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Full text of "Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris"

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I 


I 


BULLETINS 


DE  LA  SOCIÉTÉ 


D'ANTHROPOLOGIE 


DE  PARIS 


PAniS.   —   TYPOGRAPHIE  A.  IIENNUYER,   RUE  DARCBT,  7. 


BULLETINS 


DE  LA  SOCIÉTÉ 


D'ANTHROPOLOGIE 


DE  PARIS 


TOME    DEUXIÈME 

QDATRIÈHE    SÉRIE 
ANNÉE    1891 


PARIS 

G.  MASSON,  ÉDITEUR 

■  •■AimS    DB    I«*ACADBBI1E    DB    MÉDCCIX 

BOULEVARD  SAINT-GERMAIN,    120 

1891 


«  • 


SOCIÉTÉ  D'ANTHROPOLOGIE 


DE  PARIS 


STATUTS 


TITRE  PREMIER.  —  but  et  orgahisation  de  la  sogiAté. 

Article  1*'.— La  Société  d'anthropologie  de  Paris  a  pour  but  l'étude 
scientiâque  des  races  humaines. 

ÂKT.  2.  —  Elle  se  compose,  en  nombre  illimité,  de  membres  titu- 
laires, de  membres  honoraires,  de  membres  associés  étrangers  et  de 
correspondants. 

ÂBT.  3.  —  Tons  les  membres  et  correspondants  de  ta  Société  sont 
nommés  par  voie  d*élection,  sur  la  proposition  de  trois  membres,  sauf 
Texception  indiquée  en  Tarticle  11. 

Art.  4.  —  Un  Comité  central  de  trente  membres,  se  recrutant  lui- 
même  par  voie  d'élection  parmi  les  membres  titulaires,  est  chargé  de 
veiller  aux  intérêts  matériels,  moraux  et  scientifiques  de  la  Société.  Les 
membres  du  Comité  central  peuvent  seuls  voter  sur  les  modifications 
des  statuts  et  règlement.  Les  membres  du  Bureau  et  de  la  Commission 
de  publication  ne  peuvent  être  choisis  que  parmi  les  membres  du 
Comité  central. 

Art.  5^  —  Le  Bureau,  élu  par  la  Société  en  séance  publique»  se 
compose  d'un  président,  de  deux  vice-présidents^  d^un  secrétaire  gêné- 


*  Modifié  conformément  au  décret  du  3  octobre  1867. 

^  .■ 


a 


429917 


Il  STATUTS. 

rai,  d'un  secrétaire  général  adjoint,  de  deux  secrétaires  annuels,  d*un 
archiviste,  d'un  trésorier  et  d'un  conservateur  des  collections.  La  Com- 
mission de  publication  se  compose  de  trois  membres.  Tous  ces  fonc- 
tionnaires sont  élus  pour  un  an,  à  Texception  du  secrétaire  général,  dont 
les  fonctions  sont  triennales.  Tous  sont  rééligibles,  à  Texception  du 
président,  qui  ne  peut  être  réélu  qu'après  une  année  dUntervalle. 

ÂRT«  6.  —  La  Société  est  représentée  par  le  Bureau. 


TITRE  IL  —  CANOlBàTURES  ET  NOMINATIONS. 

fl 

Art.  7.  —  Les  litres  de  membre  titulaire  et  de  correspondant  national 
ne  peuvent  être  conférés  qu'aux  personnes  qui  ont  fait  acte  de  candida- 
ture. Les  membres  honoraires,  les  associés  et  correspondants  étrangers 
peuvent  être  nommés  directement  par  la  Société. 

Art.  8.  —  Les  conditions  à  remplir  pour  devenir  membre  titulaire 
0^  pour  obtenir  le  titre  de  correspondant  national  sont  :  i^  d'être 
présenté  par  trois  membres  qui  inscrivent  leur  proposition  sur  le  grand 
registre  et  y  apposent  leur  signature  ;  2<>  d'adresser  au  président  une 
demande  écrite  ;  3^  d'obtenir  au  scrutin  secret  la  majorité  des  suf- 
frages des  membres  présents.  Ce  scrutin  a  lieu  dans  la  séance  qui  suit 
l'inscription  de  la  candidature. 

Art.  9.  •—  Les  associés  étrangers  et  les  correspondants  étrangers  sont 
nommés  individuellement  et  au  scrutin  secret,  à  la  demande  de  trois 
membres  qui  inscrivent  leur  proposition  sur  le  grand  registre  et  y  appo- 
sent leur  signature.  Le  scrutin  a  lieu  à  la  majorité  absolue  des  membres 
présents,  dans  la  séance  qui  suit  Pinscriplion  de  la  candidature. 

Art.  10.  —  Tout  membre  ayant  rempli  pendant  cinq  ans  au  moins 
les  fonctions  de  membre  du  Comité  central  (ou  de  membre  titulaire 
antérieurement  à  la  création  du  Comité  central),  et  ayant  fait  partie  de 
la  Société  pendant  dix  ans  au  moins  en  qualité  de  membre  titulaire 
(ou  de  membre  associé  national  antérieurement  à  la  création  du  Comité 
central),  pourra,  sur  sa  demande,  être  élu  membre  honoraire  en  séance 
publique,  à  la  majorité  absolue  des  membres  présents.  Il  cessera  dès 
lors  d'être  soumis  à  la  cotisation,  en  continuant  à  jouir  de  tous  hBS  droits 
des  membres  titulaires,  et  à  recevoir  gratuitement  toutes  les  publica- 
tions de  la  Société. 


STATUTS.  ni 

An.  11.  —  La  Société,  sur  la  proposition  de  cinq  membres,  confère 
directement  le  titre  de  membre  honoraire  à  des  savants  pris  hors  de 
son  sein,  et  ayant  rendu  des  services  éminents  à  la  science.  Les  pré- 
sentateurs inscrivent  leur  proposition  sur  le  grand  registre  et  y  appo- 
sent leur  signature.  L'élection  a  lieu  à  ta  majorité  absolue  des  membres 
présents,  dans  la  séance  qui  suit  Tinscription  de  la  candidature. 


TITRE  Hi.  —  AimifliSTAÂTioif. 

ÂBT.  12.  Les  ressources  de  la  Société  se  composent  : 

1*  Do  revenu  des  biens  et  valeurs  de  toute  nature  appartenant  à  la 
Société  ; 

â*  Du  droit  d'admission  pour  les  membres  titulaires  et  pour  les  cor- 
respondants nationaux.  Ce  droit  est  fixé  à  90  francs  ; 

3<*  De  la  cotisation  payée  par  tous  les  membres  titulaires,  résidauts 
ou  non  résidants.  Le  montant  en  est  fixé  par  la  Société,  suivant  set 
besoins; 

4*  Des  amendes  encourues,  suivant  quMI  sera  statué  par  le  règle- 
ment; 

5<>  Du  produit  des  publications  ; 

6^  Des  dons  et  legs  que  la  Société  est  autorisée  à  recevoir  ; 

7®  Des  subventions  qui  peuvent  lui  être  accordées  par  FEtat. 

