,  prouvent  la  notoriété  du  personnage.  C'est  un 
des  hommes  considérables  de  la  nouvelle  école  juridique. 
Peut-être  sera-t-il  de  quelque  intérêt  de  rappeler  ici  l'état 
des  écoles  juridiques  en  ce  moment-là  dans  nos  pro- 
vinces, dont  notre  savant  collègue,  M.  Rivier  a  donné 
naguère  un  court  mais  suggestif  aperçu,  et  le  caractère  de 
la  réforme  académique  de  1617. 

L'enseignement  supérieur  appartenait  alors  exclusive- 
ment à  l'Université  de  Louvain  et  à  sa  filiale  de  Douai, 
établie  sous  le  dernier  roi.  Mais  les  désordres  des  guerres 
civiles  avaient  apporté  des  perturbations  dans  l'organisa- 
tion de  la  grande  Université  brabançonne,  qui  approchait 
de  deux  siècles  d'existence  (142(3).  Cette  décadence  était 
aussi  nuisible  au  prestige  du  pays  qu'à  ses  intérêts,  et  les 
archiducs  Albert  et  Isabelle  prirent  l'initiative  d'une 
enquête  et  d'une  réforme.  Pendant  plusieurs  années,  des 
plans  et  des  projets  se  firent  jour. 

La  visite  de  l'Université  fut  décrétée  déjà  en  1(>0(>.  La 
situation  des  professeurs  avait  beaucoup  souffert;  les  pri- 


(  64  ) 
vilèges  avaient  été  méconnus;  l'enseignement  avait  été 
désorganisé;  la  splendeur  du  grand  institut  en  était 
menacée  gravement.  Cette  visite  est  la  première  régu- 
lière depuis  l'origine,  ainsi  que  le  disent  les  textes  offi- 
ciels de  cette  date,  ne  considérant  donc  pas  comme  telle 
celle  de  Charles  le  Téméraire  en  1476. 

Les  princes  se  mirent  d'accord  avec  le  Saint-Siège,  car 
l'Université,  en  vertu  de  son  institut,  dépendait  à  la  fois 
des  deux  pouvoirs.  Par  leur  accord  furent  chargés  de 
l'enquête  Jean  Drusius,  député  aux  États  de  Brabant,  et 
Etienne  van  Craesbeek,  conseiller  de  Brabant,  conjointe- 
ment avec  le  nonce,  Dèce  Carafa,  archevêque  de  Damas. 
L'enquête  fut  assez  laborieuse;  interrompue  par  la  guerre, 
elle  aboutit  à  un  règlement  solennellement  confirmé  par 
Paul  V  et  promulgué  en  séance  plénière  de  l'Université, 
le  5  septembre  1617.  L'exécution  en  fut  confiée  à  l'un 
des  commissaires,  Drusius,  qui  s'en  acquitta  avec  tant  de 
zèle  que  le  règlement  entra  promptement  dans  les  mœurs 
et  qu'en  1054,  à  son  décès,  on  ne  lui  donna  pas  de  suc- 
cesseur. Les  nombreux  privilèges  de  l'Université  furent 
confirmés,  notamment  dans  l'ordre  de  la  juridiction 
comme  dans  l'ordre  fiscal,  et  leur  puissance  réglée  par 
les  statuts  de  la  visite. 

Pendant  la  durée  de  la  visite,  la  Faculté  de  droit  avait 
été  représentée  au  rectorat  par  Gérard  de  Courselle.  Les 
fonctions  de  chancelier,  vacantes  pendant  quelque  temps, 
avaient  été  confiées  dès  1598a  Grégoire  d'Autriche,  neveu 
de  l'empereur  Maximilien,  qui  les  conserva  jusqu'en  1619. 

Le  règlement  nouveau  qui  sortit  de  la  visite  de  1617, 
chercha  à  assurer  la  marche  régulière  de  l'enseignement 
dans  les  diverses  Facultés.   Au  point  de  vue  spécial  de 


65  ) 

notre  travail,  nous  allons  dire  en  quelques  mots  l'orga- 
nisation de  renseignement  juridique  (1). 

Le  personnel  est  double,  ayant  à  pourvoir  à  rensei- 
gnement des  deux  droits  :  le  droit  canonique  et  le  droit 
romain.  Le  règlement  oblige  à  parcourir  le  cycle  entier 
de  la  matière;  pour  certains  cours,  il  y  a  un  roulement, 
de  telle  façon  que  les  divers  titulaires  d'un  cours  fassent 
toute  la  matière  des  décrets,  ou  des  lois  civiles.  En  outre, 
il  y  avait  des  cours  spéciaux  et  annuels. 

Étaient  annuels  le  cours  sur  le  décret  de  Gratien,  à  la 
revision  duquel  l'Université  avait  largement  contribué 
peu  auparavant  ;  annuels  aussi  le  cours  d'institutes  et 
celui  de  Paratitla  Digestorum,  exposé  général  et  rationnel 
des  matières  du  corpus  juris  civilis. 

Pour  nous  limiter  au  droit  civil,  constatons  ensuite 
que  trois  professeurs  se  partageaient  les  matières  des 
Pmulectes  du  droit  romain,  suivant  l'ancienne  division 
maladroite,  mais  acceptée,  en  Diyeslum  velus,  infortiatum, 
et  novum  (2).  Ils  devaient  y  joindre  le  Code  et  les  NoveUes. 


I  |  Sur  l'ensemble  :  Privilégia  Academiœ  lovaniensi  concessa;  éd. 
Lov.,  1752.  On  y  trouvera  le  texte  de  la  visite  de  1617,  p.  253.  Sur  la 
visite,  cf.  les  documents  groupés  dans  les  Annuaires  de  l'Université  de 
Louvain  pour  1840,  1841  et  1855.  On  y  trouve  les  lettres  de  l'archiduc 
et  celles  du  nonce  Carafa.  Dans  les  Privilégia,  à  la  suite  de  la  visite,  est 
inséré  le  bref  de  Paul  V  confirmatif  de  la  visite.  Sur  l'organisation  des 
cours  et  les  fonctions,  on  trouve  une  foule  de  détails  dans  les  Fasli 
aeademici  de  Vai.ère  André,  qui  est  contemporain.  (Sur  les  Fasti,  cf 
1".  Nève,  La  renaissance  des  lettres  en  Belgique,  Louvain,  1890,  p.  421.) 
On  trouve  aussi  des  indications  utiles  dans  YAcademia  lovaniensis  île 
Vernulacus,  qui  était  à  la  même  époque  professeur  à  la  faculté  des 
arts,  ed   1627. 

(2/  Sur  cette  division  toute  factice,  voir  C.-J.  de  Ferrière,  Histoire 
du  droit  romain.  Paris,  1726,  p.  264. 

5me    SÉRIE,    TOME    XXX11I.  5 


(66) 

Le  droil  féodal  s'y  rattachait  grâce  aux  Consuetudincs  feu- 
dorum  qui  se  trouvent  jointes  aux  lois  romaines. 

Il  y  avait  trois  professeurs  ordinaires,  chargés  de  l'en- 
seignement des  Pandectes.  Les  cours  annuels  étaient 
donnés  par  trois  autres  professeurs  dits  professores  regii. 
Il  y  avait  en  outre  deux  professeurs  extraordinaires  de 
droit  civil  enseignant  extra-or dinem,  en  temps  de  va- 
cance, etc. 

Les  professeurs  ordinaires  et  extraordinaires  sont  nom- 
més par  le  magistral  communal  de  Louvain.  Telle  est  la 
règle  dès  l'origine.  C'est  aussi  le  magistrat  qui  fournit  une 
partie  de  leur  salaire,  auquel  se  joignent  des  subsides 
divers.  Le  choix  du  magistrat  pouvait  présenter  des 
inconvénients;  la  compétence  pouvait  être  mal  jugée,  ou 
mise  au  second  plan.  Parfois  la  nomination  était  criti- 
quée par  l'Université  ;  c'est  ainsi  qu'en  1580  un  juris- 
consulte de  haute  valeur,  dont  nous  reparlerons,  Gude- 
linus,  appuyé  aussi  par  le  patricial  local,  s'était  vu 
préférer  par  les  voix  démocratiques  un  concurrent,  pour 
la  chaire  des  Pandectes.  Le  mécontentement  académique 
ne  fut  apaisé  que  par  la  promesse  de  nommer  Gudelinus  à 
la  première  chaire  vacante.  Mais  les  princes  jugèrent  qu'il 
était  sage  de  prévenir  ces  faits  et  exigèrent  qu'on  ne  s'in- 
spirât, dans  les  nominations,  que  de  la  science  et  des  apti- 
tudes, et  qu'on  s'éclairât  toujours  de  l'avis  de  la  Faculté. 

Depuis  Philippe  II,  quelques  nominations  professorales 
appartiennent  au  roi  :  ce  sont  les  professores  regii,  dont  il 
a  déjà  été  question. 

Les  professeurs  n'avaient  pas  seuls  accès  à  la  chaire. 
Le  titre  de  docteur,  qui  avait  alors  une  signification 
éminente,  indiquait  la  capacité  d'enseigner  (doccre);  les 
docteurs  constituaient,  à  côté  du  collège  strict  des  profes- 


(  07  ) 
seins  directement  investis  et  appointes,  un  coUegium 
latum,  dont  les  membres  pouvaient  participer  aux  exer- 
cices des  disputes  académiques  et  aux  autres  functiones 
consuetœ.  En  1()J7,  les  princes,  craignant  la  trop  grande 
extension  de  ces  attributions,  les  réservèrent  aux  profes- 
seurs et  à  un  seul  docteur  désigné  par  les  suffrages  de  ses 
collègues. 

Les  matières  enseignées,  la  collation  des  grades,  la 
durée  des  éludes,  les  conditions  requises  pour  l'exercice 
des  professions  furent  aussi  déterminées.  Examen  et  exer- 
cices étaient  requis  pour  les  grades  de  bachelier,  puis  de 
licencié.  De  sérieuses  recommandations  sont  faites  quant 
à  cet  examen  et  aux  thèses  qui  doivent  fournir  des  prati- 
ciens instruits  et  respectables.  Quatre  années  d'études  et  de 
fret] uentation  des  cours  étaient  exigées  pour  la  licence  en 
droit.  Ce  titre  était  requis  pour  exercer  la  profession 
d'avocat. 

Quant  au  doctorat,  nous  l'avons  déjà  dit,  il  était 
réservé  aux  personnalités  distinguées,  solum  selectissimi 
ad  doctoratum  provehantur;  aussi  rend-on  rigoureuses  les 
épreuves  qui  conduisent  à  la  doctoralis  laurea. 

Le  règlement  académique  détermine,  on  l'a  vu,  la 
répartition  des  matières.  Les  professeurs  étaient  tenus 
d'exercer  leurs  fonctions. 

L'enseignement  du  droit  (1),  tel  qu'il  résulte  de  la  visite 
de  1017  et  des  faits  bien  connus,  portait  presque  exclu- 
sivement sur  le  droit  romain.   La  fondation  de  l'Uni ver- 


(  I  j  Voir,  sur  l'ensemble,  Valère  André,  qui,  dans  la  Bibliolheca  et  les 
Wasti,  donne  les  renseignements  biographiques,  ainsi  que  Foppens. 
Paoiot,  etc.  Cf.  Riyiek,  Histoire  de  la  science  du  droit  en  Belgique. 
(Païkia  belgica,  II.)  —  Britz,  Ancien  droit  belgique. 


(  08  ) 
site  remontait  à  l'époque  de  la  grande  vogue  de  la  loi 
romaine,  ratio  scripla.  La  réception  du  droit  romain 
en  1495,  par  la  diète  de  Worms,  dans  le  Saint-Empire, 
bien  qu'elle  n'eût  pas,  au  moins  en  fait,  vigueur  dans  nos 
provinces,  y  exerçait  une  grande  influence  morale.  Il  serait 
d'ailleurs  oiseux  de  démontrer  le  fait  bien  connu  de 
l'empire  de  ce  droit  au  XVIe  siècle. 

Le  droit  national  n'avait  encore,  en  principe,  aucune 
part  dans  l'enseignement.  Il  en  fut  d'ailleurs  ainsi  jusqu'à 
la  lin  de  l'ancien  régime,  et  cette  situation,  au  XVIIIe  siè- 
cle, soulèvera  les  plaintes  des  jurisconsultes(l).  Au  début 
du  XVIIe  siècle,  le  monopole  de  l'enseignement  ne  parais- 
sait guère  contesté  au  droit  romain.  Seul  le  droit  féodal, 
grâce  aux  annexes  du  Digeste,  y  pénétrait,  et  encore 
était-ce  le  droit  féodal  étranger  à  nos  États.  Cependant, 
dans  les  développements  des  leçons,  les  professeurs  fai- 
saient des  échappées  sur  le  droit  national;  parfois  même, 
notamment  pour  le  droit  féodal,  ils  le  déclarent  ouverte- 
ment (2).  Cependant  quelques  matières  spéciales,  par  leur 
rapport  avec  le  droit  canonique  et  leur  importance  pra- 
tique, sont  aussi  l'objet  des  leçons  de  jurisconsultes;  notre 
cahier  en  fera  bientôt  la  preuve. 

Le  droit  national  ne  devait  prendre  plus  d'importance 
que  grâce  à  l'Édit  perpétuel  de  1611  et  à  l'homologation 
des  coutumes,  et  encore  cette  importance  se  manifeste  par 
les  livres  plutôt  que  dans  l'enseignement  proprement  dit. 

La    méthode    de   l'enseignement   juridique,    à    cette 


(1)  de  Ghe^iet,  Méthode  pour  étudier  la  profession  d'avocat.  Cf. 
Piot,  Le  règne  de  Marie-Thérèse.  Louvain,  1874.  p.  152. 

(2)  Voir  notamment  Gudelinus,  J.-C,  De  jure  feudorum  et  pacis 
eommentarii  ad  mores  Belgii  ac  Francité  conscripli.  Lov.,  1641. 


(  69  ) 
période,  était  celle  des  commentaires  judicieux  et  scienti- 
fiques dont  Alciat  et  Cujas  inaugurèrent  le  système  en 
France.  Les  commentaires  rationnels  de  la  loi  avaient 
été,  nouvelle  méthode,  déjà  introduits  à  Louvain  par 
Gabriel  Mudée  (Valider  Mtiyden,  de  Brecht),  qui  débuta 
en  1547.  Des  commentaires  et  des  interprétations  rem- 
placent les  citations  et  les  analyses;  c'est  l'école  de  juris- 
prudence rationnelle,  Yécole  élégante,  qui  l'ait  à  Mudée  une 
place  hors  pair  dans  l'histoire  de  l'enseignement  juri- 
dique, jurisprudentiœ  purius  tractandœ  et  docendœ  auc- 
tor  (I).  Sans  être,  comme  lui,  des  initiateurs,  les  maîtres 
de  notre  période  peuvent  prétendre  à  un  rang  distingué; 
nous  n'avons  pas  ici  à  analyser  leurs  opinions,  mais  à  les 
marquer  comme  professeurs,  élèves  et  continuateurs  de 
Mudée. 

Au  début  du  KVÏP  siècle  n'appartiennent  cependant 
que  peu  de  noms  professoraux  très  marquants.  L'époque 
des  troubles,  qui  avait  permis  aux  anciens  de  tra- 
vailler, avait  sans  doute  été  peu  favorable  à  l'éclosion 
de  vocations  scientifiques  nouvelles.  Cependant,  on  peut 
citer  avec  éloges  P.  Gudelinus  et  son  successeur,  Henri 
Zoesius,  Tulden,  Valère  André  et  quelques  autres. 

Gudelinus,  d'Ath  (1556-1619),  s'attache  avec  quelque 
prédilection  au  droit  moderne;  dans  ses  études  et  leçons 
de  droit  féodal,  il  reproche  à  ses  devanciers  de  com- 
menter les  lois  féodales  des  Lombards,  oubliant  le  droit 
national,  et  il  promet  d'y  consacrer  ses  soins.  Ses  leçons 
de  droit  féodal  méritent  à  cet  égard  de  faire  date  dans 
l'enseignement. 


(1)  Valère  André,  op.  cit.,  p.  187.  Cf.  Britz,  p.  82.  —  Kivier,  op.  et 

loc.'cit. 


(  70) 

Quant  à  Henri  Zoes,  d'Amersfort,  son  éloge  est  plutôt 
celui  d'un  professeur  consciencieux  et  intelligent  que 
d'un  grand  jurisconsulte.  Il  occupait  les  fonctions  recto- 
rales au  moment  de  sa  mort,  en  1627,  l'année  même  où 
se  célébrait  le  deuxième  centenaire  de  la  fondation  de 
l'Université. 

A  Louvain  appartient  encore  Diodore  ïulden,  de  Bois- 
le-Duc,  devenu  professeur  en  1620,  dont  les  ouvrages 
sont  assez  étendus  et  qui  joint  aux  connaissances  juri- 
diques des  qualités  brillantes  de  style  et  des  aperçus  phi- 
losophiques en  matière  politique  et  sociale. 

Citons  enfin,  dans  la  môme  Faculté  de  droit,  Valère 
André,  qui  avait  d'abord  occupé  une  chaire  d'hébreu  et 
dont  le  principal  titre  scientifique  se  trouve  dans  la 
Bibliotheca,  où  il  a  réuni  de  précieuses  notions  sur  les 
écrivains  des  Pays-Bas.  Le  même  professeur  nous  a 
fourni  de  très  abondantes  données  sur  l'histoire  de  l'Uni- 
versité par  la  publication  de  ses  Fasti  academici,  qui  con- 
tiennent des  indications  précises  sur  les  coutumes  et  le 
personnel  de  nos  anciennes  Facultés  (1). 

Enfin,  à  la  même  époque  appartient  notre  Gérard 
de  Courselle,  dont  nous  connaissons  aussi  la  valeur  et 
qui  jouit  d'une  grande  renommée. 


il)  En  dehors  de  l'Université,  la  science  juridique  est  représentée 
par  des  noms  éminents,  soit  dans  la  magistrature  et  les  conseils  par 
Peckius,  Maes,  soit  ailleurs,  dans  l'Église,  par  Zypœus  et  le  jésuite 
Lessius.  Dans  la  Faculté  canonique,  une  mention  spéciale  est  due  à 
Jean  Malderus,  qui  devint  ensuite  évêque  d'Anvers  et  laissa  d'impor- 
tants travaux. 


(  71    ) 


II.    -  Le  cahier. 

Le  cahier  de  cours  môme  nous  invite  maintenant  à 
dire  un  mot  de  la  méthode  de  l'enseignement  oral  au 
\ VIP  siècle. 

Quant  à  la  méthode  d'enseignement,  nous  savons  peu 
de  choses  bien  intéressantes.  II  est  clair  que  les  textes 
en  formaient  la  hase. 

En  droit  canon,  le  décret  de  Gratien  avait  été  recon- 
stitué, on  l'a  dit.  Pour  le  droit  civil,  on  suivait  les  textes 
législatifs  de  l'Empire,  sans  se  borner,  comme  autrefois, 
à  la  sèche  analyse  du  texte  lui-même.  Le  cours  annuel 
d'Institutes  était  complété  par  le  cours  général  des  Pan- 
dectes,  qualifié  de  Paratitla  parce  qu'il  comportait  un 
aperçu  d'ensemble  des  titres  de  ce  vaste  recueil.  Venait 
enfin  l'explication,  devenue  juridique  et  approfondie,  des 
lois  romaines  elles-mêmes,  les  Pandectes,  avec  des  com- 
mentaires souvent  étendus  et  parfois  des  aperçus  civils 
ou  canoniques.  Le  professeur  tantôt  dictait,  tantôt  par- 
lait (1).  Le  cahier  était  la  base  d'étude.  Bien  des  leçons 
n'ont  été  publiées  qu'après  la  mort  des  docteurs  par  leur 
famille  ou  leurs  disciples.  Le  cahier  écrit  ad  calamum 
ne  variait  pas  également  partout.  C'était  un  signe  de 
travail  continu  et  tenace  que  Valère  André  signale  chez 
Henri  Zoes  qui,  pendant  treize  ans,  modifia  chaque  année 
quelque  partie  de  son  cours  et  parfois  le  refondait  tout 
entier  (2). 


(1)  Valère  André,  Fasti,  p.  147  :  «  Horas  continuas,  qua  dictando, 
qua  disserendo.  » 

(2)  Idem,  Biblioth.  belgic.  :  «■  Elogium  Henrici  Zoesii.  » 


(  72  ) 

Un  des  professeurs  de  notre  époque,  Diodore  Tulden, 
nous  a  laissé  un  curieux  discours  d'ouverture,  Oratio 
auspicalis,  où  il  discute  la  question  des  mérites  compa- 
ratifs de  la  dictée  et  de  la  parole.  Il  est  intéressant  de 
parcourir  cette  dissertation  :  De  metltodo  docendi  discen- 
dique  commodissimd  (1).  Le  professeur  y  expose  avec 
verve  et  en  termes  pittoresques  la  supériorité  de  son 
système  qui  supprime  la  dictée,  la  remplace  par  un  texte 
imprimé  et  le  complète  par  des  explications  orales.  Il  en 
énumère  amplement  les  avantages  :  l'élève  a  la  moitié 
de  la  besogne  faite;  il  suit  la  pensée  avec  vivacité  au  lieu 
de  s'hébéter;  on  gagne  beaucoup  de  temps;  la  parole, 
loin  d'être  uniforme,  insiste  sur  les  points  délicats,  les 
répète  sous  diverses  formes  accessibles  aux  esprits  divers, 
souligne  les  principes  et  met  les  arêtes  en  vive  lumière;  la 
parole,  par  son  animation,  son  entrain,  sa  vigueur,  donne 
à  la  leçon  du  charme,  de  la  liberté,  de  la  vie.  J'en  passe,  et 
des  plus  piquants. 

On  voit  que  les  débats  pédagogiques  n'étaient  pas 
ignorés  de  nos  anciens,  et  ils  y  mettaient  une  vigueur 
d'aperçus,  une  verve  qui  d'ailleurs  se  rencontre  souvent 
dans  les  thèses  de  l'époque. 

III.  —  La  matière  du  cours. 

Il  s'agit  d'une  matière  de  droit  à  la  fois  canonique  et 
économique,  celle  des  cens  et  rentes.  La  matière  à  cette 
époque  était  très  importante;  chez  les  juristes  et  les  cano- 


(1)  Tuldeni  Opéra,  éd.  Lovanii,  1702,  t.  IV.  (Initiamenta  jurispru- 
dentije,  pp  55  et  suiv.) 


(73) 

nistes,  elle  tient  une  grande  place.  C'était,  en  effet,  un 

des  moyens  les  plus  usilés  de  faire  valoir  ses  capitaux. 

Nous  n'avons  pas  le  projet  de  l'aire  ici  même  une 
esquisse  de  l'économie  financière  du  XVIIe  siècle,  nous 
espérons  le  l'aire  bientôt  plus  longuement,  mais  il  est 
curieux  de  signaler  renseignement  universitaire  d'un 
juriste  sur  cette  question. 

Le  cours  comprend  de  nombreux  chapitres  que  nous 
n'analyserons  [tas  ici,  investigant  toutes  les  questions 
relatives  à  la  constitution  des  rentes;  mais  il  en  est  beau- 
coup dont  l'intérêt  est  exclusivement  juridique  et  qui 
sortiraient  de  notre  cadre. 

Au  moyen  âge  (1),  la  rente  réservée  par  le  vendeur 
lors  de  l'aliénation  d'un  fonds  de  terre,  était  fréquente, 
et  ce  n'est  pas  de  celle-là  que  nous  aurons  à  parler  ici  ; 
la  constitution  d'une  rente,  ayant  pour  effet  de  se  créer 
un  revenu  en  l'achetant  et  le  payant  d'un  capital,  est  un 
mode  de  placement  plus  récent,  mais  déjà  usité  aussi  au 
moyen  âge. 

Ce  mode  de  taire  valoir  son  capital,  déjà  en  usage 
depuis  longtemps,  est  généralement  admis  à  certaines 
conditions  depuis  les  décisions  pontificales  du  XVe  siècle. 
On  sait  quel  en  est  le  caractère  ordinaire  :  une  personne 
se  reconnaît  débitrice  d'une  rente  annuelle  moyennant 
payement  d'un  capital  qu'on  s'engage  à  ne  pas  lui  récla- 
mer, mais  qu'elle  peut  rembourser.  La  nature  juridique 
des  rentes  constituées  les  ramène  à  une  vente  de  rente 


(1)  Voir  notre  livre  sur  Les  théories  économiques  aux  XIIIe  et 
XIVe  siècles,  p.  164.  Louvain,  1895. 


(  7*  ) 
au  prix  de...  (1).  L'objet  de  la  vente  est  le  droit  de  per- 
cevoir la  rente  :  jus  ad  pensionem  annuam  exigendam  (2). 
Mais  la  nature  des  rentes  était  loin  d'être  uniforme,  et 
la  controverse  qui  les  concerne  variait  d'après  les  rap- 
ports de  plus  ou  moins  de  ressemblance  qu'elles  présen- 
taient avec  le  prêt  à  intérêt. 

Vu  l'extension  et  l'importance  de  ce  mode  de  place- 
ment, les  auteurs  s'en  occupent  beaucoup  et  longue- 
ment (3).  Deux  canonistes  belges  de  cette  époque,  Zypseus 
et  Lessius,  surtout  celui-ci,  en  ont  traité  avec  détails.  C'est 
aussi  la  matière  du  cahier  de  cours  de  Gérard  deCourselle. 
Ce  petit  livre  juridique  est  instructif,  bien  que  les  ques- 
tions de  doctrine  économico-canonique  y  soient  traitées 
avec  moins  d'étendue,  d'attention  et  même  de  précision 
qu'on  ne  le  souhaiterait. 

Le  droit  romain  ne  connaissait  que  le  prêt;  les  circon- 
stances tirent  surgir  le  contrat  de  rente,  dont  on  trouve 
à  peine  l'indication  en  droit  romain  et  qui  répondait  à 
une  situation  spéciale.  Il  rendit  de  grands  services  en 
donnant  aux  emplois  de  capitaux  des  formes  utiles  et 
légitimes. 

Le  cours  de  G.  de  Courselle  traite  fort  en  détail  la 
question  juridique  des  rentes  et  nous  nous  garderons  de 
la  reprendre  minutieusement;  les  controverses  y  foison- 
nent, mais  certains  chapitres  présentent  quelque  intérêt 
au  point  de  vue  économico-juridique.  Le  premier  chapitre 


(1)  Zyp.els,  Consultât,  canonic,  éd.  Antverpiie  1675,  lib.  III., 
p.  1 13,  et  Notitia  Juris  Belgici,  liv.  IV,  §  H. 

('2i  Lessius,  De  Justitia  et  Jure,  éd.  Antverpiae  163Gi,  p.  297,  lib.  II, 
cap.  22. 

(3)  Cf.  Britz,  op.  cit,  p.  602 


(73  , 

contient  une  sorte  d'exposé  historique;  il  indique  com- 
ment l'interdiction  de  l'usure  a  fait  songer  à  ce  mode  de 
placement,  inconnu  ou  à  peu  près  au  droit  romain.  C'esl 
la  fréquence  même  de  son  emploi  qui  donne  le  motif  de 
son  cours  (l). 

Le  chapitre  3  :  Quid  sit  reditus,  quotuplex  (2)  et  (in  sit 
licitus,  indique  la  forme  très  variée  de  ce  contrat.  Il  exa- 
mine la  licéité  de  ces  placements  au  point  de  vue  du 
droit  canonique.  Ce  chapitre  est  un  des  plus  curieux.  Le 
chapitre  8  enfin  étudie  :  Quod  sitjustum  precium  redituum 
annuorum.  Ce  sont  les  plus  importants,  les  seuls  sur  les- 
quels je  me  permettrai  de  m'arrèter  quelques  instants  (S). 

Il  y  avait  bien  des  genres  divers  de  rentes.  Il  y  avait  les 
rentes  foncières  et  les  rentes  constituées  ;  les  rentes  réelles 
et  les  rentes  personnelles;  les  rentes  rachetables  ou  non 
rachetables.  Les  auteurs,  et  notamment  G.  de  Courselle, 
en  déterminent  la  nature  (4).  Ces  distinctions  répondaient 
à  de  multiples  intérêts. 


(1)  Cum  in  sacris  canonibus  usure  damnate  sint,  inventa  est  poste- 
riori bus  seculis  liée  ratio  questus  ex  pecunia  faciendi  sine  usurarie 
improbitatis  iabe  ..  opère  precium  est  ob  fréquentera  eorum  usuin 
pauca  hic  dicere  velut  per  indicem. 

(2)  Reditum  definire  licet  jus  légitime  constitutum  percipiende 
annue  pensionis  ex  re  aliéna.  Redituum  gênera  multa  constitui  pos- 
sunt. 

(3)  Le  reste  du  cahier,  assez  long,  est  absorbé  par  une  foule  de 
controverses  juridiques,  dans  lesquelles  il  serait  impossible  d'entrer 
ici,  mais  qui  sont  détaillées. 

(4i  Cap.  3  :  Inseremus  ea  que  distinguuntur  in  usu.  Reditus  alii 
fundiarii  sunt,  alii  constitutii.  Fundiarius  est  cum  dominus  fundum 
suum  in  alium  transtulit  ea  lege  ut  annuarn  pensionem  sive  annuum 
reditum  ei  ex  dicto  fundo  prœstet.  Constitutus  reditus  est  quem  quis 
fundo  aut  bonis  suis  imposuit  aut  ad  quem  prœstandum  se  obligavit. 


(  76  ) 

I^a  rente  est  dite  foncière  ou  réservée  quand  elle  est  le 
résultat  de  l'aliénation  de  la  chose  dont  le  vendeur  se 
réserve  une  rente.  Elle  est  constituée  si  l'établissement 
même  de  la  rente  a  été  l'objet  d'un  contrat  spécial. 

La  rente  est  réelle  si  elle  repose  sur  les  choses  ;  elle 
est  personnelle  si  elle  repose  sur  une  personne  qui 
s'oblige  à  payer  la  rente. 

La  rente  réelle,  portant  sur  une  chose  qui  donne  des 
fruits,  est  le  point  de  départ  des  rentes  constituées,  dont 
l'usage  s'est  étendu. 

La  rente  personnelle  s'éloigne  évidemment  de  cette 
notion  première  et  présente  un  danger  d'usure  qui  peut 
s'écarter  cependant  à  certaines  conditions. 

La  rente  est  rachetable  ou  irrachetable  notamment 
selon  qu'on  peut  ou  non  s'en  libérer  par  le  rembourse- 
ment du  capital  (surs). 

Le  contrat  qui  établit  la  rente  est  de  la  nature  de  la 
vente. 

Ces  contrats  s'étaient  fort  multipliés  dans  l'usage,  sur- 
tout depuis  la  déclaration  de  la  licéité  du  contrat  lui- 
même. 


Hic  precio  pecuniario  vel  aliis  modis  uti  legato,  donatione,  ratione 
dotis,  causa  divisionis  constituuntur. 

Rursus  vel  perpetui,  hereditarii  vel  temporanei  reditos  sunt. 

Item  reditus  alii  sunt  redimibiles,  alii  irredimibiles  dicuntur.  Redi- 
mibiles  qui  sorte  restituta  a  debitori  redirai  possunt.  Irredimibiles 
qui  invito  creditore,  redimi  aut  solvi  nequeunt.  Redimibiles  sunt 
omnes  precio  quesiti  Geteri  irredimibiles  nisi  lex  contractus  sive 
constitutio  redimi  permittant. 

Item  reditus  alii  reaies,  alii  personales  dicuntur.  Reaies  sunt  qui 
impositi  rébus  seu  prediis,  personales  qui  personali  solum  obliga- 
tione  inducuntur 

Et  d'autres  distinctions  encore. 


(77  ) 
La  législation  sur  l'usure  maintenait  sévèrement  les 

principes  de  l'égalité  dans  les  contrats  et  opposait  une 
barrière  à  l'exploitation.  On  cherchait  à  faire  des  emplois 
légitimes  de  ses  biens,  et  c'est  ce  qui  a  fait  naître  le 
contrat  de  rente  et  ses  nombreuses  modalités.  La 
controverse  surgissait  sur  les  diverses  formes.  Les  uns 
y  trouvaient  un  moyen  d'éluder  la  loi  ;  les  autres,  au  con- 
traire, cherchaient  loyalement  à  distinguer  l'emploi 
permis  et  honnête  de  l'exploitation  abusive  et  prohibée. 
Aussi  le  contrat  de  rente,  d'une  autre  nature  juridique 
que  le  prêt,  joue-t-il  un  très  grand  rôle  dans  l'économie 
de  la  Renaissance  et  déjà  dans  celle  du  moyen  âge. 
Les  faits  multiples,  souvent  variables,  de  l'ordre  écono- 
mique, alors  très  agité,  faisaient  surgir  des  combinaisons 
qui  soulevaient  des  critiques  et  des  interprétations.  La 
rente  réelle,  reposant  sur  une  chose  frugifère,  tirait  de  là 
sa  justification  initiale.  La  rente  personnelle  était  plus 
exposée  à  dissimuler  des  fraudes  usuraires  et  les  auteurs 
y  assignaient  des  conditions  multiples. 

La  licéité  de  la  constitution  de  rente  réelle  et  ruche- 
table  déjà  usitée  depuis  longtemps,  avait  été  otlicielle- 
ment  reconnue  par  constitution  des  papes  Martin  V, 
en  1425,  et  Calixte  III,  en  1455  (1).  L'usage  avait  étendu 
la  notion  et  la  pratique.  La  rente  personnelle  présentait 
davantage  le  danger  de  simuler  l'usure.  Quand  la  renie 
repose  sur  des  choses  matérielles,  ainsi  que  le  prévoit  la 
constitution  de  ces  papes,  la  question  est  plus  simple 
que  lorsqu'il  s'agit  d'un  revenu  promis  par  une  per- 
sonne. Une  constitution  de  Pie  V  de  1569  exige  pour  la 


(i)  Coi'pus  juris  canon.  Exlrav.  comm.,  lib.  111  :  De  Emtione. 


(  78  ) 
rente  une  foule  de  conditions,  notamment  que  la  rente 
porte  sur  une  chose  frugifère.  Notre  auteur,  lui,  tranche 
en  quelques  mots  la  question  de  licéité,  et  d'une  façon 
vraiment  trop  sommaire.  La  constitution  de  Pie  V, 
d'après  lui,  n'est  pas  en  vigueur  dans  les  Pays-Bas  où 
elle  ne  fut  pas  promulguée,  et  il  n'y  a  pas  de  raison,  dès 
lors,  de  condamner  les  reditus  personales.  Mais  Lessius(l), 
bien  que  tenant  grand  compte  des  faits  pour  bien  ana- 
lyser l'application  des  principes,  tout  en  admettant  que 
la  constitution  de  Pie  Y  n'est  pas  en  vigueur,  exige 
cependant  des  conditions  spéciales  pour  la  rente  person- 
nelle et  notamment  que  la  personne  sur  qui  elle  est  con- 
stituée, soit  de  situation  à  payer  la  rente  de  son  bien  ou 
de  son  industrie,  ce  qui  explique  la  matière  du  contrat. 
L'usage  de  la  stipulation  de  rachat  en  faveur  du  débi- 
teur était  très  répandu.  Plusieurs  décisions  particulières 
et  des  édils  de  Charles-Quint  l'imposaient  dans  bien  des 
cas;  c'était  le  cas  prévu  par  les  premières  constitutions 
pontificales  et  celle  de  Pie  V  l'exigeait  expressément  (2). 
Le  débi-rentier  pouvait  donc  se  libérer  quand  il  voulait  en 
restituant  le  capital,  et  cette  situation  lui  était  très  favo- 


(1)  Lessius,  De  Justitia  et  jure,  lib.  Il,  cap.  22.  -  Zyp.uus,  Notitia, 
loc  cit.  Nous  n'avons  pas  à  nous  prononcer  ici  ni  sur  la  portée  exacte 
des  constitutions  pontificales  en  cette  matière,  ni  sur  les  interpréta- 
tions qu'on  en  donnait  en  Belgique.  Cf.,  outre  les  ouvrages  cités 
de  Lessius  et  Zyp.eus,  le  Cardinal  de  Lugo,  De  justitia  et  jure,  27, 
Reiffenstuel,  Jus  canonicum  universum,  t.  VI,  pp.  442  et  sq. 

(2)  Bien  que  le  droit  canonique  positif  exigeai  la  faculté  de  rachat 
en  faveur  du  débiteur,  il  est  certain  que  le  droit  positif  belge  permet- 
laii  l'usage  de  rentes  perpétuelles,  qui  étaient  moins  favorables  au 
débiteur,  mais  que  les  canonistes  déclaraient  d'ailleurs  licites  en  droit 
naturel.  Cf.  Lessius,  Ibid.,  n°  <)*2. 


(79) 
rable,  lui  donnait  une  grande  sécurité.  Quant  au  crédi- 
rentier, il  pouvait  toujours  rentrer  dans  ses  l'omis  en  \cn- 
dant  à  un  tiers  le  droit  à  la  rente. 

En  pratique,  très  grave  aussi  est  la  question  du  juste 
prix  des  revenus,  et  les  auteurs  y  insistent  comme  sur  un 
clément  essentiel  à  l'honnêteté  du  contrat.  Elle  est  très 
intéressante  au  point  de  vue  économique. 

On  sait  d'ailleurs  l'importance  que  présente  cette  ques- 
tion du  juste  prix  dans  tous  les  contrats  (1). 

Comment  fixer  ce  prix?  L'examen  de  ce  point  nous 
amènerait  a  un  aperçu  du  taux  des  revenus  dans  nos 
provinces  à  cette  époque;  malheureusement,  la  précision 
manque  ici.  C'est  une  question  de  valeur  à  régler  d'après 
l'estimation  commune,  qui  est  le  critère  bien  connu,  mais 
quel  est  le  prix  que  fixe  cette  estimation?  Il  est  très 
variable  d'après  les  régions  et  les  circonstances  (2).  On 
comparera  le  revenu  des  terres;  on  tiendra  compte  de 
la  rareté  de  l'argent  :  car  si  l'argent  est  rare,  on  préfère 
ne  pas  l'engager,  le  prix  des  rentes  baisse,  l'expérience  le 
prouve  \Sj.  Le  goût  du  public  pour  tel  ou  tel  placement 
influe  donc  sur  le  prix.  Il  y  avait  d'ailleurs  aussi  des  prix 
légaux  (lege  taxatum). 

Nous  ne  pouvons  examiner  ici  la  théorie  môme  du  juste 
prix  ni  en  décomposer  les  éléments  ;  tâchons  seulement 
d'examiner,  en  fait,  quel  fut  le  taux  de  capitalisation  des 
rentes  à  cette  époque. 

Il  v  avait,  nous  l'avons  dit,  des  rentes  irrachetables. 


(I)  Cf.  notre  ouvrage  cité  sur  Les  théories  économiques,  p.  198. 

(%  Justum  precium  redituum,  dit  notre  auteur  (cap.  8),  constitui 
débet  ex  communi  estimatione.  Et  variât  pro  locorum  et  regionum 
varietate  prout  et  commereia  rerum  et  rci  pecuniarie  ratio  variât. 

(3)  Lessius,  op.  et  loc.  cit.,  n°  103. 


(  80) 
Les  perpétuelles  irrachetables  étaient  fort  appréciées  dans 
nos  provinces,  parce  que  c'était  là  un  revenu  très  sûr. 
Mais  elles  étaient  rares  :  un  édit  de  Charles-Quint  de  1520 
avait  détendu  d'en  établir  sur  les  terres  féodales  et  un  édit 
de  1528  défendit,  en  général,  d'en  constituer  de  nouvelles 
à  prix  d'argent,  à  cause  des  charges  qui  s'accumulaient  sur 
les  terres. 

Les  rentes  rachetables,  même  réelles,  étaient  bien 
moins  chères;  la  faculté  de  rachat,  d'après  les  auteurs, 
les  déprécie,  car  la  situation  du  débi-rentier  qui  peut 
toujours  se  libérer  est  plus  large,  et  partant  celle  du 
crédi-rentier  moins  stable. 

La  rente,  constituée  par  un  capital  mobilier,  même 
quand  elle  est  garantie  par  hypothèque,  se  ressent  de  la 
vivacité  des  affaires  commerciales;  elle  peut  être  dépré- 
ciée par  la  facilité  des  lucres  commerciaux. 

Pour  le  taux  même  de  capitalisation,  les  auteurs  ne 
sont  pas  bien  d'accord;  il  est  difficile  de  le  dégager  avec 
une  netteté  suffisante. 

Notre  auteur  lui-même  manque  de  clarté,  et  c'est  en 
combinant  ses  données  avec  celles  tirées  d'autres  auteurs, 
tels  que  Zypa'us  et  Lessius,  que  nous  tâcherons  d'établir 
un  petit  calcul  très  approximatif,  car  les  indications  sont 
souvent  peu  claires. 

Le  taux  s'exprime  par  le  prix  d'achat  de  la  rente. 
Ainsi,  on  dit  que  la  rente  est  au  denier  20  quand  on 
donne  20  pour  avoir  1  de  revenu  annuel;  nous  dirions 
donc  qu'on  est  à  5  °/„. 

D'après  cette  terminologie,  les  rentes  réelles  irrache- 
tables sont  aux  environs  de  25,  vers  1625  (1)  ;  un  peu  plus 


(1)  L'édit  de  Io"20,  de  Charles-Quint,  avait  déjà  déclaré  rachetables 
•i  ce  taux  les  anciennes  rentes  féodales,  irrachetables  jusque-là. 


(  81  ) 
tard,  on  n'en  trouvera  plus  guère  en  dessous  du  denier  50, 
donc  de  4  °/„  à  3.55  %.  Elles  deviennent  très  rares,  ce 
qui   s'explique   notamment,   nous   l'avons   dit,    par    la 
défense  d'en  rétablir  (1). 

Les  rentes  rachetables,  on  l'a  vu,  valent  beaucoup 
moins  cber,  c'est-à-dire  que  le  revenu  y  est  plus  élevé, 
relativement  au  capital  d'achat.  Leur  prix  ordinaire 
dans  nos  provinces  est  même  aux  environs  du  denier  1G, 
ce  qui  va  à  (5.25  °/0,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  partout; 
parfois  elles  valent  moins,  parfois  plus,  et  il  y  a  là  beau- 
coup d'influences  locales.  Divers  édits  ont  cherché  à  fixer 
le  taux  des  rentes;  les  oscillations  entre  les  taux  du 
denier  20  et  du  denier  1G,  c'est-à-dire  de  5  à  G. 25,  sont 
peu  précises.  En  tous  cas,  ce  dernier  taux  paraît  être  un 
maximum  dans  nos  États  (2).  D'ailleurs  les  textes  sou- 
vent ici  manquent  de  clarté. 

Il  est  certain  que  le  taux  fut  variable;  les  auteurs  citent 
les  exemples  pour  les  autres  pays  et  on  sait  combien  cette 
matière  est  sujette  à  oscillations.  Nos  indications  sur  ces 
taux  de  capitalisation  sont  donc  très  insuffisantes;  c'est 
une  voie  dans  laquelle  on  pourrait  faire  peut-être  encore 
de  curieuses  trouvailles,  mais  nous  y  engager  serait  sortir 
de  notre  sujet,  car  il  faudrait  rechercher  aussi  le  taux  des 
autres  profits  que  nous  ne  pouvons  étudier  ici. 


(1)  Cf.  une  lettre  curieuse  de  Zypœus  sur  le  taux  d'une  rente  à 
payer  par  l'Université,  dans  l'Annuaire  de  l'Université  de  Loavain  de 
1853,  p.  230 

(%  Zyp.kis,  Xotitia,  lue.  cit.  :  «  Legitimum  reditum  hic  constitui 
nummo  decimo  sexto  non  minori  nisi  Princeps  speciatim  induisent. 
—  Lessius,  op.  et  loe.  cit.  (n°  134),  parle  pour  le  cens  réel  rachetable 
d'une  taxe  légale  de  14,  que  nous  n'avons  pu  retrouver. 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  G 


(82  ) 

Nous  nous  arrêtons  donc  pour  le  moment  dans  ces 
calculs. 

La  matière  des  rentes  est  une  des  plus  importantes  de 
l'histoire  économique  de  cette  période.  On  l'a  souvent 
mal  exposée,  et  c'est  ce  reproche  que  nous  faisons  à  bien 
des  historiens  de  la  Renaissance.  On  a  cru  voir  des  trans- 
formations de  doctrine  là  où  il  y  avait  tout  simplement 
des  modifications  dans  l'application,  résultant  du  chan- 
gement même  des  faits.  Quoi  de  surprenant  que  des  prin- 
cipes identiques  amenassent  des  conclusions  différentes 
quand  les  circonstances  des  faits  se  modifiaient  si  sensi- 
blement? Quelle  différence  entre  l'état  économique  du 
XIIIe  siècle  et  celui  du  XVIIe,  et  qu'y  a-t-il  d'étonnant  à 
ce  que  le  même  droit  y  aboutît  en  fait  à  des  solutions 
diverses?  Ce  n'étaient  certes  pas  les  règles  de  la  justice 
qui  se  modifiaient,  mais  les  conditions  matérielles  de 
l'équivalence  dans  les  contrats.  Il  en  était  ainsi  dans 
cette  matière  si  vivante  du  contrat  de  rente,  arrange- 
ment économique  riche  en  combinaisons  utiles.  Sans 
doute  cette  matière  pouvait  prêter,  comme  bien  d'autres, 
à  des  abus,  —  il  y  a  souvent  moyen  d'éluder  une  loi,  — 
mais  dans  sa  sphère  régulière,  maintenue  avec  netteté 
par  la  doctrine,  elle  a  eu  un  grand  rôle  économique. 

Nous  ne  pouvons  songer  ici  à  développer  ces  aperçus. 
Mais  l'importance  du  contrat  de  rente  explique  comment, 
au  milieu  des  splendeurs  du  droit  romain,  on  fait  des  cours 
détaillés  sur  le  régime  des  rentes;  c'est  aussi  notre  excuse 
d'avoir  attiré  l'attention  sur  ce  modeste  manuscrit  et  d'en 
avoir  entretenu  la  Classe  pendant  quelques  instants. 


(  83  ) 


CXASSE    DES    BEAUX-ARTS. 


Séance  du    7  janvier  1897. 

M.  Th.  Radoux,  directeur  pour  l<S!)(>,  occupe  le  fau 
(cuil. 
M.  le  chevalier  Edmond  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Th.  Vinçotte,  directeur  pour  I8i)7  ; 
Éd.  Fétis,  F. -A.  Gevaert,  Ad.  Samuel,  G.  Guffens,  Peter 
Benoit,  Jos.  Jaquet,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays,  G.  De 
Groot,  Gustave  Biot,  H.  Hymans,  Alex.  Markelbach,  Max. 
Rooses,  J.  Robie,  G.  Huberti,  A.  Hennebicq,  Éd.  Van 
Even,  Ch.  Tardieu,  Alfr.  Cluysenaar,  F.  Laureys,  J.  Win- 
ders,  Em.  Janlet,  H.  Maquet,  membres;  J.-B.  Meunier  et 
Van  Ysendyck,  correspondants. 

M.  Jules  Pécher  exprime,  par  écrit,  ses  regrets  de 
n'avoir  pu  assister  aux  dernières  séances  à  cause  de  son 
état  de  santé.  Il  se  voit  encore  obligé,  ajoute-t-il,  de 
réclamer  l'indulgence  de  la  Classe  au  sujet  de  son  absence 
à  la  réunion  actuelle. 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  transmet  une  ampliation  de  l'arrêté  royal,  en 
date  du  16  décembre,  nommant  président  de  l'Académie, 


(  84  ) 
pour  l'année  1897,  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  direc- 
teur de  la  Classe  des  lettres  pendant  la  même  année. 

M.  le  Ministre  de  l'Agriculture  et  des  Travaux 
publics,  ayant  les  beaux-arts  dans  ses  attributions, 
demande  l'avis  de  la  Classe  sur  le  second  rapport  semes- 
triel de  M.  Jean  Delville,  prix  de  Rome  pour  la  peinture 
en  189<>,  ainsi  que  sur  le  premier  envoi  des  travaux 
réglementaires  que  le  même  lauréat  a  exécutés  pendant 
la  première  année  de  ses  voyages  d'études.  -  -  Renvoi 
aux  commissaires  qui  ont  examiné  le  premier  rapport  : 
MM.  Hymans,  Robie,  Hennebicq  et  Cluysenaar. 

-  Le  même  Ministre  transmet  une  expédition  de  l'ar- 
rêté allouant  la  pension  de  4,000  francs  à  M.  Arthur 
Sterck,  lauréat  du  grand  concours  de  gravure  de  1890. 

MM.  Vloers  et  Baetes  remettent  une  reproduction 
photographique  de  leurs  œuvres  couronnées  lors  du  der- 
nier concours  de  la  Classe. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  La  musique  et  les  écoles  nationales;  par  Th.  Radoux; 

2°  Essai  sur  Cari  contemporain  ;  par  H.  Fierens- 
Gevaert  ; 

5°  Le  peintre  lorrain  Claude  Jacquard  suivi  de  :  Un 
protecteur  des  arts,  le  prince  Charles-Alexandre  de  Lor- 
raine; par  Albert  Jacquot.  (Présenté  par  M.  H.  Hymans.) 

—  Remerciements. 


(  85  ) 


RAPPORTS. 


Sur  l'avis  favorable  de  la  section  de  sculpture,  la 
Classe  adopte  le  buste  en  marbre  de  feu  Henri  Van  der 
Haert,  commandé  par  le  Gouvernement  à  M.  J.  Hérain, 
pour  la  galerie  des  bustes  des  académiciens  décédés. 


ELECTIONS. 


La  Classe  se  constitue  en  comité  secret  pour  procéder 
aux  élections  pour  les  places  vacantes. 

Ont  été  élus  : 

SECTION    DE    PEINTURE. 

Correspondant,  en  remplacement  de  M.  le  comte  J.  de 
Lalaing,  élu  membre  titulaire  :  M.  Bourlard,  directeur  de 
l'Académie  des  beaux-arts  de  Mons. 

Associé,  en  remplacement  de  lord  Frédéric  Leigbton, 
décédé  :  sir  Edward  Burne- Jones,  baronnet,  artiste 
peintre,  à  Londres. 

SECTION    D'ARCHITECTURE. 

Associés  :  1°  en  remplacement  de  Ch.-Fred.  de  Leins,  de 
Stuttgart,   décédé  :   J.-L. -Charles   Garnier,  membre  de 


(  ««) 

l'Institut  de  France,  à  Paris;  2°  en  remplacement  de 
Mariano  Medino  Contreras,  de  Grenade,  décédé  :  George 
Aitchison,  président  de  l'Institut  royal  des  architectes,  à 
Londres. 

SECTION    DE    MUSIQUE. 

Correspondant ,  en  remplacement  de  Jules  Busschop, 
décédé  :  Emile  Mathieu,  directeur  de  l'École  de  musique 
de  Louvain. 

Associé,  en  remplacement  d'Ambroise  Thomas,  décédé  : 
Vincent  d'Indy,  compositeur,  à  Paris. 

—  La  Classe  procède  ensuite  à  l'élection  de  son  direc- 
teur pour  l'année  1898.  Les  suffrages  se  portent  sur 
M.  Charles  Tardieu,  membre  de  la  section  des  sciences 
et  des  lettres  dans  leurs  rapports  avec  les  beaux-arts. 
M.  Tardieu  remercie  pour  cette  marque  de  bienveillance. 

M.  Radoux,  directeur  sortant,  exprime  ses  sentiments 
de  gratitude  pour  l'honneur  d'avoir  été  appelé  à  diriger 
les  travaux  de  la  Classe  pendant  l'année  1896.  Il  ajoute 
qu'il  conservera  le  plus  vif  souvenir  du  concours  qu'il 
a  rencontré  dans  la  Classe  pour  faciliter  sa  tâche.  Il 
installe  ensuite  au  fauteuil  M.  Vinçotte,  lequel  remercie 
M.  Radoux  pour  la  manière  dont  il  s'est  acquitté  de  son 
mandat  et  surtout  pour  le  discours  qu'il  a  prononcé  en 
séance  publique. 

M.  Vinçotte  invite  M.  Tardieu  à  venir  prendre  place  au 
bureau. 


(87  ) 


OUVRAGES   PRÉSENTÉS. 


Radoux  (J.-Th.).  La  musique  et  les  écoles  nationales,  dis- 
cours. Liège,  1896;  extr.  in-8°  (20  p.). 

Petermann  (A.).  Station  agronomique  et  laboratoires 
d'analyses  de  l'État,  1871-181)13.  Rapport  au  Ministre  de 
l'Agriculture.  Bruxelles,  1896;  in-8°  (84  p.,  pi). 

De  Vuyst  (P.).  Cultures  spéciales.  Expériences  de  Bors- 
beke  Iez-Alost,  1890-1896.  Rapports.  Louvain,  1896  ;  in-8° 
(238  p.). 

Navez  (Louis).  Waterloo,  deuxième  édition.  Bruxelles, 
1896;  in-8°  (183  p.,  14  photogravures,  2  cartes  et  une 
réduction  photolithographique  de  la  notice  historique  de 
Craan). 

Sermre(C.-A.).  Les  monnaies  des  Voconces.  Essai  d'attri- 
bution et  de  classement  chronologique.  Paris,  1896;  extr. 
in-8°  (95  p.). 

Lameere  (Aiuj.).  Essai  sur  l'origine  et  les  attributions  de 
l'audiencier  dans  les  anciens  Pays-Bas.  Dissertation.  Bru- 
xelles, 1896;  in-8°(78p.). 

Willems  {Jos.).  Essai  sur  la  responsabilité  civile  (articles 
1382-1386  du  Code  civil).  Paris-Louvain,  1896;  in-8° 
(184  p.). 

—  La  loi  Aquilienne,  théorie  du  dommage  aux  choses  en 
droit  romain.  Louvain,  1896  ;  in-8°  (112  p.). 

Meerl  (//.).  Distels.  Proeve  van  taalzuivering,  te  gebrui- 
ken  bij  het  onderwijs  in  de  nederlandsche  taal.  Bruxelles, 
1897;in-8°(186p.). 

Bruxelles.  Société  belge  d'astronomie.  Annuaire  pour 
l'an  1897.  Guide  de  l'amateur,  deuxième  année.  1897  ; 
pet.  in-8°. 


(  88  ) 

Bruxelles.  Ministère  de  l'Intérieur.  Statistique  médicale 
de  l'armée  belge,  1895-1896;  gr.  in-8°. 

—  Ministère  de  l'Agriculture.  Rapports  des  commissions 
médicales  provinciales,  1895. 

—  Ministère  des  Finances.  Catalogue  des  bibliothèques. 
Bruxelles,  1896;  gr.  in-8°. 

—  Ministère  de  l'Industrie  et  du  Travail.  Travail  du 
dimanche,  volume  V;  pays  étrangers.  Rapports,  1896. 

—  Bibliothèque  royale  de  Belgique.  Rapport  adressé  à 
M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
sur  la  situation  de  la  Bibliothèque  durant  les  années  1894- 
1895;  par  M.  Ed.  Fotis,  conservateur  en  chef.  1896. 

Gand.  Dietsche  Warande.  Tijdschrift  voor  Schoone-kunst, 
enz.,  1896. 

Liège.  Société  de  salubrité  publique  et  d'hygiène.  Bulletin, 
tome  III,  1896. 

Tournai.  Société  historique  et  archéologique.  Annales, 
nouvelle  série,  tome  Ier,  1896. 


Allemagne. 

Berlin.  Archàologische  Gesellschaft,  56.  Programm  : 
Griechisches  Pferdegeschirr  im  Antiquarium  der  kônigli- 
chen  Museen  (Erich  Pernice),  1896  ;  in-4°. 

Hanovre.  Historischer  Verein.  Zeitschrift,  1896. 

Metz.  Académie  des  lettres,  sciences,  etc.  Mémoires, 
1894-1895. 

Leipzig.  Kôn.  Gesellschaft  der  Wissenschaften.  Zur  fùnf- 
zigjàhrigen  Jubelfeier,  1896. 

—  Fùrstlich  Jablowski'sche  Gesellschaft.  Preisschriften, 
mathematische  Section  :  XX.  Détermination  des  inva- 
riants... (A.  Tresse).  Historische  Section  :  XIII.  Die  Koloni- 


(89  ) 

sirung  uml  Germanisirung  der  Gebiele  zwischen  Saale  und 
Elbe,  1896;  gr.  in-8°. 

Stuttgart.  Wurttembergische  /Commission  fur  Landesge- 
schichte.  Hùgelgrâber  auf  der  Schwâbischen  Alb.  (Julius 
von  Fôhr  und  Ludwig  3Iayer),  1893  ;  in-8". 

—  Fundc  antiker  Mùnzen  im  Kônigreich  Wùrttemberg 
(Dr.  Wilhelm  Nestlé),  1893  ;  in-8". 

—  Geschichte  des  Feldzuges  1814  gcgen  Frankreieh, 
unter  besonderer  Berùcksichligung  der  Anteilnahme  der 
kôniglich  wùrttembergischen  Truppen.  (Fritz  von  Hiller), 
1893;  in-8°. 

—  Wurttembergische  Geschichtsquellen  (Dielrich  Schà- 
fer),  Bund  Mil,  1894-1896  ;  3  vol.  in-8°. 

—  Bibliographie  der  wùrttembergischen  Geschichte, 
(Wilhelm  Heyd),  Band  I  und  II,  1895-1896;  2  vol.  in-8». 

Wiesbade.  Nassauischer  Verein  fur  Naturkunde.  Jahrbù- 
cher,  Jahrgang  49. 


Amérique. 

Honoré  {Charles).  Loi  du  rayonnement  solaire.  Monte- 
video, 1896;  gr.  in-8°  (356  p.). 

Mexico.  Republiea  mexicana.  Estadistica  gênerai,  1889  ; 
gr.  in-8°. 

—  Academia  de  ciencias.  Anuario,  1895. 

Washington.  Bureau  of  éducation.  Beport  of  the  commis- 
sioner  of  éducation  for  the  year  1893-1894,  volumes  1 
and  2.  1896. 


(  90  ) 


France. 

Beinach  (Théodore).  Observations  sur  le  système  monétaire 
delphique  du  IVe  siècle.  Paris,  1896;  extr.  in-8°  (8  p.). 

Nadaillac  {Le  marquis  de).  Les  Cliff'Dwellers,  une  mono- 
graphie. Louvain,  1896;  extr.  in-8°  ^66  p.) 

Renault  (B.).  Les  Bactériacées  de  la  houille.  Paris,  1896; 
extr.  in-8°  (3  p.). 

—  Notice  sur  les  Calamariées  (suite).  Autun,  1896  ;  in-8° 

(50  p.,  12  pi.). 

Jacquot  {Albert).  Le  peintre  lorrain  Claude  Jacquard, 
suivi  de:  Un  protecteur  des  arts,  le  prince  Charles-Alexandre 
de  Lorraine.  Paris,  1896:  in-8°  (93  p.). 

Fierens-Gevaerl  {IL).  Essai  sur  l'art  contemporain.  Paris, 
1877;  i n-12(174  p.). 

Paris.  Société  de  l'histoire  de  France.  Journal  de  Jean 
de  Roye  connu  sous  le  nom  de  Chronique  scandaleuse 
(1460-1483);  par  Bernard  de  Mondrot,  tome  IL  1896. 

—  Brantôme,  sa  vie  et  ses  écrits;  par  Ludovic  Lalanne. 
1890. 


Grande-Bretagne  et  colonies  rritanniqles. 

Bickerlow  (A.-W.).  A  new  story  of  the  stars.  S.  1.  n.  d.; 
in-18(20p.). 

—  Keply  to  critics  on  «  a  new  story  of  the  stars  ».  Christ- 
church.  1895;  in-18(16  p.). 

—  Some  récent  évidence  in  favour  of  impact.  Welling- 
ton, 1894;  in-8°(13  p..  1  pi.). 

—  Copie  of  letters  sent  to  «  Nature  »  on  partial  impact. 
New  Zealand,  1879;  in-8°  (16  p.). 


(  91  ) 

Sherrard  (James-K.).  Illustrated  officiai  handbook  to  the 
aquarium,  picture  salon,  and  Muséum  collections.  Mel- 
bourne [1896];  in-4«  (98  p.). 

Law  (Thomas  Graves).  The  archpriest  controversy.  Docu- 
ments rclating  to  the  dissensions  of  the  roman  calholic 
clergy  (1597-1602^.  Edited  from  the  Petyt  M.  SS.  of  the 
Inner  Temple,  vol.  I.  Londres,  1896;  vol.  in-4°  (xxvii- 
248  p.). 

Coghlan  (T. -A.).  A  statistical  account  of  the  seven  colo- 
nies of  Australasia,  1895-1896.  Sydney,  1896;  in-8°  (xm- 
502  p.). 

Londres.  Zoological  Society.  List  of  the  vertebrated  ani- 
mais now  or  lately  living  in  the  gardens  of  the  Society, 
9»  édition,  1896;  in-8°(724  p.). 

—  Nautical  almanac  for  the  year  1900.  Londres,  1896. 

Sydney.  Royal  Society.  Journal  and  proceedings, 
vol.  XXIX,  1895. 


Italie. 

Galilée.  Le  opère  di  Galileo  Galilei,  volume  VI.  Rome, 
1896;  in-4°. 

Salvioni  (E.).  Ricerche  di  Criptocrosi  :  sul  potere  péné- 
trante dei  raggi  X.  Perugia,  1897  ;  extr.  in-8°  (20  p.). 

Cannizzaro  [Stan.).  Scritti  intorno  alla  teoria  molecolare 
ed  atomica  ed  alla  notazione  chimica.  Palerme,  1896;  in-8° 
(387  p.). 

—  Onoranze  al  professore  Stanislao  Cannizzaro  (12  luglio 
1896).  Rendiconto  générale.  Rome,  1896;  in-8°  (103  p.). 


;  92  ) 


Pays-Bas. 

De  Man  (Marie).  L'émission  des  assignats  el  monnaie  de 
nécessité  en  Zélande,  pendant  l'an  I  de  la  République 
batave.  Paris,  1896;  in-8°  (17  p.). 

—  lets  uit  de  geschiedenis  der  zeeuwsche  assignaten 
in  1795.  Amsterdam,  189G  ;  in-8° (34  p.,  2  pi.). 

Otterloo  [A. 'A.  van).  Johannes  Ruysbroeck,  een  bijdrage 
tôt  de  kennis  van  den  ontwikkelingsgang  der  Mystiek, 
opnieuw  uitgegeven  door  J.-C.  van  Slee,  met  een  vvoord 
tôt  inleiding,  van  Paul  Fredericq.  La  Haye,  1896;  in-8° 
(xxiv-391  p.). 

Maestricht,  Société  historique  et  archéologique .  Publica- 
tions, tome  XXXII,  1895. 


Pays  divers. 

Draghicénu  (Math. -M.).  Les  tremblements  de  terre  de  la 
Roumanie  et  des  pays  environnants.  Bucharest,  1896;  in-8° 
(84  p.,  1  carte). 

Sars  (G.-O.).  An  account  of  the  crustacea  of  Norway, 
with  short  descriptions  and  figures  of  ail  the  species,  vol.  II, 
Isopoda,  part  1  and  2.  Bergen,  1896;  in-8°  (40  p.,  16  pi.). 

Madrid.  Observatorio.  Observaciones  meteorologicas, 
1894-1895.  Resumen  de  las  observaciones  meteorologicas, 
1893-1894.  2  vol.  in-8». 


— — ~S~'  &&&&&*>* 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 


DES 


Lettres  et  des  Beaux-Arts  de  Belgique. 

1897.  —  N°  2. 


CLASSE    DES    SCIENCES. 


Séance  du  6  février  1897. 

M.  Alfr.  Gilkinet,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents:  MM.  Éd.  Dupont,  vice-directeur;  le 
baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  Dewalque,  E.  Can- 
dèze,  Al.  Brialmont,  Éd.  Van  Beneden,  C.  Malaise, 
F.  Folie,  Alph.  Briart,  Fr.  Crépin,  J.  De  Tilly,  Ch.  Van 
Bambeke,  G.  Van  der  Mensbrugghe,  W.  Spring,  M.  Mour- 
lon,  P.  Mansion,  P.  De  Heen,  F.  Terby,  J.  Deruyts, 
Léon  Fredericq,  J.-B.  Masius,  membres;  Ch.  de  la  Vallée 
Poussin,  associé;  A. -F.  Benard,  L.  Errera,  J.  Neuberg, 
Alb.  Lancaster  et  G.  Cesàro,  correspondants. 

3mt    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  7 


(  94) 
CORRESPONDANCE. 


M.  Hervé  Faye,  associé  de  la  Classe,  adresse  ses  remer- 
ciements pour  les  sentiments  qui  lui  ont  été  exprimés  à 
l'occasion  de  la  célébration,  le  25  janvier  dernier,  de  son 
cinquantenaire  d'élection  de  membre  de  l'Académie  des 
sciences  de  Paris. 

—  MM.  D.-I.  Mendeléeff,  Beltrami,  Janssen  et  Des 
Cloizeaux  remercient  pour  l'envoi  de  leurs  diplômes 
d'associé. 

—  La  «  Smitbsonian  Institution  »  de  Washington 
annonce  la  mort  de  son  secrétaire  assistant,  George 
Brown  Goode,  décédé  le  6  septembre  dernier. 

—  M.  Gilkinet  dépose  sur  le  bureau  le  discours  qu'il 
a  prononcé  à  l'Université  de  Liège,  le  17  décembre  der- 
nier, lors  de  la  cérémonie  qui  a  eu  lieu  en  mémoire  de 
J.  Delbœuf,  membre  de  l'Académie. 

La  Classe  remercie  M.  Gilkinet  pour  ce  discours,  qui 
ligure  ci-après. 

—  L'Association  générale  pharmaceutique  de  Belgique 
annonce  que  le  huitième  Congrès  international  de  phar- 
macie aura  lieu  à  Bruxelles  au  mois  d'août  prochain. 

—  L'Académie  des  sciences  de  l'Institut  de  Bologne 
envoie  le  programme  du  concours  ouvert  pour  le  prix 
Aid i ni  sur  le  «  Galvanisme  ». 


(  95  ) 

-  L'Académie  royale  des  sciences  de  Turin  envoie  le 
programme  du  onzième  concours  pour  le  prix  Bressa. 

L'Académie  de  Stanislas,  à  Nancy,  envoie  le  pro- 
gramme des  prix  Despeux  et  Herpin  à  décerner  en  1N!)K 
et  en  1899. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 

1°  Ânatomie  du  système  nerveux  de  l'homme,  2e  édition  : 
par  A.  Van  Gehuchten; 

2°  Flora  Balava,  3I5,le  en  516,le  alleveringen. 

—  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Annales  du  Musée  royal  d'histoire  naturelle,  tome  XII  : 
Les  Arachnides  de  Behjique;  par  Léon  Becker  (présente 
par  M.  Éd.  Dupont,  directeur  du  Musée); 

2°  Les  origines  des  }\'allons  et  des  Flamands;  par  Julien 
Kraipont; 

5°  Huit  brochures  sur  la  géologie  de  la  Belgique  ;  par 
Michel  Mourion; 

4°  Onderzoekingen  in  het  physiologisch  Laboralorium  te 
l  trecht,  IV,  4;  par  Th.-W.  Engelmann,  associé; 

5°  Album  de  statistique  graphique  :  démographie  et 
hygiène  de  la  ville  de  Bruxelles;  par  le  D'  E.  Janssens; 

G0  Instructions  pour  effectuer  des  observations  météoro- 
logiques au  Congo;  par  J.  Vincent; 

7°  Sur  la  géométrie  des  courbes  transcendantes;  par 
Ant.  Cabreira,  à  Lisbonne. 

—  Remerciements. 


(  96  ) 

—  Travaux  manuscrits  renvoyés  à  l'examen  : 

1°  Recherches  sur  l'acide  phénoxacétique.  —  Deuxième 
communication  :  Acide  phénoxycinnamique  ;  par  le  docteur 
A.-J.-J.  Vandevelde,  assistant  à  l'Université  de  Garni.  — 
Commissaires  :  MM.  Spring  et  Henry; 

2°  Action  des  vibrations  électriques  sur  quelques  sub- 
stances ;  par  A.  de  Hemptinne.  -  Commissaires  : 
MM.  Spring,  De  Heen  et  Van  der  Mensbrugghe. 

—  Sur  sa  demande,  M.  A.  Renard  est  remis  en  pos- 
session de  son  mémoire  Sur  la  météorite  de  Lesve  et  sur  le 
mode  de  formation  des  météorites  pierreuses,  sur  lequel  il 
n'a  pas  encore  été  fait  rapport. 


Discours  prononcé  au  nom  de  la  Classe  des  sciences,  par 
M.  A .  Gilkinet,  lors  de  la  cérémonie  à  l'Université  de  Liège, 
le  17  décembre  1896,  à  la  mémoire  de  J.  Delbœuf,  membre 
de  l'Académie. 

Respectant  la  volonté  exprimée  par  la  famille,  l'Aca- 
démie royale  de  Relgique  s'était  abstenue  d'exprimer  sur 
la  tombe  de  Joseph  Delbœuf  les  regrets  que  sa  mort 
avait  causés  au  sein  du  corps  académique.  L'Université 
de  Liège  ayant  décidé  de  consacrer  une  séance  solennelle 
ii  l'éloge  de  celui  qui  fut  une  de  ses  illustrations  les  plus 
incontestées,  la  Classe  des  sciences  ne  pouvait  manquer 
de  s'associer  à  cette  cérémonie. 

Élu  membre  correspondant  de  l'Académie  le  14  dé- 
cembre 1877  et  membre  titulaire  le  15  décembre  1887, 
Joseph  Delbœuf  n'a  cessé  d'apporter  au  corps  savant  qui 


(  97  ) 
l'avait  appelé  dans  ses  rangs  le  concours  de  son  activité 
scientifique. 

M.  le  Recteur  de  l'Université  de  Liège  et  M.  le  Doyen 
de  la  Faculté  de  philosophie  ont  caractérisé  d'une  façon 
complète  l'œuvre  de  Delbœuf  et  en  ont  l'ait  ressortir 
l'importance. 

Qu'il  me  soit  permis  de  rappeler,  comme  organe  en 
cette  circonstance  de  la  Classe  des  sciences,  que  plusieurs 
mémoires  très  importants  de  Delbœuf  ont  été  publiés 
par  l'Académie  royale  de  Belgique.  Je  citerai  notamment 
ses  Recherches  théoriques  et  expérimentales  sur  la  mesure  des 
sensations:  une  Théor'œgénérale  de  la  sensibilité;  plusieurs 
mémoires  Sur  la  liberté  et  ses  effets  mécaniques  ;  différents 
travaux  Sur  les  illusions  d'optique,  Sur  le  daltonisme;  enfin, 
Sur  l'hypnotisme  et  ses  effets  curatifs,  etc. 

Savant  aux  vues  larges  et  originales,  Delbœuf  était  prêt 
à  accepter  toutes  les  innovations  qui  lui  paraissaient  justi- 
fiées. Rien  n'échappait  à  son  esprit  critique.  Personne  ne 
savait  mieux  que  lui  analyser  une  théorie  et  mettre  en 
lumière  ses  côtés  faibles;  bien  peu  ont  possédé  au  même 
degré  cette  facilité  extraordinaire  de  travail  dont  témoigne 
l'œuvre  considérable  qu'il  laisse  après  lui. 

En  dépit  du  mal  dont  il  souffrait  depuis  longtemps, 
mal  qui  inquiétait  tous  ses  amis  et  contre  lequel  il  réagis- 
sait avec  une  énergie  extraordinaire,  jusqu'à  ses  derniers 
moments,  Delbœuf  assista  régulièrement  aux  réunions 
académiques.  Quelques  semaines  avant  sa  mort,  il  prenait 
part  encore  aux  travaux  de  la  Classe  des  sciences  et  don- 
nait lecture  d'un  rapport  qu'il  ne  lui  a  pas  été  donné  de 
voir  imprimé. 

L'Université  de  Liège  n'oubliera  pas  le  nom  du  col- 
lègue dont  l'enseignement  et  les  travaux  ont  jeté  sur  elle 
un  si  vif  éclat. 


(98) 

L'Académie  royale  de  Belgique  conservera  la  mémoire 
du  Confrère  dévoué,  du  savant  infatigable  dont  la  vie 
entière  a  été  consacrée  à  la  recherche  de  la  vérité. 


CONCOURS. 


Programme  du   concours  annuel   pour   1898. 

SCIENCES  MATHÉMATIQUES  ET   PHYSIQUES. 

PREMIÈRE    QUESTION. 

Faire  l'exposé  des  recherches  exécutées  sur  les  phénomènes 
critiques  en  physique. 

Compléter  nos  connaissances  sur  cette  question  par  des 
recherches  nouvelles. 

DEUXIÈME    QUESTION. 

Faire  t exposé  et  la  critique  des  diverses  théories  proposées 
pour  expliquer  la  constitution  des  solutions.  Compléter,  par 
des  expériences  nouvelles,  nos  connaissances  sur  cette  ques- 
tion, surtout  en  ce  qui  concerne  l'existence  des  hydrates  en 
solution  dans  l'eau. 

TROISIÈME    QUESTION. 

Apporter  une  contribution  importante  à  l'étude  des  cor- 
respondances (Verwandtschaften)  que  l'on  peut  établir  entre 
deux  espaces. 

L'Académie  accepterait,  par  exemple,  une  étude  des 
connexes  à  deux  séries  de  quatre  variables  homogènes, 
dans  le  sens  des  recherches  de  Clebsch  (voir  Vorlesungen 
iiber   Géométrie,  chapitre  Vil);   de  même,   on   pourrait 


(  99  ) 
répondre   par  une  étude  géométrique  et  analytique  de 
l'équation 

«H  *î  -*•  «îî  *î  ■*■  «33  x«  +  "4«  x\ 

-+-  2ct„  xt  Xj  •+-  2</,j  x,  xs  -+-  2au  x{  xt  -+-  2aH  x,  x, 
-♦-  lau  x4  Xi  -*-  2o5t  x5  x,  =  0, 

dans  laquelle  les  coeflicients  sont  des  fonctions  du  second 
degré  de  variables  ft,  ys,  y3,  y4. 

QUATRIÈME    QUESTION. 

Déterminer  l'influence  exercée  par  le  radical  nitryle  J\02, 
dans  les  composés  aliphatiques,  sur  les  caractères  ou  fonc- 
tions alcool,  éther  haloïde,  oxy-élher,  etc. 


(SCIENCES    NATURELLES. 

PREMIÈRE  QUESTION. 

On  demande  de  nouvelles  recherches,  macrochimiques  et 
microchimiques,  sur  la  digestion  chez  les  plantes  carnivores. 

DEUXIÈME    QUESTION. 

On  demande  des  recherches  physiologiques  nouvelles  sur 
une  fonction  encore  mal  connue  chez  un  animal  invertébré. 

TROISIÈME    QUESTION. 

On  demande  de  nouvelles  recherches  sur  l'organisation  et 
sur  le  développement  d'un  Platode,  en  vue  de  déterminer  s'il 
existe  ou  non  des  rapports  phylogéniques  entre  les  Platy- 
helmes  et  les  Entérocœliens. 

La  valeur  du  prix  attribué  a  la  solution  de  chacune 
de  ces  questions  est  de  six  cents  francs,  à  l'exception 
de  la  quatrième  question  des  sciences  mathématiques 
et  physiques  pour  laquelle  cette  valeur  est  portée  à 
huit  cents  fanes. 


(  100  ) 

Les  mémoires  devront  être  écrits  lisiblement  et  pour- 
ront être  rédigés  en  français  ou  en  flamand.  Ils  devront 
être  adressés,  francs  de  port,  à  M.  le  Secrétaire  perpétuel, 
au  Palais  des  Académies,  avant  le  1er  août  4898. 

L'Académie  exige  la  plus  grande  exactitude  dans  les 
citations;  les  auteurs  auront  soin,  par  conséquent,  d'in- 
diquer les  éditions  et  les  pages  des  ouvrages  cités.  On 
n'admettra  que  des  planches  inédites. 

Les  auteurs  ne  mettront  point  leur  nom  à  leur  ouvrage; 
ils  y  inscriront  seulement  une  devise,  qu'ils  reprodui- 
ront sur  un  pli  cacheté  renfermant  leur  nom  et  leur 
adresse  (il  est  défendu  de  faire  usage  d'un  pseudonyme)  ; 
faute,  par  eux,  de  satisfaire  à  cette  formalité,  le  prix  ne 
pourra  leur  être  accordé. 

Les  mémoires  remis  après  le  terme  prescrit  ou  ceux 
dont  les  auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière 
que  ce  soit,  seront  exclus  du  concours. 

L'Académie  croit  devoir  rappeler  aux  concurrents  que 
les  mémoires  soumis  à  son  jugement  sont  et  restent 
déposés  dans  ses  archives.  Toutefois,  les  auteurs  peuvent 
en  faire  prendre  copie,  à  leurs  frais,  en  s'adressant,  à  cet 
effet,  au  Secrétaire  perpétuel. 


Prix  de  chimie  en  mémoire  de  Jean-Servais  STAS, 

ANCIEN    MEMRRE    DE    LA    CLASSE    DES    SCIENCES. 

Un  prix  extraordinaire,  de  la  valeur  de  mille  francs, 
sera  attribué  à  la  meilleure  solution  du  sujet  suivant  : 

Déterminer,  par  des  recherches  nouvelles,  le  poids  ato- 
mique d'un  ou  de  plusieurs  éléments  pour  lesquels  cette 
constante  physique  est  encore  incertaine  aujourd'hui. 


(  101  ) 

Le  délai  pour  la  remise  des  manuscrits  expirera  le 
1"  août  1897. 

Les  règles  habituelles  des  concours  de  la  Classe  devront 
être  suivies  par  les  concurrents. 

Prix  Charles  Lemaire 
en  faveur  de  questions  relatives  aux  travaux  publics. 

(Troisième  période  :  1895-1897.) 

Extrait  du  testament  mystique  de  M"c  Lemaire  en  date 
du  28  novembre  1890,  fondant  un  prix  à  la  mémoire  de 
son  frère,  ancien  ingénieur  : 

«  Je  donne  à  l'Académie  des  sciences  de  Belgique  la 
»  somme  de  vingt-cinq  mille  francs  pour  que  les  revenus 
»  en  soient  affectés  à  la  formation  d'un  prix  qui  sera 
»  décerné  tous  les  deux  ans,  sous  le  nom  de  prix  Charles 
»  Lemaire,  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  publié  sur 
»  des  questions  relatives  aux  travaux  publics.  » 

En  conséquence,  un  prix  de  quatorze  cent  vingt  francs 
est  attribué,  pour  la  troisième  période  de  ce  concours,  à 
l'auteur  du  meilleur  mémoire  répondant  au  but  de  la 
fondation. 

Seront  seuls  admis  les  ouvrages  présentés  par  des 
auteurs  belges  ou  naturalisés.  Ils  devront  être  rédigés  en 
français  ou  en  flamand,  et  publiés  en  Belgique  pendant 
la  période  du  1er  juillet  1895  au  30  juin  1897. 

Le  délai  pour  la  remise  des  ouvrages  expirera  le 
50  juin  1897;  ils  devront  être  adressés,  francs  de  port, 
à  M.  le  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie,  au  Palais  des 
Académies,  à  Bruxelles. 

Le  résultat  du  concours  sera  proclamé  dans  la  séance 
publique  de  la  Classe  des  sciences,  en  décembre  1897. 


(  102  ) 

Prix  Edouard  Mailly  pour  favoriser  les  progrès 
de  l'astronomie  en  belgique. 

(Deuxième  période  :  1896-1899.) 

Un  prix  de  mille  francs  est  attribué  à  l'auteur  du 
meilleur  ouvrage,  imprimé  ou  manuscrit,  répondant  aux 
vues  du  fondateur. 

Seront  seuls  admis  les  travaux  présentés  par  des 
auteurs  belges  ou  naturalisés. 

Ils  devront  être  rédigés  en  français  ou  en  flamand,  et 
être  adressés,  francs  de  port,  avant  le  51  décembre  1899, 
à  M.  le  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie,  au  Palais  des 
Académies,  à  Bruxelles. 

Les  ouvrages  imprimés  devront  être  publiés  dans  la 
période  précitée. 

Les  travaux  manuscrits  devront  être  datés  et  porteront 
une  devise,  qui  sera  répétée  sur  un  pli  cacheté  renfer- 
mant le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Le  prix  remporté  par  les  ouvrages  manuscrits  ne  sera 
délivré  à  l'auteur  que  contre  la  présentation  du  premier 
exemplaire  imprimé  de  son  travail. 

Le  résultat  du  concours  sera  proclamé  dans  la  séance 
publique  annuelle  de  la  Classe  des  sciences,  en  décembre 
1900. 


RAPPORTS. 


Il  est  donné  lecture  des  rapports  : 

1"  De  MM.  Van  Beneden,  Van  Bambeke,  L.  Fre- 
dericq  et  Errera  sur  les  requêtes  par  lesquelles  M.  le 
l)r  Paul   Masoin,   assistant   à   l'Université  de  Gand   et 


(  «03  ) 
M.  le  D'  Taquin,   membre  de   l'expédition  antarctique; 
belge,  sollicitent  de  pouvoir  bénéficier,  cette  année,  de  la 
table  réservée  à  la  Belgique  à  la  station  zoologique  de 
Naples. 

—  Communication  des  rapports  à  M.  le  Ministre  de 
l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique. 

2°  De  MM.  De  Heen,  Spring  et  Van  der  Mensbrugghe 
sur  des  notes  de  M.  A.  de  Hemptinne  intitulées  :  Études 
sur  les  effluves  électriques  et  sur  le  spectre  de  quelques 
vapeurs.  —  Impression  dans  les  Mémoires  in-8". 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


Réflexions  sur  l'aberration  planétaire;  par  F.  Folie, 
membre  de  l'Académie. 

1.  —  Soit  un  point  lumineux  P  au  repos  à  l'instant  T. 

Si  un  observateur  au  repos  est, 
au  même  instant,  en  0,  il  verra  P    0"  P  F' 

dans  la  direction  vraie  OP. 

S'il  est  en  mouvement,  et  si         \         ;    \ 
la  vitesse  de  la  lumière  était  infi- 


nie, il  en  serait  encore  de  même. 

Mais  la  vitesse  de  la  lumière  Y  \L~         -K', 

étant  lime,  si  un  rayon  lumineux, 
parti  de  P  à  l'instant  T,  arrive  FlG-  *" 

à  T  -t-  8  =  t  en  0',  en  même  temps  que  l'observateur 
qui  est  parti  à  l'instant  T  du  point  0,  PO'  sera  la  direc- 
tion vraie  du  rayon  lumineux  dont  la  direction  apparente 


(  104  ) 
est  PO  ou  PO;  or,  au  même  instant  T,  le  point  lumi- 
neux et  l'observateur  sont  respectivement  en  P  et  en  0  ; 
au  temps  T  -t-  9  =  *,  l'observateur  est  en  0'  :  la  direction 
apparente  à  l'instant  t  est  donc  la  même  que  la  direction 
vraie  à  l'instant  T. 

Telle  est  la  théorie  de  l'aberration  de  la  lumière  émise 
par  un  point  fixe. 

Tl  est  à  remarquer  que  la  direction  apparente  peut  se 
trouver  en  composant  la  vitesse  PO'  de  la  lumière  avec  la 
vitesse  PO"  de  l'observateur  prise  en  signe  contraire. 

"2.        Soient  maintenant  deux  points  lumineux  Pt,  P2, 
et  un  observateur  0  placé  sur  la 
P  P     droite  qui  les  réunit,  à  égale  dis- 

tance des  deux  points,  et  suppo- 
/    /  S         sons  le   système   PiOP2    animé 
;'/'     /  d'un  même  mouvement  rectiligne 

°,f- :'°  et  uniforme. 

Ici   nous   aurons   deux  hvpo- 
/     ',    /  thèses  à  examiner. 


T2  "P2  I.  La  direction  du  rayon  lumi- 

FlG  2_  neux  émis  par  un  point  en  mou- 

vement n'est  pas  influencée  par  le  mouvement  de  ce 
point,  hypothèse  admise  par  presque  tous  les  astrono- 
mes et  par  la  grande  majorité  des  physiciens. 

II.  La  direction  de  ce  rayon  est  celle  de  la  résultante 
de  la  vitesse  de  la  lumière  et  de  la  vitesse  du  point  lumi- 
neux. 

Imaginons  un  tube  absolument  capillaire  réunissant 
le  point  0  aux  points  Pt  et  P2,  et  dont  l'intérieur  absorbe 
complètement  la  lumière. 


(   105  ) 

a.  Dans  l'hypothèse  I,  les  rayons  lumineux  partis  de 
Pi  et  de  P2  vers  0  seront  absorbés  par  les  parois  du  tube, 
;i  cause  du  mouvement  de  celui-ci  dans  la  direction  00'. 

a'.  Dans  l'hypothèse  II,  ces  rayons  parcourront  le 
tube  comme  si  tout  le  système  était  en  repos;  car,  étant 
animés  des  vitesses  simultanées  PO  et  PP',  ils  parcour- 
ront la  diagonale  PO'  comme  le  ferait  un  point  matériel 
lancé  dans  le  tube  avec  la  vitesse  PO  et  entraîné  dans  le 
mouvement  de  celui-ci  ;  ils  arriveront  donc  en  0'  en 
même  temps  que  0,  lorsque  P4  et  P2  arriveront  en  Pt' 
et  P2\ 

Supposons  notre  tube  capillaire  percé  dans  un  écran 
qui  s'étendrait  dans  la  direction  opposée  à  celle  de  PP'. 

b.  Dans  l'hypothèse  I,  les  rayons  lumineux  partis  de 
Pj  et  de  P2  vers  0  n'arriveront  pas  à  l'observateur,  et 
ceux  qui  partiraient  dans  les  directions  Pt0',  I\20'  seront 
interceptés  par  l'écran. 

b'.  Dans  l'hypothèse  II,  ces  rayons  seront  visibles 
(voir  a'). 

Les  deux  conséquences  a',  b'  sont  confirmées  par  les 
observations  des  mires  terrestres. 

Les  conséquences  a,  b  nous  paraissent  absolument 
fausses  (*). 

(*)  On  pourrait  vérifier  le  fait  au  moyen  de  l'expérience  suivante, 
dont  l'idée  nous  est  venue,  à  M.  Spée,  l'un  des  astronomes  de  l'Obser- 
vatoire, et  à  moi,  dans  nos  conférences  sur  ce  sujet. 

Soit  un  faisceau  lumineux  traversant  une  ouverture  de  1  millimètre 
de  diamètre  a  percée  dans  un  écran  A,  et  deux  ouvertures  semblables 
b,  c  rigoureusement  en  ligne  droite  avec  a,  percées  aux  extrémités 
d'un  canal  bc  traversant  la  pièce  B. 

On  s'assure  qu'on  voit  le  faisceau  lumineux  au  moyen  de  la 
lunette  /,  située  à  30  mètres  de  l'ouverture  c. 

On  interpose  ensuite  sur  le  trajet,  près  de  la  lunette,  une  pièce  D 


(  i06  ) 

Or  les  raisonnements  qui  précèdent  sont  tout  à  lait 
indépendants  de  la  distance  du  point  lumineux  à  l'obser- 
vateur; il  suffit,  pour  qu'ils  soient  applicables,  que  les 
distances  O'P  et  O'O  soient  respectivement  proportion- 
nelles aux  vitesses  de  la  lumière  et  de  l'observateur. 

Ces  conséquences  peuvent  donc  s'appliquer  au  cas  où 
le  point  lumineux  P  est  remplacé  par  une  planète. 

Elles  conduisent  à  ce  corollaire  fondamental,  qui  est 
considéré  comme  un  axiome  en  mécanique  rationnelle  : 

Corollaire.  —  Dans  la  théorie  de  l'aberration,  il  est 
permis  d'animer  tous  les  points  du  système  d'une  vitesse 
identique  (en  grandeur  et  en  direction),  sans  altérer  en  rien 
les  phénomènes  relatifs  qui  se  produisent  dans  le  système, 
à  la  condition  de  restituer  au  système  cette  même  vitesse 
prise  en  signe  contraire. 

3.  —  Supposons,  en  troisième  lieu,  un  observateur  eu 
-pi         repos  au  point  0,  et  un  point  P, 
u       :  qui  devient  lumineux  à  l'instant 

T,  et  qui  se  dirige  vers  P'  avec 
une  vitesse  v. 

Le  rayon  lumineux  que  le  point 

0'"  0  P  aurait  émis,  au  repos,  dans  la 

Fig.  3.  direction  PO',  arrivera  en  0  avec 


percée  de  deux  ouvertures  d,  c  semblables  à  b,  c,  et  rigoureusement 
en  ligne  droite  arec  celles-ci. 

Si  la  lumière  participe  du  mouvement  de  la  source,  c'est-à-dire  do 
la  vitesse  de  la  Terre,  on  la  verra  encore  dans  le  dernier  dispositif: 
sinon,  non. 

Car  la  pièce  D  ayant  avancé  de  3  millimètres  dans  le  dix-mil- 
lionième de  seconde  pendant  lequel  le  rayon  lumineux,  supposé 
animé  de  la  seule,  vitesse  de  la  lumière,  a  francbi  la  distance  ad, 
viendra  frapper  les  parois  de  la  pièce  D  et  n'arrivera  pas  à  la  lunette. 


Y 


W 


(  <07  ) 
une  vitesse  V,  résultante  de  la  vitesse  V  de  la  lumière  et  de 
la  vitesse  v  du  point  lumineux,  à  l'instant  ï  -+-  0,  0  étant 

,        ,    ,     PO 

égal  a  yf 

L'observateur  voit  donc  le  point  lumineux  en  P  à 
l'instant  où  celui-ci  est  arrivé  en  P\ 

Examinons  les  conséquences  qui  résultent  de  la  com- 
binaison des  cas  1  (point  immobile,  observateur  mobile) 
et  5  (point  mobile,  observateur  immobile). 

Dans  le  cas  I,  pour  trouver  la  direction  apparente, 
on  peut  supposer  le  point  lumineux  animé  d'une  vitesse 
égale  et  contraire  à  celle  de  l'observateur  :  la  résultante 
de  cette  vitesse  et  de  la  vitesse  absolue  de  la  lumière  dans 
la  direction  vraie  sera  la  direction  apparente. 

Dans  le  cas  3,  pour  trouver  la  direction  apparente,  il 
suffit  de  composer  la  vitesse  absolue  de  la  lumière  dans  la 
direction  vraie  avec  la  vitesse  du  point  lumineux. 

4.  —  Si  le  point  lumineux  P  et  l'observateur  0'  sont 
animés  de  vitesses  égales,  parallèles  et  de  même  sens, 
en  appliquant  successivement  les  deux  règles  précédentes, 
le  rayon  vrai  PO  deviendra  PO  ou  O'P. 

La  direction  apparente  se  confondra  donc  avec  la  vraie 
dans  ce  cas,  qui  est  celui  des  mires. 

Cette  conséquence  est  conforme  à  la  précédente  a'. 

Mais  il  y  a  un  résultat  assez  important  à  en  tirer. 

Si  l'on  déduit  la  vitesse  de  la  lumière  d'expériences 
directes,  comme  l'ont  fait  Fizeau,  Foucault,  Michelson, 
Cornu,  on  doit  tenir  compte  de  la  vitesse  v  de  la  mire 
à  l'instant  de  l'observation,  et  considérer  la  vitesse  V, 
donnée  par  celle-ci,  comme  la  résultante  de  la  vitesse  V 
de  la  lumière  et  de  cette  vitesse  v . 

Au  nombre  des  composantes  de  cette  dernière  doit 


108 


figurer  la  vitesse  de  transport  du  système  solaire  dans 
l'espace.  Le  procédé  théoriquement  le  plus  certain  pour 
déterminer  directement  la  vitesse  de  la  lumière  consiste 
donc  à  faire  l'expérience  vers  l'époque  à  laquelle  la  Terre 
se  meut  dans  une  direction  opposée  à  celle  de  l'Apex. 


P^ 


v- 


5.  —  Le  corollaire  précédent  servira  de  base  à  la  théo- 
rie de  l'aberration  planétaire. 

Soient  P  et  0  les  positions  de  la  planète  et  de  l'obser- 
vateur à  l'instant  T,  Pp  et  Ou 
représentant  leurs  vitesses  res- 
pectives. J'anime  tout  le  système 
d'une  vitesse  Oo'  égale  et  directe- 
ment contraire  à  Vp. 

La  planète  P  pourra  être  consi- 
dérée comme  au  repos,  et  l'obser- 
vateur 0  comme  animé  de  la 
vitesse  00'. 

Le  cas  de  l'aberration  plané- 
taire est  ainsi  ramené  au  cas  de 
l'aberration  des  fixes,  traité  au  commencement  de  cette 
note.  Et  l'on  reconnaît  immédiatement  que  la  seule 
différence  entre  la  théorie  de  Gauss  et  celle  que  nous 
avons  exposée,  consiste  en  ce  que,  dans  la  première, 
le  rayon  lumineux  arrive  à  l'observateur  avec  la  seule 
vitesse  de  la  lumière,  dans  la  seconde,  avec  la  résultante 
de  cette  vitesse  et  de  celle  de  la  planète. 

Ce  que  nous  disons  des  planètes  est  également  appli- 
cable aux  étoiles.  Seulement,  comme  les  mouvements 
propres  (objectifs)  des  étoiles  nous  sont  inconnus,  force 
nous  est  de  considérer  celles-ci  comme  fixes.  Mais  on  ne 
doit  pas  être  surpris  de  trouver,  par  différentes  étoiles, 
différentes  valeurs  de  la  constante  de  l'aberration. 


(109) 
Il  est  probable,  toutefois,  d'après  les  connaissances 
que  nous  possédons  sur  ces  mouvements  propres,  que  la 
différence  entre  la  valeur  déduite  de  l'observation,  pour 
la  constante  de  l'aberration  (rapport  de  la  vitesse 
moyenne  de  la  Terre  à  celle  de  la  lumière),  et  la  valeur 
correcte  de  ce  rapport,  ne  portera  que  sur  le  chiffre  des 
millièmes  de  seconde. 

(5.  —  Depuis  six  ans,  nous  avons  critiqué,  sans  la 
moindre  hésitation,  les  formules  dont  les  astronomes 
font  usage  quant  aux  variations  de  coordonnées  qui  pro- 
viennent du  mouvement  de  l'axe  de  la  Terre.  Mais  ce 
1  n'est  pas  sans  avoir  longuement  médité  le  sujet  que  nous 
nous  sommes  décidé  à  combattre  la  théorie  de  l'aberra- 
tion proposée  par  les  astronomes  géomètres  les  plus 
perspicaces  du  siècle. 

L'étude  de  cette  théorie  n'exige  point,  à  la  vérité,  les 
mêmes  connaissances  analytiques  et  mécaniques  que 
l'étude  du  mouvement  de  rotation  de  la  Terre;  par  contre, 
elle  est  beaucoup  plus  subtile,  et  ce  n'est  pas  d'une  façon 
bien  nette  que  des  astronomes  très  distingués,  comme 
Herschel  et  Y.  Villarceau,  et  même  des  physiciens  éminents 
se  sont  prononcés  sur  l'indépendance  entre  la  vitesse  de 
la  lumière  et  celle  de  la  source  lumineuse  d'où  elle 
émane. 

Le  caractère  élémentaire  de  la  présente  note  permettra 
à  tout  astronome  ou  physicien,  même  peu  géomètre, 
d'en  suivre  la  lecture,  et  de  nous  réfuter  si  nos  raisonne- 
ments sont  incorrects. 

Le  sujet  en  vaut  la  peine  :  en  effet,  s'ils  sont  corrects, 
et  qu'on  veuille  effectuer  des  réductions   très  précises 

Ûme   SÉRIE,    TOME    XXXIU.  K 


(  HO  ) 

quant   à  l'aberration,   bien   des   calculs  devraient  être 
repris  à  nouveau. 

Nous  espérons  que  les  physiciens  et  les  astronomes 
voudront  bien  se  donner  la  peine  de  méditer  ces  quelques 
pages,  et  nous  faire  l'honneur  de  les  réfuter,  si  la  théorie 
admise  jusqu'à  ce  jour  leur  paraît  irréprochable. 


Sur  la  monochlorhydrine  glycérique  d'origine  allylique  (*)  ; 
par  Louis  Henry,  membre  de  l'Académie. 

Je  me  suis  occupé  autrefois,  au  cours  de  mes  recherches . 
sur  les  composés  glycériques,  des  produits  d'addition  de 
l'acide  hypochloreux  au  propylène  (**)  et  aux  composés 
allyliques  (***).  Ceux-ci  fournissent,  dans  ces  conditions, 
des  composés  glycériques. 

Je  crois   avoir   démontré   expérimentalement,    d'une 

Cil 

manière  suffisante,  que  le  système    m       des   composés 

CHt> 


allyliques  se  transforme,  en  s'ajoutant  à  l'acide  hypo- 

i 

CHf'l 
chloreux,  dans  le   système  chloro-hydroxvlé    i 

CH2-OH 

des  dérivés  glycériques.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ma  démon- 

O  La  présente  notice  est  ancienne,  car  elle  date  de  1878;  je  ne  sais 
pour  quel  motif  elle  n'a  pas  été  publiée  à  cette  époque.  Depuis  lors, 
je  l'avais  complètement  oubliée,  lorsqu'il  y  a  peu  de  jours,  je  l'ai 
retrouvée  au  milieu  d'autres  papiers  scientifiques. 

Le  temps  ne  lui  a  pas  fait  perdre,  ce  me  semble,  de  son  intérêt,  et 
je  ne  crois  pas  inutile  de  la  livrer  aujourd'hui  à  la  publicité. 

(")  Comptes  rendus,  etc.,  t.  LXXIX  et  t.  LXXXII. 

("*)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  2«  sér.,  t.  XXXVII,  pp.  357 
et  suiv.;  pp.  521  et  suiv.  (1874). 


{  m  ) 

stratioD,   M.   Hanriol  a  mis  en  doute  la  nature  de   la 
monochlorhydrine  glycérique  résultant  de  l 'addition  de 

OH  -  Cl  à  l'alcool  allvlique.  Voici  ce  qu'on  lit,  en  effet, 

dans  un  mémoire  publié  par  ce  savant  dans  le  BuUelin  de 

la  Société  chimique  de  Paris  (*)  : 

«  Il  est  probable  que  l'action  de  l'acide  hypochloreux  sur 

»  l'alcool aUylique donne  l'isomère  cherché», — il  s'agit  de  la 

monochlorhydrine  bi-primaireCH2(OH)-CHCl-CH2-(OH), 

-  «  mais  la  constitution  du  produit  obtenu  dans  ces  con- 

»  ditions  n'a  pas  été  nettement  établie.  » 

Je  ne  partage  pas  les  doutes  que  conserve  M.  Hanriol 

sur  la  constitution  de  la  monochlorhydrine  que  j'ai  obtenue 

et  décrite  précédemment,  par  l'addition  de  l'acide  (OH)CI 

à  l'alcool  allylique;  le  but  de  la  présente  notice  est  de 

montrer  qu'ils  ne  sont  pas  fondés,  et  je  me  propose  de 

démontrer  que  Y  analogie  et  les  faits  autorisent  à  attribuer 

à  ma  monochlorhydrine  la  constitution  exprimée  par  la 

formule 

Ch\OH) 


i 
CUCI 


CHâ(OH). 

El  d'abord  l'analogie.  J'ai  démontré,  par  des  expériences 
directes,  que  lors  de  l'addition  de  l'acide  hypochloreux  - 
et  même  de  l'acide  hypobromeux  —  tant  au  propylène 
qu'à  ses  dérivés  primaires  de  substitution,  c'est-à-dire  les 
composés  allyliques 

CH3  CH,X 

C3tl6     CH  C3IISX     Cil 

il  il 

Cil,  Cll2, 


(*)  T.  XXIX,  p.  399. 


(  112  ) 
le  corps  halogène,  chlore  ou  brome,  se  fixe  sur  le  chaî- 
non -  CH  =  et  l'hydroxyle  sur  le  chaînon  =  CH.2,  donnant 
ainsi  un  dérivé  alcoolique  primaire  susceptible  d'être 
transformé  en  un  acide  C3  sous  l'action  de  l'acide  azo- 
tique. La  monochlorhydrine  propylénique  C3H6 -+- (OH)Cl 
m'a  fourni  l'acide  monochloro-propionique 

CO^OII) 

i 

CHCI 

i 

CIV, 

la  dichlorhydrine  (C3H5)C1  4-  (OH)CI  m'a  donné  l'acide 
bichloro-propionique 

COOI1 

i 

CHCI 

i 

Cu\CI; 

les  chloro-bromhydrines  (C3H3)Br  -+-  (OU)Cl  et  (C3H5)C1 
-+-  (OH)Br  ont  produit  respectivement  les  acides  chloro- 
bromo-propioniques  (*) 

COOH  COOI1 

i  i 

CHCI  et                CHBr 

i  i 

CHjBr  CHaCI. 

En  présence  de  ces  faits,  il  est  légitime  d'admettre  que 
le  dérivé  hydroxylé  correspondant  à  ces  dérivés  haloïdes, 

(*)  Ces  deux  acides,  dont  j'ai  fait  connaître  l'existence  ('),  ont  été 
étudiés  plus  tard  dans  mon  laboratoire  par  M.  U.  Massalski.  Les 
résultats  des  recherches  de  M  Massalski  sont  consignés  dans  la  dis- 
sertation inaugurale  qu'il  a  présentée  à  la  Faculté  des  sciences  de 
l'Université  de  Louvain  pour  l'obtention  du  grade  de  docteur  en 
sciences  chimiques. 

(«)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  t.  XXXY'It,  2«  séi\,  p.  521  (mai  1874). 


(  "3  ) 
c'est-à-dire  l'alcool  allylique  C3Hg  (OH),  se  comporte  ave» 
l'acide  (OII)Cl  comme  ces  dérivés  haloïdes  eux-mêmes,  et 
que  son  produit  d'addition  a  une  constitution  identique 
à  celle  des  produits  qu'ils  fournissent  eux-mêmes,  c'est- 
à-dire  que  la  monochlorhydrine  (C3H;)OH  +  (OH)Cl 
répond  à  la  formule 

CH.OII 

i 

CHCI 
i 
CILOI! 


Quant  aux  faits,  deux  méthodes  se  présentent  pour 
déterminer  la  position  du  chlore  dans  ce  composé  :  l'oxy- 
dation et  la  réduction. 

Une  monochlorhydrine  de  cette  nature  doit  fournir 
par  oxydation   un    acide   bihasique,   l'acide   malonique 

monochloré  CqH  -  CHCI  -  CqH>  J'ai  tenté  cette  réaction 
autrefois,  mais  sans  succès;  en  oxydant  cette  monochlor- 
hydrine d'origine  allylique  par  l'acide  azotique  dans  les 
conditions  ordinaires,  j'ai  obtenu  de  l'acide  oxalique. 

Cet  insuccès  n'a  d'ailleurs  rien  de  surprenant,  et  la 
formation  de  l'acide  oxalique  correspond  à  l'existence 
dans  ce  composé  d'un  chaînon  médian  CHCI;  je  ferai 
remarquer  que  l'oxydation  par  l'acide  azotique  de  la 
monochlorhydrine,  éther  haloïde  primaire  CH^Cl-CH-OIl 

-CH2-OH,  fournit  l'acide  acétique  monochloré  ^  -  oïl 

-CH2CI. 

J'ai  soumis  à  l'action  réductrice  de  l'amalgame  sodique 
en  présence  de  l'eau,  la  monochlorhydrine  allylique  el 
j'en  ai  obtenu  le  glycol  propylénique  biprimaire  CH2OH 
-  CH.2-CH2-OH.  Voici  quelques  détails  au  sujet  de  cette 
opération. 


(  H4  ) 

La  monochlorhydrine  a  été  dissoute  dans  l'alcool  for- 
tement aqueux  additionné  d'acide  chlorhydrique,  et  on  y 
a  introduit,  par  portions  successives,  une  quantité  d'amal- 
game sodique  beaucoup  plus  considérable  que  la  quantité 
théoriquement  nécessaire,  en  ayant  soin  de  maintenir  la 
liqueur  acide.  L'addition  du  carbonate  potassique  sépare 
de  la  liqueur  l'alcool  qui  tient  en  dissolution  le  glycol  pro- 
pvlénique  formé.  Par  la  distillation,  on  obtient  celui-ci 
sous  forme  d'un  liquide  exempt  de  chlore  et  bouillant 
vers  210°. 

On  sait  que  la  monochlorhydrine  ordinaire  CtLCl-CH 
-OH-CH2-OH  fournit  dans  ces  conditions  du  glycol 
isopropylénique  CH2  -  OH  -  CH  -  OH  -  CH3  bouillant  à 
188°  (*)". 

J'ajouterai,  en  terminant,  un  mot  encore  au  sujet  de  la 
monochlorhydrine  C3H5-OH  -+-  OHC1.  J'ai  dit  dans  mon 
travail  sur  les  produits  d'addition  de  l'acide  hypochloreux 
aux  composés  allyliques,  que  le  rendement  de  cette  opé- 
ration est  faible.  Cette  assertion  n'est  exacte  qu'en  appa- 
rence. J'ai  retiré  autrefois  le  produit  formé  par  l'addition 
de  OHC1  à  C-H--OH  par  l'éther.  Or,  les  monochlorhy- 
drines  glycériques  ne  se  dissolvent  pas  ou  fort  peu  dans 
l'éther.  En  remplaçant  l'éther  par  l'alcool  avec  le  carbo- 
nate bipotassique,  j'ai  obtenu  des  résultats  beaucoup  plus 
avantageux  et  un  rendement  en  monochlorhydrine  satis- 
faisant. 

Cette  monochlorhydrine  bouillait  vers  200°;  elle  avait 
pour  densité  à  18", 8,  1,31,  et  pour  densité  à  l'état  de 
vapeur,  5,(36;  la  densité  calculée  est  3,81. 

(*)  H.-L.  Buff,  Liebig's  Annalen  der  Cfiemie,  etc.,  Supplément, 
t.  V,  p.  249(1867). 


(  US  ) 

.Sur  l'alcool  nitro-propylique  primaire 
(HO)Cl!,-(:il(NO,)-CH3; 

par  Louis  Henry,  membre  de  l'Académie. 

Je  me  suis  occupé,  dans  diverses  communications  anté- 
rieures (*),  de  la  condensation  des  aldéhydes  alipha- 
tiques  avec  les  paraffines  nitrées,  réaction  qui  donne  lieu 
à  des  alcools  nitrés,  renfermant   le  système   bicarboné 

(N02)C-C(0H). 
i 
J'ai  constaté  que  la  capacité  réactionnelle  des  nitro- 

paraffines  vis-à-vis  des  aldéhydes,  et  notamment  vis-à-vis 

du  me'thanal   rUC  =  0,   l'aldéhyde  par   excellence,   est 

déterminée  par  le  nombre  des  atomes  d'hydrogène  hvés 

sur  l'atome  de  carbone  auquel  est  lui-même  attaché  le 

radical  nitryle  NO^,  et  égal  à  ce  nombre. 

Alors  qu'elle  est  multiple,  cette  aptitude  à  la  conden- 
sation peut  s'opérer,  comme  la  saturation  des  bases  et  des 
(aides  polyvalents,  de  deux  façons  différentes  :  en  une  fois 
et  d'une  manière  complète,  ou  d'une  manière  partielle  et 
successive,  en  plusieurs  fois. 

En  ce  qui  concerne  spécialement  le  nitro-étltane 
CH5-CHç)(N02),  composé  bivalent,  j'ai  déjà  fait  connaître 
le  produit  de  sa  condensation  totale  avec  le  méthanal  (**), 


(*)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  sér.,  t.  XXIX,  p.  834:  t.  XXX, 
p.  25  (1895);  t.  XXXII,  p.  17  (18%). 
f)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  sér.,  t.  XXX,  p.  25  (1895). 


c'est-à-dire    le   qlycol    isobutylique    mononitré    tertiaire 
ncn  \r  s  (CH2  "  0H)2 

Je  m'occuperai  dans  la  présente  notice  du  produit 
d'une  condensation  incomplète  de  ce  corps  avec  la  môme 
aldéhyde,  c'est-à-dire  de  l'alcool  nitro-propylique  primaire 
(HO)CH2  -  CH(N02)  -  CH3. 

Ce  corps  résulte  de  la  fixation  d'une  seule  molécule  de 
méthanal  sur  la  molécule  de  l'éthane  mononitré.  La 
réaction  s'accomplit,  au  sein  de  l'eau,  avec  un  dégage- 
ment de  chaleur  sensible,  sous  la  stimulation  du  carbo- 
nate bipotassique. 

Il  se  forme  en  même  temps,  comme  il  fallait  s'y 
attendre,  une  certaine  quantité   de  glycol  isobutylique 

mononitré  (N02)C  <  Vj^  "  '"2,  produit  de  la  réaction 
du  méthanal  sur  l'alcool  nitro-propylique  formé  tout 
d'abord. 

Voici  le  détail  d'une  opération  : 

Dans  50  grammes  de  la  solution  aqueuse  du  méthanal 
à  55  °/0,  additionnés  d'environ  leur  volume  d'eau,  on  a 
introduit  25  grammes  de  nitro-éthane.  Celui-ci  tombe  au 
fond  du  mélange  liquide.  On  ajoute  quelques  petits  frag- 
ments de  carbonate  bipotassique  et  on  agite  vivement. 
La  réaction  s'accomplit  petit  à  petit  et  la  température 
s'élève  d'environ  une  trentaine  de  degrés.  La  couche 
insoluble  du  nitro-éthane  disparait  en  grande  partie. 

Cette  opération  a  été  faite  plusieurs  fois  et  l'on  a  réuni 
les  masses  liquides. 

On  extrait  les  produits  nitro-alcooliques  formés  à  l'aide 
del'éther;  après  l'expulsion  de  celui-ci  par  distillation 
au  bain  d'eau,  il  reste  un  liquide  épais  et  visqueux,  à  peu 
près  incolore. 


(  M7  ) 

On  l'abandonne  pendant  quelque  temps  sur  l'acide 
sulfurique  dans  le  vide,  puis  on  le  soumet  à  l'action  d'un 
mélange  réfrigérant  de  glace  et  de  sel.  La  plus  grande 
partie  du  glycol  nitro-isobutylique  formé  se  sépare  à 
l'état  cristallin. 

Le  liquide  restant  est  soumis  à  la  distillation  sous 
pression  raréfiée;  on  recueille  ce  qui,  sous  la  pression  de 
50  à  40  millimètres,  passe  de  120°  à  135°.  Il  ne  reste  que 
peu  de  produit  solide  dans  le  ballon  à  distillation. 

Une  seconde  rectification  du  produit  distillé  donne  un 
produit  pur,  passant  fixe  à  120"- 122°  sous  la  pression  de 
52  millimètres. 

Le  nitro-propanol  primaire  (HO)CrL>  -  CH(N02)  -  CH3 
ainsi  préparé  a  donné  à  l'analyse  les  résultats  suivants  : 


Azote 

Substance. 

Trouvé.                Calculé. 

l  . 

11. 

.     .     .         08r,5106 
.     .     .         0«r,3G79 

13,20%     | 

>     1o,û3  7 
13,12  •/.     j 

La  détermination  de  son  poids  moléculaire  par  la  mé- 
thode cryoscopique  dans  l'eau  a  fourni  les  chiffres  sui- 
vants : 


Abaissement 

Poids 

du  point 

molécu- 

Substai 

ice. 

de  congélation. 

laire. 

Moyenne. 

1    . 

0gr,3009 

0°,215 

103,5 

H    . 

. 

0«r,6260 

0°,425 

113,0 

108,3 

III  . 

. 

CKr,9457 

0%650 

107,0 

IV  . 

. 

lev2G29 

0°,850 

110,0 

(  H8  ) 
Le  poids  moléculaire  calculé  est  105  (*). 
L'alcool  nitro-propylique  primaire  (H0)CH2  -  CH(NO^) 

-  CH3  ainsi  obtenu  est  analogue  extérieurement  à  son 
isomère  Yalcool  nitro-isopropylique,  produit  de  la  conden- 
sation du  nitro-méthane  avec  l'éthanal  (**).  C'est  un 
liquide  parfaitement  incolore,  plus  ou  moins  épais  et 
visqueux,  soluble  dans  l'eau,  l'alcool  et  l'éther.  Son  odeur 
est  faible,  légèrement  piquante;  sa  saveur  piquante  n'a 
pas  cet  arrière-goût  nauséabond  qui  caractérise  si  désa- 
gréablement son  isomère. 

Sa  densité  à  6°  est  égale  à  1 ,209.  Son  isomère  a  pour 
densité,  dans  les  mêmes  conditions,  1,199. 

Il  bout  sans  décomposition  à  120°-1:2!20  sous  la  pres- 
sion de  52  millimètres.  Son  isomère  bout  dans  les 
mêmes  conditions  à  115°. 

Le  pentachlorure  de  pbospbore  l'attaque  vivement  et 
le  transforme  en  chlorure  de  propyle  primaire  mononilré 
C1CH2  -  CH(N02)  -  CH3.  Éb.  172M750  (***). 

La  réaction  du  méthanal  sur  les  deux  alcools  propy- 
liqucs  nitrés  les  différencie  d'une  manière  frappante. 

Le   dérivé   alcoolique  primaire   (HO)CH2  -  CH(N0.2) 

-  CH-,  composé  monovalent  que  je  viens  de  décrire, 
fournit  un  composé  en  Cj,  le  ylycol  isobutylique  mono- 


(')  Ces  déterminations  numériques,  de  même  que  d'autres  consta- 
tions expérimentales,  ont  été  faites  par  mon  préparateur,  31.  Aug.  De 
Wael,  dont  il  m'est  agréable  de  reconnaître  le  zèle  et  l'habileté. 

(")  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  t.  XXIX,  p.  834  (1895). 

(***)  Ce  produit  sera  décrit  dans  une  communication  ultérieure.  Je 

dirai  dès  à  présent  que  les  ring  propanes  chloro-nitrés  C3H6  <  ™  - 
possibles  ont  été  faits  dans  mon  laboratoire. 


(  *i9  ) 

nitré  (N02)C  <  ru~  "•  corpssolide  nettement  cris- 

tallin, fusible  à  139°-140°. 

Le  dérivé  alcoolique  secondaire  (N02)CH2  -  CH(OH) 
-  CH3,  en  sa  qualité  de  composé  bivalent,  fournit  au 
contraire   un   dérivé  en    C8,   une   glycérine   isoamylique 

mononitrée   (N02)C  <  ^H(OH)  -  CH3'   comPosé   solide 
cristallin,  fusible  à  125M260  (*).. 


Sur  la  prétendue  existence  de  la  densité  critique; 
par  P.  De  Heen,  membre  de  l'Académie. 

La  croyance  actuellement  répandue  et  qui  consiste  à 
admettre  qu'à  partir  de  la  température  critique  il  ne  peut 
exister  qu'un  fluide  unique,  et  par  conséquent  qu'une 
seule  densité,  devait  nécessairement  conduire  à  la  con- 
ception, du  reste  purement  idéale,  d'une  densité  critique. 
Je  dis  purement  idéale,  car  jamais  cette  densité  n'a  été 
observée  directement. 

M.  Amagat  se  montre  d'ailleurs  très  explicite  à  cet 
égard;  il  dit  en  effet:  «  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le 
groupe  de  constantes  obtenu  par  une  coïncidence  est 
fonction  de  toutes  les  parties  du  réseau  qu'il  caractérise, 
et  non  point,  particulièrement,  de  celles  qui  avoisineut 
le  point  critique:    il  est  même  rationnel  de  moins  se 


O  Ces  produits  ont  été  décrits  antérieurement. 


(   120  ) 

préoccuper  de  la  coïncidence  des  isothermes  trop  rap- 
prochées de  ce  point,  que  de  celles  qui  l'encadrent  de 
plus  loin,  dont  la  détermination  présente  moins  de  ditti- 
cultés  »;  et  encore  :  «  L'instabilité  de  la  matière  finit  par 
devenir  telle  qu'on  ne  peut  plus  arriver  à  obtenir  une 
position  t\\e  du  ménisque  au  voisinage  du  point  criti- 
que (I).  » 

En  se  servant  du  procédé  absolument  direct  que  nous 
avons  indiqué  antérieurement  (2),  il  est  facile  de  recon- 
naître que  l'on  obtient  nécessairement  l'homogénéité  de 
densité  de  la  masse  à  la  température  critique  dans  deux 
cas  particuliers;  et  lorsque  ces  conditions  sont  satisfaites, 
ces  densités  sont  sensiblement  dans  le  rapport  de  un  à 
deux,  l'une  représentant  la  densité  critique  du  liquide, 
l'autre  la  densité  critique  de  la  vapeur. 

Il  nous  a  paru  intéressant  d'examiner  à  ce  point  de  vue 
les  magnifiques  réseaux  d'Amagat,  afin  de  vérifier  si  les 
faits  représentés  par  ceux-ci  correspondent  à  l'idée  que 
l'on  se  fait  généralement  du  phénomène  critique. 

On  dit  que  la  température  critique  est  la  température 
à  partir  de  laquelle  les  parties  rectilignes  des  isothermes 
cessent  d'exister.  Mais  on  commet  certainement  une 
erreur  si  l'on  admet  que  la  dernière  de  ces  droites  (celle 
qui  correspond  à  la  température  critique)  se  confond  avec 
un  élément  rectiligne. 

La  figure  l  représente  à  peu  près  l'aspect  général  que 
prendrait  le  réseau  s'il  en  était  ainsi.  On  pourrait  alors 


(1)  Journal  de  physique  de  d'Alnieida,  3e  série,  1. 1,  p.  290. 

l2j  Bull  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  série,  t.  XXXI,  p.  379,  1890. 


(  '21  ) 
légitimement  attribuer  à  la  courbe  abc  la  loi  me  que  nous 
lui  donnons  et  qu'on  lui  donne  généralement. 


PV 


l'iG.    1. 


Mais,  on  réalité,  rien  de  semblable  n'a  jamais  été 
observé;  le  réseau  affecte  au  contraire  très  nettement 
dans  son  ensemble  l'aspect  indiqué  ligure  2.  Et  ce  n'est 
qu'en  faisant  passer  la  courbe  par  des  points  absolument 
arbitraires  qu'on  parvient  à  réaliser  la  forme  abc  (ïig.  1). 


rie.  y. 


(  122  ) 

Les  droites  AB  ne  se  réduisent  donc  pas  à  un  élément 
de  droite  à  la  température  critique. 

Enfin,  la  portion  rectiligne  ne  disparaît  pas  brusque- 
ment à  la  température  critique  ;  elle  persiste  au  contraire 
un  peu  au  delà,  en  s'inclinant  légèrement  sur  l'axe  des 
ordonnées;  mais  il  ne  peut  en  aucun  cas  être  question 
d'une  courbe  telle  que  celle  qui  est  représentée  par  la 
ligure  3,  dont  un  élément  a  unique  est  parallèle  à  l'axe 
des  ordonnées.  Ce  tracé  est  aussi  contraire  à  la  réalité 
que  celui  représenté  figure  1 . 


Fie.  3. 


Nous  avons  agrandi  à  l'aide  de  la  photographie  les 
remarquables  réseaux  que  M.  Amagat  vient  de  publier  (1), 
afin  de  vérifier  la  belle  loi  des  températures  correspon- 
dantes de  M.  van  der  Waals.  Les  planches  qui  accom- 
pagnent cette  note  et  qui  reproduisent  ces  photographies 
nous  permettent  non  seulement  de  reconnaître  ce  que 


(1)  Journal  de  physique  de  d'Almeida,  3e  série,  t.  VI,  p.  9,  1897. 


T.  De  Heen,  Bull,  de  l'Acad   roy.  de  Belgique 
3<  scr  ,  t.  XXXUI,  n«  -'.  p.  123,  1897. 


P.  De  Heen,  Bull  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique, 

3'  scr  ,  t.  XXX  III,  n«  2,  p.  i23,  1 


(  wz  ) 

nous  venons  d'affirmer,  mais  permettent  encore  d'établir 
à  l'aide  de  mesures  quel  est  le  rapport  existant  entre  la 
densité  critique  du  liquide  et  la  densité  critique  de  la 
vapeur,  ce  rapport  étant  l'inverse  de  celui  qui  existe 
entre  les  valeurs  de  PV,  prises  à  la  pression  critique  el 
correspondant  respectivement  à  l'état  liquide  et  à  l'étal 
de  vapeur. 

Le  diagramme  A  fournit,  pour  le  rapport  des  densités 
critiques  du  liquide  et  de  la  vapeur,  le  rapport 4^==  2,17; 
le  diagramme  B  fournit  le  rapport  ^=  1,98;  les  recher- 
ches faites  à  l'aide  de  l'analyseur  de  l'étal  critique  nous 
ont  fourni  le  rapport  ^g  =  2,15.  Si  donc  nous  admet- 
tons le  théorème  des  états  correspondants,  nous  pouvons 
dire  que  le  rapport  des  deux  densités  critiques  est  sensi- 
blement égal  à  2  pour  tous  les  corps. 

Quant  à  l'adoption  de  la  courbe  admise  et  que  nous 
indiquons  en  pointillé,  elle  est  absolument  contraire 
à  l'expérience  et  rien  ne  la  justifie.  Ajoutons  que  la  den- 
sité critique  telle  qu'elle  a  été  déterminée  jusqu'à  pré- 
sent, représente  la  moyenne  des  deux  densités. 

Ces  considérations  permettent  de  reconnaître  que  les 
observations  antérieures  à  celles  que  nous  avons  entre- 
prises à  l'aide  de  l'analyseur  de  l'état  critique  et  qui 
mettent  la  question  hors  de  doute,  permettaient  déjà  de 
reconnaître  l'erreur  que  l'on  commet  en  admettant  l'exis- 
tence d'une  densité  critique  unique. 

Nous  avons  tous  eu  le  malheur  de  considérer  comme 
axiome  une  proposition  mal  établie,  que  l'expérience 
dément  actuellement  et  sur  laquelle  on  a  fondé  malheu- 
reusement de  fort  laborieuses  recherches  théoriques,  qui 
ont  enraciné  le  préjugé. 

J'exprime  en  terminant   le  souhait  de  voir  les  physi- 


(  *24  ) 

ciens  qui  s'occupent  de  la  question,  répéter  l'expérience 
faite  à  l'aide  de  Yanalyseur  de  l'état  critique.  J'ai  du  reste 
la  conviction  que  la  thèse  que  je  viens  de  soutenir  ne 
commencera  à  se  généraliser  que  lorsque  ces  expériences 
auront  été  répétées  un  grand  nombre  de  fois  par  plusieurs 
physiciens.  Ce  n'est  que  dans  ces  conditions  que  l'on 
peut  porter  atteinte  à  des  convictions  ayant  poussé  de  si 
profondes  racines. 


Sur   l'observation  d'étincelles  positives  et  négatives  ;    par 
P.  De  Heen,  membre  de  l'Académie. 

M.  Zenger  avait  déjà  observé  que  si  l'on  détermine  la 
production  d'étincelles  électriques  sur  la  surface  d'une 
glace  recouverte  de  noir  de  fumée,  la  traînée  produite 
est  double  et  présente  sensiblement  l'aspect  du  dessin 
(fig.  1).  Ce  physicien  en  conclut 
avec  raison  que  cette  étincelle 
Fie.  i.  revêt  la  forme  d'un  cyclone  dont 

la  partie  centrale  représente  l'œil  de  la  tempête.  Déjà 
précédemment  nous  avons  confirmé  cette  manière  de 
voir. 

M.  Zenger  ajoute  d'une  manière  interrogative  :  «  Ne 
peut-on  expliquer  cette  observation  en  admettant  qu'il  y 
a.  dans  la  décharge,  formation  de  deux  tourbillons  mar- 
chant en  sens  contraires?  » 

Nous  avons  eu  la  bonne  fortune  de  voir  directement 
celte  prévision  réalisée. 

L'étincelle  que  nous  avons  observée  était  produite  par 
une    forte    bobine    fournissant  des  décharges  de  20  à 


(  125 

30  centimètres,  et  munie  d'un  condensateur  de  grande 
dimension  et  d'un  gros  (il  induit.  Cela  étant,  en  faisant 
varier  la  distance  des  deux  électrodes  formées  de  deux 
(ils  de  cuivre,  on  pouvait  observer  directement  les  aspects 
suivants  (fig.  2)  : 

a)  Lorsque  la  distance  dépassait  la  distance  explosive, 
on  observait  l'aigrette  négative  et  l'aigrette  positive  bien 
caractérisée  par  la  délicatesse  de  ses  ramifications. 


a)  — r—^~z  & 

l) 


Fig.  2. 

b)  En  rapprochant  légèrement  les  deux  conducteurs,  on 
observait  avec  une  admirable  netteté  la  disparition  de 
l'aigrette  positive  et  la  production  de  l'étincelle  négative 
présentant  la  forme  d'un  tube  dont  la  partie  centrale 
était  absolument  noire  et  dont  les  bords  présentaient  des 
irrégularités. 

c)  Mais  si,  partant  de  la  position  a,  on  rapproche 
davantage  les  deux  électrodes,  on  voit  très  nettement  un 
des  filaments  de  l'aigrette  positive  s'insinuer  dans  le 
tube  de  l'étincelle  négative  et  le  double  courant  d'étin- 
celles positives  et  négatives  jaillir  en  sens  contraires. 
L'étincelle  positive  présente  un  éclat  très  vif;  elle  est  de 

Ome    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  9 


(  126) 

plus  très  déliée  et  n'occupe  que  la  partie  centrale  du  tube 
obscur.  L'étincelle  négative,  qui  représente  la  périphérie 
du  tube,  offre  un  éclat  beaucoup  moins  vif. 

Les  étincelles  que  l'on  observe  habituellement  sont 
des  étincelles  positives. 

Il  semble  résulter  de  l'ensemble  de  ces  considérations 
que  l'étincelle  c  est  le  résultat  de  deux  mouvements 
tourbillonnants  qui,  étant  emboîtés  l'un  dans  l'autre,  se 
meuvent  en  sens  contraires,  le  pas  de  vis  étant  incom- 
parablement plus  petit  pour  l'étincelle  positive  que  pour 
l'étincelle  négative. 

Note.  —  Une  bobine  qui  ne  fournissait  que  l'étincelle 
positive  ordinaire  à  fil  induit  long  et  fin,  a  produit  les  étin- 
celles dont  nous  venons  de  parler  à  l'aide  de  la  disposition 
suivante  (fig.  5).  A  et  B,  pôles  de  la  bobine;  a,  b,  c,  d,  pla- 

£  c    d 


FlG 


teaux  isolés  (suspendus  à  l'aide  d'un  fil  de  soie)  munis 
de  pointes;  R,  résistance.  L'étincelle  jaillit  entre  c  et  d. 


(  427  ) 


C  LASSE  DES  LETTRES. 


Séance  du  1n  février  1897. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  directeur,  président  de 
l'Académie. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  F.  Vander  Haeghen,  vice-direc- 
teur; Alph.  Wauters,  P.  Willems,  S.  Bormans,  Ch.  Piot, 
Ch.  Potvin,  T.-J.  Lamy,  G.  Tiberghien,  J.  Vuylsteke, 
Ém.  Banning,  A.  Giron,  le  baron  J.  de  Chestret  de 
Haneffe,  Paul  Fredericq,  God.  Kurth,  Mesdach  de  ter 
Kiele,  H.  Denis,  le  chevalier  Ed.  Descamps,  G.  Mon- 
champ,  membres;  Alph.  Rivier,  J.-C.  Vollgraff,  associés; 
Paul  Thomas,  Ern.  Discailles,  Ch.  Duvivier,  V.  Brants, 
Ch.  De  Smedt  et  A.  Willems,  correspondants. 


CORRESPONDANCE. 


L'École  française  d'Athènes,  qui  célébrera  les  26,  27 
et  28  avril  prochain,  le  cinquantième  anniversaire  de  sa 
fondation,  adresse  une  circulaire  relative  à  un  projet  de 
congrès  archéologique  qu'elle  tiendrait  à  Athènes  à  cette 
occasion. 

—  La  Commission  permanente  du  Congrès  interna- 


(   128  ) 

tional  des  orientalistes  annonce  que  sa  onzième  session 
se  tiendra  à  Paris  du  5  au  12  septembre  prochain. 
M.  Lamy  y  représentera  l'Académie. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  de  la  publication  :  Uitgave  der  Antwerpsche 
Inbliophilen,  n'  20  :  Le  passe-temps  de  Jehan  Lhermite, 
tome  II,  publié  par  MM.  Ouverleaux  et  J.  Petit. —  Remer- 
ciements. 

Hommages  d'ouvrages  : 

1°  David  Teniers  et  son  fils,  le  troisième  du  nom  ;  par 
Alph.  Wauters  (présenté  par  l'auteur,  avec  une  note); 

2°  Triptyque  :  Le  Paquebot  —  Le  Village  —  L'Épopée 
du  fer;  poésies  par  Honoré  Ponthière  (présenté  par 
M.  Lamy,  avec  une  note); 

5"  Textes  et  monuments  figurés  relatifs  aux  mystères  de 
Mithra,  publiés  avec  une  introduction  critique,  par 
F.  Cumont  (présenté  par  M.  Paul  Thomas,  avec  une  note). 

—  Remerciements; 

Les  notes  bibliographiques  lues  par  MM.  Wauters, 
Lamy  et  Thomas  figurent  ci-après: 

-  Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

1°  Notes  pour  servir  ci  l'histoire  du  règne  de  Charles- 
Quint  ;  par  Ern.  Gossart,  conservateur  à  la  Bibliothèque 
royale.  —  Commissaires  :  MM.  Piot,  Bormans  et  P.  Fre- 
derieq; 

2°  Notes  d'aneien  wallon  ;  par  Maurice  Wilmotte,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Liège.  Commissaires  : 
MM.  Stecher,  Discailles  et  Bormans. 


(  i29  ) 

Prix  Anton  Bekgmann, 

fondé  pour  inte  monographie,  en  langue  néerlandaise,  d'une 
ville  ou  d'une  commune  flamande  de  la  Belgique. 

M.  le  Secrétaire  perpétuel  présente  les  trois  monogra- 
phies suivantes,  adressées  à  l'Académie,  pour  la  deuxième 
période  décennale  de  ce  concours,  ayant  pour  objet  les 
villes  ou  communes  de  la  province  de  Brabant  (l'arron- 
dissement de  Nivelles  excepté). 

Le  n°  1,  intitulé  :  Gesehiedenis  van  Leuven,  porte  pour 
devise  :  le  scrive  die  historié  compleet  ende  impartiaelic. 

Le  n°  2,  intitulé  :  Gesehiedenis  der  slad  Leuven,  a  pour 
auteur  M.  Herman  Vander  Linden,  professeur  à  l'Athénée 
royal  d'Anvers. 

Le  n"  5,  intitulé  :  Gesehiedenis  vun  Sehaarbeek,  porte 
pour  devise  :  Vis  unila  fortior. 

Conformément  à  l'acte  de  fondation  de  ce  prix,  la 
Classe  dresse  la  liste  de  dix  noms  à  soumettre  au  Gou- 
vernement pour  le  choix  du  jury  de  cinq  membres  qui 
jugera  ce  concours. 

ÉLECTION. 

La  Classe  procède,  conformément  à  l'article  12  de 
son  règlement,  à  la  formation  du  comité  de  trois 
membres,  élus  au  scrutin  secret,  pour  s'occuper,  conjoin- 
tement avec  le  Bureau,  de  la  présentation  des  candida- 
tures pour  les  places  vacantes. 

Les  suffrages  se  portent  sur  MM.  Wauters,  Stecher  et 
Piot. 


130  ) 


NOTES     BIBLIOGRAPHIQUES. 

M.  Alphonse  Wauters,  en  présentant  à  la  Classe  des 
lettres  son  travail  intitulé  :  David  Teniers  et  son  fils,  le 
troisième  du  nom ,  fait  remarquer  à  ses  confrères  que  son 
but  principal  a  été  d'insister  sur  l'inconvénient  que  pré- 
sente l'emploi  de  la  qualiiication  de  le  Jeune,  donnée  habi- 
tuellement au  grand  artiste  d'Anvers.  Actuellement  on 
connaît,  au  moins  dans  ses  principales  lignes,  la  bio- 
graphie d'un  troisième  artiste  appelé  David  Teniers, 
mort  avant  son  père  en  1685.  C'est  à  lui  que  revient 
absolument  cette  désignation;  elle  a  été  adoptée  par 
lui  pour  se  distinguer  de  son  père  et,  comme  il  travaillait 
dans  le  même  genre,  il  est  important  de  ne  pas  laisser 
s'accréditer  une  confusion  qui  n'a  déjà  que  trop  duré. 
M.  Wauters,  après  avoir  constaté  les  dissensions  qui  ont 
divisé  les  deux  artistes,  décrit  en  détail  des  peintures  et 
des  tapisseries  signées  par  l'un  et  par  l'autre,  et  montre 
la  différence  qui  séparait  leurs  productions.  Le  talent  de 
Teniers  ne  doit  plus  désormais  être  amoindri  par  la 
fausse  attribution  d'œuvres  sans  date  ni  signature,  qui 
sont  probablement  dues  à  un  Teniers  dont  le  nom  — 
mais  non  le  mérite  —  était  semblable  au  sien. 


J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Classe,  de  la  part  de  mon 
collègue,  M.  Ponthière,  le  recueil  de  poésies  qu'il  a 
publié  sous  le  titre  de  Triptyque  et  dont  M.  de  Hérédia, 
membre  de  l'Académie  française,  a  accepté  la  dédicace. 
C'est  une  suite  de  sonnets  rangés  sous  trois  titres  :   le 


(  131  ) 
Paquebot,  le  Village,  l'Épopée  du  fer.  Ces  titres  indiquent 
suffisamment  les  sujets  que  l'auteur  a  choisis.  Dans  le 
Paquebot  et  VÉpopee  du  fer,  sa  muse  apparaît  doublée 
d'un  ingénieur  et  elle  sait  enchâsser  dans  de  jolis  vers 
une  foule  de  termes  techniques  qui  semblent  tout  étonnés, 
en  sortant  de  la  houillère,  de  la  forge  ou  du  hateau,  de  se 
trouver  si  élégamment  habillés. 

Le  Village,  au  contraire,  nous  transporte  dans  les  beaux 
sites  de  nos  Ardennes,  nous  introduit  à  un  foyer  hospi- 
talier, dans  une  de  ces  familles  aux  mœurs  simples  et 
pures  dont  le  divin  Crucifié  est  la  foi  et  l'espérance  à  tra- 
vers les  épreuves  de  la  vie.  Le  poète  ingénieur  se  délasse 
et  se  repose  dans  ce  délicieux  séjour  des  fatigues  arides 
de  l'industrie  et  chante  les  charmes  si  divers  du  prin- 
temps, de  l'été,  de  l'automne  et  de  l'hiver,  et  les  travaux 
qui  leur  sont  propres. 

Habitué  à  disséquer  les  mots  et  les  phrases  des  langues 
sémitiques,  je  n'ai  pas  qualité  pour  apprécier  le  travail 
de  M.  Ponthière  :  je  me  borne  à  l'indiquer  à  mes  con- 
frères qui  cultivent  les  belles-lettres  et  la  poésie.  Ils 
éprouveront,  je  n'en  doute  pas,  le  bonheur  que  j'ai  res- 
senti à  sa  lecture,  se  souvenant 

Qu'un  sonnet  sans  défaut  vaut  seul  un  long  poème. 

T.-J.  Lamy. 


J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Classe,  de  la  part  de  M.  Franz 
Cumont,  professeur  à  l'Université  de  Gand,  le  4e  fascicule 
des  Textes  et  monuments  figurés  relatifs  aux  mystères  de 
Mithra.  Ce  fascicule  contient  le  supplément  et  les  tables 
du  recueil.  On  y  trouve  entre  autres  une  description  très 


(  132  ) 

complète  des  mithréums  récemment  découverts  à  Petro- 
nell  (Autriche)  et  à  Sarrebourg  (Lorraine). 

M.  Cumont  a  mené  à  bonne  fin  sa  vaste  et  laborieuse 
entreprise.  Il  ne  lui  reste  plus  qu'à  exposer,  dans  une 
Introduction  critique,  les  résultats  de  l'étude  dont  il  a 
réuni  les  matériaux  avec  une  si  admirable  patience,  une 
exactitude  si  scrupuleuse,  une  érudition  si  étendue  et  si 
sûre. 

Nous  attendons  avec  impatience  cette  introduction,  qui 
couronnera  dignement,  nous  n'en  doutons  pas,  l'œuvre 
magistrale  de  notre  jeune  et  savant  collègue. 

P.  Thomas. 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


M.  H.  Denis  donne  lecture  de  la  première  partie  d'un 
travail,  accompagné  de  diagrammes,  Sur  l'interprétation 
des  données  de  la  statistique  et  sur  la  natalité  et  la  matrimo- 
nialité.  —  Impression  dans  les  Mémoires. 


Des  graves  dangers  auxquels  sont  exposés  les  livres  et  les 
manuscrits  de  nos  dépôts  publics  ;  par  Ferd.  Vander  Hae- 
ghen,  membre  de  l'Académie. 

Les  livres  et  les  manuscrits  de  nos  dépôts  littéraires  et 
scientifiques  ont  beaucoup  à  souffrir  d'une  funeste  habi- 
tude qui  se  propage  de  plus  en  plus,  celle  de  se  mouiller 
le  'doigt  pour  tourner  les  pages.  Au  nom  des  conser- 
vateurs de  nos  dépôts  publics  comme  au  mien,  je  crois 


(  i35  ) 
devoir  appeler  l'attention  de  l'Académie  sur  on  état  de 
choses  qui  tend  à  la  destruction  ou  tout  au  moins  ;i  la 
détérioration  de  nos  documents  littéraires  et  historiques, 
et  qui  est  de  nature  à  nuire  à  la  santé  des  hommes 
d'étude. 

Je  prie  l'Académie  de  vouloir  prendre  en  considération 
quelques  réflexions  sur  ce  sujet. 

Dans  une  de  ses  causeries  qui,  sous  une  forme  attrayante, 
ont  tant  contribué  à  répandre  des  notions  scientifiques. 
M.  de  Parville  adressait  naguère  ce  conseil  aux  biblio- 
philes :  «  Essuyez,  n'époussetez  pas.  » 

Le  savant  vulgarisateur  constatait  —  et  pourtant  les 
études  de  M.  Pasteur  n'avaient  pas  rendu  tangibles  les 
périls  que  nous  créent  les  infiniment  petits  —  combien 
néfastes  peuvent  être,  pour  l'organisme  humain,  les  débris 
organiques  ou  minéraux  qui,  après  s'être  joués  invisibles 
autour  de  nous,  gisent  inertes  en  apparence  sur  les  rayons 
de  nos  bibliothèques,  attachant  des  germes  mortels  aux 
feuillets  de  nos  livres  préférés. 

Les  études  poussées  fort  loin  aujourd'hui  dans  le 
domaine  de  la  bactériologie  révèlent  toute  l'étendue  du 
danger  que  produisent  les  bibliothèques  mal  tenues,  et 
particulièrement  celles  contenant  des  livres  maniés  par 
des  mains  malpropres. 

Il  résulte  des  observations  des  spécialistes  que  la  pous- 
sière s'attache  par  une  sorte  d'attraction  aux  papiers  secs 
accumulés  :  le  public  est  donc  en  droit  d'exiger  qu'une 
grande  propreté,  entretenue  par  de  fréquents  nettoyages, 
règne  dans  les  dépôts  publics. 

C'est  là  la  part  de  l'administration  dans  l'hygiène  des 
bibliothèques;  mais  il  ne  semble  pas  que  le  public  se 


(  134  ) 
doute  qu'il  dépend  surtout  de  lui  de  rendre  nocives  ou 
non  les  collections  mises  à  sa  disposition. 

L'observation  médicale  a  permis  de  constater  que  de 
simples  lettres  missives  avaient  servi  de  véhicule  à  des 
germes  morbides,  et  cela  après  de  longs  voyages. 

Des  précautions  minutieuses  ont  été  suggérées  par  ces 
constatations  aux  administrations  postales  pendant  les 
épidémies;  mais  il  est  à  remarquer  qu'en  tout  temps  les 
amis  du  livre  sont  exposés  à  des  périls  dénoncés  par  de 
récentes  expériences. 

Deux  praticiens  français,  attachés  l'un  et  l'autre  à 
l'hôpital  de  Val-de-Gràce,  MM.  Du  Cazal  et  Catrin,  se 
sont  livrés  à  des  essais  dont  voici  les  conclusions  :  Des 
livres  mis  en  contact  avec  des  malades  atteints  de  diph- 
térie, de  tuberculose  ou  de  typhus  ont  été  soumis  à  une 
macération  plus  ou  moins  prolongée  dans  des  liquides 
stérilisés;  ils  ont,  par  voie  d'inoculation,  communiqué  le 
virus  à  divers  animaux. 

Une  remarque  typique  a  été  consignée  par  les  médecins 
du  Val-de-Gràce. 

La  contamination  a  été  rapide  surtout  lorsqu'on  s'est 
borné  à  faire  macérer  dans  le  liquide  de  culture  les  coins 
des  pages  de  livres  confiés  aux  malades.  Or,  cette  toxicité 
spéciale  est,  au  jugement  des  expérimentateurs,  imputable 
«  à  l'habitude  commune  à  beaucoup  de  personnes  de  se 
mouiller  les  doigts  de  salive  pour  tourner  les  feuillets 
d'un  livre  ». 

Il  n'est  pas  dans  les  attributions  de  notre  Classe  de 
s'occuper  de  questions  médicales;  aussi  ne  veux-je  m'ar- 
rôter  qu'incidemment  aux  travaux  de  MM.  Du  Cazal  et 
Catrin,  et  me  bornerai-je  à  enregistrer  leurs  conclusions  : 
elles  démontrent  l'étendue  de  ce  péril  engendré  pour 


(13b) 
tous  par  la  contamination  qu'une  habitude,  hautement 
vicieuse,  inflige  aux  documents  de  toute  nature  confiés  à 
nos  dépôts  publics,  et  dont  ne  sont  pas  même  exempts  les 
manuscrits  les  plus  précieux. 

La  singulière  particularité  sur  laquelle  les  spécialistes 
du  Val-de-Grâce  appellent  l'attention,  comme  une  des 
pires  causes  de  contagion  morbide,  et  qui  ne  tend  mal- 
heureusement qu'à  se  propager,  fait  depuis  longtemps 
le  désespoir  de  tous  ceux  qui  ont  le  respect  des  livres. 

La  salive  déposée  par  des  doigts  qui  peuvent  être 
imprégnés  eux-mêmes  de  sueurs  morbides,  amène,  on  le 
conçoit,  une  sorte  d'inoculation  presque  directe  de  la 
plus  implacable  contagion. 

Tout  en  me  gardant  encore  d'empiéter  sur  le  terrain 
de  nos  confrères  de  la  Classe  des  sciences,  je  crois  pou- 
voir ajouter  que  la  salive  humaine  recèle,  d'après  les 
bactériologues,  un  nombre  considérable  de  ferments  dan- 
gereux. Ceux-ci  ne  se  rencontrent  pas  seulement  chez 
les  malades  notoires  qui  forment  la  clientèle  des  hôpi- 
taux :  quantité  de  personnes  saines  se  trouvent  à  même 
de  communiquer  de  graves  et  même  de  mortelles  infir- 
mités. 

De  telles  considérations  devraient  n'être  ignorées  de 
personne,  car  la  vicieuse  habitude  à  laquelle  je  fais  allu- 
sion est  plus  répandue  que  l'on  ne  pense.  Sa  fréquence 
est  même  faite  pour  étonner. 

On  comprend  assez  aisément  que  des  ouvriers,  chez 
lesquels  de  rudes  travaux  manuels  ont  pour  ainsi  dire 
détruit  le  tact  de  l'épiderme,  jugent  nécessaire  de  se 
mouiller  le  doigt  pour  provoquer  une  sorte  de  sensibilité 
et  faciliter  ainsi  la  préhension.  Nous  voyons  les  terras- 
siers en  agir  de  la  sorte,  pour  mieux  faire  adhérer  à 


(  136  ) 

leurs  mains  calleuses  le  manche  de  la  bêche,  de  la  pioche 
ou  du  marteau,  lorsqu'il  s'agit  de  se  livrer  à  quelque 
rude  effort.  Mais  n'est- il  pas  stupéfiant  de  voir  des  gens 
du  monde  avoir  recours  à  ce  procédé  aussi  peu  respec- 
tueux de  la  propriété  collective  que  de  la  santé  du  pro- 
chain? 

Un  regard  jeté  autour  de  nous  révèle  immédiatement 
l'étendue  de  cette  fâcheuse  habitude,  et  c'est  même  quel- 
quefois, hélas!  aux  personnes  les  plus  honorables  qu'il 
faut  s'en  prendre.  Si  l'on  trouvait  demain  dans  un  jour- 
nal ceci  :...  Dans  la  réunion  de  savants  auxquels  étaient 
soumis  les  précieux  codices  de  la  bibliothèque  de  X***, 
l'un  des  assistants,  après  s'être  mouillé  le  pouce  et  l'in- 
dex d'un  geste  large,  s'apprêtait  à  saisir  le  coin  d'une 
miniature,  lorsque,  à  sa  grande  surprise,  son  bras  fut 
arrêté  par  le  conservateur!...  Y  aurait-il  quelqu'un  qui 
révoquât  le  fait  en  doute,  ou  le  crût  seulement  invrai- 
semblable? Mais  n'insistons  pas.  Laissons  chacun  faire, 
s'il  y  a  lieu,  son  mea  culpa... 

Vous  le  savez,  Messieurs,  les  ouvrages  communiques 
dans  les  salles  de  lecture  ou  à  domicile  sont,  au  bout 
d'un  terme  plus  ou  moins  long,  —  et  proportionnelle- 
ment au  mérite  de  l'auteur,  —  souillés  et  parfois  mécon- 
naissables. Quelques-uns  portent  trace  de  tels  contacts 
qu'il  n'est  d'autre  ressource  que  de  les  livrer  au  feu. 

A  la  rigueur,  on  se  consolerait  de  ces  maculatures,  si 
celles-ci  prouvaient  que  les  livres  en  question  ont  beau- 
coup servi,  et,  par  ainsi,  répondu  au  vœu  de  ceux  qui 
créèrent  les  collections  publiques,  de  ceux  encore  qui 
provoquent  l'extension  de  ces  institutions  si  nécessaires. 

Cette  constatation  consolante  peut  être  faite  sans  doute 
en  de  tels  cas,  mais  dans  quelque  proportion  seulement. 


i    137  ) 
car  ces  souillures  établissent  surtout  que  les  ouvrages  qui 
les  portent  ont  été  livres  à  des  mains  malpropres  OU  Ion! 
au  moins  peu  scrupuleuses. 

Il  devrait  exister  chez  ions  un  vif  désir  de  respecter  le 
livre  qui  appartient  à  tout  le  momie  et  de  contribuer  de 
la  sorte  à  l'utilité  des  dépôts  publics  el  à  leur  durée.  On 
voii  qu'il  n'en  est  pas  ainsi. 

Les  règlements  atteignent  difficilement  de  tels  abus,  si 
graves  qu'ils  nous  paraissent,  car  lorsque  la  souillure 
d'un  livre  se  révèle  irréparable,  c'est  une  nombreuse 
collectivité  qui  est  responsable  du  t'ait  accompli. 

La  persuasion  seule  peut  être  mise  en  œuvre  pour 
déraciner  de  si  malpropres  traditions,  et,  sans  doute,  on 
contribuerait  efficacement  à  ce  résultat  en  fixant  l'atten- 
tion du  public  sur  le  danger  que  les  germes  d'infection 
déposés  sur  les  pages  des  livres  présentent  pour  la  santé 
des  lecteurs. 


(  138  ) 


classe  de§  beaux. -a ht». 


Séance  du    i  février  1897. 

M.  Th.  Vinçotte,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edmond  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Ch.  ïardieu,  vice -directeur; 
Éd.  Fétis,  Ad.  Samuel,  G.  Guffens,  Th.  Radoux,  Jos. 
Jaquet,  Jos.  Stallaert,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays,  G.  De 
Groot,  Gustave  Biot,  H.  Hymans,  Alex.  Markelbach,  Max. 
Rooses,  J.  Robie,  A.  Hennebicq,  Éd.  Van  Even,  le  comte 
J.  de  Lalaing,  J.  Winders,  Ém.  Janlet,  H.  Maquet,  mem- 
bres; J.-B.  Meunier,  Alb.  De  Vriendt,  C.  Hermans  et 
A.  Boudard,  correspondants. 

M.  le  Directeur  souhaite  la  bienvenue  aux  deux  nou- 
veaux correspondants  :  MM.  Bourlard,  de  la  section  de 
peinture,  et  Emile  Mathieu,  de  la  section  de  musique. 

Je  saisis  cette  occasion,  continue  M.  Vinçotte,  pour 
annoncer  à  la  Classe  que  l'un  de  nos  confrères,  M.  Henri 
Hymans,  vient  d'être  élu  correspondant  de  l'Académie 
des  beaux-arts  de  l'Institut  de  France.  Je  crois  que  la 
Classe  apprendra  cette  nomination  avec  d'autant  plus  de 
fierté  que  c'est  la  première  fois  qu'un  de  nos  confrères 
s'occupant  de  littérature  ou  d'histoire  des  arts  est  appelé 
à  faire  partie  de  l'Institut  de  France. 


(  \o9  ) 

Cette  distinction,  si  flatteuse  pour  M.  Hymans,  rejaillit 
donc  sur  l'Académie  tout  entière,  qui  ne  saurait  qu'ap- 
plaudir à  ce  choix.  L'élection  de  M.  llyinans  vient  res- 
serrer encore  les  liens  de  confraternité  qui  unissaient 
déjà  la  Classe  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Paris, 
parmi  laquelle  figurent  aussi,  comme  associé  étranger, 
M.  Gevaert,  et  comme  correspondants  dans  les  diffé- 
rentes branches  artistiques,  MM.  G.  Guffens,  E.  Wauters, 
Alb.  De  Vriendt,  Peter  Benoit,  Paul  De  Vigne  et  G.  Biot. 

Les  applaudissements  de  la  Classe  accueillent  ces 
paroles  ainsi  que  les  remerciements  que  M.  Hymans 
adresse  à  ses  confrères. 


CORRESPONDANCE. 


MM.  Bourlard  et  É.  Mathieu,  élus  correspondants;  sir 
Edw.  Burne-Jones,  Charles  Garnier,  George  Aitchison  et 
Vincent  d'Indy,  élus  associés,  adressent  leurs  remercie- 
ments. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Agriculture  et  des  Travaux 
publics  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  de  l'ouvrage  : 

La  peinture  en  Europe  :  Venise;  par  Georges  Lafenestre 
et  Eugène  Richtenberger.  —  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Forschungen  zur  Kunstgeschichte  Bôhmens.  II.  Der 
Bildercyklus  des  Luxemburger  Stammbaumes  aus  Karlstein; 


(   140  ) 
par  le  Dr  Joseph  Neuwirth  (présenté  par  M.  Hymans,  avec 
une  note  qui  figure  ci-après)  ; 

2°  Net  Wilhelmuslied  uit  een  musikaal  oogpunt  beschouwd; 
par  Flor.  van  Duyse; 

5"  A.  Phidppe  de  Monte,  célèbre  musicien  du  XVIe  siècle  ; 
1).  Les  carillons  el  les  carillonneurs  à  Malines;  par  G.  Van 
Doorslaer. 

Remerciements. 


NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Y)'  Joseph  Neuwirth.  Forschungen  zur  Kunstgeschichle 
Bôhmens.  —  II.  Uer  Bildercyldus  des  Luxemburger  Stamm- 
baumes  ans  Karlslein.  Prague,  1897,  I  vol.  grand  in-fol. 
avec  16  planches. 

Pour  faire  suite  à  la  série  de  ses  remarquables  études 
sur  le  passé  de  la  Bohème,  le  Dr  Neuwirth,  de  Prague  (1), 
vient  de  mettre  au  jour  un  document  de  très  haute 
importance  et,  en  l'espèce,  unique  pour  l'époque. 

D'intérêt  d'abord  national,  il  n'est  pas  sans  rapports 
multiples  avec  l'histoire  de  notre  pays  et  sollicite,  par  là 
même,  l'attention  de  l'Académie  à  laquelle,  du  reste, 
l'auteur  en  fait  hommage. 

En  octobre  lilô,  le  chroniqueur  brabançon  Edmond 


(I)  Le  prof.  D«-  Neuwirth  a  publié  dans  nos  Bulletins,  G4a  année, 
.!'  série,  t.  XXVIII  (-1894),  un  important  travail  intitulé  :  Beziehungen 
Brabunler  KUnstler  :-u  Bôhmen  wiïhrend  des  XIV.  Jahrhundertes. 


(Ul  ) 

de  Dynter,  alors  au  service  d'Antoine  de  Bourgogne,  duc 
de  Brabant,  se  trouvait  à  Prague,  chargé  d'une  mission 
de  son  maître  auprès  du  roi  de  Bohême.  Il  raconte  qu'â- 
pres un  festin  somptueux,  réunissant  au  palais  de  Karl- 
stein,  sur  le  Hradschin,  de  nombreux  convives,  le  roi 
Wenceslas,  lui  prenant  la  main,  le  conduisit  dans  une  salle 
dont  les  murs  portaient  une  généalogie  de  ses  ancêtres, 
parmi  lesquels  les  ducs  de  Brabant,  jusqu'à  Jean  III, 
peintures  que  l'empereur  Charles  IV,  le  père  de  Wences- 
las, avait  consacrées  à  la  gloire  de  ses  aïeux:. 

Rappeler  les  alliances  de  la  maison  de  Luxembourg, 
de  laquelle  étaient  issus  les  rois  de  Bohème,  avec  celle  de 
Brabant,  me  parait  superflu.  La  tâche  du  peintre  appelé 
à  représenter  les  membres  de  l'une  et  de  l'autre  n'était 
point  mince,  attendu  que  la  maison  de  Luxembourg  pré- 
tendait descendre  de  Saturne  et  que  celle  de  Brabant  se 
réclamait  de  Priani  ;  que  toutes  deux,  par  une  combinai- 
son savante  dont  le  mieux  est  de  vous  faire  grâce,  avaient 
pour  ancêtre  commun  Noé.  Le  déluge  les  empêchait  mal- 
heureusement de  remonter  plus  haut. 

La  chose  n'a  d'ailleurs  rien  de  très  spécial;  au  XVIe 
et  au  XVIIe  siècle,  les  grands  avaient  pour  invariable  pré- 
tention de  se  réclamer  des  héros  des  temps  fabuleux. 

Quant  aux  peintures  de  Prague,  l'intérêt  de  la  commu- 
nication de  M.  le  professeur  D'  Neuwirth  est  surtout 
que,  ayant  cessé  d'exister  depuis  plusieurs  siècles,  elles 
revivent  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale 
de  Vienne,  que  l'auteur  a  eu  la  bonne  fortune  de  décou- 
vrir et  le  mérite  d'identifier,  avec  une  certitude  qui  ne 
saurait  surprendre  de  la  part  d'un  homme  aussi  profon- 
dément versé  dans  la  connaissance  des  sources  de  l'his- 
toire de  son  pays. 

5rae    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  10 


(  M2  ) 

Le  doute  est  d'autant  moins  permis  que  la  série  des 
miniatures  composant  la  généalogie  de  Weneeslas  se 
complète  de  divers  groupes  et  portraits  reproduisant 
d'une  manière  intégrale  des  fresques  jusqu'à  ce  jour  con- 
servées au  palais  de  Hradschin. 

Telle  est  la  portée  de  l'intéressant  travail  qui  l'ail  l'ob- 
jet de  cette  notice. 

M.  Neuwirth  arrive  à  élucider  la  plupart  des  questions 
que  soulève  l'ensemble  dont  il  s'occupe.  Le  manuscrit  est 
postérieur  d'une  couple  de  siècles  à  l'exécution  des  fres- 
ques qu'il  a  pour  objet  de  reproduire.  Comme  il  porte 
sur  le  frontispice  les  portraits  en  médaillon  de  l'empe- 
reur Maximilien  II  et  de  l'impératrice  Marie,  fille  de 
Charles-Quint,  il  s'agit  nécessairement  d'un  travail  du 
XVIe  siècle.  Les  fresques  subsistèrent  jusque  vers  1597; 
à  cette  époque,  elles  étaient  dégradées  au  point  de  rendre 
vaine  toute  tentative  de  restauration. 

Si  profondément  qu'il  pénètre  dans  son  sujet,  M.  INeu- 
wirth  n'arrive  à  préciser  ni  le  nom  de  l'auteur  des  pein- 
tures originales,  ni  même  celui  de  l'interprète  évidem- 
ment chargé  par  l'Empereur  d'en  conserver  le  souvenir. 

A  Thomas  de  Modène  ou  à  Théodoric  de  Prague,  les 
deux  peintres  les  plus  notables  ayant  travaillé  en  Bohême 
au  moyen  âge,  il  n'y  faut  pas  songer.  Reste  Nicolas 
Wurmser,  de  Strasbourg,  que  l'on  sait  avoir  été  au  service 
de  l'empereur  Charles  IV  en  1557. 

Qu'il  s'agisse  de  ce  dernier  ou  de  tout  autre,  à  travers 
les  altérations  presque  inévitables  d'une  transcription 
faite  au  XVIe  siècle,  les  originaux,  comme  conception 
générale,  attitude  et  disposition,  accusent  un  ensemble  de 
fort  respectables  qualités. 

Que  si   les  personnages  font  songer  aux  rois  et  aux 


(  U3  ) 
dames  des  cartes  à  jouer  et  des  jeux  d'échecs,  cela  tient 
tout  simplement  à  ce  que  ceux-ci  nous  fournissent  préci- 
sément  quelques-uns  des  types  les  plus  fréquents  de  la 
sculpture  et  de  la  gravure  à  ses  débuts  et  encore  plus  tard. 
A  peine  est-il  besoin  de  rappeler  les  imposantes  figures  de 
bronze  groupées  autour  du  sarcophage  de  Maximilien  Ie', 
à  l'église  des  Franciscains  d'Inspruck. 

Pour  ce  qui  concerne  la  gravure,  ce  sera  parmi  les 
cartes  à  jouer  que  nous  trouverons  ses  plus  anciens  repré- 
sentants, et  rien  de  fort  étrange,  dès  lors,  à  ce  qu'un  rap- 
prochement s'opère  entre  leurs  productions  et  l'œuvre  de 
notre  miniaturiste. 

Quant  à  lui,  son  rôle  est  subordonné,  mais  nous  pou- 
vons louer  sa  conscience.  Elle  nous  procure,  et  M.  Neu- 
wirlh  le  démontre,  une  œuvre  de  précieuse  valeur  pour 
l'histoire  du  costume  au  XIVe  siècle,  ses  courants  géné- 
raux et  ses  variations.  Le  texte  du  savant  professeur 
abonde  en  informations  et  en  aperçus  qui,  peut-on  dire, 
épuisent  la  matière  et  dont  l'intérêt  pour  l'archéologue 
et  pour  l'artiste  n'est  pas  moindre  que  pour  l'historien. 

Henri  Hymans. 


RAPPORTS. 


La  Classe,  sur  la  proposition  de  la  section  de  sculp- 
ture, adopte  le  buste  en  marbre  de  J.-B.  Brasseur,  exécuté 
par  M.  Ém.  Cantillon,  pour  la  galerie  des  bustes  des 
académiciens  décédés. 


(   144  ) 

Elle  se  rallie  ensuite  à  l'avis  favorable  de  la  même 
section  sur  le  modèle  qui  lui  est  soumis  par  M.  Charlier 
du  buste  de  Théodore  Schwann,  aussi  commandé  par  le 
Gouvernement  pour  la  même  galerie. 


OUVRAGES  PRESENTES. 


Duyse  (Flor.  Van).  Het  Wilhelmuslied  uit  een  musikaal 
oogpunt  beschouwd.  1897;  extr.  in-8°  (40  p.). 

Fraipont  (Julien).  Les  origines  des  Wallons  et  des 
Flamands.  Liège,  1896;  extr.  in-12  (31  p.,  4  pi.). 

Mourlon  (Michel).  Sur  la  non-existence  des  dépôts  de 
l'éocène  supérieur  asschien,  en  dehors  des  environs  de 
Bruxelles,  dans  la  région  comprise  entre  la  Senne  et  la 
Dyle.  Liège,  1895;  extr.  in-8°  (4  p.). 

—  Sur  une  nouvelle  interprétation  des  dépôts  rapportés 
par  Dumont  à  son  système  laekenien  dans  la  région  com- 
prise entre  Waterloo  et  Ottignies.  Bruxelles,  1895; 
extr.  in-8°  (4  p.). 

—  Sur  la  nécessité  de  maintenir  les  étages  asschien  et 
wemmelien  de  l'éocène  supérieur.  Bruxelles,  1895;  extr. 
in-8°  (7  p.). 

—  Observations  à  propos  du  gîte  fossilifère  découvert 
par  M.  Velge  dans  l'argile  de  la  bruyère  de  Haut-Ittre. 
Liège,  1895;  extr.  in-8°  (6  p.). 

—  Sur  l'âge  des  sables  qui,  entre  Aerschot  et  Watervliet, 
au  nord  d'Eecloo,  séparent  l'argile  de  Boom  (oligocène 
moyen)  de  l'argile  sous-jacente  à  ces  sables.  Liège,  1895; 
extr.  in-8°  (20  p.). 

—  Compte  rendu  de  l'excursion  de  la  Société  royale 


(   143  ) 
malacologique  du  lundi  24  septembre  1894,  aux  massifs 
tertiaires  entre  Waterloo  el  Ottignies.       Idem  du  mardi 
23  septembre,  aux  collines  tertiaires  au  sud-est  de  Louvain. 
Bruxelles,  4895;  extr.  in-8°  (12  p.). 

—  Les  mers  quaternaires  en  Belgique,  d'après  l'étude 
stratigraphique  des  dépôts  flandriens,  etc.  Bruxelles,  1896; 
extr.  in-8°  (43  p.). 

—  L'avenir  delà  géologie  en  Belgique.  Bruxelles,  1897  ; 
extr.  in-8°  (6  p.). 

Wauters  {AlphX  David  Teniers  et  son  fils,  le  troisième 
du  nom.  Bruxelles,  1897  ;  extr.  in-8°  (40  p.). 

Janssens  IE.).  Album  de  statistique  graphique  :  démo- 
graphie et  hygiène  de  la  ville  de  Bruxelles.  Bruxelles,  1896; 
vol.  in -4°. 

Vincent  (J.).  Instructions  pour  effectuer  des  observations 
météorologiques  dans  les  régions  tropicales,  et  plus  parti- 
culièrement au  Congo.  Bruxelles,  1897  ;  extr.  in-18  (25  p.). 

Doorslaer  (G.  Van).  Philippe  de  Monte,  célèbre  musicien 
du  XVIe  siècle.  Malines,  1894;  in-8°  (9  p.). 

—  Les  carillons  et  les  carillonneurs  à  Malines.  Mali- 
nes, 1896;  in-8<MS0p.). 

Gehucltlen  {A.  Van).  Anatomie  du  système  nerveux  de 
l'homme.  Leçons  professées  à  l'Université  de  Louvain. 
2e  édition.  Louvain,  1897;  vol.  in-8°  (xxiv-941  p.,  fig.). 

De  Ceuleneer  (A.).  De  kerkdeur  van  Sinte-Sabinate  Rome. 
Gand,  1896;in-8°(13  p.). 

Ferron  (Eug.).  Note  sur  l'état  intérieur  du  globe  terrestre. 
Bruxelles,  1896;  extr.  in-8°  (11  p.). 

Van  (1er  Stricht  (0.).  Le  premier  amphiaster  de  rebut  de 
l'ovule.  —  Anomalies  lors  de  la  formation  de  l'amphiaster 
de  rebut.  —  Origine  des  globules  sanguins  de  l'aorte  et 
de  l'endocarde  chez  les  embryons  de  Sélaciens.  Nancy,  1896; 
3  exlr.  in-8°. 

—  Origine  des  globules  sanguins,  de  l'aorte  et  de  l'en- 


(  146  ) 

docarde  chez  les  embryons  de  Sélaciens.  Paris,  1896;  extr. 
in-8°  (4  p.). 

—  Anomalies  lors  de  la  formation  de  l'amphi aster  de 
rebut.  Nancy,  1896;  extr.  in-8°  (4  p.). 

Serrure  (Raymond).  La  plus  ancienne  monnaie  féodale 
d'Anvers.  Compte  rendu  du  discours  prononcé  en  séance 
publique  de  la  Société  royale  de  numismatique,  par 
M.  Camille  Picqué.  Bruxelles,  1897;  extr.  in-8°  (5  p.). 

Cumont  (Franz).  Textes  et  monuments  figures  relatifs 
aux  mystères  de  Mithra,  fasc.  4.  Bruxelles,  1896;  in-4°. 

Crispo  (/).).  Rapport  sur  les  accidents  provoqués  par 
l'emploi  du  nitrate  de  soude  au  printemps  de  1896. 
Bruxelles,  1896;  in-8° (27  p.). 

Stocquart.  Note  sur  un  cas  de  polydactylie  bilatérale. 
Bruxelles,  1896;  extr.  in-8°  (2  p.). 

de  Jonghe  (le  vte  B.).  Sceau  matrice  du  couvent  «  Het 
besloten  Hof  »,  à  Hérenthals  (l'e  moitié  du  XVIe  siècle). 
Anvers,  1896;  extr.  in-8°  (6  p.  et  1  pi.). 

—  Monnaies  de  Reckheim.  Bruxelles,  1897;  extr.  in-8° 
(10  p.  et  1  pi.). 

Anvers.  Antwerpsche  bibliophilen.  Uitgave  nr  20  :  Le 
passetemps  de  Jehan  Lhermite,  publié  d'après  le  manu- 
scrit original,  tome  II  (E.  Ouverleaux  et  J.  Petit),  1896. 

Bruxelles.  Musée  royal  d'histoire  naturelle.  Annales , 
tome  XII  :  Les  Arachnides  de  Belgique;  par  Léon  Becker, 
deuxième  et  troisième  parties.  1896;  2  vol.  in-folio  dont 
un  atlas  de  43  pi. 

Louvain.  Université.  Annuaire  pour  1897.  In-16. 


Allemagne  et  Autriche-Hongrie. 

Lessla  (Franz).  Neue  Art  des  lntegrirens,  Méthode  der 
Gegenkurven.  Debreczin,  1896;  in-4°  (2  p.). 
Neuwirth    (Joseph).    Forschungen    zur    Kunstgeschichte 


(117    ) 

Bôhmens,  II.  Der  Bildercyklus  des  Luxcmburgcr  Stamm- 
baumesaus  Karlstein.  Prague,  1897;  in-folio  (54  p.  et  16  pi.). 

Altenbourg.  Naturforschende  Gesellschaft.  Mitteilun- 
gen,  Vil.  Band.  1896. 

Berlin.  Astronomisches  Jarhbuch  fur  1899. 

Budapest.  Statislisches  Bureau.  Die  statistischc  Commis- 
sion der  Kgl.  Hauptstadt  Prag  sammt  Vororten  und  das 
Prager  stâdtische  statistischc  Bureau,  in  der  Zcit  von 
1870  bis  1895.  1895. 

—  Wohnverhâltnisse  in  der  Kgl.  Hauptstadt  Prag  und 
der  Vororten,  1895. 

Munich.  Kôn.  Ahademie  (1er  Wissenschaften.  Ludwig 
Otto  Hesse's  gesammelte  Werke.  1897;  in-4°. 


France. 

Lafenestre  [Georges)  et  Richtenberger  {Eugène).  La  pein- 
ture en  Europe.  Catalogue  raisonné  des  œuvres  principales 
conservées  dans  les  musées  :  Venise.  Paris  (1896)  ;  pet.  in-8° 
(xxiii-363  p.,  100  reproductions  photographiques  et  6  plans). 

Chantre  [Ernest).  Etudes  paléoethnologiques  dans  le 
bassin  du  Rhône.  Premier  âge  du  fer.  Nécropoles  et  tumul us. 
Paris-Lyon,  1880;  in-4°  (60  p.  et  50  pi.). 

—  Recherches  anthropologiques  dans  le  Caucase, 
tomes  I-IV.  Paris-Lyon,  1885-1887;  5  vol.  in-4°. 

Faisan  [A.)  et  Chantre  [E.).  Monographie  géologique  des 
anciens  glaciers  et  du  terrain  erratique  de  la  partie  moyenne 
du  bassin  du  Rhône,  tomes  I  et  II.  Lyon  1879-80;  2  vol. 
in-8°. 

Saint-Lager.  Les  nouvelles  flores  de  France.  Étude 
bibliographique.  Paris,  1894;  in-8°  (31  p.). 

-  La  vigne  du  mont  Ida  et  le  vaccinium.  Paris,  1896; 
in-8°  (37  p.). 

Ponthière  [Honoré).  Triptyque  :  Le  Paquebot  —  Le 
Village  —  L'Épopée  du  fer.  Paris,  1897;  pet.  in-8°  (150  p.). 


(  U8) 

Angers.  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts.  Mémoires, 
4e  série,  tome  IX,  1895. 

—  Société  industrielle  et  agricole.  Bulletin,  1893-94  et  1895. 
Bobdeaux.  Société  d'anatomie  et  de  physiologie.  Bulletins, 

tome  XVI.  1895. 

—  Société  linnéenne.  Actes,  vol.  48.  1895. 

Lyon.  Muséum  d'histoire  naturelle.  Archives,  tome  I, 
1876-95;  6  vol.  in-4°. 

—  Société  linnéenne.  Annales,  tomes  XLl  et  XLII, 
1894-95. 

—  Académie  des  sciences.  Mémoires,  3e  série,  tome  III, 
1895. 

—  Société  d'agriculture.  Annales,  7e  série,  tomes  II  et  III, 
1894-95. 

—  Société  d'anthropologie.  Bulletin,  tomes  I-XIV.  1881-95. 
Nancy.  Académie  de  Stanislas.  Mémoires,  1895,  5e  série, 

tome  XIII. 

—  Société  des  sciences.  Bulletin,  1895,  tome  XIV. 
Nantes.  Société  des  sciences  naturelles.  Bulletin,  tome  VI, 

1er,  2e  et  3e  trimestres,  1896. 

Paris.  Ministère  de  l'Instruction  publique.  Comptes  des 
bâtiments  du  Boi  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  tome  IV, 
1896;  in-4°. 

—  Observatoire.  Atlas  photographique  de  la  lune  exécuté 
par  31.  Loewy  et  P.  Puiseux,  1er  fascicule.  Paris,  1896; 
cahier  in-4°  et  atlas  in-plano  de  5  planches. 

—  Société  de  l'histoire  de  France.  Annuaire  pour  1895. 
Reims  Académie  nationale.  Travaux,  1893-95,  vol.  96  et  97. 
Rouen.  Société  des  amis  des  sciences  naturelles.  Bulletin, 

1895. 

—  Académie  des  sciences.  Précis  analytique,  1894-95. 
Sèvres.  Comité  des  poids  et  mesures.  Procès-verbaux  des 

séances  de  1895.   —   Comptes  rendus  des  séances  de  la 
deuxième  conférence  générale,  réunie  à  Paris  en  1895. 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 


DES 


Lettres  et  des  Beaux-Arts  de  Belgique. 

1897.  —  N°  5. 


CLASSE    DES    SCIENCES. 


Séance  du  6  mars  4897. 

M.  Alfr.  Gilkinet,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents:  MM.  [Éd.  Dupont,  vice-directeur  ;  le 
baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  Dewalque,  E.  Can- 
dèze,  Al.  Brialmont,  Éd.  Van  Beneden,  C.  Malaise, 
F.  Folie,  Alph.  Briart,  F.  Plateau,  Fr.  Crépin,  J.  De 
Tilly,  Ch.  Van  Bambeke,  G.  Van  der  Mensbrugghe, 
W.  Spring,  L.  Henry,  M.  Mouiion,  P.  Mansion,  P.  De 
Heen,  C.  Le  Paige,  F.  Terby,  J.  Deruyts,  Léon  Frede- 
ricq,  J.-B.  Masius,  membres;  Ch.  de  la  Vallée  Poussin, 
associé;  A. -F.  Renard,  L.  Errera,  J.  Neuberg,  Alb.  Lan- 
caster  et  G.  Cesàro,  correspondant*. 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  11 


(  ISO) 
M.  le  Directeur  adresse  les  félicitations  de  la  Classe  à 
M.    le   général   De   Tilly,   promu,   par  arrêté  royal  du 
25  février  dernier,  commandeur  de  l'Ordre  de  Léopold. 
(Applaudissements .  ) 


CORRESPONDANCE. 


La  Classe  apprend,  avec  un  vif  sentiment  de  regret,  la 
mort  du  professeur  Charles-Théod.-Wilhelm  Weierstrass, 
né  à  Ostenfelde  (Westphalie)  le  51  octobre  1815,  élu 
associé  de  la  section  des  sciences  mathématiques  et  phy- 
siques le  14  décembre  1888,  décédé  à  Berlin  le  19  fé- 
vrier 1897. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 

Revue  de  l'Université  de  Bruxelles,  2e  année,  n°"  1-5, 1896; 
La  Cellule,  recueil  de  cytologie,  tome  XII,  1er  fascicule. 

—  Remerciements. 

—  L'Académie  royale  des  sciences  de  Turin  annonce 
la  mort  de  deux  de  ses  membres  :  MM.  les  professeurs 
Galileo  Ferraris,  sénateur  du  royaume,  et  Luigi  Schia- 
parelli. 

—  M.  Melchior  Treub,  directeur  du  jardin  botanique 
de  l'Etat,  à  Buitenzorg  (Java),  adresse  des  remerciements 
pour  son  élection  d'associé. 


(  1»"  ) 

—  La  Classe  accepte  le  dépôt,  dans  les  archives  de 
l'Académie,  d'un  pli  cacheté  de  M.  P.  Stroobant  (Sur  les 
perturbations  d'une  comète  à  longue  période). 

-  Le  Comité  organisateur  du  VIIe  Congrès  géologique 
international  annonce  la  réunion  de  cette  session  à  Saint- 
Pétersbourg,  au  mois  d'août  prochain. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  A.  Résultats  des  campagnes  scientifiques,  fasc.  XI  : 
Contribution  à  l'élude  des  sjellerides  de  l'Atlantique  Nord; 
B.  Sur  la  troisième  campagne  scientifique  delà  «  Princesse 
Alice  »;  par  S.  A.  M&  le  Prince  Albert  Ier  de  Monaco; 

2°  Annuaire  de  l'Observatoire  royal  de  Belgique,  1807; 
par  F.  Folie; 

5°  Le  climat  de  la  Belgique  en  t896,  11e  année;  par 
A.  Lancaster; 

4°  A.  Note  sur  des  troncs  d'arbres  verticaux  dans  le 
bassin  houiller  de  Lens;  B.  Note  sur  les  giles  de  phosphate 
de  chaux  d' Hem-Monacu ;  par  J.  Gosselet,  associé. 

—  Bemerciements. 

—  Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

1°  Sur  quelques  propriétés  des  polyèdres  non  centrés 
superposables  à  leur  image;  par  G.  Cesàro.  —  Commis- 
saires :  MM.  De  Tilly,  Neuberg  et  Ch.  de  la  Vallée 
Poussin; 

2°  Recherches  sur  la  maturation,  la  fécondation  et  la 
segmentation  chez  les  Polyclades;  communication  prélimi- 
naire,   par  P.   Francotte,    professeur  à  l'Université  de 


(   152  ) 
Bruxelles.  —  Commissaires  :  MM.  Éd.  Van  Beiieden  et 
Masius  ; 

5°  Sur  la  courbure  des  lignes  et  des  surfaces;  par 
M.  Stuyvaert,  professeur  à  l'Athénée  royal  de  Gand.  — 
Commissaires:  MM.  Mansion  et  Neuberg. 


RAPPORTS. 


MM.  Spring,  De  Heen  et  Van  der  Mensbrugghe  don- 
nent lecture  de  leurs  rapports  sur  un  travail  de  M.  A.  de 
Hemptinne,  intitulé  :  Action  des  vibrations  électriques  sur 
quelques  substances.  —  Renvoi  à  l'auteur  pour  modifica- 
tions demandées  par  les  commissaires. 


Recherches  sur  l'acide  phénoxacétique.  Deuxième  commuai- 
cation.  —  Acide  phénoxycinnamique ;  par  le  D'  A.-J.-.l. 
Vandevelde. 

'*"/'/""''  fie   "•   •■'    SjH'ittg,  pi-ftiiiff  cotitmisêaii'v. 

a  M.  Vandevelde  a  continué  ses  recherches  sur  Y  acide 
phénoxacétique.  Comme  suite  à  la  note  qu'il  a  présentée  à 
l'Académie  à  la  séance  du  mois  d'août  dernier  (*),  il  fait 


0  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3»  sér.,  t.  XXXII,  pp.  302-315. 


(  153  ) 
connaître  aujourd'hui  deux  dérivés  de  l'aride  phénoxai  ■  - 
tique  :  l'acide  phénoxycinnamique 

C,IF80  — C  — CO,H 

II 

c6\h  —  cu 
et  l'acide  phénoxyhydrocinnamique 

C6II50  —  CH  —  COjH 

I 
C6HS  —  CfF,. 

Le  premier  se  forme  par  l'élimination  d'une  molécule 
d'eau  entre  l'acide  phénoxacétique  et  l'aldéhyde  ben- 
zoïque,  sous  l'influence  de  l'anhydride  acétique;  le  second 
se  produit  par  réduction  du  premier  à  l'aide  de  l'amal- 
game de  sodium  en  présence  de  l'eau. 

L'auteur  a  préparé  en  outre  les  sels  de  sodium,  d'ar- 
gent, d'aniline,  et  l'éther  phénylique  de  l'acide  phénoxy- 
cinnamique. 

Les  analyses  qu'il  donne  de  toutes  ces  combinaisons 
sont  de  nature  à  ne  laisser  aucun  doute  sur  leur  identité; 
je  n'hésite  donc  pas  à  proposer  à  la  Classe  l'insertion  de 
la  note  de  M.  Vandevelde  dans  le  Bulletin  de  la  séance.  » 

M.  L.  Henry,  second  commissaire,  partage,  dit-il,  l'avis 
de  son  savant  confrère  et  se  rallie  à  sa  proposition;  celle-ci 
est  adoptée  par  la  Classe. 


(  m  ) 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


De  la  nécessité  d'une  réaction   en  astronomie  sphérique; 
par  F.  Folie,  membre  de  l'Académie. 

Au  mois  de  mai  181)6,  une  conférence  internationale 
des  rédacteurs  des  grandes  éphémérides  astronomiques 
s'est  réunie  à  Paris,  dans  le  but  d'arriver  à  l'uniformité 
du  calcul  des  éphémérides.  On  s'est  entendu  sur  les  posi- 
tions des  fondamentales,  sur  les  valeurs  des  constantes  à 
employer,  et  même  sur  les  formules  dont  on  fera  usage  à 
partir  de  1901  dans  ces  calculs. 

Peut-être  n'y  a-t-il  pas  été  question  de  la  manière 
dont  on  calculera  les  termes  du  second  ordre  dans  la 
réduction  des  circompolaires  (*)  ;  en  tout  cas,  on  y  a  con- 
sidéré comme  correctes  les  formules  d'OppoIzer,  rappor- 
tées à  l'axe  instantané,  qui  ne  diffèrent  de  celles  de 
Poisson,  rapportées  à  l'axe  d'inertie,  que  par  l'omission 
des  termes  de  la  nutation  eulérienne. 

Dans  des  notes  précédentes  (**),  j'ai  fait  voir  que  les 


(')  L'expression  complète  de  ces  termes  a  été  donnée  dans  ma 
Revision  des  constantes  de  l'astronomie  stellaire.  Elle  est  identique, 
dans  la  forme,  à  celle  de  Fabritius,  mais  renferme  des  termes  qui  ne 
sont  pas  négligeables  et  qui  ont  été  omis  par  l'astronome  russe. 

(")  Notices  extraites  de  YAnnuaire  de  l'Observatoire  pour  1897. 
Vierteljahrschrift,  octobre-décembre  1896. 


(  155  ) 


formules  de  réduction  en  usage,  prétendument  rapportées 
à  l'équateur  instantané,  sont  radicalement  fausses,  préci- 
sément parce  que  leur  auteur  ne  s'est  pas  aperçu  qu'en 
prenant  pour  point  de  référence  le  pôle  instantané,  il  n'a 
pas  pris  en  même  temps  pour  plan  de  référence  l'équateur 
instantané,  et  qu'il  a  appliqué  néanmoins  à  ses  transfor- 
mations analytiques  les  formules  servant  à  passer  d'un  sys- 
tème orthogonal  à  un  autre  système  orthogonal. 

J'ai  ajouté  que  ces  transformations  seraient  exactes 
dans  le  cas  où  l'équateur  instantané  serait  pris  comme 
plan  de  référence,  mais  que,  dans  ce  cas,  la  définition  la 
plus  capitale  de  l'astronomie,  celle  de  l'heure,  me  sem- 
blait extrêmement  difficile  à  établir. 

Bien  des  astronomes,  probablement,  ne  se  seront  pas 
rendu  compte  de  la  grave  inexactitude  des  formules  en 
usage;  il  faut,  en  effet,  pour  saisir  la  subtilité  dans 
laquelle  Oppolzer  a  versé  à  son  insu,  être  très  familier 
avec  la  théorie  du  mouvement  de  rotation  de  la  Terre. 

Je  me  propose  de  leur  démontrer,  sans  calcul,  le  point 
capital  que  je  viens  d'affirmer,  savoir  que,  si  les  formules 
d'Oppolzer  sont,  comme  il  le  dit  (*)  et  comme  elles  le 
doivent  pour  être  correctes,  rapportées  à  l'équateur 
instantané,  la  définition  de  l'heure  doit  absolument  être 
modifiée;  j'ajoute  que  je  laisse  aux  partisans  d'Oppolzer 
le  soin  d'en  donner  une  correcte  dans  son  système. 

Comme  c'est  sur  la  manière  de  tenir  compte  de  la 
nutation  eulérienne  que  roule  toute  la  discussion,  je  ferai 


(')  On  doit  se  rappeler  que,  dans  les  observations,  l'équateur  est 
pris  pour  plan  fondamental  et  qu'il  est  déterminé  parle  plan  perpen- 
diculaire à  l'axe  de  rotation.  (Oppolzek,  traduction  Pasquier,  p.  155.) 


(186) 

abstraction  des  actions  du  Soleil  et  de  la  Lune,  c'est-à- 
dire  de  la  précession,  et  de  la  nutation  tant  bradléenne 
que  diurne,  qui  sont  dues  à  ces  actions;  je  négligerai  de 
plus  les  termes  du  second  ordre  de  la  nutation  eulérienne, 
qui  sont,  du  reste,  absolument  insensibles. 

Ceci  admis,  on  peut  affirmer  que  l'axe  instantané  de 
rotation  et,  par  suite,  l'équateur  instantané,  sont  absolu- 
ment fixes  dans  l'espace;  l'ascension  droite  et  la  décli- 
naison d'une  étoile  rapportées  à  ce  système,  seront  donc 
absolument  constantes,  c'est-à-dire  que,  dans  ce  système, 
on  n'a  nullement  à  se  préoccuper  de  la  nutation  eulé- 
rienne (*). 

Cette  dernière  provient,  non  des  actions  du  Soleil  et 
de  la  Lune,  mais  de  ce  que  le  mouvement  initial  de 'rota- 
tion de  la  Terre  s'est  effectué,  non  autour  de  l'axe  polaire 
d'inertie,  mais  autour  d'un  axe  incliné  de  0",1  environ 
sur  celui-ci. 

11  résulte  de  là  que  le  pôle  (d'inertie)  tourne,  avec  toute 
la  Terre,  autour  du  pôle  instantané,  d'où  le  caractère 
diurne  de  la  nutation  eulérienne  dans  le  système  d'axes 
de  Laplace. 

Mais  il  résulte  également  des  formules  de  la  mécanique 
que  le  pôle  instantané  se  déplace  à  la  surface  de  la  Terre 
en  une  période  que  j'ai  évaluée  à  520  jours  (**),  Chandler 


(*)  C'est  là,  au  fond,  ce  qu'a  démontré  Oppolzer,  et  sa  démonstra- 
tion est  correcte,  mais  pour  le  système  du  pôle  et  de  l'équateur 
instantanés  seulement,  qui  n'est  pas  le  système  d'axes  employé  par 
lui. 

(**)  Annuaire  de  V Observatoire  roxjal  de  Belgique,  années  1890, 1891, 
1894,  1895,  1897. 


(  157  ) 
à  450  jours  environ  (pour  une  Terre  solide,  la  période 
serait  de  305  jours),  décrivant,  autour  du  pôle  d'inertie, 
une  petite  ellipse  dont  les  axes  ne  sont  pas  encore  bien 
déterminés,  niais  dont  le  plus  grand  ne  surpasse  proba- 
blement guère  0",l . 

L'axe  instantané  étant  immuable  dans  l'espace,  les 
deux  mouvements  précédents  donnent  lieu  à  un  mouve- 
ment uniforme  de  l'axe  d'inertie  autour  de  ce  premier  axe, 
mouvement  dont  la  période  est  de  1  -+-  -  jour,  y.  étant 
égal  à  5:20  d'après  moi,  à  450  d'après  Chandler. 

C'est  dans  ce  mouvement  que  consiste,  au  fond,  la 
nutation  eulérienne,  et  il  en  résulte  à  l'évidence  que,  si 
cette  nutation  est  sensible,  on  le  reconnaîtra  aux  varia- 
tions journalières  delà  hauteur  du  pôle  (d'inertie),  passage 
de  Laplace  que  j'ai  cité  bien  souvent  à  l'appui  de  ma 
manière  de  voir,  qui  n'est  autre  que  la  sienne  (*). 

Evidemment  aussi,  lorsqu'on  rapporte  les  latitudes  au 
pôle  instantané,  comme  le  font  tous  les  astronomes 
modernes,  suivant  en  cela  Oppolzer,  puisque  l'axe  in- 
stantané passe  toujours  par  la  môme  étoile  fixe  (abstrac- 
tion faite  de  la  précession  et  de  la  nutation),  mais  qu'il 
se  déplace  à  la  surface  de  la  Terre  en  une  période  de  500 
à  400  jours,  les  latitudes  ainsi  estimées  seront  sujettes  à 
des  variations  de  même  période. 

Telle  est,  en  ce  qui  concerne  la  latitude,  la  différence 
essentielle  entre  la  méthode  de  Laplace,  dont  les  for- 
mules sont  rapportées  aux  axes  d'inertie,  et  celle  d'Op- 


O  Bulletin  astronomique,  1890;  Bulletin  de  l'Acad.   roy.  de  Bel- 
gique, 4895. 


(  138  ) 
polzer,  qui  prend  pour  point  de  référence  le  pôle  instan- 
tané. 

Examinons  maintenant  quelle  sera  la  seconde  défini- 
tion capitale  de  l'astronomie,  celle  de  l'heure,  dans  les 
deux  systèmes. 

Dans  celui  de  Laplace,  la  vitesse  de  la  Terre  autour  de 
l'axe  polaire  (d'inertie)  étant  constante,  et  le  méridien 
d'un  lieu  étant  fixe,  ce  méridien  passera  tous  les  jours,  à 
des  intervalles  de  temps  parfaitement  égaux,  par  une 
même  étoile  fixe,  et  la  durée  de  ces  intervalles,  qui  est  le 
jour  sidéral,  ou  bien  une  fraction  quelconque  de  cette 
durée,  pourra  être  prise  comme  unité  de  temps. 

Dans  ce  système,  les  heures  sont  donc  rigoureusement 
uniformes. 

Il  n'est  pas  aussi  simple,  tant  s'en  faut,  de  définir 
l'heure  dans  le  système  d'Oppolzer. 

Dans  le  système  de  Laplace,  les  axes  de  référence  X,  Y,  Z 
sont  les  axes  principaux  de  la  Terre.  T  étant  l'équinoxe 
fixe,  01  l'intersection  de  l'équateur  (géographique)  avec 
l'écliptique  fixe,  <\>  désignera  l'axe  TOI,  <p  l'angle  IOX. 
Ce  dernier  angle  croît  d'une  manière  rigoureusement 
uniforme  en  vertu  de  l'uniformité  du  mouvement  diurne 
autour  de  Z  (*),  c'est-à-dire  qu'on  a  tp  =  nt. 

Pour  un  autre  méridien  que  ZX,  on  aurait  <pt  =L  •+-  nt; 
les  longitudes  terrestres  sont  donc  constantes  et  peuvent 
se  réduire  de  la  différence  des  heures  ? l  ='  o. 

Dans  le  système  d'Oppolzer,  pour  qu'il  soit  analytique- 


(')  J'entends  par  là  la  projection  autour  de  z  du  mouvement  diurne 
qui  s'effectue  en  réalité  autour  de  l'axe  instantané. 


(  iw  ) 

ment  irréprochable,  les  axes  de  référence  doivent  être 
Xi,  Y1?  Zls  ce  dernier  étant  l'axe  instantané,  les  deux 
premiers,  deux  axes  rectangulaires  dans  le  plan  de  l'équa- 
teur  instantané. 

Il  faut  définir  ces  deux  axes. 

Quant  au  choix  de  l'axe  X,,  deux  systèmes  sont  en  pré- 
sence. 

Le  premier,  logique,  en  harmonie  avec  l'idée  mère, 
consiste  à  prendre  pour  méridien  d'un  lieu  le  plan  qui 
passe  par  ce  lieu  et  par  l'axe  instantané. 

Analysons  les  conséquences  qui  découlent,  en  ce  cas, 
des  formules  d'Oppolzer.  Faisons  remarquer  d'abord  que 
ces  formules  donnent,  pour  l'ascension  droite,  a  =  a0 
-+-  précession  -+-  nutation  -+-  aberration,  sans  nutation 
eulérienne,  et  par  suite  a  =  »0,  puisque  nous  avons  fait 
abstraction  des  forces  perturbatrices  et  que  nous  ferons 
également  abstraction  de  l'aberration  (et  de  la  parallaxe). 

La  constance  de  l'ascension  droite  résulte,  au  surplus, 
de  la  fixité  de  l'axe  instantané.  Or,  pour  Oppolzer,  comme 
pour  tous  les  astronomes,  l'ascension  droite  d'une  étoile 
est  l'heure  de  son  passage  au  méridien.  On  va  voir  qu'il 
y  a  contradiction  tlagrante  entre  cette  définition  et  les 
conséquences  logiques  du  système  d'Oppolzer. 

Je  supposerai  négligeables  les  petites  variations  pro- 
duites par  la  nutation  dans  la  vitesse  angulaire  de  la 
Terre  autour  de  son  axe  instantané,  variations  qui  n'in- 
terviennent pas  dans  les  formules  de  Laplace,  où  n'entre 
que  la  vitesse  constante  autour  de  l'axe  d'inertie  (*). 


(*)  Voir  la  définition  absolument  rigoureuse  de  l'heure  dans  la 
Revision  des  constantes  de  l'astronomie  stellaire,  pp.  93  à  97. 


(  160  ) 

Le  plan  de  l'étoile  et  de  l'axe  instantané  est  fixe  dans 
le  Ciel.  Supposons-le  passant,  un  certain  jour,  par  le  lieu 
de  l'observation.  Pour  qu'il  y  repassât,  les  jours  suivants, 
après  vingt-quatre  heures  sidérales  exactement,  il  fau- 
drait que  ce  plan  fût  fixe  dans  la  Terre  également,  ce 
qui  n'est  pas,  puisque  le  pôle  instantané  décrit,  en  500  «à 
400  jours,  une  ellipse  autour  du  pôle  d'inertie. 

L'ascension  droite  déterminée  par  l'observation,  à  une 
pendule  parfaite,  au  lieu  d'être  constante,  subira  donc 
des  variations  dont  la  période  sera  la  période  eulérienne. 

Mais  ce  sont  les  ascensions  droites  des  fondamentales 
qui  servent  à  la  détermination  de  l'heure.  Comment 
déterminer  à  la  fois  celle-ci  et  le  méridien  instantané  ? 
Comment  déterminer  la  longitude  du  lieu,  longitude  qui 
varie  périodiquement  avec  le  pôle  instantané,  et  dont  les 
variations  dépendent,  en  plus,  de  la  latitude  ? 

Je  ne  vois  pas  la  possibilité,  dans  ce  système,  de  déter- 
minations absolues  de  l'heure  ni  de  l'ascension  droite.  On 
a  vu,  au  surplus,  qu'il  conduit  à  des  contradictions, 
puisque  l'observation  ne  peut  pas  donner  a  =  constante, 
comme  le  donne  la  formule  d'Oppolzer. 

Ce  n'est  pas  trop  exiger  des  partisans  de  sa  méthode 
que  de  leur  demander  de  traduire  correctement  en 
analyse  l'idée  qu'il  a  incorrectement  traduite. 

Je  ne  m'en  occuperai  pas,  trouvant  le  procédé  de 
Laplace  absolument  correct,  et  beaucoup  plus  limpide. 

Et  qu'on  ne  vienne  pas  arguer  de  la  petitesse  des 
négligences  commises. 

Les  formules  de  la  mécanique  céleste  doivent  être 
rigoureuses.  S'il  y  a  des  termes  négligeables,  il  faut  que 
l'analyse  en  donne  l'expression,  et  que  celle-ci  montre 


(  161  ) 

qu'en  effet  ils  peuvent  être  négligés.  Ce  n'est  pas  affaire 
de  sentiment. 

Le  système  que  je  viens  de  critiquer  est  celui  que 
suivent  les  astronomes  contemporains. 

Un  second  système,  moins  logique,  mixte,  peut-on 
dire,  mais  qui  se  rapproche  davantage  de  celui  qu'Op- 
polzer  semble  avoir  eu  dans  l'esprit,  est  le  suivant  (je 
dis  semble,  car  Oppolzer  n'a  pas  parlé  des  axes  X1?  Y4,  et 
ma  conviction  est  que  ses  axes  sont  Z1}  X,  Y,  axes 
obliques,  et,  par  conséquent,  que  ses  formules,  fondées  sur 
les  formules  de  transformation  d'axes  orthogonaux,  sont 
fausses)  : 

Prenons,  pour  axe  Xt,  la  trace  du  méridien  géogra- 
phique ZL  sur  l'équateur  instantané.  Puisque  le  pôle 
d'inertie  Z  décrit  dans  le  Ciel,  autour  du  pôle  instan- 
tané Z4,  abstraction  faite  du  mouvement  diurne,  l'ellipse 
eulérienne,  et  que  le  point  L  revient  occuper  identi- 
quement, après  vingt-quatre  heures  sidérales,  la  même 
position  par  rapport  à  l'axe  et  à  l'équateur  instantanés, 
il  en  résulte  que  le  méridien  ZL,  après  vingt-quatre 
heures,  n'occupera  plus  la  même  position;  il  en  sera 
également  ainsi  de  sa  trace  sur  l'équateur  instantané 
qui  est  fixe;  et,  comme  c'est  l'angle  <p4,  compris  entre 
cette  trace  et  la  droite  fixe  OIj,  qui  détermine  l'heure 
sidérale  du  lieu  L,  on  voit  que  cette  heure,  au  lieu  d'être 
uniforme,  comme  celle  de  Laplace,  subira  des  variations 
d'une  période  eulérienne,  et  que  ces  variations  seront 
d'autant  plus  considérables  que  la  latitude  du  lieu  sera 
plus  élevée. 

La  nutation  eulérienne,  qui,  dans  le  procédé  corrigé 
d'Oppolzer,  disparaît  aussi  bien  en  longitude  qu'en  obli- 


(   102  ) 
quité,  reparaît  donc,  chose  bien  plus  grave,  dans  l'ex- 
pression de  l'heure. 

Le  dernier  système  d'axes  a  l'avantage  de  conserver  un 
méridien  fixe.  Mais  tous  deux  ont  l'inconvénient  irrémé- 
diable de  ne  pouvoir  définir  l'heure  correctement,  à  cause 
de  l'ignorance  dans  laquelle  nous  sommes  encore  quant 
à  la  véritable  expression  et  quant  à  la  grandeur  de  la 
nutation  eulérienne.  Tout  au  moins  —  on  me  permettra 
d'insister  sur  ce  point  —  devrait-on,  avant  de  faire  usage 
des  formules  d'OppoIzer,  les  compléter  dans  le  sens  que 
je  viens  d'indiquer,  en  substituant  aux  axes  Zj,  X,  Y, 
qu'il  a  employés  inconsciemment,  et  auxquels  il  a  appli- 
qué incorrectement  les  transformations  orthogonales,  des 
axes  Zls  X^  Y4  rectangulaires. 

On  pourra  lire,  dans  la  Révision  des  constantes  de  l'as- 
tronomie steUaire,  pages  62  et  suivantes,  l'exposition 
détaillée  de  la  méthode  de  Laplace,  et  s'assurer  com- 
bien elle  est  simple,  lucide,  correcte  et  adéquate  au 
mode  d'observation. 

Pour  terminer,  je  rapporterai  les  paroles  que  j'ai 
prononcées  à  la  réunion  de  la  Société  astronomique,  qui 
a  eu  lieu  à  Bamberg  au  mois  de  septembre  dernier, 
après  y  avoir  démontré  l'incorrection  des  formules 
d'OppoIzer  : 

«  Depuis  six  ans,  c'est  en  vain  que  je  crie  aux  astro- 
»  nomes  :  Caveant  consnles  !  Aujourd'hui  je  puis  dire  aux 
»  directeurs  des  grands  observatoires  et  des  grandes  éphé- 
»  mérides  :  Si  quid  détriment  i  res  aslronomica  capit,  vous 
»  serez  responsables  de  ce  dommage  devant  la  postérité. 
»  Tout  l'avenir  de  l'astronomie  dépend  de  la  voie  dans 
»  laquelle  elle  va  s'engager.  Si  elle  persévère  dans  ses 


(  1«3  ) 
»  errements  actuels,  elle  fait  fausse  route,  tant  dans  les 
»  observations  que  dans  le  calcul  de  l'heure  et  de  l'as- 
»  cension  droite. 

»  Il  faut,  de  toute  nécessité,  qu'on  en  revienne  aux 
»  méthodes  d'observation  de  Bessel  et  aux  formules 
»  complètes  de  Laplace,  c'est-à-dire  aux  formules  du 
»  grand  géomètre,  complétées  par  les  termes  de  la  nuta- 
»  lion  eulérienne  et  de  la  nutation  diurne,  qu'il  a  pu 
»  négliger  eu  égard  à  la  précision  des  observations  de 
»  son  temps.  Et  j'espère  que  l'astronomie  du  XXe  siècle 
»  sera  fondée  sur  des  définitions  et  sur  des  méthodes 
»  d'observation  et  de  calcul  absolument  correctes.  » 

Après  avoir  écrit  cette  note,  j'ai  parcouru,  avec  un  vif 
intérêt,  l'article  de  MM.  Jabely  et  Simonin  sur  la  mire 
lointaine  de  l'Observatoire  de  Nice  (*),  et  j'y  remarque 
l'omission  de  la  cause  la  plus  importante,  selon  moi,  des 
différences  d'azimut  déduites,  pour  la  mire,  des  passages 
supérieurs  et  inférieurs  des  circom polaires  :  cette  cause 
est  incontestablement  l'omission  de  la  nutation  eulé- 
rienne dans  la  réduction  des  observations,  nutation  qui 
est  éliminée  dans  la  moyenne  des  deux  passages. 

C'est  donc  avec  infiniment  de  raison  que  les  auteurs 
disent  :  «  Que  reste-t-il  dès  lors  pour  le  mouvement  de 
la  mire  lointaine?  Peu  de  chose,  sans  doute,  sinon  rien.  » 
Je  pense  même  qu'ils  peuvent  hardiment  supprimer  le 
«  peu  de  chose  ». 


(*)  Bulletin  astronomique,  janvier  1897. 


(  164  ) 


Phénomènes  botaniques  et  zoologiques  observés  en  Belgique 
(février  1897);  par  F.  Folie,  membre  de  l'Académie. 

Laroche  s/Ourthe.  —  Le  4,  floraison  du  perce-neige; 
le  13,  chant  du  pinson  ;  le  16,  chant  de  l'alouette;  le  18, 
chant  du  verdier;  papillon  jaune;  réveil  des  grosses  four- 
mis; le  25,  ver-luisant;  le  26,  bergeronnette  grise. 

Linsmeau.  —  Le  18,  réveil  des  fourmis. 

Spa.  —  Le  15,  floraison  du  noisetier. 

Hamoir.  —  Le  19,  floraison  d'une  anémone  sylvie. 

Longchamps  (Waremme).  -  -  Avant  le  14,  floraison  du 
perce-neige. 

Ledererg.  Le  21,  chant  du  merle;  réveil  de  la 

chauve-souris. 

Iseghem.  —  Le  7,  floraison  du  noisetier. 

Méry  (Tilff).  —  Le  21,  floraison  de  la  violette; 
chauve-souris. 

Uccle.  —  Le  21,  chant  du  rouge-gorge;  le  23,  chant 
du  merle;  chant  de  l'alouette;  le  26,  papillon  vanesse; 
le  23,  feuillaison  du  groseillier  sanguin  ;  le  24,  floraison 
du  Dapline  mezereum  (bois-gentil);  le  27,  floraison  du  tus- 
silage pas-d'âne. 


(  165  ) 


Sur  le  spectre  d'absorption  de  quelques  corps  organiques 
incolores  et  ses  relations  arec  la  structure  moléculaire; 
par  \Y.  Spring,  membre  de  l'Académie. 

A  la  suite  des  recherches  que  j'ai  reprises  dernière- 
ment Sur  la  couleur  de'l'eau  (*),  j'ai  cru  intéressant  de 
vérifier  si  d'autres  substances,  passant  aussi  pour  incolores, 
ne  manifestent  pas,  comme  celle-ci,  des  phénomènes  de 
coloration  quand  on  les  examine  sous  une  épaisseur 
suffisamment  grande.  L'obligation  de  ne  faire  emploi 
que  de  corps  pouvant  être  préparés  en  grande  masse  à 
un  degré  de  pureté  irréprochable,  a  limité  singulière- 
ment le  champ  d'exploration.  J'ai  du  me  borner  alors  à 
l'examen  des  corps  organiques  les  moins  compliqués, 
savoir  :  quelques  alcools,  des  acides,  l'acétone,  l'éther 
éthvlique  et  les  acétates  d'éthyle  et  d'amyle  (**).  Néan- 
moins, ces  quelques  matières  ont  permis  de  faire  une 
constatation  assez  curieuse,  paraissant  démontrer  une 
relation  réelle  entre  la  couleur  et  la  structure  moléculaire 
des  corps  composés.  Ainsi,  tous  les  corps  dans  la  molé- 
cule desquels  on  admet  la  présence  du  groupe  oxhydryle 
(OH)  —  les  alcools  et  les  acides  —  ont  fait  voir  une  couleur 
se  rapprochant  d'autant  plus  du  bleu  de  l'eau  que  le  chai- 


(')  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  sér.,  t.  Y,  pp.  55-84;  t.  XII, 
pp.  814-857;  t.  XXXI,  pp.  94-110  et  256-260. 

O  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  sér.,  t.  XXXI,  pp.  246-256; 
t.  XXXII,  pp.  43-51. 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  12 


(  166  ) 

non  carboné  qui  fait  suite  au  groupe  OH  est  plus  court. 
Si  le  groupe  (OH)  fait  défaut,  la  matière  est  jaune  d'or 
plus  ou  moins  foncé,  même  si  elle  renferme  de  l'oxygène  : 
c'est  ce  que  l'acétone  et  les  divers  élhers  ont  permis  de 
constater. 

Les  choses  se  passent  donc  comme  si  certains  groupes 
atomiques  étaient  doués  d'un  pouvoir  absorbant  propre 
qui  ne  subirait  qu'une  faible  altération  à  la  suite  de  leur 
combinaison  avec  d'autres  groupes.  On  pourrait  dire 
que  l'absorption  de  la  lumière  ne  serait  pas  sous  le  com 
mandement  absolu  de  la  molécule  entière,  mais  qu'elle 
subirait  encore  l'influence  de  ses  parties  constituantes. 
On  conviendra  que  si  cette  conclusion  n'est  pas  illusoire, 
elle  ne  tend  à  rien  moins  qu'à  faire  regarder  un  corps 
composé  comme  formé  de  parties  réellement  distinctes, 
remplissant,  chacune,  un  rôle  déterminé.  Un  corps  orga- 
nique serait  comme  une  fédération  d'États  ayant  conservé 
une  certaine  autonomie,  tout  en  contribuant  à  donner  à 
leur  ensemble  un  caractère  d'individualité. 

L'analyse  spectrale  que  j'ai  faite  de  la  lumière  passant 
par  des  corps  ayant  des  groupes  atomiques  identiques, 
par  exemple  l'alcool  éthylique,  l'éther  éthylique  et 
l'acétate  d'éthyle,  qui  tous  trois  dérivent  de  C2H5,  a 
montré  l'absorption  d'un  faisceau  d'ondes  lumineuses  de 
même  longueur.  Il  apparaît  dans  le  spectre  de  chacune 
de  ces  substances  une  bande  d'absorption  étroite,  occu- 
pant exactement  la  même  place,  malgré  la  différence 
capitale  des  fonctions  chimiques  des  corps  et  de  leur 
composition  générale. 

Ce  fait  fournissait  un  appui  très  sérieux  aux  conclusions 
que  je  viens  de  rappeler.  Il  soulevait,  de  plus,  une  ques- 


(  167  ) 
tion  fondamentale  :  celle  de  savoir  si,  pour  des  combi- 
naisons de  certaine  nature,  l'absorption  de  la  lumière 
est  ou  n'est  pas  la  résultante  des  diverses  forces  en  jeu 
dans  une  molécule.  Je  m'explique.  Si  nous  supposons 
un  corps  formé  de  (\vu\  groupes  A  et  B,  dont  A  occasion- 
nerait à  l'état  isolé  une  absorption  donnée  dans  le 
spectre,  tandis  que  B  serait  absolument  transparent,  la 
combinaison  AB  devra,  selon  toute  apparence,  montrer 
la  bande  d'absorption  de  A  sans  altération  ni  déplace- 
ment, l'action  de  B  étant  nulle,  si  tant  est  que  la  combi- 
naison de  A  avec  B  ne  produit  pas,  dans  la  molécule, 
des  tensions  de  nature  à  altérer  les  propriétés  optiques 
de  A.  Mais  le  problème,  ainsi  posé  dans  toute  sa  simpli- 
cité, n'est  pas  accessible  à  l'expérience.  On  ne  peut 
opérer  à  l'aide  de  groupes  A  ou  B  isolés  d'abord  et  com- 
binés ensuite.  La  difficulté  pourrait  cependant  être 
tournée  si  l'on  rencontrait  d'autres  combinaisons,  telles 
que  AB',  AB",  AB",  etc.,  pour  lesquelles  il  apparaîtrait, 
dans  le  spectre,  une  bande  d'absorption  à  la  même  place. 
Alors  il  serait  sans  doute  permis  d'attribuer  cette  bande 
constante  à  l'élément  constant  des  diverses  combinaisons 
AB,  AB',  etc.,  et  de  regarder  les  parties  B,  B',  B" 
comme  également  inactives  au  point  de  vue  optique. 

Si,  au  contraire,  la  bande  d'absorption  se  déplaçait 
dans  un  sens  constant,  on  en  pourrait  conclure  que  les 
groupes  B,  B',  B",  ou  bien  possèdent  une  absorption 
propre,  qui  se  composerait  avec  la  première,  ou  bien 
qu'ils  modifient  d'une  façon  de  plus  en  plus  profonde  la 
nature  optique  de  A,  ensuite  de  la  tension  qu'ils  exer- 
ceraient sur  celui-ci.  En  un  mol,  l'exercice  de  ce  que  l'on 
a  nommé  ïaffinité,  ou  la  force  d'attache  des  groupes  ou 


i  168) 

des  atomes  dans  une  molécule,  pourrait  se  traduire  par 
la  position  des  bandes  d'absorption  de  la  lumière. 

On  le  voit,  par  l'emploi  de  corps  de  composition  peu 
compliquée,  on  peut  espérer  arriver  à  la  solution  des  deux 
questions  suivantes  : 

4°  L'apparition  de  certaines  bandes  d'absorption  dans 
le  spectre  lumineux  a-t-elle  pour  cause  la  présence  réelle 
de  groupes  d'atomes  définis,  dans  la  molécule? 

2°  Le  déplacement  éventuel  de  ces  bandes  est-il  en 
relation  avec  l'affinité  enjeu  entre  les  parties  déterminées 
d'une  même  molécule? 

Dans  le  cas  d'une  solution  positive,  l'analyse  spectrale 
fournirait  un  moyen  de  dévoiler,  dans  un  certain  nombre 
de  cas,  la  structure  des  molécules  et  de  contrôler,  par 
une  voie  physique,  les  conclusions  tirées  des  procédés 
chimiques  servant  à  la  construction  des  corps. 

Il  est  bien  entendu  que  cette  méthode  suppose  des 
substances  présentant  une  absorption  lumineuse  simple 
dans  la  région  visible  du  spectre  et  qu'elle  est  exclusive 
des  matières  dont  le  pouvoir  absorbant  s'exerce  seulement 
sur  les  extrémités  du  spectre,  car  les  difficultés  que  l'on 
rencontre  dans  la  préparation  de  corps  dans  un  état  de 
pureté  tel  que  leur  transparence  générale  soit  comparable 
exactement,  ne  sont  pas  de  nature  à  être  vaincues  :  tout 
chimiste  qui  s'est  occupé  de  l'étude  des  phénomènes 
d'absorption  lumineuse  a  eu  l'occasion  de  s'édifier  à  cet 


égard. 


D'autre  part,  si  les  substances  ne  donnant  pas  de 
bande  d'absorption  sont  inutilisables,  il  en  sera  de  même 
de  celles  qui  en  fournissent  un  nombre  trop  grand  ou  de 
celles  qui,  comme  les  matières  colorées  proprement  dites, 


(  169  ) 

en  donnent  de  trop  larges.  Dans  ce  cas,  les  bandes  ont  une 
origine  si  compliquée  que  Ton  ne  pourrait  éviter  des  mé- 
comptes si  l'on  essayait  de  la  débrouiller  dans  l'état 
actuel  de  nos  connaissances. 

En  résumé,  il  pourrait  en  être  de  l'analyse  à  laquelle 
il  est  fait  allusion  ici,  comme  de  l'analyse  spectrale  des 
corps  simples.  Celle-ci  ne  donne  ses  résultats  les  plus 
certains  et.  les  plus  commodes  à  constater  que  pour  les 
éléments  fournissant  un  spectre  qui  n'est  pas  sillonné  par 
un  trop  grand  nombre  de  raies. 

Telles  sont  les  vues  théoriques  que  j'ai  désiré  vérifier. 
On  verra  par  la  suite  qu'elles  se  trouvent  confirmées, 
sinon  d'une  manière  absolue,  au  moins  de  façon  à  sus- 
citer des  recherches  complémentaires  de  la  part  des  chi- 
mistes qui  seront,  mieux  que  je  ne  l'ai  été,  en  état  de  se 
procurer  des  matériaux  plus  variés  pour  leurs  expériences. 


État  de  la  question. 

Dans  mes  recherches  Sur  la  couleur  des  alcools  et 
d'autres  corps  organiques  (*),  j'avais  pour  objet  principal 
de  constater  seulement  les  phénomènes  d'absorption 
tels  que  l'œil  les  perçoit,  c'est-à-dire  la  réalité  ou 
l'absence  d'une  couleur.  J'opérais  sur  des  épaisseurs 
de  liquide  de  26  mètres  et  je  me  trouvais  dans  un 
domaine  pour  ainsi  dire  non  encore  exploré.  Il  en  est 
autrement  aujourd'hui.  L'analyse  spectrale  ne  réussit  pas 
avec  une  si  grande  épaisseur  de  matières,  parce  que  le 

(*)  Lococitatc. 


(  170  ) 

spectre  lumineux  est  alors  trop  faible  et  surtout  trop 
court  :  le  côté  rouge,  notamment,  est  si  fortement 
affaibli,  qu'une  bande  d'absorption  obscure  qui  y  régne- 
rait ne  pourrait  se  distinguer  au  milieu  de  cette  obscurité 
relative. 

Il  faut  donc,  de  toute  nécessité,  diminuer  l'épaisseur 
des  liquides,  même  jusqu'à  la  limite  à  laquelle  la  cou- 
leur propre  de  la  matière  commence  à  ne  plus  être  per- 
ceptible. Mais  alors  on  se  trouve  dans  des  conditions 
physiques  qui  ont  été  réalisées  souvent  par  plusieurs  phy- 
siciens. Il  est  donc  utile  de  résumer  les  observations  déjà 
recueillies,  d'autant  que  certaines  d'entre  elles  forment  un 
groupe  auquel  il  ne  manquait  qu'un  complément  pour 
permettre  de  conclure  à  l'influence  de  la  structure  molé- 
culaire sur  l'absorption  de  la  lumière.  Il  est  bien  entendu, 
toutefois,  que  seuls  les  travaux  se  rapportant  à  l'absorp- 
tion par  les  matières  dites  incolores  et  dans  la  région 
visible  du  spectre  pourront  nous  servir  :  les  observations 
de  O.-N.  Witt,  de  G.  Kriiss,  de  Schùtze,  de  A.-E.  Bost- 
wick  et  surtout  les  données  si  nombreuses  de  W.-N.  Hart- 
ley,  pour  ne  citer  que  les  principales,  se  rapportant  à  des 
matières  colorées,  s'écartent  du  cas  spécial  de  notre  exa- 
men des  substances  incolores;  d'autre  part,  les  recherches 
de  W.-N.  Hartley  et  A.-K.  Huntington,  ainsi  que  celles 
de  J.-L.  Soret  et  A.  Rilliet,  étant  relatives  à  l'absorption 
des  rayons  ultra-violets  par  de  petites  épaisseurs  de  liqui- 
des, ne  sont  pas  non  plus  en  rapport  direct  avec  le  sujet 
présent.  On  sait  depuis  longtemps  déjà  que  les  corps 
organiques  absorbent  d'une  manière  intense  les  rayons 
les  plus  réfrangibles.  Pour  faire  des  observations  dans  la 
partie  ultra-violette  du  spectre,  on  est  donc  obligé  d'opé- 
rer sur  des  épaisseurs  minimes,  hors  d'état  de  faire  appa- 


(  171  ) 
raître  l'absorption  des  rayons  moins  réfrangibles.  Il  se 
peut  même  qu'il  n'y  ait  aucune  relation  simple  entre 
l'absorption  de  l'énergie  rayonnante  à  ondes  courtes  et 
celle  de  l'énergie  rayonnante  à  ondes  longues. 

Le  physicien  qui  a  observé  le  premier,  je  crois,  qu'un 
liquide  donne  un  spectre  d'absorption  même  quand  son 
épaisseur  est  insuffisante  pour  qu'il  paraisse  coloré,  est 
J.-S.  Schonn  (*).  Occupé  de  l'examen  des  lignes  atmo- 
sphériques, il  jugea  intéressant  d'observer  l'absorption  de 
la  lumière  par  l'eau.  A  l'aide  d'un  tube  de  lm,95,  il  vit 
dans  le  spectre  de  l'eau  deux  bandes,  l'une  vers  D  et 
l'autre  près  de  C.   Des   indications  plus  précises   font 
défaut.  Il  constata  aussi  que  le  pétrole  donne  trois  bandes 
d'absorption,  et  l'alcool  éthylique,  une  bande.    Schonn 
compléta  ses  observations  plus  tard  en  examinant  l'alcool 
méthylique,  avec  lequel  il  trouva  deux  bandes  dans  le 
rouge,  puis  avec  l'alcool  amylique  et  l'acide  acétique,  pour 
lesquels  il  vit  aussi  deux  bandes.  Soit  dit  dès  maintenant, 
ces  résultats  ne  concordent  pas  avec  les  miens  :  pour  cha- 
cune de  ces  substances,  je  n'ai  constaté  qu'une  seule 
bande  en  opérant  sur  les  matières  les  plus  pures.  Il  est 
donc  probable  que  Schonn  n'a  pas  opéré  avec  des  sub- 
stances de  pureté  irréprochable  ;  aussi  est-il  superflu  de 
préciser  les  lieux  du  spectre  où  ses  bandes  se  sont  révé- 
lées. Quoi  qu'il  en  soit,  je  rappellerai  que  Schonn  a  déjà 
été  frappé  de  la  similitude   des  spectres  des  alcools  : 
«  Si  nous  comparons,  dit-il,  les  trois  alcools  qui  ont  fait 
»  l'objet  de   notre   examen,    il  n'est   pas   possible   de 


(*)  Poggendorffs  Annalen.   Erg  ,   VIII,    p  G70,    et    Wiedemann's 
Annalen  (2),  t.  VI,  p.  267,  1879. 


(  172  ) 

»  méconnaître  une  certaine  parenté  (Familienàhnlieh- 
»  keit)  jusque  dans  leurs  spectres  (*).  » 

J.-L.  Soret  et  E.  Sarasin  (**)  ont  examiné  aussi  le  spec- 
tre d'absorption  de  l'eau.  Ils  ont  vu  une  bande  d'absorp- 
tion dont  le  milieu  correspond  à  la  longueur  d'onde  600 
environ.  Leur  observation  n'est  donc  pas  non  plus  d'accord 
avec  celle  de  Schônn,  qui  trouva  deux  bandes  pour  l'eau; 
mais  les  résultats  de  mes  observations  sont  conformes  à 
ceux  de  Soret  et  Sarasin,  car  j'ai  trouvé  également  pour 
l'eau  une  seule  bande,  située  à  la  place  où  À  =  601.7. 

Peu  de  temps  après  Schônn,  W.-J.  Russel  et  W.  La- 
praik,  à  qui  les  travaux  de  Schônn  paraissent  avoir 
échappé,  publièrent  des  recherches  semblables  sur  un 
certain  nombre  de  corps  organiques  et  inorganiques  (***). 
Ils  trouvèrent  pour  les  alcools  méthylique,  éthylique, 
propylique  et  amylique  des  spectres  semblables,  mais 
dans  chacun  d'eux  la  bande  d'absorption  se  rapprochait 
d'autant  plus  de  l'extrémité  rouge  que  le  poids  molécu- 
laire était  plus  élevé.  Les  iodures  d'éthyle  et  d'amyle  ont 
fourni  un  spectre  semblable  à  celui  des  alcools  qui  leur 
correspondent;  de  même  le  nitrate  et  l'acétate  d'amyle, 
et  aussi  l'amyiène.  Les  auteurs  concluent  de  là  que  l'ori- 
gine de  la  bande  d'absorption  serait  indépendante  du  radical 
acide.  Les  autres  matières  examinées  ont  été  :  le  chloro- 
forme, l'éther,  l'aldéhyde  et  l'acide  acétiques,  puis  le 
benzène,  le  toluène,  le  xylène,  le  phénol,  la  naphtaline, 
les  mono-  et  bichlorbenzène,  l'ammoniaque  et  quelques 
aminés,  l'aniline,  la  toluidine  et  l'acide  azotique.  Chacune 


0  Loc.  cit.,  p.  268. 

O  Comptes  rendus,  t.  XCVIII,  p.  624,  1884. 

("*)  Journal  of  the  Chem.  Society,  t.  XXXIX,  pp.  168-173, 1881. 


(  i73  ) 

de  ces  substances  a  donné  un  spectre  traverse  par  une  ou 
deux  bandes;  les  dérivés  de  l'azote  en  ont  fourni  quelque- 
fois trois  ou  quatre. 

Malgré  leur  nombre,  ces  matières  ne  permettent  pas 
de  tirer  de  la  comparaison  des  spectres  des  conclusions 
certaines.  Le  choix  des  corps  n'a  pas  assez  porté  sur  des 
substances  ayant  des  groupes  atomiques  communs,  unis 
à  d'autres  groupes  dont  les  modifications  chimiques  sont 
suffisamment  connues.  Le  travail  de  Russel  et  Lapraik 
ouvre  néanmoins  une  perspective  intéressante;  il  est  dans 
l'intérêt  de  la  science  de  la  parcourir  d'une  façon  plus 
complète.  C'est  donc,  je  le  répèle,  à  titré  de  complément 
que  je  désire  faire  connaître,  à  présent,  mes  propres 
observations. 

Description  des  expériences. 

L'analyse  spectrale  de  tous  les  liquides  employés  a  été 
faite  au  moyen  d'un  spectroscope  à  vision  directe,  de 
grand  modèle,  construit  par  F.  Schmidt  et  Haensch,  de 
Berlin.  Les  matières  étaient  contenues  dans  des  tubes  en 
verre  enveloppés  de  fort  papier  noir  et  fermés  à  leurs 
extrémités  par  des  plans  de  verre  fixés  à  l'aide  de  douilles 
lutées  au  moyen  de  plâtre  gâché  avec  une  solution  de 
gomme  arabique.  Ce  lut  est  absolument  résistant  aux 
hydrocarbures,  alcools,  éthers,  etc.  La  source  lumi- 
neuse était  une  lampe  à  incandescence  Auer;  une  len- 
tille rendait  les  rayons  parallèles  à  l'axe  des  tubes,  pour 
éviter,  autant  que  possible,  les  réflexions  sur  les  parois. 

Des  expériences  préliminaires  ayant  fait  voir  que 
l'opacité  et  la  largeur  des  bandes  d'absorption  étaient  en 
relation  avec  l'espèce  chimique  des  liquides  et  avec  leur 


(  «74  ) 
épaisseur,  il  était  nécessaire,  tout  d'abord,  d'assurer  la 
comparaison  des  spectres  en  recevant,  dans  le  spectro- 
scope,  de  la  lumière  ayant  traversé  des  colonnes  compa- 
rables. A  cette  fin,  je  n'ai  pas  fait  usage  de  tubes  de 
même  longueur  pour  chaque  substance,  mais  de  tubes 
dont  la  longueur  était  proportionnelle  au  volume  molé- 
culaire des  divers  corps;  de  cette  façon,  la  lumière 
traversait,  dans  chaque  cas,  un  nombre  égal  de  molé- 
cules. A  titre  de  renseignement,  je  dirai  que  le  tube  à 
alcool  méthylique  (le  plus  court)  avait  4  mètres  de  long 
et  le  tube  à  acétate  d'amyle  (le  plus  long)  mesurait 
15™,04.  Dans  les  cas  où  l'insuffisance  de  matière  ne  per- 
mettait pas  de  remplir  un  tube  de  longueur  proportion- 
nelle au  volume  moléculaire  en  prenant  les  4  mètres 
d'alcool  méthylique  comme  unité,  j'ai  changé  le  point  de 
comparaison  et  je  l'ai  choisi  parmi  les  corps  donnant 
une  bande  plus  sombre  que  l'alcool  méthylique.  Par 
exemple,  l'éther  éthylamylique  eût  demandé  une  lon- 
gueur de  tube  de  14n,,9G  relativement  aux  4  mètres 
d'alcool  méthylique.  Mais  je  ne  disposais  que  de  quoi 
remplir  un  tube  de  5  mètres;  j'ai  donc  comparé  cette 
longueur  avec  la  longueur  équivalente  d'alcool  amylique, 
qui  est  5"\54.  L'épaisseur  d'alcool  méthylique  corres- 
pondant à  5  mètres  d'éther  éthylamylique  n'est  que  lm,53, 
mais  alors  la  bande  de  l'alcool  n'est  pas  marquée  dans  le 
spectre. 

Une  exception  a  été  faite  aussi  pour  l'eau,  qui  a  été 
examinée  dans  un  tube  de  4  mètres  et  non  dans  un  tube 
de  1"',80,  comme  l'eût  demandé  son  volume  moléculaire. 
En  outre,  les  solutions  dans  l'eau  ont  été  examinées  dans 
des  tubes  de  longueur  quelconque. 

Schônn,  Russel  et  Lapraik  ont  opéré  sur  des  épaisseurs 


(  *75  ) 
de  liquides  non  en  rapporl  avec  leur  volume  moléculaire 
(le  plus  souvent  elle  était  la  même  pour  des  matières 
différentes);  je  crois  pouvoir  attribuer  à  cette  circonstance 
plusieurs  différences  que  montrent  leurs  observations 
ainsi  que  certains  écarts  de  mes  propres  observations. 

L'analyse  spectrale   a   porté  sur  les  substances    sui- 
vantes : 

1.  L'eau. 

2.  L'alcool  méthylique. 
5.       —      éthylique. 

4.  —       propvlique. 

5.  —      isopropylique. 

6.  —       isobutylique. 

7.  —       amvlique. 

8.  La  glycérine. 

9.  La  saccharose  (en  solution). 

10.  L'éther  éthylique. 

11.  —      éthylamylique. 

12.  Le  formiate  d'éthyle. 
15.  L'acétate  de  méthyle. 

14.  —       d'éthyle. 

15.  —       d'isobutyle. 

16.  —       d'amyle. 

17.  Le  benzoate  d'éthyle. 

18.  L'acétone. 

19.  L'aldéhyde  benzoïque. 

20.  L'acide  fonnique. 

21.  —      acétique. 

22.  —      butyrique. 

23.  Le  bromure  d'éthyle. 

24.  L'iodure  d'éthyle. 


(  176  ) 

25.  Le  chlorure  d'éthylène. 

26.  Le  bromure  d'éthylène. 

27.  Le  chlorure  d'amyle. 

28.  Le  bromure  d'amyle. 

29.  Le  chloroforme. 

30.  Le  tétrachlorure  de  carbone. 
51.  Le  chlorure  de  benzyle. 

32.  Le  sulfure  de  carbone. 

33.  Le  nitrobenzol. 

34.  Le  nitrotoluol  (ortho). 
33.  Le  trinitrophénol. 

36.  La  nitronaphtaline  (en  solution). 

37.  La  binitronaphtaline  (en  solution). 

58.  La  ligroïne  (ébull.  40  à  1 10). 

59.  (ébull.   55-50). 

40.  (     —     40-70). 

41.  (     —     70-85). 

42.  Le  pétrole  rectifié  (ébull.  120-270). 
45.  L'amylène. 

44.  Le  benzène. 

45.  Le  toluène. 

46.  Le  xylène. 

47.  Le  cumène. 

48.  L'essence  de  térébenthine. 

49.  L'acide  oxalique. 

50.  —      malique. 

51.  tartrique. 

Ces  substances  ont  été  les  seules  que  j'ai  pu  me  pro- 
curer en  quantité  suffisante  et  au  degré  de  pureté  néces- 
saire. Les  unes  ont  été  préparées  dans  mon  laboratoire,  les 
autres  provenaient  de  la  collection  de  produits  chimiques 


i  '177  ) 

de  l'Université  de  Liège;  les  matières  volatiles  ont  été 
rectifiées  avec  le  plus  grand  soin  par  distillation  dans  un 
appareil  entièrement  en  platine.  Chacune  a  été  examinée 
aussitôt  après  la  purification  :  le  temps  modifie,  en  effet, 
leur  pouvoir  absorbant  avec  une  grande  rapidité;  tel 
alcool,  par  exemple,  qui  est  bleu  verdâtre  quand  il  vient 
d'être  distillé,  est  jaune  au  bout  de  quelques  jours,  sur- 
tout s'il  a  subi  l'influence  de  la  lumière. 

La  position  des  bandes  d'absorption  a  d'abord  été 
relevée  à  l'aide  de  l'échelle  empirique  du  spectroscope, 
puis  exprimée  en  longueurs  d'onde  X,  à  la  manière 
ordinaire.  Comme  repères,  il  a  été  fait  usage  de  raies  de 
K,  Li,  Na,  Tl,  Sr  et  In. 

Expériences  de  contrôle. 

Pour  s'assurer  si  les  divers  spectres  observés  sont 
véritablement  comparables  entre  eux,  et  si  la  cause  de 
leurs  différences  se  trouve  dans  la  structure  des  molé- 
cules, il  était  nécessaire  de  vérifier  l'influence  de  l'état 
moléculaire  actuel  ainsi  que  l'influence  de  la  tempé- 
rature. 

État  moléculaire.  —  Au  regard  de  ce  facteur,  J.-S.  Ko- 
nic  (*)  dit  que  le  spectre  de  la  vapeur  du  benzène  diffère 
de  celui  du  liquide;  il  lui  manquerait  une  bande.  Je  ferai 
remarquer  toutefois  que  Ronic  a  comparé  une  épaisseur 
de  vapeur  de  benzène  de  5  mètres  avec  une  épaisseur  de 
liquide  de  2  mètres,  c'est-à-dire  des  masses  de  matières 
non  comparables.  Si  l'on  tient  compte  de  la  densité  de  la 

C)  Beiblâtter,  IX,  p.  669. 


(  178) 
vapeur  et  de  celle  du  liquide,  il  est  facile  de  calculer 
que    la    lumière   ne   traversera   des   masses   égales  de 
matière  que  si  elle  passe  par  une  épaisseur  de  vapeur 
257  fois  aussi  grande  que  l'épaisseur  de  liquide! 

La  comparaison  des  vapeurs  avec  leurs  liquides  étant 
incommode,  sinon  impossible,  j'ai  eu  recours  aux  solu- 
tions réciproques  des  liquides;  pour  celles-ci,  les  ten- 
sions moléculaires  sont  aussi  changées,  si,  à  la  vérité, 
elles  ne  sont  pas  annulées  comme  dans  les  gaz. 

Dans  une  première  expérience,  j'ai  rempli  un  tube  de 
o  mètres  d'eau  pure,  puis  un  autre  tube  de  5  mètres 
d'alcool  éthylique.  Les  deux  tubes  étant  placés  dans  le 
prolongement  l'un  de  l'autre,  on  voit  la  bande  de  l'eau 
et  la  bande  de  l'alcool.  J'ai  ensuite  mélangé  l'eau  et 
l'alcool,  et  rempli  un  tube  de  (>  mètres  en  suppléant  à  la 
contraction  qui  accompagne  la  solution,  par  un  complé- 
ment de  liquide.  Le  spectre  du  mélange  a  été  identique 
au  précédent.  Une  vérification  semblable  a  été  faite  à 
l'aide  d'alcool  éthylique  et  d'alcool  amylique,  puis  à 
l'aide  d'eau  et  de  glycérine,  chaque  fois  avec  le  même 
résultat. 

Je  rappellerai  d'ailleurs  que  dans  mon  travail  sur  la 
transparence  des  solutions  des  sels  incolores  (*),  j'ai  déjà 
constaté  que  le  spectre  de  l'eau  n'était  modifié  en  rien 
par  la  présence  des  sels  dissous. 

Je  citerai  encore  des  observations  de  A.-E.  Botswick  (**), 
qui  a  trouvé  que  si  dans  un  mélange  de  carmin  et  de 
bichromate  de  potassium   on  voit  un  déplacement  des 


C)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3«  série,  t.  XXXI,  p.   640, 
4896. 
(")  Jahresbericht  f.  reine  Chemie,  188$,  p.  320. 


(  "»  ) 

bandes  d'absorption,  il  n'en  est  pas  de  même  dans  un 
mélange  de  fuchsine  et  de  bleu  d'aniline.  On  peut  vrai- 
semblablement conclure  de  là  que  le  déplacement  n'a  lieu 
que  si  les  corps  mélangés  sont  en  état  de  se  combiner; 
mais  alors  ce  n'est  pas  l'état  moléculaire  qui  entre  seul  en 
jeu. 

Un  travail  plus  récent,  de  0.  knoblauch  (*),  conduit 
à  la  même  conclusion. 

En  résumé,  il  me  paraît  établi  que  la  position  des 
bandes  d'absorption  est  plutôt  en  rapport  avec  les  ten- 
sions qui  s'exercent  dans  les  molécules  qu'avec  celles  des 
molécules  entre  elles. 

Influence  de  la  température. 

W.-J.  Russel  et  W.  Lapraik  (**)  trouvèrent  que  le 
spectre  de  la  chlorophylle  se  modifie  par  la  chaleur 
comme  par  l'action  des  acides. 

J'ai  donc  comparé  le  spectre  de  quelques  substances 
(chlorure  d'éthylène,  alcool  amylique,  benzoate  d'éthyle) 
à  0°  et  à  environ  50°.  Le  tube  de  2  mètres  de  long  qui 
contenait  les  liquides,  occupait  le  milieu  d'une  longue 
cuvette  que  l'on  remplissait  alternativement  de  glace  et 
d'eau  chaude.  Il  ne  s'est  manifesté  aucune  différence  dans 
les  spectres.  On  peut  donc  admettre  que  la  position  des 
bandes  d'absorption  n'est  pas  influencée  par  la  tempéra- 
ture dans  les  limites  indiquées.  Ce  résultat,  qui  est  con- 
forme, au  fond,  au  précédent,  donne  à  penser  que  la 


O  Wiedemann's  Annalen,  t.  XLIII,  pp.  738-783,  1891. 
C*)  Journal  of  the  Chem.  Society,  t.  XLI,  pp.  334-339. 


(  i80  ) 
chlorophylle  subit,  sans  doute,  une  altération  chimique 
au  contact  de  l'eau  quand  la  température  s'élève,  comme 
elle  en  subit  sous  l'influence  des  acides  dissous  ou  des 
sels. 

Résultats  des  observations. 

Couleur  des  corps  et  fluorescence.  —  L'examen  des  cin- 
quante et  un  corps  mentionnés  plus  haut  a  confirmé 
entièrement  mes  observations  antérieures  (*)  au  sujet  de 
la  couleur  des  matières  organiques.  Les  corps  organiques 
sont  de  couleur  jaune  plus  ou  moins  foncée,  selon  l'épais- 
seur de  la  couche  liquide,  si  leur  molécule  ne  renferme 
aucun  groupe  oxhydryle  (OH). 

Lorsque  cette  condition  n'est  pas  remplie,  les  corps 
sont   bleus,  bleu-vert,    verts   ou  vert  jaunâtre,  selon  la 
prépondérance    du    chaînon    carboné    sur    le    ou    les 
groupes  OH.  Ainsi  l'alcool  bulylique,  qui  compte  un  (OH), 
est  vert-jaune,   tandis  que  l'acide  tartrique,   qui   en    a 
quatre,  donne  une  solution  bleue  immédiatement  après 
la  filtration  sur  du  noir  animal  pur.  De  même,  une  solu- 
tion de  sucre  pur  est  bleue,  malgré  les  deux  chaînons  C6 
que  contient  sa  molécule,  tandis  que  l'alcool  amylique 
est  vert  jaunâtre,   bien  que  dérivant  seulement  d'une 
chaîne  C5.  Dans  mon  travail  précédent  (**),  j'avais  exa- 
miné  déjà  les  acétates  d'éthyle   et   d'amyle,   que  l'on 
peut   envisager  comme  des  homologues   supérieurs  de 
l'acide  acétique,  afin  de  vérifier  l'altération  de  la  couleur 
de  l'acide  libre.  Ces  éthers  se  sont  montrés  jaune  ver- 

O  Bull,  de  l'Acud  roy.  de  Belgique,  3"  série,  t.  XXXI,  pp.  246-256. 
(**)  Loco  citato. 


(  181   ) 
ddlre.  Aujourd'hui  la  série  est  complétée  pour  l'acétate 
de  méthyle  et  l'acétate  d'isobutyle ;  aussi  la  gradation  de 

la  couleur  est-elle  intéressante  à  observer  :  l'acétate  de 
méthyle  est  bleu  sans  mélange;  ce  n'est  qu'à  l'étage 
éthylique  (CgHj;)  que  la  nuance  verte  apparaît,  pour  virer 
ensuite  de  plus  en  plus  au  jaune  à  mesure  de  rallon- 
gement de  la  chaîne  carbonée.  Le  groupe  011  forme  donc 
bien  la  tète  de  la  série  OCuHÎI1  +  ,,  dont  les  termes  entrent 
dans  la  composition  des  élhers;  en  un  mot,  les  éthers 
composés  forment  la  suite  des  acides  au  regard  de  la 
couleur. 

Os  phénomènes  de  coloration  me  paraissent  montrer, 
jusque  dans  leur  dégradation  successive,  la  présence 
réelle  de  groupes  atomiques  distincts  dans  les  molécules 
carbonées. 

Je  ne  terminerai  pas  ce  paragraphe  sans  mentionner 
encore  un  fait  qui  se  rapproche  des  phénomènes  de  colo- 
ration, car  il  est  de  ceux  qui  se  constatent  immédiate- 
ment par  la  vue. 

La  fluorescence  que  certaines  matières  montrent  sous 
faible  épaisseur,  comme  c'est  le  cas  par  exemple  pour 
une  solution  de  sulfate  de  quinine,  est  à  ranger  à  la 
suite  des  phénomènes  de  coloration.  Comme  la  couleur, 
elle  apparaît  chez  certains  liquides  seulement  quand  on 
envisage  des  épaisseurs  suffisamment  grandes.  Pour  con- 
stater le  fait,  j'ai  rempli  des  tubes  de  verre,  de  5  mètres 
de  long,  de  différents  liquides  et  je  les  ai  éclairés  latéra- 
lement au  moyen  de  la  lumière  du  jour,  en  empêchant,  par 
un  écran,  la  lumière  d'entrer  longitudinalement  dans  l'ap- 
pareil. En  regardant  alors  dans  la  direction  de  la  lon- 
gueur du  tube,  on  voit  la  paroi  éclairée,  d'une  couleur 

5,ne    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  15 


(  182  ) 

bleu  foncé,  alors  môme  que  par  transmission  le  liquide 
est  jaune.  Cette  fluorescence  a  pu  être  constatée  avec 
tous  les  hydrocarbures  cycliques  cités  plus  haut,  mais  non 
avec  les  dérivés  qui,  comme  l'essence  de  térébenthine, 
portent  des  chaînes  latérales  assez  longues  et  sont  plus 
saturées;  elle  a  fait  défaut  aussi  chez  toutes  les  combi- 
naisons aliphatiques.  Il  paraîtrait  donc  que  cette  faible 
fluorescence  est  le  propre  du  benzène,  comme  la  couleur 
bleue  est  le  propre  de  l'eau;  fluorescence  et  couleur  dimi- 
nuant chacune  à  mesure  que  la  complication  des  dérivés 
du  benzène  ou  de  l'eau  grandit,  pour  finir  par  reparaître, 
l'une  ou  l'autre,  dans  des  composés  particuliers  de  com- 
plication extrême. 

Spectres  continus. 

Toutes  les  substances  que  j'ai  examinées  n'ont  pas 
donné  un  spectre  interrompu  par  une  ou  plusieurs 
bandes.  Quelques-unes  ont  fourni  un  spectre  continu, 
l'absorption  de  la  lumière  étant  générale  dans  la  région 
visible,  ou  intéressant,  tout  au  moins,  les  extrémités  du 
spectre. 

11  importe  de  distinguer  d'abord  les  corps  à  spectre 
continu  et  de  s'assurer  s'ils  permettent  de  faire  une 
remarque  générale  sur  leur  structure  moléculaire. 

Le  premier  point  frappant,  c'est  que  les  combinaisons 
à  un  atome  de  carbone  donnent  un  spectre  continu  ou  un 
spectre  à  bandes  extrêmement  peu  sombres.  Ainsi,  le 
sulfure  de  carbone,  le  tétrachlorure  de  carbone,  l'acide 
formique  ont  un  spectre  continu;  le  chloroforme,  l'al- 
cool méthylique,  un  spectre  clans  lequel  les  bandes  appa- 
raissent seulement  comme  une  ombre.   Or  le  CS9   et 


(  «83  ) 
le  CCI4  sont  des  combinaisons  symétriques,  tandis 
que  HCCI3  et  CH3.OH  ne  le  sont  pas;  l'acide  formique 
H.CO.OH  ne  l'est  pas  non  plus,  niais  peut-être  le  groupe 
carboxyle  CO^H  est-il  doué  d'une  transparence  telle  que 
sur  une  épaisseur  de  5"',75  (équivalente  à  4  millimètres 
d'alcool  méthylique)  la  bande  d'absorption  ne  se  marque 
pas  (*). 

Un  second  point  remarquable  est  que  les  combinai- 
sons polycarbonées  donnent  aussi  un  spectre  continu 
quand  leur  symétrie  chimique  est  plus  ou  moins  complète. 
Tel  est  le  cas  pour  l'acide  oxalique  (en  solution),  l'acide 
tartrique  (id.),  la  glycérine,  la  saccharose,  l'acide  malique 
et  même  le  trinitrophénol,  dans  lequel  les  trois  groupes  NO^ 
sont  en  position  symétrique  (1,  5,  5)  autour  du  noyau  C6. 

Si  l'on  rapproche  ces  points  d'une  remarque  faite  par 
Metzki  dans  son  traité  des  matières  colorées  orga- 
niques (**),  il  est  impossible  de  méconnaître  une  certaine 
analogie  entre  les  propriétés  optiques  des  combinaisons 
aliphatiques  incolores  et  des  combinaisons  cycliques  colo- 
rées. «  On  voit,  dit  Nietzki,  que  la  constitution  des 
»  chromogênes  dont  il  est  question,  est  définie  par  un 
»  groupe  ckromophore  qui  fait  partie  d'une  chaîne  fermée 
»  et  se  distingue  essentiellement  des  autres  groupes  par 
)>  sa  valeur  et  ses  attaches.  Même  quand  il  y  a  quatre  C 
»  secondaires  dans  une  molécule,  comme  dans  l'acide 
»  rhodizonique  CG(OH).204,  la  coloration  persiste.  Mais 
»  quand  les  six  atomes  de  C  passent  à  l'état  secondaire, 


O  Même  pour  une  épaisseur  double  de  liquide,  le  spectre  îeste 
continu. 
(**)  Chemie  der  organischen  Farbsto/jè,  p.  10,  1894. 


(  m  ) 

»  comme  c'est  le  cas  dans  le  perchinone  CG06,  la  couleur 
»  disparaît  complètement.  »  En  d'autres  termes,  un 
groupe  chromophore  tel  que  C'.O  cesse  d'agir  comme 
colorant,  même  dans  les  combinaisons  cycliques,  lorsqu'il 
se  trouve  distribué  symétriquement  dans  une  molécule. 
Il  est  sans  doute  permis  d'étendre  cette  remarque  aux 
corps  aliphatiques  :  CC14,  CS2,  (C02H)2,  etc.;  ceux-ci 
présenteraient  une  résistance  homogène  à  la  lumière  par 
suite  de  Y  équilibre  des  tensions  dans  leurs  molécules; 
mais  lorsque  les  atomes  ou  groupes  différents  du  carbone 
se  distribuent  inégalement  autour  d'un  chaînon  carboné, 
c'est-à-dire  lorsque  les  substituants  de  l'hydrogène  sont 
surtout  concentrés  vers  l'une  des  extrémités  de  ce  chai- 
non,  la  résistance  au  passage  de  la  lumière  n'est  plus 
homogène  :  certains  faisceaux  d'ondes  (généralement 
comprises  entre  l  =  600  et  /  =  650)  sont  alors  facile- 
ments  éteints. 

Spectres  à   bandes. 

D'après  ce  qui  a  été  dit  dans  le  paragraphe  précédent, 
nous  ne  rencontrerons  ici  que  des  substances  dont  le 
chaînon  carboné  a  des  extrémités  hétérologues.  Les  résul- 
tats seront  plus  commodément  dominés  si  l'on  adopte 
l'ordre  suivant  dans  l'observation  des  corps  :  1°  alcools; 
2°  acides;  5°  éthers  (simples,  haloïdes  et  composés); 
4°  hydrocarbures. 

Voici  d'abord  les  résultats  des  observations;  j'ai  fait 
figurer,  afin  de  comparaison,  les  résultats  de  Russel  et 
Lapraik  chaque  fois  que  nous  nous  sommes  rencontrés 
sur  les  mêmes  substances;  ils  sont  marqués  par  les 
lettres  R  et  L. 


(  185  ) 


Alcools. 


Eau    .    .    . 

Métlianol  . 
Éthanol  .  . 
l'ropanol  1 , 

2. 

Isobutauol  ( 
Amvlol  ('*)  . 


MILIEU 
de  la  bande. 


LARGEUR 

de  la  bande. 


GO  1,7 
639,5 
633,7 
636,7 

634,o 
636,1 
638,1 


7,0 

18,2 

6,6 

7,0 

8,2 

10,2 

10,3 


H.  et  L 


603,0  (') 
632,0 
638,5 
632,5 


634,0 


Il  est  à  remarquer  que  l'opacité  de  la  bande  des  alcools 
est  inégale  :  elle  est  très  faible  pour  le  métlianol,  puis, 
toutes  choses  restant  égales  d'ailleurs,  elle  est  plus  faible 
pour  les  termes  de  rang  impair  (CH3.OH;  C3H7.OH; 
C-;H,i.OH)  que  pour  les  termes  de  rang  pair  (C2Hs.OH; 
C4Hn.OH).  Tl  est  très  curieux  de  constater  toutefois  que  le 
propanol  2,  [(CH5)2CH.OH],  se  comporte  comme  s'il  était 
de  rang  pair. 


O  Ces  nombres  sont  déduits  de  la  planche  qui  accompagne  le 
mémoire  deRussel  et  Lapraik. 

(**)  Sous  une  épaisseur  de  lo  mètres,  on  constate  une  seconde 
bande  vague,  vers  562. 


(  186  ) 
Acides. 


MILIEU 

de  la  bande. 

LARGEUR 

de  la  bande. 

B.  et  L 

pas  de  bande 
614,7 
033,3 

3,4 

9,8 

613,0 

VI H  ERS. 


PREMIÈRE   BANDE. 

SECONDI 

;   BANDE. 

R.  et  L. 

Milieu. 

Largeur. 

Milieu. 

Largeur. 

Élher  éthylique   .    .    . 

633,8 

6,6 





630 

—    éthylamylique 

636,1 

11,4 

(2  bandes  j 

uxtaposées) 

- 

Formiate  d'éthyle     .    . 

632,0 

8,6 

- 

- 

- 

Acétate  de  méthyle  . 

624,7 

21,2 

(2  bandes  j 

jxtaposées) 

- 

—      d'éthyle  . 

632,0 

6,6 

615,4 

3,6 

- 

—      d'amyle  . 

636,9 

9,0 

615,0 

4,0 

- 

Butyrate  d'éthyle.     . 

635,3 

9,8 

(2  bandes  j 

uxtaposées) 

- 

Benzoate  d'éthyle 

633,8 

5,9 

605,6 

14,2 

- 

Bromure  d'éthyle 

633,0 

6,5 

628,2 

11,0 

- 

lodure  d'éthyle    . 

624,0 

8,0 

- 

- 

625 

Chlorure  d'amyle. 

636,9 

9,8 

630,4 

3,3 

- 

Bromure  d'amyle 

636,9 

9,8 

625,7 

6,0 

- 

lodure  d'amyle    . 

— 

- 

- 

- 

632 

Chlorure  d'élhylène 

622,7 

8,0 

5t2,3 

2,0 

— 

Bromure  d'éthylène 

620,6 

8,3 

542,3 

2,0 

- 

Chlorure  de  benzyle 

606,9 

12  2 

562,5 

1,0 

- 

1  Chloroforme    .    . 

626,7 

1,0 

613,3 

8,4 

615 

(  187  ) 
Hydrogarbures. 


PREMIÈRE   BANDE. 

SECONDE 

UANDE. 

15.  et  L. 

Milieu. 

Largeur. 

Milieu. 

Largeur. 

Ligroïne  (3o0-45°)    .    .    . 

058,6 

1,0 

636,1 

8,2 



—       (  KJ°-70») 

648,6 

1,0 

G36,l 

8,2 

- 

—      (40°-110°) 

635,0 

2,0 

641,0 

4,8 

- 

—      (70°-85°) 

630,0 

1,0 

637,0 

6,5 

- 

Pétrole  (120»-270°; 

646,7 

22,7 

— 

- 

- 

632,0 

8,0 





632 

Benzène.    .    .    . 

606,5 
613,0 

9,0 
14,6 

563,0 
563,0 

6.0 
6,0 

610,533 
612 

636,9 

9,8 

611,0 

10,1 

612,636 

637,7 

«,4 

12,4 

10,3 

— 

Carvène .... 

6-20.1 

Spectic 
8,6 

vague 
636,1 

11,4 

610,636 

Ess.  de  térébenthine 

(*" 

Autres  corps. 


Acétone  .  .  . 
Benzaldéhyde  . 
Nitrobenzène  . 
Nitrotoluène.  . 
Nitronaphtaline. 
Binitronaphtaline 


PREMIERE   BANDE. 


Milieu. 


632,0 
606,9 
603,2 
606,2 


Largeur. 


6,5 
12,2 
5.6 
3,5 


SECONDE   BANDE. 


Milieu. 


Largeur. 


619,6 
311,0 

589,7 
591,2 


6.3 

3,0 

11,4 

16.5 


En  solution  clans  l'alcool.  —  Spectre  vague. 
Id.  Id. 


(*)  Le  toluène  a  une  troisième  bande  faible,  à  (.02,7. 

(**)  L'essence  de  térébenthine  a  une  troisième  bande  à  615,8. 


(  188) 

Les  conclusions  à  tirer  de  ces  résultats  me  paraissent 
être  les  suivantes. 

La  position  des  bandes  d'absorption  ne  dépend  pas, 
d'une  manière  essentielle,  du  poids  moléculaire  des  corps. 
En  effet,  des  substances  de  même  poids  moléculaire 
fournissent  des  bandes  différentes.  Par  exemple,  l'acide 
acétique  et  les  deux  propanols  ont  pour  poids  molécu- 
laire 60,  tandis  qu'ils  donnent  les  bandes  014,7;  634,5 
et  636,7;  l'acétate  d'étbyle,  l'amylol  et  l'acide  butyrique 
ont  tous  trois  pour  poids  moléculaire  88,  et  cependant 
on  constate  pour  le  premier  corps  deux  bandes  (615,4  et 
652,0)  lorsque  les  derniers  n'en  ont  qu'une  (638,1  et 
655,3),  etc. 

Il  est  visible  aussi  que  le  poids  spécifique  et  le  volume 
moléculaire  sont  sans  influence  immédiate  sur  la  position 
des  bandes.  Celle-ci  paraît  en  relation  directe  avec  les 
groupes  hydrocarbonés  entrant  dans  la  composition  des 
molécules  et  en  relation  indirecte  avec  les  groupes  com- 
plémentaires. 

Dans  la  série  des  alcools,  chaque  groupe  alkyle  donne 
une  bande  spéciale  dont  la  position  dépend,  sans  doute, 
de  sa  structure,  mais  qu'il  n'est  pas  possible  de  mettre  en 
relation  avec  le  poids  moléculaire,  comme  Russel  et 
Lapraik  l'ont  fait  dans  leur  mémoire.  Les  bandes  ne 
s'approchent  pas  régulièrement  de  l'extrémité  rouge  du 
spectre  à  mesure  que  le  groupe  alkyle  grandit.  Cette  con- 
clusion se  dégage  même  des  observations  de  Russel  et 
Lapraik  que  j'ai  reproduites  plus  haut.  Dans  la  série  des 
acides,  le  déplacement  de  la  bande  vers  le  rouge  parait 
suivre  l'augmentation  du  poids  moléculaire,  mais  le 
nombre  des  corps  examinés  est  trop  faible  pour  conclure 
avec  certitude. 


v   '89  ) 

Si  la  position  des  bandes  est  spéciale  aux  groupes 
alkyles,  il  est  important  de  s'assurer  si  elle  se  conserve 
dans  les  corps  qui  renferment  des  alkyles  identiques. 

On  aura  à  comparer  d'abord  des  corps  différents,  mais 
dans  lesquels  la  liaison  de  Falkyle  est  dans  les  mêmes 
conditions  chimiques;  ensuite  on  comparera  des  corps 
dans  lesquels  cette  liaison  est  hétérologue. 

Poursuivons  d'abord  la  bande  du  groupe  élhyle  à  travers 
ses  combinaisons  oxygénées. 

Dans  l'éthanol  C2H5.OH,  la  bande  est  à  635,7,  et  dans 
l'éther  éthylique  C2H5.O.C2H5,  nous  la  trouvons  à  635,8 
avec  la  même  largeur;  la  position  est  donc  identique. 
Dans  le  formiate  d'étbyle,  elle  est  à  632;  dans  l'acétate 
d'étbyle,  on  voit  deux  bandes,  l'une  à  632  et  l'autre  à 
615,1;  or  l'acide  acétique  a  donné  une  bande  à  614,7; 
il  est  donc  permis  de  regarder  la  première  bande  comme 
causée  par  C^H;  et  la  seconde  par  le  radical  acétyle 
CH5.CO.  Dans  lebutyrate  d'étbyle,  il  n'y  a  qu'une  bande 
1 655, 5),  mais  sa  largeur  est  9,8,  comme  dans  l'acide  buty- 
rique lui-même.  Ici  la  bande  de  C2H5  esl  couverte  par 
celle  du  radical  butyryle  C-II7.CO.  Dans  le  benzoate 
d'éthyle,  ce  recouvrement  n'a  plus  lieu  :  il  y  a  deux 
bandes  distinctes,  l'une  à  655,8  et  l'autre  à  605,6,  qui 
est  sans  doute  celle  du  radical  benzoyle  (C6H5CO),  car 
on  trouve  dans  le  benzène  une  bande  dans  la  posi- 
tion 606,5. 

On  voit  donc  que  si  une  molécule  organique  est  for- 
mée de  fragments  distincts,  caractérisés  par  une  bande 
spéciale,  elle  fournit  un  spectre   dans   lequel   s'inscrit 


chacun  de  ces  fragments. 


Voyons  si  le  fait  persiste  dans  d'autres  groupes.  L'amy- 
lol  a  une  bande  à  658,1  ;  or,  celle  de  l'éthanol  étant  à 


(  190  ) 
635,7,  le  groupe  arayle  CriHH  et  le  groupe  C2H5  réunis 
devront  donner  deux  bandes  dont  le  milieu  sera  à 


63S,I  -v-  633,7 

! =  635,9; 


or  on  trouve,  pour  l'éther  éthylamylique  C2H5  -  0  -  C5H4, 

la  bande  dans  la  position  656,1,  ce  qui  peut  être  regarde 
comme  suffisant. 

L'acétate  d'amyle  donne  deux  bandes  :  G3G,9  et  615,0. 
La  première  est,  malgré  son  léger  déplacement  (voir 
plus  loin),  celle  de  l'amyle,  et  dans  la  seconde  on  retrouve 
celle  de  l'acétyle. 

Dans  la  comparaison  des  bandes  de  l'alcool  méthylique 
et  de  l'acétate  de  méthyle,  les  résultats  paraissent  moins 
évidents,  par  suite  de  l'incertitude  qui  règne  sur  les  limites 
de  la  bande  du  méthyle  ;  nous  avons  vu  que  celle-ci  se 
présente  comme  une  ombre  dans  le  spectre;  néanmoins 
il  est  très  remarquable  que  la  somme  des  largeurs  des 
bandes  du  méthyle  et  de  l'acétyle  est  à  peu  près  égale  à 
la  largeur  de  la  bande  de  l'acétate  de  méthyle  :  18,2 
-i-  3,4  =  21,6,  au  lieu  de  21,2. 

Passons  à  présent  au  cas  où  la  liaison  des  alkyles  a 
lieu  avec  des  atomes  hétérologues. 

Dans  le  bromure  d'éthyle,  nous  retrouvons  la  bande  à 
653,0  au  lieu  de  655,7  que  donnait  l'éthanol;  mais  dans 
l'iodure  d'éthyle,  il  y  a  un  déplacement  certain  de  la  bande, 
car  elle  est  à  624,  c'est-à-dire  bien  en  dehors  des  limites 
des  erreurs  d'observation.  Pour  le  chlorure  et  le  bromure 
d'amyle,  on  obtient  la  même  position  636,9,  qui  est  très 
voisine  de  658,1  trouvée  pour  l'alcool  et  qui  se  confond 
avec  656,9  correspondant  à  l'acétate  d'amyle.  J'ajouterai 


491  ) 
que  Russe!  ci  Lapraik  ont  trouve  (>r>:2  pour  l'iodure 
d'amyle.  Le  chlorure  et  le  bromure  d'éthylène  ont  fourni 
respectivement  02:2,7  et  <>:2<U>.  On  remarquera  que  les 
déplacements  des'bandes  dans  ces  combinaisons  hétéro- 
logues  suivent  un  ordre  régulier  :  les  bandes  s'écartent 
plus  du  rouge  du  spectre  quand  le  chlore  est  remplace 
par  l'iode.  Or  la  position  des  bandes  n'étant  pas  en  rela- 
tion directe  avec,  le  poids  moléculaire  ni  avec  la  densité 
des  corps,  il  ne  reste  qu'à  supposer  quelle  varie  avec  l'affi- 
nité chimique,  c'est-à-dire  avec  l'intensité  de  la  tension 
que  provoque  dans  la  molécule  la  liaison  du  carbone  avec 
Cl,  Br  ou  I. 

Si  cette  conclusion  est  vraie,  on  reconnaîtra  qu'un 
faible  déplacement  des  bandes  devra  nécessairement 
avoir  lieu  aussi  quand  un  alkyle  déterminé  entre  dans  la 
composition  de  corps  différents  à  liaisons  de  même  nature 
chimique.  C'est  peut-être  à  celte  circonstance  que  l'on 
doit  attribuer  les  petites  différences  relevées  dans  la  com- 
paraison des  alcools  et  des  acides  avec  les  éthers. 

Hydrocarbures. 

Ces  corps  ont  donné  aussi  des  spectres  à  bandes.  Si 
l'on  fait  état  des  considérations  émises  plus  haut  au  sujet 
de  la  cause  de  la  présence  ou  de  l'absence  de  bandes  dans 
le  spectre,  on  regardera  les  hydrocarbures  comme  n'étant 
pas  formés  de  molécules  homogènes  dans  lesquelles  les 
tensions  seraient  équilibrées.  Malgré  l'identité  matérielle 
des  atomes  d'hydrogène,  on  doit  concevoir  qu'un  certain 
nombre  d'entre  eux  ne  forment  pas  aussi  intimement 
groupe  avec  les  chaînons  carbonés.  Ainsi  on  remarquera 
que  l'amylène  a  une  bande  unique  à  (>ô!2,  tandis  que  les 


(  192  ) 

hydrocarbures  cycliques  (benzène,  toluène,  etc.)  en  ont 
deux  ou  trois.  On  peut  se  demander  si  ce  fait  n'est  pas  en 
relation  avec  la  facilité  de  formation  des  produits  de  bi- 
et  de  trisubstitution  dans  ces  corps. 

Si  nous  comparons  la  position  des  bandes  dans  les 
hydrocarbures  cycliques,  nous  pourrons  faire  quelques 
remarques  curieuses. 

Le  benzène  a  une  bande  à  606,5  et  une  antre  à  563; 
la  première  correspond  sans  doute  à  la  seconde  bande  du 
benzoate  d'éthyle,  qui  a  été  trouvée  à  605,6;  elle  est  peut- 
être  propre  au  groupe  C^H-;. 

Le  toluène,  le  xylène,  le  cumène  ont  leur  première 
bande  (celle  qui  est  la  plus  rapprochée  de  l'extrémité 
rouge  du  spectre)  respectivement  à  613,  636,9  et  637,7, 
c'est-à-dire  de  plus  en  plus  vers  le  rouge  et  de  plus  en 
plus  vers  la  position  de  la  bande  du  groupe  méthyle  qui  a 
été  trouvée  à  659,5  dans  l'alcool  méthylique.  Or  ces  trois 
hydrocarbures  ont  aussi,  respectivement,  1 , 2  ou 5  groupes 
CHr,  dans  la  molécule;  on  est  donc  porté  à  conclure  que 
ce  groupe  fait  sentir  son  influence  d'autant  plus  qu'il 
entre  un  nombre  beaucoup  plus  grand  de  fois  dans  la 
composition  de  l'hydrocarbure.  En  outre,  dans  chaque 
cas,  la  position  paraît  influencée  par  la  tendance  du 
groupe  C6  à  absorber  les  rayons  606.  Ce  qui  tend  à 
donner  un  appui  à  cette  manière  de  voir,  c'est  que  le 
benzène  et  le  toluène  ont  une  bande  commune  à  565, 
c'est-à-dire  assez  loin  de  la  sphère  d'influence  d'un  groupe 
méthyle.  S'il  y  a  deux  ou  trois  groupes  méthyle  (xylène  et 
cumène),  la  bande  commune  apparaît  à  611,0  et  à  612,4, 
c'est-à-dire  toujours  davantage  vers  l'extrémité  rouge. 

L'essence  de  térébenthine,  qui  est  en  majeure  partie  for- 
mée de  pinène  CH5.C6H6.G5H7,  donne  une  bande  à  636,1, 


(   193  ) 

voisine  donc  île  colle  du  méthyle,  et  une  autre  à  646,1, 
qui  n'est  pas  éloignée  de  la  première  bande  de  la  ligroïne 
(6-i8,(>).  On  ne  perdra  pas  de  vue  que  le  pinène  est  un 
hydrocarbure  plus  saturé  que  les  dérivés  proprement  dits 
du  benzène. 

Je  ne  ferai  pas  ressortir  les  remarques  que  suggèrent 
les  ligroïnes  de  divers  points  d'ébullition  comparative- 
ment avec  le  pétrole,  parce  que  tous  ces  corps  sont  des 
mélanges  non  définis. 

Autres  corps. 

La  benzaldéhyde  donne  une  première  bande  à  (>(>(>,!); 
elle  correspond  sans  doute  à  la  bande  606,5  du  benzène; 
puis  une  autre  bande  particulière  à  511. 

Le  nitrobenzène  et  le  nitrotoluène  donnent  lieu  à  des 
observations  analogues  à  celles  qui  se  rapportent  au  ben- 
zène et  au  toluène  ;  les  bandes  se  rapprochent  plus  de 
l'extrémité  rouge  du  spectre  quand  la  molécule  renferme 
le  groupe  CH3.  Il  est  curieux  de  constater  que  le  groupe 
NOg  ne  donne  pas,  dans  ces  dérivés  nitrés,  cette  multi- 
tude de  bandes  que  l'on  observe  à  l'aide  du  peroxyde 
d'azote  libre  (j'en  ai  compté  au  moins  55). 

Quant  à  l'acétone,  elle  donne  une  première  bande  (652) 
qui  se  rapproche  de  celle  de  l'alcool  isopropylique  (654,5), 
et  une  autre  bande  particulière,  à  619,6. 

Conclusions. 

Malgré  les  lacunes  que  ces  observations  présentent 
encore,  on  peut,  je  crois,  résumer  comme  il  suit  les 
résultats  auxquels  elles  ont  conduit. 

Les  corps  organiques  passant  pour  incolores  ne  donnent 
pas  de  spectres  à  bandes  d'absorption  quand  leur  mole- 


(  \U  ) 
cule  est  formée  de  chaînons  carbonés  autour  desquels 
des  atomes  ou  des  groupes  hétéroiogues  sont  distribués 
d'une  manière  sensiblement  égale  ou  symétrique. 

Lorsque,  au  contraire,  ces  atomes  ou  ces  groupes  sont 
concentrés  ou  réunis  à  l'une  des  extrémités  de  la  chaîne 
carbonée,  les  corps  donnent  des  spectres  à  bandes.  Le 
nombre  de  ces  bandes  paraît  en  relation  étroite  avec  le 
nombre  des  groupes  hydrocarbonés  que  l'on  doit  distin- 
guer dans  la  molécule  :  ainsi,  par  exemple,  un  éther 
composé  donnera  deux  bandes  dont  l'une  correspondra 
au  radical  acide  et  l'autre  au  radical  alcoolique,  alors  que 
l'acide  et  l'alcool  isolés  ne  fournissaient  chacun  qu'une 
seule  bande.  La  position  de  ces  bandes  paraît  spéciale  à 
chaque  groupe  et  elle  se  conserve,  le  plus  souvent,  pour 
chacun  d'eux,  quel  que  soit  l'étage  chimique  du  groupe 
avec  lequel  celui-ci  est  associé.  Elle  est  donc  caractéris- 
tique, au  moins  pour  les  substances  dans  lesquelles  les 
liaisons  ne  dépassent  pas  un  certain  degré  de  compli- 
cation. 

Si  deux  groupes  se  trouvent  unis  assez  intimement 
pour  que  l'influence  de  l'un  retentisse  sur  l'autre,  les 
bandes  propres  à  cbaque  groupe  pris  isolément  sont 
déplacées  (cas  des  dérives  méthylés  du  benzène);  elles 
tendent  même  à  se  confondre  en  une  bande  résultante. 
Les  corps  compliqués  formés  d'un  grand  nombre  de 
groupes  fortement  unis  les  uns  aux  autres,  pourront  donc 
donner  des  spectres  plus  simples;  ils  se  rapprochent,  à 
cet  égard,  des  corps  dont  la  structure  est  bomogène. 

On  observe  encore  un  déplacement  des  bandes  d'ab- 
sorption dans  les  séries  hétéroiogues,  suivant  les  varia- 
tions de  l'affinité  des  groupes  bydrocarbonés  pour  les 
groupes  bétérologues,  alors  même  que  ces  derniers  ne. 


(  195  ) 

sont  pas  de  nature  à  produire   une   absorption  d'ondes 
lumineuses  de  longueur  déterminée. 

En  somme,  ces  observations  viennent  à  l'appui  de  la 
théorie  chimique  des  corps  organiques  telle  qu'elle  s'est 
développée  à  la  suite  des  idées  que  Kekulé  a  introduites 
«huis  la  science  :  un  corps  organique  n'est  pas  un  tout 
homogène,  mais  il  est  assimilable  à  un  organisme  formé 
de  parties  diverses  concourant  à  imprimer  à  l'ensemble  le 
caractère  de  l'individualité.  L'analyse  spectrale  permet 
de  découvrir  ces  parties,  mais  seulement  dans  les 
matières  dont  la  constitution  répond  à  des  conditions 
de  simplicité  statique  et  dynamique  telles  que  la  réalisent 
le  plus  souvent  les  matières  dites  incolores. 

Liège.  —  Institut  de  chimie  générale, 
1er  mars  1897. 


Recherches  sur  la  volatilité  dans  lks  composés  carbonés  ; 
par  Louis  Henry,  membre  de  l'Académie. 

Sur   la   volatilité  dans   les   composés   fluorés. 

Le  fluor  est  un  gaz  dont  le  point  d'ébullition,  malheu- 
reusement encore  inconnu,  doit  être  situé  fort  loin 
sous  0°.  Aussi,  quoique  le  poids  atomique  de  cet  élément 
soit  19,  alors  que  celui  de  l'hydrogène  est  1,  sa  substitu- 
tion â  l'hydrogène  dans  les  hydrocarbures  intacts  ne  paraît 
pas  déterminer  une  notable  élévation  dans  leur  point 
d'ébullition.  C'est  ce  que  montrent  les  exemples  suivants, 
dans  le  groupe  aromatique,  les  seuls  d'ailleurs  à  citer  : 

C6H6  ....      Kl).  80° 

C6H5F1 8i°-8o° 

C6HS-CH3  .     .     .     .  Hl° 

CeH^l-CHj     .     .     .  il  G" 


(  196  ) 

Il  n'en  est  pas  ainsi  lorsque  le  fluor  remplace  de 
l'hydrogène  dans  un  hydrocarbure  dont  l'hydrogène  a  déjà 
subi  une  substitution  préalable,  assez  avancée.  Dans  ces 
conditions,  l'entrée  de  cet  élément  dans  la  molécule  a 
pour  conséquence  un  abaissement  dans  le  point  d'ébulli- 
tion  de  celle-ci. 

Il  y  a  là  une  confirmation  éclatante  de  la  loi  que  j'ai 
formulée  à  diverses  reprises,  à  savoir  que  l'accumulation 
des  radicaux  négatifs  01  un  point  des  ?nolécules  carbonées 
constitue  pour  celles-ci  une  cause  puissante  de  volatilité, 
dont  l'intensité  peut  aller  jusqu'au  renversement  de  la 
relation  normale  de  volatilité  que  l'on  constate  entre 
un  composé  carboné  hydrogéné  et  son  dérivé  de  substi- 
tution. 

L'hydrogène  étant  l'élément  gazeux  par  excellence  et 
celui  dont  le  poids  atomique  est  le  plus  faible,  il  s'en- 
suit que  les  bydrocarbures  sont  les  plus  volatils  parmi  les 
composés  du  carbone.  Toute  substitution  de  II  par  X 
réalisée  dans  un  hydrocarbure  intact,  a  pour  résultat,  en 
même  temps  qu'une  augmentation  dans  le  poids  molé- 
culaire de  celui-ci,  une  diminution  dans  sa  volatil ilé  et 
une  élévation  dans  son  point  d'ébullition. 

Grâce  aux  travaux  de  divers  chimistes  (*),  le  nombre 
des  dérivés  fluorés  s'est  notablement  accru  dans  ces  der- 
niers temps.   Il  m'a  paru  qu'il   ne  serait  pas  inutile  de 


(*)  A  côté  des  noms  de  chimistes  français  tels  que  MM.  Chabrié, 
Colson,  Meslans  et  Girardet,  qui,  à  la  suite  de  M.  Moissan,  se  sont 
occupés  des  composés  fluorés  du  carbone,  il  m'est  agréable  de  citer 
celui  d'un  chimiste  belge,  M.  Frédéric  Swarts.  Ses  remarquables  tra- 
vaux sur  les  composés  du  fluor  en  Ci  et  en  C2  m'ont  fourni  des 
exemples  nombreux  et  du  plus  haut  intérêt,  au  point  de  vue  des 
relations  générales  qui  m'occupent  en  ce  moment. 


(  <97  ) 

présenter  l'ensemble  des  combinaisons  lluorées  où  se 
constate  le  fait  d'apparence  anormale  que  je  viens  de 
signaler. 

a)  Voisinage  de  corps  halogènes,  Cl  ou  Br. 


Poids  moléculaire.  Ëbullition. 


UCC15 

FICC15 

HjCCl, 

HC  <  cl 


"*C  <  Br 

FI 

HC  <  Cl 

Br 


OC -Cl 

i 

CljCH 

OC -Cl 

I 

CljCFl 

OC  -  OH 

i 

C)2CH 

OC  -  OH 

i 

C12CF1 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII. 


121,5 

159,5 

85,0 

103,0 

129,5 
147,5 

147,5 
1G5,5 

129,0 


147,0 


+  Gl° 

+  24° 

+  41° 

+  14°,5 

+  68° 

+  58° 

107» 


75° 


+  190° 


1C2°,5 


Différence. 


-      37u 


-     26%5 


-     30° 


-     32° 


-    27°,5 


14 


OC  -  OC2H5 

i 

CI2CH 

OC  -  OC2HB 

i 

CIXFI 

OC-NU2 

i 

C1XH 

OC  -  NH, 

i 

Cl9CFi 


(  ^98  ) 

Poids  moléculaire.         Ébullition. 


157,0 


175,0 


128,0 


1 40,0 


157e 


130° 


+  253° 


+  215° 


Différence. 


27e 


-     18e 


6)  Voisinage  de  Yoxygène  (*). 

Poids  moléculaire. 
H3C  -  C  <  g  44 

H5C  -  C  <  °  02 


Ébullition.  Différence. 

+      21°      \ 


20°,8 


+       0° 


(*)  L'augmentation  de  volatilité  que  détermine  la  substitution  de  FI 
à  H  dans  le  chaînon  aldéhyde  C  <  u,  semble,  par  ces  trois  exemples, 
les  seuls  du  reste  à  citer  aujourd'hui,  croître  à  mesure  que  s'élève  le 
poids  moléculaire  et  que  le  groupement  hydrocarboné  C„HX  fixé  sur 
le  chaînon  aldéhyde  ou  fluorure  acide,  est  plus  considérable.  Il  serait 
intéressant,  sous  ce  rapport,  de  mettre  au  jour  et  d'examiner  les 
fluorures  acides  supérieurs  à  C3,  tels  que  les  fluorures  butyrique, 
valérique,  etc.  Je  regrette  de  n'être  pas  à  même  de  faire  cette 
recherche. 

Les  fluorures  acides  sont  plus  volatils  que  les  chlorures  correspon- 


(  ^99  ) 


Poids 

moléculaire. 

Ébullition. 

Différence, 

HBC2-C<2 

58 

+     49°     \ 

)    -       5° 

H8C2  -  C  <[  pj 

76 

+    44°    / 

H>C6-C<° 

106 

+  179°     \ 

)     -     25» 

HSC6-  C  <  p. 

124 

+   154°     / 

On  sait  quelle  influence  puissante  exerce  sur  la  vola- 
tilité des  molécules  carbonées  le  voisinage  du  chlore  et  de 


dants.  Des  relations  de  volatilité  analogues  à  celles  des  fluorures  vis- 
a-vis des  aldéhydes  se  constatent  entre  ces  deux  classes  de  composés. 


H3C-C  <  qj 
H3C-C<° 

78,5 
62,0 

Éb. 

t    51°    \ 

>    -  30* 

H5C2-C<  qj 

92,5 

78°    \ 

S   -  :-îi° 

HSC2-  C  <pj 

76,0 

44°    / 

l      °* 

HsC6  -  C  <  ç| 
HSC6-  C  <C  y\ 

140,5 
124,0 

194'    ^ 
154°    1 

}    -  40° 

Sous  ce  rapport  encore,  il  serait  désirable  de  connaitre  les  fluorures 
acides  supérieurs  à  C3. 


(  200  ) 
Y  azote  (*).  Je  n'en  rappellerai,  entre  beaucoup  d'autres, 
que  deux  exemples  : 


Poids  moléculaire.  Ébullition.  Différence. 


HC-N 

27,0 

+     26°     \ 

-     11 

C1C  -  N 

f>1,S 

+     15°     / 

CN 

i 

ira 

110,0 

112M130     \ 

ILLIj 

) 

-     50' 

CN 

/ 

i 

14i,5 

830-84°     / 

CCI, 


Il  serait  intéressant  de  connaître  quelle  est  celle  du 
voisinage  du  fluor  et  de  Y  azote;  il  est  à  prévoir  qu'elle 
est  plus  puissante  encore.  Malheureusement,  on  ne  con- 
naît aujourd'hui  aucune  combinaison  carbonée  azoto- 
fluorée  (**). 

Cet  abaissement  dans  le  point  d'ébullition,  à  la  suite 


O  Voir  ma  notice  dans  les  Comptes  rendus,  etc.,  t.  C,  p.  1502 
(année  1885). 

(**)  Le  chlorure  de  cyanogène  C1CN  bouillant  déjà  à  15°,5,  le  fluorure 
correspondant  doit  être  un  gaz  dont  le  point  d'ébullition  doit  être 
assez  loin  sous  0°.  Si  le  chlorure  est  aisé  à  obtenir,  on  prévoit  de 
quelles  difficultés  doit  être  entourée  la  production  du  fluorure  F1CN. 

La  déshydratation  de  l'amide  fluo-bichloro-acétique  F1C12C-C  ^  ^\ 
de  M.  F.  Swarts  fournira ,  probablement  sans  embarras,  le  nitrile 
correspondant  F1C12C  -  CN.  L'acétonitrile  bichloré  HC12C-  CN  bouillant 
à  4120-1130,  il  est  vraisemblable  que  son  dérivé  fluoré  F1C12C-CN 
aura  un  point  d'ébullition  notablement  moins  élevé,  au-dessous  de  83° 
qui  est  celui  de  C13Ç  -  CN. 


(    201    ; 

du  remplacement  de  H  par  FI,  est  d'autant  plus  intéres- 
sant que  le  remplacement  de  H  par  CI  dans  les  mêmes 
composés  a  une  conséquence  toute  contraire  et  déter- 
mine une  élévation  dans  le  point  d'ébullition. 
a)  Voisinage  des  corps  halogènes. 

Poids  moléculaire.  tfbullition.  Différence. 


HC-CI3  !19,5  +  61- 

CIC-Clj  154,0  +  75° 

H2C-CI2  85,0  +  41° 

HC-CIS  119,5  +  6I<" 


ri 
l»8C  <  gj,  428,5  +    68° 


HC  <  gr2  164,0  +     92° 


OC -Cl 

1  145,7  +  107° 

C12CH 

OC -Cl 

i 

CLC  -  Cl 


OC -OH 

i 

CISCH 

OC -OH 

i 

ca 


182,0  +118° 


129,0  +  190° 


163,5  +  195» 


+      14° 


20° 


+     24° 


+     11' 


(  202  ) 

Poids  moléculaire.  Ébullition. 


OC  -  OC,H8 

i 

C12CII 

OC  -  OC2H5 

i 

CCI, 

OC-NH2 

i 

CI2CH 

OC  -  NH2 

i 

CCI, 


157,0 


128,0 


H3C  -  C  < 


H3C  -  C  < 


II 


44,0 
78,5 


157< 


191,5  +  1G4° 


233° 


162,5  +  238° 


6)  Voisinage  de  Y  oxygène. 

Poids  moléculaire.  Ébullition. 

0 


21' 


+     51° 


Différence. 


+       7° 


+       5° 


Différence. 


+     30° 


H8C2  -  C  <  JJ  58,0 


H„C3  -  C  < 


0 
CI 


92,5 


+     49° 


78° 


27° 


HKC6-C<JJ  106,0 


0 


+  179° 


HgC6-C  <  ~  140,5  +  194" 


+     15° 


(  203  ) 

Dans  les  composés  que  je  viens  d'envisager,  les  radi- 
caux substituants  X,  X',  etc.,  et  le  fluor  sont  fixés  sur  le 
même  atome  de  carbone,  et  par  conséquent  dans  le  plus 
étroit  voisinage;  l'influence  volatilisante  de  cet  clément 
y  est  à  son  maximum  d'intensité.  La  question  de  savoir 
l'étendue  du  rayon  dans  lequel,  à  l'intérieur  de  la  molé- 
cule, s'étend  cette  influence,  et  la  relation  qui  existe  entre 
son  degré  d'intensité  et  l'éloignement  des  radicaux 
FI,  X,  X',  etc.,  alors  qu'ils  sont  iixés  sur  des  atomes  de 
carbone  distincts,  se  pose  immédiatement,  mais  les  élé- 
ments pour  la  résoudre  font  défaut,  car  on  ne  connaît 
pas  jusqu'ici,  du  moins  en  nombre  suffisant,  si  tant  est 
qu'il  en  existe,  des  composés  renfermant  les  systèmes 

>  CF1 

>  CF1  >  CF1 

>  CX  i  • 

Ch\>  (CH,),,  etc. 

i  i 

>  CX  >  CX 

Une  dernière  observation.  Le  fait  général  que  je  viens 
de  signaler,  une  fois  encore,  est  au  fond  moins  étrange 
qu'il  ne  le  parait  dès  l'abord,  si  l'on  tient  compte  de  la 
nature  des  éléments  en  question. 

L'hydrogène  est,  comme  M.  Dumas  l'a  nommé  avec 
tant  de  vérité,  un  métal  gazeux;  c'est  un  élément 
positif  très  énergique,  si  l'on  tient  compte  surtout  de  la 
faible  masse  par  laquelle  il  intervient  dans  les  actions 
chimiques.  Aussi  ses  combinaisons  avec  les  éléments 
négatifs  énergiques,  tels  que  le  fluor,  l'oxygène,  etc.,  se 
font-elles  remarquer,  comme  celles  des  métaux  les  plus 
forts,  alcalins  et  alcalino-lerreux,  par  leur  caractère  de 
fixité  relative,  alors  que  ces  mêmes  éléments  déterminent 


(  204  ) 

avec  les  éléments  négatifs  proprement  dits,  des  composés 
remarquables  par  leur  volatilité  et  souvent  par  leur  état 
gazeux  (*). 

Le  carbone  est,  d'autre  part,  un  élément  de  signe 
ambigu,  que  son  indifférence  chimique  permet  de  ranger 
aussi  bien  dans  les  éléments  négatifs  que  dans  les  élé- 
ments positifs.  C'est  l'hydrogène  qui  communique  aux 
groupements  hydrocarbonés  CnHx  leur  caractère  positif 
et  qui  diminue  la  volatilité  dans  leurs  combinaisons  avec 
le  fluor  et  avec  l'oxygène.  Sa  pénurie  et  plus  encore  sa 
disparition  totale  vis-à-vis  du  carbone  restitue  à  cet  élé- 
ment son  caractère  propre  d'élément  négatif-relatif.  Aussi 
voyons-nous  ses  combinaisons  avec  le  fluor,  l'oxygène,  le 
chlore,  le  soufre  se  faire  remarquer  par  leur  volatilité  et 
souvent  par  leur  état  gazeux. 


0                   HFl 

Liquide 

th.    19°,4 

H20 

» 

100» 

PF13 

Gaz 

PF1S 

» 

PF13GI, 

» 

PFI3l!r_, 

•' 

-  10» 

PF130 

» 

-  50» 

PF13S 

» 

AsFls 

Liquide 

63» 

8iFl4 

Gaz 

SOs 

» 

-  10» 

(  20o  ) 


Photographie  de  la  chromosphère  du  Soleil  et  consti- 
tution de  cet  astre;  par  P.  De  Heen,  membre  de  l'Aca- 
démie. 

Nos  précédentes  recherches  nous  avaient  déjà  permis 
de  reconnaître  que  si  l'on  dirige  un  faisceau  de  lumière 
sur  une  plaque  voilée  en  partie  préservée  par  une  mince 
planchette  de  bois,  et  dont  la  moitié  est  complètement 
préservée  contre  le  rayonnement  par  un  écran  métallique, 
par  exemple,  la  partie  exposée  au  rayonnement  se  dévoile, 
alors  que  le  voile  s'accentue  dans  l'ombre.  Ce  phénomène 
est  dû  à  la  présence  de  variétés  de  l'énergie  électrique, 
produites  par  le  rayonnement,  auxquelles  nous  avons 
donné  le  nom  d'infra-électricités.  On  obtient  du  reste 
les  mêmes  résultats  si  l'on  substitue  au  faisceau  de  rayons 
lumineux  l'effluve  de  la  machine  de  Holtz. 

D'autre  part,  mon  assistant  M.  Dwelshauvers-Dery  avait 
remarqué  qu'en  photographiant  un  paysage  où  le  Soleil 
faisait  partie  de  l'image,  celui-ci  fournissait  une  impres- 
sion positive  au  lieu  de  fournir  une  image  négative.  Il 
résultait  donc  de  ceci  que  le  dévoilage  dont  nous  avons 
parlé  ne  se  produisait  pas  seulement  lorsque  la  plaque 
était  préservée  par  la  planchette,  mais  alors  même  que 
celle-ci  était  supprimée.  La  première  impression  produite 
par  la  lumière  déterminait  un  voile  qui  était  ensuite  com- 
plètement éliminé. 

Guidé  par  ces  observations,  nous  avons  eu  la  curiosité 
de  rechercher  quelles  étaient  les  parties  du  Soleil  qui 


(  206  ) 
présentaient  plus  particulièrement  ce  pouvoir  dévoilant. 
Nous  avons  à  cet  effet  projeté  sur  une  plaque  photogra- 
phique et  déjà  fortement  voilée  l'image  non  agrandie  du 
Soleil,  obtenue  à  l'aide  de  l'objectif  d'une  petite  lunette 
de  Secretan,  la  pose  étant  de  deux  secondes.  Nous  avons 
constaté  de  la  sorte  que  le  pouvoir  dévoilant  s'accentue 
lorsque  l'on  part  du  centre  pour  se  diriger  vers  la  péri- 
phérie du  Soleil,  c'est-à-dire  là  où  la  chromosphère  pré- 
sente pour  nous  sa  plus  grande  épaisseur  et  là  où  l'astre 
envoie  la  plus  faible  proportion  de  radiations  calorifiques, 
actiniques  et  lumineuses.  Si  l'on  fait  usage  d'une  plaque 
très  fortement  voilée,  la  pose  étant  de  deux  secondes, 
on  obtient  la  photographie  de  la  chromosphère  sous  la 
forme  d'un  anneau  très  délié  entourant  le  Soleil  (pi.  I).  Si 
la  plaque  est  moins  voilée,  on  constate  la  variation  du 
pouvoir  dévoilant  à  la  surface  même  de  l'astre,  depuis  le 
centre  jusqu'à  la  périphérie  (pi.  II).  En  résumé,  c'est  cette 
atmosphère  solaire  qui  nous  envoie  les  radiations  dévoi- 
lantes les  plus  actives,  c'est-à-dire  les  plus  aptes  à  la  pro- 
duction des  phénomènes  électriques  ou  infra-électriques. 
On  voit  donc  que  cette  atmosphère,  à  laquelle  on  avait 
attribué  jusqu'ici  un  rôle  relativement  passif,  celui 
d'absorber  les  radiations  de  la  photosphère,  possède  au 
contraire  un  rôle  éminemment  actif. 

Il  est  intéressant  de  remarquer  combien  la  limite  de  la 
chromosphère  est  nettement  définie;  le  pouvoir  dévoilant 
cesse  brusquement  d'agir  à  cette  limite,  pour  reprendre 
un  peu  au  delà,  mais  il  serait  difficile  de  décider  actuel- 
lement si  l'impression  que  l'on  observe  dans  le  voisinage 
du  Soleil  est  produite  par  la  couronne  ou  par  la  diffusion 
dans  l'atmosphère  terrestre. 


(  207  ) 

11  est  très  vraisemblable  que  ce  procédé  permettra  éga- 
lement de  reproduire  les  protubérances. 

Nous  avons  ensuite  recherché  quelles  étaient  les  ana- 
logies qui  pouvaient  exister  entre  le  Soleil  et  l'arc  élec- 
trique. Si  l'on  projette  celui-ci  sur  un  écran,  on  remarque 
que  les  charbons  sont  relativement  brillants  alors  que 
l'arc  lui-même,  beaucoup  plus  sombre,  présente  une  belle 
coloration  bleue  entourée  d'une  auréole  vert  pâle. 

Il  résulte  de  cette  première  observation  que  si  nous 
comparons  le  Soleil  à  une  lampe  à  arc,  les  charbons 
incandescents  représentent  la  photosphère  relativement 
brillante,  alors  que  l'arc  lui-même  représente  l'atmo- 
sphère. Si  cette  hypothèse  est  exacte,  nous  devrons 
retrouver  à  l'aide  de  cette  lampe  tous  les  phénomènes 
photographiques  présentés  par  le  Soleil. 

Si  l'on  photographie  l'arc  en  faisant  usage  d'une  pose 
excessivement  courte,  résultat  que  l'on  obtient  en  pas- 
sant rapidement  devant  l'objectif  un  écran  muni  d'une 
fente,  on  obtient  la  planche  III,  pour  laquelle  les  char- 
bons ont  présenté  une  action  photogénique  beaucoup 
plus  intense  que  l'arc  lui-même.  Nous  reconnaissons 
donc  ici  la  photographie  normale  du  Soleil,  dont  le  bord 
qui  correspond  plus  particulièrement  à  l'atmosphère  est 
moins  impressionné  que  le  centre  de  l'astre.  Ce  centre 
envoie  en  quantité  plus  grande  les  rayons  émis  par 
l'incandescence  des  parcelles  solides  ou  liquides  qui 
constituent  la  photosphère,  au  même  titre  que  les 
charbons. 

Si  ensuite  nous  prolongeons  la  pose  (pi.  IV),  nous 
voyons  le  centre  de  l'arc  se  dévoiler  complètement,  alors 
que  les  charbons  restent  brillants,  de  même  que  dans  le 
premier  cliché.   Nous  voyons  donc  ici  se  produire  la 


(  208  ) 

caractéristique  de  l'atmosphère  solaire,  dont  le  pouvoir 
dévoilant  est  plus  grand  que  celui  de  la  photosphère. 

Lorsque,  enfin,  on  fait  usage  d'une  plaque  voilée  et  d'une 
pose  très  longue,  on  obtient  un  dévoilage  complet,  non 
seulement  des  parties  correspondant  à  l'arc,  mais  aussi 
de  celles  qui  correspondent  à  l'incandescence  des  char- 
bons (pi.  V).  Cela  a  lieu  pour  le  Soleil  lorsque  la  pose  est 
exagérée. 

En  résumé,  la  partie  du  spectre  qui  correspond  à 
V incandescence  simple  possède  un  pouvoir  dévoilant  plus 
faible  que  celle  qui  correspond  à  l'arc.  Mais  ce  pouvoir 
dévoilant  existe,  ainsi  que  nous  l'avons  reconnu  à  l'aide 
de  la  lumière  Drumont  et  de  la  lampe  à  incandescence. 
Les  rayons  du  spectre  déterminent  donc  l'énergie  élec- 
trique ou  infra-électrique,  quelle  que  soit  la  nature  de  la 
source.  Il  n'y  a,  en  un  mot,  qu'un  seul  spectre;  l'effet  produit 
dépe?id  uniquement  de  l'intensité  et  de  la  longueur  d'onde  du 
rayon,  et  il  détermine  à  la  fois  la  chaleur,  la  lumière  et 
l'électricité.  La  qualité  de  l'énergie  électrique  dépend  de 
la  longueur  d'onde  du  rayon  qui  l'a  engendrée  (1). 

On  voit  qu'il  est  tout  à  fait  inutile  de  compliquer  la 
nature  en  faisant  intervenir  d'énigmatiques  rayons  élec- 
trisés. 

Nous  allons,  du  reste,  montrer  directement  que  là  où 
le  spectre  est  particulièrement  lumineux,  là  aussi  se  pro- 


(1)  Remarquons  cependant  qu'à  partir  d'une  certaine  limite  de  lon- 
gueur d'onde,  la  diminution  de  celle-ci  peut  entraîner  une  diminution 
de  réfrangibilité.  Un  deuxième  spectre  peut  alors  se  superposer  au 
premier.  Il  est  vraisemblable  que  les  phénomènes  de  décharge 
observés  par  Hertz  sont  dus  à  celui-ci,  car  le  verre  cesse  d'être  trans- 
parent pour  ces  radiations,  alors  que  le  quartz  les  laisse  parfaitement 
passer. 


(  209  ) 

cliiit  le  maximum  d'énergie  électrique  ou  infra-électrique, 

c'est-à-dire  le  plus  grand  pouvoir  dévoilant. 

A  cet  effet,  nous  avons  projeté,  à  l'aide  de  l'objectif 
d'une  lunette  astronomique,  l'arc  électrique  sur  la  fente 
d'un  spectroscope.  L'observation  directe  montre  que  son 
spectre  est  composé  de  trois  bandes  particulièrement 
brillantes,  situées  vers  la  partie  la  plus  réfrangible. Si  l'on 
prend  la  photographie  instantanée  de  ce  spectre,  ces 
bandes  se  présentent  en  noir  (sur  le  négatif)  (a,  pi.  VI); 
si  la  pose  est  plus  longue  (une  minute  :  b,  pi.  VI),  on 
observe  un  commencement  de  dévoilage  dans  les  parties 
les  plus  brillantes;  et  si,  enfin,  on  fait  usage  d'une  pose 
très  longue  (de  vingt  minutes)  à  l'aide  d'une  plaque  voilée, 
on  obtient  les  bandes  parfaitement  dévoilées  (c,  pi.  VI). 

Le  rouge  produit  un  dévoilage  faible,  mais  très  nette- 
ment accentué.  Cette  partie  du  spectre  jouit  donc  de  la 
propriété  de  produire  simultanément  des  effets  calori- 
fiques, électriques  et  lumineux. 

Il  sera  extrêmement  intéressant  d'examiner  à  ce  point 
de  vue  le  spectre  solaire,  lorsque  le  temps  le  permettra. 

Disons  encore  que  la  remarquable  découverte  de  Stas, 
qui  a  établi  que  le  spectre  solaire  est  bien  celui  que  l'on 
réalise  à  l'aide  de  l'électricité,  ne  nous  permet  plus  de 
douter  que  la  lampe  à  arc  représente  bien  la  miniature 
du  Soleil.  La  couronne  solaire  ne  représenterait  autre 
chose  que  l'effluve  s'échappant  de  cette  atmosphère  saturée 
d'énergie  électrique,  dans  le  milieu  ambiant  beaucoup 
plus  raréfié.  L'étendue  de  la  couronne  dépendrait  donc 
simplement  de  la  tension  électrique  de  la  chromosphère. 
Quant  aux  protubérances,  elles  représentent  les  aigrettes 
qui  s'échappent  violemment  de  ce  corps  électrisé. 

La   cause  de  la  recrudescence  des  aurores   boréales 


(  210  ) 

pendant  les  périodes  de  perturbation  de  l'atmosphère 
solaire,  découle  immédiatement  de  tout  ceci,  attendu  que 
c'est  elle  qui  nous  envoie  les  rayons  les  plus  efficaces  au 
point  de  vue  de  la  production  de  l'électricité. 

Si  enfin  nous  jetons  un  coup  d'ceil  sur  l'aspect  que 
présentent  les  diverses  étoiles,  les  étoiles  bleues  sont 
celles  qui  sont  le  siège  des  plus  puissantes  manifestations 
électriques  de  leur  atmosphère  et  dans  lesquelles  le  phé- 
nomène de  l'incandescence  n'occupe  qu'une  place  secon- 
daire. Les  étoiles  rouges  paraissent  au  contraire  être 
celles  où  le  phénomène  de  l'incandescence  est  prédo- 
minant. 


Nouveaux  faits  (Télectrochrose,  et  sur  l'infinie  variété  des 
phénomènes  dits  cathodiques;  par  P.  De  Heen,  membre 
de  l'Académie. 

En  partant  de  cette  considération,  au  début  purement 
hypothétique,  que  nous  avons  déjà  développée  précédem- 
ment et  d'après  laquelle  l'électricité  serait  la  manifes- 
tation de  pulsations  d'un  éther  plus  ou  moins  condensé, 
nous  avons  été  amené  à  admettre  les  conclusions  sui- 
vantes : 

Lorsque  les  pulsations  sont  concordantes,  il  y  a  attrac- 
tion ;  lorsqu'elles  sont  discordantes,  il  y  a  répulsion,  comme 
le  montrent  les  expériences  classiques  de  Bjerknacs. 
Cependant  l'attention  du  célèbre  physicien  ne  paraît  pas 
avoir  été  attirée  par  cette  circonstance  que  l'on  peut  réali- 
ser des  phénomènes  attractifs  ou  répulsifs,  alors  même 
que  le  nombre  de  pulsations  par  seconde  n'est  pas  le 


Hebn,  Bull,  de  l'Acad 

.  t.  XXXIII,  n    »,  p.  ho, 

h.   VI. 


Pl.   II. 


© 


Pl.   I. 


Clkhé  P.  De  Hecn. 


Phototypie  E.  Castclein.  Bruxelles. 


P.  l)i    Hebn,  Bull,  dt  l'Acad 

3*  sér  ,  t.  XXX11I,  u'  3,  p.  MO,  1897. 


Pl.  III 


Pl.  IV. 


Pl.  V. 


Cliché  P.  De  Ileen. 


Phototypie  E.  Castclcin.  Bruxelles. 


(  241  ) 
même  pour  les  deux  corps  puisants,  la  qualité  des  éner- 
gies électriques-dépendant  précisément  du  nombre  de  ces 
pulsations. 

Considérons  deux  corps  puisants,  A  et  B  par  exemple, 
tels  que  le  corps  puisant  A  exécute  une  pulsation  tandis 
que  le  corps  puisant  B  en  exécute  trois.  Supposons  égale- 
ment A  et  B  concordants  à  l'origine  de  l'opération.  Nous 
pourrons,  dans  ces  conditions,  diviser  la  période  de  pulsa- 
tions A  en  six  phases,  ainsi  que  eela  est  indiqué  (tîg.  1). 


/ 


B 


lJ  L^î 

concordant      discordant    concordant    concordant     discordant    concordant 
I  II  III  IV  V  VI 

FiG.  i. 

Nous  aurons  deux  phases  discordantes  et  quatre  phases 
concordantes;  le  résultat  final  sera  donc  une  attraction. 

Si,  au  contraire,  nous  supposons  l'un  des  corps  puisants 
gonflé  et  le  deuxième  déprimé  à  l'origine  de  l'opération, 
nous  aurons  deux  phases  concordantes  et  quatre  phases 
discordantes;  il  y  aura  donc  répulsion. 

Il  est  facile  de  voir  que  si  B  exécute  deux  pulsations 
alors  que  A  n'en  exécute  qu'une,  il  n'y  a  ni  attraction  ni 
répulsion,  car  il  y  a  autant  de  concordances  que  de  dis- 
cordances. 

11  est  vraisemblable  que  lorsque  les  deux  électricités 
sont  produites  simultanément  par  le  même  producteur, 
c'est  généralement  la  pulsation  la  plus  rapide  qui  corres- 
pond à  l'électricité  dite  positive. 


(  212  ) 
En  réalité,  le  fait  que  deux  électricités  s'attirent  ou  se 
repoussent,  d'un  grand  intérêt  lorsqu'il  s'agit  de  l'étude 
des  forces  développées  par  cette  énergie,  est  le  moins 
important  lorsqu'on  se  place  au  point  de  vue  de  la 
physique  proprement  dite.  Au  contraire,  le  nombre  de 
pulsations  exécutées  pendant  l'unité  de  temps,  nombre 
qui  caractérise  la  qualité  de  cette  énergie,  au  même  titre 
que  le  nombre  de  vibrations  éthérées  caractérise  le  rayon 
lumineux  ou  calorifique,  présente  le  plus  vif  intérêt  au 
point  de  vue  de  la  philosophie  naturelle. 

Les  énergies  électriques  constituent  dans  leur  ensemble 
un  véritable  spectre.  Les  recherches  que  nous  avons 
entreprises  nous  ont  montré  qu'il  est  aisé  de  transfor- 
mer cette  énergie  et  d'en  obtenir  un  nombre  indéfini  de 
variétés,  de  même  que  les  phénomènes  de  thermochrose 
permettent  de  modifier  la  radiation  calorifique.  Il  importe 
dès  lors,  pour  étudier  la  qualité  d'une  électricité,  de  faire 
usage  d'une  méthode  dans  laquelle  les  actions  réciproques 
des  molécules  électrisées  ou  puisantes  puissent  être 
considérées  comme  négligeables  ou  tout  au  moins  très 
faibles  par  rapport  à  l'action  de  la  surface  puisante  de 
l'électrode  qui  communique  à  ces  molécules  des  vitesses 
initiales  qu'elles  sont  destinées  à  conserver  plus  ou 
moins  parfaitement,  eu  égard  à  leur  indépendance  à  peu 
près  parfaite.  Cette  condition  est  réalisée  daus  le  tube  de 
Crookes. 

D'autre  part,  l'observation  photographique  des  aigrettes 
montre  que  l'énergie  électrique  se  transforme  lorsqu'on 
l'oblige  à  se  transmettre  sous  forme  d'effluve. 

Afin  d'exécuter  ces  expériences,  nous  avons  d'abord 
photographié  directement  l'aigrette  positive.  A  la  plaque 
photographique  b  on   superpose  une  feuille  d'étain  c,  à 


(  213  ) 

laquelle  est  appliqué  le  conducteur  positif  A  d'une  forte 
bobine;  le  tout  est  enveloppé  du  papier  noir  a  (fig.  2). 
Si  l'on  fait  usage  de  la  pile  au  bichromate, 
on  obtient  par  ce  procédé  des  aigrettes 
d'une  linesse  excessive  (pi.  I).  On  peut 
faire  ensuite  usage  de  l'effluve.  A  cet 
effet,  le  même  dispositif  photographique 
est  placé  entre  deux  plateaux  métalliques 
munis  de  pointes  A,  B  (fig.  5),  suspendus 
par  des  fils  de  soie  à  des  tiges  de  verre 
fixées  horizontalement  et  mis  en  commu- 
nication avec  les  pôles  de  la  bobine. 

L'effluve  positive  électrise  les  lames  d'étain  dont  les 
bords  fournissent  toujours  des  aigrettes,  mais  celles-ci 
sont  incomparablement  moins  fines  que  les  premières 
(pi.  II). 


a 


Fig.  2. 


Fig. 


Fig.  4. 


Si  l'on  fait  usage  de  quatre  plateaux  (fig.  4)  et  si  l'on 

3rae    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  15 


(  214  ) 
règle  les  choses  de  manière  à  obtenir  des  aigrettes  pré- 
sentant à  peu  près  les  mêmes  dimensions,  afin  d'éviter 
l'objection  que  l'on  pourrait  faire  et  qui  se  rapporterait  à 
une  variation  de  tension,  on  remarque  que  l'émanation 
électrique  tend  à  prendre  la  forme  de  taches  rondes  d'où 
s'échappent  des  aigrettes  relativement  rares,  mais  encore 
droites  (pi.  III).  Avec  six  plateaux,  on  obtient  des  aigrettes 
pour  ainsi  dire  flasques,  manquant  de  force  de  projection 
et  se  recourbant  en  tous  sens  (pi.  IV).  Les  taches  rondes 
se  transforment  en  surfaces  impressionnées  plus  étendues. 
Enfin,  avec  huit  plateaux,  l'aspect  de  l'émanation  est 
complètement  modifié,  il  n'y  a  pour  ainsi  dire  plus  trace 
d'aigrette  (pi.  V).  On  voit  dès  à  présent  que  notre  système 
A  B  de  plateaux  est  comparable  à  un 
véritable  spectre  électrique. 

Guidé,  d'une  part,  par  ces  der- 
nières considérations  et,  d'autre 
part,  par  l'idée  que  nous  venons 
de  développer  et  que  nous  nous 
sommes  faite  du  tube  de  Crookes, 
nous  avons  entrepris  les  expé- 
riences ci-après. 

Mettons  l'un  des  pôles  de  la 
bobine,  par  exemple  le  pôle  posi- 
tif, en  communication  avec  le 
plateau  A  muni  de  pointes,  lequel 
envoie  des  effluves  à  un  deuxième 
plateau  identique  B  (fig.  5).  Le 
plateau  A  est  mis  en  communi- 
cation avec  le  plateau  a  d'un  tube 
de  Crookes,  et  le  plateau  B  en  communication  avec 
l'écran  en  forme  de  croix  b.  On  obtient  dans  ces  condi- 


FlG. 


(  215  ) 

lions  une  ombre  anodique  très  agrandie,  à  contours 
estompés,  de  la  croix,  mais  dont  les  dimensions  dimi- 
nuent à  mesure  que  l'on  écarte  les  deux  plateaux  A  el  B. 
Si,  au  contraire,  on  fixe  le  conducteur  du  plateau  B  à  a 
et  celui  de  A  à  b,  on  obtient  une  ombre  ayant  des  dimen- 
sions normales,  sensiblement  indépendante  de  la  distance 
des  plateaux,  ayant  en  un  mot  tous  les  caractères  de 
l'ombre  cathodique  normale,  mais  excessivement  faible. 

Considérons  encore  l'expérience  telle  qu'elle  est  indi- 
quée (fig.  5)  et  intercalons  entre  A  et  a  une  résistance 
(on  peut  se  servir  à  cet  effet  d'un  tube  capillaire  de 
I  millimètre  de  diamètre  environ  sur  80  centimètres  de 
longueur,  renfermant  une  colonne  d'eau  et  aux  extrémités 
duquel  on  plonge  les  fils  conducteurs);  on  remarque  que 
l'ombre  anodique  s'agrandit. 

Les  faits  que  nous  venons  de  signaler  nous  permettent 
déjà  de  démontrer  que  la  qualité  de  l'électricité  A  est 
différente  de  la  qualité  de  l'électricité  B,  et  qu'on  ne 
peut  les  interpréter  par  la  considération  d'une  simple 
différence  de  potentiel.  En  effet,  si  nous  diminuons  pro- 
gressivement  le   potentiel   en   a,    l'ombre   de  la  croix 
s'agrandit  d'une  manière  continue,  le  potentiel  a  devient 
plus  petit  que  le  potentiel  b  et  devient  finalement  sensi- 
blement nul.  Or,  si  nous  supposons  la  qualité  de  l'élec- 
tricité A  identique  à  celle  de  B,  et  si  nous  renversons  la 
disposition,  le  potentiel  b  étant  plus  petit  que  a,  nous 
devrons  obtenir  une  croix  d'autant  plus  agrandie  que  la 
distance  des  plateaux  deviendra  plus  grande,  c'est-à-dire 
que  b  deviendra  plus  faible.  Or  nous  avons  vu  qu'il  n'en 
était  rien;  l'ombre  possède  alors  sa  dimension  normale,  et 
sa  grandeur  est  indépendante  de  la  position  du  plateau  B. 


(  216  ) 

En  résumé,  B  se  comporte  comme  une  cathode  vis- 
à-vis  de  A,  bien  qu'étant  électrisé  positivement  dans 
l'ancienne  acception  du  mot. 

Si  l'on  répèle  les  mêmes  expériences  avec  le  pôle 
négatif  de  la  bobine,  on  obtient  les  mêmes  résultats;  dans 
l'expérience  (fig.  5),  la  croix,  tout  en  étant  agrandie,  est 
plus  petite;  les  choses  se  passent  comme  si  le  plateau  B 
était  plus  éloigné  du  plateau  A. 

Si  l'on  relie  B  à  a  et  A  à  6,  B  se  comporte  toujours 
comme  une  cathode  et  A  comme  une  anode;  il  n'y  a  plus 
agrandissement  de  l'ombre.  On  pourrait  exprimer  cette 
proposition  en  disant  que  B  est  ultra-négatif. 

On  obtient  encore  exactement  les  mêmes  résultats, 
mais  d'une  manière  plus  affaiblie, 
si,  en  faisant  usage  de  trois  pla- 
teaux à  pointes  A,  B,  C,  on  se 
sert  pour  activer  le  tube  des  pla- 
teaux B  et  C.  Dans  ces  conditions, 
le  plateau  B  joue  le  rôle  du  pla- 
teau A  de  la  première  expérience, 
et  le  plateau  C,  le  rôle  du  pla- 
teau B  (fig.  6). 

Nous  avons  dit  que  si  l'on 
considère  l'expérience  (fig.  5)  en 
écartant  progressivement  B  de  A, 
l'ombre  devient  de  plus  en  plus 
petite  et  atteint  une  dimension 
limite  lorsque  B  est  à  l'infini  ou 
supprimé.  Lorsque,  dans  ces  con- 
ditions, on  fait  usage  du  pôle 
fig.  6.  positif,  cette  ombre  conserve  tou- 


C  2|7  ) 

jours  des  dimensions  plus  grandes  que   la   dimension 
normale. 

Ce  fait  que  le  tube  fournit  une  ombre  avec  un  seul  (il 
nous  a  suggéré  l'idée  de  rechercher  la  loi  des  variations 
de  la  dimension  de  l'ombre  en  fixant  successivement  le 
fil  aux  plateaux  A,  B,  C,  D.  Si  l'on  fait  usage  du  pôle 
positif  de  la  bobine,  comme  cela  est  indiqué  figure  7,  on 


D 


FlG.  7. 


remarque  :  1°  que  la  dimension  de  l'ombre  est  indépen- 
dante de  la  distance  des  plateaux  ;  2°  qu'elle  est  plus  grande 
pour  le  plateau  B  que  pour  le  plateau  A;  elles  ont  à  peu 
près  la  même  dimension  en  B  et  en  C;  mais  en  D,  elle 
est  notablement  diminuée,  ses  contours  sont  très  nets 


(  218  ) 

et,  contrairement  à  ce  qui  avait  lieu,  ses  dimensions  sont 
sensiblement  celles  que  l'on  obtient  dans  l'expérience 
classique.  Remarquons  qu'il  s'agit  ici  précisément  de 
l'énergie  dont  la  photographie  ne  fournit  plus  d'aigrettes. 

Si  l'on  fait  usage  du  pôle  négatif  de  la  bobine,  la  dimen- 
sion de  la  croix  est  toujours  celle  de  l'expérience  clas- 
sique pour  tous  les  plateaux. 

Mais  voici  un  lait  extrêmement  curieux  :  supposons  le 
conducteur  c.  lixé  au  plateau  D,  pour  lequel  l'ombre  posi- 
tive et  l'ombre  négative  ont  à  peu  près  mêmes  dimen- 
sions. Supposons  que  le  pôle  positif  active  d'abord  l'appa- 
reil et  qu'à  un  moment  donné  on  substitue  au  pôle 
positif  le  pôle  négatif.  On  constate  à  ce  moment  un  agran- 
dissement considérable  delà  croix,  et  ce  n'est  qu'après  une 
minute  environ  qu'elle  reprend  sadimension  ordinaire. 

L'agrandissement  anormal  de  l'ombre  parait  donc  être 
le  résultat  de  cette  circonstance  que  le  tube  est  activé 
simultanément  par  des  énergies  de  qualités  différentes, 
mélangées  pendant  les  premiers  moments  du  renverse- 
ment du  courant.  L'agrandissement  anormal  de  l'ombre 
que  l'on  observe  généralement  avec  le  pôle  positif  serait 
le  résultat  de  ce  que  l'électricité  positive  représente  un 
mélange  de  plusieurs  énergies,  dont  les  temps  de  pulsa- 
tions sont  très  variables,  alors  que  l'énergie  fournie  par 
le  pôle  négatif  est  plus  homogène. 

Nous  avons  encore  fait  usage  de  deux  séries  de  pla- 
teaux, l'une  étant  activée  par  le  pôle  positif  de  la  bobine, 
l'autre  par  le  pôle  négatif.  Pour  les  trois  premiers  pla- 
teaux, la  marche  est  normale;  mais  si  l'on  se  sert  simul- 
tanément des  quatrièmes  plateaux,  comme  cela  est  indi- 
qué (fig.  8),  on  obtient  toujours  une  ombre,  quelle  que  soit 


(  219  ) 
la  position  du  pôle.  L'ombre  cathodique  est  un  peu  plus 
grande  que  l'ombre  anodique. 


A       B 


1) 


B'        C        D' 

Fie.  8. 


On  remarquera  que  dans  l'expérience  précédente,  où 
l'on  fait  usage  d'un  seul  fil,  c'est  à  partir  du  quatrième 
plateau  que  l'ombre  devient  normale  ;  rappelons  encore 
que  cette  électricité  ne  détermine  plus  en  photographie 
la  formation  d'aigrettes. 

Nous  avons  cependant  réussi  à  obtenir  une  ombre  ano- 
dique faible  et  agrandie  à  l'aide  des  troisièmes  plateaux. 

En  réalité,  il  n'y  a  ni  rayons  cathodiques  ni  rayons 
anodiques,  mais  il  y  a  une  infinité  de  rayons  ou  mieux 
de  projections  produites  par  des  énergies  différentes,  les 
vitesses  de  projection  dépendant  du  mode  d'énergie  dont 


(  2-20 

on  t'ait  usage;  el  si,  pour  faciliter  le  langage,  nous  employons 
l'ancienne  appellation,  nous  pouvons  dire  que  les  rayons 
anodiques  existent  au  même  titre  que  les  rayons  catho- 
diques. La  démonstration  de  l'existence  de  rayons  ou  de 
projections  anodiques  confirme  singulièrement  l'hypo- 
thèse faite  par  nous  et  d'après  laquelle  les  rayons  \ 
seraient  dus  à  des  vibrations  résultant  des  chocs  provo- 
qués par  la  rencontre  des  projections  cathodiques  et 
anodiques. 

L'agrandissement  de  l'ombre  anodique  serait  dû  à  ce 
que  le  manque  d'homogénéité  de  l'électricité  positive  la 
rend  moins  propre  à  projeter  les  molécules,  lesquelles,  en 
rencontrant  d'autres  molécules  lancées  par  la  croix,  rico- 
chent et  possèdent  dès  lors  des  trajectoires  qui  se  rap- 
prochent probablement  de  celles  que  nous  indiquons 
(fig.  0). 


1  Omi 


Te 


FlG.  9. 


Disons  enfin  que  l'aimant  exerce  sur  ces  rayons  une 
action  qui  nous  a  paru  indécise. 


P.   Ds  Hr.EH,  Bull,  de  l'Acad   roy. 
3'icr  ,  t.  XXXIII. 


Pl.  I, 


Pl.  II. 


It^« 


Pl.   Il 


Pl.  IV 


Pl.  V 


Cliché  P.  De  Hccn. 


Pholotypie  E.  Castclcin.  Bruxelles. 


(  221   ) 


Recherches  sur  l'acide  phénoxacé tique.  -  Acide  phénoxy- 
cinnamique.  —  Deuxième  communication;  par  le 
I)rA.-J.-J.  Vandevelde,  assistant  à  l'Université  deGand, 

Dans  une  précédente  communication  (*),  j'ai  fait  l'étude 
de  l'éthcr  phénoxacétique  monosodé,  et  montré  de  quelle 
manière  se  comporte  cette  substance  quand  elle  se  trouve 
en  présence  de  certaines  combinaisons  balogénées. 
Comme  il  m'avait  été  impossible  de  greffer  une  chaîne 
latérale  sur  la  molécule  de  l'élher  phénoxacétique 
C6H30  —  CH2  —  COc2C2H5  en  partant  de  son  dérivé 
métallique  et  en  appliquant  la  méthode  synthétique  géné- 
rale de  Fittig,  j'ai  eu  recours  à  la  réaction  de  Perkin; 
j'ai  remplacé  H2  de  C6H30  —  CH2  —  C02H  par  le  grou- 
pement C,;H-;  —  CH  =  de  l'aldéhyde  benzoïque  et  pré- 
paré ainsi  l'acide  phénoxycinnamique 

f  6H50  —  C  —  C02II 

II 
C6H5  —  CH 

C'est  l'étude  de  ce  nouvel  acide  et  de  quelques-uns  de 
ses  dérivés  que  j'ai  l'honneur  de  soumettre  à  l'apprécia- 
tion de  l'Académie. 


O  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Behjique,  3e  série,  tome  XXXII,  n°  8, 
pp.  302-315.  1896. 


(  222  ) 

Acide  phénoxycinnamique. 

100  grammes  de  phénoxacétate  de  sodium  bien  sec, 
additionnés  de  64  grammes  d'aldéhyde  benzoïque  et  de 
120  grammes  d'anhydride  acétique,  sont  chauffés  durant 
18  heures  à  140-160°  au  bain  de  glycérine,  dans  un 
ballon  muni  d'un  réfrigérant  ascendant.  La  masse  brune 
résultant  de  l'opération  est  reprise  par  beaucoup  d'eau  ; 
après  ébullition,  fîltration  à  chaud  et  refroidissement,  il 
cristallise  un  mélange  d'acide  phénoxacétique  inaltéré  et 
d'acide  phénoxycinnamique,  qu'une  seconde  cristallisa- 
lion  de  l'eau  permet  de  séparer,  l'acide  phénoxycinna- 
mique étant  à  peu  près  insoluble  à  froid.  Le  rendement 
est  de  20  grammes. 

C6HK0  — CH2  — C02Na  -t-  CGHsCH0  -*-  (CH3C0),0 

=  C6H„0  —  C  —  C02H  -+-  CH3C0,H  ■+-  CH8CO*Xa 

II 
C6HS  —  CH 

Cet  acide  est  insoluble  dans  l'eau  froide,  soluble  dans 
beaucoup  d'eau  bouillante,  soluble  dans  l'alcool,  l'éther, 
le  chloroforme  et  le  benzol,  d'où  il  cristallise  facilement. 
Il  sublime  aisément  et  fond  à  121°. 

Une  analyse  par  combustion  a  donné  les  résultats  sui- 
vants : 

0^,0805  de  substance  donnent  0*r,2209  C02 

0*r;0381  H20, 

soit  C  =  0«r,0603  74,91  % 

H  =  0&r,004:2  5/21  •/. 

Calculé  pour  C6HsO  —  C  —  CO..H     C  =  75,00  % 

II 
C,H„  — CH  H=    5,00  •/. 


(  223  ) 

Les  sels  alcalins  de  cet  acide  sont  solubles  dans  l'eau, 
et  leur  solution  précipite  l'acide  phénoxycinnamique  par 
addition  d'un  acide;  ces  sels  alcalins  sont  solubles  dans 
l'alcool  et  précipitent  par  addition  d'éther.  Les  chlorures 
de  calcium  et  de  baryum  donnent,  avec  les  solutions 
aqueuses  d'un  phénoxycinnamate  alcalin,  des  précipités 
blancs  cristallins,  apparaissant  lentement.  Le  nitrate 
d'argent  et  l'acétate  de  plomb  donnent  des  précipités 
blancs  pulvérulents. 

L'acide  phénoxycinnamique  est  un  acide  non  saturé, 
auquel  l'hydrogène  s'additionne  facilement  pour  produire 
un  acide  hydrocinnamique.  11  se  combine  aussi  au  brome 
pour  donner  un  acide  que  je  n'ai  fait  qu'entrevoir,  et  qui 
semble  être  à  la  fois  un  composé  additionnel  et  un  pro- 
duit de  substitution;  le  brome,  en  agissant  sur  l'acide  en 
suspension  dans  l'eau,  semble  donner  un  acide  tribromé. 
L'acide  phénoxycinnamique  renferme  à  la  fois  un  groupe- 
ment phénylique  CGH  ;  et  un  groupement  oxyphénylique. 
Il  sera  intéressant  de  rechercher  dans  quel  noyau  vient  se 
fixer  l'atome  de  brome  de  substitution.  Je  me  propose 
d'étudier  les  dérivés  halogènes  de  cet  acide,  ainsi  que 
d'autres  composés  qui  présentent,  dans  leurs  molécules, 
des  groupements  benzoliques  différents. 

Acide  phénoxyhydrocinnamique. 

L'amalgame  de  sodium,  en  agissant  pendant  24  heures 
sur  l'acide  phénoxycinnamique  en  suspension  dans  l'eau, 
provoque  la  dissolution  complète  de  ce  dernier;  il  donne 
naissance  au  sel  de  sodium  de  l'acide  phénoxyhydrocin- 
namique  par  fixation  de  deux  atomes  d'hydrogène 

C0HsO  -  C  —  COJI  +  H,  =  C0HBO  —  CH  —  COoH 

Il  I 

CfiHK  —  CH  ('H,  -  CH, 


(  224  ) 

Le  liquide  filtré  précipite  en  blanc  quand  on  l'acidulé; 
le  précipité,  qui  n'est  autre  que  l'acide  lui-même,  est  le 
plus  souvent  laiteux  et  cristallise  difficilement;  on  le 
purifie  par  plusieurs  dissolutions  dans  l'eau  bouillante, 
en  ayant  soin  de  plonger  la  dissolution  encore  chaude 
dans  un  mélange  réfrigérant,  ce  qui  provoque  une  cristal- 
lisation plus  rapide  et  permet  d'éviter  toute  précipitation 
huileuse. 

Cet  acide,  insoluble  dans  l'eau  froide,  soluble  dans 
l'eau  bouillante,  soluble  dans  les  dissolvants  organiques, 
fond  à  81°.  Une  analyse  par  combustion  a  donné  les 
résultats  suivants  : 

0^,1311  de  substance  donnent  Oer,356(;  COa 

Osr,OG96  ll20, 

soil  C  =  0<rr,0972  74,14% 

H  =  0*%0077  5,87  -/. 

Calculé  pour  CJI.O  —  CH  —  C02H     C  =  74,38  •/. 

I 
C6H8  — CH2  H=    5,78  •/» 

Oglialoro  (*)  a  obtenu,  en  chauffant  un  mélange  de 
phénylacétate  de  sodium,  d'aldéhyde  benzoïque  et  d'anhy- 
dride acétique,  l'acide  phénylcinnamique 

C6HS  —  C  —  C02H 

C6HS  -  Cil 

fondant  à  170°,  lequel,  avec  l'hydrogène  naissant,  a  donné 
l'acide  phénylhydrocinnamique 

C,H,  -  CH  -  C02II 

I 
CfiH5  -  CH2 

(")  Gazz.  chim.  Ital,  8,  429. 


(  225  ) 

fondant  à  84°  et  identique  à  l'acide  dibenzylcarboxylique 
de  Wurtz  (*).  Une  relation  intéressante  concernant  le 
point  de  fusion  rattache  les  acides  cinnamique  et  hydro- 
cinnamique,  phénylcinnamique  et  phénylhydrocinna- 
mique  :  la  différence  entre  l'acide  non  saturé  et  son 
dérivé  hydrogéné  est  dans  les  deux  cas  8(>. 

Points  de  fusion.      Différences. 


Acide  cinnamique 155 

»      hydrocinnamique     ...  47 

»      phénylcinnamique    ...  170 

»      phcnylhydrocinnamique    .  84 


8G 


86 


Cette  relation  ne  se  retrouve  plus  dans  le  cas  de  l'acide 
phénoxycinnamique  : 

l'oints  de  fusion.       Différence. 


Acide  phénoxycinnamique.     .     .         121 
phénoxyhydrocinnamique.  81 


40 


Phénoxycinnamale  de  sodium. 

L'acide  phénoxycinnamique  neutralisé  exactement  par 
de  la  soude  titrée  donne  un  sel  de  sodium.  Ce  composé 
est  blanc,  cristallin,  soluble  dans  l'eau,  soluble  aussi  dans 
l'alcool,  mais  précipité  pai  l'éther  à  l'état  de  poudre 
cristalline,  ce  qui  permet  de  le  purifier  facilement;  le 
produit  est  finalement  desséché  dans  le  vide. 


(*)  Ann.  de  Chimie  et  de  Phys.  (4),  t.  XXVII,  p.  378. 


(  226  ) 

Un  dosage  de  sodium  par  la  méthode  au  sulfate  de 
sodium  a  conduit  au  résultat  suivant  : 

0er,2b47  de  substance  donnent         0er,0685  Na2S04, 
soit  Na  =  0er,0222  8,71  •/. 

Calculé  pour  C6H50  -  C  -  CO,Na  Na  =  8,78  •/. 

Il 
C,:HK— CH 


Phénoxycinnamate  d'argent. 

De  l'acide  phénoxycinnamique  est  neutralisé  exacte- 
ment par  de  l'ammoniaque,  ce  qui  amène  sa  dissolution; 
la  solution  obtenue  donne  avec  le  nitrate  d'argent  un 
précipité  blanc,  pulvérulent,  soluble  dans  l'ammoniaque 
et  l'acide  nitrique.  C'est  le  phénoxycinnamate  d'argent. 

La  simple  calcination  de  ce  sel  lavé  à  l'eau  et  desséché 
dans  le  vide  a  donné  : 

0er,1369  de  substance  donnent  0er,0434  Ag, 

soit  Ag  =  31,05% 

Calculé  pour  C6H50  —  C  -  CO,Ag  Ag  =  31,12  •/. 

II 

CrH,  -  CH 


Ph en oxycinnama te  d'aniline . 

Une  dissolution  éthérée  de  i  grammes  d'acide  phénoxy- 
cinnamique et  de  lgr,2  d'aniline  laisse,  par  évaporation, 
des  cristaux  transparents  assez  volumineux,  très  solubles 
dans  les  dissolvants  organiques.  Le  produit  cristallisé  de 
l'alcool  et  de  l'éther  fond  à  15()°. 


(  227  ) 
Un  dosage  par  combustion  donne  les  nombres  suivants  : 

■     C«fr,1229  de  substance  donnent  0er,3417  C04 

0er,0G42  HîO. 

soit  C  =  0*r,0952  75,85  0/0 

H  =  0er,007l  5,77% 

Calculé  pour  C^O  —  C  —  COsH  NII,C6H,  C  =  75,68  "/. 

11 
C6H,  — LH  H=    5,71  •/. 


Phénoxycinnamate  de  phényle. 

Cet  éther  phénolique  a  été  préparé  en  passant  par  le 
chlorure  acide.  8  grammes  d'acide  phénoxycinnamique 
bien  sec  furent  additionnés  de  8  grammes  de  pentachlo- 
rure  de  phosphore  pulvérulent  ;  la  réaction  ne  tarda  pas 
à  s'établir  avec  un  vif  dégagement  d'acide  chlorhydrique. 
Après  avoir  éliminé  par  distillation  l'oxychlorure  de 
phosphore  formé,  j'obtins  un  résidu  brun,  qui  s'altérait 
sous  l'action  de  la  chaleur,  et  dont  la  purification  s'an- 
nonçait comme  devant  être  fort  difficile,  attendu  que  je 
n'avais  à  ma  disposition  que  1)  grammes  de  produit  brut. 
A  ce  dernier,  qui  vraisemblablement  devait  être  le  chlo- 
rure acide  de  l'acide  phénoxycinnamique,  j'ai  ajouté 
4  grammes  de  phénol  cristallisé  sec;  de  nouveau  l'acide 
chlorhydrique  se  dégagea  et  j'obtins  au  bout  de  peu  de 
temps  une  huile  noire  épaisse,  refusant  de  cristalliser. 
La  masse  entière  fut  lavée  au  moyen  d'une  solution 
étendue  de  soude  caustique  pour  enlever  l'excès  de 
phénol  et  dissoudre  également,  après  les  avoir  décom- 
posés, le  chlorure  acide  de  l'acide  phénoxycinnamique  et 
une  trace  d'oxychlorure  de  phosphore  encore  présents. 

La  partie  insoluble  dans  la  lessive  alcaline  fut  dissoute 


(  228  ) 

dans  l'éther,  séchée  sur  du  chlorure  de  calcium  et  sou- 
mise à  la  distillation  dans  le  \ide  après  évaporation  de 
l'éther.  La  portion  distillant  entre  250-260°  sous  90  mil- 
limètres de  pression  se  prit  rapidement  en  une  masse 
cristalline  soluble  dans  les  dissolvants  organiques.  Je  l'ai 
purifiée  par  plusieurs  cristallisations  de  l'éther  et  dessé- 
chée dans  le  vide. 

Le  produit  fond  à  74°  et  ne  renferme  pas  de  chlore,  ce 
qui  prouve  que  le  penlachlorure  de  phosphore,  en  agissant 
sur  l'acide  phénoxycinnamique,  ne  fixe  pas  de  chlore  à  la 
double  soudure  pour  la  simplifier.  Les  réactions  sont 
donc  les  suivantes  : 

C,iHsO  —  C  —  C02H  -t-  PCI5  =  C6HbO  —  C  —  COC1  -t-  POCI, 

Il    .  Il 

C6H5  —  CH  C6H5  —  CH  -*-  HCI 

C,HsO  —  C  -  COC1  -+-  C6H5OH  =  C6H50  -  C  —  CO.CelI,  -+-  HCI 

Il  II 

C6H5  — CH  C6H5  — CH 

La  combustion  du  produit  a  conduit  au  résultat  sui- 
vant : 

0er,1523  de  substance  donnent  0er,4454  C04 

Oer,0709  H,0, 
soit  C  =  0sr,l 209  79,38% 

H  =  0er,0079  5,18% 

Calculé  pour  C6H60  —  C  —  C02CGH5    C  =  79,74  % 

II 
C6HS  —  CH  H=    5,0G% 

Comme  je  l'ai  annoncé  au  cours  de  cette  note,  j'ai 
l'intention  d'étudier  la  substitution  halogénée  dans  des 


(  229  ) 

combinaisons  renfermant  des  groupements  benzoliques 
différents;  j'avais  dans  ce  but  essayé  de  préparer,  outre 
l'acide  phénoxycinnamique,  des  composés  synthétiques 
analogues.  J'avais,  entre  autres,  fait  agir  la  benzophénone 
sur  le  phénoxacétate  de  sodium  et  l'anhydride  acétique 
pour  obtenir  : 

C6H50  —  C  —  CO-H 
II 
C6H,-C  -C6H8; 

de  même  j'avais  essayé  de  provoquer  la  réaction  de 
Friedel  et  Crafts  entre  le  chlorure  de  phénoxacétyle  (pré- 
paré par  l'acide  phénoxacétique  et  le  pentachlorure  de 
phosphore  et  bouillant  vers  213°)  et  le  benzol  en  solution 
dans  le  sulfure  de  carbone  en  présence  du  chlorure  d'alu- 
minium, dans  le  but  de  préparer  le  dérivé 

QH.O  —  CIL  —  CO  —  CCHS. 

Mais  jusqu'ici  mes  essais  dans  ce  sens  sont  restés  infruc- 
tueux. J'espère  revenir  plus  tard  sur  ces  réactions. 

Je  présente  ici  mes  remerciements  à  M.  le  professeur 
Th.  Swarts,  dans  le  laboratoire  duquel  ce  travail  a  été 
effectué. 

Laboratoire  de  chimie  générale  de  l'Université  de  Gand. 
4  février  -1897. 


5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  16 


(  230  ) 


CLASSE  »ES  LETTRES. 


Séance  du  1ev  mars  1897. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  directeur,  président  de 
l'Académie. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  F.  Vander  Haeghen,  vice-direc- 
teur; Alph.  Wauters,  P.  Willems,  S.  Bormans,  Ch.  Piot, 
Ch.  Potvin,  J.  Stecher,  T.-J.  Lamy,  Ch.  Loomans, 
G.  Tiberghien,  L.  Vanderkindere,  Ad.  Prins,  J.  Vuyl- 
steke,  Ém.  Banning,  Paul  Fredericq,  God.  Kurth,  Mes- 
dach  de  ter  Kiele,  le  chevalier  Ed.  Descamps,  G.  Mon- 
champ,  membres;  A.  Bivier,  J.  Vollgraff,  associés; 
D.  Sleeckx  et  P.  Thomas,  correspondants. 


CORBESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publi- 
que envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 

1°  Chansons  et  poésies  lyriques  ;  par  N.  Defrecheux  ; 

2°  /  fioretti.  Les  petites  fleurs  de  la  vie  du  petit  pauvre  de 
Jésus-Christ;  par  saint  François  d'Assise.  Traduction 
d'Arnold  Golïîn  ; 


(  251  ) 

3°  Annales  de  lu  Fédération  archéologique  et  historique 
de  Belgique.  Congrès  de  Gond,  1S*)(>; 

4°  Textes  et  monuments  figurés  relu/ifs  aux  mystères  de 
Mithra,  avec  une  introduction  critique  ;  par  F.  Cumont  ; 

5°  Recueil  de  travaux  publiés  pur  lu  Faculté  de  philoso- 
phie et  lettres  de  i 'Université  de  Gand,  fascicules  15,  17,  1S 
et  19. 

—  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

I"  Un  peuple  oublié:  les  Matiènes  ;  par  Théod.  Reinach, 
associé  ; 

2°  VeTslag  aarigaande  een  voorloopig  onderzoek  te  Parijs 
naar  archivalia  belangrijk  voor  de  geschiedenis  van  Neder- 
luud;  par  P.-J.  Blok.  (Présenté  par  M.  Piot,  avec  une  note 
qui  figure  ci-après.) 

—  Remerciements. 


NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Depuis  plusieurs  années,  le  Gouvernement  des  Pays- 
Bas  a  chargé  les  savants  de  ce  pays  d'examiner,  dans  les 
dépôts  d'archives  à  l'étranger,  les  documents  relatifs  à 
l'histoire  des  provinces  septentrionales  des  Pays-Bas 
anciens.  Tour  à  tour  l'Allemagne,  l'Autriche,  la  Russie  et 
l'Angleterre  ont  reçu  de  ces  délégués  des  visites  dont  les 
résultats  sont  publiés. 

M.  Blok,  professeur  à  l'Université  de  Leide,  a  été 
chargé  l'année  dernière  de  visiter,  dans  le  même  but,  les 
dépôts  de  Paris. 


(  232  ) 

Le  résultat  de  ses  recherches  est  consigné  dans  le 
travail  que  j'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Classe  en  son 
nom,  et  dont  le  titre  porte  :  Verslag  aangaande  een  voor- 
loopig  onderzoek  te  Parijs  naar  archivalia  belangrijk  voor 
de  gcschiedenis  van  Nederland;  La  Haye,  1897,  in-8". 

Il  a  visité,  dans  la  capitale  de  la  France,  la  Bibliothèque 
nationale,  celle  de  l'Arsenal,  celle  dite  Mazarine,  le 
Ministère  des  Affaires  étrangères  et  les  Archives  nationales. 
Partout  il  a  été  accueilli  avec  déférence. 

Ce  travail  n'intéresse  pas  uniquement  les  provinces 
septentrionales  des  Pays-Bas;  maint  et  maint  passage  du 
rapport  concerne  la  Belgique.  A  ce  titre,  la  publication  de 
M.  Blok  s'adresse  autant  à  notre  pays  qu'à  la  Hollande. 
La  cause  en  est  facile  à  comprendre.  Longtemps  les 
deux  pays  ont  eu  les  mêmes  souverains,  les  mêmes 
intérêts,  des  tendances  similaires;  la  même  langue  était 
en  usage  dans  une  grande  partie  de  leurs  provinces  : 
l'idiome  bas-allemand.  C'est  la  Révolution  du  XVIe  siècle 
qui  les  a  séparés. 

Par  exemple,  M.  Blok  parle  dans  son  travail  des  papiers 
de  Colbert,  si  intéressants  au  point  de  vue  des  chartes 
et  actes  de  la  Flandre,  et  dont  M.  Gachard  s'est  déjà 
occupé.  Ensuite  il  donne  des  notes  sommaires  à  propos 
de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne  à  Bruxelles,  des  négo- 
ciations de  Nimègue,  des  affaires  de  Gueldre,  de  Hai- 
naut,  etc.,  ainsi  que  sur  d'autres  questions  relatives  aux 
deux  fractions  des  Pays-Bas  anciens. 

On  le  voit,  le  travail  du  savant  professeur  mérite  une 
attention  spéciale  de  la  part  des  historiens  belges. 

Ch.    Pl'OT. 


(  235  ) 


ÉLECTIONS. 


La  Classe  se  constitue  en  comité  secret  pour  prendre 
connaissance  de  la  liste  des  candidatures  présentées  poul- 
ies places  vacantes. 


RAPPORTS. 


MM.  Vanderkindere,  Alph.  Willems  et  le  comte  Goblet 
d'Alviella  donnent  lecture  de  leurs  rapports  sur  le 
mémoire  en  réponse  à  la  deuxième  question  du  concours 
annuel  (Croyances  et  cultes  de  l'île  de  Crête  dans  l'antiquité). 
—  La  Classe  se  prononcera  dans  sa  séance  de  mai  sur  les 
conclusions  des  rapports  de  ses  commissaires. 


.Xotes  d'ancien  wallon;  par  M.  Maurice  Wilmotte, 
professeur  à  l'Université  de  Liège. 

ii«), ,,<>>!  île  fl.  J.  Slecher,  premier  cotntt*i**nire. 

«  M.  Wilmotte,  professeur  à  l'Université  de  Liège, 
communique  à  l'Académie  quelques  notes  assez  curieuses 
sur  un  manuscrit  wallon  de  Turin  et  sur  un  travail  alle- 
mand concernant  le  dialecte  d'une  chronique  de  Flo- 
refife. 

La  Classe,  qui  s'intéresse  aux  choses  wallonnes  comme 
aux  choses  flamandes,  accueillera,  je  crois,  avec  faveur 
ces  remarques  suggestives  pour  notre  philologie  natio- 
nale. 


(  234  ) 

En  se  fondant  sur  la  caractéristique  établie  par  sa 
Dialectologie  wallonne,  M.  Wilmottc  conteste  à  M.  Camus, 
professeur  à  Turin,  la  provenance  namuroise  d'un  traité 
de  médecine  superstitieuse  comme  elle  l'était  en  Grèce 
avant  le  rationalisme  d'Hippocrate.  Il  croit  que  les  gra- 
phies dénoncent  la  zone  liégeoise.  On  sait  que  le  parler 
de  l'antique  Éburonie  est  des  plus  originaux  et  des  plus 
imprégnés  de  pénétration  germanique. 

Cette  origine  liégeoise  est  aussi  revendiquée  pour 
un  Livre  de  l'expocicion  des  songes  que  M.  Wihnotte 
compare  à  un  texte  de  l'ancien  couvent  de  Saint-Jacques 
de  Liège  qu'il  a  décrit  dans  ses  Etudes  romanes.  Tous  ces 
Sompniaris,  comme  disait  Maerlant  en  son  thiois,  ne 
sont  que  des  paraphrases  d'un  Sommarius  latin.  Il  est 
probable  que  celui  de  Saint-Jacques,  trouvé  à  Darmstadt, 
est  plus  ancien,  étant  plus  sobre,  moins  délayé  que  celui 
de  Turin.  Au  fond,  toujours  la  même  anémie  médiévale. 

Dans  ces  Notes  d'ancien  wallon  envoyées  à  l'Académie, 
la  critique  du  travail  allemand  sur  le  texte  de  Floreffe 
(recommandé,  chose  piquante,  par  le  chroniqueur  wallon 
«  à  ceux  de  langue  tyoise  »)  est  basée  sur  des  documents 
que  M.  Wilmotte  a  autrefois  insérés  dans  la  Bomania  de 
M.  Gaston  Paris.  Elle  est  encore  confirmée  par  des  publi- 
cations de  la  Société  liégeoise  de  littérature  wallonne 
en  1890. 

Dans  l'intérêt  des  études  romanes,  j'ai  l'honneur  de 
proposer  à  la  Classe  l'insertion  de  la  notice  de  M.  Wil- 
motte au  Bulletin.  Quant  à  certaines  particularités  idio- 
matiques, je  dois  m'en  référer  aux  autres  Commissaires, 
à  M.  Discailles  pour  la  région  du  Hainaut,  à  M.  Bormans 
pour  celle  de  la  Meuse.  » 


(  235  ) 


Slapi><>>  t    rie    ff.    Kff.   «m  nillfê,    </ciui«inc    «  o»imil*nif«. 

a  L'étude  du  vieux  français  est  toujours  en  grand  hon- 
neur en  Allemagne.  La  dialectologie  wallonne  y  occupe 
nombre  de  savants.  Tout  récemment  encore,  M.  Kosch- 
witz,  dans  son  livre  :  Les  plus  anciens  monuments  de  la 
langue  française  (5e  édition,  Leipzig,  1897),  revisait  le 
texte  de  la  Cantilène  d'Enlalie  et  le  fragment  de  Valen- 
ciennes;  M.  Marchot  en  étudiait  le  dialecte  (Zeitschrift  fur 
romanische  Philologie,  t.  XX,  1896);  M.  Ennecerus  repre- 
nait de  plus  près  l'examen  paléographique  du  manuscrit 
qui  nous  a  conservé  la  Cantilène  (Zur  lateinischen  und 
jranzôsischen  Eulalia,  Marburg,  1897);  M.  Hermann 
Peters,  dans  une  dissertation  inaugurale  soutenue  à  l'Uni- 
versité de  Halle  en  1896,  analysait  une  chronique  de 
l'abbaye  de  Floreffe  qu'il  avait  découverte  dans  un  manu- 
scrit de  Bruxelles. 

Stimulé  par  l'exemple  des  savants  allemands,  un  pro- 
fesseur italien,  M.  Giulio  Camus,  qui  enseigne  le  français 
à  l'École  de  guerre  de  Turin,  s'est  mis  à  faire  des  recher- 
ches parmi  les  manuscrits  wallons  que  possède  la  Biblio- 
thèque de  cette  ville  et  il  en  a  trouvé  un  du  XVe  siècle. 

C'est  des  découvertes  de  MM.  Camus  et  Peters  qu'il  est 
question  dans  la  notice  que  M.  Wilmotte  envoie  à 
l'Académie. 

Le  manuscrit  que  M.  Camus  a  découvert  à  Turin 
reproduit  :  1°  certains  traités  scientifiques  qui  ont  eu  leur 
heure  de  popularité  au  moyen  âge,  tels  que  celui  d'Ale- 
brant  et  celui  de  Guilleame  l'Englois  («  l'orine  »);  2°  une 


(  236  ) 

énumération  de  remèdes  populaires,   de  recettes  culi- 
naires; 5°  une  Expocicion  des  soinges,  etc. 

M.  Wilmotte  s'occupe  particulièrement  de  cette  Expo- 
cicion. 

Il  prouve,  par  des  comparaisons  très  convaincantes, 
qu'elle  a  des  traits  d'étroite  parenté  avec  un  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  grand-ducale  de  Darmstadt  (1)  qu'il 
avait  vu  en  1890  et  dont  il  a  fait  une  description  som- 
maire dans  ses  Etudes  romanes. 

L'antériorité  du  manuscrit  de  Darmstadt  sur  celui  de 
Turin  est  évidente. 

L'un  et  l'autre,  d'ailleurs,  ne  sont  que  la  traduction  du 
texte  latin  des  Somnia  Danielis,  qui  faisait  partie  d'un 
manuscrit  (2)  dont  l'origine  liégeoise  est  hors  de  con- 
testation. 

M.  Camus  croit  que  le  manuscrit  de  Turin  est  namu- 
rois  :  il  y  reconnaît  l'influence  du  dialecte  picard  et  celle 
du  dialecte  bourguignon. 

Tel  n'est  pas  l'avis  de  M.  Wilmotte. 

Se  basant  d'une  part  sur  l'origine  liégeoise  du  texte 
latin  des  Somnia  Danielis  comme  du  manuscrit  de  Darm- 
stadt, d'autre  part  sur  la  dialectologie,  il  soutient  que  le 
manuscrit  de  Turin  est,  lui  aussi,  de  provenance  liégeoise. 
Et  je  pense  qu'il  a  raison. 

«  Nos  chartes  les  plus  authentiques  du  XIIIe  siècle,  di  l-il , 
offrent  des  spécimens  de  toutes  ou  de  presque  toutes  les 
graphies  relevées  par  M.  Camus.  Peu  de  formes  parmi 


(1)  Provenant  de  l'ancien  couvent  de  Saint-Jacques,  de  Liège. 

(2)  M.  Wilmotte  rappelle  que  c'est  celui  d'après  lequel  M.  Pasquet 
a  publié  des  sermons  wallons  (Mémoires  de  l'Académie,  t.  LXI). 


(  237  ) 

celles  que  le  glossaire  m'a  permis  d'identifier  se  refusenl 
à  une  descendance  strictement  liégeoise;  une  foule  d'au- 
tres (M.  Wilmotte  en  cile  une  quarantaine)  sonnent  comme 
dans  le  nord  wallon.  » 

Toutefois  M.  Wilmotte  est  porté  à  supposer  que  le 
copiste  est  namurois,  ou  bien  de  la  frontière  picarde,  ou 
encore  de  la  Picardie  belge  ou  française. 

Certaines  particularités  idiomatiques  qu'il  signale  dans 
son  travail  —  et  sur  lesquelles  mon  confrère  M.  Stecher 
appelle  plus  spécialement  mon  attention  —  me  parais- 
sent autoriser  cette  supposition. 

Cependant,  avant  de  prononcer  un  jugement  définitif,  il 
conviendrait  de  voir  les  manuscrits.  Je  signale,  à  cet 
égard,  à  la  Classe  ce  passage  du  travail  du  savant  profes- 
seur de  l'Université  de  Liège  :  «  Il  dépend  de  l'Académie 
que  nous  entreprenions,  M.  Camus  et  moi,  à  bref  délai, 
la  publication  intégrale  des  traités  que  renferment  les 
manuscrits  de  Darmstadt  et  de  Turin.  » 

Ajoutons,  pour  compléter  l'analyse  de  cette  première 
partie,  —  la  plus  importante  de  la  communication  de 
M.  Wilmotte,  —  qu'il  a  enrichi  d'excellentes  additions  et 
observations  le  glossaire  que  M.  Camus  a  rédigé  pour  le 
manuscrit  de  Turin. 

M.  Wilmotte,  dans  la  seconde  partie  de  ses  Notes,  éta- 
blit que  la  chronique  de  l'abbaye  de  Floreffe  (manu- 
scrit 18064-09  de  Bruxelles)  publiée  par  M.  Hermann 
Peters,  n'offre  pas  moins  d'intérêt  que  les  manuscrits  de 
Darmstadt  et  Turin  pour  la  dialectologie  wallonne. 

En  ce  qui  concerne  la  langue  de  l'auteur  de  cette  chro- 
nique, M.  Wilmotte  (sans  être  aussi  catégorique  que  pour 


(  258  ) 

les  manuscrits  précédents)  est  bien  près  d'affirmer  que 
c'est  le  liégeois. 

Il  démontre  que,  dans  tous  les  cas,  elle  s'en  rapproche 
singulièrement. 

Les  altérations  qu'il  est  permis  d'attribuer  au  copiste 
«  attestent  son  picardisme  ». 

Il  v  a  autant  d'ingéniosité  que  de  science  dans  l'étude 
du  vocalisme,  sur  laquelle  s'appuie  l'argumentation  de 
M.  Wilmotte. 

Sur  quelques  points,  il  a  habilement  corrigé  et  éclairci 
le  travail  critique  de  M.  Peters. 

Comme  M.  Stecher,  je  propose  l'insertion  au  Bulletin 
de  la  notice  de  M.  Wilmotte.  » 


tCuj>i>:til  dtt   fi.    Itorituttts,    ti'oitièniB  contint  a  attire. 

«  Dans  la  note  qu'il  présente  à  la  Classe,  M.  Wilmotte 
rend  compte  de  deux  publications  récentes  faites  à 
l'étranger,  et  qui  intéressent  la  dialectologie  wallonne. 

Sous  ce  titre  :  Un  manuscrit  namurois  du  XVe  siècle, 
M.  le  professeur  Camus,  de  Turin,  a  décrit  et  analysé  un 
manuscrit  wallon  conservé  dans  la  bibliothèque  de  cette 
ville.  M.  Wilmotte  pense  qu'il  est  plutôt  liégeois  que 
namurois,  et  il  le  prouve,  d'abord  par  l'étude  des  graphies 
ou  formes  dialectales,  ensuite  par  la  comparaison  avec  un 
autre  manuscrit  plus  ancien,  de  la  Bibliothèque  grand- 
ducale  de  Darmstadt,  provenant  de  l'ancienne  abbaye  de 
Saint-Jacques,  à  Liège.  Examinant  de  près  un  traité  des 
songes  qu'ils  renferment   tous   deux,   il   croit   pouvoir 


(  239  ) 

établir  que  le  manuscrit  de  Turin  n'est  qu'une  copie 
délavée  de  celui  de  Darmstadt.  C'est  possible.  Mais  ne 
serait-il  pas  possible  aussi  que  les  deux  versions  déri- 
vassent directement  d'un  texte  latin,  l'une  par  une  traduc- 
tion littérale,  l'autre  par  une  sorte  de  paraphrase? 

Un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles  a 
t'ait  l'objet  de  la  seconde  publication  dont  nous  entretient 
M.  Wilmotte.  Elle  est  intitulée  :  Ueber  Sprache  und  Vers- 
bau  der  Chronik  von  Floreffe,  et  a  pour  auteur  M.  Peters, 
élève  de  l'Université  de  Halle.  M.  Wilmotte  en  donne  un 
compte  rendu  détaillé,  accompagné  d'observations  cri- 
tiques. Sa  conclusion  est  que  «  si  la  langue  de  l'auteur  de 
cette  chronique  rimée  de  Floreffe  n'est  pas  le  liégeois, 
elle  s'en  rapprocbe  singulièrement  ». 

M.  Discailles  attire  l'attention  de  la  Classe  sur  la  propo- 
sition que  le  savant  romaniste  de  Liège  fait  de  publier 
pour  l'Académie,  avec  la  collaboration  de  M.  Camus,  les 
manuscrits  de  Darmstadt  et  de  Turin.  L'offre  est  sédui- 
sante. Mais,  si  je  ne  me  trompe,  l'Académie  n'admet  pas 
dans  ses  Mémoires,  tant  in-8°  qu'in-4°,  des  éditions  d'au- 
teurs anciens,  et  la  Collection  des  grands  écrivains  du 
pays,  destinée  aux  œuvres  littéraires,  semble  exclure, 
par  son  titre  même,  la  publication  de  textes  dans  un  but 
purement  philologique.  C'est  à  examiner. 

En  attendant,  je  me  joins  aux  deux  premiers  commis- 
saires pour  proposer  à  la  Classe  l'insertion  de  la  note  de 
M.  Wilmotte  dans  le  Bulletin.  »  —  Adopté. 


(  240  ) 


COMMUNICATION  ET  LECTURE. 


Notes  d'ancien  wallon;  par  Maurice  Wilmotte, 
professeur  à  l'Université  de  Liège. 

Ii  a  paru  à  l'étranger,  depuis  deux  ans,  toute  une  série 
de  monographies  et  d'articles  se  rapportant  à  notre  passé 
littéraire.  Un  professeur  de  l'École  de  guerre  de  Turin, 
M.  Giulio  Camus,  a  signalé  un  manuscrit  wallon  du 
XVe  siècle,  conservé  à  la  bibliothèque  de  la  ville,  où  il 
enseigne  le  français;  un  élève  de  M.  Suchier,  l'illustre 
maître  de  l'Université  de  Halle,  M.  Hermann  Peters,  a 
consacré  une  étude  minutieuse  à  un  texte  oublié  et  en 
partie  inédit,  la  Chronique  de  Floreffe;  il  en  a  montré  les 
caractères  dialectaux,  qui  sont  ceux  du  wallon.  D'autres 
publications  ont  été  faites  en  Allemagne,  qui  ont  trait  à 
la  Cantilène  d'Eulalie  et  au  Fragment  de  Valenciennes.  Ces 
deux  textes  vénérables,  nos  plus  anciens  monuments 
littéraires,  ont  été  réédités  par  M.  Koschwitz  (1).  M.  Mar- 
chot  a  étudié  le  dialecte  de  la  Cantilène  (2)  et  M.  Ennecerus 
a  repris  de  plus  près  l'examen  paléographique  du  manu- 
scrit qui  nous  l'a  conservée  (3).  Enfin,  M.  Salverda  de 
Grave  a  publié  dans  le  Tijdschrift  van  Nederiandsche  Taal- 
en  Letterkunde  (XV)  ses  Bijdragen  tôt  de  hennis  der  uit  het 


(1)  Les  plus  anciens  monuments  de  la  langue  française,  publiés  par 
Ed.  Koschwitz,  5e  édition.  Leipzig,  1897. 

(2)  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  t.  XX,  pp.  509-14  (1896). 

(3)  Zur  lateinischen  und  franzôsischen  Eulalia.  Marburg,  1897. 


(  241  ) 
fransch  overgenomen  woorden   in  het  nederlandsch,  où  le 
wallon  a  une  large  part. 

J'ai  fait,  dans  les  pages  qui  suivent,  abstraction  de  ces 
derniers  travaux;  en  revanche,  je  me  suis  attaché  à  ceux 
de  MM.  Camus  et  Peters,  essayant  de  compléter  les 
données  du  premier  par  la  comparaison  de  l'un  des  traités 
qu'il  a  mis  au  jour  avec  une  œuvre  du  même  genre, 
beaucoup  plus  curieuse,  que  j'ai  pu  consulter  à  Darmstadl 
et  que  j'ai  copiée  ensuite.  En  attendant  une  publication 
intégrale  de  cette  œuvre  et  des  autres  traités  scientifiques 
que  renferment  les  manuscrits  de  Darmstadt  et  de  Turin, 
publication  qu'il  dépend  de  l'Académie  que  nous  entre- 
prenions, M.  Camus  et  moi,  à  bref  délai,  j'ai  pensé  que 
la  présente  notice  ne  serait  pas  jugée  inutile;  j'y  ai  joint 
des  additions  et  la  critique  du  travail  de  M.  Peters. 

Le  manuscrit  M.  IV,  II  de  Turin. 

Ce  manuscrit  a  été  signalé,  décrit  et  analysé  par 
M.  le  professeur  Camus  (I).  Il  date  du  XVe  siècle  et 
renferme  un  certain  nombre  d'œuvres  plus  ou  moins  scien- 
tifiques, notamment  une  copie  du  fameux  traité  d'Ale- 
brant  et  le  traité  de  «  l'orine  »  de  Cuilleame  l'Englois. 
Mais  près  de  la  moitié  du  codex  est  consacrée  à  l'énu- 
mération  de  remèdes  populaires,  de  recettes  culinaires, 
à  l'interprétation  des  songes,  à  la  chiromancie,  à  des 
pronostics  diurnes  ou  lunaires,  bref,  à  toutes  les  supersti- 
tions chères  au  moyen  âge  et  qui  n'ont  pas  disparu  totale- 
ment aujourd'hui.  Le  manuscrit  de  Turin  est  d'origine 
wallonne;  c'est  ce  qu'a  démontré  M.  Camus  en  s'appuyanl 


(1)  Un  manuscrit  namurois  du  XVe  siècle,  extrait  de  la  Revue  des 
langues  romanes,  t.  XXXVIII,  n06  l  et  -i.  Montpellier,  I89o. 


(  242  ) 

sur  la  caractéristique  que  j'ai  donnée  de  nos  dialectes 
romans  dans  mes  Études  de  dialectologie  wallonne.  Est-il 
namurois,  comme  le  présume  le  distingué  professeur  de 
Turin?  C'est  ce  qu'il  me  semble  plus  difficile  d'établir.  Je 
me  refuse,  en  tout  cas,  à  y  reconnaître  «  d'une  part 
l'influence  du  dialecte  picard,  de  l'autre  celle  du  dialecte 
bourguignon  ».  Nos  chartes  les  plus  authentiques  du 
XIIIe  siècle  offrent  des  spécimens  de  toutes  ou  presque 
toutes  les  graphies  relevées  par  M.  Camus.  Peu  de  formes, 
parmi  celles  que  le  Glossaire  m'a  permis  d'identifier,  se 
refusent  à  une  descendance  strictement  liégeoise;  une 
foule  d'autres  sonnent  comme  dans  le  nord -wallon  : 
arrase,  arsille  (ârzëy),  as  (â),  bruwyre  (brouwîr),  celoigne 
(sêlogne),  chauldire  (tchàdir),  clawechon  (clawson),  crevece 
(grèvesse),  deventrain  (d'vintrin),  esblatcee  (esblawi), 
espillé  (spiyi),  espatter  (spaté),  freixe  (frëZ),  gaille  (djav 
ou  djèy),  harpoix  (hârpik),7'a/ie  (djane),  lavasche  (lavasse), 
macquette  (idem),  maradich  (mérédiZ),  martruel  (mwè- 
trou),  noisier  (nceXi),  papin  (idem),  papire  (idem),  paul 
(pau),  persin  (pierzin),  plomrne  (idem),  plueve  (plève), 
pyonne  (idem),  raloier  (raloyi),  reculisse  (récoulisse), 
roinsce  (ronX),  royenne  (royène),  saiien  (idem),  sayer  (sayi), 
soyer  (soyi),  tapper  (idem),  tieste  (tyesse),  tourteal  (tortè), 
trauer  (idem),  vaincre  (vink),  veyue  (vèyowe),  voi(r)le 
(veule). 

Plusieurs  de  ces  formes  n'appartiennent  qu'au  parler 
de  Liège  ou  de  la  région  voisine  ;  la  plupart  sont  encore 
vivantes  chez  nous.  Je  signalerai  particulièrement  torteal 
qui  est  nord-wallon,  à  l'exclusion  de  Huy  et  du  cours 
supérieur  de  la  Meuse  (1).  Il  est  inadmissible  que  cette 


(1)  Voyez  Romania,  t.  XVII,  p.  556. 


(  24-3  ) 

forme  soit  duc  au  copiste  (l),  qui  est,  lui,  certainement 
Namurois  ou  même  de  la  frontière  picarde.  D'ailleurs,  elle 

n'est  ))as  isolée  dans  le  texte,  si  j'en  juge  d'après  le  Traité 
des  songes  que  M.  Camus  a  publié  récemment  et  dont  je 

m'occuperai  tantôt  (2).  Dans  ce  seul  traité,  qui  occupe 
les  feuillets  179-197  du  manuscrit  de  Turin,  je  note  les 
formes  liégeoises  aneal  \  anneal  ,  nouveal,  ruisseal  \  ruiseal), 
chapeal.  Le  copiste  a  introduit  d'autres  graphies  à  côté  de 
celles-là;  il  écrit  tantôt  ial  (coutial),  tantôt  iel  (muyel), 
tantôt  el  (annel,  mantel),  donc  des  formes  sud-wallonnes, 
picardes  et  même  centrales;  de  même  les  formes  fléchies 
sont  soit  en  eaulx  (poureheaulx,  beauls,  etc.),  soit  en  iau  I  ce 
(soliaus,  capiaulx),  non  en  eaz  ou  iaz,  comme  l'exige  la 
prononciation  de  nos  patois.  Le  «  picardisme  »  du  scribe 
s'accuse  davantage  dans  la  façon  dont  il  orthographie  les 
mots  en  c(a)  et  c(e,  i);  il  écrit  ehiel,  chierges  (cierges), 
rechoipt,  chainture,  souspechon,  exaulclrie,  etc.,  mais 
canchon,  cachier  (chasser),  escapper;  ceci  n'est  ni  liégeois 
ni  namurois,  mais  du  picard  belge  ou  français.  En 
revanche,  si  je  consulte  de  plus  près  le  vocabulaire  du 
Traité  des  songes,  outre  les  termes  bien  liégeois  signalés 
par  M.  Camus  et  reproduits  plus  haut,  je  relève  encore 
coulons  (colon),  hourdée  (voyez  Gggg.  s.  v.  hourder), 
poillus  (liégeois:  poyou), reversie  (riviersé),  non  renviersie 
qui  aurait  donné  rinv-  ou  rèviersé. 

Une  place  à  part  doit  être  faite  aux  mots  qui,  dans  les 
parlers  modernes,  ont  un  traitement  particulier  de  sy  ou 
de  x(sc);  le  liégeois  en  a  fait  X(xh),  le  namurois,  ch(j);  dans 


(1)  Je  dis  au  copiste,  bien  qu'il  y  ait  toute  vraisemblance  qu'ils 
soient  plusieurs;  M.  C.  parle  de  «  divers  copistes  »,  mais  il  ne  fait 
pas  d'exact  départ  entre  eux. 

(2)  Bulletin  de  Folklore,  t.  II,  fascicules  VII-VIII.  Liège,  1895. 


(  au  ) 

les  extraits  publiés  du  manuscrit,  le  scribe,  sinon  l'auteur, 
écrit  régulièrement  boisier,  nois,  noisier,  ois  (d'où  otè 
liégeois,  ochia  plus  au  midi),  oiseaulx,  paisieble,  peissons, 
roinsse.  Toutefois,  à  côté  de  ces  graphies,  qui  nous 
laissent  dans  l'incertitude,  il  en  est  d'autres  qui  ne 
peuvent  se  justifier  que  par  une  provenance  tout  à  fait 
septentrionale  :  craixse  (crâ/.),  laixse  (ta*/?),  touxse  et 
peut-être  freix,  si  ce  mot,  allégué  dans  le  Glossaire  et 
qui  figure  aussi  dans  les  Prophéties  d'Ezéchiel  (n°  XI  du 
manuscrit),  est  bien  le  correspondant  ancien  du  wallon 
freV.  (=  humide).  Des  autres  traits  phonétiques  (1)  et 
flexionnels,  il  n'en  est  pas  un  seul  qui  exclue  l'hypothèse 
de  l'origine  liégeoise  du  manuscrit. 

Il  y  a  plus  :  cette  origine  est  confirmée  par  un  fait  qui 
a  forcément  échappé  à  M.  Camus  et  que  je  dois  de  con- 
naître à  un  séjour  que  j'ai  fait  et  à  des  notes  que  j'ai 
prises  à  Darmstadt,  en  1890.  Je  reconnus,  en  effet,  dans 
un  manuscrit  (n°  2i()0)  de  la  Bibliothèque  grand-ducale 
de  cette  ville,  le  caractère  wallon  d'un  manuscrit  qui  avait 
été  signalé,  pour  la  première  fois,  à  l'attention  du  monde 
savant  par  un  collaborateur  des  Roman ische  Forschungenfë) . 
Ce  manuscrit,  que  j'ai  décrit  sommairement  ailleurs  (5), 
provient  du  couvent  de  Saint-Jacques,  à  Liège,  et  il 
renferme,  entre  autres  traités  de  même  nature  que  ceux 
du  manuscrit  signalé  par  M.  Camus,  une  interprétation 
des  songes,  qui  offre  avec  le  Livre  de  l'expocicion  des  soitujes 
de  Turin  des  traits  d'étroite  parenté.  L'écriture  du  traité 
renfermé  dans  le  manuscrit  de  Darmstadt  est,    comme 


(1)  Je  n'ai  plus  a  revenir  sur  le  traitement  de  c(e,  i ;  <c),  qui  est  par- 
tiellement picard,  ce  qu'il  faut  attribuer  au  copiste. 

(2)  VI,  20. 

(3)  Études  romanes,  dédiées  a  Gaston  Paris  le  "29  décembre  1890, 
p.  239. 


(  2i5 

celle  de  la  plupart  îles  autres  portions  de  ce  manuscrit, 
de  la  lin  du  XIIIe  siècle;  elle  atteste  donc  l'antériorité  de 
cet  ouvrage  sur  celui  qu'a  publié  M.  Camus.  L'examen  de 
son  contenu  n'est  pas  moins  instructif  à  cet  égard. 
L'exposé  des  songes  est  beaucoup  plus  sobre  et  plus 
complet  dans  la  copie  de  Darmstadt  que  dans  celle  de 
Turin.  Néanmoins  l'ordre  adopté  et  la  nature  des  inter- 
prétations proposées  offrent  de  telles  similitudes,  de  part 
et  d'autre,  qu'il  est  difficile  de  ne  pas  admettre  que  le 
plus  récent  en  date  des  deux  ouvrages  dérive  de  son  aîné. 
Là  où  celui-ci  se  contente  d'une  brève  indication,  son 
cadet  explique,  commente  et  délaie  à  plaisir.  En  voici 
trois  exemples,  pris  entre  de  plus  nombreux  : 


Darmstadt. 

Béas  bras  avoir  croisement  sc- 
netie  (ICO  \°j. 


Lion  veïr  corochier  guer[re'dc 
son  anemi(s)  senefie  (162  \°). 


Ungles  veïr  chair  angois[se]  se- 
nefie (163  v°  . 


TliKIN  (1). 

Qui  soinge  qu'il  a  beauls  bras 
et  loings,  c'est  signe  de  puissance 
et  d'accroissement  de  bien,  et 
d'avoir  boins  serviteurs  (p.  312). 

Mais  se  li  lyons  en  son  soinge 
li  fait  alcune  moleste  ou  que  il 
l'assaille,  c'est  signe  que  il  sera 
en  l'indignacion  d'aulcun  granl 
seigneur.  Et  s'il  lui  samble  que  li 
lyon  l'estrangle  ou  ochie(s),  dont 
sera  en  péril  que  le  dit  seigneur 
ne  li  face  perdre  la  vie  (p.  320j. 

Qui  soinge  que  on  li  retaille  ses 
ongles,  c'est  signe  que  luy  ou  ses 
serviteurs,  ou  gens  ou  mainnie 
d'cnlour  li,  auront  anuy  et  angois- 
se (p.  324;. 


(1)  Je  cite  la  pagination  du  Bulletin  tic  Folklore,  conservée  dans  le 
tiré-à-part. 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  17 


(  246  ) 
Dans  d'autres  passages,  l'imitation  est  plus  ou  moins 
littérale  : 


Darmstadt. 

Arbres  veïr  a  tos  les  fruis  gain- 
gne senefie.  Arbre  monteir  aleune 
dignité  senefie  (160  r°i. 


Baisier  altruj  domaige  v  ten- 
ceee  senefie  (163  r°j. 

Barbe  tondre  v  reir[e]   a   soi 
domaige  senefie  (160  v°). 


Baignier  soi  en  baigne  anuj  v 
anguosse  senefie  (jd.). 

Cief  blanke  avoir  gaingne  sene- 
fie (id.  . 

Corone  prendre  v  soi  veir  coro- 
neir  leece  v  gaingne  senefie  (id). 

Home  s)  mueit  en  beste  sauaige 
travaillh  senefie.  Hostes  avoir  an- 
nuj  senefie  (1)  (162  r°). 


Lune  cleir  veïr  senefie  creisse- 
mens...  Lunes  plusors  veir  puis- 
sance creistre  senefie  (162  v°). 


Turin. 

Quand  la  personne  soinge  qu'elle 
voit  arbres,  c'est  signe  d'aulcun 
prouflit,  (et  par  especial  s'il  y  a 
aulcunes  branches  rompues).  Et 
s'il  lui  samble  que  elle  monte  sus, 
c'est  signe  d'aulcune  dignité... 
(p.  311). 

Qui  soinge  veoir  aulcun  baisier 
ung  aultre,  ce  n'est  mie  proufit  .. 
(p.  312). 

Qui  soinge  que  sa  barbe  soit 
rese,  ou  que  on  li  voelle  tondre 
ou  rere,  c'est  signe  de  perte  ou 
dampnage  (p.  312). 

Qui  soinge  qu'il  se  baigne,  c'est 
signe  d'avoir  aulcune  angoisse  (id). 

Qui  en  soinge  voit  son  chief 
bland  (sic)  et  chenu,  c'est  signe 
de  gaingnage  et  de  proufit  (p.  313). 

Qui  en  soinge  prent  ou  rechoipt 
la  couronne  d'aulcun,  c'est  signe 
d'honeur  et  de  lyesse...  (p.  3-14). 

Qui  soinge  que  hommes  soyent 
changiez  et  muez  en  bestes  salva- 
ges,  c'est  signe  de  paine  et  de 
labeur.  Qui  soinge  qu'il  voit  hos- 
tes..., c'est  signe  d'envie  (p.  318). 

Qui  en  soinge  voit  la  lune  belle 
et  clere,  c'est  signe  de  puissance 
et  d'acroissement  de  bien  ;  mais 
s'il  en  veoit  pluiseurs...  de  tant 


(1)  Les  deux  interprétations  se  suivent  des  deux  parts. 


247 


Darmstadt. 


La  meir  veir  paisule  ioie  senefie 
(163  r°). 

Se  meir  veir  mort  v  vive  joie 
senefie  (162  v°). 


Pain  d'ourge  prendre  vmaingier 
leeee  senefie  (163  r°). 


Sanc  de  soi  veir  gutteir  damaige 
senefie  (163  v°). 

Ténèbre  veïr  ent'ermeteit  sene- 
fie (id.). 

Testaniens  faire  segureteit  se- 
nefie (id.). 


Il  Itl.N. 


seroit  la  puissance  et  le  dit  acreis- 
sement  plus  ample  et  en  plus 
grant  bien  (1)  (p.  319). 

Qui  en  soinge  voit  la  mer  clere 
et  paisible,  c'est  signe  de  joie  et 
de  bonne  aventure  (p.  321). 

Qui  en  soinge  voit  sa  mère  qui 
soit  morte  en  samblance,  qu'elle 
soit  en  vie  vrayemcnt,  c'est  signe 
de  joie...  (p.  322). 

Et  qui  soinge  que  on  li  donne 
ung  pain  (ou  pluiseurs),  c'est  signe 
de  joie  el  de  h  esse,  voir  seli  pain 
est  d'orge  (p.  326). 

Qui  soinge  que  il  voit  son  sang 
issir  hors  de  son  corps,  c'est  signe 
de  perte  et  de  dampnage  (p.  328). 

Qui  soinge  que  il  voit  ténèbres 
ou  qu'il  en  soit  couver?,  c'est  signe 
d'enfermeté  ou  de  maladie  (p.  329). 

Qui  soinge  qu'il  a  fait  son  tes- 
tament, c'est  signe  de  joie  et  de 
seureté  (id.). 


Ces  extraits  montrent  qu'il  existe  entre  les  deux  tra- 
ductions d'un  Traité  des  songes,  dont  le  moyen  âge  se 
plaisait  à  attribuer  la  paternité  au  prophète  Daniel  (2), 


(1)  Cette  formule,  que  n'a  pas  Darmstadt  et  en  vertu  de  laquelle 
l'accroissement  de  la  chose  signifiée  dépend  du  nombre,  de  la  qualité 
meilleure  ou  de  l'intensité  plus  grande  de  phénomènes  ou  d'êtres 
vus  en  songe,  est  reproduite  plusieurs  fois  dan?  Turin.  (Voyez,  s.  v. 
cachier,  estoilles  et  terré). 

(2)  M.  Camus  a  déjà  fait  observer  que  ces  clefs  des  songes,  dont  il 
nous  reste  deux  spécimens  wallons  du  moyen  âge,  avaient  été  attri- 
buées au  prophète  Daniel.  Ce  qu'il  ne  pouvait  savoir,  c'est  qu'un 
troisième  manuscrit,  d'origine  liégeoise  (celui  d'après  lequel  M.  Pas- 


(  248  ) 
mi  rapport  certain  de  filiation.  Au  surplus,  la  version  la 
plus  moderne,  outre  qu'elle  ne  renferme  qu'une  parti»' 
des  interprétations  de  son  aînée  (1),  est  loin  d'être  aussi 
correcte  dans  sa  teneur;  ce  n'est  évidemment  que  la  copie 
assez  médiocre  d'un  remaniement  du  texte  de  Darmstadi 
ou  d'un  texte  voisin  de  celui-là.  Page  515,  on  lit  dans  le 
manuscrit  de  Turin  :  «  Qui  en  soinge  unit  enfans,  c'est 
»  signe  de  joie,  et  par  especiaul  s'il  luy  samble  est  appa- 
»  rans  en  sa  vision  que  il  se  jue  et  esbanie  avecque 
»  eulx.  »  II  faut  lire  et  est  apparans.  De  même,  p.  3±2, 
on  lit  :  «  Qui  en  soinge  uoit  une  nef  ou  plusieurs  nefz, 
»  c'est  signe  de  joie,  de  fraude  et  de  decepeion...  »  Joie 
est  un  non-sens  du  copiste.  De  même  encore,  p.  524  : 
«  Qui  soinge  qu'il  at  perdu  ou  crevé  un  œil,  c'est  signe 
»  que  son  frère  ou  son  filx,  ou  aulcun  sien  bon  amy 
»  morra.  Et  s'il  soinge  qu'il  aist  perdu  ou  crevé  le  senestre 
»  œil...  »  Il  faut  lire  son  destre  œil  et  non  un  œil; 
Darmstadt  a  d'ailleurs  (165  r°)  «  son  œlh  destre  ».  S.  v. 
Pouchins  (p.  52,'i),  le  scribe  de  T.  dit  que  les  poussins  se 
battant  en  rêve  sont  «  un  signe  d'envie  et  de  haine  »; 
(c  mais,  ajoute-t-il,  s'il  plukent  ou  grattent  ou  menguent, 
c'est  signe  de  paine...  »  L'opposition  marquée  par  mais 
ne  se  conçoit  pas;  elle  devient  très  légitime  si  l'on  adopte 
la  leçon  de  Darmstadt  :  «  Pulchiens  veïr  chanteir  ioie 
»  senefie.  »  C'est  joie  qu'il  conviendrait  de  lire  et  qui 


quet  a  publié  des  sermons  wallons  [Mémoires  de  l'Académie  royale  de- 
Belgique,  tome  XLI),  renferme  un  texte  latin  des  Sompnia  Danielis 
(fol.  293  r°-2(J8  r°),  et  que  la  teneur  de  ce  texte  permet  de  conjecturer 
qu'il  a  servi  de  modèle  au  traducteur  dont  nous  avons  la  copie  à 
Darmstadt.  Je  reviendrai  plus  tard  sur  ce  sujet. 

(1)  C'est  ainsi  que  sous  l'initiale  C,  je  note  seize  rubriques  dans  T. 
et  dans  Da.  26,  dont  une  comprend  neuf  interprétations. 


(  249  ) 
«Hait  dans  L'original,  de  mémo  que  plus  haut,  c'est  envie 
et  non  joie  qu'il  faudrait  (p.  324).  Je  doute,  enfin,  de 
l'exactitude  de  la  leçon  de  Turin,  s.  v.  Toile:  le  scribe 
oppose  la  vision  du  travail  d'autrui  et  celle  du  travail 
propre  que  fait  celui  qui  rêve;  dans  le  premier  cas,  le 
signe  est  bon;  dans  le  second,  il  est  mauvais.  Darmstadt 
a  simplement  ceci  :  «  Toile  ueir  a  testre  leece  senefie.  » 
Il  me  reste  à  dire  quelques  mots  du  Glossaire  très 
soigneux  que  M.  Camus  a  rédigé  pour  le  manuscrit  de 
Turin  et  qu'il  a  publié  à  la  suite  de  sa  note  sur  ce  manu- 
scrit. J'ai  déjà  signalé  plus  haut  quelques  additions  que 
m'a  fournies  la  lecture  de  YExpocieion  des  soinges;  voici 
mes  observations  sur  le  reste  (4)  : 

Amontance.  L.  montance  (la),  mot  très  usuel  en  ancien  français 
(=  la  valeur). 

Ancher(se).  N'est-ce  pas  (h)asckier  avec  n  intercalaire,  suivant  un 
procédé  familier  au  wallon? 

Autrei,.  L.  autretel. 

Bourssure.  L'ancien  wallon  B.  a  son  correspondant  moderne  dans 
bourse,  gonflement  produit  par  un  heurt  violent  à  la  tête. 

Clatte,  qui  a  embarrasse  M  Camus,  me  parait  être  (s)clatte,  pour 
esclatte,  éclat,  fragment. 

Cochet.  C'est  la  (ormenlille,  dit  l'auteur;  cette  forme  est  dans  les 
Remèdes  populaires  édités  par  M  Salmon. 

Espillié  est  le  liégeois  spiyi  blesser,  mettre  en  pièces;  le  contexte 
confirme  cette  interprétation. 

Flassekie-assecr.  Je  n'oserais  repousser  dans  l'espèce  l'interpré- 
tation de  M.  C.  si  elle  reposait  sur  le  dictionnaire  de  Godefroy;  mais 


(1)  Pendant  l'impression  de  cette  note  a  paru  le  fascicule  VII- VIII 

du  Bulletin  de  Folklore,  contenant  (pp.  370-71)  un  compte  rendu  de 
la  publication  de  M.  Camus  que  j'analyse  ici.  Sur  un  ou  deux  points, 
je  me  suis  rencontré  avec  l'auteur  de  ce  compte  rendu,  M  Jules  Feller. 
de  Verviers. 


(  250  ) 

celui-ci  n'a  que  farcerie.  En  revanche,  il  a  flassier  =  «  abattre  »  dans 
un  passage  de  Jean  de  Stavelot,  et  c'est  à  ce  verbe  que  je  rattacherais 
les  formes  mentionnées.  Du  sens  physique  de  abattre,  incliner,  s'in- 
cliner (sens  neutre),  on  a  pu  fort  bien  passer  au  sens  moral  de  faire 
des  courbettes,  faire  la  cour  à  quelqu'un,  tlatter,  etc.  Cette  significa- 
tion conjecturale  conviendrait  bien  aux  passages  allégués  du  manu- 
scrit. Ce  qui  me  décide  en  sa  faveur,  c'est  que  j'ai  trouvé  dans  la 
Chronique  de  Flore ffe  (1)  flasseric  avec  ce  sens  (2650;. 

Heluon  est-il  une  bonne  lecture?  M.  Salmon  a  (h)enule,  d'où  pour- 
rait dériver  henulon. 

Macquette  =  gros  bout  (encore  aujourd'hui  —  la  tète  dans  le 
langage  familier);  comparez  Cggg.  s.  v.  maket. 

Madechi  devrait  être  rapproché  de  maradic. 

Martkuel.  Sorte  de  gâteau.  Le  mot  est  dans  d'autres  documents 
ancien-wallons,  notamment  sous  la  forme  niortuel,  sans  doute 
mort(er)uel  dans  le  Liber  officiorum  ccclesiœ  leodiensis  (p.  35  du  tiré 
à  part  de  l'édition  Bormans-Schoolmesters);  il  a  survécu  dans  le 
moderne  mwètrou. 

Mieil(x).  11  y  a  ici  deux  mois  :  a)  moieul (mioel  aussi  dans  Godefroy) 
=  milieu  de  l'œuf  («es'  dans  le  premier  passage);  b)  larme  de  miel, 
encore  aujourd'hui  lâm  (miel). 

Piewe  —  bienveillante,  non  pieuse. 

Rhotte.  L.  rihotte  (iîiote). 

Tappez.  M.  Camus  traduit  «  atteint  ».  Le  wallon  a  conservé  le 
composé  kitapé,  malmener,  maltraiter. 

Tueil.  Ne  faut-il  pas  lire  tuiel  ou  tueal?  Le  wallon  n'a  que  touwè. 

Viron.  N'est-ce  pas  baron  qu'il  faut  lire? 


Le  manuscrit  18064-69  de  Bruxelles. 

Les  manuscrits  de  Turin  et  de  Darmstadt  ne  sont  pas 
les  seuls  qui  aient  été  signalés,  dans  ces  dernières  années, 
en  raison  de  l'intérêt  qu'ils  offrent  pour  la  dialectologie 


(1)  Dans  la  Chronique  de  Floreffe,  on  a  encore  [lastir  avec  un  sens 
analogue  (édition  Reiffenberg),  vers  1152  : 

Moy,  qui  ;i  nuls  fias  t. r  ne  quier. 


(  231 

wallonne.  Un  élève  de  M.  Suchier,  M.  Hermann  Peters, 

vient  de  publier  (l'intéressantes  observations  sur  un  manu- 
scrit de  Bruxelles  qui  renferme,  entre  autres  ouvrages, 
une  Chronique  de  l'abbaye  de  Floreffe,  due  à  un  moine  de 
celte  célèbre  abbaye  (1).  Nous  ignorons  le  nom  de  l'auteur; 
mais  la  modestie  extrême  de  celui-ci,  qui  se  confond  en 
aveux  d'ignorance  et  en  excuses  au  lecteur,  ne  l'a  pas 
empêché  de  nous  donner  des  détails  très  précis  sur  le  but 
de  son  livre  et  sur  la  façon  dont  il  fut  composé.  Dans 
son  préambule,  il  s'adresse,  en  termes  pleins  d'humilité, 
à  l'abbé  de  Floreffe  sous  lequel  il  vivait  et  lui  confesse 
qu'il  se  mil  à  l'œuvre  le  1  \  novembre  1462.  «  J'ay,  »  dit-il, 
«  pris  hardiment  en  moy,  combien  que  indigne  et  non 
»  suffisant  en  sui,  de  faire  et  rimoier  en  rude  franchois 
»  ung  petit  traittié,  par  manière  de  songe  et  fiction,  selon 
)>  ce  qu'il  m'est  apparut  et  que  j'en  ai  eubt  l'advertisse- 
»  ment,  tant  par  vrais  escrips  comme  par  vives  voix, 
»  lequel  traittié  touche  et  declaire  aucunement  la  1res 
»  sainte,  dévote  et  sollempnee  fundacion  et  hault  estât 
»  de  la  vénérable  église  et  monastère  dudil  Floreffe.  » 
L'auteur  offre  ce  traité  à  l'abbé  de  Florelfe,  persuadé  qu'il 
voudra  bien  le  lire,  quoiqu'il  soit  écrit  en  français  : 
«  Aussi,  ajoute-t-il,  il  m'est  avis  que  vous  et  cheulx  de 
o  la  langue  tyoise  pourront  prendre  alcune  récréation  et 
»  plaisance  en  lisant  ce  franchois  (2).  » 


(1)  Ueber  Sprache  und  Versbau  der  Ckronik  von  Floreffe,  inaugural 
dissertation...  von  Hermann  Peters,  Halle  a.  S.,  1896  (aussi  dans  la 
Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  XXI). 

{%  Voilà  un  intéressant  témoignage  en  faveur  de  notre  bilinguisme 
dans  le  passé;  il  me  parait  mériter  une  place  à  côté  de  ceux  que,  dès 
1859,  M.  Stecher  avait  réunis  si  utilement  dans  son  opuscule,  Flamands 
et  Wallons. 


(  2j-2  ) 

Les  derniers  vers  de  la  Chronique  renferment  de  nou- 
velles excuses  au  lecteur  et  concluent  ainsi  : 

Le  xime  jour  de  février 
Je  cessai  lors  de  rimoier 
Ce  présent  et  petit  livre, 
Lequel  baillai  tout  à  délivre 
A  ung  escripvain  courtois, 
L'an  quatorse  cens  sexante  trois, 
Pour  le  mettre  au  net  et  doubler 
Et  a  mon  amy  présenter. 

Nous  savons  donc  quand  l'auteur  écrivit  (1462-1465) 
et  qu'il  lit  taire  une  copie  de  son  ouvrage  (1).  Est-ce  cette 
copie  que  nous  possédons  ou  une  autre,  laite  ultérieure- 
ment d'après  elle?  M.  Peters  ne  se  prononce  pas,  et 
d'ailleurs,  il  est  difficile  d'émettre  un  avis  motivé,  car  si 
nous  sommes  certains  de  n'avoir  pas  l'original  même  de 
notre  Chronique,  rien  ne  nous  détend  d'attribuer  les 
négligences  (2)  de  la  copie  qui  nous  en  reste,  au  plus 
ancien  scribe,  chargé  de  la  «  mettre  au  net  et  doubler  »; 
ce  scribe  pouvait  fort  bien  n'être  pas  non  plus  du  même 


(1)  Cette  copie  est  restée  en  partie  inédite,  et  M.  Peters  annonce 
la  publication  du  premier  tiers  dans  la  Zeitschrift  fur  romanische 
Philologie.  Les  deux  autres  tiers  3570  vers)  ont  été  imprimés  par 
M.  de  Reiffenberg,  dans  le  tome  VIII  de  ses  Monuments  pour  servir 
à  l'histoire  des  provinces  de  Namur,  de  Hainaut  et  de  Luxembourg . 

(2)  Je  n'insiste  pas  ici  sur  les  négligences  imputables  à  l'auteur 
lui-même.  M.  Peters  en  a  fait  le  relevé  minutieux,  notamment  dans 
les  pages  qu'il  consacre  à  la  versification  de  la  Chronique.  Je  signalerai 
seulement  qu'en  six  endroits  du  texte  de  Reiffenberg  (727,  1514,  2340, 
2504,  3240,  3309),  trois  vers  n'ont  qu'une  seule  rime;  que  dans  deux 
autres  passages  (après  2175  et  3376)  il  manque  un  vers  sans  que  le 
sens  paraisse  altéré. 


;  253  ) 
pavs  que  rauleur,   quoiqu'il   nous  soit  interdit  de  lui 
assigner  une  provenance  bien  éloignée  de  celle  que  les 
rimes  permettent  d'établir;  c'était  sans  doute,  sinon  un 
Picard,  du  moins  un  habitant  de  la  zone  wallonne-picarde, 
de  la  région  qui  s'étend  entre  Floreffe  et  Charleroi;  ainsi 
s'expliquent  certaines  graphies  qui  sont  en  contradiction 
avec  les  rimes,  donc  avec  la  langue  de  l'auteur;  il  écrit, 
par  exemple,  yawe  (aqua),  alors  que  nous  avons  la  rime 
eaue  :  saine  (R.   1<S0!))  (1);  langhe  qu'il  prononçait  1res 
probablement   lantve,   aujourd'hui    dénasalisé  :   laïc';  ie 
pour  i  (plus  nasale  dans  bien  et  sans  nasale  dans  une 
foule  de  mots,   notamment   à   la   rime,  touchier  :  dire, 
R.  1  i(>l  ;  fièrent  :  restablirent,  R.  201)0,  etc.)  ;  ch  pour  c\  e.  i) 
et  k  pour  ch(c  +  a),  enfin  ch  final  dans  des  mots  tels  que 
euch,  peuch,   vich,  fich,  etc.  La  rime  des  vers  P.   l^ilT- 
12!)8  ne  peut,  comme  l'observe  M.  Peters  (§  51),  s'accom- 
moder du  traitement  picard  que  nous  notons  dans  ces 
quelques  formes.   Il  y  a  plus.  P..1023-1024,  on  trouve 
puis  :  Machabeus  que  M.  Peters  interprète  ainsi  :  peus 
(analogique  de  la  deuxième  et  de  la  troisième  personne 
du  singulier)  :  Machabeus.  Au   contraire,  je  lis  pu  i)s 
Machabë-us,  avec  un  son  u  (ou  français)  des  deux  parts  et, 
de  même,  P.  1297-12UN  illeuc  :  peuch  me  paraît  devoir 
être  entendu  ainsi  illou(c)  :  pou  <■  . 

Telles  sont  les  principales  altérations  que  la  simple  et 
rapide  lecture  du  texte  permet  d'attribuer  au  copiste  : 
elles  attestent  son  «  picardisme  ».  En  revanche,  la  langue 
de  l'auteur,  si  elle  n'est  le  liégeois,  s'en  rapproche  singu- 


(1)  R.  désigne  la  partie  de  la  chronique  publiée  par  de  Reiffenberg; 
P.,  le  début  qu'il  n'a  pas  communiqué  et  (pic  nous  devions  de  con- 
naître à  M.  Peters. 


(  254  ) 

lièrement.  Pour  s'en  assurer,  M.  Peters  aurait  bien  t'ait 
d'user  plus  fréquemment  de  la  méthode  comparative,  de 
consulter  d'autres  documents  du  wallon,  notamment  les 
chartes  que  j'ai  publiées  dans  la  Romania,  dont  il  n'a 
tiré  presque  aucun  parti  et,  à  défaut  de  renseignements 
directs  sur  le  parler  actuel  de  Floretîe,  la  version  la  plus 
proche  de  la  Parabole  de  l'Enfant  prodigue.  Cette  version 
est  celle  de  Fosses  (1);  en  la  mettant  à  profit  et  en  com- 
plétant ses  données  à  l'aide  de  quelques  notes  prises  dans 
la  région  voisine  par  un  de  mes  anciens  élèves,  je  crois 
être  en  mesure  de  corriger  et  d'éclaircir  sur  quelques 
points  l'exposé  qui  nous  est  fait  de  la  langue  de  l'auteur 
anonyme  de  la  Chronique  de  Floreffe.  C'est  par  là  que  je 
terminerai  ma  notice. 

Pour  le  vocalisme,  il  faut  observer  qu'on  a  de-ci  de-là 
le  traitement  français.  Ainsi,  o  >  eu  est  général  sauf  -our 
(ôrem)  à  la  rime;  or,  le  liégeois  a  conservé  très  tard 
ou  =  o  (voyez  nouk,  -planton,  etc.),  et  ce  n'est  que  sous 
l'influence  du  français  qu'il  a  adopté  le  son  eu  dans 
des  mots  dont  la  plupart  ont  une  valeur  abstraite.  De 
même  o  >  ou  graphie  ue  comme  dans  nos  vieux  textes 
(Darmstadt  a  uo;  Turin,  des  formes  telles  que  :  martruel 
et  oingteruelle ;  coin  p.  Ig.  planlroûl  et  mwètrou).  Ici  on  a 
Chartruex  R.  1715,  1755  =  lg.  Chàtrou;  cuert  =  court, 
etc.  Ainsi  s'expliquent  les  rimes  précitées  où  figurent 
puis,  peuch  (prononcez  pou);  de  même,  on  a  dit  jou 
(Poème  moral  juin)  et  fou  (Eulalie,  Poème  moral,  etc.), 
qu'on  retrouve  dans  fou-uà,  èfou-ue,  alou-ué,  etc.,  ce  qui 
explique  la  rime  fu  :  virtù,  P.  10(>9,  où  il  faut  prononcer 
ou  des  deux  parts. 


(lj  Publications   de  la   Société  liégeoise  de  littérature  wallonne. 
année  1870. 


(  255  ) 

Le  traitement  des  autres  voyelles  est  bien  celui  du  lié- 
geois (a  >  et;  iee  >  ie  et  ie  >  i);  je  signalerai  les  Tonnes 
stea?,  rfiex  et  egliesc  où  l'on  note  une  transcription  spéciale 
de  e -h  y;  deismes  n'est  pas  «  eine  abweichcnde  Schrei- 
bung  »,  c'est  la  l'orme  populaire,  de  même  que  le  moderne 
diX  et  sïX.  (plus  au  sud  dîch  et  sïch).  Le  traitement  de 
*  sequere  qui  donne  sûr,  écrit  swt're  (:  conduire),  rend 
difficilement  explicable  ri(eg)le  rimant  en  i  (1);  le  patois 
du  nord  dit  rûl'.  Enfin,  ai  >  a,  oi  >  o  sont  caractéris- 
tiques de  la  région  d'où  provient  le  texte;  on  lit  dans  la 
Parabole  :  évoe  (envoie),  vae  (vaie)  ;  tout  le  pays  wallon  dit 
tchènôn',  Anton  (le  texte  a  Ânthonne,  c(h)anonnes,  avec 
la  voyelle  non  encore  dénasalisée).  De  même,  dj'a,  l'a's) 
sont  liégeois;  à  Fosses  [Parabole),  on  dit  aussi  :  dji  v'sa. 

Une  des  grosses  ditlicultés  phonétiques  du  texte  consiste 
dans  les  rimes  femme  :  âme,  P.  798;  baptesmes  :  dames, 
R.  5514.  M.  Peters  ne  s'en  est  guère  soucié  (S  21),  et  il  a 
eu  tort.  Le  mot  feme,  dans  les  textes  du  Centre  et  de  la 
Champagne,  rime  avec  ame  (Yvain,  5757),  avec  dame 
(Ibid.,  1651,  2489,  etc.)  et  même  avec  règne  (2)  (Prise 
d'Orenge,  181  ;  Erec,  1900,  etc.).  Il  y  a  donc  toute  une 


(1)  Toutefois,  dans  les  Vers  (tel  Juïse,  on  trouve  ces  rimes  :  lins  : 
i  96;  rius  :  i  269;  Mathius  :  i  367.  Dans  Meyer,  Rapports,  etc.,  p.  206, 
Andrius  :  (raiti(e)rs.  Le  liégeois  dit  :  ri,  Mathi,  Andri,  mais  non 
li  —  locus;  li(u)  :  i  est  aussi  picard.  Voyez  Adam  de  la  Halle, 
Congié.  113;  mais  siwe  :  i...e  347. 

(2)  Outre  dame:  gemme  <Erec,  2400,  etc.;  comp.  Lap.  Marb.,  179, 
435,  805;  Marie  Fr.  Eliduc,  1021,  etc.),  Chrétien  connait  aussi  famé  : 
sane  (synodum),  dont  M.  Fôrster  rapproche  assane  ( — ïgn),  forsane  et 
même  same  (seminat),  dont  la  parenté  avec  fe mince  est  digne  d'inté- 
rêt; Gautier  de  Coincy  (Léoc.,  849;  a  bien  ordene  (ordmat)  :  ord  a(s)ne 
(asïnum). 


(  256  ) 

série  de  mots  où  e  (ë,  ï)  (1)  a  été  traité  comme  un  a 
devant  une  nasale.  En  ce  qui  concerne  sambler  et  trembler, 
il  n'eût  pas  été  superflu  d'invoquer  les  formes  actuelles  : 
tranlé,  sanlé  (lg.  tronlé,  sonlé).  Nous  ne  voulons  pas  laisser 
le  chapitre  des  nasales  sans  signaler  les  formes  bi(e)n, 
crestifejns,  qui  correspondent  à  bin  de  la  Parabole.  A 
Longchamps,  plus  au  nord,  et  à  Soulme,  plus  au  sud,  on 
dit  bé,  né,  ré;  de  même,  il  faut  prononcer  chine,  écrit 
chienc  (:  bien  R.  265),  où  M.  Peters  voit  une  transforma- 
tion de  chieunc. 

A  l'atone  se  note  la  prédilection,  si  accusée  à  Liège  (2), 
pour  i;  add.  desordinée(s)  R.  1257,  1530.  Fosses  dit  : 
siti  =  lg.  situ  (été)  ;  des  formes  alléguées,  j'en  relève  une 
qui  est  liégeoise,  ligier,  P.  778,  et  le  préfixe  di  —  =  de 
Seriment,  qui  est  dans  nos  chartes,  a  conduit  à  notre 
sêrùmin.  Ligois  (liégeois)  est  partout.  Le  a  initial  de 
manachant  est  déjà  dans  Eulalie. 

La  notation  gh  =  g  prête  aussi  à  une  remarque.  En 
règle  générale,  on  s'attend  à  avoir  gh  -+-  a,  o,  u  avec  la 
valeur  de  j  français,  gh  -+-  e,  i  avec  celle  de  la  gutturale 
(Dighon,  mais  vigheur).  Toutefois,  cette  règle  est  loin 
d'être  observée;  on  a  Digon  à  côté  de  Dighon,  etc.  Dans 
le  manuscrit  de  Turin,  je  note  dragon,  draghon  et  drachon. 
La  fantaisie  des  scribes  est  sans  bornes.  —  La  rime 
royalme  :  ame  n'a  rien  de  caractéristique.  V.  Cor.  Loeys  et 
les  autres  exemples  allégués  par  M.  Suchier,  AUfranz. 
Gramm.,  §  59.  —  De  -abilis  >  aie,  les  exemples  ne  sont 


(1)  Et  même  o  comme  le  prouvent  le?  rimes  où  entrent  dame  et 
sane. 

(2)  Voyez  Romania,  t.  XVII.  p.  560. 


257 

pas  rares  dans  le  wallon  oriental;  mais  a  Fosses  el  lieux 
voisins,  on  dit  taure  {Parabole),  stôf,  stâvlatch,  fof,  etc. 
Il  -+- cous,  est  a  m  u  i  dans  tout  le  nord  wallon;  comp. 
le  liégeois  :  lâm,  dji  palle,  lâge,  etc.  Même  observation 
pour  sir,  réduit  d'abord  à  si  [paislre  :  tempesle  II.  121!), 
puis  à  s  (Ig.  limpess).  Quant  à  la  deuxième  consonne 
de  -et,  on  constate  déjà  ici  sa  disparition.  Acke  est  liégeois 
(=  aete).  La  conservation  du  -/  de  deiibtement  rappelle 
des  pbénomènes  analogues  que  j'ai  signales  dans  mes 
Études  précitées.  Le  manuscrit  de  Turin  a  rut'  lue  =  rue. 
La  llexion  n'offre  rien  de  bien  notable;  j'ai  déjà  parlé  de 
peitch  et  puis,  de  vich  et  de  fich;  les  troisièmes  personnes 
du  pluriel  du  présent  en  -eut  ont  assourdi  la  dernière 
syllabe;  mais  le  patois  de  la  région,  au  contraire,  a  des 
formes  accentuées  sur  la  désinence  [tchant'nù);  il  s'agit 
donc  d'un  compromis  entre  l'usage  populaire  et  l'ana- 
logie du  français. 


(  258 


CXASSR   DES   Itl   \I  \-\StI  v 


Séance  du  4  mars   1S97. 

M.  Th.  Vinçotte,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edmond  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Ch.  Tardieu,  vice-directeur  ; 
Éd.  Fétis,  Ad.  Samuel,  G.  Guffens,  Th.  Radoux,  Jos. 
Jaquet,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays,  Gustave  Biot,  II. 
Ilynians,  Jos.  Stallaert,  Alex.  Markelbach,  Max.  Rooses, 
J.  Robie,  G.  Huberli,  A.  Hennebicq,  Éd.  Van  Even,  Alfr. 
Cluysenaar,  J.  Winders,  Ém.  Janlet,  H.  Maquet,  membres; 
J.-B.  Meunier,  Alb.  De  Vriendt  et  Flor.  van  Duyse,  cor- 
respondants. 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Directeur,  en  ouvrant  la  séance,  annonce  à  la 
Classe  la  perte  qu'elle  vient  de  faire  en  la  personne  de 
l'un  de  ses  membres  titulaires,  M.  Félix  Laureys,  de  la 
section  d'architecture,  né  à  Ostende  le  10  avril  1820  et 
décédé  à  Bruxelles  le  13  février  dernier. 

Des  remerciements  sont  votés  à  M.  Vinçotte,  qui  a  bien 
voulu,  en  sa  qualité  de  directeur,  se  faire  l'organe  de  la 
Classe  lors  des  funérailles  qui  ont  eu  lieu  le  17  février. 


v  259  ) 
Le  discours  de  M.  Vinçotte  paraîtra  au  Bulletin. 

Une  lettre  de  condoléance  sera  adressée  à  M.  Eugène 
Laureys,  frère  du  défunt. 

M.    le  Ministre  de   l'Agriculture   et   «les   Travail v 
publies  transmet  : 

1°  Une  ampliation  de  l'arrêté  royal  en  date  du  10  lévrier 
dernier  ouvrant  le  double  concours  des  cantates  flamandes 
et  françaises  pour  le  choix  d'un  poème  destiné  à  servir  de 
thème  aux  concurrents  pour  le  grand  concours  de  com- 
position musicale  de  181)7. 

M.  le  Ministre  invite  en  même  temps  l'Académie  à  lui 
soumettre  une  liste  de  quatorze  noms  pour  le  choix  du 
jury  de  sept  membres  chargé  de  juger  ce  concours; 

2°  Le  4e  rapport  semestriel  de  M.  Emile  Vereecken, 
lauréat  du  grand  concours  d'architecture  de  1893. 
-  Renvoi  à  la  section  d'architecture; 

5°  La  21m0  livraison  des  œuvres  de  Grétry  (L'Amant 
jaloux,  comédie  en  trois  actes)  éditées  par  la  Commission 
académique  pour  la  publication  de  ces  œuvres. 

—  Remerciements. 

—  Sir  Edward  Burne-Jones  et  MM.  Charles  Garnier, 
Georges  Aitchison  et  Vincent  d'indy  remercient  pour 
leurs  diplômes  d'associé. 


260 


Discours  prononcé  aux  funérailles  de  Félix  Laureys, 
membre  de  la  Classe,  par  Th.  Vinçotte,  directeur  de 
la  (liasse. 

Messieurs, 

Talent,  beauté  de  caractère,  générosité  de  cœur,  voilà 
celui  que  nous  pleurons. 

Le  plus  bel  hommage,  et  le  plus  complet,  qui  puisse  lui 
être  rendu,  serait  le  récit  fidèle  de  ce  que  fut  sa  vie.  Je 
viens,  au  nom  de  la  Classe  des  Beaux-Arts  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  rappeler  quelques  traits  de  cette 
existence  si  utilement  et  si  noblement  remplie. 

Félix  Laureys  naquit  à  Ostende  en  1820.  Ses  années 
d'enfance  ne  reçurent  d'autre  instruction  que  celle  que 
peut  donner  une  école  de  village.  Bientôt  après,  le  voilà 
à  Bruges,  commençant  seul  le  dur  apprentissage  de  la 
vie,  travaillant  tout  le  jour  à  la  conquête  du  pain  quoti- 
dien, prolongeant  ses  veilles  dans  l'étude  du  dessin  et 
surtout  de  l'architecture,  vers  laquelle  une  passion  irré- 
sistible l'entraîne. 

Son  beau  zèle  le  pousse  aussi  à  acquérir  de  solides 
connaissances  générales,  et  seul,  sans  le  secours  d'aucun 
maître,  il  apprend  plusieurs  langues  avec  une  facilité 
merveilleuse.  A  29  ans,  il  remporte  le  prix  de  Rome  ! 
Succès  inouï  si  l'on  tient  compte  des  conditions  où  se 
trouve  le  jeune  homme!  Mais  que  ne  peut  la  volonté  unie 
à  une  belle  intelligence  et  au  culte  du  bien  et  du  beau, 
cette  seconde  religion  des  âmes  d'élite? 

Le  jeune  lauréat  parcourt  la  France,  l'Italie,  l'Espagne, 


(  201 

dans  un  élan  d'enthousiasme  qui  ue  se  refroidit  p;i> 
un  seul  jour.  L'Académie  conserve  les  rapports  de  ses 
voyages  et  de  ses  impressions.  L'admiration  exaltée,  les 
appréciations  savantes  et  judicieuses  en  sont  la  marque 
distinctive,  et  caractérisent  bien  ce  que  fut  Laureys  :  une 
âme  de  poète  unie  à  un  jugement  droit  et  lucide. 

Ce  besoin  d'idéal  et  d'art  devait  être  sa  passion  domi- 
nante. Tous  les  ans,  malgré  ses  travaux,  malgré  les  mille 
obligations  tyranniques  de  la  vie  sociale,  maigre  la  vieil- 
lesse, il  retourne  en  Italie.  A  soixante-dix  ans,  il  entre- 
prend un  long  voyage  en  Grèce  et  en  Orient...  Quoi  de 
plus  touchant  que  cet  enthousiasme  qui  persiste  à  travers 
une  vie  longue  et  laborieuse?  C'est  que  l'amour  des 
beautés  de  l'art  et  de  la  nature  va  sans  cesse  grandissant 
chez  d'aussi  nobles  esprits,  et  que  jamais  il  ne  laisse  de 
déception  dans  l'âme  de  ceux  qui  lui  ont  voué  leur  culte. 

Comme  artiste,  comme  créateur,  comme  auteur,  Félix 
Laureys  laisse  des  œuvres  remarquables.  Comme  profes- 
seur, son  nom  restera  attaché  aux  succès  de  toute  une 
pléiade  d'architectes  dont  plusieurs  sont  déjà  des  maîtres 
incontestés.  Comme  caractère,  il  était  la  droiture,  le 
désintéressement,  la  générosité.  Il  était  modeste  jus- 
qu'à l'effacement,  réservé  presque  jusqu'à  la  timidité. 
Mais  ce  charmant  et  sympathique  défaut,  devenu  si  rare, 
lui  servait  de  rempart  contre  les  amitiés  banales  et  super- 
iicielles.  Il  observait  les  hommes  avec  une  puissante 
pénétration  et  ne  se  livrait  qu'aux  natures  droites  et 
libres  comme  la  sienne. 

La  profonde  affliction  de  ceux  qui  ont  pénétré  celte 
âme  délicate  nous  dit  assez  quel  ami  ils  ont  perdu. 


5™"'    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  IN 


(  262 


NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Le  peintre  lorrain  Claude  Jacquard.  —  Un  protecteur  des 
arts  :  le  prince  Charles-Alexandre  de  Lorraine,  par 
Albert  Jacquot.  Paris,  J.  Rouani,  1890.  Une  brochure 
in-8°,  de  95  pages. 

Claude  Jacquard,  né  à  Nancy  en  1680,  mort  dans  la 
même  ville  en  1750,  est  au  nombre  des  artistes  que  l'on 
voit,  en  compagnie  de  Boffrand,  concourir  à  l'embellisse- 
ment de  la  riante  capitale  des  ducs  de  Lorraine.  Les 
palais  et  les  églises  de  Nancy  gardent  les  traces  de  son 
activité  ;  elles  lui  assignent  une  place  honorable  parmi 
les  maîtres  dont  la  réputation,  il  faut  l'avouer,  n'a  pas 
franchi  de  beaucoup  les  limites  du  sol  natal. 

M.  Jacquot  relève,  au  sujet  de  l'artiste,  un  certain 
nombre  de  particularités  intéressantes,  précise  la  date  de 
sa  naissance  et  dresse  une  liste  assez  développée  de  ses 
œuvres  existantes  ou  disparues. 

Comme  graveur,  Jacquard  a  laissé  des  planches  non 
dénuées  de  mérite  ni  d'intérêt.  Notre  Cabinet  des  estampes 
en  possède  quelques-unes. 

Au  nombre  des  mentions  recueillies  par  M.  Jacquot, 
ligure  celle  d'une  composition  de  la  Prise  de  Bude  par 
le  duc  Charles  V  de  Lorraine.  Le  renseignement  nous  met 
sur  la  trace  de  la  détermination  d'un  morceau  de  haute 
valeur,  une  tapisserie  appartenant  à  la  couronne  d'Au- 
(riche  et  que  l'Empereur  avait  envoyée  à  l'Exposition  du 
Millénaire  hongrois,  organisée  à  Pesth  en  1890.  Elle  y 
figura  sous  le  n°  7085,  salle  LfV,  et  fut  un  des  orne- 
ments de  ce  brillant  ensemble. 


(  263  ) 

L'inscription  portait  :  Pillage  et  saccagement  de  Bude. 
L'Aga  des  Janissaires  conduit  prisonnier.  I^iis  était  fait  un 
retranchement.  Le  2  septembre  1686. 

L'armoirie  de  Lorraine,  décorant  la  partie  supérieure 
de  ce  spécimen,  de  très  remarquable  composition  et  de 
coloris  tout  à  fait  distingué,  autorise  à  croire  qu'il  s'agit 
bien  d'une  reproduction  du  tableau  de  Jacquard,  men- 
tionné par  lui-même  dans  la  noie  de  ITL'i  recueillie  par 
M.  Jacquot. 


In  protecteur  des  arts,  le  prince  Charles- Alexandre  de 
Lorraine,  offre  pour  notre  pays  un  intérêt  plus  spécial. 

Nous  y  voyons  qu'à  peine  âgé  de  14  ans,  le  futur  gou- 
verneur général  de  nos  provinces  voulant,  comme  plus 
tard  Albert  de  Saxe-Teschen,  faire  œuvre  d'architecte, 
lit  ériger,  d'après  ses  plans,  dans  les  bosquets  de  Luné- 
ville,  un  château  toujours  conservé.  Il  n'avait  oublié 
qu'un  détail  :  l'escalier!  Ce  fut  Boffrand  qui  dut  venir  en 
aide  au  royal  architecte  pour  réparer  cette  incroyable 
inadvertance.  Le  plafond  circulaire  du  grand  salon  - 
M.  Jacquot  en  reproduit  l'esquisse  -  est  l'œuvre  de 
Claude  Jacquard. 

Diverses  lettres  adressées  à  Charles  de  Lorraine  et  que 
reproduit  M.  Jacquot,  sont  intéressantes.  La  plupart, 
faut-il  le  dire?  sont  des  suppliques.  Deux  émanent  de 
Mme  de  Gralligny;  elles  concernent  un  de  ses  neveux. 

Une  mention  spéciale  revient  à  la  pièce  suivante,  signée 
Macmahon,  directrice  de  l'Opéra  à  Toulouse.  Elle  consti- 
tue un  document  pour  l'histoire  du  théâtre  en  Belgique. 


(  264  ) 

«  Mon  Prince, 

»  J'ay  appris  que  Votre  Altesse  Royal  estoit  dans  le  des- 
sein davoir  un  spectacle  a  Bruxelle,  comme  je  suis  à  la 
teste  d'un  opéra  qui  est  très  bon,  souffrez  quejose  prendre 
la  liberté  de  vous  Loffrir.  Les  sujets  qui  le  composent 
dans  cette  ville  sont  digne  d'un  grand  prince  comme 
vous,  comme  j'ay  eu  l'honneur  de  chanter  devant  Madame 
Royal  et  Son  Altesse  Royal  Madame  la  Princesse  Char- 
lotte à  Commercy,  et  quel   m'ont  fait  pressentir  qu'els 
aimoit  les  talens,  soyez  sure  grand  prince,  que  personne 
au  monde  ne  feroit  de  plus  grands  effort  que  moy  pour 
amuser  Votre  Altesse  Royal,  par  les  grands  soins  que  je 
prendroit  à  faire  allés  cette  opéra  qui  jusqu'à  présent  va 
de  peire  avec  celuy  de  Paris.  Si  je  pouvois  réussir  a  avoir 
l'honneur    de   votre    protection,    personne    au    monde, 
grand  Prince  ne  tacheroit  à  la  mériter  mieux  que  moy 
par  la  grande  attache  que  jay  toujours  eu  pour  la  Maison 
de  Votre  Altesse  Royal.  Lorsque  Mde  des  Jardins  fut  à 
Bruxelles  avec  Lopera,  la  ville  luy  envoya  quinze  mille 
livre  pour  y  arriver.  J'espère  que  Votre  Altesse  Royal 
feroit   le   mesme  don  gratuit    pour  pouvoir  transporter 
celuy  cy   qui   est   composé  de  quatre  vingt   personnes, 
grand  prince,  si  Votre  Altesse  Royal  veut  bien  recevoir 
mes  vœux,  hommage,  et  voir  mon  opéra,  je  mourerez 
contente  pour  la  grande  satisfaction  que  j'auroi  davoir  le 
plaisir  de  voir  en  face  le  prince  le  plus  grand  jenereux  de 
Lunivers,  jattens  de  Votre  Altesse  Royal  un  succès  favo- 
rable âmes  vœux  et  suis  avec  toute  la  soumission  possible, 
grand  Prince 

»   Votre  très  humble  et  très  obéissante 
et  soumise  servante, 

»  Macmahon, 

»  L»i lectrice  de  lopera  de  présent  à  Toulouze 
dans  le  Languedoc. 

»  \  Toulouse  ce  "Ie  aoust  1749.  » 


(  263 
L'opuscule  de  M.  Jacquot  se  termine  par  l'inventaire 
des  curiosités  et  objets  d'art  possèdes  par  le  prince 
Charles  de  Lorraine  à  son  décès,  arrive,  comme  on  sait, 
au  château  de  Tervueren,  le  4  juillet  17X0.  Le  document 
n'offre  qu'un  intérêt  secondaire,  attendu  qu'en  dehors  (le 
la  liste  des  pensionnaires  du  prince  et  des  prix  d'estima- 
tion, on  le  retrouve  mot  à  mot  dans  le  catalogue  de 
la  vente  des  collections  ducales  faite  à  Bruxelles  dès 
Tannée  1 7S I . 

Henri  Hymans. 


CONCOURS    DES    CANTATES. 

La  Classe  procède  à  la  formation  de  la  liste  de  quatorze 
noms  pour  le  choix  du  jury  chargé  de  juger  le  concours 
des  cantates  de  l'année  actuelle. 

Cette  liste  sera  transmise  à  M.  le  Ministre  de  l'Agri- 
culture et  des  Travaux  publics. 


RAPPORTS. 


MM.  Hymans,Robie,  Hennebicq  et  Cluysenaar  donnent 
lecture  de  leurs  appréciations  sur  le  deuxième  rapport 
semestriel  de  M.  Jean  Delville,  lauréat  du  grand  concours 
de  peinture  de  1895.  —  Renvoi  à  M.  le  Ministre  de 
l'Agriculture  et  des  Travaux  publics. 


(  266  ) 


OUVRAGES   PRESENTES. 


Folie  (F.).  Annuaire  de  l'Observatoire  royal  de  Belgique, 
1897.  Bruxelles,  1897  ;  in-12. 

Lancaster  (A.).  Le  climat  de  la  Belgique  en  1896, 
11e  année.  Bruxelles,  1897;  in-18. 

Du  Jardin  {Jules).  L'art  flamand;  la  Renaissance.  1897; 
vol.  in-4°  (vin-214  p.;  photogravures  et  dessins  dans  le 
texte). 

Defrecheux  (N.).  Chansons  et  poésies  lyriques.  Liège, 
1896;  in-12  (243  p.). 

Assise  {Saint  François  d').  I  fioretti.  Les  petites  fleurs  de 
la  vie  du  petit  pauvre  de  Jésus-Christ.  Traduction  d'Arnold 
Goffin.  Bruxelles,  1896;  pet.  in-8°  (196  p.). 

Laurent  (Ém.),  Marchai  (Ém.)  et  Carpiaux  {Ém.).  Recher- 
ches expérimentales  sur  l'assimilation  de  l'azote  ammo- 
niacal et  de  l'azote  nitrique  par  les  plantes  supérieures. 
Bruxelles,  1896;  extr.  in-8°  (53  p.). 

Grétry.  OEuvres  complètes,  livraison  21  :  L'Amant  jaloux, 
comédie  en  3  actes.  Leipzig-Bruxelles,  1896;  in-4°. 

Meunier  {F.).  Les  agrionides  fossiles  des  Musées  de 
Munich  et  deHaarlem.  Paris,  1896;  extr.  in-8°  (8  p.). 

—  Les  chasses  hyménoptérologiques  aux  environs  de 
Bruxelles,  2e  partie:  Fouisseurs.  Bruxelles,  1897;  extr. 
in-8°  (11  p.). 

Fédération  archéologique  et  historique  de  Belgique.  An- 
nales :  Congrès  de  Gand,  1896;  tome  XI,  lre  partie. 
Cand,  1897. 


(  267  ) 

Bruxelles.  Ministère  de  l'Industrie  et  du  Travail.  Travail 
du  dimanche,  vol.  I,  II,  V.  1890-97;  gr.  in-8°. 

—  Troisième  session  (1895-96)  du  Conseil  supérieur  du 
Travail  :  Contrat  du  travail.  189G;  in-4°. 

Bruxelles.  Revue  de  l'Université  de  Bruxelles,  2e  année, 
n°s  1-5. 1896. 

CiAND.  Université.  Recueil  de  travaux  publiés  par  la 
Faculté  de  philosophie  et  lettres  : 

loe  fascicule.  Les  gildes  marchandes  dans  les  Pays-Bas 
au  moyen  âge;  par  Herman  Vanderlindcn.  1896. 

17e  fascicule.  Anecdota  Bruxellensia,  III  :  Le  «  Codex 
Schottanus  »  des  extraits  «  de  Legationibus  »;  par  Ch. 
Justice.  1896. 

18e  fascicule.  Catalogue  des  manuscrits  de  classiques 
latins  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles;  par  P.  Tho- 
mas. 1896. 

19e  fascicule.  L'élément  historique  dans  le  Coronement 
Lovïs,  contribution  à  l'histoire  poétique  de  Louis  le  Débon- 
naire; par  Léonard  Willems.  1896. 

Louvain.  La  Cellule,  recueil  de  cytologie  iJ.-B.  Carnoy  , 
t.  XII,  lerfasc.  1897  ;  in-i°. 


Allemagne  et  Autriche-Hongrie. 

Bélohoubek  {Antonin).  Studien  ùber  Presshefe.   Prague, 
1876  ;gr.  in-8°  (23  p.). 

—  Das  Shoyn.  Munich,  1888;  extr.  in-8°  (5  p.). 

—  M.  Louis  Pasteur.  Prague,    1897;  gr.  in-8°  ;20  p.). 
Budapest.   Congrès  international  d'hygiène  et  de  démo- 
graphie. Comptes  rendus  et  Mémoires  du  huitième  Congrès 


(  268  ) 

tenu  à  Budapest  du  1er  au  9  septembre  1894,  tomes  l-VIII. 
1895-96;  8  vol.  gr.  in-8°. 

Goerlitz.  Gesellschaft der  Wissenschaften.  Neues  Magazin, 
Band  73.  Festschrift  zum  550.  Gedenktage  des  Sechsstâdte- 
bûndnisses  (1896). 

Gràtz.  Historischer  Verein.  Mittheilungen,  44.  Heft.  1896. 

Giessen.  Gesellschaft  fur  Natur-  und  Heilkunde.  31.  Bericht. 
1896;  in-8°. 


Amérique. 

Melville-Bell  [Alexander).  Englische  sichtbare  Sprache  in 
zwôlf  Lektionen.  Washington,  1895;  in-18(vi-80  p.). 

Emmens  {Stephen-Il.).  The  argentaurum  papers  :  n°  1, 
Some  remarks  concerning  gravitation.  New  Brighton,  1896  ; 
in-8°(149  p.). 

Comstock  [George).  Studies  in  spherical  and  practical 
astronomy.  Madison,  1895;  extr.  in-8°  (50  p.). 

—  Observations  of  double  stars.  Madison,  1896;  in-4" 
(77  p.). 

Pickering  {Edw.).  The  speclrum  of  ç  Puppis.  Cambrigde, 
1897;  extr.  in-4"  (2  p.). 

—  The  Bruce  photographie  télescope.  Cambridge,  1896; 
extr.  in-4°  (2  p.  et  3  pi.). 

Montevideo.  Direction  de  estadistica  gênerai.  Anuario  esta- 
distico,  1895.  Gr.  in-8°. 

Saint-Paul.  Geological  Survey  of  Minnesota.  Second  report 
of  the  state  zoologist.  1895. 

Des  Moines.  Iowa  geological  Survey.  Annual  report  1895, 
volume  V.  1896. 

Washington.  Surgeon  gênerai,  U.  S.  Army.  Index-cata- 
logue of  the  library,  second  séries,  vol.  I.  1896. 


Î69 

Washington.  U.  S.  Coast  and  géodésie  Survey.  Keport, 
1894.  2  vol.  in -4°. 

—  U.  S.  Naval  Observatory.  Observations  for  1890.  In-4°. 

—  Philosophical Society .  Bulletin,  vol.  XII,  1892-91. 

—  Bureau  of  Education.  Ueport  of  the  commissioner  of 
éducation  for  1894-95,  vols.  I  and  II.  1896. 


France. 

Albert  Ie'  de  Monaco  (S. -A.  M&  le  Prince).  Résultats  des 
campagnes  scientifiques,  l'asc.  XI  :  Contribution  à  l'étude 
des  Stellérides  de  l'Atlantique  Nord,  par  Edmond  Perrier. 
Monaco,  1896;  in-4°. 

—  Sur  la  troisième  campagne  scientifique  de  la  «  Prin- 
cesse Alice  ».  Paris,  1896;  extr.  in-4°  (4  p.  . 

Richard  (Jules).  Sur  un  appareil  destiné  a  démontrer 
que  la  quantité  des  gaz  dissous  dans  les  grandes  profon- 
deurs de  la  mer  est  indépendante  de  la  pression.  Paris, 
1896;  extr.  in-4°  (4  p.). 

Reinach  (Théod.J.  Un  peuple  oublié  :  Les  Matiènes.  Leyde, 
1896;  extr.  in-8°  (15  p.,  1  carte). 

Gosselet  (Jules).  Note  sur  les  gîtes  de  phosphate  de  chaux 
d'Hem-Monacu,  d'Etaves,  du  Ponthieu,  etc.  Lille,  1896; 
extr.  in-8°(26  p.,  3  pi.). 

—  Note  sur  des  troncs  d'arbres  verticaux  dans  le  terrain 
houiller  de  Lens.  Lille,  189o;  extr.  in-8°  (13  p.,  fig.). 

Chantre  (Ernest).  Rapport  sur  une  mission  scientifique 
en  Asie  Mineure,  spécialement  en  Cappadoce  (1893-94). 
Paris,  1896;  extr.  in-8°  (41  p.,  fig.). 

Lyon.  Université.  Annales  :  Etude  sur  le  mécanisme  de 
la  thermogenèse  et  du  sommeil  chez  les  mammifères.  Phy- 
siologie comparée  de  la  marmotte  (Haph.  Dubois).  1896. 


(  270  ; 

—  Recherches  physiologiques  sur  l'appareil  respiratoire 
des  oiseaux  J.-M.  Soum).  1896. 

—  Résultats  scientifiques  de  la  campagne  du  «  Coudan  » 
dans  le  golfe  de  Gascogne,  1895.  (R.  Koehler);  fasc.  1-3. 
1896. 

—  Études  sur  les  terrains  tertiaires  du  Dauphiné,  de  la 
Savoie  et  de  la  Suisse  occidentale  ^H.  Douxami).  1896. 

—  Synthèses  d'aldéhydes  et  d'acétones  dans  la  série  du 
naphtalène,  au  moyen  du  chlorure  d'aluminium  (L.  Rous- 
sel .  1897. 


Grande-Bretagne  et  Colonies  britanniques. 

Harrison  [William).  An  archaeological  Survey  of  Lanca- 
shire.  Westminster,  1896;  in-4°(26  p.  et  1  carte). 

Bevan  (J.-O.),  Davies  (James)  et  Haverfield  (F.).  An 
archaeological  Survey  of  Herefordshire.  Westminster,  1896; 
in-4°  (16  p.  et  une  carte). 

Glasgow.  Philosophical  Society.  Proceedings,  1895-96, 
vol.  27. 

Londres.  Geological  Society.  Geological  literature  during 
1896.  —  General  index  to  the  fîrst  fifty  volumes  of  the 
Quarterly  Journal,  part  1 . 

Melbourne.  Royal  Society  of  Victoria.  Proceedings, 
vol.  VIII.  1896. 

Mauritius.  Royal  Alfred  Observatory.  Annual  report,  1894. 
Results  of  meteorological  observations,  1895.  In-4°. 


(  271 


Italie. 

Omboni  (Giovanni).  Commemorazione  del  Barone  Achille 
de  Zigno.  Venise,  1897  ;  in-8°  (40  p.). 

Sconamiglio  [Prof.  G.).  Su  alcuni  nuovi  preparati  di 
chinina.  Naples,  1896;  in-8"  (9  p.). 

Bologne.  R.  Accademia  délie  scienze.  Memorie,  5a  série, 
tomo  IV.  1894;  in-4°. 

Rome.  Società  délie  scienze.  Memorie  di  matematica  e  di 
fisica,  tomo  X,  1896;  in-4°. 


Pays-Bas. 

Flora  Balava  («/.  Kops  et  Van  Eeden).  Atlevering  315  en 
316.  Harlem,  1896;  in-4°. 

Engelmann  (Th.-W.).  Onderzoekingen  gedaan  in  net 
physiologisch  Laboratorium,  IV,  4.  Utrecht,  1896;  in-8°. 

Blok  (P.-J.).  Verslag  aangaande  een  voorloopig  onderzoek 
te  Parijs  naar  arehivalia  belangrijk  voor  de  geschiedenis 
van  Nederland.  La  Haye,  1897  ;  in-8°  (54  p.). 

Leyde.  Maatsehap-pij  der  Nederlandsche  letlerkunde.  Levens- 
berichten  en  handelingen,  1895-96. 

—  Muséum  van  oudheden.  Aegyptische  monumenten,  111  : 
Behoorende  tôt  de  graven  ;  Mu  mie  en  mumiekisten  van 
Petisis.  1896;  in-folio. 


(  272  ) 


Pays  divers. 

Cabreira  {Antonio).  Sur  la  géométrie  des  courbes  trans- 
cendantes. Lisbonne,  1896;  in-8°  (64  p.). 

Leyst  (E.).  Meteorologische  Beobachtungen  in  Moskau 
im  Jahre  1895.  Moscou,  1895;  extr.  in-8°  (16  p.). 

Kiersnowsky  (/.).  Ueber  die  Richtung  und  Stârke  der 
Winde  im  russischen  Reiehe.  Catherinenbourg,  1895; 
in-folio. 

Arnaiz  (il.).  Los  grandes  problemas  tilosôtico-naturales. 
Saint-Sébastien,  1897  ;  in-8°  (24  p.). 

Preudhomme  de  Borre  (A.).  Note  sur  le  Pyrrhocoris  mar- 
ginatus.  Genève,  1896  ;  extr.  in-8°  (1  p.). 

Wessel  (Caspar).  Essai  sur  la  représentation  analytique 
de  la  direction.  Copenhague,  1897;  in-4°  (xiv-60  p.  et  3  pi.). 

Luxembourg.  Institut  grand-ducal  de  Luxembourg.  Publi- 
cations de  la  section  historique,  vol.  XLV.  1896. 

Gothenbourg.  Hôgskala.  Arsskrift,  1896,  BandII. 

Madrid.  Almanaque  nautico  para  1898. 

Bergen.  Muséum.  Aarbog,  1896. 

Norske  Nordhavs- Expédition.  XXIU  :  Zoologi,  Tunicata. 
Christiania,  1896;  in-4°. 


BULLETIN 


DE 

L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 

DES 

Lettres  et  des  Beaux-Arts  de  Belgique. 

1897.  —  N°  4. 


CLASSE    DES    SCIENCES. 


Séance  du  5  avril  1897. 

M.  Alfr.  Gilkinet,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents:  MM.  Éd.  Dupont,  vice-directeur;  le 
baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  Dewalque,  E.  Can- 
dèze,  Al.  Brialmont,  Éd.  Van  Beneden,  C.  Malaise, 
F.  Folie,  Alph.  Briart,  Fr.  Crépin,  J.  De  Tilly,  Ch.  Van 
Bambeke,  G.  Van  der  Mensbrugghe,  W.  Spring, 
L.    Henry,   M.  Mourlon,  P.    De    Heen,    C.    Le   Paige, 

F.  Terby,  J.  Deruyts,  H.  Valérius,  Léon  Fredericq, 
membres;  Ch.  de  la  Vallée  Poussin,  associé;  A. -F.  Re- 
nard, L.  Errera,  J.  Neuberg,  Alb.  Lancaster,  M.  Delacre, 

G.  Cesàro  et  Julien  Fraipont,  correspondants. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  président  de  l'Académie 
et  directeur  de  la  Classe  des  lettres,  assiste  à  la  séance. 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  1!» 


(  274  ) 


CORRESPONDANCE. 


La  Classe  apprend  avec  un  vif  sentiment  de  regret  la 
mort  du  professeur  James-Joseph  Sylvester,  né  à  Londres 
le  5  septembre  1814,  élu  associé  de  la  section  des  scien- 
ces mathématiques  et  physiques  le  13  décembre  1895, 
décédé  le  15  mars  1897. 

—  M.  Melchior  Treub,  directeur  du  jardin  botanique 
de  l'Etat,  à  Buitenzorg  (Java),  remercie  pour  son  diplôme 
d'associé. 

—  La  Classe  accepte  le  dépôt  dans  les  archives  de 
l'Académie  d'un  pli  cacheté  de  M.  le  D1  M.-C.  Schuyten, 
rue  Van  Luppen,  51 ,  Anvers. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1"  Mathesis,  recueil  mathématique,  1896;  par  P.  Man- 
sion  et  J.  Neuberer: 

2°  Observations  de  la  planète  Mars,  faites  par  M.  Schia- 
parelli,  à  Milan,  en  1885-1884;  par  F.  Terby; 

5°  Contribution  à  l'étude  des  tourteaux...  pour  le  bétail, 
1"  partie;  par  Fréd.  D'Hondt; 

4°  Description  géologique  de  Java  et  Madoura,  tomes  I 
et  II  ;  par  Verbeek  et  Fennema. 

—  Remerciements. 

—  Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

1°  Sur  quelques  dérivés  (luobromés  en  C2;  parFr.  Swarts, 


(  275'  ) 

répétiteur  à   l'Université  de   Gand.  —  Commissaires  : 
MM.  Spring  et  Henry; 

2°  Notice  sur  un  appareil  permettant  de  tailler  un  cristal 
suivant  une  direction  déterminée,  et  sur  une  méthode  de 
tuilier  des  plaques  à  faces  parallèles;  par  le  Dr  V.  Stôber, 
répétiteur  à  l'Université  de  Gand.  -  Commissaires  : 
MM.  Ch.  de  la  Vallée  Poussin  et  A.-F.  Renard; 

5"  Lettre  relative  à  la  théorie  des  nombres  premiers  ;  par 
M.  ,1.  Marchai,  géomètre-arpenteur  à  Jamioulx.  ■ —  Com- 
missaire :  M.  Mansion. 


RAPPORTS. 


Il  est  donné  lecture  des  rapports  de  : 

1°  MM.  Cl),  de  la  Vallée  Poussin,  Malaise  et  Renard. 
sur  un  mémoire  de  M.  Jean  De  Windt,  docteur  en  scien- 
ces naturelles  :  (Établir  les  relations  qui  existent  au  point 
de  vue  lithologique  entre  les  roches  considérées  comme  cam- 
briennes  des  massifs  de  Rocroi,  du  Brabant  et  de  Stavelot.) 
—  Impression  dans  les  Mémoires  in-4°  après  que  l'auteur 
aura  satisfait  aux  observations  des  commissaires; 

2°  De  MM.  Spring  et  De  Heen,  sur  la  revision  du  tra- 
vail de  M.  A.  de  Hemptinne  concernant  VAction  des 
vibrations  électriques  sur  quelques  substances.  —  Impres- 
sion dans  les  Mémoires  in-S°. 


v  276  ) 
Sur  la  courbure  des  lignes  et  des  surfaces;  par  M.  Stuyvaerl. 

Êlai>i>oi-t  dtf  MM.    H «i»«*io»i   et   !\t'tthwy. 

a  Ce  mémoire  est  surtout  intéressant  par  les  méthodes 
qu'il  met  en  œuvre. 

Nous  citons  d'abord  le  principe  suivant  dont  M.  Stuy- 
vaert  déduit  des  conséquences  curieuses  : 

Si  l'e'quation  d'une  courbe  algébrique  passant  par  l'ori- 
gine 0  des  coordonnées  est  mise  sous  la  forme 

F„  =   fn    -f-     ?„„,    -+-    •••     •+-    fp    -t      ?,,_,    -4"    •••    -4-    ?t  =  0, 

où  cp,  désigne  un  polynôme  homogène  en  x  et  y,  de  degré  i, 
l'équation 

Fp=?p  "+-  ?P-t  H -4-  ?,  =  0 

représente  une  courbe  qui  a,  avec  la  première,  un  contact 
d'ordre  p  au  point  0. 

En  particulier,  l'équation  91  =  0  est  celle  de  la  tan- 
gente en  0.  Cette  remarque,  appliquée  à  une  conique, 
conduit  rapidement  à  l'expression  du  rayon  de  courbure. 

L'équation  F2  =  <p2  ■+-  cpx  =  0  représente  une  conique 
qui  a,  en  0,  le  même  cercle  de  courbure  que  la  courbe  F„, 
et  qui  est  homothétique  à  la  conique  polaire  de  0,  le 
centre  de  similitude  étant  en  0  et  le  rapport  de  simili- 
tude égal  à  n  —  1. 

Parmi  les  propositions  que  l'auteur  tire  du  principe 
énoncé  ci-dessus,  nous  faisons  ressortir  la  suivante  : 

Si  p,  p4,  p2,  ...  désignent  le  rayon  de  courbure  d'une 


(  277  ) 

courbe  l\,  en  l'un  de  ses  points,  et  ceux  de  la  première,  deu- 
xième, ...  polaire  de  ce  point,  on  a 

[n  —  \)p  =(«  —  2)p,  =  (n  —  Z)pt  =  •••  =  ?„_«. 

Si  l'origine  0  est  un  point  multiple,  on  a  le  principe 
suivant  : 

Les  équations 

fn  -+-  ?„_,  +  —  ■+■  fP  ■*-  •••  -*•?,=■  0, 

représentent  deux  courbes  qui  ont,  en  l'origine  des  coor- 
données, un  point  multiple  d'ordre  q,  avec  les  mêmes  tan- 
gentes; les  branches  qui  se  louchent  en  ce  point,  ont  un 
contact  d'ordre  p. 

M.  Stuyvaert  considère  le  cas  de  p  =  2  et  trouve  des 
relations  simples  entre  les  courbures  d'une  courbe  en  un 
point  double,  et  celles  de  la  cubique  polaire  de  ce  point. 

Des  considérations  analogues  s'appliquent  sans  diffi- 
culté  aux  surfaces.  On  peut  aussi  traiter  par  les  mêmes 
procédés  certaines  courbes  transcendantes  ou  dont  {es 
équations  renferment  des  radicaux. 

En  résumé,  le  Mémoire  sera  lu  avec  intérêt  par  les 
géomètres.  11  aurait  pu  être  abrégé  par-ci,  par-là;  mais 
l'auteur  aya.it  voulu  donner  un  exposé  complet,  nous 
n'insistons  pas  sur  ce  point. 

Nous  proposons  volontiers  l'insertion  de  la   Note  de 
M.  Stuyvaert  dans  les  Mémoires  in-8°  de  l'Académie.  »  - 
Adopte. 


(  278 


Recherches  sur  la  maturation,  la  fécondation  et  la  segmen- 
tation chez  les  Polyclades;  par  M.  le  professeur  P.  Fran- 
cotte. 

a  Le  mémoire  que  M.  Francotte,  professeur  d'em- 
bryologie à  l'Université  de  Bruxelles,  soumet  à  l'appré- 
ciation de  la  Classe,  traite  de  la  maturation,  de  la  fécon- 
dation et  de  la  segmentation  chez  divers  représentants  du 
groupe  des  Polyclades.  L'auteur  s'est  attaché  d'abord  à 
l'étude  de  ces  phénomènes  chez  une  espèce  de  notre  litto- 
ral, la  Trémellaire  (Leptoplana  tremellaris).  L'observation 
attentive  des  mœurs  de  cet  animal  lui  a  appris  le  moyen 
de  s'en  procurer  de  nombreux  exemplaires  et  de  les 
déterminer  à  pondre  en  captivité.  Après  avoir  poursuivi 
pendant  plusieurs  années  l'étude  de  la  Trémellaire , 
M.  Francotte  s'est  adressé  à  d'autres  Polyclades,  Oliffo- 
cladus  auritus,  Cycloporus  papillosus  et  Prosthecœreus 
viltatus,  trois  formes  des  côtes  de  France,  qu'il  a  réussi  à 
se  procurer  soit  au  Portel,  soit  à  Concarneau. 

Le  mémoire  fait  connaître  d'abord  la  technique  que 
l'auteur  a  appliquée  dans  ses  recherches,  le  dispositif 
utilisé  pour  l'étude  des  œufs  vivants,  les  procédés  qui 
permettent  d'analyser  des  œufs  montés  entiers,  après 
fixation  et  coloration  préalables,  les  méthodes  employées 
pour  les  fixer,  les  colorer  et  les  enchâsser,  enfin  celles 
qu'il  a  pratiquées  pour  la  confection  et  le  traitement  de 
coupes  sériées. 


(  279  ) 

Il  rend  compte  ensuite  des  observations  faites,  chez  les 
quatre  espèces,  sur  la  genèse  et  l'évolution  de  la  pre- 
mière et  de  la  seconde  figure  dicentriques,  qui  précèdent 
la  formation  des  globules  polaires,  étudie  la  constitution 
de  la  vésicule  germinative,  l'origine,  le  nombre  <i  la 
transformation  des  éléments  chromatiques,  les  sphères 
attractives  et  leurs  corpuscules  centraux,  le  fuseau  achro- 
matique, l'aster  et  la  constitution  du  protoplasme,  dans 
ses  rapports  avec  les  sphères;  il  suit  le  spermatozoïde 
depuis  le  moment  où  il  pénètre  dans  le  vitellus  jusqu'à 
l'apparition  du  pronucleus  mâle  et  du  spermocentre, 
observe  l'union  des  pronucleus  et  décrit  la  formation  de 
la  première  figure  dicentrique  de  segmentation.  Toutes 
ces  questions  n'ont  pu,  en  raison  de  l'insuffisance  du 
matériel,  être  poursuivies  dans  chacune  des  quatre 
espèces;  mais  chacune  d'elles  a  fourni  son  contingent 
d'observations  utiles;  leur  valeur  ressort  surtout  de  leur 
caractère  essentiellement  objectif. 

Je  ne  puis  songer  à  faire  dans  ce  rapport  une  analyse 
détaillée  du  mémoire  de  M.  Francotte,  ni  même  à  men- 
tionner, tant  ils  sont  nombreux,  les  faits  intéressants  ou 
nouveaux  qu'il  a  eu  l'occasion  de  constater.  Je  me  borne 
à  attirer  l'attention  sur  deux  points. 

La  plupart  des  cytologistes  s'accordent  à  considérer  les 
globules  polaires  comme  des  œufs  abortifs.  De  même 
que  le  spermatocyte  de  premier  ordre,  à  la  suite  de  deux 
divisions  successives,  donne  naissance  à  quatre  sperma- 
tides,  qui  se  transforment  ultérieurement  en  spermato- 
zoïdes, de  même  l'oocyte,  pendant  la  période  dite  de 
multiplication  ou  de  maturation,  se  divise  deux  fois  et 
engendre  une  tétrade  d'ootides.  Mais,  contrairement  à  ce 


(  280  ) 

que  montre  la  spermatogenèse,  des  quatre  ootides,  trois 
sont  rudimentaires  et  avortent  régulièrement;  le  qua- 
trième seul,  auquel  on  réserve  le  nom  d'œuf  mûr,  est 
capable  de  recevoir  un  zoosperme  et  d'évoluer  ultérieu- 
rement. 

L'opinion  qui  fait  des  globules  polaires  des  équivalents 
morphologiques  de  l'œuf  a  été  formulée  pour  la  première 
fois  par  Mark  en  1881  et,  aussitôt  après,  défendue  par 
Bùtschli;  elle  a  rallié  la  plupart  des  embryologistes  et  se 
fonde  sur  des  faits  d'ordres  divers.  Néanmoins,  il  faut 
bien  reconnaître  qu'elle  n'est  jusqu'ici  qu'une  hypo- 
thèse, cadrant  avec  l'ensemble  des  idées  qui  ont  cours 
aujourd'hui,  mais  enfin  une  hypothèse. 

L'on  a  constaté  que,  chez  plusieurs  espèces  animales, 
les  dimensions  des  globules  polaires  sont  sujettes  à  varia- 
tions; que  ces  éléments  sont  parfois  d'un  volume  relati- 
vement considérable.  Témoins  les  Myzostomes  étudiés 
par  M.  Wheeler,  la  Souris,  à  en  juger  par  les  observations 
de  MM.  Tafani  et  M.  Sobotta,  et  plusieurs  autres  animaux. 
M.  Francotte  lui-même  a  vu,  chez  la  Tremellaire,  le  pre- 
mier globule  polaire  présenter  jusqu'au  quart  du  diamètre 
de  l'œuf.  Mais  quelles  que  soient  leurs  dimensions,  ces 
globules  sont  toujours  des  éléments  abortifs,  destinés 
à  disparaître  sans  avoir  joué  aucun  rôle.  Personne  n'a 
jamais  vu,  à  ma  connaissance,  un  globule  polaire  être 
fécondé  par  un  zoosperme  et  se  développer  en  un  embryon. 

C'est  cette  lacune  que  M.  Francotte  vient  de  com- 
bler par  ses  observations  chez  Prosthccœreus  vittatus. 
Pendant  son  séjour  à  Concarneau,  il  a  récolté  de  cette 
espèce  six  exemplaires  de  dimensions  exceptionnelles. 
Tandis  que  Lang,  dans  sa  monographie  des  Polyclades 


(  281 
de  la  baie  de  Naples,  assigne  au  Prostheccereua  vitta- 
tus  une  longueur  maximum  de  3  l/a  centimètres,  dimen- 
sion qui  se  retrouve  chez  la  plupart  des  individus  des 
cotes  de  Bretagne,  M.  Francotle  a  recueilli  si\  exem- 
plaires qui  n'atteignaient  pas  moins  de  .">  centimètres  de 
longueur.  Dans  les  pontes  produites  par  ces  individus 
atteints  de  gigantisme,  la  moitié  des  œufs  produisaient 
un  premier  globule  polaire  de  dimensions  exception- 
nelles, pouvant  atteindre,  dans  certains  cas,  le  diamètre 
de  l'œuf  lui-même,  de  sorte  que  l'on  aurait  pu  croire 
avoir  affaire  à  une  segmentation,  n'était  que  l'on  pouvait 
voir  côte  à  côte,  dans  la  même  ponte,  toutes  les  transi- 
tions entre  les  globules  normaux  et  les  globules  les  plus 
volumineux.  L'auteur  a  pu  suivre  le  développement  ulté- 
rieur de  ces  globules  gigantesques,  les  voir  produire  un 
second  globule  de  grosseur  normale,  l'œuf  lui-même 
donner  en  même  temps  un  semblable  élément,  un  sper- 
matozoïde pénétrer  dans  le  premier  globule  et  deux 
gastrula  se  développer  côte  à  côte  dans  la  même  coque. 

Ces  observations  résolvent  définitivement  la  question 
si  longtemps  mystérieuse  de  la  nature  des  globules 
polaires. 

Le  second  point  sur  lequel  je  désire  attirer  l'attention 
est  relatif  à  la  constitution  des  ligures  dicentriques  de 
direction. 

La  présence  de  sphères  attractives  et  de  corpuscules 
centraux  dans  les  ligures  de  direction  est  encore  contes- 
tée. M.  Francotle  affirme,  et  ses  préparations  ne  laissent 
pas  le  moindre  doute  sur  l'exactitude  de  ses  observations, 
que,  chez  toutes  les  espèces  étudiées  par  lui,  aussi  bien 
dans  la  seconde  que  dans  la  première  ligure,  il  existe  de 


(  282  ) 

belles  sphères,  bien  délimitées,  au  centre  desquelles  se 
montre  toujours  un  corpuscule  central  facile  à  mettre 
en  évidence  par  la  méthode  de  Heidenhain.  Les  images 
obtenues  par  M.  Francotte  sont  très  semblables  à  celles 
que  M.  Wheeler  a  observées  chez  les  Myzostomes. 

M.  Francotte,  comme  M.  Wheeler,  voit  une  sphère 
avec  corpuscule  central  persister,  à  côté  du  pronucleus 
maternel  en  voie  de  reconstitution.  Mais  tandis  que, 
chez  les  Myzostomes,  il  ne  se  forme  pas  de  spermocentre, 
au  voisinage  du  pronucleus  mâle,  chez  les  Polyclades  une 
sphère  avec  corpuscule  central  procède  du  zoosperme. 
Malheureusement,  aux  stades  subséquents,  les  sphères  et 
les  corpuscules  deviennent  indistincts;  il  n'est  plus  pos- 
sible de  les  mettre  en  évidence,  même  en  recourant  à  la 
méthode  de  Heidenhain.  Il  en  est  résulté  que  l'étude  des 
Polyclades  n'a  pu  servir  à  élucider  la  question  si  con- 
troversée de  l'origine  des  sphères  de  la  première  figure 
de  segmentation. 

Le  mémoire  de  M.  Francotte  est  accompagné  de  plan- 
ches, dans  lesquelles  l'auteur  a  reproduit,  par  la  photo- 
graphie, ses  préparations  les  plus  démonstratives.  Ces 
planches  ont  la  valeur  de  documents  authentiques. 

Je  n'hésite  pas  à  proposer  à  l'Académie  d'ordonner 
l'impression  de  ce  beau  travail  dans  la  collection  des 
Mémoires  in-4°  et  la  reproduction  des  photogrammes  qui 
accompagnent  le  texte.  Je  propose,  en  outre,  de  voter 
des  remerciements  à  l'auteur. 

Le  mémoire  adressé  à  l'Académie  est  le  fruit  de  plu- 
sieurs années  d'un  labeur  ininterrompu,  et  j'éprouve, 
pour  ma  part,  la  plus  haute  estime,  non  seulement  pour 
le  talent,  mais  aussi  pour  l'énergie,  la  ténacité  et  le 
désintéressement  de  celui  qui  a  su  le  mener  à  bonne  tin. 


(  283  ) 

Ceux-là  seuls  qui  ont  suivi  de  pics  M.  Prancotte  peu- 
vent se  rendre  compte  des  difficultés  de  tous  genres  qu'il 
a  dû  vaincre,  des  obstacles  qu'il  a  eu  à  surmonter  pour 
aboutir.  Alors  que  la  plupart  d'entre  nous,  grâce  à  nos 
nouvelles  installations  universitaires,  disposent  pour 
leurs  travaux  et  ceux  de  leurs  élèves,  de  laboratoires  bien 
outillés,  M.  Francotte  en  est  réduit  à  devoir  travailler 
chez  lui.  Instruments,  réactifs,  livres  et  matériaux 
d'études,  il  doit  se  les  procurer  par  ses  propres  ressources. 
Pour  se  livrer  à  ses  travaux,  il  n'hésite  pas  à  s'installer 
itérativement  à  Ostende  et  à  y  faire  des  séjours  prolongés; 
il  se  rend  au  Portel,  puis  à  Concameau,  puis  encore  au 
Portel,  et  tous  ces  voyages,  il  les  fait  à  ses  frais,  sans  l'in- 
tervention ni  de  l'Etat,  ni  de  l'Université  de  Bruxelles, 
ni  de  personne.  Un  travailleur  de  cette  trempe  mérite  à 
coup  sûr  d'être  encouragé  par  l'Académie.  Je  demande 
donc  que  des  mesures  soient  prises  pour  que  la  publica- 
tion du  mémoire  de  M.  Francotte  ne  subisse  pas  de 
retards.  » 

M.  Masius,  second  commissaire,  se  rallie,  aux  conclu- 
sions du  rapport  de  M.  Ed.  Van  Beneden. 

Ces  conclusions  sont  adoptées  par  la  Uasse. 


D'un  caractère  différentiel  entre  leucoblasles  et  érythroblastes; 
par  M.  le  professeur  A.  Trambusti. 

i:iij>/ii>il  de  M.  Ch.    I  <•#•  ViêistbeliPf  />»•€•»#»!>#•  tomtttéttnii  tf . 

«  En  histologie  normale  aussi  bien  qu'en  histologie 
pathologique,  il  importe  de  pouvoir  distinguer  nettement, 
à  toutes  les  phases  de  leur  existence,  les  leucoblastes 


(  284  ) 
des  érythroblastes.  Or,  comme  le  remarque  l'auteur,  s'il 
est  en  général  possible  d'établir  une  distinction  entre  les 
formes  jeunes  des  globules  rouges  et  celles  des  globules 
blancs,  il  est  souvent  très  difficile  (comme  le  rappelle  le 
professeur  Trambusti,  Flemming  estime  même  qu'il  est 
presque  impossible),  dans  l'étude  des  organes  hémato- 
poiétiques,  de  reconnaître  l'une  ou  l'autre  espèce  cellu- 
laire, s'il  s'agit  d'éléments  non  au  repos,  mais  en  voie  de 
division  karyokinétique. 

Cette  difficulté  rend  compte  de  la  divergence  qui  existe 
entre  les  anatomistes  au  sujet  de  la  genèse  des  leuco- 
cytes et  des  érythrocytes,  certains  d'entre  eux  soutenant 
encore  l'origine  leucoblastique  des  globules  rouges. 

En  exposant  l'état  de  la  question,  M.  le  professeur 
Trambusti  rappelle  notamment  les  caractères  distinctifs 
préconisés  par  Bizzozero  et  par  0.  Van  der  Stricbt. 

Par  sa  méthode,  le  premier  reconnaît  les  érythro- 
blastes, même  à  l'état  de  division,  à  la  présence  de  l'hé- 
moglobine, qui  manque  dans  les  leucoblastes,  et  à 
l'absence,  dans  le  cytoplasme,  des  granulations  caracté- 
ristiques de  ces  derniers. 

Dans  son  mémoire  sur  la  formation  du  sang,  Van  der 
Stricht  insiste  tout  particulièrement  sur  ce  dernier  carac- 
tère. 

Mais  la  présence  de  l'hémoglobine  signalée  par  Biz- 
zozero ne  se  constate  que  dans  certaines  conditions 
spéciales  d'éclairage,  et  il  faut  avoir  l'œil  sensible,  sur- 
tout à  la  couleur  jaune,  pour  pouvoir  l'apprécier.  Cela 
diminue  naturellement  la  valeur  de  ce  caractère  distinctif. 

Beste  donc  l'aspect  homogène  du  cytoplasme  des  éry- 
throblastes, alors  que  celui  du  cytoplasme  des  leuco- 
blastes est  granuleux.  Comme  Bizzozero  et  Van  der  Stricht 


(  m  ) 

l'ont  établi,  ce  caractère  différentiel  se  constate  même 
pendant  la  mitose. 

Lo  travail  du  professeur  Trambusti  ;i  pour  1  > 1 1 1  de  l'aire 
ressortir  la  valeur  de  ce  caractère.  Dans  un  mémoire  anté- 
rieur sur  La  moelle  osseuse  dans  la  diphtérie,  l'auteur 
avait  pu  constater  qu'après  double  coloration  par  la 
safranine  et  Pinduline,  les  granulations  renfermées  dans 
le  cytoplasme  des  leucoblastCS  en  mitose  fixent  celle 
dernière  substance,  tandis  que  rien  ne  décèle  la  présence 
de  granulations  dans  le  cytoplasme  des  érytbroblastes  en 
voie  de  division.  C'était  la  première  lois  que  la  présence 
de  granulations,  dans  le  cytoplasme  des  leucoblastes  à  la 
première  phase  de  leur  évolution  et  durant  la  scission 
indirecte,  était  mise  en  évidence  par  l'emploi  de  colo- 
rants. 

Aujourd'hui,  le  professeur  Trambusti  confirme  ces  pre- 
miers résultats  à  l'aide  d'une  nouvelle  méthode;  conten- 
tons-nous de  dire  que,  dans  cette  nouvelle  méthode,  les 
coupes  sont  colorées  par  la  thionine  et  l'éosine.  Alors 
qu'avec  la  première  méthode  les  granulations  prennent  la 
couleur  de  l'induline,  avec  la  seconde  elles  se  colorent 
par  l'éosine.  Le  cytoplasme  des  érythroblastes,  à  toutes 
les  périodes  de  leur  cycle  évolutif,  reste  clair.  La  planche 
qui  accompagne  le  travail  fait  bien  ressortir  ces  diffé- 
rences. 

A  la  fin  de  sa  notice,  l'auteur  insiste  sur  certaines  con- 
ditions qui  font  varier  la  quantité  de  granulations  ren- 
fermées dans  le  cytoplasme  des  leucoblastes,  granulations 
qui,  d'après  lui,  représentent  de  véritables  produits  de 
sécrétion. 

Le  travail  dont  nous  venons  de  donner  une  courte 
analyse  apporte  une  contribution  utile  à  la  connaissance 


(  286  ) 
des  éléments  morphologiques  étudiés  par  l'auteur.  Aussi 
je  n'hésite  pas  à  proposer  à  la  Classe  :  4°  d'insérer  le 
travail  de  M.  Trambusti  dans  le  Bulletin  de  nos  séances; 
2°  d'adresser  des  remerciements  à  l'auteur.  » 

M.  Van  Beneden  se  rallie  aux  conclusions  du  rapport 
de  l'honorable  premier  commissaire. 

Ces  conclusions  sont  adoptées  par  la  Classe. 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


Silex  néolithiques  et  paléolithiques  de  Court-Saint-É tienne  ; 
par  le  comte  Goblet  d'Alviella,  président  de  l'Académie. 

La  commune  de  Court-Saint-Etienne,  qui  a  eu,  à 
plusieurs  reprises,  l'honneur  d'attirer  sur  ses  produits 
minéralogiques  l'attention  de  l'Académie  (1),  avait  la 
chance  de  posséder  il  y  a  une  vingtaine  d'années  encore, 
sous  les  sapins  presque  centenaires  de  la  Quenique,  un 
cimetière,  à  peu  près  intact,  du  premier  âge  du  fer.  On 
se  rappelle  l'émoi  que  causa,  en  1879,  dans  le  monde  des 


I  Voyage  et  observations  minéralogiques  depuis  Bruxelles  jusqu'à 
Cour  t-Saint-É  tienne,  par  le  conseiller  Burtin.  Tome  V  des  Mémoires 
de  l'Académie  impériale  et  royale.  Bruxelles,  1788.  —  Sur  une  espère 
minérale  nouvelle  pour  la  Belgique:  V  Arsénopyrite  ou  Mispickel,  par 
C.  Malaise.  Bulletins  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  t.  XLVI  (1878  , 


(  287  ) 

archéologues,  la  nouvelle  de  ee  que  M.  le  baron  de  Loë 
a  appelé  «  le  grand  sac  de  la  nécropole  de  Court-Saint- 
Etienne  ».  Parmi  les  centaines  d'urnes  et  d'objets  en 
métal  qui  y  avaient  revu  le  jour  sous  la  bêche  et  la  pioche 
des  terrassiers,  pour  être  aussitôt  brisés  et  dispersés,  c'est 
à  peine  si  quelques  échantillons  ont  pu  être  conservés 
dans  des  collections  particulières  (1).  Les  explorateurs, 
comme  MM.  Rucquoy,  (Hoquet,  Lebon ,  d'autres  encore, 
qui,  prévenus  trop  tard,  accoururent  visiter,  sur  le  plateau 
de  la  Quenique,  l'emplacement  des  tombelles  nivelées, 
n'y  trouvèrent  plus  guère  de  vestiges  du  premier  âge  du 
1er,  mais  ils  découvrirent,  à  la  surface  du  terrain,  de  nom- 
breux silex,  attestant  l'existence  d'une  véritable  station 
néolithique,  et.  depuis  cette  époque,  on  n'a  cessé  d'y 
recueillir  des  outils  ou  des  éclats  travaillés  qui  se  ratta- 
chent à  l'industrie  de  la  pierre  polie. 

Je  me  suis  particulièrement  appliqué  à  cette  recherche 
depuis  1885,  tant  sur.  le  plateau  de  la  Quenique  que 
dans  les  autres  parties  de  la  commune,  et  je  suis  parvenu 
à  réunir,  avec  le  concours  de  quelques  personnes  habi- 
tant la  localité,  près  de  quinze  cents  silex  travaillés,  dont 


(1)  Les  objet?  qui  se  trouvent  au  Musée  du  Cinquantenaire,  rensei- 
gnés comme  provenant  de  Court-Saint-Étienne,  ont  été  recueillis  dans 
une  fouille  partielle,  exécutée  en  1861  par  M.  Tarlier  pour  le  compte 
du  Gouvernement.  Une  dernière  tombelle,  qui  avait  été  seulement 
effleurée  en  1879,  a  été  fouillée,  en  1891,  devant  les  membres  de  la 
Fédération  archéologique  et  historique.  (Baron  de  Loë,  Fouille  d'une 
tumbcllc  du  plateau  de  la  Qucnique,  dans  les  Comptes  rendus  du  septième 
Congrès  de  la  Fédération.  Bruxelles,  1892,  pp.  517  etsuivantes.^ — Voir 
aussi  N.  Cloquet,  Cimetière  celtique  de  Court-Saint-Étienne,  dans  le 
tome  II  des  Annales  delà  Société  archéologique  de  Nivelles.  Nivelles, 
1881. 


(  288  ) 

la  majeure  partie  portent  dès  traces  d'usage,  entre  autres 
quatre-vingt-quatre  échantillons  complets,  éclats  ou  frag- 
ments retravaillés,  de  haches  polies. 

Ce  sont  les  pièces  les  plus  importantes  de  cette  collec- 
tion que  je  prends  la  liberté  de  soumettre  aujourd'hui  à 
la  Classe  des  sciences. 


A.  —  Néolithique. 

En  premier  ordre,  j'ai  placé  quelques  spécimens  de 
blocs-matrices  et  de  percuteurs,  en  m'efforçant  de  mon- 
trer les  différentes  étapes  de  l'opération  qui  a  fait  déta- 
cher des  premiers,  à  l'aide  des  seconds,  des  lamelles  et 
des  éclats  plus  ou  moins  réguliers.  Nous  avons  ainsi  le 
simple  caillou  roulé  qui  a  été  employé  comme  percuteur, 
puis  le  nucleus  utilisé  lui-même  comme  marteau  à  ses 
deux  extrémités,  enfin  le  percuteur  sphérique  soit  en 
silex,  soit  en  grès  bruxellien.  Ce  dernier  exemplaire  est 
assez  important,  non  seulement  à  raison  de  sa  taille, 
mais  encore  parce  qu'il  s'agit  peut-être  de  l'utilisation 
d'une  roche  locale. 

Les  nuclei  sont,  en  somme,  assez  rares;  j'ai  exposé  le 
plus  volumineux  que  j'ai  trouvé;  il  pèse  2k,75. 

En  fait  de  lames,  à  côté  de  quelques  éclats  et  de  quel- 
ques grandes  lames  travaillées,  j'ai  exposé  une  vingtaine 
de  lames  qui  présentent  un  beau  bulbe  de  percussion  ou 
qui  ont  été  utilisées  sur  les  deux  tranchants,  parfois  même 
qui  ont  l'extrémité  arrondie  pour  servir  de  grattoir. 
J'ai  disposé  parallèlement  une  cinquantaine  de  petites 
lames  qui  se  distinguent  par  la  finesse  de  la  taille. 


(  289  ) 

Les  scies  sont  fort  rares.  Je  n'en  ai  recueilli  qu'une,  et 
encore  n'est-ce  peut-être  qu'une  lame  ébréchée. 

Parmi  les  poinçons  et  les  éclats  qui  ont  servi  comme 

tels,  on  peut  suivre  la  gradation  du  travail,  depuis  l'uti- 

isation  de  la  pointe  accidentellement  produite,  jusqu'à 

l'emploi  de  longues  lames  taillées  pour  servir  sur  les 

deux  bouts  (pi.  I,  n°  4). 

Deux  de  ces  lames  triangulaires  pourraient  bien  être 
des  pointes  de  javelots. 

Les  grattoirs  offrent  des  formes  très  variées.  Il  y  a 
d'abord  la  forme  bien  connue  en  bec  de  canard;  ensuite 
l'instrument  va  en  s'arrondissant  jusqu'à  ce  qu'il  atteigne 
la  forme  circulaire.  Ce  sont  surtout  des  grattoirs  de  tête; 
cependant  quelques-uns  ont  servi  également  sur  la  face 
latérale.  L'un  d'eux  présente  une  double  tête.  Un  autre 
qui  s'est,  par  l'usage,  arrondi  comme  une  pièce  de  mon- 
naie, a  encore  son  bulbe  de  percussion. 

Viennent  ensuite  quatre  javelots  et  treize  pointes  de 
flèches.  Parmi  ces  dernières,  douze  sont  en  forme 
d'amande;  une  est  triangulaire;  deux  seulement  sont  à 
ailerons.  Je  n'en  ai  pas  trouvé  qui  soient  à  pédoncule 
latéral  ni  à  tranchant  transversal. 

Je  passe  maintenant  aux  ciseaux,  haches  et  hachettes. 
Signalons  trois  ciseaux  polis;  un  quatrième,  finement 
taillé,  est  poli  non  seulement  sur  le  tranchant ,  mais 
encore  sur  une  partie  des  aspérités  de  la  crête. 

Une  des  plus  belles  pièces  est  une  ébauche  de  grande 
hache,  considérablement  dégrossie,  en  silex  de  Spiennes. 
Elle  mesure  41  centimètres  de  large  à  la  base  et  25  cen- 
timètres de  long. 

A  côté  j'ai  placé  la  moitié  d'une  hache  polie  qui  a  dû 
sortir  d'une  ébauche  analogue. 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  20 


(  290  ) 

Je  signalerai  encore  : 

Une  hachette  finement  taillée,  de  proportions  régu- 
lières, offrant  presque  la  l'orme  des  celts  (pi.  I,  n°  1). 

Une  hachette  polie,  retaillée  en  forme  de  ciseau. 

Une  hachette  polie  et  retouchée  d'un  côté. 

Une  hachette  taillée,  polie  sur  l'extrémité  en  biseau, 
adoucie  sur  la  crête  et  finement  retaillée  sur  les  côtés 
latéraux,  d'un  silex  très  pur  (pi.  I,  n°  3). 

Deux  hachettes  dont  le  tranchant  oblique  et  recourbé 
a  été  aménagé  en  vue  de  l'emmanchement. 

Une  petite  hachette  à  tranchant  horizontal,  d'un  beau 
poli  et  d'aspect  porphyrique. 

Une  petite  hachette  à  bords  épais  et  à  tranchant 
oblique,  qui  rappelle,  comme  forme,  les  haches  des  cités 
lacustres. 

Deux  haches  d'un  beau  poli,  en  forme  de  cognée,  dont 
on  a  retaillé  le  tranchant. 

Une  belle  hache  complète,  aux  bords  latéraux  aplatis, 
qui  offre  cette  particularité  d'avoir  été  trouvée  dans  les 
murs  d'une  vieille  maison  en  démolition  au  hameau  du 
Sart.  Elle  y  avait  évidemment  été  insérée  à  titre  de 
«  pierre  de  tonnerre  »,  comme  amulette  contre  la  foudre. 

Les  gisements  étaient  assez  éloignés  pour  que  la  plu- 
part des  outils  arrivassent  tout  taillés,  comme  en 
témoignent  la  rareté  des  nuclei  ainsi  que  le  nombre  des 
tentatives  pour  utiliser  les  fragments  brisés  de  haches 
polies.  Je  possède  de  ces  fragments  qui  ont  servi  tantôt 
de  percuteur;  tantôt  de  hachette,  après  une  taille  nou- 
velle;  tantôt  de  grattoir,  après  une  fine  retouche;  tantôt 
de  javelot.  Parfois  c'est  une  moitié  de  hache  à  laquelle 
on  a   voulu  refaire  un   tranchant;  parfois  ce  sont  des 


(  294  ) 

haches  hors  d'usage  donl  la  moitié  a  été  taillée  sur  un 
côté  latéral  ou  sur  l'extrémité. 

Parmi  les  objets  qui  paraissent  mériter  une  mention 
spéciale,  je  citerai  encore  : 

Un  couteau  avec  deux  encoches  intentionnelles  qui  ont 
peut-être  été  taillées  pour  faciliter  la  suspension  de  l'outil. 

Un  silex,  avec  encoignure  sur  ses  quatre  faces  qui  a 
servi  de  racloir  et  probablement  de  poinçon. 

La  partie  terminale  d'un  petit  ciseau  à  tige  arrondie 
qui  a  peut-être  servi  de  lissoir  (pi.  I,  n°  2). 

J'ai  ajouté,  pour  compléter  la  collection,  plusieurs  bri- 
quets, pierres  à  fusil  et  pierres  à  pistolet,  dont  quelques- 
uns  ont  été  fabriqués  à  l'aide  de  silex  déjà  travaillés  par 
l'homme  préhistorique. 

Les  gisements  dont  proviennent  tous  ces  silex  sont 
assez  divers.  Les  échantillons  les  plus  beaux  et  les  plus 
nombreux  sont  en  silex  de  Spiennes.  Viennent  ensuite  des 
roches  qu'on  serait  tenté  de  rattacher  au  silex  de  Wan- 
sin,  à  celui  d'Orp-le-Grand,  à  celui  de  Maeslricht,  etc.: 
enfin,  un  grès  lustré,  de  teinte  brunâtre,  à  paillettes  de 
mica,  dont  je  n'ai  pu  déterminer  la  provenance. 

J'ai  cru  bon  de  grouper  ensemble  les  éclats  travaillés 
en  phtanhe,  cette  roche  affleurant  sur  plusieurs  points 
dans  les  terrains  primaires  des  environs,  notamment  en 
gros  rognons,  d'une  extrême  dureté,  à  la  base  des  sables 
bruxclliens,  le  long  du  chemin  creux  qui  monte  du 
village  vers  la  Quenique.  Cette  roche  aura  sans  doute 
été  travaillée  sur  place,  par  nécessité  plus  que  par  choix. 

J'en  ai  réuni  quelques  nuclei;  l'un  d'eux  a  ultérieu- 
rement servi  de  percuteur;  un  certain  nombre  de  cou- 
teaux; un  fragment  avec  encoche  utilisé  comme  racloir: 


(  292  ) 

plusieurs  grattoirs,  dont  un,  bien  taillé,  à  forme  classique; 
une  hachette  dont  le  tranchant  a  été  fortement  retouché; 
enfin,  une  pointe  de  flèche  à  ailerons  (pi.  I,  n°  5),  objet 
dont  je  ne  connais  pas  d'autre  exemplaire  en  phtanite. 

Les  quatre  cinquièmes  des  silex  compris  dans  cette  col- 
lection ont  été  recueillis  à  la  Qucniquc  ou  dans  les 
terrains  qui  forment  la  continuation  de  ce  plateau,  c'est- 
à-dire  sur  les  parties  les  plus  élevées  du  trapèze  qui  a 
pour  base  le  chemin  de  fer  du  Grand-Luxembourg,  pour 
côtés  les  vallées  de  l'Orne  et  de  la  Dyle,  pour  sommet 
la  vallée  inférieure  de  la  Thyle.  Le  reste  a  été  trouvé  des 
deux  côtés  de  la  vallée  de  la  Dyle,  particulièrement  en 
deux  endroits  :  l'un  au-dessus  du  confluent  de  la  Dyle  et 
de  la  Cala,  sur  le  plateau  où  s'élève,  aux  confins  de  la 
commune  de  Bousval,  une  tombe! le  dite  la  Tombe  de  la 
iielle-Alliancc,  fouillée  sans  résultat  il  y  a  quatre  ans  (1); 
l'autre,  au  lieu  dit  le  Fond  des  Mées,  parmi  les  ondulations 
qui  dominent  la  rive  gauche  de  la  Thyle.  En  général,  on 
peut  dire  que,  dans  toute  la  partie  de  la  commune  située 
en  deçà  de  la  rive  gauche  de  la  Thyle  et  de  la  rive  droite 
de  l'Orne,  des  traces  de  l'industrie  préhistorique  ont  été 
relevées  partout  où  le  sol  est  resté  à  l'état  de  bruyères 
et  de  bois,  c'est-à-dire,  en  général,  là  où  il  est  formé 
de  sables  bruxelliens.  Toutefois  il  n'est  pas  permis  d'en 
conclure  que  ces  produits  aient  été  moins  abondants  sur 
les  points  intermédiaires.  Ici,  en  effet,  le  sol  ordinaire- 
ment argileux  a  été  livré  à  la  culture  de  temps  immé- 
morial, ce  qui  a  dû  amener  depuis  longtemps  la  disper- 


(1)  Voir  sur  cette  fouille  le  rapport  de  M.  le  baron  de  Loë  dans 
I' 'Annuaire  de  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  année  1893. 


(  293  ) 

sion  des  silex  travaillés.  Il  convient  de  mettre  à  part  1rs 
cinq  ou  six  hectares  de  la  Quenique,  où  l'abondance  des 
produits  semble  attester  l'existence  d'une  véritable 
station,  antérieure  aux  tombelles  ou  contemporaine  de 
leur  érection. 