Art.  13.  —  Les  fonds  libres  sont  placés  en  rentes  sur  l'Etat. 

Art.  14.  —  Les  délibérations  du  Comité  central  relatives  à  des  alié^ 
nations,  acquisitions  ou  échanges  d* immeubles  et  à  Tacceptation  de 
dons  ou  legs,  sont  subordonnées  à  Tapprobation  du  gouvernement. 
Elles  ne  peuvent  être  prises  qu*après  une  convocation  spéciale,  et  à 
h  majorité  des  deux  tiers  des  membres  du  Comité  qui  assistent  à  la 
séance. 

Art.  i5.  —  Les  livres,  brochures,  cartes,  crânes,  plâtres,  pièces 
d*anatomie,  objets  d'art  et  d'industrie,  dessins,  photographies,  etc.,  qui 
composent  les  collections  de  la  Société,  ne  peuvent  en  aucun  cas  être 
vendus;  mais  la  Société  pourra  compléter  son  musée  par  voie  d'échan- 
ges. Ces  échanges  ne  pourront  porter  que  sur  les  objets  possédés  à  plu- 
sieurs exemplaires.  Ils  ne  pourront  avoir  lieu  qu*entre  le  musée  de  lai 


1?  STATUTS. 

Société  et  d*autres  musées  d'une  importance  reconnuOi  et  ils  devront 
toujours  être  indiqués  sur  le  catalogue* 

TITRE  IV.—  DISPOSITIONS  GéllÉRÀLES. 

Art.  16.  —  La  Société  s'interdit  toute  discussion  étrangère  au  but 
de  son  institution. 

Art.  17*  —  Un  règlement  particulier,  soumis  à  Tapprobation  du  mi- 
nistre de  Pinstruction  publique^  détermine  les  conditions  d'administra- 
tion intérieure^  et  en  général  toutes  les  dispositions  de  détail  propres  à 
assurer  Texécution  des  statuts. 

Art.  18.  —  Nul  changement  ne  peut  être  apporté  aux  statuts  qu'avec 
Papprobation  du  gouvernement. 

Art.  19.  —  En  cas  de  dissolution,  il  sera  statué  par  la  Société^  convo- 
quée extraordinairement,  sur  l'emploi  des  biens,  fonds,  livres^  etc., 
appartenant  à  la  Société;  toutes  les  pièces  du  musée  deviendront  de 
droit  la  propriété  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  à  moins  que  la  Société 
n'en  dispose»  par  un  vote  régulier,  en  faveur  d'un  autre  établissement 
public  ou  d'une  société  reconnue  par  TEtat.—  Dans  cette  circonstance, 
la  Société  devra  toujours  respecter  les  clauses  stipulées  par  les  dona* 
teurs  en  prévision  du  cas  de  dissolution. 


RÈGLEMENT 


DE 


LA    SOCIÉTÉ   D'ANTHROPOLOGIE 

EEVISÉ  EN  AVRIL  1863,  OCTOBRE  1867,  JANVIER  1878, 
AVRIL  ET  JUILLET  1880  ET  BN  1881. 


TITRE  PREMIER.  —  des  séances  publiques. 

ARTICLE  1**.  —  Les  séances  publiques  ont  lieu  le  premier  et  lo  troi- 
sième jeudi  de  chaque  mois,  de  trois  à  cinq  heures  de  l'après-midi.  Il 
pourra  être  tenu  des  séances  extraordinaires  sur  la  proposition  du  Bu- 
reau et  par  décision  de  la  Société. 

Art.  2.  —  La  périodicité  des  séances  pourra  être  changée  par  une 
simple  décision  de  la  Société^  à  la  majorité  absolue  des  membres  pré- 
sents, pourvu  que  la  Société  en  ait  été  prévenue  une  séance  à  l'avance 
par  son  président,  et  que  tous  les  membres  aient  en  outre  été  convo- 
qués à  domicile. 

Art.  3.  — La  Société  prend  chaque  année  deux  mois  de  vacances,  en 
août  et  septembre. 


TITRE  IL  —  FONCTIONS  DU  BUREAU. 

Art.  -4.  —  Le  président  dirige  les  séances,  proclame  les  décisions  de 
la  Société  et  les  noms  des  membres  élus,  et  nomme,  après  avoir  pris 
ravis  do  Bureau,  les  commissions  chargées  des  rapports  et  des  travaux 
scientiûqoes. 

Art.  5.  —  En  Tabsence  du  président  et  des  vice-présidents,  le  plus 
ancien  membre  préside  la  séance. 

Art.  6.  —  Le  secrétaire  général,  élu  pour  trois  ans  et  rééligible, 
reçoit,  dépouille  et  rédige  la  correspondance.  Il  prépare  Tordre  du 
jour  des  séances  de  concert  avec  le  président.  II  a  la  parole  immédia- 
tement après  l'adoption  du  procès-verbal,  pour  communiquer  à  la 
Société  les  pièces  de  la  correspondance.  Il  est  chargé  de  la  publication 
des  Bulletins  et  Mémoires  sous  la  direction  du  Comité  de  publication, 


yi  RÈGLEMENT. 

avec  le  concours  des  secrétaires  annuels.  Il  est  adjoint  de  droit  à  la 
Commission  de  publication,  et  tous  les  travaux  destinés  à  cette  Com- 
mission sont  d'abord  déposés  entre  ses  mains.  Il  est  suppléé  dans  ces 
différentes  fonctions  par  le  secrétaire  général  adjoint. 

Art.  7.  —  Les  secrétaires  sont  chargés  de  la  rédaction  des  procès- 
verbaux.  Pour  concourir  à  cette  rédaction  des  procès-verbaux,  la 
Société  pourra  élire,  en  dehors  du  Comité  central^  deux  secrétaires 
adjoints  pris  parmi  les  membres  qui,  étant  titulaires  depuis  phis  d*une 
année,  ont  fait  à  la  Société  une  communication  scientifique. 

Art.  8.  —  L'archiviste  est  chargé  de  la  conservation  des  manuscrits, 
des  dessins,  des  livres  et  gravures^  des  paquets  cachetés,  des  lettres 
adressées  à  la  Société.  Il  date  et  parafe  toutes  ces  pièces  le  jour  de  leur 
réception.  Les  pièces  anatomiques,  les  moules  et  tous  les  objets  offerts 
à  la  Société  ou  acquis  par  elle  sont  mis  sous  la  garde  du  conservateur 
des  collections.  Tous  deux  dressent  un  catalogue  et  un  inventaire  des 
objets  de  tout  genre  qui  leur  ont  été  confiés,  et  en  rendent  compte  tous 
les  ans  à  une  commission  spéciale. 

Art.  9.  —  Le  trésorier  reçoit  le  montant  des  cotisations,  des  amendes 
et  des  droits  d'admission,  tient  toutes  les  écritures  relatives  à  la  comp- 
tabilité, signe^  de  concert  avec  le  président,  les  baux  et  les  bordereaux 
de  dépenses,  solde  les  frais  de  publication,  touche  chez  les  libraires  le 
produit  de  la  vente  des  Bulletins  et  Mémoires^  et  rend  chaque  année 
compte  de  sa  gestion  à  une  commission  spéciale. 


TITRE  III.  -r  DU  COMITÉ  central. 

Art.  10.  —  Les  questions  administratives,  personnelles,  réglemen- 
taires, et  en  général  toutes  les  questions  qui  ne  sont  pas  purement 
scientifiques,  exception  faite  de  celles  qui  sont  mentionnées  dans  les 
articles  31,  32  et  68,  sont  examinées  et  résolues  dans  les  séances  du 
Comité  central. 

Art.  11.  —  Les  réunions  du  Comité  ne  sont  pas  publiques,  et  n*ont 
jamais  lieu  le  même  jour  que  les  séances  de  la  Société.  Elles  sont  annon- 
cées huit  jours  à  favance  par  le  président,  en  séance  publique.  Les 
membres  du  Comité  sont  en  outre  avertis  à  domicile.  Tous  les  membres 
de  la  Société  ont  le  droit  d'assister  à  ces  réunions. 

Art.  12.  —  Les  membres  du  Comité  central  qui,  sans  être  en  congé 
régulier  ou  sans  justifier  de  leur  absence,  manqueront  à  quatre  séances 
consécutives  du  Comité  seront,  après  avertissement  préalable,  consi- 
dérés comme  ne  faisant  plus  partie  du  Comité.  Cette  disposition  ne 
concerne  pas  les  anciens  présidents  de  la  Société. 

Art.  13.  —  Dans  ces  réunions,  tous  les  membres  de  la  Société 
indistinctement  ont  toujours  voix  consultative.  Les  membres  du  Comité 
seuls  ont  voix  délibérative. 

Art.  14.  -—  Le  bureau  du  Comité  est  le  même  que  celui  de  la  Société. 
Toutefois  le  Comité  pourra,  à  la  demande  des  secrétaires,  charger  un 
de  ses  membres  de  rédiger  les  procès-verbaux  de  ses  séances. 


BtouMEirr.  TU 

àirr.  45.  —  Les  procès^verbaux  des  séances  du  Comité,  n*étanl  pas 
destinés  à  être  publiés,  sont  transcrits  par  les  soins  du  secrétaire  sur 
un  registre  spécial  qui  reste  toujours  déposé  dans  les  archives. 

AtT.  16.  —  Les  séances  du  Comité  ont  lieu  régulièrement  :  1*^  en 
janvier,  dans  la  quinzaine  qui  suit  la  séance  d'installation  du  Bureau  ; 
^  dans  la  première  quinzaine  d'avril  ;  3<»  dans  la  première  quinzaine  de 
juillet;  4**  dans  la  première  quinzaine  de  novembre. 

Abt.  17.  —  Le  Bureau  a  en  outre  le  droit  de  provoquer  une  réunion 
du  Comité  toutes  les  fois  qu'il  le  juge  nécessaire. 

Ait.  18.  ^  Lorsqu'une  ou  plusieurs  places  sont  vacantes  dans  le 
sein  do  Comité,  le  comité  nomme  une  commission  de  cinq  membres 
chargée  de  lui  présenter  une  liste  de  candidats.  Les  personnes  portées 
sur  cette  liste  devront  a|)partenir  à  la  Société  depuis  au  moins  un  an 
en  qualité  de  membres  titulaires,  et  avoir  lu  un  travail  scientifique 
dans  l'une  des  séances  publiques  de  la  Société. 

Ait.  19.  *—  La  présentation  de  cette  liste  doit  être  motivée  par  un 
rapport  écrit  gui  est  lu  et  discuté  séance  tenante.  Le  vote  suit  immé* 
diatement  la  discussion,  et  l'élection  a  lieu  à  la  majorité  absolue  des 
membres  oui  y  prennent  part.  Mais  elle  n'est  valable  que  lorsque  le 
candidat  élu  ootient  au  moins  douze  voix. 

Abt.  20.  —  Le  Comité  peut  élire  plusieurs  membres  dans  la  même 
séance  et  à  la  suite  du  même  rapport.  Ces  élections,  qui  ont  lieu  par 
scrutins  successifs  et  individuels,  ne  peuvent  dépasser  le  nombre  de  trois 
dans  la  même  séance. 

Abt.  21.  —Dans  la  séance  de  janvier,  le  Comité  nomme,  au  scrutin 
de  liste  et  à  la  majorité  relative,  une  commission  des  congés  composée 
de  trois  membres. 

Abt.  21  bi$.  —  Le  Comité  central  nomme  chaque  année  une  com- 
mission permanente  de  cinq  membres,  qui  est  chargée  d'examiner  les 
candidatures  au  titre  de  correspondant  étranger  ou  d'associé  étranger. 
Avaot  d'inscrire  une  de  ces  candidatures  sur  le  grand  registre,  les 
présentateurs  doivent  soumettre  à  cette  commission  les  titres  anthro- 
pologiques ou  autres  de  leur  candidat.  Le  jour  de  Télection,  le  prési- 
dent de  la  commission  annonce,  avant  le  scrutin,  que  la  candidature 
est  présentée  avec  ou  sans  l'appui  de  la  commission.  (Avril  1880.) 

Abt.  21  ter,  —  Cette  commission  est  chargée  en  outre  d^étudier  la 
liste  des  membres  étrangers  au  point  de  vue  des  changements  d^adresse, 
des  vacances  par  décès  ou  par  démission,  et  des  lacunes  à  combler  sui- 
vant les  besoins  de  la  Société.  (Avril  1880.) 

Akt.  22.  —  Les  résultats  des  séances  du  Comité  sont  annoncés  par 
le  président  dans  la  plus  prochaine  séance  de  la  Société,  soit  publi- 
quement, soit  en  comité  secret,  et  sont  consignés,  s'il  y  a  lieu,  dans 
les  Bulletins.  Cette  communication  ne  peut  donner  lieu  à  aucune  dis* 
cossion. 

TITRE  IV.  —  recettes  et  dépenses. 