B.  -  -  Paléolithique. 

Si  intéressants  que  puissent  être,  à  titre  de  collection 
exclusivement  locale,  ces  vestiges  de  l'époque  néolithique, 
je  ne  me  serais  pas  cru  autorisé  à  en  occuper  les  moments 
de  la  Classe,  s'ils  n'avaient  été  complétés  récemment  par 
une  découverte  qui  tend  à  reculer  considérablement  dans 
le  passé  l'âge  où  l'homme  a  occupé  la  région. 

Déjà  à  plusieurs  reprises  j'avais  rencontré  des  éclats 
travaillés  qui,  par  leur  aspect  général,  leur  forme,  leur 
patine,  faisaient  penser  à  une  industrie  paléolithique, 
comme  celle  dont  M.  (J.  Cumont  a  recueilli  les  produits 
dans  une  autre  localité  du  Drabant,  à  Rhode-Saint-Genèse, 
—  entre  autres  un  couteau  grossier,  ayant  servi  sur  les 
deux  tranchants,  un  racloir  latéral,  des  éclats  grattoirs, 
dont  un,  assez  volumineux,  laisse  apercevoir  son  bulbe 
de  percussion  (pi.  II,  n°  1),  un  fragment  de  hache  (pi.  II, 
n°  2);  etc.  L'an  dernier,  e'était  une  hache  en  grès  sili- 
ceux, assez  ébrêçhée,  taillée  en  amande,  présentant  de 
nombreuses  traces  de  martelage,  qui  était  trouvée,  au 
bord  d'un  petit  jardin,  près  de  la  Quenique  (pi.  III). 

Enfin,  il  y  a  deux  mois,  mes  ouvriers,  en  défonçant  le  sol 
d'une  sapinière,  à  70  centimètres  de  profondeur,  rame- 
naient à  la  surface  du  sable  bruxellien  deux  belles  haches 
en  amande  d'un  type  acheuléen  parfaitement  caractérise 


(  294  ) 

bien  que  d'une  patine  différente,  Tune  d'un  blanc  laiteux 
sur  les  deux  faces,  la  seconde  blanche  sur  une  face,  bleuâtre 
nuancée  de  blanc  sur  l'autre  (pi.  ÏV,  n0<  1  et  5).  Elles 
étaient  enfouies  à  quelques  mètres  de  distance;  aux  alen- 
tours, je  relevai,  dans  le  terrain  remanié,  des  traces  de 
charbon  de  bois. 

Ces  deux  haches  sont  identiques  de  forme  et  de  pro- 
portions avec  celles  que  M.  De  Pauvv,  le  savant  conserva- 
teur des  collections  de  l'Université  de  Bruxelles,  a  décou- 
vertes, il  y  a  quelques  années,  dans  une  autre  localité  du 
bassin  de  la  Dvle,  localité  dont  il  s'est  réservé  de  faire 
ultérieurement  connaître  le  nom  (1).  Il  est  donc  probable 
que  la  peuplade  quaternaire  dont  j'ai  retrouvé  les  traces 
à  Court-Saint-Étienne  occupait  plusieurs  stations  dans  la 
vallée  de  la  Dyle,  s'étendant  peut-être  vers  le  nord-ouest 
jusqu'à  Rhode-Saint-Genèse,  et,  en  tout  cas,  maintenant 
des  relations  avec  les  populations  du  Hainaut  qui  lui  four- 
nissaient ses  silex.  Ainsi  se  trouve  de  plus  en  plus  justifiée 
l'opinion  —  émise  il  y  a  longtemps  déjà  par  notre  émi- 
nent  confrère  M.  Éd.  Dupont  -  -  qu'à  l'époque  où  les 
troglodytes  quaternaires  du  bassin  de  la  Meuse  utilisaient 
les  silex  de  la  Champagne,  nos  plaines  étaient  habitées 
par  des  peuplades  en  rapport  avec  les  populations  de  la 
Somme  et  des  environs  de  Mesvin. 

Il  est  à  observer  que  le  point  exact  où  ces  haches  ont 
été  exhumées  n'est  pas  à  cent  mètres  de  la   première 


(l)Les  haches  de  M.  De  Pauw,  de  même  que  les  pièces  deM.  Cumont, 
ont  figuré  à  l'exposition  préhistorique  organisée  à  Bruxelles,  il  y 
a  six  ans,  par  la  Fédération  archéologique  et  historique  de  Belgique. 
^Compte  rendu  de  la  septième  session  delà  Fédération.  Bruxelles  1892, 
pi.  IX  et  X.) 


(  29d  ) 

tombelle  de  la  Qucniquc.  Il  y  a  donc  là  une  nouvelle 
confirmation  de  la  thèse  que,  à  toutes  les  époques  de  la 
préhistoire  comme  de  l'histoire,  les  populations  qui  se 
sont  succédé  ont  habité  de  préférence  les  mêmes  régions, 
se  sont  fixées  à  tour  de  rôle  sur  les  mêmes  points. 

On  ne  peut,  du  reste,  s'en  étonner,  quand  on  voit  les 
avantages  naturels  qu'offrait  ce  plateau.  Dominant,  en 
effet,  de  ses  escarpements  le  cirque  naguère  marécageux 
où  coule  l'Orne,  il  vient  aboutir  au  point  où  la  crête 
commence  à  s'abaisser  sur  la  vallée  de  la  Thyle,  près  de 
la  naissance  d'un  vallon  latéral  qui  descend  en  pente 
douce  dans  la  large  vallée  de  la  Dyle,  alors  qu'en  arrière 
le  terrain  s'incline  d'une  façon  presque  insensible  vers 
un  petit  atïïuent  de  la  Dyle,  le  Ry  Angon.  (Voir  la  carte 
ci-jointe.) 

En  résumé,  nous  trouvons  à  la  Quenique  : 

1°  Des  traces  d'une  industrie  paléolithique; 

2°  Les  vestiges  d'une  importante  station  néolithique; 

3°  Un  cimetière  à  incinération  appartenant  au  premier 
âge  du  fer. 

Pour  continuer  la  série,  du  moins  en  ce  qui  concerne 
le  territoire  de  la  commune,  dans  un  rayon  de  moins  de 
"2  kilomètres,  on  peut  encore  mentionner  : 

4°  Des  traces  d'occupation  romaine.  On  a  trouvé,  en 
effet,  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  au  bois  de  Mori- 
mont,  près  du  Ry  Angon,  les  débris  d'une  antique  con- 
struction où  la  tradition  veut  qu'on  ait  recueilli  des 
lampes  et  même  des  monnaies  romaines.  Des  fragments 
de  tuiles  romaines  s'y  rencontrent  encore  aujourd'hui. 
Enfin,  sur  la  rive  droite  du  Ry  Angon,  au  sommet  de  la 
colline  qui  forme  la  limite  entre  les  communes  de  Court, 


(  290  ) 

de  Céroux-Mousty  et  d'Ottignies,  MM.  Thibaut  et  Cordier 
ont  trouvé,  il  y  a  sept  ans,  avec  les  restes  d'une  petite 
station  néolithique,  une  monnaie  d'Hadrien  ainsi  que 
des  urnes  et  des  vases  gallo-romains  dont  l'un  portait  le 
nom  du  potier  (1); 

5°  Le  souvenir  d'établissements  francs,  qui  s'est 
maintenu  dans  le  nom  même  du  Ry  Ângon,  ainsi  que 
dans  celui,  plus  significatif  encore,  du  hameau  de  Fran- 
quegnies; 

6°  En  face  de  la  Quenique,  au  confluent  de  l'Orne  et 
du  Glory,  sur  une  butte  naturelle,  une  enceinte  retran- 
chée qui  doit  être  antérieure  à  l'époque  où  le  village  entre 
dans  l'histoire,  vers  le  XIe  siècle  de  notre  ère  (2). 

Des  constatations  analogues  ont  déjà  eu  lieu  sur  d'au- 
tres points  du  pays.  Tout  permet  de  présumer  qu'elles 
ne  s'arrêteront  pas  là.  Où  ont  séjourné  les  conquérants  de 
notre  sol,  à  l'origine  de  l'histoire,  ont  campé  avant  eux 
les  peuplades  des  âges  du  métal;  celles-ci  n'ont  fait  que 
succéder  aux  hommes  de  la  pierre  polie,  et  c'est  là  où  se 
sont  accumulées  les  traces  de  l'industrie  néolithique  qu'il 
y  a  le  plus  de  chances  de  trouver  les  vestiges  de  ses  devan- 
cières, aussi  bien  sur  les  plateaux  du  Brabant  que  dans 
les  vallées  du  Hainaut,  les  grottes  de  la  Meuse  et  les 
plaines  du  Limbourg. 


(1)  Bulletins  de  la   Société  d'anthropologie   de   Bruxelles,   t.  X, 
Bruxelles,  1891-1892,  pp.  184-186. 

(2)  Annales  de  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  t.  IV,  Bruxelles. 
1891,  t.  V,  p.  54  et  pi.  II»». 


CARTE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  COURT-ST-ÉTIENNE 


~-"^      J/T  {  VN 


^~ry 


Fcanqixënel 


La  Motte 


.A 

AN  t]«l//il«  AN^B  UN 

AN  „<  AN 

an  AN  /    Château.  4" 

Court  ~S MEtienne     > 


n 

No/rhàt* 


Siizcril 


■ê 


iSart-Messj're  —  iTiuUaume 


?.f- \;y»'"--       Le    Chenoy 


InstiM  mrtvtjTftpkimie  militain 


-J    K 


■  . 

Mai  iiï()-. 


Echelle    do    +  o  ooo 


(  297  ) 


Carte  archéologique  de  Court-Saint-Étienne. 


LÉGENDE. 

X^X  Station. 

A  Découverte  d'objets  réunis. 

A  Découverte  d'objets  isoles. 

r>  Tumulus. 

..*.♦/  Cimetière  à  incinération. 

\_ï^  Sépulture  isolée 

Q  Oppidum. 


(Les  sept  signes  ci-dessus  sont  empruntés  à  la  nomen- 
clature proposée  par  M.  E.  Delvaux  dans  son  Essai  d'un*' 
carte  préhistorique  de  la  Belgique,  Feuille  de  Flobecq, 
dans  le  tome  VIII  des  Annales  de  la  Société  belge  d'anthro- 
pologie. Bruxelles,  1888.) 


P.  Paléolithique. 

N.  Néolithique. 

F1.  Premier  âge  du  1er. 

R.  Romain  ou  gallo-romain. 


S 


(  298  ) 

Silex  travaillés  de  Court  Saint  É  tienne 


EXPLICATION     DES     PLANCHES. 

(Figures  de  grandeur  naturelle.) 
PLANCHE  I. 

ÉPOQUE   NÉOLITHIQUE. 

Fig.  1.  —  Hachette  polie  en  psammite. 

Fig.  2.  —  Ciseau  ou  lissoir  poli  en  silex  du  gisement  de  Wansin. 

Fig.  3.  —  Hachette  taillée,  polie  sur  l'extrémité  en  biseau,  adoucie 

sur  la  crête  et  retaillée  sur  les  côtés,  en  silex  de 

Spiennes. 
Fig.  4.  —  Couteau,  qui  a  pu  servir  de  racloir  et  de  poinçon,  en 

silex  gris. 
Fig.  5.  —  Pointe  de  flèche  en  phtanite. 

PLANCHE  11. 

ÉPOQUE   PALÉOLITHIQUE. 

Fig.  1.  —  Grattoir,   montrant   le    bulbe    de    percussion,    eu   grès 

siliceux. 
Fig.  2.  —  Moitié  inférieure  d'une  hache,  l'orme  d'amande,  en  grès 

siliceux. 

PLANCHE  III. 

ÉPOQUE  PALÉOLITHIQUE. 

Fig.  1.  —  Hache,  forme  d'amande,  en  silex. 

Fig.  2.  —  Coupe  de  la  même,  passant  par  les  points  a,  b,  c  de  la 

figure  1.  La  lettre  b  marque  un  point  qui  a  été  martelé 

pour  enlever  les  saillies. 

PLANCHE  IV. 

ÉPOQUE   PALÉOLITHIQUE. 

Fig.  1.  —  Hachette,   forme  d'amande,  eflilée  a  son  extrémité,  en 

silex  de  Spiennes  (?). 
Fig.  2.  —  Coupe  de  la  même,  passant  par  les  lettres  a,  b  c. 
Fig.  3.  —  Hachette,  forme  d'amande,  en  silex  de  Spiennes  ? . 


.  .  t.  XXXIII, 


FlG.  2. 


Fig.  3. 


FiG.  5. 


Fig.  4. 

Phctotypie  E.  Castelein.  Bruxelles. 


.y.  d»  lActtd.  roy 

r.,  t.   XXXIII,  n«  i,  p.  2S6.  1897. 

Pl.  11. 


Fig.  2. 


' 


**,. 


r 

^ 


Fig.  1. 


Phototypie  E.  Casteleiu.  Bruxelles. 


Iles. 


3«  scr.,  t.  XXXIII, 

Pl.  III. 


FlG.   1. 


Phototypic  E.  Castelein.  Bruxelles. 


:  a,  Bull,  d*  VAcad 
3.  s<ir.,  t.  XXXIII,  n«  1,  p.  «86,  1897. 

IV.   IV. 


Fig.  3. 


Fig.  I. 


Phototypie  E.  Castelein.  Bruxelles. 


(  299  ) 


Preuve  de  la  nutation  diurne  par  les  écarté  systématiques 
(ronces  dans  les  latitudes  déterminées  à  ÏJck  Observatoru, 

par  F.  Folie,  membre  de  l'Académie. 

Dans  une  laborieuse  analyse  des  latitudes  observées  de 
septembre  1893  à  juin  1896,  M.  Tucker,  astronome  de 
Lick  Observalory,  a  eu  l'idée  de  rechercher  les  variations 
horaires  de  la  latitude  observée,  variations  qui  présentent 
un  caractère  nettement  systématique  (*). 

Il  ne  fait  aucune  allusion  à  la  cause  probable  de  ces 
variations,  étant  persuadé,  comme  la  grande  majorité  des 
astronomes,  de  la  correction  des  formules  dont  ils  font 
usage,  et  ces  formules  ne  renfermant,  parmi  les  termes 
de  réduction  des  déclinaisons  observées  dans  le  méridien, 
aucun  terme  exclusivement  horaire. 

Car  la  nutation  eulérienne  ne  présente  nul  caractère 
horaire  dans  ces  formules,  qui  sont  rapportées  au  pôle 
instantané;  et,  si  elle  le  présente  dans  les  formules 
rapportées  au  pôle  géographique,  ce  n'est  pas  à  cette 
nutation,  toutefois,  que  nous  pouvons  attribuer  les  varia- 
tions horaires  constatées,  parce  que  l'argument  de  la 
nutation  eulérienne  en  déclinaison  est,  dans  le  méridien, 
<A  —  «,  U  désignant  l'argument  eulérien,  dont  la  période 
est  de  505  jours  pour  une  Terre  solide;  en  sorte  mie, 
dans  la  combinaison  d'observations  faites  à  des  dates  t 
différentes,  la  moyenne  ne  pourra  plus  dépendre  nette- 
ment de  cl. 


(')  Astronomical  Journal,  n°  398. 


(  300  ) 

C'est  donc  dans  l'existence  d'un  autre  ternie  théorique 
horaire  de  la  natation  en  déclinaison  qu'il  faut  rechercher 
la  cause  des  variations  constatées. 

Or,  si  je  laisse  de  côté  les  termes  périodiques  de  la 
nutation  diurne,  auxquels  s'applique  ce  que  je  viens  de 
dire  de  la  nutation  eulérienne,  elle  se  réduira,  en  décli- 
naison, à 

Aj  =  v  1,155  sin(iL  -+-  a)  =  ^  -  fa  (*), 

L  représentant  la  longitude  du  premier  méridien  par 
rapport  à  l'observatoire,  cp0  la  latitude  observée,  calculée 
au  moyen  des  formules  usuelles,  <I>()  cette  latitude  corrigée 
du  terme  non  périodique  de  la  nutation  diurne.  Soit  o  la 
moyenne  des  ç(), 

r  désignant  le  résidu  obtenu  par  M.  Tucker,  w  la  correc- 
tion de  la  latitude  moyenne  qu'il  a  adoptée,  on  aura 

Ao  =  <f  —  f0  -+-  'i>0  —  <f  =  r  ■+■  w, 

ou,  en  prenant 

1,155  v  sin2L  =  x,        1,155  v  cos2L  =  y, 
(1) x  cos«  -+-  y  sina — w  =  r. 

Les  valeurs  de  x  et  de  y  étant  déterminées,  on  en 

déduira 

x 
ig2L  =  -; 

U 

(2). 

X  7/ 

1,11)5  v  = 


si ii -2  L       cosv2L' 


(*)  Traité  des  réductions  stellaires,  1889,  p.  70. 


(  501   ) 
et  l'on  connaîtra  ainsi  la  longitude  orientale  L  du  pre- 
mier méridien   par  rapport  à   Lick  Observatory,  et  le 
coefficient  v  de  la  nutation  diurne. 

On  remarquera  que  L'équation  (1)  est,  abstraction  faite 
de  toute  formule  préétablie,  la  forme  empirique  la  plus 
simple  qu'on  puisse  employer  pour  réduire  les  résidus  r, 
qui  présentent  indubitablement,  comme  on  le  voit  dans 
le  tableau  qui  suit,  un  caractère  systématique  dépendant 
de  l'ascension  droite. 

"J  heures  i  heures  t>  heures 


7  —10 


11 


15 


1" 

12 

■+- 

11 

2" 

9 

5" 

6 

— 

5 

5" 

14 

— 

1 

6" 

7 

7" 

1 

— 

17 

9" 

50 

■+■ 

14 

10" 

19 

111' 

9 

— 

1 

15" 

—    1 

— 

2 

14" 

2 

I5L 

—    5 

-+- 

4 

17" 

—  12 

■+■ 

2 

18" 

—  12 

19" 

—  12 

-4- 

4 

21  ii 

—  IG 

— 

2 

21" 

—  10 

-25" 

—  17 

— 

9 

15" 


21"  —15    —  1 


Dans  ce  tableau,   les  r  sont  les  différences  entre  la 


(  502  ) 

latitude  moyenne  adoptée  et  la  latitude  déduite  des  étoiles 
observées  :  1°  entre  0  et  2  heures,  2  et  4  heures,  etc.; 
2°  entre  0  et  4  heures,  etc.  ;  5°  entre  0  et  6  heures,  etc.; 
les  r'  sont  les  résidus  obtenus  par  la  substitution  à  x,  »/, 
a-  des  valeurs  trouvées  pour  ces  inconnues. 

Ces  valeurs,  résultant  des  vingt-deux  équations  de 
condition  (1)  formées  au  moyen  du  tableau  précédent, 
en  attribuant  les  poids  respectifs  1,4  et  1,7  aux  résidus 
de  la  deuxième  et  de  la  troisième  colonne,  sont 

a  =  —0,051,     7/  =  -+-  0,166,     w  =  0,914. 

On  en  déduit,  au  moyen  des  équations  (2), 

]glg2L  =  9,4884,,,     2h  =  22h,8,     L  =  ll",4, 

longitude  orientale  du  premier  méridien  par  rapport  à 
Lick  Observatorv,  ou  ô  heures  par  rapport  à  Greenwich; 
puis  v  =  0",lo0,  coefficient  de  la  nutation  diurne.  Or 
les  déterminations  que  nous  avons  faites  des  constantes 
de  la  nutation  diurne,  au  moyen  des  observations  de 
Struve  en  ascension  droite  et  de  Gyldén  en  déclinaison, 
ont  donné  toutes  deux 

L  =  Sh  25"'  E.  de  Greenwich,     v  =  0",067  ['). 

Eu  égard  au  très  petit  nombre  d'équations  employées, 
on  doit  reconnaître  que  la  longitude  du  premier  méridien 

(*)  Révision  des  constantes  de  l'astronomie  stellaire,  189G. 


(  50.1  ) 
est  déterminée,  par  les  observations  de  la  latitude  de 
Lick  Observatory,  d'une  manière  fort  satisfaisante;  quanl 
au  coefficient  de  la  nutation  diurne,  il  va  <!«'  soi,  me 
semble-t-il,  que  la  valeur  qu'on  a  déduite  de  ces  obser- 
vations doit  être  trop  forte,  parce  que  la  mita I ion  eulé- 
rienne  n'en  est  que  très  imparfaitement  éliminée.  J'ajou- 
terai que,  si  l'on  résout  séparément  les  trois  groupes  1  . 
2°  et  5°,  on  arrive,  pour  2L,  à  des  valeurs  très  concor- 
dantes. 

Cette  preuve  de  la  nutation  diurne  vient  s'ajouter  à 
toutes  eelles  que  j'en  ai  données,  et  dont  voici  les  plus 
importantes. 

Après  avoir  éliminé,  par  des  combinaisons  de  passage 
supérieurs  et  intérieurs,  la  nutation  eulérienne  des  obser- 
vations de  la  polaire  faites  par  Struve,  en  ascension 
droite,  de  182:2  à  182<>,  au  nombre  de  200,  et  par  Gyldén, 
en  déclinaison,  de  1805  à  1870,  au  nombre  de  Ô12. 
nous  en  avons  déduit,  pour  les  constantes  de  la  nutation 
diurne  : 

v  ■=  0",070  ±  0,001 9,     L  =  1 1  "  9m  ±  7"1  E.  de  Poulkova  ; 

et 

0",0G2  ±  0,0024,     L  =  1 2h  5 1  "'  ±  8'" 

dont  la  combinaison  a  donné 

v  =  0",067  ±  0,001 5,     L  =  1 Si"  16m  db  5™  f) 
=  2,,25m  E.  de  Greenwich. 


t*j  Revision  des  constantes  de  l'astronomie  stelluire,  1896. 


(  304  ) 

La  comparaison  des  catalogues  de  Bruxelles  et  de 
Washington,  fondés  sur  un  système  de  réduction  uni- 
forme, a  donné 

y  =  0",071,     L  =  12h54m. 

Je  suis  parvenu  à  réduire  très  considérablement  les 
différences  systématiques  constatées  par  Downing  entre 
les  catalogues  de  Greenwich,  de  Melbourne  et  du  Cap, 
en  prenant 

v  =  o",075,     L  =  ll"5m. 

Les  variations  systématiques  constatées  par  Gould  dans 
les  déclinaisons  qu'il  a  observées  à  Cordoba  pendant 
sept  ans,  sont  représentées  empiriquement  par  sa  formule 

Ac?=0",075sin(l8h  -4-  a). 

Le  terme  de  notre  formule  précédente  (1)  est  absolu- 
ment de  la  même  forme,  et  sa  comparaison  avec  le  terme 
empirique  de  Gould  donne 

v  =  0",0G5,     L  =  01'  5m, 

valeur  trop  faible  de  l''5m  environ  (*). 

Nous  venons  de  trouver  enfin,  par  les  différences 
systématiques  de  Lick  Observatory, 

v  =  0",l5,     L  =  5,l0ra. 


(*)  Notices  extraites  de  Y  Annuaire  de  l'Observatoire  pour  1897. 


(  305  ) 
Les  écarts  entre  les  dernières  valeurs  de  L  et  la  véri- 
table proviennent  de  la  non-élimination  de  la  nutation 

eulérienne.  Il  en  est  de  même  des  valeurs  tirées  des 
observations  de  la  polarissime  de  Fabritius  à  des  inter- 
valles de  quelques  heures  seulement,  au  nombre  de  onze, 
dont  chacune  a  donné  individuellement  des  valeurs  com- 
prises toutes  entre  0",05  et  0",15  pour  y,  entre  <Sh  Tm 
e1  I2h7m  pour  L  (*). 

Aussi  longtemps  qu'on  ne  tiendra  pas  compte  de  la 
nutation  diurne,  on  doit  s'attendre  à  des  réductions 
incorrectes,  à  moins  qu'on  ne  veuille  se  borner,  au  plus, 
au  0",4  en  déclinaison. 

Je  serais  bien  charmé  que  la  critique  qui  en  a  été 
faite  (**)  fût  reprise  à  nouveau  sur  les  éléments  résumés 
dans  mon  Précis  historique  de  la  découverte  de  la  nutation 
diurne  {***). 

Si  l'on  ne  le  fait  pas,  il  me  sera  certes  permis  de 
considérer  ce  silence  comme  un  aveu  d'impuissance. 

Le  calcul  des  observations  de  Lick  Observatory  a  été 
effectué  avec  une  extrême  obligeance  par  M.  Nieslen,  chef 
du  service  astronomique  à  l'Observatoire  royal;  je  me 
plais  à  lui  réitérer  ici  l'expression  de  ma  plus  vive  recon- 
naissance pour  l'aide  dévouée  qu'il  n'a  cessé  de  me  prêter 
dans  mes  recherches  sur  ce  sujet. 


(')  Révision  des  constantes  de  i 'astronomie  s  tel  luire. 

C)  Astr.  Nachr.,  2975. 

(*")  Notices  ex  traites  jle  l'Annuaire  pour  1897. 


5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  21 


(  306  ) 


Phénomènes  naturels  observés  pendant  le  mois  de  mars  1 89  7 ; 
par  F.  Folie,  membre  de  l'Académie. 

Uccle.  -  -  Le  45,  feuillaison  :  chèvrefeuille  de  Tar- 
tarie;  le  18,  floraison  :  saule  Marceau;  le  19,  pulmonaire, 
bruyère  carnée  ;  le  20,  feuillaison  :  daphné,  lilas,  sureau, 
framboisier;  le  20,  floraison  :  saule  Marceau,  ficaire, 
anémone,  luzule;  le  25,  poteiilillc  blanche;  le  26,  feuil- 
laison :  merisier,  poirier;  le  26,  floraison  :  groseillier 
sanguin,  primevère,  oxalis;  le  27,  feuillaison  :  épine 
vinette,  groseillier  rouge,  groseillier  noir;  le  29,  faux 
ébénier,  lilas  de  Perse,  sorbier,  aubépine;  le  29,  flo- 
raison :  groseillier  à  maquereau,  ortie  blanche,  couronne 
impériale. 

Tilff.  Le  15,  feuillaison  :  chèvrefeuille;  le  19, 
floraison  :  saule  Marceau,  violette,  primevère,  potentille 
blanche;  le  22,  potentille  jaune;  premières  fleurs  de 
l'ajonc;  le  29,  floraison  :  pécher  en  plein  vent,  cresson 
alénois,  pleine  floraison  des  ajoncs. 

Linsmeau.  -  -  Le  12,  floraison  :  violettes. 

Hestreux.  Le  19,  floraison  :  daphné;  chant  du 
rouge-gorge. 

Uccle.  -  -  Le  28,  une  hirondelle  de  cheminée. 

Tilff.  -      Le  5,  salamandre  terrestre. 


(  307  ) 


l.'oocyte  de  Pholcus  phalangioides  Fuessl.  Communication 
préliminaire  (1);  par  Ch.  Van  Bambeke,  membre  de 
l'Académie. 

Les  préparations  qui  ont  servi  de  base  à  ce  travail 
ont  été  faites  du  21  au  20  avril  de  l'année  1896.  Les 
ovaires,  après  isolement  rapide,  onl  été  traités  de  deux 
Tarons  différentes  :  1°  fixation  par  la  liqueur  de  Ilermann. 
coloration  par  la  safranine,  décoloration  par  l'alcool  à 
l'acide  picrique,  etc.;  "2°  fixation  par  la  solution  aqueuse 
de  sublimé;  traitement  par  l'iode,  coloration  par  l'héma- 
toxvline  (méthode  de  M.  Heidenhain),  etc. 

Les  modifications  subies  par  l'œuf  ovarique  de  Pholcus 
phalangioides,  pendant  la  période  dite  d'accroissement, 
permettent  de  distinguer  quatre  stades  principaux,  quand 
on  a  surtout  en  vue  la  formation  du  vitellus  nutritif 
(protoleucvte,  Fol.;  deutoplasme,  Éd.  Van  Beneden).  Je 
désignerai  ces  stades  comme  il  suit  : 

Premier  stade.  -  -  Apparition  et  développement  d'une 
formation  que  je  considère  comme  représentant  un  corps 
vitellin  de  Balbiani  ; 


(l)  Le  mémoire  in  extenso  avec  planches  est  presque  entièrement 
achevé  en  ce  moment.  Dans  une  note  qui  vient  de  paraître  dans  le 
numéro  du  18  mars  1897  de  l'ANATOMlSCHER  Anzeiger  :  Ueber  die 
Structiir  der  Diplopodeneier,  le  Dr  Bohumil  Némec  arrive  à  des  résul- 
tats qui,  sous  plusieurs  rapports,  concordent  avec  ce  que  j'ai  vu  chez 
Pholcus.  C'est  ce  qui  m'engage  à  présenter  aujourd'hui,  à  la  Classe, 
la  présente  communication. 


(  508  ) 
Deuxième  stade.  —  Désagrégation  de  ce  corps  vitellin  ; 

Troisième  stade.  -  -  Métamorphose  graisseuse  des  élé- 
ments figurés  provenant  de  cette  désagrégation  ; 

Quatrième  stade.  —  Vacuolisation  progressive  du  vitel- 
Ins  à  la  suite  de  la  genèse  des  sphères  vitellines. 

Premier  stade.  —  Apparition  et  développement  du  corps 

vitellin. 

Les  oocytes  les  plus  jeunes,  de  forme  assez  variable, 
le  plus  souvent  sphérique  ou  ovoïde,  renferment  une  vési- 
cule germinative  relativement  volumineuse  (son  plus 
grand  diamètre  égale  au  moins  la  moitié  de  celui  du 
vitellus);  les  granulations  y  contenues  et  sa  paroi  sont 
colorées  en  rouge  par  la  safranine;  quand  il  existe  une 
tache  germinative,  elle  est  aussi  le  plus  souvent  safrani- 
nophile;  toutefois,  dans  quelques  ovules,  je  l'ai  trouvée 
pâle  et  de  couleur  jaunâtre. 

.Mais  ce  qui  frappe  surtout  dans  ces  jeunes  oocytes, 
c'est  la  présence  d'un  élément  fixant  aussi  la  safranine, 
siégeant  dans  le  vitellus  et  se  présentant  sous  différents 
aspects  :  tantôt  sous  celui  d'une  granulation  sphérique  en 
contact  avec  la  paroi  nucléaire;  tantôt  sous  celui  d'un 
croissant  embrassant  cette  paroi  par  sa  face  concave; 
enfin,  et  c'est  le  cas  le  plus  fréquent,  sous  l'aspect  d'une 
sorte  de  bâtonnet  ou  de  petite  niasse  ovoïde  qu'entoure 
une  zone  claire  très  nette.  Dans  certains  ovules,  cette 
zone  semble  se  confondre  avec  le  contenu  clair  de  la 
vésicule  germinative;  la  zone  et  son  contenu  apparaissent 
alors  comme  une  sorte  de  bourgeon  de  cette  vésicule.  Peut- 
être  la  forme  de  bâtonnet  ou  de  petite  masse  ovoïde  repré- 


(  309  ) 
sente-t-elle  un  stade  plus  avancé  de  la  forme  granulaire 
et  de  celle  en  croissant.  A  cette  phase,  «m  trouve  fréquem- 
ment dans  le  vitellus,  indépendamment  de  l'élément  en 
question,  un  amas  de  petites  granulations  safranino- 
philes;  mais  je  n'ai  rien  rencontré  rappelant  un  centro- 
some  ou  une  sphère  attractive. 

Au  sujet  de  Vorigine  de  l'élément  safraninophile  ren- 
fermé dans  le  vitellus,  je  ne  puis  rien  affirmer  de  façon 
positive,  et  je  ne  veux  pas  discuter  cette  question  pour 
le  moment;  je  dirai  toutefois  que  plusieurs  faits  me 
semblent  favorables  à  l'hypothèse  d'une  origine  nucléaire. 

Quelle  que  soil  d'ailleurs  son  origine,  je  crois  devoir 
considérer  l'élément  safraninophile  comme  représentant 
un  corps  vitellin  de  Balbiani.  Sans  doute,  pour  ainsi  dire 
dès  son  apparition,  il  s'éloigne  par  sa  forme,  et  notam- 
ment par  l'absence  de  vésicule  centrale,  d'un  corps  vitellin 
typique.  Nous  allons  voir  que,  dans  la  suite,  il  s'en  éloigne 
davantage  encore  par  son  aspect  général  et  son  grand 
développement.  Mais,  d'autre  part,  plusieurs  arguments 
plaident  en  faveur  de  la  signification  que  je  lui  attribue  : 
tels  sa  colorabilité,  sim  siège  au  milieu  d'une  zone  claire 
et  dans  le  voisinage  de  la  vésicule  germinative,  et  surtout 
son  rôle  exactement  identique  à  celui  que,  chez  d'autres 
aranéides,  l'Argyronète  aquatique  par  exemple,  joue  l'élé- 
ment auquel  tous  les  biologistes  reconnaissent  la  valeur 
d'un  vrai  corps  vitellin. 

L'accroissement  des  ovules  du  premier  stade  porte  sur 
toutes  leurs  parties  constituantes,  de  telle  façon  que  les 
dimensions  relatives  de  la  vésicule  germinative  et  du  vitel- 
lus paraissent  d'abord  se  maintenir;  mais  peu  à  peu  ce 
dernier  l'emporte  en  développement  sur  la  première  dont 
le  plus  grand  diamètre  n'équivaut  plus,  à  la  fin  «lu  stade, 
qu'au  tiers  environ  de  celui  du  vitellus.  Quant  au  corps 


(  310) 
vitellin,    indépendamment    de    son    augmentation    de 
volume,  il  se  transforme  aussi  notablement,  comme  nous 
allons  le  voir,  dans  sa  forme  et,  jusqu'à  un  certain  point, 
dans  sa  constitution. 

A  part  l'augmentation  progressive  de  sa  masse,  le 
vitellus  ne  subit  pas  de  modifications  bien  appréciables. 

Dans  la  vésicule  germinative,  c'est  surtout  la  tache 
germinative  qui  mérite  de  fixer  l'attention.  Je  dois  me 
contenter  de  dire  ici  qu'elle  est  constante  (si  elle  fait 
défaut  sur  une  coupe,  on  peut  s'assurer  de  sa  présence 
par  l'examen  des  coupes  voisines),  presque  toujours 
unique,  très  rarement  accompagnée  d'une  tache  ou  de 
taches  accessoires,  volumineuse,  sphérique  ou  à  peu  près 
sphérique,  fixant  fortement  la  safranine,  sans  structure, 
mais  constamment  vacuolée,  les  vacuoles  ayant  des 
dimensions  variables  et  faisant  fréquemment  saillie  à  sa 
surface;  dans  certains  vacuoles,  on  découvre  des  granules 
safraninophiles. 

Des  cristalloïdes  rappelant,  à  maints  égards,  ceux 
décrits  par  Reinke  dans  les  cellules  interstitielles  du  tes- 
ticule chez  l'homme,  se  rencontrent  fréquemment  dans 
le  vitellus,  plus  rarement  dans  la  vésicule  germinative, 
et  plus  rarement  encore  dans  la  tache  germinative. 

Les  transformations  subies  par  le  corps  vitellin  portent 
sur  sa  forme,  ses  dimensions  et  sa  constitution. 

Forme.  - —  A  la  forme  de  bâtonnet  ou  de  petite  masse 
ovoïde,  caractéristique  de  la  plupart  des  plus  jeunes 
oocytes,  succède  bientôt  une  sorte  de  boyau  ou  de  bour- 
relet incurvé,  à  convexité  externe,  à  concavité  tournée 
vers  le  centre  de  l'œuf.  Ce  bourrelet  s'accroît  rapide- 
ment; il  tend  de  plus  en  plus  à  former,  autour  de  la  par- 
tie centrale  du  vitellus  et  de  la  vésicule  germinative,  une 


(  3"  ) 

zone  nettement  distincte  du  reste  de  la  masse  vitelline. 
Dans  la  plupart  des  ovules,  la  zone  n'embrasse  pas  toute 
la  masse  vitelline  centrale  et  se  termine  par  deux  extré- 
mités libres;  mais,  dans  certains  oocytes,  les  extrémités 
se  rejoignent  et  l'espèce  de  croissant  ou  de  1er  à  cheval 
qui  constitue  la  règle  se  trouve  alors  remplacée  par  une 
zone  complète. 

Comme  il  ressort  également  de  l'examen  de  coupes 
successives  d'un  même  ovule,  fréquemment  le  bourrelet 
ne  présente  pas,  dans  toute  son  étendue,  une  épaisseur 
uniforme,  et  souvent  aussi  son  trajet  est  plus  ou  moins 
llexueux.  Ailleurs,  on  voit  partir,  de  la  face  interne  du 
bourrelet,  des  prolongements  de  forme  et  de  longueur 
variables,  qui  ajoutent  encore  à  son  irrégularité.  On  peut 
aussi  se  convaincre  que,  dans  certains  ovules,  le  corps 
vitellin,  au  lieu  d'être  représenté  par  un  bourrelet,  con- 
siste plutôt  en  une  sorte  de  cupule  ou  de  coiffe.  Dans  ce 
cas,  si  la  coupe  passe  par  la  partie  centrale  de  l'élément, 
celui-ci  se  présente  le  plus  souvent  sous  forme  de  croissant 
ou  de  fer  à  cheval,  pouvant  en  imposer  pour  l'existence 
d'un  bourrelet.  Bref,  la  forme  du  corps  vitellin  varie 
dans  de  larges  limites,  et  il  n'est  guère  possible  de  lui 
assigner  une  forme  fixe,  applicable  à  tous  les  ovules. 

Siège.  —  Nous  avons  vu  apparaître  la  première  ébauche 
du  corps  vitellin  dans  le  voisinage  de  la  vésicule  germi- 
native,  dont  il  est  ensuite  simplement  séparé  par  la  zone 
claire  qui  l'entoure.  Plus  tard,  cette  zone  persiste  et,  à 
mesure  du  développement  de  l'œuf,  prend  parfois  des 
dimensions  considérables;  mais,  fait  digne  de  remarque, 
elle  ne  se  retrouve  guère  que  du  côté  externe,  c'est-k- 
dire  à  la  face  convexe  du  corps  vitellin,  et  elle  a  presque 
toujours  disparu  du  côté  interne;  presque  toujours  aussi, 


(  312  ) 

elle  est  délimitée,  à  la  périphérie  de  l'œuf,  par  une  mince 
couche  vitelline.  Sur  les  coupes  axiales,  les  extrémités 
libres  du  corps  vitellin  semblent  logées  dans  des  encoches 
du  vitellus.  Par  sa  face  interne  concave,  ou  bien  le  corps 
vitellin  est  encore  en  contact  immédiat  avec  la  vésicule 
germinative,  ou  bien,  ce  qui  constitue  la  règle,  il  en  est 
séparé  par  une  épaisseur  variable  de  vitellus. 

Constitution.  —  Dès  que  la  forme  primitive  a  fait  place 
à  la  forme  de  boudin,  de  bourrelet  ou  de  cupule,  la  con- 
stitution du  corps  vitellin  semble  très  semblable,  voire 
même  identique  à  celle  de  la  tache  germinative.  De  part 
et  d'autre,  même  coloration  intense  par  la  safranine;  de 
part  et  d'autre  aussi,  présence  de  nombreuses  vacuoles; 
seulement,  dans  le  corps  vitellin,  les  vacuoles  de  volume 
sensiblement  égal  n'atteignent  jamais  les  grandes  dimen- 
sions de  quelques-unes  de  celles  de  la  tache  germinative. 

Je  ne  puis  pas,  dans  cette  communication  préliminaire, 
m'arrêter  à  l'historique  de  la  question  touchant  l'exis- 
tence du  corps  vitellin  dans  l'œuf  de  Pholcus.  Je  rappel- 
lerai seulement  que  Balbiani  (1875,  1879,  1895)  range 
Pholcus  parmi  les  genres  dépourvus  de  ce  corps;  que 
Sabatier  (1885)  l'admet,  au  contraire;  mais  la  courte 
description  donnée  par  le  professeur  de  Montpellier  ne 
permet  pas  de  décider  si  le  corps  rencontré  par  lui 
correspond  à  celui  que  nous  avons  observé.  Par  contre, 
l'Italien  Giuseppe  Jatta  a,  le  premier,  observé  et  décrit 
(1882)  le  corps  vitellin  chez  Pholcus  phalangioides ;  seule- 
ment la  description  et  les  deux  figures  données  par  lui 
se  rapportent  à  ce  corps  ayant  atteint  son  complet  déve- 
loppement et  ne  donnent  pas  une  idée  des  divers 
aspects  de  l'élément;  l'auteur  n'a  pas  vu  sa  première 
origine  ni  les  modifications  qu'il  éprouve  dans  la  suite. 


(  313  ) 
J'ai  déjà  fait  valoir  certains  motifs  qui  me  portent  ii 
considérer  l'élément  safraninophile  renfermé  dans  le 
viteHus  comme  ayant  la  valeur  d'un  corps  vitellin;  mais 
il  est,  en  laveur  de  cette  manière  de  voir,  d'autres  argu- 
ments encore,  sur  lesquels  je  compte  revenir  dans  le 
mémoire  in  extenso. 


Deuxième  stade.  —  Désagrégation  du  corps  vitellin. 

Il  ne  parait  pas  exister  de  rapport  constant  entre  le 
volume  des  ovules  et  la  désagrégation  du  corps  vitellin. 
En  effet,  à  côté  d'ovules  relativement  volumineux  à 
corps  vitellin  encore  entier,  il  en  est  d'autres,  plus 
petits,  où  ce  dernier  est  déjà  en  pleine  voie  de  morcelle- 
ment. Il  importe  de  ne  pas  confondre  le  début  de  ce 
phénomène  avec  certaines  images  où  le  corps  vitellin  se 
montre  fragmenté,  mais  qui  résultent  uniquement  de  son 
épaisseur  variable  en  divers  points  et  des  inflexions  [dus 
ou  moins  nombreuses  qu'il  présente  fréquemment.  D'ail- 
leurs, quand  ce  corps  se  désagrège,  son  aspect  est  assez, 
caractéristique  pour  rendre  toute  confusion  impossible. 

L'étude  des  coupes  de  différents  ovules  permet  de  suivre 
pas  à  pas  ce  processus  de  désagrégation.  A  mesure  qu'il 
progresse,  les  grumeaux  ou  fragments  toujours  safranino- 
philes  qui  en  résultent,  d'abord  la  plupart  assez  volumi- 
neux et  de  forme  irrégulière,  se  rapetissent  de  plus  en 
plus,  toute  trace  de  vacuoles  disparait  à  leur  intérieur, 
et  ils  montrent  une  tendance  manifeste  à  abandonner  la 
périphérie  du  vitellus  pour  s'accumuler  surtout  autour  de 
la  vésicule  germinative;  finalement,  il  ne  reste  plus, 
comme  derniers  vestiges  du  corps  vitellin,  que  des  gra- 


(  314  ) 

miles  sphériques  de  dimension  variable  et  fixant  encore 
la  safranine. 

Déjà  dans  les  ovules  de  la  fin  du  premier  stade,  dans 
beaucoup  de  ceux  du  stade  actuel  et  aussi  du  troisième 
stade,  on  constate  l'existence  d'une  disposition  radiaire 
très  nette  du  vitellus  tout  autour  de  la  vésicule  germina- 
tive.  11  est  permis  d'en  conclure  que  les  rapports  entre 
le  vitellus  et  la  vésicule  germinative  sont  devenus  plus 
intimes,  et  que  la  disposition  radiaire,  qui  s'efface  insen- 
siblement à  mesure  qu'on  s'éloigne  de  la  vésicule,  est 
probablement  le  résultat  de  la  pénétration  du  suc 
nucléaire  dans  le  vitellus. 

Si  l'on  ajoute  à  cela  les  changements  de  forme  de  la 
vésicule  germinative,  appréciables  dans  beaucoup  d'ovules 
à  la  fin  du  deuxième  stade,  cbangements  de  forme  qui 
marquent  le  début  des  mouvements  amœboïdes  très 
prononcés  surtout  caractéristiques  du  dernier  stade,  on 
doit  admettre  que,  dans  les  ovules  où  s'opère  la  désagré- 
gation, cette  partie  constituante  de  l'œuf  joue  un  rôle 
dans  le  processus. 

Des  phénomènes  à  rapprocher  du  morcellement  du 
corps  vitellin  dans  l'œuf  de  Pliolcus  ont  été  observés, 
dans  d'autres  ovules,  par  plusieurs  auteurs.  Je  ne  puis 
non  plus  m'y  arrêter  pour  le  moment. 

Troisième  stade.  —  Métamorphose  graisseuse  des  éléments 
figurés  provenant  de  la  désagrégation  du  corps  vitellin. 

C'est  en  effet  la  transformation  des  éléments  issus  de 
la  désagrégation  du  corps  vitellin  en  gouttelettes  et 
granules  adipeux  qui  caractérise  ce  troisième  stade.  Ces 
gouttelettes  et  granules  de  volume  variable  sont  disse- 


v  3i5  ) 


minés  dans  tout  le  vitellus,  en  formant  toutefois,  dans 

la  plupart  des  ovules,  un  amas  plus  considérable  dans  le 
voisinage  immédiat  de  la  vésicule  germinative.  La  nature 
graisseuse  de  ces  (Moments  se  traduit  par  leur  coloration 
noire  au  contact  des  liqueurs  osmiques  et  par  leur  solu- 
bilité dans  le  xylol  et  la  térébenthine.  Sur  plusieurs 
coupes,  on  peut  voir  le  passage  insensible  des  granules 
safraninophiles  auv  granules  graisseux. 

Dans  la  plupart  des  ovules  de  ce  stade,  la  coloration 
du  vitellus  par  la  safranine  rappelle  celle  du  stade  précé- 
dent; dans  d'autres,  les  plus  âgés  probablement,  l'affi- 
nité du  vitellus  pour  cette  matière  colorante  a  quelque 
peu  diminué,  d'où  un  ton  rose  pâle  ou  légèrement  jau- 
nâtre. 

Mais  quelle  que  soit  la  coloration  de  la  masse  du 
vitellus,  tout  autour  de  la  vésicule  germinative  existe 
généralement  une  zone  plus  fortement  teintée  par  la 
safranine;  nettement  délimitée  du  côté  de  la  vésicule, 
ellese  fond  insensiblement,  à  la  périphérie,  dans  le  vitellus 
ambiant.  Cette  zone  correspond  au  strié  radiaire  dont  il 
a  été  question.  Au  niveau  du  strié,  on  distingue  des 
rangées  de  granules  safraninophiles  séparées  par  des 
espaces  plus  clairs. 

La  paroi  chromatique  de  la  vésicule  germinative  per- 
siste généralement;  son  contour,  comme  eela  s'observe 
déjà  dans  des  ovules  du  deuxième  stade,  est  le  plus  sou- 
vent irrégulier. 

Dans  les  oocytes  d'Argvronète  aquatique  que  j'ai  pu 
étudier  comparativement,  le  corps  vitellin  typique  pré- 
sente normalement,  à  sa  partie  périphérique,  une  zone  de 
granules  adipeux.  Plus  tard,  à  mesure  que  la  maturation 
(U'>  ovules  progresse,  ces  granules  se  répandent  dans  le 


(316) 

vitellus  sans  que  la  couche  périphérique  semble  perdre 
de  son  importance,  ce  qui  doit  faire  supposer  qu'une 
genèse  de  granules  a  lieu  à  ce  niveau.  Comme  le  prou- 
vent le  rôle  et  le  siège  qu'ils  occupent  dans  les  ovules  à 
sphères  vitellines  en  voie  d'évolution,  les  granules  adi- 
peux répandus  dans  le  vitellus  sont  bien  les  homologues, 
au  point  de  vue  fonctionnel,  de  ceux  qui,  chez  Pholcus, 
proviennent  de  la  métamorphose  des  grains  safran  ino- 
pbiles  issus  eux-mêmes  du  morcellement  du  corps  vitellin. 

Quatrième  stade.  -  -  Vacuolisalion  progressive  du  vitellus 

à  la  nui  le  de  la  genèse  des  globules  vilellins. 

Au  troisième  stade,  qui  semble  être  de  courte  durée,  eu 
égard  aux  ovules  peu  nombreux  qui  le  représentent,  fait 
suite  un  stade  surtout  caractérisé  par  l'apparition  des 
sphères  vitellines  et  par  la  vacuolisation  grossière  du 
vitellus,  conséquence  de  cette  apparition.  Les  œufs  de  ce 
quatrième  stade,  contrairement  à  ceux  du  précédent, 
sont  nombreux.  En  se  basant  notamment  sur  la  manière 
d'être  de  la  vésicule  germinative,  on  peut  les  ranger  en 
deux  catégories;  bien  entendu,  il  n'existe  pas,  entre  ces 
deux  catégories,  de  démarcation  tranchée  :  elles  sont 
reliées  par  des  formes  intermédiaires. 

Première  cale'gorie.  —  La  vésicule  germinative  a  perdu, 
au  moins  partiellement,  sa  paroi  propre;  l'irrégularité 
de  son  contour,  conséquence  de  mouvements  amœboïdes. 
est  encore  peu  prononcée;  son  contenu  n'a  pas  éprouvé, 
en  apparence  du  moins,  de  modifications  notables. 

Du  côté  du  vitellus,  la  principale  modification  résulte 
de  l'apparition  des  vacuoles  avec  les  sphères  vitellines  y 


(  317  ) 

renfermées.  Celles-ci  sont  homogènes,  hyalines;  elles 
tranchent,  par  leur  ton  pâle,  faiblement  jaunâtre,  sur  le 
fond  rosé  de  la  masse  du  vitellus;  leur  surface  est  lisse, 
.1  contour  toujours  arrondi;  leur  forme  est  sphérique, 
ellipsoïde  ou  ovoïde;  leurs  dimensions  varient,  parfois 
dans  d'assez,  larges  limites.  Dans  certains  ovules,  les 
vacuoles  et  leur  contenu  arrivent  jusque  près  de  la  vési- 
cule  germinativ.e ;  mais  c'est  là  une  exception  à  la  règle; 
en  eifet,  dans  presque  tous,  une  zone  libre  de  vacuoles 
s'observe  tout  autour  de  la  vésicule  germinative.  A  cet 
endroit,  le  vitellus,  plus  fortement  coloré  par  la  safra- 
nine,  affecte  encore  parfois  la  disposition  radiaire  dont  il 
a  été  question. 

La  distribution  des  granules  adipeux,  à  l'intérieur  du 
vitellus,  varie  :  tantôt  ils  sont  répartis  assez  uniformé- 
ment dans  toute  la  masse  vitelline,  en  laissant  plus  ou 
inoins  libre  la  zone  périvésiculaire  susdite;  tantôt  on  les 
trouve  accumulés  en  plus  grand  nombre  en  certains 
endroits  du  vitellus,  mais  partout  ils  occupent  les  inter- 
valles des  vacuoles  où  sont  logées  les  sphères  vitellines. 
il  en  résulte  que  le  cytoplasme  ovulaire  renferme  deux 
espèces  de  vacuoles  :  les  unes,  plus  volumineuses,  rem- 
plies par  les  sphères  vitellines;  les  autres,  plus  petites, 
situées  dans  les  travées  qui  séparent  les  premières,  et 
renfermant  les  granules  adipeux. 

On  peut  dire  que  l'apparition  des  granules  adipeux  est 
le  signal  de  celle  des  grosses  vacuoles  vitellines  et  de 
leur  contenu.  Grâce  à  l'appoint  fourni  par  les  éléments 
adipeux,  le  cytoplasme,  devenu  plus  actif,  sécrète  ou  éla- 
bore les  matériaux  qui  donnent  lieu  à  la  vacuolisation 
grossière  du  vitellus.  Or,  comme  les  granules  adipeux  pro- 
viennent en  définitive  du  corps  vilellin,  il  est  permis  d'en 


(  318  ) 

conclure  que  ce  dernier  intervient,  du  moins  indirectement, 
dans  la  formation  du  vitellus  nutritif. 

Deuxième  catégorie.  Dans  les  ovules  de  la  seconde 
catégorie,  les  modifications  dont  la  vésicule  germinative 
est  le  siège  sont  des  plus  remarquables.  Elles  intéressent 
sa  délimitation,  sa  tonne  et  sa  constitution. 

De  la  paroi  nucléaire  safraninophile,  partiellement  effa- 
cée dans  les  ovules  de  la  première  catégorie,  il  ne  reste 
bientôt  plus  de  trace. 

Nous  avons  interprété  les  irrégularités  du  contour 
nucléaire  visibles  jusqu'alors  comme  étant  l'expression 
de  mouvements  aniœboïdes  du  noyau.  La  forme  actuelle 
de  ce  contour  ne  laisse  plus  le  moindre  doute  à  cet  égard. 
Ce  contour  doit  manifestement  son  irrégularité  à  la  pré- 
sence d'expansions  pseudopodiques  nombreuses  et  parfois 
très  développées.  Leur  forme  varie  :  dans  certains  cas, 
elles  sont  épaisses  et  obtuses,  méritant  alors  le  nom  de 
lobopodes;  mais  le  plus  souvent  elles  sont  allongées, 
diminuant  de  plus  en  plus  d'épaisseur  à  mesure  qu'elles 
s'éloignent  du  noyau,  jusqu'à  devenir  filiformes;  en  nu 
mot,  elles  se  présentent  avec  les  caractères  de  pseudo- 
podes en  aiguilles;  il  n'est  pas  rare  non  plus  de  voir  un 
pseudopode  massif  en  émettre  d'autres  plus  déliés.  Les 
expansions  parlent  en  général  de  tout  le  pourtour  nuclé- 
aire, mais  il  est  rare  qu'elles  atteignent,  sur  tout  ce  pour- 
tour, un  égal  développement.  11  est  fréquent  de  rencon- 
trer un  faisceau  de  longs  pseudopodes  limité  à  une 
certaine  région,  alors  que,  sur  le  reste  du  pourtour,  les 
expansions  sont  [dus  rares  et  moins  développées.  Comme 
j'ai  pu  m'en  assurer,  cette  direction  et  ce  développement 
prédominants   de   certains    pseudopodes    correspondent 


(  319  ) 


généralement  à  un  endroit  du  viteïlus  où  se  trouve  un 
plus  gros  amas  de  granules  adipeux. 

Le  contenu  nucléaire  a  subi  d'importantes  transforma- 
tions. Le  réticulum  safraninophile  ne  tarde  pas  à  disparaître 
complètement,  pour  faire  place  à  nue  masse  assez  com- 
pacte, jaunâtre  ou  jaune-bistre,  pins  ou  moins  granuleuse, 
à  vacuoles  plus  ou  moins  nombreuses.  La  tache  germina- 
tive  ;i  conservé,  en  grande  partie,  son  caractère  antérieur; 
mais  fréquemment  le  contour  net,  safraninophile,  qui  la 
délimitait,  a  disparu  en  tout  ou  en  partie, et  l'on  remarque 
parfois  une  solution  de  continuité  au  niveau  de  laquelle 
le  contenu  de  la  tache  s'épanche  dans  le  reste  du  contenu 
nucléaire  (1). 

Dans  beaucoup  d'ovules,  la  zone  périnucléaire  dépour- 
vue de  vacuoles  est  bien  apparente;  elle  tranche,  par  son 
ton  rosé  et  son  aspect  granuleux,  sur  la  substance  nu- 
cléaire plus  opaque,  jaunâtre  ou  jaune-bistre;  plus  rien 
n'y  trahit  la  disposition  radiaire  du  viteïlus.  Quand  existe 
la  zone,  c'est  dans  sa  substance  que  pénètrent  les  pro- 
longements amœboïdes  du  noyau  ;  en  son  absence, 
ceux-ci  plongent  directement  dans  les  travées  cytoplas- 
miques  délimitant  les  vacuoles. 

Comparées  à  celles  de  la  vésicule  germinative,  les  modi- 
fications éprouvées  par  le  viteïlus  sont  beaucoup  moins 
importantes  et,  en  tout  cas,  moins  appréciables.  Les 
vacuoles,  dont  la  forme  est  conservée,  sont  devenues  plus 
volumineuses,  ce  qui  fait  que  les  travées  qui  les  séparent 
sont   plus  étroites.   Le  viteïlus  est  délimité  maintenant 


(1)  Cette  sorte  d'évacuation  ne  doit  pas  être  confondue  avec  la  rup- 
ture de  vacuoles  nucléolaires,  laquelle  peut  s'observer  à  tous  les 
stades. 


(  320  ) 
par  une  zone  périphérique  à  vacuoles  plus  petites  que 
celles  situées  plus  profondément;  parmi  les  éléments 
contenus  dans  ces  vacuoles,  il  en  est  qui  se  distinguent 
des  sphères  vitellines  par  la  couleur  rouge  plus  ou  moins 
accentuée  que  leur  communique  la  saframne. 

La  quantité  et  la  distribution  das  granules  adipeux 
varient  notablement  d'après  les  ovules  et,  dans  le  même 
ovule,  aux  diverses  profondeurs  du  vitellus.  Dans  certains 
ovules,  sans  doute  les  plus  avancés  en  développement, 
ils  sont  rares  ou  même  ont  disparu  complètement  ;  dans 
d'autres,  ils  sont  plus  nombreux,  et  généralement  alors 
on  les  trouve  surtout  amassés  dans  le  voisinage  de  la 
vésicule  germinative;  ailleurs,  nombreux  et  uniformé- 
ment distribués,  ils  délimitent  le  contour  nucléaire  et 
irradient,  à  partir  de  ce  point,  dans  les  travées  séparant 
les  vacuoles;  ailleurs  encore,  les  granules  adipeux  forment 
des  amas  tellement  considérables  qu'on  se  met  à  douter 
si  tous  ont  bien  pour  origine  les  granules  safranino- 
philes  issus  du  morcellement  du  corps  vitellin. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  l'oocyle  de  Pholcus  phatan- 
giohles,  le  protoleucyte  ou  deutoplasme  consiste,  à  une 
certaine  phase  de  l'évolution  de  l'œuf  :  a)  en  les  gra- 
nules adipeux,  et  b)  en  les  sphères  vitellines.  Toutefois, 
on  peut  considérer  les  premiers  comme  n'ayant  qu'une 
existence  transitoire,  leur  mission  étant  de  fournir  des 
matériaux  nutritifs  au  cytoplasme  et  de  le  rendre  ainsi 
plus  apte  à  sécréter  les  secondes;  les  sphères  vitellines 
représentent,  par  conséquent,  le  vrai  vitellus  nutritif;  elles 
ne  diffèrent  entre  elles  que  par  leurs  dimensions,  et,  si 
l'on  tient  compte  des  caractères  de  certaines  sphères 
périphériques,  jusqu'à  un  certain  point,  par  leur  compo- 
sition chimique. 


(  321   ) 

il  résulte  aussi  de  ce  qui  précède  que  le  fait  surtout 
caractéristique  du  quatrième  stade  de  l'oocyte  en  voie  iU 
maturation  consiste  en  une  relation  plus  intime  et  en  une 
augmentation  de  la  surface  de  contact  entre  le  ci/toplasmt  d 
la  substance  de  la  vésicule  germinative.  D'où  vienl  l'impul- 
sion première?  Est-ce  du  noyau  dont  l'action  sur  le  cyto- 
plasme  ambiant  sciait  comparable,  comme  le  veut  kor- 
schelt,  à  celle  d'un  ferment  ;  ou  bien  est-ce  du  cytoplasme 
qui,  ayant  éprouve  une  modification  dans  sa  composition 
chimique,  exerce  une  action  attractive  sur  la  substance 
nucléaire?  Dans  ce  cas,  nous  serions  eu  présence  d'un 
phénomène  de  chiniiotropisme  positif,  .le  me  bâte 
d'ajouter  que  je  pose  ces  questions  sans  les  résoudre.  \u 
surplus,  ce  n'est  pas  sur  des  objets  lixés.  comme  ceux 
qui  ont  servi  à  la  confection  de  mon  travail,  qu'elles 
peuvent  trouver  une  solution,  .le  compte  d'ailleurs  entrer 
dans  plus  de  détails  à  ce  sujet  dans  le  mémoire  in 
extenso. 


Détermination  de  la  partie  du  spectre  qui  développe  la  plus 
grande  proportion  d 'infra-électricité;  par  P.  De  Heen, 
membre  de  l'Académie. 

Dans  notre  précédente  note  relative  à  la  photographie 
de  l'atmosphère  solaire,  nous  avons  montré  que  la  partie 
du  spectre  de  l'arc  électrique  qui  présente  le  plus  fort 
pouvoir  décodant  se  trouve  dans  la  portion  la  plus  réfran- 
gible.  Il  ('tait  dès  lors  important  de  vérifier  directement 
si  ce  sont  ces  mêmes  radiations  qui  accentuent  le  voile. 

5,ne    SKRIK,    TOME    XXXIII.  22 


(  322  ) 

lorsque  la  plaque  sensible  voilée  est  recouverte  par  une 
feuille  métallique,  une  feuille  d'étain  par  exemple. 

Si  l'on  projette  simplement  le  spectre  sur  une  bande 
d'étain  recouvrant  la  plaque  sensible  voilée,  on  trouve, 
après  une  pose  de  cinq  heures  environ,  que  la  plaque  s'est 
considérablement  noircie  derrière  la  bande;  mais  l'éner- 
gie s'étant  répandue  d'une  manière  à  peu  près  uniforme 
sur  toute  l'étendue  de  celle-ci,  on  ne  trouve  pas  de  diffé- 
rence de  ton  appréciable. 

Afin  de  faire  l'expérience  d'une  manière  décisive,  on 
dégarnit  complètement  la  plaque 
photographique  de  sa  couche  sen- 
sible, excepté  en  a  et  en  b.  Ces 
parties  étant  séparées  par  un 
canal  dénudé,  chacune  d'elles  est 
recouverte  par  une  feuille  d'étain 
de  même  dimension.  Cela  étant, 
nous  avons  projeté  sur  la  feuille  a 
le  rouge  et  le  vert  du  spectre,  et 
sur  la  feuille  b  le  bleu  et  le  violet.  Enfin,  un  morceau 
de  la  plaque  voilée  avait  été  conservé  comme  point  de 
comparaison. 

Après  une  pose  de  cinq  heures,  nous  avons  remarqué 
que  la  partie  a,  qui  correspond  au  rouge  et  au  vert,  avait 
gardé  sensiblement  la  teinte  primitive  de  l'échantillon 
conservé,  tandis  que  la  portion  b,  correspondant  au  bleu 
et  au  violet,  s'était  considérablement  renforcée. 

Ce  sont  donc  les  mêmes  radiations  les  plus  réfran- 
gibles  qui  possèdent  le  pouvoir  dévoilant  ou  le  pouvoir 
voilant  le  plus  actif,  suivant  que  l'on  expose  la  surface 
sensible  découverte  ou  recouverte  d'une  feuille  métal- 
lique. 


(  323  ) 

C'est  du  reste  la  vérification  du  résultat  que  nous 
avions  obtenu  précédemment.  En  opérant  simultanément 
à  l'aide  de  châssis  munis  de  verres  bleu,  vert  et  rouge, 
nous  avons  remarqué  que  les  verres  rouge  et  bleu  fournis- 
saient respectivement  les  clichés  les  moins  et  les  plus 
vigoureux. 


Description  du  glycol  isobutylique  mononitre  : 
CHs.OH 

ISO*  —  C  —  CH5 

I 
CH'.OH; 

par  G.  Cesàro,  correspondant  de  l'Académie. 

Ce  corps  a  été  obtenu  par  notre  savant  confrère 
M.  Henry,  en  faisant  agir  deux  molécules  d'aldéhyde 
fbrmique  sur  une  molécule  de  nitro-éthane  (*). 

J'ai  examiné  deux  lots  de  cristaux  :  les  uns,  jaunâtres, 
très  volumineux,  ont  quelquefois  plus  de  15  millimètres 
de  longueur;  les  autres,  plus  petits,  sont  parfaitement 
incolores.  Les  uns  comme  les  autres  possèdent  un  clivage 
1res  net  suivant  un  plan  de  symétrie;  ils  rayent  fortement 
le  gypse,  mais  sont  rayés  par  le  spath. 

a)  Les  grands  cristaux,  représentés  par  la  ligure  1,  ont 
la  forme  générale  d'un  clinorhomboctaèdre.  Cependant, 
l'angle  e,  sensiblement  droit,  montre  que  l'on  pourrait 


(*)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3me  série,  t.  XXX,  n°  7,  |>|>.  28 
et  29, 1895. 


(  524  ) 


Fie.  1. 


(  325  ) 
bien  avoir  affaire  à  des  cristaux  orthorhombiqnes  :  prismes 
primitifs  modifiés  sur  leurs  arêtes  basiques,  modifications 
dont  quatre  faces  seulement  seraient  développées;  ajoutons 
que  dans  plusieurs  cristaux,  deux  petites  facettes,  cou- 
pant m  suivant  des  horizontales,  modifient  chaque  angle  i 
et  viennent  compléter  le  rhomboctaèdre  //'*. 

Enfin,  une  lame  produite  par  le  clivage  tut  parait 
s'éteindre,  entre  les  niçois  croisés,  nettement  suivant 
l'axe  z,  ce  qui  ajoute  encore  à  la  probabilité  de  la  symé- 
trie orthorhombique. 

Les  faces  des  grands  cristaux  sont  ternes  et  irrégu- 
lières; on  n'a  pu  obtenir  que  des  mesures  approximatives, 
dont  on  s'est  servi  pour  identifier  ces  cristaux  avec  ceux 
qui  vont  suivre.  On  a  mesuré  : 

mmsurx  =  81°,     »m(Ï10j//'*(M  1)  =  34°,     b'ub''-  sur  z  =  67 a. 

b)  Les  petits  cristaux  ont  donné  lieu  à  des  mesures 
plus  exactes,  mais  cependant  pas  assez  exactes  pour  que 
l'on  puisse  décider  si  ces  cristaux  doivent  être  considérés 
comme  géométriquement  orthorhombiques,  ou  bien 
comme  provenant  d'un  prisme  clinorhombique  à  base 
presque  horizontale.  Empressons-nous  de  dire  que  ce 
point  a  peu  d'importance  :  comme  nous  le  verrons  plus 
loin,  la  présence  d'un  clivage,  seul  de  son  espèce,  normal 
au  plan  de  symétrie  et  oblique  sur  la  verticale,  met  hors  de 
doute  la  symétrie  clinorhombique  de  ces  cristaux,  au  point 
de  vue  physique.  Le  point  douteux  est  donc  purement 
géométrique;  il  se  réduit  à  savoir  si  la  base  du  prisme 
clinorhombique  primitif  est  inclinée  à  88°  ou  à  i)0°  sur  la 
verticale. 

Les  petits  cristaux  dont  il  s'agit  sont  représentés  par 


(  326  ) 
la  figure  2;  la  pyramide  sensiblement  orthorhom bique  \ 


Fig.  2. 

est  développée  à  une  extrémité  de  l'axe  vertical.  Les 
facettes  qui  se  rencontraient  quelquefois  comme  modifi- 
cation des  angles  i  des  grands  cristaux  (fig.  1),  sont  ici 
nettement  développées;  c'est  à  elles  que  nous  assignons 
la  notation  d"2  =  111;  comme  les  faces  d"'  sont  plus 
nettes  que  les  faces  b"*,  nous  partons  des  incidences  rela- 
tives aux  premières  pour  le  calcul  des  dimensions  du 
prisme  primitif.  On  a  mesuré  : 

mm  =  (HO)  (1 10)  =  80» 41'  (5,  Î5,  4, 1 4,  8,  5), 
mil '»  =  (1 10)  (111)  =  33°  52'  (5,  6,  2,  9,  ÏÔ), 
d¥'  =  (1H)(1Ï1)«=  63°  52'  (2, 1,1). 


(  327  ) 
En  partant  de  ces  trois  angles,  on  obtient  d'abord  : 

o'/i' =  41»  2' 0",7,     puis:     (3  «=  88°  12'45",2, 

log  a  =7,9288501,     loge  —  7,9774291, 
a  :b:c  =  0,8489:  1  :  0,9494. 

Si  Ton  supposait  la  base  du  prisme  horizontale,  c'est- 
à-dire  (3  =  90°,  en  partant  des  deux  premiers  angles 
cités  ci-dessus,  on  obtiendrait  pour  le  troisième  : 

tr«<T«=»65B2' 
et 

a  :  b  :  c  =  0,8493  : 1  :  0,9040. 

Le  tableau  suivant  montre  que  la  correspondance  est 
passablement  satisfaisante,  soi  t  que  l'on  parte  de  (3=88°15\ 
soit  que  l'on  suppose  (3  =  90°  : 

Calculés  :  Calculés  : 

Angles  >S  =  88°i3'  /3  =  90°  Mesurés 

(H0)(IÏ0)  "80°  41'  "80°  41'  80°  41' 

(110)  (H  1)  *55°52'  *53°52'  53°  52' 

(111)  (iTl)  '65°  52'  65°  2'  05°  52' 
(Ï*H)(ÏH)            65°  27'  05°  2'  Gi°  49' appr. 
(Ul)(Tll)             78°  4'  78°  52'  78°  50' 
(H0)(Tiï)             98°  22'  97°  44'  98M' 

(Tl  I)  (TlT)  08' 54'  G7°44'  09e  25' 

Les  laces  opposées  à  d"*  par  rapport  au  centre,  faces 
qui  dans  le  groupe  holoédrique  devraient  leur  être  iden- 
tiques, sont  toujours  différentes  des  premières.  Quelque- 


(  328  ) 
fois  ce  sont  des  faces  dm  différentes  de  dx>i\  ainsi  dans  le 
cristal  représenté  par  la  figure  3,  tandis  que  l'arête  d"*d'  * 


l'ic.  3. 


fail  avec  la  verticale  un  angle  d'environ  il0,  l'arête 
opposée  fait  avec  la  même  direction  un  angle  de  52°  et 
correspond  à  l'intersection  de  deux  faces  cP\  forme  pour 
laquelle  l'angle  dont  il  s'agit  est  de  52° 9'  (*). 

En  général,  les  faces  opposées  à  d1'*  sont  très  irrégu- 


(')  En  supposant  p  =  88°  13',  nous  faisons  la  même  hypothèse  dans 
ce  qui  suit. 


(  529  ) 
lières  et  paraissent  dues  à  l'alternance  de  différentes 
formes  :  dans  le  cristal  représenté  par  la  figure  "1,  on  a  pu 
déterminer  la  lacet/'*  inférieure  par  les  angles  de  09°  23' 
et  1)8°  1'  qu'elle  fait  respectivement  avec  b"*  =111 
et  r»=  110;  d'autres  facettes  en  zone  avec  110  et  ïlï 
donnaient  des  images  correspondant  aux  anglesa=»18°21 
et  21°  15'  avec  44  f.  Ces  facettes  sont  de  la  forme 


h .  k 


h  -+-  k 


la  première  correspond  à 


la  seconde  à 


Les  formes 


et 


h 
-=2,5156, 


h 

-  =  3,0812. 


10.4.7  — rf,;«  *(("•/»"' 
3l2  =  o. 


correspondent  assez  bien  avec  x  =  18°  11'  et  20°54'. 

Rarement  les  faces  dont  nous  nous  occupons  sont 
mesurables  :  elles  forment  d'ordinaire  une  surface  cylin- 
drique cannelée,  à  génératrices  parallèles  à  l'arête  d'inter- 
section avec  m  =  1 10. 

Clivages.  —  Nous  avons  déjà  dit  qu'il  existe  dans  ces 
cristaux  un  clivage  très  net,  parallèle  au  plan  de  symé- 
trie g1. 


{  350  ) 

Un  second  clivage,  peu  net  et  cireux,  normal  au  pre- 
mier, se  produit  lorsqu'on  exerce  une  pression  sur  une 
lame  g1  (*).  La  trace  de  ce  clivage  (fig.  5)  fait  un  angle  œ 
d'environ  19°  avec  la  verticale;  il  correspond  à  la  notation 

o1  »  =  502,     avec  ?  =  19°  28'  (**). 

Le  même  clivage  se  produit  plus  ou  moins  parfaite- 
ment lorsqu'on  chauffe  les  cristaux  au-dessus  de  60°. 

Conclusion.  -  -  Le  clivage  o*'%  qui  ne  se  répète  pas 
symétriquement  par  rapport  à  la  verticale,  montre  que  le 
plan  de  symétrie  vertical  normal  à  g1,  plan  qui  parait 
exister  d'après  les  angles  obtenus  dans  certaines  parties 
du  cristal,  n'existe  pas  en  réalité.  Les  cristaux  de  glycol 
isobutylique  mononitré  ne  possèdent  donc  qu'un  seul 
élément  de  régularité  :  un  plan  de  symétrie  suivant  lequel 
existe  un  clivage  facile.  Leur  symbole  est 

P, 

c'est-à-dire  qu'ils  doivent  être  classés  dans  le  groupe  anti- 
hémiédrique  du  système  clinorhombique ;  le  prisme  primitif 
dont  ils  dérivent  est  géométriquement  très  voisin  d'un 
prisme  orthorhombique. 

Propriétés  optiques.  —  Si  l'on  examine  une  lame  de 
clivage  g1  air  microscope,  on  voit  que  l'une  des  directions 


(*)  Par  exemple,  en  abaissant  le  corps  du  microscope  jusqu'à  ce 
que  l'objectif  presse  la  lame  cristalline  sur  le  porte-objet. 

(**)  Les  notations  o£  et  oi  donnent  respectivement  tp=23°47'  et 
«p  =  16°27\ 


(  331  ) 
d'extinction  z  (ûg.  3)  esl  dirigée  suivant  la  verticale; 
cette  direction  est  positive.  Une  lame  de  clivage o*'5  montre 
une  très  belle  figure  d'interférence  en  lumière  conver- 
gente :  une  bissectrice  négative  peu  inclinée  sur  la  normale 
à  la  lame,  à  axes  très  rapprochés;  elle  montre  aussi  que 
le  plan  des  axes  optiques  coïncide  avec  g1. 

L'orientation  optique  peut  donc  se  résumer  ainsi  : 

p  .  A  .  0    =  (/,     Biss.  <  0  normale  à  /i', 
2E  =  35°. 

L'indice  moyen  d'une  lame  g1,  déterminé  approxima- 
tivement, par  la  méthode  du  duc  de  Chaulnes,  a  été 
trouvé  de  1 ,48. 

La  biréfringence,  c'est-à-dire  la  différence  entre  les 
indices  extrêmes,  exprimée  en  millièmes,  est 

n9  —  "p  =  H- 

Les  lames  normales  à  la  bissectrice  aiguë  présentent 
une  particularité  remarquable  lorsqu'on  les  observe  en 
lumière  blanche  parallèle  :  dans  les  positions  où  l'extinc- 
tion devrait  se  produire,  la  lame,  au  lieu  de  s'éteindre, 
prend  une  teinte  bleue  violacée;  la  même  teinte  est 
obtenue  lorsqu'on  essaye  de  compenser  la  lame,  placée 
à  45°,  par  un  biseau  de  quartz  croisé. 

Ce  fait  paraîtrait  indiquer  un  genre  de  dispersion 
incompatible  avec  la  symétrie  clinorhombique;  en  effet, 
dans  ce  système,  le  plan  de  symétrie  g[  est  un  plan 
diamétral  principal  des  ellipsoïdes  de  toutes  les  couleurs; 
donc  toute  section  normale  à  ce  plan  doit  s'éteindre 
rigoureusement  suivant   la   trace  du  plan  de  symétrie. 


(  332  ) 
quelle  que  soit  la  couleur  et  par  conséquent  aussi  en 
lumière  blanche. 

Mais  ce  phénomène  n'est  pas  dû  à  une  dispersion  des 
axes  d'élasticité  :  une  lame  normale  à  la  bissectrice  aiguë 
se  présente  en  lumière  blanche  convergente  sans  aucun 
genre  de  dispersion  des  bissectrices  ;  la  figure  d'interférence 
possède  nettement  deux  plans  de  symétrie  rectangulaires, 
dont  l'un  dirigé  suivant  y1  ;  c'est-à-dire  que,  au  point  de 
vue  optique,  non  seulement  le  corps  possède  la  symétrie 
clinorhombique,  mais  aussi  celle  d'un  corps  orthorhom- 
bique  (*). 

La  teinte  violacée  dont  nous  nous  occupons  est  exces- 
sivement basse,  car  elle  ne  paraît  pas  influencer  une 
hune  teinte  sensible;  le  phénomène  en  question,  ana- 
logue à  celui  qui  est  présenté  par  certaines  chlorites,  est 
probablement  un  phénomène  d'absorption. 

La  figure  d'interférence  présentée  en  lumière  blanche 
convergente  par  une  lame  normale  à  la  bissectrice  accuse 
une  dispersion  notable  des  axes  optiques  (p  >  u)  ;  les 
branches  hyperboliques,  dans  le  voisinage  de  la  trace  du 
plan  des  axes  optiques,  sont  fortement  colorées  en  bleu 
dans  leur  partie  concave,  en  rouge  dans  leur  partie 
convexe. 

Action  de  la  chaleur.  —  En  chauflant  un  cristal  sur  une 
lame  de  verre,  à  140°,  il  fond  en  un  liquide  transparent; 
si  ensuite  on  laisse  refroidir  lentement,  on  constate  au 
microscope,  entre  les  niçois  croisés,  que  la  masse  solidifiée 
est  amorphe  et  quelle  reste  amorphe  jusqu'à  ce  que  la  tempé- 


(')  Comme  le  sphène. 


(  535  ) 
rature  soit  descendue  à  endroit  57°;  à  ce  moment,  elle  cristal- 
lise brusquement,  et  le  champ  du  microscope,  qui  était 
obscur,  s'éclaire  subitement.  Si  l'on  chauffe  de  nouveau 
la  substance  modérément,  au-dessus  de  57°  elle  redevienl 
amorphe,  pour  redevenir  cristalline  par  le  refroidisse- 
ment, et  ainsi  de  suite. 

Je  me  suis  demandé  si  ce  phénomène  nécessitait  la 
fusion  préalable  de  la  substance,  ou  bien  si  le  glycol  que 
nous  examinons  jouissait  de  la  singulière  propriété  de  ne 
pouvoir  présenter  l'état  cristallin  qu'au-dessous  de  57°:  à  cet 
effet,  j'ai  chauffé  vers  70°  une  lame  de  clivage  g1;  j'ai 
constaté  qu'effectivement  elle  devenait  amorphe,  tout  en 
conservant  sa  forme  extérieure,  pour  redevenir  cristalline 
lorsque  la  température  descendait  à  57°.  Seulement,  le 
bouleversement  produit  par  ces  transformations  fait  que 
le  cristal  ne  s'éteint  plus  régulièrement,  tout  en  devenant 
lumineux  entre  les  niçois  croisés.  Pour  la  même  raison, 
une  lame  perpendiculaire  à  la  bissectrice,  placée  dans  les 
mêmes  conditions,  tout  en  redevenant  cristalline  à  57°, 
ne  présente  plus  de  figure  d'interférence  en  lumière  con- 
vergente. 


D'un  caractère  différentiel  entre  leucoblastes  et  érythroblastes. 
—  Observations  cytologiques ;  par  M.  le  professeur 
A.  Trambusti,  de  l'Université  de  Ferrare. 

S'il  est  possible,  pour  un  œil  très  exercé  dans  les 
recherches  hématologiques,  de  différencier  les  foi  uns 
jeunes  des  globules  rouges  des  formes  jeunes  des 
globules  blancs,  il  est  souvent  très  difficile  (et  Flemming 
estime  même  qu'il  est  presque  impossible),  dans  l'étude 


(  334  ) 

des  organes  hématopoiétiques,  d'établir  la  diagnose  de 
l'une  ou  de  l'autre  espèce  cellulaire,  si,  au  lieu  d'avoir 
sous  les  yeux  des  éléments  à  l'état  de  repos,  ceux-ci  se 
présentent  en  voie  de  division  karyokinétique. 

Les  difficultés  inhérentes  à  ce  genre  d'observations 
nous  expliquent  les  différences  d'opinions  des  auteurs 
relativement  à  la  genèse  des  globules  blancs  et  des  glo- 
bules rouges,  au  point  que  beaucoup  soutiennent  encore 
l'origine  leucoblastique  des  globules  rouges. 

Quelques-uns  de  ceux  qui  se  sont  occupés  de  cette 
question  ont  essayé  d'établir  des  caractères  différentiels 
entre  les  leucoblastes  et  les  érythroblastes.  Ainsi,  Lôwit 
attribuerait  une  certaine  importance  au  type  de  division 
que  l'on  rencontrerait  dans  les  deux  formes  cellulaires  : 
suivant  lui,  les  leucoblastes  se  diviseraient  d'après  un 
mode  spécial  de  mitose  qu'il  appelle  divisio  indirecta  per 
(jranula,  plus  simple  que  la  mitose  ordinaire  et  différente 
de  la  divisio  indirecta  per  fila,  qui  serait  propre  aux 
érythroblastes.  Denys,  au  contraire,  établit  sa  diagnose 
d'après  le  siège  occupé  par  les  deux  formes  cellulaires  : 
ainsi,  tandis  que  les  cellules  en  division  que  l'on  ren- 
contre dans  le  parenchyme  médullaire  appartiendraient 
à  des  leucoblastes,  celles  qui  se  trouvent  dans  les  capil- 
laires veineux  devraient  être  considérées  comme  appar- 
tenant à  des  érythroblastes. 

Bizzozero  reconnait  les  érythroblastes,  même  à  l'état 
de  division,  à  leur  contenu  en  hémoglobine,  qui  manque 
dans  les  leucoblastes,  et  à  l'aspect  granuleux  que  présente 
le  protoplasme  de  ceux-ci. 

Van  der  Stricht  insiste  plus  spécialement  sur  ce  der- 
nier caractère,  sur  lequel  il  appelle  plusieurs  fois  l'atten- 
tion dans  ses  travaux. 


(  335  ) 

Parmi  les  caractères  différentiels  que  je  viens  d'énu- 
mérer,  les  plus  importants  sont  ceux  <pii  ont  été  établis 
par  Bizzozero  et  par  Van  der  Striclit. 

Bizzozero,  dans  ses  recherches  sur  les  organes  hémato- 
poiétiques,  avait  reconnu,  dès  le  principe,  les  difficultés 
auxquelles  on  se  heurte  pour  établir  une  diagnose  diffé- 
rentielle entre  les  deux  formes  cellulaires,  et,  après 
diverses  épreuves,  il  était  parvenu,  au  moyen  de  la  lixa- 
lion  au  sublimé  dans  une  solution  aqueuse  de  chlorure 
de  sodium  et  avec  la  coloration  par  l'hématoxyline  et 
l'alcool  picrique,  à  obtenir  une  méthode  de  fixation  et  de 
coloration  très  précieuse  pour  ces  recherches.  En  effet, 
la  coloration  avec  l'alcool  picrique,  convenablement  réglée, 
permet  d'obtenir  la  coloration  jaune,  non  seulement  du 
cytoplasme  des  globules  rouges  adultes,  mais  aussi  de 
celui  des  glohules  rouges  jeunes  encore  nucléés,  et  —  ce 
qui  est  plus  intéressant  -  -  cette  coloration  jaunâtre  se 
conserve  même  pendant  la  mitose  des  érythrocites,  tan- 
dis que  le  cytoplasme  des  globules  blancs  reste  toujours 
incolore  dans  toutes  les  périodes  de  leur  évolution.  Cette 
coloration  jaunâtre  apparaît  avec  évidence,  non  seulement 
dans  les  coupes  des  pièces  fixées,  mais  encore  à  L'examen 
des  éléments  à  l'état  Irais. 

Toutefois,  d'après  Bizzozero,  pour  pouvoir  apprécier 
nettement  la  coloration  dont  il  s'agit,  plusieurs  condi- 
tions sont  nécessaires:  en  premier  lieu,  il  faut  avoir  l'œil 
sensible  aux  couleurs,  et  spécialement  à  la  couleur  jaune  ; 
en  second  lieu,  il  est  nécessaire,  si  l'on  emploie,  dans 
l'observation,  des  objectifs  apochromatiques  avec  ocu- 
laires compensateurs,  que  le  ciel  soit  d'un  bleu  bien 
clair,   parce  que,  si  le  ciel  est  bleu  foncé,  le  coloration 


(  336  ) 

jaune  devient  peu  visible  dans  les  érythroblastes.  Il  est 
évident,  d'après  cela,  que  l'exacte  détermination  de  ce 
critérium  différentiel  peut  parfois  échapper  à  l'obser- 
vateur. 

Il  n'est  donc  pas  ('tonnant  que  Denys  et  d'autres,  qui 
ont  admis  le  contenu  hémoglobinique  dans  les  globules 
rouges  jeunes,  le  nient  dans  les  érythroblastes.  Mais 
Bizzozero  ne  s'est  pas  borne  à  relever  ce  seul  caractère 
du  contenu  hémoglobinique;  plusieurs  fois,  dans  ses 
travaux,  il  a  insisté  sur  l'aspect  homogène  que  présente 
le  cytoplasme  des  érythroblastes  et  sur  l'aspect  granuleux 
du  cytoplasme  des  leucoblastes. 

A  la  page  2.v>  de  sou  travail  Sur  la  structure  de  la 
moelle  des  os  chez  les  oiseaux,  en  parlant  des  scissions 
indirectes  des  leucocytes,  Bizzozero  s'exprime  ainsi  : 
<(  il  n'est  pas  possible  de  penser  que  ces  mitoses  appar- 
»  tiennent  à  des  éléments  cellulaires  autres  que  les  leu- 
»  cocytes,  puisque,  [tendant  le  processus  de  scission, 
»  leur  protoplasme  se  modifie  beaucoup  moins  que  dans 
»  d'autres  formes  cellulaires,  de  sorte  que,  soit  par  le 
»  manque  de  couleur,  soit  parce  qu'il  est  grossièrement 
»  granuleux,  il  ressemble  beaucoup  au  protoplasme 
»  des  leucocytes  circonvoisins  qui  se  trouvent  en  état  de 
»   repos.   » 

(l'est  d'après  l'ensemble  de  ces  caractères  que  Bizzo- 
zero a  pu  établir  le  principe  que  «  la  production  des 
»  globules  rouges,  chez  tous  les  vertébrés,  a  lieu  par 
»  multiplication  karyokinétique  d'une  forme  cellulaire 
»  typique,  constituée  par  un  noyau  sphérique  revêtu 
o  dune  mince  couche  de  protoplasme  contenant  de  l'hé- 
»  moglobine  ». 

Le  caractère  de  granulosité  du  protoplasme  des  leuco- 


(  537  ) 

blastes,  sur  lequel  Bizzozero  avait  déjà  attiré  l'attention, 
csi  considéré  par  Van  der  Stricht  comme  le  caractère 
différentiel  le  plus  important  qui  distingue  les  leuco- 
blastes des  érythroblastes.  Plusieurs  Ibis,  dans  son  ample 
monographie  Sur  la  genèse  des  globules  rouges  et  des 
globules  blancs  du  sang,  il  s'arrête  sur  ce  caractère  et  il 
en  démontre  toute  l'importance  au  point  de  vue  de  la 
diagnose  des  formes  cellulaires. 

Ainsi  cet  auteur  a  pu,  lui  aussi,  on  s'appuyant  spécia- 
lement sur  ces  données,  établir  que  les  globules  blancs, 
des  leur  apparition,  «  présentent  des  caractères  distinctifs 
ii  tous  les  stades  de  leur  évolution  »,  parce  que,  même 
au  stade  de  division  indirecte,  tandis  que  «  les  érythro- 
»  blastes  se  reconnaissent  à  la  présence  d'une  mince 
»  bordure  de  protoplasme  homogène,  les  leucoblastes 
»  sont  reconnaissantes  à  l'existence  d'une  zone  proto- 
»»  plasmatique  plus  large,  analogue  à  celle  qui  caractérise 
»  ces  éléments  au  stade  de  repos  »  (globules  blancs  à 
protoplasme  finement  granuleux  et  globules  blancs  à  gra- 
nulations éosinophiles.) 


Dans  des  préparations  de  moelle  d'os  de  lapin  que 
j'avais  faites  dans  un  autre  but,  en  employant  la  méthode 
de  coloration  de  Flemming,  mais  en  colorant  successive- 
ment avec  une  solution  aqueuse  d'induline,  j'avais  pu 
démontrer  que  les  leucoblastes  et  les  leucocytes  adultes 
présentaient  tous,  à  un  degré  plus  ou  moins  grand,  cette 
caractéristique,  qu'ils  contiennent,  dans  le  cytoplasme, 
des   granulations  tantôt  très  petites,   tantôt  un  peu  plus 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  --"> 


(  338  ) 


grosses,  eolorables  avec  l'induline,  et  que  ces  granula- 
tions persistaient  chez  les  leucoblastes  en  mitose,  tandis 
que,  dans  le  cytoplasme  des  érythroblastes  en  repos  ou 
en  voie  de  scission  indirecte,  on  ne  rencontrait  jamais 
aucune  granulation. 

Le  fait  que  j'avais  mentionné  incidemment,  dans  mon 
travail  Sur  la  moelle  des  os  dans  la  diphtérie,  était  très 
intéressant,  car  bien  que  Bizzozero  et  Van  (1er  Strichl 
eussent  parlé  d'état  granuleux  du  cytoplasme  des  leuco- 
cytes en  repos  ou  en  divison,  c'était  la  première  t'ois  que 
l'on  démontrait,  au  moyen  de  la  coloration,  les  granula- 
tions cytoplasmatiques  de  ces  éléments  cellulaires  dans  les 
premières  phases  de  leur  évolution  et  durant  la  division 
cellulaire. 

Et  c'est  précisément  à  cause  de  l'importance  que  peut 
avoir  cette  donnée  pour  l'étude  des  problèmes  de  l'hémato- 
poièse  que  je  me  proposai  de  revenir  sur  cette  observation, 
en  cherchant  à  établir,  au  moyen  d'autres  conditions 
expérimentales,  si  le  fait  était  constant. 

dette  l'ois,  je  me  suis  servi  de  la  moelle  d'os  de  lapins 
jeunes,  saignés  à  plusieurs  reprises,  et  qui  était  extraite 
douze  à  quatorze  heures  après  la  dernière  saignée, 
moment  regardé  comme  le  plus  propice  pour  trouver  de 
nombreuses  mitoses. 

Outre  la  méthode,  mentionnée  plus  haut,  de  la  double 
coloration  avec  la  safranine  et  avec  l'inuline,  j'ai  employé 
aussi  la  coloration  avec  la  thionine  et  l'éosine,  qui  m'a 
donné  également  d'excellents  résultats. 

La  planche  qui  accompagne  le  travail  a  été  dessinée 
d'après  des  préparations  colorées  suivant  cette  seconde 
méthode. 


(  359  ) 

Le  procédé  de  coloration  est  très  simple.  Les  coupes 
des  pièces  fixées  en  Flemming  se  colorent  pendanl  vingt- 
quatre  heures  dans  une  solution  à  1  °  0  de  thionine  dans  de 
l'eau  d'aniline  (eau,  KM)  narlies;  huile  d'aniline.  îi.  Les 
coupes  fortement  colorées  se  décolorent  au  moyen  de 
l'alcool  chlorhydrique;  ensuite  on  les  passe  dans  une  solu- 
tion aqueuse,  puis  dans  une  solution  alcoolique  d'éosine, 
de  celle-ci  en  xylol,  après  quoi  l'on  monte  en  baume. 

I>e  même  que  les  granulations,  par  la  première  mé- 
thode, prennent  la  couleur  propre  de  l'induline,  ainsi. 
par  cette  seconde  méthode,  elles  prennent,  au  contraire, 
la  couleur  rouge  de  l'eosine  (planche,  le). 

Également  dans  les  [(réparations  de  moelle  de  lapins 
saignés,  tandis  que  le  cytoplasme  des  érythroblastes,  à 
quelque  période  de  leur  cycle  évolutif  que  se  soit,  se 
montre  clair  et  homogène  (planche,  er),  celui  des  leuco- 
cytes et  des  leucoblastes,  aussi  bien  dans  le  stade  de 
repos  que  dans  celui  de  division,  présente  constamment 
des  granulations  (planche,  le). 

Os  granulations  sont  tantôt  très  fines,  tantôt  un  peu 
plus  grosses;  parfois  elles  répondent  au  type  des  granu- 
lations éosinophiles  d'Ehrlich.  Dans  les  moelles  de  lapins 
saignés,  cependant,  on  ne  les  rencontre  pas  avec  autant 
d'abondance  que  dans  d'autres  conditions  physiologiques 
che/.  ces  animaux,  et  spécialement  lorsqu'il  \  a  une 
grande  stimulation  de  l'activité  de  sécrétion  des  cellules 
médullaires. 

J'ai,   en   effet,    soutenu   dans  d'autres    travaux  et 

d'autres  le  soutiennent  avec  moi  —  que  les  leucocytes  ont 
principalement  une  fonction  sécrétoirc.  Les  observations 
de  (iahrietchewskv,  de  Van  (1er  Stricht.  de   Neusser,  de 


(  340) 
Kantack,  de  Buchner,  <le  Cuénot  et  les  miennes  paraissent 
le  démontrer. 

11  est  donc  naturel  que  le  nombre  des  granulations, 
* I u i ,  pour  moi  et  pour  d'autres,  représentent  de  véritables 
produits  de  sécrétion,  doive  se  trouver  d'autant  plus 
abondant  que  les  leucocytes  se  rapprochent  davantage  de 
l'état  de  maturité  et  que  leur  fonction  sécrétoire  est  plus 
stimulée. 

Dans  les  éléments  que  l'on  rencontre  dans  la  moelle 
des  os  d'animaux  privés  de  sang,  nous  nous  trouvons  en 
présence  de  cellules  pour  la  plupart  jeunes  et  dans  les- 
quelles est  principalement  stimulée  la  fonction  de  repro- 
duction, afin  de  pouvoir  compenser  la  perte  de  la  partie 
corpusculaire  qu'a  subie  la  masse  sanguine.  11  s'agit  donc 
de  cellules  dont  la  fonction  sécrétoire  n'a  pas  atteint 
son  maximum  d'intensité. 

Et  cela  est  si  vrai  que,  si  l'on  examine  les  moelles 
trois  ou  quatre  jours  après  la  dernière  saignée,  on  voit 
un  nombre  moindre  de  mitoses  et  une  plus  grande  abon- 
dance des  granules  dans  le  cytoplasme  des  leucocytes;  ce 
qui  indique  que,  dès  que  la  fonction  de  reproduction  a 
cessé,  les  éléments  cellulaires  reprennent  à  un  plus  liant 
degré  la  fonction  de  sécrétion  à  laquelle  ils  sont  appelés. 

Les  méthodes  de  coloration  que  j'ai  employées  servent 
ainsi  à  établir  que  la  présence  des  granulations  colo- 
rables  avec  quelques  couleurs  d'aniline  à  l'intérieur  du 
cytoplasme  des  leucocytes,  dans  quelque  période  que  ce 
soit  de  leur  développement,  est  un  fait  constant,  et  «pie 
cela  constitue  un  caractère  certain  pour  différencier  les 
leucoblastes  d'avec  les  érythroblastes. 

Ces  observations  viennent  ainsi  confirmer  les  recber- 


Bull.de  l'Acad.  3e Serve.  Tome  AXA'/// 


%      • 


É5? 

1 


X 


;"•'••     .-;v...  .".V^      ••         ..-:■- :--v. 

".¥  ▼     •■.••••    ••  •*  •■.'••      •'.••.  .••-■ 


/,- 


Gitï  J.L.GOFFÂRT,  Bruxelles 


(  341  ) 
ches  de  Bizzozero  el  de  Van  der  Strient,  <-i  elles  induisenl 
à  croire,  avec  ces  auteurs,  que  les  globules  blancs  el  les 
globules  rouges  <lu  sang,  vu  leur  structure  morphologique, 
doivent  être  considérés,  dans  toutes  les  époques  <l<'  leur 
évolution,  comme  <!»'ii\  espèces  cellulaires  différentes, 
n'ayant  «Mitre  elles  aucun  rapport  génétique. 

Ferrare,  1.".  février  18'J7. 

Institut  de  Pathologie  générale  de  l'Université. 


EXPLICATION   l)K  LA   PLANCHE. 


La  planche  a  été  dessinée  avec  un  ohj.  Koristka  à  immersion  I 
gène,  apoenromatique      ^     ,,Q  ocul.  compensât,  i. 

La  planche  représente  une  coupe  de  la  moelle  du  fémur  de  lapin 
saigné.  Les  éléments  figurés  en  er  représentent  les  astes; 

les  éléments  figurés  en  le,  les  leucoblastes. 


(  342  ) 


CLASSE  DES  LETTRES. 


Séance  du  o  avril  1897. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  directeur,  président  de 
l'Académie. 

M.  le  chevalier  Edm.  Mahchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.  Wauters,  P.  Willems, 
S.  Bormans,  Ch.  Piot,  Ch.  Potvin,  J.  Stecher,  Ï.-J.  La- 
my,  G.  Tiberghien,  L.  Vanderkindere,  Ad.  Prins,  J.  Vuyl- 
steke,  Ém.  Banning,  A.  Giron,  le  baron  J.  de  Cheslret 
de  Haneffe,  Paul  Fredericq,  God.  Kurth,  Mesdach  de  ter 
kiele,  H.  Denis,  le  chevalier  Éd.  Descamps,  G.  Mon- 
champ,  membres;  A.  Rivier,  J.  Vollgraff,  associés; 
D.Sleeckx,  P.  Thomas,  Ch.  Duvivier,  V.  Brants  et  Ch.  De 
Smedt,  correspondants. 

M.  Vander  Haeghen  écrit  que  son  état  de  santé  l'em- 
pêche d'assister  à  la  séance. 

M.  le  Directeur  adresse  les  félicitations  de  la  Classe  à 
M.  Piot,  promu  commandeur  de  l'Ordre  de  Léopold  par 
arrêté  royal  du  29  mars  dernier.  (Applaudissements.) 


(  345  ) 

CORRESPONDANCE 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  do  l'Instruction  pu I>1  i- 
qtie  transmet  une  expédition  de  l'arrêté  royal  en  date  du 
ï2<)  mars,  qui  décerne  à  M.  Ch.  Duyivier,  correspondant 
de  l'Académie,  le  prix  quinquennal  d'histoire  nationale 
(période  de  1891-1895),  pour  son  ouvrage  :  /.'/  querelle 
îles  d'Avesnes  et  des  Dam/pierre. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  cites  ci-après  : 

1°  La  Belgique  sous  l'Empire  et  ht  défaite  de  )Va(erloo 
f 804-1815),  tomes  I  et  II;  par  Sylvain  Balau; 

2°  Quelques  noms  et  quelques  faits  à  propos  de  la  guerre 
des  paysans    1 798-1799);  par  l'abbé  Van  Caenegem; 

7>"  Cartuluire  de  la  commune  d'Andenne,  tome  [er;  par 
Léon  Lahaye ; 

\  Institut  colonial  international.  Publications,  2e  série: 
Les  fonctionnaires  coloniaux,  tomes  I  et  II. 

—  Remerciements. 

M.  le  Minisire  de  l'Industrie  et  du  Travail  (dire  un 
exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 

Travail  du  dimanche,  vol.  1,  II  et  V. 

Conseil  supérieur  du  travail:  51'  session,  1895^-1896, 
(Amiral  du  travail. 

—  Remerciements. 

Hommages  d'ouvrages  : 
1°  Poésies.  Théâtre  de  salon.  Monologues  et  saqnètes  ;  par 
Paul  Henrard,  offert  par  M""  veuve  Paul  Henrard; 


(  344  ) 

2°  j  Le  roi  Louis-Philippe  et  le  droit  de  grâce.  \  Lecture 
faite  à  l'Académie  française,  dans  la  séance  du  18  mars  ISf/7: 
par  le  duc  d'Aumale,  associé  de  la  Classe  ; 

5°  Colonies  françaises  et  colonies  anglaises;  par  le  mar- 
quis de  Nadaillac,  associé  de  la  Classe; 

4°  a)  Inscriptions  de  Delphes;  b)  Statue  de  bronze  décou- 
verte à  Delphes;  par  J. -Th.  Homolle,  associé  de  la  Classe; 

5°  a)  Sur  l'administration  de  la  justice  en  Suéde,  en  1895; 
b)  Sur  l'état  des  prisons  en  Suéde,  en  1895;  par  C.  d'Oli- 
vecrona,  associé  de  la  Classe. 

—  Remerciements. 


RAPPORTS. 


Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  Charles-Quint; 
par  Ernest  Gossart. 

Hupporl  de  M.    M*iot,   preêniet'  commissaire. 

«  Le  mémoire  présenté  à  la  Classe  par  M.  Gossart  et 
portant  pour  titre  :  Jotes  pour  servir  à  l'histoire  de 
Charles-Quint,  est  divisé  en  cinq  parties  intitulées  : 
1°  Relations  des  ambassadeurs  vénitiens  Pasqualigo  et 
Corner  sur  Charles-Quint  et  les  Pays-Bas  (1515  à  1521); 
2"  L'apprentissage  politique  de  Charles-Quint  ;  5°  Projets  de 
cession  des  Pays-Bas;  4°  Après  l'abdication;  o°  Les  testa- 
ments de  Charles-Quint. 

Ces  chapitres  sont  suivis  de  deux  appendices  :  A.  Le 
Grand   Capitaine  et   la  république   de  Venise,  d'après  la 


(  345  ) 

correspondance  de  Corner;  I».  Avis  donne  à  l'Empereur 
pour  le  bon  gouvernement  de  ses  royaumes  ci  i'.iais.  Ces 
documents,  dont  les  copies  reposent  aux  Archives  <lu 
Royaume  à  Bruxelles,  servent  en  quelque  sorte  de  pièces 
justificatives. 

Dans  le  chapitre  concernant  les  relations  des  ambas- 
sadeurs vénitiens,  l'auteur  résume  avec  tact  tout  ce  que 
les  diplomates  de  la  célèbre  république  ont  l'ait  connaître 
touchant  la  personnalité  de  l'Empereur  et  son  entourage 
de  1515  à  1521.  Si  cette  partie  du  mémoire  n'est  pas 
entièrement  neuve,  elle  a  le  grand  avantage  d'exposer 
tous  les  faits  d'une  manière  à  la  fois  lucide  et  précise. 

Le  chapitre  intitulé  :  V apprentissage  politique  de  Charles- 
Quint,  est  plus  intéressant,  à  raison  des  aperçus  nouveaux. 
L'auteur  y  explique  la  position  du  jeune  prince  placé  sous 
la  tutelle  de  son  grand-père,  l'empereur  Maximilien,  qui, 
à  un  moment  donné,  voulait  réunir  le  pouvoir  temporel 
et  le  pouvoir  spirituel.  C'était  à  ses  yeux  la  conséquence 
nécessaire  de  la  chute  de  la  féodalité,  le  triomphe  complet 
de  la  monarchie. 

Jeune  et  sans  expérience  aucune,  l'archiduc  Charles 
subit  la  double  influence  de  l'Autriche  et  de  l'Espagne.  Il 
ne  fut  ni  Néerlandais,  ni  Allemand,  ni  Autrichien,  ni 
Espagnol,  pas  même  Français,  quoique  d'origine  française 
par  sa  grand'mère  et  les  aïeux  de  cette  princesse.  Ainsi, 
par  suite  d'atavisme  sans  doute,  il  avait  le  menton 
proéminent  des  ducs  de  Bourgogne,  dont  parle  Marguerite 
d'Autriche.  Au  reste,  il  est  lui-même,  bien  que  son  esprit 
reçut  successivement  l'empreinte  des  leçons  de  son  gou- 
verneur, Guillaume  de  Croy,  de  son  précepteur,  Adrien 
d'Utrecht,  et  de  ses  «  maîtres  d'école  »  espagnols.  Ces 
impulsions  si  différentes,  souvent  contraires,  mais  ten- 


(  346  ) 

dant  toujours  au  même  but,  la  centralisation  du  pou- 
voir, produisirent,  quant  à  la  politique  du  prince,  des 
effets  très  complexes.  Il  faut  y  joindre  les  résultats  de 
l'éducation  qu'il  reçut  de  sa  tante,  Marguerite  d'Autriche, 
femme  dont  l'intelligence  élevée  eut  sur  les  princes  de  sa 
maison  un  ascendant  considérable. 

L'auteur  décrit  parfaitement  l'action  de  ces  courants 
divers,  voire  si  opposés,  nous  venons  de  le  dire.  C'est 
un  tableau  qu'il  nous  présente  de  l'éducation  politique,  de 
l'esprit  éclectique  d'un  prince  appelé  à  gouverner  des 
peuples  dissemblables,  ayant  des  aptitudes  divergentes 
résultant  du  génie  national  de  chacun  d'eux. 

A  mon  avis,  c'est  la  partie  la  plus  intéressante  du 
mémoire,  qui  forme  en  quelque  sorte  un  ensemble  varié 
d'épisodes  de  la  vie  de  l'empereur. 

Les  chapitres  ayant  pour  titres  :  Projets  de  cession  des 
Pays-Bas  et  Après  l'abdication  apprécient  fort  bien  les 
faits.  Sous  ce  rapport,  l'auteur  entre  dans  des  détails  clai- 
rement et  nettement  expliqués. 

Lu  ce  qui  concerne  les  testaments  de  l'Empereur,  il  a 
recueilli  toutes  les  données  connues  à  ce  sujet. 

En  somme,  je  pense  que  ce  travail  mérite  de  figurer 
dans  les  Mémoires  de  la  Classe,  où  il  pourra  être  consulté 
utilement  jusqu'au  moment  de  la  publication  complète 
de  la  correspondance  de  l'Empereur,  dont  de  Leva, 
Roesler,  Bradford,  Heine,  Dôllinger,  de  Reiffenberg, 
Kluckhohn,  Mignet,  etc.  ont  fait  connaître  des  fragments 
importants,  qui  n'ont  pas  toujours  été  mis  à  profit  par  les 
historiens.  » 


(  547  ) 


/(,i///m.»/    île    M.    KM*.     Iluiitnitfi .    t$ftij-$4'tii*'    <o»*l»»il««««»<*. 

M.   Ernest  Gossart  communiquait  l'an  dernier  à  la 

Classe  des  lettres,  qui  en  ordonnait  l'impression  dans  le 
recueil  des  Mémoires  in-S    de  l'Académie,  une  étude  d'un 
vil' intérêt  sur  Les  tirigines  de  la  prépondérance  politique  de 
l'Espagne  en  Europe.  Il  montrait  dans  ce  travail  comment 
Charles-Quint,  étranger  et  d'abord  hostile  à  l'Espagne, 
accueilli  à  son  avènement  dans  ce  pays  par  une  insurrec- 
tion redoutable,  se  transforma  graduellement   en   prince 
espagnol,  s'imprégna  de  plus  en  plus  de  l'esprit  et  des 
mœurs  d'une  nation  qui  l'avait  longtemps  détesté,  et  finit 
par  taire  des  États  que  lui  avaient  légués  Ferdinand  et 
Isabelle,  le  pivot  même  de  la  conception  politique  qu'il 
avait  représentée  pendant  quarante  ans.  Cette  conception, 
que  M.  (iossart  définissait  en  ces  termes  :  «  Concentration 
de  toute  l'autorité  dans  sa  main  comme  chef  de  la  maison 
d'Autriche,  prééminence  sur  les  autres  souverains,  reven- 
dication du  rôle  de  protecteur  de  la  chrétienté  et  d'arbitre 
de  la  paix  en  Europe  »  (page  m),  il  s'était  proposé  de  la 
suivre   dans   ses   orientations   multiples,  de  dégager  la 
pensée  fondamentale  du  règne,  à  travers  ses  phases  succes- 
sives et  dans  les  applications  diverses  qu'elle  avait  reçues. 
L'entreprise  était  digne  d'être  tentée;  mais  une  diffi- 
culté grave  se  révéla  dès  le  début.  «  Les  documents  impri- 
més que  l'on  possède  au  sujet  du  règne  de  Charles-Quint 
sont  loin  de  suffire  à  une  histoire  de  sa  politique  exté- 
rieure »  (p.  vin).  Cette  observation,  M.  (iossart  n'a  pas 
été   le   premier  à   la    faire.    Le   règne  de  Charles-Quint 
accuse,  en  se  poursuivant,  une  complication  extrême,  un 
désarroi  croissant;  il  finit  sans  être  achevé,  laissant  toutes 


(  348  ) 
les   questions   ouvertes,    tous   les    intérêts   en   suspens. 
L'empereur  lui-même  ne  se  sentit  pas  le  goût  ou  la  force 
de  le  conduire  jusqu'au  bout;  lassé  de  ses  mécomptes 
bien  plus  peut-être  qu'épuisé   par  les  infirmités,   après 
avoir  accumulé  au  cours  de  sa  vie  les  dispositions  testa- 
mentaires, il  devança  la  mort  et  renonça  à  un  pouvoir 
dont  il  n'avait  su  faire  l'instrument  d'aucune   création 
durable.   Ce  caractère  d'inachevé  se  retrouve,    par  un 
trait  bizarre,   dans  l'œuvre  des  historiens  qui   se  sont 
appliqués  à  retracer  sa  carrière.  Après  Robertson,  dont 
le  livre  encore  intéressant  est  naturellement  suranné,  il 
n'a   point    paru  d'histoire   complète  de  Charles-Quint. 
Notre  ancien  confrère,  M.  Henné,  ne  l'a  étudié  que  dans 
les  Pays-Bas,  comme  G.  de  Leva  ne  le  considère  que 
dans  sa  politique  italienne,  comme  Maurenbrecher  l'envi- 
sage au  point  de  vue  de  la  Réforme.   Il  y  a  douze  ans, 
Hermann  Baumgarten  voulut  essayer  un  ouvrage  d'en- 
semble et  crut   pouvoir  récrire  à  l'aide  des  seuls  docu- 
ments édités;  arrivé  au  troisième  volume  en   1892,   le 
dernier  de   son    travail   que   la  mort  ne  lui  permit   de 
conduire  que  jusqu'à  l'année  1558,  il  constata  lui-même 
l'impossibilité  de  poursuivre  sa  tache,   si   ce  n'est  à   la 
condition  d'aller  s'installer  pour  plusieurs  années  dans 
les   grands   dépôts   d'archives    de   l'Europe.    Même    en 
s'eftbrçant  de  remplir  un  cadre  plus  restreint,  M.  Gossarl 
aboutit  ii   la   même  conclusion.  Mais  s'il  n'a  pas  écrit 
l'histoire  diplomatique  de  Charles-Quint,  il  a  pu,  au  coins 
de  ses  longues  recherches,  éclairer  par  bien  des  côtes  la 
voie  où  d'autres  marcheront  après  lui  et  nous  apporter 
une  suite  d'informations  réunies  avec  un  soin  scrupuleux 
et  pour  la  plupart  mises  dans  un  jour  nouveau. 

Le  mémoire  qu'il  soumet  à  l'Académie  se  compose  de 
cinq  notes  et  de  deux  appendices. 


(  349  ) 

La  première  de  ces  noies  est  une  analyse  de  la  relation 
des  <lt'ii\  plus  anciens  ambassadeurs  de  Venise  auprès  de 
Charles-Quint  :  Pasqualigo  en  1515,  el  Corner,  le  premier 
agent  de  la  République  régulièremenl  accrédité  à  sa 
cour,  en  1521.  Ces  relations,  qui  ont  échappé  aux  recher- 
ches d'Alberij  complètent  le  recueil  formé  par  Gachard 
des  relations  des  ambassadeurs  vénitiens  sur  Charles- 
Quint  et  Philippe  II;  les  éléments  en  sont  empruntés  aux 
Diarii  de  Marino  Sanuto.  Ces  documents  fournissent  de 
fort  intéressants  détails  sur  la  situation  politique  et  éco- 
nomique de  l'Espagne  comme  des  Pays-Bas  (tendant  les 
premières  années  du  XVI'"  siècle.  Les  traits  de  mœurs 
piquants  n'y  sont  pas  rares.  Les  deux  diplomates  tra- 
cèrent un  portrait  peu  ilatté  du  jeune  souverain,  qui  leur 
parut  alors  promettre  le  contraire  d'un  grand  homme. 
Son  instruction  première  à  coup  sûr  avait  laissé  beau- 
coup à  désirer.  Dix  ans  plus  tard,  Contarini,  après  la 
négociation  de  Bologne,  tient  un  autre  langage. 

La  seconde  note  constitue  une  étude  importante  sur  la 
formation  de  la  personnalité  politique  de  Charles-Quint. 
Il  s'agit  d'établir  le  moment  précis  où  le  prince  se  dégage 
des  influences  qui  ont  dirigé  sa  jeunesse  et  manifeste  une 
volonté  propre.  C'est  à  l'année  1521,  pendant  la  diète  de 
Worms,  que  M.  Gossart  reporte  la  date  de  cette  émanci- 
pation. Le  seigneur  de  Chièvres,  qui  avait  présidé  à  son 
éducation,  garda  jusqu'à  sa  mort,  survenuele  28  mail521, 
sur  l'esprit  du  jeune  souverain  un  empire  incontesté  :  en 
sa  présence,  Charles  n'est  qu'un  élève,  son  attitude  est 
passive,  son  rôle  nul,  au  point  que  des  observateurs  sagaces 
se  méprennent  sur  la  portée  de  son  intelligence.  Le  pre- 
mier ministre  meurt  pendant  la  diète  de  Worms  même  : 
la  pensée  dirigeante  qui  s'y  manifeste  vient  certainement 


(  350  ) 

de  lui.  C'était  un  compromis  formulé  en  ces  termes  :  que 
Léon  X  renonce  à  l'alliance  avec  la  France,  qu'il  unisse 
sa  cause  à  celle  de  l'Empereur  et  celui-ci  lui  livrera  en 
retour  Luther.  Cette  négociation,  qui  s'ouvrit  entre 
Chièvres  et  Aleander,  représentant  des  intérêts  du  Saint- 
Siège,  avait  abouti  dès  le  <S  mai,  car  l'édit  de  proscription, 
publié  seulement  le  25,  est  arrêté  dès  lors.  Trois  jours 
après,  Chièvres  est  mort,  mais  Charles  s'approprie  sa 
politique  et  la  poursuit  désormais  en  son  nom.  «  Vous 
serez  content  de  moi,  »  dit-il  à  Aleander.  Quand,  plus  tard. 
Clément  Vil,  revenant  sur  les  engagements  de  Léon  X  et 
d'Adrien,  se  rapproche  de  François  Ier,  l'Empereur 
s'irrite  et  menace  :  «  lin  jour  ou  l'autre  peut-être,  dit-il 
alors  à  Contarini,  Martin  Luther  deviendra  un  homme 
important.  »  C'est  la  pensée  de  1521  qui  reparait  un  mois 
avant  la  bataille  de  l*avie.  A  ce  moment,  Charles-Quint 
est  bien  lui-même;  son  nouveau  ministre,  Gattinara, 
n'avait  pas  hérité  de  l'autorité  du  premier,  dont  il  ne 
parait  pas  avoir,  au  surplus,  égalé  le  mérite.  M.  Cossarl 
publie,  en  appendice,  un  long  mémoire  que  Gattinara 
adressa  à  son  maître  vers  1523  et  qui  est  un  examen 
général  de  la  situation  politique.  Ce  document  l'ut  dis- 
cuté en  conseil  et  chargé  d'apostilles  :  la  lecture  n'en 
donne  pas  une  haute  idée  de  la  manière  dont  se  traitaient 
les  affaires  dans  cette  assemblée.  L'étude  tout  entière 
fournit  des  indications  et  des  rapprochements  d'un  grand 
intérêt. 

Les  trois  autres  notes  ont  reçu  moins  de  développe- 
ments. La  première  concerne  les  projets  conçus  à  diverses 
époques  par  Charles-Quint  de  constituer  les  Pays-Bas  eu 
un  Etat  indépendant.  Les  négociations  à  ce  sujet  se  rat- 
tachèrent à  la  possession  du  Milanais,  auquel  François  IPI 


(  38) 

paraît  avoir  tenu  beaucoup  plus  qu'à  celle  des  Pays-Bas. 
Le  projet  de  1527  avorta  en  germe;  il  renaît  en  1539  et 
en  1544.  En  Espagne,  on  y  était  hostile;  le  motif  vaut  la 

peine  d'être  noté.  Les  États  de  Flandre,  disait-on,  étaient 
au  milieu  de  l'Europe  «  une  citadelle  d'acier  [tour  la  mai- 
son d'Autriche,  un  bouclier  qui  lui  permettait  de  recevoir 
les  coups  de  l'Angleterre,  de  l'Allemagne  et  de  la  France 
loin  de  la  tète  de  la  monarchie.  »  Le  rôle  était  modeste; 
il  allait  résumer  un  siècle  et  demi  de  notre  histoire. 
Plus  tard,  en  1555,  à  l'occasion  du  mariage  de  Philippe 
avec  Marie  Tudor,  on  voit  l'Empereur  rêver  d'unir 
sur  la  tète  de  leur  héritier  éventuel  la  couronne  d'Angle- 
terre à  la  souveraineté  des  Pays-Bas.  Ce  projet  ne  ren- 
contra pas  d'hostilité  dans  nos  provinces  où  l'alliance 
anglaise  était  populaire  et  semblait  promettre  aux  États 
associés  la  suprématie  maritime  et  commerciale.  Un 
dernier  dessein  de  l'Empereur  aurait  donné  les  Pays-Hasà 
sa  fille  ainée  qui  aurait  épousé  son  cousin  Maximilien; 
une  préoccupation  dynastique  lit  encore  renoncer  à  cette 
pensée  :  il  ne  fallait  pas  risquer  d'affaiblir  la  puissance  de 
Philippe  IL  M.  Gossart,  en  passant  en  revue  ces  diverses 
combinaisons,  met  en  doute  la  sincérité  de  Charles- 
Quint  dans  ses  projets  de  transférer  ses  possessions 
belges  à  un  prince  de  la  maison  de  France. 

La  quatrième  étude  donne  de  nouveaux  détails  sur 
la  seconde  abdication  de  Charles-Quint,  que  la  solen- 
nité de  la  première  a  quelque  peu  mise  dans  l'ombre  et 
qui  eut  lieu  à  Bruxelles,  le  1<>  janvier  1556.  L'attitude  de 
Philippe  et  de  ses  courtisans  espagnols  ne  fut  rien 
moins  qu'édifiante  à  ee  moment  :  on  trouvait  l'Empe- 
reur bien  lent  à  se  dessaisir  de  l'Espagne  et  de  Naples; 
Marie  de  Hongrie  dut  intervenir  pour  rappeler  ces  impa- 


(  352  ) 

tiences  au  respect.  On  aurait  voulu  retenir  à  Bruxelles 
le  monarque  dépouillé  de  son  pouvoir  et  lui  faire  porter 
le  poids  de  la  lutte  qui  allait  s'engager  avec  la  France.  Il 
n'en  fit  rien;  le  8  août  1556,  Charles-Quint  quittait  défi- 
nitivement les  Pays-Bas  :  la  scène  du  départ  fut  émou- 
vante. De  tous  côtés  se  manifestaient  de  sombres  pres- 
sentiments. 

La  dernière  note  de  M.  Gossart  se  rapporte  aux  testa- 
ments et  codicilles  de  Charles-Quint,  au  sujet  desquels  il 
s'est  livré  à  de  longues  et  minutieuses  recherches;  il  en 
signale  quinze,  de  1522  à  1558,  dont  plusieurs  inédits. 
Un  certain  nomhre  de  ces  actes  ont  disparu  :  l'auteur 
s'est  borné  jusqu'ici  à  en  établir  le  catalogue,  qui  pourra 
servir  de  point  de  départ  à  un  travail  ultérieur. 

Ces  considérations  m'amènent  à  la  même  conclusion 
que  notre  savant  confrère,  M.  Piot.  En  accueillant  avec 
sympathie  les  nouvelles  études  de  M.  Gossart,  il  me  sera 
permis  d'exprimer  le  vœu  de  lui  voir  continuer  ses  fruc- 
tueuses recherches  sur  l'histoire  du  XVIe  siècle.  Après  les 
résultats  dignes  d'attention  qu'il  a  obtenus,  il  faut  garder 
l'espoir  qu'il  n'a  pas  renoncé  entièrement  au  plan  qu'il 
s'était  tracé  tout  d'abord,  et  qu'il  finira  par  coordonner 
en  une  œuvre  d'ensemble  les  chapitres  isolés  qui  vien- 
nent prendre  place  dans  les  recueils  de  l'Académie.  » 


Ra/jfioi't  tte  .If.    f*.    f<V*>rfeWc«jr,    troisième  con»»t»i*»aire. 

ce  Les  développements  que  les  deux  premiers  commis- 
saires ont  donnés  à  leurs  rapports,  me  dispensent  d'entrer 
dans  le  détail  du  nouveau  mémoire  soumis  à  la  Classe 
des  lettres  par  M.  Ernest  Gossart. 


(   353  ) 

C'est  un  travail  remarquable,  contenant  beaucoup  de 

choses  neuves;  l'auteur  a  fait  lui-même  d'heureuses  trou- 
vailles et  les  met  en  œuvre  avec  une  grande  sûreté  d'in- 
formations. 

C'est  pourquoi  je  n'hésite  pas  à  me  rallier  aux  conclu- 
sions de  mes  deux  honorables  confrères  et  j'ai  l'honneur 
de    proposer   avec   eu\    l'impression    du    manuscrit   de 
M.  Gossart  dans  les  Mémoires  in-8"  de  l'Académie.  »  - 
Adopté. 


JUGEMENT  DES  CONCOURS. 


Conformément  à  l'article  38  du  règlement,  il  est  donné 
lecture  des  rapports  sur  les  mémoires  présentés  aux  con- 
cours de  cette  année. 

Le  prononcé  du  jugement  aura  lieu  dans  la  prochaine 
séance,  lixée  au  10  mai. 


COMITÉ     SECRET 


La  Classe  se  constitue  en  comité  secret  pour  discuter 
les  titres  des  candidats  aux  places  vacantes  et  pour  l'adop- 
tion de  candidatures  nouvelles. 


■ — ^JifrÇ-g^gHSX 


SÉRIE,    TOME    XXXIII. 


(  354-  ) 


CREASSE   DES  BEAUX-ARTS. 


Séance  du  1er  avril  1897. 

M.  Ch.  Tardieu,  vice -directeur,  occupe  le  fauteuil. 
M.  le  chevalier  Edmond  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Th.  Vinçotte,  directeur;  Éd.  Fétis, 
F. -A.  Gevaert,  Ad.  Samuel,  Th.  Radoux,  Jos.  Jaquet, 
J.  Demannez,  P.-J.  Clays,  G.  De  Groot,  Gustave  Biot, 
H.  Hymans,  Jos.  Stallaert,  Alex.  Markelbach,  Max.  Roo- 
ses,  G.  Huberli,  A.  Hennebicq,  Éd.  Van  Even,  Alfr.  Cluy- 
senaar,  le  comte  J.  de  Lalaing,  J.  Winders,  Ém.  Janlet, 
H.  Maquet,  membres;  J.-B.  Meunier,  A.  Bourlard  et 
Em.  Mathieu,  correspondants. 

M.  J.-J.  Van  Ysendyck  exprime  ses  regrets  de  ne 
pouvoir  assister  à  la  séance. 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Agriculture  et  des  Travaux  publics 
adresse  une  expédition  d'un  arrêté  royal  en  date  du 
:2r>  mars,  nommant  MM.  Benoît,  Gevaert,  Samuel,  Fétis, 


:>55 

Rooses.  Snieders  et  P.  Willems  membres  du  jury  chargé 
de  juger  le  double  concours  pour  un  poème  en  langue 
française  et  un  poème  en  langue  flamande  destinés  à 
servir  de  thème  aux  concurrents  du  grand  prix  de  com- 
position musicale  de  cette  année. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  envoie,  pour  la  biblio- 
thèque de  l'Académie,  un  exemplaire  du  livre  intitulé  : 
Les  heures  (Je  i\olre  Dame  dite  de  Hennexsy,  élude  sur  an 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique,  par 
Joseph  Destrée.        Remerciements. 

M.  L.  Laureys  remercie,  par  écrit,  la  Classe,  pour 
le  discours  prononcé  par  M.  Vinçotte  lors  des  funérailles 
de  M.  Félix  Laureys,  et  pour  les  condoléances  qui  ont  été 
exprimées  à  la  famille  du  défunt. 

-  La  Classe  renvoie  à  l'appréciation  de  la  section 
d'architecture  le  cinquième  rapport  semestriel  de  M.  E. 
Vereecken,  premier  prix  du  grand  concours  d'architec- 
ture de  1893. 

Hommages  d'ouvrages  : 
Annuaire    da    Conservatoire    royal    de    musique    de 
Bruxelles,  vingtième  année;  offert  par  M.  Cevaert. 

(tara    dvl    Monte    en     Deodatus     Van    (1er    Mont;    par 
P.  Génard. 

Remerciements. 


(  556  ) 
RAPPORTS. 


MM.  Fétis,  Clays,  Cluysenaar,  Hennebicq  et  Stallaert 
donnent  lecture  de  leur  appréciation  «les  troisième  el 
quatrième  rapports  de  M.  Ed.  Van  Esbroeck,  boursier 
pour  la  peinture,  en  1<X<),">,  de  la  fondation  Godecharle. 
-  Renvoi  à  M.  le  Ministre  de  l'Agriculture  et  des  Tra- 
vaux publics. 


CONCOURS  DES  CANTATES  IMUT,  L'ANNEE  1«S«)7. 


M.  le  Secrétaire  perpétue]  dépose  sur  le  bureau  les 
poèmes  portant  les  titres  suivants,  qu'il  a  reçus  pour  ce 
eoncours  : 

POÈMES    FRANÇAIS. 

1.  Salul  à  l'Escaut.  Noël.  Le  Drapeau.  Sans  devise. 

2.  Mu  ils  héroïques.  Devise  :  Dieu!  (jiie  le  son  du  cor  est 

triste  au  fond  des  Lois.  A.  de  Vigny. 
."*>.    Alcyuue.  Devis*'  :  Eros. 
\.   Job.  Sans  devise. 

.">.  La  Vierge-Cygne,  légende.  Sans  devise, 
(i.   Le  Mousse  Angelo,  monologue.  Sans  devise. 

7.  Myrrha,   poème  lyrique  en  trois  tableaux.  Devise  : 

Ilonos  alit  artes.- 

8.  Paix!  poème  lyrique  et  sympbonique  en  trois  parties. 

Devise  :  Exulsior. 
1>.   Judith.  Sans  devise 


{  557 

10.  Adam  et  Eve.  Sans  devise. 

I  I.    Le  Crépuscule    Devise  :  L'aine,  de  reres  d'or,  fait  une 

ample  cueillette  ! 
12.   A  Jérusalem,  épisode  de  la  première  croisade;  Sans 

devise. 
15.    Yconnic.  Sans  devise. 

11.  Le  Triomphe  des  Arts  et  de  l'Industrie.  Sans  billet 

cacheté.  Monogramme  L:  .1. 

15.  Le  Vieux  Saule.  Sans  devise. 

16.  Germankm,  mélodrame.  Sans  devise. 

17.  La  Foret.  Sans  devise. 

IN.   Lizel,  poème  lyrique  en  trois  fragments.  Sans  devise. 
10.    La  Civilisation  belge  au  Congo.  Sans  devise. 

20.  L'Adoration   <les    Bernas.    Devise   :    Le  peuple   qui 

marchait  dans  les  ténèbres  a  vu  une  grande  lumière, 
Es.  IX,  1. 

21.  Saritri,  légende  hindoue:  Sans  devise. 

22.  Laus  Arti.  Devise  :  Paulo  majora  canamus. 
2">.   Jephtah  Victorieux!  Sans  devise. 

2i.    Lu  (  haniuiue.  Sans  devise. 

25.   A  tire  d'aile.  Sans  devise. 

20.    Les  Inoubliables.  Sans  devise. 

27.   La  Paix.  Sans  devise. 

2K.    Démence  de  Judas  l'iscarîole.  Sans  devise. 

2!).    Désespérance.  Devise  :   Bondissant  dans   ma   course 

errante,  puissé-je  aller  avec   le  souffle  des   cents. 

Aristophane,  Les  Oiseaux. 
30.   Antigonc.  Sans  devise. 

51.  Honneur  à  la  langue  maternelle,   conversation  entre 

deux  soldats.  Sans  devise. 

52.  Les  Vaincus   Devise  :  Gloria  victis. 

33.   (omala,  d'après  Ossian.  Sans  billet  cacheté. 


(  358  ) 

POÈMES    FLAMANDS. 

1 .  Menschemtrijd.  Kenspreuk  :  Godsdienst,  kunst,  welen- 

schap. 
"2.  Agrippina.  Kenspreuk  :  Kanst  is  leven. 
5.  Nachtmijmering.  Kenspreuk  :   Poesis  sollatiuw  per 

vicissitudines  vitœ. 

4.  Zomernachtsdroom.   Kenspreuk  :    Ich   homme  (ang- 

sam,  enz.  Goethe,  Torquato  Tasso. 

5.  Lenledag.  Kenspreuk  :  lilijde  lente,  lusl  der  aardc,  enz. 

Feith. 
<j.  Mozcs  gered.  Zonder  kenspreuk. 

7.  .4 dol 'f  vin  Niïiiwland  en  Machteld  van    Vlaandercn. 

Zonder  kenspreuk. 

8.  Livfde  en  Harmonij.  Zonder  kenspreuk. 

9.  De  Mqrfelaars  der  vrijheid.  Kenspreuk  :  Pro  Palria. 

10.  Ilesiona.  Zonder  kenspreuk. 

1 1.  Mijne  Moederlaal.  Zonder  kenspreuk. 

lc2.  De  Morgen    De  Meernrinnen.  Zonder  kenspreuk. 

15.  Wanneer  de  Redding?  Zonder  kenspreuk. 

14.  Irold.  Zonder  kenspreuk. 

15.  Naar  het  land  der  gedachten.  Zonder  kenspreuk. 

10.  Coriolan  bij  de  belegering  van  Home  (488  vôdr  J.-C). 

Zonder  kenspreuk. 

17.  Een  Kind  der  ecnw.  Kenspreuk  :  Ilulde  wien  hulde 

toekomt! 

18.  De  Brugsche  Mellen  (Nachl  van  18  Met  1502).  Zonder 

kenspreuk. 

19.  Cassel.  Kenspreuk  :  Hoe  zalde  overwinnaar  de  Spar- 

tiaten  beleltcn,  enz.  A.RISTACRATISDAS. 

20.  Mater  Dolorosa,  of  cantate  ter  eere  van  O.-L.-V.  der 

zeven  Weeën. 


(  559  ) 

21.  Passie  Christ i.  Zonder  kenspreuk. 

"i-1.  Ucschaving.  Zonder  kenspreuk. 

23.  Voloespa.  Zonder  kenspreuk. 

*1\.  De  Oogst.  Zonder  kenspreuk. 

25.  Pompeïa.  Kenspreuk  :   Avondstille,  kalmc  zee,   allés 

advint  rus  t.  en  vrede.  Sans  billet  cacheté. 

2(>.  Niobe.  Kenspreuk  :  Deemoed. 

27.  Ilcrodias.  Kenspreuk  :  Excelsior. 

28.  l>e    Val   van    Woden.    Kenspreuk   :    Amant    alterna 

(  amœnœ. 
2i).   Robrecht  en  Anna.  Zonder  kenspreuk. 
.10.    Kandia   Zonder  kenspreuk. 
11.    Humanos.  Kenspreuk  :  Excelsior. 
52.   De  Iioep  van  Smte  Fransiscus  van  Sales.  Kenspreuk  : 

Qttis  similis  lai  inforlibus,  Domine'/  etc.  (iïxod.  XV, 

11.) 
33.    De  Liefde.  Kenspreuk  :  Ehret  die  Frauen!  etc. 
31.   Phadaëla.  Zonder  kenspreuk. 

35.  De  Sporenslag.  Zonder  kenspreuk. 

36.  Iphigenia  in  Tanris.  Zonder  kenspreuk. 

37.  De  Moed.  Kenspreuk  :  Waarom  nict? 

38.  Frei/a.  Zonder  kenspreuk. 

39.  Odusseus.  Kenspreuk  :  Es  ist  eine  aile  Geschichte. 
U).  Coram  populo.  Kenspreuk  :  Zoo  rein  als  7  dons  der 

zwanen. 
il.   Esdrade.  Kenspreuk  :  Pro  arte. 
fâ.    Inawaca.  Kenspreuk  :  Fatum  fatorum  et  omnia  fatum  ! 
13.   Het  Werk.  Kenspreuk  :  Fiai! 
11.   Mené,  Thekel,  Uphnrsin!  Kenspreuk  :  Nog  éénf 
13.    Een  Lied  vanVIaandcrens  Vtas.  Kenspreuk  :  Waarom 

moel  destofvan  onze  kantaten  allijd  episch,  mi/tho- 

logisch  of  gescliicdkundig  zijn?  enz. 


360  ) 


PROGRAMME  DE  CONCOURS  POUR  1898. 


PARTIE    LITTERAIRE. 


PREMIERE    QUESTION. 


Quelles  sont  les  analogies  ou  les  différences  qui  existent 
entre  l'allégorie  et  le  symbole?  Établir  et  caractériser,  par 
des  exemples  empruntés  à  l'histoire  de  la  peinture,  les  élé- 
ments essentiels  qui  rapprochent  ou  distinguent  ces  deux 
conceptions  esthétiques . 

DEUXIÈME    QUESTION. 

Faire  l'histoire  de  la  céramique  au  point  de  vue  de  l'art. 
dans  nos  provinces,  depuis  le  XVe  siècle  jusqu'à  la  fin  du 
XVIIIe  siècle. 

TROISIÈME    QUESTION. 

Écrire  l'histoire  des  édifices  construits  place  de  l'Hôtel 
de  Ville  à  Bruxelles,  après  le  bombardement  de  1695.  Expo- 
ser les  faits,  donner  une  appréciation  esthétique  des  bâtiments 
et  faire  connaître  leur  importance  au  point  de  vue  de  l'his- 
toire du  style  architectonique  auquel  ils  appartiennent. 

QUATRIÈME    QUESTION. 

Faire  l'historique  de  la  partie  spécialement  musicale  de  la 
chanson  flamande  (origine  des  mélodies  et  des  formes  ryth- 
miques),  depuis  le  haut  moyen  âge  jusqu'aux  temps 
modernes. 


(  561   ) 

La  valeur  des  médailles  d'or  présentées  comme  prix 
sera  de  huit  cents  francs  pour  la  première  question,  de 
mille  francs  pour  la  deuxième,  pour  la  troisième  et  pour 
la  quatrième  question. 

Les  mémoires  envoyés  en  réponse  à  ces  questions 
doivent  être  lisiblement  écrits  et  peuvent  être  rédigés 
en  français,  en  flamand  ou  en  latin.  Ils  devront  être 
adressés,  francs  de  port,  avant  le  1er  juin  181)8,  à 
M.  le  Secrétaire  perpétuel,  au  Palais  des  Académies. 

Les  auteurs  ne  mettront  point  leur  nom  à  leur  ouvrage  ; 
ils  n'y  inscriront  qu'une  devise,  qu'ils  reproduiront  sur 
un  pli  cacheté  renfermant  leur  nom  et  leur  adresse  (il  est 
défendu  de  faire  usage  d'un  pseudonyme);  faute,  par  eux, 
de  satisfaire  à  ces  formalités,  le  prix  ne  pourra  leur  être 
accordé. 

Les  ouvrages  remis  après  le  temps  prescrit  ou  ceux 
dont  les  auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière 
que  ce  soit,  seront  exclus  du  concours. 

L'Académie  demande  la  plus  grande  exactitude  dans 
les  citations  :  elle  exige,  à  cet  effet,  que  les  concurrents 
indiquent  les  éditions  et  les  pages  des  ouvrages  qui  seront 
mentionnés  dans  les  travaux  présentés  à  son  jugement. 

Les  planches  inédites,  seules,  seront  admises. 

L'Académie  se  réserve  le  droit  de  publier  les  travaux 
couronnés. 

Llle  croit  devoir  rappeler  aux  concurrents  que  les 
manuscrits  des  mémoires  soumis  à  son  jugement  restent 
déposés  dans  ses  archives  comme  étant  devenus  s;i 
propriété.  Toutefois,  les  auteurs  peuvent  en  faire  prendre 
copie  à  leurs  frais,  en  s'adressant,  à  cet  effet,  au 
Secrétaire  perpétuel. 


362  ) 


ART     U'I'UÇII 
GRAVURE    EN    TAILLE-DOUEE. 

On  demande  le  portrait  en  buste,  gravé  en  taille-douce, 
d'un  Helge  contemporain,  ayant  une  notoriété  reconnue 
dans  le  domaine  politique,  administratif,  scientifique,  lit- 
téraire ou  artistique. 

Le  prix  sera  de  800  francs. 

Ce  portrait  doit  être  absolument  inédit. 

La  tète  aura  0  à  7  centimètres  de  hauteur. 

Les  concurrents  sont  tenus  de  soumettre  deux  épreuves 
au  moins  de  leurs  planches,  dont  une  sur  chine,  et  non 
encadrées  ni  sous  verre.  Ils  devront  y  joindre  le  dessin 
qui  leur  a  servi  de  modèle;  ce  dessin  devra  avoir  été  fait 
d'après  nature. 

Les  épreuves  soumises  au  concours  resteront  la  pro- 
priété de  l'Académie. 

SCULPTURE. 

On  demande  un  bas-relief  (à  figures  demi-nature)  repré- 
sentant la  Belgique  recevant  les  Nations  étrangères  à  l'occa- 
sion de  l'Exposition  internationale  de  Bruxelles. 

Le  prix  sera  de  800  francs. 

Les  concours  d'art  appliqué  sont  limités  aux  Belges  de 
naissance  ou  naturalisés. 

Les  gravures  et  dessins  et  les  bas-reliefs  devront  être 
remis,  francs  de  port,  au  secrétariat  de  l'Académie  avant 
le  l*r  octobre  1898. 


363 

I,' Académie  n'accepte  que  les  travaux  entièrement 
achevés. 

Les  auteurs  couronnés  du  bas-relief  sont  tenus  de 
donner  une  reproduction  photographique  de  leur  œuvre, 

pour  être  conservée  dans  les  archives  de  l'Académie. 

Les  concurrents  ne  mettront  point  leur  nom  à  leur 
travail  ;  ils  n'y  inscriront  qu'une  devise,  qu'ils  reprodui- 
ront dans  un  billet  cacheté  renfermant  leur  nom  et  leur 
adresse.  Faute,  par  eux,  de  satisfaire  à  cette  formalité,  le 
prix  ne  pourra  leur  être  accordé. 

Les  travaux  remis  après  le  terme  prescrit  ou  ceux 
dont  les  auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière 
que  ce  soit,  seront  exclus  du  concours. 

Un  délai  de  trois  mois  à  partir  du  jugement  des 
concours  est  accordé  aux  auteurs  des  bas-reliefs  pour 
reprendre  leurs  oeuvres. 


PROGRAMMA  DER  PRUSKAMPEN  VOOR  1898. 

IITTKI(kl>IMI.    CSEDKKI.TB. 
KKRSTF.    VRAAG. 

Welke  overeenkowsl  of  welk  verschil  bestaat  er  tusschen 
de  figuurlijke  voorstellin<i  (allégorie)  en  bel  zinnebeeld  (sym- 
bool)?  Bij  middel  van  voorbeelden  ontleend  aan  de  geschie- 
denis  der  schilderkunst,  de  hoofdpunten  vaststellen  en  ken- 
merken,  die  verwantschap  of  onderscheid  tusschen  beide 
kunstbegrippen  te  weeg  brengen. 


V 


564  ) 


TWEEDK    VRAAG. 

Schrijf  de  geschiedenis  der  poitebakkerswaren,  als  kunst- 
werken  beschouwd,  in  onze  provinciën  van  de  XVe  toi  fiel 
einde  der  XVIIIe  eeuw. 

DERDE    VRAAG. 

Schrijf  de  geschiedenis  der  gebouwen  dieopgericht  werden 
op  de  Groote  Mark!  van  Brussel  na  de  beschieting  van  1695. 
Zet  de  feiten  uiteen,  beoordeel  de  kunstwaarde  der  huizen  en 
duid  hun  belang  aan  voor  de  geschiedenis  van  den  boun- 
tranl,  lot  welken  zij  behooren. 

VIERDE    VRAAG. 

Schrijf  de  geschiedenis  van  fiel  Vlaamsche  lied  meer 
bepaald  van  muzikale  zijde  beschouwd  (oorsprong  der  zang- 
wijzen  en  der  rythmische  corme»)  sedert  de  vroegste  middel- 
eenœen  lot  op  onze  dagen. 

Dewaardedergouden  eerepenningen,  die  als  prijsdezer 
vragen  vyorden  uitgeloofd,  bedraagt  achlhonderd  frank 
voor  de  eerste,  en  duizend  frank  voor  de  tueede,  voor  de 
derde  en  voor  de  vierde  vraag. 

De  verhandelingen,  als  antwoord  oj)  deze  prijsvragen 
ingezonden,  moeten  daidelijk  geschreven  zijn  en  mogen 
in  het  Fransch,  in  het  Nederlandsch  of  in  het  Latijn 
opgesteld  worden.  Zij  moeten  vôdr  Ie"  Jnni  1898  vracht- 
vrij  aan  den  bestendigen  Secretaris,  in  het  Paleis  der 
Academmn,  te  Brussel,  toegestuurd  worden. 

De  schrijvers  zullen  hunnen  naam  niet  op  hun  werk 
zetlen;  zij  zullen  er  alleen  een  kenspreuk  op  vermelden, 
die  zij  zullen  herhalen  in  eenen  verzegelden  brief,  hunnen 
naam  en  adres  aanduidende.  (Het  is  verboden  eenen 
schijnnaam  te  bezigen.) 


(  305  ) 

Indien  zij  dit  voorschrifl  nie!  in  acbl  nemen,  kan  de 
prijs  hun  niet  toegekend  worden. 

De  werken,  die  na  den  bepaalden  termijn  besteld  zijn, 
en  diegene,  wier  schrijvers  zich  /.nllen  doen  kennen,  op 
welke  wijze  liet  ook  /.ij,  /.nllen  buiten  den  prijskamp 
gesloten  worden. 

De  Académie  verlangt  de  grootste  nauwkeurigheid  in 
de  aanhalingen  :  zij  eischt  te  dien  einde,  dat  de  mede- 
dingers  de  uitgaven  en  de  bladzijden  aanduiden  der 
boeken,  welke  vermeld  worden  in  de  verhandelingen, 
;i;m  hare  beoordeeling  onderworpen. 

De  met  de  liand  geteekende  platen  /.nllen  alleen  toege- 
laten  worden. 

De  Académie  behoudt  zich  liet  recht  voor  de  bekroonde 
werken  nit  te  geven. 

Zij  acht  het  nuttig  aan  de  mededingers  te  herinneren, 
dal  de  handschriften  der  verhandelingen,  aan  hare  beoor- 
deeling onderworpen,  haar  eigendom  worden  en  in  haar 
archief  blijven  berusten. 

De  schrijvers  mogen  er  éditer  afschrift  laten  van  nemen 
op  hnnne  kosten,  mits  zich  te  dien  einde  tôt  den  besten- 
digen  Secretaris  te  wenden. 


lOK.II'lsn      kl^NT. 
l'LAATSM.IKl  NSI. 

Men  vraagt  het  op  koper  gegraveerde  borstbeeld  van  eenen 
Helgischen  tijdgenoot,  die  zich  een  naam  verwierf  op  hei 
gebied  van  Staatkunde,  Openbaar  Bestuur,  Wetenschappen 
of  Kunsten. 

De  prijs  zal  achthonderd  frank  bedragen. 


(  366  ) 

Het  portret  zal  voistrekt  ônuitgegeven  zijn. 

Het  hoofd  zal  G  a  7  centimeters  hoog  zijn. 

De  mededingers  zijn  verplicht  ten  minste  twee  afdruk- 
ken  hunner  plaat  in  te  zenden,  waarvan  één  op  Chineesch 
papier,  niet  ingelijst  en  niet  onder  glas.  Zij  zullen  er  de 
teekeningen  bijvoegen,  naar  welke  zij  gegraveerd  hebben; 
deze  teekening  moet  naar  de  natuur  vervaardigd  zijn. 

De  afdrukken  ingezonden  tôt  dien  prijskamp  zullen 
den  eigendom  der  Académie  blijven. 

BEELDHOUWKUNST. 

Men  vraagt  een  halfverheven  beeldhouwuerk  (met  figuren 
te  halver  natuurgrootte)  verbeeldende  Belgic  de  vreemde 
Volkeren  onthalende  bij  gelegenheid  der  Wereldtentoonstelling 
van  Brussel. 

De  prijs  zal  achthonderd  frank  hedragen. 

Aan  de  prijskampen  van  toegepaste  kunst  mogen  alleen 
geboren  of  genaturaliseerde  Belgen  deelnemen. 

De  gravuren,  teekeningen  en  beeldhouwwerken  \<x>r 
deze  beide  wedstrijden  zullen  bij  het  Secretariaat  der 
Académie  vôôr  <len  lenOctober  1898  moeten  ingezonden 
worden. 

De  Académie  aanvaardt  geene  andere  dan  geheel 
voltooide  vverken. 

De  bekroonde  mededinger  in  den  prijskamp  van  beeld- 
houwkunst  is  verplicht  eene  photographische  afbeeldini» 
van  zijn  werk  te  bezorgen,  \\elke  in  het  archief  der 
Académie  zal  bewaard  blijven. 

De  mededingers  zullen  hunne  werken  niet  onder- 
teckencn,  maar  zullen  er  eene  kenspreuk  op  zettén,  die 
zij  zullen   lieihalen   in  eenen   verzegelden   hi'ief,   luinnen 


(  5(17 

naam  en  adres  behelzende.  Indien  /.ij  dit  voorsclirifl  nie! 
in  acht  ncinen,  kan  de  prijs  Inm  niet  toegekend  worden. 

De  werken,  die  na  den  bepaalden  lennijn  ingezonden 
zijn,  en  degene,  wier  vervaardigers  zich  zullen  doen 
kennen,  op  welke  wijze  het  ook  /ij,  zullen  buiten  den 
prijskamp  gesloten  worden. 

Ken  termijn  van  drie  maanden  te  rekenen  van  den  dag 
der  beoordeeling,  wordl  verleend  aan  de  mededingers  in 
den  prijskamp  van  beeldhouwkunst  om  hun  werk  al' te 
lialen. 


COMMUNICATION  ET  LECTURK. 


Note  sur  Nicolas  Stramot,  peintre  belye  de  la  fin  du 
XVIIe  siècle;  par  Edward  Van  Even,  membre  de  l'Aca- 
démie. 

Le  Musée  d'Anvers  renferme,  sous  le  n°  594,  un 
tableau  de  la  fin  du  XVIIe  siècle  offrant  le  portrait  d'un 
compatriote  qui  ligure  avec  éclat  dans  l'histoire  du  pays, 
savoir  François  van  Sterbeeck,  à  la  fois  ecclésiastique 
instruit,  botaniste  habile  et  architecte  de  mérite. 

Le  personnage  est  représenté  à  mi-corps,  coiffé  d'une 
longue  perruque  et  portant  une  soutane  noire  à  rabat 
blanc.  Il  est  assis  dans  un  fauteuil  garni  de  cuir  rouge, 
devant  une  table  couverte  d'un  riche  lapis  et  chargée  de 
trois  in-folio.  Un  de  ces  livres,  V Herbier  de  Dodoens,  est 
ouvert  devant  le  prêtre,  lequel  indique  le  volume  de  la 
main   droite   et    le  feuillette  de  la  main  gauche.  Sur  la 


(  308  ) 

plinthe  d'une  colonne,  on  lit  la  signature  de  l'artiste  : 
N.  Stramot,  ainsi  que  le  millésime  1G93. 

Le  fait  que  van  Sterbeeck,  personnage  considérable, 
artiste  lui-même,  lié  avec  le  grand  sculpteur  Verbruggen, 
posa  devant  le  chevalet  de  Stramot,  prouve  que  celui-ci 
dut  jouir  alors  d'une  certaine  notoriété;  cependant,  nous 
ne  l'envisageons  que  comme  un  décadent  —  mais  un 
décadent  d'une  certaine  valeur  encore  —  de  notre  grande 
école  du  XVIIe  siècle.  A  notre  avis,  les  artistes  de  cette 
époque  ne  doivent  pas  être  complètement  négligés.  A 
défaut  de  génie,  ils  avaient  du  talent  et  contribuèrent  à 
entretenir  dans  le  pays  le  feu  sacré  du  beau,  à  nourrir 
l'élément  spirituel  de  la  nation,  alors  à  peu  près  sans 
littérature.  Ils  méritent,  par  conséquent,  une  mention 
sommaire  dans  l'histoire  de  l'art  en  Belgique. 

On  a  attribué  à  Gaspar  de  Crayer  certaines  peintures 
de  Stramot.  Celui-ci  avait  incontestablement  étudié  les 
œuvres  de  l'artiste  anversois.  Mais  on  se  tromperait  en  ne 
voyant  dans  ses  toiles  qu'un  pâle  reflet  du  maître  distingué 
que  nous  venons  de  citer.  Bien  que  peintre  d'ordre  secon- 
daire, Stramot  a  son  originalité  propre,  son  accent  par- 
ticulier, sa  manière  à  lui,  manière  à  la  fois  large,  ferme 
et  vigoureuse. 

On  ne  connaît  rien  ou  peu  de  chose  sur  l'artiste.  Feu 
notre  ami  M.  Théodore  Van  Lerius,  en  parlant  du  por- 
trait de  van  Sterbeeck,  dans  son  Supplément  au  catalogue 
du  Musée  d'Anvers,  fait  observer  ce  qui  suit  : 

«  Les  recherches  qui  ont  été  faites  dans  les  archives 
de  notre  confrérie  de  Saint -Luc  pour  y  découvrir 
l'entrée  en  apprentissage  et  la  réception  à  la  maîtrise  de 
N.  Stramot,  n'ont  pas  abouti.  Le  prénom  de  cet  artiste 
reste   même  un  doute,  nos  efforts  pour  trouver  l'acte  de 


369  ) 

baptême  de   Stramot    n'avanl    été  couronnés   d'aucun 
résultat  (1).  » 

Nos  recherches  nous  ont  fait  rencontrer  sur  l'artiste 
quelques  renseignements  que  nous  allons  communiquer 
à  la  Classe  des  beaux-arts. 

Il  s'appelait  Nicolas  Stramot  et  était  probablement 
originaire,  non  d'Anvers,  mais  de  Diest,  où  une  famille 
de  son  nom  exista  pendant  à  peu  près  tout  un  siècle. 

Un  Pierre  Stramot  naquit  à  Diest  le  22  avril  1617, 
de  Nicolas  et  de  Marie  Peeters.  Un  autre,  Pierre  Stramot, 
dit  le  -Jeune,  lils  de  Pierre,  épousa,  à  la  cathédrale 
d'Anvers,  le  28  mars  1656,  Cornélie  de  Meulder.  Les 
témoins  de  ce  mariage  furent  le  père  de  l'époux  et  Jean 
de  Loose,  peintre  sur  verre  (2).  Pierre  Stramot  résida  à 
Diest,  où  son  lils  Nicolas  fut  baptisé  à  l'église  de  Saint- 
Sulpice,  le  22  septembre  1(>(>8.  Un  Nicolas  Stramot,  lils 
de  Pierre  etd'AnneSchandelyns,  y  naquit  le  lî) avril  1657. 

En  1636  demeurait  dans  cette  ville  un  autre  Nicolas 
Stramot,  époux  de  Martine  's  Hertogen.  Il  était  bourgeois 
de  Diest  et  propriétaire  de  la  maison  qu'il  occupait  et  qui 
était  située  à  côté  du  local  de  la  Chambre  de  rhétorique  : 
Les  OEillets  du  Christ  (5).  Encore  un  autre  Nicolas 
Stramot  s'y  maria,  le  25  août  1669,  avec  Marie  Vranckx. 
Il  en  eut  quatre  enfants,  dont  le  dernier  fut  baptise  à 
l'église  de  Saint-Sulpice,  le  12  novembre  l(>7;i. 

L'artiste  se  fixa   à   Louvain  et   v  rencontra   l'accueil 


(1)  Anvers,  1863,  p.  159. 

(2)  Supplément  au  catalogue  du  Musée  d'Anvers,  p.  i(j(). 

(3)  h  ...  Nicolaes  Sthamot,  mari  on  moinboir  vom  Marlynkcn 
's  Hertogben,  borger  der  stadt  van  Diest...  »  Diplôme  de  Philippe  III. 
donné  à  Bruxell.'s,  le  16  mai  165b'. 

5""    SÉRIE,    TOME    XXXIU.  2-) 


(  370  ) 

le  plus  bienveillant.  L'administration  communale  lui 
accorda,  le  6  juin  4079,  l'exemption  de  la  taxe  sur  la 
bière,  du  service  de  la  garde  urbaine  et  d'autres  charges 
communales.  Il  dut  cette  faveur,  on  le  comprend,  à  son 
talent  d'artiste. 

Il  est  possible,  probable  même,  que  Stramot  avait 
été  appelé  à  Louvain  par  Claude-François  de  la  Vief- 
ville,  prélat  de  l'abbaye  noble  de  Sainte-Gertrude,  qui 
le  chargea  de  plusieurs  travaux  importants.  Ce  dignitaire 
était  pour  l'artiste  un  protecteur  qui  occupait  une  situa- 
tion brillante:  non  seulement  il  était  abbé  mitre  de  Sainte- 
Gertrude,  mais  aussi  juge  synodal,  membre  des  Etats  de 
Brabant  et  conservateur  des  privilèges  de  l'Université. 
Par  sa  naissance,  il  appartenait  à  la  haute  noblesse  :  il 
était  fils  d'Eustache  de  la  ViefVille  et  de  Claudine  de 
Mérode,  laquelle  était  fille  de  Philippe  de  Mérode  et  de 
Jeanne  de  .Montmorency.  C'était  un  homme  d'un  carac- 
tère aimable  et  charmant.  A  une  haute  instruction,  il 
unissait  un  vif  amour  des  arts.  Il  se  plaisait  à  rassembler 
à  son  abbaye  des  œuvres  d'art  de  toutes  sortes  et  à  vivre 
au  milieu  de  ces  belles  productions. 

Appelé  à  l'abbatiat  en  1668,  il  porta  la  crosse  pen- 
dant à  peu  près  trente  ans,  c'est-à-dire  jusqu'en  1697. 

En  1082,  on  célébra  à  l'église  de  Sainte-Gertrude  le 
cinquantième  anniversaire  de  la  fondation  de  la  confrérie 
des  Trépassés,  érigée  par  un  autre  prélat  de  cette  abbaye, 
Joseph-Geldolphe  van  Ryckel,  savant  distingué,  auteur 
de  plusieurs  travaux  sur  l'hagiographie  nationale.  Afin 
de  conserver  le  souvenir  de  cette  solennité,  de  la  Viefville 
chargea  Stramot  de  l'exécution  d'une  toile  de  vastes 
dimensions  pour  être  placée  dans  son  église.  Elle  a  une 
largeur  de  o  mètres  et  une  hauteur  de  4  mètres. 


(  ">7(   ) 

La  toile  orne  encore  le  temple  pour  lequel  flic  a  (;i<; 
exécutée.  La  scène  se  [tasse  à  l'intérieur  de  l'église 
de  Sainte-Gertrude.  La  composition,  qui  a  pour  tond  le 
jubé  du  temple,  représente  l'office  dos  morts  sur  le  point 
de  prendre  tin.  Tous  les  personnages,  de  grandeur  natu- 
relle, sont  des  portraits.  Au  premier  plan  et  au  centre  de 
la  toile  se  trouve  l'abbé  de  la  ViefVille,  agenouillé  sur  un 
prie-Dieu,  les  yeux  lixés  sur  le  spectateur  :  sa  superbe  tête 
est  d'une  grande  fermeté  de  dessin  et  de  modèle.  Placé 
en  pleine  lumière,  l'abbé  domine  majestueusement  toute 
la  composition.  A  sa  droite,  on  voit  tous  les  chanoines  de 
l'abbaye  en  surplis,  portant  des  flambeaux  allumés.  Seul 
le  prieur,  qui  est  agenouillé  comme  ses  confrères,  porte 
le  costume  noir  de  l'ordre  de  Saint-Augustin.  Au  second 
plan,  un  prêtre,  revêtu  de  la  chasuble  en  deuil  et  portant 
le  calice  voilé  de  noir,  revient  de  l'autel.  Il  est  précédé 
d'un  jeune  homme  tenant  un  plateau  sur  lequel  se  trou- 
vent des  burettes  renversées.  A  gauche,  sur  le  premier 
plan,  on  voit  un  des  maîtres  de  la  confrérie  en  toge; 
un  autre  se  trouve  du  côté  opposé.  Comme  pose  et  comme 
tournure,  ces  deux  ligures  rappellent  les  grands  portraits 
en  pied  de  l'époque.  Une  dame  dans  un  beau  costume  se 
penche  pour  retenir  son  enfant,  afin  de  permettre  à  l'offi- 
ciant de  passer.  Sur  Parrière-plan  apparaît  le  curé'  de  la 
paroisse  en  rochet  et  revêtu  de  l'étole  noire. 

Cette  vaste  composition  est  une  page  des  plus  intéres- 
santes au  point  de  vue  archéologique.  Elle  a  toute  la  vérité 
d'une  chronique  écrite  par  un  témoin  oculaire. 

Le  prie-Dieu  est  orné-  des  armoiries  de  (Mande  de  la 
Viefville  et  de  cette  inscription  : 

N.  Stramot,  I..  An \o  1682. 


(  372  ) 

Le  sujet  de  cette  toile  était,  il  faut  bien  le  reconnaître, 
peu  fait  pour  inspirer  un  tableau  d'histoire.  Stramot  en 
a  tiré  tout  le  parti  possible.  Dans  son  ensemble  comme 
dans  ses  détails,  cette  énorme  machine  révèle  un  artiste 
joignant  à  l'étude  des  grands  maîtres  celle  de  la  nature. 
Les  personnages  sont  bien  campés  et  bien  groupés,  et 
leurs  têtes  sont  rendues  avec  une  grande  sûreté  de 
pinceau.  Quant  aux  draperies,  elles  sont  arrangées  et 
disposées  avec  goût.  Inutile  d'ajouter  que  toute  la  com- 
position respire  la  foi  religieuse  de  l'époque.  La  couleur, 
un  peu  sombre,  convient  à  cette  peinture,  qui  constitue, 
nous  le  répétons,  une  très  intéressante  page  d'histoire 
locale  de  la  fin  du  XVIIe  siècle. 

L'église  de  Sainte-Gertrude  renferme  deux  autres 
toiles  de  Stramot  :  la  première  représente  saint  Augus- 
tin debout,  en  vêtements  pontificaux;  la  seconde,  sainte 
Gertrude,  également  debout,  en  costume  d'abbesse  de 
Nivelles.  Ces  deux  ligures  sont  d'un  beau  caractère  et 
d'une  agréable  tournure.  Au  premier  aspect,  on  pren- 
drait la  Sainte  Gertrude  [jour  une  œuvre  de  de  Graver  : 
c'est  la  même  couleur  blonde  et  chaude,  le  même  travail, 
le  même  contraste  de  lumière  et  d'ombres. 

Ces  toiles  sont  ornées  des  armoiries  de  Claude  de  la 
Yiefville  :  fasce'es  d'or  et  d'azur  à  trois  annelels  de  gueules 
rangés  en  chef  brochant  sur  les  deux  premières  fasces. 
Devise  :  /Eterna  rectis. 

Stramot  exécuta  indubitablement  d'autres  peintures  à 
l'abbaye  de  Sainte-Gertrude.  Malheureusement,  elles  ont 
été  déplacées  ou  détruites  lors  de  la  suppression  de  ce 
monastère,  il  y  a  aujourd'hui  tout  juste  cent  ans. 

L'artiste  a  dû  exécuter  à  Louvain  des  portraits  de 
famille.  Nous  y  avons  rencontré   plusieurs  tableaux  de 


(  373 
l'époque  dans  lesquels  nous  avons  cru  reconnaître  son 
pinceau.  Mais  comme  ils   no   portent   aucune  signature, 
on  n'a  aucune  certitude  à  cel  égard. 

Nicolas  Stramot  avait  épousé  Marie  Scliouters.  qui  lui 
donna  deux  enfants  :  Jean-François,  baptisé  à  Saint- 
Pierre,  le  11  septembre  1689,  et  Paul-Maximilien,  bap- 
tisé à  la  même  église,  le  5  octobre  l<>!):2. 

Le  2.vi  février  1690,  l'artiste  prit  en  location,  de  maître 
Guillaume  Herthals,  licencié  es  lois,  pour  le  terme  de 
trois  années,  au  prix  annuel  de  57  florins,  une  habitation 
située  dans  la  cour  de  la  maison  Le  Glauve,  rue  de  Namui . 
Cet  immeuble  forme  la  troisième  maison  à  partir  de  la 
rue  de  Stemdonek,  vers  la  porte  urbaine.  Le  bail,  reçu 
par  le  notaire  Van  Vossum,  est  signé  par  le  peintre  et 
son  épouse.  On -y  Ut  :  Nicolaes  Stramot;  Maria  Scliouters. 
La  signature  du  mari  trahit  un  homme  qui  a  l'habitude 
de  manier  la  plume.  Toutes  les  lettres  dont  elle  se  com- 
pose sont  tracées  dans  une  forme  élégante  et  correcte;  la 
signature  de  l'épouse  témoigne  également  d'une  cer- 
taine instruction. 

L'artiste  travailla  aus^i  eu  Angleterre,  où,  depuis  le 
séjour  d'Antoine  Van  Dyck,  les  peintres  flamands  étaient 
en  estime.  11  y  exécuta  probablement  des  portraits.  De 
retour  dans  le  pays,  le  magistrat  de  Louvain  lui  renou- 
vela, le  dernier  février  1696,  les  franchises  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut  (1). 


(1)  «  Oock  is  aen  Myue  Hecren  verthoont  by  S1  Niclaes  Stramot  den 
vrydora  welcken  der  selver  vonrsaeten  syn  gedient  geweest  hem  ver- 
thoondere  te  jonnen  van  den  bieraccynse,  wachte,  en/..,  by  acte  van 
den  6  Julii  1679,  vvaerinne  de  teghcnwoordighe  pàchters  van  den 
bieraccynse  stoot  msecken,  onder  pretext  dat  hy  nyet  en  soude  vuyt- 
gesteken  wesen,  by  condition  van  verpachtinghe,  ende  geconsidereert 


(  374  ) 

Stramot  exécuta  plusieurs  dessins  pour  l'ouvrage  du 
baron  Jacques  Le  Roy  intitulé  :  Châteaux  et  maisons  de 
campagne  des  gentilshommes  de  Brabant  et  les  monastères 
les  plus  remarquables  représentés  au  naturel.  Leyde,  1690, 
in-folio. 

On  y  trouve  de  l'artiste  une  vue  à  vol  d'oiseau  du  prieuré 
de  Bethléem  lez-Louvain,  ainsi  que  des  vues  des  châ- 
teaux d'Heverlé,  Thy  et  Rouxmiroir  ;  ces  trois  dernières 
planches  sont  gravées  par  Jacques  Harrevvyn. 

La  belle  planche  représentant  le  prieuré  de  Bethléem 
est  dédiée  à  Jacques  Marien,  prieur  de  ce  monastère, 
mort  le  27  lévrier  1702.  Elle  est  gravée  par  Philippe 
Bouttas,  d'Anvers. 

L'artiste  fournit  plusieurs  autres  dessins  à  des  gra- 
veurs de  son  temps. 

Le  protecteur  de  Stramot,  Claude  de  la  Viefville, 
mourut  le  16  juillet  1697.  Ce  fut  probablement  cette 
perte  qui  obligea  l'artiste  à  quitter  Louvain,  pour  cher- 
cher de  l'occupation  ailleurs.  Ce  qui  nous  autorise  à  le 
supposer,  c'est  qu'après  cette  date,  on  ne  trouve  plus  de 
trace  desa  présence  dans  cette  ville.  Que  devint  ensuite 
le  coloriste?  Dans  quelle  localité  passa-t-il  le  reste  de  sa 
vie?  Les  archives,  qui  ont  encore  tant  de  choses  à  nous 
révéler,  répondront  un  jour,  nous  l'espérons,  à  cette 
double  question. 


dat  suIck  is  toegecomen  ter  saecke  van  de  absentie  des  suppliants  bin- 
nen  Engelant,  soo  is  geseght  dat  hy  in  desen  synen  vrydomme  sal 
vermoglien  te  continueren  van  Marie  Magdalene  naesteomende,  mits 
hiervan  doende  houden  notitie  ten  registre.  » 
Résolution  du  magistrat,  séance  du  dernier  février  1695,  f°  252 


(375) 
OUVRAGES   PRÉSENTÉS. 


Uenrard  {Paul,.  Poésies.  Théâtre  de  salon.  Monologues 
et  saynètes.  Bruxelles,  1897;  in-18  (322  p.). 

Génard  {P.).  Clara  del  Monte  en  Deodatus  Van  rier  Mont. 
Anvers,  1897;  in-8«(8p.). 

Mansion  (P.)  et  Neuberg  (,/.).  Mathesis,  recueil  mathéma- 
tique; 1893,  1894  et  1896. 

Terby  (F).  Observations  de  la  planète  Mars  faites  par 
M.  Schiaparelli  à  Milan,  en  1883-84.  Bruxelles,  1897  ; 
extr.  in-8°  (8  p.) 

Balau  {Sylvain).  La  Belgique  sous  l'Empire  et  la  défaite 
de  Waterloo  (1804-1815),  tomes  I  et  II.  Paris-Louvain, 
1894;  2  vol.  in-8°. 

Swaen  {A.).  Recherches  sur  le  développement  du  foie,  du 
tube  digestif,  de  l'arrière-cavité  du  péritoine  et  du  mésen- 
tère. Paris,  1897;  extr.  in-8°  (67  p.  et  û2  pi.). 

Caenegem  {L'abbé  Van).  Quelques  noms  et  quelques  faits 
à  propos  de  la  guerre  des  paysans  ;1 798-1799).  Gand,  1896; 
in-8°(49  p.). 

D'Hont  (Fréd.).  Contribution  à  l'étude  des  tourteaux  et 
farines  alimentaires  pour  le  bétail,  lre  partie.  Bruxelles, 
1897  ;in-8°  (105  p.). 

Destrée  {Joseph).  Les  heures  de  Notre-Dame  dite  de  Hen- 
nessy,  étude  sur  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale  de 
Belgique.  Bruxelles,  1895;  in-4°  (79  p.  et  lviii  pi.). 

Dm  Jardin  {Jules).  L'art  flamand  :  La  Renaissance.  Ouvrage 
illustré  de  photogravures  d'après  les  œuvres  originales  des 
maîtres;  dessins  dans  le  texte  par  Joseph  Middeleer.  Bru- 
xelles, 1897;  vol.  in-4°. 

Lahaye  {Léon).  Cartulaire  de  la  commune  d'Andenne, 
tome  1er.  Namur,  1896:  in-8°  (cxc  p.). 


i   376  ) 

IS'imal  [II...  Villcrs  et  Aulne,  célèbres  abbayes  de  l'ancien 
diocèse  de  Liège.  Les  gloires  de  leur  passé.  Liège,  1896; 
in-8°(xu-290)  p.. 

Anvehs.  Bulletin  des  Archives,  tome  XX,  2e  livr.  4897. 

Bruxelles.  Office  international  de  bibliographie.  Catalogue 
des  publications,  1897;  (23  p.) 

Club  alpin  belge.  Bulletin,  n°  23,  1897. 

Conservatoire  rouai  de  musique  de  Bruxelles.  Annuaire, 
20e  année.  1896. 

Institut  colonial  international.  Publications,  2e  série  : 
Les  fonctionnaires  coloniaux,  tomes  I  et  11.  1897;  2  vol. 
in-8°. 

Liège.  Société  royale  des  sciences.  Mémoires,  2"'e  série, 
tome  XIX.  1897. 


Allemagne  et  Autriche-Hongrie. 

Bonn.  Verein  von  Alterthumsfreunden.  Jahrbùcher,  Heft 
C.  1896;  in-8°. 

Breslau.  Gesellschaft  fur  vaterlàndische Cultur,  73.  Jahres- 
bericht,  1895.  Litteratur  des  Landes-  und  Volkskunde  der 
Provinz  Schlesien,  4. 

Berlin.  K.  Akademie  der  Wisscnschaften.  Politische  Cor- 
respondent Friedrich's  des  Grossen,  Band  XXIII.  1896. 

Technisclie  Hochscliule.  Ueber  innere  Anschauung  und 
bildliches  Denken.  Rede.  1897;  in-4°. 

Gratz.  NaturwissenschaftUcher  Verein,  Mitteilungen.  1895. 

Darmstadt.  Verein  fur  Erdkunde.  Notizblatt,  17.  Heft, 
1896. 

Vienne.  Bosnisch-Hercegovinische  Landesregierung.  Ergeb- 
nisse  der  meteorologische  Beobachtungen  im  Jahre  189o. 
In-4°. 

K.  K.  Gradsmessung- Bureau.  Astronomische  Arbeiten, 
Band  VIII.  1896;  in-4». 


(  377  ) 

Vienne.  Kais.  Akademie  der  Wissenschaflen.  Vénetia- 
nische  Depeschen  vom  Kaiserhofe,  Band  II  und  III.  1892-5; 
S  vol.  in-8°. 

Kônigsberg.  Physikalisch-okonamische  Gesellschaft.  Schrif- 
ten,  37.  Jahrgang.  1890;  in-4°. 

Munster.  Verein  fur  Wissenschaft  und  Kunst.  24.  Jahres- 
bericht.  1896. 

Katisbonne.  Hislôrischer  Verein.  Verhandlungen,  48.  Bd. 
1896. 

Marbourg.  Flora,  oder  botanische  Zeitung,  82.  Band,  1896. 


Franck. 

Aumale  (le  duc  d').  [Le  roi  Louis-Philippe  et  le  droit  de 
grâce.]  Lecture  faite  à  l'Académie  française,  dans  la  séance 
du  18  mars  1897.  Paris,  1897;  in-4°  (42  p.  et  3  fac-similé 
d'écriture). 

Pascaud  (//.).  L'inviolabilité  de  la  propriété  privée 
ennemie  dans  les  guerres  maritimes.  Paris,  1897  ;  in-8° 
(57  p.). 

Homolle  [J.-Th.).  Inscriptions  de  Delphes.  Athènes-Paris, 
1895;  extr.  in-8°  (69  p.  et  4  pi.). 

—  Statue  de  bronze  découverte  à  Delphes.  Paris,  1896; 
extr.  in-8°  (27  p.,  4  pi.). 

Nadaillac(le  marquis  de).  Colonies  françaises  et  colonies 
anglaises.  Paris,  1897;  extr.  in-8u  (32  p.). 

Paris.  Institut  national  de  France.  Annuaire  pour  1896 
et  1897. 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Mémoires, 
tome  XXXV,  2e  partie.  Mémoires  par  divers  savants, 
lre  série,  tome  X,  2e  partie.  Notices  et  extraits  des  manu- 
scrits de  la  Bibliothèque  nationale,  etc.,  tome  XXXV, 
lre  partie. 


(  378  ) 

Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  Mémoires, 
tome  XIX.   Catalogue  des  actes  de  François  Ier,  tome  VII. 

Observatoire  du  Mont  Blanc.  Annales,  tome  II.  Paris, 
1896;  in-4°. 


Grande-Bretagne  et  Colonies  britanniques. 

Calcutta.  Geological  Survey  of  India.  Memoirs,  séries 
XIII,  vol.  Il,  part  1  ;  séries  XV,  vol.  II,  part  2. 

Liverpool.  Literary  and  philosophical  Society .  Proceedings, 
vol.  XLIV-XLIX.  1890-95. 

Londres.  Entomological  Society.  Transactions,  1896. 

British  Association  for  the  advancement  of  science.  Heport 
of  the  66th  meeting,  at  Liverpool  in  1896. 

—  Preliminary  programme  to  the  Toronto  meeting 
in  1897. 


Pays-Bas  et  Indes  néerlandaises. 

Verbeek  (D.-M.)  et  Fennema(B.}.  Description  géologique 
de  Java  et  Madoura,  tomes  I  et  IL  Amsterdam,  1896; 
2  vol.  in-8°  et  atlas  in-plano. 

La  Haye.  Kon.  Instituut  voor  de  taal-,  land-  en  volken- 
kunde.  Het  Burusch  van  Masarete  (H.  Hendriks).  1897. 


Pays  divers. 

Olivecrona  (C.  d1).  Rapport  du  Ministre  de  la  Justice  sur 
l'administration  de  la  Justice  en  Suède,  1895.  Stockholm, 
1895  ;  in-4°. 

—  Kapport  du  Conseil  d'administration  des  prisons  sur 


;  579  ) 

l'état  des  prisons  et  sur  L'application  du  régime  pénitentiaire 
en  Suède,  1895.  Stockholm,  1895;  in-4°. 

Fazy  {Henri).  La  Guerre  du  Pays  de  Gex  et  l'occupation 
genevoise  (1589-1601).  Genève,  1897  ;  in-8°  (vn-416  p.ï. 

San  Fernando,  [nstituto  y  Observatorio  de  marina.  Obser- 
vaciones  meteorologicas,  1894;  in-4°. 

S  a  î  n  t-Ga  ll  .  Naturwissensch  aftlich  e  Gesellsch  aft.  Bericht, 
1894-95. 

Zurich.  Commission  géologique  suisse.  Matériaux,  livrai- 
sons XXX  et  XXXVI.  Berne,  1896;  2  vol.  in-4». 

IIklsingfoks.  Société  de  géographie  de  Finlande.  Bulletin, 
n-  1-2  et  13.  1896. 

Poilkova.    Observatoire.   Publications   de  l'Observatoire 
central  Nicolas,  série  II,  vol.  II.  1896;  in-4°. 

Le  Caire.  Comité  de  conservation  des  monuments.  Procès- 
verbaux  et  Rapports,  1895-1896  ;  in-8°. 

Lund.  Université.  Acta,  t.  XXXII  :  fôdra  och  andra  Àfdel- 
ningen.  1896;  2  vol.  in-4°. 

Christiania.    Université    royale.    Samlede     philologiske 
Afhandlingar  (P.-O.  Schjott).  1896;  gr.  in-8°. 

—  Crania  antiqua  in  parte  orientali  Norvegiae  meridio- 
nalis  inventa  (Justus  Barth).  1896;  gr.  in-8°. 

—  Fauna  Norvegiae,  Bd.  I;  phyllocarida  og  phyllopoda 
[G.-O.  Sars).  1896;  in-4". 

—  Diplomatarium  Norvegicum,  XV,  1. 1896. 

—  Meteorologisches  Institut.  Jahrbuch    fur   1893,    1894 
und  1895.  In-4°. 

—  Physiographiske  Forening,  Nyt  Magazin,  Bd.  XXXIV, 
3  og  4;  XXXV,  1-3.1894-95. 

—  Archiv  for  Mathemalik  og  Nalurvidenskab,  Bd.  XV11I  ; 
XIX,  1  og  2.  1896. 


(  380  ) 

Liste  des  ouvrages  déposés  dans  la  bibliothèque  de  l'Académie 
par  la  Commission  royale  d'histoire. 

Duyse  [Hermann  van).  Le  «  goedendag  »,  Anvers,  1896; 
in-8°  (29  p.). 

Ilove  (l'abbé  A.  Van).  Séminaire  historique.  Rapport  sur 
les  travaux  pendant  l'année  1895-96.  Louvain,  1897  ; 
in-8»  (47.). 

Uynderick  de  Theulegoet  (le  chevalier).  Des  perquisitions 
et  des  saisies  en  matière  répressive.  Gand,  1896  ;  in-8° 
(67  p.). 

Lahaye  (Léon).  Cartulaire  de  la  commune  d'Andenne, 
tomes  I  et  II.  Namur,  1895-96;  2  vol.  in-8°. 

Lameere  (Eug.)  Essai  sur  l'origine  et  les  attributions  de 
l'audiencier  dans  les  anciens  Pays-Bas.  Bruxelles,  1896; 
extr.  in-8°  (78  p.}. 

Poncelet  (Edouard).  Le  comté  de  Beaurieux.  Liège,  1895; 
in-8"  (108  p.). 

—  Rapport  sur  les  cartulaires  et  documents  manuscrits 
se  rapportant  à  la  Belgique.  Bruxelles,  1896;  in-8°  (24  p.). 

—  L'abbaye  de  Vivegnies.  Liège,  1896;  extr.  in-8°  (41  p.). 
Vannérus  (Jules).  Un  projet  d'émigration  en  Hongrie  de 

quelques  familles  de  Musson,  Halanzy,  Habay-la-Vieille  et 
Tintigny.  Arlon,  1896;  in-8°  (17  p.). 

—  Le  siège  de  Luxembourg  de  1684.  Luxembourg,  1896; 
extr.  in-8°  (50  p.). 

du  Chastel  de  la  Howarderies-Neuvireuil  (Comte  Paul- A.). 
Note  sur  Pierre  d'Oudegherste.  Tournai;  extr.  in-8°  (2  p.). 

—  Origine  et  description  de  l'église  de  Saint-Nicolas  du 
Bruile,  dite  du  Château,  à  Tournai.  Mons,  1874;  extr.  in-8° 

(8  p.). 

Notices  généalogiques  tournaisiennes,  dressées  sur  titres, 

tomes  I-IH.  1881-87;  3  vol.  gr.  in-8°. 


(  581  ) 

—  Crayon  généalogique  de  la  maison  du  Chaste),  par 
1».  De  Waldencourt.  Tournai,  1882;  gr.  in-8°(44  p.). 

—  Epitaphes  et  blasons.  Choix  d'épitaphes  et  d'inscrip- 
tions actuelles  du  canton  de  Tournai,  suivi  d'articles  divers 
concernant  Pcpigraphie  et  le  blason.  Tournai,  1882;  gr. 
in-8°  (320  p.). 

—  Le  livre  noir  du  patriciat  tournaisien  ou  Mémoires  de 
Pierre  de  la  Hamayde.  Douai,  1884;  in-8°  (110p.). 

—  Généalogie  de  la  famille  Pallio  di  Rinco  ou  Pally, 
dressée  sur  titres.  Tournai,  1884;  in-4°  (17  p.). 

—  Origines  historiques  de  la  famille  du  Chastel,  dite  de 
Blangerval,  et  des  sires  de  Villers  en  Artois,  lre  partie.  Bou- 
logne-sur-Mer,  1884;  gr.  in-8°  (42  p.). 

—  Preuves  des  extravagantes  prétentions  de  la  famille 
roturière  Chanel,  dite  de  Crouy-Chanel  de  Hongrie,  et  de 
la  légitimité  de  la  maison  princière  de  Croy-Dùlmen.  Tour- 
nai, 1885  ;  gr.  in-8°  (30  p.). 

—  Généalogie  de  la  famille  Hardy  dite  de  Beaulaincourt. 
Douai,  1888;in-8°  (54  p.). 

—  Généalogie  de  la  famille  d'Aubermont,  dressée  sur 
titres.  Tournai,  1889;  in-8°  (84  p.). 

—  Un  cartulaire  de  la  Hovvarderie.  Actes  scabinaux, 
mémoriaux  et  documents  divers.  Tournai,  1889;  in-4" 
(234  p.). 

—  Epigraphie  nobiliaire  du  Tournaisis,  epitaphes  et 
inscriptions.  Tournai,  1890;  in-8°  (18  p.). 

—  Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  la  famille  Li  Muisis 
ou  Le  Muisi.  1891.  Tournai,  1891  ;  in-8"  (32  p.). 

—  Filiation  des  Dennetières  avant  leur  anoblissement 
1280  à  1523),  précédée  de  la  critique  de  leur  origine.  Tour- 
nai, 1892  ;  in-8°  (40  p.). 

—  Les  familles  Croquevilain,  de  la  Foy  et  de  Cambry. 
1893;  in-8°(132p.). 

—  Notes  sur  la  famille  de  l'aventurier  Perkin  Warbeck. 
Tournai,  1893;  extr.  in-8°  (4  p.). 


(  382  ) 

—  Donation  de  la  ferme  d'Aubergus  aux  Chartreux  de 
l'abbaye  du  Mont-Saint-André,  a  Chereq-lès-Tournai.  Tour- 
nai, 1893;  extr.  in-8°  (6  p.). 

—  Notes  sur  les  familles  Bousin  et  de  la  Vacquerie,  dit 
Vairon,  suivies  de  l'origine  de  Jean  Sarrazin.  Tournai,  1893; 
in-8"  (14  p.). 

—  Les  vrais  sires  de  Woudripont,  1381  à  1472.  Note  sur 
l'origine  de  la  famille  de  Tornaco.  Tournai,  1893;  in-8° 

(88  PO- 

—  Notes   pour    servir   à   la  généalogie  de    la   famille 

Bernard   (à  l'épée^.    France,   Belgique,   Néerlande,    1250- 
1894.  Tournai,  1894;  in-8°  (118  p^. 

—  A  propos  d'un  monument  tournaisien  de  la  famille 
de  Seclyn.  Tournai,  1894;  in-8"  (8  p.). 

—  Notes  sur  les  armoiries  des  Du  Bos  (aux  Boquets), 
des  Bernard  (à  l'épée)  et  sur  l'origine  de  la  maison  de  Hau- 
dion,  dite  de  Ghiberchies.  Tournai,  1894;  in-8°(26  p.). 

Généalogie  de  la  famille  tournaisienne  de  Bary  ou  de 
Barry.  Tournai,  1894;  in-8°  (30  p.). 

—  Notes  pour  servir  à  la  généalogie  de  la  famille  Nicolas 
dite  de  Surpalis.  Tournai,  1895;  in-8°  (28  p.). 

—  Essai  de  libation  sur  la  famille  des  seigneurs  de 
Calonne-lès-Tournai,  et  sur  quelques-unes  de  ses  branches. 
Tournai,  1895;  in-8"  (90  p.). 

—  Généalogie  de  la  famille  de  la  Croix,  dite  de  Maubray 
et  d'Ogimont.  Tournai,  1896;  in-8°  (35  p.)- 

—  Le  terrier  d'Esplcchin.  Tournai,  1896  ;  extr.  in-8° 
(23  p.). 

—  A  propos  de  trois  médailles  (Numismatique  et  généa- 
logie). Tournai,  1896;  extr.  in-8°  (45  p.). 

—  Arrestation,  jugement  et  exécution  du  chevalier  félon 
Walter  de  le  Plagne  ou  de  Laplaingne.  Sort  de  ses  com- 
plices (1273-1274).  1896;  in-8"  (7  p.). 

—  []n  mot  sur  une  origine  présumée.  Tournai,  1896; 
in-8°(2  pA 


(  583  ) 

—  In  bibliophile  lournaisien  du  XVIIIe  siècle.  Tournai, 
1896;  in-8°(2  p.). 

—  Origine  de  la  famille  du  Maulde  de  la  Tourelle.  Tournai, 
1896;  in-8«(4  p.). 

—  Généalogie  de  la  maison  de  Condet,  dile  de  Bailleul 
(Beloeil)  et  de  Moriamez.  Tournai,  1896;  in-8°  (31  p.  et 
1  pi.). 

—  Le  livre  de  raison  de  la  famille  d'Aubermont.  Tour- 
nai, 1896;  in-8°(32  p.). 

—  Origine  et  généalogie  de  la  famille  Déchaux,  dite 
Deschaux,  qui  s'est  dite  Declmux  et  se  croit  De  Chaux. 
Tournai,  1897;  in-8°  (17  p.). 

—  Epigraphie  nobiliaire  du  Tournaisis,  épi  ta  ph  es  et 
inscriptions  recueillies.  Tournai,  1890  ;  extr.  in-8°  (18  p.). 

Bruxelles.  Société  d'archéologie.  Annales,  t.  XI,  1.  — 
Annuaire  pour  1897. 

Charleroi.  Société  paléontologique.  Documents  et  Rap- 
ports, t.  XX,  2e  livraison,  1895. 

Gand.  Cercle  historique  et  archéologique.  Bulletin,  4e  année, 
n-  4,  6-8,  1896. 

Malin  es.  Cercle  archéologique.  Bulletin,  t.  III- VI,  1892-95. 

Mons.  Société  des  sciences.  Mémoires,  t.  VI  et  VIII, 
1893-96. 

Namur.  Société  archéologique.  Annales,  t.  XVIII,  4. 

Tournai.  Société  historique  et  littéraire.  Annales,  nouvelle 
série,  t.  I,  1896. 

Carlsrlhe.  Zeitschrift  fur  die  Geschichte  des  Oberrheins; 
neue  Folge,  Band  XI,  1-4;  XII,  1. 

Leipzig.  Universitàt.  35  Inaugural-Dissertationen. 

Strasbourg.  Uistorisch-litteraturischer  Zweigvereiu  des 
Yogesen-Clubs.  Jahrbuch  fur  Geschichte,  Sprache  und  Lit- 
leratur  Elsass-Lothringens,  Jahrgang  XII,  1896. 

Paris.  Ministère  de  l' Instruction  publique.  Bibliothèque 
des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  fasc.  74. 


(  384  ) 

—  Collection  de  documents  inédits  :  Comptes  des  bâti- 
ments du  Roi  sous  Louis  XIV,  t.  IV. 

Le  Moyen  A(je.  Bulletin  d'histoire  et  de  philologie,  1895, 
6-12;  1896,  1-12. 

Reims.  Almanach-annuaire  historique  de  la  Marne,  1890 
et  1897;  in-16. 

Roiïbaix.  Société  d'émulation.  Mémoires,  t.  XVI,  1894-95. 

Naples.  VOrienle,  rivista  trimeslrale,  anno  II,  1895-96, 
n°s  3-4. 

Rome.  Accademia  dei  Lincei.  Rendiconti,  spienze  moral i, 
série  quinta,  vol.  Y,  10-12.  Atti,  parte  2%  Scavi,  1896, 
novembre  e  dicembre. 

—  Società  romana  di  storia  patria.  Archivio,  vol.  XIX, 
3-4;  1896. 


BULLETIN 


DE 

L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 

DES 

Lettres  et  des  Beaux-Arts  de  Belgique. 

1897.  —  lN°  5. 


CLASSE    DES    SCIENCES. 


Séance  du    II   mai   1897. 

M.  Alf.  (Iilkinet,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents:  MM.  Éd.  Dupont,  vice-directeur;  le 
baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  Dewalque,  E.  Can- 
dèze,  Éd.  Van  Beneden,  C.  Malaise,  F.  Folie,  Alph. 
Briart,  F.  Plateau,  Fr.  Crépin,  J.  De  Tilly,  Ch.  Van  Bam- 
beke,  W.  Spring,  L.  Henry,  P.  De  Heen,  C.  Le  Paige, 
Ch.  Lagrange,  F.  Terby,  J.  Deruyts,  Léon  Fredericq, 
J.-B.  Masius,  membres;  Ch.  de  la  Vallée  Poussin,  associé; 
L.  Errera,  J.  Neuberg,  Alb.  Lancaster  et  Julien  Fraipont, 
correspondants. 

MM.  Van  der  Mensbrugghe  et  Mansion  font  exprimer 
leurs  regrets  de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance,  désirant 
être  présents  aux  funérailles  de  M.  Valérius. 

5me    SÉRIE,    TOME    XXX1I1.  26 


(  586  ) 


CORRESPONDANCE. 


La  Classe  apprend,  sous  l'impression  d'un  vif  senti- 
ment de  regret,  la  mort  de  M.  Hubert  Valérius,  membre 
de  la  section  des  sciences  physiques  et  mathématiques, 
décédé  à  Gand  le  8  courant,  à  l'âge  de  76  ans. 

M.  Valérius  avait  exprimé  le  désir  qu'aucun  discours 
ne  fût  prononcé  à  ses  funérailles,  fixées  au  mardi  11  mai. 

Une  lettre  de  condoléance  sera  adressée  à  la  famille. 

La  Classe  prend  ensuite  notification  de  la  mort  du 
professeur  Edouard  Drinker  Cope,  né  à  Philadelphie 
le  28  juillet  1840,  élu  associé  de  la  section  des  sciences 
naturelles  le  15  décembre  1895,  décédé  à  Philadelphie 
le  12  avril  1897. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  de  l'ouvrage  intitulé  :  De  Vlaamsche  volks- 
namen  der  planten  van  België,  etc.  ;  par  E.  Pâque. 

—  M.  le  Ministre  de  la  Guerre  fait  hommage  du  Cata- 
logue de  la  bibliothèque  de  son  Département,  Ie'  volume, 
supplément. 

-  M.  le  Ministre  de  l'Industrie  et  du  Travail  transmet 
16  feuilles  de  h  Carte  géologique  de  la  Belgique,  formant 
le  quatrième  envoi  de  cette  publication. 

—  Remerciements. 


(  387 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1"  Musée  royal  d'histoire  naturelle  de  Belgique.  Guide 
(huis  les  collections.  Bernissart  et  les  fguanodons;  par 
Éd.  Duponl  (avec  une  noie  bibliographique  «le  l'auteur); 

2°  Extension  de  l'Université  libre  de  Uni. relies.  Année 
académique  1896-1897.  Existe-t-it  une  force  vitale?  p;  v 
L.  Errera  ; 

.">"  Compte  rendu  de  la  session  extraordinaire  de  m 
Société  géologique  de  Belgique  et  de  la  Société  royale  malaco- 
logique  de  Belgique,  journée  du  mardi  8  septembre  1896, 
de  Bruxelles  à  Tervueren;  par  (i.  Velge  (présenté  par 
M.  Dewalque  avec  une  note); 

i°  Die  Energiden  von  v.  Sachs  im  Lichte  der  Gewebdeh 
der  Thiere;  par  A.  von  Kôlliker,  associé,  à  Wurzboure: 

.V  Températures  de  saturation  et  températures  critiques; 
application  à  l'analyse  générale;  parL.  CrismeretJ.  Motteu; 

(>°  A.  Températures  critiques  de  dissolution  ci  tubes 
ouverts.  Application  à  l'analyse  du  beurre;  ]>.  L'analyse 
des  beurres  par  la  détermination  de  la  température  critique 
de  dissolution;  par  L.  Crismer  (présentés  par  .M.  Gilkineî 
avec  mie  note)  ; 

7°  Les  théories  physico-chimiques;  par  A.  Reychler; 

<S"  Le  problème  proportionnel  arithmétiquement  résolu  à 
deux  points  de  rue  différents;  par  le  comte  <i.  Van  der 
Burch. 

-  Remerciements. 

Les  notes  de  MM.  Dupont,  Dewalque  e(  Gi'kinei 
figurent  ci-après. 

Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

I"  Sur  une  combinaison  de  certains  ter}  eues  arec  les  sali- 


(  588  ) 

cijla  es  alcalins;  par  M.  Duyk,  pharmacien-chimiste,   à 
Ixelles.  —  Commissaires  :  MM.  Spring  et  Henry; 

2'  Théorie  substantielle  de  la  chaleur;  par  M.  W.  Gold- 
schild,  à  Bruxelles.  —  Commissaires  :  MM.  De  Heen  et 
Van  der  Mensbrugghe; 

7  Sur  les  dérivés  mercuriques  halogènes  de  l'antipyrine; 
par  M.  C.  Schuyten,  docteur  en  sciences.  -  -  Commis- 
saires :  MM.  Spring  et  Jorissen; 

■1"  Sur  la  synthèse  des  substances  organiques  par  les 
effluves  électriques;  par  Alex,  de  Hemptinne.  --  Commis- 
saires :  MM.  Spring  et  De  Heen  ; 

."  Sur  l'éther  anisoyl-acétyl-acélique  et  ses  dérivés;  par 
M.  A.  Schoonjans.  -  -  Commissaires  :  MM.  Spring  et 
Henry; 

G"  A.  Contribution  à  l'étude  des  cellules  dorsales  (Hinter- 
zellen)  de  la  moelle  épinière  des  Vertébrés  inférieurs;  B.  Le 
ganglion  basai  et  la  commissure  habénulaire  dans  l'encéphale 
de  la  Salamandre;  par  M.  A.  Van  Gehuchten.  —  Commis- 
saires :  MM.  Van  Beneden  et  Van  Bambeke. 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

j'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  un  Guide  du  Musée 
royal  d'histoire  naturelle,  que  je  viens  de  rédiger  pour  les 
collections  de  Bernissart,  et  je  lui  demande  de  me  per- 
mettre de  présenter  quelques  réflexions  sur  le  caractère 
que,  selon  moi,  ces  sortes  de  répertoires  doivent  revêtir. 

Dans  les  vues  qui,  il  y  a  un  siècle,  ont  fait  créer  le 
principe  d'établissements  de  cet  ordre,  le  Musée  central 
d'un  pays  a  deux  buts  à  atteindre  : 

I  "  premier  vise  l'avancement  de  l'histoire  naturelle; 


38!) 

notre  Musée  le  réalise  principalement  par  l'exploration 
scientifique  de  la  l>t*li^i<|n«"  qui  ;i  produit  des  résultats 
dépassant  nos  espoirs  par  leur  importance  et  leur  é  en- 
due. 

Le  second  but  concerne  l'enseignement,  et  il  «-vis:  tel 
par  le  l'ait  que  ces  sortes  d'institutions  sont  rendues 
publiques. 

Le  nombre  de  nos  visiteurs  fut  l'an  dernier  de  mes 
de  soixante-dix  mille;  ils  sont  attirés  par  le  désir  de 
s'instruire,  d'augmenter  leurs  connaissances. 

Les  collections  exposées,  même  avec  leurs  étiqu 
déterminatives,  les  planisphères  ou  les  vignettes  de 
reconstitution  que  j'y  lais  joindre  depuis  vingt-cinq  ans, 
ne  peuvent  suffire  à  la  curiosité  du  public.  Il  réclame 
des  catalogues  ou,  pour  mieux  dire,  des  explications, 
des  notions  précises  et  à  sa  portée  sur  les  objets. 

C'est  bien  là  un  enseignement  direct,  et  je  fus  long- 
temps à  trouver  la  voie  pratique  pour  le  donner;  car,  à 
l'opposé  de  renseignement  classique,  cet  enseignement 
ne  peut  être  ni  didactique  ni  gradué  :  la  nature  et  l'ex- 
tension des  collections  s'y  opposeraient;  il  est  siq Hu 

de  faire  remarquer  qu'il  n'est  pas  davantage  soumis  à 
sanction. 

Les  visiteurs  sont  de  toutes  les  classes  de  la  soci  té, 
depuis  l'illettré  jusqu'aux  hommes  de  haute  culture  scien- 
tifique. 

Pour  arriver  à  me  définir  exactement  les  données  qu'ils 
désiraient,  j'ai  accompagné  pendant  de  longues  années 
de  nombreuses  personnes  dans  leurs  visites  :  des  savants, 
des  lettrés,  des  ouvriers,  des  gens  de  la  campagne,  des 
écoles  conduites  par  leurs  instituteurs;  j'ai  écouté  leurs 
réflexions,  répondu  à  leurs  questions  et  cherché  à  com- 


(  590  ) 
prendre  ce  qu'ils  désiraient  savoir.  Il  m'a  été  ainsi  pos- 
sible de  saisir  quel  pourrait  être  le  thème  d'une  sorte  de 
conférence  à  donner  sur  chacune  des  collections   pour 
satisfaire  à  leurs  aspirations. 

Je  me  mis,  en  conséquence,  il  y  a  deux  ans,  à  rédiger 
de  courtes  notices  explicatives  qui,  imprimées  en  gros 
caractères,  turent  placées  devant  les  objets  eux-mêmes. 

Comme  elles  reçurent  l'accueil  que  j'attendais,  je  n'hé- 
sitai pas  à  compléter  la  mesure  en  faisant  imprime)'  en 
brochure  ces  explications,  à  commencer  par  les  collec- 
tions de  Bernissart. 

A  l'aide  de  textes  sommaires,  de  dessins  d'objets,  de 
la  reconstitution  du  site,  la  signification  à  donner  aux 
célèbres  restes  de  ce  gisement  y  est,  je  crois,  rendue 
accessible  à  un  grand  nombre  et,  s'il  en  est  réeilemenl 
ainsi,  le  but  que  j'ai  poursuivi  se  trouverait  atteint. 

É.  Dupont. 


le  Compte  tendu  de  l'excursion  géologique  de  Uni  relies 
à  Tervueren;  par  Ci.  Velge. 

J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie,  de  la  part  de 
M.  G.  Velge,  ingénieur,  le  compte  rendu  de  la  troisième 
journée  de  la  session  extraordinaire  de  la  Société  géolo- 
gique de  Belgique,  excursion  de  Bruxelles  à  Tervueren, 
le  S  septembre  dernier.  A  ce  tiré  à  part  {\é6  Annales  de 
cette  société,  l'auteur  a  ajouté  une  seconde  carte,  extraite 
de  la  feuille  IJccle-Tervueren,  :2e  édition,  de  la  Carte 
géologique  en  cours  d'exécution,  par  M.  M.  Mourlon. 
INous  avons  regretté  que  notre  honorable  confrère  ne  fût 
pas  venu  défendre  ses  tracés,  dont  le  diestien  et  la  plus 


591   ï 
grande  partie  du  tongrien  ont  disparu   pour  être  rem- 
placés par  de  l'asschien. 

On  connaît  le  problème  posé  depuis  longtemps  par  la 
constitution  de  l'étage  asschien  aux  dépens  «lu  tongrien 
inférieur  dix*  Flandres  et  d'une  partie  du  Brabant.  Le 
uœud  de  la  question  se  trouvait  entre  Bruxelles  el  Ter- 
vueren,  où  les  deux  étages  se  rencontrent. 

La  c;iilii  de  M.  Mourlon  -dont  on  regrette  de  n'avoir 
pas  le  texte  explicatif,  prévu  par  le  règlement  -  n'a  pas 
résolu  le  problème.  .M.  Velge  nous  offre  une  solu- 
tion, qui  est  probablement  la  bonne.  J'ai  dit,  à  la  lin  de 
l'excursion,  que  j'avais  vu  à  Louvain,  dans  le  tongrien 
inférieur,  tout  ce  que  M.  Velge  venait  de  nous  montrer 
dans  l'asschien  :  notre  confrère  est  d'avis  que  cette  partie 
inférieure  du  tongrien  inférieur  de  l'est  n'est  que  de 
l'asschien,  méconnu  jusqu'aujourd'hui.  Je  signale  cette 
question  aux  recherches  de  nos  jeunes  géologues  de 
Bruxelles  et  de  Louvain.  (i.  Dewalque. 


J'ai  l'honneur  de  faire  hommage  à  l'Académie,  au  nom 
de  M.  Crismer,  de  trois  brochures  relatives  à  l'analyse  du 
beurre. 

La  méthode  d'analyse  décrite  par  M.  Crismer  est  basée 
sur  la  détermination  de  la  température  critique  de  disso- 
lution du  beurre  dans  l'alcool  absolu;  elle  découle  des 
recherches  de  l'auteur  insérées  dans  un  précédent  Bulletin 
de  l'Académie;  elle  est  d'une  extrême  simplicité  et 
permet  de  déterminer,  en  un  temps  très  restreint,  sans 
recourir  à  aucune  pesée,  le  contenu  d'un  beurre  en 
margarine  avec  une  exactitude  comparable  à  celle  que 
donnent  les  meilleurs  procédés  d'analyse  actuellement 
connus.  A.  Gilkinet. 


(  592  ) 


ELECTIONS. 


—  M.  Crépin  est  réélu  délégué  de  la  (liasse  auprès  de 
la  Commission  administrative  pour  l'exercice  1897-1898. 


RAPPORTS. 


Sur  l'avis  de  M.  Mansion,  une  note  de  M.  J.  Marchai, 
de  Jamioulx  :  Théorie  des  nombres  premiers,  sera  déposée 
aux  archives. 


Sur  quelques  propriétés  des  polyèdres  non  centrés  superpo- 
sables  n  leur  image;  par  M.  (i.  Cesàro. 

Kapport    tie    .M.    »«•     Tètly ,    pfea»  !>»•    coiitmitaait'e. 

«  Le  petit  mémoire  actuel  de  M.  Cesàro  l'ait  suite  à 
trois  autres  travaux  du  même  auteur  (1).  Si  Ton  parcourt 
le  tableau  I  du  dernier  de  ces  mémoires,  on  reconnaît 
les  deux  propriétés  suivantes  : 

J°  Un  polyèdre  non  centré  ne  possède,  dans  un  même 


;t)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  t.  XXII,  1891. 
Mémoires  des  savants  étrangers,  in-i°,  t.  LUI,  1893. 
Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  t.  LUI,  1896. 


(  393  ) 

ordre,   qu'une  OU  deux  espèces  (Taxes  inverses  simples; 

2°  Un  polyèdre  non  centré  ne  possède  qu'un  ou  deux 
ordres  d'axes  inverses. 

On  sait,  par  le  second  des  mémoires  de  M.  Cesàro, 
que  pour  les  axes  directs  il  en  est  autrement,  le  nombre 
d'espèces  d'axes  du  même  ordre  pouvant  s'élever  à  trois. 
ainsi  que  le  nombre  d'ordres  différents. 

Dans  le  travail  actuel,  l'auteur  se  propose  de  démon- 
trer directement  les  propriétés  énoncées  plus  haut,  en 
établissant  pour  les  axes  inverses  une  relation  analogue 
à  celle  qu'il  a  établie  pour  les  axes  directs. 

Seulement,  celle  équation,  qui  est  si  féconde  dans  le 
cas  des  axes  directs  (car  elle  permet  d'en  chercher  toutes 
les  combinaisons  possibles  dans  les  polyèdres),  devient 
une  identité  lorsqu'il  s'agit  d'axes  inverses,  après  avoir 
donné  les  deux  propriétés  ci-dessus. 

La  méthode  paraît  donc  absolument  inféconde  en  ce 
qui  concerne  la  recherche  de  toutes  les  classes  possibles 
de  polyèdres  superposables  à  leur  image.  Cependant,  en 
y  ajoutant  la  méthode  de  combinaison  des  axes  par  le 
triangle  d'Euler  (a  priori  et  non  a  posteriori,  comme  il  a 
été  fait  pour  les  axes  directs),  l'auteur  est  parvenu  a 
déterminer,  plus  simplement  qu'il  ne  l'avait  fait  précé- 
demment, les  différentes  classes  de  polyèdres  superposa- 
bles à  leur  image. 

Pour  bien  dégager  ce  qu'il  y  a  de  nouveau  dans  cette 
note  et  pour  éviter  les  redites,  notre  confrère  la  présente 
comme  un  appendice  à  son  mémoire  intitulé  :  Des 
polyèdres  superposables  à  leur  image,  en  laissant,  au 
moins  pour  le  moment,  au  lecteur  le  soin  de  réunir  les 
deux  notes  de  manière  à  en  éliminer  les  théorèmes  inu- 
tiles pour  le  but  à  atteindre. 


(  39i  ) 

C'est  à  |)cu  près  le  vœu  que  j'ai  émis  moi-même  à  la 
fin  de  mon  rapport  précédent  (I)  : 

Il  est  à  désirer  que  quelqu'un  entreprenne  la  tâche  de 
refondre  l'ensemble  des  travaux  de  M.  Cesàro  sur  les 
polyèdres,  pour  en  former  une  théorie  simplifiée  des  axes 
de  symétrie,  propre  à  être  introduite  dans  les  traités  de 
géométrie. 

J'ai  l'honneur  de  proposer  à  la  Classe  d'ordonner  l'im- 
pression de  la  note  actuelle  de  M.  Cesàro  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie.    » 

La  Classe  a  adopté  ces  conclusions,  auxquelles  se  sont 
ralliés  les  (\vu\  autres  commissaires,  MM.  Neuberg  et 
île  la  Vallée  Poussin. 


Sur  quelques  dérives  fluobromés  en  C>;   par  F.  Swarts, 
répétiteur  à  l'Université  de  Gand. 

Stti/t]n>È't  de  .*#.  *V.  S/n-it»;/ ,   ftt'fttiief  vo»nnti*Mait'C 

«  M.  Swarts  a  continué  les  travaux  qu'il  a  entrepris, 
il  y  a  quelques  années  déjà,  sur  les  dérivés  fluorés  du 
carbone.  Il  a  soumis,  à  présent,  à  l'action  du  mélange  de 
fluorure  d'antimoine  et  de  brome  Véthane  télrabromé;  il 
a  pu  obtenir  deux  dérivés  fluorés  qui  ont  été,  à  leur 
tour,  le  point  de  départ  de  plusieurs  combinaisons  nou- 
velles. 


il)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  série,  t.  XXXII,  1896. 


593  ) 

Ces  deux  dérives  fluorés  répondent  respectivement 
aux  formules 

CJLBi-F!         et         CtlItBr.PI* 

ainsi  <|iril  résulte  des  analyses  et  des  valeurs  obtenues 
pour  la  densité  de  leur  vapeur.  Ces  corps  sont  des  liquides 
bouillant  à  107", :i  et  171",  et  ne  se  solidifiant  pas  encore 
à  —  85°. 

En  taisant  réagir  sur  ces  deux  dérivés  une  solution  de 
potasse  dans  l'alcool,  M.  Swarts  a  obtenu,  de  l'un  et  de 
l'autre,  de  Véthylène  bromofluoré  :  C2HBr2Fl  (ébullition 
à  91°).  Ce  corps  absorbe  l'oxygène  de  l'air  et  fournit  alors 
le  fluorure  acide  de  l'acide  bibromacétique  : 

C,HBr2FI  +  0  =  CuY,H  .  COFI. 

L'ammoniaque  ne  forme  pas  d'aminé  avec  les  éthanes 
bromotluorés,  mais  réagit,  comme  la  potasse,  pour  don- 
ner des  éthylènes  bromofluorés. 

La  poudre  de  zinc  enlève  du  brome  au  corps  C2H2Br3Fl 
et  le  convertit  en  éthylène  bromofluoré  C2H2BrFl,  qui 
bout  à  56°,5.  Le  même  produit  s'obtient  également  par 
l'action  du  zinc  sur  le  corps  C2H2Br2Fl2  ;  dans  ce  cas,  il  y 
a  donc  enlèvement  des  éléments  brome  et  fluor. 

L'auteur  conclut  à  la  formule 

CllIJr,  — CtlFI, 

pourcetéthanebibrombifluoré,  parce  que,  selon  Sabanejeff, 
le  zinc  n'enlèverait  exclusivement  le  brome  que  si  cet 
élément  est  fixé  à  deux  atomes  de  carbone  différents  et 


(  396  ) 
que,  si  celte  condition  n'est  pas  remplie,  le  zinc  enlèverait 
le  brome  associé  à  un  autre  halogène. 

Si  l'on  admet  la  formule  susdite,  la  réaction  «le  la 
potasse  devra  s'écrire  comme  il  suit  : 

CHBi\,  CBr.2 

-  KOH=    ||         -+-  KFI  4-  H,0. 

CHF1,  CIIFI 

(c  Cependant,  fait  remarquer  l'auteur,  celte  formule 
»  serait  le  premier  exemple  de  substitution  totale  du 
»  brome  par  le  fluor  sur  un  même  atome  de  carbone.  » 

Enfin  M.  Swarts  a  constaté  que  l'éthylène  fluobromé 
C2HBr2Fl  se  combine  au  brome  pour  donner  C^HBi^Fl 
(ébullition  à  204°),  lequel,  à  son  tour,  abandonne  les  élé- 
ments de  l'acide  bromhydrique  à  la  potasse  et  devient 
l'éthylène  fluotribromé  Cç>Br3Fl  (ébullition  à  147°,2). 
Ce  dernier  fixe  Voxygene  de  l'air  et  se  convertit  en  un 
fluorure  acide;  il  fixe  aussi  le  brome  et  devient  C2Br5FI, 
qui  est  un  corps  solide  cristallin,  sublimant  à  120°,  pour 
fondre  finalement  à  176°. 

Les  lignes  qui  précèdent  font  voir  que  le  travail  de 
M.  Swarts  est  riche  d'observations  nouvelles;  j'ajouterai 
qu'il  a  été  exécuté  avec  grand  soin  et  qu'il  témoigne  d'un 
travailleur  expérimenté.  Je  n'hésite  donc  pas  à  proposer 
à  la  Classe  l'insertion  de  cet  article  dans  le  Bulletin  de  la 
séance.  » 

M.  L.  Henry,  second  commissaire,  adhère  à  celte  pro- 
position, qui  est  adoptée  par  la  Classe. 


(  397  ) 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


L'expression  de  l'heure  (Unis  le  système  de  l'axe  instantané; 
par  F.  Folie,  membre  de  l'Académie. 

Dans  nue  note  précédente  (*),  j'ai  dit  que,  si  la  mita- 
tion  enlérienne  est  éliminée  en  obliquité  et  en  longitude 
dans  les  formules  rapportées  à  l'axe  instantané,  c'est  pour 
reparaître  dans  l'expression  de  l'heure,  chose  autrement 
grave,  puisque  l'uniformité  absolue  de  l'heure  est  la  hase 
la  plus  essentielle  de  l'astronomie  sphérique. 

Il  y  a  un  moyen  fort  simple  de  le  démontrer. 

On  sait  que,  dans  le  cas  où  il  n'existe  pas  de  forces 
perturbatrices,  cas  que  nous  traiterons  ici,  l'axe  instan- 
tané de  rotation  Ç  est  immuable  dans  l'espace. 

Dans  l'équateur  instantané,  fixe  également,  nous  choi- 
sirons deux  axes  rectangulaires,  l'un  ç,  dirigé  suivant 
l'intersection  de  cet  équateur  et  de  l'écliptique  fixe, 
l'autre  v\,  perpendiculaire  au  premier. 

Ces  deux  axes,  joints  à  l'axe  instantané  Ç,  constitueront 
notre  système  d'axes  fixes. 

Les  axes  mobiles  sont  les  trois  axes  principaux  de  la 
Terre,  x,  //,  r. 

Nous  appellerons,  avec  les  astronomes  contemporains, 


C)  Bull,  de  VAcad.  roxj.  de  Belgique,  3e  sér.,  i.  XXXIII.  p.  154. 


(  598  ) 

déclinaison  d'une  étoile,  sa  distance  à  l'équateur  instan- 
tané; ascension  droite,  la  distance  du  cercle  de  déclinai- 
son à  l'équinoxe,  qui  est  fixe;  colatitude  d'un  lieu  de  la 
Terre,  sa  distance  au  pôle  instantané,  comptée  sur  le 
méridien  (instantané)  du  lieu;  sa  longitude  sera  la  dis- 
tance de  ce  méridien  instantané  au  méridien,  instantané 
également,  de  Greenwich. 

Lorsqu'il  s'agira  des  coordonnées  du  lieu  rapportées 
aux  axes  d'inertie,  que  nous  supposerons  fixes  dans  la 
Terre,  nous  les  appellerons  latitude  et  longitude  géogra- 
phiques, et  ces  coordonnées  du  lieu,  à  l'inverse  des  pré- 
cédentes, seront  absolument  constantes. 

Au  contraire,  les  coordonnées  d'une  étoile,  rapportées 
aux  axes  instantanés,  seront  évidemment  constantes,  tan- 
dis que,  rapportées  aux  axes  géographiques,  elles  seront 
soumises  à  la  nutation  eulérienne. 

Les  formules  de  transformation  des  coordonnées  ortho- 
gonales donnent 

dy  , 

—  =  —  l  cos  y  -+-  m  sin  », 
dl 

dp 

(1).     .     .     .     /  sin  y  —  =       /sin  »  -+-  meoso, 
dl  '  T 

dj  d^ 

—  =       //  —  c-osy  —  ; 
dl  dl 

/,  m,  n  représentent  les  composantes  de  la  vitesse  de 
rotation  de  la  Terre  autour  des  trois  axes  principaux 
x,  y,  z; 

y  est  l'inclinaison  de  l'équateur  instantané  sur  l'équa- 
teur géographique,  ®  et  <\>  sont  les  angles  compris  entre  les 
axes  des  x  et  des  H,  et  l'intersection  des  deux  équateurs; 


(  599  ) 

ces  angles  sont  comptés,  le  premier,  dans  le  sens  du  mou- 
vement de  rotation,  le  second,  en  sens  inverse. 

Dans  le  cas  traité,  où  il  n'existe  pas  de  forces  pertur- 
batrices, on  a 

/    /  =  <ythcos (it  -4  (3,), 

(2) }  m  =  7',«sin(/f  -4-  S,), 

f    //  =  constante  (*); 

a  et  h  représentent 


v^-  «  V~ 


et  '.,  nab;  A,  B,  C  sont  les  moments  d'inertie  principaux 
de  la  Terre. 

Substituant,  on  trouve,  en  admettant,  pour  simplifier 
l'étude  de  la  question,  que  a  =  h,  et  en  faisant  ayt  = 
''ïi  =  !J-i  ■ 


dr 
dt 


fi{  cos(/f  -*-   S,   -+-    y). 


H 


(5).     .    (  sinr  -.—  =      /"i  !>in(<t  -+-  pt 


(U 


dt 


-   =         II  —  ^c,  (Ot  y  sin  (//  -f-  pK  -+-   y). 


L'intégration  rigoureuse  de  ces  équations  offrirait  de 
très  grandes  difficultés.  Pour  le  but  que  nous  voulons 


1*)  Revision  des  constante*  de  l'astronomie  stellaire,  p.  64. 


(  598  ) 

déclinaison  d'une  étoile,  sa  distance  à  l'équateur  instan- 
tané; ascension  droite,  la  distance  du  cercle  de  déclinai- 
son à  l'équinoxe,  qui  est  fixe;  colatitude  d'un  lieu  de  la 
Terre,  sa  distance  au  pôle  instantané,  comptée  sur  le 
méridien  (instantané)  du  lieu;  sa  longitude  sera  la  dis- 
tance de  ce  méridien  instantané  au  méridien,  instantané 
également,  de  Greenwich. 

Lorsqu'il  s'agira  des  coordonnées  du  lieu  rapportées 
aux  axes  d'inertie,  que  nous  supposerons  lixes  dans  la 
Terre,  nous  les  appellerons  latitude  et  longitude  géogra- 
phiques, et  ces  coordonnées  du  lieu,  à  l'inverse  des  pré- 
cédentes, seront  absolument  constantes. 

Au  contraire,  les  coordonnées  d'une  étoile,  rapportées 
aux  axes  instantanés,  seront  évidemment  constantes,  tan- 
dis que,  rapportées  aux  axes  géographiques,  elles  seront 
soumises  à  la  nutation  eulérienne. 

Les  formules  de  transformation  des  coordonnées  ortho- 
gonales donnent 

(h  , 

lit  f 

.      <U 

(1).     .     .     .     (  siny —  =       /  sm  r  -+-  mcosf, 

dt  'lt 

i  m,  >i  représentent  les  composantes  de  la  vitesse  de 
rotation  de  la  Terre  autour  des  trois  axes  principaux 
x,  y,  z; 

y  est  l'inclinaison  de  l'équateur  instantané  sur  l'équa- 
teur géographique,  cp  et  <p  sont  les  angles  compris  entre  les 
axes  des  x  et  des  £,  et  l'intersection  des  deux  équateurs; 


(  599  ) 

ces  angles  sont  comptés,  le  premier,  dans  le  sens  du  mou- 
vement de  rotation,  le  second,  en  sens  inverse. 

Dans  le  cas  traité,  où  il  n'existe  pas  de  forces  pertur- 
batrices, on  a 


(2) 


i    i  =  ytheos  (it  -4  p,), 
/  »i  =■=  Tt(t  sin  (tt  .+_  p^ 

I   n  =  constante  (*); 


a  et  l>  représentent 


v—   rt  y—' 


et  -.,  /*ab;  A,  B,  C  sont  les  moments  d'inertie  principaux 
de  la  Terre. 

Substituant,  on  trouve,  en  admettant,  pour  simplifier 
l'étude  de  la  question,  que  a  =  b,  et  en  faisant  ay,  = 
6y,  —  fxj  : 


(3) 


—  =   jM,  l'OS(/f    -4-5,-4-     v). 

smr  -.—  =       a,  sin(/£  -f-  fej  n-  y), 


—  =       "  —  ^  <'Ot  t  sin  (//  +  6,+  ?). 


L'intégration  rigoureuse  de  ees  équations  offrirait  de 
très  grandes  difficultés.   Pour  le  but  que  nous  voulons 


i*)  Revision  des  constantes  de  l'astronomie  stellaire,  p.  04. 


(  400  ) 

atteindre,  nous  pourrons,  à  cause  de  la  petitesse  de  ml9 
supposer,  dans  le  second  membre,  »  =  nt  ;  alors 

ic. 
(41.     .     .     .    ày  = sin  (d  -+-  S,  -t-  y), 

n  -+-  i 

quantité  très  petite,  de  sorte  que  y  pourra  être  considéré 
comme  constant  dans  l'intégration  de  la  seconde  et  de  la 
troisième  équation,  qui  donneront  ainsi 


5).     .     .      sin  y  Ai  = cos(/J  ■+-  fi,  -+-  s-), 


(6).     .     .    ?  =  nt coty  sin(<J  ■+-  pi  -+■  ?)• 


Or  l'observation  a  établi  que  l'angle  y,  compris  entre 
l'axe  instantané  et  l'axe  d'inertie,  n'est  probablement 
pas  supérieur  à  0",1;  coty  est  donc  très  considérable, 
et  rien  ne  prouve  que  les  facteurs ^^  cotyet^jjycoséc  y 
soient  des  quantités  très  petites. 

Bien  au  contraire  :  en  admettant,  ce  qui  est  suffisam- 
ment correct,  que  u.j  cosécy  et  p.,  coty  sont  égaux  à 
l'unité,  les  facteurs  précédents  seront,  en  nombres 
abstraits,  un  peu  inférieurs  a  2^36635'  ou,  en  temps,  a  six 
secondes  (*). 


O  Cette  valeur  extrêmement  grande  provient  de  ce  que  nous  avons 
pris  pour  plan  fixe,  non  Fécliptique,  mais  l'équateur  instantané,  dont 
l'incdinaison  sur  l'équateur  géographique  reste  toujours  très  faible. 

Mais  la  forme  même  de  la  troisième  des  équations  (1)  montre  que 
l'angle  <p,  ou  l'heure,  est  affecté  de  la  nutation  eulérienne.  On  s'en 
assurerait  en  développant  cette  équation  d'après  le  système  (corrigé) 
d'Oppolzer.  Si  nous  ne  le  faisons  pas,  c'est  pour  les  motifs  invoqués 


(  401  ) 

Si  donc  la  nutation  eulérienne  disparaît  en  obliquité 
(elle  n'est  pas  de  0"*00005)  dans  le  système  de  l'axe 
instantané,  il  n'en  est  pas  de  même  en  longitude,  et  la 
valeur  de  l'angle  ?,  qui,  évalué  en  temps,  représente 
l'heure  pour  un  lieu  de  l'équateur  géographique  situé  sur 
le  premier  méridien,  c'est-à-dire  sur  l'axe  principal  j\ 
est  sujette  à  des  variations  dont  la  période  est  de 
1  -+.  JL  jour  pour  une  Terre  solide,  mais  dont  il  ne 
serait  guère  possible  d'évaluer  actuellement  la  grandeur. 

Ainsi,  malgré  l'uniformité  que  nous  avons  admise  pour 
le  mouvement  de  rotation  de  la  Terre  autour  de  l'axe 
instantané  [uniformité  qui  n'a  pas  lieu  autour  de  cet  axe 
dans  le  cas  de  l'existence  de  forces  perturbatrices  (*)], 
nous  voyons  que  l'heure  est  soumise  à  des  variations  qui 
ont  une  période  eulérienne,  mais  dont  la  grandeur  nous 
est  actuellement  inconnue  (**).  Encore  n'avons-nous  pu 
la  définir  que  pour  un  lieu  déterminé  de  l'équateur  géo- 
graphique, l'inconstance  des  longitudes  et  latitudes  ter- 
restres, rapportées  à  l'axe  instantané,  empêchant  d'écrire, 
pour  un  autre  lieu,  comme  dans  le  système  des  axes 
géographiques) 


dans  notre  critique  de  ce  système.  (Voir  Une  réaction  en  astronomie, 
dans  les  notices  extraites  de  Y  Annuaire  de  l'Observatoire  pour  1897, 
ainsi  queVierteljahrschrift,  1896,  et  la  note  du  Bulletin  citée  ci-dessus. 

Si  les  astronomes  veulent  continuer  à  faire  usage  de  ce  système, 
ils  sont  tenus  d'en  corriger  les  développements,  qui  sont  fautifs,  et 
surtout  d'y  définir  correctement  l'heure  et  les  longitudes,  qui  sont 
affectées  de  la  nutation  eulérienne. 

(*)  Voir  l'expression  de  la  vitesse  w  dans  Oppolzer  et  Tisserand. 

(**)  Nous  n'avons  encore  aucune  notion  certaine,  ni  sur  la  période, 
ni  sur  la  grandeur  de  la  nutation  eulérienne. 

5me    SÉRIE,    TOME    XXX1U.  27 


(  402  ) 

<I>  désignant  l'heure  pour  un  lieu  de  longitude  géogra- 
phique orientale  /  par  rapport  au  premier. 

La  définition  la  plus  capitale  de  l'astronomie,  celle 
d'une  heure  rigoureusement  uniforme,  est  donc  radicale- 
ment impossible  dans  le  système  de  l'axe  instantané;  et, 
si  l'ascension  droite  et  la  déclinaison  d'une  étoile  y  sont 
constantes,  il  n'est  plus  possible  de  définir  la  première 
comme  étant  l'heure  de  son  passage  au  méridien;  il  n'est 
[dus  même  possible  de  déterminer  exactement  ce  méri- 
dien, soumis  lui-même  à  la  nutation  eulérienne,  à  moins 
d'admettre  que  l'ascension  droite  d'une  étoile  est  l'heure 
de  son  passage  à  ce  méridien,  ce  qui  est  faux  dans  ce 
système,  et  que  les  ascensions  droites  de  toutes  les  étoiles 
observées  sont,  et  rigoureusement  connues,  et  rigoureu- 
sement calculées. 

On  m'objectera  peut-être  que  cette  dernière  condition 
doit  être  réalisée  également  dans  le  système  des  axes 
géographiques. 

A  quoi  je  répondrai  : 

1°  Que,  dans  ce  système,  l'ascension  droite  d'une 
('toile  se  déduit  tout  à  fait  correctement  de  l'heure  de  son 
passage  au  méridien; 

2°  Que  ce  méridien  est  fixe  et  que,  par  conséquent, 
on  peut  le  déterminer  au  moyen  d'une  très  longue  série 
d'observations,  dans  laquelle  les  petites  erreurs  de  posi- 
tion ou  de  calcul  du  lieu  apparent  de  l'étoile  se  compen- 
seront. 

Une  autre  objection  qu'on  fait  à  ce  dernier  système 
d'axes,  c'est  que  la  nutation  eulérienne  y  apparaît  dans  les 
expressions  de  l'ascension  droite  et  de  la  déclinaison; 
mais  la  forme  connue  de  sa  nutation  permet  de  l'éliminer 
assez  fréquemment  ;  elle  permet,  en  tout  cas,  de  juger  de 


la  négligence  que  l'on  commel  si  l'on  n'en  lient  pas 
compte:  elle  permettra  enfin  de  la  déterminer.  Tandis 
que,  dans  le  système  de  l'axe  instantané,  à  cause  des 
erreurs  dans  lesquelles  Oppolzer  a  versé  à  son  insu  (*), 
on  a  cru  de  bonne  loi,  avec  lui.  qu'il  sullisait  de  rappor- 
ter les  formules  de  réduction  à  cet  axe  pour  éliminer  la 
nutation  eulérienne,  sans  altérer  en  rien  la  notion  de 
l'heure  :  la  nutation  eulérienne,  pense-t-on,  se  traduit 
simplement  par  la  variation  des  latitudes  (astronomiques); 
on  reconnaît  bien  qu'il  en  résulte  également  une  varia- 
tion des  longitudes,  mais  on  n'a  pas  donné  l'expression 
de  celte  variation,  qui  n'est  pas  insensible,  comme  l'a 
montré  la  discussion  de  l'équation  (5).  Non;  cette  opi- 
nion est  tout  à  fait  erronée  :  on  vient  de  voir  que  si, 
dans  le  système  de  l'axe  instantané,  la  nutation  eulérienne 
est  éliminée  en  obliquité,  elle  ne  disparaît  ni  en  longi- 
tude, ni  dans  les  expressions  des  longitudes  et  latitudes 
terrestres,  ni  dans  celle  de  l'heure;  et  que,  dans  ce  sys- 
tème, l'ascension  droite  d'une  étoile  n'est  plus  l'heure 
de  son  passage  au  méridien.  Dans  le  système  des  axes 
géographiques,  au  contraire,  l'heure  est  rigoureusement 
uniforme,  l'ascension  droite  se  détermine  par  l'heure  du 
passage  de  l'étoile  au  méridien,  celui-ci  est  fixe,  les  lon- 
gitudes et  les  latitudes  terrestres  sont  constantes  (**). 
Rref,  dans  le  système  de  Laplace,  on  marche  sur  un 


O  Voir  Une  réaction  en  astronomie  iNotices  extraites  de  VA nnpaire 
de  V Observatoire  pour  1897)  et  Vierteljahrschrift,  189G,  4e  trimestre. 

(*')  Je  fais  ici  abstraction  <le  la  variation  de  latitude  qui  proviendrait 
d'un  déplacement  annuel  du  pôle  d'inertie,  dû  à  des  circonstances 
climatologiques. 


(  404  ) 

sol  ferme;  dans  celui  d'Oppolzer,  même  corrigé  des 
erreurs  flagrantes  commises  par  son  auteur,  on  ne  pourra 
marcher  jamais  que  sur  un  sol  mobile  :  rien  de  fixe,  ni 
heure,  ni  méridien,  ni  longitude,  ni  latitude;  et  l'ascen- 
sion droite  d'une  étoile  n'est  pas  même  l'heure  de  son 
passage  au  méridien. 

Je  pense  qu'un  très  grand  nombre  d'astronomes, 
préoccupés  surtout  de  la  nutation,  qui  se  tire  des  deux 
premières  des  équations  (1),  n'ont  guère  porté  leur  atten- 
tion sur  la  troisième,  qui  sert  à  définir  l'heure  au  moyen 
de  l'équation  (G),  et  qu'ils  se  sont  imaginé  qu'il  suffisait 
de  l'uniformité  du  mouvement  de  rotation  de  la  Terre 
pour  assurer  l'uniformité  de  l'heure. 

Ils  se  convaincront  aisément,  par  la  lecture  de  ces 
pages,  que  cette  conclusion  n'est  pas  aussi  simple  à 
déduire  et  que,  pour  qu'elle  soit  vraie,  il  importe  tout 
d'abord  de  donner  de  l'heure  une  définition  rigoureuse 
qui  justifie  cette  conclusion,  et,  pour  cela,  d'observer 
dans  un  méridien  fixe. 

Il  ne  suffit  pas  de  dire  :  la  Terre  tourne  uniformément 
sur  elle-même  en  vingt-quatre  heures;  il  faut  encore 
déterminer  l'heure  en  chaque  lieu. 

Oppolzer  n'a  traité  cette  question  que  d'une  manière 
très  superficielle  dans  les  éditions  allemandes  de  son 
ouvrage;  et,  s'il  y  a  consacré  un  paragraphe  spécial  dans 
fa  traduction  française  de  M.  Pasquier,  c'est  en  abandon- 
nant complètement  le  système  de  l'axe  instantané,  pour 
adopter,  inconsciemment  sans  doute,  celui  des  axes 
d'inertie  et  du  méridien  lixe. 

C'est,  en  effet,  dans  ce  dernier  système  seulement 
qu'on  peut  donner  une  définition  absolument  rigoureuse 


(  405  ) 
de   l'heure,  rélémen(   le   plus   fondamental  de  l'astro- 

nomie  (*). 

Résumons  en  quelques  lignes  les  pages  précédentes. 

La  nutation  eulérienne,  abstraction  laite  des  termes 
tout  à  faii  insignifiants  du  second  ordre,  a  identiquemem 
la  même  forme,  qu'il  existe  ou  non  des  foires  perturba- 
trices. 

Nous  avons  traité  ce  dernier  cas,  en  prenant  pour  axes 
de  référence  un  système  d'axes  rectangulaires  lixes, 
auquel  l'axe  de  l'équateur  instantané  sert  de  base,  et  nous 
avons  conclu  de  notre  analyse  que,  si  la  nutation  eulé- 
rienne est  nulle  en  obliquité  dans  ce  système  [voir 
l'équation  (4)],  il  n'en  est  pas  de  même  de  la  nutation  en 
longitude  [voir  l'équation  (5)]  et  que,  chose  bien  plus 
grave,  cette  nutation  apparaît  d'une  manière  sensible 
dans  l'expression  (6)  de  l'angle  <p,  qui  détermine  l'heure 
pour  un  point  de  l'équateur  situé  sur  le  premier  méri- 
dien. Or,  dans  cette  expression,  comme  dans  celle  de  la 
nutation  en  longitude,  interviennent  deux  quantités,  la 
constante  (u.,  et  l'argument  t,  qui  nous  sont  inconnues. 
Nous  ne  pouvons  donc  songer  à  déduire  l'heure  d'un 
autre  lieu  de  celle  du  lieu  pour  lequel  elle  est  y,  puisque 
nous  devrions  connaître  pour  cela  les  variations  de  lon- 
gitude et  même  de  latitude  de  ces  deux  lieux. 

Dans  le  système  de  l'axe  instantané,  correctement 
exposé,  la  définition  de  l'heure  est  donc  actuellement 
impossible,  et  ses  variations  eulériennes,  de  même  que 
celles  de  la  longitude,  sont  bien  plus  grandes  qu'on  ne 


0  Voir  le  paragraphe  relatif  ;i  l'heure  dans  la  Révision  des  con- 
stantes de  l'astronomie  stellaire,  pp.  93-08. 


(  406  ) 

serait  tenté  de  le  croire  à  première  vue,  en  ne  considé- 
rant que  la  faible  inclinaison  des  deux  équateurs  l'un  sur 
l'autre. 

Je  le  déclare  à  nouveau  :  l'astronomie  sphérique  est 
entrée  dans  une  fausse  voie  en  suivant  la  méthode  d'Op- 
poJzer,  qui  ne  peut  qu'enrayer  ses  progrès  ultérieurs. 

Une  réaction  s'impose. 

Il  ne  suffit  pas  que  les  astronomes  s'entendent  sur  les 
constantes  et  les  formules  dont  ils  feront  usage  au 
XXe  siècle;  il  faut  surtout  que  ces  formules  soient  cor- 
rectes. 

Celles  dont  on  fait  actuellement  usage  ne  le  sont  pas. 

La  démonstration  en  a  été  faite  dans  la  Vierteljahr- 
schrifl  (*),  dans  les  notices  extraites  de  V Annuaire  de 
l'Observatoire  pour  1897,  enfin  dans  les  pages  précé- 
dentes. 

Je  conçois  que  les  astronomes  qui  n'ont  pas  fait  une 
étude  spéciale  du  mouvement  de  rotation  de  la  Terre,  se 
soient  laissé  séduire  par  le  beau  talent  astronomique 
d'Oppolzer. 

Je  conçois  moins  bien  que  les  astronomes  géomètres, 
après  qu'on  leur  a  démontré  l'incorrection  des  formules 
du  savant  viennois,  gardent  un  silence  trop  prudent,  en 
présence  d'une  décision,  de  longtemps  irréparable,  qu'ils 
vont  prendre  bientôt  quant  aux  formules  de  réduction 
dont  il  sera  fait  usage  en  1901,  et  de  la  lourde  respon- 
sabilité qu'ils  assumeront  de  ce  chef  devaut  le  prochain 
siècle. 

(*)  Octobre-décembre  1896. 


(  407  ) 


Sur  divers  composes  triméthyléniques ;  par  Louis  Henry, 
membre  de  l'Académie. 

Comme  suite  à  ma  note  (*)  Sur  divers  composés  Irimc- 
thyléniques,  je  ferai  connaître  aujourd'hui  quelques  nou- 
veaux dérives  appartenant  à  ce  groupe. 