Abt.  23.  <—  Le  droit  d'admission  est  fixé  à  20  francs  pour  les  membres 
titulaires  et  pour  les  correspondants  nationaux.  Les  membres  hono* 


▼m  RÈGLBIIEIIT, 

raires,  les  associés  étrangers  et  les  correspondants  étrangers  sont 
admis  grataitement. 

Art.  24.  —  Les  membres  titulaires  fournissent  chaque  année  une 
cotisation  de  30  francs,  qui  peut  être  rachetée  par  le  versement  d*iine 
somme  de  300  francs  dont  le  payement  pourra  être  effectué  en 
trois  annuités  conséeulives  de  100  francs.  Ils  reçoivent  gratuitement 
un  eiemplaire  de  toutes  les  publications  de  la  Société.  Les  membres 
nouvellement  élus  ont  droit  aux  fascicules  déjà  publiée  des  Bulletins 
de  Tannée  et  du  volume  de  Mémoires  en  cours  de  publication. 

Art.  25.  —  Les  membres  titulaires  qui  ne  résident  pas  dans  le  dé- 
partement de  la  Seine  sont,  sur  leur  simple  déclaration,  autorisés  à  ne 
verser  leur  cotisation  qu*à  la  fin  de  chaque  année*  Le  recouvrement 
s*effectue  à  leur  domicile  aux  frais  de  la  Société.  Toutefois  les  membres 
qui  résident  hors  de  France  doivent  désigner  à  Paris  une  personne 
chargée  de  verser  leur  cotisation. 

Art.  26.  —  Tout  membre  qui  aura  laissé  écouler  un  trimestre 
entier,  non  compris  les  mois  de  vacances,  sans  acquitter  le  montant  de 
ses  cotisations  et  des  amendes  qu*il  aura  encourues,  sera  averti  une 
première  fois  par  le  trésorier,  une  seconde  fois  par  le  président;  si  ces 
avertissements  sont  sans  efTet,  il  sera  considéré  comme  démissionnaire 
et  perdra  ses  droits  à  la  propriété  des  objets  appartenant  à  la  Société. 

Art.  27.  —  Les  membres  honoraires  élus  directement,  les  membres 
associés  étrangers  et  les  correspondants,  n'étant  soumis  à  aucune 
cotisation,  n'ont  aucun  droit  à  la  propriété  des  objets  appartenant  à  la 
Société.  Les  correspondants  nationaux  ne  peuvent  être  choisis  que 
parmi  les  Français  voyageant  ou  résidant  à  1  étranger,  ou  appartenant 
soit  à  Tarniée,  soit  à  la  marine. 

Art.  28.  —  Les  recettes  provenant  de  la  vente  des  publications  de 
la  Société  seront  encaissées  par  le  trésorier  aux  échéances  convenues 
avec  les  libraires  chargés  de  la  vente. 

Art.  29.  —  Les  frais  de  location,  de  bureau  et  d'administration 
seront  réglés  par  le  Bureau  et  acquittés  par  le  trésorier,  sur  le  visa  du 
président. 

Art.  30.  —  Les  frais  de  publication  sont  réglés  par  la  Commis- 
sion de  publication;  ils  sont  acquittés  par  le  trésorier,  sur  le  visa  do 
président. 

Art.  31.  —  Le  trésorier  présente  ses  comptes  dans  la  première 
séance  de  janvier.  Une  commission^  composée  de  trois  membres  tirés 
au  sort  dans  la  dernière  séance  de  décembre,  fait  un  rapport  écrit  sur 
ces  comptes  dans  Tune  des  trois  séances  suivantes,  en  comité  secret. 
La  Société  vote  sur  le  rapport,  et  le  président,  s'il  y  a  lieu,  donne 
ensuite  décharge  au  trésorier.  Tout  délai  dans  la  présentation  des 
comptes  ou  du  rapport  fera  encourir  au  trésorier  ou  à  chacun  des  com- 
missaires une  amende  de  5  francs  par  chaque  séance  de  retard. 

Art.  32.  —  Dans  la  dernière  séance  de  décembre,  une  commission 
de  trois  membres  tirés  au  sort  est  chargée  d'examiner  le  catalogue  de 
tous  les  objets  dont  l'archiviste  et  lé  conservateur  des  collections  sont 


RftOLEMEin'.  1Z 

dépositaires. Cette  commission  fait  son  rapport  dans  la  séance  suivante. 
Tout  délai  dans  la  présentation  du  catalogue  ou  du  rapport  fera  encourir 
à  rarcliifiste^  au  conservateur  des  collections  ou  à  chacun  des  commis- 
saires une  amende  de  5  francs  par  séance  de  retard. 


TITRE  V,   —  PUBLICATIpKS. 

Anr.  33.  —  La  Société  publie  des  Bulletins  et  des  Mémoires  ori- 
ginaux. 

Abt.  34.  —  Tons  les  mémoires  manuscrits  lus  ou  communiqués  à  la 
Société,  tous  les  rapports  scientiGques  et  généralement  tous  les  travaux 
qui  ne  Ggurent  pas  dans  les  procès-verbaux  des  séances,  sont  remis 
à  la  Commission  de  publication. 

Art.  35.  —  Les  Bulletins  sont  publiés  par  le  secrétaire  général,  sous 
la  direction  du  Comité  de  publication,  avec  le  concours  des  secrétaires 
annuels,  et  se  composent  :  1^  des  procès-verbaux  des  séances;  2<»  des 
travaux  renvoyés  aux  Bulletins  par  la  Commission  de  publication  pour 
y  paraître  textuellement,  ou  en  extraits,  ou  en  analyses. 

Art.  36.  —  La  Commission  de  publication  se  compose  de  trois 
membres  élus  chaque  année  au  scrutin  de  liste  et  à  la  majorité  absolue 
des  votants.  Ils  sont  rééiigibles  et  peuvent  faire  partie  du  Bureau.  Le 
secrétaire  général  est  adjoint  de  droit  à  cette  commission. 

Art.  .37.  —  Cette  commission  dirige  la  publication  des  Bulletins 
et  des  Mémoires  de  la  Société.  Ses  droits  sont  absolus  et  ses  déci- 
sions sans  appel.  Elle  décide,  ajourne  ou  refuse  Fimpression  des  tra- 
vaux qui  lui  sont  renvoyés  et  détermine  Tordre  de  leur  publicntion  ; 
elle  s^entend  avec  les  auteurs  pour  les  modifications^  les  coupures  et 
les  suppressions  qui  lui  paraissent  opportunes,  ou  pour  la  rédaction 
d^  extraits  qu'elle  juge  utile  de  publier  à  la  place  des  mémoires  pri- 
mitifs. 