1.  — Monoiodhydrine  triméthyléni  que  (HO)CH2-CH2 
-  CH.2I. 

Ce  corps  résulte  de  la  réaction  de  la  monochlorhydrine 
triméthylénique  CH2C1  -  CH2  -  CH2(OH)  sur  l'iodure  de 

sodium  dans  l'alcool  méthylique  (**).  On  prend  des  quan- 


(')  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3*  *érie,  t.  XXXII,  p.  253, 1896. 

(")  Je  me  sers  depuis  longtemps,  pour  transformer  les  éthers 
chlorhydriques  ou  bromhydriques  en  éthers  iodhydriques  correspon- 
dants, de  l'iodure  de  sodium  dans  l'alcool  méthylique.  11  est  plus 
avantageux  d'employer  ces  deux  corps  que  l'iodure  de  potassium  et 
l'alcool  ordinaire. 

Les  chiffres  suivants  expliquent  et  précisent  cette  préférence  (*). 

Solubilité  dans  100  parties  d'alcool  en  poids  : 

CH3-OH.  Température.       C^-OH. 

Nal  ....    77,7  parties  22»,5  43,1 

Kl     ....    16,5      »  20°.o  1,7» 

La  solubilité  de  NaCl  et  de  NaBr  dans  l'alcool  méthylique  est  assez 
faible  pour  en  assurer  une  précipitation,  sinon  intégrale,  au  moins 
très  suffisante. 

(l)  VoirLoBHY  dk.  Bri'yn,  Zeilschrift  fur  phtjxikalische  Cliemie,  t.  \,  p.  782, 
1892. 


(  408  ) 

tités  de  ces  deux  composés  correspondant  à  leur  poids 
moléculaire  et  l'on  chauffe  au  bain  d'eau  dans  un  appa- 
reil à  reflux.  La  réaction  s'établit  rapidement  et  se  ter- 
mine après  quelque  temps. 

Il  se  précipite  abondamment  du  chlorure  de  sodium. 

On  chasse  l'alcool  méthylique  par  distillation  et  il 
reste  un  liquide  dense  qui  est  le  produit  formé  que  l'on 
distille  sous  pression  raréfiée. 

La  monoiodhydrine  triméthylénique  ainsi  obtenue  se 
présente  sous  forme  d'un  liquide  plus  ou  moins  épais, 
incolore,  mais  se  colorant  en  brun  à  la  lumière,  à  la 
façon  des  dérivés  iodhvdriques,  d'une  odeur  quelque  peu 
piquante,  d'une  saveur  très  piquante,  rappelant  le  rai- 
fort. 

Elle  est  assez  peu  soluble  dans  l'eau,  au  fond  de  laquelle 
elle  tombe,  mais  très  soluble  dans  l'alcool  et  l'éther. 

100  parties  en  poids  de  H3C  -  OH  dissolvent  à  18°, 5  : 

NaCl 1,41  parties. 

NaBr 17,3 

L'iodure  de  sodium  est,  à  la  vérité,  un  peu  plus  coûteux  que 
l'iodure  de  potassium  ('),  mais  cette  différence  est,  à  peu  de  chose 
près,  compensée  par  une  différence  en  sens  inverse  dans  le  poids 
moléculaire  de  ces  deux  composés  : 

Nal poids  moléculaire     150 

Kl »  166 

Les  produits  des  prix  en  kilogrammes  par  les  poids  moléculaires 
sont  fort  rapprochés  : 

Nal 36,50X150  =  517,5 

Kl 32,50  X  <66  =  539.5 

(')  Prix  courant  de  De  Haen  (Hanovre),  avril  1897: 

Nal 1  kilog       fr.    36,50 

Kl »  »     32,50 


(  409  ) 

Sa  densité,  à  la  température  de  13°,  est  égale  à  2,549. 

Elle  bout  sans  décomposition  à  la  température  de  115° 
sous  la  pression  de  58  millimètres,  el  à  la  température 
de  225°  sous  la  pression  de  7-18  millimètres. 

Je  rappellerai  à  cette  occasion  que  le  glycol  trimé- 
thylénique  bout  à  216°,  et  le  bi-iodure  de  triméthylène 
GH2I  -  CH2  -  CH2l  à  221°,  que  le  propanol  primaire 
CH2(OH)  -  CH2  -  CH3    bout  à  96°  et  son  iodure  CH2l 

-  ÇH2  -  CH3  à  100-1010.  On  voit  qu'à  l'étage  C3,  le  rem- 
placement de  l'hydroxyle  (OH)  par  I  exerce  peu  d'in- 
fluence sur  les  points  d'ébullition. 

Il  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  en  ce  moment 
le  peu  de  stabilité  que  présente  le  glycol  monoiodhy- 
drique  (*)  sous  l'action  de  la  chaleur.  Il  bout  à  176°- 177° 
sous  la  pression  de  702  millimètres,  mais  en  se  décom- 
posant notablement.  Le  bi-iodure  d'éthylène  CH2I  -  CH2I 
est  encore  moins  stable. 

On  voit  quelle  stabilité  détermine  dans  cette  sorte  de 

composés  l'existence  d'un  chaînon  CH2  entre  les  chaî- 
nons alcools  -  CH2(OH)  et  le  chaînon  éther  iodhydrique 

-  CH2l  ou  entre  les  deux  chaînons-  CH2I. 

L'analyse  de  ce  produit  a  fourni  les  chiffres  sui- 
vants (**)  : 

I.  0*%3946  de  produit  ont  donné  0^,4968  d'iodure 
d'argent. 


(•)  Voir  ma  notice,  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3«  série, 
t.  XVIII,  p.  182,  1880. 

("j  Ces  dosages  d'iode  peuvent  se  faire  d'une  manière  expéditive  : 
la  mono-iodliydrine  triméthylénique  précipite  la  solution  aqueuse 
d'azota.te  argentique,  dès  la  température  ordinaire,  à  la  façon  d'un 
iodure  métallique  soluble. 


(  410  ) 

IL  0»'*,457(j  ont  donné  0*l,5489  d'iodure  argentique. 
Ce  qui  correspond  à 

Trouvé. 
I.  II.  Calculé. 

Iode0/.     •     •     •         68,03  67,78  C8,fc27 

L'iode,  dans  cette  monoiodhydrine,  se  fait  remarquer 
par  une  aptitude  réactionnelle  considérable.  Le  chaî- 
non H2C  -  I  fait  la  double  décomposition  très  facilement 
avec  les  combinaisons  hydrogénées  et  métalliques.  Il  y  a 
certainement  un  grand  parti  à  tirer  de  cette  propriété, 
sous  divers  rapports.  L'étude  de  ce  composé  sera  con- 
tinuée dans  mon  laboratoire  dans  ce  but.  Je  rappellerai, 
à  cette  occasion,  la  belle  synthèse  de  V acide  adipique 
(HO)CO  -  (CH2)4  -  CO(OH)  réalisée  par  M.  Wislicenus  (*) 
a  l'aide  de  l'acide  iodo-propionique  ICH2-  CH2-  CO(OH). 
J'ai  des  raisons  de  croire  que  la  monoiodhydrine  trimé- 
thyléniqne  réagit  aussi  facilement  avec  l'argent  molécu- 
laire 


H,C  -  OH 

-+-  Ag,     =         (CHS), 

i 

ILC  -  OH 


pour  donner  directement  le  qlycol  adipique  ou  hexaméthy- 
lénique  (HO)CH2  -  (CH2)4  -  CH2(OH). 

J'espère  être  à  même  de  pouvoir  faire  à  l'Académie  une 
communication  sur  cet  objet  d'un  si  haut  intérêt,  dans 
un  prochain  avenir. 


O  Liebig's  Annalen  der  Chemie,  t.  CXLIX,  p.  2-21,  1869. 


(  411  ) 

ï.—lodo-acétate  de  irimettnjlene  (]\\J  -VAl^-rALiilM^O.,). 

Ce  corps  résulte  de  la  réaction  du  chloro-acétate  de 
triméthylène  surl'iodure  de  sodium  dissous  dans  l'alcool 
méthylique,  sans  excès.  On  prend  de  ces  deux  corps  des 
quantités  correspondant  à  leur  poids  moléculaire. 

On  chauffe  au  bain  d'eau  dans  un  appareil  à  reflux. 
Après  une  heure,  la  précipitation  du  chlorure  sodique  est 
complète.  On  tiltre  et  l'on  expulse  l'alcool  par  la  distil- 
lation. 

Le  résidu  introduit  dans  l'eau  laisse  déposer  le  produit 
sous  forme  d'une  huile  lourde,  que  l'on  purifie  par  la 
distillation. 

Le  rendement  de  l'opération  est  presque  intégral. 

L'iodo-acétate  de  triméthylène  ainsi  obtenu  constitue  un 
liquide  quelque  peu  épais,  d'une  odeur  agréable,  d'une 
saveur  piquante.  Sa  densité,  à  la  température  de  15°,  est 
égale  à  2,112. 

11  bout  fixe  à  1 12°- 1 15°  sous  la  pression  de  38  à  40  mil- 
limètres et  à  207°-210°  sous  la  pression  de  7<>7  milli- 
mètres, sans  subir  de  décomposition. 

L'iode  du  chaînon  -  CHJ  présente,  dans  ce  composé, 
les  mêmes  aptitudes  réactionnelles  que  dans  la  mono- 
iodhydrine  correspondante. 

L'analyse  de  ce  produit  a  donné  les  chiffres  suivants  : 

I.  0,6007  de  substance  ont  fourni  0,6415  d'iodure 
d'argent. 

II.  0,4715  de  substance  ont  fourni  0,4954  d'iodure 
d'argent. 

Ce  (jui  correspond  à 

Trouvé. 
I.  II.  Calculé. 

Iode  7,     .     .     .         55,82  56,44  r55,72 


(  412  ) 
5.  --  Propanol  mononitré  bi-primaire  i  -5,  (H0)CH2 
-  CH2  -  CH8(N02). 

Il  résulte  de  la  réaction  de  la  monoiodhydrine  trimé- 
thylénique  sur  le  nitrite  d'argent. 

4.  Acéto- propanol  mononitré  bi-primaire    1-5, 

(N02)CH2  -  CH2  -  CH2{C2H302). 

Il  résulte  de  la  réaction  de  l'acéto-iodliydrine  triméthy- 
lénique  sur  le  nitrite  d'argent. 

Ces  deux  composés  seront  décrits  dans  le  mémoire 
suivant  :  Sur  divers  alcools  nitrés. 


Sur  divers  alcools  nitrés  ; 
par  Louis  Henry,  membre  de  l'Académie. 

I.  —  Alcools  nitrés  en  C3. 

Nitro -propanol  bi-primaire  1  -  3,  (HO)CH2  -  CH2 
-  CII2(NO)2  ou  nitrô-propanol  triméthylénique. 

Au  propane  H5C  -  CH2  -  CH3  correspondent  trois 
alcools  nitrés  : 

a)  Deux  continus  : 

h\C  -  OU  H2C  -  NO, 

i  i 

HC-N02  et  IIC -OH 

H3C  H3C. 

Je  les  ai  l'ait  connaître  précédemment  (*).  Ils  résultent 


(*)  Voir  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  série,  t.  XXIX,  p.  834, 
ett,  XXXIII,  p.  117. 


(  415  ) 
respectivement  de  la  condensation  du  méthanal  HgC  =  0 
avec  le  nilro-éthane  ll-C  -  C1L(N0,_>)  el  de  colle  du  nitro- 
méthane  ll-C  -  N02  avec  Véthanal  ll-C  -  Cil  =0. 
b)  Un  discontinu  (*)  : 

II.C-OH 

I 

II,C 

I 

IIX  -  NO,, 

le  nitro-propanol  bi-primaire  I  -5. 

J'avais  cru  obtenir  ce  composé  par  la  condensation  du 
nitro-méthane  avec  l'oxyde  d'éthylène 


H  C 
*i  >  0    +    HCIIa.NO. 

H,C  -  OH 

i 
HjC  -  NO. 

On  sait   que   l'acide   cyanhydrique,    en   s'ajoutant    à 


(*)  Ainsi  que  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  le  dire,  j'entends  par  com- 
posés continus  les  composés  polyatomiques  à  fonctions  multiples, 
simples  ou  mixtes,  où  les  radicaux  fonctionnels  X,  X',  etc.  sont  fixés 
sur  un  même  atome  de  carbone  ou  des  atomes  de  carbone  distincts, 
mais  directement  unis  les  uns  aux  autres,  et  par  composés  discontinus 
ceux  où  ces  radicaux  sont  fixés  sur  des  atomes  de  carbone  distincts, 
unis,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  séparés  par  au  moins  un  autre  atome 
de  carbone.  On  sait  combien  cette  circonstance  influe  puissamment 
sur  les  propriétés  de  la  molécule  totale  et  sur  la  valeur  fonctionnelle 
des  divers  composants  CX,  CX'  Voir  mes  études  sur  la  Solidarité 
fonctionnelle  dans  les  Comptes  rendus,  etc.  e1  1rs  Btdletins  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique. 


(  444  ) 
l'oxyde  d'éthylène,  fournit  le  nitrile  lactique  primaire  (*) 


H,C  -  OH 

H  C  ' 

2:  >  0  +  IICiN     =     H2C 
ll8C  i 

NC. 


Je  ne  suis  pas  parvenu  jusqu'ici  à  réaliser  cette  syn- 
thèse.   Le  pouvoir  additionnel  aux  composés  renfermant 

le  système  HC-.  à  hydrogène  basique,  qui  est  si  déve- 
loppé dans  les  oxydes  CnHïn  =  0  renfermant  le  système 
HC  =  0,  parait  avoir,  en  grande  partie,  disparu  dans  ceux 
renfermant  le  système  bicarboné 

>C 

J'ai  dû  recourir,  pour  arriver  à  ce  nitro-propanol  1  -  ô, 
à  la  méthode  de  Y.  Meyer  pour  la  préparation  des  dérivés 
nitrés  aliphatiques. 

En  fait,  le  nitro-propanol  bi-primaire  1  -  3  résulte  de 
la  réaction  de  la  monoiodhydrine  triméthylénique  (HOJCHg 
-  CH2  -  CH2I  sur  le  nitrite  d'argent  AgNOo. 

La  réaction  est  aisée;  elle  s'établit  déjà  dès  la  tempé- 
rature ordinaire.  On  la  réalise  le  plus  commodément  dans 
l'éther  anhydre.  Il  suffit  de  chauffer  au  bain  d'eau  dans 
un  appareil  à  reflux,  pendant  quelque  temps,  une  demi- 
heure  environ.  On  filtre,  on  expulse  l'éther  et  l'on  soumet 
le  résidu  à  la  distillation  sous  pression  raréfiée.  Le  pro- 


(*)  Ehi.enmeyer,  Liebig's  Annalen,  etc.,  t.  CXCI,  }>.  173  (année  1878). 


(  415 

duit  boul  vers  140°-145°  sous  la  pression  de  40  milli- 
mètres. 

Le    rendement   de    l'opération   est    avantageux  :  on 

recueille  environ  70  °/0  de  la  quantité  théorique. 
Le   nitro-propanol  bi-primaire    1  -  3  (HO)CH2  -  CH2 

-  CH2(N02)  constitue  un  liquide  plus  ou  moins  épais  et 
visqueux,  incolore,  d'une  faible  odeur  piquante,  piquant 
sur  la  langue,  mais  beaucoup  moins  que  le  dérivé  iodé 
qui  en  est  l'origine.  11  n'a  pas  cet  arrière-goût  nauséabond 
qui   caractérise  son   isomère    1  -  2,  (N(h,)CIL>  -  CH(OH) 

-  CH3. 

Il  se  dissout  aisément  dans  l'eau,  l'alcool,  l'étber,  etc. 
Sa  densité  à  15°  est  égale  à  1,173. 
Il  bout  à  158°-140°  sous  la  pression  de  52  millimètres. 
Son  isomère  1  -  2,  le  nitro-propanol  secondaire  (N02)CH2 

-  CH(OH)  -  CH3,  bout  à  1 12°  sous  la  pression  de  50  mil- 
limètres. 

Il  n'est  pas  inutile  de  rappeler,  à  cette  occasion,  les 
points  d'ébullition  des  deux  alcools  propyliques,  primaire 
et  secondaire, 

CH3-CHs-CIJa(OII)  Éb.     90° 

C1I3-CH(0I1)-CH3  82°. 

Quoique  les  poids  moléculaires  des  alcools  nitrés 
soient  plus  considérables  que  ceux  des  alcools  simples 
correspondants 

Poids 

moléculaire.       Diff. 
NO 
C^H«>OH  m     \ 

C3W7-OII  GO     / 


(  446  ) 

la  différence  de  volatilité  que  l'on  constate  entre  eux  est 
plus  grande  que  celle  que  l'on  constate  entre  ceux-ci. 

Différence 
de  volatilité. 

Propanols  nilrcs 25°  environ 

Propanols 14° 

La  raison  en  est  évidemment  dans  le  voisinage  des 
radicaux  (N02)  et  (OH)  ;  ce  voisinage  constitue  une  cause 
de  volatilité  qui  cesse  par  l'éloignement  résultant  de 
l'interposition  du  chaînon  -  CH2  entre  les  atomes  de  car- 
bone sur  lesquels  sont  fixés  ces  radicaux  fonctionnels. 

La  densité  de  vapeur  du  nitro-propanol  1-5  a  été 
trouvée  égale  à  5,4(>. 

Substance 0sr,0079 

Pression  barométrique   ....  758" 

Mercure  soulevé 739" 

Tension  de  la  vapeur 49u 

Volume  de  la  vapeur 104",4 

Température 130° 


j  ni  ii  i 

km  oi 
lium 


La  densité  calculée  est  5,61. 

Son  analyse  a  fourni  les  résultats  suivants  : 

Azote  °/0 
Substance.  Trouvé.  Calculé. 

I    .     .     .     .         Cs',2348         15,01 


13,33 
II  ...     .         0er,2l98         13,16     ) 

Le    nitro-propanol  bi-primaire  se  condense  aisément 

OH 

avec  l'alcool  méthyléno-pipéridique  IL>C  <  ^    r  „    .  Le 

r\  -  i^nio 

mélange   des  deux  liquides  s'échauffe  et   se  transforme 


(  *n  ) 

en  une  masse  épaisse  qui  se  prend  à  la  longue  en  cris- 
taux. Le  produit  répond  à  la  formule 

(HO)CHî-CHJ-C<^_N==C5„|o)j 

Insoluble  dans  l'eau,  il  est  aisément  soluble  dans  les 
alcools  méthylique  et  éthylique,  dans  l'éther,  etc.  Il  cris- 
tallise aisément  de  l'alcool  méthylique  en  aiguilles  d'assez 
grandes  dimensions,  fusibles  à  70"-7l". 

J'ai  fait  connaître  précédemment  (*)  le  dérive  chlor- 
hydrique  correspondant  à  ce  nouveau  nitro-propanol, 
c'est-à-dire  le  propane  chloro-nilré  bi-primaire  1-5  C1CH2 
-  CIL  -  CH2«(N02),  qui  résulte  de  la  réaction  du  chloro- 
iodure  de  triméthylène  CICIL  -  CH2  -  CH  J  sur  le  nitrite 
d'argent. 

C'est  un  liquide  à  odeur  piquante,  bouillant  sous  la 
pression  ordinaire  à   197°,   ayant   pour    densité    1,267 

Son  acétate  (N02)  CIL  -  CH.2  (C2H302)  peut  s'obtenir 
dans  les  mêmes  conditions  par  la  réaction  de  Viodo-acé- 
tate  triméthylénique  ICH2  -  ClU  -  CH2  (C2H30.2)  sur  le 
nitrite  d'argent. 

Il  constitue,  comme  son  alcool,  un  liquide  incolore, 
plus  ou  moins  épais,  faiblement  odorant,  d'une  saveur 
piquante,  insoluble  dans  l'eau. 

Sa  densité  à  40°  est  égale  à  1,191. 

Il  bout,  sous  la  pression  de  58  millimètres,  à 
14(1-142°. 


•    liait,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  série,  t.  XXXII,  p.  263. 

.">""     SÉRIE,    TOME    XXXIII.  28 


(  418  ) 

Son  analyse  a  donné  le  résultat  suivant  : 


Substance. 
0*r,1678 


Je  tiens  à  faire  remarquer  combien  il  importait  d'ap- 
peler à  l'existence  le  nilro-propanol  bi-primaire  1-5. 
non  pas  parce  qu'il  complète  la  série  des  propanols 
nitrés,  C3H(i  (OH)  (N02),  mais  parce  qu'il  est  nécessaire 
pour  résoudre  la  question  de  la  relation  qui  existe  entre 
le  degré  de  rapprochement  des  radicaux  N02  et  OH,  et 
l'intensité  de  l'influence  que  subit  ce  dernier  dans  son 
énergie  alcoolique  de  la  part  du  nitryle  N02. 

II.  —  Alcools  nitrés  en  C5. 

OH 

A.  Alcools  normaux  ou  nitro-pentanols   C-Hj,,  <  ^  . 

Nitro-pentanolZ-ù  CHtl-CH(i\02)-CH(OH)-CH2-CH3. 

Il  résulte  de  l'addition  du  nitro-éthane  CH3  -  CH2(N02) 
au  propanol  CHr>  -  CH2  -  CHO. 

15  grammes  de  propanol  et  19  grammes  de  nitro- 
éthane  ont  été  mis  en  réaction.  Les  deux  liquides  se 
mélangent  en  se  dissolvant.  On  y  a  ajouté  quelque  peu 
d'eau  et  quelques  fragments  de  carbonate  bipotassique. 
Le  mélange  des  ingrédients  liquides  surnage. 

La  réaction  se  détermine  lentement  par  l'agitation  de 
la  masse.  Le  thermomètre  s'élève  de  18°  à  59°-40°. 

Le  produit  formé  reste  incolore;  il  surnage  ou  tombe 
au  fond  de  la  solution  potassique,  suivant  la  concentra- 
tion de  celle-ci. 


(  419  ) 

On  continue  l'opération  suivant  la  méthode  ordinaire  : 
extraction  par  l'éther;  expulsion  de  celui-ci  et  distilla- 
tion du  résidu  sous  pression  raréfiée. 

Le  nilro-peiilmwl  2  -  3  ainsi  préparé  constitue  un 
liquide  incolore,  peu  épais,  d'une  faible  odeur  aldéhy- 
dique,  d'une  saveur  amère. 

Il  est  insoluble  dans  l'eau,  mais  l'alcool  et  l'éther  le 
dissolvent  aisément. 

Sa  densité  à  14°  est  égale  à  1,071. 

Il  bout,  sous  la  pression  de  43  millimètres,  à 
H8M210  (*). 

Son  analyse  a  fourni  les  chiffres  suivants  : 

Azote  %. 
Substance.  Trouvé.  Calculé. 

I  .     .     .     .         QS',3345        10,80     j 

>      10,52 

II  .     .     .     .         0«r,2422        10,4  G     ) 

Penlanol  miré  2-5   CH3  -  CH(OH)  -  CH(N02)  -  CIL, 

-  CH3. 

Il  résulte  de  l'addition  du  nitro-propane  normal  H3C 

-  CH2  -  CH2(N02)  à  Véthanal  CH3  -  CH  =  0. 

C'est  un  corps  analogue  au  précédent,  liquide  incolore, 
bouillant  à  112°  sous  la  pression  de  30  millimètres. 

Ce  produit  a  été  fait  par  un  de  mes  élèves,  le  P.  Pau- 
wels,  S.  J.,  et  sera  étudié  dans  un  travail  spécial. 

B.  Alcools  nitrés   dichotomiques  ou    nitro-isopentanols 
CH3  ^  r  „     .OH 
CH-,  ^  li5"4  ^  N(V 


,*  Son  homologue  immédiat  en  C.iH3G  -  CH(N0S)  -  CH(OH)  -  CH, 
bout  à  112°-115°  dans  les  mêmes  conditions  à  peu  près.  (Voir  mon 
travail,  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3e  série,  t.  XXXII,  p.  23. 


(  4-20  ) 
ISitro-isûpentanol  1  -2  J^  >  CH  -  CH(OH)-CH2(JSOâ). 

!1  résulte  de  l'addition  du  nitro-méthane  à  Yisobulanal 

|  |];x;ii-<:h  =  o. 

24  grammes  d'aldéhyde  ont  été  mélangés  à  20  grain  nies 
de  nitro-méthane.  Les  deux  liquides  se  dissuivent  en  une 
masse  homogène  qui  surnage  l'eau  que  l'on  y  ajoute  en 
faible  quantité,  en  même  temps  que  quelques  fragments 
de  carbonate  bipotassique. 

La  réaction  se  détermine  lentement  et  progressivement 
par  l'agitation  vive  de  la  masse.  Le  thermomètre  s'élève 
d'environ  30°  à  55°. 

Pour  extraire  le  produit,  on  suit  la  méthode  ordinaire  : 
traitement  à  l'éther,  etc.,  et  l'on  distille,  après  expulsion 
de  celui-ci,  sous  pression  raréfiée. 

Le  nitro-isopentanol  ainsi  obtenu  constitue  un  liquide 
incolore,  d'une  faible  odeur  aldéhydique,  d'une  saveur 
piquante  avec  un  arrière-goût  nauséabond  (*). 

Ce  corps  est  insoluble  dans  l'eau,  mais  soluble  dans 
l'alcool,  l'éther,  etc. 

Sa  densité  à  14°  est  égale  à  1,096. 

Il  bout  sous  la  pression  de  40  millimètres  à  120M250. 

Son  analyse  a  fourni  les  chiffres  suivants  : 

Azote  °  o. 
Substance.  Trouvé.  Calculé. 

I  .     .     .     .         C«r,227l  10,30     j 

10,52 

II  .     .     .     .         0*r,209S         10,28 


Cet  arrière-goût  nauséabond  me  parait  propre  aux  alcools  nitrés 
renfermant  le  système  -CH(0H)-CH2(N02).  On  le  retrouve  dans  les 
termes  moins  carbonés  en  C(  et  en  C3. 


(  421  ) 
fsopentanol   mononitré    I  -  2  [:[[•"'  >  GH  -  CH(N02) 

-CH2(OH). 

Ce  corps  résulte  de  la  condensation  du  méthanal  CH2=0 

(Il 
avec  le  nitro-isobutane  primaire  p„3  >  CH  -  CH2(N02). 

Il  est  analogue  au  précédent.  C'est  un  liquide  incolore, 
insoluble'  dans  l'eau,  peu  odorant,  ayant  pour  densité 
f, <>!)()(>  et  bouillant  à  158°-159°  sous  la  pression  de 
56  millimètres. 

Ce  produit  a  été  préparé  et  étudié  par  un  de  mes 
élèves,  M.  Shaw,  qui  s'en  occupera,  avec  d'autres,  dans 
un  travail  spécial. 

III.  —  Alcools  nitrés  en  C6? 

Nitro-isohexanol    I  -  2  £|{3  >  CH  -  CH2  -  CH(OH) 

-  CH2(N02). 

Il  résulte  de  l'addition  du  nilro-me'thane  CH3  -  NOo  à 

Visohexanol    £**3  >  CH  -  CH.,  -  CHO   (aldéhyde   valé- 
Ui3 

rique). 

On  a  mis  en  réaction  -  l0  de  molécule  de  chacun  de 
ces  composés,  18  grammes  d'aldéhyde  et  12  grammes  de 
nitro-méthane. 

Les  deux  liquides  se  dissolvent  l'un  dans  l'autre.  On 
ajoute  quelque  peu  d'eau  et  quelques  fragments  de  car- 
bonate bipotassique.  On  agite  vivement  la  masse. 

La  réaction  se  détermine  lentement  et  la  température 
s'élève  de  14°  à  42°. 

On  extrait  la  couche  surnageante  par  l'éther  addi- 
tionné d'un  peu  d'acide  chlorhydrique  étendu,  et  l'on 
distille,  après  expulsion  de  l'éther,  sous  pression  raréfiée. 


r  4.22  ) 

Ce  nitro-hexanol  est  en  tous  points  analogue  au  nitro- 
pentanol  correspondant  Çfjs  >  CH  -  GH(OH)  -  CH2(N02), 

produit  à  l'aide  de  l'aldéhyde  isobutylique  et  du  nitro- 
méthane. 

C'est  un  liquide  plus  ou  inoins  épais,  peu  odorant, 
d'une  densité  de  1,025  à  1  i". 

Il  est  insoluble  dans  l'eau.  Sous  la  pression  de  38  mil- 
limètres, il  bout  à  127°-130°. 

Son  analyse  a  donné  les  chiffres  suivants  : 

Azote  o'o. 
Substance.  Trouvé.  Calculé. 

I     .     .     .     .         0er,lG60         9,35 


9  59 
Il   .     .     .     .         Oe',2403  9,49 

Nitro-isohexanol  2-5  £[J3  >  CH  -  CH(N02)  -  CH(OH) 

-  CH5.  Ce  produit  a  été  obtenu  par  M.  Shaw.  ïl  résulte 

(  'H 

de  la  condensation  du  nilro-isobutane  primaire   '„■"  >  CH 

CH3 

-  CH2(N02)  avec  l'éthanal  CH-  -  CHO. 

C'est  un  liquide  analogue  au  précédent.  Sa  densité  à 
l'état  liquide  est  1,0533  à  la  température  ordinaire. 
11  bout  à  119°-123°  sous  la  pression  de  38  millimètres. 

J'ai  fait  connaître  jusqu'ici  des  alcools  nitrés  en  C3, 
C4,  C3  et  C6.  Leur  comparaison  au  point  de  vue  physique 
permet  de  faire  certaines  remarques  qui  ne  sont  pas, 
ce  me  semble,  dénuées  d'intérêt.  Je  n'en  mentionnerai 
qu'une  seule  en  ce  moment,  celle  qui  concerne  la  densité 
de  ces  corps  à  l'état  liquide. 

De  même  que  dans  les  paraffines  nitrées,  la  densité  à 
l'état  liquide  va,  dans  les  alcools  nitrés  correspondants. 


;  «3  ) 

en   diminuant  à   mesure   que    leur    poids   moléculaire 

s'élève,  c'est-à-dire  qu'ils  sont  plus  riches  en  carbone. 

Paraffines  mirées       Densité.      Étage.  Alcools  nitrés.  Densité. 

CHs(NOs)  1,1441  à  15°  C, 

CH-j-CH^NO,)        1,0583  à  13»  ^ 

CHj-CHj-CBitNOi)  1,0108 à  15°  C3  Crls-CHOHj-CH^NOi)  1,191  à  >«J 

JjjJ^CHCH.NO,  C4  CHs-CHj-CHlOH  CiyNO*)  I,144à35« 

C-  [i[jï  >CH-CH  OH  -CH.tNOi)  l,096à  li° 

C6  ^jj3>CH-CH.rCH(  OHî-CHilNOi)  1,0525  a  14». 

Les  densités  des  alcools  simples  correspondants  à  ces 
divers  alcools  nitrés  sont  respectivement  : 

C,  .     .     .  .  0,7870  à  10° 

C,  ...  .  0,8190  à  20° 

C5  .     .     .  0,8113  à  18" 

Cc  .     .     .  .  0,8183  ;i  17° 

Le  remplacement  d'un  atome  d'hydrogène  dans  un 
chaînon  -  CH-  par  le  radical  -  N(X»,  en  déterminant  une 
augmentation  dans  le  poids  moléculaire  du  composé  pri- 
mitif, entraîne  une  augmentation  dans  la  densité  à 
l'état  liquide.  Celle-ci  est  d'autant  plus  faible  que  le  poids 
moléculaire  de  l'alcool  est  lui-même  plus  considérable. 

Ces  augmentations  sont  respectivement  : 

à   Iclagc  C-        ...  0,404 

C,       ...  0,325 

C,  ....  0,285 

C„  .     .  0,207 


(  An  ) 

Il  en  doit  être  ainsi  dans  tous  les  cas;  le  radical  -  NO^ 
ou  46  représente  une  fraction  d'autant  plus  faible  du 
poids  moléculaire  que  celui-ci  est  plus  considérable, 
c'est-à-dire  que  le  composé  est  plus  carboné. 

Il  serait  intéressant  de  connaître  les  résultats  de  Yoxy- 
dation  et  de  la  réduction  des  alcools  nitrés.  Des  recherches 
sont  entreprises  dans  ce  but  dans  mon  laboratoire.  J'ai 
confié  à  l'un  de  mes  élèves,  M.  De  Battice,  la  tache  d'exa- 
miner sous  ce  rapport  l'alcool  nitro-isopropylique 
CH3  -  CH  (OH)  -  CH2  (N02),  celui  d'entre  ces  corps  que 
l'on  peut  préparer  le  plus  aisément  en  grande  quantité. 

Il  est  à  prévoir  que  Y  oxydation  ménagée  de  ce  composé 
donnera  Y  acétone  mononitrée  CH3  -  CO  -  CH2(N02)  et 
sa  réduction,  Y  alcool  isopropylique  amidé  H5C  -  CH(OH) 
-  CH2(NH2)  (*).  H  serait  superflu  de  faire  ressortir  l'in- 
térêt que  présentent  des  composés  de  ce  genre. 


IV.  —  Synthèse  d'alcools  halo-mtrés. 

Les  paraffines  chloro-  etbromo-nilrées,  de  divers  genres, 
renfermant  encore  de  l'hydrogène  dans  le  système  carbo- 
nilré  >  C  -  N02,  se  condensent  aisément  avec  les  aldé- 
hydes. Il  en  résulte  des  alcools  chloro-  et  bromo-nilrés. 


Ci  Je  viens  de  lire  dans  le  dernier  numéro  du  Bulletin  de  la  Société 

chimique  de  Berlin,  t.  XXX,  p.  909,  la  description  de  l'alcool  amido- 

éthvlique  (H0)CH2  -  CIL  NH2  que  M.  L.  Knorr  a  obtenu  par  la  fixation 

H  C 
de  l'ammoniaque  sur  l'oxyde  d'éthylène  ,,2/,  >  0.  Il  est  à  prévoir  que 

l'alcool  amido-isopropylique  possède  des  propriétés  en  tous  points 

analogues. 


(  425  ) 

Je  fais  connaître  aujourd'hui  les  produits  de  l'addition 
du   methanal  à    Péthane   chloro-   el    bromo-nitré  (-11,-,  - 

CH  <  9L  (*),  CH3  -  Cil  <  v!\  .  c'est-à-dire  les  alcools 
propyliques  ou  propanols  primaires,  chloro-  el  bromo- 
nitrés  Cil-  -  C  <  ^Q  -  CH2(OH). 

Propanol    primaire   chloro-nitré    (III-  -  CH   <  J,-* 

-  CH2(OH). 

20  grammes  d'éthane  chloro-nitré  (*)  ont  été  mélangés 
avec  20  grammes  de  la  solution  aqueuse  à  40  °/0  du 
methanal,  ce  qui  représente  un  léger  excès.  Le  nitro- 
chloro-éthane  tombe  au  fond.  On  y  ajoute  quelques 
petits  fragments  de  carbonate  bipotassique.  La  réac- 
tion s'établit  par  l'agitation.  Le  thermomètre  s'est  élevé 
de  14°  à  58°.  Tout  se  dissout  pour  former  un  liquide 
homogène,  d'où  le  carbonate  bipotassique  fait  sortir 
l'alcool  chloro-nitré  produit  sous  forme  d'une  huile 
surnageante.  On  la  dessèche  à  l'aide  du  K2C03  en  frag- 
ments et  on  la  rectifie  sous  pression  raréfiée. 

Le    chloro-nitro-propanol    primaire     CH5-C(N02)C1 

-  CH2(0H)  ainsi  obtenu  constitue  un  liquide  épais  et  vis- 
queux, parfaitement  incolore,  qui  se  soliditie  a  la  longue 


'    Je  m'occuperai  dans  un  travail  spécial  des  deux  dérivés  chlores 
du  nitro-éthane  : 

a)  HC<{jq  Kh.  124°-I2Ô°; 

b)  HgC-NOi  Éb.  163°-16S°. 
H,C  -  Cl 


v  *26  ) 
en  cristallisant  en  grosses  aiguilles  prismatiques  fusibles 
à  15°, 5.  A  la  température  de  14",  sa  densité  est  égale  à 
1,570.  La  densité  de  l'alcool  nitro-propylique  primaire 
CH- -  CH(N02)  -  CH^OH)  est,  à  6°,  égale  à  1,209. 

Il  bout  sans  décomposition   à    115°  sous  la  pression 
de  44  millimètres. 

Sa  densité  de  vapeur  a  été  trouvée  égale  a  4,50  dans 
la  vapeur  de  l'alcool  amylique. 


Substance  .... 
Pression  barométrique 
Mercure  soulevé  .  . 
Tension  de  la  vapeur. 
Volume  de  la  vapeur. 
Température    .     .     . 


0er,02 1 0 

722""- 
38""» 
106te,8 
130° 


La  densité  calculée  est  4,81. 

Son  analvse  a  fourni  les  chiffres  suivants 


II  . 


Substance. 

0*r,2G58 
0f5r.255î> 


10,03 


Propanol    primaire    bromo-nitré    H3C  -   C    <   ^L 

-CH2(OH). 

27  grammes  de  bromo-nitro-éthane  H-C  -  CHBr  (NO)2 
ont  été  mélangés  avec  14  grammes  de  la  solution  à 
40  %  du  méthanal;  celle-ci  surnage  et  ne  dissout  pas  le 
composé  nitré.  On  y  ajoute  un   fragment  de  carbonate 


427 

bipotassique  et  l'on  agile  vivement.  La  réaction  ne  tarde 
pas  à  s'établir  et  la  température  s'élève  de  13°  jusque 
vers  70°. 

Vers  K)',  la  masse  liquide  devient  homogène  et  tout 
est  dissous. 

Le  carbonate  bipotassique  sépare  le  produit  dissous 
sous  l'orme  d'une  huile  loir  le  qui  tombe  au  tond;  <>u 
l'extrait  par  l'éther.  Après  expulsion  de  celui-ci,  la  masse 
se  prend  en  cristaux. 

Le    propanol   primaire   bromo-nitré  (III-  -  C  <  ,.! . 

.\  i  )._> 

-CH2(OH)  ainsi  obtenu  se  présente  sous  l'orme  d'ai- 
guilles cristallines  d'une  blancheur  parfaite,  d'une  odeur 
et  d'une  saveur  très  piquantes,  insolubles  dans  l'eau,  aisé- 
ment solubles  dans  l'alcool,  l'éther,  etc. 

11  fond  ii  42°  en  tube  capillaire. 

L'analyse  de  ce  composé  a  fourni  les  résultats  suivants  : 

Azote  °/0. 
Substance.  Trouvé.  Calculé. 

I    .     .     .     .         Oer,  18-26  7,49 


7,60 
II  .     .     .     .         0*V2000  7,42 


Je  ferai  remarquer,  à  l'occasion  de  ces  dérivés  halo- 
nitrés,  la  différence  de  capacité  de  condensation  avec  le 
méthanal  HoC  =  0,  qui  existe  entre  l'éthane  mononitré 
et  ses  dérivés  chloré  et  brome 


CHs-CH^NO,)     Cil,     Cil  <  ^0 


Cil-  -  Cil  s 


(  w$  ) 

L'éthane  mononitré,  qui  est  bihydrogéné  dans  son 
chaînon  actif    Hc2C  -  N02,   est   bivalent,    alors    que    ses 

dérivés  chloré    et    brome,    qui    sont    monohydrogénés, 
-  CM  S  CM  S  **'' 

sont  monovalents,  conformément  à  la  règle  que  j'ai  for- 
mulée précédemment  (*). 

Je  ne  suis  pas  parvenu  jusqu'ici  à  produire  le  propanol 
primaire  binitré  CH3  -  C(N02)2  -  CH2  -  OH,  corps  qu'il 
importe  de  posséder  pour  résoudre  la  question  de  l'in- 
fluence que  subit  l'hydroxyle  alcool  -  OH  de  la  part  du 
radical  nitryle  -  N02,  eu  égard  à  la  masse  de  celui-ci.  Le 
méthanal  ne  se  condense  pas  dans  les  conditions  ordi- 
naires avec  l'éthane  binitré  CH-  -  CH(N02),  qui  est  un 
véritable  acide.  Peut-être  réussirai-je  à  obtenir  ce  corps 
important  par  la  réaction  du  propanol  bromo-nitré  CH3 

-  CH  <  J^0   -  CH2(OH)  sur  les  nitrites  alcalins. 

Je  ne  suis  pas  parvenu  non  plus  à  produire  \e  propanol 
iodo-nitré  CH5  -  CH  <  /v  .  -  CH9(0H).  On  a  vainement 
tenté  de  préparer  dans  ce  but  Yiodo-nitro-élhane   CH5 

-  CH  <  /XA  . .  Voici  la  relation  d'une  expérience  faite 


pour  arriver  a  ce  compose  : 

50  grammes    d'iodure   sodique  ont  été  dissous  dans 
l'alcool  méthylique.  On  y  a  ajouté  30  grammes  de  bromo- 

nitro-éthane  CH-  -  CH  <  z,^  .  La  réaction  s'établit  déjà  à 


Bull,  de  VAcad.  roy.  de  Belgique,  3-'  série,  t.  XXX,  p.  30,  1895. 


(  429  ) 
froid.  La  liqueur  brunit  intensivement.  Apres  avoir 
chauffé  pendant  un  quart  d'heure  au  bain  d'eau,  on  a 
filtré  pour  séparer  le  bromure  sodique  formé.  Par  l'addi- 
tion de  l'eau,  il  se  précipite  une  huile  très  lourde,  de  cou- 
leur très  foncée.  C'est  évidemment  le  nitro-iodo-éthane 
CH-  -  CH  <  Ln  .  Mais  il  n'a  pas  été  possible  de  purifier 

ce  produit  brut.  Soumis  à  la  distillation,  il  passe  dès  75" 
sous  une  pression  de  40  millimètres,  en  se  décomposant 
fortement,  avec  mise  en  liberté  d'iode. 

Les  dérivés  iodo-nitrés,  renfermant  lesvstème>  C(N02)I, 
me  paraissent  manquer  de  la  stabilité  nécessaire  pour 
pouvoir  être  obtenus  à  l'état  de  pureté. 

Avant  de  terminer,  j'aime  à  constater  toute  la  part  qu'a 
prise  dans  ce  travail  et  le  précédent,  au  point  de  vue 
expérimental,  mon  zélé  préparateur,  M.  Aug.  de  Wael, 
qui  a  droit  à  tous  mes  remerciements. 


De  l'action  du  soleil  sur  les  plaques  photographiques; 
par  C.  Le  Paige,  membre  de  l'Académie. 

Dans  une  des  dernières  séances  de  l'Académie,  notre 
savant  Confrère  M.  P.  De  Heen  a  communiqué  quelques 
résultats  intéressants  qu'il  a  obtenus  en  photographiant 
le  soleil  à  l'aide  de  l'objectif  d'une  petite  lunette  de 
Sécrétan. 

Les  faits  observés  par  M.  De  Heen,  s'ils  devaient 
recevoir  l'interprétation  qu'en  donne  notre  honorable 
Confrère,  seraient  d'une  telle  importance  qu'il  nous  a 
paru   nécessaire   de   les  contrôler  par    une   observation 


(  450  ) 

attentive.  Ils  ne  tendraient  à  rien  moins,  en  effet,  qu'à 
prouver  qu'il  est  possible,  en  se  servant  d'une  plaque 
sensible  préalablement  voilée,  de  photographier  la  chro- 
mosphère solaire. 

Dans  la  courte  note  que  j'ai  l'honneur  de  présenter  à 
la  Classe,  je  ne  veux  en  rien  discuter  les  idées  de  M.  De 
Heen  sur  l'assimilation  possible  des  diverses  parties  du 
soleil  à  l'arc  voltaïque;  je  n'ai  pour  but  que  de  présenter 
les  observations  que  j'ai  faites. 

J'ai  disposé,  à  l'extrémité  qui  porte  l'oculaire  de  la 
lunette  équatoriale  de  l'Institut  astro-physique  de  Cointe, 
un  châssis  photographique  qui  reçoit  l'image  formée 
par  l'oculaire. 

Ayant  conçu  autrefois  quelques  doutes  sur  l'origine 
des  faits  constatés  par  M.  De  Heen,  j'ai  cru  nécessaire,  en 
premier  lieu,  de  contrôler  le  fait  du  dévoilage  de  la 
plaque  sous  l'action  du  soleil. 

Ce  fait  est  parfaitement  établi. 

Ayant  exposé  d'abord  une  plaque  sensible  à  la  lumière 
diffuse,  pendant  deux  secondes,  cette  plaque  reçut  pen- 
dant deux  secondes  l'action  des  rayons  solaires,  concen- 
trés par  l'objectif  de  la  lunette.  Placée  ensuite  dans  un 
autre  appareil  photographique,  elle  m'a  donné,  dans  la 
partie  centrale,  actionnée  par  la  lumière  solaire,  une 
image  parfaitement  visible,  bien  que  peu  définie,  d'un 
paysage  fortement  éclairé  (fig.  1).  L'image  s'arrête  nette- 
ment à  la  partie  dévoilée. 

Il  est  donc  établi  que  l'action  lumineuse  renferme  au 
moins  trois  phases  distinctes  :  voilage  de  la  plaque; 
dévoilage  sous  l'action  solaire;  impression  nouvelle  sur 
la  partie  dévoilée. 


,  «I  ) 

J'ai  essayé  de  me  rendre  compte,  jusqu'à  un  certain 
point,  de  la  rapidité  de  ces  actions. 

Pour  y  arriver,  l'appareil  photographique  étant  muni 
d'un  obturateur  instantané  analogue  à  l'obturateur  de 
Dallmayer  employé  par  le  P.  Secchi,  j'ai  exposé  une 
plaque  sensible  à  l'action  solaire  pendant  un  intervalle 
extrêmement  petit. 

Une  seconde  plaque,  exposée  une  première  fois  dans 
les  mêmes  conditions,  est  restée  dans  le  châssis  et  a  été 
soumise  une  seconde  fois  à  l'action  instantanée  du 
soleil. 

Les  clichés  obtenus  ont  un  aspect  pour  ainsi  dire 
identique;  mais,  en  effectuant  le  développement,  j'ai  pu 
observer  que,  dans  la  première  plaque,  le  centre  vient 
d'abord,  tandis  que  dans  la  seconde,  les  bords  viennent 
en  premier  lieu. 

On  peut  donc  en  conclure  que  sous  l'action  d'une 
lumière  puissante,  les  deux  premières  phases  constatées 
par  la  première  expérience  se  succèdent  pour  ainsi  dire 
instantanément. 

Le  premier  fait  de  l'action  lumineuse  et  le  mode  de 
cette  action  étant  établis,  il  restait  à  contrôler  l'interpré- 
tation qui  en  a  été  donnée. 

Une  première  vérification  s'imposait. 

Si,  en  réalité,  la  chromosphère  a  le  pouvoir  dévoilant, 
l'image  produite  sur  la  plaque  voilée  devait  être  plus 
grande  que  l'image  produite  par  la  photosphère. 

J'ai  donc  mesuré  d'abord  sur  l'écran  en  verre  dépoli  de 
l'appareil  photographique  l'image  produite  par  le  soleil 
et  ensuite  l'image  du  soleil  sur  la  plaque  voilée. 

Les  dimensions  sont  parfaitement  concordantes. 


(  432  ) 

On  ne  peut  objecter  que  cette  vérification  est  insuf- 
fisante. En  effet,  d'après  les  observations  spectrosco- 
piques  et  celles  qui  ont  pu  être  faites  pendant  les  éclipses 
totales  de  soleil,  la  chromosphère  s'étendrait  à  environ 
5,000  milles  anglais  au  delà  de  la  limite  de  la  photo- 
sphère (1). 

Dans  une  image  du  diamètre  de  35  millimètres  envi- 
ron, telle  que  celles  que  j'ai  obtenues,  l'agrandissement 
diamétral  de  l'image  devrait  être  deOmm,8  environ. 

Bien  que  les  procédés  de  mesure  dont  je  me  suis  servi 
n'aient  pas  toute  la  délicatesse  qu'on  pourrait  désirer, 
une  pareille  différence  ne  saurait  échapper. 

On  pourrait  objecter  que  la  plaque  photographique 
et  l'écran  ne  sont  pas  rigoureusement  dans  le  même 
plan,  que  l'épaisseur  du  verre  de  l'écran  peut  modifier  le 
diamètre,  qu'enfin  le  foyer  chimique  ne  coïncide  pas 
rigoureusement  avec  le  foyer  optique. 

Il  m'a  donc  paru  nécessaire  d'obtenir  l'image  photo- 
graphique de  la  photosphère. 

Cette  image  a  été  obtenue  à  l'aide  d'une  obturation 
instantanée  :  la  concordance  des  diamètres  des  deux 
plaques  obtenues  au  même  temps  s'est  conservée. 

Cette  première  vérification  rendait  déjà  douteuse 
l'action  de  la  chromosphère  dans  le  phénomène  du  dévoi- 
lage. 

Les  observations  suivantes  me  semblent  de  nature  à 
augmenter  ces  doutes. 

J'ai  déjà  fait  observer  que  l'exposition  instantanée  au 


(1)  H.  E.  Uoscoe,  Spectriim  analysis,  p.  233. 


(  453 

soleil,  suivie  d'une  seconde  action  instantanée,  décelait, 
au  développement  de  la  plaque,  l'origine  centrale  du 
dévoilage. 

Les  figures  II,  III,  IV  donnent  les  images  du  soleil 
obtenues  sur  une  plaque  sensible  :  1"  avec  une  pose 
instantanée;  52°  avec  une  pose  d'un  quart  de  seconde; 
5°  avec  une  pose  de  1  seconde  environ. 

Avec  le  premier  mode  de  photographie,  l'image  du 
soleil  est  complètement  blanche.  On  s'aperçoit  même, 
comme  cela  doit  être,  que  l'action  lumineuse  diminue  du 
centre  vers  les  bords. 

Dans  la  seconde  image,  le  bord  est  parfaitement  blanc  ; 
le  dévoilage  a  commencé  au  centre. 

Dans  la  troisième,  la  partie  blanche  se  réduit  à  un 
simple  anneau;  la  partie  la  plus  dévoilée  est  encore  au 
centre. 

Si  la  chromosphère  devait  intervenir  dans  l'action 
dévoilante,  ce  serait  l'inverse  qui  se  produirait.  Bien  plus, 
l'action  lumineuse  primitive  étant  la  plus  faible  sur  les 
bords,  et  l'action  dévoilante  qui  lui  succède  étant  la  plus 
forte  aux  bords,  ce  seraient  nécessairement  les  bords  qui 
présenteraient  une  coloration  foncée  relativement  au 
centre. 

Il  est  aisé,  en  même  temps,  de  se  rendre  compte  de 
l'image  que  présente  la  croisée  des  fils  que  j'avais  fait 
placer  en  avant  de  la  plaque  afin  d'orienter  le  soleil, 
croisée  que  j'ai  fait  enlever  pour  la  remplacer  prochaine- 
ment par  une  autre,  établie  dans  de  meilleures  conditions 
d'ajustement. 

Dans  les  figures  III  et  IV,  l'image  des  lils  apparaît  en 
blanc,  sauf  sur  les  bords  ;  néanmoins,  la  partie  impres- 

3m*    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  29 


(  434  ) 

sionnée  et  noire  est  plus  considérable  dans  la  figure  III, 
exposition  un  quart  de  seconde,  que  dans  la  figure  IV, 
exposition  une  seconde. 

Suivons  le  phénomène  dans  ses  trois  phases,  détermi- 
nées par  l'expérience  I. 

L'action  lumineuse  impressionne  le  disque,  sauf  aux 
parties  cachées  par  les  fils,  qui  apparaissent  en  noir;  l'ac- 
tion se  continue  et  voile,  même  sous  les  fils,  en  com- 
mençant par  le  centre,  en  même  temps  que  le  dévoilage 
commence  dans  les  parties  non  protégées  par  les  fils. 

La  partie  centrale  doit  donc  apparaître  en  blanc  au 
centre,  en  noir  aux  bords,  et  le  rapport  des  parties  noires 
et  blanches  doit  diminuer  avec  la  durée  de  l'exposition. 

Il  y  a  plus,  l'explication  se  vérifie  jusque  dans  ses 
moindres  détails.  J'ai  dit  que  le  voilage  de  la  seconde 
phase  se  fait  sous  les  fils;  c'est  donc  par  les  bords  des 
fils  qu'il  doit  commencer;  or,  en  examinant  l'image  à  la 
loupe,  on  aperçoit  parfaitement  des  traces  d'impression 
sous  la  partie  médiane  des  fils  et  surtout  au  centre  de  la 
croisée,  où  la  protection  contre  la  lumière  est  la  plus 
efficace. 

Jusqu'ici,  sauf  pour  établir  le  fait  du  dévoilage,  je  n'ai 
pas  fait  usage  de  plaques  voilées  préalablement.  Au  fond, 
le  fait  importe  peu,  puisque,  ainsi  que  je  l'ai  établi  par 
mes  deux  premières  séries  d'expériences,  les  actions  suc- 
cessives de  voilage  et  de  dévoilage  se  présentent,  dans  les 
photographies  obtenues,  avec  une  intensité  qui  croît 
d'après  la  durée  de  pose,  et  en  observant  toutefois  que 
la  sensibilité  de  la  plaque,  dans  ces  diverses  phases,  va 
en  diminuant,  comme  il  résulte  de  la  faiblesse  de  l'image  I. 

Les  figures  V  et  VI  ont  été  obtenues  à  l'aide  de  pla- 


(  435  ) 

ques  voilées  par  l'ex position  à  la  lumière  diffuse  pendant 
deux  secondes. 

L'exposition  au  soleil  a  eu  lieu,  pour  toutes  les  deux, 
pendant  {\cu\  secondes,  mais  pour  la  ligure  V,  j'ai 
employé  un  diaphragme  2,  tandis  que  pour  la  figure  VI. 
j'ai  fait  usage  du  diaphragme  (>  appliqué  à  l'objectif  de 
l'équatorial  (1). 

La  ligure  M  est  la  seule  qui  présente  quelque  intérêt, 
parce  qu'elle  revêt  l'apparence  de  celles  qui  ont  été  com- 
muniquées à  l'Académie  par  M.  De  Heen. 

Si  nous  la  rapprochons  de  la  figure  IV,  on  constate  à 
première  vue  qu'elle  offre  en  quelque  sorte  le  négatif  de 
celle-ci. 

Cette  apparence  est  parfaitement  explicable  d'une 
manière  générale,  puisque,  dans  la  formation  de  cette 
image,  nous  avons  une  phase  de  plus  que  dans  la  figure  I V . 
la  plaque  ayant  été  préalablement  voilée. 

Comme  pour  la  ligure  IV,  il  n'est  pas  difficile  de  pré- 
senter l'explication  des  différentes  circonstances  qui  s'y 
font  remarquer,  explication  directement  en  contradiction 
avec  l'hypothèse  de  M.  De  Heen. 

La  plaque  a  été  uniformément  voilée;  l'action  lumi- 
neuse, dans  la  seconde  phase,  la  dévoile  en  commençant 
par  le  centre;  la  partie  centrale  ayant  été  dévoilée,  l'ac- 
tion lumineuse  du  soleil  agit  à  nouveau,  en  commençant 
par  le  centre.  Celui-ci  paraîtra  donc  sur  l'image,  relati- 
vement clair  à  l'égard  des  bords.  L'intervention  de  la 
chromosphère  n'a  rien  ii  faire  dans  l'image  VI. 


(1    L'éclairage  augmente  avec  le  numéro  du  diaphragme. 


(  436  ) 

Cette  interprétation  est  confirmée  par  l'apparence  que 
donne  l'image  des  fils. 

Ceux-ci  apparaissent  en  blanc  dans  la  partie  non 
impressionnée  par  le  soleil  ;  le  blanc  pénètre  en  partie 
dans  l'intérieur  du  disque.  La  partie  centrale  est  noire, 
sauf  la  croisée  des  fils,  qui  est  relativement  claire. 

Reprenons  l'examen  de  l'action  de  la  lumière. 

La  plaque  est  uniformément  voilée.  Les  fils  protègent 
partiellement  la  plaque  contre  l'action  lumineuse.  Celle- 
ci,  faible  en  debors  de  l'image  solaire,  dévoile  faiblement 
la  partie  circulaire  impressionnée;  les  fils  apparaîtront  en 
blanc.  Le  même  phénomène,  à  un  degré  moins  fort,  se 
présentera  sur  les  bords  du  disque  où  l'action  solaire  est 
moins  intense. 

Dans  la  partie  centrale,  l'action  lumineuse,  très  forte, 
dévoile  en  dessous  des  fils;  ceux-ci  s'impressionnent.  La 
plaque  devenant  de  moins  en  moins  sensible,  la  troisième 
phase  de  l'action  lumineuse  ne  parvient  plus  à  voiler  uni- 
formément au-dessus  des  fils;  ceux-ci  apparaissent  en 
noir. 

A  la  croisée,  où  la  protection  est  double,  la  seconde 
phase  n'a  pas  le  temps  de  se  produire;  le  centre  de  la 
croisée  est  relativement  blanc. 

S'il  restait  quelque  doute  sur  la  vérité  de  l'interpréta- 
tion que  je  crois  devoir  donner  des  phénomènes,  il  s'éva- 
nouirait, je  pense,  à  l'inspection  de  la  figure  VIL 

Ici,  j'ai  également  fait  usage  d'une  plaque  voilée  préa- 
lablement et  dévoilée  par  action  solaire.  Le  dévoilage  est 
à  peu  près  uniforme,  parce  que  j'ai  fait  usage  du  dia- 
phragme 2;  mais  si  l'action  dévoilante  était  due  à 
l'action  de  la  chromosphère,  c'est  dans  le  voisinage  des 


(  457  ) 
taclies  qu'elle  devraii  se  manifester  davantage  :  celles-ci 

apparaîtraient  en  noir.  Or,  il  est  très  visible  que  le  dévoi- 
lage n'a  pas  eu  lien  à  l'endroit  des  taches  qui  apparais- 
sent en  blanc  et  d'autant  plus  en  blanc  que  nous  sommes 
dans  le  voisinage  du  noyau  obscur. 

La  comparaison  des  figures  II  et  VII  ne  laisse  aucun 
doute  à  cet  égard  (I). 

Cointe,  Institut  astrophysique,  le  9  mai  i 897 . 


Réponse  à  M.   Le  Paige;  par   P.   De  Heen, 
membre  de  l'Académie. 

La  question  de  la  réalisation  de  la  photographie  de  la 
chromosphère  solaire  peut  se  résumer  comme  il  suit  : 
Trouver  un  procédé  capable  de  rendre  plus  particulière- 
ment sensibles  les  parties  du  soleil  qui  présentent  comme 
la  chromosphère  le  plus  faible  pouvoir  actinique. 

Le  procédé  des  plaques  voilées  réalise  cette  condition, 
ainsi  que  cela  résulte  également  des  expériences  de 
M.  Le  Paige,  lesquelles  ne  font  que  compléter  ce  que 
nous  avons  dit  à  cet  égard.  Mais  il  importe  évidemment 
de  déterminer  par  tâtonnements  le  degré  de  voilage  et 
le  temps  de  pose  les  plus  efficaces.  Les  effets  successifs 
constatés  par  mon  savant  confrère  me  paraissent  égale- 


il)  Je  me  plais  à  dire  que  tous  les  accessoires  construits  pour  exé- 
cuter ce  travail  :  châssis  photographiques,  obturateur  instantané,  etc., 
ont  été  exécutés  à  l'Institut  astrophysique  de  Cointe  par  le  prépara- 
teur M.  Ch.  Mottet,  qui  a  également  effectué  le  développement  de  la 
plupart  des  clichés. 


(  438  ) 

ment  le  résultat  de  ce  fait  que,  par  suite  d'un  voilage 
insuffisant,  les  plaques  n'avaient  pas  complètement  perdu 
leur  faculté  aclinique.  Dans  ces  conditions,  le  dévoilage 
au  centre  doit  nécessairement  être  en  avance  sur  le  dé  voi- 
lage au  bord,  puisque  le  voilage  s'est  d'abord  produit 
d'une  manière  plus  énergique  au  centre  également  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  photographies  que  j'ai  pu  réaliser 
pendant  le  petit  nombre  de  jours  de  beau  temps  qui  se 
sont  produits  vers  le  milieu  de  février  m'ont  permis  de 
reconnaître  que  le  bord  du  soleil,  à  cette  époque,  pré- 
sentait des  différences  considérables  :  il  est  ilou  sur 
une  grande  partie  de  la  périphérie,  représentant  d'une 
manière  non  douteuse  celle  qui  est  occupée  par  les 
protubérances,  alors  qu'une  autre  partie  de  la  périphérie 
présente  au  contraire  une  grande  netteté. 

L'existence  d'une  différence  sensible  éventuelle  entre 
le  diamètre  solaire  obtenu  par  ce  procédé  photographique 
et  la  mesure  directe  s'était  également  présentée  à  mon 
esprit.  Le  mauvais  temps  ne  m'a  pas  permis  de  réaliser 
cette  recherche.  Il  faudrait,  pour  admettre  d'une  manière 
définitive  l'argument  que  fait  valoir  M.  Le  Paige  à  cet 
égard,  connaître  d'abord  l'état  du  soleil  au  moment  de 
ses  expériences  et  s'assurer  si  les  temps  de  voilage  et  de 
pose  sont,  comme  je  l'ai  dit,  ceux  qui  permettent  l'appa- 
rition des  particularités  que  j'ai  remarquées. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  doute  pas  que  toute  divergence 
de  vues  ne  cesse  d'exister  entre  mon  honorable  Confrère 
et  moi,  lorsque  le  soleil  voudra  bien  nous  prêter  son 
concours  d'une  manière  quelque  peu  continue. 

(I)  De  nouvelles  expériences  faites  depuis  cette  lecture  ont  com- 
plètement vérifié  ces  prévisions. 


(  439 


Sur  quelques  dérivés  (luobromés  en  Cg  (première  commu- 
nication); par  Fréd.  Swarts,  répétiteur  à  l'Université 
de  Gand. 

Dans  un  précédent  mémoire  (*)  que  j'eus  l'honneur  de 
présenter  à  l'Académie,  j'annonçai  des  recherches  sur 
les  dérivés  ftuobromés  de  l'éthane  que  pourrait  donner 
l'éthane  tétrabromé  symétrique,  sous  l'influence  du  fluo- 
rure d'antimoine  et  du  brome.  Ce  travail,  que  j'ai  dû 
interrompre  à  plusieurs  reprises,  n'a  pu  être  achevé 
qu'aujourd'hui.  Je  me  permets  d'en  soumettre  les  résul- 
tats à  l'appréciation  de  l'Académie. 

Le  télrabromure  d'acétylène,  d'une  préparation  jadis 
pénible  et  coûteuse,  est  actuellement  facile  à  obtenir  en 
grandes  quantités.  L'acétylène  brut  obtenu  par  l'action 
de  l'eau,  ou  mieux  de  l'acide  chlorhydrique  étendu,  sur 
le  carbure  de  calcium,  est  dirigé  dans  un  tube  à  boules 
de  Thorner  contenant  du  brome.  Pour  parer  à  la  forte 
élévation  de  température  que  provoque  la  réaction,  ce 
tube  est  plongé  dans  un  baquet  rempli  déglace.  L'acéty- 
lène, qui  peut  passer  en  quantité  assez  notable  sans  être 
absorbé,  est  reçu  dans  un  deuxième  tube  qui  le  retient 
presque  complètement  (**). 


*)  Bull  de  l'Acad.  roy.  de.  Belgique,  3e  sér.,  t.  XXVI,  p.  102,  1893. 

(**)  J'ai  observé  que  quand  on  fait  passer  de  l'acétylène  à  travers  une 
série  de  tubes  de  Thorner  contenant  du  brome,  le  premier  tube  se 
décolore  lentement,  beaucoup  d'acétylène  passant  sans  être  absorbé, 
tandis  que  le  brome  est  complètement  transformé  dans  le  deuxième 


(  440  ) 
On  arrive  à  se  préparer  ainsi  en  un  jour  plus  d*un 
kilogramme  d'acétylène  létrabromé  brut.  Celui-ci  est 
secoué  avec  de  la  soude,  puis  séché  sur  du  chlorure  de 
calcium.  Pour  obtenir  un  produit  pur,  je  ne  me  suis  pas 
servi  de  la  méthode  recommandée  par  Sabanejeff  et  par 
Anschïitz  (*).  Ces  auteurs  réduisent  le  tétrabromure  brut 
par  le  zinc,  de  manière  à  préparer  de  l'éthylène  bibromé 
symétrique,  lequel  peut  être  distillé  à  la  pression  atmo- 
sphérique et  obtenu  très  pur.  On  le  transforme  en  tétra- 
bromure par  addition  de  brome.  A  ce  procédé,  assez 
long,  j'ai  préféré  substituer  la  distillation  fractionnée 
dans  le  vide,  en  me  servant  d'un  tube  de  Lebel  à  six  bou- 
les. En  recueillant  le  liquide  bouillant  entre  150°  et  135° 
sous  une  pression  de  30  millimètres  de  mercure,  et  en  le 
distillant  encore  une  fois  sous  la  même  pression,  j'obtins, 
aux  dépens  de  1  kilogramme  de  tétrabromure  brut,  envi- 
ron 850  grammes  de  produit  tout  à  fait  pur,  bouillant  à 
i34°.  Pour  m'assurer  de  sa  pureté,  j'ai  déterminé  sa  den- 
sité à  20°.  Elle  s'est  trouvée  être  de  2,9G56,  tandis  que  le 
produit  le  plus  pur  obtenu  par  Anschùtz  aurait  à  cette 
température  une  densité  de  2,9648  [valeur  déterminée 
par  interpolation  linéaire  à  l'aide  des  densités  données 
par  Anschùtz  (**)].  En  outre,  son  indice  de  réfraction  à  20" 


et  même  le  troisième  tube  avant  de  l'être  dans  le  premier.  Je  n'ai  pas 
étudié  la  réaction  à  ce  point  de  vue,  mais  il  y  a  là  un  point  intéressant 
à  élucider.  Sabanejeff  a  observé  un  phénomène  de  ce  genre  :  l'acéty- 
lène impur  provenant  de  l'action  de  la  potasse  caustique  sur  le  bromure 
d'éthylène  et  contenant  du  bromure  de  vinyle  était  mieux  absorbé 
que  l'acétylène  pur. 

(*)  Anschùtz,  Ann.  (1er  Ckem.,  t.  CGXXI. 

("   Anschùtz,  /.  c. 


(  441   ) 

était  de  l ,65795,  c'est-à-dire  exactement  celui  qu'a 
trouvé  Weegmann  (*). 

La  distillation  sous  pression  réduite  permet  donc,  à 
condition  d'opérer  sur  des  quantités  de  matière  un  peu 
toiles,  d'isoler,  sans  longues  manipulations,  un  produit 
tout  aussi  pur  que  celui  qu'on  obtient  par  réduction 
préalable,  et  cela  avec  un  minimum  de  perte. 

Le  tétrabromure  d'acétylène  a  été  soumis  à  l'action 
ûuorurante  du  mélange  de  fluorure  d'antimoine  et  de 
brome.  A  cet  effet,  j'ai  introduit  dans  l'appareil  de  platine 
que  j'ai  déjà  eu  plusieurs  fois  l'occasion  de  décrire,  trois 
molécules  d'éthane  tétrabromé  avec  une  molécule  de  fluo- 
rure d'antimoine  et  environ  une  demi-molécule  de  brome. 
Celui-ci  étant  constamment  régénéré,  peut  être  employé 
en  quantité  notablement  inférieure  à  celle  que  comporte 
la  formation  du  composé  SbFl5Br2.  J'ai  chauffé  au  réfri- 
gérant ascendant  à  150',  d'abord  pendant  huit  heures. 
Après  refroidissement,  j'ai  constaté  qu'il  s'était  produit 
une  abondante  cristallisation  de  bromure  d'antimoine, 
mais  que  le  fluorure  n'était  pas  entièrement  transformé. 
J'ai  repris  l'opération  en  chauffant  pendant  douze  heures, 
ce  qui  amena  une  transformation  totale  du  fluorure  d'an- 
timoine. 

Le  produit  brut  de  la  réaction  a  été  lavé  d'abord  avec 
de  l'acide  chlorhydrique,  puis  avec  une  solution  d'acide 
tartrique,  afin  d'enlever  complètement  le  bromure  d'anti- 
moine. Il  fut  secoué  ensuite  avec  une  solution  de  sulfite 
de  sodium,  pour  le  débarrasser  du  brome.  Ces  opérations 
furent  faites  en  évitant  une  élévation  trop  notable  de 
température.  Le  liquide  incolore  que  j'obtins  de  la  sorte 

(*)  Weegmann,  Zeitsch.  fur  physik.  Cliemie,  t.  CXXII,  p.  217. 


(  442  ) 

fut  lavé  à  l'eau,  séparé  à  l'entonnoir  à  robinet  et  séché 
sur  du  chlorure  de  calcium. 

Après  dessiccation,  je  l'ai  soumis  à  la  distillation  frac- 
tionnée. L'ébullition  commence  à  95°  et  une  assez  forte 
proportion  du  liquide  distille  entre  100°  et  120°,  le  ther- 
momètre se  maintenant  surtout  entre  105°  et  110°.  Au 
delà  de  120°,  la  température  d'ébullition  s'élève  assez 
rapidement  jusque  170°  et  une  nouvelle  portion  de  liquide 
distille  à  température  fixe.  Mais  on  constate  en  même 
temps  une  décomposition  du  produit  restant  dans  le  bal- 
lon, avec  dégagement  de  brome  et  d'acide  bromhvdrique. 
Comme  le  tétrabromure  d'acétylène  commence  à  se 
décomposer  vers  190°,  j'ai  supposé  qu'une  certaine  quan- 
tité de  ce  corps  était  restée  inaltérée  dans  le  produit  de  la 
réaction  et  que  c'était  à  sa  destruction  partielle  qu'était 
dû  le  dégagement  de  brome  et  d'acide  bromhvdrique. 
Pour  éviter  cette  destruction,  j'ai  soumis  le  résidu  bouil- 
lant au-dessus  de  170"  à  la  distillation  sous  pression 
réduite,  sous  une  pression  de  30  millimètres  de  mercure. 
Je  n'ai  plus  observé  aucun  phénomène  de  dissociation. 
Une  partie  du  liquide  distille  vers  90°,  puis  le  thermo- 
mètre s'élève  peu  à  peu  jusque  134°  et  se  maintient  à 
cette  hauteur,  c'est-à-dire  à  la  température  d'ébullition 
du  tétrabrométhane  symétrique. 

Toute  la  portion  distillant  au-dessous  de  130°  sous  une 
pression  de  30  millimètres  de  mercure  fut  soumise  à  une 
nouvelle  distillation  à  la  même  pression  et  séparée  en 
trois  fractions,  la  première  bouillant  au-dessous  de  100°, 
la  seconde  de  100°  à  130°,  la  troisième  de  150°  à  153°, 
limite  que  le  thermomètre  n'a  pas  dépassée. 

La  première  fraction  fut  rectifiée  sous  la  pression  atmo- 
sphérique et  commença  à  distiller  vers  163°, sans  décoin- 


(  445  ) 

position.  Le  thermomètre  se  maintint    presque  tout  le 
temps  entre  170"  et  17o°,  el  ne  s'est  pas  élevé  au-dessus 

de  180". 

La  deuxième  fraction  fournit  à  la  distillation  sous  la 
pression  ordinaire  un  peu  de  liquide  bouillant  vers  170", 
mais  ne  tarda  pas  à  subir  un  commencement  de  décom- 
position. Par  rectification  dans  le  vide  sous  une  pression 
de  30  millimètres  de  mercure,  je  parvins  à  en  extraire 
encore  une  certaine  quantité  de  liquide  passant  au-dessous 
de  100°  et  qui  s'est  laissé  distiller  sans  décomposition  à  la 
pression  ordinaire  pour  fournir  le  corps  bouillant  à  170- 
175°.  La  fraction  passant  à  150°-155°  est  du  létrabrom- 
éthane  inaltéré. 

Par  une  série  de  rectifications  des  portions  bouillant 
de  100"  à  120°,  de  120"  à  170°  et  de  170"  à  180"  sous  la 
pression  atmosphérique,  je  suis  parvenu  à  isoler  deux 
liquides,  dont  l'un  distille  entre  100"  et  109°,  l'autre  entre 
172"  et  175°. 

Il  y  avait  donc  eu  formation  de  deux  composés  diffé- 
rents. Comme  j'avais  employé  une  quantité  de  fluorure 
d'antimoine  suffisante  pour  remplacer  un  atome  de  brome 
par  du  fluor  dans  la  totalité  du  tétrabrométhane,  et  que 
je  retrouvais  une  partie  de  celui-ci  inaltéré,  il  était  pro- 
bable que  la  flttoruration  avait  porté,  au  moins  partielle- 
ment, sur  plus  d'un  atome  de  brome.  La  différence  des 
points  d'ébullition  entre  le  produit  primitif  et  le  liquide 
bouillant  à  175"  (01")  d'une  part,  avec  le  liquide  bouil- 
lant à  107°  d'autre  part  (128°),  me  firent  supposer  que 
j'avais  entre  les  mains  deux  corps  don!  l'un  était  mono-, 
l'autre  bifluoré.  En  effet,  la  température  d'ébullition  d'un, 
hydrocarbure  fluoré  est  généralement  inférieure  de  65°- 70° 
;i  celle  de  l'hydrocarbure  brome  correspondant,  comme 
j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  le  montrer. 


(  444  ) 

L'analyse  a  confirmé  ces  prévisions. 

Le  liquide  bouillant  à  107°-109°  fut  rectifié  une  der- 
nière fois  au  Lebel  à  cinq  boules  et  fournit  un  corps 
bouillant  absolument  constant  à  i()7°,5  sous  764  milli- 
mètres de  pression. 

J'y  ai  dosé  le  carbone  et  l'hydrogène  par  la  méthode 
que  j'ai  décrite  ailleurs. 

0Br,7046  de  substance  ont  donné  0er,0648  EIaO, 

soit  0er,0071  !G  H  ou  1,01  % 

et  Osr,2797  C02,  soit  0er,0765  C  ou  10,75  •/.. 

0«p,5959  de  substance  ont  donné  0^,0581    11*0, 

soit  0«p,00645  II  ou  1,08°/. 

et  (J<5',2289  C08,  soit  0«-,0G24  C  ou  10,51  •/• 


Calculé  pour  CiHiBriFl1 

C     10,71    % 
II       0,895  •/. 


Trouvé. 


10,75°/.- 10,51  •/„ 

LOI  •/„-  1,08% 


J'ai   pris  en   outre  la  densité  de  vapeur  du  nouveau 
jtroduit,  en  employant  la  méthode  d'Hofmann. 


Poids 

Pression 

en  millimètres 

Volume 

Densité 

Poids 

de 

Température. 

de  Hg 

observé. 

déduite. 

moléculaire. 

substance. 

(réduite  à  0°;. 

Ob',  1405 

100° 

212,3 

67cc,7 

7,83 

226,7 

Os',126 

100« 

170,4 

76«,2 

7,8 

224 

(  *4:>  x 

Cette  densité  est  donc  absolument  normale  :  le  poids 
moléculaire  théorique  <vsi  de  ^1\. 

Le  difluordibrométhane  est  un  liquide  incolore,  assez 
volatil,  d'une  odeur  chloroformiquc  agréable,  d'une 
saveur  sucrée  et  légèrement  brûlante.  Il  jaunit  très  fai- 
blement à  la  lumière.  Sa  densité  à  ^0"  est  de  2,31204. 
Son  indice  de  réfraction  a  la  même  température,  de 
1,46223.  Il  attire  légèrement  l'humidité  atmosphérique 
en  devenant  louche.  Il  ne  se  congèle  pas  à  <s;>".  H 
n'attaque  le  verre  qu'au  rouge  et  n'est  pas  combustible. 

Le  liquide  bouillant  de  170"  à  17;i"  fut  rectifié  égale- 
ment et  donna  un  corps  rigoureusement  pur,  bouillant 
à  171°  et  dont  l'analyse  a  fourni  les  résultats  suivants  : 

1«r,023I   de  substance  ont  donné  0«r,ôt92  CO*, 

soit  0«r,08705'  C  ou  8,49  •/. 

el  08r,0779  H,0,  soit  0«r,008G4  II  ou  0,84  %. 

u*r,7509  de  substance  ont  donné  0er,2274  COt, 

soit  0<?r,062  C  ou  84,7  % 

et  0*r,0585  HjO,  soit  06r,00(i48  II  ou  0,88  •/„. 

Calculé  pour  CâHâBr3Fl.  Trouvé. 

C     8,42  %  8,49  7„-8,47  "/,, 

H     0,7    •/.  0,84  °/o  -  0,88  •/. 

La  détermination  de  la  densité  de  vapeur  a  également 
donné  des  résultats  corroborant  l'exactitude  de  cette 
formule.  Elle  a  été  faite  dans  la  vapeur  de  m.  xylol, 
par  la  méthode  d'Hofmann. 


(  446  ) 


Poids 

de 

substance. 

Température 

Pression 
en  millimètres 

de  Hg 
(réduite  à  0°). 

Volume 
observé. 

Densité 
déduite. 

i 

Poids 
moléculaire. 

0«M1685 

«8o,5 

171,4 

61  «,2 

9,87 

285 

Le  poids  moléculaire  théorique  est  de  285. 
Le  tribromfluoréthane,  auquel  on  ne  peut  assigner  que 
la  formule 

CIlBr,—  CHBrFI, 


est  un  liquide  incolore,  d'une  odeur  rappelant  celle  du 
tétrabrométhane  symétrique,  mais  moins  forte.  Il  boul 
à  175°, 2  sous  760  millimètres  de  pression.  Sa  densité  est 
de  2,675(39  à  18°;  son  indice  de  réfraction  à  18°  est  de 
1,56385.  Il  s'altère  légèrement  à  la  lumière  et  attire 
l'humidité  de  l'air  comme  le  difluordibrométhane  et  le 
tétrabrométhane.  Il  ne  se  solidifie  pas  à  —  85°.  Il  n'attaque 
pas  le  verre  à  la  température  ordinaire,  mais  sa  vapeur  le 
corrode  au  rouge.  Il  n'est  pas  combustible. 

La  substitution  du  brome  par  le  fluor  à  l'aide  du  fluo- 
rure d'antimoine  et  du  brome  se  produit  donc  ici  d'une 
manière  différente  de  celle  que  j'ai  observée  jusqu'ici 
vis-à-vis  des  hydrocarbures  polyhalogénés.  Tandis  que 
dans  le  tétrachlorure  de  carbone,  le  chloroforme,  etc., 
un  seul  atome  de  l'halogène  est  remplacé  par  le  fluor, 
je  constate  ici  que  la  substitution  porte  en  partie  sur 
(\eu\  atomes  de  brome,  même  en  n'employant  qu'une 


(  447 

quantité  de  fluorure  d'antimoine  exactement  suffisante 
pour  ue  déplacer  qu'un  seul  atome  de  brome.  Après 
formation  du  tribromfluoréthane,  le  fluorure  d'antimoine 
réagit  de  préférence  sur  ce  dernier  plutôt  que  de  se  porter 
sur  le  tétrabromure  d'acétylène  non  encore  transformé. 

J'ai  cru  intéressant  d'étudier  cette  réaction  au  point  de 
vue  quantitatif,  en  travaillant  sur  de  grandes  quantités  de 
matière.  Comme  mon  appareil  de  platine  n'était  pas 
suffisamment  spacieux,  j'ai  fait  deux  opérations  succes- 
sives, l'une  sur  500,  l'autre  sur  270  grammes  de  tétra- 
bromure d'acétylène  et,  pour  éviter  les  pertes,  j'ai  réuni 
le  produit  brut  des  deux  opérations,  lequel  j'ai  purifie 
comme  je  l'ai  expliqué  plus  haut.  J'ai  obtenu  de  la 
sorte  145  grammes  de  difluordibrométhane,  20  grammes 
de  produit  distillant  de  115°  à  170°,  85  grammes  de 
tribromfluoréthane,  20  grammes  de  produit  bouillant  au- 
dessus  de  175"  et  au-dessous  de  150°  sous  la  pression 
de  50  millimètres,  225  grammes  de  tétrabrométhane  et 
enfin  15  grammes  de  résidu  de  distillation.  La  transfor- 
mation intégrale  du  tétrabrométhane  aurait  dû  donner 
469  grammes  de  tribromfluoréthane;  une  réaction  se  pro- 
duisant uniquement  dans  le  sens  d'une  substitution 
bifluorée  aurait  laissé  2X5  grammes  de  produit  inaltéré 
et  fourni  1K4  grammes  de  difluordibrométhane. 

En  fait,  la  réaction  ne  porte  que  sur  570  —  [225  -+- 
20  -+-  15 1  =  310  grammes  d'éthane  tétrabromé,  si  nous 
considérons  le  résidu  de  distillation  et  la  portion  bouil- 
lant au-dessus  de  175°  comme  étant  du  tétrabromure 
d'acétylène. 

Ces  215  grammes  ont  donc  donné  les  115  grammes  de 
difluordibrométhane  et  les  <S5  grammes  de  tribromfluor- 
éthane; c'est-à-dire  que  l'attaque  du  tribromfluoréthane 


(  44-8  ) 

par  le  fluorure  d'antimoine  se  fait  plus  vite  que  celle  du 
tétrabrométhane. 

Une  quantité  suffisante  de  fluorure  d'antimoine,  soit 
deux  molécules  pour  une  molécule  d'éthane  tétrabromé 
symétrique  ne  devait  fournir  que  du  difluordibrométbane. 
En  chauffant  pendant  dix-huit  heures,  à  150%  800  grammes 
d'éthane  tétrabromé  divisés  en  trois  portions,  avec  le 
poids  voulu  de  fluorure  d'antimoine  et  du  brome,  j'ai 
obtenu  une  transformation  totale  du  fluorure  employé  en 
bromure  d'antimoine  et  le  produit,  après  purification  et 
distillation,  s'est  trouvé  être  formé  uniquement  de  tluor- 
dibrométhane.  J'ai  obtenu  ainsi  450  grammes  de  substance 
absolument  pure,  bouillant  à  106°, 8  sous  700  millimètres 
de  pression  barométrique  et  environ  70  grammes  de 
liquide  bouillant  de  100°  à  100°, 5  et  de  107"  à  120°,  plus 
un  très  léger  résidu  non  volatil  à  cette  température  et 
distillant  vers  200°  avec  légère  décomposition.  Cette 
fluoruration  double  pouvait  s'expliquer  par  le  fait  que  le 
tétrabromure  d'acétylène  contient  deux  fois  deux  atomes 
de  brome  voisins.  J'ai  déjà  dit,  dans  un  autre  travail  (*),  que 
l'action  fluorurante  du  fluorure  d'antimoine  et  du  brome 
ne  se  manifeste  pour  les  chaînes  hydrocarbonées,  que  si  au 
moins  deux  atomes  d'halogène  sont  fixés  au  même  atome 
de  carbone.  L'éthane  tétrabromé  est  deux  fois  du  bro- 
mure de  méthényle  et  pourrait  par  conséquent  subir 
dans  chacun  de  ces  chaînons  la  substitution  fluorée.  La 
formule  du  dibromdilluoréthane  serait  donc 

CHBrFI 

I 
CHBrFI. 


(")  Sw  le  fluochlorure  d'antimoine  iDull.  de  i.'Acad.  koy.  de  Bel- 
ote, 3<  sér.,  t.  XXIX,  pp.  898  et  suivantes). 


(  44<>  N 

Nous  verrons  plus  loin  ce  qu'il  faut  penser  de  cette 
interprétation. 

La  préparation  des  deux  dérivés  fluorés  que  je  viens  de 
décrire  ne  s'exécute  que  malaisément  dans  un  appareil 
en  verre.  D'abord,  parée  qu'un  contact  aussi  prolongé 
ave.-  du  fluorure  d'antimoine  chaud  produit  déjà  à  lui  seul 
une  corrosion  du  verre.  En  outre,  à  cette  température,  le 
brome  agit  faiblement  comme  substituant,  et  il  se  forme 
un  peu  d'acide  bromhydrique  et  du  tétrabromfluoréthane, 
corps  dont  je  parlerai  plus  loin  et  dont  j'ai  reconnu  la 
présence,  en  petite  quantité,  dans  le  produit  distillant 
de  180°  à  200°,  de  100"  à  150°  sous  une  pression 
de  30  millimètres.  L'acide  bromhydrique  formé  décom- 
pose un  peu  de  fluorure  d'antimoine  avec  production 
d'acide  fluorhydrique,  qui  attaque  le  verre.  Cette  forma- 
tion d'acide  fluorhydrique  peut  aussi  se  constater  dans 
l'appareil  de  platine.  Le  tube  de  verre  en  U  contenant 
de  l'acide  sulfurique,  qui  ferme  supérieurement  le  réfri- 
gérant ascendant,  est  corrodé. 

La  formation  du  tétrabromfluoréthane  peut  être  due, 
ou  bien  à  une  action  substituante  du  brome  sur  le  tri- 
bromfluoréthane,  ou  bien  à  ce  que  le  brome  attaque 
légèrement  le  tétrabrométhane  pour  le  transformer  en 
pentabrométhane  (*),  lequel  subirait  à  son  tour  la  substi- 
tution fluorée.  En  tous  cas,  cette  réaction  est  très  limitée 
et  il  ne  se  forme  que  des  traces  de  tétrabromfluoréthane. 

Je  me  suis  assuré  qu'en  chauffant  du  tétrabrométhane 
pendant  trente-six  heures  avec  du  fluorure  d'antimoine 
seul  à  150°,  il  ne  se  produit  aucune  réaction. 

O  Bourgoin  a  démontré  que  cette  réaction  se  produite  160\  {Bull. 
de  la  Soc.  chim.  de  Paris,  t.  XXIII,  p.  173.) 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  30 


(  450  ) 

En  possession  de  ces  deux  nouveaux  corps,  j'ai  essayé 
d'en  préparer  les  dérivés  éthyléniques. 

J'ai  fait  agir  la  potasse  alcoolique  sur  le  tribromtluor- 
éthane.  J'ai  introduit  dans  un  ballon  muni  d'un  réfrigé- 
rant ascendant  et  d'un  entonnoir  à  robinet  8«v>  grammes 
de  tribromfluoréthane  et  j'y  ai  fait  couler  en  un  mince 
tilet  une  solution  de  17  grammes  de  potasse  caustique 
dans  1:20  grammes  d'alcool,  c'est-à-dire  un  léger  excès 
d'alcali  par  rapport  à  l'étbane.  La  température  s'élève 
fortement  et  il  se  produit  instantanément  un  précipité 
blanc  cristallin.  Il  n'y  a  pas  de  dégagement  gazeux,  mais 
si  l'on  ne  prend  pas  soin  de  refroidir  en  immergeant  le 
ballon  dans  l'eau  froide,  le  liquide  s'écbauffe  jusqu'à 
bouillir. 

Après  introduction  de  toute  la  potasse  alcoolique,  ce 
qui  prend  environ  un  quart  d'heure,  j'ai  abandonné  l'ap- 
pareil à  lui-même  pendant  une  heure  et,  afin  d'assurer 
éventuellement  une  réaction  complète,  j'ai  chauffé  ensuite 
pendant  une  heure  au  bain-marie.  Puis  je  laissai  refroidir; 
j'attendis  douze  heures.  Ce  repos  ne  provoque  pas  la 
précipitation  d'une  nouvelle  quantité  de  sel  de  potassium. 

Le  produit  de  la  réaction  fut  ensuite  soumis  à  la  distil- 
lation au  bain  d'huile  jusqu'à  obtention  d'un  résidu  abso- 
lument sec.  Ce  résidu  fut  analysé  et  s'est  trouvé  exclusi- 
vement formé  de  bromure  de  potassium. 

Quant  au  distillât,  il  fut  fractionné  au  Lebel.  La 
distillation  commence  à  70°  et  le  thermomètre  se  main- 
tient assez  longtemps  lixe  à  74°, 5,  puis  il  monte  lentement, 
s'arrête  à  78°  et  ne  s'élève  pas  au-dessus  de  85".  J'ai 
séparé  le  liquide  bouillant  à  74°-7«)"  et  j'ai  secoué  le  reste 
avec  de  l'eau  pour  enlever  l'alcool.  Il  s'est  précipité  ainsi 
m\  liquide   [dus  dense  que   l'eau,  qui  fut  séché  sur  du 


(  48!   ) 
chlorure  de  calcium  et  distillé.  Il  bouillait  entre  90°  et 
100°  et  donna  par  rectification  un  corps  distillant  à  91°. 
Mais  le  rendement  l'ut  peu  satisfaisant  :  j'obtins  à  peine 
l.-i  grammes  de  produit. 

Pour  débarrasser  le  liquide  bouillant  à  74°-75°  de 
l'alcool  qui  aurait  pu  l'accompagner,  je  l'ai  secoué  avec 
de  l'eau,  ce  qui  amena  une  diminution  de  volume  de  plus 
de  moitié,  10  centimètres  cubes  donnant  3CC,8  d'un 
liquide  insoluble  dans  l'eau,  qui  fut  séché  et  distillé.  La 
température  d'ébullition  de  la  substance  ainsi  purifiée  fui 
trouvée  être  de  91°. 

Il  \  avait  donc  eu  production  d'une  vapeur  mixte  d'al- 
cool et  du  corps  bouillant  à  91",  vapeur  ayant  un  point 
d'ébullition  fixe. 

J'ai  été  amené  à  reprendre  plusieurs  fois  cette  opéra- 
tion, et  chaque  t'ois  j'ai  observé  que  la  distillation  du 
liquide  alcoolique  primitif  donnait  un  distillât  bouillant 
à  74",.->  et  contenant  la  presque  totalité  du  dérive  éthylé- 
nique. 

J'ai  soumis  à  l'analyse  le  nouvel  éthylène  ainsi  pré- 
paré : 

0Br,8991   de  substance  ont  donné  Osr,5766  COa, 

soit  Oer,  10266  C  ou  11,49°/» 

et  (Jsr,0492  11,0,  soit  Oer,00546  H  ou  0,6  "/„. 

Calculé  pour  CâHBrsFl.  Trouvé. 

C     H,76"/0  U,49'/« 

Il       0,49%  0,6   % 

Il  s'est  donc  formé  du  dibromfluoréthylène,  comme  le 
faisait    prévoir   la   formation   exclusive   de   bromure  de 


(  452  ) 

potassium  et  la  disparition  totale  du  Irihromfluoréthane. 
Il  n'y  a  pas  production  de  dérivé  acétylénique. 

Le  fluordibrométhylène  est  un  liquide  incolore,  d'une 
odeur  assez  désagréable,  bouillant  à  90°, 3  sous  748  mil- 
limètres de  pression;  sa  densité  est  de  2,29082  à  17°, 5; 
son  indice  de  réfraction,  de  1,49539  à  17".  Je  n'ai  pas  pu 
constater  de  phénomène  de  polymérisation. 

La  détermination  de  la  densité  de  vapeur  à  100°  a  con- 
duit au  résultat  suivant  : 


Poids 

de 

substance. 

Température. 

Pression 
en  millimètres 

de  Hg 
(réduite  à  0°). 

Volume 

observé. 

Densité 

déduilc. 

Poids 
moléculaire. 

Og'^2Ho 

100° 

307,6 

""fi 

7,H9 

205,8 

J'obtiens  donc  un  résultat  théorique,  le  poids  molécu- 
laire calculé  étant  204. 

Le  dibromfluoréthylène  n'attaque  pas  le  verre  à  froid. 
Il  salière  à  l'air  en  absorbant  l'oxygène,  comme  le  font 
d'ailleurs  le  tribrométhylène  et  le  dibromélhylène  dissy- 
métriques. Tl  se  transforme  alors  en  fluorure  acide,  prend 
une  odeur  piquante  et  fume  à  l'air.  Ce  qui  démontre  que 
c'est  un  fluorure  acide  et  non  un  bromure  acide  qui  se 
forme,  c'est  que  si  l'on  conserve  le  dibromfluoréthylène 
dans  un  tube  scellé,  il  ne  s'altère  pas  et  le  verre  reste 
transparent.  Mais  si  on  l'enferme  dans  un  flacon  impar- 
faitement bouché,  il  fixe  l'oxygène,  et  l'humidité  de  l'air 
attaque  le  produit  d'oxydation   en    donnant  de  l'acide 


(  453  ) 
fluorhydrique,  «loin  la  formation   se  manifeste  par  une 
corrosion  énergique  du  verre.  Il  v  a  donc  production  de 
fluorure  acide  de  dibromacétyle  d'après  l'équation 

C*IIBr,FI  -+-  0  =  ClirJI  —  COKI. 

Le  dibromfluoréthylène  retient  très  facilement  l'eau  et 
surtout  l'alcool.  Pour  enlever  totalement  ce  dernier,  il 
tant  un  lavage  soigné. 

La  constance  avec  laquelle  se  produit,  dans  la  distilla- 
tion d'un  mélange  d'alcool  et  de  dibromfluoréthylène,  la 
vapeur  mixte  à  point  d'ébullition  constant  dont  j'ai  parle 
plus  haut,  m'a  amené  à  déterminer  la  densité  de  vapeur 
<\e  ce  mélange.  J'ai  obtenu  ainsi  les  données  suivantes  : 


Poids 

de 

substance. 

Température. 

Pression 

en  millimètres 

de  Hg 

(réduite  à  0°). 

Volume 
observé. 

Densité 
déduite. 

Poids 
moléculaire. 

08',()2i 

100" 

259,2 

72«,3 

4,04 

' 

Cette  densité  correspond  à  peu  de  chose  près  à  celle 
d'un  mélange  d'alcool  avec  une  molécule  d'éthylène  fluo- 
dibromé,  mélange  dont  la  densité  serait  4,5. 

Sur  le  tribromfluoréthanej'ai  également  fait  agir  l'am- 
moniaque en  solution  alcoolique.  On  sait  qu'en  tubes 
scellés  celte  solution  agit  sur  le  tétrabrométhane  pour 
donner  de  l'éthylène  tribromé.  Une  réaction  semblable 
a  lieu  pour  le  tribromlluoréthane.    Il    n'est    pas   néces- 


(  454  ) 

saire  de  chauffer.  J'ai  simplement  laissé  en  contact  dans 
un  llacon  bien  bouché  28ë',5  de  tribromfluoréthane  et 
100  centimètres  cubes  d'une  solution  alcoolique  d'ammo- 
niaque deux  fois  normale.  Après  quatre  jours,  il  s'était 
produit  une  abondante  cristallisation  de  bromure  d'am- 
monium. J'ai  distillé  le  liquide.  La  distillation  commence 
à  70°  pour  donner  une  combinaison  additionnelle  d'un 
dérivé  éthylénique  et  d'alcool  bouillant  à  74°,  et  tout  le 
liquide  bout  au-dessous  de  80".  En  précipitant  le  distillât 
par  l'eau,  j'ai  isolé  un  liquide  bouillant  à  90°, 3,  présen- 
tant toutes  les  propriétés  du  dibromfluoréthylène  et  qui  a 
donné  à  l'analyse  les  résultats  suivants  : 

0e'\7427  <le  substance  ont  donné  O?r,0473  11*0, 

soit  0^,05255  II  ou  0,7  °/„ 

et  0er,5174  C0a,  soit  0^,0^650  C  ou  1 1,63  %. 

Calculé  pour  CjFIHHi.,.  Trouvé. 

C     11,76  %  H,63°/„ 

H       0,49°/.  0,7    °/„ 

I. 'action  de  l'ammoniaque  en  solution  alcoolique  est 
donc  exactement  la  même  que  celle  de  la  potasse. 

En  chauffant  à  40°,  la  réaction  se  produit  plus  vite  et 
est  achevée  après  un  jour. 

J'ai  également  fait  agir  le  zinc  sur  le  tribromfluoré- 
ihane,  dans  le  but  d'obtenir  un  éthylène  bisubstitué. 
J'ai  d'abord  opéré  comme  Anschûtz  l'avait  fait  pour  pré- 
parer le  bibromure  d'acétylène  symétrique,  savoir  :  en 
mélangeant  l'éthane  avec  un  cinquième  de  son  poids 
d'alcool  et  en  ajoutant  peu  à  peu  du  zinkstaub.  Seule- 
ment, en  opérant  ainsi,  il  s'est  produit,  par  l'introduc- 
tion des  premières  portions  de  zinc  et  malgré  un  refroi- 


(  455  ) 
dissement  énergique,  une  réaction   tellement  vive  que 
tout  le  produit  a  été  projeté  hors  de  l'appareil. 
Pour  modérer  la  réaction,  j'ai  mélangé  le  tribromfluor- 

éthane  (70  grammes)  avec  deux  fois  son  poids  d'alcool. 
J'introduisis  le  tout  dans  un  ballon  à  deux  tubulures, 
dont  l'une  était  reliée  à  un  réfrigérant  ascendant  et  dont 
l'autre  servait  à  l'introduction  du  zinc.  Le  ballon  était 
plongé  dans  de  l'eau  glacée.  L'introduction  du  zinc  doit 
se  faire  très  lentement  et  par  portions  de  2  grammes  au 
plus,  si  l'on  veut  éviter  une  élévation  de  température  trop 
forte,  qui  amènerait  des  pertes  notables.  La  température 
ne  peut  dépasser  55°.  On  agite  vivement  après  chaque 
introduction  de  poussière  de  zinc.  Quant  50  grammes 
de  zinc  environ  eurent  été  ajoutés,  j'ai  laissé  reposer 
l'appareil  pendant  trois  heures  et  me  suis  assuré  que 
l'addition  d'une  nouvelle  quantité  de  zinc  ne  provoquait 
plus  de  réaction.  Le  dérivé  éthylénique  qui  se  forme 
est  extrêmement  volatil;  aussi  le  réfrigérant  ascendant 
doit-il  être  traversé  par  un  courant  d'eau  bien  froide. 

Malgré  l'emploi  d'un  excès  de  zinc,  il  ne  se  produit 
pas  d'acétylène. 

Sans  changer  de  ballon,  j'ai  distillé  le  produit  de  la 
réaction  au  bain-marie,  en  recueillant  le  distillât  dans  un 
tube  en  U  très  fortement  refroidi  ( —  20°).  La  distillation 
commence  à  28°  et  le  thermomètre  se  tixe  entre  34° 
et  38°,  pour  s'élever  ensuite  jusqu'à  la  température 
d'ébullition  de  l'alcool. 

Pour  enlever  l'alcool,  j'ai  secoué  avec  de  l'eau  glacée. 
Le  liquide  plus  dense  que  l'eau  ainsi  séparé  fut  séché  et 
rectitié  plusieurs  fois  au  Lebel  à  cinq  boules.  Le  distillai, 
était  condensé  dans  un  tube  en  U  à  robinet  fortement 
refroidi.  La  distillation,  qui  commence  à  30°,  m'a  permis 


(  456  ) 

d'isoler  un  corps  passant  à  l'ébullition  exactement  à  36°,5. 
En  raison  de  la  très  grande  volatilité  de  cette  substance, 
le  rendement  n'est  pas  très  avantageux  et  je  n'ai  pu 
isoler  que  15  grammes  de  produit  pur. 

J'y  ai  dosé  le  carbone  et  l'hydrogène  en  opérant, 
comme  je  l'ai  décrit  jadis  pour  l'analyse  du  lluochloro- 
forme,  par  entraînement  de  la  substance  par  un  courant 
d'air. 

J'ai  trouvé  ainsi  que 

0er,5681   de  substance  donnent  CKr,iô03  CO*, 

soit  0er,  1 1835  C  on  19,08% 
et  0Rr,0879  11,0,  soit  0*r,009766  II  ou  1,71  %. 

Calculé  pour  CâHsBrFl.  Trouvé. 

C     19,20  %  19,08% 

II       1,60%  1,71% 

Le  tluorbrométhvlène  est  un  liquide  incolore,  très 
volatil,  bouillant  à  5(3°, 5  sous  7G0  millimètres  de  pres- 
sion. Sa  densité  est  de  1,6939  à  16°, 5,  son  indice  de 
réfraction  de  1,41705.  Son  odeur  est  agréable  et  ne 
rappelle  en  rien  l'odeur  des  éthylènes  dissymétriques.  H  se 
combine  au  brome  pour  régénérer  le  tribromfluorméthane. 
Il  n'attaque  pas  le  verre  et  ne  s'altère  ni  à  la  lumière  ni 
à  l'air  humide.  Je  n'ai  pas  constaté  de  phénomènes  de 
polymérisation.  Ceux-ci  se  produisent  d'aileurs  pour  les 
éthylènes  bisubstitués  dissymétriques.  Or  la  formule  de 
l'éthylène  lluobromé  que  j'étudie  est  évidemment 

Cil  FI 

II 
CHBr, 

ce  qui  résulte  de  son  mode  de  formation. 


(  457  ) 
Sa  densité  de  vapeur  a  été  également  déterminée. 


Poids 

de 

substance. 

Température. 

Pression 
en  millimètres 

de  Hg 
(réduite  à  0° . 

Volume 
observé. 

Densité 
déduite. 

Poids 
moléculaire. 

0^,0428 

17» 

101,8 

r.  1<  ,  ; 

4,24 

122,8 

Poids  moléculaire  théorique  :  125. 

J'ai  soumis  ensuite  le  dibromdifluoréthane  à  l'action  de 
la  potasse  alcoolique,  en  opérant  comme  pour  le  tribrom- 
éthane  iluoré  et  en  employant  également  un  léger  excès 
de  potasse  caustique. 

La  réaction  ne  s'accomplit  pas,  à  beaucoup  près,  aussi 
facilement  que  pour  le  tribromlluoréthane,  et  l'addition 
de  la  potasse  ne  provoque  que  la  formation  d'un  préci- 
pité peu  abondant.  Après  addition  de  toute  la  potasse, 
j'ai  chauffé  au  bain-marie  pendant  dix-huit  heures.  Le 
précipité  devient  beaucoup  plus  abondant.  Il  ne  se  pro- 
duit pas  de  gaz  et  je  n'ai  pas  constaté  la  formation  d'un 
liquide  très  volatil,  comme  aurait  dû  l'être  le  dilluor- 
brométhvlène,  que  je  comptais  obtenir  par  enlèvement 
d'acide  bromhydrique. 

L'appareil  fut  alors  abandonné  à  lui-même  pendant 
un  jour,  puis  le  liquide  fut  distillé  au  bain  d'huile. 

La  distillation  commença  à  70",  le  thermomètre 
s'arrêta  un  certain  temps  à  74°-75°,  puis  à  78°,  pour 
s'élever  ensuite  jusqu'à  150°. 

Le  distillât  fut  précipité  par  l'eau,  le  liquide  insoluble 
séparé  et  séché  sur  du  chlorure  de  calcium  et  redistillé. 


(  458  ) 

La  distillation  commence  à  85°.  Le  produit  rectifié  plu- 
sieurs fois  m'a  permis  d'isoler  un  corps  bouillant  à  91" 
ainsi  que  du  difluordibrométhane  inaltéré.  Un  peu  de 
liquide  (1  à2  centimètres  cubes)  distille  au-dessus  de  130°. 
Pour  identifier  la  substance  bouillant  à  91°,  je  l'ai 
analysée. 

0sr.708  de  substance  ont  donne  ()er,50i;  CO„ 

soil  ()er,083i5  C  on  I  1,78% 
cl  0^,0471»  HA  soit  O'r,00:j:2X8  H  on  0,73  •/.. 

Cette  composition  correspond  absolument  à  celle  du 
dibromfluoréthylène.  Le  produit  a  d'ailleurs  exacte- 
ment les  mêmes  propriétés  que  le  dibromfluoréthylène 
obtenu  aux  dépens  du  tribromlluoréthane.  Comme  lui,  il 
possède  une  odeur  désagréable;  comme  lui,  il  s'altère  à 
l'air  en  se  transformant  en  fluorure  acide  que  l'eau 
décompose,  comme  lui  également  il  forme  avec  l'alcool 
une  vapeur  mixte  bouillant  à  74°, 5  et  dont  la  densité  de 
vapeur  correspond  à  peu  près  à  celle  d'un  mélange  d'une 
molécule  d'alcool  avec  une  molécule  de  dibromfluor- 
éthylène. 

Pour  contrôler  l'identité  des  deux  corps,  j'ai  déterminé 
la  densité  du  dérivé  du  dibromdifluoréthane.  Celte  den- 
sité est  de  2,2940  à  10°,  de  2,291 4  à  17°,5,  c'est-à-dire  la 
même,  à  0,0008  près,  que  celle  du  dibromfluoréthylène 
provenant  du  tribromlluoréthane. 

Les  deux  produits  sont  donc  identiques.  Une  diffé- 
rence de  constitution  se  fût  révélée  par  quelque  diffé- 
rence, si  légère  fût-elle,  dans  les  températures  d'ébul- 
lition  et  dans  les  densités  (*). 


*)  On  peut  à  ce  sujet  étudier  le  tableau  d'Anschûtz.  [Annales, 
t.  CCXXI,  p.  155.) 


159  ) 
A  la  formule  C^HBr^Fl  peuvent  en  effet  correspondre 
deux  isomères 

CBp.  .         CHBr 

Il  II 

CHFI  CBrFI. 

J'essayerai  de  déterminer  plus  loin  la  constitution  du 
corps  que  j'ai  obtenu. 

La  formation  du  dibromfluoréthylène  aux  dépens  du 
difluordibrométhane  implique  une  élimination  d'acide 
fluorhydrique.  Le  résidu  solide  devait  donc  être  formé  de 
fluorure  de  potassium.  L'analyse  m'a  montré  qu'il  con- 
tenait cependant  une  petite  quantité  de  bromure.  Il 
avait  donc  dû  se  produire  une  réaction  du  côté  brome  de 
la  molécule,  ou  bien  le  dibromdifluoréthane  que  j'avais 
employé  n'était  pas  pur. 

Pour  élucider  cette  question,  j'ai  repris  l'expérience  en 
opérant  sur  une  plus  forte  quantité  de  matière  et  en  par- 
tant d'un  produit  absolument  pur.  C'est  à  cet  effet  que 
j'ai  préparé  les  430  grammes  de  dichlordifluoréthane 
d'une  pureté  absolue,  bouillant  à  IO(i",K,  dont  j'ai  parlé 
plus  haut. 

J'en  ai  prélevé  ±24  grammes,  soit  une  molécule- 
gramme,  sur  laquelle  j'ai  fait  agir  exactement  une  molé- 
cule d'alcoolate  de  sodium.  J'ai  pris  l'alcoolate  de 
sodium  au  lieu  de  la  potasse  alcoolique,  l'expérience 
in  avant  prouvé  que  la  réaction  marche  mieux  et  est  plus 
rapidement  complète  dans  ce  cas.  En  outre,  j'employais 
ainsi  un  matériel  absolument  exempt  de  sels  haloïdes. 

Le  mélange  fut  chauffé  pendant  seize  heures  à  80°, 
puis  le  liquide  fut  distillé  et   rectifié  avec   le  plus  grand 


iCO  ) 
soin  au  Lebel  à  cinq  l>oules.  J'ai  séparé  d'abord  un 
liquide  alcoolique,  dont  j'ai  extrait  le  dibromfluoréthylène 
par  précipitation  par  l'eau,  dessiccation  et  rectification, 
un  peu  de  dibroindilluoréthane  inaltéré,  puis  un  liquide 
peu  abondant,  distillant  de  130"  à  180°  (10  centimètres 
cubes  environ).  Ce  dernier  produit,  rectifié  derechef, 
m'a  donné  une  petite  quantité  d'un  corps  bouillant  de 
150°  à  160°,  sans  point  d'ébullition  bien  constant.  Je  n'en 
ai  obtenu  que  5  centimètres  cubes. 

Il  possède  une  odeur  rappelant  celle  du  bromacétate 
d'éthyle,  irrite  très  vivement  la  conjonctive  et  est  attaqué 
par  la  soude  caustique  et  l'acide  sulfurique  concentré. 
Chauffée  au  rouge  dans  un  tube  de  verre,  sa  vapeur  cor- 
rode vivement  le  tube. 

Malheureusement,  j'ai  eu  trop  peu  de  substance  à  ma 
disposition  pour  pouvoir  la  purifier  d'une  manière  com- 
plète. Sa  densité  de  vapeur  est  égale  à  180  et  se  rap- 
proche de  celle  de  l'éther  lluodibromé  inconnu  (490), 
qui  pourrait  se  former  par  substitution  du  brome  par 
l'oxéthyle.  Trois  dosages  de  carbone  et  d'hydrogène  ont 
donné  comme  teneur  en  ces  deux  éléments,  respective- 
ment 25,79  %,  25,64°  „  et  25,7  %  de  carbone, et  5,52-  0, 
5,46  °/0  et  5,50  %  d'hydrogène.  L'éther  lluodibromé' 
contiendrait  25,2  °  „  de  carbone  et  5,68  %  d'hydrogène. 

La  forte  teneur  en  hydrogène  exclut  l'hypothèse  que  le 
corps  serait  un  éthylène  substitué.  En  outre,  il  ne  se 
combine  pas  au  brome  par  addition.  Sa  teneur  en 
brome  (environ  43  "■„,  calculée  pour  l'éther  lluodibromé, 
41,05)  constitue  une  présomption  de  plus  en  faveur  de  la 
formation  d'un  dérivé  par  substitution  d'un  atome  de 
brome  par  l'oxéthyle.  Ces  teneurs  en  brome,  hydrogène 


ci  carbone  correspondent  en  effel  à  (-«'Iles  d'une  substance 
qui  contiendrait  un  atonie  de  brome  pour  quatre  atonies 
rie  carbone  el  sept  d'hydrogène.  En  rapprochant  ce 
fail  de  la  grandeur  du  poids  moléculaire  (180),  l'hypo- 
thèse que  je  me  trouve  en  présence  de  l'éther  fluodibromé 

devient  très  plausible. 

Je  ne  puis  évidemment,  à  l'heure  actuelle,  me  prononcer 
d'une  façon  définitive,  mais  la  formation  d'un  corps  de 
ce  genre  explique  la  formation  du  bromure  de  sodium 
que  j'ai  trouvé  dans  le  résidu  de  distillation.  L'analyse 
m'a  montré,  en  effet,  que  le  résidu  contenait  15^,1 
de  lluor  au  lieu  de  11),  et  lO^o  de  brome  au  lieu  de  80, 
quantités  que  j'aurais  dû  trouver  si  la  réaction  avait  été 
totale  dans  le  sens  d'une  substitution  fluorée  ou  d'une 
substitution  bromée. 

Je  me  propose  de  revenir  sur  ce  point,  de  l'étudier 
avec  plus  de  détails,  en  opérant  sur  de  fortes  proportions 
de  substance,  puisque  le  rendement  est  si  mauvais. 
J'aurai  l'honneur  de  tenir  l'Académie  au  courant  de  mes 
recherches. 

L'enlèvement  de  l'acide  fluorhydrique  par  l'alcoolate 
de  sodium  est  une  réaction  chimique  en  apparence 
déconcertante.  Mes  travaux  antérieurs  ont  en  effet  montré 
la  grande  affinité  du  carbone  pour  le  lluor  et  l'énergie 
avec  laquelle  ces  deux  éléments  tiennent  l'un  à  l'autre. 
J'ai  montré  ailleurs  (*)  combien  il  est  difficile  d'enlever 
le  lluor  au  carbone  par  l'hydrogène  naissant. 

D'autre   part,    nous   savons  qu'en    général,    dans   les 


C)  Sur  l'acide  fluoracc tique  (Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique, 
:>  série,  t.  XXXII,  n"  7,  p.  77)  et  Sur  l'acide  dichlor/luoracctitjue 
Mémoires  cour,  et  autres  mémoires,  in-S°,  t.  LI). 


(  462  ) 
éthanes  bisubstitués  par  des  halogènes  différents,  l'acide 
bromhydrique  est  plus  facilement  enlevé  que  l'acide 
chlorhydrique.  Cependant  il  existe  de  nombreuses  excep- 
tions à  cette  règle,  exceptions  dont  M.  Henry  a  signalé 
plusieurs  exemples.  Ce  savant  a  démontré  (*)  quel'iodure 
d'éthyle  bichloré,  soumis  à  l'action  de  l'éthylate  de 
sodium,  donne  surtout  (pour  les  4/5)  de  l'éthylène  bichloré 
par  enlèvement  d'acide  iodhydrique,  mais  que  pour  un 
cinquième  il  est  transformé  en  éthylène  chloroiodé,  el 
cela  malgré  l'affinité  beaucoup  plus  grande  du  chlore 
pour  le  carbone,  comparée  à  celle  de  l'iode.  De  même, 
il  a  observé  (**)  que  l'éthane  chlorobromoiodé,  traité  par 
la  potasse  alcoolique,  se  transforme  surtout  par  arrache- 
ment d'acide  chlorhydrique  en  éthylène  bromoiodé 
dissymétrique  (pour  les  3/4)  ;  mais  un  quart  du  produit 
mis  en  œuvre  perd  de  l'acide  iodhydrique  pour  devenir 
éthylène  chlorobromé  dissymétrique. 

Ici  j'observe  un  phénomène  du  même  genre;  la  réaction 
se  produit  surtout  dans  le  sens  d'un  enlèvement  d'acide 
fluorhydrique  aux  dépens  du  dibromdifluoréthane,  mais 
il  se  produit  en  même  temps  une  réaction  du  côté  brome 
de  la  molécule.  M.  Henry  attribue  la  production  de  deux 
réactions  simultanées,  dans  les  cas  qu'il  a  étudiés,  à 
l'existence  de  deux  isomères  dans  les  éthanes  dont  il  est 
parti. 

Malgré  tous  les  soins  que  j'y  ai  apportés,  je  ne  suis  pas 
parvenu  à  séparer  deux  isomères  dans  le  dibromdilluoré- 


(*)  Sur  T  addition  du  chlorure  d'iode  à  l'éthylène  monochloré  (Comptes 
RENDUS,  t.  XCVIII,  p.  519). 

(**)  Sur  l'addition  du  chlorure  d'iode  à  l'éthylène  monobromé  (Comptes 
rendus,  t.  XCVIII,  p.  680). 


(  463  ) 

thane,  et  je  suis  plutôt  porté  à  croire  que  c'est  un  corps 
unitaire,  mais  qu'il  réagit  de  deux  manières  différentes  : 
principalement  en  perdant  de  l'acide  fluorhydrique,  et 
secondairement  en  donnant  un  dérivé  par  substitution  du 
brome.  L'enlèvement  de  l'acide  fluorhydrique  par  la 
potasse  est  un  phénomène  analogue  à  ceux  déjà  observés 
par  M.  Henry  dans  les  réactions  que  j'ai  signalées  plus 
haut,  et  dans  lesquelles  c'est  l'halogène  le  plus  actif  qui 
est  arraché  avec  l'hydrogène,  malgré  son  affinité  plus 
forte  pour  le  carbone. 

L'action  du  zinc  sur  le  difluordibrométhane  est  de 
nature  à  donner  des  indications  sur  la  constitution  de  ce 
corps  et  par  conséquent  sur  celle  des  dérivés  éthylé- 
niques  qu'il  engendre. 

J'ai  l'ait  réagir  le  zinc  dans  les  mêmes  conditions  que 
pour  le  tribromlluoréthane,  c'est-à-dire  en  mélangeant 
le  dibromfluoréthane  avec  deux  fois  son  poids  d'alcool. 
J'ai  mis  en  œuvre  100  grammes  de  produit  dans  chaque 
expérience.  La  réaction  est  beaucoup  moins  vive  qu'avec 
le  tribromlluoréthane,  mais  elle  se  produit  néanmoins 
avec  élévation  notable  de  température.* Il  ne  se  dégage 
pas  de  gaz,  mais  il  se  produit  un  liquide  très  volatil. 

L'introduction  du  zinc  fut  faite  en  deux  heures  envi- 
ron; l'appareil  fut  abandonné  à  lui-même  pendant  trois 
heures,  puis  je  distillai  le  liquide  au  bain-marie.  J'ai 
recueilli  le  liquide  condensé  dans  un  tube  en  U  à 
robinet,  fortement  refroidi.  La  distillation  commence 
à  20"  et  le  thermomètre  se  fixe  à  34"-3Gu,  pour  s'élever 
ensuite  jusqu'à  la  température  d'ébullition  de  l'alcool, 
limite  qu'il  ne  dépasse  pas. 

Le  distillât  fut  secoué  avec  de  l'eau  glacée  pour 
enlever  l'alcool,    puis  séché  et   soigneusement   rectifié. 


(  464  ) 
J'ai  séparé  ainsi  un  liquide  bouillant  à  56°, 5  et  ressem- 
blant en  tous  points  au  fluorbrométbylène  obtenu  aux 
dépens  du  tribromtluorétbane  et  du  zinc. 

Je  l'ai  analysé  et  suis  arrivé  aux  résultats  suivants  : 

0er,9578  de  substance  ont  donné  0er,685  COj, 

soit  Oer,OI8627  Cou  19,44  •/• 

et  0gr,1655  11,0  ou  Oer,OI833  H  ou  1,90°/.- 


Calculé  pour  CjH4BrFl 
C     1 9,20  •/. 

H      1,6  •/- 


Trouvé. 

19,44"/. 

1,9    °/« 


La  densité  de  vapeur  a  également  conduit  à  des  don- 
nées concordant  avec  la  formule  C2BrFlH2. 


Poids 

de 
substance. 


Température. 


Pression 
en  millimètres 

de  Hg 
(réduite  à  0»). 


Volume 
observé. 


Densité 
déduite. 


Poids 
moléculaire 


O6'',087o5 


17o,5 


9,4 


67«,3 


4,29 


m,\ 


Le  poids  moléculaire  de  C2H2FlBr  est  égal  à  124,75. 

L'indice  de  réfraction  à  16°, 4  est  de  1,41765, 

J'ai  donc  obtenu  le  même  étbylène   fluobromé  aux 

dépens  du  tribromfluoréthane  et  du  dibromdifluorétbane 

et  qui  ne  peut  être  que 

CHBr 


Cil  Kl. 


(    4(K>    ) 

Or  la  formation  de  ce  corps  aux  dépens  du  dibrom- 
difluoréthane  implique  le  départ  d'un  atome  de  brome  et 
d'un  atome  de  fluor.  Sabanejeff  a  montré  (*)  que,  pour  les 
dérivés  chlorobromés  contenant  plusieurs  atomes  de 
brome,  celui-ci  seul  est  enlevé  par  le  zinc  quand  il  est 
lixé  à  deux  atomes  de  carbone  différents,  mais  que  quand 
le  brome  est  fixé  entièrement  sur  un  seid  carbone,  il  se 
produit  une  soustraction  d'un  atome  de  brome  et  d'un 
atome  de  chlore  par  le  zinc. 

Or,   c'est   un    phénomène   absolument  analogue   qui 

s'observe  ici.  Dans  le  tribromfluoréthane,  chez  lequel 

il  y  a  certainement  i\u  brome  sur  les  deux  atomes  de 

carbone,  le  brome  seul  est  enlevé,  mais  dans  le  dibrom- 

difluoréthane,  il  y  a  arrachement  d'un  atome  de  brome 

et  d'un  atome  de  fluor.  Nous  pouvons  en  conclure  que 

dans  le  dibromdilluorétliane,  les  deux  atomes  de  brome 

sont  fixés  sur  un  même  carbone  et  la  formule  de  ce  corps 

sera  donc 

CHBr, 

I 

Cil  FI,. 

dette  formule  nous  rend  un  compte  satisfaisant  de 
l'action  de  l'alcoolate  de  sodium  ou  de  la  potasse  causti- 
que. Il  y  a  enlèvement  d'acide  lluorhvdrique  dans  le 
difluordibrométhane  et  d'acide  hromhydrique  dans  le  tri- 
bromfluoréthane  parce  que,  dans  le  premier,  deux  atomes 
de  tluor  sont  fixés  sur  le  même  carbone,  ce  qui  doit  ren- 
dre cet  halogène  plus  mobile  et  diminuer  l'affinité  de 
chacun  des  atomes  de  fluor  pour  le  carbone.  De  même 
que  nous  voyons  que  les  éthanes  bichlorés  dissymétriques 
bromes  peuvent  plus  facilement  perdre  de  l'acide  chlorhv- 

■    Sabakejeff,  Ann.  der  ('.hem.,  021l). 

Ome    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  -">! 


(  4C6  ) 

drique  (jue  les  dérivés  symétriques  sous  l'influence  de 
l'alcoolate  de  sodium,  de  même  l'enlèvement  de  l'acide 
Huorhydrique  est  rendu  plus  facile  par  la  présence  de 
deux  atomes  de  fluor  au  même  atome  de  carbone. 

In  autre  argument  pour  expliquer  le  départ  d'acide 
Huorhydrique  plutôt  que  d'acide  bromhydrique  repose  sur 
la  grande  aflinité  du  fluor  pour  l'hydrogène.  Dans  le  corps 

IICHr, 

I 
FIC  — Il  FI, 

l'enlèvement  d'acide  fluorhydrique  satisfait  le  mieux  cette 
aflinité,  l'hydrogène  restant  se  trouvant  à  côté  du  fluor, 
lin  enlèvement  d'acide  bromhydrique  irait  au  contraire  à 
l'encontre  de  l'affinité  du  fluor  pour  l'hydrogène. 

De  la  formule  dissymétrique  du  difluordibrométhane,il 
résulte  que  l'action  de  la  potasse  doit  être  représentée 
par  l'équation 

ClIBi-s  CBr* 

|  +  KOII  =    ||         -*-  Kl  I  -+-  11,0, 

CIIFI,  HIFI 

ce  qui  nous  permet  de  fixer  la  formule  du  dibromfluor- 
éthylène. 

Cependant,  c'est  la  première  fois  que  je  constate  une 
substitution  totale  du  brome  par  le  fluor  sur  un  même 
atome  de  carbone.  Dans  mes  précédentes  recherches, 
j'avais  réalisé  d'une  façon  constante  le  remplacement  d'un 
seul  atome  de  chlore  ou  de  brome  par  le  fluor,  et  la 
réaction  s'arrêtait  là,  pour  les  chaînons  hydrocarbonés . 
Je  n'ai  jamais  observé  auparavant  la  formation  simultanée 
de  deux  produits  de  substitution  fluorée  dans  la  chaîne 
hydrocarbonée. 

La  fluoruration  double  qui  donne  lieu  à  la  production 


(  46?  ) 
du  difluordibrométhane  ne  peut  donc  pas  s'expliquer,  si 
la  formule  CHBr2-  -  CHF12  est  exacte,  par  l'argument, 
invoqué  plus  haut,  que  le  tétrabrométhane  symétrique  est 
deux  fois  du  bromure  de  méthényle. 
La  formule 

CHBr*  —  CHFIs 

du  dibromdifluoréthane  est  justifiée  par  la  formation  de 
l'éthylène  fluobromé  symétrique  sous  l'action  du  zinc  et 
par  l'enlèvement  de  l'acide  fluorhydrique  dans  le  traite- 
ment par  l'alcool ate  de  sodium.  Cependant  elle  ne  parait 
pas  s'accorder  avec  les  faits  que  j'ai  observés  jusqu'ici 
dans  la  tluoruration  des  chaînons  hydrocarbonés  poly- 
bromés.  Peut-être  le  chaînon  CHBi\>  —  exerce-t-il  sur  le 
chaînon  CHFIBr  une  action  de  voisinage,  rendant  le 
brome  de  ce  dernier  plus  mobile.  Nous  connaissons 
maint  exemple  de  faits  de  ce  genre. 

On  peut,  d'autre  part,  admettre  que  la  formation  du 
dibromdifluoréthane  dissymétrique  est  un  nouvel  exemple 
de  ces  réactions  de  substitution  si  fréquentes  dans  les- 
quelles nous  voyons  que  deux  atomes  de  même  espèce 
tendent  à  se  placer  aussi  près  que  possible  l'un  de 
l'autre.  Dans  ce  cas,  le  fluor  choisirait  de  préférence  la 
position  «  à  la  position  (3  quand  il  se  substitue  au  brome 
dans  le  tribromfluoréthane  : 

/s 
CHBi-j 

I 

CHBrFI. 

y. 

A  ce  fait  se  rattache  le  phénomène  mentionné  plus 
haut,  à  savoir  que  la  présence  du  fluor  dans  la  molécule 
facilite  la  substitution  fluorée,  le  tribromfluoréthane  étant 


(  «») 

plus  vite  attaqué  par  le  fluorure  d'antimoine  que  le  tétra- 
brométhane. 

D'un  autre  côté,  la  formule  CHBr2  —  CHF12  aurait  pu 
faire  croire  à  la  possibilité  d'une  fluoruration  plusavancée, 
le  chaînon  —  CHBi\>  encore  intact  pouvant  à  son  tour 
subir  la  substitution  fluorée  par  le  fluorure  d'antimoine 
et  le  brome.  Il  n'en  est  rien.  J'ai  traité  le  dibromdifluor- 
éthane  par  un  tiers  de  molécule  de  fluorure  d'antimoine 
en  présence  du  brome,  et  cela  sans  aucun  résultat. 

Je  me  propose  d'établir  encore  par  d'autres  recherches 
la  constitution  du  dibromdifluoréthane  et,  par  consé- 
quent, du  dibromfluoréthylène. 

Le  dibromfluoréthylène  se  combine  énergiquement  au 
brome  avec  élévation  de  température.  J'ai  obtenu  de 
celte  manière  le  tétrabromfluoréthane 

CBi3 

I 
CHBrFI 

en  faisant  agir  une  molécule  de  brome  sur  une  molécule 
de  dibromfluoréthylène. 

Pour  modérer  la  réaction,  je  dissous  l'éthylène  dans 
son  poids  de  tétrachlorure  de  carbone.  J'en  fais  de  même 
pour  le  brome.  La  solution  d'éthylène  dibromofluoré  est 
introduite  dans  un  ballon  immergé  dans  l'eau  froide  et 
muni  d'un  réfrigérant  ascendant  et  d'un  entonnoir  à 
robinet.  Je  laisse  couler  la  solution  de  brome  goutte  à 
goutte.  Il  se  produit  une  décoloration  immédiate.  Si  le 
brome  arrive  un  peu  vite,  la  température  peut  s'élever 
jusqu'au  point  d'ébullition  du  tétrachlorure  de  carbone. 
A  la  fin  de  l'opération,  la  décoloration  se  produit  plus 
lentement  et,  après  addition  de  tout  le  brome,  le  liquide 
reste  coloré  en  rouée. 


(  401)  ) 

Le  méthane  perchloré  fut  éliminé  par  distillation  au 
bain-marie  et  le  résidu  chauffé  à  feu  nu.  Le  thermomètre 
monte  à  190°  et  le  tétrabromfluoréthane  commence  à 
distiller.  Cette  distillation  s'accompagne  d'une  dissocia- 
tion partielle,  avec  formation  de  vapeurs  de  brome.  Le 
thermomètre  s'élève  jusqu'à  205°-206°  et  se  maintient  à 
cette  température,  à  laquelle  distille  la  presque  totalité 
de  la  substance.  Le  distillât,  coloré  en  rouge,  se  décolore 
rapidement,  les  produits  de  dissociation  se  recombinant 
à  froid. 

J'ai  rectifié  au  Lebel  et  j'ai  isolé  ainsi  un  liquide  bouil- 
lant  à  204°  sous  758  millimètres  de  pression.  Il  y  a 
décomposition  partielle  à  la  distillation,  mais  reconstitu- 
tion dans  le  ballon  récipient. 

Pour  éviter  cette  décomposition,  j'ai,  dans  une  autre 
opération,  effectué  la  distillation  sous  pression  réduite. 
Sous  une  pression  de  50  millimètres,  le  point  d'ébulli- 
tion  se  trouva  être  de  106°  et  la  distillation  s'accomplit 
sans  trace  de  décomposition. 

Le  rendement  est  de  1 10  grammes  pour  7(>  grammes 
de  dibromttuoréthylène. 

Voici  les  résultats  du  dosage  de  carbone  et  d'hydro- 
gène : 

0*r,9452  de  substance  ont  donne  0er,03o9  H.20, 

soit  0er,005988  H  ou  0,42  °/0 

et  0i?r,2347  co^  soit  o«r,Of»4  C  on  (5,77  •/„. 

Oer,9i!27  de  substance  ont  donne  Oe',0321    H,0, 

soit  0er,0035  H  ou  0,37  »/. 

et  0^,2505  CO„  soit  0er,06267  C  ou  6,64  %. 

Calculé  pour  C4HBr4Fl.  Trouvé. 

C     6,61°/.  6,77%- 6,64% 

H     0,27  %  0,4-2  %-0,57  % 


;  47.)  ) 

La  densité  de  vapeur  tut  déterminée  par  la  méthode 
d'Hofmann  dans  la  vapeur  d'aniline. 


Poids 

de 
substance. 

Température. 

Pression 

en  millimètres 

de  Hg 

(réduite  à  0°j. 

Volume 
observé. 

Densité 
déduite. 

Poids 
moléculaire. 

Os',9195 

182* 

65 

12o«,9 

12,72 

366,  '♦ 

Il  ne  se  produit  donc  pas  de  dissociation  à  cette  tem- 
pérature. 

Le  tétrabromtluorétliane  est  un  liquide  incolore,  très 
réfringent,  mouillant  mal  le  verre,  jaunissant  à  la  lumière. 
Il  possède  une  odeur  camphrée  et  ses  vapeurs  irritent 
fortement  les  paupières.  Il  n'attaque  le  verre  qu'au 
rouge.  Sa  densité  à  10°  est  de  2,95800,  son  indice  de 
réfraction  est  de  1,59707  à  16°.  Il  ne  se  congèle  pas 
à  —  58°,  bout  à  20i"  sous  700  millimètres  de  pression, 
à  100°  sous  30  millimètres  et  à  105°,5  sous  23  milli- 
mètres. 

J'ai  dit  plus  haut  qu'il  se  forme  en  petite  quantité  par 
l'action  du  fluorure  d'antimoine  et  du  brome  sur  le  tétra- 
brométhane. 

Soumis  à  l'action  de   la  potasse  alcoolique,  il  réagit 


(  «1  ) 

immédiatement  ci  il  se  produit  un  abondant  précipité  de 
bromure  de  potassium.  Après  addition  de  la  potasse,  je 
chauffe  au  bain-marie  pendant  une  heure,  puis  je  traite  le 
produit  brut  par  l'eau  pour  dissoudre  le  sel  de  potassium 
et  précipiter  l'éthylène.  La  solution  aqueuse  ne  contient 
que  du  bromure  de  potassium.  Le  liquide  insoluble  dans 
l'eau  est  sécbé  et  distillé.  La  distillation  s'effectue  sans 
la  moindre  décomposition  et  donne  un  liquide  bouillant 
de  140°  à  150°.  Par  rectification  répétée,  j'ai  séparé  un 
corps  bouillant  à  1  47°, 2  sous  758  millimètres  de  pres- 
sion. Rendement  :  45  grammes  de  produit  tout  à  t'ait  pur 
et  15  grammes  de  substance  bouillant  de  140°  à  147°  et 
de  147°  à  150°  pour  90  grammes  de  tétrabromfluoréthane 
mis  en  œuvre. 

Un  dosage  de  carbone  et  d'hydrogène  a  fourni  les  don- 
nées suivantes  : 

1^.477  de  substance  ont  donné  0*r/*G-2G  CO*. 
soit  0?r,l26l6  C  ou  8  52  %    pas  d'eau 

Calculé  pour  C4Br3Fl.  Trouvé. 

C     8,47  •/.  8,5'2  % 

Il  se  produit  donc  élimination  d'acide  bromhydrique, 
avec  formation  de  tribromfluoréthylène. 

Le  tribromfluoréthylène  est  un  liquide  incolore,  ne 
s' altérant  pas  à  la  lumière,  d'une  odeur  camphrée.  Sa 
densité  est  de  2,0699  à  15°,  de  2,6659  a  20°.  Son  indice 
de  réfraction  est  égal  à  1,54821   à  20".  Il  bout  à  147°,2 


(  472  ) 

sans  décomposition.  J'ai  recherché  sa  densité  de  vapeur 
et  j'ai  trouvé  les  données  suivantes  : 


Poids 
de 

substance. 

Température. 

Pression 
en  millimètres 

de  Hg 
(réduite  à  0°). 

Volume 
observé. 

Densité 
déduite. 

Poids 
moléculaire 

0er,0852 

139°,8 

138,8 

87«<\4 

9,81 

283,2 

Le  poids  moléculaire  théorique  est  285,2. 

Le  tribromfluoréthylène  iixe  l'oxygène  de  l'air  en  se 
transformant  en  fluorure  acide,  comme  le  prouve  l'at- 
taque du  verre  quand  on  le  conserve  dans  des  flacons 
imparfaitement  bouchés. 

Il  se  forme  probablement  du  fluorure  de  tribromacé- 
tyle. 

Cependant  cette  transformation  se  produit  beaucoup 
moins  facilement  que  pour  le  dibromfluoréthylène. 

Le  tribromfluoréthylène  ne  se  polymérise  pas. 

Dissous  dans  le  tétrachlorure  de  carbone  ou  le  chlo- 
roforme, il  s'additionne  à  une  molécule  de  brome.  Cette 
réaction  ne  se  fait  pas  très  vivement  et  l'absorption  des 
dernières  portions  de  brome  a  lieu  très  lentement;  le 
liquide  reste  même  coloré  en  rouge.  En  évaporant  le 
dissolvant,  j'ai  obtenu  un  produit  cristallin,  que  j'ai  fait 
recristalliser  de  l'alcool  chaud,  dans  lequel  il  était  assez 
soluble.  A  froid,  au  contraire,  la  solubilité  était  beau- 
coup plus  faible,  ce  qui   permit  une  purification  facile. 


(  473  ) 
J'ai  recueilli  de  la  sorte  de  beaux  cristaux  eu  paillettes 
blanches,  nacrées,  dont  j'ai  l'ait  l'analyse. 

tgr  -2754  de  substance  ont  donné  0er,2G53  C()t, 
ou  0er,O7255  C  ou  5,67  °/0 

U',5835  de  substance  ont  donné  0er,3OI  C02, 
soit  0er,08209  C  ou  5,19%. 

Calculé  pour  CâBr5Fl.  Trouvé. 

5,42%  5,G7%-5,»9% 

Le  pentabromfluoréthane  est  un  corps  solide,  blanc, 
d'une  odeur  fortement  camphrée,  cristallisant  en  prismes. 
Il  est  peu  soluble  dans  l'alcool  froid,  plus  soluble  dans 
l'alcool  chaud,  très  soluble  dans  la  benzine,  le  chloro- 
forme et  l'éther.  11  commence  à  se  sublimer  vers 
120°  et  fond  à  176°  en  subissant  une  légère  décomposi- 
tion. Chauffé  plus  fort,  il  se  dédouble  complètement. 

Les  éthylènes  substitués  que  j'ai  préparés  sont  vive- 
ment attaqués  par  l'acide  nitrique  fumant.  Cette  réaction 
fera  l'objet  d'une  étude  ultérieure. 

J'ai  également  observé  que  le  tétrabromiluoréthane  est 
susceptible  d'être  fluorure  par  le  trifluorure  d'antimoine 
et  le  brome,  ce  qui  était  à  prévoir.  J'ai  obtenu  ainsi  un 
liquide  bouillant  à  146°  et  qui  pourra  être  le  point  de 
départ  d'une  nouvelle  série  de  dérivés  (luobromés. 

Avant  de  clôturer  cette  note,  je  voudrais  cependant 
faire  une  remarque  sur  les  points  d'ébullition  des  dérivés 
que  j'ai  obtenus.  Ces  points  d'ébullition  sont  en  général 
inférieurs  d'environ  70°  à  ceux  des  dérivés  bromes  cor- 


(  474  ) 

respondants,  comme  le  prouve  le  tableau  suivant,  donné 
pour  les  corps  dont  on  connaît  les  points  d'ébullition: 


DÉRIVÉ   BROME. 

a 

o 

t-  '-3 

Z    13 

DÉRIVÉ   FLUORÉ. 

ri 

0 

u 

X 

a.    _a 

a.    j3 

■0 

S 

CHBr4-  CHBr.,   .    . 

2350? 

CHBr  8  —  CHBrFl.    . 

174° 

! 

61°  ? 

CHBrt  —  CHBrFl.    . 

I74o 

CHBrj—  CHF1,    .    . 

107» 

67» 

CHBr  — CHBr.    .    . 

110» 

CHBr  — CHF1  .    .    . 

36° 

74° 

GHBr  —  CBrs  .    .    . 

163» 

CBrj-CHt'l    .    .    . 

91° 

72° 

(  «7S  ) 


CLASSE    IMS   II   IlitlH 


Séance  du  ta  mai  1897. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  directeur,  président  de 
l'Académie. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  F.  Vander  Haeghen,  vice-directeur  ; 
Alph.  Wauters,  P.  Willems,  S.  Bormans,  Ch.  Piot, 
Ch.  Potvin,  J.  Stecher,  T.-J.  Lamy,  Ch .  Loomans, 
G.  Tiberghien,L.  Vanderkindere,  Ad.  Prins,  J.  Vuylsteke, 
Ém.  Banning,  A.  Giron,  le  baron  J.  de  Chestret  de 
Hanefl'e,  Paul  Fredericq,  God.  Kurth,  Mesdach  de  ter 
Kiele,  H.  Denis,  G.  Monchamp,  membres;  A.  Rivier, 
J.  Vollgraff,  associés;  P.  Thomas,  V.  Brants,  Ch.  De  Smet 
et  Alph.  Willems,  correspondants. 

M.  le  comte  Goblet,  en  ouvrant  la  séance,  annonce  que 
le  duc  d'Aumale  est  décédé  inopinément,  le  6  de  ce  mois, 
dans  son  domaine  de  Zucco,  à  Montelepre  (Sicile). 

«  La  mort  du  duc  d'Aumale,  dit-il,  ne  frappe  pas  seule- 
ment la  Famille  royale  et  l'Institut  de  France,  elle  atteint 
aussi  l'Académie  royale  de  Belgique,  qui  s'honorait  de 
compter  parmi  les  associés  de  la  Classe  des  lettres  l'il- 
lustre auteur  de  V Histoire  des  princes  de  Condé. 

»  Aussi  est-ce  sous  l'impression  d'une  profonde  émotion 


(  4-76  ) 

que  l'Académie  vient  d'apprendre  le  douloureux  événe- 
ment qui  ravit  à  l'Institut  l'un  de  ses  membres  les  plus 


glorieux. 


La  Classe  charge  le  Bureau  d'écrire  à  l'Institut  combien 
elle  s'associe  d'esprit  et  de  cœur  aux  regrets  soulevés  par 
la  perte  du  grand  historien. 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
fait  connaître  que,  par  arrêté  royal  du  10  avril  181)7,  pris 
sur  la  décision  du  jury  qui  a  examiné  les  travaux  de  la 
troisième  période  du  Prix  quinquennal  des  sciences 
sociales,  le  prix  de  5,000  francs  est  décerné  à  M.  P.  De 
Paepe,  conseiller  à  la  Cour  de  cassation,  pour  son  ouvrage 
intitulé  :  Études  sur  lu  compétence  civile. 

-  M.  le  baron  Lambert,  président  de  la  Commission 
d'organisation  du  Congrès  international  colonial,  invite 
les  membres  de  l'Académie  à  s'intéresser  à  ce  Congrès. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  dont  les  titres  suivent  : 

1°  Bibliotheca  Belgica,  livraisons  157  à  141  ;  par 
F.  Vander  Haeghen  ; 

2°  Cartulaire  de  la  commune  d'Ancienne,  tome  II  ;  par 
Léon  Lahaye  ; 


(  477  ) 

5°  Dietsce  rime.  Geestelijke  gedichten  uit  de  XIIIe,  XIVe 
en  XV'eeutc;  par  K.  de  Gheldere  ; 

4°  Inventaire  analytique  et  chronologique  des  archives  de 
la  ville  de  Saint-Trond,  tome  VI,  1"  livraison;  par 
Fr.  Straven; 

*')"  Histoire  du  Conseil  provincial  de  Luxembourg; 

6°  Bulletin  de  Folklore,  1895,  tome  [J,  7e-8e  fascicules. 

—  Remerciements. 

—  M.  le  Ministre  de  la  Justice  envoie  un  exemplaire 
des  Coutumes  des  pays  et  comte  de  Flandre,  quartier  de 
Fumes,  tome  II. 

—  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Histoire  des  systèmes  économiques  et  socialistes, 
volume  Ier  :  Les  fondateurs;  par  Hector  Denis; 

2°  Quelques  mots  sur  André  Vésale,  ses  ascendants,  sa 
famille  et  sa  demeure  à  Rru.relles,  nommée  la  maison  de 
Vésale;  par  Alph.  Wauters; 

5°  The  Svastika,  the  earliesl  knoun  Symbol,  and  Us 
Migrations;  ivith  observations  on  the  migration  of  certain 
Industries  in  prehistoric  limes;  par  Thomas  Wilson,  à 
Washington  (présenté  par  M.  Goblet  d'Alviella  avec  une 
note  qui  ligure  ci-après); 

4°  Des  fresques  de  la  Leugemeele;  leur  découverte  en  ISi6; 
leur  authenticité;  par  J.  Van  Malderghem  (présenté  par 
M.  Alph.  Wauters); 

5°  Monasticon  belge,  tome  I",  2"  livraison;  par 
le  R.  P.  dom  l'rsmer  Berlière. 


(  478  ) 


NOTE    BIBLIOGUAPHIQUE. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie  une  publica- 
tion que  lui  offre  M.  Thomas  Wilson,  curateur  au  dépar- 
tement de  l'anthropologie  préhistorique  du  Musée  natio- 
nal de  Washington.  C'est  un  volume  renfermant  254  pages, 
ï>;>  planches  et  571  figures,  sur  la  croix  gammée  ou 
svastika  (1).  Il  résume  d'une  façon  très  complète  tout  ce 
qui  a  été  imprimé  jusqu'ici  sur  ce  signe  cosmopolite  que 
l'auteur  appelle  le  plus  ancien  symbole  connu;  il  ren- 
ferme en  outre  des  renseignements  nouveaux  très  inté- 
ressants sur  la  présence  et  la  diffusion  de  la  croix 
gammée  parmi  les  populations  aborigènes  du  Nouveau- 
Monde. 

Il  y  a  surtout  deux  problèmes  qui  se  posent  à  propos 
de  la  croix  gammée  :  l'un  est  relatif  à  son  origine,  l'autre 
à  sa  signification.  M.  Thomas  Wilson  reproduit  le  tableau 
que  j'ai  publié,  en  18«Xi),  dans  les  Bulletins  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  sur  les  migrations  de  la  croix  gammée 
et  il  ne  semble  pas  éloigné  d'admettre  mes  conclusions 
qui  placent  dans  la  vallée  du  Danube  le  point  de  départ 
de  ce  symbole,  pendant  le  premier  âge  du  fer,  vers  le 
XIIIe  siècle  avant  notre  ère.  Il  est  même  plus  affîrmatif 
que  je  ne  l'ai  été,  lorsqu'il  proclame  sans  hésitation  l'iden- 
tité d'origine  des  croix  gammées  dans  l'ancien  et  le  nou- 
veau continent.  A  l'entendre,  la  croix  ordinaire  est  un 


(ii  The  Svastika,  the  car lies  l  known  Symbol,  andits  Migrations  ;with 
observations  on  the  migration  of  certain  Industries  in  prehistoric  Urnes. 
Washington  Government  printing  Office,  189G. 


(  479 

signe  si  simple  et  si  naturel  qu'il  a  pu  naître  partout 
spontanément,  alors  que  la  croix  gammée  est  un  symbole 
trop  complexe  pour  qu'on  puisse  lui  attribuer  plus  d'un 
berceau. 

Cette  conclusion  me  parait  trop  absolue.  Si  je  me  suis 
prononcé  pour  la  commune  origine  <le  la  croix  gammée 
en  Europe  et  en  Asie,  c'est  que  partout,  en  dehors  même 
de  l'identité  de  forme,  elle  y  comporte  le  même  usage  et 
la  même  signification.  Chez  tous  les  peuples  anciens,  nous 
la  voyons,  en  effet,  utilisée  comme  amulette  et  générale- 
ment employée  à  rendre  l'idée  du  mouvement  solaire 
ou  astronomique. 

De  ces  deux  emplois  primordiaux  du  signe,  M.  Wilson 
n'admet  que  le  premier;  il  conteste  le  second,  comme  il 
conteste  du  reste  toutes  les  autres  significations  origi- 
naires qu'on  a  essayé  d'attribuer  à  la  croix  gammée.  Il 
me  prend  personnellement  quelque  peu  à  partie  pour  Fin- 
suffisance  de  mes  preuves.  Je  reconnais  que  dans  quelques 
cas,  pour  retrouver  le  sens  symbolique  de  la  croix 
gammée,  j'ai  dû  me  contenter  d'analogies  et  de  présomp- 
tions. Mais  il  y  a  plusieurs  pays  où  la  signification  résulte 
de  preuves  indéniables,  et  alors  c'est  toujours  d'un  phé- 
nomène solaire  ou  astronomique  qu'il  s'agit,  notamment 
dans  l'Inde  et  la  Grèce  antique. 

Le  savant  curateur  du  Musée  de  Washington  nous  l'ait 
connaître  lui-même  un  nouvel  exemple  du  même  cas.  Il 
s'agit  de  la  Chine  où,  d'après  les  renseignements  que 
lui  a  tournis  un  lettré  chinois,  le  signe  employé  à  figurer 
le  soleil  parmi  les  caractères  dont  la  tradition  attribue 
l'origine  à  l'impératrice  Wu,  est  une  croix  gammée 
inscrite  au  centre  d'un  large  cercle.  Il  nous  fournit  égale- 
ment un  exemple  —  que  j'avais  vainement  cherché  dans 


(  480  ) 

l'archéologie  américaine  —  de  l'association  entre  la  croix 
gammée  et  la  roue  ou  le  disque,  ces  images  universelles 
du  soleil.  C'est  un  fragment  de  dalle  trouvé  dans  les 
ruines  d'une  vieille  cité  maya  de  l'Amérique  centrale,  où 
la  croix  gammée  se  trouve  sculptée  à  côté  d'une  roue, 
absolument  comme  dans  certaines  cavernes  bouddhiques, 
sur  des  fuséoles  troyennes  et  sur  des  autels  gaulois. 

CiOBLET  d'  Al  niella. 


RÉSULTATS  DES  CONCOURS  POUR  181)7. 
Concours  annuel  de  la  Classe, 

DEUXIÈME    QUESTION. 

On  demande  une  étude,  d'après  les  découvertes  des 
dernières  années,  sur  les  croyances  et  les  cultes  de  l'Ile  de 
Crète  dans  l'antiquité. 

ttafipot'l    tir   .fi.    #..    I  ntêilftliiiulftf.    i>ffiièicf    romiHMiiiiiVi 

ce  L'examen  du  mémoire  sur  Les  croyances  et  les  cultes 
de  l'île  de  Crète,  pour  lequel  la  Classe  m'a  l'ait  l'honneur 
de  me  nommer  commissaire,  présente  de  réelles  dilïî- 
cultés.  Il  faudrait,  pour  être  tout  à  fait  compétent, 
connaître  non  seulement  les  religions  de  la  Grèce,  mais 
encore  celles  des  peuples  sémitiques,  car  la  Crète  a  été, 
dès  les  temps  les  plus  anciens,  comme  une  terre  de 
transition  entre  l'Orient  et  l'Europe,  et  d'ailleurs  la  ten- 
dance actuelle  de  l'étude  des  religions  est  de  donner  des 


(  484  ) 
origines  phéniciennes  même  aux  mythes  qui  ont  été 
considérés  jusqu'ici  comme  l«'  plus  franchement  helléni- 
ques. Peut-être  ce  mouvement  d'idées  a-t-il  pris  une 
fâcheuse  exagération;  mais  il  fallait  s'y  attendre.  Il  y  a  un 
demi-siècle,  c'était  une  thèse  en  faveur  de  représenter  les 
Grecs  comme  autodidactes;  on  se  plaisait  alors  à  soutenir 
qu'ils  n'avaient  rien  emprunté  aux  autres  peuples;  dans 
l'art,  la  philosophie,  la  politique,  la  religion,  on  reven- 
diquait pour  eux  une  originalité  sans  mélange.  Les 
découvertes  de  l'archéologie  ont  rudement  Ébranlé  tes 
assertions,  et  il  ne  semble  plus  trop  hardi  d'enseigner 
aujourd'hui  que  si  les  Hellènes  diffèrent  si  profondément 
des  Romains,  s'ils  ont  des  aptitudes  que  n'ont  jamais 
montrées  ces  derniers,  ils  les  doivent  peut-être  en  partie 
aux  influences  de  leurs  voisins  non  ariens  de  la  Méditer- 
ranée orientale. 

Dans  le  domaine  religieux,  on  tente  la  même  démons- 
tration; mais  il  me  semble  qu'on  dépasse  le  but;  pour 
quelques  faits  authentiques,  combien  d'hypothèses  aven- 
tureuses, et  combien  de  fois  n'imagine-t-on  pas  des  éty- 
mologies  à  la  légère  pour  retrouver  sous  les  figures  de 
l'Olympe  hellénique  des  prototypes  phéniciens! 

L'auteur  du  mémoire  que  j'ai  sous  les  yeux  s'est  laissé 
entraîner  très  loin  dans  cette  direction  ;  le  livre  de  Lewy, 
Die  semitischen  Fremdwôrter  im  Griechischen,  parait  avoir 
exercé  sur  lui  une  grande  influence.  Il  n'a  pas  connu 
cependant  celui  de  M.  Victor  Bérard,  non  plus  que  l'ou- 
vrage anglais  du  professeur  Robertson  Smith  :  Religion  of 
the  Semits,  dont  il  est  difficile  de  se  passer  aujourd'hui 
pour  l'étude  d'un  tel  sujet. 

Le  travail  qui  nous  est  soumis  dénote  d'ailleurs  des 
recherches  approfondies  et  une  connaissance  sérieuse  des 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  52 


(  482  ) 

sources.  Pour  ce  qui  concerne  l'antiquité,  il  n'a,  ce 
me  semble,  rien  négligé  ;  il  s'oriente  parfaitement  dans 
la  science  allemande;  en  revanche,  les  livres  anglais  ne 
sont  guère  mentionnés,  notamment  les  précieux  volumes 
de  Farnell,  The  cuits  of  the  Greek  States. 

Après  une  introduction  traitant  de  la  géographie  et  de 
l'ethnographie  de  l'île  de  Crète,  railleur  consacre  un 
long  chapitre  aux  divinités  sémitiques  (pp.  30  à  140)  et 
un  second  chapitre  aux  divinités  helléniques  (pp.  141  à 
285).  Il  passe  en  revue,  avec  une  méthode  assez  sévère, 
les  diverses  personnalités  mythiques  que  les  écrivains 
anciens,  les  inscriptions,  les  monuments  figurés  nous 
révèlent,  et  il  cherche  à  définir  leur  caractère  et  leur  rôle. 

Ce  qui  fait  défaut,  ce  sont  les  vues  d'ensemble.  Tout  le 
mémoire  n'est  qu'une  minutieuse  analyse,  dans  laquelle 
on  demande  en  vain  un  fil  conducteur.  11  eût  été  impor- 
tant, tout  d'abord,  de  bien  faire  comprendre  en  quoi  les 
religions  sémitiques  différaient  de  celles  des  Hellènes 
ariens  ;_  l'auteur  ne  semble  pas  s'en  être  préoccupé,  et 
maintes  fois  il  attribue  aux  Phéniciens,  non  seulement  une 
figure  divine,  une  appellation,  un  détail  du  culte,  mais 
encore  le  mythe  dans  sa  floraison  la  plus  touffue..  Or,  je 
crains  que  ce  ne  soit  là  une  erreur  fondamentale.  Les 
savants  qui  se  sont  occupés  avec  le  plus  de  compétence 
des  religions  sémitiques,  comme  Tliiele,  Edouard  Meyer, 
Pietschmann,  Renan,  Roberlson  Smith,  font  tous  ressortir 
leur  simplicité  relative,  je  dirais  presque  leur  nudité.  Les 
Phéniciens  adorent  les  formes  mystérieuses,  particulière- 
ment celles  qui  sont  redoutables,  sombres,  menaçantes: 
ils  se  préoccupent  de  les  apaiser;  mais  ils  n'ont  rien  de  la 
brillante  fantaisie  des  Grecs,  ils  ne  transforment  pas  leurs 


185  ; 

dieux  en  créatures  vivantes  el  d'oui  pas  souci  de  raconter 
leur  histoire,  leurs  aventures  analogues  à  celles  des 
humains.  Ces  créations  n'ont  aucune  individualité;  elles 
demeurenl  vagues,  el  sons  leurs  noms  divers  on  retrouve 
partout  la  même  force.  C'est  à  l'astre  solaire  que  les 
Sémites  primitifs  paraissent  avoir  songé  toujours  :  ils 
craignaient  l'ardeur  de  ses  rayons  qui  brûlaient  les  hérites 
indispensables  à  leurs  troupeaux,  et  s'ils  le  représentent 
parfois  sous  la  forme  mâle,  comme  le  puissant  Baal,  par- 
fois comme  divinité  femelle,  ou  encore  comme  la  triade  du 
père,  de  la  mère  et  du  iils,  au  fond  c'est  toujours  le 
même  principe:  M.  Renan  s'est  peut-être  trompé  en  les 
dépeignant  comme  monothéistes  par  essence,  mais  Thiele 
n'a  pas  eu  tort  de  les  appeler  motioldtres.  Quelle  diffé- 
rence avec  la  joyeuse  fécondité  des  Hellènes,  qui  ont  dis- 
tingué dans  la  nature  mille  phénomènes  auxquels  se  rat- 
tachent la  vie  et  la  pensée  des  hommes,  et  qui  à  chacun 
de  ces  phénomènes  ont  su  donner  le  support  d'une  per- 
sonnalité nettement  caractérisée. 

On  aurait  aimé  à  retrouver  dans  le  mémoire  quelque 
reflet  de  ces  considérations  générales.  Mais,  à  dire  vrai, 
le  monde  hellénique  y  apparaît  comme  noyé  dans  le 
monde  sémitique,  et  la  grande  île  qui  a  vu  se  développer 
avec  tant  d'ampleur  des  institutions  doriennes,  qui  nous 
a  conservé  des  lois  aussi  essentiellement  grecques  que 
celles  de  Gortyne,  ne  s'y  montre  guère  que  comme  une 
annexe  de  la  Phénicie.  Ce  n'est  pas  seulement  Aphrodite, 
Héraclès,  c'est  Zeus  lui-même,  Artémis,  Athéna,  combien 
d'autres!  qui  ont  emprunté  un  masque  sémitique,  et  tou- 
jours c'est  le  soleil  et  c'est  la  lune  qui  doivent  fournir 
l'interprétation  mythique.  Voici,  par  exemple,  Britomartis, 


(  4-84  ) 

une  figure  originale  de  la  religion  Cretoise.  Pour  l'auteur, 
c'est  encore  une  divinité  lunaire  sémitique.  M.  Farnell 
me  semble  avoir  montré  parfaitement  qu'elle  a  plutôt 
des  origines  phrygiennes,  et  qu'elle  est,  comme  Artémis 
elle-même  d'ailleurs,  une  déesse  de  la  végétation,  de  la 
sève  vivace,  des  forces  de  la  nature  dans  leur  épanche- 
ment  fécond. 

Je  ne  voudrais  pas  cependant  faire  à  l'auteur  un  procès 
de  tendance.  Il  a  étudié  consciencieusement  son  sujet,  et 
s'il  arrive  à  des  conclusions  qui  ne  me  plaisent  pas  entiè- 
rement, il  peut  répondre  qu'elles  sont  plus  fondées  que 
mes  critiques. 

Mais  ce  que  je  dois  lui  reprocher,  c'est  la  négligence 
et  la  pauvreté  de  la  forme;  les  mêmes  expressions  se  ré- 
pèlent plusieurs  fois  sur  la  même  page  avec  une  mono- 
tonie désolante  ;  des  membres  de  phrase  entiers  se  retrou- 
vent identiques  à  divers  passages,  et  si  le  mémoire  n'est 
qu'une  perpétuelle  analyse,  le  style  a  le  même  caractère; 
il  procède  par  courtes  propositions  que  ne  relie  aucun 
enchaînement.  Ce  défaut  de  rédaction  et  de  composition 
rend  la  lecture  pénible,  ou  tout  au  moins  peu  intéres- 
sante, et  il  ne  me  semble  pas  vraiment  que  dans  ces 
conditions  la  Classe  puisse  couronner  le  travail  qui  lui  est 
soumis. 

Toutefois,  comme  il  présente  de  réelles  qualités  d'éru- 
dition, je  n'irai  pas  jusqu'à  le  repousser  absolument. 
Nous  avons  décidé,  avec  raison,  je  pense,  de  ne  plus 
accorder  de  prix  à  une  œuvre  qui  ne  soit  pas  complète- 
ment achevée  et  prête  pour  l'impression;  je  suis  donc 
obligé  de  conclure  à  la  prorogation  du  concours.  » 


(  *M  ) 

rtti/i/nx  t   tir    n.     Êl/ih.    llifffiiM,  tli-H.rn-im-   cottmtiuair*. 

«  J'éprouve  quelque  embarras  ii  contester  les  conclu- 
sions de  l'excellent  rapport  que  vous  venez  d'entendre. 
Je  n'ai  garde  de  méconnaître  le  bien-fondé  des  critiques 
qu'il  renferme.  L'auteur  du  mémoire  sur  Les  croyances  et 

les  cultes  de  l'ile  de  Crète  eût  mieux  fait,  je  suis  tout  dispos»'' 
à  eu  convenir,  de  suivre  le  plan  tracé  par  l'éminenl  rap- 
porteur, d'élargir  quelque  peu  son  horizon  et  de  ne  point 
s'en  tenir  exclusivement  à  la  Crète.  Les  vues  d'ensemble 
l'ont  défaut,  et  c'est  évidemment  une  lacune.  Mais,  quoi 
qu'il  en  soit,  j'avoue  que  j'ai  été  surtout  frappé  du  savoir 
très  étendu  et  du  talent  très  réel  dont  ce  travail  fait  foi. 
Non  que  je  partage  en  toutes  choses  la  manière  de  voir 
de  l'auteur.  Sur  un  point  surtout,  je  tiens  à  exprimer  de 
formelles  réserves.  La  part  qu'il  fait  à  l'élément  sémi- 
tique est  très  exagérée,  et  c'est  à  mes  yeux  un  tort  fon- 
damental. Si,  comme  il  le  donne  à  entendre,  Cronos  et 
Zeus,  Hêra  et  Athèné,  Cypris,  Poséidon,  Héraclès  et  tant 
d'autres  ont  emprunté  leurs  traits  essentiels  aux  dieux 
phéniciens,  en  quoi  donc  consistaient  les  croyances  pri- 
mitives des  Grecs?  Sans  doute  en  de  simples  abstractions, 
en  de  purs  symboles,  vagues,  flottants,  sans  formes  arrê- 
tées, sans  existence  individuelle,  et  ces  symboles  n'au- 
raient pris  corps  et  ne  seraient  devenus  des  êtres  vivants, 
que  sous  l'action  de  l'esprit  sémitique.  De  sorte  que  la 
race  la  plus  richement  douée  et  la  plus  créatrice  qui  fut 
jamais,  celle  qui  à  elle  seule  inventa  plus  de  légendes 
que  tous  les  Aryens  réunis,  aurait  emprunté  ses  croyances, 
dans  ce  qu'elles  ont  de  typique,  à  des  étrangers  sans 
imagination  et  sans  idéal,  et  qu'elle  tint  de  tout  temps 
pour  des  barbares! 


(  48H  ) 

Je  crains  que  l'auteur  n'ait  cédé  à  une  pure  illusion. 
Les  conceptions  religieuses,  prises  à  leur  origine,  peuvent 
toujours  se  ramener  à  quelques  principes  fort  simples. 
Chez  les  Phéniciens  comme  chez  les  Grecs,  les  dieux  ne 
sont  en  dernière  analyse  que  des  personnifications  des 
puissances  de  la  nature.  Certains  phénomènes  naturels, 
favorables  ou  nuisibles,  mais  toujours  les  mêmes,  le 
soleil  et  la  lune,  l'été  et  l'hiver,  l'aurore  et  le  crépuscule, 
leur  ont  donné  naissance.  Que  des  phénomènes  iden- 
tiques aient  servi  de  support  à  des  mythes  analogues, 
quoi  de  plus  naturel?  Et  si  des  races  d'origine  très 
diverse  possèdent  ces  mythes,  est-on  en  droit  de  con- 
clure qu'elles  se  les  soient  mutuellement  empruntés?  Cer- 
tainement pas.  Les  unes  comme  les  autres  ont  subi  la  loi 
qui  préside  partout  aux  créations  religieuses. 

Mais  ce  fonds  premier  de  croyances  suggéré  par  les 
forces  naturelles,  chaque  peuple  l'a  développé  suivant 
son  génie  propre.  Et  c'est  ici  qu'apparaît  la  profonde 
originalité  des  Grecs.  Car  non  seulement  les  dieux  de 
l'Orient  n'ont  pas  créé  les  dieux  hellènes,  mais  on 
démontrerait  sans  peine  qu'ils  n'ont  pas  même  eu  sur 
eux  une  influence  décisive.  Quand,  riches  de  leur  propre 
fonds,  les  populations  helléniques,  jeunes,  actives,  exu- 
bérantes d'imagination  et  de  vie,  se  trouvèrent  en  contact 
avec  les  vieilles  civilisations  de  l'Asie  et  de  l'Afrique,  loin 
de  se  mettre  à  leur  école,  elles  eurent  tôt  fait  d'absorber 
tout  ce  qui  pouvait  rentrer  dans  le  cadre  de  leurs  idées  et 
de  leurs  croyances;  les  divinités  rudimentaires  des  bar- 
bares et  les  mythes  assez  pauvres  auxquels  elles  avaient 
donné  lieu,  elles  les  adoptèrent,  mais  en  les  dépouillant  de 
leur  caractère  national,  en  les  transfigurant,  en  les 
recréant  à  leur  image,  si  bien  qu'il  a  fallu  toute  la  saga- 


(  487  ) 

cité  de  l'érudition  contemporaine  pour  en  retrouver  les 
linéaments  primitifs. 
Gardons-nous  de  confondre  le  corps  avec  le  squelette. 

A  éliminer  dans  les  choses  humaines  ce  qui  l'ait  la  variété 
et  la  vie,  nous  risquerions  de  méconnaître  partout  l'ori- 
ginalité. Pour  emprunter  un  exemple  à  un  livre  récent, 
on  pourrait  tout  aussi  bien  démontrer  l'action  décisive  de 
la  danse  grecque  sur  les  danses  modernes.  Car,  en  par- 
tant du  principe  que  les  pas  et  les  temps  sont  forcément 
les  mêmes  en  tout  temps  et  en  tous  lieux,  M.  Maurice 
Emmanuel  a  réussi  à  prouver  l'analogie  profonde  qui 
existe  entre  nos  pas  de  danse  et  ceux  des  Grecs.  S'il  avait 
procédé  comme  l'ont  certains  mythographes,  il  eût  été 
tout  aussi  fondé  à  prétendre  que  sans  les  Grecs  les  danses 
modernes  n'existeraient  pas  ou  seraient  essentiellement 
différentes. 

Le  principal  théâtre  de  la  fusion  des  mythes  grecs  et 
sémitiques  fut  la  Crète,  et  c'est  ce  qui  fait  l'intérêt  du 
mémoire  qui  vous  est  soumis.  Je  ne  pense  pas  qu'on 
puisse  faire  un  grief  à  l'auteur  du  point  de  vue  où  il  s'est 
placé.  Les  belles  découvertes  de  ce  siècle  écoulé,  dans  le 
domaine  de  l'archéologie  orientale,  ont  créé  un  puissant 
courant  d'idées  dans  ce  sens.  L'auteur  n'est  pas  le  pre- 
mier qui  ail  tenté  de  faire  de  la  Grèce  comme  une  pro- 
vince de  l'Asie.  Il  est  utile,  il  est  même  souhaitable  que 
cette  thèse  soit  défendue.  Je  crois,  pour  ma  part,  qu'en 
religion  comme  en  art,  quand  on  aura  fait  le  départ  de 
ce  qui  appartient  en  propre  à  l'Orient,  l'originalité  des 
Grecs  apparaîtra  plus  puissante  que  jamais. 

En  tous  cas  le  travail  dont  vous  avez  bien  voulu  me 
charger  de  vous  rendre  compte,  témoigne  d'une  érudition 
très  solide  et  très  sûre.  Si  l'auteur  a  cru  que  le  caractère 


(  488  ) 

tout  spécial  de  son  sujet  le  dispensait  d'entrer  dans  des 
considérations  générales,  du  moins  le  détail  est-il  partout 
précis  et  exact.  Tous  les  documents  fournis  par  les  textes, 
très  minutieusement  épluchés,  par  l'épigraphie  et  par  les 
monuments  figurés,  ont  été  mis  à  contribution.  De  sorte 
que  ce  n'est  pas  trop  de  dire  que  nous  avons  là  une  ency- 
clopédie complète  de  la  mythologie  Cretoise.  On  peut 
regretter  avec  M.  Vanderkindere  que  l'auteur  n'ait  pas 
eu  connaissance  du  livre  de  M.  Farnell  sur  les  cultes  des 
fctats  grecs.  Mais  ce  livre,  dont  il  reste,  je  crois,  un 
volume  à  paraître,  n'a  vu  le  jour  que  dans  la  seconde 
moitié  de  l'an  dernier,  et  il  se  peut  qu'à  celte  époque  le 
mémoire  fût  déjà  terminé. 

Quant  aux  négligences  de  rédaction  et  à  la  répétition, 
choquante  en  effet,  de  certaines  formules,  il  serait  aisé, 
ce  me  semble,  de  les  faire  disparaître  avant  l'impression. 

Sous  ces  réserves,  le  mémoire  sur  Les  croyances  et  les 
cultes  de  l'Ue  de  Crète  me  paraît  digue  d'être  couronné 
par  la  Classe  des  lettres.  » 


Rapport  do  .Vf.    le   couèto   «loblel  rf' Aleinlla, 
tt'oittiôtnf   vo»tft»i**nit'P. 

Le  rôle  du  troisième  commissaire,  assez  facile  à  rem- 
plir quand  il  s'agit  simplement  de  souscrire  à  l'avis 
unanime  de  ses  deux  prédécesseurs,  devient  quelque  peu 
embarrassant  quand  il  faut  se  prononcer  entre  les  conclu- 
sions divergentes  de  deux  membres  aussi  compétents 
que  mes  savants  confrères  MM.  L.  Vanderkindere  et 
Alpb.  Willems.  Heureusement  leurs  rapports  ont  une 
partie  commune,  et,  après  une  lecture  attentive  du 
manuscrit  soumis  au  jury,  je  crois  qu'il  serait  difficile 
de  ne  pas  se  rallier  aux  passages  où  ils  s'accordent  pour 


(  489  ) 

faire  ressortir  d'une  pari  les  recherches  consciencieuses, 
l'esprit  d'analyse  et  les  qualités  d'érudition  qui  distin- 
guent le  mémoire,  d'autre  part  les  lacunes  ducs  à  l'omis- 
sion de  toute  vue  d'ensemble,  ainsi  qu'à  l'ignorance  «le 
sources  désormais  indispensables,  comme  les  ouvrages  de 
Robertson  Smith  et  de  Farnell. 

L'auteur  possède  l'avantage  assez  rare  d'être  également 
verse  dans  la  connaissance  des  antiquités  grecques  et  des 
langues  sémitiques,  au  moins  d'une  façon  suffisante  pour 
traiter  de  première  main  les  principaux  problèmes  qui 
se  rattachent  à  son  travail.  On  ne  peut  s'étonner  dès  lors 
si,  par  réaction  contre  les  tendances  exclusives  des  hellé- 
nistes de  l'école  classique,  il  fait  un  peu  pencher  la  balance 
en  faveur  des  religions  de  l'Asie.  Il  ne  nie  pas,  du  reste, 
—  comme  on  pourrait  le  croire  à  prendre  trop  à  la  lettre 
les  observations  d'un  de  mes  savants  confrères,  —  que 
les  divinités  helléniques  ne  soient  le  produit  d'un  déve- 
loppement religieux  propre  à  la  Grèce.  Il  se  borne  à  sou- 
tenir —  ce  qui  est  incontestable  —  que  les  dieux  grecs  et 
surtout  leurs  mythes  se  sont  plus  ou  moins  modifiés  au 
contact  des  croyances  sémitiques  et  que  ces  modifications 
sont  particulièrement  nombreuses  dans  les  cultes  de  la 
Crète.  Le  reproche  que  je  lui  adresserai,  c'est  moins 
d'avoir  fait  une  grande  part  aux  influences  sémitiques 
que  d'avoir  trop  laissé  dans  l'ombre  l'apport  des  autres 
religions  exotiques,  notamment  celles  de  la  IMirvgie  et 
de  l'Egypte. 

Tout  ce  qui  a  trait  aux  mythes,  sinon  au  culte  de  Rhéa, 
à  Dionysos,  aux  Curetés,  aux  Dactyles,  aux  Corv- 
bantes,  etc.,  atteste  bien  l'influence  de  cette  mythologie 
phrygienne  que  l'auteur  laisse  un  peu  à  l'arrière-plan 
ou  qu'il  nous  présente  trop  souvent  comme  un  reflet  des 
traditions  sémitiques.  De  même,  quand  il  mentionne  (pie 


(  490  ) 

le  tombeau  de  Zeus  dans  l'île  de  Crète  avait  son  pendant 
dans  le  tombeau  de  Bel  à  Babylone,  il  aurait  bien  pu 
rappeler   le  tombeau  d'Osiris  dans  des  parages  moins 
éloignés.  Au  lieu  de  chercher  en  Pbénicie   les  origines 
du  rite  qui  représentait  Zeus  Zagreus  mis  en  pièces  et 
dévoré  par  les  Titans,  à  l'exception  du  cœur,  il  aurait 
pu  se  demander  s'il  n'y  avait  pas  là  un  écho  de  la  destinée 
d'Osiris   mis  à  mort   et  dépecé  par  Typhon.   Pourquoi 
allirme-t-il    d'une  façon  aussi  nette,  contrairement  aux 
apparences   et   même   aux    témoignages    des   écrivains 
antiques,  que  Zeus  Ammon  procédait  du  Baal  Hamman 
vénéré  à  Tyr  et  non  de  l'Amoun-Ra  installé  dans  l'oasis 
libyenne  dès  le  VIIe  siècle  avant  notre  ère,  à  l'époque  où 
se  fondait,  sur  le  rivage  voisin,  la  colonie  grecque  de 
Cyrène?  Enfin  l'Astarté  phénicienne,  au  temps  où  elle 
put    influencer    la   conception   hellénique   des    déesses 
lunaires,  n'avait-elle  pas  déjà  opéré  des  échanges  d'attri- 
buts, de  symboles,  peut-être  de  mytbes,  avec  les  Isis  et  les 
Hathor  sorties  de  la  vallée  du  Nil?  L'auteur  ne  semble 
pas  même  avoir  bien  compris  la  double  face  de  la  grande 
déesse  sémitique.  Si  j'ai  saisi  sa  manière  de  voir,  c'est 
seulement  après  s'être  confondue  avec  l'Aphrodite  grecque 
qu'Astarté  serait  devenue  la  déesse  de  l'amour.  Partout 
cependant,  dans  le  monde  sémitique,  cbez  les  Babylo- 
niens aussi  bien  que  chez  les  Cananéens,  nous  la  voyons 
apparaître  avec   le  double  caractère,   tantôt  de  déesse 
vierge  et  guerrière,  tantôt  de  déesse  amoureuse  et  féconde. 
Les  procédés  mythologiques  de  l'auteur  sont  un  peu 
vieillis  et  d'une  simplicité  qui  ne  répond  pas  à  la  réalité. 
Je  comprends  et  je  partage  l'impatience  de  mes  savants 
confrères,  quand  nous  le  voyons  retrouver  exclusivement 
le  soleil   et   la  lune  dans  toutes  les  divinités  mâles  et 
femelles   du    panthéon  sémitique.   Sa   clef  des   mythes 


(  M)i  ) 
devient  ainsi  un  passe-.partout  aii(}uel  nulle  serrure  ne 
résiste.  Je  n'entends  pas  lui  faire  un  grief  de  chercher 
dans  la  liera  hellénique  et  l'Athèné  Cretoise  des  divi- 
nités originairement  lunaires;  dans  Ares  un  dieu  solaire; 
dans  Eros  un  dieu  de  la  guerre;  dans  Kronos,  suivant 
les  besoins  de  la  cause,  tantôt  le  soleil  vivifiant,  tantôt  le 
soleil  destructeur,  tantôt  enfin  le  soleil  couché  ou  souter- 
rain. Mais  il  ferait  bien  de  ne  pas  nous  laisser  ignorer 
que  ces  interprétations  sont  fort  controversées  et  ne 
peuvent  guère  figurer  qu'à  titre  d'hypothèses. 

Un  chapitre  est  consacré  au  culte  des  héros.  Mais 
l'auteur  ne  nous  dit  rien  du  culte  des  morts,  qui  serait 
intéressant  à  étudier  sur  un  territoire  où  les  pratiques 
funéraires  des  Grecs  se  sont  rencontrées  avec  celles  des 
Phéniciens.  Il  ne  nous  dit  rien  des  fouilles  qui  ont  mis  à 
jour,  dans  le  territoire  de  l'ancienne  Gortyne,  des  tombes 
qui  remontent  jusqu'à  l'époque  mycénienne  et  qui  ont 
livré  ces  vases-ossuaires  en  forme  de  cuve, sans  analogues 
ailleurs.  A  vrai  dire,  il  ne  nous  parle  pas  davantage  des 
fouilles  qui  ont  été  pratiquées  aux  abords  du  sanctuaire 
de  Zeus  sur  l'Ida,  ainsi  qu'en  d'autres  points  encore  de 
l'île.  Sans  doute,  les  résultats  de  ces  explorations  ne  sont 
pas  jusqu'ici  fort  importants,  mais  il  n'est  pas  possible 
de  les  passer  sous  silence  dans  un  travail  complet  sur 
les  cultes  de  la  Crète,  et  l'auteur  se  montre  trop  au 
courant  de  la  numismatique  Cretoise  pour  qu'il  ait  le 
droit  de  négliger  le  concours  de  l'archéologie.  Il  ferait 
bien  de  parcourir  à  cet  égard  les  collections  de  la  Revue 
archéologique  et  peut-être  aussi  de  la  Revue  des  éludes 
grecques. 

Je  ne  voudrais  pas  que  ces  critiques  donnassent  le  change 
sur  mon  appréciation  des  qualités  sérieuses  par  lesquelles 
se  recommande  le  manuscrit  soumis  au  jury.  Si  nous 


(  492  ) 

pouvions  le  recevoir  à  correction,  je  n'hésiterais  pas  à  me 
rallier  aux  conclusions  de  M.  Alphonse  Willems.  Mais  je 
crois  que  la  Classe  atteindrait  plus  sûrement  le  même 
résultat  en  se  rangeant  à  l'avis  de  son  premier  commis- 
saire, M.  Léon  Yanderkindere,  c'est-à-dire  en  prorogeant 
le  concours  d'une  année  et  en  engageant,  par  la  publi- 
cation des  présents  rapports,  l'auteur  à  reprendre  son 
manuscrit  pour  le  compléter.  Ce  procédé  nous  a  permis 
tout  récemment  de  remplacer  un  autre  travail,  rempli 
d'excellents  éléments,  mais  hâtif  et  incomplet,  par  une 
œuvre  de  valeur  qui  fera  honneur  à  la  fois,  comme  nous 
l'avions  prévu,  à  l'auteur  et  à  l'Académie.  Je  suis  con- 
vaincu que  nous  pourrons  en  dire  autant  du  présent 
mémoire,  si  l'auteur  veut  en  revoir  les  conclusions  et  en 
combler  les  lacunes,  après  avoir  pris  connaissance  des 
ouvrages  que  lui  signalent  les  deux  premiers  rapporteurs. 
Il  devrait  aussi  y  ajouter,  comme  introduction,  une  vue 
d'ensemble,  où  il  examinerait  d'une  façon  plus  générale 
les  rapports  entre  les  croyances  de  la  Grèce  et  les  reli- 
gions étrangères  avec  lesquelles  ces  croyances  se  sont 
trouvées  en  contact  sur  le  sol  de  la  Crète.  Il  y  a  là  une 
question  de  méthode  à  vider  tout  d'abord.  Je  l'engage 
fort,  à  cet  égard,  à  s'inspirer  des  sages  conseils  que 
donne  M.  C.-P.  Tiele  dans  son  mémoire  :  Comment  dis- 
tinguer les  éléments  exotiques  de  la  mythologie  grecque, 
publié  dans  le  second  volume  de  la  Revue  de  l'histoire  des 
religions. 

La  Classe  remet  la  question  au  concours  dont  le  délai 
pour  la  remise  des  manuscrits  expirera  le  Ier  novembre 
prochain. 


493 


CINQUIEME   QUESTION. 


Quel  est  le  fondement  du  droit  de  propriété  individuelle? 
La  suppression  de  ce  droit  sentit-elle  compatible  avec  l'exis- 
tence d'un  État  régulièrement  organisé  et  arec  le  développe- 
ment de  la  richesse  publique? 

L'auteur  analysera  et  discutera  les  principales  théories 
socialistes  et  collectivistes  modernes. 

«  Diverses  productions,  au  nombre  de  cinq,  ont  répondu 
à  l'appel  de  l'Académie,  qui  avait  pour  objet  cette  triple 
proposition,  à  savoir  : 

4°  Quel  est  le  fondement  du  droit  de  propriété  indi- 
viduelle? 

2°  La  suppression  de  ce  droit  est-elle  compatible  avec 
l'existence  d'un  Etat  régulièrement  organisé  et  avec  le 
développement  de  la  richesse  publique? 

3°  Analyser  et  discuter  les  principales  théories  socia- 
listes et  collectivistes  modernes. 

I. 

Notre  examen  porte  en  premier  lieu  sur  un  travail 
assez  développé,  d'environ  trois  cents  pages  de  texte 
imprimé,  petit  format,  sous  la  devise  : 

Le  défaut  d'unité  est  le  signal  de  la  mort;  il  est  également 
le  signal  de  l'erreur. 

Et  la  première  conjecture  à  en  tirer  a  été  pour  nous 
l'espoir  que  cette  unité  si  désirable  en  toute  discussion 
scientifique  ne  ferait  défaut  ni  dans  le  plan  que  l'auteur 


(  494  ) 

s'est  imposé,  ni  dans  Tordre  des  déductions  qui  devaient 
l'amener  à  l'aboutissement  final. 

Malheureusement,  notre  illusion  ne  fut  pas  longue  et, 
dès  l'introduction  déjà,  il  était  aisé  d'entrevoir  que 
l'auteur,  au  lieu  de  condenser  son  sujet,  déjà  suffisam- 
ment vaste  par  lui-même,  se  laisserait  aller  à  l'étendre 
bien  au  delà  de  ses  limites  naturelles,  par  des  digressions 
peu  opportunes  et  peu  coordonnées,  dont  il  ne  cherche 
môme  pas  à  se  rendre  compte,  au  risque  de  rompre  cette 
unité  d'ensemble  à  laquelle,  avec  raison,  il  attache  tant 
de  prix. 

Aussi  ne  tarde-t-il  pas,  comme  il  en  l'ait  l'aveu,  «  tantôt 
»  à  s'élever  à  des  spéculations  d'ordre  philosophique, 
»  tantôt  à  s'arrêter  aux  indications  toutes  contingentes 
»  de  l'art  politique  »  (p.  5). 

Ces  digressions  ne  laissent  pas  de  répandre  un  certain 
vague  sur  l'ordonnance  générale,  comme  sur  la  suite  du 
raisonnement,  à  ce  point  de  ne  pouvoir  pas  toujours 
démêler  avec  certitude  le  fond  de  la  pensée  de  leur 
auteur. 

Les  exemples  n'en  sont  que  trop  nombreux;  n'en 
citons  qu'un  seul,  emprunté  au  prélude  de  sa  conclusion, 
précisément  à  l'endroit  où  s'impose  le  besoin  d'une  for- 
mule précise  et  claire  qui  frappe  l'esprit,  page  275,  où 
nous  lisons  ce  qui  suit  : 

«  L'état  des  esprits,  tel  est  l'élément  prépondérant 
»  dans  l'organisation  sociale;  les  institutions  ne  peuvent 
»  se  modifier  utilement  que  d'après  lui. 

....  »  Des  conditions  de  la  vie  matérielle  dépend, 
»  dans  une  certaine  mesure,  l'état  des  esprits;  le  côté 
»  économique  a  donc  son  importance  et,  dans  la  mesure 
»  où  il  agit  sur  l'opinion  publique,  il  agit  nécessairement 


I  495  ) 
»  par  contre-coup  sur  les  institutions  six  iules.  Celles-ci 
»  sont,  en  définitive,  le  résultat  des  doctrines  et  elles 
»  n'ont  de  stabilité  que  si  les  doctrines  dont  elles  s'in- 
»  spirent  ont  su  adapter  à  la  contingence  des  laits  les 
»  principes  éternels  de  l'ordre  naturel.  Ces  principes, 
»  invariables  quant  au  fond,  laissent  néanmoins  les 
»  institutions  revêtir  les  formes  les  plus  diverses,  suivant 
»  le  milieu  où  elles  se  trouvent  établies,  suivant  la  place 
»  que  l'opinion  leur  a  virtuellement  faite  à  l'avance. 
»  Rien  donc  ne  s'opère  que  par  la  lente  élaboration  des 
»  idées;  elles  président  à  la  formation  de  l'opinion, 
»  suivent  ses  développements  et  travaillent  à  maintenir 
»  continuellement  l'organisation  sociale  au  niveau  mar- 
»  que  par  l'état  des  esprits  et  dans  le  sens  tracé  par 
»  l'éternelle  justice.  C'est  le  travail  du  temps,  et  non 
»  pas  l'œuvre  des  théoriciens  de  la  révolution.  » 

Ces  citations,  nous  les  pourrions  multiplier  sans  peine; 
qu'il   nous   suffise   de    dire    que   l'œuvre    presque   tout 
entière  se  meut  dans  ce  même  plan,  à  quelques  variantes 
près,  et  que  ce  n'est  pas  sans  quelque  effort  que  le  lecteur 
parvient  à  démêler  le  sentiment  de  l'auteur.  Nous  nous 
prenons  à  douter  que,   prise  de  si  haut,  sa  thèse  soit 
d'un  grand  secours  au  maintien  de  celle  de  nos  institu- 
tions publiques  qui  importe  le  plus  à  la  conservation  de 
notre  ordre  social.  Ses  devanciers  n'y  avaient  pas  employé 
autant  de  détours,  comprenant  fort  bien  que,  s'adressant 
plus  particulièrement  à  une  classe  de    la  société   peu 
préparée  à  l'intelligence  de  ces  graves  problèmes,  ils  n'y 
pouvaient  apporter  trop  de  clarté. 

Ce  n'est  pas  cependant  qu'il  hésite  à  formuler  sa  pen- 
sée;  partisan  convaincu,   avec  l'immense   majorité   du 


(  494» 


genre  humain,  de  la  légitimité  de  la  propriété  indivi- 
duelle et  de  son  inéluctable  nécessité,  il  en  trouve  le 
fondement  dans  l'individualité  des  énergies  propres  à 
chaque  individu,  dans  la  personnalité  du  travail  et  des 
besoins  inhérents  à  tout  être  humain  (pp.  17,  20,  25, 
56,  112,  148,  171,  172). 

Mais,  en  matière  scientifique,  il  ne  suffit  pas  d'une 
simple  affirmation  ;  la  conviction,  pour  se  former,  a 
besoin  de  lumières  et  de  preuves  à  l'appui. 

Sous  ce  rapport,  on  trouvera  sans  doute  que  la  person- 
nalité éminente  de  la  nature  humaine  constitue  à  elle 
seule  une  justification  suffisante  du  principe,  pour  se 
passer  de  l'invocation  du  droit  à  l'existence  avec  les 
moyens  de  le  satisfaire.  Si  tout  homme,  en  ce  monde,  a 
le  droit  indéniable  de  posséder  en  propre  et  de  retenir 
pour  lui  le  produit  de  son  industrie,  c'est  bien  moins  à 
cause  de  l'utilité  qu'il  en  peut  retirer  qu'en  vertu  d'un 
principe  primordial  d'équité  et  de  sens  intime  déposé  au 
fond  de  la  conscience  universelle;  invoquer  ici  la  loi 
du  besoin,  c'est  implicitement  reconnaître  que  son  droit 
doit  s'arrêter  à  l'endroit  précis  où  cette  nécessité  aura 
obtenu  pleine  satisfaction.  11  n'en  est  pas  ainsi.  La  pro- 
priété des  biens  est  le  premier  attribut  de  la  liberté  poli- 
tique, et  l'atteinte  qui  lui  serait  portée,  si  légère  qu'elle 
fût,  se  répercuterait  inévitablement  sur  l'autre.  11  n'est 
pas  plus  au  pouvoir  du  Souverain  d'imposer  à  la  pro- 
priété quelque  régime  arbitraire,  que  de  régler  les 
volontés,  les  inclinations  de  chaque  individu,  dont  cette 
même  propriété  est  la  résultante.  Libre  à  lui  de  la  sou- 
mettre à  quelque  sage  règlement,  en  vue  du  bien-être 
général,  mais  la  supprimer,  jamais.  La  propriété  est  le 
rapport  des   choses  et   des  personnes.   Ce  rapport  est 


(  497 
préexistant  à  toute  loi.  Si  ses  facultés,  si  son  génie  sont 
bien  à  chaque  individu,  au  même  titre  que  le  sang  qui 
coule  dans  ses  veines,  comment  n'aurait-il  pas  le  droit 
de  proclamer  sienne  l'œuvre  exclusive  de  ses  propres 
mains  et  ce  qu'il  continue  de  faire  sien  par  un  judicieux 
emploi  de  son  intelligence?  Assurément,  ce  n'est  pas 
dans  le  seul  but  d'entrer  en  partage  avec  la  masse  de  ces 
oisifs,  à  qui  manque  le  courage  de  suivre  son  exemple 
et  d'aller  comme  lui  puiser  à  la  rivière  l'eau  qui  va 
rafraîchir  leurs  lèvres  altérées  !  Des  cigales  et  des  four- 
mis, il  y  en  aura  toujours.  C'est  assez  (pie  la  voie  soit 
libre  et  accessible  à  tous,  sauf  à  prêter  aide  et  assistance 
aux  impotents  et  aux  invalides,  hors  d'état  de  se  suffire  à 
eux-mêmes. 

Ces  préceptes,  notre  auteur  est  loin  de  les  mécon- 
naître, nous  avons  même  de  justes  motifs  de  croire  qu'ils 
constituent  le  fond  de  sa  doctrine,  mais  nous  eussions 
été  heureux  de  leur  voir  donner  plus  de  relief  encore, 
par  le  motif  que,  à  notre  sens,  c'est  là  que  réside  le  prin- 
cipe dirigeant  en  cette  matière.  A  l'existence  indivi- 
duelle, dit-il  (p.  17),  correspond  la  propriété  «  indivi- 
»  duelle  dans  son  principe  rudimentaire».  C'est  une  grande 
vérité,  que  l'on  ne  saurait  assez  méditer  et  que,  cepen- 
dant, le  génie  le  plus  puissant  de  l'antiquité  dédaigna  de 
reconnaître,  en  poussant  la  rigueur  de  son  système  jus- 
qu'à l'anéantissement  légal  de  la  personnalité  humaine. 

Nous  ne  pouvons  qu'acquiescer  aux  vues  de  l'auteur 
lorsqu'il  déclare  (p.  171)  que  «  le  droit  de  propriété 
»  individuelle  est  indissolublement  lié  à  l'existence  d'un 
»  État  régulièrement  organisé  et  au  développement  de  la 
»  richesse  publique  ». 

.")""'   SÉRIE,    TOME    XX XIII.  33 


(  498  ) 

Avons-nous  besoin  d'ajouter  que,  malgré  ses  imperfec- 
tions et  parmi  bien  des  obscurités,  cet  écrit  ne  laisse  pas 
de  renfermer,  en  passant,  nombre  de  propositions  justes 
et  solides,  qui  ne  manqueront  pas  de  réunir  la  grande 
majorité  des  suffrages,  telles  que  celles-ci  : 

Page  64.  Les  abus  pratiqués  dans  l'administration  de 
nos  sociétés  anonymes. 

Pages  63-7-1  et  167.  Les  réformes  à  apporter  dans  le 
contrat  de  louage. 

Pages  151-155.  La  nécessité  de  favoriser  l'esprit  de 
spéculation  honnête  et,  par  contre,  de  réprimer  l'agio- 
tage. 

Pages  164-175.  De  même  le  besoin  de  réagir  contre  les 
excès  du  luxe  et  le  gaspillage  insensé  de  tant  de  patri- 
moines, là  où  tant  d'hommes  manquent  encore  du  néces- 
saire. 

Page  170.  La  réduction  du  degré  successible. 

Page  172.  Combien  l'industrialisme  favorise  le  déve- 
loppement régulier  de  la  population,  combien  au  con- 
traire le  communisme  lui  est  funeste. 

Page  179.  Et  surtout,  la  nécessité,  pour  la  classe 
indigente,  de  redoubler  d'efforts  pour  aider  au  relèvement 
de  sa  race,  par  un  emploi  plus  judicieux  de  ses  res- 
sources, par  des  habitudes  plus  rigoureuses  d'ordre  et 
d'économie,  par  la  suppression  radicale,  absolue  de  toute 
boisson  enivrante,  comme  de  tout  jeu  de  hasard,  où  tant 
de  patrimoines  ont  péri.  —  Si  l'homme  voulait  toujours 
être  sage,  rarement  aurait-il  besoin  d'être  heureux.  — 
Que  l'on  daigne  jeter  les  yeux  sur  l'emploi  donné  au 
salaire  par  l'ouvrier  dans  nos  grandes  industries,  telles, 
par  exemple,  que  les  charbonnages,  les  usines  métallur- 
giques ou  la  pèche  de  marée.  Quoique,  dans  la  plupart 


(  499  ) 

des  cas,  suffisant  pour  l'entretien  d'une  famille,  quelle 
est  la  part  qui  en  revient  à  la  ménagère?  Bien  souvent,  à 
peine  la  moitié.  Vainement  la  rémunération  sera-t-elle 
majorée,  l'épargne  n'en  aura  rien,  si  le  salarié  ne  revient 
pas  à  des  habitudes  régulières  trop  souvent  négligées  par 
lui.  Il  est  utile  de  le  lui  redire  et  de  l'y  encourager  sans 
cesse. 

Si  nous  passons  enfin  à  la  troisième  partie,  qui  a  pour 
objet  l'examen  des  systèmes  adverses  (p.  183),  nous 
éprouvons  toujours,  quoique  à  un  moindre  degré,  quelque 
difficulté  ii  suivre  l'auteur  dans  Tordre  de  ses  déductions; 
mais  nous  nous  plaisons  à  reconnaître  le  fondement  de 
ses  critiques  et  la  justesse  de  ses  appréciations,  soit  qu'il 
conteste  (p.  188)  à  la  puissance  publique  le  droit  d'im- 
poser une  doctrine  en  opposition  manifeste  avec  la  loi 
naturelle,  ne  lui  reconnaissant  d'autre  mission  que  celle 
de  protéger  tous  les  droits,  sans  faire  violence  à  aucun, 
soit  qu'il  relève  (p.  206)  le  revirement  inattendu  qui 
s'est  produit  naguère,  au  sein  du  clergé  romain,  relative- 
ment à  l'attitude  à  prendre  vis-à-vis  du  socialisme 
(Rerum  novarum),  réservant,  non  sans  raison  (p.  253),  ses 
meilleures  armes  contre  cet  esprit  de  révolution  qui.  s;ms 
se  décourager,  agile  de  nouveau  la  société  moderne. 

Toutes  pensées  auxquelles  il  est  difficile  de  refuser 
son  assentiment;  mais,  tout  en  rendant  hommage  aux 
convictions  de  leur  auteur,  il  échet  de  se  demander  si 
son  œuvre  se  signale  par  quelque  aperçu  nouveau  à 
l'attention  de  l'Académie,  au  point  de  mériter  la  distinc- 
tion à  laquelle  il  aspire.  Nous  ne  saurions  vous  le  pro- 
poser. 


500  ) 


M. 


La  deuxième  production,  sous  la  devise  :  Suum  cuique, 
est  conçue  d'après  un  plan  tout  opposé  et  dans  des  vues 
complètement  différentes.  L'auteur  se  pose  en  adversaire 
déterminé  de  la  propriété  individuelle;  laissant  de  côté 
les  enseignements  de  l'histoire,  il  discute  en  théorie  pure 
la  légitimité  de  son  fondement. 

Ce  n'est  pas  cependant  qu'il  méconnaisse  l'existence 
de  toute  espèce  de  propriété  personnelle,  en  tant  que 
fruit  promérité  de  l'industrie  de  chaque  individu,  mais, 
cet  aveu  consenti,  il  fait  aussitôt  apparaître  le  phéno- 
mène d'une  propriété  impersonnelle  enveloppant,  dans 
son  immensité,  toutes  les  productions  du  domaine  pur 
de  l'ordre  de  la  nature,  avec  tout  ce  qu'il  renferme  de 
contingent  (p.  7). 

Cette  ahstraction  forme  le  point  de  départ  et  comme 
l'âme  de  tout  son  système;  bientôt  (p.  11)  il  en  déduit 
cette  conséquence,  que  chacun  a  déjà  pressentie,  à  savoir  : 
«  que  la  propriété  du  sol  n'est  pas  absolue,  et  que  la 
»  nature  y  a  sa  part  de  travail,  qui  constitue  un  bien  im- 
»  personnel  !  Elle  a  donc  droit  au  sol  et  à  la  récolle  !  » 

Faire  de  la  nature  un  être  personnel,  investi  de  droits 
personnels,  tels  que  de  propriété,  en  possession  du  sol 
avec  une  dîme  sur  la  récolte,  c'est  confondre  toutes 
choses  et  perdre  de  vue  cette  notion  élémentaire  qui  fait 
que  l'homme  seul,  personne  physique  et  vivante,  est 
capable  de  droits,  à  l'exclusion  de  toute  abstraction  pure, 
sauf,  bien  entendu,  certaines  fictions  légales  en  petit 
nombre,  qu'impose  la  nécessité  sociale,  la  force  des  choses; 


(  soi  ) 

jamais,  que  nous  sachions,  ou  n'a  songé  à  faire  de  la 
nature,  considérée  en  elle-même,  et  qui  n'existe  qu'en 
pensée,  un  sujet  de  droit,  juris  capax.  Comme  la  pro- 
priété ne  consiste  que  dans  un  simple  rapport  de  chose 
à  personne,  où  cette  personne  fait  défaut,  la  propriété 
n'a  pas  occasion  de  naître  et  se  trouve  frappée  de  néant 
dans  son  principe  même.  Elle  n'a  pas  de  raison  d'être: 
ombre  sans  corps,  elle  n'a  pas  de  besoins,  elle  est  sans 
droit.  La  propriété  est  l'organe  de  la  vie. 

<c  Celui  qui  veut  affirmer  qu'il  a  une  chose  comme 
»  sienne,  doit  en  être  en  possession;  s'il  n'y  était  pas,  il 
»  ne  pourrait  être  lésé  par  l'usage  qu'on  en  ferait  sans 
.  son  consentement,  parce  que  si  quelque  chose  qui  n'est 
»  pas  lié  juridiquement  avec  lui  affecte  cet  objet,  le  sujet 
»  lui-même  n'en  peut  être  aft'ecté,  ni  injustice  lui  être 
»  faite.  »  (Kant,  Principes  métaphysiques  du  droit,  trad. 
par  Tissot.  Paris,  18;)-",  t.  III,  p.  (38.) 

Du  côté  de  la  nature,  nous  voilà  ainsi  pleinement  ras- 
surés. Si  une  plainte  vient  à  surgir,  ce  ne  sera  pas  d'elle; 
pour  lui  en  donner  un  juste  sujet,  il  faudrait,  au  préa- 
lable, transformer  fondamentalement  l'ordre  établi  de 
toute  éternité,  et  la  pourvoir  d'un  organisme  complet,  en 
état  de  fonctionner  régulièrement  et  de  consommer. 

Robinson,  aussi  longtemps  qu'il  s'est  trouvé  seul  dans 
son  ile,  face  à  face  avec  l'immensité,  n'eut  à  compter 
avec  personne  pour  le  domaine  d'aucune  des  choses  à  sa 
portée;  de  propriété,  il  n'en  existait  pas,  non  plus  que 
pour  l'atmosphère  qui  l'entourait;  propriété  suppose  con- 
currence, coexistence  de  quelque  droit  rival,  avec  préfé- 
rence; elle  implique,  de  toute  nécessité,  l'existence  d'une 
valeur  échangeable;  or,  pour  échanger,  il  faut  être  au 
moins  deux. 


(  502  ) 

Le  droit  de  propriété  est  un  dans  chacune  de  ses  parties 
intégrantes,  comme  dans  son  ensemble.  «  Toutes  les 
).  conditions  du  contrat  qui  la  fonde  forment  une  portion 
»  de  cette  même  propriété.  Si  vous  en  retranchez  une 
»  des  conditions  qui  l'accompagnent,  qui  l'affermissent, 
..  qui  la  rendent  plus  avantageuse,  vous  l'altérez,  vous  la 
»  dénaturez.  »  (Tronchet,  Rapport  au  comité  féodal  de 
l'Assemblée  nationale,  sur  If  rachat  des  droits  féodaux, 
1 789,  i».  09.) 

Le  jour,  déjà  lointain,  où  le  premier  occupant  prit 
possession  du  sol,  pour  le  féconder  de  ses  sueurs,  ce  lut 
avec  tous  les  avantages  nés  et  à  naître  dont  il  était  suscep- 
tible, d'où  qu'ils  vinssent,  sans  en  excepter  un  seul. 
Jusque-là,  il  ne  présentait  encore  que  de  simples  utilités; 
quant  à  la  valeur,  elle  lui  est  venue  par  son  travail  et  rien 
que  par  le  travail.  La  terre,  il  ne  faut  pas  l'oublier,  n'est 
qu'un  objet  de  réceptivité,  un  instrument  de  labeur,  qui 
reçoit  le  labourage,  les  fumures  et  les  semences,  pour 
les  rendre,  après  se  les  être  assimilés,  en  produits  utiles 
et  fertiles  récoltes. 

L'auteur  semble  l'ignorer  quand  il  avance  (p.  30)  «  que 
.  la  récolte  ne  représente  pas  exclusivement  l'activité  de 
i)  l'homme  et  n'en  dépend  pas  uniquement.  C'est,  ajoute- 
nt t— il,  grâce  à  la  composition  de  la  terre  arable  arrosée 

>  périodiquement  par  la  pluie  que  la  plante  se  développe 
•)  sous  l'action  fécondante  des  rayons  du  soleil.  Or,  le 
>»  travail  de  la  nature  n'est  plus  la  propriété  personnelle 

•  de  l'homme  et  appartient  à  tout  le  monde.  Par  consé- 
»  quent,  l'occupant  n'est  pas  propriétaire  exclusif  de  la 
récolte,  et  il  doit  la  partager  avec  ses  congénères.  » 
Et  l'auteur  de  s'étonner  de   ce  que,  «  quelque  fondé 

>  que  paraisse  cet  argument,  jusqu'ici  personne  ne  s'est 
»  décidé  à  s'en  prévaloir  pour  le  mettre  en  pratique!  » 


(  503  ) 

L'aveu  est  bon  à  retenir. 

L'auteur  n'apporte  pas  dans  ses  jugements  plus  de 
rectitude  quand  (p.  1<>)  il  aborde  la  légitimité  d'un  inté- 
rêt, en  retour  d'un  capital  prêté,  et  il  formule  sa  thèse 
en  ces  termes  :  «  L'emprunteur  ne  doit  rien  que  la 
»  restitution  du  capital  et  sa  gratitude.  En  effet,  ajoute- 
»  t-il,  le  capital  est  le  produit  d'un  travail  accompli,  mais 
»  il  ne  travaille  pas  et,  par  conséquent,  ne  produit 
o    rien.   » 

Mais  bientôt,  comme  pris  d'un  remords  subit,  revenant 
sur  lui-même,  il  confesse  que  «  si,  au  point  de  vue  pure- 
.>  ment  moral,  le  capitaliste  ne  peut  exiger  aucun  intérêt, 
>.  rien  ne  l'empêche  cependant  de  profiter  de  la  situation 
»  et  d'exiger,  en  véritable  matérialiste,  l'intérêt  le  plus 
»  élevé  qu'il  puisse  obtenir  », ...  par  le  motif  qu'il  est  bon 
.<  qu'il  ait  un  profit  matériel  en  épargnant  et  en  prêtant, 
»   profit  qui  se  trouve  déterminé  par  le  libre  échange  ». 

Ces  affirmations  contradictoires  n'ont  pas  seulement  le 
défaut  de  s'entre-choquer  et  s'entre-détruhe,  mais  encore 
de  jeter  le  lecteur  dans  l'indécision  entre  deux  régimes 
qui  s'excluent  réciproquement  el  dont  l'un  est  la  néga- 
tion de  l'autre. 

Passant  ensuite  (p.  19)  à  la  discussion  du  rôle  de 
l'Étal  et  à  la  nature  de  sa  haute  mission,  l'auteur  la  fait 
consister  à  garantir  le  gagne-pain  à  chacun  de  ses  mem- 
bres, avec  obligation  d'occuper  les  .sans  travail  à  des 
travaux  d'utilité  publique. 

Il  ne  manque,  en  effet,  pas  d'économistes  et  de  philan- 
thropes, surtout  parmi  les  moins  bien  inspirés,  qui  se 
complaisent  à  exalter  les  avantages  de  l'assistance 
publique  prétendument  due  aux  misérables;  mais  il  reste 
ii  démontrer  les  avantages  de  cette  doctrine  et  son  etlica- 


(  506  ) 

leur,  lorsqu'il  énonce  (p.  22),  cette  autre  proposition  : 
a  que  la  propriété  agraire  ne  peut  être  aliénée  ni  hypo- 
»  théquée!  » 

Que  (p.  25),  «  en  cas  de  décès,  le  bien  ne  pourra  être 
»  partagé  qu'avec  l'autorisation  du  gouvernement...  ;  que 
»  là  où  ce  fractionnement  serait  contraire  à  l'économie 
»  agricole,  le  bien  passerait  à  l'aîné  des  descendants 
»  mâles,  ...  les  autres  enfants  héritant  des  économies 
»  laissées  par  le  défunt.  En  cas  de  conflit,  vente  du  bien 
»  aux  enchères,  pour  compte  des  héritiers;  en  cas  d'ab- 
»  sence  de  ceux-ci,  au  profit  de  l'Etat.  » 

Bientôt  il  revient  à  sa  thèse  favorite,  des  accroisse- 
ments de  valeur  dont  toute  propriété  foncière  est  suscep- 
tible, sans  que  le  travail  personnel  du  maître  y  ait  aucune 
part;  telles,  par  exemple,  certaines  plus-values  subites, 
comme  il  s'en  voit  tous  les  jours  dans  les  grands  centres 
de  population,  ensuite  de  l'ouverture  de  quelque  voie 
nouvelle. 

On  pourrait  y  ajouter  la  suppression  de  l'octroi,  qui  a 
fait  la  fortune  de  nos  faubourgs.  Mais  est-ce  là  un  motif 
qui  justifie  l'attribution  de  cette  valeur  nouvelle  à  la  col- 
lectivité sociale?  Puis,  est-ce  tenir  la  balance  d'une  main 
cquitable  que  de  passer,  par  contre,  sous  silence  les 
multiples  causes  de  diminution  auxquelles  tout  fonds  de 
terre  est  sujet?  Que  de  quartiers  importants,  dans  nombre 
de  nos  grandes  cités,  aujourd'hui  délaissés,  qui  naguère 
s'étaient  rapidement  développés,  et,  sans  sortir  de  notre 
chère  capitale,  l'établissement  récent  d'une  avenue 
splendide  n'a-t-il  .pas  déplacé  tout  le  trafic  du  monde 
élégant,  au  détriment  d'une  section  qui  eut  aussi  son 
heure  de  prospérité? 


(  507  ) 

La  vérité  est  que  ce  sont  là  autant  de  causes  de  fluc- 
tuations do  valeur  qu'il  n'est  pas  au  pouvoir  de  la 
société,  moins  encore  des  individus,  de  conjurer  et  qui, 
en  définitive,  à  ne  les  considérer  qu'en  masse  et  dans 
leur  ensemble,  Unissent  à  la  longue  par  se  compenser 
dans  quelque  mesure,  grâce  a  une  espèce  de  solidarité 
qui,  dans  un  même  rayon,  enveloppe  tontes  les  pro- 
priétés. 

L'auteur  ne  se  montre  pas  plus  heureux  (p.  27)  quand 
il  discute  les  éléments  de  la  propriété  minière  et  suppute 
les  bénéfices  considérables  prétendument  réalisés  par 
certains  maîtres  de  fosses,  sans  faire  état,  par  contre,  des 
pertes  incalculables  essuyées  par  tant  d'autres  dont  le 
nom  même  s'est  éteint.  Il  Test  moins  encore  dans  le  rap- 
port dressé  par  lui  entre  l'insignifiant  salaire,  parcimo- 
nieusement compté  au  mineur,  et  les  opulents  revenus 
dont  s'engraisse  à  ses  dépens  la  féodalité  industrielle, 
passant  habilement  sous  silence  le  chiffre  du  capital 
engagé  dans  cette  pénible  entreprise  et  qui,  pour  la  seule 
province  de  Hainaut,  passé  trente  ans,  ne  s'élevait  pas  à 
moins  de  six  cents  millions  (Rapport  de  la  Chambre  de 
commerce  de  Mons,  par  H.-C.  Sainctelette,  in  Belgique 
judiciaire,  1870,  p.  1365),  aujourd'hui  anéanti  pour 
plus  des  deux  tiers. 

A  ces  enseignements,  marqués  pour  la  plupart  au  coin 
d'une  critique  peu  judicieuse,  nous  préferons  le  conseil 
(p.  35)  de  réduire  l'intervention  du  commerce  à  ce  qui 
est  vraiment  nécessaire  et  indispensable  à  l'effet  de  mettre 
les  produits  fabriqués  à  la  portée  du  consommateur  ;  hors 
de  là,  son  intervention  n'a  pas  de  raison  d'être  et  grève 
la  marchandise  de  frais  dépourvus  d'une  juste  cause;  ceci 


(  508  ) 
est  un  problème  qui  est  plus  du  ressort  de  l'économie 
politique  que  du  droit  public  et  de  la  science  sociale,  à  la 
solution  duquel  notre  époque  a  eu  la  satisfaction  de  voir 
apporter  un  tempérament  d'une  inappréciable  utilité  par 
l'institution  féconde  des  coopératives  de  consommation. 

Arrivons  actuellement,  car  il  est  temps  de  conclure,  à 
la  partie  la  plus  délicate  dé  cet  examen  et  qui  consiste  à 
démêler,  parmi  divers  théorèmes  difficiles  à  saisir,  la 
conclusion  finale  de  l'auteur  ;  nous  ne  le  faisons  qu'avec 
d'infinies  précautions  et  sous  les  réserves  les  plus 
expresses. 

Fixons-nous,  avant  tout,  sur  la  valeur  des  termes  qu'il 
emploie.  Il  qualifie  du  titre  de  thèse  la  base  du  régime 
actuel  (p.  57).  Par  contre,  l'antithèse  constitue  celle  du 
collectivisme  (p.  58).  Enfin,  la  synthèse  est  l'expression 
du  régime  normal. 

Nous  espérons  ne  pas  nous  tromper  en  estimant  que 
ses  préférences  sont  pour  cette  dernière,  par  une  sorte 
d'éclectisme;  mais  cela  implique  (p.  57)  l'adoption  de 
tant  de  réformes,  et  de  ce  nombre  le  principe  de  l'inalié- 
nabilité  de  la  propriété  dite  impersonnelle  ou  foncière, 
que  nous  ne  voulons  pas  nous  arrêter  à  la  combattre  en 
détail;  contentons-nous  de  dire  que  celte  école, beaucoup 
trop  imbue  d'esprit  nouveau,  a  le  tort  grave,  comme  plus 
d'une  de  ses  consœurs,  de  ne  tenir  aucun  compte  de  ce 
principe  fondamental,  essentiel  à  toute  société  bien  coor- 
donnée, qu'en  matière  gouvernementale,  ce  à  quoi  il  faut 
veiller  avant  tout,  c'est  à  faire  marcher  les  idées  et  les 
doctrines  de  pair  avec  les  faits. 

Pour  nous  résumer,  le  mémoire  est  de  ceux  qui  ne 
gagnent  rien  à  être  tirés  de  la  poussière  de  l'oubli. 


509  ) 


III. 


La  troisième  production  revêt  des  qualités  autrement 

sérieuses,  sous  la  devise  :  Improbos  odimus  odio  civili, 
témoignant  ainsi,  dès  le  frontispice,  que  l'auteur  entend 
faire  œuvre  de  polémiste  et  de  critique,  sans  toutefois  se 
faire  illusion  «  sur  ses  lacunes  et  ses  défauts  »  (p.  558). 

«  Obscur  soldat  de  la  liberté  et  de  la  démocratie  », 
comme  il  se  complaît  à  le  dire  (p.  170)  —  et  pourquoi 
non?  —  il  témoigne  de  beaucoup  de  lecture  avec  des 
emprunts  discrètement  faits  aux  meilleures  sources,  non 
sans  méthode  ni  sûreté  de  jugement,  à  quelques  excep- 
tions près. 

Sa  foi  dans  la  meilleure  direction  à  donner  au  gouver- 
nement de  la  société,  il  n'a  garde  de  la  dissimuler,  tant 
est  grande  sa  conviction  et  réfléchie.  Comment  en  eût-il 
pu  douter?  Car  ses  propositions,  pour  la  plupart,  ne 
manqueront  pas  de  recueillir  les  suffrages  de  tous  les 
partisans  de  l'ordre  avec  la  liberté  pour  base. 

Qu'il  affirme,  soit  : 

1°  Le  dominium  ou  la  puissance  de  l'artisan  sur  les 
produits  de  son  travail  (p.  7),  l'homme  n'est  homme  qu'à 
la  condition  de  pouvoir  posséder  (pp.  76,  510,  542), 
avec  cette  conséquence  rationnelle,  non  seulement 
(p.  12)  d'en  disposer  à  son  gré,  par  voie  d'échange  ou 
autrement,  mais  de  les  tenir  en  réserve  par  épargne 
(pp.  27,  172,  554). 

2°  D'où  naturellement  le  droit  de  lester  (pp.  22,  41), 
au  même  titre  que  toutes  les  autres  libertés  de  droit 
naturel,  telles  que  de  religion,  d'industrie,  d'enseigne- 
ment, de  charité  (p.  501),  etc.,  voire  même  celle  de  la 


(  5*0  ) 
voie  publique;  ce  qui  sans  doute  sera  trouvé  excessif,  car 
il  lui  faut  compter  avec  un  pouvoir  qui  ne  comporte  de 
restriction  d'aucune  espèce,  vu  sa  souveraineté,  la  police 
de  la  rue.  (Cour  de  Cassation,  chambres  réunies. 
8  juin  1892.  Pasic,  1892,  1,286.) 

5°  Le  maintien  indiscutable  de  la  famille,  de  la  pro- 
priété et  de  la  justice,  fondement  indispensable  de  tout 
ordre  social  bien  ordonné  (p.  169).  Quoi  qu'on  fasse, 
quelque  violence  que  l'on  mette  en  œuvre,  jamais  on 
n'empêchera  le  libre  jeu  de  l'offre  et  de  la  demande  «le 
mettre  le  véritable  prix  aux  choses,  aux  salaires  non 
moins  qu'à  l'intérêt  (p.  171).  Pas  plus  qu'on  n'empêchera 
l'ouvrier  de  se  servir  d'un  outil,  ni  un  ingénieur  de  per- 
fectionner cet  instrument,  pour  en  faire  une  machine. 
(Ibid.)  Jamais  de  marché  abondant,  où  il  n'y  a  pas  grande 
facilité  d'accès.  (Ibid.) 

4°  Pas  de  capital  sans  l'épargne  qui  le  constitue 
(p.  172).  En  état  de  mutuelle  dépendance  l'un  de  l'autre, 
ils  se  doivent  un  appui  réciproque.  (Ibid.) 

5°  L'utilité  indispensable  des  machines  à  tous  les 
degrés,  depuis  la  simple  bêche  et  la  pioche  jusqu'à  la 
locomotive  perfectionnée.  Quel  sort  serait  réservé  au 
travailleur,  si  l'on  en  venait  à  les  lui  retirer?  N'est-ce  pas 
dans  les  contrées  les  mieux  pourvues  de  machines,  que 
l'activité  industrielle  est  la  plus  grande  et  prospère  le 
mieux  (p.  288)? 

6°  Une  notion  non  moins  exacte  qu'édifiante  sur  le 
droit  d'appropriation  par  le  travail  (p.  509)  comme  sur 
l'état  improductif  de  toute  portion  du  sol  qui  n'est  pas 
mise  en  valeur. 

7°  Tandis  que  la  plus  grande  somme  de  liberté  doit 
être  laissée  au  travail  avec  appel  au  concours  de  toutes 


(  5H 


les  intelligences  et  de  tous  les  efforts,  en  vue  d'une  plus 
grande  somme  de  produits  (p.  355),  conséquent  avec  sa 
prémisse,  l'auteur  ne  pouvait  manquer,  par  contre,  de 
définir  la  mission  restreinte  de  l'Etat,  toute  de  surveil- 
lance et  de  police  bienveillante,  de  crainte  d'étouffer 
l'initiative  et  la  spontanéité  de  chaque  individu,  source  de 
progrès  incalculables. 

Le  gouvernement  n'a  pas  charge  d'âmes,  non  plus  que 
le  devoir  de  prendre  soin  du  bien  positif  de  ses  adminis- 
trés; au  delà  de  la  sécurité  personnelle  il  ne  leur  doit 
rien;  différemment,  il  s'expose  inévitablement  à  donner 
atteinte  à  leur  liberté,  et  à  les  entraver  dans  leur  déve- 
loppement naturel.  Gouverner  le  moins  possible;  son 
devoir  est  négatif  et  consiste  à  s'abstenir,  laissant  à 
chacun  la  faculté  de  se  mouvoir  librement  dans  la  sphère 
qui  lui  est  propre;  il  est  peu  digne  de  la  grandeur  morale 
de  l'homme  de  vivre  emmaillotté.  Dans  l'industrie  comme 
dans  le  commerce,  l'activité  privée  est  seule  féconde. 
Voulez- vous  étouffer  le  génie,  contentez- vous  de  le 
protéger  (p.  88). 

Chez  toutes  les  nations  civilisées,  le  progrès  se  mesure 
au  minimum  d'action  gouvernementale;  c'est  la  vraie 
cause  de  la  supériorité  de  la  race  saxonne  dans  l'art  de 
la  colonisation.  Peuple  autoritaire,  médiocre  colonisa- 
teur; en  regard  de  la  Nouvelle-Calédonie,  où  l'adminis- 
tration déploie  le  plus  grand  zèle  à  occuper  militairement, 
à  fortifier,  à  clôturer,  à  verbaliser,  à  inspecter,  mettez  la 
Nouvelle-Galles  du  Sud,  où  fleurit  la  plus  grande  liberté. 

L'auteur  pouvait  se  dispenser  d'en  convenir,  il  est  de 
l'école  manchestérienne  et  sans  réserve  (pp.  532  à  555). 
faisant  observer  avec  justesse  que  cette  école  n'a  pas 
créé  un  dogme  économique,  mais  s'est  contentée  de  con- 


(  512  ) 

staterun  fait,  une  situation  difficile  à  méconnaître  (p.  354). 
Comment  ne  pas  l'en  féliciter? 

En  Russie,  pays  protectionniste  à  outrance,  l'industrie 
et  le  commerce  se  trouvent  singulièrement  en  retard 
sur  le  reste  de  l'Europe,  comme  aussi  le  confort  bour- 
geois, qui  en  est  une  conséquence  naturelle.  De  même 
que,  en  France,  par  l'effet  d'un  revirement  soudain  dans 
sa  législation  économique  que  l'on  ne  peut  que  déplo- 
rer, le  commerce  d'exportation  va  à  la  dérive,  tandis 
que,  par  un  sort  inverse,  mais  bien  justifié,  la  surproduc- 
tion ne  cesse  de  s'élever.  Grâce  au  nouveau  droit  de 
7  francs  par  hectolitre  de  blé,  l'ouvrier  paie  son  pain 
60  et  70  °/0  plus  cher  que  le  Belge,  mais  le  gros  proprié- 
taire foncier  s'en  trouve  bien.  Jamais  le  commerce  étran- 
ger ne  va  mieux  que  quand  toutes  les  portes  sont 
ouvertes. 

Rien  de  surprenant,  dès  lors,  que  l'auteur  se  montre 
adversaire  déterminé  de  ce  malencontreux  esprit  de 
réglementation  qui  se  complaît  à  semer  des  restrictions, 
des  empêchements  et  des  gênes  sans  nombre,  sur  une 
route  à  l'usage  du  public  et  dont  le  Souverain  n'a  que  la 
police,  «  avec  le  devoir  de  la  rendre  bien  libre,  bien 
dégagée  et  bien  roulante  »,  comme  tout  bon  cantonnier. 
(Cormenin,  Le  livre  des  orateurs,  II,  p.  548.) 

Ce  n'est  pas  dans  une  pensée  différente  qu'il  combat 
cette  tendance  toute  moderne  à  imposer  à  nos  adminis- 
trations publiques,  dans  les  travaux  qu'elles  décrètent, 
un  minimum  de  salaire,  avant  que  de  l'étendre  à  toutes 
les  transactions  d'intérêt  purement  privé  (pp.  249  à  238), 
la  journée  de  huit  heures  (p.  278)  et  cette  autre  utopie 
de  la  mine  aux  mineurs,  qui  en  est  encore  à  faire  ses 
preuves. 


343  ) 

S*  L'auteur  ne  se  contente  pas  de  ces  seuls  aspects  de 
la  question;  sa  conception  est  plus  haute;  il  l'envisage 
encore  avec  infiniment  d'à-propos,  au  point  de  vue  de 
ceux  qu'elle  intéresse  le  plus,  se  demandant  si  ce  n'est 
pas  d'eux-mêmes  que  doit  venir  le  premier  effort,  témoi- 
gnant qu'il  prend  sérieusement  à  cœur  la  cause  du 
peuple;  et,  par  cette  expression,  nous  entendons  non 
seulement  les  déshérités  de  la  fortune,  mais  la  société  tout 
entière.  \  compris  la  classe  aisée  qui  est  encore  du 
peuple,  l'adjurant  de  modérer  certains  appétits  factices 
et  de  réduire,  dans  de  larges  proportions,  tout  un  ordre 
de  dépenses  ruineuses,  inspirées  par  la  seule  vanité,  dont, 
malheureusement,  les  plus  indigents  ne  sont  pas  toujours 
exempts  (p.  557). 

Quelle  satisfaction  pour  la  plupart  d'entre  nous  que  de 
posséder  ce  qui  n'est  qu'à  la  portée  d'un  petit  nombre, 
quelque  exemplaire  unique,  et  de  détruire  dans  l'espace 
de  peu  d'heures  le  produit  de  bien  des  journées  de  travail 
pénible!  Notre  luxe,  par  ses  excès,  éveille  les  plus  cou- 
pables convoitises,  sans  faire  jamais  d'heureux,  et  discré- 
dite à  bon  droit  la  propriété  individuelle.  C'est  surtout 
aux  époques  de  relâchement  et  de  décadence  qu'on  le 
voit  se  développer  sans  mesure;  il  est  le  plus  grand 
obstacle  aux  résolutions  viriles,  non  moins  qu'à  tout 
effort  personnel;  par  contre,  combien  lui  sommes-nous 
redevables  des  malaises  qui  affligent  la  cohorte  des  gens 
blasés  et  ennuyés,  tous  les  oisifs  de  nos  grandes  cités,  à 
commencer  par  le  spleen  et  les  pertes  d'appétit,  quand, 
d'autre  part,  nous  entendons,  dès  l'aurore,  le  savetier 
voisin  entonner  son  chant  de  gaité? 

Ce  qui  est  déplorable  à  notre  époque,  c'est  l'oisiveté 
dans  le  luxe  et  la  pratique  du  luxe  extravagant  (pp.  22i), 

3me    SÉRIE,    TOME    XXX1JI.  54 


(  su  ) 

362,  366,  368,  378).  «  C'est  une  chose  de  fait,  a  dit 
»  un  philosophe  plein  de  sagesse,  que  la  vie  simple  peut 
»  seule  rendre  un  peuple  riche,  puissant  et  heureux.  » 
(Co;ndillac,  Le  commerce  el  le  gouvernement,  ch.  XXVII.) 

Bannissons,  en  conséquence,  de  nos  demeures  toute 
folle  magnificence,  pour  n'y  laisser  régner  que  propreté, 
économie  et  commodité,  voire  même  quelque  confort  de 
bon  goût,  réservons  notre  superflu  aux  ouvrages  d'uti- 
lité générale,  aux  temples,  aux  palais,  aux  collections 
publiques  d'art  et  d'enseignement,  et  ne  nous  lassons  pas 
de  dire  que  si  nous  voulions  toujours  être  sages,  rare- 
ment aurions-nous  besoin  d'être  heureux. 

Là  est  le  remède.  Aussi  l'auteur  se  montre-t-il  sans 
pitié  ni  merci  «  pour  cette  tourbe  éhontée  de  fauteurs 
»  de  désordre,  bohème  avide  de  corrupteurs  de  la  con- 

»  science  publique,  en  lutte  ouverte  et  incessante 

»  avec  l'ordre  politique,  l'ordre  économique  et  l'ordre 
»  social  »  (p.  378).  Anarchistes  en  un  mot,  dont  le 
champ  d'expériences  est  au  Pérou,  au  Paraguay  (p.  266), 
en  Icarie  (p.  176).  Depuis  le  divin  Platon  jusque  de  nos 
jours,  qu'ont-ils  enfanté? 

Après  avoir  ainsi  rapidement  acquitté  notre  dette 
envers  l'auteur  dans  ce  qui  nous  a  paru  digne  d'appro- 
bation, notre  devoir  est  d'apporter  plus  de  réserve  dans 
certaines  parties  de  son  œuvre,  moins  importantes  il  est 
vrai,  mais  relativement  auxquelles  nous  avons  le  regret 
de  ne  pas  partager  son  sentiment,  notamment  en  matière 
d'impositions  publiques,  qu'il  propose  (p.  357)  de  modi- 
fier radicalement,  au  point  de  les  supprimer  toutes, 
sans  exception,  pour  y  substituer  un  droit  unique  : 
l'impôt  proportionnel  sur  le  revenu  (pp.  140-14(5). 


r;iî>  ) 

C'esl  déjà,  en  elle-même,  une  réforme  qui  ne  manque 
pas  d'une  certaine  hardiesse,  si  pas  de  témérité,  que  de 
renoncer  bénévolement,  en  matière  de^revenu,  au  béné- 
fice de  la  multiplicité,  pour  s'en  tenir  rigoureusement  à 
l'unité.  N'avoir  qu'une  corde  à  son  arc,  quand  il  est 
possible  d'en  mettre  plusieurs,  n'est  pas  toujours  consi- 
déré comme  un  avantage;  bien  au  contraire,  uno  avulso, 
von  déficit  aller. 

Mais  l'objection  revêt  un  caractère  plus  sérieux  à 
l'endroit  de  la  progression  assignée  à  celte  taxe,  et  qui, 
au  lieu  de  se  renfermer  dans  des  limites  restreintes  qui 
la  rendraient  supportable,  ne  s'arrête  pas,  si  baut  que 
puisse  monter  le  revenu,  au  risque  d'une  confiscation 
inévitable  du  capital  destiné  à  le  produire.  Nous  avions 
espéré  que  l'exemple  récent  tenté  par  nos  voisins,  tant 
au  nord  qu'au  midi,  nous  eût  épargné  jusqu'à  la  tentative 
de  semblable  infortune. 

Puis,  quand  l'auteur  condamne  en  principe  «  tous  les 
»  impôts  indistinctement,  parce  que  tous,  et  pris  en 
»  bloc,  ils  sont  arbitraires,  injustes  et  attentatoires  au 
»  droit  (p.  156),  »  ne  se  laisse-t-il  pas  aller  trop  facile- 
ment au  charme  d'une  critique  qui  ne  manque  jamais 
d'approbateurs,  sans  être  appelé  en  retour  à  combler  le 
précipice  creusé  par  sa  témérité? 

A  un  autre  point  de  vue,  l'auteur  paraît  peu  renseigné 
sur  notre  législation  fiscale,  notamment  sur  l'incidence 
de  plusieurs  de  nos  impôts;  par  exemple,  quand  il  dit 
(p.  95): 

«  L'Etat  moderne,  plus  jperfectionné  que  Tibère,  n'y 
»  regarde  pas  de  si  près,  et,  s'il  tond  toujours,  il  écorche 
«  le  plus  souvent. 


(  »16  ) 

»  Travailler  est  non  seulement  un  droit  naturel,  mais 
»  un  devoir  social.   Or,   avant  de  pouvoir  le  faire,  le 

citoyen  doit  payer  patente,  et  demander  à  l'État  la 
»   permission  d'ouvrir  atelier  ou  boutique.  » 

Le  reproche  manque  absolument  de  justesse,  car  la 
partie  la  plus  considérable  de  nos  travailleurs,  toute  celle 
qui  vit  du  produit  de  ses  mains,  échappe  à  l'impôt.  Sans 
doute  le  banquier,  l'armateur,  l'importateur,  le  commer- 
çant, aussi  bien  que  l'industriel,  doit  payer  tribut,  au  seul 
titre  des  bénéfices  qu'il  peut  tirer  de  son  industrie  ;  il  agit 
dans  une  pensée  de  lucre,  et  toutes  les  fois  qu'il  apparaît 
d'un  gain,  ne  fût-il  qu'en  espérance,  le  Roi  ne  renonce 
pas  à  son  droit  ;  par  contre,  la  loi,  toujours  paternelle,  ne 
connaît  le  simple  artisan  que  pour  le  protéger,  et  pousse 
la  condescendance  jusqu'à  lui  faire  remise  de  toute  con- 
tribution à  raison  de  l'habitation  qu'il  possède  en  toute 
propriété.  C'est  pourquoi  sont  exempts  de  tout  droit  de 
patente  la  classe  si  nombreuse  des  cultivateurs,  des  tis- 
serands, des  compagnons,  ouvriers  et  apprentis,  et  d'une 
manière  générale  tous  journaliers,  manœuvres  et  porte- 
faix, etc.  Mais  quiconque  ouvre  boutique  et  s'interpose, 
dans  des  vues  intéressées,  entre  producteur  et  consom- 
mateur, est  soumis  à  taxe;  et  chacun  dira  que  c'est  jus- 
tice. 

«  Pourquoi)),  se  demande  l'auteur  (p.  136),  «  l'accise  sur 
»  les  bières,  l'alcool,  le  tabac?  Pourquoi  pas  sur  la  fàbri- 
)>  cation  de  la  toile,  du  coton,  du  drap,  du  cuir,  du 
»  papier,  du  savon?  » 

La  raison  en  est  simple  :  c'est  que  les  premiers  sont 
des  articles  de  consommation,  dont  le  peuple,  s'il  est 
sage,  peut  aisément  se  passer.  Celui-là  paie  l'impôt  qui 
le  veut  bien,  nul  n'y  est  contraint.  Ce  revenu,  d'ailleurs, 


(  517  ) 

n'acquiert  d'importance  que  par  l'énorme  quantité  de  la 

denrée  consommée  pour  la  majeure  partie  sans  nécessité 
aucune;  c'est  à  peine  si  le  fumeur  d'habitude  paie  un 
centime  par  semaine,  à  raison  d'une  couple  de  pipes 
par  jour;  le  litre  de  bière,  pas  un  centime.  Quant  à 
l'alcool,  que  ne  nous  est-il  donne,  à  l'exemple  de  l'Angle- 
terre, dont  il  défraie  la  marine,  d'élever  au  quadruple  la 
licence  qu'il  supporte  ! 

Tandis  que  les  tissus  à  l'usage  des  classes  nécessiteuses, 
tels  que  la  toile,  le  drap,  de  même  que  le  cuir,  justifient 
d'un  titre  suffisant  à  l'immunité,  à  la  différence  des  tissus 
de  luxe,  tels  que  le  velours  et  la  soie. 

Pourquoi,  ajoute-t-il  (p.  156),  taxer  les  chevaux  et  non 
les  vaches,  les  porcs  et  les  chats?  C'est  que  les  chevaux 
ne  sont  imposés  que  comme  objet  de  luxe,  autant  qu'ils 
servent  au  transport  des  personnes,  tandis  que  le  bétail 
ne  participe  pas  de  ce  caractère  et  fait  partie  du  capital 
fixe  de  toute  exploitation  agricole.  Ne  mentionnons  que 
pour  mémoire  les  chats  qui,  vraisemblablement,  ne  doi- 
vent leur  salut  qu'à  la  difficulté  de  les  porter  sur  aucun 
rôle,  non  plus  que  les  coqs  de  combat  et  les  pigeons 
sportifs  (p.  157). 

Il  ne  faut  pas  davantage  laisser  s'accréditer  cette  autre 
erreur  (p.  145),  que  les  ministres  du  Roi  et  les  hauts 
prélats  ne  paient  pas  l'impôt  des  bâtiments  qu'ils  occu- 
pent (p.  145).  Le  foncier,  évidemment  non,  car  c'est  une 
charge  de  la  propriété  que  le  maître  de  tout  domaine 
acquitte  à  l'aide  du  revenu  qu'il  en  retire.  Ici  le  droit  de 
propriété  réside  dans  le  chef  de  la  Nation,  en  laquelle  les 
deux  qualités  de  créancier  et  de  débiteur  se  trouvant  réu- 
nies, l'obligation  et  la  créance  se  compensent  mutuelle- 
ment (muluâ  compensatione  todun(ur). 


(  S18  ) 

Quant  au  mobilier  existant  dans  les  parties  d'un  hôtel 
ministériel  ou  d'un  palais  épiseopal  à  d'autres  usages 
que  le  service  de  l'État,  des  provinces  ou  des  communes, 
il  est  passible  de  la  contribution  personnelle  (loi  du 
28  juin  1822,  art.  27). 

Est-il  nécessaire  d'ajouter  que,  relativement  aux 
domestiques  et  aux  chevaux,  tout  chef  d'un  Département 
ministériel  en  est  personnellement  tenu. 

Quoique  le  programme  de  ce  concours  soit  déjà,  par 
lui-même,  suffisamment  ample  et  de  grande  portée, 
l'auteur  s'est  naturellement  senti  entraîné  à  dire  en  pas- 
sant quelques  mots  de  divers  autres  problèmes  de  science 
sociale,  dont  la  solution  n'est  pas  indifférente  au  bonheur 
du  peuple,  tels  que  celui  du  service  personnel,  de  l'ensei- 
gnement par  l'État,  de  la  lutte  contre  l'alcoolisme,  etc., 
qu'il  est  de  notre  devoir  de  passer  sous  silence,  par  le 
motif  qu'ils  ne  rentrent  pas  dans  notre  sujet. 

Mais  nous  ne  saurions  lui  infliger  aucune  censure  pour 
avoir  courageusement  dénoncé,  au  tribunal  de  la  con- 
science publique,  la  perversité  d'une  école  qui  n'a  d'autre 
but  que  de  renverser  les  bases  fondamentales  de  la  société 
par  la  confiscation  de  la  propriété  privée,  avec  suppres- 
sion de  la  personnalité  individuelle  et  du  droit  de  famille 
(pp.  175  et  191  à  11)7).  Elle  ne  compte  pas  de  pires 
ennemis. 