Art.  38.  — Les  frais  de  gravure  ou  de  lithographie,  et  généralement 
tous  les  frais  de  composition  supplémentaire  qui  ne  seront  pas  compris 
dans  les  conventions  passées  avec  le  libraire,  sont  supportés  par  les 
auleors,  à  moins  que  la  Société,  sur  la  proposition  de  la  Commission 
de  publication,  et  sur  Pavis  du  trésorier,  ne  décide  qu^elle  prend  ces 
frais  à  sa  charge. 

Art.  39.  —  Tous  les  travaux  inédits  lus  ou  adressés  à  la  Société 
deviennent  sa  propriété,  et  ceux  qui  ne  sont  pas  publiés  textuellement 
sont  déposés  aux  archives  avec  les  formes  officielles  destinées  à  en  dé- 
terminer exactement  la  date.  Ceux  qui  émanent  de  personnes  étrangères 
à  la  Société  ne  peuvent,  en  aucun  cas,  être  repris  par  les  auteurs. 
Ceux-ci,  toutefois,  ont  le  droit  d'en  faire  prendre  copie  aux  archives. 
Les  planches,  dessins,  pièces  anatomiques  ou  moules  en  plâtre  peuvent 
toujours  être  repris  par  ceux  qui  les  ont  présentés  ;  mais  la  Société  se 
réserve  le  droit  d*en  conserver  la  copie,  la  photographie  ou  la  reproduc- 
tion par  tout  autre  procédé,  à  la  condition  de  ne  point  les  détériorer. 


X  RÉOLEIIBIIT. 

Art.  40.  —  Tout  manuscrit  émanant  d^un  membre  de  la  Société» 
qui  ne  serait  pas  publié  dans  le  délai  d*an  an,  ou  dont  il  n*anrait  été 
publié  qu'un  extrait^  ou  qui  serait  déposé  aux  archives,  sera  remis  à 
rauteur  sur  sa  demande. 

Art.  41.  —  Les  auteurs  des  travaux  publiés  dans  les  Mémoires 
reçoivent  gratuitement  vingt-cinq  exemplaires  d*un  tirage  à  part  sans 
remaniement.  En  renonçant  à  ce  privilège,  ils  ont  le  droit  de  faire 
faire  à  leurs  frais  un  tirage  à  part  à  cent  exemplaires  sans  remanie- 
ment. Les  tirages  plus  considérables  ne  peuvent  être  faits  qu'avec 
Fautorisation  du  Bureau.  Dans  ces  tirages  à  part,  la  pagination  des 
Mémoires  de  la  Société  devra  toujours  être  conservée;  mais  les  auteurs 
pourront,  à  leurs  frais,  y  faire  ajouter  une  pagination  spéciale. 

TITRE  VL  —  COMMISSIONS  et  rapports  scientifiques. 

Art.  42.  —  Tout  travail  inédit  présenté  par  une  personne  étrangère 
à  la  Société  est  renvoyé  à  une  commission  de  trois  membres  désignés 

f)ar  le  président»  sur  ravis  du  Bureau.  La  commission  pourra,  suivant 
'importance  du  travail,  faire  un  rapport  verbal  ou  écrit;  mais  toutes 
les  rois  qu*elle  présentera  des  conclusions  soumises  au  vote  de  la  So- 
ciété, il  faudra  que  le  rapport  soit  écrit  et  signé  des  commissaires. 

Art.  43.  —  Quoique  les  commissions  ordinaires  ne  se  composent 

Sue  de  trois  membres,  on  peut,  si  on  le  juge  utile,  adjoindre  un  ou 
eux  membres  de  plus  à  certaines  commissions. 

Art.  44.  —  Les  ouvrages  imprimés  adressés  à  la  Société  sont  ren- 
voyés à  une  commission,  si  les  auteurs  en  font  la  demande;  dans  le  cas 
contraire,  le  renvoi  à  une  commission  est  facultatif,  et  le  président 
peut  ne  désigner  qu'un  seul  commissaire. 

Art.  45.  —  Dans  toute  commission  scientifique,  les  pièces  sont 
remises  au  commissaire  nommé  le  premier.  Il  en  accuse  réception  sur 
un  registre  spécial  dont  Tarchiviste  est  dépositaire,  et  c'est  lui  qui  est 
chargé  de  convoquer  la  Commission.  Il  garde  le  travail  pendant  huit 
jours  pour  en  prendre  connaissance,  après  quoi  il  le  transmet  à  tes 
deux  collègues,  qui  ont  également  huit  jours  chacun  pour  prendre 
connaissance  du  travail.  Au  bout  de  trois  semaines,  la  Commission  se 
réunit  et  désigne  son  rapporteur.  La  durée  des  préliminaires  ne  pourra 
être  abrégée  que  pour  les  rapports  d'urgence,  sur  l'invitation  du  pré- 
sident. 

Art.  46.  —  Les  commissaires  en  retard  seront  avertis  tous  les  trois 
mois,  par  le  président,  en  séance  publique  ;  leurs  noms  seront  inscrits 
sur  le  tableau  des  commissions  en  retard,  et  le  président,  après  deux 
avertissements,  aura  le  droit  de  nommer  une  autre  commission. 

TITRE  YI  bis,  —  délégations  scientifiques. 
(Comité  central  du  Si  juillet  1880.) 

Art.  46  6ti.  —  La  Société,  pour  faciliter  les  recherches  en  pays 
étrangers,  peut  confier  des  miasiona  temporaires  à  des  voyageurs  na- 


RteLIWlIT.  XI 

tioDâux  ou  étrangers,  oui  reçoivent  à  cet  effet  des  délégations  spéciales 
sur  parchemin.  Ces  aélégaiions,  eisentieJlement  différentes  des  di- 
plômes de  correspondants,  indiquent  la  date,  la  durée  et  la  nature  de 
la  mission.  Elles  perlent  la  signature  du  président  et  du  secrétaire 
général.  Leur  durée  sera  déterminée  d'après  la  nature  de  la  mission, 
filles  sont  renouvelables. 

Abt.  46  1er.  —  Nul  ne  peut  obtenir  une  nouvelle  délégation  avant 
d'avoir  communiqué  ou  transmis  à  la  Société  les  résultats  scientifiques 
de  la  délégation  précédente. 

Abt.  46  ^^mA^t.  —  Toute  personne  qui  désire  obtenir  une  délé- 
gation doit  en  faire  la  demande  écrite  et  être  présentée  par  trois  mem- 
bres de  la  Société,  qui  inscrivent  la  proposition  sur  uu  registre  spécial. 

La  Société  peut  voter  séance  tenante  sur  cette  proposition. 

Abt.  46  quiisiiu,  —  En  cas  d'urgence  motivée  par  le  prompt  dé- 
part du  voyageur  et  par  Téloignement  de  la  première  séance^  le  Bu- 
reau peut  donner  une  délégation  dont  la  durée  n'excédera  pas  un  an. 