I\ 


Après  la  lecture  décevante  des  théories  qui  réprouvent 
la  propriété  individuelle,  quel  soulagement  n'éprouve- 
t-on  pas  à  revenir  à  des  notions  plus  saines  et  plus  con- 


(  5*9  ) 
formes  à  la  nature  des  choses,  dont  à  notre  époque  Por- 
talis  a  buriné  la  formule  magistrale! 

Tel  est  le  but  que  se  propose  l'auteur  du  quatrième 
mémoire  (devise  :  L'homme  est  une  personne  sociable, 
17  cahiers  petit  in-4",  de  356  pages)  et,  dès  le  début,  il 
est  aisé  d'entrevoir  la  conclusion  à  laquelle  il  va  aboutir 
en  définitive. 

Avant  que  d'exposer  son  plan,  il  nous  donne  la  liste 
des  ouvrages  consultés  par  lui,  au  nombre  de  non  moins 
de  quatre-vingt-deux,  non  par  vain  étalage  de  science 
facile,  mais  uniquement  pour  en  extraire  la  substance  et 
la  faire  partager  par  le  lecteur. 

A  ce  premier  aspect  déjà,  l'excellence  de  sa  méthode 
ne  saurait  être  trop  prisée  en  ce  que,  sous  une  forme  con- 
densée, elle  l'initie  rapidement  à  la  connaissance  des 
nombreux  systèmes  auxquels,  déjà  dans  l'antiquité,  la 
théorie  légale  de  la  propriété  a  donné  naissance  et  que 
les  concurrents  sont  invités  à  analyser  et  à  discuter. 

Cela  fait,  il  ne  fallut  pas  longtemps  à  l'auteur  pour 
marcher  droit  au  but  et  (p.  8)  marquer  du  doigt  la  date 
précise  de  la  naissance  du  droit  de  propriété  individuelle, 
au  lendemain  même  du  premier  jour  de  l'humanité, 
s'im posant  à  elle  par  la  force  des  choses,  au  seul  titre  de 
son  indispensable  nécessité,  faisant  très  large  la  part  de 
la  communauté  sociale  sans  l'exagérer  toutefois,  lui 
accordant  tout  ce  qui  lui  est  absolument  indispensable, 
mais  rien  au  delà,  de  crainte  d'entreprendre  sur  la  per- 
sonnalité humaine,  qui  est  tout,  n'oubliant  pas  que 
■  (  toutes  les  fois  que  les  hommes  se  réunissent  pour  former 
»  une  corporation,  chacun  d'eux,  par  une  convention 
>  tacite  et  réciproque,  met  dans  un  dépôt  commun  la 
»  somme  de  moyens  et  de  force  nécessaire  pour  le  main- 


(  520  ) 

»  lien  de  la  société,  la  conservation  de  ses  membres  et  la 
»  défense  de  ses  droits  et  de  ses  propriétés  ».  (Arrêté  du 
Directoire  exécutif  du  15  floréal  an  Vif,  Pasinomie,  IX, 
p.  202.) 

Il  va  de  soi  que,  en  se  réunissant  en  société,  chacun 
n'aliène  en  sa  faveur  que  le  minimum  possible  des  droits 
qu'il  tient  de  la  nature  :  peu  d'apports,  avec  la  plus  grande 
somme  d'avantages  en  retour;  et  l'on  a  toujours  observé 
que  le  meilleur  gouvernement  est  celui  qui  accorde  à 
chacun  toute  la  liberté  compatible  avec  l'intérêt  de  tous. 
L'auteur  trouve  ainsi  (p.  15)  sa  raison  d'affirmer  que 
le  droit  de  propriété  ne  procède  pas  de  la  loi,  qui  ne  fait 
que  la  réglementer  dans  l'intérêt  de  tous,  uniquement 
pour  en  contenir  les  abus;  faisant  de  la  famille,  à  l'exem- 
ple de  Cicéron  (p.  10),  la  première  de  toutes  les  sociétés 
avec  primauté  d'honneur  et  de  rang  au  Roi  de  la  créa- 
tion, à  la  personnalité  humaine. 

Que  si  la  mise  en  commun  de  certaines  jouissances 
foncières  a  pu  exister  à  l'origine,  non  pas  de  nombre 
de  nations  régulièrement  ordonnées,  mais  seulement 
de  simples  peuplades  nomades,  comme  il  s'en  rencontre 
encore  de  nos  jours,  aux  derniers  confins  de  la  civilisa- 
tion (p.  80),  adonnées  au  pacage  et  au  libre  parcours, 
sans  pouvoir  se  fixer  nulle  part,  cet  exemple  trouve  sa 
justification  dans  l'impossibilité  même,  pour  ces  miséra- 
bles usagers,  de  cantonner  le  bétail  qui  lait  toute  leur 
richesse  sur  un  point  déterminé,  susceptible  de  culture 
réglée.  11  n'est  personne  qui  ne  reconnaisse  que  cette 
communauté  sans  ordre  est  la  source  des  plus  grands 
abus,  et  que  là  où  il  n'est  pas  de  propriété  individuelle, 
l'industrie  ne  peut  ni  naître  ni  prospérer.  Bien  plus, 
comme  l'étendue  des  jouissances  de  cette  sorte  est  en 


(  521  ) 
raison  de  l'importance  des  troupeaux  de  chaque  manant, 
nécessairement  l'avantage  est  pour  les  riches  seuls  (p.  27). 

Mais  autant  nous  souscrivons  volontiers  à  la  plupart 
(les  propositions  énoncées  par  l'auteur,  autant  il  nous  est 
difficile  de  partager  celte  affirmation  (p.  89)  trop  souvent 
renouvelée  d'une  prétendue  confiscation  des  anciens  biens 
du  clergé,  dès  le  début  de  la  Révolution  de  I7<S!),  par  le 
motif  que  la  Nation  n'était  pas  en  situation  de  s'appro- 
prier des  domaines  qui,  de  temps  ancien,  n'avaient  cessé 
de  lui  appartenir,  et  dont  l'affectation  seule  avait  été 
consentie  à  l'Église,  en  considération  des  services  qu'elle 
rendait  à  la  chose  publique,  sous  la  condition  bien 
expresse  de  taire  retour  au  domaine,  le  jour  où  ces 
services  prendraient  fin  (Causa  data,  causa  non  scruta). 

«  Un  corps  politique,  dit  Condorcet,  une  classe  d'hom- 
»  mes  ne  peut  jamais  acquérir  une  propriété  véritable; 
»  cette  propriété  ne  peut  jamais  être  regardée  qui; 
»  comme  une  destination  particulière  d'un  bien  apparte- 
»  nant  à  la  masse  totale  de  la  Nation  ;  c'est  à  la  Nation 
»  et  au  législateur  qui  la  représente  à  juger  si  celte  desti- 
»  nation  est  utile;  le  droit  de  la  changer,  lorsqu'elle  cesse 
»  de  l'être,  est  un  droit  aussi  inaliénable,  aussi  impres- 
»  criptible  que  celui  de  changer  la  forme  d'un  impôt.  » 
(Éd.  Arago.  Paris,  Didot,  1847,  t.  V,  p.  567,  lPl  octobre 
1780.) 

«  On  n'a  donc  plus  aucun  doute  que  la  vente  des  biens 
»  du  clergé,  faite  au  profit  de  l'État  et  pour  l'extinction 
»  de  ses  dettes,  ne  fût  une  opération  à  la  fois  légitime 
»  et  utile.  »  (Id.,  p.  508.) 

Être  de  raison  et  n'existant  qu'à  des  tins  déterminées, 
pour  l'accomplissement  de  quelque  service  d'utilité  géné- 
rale, un   établissement   public  se   trouve  dépourvu   des 


(  a°22  ) 

organes  indispensables  à  la  jouissance  d'aucun  bien  cor- 
porel, à  l'égal  des  personnes  physiques;  c'est  pourquoi 
une  certaine  portion  de  biens  lui  est  confiée  à  titre  pré- 
caire, à  des  lins  toutes  différentes,  à  titre  d'instrument, 
sans  pensée  aucune  de  luxe  ou  de  bien-être  matériel. 
Aussi,  à  toute  époque,  le  Souverain  s'est-il  appliqué,  les 
choses  n'étant  plus  entières,  à  reprendre  la  libre  dispo- 
sition de  ces  biens  devenus  sans  emploi,  pour  une  desti- 
nation en  rapport  avec  les  fins  proposées  (Ad  similem 
usum)  (1).  Encore  ne  s'y  croit-il  pas  rigoureusement 
obligé,  et  Valentinien,  ravissant  aux  temples  païens  sup- 
primés les  biens  composant  leur  ancienne  dotation,  en 
lit  l'attribution,  non  aux  chrétiens,  comme  chacun  pour- 
rait le  croire,  mais  au  fisc  lui-même.  Ils  n'en  demeuraient 
pas  moins,  comme  par  le  passé,  non  des  biens  particu- 
culiers,  mais  des  propriétés  administratives,  soumises  à 
des  principes  différents.  Et  l'on  observe  que,  sous  le 
régime  de  nos  archiducs,  la  faculté  de  droit  de  Louvain 
conclut  à  la  parfaite  légitimité  de  la  mesure. 

«  Collegii  damnati,  bona  universa  confiscantur,  » 
(Bodinus  III,  de  Rep.  7)  «  quemadmodum  et  Universi- 
-»  tatis,  v.  g.  civitatis  dissolutae,  si  nempè  et  incolae 
»  dissipentur,  neque  ultra  societatem  tueantur.  »  (L.  17, 
verb.  signif.  --  Bodinus  I,  de  Rep.  r.  Tuldenus,  prof,  à 


(1)  C'est  pourquoi  «  tous  les  biens  ecclésiastiques  sont  à  la  dispo- 
»  sition  de  la  nation,  à  la  charge  de  pourvoir,  d'une  manière  con- 
»  venable,  aux  frais  du  culte,  à  l'entretien  de  ses  ministres  et  au 
»  soulagement  des  pauvres...  »  (Décret  du  2  novembre  1789.) 

Ce  n'est  pas  là  une  confiscation;  le  clergé  ne  s'était  rendu  conpable 
d'aucune  infraction,  à  la  différence  des  émigrés,  «  bannis  à  perpé- 
>»  tuité  du  territoire  français,  morts  civilement,  et  dont  les  biens 
»  furent  acquis  à  la  République  ».  (Décret  des  28  mars-5  avril  1793.) 


(  525  ) 
Louvaiii,    1645,   Comra.   in   l'ami.,   tome  I",   |».    I2X. 
Lib.  III,  tit.  IV,  quaestio  IV.) 

Vers  la  même  époque,  au  cœur  de  l'Allemagne,  lors 
des  négociations  <|ni  précédèrent  la  paix  de  Westphalie, 
les  États  catholiques,  qui  représentaient  l'ancien  ordre 
de  choses,  entrèrent  en  composition  et  consentirent  à  la 
sécularisation  des  biens  de  l'Église.  (Albert  Sorel, 
L'Europe  et  la  Révolution  française,  1895,  1"'  partie, 
p.  249.) 

D'autre  part,  en  France,  au  siècle  précédent  (août  1559), 
François  I1',  abolissant  les  confréries  de  métiers,  n'hé- 
sita pas  à  reporter  au  trésor  tous  leurs  biens  meubles  et, 
pour  les  contestations,  s'il  venait  à  s'en  élever,  à  en  attri- 
buer la  connaissance  à  ses  juges  royaux. 

En  ce  qui  concerne  nos  provinces,  est-il  [besoin  de 
rappeler  la  mainmise  nationale  dont  turent  frappés  jtous 
les  biens  ci-devant  possédés  par  la  plus  puissante  de 
toutes  les  compagnies  religieuses  (20  septembre  1775)? 

Plus  près  de  notre  époque,  au  sein  des  États-Unis 
d'Amérique,  l'assemblée  de  Virginie  ne  se  contenta  pas 
de  prononcer  la  séparation  de  l'Église  et  de  l'État,  elle 
dépouilla  de  ses  biens  l'Église  épiscopale  pour  les  attri- 
buer au  domaine.  (Baird,  liv.  Il,  ch.XX.  —  A.  Carlier, 
Hist.  du  peuple  américain,  I,  p.  125.) 

Que  le  lecteur  bienveillant  nous  permette  cette  dernière 
invocation.  Personne  n'ignore  que  l'ancienne  Église  des 
Mormons,  fixée  aux  Étals-Unis,  s'était  acquis  une  déplo- 
rable notoriété  par  ses  mœurs  non  moins  que  par  l'étran- 
geté  de  ses  statuts.  Après  plusieurs  avertissements,  une 
loi  du  5  mars  1887  finit  par  ordonner  sa  dissolution  avec 
liquidation  consécutive.  Ses  biens  s'élevaient  à  une  valeur 
de  cinq  millions  de  francs,  que  le  gouvernement  fédéral 


(  524  ) 

se  proposait  de  réaliser,  lorsque  l'ancienne  association 
excipa  de  l'inconstitutionnalité  de  la  mesure.  Mais  la 
Cour  suprême,  jugeant  qu'elle  continuait  à  poursuivre  son 
but  et  à  contrecarrer  les  efforts  du  Congrès,  reconnut  au 
pouvoir  le  droit  d'en  disposer.  (Arrêt  du  19  mai  1890. 
Annuaire  de  législation-étrangère,  1890,  p.  790.) 

Ces  développements  échapperaient  difficilement  au 
reproche  de  n'être  ici  qu'un  hors-d'œuvre,  n'était  la 
nécessité  de  répandre  quelque  lumière  sur  un  point  de 
l'histoire  qu'on  se  complaît  à  obscurcir  et  d'empêcher  de 
s'accréditer  une  erreur  bien  des  fois  combattue.  Hâtons- 
nous  de  rentrer  dans  la  discussion  de  notre  sujet. 

11  nous  faut  renoncer  à  suivre  l'auteur  pas  à  pas  dans 
les  assauts  répétés  qu'il  livre  aux  adversaires  de  la  société, 
non  plus  que  dans  ses  considérations  sur  la  part  faite  au 
salaire  industriel  comparativement  aux  bénéfices  préten- 
dument réalisés  par  le  capital,  sur  le  droit  d'occupation, 
la  loi  d'airain,  les  crises  d'abondance  (p.  143),  le  protec- 
tionnisme et  la  réglementation. 

Notons  cependant,  à  raison  de  son  importance,  la 
concentration  capitaliste  et  ses  dangers  (p.  157),  les 
riches  devenant  plus  riches  et  les  pauvres  plus  pauvres, 
tandis  que  les  classes  moyennes  sont  appelées  à  dispa- 
raître ! 

L'auteur  y  répond  (p.  100),  non  sans  avantage,  en 
démontrant  que  le  machinisme  ne  lue  ni  la  petite  ni  la 
grande  industrie,  que  le  nombre  des  petits  ateliers  ne  se 
chiffre  pas  et  qu'ils  n'ont  rien  à  redouter  de  leur  absorp- 
tion par  quelques  banques  colossales. 

Sa  réponse  est  dans  le  développement  de  l'esprit  d'as- 
sociation qui  ne  saurait  être  enrayé  et  ne  manquera  pas 
d'avoir  raison  de  l'accaparement  imaginaire,  par  quelques 


(  525  ) 

individualités,  des  éléments  de  la  richesse  générale.  En 
attendant,  te  morcellement  du  sol  en  infinies  parcelles 
poursuit  régulièrement  son  œuvre  bienfaisante  et  civi- 
lisatrice. Qu'importe  que,  au  point  de  vue  de  la  produc- 
tion, le  capital  se  condense  en  quelques  mains,  si,  an 
moment  de  la  répartition,  il  retourne  à  chaque  ayant 
droit? 

I Mus  loin,  l*auteur  se  montre  adversaire  déterminé  du 
protectionnisme  (p.  152),  du  suffrage  universel  (p.  188), de 
l'abus  des  grèves  (p.  189),  de  la  règle  des  trois  huit  (p.  194), 
de  l'impôt  progressif  (p.  206),  comme  de  toute  réglemen- 
tation tendant  à  paralyser  l'initiative  individuelle.  Nous 
ne  saurions  lui  en  faire  un  grief. 

l'ai  contre,  il  préconise  (p.  215),  ce  qui  n'est  pas  moins 
bien,  la  solidarité  féconde  du  capital  et  du  travail. 

Mais  toute  sa  verve  et  sa  puissance  d'argumentation, 
l'auteur,  en  bon  stratégiste,  la  tient  en  réserve  contre  cet 
effondrement  général  dont  la  propriété  privée  se  trouve 
menacée,  et  qui,  nonobstant  toutes  les  cautèles  dont  on 
s'efforce  de  l'enguirlander,  n'en  forme  pas  moins  le 
credo  ne  varietur  du  collectivisme  intégral.  «  Le 
»  socialisme  limite  la  propriété  aux  seuls  objets  de  con- 
)>  sommation,  d'usage  quotidien  ou  immédiat,  de  sorte 
»  que  les  associés  de  la  grande  coopérative  socialiste 
»  n'auront  plus  qu'un  outil,  un  pain,  une  paire  de  draps, 
»  pas  même  une  culotte  de  rechange  »  (p.  222).  (Citoyen 
»  Ad.  Tabarant,  Catéchisme  socialiste,  78°  question.) 

Assurément,  parmi  toutes  ces  propositions  discutées 
tour  à  tour,  il  en  est  peu  qui  aient  le  mérite  de  la  nou- 
veauté; mais  c'est  beaucoup  déjà  que  d'avoir  retracé, 
avec  clarté  et  méthode,  celles  qui  présentent  un  relief 
suffisant  pour  en  tirer  une  conjecture  et  caractériser 
toute  une  école. 


(  526  ) 

Après^ètre  parvenu  ainsi,  non  sans  un  talent  réel,  à 
faire  judicieusement  la  part  de  l'ivraie  d'avec  le  bon 
grain,  l'auteur  ne  pouvait  manquer  de  répondre  au  vœu 
de  la  Classe,  en  passant  à  l'analyse  et  à  la  discussion  des 
principales  théories  socialistes  et  collectivistes  modernes. 

Cette  troisième  partie  ne  le  cède  en  rien  aux  deux  pre- 
mières et,  dès  le  début,  l'auteur  s'attache,  avec  l'auto- 
rité de  Fustel  de  Coulanges  (p.  235),  à  réfuter  la  pré- 
tendue existence  d'une  communauté  absolue  chez  les 
Germains  d'autrefois,  Valemende  n'apparaissant  que  tard 
vers  le  XIIIe  siècle  et  se  limitant  aux  forêts,  aux  pâquis 
livrés  à  la  jouissance,  comme  de  nos  jours  encore  dans 
certains  cantons  de  la  Suisse,  de  la  Belgique  et  de  la 
France. 

Plus  loin  (p.  258),  il  s'en  prend  aux  inconvénients  de 
la  théorie  proposée  par  de  Laveleye,  pour  nous  initier  au 
régime  de  la  propriété  foncière  de  Java  (p.  259).  Là  aussi 
le  manant  est  attaché  à  la  glèbe,  ce  qui  n'empêche  aucu- 
nement la  propriété  privée  de  subsister  à  côté  de  cette 
tenure;  encore,  sur  vingt  provinces,  c'est  à  peine  s'il  en 
existe  six  où  [ce  mode  soit  pratiqué;  il  s'explique  d'ail- 
leurs par  des  nécessités  inhérentes  à  la  culture  étendue 
des  rizières  et  des  terres  irriguées,  —  et  semble,  du  reste, 
peu  se  recommander  par  ses  résultats  financiers. 

L'auteur  ne  pouvait  passer  sous  silence  (p.  245)  l'argu- 
ment tiré  par  ses  adversaires  de  ce  que  l'on  est  convenu 
d'appeler  le  socialisme  d'Etat,  en  tant  qu'il  s'applique 
à  l'exploitation  du  chemin  de  fer,  des  postes  et  télégra- 
phes, etc.,  avec  les  agrandissements  incessants  du  domaine 
national. 

Mais,  il  est.  aisé  de  le  pressentir,  d'avance  la  raison  a 
répondu  pour  nous   que  ce  ne  sont  là  qu'autant  de  ser- 


(  527  ) 

vices  publics  et  d'administration  pure,  auxquels,  pour 
constituer  de  vraies  industries,  l'esprit  de  spéculation  fait 
complètement  défaut,  et,  pourrions-nous  ajouter,  plût  au 
Ciel  que  le  gouvernement  de  la  société  n'eût  pas  d'autres 
sujets  de  crainte,  et  bientôt  la  paix  universelle  se  trouve- 
rait solennellement  scellée.  «  Malheureusement,  ses 
»  adversaires  ne  dissimulent  pas  (p.  310)  <jue  ce  qu'ils 
»  visent,  c'est  aussi  bien  le  renversement  de  l'autel  que 
»  celui  du  trône  et  du  capitalisme  (VoUcsrecht  du  16  dé- 
»  cembre  1893),  et  la  famille  réduite,  dans  l'espace,  à  la 
»  mère  et  à  l'enfant,  dans  le  temps,  à  la  période 
»  d'allaitement  [Guesde,  Catéchisme  socialiste,  p.  79].  » 
(P.  315.)  L'État  voulant  bien  se  charger  (p.  513),  par  res- 
pect pour  la  doctrine  de  Malthus,  de  limiter  prudemment, 
par  des  commissaires  attitrés,  le  développement  de  la 
population  à  ce  que  comportent,  chaque  année,  les  pro- 
duits de  la  récolte,  «  de  façon,  écrit  B.  Mal  on  (Précis  de 
»  socialisme,  p.  322),  à  n'être  pas  pris  au  dépourvu,  si 
»  elle  est  mauvaise  ». 

L'auteur  ne  pouvait  davantage  laisser  sans  réponse  ce 
grief  de  l'inégalité  des  patrimoines,  perfidement  exploité 
dans  la  seule  vue  d'éveiller  de  coupables  convoitises  et 
d'arriver  plus  facilement  à  une  fusion  générale  de  tout 
l'actif  social  ;  puis,  pour  ne  parler  que  de  la  région  qui 
nous  touche  de  plus  près,  il  rappelle  cet  exemple  con- 
cluant (p.  288)  que,  en  1892,  dans  la  province  de  Hainaut, 
87,000  ouvriers  de  charbonnages  ont  touché  un  salaire 
de  82  millions  de  francs,  tandis  que  les  bénéfices  distri- 
bués n'ont  pas  atteint  sept  millions  et  demi;  de  telle 
sorte  que  si  l'on  avait  ajouté  le  bénéfice  au  salaire,  celui- 
ci  n'eût  été  augmenté  que  de  vingt  centimes  par  jour, 
beaucoup  moins  que  la  consommation  normale  de  spiri- 
tueux nuisibles. 


(  528  ) 

Le  capit.il,  il  est  vrai,  n'en  aurait  rien  eu,  quoique 
<c  premier  auteur  et  originel  fondateur  d'icelle  houillerie  » 
(de  Loivrex,  II,  228,  n°  5).  A  lui,  et  à  lui  seul,  tout  le 
risque  d'une  entreprise  aussi  colossale. 

Cet  exemple,  il  faut  le  rapprocher  de  cet  autre  (p.  522), 
non  moins  à  propos,  que  dans  une  contrée  telle  que  la 
Prusse  ou  la  France,  si  l'on  mettait  en  commun  tous  les 
revenus  excédant  25,000  francs  pour  les  distribuer  au 
peuple,  chaque  tète  d'habitant  n'en  recevrait  pas  plus  de 
onze  centimes  par  jour. 

Contentons-nous  d'ajouter,  pour  l'édification  de  cha- 
cun (p.  552),  que,  à  une  époque  relativement  récente, 
dans  la  Psouvelle-Galles  du  Sud,  l'acte  des  chemins  de  fer, 
avec  quelques  autres  expériences  collectivistes  de  ce 
genre,  a  eu  pour  résultat  une  crise  financière  dont  le 
souvenir  n'est  pas  effacé.  Les  tentatives  de  Paris,  Rou- 
baix,  Marseille,  Saint-Denis,  Seraing  n'ont  pas  été  plus 
heureuses  (p.  554)  (Journal  de  Bruxelles,  octobre  481)5); 
non  plus  que  cette  autre,  due  à  l'initiative  de  six  cents 
agriculteurs  australiens  débarqués  au  Paraguay,  comblés 
par  le  gouvernement  de  privilèges  et  de  concessions  sans 
nombre,  pour  ne  pas  réussir  mieux  que  leur  triste  ini- 
tiateur Cabet,  dont  la  carrière  prit  misérablement  fin  en 
police  correctionnelle. 

Et  sans  pouvoir,  dès  à  présent,  indiquer  le  rang  que 
l'auteur  nous  parait  devoir  occuper  dans  cette  épreuve 
scientifique,  disons  que  son  œuvre  mérite  de  fixer  l'atten- 
tion de  la  Classe  et  qu'il  serait  profondément  regrettable 
de  ne  pas  lui  procurer  les  honneurs  d'une  publicité  dont 
la  science  sociale  ne  sera  pas  la  dernière  à  recueillir  le 
bénéfice. 


(  529  ) 


V, 


Beaucoup  des  qualités  que  nous  venons  de  constater 
dans  le  précédent  mémoire,  nous  sommes  heureux  de  les 
retrouver  dans  le  cinquième,  portant  pour  devise  une 
sentence  d'Aristote,  mais  au  talent  près,  avec  une  élévation 
de  pensée  plus  haute  et  une  vigueur  d'argumentation  qui 
ne  laisse  à  la  réplique  aucune  place,  ce  qui  nous  permet 
d'abréger  quelque  peu  l'analyse  qui  va  suivre. 

Les  deux  plans  marchent  ainsi  comme  de  conserve;  le 
second  d'une  allure  vraiment  magistrale  et  dans  une 
forme  plus  alerte. 

L'auteur  commence  par  nous  rappeler  la  notion  de  la 
propriété  en  droit  romain  (p.  15)  et  en  droit  moderne 
(p.  22),  sans  négliger  le  peuple  hébreu,  qui  pratiqua  le 
régime  de  l'individualité. 

Il  en  retrace  les  fondements  (p.  55),  d'accord  avec 
Cicéron  (p.  58)  et  Sénèque,  avant  que  de  passer  à  Thomas 
d'Aquin,  qu'il  doit  posséder  à  fond.  A  ses  yeux,  sa  justi- 
fication git  dans  l'ordre  de  la  nature  et  dans  sa  nécessité 
même  (p.  48). 

Quoi  d'étonnant,  dès  lors,  de  le  voir  se  séparer  nette- 
ment de  Hohbes  et  Spinoza,  comme  fit  Montesquieu?  Sa 
pensée,  il  la  formule  par  une  sentence  non  moins  impé- 
rative  que  catégorique  :  Le  bien  public  n'est  jamais  qu'on 
prive  un  particulier  de  son  bien. 

Quand  il  en  vient  à  discuter  la  théorie  du  Contrat 
social,  il  ne  se  fait  pas  faute  de  relever  les  contradictions 
qu'il  y  rencontre  ;  c'est  qu'il  trouve  en  son  auteur  non 

5"'e    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  35 


(  530  ) 

moins  de  trois  personnages  différents,  difficiles  à  concilier 
entre  eux,  entassant  à  plaisir  sophismes  sur  sophismes 
et  obscurités  sur  obscurités  en  vue  de  coordonner  les 
diverses  parties  d'un  système  qui  se  heurtent  et  s'entre- 
choquent. 

D'ailleurs,  trop  souvent  l'on  perd  de  vue  que  ce 
fameux  Contrat  n'a  été  écrit  que  pour  une  petite  répu- 
blique, de  fort  peu  d'étendue;  que  Genève  est  une  cité 
à  la  manière  antique,  où  les  mœurs  républicaines  sont  de 
tradition;  «  que  Rousseau  idéalisait  toutes  ses  passions, 
»  voyant  le  monde  dans  son  âme  et  considérant  l'huma- 
»  nilé  dans  sa  patrie,  n'ayant,  en  réalité,  observé  et  ne 
»  connaissant  que  Genève  ».  (Albert  Sorel,  L'Europe  et 
la  Révolution  française,  tome  Ier,  p.  183.) 

Puis,  après  avoir  discuté  successivement  l'école  de 
Grotius  et  celle  de  Puffendorf,  il  en  arrive  à  affirmer,  une 
fois  de  plus,  sans  hésitation  (p.  97),  que  le  principe  de 
la  propriété  individuelle  n'est  pas  ailleurs  que  dans  la 
nature  intime  de  l'homme,  dans  sa  condition  d'être  rai- 
sonnable et  libre,  avec  la  destinée  de  se  continuer  au 
sein  de  la  famille,  dont  il  a  le  gouvernement  avec  la 
responsabilité. 

Sa  transmission  par  voie  d'hérédité  n'en  est  que  le 
corollaire  (p.  527)  ;  à  la  veille  de  89,  les  célèbres  Cahiers 
ne  manquèrent  pas  d'en  exprimer  le  vœu  (p.  128). 

Pour  Mommsen,  comme  pour  Fustel  de  Goulanges,  ce 
qui  apparaît  dès  le  premier  âge  de  la  cité  romaine, 
c'est  le  principe  de  la  propriété  familiale  (p.  240),  de 
même  que  chez  les  peuples  de  moindre  civilisation,  tels 
que  les  Indous,  les  Hébreux,  les  Babyloniens,  les  Égyp- 
tiens, sans  en  excepter  l'Extrême-Orient  (pp.  249-289). 


S5I   ) 

l'assaut  à  la  discussion  des  théories  modernes,  l'au- 
teur uo  pouvait  passer  sous  silence  les  deux  ouvrages  qui, 
depuis  le  XVIIe  siècle,  ont  inspire  le  socialisme  moderne, 
à  savoir  les  écrits  de  Platon  et  de  Thomas  Moins  (p.  ±)ii. 

Mais  il  a  hâte  d'ajouter,  pour  le  premier  (p.  297),  qu'il 
ne  propose  la  communauté  des  biens  que  pour  les  guer- 
riers; il  ne  l'étend  ni  aux  laboureurs  ni  aux  artisans,  à 
la  différence  de  Bebel  et  ses  adeptes,  qui  font  dériver  le 
principe  de  la  propriété  du  pouvoir  social,  conception 
que  Platon  a  soin  de  repousser.  Grande  est  la  diffé- 
rence. 

Quant  à  Utopie,  écrite  dans  une  langue  au-dessus  de 
la  portée  du  peuple  et  dont  on  a  fait  le  plus  étrange 
abus,  son  auteur  ne  s'est  proposé  d'autre  but  que  de  flé- 
trir les  abus  de  son  époque,  traçant,  comme  par  pur 
caprice  de  littérateur,  un  idéal  que  lui-même,  le  premier, 
eût  refusé  de  mettre  en  pratique  (p.  299).  Ce  n'était  pas 
l'œuvre  d'un  anarchiste. 

Suit  une  analyse  méthodique  et  consciencieuse  de 
l'œuvre  entière  qui  ne  paraîtra  longue  à  personne  tant 
elle  renferme  d'érudition  et  de  développements  nouveaux, 
sous  une  forme  pleine  de  simplicité. 

Ce  n'est  pas  avec  une  aisance  moins  grande  que  l'au- 
teur passe  en  revue  les  théories  sans  nombre  qui  vinrent 
au  jour,  avant  que  de  jeter  les  yeux  sur  l'Allemagne,  au 
sein  de  laquelle  le  collectivisme  moderne  déposa  son 
berceau  avec  Marx  et  Lasalle. 

L'auteur  résume  à  larges  traits  cette  époque  néfaste  (1 795) 
que  chacun  aspire  à  effacer  de  l'histoire  et  qui,  formons- 
en  le  vœu,  n'est  pas  à  recommencer. 

Bientôt  il  passe  rapidement  en  revue  toute  la  légion 


(  532  ) 
des    réformateurs    modernes,    parmi     lesquels    Robert 
Ovven,  Fourier,  Saint-Simon,  Cabet,  dont  aucun  ne  fit 
école,  pas  même  Louis  Blanc  (pp.  541-566),  et  dont  plus 
d'un  finit  dans  l'oubli,  si  pas  dans  la  misère. 

Enfin,  Malon,  Jaurès,  Georges  Renard  et  Jules  Guesde, 
parmi  les  plus  illustres  de  ces  agitateurs  (pp.  409-420), 
et  pour  finale,  le  collectivisme  en  Belgique,  avec  une 
devise  qui  est  tout  un  programme  :  Suppression  des 
classes,  transformation  radicale  de  la  société  actuelle 
(Ém.  Vandervelde). 

Ce  n'était  pas  assez  d'initier  le  lecteur  à  la  connais- 
sance de  ces  théories  funestes,  l'auteur  n'a  pas  reculé 
devant  le  devoir  de  les  réduire  à  néant  (p.  455). 

Le  grand  reproche  qu'il  adresse  au  coryphée  de  ce 
parti  subversif,  c'est  de  ne  voir,  dans  la  production 
de  la  plus-value  que  le  travail  de  l'ouvrier  et  de  fermer 
les  yeux  sur  la  fonction  du  capital,  qui  a  aussi  son  impor- 
tance. On  ne  les  séparerait  pas  impunément.  En  toute 
entreprise  industrielle  de  quelque  importance,  une  direc- 
tion intelligente  et  ferme  s'impose  de  toute  nécessité. 

Avec  quel  bonheur  d'expression  n'expose-t-il  pas  ensuite 
le  jeu  régulier  des  conditions  du  contrat  de  travail,  de 
cette  sombre  loi  d'airain  qui  n'empêche  cependant  pas 
les  salaires  de  s'élever  sans  cesse  et  la  condition  du 
prolétaire  de  s'améliorer,  tandis  que  le  patron  rapace  ne 
sort  de  ces  épreuves  que  honni  et  conspué,  au  prix  d'in- 
quiétantes malédictions.  Néanmoins,  qui  a  fait  les  avan- 
ces, qui  a  fourni  les  outils,  qui  a  recruté  le  personnel 
nécessaire  à  l'entreprise? 

Enfin,  et  pour  ne  rien  omettre,  il  formule  à  son  tour, 
en  manière  de  déclaration  des  droits  de  l'homme,   le 


(  535  ) 

nouveau  credo  d'économie  sociale  dont  voici  les  assises 
principales  (p.  545),  et  qui  résume  toute  sa  pensée  : 

1°  Reconnaissance  et  respect  des  droits  naturels  de 
l'individu  et  de  la  famille; 

2°  Liberté  des  citoyens; 

5°  Force  de  l'autorité  et  de  ses  pouvoirs; 

4°  Production  des  richesses  au  sein  de  l'union  et  de  la 
paix. 

Tout  ceci,  on  le  pense  aisément,  n'est  pas  une  ébauche 
esquissée  à  la  hâte,  à  l'annonce  de  quelque  concours  scien- 
tifique :  ce  ne  peut  être  que  la  quintessence  honnête  et 
consciencieuse  de  toute  une  vie  de  bénédictin,  laissant 
entrevoir  un  méditatif  accompli,  un  sage  de  grande  allure 
doublé  d'un  sociologue  plein  de  correction  et,  pour  tout 
dire,  un  fin  lettré  qui  n'a  pas  oublié  ses  classiques  et 
que  nous  soupçonnons  fort  d'avoir  été  en  apprentissage 
chez  les  Pères  de  l'Église,  dans  la  familiarité  desquels  il 
semble  avoir  vécu.  Thomas  d'Aquin  ne  l'eût  pas  renié. 

Toujours  en  pleine  possession  de  son  sujet,  hébraïsant 
en  Judée,  assyriologue  à  son  heure,  pour  lui,  les  textes 
cunéiformes  n'ont  pas  de  secret. 

Poursuivant  l'erreur,  visière  relevée,  sans  merci,  par- 
tout où  il  la  rencontre,  sans  jamais  offenser  la  moindre 
susceptibilité  de  personne,  comme  il  sied  à  un  champion 
loyal,  à  un  féal  chevalier.  Parcere  personis,  dicere  de  vitiis. 

La  collectivité  sociale  en  ressortira  singulièrement 
amoindrie  ;  elle  ne  pouvait  rencontrer  d'adversaire  plus 
redoutable,  de  même  que  votre  Classe  ne  pouvait  recevoir 
une  assurance  plus  haute  de  l'opportunité  de  la  question 
posée  ;  et  la  réponse  qui  lui  est  donnée  est  de  celles  qui 
peuvent  aspirer  à  l'unanimité  des  suffrages. 


(  531  ) 


Hnji/xnl   tit'    fff .    #*#•<•»•/* ,    tlftt-fiontf    rt>ninté»stiii-f 

«  Il  n'est  peut-être  pas  de  question  agitée  depuis  plus 
de  temps  que  celle  que  nous  sommes  appelés  à  juger. 
Depuis  que  l'esprit  humain  discute  l'organisation  sociale, 
il  a  dû  débattre  cette  question  de  la  propriété  privée.  Si 
les  adversaires  ont  changé,  les  arguments  directs  et  essen- 
tiels changent  peu.  Certes,  l'organisation  du  régime 
économique  des  sociétés  modernes  a  fourni  quelques 
données  nouvelles;  on  a  articulé  contre  la  propriété  quel- 
ques griefs  nouveaux.  La  stratégie  de  l'attaque  a  amené 
une  modification  dans  celle  de  la  défense.  II  y  a  un  côté 
neuf  du  problème,  mais  le  fond  est  vieux  de  plusieurs 
siècles.  Vapparatus  se  complique,  l'art  du  débat  s'aflîne, 
la  polémique  essentielle  demeure  toujours  la  même.  En 
demandant  aux  concurrents  la  défense  de  la  propriété,  on 
ne  pouvait  donc  espérer  beaucoup  de  neuf;  on  ne  pou- 
vait que  réclamer  un  clair  exposé  de  la  doctrine  et  un 
habile  et  sagace  système  de  défense  adapté  à  la  stratégie 
contemporaine. 

Ainsi  comprise  d'ailleurs,  la  question  était  vaste  déjà; 
presque  tous  les  concurrents  l'ont  prise  dans  sa  notion 
stricte,  sans  chercher  à  la  rattacher  à  des  systèmes  plus 
généraux.  Ont-ils  eu  tort?  On  serait  tenté  de  le  croire,  car 
il  y  aurait  eu  du  charme  à  voir  prendre  corps  à  corps  ces 
théories  qui  ont  accaparé  le  nom  de  sociologie  et  n'ont 
pu  encore  s'accorder  sur  un  système  déterminé.  Il  y 
aurait  eu  plaisir  à  voir  éclater,  sous  la  plume  vigoureuse 
de  certains  concurrents,  le  rapport  intime  qui  existe 
entre  le  principe  de  la  propriété  et  la  finalité  humaine 
que  proclame  l'un  d'entre  eux.   Mais  peut-être  valait-il 


(  535  ) 

mieux  sacrifier  cette  satisfaction  scientifique  et  ne  pas 
élargir  une  question  déjà  si  vaste,  savoir  se  borner  pour 
rester  méthodique.  C'est  ce  qu'ont  fait  les  meilleurs  con- 
currents, se  contentant,  dans  de  rapides  aperçus,  d'indi- 
quer les  causes  plus  lointaines  des  erreurs  qu'ils  combat- 
tent. Ils  s'en  sont  tenus  aux.  théories  se  rattachant  tout 
intimement  à  la  propriété;  s'ils  y  ont  perdu  en  envergure, 
ils  y  ont  gagné  en  précision  ;  ils  ont  jugé,  peut-être  à 
bon  droit,  qu'ils  ne  pouvaient,  à  propos  de  propriété, 
discuter  toute  la  vie  sociale,  sous  peine  de  faire  des 
volumes  ou  de  rester  superficiels  et  vagues. 


M.  le  premier  Commissaire  a  analysé  les  cinq  mémoires 
soumis  au  jugement  de  l'Académie;  il  ne  les  a  point  tous 
classés,  mais  il  a  indiqué  celui  qui  lui  paraît  mériter  vos 
suffrages.  Ma  tâche  se  trouve  d'autant  plus  simplifiée  que 
sur  ce  dernier  point,  la  conclusion,  je  me  trouve  d'accord 
avec  lui  :  c'est  également  au  mémoire  qu'il  a  marqué  n°  5 
et  portant  pour  épigraphe  :  Aëi  xxX.  que  je  propose  à 
la  Classe  d'accorder  la  palme. 

Il  me  sera  permis  cependant  d'ajouter  quelques  consi- 
dérations au  sujet  des  divers  mémoires  reçus  en  les  pre- 
nant sans  suivre  un  ordre  déterminé,  selon  qu'ils  s'offrent 
à  mon  examen. 


Je  ne  m'attache  pas  au  mémoire  qui  porte  pour 
devise  :  Cuique  suum,  dont  M.  le  premier  Commissaire  a 
parlé  longuement;  je  me  permets  de  dire  un  mot  des 
quatre  autres. 


(  536  ) 


Le  défaut  d'unité  est  le  signal  de  la  mort,  etc.  Telle  esl 
l'épigraphe  d'un  petit  volume  coquettement  imprimé. 
Il  se  divise  en  trois  parties  :  Fondement  du  droit.  - 
Opportunité  du  droit.  —  Systèmes  adverses.  —  Au  point 
de  vue  du  style,  il  paraît  le  meilleur;  peut-être  le  paraît- 
il  à  cause  de  la  facilité  de  lecture  d'un  texte  imprimé. 
Il  a  aussi  un  autre  mérite,  celui  de  mettre  en  vedette  le 
caractère  matérialiste  du  marxisme.  L'évolution  maté- 
rialiste a  une  influence  très  grande  sur  la  doctrine  de 
Marx,  et  nos  concurrents  en  général,  même  celui-ci,  y 
insistent  trop  peu.  Il  le  fait  aussi,  je  le  reconnais,  comme 
le  lui  reproche  M.  le  premier  Commissaire,  avec  trop 
peu  de  clarté.  Dire  que  «  la  structure  économique  est  la 
base  réelle  sur  laquelle  s'élève  ensuite  l'édifice  juridique 
et  politique  »,  cela  peut  s'interpréter  de  vingt  façons;  ce 
qu'il  importe  d'exclure,  c'est  le  déterminisme  de  l'évolu- 
tion intégrale  par  le  phénomène  économique,  s'il  m'est 
permis  d'employer  ce  style  que  je  ne  chéris  pas,  pour 
exprimer  une  idée  que  je  ne  chéris  pas  davantage. 

L'auteur  expose  le  fondement  de  la  propriété  indivi- 
duelle; il  le  trouve  dans  la  personnalité,  mais  sa  démons- 
tration, en  effet,  est  imparfaite.  Il  a  l'air  de  limiter  la 
propriété  aux  besoins  de  l'existence;  il  en  a  l'air,  dis-je, 
car  en  réalité  peut-être  ne  le  veut-il  point;  il  cherche  à 

s'expliquer,   mais  il   y  a   là   évidemment  un  défaut  de 

netteté. 
D'autre  part,    il  expose  longuement  les  atténuations 

de   la    propriété,   des  correctifs   par  justice  et  charité 

(paragr.   XIX  :   Propriété,  justice,  charité)  dans  l'usage. 


(  537  ) 
dos  biens,  dans  1rs  contrats,  dans  l'ensemble  de  la  vie 
sociale.  L'idée  est  fort  à  sa  place,  et  nous  reprochons  aux 
autres  mémoires  de  l'avoir  un  peu  négligée.  .Nous  voulons 
bien  admettre  que  l'auteur  se  soit  un  peu  trop  éloigné  du 
sujet  principal,  que  son  étude  des  contrats  de  société  et 
d'industrie  prenne  relativement  trop  de  place;  nous 
ajouterons  que  nous  ne  partageons  pas  son  avis  sur  les 
limites  qu'il  assigne  à  la  justice  et  à  la  charité,  mais  il 
n'en  est  pas  moins  vrai  que  cette  théorie  est  en  rapport 
intime  avec  le  rôle  de  la  propriété  dans  l'économie 
sociale.  Cet  exposé,  avec  le  chapitre  intitulé  :  Opportu- 
nité du  droit,  tout  converge  vers  cette  idée  maîtresse  que 
le  régime  de  la  propriété  individuelle,  malgré  ses  abus, 
est  conforme  à  l'ordre  naturel,  qu'il  est  lié  au  dévelop- 
pement de  la  richesse  publique.  «  Le  régime  de  la  pro- 
priété individuelle,  dit-il  (p.  180),  se  caractérise  précisé- 
ment par  là,  qu'il  livre  en  quelque  sorte  l'homme  à  ses 
propres  destins  et  à  ses  délibérations  personnelles;  là  se 
trouvent  à  la  t'ois  son  mérite  et  ses  dangers,  mais  ceux-ci 
peuvent  être  combattus  sans  qu'on  doive  pour  cela  faire 
disparaître  le  régime,  tandis  que  son  mérite  ne  se  retrouve 
nulle  part  ailleurs,  et,  lui  disparu,  disparaîtrait  sans 
retour.  »  «  S'en  prendre  aux  abus,  rien  de  mieux,  ce 
doit  être  l'objet  d'un  travail  incessant,  mais  ayons  tou- 
jours soin,  dit-il  (p.  172),  de  distinguer  l'abus  de  l'insti- 
tution à  laquelle  il  s'attache.  »  Ces  abus,  il  en  signale  de 
diverses  natures,  comme  il  marque  les  avantages  du 
système  actuel.  Peut-être  va-t-il  trop  loin,  et  les  limites 
qu'il  assigne  aux  devoirs  moraux  qui  restreignent  la 
liberté  sont-elles  trop  peu  sévères;  mais  nous  n'avons  pas 
à  faire  la  critique  détaillée  des  opinions  des  concurrents. 
On  pourrait  se  demander  ici  si  les  démonstrations  ne  sont 


(  538  ) 

pas  trop  affirmatives,  si  la  preuve  est  assez  fournie. 
L'auteur  est  aussi  évidemment  plus  philosophe  et  théori- 
cien que  statisticien,  mais  il  y  a  dans  ses  remarques  bien 
des  observations  très  justes,  et  l'empire  qu'il  donne  à  la 
notion  de  la  finalité  humaine  mérite  d'être  noté. 

En  somme,  l'auteur  ne  traite  bien  certainement  pas  la 
question  suivant  les  traditions  classiques;  il  a  une  allure 
personnelle;  peut-être  se  dégage-t-il  même  trop  des  tradi- 
tions. Il  y  a  des  idées  trop  générales,  des  aperçus  qui 
manquent  de  netteté,  mais  il  y  a  des  qualités  sérieuses. 
Nous  regrettons  que  la  notion  philosophique  n'ait  pas  été 
étudiée  suivant  une  méthode  plus  rigoureuse.  C'est  le 
présent  mémoire  qui  s'attache  surtout  à  ce  que  j'appelle- 
rai la  psychologie  de  la  propriété,  et  néglige  son  histoire 
externe.  Il  le  fait  souvent  avec  ingéniosité,  souvent  aussi 
avec  justesse,  sinon  avec  assez  de  netteté  et  de  méthode. 
Si  le  résultat  ne  répond  pas  à  l'attente,  si  le  travail  ne 
répond  pas  suffisamment  à  son  plan,  il  faut  cependant 
lui  tenir  compte  de  ce  plan  lui-même  et  des  aperçus  très 
suggestifs  qu'il  contient. 


Improbos  odimus  odio  civili,  tel  est  le  titre  d'un  autre 
mémoire.  Il  se  divise  en  quatre  parties  :  Fondement  du 
droit  de  propriété  individuelle.  —  Suppression  du  droit  de 
propriété  individuelle.  —  Le  socialisme.  —  Conclusion. 

Nous  voudrions  commencer  par  celle-ci,  où  il  y  a  quel- 
ques pages  éloquentes,  défendant  en  termes  émus  et  élevés 
la  doctrine  du  spiritualisme.  Le  souci  trop  exclusif  des 
intérêts  matériels  est  un  des  éléments  essentiels  du  socia- 
lisme; on  ne  peut  assez  le  mettre  en  lumière.  Le  matéria- 


(  539  ) 

lisme  est  l'âme  du  socialisme;  il  est  la  raison  d'être  de 

ses  succès  pratiques. 

Mais,  même  dans  cette  partie  du  mémoire,  s'il  y  a 
quelque  éloquence,  il  y  a  bien  peu  de  méthode  et  de  pro- 
cédé scientifique. 

Les  autres  chapitres,  où,  sans  doute,  se  trouvent  aussi 
quelques  bonnes  pages,  sont,  dans  l'ensemble,  d'une 
lamentable  faiblesse. 

L'auteur  du  mémoire  est  un  partisan  intransigeant  de 
la  liberté,  un  libertaire  féroce.  Selon  lui,  sans  doute,  la  loi 
morale  doit  régler  les  actes  humains,  mais  dans  la  vie 
sociale  le  rôle  de  l'État  doit  être  réduit  à  sa  plus  simple 
expression.  Il  y  a  des  choses  qu'il  doit  faire,  mais  il  les  fait 
déjà  bien  mal,  et  chaque  jour  on  lui  trouve  de  nouvelles 
attributions!  Il  se  mêle  de  tout,  il  limite,  il  entrave  la 
propriété  individuelle;  c'est  lui  le  grand  coupable.  Que 
l'auteur  critique  certains  abus,  certaines  erreurs  de  l'Etat, 
parfait!  Mais  quelles  exagérations  ne  sont  pas  les  siennes! 
L'État  a  toujours  été  un  socialiste  incorrigible!  Toute 
intervention  lui  parait  socialiste,  et  c'est  à  grand  regret 
qu'il  laisse  à  l'État  quelques  attributions  essentielles.  Il 
est  clair  qu'en  matière  économique  l'intervention  ne  se 
justifie  pas  pour  l'auteur.  La  célèbre  formule  du  laisser 
faire,  laisser  passer  a  toute  sa  sympathie.  C'est  dur  peut- 
être  parfois,  dans  certaines  circonstances,  mais  la  justice 
est  toujours  implacable  !  Il  y  a  d'ailleurs  la  loi  divine  de 
la  charité  à  laquelle  il  remet  le  soin  d'en  corriger  les 
rigueurs. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  combattre  ici  la  thèse  même  de 
l'auteur.  Réduire  à  un  tel  point  le  droit  de  l'Etat  est 
une  exagération  funeste  dont  les  faibles  sont  trop  souvent 
victimes.  Et,  sans  doute,  si  partout  régnait  une  vive  effer- 


(  540  ) 
vescence  de  charité,  on  pourrait  se  passer  de  lois  réprimant 
les  abus;  mais  nous  ne  sommes  pas  dans  cette  cité  idéale. 

L'auteur  n'a  aucun  besoin  de  déclarer  qu'il  appartient  à 
l'école  de  Manchester;  au  surplus,  je  me  demande  s'il  se 
trouve  beaucoup  d'auteurs,  même  de  son  école,  allant  aussi 
loin  que  lui.  Il  n'y  a  pas  de  pire  moyen  de  défendre  la 
propriété  que  de  la  rendre  illimitée  dans  le  sens  absolu  où 
l'auteur  l'entend. 

Défendre  la  propriété  et  la  liberté  ne  suffît  pas  d'ail- 
leurs; il  faudrait  tout  au  moins  marquer  les  devoirs  qui  y 
servent  de  contrepoids.  L'auteur,  qui  combat  si  bien  les 
abus  de  l'État,  parle  à  peine  de  ceux  des  hommes.  Défen- 
due comme  elle  l'est  par  l'auteur,  la  propriété  me  parait 
en  très  fâcheuse  posture  devant  ses  juges. 

Mais  ce  n'est  pas  la  doctrine  de  l'auteur  qui  fait  l'objet  de 
ce  rapport.  S'il  avait  su  la  bien  défendre,  il  eût  mérité  notre 
suffrage.  Mais  il  est  difficile  de  concevoir  méthode  moins 
scientifique.  Sans  doute,  le  style  est  alerte,  incisif,  mais  il 
procède  presque  partout  par  affirmations  tranchantes,  se 
bornant  à  enlever  la  preuve  par  quelques  arguments  aussi 
clinquants  que  rapides.  C'est  un  feu  d'artifice,  qui  éblouit 
plus  qu'il  n'éclaire. 

Il  n'y  a  dans  tout  ce  manuscrit  presque  pas  une  cita- 
tion, même  des  auteurs  socialistes  qu'il  doit  combattre; 
il  y  en  a  bien  peu  d'autres,  car  je  ne  puis  compter  quelques 
mots  latins  passés  en  quasi-proverbes  ou  en  brocards 
juridiques.  Il  est  bien  clair  que  l'auteur  n'a  pas  besoin  de 
citations,  et  le  lecteur  serait  mal  avisé  de  ne  pas  se 
déclarer  satisfait! 

Je  n'insisterai  pas  sur  quelques  bizarreries  d'un  style  si 
original  qu'il  est  souvent  étrange.  Ce  qui  domine,  c'est 
l'affirmation  sans  preuve  suffisante,  le  procédé  de  démons- 
tration par  suggestion. 


(  S4I  ) 

L'auteur  a  d'ailleurs  des  qualités,  il  en  a  même  de 
sérieuses.  Il  a  des  idées:  il  en  a  même  de  bonnes,  pas 
loutes;  mais  il  n'a  pas  les  qualités  d'un  démonstrateur 
rigoureux  et  convaincant. 


Le  mémoire  ayant  pour  litre:  L'homme  est  une  personne 
sociable,  est  de  la  part  de  M.  le  premier  Commissaire 
l'objet  de  justes  éloges.  Il  est  divisé  en  trois  parties.  La 
première  étudie  !e  fondement  du  droit  de  propriété  pri- 
vée; la  seconde  critique  les  divers  systèmes  socialistes; 
la  troisième  réfute  le  socialisme  intégral. 

Le  travail  s'ouvre  par  une  démonstration  directe  du 
droit  individuel  de  la  propriété.  L'auteur  procède  par  voie 
philosophique  et  rattache  ce  droit  individuel  au  droit  de 
perfectionnement  de  l'homme.  Le  style  est  un  peu  lourd, 
et  l'on  voudrait  quelques  arêtes  plus  vives.  Cet  argument 
est  par  lui-même  si  éclatant  et  si  aisé  à  mettre  en  valeur  ! 

La  thèse  du  régime  légal,  organisation  concrète  et 
variable  du  droit,  est  courte;  elle  l'est  trop;  les  limites 
sont  indiquées,  mais  combien  sommairement! 

L'argument  de  l'utilité  sociale  est  mieux  exposé. 

La  question  de  l'inégalité  est  l'objet  d'un  aperçu;  com- 
bien il  est  facile  de  montrer  celte  inégalité  de  fortune, 
sœur  jumelle  de  celle  des  capacités  physiques,  intellec- 
tuelles et,  comme  celles-ci,  indestructible! 

La  deuxième  section  de  cette  première  partie  s'attache 
à  démontrer  par  l'expérience  que«  le  régime  économique, 
tel  qu'il  tend  à  s'établir  aujourd'hui,  satisfait  en  général 
aux  exigences  du  régime  social  ».  L'auteur  divise  cette 
étude  d'après  les  principaux  griefs  que  font  les  socialistes 


(  542  ) 

à  l'élat  social  actuel  :  acquisition  de  la  propriété,  notam- 
ment celle  des  mines,  valeur,  capital  commercial, 
industriel,  propriété  foncière,  son  exploitation,  rente, 
plus-value,  fermage,  progrès  industriel,  renvoi  d'ouvriers, 
coopération,  division  manufacturière,  travail  des  femmes 
et  des  enfants,  prolongation  de  la  journée,  compensation, 
loi  de  la  conjoncture,  effet  du  capitalat,  etc.  Cette  partie 
est  d'une  argumentation  serrée.  Les  divers  points  traités 
sont  bien  ceux  qui  s'imposent  naturellement  ici  ;  il  y  a 
de  la  controverse  et  de  l'analyse.  11  y  a,  semble-t-il,  une 
nuance  d'optimisme  chez  l'auteur,  mais  il  y  a  de  la 
vigueur,  et  cette  note  d'optimisme  est  plutôt  d'impres- 
sion que  de  réalité,  résultant  de  l'entrain  de  la  réfutation, 
plaidant  surtout  le  pour,  sans  méconnaître  qu'il  y  ait  un 
certain  contre,  c'est-à-dire  des  misères  humaines  qu'il 
faut  tâcher  de  guérir. 

Cette  section  n'est  pas  très  neuve,  sans  doute,  mais  on 
ne  pouvait  espérer  beaucoup  de  neuf,  nous  l'avons  fait 
observer  au  début.  Il  y  a  des  faits  bien  groupés,  et  notre 
suffrage  serait  très  favorable  à  l'auteur  si  nous  ne  nous 
étions  aperçu  par  hasard  qu'il  a  emprunté  à  un  ouvrage 
du  P.  Castelein  sur  le  même  sujet  avec  une  abondance 
un  peu  grande  (Le  socialisme  et  le  droit  de  propriété,  Lou- 
vain,  1896). 

La  seconde  partie  du  mémoire  contient  l'examen  dé- 
taillé du  marxisme,  seule  théorie  socialiste  que  l'auteur 
examine  à  fond.  Il  analyse  la  théorie  de  la  valeur  et  du 
profit,  et  les  critiques  du  régime  capitaliste.  Ici  encore  il 
est  malaisé  d'être  neuf,  mais  il  y  a  beaucoup  de  faits  bien 
choisis. 

L'examen,  que  fait  l'auteur,  du  collectivisme  pratique  se 
divise  en  collectivisme  relatif  et  absolu.  Le  premier  mot 


(  5i3  ) 
n'est  pas  nouveau,  mais  il  est  joli.  Il  y  aborde  les  ques- 
tions des  heures  de  travail,  de  participation  aux  bénéfices, 
d'impôt  progressif,  mais  trop  sommairement.  Evidem- 
ment, on  ne  pouvait  lui  demander  une  étude  détaillée  de 
tous  ces  points,  mais,  ainsi  présenté,  cet  aperçu  l'ait 
un  effet  de  pauvreté.  Peut-être  aussi  les  vues  sont-elles  un 
peu  systématiques,  bien  qu'il  y  ait  de  bonnes  idées,  mais 
il  n'y  a  pas  lieu  de  s'y  étendre  ici. 

Bien  meilleure  est  la  partie  consacrée  à  la  réfutation  du 
socialisme  intégral;  elle  est  traitée  avec  vigueur  et  une 
argumentation  très  serrée. 

Les  citations,  surtout  belges  il  est  vrai,  sont  abondantes; 
la  thèse  mise  en  lumière  est  vigoureuse;  les  extraits 
sont  indiqués  avec  soin  et  l'arsenal  des  textes  est  riche- 
ment pourvu  pour  la  polémique. 

Dans  son  ensemble,  ce  travail  est  une  œuvre  conscien- 
cieuse; on  peut  en  louer  à  la  l'ois  le  sens,  la  réflexion  et 
la  vigueur;  c'est  une  étude  sérieuse  et  qui  mérite  l'atten- 
tion. 

J'ai  eu  le  regret  et  la  surprise  de  voir  M.  le  premier 
Commissaire  profiter  d'un  aperçu  de  ce  mémoire  pour 
essayer  la  justification  de  la  confiscation  des  biens  ecclé- 
siastiques en  1789.  Ce  n'est  pas  ici  le  moment  ni  la  place 
de  discuter  cette  thèse,  mais  je  ne  puis  la  laisser  sans 
protestation.  Il  est  douloureux  de  voir  émettre  une  théo- 
rie qui  nie  les  droits  naturels  de  la  société  religieuse  et 
même  de  toutes  les  sociétés  légitimes  en  les  soumettant  à 
l'arbitraire  légal,  en  invoquant  l'autorité  d'un  des  spolia- 
teurs, le  ci-devant  marquis  de  Condorcet.  M.  le  premier 
Commissaire,  qui  m'a  dit  lui-même,  avec  sa  courtoise 
bienveillance,  qu'il  acceptait  la  contradiction,  me  pardon- 
nera d'autant  mieux  celle-ci  que  je  la  considère  comme 
un  devoir. 


(  SU  ) 


Reste  le  mémoire  qui  porte  en  exergue  une  devise 
grecque  empruntée  à  Aristote  :  Ait.  xzk.  Cet  important  tra- 
vail commence  par  définir  le  droit  de  propriété  et  s'étend 
longuement  sur  cette  notion.  Il  fait  dès  le  début  une  dis- 
tinction entre  «  l'essence  »  et  «  l'usage  »  du  droit.  La 
théorie  du  devoir  est  dans  presque  tous  les  mémoires 
une  des  plus  sacrifiées.  Elle  importe  cependant  à  la  judi- 
cieuse défense  du  droit  lui-même.  L'auteur  ne  la  passe 
pas  sous  silence;  et  sans  examiner  ici  le  fond  de  son 
système,  il  faut  lui  en  savoir  gré,  si  court  que  ce  soit. 

Il  examine  longuement  les  divers  fondements  qui  ont 
été  assignés  à  la  propriété  et  en  fait  la  critique.  M.  le 
premier  Commissaire  a  fait  remarquer  l'analogie  qui 
existe  entre  l'allure  générale  de  ce  mémoire  et  celle  du 
précédent.  Il  en  est  bien  ainsi,  mais  l'auteur  de  celui-ci 
est  de  ceux  qui  s'attachent  beaucoup  au  côté  historique 
des  doctrines.  L'exposé  en  prend  une  part  importante  de 
son  travail,  soit  pour  les  défenseurs,  soit  pour  les  adver- 
saires de  la  propriété  et  pour  le  régime  légal  et  positif  de 
l'appropriation  elle-même.  Les  auteurs  anciens,  dans 
cette  première  partie,  sont  étudiés  surtout  avec  une 
abondante  prédilection,  en  sacrifiant  ceux  du  moyen  âge, 
qui  mériteraient  plus  ample  description. 

Puis  il  énonce  en  quelques  pages  fermes  et  claires  le 
principe  du  droit  individuel,  et  établit  la  distinction, 
fort  opportune,  entre  le  droit  d'acquérir  la  propriété  et 
la  réalisation  de  ce  droit,  qui  est  subordonné  pour 
chaque  homme  à  un  titre  concret  et  positif.  L'argu- 
ment de  V utilité  sociale  de  la  propriété  n'est  pas  assez 


(  345  ) 
nettement  dégagé,  sous  prétexte  que  la  réfutation  du  col- 
lectivisme intégral  y  suilit. 

Les  divers  titres  d'acquisition  de  la  propriété  occupent 
ensuite  l'auteur.  Dans  un  long  chapitre,  il  expose  le 
régime  historique  et  législatif  de  la  propriété  chez  les 
peuples  anciens  avec  une  abondance  d'érudition  que  nous 
avouons  ne  pouvoir  contrôler,  mais  qui  est  très  riche  en 
citations  variées.  Il  s'en  prend,  comme  l'a  l'ait  aussi  d'ail- 
leurs le  mémoire  précédent,  et  avec  raison,  à  la  thèse  du 
communisme  primitif. 

La  démonstration  directe  ainsi  faite,  l'auteur  expose 
les  théories  socialistes.  De  Platon,  il  passe  à  Thomas 
Moins,  puis  aux  écrivains  du  XIXe  siècle,  Saint-Simon, 
Fourier,  L.  Blanc,  Proudhon,  puis  les  collectivistes 
qu'il  classe  par  pays.  Il  a  voulu,  à  la  différence  des  autres 
concurrents,  donner  une  idée  des  écoles.  La  question  y 
prêtait  ainsi  que  le  goût  évident  de  l'auteur  pour  les  expo- 
sés historiques.  Certes,  ces  aperçus  ont  leur  intérêt,  et  le 
texte  de  la  question  parait  même  les  demander.  Peut-être 
était-il  peu  utile  de  s'attacher  aux  précurseurs.  On  les  a 
résumés  tant  de  fois,  et  l'auteur  ne  semble  le  faire  pour 
plusieurs  que  de  seconde  main.  On  peut  le  lui  pardonner; 
sans  doute  la  genèse  théorique  est  intéressante,  mais  après 
tout,  c'est  moins  l'histoire  rétrospective  que  la  doctrine 
vivante  que  désirait  l'Académie.  Au  surplus,  il  est  le 
seul  qui  ait  cru  devoir  refaire  cet  exposé,  après  Sudre, 
Reybaud,  Thonissen,  de  Laveleye  et  autres,  qui  l'ont  fait 
à  leurs  points  de  vue  divers.  Aujourd'hui  sans  doute,  on 
reprend  cette  histoire,  mais  ce  serait  affaire  d'une  étude 
spéciale  que  de  remettre  à  leur  vraie  place  tous  ces  écri- 
vains dans  la  filiation  des  idées. 

Au  point  de  vue  critique,  le  mutuellisme  de  Proudhon, 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  5G 


(  54-6  ) 

bien  que  détrôné,  méritait  une  exécution  plus  soignée;  il 
a  d'ailleurs  avec  le  collectivisme  contemporain  plus  de 
parenté  qu'il  n'y  paraît  à  prime  vue.  Ce  qui  serait  très 
curieux,  serait  de  montrer  la  parenté  des  systèmes.  Qui 
est  le  vrai  père  du  collectivisme?  Ce  n'est  certes  pas 
César  de  Paepe,  bien  qu'il  ait  décidé  de  l'adoption  de  sa 
formule  dans  le  programme  des  congrès  socialistes. 

Revenons  à  notre  mémoire  :  il  étudie  Marx,  Bebel. 
Malon,  sans  s'arrêter,  il  est  vrai,  aux  multiples  diver- 
gences des  écoles  françaises,  mais  avec  une  étendue  suf- 
fisante, puis,  sous  le  nom  surtout  de  Vandervelde,  il 
examine  les  formes  dites  transitoires,  en  marquant 
chaque  fois  les  points  considérés  comme  les  plus  saillants. 

Vient  ensuite  la  réfutation  des  arguments  socialistes  et 
collectivistes  :  notion  du  capital,  maux  résultant  du 
capitalisme,  loi  de  l'évolution,  loi  d'airain,  etc.  Il  exa- 
mine ces  idées  au  point  de  vue  théorique  et  au  point  de 
vue  des  faits.  Sauf  une  attaque  injustifiée  contre  la  théo- 
rie du  prêt  au  moyen  âge,  il  y  a  là  bien  des  considéra- 
tions sages  et  bien  des  faits  accumulés,  quoique  peut- 
être  dans  un  ordre  qui  eût  pu  être  plus  méthodique.  Il 
insiste  avec  raison  —  encore  trop  peu  —  sur  les  théories 
de  l'évolution  morale,  de  l'égalité.  Il  y  a  des  citations  bien 
choisies  et  reproduites  même  en  entier. 

La  dernière  partie  du  mémoire  est  la  critique  du  col- 
lectivisme intégral  ;  elle  est  relativement  courte,  mais 
peut  l'être,  vu  l'ensemble  qui  précède.  Ici  d'ailleurs, 
l'auteur  a  beau  jeu;  cette  partie  de  la  tâche  a  été  prépa- 
rée par  tant  d'autres! 

Ces  quelques  critiques  sont  compensées  par  notre  con- 
clusion. La  voici  : 

Ce  mémoire,  fort  étendu,   est  le  résultat  d'un  efforl 


(  347  ) 
très  considérable.  Il  a  du  mérite,  de  l'érudition  histo- 
rique, bien  que  donnant  peut-être  trop  d'importance 
relative  à  certains  côtés  de  l'histoire  et  en  négligeant 
d'autres;  nous  n'admettons  pas  toutes  les  appréciations 
qu'il  contient,  mais  c'est  un  ensemble  sérieux  et  impor- 
tant. 

Dans  sa  partie  non  historique,  il  ressemble  beaucoup 
au  mémoire  précédent,  mais  il  nous  parait  supérieur  en 
clarté  dans  la  démonstration  directe  de  la  propriété;  il 
lui  est  égal  dans  la  réfutation,  moins  détaillée  peut- 
être  à  certain  égards,  mais  d'autre  part  plus  étendue, 
grâce  à  l'exposé  historique.  Après  mûre  réflexion,  nous 
proposons  à  la  Classe  d'accorder  ses  suffrages  à  ce  mé- 
moire, qui  est  très  considérable  et  dénote  un  travail  opi- 
niâtre; nous  nous  rallions  donc  sur  ce  point  à  la  conclu- 
sion de  M.  le  premier  Commissaire.  » 


Rnpport  de  M    IPeniê    troitiètne  i  onttuit  ««•'#•#■. 

<<  Les  deux  honorables  premiers  rapporteurs  proposent 
à  la  Classe  de  couronner  le  mémoire  qui  porte  comme 
devise  un  extrait  en  grec  de  la  Politique  d'Aristote.  Ce 
mémoire  est  à  plus  d'un  titre  digne  d'être  remarqué  par 
l'Académie.  Philologue,  jurisconsulte,  théologien,  méta- 
physicien même  d'une  réelle  distinction,  armé  d'une  vaste 
érudition  classique,  l'auteur  a  consacré  un  travail  consi- 
dérable à  son  œuvre,  dont  plusieurs  parties  sont  vraiment 
d'une  grande  valeur.  Cependant,  j'ai  le  regret  de  me  déta- 
cher de  mes  collègues,  et  je  me  borne  à  voter  l'impression 
de  ce  mémoire  :  j'ai  d'autant  plus  le  devoir  d'exposer  les 
motifs  de  mon  vote  que  j'ai  plus  profondément  senti, 
comme  il  est  arrivé  peut-être  à  d'autres  qu'à  moi,  mes 


(  548  ) 

préoccupations  de  doctrine  et  d'école  ébranler  parfois 
mon  impartialité  de  juge. 

Aucun  débat  d'une  plus  haute  portée  ne  peut  se  pro- 
duire devant  l'Académie  :  il  touche  aux  fondements 
mêmes  de  l'organisation  de  la  société,  il  pénètre  au  cœur 
du  problème  social.  C'est  dans  l'institution  de  la  propriété 
privée  que  le  philosophe,  le  législateur,  l'économiste 
ont  cherché  l'une  des  conditions  essentielles  de  la  stabi- 
lité et  du  progrès  des  sociétés  économiques;  c'est  dans 
la  transformation  de  la  propriété  que  les  novateurs  socia- 
listes recherchent  l'une  des  conditions  essentielles  d'un 
ordre  social  supérieur,  tendant  à  la  réalisation  de  l'éga- 
lité des  conditions.  Dans  les  temps  troublés,  comme  le 
nôtre,  les  doctrines,  après  avoir  été,  ce  qu'elles  sont 
toujours  en  une  large  mesure,  le  reflet  des  besoins,  des 
aspirations  de  leur  époque,  redescendent  à  leur  tour,  si 
je  puis  ainsi  dire,  de  la  sphère  de  l'esprit  pour  inspirer 
les  intérêts  dans  leurs  revendications  et  leurs  résistances, 
et  il  n'est  pas  de  plus  sûr  moyen  de  réduire  les  antago- 
nismes sociaux  à  leurs  limites  les  plus  étroites,  de  pré- 
parer dans  une  paix  au  moins  relative  une  évolution 
sociale  supérieure,  que  d'éclairer  les  doctrines  elles- 
mêmes  de  la  lumière  la  plus  vive,  la  plus  pure,  la  plus 
sereine. 

L'Académie  est  placée  à  une  telle  hauteur  qu'elle  peut 
enlever  aux  controverses  une  grande  part  de  leur  àpreté 
en  les  rendant  plus  fécondes.  En  effet,  ce  qui  l'arrête  sur- 
tout dans  les  concours, ce  sont  les  méthodes  et  leurs  appli- 
cations, c'est  la  iidélité,  la  précision  dans  l'exposition  des 
doctrines  ou  des  faits,  c'est  l'importance  des  sources  aux- 
quelles les  auteurs  ont  puisé,  c'est  l'abondance  et  la  soli- 
dité des  matériaux  employés,  c'est  la  netteté,  la  sûreté, 


(  549  ) 

l'impartialité,  l'élévation  de  pensée  dans  la  critique  des 
textes,  dos  documents,  des  théories.  Dans  l'accomplisse- 
ment de  cette  juridiction  suprême,  à  la  fois  scientifique 
et  morale,  l'Académie  peut  produire  une  action  pacifi- 
catrice sur  la  direction  des  esprits,  bienfaisante  sur  la 
conduite  d'un  peuple. 

C'est  dans  ce  seul  domaine  que  j'ai  le  devoir  de  porter 
la  discussion,  c'est  là  aussi  que  le  mémoire  la  porte  par 
ses  caractères  et  ses  tendances.  C'est  qu'en  effet,  par  un 
retour  remarquable,  l'œuvre  qui  nous  occupe,  dans  toute 
sa  partie  théorique,  s'oppose  à  celle  d'Emile  de  Laveleye  : 
Im  propriété  et  ses  formes  primitives;  dans  toute  sa  partie 
critique  sur  le  socialisme,  elle  renferme  une  condamnation 
des  tendances  mêmes  d'Emile  de  Laveleye.  L'auteur  cri- 
tique à  la  l'ois  les  fondements  philosophiques  et  la  concep- 
tion historique  de  la  propriété,  que  notre  illustre  compa- 
triote a  adoptés  et  proposés,  et  c'est  à  des  erreurs  de 
méthode  qu'il  rattache  la  direction  socialiste  qu'a  prise 
sa  pensée.  Rarement  un  rapprochement  plus  intéressant 
et  plus  important  s'imposera  à  l'attention  d'un  corps 
savant.  En  traits  plus  décisifs,  l'opposition  sera,  au  fond, 
entre  la  méthode  inductive  et  la  méthode  déductive,  elle 
sera  entre  une  conception  flexible  et  évolutionniste  et 
une  conception  inflexible,  absolue,  immuable  de  la  pro- 
priété; dans  cet  effort  de  redressement  des  méthodes  et 
des  doctrines,  l'auteur  n'a  pas  triomphé,  à  mes  yeux, 
d'Emile  de  Laveleye  ;  il  m'a  surtout  paru  de  beaucoup 
inférieur  à  lui  dans  la  compréhension  du  problème 
social;  et  pourtant,  plus  nous  avançons  dans  ce  siècle 
de  controverses  ardentes  et  violentes  sur  les  principes 
constitutifs  des  sociétés,  et  plus  doit  s'élargir  la  coin- 
préhension   des   événements   qui    les    ont   fait    naître  : 


(  550  ) 


il  semble  que  l'esprit  des  historiens  et  des  critiques  doive 
décrire  des  cercles  concentriques,  d'un  rayon  toujours 
plus  étendu,  embrassant  et  coordonnant  dans  leurs  rap- 
ports réels  un  nombre  toujours  plus  grand  de  faits  et 
d'idées.  Ce  n'est  pas  l'impression  que  m'a  laissée  la 
lecture  de  l'œuvre  de  l'auteur. 

Mes  observations  ne  peuvent  évidemment  porter  que 
sur  un  certain  nombre  de  points;  elles  se  rattachent  : 

1°  A  la  méthode  de  l'auteur  dans  l'exposé  des  théories 
de  la  propriété,  et  à  ces  théories  mêmes; 

2°  A  la  théorie  qu'il  a  adoptée; 

3°  A  sa  revue  des  doctrines  socialistes; 

i  '  A  certaines  critiques  du  socialisme. 

I. 

L'auteur  ramène  à  trois  les  théories  de  la  propriété  : 
a  la  première,  qui  la  fonde  sur  la  nature  humaine,  il 
rattache  les  noms  d'Aristote,  de  Cicéron,  de  Sénèque, 
des  jurisconsultes  romains,  de  saint  Thomas  d'Aquin  et, 
plus  avant  dans  l'histoire  moderne  du  Droit,  de  Portalis, 
de  Troplong,  de  Laurent;  la  seconde,  qui  fait  dériver 
son  institution  de  la  loi,  compte  parmi  ses  défenseurs 
Platon,  Hobbes,  Spinoza,  Montesquieu  même,  J.-J.  Rous- 
seau, Kant  et  Fichte;  la  troisième,  adoptée  par  Grotius 
et  Puffendorf,  la  fait  naître  d'un  contrat  social  primitif. 

Il  v  a,  dans  cet  exposé  de  l'auteur,  des  morceaux  d'une 
érudition  à  la  fois  abondante  et  solide. 

Cependant  on  s'étonne  de  voir  resserrer  dans  d'aussi 
étroites  limites  la  classification  des  théories  et  celle  des 
théoriciens  de  la  propriété  :  à  peine  les  noms  de  quel- 
ques contemporains  se  mêlent  à  ceux  de  philosophes  et 


(  551   ) 

de  jurisconsultes  d'époques  déjà  éloignées.  Ou  s'étonne, 
par  exemple,  que  la  théorie  légale  de  la  propriété 
n'appelle  pas  les  noms  de  Laboulaye  et  surtout  d'Adolphe 
Wagner,  le  savant  professeur  de  Merlin;  on  s'étonne 
davantage  en  constatant  que  pas  un  seul  économiste 
moderne  ne  prend  place  dans  cette  revue  historique. 

Il  semble,  à  lire  ce  mémoire,  que  la  théorie  des  fonde- 
ments de  la  propriété  se  ramène  à  quelques  types  fixés 
dès  l'antiquité,  autour  desquels  gravite  la  pensée  de  tous 
les  âges.  Or  c'est  là,  à  mon  avis,  une  erreur  essentielle  de 
méthode. 

Les  théories  justificatives  de  la  propriété  individuelle 
présentent  une  véritable  évolution,  et  l'absence  des  éco- 
nomistes dans  l'exposition  de  l'auteur  m'a  convaincu  que 
tout  un  aspect  des  théories  du  Droit,  le  Droit  économique, 
a  peu  fixé  ses  recherches. 

Non  seulement  l'esprit  humain  s'est  efforcé  de  cher- 
cher la  justification  de  la  propriété  dans  ses  origines, 
comme  la  nature  humaine,  la  loi,  le  contrat,  mais  il  s'est 
appliqué  de  plus  en  plus,  dans  les  temps  modernes,  à  la 
justifier  par  ses  fins,  par  sa  fonction  sociale,  par  son  utilité 
sociale;  la  considération  prépondérante  du  droit  privé 
a  fait  place  à  celle  d'un  droit  public  nouveau;  les  théories 
de  la  propriété  sont  devenues  économiques  et  sociales. 
Dès  lors,  elles  se  sont  incorporées  insensiblement  à  la 
sociologie  même  ;  elles  obéiront  désormais  aux  progrès 
de  la  science  sociale.  Les  conceptions  primitives  du  droit 
naturel,  de  l'origine  légale  de  la  propriété  se  transfor- 
meront elles-mêmes  au  contact  des  connaissances  socio- 
logiques accumulées,  et  le  droit  naturel  n'aura  plus  et  ne 
pourra  plus  avoir  la  même  signification  pour  de  Laveleye 
que  pour  Cicéron,  l'institution  légale  n'aura  plus  et  ne 


(  552  ) 

pourra  plus  avoir,  pour  Adolphe  Wagner,  la  même  signi- 
fication que  pour  Hobbes. 

L'un  des  moments  les  plus  importants  de  l'histoire 
des  théories  de  la  propriété  est  la  constitution  du  Droit 
économique  naturel  par  l'École  physiocratique.  C'est  par 
cette  École,  en  effet,  que  la  justification  de  la  propriété, 
dans  sa  fonction  économique,  est  tentée  ;  et  cette  fonction 
sera  de  déterminer  les  énergies  humaines  volontaires  à 
réagir  sur  la  nature  extérieure  avec  le  plus  haut  degré 
d'efficacité  possible,  et,  par  suite,  à  assurer  d'une  manière 
constante  et  normale  une  production  économique  qui 
satisfasse  aux  besoins  d'une  population  croissante. 

La  propriété  n'a  plus,  dès  lors,  un  caractère  purement 
individuel,  mais  un  caractère  social  et  organique,  car  elle 
concourt  à  la  conservation  et  au  développement  de  la  vie 
collective,  et  le  degré  de  sa  légitimité  sera  dans  le  degré 
de  perfection  avec  lequel  elle  accomplit  sa  fonction. 

Ce  rôle  social  de  la  propriété  a  été  célébré  dans  un 
langage  enthousiaste  par  les  physiocrates,  et  surtout  par 
Lemercier  de  la  Rivière,  Dupont  de  Nemours,  Baudeau, 
Letrosne,  par  Turgot  lui-même,  qui  procède  à  la  fois  de 
Locke  et  de  Quesnay  dans  sa  théorie  de  la  propriété,  et 
qui,  tidèle  à  Locke  dans  son  mémoire  sur  les  mines, 
assigne  à  l'extension  de  la  propriété  les  limites  de  l'oc- 
cupation par  le  travail. 

Plus  tard,  dans  l'école  d'Adam  Smith,  les  liens  du 
Droit  naturel  et  de  l'économie  politique  se  relâchèrent: 
celle-ci  cessa  d'être,  selon  le  mot  de  Dupont  de  Nemours, 
tout  entière  dans  ce  Droit,  mais  la  conception  des  physio- 
crates, désormais  incorporée  à  la  science,  reparut  sous 
une  autre  forme  dans  les  théories  de  la  propriété.  C'est 
pour  son  utilité  sociale  qu'on  la  verra  justifier  par  Ben- 


(   533  ) 
lham,  par  John  Stuart  Mill,  par  Roscher,  par  Courcelle- 
Seneuil,  et,  chose  intéressante  au  plus  haut  degré,  c'esl  à 

l'utilité  sociale  de  la  propriété  que  s'arrêteront  eu  der- 
nière analyse  les  économistes  contemporains,  les  adver- 
saires les  [tins  ardents  du  socialisme,  comme  M.  l\  Le- 
roy-Beaulieu;  et  un  [tenseur  comme  Proudhon  lui-même, 
après  avoir  ébranlé  tous  les  systèmes  philosophiques  qui 
justifient  la  propriété-  dans  ses  origines,  et  en  maintenant 
la  condamnation  qu'il  a  prononcée,  s'arrêtera  néanmoins, 

dans  une  théorie  de  la  propriété  publiée  après  sa 
mort,  —  devant  la  justification  de  la  propriété,  unique- 
ment par  ses  fins  politiques. 

Une  fois  le  problème  de  la  propriété  individuelle 
transporté  dans  le  domaine  de  sa  fonction  sociale,  de  son 
utilité  sociale,  l'institution  a  été  livrée  au  contrôle  perma- 
nent des  méthodes  d'observation  :  un  tait  primitif, 
immuable,  indéfectible  n'a  plus  sufli  à  en  assurer  la  justi- 
fication éternelle.  C'était  là  le  terrain  d'un  débat  néces- 
saire. 

On  peut  dire  que  c'est  une  véritable  révolution  qui 
s'est  accomplie  dans  la  méthode;  la  méthode  déductive, 
qui  fait  dériver  la  légitimité  de  la  propriété  d'une  donnée 
primitive  ou  d'un  fait  irréductible,  s'est  combinée  de  plus 
en  plus  avec  la  méthode  inductive,  qui  interroge  les  rap- 
ports de  la  propriété  avec  tout  l'ensemble  des  phéno- 
mènes sociaux.  Les  théoriciens  d'une  économie  politique 
progressive,  comme  Sismondi  et  Mill  par  exemple,  recher- 
chent sans  cesse  dans  quelles  conditions  l'institution 
réalise  le  plus  parfaitement  sa  fonction  sociale,  son  uti- 
lité effective,  et  jusqu'où  il  suffit  d'étendre  les  droits 
inhérents  à  la  propriété  pour  assurer  l'accomplissement 
de  sa  fonction  sociale  ou  la  réalisation  de  son  utilité 
sociale.   La  conception  primitivement  absolue  des  théo- 


(  584  ) 
riciens  devient  relative,  limitée,  conditionnée,  la  pro- 
priété est  conçue  comme  pouvant  se  modifier  suivant  les 
milieux  et  les  temps;  elle  est,  dans  la  pensée  des  théori- 
ciens, comme  soumise  incessamment  à  une  œuvre  d'adap- 
tation. C'est  ce  qui  a  t'ait  dire  à  de  Laveleye  que  cette 
théorie  utilitaire  permet  d'améliorer  successivement  l'in- 
stitution actuelle;  elle  entr'ouvre,  en  effet,  la  perspective 
d'une  évolution  future  du  Droit,  elle  lui  communique 
une  flexibilité  qu'elle  ne  peut  avoir  quand  elle  puise  dans 
un  fait  primitif,  dans  un  antécédent  causal  désormais 
immuable  ou  inaccessible,  la  légitimité  de  résistances 
absolues  à  toute  transformation. 

La  théorie  de  l'utilité  autorise  aussi,  et  surtout,  à  divi- 
ser ce  redoutable  problème  :  par  exemple,  en  se  plaçant 
dans  la  direction  intellectuelle  de  Stuart  Mill,  on  a  pu  se 
demander  si,  pour  atteindre  les  fins  sociales  assignées  à 
la  propriété,  il  est  nécessaire  et  légitime  d'assurer  au 
propriétaire  tous  les  accroissements  de  rente  foncière  et 
de  rente  d'emplacement  qui  se  produisent  indépendam- 
ment de  son  action  et  sous  l'influence  de  causes  pure- 
ment sociales;  on  a  pu  se  demander,  dans  la  direction 
des  idées  d'Emile  de  Laveleye  et  de  Mill,  si  la  reconsti- 
tution au  moins  partielle  du  domaine  communal  collectif 
ne  permettrait  pas  d'obtenir  tous  les  avantages  actuels  de 
la  culture,  en  y  ajoutant  ceux  d'une  diffusion  plus 
grande  et  plus  égalitaire  de  la  jouissance  de  la  terre,  et 
même  des  garanties  plus  solides  et  plus  flexibles  pour  le 
cultivateur;  si  c'est  un  régime  idéal  que  le  régime  d'ex- 
ploitation du  sol,  où  la  plus  grande  partie  du  territoire 
arable  est  cultivée  par  des  locataires,  où  ceux-ci  n'ont 
que  d'insuffisantes  garanties  de  jouir  des  améliorations 
qu'ils  apportent  au  sol,  et  où  les  propriétaires  non  cultiva- 


(  :»s  ) 

leurs  n'accomplissent  le  plus  souvent  que  d'une  manière 
insuffisante  leur  fonction  «le  veiller  aux  intérêts  perma- 
nents du  sol.  On  a  pu  se  demander,  dans  la  direction 
des  idées  de  Wagner  el  de  Laveleye,  si  le  système  des 
concessions,  adopté  comme  régime  légal  des  mines,  est 
bien  celui  qui  devait  satisfaire  au  plus  haut  degré  aux 
exigences  de  la  production  et  à  celles  de  l'harmonie  des 
intérêts  du  capital  et  du  travail  ;  ou  bien,  si  le  régime 
exclusif  de  la  propriété  individuelle,  considéré  à  l'égard 
des  habitations,  sullit,  avec  la  seule  sollicitation  de  l'in- 
térêt personnel,  à  assurer  à  la  masse  de  la  population  des 
logements  ii  bon  marché,  salubres,  compatibles  avec  les 
exigences  de  la  morale  (1);  si  l'intervention  directe  des 
pouvoirs  et  du  domaine  publics  ne  concourrait  pas  à 
mieux  résoudre  ce  problème  que  la  seule  propriété  indi- 
viduelle dont  la  fonction,  quand  elle  se  sépare  de  la 
jouissance,  n'est  nullement  ici  la  même  que  dans  l'exploi- 
tation du  sol;  là,  elle  agit  comme  stimulant  de  la  produc- 
tivité du  travail  ;  à  l'égard  des  habitations,  malgré  des 
réformes  salutaires,  elle  n'est  accessible  qu'à  une  partie 
limitée  de  la  classe  ouvrière.  On  a  pu  se  demander  encore 


(1)  On  s'émeut  devant  les  résultats  des  enquêtes  qui  se  poursuivent 
sur  les  logements  de  la  classe  ouvrière  et  auxquelles  j'ai  moi-même 
pris  part  :  si  l'on  admet,  par  exemple,  avec  les  hygiénistes,  qu'un 
logement  de  trois  pièces  par  ménage  soit  seul  conforme  aux  vraies 
prescriptions  de  l'hygiène,  et  qu'un  logement  d'une  seule  pièce  soit 
décidément  condamnable,  on  aboutit  à  cette  conclusion,  exprimée 
par  le  résultat  de  mes  calculs  approximatifs,  que,  dans  les  communes 
réunies  de  Bruxelles,  Schaerbeek,  Ixelles,  Etterbeek,  sur  100  ménages 
d'ouvriers,  il  en  est  18  qui  sont  logés  dans  des  conditions  manifeste- 
ment conformes  à  l'hygiène,  44  dans  des  conditions  passables 
et  38  environ  dans  des  conditions  vraisemblablement  contraires  à 
l'hygiène.  Voir  les  travaux  de  MM.  De  Quéker,  Lagasse,  Bauvais, 
Brasseur,  Bosschaert,  Lamal,  etc. 


(  ooG  ) 

si  la  limitation  des  degrés  de  succession  en  ligne  collaté- 
rale n'est  pas  l'un  des  éléments  de  solution  du  problème 
social  les  plus  compatibles  avec  l'évolution  de  la  société 
et  de  la  famille,  etc.,  etc. 

J'ai  dit  tout  à  l'heure  que  même  les  théories  classiques 
de  la  propriété  ne  doivent  pas  être  ramenées  à  des  types 
invariables.  Il  suffit  d'un  trait  pour  s'en  convaincre. 
Adolphe  Wagner  s'est  rattaché  à  la  théorie  légale  de  la 
propriété,  après  avoir  soumis  toutes  les  autres  à  une 
critique  qui  est  certainement  l'une  des  plus  savantes  et 
des  plus  profondes  de  ce  siècle;  mais  il  est  aisé  de  voir 
«pie  sa  théorie  légale  est  une  véritable  synthèse  où  il 
donne  place  à  des  éléments  complexes  et  dont  le  facteur 
principal  est  l'utilité  sociale  méthodiquement  et  sévère- 
ment interrogée.  Comme  il  le  dit  lui-même,  le  législateur 
devra,  dans  les  formes  à  donner  à  l'organisation  de  la 
propriété,  s'inspirer  de  considérations  sur  la  nature  éco- 
nomique de  l'homme,  notamment  sur  l'intérêt  personnel 
de  l'individu,  comme  il  devra  faire  une  part  à  la  théorie 
de  l'occupation  en  général,  et  à  celle  de  l'occupation  par 
le  travail.  Et  il  ajoute,  pour  écarter  l'arbitraire  du  légis- 
lateur :  <c  II  ne  suit  pas  de  là  que,  dans  le  domaine  de  la 
propriété,  non  [dus  (pie  dans  d'autres,  apparaisse  l'arbi- 
traire de  la  législation  ou  de  l'État.  Certainement,  ce  sont 
des  idées  morales,  c'est  le  sentiment  du  Droit,  ce  sont  des 
considérations  de  conformité  au  but  justement  réalisées 
qui  devront  guider  l'Etat  dans  toute  législation,  et  spécia- 
lement dans  la  législation  sur  la  propriété.  Toute  abolition 
de  la  propriété  privée  sur  les  moyens  de  production, 
toute  modification  au  Droit  existant  sur  la  propriété 
suppose,  dès  lors,  l'examen  préalable  de  la  conformité  au 
but  et  de  la  justice  de  la  propriété  existante,  et  des  effets 


(  557 

présumables  d'une  abolition  des  formes  de  pi*oprîô(«;  en 
question  <>u  d'une  modiûcation  »lu  droit  de  propriété. 
Ensuite  de  cela,  il  s'agit  de  créer  ici  des  garanties  pour 
un  examen  de  cette  espèce,  (les  garanties  siègent  dans 
l'éducation  morale  et  intellectuelle,  surtout  économique 
du  peuple,  et  dans  l'éducation  morale  et  l'indépendance 
de  toutes  les  classes  économiques,  et  dans  une  représen- 
tation du  peuple  organisée  avec  justice  et  fonctionnant  à 
côté  d'un  bon  gouvernement.  La  question  de  la  propriété, 
comme  question  de  droit  privé,  touche  ici  à  des  questions 
importantes  de  droit  public...  »  (§  279.") 

Quand  la  théorie  philosophique  de  la  propriété  s'est 
élevée  au  point  où  J.  Stuart  Mill  l'a  portée  avec  ['uti- 
lité, Ad.  Wagner  avec  la  légalité,  on  est  bien  près  de 
la  ramener  à  une  conception  plus  générale,  toujours 
perfectible,  la  conception  que  j'appellerai  sociologique 
pure  et  simple,  qui  prendrait  la  place  de  toutes  les  con- 
ceptions abstraites  des  jurisconsultes  et  des  métaphysi- 
ciens du  Droit.  Le  Droit  apparaîtrait  comme  la  fonction 
suprême  qui  coordonne  et  règle  toutes  les  activités 
sociales,  qui  s'adapte  aux  conditions  d'existence  et  de 
développement  progressif  des  sociétés  humaines,  comme 
la  puissance  organique  par  excellence,  et  dès  lors,  sa 
flexibilité  serait  non  seulement  concevable  sans  arbitraire, 
mais  elle  ne  serait  que  l'expression  la  plus  haute  de  la 
fonction  sociale  incomparable  qu'il  remplit,  elle  expri- 
merait son  adaptation  aux  conditions  variables  d'exis- 
tence et  de  progrès  des  sociétés  civilisées.  C'est  certaine- 
ment d'une  telle  conception  du  Droit  que  s'inspirait  de 
Laveleye  quand  il  sollicitait  avec  une  éloquence  si 
admirable  et  parfois  si  déchirante  les  hommes  de  notre 
génération  à  accomplir  un  énergique  effort  dans  la  direc- 


(  558  ) 

lion  de  l'égalité,  et  lorsqu'il  terminait  la  préface  de  son 
célèbre  ouvrage  par  ces  tristes  paroles  :  «  Nos  sociétés 
européennes,  où  se  développent  la  démocratie  et  les 
aspirations  égalitaires,  sont  donc  très  menacées,  et  je  ne 
sais  si  elles  trouveront  en  elles-mêmes  la  sagesse,  l'énergie 
et  la  science  nécessaires  pour  modifier  leurs  institutions 
par  des  réformes  successives.  » 

La  pensée  ne  m'est  même  pas  venue  de  faire  grief  à  un 
savant  aussi  sincère  et  aussi  convaincu  que  l'auteur  du 
mémoire,  d'avoir  suivi  une  direction  opposée  à  celle 
d'Emile  de  Laveleye  et  cherché  à  fixer  sur  des  fonde- 
ments indestructibles  et  inaccessibles  à  toute  atteinte,  la 
propriété  quiritaire,  au  lieu  de  s'engager  dans  la  théorie 
évolutionniste  du  Droit.  Mais  j'ai  l'obligation  de  signaler 
les  lacunes  dans  son  exposé  et  sa  critique  des  théories. 
La  conception  du  Droit  économique,  qui  revêt  des  formes 
si  importantes  depuis  les  physiocrates  jusqu'à  Mill,  cette 
sorte  de  syncrétisme  des  doctrines  qui  s'opère  avec 
Wagner  et  de  Laveleye,  l'importance  décisive  que  don- 
nent à  l'utilité  les  économistes  qui  y  trouvent,  comme 
M.  P.  Leroy-Beau] ieu.  une  justification  suffisante  de  la 
propriété  quiritaire,  et  qui  y  puisent,  comme  Mill,  la  justi- 
fication de  modifications  progressives  de  la  propriété,  la 
nécessité  d'un  retour  incessant  à  l'observation,  qu'elle 
exige  parce  qu'elle  comporte  une  justification  de  l'insti- 
tution par  les  fins  sociales  qui  lui  sont  assignées,  et  non 
[dus  seulement  par  ses  origines;  tout  cet  ensemble  de  con- 
sidérations est  d'une  telle  importance  au  point  de  vue 
scientifique  et  au  point  de  vue  pratique,  il  entraîne  de 
tels  changements  dans  les  méthodes,  dans  la  direction 
des  recherches,  et  surtout  dans  celle  des  réformes,  que  j'ai 
cru  devoir  leur  donner  une  large  place  dans  ce  rapport. 


(  559   ) 


II. 


Cest  une  remarque  d'une  très  haute  portée  à  faire  que, 
sur  les  fondements  de  la  propriété,  les  théoriciens  indi- 
vidualistes et  socialistes  s'accordent  souvent  ;  niais  il  y  a 
toujours  cette  différence  radicale  que  tout  théoricien 
socialiste  tend  à  l'égalité  et  généralise  l'interprétation 
ou  l'application  d'un  principe,  dont  la  généralisation 
n'apparaît  pas  connue  nécessaire  au  théoricien  indivi- 
dualiste. Voyez,  par  exemple,  en  quoi  diffèrent  les  physio- 
crates  de  William  Thompson.  Les  physiocrates  ont  fondé 
la  théorie  du  Droit  naturel  économique,  mais  la  pro- 
priété du  sol  est  aux  mains  d'une  classe  et  la  fonction 
sociale  que  la  propriété  exerce,  la  réalisation  du  produit 
net  le  plus  élevé  possible  parait  à  leurs  yeux  remplie 
par  une  classe  distincte  de  la  nation  ;  ils  s'émeuvent  fort 
peu  des  protestations  de  Maldy,  qui,  entrevoyant  le  pro- 
blème social  du  XIXe  siècle,  leur  crie  :  «  11  faut  être  bien 
sûr  de  son  éloquence  et  de  son  adresse  à  remuer  des  sophis- 
mes  pour  oser  se  flatter  qu'on  persuadera  à  un  manouvrier 
qui  n'a  que  son  industrie  pour  vivre  laborieusement  dans 
la  sueur  et  dans  la  peine,  qu'il  est  dans  le  meilleur  état 
possible,  que  c'est  bien  fait  qu'il  y  ait  de  grands  pro- 
priétaires qui  ont  tout  envahi.  Qu'on  nous  vante  tant  que 
l'on  voudra  cette  merveilleuse  correspondance  de  besoins 
et  de  rapports  qui  unit  et  lie  toutes  les  parties  de  la 
société,  et  vous  verrez,  après  toutes  vos  démonstrations, 
que  ces  parties  si  unies  et  si  nécessaires  les  unes  aux 
autres  continueront  à  être  divisées,  tant  qu'on  ne  leur  fera 
pas  un  sort  égal.  » 


(  5G0  ) 

William  Thompson,  le  plus  savant  disciple  d'Owen, 
n'adopte  pas  un  autre  principe  que  celui  des  physiocrates; 
seulement,  il  le  généralise,  et  il  attend  de  cette  générali- 
sation une  productivité  du  travail  humain  que  les  phy- 
siocrates eux-mêmes  n'avaient  pas  soupçonnée  :  «  Aussi 
longtemps  que  deux  niasses  d'intérêts  opposés  existeront 
en  société,  dit-il,  les  propriétaires  du  travail  d'un  côté, 
les  propriétaires  des  moyens  de  travail  de  l'autre,  aussi 
longtemps  qu'une  distribution  aussi  contraire  à  la  nature 
sera  maintenue,  les  neuf  dixièmes  des  produits  que  l'hu- 
manité peut  atteindre  ne  seront  pas  réalisés,  et  les  nouante 
centièmes  parties  de  bonheur  que  l'humanité  peut  réaliser 
seront  sacrifiées.  »  Thompson  ne  l'ait  ainsi  qu'étendre  le 
principe  des  physiocrates.  quand  il  rêve  d'assurer  à  tout 
producteur  l'intégralité  de  son  produit.  C'est  l'aspect 
individuel  du  collectivisme  moderne. 

Toute  la  partie  critique  du  premier  mémoire  de 
Proudhon  sur  la  propriété  se  ramène  essentiellement  ii 
soutenir  qu'aucune  théorie  ne  se  justifie  que  par  la 
généralisation  de  son  principe,  c'est-à-dire  par  l'égalité.. 

L'auteur  du  mémoire  reconnaît,  à  l'égard  de  la  théorie 
qu'il  adopte  sur  le  fondement  de  la  propriété,  qu'il  est 
d'accord  au  point  de  départ  avec  les  socialistes  aboutis- 
sant à  certaines  formes  de  propriété  collective. 

Il  est  évident  que  rien  n'est  [dus  important  que  d'exa- 
miner comment  la  séparation  s'accomplit  et  se  légitime 
à  ses  yeux. 

L'auteur  admet  que  la  propriété  est  un  droit  naturel, 
inhérent  à  la  nature  humaine;  ce  droit  dérive  du  droit 
de  conserver  sa  vie  physique,  de  travailler  librement  et 
de  jouir  des  fruits  de  son  travail.  Pendant  que  les  socia- 
listes s'appliquent  à  déduire  de  ce  droit  naturel  un  ensem- 


(  56!  ) 

Lie  d'institutions  qui  en  fassent  une  réalité  tangible  et  une 
réalité  universelle,  l'auteur  du  mémoire  l'ait  une  distinc- 
tion entre  le  droit  d'acquérir  la  propriété,  considéré  in 
abslracto  et  qui  seul  est  commun  à  tous  les  hommes,  et  le 
droit  de  propriété  réalisé,  concrétisé.  Il  reconnaît  à  chacun 
le  droit  de  devenir  propriétaire,  mais  la  qualité  de  pro- 
priétaire ne  dérive  pas  nécessairement  de  la  nature 
humaine;  il  faut,  pour  que  le  droit  réel  se  constitue,  un 
titre,  un  fait  positif.  C'est  ainsi  qu'il  reconnaît  à  chacun 
le  droit  de  se  marier  :  c'est  le  droit  au  mariage  in  abs- 
tracto;  mais  pour  qu'il  y  ait  mariage  effectif,  il  faut  le  con- 
sentement de  deux  époux.  C'est  ainsi  qu'il  reconnaît  in 
abslracto  à  chacun  le  droit  de  devenir  membre  du  Parle- 
ment, mais  encore  est-il  qu  in  concrelo  il  faut  les  suffrages 
des  électeurs. 

L'auteur  a  trouvé  cette  distinction  si  lumineuse  et  si 
décisive  qu'elle  suffit,  à  ses  yeux,  à  l'anéantissement  des 
sophismes  du  socialisme,  et  pour  l'avoir  méconnue,  il 
reproche  à  Emile  de  Laveleye  d'avoir  radicalement  vicié 
toute  sa  théorie  de  la  propriété. 

C'est  par  Yoccupation  que  le  droit  abstrait  passe  dans 
la  réalité  :  voilà  le  fait  complémentaire  et  nécessaire  qui 
donne  originairement  une  objectivité  décisive  à  l'élément 
subjectif  de  la  propriété. 

L'auteur  ne  s'applique  pas  d'ailleurs,  comme  Locke  et 
Turgot,  à  chercher  les  limites  d'une  occupation  légitime 
par  le  travail. 

On  conçoit  à  quel  point  une  telle  doctrine  simplifie  la 
solution  pratique  du  problème  redoutable  de  la  propriété  ; 
elle  en  supprime  même  toutes  les  difficultés,  car  l'occu- 
pation, à  l'égard  de  la  terre,  est  devenue  aujourd'hui  un 
mode  d'acquisition  de  la  propriété  à  ce  point  rare  dans 

5,:ic   SÉRIE,    TOME   XXXIII.  57 


{  562  ) 

les  Étals  civilisés,  que  le  Code  civil  n'en  parle  même  pas; 
il  ne  l'exclut  pas,  il  l'oublie,  sans  qu'il  ait  même  à 
distinguer  l'occupation  en  général  de  l'occupation  par  le 
travail. 

«  Où  est  en  Europe,  dit  quelque  part  l'auteur  du  mé- 
moire lui-même,  la  partie  du  sol  qui  soit  sans  maître?  » 

Couverte  par  la  prescription  que  l'auteur  légitime, 
l'occupation  primitive  est  à  l'abri  de  toute  atteinte,  et  en 
l'ait,  il  ne  reste  dans  sa  théorie  que  deux  modes  d'acquérir 
la  propriété  :  l'hérédité  et  le  contrat,  c'est-à-dire  des 
modes  de  transmission. 

Il  ne  m'appartient  nullement  de  faire  reproche  à  l'au- 
teur d'avoir  accueilli  ou  repoussé  quelque  doctrine  que 
ce  soit.  Je  comprends  trop  d'ailleurs  les  graves  préoccu- 
pations auxquelles  il  obéit  pour  y  songer.  J'ai  le  devoir 
seulement  de  rechercher  si,  dans  le  développement  de  sa 
thèse,  il  a  sullisamment  tenu  compte  de  l'état  de  la  cri- 
tique au  moment  même  où  il  l'a  produite,  et  si  le  repro- 
che adressé  à  de  Laveleye,  page  108,  est  fondé,  «  de 
n'avoir  point  remarqué  la  distinction  qu'il  donne  aujour- 
d'hui comme  fondement  théorique  à  la  propriété,  et 
d'avoir,  sous  l'empire  de  cette  erreur,  trouvé  mauvais 
les  arguments  invoqués  en  faveur  de  la  propriété  ». 

Or,  je  regrette,  je  l'avoue,  de  n'avoir  pas  vu  discuter 
de  plus  près  les  objections  que  la  critique  moderne  a 
opposées,  soit  à  la  théorie  du  fondement  personnel  de  la 
propriété,  soit  à  celle  de  l'occupation  proprement  dite  ou 
à  l'occupation  par  le  travail,  soit  à  la  combinaison  de  ers 
théories,  et  qui  sont  développées  avec  une  grande  force, 
surtout  chez  certains  économistes,  comme  Ad.  Wagner, 
et  certains  juristes,  comme  Suinner  Maine.  A  ne  prendre 
que  cette  distinction  de  la  condition  personnelle  et  de 


(  303  ) 

l'occupation,  et  la  nécessité  de  leur  réunion  pour  donner 
une  réalité  au  droit,  il  est  intéressant  de  voir  les  écoles 
les  plus  diverses  s'entendre  pour  les  rejeter. 

M.  de  Laveleye,  autant  et  plus  que  personne,  s'est  pré- 
occupé de  définir  le  droit  naturel  :  «  Aujourd'hui,  dit-il, 
les  défenseurs  de  la  propriété  quiritaire  répètent  à  l'envi 
qu'elle  est  un  droit  naturel,  mats  il  en  est  peu  qui  compren- 
nent la  portée  de  ce  mot.  »  Et  il  s'applique  alors,  en  invo- 
quant la  philosophie  du  droit  dans  Fich  te,  Krause,  Ahrens, 
Hegel  lui-même,  à  montrer  que  la  théorie  du  droit 
naturel  implique  un  droit  primordial  sur  la  matière,  et  qu'tï 
suffit  d'être  homme  pour  avoir  droit  à  une  propriété.  Pour 
lui,  le  concret  est  inséparable  de  Vabstrait. 

Au  témoignage  d'Emile  de  Laveleye,  écrivain  libéral  et 
socialiste  de  la  chaire,  on  peut  joindre  celui  d'un  écri- 
vain catholique  remarquable  :  Fr.  lluet,  l'auteur  du 
Règne  social  du  Christianisme  (p.  245). 

«  On  a  beaucoup  disserté,  dit-il,  on  disserte  encore 
tous  les  jours  sur  l'origine  de  la  propriété.  Nous  parlons 
ici  de  l'origine  philosophique  et  du  fondement  premier 
du  droit.  Les  uns  l'appuient  sur  le  travail,  les  autres  sur 
une  première  occupation,  quelques-uns  sur  la  prescrip- 
tion ou  le  seul  bénétice  du  temps.  Mais  il  serait  étrange 
que  le  droit  de  propriété  fût  un  droit  naturel  et  qu'on 
en  dût  chercher  l'origine  hors  de  la  nature  humaine,  qu'il 
dépendit  d'un  acte  extérieur,  d'un  accident,  d'un  hasard. 
Ou  les  mots  n'ont  plus  de  sens,  ou  mettre  la  propriété  au 
nombre  des  droits  naturels  signifie  que  le  titre  originel 
d'investiture  pour  les  biens  de  la  terre  est  la  qualité 
d'homme,  que  la  qualité  d'homme  engendre  par  elle  seule 
et  immédiatement  un  droit  èi  une  quantité  déterminée  de  ces 
biens  :  première  propriété  qui  devient  pour  chacun   la 


(  564  ) 

source,  le  fondement  et  le  moyen  de  toutes  les  autres.  » 
ïr.  Huet  combat  ainsi  directement  la  distinction,  dès  1855. 

Ad.  Wagner  a  consacré  de  longs  chapitres  à  cette 
théorie  naturelle  de  la  propriété  qui  la  fait  dériver  de 
l'essence  de  la  personnalité  humaine,  et  à  celles  de 
l'occupation  en  général  et  de  l'occupation  par  le  travail 
en  particulier.  Aucune  d'elles  ne  sutlit  à  justifier  l'insti- 
tution, d'après  lui,  mais  il  interprète  la  théorie  naturelle 
comme  impliquant  un  droit  actuel  et  immédiat  sur  la 
matière;  seulement,  elle  ne  peut,  selon  lui,  fournir  de 
justification  de  la  propriété  que  dans  d'étroites  limites,  et 
telle  qu'elle  est  en  général  exposée,  elle  ne  peut  complè- 
tement asseoir  la  propriété  sur  un  terrain  stable.  «  Ce  qui 
le  montre  le  mieux,  dit-il,  c'est  que  du  côté  socialiste  il 
y  a,  avec  aussi  peu  ou  autant  de  raison,  une  organisation 
juridique  précisément  contraire  à  la  propriété  privée  et 
qui  dérive  de  l'essence  de  la  personnalité  humaine, 
c'est-à-dire  une  telle  organisation  qui  procure  à  tous  les 
hommes  les  biens  économiques  nécessaires  à  l'accomplis- 
sement des  buts  physique  et  moraux  de  la  vie,  ou  qui 
établissent  du  moins  les  conditions  économiques  et  juri- 
diques égales  pour  tous,  à  l'effet  d'atteindre  ces  buts. 
Voilà  pourquoi  la  propriété  des  moyens  de  production 
aux  mains  des  individus,  point  caractéristique  de  l'orga- 
nisation de  la  propriété  privée  qui  est  en  vigueur,  a  été 
attaquée  et  fondamentalement  rejetée.  » 

La  théorie  de  l'occupation  en  général,  et  celle  de 
l'occupation  par  le  travail,  présentées  par  Wagner,  ne 
fournissent  pas  à  la  théorie  naturelle  l'élément  com- 
plémentaire qu'elle  réclame,  dans  la  pensée  de  l'auteur 
du  mémoire,  et  qui  lui  suffit,  d'après  lui.  La  théorie  de 
l'occupation,  pas  plus  que  la  théorie   personnelle,  natu- 


(  565  ) 
relie,  ne  légitime  par  elle-même  la  propriété,  selon 
Wagner  :  elle  fournit  seulement  certains  éléments  <le 
son  organisation;  l'occupation  par  le  travail,  à  laquelle 
Wagner  attache  plus  de  prix,  et  avec  raison,  donne  une 
direction  aux  réformes  de  l'institution. 

11  ne  m'appartient  pas  de  descendre  au  fond  de  la 
question  et  d'apprécier  définitivement  la  théorie  de 
l'auteur.  Il  suffit  de  montrer  que  sa  distinction  n'a  pas 
échappe  réellement  à  l'appréciation  d'hommes  comme 
de  Laveleye,  Ad.  Wagner,  Fr.  lluet,  pour  ne  point  parler 
de  socialistes,  comme  Proudhon. 

Indépendamment  de  cette  conception  déductivc  de  la 
propriété  individuelle,  la  préoccupation  de  l'auteur  est 
de  trouver  la  confirmation  de  sa  thèse  dans  l'expérience 
universelle  des  peuples  et  de  recueillir  la  preuve  de 
l'existence  de  la  propriété  individuelle  à  toutes  les 
époques  de  l'histoire. 

Ici  encore,  c'est  à  Emile  de  Laveleye  qu'il  s'oppose,  et 
il  s'associe  à  la  critique  sévère  en  apparence,  dit-il,  que 
Fustel  de  Goulanges  a  dirigée  contre  la  Propriété  et  ses 
formes  primitives,  mais  qui  ne  serait  que  trop  fondée, 
d'après  l'auteur. 

Les  études  qui  suivent  sur  les  origines  de  la  propriété, 
particulièrement  en  Grèce  et  à  Rome,  sont  d'une  solide 
érudition,  et  je  souhaite  vivement  que  toute  cette  partie 
de  l'œuvre  soit  livrée  à  la  publicité. 

Mais  l'auteur  a-t-il  réfuté  la  thèse  d'Emile  de  Laveleye? 

Cette  thèse  est  que  la  propriété  est  livrée  à  une  véri- 
table évolution  historique,  que  la  propriété  individuelle  du 
sol  se  dégage  peu  à  peu  de  formes  collectives  et,  dès  lors, 
n'est  qu'un  événement  tardif  de  l'histoire.  De  Laveleye 
a  cru,  comme  il  l'écrivait  encore  à  la  fin  de  1890,  trouver 


(  366  ) 

dans  les  laits  recueillis  chez  toutes  les  races,  la  preuve 
que,  sous  l'empire  d'un  instinct  naturel  de  justice  et  d'une 
notion  innée  du  Droit,  les  hommes  réunis  en  société 
sont  portés  à  attribuer  primitivement  à  chaque  famille 
la  jouissance  d'un  lot  de  terre  qui  lui  permette  de  sub- 
sister par  son  travail.  Et  c'est  une  organisation  nou- 
velle et  infiniment  plus  complexe  de  ce  droit  qu'il 
pressent  comme  solution  pratique  du  problème  social 
au  XIXe  siècle. 

L'auteur  du  mémoire  a-t-il  réussi  à  démontrer  que  la 
propriété  individuelle  du  sol  n'a  pas  pour  antécédent  his- 
torique une  forme  de  propriété  collective  du  sol? 

On  peut  admettre,  en  présence  des  matériaux  rassem- 
blés par  l'auteur,  particulièrement  sur  la  Grèce,  que 
l'ordre  de  succession  des  formes  de  propriété  tracé  par 
de  Laveleye  ne  peut,  dans  l'état  actuel  de  la  critique, 
être  considéré  comme  une  loi  universelle  de  l'histoire. 

Mais  cet  ordre  n'est-il  pas  incontestablement  établi  à 
l'égard  de  certaines  races,  et  n'est-ce  pas  tout  au  moins 
une  loi  empirique  de  leur  histoire? 

Prenons  un  seul  exemple,  le  plus  intéressant  pour  nous, 
celui  des  Germains.  L'auteur  du  mémoire  affirme,  dans 
la  conclusion  de  la  partie  de  son  œuvre  qui  se  rapporte 
à  la  propriété  chez  les  Germains,  qu'à  l'époque  de 
Tacite,  ils  connaissaient  et  pratiquaient  la  propriété  privée 
même  du  sol. 

Même  dans  ces  termes,  la  conclusion  de  l'auteur  ne 
serait  pas  décisive  contre  de  Laveleye,  car  il  se  pourrait  : 

1)  ou  qu'une  évolution  de  la  propriété  se  fût  accom- 
plie depuis  l'époque  de  César  ; 

2)  ou  qu'à  l'époque  de  Tacite,  les  deux  formes  de  pro- 
priété coexistassent,   et  que  ce  qui  était  vrai  pour  les 


567  ) 

habitations  individuellement  appropriées,  le  fût  pour 
une  partie  du  sol. 

Ces  deux  solutions  suffisent  à  la  thèse  d'Emile  de  Lave- 
leve;  on  peut  même  aller  au  delà.  Les  textes  de  César 
sont  extrêmement  embarrassants  pour  les  adversaires  de  la 
collectivité  primitive.  Aussi  s'applique-t-on,  soit  à  mettre 
en  doute  l'exactitude  des  observations  du  vainqueur  des 
Gaules,  soit  à  le  mettre  en  contradiction  avec  Tacite.  Les 
divergences  qui  existent  entre  Tacite  et  César  ne  sont  pas 
suffisantes  pour  légitimer  une  opposition  radicale  dans 
les  conceptions  du  régime  agraire.  Ce  qui  me  porte  à  le 
penser,  c'est,  d'une  part,  que  le  système  de  culture  était 
resté  sensiblement  le  même,  et  n'était  autre  que  la  forme 
la  plus  extensive  de  la  culture,  qui  correspond  à  notre 
essartage;  ensuite,  c'est  le  texte  môme  de  Tacite  : 

«  Agri  pro  numéro  cultorum  ab  universis  per  vices 
occupantur,  quos  mox  inter  se  secundum  dignationem 
partiuntur  :  facilitatem  partiendi  camporum  spatia  praes- 
tanl.  Xr\dL  per  annos  mutant  et  superest  ager.  » 

Tout  est  dans  ce  texte.  Le  système  de  culture  est  tou- 
jours l'essartage  :  arva  per  annos  mutant,  et  il  y  a  une 
corrélation  profonde  entre  la  propriété  et  la  culture, 
comme  l'a  montré  Roscher. 

L'occupation  est  générale;  il  n'y  a  pas  d'exclusion,  bien 
qu'il  y  ait  inégalité  dans  le  partage  :  ab  universis...  secun- 
dum dignationem. 

Des  terres  en  abondance  restent  dans  l'indivision, 
patrimoine  manifeste  de  la  communauté  :  facilitatem 
partiendi  camporum  spatia  praestant...  Et  superest  ager. 
C'est  si  bien  le  domaine  de  tous,  que  Tacite  souligne  l'inu- 
tilité de  le  partager  encore. 

L'auteur  me  paraît  avoir  interprété  ces  textes  à  travers 


(  568  ) 

des  idées  préconçues.  On  n'y  voit  pas  même  de  terme 
qui  réponde  au  domaine  privé  du  sol,  à  la  propriété 
quiritaire;  mais,  dussent  les  deux  formes  de  propriété 
avoir  coexisté  à  cette  époque,  la  thèse  d'Emile  de  Lave- 
leye,  à  la  fois  économique,  juridique  et  morale,  n'est-elle 
pas  empiriquement  établie,  au  moins  pour  notre  race? 


III. 


L'exposé  des  théories  socialistes  embrasse  environ  cent 
cinquante  pages,  dont  une  centaine  au  plus  sont  consa- 
crées au  XIXe  siècle;  pendant  que  YUtopie  de  Thomas 
Morus  compte  quinze  pages,  les  œuvres  réunies  de  Saint- 
Simon  et  de  son  école,  de  Fourier  et  de  Proudhon  en 
comptent  à  peine  autant.  L'honorable  second  Commissaire 
regrette  que  l'auteur  n'ait  pas  discuté  de  plus  près  le 
mutuellisme  de  Proudhon.  A  la  vérité,  il  ne  paraît  l'avoir 
discuté  ni  de  près  ni  de  loin.  Proudhon  a  médité  pen- 
dant un  quart  de  siècle  le  problème  de  la  propriété  et 
celui  du  crédit  et  de  la  circulation  ;  le  lecteur  était  en 
droit  d'attendre,  dans  un  écrit  sur  la  propriété,  au 
moins  une  esquisse  du  développement  des  idées  ou  des 
variations  doctrinales  d'un  penseur  qui  a  exercé  une 
influence  si  profonde  sur  son  temps;  du  premier  mémoire 
de  Proudhon  sur  la  propriété  à  la  théorie  de  la  propriété 
qui  parut  après  sa  morl,  la  pensée  réformatrice  de  l'écri- 
vain socialiste  a  subi  des  changements  profonds,  et  il  était 
assurément  intéressant  de  montrer  comment,  en  mainte- 
nant toute  sa  critique  première  sur  les  fondements  de  la 
propriété,  Proudhon  en  était  venu  à  justifier  la  propriété 
du  sol  dans  ses  fins,  ou,  avec  plus  de  précision,  dans  sa 


(  369  ) 
fonction  politique.  Il  eût  été  non  inoins  intéressant  devoir 
discuter  les  opinions  de  Proudhon  sur  l'intérêt  du  capital 
et  le  crédit;  il  y  avait  place,  là,  pour  des  rapprochements 
avec  les  doctrines  des  théologiens  sur  l'usure. 

Mais  pendant  que  l'auteur  s'arrête  à  rappeler  que  le 
mot  célèbre  :  La  propriété,  c'est  le  vol,  se  retrouve  dans 
Brissot,  dont  le  livre,  que  j'ai  lu  et  que  l'auteur  n'a  vrai- 
semblablement pas  consulté,  n'a  rien  de  commun  avec 
l'œuvre  de  Proudhon,  il  ne  trouve  pas  une  ligne  pour  rap- 
peler la  polémique  célèbre  de  Proudhon  avec  Fr.  Bastiat, 
polémique  dans  laquelle  les  deux  adversaires  ont  été  l'un 
et  l'autre  excessifs,  mais  qui  reste  un  événement  impor- 
tant de  l'histoire  des  idées. 

L'étude  d'hommes  comme  Owen,  Fourier,  Saint-Simon 
n'est  faite  que  de  seconde  main,  et  formée  le  plus  sou- 
vent de  citations  de  L.  Reybaud;  cependant  des  travaux 
considérables  ont  paru  sur  ces  différentes  écoles.  On  peut 
juger  avec  plus  d'impartialité  les  essais  de  coopération 
mutuelle  d'Owen  et  apprécier  si  leurs  échecs  dégagent 
bien,  comme  le  dit  l'auteur,  la  nature  du  travailleur  prise 
sur  le  vif  (p.  341),  ce  qui  éveille  l'idée  de  causes  indé- 
fectibles. Les  fondements  du  Droit  économique,  qui 
domine  le  communisme  d'Owen,  ont  été  exposés  par  l'un 
de  ses  disciples,  W.  Thompson,  avec  une  puissance  intel- 
lectuelle peu  commune,  et  c'est  à  lui  qu'il  faut  demander 
l'interprétation  des  doctrines  modernes.  Il  semble  diffi- 
cile à  l'auteur  de  ranger  Fourier  parmi  les  socialistes,  à 
moins  qu'il  ne  mérite  ce  titre  par  ses  attaques  contre 
l'ordre  actuel,  contre  le  mariage,  par  l'apologie  des  pas- 
sions (p.  353).  Il  est  certain,  pour  l'auteur,  que  les  socia- 
listes modernes  sont  les  adversaires  du  mariage  et  les 
apologistes  des  passions,  mais  Fourier  et  son  école  n'ont 


'  570  ) 


jamais  cessé  de  se  ranger  eux-mêmes  parmi  les  socia- 
listes, et  il  est  regrettable  qu'au  lieu  de  recueillir  quel- 
ques détails  sur  l'organisation  du  phalanstère,  l'auteur 
n'ait  pas  étudié  la  théorie  fouriériste  de  la  propriété,  que 
V.  Considérant  a  si  nettement  exposée. 

Ce  qui  m'a  frappé  le  plus  dans  cette  revue  des  doc- 
trines socialistes,  ce  sont  les  lacunes  vraiment  inexpli- 
cables qu'elle  présente.  Dans  l'évolution  des  théories  de 
la  propriété  et  du  collectivisme,  la  Belgique  occupe  une 
place  considérable,  ce  qui  n'a  jamais  été  suffisamment 
remarqué  et  ce  que  j'exposerai  plus  complètement  à 
l'Académie;  le  collectivisme  contemporain  procède,  en 
Belgique,  beaucoup  plus  directement  d'un  réformateur 
belge,  de  Colins,  que  des  écoles  françaises  ou  allemandes; 
le  mot  collectivisme  est  une  création  de  l'école  môme  de 
Colins,  qui  employait  en  général  les  termes  :  propriété 
collective,  rentrée  du  sol  à  la  propriété  collective.  A  sa  mort, 
en  1859,  Colins  avait  publié  dix-neuf  volumes  sur  sa 
doctrine;  ses  disciples  achèvent  aujourd'hui  même  la 
publication  de  ses  manuscrits.  En  1848,  Louis  de  Potter, 
dans  un  livre  devenu  rare  et  oublié  :  La  réalité  démontrée 
par  le  raisonnement  des  questions  sociales  sur  l'homme,  la 
famille,  la  propriété,  etc.,  disait  de  son  ouvrage  : 
«  J'ai  puisé  ce  dont  il  se  compose  dans  les  manuscrits, 
les  conversations  et  la  correspondance  d'un  ami  qui 
refuse  de  se  faire  connaître,  parce  que,  dit-il,  son  nom, 
sans  autorité  sur  les  esprits,  n'ajouterait  rien  à  la  force  de 
la  vérité  dont  le  triomphe  est  son  unique  but.  Pendant 
plus  de  dix  ans,  j'ai  lutté  contre  la  doctrine  nouvelle  dont 
maintenant  je  me  fais  le  propagateur...  »  Cet  auteur 
inconnu  n'était  autre  que  Colins  lui-même. 


(  571   ) 
II  sortit  de  son  obscurité  volontaire  après  le  coup  d'Étal, 
et  son  premier  grand  ouvrage,  publié  en  1854,  renferme 
sa  théorie  de  la  propriété  collective,  qui  diffère  de  la 
doctrine  saint-simonienne  en  ce  qu'elle  respecte  l'héré- 
dité en  ligne  directe  et  ne  reconstitue  le  domaine  collec- 
tif que  par  la  réduction  des  degrés  de  succession  en  ligne 
collatérale.  Aujourd'hui,  l'héritier  du  nom  et  des  aspira- 
tions de  Louis  de  Potter,  M.  Agathon  de  Potier,  poursuit 
la  vulgarisation  et  la  défense  des  doctrines  auxquelles  son 
père  a  donné  une  adhésion  aussi  irrésistible;  la  revue  : 
La    Philosophie  de  l'Avenir,   qu'il   dirige,   se   maintient 
a  force  de  sacrifices  depuis  plus  de  vingt  ans.  A  peu  près 
au  moment  où  Colins  livrait  son  nom  et  son  œuvre  à  la 
publicité,  un  penseur  catholique  audacieux  et  vraiment 
grand  par  l'esprit  et  par  le  cœur,  François  Huet,  qui  pro- 
fessa à  l'Université  de  Gand,  publia  Le  règne  soeial  du 
Christianisme,  qui  renferme  une  théorie  de  la   propriété 
collective;  Fr.  Huet  fut  l'un  des  maîtres  d'Emile  de  Lâve- 
leye,  et  la  conclusion  de  l'ouvrage  célèbre  sur  La  Pro- 
priété et  ses  formes  primitives,  est  un  rayonnement  des 
doctrines  exposées  dans  Le  règne  social  du  Christianisme. 
Pour  achever  de  marquer,  enfin,  le  développement  de 
cette  doctrine  en  Belgique,  c'est  en  18G8,  à  Bruxelles,  au 
Congrès  de  l'Association  internationale  des  travailleurs, 
que  le  D'  De  Paepe  présenta  un  rapport,  désormais  célèbre, 
sur  la  propriété  collective,  B.  Malon,  dans  son  livre  sur 
Le  socialisme  intégral,  qualifie  de  collectivisme  interna- 
tionaliste l'exposé  doctrinal  de  De  Paepe.  C'est  en  faire 
connaître  la  portée,  ce  n'est  pas  en  faire  connaître  la 
genèse.  C'était  un  effort  de  synthèse  des  diverses  écoles 
socialistes;  De  Paepe,  par  la  nature  même  de  son  esprit, 
était  porté  à  ces  conceptions  synthétiques. 


(  57<2  ) 

Sur  cet  ensemble  de  doctrines  et  sur  cette  filiation 
des  idées,  il  n'est  pas  une  ligne  dans  l'ouvrage  présenté 
à  l'Académie.  Je  ne  regretterais  point  un  vain  étalage 
d'érudition,  et  il  est  bien  évident  que  tout  exposé  des 
doctrines  socialistes  présentera  toujours  quelque  lacune; 
mais  il  s'agit  ici  de  conceptions  théoriques  qui  ont 
exercé  sur  le  développement  du  socialisme  une  influence 
profonde,  qui  non  seulement  sont  l'expression  du  collec- 
tivisme même,  sous  certaines  de  ses  formes  les  plus 
importantes,  mais  dont  l'omission  laisse  l'histoire  des 
idées  en  Belgique  dans  une  complète  obscurité,  et  rend 
peut-être  inintelligible  l'histoire  sociale  elle-même  qui  se 
déroule  sous  nos  veux. 


IV. 


La  dernière  partie  de  l'œuvre  est  consacrée  à  la  réfu- 
tation des  arguments  sur  lesquels  s'appuient  les  socialistes  et 
les  collectivistes  :  c'est  le  titre  même  de  cette  division  de 
l'ouvrage.  La  lecture  m'en  a  pénétré  d'un  profond  senti- 
ment de  tristesse,  moins  à  voir  à  chaque  page  l'auteur 
s'acharner  à  l'anéantissement  de  doctrines  où  rien  ne  lui 
apparaît  que  de  faux,  de  funeste,  de  pervers,  de  négatif, 
qu'à  mesurer  la  distance  qui  sépare  les  penseurs  mo- 
dernes livrés  aux  plus  hautes  spéculations  de  l'esprit,  la 
difficulté  pour  les  représentants  des  écoles  de  s'élever  à 
cette  impartialité  sereine  qui  n'est  que  le  légitime  hom- 
mage rendu  à  la  recherche  sincère  de  la  vérité  et  de  la 
justice. 

Les  arguments  principaux  du  socialisme  sont,  d'après 


(  373  ) 
l'auteur,  au  nombre  de  dix,  qu'il  classe  lui-même,  exa- 
mine et  réfute  dans  l'ordre  suivant  : 

1°  La  notion  du  capital  à  laquelle  la  réfutation  de 
Marx  se  rattache  ; 

2°  Les  maux  provenant  du  capital  et  des  richesses; 

5°  L'origine  attribuée  par  Marx  et  par  les  socialistes  au 
capitalisme  et  aux  grandes  fortunes; 

4°  La  loi  d'évolution  considérée  à  l'égard  de  la  société 
en  général,  de  la  morale  et  des  institutions  politiques; 

5°  La  loi  d'airain  du  salaire  et  la  disparition  de  la 
petite  propriété  ; 

0°  L'opinion  des  Pères  de  l'Église; 

7°  L'Évangile,  les  actes  des  apôtres  et  les  commu- 
nautés religieuses  ; 

8°  La  richesse  et  le  patrimoine  commun  de  l'huma- 
nité; 

9°  L'obligation  pour  tous  de  travailler; 

10°  Le  droit  au  travail. 

Il  suffirait  du  peu  d'ordre  dans  lequel  les  arguments 
sont  développés  pour  douter,  dès  le  début,  que  l'auteur  ait 
saisi  les  grandes  lignes  de  l'évolution  des  doctrines  et  le 
caractère  organique  du  socialisme  moderne. 

Ici,  les  lacunes  manifestes  sont  considérables.  L'auteur 
n'apprécie  ni  la  critique  des  lois  naturelles  en  économie 
politique,  celle  du  laisser-faire  proposée  par  le  socia- 
lisme, ni  la  psychologie  économique,  la  conception  orga- 
nique de  la  liberté  et  des  fonctions  de  l'État  qui  lui 
servent  de  fondement. 

On  eût  dû  s'attendre  à  voir  l'auteur,  dans  un  livre  sur 
la  propriété,  embrasser  la  théorie  de  la  rente  foncière 
sous  tous  ses  aspects  et  discuter  la  légitimité  de  son 
appropriation  par  le  propriétaire  du  sol.  On  peut  dire 


(  574  ) 

que  depuis  Ricardo,  à  travers  le  pessimisme  de  son  école, 
el  l'optimisme  de  Bastiat  et  de  Carey,  cette  théorie 
domine  toutes  les  conceptions  de  la  propriété,  et  l'une 
des  solutions  du  problème  de  la  propriété  a  été  recher- 
chée dans  une  action  systématique  sur  la  rente  foncière. 
Proudhon,  comme  Mill,  comme  Henry  Georges  ou  Achille 
Loria,  sous  des  formes  bien  différentes  et  à  des  degrés 
divers,  caractérisent  cette  direction  de  la  pensée  réfor- 
matrice ;  et  comme  expressions  radicales  de  la  propriété 
transformée  dans  des  directions  distinctes,  on  voit  dans 
le  socialisme,  d'une  part,  la  propriété  privée  subsister 
sans  l'appropriation  individuelle  de  la  rente,  de  l'autre, 
la  propriété  collective  du  sol  se  constituer  avec  sociali- 
sation de  la  rente.  C'est  la  différenciation  fondamentale 
des  plans  socialistes,  avec  des  modalités  nombreuses  et 
graduées.  L'auteur  n'a  fait  aucun  exposé  critique  des 
théories  de  la  rente. 

Assurément,  la  baisse  de  la  rente  foncière  chez  les 
nations  de  l'Occident  est  indéniable;  mais  l'importance 
théorique  de  la  question  subsiste,  et  la  théorie  doit 
s'éclairer  de  l'évolution  antérieure  de  la  rente.  L'auteur 
trouverait-il  dans  les  travaux  agronomiques  de  de  Lave- 
leye,  ou  dans  ceux  de  Piret,  l'explication  des  accrois- 
sements de  la  rente  foncière  en  Belgique  par  l'action 
prépondérante  des  propriétaires  du  sol,  qu'il  admet  en 
puisant  ses  matériaux  en  France  (troisième  argument)  ? 

L'auteur,  après  s'être  appliqué  consciencieusement, 
dans  la  seconde  partie  de  son  livre,  à  l'analyse  du  Capital 
de  Marx,  le  critique  dans  la  troisième  (premier  argument). 
C'est  à  tort,  à  mon  avis,  qu'il  dénie  aux  doctrines  de  Marx 
toute  originalité,  alors  surtout  qu'il  ne  signale  même  pas 
comme  ses  prédécesseurs,  Rodbertus  el  Thompson.  Je 


(  575  ) 
crois  qu'il  Tant  rendre  à  Marx  une  plus  large  part  d'ori- 
ginalité que  Menger  ne  l'admet.  Je  nie  borne  à  renvoyer 
sur  ce  point  à  mon  étude  sur  Thompson  et  à  mes  obser- 
vations sur  Menger. 

La  théorie  de  la  plus-value  est  un  aspect  particulier  de 
la  théorie  de  la  valeur  hasée  sur  le  travail.  On  ne  peut  les 
séparer.  Deux  courants  socialistes  se  rattachent  réelle- 
ment à  Smith  et  à  Ricardo  :  la  théorie  d'après  laquelle  le 
travail  est  la  cause  essentielle  de  la  valeur  d'échange,  a  été 
transportée  dans  le  domaine  du  Droit  économique,  et  l'on  a 
soutenu  que  ceux  qui  engendrent  la  valeur  du  produit  par 
leur  travail,  doivent  recueillir  le  produit  intégral  de  leur 
travail;  mais  les  uns,  comme  les  saint-simoniens,  comme 
Proudhon,  comme  Owen  et  Thompson,  voient  dans  la 
rente  et  l'intérêt  des  prélèvements  sur  le  travail  ;  Marx  fait 
la  distinction  de  la  force  de  travail  que  le  capitaliste 
achète  pour  la  quantité  de  travail  que  son  entretien  coûte, 
et  du  travail  incorporé  au  produit  par  l'application  de 
cette  force  de  travail  ;  elle  produit  une  valeur  supérieure  à 
sa  propre  valeur  d'échange.  De  là,  la  plus-value.  Pour  cri- 
tiquer Karl  Marx,  l'auteur  revient  à  la  notion  du  capital 
et  à  sa  fonction  dans  la  production,  et  il  considère  les 
rapports  du  capitaliste   individuel    avec   le   travailleur 
individuel   dans  le   contrat  de   travail   :   la   séparation 
initiale  de  deux  personnes  juridiques,  correspondant  au 
travail  et  au  capital,  étant  admise,  la  nécessité  du  concours 
du  capital  dans  la  production  étant  évidente,  la  participa- 
tion légitime  de  l'entrepreneur  capitaliste  à  la  plus-value 
en  est  la  conséquence  nécessaire.  C'est  ce  qu'admettait 
même  Proudhon  dans  son  débat  avec  Bastiat.  Mais  pour 
apprécier  l'œuvre  de  Marx,  il  faut  se  placer  à  un  point  de 
vue  social  historique;  on  ne  comprendrait  pas  l'influence 
de  cette  œuvre  s'il  s'était  borné  à  dissimuler  le  rôle  du 


(  876) 
capital   dans  la  production.  Marx  n'a  pas  eu,  d'ailleurs, 
cette  dissimulation;  un  rappel  aux  éléments  de  l'économie 
politique  ne  suffît  pas  pour  en  triompher  (4). 

Nul  écrivain  plus  que  Marx  ne  doit  être  jugé,  critiqué 
au  point  de  vue  social  et  historique.  Ce  qu'il  étudie  dans 
son  livre  sur  le  capital,  c'est  une  phase  de  l'évolution  éco- 
nomique et  sociale  des  nations,  et  ce  qui  caractérise  cette 
phase,  c'est  la  distinction  de  deux  classes  :  l'une  qui 
monopolise  les  moyens  de  production,  l'autre,  celle  des 
travailleurs,  qui,  soustraite  au  servage,  est  libre  de  con- 
tracter, mais  qui  n'a  d'autre  bien  que  sa  force  de  travail. 
Ces  conditions  initiales  d'inégalité  étant  données,  le 
moteur  de  l'intérêt  stimulant  les  forces  en  présence,  ce 
qu'il  faut  étudier,  c'est  la  succession  des  phénomènes 
qui  caractérisent  une  telle  phase  et  le  terme  auquel  elle 
aboutit.  Comment  s'est  établie  originairement  cette  sépa- 
ration radicale  du  travail  et  du  capital,  c'est  là  un  pro- 
blème historique  que  Marx  a  tenté  d'éclaircir  par 
l'exemple  de  l'Angleterre,  mais  ce  troisième  soi-disant 
argument  du  socialisme  d'après  l'auteur  du  mémoire,  n'a 
qu'un  intérêt  historique;  nul  n'oserait  songera  légitimer 
des  réformes  sociales  profondes  par  des  considérations 
autres  que  celles  qui  dérivent  de  l'état  social  présent  et  de 

1  L'auteur  dirige  contre  Marx,  au  sujet  de  la  formation  du  capital, 
des  critiques  aussi  hasardées  que  celle-ci  :  «  Marx  attribue  la  forma- 
tion du  capital  à  la  plus-value;  avec  une  telle  théorie,  jamais  il  n'y 
aurait  eu  de  capital.  En  effet,  les  bâtiments,  les  machines,  les 
matières  premières,  etc.,  qui  constituent  le  premier  capital,  préexistent 
à  la  plus-value,  au  travail  des  ouvriers  (p.  4oG;.  »  Il  faut  bien  recon- 
naître cependant  que  les  bâtiments,  les  machines  sont  le  produit 
d'un  travail  antérieur,  et  qu'aucune  épargne  de  ces  éléments  du 
capital  n'a  pu  se  faire  que  sur  l'excédent  disponible  d'un  produit  net, 
après  déduction  de  l'entretien  de  la  force  de  travail,  toute  question 
d'appropriation  de  la  plus-value  étant  d'ailleurs  réservée. 


(  577  ) 
ses  tendances  :  quelle  que  soit  l'origine  de  la  séparation, 
c'est  révolution  soeiale  qu'il  importe  de  considérer. 

D'après  Marx,  l'organisme  capitaliste  obéit  à  une  loi 
de  concentration  successive  que  la  concurrence  détermine, 
par  la  ruine  et  la  résorption  des  entreprises  les  plus  fai- 
bles; cette  concentration  s'accompagne  d'une  combinai- 
son de  plus  en  plus  étroite  des  forces  de  travail  et  d'une 
application  de  plus  en  plus  parfaite  des  moyens  de  pro- 
duction. Ce  sont  ces  forces  associées,  combinées  par  le 
capitalisme  même  en  vue  de  la  production,  qui  prendront 
finalement  possession  d'elles-mêmes,  et  quand  le  proces- 
sus de  concentration  capitaliste  sera  arrivé  à  son  apogée, 
brisant  à  leur  tour  cette  structure  historique  vieillie, 
substitueront  un  organisme  nouveau  à  l'organisme  capita- 
liste. La  théorie  de  la  plus-value  n'est  qu'un  mode 
d'interprétation  de  la  répartition  des  richesses  qui  s'opère 
dans  un  tel  processus.  On  pourrait  reprocher  à  Marx  de 
considérer  pendant  toute  cette  évolution  l'infériorité  du 
travail  dans  la  lutte  comme  toujours  absolument  indéfec- 
tible, d'avoir  exagéré  les  inégalités  de  la  répartition, 
d'avoir  donné  à  l'évolution  le  caractère  d'un  sombre 
fatalisme,  d'avoir  fait  abstraction  de  l'hypothèse  d'une 
association  graduelle  du  capital  et  du  travail,  conjurant 
cette  transformation  radicale,  brusque  ou  peut-être  vio- 
lente, qui  apparaît  au  terme  du  processus.  Mais  les  ten- 
dances de  l'évolution  capitaliste  ne  sont  pas  moins  le 
problème  extraordinaire  qui  se  dresse  devant  nous. 
L'auteur  du  mémoire  conteste,  contre  Marx,  que  les 
crises  périodiques,  entraînant  les  fluctuations  redoutables 
d'une  surpopulation  relative,  accompagnent  notre  évolu- 
tion moderne.  Je  n'ai  pas  cet  optimisme.  J'ai  interrogé 
avec  conscience  l'histoire  de  la  dépression  actuelle  dans 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  38 


(  578 


un  livre  sur  L'histoire  des  prix  et  j'ai  reconnu  la  large 
part  de  vérité  qu'il  faut  attribuer  aux  théories  de  Marx. 

Toutes  les  écoles  socialistes  et  réformatrices  interrogent 
avec  anxiété  l'avenir  des  sociétés  industrielles,  qu'elles 
se  préparent  à  un  déchirement  final  et  à  une  transforma- 
tion radicale  et  brusque,  ou  qu'elles  recherchent  les 
conditions  d'une  réalisation  progressive  de  l'union  du 
capital  et  du  travail,  comme  je  m'y  attache  moi-même  de 
toutes  mes  forces.  C'est  précisément  cette  unité  finale, 
jugée  nécessaire  et  générale,  ce  sont  les  conditions 
morales  et  juridiques  de  sa  stabilité  et  de  son  universa- 
lité qui  sont  l'âme  des  plans  socialistes. 

Cependant,  l'auteur  du  mémoire  ne  paraît  pas  avoir 
cette  vision  ni  cette  préoccupation  poignante  du  problème 
social,  et  pour  en  juger,  il  suffit  de  citer  les  dernières 
lignes  qu'il  consacre  à  Marx  : 

«  Mais,  objectent  encore  certains  socialistes,  la  majo- 
rité des  hommes  ne  peut  avoir  de  capital. 

»  Cela  prouve-t-il  que  ceux  qui  peuvent  en  former  un 
par  leur  travail  et  par  l'heureuse  chance  même  commet- 
tent une  injustice?  Que  ceux  qui  héritent  du  capital 
légitimement  acquis  par  leur  père  commettent  un  vol? 

»  Combien  de  musiciens  s'élèvent  à  la  hauteur  de  Bee- 
thoven et  de  Wagner?  Combien  de  peintres  ont  égalé 
Rubens?  Combien  de  poètes  ont  l'imagination  de  Victor 
Hugo?  Etc. 

»  Qu'importe  que  les  capitalistes  soient  en  minorité  dans 
le  inonde?  Si  leur  capital  a  été  acquis  légitimement,  on 
doit  le  respecter,  c'est  leur  propriété,  car  la  propriété, 
nous  l'avons  démontré,  est  un  droit  naturel.  » 

Qu'importe?  dit  l'auteur;  mais  cela  importe  tant  que 
c'est  le  problème  social  tout  entier.  Nul  ne  peut  songer 
à  dépouiller  !e  capitaliste  ni  le  propriétaire;  là,  l'auteur 


(  S79  ) 

a  raison;  mais  tout  socialiste,  qu'il  appartienne  à  l'école 
de  Marx  ou  à  toute  autre  école,  se  préoccupe  des  destinées 
d'un  état  social  marqué  par  la  division  des  intérêts  et  dos 
classes,  par  la  concentration  des  entreprises  qu'accepte 
aussi  allègrement  l'auteur.  De  Laveleye,  qui  n'est  pas  assu- 
rément suspect  de  marxisme,  a  rendu  celle  universelle  pré- 
occupation des  esprits  les  plus  clairvoyants  du  siècle  :  «  Tôt 
ou  tard,  la  situation  économique  étant  à  peu  près  partout 
la  même,  partout  l'hostilité  des  classes  mettra  la  liberté 
en  péril,  et  plus  la  propriété  sera  concentrée  et  le  con- 
traste entre  les  riches  et  les  pauvres  marqué,  plus  la 
société  sera  menacée  de  bouleversements  profonds.  Ou 
l'égalité  s'établira,  ou  les  institutions  libres  disparaî- 
tront. »  Dans  ces  graves  prédictions,  de  Laveleye  n'est-il 
pas  à  la  fois  l'interprète  de  l'histoire  et  l'organe  de  la 
raison  et  de  la  justice  ? 

Les  huitième,  neuvième,  dixième  arguments  me  sug- 
gèrent les  observations  suivantes  : 

Ce  qui  caractérise  toutes  les  écoles  socialistes  dignes 
de  ce  nom,  c'est  qu'elles  rattachent  leurs  doctrines  à  une 
conception  de  l'évolution  historique  qu'elles  prolongent 
dans  une  certaine  direction  idéale  :  chacune  d'elles  légi- 
time sa  direction  idéale  par  la  critique  plus  ou  moins 
profonde  de  l'état  social  présent  ;  de  Saint-Simon, 
d'Owen,  de  Fourier  à  Karl  Marx,  leur  tendance  géné- 
rale est  de  faire  dériver  des  institutions  historiques, 
modifiables,  transformables,  les  maux  des  classes  déshé- 
ritées et  l'inégalité  des  conditions,  au  moins  dans  une 
large  mesure.  Elles  réagissent  par  là  contre  les  doctrines 
proposées  surtout  par  Ricardo  et  Malthus,  qui  les  font 
dériver  directement  de  la  nature  immuable  des  choses  ou 
de  celle  de  l'homme.  C'est  de  la  critique  d'un  état  social 
jugé  modifiable  qu'elles  déduisent  les  principes  dirigeants 


(  S80  ) 
d'un  Droit  économique  nouveau,  plus  ou  moins  rigoureu- 
sement adapté  à  l'état  moral  actuel  de  l'homme.  Quoi  que 
l'on  pense  du  socialisme,  la  critique  scientifique  impar- 
tiale doit  reconnaître,  comme  elle  le  fait  surtout  en 
Allemagne,  qu'il  a  puissamment  agi  sur  la  relativité  des 
conceptions  de  la  science,  qu'il  a,  plus  que  toute  autre 
école,  développé  le  côté  éthico-juridique  des  problèmes 
sociaux,  en  élargissant  sans  cesse  le  droit  au  profit  des 
classes  pauvres,  et  par  un  retour  de  la  morale  sociale  sur 
les  laits  de  richesse,  qu'il  a  largement  contribué  à  la 
constitution  et  au  progrès  de  la  science  sociale  théorique 
et  pratique. 

Le  socialisme  et  le  collectivisme,  considérés  dans  leur 
expression  synthétique  et  dégagés  des  empreintes  par- 
ticulières des  écoles,  apparaissent  comme  un  ensemble  de 
directions  abstraites  de  la  pensée  réformatrice  :  ces  ten- 
dances maîtresses  sont  comme  la  trame  sur  laquelle  on 
s'efforcera  de  tisser  successivement  les  formes  d'un  droit 
pénétré  de  solidarité  et  qui  sont  destinées  à  se  substituer 
à  celles  qui  actuellement  protègent,  stimulent,  règlent, 
harmonisent  les  activités  humaines.  La  tendance  à  effacer 
toute  distinction  entre  une  classe  détentrice  du  sol  et  des 
instruments  collectifs  de  travail  et  une  autre  classe  n'ayant 
d'autre  bien  que  sa  force  de  travail  ;  la  tendance  corréla- 
tive à  éliminer  les  inégalités  d'origine  historique,  d'in- 
stitution humaine,  dans  les  conditions  d'existence  et  de 
développement,  et  à  en  empêcher  le  retour  par  les  insti- 
tutions nouvelles  du  Droit  économique  et  de  la  propriété; 
parallèlement  à  l'élimination  de  la  distinction  des  classes, 
la  tendance  à  ramener  toutes  les  branches  du  revenu  au 
seul  revenu  du  travail,  la  tendance  à  considérer  les 
sociétés  humaines  comme  des  organismes  supérieurs,  des 
existences  collectives,  dont  les  fonctions  et  les  organes 


(  581  ) 
peuvent  être  portés  au  plus  haut  degré  «le  coordination 
harmonique  et  réaliser  par  là  progressivement  un  équi- 
libre stable  et  juste  dans  les  conditions  de  la  vie  col- 
lective; la  conception  corrélative  de  l'État,  des  fonctions 
de  justice  positive  qu'il  remplit,  à  l'opposé  de  la  pure 
justice  négative  que  lui  confiait  Adam  Smith;  la  tendance 
à  assurer  finalement  une  participation  permanente  de  tous 
aux  bienfaits  de  la  civilisation,  et  à  se  rapprocher  de 
l'égalité  réelle  des  conditions;  tout  ce  faisceau  de  direc- 
tions de  la  pensée  réformatrice  constitue  les  lignes 
maîtresses  du  socialisme  abstrait,  en  dehors  de  toute 
école,  et  exprimer  le  résultat  d'une  élaboration  collective 
pendant  le  cours  de  l'un  des  siècles  les  plus  tourmentés 
de  l'histoire. 

On  a  pu  même,  dans  des  travaux  critiques  vraiment 
profonds  sur  le  socialisme,  comme  ceux  de  l'illustre 
Anton  Menger,  ramener  à  quelques  formules  le  droit 
idéal  qu'il  poursuit  au  XIXe  siècle  :  le  droit  à  l'existence1, 
le  droit  au  travail,  le  droit  à  l'intégralité  du  produit  de 
son  travail.  L'utopiste  seul  peut  tenter  de  donner  à  ces 
formules  une  expression  actuelle,  immédiate,  concrète, 
définitive  :  pour  l'esprit  positif,  elles  ne  peuvent  se  tra- 
duire que  par  un  vaste  ensemble  de  réformes  qui  se 
dérouleront  dans  le  temps.  C'est  à  ce  point  de  vue  qu'il 
faut  se  placer  pour  s'élever  à  la  large  compréhension  des 
doctrines  et  des  faits,  des  institutions  qui  sont  la  pro- 
jection des  doctrines. 

C'est  ainsi  qu'il  faut  juger  le  droit  au  travail.  C'est  le 
dixième  argument  de  l'auteur.  Tl  réfute  vigoureusement 
ce  droit  en  citant  quelques  pages  de  Thiers.  Thiers  était 
peu  fait  pour  les  inductions  historiques  profondes.  La 
critique  impartiale  prochaine  verra  dans  le  système  des 
assurances  ouvrières  contre  la   maladie,    les  accidents, 


(  o82  ) 

l'invalidité,  la  vieillesse,  le  chômage,  dans  l'organisation 
des  syndicats,  dans  celle  du  marché  du  travail,  de  rensei- 
gnement professionnel,  daus  la  limitation  des  heures  de 
travail,  les  ateliers  de  chômage,  l'organisation  des  travaux 
publics,  la  reconstitution  graduelle  des  domaines  collec- 
tifs, communaux,  nationaux,  comme  les  premiers  élé- 
ments d'un  vaste  système  de  garanties  nationales  et 
internationales  coordonnées  dans  une  direction  uniforme, 
qui  s'étendront,  au  profit  des  travailleurs,  depuis  ces 
institutions  jusqu'à  la  réalisation  bien  plus  complexe,  de 
l'équilibre  de  la  production  et  de  la  consommation  dans 
l'économie  mondiale  par  la  convergence  des  efforts  des 
nations,  jusqu'à  l'organisation  internationale  de  la  colo- 
nisation du  monde.  Toutes  les  réformes  de  cet  ordre, 
qu'aucun  penseur  ne  peut  énumérer  dès  aujourd'hui,  à 
mesure  qu'elles  acquerront  une  étendue  et  une  cohésion 
suffisantes  et  qu'elles  seront  saisies  dans  leur  unité,  se 
réfléchiront  de  plus  en  plus  nettement  sur  l'individu  comme 
une  expression  synthétique,  positive,  du  contenu  du  droit  à 
l'existence  et  du  droit  au  travail. 

C'est  ainsi  qu'il  faut  interpréter,  je  pense,  les  anticipa- 
tions de  l'idéal  socialiste  qui  agit  avec  la  puissance  et  la 
continuité  d'action  de  l'idée-force  sur  la  direction  des 
réformes. 

Le  huitième  argument  appelle  des  observations  du 
même  ordre. 

L'auteur  a  recueilli  chez  un  écrivain  socialiste  ou  dans 
les  résolutions  d'un  congrès,  cette  formule  :  «  La  richesse 
est  le  patrimoine  commun  de  l'humanité.  » 

Cette  formule,  qui  n'appartient  rigoureusement  à  aucune 
école,  ne  renferme  rien  de  déterminable  ici  qui  ne  se  rap- 
porte au  droit  à  l'existence  ou  au  droit  au  travail. 

Si  elle  embrasse  les  richesses  naturelles  et  les  richesses 


(  585  ) 

produites,  elle  ne  peut  trouver  d'application  que  dans 
une  société  communiste.  Hors  de  là,  l'auteur  objecte  avec 
raison  qu'il  y  aurait  atteinte  aux  droits  du  travail  :  «  Un 
avocat  qui  réclame  10,001)  lianes  d'honoraires  pour  un 
procès  très  important  commettrait  alors  une  injustice, 
un  vol.  »  Mais  cet  avocat,  dans  une  société  communiste, 
plaiderait  selon  ses  aptitudes  et  serait  rémunéré  selon  ses 
besoins.  11  aurait  lui-même  accepté  une  règle  qui  ne 
proportionne  pas  la  rémunération  au  travail.  Ou  bien 
cette  formule  s'applique  aux  richesses  naturelles  qui  pré- 
existent au  travail  humain,  et  la  réfutation  de  l'auteur, 
souvent  reproduite  dans  son  livre,  ne  sulïit  pas.  «  C'est 
que,  dit-il,  si  la  formule  socialiste  est  vraie,  il  faut  logique- 
ment réunir  en  congrès  international  tous  les  peuples  de 
l'univers.  »  A  cela  il  faudrait  répondre  que  la  constitution 
de  l'humanité  est  l'œuvre  lente  et  tardive  de  l'histoire, 
que  jusqu'ici  l'aménagement  du  globe  par  une  entente 
des  nations  est  à  peine  ébauché,  que  le  particularisme, 
l'égoïsme  national  y  forme  encore  un  invincible  obstacle, 
que  la  législation  nationale  doit  précéder  historiquement 
les  conventions  internationales,  et  que  la  réalisation  de 
la  justice  est  nécessairement  graduelle. 

La  loi  d'airain  du  salaire  (sixième  argument)  n'est  pas 
une  création  socialiste  :  elle  appartient  à  Turgot,  à 
Necker  et  aux  disciples  étroits  de  Ricardo,  sinon  à 
Rieardo  lui-même.  Cependant,  elle  a  été  reproduite  par 
Sismondi,  Rodbertus,  Lassalle,  Pierre  Leroux,  en  s'in- 
spirant  directement  des  faits  observés  par  eux.  C'est  à  tort 
que  l'auteur  la  considère  comme  une  partie  intégrante  du 
socialisme  contemporain,  car  elle  a  eu  pour  principaux 
critiques  les  socialistes  eux-mêmes.  La  traduction  fran- 
çaise de  Capital  et  Travail  (1881)  de  Lassalle,  par  Eugène 
Monti,  est  précédée  d'une  introduction  du  Dr  C.  De  Paepe 


(  S»*  ) 
qui  renferme  la  réfutation  même  de  la  loi  d'airain  des 
salaires. 

Des  sectaires  étroits  et  des  esprits  portés  à  généraliser 
des  phénomènes  particuliers  peuvent  encore  se  rattacher 
à  cette  théorie  désespérante,  mais  elle  est  désormais 
condamnée  par  l'observation,  comme  je  me  suis  appliqué 
à  le  démontrer  moi-même.  (Voir  La  dépression  écono- 
mique.) 

Le  sombre  fatalisme  qu'elle  répandait  sur  l'état  social 
moderne  se  dissipe  ainsi  aux  lumières  de  la  critique 
scientifique.  L'auteur  a  raison  de  rassembler  dans  des 
tableaux  étendus  et  intéressants  la  preuve  de  l'accroisse- 
ment des  salaires  dans  le  cours  du  siècle  :  on  ne  peut  trop 
élucider  de  telles  questions,  ni  trop  complètement  dissi- 
per des  erreurs  pessimistes.  Mais  si  la  part  absolue  du 
travail  salarié  dans  le  partage  des  richesses  n'est  pas 
réduite  à  un  minimum  inflexible,  si  elle  tend  à  s'accroi- 
tre,  sa  part  relative,  sa  part  proportionnelle  dans  la  masse 
tend-elle  à  s'élever  de  plus  en  plus,  et  la  direction  écono- 
mique des  sociétés  est-elle  spontanément  dans  le  sens 
d'une  approximation  progressive  de  l'égalité  des  condi- 
tions et  de  la  fusion  des  classes  ? 

C'est  là  l'un  des  aspects  dynamiques  les  plus  impor- 
tants du  problème  social,  car  il  exprime  l'allure  sponta- 
née des  sociétés  économiques  basées  sur  la  propriété» 
individuelle.  On  peut  dire  que  des  socialistes  vraiment 
puissants,  comme  Rodbertus,  dont  l'auteur  ne  parle  pas 
dans  sa  revue  des  doctrines,  ont  porté  sur  cette  loi  histo- 
rique toutes  leurs  préoccupations  théoriques  et  pratiques. 

Comme  Rodbertus,  Pierre  Leroux,  Colins  et  son  école, 
Lassalle  ont,  dans  des  formules  différentes,  exprimé  la 
même  tendance  historique  :  que  la  pari  relative  du  travail 
dans  la  répartition  des  richesses  tend  à  décroître.  A  l'opposé 


(  585  ) 

de  cette  conception  pessimiste  <le  l'histoire,  les  théori- 
ciens optimistes,  comme  Carey,  Bastial  et  ses  disciples, 
ont  soutenu  que  la  part  absolue  et  la  part  relative  du 
travail  dans  le  produit  collectif  tendent  indéfiniment  à 
s'accroître.  L'avenir  tend  ainsi,  selon  les  inductions  his- 
toriques, à  s'assombrir  ou  à  s'éclaircir.  Dans  ces  essais 
de  dynamique  sociale,  les  socialistes  n'ont  pas  été  isolés. 
C'est  ainsi  qu'un  économiste  illustre,  Cairnes,  a  dégagé 
cette  même  tendance!  historique  des  doctrines  de  Ricardo, 
et  des  économistes  orthodoxes,  comme  de  Molinari,  n'ont 
pas  hésité  à  reconnaître  que  les  travailleurs  placés  dans 
des  conditions  inégales  de  lutte  n'ont  pas  participé  dans 
la  même  mesure  que  la  classe  des  entrepreneurs-capita- 
listes-propriétaires à  1  accroissement  des  richesses,  et  tout 
récemment,  un  économiste  indépendant,  M.  A.  Coste, 
a  montré  dans  la  mobilité  et  l'exportation  croissante  des 
capitaux,  une  cause  générale,  puissante  et  persistante  de 
cette  inégalité  de  répartition. 

On  est  aisément  entraîné  dans  l'optimisme,  comme  je 
l'ai  montré,  quand  on  s'abstient  d'interroger  de  près 
les  matériaux  statistiques  accumulés  qui  se  rapportent  à 
d'aussi  graves  problèmes.  Leur  étude  m'a  révélé  que  la 
réalité  s'éloigne  à  la  fois  de  l'optimisme  et  du  pessi- 
misme. (Voir  La  r/épression  économique.)  Mais  l'égalité  no 
se  fera  pas  d'elle-même  (1). 

On  comprendra  mieux  la  portée  de  mes  observations 


1  L'auteur  a  des  élans  d'optimisme  comme  celui-ci  :  «  Grâce  à  la 
propriété  du  sol,  à  l'amour  du  paysan  pour  sa  terre,  les  grains 
s'entassent  sur  nos  marchés  ;  c'est  une  crise  d'abondance  :  les  prix  des 
céréales  ont  baissé  considérablement;  bien  que  leur  salaire  ait 
augmenté,  les  ouvriers  agricoles  désertent  la  campagne.  Et  l'on  pré- 
tendrait qu'il  n'y  a  pas  assez  de  terres  (p.  123;.  »  Voilà  une  interpré- 
tation de  la  crise  qui  dissipe  toute  inquiétude. 


(  586  ) 

si  nous  considérons  les  chapitres  consacrés  par  l'auteur  à 
la  loi  d'évolution.  L'auteur  n'admet  l'évolution  qu'en  tant 
qu'elle  est  conçue  comme  déroulant  le  contenu  primitif 
d'un  phénomène  ;  il  la  rejette  en  tant  qu'elle  peut 
aboutir  à  une  transformation  complète  du  phénomène 
originaire.  Il  admet  qu'une  même  idée,  une  même  per- 
sonne, une  même  doctrine  évolue,  parcoure  les  diffé- 
rentes phases  de  son  développement,  mais  sans  changer  de 
nature.  Ou  cette  théorie  n'a  pas  de  sens,  ou  elle  aboutit 
à  la  négation  de  la  mutabilité  des  espèces  en  biologie, 
comme  elle  aboutit  à  la  négation  de  la  transformation 
possible  de  certaines  institutions.  L'application  de  ces 
idées  à  la  science  montre  à  quel  point  ce  penseur  sincère 
est  dominé  par  la  déduction.  «  L'évolution  de  la  science 
a  de  l'analogie  avec  la  précédente  :  les  axiomes,  les  pre- 
miers principes,  les  lois  constituées  qui  en  sont  la  base 
ne  varient  pas,  quoique  l'étude,  l'observation,  l'expé- 
rience étendent  les  conquêtes  et  le  domaine  de  chaque 
branche  de  la  science.  »  Assurément,  les  lois  des  phéno- 
mènes ne  changent  pas  et,  une  fois  découvertes,  elles 
permettent  de  nombreuses  déductions;  mais  dans  l'évo- 
lution de  l'esprit  humain,  la  conception  des  lois  s'élève 
successivement  des  formes  les  plus  étroites  des  lois  empi- 
riques à  des  degrés  de  généralité  supérieure;  la  loi  de 
gravitation  de  Newton  n'a  été  conçue  qu'après  les  lois  de 
Kepler,  la  loi  de  conservation  de  l'énergie,  qu'après  les 
lois  des  différents  modes  d'énergie  physique. 

Que  pourrais-je  dire  ici  de  la  conception  de  l'évolution 
morale  de  l'auteur,  qui  ne  m'inspirât  le  regret  d'offenser 
des  croyances  respectables,  alors  même  que  la  philoso- 
phie que  je  sers  est  livrée  par  lui  aux  derniers  outrages? 

L'auteur  enchaîne  la  morale  à  l'absolu  et  la  subordonne 
à  la  religion,  il  flétrit  toutes  les  formes  de  la  philosophie 


(  387  ) 
morale  indépendante,  qu'il  accuse  de  déchaîner  toutes  les 
convoitises  et  toutes  les  passions.  Je  me  borne,  pour  ne 
pas  oublier  que  je  suis  juge,  à  réserver  les  droits  de  la 
science  inorale  et  ;i  renvoyer  au  dernier  historien  des 
systèmes  de  morale,  M.  Alfred  Fouillée,  qui  démontre 
que  l'indépendance  de  la  morale  à  l'égard  de  la  religion 
est  une  acquisition  définitive  de  la  science. 

Il  me  suffira  d'un  trait,  à  l'égard  de  la  morale,  pour 
mettre  en  garde  l'auteur  contre  la  facilité  à  accueillir  les 
imputations  les  plus  graves  contre  le  socialisme. 

Il  a  consacré  vingt  pages,  plus  que  ce  qu'il  a  donné  à 
la  théorie  de  l'évolution  sous  tous  ses  aspects,  à  dégager 
les  Pères  de  l'Église  de  toute  solidarité  socialiste,  en 
discutant,  en  rapprochant  avec  le  plus  grand  soin  les 
textes  qu'ont  invoqués  Laurent  et  de  Laveleye  pour 
leur  attribuer  des  idées  communistes.  Rien  assurément 
de  plus  légitime.  Mais,  page  548,  il  n'hésite  pas  à  dire,  à 
propos  de  la  famille,  que  «  toutes  les  législations  en  con- 
sacrent et  en  protègent  les  liens.  Les  collectivistes  s'en 
indiquent,  la  plupart  d'entre  eux  prêchent  l'amour  libre  ». 

Et  il  cite  en  note  un  texte  de  Malon.  Voici  ce  que  cite 
l'auteur  :  «  Tous  les  socialistes,  dit  Malon,  admettent 
que  les  unions  de  l'avenir  doivent  être  fondées  sur  le 
choix  libre  et  être  résiliables  quand  le  sentiment  qui  les 
inspira  n'existe  plus.  » 

Pour  avoir  l'intelligence  de  la  pensée  de  Malon,  il  faut 
reproduire  les  lignes  qui  précèdent  et  celles  qui  suivent  : 
«  Les  socialistes  des  partis  ouvriers,  dit-il,  sont  tous 
partisans  de  l'émancipation  de  la  femme,  de  l'entretien 
et  de  l'éducation  des  enfants  par  la  commune  ou  par 
l'État.  Ils  diffèrent  sur  le  point  de  savoir  si  les  unions  de 
l'avenir  seront  ou  non  consacrées  par  la  loi  :  mais  tous 
admettent  qu'elles  doivent  être  fondées  sur  le  libre  choix 


(  588  ; 

affectif  et  être  résiliables  quandj  le  sentiment  qui  les 
inspira  n'existe  plus.  Compte  tenu,  bien  entendu,  des 
devoirs  moraux  contractés  vis-à-vis  de  l'autre  conjoint, 
si  soi  seul  on's'est  détaché,  et  vis-à-vis  des  enfants.  Ce  sont 
là  questions  complexes,  que  l'amélioration  morale,  le 
développement  intellectuel  des  contractants  et  l'har- 
monisation de  leurs  sentiments  affectifs  pourront  seuls 
complètement  résoudre.  »  (Socialisme  intégral,  p.  372.) 
Il  est  évident,  pour  quiconque  interroge  avec  impar- 
tialité les  textes,  que  l'auteur  confond  à  tort  l'amour  libre 
avec  Yunion  libre,  le  déchaînement  des  passions  sans 
règle  avec  la  règle  purement  contractuelle  et  conçue 
comme  inséparable  du  sentiment  affectif  lui-même,  le 
mariage  sans  affection  réciproque  étant  considéré  comme 
immoral.  Il  est  non  moins  évident  que  les  socialistes  du 
parti  ouvrier  sont  divisés  sur  l'intervention  de  la  loi. 
Mais  la  question  dominante  est  de  savoir  si  le  socialisme, 
comme  l'une  des  directions  intellectuelles  du  XIXe  siècle, 
mène  à  l'abolition  du  mariage  ou  à  sa  consolidation.  II 
est  évident  d'abord  que,  par  là  même  qu'il  tend  à  amé- 
liorer les  conditions  matérielles  de  la  vie,  il  doit  anéan- 
tir l'action  d'un  grand  nombre  de  facteurs  qui  concourent 
aujourd'hui  à  la  dissolution  de  la  famille  et  à  la  déprava- 
tion des  mœurs  par  l'exploitation  facile  de  la  misère 
des  femmes.  Des  théoriciens  socialistes  téméraires  diri- 
geassent-ils contre  le  mariage  les  attaques  les  plus 
insensées,  l'influence  économique  du  socialisme  ne  con- 
courrait pas  moins  puissamment  à  rétablir  les  conditions 
économiques  d'équilibre  propres  à  la  stabilité  du  mariage. 
Mais  les  théoriciens  du  socialisme  eux-mêmes  ont-ils 
poussé  à  sa  dissolution?  Les  communistes  des  écoles 
les  plus  différentes,  Owen  comme  Cabet,  se  sont  tous 
prononcés  énergiquement  pour  la  monogamie  et  ont  eon- 


(  589  ) 

damné  la  promiscuité.  L'école  saint-simonienne  n'a 
jamais  défendu  d'autre  principe  que  l'égalité  de  l'homme 
et  de  la  femme  dans  le  mariage.  C'est  ce  que  des  adver- 
saires du  socialisme,  comme  M.  I'.  Janet,  ont  reconnu  et 
établi.  Quand  le  Père  Enfantin  voulut  faire  accueillir  ses 
idées  funestes  sur  la  liberté  des  amours,  il  souleva  la 
réprobation  et  provoqua  un  déchirement  décisif  au  sein 
de  l'école,  et  les  plus  illustres  disciples  du  maître,  comme 
Bazard  et  Rodrigues,  comme  J.  Reynaud  et  Pierre 
Leroux,  se  retirèrent. 

J'ai  sous  les  yeux  en  ce  moment  le  procès-verbal  peu 
connu  de  cette  séance  mémorable  de  la  famille  saint- 
simonienne.  Ch.  Fourier,  après  Enfantin,  et  malgré  son 
génie,  s'abandonna  à  des  aberrations  phanérogamiques, 
mais  l'un  et  l'autre  ne  rencontrèrent  nulle  part  de  juges 
plus  redoutables  que  dans  le  socialisme  même  :  Pierre 
Leroux  accabla  Fourier  dans  ses  Lettres  sur  le  fouriérisme, 
et  Proudhon  fut  implacable  pour  Enfantin.  Proudhon 
a  vu  dans  le  mariage,  non  seulement  un  contrat  privé, 
mais  un  contrat  social,  et  placé  la  justice  au-dessus  et  au 
delà  de  l'amour  ;  il  tend  à  la  fixité  croissante,  comme 
Auguste  Comte,  ce  qui  est  pour  moi,  avec  l'égalité  des 
époux,  la  conception  vraie  du  mariage  moderne. 

Plus  récemment,  Bebel  a  eu  soin  de  déclarer  que  ses 
doctrines  lui  sont  personnelles.  Ce  qui  reste  de  constant 
dans  l'évolution  des  doctrines  socialistes,  en  fait  et  en 
droit,  c'est  la  consécration  de  plus  en  plus  décisive  de 
l'égalité  de  l'homme  et  de  la  femme  dans  le  mariage, 
qui  tend  à  devenir  un  contrat  entre  des  dignités  morales 
et  des  personnalités  juridiques  égales,  et  qui  restent 
égales.  L'histoire  dira  s'il  y  a  là  un  progrès  moral. 

Les  observations  de  l'auteur  sur  l'évolution  politique 
touchent  aux  plus  graves  problèmes.  L'auteur  condamne 


(  590  ) 

l'idée  que  l'égalité  économique  soit  une  déduction  légi- 
time de  l'égalité  civile  et  politique.  11  faut  voir  ici  non 
une  déduction  de  cette  nature,  mais  une  tendance  géné- 
rale à  éliminer  toutes  les  causes  quelconques  d'inégalité 
d'institution  sociale;  elle  est  constante  à  la  fin  de  ce 
siècle,  elle  fut  moins  apparente  au  début,  dépendant,  la 
première  école  socialiste,  l'école  saint-simonienne,  n'a, 
en  poursuivant  la  suppression  de  l'héritage  direct,  fait 
que  prolonger,  au  fond,  le  mouvement  abolitif  de  tous  les 
privilèges  :  son  mode  de  sol til ion  absolue  est  condam- 
nable, mais  sa  signification  historique  est  indéniable  et 
grande. 

L'auteur  s'arrête  à  une  solution  du  problème  de  l'iné- 
galité dont  il  puise  les  éléments  dans  sa  foi.  Pour  lui, 
l'inégalité  des  conditions  a  pour  source  primitive  l'inégalité 
des  facultés  et  des  talents.  Ces  inégalités  sont  voulues  par 
Dieu  et  les  rémunérations  ultra-terrestres  en  sont  la  com- 
pensation éternelle.  Il  revient  à  diverses  reprises  sur  cette 
doctrine. 

La  science  n'a  pas  à  franchir  les  limites  du  domaine  de 
l'inconnaissable,  ni  à  chercher  dans  l'absolu  la  justifica- 
tion finale  des  inégalités  jugées  inhérentes  à  la  nature 
humaine.  Dans  son  existence  terrestre,  la  seule  dont  les 
lois  lui  soient  accessibles,  l'humanité  doit  poursuivre  la 
réalisation  graduelle  de  la  justice,  et  son  œuvre  ne  sera 
accomplie  que  lorsque  toutes  les  causes  d'inégalité  que 
les  institutions  sociales  ont  fait  naître  seront  éliminées  par 
des  institutions  supérieures.  Ce  sera  l'œuvre  des  généra- 
tions :  il  est  redoutable  et  très  peu  scientifique  de  chercher 
au  sein  de  notre  état  social,  dans  l'inégalité  des  aptitudes 
et  des  capacités  des  hommes,  la  justification  dernière  de 
l'inégalité  des  conditions. 

Dans  un  débat  récent  et  plein  de  grandeur  sur  la  divi- 


594  ) 


sion  du  travail  au  point  de  vue  historique,  M.  Karl 
Bûcher  a  montré,  au  contraire,  contre  M.  Schmoller, 
l'influence  énorme  que  l'inégalité  des  conditions  exerce 
sur  la  répartition  des  travaux  dans  la  société  humaine  et 
sur  le  développement  des  individus.  11  a,  par  là  seul, 
soustrait  les  membres  de  la  communauté  à  une  sorte  de 
prédestination  désolante,  dérivant  de  la  nature,  et  déroulé 
le  champ  des  réformes  qui  s'ouvre  devant  nous,  dans 
notre  effort  incessant  vers  l'égalité. 

La  conception  de  l'évolution  sociale  chez  l'auteur 
résiste  à  la  transformation  de  certaines  institutions,  irré- 
ductibles d'après  lui,  et  qui  sont  de  droit  naturel,  c'est-à- 
dire  d'un  droit  invariable,  immuable,  absolu.  Tel  est  le 
régime  du  salaire. 

Il  n'est  pas  une  seule  théorie  socialiste  qui  ne  tende  à 
la  transformation  radicale  du  salariat;   c'est   à   l'école 
saint-simonienne    qu'appartient    cette    sériation    histo- 
rique :  esclavage,  servage,  salariat,  association,   qui  se 
retrouve  désormais  dans  tous  les  systèmes,  quels  qu'ils 
soient.  Les  économistes  eux-mêmes,  comme  Ch.  Gide 
par  exemple,  tendent  à  cette  transformation  radicale. 
Mais,  d'après  l'auteur,  et  sur  la  foi  de  M.  d'Haussonville, 
qu'il  cite,  l'évolution  progressive  nécessaire  ne  va  pas 
au  delà  de  l'abolition  de  l'esclavage.  Le  contrat  du  sala- 
riat, commun  aux  civilisations  les  plus  diverses,  est  de 
droit  naturel,  et  ce  qui  est  de  droit  naturel  ne  disparaît 
pas.  Il  dit  du  droit  romain  qu'il  en  caractérise  bien  la 
nature  par  les  mots  :  do  ut  facias.  Dans  la  réalité,  le 
droit  romain  n'a  fait  du  contrat  du  salaire  qu'une  vente 
de  travail,  il  en  a  méconnu  l'élément  supérieur  qui  s'y 
introduit  aujourd'hui,  et  d'après  lequel  ce  contrat,  où  le 
travailleur  s'engage  tout  entier,  physiquement,  intellec- 
tuellement, moralement,  a  cessé  d'être  une  vente.  Les 


(  592  ) 

garanties  dont  la  législation  moderne  entoure  le  travail- 
leur sont  d'un  droit  historique  bien  supérieur  au  droit 
romain. 

Il  faudrait  quelque  chose  de  plus  que  le  droit  romain  et 
le  témoignage  de  M.  d'Haussonville  pour  fixer  les  bornes 
d'une  évolution,  pour  glacer  les  aspirations  les  plus 
élevées  de  la  classe  des  travailleurs.  «  Peut-être,  dit 
l'auteur  avec  M.  d'Haussonville,  trouvera-t-on  d'ingénieuses 
combinaisons  qui  associeront  les  travailleurs  aux  prolits 
éventuels  du  capital,  mais  vouloir  supprimer  les  condi- 
tions, c'est  s'épuiser  en  vain  contre  la  nature  des  choses.  » 
Ainsi,  tendre  à  supprimer  les  conditions,  c'est-à-dire 
l'inégalité,  c'est  se  heurter  à  l'impossible. 

Les  seuls  progrès  de  la  théorie  du  salaire  se  dressent 
contre  cet  arrêt.  Le  peut-être  et  les  ingénieuses  combinai- 
sons dont  parle  M.  d'Haussonville  ne  sont  à  ses  yeux  que 
des  inventions  de  l'esprit  philanthropique  ;  malgré  leur 
mérite,  elles  ne  sont  rien  devant  les  voies  larges  et  déci- 
dément humaines  que  la  théorie  du  salaire  nous  offre. 
L'antique  théorie  d'après  laquelle  le  fonds  des  salaires 
n'était  qu'une  partie  prédéterminée  du  capital,  la  wages 
fund  theory  que  Mill  avait  soutenue  lui-même,  est 
ruinée  aujourd'hui,  et  c'est  Mill  qui  lui  a  porté  le  coup  de 
grâce. 

Seule,  elle  répondait  rigoureusement  au  soi-disant 
droit  naturel  des  Romains  et  à  la  formule  do  ut  facias  au 
sens  étroit.  Aujourd'hui  le  vrai  fonds  des  salaires,  c'est  le 
produit  du  travail  même;  le  véritable  objet  du  contrat, 
c'est  le  partage  de  ce  produit;  la  véritable  nature  du  con- 
trat sera  demain  l'association.  Cette  conception  nouvelle 
et  désormais  indestructible  du  fonds  des  salaires  implique 
au  moins  des  formes  préparatoires  d'entente  des  entre- 
preneurs   capitalistes    et    des    groupes    ouvriers.    Elle 


(  593  ) 

s'adapte  à  des  organes  supérieurs,  l'union  professionnelle 
et  le  conseil  de  conciliation  qui  la  couronne;  et  grâce  à 
elle,  par  elle,  le  salariat,  d'individuel,  devient  au  moins  en 
partie  collectif,  et  prépare  des  formes  plus  parfaites;  ce 
qui  n'est  pas  naturel  aujourd'hui  dans  le  régime  du  con- 
trat de  travail,  c'est  la  survivance  générale  de  cette 
forme  étroitement  individualiste,  par  laquelle  se  révèle 
l'infériorité  du  salariat  moderne,  et  l'absence  générale 
d'intérêt  de  l'ouvrier  dans  le  résultat  final  de  la  production. 
Ce  qui  serait  naturel  dans  le  large  sens  du  mot,  c'est-à- 
dire  ce  qui  correspondrait  à  nos  doctrines  modernes  les 
plus  solides,  comme  aux  aspirations  les  plus  nobles,  ce 
serait  la  généralisation  rapide  de  ces  institutions  con- 
ciliatrices, de  ces  contrats  collectifs  qui  ne  font  que  pré- 
parer eux-mêmes  une  organisation  du  travail  supérieure 
et  l'abolition  finale  du  salariat.  Il  est  nécessaire  que  de 
telles  vérités,  —  car  je  les  tiens  pour  vérités,  —  soient 
affirmées  au  sein  d'un  corps  qui,  placé  au-dessus  des 
passions,  peut  éclairer  les  intérêts  de  toutes  les  lumières 
de  la  science  et  conjurer  cette  issue  funeste,  ce  déchire- 
ment final  que  Karl  Marx  fait  redouter  au  terme  de  l'évo- 
lution capitaliste. 

Je  ne  discuterai  pas  la  dernière  partie  du  mémoire, 
que  l'auteur  intitule  :  Critique  du  collectivisme  intégral, 
critique  contractée  en  quelques  pages  passionnées.  Je  me 
borne  à  citer  un  seul  fait.  L'auteur  voit  dans  les  journées 
de  juin  18i8  une  confirmation  de  ses  thèses.  11  met  au 
compte  du  socialisme  les  ateliers  nationaux  dont  la 
brusque  fermeture  a  été  la  cause  immédiate  de  l'insur- 
rection. «  Comme  on  les  avait  vantés,  dit-il,  comme  on 
les  avait  désirés  :  ils  devaient  être  le  remède,  le  grand 

5rae    SÉRIE,    TOME    XXXII.  59 


(  594  ) 

remède  aux  maux  du  peuple!  »  Louis  Blanc  a  démontré 
à  satiété  que  la  Commission  du  Luxembourg  et  le  socia- 
lisme ont  été  étrangers  à  cet  expédient  fatal.  Quant  à  la 
répression  de  ce  mouvement,  ce  n'est  pas,  comme  le  dit 
l'auteur,  de  la  nécessité  du  respect  de  l'autorité  qu'elle 
témoigne,  c'est  de  la  nécessité  de  réformes  à  la  fois  pro- 
fondes et  positives,  conçues  dans  un  large  esprit  de  con- 
ciliation. 

J'arrête  ici  ces  considérations  déjà  beaucoup  trop  éten- 
dues. Que  l'Académie  me  le  pardonne,  je  me  sens 
entraîné  par  la  préoccupation  dominante  de  franchir 
pacifiquement  la  transition  sociale  actuelle.  Si  mes  cri- 
tiques renferment  quelque  amertume,  elles  ont  là  leur 
explication  et  non  dans  la  méconnaissance  des  intentions 
d'un  écrivain  digne  sans  doute  de  la  plus  profonde 
estime.  Pendant  qu'il  cherche  dans  l'absolu  les  gages  de 
stabilité  de  la  société,  la  critique  scientifique  moderne 
montre  qu'il  faut  les  chercher  dans  une  transformation 
progressive.  Il  n'y  a  de  progrès  des  méthodes,  de  solu- 
tion positive  du  problème  social,  de  gages  de  paix  pour 
cette  société  si  profondément  divisée,  que  dans  l'élimi- 
nation de  l'absolu.  C'est  la  voie  où  s'engagea  la  pensée 
de  l'homme  illustre  dont  le  livre  sur  la  propriété  marque 
une  date  féconde  dans  l'histoire  des  idées,  Emile  de 
Laveleye.  Le  mémoire  présenté  à  l'Académie  marque  un 
retour  à  l'absolu.   » 

La  Classe  a  accordé  sa  médaille  d'or,  d'une  valeur  q> 
six  cents  francs,  au  travail  portant  pour  devise  une  sen- 
tence d'Aristote;  l'auteur  est  M.  Alphonse  Caparl,  pro- 
fesseur au  collège  Notre-Dame  de  la  Paix,  à  Namur. 


(  595  ) 


SIXIEME  QUESTION. 

Kxposcr  les  théories  de  la  colonisation  au  XIXe  siècle  et 
étudier  le  rôle  de  l'État  dans  le  développement  des 
colonies. 

na/i/iofl    de    Kl,    ##<"»•*».    fit  fittirt-   rôtit  miuair*. 

«  La  dépression  économique,  qui  prolonge  son  action 
sur  les  principales  nations  industrielles  du  monde  depuis 
près  d'un  quart  de  siècle,  a,  d'une  part,  refoulé  un  grand 
nombre  d'entre  elles  dans  une  réaction  protectionniste, 
de  l'autre,  en  exaltant  le  sentiment  de  la  conservation  col- 
lective, a  fortifié  ou  éveillé  la  préoccupation  de  rechercher 
des  débouchés  nouveaux  dans  l'établissement  de  colonies. 
Pendant  que  la  constitution  de  l'unité  économique  et 
morale  du  monde,  cédant  devant  le  particularisme  natio- 
nal, subit  un  temps  d'arrêt,  les  économistes  et  les  hommes 
d'Etat  interrogent  l'avenir  de  ces  entreprises  lointaines. 
Plus  durement  éprouvée  peut-être  par  la  crise  économique 
qu'aucune  autre  nation,  parce  qu'elle  est  plus  profondé- 
ment qu'aucune  autre  engagée  dans  l'économie  générale 
du  monde,  la  Belgique  industrielle,  elle  aussi,  dirige  sa 
préoccupation  inquiète  vers  le  problème  colonial.  C'est 
dans  ces  circonstances  que  l'Académie  a  mis  au  concours 
la  question,  avec  sa  haute  portée  scientifique  et  pratique. 

Un  seul  mémoire  a  été  présenté  en  réponse  à  la  ques- 
tion proposée.  Il  se  compose  de  trois  énormes  volumes 
grand  in-quarto,  de  plus  de  douze  cents  pages.  Cet  ouvrage 


(  596  ) 

se  divise  en  trois  parties,  fort  inégales  d'ailleurs  en 
étendue  :  la  première  est  consacrée  à  l'émigration;  la 
seconde,  à  la  théorie  générale  de  la  colonisation;  la  troi- 
sième, à  l'exposé  des  systèmes  de  colonisation  des  princi- 
paux peuples  modernes.  Les  notices  bibliographiques 
placées  en  tête  des  différents  chapitres  révèlent  des 
recherches  fort  étendues.  J'y  ai  cependant  constaté  l'ab- 
sence de  travaux  considérables  publiés  en  Allemagne,  en 
Angleterre,  en  Italie;  on  en  jugera  en  consultant  la 
bibliographie  des  mots  Kolonien  du  dictionnaire  de 
Conrad  et  Lexis,  ou  Colonisation  du  dictionnaire  de  Pal- 
grave.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  lecture  de  ce  vaste  ouvrage 
convainc  qu'il  est  le  fruit  d'un  dur  et  patient  labeur.  On 
y  trouve  peu  de  vues  originales  et  d'audaces  de  pensée, 
mais  l'auteur,  écrivain  sincère,  consciencieux,  économiste 
éclairé,  animé  de  nobles  sentiments,  a  le  souci  réel  et 
constant  d'être  juste;  seulement,  une  sorte  de  bienveil- 
lance générale,  souvent  admirative,  qu'il  répand  sur  les 
entreprises  coloniales  de  la  plupart  des  gouvernements, 
t'ait  perdre  à  ses  jugements,  à  ses  appréciations,  quelque 
chose  de  leur  netteté,  de  leur  précision,  de  leur  vigueur. 
Le  style  s'élève  dans  plusieurs  chapitres,  mais,  en  géné- 
ral, il  manque  d'élégance.  La  phrase  est  parfois  négligée, 
lourde  et  embarrassée,  ou  même  incorrecte.  Dans  l'analyse 
qui  suit,  je  ne  comprendrai  pas  les  chapitres  consacrés 
aux  travaux  de  la  Conférence  de  Berlin.  Des  collègues 
éminents,  qui  ont  pour  ainsi  dire  vécu  cette  phase  impor- 
tante de  l'histoire  du  droit  colonial,  prépareront  là, 
mieux  que  moi,  le  jugement  de  l'Académie. 


(  597  ) 


l. 


L'auteur  traite  d'abord  de  l'émigration.  Il  l'étudié  suc- 
cessivement dans  ses  effets  généraux,  dans  ses  formes, 
dans  ses  conditions,  dans  ses  perspectives  d'avenir,  et 
recherche  quelle  législation  doit  lui  être  appliquée.  L'in- 
fluence de  l'émigration  sur  la  population  a  préoccupé 
beaucoup  d'économistes  :  l'auteur  reproduit  l'opinion 
généralement  admise,  et  que  Roscher  et  M.  P.  Leroy- 
Beaulieu  ont  savamment  défendue.  L'observation  révèle 
que  l'émigration  n'a  pas,  en  général,  pour  effet  de  conte- 
nir l'essor  de  la  population,  et,  le  plus  souvent,  le  contin- 
gent de  l'émigration  reste  au-dessous  de  l'accroissement 
de  population  résultant  de  l'excédent  des  naissances  sur 
les  décès.  L'auteur  eût  pu  puiser  les  plus  riches  informa- 
tions dans  des  travaux  démographiques  récents  et  très 
remarquables,  tels  que  ceux  de  MM.  Levasseur,  Bodio  et 
Geffken;  celui-ci  a  rappelé  que  de  1820  à  1880,  l'émigra- 
tion a  enlevé  à  l'Europe  17  millions  d'habitants;  dans  le 
même  intervalle,  la  population  européenne  s'est  élevée  de 
200  millions  à  530  millions  d'habitants  :  l'émigration  n'a 
doue  pas  réussi  à  contenir  ce  mouvement  progressif  qui 
inquiétait,  hier  encore,  M.  le  général  Brialmont. 

Dans  tout  pays,  le  mouvement  réel  de  la  population 
dérive  du  concours  de  divers  facteurs  :  il  résulte  du  rap- 
port entre  les  naissances  et  les  décès,  combiné  avec  le 
rapport  entre  l'immigration  et  l'émigration.  L'auteur 
admet  que  l'émigration  et  l'immigration  s'équilibrent  en 
Belgique;  les  conditions  du  travail  et  du  salaire  sollici- 


(  593  ) 
tent  à  quitter  le  pays  un  nombre  de  Belges  sensiblement 
équivalent  à  celui  des  étrangers  que  ces  mêmes  conditions 
sollicitent  à  y  venir. 

La  thèse  de  l'auteur  est  justifiée  par  les  résultats 
globaux  des  recherches  statistiques;  elle  est  loin  d'avoir 
la  même  rigueur  si  l'on  décompose  en  périodes  l'histoire 
de  l'émigration  et  de  l'immigration,  en  les  rattachant  à 
nos  grandes  fluctuations  économiques.  C'est  ainsi  que 
de  1841  à  18(30,  on  peut  constater  la  prédominance  de 
l'émigration  ;  de  1871  à  1880,  et  même  peut-être  à  1880, 
année  décisive  dans  la  dépression  économique  contem- 
poraine, la  prédominance  de  l'immigration.  La  poussée 
d'émigration  devient  alors  plus  énergique;  mais,  de  1891 
à  1805,  une  véritable  onde  de  retour  des  autres  peuples, 
plus  douloureusement  affectés  encore  par  leur  situation 
économique,  se  produit  en  Belgique.  L'auteur  eut  dû  suivre 
cette  évolution. 

Les  formes  et  la  direction  des  courants  d'émigration 
donnent  lieu  à  des  considérations  intéressantes,  beaucoup 
trop  courtes  pour  le  second  objet.  C'était  le  moment 
d'exposer,  d'après  la  statistique  moderne,  les  résultats  de 
l'expérience  de  près  d'un  siècle,  comme  l'ont  fait  Duval, 
Bodio,  Guyot,  Levasseur,  et  de  chercher,  dans  les  lois 
effectives  suivant  lesquelles  les  émigrants  d'Europe  se 
distribuent  à  la  surface  du  globe,  des  indications  pré- 
cieuses pour  assurer  la  direction  la  plus  judicieuse  possi- 
ble aux  courants  d'émigration  dans  l'avenir.  Il  faut 
regretter  cette  lacune. 

La  répartition  des  émigrants  européens  entre  la  zone 
tempérée  et  la  zone  chaude,  l'attraction  persistante  et 
prédominante  de  la  région  tempérée  et  la  faiblesse  des 


(  599  ) 

contingents  que  la  zone  intertropicale  a  reçus,  ce  sont  là 
les  leçons  les  plus  éloquentes  de  l'histoire,  que  la  statis- 
tique traduit  en  quelques  chiffres  et  peut  exprimer  en 
diagrammes  saisissants. 

L'auteur,  qui  est  un  écrivain  loyal  et  sincère,  reconnaît 
d'ailleurs  que  tous  ceux  qui  ont  étudié  les  régions  inter- 
tropicales s'accordent  à  dire  que  l'Européen  ne  peut  y 
cultiver  la  terre.  En  1890,  le  Congrès  international 
d'hygiène  de  Londres,  sur  des  rapports  décisifs,  que 
l'auteur  n'a  peut-être  pas  eus  sous  les  yeux  et  qui  émanent 
de  médecins  des  colonies  des  Indes  et  de  l'Insulinde,  a 
confirmé  cette  opinion. 

J'ai  cru  intéressant  de  rechercher  les  directions  prin- 
cipales que  l'émigration  helge  a  prises  dans  le  cours  du 
siècle.  Duval  signalait  déjà  les  États-Unis  comme  la  région 
attractive  par  excellence;  elle  l'est  restée  pour  nous.  La 
République  Argentine  vient  ensuite,  puis  le  Brésil,  mais 
avec  une  importance  bien  moindre. 

Le  rôle  du  Gouvernement  est  le  principal  objet  des  pré- 
occupations de  l'auteur;  il  est  hostile  à  toute  organisation, 
même  à  tout  encouragement  de  l'émigration  par  l'Etat, 
et  condamne  non  moins  énergiquement  toutes  les  mesures 
législatives  qui  auraient  pour  objet  direct  d'arrêter  les 
courants  d'émigration.  Il  eût  été  intéressant  de  rappeler 
ici  les  efforts  infructueux  tentés  de  1841  à  1850,  en  Bel- 
gique, pour  alléger,  par  l'organisation  de  l'émigration,  la 
misère  effroyable  des  Flandres,  et  les  travaux  de  Ducpe- 
tiaux,  de  Duval,  du  Congrès  de  bienfaisance  de  1856,  qui 
s'y  rattachent. 

L'auteur  réduit  l'intervention  de  l'État  aux  mesures  de 
police  et  d'hygiène  auxquelles  s'obligent  déjà  la  plupart 
des  gouvernements  civilisés. 


(  600  ) 

Il  expose  d'une  manière  intéressante  la  législation 
brésilienne,  destinée  à  assurer  aux  immigrants  un  accueil 
conforme  à  la  fois  aux  intérêts  de  la  colonisation  et  à 
ceux  de  l'humanité. 

Le  rôle  de  l'État  à  l'égard  du  fait  de  l'émigration  est 
ainsi  étroitement  circonscrit  et  se  réduit  à  régulariser  le 
laisser- faire.  On  pouvait  attendre  de  l'auteur  qu'il  étendit 
ses  recherches  au  delà  de  ce  modeste  objet,  et  pénétrât 
dans  le  domaine  des  causes  générales  de  l'émigration. 
C'est  à  cet  autre  point  de  vue,  en  effet,  qu'il  faut  se  placer 
pour  pouvoir  attribuer  une  intervention  plus  directe  et 
plus  positive  à  l'État;  car  si  l'émigration  n'exerce  sur  le 
mouvement  de  la  population  qu'une  influence  insigni- 
fiante, temporaire  ou  secondaire,  des  réformes  inté- 
rieures, économiques  et  sociales,  peuvent  avoir  une 
action  durable  et  profonde  sur  le  mouvement  de  la  popu- 
lation. Cette  étude  des  conditions  sociales,  de  ce  grand 
problème,  et  des  remèdes  sociaux,  domine  toute  la  théo- 
rie et  la  pratique  de  la  colonisation. 

L'excédant  annuel  moyen  des  naissances  sur  les  décès, 
en  Belgique,  est  de  8.5  par  1,000  habitants,  soit,  absolu- 
ment, de  52,700  pour  le  pays  tout  entier;  mais  ce  n'est 
là  que  l'excédant  absolu  de  la  population  :  il  y  a  un  excé- 
dant relatif  qui  dérive  des  transformations  du  régime  agri- 
cole, des  progrès  du  machinisme,  de  la  contraction  des 
débouchés.  J'ai  évalué  à  plus  de  400,000  âmes  la  popu- 
lation flottante  des  travailleurs,  de  1880  à  1890.  C'est  là 
que  surgit  la  question  très  complexe  des  réformes  sociales 
intérieures,  qui  pourraient  contribuer  à  contenir  le  prin- 
cipe de  la  population. 

L'auteur,  en  abordant  la  question  de  l'émigration  au 


(  601  ) 

point  de  vue  international,  entend  surtout  parler  de  la 
législation  et  des  conventions  entre  les  nations.  Jusqu'ici, 
aucune  entente  internationale  n'a  arrêté  les    principes 
qui  doivent  régir  rémigration  et  l'immigration.  L'auteur 
indique,    avec   une    réelle   hauteur  de  vues,    les   ques- 
tions qui  devraient  être  soumises  à  une  conférence  : 
Peut-on  contraindre  un  État  à  arrêter  son  émigration? 
L'État  vers  lequel  le  courant  se  dirige  peut-il  le  refouler? 
Au  milieu  de  l'insolidarité  générale  qui  subsiste  aujour- 
d'hui,  il   n'y  a  guère  qu'à  enregistrer,  comme  l'a  fait 
l'auteur,  les  mesures  législatives  nationales  destinées  à 
contenir  l'immigration  ou  à  la  refouler,  telles  que  la  loi 
Greary,  aux  États-Unis,  et  l'acte  du  G  décembre  1882, 
dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud.  Le  problème  supérieur 
d'une  redistribution  rationnelle,  réglée  par  le  contrat,  de 
la  population  humaine  sur  le  globe,  implique  deux  condi- 
tions :  la  première,  c'est  que  le  mouvement  et  la  distri- 
bution de  la  population  dans  chaque  pays,  embrassés  sous 
tous  leurs  aspects   et  dans  toutes  les   causes  qui    les 
affectent,  deviennent  des  objets  permanents  de  préoccu- 
pation pour  la  société  et  pour  l'État;  la  seconde,  c'est  que 
la  solidarité  humaine  s'affirme  avec  une  énergie  suffisante 
pour  vaincre  les  résistances  injustes  du  particularisme 
national. 

Cette  première  division  de  l'œuvre  soumise  à  l'Aca- 
démie est  insuffisamment  documentée  et  manque  de  pro- 
fondeur dans  certaines  parties  essentielles. 


(  602  ) 


II. 


Dans  la  seconde  partie,  l'auteur  aborde  successivement 
les  caractères  généraux  de  la  colonisation,  ses  causes,  la 
classification  des  colonies;  puis  viennent  les  systèmes  et 
les  moyens  de  colonisation,  l'intervention  de  l'État  et  le 
rôle  des  compagnies  de  colonisation,  la  constitution  de 
l'armée  coloniale,  la  main-d'œuvre  pénale,  les  missions  ; 
l'exploitation  des  colonies  appelle  donc  l'histoire  de 
l'esclavage,  la  question  du  recrutement  actuel  des  colons 
et  du  personnel  administratif  des  colonies.  Leur  repré- 
sentation législative,  leur  émancipation  future  sont  les 
objets  de  deux  chapitres;  vient  ensuite  un  long  exposé  des 
travaux  de  la  Conférence  de  Berlin,  expression  la  plus 
récente  et  la  plus  élevée  de  la  conception  du  droit  colo- 
nial. L'utilité  des  colonies  est  l'objet  du  dernier  chapitre. 
Il  y  a  ici  un  vice  de  méthode;  des  considérations  de  cet 
ordre  se  rattachent  aux  causes  de  la  colonisation  et  au 
classement  des  colonies. 

Les  considérations  générales  sur  la  colonisation  sont 
d'une  réelle  élévation  de  pensée;  l'établissement  de  colo- 
nies de  peuplement,  qui  surtout  préoccupe  ici  l'auteur, 
n'est  pas  seulement,  en  effet,  un  problème  économique 
et  politique,  une  opération  commerciale,  un  compte  de 
doit  et  avoir,  c'est  un  problème  social  au  sens  le  plus 
complexe,  et  qui  relève  directement  de  la  sociologie  :  il 
embrasse  toutes  les  conditions  biologiques  et  sociales  de 
l'adaptation  d'un  agrégat  d'êtres  humains  à  un  autre 
milieu;  il  exige,  d'une  part,  la  connaissance  de  l'état  phy- 


(  603  ) 

sique,  économique,  intellectuel,  moral,  social  de  la 
population  qu'il  s'agit  de  transplanter  ailleurs,  de  ses 
besoins,  de  ses  aptitudes,  de  son  génie  propre;  de  l'autre, 
la  connaissance  suffisamment  précise  du  milieu  auquel 
ces  éléments  empruntés  à  la  mère  patrie  devront  s'adapter, 
et  non  seulement  du  milieu  physique,  mais  encore  du 
milieu  social  nouveau.  C'est  donc  une  véritable  applica- 
tion des  lois  de  la  sociologie,  avec  tous  les  aspects 
mésologiques,  biologiques  et  psychologiques  qu'elles  pré- 
sentent. 

Les  causes  de  la  colonisation  ne  sont  guère  l'objet  que 
d'une  simple  énumération,  et  l'auteur  se  borne  à  résumer 
en  deux  pages  les  historiens  de  la  colonisation.  La  clas- 
sification  des  colonies  forme  un  chapitre  beaucoup  plus 
étendu.  L'auteur  reproduit  d'abord  les  divisions  généra- 
lement adoptées  et  que  Roscher  a,  je  pense,  tracées  avant 
M.  I1.  Leroy-Beaulieu.  Les  colonies  sont  militaires, 
pénales  ou  civiles;  les  colonies  civiles,  qu'il  s'agit  d'étu- 
dier ici,  se  subdivisent  en  colonies  commerciales,  colonies 
de  plantations,  colonies  de  peuplement  ou  agricoles.  Les 
colonies  commerciales  n'exigent  ni  forte  émigration  ni 
appropriation  du  sol  :  leur  prospérité  dépend  de  l'étendue 
de  leurs  relations  avec  les  indigènes;  elles  tendent  à  une 
pénétration  de  plus  en  plus  profonde  dans  le  territoire 
étranger.  Les  colonies  de  plantations  réclament  surtout 
des  capitaux,  et  l'élément  colonisateur,  qu'une  faible 
émigration  peut  alimenter,  s'y  superpose  à  l'élément 
indigène  et  aux  travailleurs  importés  qu'il  domine  et 
exploite.  Dans  les  colonies  agricoles  ou  de  peuplement, 
i'élément  colonisateur  se  substitue  à  l'élément  indigène,  il 
le  refoule;  il  s'alimente  d'une  forte  émigration,  s'adapte 
à  la  zone  tempérée  et  tend  à  s'émanciper  graduellement. 


(  604  ) 

Je  ne  rappelle    ici   ces  distinctions  adoptées   par   la 
plupart  des  auteurs  que  pour  insister  sur  leur  importance 
pratique;  tout  peuple  qui  tente  de  s'engager  dans  la  voie 
de  la  colonisation  doit  avoir  une  claire  vision  de   la 
nature  des  établissements  coloniaux  qu'il  peut  eflective- 
ment  entreprendre  :  le  but  à  poursuivre  doit  être  en  rap- 
port avec  les  conditions  mêmes  dans  lesquelles  se  trouve 
la  nation  colonisatrice  et  les  moyens  quelle  a  d'y  attein- 
dre. Une  erreur  dans  la  notion  peut  entraîner  des  désas- 
tres. L'auteur  critique  des  classifications  récentes  et  plus 
simples  qui  réduisent  ces  établissements  à  deux  formes 
fondamentales  :  les  colonies  peuplées  et  les  colonies  à 
peupler  de  Chailley-Bert,  les  colonies  et  les  simples  pos- 
sessions de  Pommorino.  Cette  opposition  a  été  plus  accen- 
tuée encore    par   un   écrivain   que  l'auteur  ne  cite  pas, 
M.  Hùbbe-Schleiden,  qui  distingue  la  colonie  proprement 
dite  de  la  Kultivatîon  :  M.  Hùbbe-Schleiden  réserve  le 
nom   de  colonie,   comme  M.  Pommorino,  à  l'établisse- 
ment qui  sert  à  l'expansion  de  la  population  de  la  mère 
patrie;  c'est  la  colonie  à  peupler  de  M.  Chailley-Bert.  La 
Kvltivalion  embrasse  alors   les  établissements  commer- 
ciaux et  les  plantations  par  les  indigènes.  Cette  division 
fondamentale  peut  parfaitement,  à  nos  yeux,  se  combiner 
avec  la  division   tripartite  adoptée   par  l'auteur,  et  elle 
met  mieux  en   relief  les  caractères  distinctifs  les   plus 
généraux  de  ces  établissements.  L'étude  des  caractères 
des   protectorats  complète  celle  des  colonies;   elle  est 
approfondie,  bien  que  l'auteur  ne  me  paraisse  pas  trop 
attendre   de  cette   méthode  de  colonisation   et  de  son 
caractère  éducatif;  elle  exige  une  organisation  suffisam- 
ment cohérente  des  indigènes  et  elle  est  une  transition  à 
l'annexion  plutôt  qu'à  l'émancipation  du  peuple  protégé. 


(  605  ) 

Nous  voici  parvenus  maintenant  à  l'examen  des  prin- 
cipes des  institutions  coloniales.  L'auteur  est  d'abord  en 
présence  du  système  colonial  dont  Adam  Smith  a  fait  si 
puissamment  la  critique  et  qui  n'était  qu'un  élément  du 
système  mercantile.  Il  y  avait  peu  de  chose  à  ajouter  à  la 
critique  du  pacte  colonial  qui,  sous  l'apparence  d'un 
contrat  synallagmatique,  dissimulait  tout  l'échafaudage 
des  combinaisons  égoïstes  destinées  à  assurer  l'exploi- 
tation la  plus  lucrative  et  la  plus  tyrannique  même  des 
colonies.  Quand  l'auteur  recherche  les  principes  de  justice 
absolue  qui  doivent  régir  désormais  ces  rapports,  il 
semble  que  sa  pensée  soit  parfois  hésitante  et  qu'elle 
n'ait  pas  atteint  son  expression  définitive.  D'une  part,  il 
admet  que  toute  possession  doit  être,  en  général,  admi- 
nistrée dans  l'intérêt  du  pays  dont  elle  relève,  mais  que 
rien  ne  peut  excuser  les  rigueurs  excessives,  les  iniquités 
ajoutées  au  tissu  des  monopoles  (p.  424).  De  l'autre,  il 
invoque  Rossi  qui  dit  :  Le  droit  et  la  morale  ne  peuvent 
pas  facilement  se  concilier  avec  un  système  fondé  sur  le 
principe  que  la  métropole  exploite  la  colonie  à  son 
profit  (p.  117).  La  justice  absolue  est  du  côté  de  Rossi 
et  l'auteur  montrera  lui-même  plus  tard,  par  les  exemples 
de  l'Inde  et  de  l'Insulinde,  que  telle  est  bien  la  direction 
normale  de  l'histoire.  Ce  chapitre  porte  les  traces  de 
remaniements  et  il  est  nécessaire  que  l'auteur  donne  de 
l'unité  à  sa  pensée. 

Les  trois  chapitres  qui  suivent  nous  font  pénétrer  dans 
la  pratique  qui  sera  toujours,  quelque  forme  qu'elle  revête, 
dominée  par  la  conception  sociologique  de  la  colonisation, 
et  mettra  en  rapport,  de  la  manière  la  plus  parfaite  pos- 
sible, des  éléments  empruntés  à  un  état  de  civilisation 
donné  avec  un  milieu  physique  et  social  nouveau.  L'auteur 


(  606  ) 

embrasse  dans  son  étude  la  colonisation  libre,  la  coloni- 
sation officielle  et  l'institution  de  compagnies  de  colo- 
nisation. Il  se  prononce,  en  général,  pour  l'initiative 
privée,  quand  il  s'agit  d'établir  une  colonie  dépeuplement 
dans  des  terres  inhabitées  et  uniquement  peuplées  de 
chasseurs  errants;  mais  là  où  il  s'agit  de  juxtaposer  deux 
populations  et  deux  races,  l'intervention  de  l'État  est 
nécessaire. 

L'intervention  économique  de  l'État,  une  fois  admise, 
se  ramènera  à  mettre  à  la  portée  des  colons  la  libre  dis- 
position des  forces  naturelles;  les  travaux  préparatoires 
qu'il  accomplira  comprendront  les  travaux  des  ports,  la 
viabilité,  l'allotissement  des  terres.  L'auteur  rappelle 
lui-même  que  des  hommes  d'État,  comme  Gladstone,  ont 
étendu  l'intervention  de  l'État  bien  au  delà.  Il  s'arrête 
assez  longuement  au  régime  de  distribution  des  terres.  Il 
se  prononce  pour  la  vente  des  lots,  sauf  à  admettre  des 
concessions  gratuites  tout  au  début. 

J'ai  regretté  vivement  de  ne  pas  voir  l'auteur  exposer 
et  discuter  les  projets  d'Emile  de  Laveleye  et  de  Ch.  Gide, 
d'après  lesquels  des  baux  emphytéotiques  sont  accordés 
aux  colons,  à  très  longs  termes,  ce  qui  concilie  l'intérêt 
de  l'Etat  et  de  la  conservation  du  domaine  public  avec 
l'intérêt  du  colon.  J'eusse  souhaité  un  exposé  plus  com- 
plet des  doctrines  de  Wakeheld,  et  une  critique  plus 
développée  et  plus  précise  du  suflicient  piice  et  du  prix 
fixe  et  uniforme  auquel  les  lots  étaient  vendus  aux  colons, 
d'après  le  plan  de  cet  économiste  célèbre,  qui  exerça  une 
si  profonde  influence  sur  la  colonisation  en  Australie. 

Le  chapitre  qui  se  rapporte  aux  compagnies  de  coloni- 
sation est  très  étendu.  L'auteur  divise  leur  histoire  en 


(  607  ) 
deux  parties:  Tune,  consacrée  aux  compagnies  anciennes; 
l'autre,  aux  compagnies  contemporaines.  Adam  Smith 
a  résumé  depuis  longtemps  l'histoire  des  compagnies 
anciennes  dans  ce  jugement  terrible  :  «  Le  gouvernement 
d'une  compagnie  privilégiée  de  marchands  est  peut-être 
le  pire  de  tous  les  gouvernements  pour  un  pays  quel- 
conque. »  Le  tableau  qu'en  retrace  l'auteur  ne  fait  que 
confirmer  ces  paroles.  Investies  d'un  monopole  commer- 
cial, elles  y  trouvèrent  la  cause  de  leur  ruine  en  sacrifiant 
les  préoccupations  d'avenir  à  des  avantages  immédiats; 
unissant  des  attributions  politiques  à  la  préoccupation 
du  lucre,  elles  se  rendirent  odieuses  par  leurs  actes 
oppressifs. 

Les  compagnies  ont  reparu  à  l'époque  contemporaine, 
depuis  le  moment  où,  selon  l'expression  d'un  écrivain 
anglais,  l'Afrique  s'est  tout  à  coup  offerte  comme  un  butin 
immense  à  toutes  les  nations.  Les  compagnies  nouvelles 
ont  en  commun  avec  les  compagnies  anciennes  une 
délégation  de  pouvoirs  politiques  et  administratifs;  elles 
en  diffèrent  par  l'absence  de  tout  monopole  légal. 

L'auteur  connaît  si  bien  les  controverses  qu'elles  sou- 
lèvent qu'il  s'applique  à  reproduire  en  détail  les  argu- 
ments invoqués  pour  et  contre  leur  établissement.  Et  il 
le  fait  avec  impartialité  et  d'une  manière  intéressante. 
Les  arguments  invoqués  en  leur  faveur  sont  des  considé- 
rations d'utilité;  ces  pays  primitifs  n'offrent  aucun  point 
d'appui  solide  aux  gouvernements  colonisateurs;  le 
recours  aux  compagnies  apparaît  comme  une  solution 
entre  l'impuissance  de  l'initiative  privée  et  les  difficultés 
d'une  intervention  directe  de  l'État;  elle  favorise  surtout 
les  entreprises  des  gouvernements  en  atténuant  et  mas- 
quant leur  responsabilité.   Il   y  a  des  besognes  qu'un 


(  608  ) 

gouvernement  n'aime  pas  à  faire,  des  responsabilités  ou 
des  reculades  qu'il  veut  s'épargner.  On  invoque  d'ailleurs 
le  contrôle,  les  devoirs  spéciaux  et  les  garanties  que  les 
gouvernements  métropolitains  peuvent  imposer  aux  com- 
pagnies ou  exiger  d'elles;  c'est  ainsi  qu'elles  préparent 
la  prise  de  possession  définitive  de  la  colonie  par  l'Etat. 

L'auteur  ne  se  prononce  pas  entre  les  deux  systèmes; 
il  aura  d'ailleurs,  par  la  suite,  l'occasion  d'y  revenir,  dans 
l'histoire  de  la  colonisation  hispano-portugaise,  anglaise, 
allemande.  J'avoue,  quant  à  moi,  que  des  arguments 
invincibles  contre  les  compagnies  se  dressent  dans  mon 
esprit  :  il  est  impossible  que  l'État  délègue  une  partie  de 
ses  pouvoirs  à  une  association  poursuivant  avant  tout  un 
but  de  lucre;  il  est  d'autant  plus  immoral  que  l'État  tente 
de  se  soustraire  à  une  responsabilité  directe  que  le 
domaine  inévitablement  abandonné  à  l'arbitraire  est  plus 
vaste,  et  le  contrôle  plus  incertain. 

L'étude  des  moyens  de  colonisation  nous  fait  successive- 
ment aborder  des  considérations  d'ordre  militaire,  d'ordre 
économique,  d'ordre  moral,  d'ordre  administratif  et  poli- 
tique, tableau  complexe  où  se  succèdent  les  différents 
aspects  de  l'organisation  coloniale  et  de  son  activité. 

L'auteur  se  prononce  pour  une  armée  de  mercenaires 
et  il  s'applique  à  réhabiliter  ce  mot  lugubre,  qui  ne  laisse 
pas,  je  pense,  de  faire  une  impression  pénible,  même  sur 
celui  qui  voit  dans  l'institution  d'une  telle  armée  l'une 
des  conditions  nécessaires  du  régime  colonial. 

Le  chapitre  des  missions  religieuses  soulève  de  graves 
problèmes.  L'auteur  condamne  la  neutralité  des  auto- 
rités colonisatrices  et  la  qualifie  même  en  un  endroit 
de  béate,  et  non  seulement  l'antagonisme  du  christia- 
nisme et  du  mahométisme  lui  apparaît  comme  inévi- 


(  ()09  ) 

table,  mais  comme  une  sorte  de  fatalité  à  laquelle 
il  faut  se  préparer.  «  Entre  chrétiens  et  musulmans, 
dit-il,  il  n'y  a  pas  de  conciliation  possible...  »  Ici  encore 
je  déclare,  quant  à  moi,  que  ces  perspectives  me  font 
frémir,  et  plus  le  péril  religieux  est  imminent,  plus 
rigoureusement  aussi  le  gouvernement  me  parait  tenu 
de  rester  fidèle  aux  principes  fondamentaux  du  droit 
public  moderne  et  à  la  tolérance  la  plus  large,  la  plus 
humaine,  en  donnant  aux  missions  tous  les  gages  de 
liberté  et  de  sécurité. 

[.es  considérations  sur  la  main-d'œuvre  pénale  mêlent 
à  l'ordre  moral  les  préoccupations  économiques.  L'auteur 
se  prononce,  dans  certaines  limites,  pour  la  transporta  tion, 
mais  sans  la  rendre  obligatoire  pour  aucune  catégorie  de 
criminels  :  il  en  fait  une  sorte  de  faveur;  il  est  préoccupé 
d'assurer  des  bras  à  la  colonie  et  de  hâter  la  libération 
définitive  des  criminels. 

Une  autre  partie  de  ce  chapitre  soulève  des  objections 
d'une  gravité  extrême.  L'auteur  propose  de  développer 
dans  les  écoles  de  bienfaisance  les  métiers  propres  à  la 
colonisation,  d'appliquer,  l'été,  les  élèves  de  ces  écoles 
aux  travaux  agricoles  de  la  Campine,  puis,  après  une 
certaine  préparation,  de  tenter  l'expatriation  de  jeunes 
gens  vers  les  régions  africaines  en  leur  confiant  des  terres 
à  exploiter  et  en  les  préparant  à  devenir  propriétaires. 
L'auteur  lait  ici,  d'abord,  une  confusion  qu'il  faut  avant 
tout  redresser.  L'école  tle  bienfaisance  ne  réalise  pas  un 
système  de  répression,  mais  un  système  d'éducation 
obligatoire;  les  pouvoirs  du  gouvernement  ne  peuvent 
aller  au  delà  des  exigences  de  l'éducation  des  enfants  qui 
lui  sont  confiés.  C'est  à  la  mère  patrie  et  non  à  la  colonie 
qu'il  doit  les  rendre. 

."i""    SÉRIE,    TOME    XWIII.  40 


(  610  ) 

L'auteur  oublie  aussi,  ce  qu'il  a  d'ailleurs  reconnu  lui- 
même,  que  le  travail  en  plein  air  est  impossible  pour 
l'Européen  dans  les  régions  des  tropiques.  Le  gouver- 
nement, par  ses  essais  d'expatriation,  alfronterait  la  plus 
lourde  responsabilité,  il  dénaturerait  l'école  de  bien- 
faisance en  en  faisant  un  objet  de  terreur. 

L'étude  du  recrutement  des  colons  a  pour  préliminaires 
inévitables  un  chapitre  sur  l'esclavage,  qui  ravive  toutes 
les  boutes  de  la  colonisation.  L'histoire  de  la  traite,  de  son 
abolition,  celle  de  l'abolition  de  l'esclavage  y  sont  résu- 
mées avec  un  réel  intérêt. 

On  se  sent  pénétré  d'une  sorte  de  remords  collectif  en 
songeant  aux  destinées  qui  sont,  d'après  l'auteur,  réser- 
vées aux  nègres  des  Etats-Unis  et  du  Brésil,  condamnés  à 
disparaître,  soit  par  leur  fusion  dans  la  masse  des  immi- 
grants, soit  par  les  ravages  de  la  misère  et  de  l'alcoo- 
lisme; et  l'idée  se  fortifie  dans  l'esprit  que  l'abolition  de 
l'esclavage  ne  devrait  être  que  la  première  mesure  d'une 
œuvre  de  réparation,  de  tutelle  et  d'émancipation  pro- 
gressive qui  s'impose  aux  anciennes  colonies  esclava- 
gistes. 

Désormais,  ce  sont  des  travailleurs  libres  qui  accom- 
pliront l'œuvre  de  la  colonisation.  L'auteur  condamne 
justement  le  système  odieux  de  recrutement  des  colons, 
qui,  inspiré  du  seul  esprit  de  lucre,  livre  à  tous  les 
hasards  les  hommes  les  moins  faits  pour  les  affronter. 
Les  vertus  qu'il  exige  du  vrai  colon  en  font  un  être  presque 
idéal,  tel  qu'on  rêve  de  le  voir  rester  dans  la  mère  patrie. 
11  veut  que  le  colon  s'engage  dans  son  œuvre  sans  esprit 
de  retour.  C'est  bien  de  la  théorie  de  Wakefield  qu'il 
s'inspire  ici  visiblement  :  la  colonie  doit  être  une  fin,  et 
non  un  moyen  de  rapide  fortune;  l'auteur  veut  d'ailleurs 


(  6W  ) 
que  la  colonie  reste  attachée  à  la  métropole  comme  une 
province,  comme  une  extension  de  la  patrie  :  le  déchire- 
ment sera  moins  profond.  La  prévoyance  et  l'esprit  de 
suite  sont  des  conditions  nécessaires  à  l'évolution  de  la 
colonie,  mais  ces  vertus  doivent  régir  la  conduite  collec- 
tive autant  que  la  conduite  individuelle,  et  l'œuvre  colo- 
niale est  celle  de  groupes  compacts,  emportant  avec  eux 
tous  les  éléments  essentiels  d'une  civilisation.  C'est 
encore  bien  là  l'aspect  moral  de  la  théorie  de  Wake- 
field.  Même  ainsi  dirigée,  la  colonisation  est  une  œuvre 
de  longue  haleine  et  la  première  génération  sème  pour 
celles  qui  la  suivent.  Il  faut  louer  ici  la  mesure,  la  réserve 
de  l'auteur,  qui  ne  songe  pas  à  nourrir  de  vaines  illusions. 

Le  recrutement  des  fonctionnaires  s'inspire  des  mêmes 
principes.  Ce  sont  les  organes  permanents  des  intérêts 
de  la  colonie  ;  il  ne  faut  pas  qu'ils  soient  dominés  par  la 
préoccupation  de  leur  intérêt  personnel,  et  leurs  garanties 
morales  doivent  être  d'autant  plus  solides  que,  investis 
d'une  plus  grande  autorité,  ils  peuvent  être  les  artisans 
des  plus  grands  maux  pour  les  indigènes.  Les  réformes 
réclamées  par  l'auteur,  dans  l'organisation  de  l'enseigne- 
ment commercial,  sont  bien  conçues  et  justes. 

Les  considérations  sur  la  représentation  des  colonies 
eussent  dû  être  rattachées  à  celles  qui  ont  pour  objet 
l'indépendance  future  des  colonies,  alors  qu'elles  sont 
séparées  les  unes  des  autres  par  une  longue  étude  sur  la 
Conférence  de  Berlin.  La  question  de  la  représentation 
des  colonies  est  résolue  différemment  par  les  nations 
métropolitaines,  selon  leurs  tendances  fondamentales 
dans  la  colonisation  même.  Pour  les  unes,  comme 
l'Angleterre,  cette  tendance  est  à  l'autonomie  coloniale 
et  à  un  empire  colonial  fédérât  if  ;  pour  les  autres,  comme 


(  612) 

le  Portugal  et  l'Espagne,  elle  est  à  l'incorporation  des 
colonies  au  gouvernement  de  la  métropole.  Cette  oppo- 
sition se  traduit  par  le  développement  des  institutions 
parlementaires  aux  colonies  pour  les  premières,  par  la 
représentation  partielle  ou  par  la  représentation  appa- 
rente des  colonies  au  Parlement  métropolitain  pour  les 
autres.  L'auteur,  ici  encore,  comme  dans  le  chapitre  sur 
les  compagnies  de  colonisation,  fait  plutôt  une  exposition 
objective  de  ce  qui  est  ;  mais  il  est  visiblement  favorable 
à  l'émancipation  de  toutes  les  colonies  qui  seront  capables 
de  pratiquer  des  institutions  libres.  M.  P.  Leroy-Beaulieu, 
qui  lui  sert  souvent  de  guide,  se  prononce  pour  l'indé- 
pendance finale  des  colonies  de  peuplement  et  des  colo- 
nies mixtes;  mais  est-il  interdit  d'espérer  que  l'action 
tutélaire  des  nations  de  l'Occident  européen  puisse  pré- 
parer les  mêmes  destinées  aux  établissements  du  sud  de 
l'Asie  et  même  du  centre  de  l'Afrique? 

Le  chapitre  le  plus  important  de  la  théorie  de  la  colo- 
nisation a  été  placé  à  la  fin  du  traité.  Il  a  pour  objet 
l'utilité  des  colonies.  L'examen  et  la  réfutation  des  argu- 
ments d'adversaires  tels  que  de  Molinari,  de  Laveleye, 
F.  Passy,  Yves  Guyot,  Colajanni,  Achille  Loiïa,  exigeaient 
de  larges  développements  et  la  réunion  de  matériaux 
solides.  L'auteur  s'est  placé  successivement  au  point  de 
vue  de  l'intérêt  particulier  des  nations  et  de  l'intérêt 
général  de  l'humanité.  Il  a  écrit  des  pages  vraiment 
éloquentes,  mais  j'ai  regretté  bien  des  fois  qu'il  s'en  tint 
à  des  considérations  générales,  ne  serrant  ni  les  faits  ni 
les  arguments  d'assez  près,  et  qu'il  ne  répondit  pas  mieux 
aux  préoccupations  présentes.  Ce  ne  sont  pas  les  avantages 
des  colonies  de  peuplement,  par  exemple,  qui  peuvent 
provoquer  en  ce  moment  un  débat   scientifique  utile,  ni 


(  613 

préoccuper  même  l'opinion  publique  :  l'ère  de  ces  colo- 
nies est  close,  selon  un  mot  de  Bordier;  des  rapports 
comme  ceux  qui  ont  été  soumis  au  Congrès  d'hygiène  de 
Londres  révèlent  que  l'adaptation  de  notre  race  au  cli- 
mat des  bautes  terres  des  ^tropiques  serait  même  d'une 
difficulté  extrême  et  que  le  travail  des  champs  devrait 
encore  y  être  proscrit.  Le  rôle  des  colonies  commerciales, 
comme  remède  aux  crises,  exigeait  de  plus  longues  recher- 
ches. Les  plus  puissantes  nations  colonisatrices  modernes 
ont-elles  échappé  aux  fluctuations  générales  du  com- 
merce, à  la  baisse  des  prix  qui  caractérise  la  dépression 
économique  contemporaine?  Une  étude  attentive  montre 
la  concordance  des  phénomènes  en  Angleterre,  en  France, 
en  Belgique,  et  l'opération  de  causes  générales  agissant 
sur  l'économie  des  nations  les  plus  avancées.  Dans  quelle 
mesure  les  colonies  ont-elles  exercé  une  action  régula- 
trice sur  l'industrie  et  le  commerce  de  leur  métropole, 
dans  le  cours  de  cette  longue  dépression  économique? 

L'auteur  semble  ignorer  que,  depuis  1886,  l'Angleterre 
a  institué  successivement  trois  vastes  enquêtes  sur  la 
dépression  du  commerce,  sur  les  variations  de  la  valeur 
relative  des  métaux  précieux,  sur  la  situation  de  la  classe 
des  travailleurs,  triple  aspect  de  la  crise  économique 
actuelle.  J'ai  calculé  qu'en  Belgique  les  prix  exprimés 
par  les  index  numbers  avaient  baissé,  en  1895,  de  56  °0, 
relativement  aux  moyennes  de  1 807-77 .  Sauerbeek  a 
abouti  à  peu  près  au  même  résultat  pour  l'Angleterre. 
De  1890  à  1892,  les  exportations  des  produits  britanni- 
ques se  sont  abaissées  de  263,530,585^  à  227,060,224  £, 
c'est-à-dire  de  15.7  °/0,  chute  plus  forte  qu'en  Belgique. 
Sans  doute,  le  commerce  colonial  prend  d'une  manière 
constante  une    place  assez   grande   dans   le   commerce 


(  614  ) 

anglais,  et  il  y  a  là  un  facteur  dont  il  serait  puéril  de 
méconnaître  l'importance;  mais  cette  importance  a-t-elle 
varié  dans  les  moments  de  crise  au  point  d'assigner  au 
commerce  colonial  une  action  compensatrice,  même  mo- 
dératrice? En  1890,  les  exportations  aux  colonies  repré- 
sentaient 55.2  °/0  de  l'ensemble;  en  1891,  54.8  %. 

Les  questions  se  pressent  dans  l'esprit  de  quiconque 
a  interrogé  avec  impartialité  les  matériaux  statistiques. 
A  quel  point  la  statistique  comparative  donne-t-elle  tort 
à  de  Laveleve,  quand  il  soutient  qu'un  État  ne  doit 
pas  posséder  de  colonies  pour  avoir  un  commerce  floris- 
sant? Il  y  avait  là  place  pour  des  investigations  étendues, 
dont  j'ai  pu  apprécier  moi-même  à  la  fois  la  difficulté  et 
la  nécessité. 

L'influence  des  colonies  sur  le  trésor  public  ne  pou- 
vait être  négligée,  au  moins  dans  ses  résultats  généraux. 
L'aspect  humanitaire  du  problème  touche  par  bien  des 
côtés  à  son  aspect  utilitaire.  La  colonie  commerciale  dans 
la  région  des  tropiques  tend  à  se  transformer  en  colonie 
de  plantations  pour  réaliser  son  maximum  d'utilité  et 
s'alimenter  dune  production  intérieure  régulière;  la 
plantation  implique  l'adaptation  des  indigènes  au  travail 
régulier.  C'est  là  qu'apparaît  le  problème  moral  dans 
toute  sa  grandeur  :  comment  éviter  que  l'œuvre  éduca- 
trice  des  nations  inférieures  devienne  une  œuvre  d'exploi- 
tation? Et  s'il  est  vrai  de  dire,  avec  M.  Gide,  que  la 
colonisation  soit  une  obligation  morale  des  peuples 
avancés,  n'est-ce  pas  uniquement  à  une  action  collective 
et  coopérative  de  ces  peuples  qu'il  faut  en  demander 
l'accom plissement  aujourd'hui  à  l'égard  des  races  infé- 
rieures, et  ne  faut-il  pas  élever  d'un  degré  encore  la 
pensée  féconde  de  la  Conférence  de  Berlin,  et  subor- 


(  6!S  ) 

donner  par  là  définitivement,  sans  les  effacer,  les  intérêts 
commerciaux  particuliers  à  l'intérêt  humanitaire  dans  la 
colonisation  de  l'Afrique  centrale? 

A  l'idée  d'un  partage  pacifique  de  l'Afrique,  qui  porte 
encore  la  trace  de  la  conquête  et  ouvre  les  voies  à  l'esprit 
de  lucre  des  nations  copartageantes,  est-il  impossible  de 
substituer  l'idée  d'une  tutelle  collective,  contenant  davan- 
tage les  égoïsmes  nationaux,  et  celle  d'une  éducation 
économique  des  races  inférieures,  qui  se  concilie  avec  les 
intérêts  industriels  et  commerciaux  de  l'ancien  monde? 

L'auteur  ne  pourra  donner  à  tant  de  problèmes  une 
réponse  sommaire  qu'à  la  condition  de  les  reprendre  un 
à  un  dans  les  conclusions  générales  de  son  livre.  En 
effet,  la  distribution  des  matières  qu'il  a  adoptée  porte 
logiquement  à  penser  que  la  théorie  générale  de  la  colo- 
nisation, du  premier  volume,  ne  renferme  que  les  déduc- 
tions pratiques  des  principes  de  la  science  économique, 
à  l'égard  des  grands  problèmes  de  l'intervention  de  l'Etat, 
du  rôle  de  l'initiative  privée;  l'étude  historique  des 
systèmes  coloniaux  des  différents  peuples  va  l'amener  à 
corriger,  à  modifier,  à  compléter  à  l'aide  des  données 
des  méthodes  inductives,  les  déductions  préparatoires. 
Il  tient  d'ailleurs  formellement  en  suspens  son  apprécia- 
tion sur  certaines  grandes  institutions,  telles  que  les 
compagnies  de  colonisation.  Le  plan  qu'il  a  adopté  ne 
présente  pas  d'autre  justification.  11  reste  à  voir  comment 
il  l'a  exécuté. 


III. 


Dans  le  deuxième  et  le  troisième  volumes  de  son  œuvre, 
l'auteur  déroule  l'histoire  des  systèmes  coloniaux  des 
nations  européennes. 


(  616  ) 

Nous  pourrions  résumer  l'évolution  coloniale,  où  cepen- 
dant se  sont  accumulées  tant  d'horreurs,  par  un  mot  de 
Roseher  :  «Le  point  fondamental,  dans  l'histoire  des  colo- 
nies, c'est  leur  passage  progressif  du  régime  de  restric- 
tion au  régime  de  liberté.  » 

Qu'on  l'interroge,  en  effet,  dans  la  colonisation  anglaise, 
française,  néerlandaise,  aussi  bien  que  portugaise  ou 
espagnole,  elle  témoigne  de  la  destruction  graduelle  de 
cet  ensemble  de  monopoles,  de  privilèges  qui  formaient 
le  système  colonial  et  que  l'on  avait  décoré  du  nom  de 
pacte  colonial,  à  raison  de  la  réciprocité  apparente  des 
avantages  que  se  promettaient  la  métropole  et  les  colonies. 

La  décomposition  graduelle  du  pacte  colonial  s'accom- 
pagne du  progrès  de  la  liberté  des  échanges  et  de  la  con- 
sécration graduelle  du  principe  de  l'égalité  de  traitement 
de  toutes  les  nations  dans  le  commerce  colonial  ;  sous  des 
aspects  bien  plus  importants  encore  pour  l'avenir  de  la 
civilisation,  elle  s'accompagne  de  l'émancipation  des 
esclaves  et  d'efforts  soutenus  dans  la  direction  de  l'éman- 
cipation politique  des  colonies  ou,  tout  au  moins,  de  la 
participation  des  colonies  à  l'administration  de  leurs 
propres  intérêts. 

Les  différentes  nations  colonisatrices,  les  différentes 
colonies  franchissent  plus  ou  moins  laborieusement  les 
phases  d'une  évolution  commune,  et  à  travers  les  résis- 
tances qui  dérivent  soit  des  antécédents  historiques,  soit 
du  milieu,  on  voit  se  dégager  les  traits  différentiels  des 
systèmes  de  colonisation  qui  sont  propres  à  chacune 
d'elles.  C'est  ainsi  que  la  tendance  persistante  à  l'auto- 
nomie coloniale  se  révélera  dans  la  politique  anglaise, 
c'est  ainsi  que  l'incorporation  des  colonies  à  la  mère 
patrie  caractérisera,  au  contraire,  les  systèmes  portugais 


(  617  ) 
ou  espagnol,  c'est  ainsi  qu'une  tendance  persistante  ;» 
la  centralisation,  tantôt  exclusivement  autoritaire,  tantôt 
démocratiquement  dirigée  vers  l'assimilation,  caractéri- 
sera la  politique  coloniale  française. 

L'auteur  commence  sa  revue  des  entreprises  modernes 
par  la  colonisation  portugaise,  dont  les  destinées  ont  été 
si  étroitement  associées  à  la  traite  des  noirs.  Ce  sont  les 
Portugais  qui  inaugurèrent  cet  effroyable  trafic  au 
XVe  siècle,  et  l'abolition  définitive  de  la  traite,  en  1854, 
ouvrit  une  phase  décisive  dans  l'histoire  des  colonies 
portugaises.  L'auteur  a  expos;'?  avec  intérêt  les  longues  et 
honteuses  résistances  à  l'abolition  de  la  traite,  qui  mar- 
quent la  première  moitié  du  siècle.  L'un  des  traits  du 
système  portugais,  c'est  l'incorporation  politique  des 
colonies  à  la  métropole.  Cependant,  bien  que  les  colonies 
aient  des  députés  aux  Cortès,  il  s'en  faut  que  l'assimi- 
lation soit  complète.  L'auteur  expose  l'organisation  admi- 
nistrative et  l'étendue  des  pouvoirs  du  gouvernement 
métropolitain.  Il  y  a  peut-être  là  une  faiblesse  de  l'admi- 
nistration portugaise,  dit-il  :  il  ne  doit  pas  hésiter  à 
l'affirmer  nettement.  Des  raisons  d'économie  ont  fait 
reparaître,  dans  les  établissements  des  côtes  d'Afrique, 
des  compagnies  portugaises  de  colonisation,  mais  l'auteur 
n'a  pu  exposer  leurs  actes. 

L'histoire  des  colonies  espagnoles  du  nouveau  monde 
se  divise  en  trois  périodes  principales  :  la  première,  qui 
va  jusqu'à  l'édit  du  commerce  libre  de  1778;  la  seconde, 
jusqu'à  l'émancipation  des  colonies  de  l'Amérique  du 
Sud;  la  troisième  se  prolonge  jusqu'à  nos  jours  pour  les 
débris  de  l'empire  colonial.  L'auteur  expose  très  bien 
l'ensemble  des  causes  qui  ont  précipité  l'émancipation 
des  républiques  sud-américaines,  et  quelle  part  considé- 


(  618) 
rable  y  eurent  les  fautes  accumulées  des  gouvernements, 
la  corruption,  les  excès,  joints  à  une  situation  financière 
déplorable.  Les  récents  événements  donnent  un  attrait 
particulier  aux  chapitres  étendus  qui  sont  consacrés 
à  Cuba  et  Porto-Rico.  La  question  cubaine,  depuis  la 
première  tentative  insurrectionnelle  de  1823,  retentit 
douloureusement  à  travers  le  siècle.  Il  est  impossible  de 
juger  trop  sévèrement  l'administration  métropolitaine  : 
la  cause  véritable  de  tant  de  soulèvements  répétés  et 
sanglants,  c'est  le  maintien  d'un  régime  colonial  con- 
damné par  l'histoire  tout  entière.  L'auteur  expose  toutes 
les  solutions  possibles  de  la  question  cubaine,  et  il  n'hésite 
pas  à  reconnaître  qu'il  ne  s'agit  plus  aujourd'hui  de 
concessions  et  de  réformes,  mais  de  la  suppression  com- 
plète de  l'exploitation  espagnole,  que  l'on  adopte  pour 
Cuba  le  régime  du  Canada,  ou  que  les  iles  s'incorporent 
aux  États-Unis  ou  à  une  fédération  républicaine  des 
Antilles. 

Les  conclusions  générales  de  l'auteur  sur  la  colonisation 
espagnole  témoignent  d'une  indulgence  que  les  chapitres 
antérieurs  ne  faisaient  pas  attendre.  «  La  législation 
donnée  aux  colonies  espagnoles,  dit-il,  a  toujours  été 
pleine  d'humanité  ;  elle  était,  de  même  que  les  instruc- 
tions qui  en  étaient  les  corollaires,  la  conséquence  d'une 
nécessité  reconnue.  »  Il  faut  redouter  que  par  un  tel  lan- 
gage on  ne  semble  légitimer  tous  les  abus  de  l'histoire. 
L'auteur  prend  inutilement  la  peine  de  venger  contre 
Merivale  la  vaillance  du  peuple  espagnol  que  nul  ne  peut 
sérieusement  contester,  mais  il  lui  reconnaît  les  plus 
belles  qualités  pour  un  peuple  colonisateur  :  la  fierté,  la 
bravoure,  la  ténacité.  Il  faut  avouer  que  le  moment  est 
mal  choisi  pour  en  constater  les  effets.  L'auteur  affirme 


(  M  9  ) 
néanmoins  la  nécessité  des  réformes.  Le  dernier  chapitre, 
qui   porte  la  trace  de  remaniements,  me  semble  avoir 
besoin  d'une  revision  complète. 

Le  système  colonial  des  Pays-Bas  et  son  histoire  em- 
brassent la  plus  grande  partie  du  second  volume.  Cette 
histoire  comprend,  d'après  l'auteur,  quatre  périodes  que 
l'on  pourrait  même  subdiviser  en  cinq.  Dans  la  première, 
qui  va  de  1605  à  17ÎJ5,  l'auteur  retrace  le  tableau  de  la 
formation,  du  développement  rapide,  de  la  prospérité 
inouïe,  de  la  décadence  et  de  l'effondrement  de  la  Com- 
pagnie des  Indes;  de  1795  à  1830,  on  peut  former  deux 
périodes  intermédiaires.  L'année  1850  est  marquée  par 
l'institution  du  célèbre  système  de  culture  du  général 
Vandenbosch;  de  1862  à  nos  jours,  sous  la  pression  de 
l'opinion  publique,  ce  funeste  système  est  aboli  et  le 
régime  colonial  transformé.  L'auteur  a  très  bien  exposé, 
en  puisant  aux  meilleures  sources,  les  caractères  et  les 
ellèts  de  cette  culture  forcée,  et  montré  comment  tous  les 
intérêts  individuels  des  fonctionnaires  étaient  associés  à 
l'intérêt  inavouable  de  l'État,  et  toutes  les  énergies  com- 
binées dans  l'odieuse  exploitation  des  indigènes.  On  voit 
comment  le  travail  exagéré  des  hommes  et  l'épuisement 
graduel  de  la  terre  provoquèrent  ainsi  des  famines  ter- 
ribles, des  insurrections  sanglantes  qui  furent  à  la  fois  la 
sanction  physique  et  la  sanction  morale  des  excès  d'un 
système  colonial  inique.  Le  soulèvement  des  consciences 
en  Hollande,  l'œuvre  préparatoire  de  Vandeputte,  les  lois 
agraires  réparatrices  de  1870  sont  l'objet  d'une  section 
très  étendue  de  l'ouvrage.  L'évolution  de  la  propriété  qui 
s'accomplit  sous  ces  régimes  coloniaux  successifs,  le 
mouvement  oscillatoire  auquel  elle  obéit  et  qui  déter- 
mine, d'abord,   une  extension  du  domaine  communal. 


(  620  ) 

ensuite,  une  tendance  inverse  à  la  décomposition  de  la 
dessa,  sont  fort  intéressants  à  suivre  pour  le  sociologue. 
Il  eût  été  très  important  de  connaître  de  près  les  effets 
du  système  de  la  liberté  commerciale  sur  l'industrie  hol- 
landaise :  les  lois  des  17  novembre  1872  et  16  avril  IS<X<>, 
qui  anéantissent  le  régime  du  monopole  et  consacrent 
l'uniformité  des  droits  d'entrée,  ouvrent  une  période 
vraiment  expérimentale,  d'un  puissant  intérêt  pour  la 
science.  Aucun  privilège  n'étant  plus  accordé  aux 
nationaux  dans  le  commerce  avec  l'Insulinde,  on  pourra 
mesurer  les  avantages  indirects  de  la  colonisation  et 
apprécier  à  quel  point  elle  assure  un  débouché  aux  indus- 
tries de  la  métropole  et  la  place  dans  des  conditions  de 
lutte  plus  favorables  que  les  nations  concurrentes.  L'au- 
teur a  des  conclusions  optimistes,  mais,  je  l'avoue,  je 
désire  des  statistiques  plus  étendues  et  plus  précises. 

Dans  cette  transformation  de  régime,  la  Hollande  a 
sacrifié  ses  intérêts  matériels  immédiats  à  la  justice  et 
aux  intérêts  supérieurs  de  la  civilisation.  C'est  la  gran- 
deur indéniable  du  spectacle  qu'elle  présente;  l'histoire 
des  difficultés  premières,  des  perturbations  dans  l'équi- 
libre budgétaire  qui  sont  les  résultats  de  la  transformation 
coloniale,  est  l'objet  d'intéressants  chapitres.  L'auteur 
examine  aussi  si  l'Insulinde  est  susceptible  de  devenir 
une  colonie  de  peuplement.  Il  confirme  le  témoignage 
de  l'expérience.  Le  blanc  n'y  fait  pas  souche  après  la 
troisième  génération;  pût-il  même  s'établir  à  de  grandes 
altitudes,  il  serait  toujours  soumis  à  la  concurrence 
dépressive  des  indigènes.  Cette  vaste  étude  sur  les  sys- 
tèmes de  colonisation  de  la  Néerlande  est  richement 
documentée  et  forme  la  meilleure  partie  de  tout  l'ouvrage. 

Dans  l'histoire  du  système  colonial   de  l'Angleterre, 


(  621  ) 
l'auteur  trace  les  phases  dont  le  soulèvement  et  l'émanci- 
pation des  Ktats  de  la  Nouvelle-Angleterre  marquent  la 

dernière.  Dès  le  début,  et  à  travers  les  fautes  de  ta 
métropole,  il  dégage  les  traits  généraux  d'un  système  qui 
ira  s'affermissant  :  le  principe  de  non-intervention  dans 
les  affaires  locales  des  colonies,  la  tendance  à  leur  accor- 
der des  institutions  libérales.  L'auteur  s'applique  à  mon- 
trer qu'entre  les  partis  anglais  il  n'y  a,  à  l'égard  de  la 
politique  coloniale,  que  des  différences  de  degrés.  L'An- 
gleterre compte  cependant  des  esprits  éminents  qui  vou- 
draient hâter  l'émancipation  des  colonies,  même  celle  de 
l'Inde.  L'auteur,  à  ce  sujet,  oublie  de  signaler  les  repré- 
sentants de  l'école  positiviste  anglaise,  comme  Harrison 
et  Congrève. 

L'administration  des  colonies  est  étudiée  longuement. 
L'un  des  principes  dirigeants  de  l'Angleterre,  et  qui 
place  son  système  à  l'opposé  du  système  hispano-portu- 
gais, c'est  que  les  colonies  n'ont  aucun  représentant  au 
Parlement  anglais.  Le  corollaire  de  ce  principe,  ce  sont 
les  larges  prérogatives  des  établissements  coloniaux.  La 
distinction  des  colonies  administrées  directement  par  le 
gouvernement  britannique  et  des  colonies  ayant  à  des 
degrés  divers  des  institutions  représentatives,  les  droits 
restreints  qui  restent  au  gouvernement  métropolitain, 
l'indépendance  grandissante  des  colonies,  tous  ces  aspects 
du  système  sont  successivement  passés  en  revue;  l'auteur 
consacre,  en  outre,  un  chapitre  aux  compagnies  de  colo- 
nisation, qui  ont  eu  une  nouvelle  efflorescence,  surtout  en 
Afrique,  depuis  1881.  Elles  s'appliquent  à  étendre  l'in- 
fluence de  la  métropole  et  à  préparer  le  dominium plénum. 

Des  études  monographiques  sur  l'Inde  et  le  Canada 
permettent  de  suivre  les  transformations  (\u  système  de 
colonisation  de  l'Angleterre. 


(  6-22  ) 

L'histoire  de  la  Compagnie  des  Indes,  dont  le  privilège 
commercial  a  pris  fin  en  1853,  et  dont  les  pouvoirs  poli- 
tiques, comme  une  sorte  de  funeste  survivance,  se  sont 
maintenus  un  quart  de  siècle  et  plus,  est  exposée  à  grands 
traits. 

L'auteur  enregistre  les  jugements  sévères  que  les  histo- 
riens de  la  colonisation  ont  prononcés  sur  la  Compagnie 
des  Indes.  La  substitution  de  l'État  à  cette  compagnie 
tendra  à  transformer  graduellement  le  système  colonial 
en  simple  protectorat.  La  métropolejprépare  les  Indes  au 
self  government;  mais,  bien  qu'il  faille  tenir  compte  des 
lieux,  des  temps,  des  aptitudes  de  la  race,  selon  le  vœu 
de  l'auteur,  il  faut  reconnaître  que  la'métropole  est  loin 
encore  ici  d'avoir  accompli  sa  mission  coloniale  tutélaire. 

Le  Canada  nous  offre  un  État  qui  a  pris  et  atteint  le 
degré  le  plus  élevé  de  l'évolution  dans  le  système  colo- 
nial anglais;  il  ne  lui  reste  qu'un  lien 'fragile  à  rompre 
pour  achever  de  consolider  sa  constitution  fédérative. 
L'Angleterre  tend  ainsi  à  dégager  l'individualité  de  ses 
colonies,  surtout  de  ses  colonies  de  peuplement.  Ce  sont 
les  premières  qui  s'émanciperont,  et  sans  doute,  selon  le 
beau  mot  d'Erskine  May,  quand  le  lien  se  rompra,  ce  sera 
par  la  seule  énergie  expansive  de  la  liberté. 

Dans  les  chapitres  consacrés  à  l'histoire  coloniale  de 
la  France,  l'auteur  montre  un  antagonisme  incessant 
entre  la  politique  continentale  et  la  politique  coloniale 
de  cet  État.  C'est  parce  que  la  France  n'a  pas  su  conser- 
ver son  empire  colonial  qu'elle  a  adopté,  pour  les  débris 
qui  en  subsistent,  un  régime  opposé  à  celui  de  l'Angle- 
terre. Ce  régime  est  caractérisé  par  la  centralisation  poli- 
tique et  administrative,  et  par  un  effort  persistant  dirigé 
vers  l'assimilation   des  colonies  à  la  métropole.  Les  fluc- 


(  625  ) 
mations  de  la  politique  intérieure  de  la  France  reten- 
tissent dans  les  colonies,  et  la  centralisation  y  revêt  la 
forme  autoritaire  quand  la  politique  monarchique  pré- 
vaut; la  rigueur  de  la  centralisation  ilécliit  et  les  mesures 
favorables  à  l'assimilation  remportent  avec  la  politique 
républicaine.  Il  y  a  des  degrés  dans  cette  assimilation  : 
ainsi,  la  Guadeloupe  et  la  Martinique  sont  devenues  de 
véritables  départements  lointains.  L'auteur  expose  en 
détail  l'administration  coloniale  et  l'organisation  mili- 
taire des  colonies  françaises;  il  consacre  un  long  chapitre 
aux  compagnies  de  colonisation,  ou  plutôt  aux  efforts 
accomplis  pour  les  installer;  avec  une  réelle  impar- 
tialité, il  reconnaît  les  résistances  jusqu'ici  invincibles 
qu'elles  ont  rencontrées  dans  l'esprit  public,  malgré  l'avis 
favorable  d'économistes  éminents,  comme  M.  P.  Leroy- 
Beaulieu  ;  il  pense  lui-même  qu'il  est  au  moins  douteux 
que  la  création  de  compagnies  nouvelles  soit  un  bien 
pour  la  France. 

L'Algérie  est  l'objet  d'une  étude  spéciale.  L'auteur 
retrace  les  alternatives  de  la  prépondérance  civile  et  de 
la  prépondérance  militaire  dans  l'administration  de  cette 
colonie.  Elle  participe  de  la  nature  des  colonies  de  peu- 
plement et  de  celle  des  colonies  d'exploitation  :  elle 
doit  être  dotée  d'un  bon  régime  foncier.  L'auteur 
expose  les  changements  successifs  qu'il  a  subis,  le  pas- 
sage du  système  de  concessions  des  terres  domaniales  au 
système  de  vente  de  ces  terres,  et  le  retour  actuel  au 
systèmes  de  concessions,  que  l'auteur  condamne  comme 
aboutissant  à  la  création  de  villages  artiiiciels.  Les  dispo- 
sitions légales  sur  la  conservation  et  la  transmission  de 
la  propriété  ont  subi  des  variations  successives  impor- 
tantes, qui  sont  exposées  en  détail.  En  1852,  on  livre  à  la 


(  024  ) 

colonisation  les  terres  du  domaine,  en  respectant  la  pro- 
priété individuelle  et  collective  des  indigènes;  de  1857 
à  18G5,  on  s'efforce  de  faire  entrer  dans  la  circulation  la 
totalité  des  terres  familiales;  en  1865,  la  législation  a  des 
retours  vers  la  propriété  collective  des  terres;  depuis 
1875,  le  législateur  tend  à  l'organisation  de  la  propriété 
individuelle  et  à  la  transformation  de  la  propriété  col- 
lective des  Arabes. 

L'auteur,  après  avoir  exposé  le  régime  colonial  de 
l'Algérie,  livré  à  tant  d'instabilité,  exprime  l'opinion  que 
sa  colonisation  a  été  une  idée  malheureuse,  qu'au- 
jourd'hui encore  elle  coûte  des  millions  à  la  France  et 
qu'avec  une  population  égale  à  la  moitié  de  la  nôtre, 
elle  n'atteint  pas  le  dixième  de  la  valeur  de  nos  impor- 
tations et  de  nos  exportations. 

Le  système  colonial  de  la  Russie  révèle  un  esprit  de 
suite,  une  persévérance,  une  continuité  d'action  qui 
contraste  avec  la  colonisation  française.  L'auteur  en 
divise  l'histoire  en  deux  périodes  :  la  première,  qui  va 
de  Pierre  le  Grand  à  la  réorganisation  des  colonies  mili- 
taires en  1818;  la  seconde,  s'étendant  de  1818  à  nos 
jours;  il  déroule  le  plan  gigantesque  d'une  entreprise 
qui  menace  à  la  fois  la  Chine,  la  Perse  et  l'Inde.  Le 
trait  le  plus  important  du  système,  au  point  de  vue 
d'une  étude  comparative,  c'est  l'intervention  de  l'État. 
Nulle  part  l'État  n'a  concouru  plus  directement  à  l'ex- 
pansion coloniale;  il  a  exécuté  des  travaux  publics 
énormes,  favorisé  le  transport  et  le  commerce,  concédé 
des  territoires  entiers  pour  les  mettre  en  culture,  et  fait 
servir  son  armée  à  la  fois  à  la  conquête  et  au  développe- 
ment économique. 

L'étude  de  la  colonisation  allemande  présente  l'intérêt 
considérable  d'une  expérience  qui  s'accomplit  sous  nos 


(  64S  ) 

yeux  mêmes  et  dont  nous  avons  pu  suivre  lotîtes  les 
phases.  L'auteur  y  consacre  une  grande  partie  de  son 
troisième  volume.  Deux  ordres  de  circonstances  ont 
porte  les  préoccupations  vers  les  colonies  :  l'importance 
grandissante  de  l'émigration  allemande,  d'abord,  et  la 
direction  des  courants  d'émigration,  sans  avantages  directs 
pour  la  mère  patrie,  la  réaction  protectionniste  en 
Europe  ensuite,  qui  détermine  les  peuples  industriels  à 
rechercher  des  débouchés  nouveaux.  Mais  à  l'égard  de 
l'émigration,  la  solution  ne  pouvait  être  cherchée  que 
dans  les  colonies  de  peuplement,  et  les  seuls  établisse- 
ments coloniaux  allemands  auxquels  l'auteur  assigne  ce 
caractère  sont  ceux  du  sud-ouest  de  l'Afrique  et  de  la 
Nouvelle-Guinée.  J'avoue  que,  même  dans  ces  limites, 
je  ne  partage  pas  son  avis.  L'auteur  nous  dit  d'ailleurs 
que  les  courants  primitifs  d'émigration  ne  se  sont  pas 
détournés.  On  le  croit  sans  peine. 

L'évolution  coloniale  allemande,  retracée  avec  détail, 
a  commencé  par  l'institution  de  compagnies  de  coloni- 
sation, et  l'intervention  de  l'État  affectait,  à  Poriffine, 
la  seule  forme  du  protectorat  :  l'extension  rapide  de  ces 
compagnies  et  de  ces  protectorats  en  Afrique  et  en  Océanie 
est  exposée  dans  plusieurs  chapitres.  Mais  ces  formes  cir- 
conspectes de  la  colonisation  allemande  ne  devaient  être 
que  transitoires.  Si  les  hommes  d'État  allemands  n'y 
virent  d'abord  que  des  établissements  commerciaux,  la 
pression  des  événements  contraignit  l'Empire  à  une 
intervention  de  plus  en  plus  étendue  et  durable,  jusqu'à 
transformer  en  véritables  colonies  de  la  Couronne,  au  sens 
anglais,  une  partie  de  ces  établissements.  L'auteur  consi- 
dère que  cette  mesure  doit  se  généraliser,  et  réclame  des 
sacrifices  nouveaux  de  l'État  allemand. 

3n,e    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  -\  \ 


(  626  ) 

Dans  les  dix  pages  de  conclusions  qui  se  rattachent 
à  l'Allemagne,  l'auteur  résume  les  principes  de  la  poli- 
tique coloniale  allemande  par  ces  mots  :  «  Faire  le  mieux 
possible,  et  laisser  tout  faire.  » 

Après  l'exposé  qu'il  a  tracé  lui-même,  ces  paroles 
semblent  quelque  peu  ironiques. 

La  colonisation  italienne  vient  la  dernière  dans  cette 
revue  historique. 

Ici  encore,  les  préoccupations  coloniales  sont  nées  du 
développement  considérable  de  l'émigration  italienne, 
mais  ici  aussi,  la  seule  voie  raisonnable  eût  été  dans  la 
direction  des  colonies  de  peuplement.  Aux  yeux  de 
l'auteur,  l'Italie  a  une  véritable  vocation  coloniale,  et  il 
y  a  pour  elle  nécessité  de  coloniser,  (le  n'est  pas  l'avis  de 
publicistes  italiens  d'un  grand  mérite,  comme  Colajanni, 
qui  a  consacre  un  livre  important  à  la  colonisation 
italienne;  et  il  semble  certain  que  des  réformes  agraires 
profondes,  en  Italie  même,  eussent  paralysé  ou  ralenti 
l'émigration.  C'est  là  qu'est  le  vrai  remède  à  l'émigration. 

Les  établissements  de  la  mer  Rouge,  conquis  par  l'Italie, 
ne  pouvaient,  d'après  l'auteur  môme,  servir  de  colonies 
de  peuplement,  et  une  colonie  d'exploitation  ne  pouvait 
guère  qu'attirer  les  capitaux  étrangers.  Voilà  le  dilemme 
dans  lequel  était  enserrée  l'Italie. 

Cependant,  avec  cette  sorte  d'indulgence  coloniale  qu'il 
montre  trop  souvent,  malgré  son  indéniable  sincérité. 
l'auteur  s'efforce  encore  de  légitimer,  au  point  de  vue 
commercial,  les  entreprises  italiennes.  Au  moment  où  il 
terminait  son  ouvrage,  des  nuages  assombrissaient  ce 
qu'il  appelle  le  ciel  de  la  colonisation  italienne.  Nous 
savons  que  c'est  une  pluie  de  sang  qui  a  jailli  de  ce  ciel  et 
baigné  l'Ervthrée. 


(  627  ) 

Cette  longue  exposition  des  systèmes  de  colonisation 
appelait  des  conclusions  d'un  sérieux  et  fécond  enseigne- 
ment, en  même  temps  que  d'une  haute  portée  sociale. 
L'étude  comparative  des  systèmes  de  colonisation,  des 
formes  de  colonies,  des  zones  colonisées,  des  influences 
qu'exerce  le  milieu  physique  sur  le  sort  de  la  colonisa- 
tion, des  modes  d'intervention  de  l'État,  des  effets  de 
l'initiative  privée,  des  résultats  que  l'application  des 
divers  systèmes  a  produits  pour  la  métropole,  toutes  ces 
recherches  précieuses  devaient  fournir  des  principes  diri- 
geants pour  la  conduite  des  peuples. 

L'auteur  nous  devait  ces  conclusions  à  un  double  titre  : 
en  effet,  la  méthode  d'exposition  adoptée  par  lui  et 
d'après  laquelle  la  théorie  déductive  de  la  colonisation 
précède  les  inductions  spéciales  de  l'histoire  et  de  la 
statistique,  l'obligeait  à  opérer  une  revision  des  princi- 
pales conclusions  de  la  première  partie  de  l'ouvrage, 
et,  surtout,  à  préciser  celles  qu'il  avait  expressément 
réservées.  Des  questions  que  l'histoire  et  la  statistique 
pouvaient  seules  éclairer  surgissaient  d'elles-mêmes.  Par 
exemple  :  dans  quelle  mesure  les  colonies  et  le  commerce 
colonial  peuvent-ils  contre-balancer  les  changements 
généraux  dans  l'économie  commerciale  du  monde?  Lue 
étude  statistique  comparative  de  l'ensemble  du  mouve- 
ment commercial  et  du  commerce  colonial  s'imposait.  In 
exemple  en  marquera  la  portée.  Le  traité  de  1860  avec 
l'Angleterre  ouvre  en  France  la  période  du  libre  échange. 
Le  commerce  reçoit  une  impulsion  considérable  :  de 
18(51  à  1<S(>;>,  le  montant  des  exportations  s'accroît  en 
moyenne  de  290  millions  de  francs  par  an:  or  le  chiffre 
total  des  exportations  françaises,  dans  toutes  les  colonies 
delà  France,  n'atteint  que  503  millions  de  francs  en  l.X«i  ! . 


(  028  ) 

Qu'on  se  transporte  à  trente  ans  du  traité  anglo-français. 
La  réaction  protectionniste  a  entraîné  la  France.  Sous 
l'influence  de  ce  régime  et  de  la  baisse  des  prix,  le  com- 
merce d'exportation  tombe  de  3,753,000,000  de  francs  en 
1890,  à  3,209,619,000  francs  en  1892.  L'écart  est  de  près 
de  deux  fois  toute  l'exportation  aux  colonies.  Après  le 
iraité  de  18(>1,  qui  inaugure  en  Belgique  l'ère  de  la  liberté 
progressive,  nos  exportations  s'élèvent,  de  1 80 1  à  1871, 
de  453  millions  de  francs  à  888  millions;  l'écart  est  égal  à 
une  fois  et  demie  tout  le  montant  des  exportations  de  la 
France  dans  ses  colonies.  De  1891  à  1892,  la  dépression 
des  affaires  fait  retomber  les  exportations  en  Belgique  de 
130  millions  de  francs,  la  moitié  du  chiffre  des  exporta- 
tions de  la  France  aux  colonies  françaises.  Ne  faut-il  pas 
conclure  que,  même  à  l'égard  des  nations  engagées  depuis 
longtemps  dans  la  colonisation,  alors  surtout  que  leurs 
colonies  se  distribuent  dans  les  régions  intertropicales  et 
les  régions  chaudes,  les  changements  généraux  dans 
l'économie  mondiale  ont  une  influence  infiniment  plus 
rapide  et  plus  profonde  que  les  colonies?  Quelle  place 
reste-t-il  à  l'action  régulatrice  des  colonies?  Quelle  pourra 
être  la  limite  de  cette  action  dans  le  cas  d'une  colonisa- 
tion récente?  C'est  là  un  problème  que  l'auteur  a  lui- 
même  elfleuré  dans  la  première  partie  de  son  livre. 

11  résulte  des  recherches  de  l'auteur  que  la  tendance 
invincible  de  l'évolution  historique  est  à  réaliser  l'égalité 
des  conditions  de  toutes  les  nations  dans  le  commerce 
colonial,  et  à  abolir  tous  les  privilèges  de  la  métropole. 
Quels  avantages  spéciaux  subsistent  alors  en  fait  pour 
celle-ci?  Dans  quelle  mesure  la  communauté  de  langue, 
d'origine,  de  race,  de  traditions,  d'habitudes,  fait-elle 
naître  des  relations  commerciales  durables,  qui  persistent 


(  629  ) 

après  que  les  privilèges  ont  disparu,  après  même  que  le 

lien  colonial  s'est  dissous?  Quelle  comparaison  utile  ne 
peut-on  Taire  à  cet  égard  entre  l'Angleterre  et  l'Espagne, 
à  l'égard  de  leurs  anciennes  colonies  émancipées;  quelle 
comparaison  entre  les  colonies  de  peuplement  et  les 
colonies  de  plantations  ou  de  commerce!  Quels  enseigne- 
ments la  statistique  néerlandaise  du  dernier  quart  de 
siècle,  déjà  interrogée  partiellement  par  des  économistes 
comme  M.  G.  de  Laveleye,  peut-elle  nous  procurer 
aujourd'hui?  Dans  quelle  mesure  ces  liens  multiples  et 
complexes  de  la  métropole  avec  les  colonies  se  relâchent- 
ils  devant  cette  loi  générale  que,  à  égale  qualité  des 
produits,  la  préférence  est  donnée  dans  le  commerce  des 
colonies  à  la  nation  qui  produit  au  meilleur  marché? 

Bien  d'autres  questions  se  posent  dans  la  pensée  du 
lecteur. 

L'auteur,  clans  ses  conclusions,  ne  s'est  pas  mis  au 
point  de  vue  rigoureusement  positif  auquel  lui-même 
s'était  obligé  à  se  placer.  Ses  conclusions,  d'un  caractère 
beaucoup  trop  général  et  sommaire,  élèvent  sans  doute  la 
pensée  à  la  considération  abstraite  et  philosophique  de 
l'influence  qu'exerce  la  colonisation  sur  les  progrès  de  la 
consommation  et  de  la  production,  sur  le  peuplement  du 
globe,  sur  la  diffusion  et  la  pénétration  réciproque  des 
races  humaines,  sur  l'expansion  des  institutions  libres  et 
de  la  solidarité  humaine.  Il  ouvre  les  perspectives  de  la 
constitution  finale  de  l'économie  mondiale,  de  l'unité 
économique  et  morale  du  monde.  Cependant,  il  fallait 
nous  ramener  plus  directement  et  plus  rigoureusement 
des  hauteurs  de  la  philosophie  de  l'histoire  aux  pro- 
blèmes qui  pèsent  aujourd'hui  d'un  si  grand  poids  sur 
l'esprit  des  hommes  d'État,  et  demander  à  l'histoire  et  à 


{  630  ) 

la  statistique  d'éclairer  plus  vivement  et  plus  complè- 
tement les  efforts  actuels  des  nations  industrielles  de 
l'ancien  monde. 

La  légitimité  des  observations  critiques  qui  précèdent 
ne  peut  me  faire  oublier  le  travail  considérable  auquel 
l'auteur  s'est  livré,  l'utilité  des  matériaux  qu'il  a  ras- 
semblés, la  science  et  le  talent  avec  lesquels  il  a  souvent 
réussi  à  les  mettre  en  œuvre. 

D'une  part,  la  considération  des  mérites  incontestables 
et  même  vraiment  supérieurs  de  ce  mémoire  me  porte  à 
proposer  à  l'Académie  de  le  distinguer;  de  l'autre,  la 
considération  des  lacunes  qu'il  présente,  de  l'imperfection 
de  certaines  parties,  et  l'insuffisance  des  conclusions  géné- 
rales, mises  en  rapport  avec  les  grands  intérêts  qu'elles 
doivent  éclairer,  me  portent  à  suspendre  un  jugement 
favorable.  J'attendrai  la  communication  des  rapports  de 
mes  honorables  collègues  avant  de  me  prononcer  définiti- 
vement, mais  j'exprime,  dès  à  présent,  l'avis  formel  que 
l'Académie,  en  couronnant  ce  mémoire,  devrait  réclamer 
le  l'auteur  la  revision  de  plusieurs  chapitres  de  la 
première  et  de  la  seconde  parties,  et  la  refonte  des  con- 
clusions générales,  en  donnant  à  celles-ci  de  larges  déve- 
loppements. » 


ttaft/tui-t    U«    H.    Bmtning,   </«*m.W«*»i«»   cou: utitmtiftf 

«  La  question  de  la  colonisation  a  pris,  au  cours  de  ce 
siècle,  une  importance  dont  témoignent,  d'une  part,  les 
grandes  entreprises  d'exploitation  et  d'occupation  qui. 
parties  simultanément  de  la  plupart  des  pays  européens, 
ont  renouvelé  l'aspect  de  trois  continents,  d'autre  part, 


(  631  ) 
les  innombrables  publications  auxquelles  a  donné  lieu  ce 
mouvement  d'expansion  civilisatrice.  La  (liasse  des  let- 
Ires,  eu  attirant  de  ce  côté  l'attention  des  travailleurs,  avait 
formulé  le  problème  en  ces  termes  :  «  Exposer  les  théo- 
ries de  la  colonisation  au  XIXe  siècle  et  étudier  le  rôle  de 
l'État  dans  le  développement  des  colonies.  »  Ce  n'est  pas 
un  mémoire  qu'elle  a  reçu  en  réponse  :  c'est  un  ouvrage 
considérable,  en  trois  volumes  in-!",  d'environ  quinze 
cents  pages.  L'étude  critique  d'une  telle  œuvre  aurait 
réclame  un  temps  prolongé;  l'époque  tardive  où  j'ai  pu 
m'y  livrer  m'a  obligé  de  borner  mon  examen  à  quelques 
points  essentiels.  Au  surplus,  l'analyse  développée  qu'en 
a  donnée  notre  savant  confrère,  M.  Denis,  éclaire  toutes 
les  parties  de  cette  laborieuse  enquête  et  me  dispense 
d'entrer  dans  le  détail  des  recherches  et  des  doctrines  de 
son  auteur. 

A  serrer  les  termes  de  la  question,  il  semble  que  pour 
la  traiter  rationnellement  dans  les  limites  qu'ils  tracent, 
il  eût  pu  suflire  d'esquisser  à  grands  traits,  de  caracté- 
riser par  leurs  principes  fondamentaux,  les  systèmes  de 
colonisation  qui  ont  été  mis  à  l'épreuve  chez  les  diverses 
nations,  sous  des  climats  différents,  dans  des  conditions 
variées,  et  de  déduire  de  cette  étude  comparative  les 
bases  d'une  conception  organique,  justifiée  par  la  raison, 
sanctionnée  par  l'expérience,  conciliant  dans  une  mesure 
satisfaisante  le  pouvoir  dirigeant  de  la  métropole  avec 
l'autonomie  relative  de  la  colonie,  les  intérêts  du  peuple 
colonisateur  avec  ceux  des  races  ou  des  territoires  colo- 
nisés. On  aurait  débuté  ainsi  par  l'analyse  pour  aboutir 
à  une  synthèse,  scientifique  dans  ses  principes,  pratique 
dans  ses  conclusions.  C'est  la  voie  opposée  qu'a  prise  l'au- 
teur :  il  commence  par  la  théorie,  qui  remplit  le  premier 


(  632  ) 

tiers  de  son  ouvrage,  et  finit  par  l'histoire,  qui  occupe  tout 
le  reste.  En  t'ait,  son  travail  ressemble  plutôt  à  une  his- 
toire qu'à  une  théorie  de  la  colonisation.  N'était-ce  pas 
l'inverse  que  la  Classe  avait  demandée?  De  toute  façon, 
cette  méthode  compromet  l'unité  du  plan  et  enlève  aux 
déductions  du  tome  premier  une  part  de  leur  force 
démonstrative. 

Après  une  préface  et  une  introduction,  la  première  par- 
tie traite  exclusivement  deux  matières  :  l'émigration,  qui 
fait  l'objet  de  quatre  chapitres,  et  la  colonisation,  qui  en 
occupe  dix-sept.  La  question  de  l'émigration  est  pour 
nombre  de  pays  de  la  vieille  Europe,  encombrés  d'une 
population  surabondante,  une  préoccupation  de  premier 
ordre  :  elle  appelle  un  examen  approfondi.  L'étude  que 
nous  avons  sous  les  yeux  l'a-t-elle  poussé  assez  loin  ?  On  y 
relève  des  tendances,  des  courants  contradictoires  :  tantôt 
l'émigration  est  envisagée  comme  un  mal  contre  lequel  il 
faut  réagir,  tantôt  elle  apparaît  comme  un  instrument  de 
salut.  Pour  qu'elle  soit  et  reste  ce  qu'elle  doit  être,  un 
acte  d'initiative  privée,  il  n'est  pas  nécessaire  que  l'État 
s'abstienne  ;  au  contraire,  sa  mission  est  ici  non  seule- 
ment d'avertir,  d'informer,  mais  d'orienter,  de  conseil- 
ler, de  soutenir.  N'est-ce  pas  une  erreur  de  considérer 
l'indigence  comme  le  stimulant  principal  de  l'émigration? 
N'en  est-ce  pas  une  autre  de  compter  les  émigrés  comme 
une  force  perdue  pour  le  sol  natal?  Les  vrais  principes 
en  cette  matière  n'échappent  certes  pas  à  l'auteur  ;  mais 
l'application  qu'il  en  fait  paraît  défectueuse  et  pleine 
d'hésitations. 

La  colonisation  est  traitée  avec  plus  d'étendue  :  elle 
est,  dit  l'auteur,  «  le  grand  moyen  d'arriver  à  la  posses- 
sion du  globe,  elle  s'impose  comme  devoir  de  conserva- 


(  633  ) 

tion  »  (I,  p.  260).  En  effet,  et  il  eût  pu  ajouter  :  comme 
principe  de  progrès.  Prise  du  point  de  vue  international, 
la  colonisation  est  un  devoir  que  les  races  supérieures 
s'imposent  au  profit  des  races  arriérées  qui,  à  leur  tour, 
fécondent  et  rémunèrent  l'effort  et  les  sacrifices  consentis 
pour  les  appeler  à  la  civilisation.  Cet  aspect  moral  et 
social  de  la  colonisation  demandait  ;i  être  abordé  de 
front.  Toute  nation  qui  peut  coloniser  parce  qu'elle  dis- 
pose des  hommes  et  des  capitaux  nécessaires,  le  doit, 
sous  peine  de  manquer  à  sa  mission,  de  déchoir  parmi 
ses  émules  ou  ses  rivales,  de  compromettre  son  titre  au 
respect  universel.  Ce  point  de  vue  domine  le  débat  ;  il  se 
concilie  aisément  avec  l'intérêt  national  et  n'en  exclut 
aucune  des  préoccupations  légitimes.  La  coordination  de 
ce  double  système  de  rapports  était,  au  contraire,  de 
nature  à  dégager  des  aperçus  nouveaux,  à  préparer  la 
vraie  solution  de  l'avenir. 

Si  cette  lacune  abaisse  le  niveau  de  l'ouvrage,  les 
matières  d'application  occupent  en  revanche  de  nom- 
breux et  copieux  chapitres  :  causes  de  la  colonisation, 
diverses  espèces  de  colonies,  protectorats,  modes  et 
moyens  de  colonisation,  compagnies  à  charte,  armées 
coloniales,  colonies  pénales,  missions  et  esclavage,  quali- 
tés des  colons,  agents  coloniaux,  représentation  politique 
des  établissements  d'outre-mer,  indépendance  et  utilité 
des  colonies.  Des  notions  abondantes  et  variées  sont  accu- 
mulées sur  ces  données  qui,  si  elles  n'épuisent  pas  le  pro- 
blème colonial,  en  éclairent  au  moins  les  laces  principales. 
L'auteur  s'inspire  des  saines  doctrines  économiques;  il 
discerne  bien  les  erreurs  et  les  contradictions  de  l'ancien 
régime  colonial,  et  rompt  nettement  avec  les  préjugés 
d'un  autre  âge.  C'est  par  la  liberté,  non  par  l'autorité, 


(  634  ) 

qu'on  colonise  avec  fruit.  Des  mains  débiles,  des  aines 
inertes  ne  créenl  par  des  Etats  :  nulle  tâche  ne  réclame 
davantage  des  caractères  trempés,  des  énergies  qui 
domptent  l'obstacle  et  forcent  le  succès.  A  de  tels  élé- 
ments, on  n'impose  pas  des  lisières,  on  ouvre  la  carrière 
toute  large.  C'est  ce  qu'avait  compris  et  voulu  la  Conférence 
de  Berlin.  L'auteur  attache  avec  raison  une  haute  impor- 
tance aux  résolutions  de  cette  assemblée  qui  renouvela 
le  droit  colonial  et  y  introduisit  des  principes  nouveaux. 
On  doit  regretter  d'autant  plus  que  le  chapitre  qu'il  y 
consacre  laisse  tant  à  désirer  sous  le  rapport  de  l'exacti- 
tude des  faits  comme  de  l'interprétation  juridique  des 
clauses.  Sur  l'origine  de  cette  grande  transaction  diplo- 
matique, sur  l'aire  géographique  du  bassin  conven- 
tionnel (1),  sur  le  statut  des  compagnies  commerciales, 
sur  le  régime  de  la  navigation  et  surtout  de  la  neutralité, 
les  erreurs  sont  graves  et  fréquentes  :  elles  s'expliquent 
d'autant  moins  que  les  événements  sont  récents  et  les 
sources  authentiques  d'information  d'un  accès  aisé.  Avec 
cela,  des  citations  incorrectes  ou  sans  référence  aucune, 
et  des  digressions  qui  déroutent  par  leur  imprévu.  Le 
chapitre  relatif  à  la  traite  des  nègres  et  à  la  législation 
('•dictée  par  la  Conférence  de  Bruxelles  ne  comporte 
pas  moins  de  réserves  :  les  lacunes  de  ce  côté  sont  parti- 
culièrement apparentes,  puisqu'il  s'agit  d'un  acte  contem- 


l  Un  exemple  :  l'auteur  fait  déboucher  le  bassin  de  la  liberté  com- 
merciale sur  l'Atlantique  par  150,000  kilomètres,  sur  l'Océan  Indien 
par  2,500,000  kilomètres.  La  réalité  est  600  kilomètres  à  l'ouest, 
2,500  kilomètres  à  l'est.  Encore  faut-il  déduire  de  ce  côté  le  littoral 
portugais  de  Mozambique,  et  tenir  compte  des  anciennes  réserves 
du  Sultan  de  Zanzibar. 


63;i 

[>orain.  La  source  du  mal  es!  parloul  la  même  :  les  vues 
sont  trop  générales,  les  considérations  abstraites  domi- 
nent, l'examen  n'atteint  pas  le  fond  des  problèmes.  En 
matière  d'émigration  et  de  colonisation,  la  statistique  est 
d'un  grand  secours  :  il  convient  d'en  compulser  avec 
soin  les  éléments  et  d'interpréter  judicieusement  les 
chiffres.  Ce  moyen  efficace  de  contrôle  est  reste  dans 
l'ombre  :  son  absence  infirme  la  portée  pratique  d'un 
travail  qui  commande  la  sympathie  par  l'ampleur  de  ses 
proportions  et  la  sincérité  de  l'effort. 

L'histoire  de  la  colonisation  forme  la  seconde  partie 
de  l'ouvrage  :  elle  remplit  deux  loris  volumes.  Après  une 
esquisse  assez  sommaire,  non  à  l'abri  de  toute  critique, 
de  la  colonisation  dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge, 
railleur  passe  successivement  en  revue  les  entreprises 
coloniales  exécutées  depuis  le  XVIe  siècle  jusqu'à  nos 
jours  par  le  Portugal,  l'Espagne,  les  Pays-Bas,  l'Angle- 
terre, la  France,  la  Russie,  l'Allemagne,  l'Italie.  L'avant- 
dernier  chapitre  traite  de  la  question  coloniale  en  Bel- 
gique et  le  dernier  formule  les  conclusions  finales, 

Le  champ  d'exploration  est  vaste  :  pour  s'y  mouvoir 
avec  succès,  il  faudrait  une  érudition  peu  commune,  une 
initiation  profonde  à  nombre  de  questions  politiques  et 
sociales  de  la  nature  la  plus  complexe.  Malgré  tout  le 
désir  que  j'éprouve  de  rendre  hommage  à  l'application  de 
l'auteur,  à  la  somme  considérable  de  labeur  qu'il  a 
accomplie,  je  ne  saurais  émettre  l'opinion  qu'il  ail  réussi 
dans  sa  lourde  tache.  La  plupart  de  ses  chapitres  sont  des 
résumés  rapides,  ne  sortant  pas  des  généralités,  soule- 
vant au  passage  bien  des  objections  sous  le  rapport  de 
l'exactitude  historique.  II  convient  de  faire  une  exception 
pour  l'exposé  de  l'œuvre  coloniale  des  Pays-Bas.  surtout 


(  636  ) 

dans  la  période  contemporaine  :  î  *  -  i  l'on  sent  une  prépa- 
ration spéciale  et  la  connaissance  directe  des  sources.  Le 
tableau  est  plein  d'intérêt  :  la  question  des  cultures  for- 
cées est  traitée  avec  maturité  et  l'analyse  de  la  réforme 
entreprise  et  poursuivie  avec  persévérance  sur  ce  terrain 
donne  une  haute  idée  de  l'administration  néerlandaise  et 
de  l'esprit  colonisateur  de  la  nation. 

Il  s'en  faut  malheureusement  que  les  chapitres  consa- 
crés aux  entreprises  coloniales  des  autres  peuples  soient 
trains  avec  cette  compétence.  En  général,  l'historien 
n'est  pas  à  la  hauteur  de  l'économiste.  Les  sévères 
méthodes  de  la  critique  historique  ne  lui  semblent  pas 
familières.  Les  bibliographies  qui  précèdent  les  diverses 
parties  de  l'ouvrage  accusent  un  singulier  mélange 
d'ouvrages  d'une  valeur  fort  inégale;  elles  retardent  trop 
souvent  sur  l'état  de  la  science  et  il  n'est  pas  rare  d'y 
voir  omettre  l'œuvre  capitale  sur  la  matière.  Une  source 
largement  utilisée,  ce  sont  les  articles  de  revues  :  elle 
n'est  pas  toujours  sûre. 

Dans  une  œuvre  aussi  étendue,  d'un  caractère  presque 
encyclopédique,  on  s'étonne  que  l'expérience  coloniale 
qui  se  poursuit  depuis  1885  sous  le  nom  de  l'Etat  Indé- 
pendant du  Congo  n'ait  pas  fait  l'objet  d'une  étude  spé- 
ciale :  ii  peine  en  est-il  fait  quelques  mentions  rapides. 
Cette  abstention  s'explique  d'autant  moins  qu'elle  ne 
saurait  être  attribuée  à  un  sentiment  d'hostilité.  L'exposé 
de  l'activité  coloniale  des  Belges  aux  diverses  époques 
de  leur  histoire  est  à  peine  esquissé.  Sans  même  sortir 
de  ce  siècle,  les  tentatives  dans  cette  voie  ne  furent  pas 
rares.  La  dernière  en  date  n'est  autre  que  le  projet  de 
reprise  de  l'État  du  Congo,  qui  fit  l'objet  du  traité  du 
9  janvier  1895.  Il  semble  que  cette  transaction  tant  dis- 


(  637  ) 

eutée  et  si  peu  comprise  eût  pu  fournir  à  l'auteur  l'occa- 
sion de  terminer  sur  le  terrain  national  sa  revue  des 
entreprises  coloniales  des  peuples  européens. 

Ce  n'est  pas  sans  quelque  regret  que  j'arrive  à  la  con- 
clusion de  cet  examen.  La  (liasse  se  trouve  en  présence 
d'une  œuvre  dont  les  proportions  dépassent  le  cadre 
habituel  des  travaux  qui  lui  sont  soumis.  L'effort  est 
grand  et  sérieux:  il  témoigne  d'un  zèle  soutenu,  inspiré 
d'idées  justes  et  vraies,  dirigé  vers  un  but  élevé,  digne 
de  toute  approbation  ;  mais  cet  effort  s'est  trouvé  dispro- 
portionné aux  moyens  d'exécution.  Est-ce  le  temps  qui 
;i  l'ait  défaut?  On  peut  le  supposer,  ne  fût-ce  qu'en  con- 
statant l'état  rudimentaire  de  la  forme,  qui  réclame  une 
revision  attentive.  De  nombreux  indices  dénoncent  un 
travail  hâtif,  dominé  sans  doute  par  la  préoccupation 
d'aboutir  à  un  délai  fatal,  manifestement  trop  court  pour 
remplir  un  aussi  vaste  programme.  Dans  les  conditions 
actuelles,  le  livre  qui  nous  est  soumis  ne  peut  être  consi- 
déré comme  une  œuvre  de  science,  parce  qu'il  ne  satisfait 
pas  pleinement  aux  exigences  d'une  critique  rigoureuse. 
et  il  n'est  pas  davantage  une  œuvre  de  vulgarisation, 
parce  que  celle-ci  commande  des  vues  mieux  arrêtées, 
des  lignes  plus  précises.  Cependant  plusieurs  de  ses  par- 
ties sont  traitées  avec  un  réel  talent  et  partout  se  révèle 
un  labeur  persévérant  avec  une  intelligence  peu  commune 
des  aspects  multiples  du  problème  colonial.  Quoi  de  plus 
légitime  dès  lors  que  de  permettre  au  concurrent  de 
remettre  son  ouvrage  sur  le  métier,  de  lui  donner  le 
temps  nécessaire  pour  mûrir  sa  pensée,  étendre  et  appro- 
fondir ses  recherches?  En  décidant,  dès  à  présent,  de 
maintenir  la  question  de  la  colonisation  au  concours,  la 
Classe  garderait  la  confiance  de  recevoir  dans  quelques 


(  638  ) 

années  une  œuvre  qu'elle  pourrait  couronner  en  toute 
sécurité  et  qui  assignerait  à  son  auteur  un  rang  en  rap- 
port avec  son  incontestable  mérite.  » 


J<<</>/<<>»  I    il,-    in.    If   cheraléff    Op«rnmp«, 
/»•«#»'»»»•*»«»•  <(><><><<  ls»a  if  *■ 

«  Après  les  rapports  étendus  de  mes  honorés  confrères, 
MM.  Denis  et  Banning,  ma  tâche  est  simplifiée  et  je  puis 
me  borner  à  formuler  brièvement  mon  opinion  concer- 
nant le  mémoire  qui  nous  est  soumis. 

Je  me  rallie  à  l'opinion  de  M.  Banning.  Je  ne  le  fais 
pas  sans  hésitation  et  sans  un  vif  regret,  car  des  efforts 
comme  ceux  qu'atteste  le  mémoire  semblent  mériter  une 
récompense  immédiate.  Malgré  les  défauts  de  méthode 
et  les  inégalités  qui  existent  entre  les  diverses  parties  de 
cet  ouvrage,  malgré  les  négligences  de  forme  relevées  par 
mes  honorés  confrères,  il  y  a  dans  ce  travail  une  .étude 
consciencieuse  et  remarquable  du  problème  colonial  sous 
ses  multiples  aspects.  Aussi  ai-je  la  confiance  que  le  délai 
nouveau  éventuellement  accordé  par  l'Académie  aura  pour 
conséquence,  non  de  décourager  l'auteur  très  méritant  du 
mémoire,  mais  de  lui  permettre,  en  profitant  des  cri- 
tiques dont  son  ouvrage  a  été  l'objet,  de  nous  présenter 
une  œuvre  de  nature  à  taire  honneur,  de  tous  points,  ii 
notre  littérature  nationale.  » 

La  (liasse,  adoptant  les  propositions  de  ses  commis- 
saires, n'a  pas  décerné  le  prix  proposé. 

La  question  sera  remise  au  concours  pour  1899. 


(  659  ) 


PRIX   PERPÉTUELS. 

V  r  i  v    Joseph    G  à  n  t  r  e  l  le. 
Philologie  classique. 

(Troisième  période  :    1895-1896.) 

PREMIÈRE    QUESTION. 

Préparer  une  édition  critique  des  «  Vies  des  douze 
Césars  »,  par  Suétone. 

«  Je  ne  cacherai  pas  à  l'Académie  que  j'ai  éprouvé  une 
vive  satisfaction  en  examinant  le  mémoire  qui  porte  pour 
épigraphe  :  Ne  quid  nimis,  el  qui  répond  à  la  question  : 
Préparer  une  édition  critique  des  «  Vies  des  douze  Césars  ». 
par  Suétone.  Dès  la  première  lecture,  je  me  suis  senti  en 
présence  d'une  œuvre  véritablement  scientifique,  et  une 
étude  plus  approfondie  n'a  fait  que  confirmer  cette 
impression. 

Le  sujet  proposé  était  singulièrement  difficile.  Les 
manuscrits  de  Suétone  sont  nombreux,  et  ils  ne  sont  (je 
parle  même  des  meilleurs)  qu'imparfaitement  connus. 
Quels  sont  ceux  qu'il  faut  choisir  pour  guides  et  comment 
convient-il  de  les  classer?  Roth  et  G.  Becker  ont  assuré- 
ment contribué  à  élucider  ce  problème  compliqué,  mais 
ils  sont  loin  de  l'avoir  complètement  résolu  et,  sur  plu- 


(  640  ; 

sieurs  points,  leurs  conclusions  sonl  erronées  ou  contes- 
tables :  il  n'en  pouvait  être  autrement,  car  ils  n'avaient 
pas  suffisamment  étendu  leur  enquête. 

Après  le  choix  des  manuscrits  vient  le  choix  des  leçons, 
opération  délicate,  qui  dépend  sans  doute  de  la  première, 
mais  qui  en  est  distincte;  il  ne  s'agit  pas,  en  effet,  de 
suivre  aveuglément  tel  manuscrit  ou  telle  famille  de  ma- 
nuscrits :  les  témoignages  doivent  être  à  chaque  instant 
comparés  et  pesés;  or  les  cas  embarrassants  ne  sont  pas 
rares  dans  Suétone. 

Enfin  le  texte  des  Vies  des  douze  Césars  est  corrompu 
en  maint  endroit  et  ne  peut  être  rétabli  que  par  con- 
jecture. Ce  n'était  pas  une  tâche  aisée  que  de  réunir 
les  corrections  qui  ont  été  proposées  non  seulement 
dans  les  anciennes  éditions,  les  commentaires,  les 
Adversaria,  etc.,  mais  encore  dans  les  journaux  savants, 
les  dissertations  spéciales,  les  livres  d'histoire  et  les  trai- 
tés d'antiquités;  de  discerner  celles  qui  méritent  d'être 
introduites  dans  le  texte  d'avec  celles  qui  ne  sont  que 
vraisemblables  ou  propres  à  en  suggérer  de  meilleures,  et 
d'apporter  à  la  restitution  des  passages  altérés  sa  contri- 
bution personnelle. 

L'auteur  du  mémoire  a  abordé  franchement  toutes  ces 
ditïicultés  et  il  n'a  pas  épargné  sa  peine  pour  satisfaire  à 
toutes  les  conditions  qu'on  exige  aujourd'hui  d'une  bonne 
édition  critique. 

Il  a  commencé  naturellement  par  se  rendre  compte  de 
l'état  des  sources.  Dans  son  Introduction,  il  nous  signale 
1Ô7  manuscrits  de  Suétone.  Il  a  vu  lui-même  tous  ceux 
de  Paris,  de  Londres,  de  Florence,  de  Rome,  de  Naples, 
de  Venise,  de  Milan,  de  Berne,  de  Soissons,  de  Montpel- 
lier, de  Leyde  et  de  Harlem;  pour  les  autres  (du  moins 


v  641  ) 
pour  ceux  qui  lui  paraissaient  présenter  quelque  intérêtjr, 
il  s'est  procuré  les  renseignements  nécessaires  en  s'adres- 
sant  à  des  personnes  compétentes.  Les  manuscrits  les 
plus  importants  ont  été  collationnés  en  entier  (4)  et,  ce 
semble,  avec  beaucoup  de  soin. 

Une  t'ois  en  possession  de  ces  riches  matériaux,  l'au- 
teur s'est  appliqué  à  établir  la  généalogie  des  manuscrits. 
Sa  classification  diiîère  sensiblement  de  celles  de  Roth 
et  de  G.  Becker.  Il  divise  tous  les  manuscrits  de  Suétone 
en  deux  grandes  classes,  qu'il  désigne  par  X  et  par  /. 
Dans  la  première,  qui  est  aussi  la  meilleure,  il  place  le 
M(  minianus  (A),  dont  la  primauté  est  incontestable,  le 
Valkanus  1904  (B),  le  Gudianus  268  (C),  le  Parisinus 
5804  (D)  et  l'archétype,  aujourd'hui  perdu  (x'),  d'un 
groupe  formé  par  le  Mediceus  tertius  ou  Laurenrianus 
(>8,7  (a),  le  Parisinus  5801  (b),  le  Mediceus  primus  ou 
Laurentianus  66,39  (c)  avec  son  descendant  le  Bemensis 
104  (d),  et  le  Montepessulanus  (f).  B  et  x'  semblent  déri- 
ver d'un  même  manuscrit  perdu  (x),  frère  de  A.  La 
seconde  classe  comprend  quatre  manuscrits  principaux  : 
le  Londinensis  Regius  15  C  111  (a),  le  Parisinus  6146  (js), 
le  Parisinus  5802  (y)  et  le  Suessionensis  (-),  ainsi  qu'un 
certain  nombre  de  manuscrits  de  moindre  valeur.  Quant 
à  la  tourbe  des  détériores  (quelques  manuscrits  du  XIVe 
siècle  et  tous  ceux  du  XVe),  l'auteur  l'écarté  résolument 
comme  dépourvue  de  toute  autorité.  Je  n'oserais  affirmer 
que  cette  classification  est  irréprochable  et  définitive; 
mais  en   tout  cas  elle  me  semble  bien  plus  près  de  la 


(t)  Pour  le  Gudianus,  l'auteur,   n'ayant  |>u  le  consulter,  a  dû  se 
contenter  d'une  collation  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  Gôttingue. 
3",e    SÉRIE,    TOME    XXXlll.  i2 


(  642  ) 
vérité  que  celles  île  Hoth  et  de  G.  Becker,  et  elle  marque  un 
progrès  considérable  dans  la  critique  de  Suétone.  Ajou- 
tons que  l'auteur  a  redressé  en  passant  plus  d'une  erreur 
de  ses  devanciers  et  qu'il  a  réussi  à  identifier  bon  nom- 
bre de  manuscrits  qui  avaient  servi  à  divers  savants  et 
dont  on  ne  connaissait  pas  exactement  le  caractère  et  la 
valeur. 

Dans  la  constitution  du  texte,  il  a  procédé  avec  tact  cl 
avec  prudence.  Il  a  pris  pour  base  le  Memmianus ;  mais, 
sans  verser  dans  un  éclectisme  arbitraire,  et  appliquant 
une  saine  méthode,  il  n'a  pas  hésité  à  adopter  de  bonnes 
leçons  que  lui  fournissaient  les  autres  manuscrits,  et  dont 
une  partie  était  ignorée  jusqu'ici.  Pour  les  conjectures, 
il  s'est  montré  très  réservé  et  n'a  admis  que  les  plus  cer- 
taines; il  n'en  a  lui-même  hasardé  qu'une  ou  deux. 

L'apparat  critique  est  fort  bien  rédigé  ;  je  n'en  saurais 
assez  louer  la  clarté  et  la  sobriété.  Les  variantes  inutiles 
ont  été  laissées  de  côté;  en  revanche,  les  indications  pré- 
cieuses y  abondent.  Les  conjectures  des  savants  sont 
séparées  des  leçons  des  manuscrits;  celte  disposition 
permet  de  mesurer  le  chemin  parcouru  depuis  que  les 
efforts  de  la  critique  se  sont  portés  sur  Suétone. 

Le  concurrent,  avec  une  franchise  qui  l'honore,  déclare 
qu'il  n'a  pas  eu  le  temps  de  mettre  la  dernière  main  a 
son  travail.  Son  Introduction  est,  en  effet,  écourtée;  il  n'a 
pu  développer  toutes  ses  idées  ni  donner  toutes  les  preu- 
ves à  l'appui  de  ses  assertions;  il  a  été  obligé  de  suspen- 
dre son  jugement  sur  des  questions  de  détail,  sur  des 
passages  controversés;  je  pourrais  aussi  relever  ça  et  là 
de  légères  inadvertances.  Mais  les  résultats  auxquels  il  est 
parvenu  dans  le  trop  court  délai  qui  lui  a  été  accordé 
sont  un  sûr  garant  qu'il  sera  bientôt  à  même  de  livrer  à 


(  M5  ) 
la  publicité  son  ouvrage  entièrement  achevé  ci  amélioré 
par  une  révision  attentive,  et  je  ne  doute  pas  que  cotte 
édition,  préparée  avec  tant  de  zèle,  d'intelligence  et  de 
méthode,  ne  tasse  honneur  à  la  science  belge. 

Pour  ces  considérations,  j'estime  que  le  mémoire  por- 
tant pour  épigraphe  Nequid  m'mis est  digne  du  prix.  » 


ttappoi't  tin  .Vf.  f*a  II  illtttti,  ilt-ux  irnif  rAHiiiiiunirr. 

«  Notre  savant  confrère,  M.  Thomas,  a  exposé  les 
mérites  du  mémoire  envoyé  en  réponse  à  la  question  : 
Préparer  une  édition  critique  des  «  Vies  des  douze  Césars  », 
par  Suétone. 

Il  a  mis  parfaitement  en  lumière  le  labeur  immense, 
souvent  aride,  que  le  concurrent  s'est  imposé,  et  il  a  fait 
ressortir  les  résultats  acquis  :  une  connaissance  plus 
approfondie  de  l'histoire  et  du  texte  de  nombreux  manu- 
scrits, une  classification  plus  exacte  de  ces  manuscrits, 
et  partant  une  base  plus  certaine  pour  la  constitution 
du  texte  de  Suétone:  enfin,  la  rédaction  d'un  apparat 
critique  perpétuel  et  complet,  rédigé  avec  soin  et  confor- 
mément au  système  du  concurrent  sur  la  valeur  relative 
des  manuscrits. 

Toute  cette  partie  mérite  les  grands  éloges  que  notre 
honoré  confrère  lui  décerne. 

Mais  il  restait  une  seconde  partie,  où  l'auteur  avait 
spécialement  l'occasion  de  faire  preuve  de  ses  aptitudes 
critiques.  C'est  la  constitution  du  texte.  Je  suis  porté  à 
croire  que  le  défaut  de  temps  aura  empêché  l'auteur  de 
mettre   la   dernière   main   à    cette    partie.   En  effet,  je 


(  044  ) 


remarque  que  le  texte  qui  nous  est  proposé  est  celui  de 
Roth,  modifié  seulement  dans  une  cinquantaine  de  pas- 
sages, et  encore  ces  modilications  portent  souvent  sur 
d'anciennes  corrections  ou  conjectures  reprises,  ou  par- 
fois sur  des  détails  d'orthographe.  Les  corrections  diplo- 
matiques introduites  dans  le  texte  sont  peu  nombreuses, 
et,  à  quelques  exceptions  près,  d'une  importance  secon- 
daire. J'en  conclus  que,  ou  bien  l'édition  de  Roth  était 
quasi  parfaite,  ce  qui  écarterait  la  nécessité  d'une,  édi- 
tion critique  nouvelle,  ou  bien  les  résultats  pratiques 
obtenus  par  le  concurrent  ne  sont  pas  en  rapport  avec  la 
somme  de  travail  préparatoire  fournie.  C'est  ce  qui  me 
porte  à  croire,  et  d'ailleurs  l'auteur  en  convient,  que  le 
concurrent  n'a  pas  eu  le  temps  de  mûrir  la  constitution 
définitive  du  texte. 

Bref,  comme  M.  Thomas,  je  suis  d'avis  que  l'énorme 
travail  fourni,  de  même  que  les  résultats  déjà  acquis, 
méritent  la  récompense  du  prix,  mais  que  si  l'édition  de 
Suétone  était  imprimée  aux  frais  de  l'Académie,  le  travail 
devrait  être  revisé,  et  après  revision,  être  soumis  à  nou- 
veau à  la  Classe.   » 


lln/t/Hit'l  dtf    11.    I  «//«/»  «»//    lf«i»iètne  rouiuii'nah'e. 

«  Je  n'hésite  pas  à  me  rallier  aux  conclusions  de  mes 
savants  confrères,  MM.  Thomas  et  P.  Willems. 

Le  concurrent  n'a  pas  présenté,  il  est  vrai,  à  l'Acadé- 
mie, une  édition  nouvelle  de  Suétone  :  nous  ne  pouvons 
pas  même  juger  par  son  mémoire  s'il  possède  les  quali- 
tés d'esprit  très  spéciales,  indispensables  pour  bien 
accomplir  une  tâche  si  difficile.  Cependant,  son  travail, 


(  613  ) 
qu'il  nous  es!  évidemment  impossible  d<  contrôler  dans 
tous  ses  détails,  mais  qui  nous  semble  être  fait  avec  beau- 
coup de  soin,  mérite  sans  doute  d'être  considéré  comme 
une  bonne  préparation  d'une  édition  de  Suétone. 

L'apparat  critique  est  très  bien  rédigé. 

Le  concurrent  a  répondu  sous  ce  rapport  au  vœu  de 
l'Académie,  et  je  propose  donc  de  lui  décerner  le  prix.  » 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires,  a  décerné  le  prix  proposé  (3,000  francs)  à 
l'auteur  de  ce  travail,  M.  L.  Preud'honime,  à  Gand. 


DEUXIÈME    QUESTION. 

Étude  sur  l'art  oratoire,  la  langue  et  le  style  (THypéride. 

/{»;>//<>t«  tfr  M.    l'ollgtutff,  f(t'«>uii>>'  eommiaiaire. 

«  La  Classe  des  lettres  a  reçu,  en  réponse  à  cette  ques- 
tion, deux  mémoires  d'étendue  et  de  valeur  très  di île- 
rentes. 

Le  n°  t  porte  pour  devise  : 

"A  OettIv  â'^avT|,  âvàvxr, 
-où;  owàffxovTaç 

TcXf/VpW'.Ç  XX'.  ~o~.q 

H  y  péri  de  (frag.  195  Blass) 

et  se  compose  de  105  pages;  le  n"  2  porte  la  devise  : 
Ense  et  calamo  et  ne  se  compose  que  de  61  pages. 

Le  second  travail,  fort  mal  rédigé  et  fort  incomplet,  ne 
saurait  en  aucune  façon  être  considéré  comme  répondant 
au  vœu  de  l'Académie. 


(  646  ) 

L'auteur,  très  faible  helléniste  et  qui  semble  ignorer 
jusqu'à  l'accentuation  du  grec,  ne  s'est  occupé  ni  de  l'art 
oratoire  ni  du  style  de  l'orateur.  11  se  borne  à  nous 
entretenir  de  la  langue  d'Hypéride  ou  plutôt  à  présenter 
une  série  d'observations  grammaticales  incohérentes  et  en 
grande  partie  inexactes  sur  :  a)  lés  prépositions  et  leurs 
régimes;  b)  l'emploi  des  cas  et  des  temps. 

En  ce  qui  concerne  sa  méthode,  il  la  caractérise  eu  ces 
termes  : 

«  Lorsqu'il  nous  paraîtra  que  la  langue  de  notre 
auteur  n'est  autre  que  la  langue  classique  ou  usuelle, 
nous  nous  bornerons  à  l'indiquer  d'un  mot,  en  ayantsoin, 
toutefois,  même  en  ce  cas,  de  citer,  empruntés  aux  prin- 
cipaux auteurs  grecs,  quelques  exemples  bien  choisis  de 
l'explication  (?)  dont  il  s'agit.  » 

Je  suis  convaincu  que  mes  collègues  estimeront  que  ce 
travail  partiel  ne  peut,  à  aucun  point  de  vue,  prétendre 
à  l'obtention  du  prix. 

Le  premier  mémoire,  au  contraire,  contient  un  examen 
complet  et  bien  coordonné. 

Après  une  introduction  générale  sur  la  vie  et  les  dis- 
cours d'Hypéride,  l'auteurétudie  successivement,  et  d'une 
façon  détaillée,  les  traits  caractéristiques  de  son  énergi- 
que et  touchante  éloquence  dans  l'admirable  arrangement 
de  ses  discours  ;  dans  son  pathétique  plein  d'esprit 
qu'anime  et  colore  presque  toujours  le  mouvement  d'une 
imagination  vive  et  ingénieuse;  dans  ses  mœurs  oratoires 
et  dans  son  invention. 

Partout  l'auteur  observe  une  louable  exactitude  dans 
les  nombreuses  citations  des  textes  et  des  travaux  philo- 
logiques anciens  et  modernes  qu'il  a  consultés,  et  nous 
montre,  par  des  exemples  généralement   bien   choisis. 


(  647  ) 

dans  les  différentes  parties  de  l'éloquence  d'Hypéride, 
tonte  cette  simplicité,  cette  souplesse  et  cette  vigueur  que 
lui  reconnaissait  Denys  d'Halicarnasse. 

Avec  le  même  soin,  il  examine  ensuite,  dans  deux 
longs  chapitres,  les  particularités  de  la  langue  et  du  style. 

k  En  somme,  lisons-nous  dans  sa  conclusion,  le  style 
d'Hypéride  est  clair  et  naturel.  Soignant  particulière- 
ment le  fond  de  ses  discours  et  sans  trop  se  soucier  de  la 
forme,  il  réalise,  connue  écrivain,  la  pensée  de  Boileau, 

Ce  que  l'on  conçoit  bien  s'énonce  clairement.  » 

On  peut  dire  que  l'auteur  de  ce  mémoire  mérite  lui- 
même,  dans  une  certaine  mesure,  cet  éloge. 

Sans  doute,  il  ne  serait  pas  bien  difficile  de  faire  quel- 
ques observations  et  quelques  critiques  de  détail.  Parfois 
l'auteur,  épris  de  son  sujet,  découvre  des  ligures  et  des 
beautés  littéraires  jusque  dans  les  fragments  les  plus 
arides  et  les  plus  insignifiants.  Non  rarement  le  lecteur 
attentif  est  péniblement  surpris  par  quelque  grave  faute 
d'accentuation  comme  fioùX/j,  fera;,  xaO(<rraç,  çpârai,  etc. 
Tantôt  l'auteur  ajoute  aux  passages  cités  une  traduction, 
tantôt  il  l'omet  :  on  ne  voit  pas  trop  bien  la  règle  qu'il 
s'est  imposée.  Si  la  traduction  est  utile  —  ce  qui  nous 
semble  contestable  -  -  pourquoi  ne  traduit-il  pas  tou- 
jours? Et  s'il  donne  une  traduction,  pourquoi  pas  plutôt 
la  sienne  que  celle  de  Caffiaux  ou  de  Weil  ? 

'Mais,  d'une  façon  générale,  le  mémoire  qui  a  pour 
devise  le  fragment  195  d'Hypéride,  nous  paraît  très  bien 
fait,  et  nous  n'hésitons  pas  à  proposer  à  la  (liasse  de  lui 
conférer  la  palme.  » 


(  648  ) 

«  Je  suis  parfaitement  d'accord  avec  mon  savant  con- 
frère, M.  Vollgraff,  au  sujet  de  la  valeur  des  deux  mémoires 
envoyés  en  réponse  à  la  question  :  Etude  sur  l'art  ora- 
toire, la  langue  et  le  style  d'Hypéride. 

Inutile  de  nous  arrêter  au  mémoire  n°  2,  qui  a  pour 
devise  :  Ense  et  calamo.  Il  ne  traite  pas,  il  n'effleure 
pas  même  le  sujet  proposé.  Ce  sont  des  notes  de  gram- 
maire grecque  plus  ou  moins  exactes,  jetées  sur  le  papier 
au  courant  de  la  plume,  pendant  une  première  lecture 
d'Hypéride. 

Tout  autre  est  le  mémoire  n°  1,  qui  porte  comme 
devise  :  a  8'êarlv  ctyav9j,  x.  t.  X.  Il  compte  cent  soixante- 
trois  pages  in-folio,  non  compris  les  notes  inscrites  en 
regard  sur  le  verso  des  pages. 

Les  neuf  premières  pages  contiennent  une  Introduc- 
tion sur  la  vie  et  les  discours  d'Hypéride.  Des  pages 
suivantes,  soixante-dix-sept  sont  consacrées  à  l'art  ora- 
toire, vingt-six  à  la  langue  et  cinquante-deux  au  style 
d'Hypéride. 

L'auteur  a  donc  traité  toute  la  matière  qui  lui  était 
imposée.  Toutes  les  questions  relatives  à  l'art  oratoire  et 
au  style  ont  été  élucidées  à  la  lumière  de  la  théorie  des 
anciens  sur  la  rhétorique,  théorie  que  l'auteur  possède 
à  fond  ,  de  même  que  la  connaissance  étendue  qu'il 
a  des  orateurs  attiques  et  même  des  écrivains  grecs 
en  général  lui  a  permis  de  faire  à  chaque  instant  des 
rapprochements  intéressants  et  de  déterminer  avec  une 
grande  précision  ce  en  quoi  Hypéride  ressemble  aux  ora- 
teurs attiques  qui  l'ont  précédé  ou  qui  furent  ses  contem- 
porains et  ce  en  quoi  il  en  diffère. 


049 

Pour  faire  ressortir  retendue  <le  ses  recherches,  il 
suffira  d'énumérer  les  subdivisions  des  trois  chapitres 
principaux.  Dans  l'art  oratoire,  l'auteur  étudie,  en  pre- 
mier lieu,  l'arrangement  des  discours;  en  second  lieu, 
leurs  différentes  parties,  à  savoir  :  l'exorde,  la  proposi- 
tion, l'ephodos,  la  narration,  la  confirmation  et  la  réfu- 
tation, et  enfin  la  péroraison:  en  troisième  lieu,  le 
pathétique;  en  quatrième  lieu,  les  mœurs  oratoires;  en 
cinquième  lieu,  l'invention. 

Au  point  de  vue  de  la  langue,  l'auteur  examine  ce  que 
les  discours  d'Hypéride  contiennent  d'anti-attique,  c'est- 
à-dire  les  répétitions  des  mêmes  termes  et  les  termes 
impropres,  les  néologismes,  les  mots  empruntés  aux 
poètes  comiques,  auxquels  on  peut  ajouter  les  proverbes 
et  les  sobriquets,  les  termes  empruntés  à  la  poésie,  enfin 
les  négligences  au  point  de  vue  du  dialecte  et  de  la  gram- 
maire. 

Pour  apprécier  le  style  d'Hypéride,  l'auteur  étudie  suc- 
cessivement les  différents  éléments  qui,  dit-il,  constituent 
le  style  :  la  construction  de  la  phrase,  la  place  des  mots, 
les  figures,  l'hiatus,  le  rythme  et  la  période. 

L'auteur  a  choisi  avec  soin  dans  les  œuvres  d'Hypéride 
les  passages  les  plus  propres  à  résoudre  toutes  ces  ques- 
tions si  nombreuses  et  si  variées.  Et  l'étude  de  chacun 
de  ces  passages  est  l'œuvre  d'un  esprit  exact,  judicieux, 
critique,  qui  sait  apprécier  la  valeur  littéraire  d'un  pas- 
sage et  exprimer  simplement,  mais  correctement,  son 
opinion. 

Aussi  les  mérites  de  ce  mémoire  ne  sont  guère  dimi- 
nués par  quelques  critiques  de  détail  qu'on  pourrait 
présenter.  Je  ne  m'arrêterai  pas  à  quelques  fautes  d'ac- 
centuation   par   lesquelles  mon   honore  confrère   a   été 


(Î50  ) 

péniblement  surpris.  La  copie  du  manuscrit  n'est  évi- 
demment pas  de  la  main  de  l'auteur,  mais  d'un  copiste 
qui  ne  savait  probablement  pas  le  grec.  Je  reprocherais 
plutôt  à  l'auteur  d'avoir  traité  plus  brièvement  que 
les  autres  parties  ce  qui  est  relatif  à  la  langue  d'Hypé- 
ride,  spécialement  en  ce  qui  concerne  la  grammaire  et  la 
syntaxe.  Je  serais  étonné  si,  sous  ce  rapport,  il  n'y  avait 
pas  d'autres  particularités  dans  la  langue  d'Hypéride  que 
celles  qui  sont  notées  dans  ce  mémoire. 

Nos  confrères  se  rappellent  que  la  question  sur  Hypé- 
ridea  été  mise  au  concours  parce  que  la  découverte 
relativement  récente  de  nouveaux  textes  permet  enfin  de 
vérifier  l'opinion  des  critiques  anciens  sur  les  mérites  de 
cet  orateur  et  de  lui  assigner  le  rang  qui  lui  est  dû  parmi 
les  orateurs  attiques. 

L'auteur  du  mémoire  n°  1  a  parfaitement  résolu  ce 
problème,  et,  de  même  que  mon  honoré  confrère,  je 
n'hésite  pas  à  proposer  à  la  Classe  de  couronner  ce 
mémoire.   » 


Itattfsoi'i   «/*»     fi      f      lhii«i/ii,    li-i>tftcifr   fon*n*i**aéf« , 

«  Mes  savants  confrères  proposent  d'écarter  le  mémoire 
n°  2  et  d'accorder  le  prix  au  mémoire  n°  1.  Sur  le  pre- 
mier point,  je  suis  entièrement  d'accord  avec  eux  ;  sur  le 
second,  j'aurais  quelques  observations  à  présenter. 

Le  mémoire  n°  1  est  mal  écrit  :  les  incorrections  gram- 
maticales, les  expressions  impropres,  les  tournures 
lourdes  et  négligées,  y  abondent.  Choquant  en  tout  genre 
d'ouvrage,  ce  défaut  est  particulièrement  grave  dans  une 
étude  littéraire,  et  je  ne  puis  approuver  qu'on  analyse  en 
mauvais  style  les  beautés  d'un  orateur  attique. 


(  651   ) 


De  plus,  il  conviendrait  de  supprimer  certaines  ré- 
flexions un  peu  naïves  et  certaines  répétitions  vraiment 
intolérables. 

Enfln,  le  sujet  ne  me  parait  pas  épuisé;  la  partie 
grammaticale  notamment  est,  comme  l'a  remarqué 
M.  P.  Willems,  excessivement  maigre. 

Toutefois,  comme  ce  mémoire  a  des  qualités  sérieuses, 
je  me  rallierai  à  l'avis  des  deux  premiers  commissaires  ; 
seulement,  j'engagerai  l'auteur  à  revoir  très  attentive- 
ment son  travail  avant  de  le  livrer  à  la  publicité.  » 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de 
ses  commissaires,  a  décerné  le  prix  proposé  (3,000  francs) 
à  l'auteur  du  travail  n°  1,  M.  Simon  Kayser,  professeur 
au  Collège  communal  de  Nivelles. 


ELECTIONS. 


La  Classe  procède  à  ses  élections  annuelles;  les  résul- 
tats seront  proclamés  dans  la  séance  publique  du  12  mai. 

M.  Alph.  Wauters  est  réélu  délégué  de  la  Classe 
auprès  de  la  Commission  administrative  pour  l'exer- 
cice 1897-1898. 

PRÉPARATIFS    DE    LA    SÉANCE    PUBLIQUE. 

Conformément  à  l'article  15  du  règlement  de  la  Classe, 
MM.  le  comte  Goblet  d'Alviella  et  Ad.  Prins  soumettent 
leurs  communications  pour  la  séance  publique. 


(  652  ) 


Cll«4««i;   DES   LETTRES. 


Séance  publique  du   12  mai  1897. 

M.  le  comte  Goblet  cI'Alviella,  directeur,  président  de 
l'Académie. 
M.  le  chevalier  Edmond  Marchai, ,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  S.  Bormans,  Ch.  Potvin,  Ch.  Loo- 
mans,  G.  Tiberghien,  L.  Vanderkindere,  Ad.  Prins, 
,l.  Vuylsteke,  Ém.  Banning,  A.  Giron,  le  baron  J.  de 
ChestretdeHaneffe,  Paul  Fredericq,  God.  Kurth,  Mesdach 
de  ter  Kiele,  G.  Monchamp,  membres;  Alph.  Rivier, 
J.-C.  Vollgraff,  associés;  C.  De  Smedt,  Alph.  Willems  et 
Jules  Leclercq,  correspondants. 

Assistent  à  la  séance  : 

Classe  des  sciences.  —  MM.  Éd.  Dupont,  vice-directeur; 
G.  Dewalque,  E.  Candèze.  Éd.  Van  Beneden,  C.  Malaise, 
F.  Folie,  Alph.  Briarl,  Fr.  Crépin,  J.  de  Tilly,  Ch.  Van 
Bambeke,  G.  Van  der  Mensbrugghe,  Louis  Henry,  P.  De 
Heen,  C.  Le  Paige,  J.  Deruyts,  Léon  Fredericq,  membres; 
Ch.  de  la  Vallée  Poussin,  associé;  L.  Errera,  correspon- 
dant. 

Classe  i>ks  beauv-auts.  --  MM.  Charles  Tardieu,  vice- 
directeur;  Éd.  Fétis,  F. -A.  Gevaert,  Ad.  Samuel, 
Th.  Radoux,  Joseph  .laquet,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays, 


(  653 
(..    De   Groot,   Gustave   Biot,   Joseph   Stallaert,    Alex. 
Markelbach,  Max.  Rooses,  G.  Huberti,  A.  Hennebicq, 
Ed.  Van  Even,  AU'.  Cluysenaar,  J.  Winderset  IL  Maquet, 

membres. 

A  *2  heures,  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella  ouvre  la 
séance  et  prononce  le  discours  d'usage;  il  a  pour  titre  : 

Les  (hecs  dans  l'Inde,  essai  de  résiliation  historique. 

L'Inde  antérieure  aux  invasions  musulmanes  nous  a 
longtemps  étonnés  par  le  contraste  entre  l'éclat  de  sa  cul- 
ture et  l'obscurité  de  son  histoire.  A  n'en  juger  que  par 
les  indications  éparses  dans  l'énorme  masse  des  documents 
indigènes,  on  ne  se  douterait  guère  que  le  grec  est  resté, 
pendant  plusieurs  siècles,  la  langue  officielle  dans  tout 
le  nord-ouest  de  la  péninsule,  et  que  des  souverains 
helléniques  s'y  sont  transmis,  pendant  de  nombreuses 
générations,  un  empire  dont  Strabon  a  pu  «lire  à  un 
moment  donné  :  «  Il  finit  par  posséder  plus  de  sujets  et 
de  tributaires  que  n'en  a  compté  Alexandre  (1).  » 

L'est  que  les  Indiens  ont  toujours  voulu  envisager  les 
laits  historiques  comme  des  incidents  secondaires  de  leur 
vie  sociale  et  religieuse,  tout  au  plus  propres  à  fournir 
des  exemples  grammaticaux,  des  titres  généalogiques  ou 
des  thèmes  édiliants.  Ajoutez  que,  pour  cette  race  éprise 
de  son  isolement  et  convaincue  de  sa  supériorité,  les 
Grecs,  les  Yavanas,  n'ont  jamais  été  que  des  étrangers, 
des  barbares,  des  infidèles,  des  agités,  —  des  sans-caste, 


(i)  Sthabon,  Géographie,  liv.  M,  chap.  XI,  !, 


(  654  ) 

ce  qui,  daii6  la  société  hindoue,  est  le  dernier  terme 
de  la  dégradation. 

D'autre  part,  les  Grecs  de  l'Inde  furent  bientôt  coupés 
du  monde  hellénique  par  toute  l'épaisseur  de  l'empire 
parthe.  et,  pendant  longtemps,  leurs  destinées  ne  nous 
ont  été  connues  que  grâce  à  quelques  allusions  brèves  et 
isolées  des  auteurs  classiques,  comme  Justin,  Plutarque 
et  Strabon. 

Cependant,  l'Inde  n'a  pu  se  dérober  aux  entreprises 
des  sciences  historiques,  qui  ont  renouvelé  de  nos  jours 
la  connaissance  de  l'Orient.  Une  investigation  plus  com- 
plète et  une  interprétation  plus  rigoureuse  des  documents 
indigènes  ont  conduit  à  d'ingénieux  rapprochements  avec 
les  informations  contenues  non  seulement  dans  les  histo- 
riens et  les  géographes  classiques,  mais  encore  dans  les 
voyageurs  et  les  annalistes  chinois.  L'archéologie,  l'épi- 
graphie,  la  numismatique,  mettant  à  profit  les  matériaux 
amassés  par  des  explorations  de  plus  en  plus  fécondes, 
ont  apporté  à  leur  tour  des  renseignements  qui  ont 
contrôlé  et,  sur  bien  des  points,  complété  les  décou- 
vertes de  la  critique  littéraire.  On  ne  s'est  plus  contenté 
d'approfondir  l'histoire  de  la  domination  hellénique  au 
sud  de  l'Hindou-Koush  ;  on  a  cherché  à  déterminer  la  part 
des  influences  classiques  dans  le  développement  artis- 
tique, littéraire,  voire  social  et  religieux,  de  cette  civili- 
sation indienne,  qui  a  passé,  jusqu'à  nos  jours,  pour  ne 
rien  devoir  à  personne  et  où  même,  à  plus  d'une  reprise, 
des  esprits  enthousiastes  ont  cherché  les  origines  pre- 
mières de  notre  propre  culture. 

Parmi  les  indianistes  qui  ont  le  plus  contribué  à  l'élu- 
cidation  de  ces  problèmes,  nous  devons  mentionner  en 
premier  lieu  Lassen,  qui,  dans  son  Indische  Alterthums- 


(  655  ) 

kunde,  publié  il  y  a  un  demi-siècle,  avait  rassemblé  et 
commenté,  avec  autant  de  sagacité  que  d'érudition,  tous 
les  textes  de  la  littérature  classique  relatifs  à  l'Inde.  De  son 
côté,  M.  Albrechl  Weber  s'est  attaché,  dans  de  nombreux 
et  brillants  travaux  qui  couvrent  un  espace  de  près  de  (in- 
cluante ans,  ii  rechercher,  dans  les  productions  littéraires 
de  l'Inde,  tous  les  indices  qui  dénotent  une  inspiration 
hellénique  fl).  S'adressant  aux  mêmes  sources  que  l'émi- 
nent  indianiste  allemand,  un  jeune  savant  français, 
actuellement  professeur  au  Collège  de  France,  M.  Syl- 
vain Lévy,  a  réuni  en  î8«»0,  dans  une  thèse  latine  :  Quid 
de  Grœcis  veterum  Indorum  monumenta  tradiderint,  les 
passages  relatifs  aux  Grecs,  qui  se  rencontrent  dans  les 
traités  et  les  monuments  de  l'Inde  antique.  En  même 
temps,  un  membre  de  l'Institut,  M.  Emile  Sénart,  tirait 
de  la  savante  critique  à  laquelle  il  a  soumis  les  plus 
anciennes  inscriptions  sanscrites,  des  jalons  précieux  pour 
l'histoire  et  la  chronologie  de  la  période  qui  nous 
occupe  (2). 

En  Angleterre,  les  deux  principaux  représentants  de 
l'archéologie  anglo-indienne,  James  Fergusson  et  le 
général  Cunningham,  ont  consacré  une  partie  de  leur 
longue  et  fructueuse  carrière  à  démêler  la  part  qui  revient 
aux  influences  classiques  dans  les  plus  anciens  monuments 
de  l'Inde.  Ces  recherches,  qui  ont  reçu,  en  1870,  une 
impulsion  décisive  grâce  aux  belles  découvertes  archéolo- 


(1)  Voir  notamment  son  mémoire  :  Die  Gricchcn  in  India,  dans  les 
Siteungsberichte  dcr  Kôniglich  Preussischen  Akademie  der  Wissen- 
schaften.  Berlin,  1890,  pp.  901  et  suiv. 

(2)  Notes  d'épigraphie  indienne,  dans  le  tome  XV,  8e  série,  du 
Journal  asiatique,  pp.  139  et  ?niv.  l'ari?.  1890. 


(  656  ) 
giques  réalisées  par  le  Dr  Leitner  parmi  les  ruines  boud- 
dhiques du  Gandhâra,  ont  été  poursuivies  par  toute  une 
pléiade  d'archéologues  et  d'explorateurs  qui  ont  publié 
leurs  travaux  dans  YIndian  Antiquary,  VArchœological 
Survey  of  India,  les  journaux  des  Sociétés  asiatiques  de 
Londres  et  de  Calcutta,  etc.  Parmi  ces  travaux,  je  me 
bornerai  à  recommander,  comme  une  des  meilleures  vues 
d'ensemble,  le  mémoire  de  M.  Vincent  A.  Smith,  Grœco- 
Roman  Influence  on  the  Civilization  of  India  (1).  Nous 
ne  devons  pas  non  plus  oublier  l'ouvrage  de  M.  Percy 
A.  Gardner,  qui,  sous  le  modeste  titre  de  Catalogue  of 
Indian  Coins  in  the  British  Muséum,  Greek  and  Sçythic 
Kings  (2),  est  devenu  le  manuel  indispensable  de  tous 
ceux  qui  désirent  approfondir  l'histoire  de  la  domination 
grecque  dans  l'Inde  du  nord-ouest.  Enfin,  je  mentionnerai 
un  autre  catalogue  encore,  le  petit  volume  qui  a  paru  dans 
les  publications  du  Musée  royal  de  Berlin,  liuddislischc 
Kunst  in  Indien,  où  M.  A.  (irunwedel  a  reproduit,  avec 
de  judicieux  commentaires,  les  principaux  chefs-d'œuvre 
de  la  sculpture  gréco-bouddhique  (5). 


Les  premiers  Indiens  qui  se  trouvèrent  en  contact  avec 
la  Grèce  furent  peut-être  les  mercenaires  appartenant 
aux  contingents  de  l'Inde  et  du  Gandhâra,  que  Xerxès 
avait    incorporés  dans  son   armée   d'invasion    sous    les 


(1)  Journal  of  the  Asiatic  Society  ofBengal.  Calcutta,  t.  LVII,  part.  I 
(1889),  et  t.  LXI,  part.  I  (1892). 

(2)  Un  vol.  in-8°.  Londres,  1886. 

(S)  Un  vol.  in-12  de  178  pages,  avec  77  figures.  Berlin,  1893. 


(  657) 

ordres  de  Mardonius  (i).  Mais  les  vaincus  de  IMatée,  s'ils 
revirent  leur  pays  d'origine,  ne  durent  guère  y  rapporter 
qu'une  vague  description  de  la  civilisation  hellénique, 
peut-être  avec  quelques  légendes  transmises  de  seconde 
main. 

Même  l'expédition  d'Alexandre  n'exerça  aucune  action 
durable  sur  les  populations  établies  à  l'est  de  l'Indus. 
Son  seul  résultat  immédiat  fut  de  rattacher  au  monde 
hellénique  les  provinces  méridionales  de  la  Bactriane, 
c'est-à-dire  l'Afghanistan  et  le  Bélouchislan  actuels,  qui, 
depuis  près  de  deux  siècles, gravitaient  dans  l'orbite  de  la 
monarchie  perse. 

On  a  retrouvé  dans  Pânini  le  nom  d'Ambhi,  rajah  de 
Takshaçilà  (Taxila),  qui  fut  le  premier  allié  d'Alexandre 
sur  le  sol  indien  (2),  et  l'on  possède  des  monnaies  émises 
parSaubhouti  (Sophylès),  un  autre  prince  qui  joue  un  rôle 
dans  l'histoire  de  l'expédition  (5).  Cependant,  le  nom 
même  d'Alexandre  n'est  mentionné  dans  aucun  ouvrage 
de  l'Inde  antique  (4).  Nul  vestige  n'a  survécu  des  douze 
autels  de  pierre  qu'il  éleva  sur  les  bords  de  l'Hyphase,non 
plus  que  des  deux  villes  qu'il  passe  pour  avoir  fondées  sur 
l'Indus  :  Nicée  et  Bucéphalie  (5).  Quant  aux  alliés  qu'il 


(1)  Hérodote,  Histoire,  Vil,  65  et  66. 

(2)  S.  Lévy,  dans  le  Journal  asiatique  (le  Paris,  mars-avril  1890. 

(3)  Percy  Gardner,  Greek  and  Sajtltic  Kings,  pi.  1,  n"  3. 

(4)  M.  Weber  a  essayé  de  mettre  le  nom  d'Alexandre  en  rapport 
avec  celui  du  dieu  de  la  guerre,  Skanda  (Die  Griechen  in  India, 
pp.  903-903  .  Mais  l'hypothèse  est  péremptoirement  écartée  par  la 
plupart  des  indianistes. 

(5j[  Ce  n'est  pas  qu'on  ne  trouve  aujourd'hui  dans  le  Penjab  des 
traditions  se  rapportant  à  Alexandre  Un  artiste  anglais  qui  a  parcouru 
plusieurs  fois  le  pays,  M.  W.  Simpson,  rapporte  que  les  ruines  boud- 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  4*> 


(  058  ) 

laissa  au  pays  des  Sept-Rivières,  ils  ne  tardèrent  pas  à 
payer  de  leur  trône  l'appui  qu'ils  avaient  prêté  à  l'étran- 
ger (1).  Porus  lui-même  périt  assassiné,  entre  521  et  325, 
dans  la  satrapie  qu'il  gouvernait  sur  l'Indus  intérieur  (2). 

A  cette  époque  dominait,  dans  la  vallée  du  Gange,  le 
dernier  souverain  de  la  dynastie  Nanda,  Xandramès,  dont 
Alexandre  avait  songé  un  moment  à  envahir  les  États. 
Un  sujet  rebelle  du  prince  indien  s'était  présenté  au  camp 
macédonien  ;  dédaigneusement  écarté,  peut-être  même 
menacé  de  mort  par  Alexandre,  il  chercha  son  salut  dans 
la  fuite,  groupa  autour  de  lui  les  tribus  du  Penjab  et, 
ayant  détrôné  Xandramès  dans  sa  capitale  de  Pâtalipou- 
tra  (la  moderne  Patna),  étendit  son  autorité  sur  tout  le 
nord  de  l'Inde  (5).  C'était  Tchandragoupta,  dont  l'identi- 
fication avec  le  Sandracottos  des  historiens  classiques, 
établie  il  y  a  un  peu  plus  d'un  siècle  par  Sir  William 
Jones,  a  été  le  premier  point  de  repère  dans  les  horizons 
fuyants  de  l'histoire  de  l'Inde  antique. 

Le  fondateur  de  la  dynastie  des  Mauryas  ne  tarda  pas 


dliiques  de  Manikyala  étaient  communément  appelées  la  tombe  de 
Bucéphale  et  qu'il  n'est  pas  un  bosquet  de  dattiers  qui  ne  soit  donné 
pour  un  ancien  camp  d'Alexandre;  les  Pcnjabis  affirment  que  les 
arbres  sont  issus  des  noyaux  de  dattes  jetés  par  les  soldats  grecs 
(Journal  of  the  Royal  Institule  of  Architects,  p.  101.  Londres,  1894). 
Mais  lien  ne  prouve  que  ces  légendes  ne  soient  pas  d'origine  rela- 
tivement récente.  Les  Anglais  et,  avant  eux,  les  Musulmans  ont  du 
trop  souvent  parler  aux  Penjabis  du  passage  d'Alexandre  dans  le 
pays  des  Sept-Rivières  pour  que  les  indigènes  n'aient  pas  fini  par  en 
localiser  au  hasard  les  épisodes  traditionnels. 

(1)  Justin,  liv.  XV,  4. 

(2)  Von  Gldschmid,  au  mot  Persia,  dans  le  t.  XVIII  de  YEncycbpœdia 
britannica.  0_uant  a  Sopliytès,  sa  capitale  était  tombée,  vers  la  même 
époque,  entre  les  mains  des  Mauryas. 

(3)  Justin,  liv.  XV,  4. 


(  659  ) 

à  entrer  en  collision  avec  le  lieutenant  d'Alexandre  à  qui 
l'Asie  était  échue  en  partage,  Séleucus  Nicator.  Celui-ci 
dut  s'estimer  heureux  d'acheter  la  paix  en  concluant  avec 
Tchandragoupta  une  alliance  matrimoniale  et  en  lui 
cédant  les  provinces  situées  au  sud  de  l'Hindou-Koush, 
la  Paropamisade,  l'Arachosie  et  la  Gédrosie,  qui,  depuis 
le  passage  d'Alexandre,  avaient  reçu  plusieurs  colonies 
grecques  (1).  C'est  à  l'occasion  ou  à  la  suite  de  ces  négo- 
ciations que  Séleucus  envoya,  entre  511  et  302,  à  la  cour 
de  Pàtalipoutra,  son  secrétaire  Mégasthène,  dont  les 
curieux  mémoires  fournirent  pour  longtemps  la  matière 
première  aux  descriptions  de  l'Inde  dans  les  écrivains 
classiques. 

Nous  ignorons  ce  que  devinrent,  sous  la  domination  des 
Mauryas,  les  établissements  helléniques  de  la  Paropami- 
sade et  de  l'Arachosie.  L'histoire  rapporte  que  les  succes- 
seurs de  Tchandragoupta  renouvelèrent  leur  alliance  avec 
les  Séleucides.  Quelques  années  plus  tard,  la  Perse  et  la 
Bactriane,  ayant  secoué  le  joug  d'Antiocbus  II,  se  consti- 
tuaient en  États  indépendants,  la  première  sous  le  Parthe 
Arsacès,  la  seconde  sous  le  Grec  Diodote.  Le  fils  de  ce 
dernier,  Diodote  II,  fut  renversé  par  un  Magnésien, 
Euthydême,  qui  fit  adroitement  reconnaître  son  indépen- 
dance, vers  208,  par  Antiochus  le  Grand,  et  lui  fournit, 
en  échange,  des  secours  pour  envahir  l'Inde  (2).  Antiochus 
étant  rentré  en  Syrie  après  avoir  repris  aux  Mauryas 
le  pays  de  Caboul  et  sans  doute  une  partie  du  Penjab, 
Euthydême    garda    ces    conquêtes    pour    son    propre 


(1)  Sir  Alexandre  Cinwixgham,  Ancient  Geography  of  ludia,  t.  I, 
1871.  —  Il  semble  que  Darius  avait  déjà  déporté  des  Grecs  en  Bac- 
triane. 

(2j  Poi.ybe,  Histoire,  X  et  XI,  34. 


(  6G0  ) 

compte  (1),  si  bien  que,  sous  son  fils  Démélrius  (peut-être 
le  Dattâmilra  du  Mahâbhârata),  l'empire  bactrien  s'éten- 
dait de  la  Tartarie  chinoise  au  golfe  de  Cambaye  et  du 
Khorassan  au  bassin  du  Gange.  —  Une  conséquence  de 
cette  extension  fut  la  création  de  monnaies  bilingues  qui, 
à  partir  de  Démélrius,  mettent  pour  ainsi  dire  sur  un 
pied  d'égalité  les  langues  de  la  Grèce  et  de  l'Inde  (2). 


Fie.  t.  Démélrius  coiffé  d'une  tête  d'éléphant. 
(D'après  une  monnaie  reproduite  par  M.  Percy  Gardner,  pi.  11,  9.) 

Entre  181  et  171,  Démétrius,  à  son  tour,  fut  détrône 
par  un  de  ses  généraux,  Eucratide,  qui  était  peut-être  de 
sang  royal  par  sa  mère  (5).  Suivant  Justin,  Eucratide  sou- 
leva la  Bactriane  pendant  que  Démétrius  faisait  une 
expédition  dans  l'Inde.  Le  roi  revint  en  toute  hâte,  mais 
malgré  la  supériorité  numérique  de  ses  forces,  il  fut 
vaincu  par  une  habile  manœuvre  de  son  rival  (4).  Le  règne 


(1)  La  ville  de  Çàgala  dans  le  Penjab  reçut  le  nom  d'Euthydêmia. 

(2)  Percy  Gardner.  Greek  and  Scythic  Kings  of  India,  pp.  xxv 
et  un. 

(3)  On  trouve  au  revers  d'une  pièce  d'Eucratide  les  portraits 
géminés  de  son  père,  Hélioclès,  et  de  sa  mère,  Laodice.  Mais  cette 
dernière  porte  seule  le  diadème.  (Percy  Gardner,  op.  cit.,  pi.  VI, 
fig.  9  et  10.) 

(4)  Justin,  liv.  XLI,  6. 


(  «61  ) 
d'Eucratide  eut  de  brillants  débuts,  mais  la  lin  en  lut  mar- 
quée par  des  revers  qui  s'accentuèrent  sous  son  fils,  le 
parricide  Hélioclès  (155-120).  La  Bactrianese  trouva,  dans 
l'ouest,  aux  prises  avec  Mithridate  Ie',  roi  des  Parthes, 
qui  lui  enleva  deux  de  ses  satrapies  (1),  et  dans  l'est  avec 
Pouchpamitra,  le  successeur  des  Mauryas,  qui,  vers  150, 
infligea  aux  Grecs  une  sanglante  défaite  sur  les  bords  de 
Pïndus  inférieur  (2).  Enfin,  entre  150  et  128,  une  peu- 
plade descendue  de  l'Asie  centrale,  les  Yueh-tcbi,  pressés 
par  les  Huns,  envahirent  la  Bactriane,  prirent  sa  capitale 
Bactres,  et  refoulèrent  les  Grecs  au  sud  de  l'Hindou- 
Koush  (3). 


Ainsi  réduite  à  ses  possessions  de  l'Inde,  la  domination 
grecque  se  prolongea  pendant  près  d'un  siècle.  Elle  est 
représentée  dans  le  monnayage  par  vingt  rois  et  deux 
reines,  dont  l'ordre  chronologique  est  assez  incertain. 
On  suppose  que  certains  d'entre  eux  exercèrent  parallèle- 
ment le  pouvoir  dans  différentes  parties  de  la  région. 
Deux  de  ces  princes  seulement,  Apollodotos  et  Menander, 
nous  sont  connus  par  d'autres  sources  que  les  monnaies. 
Apollodotos  est  l'équivalent  grec  du  sanscrit  Bhagadatta, 
le  puissant  roi  des  Yavanas,  que  le  Mahabhàrata  présente 
successivement  comme  l'adversaire  malheureux  et  l'allié 
iidèle  du  légendaire  Arjouna,  dans  la  lutte  des  Pàndavas 


(1)  Strabon,  liv.  XI,  chap.  XI,  §  2. 

(2)  Telle  est,  du  moins,  la  tradition  indienne  rapportée  par  Kâlidasa. 
(Voy.  S.  Lévy,  Quid  de  Grœcis,  p.  15.; 

(3)  La  date  est  précisée  par  des  documents  chinois.  {Journal  asia 
tique  de  Paris,  t.  II  de  la  8e  série,  p.  348.) 


(  662  ) 

contre  les  Kauravas.  Quanta  Ménandre,  dont  les  exploits 
et  les  vertus  ont  été  célébrés  à  la  fois  par  des  écrivains 
classiques  et  des  auteurs  indiens,  non  seulement  il  réunit 
entre  ses  mains  toutes  les  anciennes  possessions  de  la 
Bactriane  au  sud  de  I'Hindou-Koush,  mais  encore  il 
étendit  son  empire  jusqu'au  cours  moyen  du  Gange  et  aux 
bouches  de  la  Nerboudda,  peut-être  jusqu'au  Konkan  et  à 
l'Orissa  (1). 

C'est  sans  doute  à  ces  conquêtes  que  se  rapporte  la 
prédiction  de  la  Gârgî-Samhitâ,  que  :  sous  le  règne  de 
Çâliçouka,  les  Yavanas  s'empareront  de  Çaketa  (Oude), 
du  Pancâla,  de  Malbourà  et  même  de  Pâtalipoutra, 
«  bouleversant  toutes  les  provinces  et  établissant  une 
»  religion  odieuse  ».  L'auteur  du  traité  ajoute  que, 
néanmoins,  leur  conquête  sera  éphémère  :  «  Ivres  de 
>  carnage,  ils  se  livreront  entre  eux,  sur  leur  propre  ter- 
»  ritoire,  des  combats  cruels  et  horribles;  après  quoi, 
»  sur  les  ruines  de  leur  domination,  sept  rois  régneront 
->  simultanément  (2).  » 

N'est-ce  pas  là  une  allusion  à  l'anarchie  qui  dut  suivie 
de  près  la  mort  de  Ménandre  et  qui  coïncida  avec  le 
progrès  des  envahisseurs  étrangers?  Au  cours  du  der- 

(1)  Strabon  XI,  11,  1)  rapporte  que  Ménandre  franchit  l'Hypanis 
(le  Sutlej)  et  pénétra  jusqu'à  l'Isamos  [probablement  la  Jumna].  De 
son  côté,  l'auteur  anonyme  du  Périple  de  la  mer  Erythrée  [ch.  XLVII, 
éd.  Didot)  mentionne  que  les  drachmes  d'Apollodote  et  de  Ménandre 
circulaient  encore  de  son  temps  au  port  de  Barygaza,  la  moderne 
Barouch,  au  sud  du  Goujerat.  Ces  assertions  sont  confirmées  par  la 
constatation  de  M.  Percy  Gardner,  que  des  monnaies  de  Ménandre 
sont  encore  continuellement  trouvées  de  nos  jours  dans  toute  la 
région  comprise  entre  Caboul,  Jellalabad,  Peshawar,  Mathourâ  et 
Rampour.  (Greek  and  Sr.ythic  Kitiys  of  India,  p.  xxxvn.) 

(2)  S.  Lévy,  Quid  de  Grœcis,  p.  17. 


(  063  ) 

nier  siècle  avant  notre  ère,  nous  trouvons  le  nord-est  de 
l'Inde  partagé  entre  de  nombreux  souverains,  les  uns 
d'origine  grecque,  Epander,  Strato,  Agathocleia,  Dio- 
mède,  Archebios,  Zoïlos,  Dionysios,  Antimachos,  Philo- 
xenos,  Amyntas;  d'autres  portant  des  noms  parthes, 
comme  Arsacès  et  Gondopharès;  d'autres  encore  de  race 
évidemment  scythique,  Maucs,  Azes,  Azilises,  Spali- 
rises  (1).  Presque  tous  gravent  sur  leurs  monnaies  des 
légendes  bilingues,  en  grec  et  en  sanscrit. 

Peut-être  la  rivalité  des  Scythes  et  des  Parthes  eut-elle 
pour  résultat  de  prolonger  l'agonie  de  la  domination 
grecque  dans  le  Penjab.  Vers  l'an  25  avant  notre  ère,  le 
dernier  des  rois  indo-grecs,  Hermaios,  se  trouva  contraint 
de  partager  le  pouvoir  avec  un  chef  des  Yueh-tchi,  le 
koùshan  Kadphisès.  Quand  Hermaios,  après  un  long 
règne,  mourut,  Kadphisès  gouverna  seul  tout  l'ancien 
royaume  de  Bactriane. 

Ces  faits  tendent  à  établir  qu'il  n'y  eut  pas  de  dépos- 
session violente.  Nous  ne  savons  si  Kadphisès,  devan- 
çant une  parole  célèbre,  s'écria  :  «  Il  n'y  a  rien  de  changé 
dans  l'Inde,  il  n'y  a  qu'un  Yavana  de  plus.  »  Mais  il 
semble  que  les  Scythes  se  fussent  assimilé  la  civilisation 
grecque  pendant  leur  siècle  de  séjour  dans  le  nord  de  la 
Bactriane,  et  des  vestiges  nombreux  attestent  que  les 
arts  continuèrent  à  fleurir  sous  leurs  premiers  souve- 
rains dans  le  Penjab  ainsi  que  dans  le  Caboulistan. 
Grecs  et  Scythes  se  mêlèrent  même  à  tel  point  que. 


(lj  Suivant  M.  Von  Gutschmid  (Encyclopaedia  britannica,  au  mot 
Persia),  les  Imlo-Parthes  étaient  également  des  Scythes,  appartenant 
à  la  tribu  des  Sse,  que  l'invasion  des  Yueli-Tchi  rejeta  sur  l'Afgha- 
nistan et  le  Cachemire. 


(  604  ) 
dans  la  littérature  indienne  de  l'époque,  ils  sont  désignés 
comme  formant  un  seul  peuple  sous  le  nom  composé  de 
Çaka-Yavanas,  dénomination  ethnique  qui  ne  laissa  pas 
d'intriguer  plus  tard  les  grammairiens  indigènes  et  même 
certains  orientalistes  européens. 

C'est  de  cette  période  que  datent  les  premières  rela- 
tions de  l'Inde  avec  l'empire  romain.  Auguste  rapporte 
dans  son  testament  qu'il  reçut  de  l'Inde  plusieurs  ambas- 
sades. Selon  Suétone,  elles  venaient  des  Indiens  et  des 
Scythes,  «  pays  que  jusque-là  on  connaissait  seulement 
de  nom  (1)  ».  Strabon  dit  expressément  que  l'une  d'elles 
avait  été  envoyée  par  un  successeur  de  Porus  qui  régnait 
sur  les  Gandhariens  (2).  On  a,  du  reste,  recueilli  de  nos 
jours,  dans  les  ruines  bouddhiques  du  Gandhâra,  des 
monnaies  romaines  qui  vont,  sans  interruption,  d'Auguste 
et  même  des  derniers  temps  de  la  république  à  Caracalla. 
Les  Indo-Scythes  frappèrent  des  pièces  d'or  sur  le  modèle 
des  aurœi  romains.  M.  Percy  Gardner  fait  observer  que 
le  portrait  de  Kadaphès,  le  successeur  immédiat  de  Kad- 
phisès,  rappelle  singulièrement  le  profil  d'Auguste  (5),  et 
une  pièce  de  Houvichka,  qui  monta  sur  le  trône  en  106, 
porte  l'inscription  RIOM  avec  l'image  d'une  femme  armée 
où  l'on  a  cru  reconnaître  la  déesse  Roma  (4). 

Il  est  probable  que  cette  influence  se  fit  surtout  sentir 
par  les  relations  maritimes  avec  la  côte  occidentale  de 


(1;  Suétone,  Octave  Auguste,  chap.  XXI. 

(2)  Strabon,  liv.  XV,  cliap.  1,  §  4. 

(3)  Greek  and  Scythic  Kings,  pi.  XXV,  n-  S. 

(4)  Idem,  pi.  XXVIII,  n°  20.  —  11  ne  faut  pas  oublier  que  la  monnaie 
romaine  circulait  abondamment  dans  toute  l'Asie.  Pline  [Histoire 
naturelle,  XII,  41,  18  rapporte  que  l'Inde,  la  Chine  et  l'Arabie  absor- 
baient chaque  année  cent  millions  de  sesterces. 


(    ()()D    ) 

l'Inde.  La  table  de  Peutinger  mentionne  l'existence  d'un 
temple  dédié  à  Auguste,  près  de  Calicut,  sur  la  côte  du 
Malabar.  Déjà  sous  Açoka,  le  petit-lils  de  Sandracottos, 
vers  le  milieu  <lu  troisième  siècle  avant  notre  ère,  les 
établissements  des  (liées  et  des  Syriens  dans  le  Goujerat 
étaient  assez  importants  pour  que  leur  chef  prît  dans 
l'administration  de  l'empire  le  titre  de  roi  des  Yavanas  (1). 
Un  peu  plus  lard,  les  Pouranas  parlent  de  dynasties  yava- 
nas qui  régnaient  à  Mirttikâvatî,  dans  le  Goujerat,  et  à 
Kilakila,  dans  le  Konkan  (2). 

Les  relations  de  l'Inde  avec  l'Egypte  prirent  une 
extension  nouvelle  après  qu'Hippalus  eut  trouvé  ou 
retrouvé  la  direction  des  vents  alizés.  A  l'époque  de 
Strabon,  cent  vingt  navires  quittaient  annuellement  le 
port  de  Myos-Hormos  pour  la  mer  des  Indes  :  «  Chaque 
année,  écrit  à  ce  propos  M.Reynaud,  il  partait  d'Egypte, 
par  la  mousson,  environ  deux  mille  personnes,  qui  visi- 
taient les  côtes  de  la  mer  Rouge,  du  golfe  Persique  et  de 
la  presqu'île  de  l'Inde.  Six  mois  après,  il  arrivait,  avec  la 
mousson  contraire,  le  même  nombre  de  personnes  en 
Egypte  (5).  » 

De  nombreuses  inscriptions  en  langue  pâlie,  qui  se 
succèdent  jusque  dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère, 
rappellent  la  générosité  dont  faisaient  preuve  les  Grecs 
établis  sur  la  côte  occidentale  de  l'Inde,  soit  par  sympa- 
thie, soit  par  politique,  envers  les  sanctuaires  boud- 
dhiques  du    Konkan    :    les    uns    faisaient    creuser    des 


(1)  Indiun  Antiquary,  t  VII,  p.  "200. 

(2)  S.  LÉVY,  Quid  de  Grœcis,  p.  11. 

3)  Reynald,  Relations  de,  l'Empire  romain  avec  l'Asie  oriental*' 
ans  le  Jouiinai.  asiatique  de  1803.  Paris,  lre  sorie,  t.  1,  p.  7. 


(  666  ) 

citernes  c;t  des  cryptes,  les  autres  offraient,  qui  une 
colonne  ou  un  chapiteau,  qui  une  châsse  à  reliques  (1). 
Sans  doute,  parmi  ces  Yavanas,  il  y  avait  beaucoup  plus 
de  Syriens  et  d'Égyptiens  que  d'Hellènes  proprement 
dits.  Mais  tout  l'Orient  romain  était  alors  plus  ou  moins 
hellénisé,  et  c'est  en  ce  sens  que  Sénèque  pouvait 
écrire  :  «  Il  y  a  en  Asie  alïlucnce  d'Athéniens  (2).  » 

Comment  s'évanouirent  tous  ces  éléments  helléniques 
qui  constituaient  dans  l'Inde  les  avant-postes  de  la  civili- 
sation occidentale  ?  Disparurent-ils  en  une  soudaine 
catastrophe,  comme  auraient  disparu  les  foyers  de  culture 
européenne,  lors  de  la  révolte  des  Cipayes,  si  les  An^lo- 
Indiens  n'avaient  eu  derrière  eux  une  mère-patrie  pour 
leur  envoyer  des  renforts  illimités?  L'histoire  ne  nous 
apprend  rien  de  semblable. 

Des  traditions  brahmaniques  rapportent  bien  qu'en 
l'an  78  de  notre  ère,  Çâlivâhana,  rajah  du  Décan  (le 
Celibethonos  de  Pline),  détruisit  les  Çakas  et  les  Yava- 
nas, forçant  ces  derniers  à  se  rembarquer  pour  l'Occi- 
dent (.">).  Il  ne  peut  s'agir  que  des  Yavanas  établis  dans  le 
Goujerat;  en  effet,  les  Çaka-Yavanas  étaient  alors  à  l'apo- 
gée de  leur  puissance,  et  d'autres  documents  nous  les 
montrent  s'alliant,  au  contraire,  à  Çâlivâhana  pour 
conquérir  l'Orissa,  où  ils  avaient  déjà  fait  des  incursions 
à  plusieurs  reprises  (4).  Peut-être  même  cette  expulsion 


(1)  Blrgess,  Archœological  Survey  of  Western  India,  t.  IV. 

(2)  «  Atheniensis  in  Asia  tuiba  est.  »  (Con.solatio  ad  Helviam, 
ch.  VI.) 

(3)  S.  Léw,  Quid  de  Grœcis,  p.  16. 

(4)  D'après  les  annales  de  l'Orissa,  compulsées  par  M.  A.  Stirling 
(An  account  of  Orissa,  dans  le  tome  XV  des  Asiatic  Researclies, 
Seramporc,  1 845    Suivant  les  traditions  brahmaniques,  l'ère  dite  d<js 


(  667  ) 
partielle  doit-elle  être  attribuée,  avec  plus  de  vraisem- 
blance, à  un  descendant  de  Çalivâhana,  Gotamîpata,  qui 
revendique  à  son  tour  dans  ses  inscriptions  l'honneur 
d'avoir  anéanti  la  puissance  des  Çakas,  des  Yavanas  et 
des  Parthes  (1). 

Les  annales  de  l'Orissa  rapportent  même  que,  dans 
la  première  partie  du  IVe  siècle  après  Jésus-Christ,  un 
Yavana  débarqua  sur  la  côte  orientale  de  l'Inde,  à  la  tête 
d'une  nombreuse  armée,  pilla  le  célèbre  sanctuaire  de 
Jaggernaulh,  à  Pouri,  et  fonda  une  dynastie  qui  régna 
sur  l'Orissa  pendant  cent  quarante-six  ans.  Ses  descen- 
dants ne  furent  expulsés  qu'en  473,  par  le  fondateur  d'une 
maison  royale  qui  portait  le  nom  suggestif  de  Kesari  et 
qui  conserva  le  pouvoir  pendant  plus  de  cinq  siècles  (2). 

Toutefois,  il  faut  ici  prendre  en  considération  que, 
peu  à  peu,  la  dénomination  de  Yavanas  avait  cessé  de 
s'appliquer  exclusivement  aux  Grecs  ou  même  aux  étran- 


Çakas  aurait  son  point  de  départ,  non  dans  le  couronnement  de 
Kanichka,  mais  dans  la  destruction  des  Çakas  par  Çalivâhana.  Cette 
interprétation  a  été  absolument  condamnée  par  la  découverte,  dans 
un  temple  du  Décan,  à  B  ad  ami,  d'une  inscription  datée  de  la 
douzième  année  du  règne  de  Sri  Jlangalievara,  «  l'an  cinq  cent  après 
»  l'inauguration  (abhùliekai  du  roi  des  Çakas  ».  (Indian  Antiquary, 
t.  X,  1881.) 

(i)  Indian  Antiqmry,  t.  X,  p.  ÏTô. 

(2)  Déjà  dans  le  Mahûbhârata,  un  des  chefs  qui  tombent  sous 
les  coups  de  Krishaa  porte  le  nom  de  Kaseroumant.  M.  Weber 
en  a  ingénieusement  rapproché  la  dénomination  de  César  romain. 
11  faut  noter,  dans  cet  ordre  d'idées,  que,  près  de  Patna,  à  Vaiçali, 
se  trouve  un  stoupa  ruiné  qui  porte  le  nom  de  Kesariya.  Suivant 
Hiouen-Tsangh,  ce  monument  marquerait  la  localité  où  le  Bouddha 
annonça  que,  dans  une  existence  antérieure,  il  avait  occupé  la  situa- 
tion d'un  Rajah  tehakravartin,  c'est-à-dire  d'un  empereur  universel. 
(Cf.  Cunningham,  Archœological  Survey  of  India,  t  I,  p.  64). 


(  668  ) 

gers  hellénisés.  Yavana  est  le  vieux  nom  des  Ioniens, 
MâTove;,  que  portaient  les  Grecs  d'Asie,  et  qui,  devenu 
Yauna  chez  les  Perses,  Yâvân  chez  les  Hébreux,  Yavanai 
chez  les  Assyriens,  passa  dans  les  langues  de  l'Inde 
sous  la  forme  de  Yavanas,  Yonas,  Yonakas.  De  même 
que  plus  tard,  dans  toute  l'Asie  antérieure,  les  termes 
de  Roumi  et  de  Franc,  le  nom  de  Yavana  finit  par  être 
appliqué  à  tous  les  Occidentaux,  voire  à  tous  les  étran- 
gers en  général  (I)  ;  si  bien  que,  par  une  singulière  des- 
tinée, cette  dénomination,  à  l'époque  où  elle  avait  disparu 
d'Europe,  était  encore  appliquée  par  les  habitants  de 
l'Inde  à  des  populations  orientales  de  l'Indo-Chine,  sans 
aucun  rapport  avec  les  Grecs  (2). 

Il  est  vrai  que  nous  faisons  aux  habitants  de  l'Inde 
un  honneur  analogue,  en  donnant  leur  nom,  par  une 
autre  illusion  de  perspective  géographique,  aux  Peaux- 
Rouges  du  nouveau  continent. 

En  réalité,  la  culture  grecque  disparait  de  l'Inde  au 
troisième,  sinon  au  deuxième  siècle  de  notre  ère.  Avant 
même  que  les  guerres  des  Romains  contre  les  Sassanides 
et  la  destruction  de  Palmyre,  en  275,  ne  vinssent  fermer 
au  commerce  européen  la  route  de  terre  vers  l'Indus  et 
que  les  relations  maritimes  ne  se  lissent  plus  rares 
grâce  au  déclin  du  commerce  alexandrin,  ainsi  qu'à 
l'extension  de  l'influence  perse  dans  la  mer  Rouge,  les 
Indo-Scvthes  étaient  tombés  en  pleine  décadence.  Après 
Vasou-Deva  (1122  à  126),  la  langue  grecque  disparaît  des 
monnaies;  les  lettres  qui  forment  les  légendes  deviennent 


il)  Aujourd'hui  encore,  U  parait  que  dans  l'Inde,  les  étrangers  sont 
parfois  appelés  des  «  Yavanas  ». 

(2;  A.  Beugaigne,  L'ancien  royaume  de  Campa,  dans  le  Journal 
asiatique,  t.  XI  de  la  8e  série,  1888,  pp.  61-62. 


(  M(J 
des  arabesques  sans  signification  apparente;  les  types  de 
divinités  se  transforment  en  grossières  ébauches,  pour  ne 
reprendre  quelque  valeur  artistique  que  dans  le  mon- 
nayage hindou  des  Gouptas,  au  IVe  siècle  de  notre  ère. 
Toute  trace  des  Yavanas  s'évanouit  dans  les  territoires 
<jui  avaient  été  le  principal  centre  de  leur  domination  et 
où  ils  n'ont  pas  laissé  même  une  inscription  tombale 
pour  perpétuer  leur  souvenir. 

Cette  complète  et,  en  apparence,  brusque  disparition 
ne  l'ait  que  les  rendre  plus  intéressants  à  nos  yeux. 
Nous  sommes  nous-mêmes  trop  lils  de  la  Grèce  pour  ne 
pas  désirer  en  savoir  davantage  sur  ces  enfants  perdus 
de  la  culture  hellénique  qui,  deux  mille  ans  avant  les 
peuples  de  l'Europe  occidentale,  introduisirent  dans 
l'Inde  et  y  maintinrent,  pendant  près  de  trois  siècles, 
la  langue,  les  mœurs,  les  arts  et  les  connaissances  de  la 
culture  européenne. 


Il  est  vraisemblable  que  les  rois  indo-grecs  n'essayèrent 
pas  de  modifier  les  institutions  de  leurs  nouveaux  sujets. 
Us  se  bornèrent  à  prendre  la  place  des  rajahs  qu'ils 
avaient  dépossédés.  C'est,  du  reste,  de  la  sorte  que,  depuis 
Alexandre,  ils  agissaient  dans  tout  l'Orient.  Mais  il  est 
également  probable  que  les  familles  d'origine  grecque 
groupées  autour  du  souverain,  conservèrent  leur  statut  per- 
sonnel et  leurs  coutumes  héréditaires  (1).  Les  institutions 

(1)  Dans  une  inscription  qui  relate  la  donation  d'un  pilier  avec 
chapiteau  sculpté  faite  au  sanctuaire  bouddhique  de  Karli  par  un 
certain  Dhenoukâkata.  celui-ci  est  qualifié  de  «  Grec  suivant  la  loi  » 
(Dhamma-Yavana).  Toutefois,  le  mot  Dharma,  «  loi  »  proprement 
dite,  signifie  fréquemment,  surtout  chez  les  Bouddhistes,  la  loi  reli- 
gieuse, la  religion. 


;  670  ) 

hindoues,  dans  leur  rigidité  et  leur  originalité,  ne  peuvent 
et  n'ont  jamais  pu  convenir  qu'à  des  Hindous.  Parmi  les 
quelques  observations  que  Mégasthène  nous  a  transmises 
sur  la  condition  sociale  des  indigènes,  une  de  celles  sur 
lesquelles  il  insiste,  c'est  qu'ils  ne  pouvaient  changer  de 
caste  ni  même  de  profession  (1);  et  réciproquement, parmi 
les  rares  détails  que  les  auteurs  indigènes  parvenus  jus- 
qu'à nous  se  sont  donné  la  peine  de  relever  chez  les 
Yavanas,  le  principal,  c'est  que  les  maîtres  peuvent  y 
tomber  au  rang  d'esclaves,  et  les  esclaves  s'élever  au  rang 
de  maîtres  (2).  Le  nom  même  de  Vavana,  selon  le  Gana- 
pâtha,  signifierait  «  celui  qui  mélange  »,  c'est-à-dire  qui 
ne  tient  pas  compte  de  la  séparation  des  castes  (3). 
Ainsi,  d'un  côté,  on  trouve  l'esprit  de  caste  le  plus  absolu; 
de  l'autre,  une  instabilité  de  conditions  qui  devait  être 
particulièrement  accentuée  dans  une  société  d'aventuriers 
et  de  colons.  Même  au  rang  suprême,  dans  la  longue 
suite  des  rois  qui  va  de  Théodotc  à  Hermaios,  nous  ne 
pouvons  constater  un  seul  cas  où,  dînant  plus  de  deux 
générations,  la  couronne  se  soit  transmise  de  père  en  iils! 
Les  Grecs  du  Pcnjab  durent  conserver,  avec  leur 
langue  originaire,  toutes  leurs  habitudes  intellectuelles. 
C'est  évidemment  des  Indo-Grecs,  ou  au  moins  des  Indo- 
Scythes, que  nous  parle  Philostrate,  quand  il  nous  montre 
son  héros,  Apollonius  de  Tyane,  conversant  en  grec, 
sur  des  sujets  de  haute  philosophie,  avec  les  princes  et 
les  lettrés  de  l'Inde,  au  cours  du  premier  siècle  après 
Jésus-Christ.  Je  sais  que  les  dires  de  Philostrate  sont 


(1)  Strabon,  liv  XV,  chap.  I,  49. 

(2)  Assaldynna-Soutta,  cité  par  S.  Lévy,  Quid  de  Grœcis,  p.  23. 

(3)  De  la  racine  vu,  qui  signifie  mêler,  combinée  avec  le  suffixe  ana. 


(  671    ) 

assez  suspects.  Toutefois,  en  supposant  qu'il  ait  simple- 
ment composé  un  roman  à  la  Jules  Verne,  il  a  bien  dû, 
dans  l'intérêt  de  la  vraisemblance,  se  conformer  autant 
que  possible  aux  renseignements  fournis  par  les  voya- 
geurs de  l'époque.  Nous  possédons,  du  reste,  d'autres 
témoignages  encore,  notamment  celui  de  Sénèque,  quand 
il  rapporte  que  les  Perses  et  les  Indiens  parlent  entre 
eux  la  langue  macédonienne  (1).  Enfin,  il  est  évident  que 
les  Indo-Scythes  ne  se  seraient  pas  servis  du  grec  pour 
les  légendes  de  leurs  monnaies,  si  cette  langue  n'avait  été 
jusqu'à  un  certain  point  comprise  et  même  parlée  par 
une  partie  de  leurs  sujets. 

Que  la  littérature  hellénique  ait  été  cultivée  jusque 
sous  les  rois  indo-scythes,  alors  même  que  le  grec  avait 
peut-être  cessé  d'être  la  langue  vulgaire,  semble  résulter 
de  ce  que,  parmi  les  qualificatifs  gravés  sur  les  monnaies 
de  ces  princes,  on  voit  apparaître  des  expressions  d'ordi- 
naire réservées  au  langage  poétique,  comme  celles  de 
xo'ipavoç,  Tuppavétov,  dvîxr/roç  (2).  M.  Stein  rapporte  un 
fait  qui  rend  hommage,  sur  ce  terrain,  à  l'érudition 
des  Indo-Scythes.  Quand  on  eut  à  transcrire,  sur  les 
monnaies  de  Kanichka,  certains  noms  où  figure  la 
sifflante  ch,  le  graveur  résolut  la  difficulté  en  ressuscitant, 


(1)  Consolalio  ad  Helviam,  chap.  VI.  -  Strabon  (XV,  1,  70)  relate, 
d'après  Nicolas  de  Damas,  que  la  lettre  apportée  à  Auguste  par  les 
envoyés  d'un  successeur  de  Porus  était  rédigée  en  grec. 

(2)  Peucy  Gardner,  Greek  and  Scythic  Kings  of  India,  p.  lui.  — 
C'est  ainsi  que,  dans  notre  moyen  âge,  quand  le  latin  ne  fut  plus  usité 
qu'à  l'intérieur  des  couvents  et  des  chancelleries,  on  se  mil  à  employer 
dans  les  diplômes  des  termes  empruntés  au  langage  poétique  :  lux 
pour  vita,  lethum  pour  mors,  tellus  pour  terra,  jaculum  pour 
telum,  etc. 


672  ) 

pour  la  circonstance,  une  vieille  lettre  dorienne  qui  était 
tombée  en  désuétude  depuis  de  nombreux  siècles,  le  san 
ou  sambi  (■!). 

L'afflux  de  nouveaux  émigrants  devait,  surtout  pendant 
le  premier  siècle  de  la  conquête,  constamment  raviver  les 
facteurs  de  la  culture  hellénique. 

Il  s'en  faut  que  la  révolte  des  Parlhes,  au  IIIe  siècle 
avant  notre  ère,  eût  immédiatement  coupé  toute  commu- 
nication entre  le  nord-est  de  l'Inde  et  le  bassin  de  la 
Méditerranée.  Un  incessant  va-et-vient  se  produisait  alors 
dans  toute  l'étendue  du  monde  grec.  Le  premier  souve- 
rain qui  porta  au  delà  de  l'ïndus  les  frontières  de  la 
Baetriane,  Euthydême,  était  un  natif  de  Magnésie,  parti, 
comme  tant  d'autres,  pour  chercher  fortune  dans  la 
Haute-Asie.  Il  n'y  avait  pas  d'ailleurs  que  des  merce- 
naires pour  s'expatrier  de  la  sorte,  mais  des  commer- 
çants, des  artistes,  des  ingénieurs,  des  grammairiens. 
Quelle  fête,  à  la  cour  des  dynastes  grecs,  quand  c'était  un 
philosophe  qui  leur  arrivait  d'Athènes  ou  d'Alexandrie, 
comme  le  légendaire  Apollonius  de  Tyane,  apportant 
dans  les  plis  de  son  manteau  un  parfum  de  l'Académie 
et  de  la  Bibliothèque,  ou  des  auteurs  illustres,  comme 
Ménandre  et  Philémon,  qui  s'en  allaient  donner  des 
représentations  chez  le  roi  d'Egypte  Ptolémée  Soter? 

Parmi  .ces  aventuriers,  certains  mouraient  en  route. 
D'autres  regagnaient  leur  patrie  dans  leurs  vieux  jours, 
et  c'est  vraiment  dommage  qu'aucun  d'entre  eux  ne  nous 
ait  laissé  ses  mémoires,  à  l'instar  de  quelques  compa- 
gnons d'Alexandre.  Un  grand  nombre  se  fixaient  à 
demeure  ;  les  uns,  qui  avaient  pris  goût  au  pays  dans 

(1)  Voy.  VAcademy  du  10  septembre  -1887. 


(  673  ) 
leurs  comptoirs;  les  autres,  qui  avaient  trouve  une  posi- 
tion avantageuse  dans  l'année  ou  l'administration.   Là 

surtout  où  la  cour  avait  conservé  les  traditions  hellé- 
niques, il  est  clair  que  les  émigrants  restaient  Grecs  de 
sentiments,  d'idées,  d'habitudes,  de  mœurs,  et  que,  s'ils 
se  créaient  une  famille,  ils  s'efforçaient  de  transmettre 
à  leurs  descendants  les  éléments  d'une  culture  qui  ((in- 
stituait leur  titre  de  noblesse. 

La  situation  des  Anglais,  dans  l'Inde  contemporaine, 
peut  aider  à  comprendre  celle  des  Grecs  dans  l'Inde  d'il 
y  a  deux  mille  ans.  Cependant,  le  parallélisme  ne  doit 
pas  être  poussé  trop  loin.  Tout  d'abord,  entre  l'Indien  et 
le  Grec  des  temps  classiques,  la  différence  était  bien 
moins  considérable  qu'entre  l'Hindou  et  l'Anglais  de 
notre  siècle.  Non  seulement  les  hommes  de  l'âge  clas- 
sique étaient  plus  près  de  la  nature,  plus  malléables, 
moins  asservis  à  des  besoins  artificiels,  mais  encore 
l'Hellène  était  déjà  presque  un  Oriental,  que  sa  façon  de 
vivre,  ses  mœurs,  ses  croyances,  son  habitat  sous  une 
latitude  plus  méridionale,  rapprochaient  davantage  de  ses 
sujets  subhimalayens.  Sans  doute,  dans  les  premiers 
temps,  la  population  grecque  du  Penjab,  comme  aujour- 
d'hui encore  la  société  anglaise  dans  l'Inde,  forma  une 
véritable  caste,  méprisée  des  indigènes  et  les  méprisant  à 
son  tour,  par  suite  d'un  malentendu  que  nous  retrouvons 
à  deux  mille  ans  de  distance.  Mais,  si  profond  que  fût  cet 
antagonisme,  il  n'empêcha  pas  le  sang  indien  de  s'infil- 
trer peu  à  peu  dans  les  veines  des  familles  helléniques. 

Au  début,  les  princes  bactriens,  tels  que  Démétrius, 
pouvaient  bien  chercher  des  alliances  matrimoniales  chez 
les  Séleucides,  leurs  voisins,  et,  à  l'instar  d'Eucratide, 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIU.  44 


(  674  ) 

attester  la  pureté  de  leur  sang  en  exhibant  sur  leurs 
monnaies  le  profil  grec  de  leur  père  et  de  leur  mère. 

Mais  l'expédient  n'était  pas  à  la  portée  de  tout  le 
monde.  Bientôt,  du  reste,  les  relations  avec  le  monde 
grec  devinrent  de  plus  en  plus  difficiles,  quand  l'empire 
parthe  se  fut  étendu  jusqu'au  golfe  Persique  et  que  les 
rois  de  Bactriane  eurent  été  rejetés  par  les  Scythes  au  sud 
de  l'Hindou-Koush.  L'exemple  des  mariages  mixtes  avait 
déjà  été  donné  par  Alexandre,  quand  il  épousa  à  peu 
près  simultanément  la  fille  d'un  satrape  bactrien,  plus 
deux  princesses  perses,  et  ses  lieutenants  ne  se  gênèrent 
pas  pour  se  conformer  à  son  initiative.  —  Dans  mainte 
famille  indo-bactrienne,  au  bout  de  quelques  générations, 
il  ne  devait  plus  guère  y  avoir  de  grec  que  le  nom  et  le 
langage. 

Les  maîtres  actuels  de  l'Inde,  même  quand  ils  sont 
établis  dans  le  pays  sans  esprit  de  retour,  ce  qui  est  rare, 
épousent  des  Anglo-Saxonnes  et  font  élever  leurs  enfants 
en  Angleterre.  Aussi  l'atmosphère  de  leur  foyer  reste-t-elle 
exclusivement  anglaise,  et  le  récent  développement  des 
moyens  de  communication  n'a  fait  que  rendre  plus  étroite 
cette  dépendance  morale  vis-à-vis  de  la  mère-patrie. 
A  cet  égard,  le  terme  d'Anglo-Indien  est  un  non-sens. 
Celui  d'Indo-Grec,  au  contraire,  a  été,  pendant  plusieurs 
siècles,  une  profonde  vérité. 

Les  Anglais  eux-mêmes  ont  été  contraints  de  faire  à 
l'Inde  certaines  concessions  dans  les  questions  d'habita- 
tion, de  domesticité,  de  cérémonial.  Les  Grecs,  habituésà 
de  nombreux  esclaves,  durent  s'accoutumer  plus  vite  encore 
à  l'extrême  division  du  travail  domestique  et  à  la  multi- 
plicité de  serviteurs  qui  sont  un  trait  caractéristique  de 
la  vie  indienne.  Tous  les  emplois  inférieurs  étaient  tenus 


(  675  ) 

par  des  indigènes  appartenant  à  dos  castes  où  ces  fonc- 
tions restent  héréditaires.  Le  train  d'un  stratège  OU  d'un 
satrape  sous  Apollodote  et  Ménandre  ne  pouvait  différer 
beaucoup  de  celui  qui  s'attache  de  nos  jours  à  la  per- 
sonne d'un  lieutenant-gouverneur  ou  d'un  liant  commis- 
saire, surtout  dans  les  districts  un  peu  écartés  OÙ  les 
chemins  de  fer  n'ont  pas  encore  trop  entamé  l'Inde  des 
rajahs.  Bien  plus,  la  vie  privée  des  Yavanas,  quel  que 
tïit  leur  rang,  devait  se  développer  dans  les  mêmes  con- 
ditions et  s'entourer  du  même  personnel  que  celle  des 
officiers,  des  fonctionnaires,  voire  des  négociants  britan- 
niques, en  dehors  de  quelques  grandes  villes  plus  ou 
moins  européanisées,  telles  que  Calcutta  et  Bombay. 

Comme  aujourd'hui,  les  enfants  étaient  d'abord  confiés 
aux  soins  d'une  nourrice  indigène,  Vayah,  ce  qui,  ajouté 
à  la  nationalité  généralement  indienne  de  la  mère,  im- 
primait à  leur  éducation  première  un  caractère  particu- 
lièrement indien.  Indiens  ils  seraient  restés,  et  la  culture 
hellénique  aurait  disparu  avec  la  première  génération,  si, 
à  l'âge  où,  suivant  la  tradition  classique,  ils  étaient 
retirés  des  mains  féminines,  ils  n'avaient  reçu,  par  les 
soins  ou  sous  la  surveillance  du  père,  une  éducation 
exclusivement  grecque.  On  leur  montrait  alors  à  lire  et  à 
écrire  en  grec,  —  en  Yavanàni,  comme  dit  le  gram- 
mairien Pânini.  On  les  initiait  aux  chefs-d'œuvre  de  la 
littérature  classique,  particulièrement  aux  ouvrages  d'Ho- 
mère et  des  tragiques.  On  leur  inculquait  les  éléments  des 
arts  et  des  sciences  où  les  écrivains  indiens  eux-mêmes 
n'ont  pas  hésité  à  proclamer  la  supériorité  des  Grecs  (1). 
On  leur  apprenait  à  chercher  des  modèles  dans  la  vie  des 

(h  Mahâbh.,  VIII,  2107. 


(  676  ) 
héros  qui  formaient  une  part   de  l'héritage  anceslral, 
d'Achille  à  Alexandre.  Celui-ci   surtout  était   tenu    en 
grande  estime,  et  non  sans  raison,  comme  le  fondateur  de 
la  puissance  grecque  en  Asie. 

En  même  temps  qu'on  leur  ornait  ainsi  l'esprit,  on  les 
rompait  aux  exercices  du  corps,  aux  jeux  d'adresse,  au 
maniement  des  armes.  Leur  éducation  était  surtout 
dirigée  vers  la  carrière  militaire.  Certains  écrivains  indi- 
gènes considèrent  les  Yavanas  comme  des  Kshatryas;  du 
moins  ils  en  font  des  Kshatryas  déclassés,  soit  pour  avoir 
manqué  à  leurs  devoirs  religieux  (Manou,  X,  41),  soit 
pour  avoir  épousé  des  femmes  de  caste  coudra  (Gautama 
Dharmâ-Çastra,  IV,  21). 

Les  uns  fournissaient  d'officiers  les  corps  indigènes  de 
l'année  royale;  les  autres  constituaient  une  sorte  de 
garde  prétorienne  qui,  comme  tous  les  corps  analogues, 
dut  plus  d'une  fois  prendre  l'initiative  des  insurrections 
militaires. 

Les  documents  indigènes  s'accordent  à  célébrer  leur 
vaillance;  le  Mahâbhârata  déclare  qu'avec  les Cambodjiens 
et  les  habitants  de  Mathoura,  les  Yavanas  possèdent  «  la 
supériorité  dans  les  combats  (1)  ».  Ils  excellaient  surtout 
comme  archers  et  comme  cavaliers.  Leur  équipement 
était  resté  celui  des  Grecs.  Ils  se  rasaient  la  tête,  portant 
peut-être  parfois  autour  du  casque  une  pièce  d'étoffe 
enroulée  en  turban  (2).  Une  tunique  revêtue  d'une  cui- 
rasse descendant  jusqu'aux  genoux,  des  jambières  de  cuir, 
le  glaive  à  deux  tranchants,  le  bouclier  et  la  lance  com- 
plétaient leur  armement. 


(1)  Mahàbh.,  XII,  3735-37. 

(2)  Voir  le  bas-relief  reproduit  dans  Albert  Grunwedel,  Buddhis- 
tische.  Kunst  in  Indien,  p.  91. 


(  677  ) 

Après  avoir  achevé  leur  temps  de  service  <»u  dans  les 
intervalles  de  la  vie  des  camps,  nos  Yavanas  habitaient 
de  préférence  les  villes.  Leurs  demeures,  disséminées  au 
milieu  de  beaux  jardins,  formaient  un  quartier  spécial  à 
l'écart  du  tumulte  des  bazars  indigènes.  Dans  ce  «  can- 
tonnement »,  comme  disent  aujourd'hui  les  Anglais, 
s'élevaient  le  palais  du  roi,  les  sanctuaires  du  culte,  ainsi 
que  la  citadelle  où  tout  le  inonde  officiel  se  retirait  en  cas 
d'alarme. 

Villas,  palais  et  temples  mariaient  l'élégance  grecque 
à  l'originalité  du  style  indien  (1).  La  sculpture  et  la  pein- 
ture, non  moins  que  la  gravure  des  monnaies,  familiari- 
saient les  yeux,  par  de  fidèles  copies,  avec  les  productions 
les  plus  célèbres  de  l'art  classique,  en  même  temps 
qu'avec  l'image  des  dieux  immortalisés  par  Praxitèle  ou 
Léocharès. 

Quant  aux  délassements  de  celte  petite  société  oscillant 
entre  deux  civilisations,  ils  consistaient  en  représenta- 
tions dramatiques  dont  l'influence  s'est  fait  sentir  sur  le 
développement  ultérieur  du  théâtre  indien;  en  exhi- 
bitions de  jongleurs  et  de  bayadères,  qui  ont  toujours 
formé  un  passe-temps  favori  de  l'Inde;  —  en  banquets 
somptueux,  où  les  Yavanas  mangeaient  couchés,  à  l'eton- 
nement,  sinon  au  scandale  des  indigènes  (2); —  en  joutes 
littéraires  et  philosophiques,  dont  Grecs  et  Indiens  parais- 
sent avoir  été  également  friands  (3); —  en  longs  cortèges, 


I  Sir  (ieorge  Birdwood  fait  observer  que  les  habitations  actuelles 
des  riches  indigènes,  à  Bombay,  du  moins  celles  qui  n'ont  pas  subi 
l'influence  de  l'architecture  portugaise,  rappellent  singulièrement, 
par  leur  aménagement  et  leur  décoration,  les  demeures  des  anciens 
Grecs  d'Ionie.  (Indus trial  Arts  oflndia,  Londres,  1884,  p.  -11  ï. 

(2)  \.e  scholiaste  de  Pànini  cité  par  S.  Lévy,  Quid  de  Grœcis,  p.  22. 

(3)  Vov.  le  Milinda  Pan  ha. 


(  678  ) 
où  chars,  éléphants  et  cavaliers  faisaient  escorte  au  sou- 
verain, et  en  réceptions  fastueuses,  dont  le  cérémonial 
actuel  des  cours  indigènes  peut  encore  donner  l'idée  (1). 
Lorsque,  en  1876,  le  maharaja  de  Jeypore  reçut  le  prince 
de  Galles,  la  décoration  de  la  capitale  et  le  programme  de 
la  cérémonie  furent  littéralement  calqués  sur  la  descrip- 
tion que  le  Râmâyana  donne  d'une  solennité  analogue  qui 
eut  lieu  à  la  cour  d'Oude  sous  le  maharaja  Dasaratha, 
il  y  a  plus  de  deux  mille  ans,  et  je  puis  assurer  d'expé- 
rience (pie  les  assistants  n'y  sentirent  pas  le  moindre  ana- 
chronisme. Il  y  a  là  un  cérémonial  auquel  les  princes 
grecs  n'ont  pas  plus  songé  à  se  soustraire  que  de  nos 
jours  les  représentants  olliciels  de  S.  M.  l'Impératrice  des 
Indes. 

La  religion,  fortifiée  par  ses  traditions  littéraires  et 
ses  pratiques  officielles,  resta,  pendant  plusieurs  généra- 
tions, celle  qu'on  pratiquait  dans  tout  le  monde  grec 
sous  les  successeurs  d'Alexandre.  Peu  à  peu  cependant, 
sous  la  pression  des  croyances  indigènes,  il  dut  s'y  intro- 
duire des  éléments  étrangers,  et  les  preuves  ne  manquent 
pas  que  la  culture  hellénique  s'accommoda  à  des  cultes 
nouveaux. 

Une  médaille  assez  curieuse  et  véritablement  symbo- 
lique d'Antialcidas,  un  proche  successeur  de  Démet rius. 


(1)  Les  sculptures  de  Bharhout  et  de  Sanchi.  plus  vieilles  que  notre 
ère,  confirment  à  cet  égard  le  témoignage  des  poèmes  épiques.  (Voy. 
L.  Rousselet,  L'Inde  des  Rajahs.  Paris,  1877,  p.  514.)  —  «  Qu'il  s'agisse 
des  cérémonies  publiques  ou  de  la  vie  intime,  écrit  M.  W.  Simpson, 
à  propos  des  sujets  représentés  sur  les  bas-reliefs  de  Sanchi.  vous 
trouverez  aujourd'hui  les  mêmes  scènes  qui  se  reproduisent  dans  les 
moindres  villages,  montrant  ainsi  combien  la  civilisation  et  le  costume 
sont  restés  stationnaires.  »  {Journal  of  tke  Royal  Institute  of  British 
Architects,  p.  166.  Londres,  1861-62.) 


(679  ) 

nous   montre   un   éléphant   qui,    la   trompe  levée,  rend 
hommage  à  un  Zeus  tenant  en  main  une  Victoire. 


FiG  2.  Monnaie  d'Antialeidas. 
(D'après  Percy   Gardner,  pi.   VII,  tig.  9.) 

Deux  siècles  et  demi  plus  tard,  Zeus  a  disparu;  Nikè, 
passée  au  service  d'un  autre  Panthéon,  est  devenue 
Oaninda,  une  déesse  iranienne  de  la  victoire;  enfin  on 
voit  apparaître,  parmi  les  monnaies  de  Kaniehka,  une 
multitude  de  figures  étrangères  au  panthéon  de  l'Hellade, 
parmi  lesquelles  le  Bouddha,  tantôt  debout,  la  main  levée, 
dans  l'attitude  de  l'enseignement,  tantôt  assis,  les  jambes 
croisées,  dans  l'attitude  de  la  bénédiction  —  et  même  ce 
n'a  pas  été  une  des  moindres  surprises  dont  nous  soyons 
redevables  à  la  numismatique  que  cette  exhibition  d'un 
Sakya  Mouni  vêtu  du  chiton  et  de  l'himarion,  avec  son 
double  nom  écrit  en  lettres  grecques  :  Boooo  et  Caxaua. 


Fie.  3. 

(Percy  Gardner,  pi.  XXVI,  fïg.  8.) 


Il  est  probable  que  l'art  grec,  en  se  mettant  indistincte- 


(  680  ) 
nient  au  service  de  tous  les  êtres  divins,  avait  beaucoup 
contribué,  surtout  dans  les  derniers  temps  de  la  domina- 
tion grecque,  à  amener  le  rapprochement  des  cultes  et 
l'identification  des  symboles.  Sur  les  monnaies  de 
Kanichka,  les  mêmes  personnages  portent  tantôt  le  nom 
d'Hélios  et  de  Miiro  (Mitra),  tantôt  celui  de  Sélènè  et 
de  Mao. 


Fie.  4.  Hélios  et  Mitra. 
(Percy  f.ardner,  pi.  XXVI.  tig.  -2  et  10.) 


Est-ce  un  Poséidon  ou  un  Çiva,  ce  dieu  qui  apparaît 
sur  les  monnaies  de  l'Indo-Parthe  Gondopharès,  tenant 
d'une  main  un  trident,  de  l'autre  une  palme?  (Fig.  56.) 


Poséidon.  (Monnaie  Çiva     . 

vMonnaie  d'Antimachos.)  de  Gondopharès.)    (Monnaies  de  Kanielika. 

Fig.  5.  Transition  de  Poséidon  a  Çiva  (1). 


(1)  Percy  Gardner,  op.  cit.,  pi.  V,  4;  XXII.  8;  XXVIII,  14;  XXXII, 

13.  —  Ailleurs,  l'image  de  Çiva  (0KP0),  armé  d'une  massue,  parait 
procéder  directement  des  représentations  d'Hercule.  (Voy.  Cunnin- 
gham.  dans  la  ISumismatic  Chronicle,  t   XII  de  la  3e  série,  p.  32.) 


(  081   ) 

Il  existe  au  Musée  de  Lahore  une  statue  représentant 
une  dame  plantureuse,  indienne  par  les  bijoux,  classique 
par  les  traits  du  visage  et  les  particularités  de  la  coiffure, 
entourée  d'entants  qui  lui  grimpent  sur  les  hanches  (1). 
Figure-t-elle  une  Cybèle  ou  une  Lakshmî,  voire,  comme 
le  veut  M.Vincent  Smith,  la  mère  du  Bouddha,  ou  encore, 
comme  le  suggère  M.Sénart,la  personnification  iranienne 
de  l'Abondance  royale?  Peut-être  a-t-elle  tour  à  tour 
incarné  chacune  de  ces  conceptions  pour  différentes  séries 
d'adorateurs. 

On  a  trouvé  dans  le  Penjab  plusieurs  copies  du  célèbre 
groupe  de  Léocharès  représentant  l'enlèvement  de  Gany- 
mède.  M.  Vincent  Smith  croit  que  ce  thème  en  était  venu 
à  figurer  l'ascension  de  Maya  Devi,  la  mère  du  Bouddha 
ravie  au  ciel  par  un  aigle.  Voici  maintenant  M.  Griin- 
wedel  qui,  avec  toute  apparence  de  raison,  nous  y  fait 
voir  l'enlèvement  d'une  Nàgi  par  un  Garouda,  fréquem- 
ment décrit  dans  les  légendes  empruntées  par  le  Boud- 
dhisme aux  traditions  antérieures  du  folklore  indien  (2). 

Nous  nous  imaginerions  volontiers,  dans  les  jardins  de 
Çagala,  la  capitale  de  Ménandre,  sous  le  péristyle  des 
palais  et  jusque  dans  l'atrium  des  habitations  privées, 
l'image  d'une  Minerve  avec  casque  et  lance,  --  comme 
la  statue  du  Musée  de  Lahore,  -  -  faisant  vis-à-vis  à  un 
Çiva  de  bronze,  muni  de  plusieurs  bras,  sous  le  regard 
extatique  d'un  Bouddha  émacié,  -  -  pareil  à  celui  que 
nous  exhibe  une  statue  de  Sikri,  dressée  sur  une  base 
où  des  personnages  à  physionomie  classique  se  tiennent 


1)  Reproduite  dans  le  Journal  du  Royal  Institute  of  British  Archi- 
tects,  1894,  t.  I  de  la  3e  série,  p.  136. 
{%  Grunwedel,  Buddhistische  Kunst,  fig.  34. 


(  682  ) 

en  adoration  devant  un  pyrée(l).  De  même,  on  n'a  anémie 
peine  à  se  figurer  Apollodote  ou  Ménandre,  au  sortir  d'un 
sacrifiée  otïieiel  à  Zeus  ou  à  Pallas,  présidant  le  défilé 
d'une  procession  hindoue  qu'escortent  des  soldats  grecs  (2), 
ou  s'en  allant  rendre  hommage  aux  cendres  d'un  pieux 
anachorète,  enterré  sous  un  de  ces  stoupas  bouddhiques 
dont  l'image  figure  sur  une  monnaie  d'Agalhoclès  (.">). 


L'éclectisme  religieux  des  rois  indo-grecs  nous  est 
attesté  par  un  document  indigène  fort  curieux  et  fort 
instructif,  le  Milinda  Panha,  traduction  pâlie  d'un 
ouvrage  sanscrit  qu'on  croit  avoir  été  composé  vers  le 
commencement  de  notre  ère.  Le  but  de  l'auteur  est  de 
raconter  la  conversion  du  roi  Ménandre  au  bouddhisme. 
Décrivant  la  capitale  de  ce  prince,  Çâgala,  avec  une 
richesse  de  couleur  locale  qui  fait  songer  à  certaines  pages 
des  Mille  et  une  Nuits,  il  ajoute  que  «  les  rues  y  résonnent 
de  paroles  de  bienvenue  adressées  aux  apôtres  de  tous  les 
cultes  et  que  les  docteurs  de  toutes  les  sectes  y  trouvent 
un  asile  (4)  ». 

L'auteur  nous  apprend  ensuite  que  son  héros  était  né 
à  Kalasi,  dans  une  île  de  l'Indus,  près  d'Alasanda,  l'une 


(1)  E.  Sénakt,  Notes  d'epigrapkie  indienne,  dans  le  t.  XV,  8e  série, 
du  Journal  asiatique,  pi.  II.  Paris,  1890. 

(2)  A.  Grunwedel,  Buddhistische  Kunst,  fig  29,  p.  91. 

(3)  Percy  Gardner,  pi.  IV.  10. 

(4)  I,  I,  2.  Traduction  de  M.  Rhys  Dayids,  The  Questions  of  King 
Milinda,  formant  les  volumes  XXXV  et  XXXVI  des  Sacred  Books  of 
the  East,  publiés  sous  la  direction  de  M.  Max  Mûller.  Oxford.  1890- 
1894. 


(  (383  ) 

des  villes,  fondées  par  les  Grecs,  (jui  portaient  le  nom 
d'Alexandrie.  C'était,  nous  dit-il,  un  prince  «  instruit, 
éloquent  et  sage,  observateur  Jidèle  et  judicieux  de  son 
propre  culte  ».  Il  brillait  dans  toutes  les  sciences: 
«  Comme  dialecticien,  il  était  difficile  à  égaler,  plus  diffi- 
cile encore  à  vaincre,  ouvertement  supérieur  à  tous  les 
chefs  d'école.  En  force,  en  agilité,  en  vigueur,  de  même 
qu'en  sagesse,  il  n'avait  pas  de  rival  dans  l'Inde.  Riche 
et  heureux,  il  possédait  des  soldats  innombrables  (1).  » 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  la  puissance  de  Ménandre 
est  également  attestée  par  les  auteurs  classiques;  la  lon- 
gue durée  de  son  règne  semble  résulter  de  ses  monnaies 
qui  le  représentent  à  plusieurs  âges.  La  physionomie  qui 
s'y  révèle  est  a  la  fois  fine,  calme,  énergique.  Le  front 
est  un  peu  fuyant,  mais  largement  développé.  Sa  coiffure 
est  tantôt  le  diadème,  tantôt  le  casque.  En  exergue  sont 
gravés,  au  droit,  le  titre  de  Basiieus  Sôter,  au  revers,  en 
sanscrit,  celui  de  Maharaja  Tradata. 


Fie  <>.  MéiKiiuhe,  d'après  ses  monnaies  (2). 

Le  Milinda  Panha  raconte  comment,  après  avoir  passé 
la  matinée  à  exercer  ses  troupes  dans  les  environs  de  la 
capitale,  Ménandre  consacrait  une  partie  de  la  journée  à 


(1)  Questions  of  Milinda,  liv.  I,  §  9. 

(2)  Percy  Gardner,  op.  cit.,  pi.  XI,  7  à  13,  et  XII,  \  à  4. 


(  6M  ) 
s'entretenir  avec  les  philosophes,  les  sophistes,  les  doc- 
teurs les  plus  illustres  de  toute  école  et  de  toute  secte. 
Cet  exemple  de  haute  curiosité  et  d'indépendance  d'es- 
prit devait  être  imité  dans  les  mêmes  parages,  seize  siè- 
cles plus  tard,  par  un  souverain  qui,  sans  doute,  n'avait 
jamais  entendu  parler  de  Ménandre  :  le  Grand  Mogol 
Akhar.  Lui  aussi  réunit,  dans  son  palais  de  Fouttipour 
Sikri,  des  oulémas,  des  brahmanes,  des  rabbins,  des 
dastours  guèbres  et  jusque  des  jésuites  portugais,  qu'il 
chargeait  à  tour  de  rôle  de  lui  exposer  leurs  doctrines 
respectives.  Ces  «  Parlements  de  religions  »,  qui  ont 
tant  de  peine  à  se  taire  accepter  dans  notre  vieille 
Europe,  n'ont  jamais  eu  dans  l'Inde  rien  de  choquant  ni 
même  d'insolite.  Les  interprètes  de  la  pensée  indienne 
ont  pu  avoir  de  tout  temps,  en  philosophie  comme  en 
religion,  des  vues  bien  exubérantes  et  bien  fantasques, 
pour  ne  pas  dire  pis.  Cependant,  à  de  rares  exceptions 
près,  nous  leur  voyons,  dans  toutes  les  périodes  de  l'his- 
toire, pratiquer  non  seulement  la  tolérance,  mais  encore 
le  respect  des  opinions  divergentes,  comme  s'ils  voulaient 
rester  fidèles  à  l'adage  védique  que  l'Être  unique  a  plus 
d'un  nom.  En  matière  d'extravagances  religieuses,  l'Inde 
a  beaucoup  péché.  Mais  il  doit  lui  être  beaucoup  par- 
donné, parce  qu'elle  a  beaucoup  toléré. 

Ménandre,  tel  que  le  Milinda  Panha  nous  le  dépeint, 
était  avant  tout  un  chercheur  de  vérité  :  «  Vénérable 
Seigneur,  lui  dit  un  jour  un  docteur  bouddhiste,  voulez- 
vous  discuter  en  savant  ou  en  roi?  —  Quelle  est  la  diffé- 
rence? —  Lorsqu'on  discute  entre  savants,  aucune  des 
parties  ne  se  fâche,  quand  elle  est  convaincue  d'erreur. 
Quand  c'est  le  roi  qui  discute,  si  l'on  n'est  pas  de  son 
avis,  il  vous  fait   punir   par  ses  officiers.  —  Eh  bien  ! 


(  685  ) 
reprit  Ménandre,  c'est  en  savant  et  non  en  roi  que  je 
veux   discuter.   Votre   Révérence   peut   s'exprimer  sans 
réserve,   comme  elle  le  ferait  devant  un  frère,  un  dis- 
ciple, un  novice  ou  même  un  serviteur  (4).  » 

Le  roi  de  Çâgala  ne  se  contentait  point,  comme  Akbar, 
de  convoquer  dans  son  palais  les  docteurs  des  différentes 
sectes;  il  les  visitait  chez  eux,  après  les  avoir  fait  pré- 
venir par  son  astrologue.  «  La  nuit  est  belle,  disait-il 
parfois  à  ses  conseillers.  Quel  est  le  Maître  itinérant  ou 
le  Brahmane  que  nous  pourrions  visiter  ce  soir  pour 
converser  avec  lui  et  résoudre  nos  doutes  (2)?  »  Aussitôt 
renseigné,  il  faisait  atteler  le  char  royal  et,  escorté  de 
ses  principaux  ofliciers,  s'en  allait  courir  les  monastères 
et  les  ermitages. 

Tant  qu'il  eut  seulement  affaire  aux  principaux  repré- 
sentants des  écoles  brahmaniques,  le  Milinda  Panha  nous 
le  montre  sortant  sans  peine  victorieux  de  la  contro- 
verse ;  si  bien  que,  lassé  par  ses  succès  mêmes,  il  finit 
par  murmurer  :  «  Il  n'y  a  donc  personne,  philosophe  ou 
prêtre,  qui  soit  capable  d'éclaircir  mes  doutes.  L'Inde  est. 
vide.  En  vérité,  tout  n'y  est  que  bavardage  (5).  » 

C'est  saint  Augustin,  s'écriant,  dans  un  état  moral 
.  analogue  :  «  Tout  cela  n'est  que  vent  et  fumée,  vanité 
et  néant.  »  Et,  de  même  que  l'illustre  rhétoricien  de 
Carthage  se  convertit  à  la  religion  du  Christ,  quand  il 
eut  ouvert  son  âme  à  la  prédication  de  l'évêque  Ambroise, 
ainsi  le  grand  roi  de  Çâgala  se  laissa  gagner  à  la  religion 


(1)  Questions  of  Milinda,  II,  t,  3. 

(2)  Idem.  I,  37. 

(3)  Idem,  1,  H. 


(  68(i  ) 

du  Bouddha,  le  jour  où  il  eut  rencontré  sur  son  chemin 
l'arhat  Nâgasêna,  qu'une  longue  suite  de  mérites  dans 
des  existences  antérieures  avait  prédestiné  à  devenir 
l'instrument  de  cette  conversion. 

Le  Milinda  Panha  relate,  dans  sa  conclusion,  que 
Ménandre,  après  avoir  fondé  un  monastère  qui  porta  son 
nom  et  y  avoir  installé  Nâgasêna  avec  ses  moines,  abdi- 
qua le  trône  en  faveur  de  son  (ils,  pour  s'adonner  jusqu'à 
sa  mort  à  la  vie  d'ascète  (1).  M.  Rliys  Davids  n'est  pas 
éloigné  de  croire  que  ce  passage  a  été  interpolé  par  le 
traducteur  pâli  (2).  Mais  la  conversion  môme  de  Ménandre 
au  bouddhisme  n'a  rien  d'invraisemblable.  Plutarque, 
après  avoir  rapporté  que  ce  prince  mourut  dans  son  camp, 
ajoute  que  les  principales  villes  de  l'empire  se  dispu- 
tèrent ses  cendres,  pour  rendre  hommage  à  sa  réputation 
de  justice,  et  que,  finalement,  se  les  étant  partagées  à 
l'amiable,  elles  les  déposèrent  dans  des  monuments 
élevés  à  sa  mémoire  (3).  C'est  là  un  trait  essentiellement 
bouddhique,  qu'on  croirait  emprunté  à  l'histoire  de  Sakya 
Mouni  et  qui  implique  l'existence  de  nombreux  stoupas 
dédiés  à  la  mémoire  de  Ménandre. 

11  est  d'ailleurs  avéré  que,  dans  tout  le  nord-ouest  de 
l'Inde,  le  paganisme  classique  lit  place  au  bouddhisme  (4). 
Le  doute  ne  peut  porter  que  sur  la  date  de  cette  substi- 
tution. Quand,  moins  d'un  siècle  après  Ménandre,  les 
Scvthes  s'établirent  dans  le  Penjab,  ils  n'apportèrent  pas 


(1)  Questions  of  Milinda,  VII,  7,  21. 

(2j  Idem,  introduction,  p.  xxiv. 

(3)  IIoXtTtxa  napayyeXiJLaTa.  Éd.  Didot,  t.  II,  p.  1002. 

(4)  C'est  ce  qu'attestent  les  sculptures  du  Gandhâra. 


(  687   ) 
la   religion  du   Bouddha,    ils   l'y   trouvèrent   établie  et 
l'acceptèrent  avec  le  reste  de  l'héritage  des  Grecs  (1). 

A  l'eneontre  de  cette  conclusion,  ou  a  fait  valoir  que 
les  divinités  représentées  sur  les  monnaies  des  rois  indo- 
grecs  appartiennent  toutes  au  panthéon  hellénique  et  que 
l'image  du  Bouddha  apparaît  seulement  sous  les  Indo- 
Scythes.  Mais  jamais  les  Bouddhistes  ne  proscrivirent  la 
représentation  ni  même  ne  contestèrent  la  réalité  des 
dieux  qui  se  trouvaient  sur  leur  chemin;  ils  se  bornèrent 
à  en  faire  des  êtres  un  peu  plus  rapprochés  de  l'homme 
et  soumis,  comme  lui,  à  la  loi  de  l'universelle  nature. 
Les  divinités  helléniques  se  maintiennent  d'ailleurs 
dans  tout  le  monnayage  indo-seythe,  à  une  époque  où 
personne  ne  nie  plus  la  prédominance  du  bouddhisme. 
Il  est  très  vrai  que  l'image  du  Bouddha  ne  se  montre  pas 
sur  les  monnaies  antérieurement  au  règne  de  Kanichka. 
Toutefois,  nous  savons  qu'on  s'est  longtemps  abstenu 
chez  les  Bouddhistes  de  reproduire  les  traits  du  Maître  : 
dans  toutes  les  sculptures  antérieures  à  notre  ère,  il  n'est 
jamais  figuré  que  par  un  symbole  :  trône  vide,  parasol, 
triçul,  une  paire  de  pieds,  l'arbre  sacré  ou  la  Roue  de  la 
Loi.  Or,  sur  une  monnaie  de  Ménandre,  le  revers  est 
précisément  occupé  par  la  représentation  de  cette  roue, 
qui  remplace,  ici,  l'image  ordinaire  d'une  divinité,  et 
sur    certaines   pièces,    le   titre   habituel    du   souverain, 


(1)  Kanichka  lui-même,  dont  la  tradition  a  fait  un  des  propagateurs 
les  plus  zélés  du  bouddhisme,  semble  avoir  appartenu  d'abord  à  la 
religion  de  Zoroastre,  si  l'on  en  juge  par  les  monnaies  où  il  nous 
apparait  dans  son  costume  royal,  étendant  la  main  sur  un  pyrée  ira- 
nien, et  aussi  par  les  légendes  où  il  prend  le  titre  de  MA2A00NAN0, 
que  Cunningham  traduit  par  «  Mazdéen  »,  c'est-à-dire  «  adorateur 
d'Ahoura  Mazda  ».  (Babylunian  and  Oriental  Record,  t.  II,  p.  44.) 


(  688  ) 

Tradata  (Sôter)  est  remplacé  par  la  dénomination  de 
Dhramika  (pour  Dharmika),  que  le  graveur  grec  a  traduite, 
dans  la  circonstance,  par  Dikaios  (Juste),  mais  qui  se 
rend  plus  exactement  par  «  Fidèle  à  la  Loi  »,  expres- 
sion essentiellement  bouddhique  (1). 

On  a  quelque  peine  à  comprendre  comment  celte 
société  grecque,  légère  et  raffinée,  fière  de  son  passé, 
tout  imprégnée  d'une  culture  qui  implique  une  concep- 
tion sereine  et  optimiste  de  la  vie,  en  vint  à  se  jeter  dans 
les  bras  d'une  religion  de  renoncement  et  de  désespé- 
rance, où  l'idéal  s'incarne  dans  l'ascète  et  non  plus  dans 
le  héros,  où  le  but  devient  l'anéantissement  de  la  per- 
sonnalité en  un  sommeil  sans  rêves,  et  non  plus  son  épa- 
nouissement dans  la  radieuse  clarté  des  Champs  Élyséens. 
Cependant,  un  phénomène  analogue  n'allait-il  pas  bientôt 
se  produire  en  plein  Occident? 


(1)  Dans  un  récent  article  du  journal  de  la  Royal  Asiatic  Society 
\avril  1897),  M.  L.-A.  Weddel  a  soulevé  des  objections  contre  l'identifi- 
cation du  roi  Ménandre  avec  le  héros  du  Milinda  Panha.  11  fait  valoir 
que,  dans  certaines  traditions  du  bouddhisme  septentrional,  le  sou- 
verain converti  par  Nâgasêna  se  nommait  Nanda  ou  Ananta,  et, 
s'appuyant  sur  divers  détails  de  la  version  pâlie  elle-même,  il  en 
conclut  que  le  prince  en  question  pourrait  bien  être  un  roi  de  l'Orissa 
ou  du  Bengale.  A  cela  nous  répondrons  que  le  rôle  attribué  à  Milinda 
dans  les  dialogues  du  Milinda  Panha  a  pu  être  également  prêté  à 
d'autres  souverains  dont  on  voulait  raconter  la  conversion  édifiante. 
Mais  il  n'en  est  pas  moins  évident  que,  dans  la  pensée  de  l'auteur  du 
Milinda  Panha,  il  s'agissait  bien  de  Ménandre,  le  roi  des  Yavanas  qui 
régnait  à  Eutliydêmia,  dans  le  Penjab.  D'ailleurs,  M.  Rhys  Davids  offre 
d'excellentes  raisons  pour  faire  remonter  l'original  de  la  version  pâlie 
au  premier  siècle  de  notre  ère,  c'est-à-dire  à  une  époque  où  les  sou- 
venirs de  Ménandre  étaient  encore  vivants,  alors  que,  de  l'aveu  de 
M.  Weddel,  l'existence  de  la  version  chinoise  à  laquelle  il  fait  allusion 
ne  peut  être  établie  qu'au  cinquième  siècle  après  Jésus-Christ. 


V 


«89 


Les  Grecs  de  l'Inde  se  trouvèrent  en  proie,  trois  siècles 
avant  leurs  cousins  d'Europe,  à  la  crise  morale  qu'engen- 
dre dans  les  âmes  de  haute  culture  la  prédominance  des 
jouissances  matérielles  et  l'impuissance  des  anciennes 
croyances  à  satisfaire  les  besoins  de  la  raison  et 
du  cœur.  Le  bouddhisme  s'offrit  à  point  pour  fournir  un 
refuge  à  ces  désabusés,  qui,  comme  Ménandre,  trouvaient 
l'Inde  «  vide  ».  Us  y  rencontrèrent  la  paix  de  l'âme, 
mais  ce  fut  peut-être  aux  dépens  de  l'activité  et  de 
l'énergie  qui  allaient  leur  devenir  plus  nécessaires  que 
jamais  pour  lutter  contre  les  éléments  désorganisateurs 
au  dedans  et  au  dehors. 

Que  Ménandre  ait  terminé  ses  jours,  comme  Charles- 
Quint,  dans  la  paix  d'un  monastère,  ou  comme  Marc- 
Aurèle,  dans  le  tumulte  d'un  camp,  il  ne  nous  apparaît 
pas  moins  le  symbole  de  sa  race  et  de  son  temps. 
Pour  mettre  dignement  en  lumière  celte  grande  figure 
qui  s'esquisse  dans  la  pénombre  du  passé,  l'histoire  ne 
suflit  guère:  il  faudrait  le  talent  d'un  romancier  comme 
Bulwer  Lytton  ou  Ebers,  d'un  poète  comme  Edvvin 
Arnold,  d'un  librettiste  comme  Richepin.  Ajouter  un  cha- 
pitre à  la  psychologie  des  peuples,  en  personnifiant  le 
conflit  du  génie  hellénique  avec  l'âme  indienne,  —  mon- 
trer comment  les  fiers  successeurs  des  compagnons 
d'Alexandre  et  la  non  moins  orgueilleuse  descendance 
des  brahmanes  deux  fois  nés  communièrent  dans  l'évan- 
gile d'humilité  et  d'amour  prêché  par  le  doux  ascète  de 
Kapilavastou,  -  -  faire  la  part  de  l'éternel  féminin  en 
opposant  une  Sacountalâ  ou  une  Izeil  au  double  type  que 
la  civilisation  grecque  a  partout  porté  avec  elle  :  l'épouse 
et   la   courtisane,  —  grouper  enfin   tous  ces  éléments 

r>roe    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  45 


(  G90  ) 

autour  d'une  des  physionomies  les  plus  attirantes  et  les 
plus  énigmatiques  de  la  royauté  indo-grecque,  —  dans  un 
cadre  fourni  par  le  mélange  de  deux  civilisations  aussi 
complexes  et  aussi  disparates  que  celles  de  la  Grèce  et  de 
l'Inde  à  l'apogée  de  leur  épanouissement,  —  n'est-ce  pas 
un  sujet  bien  fait  pour  tenter  un  écrivain  de  talent,  dans 
un  siècle  aussi  favorable  que  le  nôtre  aux  restitutions 
archéologiques? 

Même  sur  le  terrain  historique,  l'élément  tragique  ne 
ferait  pas  défaut  devant  l'ombre  grandissante  que 
devaient  projeter,  comme  plus  tard  en  Occident,  les 
«  barbares  »  —  Scythes,  Parthes,  Hindous  —  campés  le 
long  des  frontières.  Les  dix  mille  Grecs  de  Ménandre, 
poignée  d'hommes  perdus  dans  un  coin  de  l'Asie,  au 
milieu  de  races  étrangères,  isolés  de  la  mère  patrie, 
comme  les  compagnons  de  Gordon  à  Khartoum  et  d'Émin 
dans  le  Soudan,  par  toute  la  profondeur  d'un  continent 
hostile,  devaient  instinctivement  sentir  que  leurs  victoires 
n'auraient  pas  de  lendemain.  Or,  je  neconnais  rien  de 
plus  mélancolique  que  les  dernières  floraisons  d'une  race 
qui  s'éteint  ou  d'une  société  qui  s'écroule,  quand  elle 
commence  à  prendre  conscience  que  l'avenir  lui  échappe. 
Puissent  ces  angoisses  être  épargnées  à  nous  et  à  nos 
enfants  ! 

Les  Indo-Grecs  étaient  donc  condamnés.  Mais  une 
civilisation  ne  périt  jamais  tout  entière  et  la  culture 
classique,  qu'ils  avaient  importée  dans  l'Inde,  laissa  der- 
rière elle  plus  d'un  germe  qui  devait  fructifier  chez  leurs 
successeurs. 


<i!H 


De  la  santé  morale  dans  les  lettres  et  les  arts  de  notre 
temps;  par  Adolphe  Prins,  membre  de  la  Classe  des 
lettres. 

Mesdames  et  Messieurs, 

Dans  le  Banquet  de  Platon,  Diotime  s'écrie:  «  0  mon 
cher  Socrate,  si  quelque  chose  donne  du  prix  à  la  vie 
humaine,  c'est  la  contemplation  de  l'éternelle  Beauté!  » 

En  commençant  cette  lecture,  j'invoque  les  paroles  de 
l'étrangère  de  Mantinée  :  je  ne  suis  pas  un  artiste,  je 
suis  simplement  quelqu'un  de  la  foule,  et  si  je  me  crois 
permis  cependant  de  vous  entretenir  d'Art,  c'est  que  je 
m'imagine  qu'attacher  du  prix  à  la  Beauté  est  un  titre 
suffisant  pour  en  parler. 

Nous  sommes,  Mesdames  et  Messieurs,  à  la  fin  d'un 
grand  siècle;  nous  assistons  à  une  glorieuse  efflorescence 
de  l'Art.  Seulement  les  écoles  et  les  tendances  sont  si 
nombreuses  et  diverses,  qu'il  est  bien  difficile  de  suivre 
la  direction  du  mouvement  artistique. 

Une  seule  chose  se  dégage  du  chaos  et  apparaît  dis- 
tinctement :  c'est  ce  que  Brunetière  a  appelé  l'insurrec- 
tion du  cœur  contre  l'intelligence,  c'est  la  réaction  de  la 
passion  contre  la  froide  raison,  de  la  légende  contre  le 
fait,  et,  en  un  mot,  la  Renaissance  de  l'Idéalisme. 

Parmi  les  causes  de  cette  Renaissance,  il  unit  signaler 
d'abord  les  excès  de  l'esprit  d'analyse  qui,  sous  prétexte 
d'exactitude  dans  les  détails,  décompose  et  détruit  l'unité 


692  ■) 

de  la  sensation.  La  photographie,  de  même,  en  saisissant 
sur  la  plaque  sensible  des  centièmes  de  seconde,  en  dé- 
composant à  l'infini  les  mouvements  les  plus  simples, 
'nous  fournit  des  images  ne  rendant  plus  l'impression  res- 
sentie, et,  pour  reconstituer  celle-ci,  il  nous  faut  une 
synthèse.  L'Art  aussi  a  soif  de  synthèse  et  comprend  la 
supériorité  de  la  force  qui  coordonne  sur  la  force  qui 
desagrège. 

Il  faut  signaler  ensuite  la  dégénérescence  du  natura- 
Usine,  la  recherche  du  terre  à  terre  et  de  la  vulgarité  pour 
la  vulgarité,  aboutissant  à  dépeindre  le  monde  autrement 
qu'il  n'est,  et  à  construire  une  sorte  d'épopée  de  la  lai- 
deur et  i\u  vice. 

Le  naturalisme  a  peu  à  peu  dévié  de  son  origine;  sous 
prétexte  de  vérité,  il  est  devenu  conventionnel  et  outré; 
sous  prétexte  de  réalité,  il  est  devenu  faux  et  a  démontré 
une  fois  de  plus  qu'un  art  faux  est  un  art  malsain. 

Je  ne  discuterai  pas  le  problème  si  complexe  de  la 
moralité  dans  l'art.  On  l'a  dit  souvent,  il  n'y  a  pas  de 
mauvais  livres,  il  n'y  a  que  de  mauvais  lecteurs,  car  seul 
l'être  faible  interprète  les  livres  dans  le  sens  de  ses  vices 
et  de  ses  passions.  Qui  donc  oserait  scruter  les  intentions 
de  l'artiste?  Les  juges  les  plus  sévères  sont  souvent  les 
moins  vertueux,  et  l'histoire  est  là  pour  dire  que  rien 
n'est  plus  dangereux  et  plus  grotesque  à  la  fois  qu'un 
cuistre  se  mêlant  d'apprécier  la  moralité  du  génie. 

Mais  si  l'art  n'a  pas  uniquement  pour  but  de  défendre 
une  thèse  morale,  je  pense  cependant  que  l'art  digne  de 
ce  nom,  l'art  sincère  est  une  force  sociale  salutaire  qui 
élève  l'individu,  tandis  qu'il  y  a  un  art  artificiel  qui  ne 
répond  à  aucun   des   plus  nobles   besoins  sociaux.    Et 


(  693  ) 

pour  prendre  un  exemple,  il  n'est  pas  contestable  qu'une 
partie  de  la  littérature  de  langue  française  se  caractérise 

en  ce  moment  par  l'absence  de  santé  morale;  je  veux 
parler  de  l'école  <|iii  semble  avoir  pris  pour  devise,  non 
la  liberté  dans  l'art,  mais  la  dépravation  dans  la  littéra- 
ture. Son  signe  particulier  n'est  pas  le  choix  du  sujet, 
mais  la  façon  de  le  traiter,  un  procédé  qui,  à  travers  des 
œuvres  innombrables,  apparaît  toujours  le  même  et  a  tou- 
jours le  même  résultat  :  rendre  le  vice  sympathique  ou 
attrayant. 

A  coup  sûr.  il  ne  peut  être  question  ici  de  la  liberté 
du  penseur  dégagé  de  tout  préjugé  bourgeois,  car  jamais 
on  n'a  vu  plus  de  préjugés,  d'étroitesse,  de  routine,  de 
banalité,  moins  de  véritable  invention. 

Sous  la  plume  des  disciples  de  cette  école,  qu'il  s'agisse 
du  roman  ou  du  théâtre,  l'humanité  n'est  plus  qu'une 
sorte  de  règne  inférieur,  vivant  uniquement  pour  la  salis- 
faction  du  génie  brutal  de  l'espèce. 

Leur  monde  se  compose  de  pantins  groupés  dans  des 
hôtels  luxueux  ou  sur  des  plages  à  la  mode. 

Leurs  personnages  sont,  en  général,  des  fantoches  qui. 
n'ayant  aucun  but  dans  leur  vie  stérile  et  désœuvrée,  ont 
trouvé  une  distraction  unique,  l'adultère. 

Et  si  le  genre  varie,  s'il  est  tantôt  réaliste  et  sensuel, 
tantôt  élégiaque  et  sentimental,  tantôt  allègre  et  humo- 
ristique, le  fond  ne  varie  pas. 

Assurément,  cette  littérature  a  ses  degrés  :  il  y  a  un 
degré  tout  à  fait  inférieur,  le  pur  libertinage,  ces  fameuses 
tranches  de  vie  sans  passion,  couleur  ni  relief,  observées 
et  découpées,  sans  doute,  dans  le  monde  des  tripots 
et  des  mauvais  lieux  où,  sous  le  règne  de  Charles  II, 
Wycherley  et  Congreve  allaient  prendre  leurs  modèles. 


v  694  ) 
Il  est  aussi  un  degré  supérieur,  des  œuvres  d'un  art 
raffiné,  de  subtiles  études  psychologiques,  des  analyses 
savantes  et  quintessenciées.  Chez  les  uns,  tels  Bourgetet 
ses  imitateurs,  une  grâce  alanguie  et  perverse  revêt  toutes 
les  défaillances  des  séductions  d'une  fausse  sentimenta- 
lité; chez  d'autres,  comme  Marcel  Prévost  et  Hervieu,  se 
trahit  une  licence  aimable  et  de  bon  ton,  une  corruption 
distinguée, une  complaisance  experte  à  excuser,  à  poétiser 
et  même  à  glorifier  l'immoralité.  Mais  de  cette  littérature 
mondaine,  de  ces  œuvres  chatoyantes,  que  subsiste- t-il, 
sous  leur  enveloppe  charmeuse  et  provocante,  sinon  la 
vision  aussitôt  effacée  de  pâles  fantômes,  d'âmes  ané- 
miées, d'aventures  aussi  hardies  que  banales,  en  un  mot 
de  poupées  et  de  mannequins  vêtus  à  la  mode  du  jour, 
gracieux  ou  grimaçants,  mais  ne  rendant  pas  quand  on 
les  heurte  le  son  de  la  vie,  ne  nous  parlant  jamais  de  nos 
passions,  de  nos  inquiétudes  ou  de  nos  espérances  et  ne 
rappelant  en  rien  cette  humanité  vraie  dont  nous  sommes 
et  que  nous  aimons? 

Je  dis,  Mesdames  et  Messieurs,  que  celte  littérature  est 
malsaine. 

«  La  vie  est  brève,  écrivait  Ruskin,  les  heures  paisi- 
»  blés  sont  rares;  il  ne  faudrait  les  employer  qu'à  lire 
•)  de  bons  livres.  » 

Eh  bien,  ces  livres  qui  ne  fournissent  ni  une  idée,  ni  une 
émotion,  ni  une  réflexion,  ne  sont  pas  de  bons  livres. 

D'abord,  quand  depuis  cinquante  ans  ils  décrivent  une 
société  uniformément  vicieuse  et  frivole,  ils  ne  devien- 
nent pas  seulement  terriblement  ennuyeux  et  monotones, 
ils  sont  malsains  parce  qu'ils  ne  sont  pas  vrais. 

Vous  n'êtes  pas  sans  avoir  déjà  constaté  qu'il  y  a  dans 
le  monde  autre  chose  que  des  débauchés  et  des  hvsté- 


(  695  ) 

riques.  Il  en  existe,  c'est  incontestable.  Il  y  en  a  même 
beaucoup.  A  mie  époque  de  grande  civilisation,  on  voit 
toujours  augmenter  le  nombre  des  parasites  qui  s'élei- 
gnent  dans  une  oisiveté  dorée,  comme  le  nombre  des 
vagabonds  qui  s'éteignent  dans  les  dépôts  de  mendicité. 
Il  y  a  de  l'écume  partout,  et  l'écume  apparaît  à  la  surface. 

Mais  malgré  tout,  du  haut  en  bas  de  l'échelle  sociale, 
on  peine,  on  lutte  :  ouvriers  intellectuels  ou  manuels, 
tous  sont  soumis  à  la  loi  commune;  chacun  a  ses  devoirs 
et  ses  souffrances;  chacun  a  ses  idées  à  défendre,  sa 
famille  à  soutenir;  chacun  doit  assurer  sa  vie,  faire  son 
chemin  ou  maintenir  une  position  acquise.  Chacun  doit 
agir  et  marcher,  et  celui  qui  reste  immobile  tombe  et 
disparaît  sous  la  poussée  des  autres.  Or,  quand  les  partis 
révolutionnaires  nous  montrent  dans  les  classes  diri- 
geantes un  ramassis  de  millionnaires  paresseux  et  désœu- 
vrés qui  s'amusent  pendant  que  le  peuple  travaille  et 
gémit,  ils  peuvent,  à  l'appui  de  leurs  malédictions, 
invoquer  avec  d'autant  plus  de  raison  les  œuvres  qui,  fai- 
sant prendre  l'exception  pour  la  règle,  donnent  l'impres- 
sion d'une  société  universellement  odieuse  et  corrompue, 
que  les  auteurs  de  ces  romans  et  de  ces  comédies  ont  la 
prétention  de  se  livrer  à  l'étude  des  mœurs  et  de  refléter 
l'état  social.  Et  il  faut  un  certain  jugement  pour  se  per- 
suader que  l'Univers  conserve  son  éternelle  harmonie, 
que  depuis  l'origine  des  choses  le  soleil  éclaire  les 
mêmes  vices  et  les  mêmes  vertus,  et  qu'il  y  a  encore, 
après  tout,  autant  de  cœurs  droits  et  d'actes  utiles  que 
d'êtres  dégradés  et  d'actes  nuisibles. 

La  littérature  dont  je  parle  est  malsaine  à  un  second 
point  de  vue  :  elle  exerce  une  influence  pernicieuse  parce 
qu'elle  distille  goutte  à  goutte  dans  les  veines  le  subtil 


(  696  ) 

poison  d'une  sensualité  voulue.  Pour  le  nier,  il  faut  nier 
le  pouvoir  évocateur  des  mots,  oublier  que  l'homme  se 
laisse  par  eux  conduire  et  duper.  Et  s'il  y  a  des  mots 
capables  d'enfanter  l'enthousiasme,  de  refléter  les  idées 
pour  lesquelles  on  vit,  on  lutte  et  on  meurt  au  besoin,  il 
enestd'autres  qui,  lentement,  mais  sûrement,  dessèchent, 
dépravent,  abaissent  et  finissent  par  étouffer  l'idéal  que 
chacun  porte  en  soi. 

Songez  donc  à  la  production  et  à  la  consommation 
etfrénées,  résultat  de  la  démocratisation  de  l'art  ;  songez 
à  la  légion  d'oeuvres  mal  écrites,  mal  pensées,  grave- 
leuses ou  brutales,  que  chaque  jour  voit  éclore,  au  bon 
marché  de  ces  publications,  au  bas  prix  des  places  popu- 
laires au  théâtre,  à  la  grivoise  vulgarité  de  certains  spec- 
tacles, à  ces  stupéfiantes  affiches  où  des  directeurs,  avec 
une  inconscience  surpassée  encore  par  celle  des  parents 
qui  les  écoutent,  annoncent  que  les  enfants  paieront 
demi-place.  Songez  à  ce  que  doivent  à  la  longue  éprouver, 
non  pas  des  lettrés,  car  les  lettrés  peuvent  impunément 
tout  lire,  mais  de  petits  bourgeois  dont  la  vie  est  dure, 
l'instruction  sommaire  et  l'éducation  négligée;  songez 
que  pendant  les  heures  rares  dont  parle  Ruskin,  heures 
dérobées  à  un  labeur  sans  trêve,  ils  se  repaissent  de  cette 
littérature  frelatée,  et  que  constamment  devant  les 
mêmes  yeux  reviennent  les  mêmes  images,  éveillant  les 
mêmes  sensations,  et  vous  comprendrez  comment  une 
littérature  peut  être  malsaine,  engendrer  le  plus  désolant 
des  pessimismes,  inspirer  le  dégoût  de  la  vie  que  l'on 
mène  et  du  milieu  où  l'on  vit,  enseigner  le  mépris  de  tout 
ce  qui  constitue  l'honneur,  la  dignité,  la  joie  de  l'hom- 
me, le  dédain  de  cette  chose  à  la  fois  si  près  de  nous  et 
si  haute,  et  si  loin  des  décevantes  chimères  :  je  veux  dire 


(  697  ) 
le  devoir  de  chaque  jour  accompli   par  chacun  suivant 
ses  forces. 

Oui,  cet  arl  est  anti-social  au  suprême  degré,  et  en 
Belgique,  l'éducation  populaire  en  subit  plus  que  par- 
tout ailleurs,  et  sans  aucun  contrepoids,  les  détestables 
effets. 

Quand  on  voyage  à  l'étranger,  on  est  frappé  des  res- 
sources offertes  par  le  théâtre  et  la  presse  littéraire.  En 
Angleterre,  en  Allemagne,  à  Paris,  on  représente  les 
chefs-d'œuvre  de  la  littérature;  la  jeunesse  apprend  à 
goûter  la  joie  des  plus  nobles  manifestations  de  l'art  : 
le  théâtre  reste  une  école  de  goût  et  d'enthousiasme,  et 
contribue  à  former  l'âme  de  la  nation.  En  Angleterre,  en 
Allemagne,  en  Hollande,  en  Norwège,  il  y  a  d'innom- 
brables journaux  littéraires  appropriés  à  la  vie  de  famille. 
Nous  n'avons  rien  de  tout  cela.  A  part  certaines  tentatives 
de  la  jeune  école,  tentatives  dignes  d'éloges,  mais  qui 
restent  confinées  dans  un  cercle  restreint,  nous  ne  con- 
naissons rien  de  tout  cela. 

En  fait  de  littérature,  notre  grand  public  ne  connaît 
même  pas  les  lettres  françaises;  il  ne  connaît  que  les 
vaudevilles  français  et  les  feuilletons  français.  Au  lieu  de 
ces  revues  littéraires  de  l'étranger  qui,  grâce  à  la  modi- 
cité du  prix,  ont  leur  place  aux  plus  humbles  foyers  et 
font  partie  des  veillées  familiales,  nous  sommes  entourés 
de  journaux  licencieux  dont  les  illustrations  s'étalent  dans 
la  rue  et  frappent  les  yeux  de  tous.  Personne  ne  pourrait 
contester  qu'il  n'y  ait  là  pour  les  masses  un  ferment  de 
décomposition. 

C'est  une  plante  fragile  qu'une  âme  naissante,  et  c'est 
quelque  chose  après  tout,  dans  les  épreuves  de  la  matu- 
rité, que  le  souvenir  d'une  atmosphère  où  les  imaginations 


(  <>!)8  ) 
tendres  et  délicates  ont  pu  conserver  leur  fraîcheur,  où 
les  impressions  premières  ont  été  saines.  C'est  ainsi  que 
l'on  protège  la  sève,  la  vigueur  et  la  fécondité  d'un 
peuple,  qu'on  lui  inspire  le  sentiment  de  la  dignité  et 
du  respect  de  soi-même  et  que  l'on  conserve  son  patri- 
moine moral. 

C'est  ainsi  qu'une  nation  a  des  enfants  dont  le  cœur 
n'a  pas  été  flétri,  dont  on  n'a  pas  fait  des  monstres  de 
précocité,  des  petites  filles  qui  n'ont  pas  encore  l'expé- 
rience d'une  femme  blasée,  des  garçons  sans  rides  assez 
naïfs  pour  ne  pas  comprendre  tout  ce  qu'on  dit  et  deviner 
tout  ce  qu'on  ne  dit  pas;  des  enfants  enfin,  dont  l'œil 
clair  et  le  rire  franc  révèlent  qu'ils  sont  restés  simple- 
ment des  enfants. 

N'oublions  pas  que  ce  qu'on  enlève  à  l'idée  morale,  on 
le  donne  à  la  force  brutale  et  à  l'égoïsme,  et,  comme  le 
dit  Albert  Sorel,  que  la  licence  du  marquis  de  Sade 
enfante  la  cruauté  de  Carrier. 

Partout  l'on  comprend  ces  cboses,  et  cela  suffit  à  expli- 
quer la  réaction  contre  la  grossièreté  et  la  vulgarité,  et 
l'aspiration  générale  vers  la  région  supérieure  de  l'idéa- 
lité. 

Je  me  figure  un  jeune  bomme  dont  les  sentiments  ne 
sont  pas  émoussés.  Il  a  passé  quelques  années  à  la  ville; 
il  a  coudoyé  tous  les  mondes,  respiré  l'odeur  des  tavernes, 
entendu  les  propos  des  chambrées  et  il  est  convaincu 
que  désormais  il  connaît  la  réalité  de  la  vie.  Et  voici  qu'il 
retourne  au  foyer  paternel  et  que  le  village  natal  apparaît 
au  loin  dans  la  campagne  baignée  de  clarté;  et  des  fonds 
verdoyants  où  le  ruisseau  clapote  sous  les  saules,  où  les 
blés  d'or  ondulent  au  soleil,  monte  avec  une  inexpri- 
mable fraîcheur  la  sensation  de  l'éternelle  jeunesse  et  de 
la  fécondité  sacrée  de  la  Terre. 


1>99  ) 

Mors  la  grande  paix  de  la  nature  le  reprend;  des  souf- 
fles mystérieux,  semblant  venir  de  très  haut  et  de  très 
loin, l'enveloppent  et  le  pénètrent  de  l'infinie  douceur  de 
vivre  et  il  sent  que  tout  cela,  c'est  aussi  la  réalité,  mais 
une  réalité  plus  pure  (pie  celle  qu'il  vient  d'abandonner. 

Eh  bien,  Mesdames  et  Messieurs,  c'est  quelque  chose 
de  semblable  <pie  notre  aspiration  vers  l'Idéal,  ('e  n'est 
pas  le  dédain  de  la  réalité,  mais  une  façon  plus  haute  de 
la  comprendre,  la  conviction  que  l'idéal  peut  s'élever 
d'autant  plus  que  noire  connaissance  de  l'Univers  sera 
plus  large,  et  que  pour  être  complètement  vrai,  il  ne 
suflit  pas  de  s'appuyer  uniquement  sur  des  faits  et  de  n'en 
connaître  qu'une  partie. 

Dans  son  roman  La  Terre,  Zola,  sur  un  tout  petit 
coin  du  sol  français,  rassemble  ce  que  dans  l'univers 
entier  la  vie  rurale  inculte  et  primitive  peut  offrir  de 
mœurs  bestiales  et  repoussantes,  de  sentiments  vils  et  bas, 
et  Zola  est  presque  aussi  loin  des  vrais  paysans  qu'Honoré 
d'Urfé  quand,  nous  promenant  sur  les  bords  du  Lignon, 
il  nous  décrit  les  amours  idylliques  du  berger  Céladon  et 
de  la  bergère  Astrée.  Dans  Pot-Houille,  il  condense 
en  une  seule  maison,  habitée  par  <\v>>  familles  diverses, 
tout  ce  que  la  vie  bourgeoise  peut  offrir  de  cynisme,  de 
scandales  et  de  hontes;  l'effet  d'optique  est  tout  aussi 
factice  et  mensonger,  et  il  est  facile  de  montrer  combien 
il  y  a  moyen  d'être  plus  naturel  en  étant  moins  natura- 
liste. 

Permettez-moi  de  prendre  un  exemple  banal  a  force 
d'être  connu.  Je  veux  parler  de  Dickens,  que  je  choisis 
précisément  parce  que  tous  l'ont  lu  et  qu'il  a  exercé  une 
grande  influence  au  dehors  :  il  ne  vise  pas,  lui,  à  la 
reproduction  photographique;  sa  caractéristique,  au  con- 


(  700  ) 

traire,  est  l'exubérance  de  l'imagination.  Pourtant,  le 
nom  de  David  Copperfield  subsiste  dans  notre  mémoire 
comme  celui  d'un  ami  avec  lequel  nous  avons  passé  des 
jours  joyeux  ou  sombres.  Et  quand,  à  la  dernière  page  du 
roman,  à  côté  d'Agnès  qui  le  regarde  et  de  la  lampe  qui 
s'éteint,  il  dépose  la  plume,  nous  nous  séparons  de  lui  à 
regret,  avec  l'espoir  qu'il  sera  heureux. 

Et  pourquoi  donc  connaissons-nous  si  bien,  non  seule- 
ment l'âme  de  David  Copperfield,  mais  le  milieu  où  il  a 
vécu,  et  les  rues  anglaises,  et  le  brouillard  anglais,  et  la 
pluie  anglaise,  et  les  pauvres  anglais,  et  les  abus  anglais, 
sinon  parce  que  l'imagination  de  Dickens  lui  permet  de 
donner  à  la  fois  la  personnalité  aux  êtres  et  le  relief  aux 
objets?  En  même  temps  que  la  chaude  lumière  de  son 
esprit  éclaire  ses  héros  et  les  empêche  d'être  étouffés  sous 
le  poids  inexorable  des  choses,  elle  donne  aux  choses  le 
reflet  de  la  vie.  Voilà  la  réalité  même,  l'art  complet  qui 
réveille  la  matière  endormie  et  donne  aussi  la  force  et  la 
puissance  à  l'idée.  Nous  ne  sommes  pas  de  simples  appa- 
reils enregistreurs,  de  simples  miroirs,  dit  Fouillée.  La 
vérité  philosophique  est  aussi  la  vérité  artistique. 

Il  y  a  toujours  action  et  réaction  réciproque.  Le  milieu 
agit  sur  l'individu,  l'individu  projette  son  âme  sur  le 
milieu.  Et  si  parfois,  dans  les  souvenirs  de  l'âge  mûr,  se 
détache,  avec  une  netteté  admirable,  la  chambre  des  jours 
d'enfance,  si  la  fenêtre  où  l'on  s'accoudait  aux  heures  de 
pluie,  où  l'on  faisait  des  bulles  de  savon  aux  heures  de 
soleil,  si  la  table  où  l'on  apprenait  à  épeler  dans  le  livre 
aux  lettres  immenses,  si  le  polichinelle  usé  et  défraîchi, 
compagnon  de  toutes  les  joies  et  de  toutes  les  douleurs, 
avec  lequel  on  pouvait  entamer  de  si  longues  causeries 
sans  jamais  l'ennuyer,  si  tout  cela  se  lève  dans  la  brume 


701   ) 

du  passé  et  semble  parler,  pleurer,  aimer,  sourire,  n'est- 
ce  pas  qu'il  y  a  eu  nous  une  force  invincible  et  cachée 
qui,  à  travers  le  temps  et  l'espace,  prête  aux  choses  nos 
sentiments  et  nos  pensées? 

Laissez-moi  vous  donner  un  second  exemple  d'un 
genre  tout  opposé  :  le  roman  plus  récent  de  Suderman, 
Frau  Sorge,  «  La  Dame  < 1 1 1  Souci  ».  Rien  n'est  plus 
simple,  et  rien  n'est  plus  émouvant.  C'est  l'histoire  d'une 
conscience  engourdie  qui  s'ignore,  et  solitaire,  repliée 
sur  elle-même,  se  détend  peu  à  peu.  Elle  sent  les  mor- 
sures de  l'existence  d'autant  plus  profondément  qu'elle 
est  incapable  de  s'épancher. 

Les  privilégiés  nés  avec  les  dons  les  plus  brillants,  et 
qui  vont  droit  devant  eux,  hardis,  assurés,  s'assimilant 
toutes  choses  comme  en  jouant,  ne  soupçonnent  pas  les 
jours  amers  et  douloureux  de  l'être  fruste  ayant  la  notion 
du  devoir  et  le  désir  de  l'accomplir,  mais  ne  trouvant 
jamais  le  mot  juste  ou  le  geste  nécessaire.  Sans  cesse 
heurté  par  la  foule  des  médiocres,  il  trébuche  quand  eux 
marchent  sans  hésitation  et  toute  sa  conduite  met  en 
relief  le  contraste  entre  l'être  d'instinct  et  le  monde  de 
convention  et  de  formule,  entre  l'esprit  d'élite  et  la  tourbe 
des  esprits  ordinaires. 

Paul  Meyhofer,  le  héros  du  roman,  est  une  de  ces  âmes 
d'exception  renfermées  et  incertaines  ;  son  moi  se  dégage 
lentement,  il  se  forme  et  s'élève  dans  les  épreuves,  au 
milieu  des  chagrins,  des  humiliations,  des  secousses,  des 
incidents  terre  à  terre  d'une  vie  difficile.  Quand  la  plu- 
part des  romans  contemporains  nous  montrent  l'individu, 
victime  fragile  et  assouplie  de  la  fatalité  sociale  ou  héré- 
ditaire, ici,  au  contraire,  la  volonté  du  héros  réagit  contre 


(  702  ) 

le  milieu,  et  Paul  Meyhofer  triomphe,  fidèle  à  un  idéal 
confus  vaguement  entrevu,  et  à  un  amour  d'enfance  naïf, 
timide  et  pur,  qui,  traversant  sa  jeunesse  comme  un  doux 
rayon  de  chaleur  perce  le  froid  de  la  brume,  fait  évanouir 
enfin  la  Dame  du  Souci. 

Tout  cela  n'est  pas  compliqué,  et  pourtant  c'est  rede- 
venu neuf  au  regard  de  la  majorité  des  œuvres  actuelles; 
car  en  général,  ou  bien  l'individu  est  le  jouet  de  la  néces- 
sité organique,  nous  savons  d'avance  dans  quelle  direc- 
tion il  sera  poussé  et  l'intérêt  dramatique  disparaît  pour 
ne  laisser  dominer  que  le  mérite  de  la  facture;  ou  bien 
ce  sont  même  parfois,  comme  dans  Lourdes  ou  La 
Débâcle,  des  toiles  d'un  coloris  splendide  ;  l'homme 
s'efîace  dans  la  mêlée;  l'on  songe  aux  tableaux  des 
anciens  peintres  de  batailles,  où  les  plans  étaient  con- 
fondus, où  l'on  s'ingéniait  à  rendre  les  mouvements 
d'ensemble  sans  souci  du  rôle  des  personnages  et  où  les 
masses  profondes  de  cavaliers  et  de  fantassins  se  perdaient 
elles-mêmes  dans  la  fumée  des  combats. 

Cependant,  encore  une  fois,  le  développement  de 
l'énergie  spontanée  de  l'individu,  l'éclosion  de  la  con- 
science, le  spectacle  de  la  force  morale  aux  prises  avec  le 
milieu  organique,  la  lutte  de  ce  qu'il  y  a  en  nous  de 
liberté  immanente  avec  les  puissances  extérieures,  ces 
choses  vieilles  comme  l'Humanité  sont  aussi  la  vie  et  la 
nature  et  la  vérité,  et  elles  ne  sont  pas  seulement  vivantes 
et  naturelles  et  vraies,  elles  inspirent,  non  la  satiété  et  le 
désenchantement,  mais  le  désir  de  l'action  et  l'enthou- 
siasme sans  lequel  une  société  n'est  qu'un  mécanisme 
vide  et  perd  jusqu'au  patriotisme  ;  elles  reconstituent  le 
foyer  où  viennent  converger  les  espoirs  et  les  aspirations 


(  703  ) 
dos  hommes,  cl  il  est  [tennis  d'affirmer  que  si  un  natura- 
lisme excessif  a  donné  à  la  conscience  universelle  l'appa- 
rence d'une  nébuleuse,  il  appartient  à  l'idéalisme  bien 
compris  de  montrer  sous  cet  amas  confus  le  inonde  des 
étoiles.  Les  idées  ne  sont-elles  pas  pour  nous,  après  tout, 
ce  que  sont  pour  le  navigateur  les  étoiles  qui  palpitent 
dans  le  silence  de  la  nuit  sans  bornes? 

L'idéalisme  renaît  donc  en  ce  moment  et  l'on  assiste 
à  une  sorte  de  montée  de  l'esprit  dans  les  nuées  du  rêve 
et  de  la  fantaisie.  Mais  si  le  réalisme  a  pu  devenir  con- 
ventionnel et  systématique,  l'idéalisme  est  exposé  aux 
mêmes  écueils.  Gardons-nous  des  systèmes  d'où  qu'ils 
viennent  :  «  En  fait  de  systèmes,  écrit  Brunetière,  il  n'y 
»  a  que  les  morceaux  qui  soient  bons.  »  Et  Arioste  pen- 
sait de  même.  Il  envoie  Astolplie  dans  la  lune  pour  y 
retrouver  les  choses  perdues;  et  Astolphe  remarque  des 
flacons  plus  grands  que  les  autres  :  ils  contenaient  tout 
le  bon  sens  perdu  sur  la  terre  par  les  faiseurs  de  systèmes. 

Oui,  gardons-nous  des  faiseurs  de  systèmes.  Il  y  en  a 
des  milliers;  il  n'y  a  (prune  façon  d'être  sincère  et,  à 
travers  les  siècles,  les  styles  et  les  écoles,  l'œuvre  d'inspi- 
ration vraie  résiste;  l'artificiel  et  le  convenu  sont  balayés 
de  la  mémoire  des  hommes. 

L'Europe  actuelle  compte  beaucoup  d'artistes  qui, 
vivant  de  la  vie  de  tout  le  monde,  semblent  par  leur  jar- 
gon rocailleux  ou  leur  dessin  tourmenté  n'avoir  de  sym- 
pathie que  pour  l'indéchiffrable,  le  singulier,  le  bizarre, 
le  macabre  ou  le  monstrueux,  et  qui  se  plaisent  à  défor- 
mer jusqu'aux  sentiments  les  plus  simples,  à  troubler 
jusqu'aux  sources  les  plus  pures  de  la  poésie,  comme 
l'amour  ou  la  mélancolie. 


701  ) 

Pourquoi  les  strophes  de  la  Tristesse  d'Olympio,  du  Lac 
ou  du  Souvenir,  les  cris  de  désespoir  de  Rolla  ou  de 
Childe  Harold  nous  émeuvent-ils  encore? 

Parce  que  sous  la  magnificence  des  vers  transparaît 
de  la  vraie  souffrance  humaine;  parce  (pie  rien  n'est  plus 
pénétrant  devant  le  pourquoi  des  choses,  que  la  douleur 
du  penseur  saisi  du  vertige  de  l'infini  et  scrutant  en  vain 
le  mystère  décevant  d'êtres  passionnés  qui  s'agitent  et 
passent,  dans   la   sérénité   de  l'Univers   qui   demeure! 

A  côté  de  cette  flamme  ardente,  l'agencement  de  mots 
qui  ne  reflètent  pas  une  âme  sincère,  est  stérile  et  nous 
choque. 

Et  parfois,  en  lisant  certaines  œuvres,  en  regardant 
certains  tableaux  modernes,  plus  d'un  a  du,  comme  moi, 
se  dire  que  la  mère  de  famille  ignorante,  ornant  son 
modeste  intérieur,  mettant  aux  fenêtres  des  rideaux 
blancs  et  des  fleurs  parfumées,  donnant  à  ses  enfants, 
avec  la  santé  physique  et  morale,  la  joie  de  vivre,  est  au 
regard  de  l'idéal  une  plus  grande  artiste  que  les  intel- 
lectuels alignant  des  phrases  entortillées  et  composant 
des  dessins  obscurs  pour  étonner  le  pauvre  monde. 

Plus  d'un  a  dû  songer  à  ce  passage  de  Rabelais,  où 
Panurge  et  Thaumaste  discutent  par  signes,  puis  «  s'acca- 
blent mutuellement  d'éloges  pompeux,  convaincus  que 
pour  éblouir  les  sots,  le  grand  point  est  d'avoir  l'air  de 
comprendre  ce  qui  est  inintelligible  (1)  ». 

Assurément,  le  génie  est  en  dehors  et  au-dessus  de 
nous;  il  a  cette  étincelle  qui  le  différencie  des  esprits 
moyens,   et   Napoléon   n'a   pas  dû    attendre  Lombroso 


(1)  René  Millet,  Rabelais,  p.  125. 


(  705  ) 

pour  dire  à  Esquirol  qu'il  u'y  a  pas  loin  d'un  fou  à  un 
homme  de  génie. 

Mais  si  parfois  le  génie  manque  de  pondération,  il  ne 
s'ensuit  pas  qu'il  suffise  de  manquer  de  pondération 
pour  avoir  du  génie,  ni  même  de  faire  des  vers  de  dix- 
sept  pieds  pour  donner  la  sensation  de  Tau  delà. 

M.  Paul  Deschanel  a  reconnu  chez  certains  hommes 
politiques  la  crainte  singulière  de  ne  pas  paraître  assez 
avancé.  La  littérature  de  ces  derniers  temps  nous  a  révélé 
une  peur  plus  singulière  encore  :  la  peur  de  paraître 
trop  bien  équilibré.  De  là  une  recherche  d'excentricité, 
une  absence  de  goût,  quelque  chose  de  maladif  et  d'in- 
cohérent qui  n'est  pas  de  la  décadence  ou  de  l'épuise- 
ment, mais  le  fait  de  ne  pas  se  résigner  à  être  vrai,  à  se 
montrer  tel  que  l'on  est  et  surtout  à  penser  avec  simpli- 
cité, ce  qui  est  peut-être  le  meilleur  moyen  de  penser 
avec  force. 

Si  maintenant  l'on  demandait  pourquoi  il  y  a  encore 
tant  de  Thaumastes  et  de  Panurges  se  faisant  des  signes 
incompréhensibles  et  tant  de  spectateurs  se  pâmant 
devant  eux,  la  réponse  serait  simple  :  La  force  directrice, 
le  principe  d'ordre  et  d'harmonie  qui  fait  défaut  en 
politique,  nous  manque  aussi  dans  la  recherche  du  beau. 
L'art  actuel  ne  condense  plus  en  un  faisceau  les  senti- 
ments et  les  idées. 

L'art  grec  est  un  hymne  à  la  gloire  de  la  beauté;  l'art 
hindou  s'inspire  des  Védas,  comme  l'art  du  XIIIe  siècle 
de  la  foi  chrétienne;  l'art  de  la  Renaissance  est  en  rapport 
avec  l'humanisme,  comme  l'art  du  XVIIe  siècle  avec  l'esprit 
cartésien.  L'art  moderne  n'a  plus  de  caractéristique.  La 
pensée  et  la  forme  se  sont  morcelées  et  individualisées 
à  outrance.  A  l'accord  social  a  succédé  l'émiettement, 

7ime    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  46 


(  700  ) 

l'inquiétude  et  le  tourment  d'une  conscience  tiraillée 
en  tous  sens.  A  l'effort  en  commun  a  succédé  l'anar- 
chie des  esprits,  un  état  Ilot  tant  et  contradictoire  tel 
qu'on  en  a  rarement  connu  de  semblable. 

Parmi  toutes  les  preuves  générales  qu'on  en  peut 
donner,  il  est  un  détail  non  sans  importance  et  qui 
mérite  d'attirer  un  instant  l'attention.  Richelieu,  en 
fondant  une  académie,  avait  eu  l'illusion  d'imposer  et  de 
conserver  artificiellement  une  sorte  de  maîtrise  du  goût 
et  de  l'esprit;  plus  tard,  au  XVIIe  siècle  et  plus  près  de 
nous,  sous  la  Restauration,  les  salons  ont  été  comme  les 
écoles  de  la  discipline  intellectuelle  et  ont  exercé  leur 
influence  sur  l'Europe  entière,  tandis  qu'aujourd'hui  nous 
n'avons  plus  ni  la  centralisation  factice  de  Richelieu,  ni  la 
décentralisation  moins  factice  des  salons.  Pourtant,  dans 
nos  démocraties,  entre  les  masses  passionnées  et  l'autorité 
bureaucratique,  le  salon  pourrait  avoir  une  signification. 
J'entends  parler,  bien  entendu,  non  de  groupes  mon- 
dains exclusifs,  mais  de  ces  groupes  intellectuels  d'autre- 
fois où  toutes  les  classes  et  tous  les  partis  se  réunissaient 
dans  le  culte  du  beau,  où  l'artiste  et  le  penseur  affinés 
par  les  dons  naturels  et  le  bourgeois,  fils  de  ses  œuvres, 
affiné  par  la  lutte  pour  l'existence,  et  le  grand  seigneur 
affiné  par  l'éducation  et  l'hérédité,  se  coudoyaient,  se 
pénétraient,  se  comprenaient,  constituaient  une  élite 
ayant  pour  but  de  maintenir  le  respect  des  choses  de  la 
pensée  et  établissaient  une  communion  intime  entre  l'art 
et  le  public. 

Le  salon  peut  accomplir  une  pareille  tâche  même  avec 
la  dose  de  snobisme  qu'il  comporte.  J'aurais  peut-être  à 
m'excuser  de  sacrifier  à  l'universelle  manie  de  parler  des 
snobs.  Mais  à  l'heure  où  tout  le  monde  les  attaque  et  où 


(  707  ) 

Jules  Lemaître  seul  leur  accorde  sou  indulgence  souriante, 

j'aimerais  à  dire  qu'à  mon  avis  l'émiiient  ironiste  ;i 
raison. 

Les  snobs  font  partie  de  l'humanité;  il  y  en  avait  chez 
les  Scipion  à  Home,  chez  les  Médieis  à  Florence,  comme 
chez  le  Grand-Duc  Karl-Augusl  à  Weimar,  comme  dans 
la  retraite  de  Wahnfried  à  Bayreuth.  Il  yen  a  peut-être 
un  peu  plus  aujourd'hui  parce  que  les  névrosés  dont  le 
nombre  augmente  forment  un  appoint  dans  la  grande 
armée  des  snobs.  Il  y  en  a  partout,  jusque  dans  la  poli- 
tique, où  ils  sont  parfois  dangereux.  Mais  dans  les  arts, 
où  ils  n'ont  jamais  su  barrer  la  route  à  une  idée  ou  à  un 
homme,  ils  ne  sont  jamais  dangereux:  ils  ne  sont  ([lie 
ridicules. 

Leurs  appréciations  n'ont  pas  de  valeur;  ils  louent 
quand  il  est  distingué  de  louer;  ils  ne  jouissent  pas  de 
l'art,  mais  du  bon  ton  qu'il  y  a  à  étaler  leur  approbation; 
ils  admirent  avec  d'autant  plus  d'énergie  qu'ils  savent 
combien  ils  auraient  dédaigné  l'homme  désormais  arrivé, 
si,  humble,  ignore,  luttant  pour  l'existence,  il  avait 
encore  son  chemin  à  faire. 

Et  pourtant  ils  ont  leur  utilité;  ils  sont  un  élément  de 
cohésion,  ils  servent  d'escorte  au  talent  reconnu;  ils 
subissent  la  suggestion  hypnotique  du  succès  et  ils  con- 
tribuent ainsi  à  former  les  courants  dont  l'artiste  a  besoin 
pour  s'épanouir.  On  aurait  tort  de  ne  pas  utiliser  des 
instruments  aussi  dociles. 

Donc  nous  avons  et  nous  aurons  toujours  les  snobs, 
mais  nous  n'avons  plus  de  salons;  notre  siècle  niveleur 
et  industriel,  avec  ses  classes  supérieures  privées  de  cul- 
ture intensive,  a  tué  le  salon.  Aussi  l'artiste,  seul  devant 


(  708  ) 
la  foule,  est  devenu  plus  esclave  des  préjugés,  des  fantai- 
sies, des  caprices  de  celle-ci;  immédiatement  il  a  été 
plus  tenté  de  lui  plaire,  de  faire  des  confidences  et  des 
professions  de  foi  à  tout  l'univers,  d'afficher  des  théories 
extraordinaires,  de  se  procurer  la  notoriété  par  l'affecta- 
tion des  sentiments,  du  style  ou  du  costume. 

Chacun   d'eux  a  voulu  être  chef  d'école;  chacun  est 
levenu  moins  simple,  oubliant  cette  parole  si  vraie  de 
faine  :  «  Les  artistes  sont  moindres  quand  l'Art  est  plus 
grand.  » 

Pour  le  même  motif,  l'opinion  publique  a  été  réduite 
en  poussière;  c'est  pour  cela  qu'on  se  laisse  si  facilement 
séduire  par  l'excentrique,  le  compliqué,  le  bizarre;  c'est 
pour  cela  que  les  engouements  sont  aussi  violents 
qu'éphémères;  on  adore  l'idole  d'un  jour;  on  l'adore  avec 
frénésie  et  partialité,  car  l'ignorance  rend  sectaire;  on 
l'adore  par  impulsion  irréfléchie,  par  parti-pris  d'esthète 
ou  par  mode. 

Qu'est-ce  donc,  en  effet,  sinon  une  mode  et  un  caprice, 
que  l'ensemble  des  manifestations  qui,  dans  tous  les 
domaines  artistiques,  l'ait  défiler  devant  nous  des  déca- 
dents et  des  préraphaélites,  des  séraphiques,  des  occul- 
tistes, des  mages,  des  symbolistes  de  tout  genre,  et  nous 
révèle  entre  eux  tous  le  même  point  de  contact  :  la 
recherche  de  l'artificiel? 

Oui,  l'art  tout  entier  n'est  que  symbole;  oui,  au  delà 
le  la  région  étroitement  bornée  où  nous  marchons, 
s'étend  la  région  illimitée  de  l'Inconnaissable  et  de  l'In- 
tangible; oui,  l'Univers  n'est  qu'une  vaste  énigme,  et 
partout  derrière  le  fini  et  le  compréhensible  se  dresse  le 
sphinx  de  l'infini  et  du  mystère.  Mais  pas  plus  que  notre 


709 

raison,  l'art  n'a  de  prise  sur  lui,  car  l'arl  el   la  raison 
c'est  nous,  el  nous  sommes  et  nous  resterons  impuissants 
(levant  le  sphinx. 

Et  le  symbolisme  éternel  que  nous  rencontrons  dans 
Eschyle  ou  le  Dante,  dans  Michel-Ange  ou  Wagner,  dans 
Victor  Hugo  ou  dans  certaines  œuvres  d'Ibsen,  n'a  rien 
de  commun  avec  la  forme  étriquée  d'un  symbolisme 
conventionnel  dont  la  tendance  est  de  faire  croire  à  un 
sens  ésotérique  et  de  transformer  l'art  en  une  science 
réservée  à  quelques  initiés  hautains  et  méprisants. 

Comme  si  les  géants  qui  dominent  l'humanité  ont 
jamais  dû,  pour  la  conquérir,  s'entourer  de  nuages,  et 
comme  s'il  n'avait  [tas  suiïi  de  s'approcher  d'eux  pom 
être  ébloui  par  la  chaude  clarté  qui  jaillit  de  leur  génie 
comme  du  soleil! 

N'y  a-t-il  pas  une  part  de  mode  et  de  caprice  aussi 
dans  le  culte  exclusif  rendu  aux  primitifs?  Nul  assuré- 
ment ne  leur  refusera  le  tribut  de  son  admiration;  Van 
Eyck  et  Memling  nous  enveloppent  de  la  profondeur  et 
de  la  naïveté  flamandes,  comme  Masaccio,  Fra  Filippo 
Lippi  et  Botticelli  nous  pénètrent  de  la  grâce  et  de  la 
fraîcheur  florentines;  jamais  on  n'a  dépassé  leur  délica- 
tesse infinie,  jamais  on  ne  rendra  mieux  la  candeur  des 
rêves  angéliques  et  des  visions  virginales. 

Mais  leur  art  est  une  étape  et  non  un  point  d'arrivée. 
Ces  maîtres  sont  des  précurseurs.  S'ils  se  rattachent  aux 
enlumineurs  exquis  des  vieux  missels,  ils  les  laissent  der- 
rière eux  et  ils  signifient,  avant  tout,  une  inspiration  plus 
libre  et  plus  personnelle,  désireuse  de  se  dégager  de^ 
formules  et  de  comprendre  le  monde. 

Ils  ne  pouvaient  la  posséder  encore,  cette  compréhen- 
sion  complète:    ils   ne  pouvaient    saisir  la    noblesse   d< 


(  710  ) 
l'être  parfait,  la  beauté  de  l'Univers,  la  puissante  lluidité 
de  la  vie  coulant  incessamment  comme  un  grand  lleuve. 
Seulement,  quand  on  les  admire,  non  pour  leur  élan  vers 
la  vérité,  mais  aussi  pour  ce  qui  devait  leur  manquer, 
quand  on  loue  leur  gaucherie,  leur  gracilité  et  leur 
incorrection,  on  nie  l'évolution  artistique,  on  méconnaît 
qu'ils  n'ont  pu  qu'entrevoir  et  deviner  ce  que  d'autres 
ont  réalisé.  Ce  sont  leurs  descendants  qui,  à  l'intensité 
de  l'expression,  ont  joint  la  magie  de  la  forme  et  de  la 
couleur,  et  ont  réuni  les  éléments  d'un  idéalisme  sain, 
fécond  et  créateur. 

Après  des  siècles  d'efforts,  nous  voyons  mieux  que 
jamais  que  l'art  n'est  pas  uniquement  l'exubérance  de  la 
nature  plastique  sans  flamme  intérieure  qui  l'anime,  ou 
la  pure  contemplation  intérieure,  le  rêve  de  l'esprit  sans 
attaches  avec  le  milieu  ambiant,  mais  à  la  fois  la  splendeur 
de  l'idée  vivifiée  par  la  réalité,  la  splendeur  de  la  réalité 
vivifiée  par  l'idée.  «  Le  réel  et  l'idéal  sont  la  double 
patrie  de  nos  âmes  (1).  » 

La  jeunesse  actuelle,  produit  d'un  siècle  exceptionnel, 
est  bien  placée  pour  garder  et  défendre  cette  double  patrie. 

Jamais  on  n'aura  légué  aux  générations  nouvelles  une 
i-onnaissance  plus  détaillée  du  Cosmos;  jamais  on  n'aura 
avec  plus  de  patience  essayé  d'en  pénétrer  les  secrets; 
jamais  on  n'aura  scruté  plus  avant  les  replis  les  plus 
intimes  du  cœur  et  de  la  nature.  Jamais  on  ne  leur  aura 
transmis  une  plus  riche  moisson  de  formes  et  de  mots, 
une  plus  grande  profondeur  de  sentiment. 

Ce  n'est  plus  la  naïveté  primesautière  et  charmante  du 
regard  étonné  s'ouvrant  à  la  matinale  lumière  du  prin- 

1)  Noi.en,  Introduction  aux  œuvres  de  Lange,  p.  xlvi. 


(  711    ) 
temps,  unis  l'émotion  grave  comme  un   beau  soir  d'au- 
lomne  de  ceux  qui  ont,  en  vain,  tenté  d'aller  au  fond  des 
choses. 

Et  c'est  pourquoi,  Mesdames  et  Messieurs,  à  travers 
tout  et  malgré  tout,  l'art  continue  sa  marche  triomphale. 

De  même  qu'il  a  fallu  les  rêveries  des  astrologues  pour 
provoquer  les  découvertes  des  astronomes,  de  même  que 
l'alchimie  a  préparé  la  chimie,  de  même  que  des  milliers 
et  des  milliers  de  talents  avortés,  d'ambitieux,  déçus, 
sont  sacrifiés  à  1  eclosion  d'un  seul  génie,  de  même  que 
des  milliers  et  des  milliers  de  semences  se  perdent  dans 
les  airs  pour  que  quelques-unes  puissent  germer,  de  même 
c'est  de  tâtonnements  et  de  recherches  sans  nombre, 
d'essais  bizarres  et  multiples  de  formes  et  d'idées  bientôt 
oubliées  que  sortent  les  progrès  durables  de  l'art. 

Dans  la  mêlée  confuse  des  écoles  et  des  tendances,  la 
jeunesse  contemporaine  rappelle  un  peu  l'enchanteur 
Merlin  qui,  au  temps  jadis,  dans  l'enchevêtrement  de  la 
forêt  de  Brocéliande,  toute  peuplée  des  fées  du  songe  et 
de  l'espace,  s'était  élancé  à  la  poursuite  de  Viviane. 

Elle  aussi,  cette  jeunesse  enthousiaste  et  capricieuse, 
s'est  mise  à  la  poursuite  de  la  fée  aux  cheveux  d'or  qui 
verse  aux  mortels  le  philtre  divin  de  l'inspiration  sin- 
cère ! 

Elle  aussi  est  sur  le  point  de  l'atteindre  et  l'aura  bientôt 
trouvée  !  Et  ce  jour-là  elle  pourra  inscrire  sur  sa  bannière 
ces  trois  mots  que  j'ai  lus  dans  l'église  de  Weimar  sur 
la  tombe  du  noble  Herder,  et  qui  caractérisent  si  bien  à  la 
fois  et  les  conditions  de  l'art  en  général  et  les  condi- 
tions de  notre  grand  art  flamand  :  Licht,  Liebe,  Leben  ! 
«  Clarté,  Amour  et  Vie  !  » 


(  712  ) 

M.  Paul  Fredericq  donne  lecture  du  rapport  suivant, 
fait  au  nom  du  jury  qui  a  décerné  les  prix  Joseph  De 
Keyn  (neuvième  concours,  première  période,  1895-1896)  : 
Enseignement  primaire  (1). 

Messieurs, 

Une  cinquantaine  d'ouvrages  nous  ont  été  soumis  par 
les  auteurs  ou  les  éditeurs;  mais  le  jury  a  examiné  égale- 
ment, autant  que  possible,  ceux  qui  ne  lui  avaient  pas 
été  adressés. 

Pour  pouvoir  prétendre  à  un  prix  Joseph  De  Keyn,  il 
faut  évidemment  que  l'ouvrage  soit  neuf  et  que  son  ori- 
ginalité soit  de  bon  aloi. 

Or,  la  plupart  des  livres  qui  nous  ont  été  envoyés 
manquent  absolument  de  nouveauté  et  d'originalité. 
Sans  parler  des  mauvais,  dont  l'envoi  au  jury  fait  suppo- 
ser chez  l'auteur  une  ignorance  candide  ou  une  assurance 
digne  d'une  meilleure  cause,  beaucoup  de  ces  ouvrages 
soumis  à  notre  jury  se  bornent  à  répéter  ce  que  d'autres 
manuels  avaient  déjà  dit  avant  eux,  souvent  même  sous 
une  forme  plus  pédagogique. 

Quelques-uns,  enfin,  ne  manquent  pas  d'originalité 
dans  le  plan  ou  dans  la  méthode,  mais  trop  de  défauts 
viennent  contre-balancer  ces  qualités  pour  nous  permettre 
de  décerner  une  récompense. 


(1)  Le  jury  était  composé  de  MM.  Ch.  Potvin,  président;  Êm.  Ban- 
ning,  S.  Bormans,  Léon  Fredericq,  J.  Neuberg,  P.  Willems,  membres. 
et  Paul  Fredericq,  secrétaire-rapporteur . 


;  7i3 


En  revanche,  quelques  bons  ouvrages  nous  ont  payés  de 
tous  nos  ennuis. 

C'est  ainsi  que  nous  avons  examine  avec  un  vif  intérêt 
les  deux  brochures  de  Ml|p  Marie  Du  Caju  :  De  l'éducation 
de  la  prévoyance  (\)  [texte  flamand  sous  le  titre  de  :  De 
verbreiding  der  insteUingen  van  vooruitzicht  doorhet  onder- 
wijs  (2)]  et  De  vrouwelijke  opvoeding  in  haar  verband  met 
deeischen  des  levens  (5). 

L'opuscule  que  Mlle  Du  Caju  a  consacré  à  l'éducation 
de  la  femme,  sans  contenir  beaucoup  de  choses  vraiment 
neuves,  en  contient  beaucoup  de  très  raisonnables,  ce  qui 
est  déjà  un  mérite  peu  commun.  Mais  l'attention  du  jury 
s'est  portée  surtout  sur  son  second  opuscule  (16  pages), 
concernant  la  Caisse  d'épargne,  la  pension  de  retraite, 
les  assurances  sur  la  vie  et  la  mutualité,  que  l'auteur  vou- 
drait faire  pénétrer  dans  les  masses  par  le  canal  de 
l'école  primaire. 

L'idée  n'est  pas  neuve  quant  à  l'épargne  scolaire.  On 
sait  que  notre  illustre  confrère  François  Laurent  y  a  atta- 
ché son  nom  pour  l'avoir  introduite  le  premier  dans  les 
écoles  communales  de  Gand  et  pour  l'avoir  répandue 
dans  le  monde  entier  par  ses  écrits.  Mais,  comme  M"e  Du 
Caju  le  constate  avec  tristesse,  dans  énormément  d'écoles 
belges  l'épargne  est  encore  inconnue.  Autour  de  cette 
ville  de  Gand  d'où  le  mouvement  est  parti,  il  y  a  une 
trentaine  d'années  déjà,  dans  la  Flandre  orientale,  plus 
des  trois  quarts  des  élèves  n'épargnent  pas.  La  propor- 
tion est  désolante,  si  l'on  prend  à  part  les  élèves   des 


(1)  Nouvelle  édition,  16  pages,  1896. 

(2)  Nieuwe  druk,  16  blz.,  1896. 

(3)  Nieuwe  vermeerderde  druk,  84  blz.,  1896. 


714  ) 

écoles  adoptées  et  subsidiées  de  celte  même  province  ; 
il  n'y  a  parmi  eux  que  8  °/0  d'élèves  épargnants. 

En  indiquant  les  progrès  qui  restent  à  réaliser  de  ce 
côté,  M"e  Du  Caju  insiste  aussi  pour  que  les  élèves  des 
écoles  d'adultes,  des  écoles  professionnelles  el  même  des 
écoles  primaires  soient  affiliés  à  la  Caisse  de  retraite  de 
l'État  et  forment  entre  eux  des  mutualités  scolaires. 
M"e  Du  Caju  cite,  à  titre  d'exemple,  ce  qui  a  été  fait  à 
Gand  à  l'école  professionnelle  des  garçons  (École  JMcaise) 
et  dans  certaines  communes  du  Hainaut.  L'administration 
de  celte  province  s'occupe  activement  de  cette  impor- 
tante question  et  depuis  quelque  temps  le  Conseil  pro- 
vincial du  Hainaut  a  voté  des  subsides  relativement 
élevés  pour  favoriser  l'organisation  de  sociétés  de  jeunes 
mutuellistes  dans  les  écoles  primaires.  Mlle  Du  Caju  pré- 
conise aussi  la  vulgarisation  par  l'école  des  notions  con- 
cernant les  diverses  combinaisons  de  l'assurance  sur  la 
vie,  qui,  bien  comprise,  est  appelée  à  produire  des  résul- 
tats merveilleux. 

La  brochure  de  M"e  Du  Caju  fait  éloquemment  appel 
au  dévouement  du  personnel  enseignant  et  à  l'initiative 
des  administrations  communales.  Creusé  davantage,  le 
sujet  qu'elle  traite  pourrait  fournir  la  matière  d'un  livre 
précieux,  qui  rentrerait  assurément  dans  les  conditions 
du  concours  Joseph  De  Keyn. 

Citons  aussi  les  ouvrages  suivants  dont  le  jury  a  appré- 
cié les  mérites  divers  :  Premières  leçons  de  néerlandais 
parlé  à  l'usage  des  Wallons,  par  Aug.  Gittée;  L'enseigne- 
ment des  formes  géométriques  et  du  dessin,  par  E.  Welsch  ; 
Cours  de  perspective  et  Le  dessin,  par  P.  Wathoul  ;  Car- 
tonnage, par  J.-B.  Tensi  ;  Liederen  en  gezangen  voor 
groote  en  Heine  kinderen,  par  Emmanuel  Hiel;  Atlas  illustré 


{  713  ) 

ou  géographie  en  images,  par  J.  Roland,  et  Essai  d'un 
cours  méthodique  île  dessin,  par  E.-J.  Thys. 

Après  mûre  délibération,  le  jury  a  spécialement  dis- 
tingué les  trois  ouvrages  suivants  : 

1°  Kinder lust.  Gedichten  voor  de  jeugd,  manuscrit  de 
109  pages,  dont  l'auteur  a  fait  connaître  son  nom  dans 
un  billet  cacheté; 

2°  De  (a  réorganisation  des  cours  d'adultes,  par  Victor 
De  Vogel  et  Luc  Lontils;  et 

5°  L'enseigmment  des  travaux  manuels,  par  A.  Sluys. 

Ce  dernier  ouvrage  n'est  qu'une  seconde  édition,  d'ail- 
leurs remaniée  et  augmentée,  du  rapport  publié  dès  1885 
par  M.  Sluys  sur  sa  mission  en  Suède.  Déjà  à  cette 
époque,  le  rapporteur  du  jury  De  Keyn,  feu  notre  con- 
frère Wagener,  avait  consacré  quelques  lignes  élogieuses 
au  remarquable  ouvrage  de  M.  Sluys.  Depuis  lors,  l'in- 
troduction des  travaux  manuels  dans  nos  écoles  primaires 
est  sortie  du  domaine  de  la  théorie  pure  et,  quoique  trop 
d'administrations  communales  se  refusent  encore,  par 
esprit  de  routine,  par  esprit  d'économie  ou  par  manque 
de  ressources,  à  appliquer  la  réforme  préconisée  par 
M.  Sluys,  ses  idées  ont  fait  ça  et  là  leur  trouée  et  dans 
quelques  écoles  on  a  pu  en  apprécier  les  heureux  résul- 
tats. Une  littérature  scolaire  toute  nouvelle  en  est  née  et 
déjà  notre  jury  a  couronné,  en  1895,  un  ouvrage  qui  se 
rattache  au  mouvement  dont  M.  Sluys  a  été  l'initiateur 
en  Belgique,  notamment  le  livre  de  MM.  Stepman  et 
Calozet  sur  Le  modelage  scolaire.  II  nous  a  paru  juste  de 
ne  pas  oublier  le  père  de  la  réforme,  alors  que  nous 
avions  été  heureux  de  pouvoir  couronner  deux  de  ses  dis- 
ciples. D'ailleurs,  en  remaniant  et  en  complétant  son 
rapport  de  1885,  M.  Sluys  y  a  ajouté  de  curieux  détails 


v  716  ) 
sur   mainte  question   connexe,   ainsi   qu'une  vue   d'en- 
semble suc  les  efforts  tentés  en  Belgique  jusqu'à  ce  jour. 