Abt.  46  Hxiva.  —  Le  Comité  central  pourra  décerner  des  mé- 
dailles de  bronze  ou  d'arsent  aux  personnes  qui  se  seront  acquittées 
de  leur  mission  à  la  satisfaction  de  la  Société. 

TITRE  VIL  —  ORDRE   DES  SÉANCES. 

Art.  47.  —  L'ordre  du  jour  est  réglé  par  le  président,  après  avis  du 
secrétaire  général.  Néanmoins^  sur  la  proposition  de  trois  membres,  la 
Société  peut  modilier  cet  ordre  du  jour. 

Abt.  48.  —  Toute  personne  étrangère  à  la  Société  peut  s'inscrire 

fiour  une  lecture  ou  une  communication  orale,  mais  la  parole  ne  peut 
ui  être  accordée  dans  une  discussion  que  sur  la  proposition  de  trois 
membres. 

Art.  49.  —  Les  personnes  étrangères  à  la  Société,  ne  pouvant 
obtenir  la  parole  sur  la  rédaction  du  procès- verbal,  seront  toujours 
invitées  à  résumer  elles-mêmes  par  écrit  leurs  communications  orales 
et  à  rennettre,  dans  un  délai  de  cinq  jours,  leurs  notes  au  secrétaire. 
Si  elles  ne  répondent  pas  à  celle  invitation,  elles  ne  seront  admises  à 
élever  aucune  réclamation  sur  la  manière  dont  le  secrétaire  aura  rendu 
dans  son  procès«verbal  leurs  paroles  ou  leurs  opinions.  Le  secrétaire 
aura  même,  si  cela  lui  convient,  f^roit  de  ne  taire  aucune  mention 
de  leurs  communications. 

Abt.  50.  —  Lorsou'une  lecture  ou  une  communication  est  renvoyée 
à  une  commission,  ta  discussion  ne  peut  s'ouvrir  immédiatement;  elle 
est  remise  jusqu'au  jour  du  rapport. 

Art.  51 .  —  Les  lectures  et  les  communications  émanant  des  mem- 
bres de  la  Société  sont  discutées  immédiatement,  ainsi  que  les  rapports. 
Lorsqu'il  v  a  des  conclusions  à  voler,  le  rapporteur  a  le  droit  de  prendre 
la  parole  le  dernier. 


XJI  RiSGLEMiSIIT. 

Art.  52.  —  La  parole  est  accordée,  dans  le  cours  d^une  discussion, 
à  tout  membre  qui  la  demande  pour  rétablir  la  question,  pour  proposer 
la  clôture  ou  Tordre  du  jour,  ou  pour  un  fait  personnel. 

Art.  53.  —  Le  président  rappelle  à  Tordre  quiconque  dépasse  les 
limites  des  discussions  scientifi(]ues,  et  à  la  question  tout  orateur  qui 
s'éloigne  de  Tobjet  de  la  discussion. 

Art.  54.  —  Le  président  ne  peut,  de  sa  propre  autorité,  interrompre 
ou  terminer  une  discussion,  proposer  la  clôture  ou  Tordre  du  jour;  il 
ne  peut  consulter  la  Société  à  cet  égard  que  si  la  clôture  ou  Tordre  du 
jour,  proposé  par  un  membre,  est  appuyé  par  deux  autres  membres  au 
moins.  Toutefois,  dans  le  cas  où  Tordre  ne  pourrait  être  rétabli,  le  pré- 
sident, après  avoir  consulté  le  Bureau^  a  le  droit  de  lever  la  séance. 

Art.  55.  —  Les  personnes  étrangères  à  la  Société  ne  peuvent  assister 
à  la  lecture  et  à  la  discussion  des  rapports  faits  sur  leurs  travaux. 


TITRE  VIII.  —  ÉLECTIONS  DU  BUREAU  ET  DES  COMMISSIONS. 

Art.  56.  —  La  Société  renouvelle  son  Bureau  dans  la  première 
séance  de  décembre,  par  voie  d^élection,  conformément  à  Tarticle  5 
des  statuts.  Le  nouveau  Bureau  entre  en  fonctions  dans  la  première 
séance  de  janvier. 

Art.  57.  —  Les  élections  du  Bureau  et  de  la  Commission  de  publi- 
cation ont  lieu  à  la  majorité  absolue  des  votants.  Tous  les  membres 
titulaires,  résidant  soit  à  Paris,  soit  en  province,  sont  appelés  à  voter. 

Art.  58.  —  Les  membres  non  résidants  sont  seuls  autorisés  à  voter 
par  correspondance,  suivant  les  formes  indiquées  dans  les  articles  6i 
et  62.  Les  membres  résidants  ne  peuvent  voter  qu*en  déposant  eux- 
mêmes  leur  bulletin  dans  Turne. 

Art.  59.  —  Le  Comité  central,  dans  sa  réunion  de  novembre,  dresse 
la  liste  des  candidats  qu'il  propose  pour  les  diverses  fonctions. 

Art.  60.  —  Cette  liste,  avant  d*être  envoyée  à  tous  les  membres 
titulaires,  est  communiquée  à  la  Société  par  le  président,  dans  la  seconde 
séance  de  novembre.  Toute  candidature  proposée  par  cinq  membres  est 
de  droit  ajoutée  à  la  liste,  pourvu  qu*elle  soit  conforme  à  Tarticle  4  des 
statuts,  et  transmise  au  secrétaire  général  dans  les  trois  jours  qui  sui- 
vent cette  séance  publique. 

Art.  61.  —  Au  terme  de  ces  trois  jours,  le  secrétaire  général 
adresse  à  tous  les  membres  titulaires  non  résidants  une  circulaire  ren- 
fermant :  1<»  les  articles  du  règlement  relatifs  aux  élections;  2*^  la  liste 
des  candidats  proposés  par  le  Comité  central  et  des  autres  candidats 
proposés  par  cinq  membres;  5°  Tindicalion  du  jour  où  le  scrutin  sera 
dépiouillé;  4<*  un  bulletin  de  vote  imprimé  et  numéroté  sur  lequel  les 
diverses  fonctions  vacantes  sont  énumérées  ;  5^  une  enveloppe  impri- 
mée dans  laquelle  le  bulletin,  rempli  et  non  signé,  doit  être  renvoyé 
au  secrétariat. 