Le  livre  de  MM.  V.  De  Vogel  et  L.  Lonfils  est  aussi 
une  œuvre  originale  et  forte.  Frappés  de  l'état  d'abandon 
dans  lequel  l'enseignement  des  adultes  est  laissé  en  Bel- 
gique, les  auteurs  ont  consacré  une  étude  complète  et  en 
beaucoup  de  points  neuve  à  la  question  de  la  réorganisa- 
tion des  cours  d'adultes.  Ils  ont  réuni  une  masse  consi- 
dérable de  documents  émanant  des  autorités  scolaires  de 
Belgique  et  de  l'étranger  et  les  ont  mis  en  œuvre  en 
remuant  beaucoup  d'idées. 

Ils  commencent  par  faire  l'histoire  de  l'enseignement 
des  adultes;  cette  partie,  d'une  érudition  un  peu  bàtive, 
ne  devient  vraiment  intéressante  qu'à  partir  de  1815, 
époque  où  l'administration  éclairée  du  roi  Guillaume  ne 
nous  dota  pas  seulement  d'universités,  mais  aussi  d'un 
excellent  enseignement  moyen  et  d'écoles  primaires 
admirables  pour  le  temps,  sans  négliger  les  adultes. 

Le  tableau  désolant  que  les  auteurs  nous  retracent 
de  l'état  actuel  des  cours  d'adultes  en  Belgique  est  peut- 
être  un  peu  poussé  au  noir,  mais  on  ne  peut  nier  que  la 
situation  ne  soit  affligeante.  Le  livre  de  MM.  De  Vogel  et 
Lonfils,  où  ils  signalent  une  série  de  remèdes,  contri- 
buera sans  aucun  doute  à  réveiller  l'opinion  publique  et 
à  stimuler  le  zèle  des  administrations  communales  et  de 
l'État. 

Peut-être  y  a-t-il  quelque  naïveté  d'optimisme  à  récla- 
mer en  ce  moment  l'obligation  de  fréquenter  les  écoles 
d'adultes  jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  ans,  dans  un  pays  qui 
répugne  encore  à  imposer  l'instruction  obligatoire  aux 
petits  enfants;  mais  les  auteurs,  qui  poursuivent  un  idéal 
absolu,  l'exposent  avec  confiance,  en  détournant  les  yeux 


(   717  ) 
de  la  triste  réalité  qui  nous  entoure  en  matière  d'ensei- 
gnement populaire. 

Bâtons-nous  (rajouter,  du  reste,  que  les  autres  remèdes 
indiqués  par  eux  sont  loin  d'être  aussi  utopiques.  Ils 
sont  au  contraire  vraiment  pratiques.  Aussi  le  livre  de 
MM.  De  Vogel  et  Lonfils  sera-t-il  consulté  avec  le  plus 
grand  fruit  non  seulement  par  nos  administrateurs  com- 
munaux, à  qui  incombe  la  mission  officielle  de  pourvoir 
à  l'instruction  des  adultes,  mais  encore  par  tous  ceux  que 
cette  œuvre,  si  importante  et  trop  négligée  en  Belgique, 
ne  laisse  pas  indifférents.  Le  livre  de  MM.  De  Vogel  et 
Lonlils  est  une  mine  extraordinairement  riche  en  pré- 
cieux renseignements  et  en  conseils  utiles. 

Si  les  deux  ouvrages  qui  précèdent  soulèvent  des  pro- 
blèmes irritants  et  redoutables,  sur  lesquels  bien  de  bons 
esprits  ont  peine  à  se  mettre  d'accord,  l'auteur  du  recueil 
intitulé  Kinderlust  s'est  réfugié  dans  les  régions  sereines 
de  cette  poésie  délicate,  pure  et  naïve,  d'ailleurs  difficile 
et  rare  entre  toutes,  qui  veut  parler  au  cœur  et  à  l'ima- 
gination de  l'enfant. 

L'auteur  nous  semble  avoir  réussi  presque  toujours  à 
trouver  le  ton  juste.  Dans  une  soixantaine  de  poésies 
assez  courtes  d'ordinaire,  il  s'est  fait  le  poète  des  bam- 
bins de  sept  à  dix  ans.  Il  a  réussi  à  mettre  beaucoup  de 
variété  dans  les  sujets  frais  et  naïfs  qu'il  traite  avec  une 
verve  et  une  originalité  de  style  incontestables.  Comme 
il  prend  soin  de  l'indiquer  lui-même,  il  a  emprunté  huit 
de  ses  petits  poèmes  à  des  auteurs  allemands  et  anglais 
(Fr.  Gùll,  R.  L.  Stevenson  et  J.  Lohmeyer),  mais,  même 
alors,  il  a  imité  plutôt  que  traduit. 

Le  meilleur  éloge  que  l'on  puisse  faire  du  recueil  Kin- 
derlust,   c'est  qu'il  a  tenté    la  verve  poétique  d'un  des 


(  718  ) 
membres  de  notre  jury.  On  devinera  sans  peine  le  nom 
de  celui  qui  a  mis  en  vers  français  quelques-unes  des 
bluettes  enfantines  de  l'auteur  flamand  :  pendant  toute  sa 
vie,  le  poète  wallon  a  fraternisé  avec  la  poésie  flamande. 

Le  jury,  en  remerciant  notre  excellent  confrère  de  la 
peine  qu'il  a  prise,  exprime  le  désir  que  ces  imitations  en 
vers  français  soient  publiées  comme  annexe  à  ce  rapport, 
afin  que  le  lecteur  français  soit  à  même  de  deviner  la 
saveur  des  piécettes  flamandes. 

Pour  conclure,  le  jury  a  l'honneur  de  proposer  à  la 
Classe  des  lettres  d'accorder  un  prix  de  mille  francs  à 
chacun  des  trois  ouvrages  appréciés  plus  haut  et  dont  les 
auteurs  sont  MM.  De  Vogel  et  Lonfils,  A.  Sluys,  et 
Théophile  Coopman. 


LE  MORCEAU   DE  PAIN  (1). 

Vois-tu,  dans  la  rue,  un  morceau  de  pain, 
Ne  l'écrase  pas  du  pied,  ma  fillette  : 
Peut-être  va-t-il  sauver  de  la  faim 
Quelque  bonne  bête. 

Ocb!  mets-le  plutôt  sur  la  pierre,  ici, 
Le  long  du  trottoir;  alors,  s'il  s'émietto. 
Peut-être  bientôt  quelque  souricetîe 
Te  dira  merci. 

CHANTEK    (2). 

Auprès  de  ses  œufs  mouchetés, 
Au  bord  du  nid  l'oiseau  chante. 

Le  marin,  sur  les  flots  domptés. 
Chante  dans  sa  barque  errante. 


(1)  Ceci  est  imité  de  l'allemand  de  Fr.  Giill.  L'auteur  nous  en  prévient  dans  sa 
table  des  matières. 

(-')  Traduit  de  l'anglais  de  R.  L.  Stevenson. 


(  719 


Partout,  de  la  Flandre  au  Japon. 

L'enfant,  lui,  chante  et  bavarde. 
Et  l'aveugle,  en  toute  saison, 

Chante  aussi  sur  sa  guimbarde. 

LE   PORTRAIT. 

Au  livre  d'heures  de  ma  mère, 

Je  vis  —  oh!  le  portrait  charmant!  — 

En  un  joli  berceau  dormant, 

Une  enfant,  blonde,  douce  et  chère. 

Blanche  comme  son  oreiller. 
Rigide  sous  la  mousseline, 
Deux  lis  lui  couvraient  la  poitrine. 
Mêlés  de  roses  d'églantier. 

Mère,  m'écriai-je,  distraite, 
Si  je  m'endors  un  jour  ainsi, 
Cueilleras-tu  des  fleurs  aussi 
Pour  me  parer  dans  ma  couchette? 

Elle  me  regarda  :  ses  veux 
Montraient  une  douleur  si  forte  ! 
Et  sur  ma  petite  sœur  morte, 
Nous  pleurâmes  longtemps  à  deux. 

LE  NOUVEAU  PETIT  FRÈRE. 

Littre  do  Ninettc  h  Caroline. 

Cette  nuit  —  j'en  reste  ahurie  et  hère  — 
La  mère  Cigogne,  avec  grand  mystère, 
M'apporta,  devine,  un  tout  petit  frère. 

Un  fameux  gaillard,  oui,  foi  de  Ninette: 
Avec  une  rose  à  chaque  pommette, 
Avec  menton  rond  et  gente  fossette. 

Son  béguin  mignon  est  coquet  vraiment. 
Un  ruche  de  soie  en  fait  l'ornement, 
Jamais  on  ne  vit  bonnet  plus  charmant. 


(  720  ) 

Sa  robe  est  de  lin,  garnie  en  entier 
De  rubans  d'un  bleu  de  ciel  printanier; 
La  fraîche  layette  abonde  au  panier. 

Pour  le  garantir  d'un  soleil  trop  chaud, 
Pour  qu'il  n'entre  pas  de  mouche  au  berceau. 
On  l'enveloppa  d'un  mince  rideau. 

Et  quand  je  l'ouvris  d'une  main  légère. 

Et  je  me  penchai  sur  mon  petit  frère, 

lin  bonheur  nouveau  m'attendait,  ma  chère. 

11  tenait  en  main  un  cornet  soyeux, 

Dentelle  d'argent  et  papier  or  vieux, 

Tout  plein  des  bonbons  que  j'aime  le  mieu\. 

Pralines,  fondants,  amandes  sucrées, 
Tout  ce  qu'on  peut  voir  de  tines  dragées, 
De  saint  Nicolas  à  peine  espérées  ! 

Donc,  je  vais  compter  jusqu'à  dix,  ma  chère, 
Et  puis,  je  t'attends,  heure  militaire, 
Pour  te  faire  voir  mon  beau  petit  frère. 


L  ORPHELIN. 

0  petit  rosier  chéri, 
Tu  dois  être  bien  sous  ce  frais  abri  ! 
Dans  mon  cœur  je  te  porte  envie. 
L'hiver  tu  paraissais  sans  vie, 
Et  maintenant  que  revient  le  beau  temps 
Je  te  vois  tout  couvert  des  roses  du  printemps. 
Après  la  gelée  et  les  brumes, 
Tu  crois,  tu  souris,  tu  parfumes! 
Et  moi,  le  jour,  la  nuit,  je  suis  dans  les  tourments 
C'était  une  rose  aussi  que  ma  mère, 

Tout  le  monde  te  le  dira. 
Mais  sans  refleurir  elle  se  fana, 
Et  je  reste  seul  sur  la  terre! 


(  721   ) 

0  cerisier,  grand  et  beau, 
Te  voir,  chaque  année,  à  ton  renouveau, 
Est  une  merveille  de  joie. 
Front  nu,  branchage  à  claire  voie, 
Squelette  raidi  de  froid  tout  l'hiver, 
Aujourd'hui,  te  voilà  de  fruits  roses  couvert, 
D'une  saveur  rafraîchissante, 
Où  l'oiseau  se  délecte  et  chante. 
Et  moi,  je  fonds  en  pleurs  et  fuis  le  jardin  vert. 
C'était  un  bel  arbre  aussi  que  mon  père, 

Tout  le  monde  te  le  dira. 
Mais  rien  qu'en  mon  rêve  il  refleurira, 
Et  je  reste  seul  sur  la  terre. 


M.    le   Secrétaire    perpétuel    proclame    les    résultats 
suivants  des  concours  et  des  élections  : 

CONCOURS  ANNUELS,   1897. 


Un  manuscrit  portant  pour  devise  :  Dicit  Sallustius  Cre- 
toises primos  invertisse  religionem  (Servius  in  Verg.  Aeneid, 
VIII,  355),  a  été  reçu  en  réponse  à  la  deuxième  question 
du  programme  sur  Les  croyances  et  les  cultes  de  l'île  de  Crète 
dans  l'antiquité. 

La  Classe  a  reporté  la  question  au  concours  dont  le  délai 
pour  la  remise  des  manuscrits  expirera  le  1er  novembre 
prochain. 

Cinq  mémoires  ont  été  reçus  en  réponse  à  la  cin- 
quième question  :  Quel  est  le  fondement  du  droit  de  propriété 
individuelle? 

La  Classe  a  accordé  sa  médaille  d'or  d'une  valeur  de  six 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  47 


(  722  ) 

cents  francs  an  travail  portant  pour  devise  une  sentence 
d'Aristote;  l'auteur  est  M.  Alphonse  Ça  part,  professeur 
au  collège  Notre-Dame  de  la  Paix,  à  Namur. 

Un  manuscrit  portant  pour  devise  :  Quid  deceat,  quid 
non  (Horace,  Art  poétique),  a  été  reçu  en  réponse  à  la 
sixième  question  Exposer  les  théories  de  la  colonisation  au 
XIXe  siècle  et  établir  le  râle  de  l'État  dans  le  développement 
des  colonies. 

La  Classe  n'a  pas  décerné  le  prix  proposé. 

La  question  sera  remise  au  concours. 

Prix  Joseph  Gantrelle. 

(Troisième  période  :  1895-1896. 

Un  mémoire  portant  pour  devise  :  Ne  quid  nimis,  a  été 
reçu  en  réponse  à  la  première  question  (Préparer  une  édi- 
tion critique  des  «  Vies  des  douze  Césars  »,  par  Suétone). 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires,  a  décerné  le  prix  proposé  (3,000  francs)  à 
l'auteur  de  ce  travail,  M.  L.  Preud'homme,  à  Gand. 

Deux  mémoires  ont  été  reçus  en  réponse  à  la  seconde 
question  (Etude  sur  l'art  oratoire,  la  langue  et  le  style 
d'Hypéride). 

Le  numéro  1  a  comme  devise  le  fragment  195  d'Hypé- 
ride. 

Le  numéro  2  porte  pour  devise  :  Ense  et  calamo. 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de 
ses  commissaires,  a  décerné  le  prix  proposé  (5,000  francs) 
à  l'auteur  du  travail  n"  1,  M.  Simon  Kayser,  professeur 
au  Collège  communal  de  Nivelles. 


(  723  ) 


Prix  De  Keyn. 

(Neuvième  concours,  première  période,  1895-1896. 
Enseignement  primaire.) 

Sur  la  proposition  du  jury,  la  Classe  décerne  un  prix 
de  mille  francs  : 

1°  A  M.  Th.  Coopman,  à  Bruxelles,  pour  son  manuscrit 
intitulé  :  Kinderlust.  Gedichten  voor  de  Jeugd; 

2°  A  MM.  Victor  Devogel,  professeur  agrégé  de  l'ensei- 
gnement moyen,  et  Luc  Lonfils,  instituteur,  à  Saint-Gilles, 
pour  leur  livre  :  De  la  réorganisation  des  cours  d'adultes; 

5°  A  M.  A.  Sluys,  directeur  de  l'École  normale  d'insti- 
tuteurs, à  Bruxelles,  pour  son  livre  :  L'enseignement  des 
travaux  manuels  dans  les  écoles  primaires  de  garçons. 

Prix  quinquennal  d'histoire  nationale. 

(Dixième  période  :  1891-1895.) 

Par  arrêté  royal  du  20  mars  1897,  pris  sur  la  décision 
du  jury  qui  a  examiné  les  travaux  de  cette  période,  le 
prix  de  cinq  mille  francs  est  décerné  à  M.  Charles  Duvivier, 
correspondant  de  l'Académie,  professeur  à  l'Université  de 
Bruxelles,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  La  querelle  des 
d'Âvesnes  et  des  Dampierre. 

Prix  quinquennal  des  sciences  sociales. 

(Troisième  période  :  1892-1896.) 

Par  arrêté  royal  du  10  avril  1897,  pris  sur  la  décision 
du  jury  qui  a  examiné  les  travaux  de  cette  période,  le 


(  724  ) 

prix  de  cinq  mille  francs  est  décerné  à  M.  P.  De  Paepe, 
conseiller  à  la  Cour  de  cassation,  pour  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Études  sur  la  compétence  civile. 


ÉLECTIONS. 

Depuis  ses  dernières  élections,  la  Classe  a  perdu 
MM.  Aug.  Wagener  et  Paul  Henrard,  membres  titulaires; 
Ern.  Curtius  et  le  duc  d'Aumale,  associés. 

Sont  élus  : 

Membres  titulaires  (sauf  approbation  royale)  :  MM.  Domi- 
nique Sleeckx,  Paul  Thomas  et  Ernest  Discailles,  corres- 
pondants. 

Correspondants  :  MM.  Jules  Leclercq,  juge  au  tribunal 
de  première  instance,  à  Bruxelles,  et  Maurice  Wilmotte, 
professeur  à  l'Université  de  Liège. 

Associé  :  M.  Jules  Lemaître,  membre  de  l'Institut 
(Académie  française),  à  Paris. 


(  7w2o  ) 


Séance  générale  des  trois  Classes  du  11  mai  1897. 

Salle  de  marbre.) 

M.  le  comte  Goblet  d'àlmella,  président  de  l'Acadé- 
mie. 
M.  le  chevalier  Edmond  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Prennent  également  place  au  bureau  : 

M.  Alf.  Gilkinet,  directeur  de  la  Classe  des  sciences; 
M.  Th.  Vinçotte,  directeur  de  la  Classe  des  beaux-arts,  et 
M.  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps. 

Sont  présents  : 

Classe  des  sciences.  —  MM.  Éd.  Dupont,  vice-direc- 
teur ;  G.  Dewalque,  E.  Candèze,  Brialmont,  Éd.  Van 
Beneden,  C.  Malaise,  F.  Folie,  Alph.  Briart,  F.  Plateau, 
Fr.  Crépin,  J.  De  Tilly,  Ch.  Van  Bambeke,  G.  Van  der 
Mensbrugghe,  W.  Spring,  L.  Henry,  P.  Mansion,  P.  De 
Heen,  C.  Le  Paige,  F.  Terby,  J.  Deruyts,  Léon  Frede- 
ricq,  J.-B.  Masius,  membres;  L.  Errera,  J.  Neuberg,  Alb. 
Lancaster,  M.  Delacre  et  Julien  Fraipont,  correspondants. 

Classe  des  lettres.  —  MM.  P.  Willems,  S.  Bormans, 
Ch.  Piot,  Ch.  Potvin,  Ï.-J.  Lamy,  Ch.  Loomans, 
G.  Tiberghien,  Ad.  Prins,  J.  Vuylsteke,  Ém.  Banning, 
A.  Giron,  le  baron  J.  de  Chestret  de  Haneffe,  Paul  Fre- 
dericq,  God.  Kurth,  Mesdach  de  ter  Kiele,  le  chevalier 
Ed.  Descamps,  G.  Monchamp,  membres;  Alph.  Rivier, 
J.-C.  Vollgraff,  associés;  Ch.  De  Smedt  et  Jules  Leclercq, 
correspondants. 


(  720  ) 

Classe  des  beaux-arts.  —  MM.  Charles  Tardieu,  vice- 
directeur;  Éd.  Fétis,  F. -A.  Gevaert,  Ad.  Samuel, 
Th.  Radoux,  Joseph  Jaquet,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays, 
G.  De  Groo-t,  Gustave  Biot,  Joseph  Stallaert,  Alex.  Mar- 
kelbach,  Max.  Rooses,  G.  Huberti,  A.  Hennebicq,  Ed. 
Van  Even,  Ém.  Janlet,  H.  Maquet,  membres;  Flor.  van 
Duyse  et  Van  Ysendyck,  correspondants. 

MM.  Wauters,  membre  de  la  (Masse  des  lettres,  et 
Hymans,  membre  de  la  (Masse  des  beaux-arts,  écrivent 
qu'une  indisposition  les  empêche  d'assister  à  la  séance. 

CINQUANTENAIRE   ACADÉMIQUE 
DE    M.    LE    BARON    EDM.    DE    SELYS    LONGCHAMPS. 

M.  le  comte  Goblet  ouvre  la  séance  à  2  heures  pré- 
cises en  prononçant  l'allocution  suivante  : 

La  séance  des  trois  Classes  coïncide,  cette  année,  avec 
le  cinquantenaire  académique  d'un  de  nos  membres  les 
plus  estimés  et  les  plus  sympathiques,  l'honorable  baron 
de  Selys  Longchamps. 

L'Académie  ne  pouvait  laisser  échapper  cette  occasion 
de  témoigner  à  l'éminent  jubilaire  les  sentiments  qu'elle 
éprouve  pour  lui  de  longue  date  et  que  justifie  l'étendue 
de  ses  services. 

Une  voix  plus  autorisée  que  la  mienne,  celle  de 
l'honorable  directeur  de  la  Classe  des  sciences,  va  vous 
retracer  la  carrière  scientifique  du  baron  de  Selys  et  vous 
exposer  ses  titres  à  notre  reconnaissance. 

J'ai  donc  prié  notre  vénérable  confrère  de  vouloir  bien 
prendre  place  au  bureau  pour  nous  permettre  de  lui  ren- 
dre l'hommage  que  nous  lui  devons.  (Applaudissements,) 


(  727  ) 

M.  Giikinet  a  pris  ensuite  la  parole,  au  nom  de  la 
Classe  des  sciences. 

Cher  et  vénéré  Confrère, 

Je  dois  à  ma  qualité  de  directeur  de  la  Classe  des 
sciences  le  grand  honneur  de  vous  exprimer  aujourd'hui 
les  félicitations  de  la  Classe  à  l'occasion  du  cinquantième 
anniversaire  de  votre  entrée  à  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique. 

Cet  honneur,  j'en  comprends  l'importance,  mais  j'en 
sens  aussi  le  fardeau.  Non  pas  que,  moins  que  tout 
autre,  j'apprécie  les  éminentes  qualités  qui  vous  distin- 
guent, non  pas  que  mon  admiration  pour  vos  travaux  et 
votre  caractère  le  cède  en  rien  à  celle  que  vos  confrères 
ont  tenu  à  vous  manifester  aujourd'hui,  mais  je  crains 
que  ma  voix  ne  soit  impuissante  à  vous  rendre  dignement 
justice,  qu'elle  ne  paraisse  faible  et  insuffisante  à  l'Aca- 
démie qui  désire  exalter,  comme  elle  le  mérite,  votre 
carrière  tout  entière  consacrée  au  culte  de  la  science  et 
au  bien  du  pays,  et  j'aurais  désiré  qu'un  confrère  plus 
ancien  et  plus  autorisé  que  moi  eût  solennisé  de  sa 
parole  cette  cérémonie  dont  vous  êtes  le  héros. 

C'est  en  1831,  il  y  a  de  cela  soixante-six  ans,  que  vous 
préludiez  aux  recherches  qui  devaient  vous  illustrer,  en 
insérant  dans  le  Dictionnaire  géographique  de  la  province 
de  Liège  publié  par  Van  der  Maelen  un  catalogue  des 
oiseaux  et  des  insectes  aptères,  névroptères  et  lépido- 
ptères de  la  province  de  Liège,  et,  depuis  lors,  votre  acti- 
vité scientilique  n'a  cessé  de  se  manifester  par  des  travaux 
concernant  presque  toutes  les  subdivisions  du  règne  ani- 
mal. Vous  avez  revu  les  genres  Mus,   Arvicola,  Sorex, 


(  7:28  ) 

publié  des  notices  sur  le  Mus  agrestis,  les  Musaraignes,  les 
Campagnols  observés  en  Belgique,  et  YArvicola  Savii, 
espèce  italienne  nouvelle  de  Campagnols,  vous  doit  la 
dénomination  qui  l'introduisit  dans  la  systématique. 
Dans  vos  études  de  micromammalogie,  vous  étendiez  vos 
recherches  aux  Mammifères  d'Europe  en  général,  et  dans 
votre  Faune  belge,  qui  si  longtemps  a  servi  de  guide  à 
nos  naturalistes,  vous  avez  décrit  les  Mammifères,  les 
Oiseaux,  les  Reptiles  et  les  Poissons  de  notre  pays. 

La  classe  des  Oiseaux  n'a  pas  manqué  d'exercer  votre 
sagacité  :  vous  avez  opéré  un  grand  nombre  de  croise- 
ments dans  la  famille  des  Anatidés  et  constaté  que  la 
sous-famille  des  Ansérinés  est  celle  qui  fournit  le  plus 
d'hybrides.  Dans  vos  Bemerkungen  iiber  die  irahren  Ganse, 
publiées  par  Naumannia  de  Dessau,  vous  avez  étudié 
spécialement  le  genre  Amer;  enfin,  vous  avez  consacré 
de  très  nombreuses  notices  aux  Oiseaux  de  passage,  aux 
Oiseaux  américains  inscrits  dans  la  faune  européenne,  à 
la  famille  des  Récurvirostridés,  aux  Mésanges,  à  l'Hiron- 
delle rousseline,  au  Buteo  variegatus,  à  la  Columba  livia, 
aux  Becs  croisés,  aux  Nucifrages,  aux  Passereaux,  etc. 

Dans  la  classe  des  Poissons,  les  Cypridinés,  le  Corre- 
gonus  oxyrhynchus,  les  Anguilles  ont  fait  l'objet  de  vos 
recherches;  mais  c'est  dans  l'étude  de  la  classe  des 
Insectes  que  votre  activité  scientifique  s'est  surtout  mani- 
festée et,  parmi  ceux-ci,  les  Odonates  ou  Libellules  vous 
doivent  les  travaux  les  plus  importants  qui  aient  été 
publiés  sur  leur  classification. 

Non  seulement  vous  avez  réuni  de  ces  jolis  insectes 
la  collection  la  plus  complète  qui  existe,  mais  vous  leur 
avez  consacré  de  nombreuses  notices  qui,  réunies,  forme- 


(  729  ) 
raient  la  matière  de  plusieurs  volumes.  Des  savants 
étrangers  s'occupant  des  mêmes  études,  entre  autres  le 
D1  Hagen,de  Kônigsberg,  ont  réclamé  votre  collaboration, 
et  la  monographie  des  Caloptérygines,  que  vous  avez 
publiée  avec  ce  savant,  vous  a  valu,  en  1857,  une  part  du 
prix  quinquennal  des  sciences  naturelles. 

Odonates  d'Italie,  de  Sicile,  du  Mexique,  des  îles  Sey- 
chelles,  d'Algérie,  de  l'Asie  septentrionale,  de  Madagas- 
car et  des  Mascareignes,  des  Philippines,  de  Sumatra, 
de  la  Nouvelle-Guinée,  de  Cuba,  vous  avez  tout  examiné, 
tout  passé  au  crible  de  votre  critique  éclairée  et  judi- 
cieuse. 

Après  les  Libellules,  les  Lépidoptères  semblent  avoir 
été  l'objet  de  vos  prédilections  et  vous  leur  avez  consacré 
de  nombreuses  pages  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des 
sciences  de  Liège  et  dans  les  Annales  de  la  Société 
entomologique  de  Belgique. 

Admirateur  fervent  de  la  nature,  vous  ne  vous  êtes  pas 
borné  à  l'étudier  dans  le  règne  animal,  et  tous  ceux  qui 
ont  eu  le  bonheur  de  vous  approcher  savent  quel  soin 
jaloux  vous  apportez  à  conserver  et  à  augmenter  la  végé- 
tation magnifique  qui  fait  le  charme  de  ce  parc  de  Long- 
champs  dans  lequel  vous  allez  chercher  le  repos  après 
les  fatigues  de  l'étude  ;  vous  avez  décrit  ces  arbres  dans 
le  Bulletin  de  la  Société  royale  de  botanique  et  fait  con- 
naître les  effets  qu'a  produits  sur  eux  l'hiver  néfaste  de 
1879-1880;  vous  avec  décrit  également  une  variété  nou- 
velle du  Populus  virginiana. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  recueils  de  l'Académie  et 
des  Sociétés  belges  qui  ont  publié  les  résultats  de  vos 
recherches  :  un  grand  nombre  de  revues  scientifiques  im- 


(  '30  ) 
portâmes  de  l'étranger  ont  été  heureuses  de  leur  accorder 
l'hospitalité.  Je  citerai  notamment  :  la  Société  entomolo- 
gique  de  France,  la  Revue  zooloyique  de  Guérin-Méne- 
ville,  les  Bulletins  de  l'Académie  d'Hippone  et  de  la 
Société  zoologique  de  France,  de  l'Académie  royale  de 
Turin,  les  Actes  de  l'Académie  de  Florence,  les  Annales 
du  Musée  d'histoire  naturelle  de  Gênes,  de  la  Société 
espagnole  d'histoire  naturelle  de  Madrid,  de  la  Société 
entomologique  de  Russie,  les  Annals  and  Magazine  of 
nalural  history,  le  Journal  d'ornithologie,  les  Transactions 
of  Entomological  Society  et  Y  Entomologist  monthly  Maga- 
zine de  Londres,  le  Naumannia  de  Dessau,  les  Mitlheilun- 
gen  des  Kôniglichen  Zoologischen  Muséums  de  Dresde,  etc. 

Je  ne  puis,  cher  et  vénéré  Confrère,  passer  en  revue 
tous  vos  travaux,  dont  la  liste  seule  n'occupe  pas  moins  de 
vingt  pages  de  notre  Bibliographie  académique.  J'ajoute- 
rai pourtant  que  la  question  si  importante  de  l'épuration 
et  du  repeuplement  de  nos  rivières  a  trouvé  en  vous  un 
protagoniste  ardent  et  convaincu,  tant  au  Sénat  qu'à 
l'Académie,  et  qu'en  l'année  1K82  vous  avez  institué  un 
prix  de  5,000  francs  destiné  à  récompenser  le  meilleur 
mémoire  sur  la  purification  des  eaux  contaminées. 

Ces  titres,  cher  et  honoré  Confrère,  ont  fait  votre  gloire 
et  celle  de  l'Académie.  Vous  en  possédez  d'autres,  d'une 
nature  plus  intime,  qui  vous  ont  conquis  nos  cœurs  :  je 
parle  ici  de  votre  caractère  si  droit,  si  loyal,  si  digne,  si 
élevé,  de  cette  courtoisie  qui  ne  se  dément  jamais,  du 
tact  et  de  l'exquise  délicatesse  dont  vous  faites  preuve 
dans  vos  rapports  avec  vos  confrères,  de  votre  inépuisable 
bonté,  en  un  mot. 


(  731  } 


Cher  kt  vénéré  Confrère, 

De  votre  longue  carrière,  si  noblement  parcourue, 
découle  un  grand  enseignement.  Né  dans  des  conditions  de 
fortune  et  de  position  sociale  qui  vous  dispensaient  de  la 
lutte  pour  l'existence,  vous  auriez  pu,  comme  tant  d'au- 
tres, vous  borner  à  jouir  des  biens  que  le  destin  vous 
avait  départis;  vous  ne  l'avez  pas  voulu.  Votre  vie,  vous 
l'avez  consacrée  tout  entière  au  culte  de  la  science  et  au 
service  de  votre  patrie.  Vous  avez  montré  que  le  travail, 
représenté  par  certaines  théories  dissolvantes  comme  un 
châtiment  immérité  infligé  par  le  sort  aux  déshérités  de 
la  fortune,  est  au  contraire  la  loi  et  en  même  temps 
l'honneur  et  la  consolation  de  tous.  L'exemple  que  vous 
avez  donné  ne  sera  pas  perdu. 

L*Académie,  fière  de  vous  posséder  dans  son  sein, 
vous  présente  ses  vœux  les  plus  respectueux.  Elle  espère 
que  pendant  de  nombreuses  années  encore  vous  conti- 
nuerez à  siéger  au  milieu  de  vos  confrères  et  à  les  éclai- 
rer de  vos  lumières. 

Les  applaudissements  unanimes  de  l'assemblée  ont 
accueilli  ces  paroles  ainsi  que  les  remerciements  que 
l'honorable  jubilaire  a  adressés  à  ses  confrères. 


(  732  ) 


INAUGURATION    DU    MONUMENT    STAS. 

(Grande  salle  des  séances  solennelles.) 

A  4  heures,  le  Comité  exécutif  de  la  souscription  pour 
la  publication  des  œuvres  de  Jean  Stas,  composé  de 
MM.  le  général  Brialmont,  Depaire,  Banning,  Spring  et 
Léo  Errera,  ainsi  que  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  pré- 
sident, et  le  chevalier  Edm.  Marchai,  secrétaire  perpétuel 
de  l'Académie,  viennent  se  constituer  en  bureau  pour  la 
cérémonie  de  l'inauguration  du  monument  élevé  à  la 
mémoire  de  Jean  Stas,  dans  le  jardin  du  Palais  des  Aca- 
démies. 

Assistent  à  la  cérémonie  :  M.  le  Ministre  Nyssens,  le 
Bureau  de  l'Académie  royale  de  médecine,  M.  Buis, 
bourgmestre  de  Bruxelles,  M.  Graux,  administrateur- 
inpecteur  de  l'Université  libre  de  Bruxelles,  M.  Linls, 
bourgmestre,  et  MM.  De  Coster  et  Bosmans,échevins  de  la 
ville  de  Louvain,  M.  Leclercq,  président  de  la  Commission 
centrale  de  statistique,  des  membres  de  la  famille  Stas, 
des  députations  de  plusieurs  associations  d'étudiants  de 
l'Université  libre  de  Bruxelles  avec  leurs  drapeaux  res- 
pectifs et  un  nombreux  public  composé  principalement 
d'amis  du  défunt. 


(  733  ) 
M.  le  général  Brialmont,  président  du  Comité  exécutif 

de  la  souscription  prononce  le  discours  suivant  (i)  : 

Messieurs, 

Après  la  mort  de  Jean  Stas,  une  commission  inter- 
nationale se  constitua  et  lit  appel  aux  savants  de  tous  les 
pays  dans  le  but  de  perpétuer  le  souvenir  des  grands 
services  rendus  à  la  science  par  cet  illustre  chimiste. 

Avec  les  fonds  qui  ont  été  réunis  ainsi,  le  Comité 
exécutif  de  la  souscription  a  élevé  à  la  mémoire  de  Stas 
an  monument  impérissable  :  l'édition  complète  de  ses 
œuvres.  Mais  les  trois  volumes  qui  la  constituent  reposant 
dans  les  bibliothèques  et  les  laboratoires,  ne  peuvent  être 
appréciés  que  par  une  élite.  Il  nous  a  paru  que  ce  n'était 
pas  assez  et  qu'il  convenait  de  faire  connaître  également 
au  peuple,  par  un  monument  accessible  à  tous,  un 
homme  sorti  de  ses  rangs,  qui  par  son  génie  et  ses  tra- 
vaux fait  honneur  au  pays  et  à  l'humanité. 

Il  fut  un  temps  où  les  sciences,  encore  peu  cultivées, 
n'intéressaient  qu'un  petit  nombre  d'esprits  supérieurs  et 
ne  se  manifestaient  que  rarement  par  des  inventions  ou 
des  produits  utiles  à  la  masse  des  citoyens.  Il  n'en  est 
plus  de  même  aujourd'hui  !  Les  sciences,  et  particulière- 
ment la  chimie,  ont  fait  depuis  le  commencement  de 
notre  siècle  des  découvertes  dont  les  applications  ont 
exercé  la  plus  heureuse  influence  sur  la  condition  écono- 
mique des  nations.  C'est  donc  faire  acte  de  justice  et  de 


(1)  Ce  Comité  est  composé  de  MM.  Brialmont,  Depaire,  Banning, 
Spring  et  Léo  Errera.  Feu  M.  Maus  en  a  fait  partie  également. 


(  754  ) 
reconnaissance  que  d'honorer  publiquement  les  savants 
qui  ont  créé  ce  mouvement  sans  précédent  dans  l'histoire. 

Le  reliquat  de  la  souscription  après  la  publication  des 
œuvres  de  Stas  et  les  subsides  mis  à  notre  disposition 
par  le  Gouvernement  et  la  Ville  de  Bruxelles  nous  ont 
permis  de  réaliser  cette  pensée  par  l'érection  d'un  monu- 
ment dans  l'enceinte  de  ce  Palais  où  son  souvenir  ne 
s'effacera  pas. 

Au  moment  de  procéder  à  l'inauguration  de  ce  monu- 
ment, il  convient  d'exposer  les  principaux  titres  de 
l'homme  illustre  dont  il  consacre  la  mémoire. 

Jean  Stas  était  élève  à  la  Faculté  de  médecine  de 
l'ancienne  Université  de  Louvain,  sa  ville  natale,  quand 
il  organisa  dans  les  combles  de  la  maison  de  son  père 
—  qui  exerçait  la  profession  de  serrurier-poèlier  —  un 
petit  laboratoire  dont  plusieurs  instruments  furent  fabri- 
qués par  lui.  C'est  là  qu'il  fit,  en  1853,  à  l'âge  de  20  ans, 
sa  première  découverte,  celle  de  la  phlorhizine,  qui  lui 
valut  les  félicitations  de  deux  chimistes  célèbres  :  Dumas 
et  Berzelius.  Celui-ci  entrevit  dès  lors  l'avenir  réservé  à 
notre  jeune  compatriote.  Dans  son  Jahresbericht  de  1855, 
il  disait  :  «  Il  y  a  beaucoup  à  attendre  d'un  chimiste  qui 
débute  de  cette  manière.  » 

Admis  peu  de  temps  après  dans  le  laboratoire  de 
Dumas,  Stas  compléta  son  mémoire  et  fut  appelé  à  en  lire 
des  extraits  devant  l'Institut  de  France,  honneur  qui 
n'avait  été  fait  jusque-là  à  aucun  savant  belge. 

Sous  la  direction  et  avec  la  collaboration  de  son  illustre 
maître,  Stas  rédigea  plusieurs  mémoires,  dont  les  plus 
remarquables,  ceux  qui  devaient  immortaliser  son  nom, 
ont  pour  titres  :  Recherches  sur  le  véritable  poids  atomique 
du  carbone  et  Mémoire  sur  les  types  chimiques. 


(  733  ) 

Les  travaux  qu'il  entreprit  ensuite  pour  déterminer  les 
rapports  réciproques  des  poids  atomiques  lurent  inter- 
rompus, en  1841,  par  sa  nomination  de  professeur  de 
chimie  à  l'École  militaire  de  Bruxelles.  Stas  s'engagea  à 
les  continuer,  mais  il  n'y  avait  pas  alors  en  Belgique  un 
laboratoire  outillé  pour  de  pareilles  recherches,  et  le  Gou- 
vernement refusait  de  compléter  celui  de  l'École  militaire. 
Stas  fut  donc  obligé  d'en  faire  construire  un  à  ses  frais 
dans  la  petite  maison  qu'il  avait  louée  rue  de  Joncker. 
Celte  construction  et  les  expériences  auxquelles  il  se  livra 
pendant  plusieurs  années  absorbèrent  son  petit  patri- 
moine et  une  partie  de  son  modeste  traitement  de  profes- 
seur. En  1860,  il  écrivait  à  un  de  ses  amis  intimes  : 
a  Pour  continuer  mes  recherches,  je  me  suis  imposé  des 
sacrifices  qui  m'ont  mis  dans  une  gêne  voisine  de  la 
pauvreté.  » 

Le  grand  chimiste  allemand  Liebig  connut  cette  situa- 
tion. Après  la  réception  des  Recherches  sur  les  poids  ato- 
miques, frappé  d'admiration  pour  ce  travail,  il  engagea 
vivement  l'auteur  à  élargir  encore  le  champ  de  ses 
investigations  et  lui  offrit  de  réclamer  à  cet  effet  le  con- 
cours du  Roi  Maxim ilien  de  Bavière,  qui  mettait  chaque 
année  à  la  disposition  des  savants  une  somme  d'environ 
100,000  florins  pour  faciliter  leurs  recherches.  Cette 
lettre,  qui  est  de  1860,  a  fait  dire  avec  raison  à  l'un  des 
biographes  de  Stas  :  «  Un  homme  ayant  au  cœur  quelque 
fierté  pour  son  pays  ne  saurait  lire  cette  lettre  sans  un 
profond  sentiment  d'humiliation.  » 

Stas  déclina  l'offre  de  Liebig.  Nul  ne  se  méprendra  sur 
le  sentiment  qui  le  guidait.  La  grandeur  de  son  œuvre  et 
l'étendue  de  son  sacrifice  n'ont  été  compris  ni  par  le 
Gouvernement  belge  ni  par  la  nation.  L'esprit  scienti- 


(  736) 
tique  était  alors  et  est  encore  aujourd'hui  peu  développé 
dans  le  pays.  A  la  fin  cependant,  les  démarches  de 
quelques  amis  décidèrent  le  Ministre  de  l'Intérieur  à 
allouer  à  Stas,  pour  continuer  ses  expériences,  un  crédit 
de  6,000  francs  à  répartir  sur  trois  années  ! 

Trois  ans  auparavant,  d'obscures  intrigues  avaient 
écarté  d'une  chaire  universitaire  à  Liège  cet  homme  qui 
l'aurait  illustrée.  Il  faut  rappeler  ces  faits,  il  faut  les  met- 
tre en  parallèle  avec  ce  qu'ont  fait,  par  exemple,  l'Angle- 
terre pour  Faraday,  la  France  pour  Pasteur,  l'Allemagne 
pour  Helmholtz,  atin  qu'ils  servent  d'avertissement  à  tous. 
Qui  peut  dire  jusqu'où  Stas,  qui  alors  avait  encore  devant 
lui  trente  ans  d'incessant  labeur,  aurait  poussé  ses  recher- 
ches et  quels  plus  grands  services  encore  il  eût  rendus  à 
la  science,  à  l'agriculture,  à  l'industrie,  si  l'Etat  avait  créé 
pour  lui  un  laboratoire  à  la  hauteur  de  toutes  les  exi- 
gences, où  il  eût  poursuivi  ses  travaux  à  l'abri  de  toutes 
préoccupations  matérielles,  avec  le  concours  de  quelques 
élèves  choisis,  héritiers  de  sa  pensée,  continuateurs  de 
son  œuvre  ?  Si,  depuis,  les  devoirs  de  l'État  ont  été  mieux 
compris,  si  les  moyens  d'investigation  sont  devenus  plus 
abondants,  les  successeurs  de  Stas  se  plaisent  à  le  pro- 
clamer, c'est  encore  à  lui,  à  ses  persistants  efforts  que  ce 
progrès  est  dû. 

Le  premier  travail  fait  par  Dumas  et  Stas  sur  le  poids 
atomique  du  carbone  avait  été  une  confirmation  partielle 
de  l'hypothèse  de  Prout  :  que  les  poids  atomiques  des 
corps  sont  des  multiples  exacts  du  poids  atomique  de 
l'hydrogène  et  que  ce  dernier  est,  par  conséquent,  la 
matière  primordiale  de  laquelle  les  autres  corps  dérivent 
par  voie  de  condensation. 

Cette  preuve  avait  une  grande  importance,  non  seule- 


(  737) 
ment  au  point  de  vue  scientifique,  mais  encore  au  point 
de  vue  philosophique,  car  la  notion  de  l'unité  de  la 
matière  se  rattache  par  un  lien  étroit  à  celle  de  sa  nature 
et  de  son  origine.  Mais  Stas  se  défiait  des  conclusions 
prématurées,  qui  généralement  procèdent  d'idées  pré- 
conçues, et  défendait  à  l'imagination  d'envahir  le  domaine 
de  la  science.  Avant  d'admettre  l'hypothèse  de  Prout 
comme  une  loi  de  la  chimie,  il  jugea  nécessaire  de  véri- 
fier si  le  résultat  constaté  pour  le  poids  de  l'atome  de 
carhone  avait  un  caractère  général  ;  en  d'autres  termes, 
il  voulut  savoir  si  tous  les  poids  atomiques  s'expriment 
aussi  par  un  multiple  de  l'hydrogène  lorsque  leur  déter- 
mination a  lieu  d'une  manière  irréprochable.  Il  contrôla 
donc,  par  une  méthode  nouvelle,  le  poids  du  carbone; 
puis  il  fit  connaître  le  poids  de  plusieurs  autres  corps 
simples,  avec  un  degré  de  certitude  qui  étonna  le  monde 
savant.  C'est  à  la  suite  de  ces  laborieuses  recherches, 
poursuivies  durant  trois  années,  qu'il  put  conclure  «  que 
»  l'on  doit  considérer  la  loi  de  Prout  comme  une  pure 
y>  illusion  ». 

Un  temps  plus  long  lui  fut  nécessaire  pour  terminer 
son  célèbre  mémoire  intitulé  :  Recherches  sur  les  rapports 
réciproques  des  poids  atomiques. 

Ce  travail  provoqua  une  admiration  générale,  excepté 
en  France,  où  Dumas  et  quelques-uns  de  ses  élèves  ne 
purent  se  résoudre  à  abandonner  l'hypothèse  anglaise,  si 
séduisante,  de  l'unité  de  la  matière.  «  Vos  importantes 
recherches,  écrivit  Bunsen  à  Stas,  attacheront  votre  nom 
pour  toujours  au  domaine  le  plus  difficile  delà  chimie.  » 
Et  Liebig  s'exprima  ainsi  :  «  C'est  vraiment  le  fruit 
d'un  travail  extraordinaire  et  immense,  poursuivi  avec 

Ô""J    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  4<X 


(  738  ) 
une  persévérance  et  un  talent  que  j'admire...  Vos  chiffres 
deviendront  la  base  du  système  de  la  chimie.  » 

Fidèle  à  sa  constante  habitude  de  soumettre  les  prin- 
cipes et  les  lois  de  la  chimie  au  plus  rigoureux  examen 
avant  de  les  accepter,  Stas  entreprit,  dans  la  période 
finale  de  sa  carrière,  une  série  d'expériences  pour  con- 
trôler les  idées  de  Lockyer  sur  la  dissociabilité  des  corps. 
Sa  conclusion  fut  que  l'hypothèse  de  ce  savant  est  inad- 
missible et  ne  peut,  pas  plus  que  celle  de  Prout,  servir  à 
démontrer  l'unité  de  la  matière. 

Au  cours  des  observations  spectroscopiques  qu'exigea 
l'examen  des  travaux  de  Lockyer,  Stas  eut  l'occasion  de 
constater  que  le  spectre  de  la  lumière  solaire  n'est  pas 
superposable  au  spectre  d'une  flamme,  mais  qu'il  se 
superpose  au  spectre  électrique.  ïl  en  conclut  que  la 
lumière  solaire,  loin  d'être  un  phénomène  d'incandes- 
cence produit,  comme  on  l'a  cru  jusqu'à  présent,  par  les 
flammes  d'un  immense  foyer,  est  au  contraire  un  phéno- 
mène électrique,  le  résultat  de  formidables  et  continuels 
orages  dont  les  éclairs  déchirent  l'épaisse  enveloppe 
gazeuse  de  l'astre. 

Cette  remarquable  étude  a  été  résumée  par  Stas  dans 
le  discours  qu'il  prononça  en  décembre  1890  --  un  an 
avant  sa  mort  —  en  séance  publique  de  l'Académie. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  d'insister  ici  sur  l'active  et  féconde 
collaboration  de  Stas  aux  travaux  de  l'Académie,  ni  sur 
les  services  qu'il  a  rendus  comme  professeur  à  l'Ecole 
militaire,  membre  de  l'Académie  de  médecine,  membre 
du  Conseil  supérieur  d'hygiène  publique  et  de  la  Com- 
mission centrale  de  statistique ,  membre  du  Conseil 
d'administration  de  l'Université  de  Bruxelles,  Commis- 


(  739  ) 
saire  des  monnaies,  e!  Conseil  technique  de  la  Banque 

nationale. 

Notre  éminent  compatriote  eut  à  remplira  l'étranger 
plusieurs  missions  qui  lui  fournirent  l'occasion  de  dé- 
ployer ses  talents  sur  un  plus  vaste  théâtre.  Dans  toutes 
les  réunions  internationales  dont  il  fit  partie,  son  rôle 
fut  de  premier  ordre.  Il  faut  citer  particulièrement  la 
Conférence  monétaire  de  1867,  la  Commission  internatio- 
nale dn  mètre,  de  1872,  la  Conférence  internationale  et  le 
Comité  exécutif  qui  furent  chargés,  en  1875,  de  faire  une 
nouvelle  vérification  des  étalons  du  système  métrique. 
Ce  travail  présenta  de  grandes  difficultés  qui  furent  apla- 
nies par  les  nombreuses  et  délicates  expériences  de  Stas. 
Sa  participation  à  cette  œuvre  lui  valut  les  félicitations 
de  ses  collaborateurs  et  des  remerciements  publics  du 
Gouvernement  français. 

Jusqu'en  1850,  sa  réputation  n'était  pas  sortie  du 
cercle  des  savants.  Après  cette  date,  elle  s'étendit  au  delà 
et  son  nom  acquit  une  grande  notoriété  par  son  inter- 
vention dans  l'instruction  judiciaire  à  laquelle  donna  lieu 
un  empoisonnement  célèbre.  Chargé  par  la  magistrature 
de  l'examen  des  organes  de  la  victime,  Stas  crut  recon- 
naître à  certains  indices  que  le  poison  employé  était  un 
alcaloïde  volatil.  11  parvint  à  l'isoler  et  à  prouver  que 
c'était  la  nicotine.  Ce  poison  avait  été  choisi  précisément 
parce  que,  d'après  Orfila,  «  il  n'existe  pas  de  réactif  pour 
la  nicotine  ». 

C'est  donc  Stas  qui,  le  premier,  a  fourni  à  la  science 
le  moyen  de  déceler  les  alcaloïdes  dans  les  cas  d'empoi- 
sonnement. En  vain  Orfila  chercha-t-il  à  lui  disputer 
l'honneur  de  cette  découverte.  La  riposte  de  notre  com- 
patriote fut  péremptoire. 


(  740  ) 

Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  il  eut  la  douleur 
de  voir  anéantir  par  le  feu,  lors  de  l'incendie  du  Palais 
du  Midi,  où  il  avait  été  obligé  de  les  transférer,  une 
partie  des  appareils  et  des  produits  qui  avaient  servi  à  ses 
immortels  travaux. 

Le  grand  mérite  de  Stas  est  d'avoir  poursuivi  avec  une 
rare  persévérance  et  presque  sans  appui,  durant  un 
demi-siècle,  l'immense  travail  de  l'établissement  des 
bases  de  la  cbimie  et  de  l'avoir  mené  à  bonne  tin  au 
milieu  des  souffrances  que  lui  causaient  sa  complexion 
délicate  et  son  état  maladif.  Dans  cette  lutte  persistante, 
comme  dans  les  difficultés  qu'il  eut  à  surmonter,  son 
ardeur  et  son  énergie  étaient  soutenues  par  l'amour  de 
la  science  et  la  volonté  de  rendre  service  à  son  pays  et  à 
l'humanité. 

Il  eut,  au  soir  de  sa  vie  laborieuse,  la  satisfaction  de 
voir  reconnaître  et  proclamer  par  ses  émules  la  valeur 
de  ses  travaux  et  l'importance  capitale  de  leurs  résul- 
tats. En  1885,  la  Société  royale  de  Londres  lui  conféra 
une  distinction  hautement  appréciée  parmi  les  savants  : 
la  médaille  Davy,  et,  le  3  mai  1891,  l'Académie  de  Bel- 
gique célébra  son  jubilé  scientifique.  Ce  fut  une  apothéose. 
De  toutes  les  contrées  des  deux  mondes  affluèrent  les 
félicitations  et  les  témoignages  d'admiration.  La  Société- 
chimique  de  Berlin  lui  dit,  par  l'organe  de  Kekulé  :  «  Vos 
recherches  sur  les  lois  des  proportions  chimiques,  sur  les 
poids  atomiques  et  leurs  rapports  réciproques  sont  deve- 
nues les  plus  solides  fondements  de  toute  la  chimie.  » 
Le  collège  des  rédacteurs  des  Annales  chimiques  de  l'Alle- 
magne lui  écrit  «  qu'il  a  donné  à  la  chimie  une  direction 
nouvelle  et  l'a  élevée  au  rang  des  sciences  les  plus  rigou- 
reusement exactes  ». 


(741  ) 

La  Société  chimique  de  Londres  tient  le  même  langage. 
«  Parmi  ceux  qui  oui  élevé  la  chimie  à  la  dignité  d'une 
science  exacte,  dit-elle,  personne  ne  mérite  ni  ne  tient 
un  rang  supérieur  à  celui  de  Stas.  »  La  Société  royale  de 
Londres  déclare  que  «  par  son  influence  personnelle, 
Stas  a  grandement  servi  la  cause  delà  science  en  Europe  ». 
Et  l'Université  de  Liège  résumait,  parmi  tant  d'autres,  ces 
magnifiques  témoignages  en  disant  :  «  Vous  vous  êtes 
élevé  au  rang  des  plus  grands  génies  de  notre  temps.  » 

Oui,  Messieurs,  grand  par  le  génie  et  non  moins  grand 
par  sa  hauteur  d'âme  et  la  noblesse  de  ses  sentiments. 
Stas  joignait  aux  plus  rares  dons  de  l'intelligence,  les 
vertus  qui  inspirent  l'affection  et  commandent  le  respect  : 
un  caractère  ferme  et  indépendant,  un  désintéressement 
qui  lui  faisait  dédaigner  les  avantages  matériels  qu'au- 
raient pu  lui  assurer  ses  découvertes,  un  dévouement 
absolu  à  la  science  et  à  ceux  qui  la  cultivent,  une  fidélité 
inébranlable  à  ses  convictions  et  à  ses  amitiés. 

Les  jeunes  savants  qui  aspirent  à  de  hautes  destinées 
apprendront,  en  suivant  ses  traces,  à  préférer  l'honneur 
de  faire  progresser  la  science  aux  satisfactions  passagères 
que  peut  donner  la  fortune. 

Le  monument  que  nous  inaugurons  aujourd'hui,  .Mes- 
sieurs, est  dû  à  l'un  de  nos  meilleurs  statuaires,  M.  Tho- 
mas Vinçotte.  Son  œuvre  fait  revivre  parmi  nous  des 
traits  qui  nous  furent  chers  à  tant  de  titres.  Organe  du 
Comité  des  souscripteurs,  je  prie  M.  le  Président  de 
l'Académie  d'accepter  le  dépôt  et  la  garde  de  ce  monu- 
ment au  nom  du  Corps  savant  dont  Stas  fut  pendant 
cinquante  ans  l'une  des  illustrations. 


(  742  ) 

M.  le  Président  répond  à  ce  discours  par  les  paroles 
ci-après  : 

«  Au  nom  de  l'Académie,  je  remercie  le  Comité  d'orga- 
nisation pour  l'hommage  qu'il  rend  à  un  des  hommes 
qui  ont  le  plus  contribué  à  illustrer  notre  corps  savant, 
et  je  félicite  particulièrement  l'honorable  général  Brial- 
mont  pour  les  termes  heureux  par  lesquels  il  a  fait  ressor- 
tir non  seulement  les  travaux  et  les  découvertes,  mais 
encore  les  côtés  élevés  et  attirants  de  cette  grande  figure 
scientifique. 

Les  bustes  de  nos  confrères  décédés  ont  leur  place 
sous  le  toit  qui  a  abrité  leurs  travaux.  Eu  élevant  ce 
monument  à  Jean  Slas,  dans  le  jardin  du  Palais,  vous 
avez  voulu  mettre  sa  mémoire  plus  en  contact  avec  le 
public,  et  certes  nul  ne  méritait  mieux  cet  honneur. 

L'Académie  accepte  le  dépôt  et  la  garde  de  cette  belle 
œuvre  qui,  due  au  merveilleux  ciseau  du  directeur  de  la 
Classe  des  beaux-arts,  va  perpétuer  ici  le  souvenir  d'un 
homme  à  proposer  en  modèle  à  tous  ceux  qui  voient  dans 
la  science  un  sacerdoce  et  non  simplement  un  moyen  de 
développer  nos  satisfactions  matérielles.  » 


(  743  ) 
M.  Ch.  Potvin  a  lu  ensuite  les  vers  suivants 
JEAN  STAS. 

I. 

Au  bronze  de  l'apothéose, 

Stas,  du  tombeau,  s'est  relevé, 

Et,  sur  son  labour  achevé, 

Quand  l'admiration  se  pose. 

Qu'on  revoit  l'atome  pesé  , 

Ou  le  soleil  analysé, 

Ou  le  poison,  ce  traître  infâme, 

Dans  ses  ténèbres  dépisté, 

Au  socle  d'immortalité 

C'est  le  savant  que  l'on  acclame. 

II. 

Qui  dit  savant  ne  dit  pas  homme, 
Non,  s'il  s'en  faut  d'un  peu  de  cœur. 
Lui,  dans  son  œuvre  qu'on  renomme, 
L'homme  tient  la  place  d'honneur. 
11  soumettait  sa  conscience 
Au  respect  du  fait  observé, 
Et  sur  tous  ses  pas  la  Science 
Marchait,  le  pavillon  levé. 
Chercheur  profond,  trouveur  habile, 
Né  pauvre,  il  vécut  généreux, 
A  peine  eut  le  temps  d'être  heureux, 
Prit  toujours  le  temps  d'être  utile  ; 
Il  en  dut  négliger  souvent 
La  balance  et  le  spectroscope. 
Battons  des  mains  :  c'est  émouvant 
Quand  la  barrette  du  savant 
Sert  de  sébile  au  philanthrope  ! 

III. 

Ce  cœur  bon  avait  l'esprit  fier  : 
Pour  venger  les  hautes  écoles, 
Il  trouva  "de  mâles  paroles. 
Il  semble  que  ce  soit  hier! 
Chacun  de  nous  s'en  remémore  : 
Jusqu'au  trône  il  avait  porté 
Les  plaintes  de  la  Liberté, 
Et  le  Roi  disait  a  parte, 
Et  le  Pays  redit  encore  : 
Stas  honore  l'humanité. 


(  744  ) 


Rapport  sur  les  travaux  de  la  Commission  de  la 
Biographie  nationale  pendant  l'année  1896-1897;  par 
M.  Ferd.  Vander  Haeghen,  secrétaire. 

Messieurs, 

J'ai  l'honneur  de  vous  présenter  le  rapport  sur  les  tra- 
vaux de  la  Commission  de  la  Biographie  nationale  pen- 
dant l'exercice  1896-1897. 

Dès  le  mois  de  juin  1896,  j'ai  pu,  conformément  à  ma 
promesse,  faire  distribuer  le  premier  fascicule  du  tome  XIY 
de  notre  publication.  Celte  livraison  comprend  cent  qua- 
rante-cinq notices,  de  Massezk  Mercy-Argenteau.  Relevons- 
y  les  articles  consacrés  à  l'archiduc  Mathias  d'Autriche, 
le  poète  Adolphe  Mathieu,  la  duchesse  d'Athènes  Mathilde 
de  Hainaut,  l'archiduc  Maximilien  d'Autriche,  Maximi- 
lien-Emmanuel  de  Bavière,  le  jurisconsulte  liégeois 
Charles  de  Méan,  le  dernier  prince-évêque  de  Liège 
François  de  Méan,  les  Van  Meenen,  les  Vander  Meersch, 
l'homme  d'État  brugeois  Adolphe  van  Meetkercke,  les 
peintres  Gérard  et  Jean  Vander  Meire,  les  Melun, 
l'illustre  Hans  Memling,  les  musiciens  Mengal,  les  Mer- 
cator  et  surtout  le  plus  célèbre  d'entre  eux,  Gérard,  dont 
les  cartes  marines  assurent  la  gloire,  le  chroniqueur- 
poète  Jean  de  Merchtem,  les  Mercy-Argenteau,  etc.  Le 
second  fascicule  du  volume  est  sous  presse,  et  sans  un 
retard  matériel  indépendant  de  notre  volonté,  il  aurait 
déjà  pu  vous  avoir  été  envoyé.  Toutefois  il  est  en  épreuve 
jusques  et  y  compris  l'article  Mirseus.  C'est  dire  que  la 
plus  grande  partie  de  la  lettre  M  est  achevée.  Les  séries 
suivantes  sont  beaucoup  plus  courtes  et  l'on  peut  espérer 


(  MB  ) 
l'achèvement  de  notre  dictionnaire  dans  un  délai  relati- 
vement peu  éloigné.  Il  faudra  alors  s'occuper  du  complé- 
ment de  notre  dictionnaire,    œuvre    pour   laquelle   le 
secrétariat  recueille  dès  à  présent  des  matériaux. 

Dans  sa  séance  du  29  avril  1897,  la  Commission  a 
nommé  notre  confrère,  M.  J.  Stecher,  membre  de  la 
sous-commission  chargée  spécialement  des  affaires  admi- 
nistratives. M.  Stecher  a  bien  voulu  accepter  également 
de  remplacer  M.  A.  Le  Roy  au  sein  du  Comité  de  revision. 

Qu'il  me  soit  permis,  en  terminant  ce  rapport,  de 
payer  un  juste  tribut  d'hommages  à  la  mémoire 
de  notre  confrère  M.  Paul  Henrard,  décédé  le  45  no- 
vembre 1890.  M.  Henrard  avait  donné  à  notre  recueil  une 
vingtaine  d'articles  consacrés  à  des  illustrations  militaires 
et  politiques  de  notre  pays,  parmi  lesquelles  je  citerai  les 
Mansfelt  et  les  Marchin,  le  général  Jardon,  le  major 
Kessels,  etc. 

—  Des  remerciements  sont  votés  à  M.  VanderHaeghen 
ainsi  qu'à  la  Commission  de  la  Biographie. 


Liste  des  ira  eaux  publiés  par  l'Académie  royale  des 
sciences,  des  lettres  cl  des  beaux -arts  de  Belgique 
(mai  1896  à  mai  1897);  dressée  par  M.  le  Secrétaire 
perpétuel  en  conformité  d'une  décision  de  la  Commis- 
sion administrative. 

IIIM.ITI^,     3e    SÉRIE. 

Tome  xxxi,  1896,  n°  6  (106  pages  et  5  figures). 
Tome  xxxn,  1896,  n0s7;H2(984pages,  18  planches  et  31  figures). 
Tome  xxxiii,  1897,  nos  1,  2,  3,  4,  5  '756  pages,  13  planches  et 
il  figures). 


(  746  ) 

Les  Bulletins  sont  publiés  par  numéros  et  renferment 
les  lectures  et  communications  faites  en  séances  men- 
suelles de  chacune  des  trois  Classes;  des  tables  terminent 
chaque  volume. 

%\>i  %iiii:   de    1897. 

V Annuaire  de  1897  contient  vi-171  pages,  comprenant 
la  liste  des  membres,  des  correspondants  et  des  associés 
de  l'Académie,  et  les  notices  biographiques  suivantes  : 
Gustave  Frédérix  (156  pages  avec  portrait),  par  Ch. 
Potvin;  Gustave  De  Man  (8  pages  avec  portrait),  par  le 
chevalier  Edm.  Marchai. 

KUTH'EW   BIOGRAPHIQUES   ET   IIIIM.KM.  Il  «  !>■■  I©1 \K» 

concernant 
les  membres,  les  correspondants  et  les  associés. 

En  assemblée  générale  des  trois  Classes  du  6  mai  1852, 
l'Académie  décida  la  publication,  comme  annexe  à  son 
Annuaire,  d'une  Bibliographie  renfermant  la  liste  des 
travaux  des  membres,  des  correspondants  et  des  associés 
habitant  le  pays. 

Le  volume  actuel  (vi-832  pages)  est  la  quatrième  édition 
de  ce  recueil  dont  la  première  parut  en  1854,  la 
deuxième  en  1876  et  la  troisième  en  1886. 

11  comprend  :  1°  un  aperçu  historique  sur  l'organisation 
de  l'Académie  depuis  la  fondation,  en  17(>9,  de  la  Société 
littéraire  qui  fut  érigée  en  1772,  par  Marie-Thérèse,  en 
Académie  impériale  et  royale  des  sciences  et  belles- 
lettres  de  Bruxelles;  supprimée  de  fait,  en  1794,  elle 
fut  rétablie  en  1816  par  le  Roi  Guillaume  Ie'  et  réorga- 
nisée en  1845  par  le  Roi  Léopold  Ie'  en  Académie 
royale   des  sciences,  des  lettres  et  des  beaux-arts  de 


(  747  ) 
Belgique;  2°  la  liste  des  présidents,  secrétaires  perpé- 
tuels, directeurs,  membres  régnicoles  el  étrangers  de 
1769  à  181(>  ;  celle  des  présidents,  secrétaires  perpétuels, 
membres  honoraires,  directeurs,  membres,  correspon- 
dants et  associés  des  Classes  des  sciences,  des  lettres  et 
des  beaux-arts,  de  1  «S  1  < ï  jusqu'à  ce  jour;  3°  la  liste  des 
notices  biographiques  consacrées  aux  académiciens  et 
insérées  dans  les  publications  de  l'Académie;  !"  les  noti- 
ces bibliographiques  des  membres,  correspondants  et 
associés  des  trois  classes  habitant  le  pays. 

(mémoires   dk   l'académie,    l\-4 ".) 

Tome  eiii.  3e  fascicule.  {Sciences.)  Des  polyèdres  superposables  à 
leur  image  (40  pages  et  9  figures);  par  «.  Cesàro. 

id.  4e  fascicule.  (Lettres.)  De  secten  der  Geeselaars  en  der 

Dansers  in  de  Nederlanden  tijdens  de  14de  eeuw 
(62  pages  et  1  chromolithographie);  par  1».  Fre- 

dfiitq. 

■d.  5e  fascicule.  (Sciences.)  Description  des  minéraux  phos- 

phatés, sulfatés  et  carbonates  du  sol  belge  (Mémoire 
couronné  en  décembre  1896,  136  pages  et  54  figures); 
par  ft.  osiin». 

■d.  6e  fascicule.  (Lettres.)    Le   monument    chrétien  de 

Si-ngan-fou;  son  texte  et  sa  signification  (32  pages 
imprimées1;  par  t.-j.  i.»hh>  et  .%.  oueiuy. 

MÉMOIRES    COURONNÉS 
ET    MÉMOIRES    OES    SAVANTS    ÉTRA**»ERS    (lI%-4°). 

Tome  lt.  2e  fascicule.  (Lettres.)  La  torture  aux  Pays-Bas  pen- 
dant le  XVIII0  siècle;  son  application  ;  ses  partisans 
et  ses  adversaires;  son  abolition.  Étude  historique 

(176  pages);  par  Eugène  Hubert. 

■d.  3e  fascicule.  (Lettres.)  Histoire  du  Bouddhisme  du 

Nord,  principalement  au  Népaul  (Mémoire  couronné 


(  748  ) 


en  1896,  lOi  pages  imprimées);  par  Louis  do  la 

Vallée  Poussin. 

Tome  LV,  4e  fascicule.  (Sciences.)  Recherches  sur  la  maturation, 
la  fécondation  et  la  segmentation  chez  les  Poly- 
clades  (16  pages  imprimées;;  par  ■».  Francotte. 


HÉNOIRFJ    I.K-S0. 

Tome  vi.% in.  {Lettres.)  La  frontière  linguistique  en  Belgique  et 
dans  le  nord  de  la  France  (Grand  prix  de  Stassart 
en    1888,   2e  volume,  32  pages   imprimées);    par 

G.  Kurth 

Tome  L.  [Lettres.)  Étude  historique  sur  les  corporations  profes- 
sionnelles chez  les  Romains  depuis  les  origines 
jusqu'à  la  chute  de  l'Empire  d'Occident  (Mémoire 
couronné  en  1889,  vol.  II,  pages  433-553);  par 
J.-l».  Walizing. 

Tome  mv.  4e  fascicule  (Lettres.)  La  rivalité  de  la  France  et  de 
l'Espagne  aux  Pays-Bas,  1633-1700.  Étude  d'histoire 
diplomatique  et  militaire  (Mémoire  couronné  en  1894, 
367  pages);  par  Henri  Loncuay. 

Tome  i>v.  1er  fascicule.  (Sciences.)  Le  poids  moléculaire  de  l'eau 
et  de  l'iode.  (Mémoire  couronné  en  1895,  94  pages 
et  2  figures  :  par  .i   Versciioffelt. 

Contribution  à  l'étude  de  la  localisation  microchimique 
des  alcaloïdes  dans  la  famille  des  orchidacées 
(30  pages  et  1  planche);  par  i>c  uroog. 

■il.  2"ie  fascicule.   [Lettres.)  Joseph  II    et  la  liberté   de 

l'Escaut.  —  La  France  et  l'Europe  (254  pages  ;  par 

F.  Magnctte. 

Quelques  mots  sur  André  Vésale,  ses  ascendants,  sa 
famille  et  sa  demeure  à  Bruxelles,  nommée  la 
maison  de  Vésale  75  pages,  3  planches  et  1  figure  : 

par  Al  pli.  Wauters. 

id.  3me  fascicule.  (Sciences.)  Sur  un  nouveau  développe- 

ment de  la  fonction  Gamma  qui  contient  la  série 


(  719  ) 

de  Stirling  et  celle  de  Kummer    28  pages);  par 

G.    l.andNbtM'K- 

Tome  lv.  Sur  l'action  chimique  des  effluves  électriques  et  des 
rayons  de  Rôntgen  (36  pages  et  11  figures).  —  Action 
des  vibrations  électriques  sur  quelques  substances 

"28  pages,  2  figures-,  par  A.  de  llemplinue. 

Tome  LVi.  [Lettres.)  Les  caisses  d'épargne  en  Belgique.  (Mémoire 
couronné  en  1894  (112  pages  imprimées);  par 
F.  Iturny  et  I- .  llumande. 

LISTE    DES    TRAVAUX    A     PIBLIEB. 

Sur  les  impôts  de  consommation.  (Mémoire  couronné  en  1893. 

137    pages   manuscrites);    par   Norman   ScuoolnieeMters. 

Sur  le  rôle  de  la  gravure  en  taille  douce  (mémoire  couronné 
en  1893,  85  pages);  par  René  van  Hastelaer. 

Sur  l'intervention  de  la  phagocytose  dans  le  développement  des 
invertébrés  (Mémoire  couronné  le  13  décembre  1896,  114  pages  pro- 
patria  et  5  planches  in-4°);  par  le  ■»■'  c   «e  Rmyne. 

Sur  le  système  nerveux  périphérique  de  l'amphioxus  (Mémoire 
couronné  le  15  décembre  1896,  78  pages  et  13  planches);  par 
rm.  J.-F.  Heymaus  et  <>.  Van  lier  Mtrleht. 

Sur  la  cicatrisation  chez  les  végétaux  (Mémoire  couronné  le 
15  décembre  1896);  par  Jean  Maasart. 

Sur  les  fonctions  hypergéométriques  d'ordre  supérieur  (26  pages 
manuscrites);  par  J.  Reaupaln. 

Les  passions  allemandes  du  Rhin  dans  leur  rapport  avec  l'ancien 
théâtre  français  (50  pages  ;  par  m.  Wiimofte. 

Sur  la  courbure    des   lignes   et  des  surfaces  (18  pages);    par 

IM.  Stuyvuert. 

.Notes  pour  servir  à  l'histoire  du  règne  de  Charles-Quint  (158  pages); 

par  Km.  Gossart. 

Sur  l'interprétation  des  données  de  la  statistique  et  sur  la  natalité 
et  la  matrimonialité;  par  h.  Rouis. 

Sur  quelques  propriétés  des  polyèdres  non  centrés  superposables 
à  leur  image  (10  pages  et  8  figures);  par  c.  Cesaro. 

Quel  est  le  fondement  du  droit  de  propriété  individuelle?  Mémoire 
couronné,  591  pages);  par  Aipii.  tapait. 


(  750  ) 


CLASSE  DES    lll-MI  \-ARTK. 


Séance  du  12  mai  1897. 

M.  Ch.  Tardieu,  vice -directeur,  occupe  le  fauteuil. 
M.  le  chevalier  Edmond  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Éd.  Fétis,  F. -A.  Gevaert, 
Ad.  Samuel,  Th.  Radoux,  Jos.  Jaquet,  J.  Demannez, 
P.-J.  Clays,  G.  De  Groot,  Gustave  Biot,  Jos.  Stallaert, 
Alex.  Markelbach,  Max.  Rooses,  G.  Huberli,  A.  Henne- 
bicq,  Ed.  Van  Even,  Alfr.  Cluysenaar,  J.  Winders  et 
H.  Maquet,  membres;  C.  Hermans  et  Ém.  Mathieu,  cor- 
respondants. 

M.  H.  Hymans  écrit  qu'une  indisposition  l'empêche 
d'assister  à  la  séance. 


CORRESPONDANCE. 


La  Classe  apprend  avec  un  vif  sentiment  de  regret  la 
perte  qu'elle  vient  de  faire  en  la  personne  de  Johannes 
Brahms,  né  à  Hambourg  le  7  mars  1855,  élu  associé  de 
la  section  de  musique  le  7  janvier  1880,  décédé  à  Vienne 
le  5  avril  1897. 


(  751  ) 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

i.  La  sculpture  française  depuis  le  XIVe  siècle;  par 
Louise  Gonse  ; 

5.  a)  In  peintre  belge  de  la  fin  du  XVIIIe  siècle,  Antoine 
Clevenbergh,  de  Louvain  ;  h)  La  bienheureuse  Marguerite  de 
Loucain  dite  Marguerite  la  Fière,  sa  légende,  son  culte,  sa 
chapelle;  par  Éd.  Van  Even; 

5.    Les  futurs  boulevards  de  Bruges;  par  Ad.  Duclos; 

4.  De  la  gamme  musicale;  par  Frédéric  Hesselgren,  à 
Turin. 

—  Remerciements. 

-  M.  le  Ministre  de  l'Agriculture  et  des  Travaux 
publics  transmet  : 

1°  Le  cinquième  rapport  réglementaire  de  M.  Van 
Esbroeck,  boursier  pour  la  peinture,  de  la  fondation 
Godecbarle,  en  1895.  —  Renvoi  à  MM.  Fétis,  Clays, 
Hennebicq  et  Cluysenaar; 

2°  Une  nouvelle  composition  intitulée  :  Salvo  Regina, 
envoyée  par  M.  Mortelmans,  lauréat  du  grand  concours 
de  composition  musicale  de  1895,  en  exécution  de  ses 
obligations  réglementaires.  —  Renvoi  à  MM.  Huberti  et 
Van  Duyse. 


ELECTION. 


La  Classe  renouvelle  le  mandat  de  M.  Éd.  Fétis 
comme  membre  de  la  Commission  administrative  pour 
l'année  1897-1898. 


(  752  ) 


OUVRAGES  PRÉSENTÉS. 


Dupont  (Edouard).  Guide  dans  les  collections  du  Musée 
royal  d'histoire  naturelle  de  Belgique.  Bruxelles,  1897; 
in-8°(o4  p.). 

Van  (1er  Haeghen  [F.).  Bibliotheca  Belgica,  livraisons 
137-141. 

Denis  {Hector).  Histoire  des  systèmes  économiques  et 
socialistes,  vol.  Ier  :  Les  fondateurs.  Bruxelles,  [1897];  pet. 
in-8°  (271  p.). 

Errera  {Léo).  Extension  de  l'Université  libre  de  Bru- 
xelles. Année  académique  1896-1897.  Existc-t-il  une  force 
vitale?  Bruxelles,  1897;  in-8°  (20  p.). 

Even  {Edw.  Van).  Un  peintre  belge  de  la  fin  du 
XVIIIe  siècle,  Antoine  Clevenbergh,  de  Louvain.  Gand, 
1897;  extr.  in-8°  (30  p.). 

—  La  bienheureuse  Marguerite  de  Louvain  dite  Mar- 
guerite la  Fière,  sa  légende,  son  culte,  sa  chapelle.  Lou- 
vain, 1896;   in-8°(68p.). 

Wauters  (Alph.).  Quelques  mots  sur  André  Vésale,  ses 
ascendants,  sa  famille  et  sa  demeure  à  Bruxelles,  nommée 
la  maison  de  Vésale.  Bruxelles,  1897;  extr.  in-8°  (74  p.  et 
3  fig.). 

Crismer  (L.)  et  Motteu(J.)  Températures  de  saturation  et 
températures  critiques;  application  a  l'analyse  générale. 
Bruxelles,  1896;  extr.  in-8°  (19  p.). 

Crismer  {L.).  La  résazurine,  indicateur  pour  l'alcali- 
métrie. Bruxelles,  1896;  extr.  in-8°(4  p.). 

—  Températures  critiques  de  dissolution  en  tubes 
ouverts;  application  à  l'analyse  du  beurre.  Bruxelles,  1896; 
extr.  in-8°  (7  p.). 


(  735  ) 

Crismer  (L.).  —  L'analyse  des  beurres  par  la  détermina- 
tion de  la  température  critique  de  dissolution.  Bruxelles, 
1897;  extr.  in-8»  (31  p.). 

Meunier  [Fernand).  La  prétendue  période  glaciaire  à 
l'époque  houillère  de  M.  Julien,  et  la  faune  entomologiquc 
du  stéphanien  de  Commentry.  Bruxelles,  1896;  extr.  in-8° 
(2  p.). 

—  Note  sur  un  hyménoptère  des  lignites  du  Rhin. 
Bruxelles,  1890;  extr.  in-8°  (2  p.). 

—  Sur  les  prétendues  empreintes  d'arachnides  du  coral- 
lien de  la  Bavière.  Bruxelles,  1897  ;  extr.  in-8"  (4  p.). 

—  Quelques  réflexions  au  sujet  du  nouveau  système  de 
classification  des  insectes  «  muscides  »  de  M.  Girschner. 
Bruxelles,  1897  ;  extr.  in-8°  (5  p.). 

—  Les  chasses  diptérologiques  aux  environs  de  Bru- 
xelles. 1897;  extr.  in-8°(10  p.). 

Lahaye  {Léon).  Cartulaire  de  la  commune  d'Andenne, 
tome  II,  1651-1792.  Namur,  1895;  in-8°  (460  p.). 

Pàque  (£.).  De  vlaamsche  volksnamen  der  planten  van 
België,  Fransch-Vlaanderen  en  Zuid-Nederland.  Namur, 
1896;  in-8°(o69  p.). 

Reychler  {A.).  Les  théories  physico-chimiques.  Bruxelles, 
1897;  in-8"  (281  p.). 

Duclos  (Ad.).  Les  futurs  boulevards  de  Bruges.  Bruges, 
1897;  in-8°(24  p.). 

Van  der  Burch  (le  comte  Guillaume).  Le  problème  pro- 
portionnel arithmétiquement  résolu  à  deux  points  de  vue 
différents.  Bruxelles,  1897;  in-4°  (35  p.). 

Gheldere  (K.  de).  Dietsce  Rime.  Geestelijke  gedichten  uit 
de  XIIIe,  XIVe  en  XVe  eeuvv,  naar  een  Hs.  van  het  einde 
der  XVe  eeuw  uitgegeven,  en  van  aanteekeningen  en  woor- 
denlijst  voorzien.  Bruges,  1896;  in-8°  (vm-280  p.). 

Slraven  (François).  Inventaire  analytique  et  chronolo- 
gique des  archives  de  la  ville  de  Saint-Trond,  tome  VI, 
lre  livraison.  Saint-Trond;  in-8°. 

5me  série,  tome  xxxm.  49 


(  1U  ) 

Meerens  (Ch.).  Une  réforme  de  pédagogie  musicale. 
Bruxelles,  4897;  extr.  in-4°  (2  p.). 

Malderghem  {Jean  van).  Les  fresques  de  la  Leugemeete  ; 
leur  découverte  en  4846 ;  leur  authenticité.  Bruxelles, 
4897;  extr.  in-8°  (24  p.). 

Velge{G.).  Compte  rendu  de  la  session  extraordinaire  de 
la  Société  géologique  de  Belgique  et  de  la  Société  royale 
malacologique  de  Belgique  :  journée  du  mardi  8  septembre 
4896,  de  Bruxelles  à  Tervueren.  Liège,  4897;  extr.  in-8° 
(48p.,  4  pi). 

Berlière  (le  R.  P.  Dom  Ursmer).  Monasticon  belge,  tome  1, 
2me  livraison.  Maredsous,  1897;  in-4°. 

Histoire  du  Conseil  provincial  de  Luxembourg.  Arlon, 
4896;  in-8°  (xi-249  p.). 

Ministère  de  l'Industrie  et  du  Travail.  Carte  géologique  de 
la  Belgique  au  40,000e,  4e  envoi  :  feuilles  de  Brecht-Oost- 
malle,  Beersse-Turnhout,  Arendonck-Postel,  Saint-Gilles- 
Waes-Beveren,  Anvers-Borgerhout,  Schilde  Grobbendonck, 
Lille-Casterlé,  Béthy-Moll,  Knesselaere-Somergem,  Lierre- 
Berlaer,  Hérenthals-Gheel,  Meerhout-Baelen,  Wynghene- 
Thielt,  Aeltre-Nevele,  Welteren-Zele,  Boisschot-Westerloo, 
Kappelhoek-Hoogstaede. 

Ministère  de  la  Guerre.  Catalogue  de  la  bibliothèque, 
4e'  volume  :  supplément.  4897;  in-88. 

Ministère  de  la  Justice.  Coutumes  des  pays  et  comté  de 
Flandre.  Quartier  de  Furnes,  tome  Iï  et  III.  (L.  Gilliodts-Van 
Severen.)  4896;  in-4°. 

Bulletin  de  Folklore,  4895,  tome  II,  7e-8e  fascicules. 

Gand.  Kon.  Vlaamsche  Académie.  Middelnederlandsche 
gedichten  en  fragmenten,  3de  aflevering  (Nap.  dePauw). 

—  De  Keure  van  Hazebroek  van  4336,  3de  deel  (Edw. 
Gailliard).  4897;  2  vol.  gr.  in  8°. 

Liège.  Institut  archéologique .  Bulletin,  tome  XXV.  4896. 


(  755  ) 


Allemagne  et  Autriche-Hongrie. 

Kôlliker  {Albert  von).  Die  Energiden  von  v.  Sachs  ira 
Lichte  der  Gewebelehre  der  Thiere.  Wurzbourg,  1897; 
in-8"  (21  p.). 

Leipzig.  Verein  fur  Erdkunde.  Mittheilungen,  1896. 

—  Die  Insel  Sansibar  (Oscar  Baumann).   Leipzig,  1897. 
Munich.  Aon.  b.  Akademie  der  Wissenschaften.  Almanach, 

1897;  in-8°. 

Breslau.  Verein  fur  Geschichte  und  Alterlhum  Schlesiens. 
Zeitschrift,  31.  Band.  Autorenregister  zu  Band  I-XXX. 
Scriptores  rerum  Silesiacarum,  Band  XVI. 

Halle.  Akademie  der  Naturforscher.  Repertorium  zu  den 
Acta  und  Nova  Acta  der  Akademie  (Arnim  Graesel), 
Band  II,  1  :  Nova  Acta,  Band  IX-LXIII. 

—  Nova  Acta,  tom.  LXV-LXVII.  Leopoldina,  1896.  Kata- 
log,  Band  II,  4. 

Vienne.  Kais.  geographische  Gesellschaft.  Mittheilungen, 
1896. 


France. 

Gonse  (Louis).  La  sculpture  française  depuis  le  XIVe  siècle. 
Paris,  1895;  vol.  in-4°  (360  p.,  pi.  et  fig.). 

Ferai  (Gast07i).  Observations  météorologiques  sur  les 
pluies  générales  et  les  tempêtes,  nouvelle  édition.  Albi, 
1897;  in-8°(22  p.). 

Paris.  Académie  des  sciences.  Réunion  du  Comité  interna- 
tional permanent  pour  l'exécution  de  la  carte  photogra- 
phique du  ciel,  tenue  à  l'Observatoire  de  Paris  en  mai  1896. 
In -4°. 


(  75G  ) 

Grande-Bretagne. 

Carvill- Lewis  [Henry).  Papers  and  notes  on  the  genesis 
and  matrix  of  the  diamond.  Edited  by  T. -G.  Bonney. 
Londres,  1897;  in-8°  (xn-72  p.  et  2  pi.). 

Edimbourg.  Royal  Collège  ofphysicians.  Reports,  vol.  VI. 
1897. 

Londres.  Royal  historical  Society .  The  domesday  of  inclo- 
sures  (1517-1518),  vol.  I  and  II.  1897  ;  2  vol. 


Italie. 

Hesselyren  [Frédéric).  De  la  gamme  musicale;  étude 
critique  des  gammes  tempérées  et  de  la  gamme  naturelle. 
Turin,  1897;  in-8°  (34  p.). 

Mantoue.  R.  Accademia  Virgiliana.  Atti  e  Memorie,  1895- 
1896. 

Pise.  //  Nuovo  Cimento,  1894-1896. 


Pays  divers. 

Gretclianinow  (A.).  Sur  la  stabilité  du  mouvement  de  la 
machine  réglée  par  un  régulateur  à  action  directe.  Khar- 
kow,  1897;  in-8°  (91  p.  et  2  pi.). 

La  Haye.  Ministerium  der  Kolonien.  Die  Triangulation 
von  Java,  5.  Abtheilung  (Dr  J.  Oudemans).  1897;  in-8°. 

Madrid.  R.  Academia  de  ciencias  (isicas.  Anuario,  1897; 
in-16  (364  p.). 

Upsal.  Kôn.  Universitàt.  Zoologische  Studiën.  Festschrift 
Wilhelm  Lilljeborg,  zum  89.  Geburtslag  gewidmet  von 
schwedischen  Zoologen.  1896;  in-4°. 

Zurich.  Nalurforschende  Gesellschaft.  Verhandlungen 
(actes  et  comptes  rendus  des  travaux).  1895  et  1896. 


BULLETIN 


DE 

L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 

DES 

Lettres  et  des  Beaux-Arts  de  Belgique. 

1897.  —  iV  G. 


CLASSE    DES    SCIEMCKS. 


Séance  du  o  juin   1897. 

M.  Alf.  Gilkinet,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents:  MM.  Éd.  Dupont,  vice-directeur;  le 
baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  Dewalque,  E.  Can- 
dèze,  Gluge,  Brialmont,  Éd.  Van  Beneden,  C.  Malaise, 

F.  Folie," F.  Plateau,  J.  De  Tilly,  Ch.  Van  Bambeke, 

G.  Van  der  Mensbrugghe,  W.  Spring,  L.  Henry,  M.  Mour- 
lon,  P.  Mansion,  P.  De  Heen,  C.  Le  Paige,  F.  Terby, 
J.  Deruyts,  Léon  Fredericq,  J.-B.  Masius,  membres; 
Ch.  de  la  Vallée  Poussin,  associé;  A. -F.  Renard  et  J.  Neu- 
berg,  correspondants. 

MM.  Ch.  Lagrange  et  G.  Cesàro  expriment  leurs  regrets 
de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

5rne    SÉRIE,    TOME    XXX1U.  50 


(  758  ) 


CORRESPONDANCE. 


La  Classe  apprend  avec  un  vif  sentiment  de  regret  la 
mort  de  deux  de  ses  associés  de  la  section  des  sciences 
naturelles  : 

Alfred-Louis  Legrand  Des  Cloizeaux,  né  à  Beauvais 
le  17  octobre  1817,  décédé  le  7  mai  1897; 

Et  le  D1  professeur  Julius  von  Sachs,  né  à  Breslau  le 
2  octobre  1852,  décédé  à  Wurzbourg  le  29  mai  1897. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publi- 
que transmet  une  demande  du  Gouvernement  russe  de 
voir  représenter  l'Académie  au  Congrès  international 
de  géologie  de  Saint-Pétersbourg.  —  La  Classe  délègue 
M.  Dewalque. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Musée  d'histoire  naturelle  de  Belgique.  D'Omalius 
d'Halloy  (1785-1875);  par  Éd.  Dupont  (avec  une  note  qui 
figure  ci-après)  ; 

2°  A.  L'oocyte  de  Pholcus  phalangioïdes  Fuessl;  I>.  A 
propos  de  la  délimitation  cellulaire;  par  Ch.  Van  Bambeke; 

5°  De  la  nécessité  d'une  nouvelle  loi  au  sujet  de  la  partie 
de  la  médecine  qui  traite  des  signes  de  la  mort;  par  le 
docteur  Guillery. 

—  Remerciements. 

—  Travaux  renvoyés  à  l'examen  : 

1°  Sur  quelques  éthers  des  acides  monochlor-  et  mono- 
bromacétiques  ;  par  Rodolphe  Steinlen,  préparateur  adjoint 


(  '59  ) 
à  l'Université  de  Gand.        Commissaires  :  MM.  Spring 
et  Henry; 

2°  Sur  la  triphényléthanone;  par  A.  Gardeur.  —  Com- 
missaires  :  MM.  Delacre  et  Henry. 


NOTE    BIBLIOGRAPH1QIK. 

J'ai  l'honneur  d'offrir  à  l'Académie  un  exemplaire 
dune  seconde  édition  de  la  biographie  de  M.  d'Omalius 
d'Hallôy.  Elle  se  rappellera  que  la  première  édition 
a  paru  dans  notre  Annuaire  de  1876. 

A  cette  époque  déjà,  j'étais  convaincu  de  la  nécessite 
de  reproduire  la  Carte  géologique  du  premier  Empire 
français,  terminée  par  l'illustre  savant  en  1815,  et  d'y 
joindre  le  tracé  des  énormes  itinéraires  qu'il  avait  exé- 
cutés pour  la  lever. 

C/ctait  à  la  lois  maintenir  le  souvenir  d'une  œuvre  qui 
marque  un  point  de  départ  dans  la  géologie  de  l'Europe 
occidentale,  et  préciser,  par  un  procédé  tangible,  l'admi- 
rable effort  qu'elle  nécessita. 

Mais  Y  Annuaire  ne  comportait  pas  une  annexe  de  ce 
genre. 

D'un  autre  côté,  le  moment  présent  me  parut  particu- 
lièrement opportun  pour  une  deuxième  édition. 

La  question  de  l'origine  des  Indo-Européens  et  de 
leur  civilisation  première  semble  sur  le  point  d'être 
élucidée  dans  le  sens  que  préconisa  d'Omalius  d'Hallôy 
dès  1839.  C'est  seulement  dans  ces  derniers  temps  que 
ses  droits  de  promoteur  sur  ce  sujet  fondamental  d'ethno- 
graphie ont  été  formellement  reconnus  dans  la  science. 

11  importait  de  les  affirmer. 


(  760  ) 
L'étendue  de  ce  nouvel  exposé  de  la  vie  et  des  travaux 
de  mon  vénéré  maître,  non  moins  que  l'adjonction  de  sa 
Carte  géologique,  ne  lui  faisait  pas  trouver  place  dans 
nos  recueils.  J'ai  été  par  là  amené  à  en  faire  une  publica- 
tion à  part.  K.  Dupont. 


KAPPOHTS. 


Il  est  donné  lecture  des  avis  de  .MM.  De  lleen  et 
Van  der  Mensbrugghe,  sur  une  Théorie  substantielle  de  la 
chaleur;  par  W.  Goldschild.  --  Dépôt  aux  archives. 


Sur   l'éther   (Uiisoy lacély lacet ique   et    ses    dérivés  ; 
par  A.   Sclioonjans. 

ltap/un-1   de    ti .    S/it-iuff,    />«•*>»••>»-   coiNiMJttai'i'P, 

((  L'auteur  s'est  proposé  de  vérifier  si  la  méthode  indi- 
quée par  M.  le  professeur  L.  Claisen,  pour  obtenir  l'éther 
benzoylaeétylacétique  a  un  caractère  général  ou  non. 
Dans  le  travail  qu'il  présente  aujourd'hui  à  l'Académie, 
il  a  constaté  qu'en  effet  le  radical  benzoyle  peut  être  rem- 
placé par  le  radical  anisoyle  dans  la  méthode  indiquée, 
sans  préjudice  pour  le  succès  des  opérations;  des  essais 
avec  d'autres  radicaux  seront  faits  ultérieurement. 

Les  recherches  de  M.  Schoonjans  peuvent  être  résu- 
mées comme  il  suit  : 

Si  l'on  traite  de  l'éther  acétylacétique  mêlé  d'éthylate 


(  761   ) 
de  sodium  en  solution  alcoolique  par  du  chlorure  d'ani- 
soyle,  en  avant  soin  d'ajouter  ce  dernier  par  portions  suc- 
cessives de  plus  en  plus  faibles,  il  se  produit,  en  quantité 
presque  théorique,  de  Véther  anisoylacétylacétique 

CII!.CO.CH<COO^'.OCHi 

qui,  connue  son  correspondant  benzoylique  (Claisen), 
donne  avec  l'acétate  de  cuivre  un  dérivé  métallique 
Cu(C|4H1505)2  cristallin,  très  soluhle  dans  le  chloroforme. 
En  traitant  l'éther  anisoylacétylacétique  par  une  solu- 
tion d'ammoniaque,  le  groupe  acétyle  est  emporté  par 
l'ammoniaque  et  il  se  forme  de  l'éther  anisoylaeétique 

.  f.     co  ocjï5 

n*L  <  CO  .  C«H, .  OCH3 

qui  forme  aussi  un  dérivé  métallique  avec  l'acétate  de 
cuivre. 

D'autre  part,  le  chlorhydrate  d'hydroxylamine  donne 
avec  cet  éther  anisoylaeétique  de  la  phénylisoxazolone. 

Enfin,  l'éther  anisoylaeétique  fournit,  pendant  sa  distil- 
lation, Y acide  déliydroauisoylacélitjae,  analogue  à  V acide 
déhydracétique,  qu'on  obtient  aisément  à  l'aide  de  l'éther 
acétylacétique. 

Les  analyses  que  M.  Schoonjans  a  faites  me  semblent 
ne  laisser  aucun  doute  sur  l'identité  de  ces  substances. 
Au  reste,  ce  travail  a  été  fait  avec  grand  soin,  sous  les 
auspices  du  savant  professeur  L.  Claisen,  d'Aix-la-Cha- 
pelle, et  je  n'hésite  pas  à  en  proposer  l'insertion  dans  le 
Bulletin  de  la  séance.  » 

Cette  proposition,  à  laquelle  se  rallie  M.  Henry,  second 
commissaire,  est  adoptée  par  la  Classe. 


(  7*>2  ) 


Sur  les  dérivés  mercuriques  halogènes  de  l'antipyrine; 
par  le  D'  M.-C.  Schuyten,  docteur  en  sciences. 

Rapport  ilf  M.    .1 .  Jo »*»***•»•,  pi'etniff  commitintii'e. 

«  Poursuivant  ses  recherches  sur  la  composition  et  les 
propriétés  des  combinaisons  que  forme  l'antipyrine  avec 
les  chlorures,  bromures,  iodures  et  cyanures  de  divers 
métaux,  M.  Schuyten  s'est  occupé  en  dernier  lieu  de 
l'étude  des  composés  de  mercuricum  obtenus  au  moyen 
de  cette  base. 

Si  l'on  se  rappelle  (pie  l'antipyrine  est  un  médicament 
d'un  usage  courant  en  thérapeutique,  qu'elle  se  caracté- 
rise par  la  facilité  avec  laquelle  elle  est  influencée  par 
beaucoup  d'agents  chimiques  et  que  l'association  de  cette 
substance  avec  d'autres  produits  peut,  à  la  suite  de  réac- 
tions spéciales,  donner  naissance  à  des  mélanges  dange- 
reux pour  l'homme  (1),  on  reconnaîtra  que  des  recherches 
de  ce  genre  présentent  un  réel  intérêt  au  point  de  vue 
de  la  chimie  pharmaceutique. 

Dans  la  note  qu'il  adresse  à  l'Académie,  l'auteur  fait 
connaître  les  conditions  dans  lesquelles  se  forment 
les  composés  de  mercuricum  dont  il  a  entrepris  l'étude, 
et  décrit  les  caractères  analytiques  de.  ces  combinaisons. 
A  ce  propos,  il  a  cru  devoir  indiquer,  avec  de  nombreux 
détails,  l'action  de  divers  réactifs  sur  les  produits  qu'il 
a  préparés. 

Sans  offrir  une  bien  grande  importance  au  point  de 
vue  de  la  chimie  générale,   cette  partie  du  travail  de 

1)  Dr  B.  Fischer,  Die  neueren  Arxeneimittel.  Berlin,  1893,  p.  233. 


(  763) 
M.  Schuvten  constitue  cependant,  à  notre  avis,  une  con- 
tribution utile  à  l'étude  des  propriétés  de  l'antipyrine. 

En  conseillant  à  l'auteur  de  présenter  à  l'avenir  ses 
observations  sous  une  forme  plus  concise,  nous  avons 
donc  l'honneur  de  proposer  l'impression  de  cette  note 
dans  le  Bulletin  de  nos  séances.  » 

M.  Spring,  second  commissaire,  se  rallie  à  cette  pro- 
position, qui  est  adoptée  par  la  Classe. 


Notice  sur  un  appareil  permettant  de  tailler  un  cristal 
suivant  une  direction  déterminée  et  sur  une  méthode 
de  tailler  des  plaques  à  faces  parallèles;  par  le  D1' 
F.  Stober,  répétiteur  à  l'Université  de  Gand. 

Kn/tpot't  dft   Jf .    Ch.  tle  la    Vallée   t*ou**it*f 
ftffiiitff    coiiittti.ssttiff. 

«  L'appareil  de  M.  Stober  permet  de  tailler  un  cristal 
donné  suivant  une  orientation  déterminée.  Cet  appareil 
l'emporte  par  sa  simplicité  sur  ceux  qui  ont  été  imaginés 
dans  le  même  but.  Il  repose  sur  ce  fait  qu'une  face 
plane  est  fixée  de  position  quand  on  connaît  son  incli- 
naison sur  un  plan  donné  et  la  direction  de  sa  trace  dans 
le  plan.  L'auteur  a  imaginé  un  dispositif  d'une  grande 
simplicité,  qui  permet  d'appliquer  ce  principeàun  cristal, 
qu'il  ne  reste  plus  qu'à  tailler  et  à  polir  suivant  le  plan 
indiqué  par  l'instrument.  Les  expériences  consignées 
dans  le  mémoire  de  M.  Stober  font  voir  que  les  résultats 
obtenus  par  sa  méthode  ne  comportent  pas  un  écart 
dépassant  15  minutes  angulaires. 

.le  propose  l'insertion  de  ce  travail  dans  les  Bulletins 
de  l'Académie  et  la  publication  des  figures  qui  l'accom- 
pagnent. » 


(  764  ) 

Rapport  de   M.    Kenat'H,    aecottd  romtiiMiairf, 

«  L'étude  des  propriétés  optiques  des  corps  cristallisés 
réclame  des  appareils  qui  permettent  de  tailler  les  cris- 
taux suivant  une  orientation  déterminée.  On  s'est  beau- 
coup occupé,  ces  derniers  temps,  de  la  construction  de  ces 
appareils,  et  l'auteur  de  la  notice  rappelle  ces  divers 
instruments  et  discute  les   résultats  qu'ils  ont  fournis. 

L'appareil  qu'a  imaginé  M.  Stôber  n'a  pas  seulement 
le  mérite  d'être  très  simple,  mais  il  est  d'une  grande 
précision  et  peut  s'appliquer  à  la  taille  orientée  de  cris- 
taux de  petites  dimensions.  Le  principe  du  dispositif 
dont  il  s'agit  repose  sur  le  fait  qu'une  face  est  déterminée 
quand  on  connaît  son  inclinaison  sur  un  plan  donné, 
et  une  droite  contenue  dans  le  plan  et  par  laquelle  passe 
la  face  considérée.  Cet  appareil  se  compose  d'un  prisme 
en  cuivre  à  base  triangulaire  équilatérale,  sur  lequel  sont 
appliquées  deux  plaques  de  verre.  On  oriente  celles-ci 
et  le  cristal  de  manière  que  le  plan  passant  par  les  arêtes 
libres  des  plaques  occupe  par  rapport  au  cristal  la  posi- 
tion de  la  face  à  tailler.  L'auteur  entre  dans  les  détails 
du  fonctionnement  de  l'appareil,  il  consigne  une  série 
d'expériences  qui  montrent  que  les  écarts  entre  les  angles 
des  faces  obtenues  par  le  polissage  et  ceux  déterminés 
par  le  calcul  dépassent  rarement  15  minutes,  approxi- 
mation remarquable,  si  l'on  tient  compte  que  ces  résul- 
tats furent  obtenus  par  un  instrument  susceptible  de  subir 
encore  quelques  légères  modifications  de  détail  que  l'auteur 
signale  et  qui  en  feront  un  appareil  parfait. 

En  terminant  cette  note,  M.  Stôber  indique  le  procédé 
dont  il  se  sert  pour  tailler  dans  un  cristal  une  face  paral- 
lèle à  une  autre  face. 


(  765  ) 

J'ai  l'honneur  de  proposer  à  la  Classe  la  publication  de 
cette  notice  et  des  figures  qui  l'accompagnent  dans  les 
Bulletins  de  l'Académie.  » 

La  Classe  adopte  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires. 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


Sur  l'incorrection  de  l'heure  et  de  l'ascension  droite  déter- 
minées dans  le  système  de  l'axe  instantané;  par  F.  Folie, 
membre  de  l'Académie. 

Dans  l'une  des  notices  extraites  de  V Annuaire  pour 
1897,  j'ai  dit  (p.  185)  que  les  formules  d'Oppolzer,  qui 
suppriment  la  nutation  eulérienne,  pour  la  remplacer 
simplement  par  la  variation  des  latitudes,  seraient  cor- 
rectes si  ses  angles  s'  et  <{/i,  angles  compris  entre  l'axe 
instantané  et  l'axe  de  Fécliptique  d'une  part,  entre  l'in- 
tersection de  l'équateur  instantané  avec  Fécliptique  et 
Féquinoxe  lixes  d'autre  part,  se  rapportaient  à  trois  axes 
rectangulaires  X",  V",  Z",  dont  le  dernier  est  l'axe 
instantané;  mais  qu'il  n'en  est  pas  ainsi  dans  l'exposition 
de  l'astronome  viennois. 

Je  vais  examiner,  avec  plus  de  détails  que  je  ne  i'ai  t'ait 
dans  F Annuaire,  la  signification  des  équations  d'Oppolzer 
dans  le  cas  où  elles  sont  correctes. 

Supposons  la  Terre  et  ses  axes  principaux  fixes;  l'équa- 


(  766  ) 

teur  instantané  oscillera,  en  vertu  de  la  nutation  eulé- 
rienne,  de  part  et  d'autre  de  sa  position  moyenne  en  une 
période  de  trois  cent  et  quelques  jours;  il  en  sera  de 
même  de  son  intersection  avec  l'écliptique  fixe;  en  sorte 
que  l'angle  ^1  d'Oppolzer  sera  soumis  à  la  nutation 
eulérienne. 

Et  lorsqu'il  a  démontré,  dans  le  cas  que  je  considère, 
et  qui  est  celui  d'une  exposition  correcte,  que 


de\        de' 

,  dp'         .        dp 

—  —  — i 

sin  f,>  —  =  sin  e'  — 

dt         dt 

dt                 dt 

les  conclusions  qu'on  en  peut  tirer  sont  les  suivantes  : 

La  nutation  eulérienne  disparaît  en  obliquité;  elle 
disparaît  en  longitude  relativement  à  l'intersection  de  l'équa- 
leur  instantané  avec  l'écliptique  fixe. 

Mais  elle  ne  disparaît  nullement  pour  cela  en  longitude, 
comme  le  dit  l'auteur,  puisque  la  droite  à  partir  de 
laquelle  se  comptent  les  variations  A<[>  de  l'angle  ^î? 
variations  qui  sont  indépendantes  de  la  nutation  eulé- 
rienne, est  soumise  elle-même  à  cette  nutation;  de  sorte 
que  l'angle  total,  compté  à  partir  de  l'équinoxe  fixe,  y 
est  soumis  également,  contrairement  à  l'affirmation 
d'Oppolzer. 

Nier  ce  point  reviendrait  à  nier  l'existence  de  la  nuta- 
tion eulérienne. 

En  d'autres  termes,  s'il  est  vrai  que,  dans  le  cas  où  le 
mouvement  de  la  Terre  est  rapporté  aux  axes  instantanés 
rectangulaires  X",  Y",  Z",  la  nutation  eulérienne  est 
nulle  dans  l'espace,  à  d'intimes  quantités  près,  pour  ces 
axes,  elle  existe  néanmoins  pour  l'observateur,  dont  la 
position,  relativement  à  ces  axes,  varie  en  vertu  de  cette 
nutation. 


(  7<>7  ) 

Et  ce  n'est  pas  seulement  aux.  variations  de  sa  latitude 
qu'il  le  reconnaîtra,  niais  également  aux  variations  de 
l'heure  et  de  l'ascension  droite. 

(1  me  semble  que  c'est  là  un  point  sur  lequel  n'a  pas 
encore  été  appelée  l'attention  des  astronomes. 

Une  objection  que  je  nie  suis  faite  à  moi-même,  se 
présentera  peut-être  à  leur  esprit. 

Dans  le  cas  le  plus  simple,  où  il  n'y  a  pas  de  forces 
perturbatrices,  l'axe  de  rotation  et  l'équateur  instantané, 
qui  lui  est  perpendiculaire,  sont  immuables  dans  l'espace, 
à  une  intime  quantité  près;  l'ascension  droite  et  la  décli- 
naison sont  donc  invariables  lorsqu'on  les  observe  par 
rapport  aux  axes  instantanés. 

La  latitude  et  la  déclinaison,  rapportées  aux  mêmes 
axes,  sont  faciles  à  déterminer  au  moyen  de  combinaisons 
de  passages  supérieurs  ou  inférieurs;  la  latitude  sera 
naturellement  variable,  à  raison  de  la  notation  eulérienne 
de  l'axe  géographique,  supposé  immobile  dans  la  Terre; 
la  déclinaison  sera  constante. 

Mais  l'ascension  droite,  comment  sedélerminera-t-elle? 
Admettons  que  la  Terre  tourne  uniformément  en  vingt- 
quatre  heures  autour  de  l'axe  instantané  et  considérons 
un  lieu  déterminé. 

Le  méridien  instantané  repassera-l-il  devant  une  étoile 
vingt-quatre  heures  exactement  après  son  passage  précé- 
dent? Évidemment  non,  puisque  la  position  relative  du 
lieu  et  du  pôle  instantané  a  varié  en  vertu  du  mouvement 
eulérien,  et  comme  cette  variation  a  une  période  de  trois 
cent  quatre  jours,  la  quantité  dont  l'heure  du  passage  de 
l'étoile  au  méridien  instantané  différera  de  vingt-quatre 
heures,    ira    en    croissant   à    partir   de   zéro,    pendant 


C  768  ) 

septante-six  jours;  elle  pourra  donc  acquérir  une  valeur 
qui  ne  sera  pas  insignifiante,  et  il  n'est  pas  permis  d'aftir- 
mer  que  l'ascension  droite,  qui  est  constante,  est  l'heure, 
variable,  du  passage  de  l'étoile  au  méridien. 

Comment  donc  déterminer  l'heure  et  l'observer  dans  le 
système  de  l'équateur  instantané?  Et  comment  observer 
l'ascension  droite,  qui  doit  être  constante  dans  ce  sys- 
tème, tandis  que  l'heure,  déterminée  par  le  passage  d'une 
étoile  au  méridien  instantané,  est  nécessairement  variable? 

On  voit  ici  reparaître,  sous  une  autre  forme,  la  nutation 
eulérienne  du  lieu  de  la  Terre,  dans  les  observations, 
malgré  l'immuabilité  des  axes  instantanés  dans  l'espace 
absolu  ! 

Si  donc,  dans  le  système  correct  de  ces  axes,  on  peut 
atlirmer,  avec  Oppolzer,  que  la  nutation  eulérienne  dispa- 
raît en  obliquité  et  en  longitude  dans  V espace  absolu,  elle 
se  manifeste,  pour  l'observateur  qui  y  est  soumis,  et 
par  une  variation  dans  la  latitude,  et,  chose  autrement 
grave,  par  une  variation  dans  l'heure,  dont  l'uniformité 
absolue  est  l'élément  le  plus  capital  de  l'astronomie. 

11  va  de  soi,  et  l'un  des  astronomes  les  plus  distingués 
l'a,  du  reste,  reconnu,  que  les  longitudes  terrestres  sont 
variables  également  dans  ce  système,  et  que  leurs  varia- 
tions dépendent  non  seulement  de  la  nutation  eulérienne, 
dont  l'expression  ne  nous  est  guère  connue,  mais,  en 
plus,  de  la  latitude  du  lieu. 

En  résumé,  Oppolzer  a  affirmé  que,  si  l'on  rapporte  les 
formules  du  mouvement  de  rotation  de  la  Terre  à  l'axe 
instantané  : 

1°  La  nutation  eulérienne  disparaît  en  obliquité; 

2"  Elle  disparaît  en  longitude; 


(  769  ) 

3°  La  définition  de  l'heure  reste  la  môme  que  dans  le 
système  des  axes  principaux. 

On  vient  de  voir  que,  si  l'on  rapporte  correctemenl  les 
formules  à  l'axe  instantané,  la  première  affirmation  seule 
est  exacte,  les  deux  autres  sont  absolument  fausses. 

Et  (jue  l'on  n'arguë  pas  de  la  petitesse  de  la  négligence 
commise  dans  l'omission  de  la  notation  eulérienne  en 
longitude  et  en  temps  :  autant  vaudrait  dire  qu'on  peut 
négliger  la  variation,  bien  établie,  des  latitudes;  car  les 
deux  négligences  sont  absolument  du  même  ordre. 

Certes,  la  matière  est  extrêmement  délicate,  et  l'on  n'a 
pas  le  droit  d'être  surpris  que  tous  les  astronomes,  même 
géomètres,  se  soient  laissé  induire  en  erreur  par  la  sub- 
tilité de  l'analyse  d'Oppolzer,  qui  ne  s'est  pas  douté  lui- 
même  du  vice  originel  dont  elle  est  entachée. 

Résumons.  En  admettant  même  que  la  position  abso- 
lue de  l'axe  instantané  fût  immuable  dans  l'espace,  ce 
qui  ferait  disparaître  toute  notation  en  obliquité  et  en 
longitude,  sa  position  apparente  ne  le  serait  pas,  parce 
que  l'observateur  est  soumis  à  la  rotation  de  la  Terre  et 
à  la  nutation  eulérienne;  celle-ci  se  manifestera  donc,  et 
en  obliquité,  relativement  à  l'axe  géographique,  et  en 
longitude,  relativement  à  une  origine  iixe  sur  la  Terre, 
et  même  dans  l'heure. 

Ce  qui  manque  au  système  d'Oppolzer,  c'est  surtout 
de  pouvoir  considérer  la  Terre  comme  lixe  et  le  Ciel 
comme  mobile. 

Et  c'est  le  grand  avantage  du  système  de  Laplace  de 
pouvoir  le  faire. 

Dans  l'un  et  l'autre  système,  on  a  les  mêmes  expres- 
sions des  vitesses  angulaires  de  la  Terre  autour  des  trois 
axes  principaux  X,  Y,  Z,  fixes  dans  la  Terre. 


(  770  ) 
Au  moven  des  formules  connues 


do  .  .      d* 

—  =  /  cos  »  —  m  sin  »  ;    sin  0  —  •  =  l  sin  «  -+•  m  cos  o 


—  —  n  —  cos  e  — i 
dl  dt 


on  obtient,  dans  l'un  et  l'autre  système,  les  expressions 
différentielles  des  variations  en  obliquité  dO,  en  longi- 
tude dfy,  et  en  vitesse  angulaire  do  autour  de  l'axe  prin- 
cipal Z,  par  rapport  à  trois  axes  fixes  dans  l'espace, 
auxquels  l'écliptique  et  Péquinoxe  fixes  servent  de  base. 

Dans  le  système  de  Laplace,  quoi  de  plus  simple  et  de 
plus  adéquat  aux  observations  que  de  dire  maintenant  : 

Les  axes  principaux  de  la  Terre  sont  fixes,  l'écliptique 
et  Péquinoxe  sont  mobiles? 

Dans  le  système  de  l'axe  instantané,  ceci  n'est  plus 
possible,  puisque  cet  axe  n'est  pas  immobile  dans  la 
Terre,  et  de  là,  indépendamment  des  erreurs  de  transfor- 
mation d'Oppolzer,  des  obscurités  à  peu  près  indéchiffra- 
bles dans  son  système. 

Après  la  démonstration  que  je  viens  de  donner,  il 
m'est  permis  de  dire  : 

Malheur  à  l'astronomie  du  XXe  siècle,  si  elle  persiste 
à  se  servir  des  formules  d'Oppolzer,  au  lieu  d'en  revenir 
aux  formules  de  Laplace  et  de  Bessel,  augmentées  des 
termes  dont  le  grand  géomètre  a  donné  l'expression, 
mais  qui  avaient  pu  être  négligés  jusqu'à  ce  que  la  pré- 
cision de  l'astronomie  contemporaine,  et  surtout  la 
découverte  des  variations  de  latitude,  eût  obligé  à  en 
tenir  compte! 


(  771   ) 

Et  malheur  aussi  aux  astronomes  qui  prendraient, 
devant  le  XXe  siècle,  la  responsabilité  de  cette  injusti- 
fiable décision  ! 

Ce  serait  imprimer  à  leur  réputation  une  tache  qu'ils 
auront  à  cœur  d'éviter. 


Sur   la   période  eulérienne;    par   F.    Folie, 
membre  de  l'Académie. 

Depuis  plusieurs  années,  j'ai  nié  que  la  période  eulé- 
rienne pût  différer  notablement  de  la  valeur  théorique 
(504  jours)  qu'elle  a  pour  une  Terre  solide. 

Le  plus  illustre  des  astronomes-géomètres  contem- 
porains a  cherché  à  expliquer,  par  l'élasticité  de  l'écorce 
terrestre,  la  période  chandlérienne  (*)  ;  mais  il  semble 
que  cette  élasticité  devrait  avoir  également  pour  effet  de 
modifier  assez  notablement  les  termes  dépendants  des 
doubles  longitudes  de  la  Lune  et  du  Soleil,  fait  que 
l'astronomie  n'a  pas  constaté. 

Aussi  ai-je  cherché  une  explication  plus  simple  de  cette 
période,  en  faisant  remarquer  qu'elle  serait  celle-là  même 
que  l'on  trouverait  pour  le  mouvement  eulérien  consi- 
déré comme  direct,  si  celui-ci  était,  au  contraire,  rétro- 
grade. Si  le  mouvement  de  504  jours,  auquel  correspond 
un  arc  de  452°  par  an,  est  rétrograde,  cet  axe  sera  égal 
à  —  452°,  ou  à  288"  dans  le  sens  direct,  nombre  qui 
correspond  assez  bien  à  la  période  de  Chandler. 


C    Monthly  Sot.,  1892. 


(  772  ) 

La  seule  question  est  donc  de  savoir  s'il  existe  un 
terme  appréciable,  à  mouvement  rétrograde,  dans  la 
nutation  eulérienne. 

Ce  terme  existe  en  théorie. 

L'expression  de  la  nutation  eulérienne  est,  en  effet, 
en  obliquité  : 

(I)     Aa  =  —  ^i  sin  (?  -+-/£-♦-  S0)  -t-  v{  sin  (—  ?  -*-  A  -*   ô0)  (*); 

l'expression  de  sin  0AX  est  la  même,  à  part  le  changement 
des  sinus  en  cosinus  dans  le  second  membre. 

|30  est  une  constante  arbitraire;  «,  et  vt  sont  les  pro- 
duits respectifs  d'une  seconde  constante  arbitraire  par 


nAfW 


C  — B 


est  égal  à 


V 


(C  —  A)(C  —  B) 
AB 


Les  deux  arbitraires  sont  déterminées  par  les  condi- 
tions initiales  du  mouvement. 

Lorsque  l'on  a  posé  les  équations  différentielles  du 
mouvement  de  rotation,  soit  de  la  Terre  solide,  soit  de 
son  écorce,  en  tenant  compte  des  forces  extérieures 
(attractions  du  Soleil  et  de  la  Lune,  et,  dans  le  second 
cas,  attraction  du  noyau  interne),  l'intégration  amène, 
dans  l'un  et  l'autre  cas,  identiquement  les  mêmes 
expressions  (I)  pour  les  termes  dépendants  des  constantes 
arbitraires.   Il  va  de  soi  que,  dans  l'un  ou  l'autre  cas, 

(')  Révision  des  constantes  de  ["astronomie  stellaire,  p.  24. 


(  775  ) 
A,  B,  C  représentent  les  moments  d'inertie  principaux 
de  la  Terre  ou  de  l'écorce.  Si,  pour  la  Terre  solide,  les 
mesures  d'arcs  de  méridiens  permettent  d'affirmer  qu'elle 
diffère  peu  d'un  ellipsoïde  de  révolution,  et  que,  par 
suite,  B  -    A,  qui  entre  comme  facteur  dans 


I! 


peut  être  considéré  comme  insensible,  rien  absolument  ne 
nous  autorise  à  supposer  qu'il  en  soit  de  même  pour 
l'écorce,  à  cause  des  différences  d'épaisseur  qui  s'y  mani- 
festent certainement. 

Bien  au  contraire,  l'existence  de  la  nu  talion  diurne 
établit  que  la  différence  précédente  a  une  valeur  sensible. 

Nous  avons  trouvé,  pour  le  coefficient  de  la  nutation 
diurne  de  l'écorce,  par  deux  excellentes  séries  d'obser- 
vations, l'une  en  ascension  droite,  l'autre  en  1), 
ys=  0",0G7  (*).  L'expression  de  ce  coefficient  est 


3/w.V/C  — A       C  — B 


8  V  n  I    \      B 


—  représentant  le  rapport  du  moyen  mouvement  du  Soleil 
à  celui  de  la  Terre  autour  de  son  axe. 
Delà  on[déduit,  pour  l'écorce  terrestre. 

C  —  A       C  —  B       8  /  w  \« 

(11) =  -   —     0",067sin  1"  =  0,116. 

v    '       B  Afc-,       5    »»,/ 


(*)  Revision  des  constantes  de  l'astronomie  stellaire. 

Ô"IP    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  51 


(  774  ) 

Cette   valeur  très   considérable    permet  certainement 
d'affirmer  que  celle  de 


V 


G  —  A  _»    /  (J  —  B 

V     â 


B 


n'est  pas  minime  et  que,  par  conséquent,  on  est  tenu 
d'avoir  égard  au  second  terme  de  la  nidation  eulérienne 
dans  l'étude  du  mouvement  de  l'écorce  terrestre. 

On  peut  observer,  au  surplus,  que  la  quantité  précé- 
dente 0,1  16  est  égale  au  produit  u,  vA;  d'où  il  suit  que  vt 
n'est  pas  insignifiant. 

Pour  la  Terre  entière,  pt  serait  égal  à  0,08;  mais  nous 
ne  pouvons  avoir,  par  là,  la  moindre  idée  de  sa  valeur  pour 
l'écorce.  La  seule  relation  que  nous  possédions  entre  les 
moments  d'inertie  de  celle-ci  est  (II).  Quant  aux  rela- 
tions qui  sont  données  par  les  valeurs  des  constantes  de 
la  précession  et  de  la  nutation,  on  sait  qu'elles  sont 
relatives  à  la  Terre  entière,  et  non  à  son  écorce  (*). 

C'est  donc  l'observation  seule  qui  pourra  nous  fixer 
sur  le  rapport  des  coefficients  y{  et  vt;  mais  une  chose 
est  hors  de  doute  :  c'est  qu'il  existe  deux  termes  de 
nutation  eulérienne,  le  premier  à  mouvement  direct, 
le  second  à  mouvement  rétrograde.  Si  la  période  du  pre- 
mier est  de  501  jours,  celle  du  second,  considéré  comme 
direct,  sera  de  456, o  jours.  Si  l'on  admettait  que,  pour 
l'écorce,  la  période  du  premier  est  de  529  jours,  celle  du 
second,  considéré  comme  direct,  serait  la  période  chand- 
lérienne. 


(*)  Ronkar,  Sur  l'influence  du  frottement  et  des- actions  mutuelles 
intérieures  dans  les  mouvements  périoditjues  d'un  système  (MÉM.  COUR. 

ET  DES  SAV.  ÉTBANG.  DE  l.'ACAD    IN-4°,  t.  1.1  . 


(  "5) 

Telle  est,  ce  me  semble,  l'explication  la  plus  simple 
de  cette  [tri  iode.  Les  tentatives  que  Ton  a  laites  pour 
expliquer  un  mouvement  direct  de  l'écorce,  d'une  période 
de  4-30  jours,  se  heurtent  à  des  objections  irréfutables. 

Il  serait  possible,  toutefois,  que  la  période  de  Chandler 
provînt  d'un  terme  de  nutation  tout  à  l'ait  inconnu,  dont 
l'existence  semble  révélée  par  certains  faits  nouveaux, 
qui  ne  trouvent  pas  leur  explication  dans  la  nutation 
eulérienne. 

Dans  l'exposé  qui  précède,  j'ai  dit  que  celle-ci  a  la 
même  expression  pour  l'écorce  que  pour  la  Terre  entière, 
même  si  l'on  tient  compte  de  l'attraction  du  noyau  sur 
l'écorce. 

Il  n'en  serait  pas  tout  à  fait  ainsi  dans  le  cas  où  l'on 
tiendrait  compte  également  du  frottement  qui  a  lieu 
entre  l'écorce  et  la  couche  superficielle  fluide  du  noyau. 

Néanmoins,  les  termes  eulériens  resteraient  inaltérés; 
mais  il  s'y  ajouterait  des  termes,  dépendants  du  frotte- 
ment, de  la  forme  fie  "',  comme  cela  a  été  démontré 
dans  un  mémoire  très  savant  que  j'ai  consulté  dans  les 
archives  de  l'Académie  (*). 

Ces  termes,  décroissant  très  rapidement  avec  le  temps, 
sont  probablement  insensibles  à  l'époque  actuelle,  et, 
dans  tous  les  cas,  trop  peu  sensibles  pour  que  l'observa- 
tion puisse  en  constater  l'existence. 

Les  astronomes  auront  déjà  beaucoup  de  peine  à 
déterminer  la  période  du  mouvement  eulérien,  ainsi  que 
les  trois  constantes,  [3,„  yu,,  yvL,  qui  déterminent  ce  mou- 
vement. Jusqu'à  ce  jour,  on  peut  dire  que  les  nombreuses 
et  très  laborieuses  recherches  auxquelles  a  donné  lieu  la 

(*)  Voir  mon  rapport  sur  ce  mémoire  dans  le  Bulletin,  t.  XXVIII, 
p.  449. 


(776) 

variation  des  latitudes  n'ont  abouti  à  aucun  résultai 
certain.  Elles  doivent  être  reprises  conformément  à  la 
théorie  du  mouvement  de  rotation,  non  de  la  Terre,  pour 
laquelle  y,  est  insensible,  mais  de  l'écorce  terrestre  (1). 


La  faune  marine  du  quaternaire  mose'en  révélée  par  les 
sondages  de  Strybeek  (Meerle)  et  de  Wortel,  prés  de  Hooy- 
straeten,  en  Campine;  par  Michel  Mourlon,  membre  de 
l'Académie. 

j'ai  montré  dans  une  publication  récente  (2)  qu'il 
existe  sous  les  amas  de  cailloux  quaternaires,  si  bien  déve- 
loppés en  Campine,  un  puissant  dépôt  de  sable  blanc,  dit 
sable  de  Moll,  présentant,  vers  le  nord-ouest,  des  bancs 
d'argile  dont  le  plus  supérieur  a  fourni  à  Merxplas  des 
bois  de  Cervidés  et  de  Bison  (?). 

Il  ressort  également  des  nombreux  sondages  que  j'ai 
effectués  dans  toute  cette  région,  que  le  sable  de  Moll 
surmonte  les  dépôts  tertiaires  les  plus  récents  du  pliocène 
diestien  et  poederlien. 

Je  me  suis  attaché  enfin  à  montrer  que  le  sable  de 
Moll  a  été  déposé  par  la  mer  quaternaire  la  plus  ancienne 
et  qu'il  constitue  le  seul  représentant  bien  défini  de 
l'étage  moséen. 

Malgré  les  considérations  que  j'ai  fait  valoir  en  faveur 
de  l'origine  marine  dudit  sable,  certains  géologues  ne 
m'ont  pas  caché  leurs  doutes  à  cet  égard. 


(1)  Voir  Essai  sur  les  variations  de  latitude  (1894)  et  Révision  des 
constantes  de  l'astronomie  Stella  ire. 

(2)  Les  mers  quaternaires  en  Belgique  (Bull,  de  i.'Acad.  roy.  de 
Belgique,  3<-  série,  t.  XXXI 1.  p.  t>7!  ;  1896). 


(  777  ) 

Rien  que  j'eusse  signalé  la  présence  de  tubulations 
d'annélides  dans  le  sable  blanc  deWaltwilder,  près  de  Bil- 
sen,  lequel  occupe  une  position  identique  à  celui  de  Moll, 
ils  n'ont  pas  manqué  de  m'objecter,  (l'une  part,  l'absence, 
dans  ce  dernier  sable,  de  débris  organiques  marins  et, 
d'autre  part,  la  présence  dans  le  même  sable,  à  de  certains 
endroits,  de  bancs  tourbeux. 

C'est  ainsi,  notamment,  que  notre  savant  collègue 
d'Utrecht,  M.  le  D1  Lorié,  en  me  faisant  connaître,  par 
sa  lettre  du  25  janvier  dernier,  ses  préférences  pour  l'ori- 
gine fluviatileà  attribuer  au  «  sable  de  Moll  »,  s'exprime 
comme  il  suit  : 

«  En  délibérant  sur  la  possibilité  de  l'origine  lluviatile, 
on  ne  doit  pas  penser  (d'après  ma  manière  de  voir)  aux 
rivières  actuelles,  qui  coulent  dans  des  chenaux  assez 
étroits,  mais  plutôt  aux  terrains  inondés  où  l'eau  coule 
plus  lentement,  en  nappes  très  larges,  mais  peu  profondes, 
qui  auraient  déposé  le  sable  en  couches  plus  horizontales, 
de  la  même  manière  qu'elles  déposent  actuellement 
l'argile.  Certes  les  coquilles  peuvent  disparaître  des  sables 
marins,  élevés  au-dessus  du  niveau  de  l'eau  souterraine, 
mais  il  serait  très  curieux  qu'il  n'en  restât  pas  une  seule, 
surtout  dans  les  lentilles  ou  les  couches  intercalées  d'ar- 
gile. Ces  couches  contiennent  des  fossiles,  mais  ce  sont 
des  fossiles  terrestres,  des  ossements  de  Cervus  et  de 
Bison.  En  outre,  il  y  a  de  la  tourbe  dans  le  moséen,  ce 
qui  n'est  pas  non  plus  en  faveur  d'une  origine  marine  : 

1°  Calmpthout  .  .   .  9,20  — 11,20 m. ou  11, 00—   9,00m.  -t-0 

2«  Westmalle.  .   .   .  10,20  —  11,00m.  ou   9,30—   9,00m.-+-0 

3°  Oostmalle.   .   .   .  5,50  —   5,70  m  ou  17,50  —  17,30  m.  h- 0 

4°  Arendonck  .    .   .  19,50  —  19,90  m.  ou   5,50-   5, 10  in.  h- 0 

»  Or  la  tourbe  est  une  formation  non  marine.  Il  faudrait 


(  778) 
invoquer,  pour  l'expliquer,  des  oscillations  du  sol,  tandis 
qu'elle  s'explique  sans  difficulté  quand  on  considère  le 
moséen,  ainsi  que  le  campinien,  comme  fluviatile.  » 

J'ai  cru  devoir  reproduire  les  lignes  qui  précèdent, 
non  seulement  parce  qu'elles  résument  bien  les  princi- 
pales objections  laites  à  mon  interprétation  de  l'origine 
marine  du  sable  de  Moll,  mais  aussi  parce  qu'elles  éma- 
nent de  l'un  des  géologues  les  plus  compétents  en  la 
matière. 

Aussi  n'est-ce  pas  sans  une  vive  satisfaction  que  je  me 
trouve  à  même  aujourd'hui  de  pouvoir  annoncer  que  les 
objections  dont  il  s'agit  ne  subsistent  plus.  Tous  les 
doutes  qui  pouvaient  encore  exister  dans  l'esprit  de  cer- 
tains géologues  quant  à  l'origine  marine  du  sable  de 
Moll  sont  levés  maintenant  par  les  résultats  aussi  impor- 
tants qu'inattendus  des  deux  derniers  grands  sondages 
que  je  viens  d'effectuer  à  l'extrémité  septentrionale  de  la 
Campine. 

Le  premier  de  ces  sondages,  pratiqué  à  l'estaminet  In 
de  Vos,  situé  à  la  frontière  de  Hollande,  au  hameau  de 
Strybeek,  à  12  kilomètres  au  nord  de  Hoogstraeten,  a 
donné  la  coupe  suivante  : 

Sondage  de  StrybeeL 

Mèires. 

///.  1.  Sable  quartzeux,  blanchâtre 1,00 

2.  Sable   quartzeux,  gris,  graveleux,  avec    quelques 

petit?  cailloux 1,00 

3.  Sable  quartzeux,  jaunâtre,  graveleux 0,80 

qlas.      4.  Argile  sableuse,  grisâtre 0,30 

ijls.        5.  Sable  quartzeux,  jaunâtre,  assez  grossier 0,60 

({las.      b\  Argile  sableuse,  gris  jaunâtre 0,10 


A   KEPORTEK.      .      .       :i,80 


(  779  ) 

Mètres. 

Report.    .    .  3,80 

qls.       7.  Sable  quartzeux,  jaunâtre 1,20 

if  fa.       8.  Argile   schistoïde,  gris  bleuâtre,  pailletée,  parfois 

plastique 6,00 

qls.       9.  Sable  quartzeux,  demi-fin,  grisâtre,  pailleté.   .   .   .  4,70 

10.  Sable  quartzeux,  grisâtre,  pailleté 1,00 

11.  Sable  très  quartzeux,  gris  un  peu  plus  foncé.  .  .    .  0,50 
qtsa.    12.  Sable  argileux,  grossier,  gris  foncé,   avec   taches 

noires 0,20 

qls.      13.  Sable  quartzeux,  assez,  grossier,  plus  pâle 0,60 

14.  Sable  très  quartzeux,  grisâtre 0,30 

qla.      15.  Argile  grise  très  fine,  légèrement  pailletée  ....  0,30 

qls.     16.  Sable  quartzeux  fin,  gris,  pailleté 0,60 

qla.     17.  Argile  grise,  très  fine  et  légèrement  pailletée  .   .   .  3,80 

qls.      18.  Sable  gris,  très  quartzeux 4,00 

qla.     19.  Linéole  d'argile  grise 0,20 

qls.      20.  Sable  gris,  très  quartzeux 3,80 

qls(f).  21.  Sable  quartzeux,  eoquillier  : 

Cerithium...  sp.  ?  <•.  Cardium  edule. 

Hydrobia  ulvœ.  Mya  arenaria. 

Cette  couche  a  une  épaisseur  de 4,30 

qls.      22.  Sable  quartzeux,  gris  bleuâtre 10,50 

23.  Sable  très  quartzeux,  gris,  avec  fragments  et  linéoles 

d'argile  grise 1,0) 

24.  Sable  très  quartzeux,  gris 1,00 

qlm(f).1o.  Idem,  très  eoquillier  : 

Littorina  littorea.  Mya  arenaria  ce. 

—        rudis  ce .  Corbula ...  sp. ? 

Cerithium...  sp.  ?  Cardium  edule  c. 

Murex...  sp.?  Pectuncidus...  sp.? 

Ensis  ensis.  lialanus. 

avec  fragments  de  bois  et  d'argile  grise,  ainsi  que 
es  cailloux  de  différentes  grosseurs 3,50 

A  K   PORTEK.     .     .    53,50 


(780) 

Mètres. 
Report.    .    .  53,50 

20.  Un  gros  caillou. 

27.  Sable  quartzeux,  gris  blanchâtre 1.00 

28.  Sable  très  quartzeux,  gris,  très  coquillier  : 

Littorina  rudis  ce.  Cardium  edule  c. 
Cerithium...  sp.?  —       norwegicum. 

Mya  arenaria  ce.  lialanus. 

Dosinia  exoleta.  C-rustacé  (pince). 

Lucina...  sp.?  Oursins  (piquants). 
Mytilus  edulis. 

avec  fragments  et  linéoles  d'argile,  quelques  frag- 
ments de  bois  et  de  petits  cailloux 8.00 


Totai,.    .    .    62,50 

Le  second  sondage  qui  m'a  fourni  des  coquilles  mannes 
dans  le  moséen  est  situé  au  sud  du  précédent  et  à  Test 
de  Hoogstraeten,  au  village  de  Wortel,  dans  les  dépen- 
dances d'une  ferme  appartenant  à  M.  l'avocat  Vaes, 
d'Anvers,  et  occupée  par  les  enfants  Vermeulen.  En  voici 
la  coupe  : 

Sondage  de  Wortel. 

Mètres. 
q4.         1.  Sable  quartzeux,  jaunâtre,  avec  quelques  grains  de 

gravier 1,30 

qia.       2.  Argile  grise  plastique 1,70 

qlas.      3.  Argile  sableuse,  grise,  bigarrée 0.50 

4.  Idem,  gris  bleuâtre,  pailletée 0,50 

qisa.     5.  Sable  argileux,  gris  bleuâtre,  pailleté 1,00 

6.  Sable  légèrement  argileux,  gris  bleuâtre,  pailleté  .  4,50 

qlas.      7.  Argile  sableuse,  gris  jaunâtre,  pailletée 0,20 

qts.       8.  Sable  gris  bleuâtre,  pailleté      2,50 

A  ueporter.     .     .    12,20 


(  781   ) 

Mètres. 

Report.    .    .    12,20 

9.  Sable  fin,  gris  verdâtre  clair,  légèrement  glauconi- 

fère  et  pailleté 2,00 

10    Sable  quartzeux,  assez  grossier,  jaune  verdâtre  .   •     2,30 

qlas.    II.  Argile  grise,  légèrement  sableuse,  finement  pailletée     2,00 

12.  Argile  sableuse,  gris  foncé,  avec  taches  noires.  .   .     2,00 

qlsa.    13.  Sable  argileux,  gris  bleuâtre,  pailleté 0,50 

<{\a.     14.  Argile  bleue,  légèrement  pailletée 0,10 

qlaa.    15.  Sable  légèrement  argileux  alternant  avec  de  l'argile 
sableuse,  grise,  pailletée  et  des  bancs  de  sable 

durci  .   .  '. 12,00 

q1s.      16.  Sable  un  peu  quartzeux,  gris  bleuâtre,  pailleté,  avec 

quelques  linéoles  d'argile  gris  bleuâtre '2,00 

17.  Sable  assez  grossier,  gris  bleuâtre,  avec  quelques 

linéoles  d'argile  et  des  fragments  de  tourbe.    .    .      2,00 

18.  Grès 0,0:i 

19.  Sable  grossier,  gris,  légèrement  pailleté 5,95 

20.  Sable  quartzeux,  pailleté,  gris,  légèrement  glauco- 

nifère 5,00 

qim.    21.  Sable  grossier,  gris,  graveleux,  légèrement  glauco- 
nifère.  ' 2,00 

c22.  Gravier,  cailloux  et  fragments  de  bois 0,30 

23.  Sable  très  quartzeux,  gris,  graveleux,  glauconifère     1,70 

q1m(f).%.  Sable    quartzeux,    gris,    glauconifère,    graveleux, 
coquillier  : 

Cardium  edule  c.  Dosinia  exoleta. 

—       sp.'/  Balanus  ce. 

Peclen  3  sp.?  Ihyozoairc 

avec  cailloux,  fragments  de  grès  roulés  et  de  bois.     0,70 

Total    .   .   53,70 

Comme  on  le  voit  par  ce  qui  précède,  les  sondages  de 
Strybeek  et  de  Wortel   ont  fourni  respectivement  à  la 


(  782  ) 

prorondeur  de  51"\50  à  62m,50  pour  le  premier  et  à  celle 
de  55  mètres  pour  le  second,  des  amas  de  coquilles 
marines  à  différents  niveaux  dans  le  sable  moséen  et  dans 
les  couches  graveleuses  de  la  base  de  cet  étage. 

Ces  coquilles,  que  j'ai  eu  l'occasion  de  soumettre  à  un 
examen  rapide  de  M.  P.  Dautzenberg  et  pour  l'élude 
desquelles  M.  de  Cort,  le  sympathique  secrétaire  général 
de  la  Société  royale  malacologique,  a  bien  voulu  me 
prêter  son  concours,  constituent  une  faune  non  encore 
signalée,  au  moins  à  ma  connaissance.  Elles  compren- 
nent, outre  un  certain  nombre  d'espèces  qui  se  retrouvent 
dans  nos  dépôts  quaternaires  flandriens  et  modernes, 
quelques  formes  se  rapportant  aux  genres  Cerithium, 
Corbula,  etc.,  qui  n'ont  encore  été  signalées  jusqu'ici  que 
dans  nos  couches  tertiaires. 

Ce  fait  témoigne  bien  que  les  sédiments  moséens  qui 
renferment  ces  coquilles  marines  se  sont  déposés  à  l'au- 
rore des  temps  quaternaires  dans  le  grand  estuaire  de  la 
vallée  de  la  Meuse,  laquelle  était  par  conséquent  déjà 
formée  à  cette  époque. 


Les  sciences  minérales  devant  les  jurys  des  prix  quinquen- 
naux des  sciences  naturelles;  par  G.  Dewalque,  membre 
de  l'Académie. 

Au  moment  où,  pour  la  première  fois,  les  publications 
relatives  aux  sciences  minérales  sont  soumises  à  l'appré- 
ciation d'un  jury  chargé  de  décerner  le  prix  décennal 
récemment  institué  pour  elles,  après  une  longue  attente, 
il  m'a  paru  intéressant  de  revoir  ce  qui  s'est  passé  chez 
nous  pendant  quarante  ans,  lorsqu'il  existait  seulement 


(  783  ) 
un  prix  des  sciences  naturelles  pour  la  meilleure  des 
publications  concernant  les  trois  règnes  de  la  nature. 
Cette  revue  m'a  semble  de  nature  à  intéresser  le  public 
savant  et  en  particulier  mes  confrères  de  l'Académie,  et 
je  demande  la  permission  de  la  faire  devant  eux  :  les 
réflexions  qu'elle  suggère  se  présenteront  naturellement. 

En  1845,  à  l'occasion  de  la  réorganisation  de  l'Aca- 
démie, le  (iouvernement  institua  un  prix  de  5,000  francs 
en  faveur  du  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire  du  pays, 
publié  durant  chaque  période  de  cinq  années.  La  fonda- 
tion de  ce  prix  quinquennal  fut  accueillie  avec  faveur,  et 
bientôt  les  lettres  et  les  sciences  furent  appelées  à  des 
encouragements  semblables.  Sur  la  proposition  de  M.  Ch. 
Rogier,  Ministre  de  l'Intérieur,  un  arrêté  royal  du 
(>  juillet  1851  instituait  cinq  prix  quinquennaux,  dont 
un  pour  les  sciences  physiques  et  mathématiques,  un 
autre  pour  les  sciences  naturelles  ;  puis  un  arrêté  royal 
du  29  novembre  suivant  édictait  le  règlement  de  ces 
prix.  Le  premier  devait  porter  sur  les  sciences  naturelles, 
pour  la  période  finissant  le  31  décembre  1851.  D'après 
l'article  2,  «  tout  ouvrage  sur  une  des  branches  énoncées 
»  dans  l'article  précédent  est  admis  au  concours  s'il  est 
»  publié  en  Belgique,  s'il  est  entièrement  achevé  et  si 
:»  l'auteur  est  Belge  de  naissance  ou  naturalisé  ».  Par 
l'article  5,  le  jugement  est  attribué  à  un  jury  de  sept 
membres.  Aux  termes  de  l'article  6,  les  ouvrages  des 
membres  du  jury  ne  peuvent  faire  l'objet  de  son  examen. 

A  part  quelques  modilications  de  détail,  dont  la  prin- 
cipale a  été  l'interdiction  de  diviser  le  prix,  nous  avons 
vécu  pendant  quarante  ans  sous  l'empire  de  ce  règlement. 
iN'ous  allons  voir  ce  qui  est  advenu  pour  les  sciences 
minérales. 


(784  ) 


Première  période  :    I8i7-1851   (l). 

Le  jury  était  composé  de  J.-B.-J.  d'Omalius  d'Halloy, 
Cantraine,  Gluge,  Stas,  Martens,  Lacordaire  et  A.  Spring. 
Nous  ne  savons  qui  lurent  le  président  et  le  secrétaire  ; 
Lacordaire  fut  rapporteur. 

Nous  ne  voyons  pas  ce  qu'un  chimiste  pouvait  faire 
dans  ce  jury. 

Le  jury  a  d'abord  résolu  affirmativement  la  question 
de  savoir  si  les  mémoires  académiques  sont  admis  au 
concours,  et  négativement  celle  d'y  admettre  les  travaux, 
dont  les  auteurs  ont  eu  seulement  en  vue  les  applications 
dont  la  science  est  susceptible,  et  non  la  science  elle- 
même.  Puis  il  s'occupe  de  «  la  carte  géologique  du 
»  royaume,  à  laquelle  M.  le  professeur  Dumont  a  tra- 
»  vaille  avec  une  si  infatigable  persévérance  pendant 
»  plus  de  dix  années,  et  qui  n'a  été  terminée  qu'à  la  tin 
»  de  l'année  dernière.  M.  Dumont  a  offert  un  exemplaire 
D  de  cette  carte  à  la  Classe  des  sciences  de  l'Académie 
»  dans  sa  séance  du  mois  de  décembre  1851  ;  d'autres 
»  se  trouvaient,  à  la  même  époque,  déposés  au  Ministère 
»  de  l'Intérieur;  bors  de  là,  il  n'en  existait  nulle  part, 
»  lorsque  le  concours  fut  fermé,  un  seul  exemplaire  à  la 
»  disposition  du  public,  (le  double  dépôt,  entre  les 
»  mains  du  Gouvernement  et  celles  de  l'Académie,  pou- 
)>  vait-il  être  considéré  comme  constituant  une  publicité 
»  réelle?  Le  jury  s'est  prononcé  pour  la  négative.  » 


(i)  Voir  Bull.  Acad.  roy.  de  Belgique,  l>'«  série,  t.  XIX,  3e  partie, 
jjp.  (iO'2  et  suivantes 


(  78.-;  ) 

Le  jury  déclare  ensuite  qu'il  «  a  passé  en  revue  tous 
»  les  travaux  sur  les  sciences  naturelles  qui  ont  vu  le 
»  jour  en  Belgique  depuis  cinq  années,  et  que,  dans  le 
»  nombre,  trois  lui  ont  paru  mériter  son  attention  la 
»   plus  sérieuse,  savoir  : 

»  1°  La  Description  des  animaux  fossiles  du  calcaire  car- 
»  bonifère  de  Belgique,  1842-1844,  avec  Supplément,  1S,*J1, 
»  par  L.-(î.  De  Koninck; 

»  2°  Le  mémoire  de  M.  le  professeur  Dumont  sur  les 
»  terrains  ardennais  et  rhénan; 

»  5°  Le  mémoire  sur  les  vers  cestoïdes,  par  M.  le 
»  professeur  Van  Beneden. 

»  Cet  ordre  ...  n'est  qu'un  simple  classement  alpha- 
»  bétique,  basé  sur  les  noms  de  leurs  auteurs.  » 

Le  rapport  analyse  ensuite  ces  trois  ouvrages,  et  il  con- 
clut ainsi  : 

«  Tel  est,  Monsieur  le  Ministre,  l'exposé  lidèle  des 
»  impressions  que  l'examen  de  ces  trois  ouvrages  a  fait 
»  naitre  dans  l'esprit  du  jury.  Son  amour-propre  ne 
»  souffre  pas  en  vous  avouant  la  perplexité  qu'il  a  éprou- 
»  vée  lorsqu'il  s'est  agi  de  se  prononcer  en  faveur  de 
»  l'un  d'eux,  à  l'exclusion  des  autres.  Porter  un  jugement 
»  sur  les  œuvres  de  l'esprit  humain  dans  lesquelles  les 
»  pensées,  l'imagination  et  le  style  sont  tout,  c'est  une 
»  tâche  comparativement  facile;  à  lui  seul,  l'instinct  du 
)>  vrai  et  du  beau  y  suffirait  au  besoin.  Mais  dans  une 
»  science  positive,  qui  exige  avant  tout  des  faits,  et  qui 
»  se  subdivise  en  une  foule  de  branches  distinctes,  que 
»  faire  lorsque  des  ouvrages  rivaux,  appartenant  à  des 
»  branches  différentes,  se  présentent  avec  un  cortège 
»  égal  de  résultats  utiles  à  la  science?  Le  problème  à 
)>  résoudre  n'est-il  pas  à  peu  près  le  même  que  si  l'on 


(  786  ) 

»  proposait  à  un  mathématicien  de  combiner  des  quan- 
»  tités  de  natures  différentes?  Les  trois  ouvrages  dont  il 
»  vient  de  vous  être  rendu  compte,  Monsieur  le  Ministre, 
»  n'ont  rien  de  commun  entre  eux  par  le  sujet,  chacun 
»  d'eux  a  fait  taire  un  pas  égal  à  la  partie  des  connais- 
»  sances  humaines  dont  il  traite.  Dans  l'impossibilité  où 
»  il  se  trouve  d'établir  lequel  d'entre  eux  est  supérieur 
»  aux  deux  autres,  le  jury  les  met  sur  la  même  ligne  et 
»  conclut  à  ce  que  le  prix  soit  partagé,  ex  œquo,  entre 
»  MM.  De  Koninck,  Dumont  et  Van  Beneden.  » 

On  pourrait  retrouver  dans  le  rapport  d'autres  traces 
de  l'embarras  où  le  jury  s'est  trouvé.  Ainsi,  l'analyse  du 
travail  de  De  Koninck  occupe  trois  pages,  celle  du 
mémoire  de  P.  Van  Beneden,  quinze  pages,  celle  du 
mémoire  de  Dumont,  huit  lignes,  plus  cet  alinéa,  qui 
mérite  d'être  reproduit  parce  qu'on  ne  lit  rien  de  pareil  au 
sujet  des  travaux  de  ses  concurrents. 

«  Toutefois,  cet  immense  travail,  qui  n'a  vu  le  jour 
»  qu'en  l<Si<S,  n'ayant  encore  été  l'objet  d'aucune  vérifi- 
i)  cation  ni  d'aucune  critique,  le  jury  eut  été  dans 
»  l'impossibilité  d'apprécier  la  valeur  des  faits  qu'il  con- 
»  tient,  si  l'un  de  ses  membres  n'eût  pris  la  peine  de 
)>  visiter  une  partie  des  lieux  pour  s'éclairer  à  cet  égard. 
»  Ce  membre  a  choisi  pour  le  but  de  cette  excursion  les 
»  bords  de  la  Salm,  c'est-à-dire  l'une  des  régions  les 
»  plus  compliquées  de  l'Ardenne,  et  là,  il  a  reconnu, 
»  pour  ce  qui  concerne  ce  point,  l'exactitude  de  tous  les 
))  faits  énoncés  par  M.  Dumont.  Il  faut  dès  lors  admettre, 
»  jusqu'à  preuve  du  contraire,  qu'il  en  est  de  même 
■»  pour  les  autres  assertions  du  savant  professeur,  et, 
»  cela  étant,  le  jury  n'hésite  pas  à  dire  que  son  mémoire 
)>  doit  être  placé  parmi  les  plus  remarquables  travaux  de 
»  géologie  descriptive.  » 


(  787  ) 

On  remarquera  aussi  que  le  rapport  du  jury  ne  fait 
aucune  mention  des  ouvrages  qui  venaient  en  seconde 
ligne.  L'exemple  ne  sera  pas  perdu. 

Arrivons  à  la  période  suivante. 

Deuxième  période  :   I8i)2-ts:ifi  (1). 

Le  rapport  est  signé  J.  d'Omalius,  président,  Gluge, 
secrétaire,  Stas,  Spring  et  Lacordaire,  rapporteur,  c'est- 
à-dire  que  les  sciences  minérales  n'y  avaient  encore 
qu'un  seul  représentant  et  qu'on  y  retrouve  le  chimiste. 

La  carte  de  Dumont  revint  sur  le  tapis.  Voici  ce  que 
le  rapport  nous  apprend  : 

«  La  carte  géologique  de  la  Belgique,  ouvrage  de  l'en 
»  M.  le  professeur  Dumont,  n'avait  pu  être  admise  à 
»  concourir  faute  d'avoir  été  publiée  en  temps  opportun. 
»  Il  s'en  fallait,  du  reste,  de  très  peu,  car  il  en  existait 
)>  déjà  un  exemplaire,  offert  par  l'auteur,  entre  les  mains 
»  de  l'Académie  et  quelques  autres  déposés  par  lui  au 
»  Ministère  de  l'Intérieur.  Il  s'agissait,  par  conséquent, 
»  de  savoir  s'il  y  avait  dans  ces  deux  dépôts  une  publicité 
»  suffisante.  Le  jury  se  prononça  pour  la  négative,  et  le 
»  travail  du  savant  professeur,  dont  la  Belgique  déplore 
»  la  perte,  se  trouva  ainsi  reporté  dans  la  période  quin- 
»  quennale  actuelle. 

»  Cette  fois,  une  question  plus  grave  se  présentait  : 
»  Cette  carte  pouvait-elle  faire  partie  du  concours? 
»  L'affirmative  n'était  pas  douteuse,  si  l'on  s'en  tenait 
»  strictement  à  la  lettre  de  la  loi;  mais  en  consultant 

(l)  Voir  Bull.  Acad.  roy.  de  Belgique,  2e  série,  t.  III,  p.  504. 


(  788  ) 

»  l'esprit  de  cette  dernière  et  l'équité,  les  choses  pre- 
»  naient  un  tout  autre  aspect. 

»  Un  concours  suppose,  entre  ceux  qui  y  prennent 
»  part,  une  certaine  égalité  de  position  et  de  forces. 
»  Or,  ici,  l'inégalité  était  immense  à  ces  deux  points  de 
»  vue  :  d'un  côté,  des  travaux  dus  à  des  savants  livrés  à 
»  leurs  propres  ressources,  sans  autre  soutien  que  leur 
»  dévouement  pour  la  science,  manquant  même  parfois 
»  du  temps  nécessaire  pour  approfondir,  autant  qu'ils  le 
»  voudraient,  les  questions  objets  de  leurs  études;  d'un 
»  autre  côté,  un  ouvrage  commandé  et  patronné  par  le 
»  Gouvernement,  exécuté  à  ses  frais,  élaboré  avec  len- 
»  teur  et  maturité  pendant  dix-huit  longues  années. 
»  Évidemment  la  partie  n'était  pas  égale,  et  appeler 
»  concours  une  lutte  établie  dans  des  conditions  aussi 
»  dissemblables,  ce  serait  presque  une  dérision.  A  quoi 
»  il  faut  ajouter  que  si  la  valeur  scientifique  du  travail 
»  en  question  était  grande,  le  Gouvernement  et  l'opinion 
»  publique,  tant  en  Belgique  qu'au  dehors,  ne  s'étaient 
)>  pas  montrés  ingrats  envers  l'auteur.  Il  a  eu  le  bonheur 
»  peu  commun  d'obtenir  de  son  vivant  une  justice  qui, 
»  trop  souvent,  ne  commence  qu'après  leur  mort  pour 
»  les  hommes  qui  ont  consacré  leur  vie  à  la  science.  » 

Cette  décision  lut  généralement  approuvée.  Le  but 
du  Gouvernement,  en  instituant  des  prix  quinquennaux, 
avait  été  de  favoriser  la  publication  d'uuivres  de  valeur, 
à  ce  point  que  le  règlement  admet  que  le  prix  ne  soit 
point  décerné  ou  ne  le  soit  qu'en  partie.  Il  est  clair  que 
des  travaux  commandés  et  payés  par  lui  n'ont  pas  besoin 
qu'on  en  favorise  la  publication. 

Le  jury  s'est  alors  occupé  des  publications  les  plus 
remarquables,   et,  après  un  examen  attentif,  son  choix 


(  789  ) 
s'est  porté  sur  les  œuvres  <le  Kickx,  De  Koninck  et  Lehon, 
de  Selys  Longchamps  et  Wesmael.  Il  divisa  le  prix  et 
accorda  une  somme  de  1,000  francs  aux  Recherches  sur 
les  crinoïdes  du  terrain  carbonifère  delà  Belgique,  Je  crois 
inutile  d'en  dire  davantage. 

Le  rapport  ne  revient  pas  sur  l'impossibilité  de  com- 
parer des  ouvrages  de  nature  si  différente,  mais  la  divi- 
sion du  prix,  survenue  comme  au  premier  concours, 
amena  le  Gouvernement  à  décider  qu'à  l'avenir  il  ne 
pourrait  plus  être  partagé. 

Troisième  période  :    18.Ï7-186I   (1). 

Le  jury  était  formé  de  MM.  L.-G.  De  Koninck,  d'Oma- 
lius,  Martens,  Kickx,  le  vicomte  Du  Bus,  Gluge  et  Lacor- 
daire,  rapporteur.  Il  ne  comptait,  encore  une  fois,  qu'un 
géologue.  Il  n'est  pas  nommé  de  président  ni  de  secré- 
taire. 

Le  rapport  regrette  que  les  prix  quinquennaux  soient 
désormais  indivisibles,  puis  annonce  qu'il  a  mis,  à  l'una- 
nimité, au  premier  rang,  l'ouvrage  que  P.  Van  Beneden 
avait  publié  en  1861,  sur  les  Crustacés  du  littoral  de  la 
Belgique.  Il  n'est  pas  dit  un  mot  des  autres  concurrents. 

Quatrième  période  :   1862-1866  (2). 

Le  jury  était  composé  de  MM.  J.  d'Omalius,  président, 
E.  Coemans,  secrétaire,  Th.  Lacordaire,  rapporteur, 
A.  Spring,  Du  Bus,  Th.  Schwann,  E.  de  Selys  Long- 

(1)  Voir  Bull.  Acad.  roy.  de  Belgique,  2e  série,  t.  XIV,  p.  52°2. 

(2)  Voir  Bull.  Acad.  roy.  de  Belgique,  b2e  série,  t.  XXIV,  pp.  578 
et  suiv. 

3me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  52 


(  790  ) 

champs.  C'est-à-dire  que  les  sciences  minérales  n'y 
comptaient  qu'un  seul  représentant. 

Le  prix  fut  accordé  à  P.  Van  Beneden  pour  ses  Recher- 
ches sur  la  faune  littorale  de  la  Belgique  (Polypes).  Mais, 
contrairement  aux  précédents,  le  rapport  accorde  des 
mentions  honorables.  L'une  fut  donnée  à  la  Monographie 
des  platypides,  par  F.  Chapuis;  une  autre  à  la  Monogra- 
phie des  élatérides,  par  E.  Candèze,  et  la  troisième  aux 
recherches  de  M.  É.  Dupont  sur  le  calcaire  carbonifère, 
présentées  à  l'Académie  en  1862.  «  On  fut  surpris,  dit  le 
»  rapport,  lorsque  M.  Dupont  annonça  qu'il  avait  distin- 
»  gué  dans  cette  nappe,  réputée  homogène  (!),  six  assises 
»  successives,  offrant  des  caractères  minéralogiques  et 
»  paléontologiques  particuliers;  de  plus,  que  ces  assises 
»  ne  s'étaient  pas  étendues  régulièrement  sur  la  contrée 
»  qu'elles  occupent,  mais  s'étaient  déposées  sous  la  forme 
»  de  boudins  (!)  dont  plusieurs  manquent  dans  la  plupart 
»  d'entre  elles...  Pour  mettre  les  géologues  à  même  de 
»  contrôler  ses  assertions,  il  a  présenté  à  l'Académie, 
»  en  1864,  une  carte  géognostique  des  environs  de 
»  Dinant,  accompagnée  des  coupes  nécessaires... 

»  Ce  travail  stratigraphique,  qu'un  membre  du  jury, 
»  géologue  éminent,  déclare  être  un  des  plus  remarquables 
»  qui  aient  été  publiés  jusqu'ici,  n'a  pas  encore  été  sou- 
»  mis  à  la  discussion  par  des  juges  compétents.  En  l'ab- 
»  sence  de  cette  preuve,  plus  nécessaire  peut-être  en 
»  géologie  que  partout  ailleurs,  le  jury  n'a  pu  aller  plus 
»  loin  que  de  rendre  hommage  au  talent  dont  il  est  la 
»  preuve  incontestable.  » 

J'ai  eu  beau  lire  les  rapports,  je  n'ai  vu  nulle  part 
qu'il  fût  question  de  contrôle  pour  les  ouvrages  des  bio- 
logistes. 


(  794   ) 


Cinquième  période  :    1867-4874  (1). 

Le  jury  était  compose  de  MM.  J.  d'Omalius,  président, 
J.  Putzeys,  secrétaire,  A.  Bellynck,  rapporteur,  E.  Can- 
dèze,  B.  Du  Bus,  B.  Dumortier,  Th.  Gluge,  membres. 

Le  prix  fut  décerné,  par  une  voix  de  majorité,  à 
M.  J.-B.  Carnoy  pour  ses  Recherches  anatorniques  et  phy- 
siologiques sur  les  champignons. 

Il  convient  de  reproduire  ici  l'appréciation  des  publi- 
cations relatives  aux  sciences  minérales. 

«  Les  travaux  géologiques  ont  eu  une  large  part  dans 
»  les  investigations  de  nos  savants.  La  magnifique  carte 
»  géologique  d'André  Dumont,  qui  fait  tant  d'honneur  à  la 
»  Belgique,  demandait  un  interprète  :  le  Prodrome  de 
»  M.  G.  Dewàlque  répondit  à  cet  appel;  cet  excellent 
»  guide  n'est  pourtant  que  le  prélude  d'un  ouvrage  plus 
»  étendu  qu'on  attend  avec  impatience.  On  connaît  les 
»  travaux  importants  de  M.  É.  Dupont,  les  fouilles  qu'il 
»  a  dirigées  avec  tant  d'intelligence  et  dont  il  a  consigné 
»  les  résultats  et  coordonné  les  faits  dans  un  travail 
»  remarquable  :  L'homme  pendant  les  âges  de  la  pierre. 
»  Nous  mentionnerons  aussi  en  passant  les  intéressantes 
»  Observations  de  M.  C.  Malaise  sur  Le  terrain  silurien  de 
»  l'Ardenne.  Enfin,  nous  rappellerons  les  travaux  géolo- 
»  giques  de  MM.  A.  Briart  et  F.-L.  Cornet,  sur  lesquels 
»  notre  illustre  président  a  particulièrement  insisté  :  ils 


(1)  Voir  le  Moniteur .  belge  du  7  décembre  1872.  A  partir  de  cette 
année,  les  rapports  du  jury  n'ont  plus  été  insérés  dans  les  Bulletins 
de  l'Académie  royale  de  Belgique. 


(  792  ) 

»  ont  surtout  pour  objet  L'étage  inférieur  du  terrain  cré- 
»  lacé  et  La  craie  blanche  du  Hainaut,  la  Description  de  la 
»  meule  de  Braquegnies  et  les  Fossiles  du  calcaire  grossier 
»  de  Mans.  » 

De  l'examen  des  travaux  de  zoologie,  nous  retiendrons 
seulement  ceci.  Au  premier  rang  venaient  les  Recherches 
sur  la  composition  et  la  signification  de  l'œuf,  etc.,  de  notre 
confrère,  M.  É.  Van  Beneden.  Ce  travail  avait  été  couronné 
par  l'Académie  en  1868.  «  Le  jury  n'a  point  regardé 
»  cette  récompense  académique  comme  un  obstacle  au 
»  concours.  » 

Sixième  période  :  i872-i876  (1). 

Cette  fois,  le  jury  se  compose  de  MM.  J.  Putzeys,  pré- 
sident, F.  Plateau,  rapporteur,  Crépin,  F.-L.  Cornet, 
H.  Nyst,  J.-J.  Kickx  et  J.-B.  Masius.  Il  semble  avoir 
oublié  de  nommer  un  secrétaire,  bien  que  les  procès- 
verbaux  des  séances  doivent  être  déposés  dans  les  archives 
de  l'Académie. 

Après  avoir  écarté  les  ouvrages  de  quelques-uns  de  ses 
membres  et  d'autres  dont  les  auteurs  ou  collaborateurs 
sont  étrangers,  le  jury  distingue  les  suivants,  dans  le 
champ  de  la  géologie. 

«  On  remarque,  dans  les  recueils  de  l'Académie, 
»  ...  le  beau  travail  de  M.  L.-G.  De  Koninck  :  Nouvelles 
»  recherches  sur  les  animaux  fossiles  du  terrain  carbonifère 
»  de  la  Belgigue,  les  notices  de  M.  P.-J.  Van  Beneden, 
»  qui  font  connaître  toute  une  série  de  vertébrés  nou- 

(•!)  Voir  le  Moniteur  belge  du  °22  juillet  1877. 


(  793  ) 

)>  veaux  de  nos  terrains  tertiaires,  le  mémoire  couronné 
»  de  M.  C.  Malaise  :  Description  du  terrain  silurien  du 
»  centre  de  la  Belgique,  une  note  de  M.  E.  Dupont  Sur  une 
»  nouvelle  exploration  des  cavernes  d'Engis,  les  recherches 
»  de  M.  Monrlon  sur  l'étage  devonien  des  psammites  du 
»  Condroz  et  sur  les  terrains  des  environs  d'Anvers. 

»  Puis,  publiés  soit  à  part,  soit  dans  des  ouvrages  spê- 
»  ciaux  :  les  deux  travaux  de  M.  De  Koninek  :  Recherches 
»  sur  les  animaux  fossiles  {monographie  des  fossiles 
»  carbonifères  de  Bleiberg  en  Carinlhie)  et  Recherches 
»  sur  les  fossiles  paléozoïques  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud, 
»  le  manuel  de  Minéralogie  pratique  de  M.  Malaise,...  les 
»  articles  de  J.  d'Omalius,  Dupont,  Arnould  et  de  Rodi- 
»  gués,  Soreil,  Hagemans  et  Berchem  dans  le  compte 
»  rendu  de  la  sixième  session  du  Congrès  d'anthropologie 
»  et  d'archéologie  préhistoriques;  enfin,  les  chapitres 
»  Orologie,  Populations  préhistoriques,  par  E.  Dupont, 
»  Géologie,  par  Mourlon,  Paléontologie  des  vertébrés,  par 
»  P.-J.  Van  Beneden,  dans  Patria  Belgica,  œuvre  juste- 
»  ment  estimée.  » 

Nous  ne  pouvons  cacher  notre  étonnement  de  voir 
classés  dans  les  ouvrages  de  géologie  des  publications  de 
paléontologie  pure  dont  la  place  est  dans  les  sciences 
zoologiques  :  nous  voulons  parler  des  travaux  cités  plus 
haut  de  De  Koninek  et  de  P.  Van  Beneden.  Si,  avec  les 
prix  décennaux  actuels,  la  botanique  et  la  zoologie  fos- 
siles venaient  faire  concurrence  à  la  minéralogie,  à  la 
pétrographie  et  à  la  géologie,  plusieurs  penseront  qu'il 
serait  préférable  de  supprimer  les  prix. 

Parmi  tous  ces  travaux  (au  nombre  de  161,  compre- 
nant 280)0  pages  d'impression  et  159  planches),  le  jury 
en  distingua  deux,  les  Nouvelles  recherches  de  De  Koninek 


(  794  ) 
sur  les  animaux  fossiles  du  terrain  carbonifère  de  la  Belgique, 
—  mais  l'œuvre  ne  concernant  que  les  polypes,  n'était  qu'à 
son  début,  —  et  la  Description  du  terrain  silurien  du  centre 
de  la  Belgique,  par  C.  Malaise,  couronnée  par  l'Académie. 
Finalement,  le  prix  fut  décerné  à  M.  É.  Van  Beneden 
pour  ses  Recherches  sur  les  Dicyémides,  sur  les  premiers 
phénomènes  du  développement  de  l'œuf  des  Mammifères,  etc. 

Septième  période  :  1877-1881  (1). 

Le  jury  était  composé  de  MM.  E.  Candèze,  président, 
É.  Dupont,  rapporteur,  E.  Morren,  Crépin,  Van  Bambeke, 
(lilkinet  et  F.  Plateau.  Il  semble  s'être  passé  de  secré- 
taire. 

La  première  phrase  du  rapport  de  ce  jury  doit  être 
reproduite  textuellement,  car  elle  indique  un  change- 
ment complet  de  vues  sur  les  ouvrages  appelés  à  concou- 
rir. La  voici  : 

«  Le  jury  chargé  de  décerner  le  prix  quinquennal  à 
»  l'auteur  belge  qui  a  fait  réaliser  le  plus  de  progrès  à 
»  l'histoire  naturelle  pendant  la  période...  »  C'était  se 
placer  en  dehors  des  conditions  réglementaires.  Comme 
le  rappellent  la  plupart  des  rapports  précédents,  les  prix 
sont  institués,  non  en  faveur  des  auteurs  qui  ont  fait  réa- 
liser le  plus  de  progrès,  mais  de  l'ouvrage  le  plus  remar- 
quable. Le  Gouvernement  n'a  pas  fait  d'observations, 
mais  ce  précédent  ne  peut  faire  loi,  malgré  les  réclama- 
tions, tant  que  l'arrêté  royal  du  0  juillet  1851  n'est  pas 
modifié.  Il  y  a  pour  son  maintien  des  motifs  importants, 
que  nous  serons  peut-être  amené  à  développer. 


(t)  Voir  le  Moniteur  belge  du  t«  décembre  1882. 


(  793  ) 

Le  jury,  après  avoir  constaté  l'éclal  avec  lequel  diverses 
branches  avaient  été  cultivées  depuis  le  dernier  concours, 
distingua  deux  auteurs. 

«  Pendant  la  seule  période  quinquennale  dernière, 
»  M.  P.-J.  Van  Beneden  a  publié,  sur  la  distribution 
»  géographique  des  mammifères  marins,  non  moins  de 
»  douze  mémoires  et  notices,  fruit  de  longues  recher- 
»  ches  qui  ont  nécessité  à  la  fois  une  complète  compé- 
»  tence  et  des  relations  scientifiques  très  étendues. 

»  Cette  série  de  travaux  ne  constitue  cependant  qu'une 
»  sorte  d'appendice  à  l'œuvre  que  M.  Van  Beneden  exé- 
»  cute  sur  les  cétacés  fossiles...  Il  suffira  de  rappeler 
»  que  ces  descriptions  (des  cétacés  d'Anvers)  sont  accom- 
»  pagnées  d'atlas  comprenant  127  planches  in-plano, 
»  pour  donner  une  idée  de  l'extension  du  travail;  et 
»  encore  les  matériaux  qu'il  reste  à  faire  connaître  et 
»  dont  l'élaboration  est  déjà  fort  avancée,  atteignent-ils 
»  peut-être  la  même  étendue  que  celle  qui  vient  d'être 
»  décrite. 

»  Pendant  la  même  période,  M.  De  Koninck  a  publié 
»  deux  groupes  de  travaux...  :  la  description  des  fossiles 
»  siluriens,  devoniens  et  carbonifères  de  l'Australie,  dans 
»  les  Mémoires  de  la  Société  royale  des  sciences  de  Liège, 
»  et  la  description  des  poissons,  des  céphalopodes  et  des 
»  gastéropodes  du  calcaire  carbonifère  de  la  Belgique, 
»  dans  les  Annales  du  Musée. 

»  Ce  dernier  ouvrage  n'aurait  peut-être  pu  l'emporter, 
»  dans  la  décision  du  jury,  sur  l'œuvre  cétologique  de 
»  M.  Van  Beneden,  l'un  et  l'autre  étant  d'une  impor- 
»  tance  magistrale.  Mais  il  nous  a  paru  que  les  publica- 
»  tions  de  M.  De  Koninck  sur  l'Australie,  s' adjoignant  à 
»  son  grand  travail  sur  le  calcaire  carbonifère  belge,  fai- 
»  saient  définitivement  pencher  la  balance  en  sa  faveur.  » 


(  796  ) 

Le  rapport  analyse  ensuite  la  description  des  fossiles 
de  l'Australie  et  celle  des  poissons,  céphalopodes  et  gas- 
téropodes du  calcaire  carbonifère  de  notre  pays,  «  com- 
prenant trois  volumes;  un  quatrième  vient  d'être  mis  en 
librairie  ». 

Puis  il  insiste  sur  la  partie  slratigraphique  de  l'œuvre, 
et  ce  dans  des  termes  qu'il  convient  de  reproduire  : 

«  Alors  que  les  opinions  émises  en  dernier  lieu  consi- 
»  déraient  la  faune  du  calcaire  carbonifère  belge  comme 
»  ayant  évolué  graduellement  et  avec  continuité,  il  nous 
»  montre  d'une  manière  irrécusable  qu'elle  s'est  déve- 
»  loppée  pendant  trois  époques  distinctes  et  successives, 
»  que  pendant  ces  trois  époques  la  plupart  des  espèces 
»  ont  été  modifiées  ou  renouvelées  au  point  de  former 
»  une  série  faunique  particulière  et  caractéristique  pour 
»  chacune  d'elles.  La  première...  » 

Il  v  a  là  des  opinions  à  laisser  pour  compte  au  membre 
représentant  la  géologie  dans  le  jury. 

Le  prix  fut  décerné  à  l'unanimité. 

Huitième  période  :    1882-4886  (1). 

Le  jury  était  composé  de  MM.  Crépin,  président,  Ma- 
sius,  rapporteur,  Fredericq,  Gilkinet,  Mourlon,  Plateau, 
Renard,  membres.  Pas  de  secrétaire. 

«  Parmi  les  nombreux  travaux  ressortissant  aux 
»  sciences  naturelles  qui  ont  paru  pendant  la  période 
»  quinquennale  1882-1 880,  le  jury  a  particulièrement 
»  distingué  une  œuvre  de  M.  É.  Van  Beneden...  Recon- 

(lj  Voir  le  Moniteur  belge  du  14  décembre  1887. 


(  797  ) 
»  naissant  le  mérite  supérieur  de  cet  ouvrage,  le  jury 
»  propose  de  lui  décerner  le  prix.  »  Suit  l'analyse  de  cet 
ouvrage;  il  n'est  pas  question  d'autre  chose. 

On  peut  partager  l'opinion  du  jury  et  regretter  qu'il 
n'ait  pas  cru  devoir  citer  les  travaux  qui,  à  défaut  de 
l'œuvre  couronnée,  auraient  pu  aspirer  au  prix. 

Ce  reproche  ne  peut  être  adressé  au  jury  suivant. 


Neuvième  période  :  1887-1891   (1). 

Le  jury  était  composé  de  MM.  Crépin,  président, 
Errera,  de  la  Vallée  Poussin,  Malaise,  Mourlon,  Renard 
et  Masius,  rapporteur.  Il  n'avait  donc  point  de  secré- 
taire, mais  les  sciences  minérales  y  étaient  représentées 
par  MM.  de  la  Vallée  Poussin,  Malaise,  Mourlon  et 
Renard. 

Le  rapport  constate  des  travaux  considérables,  notam- 
ment ceux  de  MM.  Dollo,  Cesàro,  J.  Fraipont,  M.  Lohest, 
F.  Plateau,  Van  Gehuchten,  L.  Fredericq  et  É.  Van 
Reneden;  sans  compter  M.  l'abbé  Renard,  qui  s'était 
retiré  du  concours  et  siégeait  dans  le  jury. 

«  M.  Dollo  s'est  occupé  notamment  des  Chéloniens 
»  oligocènes  et  néogènes  de  la  Relgique  et  des  Mosasau- 
»  riens  de  Mesvin...  » 

«  M.  Cesàro  a  publié  plusieurs  mémoires  de  très 
»  grande  importance  et  bon  nombre  de  notes  concer- 
»  nant  la  minéralogie  et  surtout  la  cristallographie, 
»  branche  où  il  s'est  acquis  une  réputation  hors  ligne.  » 


(I)  Voir  le  Moniteur  belge  du  28  décembre  1892. 


(  798  ) 

Suit  une  longue  analyse  des  principaux  travaux  de 
notre  savant  confrère. 

«  MM.  J.  Fraipont  et  M.  Lohest  se  sont  particulière- 
»  ment  distingués  par  la  publication  de  nombreux  et 
»  importants  travaux.  Nous  nous  bornerons  pourtant  à 
»  l'exposé  de  ceux  qui  paraissent  avoir  la  portée  la  plus 
»  étendue. 

»  Les  Recherches  sur  les  ossements  humains  découverts 
»  dans  les  dépôts  quaternaires  d'une  grotte  à  Spy  consti- 
»  tuent  une  œuvre  capitale... 

»  M.  Quatrefages  a  dit,  à  juste  titre,  au  Congrès  de 
»  Paris,  en  1889,  que  nos  deux  jeunes  savants  belges 
»  ont  établi  la  race  de  Neanderthal  sur  des  bases  scien- 
»  tifiques  désormais  indestructibles.  » 

«  Mentionnons  aussi  la  Monographie  du  genre  Polygor- 
»  dius  de  M.  J.  Fraipont...  » 

«  Nous  citerons  enfin   différentes  Notices  sur  les  phos- 
»  phates  de    Hesbaye,    les  Recherches   sur    les    poissons 
»  devoniens  et  les  Recherches  sur  les   argiles  plastiques 
»  d'Andenne,  par  M.  Lohest.  » 
«  M.  F.  Plateau... 
«  M.  A.  Van  Gelmchten... 

«  L'œuvre  de  M.  L.  Fredericq  est  très  considérable. 
»  Elle  le  place  au  premier  rang  des  physiologistes  les 
»  plus  renommés...  » 
«  M.  É.  Van  Beneden... 

»  Le  jury  estime  que  son  mémoire  a  un  mérite  pré- 
»  pondérant.  Il  le  considère  comme  l'ouvrage  le  plus 
»  remarquable  paru  pendant  la  période,  le  plus  riche  en 
»  idées  générales  et  le  plus  fécond  en  enseignements 
»  scientifiques.  L'importance  exceptionnelle  et  la  portée 
»  si  étendue  des  découvertes  qui  sont  consignées  dans  ce 
»  travail,  le  placent  hors  de  pair.  » 


(  799  ) 


On  voit  la  part  qui  a  été  faite  aux  sciences  minérales 
par  des  jurys  dans  lesquels,  huit  fois  sur  neuf,  elles  ne 
comptaient  qu'un  représentant.  Les  travaux  les  plus 
importants  sont  passés  sous  silence  ou  à  peine  honorés 
d'une  mention. 

Mais  n'insistons  pas. 

De  cette  revue  se  dégagent,  croyons-nous,  quelques 
considérations  qui  méritent  de  ne  pas  être  perdues  de 
vue  : 

1°  Les  jurys  doivent  nommer  un  secrétaire,  et  les  pro- 
cès-verbaux des  séances,  après  approbation,  doivent  être 
déposés  dans  les  archives  de  l'Académie,  au  vœu  des 
instructions  ministérielles  ; 

2°  11  est  désirable  que  les  rapports  ne  se  bornent  pas 
à  mentionner  et  à  analyser  le  mémoire  couronné,  mais 
fassent  connaître  l'appréciation  des  travaux  qui  ont 
approché  du  prix  ; 

5°  Il  est  désirable  que  les  rapports  des  jurys  soient 
insérés  dans  les  Bulletins  de  l'Académie,  comme  cela  a  eu 
lieu  dans  les  premiers  temps.  Il  n'est  pas  à  craindre  que 
le  Gouvernement  s'y  oppose; 

4°  On  doit  en  revenir  à  l'organisation  primitive,  attri- 
buant le  prix  à  Vœuvre  la  plus  remarquable,  et  non  à 
l'auteur  dont  les  notices  ont  fait  faire  le  plus  de  progrès. 

On  peut  différer  d'opinion  sur  ce  point;  mais  l'arrêté 
royal  doit  être  observé  tant  qu'il  n'a  pas  été  modifié.  Et 
s'il  doit  l'être,  ce  sera  sans  aucun  doute  après  une  discus- 
sion à  la  Classe  des  sciences  de  l'Académie; 

5°  La  proposition,  adoptée  par  la  Classe,  de  réduire  le 
nombre  des  membres  du  jury  à  cinq  n'aura  pas  seule- 
ment pour  effet  de  faciliter  la  liste  double  des  présenta- 


(  800  ) 
tions,  elle  aura  aussi  pour  avantage  de  donner  plus  de 
responsabilité  à  chacun. 

Cette  réduction  sera  d'autant  plus  facile  que  les 
ouvrages  de  paléontologie  animale  ou  végétale  prennent 
part  aux  concours  des  sciences  zoologiques  ou  botani- 
ques, et  que  ceux  de  paléontologie  stratigrapbique  ont 
pour  juges  naturels  les  stratigraphes. 


Note  relative  à  la  photographie  de  l'atmosphère  solaire; 
par  P.  De  Heen,  membre  de  l'Académie. 

Dans  la  dernière  séance  de  l'Académie,  notre  savant 
confrère,  iM.  LePaige,a  communiqué  une  note  pleine  d'in- 
térêt sur  les  phénomènes  qui  se  présentent  lorsqu'on 
photographie  le  soleil  à  l'aide  de  plaques  non  voilées 
ou  relativement  peu  voilées.  Les  faits  signalés  sont  abso- 
lument conformes  à  la  réalité,  mais  ils  ne  louchent  qu'en 
certains  points  au  fait  que  nous  avons  voulu  montrer. 

Dans  tout  travail  d'expérimentation,  il  importe  d'isoler 
aulant  que  possible  le  fait  que  l'on  veut  étudier,  afin  de 
le  montrer  dans  toute  sa  simplicité.  Or,  dans  la  question 
qui  nous  occupe,  deux  actions  inverses  se  superposent 
généralement  :  le  pouvoir  actinique  et  le  pouvoir  dévoi- 
lant. L'étude  du  pouvoir  actinique  d'une  source  lumi- 
neuse doit  se  faire  en  éliminant  le  pouvoir  dévoilant, 
résultat  que  l'on  obtient  aisément  en  faisant  usage  de 
poses  très  courtes  et  absolument  instantanées  lorsqu'il 
s'agit  du  soleil.  De  même,  lorsque  l'on  veut  étudier  le 
pouvoir  dévoilant,  il  importe  de  faire  disparaître  en  tota- 
lité ou  en  presque  totalité  le  pouvoir  actinique,  par  une 


(  801  ) 
exposition  préalable  et  prolongée  à  la  lumière  (1).  De 
pareilles  plaques  fournissent  des  résultats  d'une  grande 
simplicité  : 

Quelque  pelil  tjue  soit  le  temps  de  pose,  l'image  du  bord 
du  soleil  est  toujours  plus  dévoilée  que  le  centre. 

Nous  avons,  à  cet  effet,  fait  varier  les  temps  de  pose 
depuis  celui  qui  fournissait  une  image  à  peine  percep- 
tible jusqu'à  celui  qui  fournissait  les  images  les  plus 
vigoureuses,  et  toujours  le  bord  s'est  trouvé  plus  dévoilé. 

Nous  remarquons  que  pour  les  images  très  faibles  le 
disque  solaire  n'a  encore  exercé  aucune  action  sur  la 
plaque,  lorsque  le  bord  seul  montre  une  trace  de  dévoi- 
lage. 

Le  deuxième  point  touché  par  mon  honorable  confrère 
se  rapporte  au  diamètre  des  images  observées.  A  l'aide 
de  plaques  non  voilées  ou  insuffisamment  voilées,  on 
obtient  bien  des  anneaux  voilés  ou  dévoilés  suivant  le 
temps  de  pose,  dont  le  diamètre  est  celui  de  l'image 
produite  sur  le  verre  dépoli,  c'est-à-dire  l'image  de  la 
photosphère,  mais  il  en  est  autrement  lorsque  la  plaque 
a  perdu  sensiblement  sa  faculté  actinique.  On  remarque 
alors  que  l'anneau  présente  un  diamètre  sensiblement 
plus  grand.  Afin  de  le  montrer  d'une  manière  indéniable, 
nous  nous  sommes  servi  successivement  de  deux  plaques 
auxquelles  nous  avons  fourni  le  même  temps  de  pose  : 
l'une  était  suffisamment  voilée,  l'autre  l'était  d'une  ma- 
nière insuffisante.  Cettedernière  a  fourni  l'anneau  brillant 
(positif)  (fîg.  I)  bien  nettement  marqué;  l'autre,  l'anneau 


(1)  Le  temps  de  voilage  varie  nécessairement  avec  le  genre  de 
plaques  et  l'intensité  de  la  lumière.  Les  résultats  que  nous  signalons 
ici  ont  été  obtenus  à  l'aide  de  plaques  Beernaerts  exposées  pendant 
10  secondes  dans  un  appartement  éclairé  par  le  soleil. 


(  802  ) 

noir  (fig.  II),  lequel  ne  représente  pas  le  renversement 
de  l'anneau  clair,  car  en  superposant  les  deux  clichés 
nous  avons  obtenu  l'image  du  phénomène  de  l'éclipsé; 
l'anneau  noir  était  entouré  en  tous  ses  points  par  l'anneau 
dévoilé  du  deuxième  cliché  (fig.  III). 

L'anneau  dévoilé  représente  donc  bien,  dans  les  conditions 
que  nous  venons  d'examiner,  l'image  de  l'atmosphère  solaire, 
dont  la  photographie  ou  l'observation  directe  n'ont  pas 
été  réalisées  jusqu'à  présent. 

Cette  interprétation  est  du  reste  confirmée  d'une  ma- 
nière éclatante  par  cette  circonstance  que  l'épaisseur  de 
cet  anneau  correspond  précisément  à  celle  que  possède 
généralement  la  chromosphère,  soit  un  accroissement 
diamétral  inférieur  à  1  millimètre  pour  une  image  de 
4  centimètres  de  diamètre. 


A  la  suite  de  la  communication  de  M.  De  Heen, 
M.  Le  Paige  fait  connaître  verbalement  à  la  Classe  les 
résultats  qu'il  a  obtenus  depuis  la  dernière  séance.  Il  n'a 
pas  eu  le  temps  de  coordonner  complètement  ses  obser- 
vations et  de  les  discuter.  Cet  exposé  pourra  se  faire  plus 
utilement  lorsqu'il  aura  pu  prendre  communication  des 
observations  de  son  savant  confrère.  Il  tient  néanmoins  à 
faire  consigner  le  fait  suivant  :  la  photographie  du  soleil 
obtenue  par  une  exposition  suffisamment  prolongée 
donne  un  cliché  négatif,  presque  aussi  satisfaisant  que 
celui  que  l'on  obtient  par  une  pose  instantanée.  Il  en 
résulte  que  les  trois  phases  successives  dont  il  a  déjà 
indiqué  l'existence  dans  sa  première  note,  ont  bien  lieu. 
La  troisième  phase,  c'est-à-dire  l'obtention  du  second 
négatif,  n'est  plus  modifiée  par  une  prolongation  de 
l'exposition. 


Bulletins,  3<>  série,  t.  XXXIII,  p.  802. 


Fig.  I 


Fig.  II 


Fis.    III 


Clichés  P.   I)e  Meen. 


G.  Lavalette,  dessin. 


(  805  ) 


ISote  préliminaire  sur  la  constitution  de  la  bande  silu- 
rienne de  Sambre-et-Meuse  ;  par  C.  Malaise,  membre  de 
l'Académie. 

J'ai  signalé,  à  différentes  reprises,  des  découvertes 
apportant  des  données  nouvelles  sur  la  constitution  de  la 
bande  silurienne  du  Condroz  ou  de  Sambre-et-Meuse  (1), 
que  Dumont  avait  considérée  comme  extrêmement 
simple. 

J'ai  pu  y  constater,  jusqu'à  présent,  l'existence  de 
divers  niveaux  géologiques,  correspondant  aux  divisions 
anglaises  classiques  suivantes  :  Arenig  —  Llan- 
deilo  —  Caradoc  —  Llandovery  —  Wenlock  — 
Ludlow. 

J'ai  démontré  par  l'étude  des  graptolithes  (2)  que  les 


(1)  Description  du  terrain  silurien  du  centre  de  la  Belgique.  1873. 
Mémoire  couronné.  (Mém.  cour,  et  des  sav.  étr.  de  l'Acad.  roy.  de 
Belgique,  in4°,  t.  XXXVII,  p.  56.) 

Observations  sur  quelques  graptolithes  de  la  bande  silurienne  de 
Sambre-et-Meuse.  Liège,  1886-1887.  (Annales  de  la  Société  géolo- 
gique de  Belgique,  t.  XIV.) 

Les  schistes  de  Huy  et  leur  signification  géologique.  Liège,  1887-1888. 
(Ibid.,  t.  XV.) 

Sur  les  schistes  noirs  de  Sart-Bernard.  (Ibid.) 

Découverte  de  la  faune  de  la  base  du  silurien  en  Belgique.  1888.  (Bull, 
de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3°  série,  t.  XV,  p.  365.) 

Sur  les  graptolithes  de  Belgique.  1890.  (Ibid.,  t.  XX,  p.  440.) 

(2)  Sur  les  graptolithes  de  Belgique.  (Loc.  cit.,  p.  440.) 


(  804  ) 

niveaux  de  Arenig  —  Wenlock  —  Ludlow  y  étaient 
parfaitement  caractérisés,  et  que  le  Caradoc  y  était 
représenté  par  les  fossiles  qui  spécialisent  celui-ci  dans 
le  silurien  du  Brabant  (1). 

D'autre  part,  M.  M.  Lohest  a  trouvé  au  fond  d'Oxhe, 
près  Ombret  (2),  une  faune  que  je  crois  appartenir  au 
Llandeilo  supérieur  (5). 

De  nouvelles  recherches  et  des  débris  organiques  en 
meilleur  état  de  conservation  m'ont  fait  découvrir,  prin- 
cipalement dans  les  schistes  et  calschistes  supérieurs  au 
niveau  du  Caradoc,  un  ensemble  de  fossiles  caractéris- 
tiques du  Llandovery ,  du  Wenlock  et  peut-être  du 
Ludlow.  Les  subdivisions  du  silurien  supérieur  sont 
caractérisées,  soit  par  la  présence  de  quelques  espèces  qui 
leur  sont  particulières,  soit  par  la  réunion  d'un  ensemble 
d'espèces  spéciales,  occupant  une  position  stratigraphique 
bien  déterminée.  Certaines  espèces  peuvent  se  trouver 
dans  plusieurs  subdivisions,  mais  la  réunion  constante 
d'un  certain  ensemble  est  particulière  à  une  subdivi- 
sion. 

L'Arenig  que  l'on  observe  aux  extrémités  orientale 
et  occidentale  du  tunnel  de  Huy-Statte  et  dans  la  grande 


(1)  Description  du  terrain  silurien  du  centre  de  la  Belgique.  (Loc. 
cit.,  pp.  61-62.) 

(2)  G.  Dewalque,  Un  nouveau  gisement  de  fossiles  siluriens  à 
Ombret.  (Annales  de  la  Soc.  géol.  de  Belgique,  t.  XXI,  p.  lxxx.. 
Liège,  1893-1894.) 

(3)  C  Malaise,  Sur  l'aspect  Llandeilien  du  massif  d'Oxhe  (Ombret). 
(Ibid.,  p.  cvm.) 


(  805  ) 

tranchée  entre  Sart  -  Bernard  et  Nanïnnè,  contient  les 
espèces  suivantes  : 

Climacograptus  antennarius,  Hall. 

—  Scharenbergi,  Lapw. 

Dichograpius  hexabrachyatus,  Mal. 

—  octobrachyatus,  Hall. 
Didymograptus  Murchisoni,  Beck. 
Diplograptus  pristinifbrmis,  Hall. 

—  (Cryptograptus)  tricornis,  Carr. 
Phyllograptus  typus,  Hall. 
Tetragraptus  bryonoides,  Hall. 
Caryocaris  Wrightii,  Sait. 

.Eglina  binodosa,  Sait. 

Je  considère  comme  se  rapportant  au  Llandeilo  les 
schistes  quartzifères  micacés,  avec  quartzites  presque 
noirs,  du  petit  fond  d'Oxhe,  près  Ombret. 

Les  fossiles  que  Ton  y  trouve  appartiennent  à  des 
genres  renfermant  de  nombreuses  espèces,  et  souvent  la 
partie  caractéristique  n'est  qu'imparfaitement  conservée; 
aussi  je  ne  puis  que  leur  donner  des  noms  justifiés  par 
affinités. 

Homalonotus  (aff.  i  bisulcatus,  Sait. 

Trinculetis{aiï.)  concentricus,  Eat.,  var.  favus. 

Beyrichia  (aff.)  complicata,  Sait. 

Orthis  (aff.)  redux,  Barr. 

La  faune  du  Garadoc  se  trouve  entre  Arville  et 
Wierde,  à  Fosse,  à  Vitrival,  caractérisée  par  les  espèces 
suivantes  : 

Calymene  incerla,  Barr. 
Cheirurus  juvenis,  Sait. 
Dalmania  conophthalmus,  Boeck.  (sp.). 
Homalonotus  Omaliusii,  Mal. 
Illœnus  Bowmanni,  Sait. 
—      Davisii,  Sait. 

5,ne    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  55 


(  80ii  ) 

Lichus  laxatus,  M'Coy. 
Trinucleus  seticornis,  His. 
Sphœrexoctms  mirus,  Beyr. 
Zethus  verrucosus,  Pand. 
Orthoceras  Belgicum,  Mal. 
Raphistoma  lenticularis,  Sow. 
Orthis  Actonice,  Sow. 

—  biforata,  Schloth  (sp.). 

—  calligramma,  Daim. 

—  porcata,  M'Coy. 

—  lestudinuria,  Daim. 

—  vespertilio,  Sow. 
Leplœna  sericea,  Sow. 

—      tenuicincta,  M'Coy. 
Strophomena  rhomboidalis,  Wilck  (pp.). 
Glyptocrinus  basalis,  M'Coy. 
Tiges  d'encrines. 
Eckinosplumtes  BaUicus,  Eich. 
Sphœronites  stelluliferus,  Sait. 
Petraia  subduplicata,  M'Coy. 
Fenestella  Milleri,  Lonsd. 

—         subantiqua,  d'Orb. 
Glanconome  disticha,  Goldf. 
Phyllopora  (Retepora)  Hisingeri,  M'Coy. 
Plilodyctia  dichotoma,  Portl. 

Des  schistes  et  des  calsehistes  supérieurs  aux  roches 
contenant  la  faune  du  Caradoc,  s'observent  à  Fosse.  On 
y  trouve  un  ensemble  d'espèces  caractéristiques  du 
Llandovery. 

C.  Lld.  W.  L.  (1)  Calymene Blumenbachii,  Brongn. 
lllœnus  (atf.)  parvulus,  Holm. 
Lld.  W.  Phacops  Stockesii,  Milne  Edw. 

(1)  Les  lettres  Ll.  —  C.  —  Lld.  —  W.  —  L.,  précédant  le  nom  des 
espèces,  indiquent  le  niveau,  Llandeilo  —  Caradoc  —  Llandovery  — 
Wenlock  —  Ludlow,  où  elles  ont  été  rencontrées  dans  les  Iles  Bri- 
tanniques. 


(  $07  ) 

C.  LUI?  \V.  Spluerexoctws  tnirus,  Beyr. 

Orthoceras  (sp.). 
C.  Lld.  W.  Atrypa  marginalis,  Daim. 
C.  Lld.  W.  Or////*  W/oéa,  L. 

C.  Lld.      —    crispa,  M'Coy. 
C.  Lld.  W.      —    insularis,  Eichw. 
C.  Lld.  W.  Leptœna  transversalis,  Daim. 
Ll.  C.  Lld.       —      tenuicincta,  M'Coy. 
Lld.  Meristella  subundata,  M'Coy. 
C.  Lld.  Strophomena  corrugalella,  Dav. 
C.  Lld.  W.  —  peclen,  L.  (sp.). 

C.  Lld.  W.  L.  —  rlwmboidalis,  Wilck  (sp.). 

Ll.  C.  Lld.  W.  Halysites  catenularius,  L.  (sp.). 
C.  Lld.  W.  Heliolites  (Propora)  tubulatus,  Sow. 
Lld.  W.  Favosites  Gothlandica,  L. 
Lld.  W.         —         mttltipora,  Sow. 
W.  L.  Petraia  bina,  Sow. 

A  l'ouest  de  Naninne,  des  schistes  contiennent  des 
graptolithes  du  niveau  de  Wenlock  : 

Cyrtograptus  Murcliisoni,  Carr. 
MonograptiLS  Bohémiens,  Barr. 

NUssoni,  Barr. 

priodon,  Bronn. 

vomerinus,  Nich. 
Retiolites  Geinitzianus,  Barr. 

On  y  ^trouve  en  outre  : 

W.  Orthoceras  (aff.)  atlenuatum,  Sow(l). 
L.  —  —   gregarium,  Sow. 

C.  W.  L.?  —         primœvum,  Forbes. 


(1)  Les  Orthocères  de  la  bande  de  Sambre-et-Meuse  sont  souvent 
en  très,  mauvais  état  et,  en  général,  peu  susceptibles  d'une  déter- 
mination spécifique. 


(  808  ) 

A  Maulenne  (Floreffe),  on  trouve  dans  des  schistes 
noirâtres  à  Monograplus  vomerinus: 

Orthoceras  (sp.). 
W.  Obolus  Davidsoni,  Sait.,  var.  transversus. 

Des  calschistes  avec  nodules  calcaires  se  trouvent  à 
Naninne  au  voisinage  des  schistes  à  Monograptus  vome- 
rinus; on  y  rencontre  : 

Ortfioceras  ip.). 
C?  W.  L    Cardiola  interrupla,  Brod. 

Des  schistes,  calschistes,  calcaires  compacts,  parfois 
crinoïdo-lamellaires,  véritables  petit  granité  silurien, 
renferment  une  assez  bonne  faune,  analogue  à  celle  des 
calcaires  de  Wenlock,  à  Claminforges  (Falisolle - Fosse- 


Lld.  W.  Phaeops  Slockesii,  Milne  Edw. 
W.  Proetus  Slockesii,  Murch. 

Orthoceras  (s p. t. 
W.  Atrypa  imbricata,  Sow. 
C.  Lld.  W.      —      marginalis,  Daim. 
Lld.  W.  L.      —      rcticularis,  L.  (sp.). 
W.  L.  Discina  rugata,  Sow. 
W.  Leptœna  segmenlum,  Ang. 
W.  Meristella  crassa,  Sow.  (sp.). 
Lld.  W.  L.        —       didyma,  Dav. 

Lld.  W.        —        tamida,  Daim.  (sp.). 
C  Lld.  W.  Orthis  biloba,  L. 

W.      —     Edyelliana,  Sait. 
Lld.  W.  L.?  Rhynckonella  borealis,  Schloth. 

W.  Retzia  Salteri,  Dav. 
C.  Lld.  W.  Strophomena  antiquata,  Sow. 
C.  Lld.  W.  pecten,  L.  (sp.). 

C.  Lld.  W.  L.  —  rhomboidalis,  Wilck  (sp.). 

C?  W.  L.  Cardiola  inlerriipla,  Brod. 


(  809  ) 

C.  Lld.  W.  L.  Orthoceras  ibex,  Sow. 
(sp.). 
Lld.  W.  L.  Cornulites  serpularius,  Schloth. 
C.  Lld.  W.  Tentaculites  anglicus,  Schloth. 
W.  Q  cuites  (s p.). 
Lld.  W.  Favositçs  Gothlandica,  L. 

W.         —        Hisingeri,  Milne  Edw. 
Ll.  C.  Lld.  W.  Halxjsites  catenularius,  L.  (sp. >. 
C.  Lld.  W.  Heliolites  (Propora)  tabulai  us,  Sow. 
W.  L.  Petraia  bina,  Sow. 

Près  de  la  route  de  Fosse  à  Floreffe,  à  Thimensart 
(Sart-Saint-Laurent),  on  trouve  dans  les  schistes  le 
niveau  de  Ludlow,  représenté  par  de  nombreux  exem- 
plaires de  : 

Monograptus  colonus,  Barr  (I  |. 

On  y  trouve  également 

L.  Orthoceras  Mocktreense,  Sow. 

Nous  avons  donc  constaté  dans  la  bande  silurienne 
de  Sambre-et-Meuse  l'existence  de  Arenig-Llandeilo- 
Caradoc  du  silurien  inférieur  ou  système  ordovicien  ;  et 
dans  le  silurien  supérieur  ou  système  silurien  propre- 
ment dit,  celle  de  Llandovery-Wenlock-Ludlow. 

De  nouvelles  recherches  amèneront  probablement  la 
constatation  d'autres  subdivisions  et  fourniront  des  don- 
nées sur  les  rapports  et  l'arrangement  des  divers  étages. 


(1)  C'est  par  erreur  que  Retioiites  Geinitzianus  est  indiqué  au 
niveau  de  Ludlow,  dans  Les  graptolithes  de  Belgique,  Bruxelles,  1890, 
p.  14,  et  Bull,  de  la  Société  belge  de  géologie,  t.  V.  Bruxelles, 
1891,  p.  92. 


(  810) 


Sur  l'éther  anisoyl-acétyl-acétique  et  ses  dérivés  (première 
communication);  par  A.  Schoonjans. 

M.  Claisen  a  décrit  récemment  (*)  un  nouveau  procédé 
pour  l'obtention  de  l'éther  benzoyl-acétyl-acétique,  et, 
en  général,  des  dérivés  benzoylés  des  p  dikétones.  Ce 
procédé,  que  l'on  peut  appeler  procédé  par  benzoylisa- 
tions  fractionnées,  est  d'exécution  commode  et  conduit  à 
des  rendements  presque  théoriques,  alors  que  les 
méthodes  antérieurement  en  usage  donnaient  lieu  à  de 
nombreuses  réactions  secondaires  et,  par  suite,  à  des 
mélanges  ne  contenant  que  très  peu  de  benzoyl-dikétone. 

Il  n'était  pas  sans  intérêt  d'établir  expérimentalement 
que  la  méthode  par  benzoylisations  fractionnées  est 
susceptible  de  généralisation,  qu'elle  peut  s'appliquer 
avec  succès  à  l'introduction  de  radicaux  acides  autres  que 
le  benzoyle  à  la  place  de  l'hydrogène  du  groupement  CH2 
dans  l'acide  acétyl-acétique. 

Sur  les  conseils  et  sous  la  bienveillante  direction  de 
M.  le  professeur  Claisen,  j'ai  fait  agir  le  chlorure  d'ani- 
soyle  sur  l'éther  acétyl-acétique,  d'après  la  méthode 
susdite.  Je  me  permets  de  soumettre  à  l'Académie  le 
résultat  de  mes  recherches. 


(*)  Lieb.  Ann.,  291  (1896),  pp.  33  et  suiv. 


SU   ) 


Préparation  du  chlorure  d'anisoyle. 

Caliours,  qui  le  premier  a  préparé  ce  corps  (*),  le 
décrit  comme  un  liquide  bouillant  à  2(>2°.  D'après 
Lossen  (**),  au  contraire,  le  même  composé  est  solide  à  la 
température  ordinaire  et  se  décompose  lorsqu'on  essaie 
de  le  distiller. 

La  préparation  du  chlorure  d'anisoyle  conduit  à  d'ex- 
cellents résultats  dans  les  conditions  suivantes  : 

Dans  un  ballon  distillatoire  on  mélange  à  molécules 
égales  du  pentachlorure  de  phosphore  et  de  l'acide  ani- 
sique  finement  pulvérisé  et  desséché  dans  l'exsiccateur  à 
vide.  Au  début,  la  réaction  est  très  vive;  on  l'achève  en 
chauffant  au  bain-marie  le  ballon  muni  d'un  tube  à 
chlorure  de  calcium  et  on  maintient  l'action  de  la  cha- 
leur jusqu'à  ce  que  le  dégagement  d'acide  chlorhydrique 
ait  cessé.  Alors  on  substitue  au  tube  a  CaCl2  un  tube 
capillaire  et  on  relie  à  la  trompe  le  tube  abducteur  du 
ballon  distillatoire.  En  faisant  passer  à  travers  le  liquide 
un  lent  courant  d'air  desséché  par  un  passage  sur  de 
l'acide  sulfurique,  on  détermine  une  prompte  évapora- 
tion  de  l'oxychlorure  de  phosphore.  Dans  ces  conditions, 
la  masse  restant  dans  le  ballon  ne  se  fonce  pas.  Une  fois 
le  POCl5  éliminé,  la  distillation  se  fait  de  préférence  au 
bain  d'air  de  L.  Meyer.  La  température  se  maintient 
constante  et  le  résidu  de  distillation  est  insignifiant. 


(")  Annales  de  physique  et  de  chimie,  [3]23,  p.  351. 
(*')  Lieb.  Ann.,  175,  p.  284. 


(  812  ) 
Voici  les  rendements  obtenus  : 

30  grammes  d'acide  ont  donné  32  grammes  de  chlorure 
50  »  »  53  »  » 

60  »  66  *  » 

Points  d'ébullition  observés  : 

1G0"-I64°  sous  33  millimètres 
152°  -153°      »      24 
145°      »      14 

Le  chlorure  d'anisoyle  se  présente  sous  forme  d'un 
liquide  incolore,  très  réfringent.  Il  a  la  propriété  de  se 
maintenir  parfois  très  longtemps  en  surfusion.  Mais  si 
l'on  plonge  dans  l'eau  froide  le  récipient  qui  le  contient, 
il  se  prend  immédiatement  en  un  amas  de  longues 
aiguilles  enchevêtrées,  blanches,  fondant  à  22°.  L'obser- 
vation de  Lossen  relative  à  l'état  physique  de  ce  corps  à 
la  température  ordinaire  est  donc  exacte  (*). 

Méthode  d'aïiisoylation . 

La  méthode  suivie  est  la  même  que  celle  employée  par 
Claisen  pour  benzoyler  l'éther  acétyl-acétique  (**).  Elle  a 
dû  subir  toutefois  une  légère  modification,  la  non-fluidité 
du  chlorure  d'anisoyle  ne  permettant  pas  sa  mesure 
rigoureuse  dans  une  burette.  Pour  tourner  la  difficulté, 
on  tare  le  flacon  renfermant  le  chlorure  d'anisoyle 
(préalablement  liquéfié  par  immersion  du  flacon  dans 
l'eau  chaude)  et  on  en  déverse  chaque  fois  la  quantité  de 

O  J'avais  achevé  cette  préparation,  lorsque  j'ai  pris  connaissance 
d'un  travail  de  M.  W.  Jung,  Ueber  die  Oxime  des  Anisils  (Inaugural- 
Dissertation.  Erlangen,  1896).  L'auteur  y  constate  que  le  chlorure 
d'anisoyle  se  laisse  distiller  dans  le  vide. 

O  Lieb.  Ann.,  291,  p.  6S. 


(  813  ) 

chlorure  exigée.  Il  faut  évidemment  peser  avec  rigueur 
et  éviter  soigneusement  de  dépasser  le  but  en  versant. 

Dans  550  centimètres  cubes  d'alcool  absolu,  contenus 
dans  un  ballon  surmonté  d'un  réfrigérant  ascendant,  on 
introduit  par  petites  portions  55^,4  de  sodium.  La  dis- 
solution achevée,  on  parfait  avec  de  l'alcool  absolu  à 
<>00  centimètres  cubes. 

A  100  grammes  d'éther  acétyl-acétique,  contenus  dans 
un  vase  de  Berlin  placé  dans  de  la  glace,  on  ajoute 
500  centimètres  cubes  de  la  solution  d'éthylate  de  sodium 
et  l'on  agite  ce  mélange  jusqu'à  ce  qu'il  se  soit  refroidi  à 
10°  environ.  On  y  verse  ensuite  goutte  à  goutte  et  en 
remuant  constamment  (ce  qui  peut  se  faire  à  l'aide  d'une 
turbine),  (>5S',75  de  chlorure  d'anisoyle,  soit  la  moitié 
de  la  quantité  exigée  pour  100  grammes  d'éther  acétyl- 
acétique.  On  laisse  reposer  durant  15  minutes  environ, 
pendant  lesquelles  on  peut  anisoyler  une  seconde  portion 
d'éther.  Cela  fait,  on  reprend  le  premier  vase,  on  y  ajoute, 
dans  les  mêmes  conditions  que  précédemment,  150  centi- 
mètres cubes  d'éthylate  de  Na  et  32s',87  de  chlorure  d'ani- 
soyle; puis  de  même  pour  le  second  et  ainsi  de  suite. 

Les   quantités   respectives   à   ajouter    successivement 
sont  : 


(C6H4.0CH5  -i 

30CL 

NaOC.2H5. 

65*r,75 

500  centimètres  cubes 

32«r,87 

150 

» 

16er,U 

75 

» 

8er,22 

58 

» 

4*r,H 

t9 

• 

4<M  1 

18 

i 

15lFr,50  000  centimètres  cubes 


(  814  ) 

L'anisoylisation  achevée,  on  place  le  récipient  sous  un 
exsiccateur  :  il  est  recommandable  de  faire  l'opération 
l'après-midi  et  de  laisser  reposer  jusqu'au  lendemain 
matin. 

On  remarque  qu'il  ne  se  produit  pas  ici  une  cristallisa- 
tion en  masse,  comme  c'est  le  cas  lors  de  la  préparation 
de  l'éther  benzoyl-acétyl-acétique,  et  que  le  NaCl  se 
dépose  presque  seul.  Cela  tient  à  ce  que  le  dérivé  sodique 
de  ce  dernier  éther  est  beaucoup  moins  soluble  que  celui 
de  l'éther  anisoyl-acétyl-acétique.  Cette  circonstance  rend 
aussi  la  lîltration  superflue  dans  le  cas  présent  :  la 
majeure  partie  du  produit  resterait  dans  les  eaux  mères. 

Pour  extraire  l'éther  anisoyl-acétyl-acétique,  on  procède 
le  plus  avantageusement  de  la  façon  suivante. 

On  soumet  le  produit  de  la  réaction  ci-dessus  à  la  dis- 
tillation au  bain-marie  et  dans  le  vide,  pour  en  enlever 
la  majeure  partie  de  l'alcool.  Le  résidu  est  dissous  dans 
deux  fois  son  volume  d'eau.  Après  avoir  jeté  dans  cette 
solution  quelques  morceaux  de  glace,  on  l'additionne 
d'acide  acétique  :  l'épaisse  huile  brune  qui  se  dépose  est 
reprise  par  l'éther.  La  solution  éthérée  est  desséchée  sur 
du  chlorure  de  calcium  (au  contact  duquel  il  ne  faut  pas 
la  laisser  trop  longtemps),  puis  l'éther  est  enlevé  par 
évaporation  dans  le  vide.  L'huile  qui  reste  est  reprise 
par  une  solution  de  carbonate  de  soude,  qui  dissout 
l'éther  anisoyl-acétyl-acétique.  Ce  dernier  s'obtient  pres- 
que pur  lorsqu'on  précipite  sa  solution  sodique  par  l'acide 
acétique. 

Un  produit  purifié  par  trois  dissolutions  dans  la  soude 
et  précipitations  alternatives  a  donné  à  l'analyse  : 

0«r,2087  de  substance  ont  donné  0«r,4845  C04 
et  0sr,1H3  H,0. 


(815  ) 

Trouvé.  Calculé  pour  C^BieOs- 

C  =  65,31  %  C  =  03,63  •/. 

H=    5,93°/.  H—    6,06°/. 

ïl  se  décompose  lorsqu'on  essaie  de  le  distiller  dans  le 
vide. 

L'éther  anisoyl-acétyl-acétique  a  pour  formule 


ur  s  ^^  —  CH3 

ny  <  CO  — C6HtOCH3 

COOC,HK. 


A  l'instar  de  l'éther  benzoyl-acétyl-aeétique,  l'éther 
anisoyl-acétyl-acétique,  en  solution  dans  l'alcool,  fournit 
avec  l'acétate  de  cuivre  un  dérivé  métallique  bleu  clair 
de  la  composition  Ci^C^H^O^.  Ce  dernier  cristallise 
en  petites  tables  de  l'alcool  bouillant,  en  courtes  aiguilles 
brillantes  du  chloroforme,  dans  lequel  il  est  extrêmement 
soluble. 

Analyses  : 

I.  0er,1708  de  substance  ont  donné  0«r,3558  C04, 
0^,0785  H20  et  0^,0225  CuO. 

II.  0*r,5295  de  substance  ont  donné  0sr,0715  CuO. 

Trouvé.  Calculé  pour  Cu(C,4H,505),. 

0  =  56,81°/.  »  57,04% 

H=    5,10  "/o  »  5,09"/. 

Cu  =  10,54°/.         10,79  10,70'/. 


(  816  ) 

Éther  anisoyl-acétique 

HâC  —  CO  —  C6H4 .  OCHj 

I 
COOC,H5. 

Nous  savons  que  si  l'on  traite  par  les  alcalis  les  diké- 
tones  portant  à  un  même  carbone  le  benzoyle  et  l'acétyle, 
c'est  ce  dernier  qui  s'échange  de  préférence  contre  un 
atome  d'hydrogène.  Dans  le  travail  déjà  cité  (*),  Claisen 
décrit  un  mode  de  préparation  de  l'éther  benzoyl-acétique 
qui  consiste  simplement  à  secouer  l'éther  benzoyl-acétyl- 
acétique  avec  une  solution  d'ammoniaque.  Cette  méthode 
donnant  d'excellents  résultats,  Claisen  insiste  sur  la  pos- 
sibilité éventuelle  de  l'appliquer,  combinée  à  sa  méthode 
de  benzoylisation,  à  la  préparation  de  tous  les  éthers  acé- 
toniques  qui  répondent  à  la  formule  générale  R  —  CO 
—  CH2  —  COOQ>Hr;,  dans  laquelle  R  —  CO  —  désigne 
un  radical  acide  plus  positif  que  l'acétyle. 

Une  première  confirmation  expérimentale  de  ce  fait 
est  fournie  par  l'éther  anisoyl-acétique  que  j'ai  isolé. 

Lorsqu'on  ajoute  à  de  l'éther  anisoyl-acétyl-acétique 
deux  fois  et  demie  son  poids  d'une  solution  d'ammoniaque 
à  10  %,  il  se  forme  d'abord  un  précipité  jaune  de  dérivé 
ammoniacal.  Si  l'on  secoue  vigoureusement,  la  masse 
s'échauffe  spontanément  et  le  sel  disparaît  peu  à  peu 
pour  faire  place  à  une  huile.  Après  vingt  minutes  environ, 
la  décomposition  est  complète,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
de  chauffer.  On  reprend  par  l'éther,  on  lave  la  solution 

C)  Patçe  70. 


(  817  ) 
éthérée  à  l'eau,  on  la  sèche  sur  du  CaCL>,  <>n  distille 
l'éther  et  on  rectifie  dans  le  vide.  La  majeure  partie  du 
liquide  passe  entre  140°  et  142°  sous  10  millimètres  de 
pression.  Elle  se  compose  d'éther  anisoyl-acétique,  ainsi 
qu'en  témoigne  l'analyse  suivante  : 

06r,IC65  de  substance  ont  donné  0',5969  CO, 
et  0*',0956  H,0. 


Trouvé. 

Calculé  pour  CliH140,i. 

C  =  65,00  •/. 

64,86  •/. 

H=    <>,37% 

6,30  •/. 

L'éther  anisoyl-acétique  est  un  liquide  incolore,  doué 
d'une  odeur  agréable,  insoluble  dans  l'eau,  miscible  à 
l'alcool  et  à  l'éther.  Sa  densité,  déterminée  au  pienomètre, 
est  1,0558  à  19°.  Le  chlorure  ferrique  colore  sa  solution 
alcoolique  en  rouge  foncé.  Avec  l'acétate  de  cuivre,  il 
donne  un  dérive  métallique  vert-olive  Ci^C^H^O^,  cris- 
tallisable  de  l'alcool  et  du  chloroforme  en  petites  aiguilles 
qui  se  décomposent  à  180°. 

L'analyse  a  donné  : 

I.  0sr,1500  de  substance  ont  donné  Oer,5150  CO*, 
0*r,0700  Hs0  et  0sr,0237  CuO. 

11.  0sr,191o  de  substance  ont  donné  0<?r,0298  CuO. 

Trouvé.  Calculé  pour  Cu(C12H130,i)ï. 

C  —  56,90  %  »  57,03  % 

H=    5,19%  »  5,15% 

Cu  =  12,61  %         12,44  12,47% 

Traité,  en  solution  dans  l'acide  acétique  glacial,  par 
le  chlorhydrate  d'hydroxylamine,  l'éther  anisoyl-acétique 


I  818  ) 
donne  naissance  à  un  produit  qui  semble  l'analogue  de  la 
phénylisoxazolone  : 

CH50  —  C6h\  —  C  =  0  ll2i\OH     CHsO .  C6H,— C  =  N 

|  =•  |  >0  +  C,H604 

H2C  —  COOC,HB  H,C  — C  =  0 

Ce  corps  cristallise  de  l'alcool  bouillant  en  longues 
aiguilles  jaunes,  fusibles  à  145°  en  se  décomposant. 
Il  est  peu  soluble  dans  la  ligroïne,  aisément  soluble  à 
chaud  dans  le  benzol  et  soluble  à  froid  dans  les  alcalis. 
Sa  solution  alcoolique  donne  avec  FeCl3  une  solution 
noir  d'encre;  elle  réduit  le  nitrate  d'argent  ammoniacal. 

Une  analyse  n'ayant  pu  être  faite,  je  m'abstiens  pro- 
visoirement de  conclure  à  la  présence  certaine  à'anisyli- 
soxazolone. 

La  saponification  de  l'éther  anisoyl-acétique  par  la 
potasse  alcoolique  ne  m'a  pas  réussi;  même  à  froid,  ce 
réactif  dédouble  la  substance  en  acétate  et  anisate  de 
potassium. 

Lors  de  la  distillation  de  l'éther  anisoyl-acétique,  il 
reste  comme  résidu  une  masse  solide,  brune,  d'aspect 
cristallin,  peu  soluble  dans  l'éther  et  l'alcool,  aisément 
soluble  dans  le  chloroforme.  Pour  extraire  la  partie  utile 
de  ces  résidus  de  distillation,  on  les  traite  à  plusieurs 
reprises  par  l'éther  bouillant  et  l'on  dissout  le  résidu  d;ins 
le  chloroforme.  On  ajoute  de  l'alcool  jusqu'à  apparition 
d'un  trouble,  on  rechauffe  et  on  laisse  cristalliser.  Il  se 
dépose  bientôt  des  paillettes  cristallines,  jaune  d'or, 
miroitantes,  très  légères.  Ce  composé  fond  à  191°;  il  est 
insoluble  dans  tous  les  dissolvants  neutres,  à  part  le 
chloroforme  qui  le  dissout  abondamment  et  l'alcool  bouil- 
lant dans  lequel  il  se  dissout  quelque  peu. 


(  819  ) 

Par  son  mode  de  formation  et  par  ses  propriétés,  ce 
produit  présente  la  plus  grande  analogie  avec  les  acides 
déhydracétique  et  déhydro-benzoyl-acétique.  Aussi  ai-je 
cru  pouvoir  le  considérer  comme  acide  déhydro-anisoyl- 
acétique  et  interpréter  sa  formation  par  le  schéma  sui- 
vant (*)  : 

lOCJhVtio 

/ r  \ 

0=C  C-CJVOCH-, 

I  II 

CH5OC6H4-CO-CH  CH 

\T / 

;HC2H50:C=0 

Éther  anisoyl-acétique  (2  mol.!. 

0 

A 
0=C     C-C6h\.OCH5 
I      II 
=CH3OC6Hi-CO-CH  CH  -+  2C2HsOH. 

V 

c 

II 
o 

Acide  déhydro-anisoyl- acétique. 

Les  résultats  de  l'analyse  confirment  cette  interpréta- 
tion : 

0f?r,t65o  de  substance  ont  donné  0er,4125  COs 
et  0er,0687  H20. 

Trouvé.  Calculé  pour  C20H1606. 

C  =  67,91%  68,18  •/. 

H=    4,61  °/o  4,55% 

L'acide  déhydro-anisoyl-acétique  fournit  avec  l'acide 

(")  Ce  schéma  est  conforme  à  l'interprétation  que  Feist  (Lieb.  Ann., 
257,  p.  213)  donne  de  la  formation  de  l'acide  déhydro-acétique  aux 
dépens  de  l'éther  acétyl-acétique. 


(  8g20  ) 
sulfurique  concentré  une  solution  rouge-orange.  Chauffée, 
cette  solution  se  fonce  pour  devenir  brune  avec  fluores- 
cence verte.  Chauffée  plus  fort,  elle  pâlit  et  finit  par 
perdre  entièrement  sa  coloration.  Celle-ci  ne  réapparaît 
ni  par  refroidissement  ni  par  addition  d'eau. 

La  solution  alcoolique  de  l'acide,  additionnée  d'une 
goutte  de  FeCl-,  donne  une  magnifique  coloration  rouge- 
pourpre. 

L'acide  déhydro-anisoyl-acétique  est  soluble  à  froid 
dans  l'ammoniaque.  Si  l'on  abandonne  cette  solution  à 
elle-même,  il  s'y  forme  après  quelque  temps  un  dépôt 
jaune  qui  est  de  l'acide  inaltéré. 

La  solution  ammoniacale  neutralisée  exactement  par 
l'acide  nitrique  donne  avec  AgN05  un  précipité  caséeux 
jaunâtre,  résistant  à  la  lumière,  soluble  dans  l'ammo- 
niaque. 

Si  je  me  suis  décidé  à  publier  dès  à  présent  les  résul- 
tats encore  bien  incomplets  de  mes  recherches,  c'est  que, 
par  suite  de  circonstances  indépendantes  de  ma  volonté, 
mon  travail  doit  être  momentanément  interrompu,  et 
que  je  désire  me  réserver  l'étude  de  l'éther  anisoyl-acé- 
tique  et  de  ses  dérivés.  Dans  quelque  temps  je  repren- 
drai mes  recherches  et  aurai  l'honneur  d'en  soumettre  les 
résultats  à  l'Académie. 

Ce  m'est  un  agréable  devoir  de  remercier  M.  Je  pro- 
fesseur Claisen,   ainsi  que  son  assistant,  M.  le  docteur 
E.  Haase,  pour  la  bienveillance  qu'ils  n'ont  cessé  de  me 
témoigner  au  cours  de  mon  travail. 
Aix-la-Chapelle,  mai  1897. 

Organisches  Laboratorium  der  Kônigl.  Technischen 
Hoehscliule. 


(  821 


Sur  les  dérivés  mercuriques  halogènes  de  l'antipyrine;  par 
C.  Schuyten,  docteur  en  sciences. 

Je  demande  respectueusement  à  l'Académie  la  per- 
mission de  soumettre  à  son  appréciation  les  résultats  de 
mes  recherches  sur  la  préparation  et  les  propriétés  des 
chlorure,  bromure,  iodure  et  cyanure  doubles  de  mercuri- 
cum  et  d'antipyrine. 

Chlorure  double  de  mercuricum  et  d'antipyrine. 

Ce  composé  a  déjà  été  préparé  et  décrit  (*).  Il  a  pour 
formule  :  CnH^N^O.  HgCL>.  Je  crois  qu'il  ne  sera  pas 
inutile  de  compléter  ici  l'étude  de  cette  combinaison 
intéressante. 

Ses  meilleurs  dissolvants  sont  l'alcool  et  l'eau;  le  dis- 
solvant le  moins  actif  est  l'éther  sulfurique;  on  peut  le 
faire  dissoudre,  surtout  à  chaud,  et  dans  des  proportions 
variables,  dans  le  benzène,  le  toluène,  le  sulfure  de  car- 
bone. 

L'évaporation  lente  de  tous  ces  dissolvants  donne 
généralement  des  résidus  qui,  examinés  même  à  la  loupe, 
paraissent  amorphes.  L'examen  microscopique  n'a  rien 
décelé  de  bien  intéressant   non   plus  sous  ce   rapport. 


(*)  Schuyten,  Maandbl.  v.  Natuurw.,  7-8, 1895;  Hirsch,  Ber.  pharm. 
Ges.,  6,  1896 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  54 


(  822  ) 

Ainsi  le  résidu  provenant  de  la  solution  aqueuse  se 
présente  en  petites  aiguilles  pointues  isolées;  celui  de 
l'alcool  est  composé  d'une  multitude  de  petits  globules 
bien  distincts  les  uns  des  autres;  l'étber  donne  des  masses 
opaques,  assez  rares,  de  forme  variable;  le  benzène 
montre  des  corpuscules  irréguliers  très  nombreux;  le 
toluène,  des  points  épars;  le  sulfure  de  carbone,  des 
masses  irrégulières  denses.  Tous  ces  résidus,  du  moins 
ceux  qui  m'ont  paru  transparents,  s'éteignent  quand  on 
tourne  le  nicol  inférieur.  Dans  aucun  cas,  je  n'ai  pu 
caractériser  une  forme  cristalline  nette  dans  les  condi- 
tions d'évaporation  que  je  viens  de  décrire. 

La  solution  aqueuse  est  neutre  au  papier  de  tournesol; 
or  les  sels  mercuriques  solubles  le  rougissent;  I'antipy- 
rine  donc,  qui  n'a  pas  d'action  sur  ce  réactif  à  l'état 
libre,  possède  des  propriétés  basiques  suffisamment  fortes 
pour  enlever  au  chlorure  mercurique  ses  caractères 
acides  (*). 

L'hydrogène  sulfuré  donne,  dans  les  solutions  primitive, 
acidulée  ou  alcaline,  un  précipité  blanc  d'abord,  puis 
jaune,  puis  noir  intense,  soluble  dans  le  sulfure  de  sodium 
alcalin,  insoluble  dans  les  acides;  ce  précipité  est  du 
HgS  pur. 

La  soude  caustique,  ajoutée  en  excès,  ne  donne  d'abord 
rien;  puis,  lentement,  il  se  forme  un  louche  jaune  à  trans- 
parence verdàtre;  à  l'ébullition,  le  liquide  ne  paraît  pas 
changer  sensiblement  ;  ce  n'est  qu'après  un  repos  d'une 


(*/  J'ai  fait  une  remarque  analogue  pour  le  CdCl2.  Voir  Bull.  Acad. 
roij.  de  Belg.,  3*  série,  t.  XXXII,  p.  869. 


(  823  ) 

heure  environ  qu'on  peut  remarquer  au  fond  du  tube  un 
léger  dépôt  jaune. 

L'ammoniaque,  bien  que  chassée  de  ses  sels  par  l'anti- 
pyrine.  est  assez  forte  pour  produire  un  trouble  blanc  de 
chloramidure  de  mercure. 

Le  chlorure  stanneux,  on  solution  chlorhvdrique,  donne 
un  précipité  blanc  qui  ne  devient  pas  gris  par  l'addition 
d'un  excès  de  réactif;  le  précipité  est  lourd  et  se  dépose- 
rapidement;  ce  n'est  que  quand  on  laisse  reposer  long- 
temps que  les  flocons  se  foncent;  à  l'ébullition,  au  con- 
traire, la  précipitation  métallique  s'opère  tout  de  suite. 

Le  ferrocyanure  de  potassium  produit  un  précipite 
blanchâtre  qui  se  dissout  par  l'agitation;  à  l'ébullition,  le 
liquide  devient  vert-bleu. 

Une  lame  de  cuivre  bien  décapée  et  bien  brillante, 
plongée  dans  la  solution  aqueuse  du  chlorure  double  de 
mercuricum  et  d'antipyrine,  se  recouvre  après  quelque 
temps  d'une  couche  de  matière  grisâtre;  séchée  et  frottée 
avec  un  morceau  de  laine,  elle  ne  donne  pas  le  beau 
miroir  obtenu  dans  les  mêmes  conditions  avec  le  mercure 
métallique,  mais  un  dépôt  noirâtre  brun,  susceptible  éga- 
lement d'un  beau  brillant;  chauffé  dans  le  tube,  il  donne 
un  sublimé  blanc  dans  lequel  la  loupe  ne  permet  pas  de 
distinguer  des  globules;  mais  l'iode  en  vapeur  a  parfaite- 
ment donné  de  l'iodure  mercurique  rouge  et  jaune.  Le 
cuivre  semble  donc  précipiter  des  produits  de  décompo- 
sition autres  que  le  mercure  libre. 

Le  couple  galvanique,  composé  d'une  lamelle  de  pla- 
tine et  d'une  lamelle  d'étain,  plongée  dans  la  solution 
aqueuse  du  chlorure  double,  provoque  la  précipitation 
totale  du  mercure  sur  les  parois  de  la  capsule  dans  laquelle 


(  SM  ) 

on  opère,  sur  la  lamelle  de  platine,  mais  surtout  abon- 
damment sur  l'étain. 

Le  nitrate  d'argent  donne  un  précipité  blanc  dont  le 
caractère  principal  est  d'être  très  résistant  à  l'action  de 
la  lumière  solaire;  le  lendemain  de  sa  formation,  il 
n'était  pas  encore  devenu  violet. 

Le  nitrate  mercureux  donne  un  précipité  blanc  de 
chlorure  mercureux,  avec  ses  caractères  habituels. 

L'acétate  de  plomb  n'a  rien  produit,  peut-être  bien  à 
cause  de  la  faible  concentration  de  la  solution  examinée. 

Quand  on  pulvérise  la  substance  organique  sèche  avec 
du  peroxyde  de  manganèse  également  sec  et  qu'on  y 
verse  de  l'acide  sulfurique  concentré,  on  constate  d'abord 
que  celui-ci  ne  noircit  pas  le  produit  blanc  qu'on  peut 
encore  distinguer  dans  la  masse;  mais  quand  on  chauffe, 
le  tout  devient  très  noir  et  il  se  dégage  un  mélange 
gazeux  dans  lequel  j'ai  pu  distinguer  de  l'acide  chlorhy- 
drique,  mais  pas  de  chlore. 

L'addition  de  l'acide  sulfurique  concentré  au  mélange 
sec  bien  pulvérisé  de  la  substance  avec  le  chromate  de 
potasse,  provoque  une  très  vive  réaction  et  unéchauftement 
considérable  du  tube;  il  se  dégage  encore  un  mélange  de 
plusieurs  gaz  parmi  lesquels  j'ai  caractérisé  l'acide  chlor- 
hydrique;  pas  d'oxychlorure  de  chrome.  Le  résidu  de  la 
réaction  est  vert. 

La  solution  aqueuse,  additionnée  de  quelques  gouttes 
d'une  solution  de  nitrite  alcalin,  acidifiée  ensuite  par 
l'acide  acétique,  donne  immédiatement  la  coloration 
verte  typique  pour  la  phényl-diméthyl-pyrazolône;  la  cou- 
leur, toutefois,  n'est  pas  stable  :  elle  passe  insensiblement 
au  jaune  pâle. 


(  825  ) 


Bromure  double  de  mercuricum  et  d'antipyrine. 

On  peut  préparer  ce  corps  en  traitant  la  solution 
aqueuse  du  chlorure  double  correspondant  par  le  KBr, 
ou  bien  en  mélangeant  les  solutions  des  components  pris 
en  proportion  convenable.  J'ai  trouvé  que  la  meilleure 
façon  d'obtenir  un  rendement  quantitatif  est  la  suivante  : 
on  dissout  dans  l'alcool  l'antipyrine  et  le  bromure  mer- 
curique,  pris  dans  le  rapport  de  leurs  poids  moléculaires, 
on  laisse  refroidir  s'il  est  nécessaire,  et  on  mélange  les 
solutions  froides;  si  alors  on  secoue  en  agitant  en  même 
temps  avec  une  baguette,  il  se  produit  une  abondante 
précipitation  blanche,  pulvérulente,  lourde,  qu'on  peut 
mettre  tout  de  suite  dans  l'exsiccateur  après  lavage  à  l'al- 
cool. Il  faut  éviter  de  mélanger  les  solutions  chaudes  des 
components,  car  alors  le  produit  est  jaune;  il  ne  faut  pas 
porter  non  plus  le  corps  encore  mouillé  dans  l'étuve,  ni 
le  soumettre  longtemps  à  l'action  d'une  chaleur  même 
modérée  (70°),  car,  dans  ces  deux  cas,  le  composé  perd 
rapidement  sa  belle  blancheur. 

Dans  le  tube,  il  fond  en  un  liquide  jaune  clair  qui  se 
fonce  lentement  et  passe  au  rouge  grenat;  puis  il  se  forme 
des  vapeurs  blanches  de  HgBr2  en  abondance;  finale- 
ment on  a  un  charbon  épais,  difficile  à  brûler. 

Point  de  fusion,  déterminé  dans  l'appareil  Anschùtz- 
Schulz  :  105°  (non  coor.)  (*). 


(*)  On  peut  sécher  le  corps  à  97°-100°  sans  que  sa  composition 
s'altère;  une  analyse  l'a  prouvé;  seulement  il  faut  qu'il  ait  séjourne 
au  préalable  assez  longtemps  dans  l'exsiccateur  ;  ensuite  il  a  perdu  sa 
blancheur  et  est  devenu  rose  pâle. 


(  826  ) 
L'analyse  a  démontré  qu'il  faut  attribuer  au  corps  cette 
formule  : 

C„HlaN,0  .  HgBiv 

En  voici  les  résultats  : 


SUBSTANCE. 

HgS. 

AgBr. 

0,2030 
0,2300 

0,07543 

0,1546 

Exprimés  en  %,  on  obtient  : 


Hg 
Br 


Trouvé. 

Calculé. 

37,15 

36,49 

-28,f)0 

29,19 

Les  meilleurs  dissolvants  du  bromure  double  de  mer- 
curicum  et  d'antipyrine  sont  l'alcool,  le  benzène,  le 
toluène;  le  corps  est  peu  soluble  dans  l'eau,  le  chloro- 
forme, l'éther  sulfurique,  le  sulfure  de  carbone. 

L'évaporation  spontanée  de  ces  solutions  ne  donne  pas 
des  formes  cristallines  décelables  à  la  loupe.  Au  mi- 
croscope, le  résidu  d'évaporation  d'une  solution  aqueuse 
est  formé  d'une  couche  uniforme  de  petits  globules 
amorphes  en  apparence;  ils  ne  s'éteignent  pas  complè- 
tement sur  fond  noir.  Avec  l'alcool  comme  dissolvant,  on 
obtient  de  petits  globules  très  rapprochés  les  uns  des 
autres  et  qui  s'éteignent  également  quand  on  tourne  le 
Tiicol  inférieur;  mais  si  on  place  sur  le  porte-objet  une 
certaine  quantité  de  substance,  qu'on  l'arrose  d'alcool  et 


(  827  ) 

qu'on  en  dissout  une  certaine  partie  en  agitant  le  liquide 
avec  un  fil  de  platine,  on  obtient  un  résidu  global  dont 
les  morceaux  qui  n'ont  pas  été  en  dissolution  restent 
transparents  sur  fond  noir,  tandis  que  le  reste,  le  résidu 
d'évaporation,  se  comporte  comme  ci-dessus.  Le  chloro- 
forme et  l'éther  donnent  des  agglomérats  sans  forme  régu- 
lière avec  de  petits  points  brillants.  Le  benzène  produit 
des  petits  mamelons  transparents,  à  l'aspect  huileux;  il 
en  est  de  même  pour  le  toluène;  mais  quand  on  les 
examine  sous  un  grossissement  convenable  et  qu'on 
tourne  avec  précaution  la  vis  micrométrique,  les  globules 
provenant  du  toluène  présentent  trois  cercles  bien 
tranchés,  offrant  une  résistance  différente  au  passage  des 
rayons  lumineux;  au  centre,  on  observe  un  petit  point 
étincelant  ;  ils  s'éteignent  sur  fond  noir;  les  globules 
provenant  du  benzène  peuvent  affecter,  à  un  moment 
donné,  un  aspect  vert  bleuâtre;  alors  on  observe  très 
nettement  qu'ils  ont  une  forme  hexagonale  régulière, 
qu'ils  forment  un  hexagone  dont  les  six  côtés  sont  égaux  ; 
ils  s'éteignent.  Les  globules  provenant  du  sulfure  de  car- 
bone présentent  aussi  un  centre  lumineux,  avec  des  cercles 
verts  et  rouges;  le  bord  est  sombre;  ils  s'éteignent. 

L'hydrogène  sulfuré,  conduit  à  l'état  gazeux  dans  la 
solution  primitive,  alcaline  ou  acide,  provoque  la  forma- 
tion d'un  précipité  noir  de  HgS,  avec  ses  caractères  connus. 

La  soude  caustique  ne  donne  aucun  précipité,  non  plus 
quand  on  ajoute  un  excès  de  réactif  et  qu'on  fait  bouillir; 
on  peut  observer  à  peine  une  trace  de  changement  de 
couleur  du  liquide  bien  incolore  et  transparent. 

L'ammoniaque  produit  un  précipité  blanc  jaunâtre, 
floconneux;  on  obtient  ce  même  résultat   quand  on  fait 


(  828  ) 
agir  la  soude  en  présence  d'un  sel  ammoniacal,  comme  le 
chlorure  ammonique. 

Le  peroxyde  de  soude  donne  un  précipité  jaune  d'oxyde 
de  mercure,  qui  rapidement  se  fonce  et  passe  à  l'état 
métallique  ;  la  précipitation  métallique  est  complète,  car 
un  courant  d'hydrogène  sulfuré,  dirigé  jusqu'à  refus  dans 
le  liquide  alcalin  filtré,  n'y  produit  aucun  trouble. 

L'iodure  de  potassium  se  comporte  d'une  façon  très 
curieuse  :  quand  on  ajoute  ce  réactif  au  liquide  primitif, 
on  obtient  un  précipité  jaune  verdâtre,  qui  passe  au  blanc 
quand  on  secoue,  pour  disparaître  ensuite  et  faire  place 
à  un  trouble  rougeàtre  transparent;  celui-ci  est  soluble 
dans  un  excès d'iodure  de  potassium. 

A  froid,  le  ferrocyanure  potassique  ne  produit  rien;  mais 
à  l'ébullition,  il  y  a  formation  de  bleu  de  Prusse  et  colo- 
ration verte  de  la  liqueur. 

Le  chlorure  stanneux  chlorhvdrique  précipite  un  corps 
blanc  volumineux  ;  une  nouvelle  addition  de  réactif  ne  le 
réduit  pas  à  l'état  métallique;  il  ne  devient  gris-noir 
qu'à  l'ébullition. 

Un  couple  galvanique  (Sn  ■+-  Pt)  produit  un  dépôt 
métallique  sur  le  platine,  mais  abondamment  sur  l'étaiu  ; 
seulement  il  est  lent  à  se  produire.  Une  baguette  d'étain 
donne  le  même  résultat  ;  mais  j'ai  pu  remarquer  que 
toujours  la  formation  du  trouble  noir-gris  est  précédée 
de  la  formation  d'un  précipité  blanc  floconneux,  léger; 
il  est  très  possible  que  cette  réaction  se  rapporte  à 
l'action  précitée  du  chlorure  stanneux. 

Une  lame  de  cuivre  convenablement  préparée  se  re- 
couvre d'une  couche  de  substance  qui,  séchée,  est  blan- 
châtre; quand  on  la  chauffe  dans  un  tube,  il  se  sublime  un 
composé  blanc  qui,  examiné  à  la  loupe,  ne  semble  pas 


(  829  ) 
se  composer  des  globules  de  mercure  bien  caractéristiques 
devant  se  produire  dans  ces  conditions;   toutefois,  quand 
on   les  traite  par   l'iode  en   vapeurs,  il    se    convertit   en 
sublimé  rouge  de  IIgL2. 

Le  nitrate  d'argent,  ajouté  en  excès,  l'ait  apparaître  un 
louche  blanc,  qui  ne  se  réunit  pas  en  cailleboté  quand  on 
agite  la  liqueur;  mais  aussitôt  qu'on  acidulé  par  l'acide 
nitrique  étendu, le  cailleboté  se  forme  instantanément; 
l'ammoniaque  dissout  le  louche  et  fonce  le  liquide.  L'eau 
de  chlore  ne  met  pas  le  brome  en  liberté;  il  n'y  a  aucun 
trouble,  aucun  changement  de  couleur;  non  plus  quand 
on  fait  bouillir. 

C}uand  on  verse  sur  le  mélange  intime,  sec,  de  peroxyde 
de  plomb  et  de  bromure  double  de  mercuricum  et  d'anti- 
pyrine,  de  l'acide  sulfurique  concentré,  il  y  a  élévation 
de  température  et  la  masse  devient  vert  brunâtre;  il  se 
dégage  peu  de  gaz;  si  on  chauffé,  la  réaction  s'active  et 
il  se  dépose  sur  les  parois  froides  du  tube  un  corps 
volatil  blanc,  amorphe  à  la  loupe;  il  se  dégage  beaucoup 
d'anhydride  sulfureux,  reconnaissable  à  l'odeur,  mais  pas 
de  brome. 

Le  bromure  double,  chauffé  avec  la  solution  concentrée 
aqueuse  de  bichromate  alcalin,  additionnée  d'acide  sulfu- 
rique, rend  le  liquide  noir  verdàtre  à  l'ébullition  ;  à  cette 
température,  la  réaction  continue  d'elle-même  et  il  se 
forme  des  vapeurs  à  odeur  pyridique;  pas  de  brome. 

Le  chlorure  d'or,  à  froid,  ne  donne  rien;  mais  à  l'ébul- 
lition, il  y  a  coloration  brune  quand  on  regarde  dans  le 
liquide  de  haut  en  bas,  coloration  verte  quand  on  tient  le 
tube  contre  la  lumière;  odeur  de  substance  aromatique 
bromée;  peu   de   temps   après,   on   voit  les   parois   de 


(  830  ) 

réprouvette  se  couvrir,  jusqu'à  la  hauteur  du  liquide, 
d'un  joli  miroir  rouge  cuivré,  à  reflet  métallique  (*). 

L'acide  nitrique  concentré  colore  la  solution  primi- 
tive en  jaune  pâle;  à  l'ébullition,  il  se  forme  une  teinte 
rougeâtre  faible;  il  est  possible  que  la  mise  en  liberté  du 
brome,  se  portant  immédiatement  sur  le  noyau  anti- 
pyrique,  empêche  la  formation  franche  de  la  coloration 
rouge-rubis  ordinaire. 

L'acide  nitreux  (KNOâ  ■+-  C2H402)  donne  tout  de  suite 
la  coloration  verte,  qui  s'accentue  d'abord,  atteint  un 
point  maximum  d'intensité  et  diminue  ensuite  lentement. 

Todure  double  de  mercuricum  et  d'antipyrine. 

J'ai  vainement  tout  tenté  pour  préparer  ce  corps.  Je 
crois  pouvoir  affirmer  qu'il  ne  peut  pas  exister  dans  les 
conditions  ordinaires  de  pureté  et  de  température. 

Quand  on   attaque  par  la  chaleur  l'iodure  mercurique 


;*)  J'attribue  cette  métallisation  de  l'or  à  la  présence  de  l'antipy- 
rine,  qui,  comme  matière  organique,  a  naturellement  des  propriétés 
réductrices;  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  que  le  HgBr2  ainsi  que  les  bro- 
mures alcalins  (K,  Na)  ne  donnent  pas  cette  réaction;  mais  aussitôt 
qu'on  ajoute  un  peu  de  l'alcaloïde  à  la  solution,  le  trouble  brun  café 
apparait  sans  donner  toutefois,  à  l'ébullition,  le  miroir  de  cuivre. 
Celui-ci  d'ailleurs  ne  se  produit  pas  toujours:  il  m'a  semblé  qu'il  faut 
chauffer  doucement  et  n'élever  la  température  jusqu'à  l'ébullition  que 
très  lentement. 

J'ai  tenu  à  insister  quelque  peu  sur  cette  réaction  parce  que,  autant 
que  je  sache ,  on  ne  connaît  pas  l'or  précipité  avec  les  caractères 
extérieurs  du  cuivre  vc'est  parfois  à  s'y  méprendre)  et  parce  que, 
dans  le  système  Mendeléeff,  le  Cu,  l'Au  et  l'Ag  sont  réunis  dans  un 
même  groupe. 


;  83i } 

en  suspension  dans  une  solution  aqueuse  d'anti pyrine,  la 
couche  supérieure  de  la  poudre  rouge  pâlit  et  devient 
orange;  on  observe  qu'il  s'opère  un  phénomène  de  disso- 
lution; l'évaporation  de  cette  solution  donne  l'antipyrine 
inaltérée  avec,  dans  sa  masse,  de  petits  points  rouges 
observables  à  la  loupe;  les  parties  orangées  non  dissoutes 
par  le  lavage  redeviennent  rouges. 

J'ai  eu  recours  alors  à  l'alcool  comme  dissolvant,  et 
j'ai  mélangé  les  solutions  alcooliques  des  components, 
pris  tous  deux  dans  la  proportion  de  leurs  poids  molé- 
culaires. Le  liquide  abandonné  dans  un  ballon  fermé 
dépose  après  quelque  temps  des  cristaux  jaunes  et  rouges; 
finalement,  tous  sont  rouges.  L'iodure  mercurique  dissous 
seul  dans  l'alcool  se  comporte  exactement  de  la  même 
manière.  En  outre,  j'ai  examiné  ces  cristaux  à  l'action 
de  la  chaleur  et  je  n'ai  pas  pu  constater  la  présence  de 
l'antipyrine. 

Je  crois  bien  que  ces  laits  indiquent  qu'il  faut  renoncer 
à  préparer  l'iodure  de  mercuricum  et  d'antipyrine  par 
addition  directe. 

J'ai  essayé  ensuite  la  double  décomposition,  et  j'ai 
traité  le  chlorure  double  correspondant,  en  solution 
aqueuse,  par  l'iodure  de  potassium.  Il  se  forme  un  préci- 
pité jaune  qui  se  fonce  de  plus  en  plus  au  fur  et  à  mesure 
que  l'on  continue  l'addition  du  réactif  ;  finalement, 
il  se  sépare  de  l'iodure  de  mercure  rouge,  avec  ses  carac- 
tères ordinaires.  Cette  méthode  refuse  donc  également 
ses  services,  et  j'en  suis  réduit  à  dire  que  je  n'ai  pas 
pu  constituer  l'iodure  double  de  mercuricum  et  d'anti- 
pyrine. 


(  832  ) 


Cyanure  double  de  mercuricum  el  d'antipyrine. 

J'ai  obtenu  ce  corps,  au  commencement,  en  évaporant 
dans  le  dessiccateur  le  mélange  des  solutions  aqueuses 
des  components  pris  tous  deux  dans  la  proportion  des 
poids  moléculaires.  On  obtient  ainsi,  après  quelque  temps, 
de  beaux  prismes  clinorhombiques  transparents,  qui  peu- 
vent atteindre  jusqu'à  1  centimètre  de  longueur,  avec  un 
diamètre  (diagonale  des  angles  obtus)  de  I  millimètre. 
Toutefois,  s'il  s'agit  d'obtenir  le  produit  rapidement  et 
eu  quantité  convenable,  on  mélange  les  solutions  chaudes 
un  peu  concentrées  et,  pendant  le  refroidissement  à  l'air 
libre,  on  remue  le  liquide  avec  un  agitateur;  il  se  forme 
alors  une  abondante  cristallisation  sous  forme  de  petits 
prismes  allongés  ayant  l'aspect  d'aiguilles  ;  on  laisse 
reposer  un  peu,  on  décante  l'eau  mère  et  on  recristallise 
de  l'eau  bouillante.  La  masse  blanche  donne  de  très 
jolies  couleurs  quand  on  y  fait  jouer  la  lumière.  Séchés, 
les  cristaux  conservent  leur  parfaite  transparence.  Chautfé 
dans  le  tube,  le  corps  émet  des  vapeurs  blanches  épaisses; 
il  reste  un  charbon  abondant,  difficile  à  brider. 

Dans  l'appareil  Anschiitz-Schulte,  un  cristal  de  5  milli- 
mètres de  longueur  se  trouble  entre  160°  et  165°,  el  devient 
laiteux;  il  reste  en  cet  état  jusqu'à  224°,  température  à 
laquelle  il  fond  en  un  liquide  jaune  transparent;  il  m'a 
semblé  voir  des  vapeurs  blanches  dans  le  tube  capillaire, 
se  condensant  sur  les  parois  en  dépôt  blanc  ;  peut-être 
bien  que  le  trouble  blanc  laiteux  dont  je  viens  de  parler 
est  dû  précisément  à  la  mise  en  liberté  d'un  corps  volatil 
blanc. 


(  855  ) 

L'analyse  conduit  à  la  formule  CnHiaNgO.HgCya.  J'ai 

dosé  le  mercure  à  l'état  de  sulfure,  en  me  basant  sur  la 
propriété  du  cyanure  de  mercure  d'être  complètement 
décomposé  par  l'hydrogène  sulfuré.  Le  cyanogène  a  été 
transformé  en  cyanure  d'argent;  j'ai  pesé  l'argent  métal- 
lique après  calcination  du  cyanure.  Pour  mettre  l'acide 
cyanhydrique  en  liberté,  j'ai  employé  la  méthode  de 
Heintzsch,  qui  dose  l'HCN  du  HgCy2  en  traitant  celui-ci 
par  l'hydrogène  naissant  (acide  sulfurique  -+-  quelques 
gouttes  d'acide  nitrique  -+-  zinc  grenaille)  et  en  recueil- 
lant les  gaz  produits  dans  une  solution  aqueuse  de  nilrate 
argentique.  L'évacuation  complète  de  l'appareil  par  un 
courant  d'air  pur  demande  plusieurs  jours,  ce  qui  est  dû 
sans  doute  à  la  lenteur  de  la  réaction;  on  ne  perçoit,  en 
effet,  qu'un  très  faible  dégagement  de  gaz,  et,  au  lieu  du 
départ  tumultueux  habituel  de  l'hydrogène,  on  n'observe 
que  l'amalgamation  du  zinc,  qui  se  trouve  ainsi  soustrait 
partiellement  à  l'action  directe  de  rH2S04. 


SIBSTANCL. 

HSS. 

A-. 

0,3453 
0,2003 

0,10745 

0,1605 

Ces  résultats  exprimés  en  "/„  donnent 


Trouvé. 

Calculé. 

Hg  . 

.     .         40,13 

45,45 

CN  .     .     . 

11,29 

11,81 

LTn  courant  d'hydrogène  sulfuré,  conduit  dans  la  disso- 
lution  aqueuse   du    cyanure   double  de  mercuricum   et 


(  «34  ) 
d'antipyrine,  donne  d'abord  une  coloration  brune,  puis 
une  précipitation  noire  fine  de  sulfure  mercurique.  La 
soude  caustique,  les  cyanures  alcalins  et  l'acide  nitrique 
ne  dissolvent  le  précipité  ni  a  chaud  ni  à  froid;  à 
lébullition,  le  sulfure  se  réunit  en  grumeaux  fins  qui  se 
rassemblent  complètement  au  fond;  en  présence  de  la 
soude,  ce  phénomène  est  peu  net.  L'acide  chlorhydrique 
concentré  ne  change  pas,  à  froid,  sensiblement  l'aspect  du 
liquide  louche  tenant  le  HgS  en  suspension; mais  à  chaud, 
la  dissolution  est  complète  et  le  liquide  est  incolore, 
transparent.  Le  sulfure  de  sodium  ne  semble  pas  modi- 
fier la  précipitation;  à  chaud,  le  louche  perd  de  son  opa- 
cité; et  quand  on  ajoute  un  peu  de  soude,  la  dissolution 
est  complète  à  froid.  Tous  ces  caractères  montrent  de  la 
façon  la  plus  évidente  que  la  présence  de  l'antipyrine  ne 
modifie  en  rien  l'action  de  l'acide  sulfhydrique  sur  le 
HgCy2  inaltéré  dans  la  molécule,  que,  par  conséquent,  le 
précipité  obtenu  est  du  HgS  pur  et  qu'une  combinaison 
additionnelle  de  HgS  et  d'antipyrine  ne  se  produit  pas 
dans  ces  circonstances.  Le  sulfure  obtenu  après  acidifica- 
tion par  l'HCl  et  départ  de  la  majeure  partie  de  l'acide 
prussique,  est  également  du  HgS  pur.  Si  on  alcalinise 
par  la  NaOH,  le  précipité  noir  se  redissout  quand  on  pro- 
longe le  courant  d'hydrogène  sulfuré,  ce  qui  est  dû  évi- 
demment à  la  formation  du  sulfure  de  sodium  dans  lequel 
le  sulfure  de  mercure  est  soluble. 

La   soude,   l'ammoniaque,  le  ferrocyanure  potassique 
ne  produisent  aucun  changement,  ni  à  froid  ni  à  chaud. 

Le  peroxyde  de  sodium,  qui,  comme  on  sait,  décom- 
pose complètement  la  plupart  des  sels  de  mercure  (*), 

O  Schuyten,  Ckem.  Ztg.,  1896,  20.  25. 


(  835  ) 

avec  dépôt  du  métal  lourd,  agit  sur  le  cyanure  de  mercure 
d'une  façon  très  typique.  Après  la  réaction  (départ  vio- 
lent d'oxygène  et  d'ozone),  la  liqueur  est  jaune  et  au  fond 
de  la  capsule  en  porcelaine  on  n'observe  aucun  dépôt  ; 
quand  on  chauffe,  il  se  forme  un  précipité  gris  en  petite 
quantité  :  c'est  du  mercure  ;  si  on  fait  bouillir  le  liquide 
décanté  bien  clair,  il  se  forme  un  louche  à  peine  percep- 
tible, mais  net;  un  courant  d'hydrogène  sulfuré  y  provo- 
que immédiatement  un  précipité  noir.  La  séparation  du 
mercure  par  le  Na^O.)  est  donc  incomplète.  J'ai  tenu  à 
comparer  ces  réactions  avec  celles  qu'on  peut  observer 
avec  le  cyanure  de  mercure  traité  dans  les  mêmes  condi- 
tions :  le  peroxyde  alcalin  donne  tout  de  suite  le  dépôt 
gris,  mais  la  séparation  du  métal  est  incomplète  aussi,  car 
l'hydrogène   sulfuré    décèle  également   le  mercure    en 
abondance  dans  le  liquide  décanté.  Ces  résultats  ne  doi- 
vent  pas   trop   nous   étonner   si  nous   nous  rappelons 
que  le  HgCy2  est  une  substance  qui  se  combine  avec  la 
plus  grande  facilité  aux  sels  les  plus  divers;   puisque 
l'oxygène  et  l'ozone,  à  l'état  naissant,  sont  capables  de 
mettre  une  partie  du  mercure  en  liberté,  du  cyanogène 
devient  libre  aussi  et  se   combine  au  Na  détaché  du 
superoxyde;  ce  nouveau  cyanure  peut  se  combiner  au 
HgCy2  (*);  il  devient  donc  probable  qu'il  se  forme  un 
cyanure  double  ou  triple  très  complexe,  empêchant  toute 
précipitation  métallique  ultérieure,  d'autant  plus  que  la 
soude  caustique,  même  bouillante,  n'altère  ni  le  cyanure 
mercurique  ni  les  cyanures  doubles  que  celui-ci  peut  con- 
tracter. 


O  Gmelin  a  décrit  entre  autres  HgCy2.  2KCy. 


(  836  ) 

Le  chlorure  stanneux ,  en  solution  chlorhydrique , 
donne  un  précipité  blanc  devenant  gris,  puis  noir;  il  est 
composé  d'un  mélange  d'étain  et  de  mercure;  en  effet, 
quand  on  lave  le  dépôt,  qu'on  le  sèche  prudemment  et 
qu'on  le  chauffe  ensuite,  on  obtient  un  miroir  de  mercure; 
il  reste  un  petit  résidu  grisâtre,  en  faible  quantité,  qui  ne 
peut  être  que  de  l'élain. 

L'iodure  de  potassium  ne  donne  rien  non  plus  quand 
on  chauffe;  si  l'on  acidifie  par  l'acide  chlorhydrique 
étendu,  le  liquide  jaunit  légèrement  et,  après  refroidisse- 
ment, il  se  forme  un  dépôt  blanc  jaunâtre. 

Un  élément  galvanique  (Sn  -f-  Pt)  plongé  dans  la  solu- 
tion acidulée  par  l'acide  chlorhydrique,  sépare  du  mer- 
cure en  partie  dans  le  fond  du  vase,  en  partie  sur  la  lame 
de  platine. 

Une  goutte  de  la  solution  aqueuse,  déposée  sur  une 
lame  de  cuivre  bien  décapée,  produit  après  peu  de  temps 
une  tache  noire,  qui,  après  lavage  et  séchage,  ne  s'enlève 
point  quand  on  la  frotte  avec  un  papier  buvard. 

Les  acides  provoquent  un  dégagement  d'acide  cyanhy- 
drique,  et  il  m'a  semblé  que  c'est  l'acide  chlorhydrique 
qui  amène  la  décomposition  la  plus  complète,  ce  qui 
répondrait  aux  résultats  publiés  par  P.-C.  Plùgge  (*)  au 
sujet  de  la  décomposition  du  cyanure  de  mercure  par  les 
acides. 

Le  nitrate  argentique  ne  donne  pas  tout  de  suite  un  pré- 
cipité; il  se  forme  d'abord,  après  quelques  minutes,  un 
louche  blanc  bleuâtre  qui  ne  s'accentue  que  très  peu  à 
froid  et  à  chaud  ;  si  l'on  ajoute  un  peu  d'acide  nitrique,  il 


O  Plugge,  Ztschr.  anal.  Chem.,  18,  408. 


(  857  ) 

disparait  immédiatement.  Le  louche  produit  n'est  donc 
pas  simplement  du  A.gCy. 

Le  mélange  de  sulfate  ferreux  -+-  chlorure  ferrique, 
acidifié  par  quelques  gouttes  d'acide  chlorhydrique,  ne 
produit  rien;  on  observe  seulement  que  le  sel  ferrique 
tend  à  se  décolorer;  l'addition  de  NaOH  fait  apparaître 
un  précipité  floconneux,  dense,  vert  foncé,  qui  se  dissout 
complètement  dans  l'acide  chlorhydrique  et  ne  laisse  pas 
d'emblée  du  bleu  de  Prusse  insoluble;  il  y  a  dégagement 
d'acide  prussique  et  le  liquide  vert-herbe  se  trouble  sen- 
siblement; le  lendemain,  il  s'est  formé  un  dépôt  bleuâtre 
pâle. 

L'acide  picrique,  à  chaud,  ne  donne  aucune  coloration. 

L'hyposulfite  de  soude,  à  la  boucle  de  platine,  mélangé 
au  composé  à  la  façon  ordinaire,  forme  un  sulfocyanure 
reconnaissable  à  son  action  sur  les  sels  ferriques. 

Quelques  gouttes  de  la  solution  aqueuse  ajoutées  à  une 
solution  d'iodure d'amidon  acidifiée  par  l'acide  sulfurique, 
décolorent  celle-ci  immédiatement. 

L'hydrogène  sulfuré  chasse  tout  l'HCy  du  cyanure  dou- 
ble, soit  que  celui-ci  se  trouve  dissous  ou  en  suspension 
dans  l'eau. 

J'ai  pu  caractériser  le  noyau  antipyrique  inaltérable 
par  ses  réactifs  ordinaires. 

L'acide  nitrique  concentré  donne  une  coloration  rouge 
un  peu  plus  tardive  qu'à  l'ordinaire  et  après  refroidisse- 
ment elle  s'affaiblit  lentement. 

La  production  de  la  coloration  verte  sous  l'influence  de 
l'acide  nitreux  (KN02  ■+-  C2H4O2)  est  favorisée  par  le 
chauffage  et  l'agitation,  mais  n'apparaît  pas  immédiate- 
ment; il  est  aisé  de  s'imaginer  que  l'HCy  libéré  n'est  pas 
étranger  au  phénomène. 

5me    SÉRIE,    TOME    XXXIII.  55 


(  838  ) 

Il  existe  maintenant  encore  quelques  réactions  qui  sont 
propres  à  la  molécule  HgCy2  et  que  j'ai  examinées  aussi. 

Quand  on  verse  une  solution  aqueuse  de  chlorure  de 
chaux  du  commerce  dans  une  solution  aqueuse  du  cya- 
nure mercurique,  il  se  produit  au  hout  de  quelques 
secondes  un  trouble  laiteux  accompagné  d'une  très  vive 
effervescence;  d'après  les  auteurs,  il  y  a  mise  en  liberté 
et  départ  violents  de  CN  •+-  N  -+-  C02.  Dans  la  solution 
aqueuse  du  cyanure  double  de  mercuricum  et  d'antipy- 
rine,  rien  de  semblable:  le  liquide  reste  clair,  il  n'y  a 
pas  d'effervescence,  donc  pas  de  départ  de  gaz;  je  n'ai  pu 
obtenir  aucune  bulle;  le  liquide  regardé  de  haut  en  bas 
apparut  jaune  clair. 

Le  brome,  ajouté  au  cyanure  mercurique  solide,  attaque 
fortement  ce  composé,  surtout  si  on  encourage  la  réac- 
tion par  une  chaleur  même  modérée;  l'addition,  après 
quelques  instants,  de  quelques  gouttes  de  soude  caus- 
tique, produit  encore  une  vive  réaction  avec  formation  de 
HgO  jaune.  Le  brome  chasse  donc  le  Cy  du  HgCy2.  J'ai 
observé  qu'il  en  est  de  même  pour  le  cyanure  double 
organique;  seulement,  il  se  forme  à  la  surface  du  liquide 
qui  tient  l'oxyde  jaune  en  suspension  une  huile  rouge 
qui  se  solidifie  bientôt  et  est  composée  surtout  de  bro- 
mure d'antipyrine. 

L'iode  mis  en  présence  de  HgCy2  colore  celui-ci  en 
rouge.  Si  on  triture  HgCy2  -+-  T,  on  obtient  une  poudre 
rouge  homogène  qui,  chauffée,  redevient  blanche  sans 
émettre  des  vapeurs  d'iode;  mais  bientôt  il  se  sublime  de 
l'iodure  mercurique  jaune  et  rouge.  L'iode  chasse  donc, 
comme  le  Br,  le  Cy  du  HgCy2  (Davy).  Si  on  fait  les 
mêmes  opérations  avec  le  cyanure  double  de  mercuricum 
et  d'antipyrine,   on  obtient   par  le  triturage  une  masse 


(  859  ) 
jaune-brun  pins  ou  moins  collante,  qui,  chauffée,  donne 
d'abord  une  belle  sublimation  blanche  floconneuse,  en 
aiguilles,  d'une  odeur  pénétrante  très  forte  (j'ai  pu  carac- 
tériser Cyl),  puis  des  vapeurs  diode,  puis  un  résidu  char- 
bonneux. J'ai  donc  assisté  à  ce  phénomène  curieux  que 
l'iode,  en  présence  du  noyau  antipyrique,  a  plus  d'affi- 
nité pour  le  cyanogène  que  pour  le  mercure,  et  le  lait 
qu'il  se  forme  des  vapeurs  d'iode  après  la  sublimation 
du  Cyl,  semble  prouver  qu'il  s'était  produit  aussi  de  l'io- 
dure  d'antipyrine. 

Il  se  trouve  indique  et  il  est  généralement  admis 
(d'après  Johnston  et  Schlieper)  que  le  cyanure  mercu- 
rique  dissout  l'oxyde  correspondant  en  quantité  considé- 
rable; j'ai  pu  constater  que  cela  est,  en  effet,  le  cas  pour 
l'oxyde  jaune,  tandis  que  l'oxyde  rouge  se  montre,  au 
contraire,  très  rebelle  à  la  dissolution  dans  le  HgCy2.  (I 
en  est  de  même  pour  C^H^NgO.HgCyâ. 

Appendice. 


L'ensemble  des  faits  qui  précèdent  permet  de  donner 
;i  cette  nouvelle  série  de  combinaisons  la  formule  de 
constitution  générale  suivante  : 


dans  laquelle  R'  représente  le  résidu  halogénique  mono- 
valent. Le  mercure,  élément  mono-  ou  divalenl  suivant 
les  cas,  se  combine  à  l'antipyrine  à  l'état  maximum  et  con- 


(  840  ) 

tracte  des  combinaisons  dans  lesquelles  le  noyau  mercu- 
rique  semble  rester  en  son  état  primitif,  bien  que  cer- 
taines réactions  indiquées  dans  les  pages  qui  précèdent 
ne  répondent  nullement  aux  réactions  des  sels  mercu- 
riques.   Mais  il   y  a   plus.  Pourquoi  l'atome  métallique, 
dans  ses  combinaisons  additionnelles,  ne  fixe-t-il  pas  un 
nombre  de  molécules  antipyriques  en  rapport   avec  sa 
valence?  Nous  savons  que  les  composés  du  zinc  (Van 
Itallie)  et  du  cadmium  (Schuyten)  fixent  deux  noyaux  de 
base,  et  ceux  du  ferricum  (Hasse-Schuyten),  trois.  Dans 
les  combinaisons  des  sels  mercuriques  avec  l'antipyrine, 
le  phénomène  se  présente  donc  comme  si  le  métal  pas- 
sait au  minimum,  ou  mieux  peut-être  comme  s'il  perdait 
en  partie  de  ses  propriétés  d'élément  maximum;  qui  sait 
s'il   ne  prend  pas  une  position  intermédiaire  entre  les 
deux  états  de  saturation  habituels?  Et  ce  qui  semble  don- 
ner quelque  poids  à  cette  manière  de  voir,  c'est  le  fait 
que  le  calomel   refuse  de  s'additionner  à  la  phényldimé- 
thylpyrazolône;  il  donne  le  chlorhydrate  de  cette  base, 
du  sublimé,  de  l'oxyde  de  mercure  et  du  mercure  (*).  Le 
passage  de  l'état  maximum  à  l'état  minimum  incomplet 
pourrait  se  représenter  graphiquement  comme  je  viens 
de  le  faire  dans  le  dessin  ci-dessus:  un  des  atomes  d'ha- 
logène quitterait  l'atome  métallique  auquel  il  se  trouve 
lié  par  aflinité  et   irait  se  porter  sur  l'atome  N  qui  fixe 
déjà  la  moitié  des  valences  du  mercure;  l'azote  méthy- 
lique  groupant  ainsi  dans  la  sphère  de  son  activité  deux 
éléments  à  caractères  électriques  opposés,   me  semble 
donner  l'image  de  la  possibilité  du  principe  que  j'avance. 


0  Wekner,  Pharm.  Ztg.,  1896,  41,  395. 


(  841   ) 

à  savoir  :  qu'i/  existe  un  étal  de  saturation  intermédiaire 
cuire  l'étal  maximum  et  l'état  minimum  des  combinaisons  du 
mercure  et  qu'elles  affectent  cet  état  intermédiaire  dans  leurs 
combinaisons  arec  l'antipyrine.  Je  pourrais  l'exprimer 
encore  d'une  autre  façon,  en  disanl  que  les  forces  dyna- 
miques que  l'antipyrine  est  capable  de  déployer  en  pré- 
sence d'un  sel  métallique  HgR'9  provoquent  dans  la 
construction  moléculaire  de  celui-ci  un  ébranlement  tel 
que  la  solidité  du  groupement  atomique  se  trouve  par- 
tiellement entamée;  ce  qui  permet  de  conclure  que  plus 
la  combinaison  mercurique  est  forte  (stable),  plus  elle 
sera  difficilement  disloquée  par  le  corps  avec  lequel  elle 
peut  contracter  une  addition.  On  mesure  la  force  de  com- 
binaison par  le  nombre  de  calories  qu'une  combinaison 
dégage  ou  absorbe  lors  de  sa  formation  et  on  a  coutume 
de  dire  que  la  chaleur  dégagée  et  absorbée  est  en  raison 
inverse  de  la  solidité  de  la  construction  moléculaire.  Si 
l'on  écrit 

Pb  -+-  I,  =  PbL,  -+-  52,8  cal., 

on  veut  dire  que  l'énergie  de  l'iodure  de  plomb  est  de 
52,8  calories  plus  petite  que  la  somme  des  énergies  des 
components.  Il  est  par  conséquent  possible  de  comparer 
entre  elles  les  stabilités  de  plusieurs  composés  d'une 
même  série,  et  de  dire  d'avance  lequel  aura  le  plus  de 
facilité  à  se  combiner,  additionnellement  par  exemple, 
à  un  corps  quelconque;  ce  sera  celui  qui  aura  subi  la  plus 
grande  perte  d'énergie,  qui  possède  la  plus  forte  chaleur 
de  formation;  en  effet,  ce  sera  ce  composé-là  dont  le 
groupement  atomique  pourra  le  plus  aisément  se  modi- 
fier sous  une  influence  extérieure  (addition,  réaction, 
fusion,  dissolution).  Appliquons  ces  raisonnements  aux 


(  842  ) 
composés  qui  forment  l'objet  de  la  présente  étude.  Nou* 


avons 


Hg 

-*- 

Clâ 

= 

HgCL 

-+- 

62,8 

Cil 

Hg 

■+■ 

Bi\ 

HgBr.. 

•+■ 

59,8 

■ 

Hg 

-+■ 

h 

HgU 

■+■ 

44,8 

0 

(rouge 

"g 

-+■ 

U 

Hgl. 

■4- 

41,8 

» 

(jaune] 

Ce  tableau  montre  que  le  composé  mercurique  qui  a 
conservé  le  plus  d'énergie,  qui  résistera  donc  le  mieux  à 
l'ébranlement  moléculaire,  se  trouve  être  l'iodure,  qui 
précisément  ne  se  combine  pas  à  l'antipyrine.  J'ose 
presque  dire  que  la  vitesse  de  combinaison  des  composés 
halogènes  du  mercuricum  avec  cette  base,  diminue  gra- 
duellement du  chlorure  à  l'iodure,  et  que  l'iodure  jaune 
est  encore  plus  rebelle  que  l'iodure  rouge.  Peut-être  bien 
qu'un  jour  je  réussirai  à  réunir  des  preuves  expérimen- 
tales à  ce  sujet. 

Le  cyanure  de  mercure,  que  quelques  chimistes  rangent 
dans  cette  série  de  composés,  semble  se  soustraire  à  l'ap- 
plication de  ces  principes.  On  a  : 

Hg  -»-  Cy2  =  HgCy,  -+-  23,8  cal., 

c'est-à-dire  que  ce  composé  se  combinerait  plus  difficile- 
ment encore  à  l'antipyrine  que  l'iodure;  c'est  le  contraire 
qui  a  lieu.  Mais  si  le  cyanogène  a  des  analogies  avec  les 
halogènes  au  point  de  vue  analytique,  au  point  de  vue  de 
la  chimie  pure,  ce  groupe  n'est  comparable  ni  au  Cl,  ni 
au  Br,  ni  à  l'I.  Il  était  donc  tout  indiqué  de  ne  pas  pou- 
voir appliquer  les  raisonnements  précédents  à  la  façon 
dont  se  comporte  le  cyanure  de  mercuricum  vis-à-vis  de 
l'antipyrine. 

Anvers.  Laboratoire  privé.  Avril  1897. 


(  843  ) 


Notice  sur  un  appareil  permettant  de  tailler  un  cristal 
suivant  une  direction  déterminée,  et  sur  une  méthode  de 
tailler  des  plaques  à  faces  parallèles;  par  le  Dr  F.  Stober, 
répétiteur  à  l'Université  de  Gand. 

Tout  cristallographe  qui  s'est  occupé  de  recherches  sur 
les  propriétés  physiques  des  cristaux,  et  notamment  de 
l'étude  de  leurs  propriétés  optiques,  aura  reconnu  la 
nécessité  d'avoir  à  sa  disposition  un  appareil  simple  et 
facile  à  manier,  qui  permît  d'opérer  la  section  des  cris- 
taux suivant  une  orientation  donnée. 

Nous  n'en  voulons  pour  preuve  que  les  nombreuses 
tentatives  de  divers  savants  pour  construire  un  appareil 
satisfaisant  à  ces  conditions.  Nous  connaissons  en  effet, 
en  nous  bornant  à  citer  les  auteurs  qui  sont  parvenus  à 
une  solution  plus  ou  moins  heureuse  du  problème,  les 
descriptions  d'appareils  données  par  MM.  Rauff,  Fuess, 
Wùlfing,  Tutton,  Halle  (*). 


(*)  Rauff.  Ueber  eine  verbesserte  Steinschneidemaschine  sowie  ïiber 
einen  von  M.  Wofc  in  Bonn  construirten,  damit  verbundenen  Schleif- 
apparat  zur  Herstelhcng  gênait  orientirter  Krystallplatten.  (Neues 
Jahrb.  f.  Min.,  etc.,  1888.  t.  IL) 

Fuess,  Ueber  eine  Orientirungsvorrichtung  zum  Schneiden  und 
Schleifen  von  Mineralien  in  bestimmten  Richtungen.  (Neues  Jahrb. 

f.  Min.,  etc.,  1889,  t.  II.) 

Wulfing,  Ueber  einen  Apparat  zur  Herstellung  von  Krystallschlif- 
fen  in  orientirter  Lage.  (Zeitschr.  f.  Kryst.,  etc.,  1890.) 

Tutton,  Ueber  ein  Instrument  zum  Schleifen  von  genau  orientirten 


(  844  ) 

On  trouvera  dans  les  recueils  cités  en  note  tous  les 
renseignements  relatifs  à  la  construction  de  ces  appa- 
reils; aussi  ne  nous  attarderons-nous  pas  à  leur  descrip- 
tion. Qu'on  nous  permette  seulement  de  faire  ressortir 
les  raisons  pour  lesquelles  l'usage  de  ces  appareils  ne 
s'est  pas  généralisé  dans  les  laboratoires  de  minéralogie  : 
précisons,  à  cet  effet,  les  conditions  auxquelles  doit 
répondre  un  appareil  de  ce  genre  pour  être  vraiment 
utile  et  pratique.  Il  faut  :  1°  qu'il  donne  des  résultats 
suffisamment  exacts;  2°  que  les  faces  obtenues  soient  par- 
faitement planes;  5°  qu'il  permette  de  tailler  des  cristaux 
relativement  très  petits;  4°  que  l'appareil  soit  commode 
et  d'un  maniement  facile.  Les  dispositifs  imaginés  par  les 
auteurs  cités  plus  haut,  si  ingénieux  que  soient  plusieurs 
d'entre  eux,  ne  réunissent  pas  toutes  les  qualités  voulues 
pour  satisfaire  à  ces  diverses  conditions. 

L'appareil  de  M.  Rauff,  qui  s'adapte  à  la  grande  machine 
à  tailler  les  roches  construite  par  la  maison  Max  Wolz  à 
Bonn,  ne  peut  servir  que  quand  il  s'agit  de  polir  une 
face  parallèle  ou  perpendiculaire  à  une  autre  face,  ou 
quand  la  face  à  tailler  tronque  l'arête  formée  par  deux 
faces  déjà  existantes.  D'autre  part,  cet  appareil  ne  peut 
être  employé  que  pour  des  cristaux  assez  volumineux, 
parfois  difficiles  à  trouver;  il  en  résulte  que  son  usage 
est  nécessairement  fort  restreint. 

L'appareil  de  M.  Fuess  est  à  la  fois  plus  pratique  et  plus 
précis;  il  s'adapte  à  la  petite  machine  à  tailler  les  roches 


Platten  und  Prismen  kiïnstlictier  Krystalle.  (Zeitschrift  f.  Kryst., 

etc..  1895  und  1896) 

Halle,    Ein    muer    Handschleif apparat    fur    Krystallpriiparate. 
(Neues  Jahrb.  f.  Min.,  etc.,  1896,  t.  11.) 


(  845  ) 

mise  en  vente  par  le  même  constructeur,  et  permet  de 
tailler  les  cristaux  dans  tous  les  sens,  par  l'emploi  de 
trois  mouvements  de  rotation  perpendiculaires  l'un  sur 
l'autre.  Pourtant,  il  serait  difficile  de  tailler,  à  l'aide  de 
cet  appareil,  des  cristaux  qui  n'atteignent  pas  une  cer- 
taine grosseur;  et  cet  inconvénient  réduit,  dans  beaucoup 
de  cas,  la  portée  pratique  de  ce  dispositif. 

M.  Tutton  a  été  amené  par  ses  travaux  bien  connus  sur 
les  propriétés  cristallographiques  des  sulfates  isomorpbes, 
à  faire  construire  un  instrument  permettant  de  tailler  des 
laces  parfaitement  planes  et  dont  l'orientation  est  exacte 
à  quelques  minutes  près.  Cet  instrument  d'une  précision 
remarquable,  mais  qui  ne  peut  servir  que  pour  des  cris- 
taux artificiels  de  faible  dureté,  a  été  modifié  plus  tard 
de  manière  à  pouvoir  être  utilisé  pour  des  cristaux  d'une 
dureté  plus  considérable,  et  à  permettre  même  de  section- 
ner un  cristal  dans  une  direction  donnée.  D'après  l'auteur, 
cet  appareil  est  fort  commode  et  donne  de  très  bons  résul- 
tats; mais  par  contre,  il  est  très  compliqué  et  par  consé- 
quent probablement  très  coûteux,  ce  qui  l'empècbera, 
nous  semble-t-il,  de  s'introduire  dans  les  laboratoires  de 
minéralogie. 

M.  Halle  a  construit  tout  récemment  un  appareil  qui  a 
l'avantage  de  permettre,  pendant  l'opération,  un  contrôle 
relatif  à  l'orientation  de  la  face  à  polir;  mais  le  degré 
d'exactitude  que  donnent  les  deux  mouvements  de  rota- 
tion perpendiculaires  à  l'aide  desquels  on  oriente  le  cris- 
tal, n'atteint  que  dix  degrés  dans  le  sens  de  l'un  de  ces 
mouvements,  et  un  degré  dans  l'autre.  Il  sera  toujours 
fort  difficile,  croyons-nous,  d'obtenir  des  résultats  relati- 
vement exacts  à  l'aide  de  cet  appareil,  et  son  emploi  ne 
peut   être  avantageux  que  dans  les  cas  où  il  n'est  pas 


(  846  ) 

nécessaire  d'atteindre  une  grande  exactitude  dans  l'orien- 
tation de  la  face  à  tailler. 

Aucun  de  ces  appareils  ne  peut  être  mis  en  comparaison 
avec  celui  qui  a  été  décrit  par  M.  Wûlfing  ;  cet  appareil, 
le  plus  simple  et  le  plus  ingénieux  de  tous  ceux  que  l'on 
a  construits  pour  l'usage  dont  il  s'agit,  donne,  d'après 
les  expériences  de  l'auteur,  une  exactitude  pour  ainsi  dire 
parfaite;  les  angles  formés  par  la  face  artificielle  ne 
s'écartent  que  de  3  à  4  minutes,  tout  au  plus,  de  ceux  qui 
ont  été  trouvés  par  le  calcul.  On  atteint  donc,  pour  ainsi 
dire,  la  dernière  limite  de  l'exactitude  par  l'emploi  de  cet 
instrument;  il  n'a  qu'un  seul  inconvénient,  qui  semble 
du  reste  avoir  frappé  l'auteur  lui-même  :  c'est  que  l'usage 
de  ce  petit  appareil  exige  au  préalable  une  série  d'opé- 
rations géométriques  et  parfois  même  quelques  tâton- 
nements qui,  à  la  vérité,  ne  diminuent  en  rien  son  utilité 
pratique,  mais  demandent  du  temps  et  nuisent  à  la  rapi- 
dité de  l'opération  ;  c'est  probablement  cet  inconvénient 
qui  a  empêché  les  cristallographes  de  faire  un  usage 
général  de  cet  appareil. 

On  voit  par  ce  qui  précède  que  le  problème  de  trouver 
un  dispositif  réellement  pratique  et  d'une  exactitude  suffi- 
sante n'est  pas  résolu. 

Dans  beaucoup  de  cas,  on  doit  recourir  encore  au  pro- 
cédé de  Nôrremberg,  qui  consiste  à  donner  au  cristal 
une  orientation  approximative  en  le  serrant  entre  deux 
morceaux  de  liège,  au  travers  desquels  on  passe  quelques 
épingles  pour  les  maintenir  en  place. 

Il  est  vrai,  d'autre  part,  qu'en  beaucoup  de  cas  on  peut 
se  passer  de  tailler  des  plaques  orientées,  grâce  à  l'ingé- 
nieuse méthode  de  Klein,  en  plongeant  le  cristal  à  étudier 
dans  un  milieu  dont  l'indice  de  réfraction  est  à  peu  près 


(  847  ) 
égal  à  l'indice  moyen  du  cristal.  Cependant  il  y  a  des  cas, 
notamment  quand  il  s'agit  de  déterminations  très  pré- 
cises, où  il  devient  indispensable  de  tailler  des  plaques  et 
des  prismes  orientés;  il  ne  sera  donc  pas  inutile  de 
décrire  ici  un  dispositif  que  nous  avons  imaginé  récem- 
ment et  qui  nous  a  déjà  rendu  de  réels  services. 

Le  principe  de  ce  dispositif  repose  sur  le  fait  qu'une 
face  est  déterminée  quand  on  connaît  son  inclinaison  sur 
un  plan  donné  et  une  droite  contenue  dans  ce  plan  et  par 
laquelle  passe  la  face  considérée.  La  droite  située  dans  le 
plan  donné  peut  être  une  arête  formée  par  un  second 
plan,  une  ligne  de  clivage,  une  trace  de  macle,  etc. 


fy* 


La  ligure  i  donne,  en  réduction,  un  croquis  de  notre 
petit  appareil;  comme  sa  construction  est  facile  à  com- 


(  848  ) 
prendre,  nous  pouvons  nous  borner  à   des  indications 
sommaires. 

P  est  un  prisme  creux  en  cuivre,  à  base  équilatérale  et 
à  faces  bien  planes;  sa  hauteur  est  de  9  centimètres  et  sa 
base  mesure  5  centimètres  de  côté  environ.  Deux  plaques 
de  verre  rectangulaires  sont  fixées  sur  deux  des  faces  de  ce 
prisme  à  l'aide  de  baume  du  Canada;  l'une  d'elles,  V,, 
mesurant  à  peu  près  5  centimètres  de  largeur  sur  9  cen- 
timètres de  hauteur,  est  placée  de  manière  qu'un  de 
ses  longs  côtés  coïncide  exactement  avec  une  arête  A  du 
prisme;  cette  plaque  garde  la  même  position  dans  tous 
les  essais,  tandis  que  l'autre  plaque,  V2,  qui  a  la  forme 
d'un  carré  de  9  centimètres  de  côté,  peut  être  déplacée 
perpendiculairement  aux  arêtes  du  prisme.  L'angle  a  du 
prisme,  correspondant  à  l'arête  A  formée  par  les  deux 
faces  sur  lesquelles  s'appliquent  les  plaques  de  verre,  est 
mesuré  au  goniomètre  une  fois  pour  toutes;  en  outre,  on 
détermine  aussi  exactement  que  possible  la  largeur  de  la 
plaque  V4. 

Pour  expliquer  le  fonctionnement  de  l'appareil,  suppo- 
sons qu'il  s'agisse  de  polir  une  face  donnée  X  sur  un 
cristal  terminé  par  deux  faces  M  et  N  dont  la  position  est 
connue  et  qui  se  coupent  suivant  une  arête  réelle  q;  on 
commence  par  calculer  l'angle  y  formé  par  la  face  X  et 
l'une  des  deux  faces  M  et  N,  M  par  exemple,  ainsi  que 
l'angle  <J>  que  l'arête  q  fait  avec  la  trace  de  X  sur  la  face  M. 
On  détermine  ensuite  la  longueur  du  côté  c  par  la  résolu- 
tion du  triangle  plan  ABC  (fig.  1)  dont  on  connaît  le  côté  b 
et  les  angles  a  et  y;  cela  fait,  on  trace  sur  la  plaque  V2  une 
ligne  marquant  la  largeur  c  et  on  déplace  cette  plaque 
jusqu'à  ce  que  ladite  ligne  coïncide  avec  l'arête  A  du 
prisme.  On  voit  que  le  plan  passant  par  les  longs  côtés 


(  849  ) 

non  contigus  des  plaques  \\  et  V2  forme  alors  avec  le 
plan  V(  un  angle  A.CB  égal  à  y,  et  il  ne  reste  qu'à  fixer 
la  face  M  du  cristal  sur  la  plaque  V,  et  qu'à  le  faire 
tourner  autour  de  la  normale  de  celle  lace  jusqu'à  ce  que 
l'arête  7  forme  avec  le  bord  de  Y,  l'angle  <\>  donné  par 
le  calcul.  Ces  opérations  étant  exécutées,  le  cristal  est 
oriente;  on  n'a  plus  qu'à  placer  l'appareil  de  manière 
que  les  bords  non  contigus  des  plaques  de  verre  repo- 
sent sur  une  plaque  bien  plane  de  verre  ou  de  fer,  et  à 
user  le  cristal  à  l'émeri  jusqu'à  ce  que  le  bord  libre  de  V! 
touche  la  plaque  à  émeri  (*).  Pour  éviter  d'user  le  bord 
de  Vo,  il  est  utile  de  placer  une  feuille  de  papier  à  l'en- 
droit où  ce  bord  porte  sur  la  plaque  à  émeri,  jusqu'au 
moment  où  le  bord  de  V(  vient  en  contact  avec  elle. 

Abstraction  faite  des  mesures  préliminaires  et  du 
calcul  déterminant  la  position  de  la  face  à  tailler,  l'instal- 
lation de  l'appareil  consiste  donc  en  deux  opérations  : 
I"  déplacement  convenable  de  la  plaque  V,,  et  2°  orien- 
tation du  cristal  sur  Vt. 

La  première  de  ces  opérations  se  fait  sans  aucune 
difficulté  :  après  avoir  tracé  sur  V2,  aussi  exactement  que 
possible,  la  ligne  indiquant  la  largeur  c,  on  fixe  cette 
plaque  sur  le  prisme  au  baume  de  consistance  moyenne. 
Pour  faciliter  le  maniement  de  l'appareil,  il  est  bon  de 


(')  Nous  avons  remarqué  que  lorsqu'on  opère  sur  des  cristaux  de 
faible  dureté,  il  est  utile  de  remplacer  l'émeri  par  la  poudre  qu'on 
obtient  en  frottant  un  morceau  de  coticule  sur  une  plaque  de  verre 
dépoli;  cette  poudre  convient  surtout  pour  l'achèvement  des  faces  : 
elles  sont  plus  lisses  et  se  laissent  polir  plus  facilement  que  lors- 
qu'elles ont  été  usées  à  l'émeri,  dont  le  grain  est  rarement  uniforme. 


(  850  ) 

passer  dans  le  creux  du  prisme  un  morceau  de  bois 
triangulaire  et  de  placer  V2  à  plat  sur  une  plaque  métal- 
lique qu'on  chauffe  doucement  jusqu'au  ramollissement 
du  baume;  l'ajustage  de  V2  s'opère  alors  avec  une  grande 
précision. 

La  seconde  opération  n'est  pas  plus  difficile;  on  peut 
s'y  prendre  de  différentes  manières,  selon  le  degré 
d'exactitude  que  l'on  veut  atteindre.  La  meilleure 
méthode  consiste  à  se  servir  du  microscope;  il  est  néces- 
saire pour  cela  que  la  platine  rotative  du  microscope  soit 
inunie  d'une  vis  d'arrêt  et  possède  deux  mouvements  de 
translation  perpendiculaires;  il  faut  aussi  que  les  angles 
de  rotation  puissent  être  mesurés  avec  une  exactitude 
suffisante  (trois  minutes  au  moins).  On  commence  par 
coller  le  cristal  sur  la  plaque  \{  suivant  une  orientation 
approximative,  avec  du  baume  convenablement  bouilli; 
on  fixe  ensuite  l'appareil  à  l'aide  de  deux  ressorts,  en 
couchant  la  plaque  Vt  sur  la  platine  du  microscope,  puis 
on  amène  le  bord  libre  de  Vj  en  coïncidence  avec  le  fil 
transversal  du  réticule;  après  avoir  noté  la  position  de  la 
platine,  on  la  fait  tourner,  de  l'angle  j>,  dans  le  sens 
déterminé  et  on  la  fixe.  Il  ne  reste  qu'à  ramollir  le  baume 
du  Canada  d'une  façon  convenable  et  qu'à  rectifier  la 
position  du  cristal  jusqu'à  coïncidence  parfaite  de  son 
arête  q  avec  le  fil  transversal.  Il  va  de  soi  que  l'axe  de 
rotation  de  la  platine  doit  coïncider  avec  l'axe  du  micro- 
scope, et  que,  au  besoin,  on  aura  recours  aux  mouvements 
de  translation  pour  pouvoir  procéder  à  l'orientation  de 
l'arête  q,  tout  en  donnant  au  cristal  une  position  telle 
qu'il  soit  possible  de  le  tailler  sur  une  étendue  conve- 
nable. 


(  831  ) 

Le  ramollissement  du  baume  peut  être  obtenu  par  la 
plupart  des  dispositifs  qui  servent  à  chauffer  des  prépa- 
rations sous  le  microscope.  On  peut  employer  à  cet  effet 
la  flamme  d'un  chalumeau  convenablement  fixe  à  une 
tige  verticale  et  que  l'on  place,  par-dessous,  dans  l'ouver- 
ture de  la  platine  dont  on  a  enlevé  les  appareils  d'éclai- 
rage et  de  polarisation  ;  mais  il  faut  que  la  pointe  du  cha- 
lumeau  soit  très  tine  et  sa  courbure  assez  faible,  afin 
que  la  petite  flamme  soit  stable  et  puisse  être  réduite  à 
volonté;  une  flamme  grosse  comme  une  tête  d'épingle 
suflit  amplement. 

Cette  méthode  d'orientation  du  cristal  atteint  une  très 
grande  exactitude,  pour  autant  que  le  bord  de  VL  et 
l'arête  q  soient  suffisamment  nets.  Ainsi,  par  exemple, 
ayant  donné  d'après  cette  méthode  une  orientation 
<{,  =  39°  2',S  sur  un  porte-objet  stauroscopique  (P.  Groth) 
à  l'une  des  arêtes  d'un  petit  solide  de  clivage  de  calcite, 
nous  avons  trouvé,  après  coup,  au  goniomètre  les  valeurs 
suivantes  (voir  figure  2)  : 


«':  6=  74°  55';     6:c  =  4l°27'; 


c  =  90«; 


f.9 


les  faces  supérieures  du  verre  et  du  cristal  coïncidaient 


(  852  ) 
parfaitement;    ces   mesures    prouvent  que  l'orientation 
réellement  obtenue  était  de  39°5'. 

L'appareil  disposé  comme  l'indique  la  figure  permet 
de  tailler  des  cristaux  sous  des  angles  y,  à  partir  d'envi- 
ron 50°;  pour  des  angles  y  inférieurs  à  50°,  on  fait  glisser 
la  plaque  V2  ainsi  que  l'indique  la  figure  5;  le  cristal  se 
place  alors  sur  la  face  inférieure  de  V,. 


jy-s 


Quant  à  l'approximation  qu'on  peut  atteindre  à  l'aide 
de  notre  appareil,  on  comprend  qu'elle  dépend  essentiel- 
lement de  l'exactitude  avec  laquelle  s'opèrent  l'orienta- 
tion du  cristal  et  la  mesure  de  la  largeur  des  plaques  V, 
et  V2;  il  faut  aussi  que  les  faces  du  prisme  et  des  plaques 
\\  et  V2  soient  bien  planes,  et  qu'en  outre  les  bords  de  ces 
plaques  qui  sont  parallèles  aux  arêtes  du  prisme  soient 
parfaitement  droits  et  nets.  Pourtant,  lorsqu'on  ne 
recherche  pas  une  exactitude  absolue,  on  peut  couper  les 
plaques  Vj  et  V2  dans  du  verre  ordinaire  et  les  user  con- 
venablement sur  une  meule  à  émeri  suffisamment  plane: 


v  853  ) 

il  suffit  alors  de  mesurer  les  largeurs  à  l'aide  d'une 
petite  règle  divisée  en  demi-millimètres,  ce  qui  permet 
d'atteindre  par  estimation  une  approximation  d'un  déci- 
millimètre  à  peu  près;  pour  un  appareil  présentant  les 
dimensions  indiquées  plus  haut,  une  incorrection  de  l/10 
de  millimètre  dans  la  position  de  la  plaque  Vç>  se  traduit 
par  une  erreur  de  20'  environ  dans  l'inclinaison  de  la 
face  à  tailler  sur  la  face  donnée  M. 

Pour  nous  rendre  compte  de  l'utilité  pratique  de  ce 
dispositif,  nous  avons  essayé  de  polir  les  faces 

«'  =  (0001)     et     ri*  =  ( I  l"âO) 

sur  de  petits  solides  de  clivage  de  calcite.  Quand,  pour 
obtenir  la  première  de  ces  faces,  on  prend  une  face  du 
rhomboèdre  comme  M  et  une  de  ses  arêtes  comme  arête  q 
(l'angle  dièdre  du  rhomboèdre  étant  de  105°5'),  on  a 

f  =  59'2'£;     r  =  44*50'*. 

Comme  la  largeur  de  la  plaque  \\  était  b  =  62""",-")  et 
l'angle  du  prisme  «  =  60°lo', 5,  nous  avions 


sinr 

45-»,2. 


sin  (a  •+-  y) 

Six  solides  de  clivage  ont  été  mis  en  expérience  à  l'aide 
des  deux  données 

*  =  39°2'i     et     c  =  45n"0,2, 

3""    SÉRIE,    TOME    XXX III.  ,')(> 


(  854  ) 
et  nous  ont  fourni,  après  le  polissage,  les  résultats  sui- 


vants : 


e/j 

o 
ce 
■a 
S 
s 
z 

ANGLE  DE  LA  FACE   OBTENUE  AVEC 

ANGLE   CALCULÉ. 

(loii). 

(4101). 

(Oïll). 

1 

2 
3 

4 
5 
6 

44°  24' 
44»  36' 
440  sir 

44o55' 
44»  23' 
44°  44' 

440  42' 
44°  59' 
44»  14' 
44°  21' 
44°  45' 
4404g' 

44°  50' 
44°  \r 
44°  43' 
44»34' 
44°  H' 
44°  2 1' 

44°  36'{ 

» 

1 

Quant  à  la  face  d2  =  (1120),  les  angles  y  et  <]>  sont 
respectivement  de  52°32',5  et  de  0°;  il  s'ensuit  que 
c  =  53mm,7.  Les  deux  faces  que  nous  avons  taillées  étaient 
situées  exactement  dans  la  zone  des  deux  faces  de  clivage 
dont  elles  tronquaient  l'arête,  et  inclinées  sur  une  de 
ces  faces,  l'une  de  52°38'  et  l'autre  de  52°23'  (angle  calculé, 
52°32',5). 

Les  écarts  entre  la  valeur  des  angles  calculés  et  mesurés 
dépassent  rarement  15',  approximation  remarquable, 
surtout  si  l'on  tient  compte  de  ce  que  les  plaques  \\  et 
\\2  étaient  faites  de  verre  ordinaire  et  usées  à  la  main,  de 
sorte  que  les  bords  étaient  légèrement  courbés  et  peu 
nets;  en  outre,  les  mesures  b  et  c  étaient  prises  à  l'aide 
d'une  règle  de  bois  divisée  en  0mm,5.  Il  n'est  donc  pas 
douteux  que  dans  les  opérations,  d'ailleurs  très  rares,  où 
une  plus  grande  approximation  serait  nécessaire,  on  ne 


(  855  ) 

puisse  arriver  à  des  résultats  beaucoup  meilleurs  en  se  ser- 
vant de  plaques  de  verre  appropriées  et  d'un  instrument 
permettant  de  faire  les  mesures  de  b  et  c  à  0mm,02  près. 
Il  n'est  pas  inutile  de  remarquer,  en  ce  qui  concerne 
l'orientation  du  cristal  sur  la  plaque  Vt,  qu'on  peut  recou- 
rir à  l'ingénieuse  méthode  imaginée  par  M.  Bertrand 
pour  la  mesure  des  cristaux  microscopiques,  notamment 
dans  le  cas  où  l'arête  q  serait  virtuelle  ou  peu  nette;  on 
pourrait  même,  à  l'aide  de  cette  méthode,  opérer  sur  des 
cristaux  très  petits  et  obtenir  de  bons  résultats  sans 
tâtonnements.  Pourtant  nous  avons  remarqué  qu'il  est 
difficile  d'orienter  un  petit  cristal  et  de  le  coucher,  en 
même  temps,  exactement  à  plat  sur  une  de  ses  faces.  Pour 
éviter  toute  erreur,  nous  nous  servons,  dans  ce  cas,  d'une 
plaque  de  verre  auxiliaire  (A,  fig.  4,  un  verre  porte-objet 
découpé    convenablement)    que    nous    collons    sur    la 


J&-4 


plaque  Vj  à  l'aide  d'une  goutte  de  baume  préalablement 
bouilli;  le  petit  cristal  est  couché  ensuite,  bien  à  plat, 
sur  la  plaque  A,  suivant  une  orientation  approximative- 
ment exacte,  et  on  lui  donne  son  orientation  définitive,- 
sous  le  microscope,  par  une  rotation  autour  de  la  goutte 
de  baume  B  qu'on  chauffe  doucement  de  haut  en  bas  à 
l'aide  de  la  petite  flamme  du  chalumeau  mentionné  plus 
haut.   La   plaque  auxiliaire  peut  servir  aussi  lorsque  le 


(  85G  ) 

nicol  inférieur  doit  être  remis  en  place,  l'orientation  du 
cristal  se  faisant  suivant  une  lamelle  maclée.  Ajoutons 
que  cette  plaque  peut  faire  l'office  de  porte-ohjet  stau- 
roscopique  pour  donner  à  l'orientation  toute  la  précision 
possible;  en  effet,  en  supposant  que  la  face  c  soit  polie 
et  perpendiculaire  à  la  surface  de  la  plaque  A  et  qu'en 
outre  la  gouttelette  de  baume  B  soit  remplacée  par  un 
axe  fixe,  on  pourrait,  après  avoir  collé  solidement  le  cris- 
tal sur  \7!,  déterminer  sans  difficulté,  par  le  procédé  de 
Groth  (*),  l'erreur  commise  dansl'orientation  du  cristal  par 
rapport  aux  longues  arêtes  de  c,  et  rectifier  la  position  du 
cristal  en  faisant  tourner  la  plaque  A  jusqu'à  ce  qu'un 
vernier  glissant  en  regard  d'une  graduation  tracée  sur  V,, 
indique  que  cette  plaque  a  tourné  d'un  angle  égal  à 
l'erreur. 

De  cette  manière,  l'orientation  du  cristal  se  ferait  sans 
le  secours  du  microscope  ;  de  même,  le  déplacement  de  la 
plaque  V,  pourrait  s'opérer  mécaniquement  et  avec  une 
grande  précision,  à  l'aide  d'une  crémaillère  convenable- 
ment disposée  à  l'intérieur  du  prisme. 

En  somme,  la  construction  de  l'appareil  est  susceptible 
de  subir  quelques  modifications  de  détail,  qui  le  ren- 
draient certainement  plus  exact,  sinon  plus  simple.  Mais, 
sous  la  forme  que  nous  venons  de  décrire,  il  offre  déjà  des 
avantages  notables,  qui  sont  :  1°  la  simplicité  de  sa  con- 
struction; 2°  l'exactitude  suffisante  des  résultats;  5°  la 
possibilité  de  l'appliquer  même  à  des  cristaux  très  petits 
et  à  des  cristaux  à  faces  ternes;  4°  la  facilité  avec  laquelle 
il  permet  d'obtenir  des  faces  parfaitement  planes  et  des 
prismes  à  arêtes  très  nettes. 

(*)  P.  Gkoth,  Physikalische  Krystallographie,  p.  702. 


(  857  ) 

Moyen  de  polir  une  face  parallèle  à  une  autre  face. 
On  sait  que  pour  opérer  des  coupes  à  faces  parallèles, 
on  procède  ordinairement  de  la  manière  suivante  :  On  se 
procure  d'abord  une  des  deux  faces;  on  colle  le  cristal, 
par  cette  face,  sur  un  verre  porte-objet  et  on  l'use  jusqu'à 
ce  qu'il  présente  l'épaisseur  voulue,  en  maintenant  le 
verre  porte-objet  parallèle  à  la  meule.  Cette  méthode,  qui 
ne  garantit  nullement  le  parallélisme  des  deux  faces,  peut 
être  d'une  exactitude  suffisante  quand  il  s'agit  de  coupes 
de  faible  épaisseur  et  d'étendue  relativement  grande , 
mais  elle  ne  saurait  être  admise  quand  on  opère  sur  de 
petits  cristaux  ou  que  l'épaisseur  de  la  plaque  doit 
dépasser  quelques  dixièmes  de  millimètre.  On  peut  alors 
recourir  aux  dispositifs  indiqués  par  MM.  Fuess  et  Tutton, 
qui  paraissent  donner  des  résultats  satisfaisants,  mais  on 
peut  aussi  se  passer  de  tout  instrument,  ou,  pour  être  plus 
exact,  on  peut  fabriquer  soi-même,  en  quelques  instants, 
un  appareil  convenable.  A  cet  effet,  on  prend  un  morceau 
de  verre  plan,  de  1  centimètre  carré  environ,  dont 
l'épaisseur  est  à  peu  près  celle  que  l'on  veut  donner  à  la 


Jfy-s 


plaque,  et  on  le  divise  en  quatre  petits  carrés  a  (v.  fig.  5) 
qu'on  colle  au  baume  du  Canada  aux  quatre  coins  d'un 
verre  porte-objet  ordinaire,  en  ayant  soin  de  le  chauffer 


(  858  ) 
tout  entier  et  de  l'appuyer,  pendant  le  durcissement  du 
baume,  sur  une  surface  bien  plane,  les  morceaux  de 
verre  a  étant  tournés  vers  le  bas;  on  fixe  ensuite  le  cristal 
au  centre  du  porte-objet  entre  les  quatre  morceaux  de 
verre,  en  le  couchant  bien  à  plat  sur  la  face  à  laquelle  la 
face  à  polir  doit  être  parallèle.  Afin  d'éviter  tout  ramollis- 
sement du  baume  entre  les  verres  a  et  le  porte-objet,  on 
se  sert  d'une  très  petite  flamme.  Le  cristal  fixé,  il  ne 
reste  qu'à  l'user  jusqu'au  moment  où  les  quatre  verres  a 
touchent  également  la  meule. 

On  obtient  ainsi  sans  aucune  difficulté  une  face  presque 
rigoureusement  parallèle  à  la  première,  même  quand  le 
cristal  est  très  petit  et  que  la  plaque  doit  avoir  une 
épaisseur  notable.  Nous  avons  taillé  de  cette  manière 
trois  petites  plaques  dont  deux  avaient  1  millimètre 
d'épaisseur  et  la  troisième  l'épaisseur  d'un  verre  couvre- 
objet;  les  angles  compris  entre  les  deux  faces  étaient 
de  180°1\  180°4',5  et  180°1\ 

Comme,  dans  les  recherches cristallographiques,  l'épais- 
seur d'une  plaque  peut  généralement  varier  entre  cer- 
taines limites,  il  est  toujours  facile  de  trouver  un  petit 
morceau  de  verre  plan  dont  l'épaisseur  corresponde  à 
peu  près  à  celle  que  l'on  veut  donner  à  la  plaque  à 
tailler. 

Université  de  Gand.  Laboratoire  de  minéralogie. 


■0C88fttt< 


859  ) 


CXA8SK  DUS  LETTRES. 


Séance  du  I  i  juin  1897. 

M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  directeur,  président  <le 
l'Académie. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.  Wauters,  P.  Willems, 
S.  Bormans,  Ch.  Piot,  Ch.  Potvin,J.  Stecher,  T.-J.Lamy, 
Ch.  Loomans,  G.Tiberghien,  L.  Vanderkindere,  Ad.  Prins, 
J.  Vuylsteke,  Ém.Banning,  A.  Giron,  God.  Kurth,  Mesdach 
de  ter  Kiele,  le  chevalier  Descamps,  G.  Monchamp, 
D.  Sleeckx,  Paul  Thomas,  Ern.  Discailles,  membres  ; 
J.  Vollgraff,  associé;  V.  Brants,  Ch.  De  Smedt,  Jules  Le- 
clercq  et  Maurice  Wilmotte,  correspondants. 

M.  Vander  Haeghen  télégraphie  qu'une  indisposition 
l'empêche  d'assister  à  la  séance. 

-  M.  le  Directeur  souhaite  la  bienvenue  aux  membres 
et  correspondants, élus  récemment;  il  ajoute  que  la  Classe 
compte  sur  leur  concours  pour  l'aider  à  remplir  sa  mission 
à  l'égard  du  pays  pour  le  développement  et  le  progrès  des 
branches  des  connaissances  humaines  dont  elle  s'occupe. 


(  860  ) 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  pu- 
blique fait  parvenir  une  ampliation  de  deux  arrêtés 
royaux  :  le  premier  en  date  du  22  mai,  approuvant  l'élec- 
tion de  MM.  D.  Sleeckx,  P.  Thomas  et  E.  Discailles,  en 
qualité  de  membres  titulaires;  le  second,  en  date  du 
7  juin,  nommant  MM.  Bormans,  P.  Fredericq,  Rooses, 
Suieders  et  P.  Willems,  membres  du  jury  chargé  de 
décerner  le  prix  de  la  2e  période  du  concours  Anton 
Bergmann  :  Monographie  d'une  ville  ou  d'une  commune 
de  la  province  de  Brabant  (l'arrondissement  de  Nivelles 
excepté),  comptant  au  moins  5,000  habitants,  écrite  par 
un  Belge  ou  un  étranger,  en  néerlandais,  et  éditée  en 
Belgique  ou  dans  les  Pays-Bas. 

—  MM.  Sleeckx,  Thomas  et  Discailles,  élus  membres 
titulaires;  Jules  Leclercq  et  M.  Wilmotte,  élus  corres- 
pondants, et  Jules  Lemaître,  élu  associé,  adressent  par 
écrit  leurs  remerciements. 

—  MM.  A.  Capart,  lauréat  du  concours  annuel  de  la 
Classe,  L.  Preud'homme  et  S.  Kayser,  lauréats  du  con- 
cours Gantrelle,  adressent  des  lettres  semblables. 

MM.  G.  Boissier,  H.  Wallon,  J.  Bertrand,  Berthelot, 
le  comte  H.  Delaborde  et  Georges  Picot,  secrétaires  per- 


(  861  ) 
pétuels  des  cinq  Académies  de  l'Institut  de  France,  adres- 
sent la  lettre  suivante  en  réponse  aux   sentiments  de 
condoléance  exprimés  au  sujet  de  la  mort  de  Monseigneur 
le  duc  d'Aumale. 

Paris,  le  17  mai  1897. 

Monsieur  le   Président, 

«  Nous  avons  été  fort  touchés  de  la  lettre  que  vous 
nous  avez  fait  l'honneur  de  nous  adresser,  au  nom  de 
votre  Académie.  La  perte  que  nous  avons  faite  est  de 
celles  qu'on  a  grand'peine  à  réparer  et  que  ressentiront 
tous  les  corps  savants.  Vous  avez  vu  de  près  Monseigneur 
le  duc  d'Aumale;  il  vous  appartenait,  et  nous  savons 
qu'il  était  très  fier  de  vous  appartenir.  Vous  avez  pu 
juger  par  vous-mêmes  de  l'étendue  de  ses  connaissances, 
de  la  curiosité  de  son  esprit,  de  la  sûreté  de  sa  parole,  et 
en  même  temps  de  l'aménité  de  ses  manières  et  des  agré- 
ments de  son  commerce.  Vous  comprenez  donc  nos 
regrets  et  vous  les  partagez.  La  générosité  royale  avec 
laquelle  il  a  traité  notre  Institut  ne  sera  pas  appréciée 
seulement  en  France:  les  Lettres  s'en  trouveront  honorées 
dans  tous  les  pays.  Nous  vous  prions,  Monsieur  le  Prési- 
dent, de  transmettre  nos  remerciements  à  l'Académie  de 
Belgique  et  de  lui  dire  combien  nous  sommes  sensibles 
à  la  part  qu'elle  prend  à  notre  deuil,  qui  est  aussi  le 
sien. 

Croyez,  Monsieur  le  Président,  à  nos  meilleurs  senti- 
ments de  haute  considération.  » 


C  8t>w2  ) 

M.  le  Ministre  de  l'Agriculture  et  des  Travaux  publics 
adresse  un  exemplaire  du  rapport  fait  par  M.  de  Borch- 
grave,  au  nom  de  la  section  centrale  de  la  Chambre  des 
représentants,  sur  le  projet  de  loi  approuvant  l'acte  addi- 
tionnel et  la  déclaration  interprétative  élaborés  par  la 
Conférence  internationale  pour  la  protection  des  œuvres 
littéraires  et  artistiques.  --  Remerciements. 

-  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  intitulés  : 

1°  Monaslicon  belge,  tome  Ie'.  2e  livraison;  par  le 
R.  P.  Dom  Ursmer  Berlière; 

2°  Een  gerechtelijlt  drama  in  1815;  par  Aug.  Thys. 

—  Remerciements. 

—  M.  le  Ministre  de  la  Justice  adresse  deux  exemplaires 
de  l'ouvrage  :  Coutumes  des  pays  et  comté  de  Flandre. 
Quartier  de  Fumes,  tome  III;  par  Gilliodts-Van  Severen. 
—  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  A.  Le  Yi-King,  traduit  d'après  les  interprêtes  chinois 
avec  la  version  mandchoue;  B.  Vocabulaire  bouddhique 
sanscrit-chinois  ;  par  le  chevalier  C.  de  Harlez  (avec  une 
note  qui  figure  ci-après)  ; 

2°  Cour  de  cassation  de  Belgique  (deuxième  chambre), 
2i  mai  1897.  Immunité  diplomatique.  Ministre  étranger. 
Contestation  civile.  Excès  de  pouvoir;  par  Mesdach  de  ter 
Kiele; 

3°  Discursos  leidos  ante  la  rèal  Academia  Seviflana  de 
buenas  tétras;  por  los  senores  don  Carlos  Jiménez-Placer 


(  865  ) 

v  don  Servando  Arboli  y  Faraudo,  en  la  réception  publica 
y  solerane  de]  primero  el  dia  18  de  diciembre  de  1887 
(présente  par  M.  A.  Wauters,  avec  une  note  qui  figure 

ci-après); 

4°  Catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques 
publiques  de  France  :  Besançon;  par  Aug.  Castan,  ancien 
associé  (offert  par  M""'  veuve  Castan)  ; 

5°  Apollon,  statue  trouvée  à  Magnésie  du  Sipyle,  Musée 
impérial  de  Constantinopte;  par  Th.  Reinach,  associé. 

—  Remerciements. 

La  Société  d'Émulation  d'Abbeville  fait  savoir  que 
la  célébration  de  son  centenaire  aura  lieu  le  dimanche 
11  juillet  prochain  et  demande  à  l'Académie  de  s'associer 
à  cette  manifestation. 

Une  lettre  de  félicitations  sera  adressée  à  la  Société 
d'Émulation. 

Le  comité  pour  la  statue  à  élever  à  Lierre  à 
J.-R.  David,  ancien  membre  de  la  Classe,  demande  que 
l'Académie  délègue  un  de  ses  membres  pour  assister  à 
l'inauguration.  --  M.  P.  Willems  accepte  de  représenter 
la  Classe. 

-  Le  Congrès  archéologique  de  Malines  de  1897 
demande  que  la  Classe  s'associe  officiellement  à  cette 
réunion. 

—  La  Société  havraise  d'études  diverses  envoie  le 
programme  de  son  concours  de  poésie  pour  1897. 


{  861  ) 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Classe  des  Lettres  mes 
deux  derniers  opuscules. 

Le  premier  est  un  vocabulaire  des  principaux  termes 
religieux  employés  par  les  bouddhistes.  C'est  un  texte 
chinois-sanscrit,  édité  avec  une  traduction  explicative  en 
français.  On  y  trouvera  une  sorte  de  résumé  des  doctrines 
et  coutumes  des  sectateurs  du  Bouddha. 

Le  second  est  la  traduction  définitive  du  Yi-king  et  de 
tous sesappendices,  d'après  la  version  mandchoue  faite  par 
les  Chinois  eux-mêmes.  J'y  ai  adjoint  le  texte  mandchou, 
pour  que  les  spécialistes  puissent  en  vérifier  l'exactitude. 

Je  ne  dirai  rien  de  cette  traduction.  Qu'il  me  soit  per- 
mis seulement  de  faire  remarquer  qu'elle  confirme  de 
point  en  point  celle  que  j'avais  donnée  précédemment  du 
texte  chinois,  si  mal  compris  jusqu'ici. 

C.  de  Harlez. 


Il  y  a  une  trentaine  d'années,  je  publiai,  dans  le  Bulletin 
de  l'Académie  royale  de  Belgique  (1),  une  notice  sur  le 
peintre  Pierre  Campana,  dont  je  fis  connaître,  à  cette 
époque,  le  véritable  nom  de  famille  :  De  Kempeneer  ou 
le  Campinois.  Je  ne  pus  toutefois  éclaircir  sa  biographie, 
car  cet  artiste  vécut  surtout  à  Séville,  où  il  a  orné  les 


(1)  Quelques  mots  sur  le  Bruxellois  Pierre  De  Kempeneer  connu  sous 
le  nom  de  Pedro  Campana,  2e  sér.,  t.  XXIV,  p.  o69. 


(  865  ) 

églises  de  peintures  remarquables.  Depuis,  un  Espagnol. 
don  Carlos  Jiménez-Placer,  a  repris  le  même  sujet  dans 
un  discours  qu'il  a  lu  à  l'Académie  sévillane  des  belles- 
lettres.  En  m'adressant  un  exemplaire  de  son  travail,  il 
y  en  a  joint  un  second,  qu'il  m'a  prié  d'offrir  à  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique.  La  brochure  dans  laquelle 
figure  son  travail  est  intitulée  :  Discursos  leidos  ante  la 
real  Academia  Sevillana  de  buenas  letras...  en  la  recepeion 
publica...del primer o  eldia  18  de  diciembre  de  1887  (Séville, 
1887,  in-8°).  Elle  contient  des  détails  pleins  d'inté- 
rêt sur  les  œuvres  de  Campana,  mais  des  renseigne- 
ments relatifs  au  peintre  lui-même  restent  à  connaître. 
Peut-être  quelque  jour  en  trouvera-t-on  davantage  en  étu- 
diant la  généalogie  des  de  Kempeneer,  qui,  au  XVIe  siècle, 
se  livraient,  à  Bruxelles,  à  la  pratique  des  beaux-arts, 
comme  la  peinture,  et  des  arts  industriels,  comme  la 
fabrication  des  tapisseries. 

A  propos  de  ces  dernières,  permettez-moi  de  vous 
entretenir  un  instant  d'un  fait  qui  m'est  personnel.  Il  y 
a  quatre  ans,  en  1895,  j'eus  l'honneur  d'offrir  à  la  Classe 
un  exemplaire  d'une  notice  sur  le  peintre  bruxellois  Ber- 
nard Van  Orley,  notice  dans  laquelle  on  a  reproduit  par 
la  phototypie  des  dessins  qui  sont  attribués  à  notre  com- 
patriote et  conservés  au  Musée  du  Louvre,  où  j'avais  eu 
l'occasion  de  les  voir  (1).  Ils  représentent  les  épisodes 
d'une  bataille  que  je  soupçonnai  être  celle  de  Pavie, 
d'après  une  étude  minutieuse  des  détails  de  ces  dessins. 


(1)  Bernard  Van  Orley,  par  Alphonse  Wauters,  dans  la  collection 
intitulée  :  Les  Artistes  célèbres,  collection  placée  par  autorisation 
ministérielle  du  15  juillet  1892  sous  le  haut  patronage  du  Ministère 
de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux- Arts.  Paris,  1893,  in-8°. 


(  866  ) 

Actuellement  tout  doute  est  levé  à  cet  égard,  car  on  vient 
de  publier  à  Milan  un  volume  intitulé  :  La  Battaglia 
di  Pavia,  illustrata  negli  arazzi  del  marchese  del  Vasto  al 
Museo  nazionale  di  Napoli,  c'est-à-dire  :  La  bataille  de 
Pavie  décrite  d'après  les  tapisseries  du  marquis  du  Guast 
au  Musée  national  de  JSaples.  Milan,  1896;  in-folio. 

Le  volume  contient  un  texte  de  l'architecte  Luc  Bel- 
trami et  sept  héliotypies  très  remarquables.  Ces  dernières 
sont  évidemment  la  reproduction  des  dessins  de  Paris, 
dont  toutefois  je  n'avais  pu  faire  reproduire  que  cinq,  à 
cause  de  difficultés  matérielles.  La  comparaison  entre  mes 
phototypies  et  les  héliotypies  de  M.  Beltrami  ne  permet 
pas  de  concevoir  le  moindre  doute  à  cet  égard,  quoique 
M.  Beltrami  ne  me  paraisse  avoir  eu  connaissance  ni  des 
dessins  de  Bernard  Van  Orley,  ni  de  mon  travail.  Mais  un 
fait  est  acquis  aujourd'hui  :  la  belle  tenture  du  marquis 
du  Guast,  dontj'avais  essayé  de  rétablir  l'histoire  dans  mes 
Tapisseries  bruxelloises,  est  bien  une  production  de  l'in- 
dustrie de  notre  pays.  Elle  était  autrefois,  à  cause  de  sa 
beauté,  attribuée  au  Titien,  mais  la  paternité  de  l'œuvre 
doit  être  restituée  à  un  maître  flamand  de  l'époque  de 
Charles-Quint,  et  le  nom  de  Van  Orley,  sous  lequel  les 
dessins  figurent  dans  les  inventaires  du  Louvre  (voir 
Reiset,  Catalogue  des  dessins  du  Louvre,  p.  lxxxiii), 
peut  difficilement  être  contesté.  Quant  à  l'exécution 
comme  tapisserie,  il  n'y  a  qu'à  Bruxelles  qu'on  se  livrait, 
à  la  même  époque,  à  la  fabrication  d'œuvres  pareilles. 
Si  l'on  ne  voit  pas  sur  la  tenture  la  marque  de  cette 
ville,  instituée  en  1528,  ainsi  que  me  l'ont  rapporté  des 
personnes  dignes  de  foi,  qui  ont  vu  et  admiré  ces  tapis- 
series, c'est  probablement  parce  qu'elle  a  été  fabriquée 
immédiatement  après  la  bataille  de  Pavie,  livrée  le 
29  février  1524. 


(  867  ) 

(les  tapisseries  représentent  : 

La  première,  l'attaque  de  l'artillerie  de  Gaillot  de 
Genouillac  par  les  lansquenets  de  Georges  Furstenberg. 

La  deuxième,  les  arquebusiers  du  marquis  de  Guast  et 
la  cavalerie  du  connétable  de  Bourbon  assaillant  le  centre 
de  l'armée  de  François  Ier. 

La  troisième,  l'attaque  du  camp  français. 

Abandon  du  camp  français.  Les  Suisses,  malgré  les 
exhortations  de  leur  chef,  Jean  Diesbacb,  et  du  marquis 
de  Fleuranges,  refusent  de  combattre. 

François  Ier  est  fait  prisonnier  ;  le  vice-roi  descend  de 
cheval  pour  recevoir  l'épée  du  monarque. 

Fuite  du  duc  d'Alençon  au  delà  du  Tessin. 

Les  Suisses,  en  se  séparant  de  l'armée  française,  sont 
repoussés  vers  le  Tessin. 

Ces  tapisseries  sont  au  Musée  de  Naples,  auquel  elles 
ont  été  données  en  1860  par  le  marquis  du  Guast.  Mais  on 
ne  peut  encore  les  exposer,  car  la  donation  est  attaquée 
par  un  parent  du  marquis,  et  un  procès  est  engagé  devant 
les  tribunaux.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'art  flamand  peut  dès 
aujourd'hui  revendiquer  cette  belle  tenture,  dont  la  valeur, 
peut-être  exagérée,  est  évaluée  à  trois  millions.  Quant  à 
Van  Orley,  elle  lui  fournit  l'occasion  d'un  nouveau  triom- 
phe. A  ses  portraits  si  pleins  de  vie,  à  ses  vitraux  de 
l'église  des  Saints-Michel  et  Gudule,  à  Bruxelles,  qui 
peuvent  être  rangés  parmi  les  plus  beaux  qui  existent 
encore,  à  ses  tapisseries  dites  des  Chasses  de  Maximilien, 
où  il  se  montre  paysagiste  et  animalier  excellent,  il  peut 
joindre,  en  la  revendiquant  comme  un  titre  de  gloire  de 
plus,  sa  Bataille  de  Pavie  où,  dans  un  domaine  différent, 
il  déploie  toutes  les  qualités  d'un  talent  de  premier  ordre: 
la  fougue  militaire,  inséparable  du  sujet;  la  beauté  de 


(  868  ) 

l'ordonnance,  le  naturel  des  poses,  tout  ce  qui  constitue 
les  mérites  d'un  peintre  de  batailles.  Le  premier  il  excelle 
dans  ce  genre  où  depuis  ont  brillé  Callot,  Snyders,  Van 
der  Meulen.  A  aucun,  dans  toutes  les  branches  de  l'art, 
il  ne  le  cède  en  puissance,  ni  comme  pensée,  ni  comme 
exécution. 

Jusqu'à  preuve  du  contraire,  les  dessins  de  h  Bataille  de 
Pavie  doivent  donc  lui  être  attribués.  Y  voir  l'œuvre  du 
Titien  ou  du  Tintoret,  comme  le  fait  M.  Beltrami,  c'est, 
me  semble-t-il,  admettre  une  opinion  contre  laquelle 
tout  proteste.  Alphonse  Wauters. 


M.  Alphonse  Wauters  a  présenté  en  mai  dernier  à  l'Aca- 
démie un  exemplaire  de  sa  brochure  portant  pour  titre  : 
Quelques  mots  sur  Vésale.  Il  fait  remarquer  à  la  Classe  qu'il 
a  joint  à  son  texte  des  phototypies,  entre  autres  une  vue 
de  la  Maison  de  Vésale,  't  huys  van  Vesalius,  qui  fut  cédée 
en  1617  parla  princesse  de  Bournonville  à  la  communauté 
des  Frères  minimes,  et  un  plan  du  quartier  environnant, 
d'après  les  anciens  plans  de  la  ville  du  XVIe  et  du  XVIIe 
siècle.  Ces  documents  sont  du  plus  grand  intérêt  pour 
l'ancienne  topographie  de  Bruxelles  et  fixent,  d'une 
manière  positive,  l'emplacement  de  la  demeure  que  s'était 
fait  construire,  dans  cette  ville,  le  Père  de  l'anatomie. 

M.  Wauters  a  présenté  ensuite,  au  nom  de  M.  Jean  Van 
M;ilderghem,  archiviste  adjoint  de  la  ville  de  Bruxelles,  un 
exemplaire  de  son  travail  intitulé  :  Les  fresques  de  la 
Leugemeete,  leur  découverte  en  1846,  leur  authenticité 
(Bruxelles,  Vromant,  in-8°,  1897).  Dans  sa  brochure, 
M.  Van  Malderghem  conteste  l'ancienneté  que  l'on  a  attri- 
buée  aux  fresques  découvertes,  dit-on,  dans  la  chapelle 
de  la  Leugemeete,  à  Gand,  et  que  Félix  De  Vigne  a  fait 


(  809  ) 

connaître  dans  le  volume  portant  pour  titre  :  Recherches 
historiques  sur  les  costumes  civils  et  militaires  des  gildes  et 

des  corporations  de  métiers.  On  a  voulu  attribuer  une 
grande  autorité  à  ces  représentations,  dont  M.  Van  Mal- 
derghem  signale,  avec  raison,  les  côtés  faibles. 

A  mes  yeux,  la  question  ne  peut  être  douteuse.  Cette 
exhibition  des  milices  communales,  divisées  en  métiers, 
correspond  mal  avec  l'organisation  de  la  ville  de  (iand 
où,  au  XIIIe  siècle,  tout  le  pouvoir  appartenait  à  la  coop- 
mans  gilde  ou  gilde  des  marchands,  adversaire  politique 
«les  métiers.  L'apparition,  à  la  même  époque,  d'une  com- 
pagnie de  l'arc  ou  de  Saint-Sébastien,  reconnaissable  à 
sou  étendard  aux  armes  de  Jérusalem,  n'est  pas  conci- 
liaire avec  l'histoire  au  XIIIe  siècle,  pendant  lequel  on 
ne  cite,  dans  les  villes  des  Pays-Bas,  que  des  gildes  ou  ser- 
ments d'arbalétriers.  Ceux  d'archers  n'apparaissent  qu'au 
XIVe  siècle.  Tout  contribue  donc  à  l'aire  rejeter  l'exécu- 
tion de  ces  fresques  à  une  époque  postérieure  et  à  leur 
ôter  ce  caractère  d'ancienneté  qu'on  leur  a  attribué  à  tort, 
sans  le  moindre  motif.  Sous  ce  rapport  comme  sous  les 
autres,  la  thèse  de  M.  Van  Malderghetn  me  paraît  in- 
contestable. Elle  est  en  concordance  parfaite  avec  les 
documents  que  l'on  possède  au  sujet  de  la  chapelle  et  sur 
sa  destination  ancienne  de  servir  d'oratoire  à  un  hospice 
de  vieilles  femmes  établi  en  1315.  On  s'explique  dillici- 
lement  la  présence,  dans  un  semblable  édifice,  de  repré- 
sentations militaires  de  la  bourgeoisie  de  Gand. 


3n,e    SÉRIE,    TOME    XXX1U.  ,*>7 


(  870  ) 


COMMUNICATION  ET  LECTURE. 


Les  Marchanda  Aventuriers  à  Anvers;  par  Ch.  Piot, 
membre  de  l'Académie. 

I. 

Dès  les  premières  périodes  du  moyen  âge,  la  Belgique 
servait  d'entrepôt  aux  marchandises  du  nord  et  du  midi. 
Ce  fait  est  attesté  par  des  documents  contemporains  d'une 
authenticité  incontestable,  par  des  relations  à  l'abri  de 
toute  critique  et  par  les  découvertes  de  monnaies  belges 
recueillies  dans  le  nord  de  l'Europe,  pays  privés  pendant 
longtemps  d'un  numéraire  national. 

L'Angleterre  contribua  plus  tard  à  ces  échanges,  grâce 
aux  nombreuses  expéditions  de  laine  et  d'autres  objets 
de  commerce  envoyés  dans  notre  pays,  soit  par  la  voie 
de  Damme,  soit  par  celle  de  Bruges,  soit  par  le  port 
d'Anvers,  spécialement  lorsque  l'Escaut  n'était  plus  l'ob- 
jet de  contestations  territoriales  entre  les  princes  voisins 
de  ce  fleuve  (1). 


(h  Busr.H,  England  unter  den  Tudors,  pp.  72  et  suiv.  Llndsay, 
History  of  marchant  shipping  and  amical  commerce,  pp.  417  et  suiv. 
Larrey,  Histoire  d'Angleterre,  t.  I,  p.  723.  Rymer,  Fœdera,  conven- 
tions, littera,  etc.,  t.  XVI,  pp.  323  et  324,  le  Sy Habits  des  Rymers 
fœdera,  vol.  III,  General  Index,  et  Ducange,  verbo  Adventuraria 
societas.  Van  Bruyssel,  Histoire  du  commerce,  t.  II,  p.  125,  t.  III, 
pp.  58,  60  et  61.  Comptes  rendus  des  séances  de  la  Commission  royale 
d'histoire,  t.  I,  p.  367,  t.  VIII,  p.  239  et  t.  XII,  p.  53. 


(  871 

Nos  provinces  surent  tirer  un  parti  merveilleux  de 
cette  situation  pour  créer  à  Anvers  une  place  de  com- 
merce de  premier  ordre,  un  siège  important  d'affaires 
financières,  en  y  attirant  les  spéculateurs  de  tous  les  pays 
par  suite  des  privilèges  que  la  cité  avait  obtenus  des 
ducs  de  Brabant  (1). 

Primitivement  et  surtout  durant  le  XIVe  siècle,  le  com- 
merce anglais  était  exploité  par  les  Stillards,  vaste  asso- 
ciation de  Marchands  étrangers,  préoccupés  de  spéculer 
sur  les  produits  de  leur  pays  et  de  vivre  à  ses  dépens.  Il 
y  avait,  en  outre,  une  confrérie  placée  sous  l'invocation 
de  saint  Thomas  Becket  de  Canterbury,  une  association 
des  Marchands  d'Étaples  et  enfin  celle  des  Marchands 
Aventuriers,  qui  jouissait  de  grands  privilèges. 

A  Anvers,  ceux-ci  formèrent  une  société  de  commer- 
çants anglais,  que  M.  Busch  appelle  :  ein  Bindcglierf 
zwischen  England  und  den  Niederlanden  (2).  Cette  associa- 
tion donna  lieu,  au  XVe  siècle,  à  la  création  et  à  l'orga- 
nisation d'une  compagnie  de  négociants  étrangers,  dont 
il  n'est  pas  possible  de  fixer  l'origine  d'une  manière  pré- 
cise (5).  Complètement  indépendante  du  gouvernement 
des  Pays-Bas,  elle  s'organisa  comme  bon  lui  semblait, 
était  dirigée  par  un  gouverneur  de  nationalité  an- 
glaise, très  entier  dans  ses  opinions,  poussait  l'arbi- 
traire à  tel   point,   que   William  Davison  s'en   plaignit 


il)  Mertens  et  Torfs,  Geschiedenis  van  Antwerpen,  t.  II,  pp.  &9  el 
suiv.  Hansenreecken,  Halbaum  Hansisches  Urkundenbueh,  Hansische 
CeschichtMiitter.  Worms,  Histoire,  commerciale  de  la  ligue  haméa- 
tique. 

(2)  England  unter  den  Tudors,  p.  72. 

(3)  Gibbins,  History  of  commerce  in  Europe,  pp.  97,  136. 


(  872  ) 
ouvertement  à  Walsinghara.  La  société  s'occupait  de  spé- 
culations financières,  d'expéditions  de  marchandises  à 
l'étranger  par  l'intermédiaire  du  transit  en  Allemagne, 
introduisit  dans  le  pays  des  draps  anglais  au  grand  pré- 
judice de  l'industrie  nationale,  se  mêlait  des  questions 
de  religion  dans  le  sens  de  la  Réforme  et  organisait  de 
l'opposition  quand  bon  lui  semblait  au  sujet  des  affaires 
religieuses  et  civiles. 

La  dénomination  de  Marchands  Aventuriers  lui  fut 
donnée  par  suite  des  spéculations  que  ses  membres  fai- 
saient sur  les  produits  du  commerce  dans  les  pays  les 
plus  éloignés.  Partout  on  les  rencontre,  là  spécialement 
où  il  y  avait  moyen  de  spéculer  sur  les  marchandises, 
n'importe  leur  origine  et  leur  nature. 

Dans  cette  notice,  nous  devons  nous  borner  à  parler 
uniquement  des  Aventuriers  établis  à  Anvers  (1). 


II. 

Gresham,  agent  anglais  très  connu  et  souvent  cité  dans 
les  annales  de  son  pays  au  XVIe  siècle,  séjournait  con- 
stamment à  Anvers  et  mettait  ses  compatriotes  au  cou- 
rant de  tout  ce  qui  s'y  passait.  Par  une  lettre  datée  de 
cette  ville,  le  18  avril  1560,  il  annonça  un  fait  très 
remarqué  qui  eut  lieu  à  cette  époque.  Un  moine  s'étant 
permis  de  faire,    pendant  un   sermon,   la   critique  des 


(1)  Dans  son  travail  intitulé  :  Relations  politiques  des  Pays-Bas  et  de 
l'Angleterre,  t.  II,  p.  230,  M.  le  baron  Kervyn  de  Lettenhove  cite  un 
travail  manuscrit  conservé  dans  le  Brilish  Muséum,  fonds  Harlay, 
n°  537,  et  intitulé  :  History  ofthe  marchants  avanturers  and  of  their 
Lowe-Contries. 


(873  ) 

i (formes  introduites  en  Angleterre  par  Elisabeth  en  ma- 
tière de  religion,  fut  obligé  de  présenter  ses  excuses  aux 
Marchands  Aventuriers,  s'il  voulait  éviter  le  mauvais  parti 
que  ceux-ci  étaient  prêts  à  lui  iniligcr  (1).  Un  ministre 
protestant  affilié  à  l'association  en  dirigeait  les  affaires 
religieuses  et  autres,  sans  que  le  gouvernement  des  Pays- 
Bas  pût  y  intervenir  en  aucune  façon.  Par  exemple, 
l'État  avait  beau  prohiber  la  sortie  des  armes,  les  Aven- 
turiers s'en  emparèrent  clandestinement  pour  les  envoyer 
en  Angleterre,  grâce  à  la  complicité  des  agents  belges, 
qui  eurent  soin  de  fermer  les  yeux  sur  ces  fraudes.  L'as- 
sociation était  tellement  puissante,  si  bien  fournie  de 
tonds  qu'elle  en  prêtait  aux  souverains  d'Espagne,  de 
Fiance,  de  Portugal,  aux  Guise  et  à  la  reine  d'Angle- 
terre. Celle-ci  les  faisait  passer  aux  États  des  Pays-Bas, 
dans  le  but  d'entretenir  dans  ces  provinces  l'insurrection 
contre  le  gouvernement  espagnol,  sachant  très  bien  qu'au 
grand  jamais  ces  États  ne  seconderaient  Philippe  lï,  s'il 
se  décidait  à  faire  la  guerre  à  l'Angleterre.  Il  n'y  a,  par 
conséquent,  pas  lieu  de  s'étonner  du  prestige  et  de  l'in- 
fluence de  cette  société  au  XVIe  siècle. 

L'intervention  du  gouverneur  des  Marchands  anglais 
dans  les  affaires  politiques  allait  si  loin,  qu'il  se  rendit  à 
Paris  à  l'effet  de  s'entendre  avec  Throckmorton,  dans  le 
cas  où  l'insurrection  des  Pays-Bas  pourrait  avoir  besoin 
de  l'appui  de  la  France  contre  l'Espagne,  et  servir  les 
intérêts  de  l'Angleterre. 

Les  Aventuriers  en  voulaient  surtout  à  Granvelle,  grand 
partisan  de  l'égalité  en  matière  de  commerce,  toujours  prêt 


(1)  Baron  Kervyn  de  Lettenhove,  loc.  cit.,  p.  334. 


(  874  ) 
à  repousser  les  attaques  dirigées  contre  notre  industrie, 
contre  la  maison  d'Espagne  et  à  contrarier  l'introduction 
des  marchandises  anglaises  dans  notre  pays,  spécialement 
au  moment  où  la  peste  régnait  à  Londres.  De  concert 
avec  Marguerite  de  Parme,  il  avait  suspendu  ce  qu'on 
appelait  l'entrecours,  par  suite  des  nouvelles  levées  d'im- 
pôts faites  dans  les  ports  d'Angleterre.  Il  avait  beau  pro- 
tester et  agir  dans  un  sens  favorable  à  notre  commerce, 
tous  ses  efforts  échouèrent  en  présence  de  la  ténacité 
d'Elisabeth.  Elle  voulait  à  toute  force  déverser  aux  Pays- 
Bas  les  marchandises  prohibées  par  suite  de  la  peste  qui 
sévissait  dans  sa  capitale.  Mettant  à  profit  ces  contesta- 
tions, la  ville  d'Emden  expédia  en  Angleterre  trois  agents 
chargés  de  nouer  des  relations  directes  entre  ce  pays  et  la 
Hanse,  sans  passer  par  l'intermédiaire  des  Pays-Bas.  Ce 
fait  se  passa  précisément  au  moment  où  les  navires  de  nos 
provinces  ne  furent  plus  admis  dans  les  trois  ports 
anglais  (1504),  par  mesure  de  représailles,  et  lorsque  la 
(lotte  des  marchands  d'Angleterre  était  prête  à  mettre  à 
la  voile  pour  Emden.  On  prétendait  en  même  temps, 
dans  le  but  d'effrayer  l'Angleterre,  qu'il  y  avait  un  com- 
plot ourdi  de  livrer  cette  ville  aux  Espagnols.  A  la  suite 
de  toutes  ces  circonstances,  un  agent,  Georges  Sout- 
wicke,  engagea  Elisabeth  à  choisir,  pour  siège  des  rela- 
tions commerciales  avec  l'Allemagne,  les  villes  de  Ham- 
bourg et  d'Emden,  et  à  abandonner  complètement  Anvers. 

111. 

Devant  toutes  ces  coïncidences,  que  restait-il  à  faire 
au  gouvernement  des  Pays-Bas?  Celui-ci  résolut  d'en- 
voyer en  Angleterre  un  agent  chargé  d'une  mission  spé- 


(  875  ) 
ciale  et  de  faire  à  la  reine  des  représentations  à  ce  sujet. 
Cet  agent  était  le  seigneur  de  Sweveghem,  personnage 
très  peu  au  courant  des  affaires  de  commerce  et  moins 
encore  de  la  politique  de  l'Angleterre.  Par  bonheur,  une 
brouille  survint  entre  les  Anglais  et  la  ville  d'Emden; 
elle  avait  pour  cause  la  grossièreté  des  habitants  de 
la  localité  et  l'envoi  par  eux,  en  Angleterre,  de 
produits  expédiés  des  Pays-Bas  en  contrebande.  Chaloner 
constata,  en  outre,  que  rien  n'y  était  prêt  et  lit  observer 
qu'il  fallait,  au  préalable,  conclure  une  paix  stable  avec  la 
France  avant  de  prendre  une  décision  définitive  au  sujet 
de  la  demande  si  pressante  des  Aventuriers  de  s'établir 
sur  les  bords  de  la  Baltique. 

Entretemps,  les  prêches  prirent  à  Anvers  un  dévelop- 
pement extraordinaire,  à  tel  point  qu'on  y  comptait, 
dit-on,  jusqu'à  40,000  personnes  dévouées  à  la  religion 
nouvelle. 

C'était  la  ville  des  Pays-Bas  méridionaux  dans  laquelle 
les  adversaires  de  l'Inquisition  furent  les  plus  nombreux 
et  les  plus  décidés  à  défendre  la  liberté  religieuse  (i). 
Les  hardiesses  des  réformés  y  furent  telles,  que  le  magis- 
trat, grand  partisan  de  cette  liberté,  se  vit  obligé  de 
prendre  des  mesures  contre  les  nouveaux  croyants.  Ce  fut 
surtout  le  concile  de  Trente  qui  souleva  l'opposition 
la  plus  vive  (2). 

Des  Anglais  appartenant  au  culte  réformé  y  affluèrent 
de  tous  côtés.  Ils  se  rendirent  complètement  maîtres  de 
la  situation,  au  grand  préjudice  du  commerce  indigène, 


(i]  Muldek,  Twee  verhandelirujen  over  de  lnquisitie,  pp.  6  et  suiv. 
(2)  Ibid  ,  pp.  29,  63,  76.  Voy.  aussi  Brieger.  Aleander  und  Luther 
Qepeschen,  pp.  78  et  suiv. 


(876  ) 
favorisaient  les  revendications  des  confédérés  belges  à 
charge  du  gouvernement  espagnol,  excitaient  le  magis- 
trat d'Anvers  contre  l'État.  Ces  étrangers  se  mêlaient  de 
toutes  les  affaires  publiques,  cherchaient  querelle  aux 
délégués  du  gouvernement  et  spécialement  à  l'Université 
de  Louvain,  lieu  de  refuge  de  bon  nombre  de  catholiques 
anglais.  S'ils  ne  pouvaient  complètement  réussir  dans 
leurs  revendications,  les  ministres  de  l'Église  réformée 
établis  à  Anvers  réclamaient  l'appui  de  la  reine  d'Angle- 
terre qui,  de  son  côté,  ne  se  faisait  pas  défaut  d'intervenir 
dans  les  affaires  du  pays,  sous  prétexte  de  vouloir  favo- 
riser le  commerce.  Enfin,  la  situation  de  la  ville  d'Anvers 
devint  telle,  que  l'émigration  y  fut  générale.  Richard 
Clotigh  annonça,  en  lo(J7,  que  la  cité  était  menacée 
d'une  ruine  complète.  Dans  cette  situation,  le  magistrat 
d'Anvers  s'adressa  aux  Marchands  Aventuriers  de  cette 
ville,  en  les  engageant  à  intervenir  près  de  la  reine  d'An- 
gleterre afin  de  rétablir  l'échange  des  marchandises 
et  mettre  un  terme  aux  pirateries  commises  sur  les  côtes 
de  son  pays  contre  le  commerce  belge.  Vains  efforts,  qui 
n'eurent  aucun  résultat. 

Au  moment  de  la  retraite  de  Marguerite  de  Parme  et 
de  l'arrivée  aux  Pays-Bas  du  duc  d'Albe,  en  15GX,  les 
mesures  prises  par  le  nouveau  gouverneur  général  contre 
les  marchands  anglais,  à  propos  du  zèle  qu'ils  montraient 
en  faveur  de  la  religion  nouvelle,  donnèrent  lieu  à  des 
plaintes  formelles  de  leur  part.  La  situation  était  telle- 
ment tendue,  que  le  gouvernement  des  Pays-Bas  et 
Elisabeth  finirent  par  comprendre  la  nécessité  absolue 
de  s'entendre,  de  respecter  les  droits  et  usages  admis 
pour  sauver  le  commerce.  Des  correspondances  furent 
entamées  à  ce  sujet.  En  principe,  la  question  fut  tranchée, 


v  *77  ) 
mais  en  application,  elle  présenta  de  graves  difficultés. 
Elisabeth  désirait  le  triomphe  complet  de  la  Réforme 
religieuse  et,  comme  conséquence,  l'expulsion  des  Pays- 
Bas  de  tous  les  réfugiés  anglais  établis  dans  nos  pro- 
vinces. Philippe  II,  qui  les  avait  reçus,  ne  voulait  eu 
aucune  façon  foriaire  à  sa  parole.  Selon  sa  manière  de 
voir,  ils  devaient  jouir  de  leur  liberté  au  même  titre  que 
les  réfugiés  belges  en  Angleterre,  dépendant  don  Guérau 
d'Espès,  agent  espagnol  à  Londres,  conseilla  au  duc 
d'Albe  de  traiter  aux  Pays-Bas  les  marchands  anglais  de 
la  même  façon  qu'Elisabeth  agissait  à  l'égard  des  nôtres 
chez  elle.  Une  pareille  proposition  ne  résolvait  pas  les 
dillicultés  de  la  situation,  il  s'en  faut.  Celle-ci  était  telle, 
que  la  reine  finit  par  donner  l'ordre  de  veiller  à  ce  que 
toutes  les  relations  commerciales  cessassent  entre  son 
pays  et  la  Belgique. 

De  son  côté,  le  duc  d'Albe  lança  une  proclamation 
dans  laquelle  il  déclara  positivement  que  si  l'Angleterre 
et  la  maison  de  Bourgogne  avaient  décidé  la  destruction 
des  pirates,  ceux-ci  étaient  encouragés  par  Elisabeth. 
En  dépit,  disait-il,  des  passe-ports  accordés  par  elle  aux 
navires  chargés  de  l'envoi  des  fonds  destinés  au  payement 
de  l'année  espagnole,  elle  s'en  était  emparée,  (l'était 
vrai.  En  retour,  fît-il  observer,  les  marchands  anglais 
étaient  poursuivis,  tracassés  et  détenus  à  Anvers.  C'était 
encore  vrai.  Enfin,  la  reine  répondit  à  ces  reproches  en 
défendant  aux  Anglais  d'entrer  en  relations  avec  les  sujets 
du  roi  d'Espagne.  De  cette  manière,  tout  le  commerce 
d'Anvers  se  bornait  aux  relations  avec  les  Portugais  et 
les  Italiens,  à  l'exclusion  de  l'Angleterre. 

Pareille  situation  finit   par  léser  les  intérêts  des  deux 
parties. 


(  878  ) 

Les  marchands  anglais,  prenant  l'initiative,  adres- 
sèrent au  duc  d'Albe  une  requête  tendant  à  obtenir  un 
changement  complet  dans  les  relations  entre  les  deux 
pays.  Ils  demandèrent  au  gouverneur  général  de  mettre 
eu  liberté  les  marchands  anglais  et  autres  sujets  de  la 
reine  arrêtés  dans  les  Pays-Bas,  «  de  cesser  et  annuler 
toutes  et  quelconques  obligations,  cautions  et  sûretés 
qu'ils  ont  mises  et  données  en  manière  et  place  dudit 
général  arrêt  ».  Le  duc  consentit  volontiers  à  cette 
demande,  à  la  condition  que  la  reine  en  fit  autant.  Il 
était  prêt,  dit-il,  à  accorder  aux  sujets  anglais  une  géné- 
rale, franche  et  libre  décharge  et  restitution  de  toutes  les 
marchandises,  dettes,  deniers  et  biens  arrêtés  à  partir  du 
18  décembre  1568;  mais  toujours  à  la  condition  que  la 
reine  en  fit  autant.  Cette  condition  fut  exigée  pour  toutes 
les  autres  demandes  des  marchands  en  fait  de  restitution 
de  navires  saisis  et  de  biens  confisqués. 

Tous  ces  pourparlers  eurent  pour  résultat  la  convention 
conclue  à  Nimègue  le  15  mars  1575,  en  vertu  de  laquelle 
Llisabeth  et  Philippe  II  fermèrent  les  frontières  de  leurs 
pays  respectifs  à  tous  les  rebelles  de  l'un  et  de  l'autre 
parti,  et  rétablirent  les  relations  commerciales;  en  outre, 
les  sectaires  seraient  poursuivis.  Cette  convention  fut  seu- 
lement ratifiée  par  Philippe  II  le  H  juin  suivant,  au 
grand  déplaisir  d'Elisabeth,  et  précisément  au  moment 
où  le  duc  d'Albe,  complètement  disgracié,  allait  remettre 
ses  fonctions  au  duc  de  Medina-Celi,  le  nouveau  gouver- 
neur des  Pays-Bas.  Le  sire  de  Sweveghem  fut  de  nouveau 
chargé  d'entamer  des  négociations  en  Angleterre,  sans 
obtenir  aucun  succès,  par  suite  des  assemblées  secrètes 
des  réfugiés  catholiques  anglais  en  Belgique,  dénoncées 
par  John  Lee  à  lord  Burleigh,  et   des  lenteurs  résultant 


(  879  ) 
des  négociations  diplomatiques.  Irritée  au  suprême  degré 
de  toutes  ces  tergiversations,  la   reine    menaça   de   taire 
vendre  les   marchandises    belges  saisies   en    Angleterre, 
malgré  les  démarches  du  sire  de  Sweveghem,  qui,  en  pré 
sence  de  son  insuccès,  se  décida  à  demander  son  rappel. 

IV. 

Les  Marchands  Aventuriers  établis  à  Hambourg  finirent 
par  demander  l'autorisation  de  se  fixer  à  Emden, 
de  manière  que  l'agent  espagnol  annonça  au  secrétaire 
Albornoz  que  l'on  pouvait  regarder  comme  rompues 
toutes  les  négociations  commerciales  avec  l'Angleterre. 
Par  contre,  les  Marchands  Aventuriers  d'Anvers  avaient, 
de  l'aveu  d'un  négociant  de  cette  ville,  la  main  si  haute 
que,  selon  son  expression,  «  leur  maison  était  une  peste 
et  un  monopole  contraire  au  bien  public  de  la  généralité». 

Pour  en  finir,  la  reine  proposa  carrément  la  fermeture 
de  l'Escaut. 

Cette  menace  produisit  son  effet.  Le  duc  d'Albe 
annonça  à  Elisabeth  (15  avril  157Ô)  qu'il  s'était  décidé  à 
rétablir  les  relations  commerciales  entre  les  deux  pays. 
Par  conséquent,  la  liberté  de  l'Escaut  fut  demandée  à 
giands  cris  par  les  commissaires  des  Marchands  Aventu- 
riers (12  mai  1575).  Tout  le  inonde  comptait  si  bien  sur 
le  bon  résultat  de  cettedémarche,qu'unefète  fut  organisée 
par  le  magistrat  d'Anvers  pour  célébrer  cet  heureux  évé- 
nement. A  ce  moment,  l'avenir  semblait  se  présenter  sous 
un  aspect  riant,  lorsque  surgirent  des  difficultés  nouvelles. 
11  fallait,  pour  passer  par  les  bouches  de  l'Escaut,  le  con- 
sentement du  gouverneur  de  Flessingue,  ville  dévouée 
aux  insurgés  et  au  prince  d'Orange.  De  là  des  négociations 


(  880  ) 

sans  issue;  de  là  des  plaintes  de  la  part  des  marchands 
anglais  trafiquant  à  Anvers;  de  là  des  faveurs  accordées 
à  certains  négociants  anversois,  partisans  des  Gueux,  et 
expulsion  de  ceux  qui  n'appartenaient  pas  à  ce  parti. 

Charles  de  Boisot,  si  dévoué  à  la  Révolution  et  par 
conséquent  à  l'Angleterre,  put  enfin  annoncer  de  Middel- 
bourg  à  lord  Burleigh  qu'on  avait  fait  droit  aux  plaintes 
des  Marchands  Aventuriers  (8  mai  1574)  ;  c'étaient  des 
promesses  qu'il  voulait  bien  mettre  à  exécution  sans  avoir 
l'autorisation  nécessaire  à  cet  effet.  Cette  autorisation 
était  d'autant  plus  difficile  à  obtenir,  que  la  Zélande 
était  occupée  par  les  insurgés,  toujours  disposés  à  causer 
le  plus  grand  tort  possible  aux  provinces  encore  sou- 
mises à  la  domination  espagnole.  Ils  voulaient  par  consé- 
quent empêcher  la  navigation  sur  l'Escaut,  n'importe  à 
quel  prix. 

Dans  le  but  de  mieux  encore  embrouiller  les  affaires, 
la  reine  réclama  de  nouveau  l'expulsion  des  réfugiés 
anglais  établis  dans  les  Pays-Bas  (3  mai  1574)  et  la  libre 
navigation  sur  l'Escaut  pour  les  marchands  anglais, 
sachant  très  bien  que  cette  liberté  était  impossible  par 
suite  de  l'insurrection  de  la  Zélande.  On  le  voit,  partout 
Elisabeth  avait  des  espions  qui  la  mettaient  au  courant  de 
ce  qui  se  passait. 

V. 

Lorsque  Requesens,  le  nouveau  gouverneur  des  Pays- 
Bas,  arriva  à  Anvers,  il  demanda  aux  États  des  subsides 
dans  le  but  de  faire  des  armements  en  Flandre,  d'y  com- 
battre l'hérésie  et  de  contrarier  l'Angleterre.  Elisabeth  en 
tint  compte  pour  agir  en  conséquence. Jean  de  Boisschot. 


(  «H  ) 
avocat  liscal  près  du  Conseil  de  limitant  et  envoyé  en 
Angleterre  dans  le  but  d'y  soutenir  le  sire  de  Sweveghem, 
informa  Requesens  des  nouvelles  démarches  laites  par  la 
Hanse  dans  le  but  d'attirer  les  marchands  aventuriers  en 
Allemagne.  Ceux  de  Lubeck  el  «le  Hambourg  veulent  bien, 
dît-il  (11  septembre  1574),  traiter  en  particulier  avec  les 
Anglais,  dans  le  but  d'y  attirer  le  trafic  et  négoce  de 
l'Ançleterre,  leur  offrant  d'excellentes  conditions.  Mais 
j'apprends,  ajoute-t-il,  que  ceux  de  Cologne  n'y  tiennent 
pas,  à  cause  de  l'intérêt  qu'ils  ont  à  conserver  leurs  rela- 
tions avec  les  Pays-Bas.  Cette  opposition  n'aboutit  pas. 
L'Angleterre  avait  le  plus  grand  avantage  à  contrarier  notre 
commerce,  pendant  que  les  Flamands  dévoués  à  la  Réforme 
et  réfugiés  en  Angleterre  y  faisaient  une  rude  concur- 
rence à  notre  industrie  et  à  notre  commerce,  au  plus 
grand  profit  de  leur  nouvelle  patrie.  Du  moment  où  les 
bouches  de  l'Escaut  étaient  occupées  par  les  insurgés,  la 
navigation  y  devenait  impossible.  De  là  des  plaintes  con- 
tinuelles de  la  part  des  intéressés  à  propos  des  charges  et 
vexations  endurées  par  les  marchands  belges  en  Angle- 
terre et  par  les  Anglais  aux  Pays- lias.  Afin  d'arrêter 
l'essor  de  notre  commerce,  ceux-ci  envoyaient  directe- 
ment leurs  draps  à  Emden,  dans  le  but  d'exciter  des 
troubles  dans  le  pays,  ainsi  que  le  fit  observer  à  juste 
litre  l'évêque  d'Aquila. 

Requesens  voulait,  ii  n'en  pas  douter,  favoriser  les 
relations  commerciales  entre  les  deux  pays,  à  la  con- 
dition d'établir  une  égalité  parfaite  entre  les  parties; 
mais  il  lui  était  impossible  d'affranchir  les  bouches  du 
lleuve  occupées  par  les  insurgés.  En  vain  les  intéressés 
voulaient-ils  tourner  les  difficultés  au  moyen  de  trans- 
actions très  équitables.  Rien    n'y  lit.   Si  des   Marchands 


(  882  ) 

aventuriers  obtenaient  la  permission  de  passer  par  l'Es- 
caut, c'était  par  exception  et  lorsque  les  insurgés  voulaient 
bien  le  permettre  en  vertu  des  recommandations  de 
l'Angleterre.  Celle-ci  n'avait  pas  grand  intérêt  à  ce  que 
ces  laveurs  fussent  souvent  accordées  et  devinssent  géné- 
rales. Un  Anversois,  Edouard  Casteleyn,  très  peu  disposé 
à  favoriser  sa  ville  natale,  avoua  à  lord  Burleigh  que  les 
Marchands  Aventuriers  d'Anvers  étaient  une  source  de 
profit  pour  les  Pays-Bas  et  fit  observer  qu'à  son  avis 
mieux  vaudrait  la  réserver  en  faveur  de  l'Angleterre 
(29  mai  1575).  En  présence  de  pareils  aveux,  y  a-t-il  lieu 
de  s'étonner  qu'Elisabeth  abondait  dans  ce  sens?  A  ses 
yeux,  l'Angleterre  devait  primer.  En  attendant,  rien  ne 
se  fit.  Le  temps  se  passait  au  milieu  de  correspondances 
sans  fin,  d'entretiens  avec  d'Assonleville,  de  Champagney, 
le  duc  d'Aerschot,  le  comte  de  Berlaymont,  d'Everstein. 
de  Rassenghien,  Schetz,  etc.;  et  les  plaintes  des  Anglais 
détenus  à  Anvers  ne  produisirent  aucun  effet  (15  avril 
1576).  Tout  restait  dans  le  statu  quo.  Requesens  ne  fut 
pas  capable  de  porter  remède  à  la  situation.  Il  en  fut 
de  même  sous  les  gouvernements  de  don  Juan  et  de  son 
successeur  Alexandre  Farnèse. 

L'association  des  marchands  périclitait  constamment, 
sans  qu'il  fût  possible  de  rien  changer  à  sa  position. 
En  novembre  157(3,  elle  eut  beau  se  recommander  aux 
lords  du  Conseil  privé,  ce  fut  en  pure  perte.  Roda  promit, 
il  est  vrai,  de  donner  d'une  manière  générale  satisfaction 
aux  marchands  anglais;  Wilson  annonça  au  comte  de 
Leicester  qu'il  s'occupait  des  affaires  des  Anglais  à 
Anvers;  mais  rien  ne  fui  exécuté.  Enfin  ils  passèrent  à 
Lierre  (15  décembre  157(i).  (''était  leur  dernière  étape 
dans  les  provinces  méridionales  des  Pays-Bas,  malgré  les 


.  885  ) 
tentatives  faites  par  Elisabeth  et  par  les   Etats  géné- 
raux d'obtenir  de  nouveaux  emprunts  par  l'intermédiaire 

de  l'association  (18  octobre  1577).  En  quittant  son  an- 
cienne résidence,  elle  ne  paya  pas  même  ses  dettes,  ainsi 
que  le  constate  en  vain  un  marchand  anversois,  Jean  délia 
Faille,  dans  une  lettre  de  décembre  1577.  A  la  suite  de 
cette  disparition,  le  désarroi  financier  fut  tel  que  les  ban- 
quiers résolurent  de  quitter  la  ville.  C'est  ce  qu'ils  tirent 
(lettres  des  5  décembre  1577  et  12  avril  1578).  S'il  faut  en 
croire  Walsingham,  les  Aventuriers  se  plaignirent  encore, 
en  mai  1578,  de  ne  pas  pouvoir  exercer  le  culte  réformé 
dans  leur  maison.  Finalement  ils  avaient  bien  positive- 
ment quitté  la  ville  pendant  cette  année,  ainsi  que  le 
constatent  des  lettres  de  juillet  et  du  14  octobre  1578. 
William  Davison  adressa  encore  (10  octobre  1578)  au  gou- 
verneur des  Marchands  une  «  admonition  »  en  son  nom  et 
celui  de  Cobham  au  sujet  de  la  défense  qu'ils  avaient 
faite  au  ministre  Travers  de  prêcher,  et  d'agir  ainsi  sans 
en  avoir  référé  à  Elisabeth. 

Pareille  situation  s'explique  facilement.  Le  commerce 
veut  la  liberté,  le  cosmopolitisme,  la  paix,  la  fédération, 
la  sociabilité,  la  tolérance.  11  abhorre  les  violences,  peu 
importe  leur  origine,  leur  nature,  déteste  l'anarchie  et 
exige  le  respect  des  conventions.  Aucune  de  ces  condi- 
tions, à  très  peu  d'exceptions,  n'existait  à  Anvers  à  partir 
du  milieu  du  XVIe  siècle.  Depuis  cette  époque,  la  ville  fut 
témoin  des  horreurs  commises  tour  à  tour  par  les  Espa- 
gnols, les  Français,  les  mutins.  Des  Aventuriers  se 
fixèrent  à  Flessingue,  à  Middelbourg,  dans  les  Pays-Bas 
septentrionaux,  puis  en  Allemagne,  là  où  ils  purent  exer- 
cer librement  leur  négoce  avec  les  pays  voisins,  tels  que. 
le  Danemark,  la  Suède,  la  Pologne,  la  Moscovie,  etc., 
sans  l'intervention  de  nos  provinces. 


(  884  ) 
A  qui  la  faute  de  ce  désarroi?  A  l'intolérance  religieuse, 
dont  le  docteur  Wilson  reconnut  tous  les  dangers,  sans 
v  porter  remède.  Elisabeth  exigeait  que  tout  le  monde 
liit  protestant,  Philippe  11  ne  voulait  que  des  catholiques. 
C'est  ainsi  que  l'intolérance  en  matière  de  foi  et  la  scis- 
sion entre  les  provinces  méridionales  et  septentrionales 
des  Pays-Bas  furent  la  cause  première,  nous  ne  dirons 
pas  unique,  de  la  perte  d'une  institution  appelée  à  enri- 
chir le  pays  et  spécialement  la  ville  d'Anvers.  Nous  recon- 
naissons aussi,  en  ce  qui  concerne  nos  provinces,  que  les 
convoitises  de  l'Angleterre,  de  la  France  et  de  l'Alle- 
magne contribuèrent  singulièrement  à  ce  désarroi.  Elisa- 
beth n'avait-elle  pas  fait  dresser  un  travail  généalogique 
dans  le  but  de  prouver  que  la  province  de  Hollande 
devait  passer  à  elle  et  à  sa  famille  par  droit  et  par  devoir? 
Elle  était  décidée  à  anéantir  le  commerce  anversois.  Les 
Aventuriers  allèrent  plus  loin  encore  en  tâchant,  pendant 
l'année  1585,  de  contrarier  le  trafic  avec  la  Hanse.  A  cet 
effet,  ils  modifièrent  complètement  leur  association  et  la 
changèrent  en  «une  société  monopolière,  pestiférée  et  con- 
damnée parles  lois»,  selon  l'expression  de  Henri  Suder- 
mann,  syndic  de  la  Hanse,  privèrent  les  Hanséates  de 
leurs  privilèges,  «  ne  cessèrent  d'éluder  et  efforcer  avec 
la  royne,  non  seulement  de  troubler,  mais  de  perdre  et 
anéantir  entièrement  la  fixe  résidence  des  dits  Hanséa- 
liqiies  en  la  ville  d'Anvers  (1)  ».  Enfin  la  situation  était 
tellement  tendue,  que  Farnèse  engagea  la  Hanse  à  prohi- 
ber l'entrée  des  draps  et  autres  marchandises  d'Angle- 
terre, et  de  ne  plus  rien  fournir  à  la  Grande-Bretagne  (2). 


il)  Comptes  rendus  de  la  Commission  royale  d'histoire,  ISîK'i,  p.  91 . 
-2   Md.,  p.  98. 


(  885  ) 

(Tétait  à  nous  de  déjouer  ces  prétentions  par  l'union 
et  des  vues  larges  et  bien  comprises,  sans  sacrifier  les 
convictions  religieuses  du  pays  et  celles  de  nos  voisins 
du  nord.  Telle  était  aussi  la  manière  devoir  de  plusieurs 
membres  du  haut  clergé  et  de  quelques  professeurs  dis- 
tingues de  l'Université  de  Louvain;  mais  le  mal  était 
fait,  il  fallait  en  subir  les  conséquences.  De  plus,  Farnèse 
détestait  les  Aventuriers.  Il  n'y  en  avait  plus  à  Anvers 
lorsqu'il  fit  la  conquête  de  cette  place. 

Les  Marchands  Aventuriers  n'y  laissèrent  plus  ni  traces 
ni  vestiges  de  leur  existence,  de  leur  ancienne  splen- 
deur. En  fait  de  commerce  et  de  spéculations  financières, 
le  rôle  de  cette  ville  était  terminé.  Désormais  elle  ne 
comptera  plus  dans  le  commerce  du  pays. 

Au  XVIIe  siècle,  il  y  eut  encore  en  cette  ville  une  asso- 
ciation de  marchands  anglais,  mais  elle  n'offrait  rien  de 
commun  avec  celle  des  Aventuriers. 


3n,e    SÉRIE,    TOME    XWIll.  58 


(  886 


CLASSE    DES    BEAUX-ARTS. 


Séance  du  5  juin  1897. 

M.  Th.  Viïnçotte,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edmond  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Ch.Tardieu,  vice- directeur  ;  Ad. 
Samuel,  Th.  Radoux,  Jos.  Jaquet,  J.  Demannez,  G.  De 
Groot,  Gustave  Biot,  H.  Hymans,  Jos.  Stallaert,  Alex. 
Markelbach,  Max.  Rooses,  J.  Robie,  G.  Fluberti,  A.  Hen- 
nebicq,  Éd.  Van  Even,  Alfr.  Cluysenaar,  le  comte  J.  de 
Lalaing,  J.  Winders,  Ém.  Janlet  et  H.  Maquet,  membres; 
J.-B.  Meunier,  Alb.  De  Vriendt,  C.  Hermans  et  Van  Ysen- 
dyck,  correspondants. 

M.  Ém.  Mathieu  exprime  ses  regrets  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  séance. 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Agriculture  et  des  Travaux  publics 
transmet  le  rapport  fait  par  M.  de  Borchgrave,  au  nom 
de  la  section  centrale  de  la  Chambre  des  Représentants, 
sur    le    projet   de  loi   approuvant   l'acte  additionnel  et 


(  887  ) 

la  déclaration  interprétative  élaborés  par  la  confrérie 
internationale  pour  la  protection  des  œuvres  littéraires 
et  artistiques.  —  Remerciements. 

M.  Plorimond  van  Duyse  offre,  au  nom  de  M.  Jan 

Bols,  curé  de  l'église  d'Alsemberg,  membre  de  l'Académie 
llamande,  un  exemplaire  de  son  livre  :  llonderd  oude 
VUmmsche  liederen,  met  woorden  en  zangwijzen,  verzameld 
en  voor  de  eerste  maal  aan  het  licht  gebracht.  Namur-Anvers, 
1897,  in-8°.  —  Remerciements  et  impression  au  Bulletin 
de  la  note  lue  par  M.  van  Duyse  en  présentant  ce  volume. 

—  La  Classe  renvoie  à  MM.  de  Lalaing,  Slallaert  et 
Demannez  une  lettre  de  M.  Delville,  premier  prix  du 
grand  concours  de  peinture  en  1895,  datée  de  Rome, 
Académie  belge,  juin  189". 


NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE. 

Honderd  oude  Vlaamsche  liederen,  met  woorden  en  zang- 
wijzen, verzameld  en  voor  de  eerste  maal  aan  het  licht 
gebracht  door  Jan  Bols,  pastoor  van  Alsemberg,  lid  der 
Koninklijke  Vlaamscbc  Académie  (Namen,  Ad.  Wes- 
mael-Charlier,  1897). 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie  le  volume 
publié  par  M.  J.  Bols  et  comprenant  cent  chansons,  la 
plupart  recueillies,  texte  et  musique,  d'après  la  tradition 
orale. 

Les  textes  se  composent  d'une  partie  pieuse  :  noëls. 
chansons  des  Rois,  chansons  de  la  Passion,   etc.,   el 


(  888  ) 
d'une  partie  profane  :  chansons  narratives,  amoureuses, 
satiriques,  etc. 

Ce  volume  prouve  une  fois  de  plus  combien  certaines 
chansons  populaires  ont  la  vie  dure. 

M.  Bols  a  pu,  à  l'heure  actuelle,  recueillir  de  la  bouche 
du  peuple,  dans  la  province  de  Brabant  —  une  douzaine 
de  chansons  ont  été  notées  à  Alsemberg,  aux  portes  de 
Bruxelles  —  des  chants  datant  de  plusieurs  siècles. 

Un  des  noëls,  n°  16,  p.  23  : 

En  er  viel  een  hemelsch  dauvvken 
Al  op  eene  blij  magedje  rein, 

figure  déjà  dans  un  des  manuscrits  du  XVe  siècle  ayant 
appartenu  à  Hoffmann  von  Fallersleben  et  se  trouvant 
aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  de  Berlin.  Certes,  la  nou- 
velle leçon  n'est  pas  absolument  semblable  à  celle  du 
manuscrit,  mais  le  fond  est  identique,  la  marche  et  le 
nombre  des  strophes  sont  les  mêmes,  des  vers  entiers 
sont  demeurés.  La  mélodie  n'est  pas  davantage  celle  qui 
a  été  adaptée  à  ce  chant  au  XVe  siècle  et  qui  nous  a  été 
conservée,  ni  celle  qui  lui  a  été  adjointe  au  XVIe  et  qui 
nous  est  également  demeurée;  mais  elle  n'en  est  pas  moins 
ancienne  et  démontre  que,  jusqu'à  ce  jour,  l'antique  mode 
éolien  n'a  pas  perdu  ses  droits  dans  le  chant  populaire. 
A  côté  d'intéressantes  variantes,  celle  que  nous  venons 
de  citer,  celles  des  Drij  Koningsdochlerkens,  et  de  la  très 
ancienne  chanson  des  Douze  nombres,  celles  des  chansons 
dites  Verhuisliederen,  le  volume  nous  apporte  des  textes 
et  des  mélodies  non  publiés  jusqu'ici.  Telle  la  chanson 
Van  de  twee  Gezusters  (p.  131),  reposant  sur  l'ancienne 
légende  des  pains  pétrifiés. 


(  889  ) 

Outre  des  chanls  à  l'allure  grave  et  austère,  le  recueil 
contient  aussi  des  pièces  d'un  caractère  enjoué  et  badin. 

Celles-ci,  M.  Bols  n'est  pas  le  dernier  à  le  constater, 
remplaceraient  avec  avantage  mainte  chanson  populaire 
de  nos  jours. 

Chaque  pièce  est  accompagnée  de  la  mélodie.  Toutes 
les  mélodies  n'ont  pas  la  même  valeur  musicale,  mais  il 
en  est  de  fort  remarquables.  Je  citerai  les  quatre  mélodies 
adaptées  à  des  chants  de  la  Passion  (pp.  60-70),  et 
notamment  le  beau  chant  en  mode  éolien  :  Wat  zelten  ze 
onzen  Lieven  lleer  op  zyn  Iwod.  Le  Kyrie  eleison,  le  cri 
populaire  remontant  aux  premiers  temps  du  christianisme, 
que  l'on  trouve  dans  le  refrain  aussi  bien  que  la  mélodie 
elle-même,  est  un  sûr  garant  de  l'ancienneté  du  texte  et 
de  la  musique. 

M.  Bols  déclare  modestement  qu'il  n'a  fait  que  réunir 
ce  qu'il  a  pu  glaner  sur  sa  route.  11  oublie  d'ajouter 
qu'après  avoir  recueilli  avec  une  piété  filiale  ces  souvenirs 
charmants  que  se  sont  légués  les  générations,  il  a  co- 
ordonné ces  matériaux  épars,  qu'il  a  annoté,  commenté 
les  textes  et  qu'en  bien  des  endroits  il  les  a  élucidés.  Son 
œuvre  revêt  ainsi  un  caractère  à  la  fois  artistique  et 
scientifique.  Elle  sera  consultée  avec  fruit  par  tous  ceux 
qui  s'intéressent  à  notre  littérature  et  à  notre  musique 
anciennes. 

Plorimond  van  Duyse. 


(  890  ) 
CONCOURS  DE  LA  CLASSE  POUR  1897 


M.  le  Secrétaire  perpétuel  présente  un  mémoire  portant 
pour  devise  :  La  nature,  toujours  la  nature,  rien  que  la 
nature  (Navez),  envoyé  en  réponse  à  la  question  :  Faire 
l'histoire  de  l'influence  de  l'école  de  David  sur  l'art  belge. 
—  Commissaires  :  MM.  Stallaert,  Hymans  et  Rooses. 


OUVRAGES  PRESENTES. 


Rambeke  {Ch.  Van).  A  propos  de  la  délimitation  cellu- 
laire. Bruxelles,  1897;  extr.  in-8°  (16  p.). 

—  L'oocyte  de  Pholcus  Phalangioides,  Fuessl.  Bruxelles, 
1897;  extr.  in-8°  (17  p.). 

Dupont  {Éd.).  D'Omalius  d'HalIoy,  1783-1875.  Bruxelles, 
1897;  in-8°. 

Hurlez  {Le  chevalier  Ch.  de).  Le  Yi-King,  traduit  d'après 
les  interprètes  chinois  avec  la  version  mandchoue.  Paris, 
1897;  in-8»(220  p.). 

—  Vocabulaire  bouddhique  sanscrit -chinois.  Han  Fan 
Tsih-Yao.  Précis  de  doctrine  bouddhique.  Leyde,  1897  ; 
extr.  in-8°  (66  p.)  (95  p.,  portrait  et  carte). 

Mesdach  de  ter  Kiele  {Ch.).  Cour  de  cassation  de  Belgique 
(2e chambre),  24  mai  1897.  Immunité  diplomatique.  Ministre 
étranger.  Contestation  civile.  Excès  de  pouvoir.  Bruxelles, 
1897;  in-8°(5  p.). 

Meunier  {Fernand).  Revue  critique  de  quelques  insectes 


(  89»   ) 
fossiles  du  Musée  Teyler.  Harlem,  1897;  extr.  in-8°  (22  p., 
11  pi.). 

Bols  (Jean).  Honderd  oude  Vlaanische  liederen,  met  vvoor- 
den  en  zangwijzen,  verzameld  en  voor  de  eerste  maal  aan 
het  licht  gebracht  door  Jan  Bols.  Namur-Anvers,  1897; 
in-8°  (263  p.). 

(•uillery  (Le  DT).  De  la  nécessité  d'une  nouvelle  loi  sur... 
les  signes  certains  de  la  mort.  Charleroi,  1897;  in-8°  (5  p.). 

Thys  (Augustin).  Een  gerechtelijk  drama  in  1813;  zaak 
Werbrouck  en  consoorten,  naar  onuitgegeven  oorkonden. 
Anvers,  1897;  in-8°  (195  p.). 


Amérique. 

Wilson  (Thomas).  The  swastika,  the  earliest  known 
symbol,  and  its  migrations;  vvith  observations  on  the  migra- 
tion of  certain  industries  in  prehistoric  times.  Washington, 
1896;  extr.  in-8°  (252  p.). 

Honoré  (Carlos).  El  sol.  Montevideo,  1897;  in-8°  (230  p.). 

See  (T.-J. -J.).  Researches  on  the  évolution  of  the  stellar 
Systems,  volume  I.  Mexico,  1896;  in-4°. 

Albany.  Geological  Survey  of  the  Stale  of  New  York.  Palae- 
ontology,  volume  VIII  (James  Hall).  1894;  in-4°. 

—  University  of  the  State  of  New  York.  10811'  report  of 
the  régents,  1894,  1  and  2.  Examination  Department  : 
2d  and  3d  annual  report  1894  and  1895. 

Berkeley.  University  of  California.  Library.  Contents- 
Index,  volume  I.  Register  of  the  University. 

—  Biennial  report  of  the  président  of  the  University, 
1894-1896. 

—  Report  of  work  of  the  agricultural  experiment  stations, 
1894-1895. 

Mexico.  Instituto  qeologico  de  Mexico.  Boletin,  nums.  4-6. 
1897;  in-4°. 


(  892  ) 

New  York.  Academy  of  sciences.  Transactions,  volume  XV, 
1895-1896. 

—  American   Muséum   of  Natural   History.    Bulletin, 
volume  VIII,  1896. 

Salem.    American   Association   for   the   advancement   of 
science.  Proceedings,  45"'  meeting,  1896.  1897. 

Washington.  Historical  Association.  Annual  report,  1895. 

—  U.  S.  Coast  and  geodetic  Survey.  Report,  1895.  In-4°. 


France. 

Reinach  (Théodore).  Apollon,  statue  trouvée  à  Magnésie 
du  Sipyle.  (Musée  impérial  de  Constantinople.)  Paris,  1897; 
extr.  in-4°  (13  p.,  3  pi.). 

Castan  (Aug.).  Catalogue  général  des  manuscrits  des 
bibliothèques  publiques  de  France.  Départements  :  Besan- 
çon. Paris,  1897;  in-8°  (xxxv-1015  p.). 

Rey-Pailhade  (,/.  de).  Actions  de  l'eau,  du  soufre  et  de 
l'oxygène  dans  le  traitement  par  les  eaux  sulfurées.  Rôle 
intermédiaire  du  philothion.  Conférence.  Toulouse,  1896; 
in-8°  (20  p.). 

Amiens.  Académie  des  sciences.  Mémoires,  tome  XLIII, 
1896. 

Angers.  Société  nationale  d'agriculture.  Mémoires,  tomeX, 
1896. 

Arras.  Académie  des  sciences.  Mémoires,  tomes  XXV- 
XXVII,  1894-1896. 

Besançon.  Société  d'émulation.  Mémoires,  tome  X,  1895. 

Bordeaux.  Académie  des  sciences.  Actes,  1893. 

—  Société  d'anatomie  et  de  physiologie.  Bulletins,  t.  XVII, 
1896. 

Paris.  Société  mathématique.  OEuvres  mathématiques 
d'Évariste  Calois;  avec  une  introduction  par  Emile  Picard. 
Paris,  1897;  in-8°  (63  p.). 


(  893  ) 

Caen.  Académie  des  sciences.  Mémoires,  1896. 

Chamrkry.  Société  d'histoire.  Mémoires,  tome  XXXV, 
1896. 

Dijon.  Académie  des  sciences.  Mémoires,  tome  V,  1895-96. 

Paris.  Société  de  l'histoire  de  France.  Annuaire-Bulletin, 
1896. 

—  Ministère  de  l'Instruction  publique.  Catalogue  général 
des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques  de  France  : 
départements,  tomes  XXVI  et  XXXII. 

—  Réunion  des  sociétés  des  beaux-arts  des  départements, 
1896. 

—  Comptes  rendus  du  Congrès  des  sociétés  savantes  de 
Paris  et  des  départements  tenu  en  1896  :  section  des 
sciences. 

—  Collection  de  documents  inédits  :  Lettres  de  Peiresc, 
tome  VI.  1896;  in-4°. 

Rouen.  Société  d'émulation.  Bulletins,  1895-1896. 

Toulouse.  Académie  de  législation.  Recueil,  tome  XLV, 
1895-1896. 

Congrès  international  des  architectes,  troisième  session 
tenue  à  Paris  du  17  au  22  juin  1889.  Organisation,  compte 
rendu  et  notices.  Paris,  1896;  in-8°  (416  p.). 


Italie. 

Piolti  (Giuseppe).  Sull'  origine  délia  magnesite  di  Casel- 
lette  (Val  di  Susa).  Turin,  1897;  extr.  in-4°  (17  p.,  1  pi.). 

Aciréale.  Accademia  di  scienze.  Atti  e  rendiconti , 
volume  VII,  1895-1896. 

Brescia.  Ateneo.  Commentari,  1896. 

Pise.  R.  Scuola  normale.  Annali,  filosotia,  volume  XI, 
1896. 

Turin.  /}.  Accademia  délie  scienze.  Memorie,  volume  XL  VI. 
1896;  in-4°. 


(  894  ) 

Pays-Bas  et  Indes  néerlandaises. 

Bois-le-Duc.  Genootschap  van  Kunsten  en  Wetenschappen. 
De  «  Stuerghewalt  »  of  zoogenaamde  «  Booze  Griet  »  van 
's  Hertogenbosch  (W.  Wakker).  1897;  in-8°. 

Batavia.  Observatorïum.  Observations,  1895. 

—  Regenwaarnemingen  in'Nederlandsch-Indië,  1895. 

Utrecht.  Genootschap  van  Kunsten  en  Wetenschappen. 
Verslag  en  Aanteekeningen,  1896. 


■s 


Pays  divers. 

Jiménez-Placer  (Don  Carlos)  et  Arboli  y  Faraudo  (Don 
Servando).  Discursos  leidos  ante  la  R.  Academia  sevillana 
de  Buenas  Letras,  el  dia  18  de  diciembre  de  1887.  Séville, 
1887;  in-S°(81  p.). 

Vasconcellos  (Joaquim  de).  Damâo  de  Goes.  No  quarto 
eentenario  da  India  Portugueza,  1497-1897.  Porto,  1897: 
in-8°  (xxm-152  p.). 

Gautier  [Emile)  et  Gautier  {Raoul).  Nouvelles  moyennes 
pour  les  principaux  éléments  météorologiques  de  Genève 
de  1826  à  1893.  Genève,  1897;  extr.  in-8°  (4o  p.). 

Kammermann  {A.).  Résumé  météorologique  de  1896 
pour  Genève  el  le  Grand  Saint-Bernard.  Genève,  1897  ;  in-8°. 

Sars  (G.-O.).  An  account  of  the  crustacea  of  Norway, 
wilh  short  descriptions  and  figures  of  ail  the  species, 
volume  1,  3-4.  Bergen,  1897;  in-8°  (40  p.,  16  pi.). 

Association  géodésique  internationale.  Comptes  rendus 
des  séances  de  la  Commission  permanente,  réunie  à  Lau- 
sanne du  15  au  21  octobre  1896.  1897;  in-4°. 

Tiflis.  Plu/sikalisches  Observatorïum.  Beobachtungen , 
1895.  In-4°. 

Zurich.  Société  helvétique  des  sciences  naturelles.  Nouveaux 
mémoires,  volume  XXXV;  in-4°. 

Saint-Pétersbourg.  Observatoire  physique  central.  Annales, 
1895,  l,e  et  2de  parties. 


BULLETINS  DE  L* ACADÉMIE  ROYALE  DE  BELGIQUE. 

TABLES  ALPHABÉTIQUES 
DU  TOME  TRENTE- TROISIÈME  DE  LA  TROISIÈME  SÉRIE. 

1897. 
TABLE  DES  AUTEURS. 


Académie  des  sciences  de  l'Institut 
de  Bologne.  Envoie  le  pro- 
gramme du  Prix  Aldini  sur  le 
Galvanisme,  94. 

Académie  de  Stanislas  à  Nancy. 
Envoie  le  programme  des  Prix 
Despeux,  et  Herpin,  95. 

Académie  royale  des  sciences,  des 
lettres  et  des  beaux-arts  de 
Belgique.  Liste  des  travaux  pu- 
bliés de  mai  1896  à  mai  1897, 
745. 

Académie  royale  des  sciences  de 
Turin.  Envoie  le  programme 
du  Prix  Bressa,  95.  —  Annonce 
la  mort  de  MM.  G.  Ferraris 
et  L.  Schiaparelli,  150. 

Aitchison  [George).  Élu  associé, 
86;  remercie  pour  son  élection 
et  son  diplôme,  139,  v25!). 


Albert  Ier  de  Monaco  .S.  A.  R.  le 
prince).  Hommages  d'ouvrages, 
151. 

Anonymes  Concours  de  la  Classe 
des  lettres,  1897)  :  Mémoire  sur 
les  croyances  et  les  cultes  de 
l'île  de  Crète  dans  l'antiquité 
Rapports  de  MM.  Vanderkin- 
dere,  Alph.  Willems  et  le  comte 
Gobletd'Alviella),  480,485,  188. 
—  Mémoires  sur  le  fondement 
du  droit  de  propriété  indivi- 
duelle (Rapports  de  MM.  Mes- 
dach  de  ter  Kiele,  Brants  et 
Denis),  193,  534,  547.  —  Mé- 
moire sur  les  théories  de  la 
colonisation  au  XIXe  siècle. 
(Rapports  de  MM.  Denis,  Ban- 
ning  et  Descamps),  595, 630, 638. 

Arboli  y  Faraudo  :don  S.).  Voir 
Jiménez-Placer. 

Association  générale  pliant) accu- 


891» 


TABLK    DES    AUTEURS. 


tique  de  Belgique-  Annonce  que 
le  VIIIe  Congrès  international 
de  pharmacie  aura  lieu  à  Bru- 
xelles, 94. 
Aumale  (le  duc  d').  Hommage 
d'ouvrage,  344.  Annonce  de  sa 
mort.  Lettre  de  condoléances 
à  l'Institut  de  France.  175; 
réponse  de  l'Institut,  861. 


l\ 


Baetes  J.  .  Remet  une  reproduc- 
tion photographique  de  son 
projet  de  médaille  couronné 
en  1896,  84. 

Bambeke  [Ch.  Van).  L'oocyte  de 
Pholcus  phalangioides  Fuessl. 
Communication  préliminaire , 
307.  Hommages  d'ouvrages,  758. 
—  Rapports  :  voir  Goldschild 
(W.y,  Masoin  (C):  Taquin  {A.); 
Trambusti(A.). 

Banning  [Ém.).  Membre  du  jury 
pour  les  prix  De  Keyn,  59; 
rapport,  712.  —Rapports  :  voir 
Gossart  (Em.)  et  Anonymes 
(Mémoire  de  concours). 

Bêcher  (Léon).  Hommage  d'ou- 
vrage, 9."i. 

Beltrami  (Euy.).  Remerciements 
pour  son  élection  et  pour  son 
diplôme.  2,  94. 

Beneden  (Éd.  Van).  Rapports  : 
voir  Masoin  (C.)  et  Taquin  ( A .  : 
Francotte  (P.);  Trambusti  (A.). 

Benoit  (P.).  Membre  du  jury  du 
concours  des  cantates,  354. 

Berlière  dom  Ursmer\  Hommage 
d'ouvrage.  477. 


Blok(P.-J.  :.  Hommage  d'ouvrage 
avec  note  par  Ch.  Piot  (Verslag 
aangaande  een  voorloopig  on- 
derzoek  te  Parijs  naar  archi- 
valia  belangrijk  voor  de  ge- 
schiedenis  van  Nederland),  231. 

Bols  (Jan).  Hommage  d'ouvrage 
avec  note  par  Flor.  van  Duyse 
(Honderd  oude  vlaamsche  lie- 
dercn),  887. 

Bormans  (Stanis.).  Membre  des 
jurys  :  1°  Prix  De  Keyn,  59; 
rapport,  712;  2°  Prix  Anton 
Bergmann,  860.  —  Rapport  :  voir 
WilmotteiM.). 

Bourlard  (A.).  Élu  correspondant. 
85;  remercie,  139. 

Brahms  (Johannes).  Décès,  750. 

Brants  [V.).  In  cours  de  droit 
au  XVIIe  siècle.  Traetatus  de 
reditibus  annuis,  de  Gérard  de 
Courcelle  (1623),  61.  —  Note 
bibliographique  :  voir  Willems 
(Jos.).  —  Rapport  :  voir  Capart 
(Alph.)  et  Anonymes  (Mémoires 
de  concours). 

Brasseur  (ieu  J.B.).  Son  buste  en 
marbre  par  Ém.  Cantillon,  143. 

Brialmont  [Alexis).  Discours  pro- 
noncé à  l'inauguration  du  mo- 
nument Stas,  733. 

Burne-Jones  (Sir  Edward).  Élu 
associé,  85;  remercie  pour  son 
élection  et  son  diplôme,  139, 
259. 


Cabreira  (Ant.).  Hommage  d'ou- 
vrage. 95. 


TVRLK    DES    Al  I  II  RS. 


S97 


Cannizzaro  Stan.)  Remercie  pour 

les  félicitations  au  sujet  de  son 
soixante -dixième  anniversaire, 
:!.  Hommage  d'ouvrages,  3. 

Cantillon  (Êm.).  Buste  en  marbre 
de  .1.-15.  Brasseur,  L43. 

Capart  Alphonse).  Fondement 
ilu  droit  de  propriété  indivi- 
duelle [Mémoire  couronne). 
Rapports  de  MM.  Mesdacli  de 
ter  Kiele,  V.  Brants  et  Denis, 
193,  534,  547;  proclamé  lau- 
réat, 7±!;  remerciements,  860. 

Castan  kuAug.).  Hommage  d'ou- 
vrage fait  en  son  nom,  863. 

Cesàro  (G.).  Remercie  pour  la 
distinction  accordée  à  son  mé- 
moire sur  les  minéraux  du  sol 
belge  (t.  LUI,  Mémoires  de 
l'Académie),  3.  —  Sur  quelques 
propriétés  des  polyèdres  non 
centrés  superposables  à  leur 
image  {Mémoires de  l'Académie). 
Rapport  de  MM.  De  Tilly,  Neu- 
berg  et  Ch.  de  la  Vallée  Pous- 
sin, 392,  394.  —  Glycol  isobu- 
tvliquemononitré  : 

CH*.  OH 
I 
NO2  —  C  —  CH* 
i 
CH'.OH, 

description,  323. 
Gharlïer  (G.).  Modèle  du   buste 

de  Th.  Schwann,  144. 
Ciel  et  r«"re(Comité  de  rédaction). 

Prix  Mailly,  première  période 

(remerciements),  3. 
Clays(P.).  Rapport  :  voir  Esbroeck 

Éd.  Van). 


Cluysenaer  (Alfr.  .  Rapports  : 
voir  Delville  J  \;  Esbroeck  (Éd. 

Van  . 

Coopman  (Th.  .  Prix  De  Keyn, 
TUS;  proclamé  lauréat,  743. 

Cope(Éd.  Drinker).  Décès,  386. 

Crépin  /•>.).  Réélu  membre  de 
la  Commission  administrative, 
392. 

Crismer  L.).  Hommage  d'ouvra- 
ges avec  note  par  Alfr.  Gilkinet 
Analyse  des  beurres;,  387,  391. 

Cumont{F.).  Hommage  d'ouvrage 
avec  note  par  P.  Thomas  (Textes 
et  monuments  figurés  relatifs 
aux  mystères  de  Mithra,  i-efasc), 
128,  131. 


I) 


d'Aumale  (Le  duc).—  Voir  Aumale. 

De  llruyne  (Ch.).  Mémoire  cou- 
ronné sur  la  phagocytose  (re- 
merciements), 3. 

DeHeen  (P.).  Identité  de  l'effet  pro- 
duit par  la  lumière  et  par  l'effluve 
électrique  sur  une  plaque  pho- 
tographique recouverte  d'une 
lame  peu  conductrice,  42.  — 
Sur  la  prétendue  existence  de 
la  densité  critique,  T19.  —  Sur 
l'observation  d'étincelles  posi- 
tives et  négatives,  124.  —  Pho- 
tographie de  la  chromosphère 
du  soleil  et  constitution  de  cet 
astre,  205.  —  .Nouveaux  faits 
d'électrochrose  et  sur  l'intinie 
variété  des  phénomènes  dits 
cathodiques,  210.  —  Détermi- 
nation de  la  partie  du  spectre 


MX 


TABLE    DES    AUTEURS. 


qui  développe  la  plus  grande 
proportion  d'infra-  électricité  , 
321.  —  Réponse  à  M.  Le  Paige 
(Action  du  soleil  sur  les  plaques 
photographiques),  437.  —  Note 
relative  à  la  photographie  de  l'at- 
mosphère solaire,  800,  802.  — 
Rapports  :  voir  Goldschild  (  W '.)  ; 
Hemptinne  (A.  de). 

de  la  Vallée  Poussin  (Ck.).  Rap- 
ports :  voir  Cesàro  (G.):  De 
Windt  (Jean);  Stùber  (F.). 

Delbœuf  (/.).  Hommage  rendu  à 
su  mémoire  à  l'Université  de 
Liège  (Discours  de  M.  Gilkinet), 
96.' 

Delville  [Jean).  Réception  de  son 
second  rapport  semestriel  et  de 
son  premier  envoi  réglemen- 
taire, 84;  lecture  des  apprécia- 
tions de  MM.  Hymans,  Robie, 
Hennebicq  et  Cluysenaar,  265  ; 
réception  de  sa  lettre  datée  de 
Rome,  juin  1897,  887. 

Denis  {H.).  Sur  l'interprétation 
des  données  de  la  statistique  et 
sur  la  natalité  et  la  matrimo- 
nial i  té  (lecture),  132.  —  Hom- 
mage d'ouvrage,  477.  —  Rap- 
port :  voir  Capart{Alph.)  et  Ano- 
nymes (Mémoires  de  concours). 

De  Paepe  (P.).  Prix  quinquennal 
des  sciences  sociales  (IIIe  pério- 
de). 47(i  ;  proclamé  lauréat.  723. 

Deruyts  (/.  >.  Rapport  :  voir  Lands- 
l'erg  G.). 

Descamps  {Le  chevalier  Éd.).  Rap- 
port :  voir  Anonymes  (Mémoires 
de  concours). 

Des  Cloizeavx  (A .-L.-O, Legrand). 


Remercie  pour  son  élection 
d'associé  et  pour  son  diplôme. 
2,  94.  —  Son  décès,  758. 

Devogel  (  Victor).  Prix  De  Keyn, 
718  ;  proclamé  lauréat,  723. 

De  Vuyst  (P.).  Hommage  d'ouvra- 
ge arec  note  par  Léo  Errera. 
(Cultures  spéciales.  Expériences 
de  Borsbeke  lez-Alost,  1890- 
1896),  4.  6. 

Dewalque  (G.).  Délégué  au  Congrès 
international  de  géologie  de 
Saint-Pétersbourg,  758.  —  Les 
sciences  minérales  devant  les 
jurys  des  prix  quinquennaux 
des  sciences  naturelles,  782.  — 
Rapport  :  voir  Fraipont  (/.).  — 
Note  bibliographique  :  voir  Vel- 
ge(G.). 

De  Windt  {Jean).  Établir  les  rela- 
tions qui  existent,  au  point  de 
vue  lithologique,  entre  les  ro- 
ches considérées  comme  cam- 
briennes  des  massifs  de  Rocroi, 
du  Brabant  et  de  Stavelot.  Lec- 
ture des  rapports  de  MM.  de  la 
Vallée  Poussin  (Ch.),  Malaise  et 
Renard,  275. 

D'Hondt  (Fréd.i.  Hommage  d'ou- 
vrage, 274. 

d'indy  {Vincent).  Élu  associé,  86: 
remercie  pour  son  élection  et 
son  diplôme,  139,  259. 

Discailles  [Ern.).  Promu  Officier 
de  l'Ordre  de  Léopold,  52.  — 
Élu  membre  titulaire,  724;  ap- 
probation royale  de  son  élec- 
tion, 860;  remercie,  860.  — 
Rapport  :  voir  Wilmotte  {M.). 


TABLE    I>KS     WTKIKS. 


899 


d'Olivecronu  ;C).  Hommage  d'ou- 
vrage, 344. 

Doorslaer  (G.  Van).  Hommage 
d'ouvrages,  140. 

du  Bois-Reymond  Emile-Henri  . 
Décès,  3. 

Duclos  (Ad.).Hommaged'ouvrage, 
751. 

Dupont  {Ed.).  Élu  directeur  de  la 
Classe  des  sciences  pour  l'an- 
née 1898,  8.  —  Hommage  d'ou- 
vrages avec  notes  :  1°  Guide  du 
Musée  royal  d'histoire  naturelle 
de  Belgique.  387,  388;  2°  d'Oma- 
lius  d'Halloy,  1783- 1875,  758, 
759. 

Duvivier  (Ch.).  Prix  quinquennal 
d'histoire  nationale  i  Xe  période, 
1891-1895),  343.  —  Proclame 
lauréat,  723. 

Dtcyck  [M.).  Sur  une  combinaison 
de  certains  terpènes  avec  les 
salicylates  alcalins,  388. 

Duyse(Flor.van).  Hommage  d'ou- 
vrages, 140  —  Note  bibliogra- 
phique :  voir  Bols  (Jan). 


École  française  d'Athènes.  Célé- 
bration de  son  cinquantenaire 
(Remise  à  cause  de  la  guerre), 
127. 

Engelmann  (Th.-W.).  Hommage 
d'ouvrage,  95. 

Errera  (L.).  Hommage  d'ouvrage, 
387.  —  Note  bibliographique  : 
voir  De  Vuyst  (P.).  —  Rapport  : 
voir  Masoin^P)  et  Taquin  (L.). 

Esbroeck  (Éd.  Van).  Troisième  et 
quatrième  rapports  semestriels  ; 


appréciation  de  MM.  Fétis. 
Clays,  Cluysenaar,  Hennebicq 
et  Stallaert,  350.  —  Réception 
de  son  cinquième  rapport,  751. 
Even  (lùhv.  Van).  Note  sur  Nicolas 
Stramot,  peintre  belge  de  la  fin 
du  XVII*  siècle,  367.  —  Hom- 
mage d'ouvrage,  751. 


Faye  (Hervé).  Remercie  pour  les 
sentiments  qui  lui  ont  été  ex- 
primés à  l'occasion  de  son  cin- 
quantenaire de  membre  de 
l'Institut,  94. 

Fennema  (H.).  Hommage  d'ou- 
vrage, 274. 

Ferraris  (Galileo).  Décès,  150. 

Fétis  (Éd.).  Jlembre  du  jury  du 
concours  des  cantates,  354.  — 
Réélu  membre  de  la  Commis- 
sion administrative,  751 .  —  Rap- 
port :  voir  Esbroeck  (Éd.  Van). 

Fierens-Gevaert  (H.).  Hommage 
d'ouvrage,  84. 

Folie  (F.).  Dépose  un  pli  cacheté. 
3.  —  Réflexions  sur  l'aberration 
planétaire,  103.  —  De  la  néces- 
sité d'une  réaction  en  astro- 
nomie sphérique,  154.— Preuve 
de  la  nutation  diurne  par  les 
écarts  systématiques  trouvés 
dans  les  latitudes  déterminées 
à  Lick  Observatory ,  299.  — 
L'expression  de  l'heure  dans 
le  système  de  l'axe  instantané, 
397.  —  Sur  l'incorrection  de 
l'heure  et  de  l'ascension  droite 
déterminées   dans   le   système 


!MK) 


TABLE    DES    AUTFAIKS. 


de  l'axe  instantané,  765.  —  Sur 
la  période  eulérienne,  771.  — 
Phénomènes  naturels  observés 
en  Belgique  (fév.  et  mars  1897), 
164,  306.  —  Hommage  d'ou- 
vrage, 151. 

Fraipont  (</.).  La  grotte  du  mont 
Falhise  (Anthée),  47;  lecture  du 
rapport  de  MM.  Dewalque,  Du- 
pont et  Malaise,  8.  —  Hommage 
d'ouvrage,  95. 

Francotte  (P.).  Recherches  sur  la 
maturation,  la  fécondation  et  la 
segmentation  chez  les  Poly- 
clades  (Mémoires  des  savants 
étrangers,  in  4°,  t.  LV).  Rapport 
de  MM.  Éd.  Van  Beneden  et  31a- 
sius,  278,  283. 

Fredericq  iL.).  Membre  du  jury 
pour  les  prix  De  Keyn,  59;  rap- 
port, 712.  —  Rapport  :  voir 
Masoin  (P.)  et  Taquin  (A.). 

Fredericq  (P.).  Chevalier  de  l'Ordre 
de  Léopold,  52.  —  Membre  du 
jury  pour  les  prix  :  1°  De  Keyn, 
59;  rapport,  712;  2°  Anton 
Bergmann,  860.  —  Note  biblio- 
graphique :  voir  Siée  (J.-C.  van). 
—  Rapport:  voir  Gossart  (Ern.). 


Gardeur  (A.).  Sur  la  triphénylé- 
thanone,  759. 

Garnier  iJ.-L. -Char les).  Élu  asso- 
cié, 85;  remercie  pour  son 
élection  et  pour  son  diplôme, 
139,  259. 

Gehuchten{A.  Van).  A.  Contribu- 
tion à  l'étude  des  cellules  dor- 


sales tHinterzellen)  de  la  moelle 
épinière  des  Vertébrés  infé- 
rieurs; B.  Le  ganglion  basai 
et  la  commissure  habénulaire 
dans  l'encéphale  de  la  Sala- 
mandre, 388. 

Génard  (P.).  Hommage  d'ouvrage, 
355. 

Gevaert  (F.-A.)  Membre  du  jury 
du  concours  des  cantates,  354. 
—  Hommage  d'ouvrage,  355. 

Gilkinet  (Alfred).  Discours  pro- 
noncés :  1°  à  la  cérémonie  qui 
eut  lieu  à  l'Université  de  Liège, 
en  mémoire  de  J.  Del  bœuf,  96; 
2°  Au  cinquantenaire  académi- 
que de  M.  le  baron  Edm.  de  Selys 
Longchamps,  727. —Note  biblio- 
graphique :  voir  Crismer  (L.). 

Goblet  d'Alviella  (Le  comte  Eug  ). 
Nommé  président  de  l'Académie 
pour  l'année  1897,  2,  53,  83.  — 
Silex  néolithiques  et  paléoli- 
thiques de  Court-Saint-Ëtienne, 
286.  —  Les  Grecs  dans  l'Inde, 
essai  de  restitution  historique, 
653.  —  Allocution  (cinquante- 
naire académique  de  M.  le  baron 
Edm.  de  Selys  Longchamps), 
726.  —  Réponse  au  discours  de 
31.  Brialmont  à  l'inauguration 
du  monument  Stas,  742.  — 
Note  bibliographique  :  voir  W(7- 
son  (Thomas).  -  Rapport:  voir 
Anonymes  (31émoire  de  con- 
cours). 

Goldschild  (W).  Soumet  une  note 
sur  la  Théorie  substantielle  de 
la  chaleur,  388;  dépôt  aux 
archives  après  avis  de  MM.  De 


TARLE    DES    AUTEURS. 


901 


Heen  et  Van  der  Mensbrugghe, 
760. 

Gonse  (Lattis).  Hommage  d'ou- 
vragé, 751. 

Goode  (G.-Brown).  Décès,  94. 

Gossart  (Ern.).  Notes  pour  servir 
à  l'histoire  du  règne  de  Charles- 
Quint  {Mémoires  in-8°,  t.  LV). 
Rapports  de  MM.  Piot,  Banning 
et  P.  Fredericq,  344,  347,  :S52. 

Gosselet  («/.).  Hommage  d'ouvra- 
ges, 151. 

Gûeluy  (A.)  et  Lamy  (T.-J.).  Le 
monument  chrétien  de  Si-ngan- 
fou.  son  texte  et  sa  signification 
(Mémoires  de  V Académie,  in-4°, 
t..  LUI).  Lecture  des  rapports  de 
MM.  Monchamp  et  de  Harlez,  61 . 

Guillery  (Le  Dr).  Hommage  d'ou- 
vrage, 758. 


II 


Harlez  (Ch.  de).  Hommage  d'ou- 
vrages avec  note  :  A.  Le  Yi- 
King;  B.  Vocabulaire  boud- 
dhique, sanscrit-chinois,  862, 
864.  —  Rapport  :  voir  Lamy 
(T.-J.)  etGueluy  (A.). 

Hemptinne{A.  de).  A.  Sur  l'action 
chimique  des  effluves  électri- 
ques et  des  rayons  de  Rôntgen  ; 
B.  Action  des  vibrations  électri- 
ques sur  quelques  substances 
(Mémoires  in-8°,  t.  LV).  Lecture 
des  rapports  de  MM.  Spring,  De 
Heen  et  Van  der  Mensbrugghe, 
103,  152,  275.  —  Sur  la  syn- 
thèse des  substances  organiques 
par  les  effluves  électriques,  388. 

3,ne    SÉRIE,    TOME    XXXIII. 


Hennebicq  (A.).  Rapports  :  voir 
Delville(J.);  Esbroeck(Éd.  Van). 

Henrard  (!'.).  Hommage  d'ou- 
vrage fait  en  son  nom,  343. 

Henry  (Louis).  Sur  la  mono- 
chlorhydrine  glycérique  d'ori- 
gine allylique,  110.  —  Sur  l'al- 
cool nitro-propylique  primaire 
(H0)CH2-CH(N02)-CH3,  115. 
—  Recherches  sur  la  volatilité 
dans  les  composés  carbonés. 
195.  —  Sur  divers  composés 
triméthyléniques,  407.  —  Sur 
divers  alcools  nitrés,  412.  — 
Rapports  :  voir  Schoonjans  (A.); 
Vandevelde  (A  .-J.-J.);Swarts  (F.  ) . 

Hérain  («/.).  Avis  de  la  section  de 
sculpture  sur  son  buste  en 
marbre  de  H.  Vander  Haert,  85. 

Hesselgren  (Frédéric).  Hommage 
d'ouvrage,  751. 

Heymans  \J.-F.).  Mémoire  cou- 
ronné sur  l'Amphioxus  (remer- 
ciements), 3. 

Homolle(J.-Th.).  Hommage  d'ou- 
vrages, 344. 

Hymans  (IL).  Élu  correspondant 
de  l'Académie  des  beaux-arts 
de  l'Institut  de  France  (félicita- 
tions), 138.  —Notes  bibliogra- 
phiques :  voir  Jacqttot  (Alb.): 
Neuwirth  (J.\  —  Rapport  :  voir 
Défaille  (Jean). 


Institut  de  France.  Lettre  en  ré- 
ponse aux  sentiments  exprimés 
par  l'Académie  au  sujet  de  la 
mort  du  duc  d'Aumale.  861. 

59 


1M>2 


TABLE  DES  AUTEURS. 


Jacquot  (Alb.).  Hommage  d'ouvra- 
ges (Le  peintre  lorrain  Claude 
Jacquard.  —  Un  protecteur  des 
arts  :  le  prince  Charles-Alexan- 
dre de  Lorraine).  Note  par  H. 
Hymans,  84,  262. 

Janssen  (P.-J.-C.).  Remercie  pour 
son  élection  d'associé  et  pour 
son  diplôme,  2,  94. 

Janssens  (E.).  Hommage  d'ou- 
vrage, 95. 

Jiménez-Placer  (don  Carlos)  y  Ar- 
boii  y  Faraudo  (don  Servando). 
Hommage  d'ouvrage  avec  note 
par  Alph.  Wauters.  (Discursos 
leidos  ante  la  rèal  Academia 
Sevillana...),  862,  864. 

Jorissen  (A.).  Rapport  :  voir 
Schuyten  (Af.-C). 


Kayser  (Simon).  Étude  sur  l'art 
oratoire,  la  langue  et  le  style 
d'Hypéride  (Mémoire  couronné). 
Rapports  de  MM.  Vollgraff,  P. 
Willems  et  P.  Thomas,  645, 
648, 650.  Proclamé  lauréat,  722  ; 
remercie,  860. 

Kôlliker  (A.  von).  Hommage  d'ou- 
vrage, 387. 

Kurth  (God.).  Officier  de  l'Ordre 
de  Léopold,  52. 


Lameere  (Eug.).  Hommage  d'ou- 
vrage avec  note  par  Ch.  Piot 


(Essai  sur  l'origine  et  les  attri- 
butions de  l'audiencier  dans  les 
anciens  Pays-Bas),  54,  55. 
Lamy  (T.-J.).  Le  monument  chré- 
tien de  Si-nganfou,  son  texte  et 
sa  signification  en  collaboration 
avec  Gueluy  (A.)  (Mémoires  de 
L'Académie  in-4°,  t.  LUI).  Lec- 
ture des  rapports  de  MM.  Mon- 
champ  et  de  Harlez,  61.  —  Délé- 
gué à  la  onzième  session  du 
Congrès  international  des  orien- 
talistes, 127.  —  Note  bibliogra- 
phique :  voir  Ponthière  (H.). 
Lancaster  (Alb.).  Hommage  d'ou- 
vrage, 151. 
Landsberg  (G.).  Sur  un  nouveau 
développement  de  la  fonction 
gamma  qui  contient  la  série  de 
Stirling  et  celle  de  Kummer 
(Mémoires  in-8°,  t.  LV).  Rapport 
de  MM.  P.  Mansion,  J.  Deruyts 
et  Neuberg,  9,  17. 
Laureys  (F.).  Son  décès,  258.  — 
Discours  prononcé  à  ses  funé- 
railles ;  par  Th .  Vinçotte,  260.  — 
Remerciements  de  la  famille, 
355. 
Leclercq  {Jules).  Élu  correspon- 
dant, 72i;  remercie,  860. 
Lemailre  (Jules).  Élu  associé,  724  ; 

remercie,  860. 
Le  Paiye  (C).  De  l'action  du 
soleil  sur  les  plaques  photogra- 
phiques, 429.  —  Sur  la  photo- 
graphie de  l'atmosphère  (suite 
à  une  note  de  M.  De  Heen),  802. 
Lon/ils  (Lue).  Prix  De  Keyn,  718. 
Proclamé  lauréat,  723. 


TABLE    DKS    AUTEURS. 


903 


>l 


Malaise  (C).  Sur  la  constitution 
de  la  bande  silurienne  du  Gon- 
droz  de  Sambre-et-Meuse,  803. 
—  Note  bibliographique  :  voir 
Petermann  [A.\  —  Rapports  : 
voir DeWindt(J.);Fraipont  ./.). 
Malderghem  (J.  Van).  Hommage 
d'ouvrage  avec  note  par  Alph. 
Wauters  (Les  fresques  de  la 
Leugemeete,  à  Gand),  477. 

Mansion  P.).  Hommage  d'ou- 
vrage, w274.  —  Rapports  :  voir 
Landsberg  (G.);  Marchai  (J.); 
Stuyvaert  [M.). 

Marchai  ./.).  Lettre  relative  a  la 
théorie  des  nombres  premiers, 
275  ;  déposée  aux  archives  sur 
l'avis  de  M.  Mansion,  392. 

Masius  [V.).  Approbation  royale 
de  son  élection  de  membre  titu- 
laire, 2;  remercie,  2.  —  Rap- 
port :  voir  Francotte  (P.). 

Masoin  (P.).  Demande  à  pouvoir 
bénéficier  de  la  table  belge  à 
la  station  zoologique  de  Na- 
ples,  2;  lecture  des  rapports 
de  MM.  Van  Beneden,  Van  Bam- 
beke,  L.  Fredericq  et  L.  Errera, 
102. 

Massart    J.).  Mémoire  couronné 
sur  la  cicatrisation  chez  les  vé 
gétaux  (remerciements),  3. 

Mathieu  (Emile).  Élu  correspon- 
dant, 86;  remercie,  439. 

Meert(U.).  Remet  un  exemplaire 
imprimé    de    son  travail   cou- 


ronne par  le  jury  De  Keyn  (Dis- 
tels), 54. 

Mendeléef(D.-J.  .  Remerciements 
pour  son  élection  d'associé  et 
pour  son  diplôme,  2,  94. 

Mesdach  de  ter  Kiele  (Ch.).  Hom- 
mage d'ouvrages,  862.  —  Rap- 
port :  voir  Capart  Alph.)  et 
Anonymes  (Mémoires  de  con- 
cours). 

Ministre  de  l'Agriculture  et  des 
Travaux  publies.  Envois  d'ou- 
vrages, 139,  259,  862,  886. 

Ministre  de  la  Guerre.  Envoi  d'ou- 
vrage, 386. 

Ministre  de  la  Justice.  Envois  d'ou- 
vrages, 477,  862. 

Ministre  de  l'Industrie  et  du  Tra- 
vail. Envois  d'ouvrages,  343, 
386. 

Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'In- 
struction publique  Envois  d'ou- 
vrages, 3,  53,  95,  128, 150,  230, 
343,  355,  386,  476,  862. 

Ministre  des  Finances.  Envoi  d'ou- 
vrages, 53. 

Monchamp  G.).  Rapport  :  voir 
Lamy  i  T.J.)  et  Gueluy  (A.  . 

Mortelnians  (L.).  Envoi  réglemen- 
taire (Salée  Recjina),  751. 

Motteu  J.  .  Hommage  d'ouvrage, 
387. 

Mourlon  (M.).  Hommage  d'ouvra- 
ges, 95.  —  La  l'aune  marine 
du  quaternaire  moséen  révélée 
par  les  sondages  de  Slrybeek 
(Meerle)  et  de  Wortel,  près 
de  Hoogslraelen,  en  Campine, 
776. 


904 


TABLE    DES    AUTEURS. 


N 


Nadaillac  (Le  marquis  de).  Hom- 
mage d'ouvrages,  53,  344. 

Navez  (Louis).  Hommage  d'ouvra- 
ge, 53. 

Neuberg  (/.).  Membre  du  Jury 
pour  les  prix  De  Keyn,  59; 
rapport,  712.  —  Hommage  d'ou- 
vrage, 274.  —  Rapports  :  voir 
Cesàro  (G.);  Landsberg  (G.); 
Stuyvaert  (M.). 

Neuwirth  {Joseph).  Hommage  d'ou- 
vrage avec  note  par  H.  Hy- 
mans  (Forschungen  zur  Kunst- 
geschichte  Bôhmens.  II.  Der 
Bildercyklus  des  Luxemburger 
Stammbaumes  aus  Karlstein\ 
139,  140. 


O 


Olivecrona  [C.  d').  Voir  d'Olive- 
crona. 


Petermann  (A.).  Hommage  d'ou- 
vrage avec  note  par  C.  Malaise 
(Station  agronomique  et  labora- 
toires d'analyses  de  l'État,  1781- 
1896).  4,  5.  * 

Piot  (Ch.).  Commandeur  de  l'Or- 
dre de  Léopold,  342.  —  Les 
Marchands  Aventuriers  à  An- 
vers, 870.  —  Notes  bibliogra- 
phiques :  voir  Blok  (P.-J.);La- 
meerc.  (Eug.v,  Serrure  (C.-A.).  — 
Rapport:  voir  Gossart  (Ern.). 


Plateau  (F.).  Comment  les  fleurs 
attirentles  Insectes.  Recherches 
expérimentales.  Troisième  par- 
tie, 17. 

Ponthière  (//.).  Hommage  d'ouvra- 
ge avec  note  par  T.-J.  Lamy 
(Triptyque  :  Le  Paquebot  —  Le 
Village  —  L'Épopée  du  fer),  128. 
130.' 

Potvin  (Ch.).  Membre  du  jury 
pour  les  Prix  De  Keyn,  59;  rap- 
port, 712.  Traduction  en  vers 
français  de  poésies  flamandes 
(ouvrage  couronné  par  le  jury 
De  Keyn),  718.  -  Jean  Stas  (poé- 
sie), 743. 

Preud'ho)nmelL.).«Yies  des  douze 
Césars  »  par  Suétone  (Mémoire 
couronné).  Rapports  de  MM. 
P.  Thomas,  P.  Willems  et  Voll- 
graff,  639,  643,  644.  Proclamé 
lauréat,  722;  remercie.  860. 

1\ 

Radoux  (Th).  Hommage  d'ou- 
vrage, 84. 

Reinach  (Th.).  Hommage  d'ou- 
vrages, 53,  231,  863. 

Renard  (A.-F.).  Remis  en  posses- 
sion de  son  mémoire  Sur  la 
météorite  de  Lesve  et  sur  le 
mode  de  formation  des  météo- 
rites pierreuses,  96.  —  Rap- 
ports :  voir  De  Windt  (Jean); 
Stôber  (F.). 

Renault  (B.).  Hommage  d'ou- 
vrages, 4. 

Reychler  (A.).  Hommage  d'ou- 
vrage, 387. 


TABLE  DES  AUTEURS. 


905 


Robie  (</.).  Rapport  :  voir  Del- 

ville  J.\ 
Rooses (Max.).  Membre  des  jurys  : 

1°  concours  des  cantates,  355; 

2°  prix  Anton  Bergmann    860. 


Sachs  (Jiilius  von).  Décès,  758. 

Samuel  (Ad.).  Membre  du  jury 
du  concours  des  cantates,  354. 

Scliiaparelli  (Luigi).  Décès,  150. 

Schoonjans  (A.).  Sur  l'éther  ani 
soyl-acétyl-acétique  et  ses  déri- 
vés, 810;  rapports  de  MM.  Spring 
et  Henry,  760,  761. 

Schuyten  (M.-C).  Dépose  un  pli 
cacheté,  274.  —  Sur  les  déri- 
vés mercuriques  halogènes  de 
l'antipyrine,  821  ;  rapports  de 
MM.  Jorissen  et  Spring,  762, 
763. 

Schwann  (feu  Th.).  Modèle  de  son 
buste  par  G.  Charlier,  144. 

Selys  Longchamps  (le  baron  Edm,). 
Célébration  de  son  cinquante- 
naire académique,  726. 

Serrure  (C.-A.).  Hommage  d'ou- 
vrage avec  note  par  Ch.  Piot 
(Les  monnaies  des  Voconces), 
53,  54. 

Slée{J.-C.  van\  Hommage  d'ou- 
vrage avec  note  par  P.  Frede- 
ricq  (Johannes  Ruysbroeck, 
door  van  Otterloo),  54,  57. 

Sleeckx  (D.).  Élu  membre  titulaire, 
72i;  approbation  royale  de  son 
élection,  860:    remercie,  860. 

Sluys  (A.).  Prix  De  Keyn,  718; 
proclamé  lauréat,  723. 


Snieders  (A.).  Membre  des  jurys  : 
1°  concours  des  cantates,  355; 
2°  prix  Anton  Bergmann,  860. 
Société,  belge  d'astronomie.  Hom- 
mage  de  son  Annuaire   pour 
1897,  avec  note  par  Fr.  Terby, 
4,  5. 
Société  d'émulation   d'Abbeville. 
Célébration  de  son  centenaire 
(félicitations),  863. 
Société  havraise  d'études  diverses. 
Réception  de  son  programme 
de  concours  de  poésie,  863. 
Spring  [W.).  Sur  le  spectre  d'ab- 
sorption de  quelques  corps  or- 
ganiques incolores  et  ses  rela- 
tions avec  la  structure  molécu- 
laire, 165.  —  Rapports  :  voir 
Hemptinne  (A.  de);  Schoonjans 
A.);  Schuyten  (M.-C);  Swarts 
(F.);  Vandevelde(A.-J.-J.). 
Stallaert   (/.).    Rapport    :    voir 

Esbroeck  (Éd.  Van). 
Stas  (l'eu  J.-S.).  Inauguration  du 
monument  élevé  à  sa  mémoire, 
732.  —  Jean  Stas  (poésie  par 
Ch.  Potvin),  743. 
Stecher  (J.).  Commandeur  de  l'Or- 
dre de  Léopold,  52.  — Rapport  : 
voir  Wilmotle  (M.). 
Steinlen    (Rod.).    Sur    quelques 
éthers  des  acides  monochlor-  et 
monobromacétiques,  758. 
Sterck  (Arthur).  Allocation  de  sa 

pension  de  lauréat,  84. 
Stôber  (F.).  Notice  sur  un  appareil 
permettant  de  tailler  un  cristal 
suivant  une  direction  déter- 
minée, et  sur  une  méthode  de 
tailler  des  plaques  à  faces  pa- 


900 


TABLE    DES    AUTEURS. 


rallèles,  843;  rapports  de  MiM. 
Cli.  de  la  Vallée  Poussin  et  Re- 
nard, 763,  764. 

Stroobant  (P.).  Dépose  un  pli 
cacheté,  151. 

Stuyvaerl  [M.).  Sur  la  courbure 
des  lignes  et  des  surfaces  [Mé- 
moires). Rapports  de  MM.  Man- 
sion  et  Neuberg,  276. 

Swarts  (Fr.).  Sur  quelques  dérivés 
fluobromés  en  C2,439;  rapports 
de  MM.  Spring  et  Henry,  394, 
396. 

Sylvester  (James- Joseph).  Décès, 
274. 


Taquin  (A.).  Demande  à  pouvoir 
bénéficier  de  la  table  belge  à  la 
station  zoologique  de  Naples,  2; 
lecture  des  rapports  de  MM.  Van 
Reneden,  Van  Bambeke,  L.  Fre- 
dericq  et  L.  Errera,  102. 

Tardieu  (Charles).  Élu  directeur 
de  la  Classe  des  beaux-arts  pour 
1898,  86. 

Terby  [F.).  Hommage  d'ouvrage, 
274.  —  Note  bibliographique  : 
voir  Société  belge  d'astronomie. 

Thomas  (P.).  Élu  membre  titu- 
laire ,  724  ;  approbation  royale 
de  son  élection,  860;  remer- 
cie, 860.  —  Note  bibliographi- 
que :  voir  Cumont  (F  ).  —  Rap- 
ports :  voir  Kayser  (S.);  Preu- 
a"  homme  (L.). 

Tilly  [J.  De).  Commandeur  de 
l'Ordre  de  Léopold  (félicita- 
tions^, 150.  —  Rapport  :  voir 
Cesàro  [G.  ■ 


Trambusti  (A.).  D'un  caractère 
différentiel  entre  leucoblastes 
et  érythroblastes  Observations 
cytologiques,  333;  rapports  de 
MM.  Van  Bambeke  et  Van  Bene- 
den,  283,  286. 

Treub  (Melchior).  Remercie  pour 
son  élection  d'associé  et  pour 
son  diplôme,  150,  274. 


Van  der  Burch  (G.).  Hommage 
d'ouvrage.  387. 

Vander  Haegen  [Ferd.).  Élu  direc- 
teur de  la  Classe  des  lettres 
pour  l'année  1898,  59.  —  Des 
graves  dangers  auxquels  soi  il 
exposés  les  livres  et  les  manu- 
scrits de  nos  dépôts  publics, 
132.  —  Rapport  sur  les  tra- 
vaux de  la  Commission  de  la 
Biographie  nationale  pendu  ni 
l'année  1896-1897,  744. 

Vander  lrindere(L.).  Rapport:  voir 
Anonymes  (Mémoires  de  con- 
cours). 

Van  der  Mensbrugghe  (G.).  Rap- 
ports :  voir  Goldschild  (W.); 
Hcmptinne(A.  de). 

Vander Stricht  (0.).  Mémoire  cou- 
ronné sur  l'Amphioxus  (remer- 
ciements), 3. 

Vandevelde  (A.-J.-J.).  Recherches 
sur  l'acide  phénoxacétique . 
Deuxième  communication  :  Aci- 
de phénoxycinnamique,  221; 
rapports  de  MM.  Spring  et  Hen- 
ry, 152, 153. 

Valérius  (Hubert).  Décès,  386. 

Velge  (G.).  Hommage  d'ouvrage 


TABLE    DES    AUTEURS. 


«MIT 


avec  noie  par  G.  Dewalque 
(Compte  rendu  de  L'excursion 
géologique  de  Bruxelles  à  Ter- 
vueren),  387,  390. 

Verbeek  (D.-M.).  Hommage  d'ou- 
vrage, 274. 

Vereecken  (Km.).  Réception  de  ses 
quatrième  et  cinquième  rap- 
ports semestriels,  250,  355. 

Vincent  -/.)•  Hommage  d'ouvrage, 
93. 

Vinçotte  [Th.).  Discours  prononcé 
aux  funérailles  de  Félix  Lau- 
reys,  260. 

\loors  (EA  Remet  une  photo- 
graphie de  son  projet  de  frise 
pour  un  asile  de  nuit,  84. 

Vollgraff  J.-C).  Chevalier  de 
l'Ordre  de  Léopold.  52.  —  Rap- 
ports :  voir  Kayser  (S.);  Prend'- 
homme  (L.). 

W 

Wau.tP.rs  (Alph.).  Quelques  mots 
sur  André  Vésale  (Mémoires 
in-8°,  t.  LVi,  61.  —  Hommage 
d'ouvrages  avec  notes  :  (David 
Teniers  et  son  fils,  le  troisième 
du  nom),  128.  130.  —  Quelques 
mots  sur  Vésale,  477,  808.  — 
Réélu  membre  de  la  Commis- 


sion administrative,  651.  — 
Notes  bibliographiques  :  voir 
Jiménez  -  Pincer  ;  Malderghem 
(J.  Van). 

Weierstrass  [Ch.-Th.-Wilh.  .  Dé- 
cès, 150. 

Willems  (Alph.).  Rapport  :  voir 
Anonymes  'Mémoires  de  con- 
cours). 

Willems  (Jos.).  Hommage  d'ou- 
vrages avec  note  par  V.  Brants 
{A.  Sur  la  responsabilité  civile; 
B.  La  loi  Aquilienne),  54,  58. 

Willems  {P.).  Membre  des  jurys  : 
Ie  prix  De  Keyn,  59;  rapport, 
712;  2°  concours  des  cantates, 
355;  3°  prix  Anton  Bergmann, 
860.  -  Accepte  de  représenter 
l'Académie  à  l'inauguration  de 
la  statue  élevée  à  J  -B  David, 
863.  —  Rapports  :  voir  Kayser 
(S.);  Prend' homme  (L.). 

WilmolteiM.).  Notes  d'ancien  wal- 
lon, 240;  rapports  de  MM.  Ste- 
eher,  Discailles  et  Bormans . 
233,  235,  238.  —  Élu  corres- 
pondant, 721;  remercie,  860. 

Wilson  (Thomas).  Hommage  d'ou- 
vrage avec  note  par  le  comte 
Coblet  d'Alviella  (The  Swastika, 
the  earliest  known  symbol  and 
its  migrations \  477,  178. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Aberration  planétaire  (Réflexions 
sur  1');  par  F.  Folie,  103. 

Acide  phénoxycinnamique;  par  le 
D'  A.-J.-J.  Vandevelde,  221; 
rapports  de  MM.  Spring  et  L. 
Henry,  152, 153.  —  Voir  Éther. 

A/jronomie.  Note  par  M.  L.  Errera 
(Cultures  spéciales.  Expériences 
de  Borsbeke  lez-Alost,  1890- 
1896;  par  P.  De  Vuyst),  6.  - 
Voir  Station  agronomique. 

Alcool  (Sur  1')  nitro-propylique 
primaire  (H0)CH,-CHu\02)-CH5; 
par  L.  Henry,  115.  —  Sur  divers 
alcools  nitrés;  par  L.  Henry, 
412. 

Anatomie.  Voir  Encéphale  et 
Moelle. 

Anniversaires.  Voir  Jubilés. 

Antipyrine.  Sur  les  dérivés  mer- 
curiques  halogènes  de  l'anti- 
pyrine;  par  M -G.  Schuyten, 
821;  rapports  de  MM  Jorissen 
et  Spring,  762,  763. 

Archives.  Verslag  aangaande  een 
voorloopig  onderzoek  te  Parijs 
naar  archivalia  belangrijk  voor 
de  geschiedenis  vanNederland; 
par  P.-J  Blok  (Note  bibliogra- 
phique par  CI).  Piot),  231. 


Arts.  Voir  Beaux-arts  ;  Morale. 

Astronomie.  Annuaire  pour  1897 
de  la  Société  belge  d'astronomie 
(Note  bibliographique  par  F. 
Terby),  5.  —  De  la  nécessité 
d'une  réaction  en  astronomie 
sphérique;  par  F.  Folie,  154.  — 
L'expression  de  l'heure  dans  le 
système  de  l'axe  instantané  ; 
par  F.  Folie,  397.  —  Sur  l'in- 
correction de  l'heure  et  de 
l'ascension  droite  déterminées 
dans  le  système  de  l'axe  instan- 
tané ;  par  F.  Folie,  765.  —  Sur 
la  période  eulérienne;  par  F. 
Folie,  771.  —  Voir  Aberration  ; 
Nîitation;  Soleil. 

Audiencier  (L'i  dans  les  anciens 
Pays-Bas;  par  Eug.  Lameere 
(Note  bibliographique  par  Ch. 
Piot),  55. 


it 


Beaux-arts.  Forschungen  zur 
Kunstgeschichte  Bôhmens.  — 
II.  Der  Bildercyklus  des  Lu- 
xemburger  Stammbaumes  aus 
Karlstein;  von  Dr  J.  Neuwirth 
(Note  bibliographique  par  H  Hy- 
mans),  140.  —  Voir  Campana 
P.);  Concours  de  la  Classe  des 


TABLE    DKS    MATIÈRES. 


909 


beaux-arts;  Concours  (grands). 
Prix  de  Rome;  Charles- Alexan- 
dre de  Lorraine  ;  Fresques  ;  Jac- 
quard (Claude);  Stramot  (AM; 

Tapisseries  ;  Ten  iers . 

Beurres  (Analyse  des)  ;  parL  Cris- 
mer  (Note  bibliographique  par 
A.  Gilkinet),  391. 

Bibliographie.  Des  graves  dangers 
auxquels  sont  exposés  les  livres 
et  les  manuscrits  de  nos  dépôts 
publics;  par  Ferd.  Vander  Hae- 
ghen,  132.  —  Liste  des  travaux 
publiés  par  l'Académie  (mai  18% 
à  mai  1897),  745. 

Billets  cachetés  déposés  par  MM. 
Folie  F.),  3;  Stroobant  (P.), 
151;  Schuyten  (M.-C),  274. 

Biographie.  Seconde  édition  de  la 
biographie  de  d'Omalius  d'Hal- 
loy;  par  Éd.  Dupont  (Note  bi- 
bliographique), 759.  —  Voir 
Commission  de  la  biographie 
nationale;  Funérailles;  Jubilés. 

Biologie.  Voir  Oocyte;  Polyclades; 
Station  zoologique. 

Bôhmens  [  Ku nstgesch ich te  .—Voir 
Beaux-arts. 

Bruxelles-Tervueren.  Voir  Excur- 
sion. 

Bustes  des  académiciens  décèdes. 
Adoption  des  bustes  en  mar- 
bre :  d'Henri  Vander  Haert,  par 
J.Hérain,  85;  de  J.-B.  Brasseur, 
par  Ém.  Cantillon,  143.  —Avis 
favorable  sur  le  modèle  du  buste 
de  Th.  Schwann,  par  G.  Char- 
lier,  144. 


Campana  i  Pierre).  Discursos  lei- 
dos  ante  la  real  Academia  Sevil- 
lana...  por  don  G.  Jimènez-Pla- 

cer  y  don  S.  Arboli  y  Faraudo 
(Note  bibliographique  par  Alph. 
Wauters),  864. 

Césars  (Vies  des  douze),  par  Sué- 
tone. —  Voir  Prix  Joseph  Gan- 
trelle  (troisième  période). 

Chaleur.  Théorie  substantielle  de 
la  chaleur;  par  W.  Goldschild, 
388;  dépôt  aux  archives  après 
avis  de  MM.  De  Heen  et  Van 
der  Mensbrugghe,  760. 

Chansons.  Honderd  oude  vlaam- 
sche  liederen...;  door  Jan  Bols 
(Note  bibliographique  par  FI. 
van  Duyse),  887. 

Charles-Alexandre  de  Lorraine 
(Le  prince\  protecteur  des  arts; 
par  Alb.  Jacquot  (Note  biblio- 
graphique par  H.  Hymans  ,  262. 

Charles-Quint.  Notes  pour  servir 
à  l'histoire  de  son  règne;  par 
Em.  Gossart  (Mémoires  in-8°, 
t.  LVi.  Rapports  de  MM.  Piot, 
Banning  et  P.  Fredericq,  344, 
347,  352. 

Chimie.  Voir  Électricité. 

Condoléances  Voir  Funérailles. 

Colonisation  au  XIXe  siècle.  Voir 
Concours  de  la  Classe  des  lettres, 
1897. 

Commission  administrative.  JÏM. 
Grépin,  Wauters  et  Fétis,  réélus 
membres,  392,  651,  751. 

Commission  de  la  Biographie  )ia- 


fMO 


TABLE    DES    MATIERES. 


tionale.  Rapport  sur  les  travaux 
de  la  Commission  pendant  l'an- 
née 1896-1897;  par  F.  Vander 
Haeghen,  744. 

Commission  pour  la  publication 
des  œuvres  des  anciens  musi- 
ciens belges.  M.  le  Ministre  de 
l'Intérieur  envoie  la  vingt  et 
unième  livraison  des  œuvres 
de  Grétry,  259. 

Commission  royale  d'histoire.  Lis- 
te des  ouvrages  déposés  dans 
la  bibliothèque  de  l'Académie, 
380. 

Composes  (Sur  divers)  triméthylé- 
niques;  par  L.  Henry,  407.  — 
Voir  Volatilité. 

Concours  (Envois  de  programmes): 
Académie  des  sciences  de  l'In- 
stitut de  Bologne,  94;  Académie 
des  sciences  de  Turin,  95;  Aca- 
démie de  Stanislas,  à  Nancy, 
95;  Société  havraise  d'études 
diverses,  863.  —  Voir  Prix. 

Concours  de  la  Classe  des  beaux- 
arts  (1896).  Art  appliqué  : 
peinture  et  gravure  en  médaille 
(MM.  Vloers  et  Baetes  remettent 
les  photographies  de  leurs  œu- 
vres couronnées  i,  84.  —  (1897). 
Partie  littéraire  :  Mémoire  reçu 
en  réponse  a  la  question  sur 
l'influence  de  l'École  de  David, 
890.  —  (1898).  Programme, 
360,  363. 

Concours  de  la  Classe  des  Ici  1res 
(1897).  Mémoire  sur  les  croy- 
ances et  les  cultes  de  l'île  de 
Crète  dans  l'antiquité  (Rapports 
de  MM.   Vanderkindere,  Alph . 


Willems  et  le  comte  Goblet 
d'Alviella),  480,  485,  488.  — 
Mémoires  sur  le  fondement  du 
droit  de  propriété  individuelle 
(Rapports  de  MM.  Mesdach  de 
ter  Kiele,  Brants  et  Denis),  493, 
534,  547.  —  Mémoire  sur  les 
théories  de  la  colonisation  au 
XIXe  siècle  (Rapports  de  MM. 
Denis,  Banning  et  le  chevalier 
Descamps),  595,  630,  638.  — 
Proclamation  des  résultats,  721. 
—  Remerciements  de  M.  Alph. 
Capart,  lauréat,  860. 
Concours  de  la  Classe  des  sciences 
(1896).  Remerciements  des 
lauréats,  3.  —  (1898 ).  Pro- 
gramme, 98. 
Concours  (Grands).  Prix  de  Rome  • 
Architecture  (1893).  Récep- 
tion des  quatrième  et  cinquième 
rapports  du  lauréat  E.  Vereec- 
ken,  259,  355 

Gravure  (1896).  Allocation 
de  la  pension  au  lauréat  Sterckx, 
84. 

Musique  (1893).  Réception 
d'une  partition  intitulée  :  «Salve 
Regina»,  de  M.  L.  Mortelmans. 
75Î. 

Peinture  (1895).  Second 
rapport  et  envoi  réglementaire 
du  lauréat  Delville,  84;  lecture 
des  appréciations  de  MM.  Hy- 
mans,  Robie,  Hennebicq  et 
Cluysenaar,  265.  —  Réception 
d'une  lettre,  datée  de  Rome, 
juin  1897.  du  même  lauréat, 
887. 


TABLE    I>KS    MATIKHKS. 


illl 


Concours  Godecliarle.  Peinture 
(1893).  Lecture  des  apprécia- 
lions  de  MM.  Fetis,  Clays,  Cluy- 
senaar,  Hennebicq  et  Stallaerl 

sur  les  troisième  et  quatrième 
rapports  du  lauréat  Éd.  Van 
Esbroeck,  356.  Réception  du 
cinquième  rapport  du  même 
lauréat,  7S1. 

Concours  des  cantates  (1897). 
Ouverture  du  concours  et  liste 
de  quatorze  noms  pour  la  for- 
mation du  jury,  259,  265;  mem- 
bres du  jury,  354.  —  Liste  des 
poèmes  reçus,  336. 

Congrès  de  l'Association  générale 
pharmaceutique  de  Belgique 
(Huitième),  94. 

Congrès  archéologique  de  Malines, 
1897  (invitation),  863. 

Congrès  archéologique  organisé 
par  l'École  française  d'Athènes 
(remis  à  cause  de  la  guerre), 
127. 

Congrès  international  colonial  (in- 
vitation), 476. 

Congrès  international  de  géolo- 
gie, à  Saint-Pétersbourg,  loi.  — 
M.  Dewalque  délégué  de  l'Aca- 
démie, 758. 

Congrès  international  des  orienta- 
listes (onzième  session  à  Paris). 
M.  Lamy  délégué,  127. 

Courbure  (Sur  lai  des  lignes  et 
des  surfaces;  par  M.  Stuyvaert 
(Mémoires).  Rapport  de  MM. 
Mansion  et  Neuberg,  276. 

Crète  (Ile  de).  Sur  ses  croyances 
et  ses  cultes  dans  l'antiquité.  — 


Voir  Concours  de  la  Classe  des 
lettres,  1897. 

Cristallographie.  Sur  un  appareil 
permettant  de  tailler  un  cristal 
suivant  une  direction  déter- 
minée et  sur  une  méthode  de 
tailler  des  plaques  à  faces  paral- 
lèles; parle  D'  F.  Stober,  843; 
rapports  de  MM.  Ch.  de  la  Vallée 
Poussin  et  A. -F.  Renard,  763, 
764.  —  Voir  Polyèdres. 

Croix  gammée.  Voir  Symbolique. 

Cultures.  Voir  Agronomie. 

Cytologie.  Voir  Leucoblastes. 


D 


David  (J.-B.).  Voir  Monument. 

De  Kémpeneer.  Voir  Campana  (  P.). 

Densité.  Sur  la  prétendue  exis- 
tence de  la  densité  critique; 
par  P.  De  Heen,  119. 

Dérivés.  Sur  quelques  dérivés  fluo- 
bromés  en  C2;  par  Fréd.  Swarts, 
439;  rapports  de  MM.  Spring  et 
Henry,  394,  396.  —  Voir  Anti- 
pyrine;  Et  fiers. 

Dons.  Ouvrages  imprimés  offerts 
par  :  Albert  I,r  de  Monaco  (le 
prince),  151;  Arboli  y  Faraudo 
(don  S.), 862;  Aumale  (le  duc  d", 
344;  Bambeke  (Ch.  Van),  758; 
Becker  (L.).,  95;  Berlière  (doni 
Ursmer),  477;  Blok  (P.-J.),  231  ; 
Bols(J.),887;Cabreira(A.),95; 
Cannizzaro  (Stan.),  3;  Castan 
(feu  Aug.),  863;  Crismer  (L.), 
387:  Cumont  (Fr.),  128;  Denis 


912 


TABLE    DES    MATIERES. 


(H.),   477;  De   Vuyst  (P.),  4; 
D'Hondt  (F.),  274;  d'Olivecrona 
(G.),  344;  Doorslaer  (G.  Van), 
140;  Duclos  (A.).  751;  Dupont 
(Éd.),  387,  758;Duyse  F.  van), 
140;  Engelmann  (Th.-W.),  95; 
Errera  (L.),  387;  Even  (Edw. 
Van),  751;  Fennema  iR.),  274; 
Fierens-Gevaert  (H.).  81;  Folie 
F.),  ^51;  Fraipont  (J.),  95;  Gé- 
nard  (P.),  355;  Gevaert  (F.-A.ï, 
355;  Gonse  (L.),  751;  Gosselet 
(J.),  151;Guillery  (Le  D'0,758; 
Harlez  (Ch.  de),  862;  Henrard 
(feu  P.),  343;  Hesselgren  (F.). 
751;    Homolle    (J.-Th.),   344; 
Jacquot(Alb.),84;JanssensiE.), 
95  ;  Jiménez-Placer  (don  Carlos). 
862;  Kôlliker  (A.  von),  387; 
Lancaster  (A.),  151;  Lameere 
(Eug.),54;Malderghem(J.  Van), 
477;  Mansion  (P.),  274;  Meert 
(H.),  54;  Mesdach  de  ter  Kiele 
(Ch.),  862;  Ministre  de  l'Agri- 
culture et  des  Travaux  publics, 
139,  259,  862,  885;  Ministre  de 
la  Guerre,  386;  Ministre  de  la 
Justice,  477,  862;  Ministre  de 
l'Industrie  et  du  Travail,  343, 
386;  Ministre  de  l'Intérieur  et 
de  l'Instruction  publique,  3,  53, 
95,  128,  150,  230,  343,  355,  386, 
476,862;  Ministre  des  Finances, 
53;  Motteu  (J.),  387;  Mourlon 
(M.),  95;  Nadaillae  (de),  53, 
344;    Navez    (L.),    53;    Neu- 
berg  (J.),  274:  Neuwirth  (J.), 
140;  Petermann  (A.),  4;  Pon- 
thière  (H.,,  128;  Radoux  (Th.). 


84;  Reinach  iTh.),  53,  231  ; 
Renault  (B.),  4;  Reychler  (A.), 
387;  Serrure  (C.-A.),  53;  Siée 
(J.-C.  van)',  54;  Société  belge 
d'astronomie,  4;  Terby  (F.), 
274  ;  Van  der  Burch  (G.),  387  ; 
Velge  (G.),  387  ;  Verbeek  (D.-M.), 
274;  Vincent  (J.),  95;  Wauters 
(Alph.),  128,  477,  862;  Willems 
(J.),  54;  Wilson  (Th.),  477. 
Droit.  Un  cours  de  droit  au  XVIIe 
siècle  (Gérard  de  Courselle); 
par  V.  Brants,  61.  —  Sur  le  fon- 
dement du  droit  de  propriété 
individuelle  (voir  Concours  de 
la  Classe  des  lettres,  1897).  — 
Voir  Responsabilité. 

E 

Élections.  M.  le  comte  Goblet 
d'Alviella  nommé  président  de 
l'Académie,  2,  53,  83. 

Classe  des  sciences.  M.  Du- 
pont élu  directeur  pour  1898, 
8.  Approbation  royale  de  l'élec- 
tion de  M.  Masius,  2.  Remercie- 
ments pour  les  élections  et  les 
diplômes,  2,  94,  150,  274. 

Classe  des  lettres.  M.  F. 
Vander  Haeghen  élu  directeur 
pour  1898,  59;  MM.  Wauters, 
Stecher  et  Piot  élus  membres  du 
Comité  pour  la  présentation  des 
candidatures  aux  places  vacan- 
tes, 129;  MM.  Sleeckx,  Thomas 
et  Discailles  élus  membres  titu- 
laires, 724;  approbation  royale 
de  leur  élection,  860;  MM.  J. 


TABLE    DES    MATIERES. 


!>!.-> 


Leclercq  ei  M.  Wilmotte  «'lus 
correspondants;  Jules  Lemaitre, 

associé,  724.  —  Remerciements 
pour  les  élections  et  les  diplô- 
mes,  860. 

Classe  des  beaux  -  arts. 
M.  Ch.  Tardieu  élu  directeur 
pour  1898,  86;  MM.  Boudard 
et  Ém.  Mathieu  élus  corres- 
pondants, 85;  sir  Edw.  Burne- 
Jones,  Cli.  Garnier,  G.  Aitchison 
et  Vincent  d'Indy  élus  asso- 
ciés, 85;  remerciements  des 
élus,  139,  259.  M.  H.  Hymans 
élu  correspondant  de  l'Institut 
de  France  félicitations),  138. 
Électricité.  A.  Sur  l'action  chi- 
mique des  effluves  électriques 
et  des  rayons  de  Rontgen;  B.  Ac- 
tion des  vibrations  électriques 
sur  quelques  substances;  par 
A.  de  Hemptinne  (Mémoires 
in-8°,  t.  LV).  Lecture  des  rap- 
ports de  MM.  Spring,  De  Heen 
et  Van  der  Mensbrugghe,  103, 
152,  275. —  Sur  la  synthèse  des 
substances  organiques  par  les 
effluves  électriques;  par  A.  de 
Hemptinne,  388.  —  Identité  de 
l'effet  produit  par  la  lumière  et 
par  l'effluve  électrique  sur  une 
plaque  photographique  recou- 
verte d'une  lame  peu  conduc- 
trice; par  P.  De  Heen,  42.  — 
Sur  l'observation  d'étincelles 
positives  et  négatives;  par  P. 
De  Heen,  124.  —  Nouveaux 
faits  d'électrochrose  et  sur  l'in- 
finie variété  des   phénomènes 


dits  cathodiques;  par  P.  De 
Heen,  210.  —  Détermination  de 
la  partie  du  spectre  qui  déve- 
loppe la  plus  grande  proportion 
d'inl'ra-électricité  ;  par  P.  De 
Heen,  321.  —  Voir  Soleil. 

Embryologie.  Voir  Polyclades. 

Encéphale  de  la  Salamandre  (Le 
ganglion  hasal  et  la  commissure 
habénulaire  dans  1');  par  A.  Van 
Gehuchten,  388. 

Éther  (Sur  1')  anisoyl-acétyl-acé- 
tique  et  ses  dérivés;  par  A. 
Schoonjans,  810;  rapports  de 
MM.  Spring  et  Henry,  760,  761. 
—  Sur  quelques  éthers  des 
acides  monochlor-  et  mono- 
bromacétiques;  par  R.  Stein- 
len, 758. 

Excursion  géologique  de  Bruxelles 
à  Tervueren.  Compte  rendu; 
par  G.  Velge  (Note  bibliogra- 
phique par  G.  Dewalque),  390. 


Faune  (La)  marine  du  quaternaire 
moséen  révélée  par  les  sondages 
de  Strybeek  (Meerle)  et  de  Wor- 
tel,  près  de  Hoogstraeten,  en 
Campine;  par  Michel  Mourlon, 
776. 

Fleurs.  Comment  les  fleurs  atti- 
rent les  insectes.  Recherches 
expérimentales,  troisième  par- 
tie; par  F.  Plateau,  17. 

Fonction.  Sur  un  nouveau  déve- 
loppement de  la  fonction  gam- 
ma  qui   contient   la  série  de 


91  1 


TABLE    DES    MATIÈRES. 


Stirling  et  celle  de  Kummer 
(Mémoires  in-8°,  t.  LV).  Rapport 
de  MM.  Mansion,  J.  Deruyts  et 
Neuberg,  9, 17. 

Fondations  Voir  Concours  et  Prix. 

Fresques  (Les)  de  la  Leugemeete, 
à  Gand;  par  J.  Van  31alderghem 
(Note  bibliographique  par  Alph. 
Wauters),  868. 

Funérailles;  Condoléances.  Dis- 
cours prononcé  au  nom  de  la 
Classe  des  sciences,  à  la  mé- 
moire de  J.  Delbœuf;  par  Alfr. 
Gilkinet,  96.  —  Discours  aux 
funérailles  de  Félix  Laureys; 
par  Th.  Vinçotte,  260.  —  Mort 
du  duc  d'Aumale  (condoléances 
exprimées  à  l'Institut  de  France), 
475.  Réponse  de  l'Institut  à  la 
lettre  de  l'Académie,  861. 

G 

Géologie.  Note  préliminaire  sur  la 
constitution  de  la  bande  silu- 
rienne de  Sambre-et-Meuse  ;  par 
C.  Malaise,  803.  —  Voir  Congrès; 
Excursion,  Faune  et  Minéra- 
logie. 

Gérard  de  Courcelle.  Voir  Trac- 
ta tus... 

Glycol  isobutylique  mononitré 

CH2 .  OH 
I 
N02  —  C  —  CH3 
I 
CH2.0H; 

description  par  G.  Cesàro,  323. 
Crrcs  (Les)  dans  l'Inde,  essai  de 


restitution  historique  ;  par  le 
comte  Goblet  d'Alviella,  653. 
Grotte  (La)  du  mont  Falhise  (An- 
thée),  par  J.  Fraipont,  47;  lec- 
ture des  rapports  de  MM.  De- 
walque,  Dupont  et  Malaise,  8. 

H 

Histoire.  Voir  Archives;  Beaux- 
arts;  Césars;  Charles-Quint  ; 
Grecs;  Marchands. 

Heure  (Expression  et  correction 
de  1').  Voir  Astronomie. 

Hygiène.  Voir  Bibliographie. 

Hypéride  (art  oratoire,  langue  et 
style).  Voir  Prix  Joseph  Gan- 
t relie  (troisième  période). 


Inde.  Voir  Grecs. 

Insectes.  Comment  les  fleurs  atti- 
rent les  insectes.  Recherches 
expérimentales,  troisième  par- 
tie; par  F.  Plateau,  17. 


Jacquard  (Claude),  peintre  lor- 
rain; par  Alb.  Jaequot(Note  bi- 
bliographique par  H.  Hymans), 
262. 

Jubilés.  Soixante -dixième  anni- 
versaire de  Stan.  Cannizzaro 
(remerciements),  3.  —  Cinquan- 
tenaire de  Hervé  Faye  comme 
membre  de  l'Institut  de  France 
(remerciements),   94.  —  Celé- 


T.VBLK    DES    MATIKRKS. 


915 


bration  du  cinquantième  anni- 
versaire de  l'École  française 
d'Athènes  (remise  à  cause  de  la 
guerre),  127.  —  Cinquantenaire 
académique  de  M.  le  baron 
Edm.  de  Sely  s  Longchamps  (allo- 
cution du  président  de  l'Aca- 
démie), 726;  discours  de  M.  Gil- 
kmet,  727;  remerciements  de 
M.  de  Selys  Longchamps,  731. 
—  Centenaire  de  la  Société 
d'émulation  d'Abbeville  (félici- 
tations), 863. 


/.<j('(La)Aquilienne;  par  Jos.  Wil- 
lems(Note  bibliographique  par 
V.  Brants),  58. 

Leucoblastes  et  érythroblastes 
(D'un  caractère  différentiel  en- 
tre); par  A.  Trambusti,  323; 
rapports  de  MM.  Ch.  Van  Bam- 
beke  et  Van  Beneden,  283,  286. 

Lex  Aquilia.  Voir  Loi. 

Lithologie.  Établir  les  relations 
qui  existent  au  point  de  vue 
lithologique  entre  les  roches 
considérées  comme  cambrien- 
nes  des  massifs  de  Rocroi,  du 
Brabant  et  de  Stavelot;  par 
J.  De  Windt.  Lecture  des  rap- 
ports de  MM.  Ch.  de  la  Vallée 
Poussin,  Malaise  et  Renard,  275. 

IH 

Marchands    (Les)   Aventuriers   à 

Anvers;  par  Ch.  Piot,  870. 
Météorite.  M.  Renard  est  remis  en 


possession  de  son  mémoire  sur 
la  météorite  de  Lesve  et  sur  le 
mode  de  formation  des  météo- 
rites pierreuses,  96. 

Minéralogie.  Les  sciences  miné- 
rales devant  les  jurys  des  prix 
quinquennaux  des  sciences  na- 
turelles; par  G.  Dewalque,  782. 
—  Voir  Cristallographie;  Géo- 
logie; Glycol;  Lithologie;  Mé- 
téorite. 

Mithra.  Textes  et  monuments 
figurés  relatifs  aux  mystères  de 
Mithra,  quatrième  fascicule  ;  par 
F.  Cumont  (Note  bibliogra- 
phique par  P.  Thomas),  131. 

Moelle  épinière  des  Vertébrés  infé- 
rieurs (Contribution  à  l'étude 
des  cellules  dorsales  [Hinter- 
zellen]  de  la);  par  A.  Van 
Gehuchten,  388. 

Monnaies  des  Voconces;  par  C.-A. 
Serrure  (Note  bibliographique 
par  Ch.  Piot),  54. 

Monochlorhydrine  (Sur  la)  glycé- 
rique  d'origine  allylique  ;  par 
L.  Henry,  110. 

Monument  (Le)  chrétien  de  Si- 
ngan-fou,  son  texte  et  sa  signi- 
fication ;  par  T.-J.  Lamy  et  A. 
Gueluy  [Mémoires  de  l'Académie 
in-4°,  t.  LUI).  Lecture  des  rap- 
ports de  MM.  Monchamp  et  de 
Harlez,  61.  —  Inauguration  du 
monument  Stas  ;  discours  de 
M.  Brialmont,  733;  réponse  à 
ce  discours  par  le  comte  Goblet 
d'Alviella,  742;  Jean  Stas,  poé- 
sie; par  Ch.  Potvin,  743.  - 
M.  P.  Willems,  délégué  à  l'inau- 


916 


TABLE    DES    MATIERES. 


guration  de  la  statue  élevée  à 
J.-B.  David,  à  Lierre,  863. 

Morale.  De  la  santé  morale  dans 
les  lettres  et  les  arts  de  notre 
temps;  par  Ad.  Prins,  691. 

Musée  royal  d'histoire  naturelle 
de  Belgique  :  A.  Guide  dans  les 
collections  ;  B.  d'Omalius  d'Hal- 
loy,  seconde  édition;  par  Éd. 
Dupont  (Notes  bibliographiques 
par  l'auteur),  388,  759. 

Musique.  Voir  Chansons;  Commis- 
sion pour  la  publication  des 
œuvres  des  anciens  musiciens 
belges;  Concours  {Grands).  Prix 
de  Borne. 

H 

Nécrologie  :  Aumale  (le  duc  d'), 
475;  Brahms  (Joh.),  750;  Cope 
(Ed.-Drinker),  386;  Des  Cloi- 
zeaux  (A.-L.  Legrand),  758; 
du  Bois-Reymond  (Emile-Henri), 
3;  Ferraris  (Galil.),  150;  Goode 
(George  Brown),  94;  Laureys 
(F.),  258;  Sachs  (Juiius  von), 
758;  Schiaparelli  (L.),  150;  Syl- 
vester  (James-Joseph),  274;  Va- 
lérius  (Hubert),  386;  Weier- 
strasse  (Ch.-Th.-W.),  150. 

Nederland{Geschiedenis  van).  Voir 
Archives  et  Audiencier. 

Nombres  premiers  (Théorie  des); 
par  J.  Marchai,  275;  note  dé- 
posée aux  archives  après  avis 
de  M.  Mansion,  392. 

Natation.  Preuve  de  la  nutation 
diurne  par  les  écarts  systéma- 


tiques trouvés  dans  les  latitudes 
déterminées  a  Lick  Observa- 
tory;  par  F.  Folie,  299. 

O 

Oocijte  (L')  de  Pholcus  phalan- 
gioides  Fuessl;  par  Ch.  Van 
Bambeke,  307. 

Ordre  de  Léopold.  MM.  J.  Stecher, 
J.  De  Tilly  et  Ch.  Piot  promus 
Commandeurs,  52,  150,  342: 
MM.  Discailles  et  Kurth  promus 
Officiers;  P.  Fredericq  etVoll- 
graff  nommés   chevaliers,  52. 

Ouvrages  présentés  :  janvier,  87; 
février,  144;  mars,  266;  avril. 
375;  mai,  751;  juin,  890.  — 
Voir  Dons. 


Paléontologie.  Voir  Faune. 

Pays-Bas.  Voir  Archives;  Audien- 
cier. 

Phénomènes  naturels  observés  en 
Belgique  (février  et  mars  1897;  : 
par  F.  Folie,  164,  306. 

Philologie.  Voir  Prix  Gantrelle. 

Photographie.  Voir  Électricité  ; 
Soleil. 

Poésies  traduites  du  flamand;  par 
Ch.  Potvin,  718.  —  J.-S.  Stas; 
par  le  même,  743.  —  Voir  Con- 
cours des  cantates;  Triptyque. 

Polyclades.  Recherches  sur  la  ma- 
turation, la  fécondation  et  la 
segmentation  chez  les  Polycla- 
des ;  par  P.  Francotte  {Mémoires 


TARLK    DES    MATIERES. 


917 


des  .savants  étrangers,  t.  LV). 
Rapports  de  MM.  Éd.  Van  Bene- 
den  et  Masius,  278,  283. 

Polyèdres.  Sur  quelques  proprié- 
lés  des  polyèdres  non  centrés 
superposantes  à  leur  image  ; 
par  G.  C.esàro  {Mémoires  de 
l'Académie  in-4°  .  Rapports  de 
MM.  De  Tilly,  Neuberg  et  Ch.  de 
la  Vallée  Poussin,  392,  394. 

Prix  Aldini  sur  le  Galvanisme. 
Réception  du  programme,  94. 

Prix  Anton  Bergmann  (deuxiè- 
me période,  1887-1897).  Mono- 
graphies reçues,  129.  —  Mem- 
bres du  jury,  860 

Prix  Bressa.  Réception  du  pro- 
gramme, 95. 

Prix  Charles  Lemaire  (troisième 
période  :  1895-1897).  Program- 
me, 101. 

Prix  De  Keyn  (huitième  concours, 
seconde  période,.  M.  Meert 
remet  un  exemplaire  de  son 
travail  couronné  :  Distels.  — 
(Neuvième  concours,  première 
période;.  Membres  du  jury,  59; 
rapport  du  jury,  712;  procla- 
mation des  résultats,  723. 

Prix  Despeux.  Réception  du  pro- 
gramme, 95. 

Prix  Edouard  Mailly  (première 
période  > .  Remerciements  du 
Comité  de  rédaction  de  «  Ciel  et 
Terre  »,  3.  — (Deuxième  pério- 
de, 1896-1899).  Programme, 
102. 

Prix  Herpin.  Réception  du  pro- 
gramme, 95 

5,ne    SÉRIE,    TOME    XXXIII. 


Prix  Jean-Servais  Stas.  Question 
posée,  101. 

Prix  Joseph  Gantrelle  (troisième 
période,  1895-1896.  Mémoires 
reçus  et  nomination  des  com- 
missaires, 60.  —  Mémoire  sur 
les  «  Vies  des  douze  Césars  » 
par  Suétone  (rapports  de  MM. 
P.  Thomas,  P.  Willerns  et  J.-C. 
Vollgraff),  639,  643,  644.  —  Mé- 
moires sur  l'art  oratotoire,  la 
langue  et  le  style  d'Hypéride 
(rapports  île  MM.  J.-C.  Vollgraff, 
P.  Willerns  et  P.  Thomas),  645, 
648,  650.  —  Proclamation  des 
résultats,  722.  Remerciements 
de  MM.  L.  Preud'homme  et  S. 
Kayser,  lauréats,  860. 

Prix  quinquennaux  des  sciences 
naturelles  (Les  sciences  miné- 
rales devant  les  jurys  des1  ;  par 
G.  Dewalque,  782. 

Prix  quinquennal  d'histoire  na- 
tionale (dixième  période,  1891- 
1895).  M.  Ch.  Duvivier,  lauréat, 
343,  723. 

Prix  quinquennal  des  sciences  so- 
ciales (troisième  période),  dé- 
cerné à  M.  Polyd.  De  Paepe. 
476.  723. 


Il 


Responsabilité  civile  (La),  par  Jos. 

Willerns  (Note  bibliographique 

par  V.  Brants),  58. 
Radiographie.  Voir  Électricité. 
Ruysbroeck  (Joh.),  par  feu  A. -A. 

van  Otterloo.  Réimpression  par 


GO 


918 


TABLE    DES    MATIERES. 


J.-G.  van  Siée  (Note  bibliogra- 
phique par  P.  Fredericq),  57. 


Salamandre.  Voir  Encéphale. 

Silex  néolithiques  et  paléolithi- 
ques de  Courl-Saint-Étienne; 
par  le  comte  Goblet  d'Alviella, 
286. 

Si-ngan-fou  {Le  monument  chré- 
tien de).  Voir  Monument. 

Silurien.  Voir  Géologie. 

Soleil.  Photographie  de  la  chromo- 
sphère du  soleil  et  constitution 
de  cet  astre;  par  P.  De  Heen, 
205.  —  De  l'action  du  soleil  sur 
les  plaques  photographiques  ; 
par  C.  Le  Paige,  429.  —  Réponse 
à  M.  Le  Paige;  par  P.  De  Heen, 
437.  —  Note  relative  à  la  photo- 
graphie de  l'atmosphère  solaire; 
par  P.  De  Heen  et  C.  Le  Paige, 
800,  802. 

Spectre  (Sur  le)  d'absorption  de 
quelques  corps  organiques  in- 
colores et  ses  relations  avec  la 
structure  moléculaire;  par  W. 
Spring,  165.  —  Voir  Électri- 
cité; Photographie. 

Stas  (Feu  J.-S.).  Voir  Monument. 

Station  agronomique.  Note  par 
C.  Malaise  (Station  agronomique 
et  laboratoires  d'analyses  de 
l'Étal;  par  A.  Petermann),  5. 
Station  zoologique  de  Naples. 
MM.  P.  Masoin  et  A  Taquin 
demandent  à  pouvoir  bénéficier 
de  la  table  réservée  à  la  Bel- 
gique, 2;  lecture  des  rapports 


faits  sur  ces  demandes  par 
MM.  Éd.VanBeneden,VanBam- 
beke,  L.  Fredericq  et  Errera, 
102. 

Statistique.  Sur  l'interprétation 
des  données  de  la  statistique  et 
sur  la  natalité  et  la  matrimo- 
nialité.  Lecture  par  H.  Denis, 
132. 

Stramot  (Nicolas),  peintre  belge  ; 
note  par  Edw.  Van  Even,  367. 

Symbolique.  The  Svvastika,  the 
earliest  known  Symbol,  and  its 
Migrations  ;  par  Th .  Wilson 
(Note  bibliographique  par  le 
comte  Goblet  d'Alviella  ,  478.  — 
Voir  Mit  lira. 


I 


Tapisseries  bruxelloises.  [La  ba- 
taille de  Pavie  :  par  B.  Van 
Orley).  Voir  la  note  de  M.  Alph. 
Wauters  sur  Campana  (P.),  864. 

Teniers  i David  et  son  fils,  le  troi- 
sième du  nom;  par  Alph.  Wau- 
ters (Note  bibliographique  par 
l'auteur),  130. 

Terpènes.  Sur  une  combinaison 
de  certains  terpènes  avec  les 
salicylates  alcalins;  par  M.  Duyk, 
388." 

Tractatus  de  reditibus  annuis,  de 
Gérard  de  Courselle  (1623)  ;  par 
V.  Brants,  61. 

Triphényléthanone  (Sur  la);  par 
A.  Gardeur,  759. 

Triptyque,  poésies;  par  H.  Pon- 
thièreNote  bibliographique  par 
T.-J.  Lamvi,  130. 


TABLE    DKS    MATIKRHS. 


019 


Vertébrés  inférieurs.  Voir  Moelle. 
épinière. 

Vésale  Quelques  mots  sur  André); 
par  Alph.  Wauters  (lecture  im- 
primée dans  le  tome  LV  des 
Mémoires  in-8°),  61;  note  biblio- 
graphique sur  ce  travail  par 
l'auteur,  868. 

Vocabulaire  bouddhique  sanscrit 
chinois;  par  le  chevalier  C.  de 
Harlez  (Note  bibliographique 
par  l'auteur),  8(34. 

Voconces.  Voir  Monnaies. 

Volatilité.  Recherches  sur  la  vola- 


tilité dans   les  composés  car- 
bonés; par  L.  Henry,  19?). 

w 

Wallon  (Notes  d'ancien);  par 
M.  Wilmotte,  240;  rapports  de 
MM.  J.  Stecher,  Ern.  Discailles 
et  Bormans,  233.  235,  238. 


Yi-King  (Le)  traduit  d'après  les 
interprètes  chinois;  par  le  che- 
valier C.  de  Harlez  (Note  biblio- 
graphique par  l'auteur),  864. 


TABLE  DES  PLANCHES  ET  DES  FIGURES. 


Cesaro  (G  ).  Glycol  isobutylique 
mononitré  : 

CH2 .  OH 
I 
NO*  —  C  —  CH* 
I 
CH2.0H; 

description  (3  figures),  323-328. 
De  Heen  (P.).  Identité  de  l'effet 
produit  par  la  lumière  et  par 
l'effluve  électrique  sur  une  pla- 
que photographique  recouverte 
d'une  lame  peu  conductrice 
(1  planche  et  4  figures),  42-46. 

—  Sur  la  prétendue  existence  de 
la  densité  critique  (2  planches 
et  3  figures),  121-123.  -  Sur 
l'observation  d'étincelles  posi- 
tives et  négatives  (3  figures), 
124-126.  —  Photographie  de  la 
chromosphère  du  soleil  et  con- 
stitution de  cet  astre  (2  pi.),  210. 

—  Nouveaux  faits  d'électro- 
chrose  et  sur  l'infinie  variété 
des  phénomènes  dits  catho- 
diques (1  planche  et  9  figures), 
210-220.  —  Détermination  de  la 
partie  du  spectre  qui  développe 


la  plus  grande  proportion  d'in- 
fra-électricité  (1  figure),  322.  — 
Note  relative  à  la  photographie 
de  l'atmosphère  solaire  (1  plan- 
che), 802. 
Folie  (F.).  Réflexions  sur  l'aber- 
ration planétaire  (4  figures), 
103-108. 
Fraipont  (J.).  La  grotte  du  mont 
Falhise,  Anthée  (1  planche),  47. 
Go  blet    d'Alviella    (Le    comte 
Eug.).    Silex    néolithiques   et 
paléolithiques  de  Court-Saint- 
Étienne  (1  carte  et  4  planches), 
296-298.   —    Les    Grecs    dans 
l'Inde  ;  essai  de  restitution  histo- 
rique (6  figures  ,  660,  679,  680. 
683. 
Stober  (F.).  Sur  un  appareil  per- 
mettant  de   tailler  un  cristal 
suivant   une    direction    déter- 
minée, et   sur    une    méthode 
pour  tailler  des  plaques  à  faces 
parallèles  (5  figures),  847-857. 
Trambusti   (A.).    D'un   caractère 
différentiel  entre   leucoblastes 
et  érythroblastes  (1   planche,, 
341.  " 


PUBLICATIONS  ACAI 

Depuis  la  réorganisation, 


Nouveaux  Mémoires,  t.  1-X1X  (1820-1845);  in-4°.  —  Mémo^  e 
t.  XX-L1I  (1846-189;!);  in-4°.  —  Prix  :  8  fr.  par  volume  à  partir  du  tome  X. 

Mémoires  couronnés,  t  l-XV  (1S17-18Î2);  in-4°.  —  Mémoires 
couronnés  et  Mémoires  des  savants  étrangers,!.  XVI-LIV 
:  843-  181)4  .  —  Prix  :  8  fr.  par  volume  à  partir  du  tome  XII. 

Mémoires  couronnés,  in-8°,  t.  I-LIV.  Prix  :  4  fr.  par  volume. 

Ta  oies  de  Logarithmes,  par  A.  Namur  et  P.  Mansion,  in-8°. 

Tables  des  Mémoires  (1816-1857)  (1858-18781.  ln-18. 

Annuaire,  lrtÉ  à  63mi:  année,  1835-1897;  in-18. 

Règlements  et  Documents,  concemantles  trois  Classes;  1896, iu-18. 

Bulletins,  l'e  sér.,  t.  1-XXIll ,— 2''  sér.,  t.  l-L;— 3esér.,t.  l-XXXIIl,in-8°.— 
Annexes  aux  Uulleiiiis  de  185  k,  in-8°.  —  Prix  :  4  fr.  par  volume. 

xabies  générales  des  Bulletins  :  t.  1-XXIII,  lrc  sér.  (1882-1856).  1858; 
Ul_8o.  _  ±  sér.,  t.  1-XX  (1857-1866;,  t.  XXI-L  (1867-1880),  1883;  in-8°. 

Bibliographie  académique,  lre  édit.,  1854,  2e  édit.,  1874,  3e  édit., 
1S86;  in-48;  4e  édit.,  Is96. 

catalogue  de  la  Bibliothèque  de  l'Académie,  lre  partie  :  Sociétés  savantes  et 
Recueils  périodiques;  2de  partie  :  sciences,  lettres,  arts,  1881-90;  4  vol.  in-8°. 

Catalogue  de  la  bibliothèque  du  baron  de  Stassart,  1863;  in-8°. 

Centième  anniversaire  de  fondation!  1772-1872).  1872;  2  vol.  gr.in-8° 

Monuments  de  la  littérature  flamande. 
OEuvres  de  >ran  Maerlant  :  Der  NATUREN  BLOEME,  tome  1er,  publié 
par  J.  Bormans,  1857;  1  vol.  in-8».  —  Kymuybel,  avec  Glossaire,  publié  par  J.  David, 
18SS-1860;  4  vol.;  — Alexanders  Geesten,  publié  par  Snellaert,  1860-1862;  2  vol.— 
Nederlandscbe  gedichten,  etc.,  publiées  par  Snellaert,  1869;  1  vol.  — 
parthonopeus  van  Bloys,  publié  par  J.  Bonnans,  1871;  1  vol.  — 
Spegnel  der  AVysheit,  van  Jan  Praet,  publié  par  J.  Bormans,  1872;  1  vol. 

Œuvres  des  grands  écrivains  du  pays. 
oeuvres  de  Chastellain,  publiées  par  le  baron  Kervyn  de  Lettenhove. 
jliS,  8  vol.  in- 8°.  —  Le  1"  livre  des  Chroniques  de  Frois- 
sax-t,  par  le  même.  1861,  2  vol.  —  Chroniques  de  Jehan  le  Bel, 
par  L.  l'olain.  1861,  2  vol.  —  L,i  Roumans  de  Cléomadès,  par  André 
Vau  Hasselt.  1866,  2  vol  —  Dits  et  Contes  de  Jean  et  Baudouin 
de  Condé,  par  Auguste  Scheler.  18lil>,  3  vol.  —  Li  ars  d'amour,  etc., 
par  J.  Petit.  1866-1872,  2  vol.  —  Œuvres  de  Froissart  :  Chroniques,  par 
le  baron  Kervyn  de  Lettenhove.  1867-1877,  2d  vol.; —  Poésies,  par  Aug.  Scheler. 
1370-1872.  3  vol.;  —  Glossaire,  par  le  même.  187  i,  1  vol.  —  Letres  de  Coin» 
mines,  par  Kervyn  de  Lettenhove.  1867,  3  vol.  —  Dits  de  Watriquet 
de  Couvin,  par  A.  Scheler.  1868,  1  vol.  —  Les  Enfances  Ogier,  par 
•  même.  1874,  1  vol.  —  Bueves  de  Commarchis,  par  Adenès  li  Bois, 
par  le  même.  1874,  1  vol.  —  Li  Rouinans  de  Berte  aux  grans 
pies,  par  le  même.  1874,  1  vol.  —  Trouvères  belges  du  XIIe  au 
Xiv  siècle,  par  le  même.  1876,  1  vol.  —  Nouvelle  série.  1879,  1  vol.  — 
Li  Bastars  de  Bullion,  par  le  même.  1877, 1  vol. —  Récits  d'un 
Bourgeois  de  Valenciennes  (X.I"VC  siècle),  par  le  baron 
n  de  Lettenhove.  1877,  1  vol.  —  Œuvres  de  Ghillebert  de 
Lannoy,  par  CI).  Potvin.  1878,  1  vol.  —  Poésies  de  Gilles  li 
Muisis,  par  Kervyn  de  Lettenhove.  1882,  2  vol.  —  Œuvres  de  Jean 
Lemaire  de  Belges,  par  J.  Stecher.  1882-91,  5  vol.  avec  notice.  — 
Li  Regret  Guillaume,  par  A.  Scheler.  1882,  1  volume. 

Biographie  nationale. 

Biographie    nationale,   t.  1  à  XIII;  XIV,  1.  Bruxelles,  1866-1896, 

i  8*. 

Commission  royale  d'histoire. 

Collection  de  Chroniques  belges  inédites,  publiées  par 

ordre  du  Gouvernement;  98  vol.  in-4°.  (Voir  la  liste  sur  la  couverture  des  Chroniques.) 

Comptes  rendus   des   séances.   I"    sér..    avec  table  (1837-1849),  17  vol. 

—  2me  sér  ,  avec  table  (1850-1859),  13  vol  in-8».  —  3me  sér.,  avec  table  (1860- 

il.in-8".—  i»ie  sér.,  17  vol.  in-8°  (1873-1891).—  5»u'  sér., t.  l-VI;  VII  (n«  1-2;. 

Ami  oxes  aux  Bulletins,  22  vol.  in-8°.  (Voir  la  liste  sur  la  couverture  des  Chro- 

ii's  Comptes  rendus.) 


3  2044  093  256  436