RÈGLEIIEirr.  1111 

ART.  62.  —  Le  jour  du  scrutin,  le  président  tire  au  sort,  parmi  les 
membres  présents,  le  nom  d'un  commissaire  scrutateur.  Tous  les  bul- 
letins envoyés  par  correspondance  sont  décachetés  en  séance  par  ce 
commissaire,  oui  dicte  aux  secrétaires  les  numéros  d* ordre  des  bulle- 
tins. Lorsque  l  énumération  est  terminée  et  qu'il  est  constaté  qu'aucun 
membre  n'a  voté  plus  d'une  fois^  le  scrutateur  dépose  un  à  un  les  bul- 
letins dans  l'urne,  en  déchirant  chaque  fois  le  numéro  d'ordre.  Le 
secret  du  vote  se  trouve  ainsi  assuré.  Les  membres  présents  déposent 
ensuite  directement  leur  vote  dans  Fume.  Le  président  procède  alors 
au  dépouillement  du  scrutin  suivant  les  formes  ordinaires. 

Art.  63.  »  Les  candidats  qui  obtiennent  la  majorité  absolue  des 
suffrages  exprimés  sont  déclarés  élus.  Les  billets  blancs  sont  annulés. 

ART.  64.  —  Lorsque,  pour  une  ou  plusieurs  fonctions»  il  n'y  a  pas 
eu  de  majorité  absolue,  un  scrutin  de  ballottage  a  lieu  dans  la  seconde 
séance  de  décembre.  Dans  l'intervalle  des  deux  séances,  une  nouvelle 
circulaire  est  adressée  à  tous  les  membres  titulaires  non  résidants,  qui 
sont  invités  à  opter,  pour  chaque  fonction  vacante,  entre  les  deux  can- 
didats qui  ont  réuni,  au  premier  tour,  le  plus  grand  nombre  de  suffra- 
ges. Le  nombre  de  voix  obtenu  par  chacun  des  deux  candidats  est 
indiqué  sur  la  circulaire.  Le  second  scrutin  est  dépouillé  comme  le 
premier.  En  cas  de  partage,  l'ancienneté  de  titre  d'abord,  ensuite 
l'ancienneté  d*àge  décident  entre  les  deux  candidats. 


TITRE   IX.  —  COMITÉS  SECRETS. 


ART.  65.  —  Sauf  le  cas  d'urgence  absolue,  le  comité  secret  est  an- 
>Dcé  une  séance  à  l'avance  par  le  président,  et  annoncé  de  nouveau 
par  lui  immédiatement  après  la  lecture  du  procès- verbal  de  la  séance 


Art.  66.  —  Les  comités  secrets  commencent  à  quatre  heures  et 
demie.  Les  décisions  y  sont  prises  à  la  majorité  absolue  des  votants  et 
sont  valables,  quel  que  soit  le  nombre  des  membres  qui  prennent  part 
au  vote,  sauf  l'exception  indiquée  dans  l'article  68. 

Art.  67.  —  Les  comités  secrets  peuvent  être  provoqués  de  deux 
manières  :  i^  par  le  président  au  nom  du  Bureau;  2<^  sur  la  proposi- 
tion de  cinq  membres  de  la  Société  qui  en  font  au  président  la  aemande 
écrite,  en  indiquant  l'objet  de  leur  proposition.  Le  président,  après 
avoir  pris  l'avis  du  Bureau,  accorde  ou  refuse  le  comité  secret;  dans 
ce  dernier  cas,  les  membres  signataires  de  la  demande  peuvent  faire 
appel  de  la  décision  du  Bureau  à  celle  de  la  Société. 

Art.  68.  —  S'il  arrive  jamais  qu'une  circonstance  grave  paraisse  de 
nature  à  motiver  l'examen  de  la  conduite  d'un  membre,  la  Société 
pourra  lui  demander  des  explications,  formuler  un  blâme  contre  lui  ou 
même  prononcer  son  exclusion.  Mais  cette  mesure  pénible  ne  pourra 
être  prise  que  de  la  manière  suivante  :  i^  cinq  membres  titulaires  dé- 
posent sur  le  bureau  une  demande  motivée  réclamant  en  même  temps 
un  comité  secret,  qui  ne  peut  avoir  lieu  moins  de  huit  jours  après  et 


Zrr  RÈOLEMBNT. 

qui  est  précédé  d'une  convocation  spéciale.  —  2<»  Le  jour  du  comité 
secret,  le  membre  interpellé  ou  accusé  est  appelé  à  donner  les  explica- 
tions qui  lui  sont  demandées,  et  a  toujours  le  droit  de  parler  le  der- 
nier. Il  se  relire  ensuite,  si  la  Société,  consultée  par  le  président,  décide 
qu'il  y  a  lieu  de  prendre  la  proposition  en  considération.  Dès  ce  mo- 
ment, la  discussion  générale  est  close,  mais  il  est  toujours  permis  de 
présenter  des  amendements  à  la  proposition.  Le  vote  peut  être  renvoyé 
a  une  prochaine  séance.  Il  n'est  valable  que  si  les  deux  tiers  au  moins 
des  membres  résidant  à  Paris  y  prennent  part.  La  censure  et  Pexclu- 
sion  ne  peuvent  être  prononcées  que  par  un  nombre  de  voix  égal  ou 
supérieur  aux  deux  tiers  des  membres  résidant  à  Paris.  —  3^  Ces  me- 
sures ne  sont  appliquées  que  si  la  Société,  consultée  une  seconde  fois 
au  bout  d'un  mois,  après  une  nouvelle  convocation  à  domicile,  confirme 
la  première  décision  par  un  vote  définitif  semblable  au  précédent. 


TITRE  X.  —  REVISION   DU  RÈGLEMENT. 

Art.  69.  —  Toute  proposition  tendant  à  reviser  le  règlement  devra 
être  signée  par  cinq  membres  au  moins,  déposée  sur  le  bureau  et 
soumise  à  l'appréciation  d'une  commission  de  trois  membres  du  Comité 
central  nommés  au  scrutin  de  liste  et  à  la  majorité  absolue  des  votants. 
La  Commission  fait  son  rapport  dans  une  des  séances  du  Comité  cen- 
tral ;  la  proposition  est  discutée  immédiatement  après  ;  tous  les  membres 
de  la  Société  peuvent  prendre  part  à  cette  discussion  ;  mais  les  membres 
du  Comité  seuls  sont  appelés  à  voler  sur  la  modlGcalion  proposée^  hinsi 
qu'il  est  dit  eu  Tarlicle  4  des  statuts.  La  inoditication  ne  peut  être 
adoptée  que  par  un  nombre  de  voix  égal  ou  supérieur  à  la  moitié  plus 
un  du  nombre  total  des  membres  du  Comité.  Toute  abstention,  toute 
absence  sont  comptées  comme  des  voix  négatives.  Tous  les  membres 
du  Comité  doivent,  par  conséquent,  être  convoqués  à  domicile  par 
une  circulaire  spéciale,  où  le  sujet  de  la  délibération  est  indiqué  en 
termes  précis. 

Art.  70.  —  Par  exception  aux  dispositions  précédentes,  la  revision 
des  articles  1  et  3  du  règlement  s'efi^ectuera  suivant  les  règles  indiquées 
en  l'article  2. 


PRIX   GODARD 

FONDÉ  PAR   H.    LB  DOCTEUR   ERNEST  QODARD  EN  1862. 

Extrait  du  testament,  —  c  Ce  prix  sera  doDoé  au  meilleur  mé- 
moire sur  un  sujet  se  rattacliaDt  à  Tanthropologie  ;  aucun  sujet  de 
prix  ne  sera  proposé.  » 


RÈGLEMENT. 

Article  i*'.  —  Le  prix  Godard  sera  décerné^  tous  les  deux  aiis^  le 
jour  de  la  séance  solennelle  de  la  Société. 

Art.  2.  —  Ce  prix  est  de  la  valeur  de  500  francs. 

Art.  3.  —  Les  membres  qui  composent  le  Comité  central  de  la  So« 
ciélé  .d'anthropologie  sont  seuls  exclus  du  concours. 

Art.  4.  —  Tous  les  travaux,  manuscrits  ou  imprimés,  adressés  ou 
000  à  la  Sociétéi  peuvent  prendre  part  au  concours. 

Art.  5.  —  Tout  travail  oui  aurait  été  couronné  par  une  autre  sociélé, 
avant  son  dépôt  à  la  Société  d'anthropologie,  est  exclu  du  concours. 

Art.  6.  —  Le  jury  d'examen  se  composera  de  cinq  membres  élus 
au  scrutin  de  liste  par  les  membres  du  Comité  central,  choisis  dans 
ton  sein  et  à  la  majorité  absolue  des  membres  qui  le  composent. 

Art.  7.  —  Ce  jury  fait  son  rapport  et  soumet  son  jugement  à  la  rati- 
ûcation  du  Comité  central. 

Art.  8.  —  Le  jury  d'examen  sera  élu  quatre  mois  au  mous  avant 
le  jour  où  le  prix  doit  être  décerné. 

Art.  9.  —  Tous  les  travaux,  imprimés  ou  manuscrits,  adressés 
à  la  Société  ou  publiés  après  le  jour  où  le  jury  d'examen  aura  été 
nommé,  ne  pourront  prendre  part  au  concours  du  prix  Godard  que  pour 
la  période  biennale  suivante. 

Art.  10.  —  «  Dans  le  cas  où)  une  année,  le  prix  Godard  ne  serait 
pas  décerné,  il  serait  ajouté  au  prix  qui  serait  donné  deux  années 
pins  tard,  r  (Termes  du  testament.) 

Art.  il.  —  Le  prix  Godard  sera  décerné  pour  la  première  fois 
dans  la  séance  annuelle  que  tiendra  la  Société  en  1865. 


PRIX  BROCA 

FONDÉ      PAR      M"^^'      BROCA      EN      1881. 


«  Ce  prix  est  destiné  à  récompenser  le  meilleur  mémoire  sur  une 
question  d*anatomie  humaine,  d*analomie  comparée  ou  de  physiologie 
se  rattachant  à  Tanthropologie.  » 


RÈGLEMENT. 

Article  1*'.  —  Le  prix  Broca  sera  décerné,  tous  les  deux  ans,  le 
jour  de  la  séance  solennelle  de  la  Société. 

Art.  â.  —  Ce  prix  est  de  la  valeur  de  1500  francs. 

Art.  3.  —  Les  membres  qui  composent  le  Comité  central  de  la  So- 
ciété d'anthropologie  sont  seuls  exclus  du  concours. 

Art.  4.  —  Tous  les  mémoires,  manuscrits  ou  imprimés,  adressés  à 
la  Société,  peuvent  prendre  part  au  concours;  toutefois,  les  auteurs  des 
travaux  imprimés  ne  pourront  prendre  part  au  concours  qu*autantqu*ils 
en  auront  formellement  exprimé  Tintention. 

Art.  5.  —  Tout  travail  qui  aurait  été  couronné  par  une  autre  société, 
avant  son  dépôt  à  la  Société  d'anthropologie,  est  exclu  du  concours. 

Art.  6.  —  Le  jury  d*examen  se  composera  de  cinq  membres  élus 
au  scrutin  de  liste  par  les  membres  du  Comité  central,  choisis  dans 
son  sein  et  à  la  majorité  absolue  des  membres  qui  le  composent. 

Art.  7.  —  Ce  jury  fait  son  rapport  et  soumet  son  jugement  à  la  rati- 
fication du  Comité  central. 

Art.  8.  —  Le  jury  d'examen  sera  élu  quatre  mois  au  moins  avant 
le  jour  où  le  prix  doit  ôtre  décerné. 

Art.  9.  —  Tous  les  mémoires,  imprimés  ou  manuscrits,  adressés  à  la 
Société  après  le  jour  où  le  jury  d'examen  aura  été  nommé,  ne  pour- 
ront prendre  part  au  concours  du  prix  Broca  que  pour  la  période 
biennale  suivante. 

Art.  10.  —  Dans  le  cas  où  une  année  le  prix  Broca  ne  serait  pas 
décerné,  il  serait  ajouté  au  prix  qui  serait  donné  deux  années  plus 
tard. 


PRIX  BERTILLON 


«  Le  prix  Bertillon  sera  décerné  au  meilleur  travail  envoyé  sur  une 
matîèie  conceroant  Tanthropologie  et,  notamment,  la  démographie.  > 

Co!iDiTiO!i8  : 

i*  Le  pris  Bertillon  sera  décerné,  tous  les  trois  ans,  le  jour  d'une 
séance  solennelle  de  la  Société; 

i   ^  Ce  pris  sera  d^une  valeur  de  500  francs  ; 

3*  Les  membres  qui  composent  le  Comité  central  de  la  Société 
d'anthropologie  seront  seuls  exclus  du  concours; 

4*  Tous  les  mémoires,  manuscrits  ou  imprimés,  adressés  à  la  So* 
ciété,  pourront  prendre  part  au  concours;  toutefois,  les  auteurs  des 
travaux  imprimés  ne  pourront  prendre  part  au  concours  qu*autaot 
qu*ils  en  auront  formellement  exprimé  Tintention; 

5*  Tout  travail  qui  aurait  été  couronné  par  une  autre  Société  avant 
son  dépôt  à  la  Société  d'anthropologie  est  excla  du  concours; 

6®  Le  jury  d'examen  se  composera  de  cinq  membres  élus  au  scrutin 
de  liste  par  les  membres  du  Comité  central,  choisis  dans  son  sein  et  à 
la  majorité  des  membres  présents; 

7*  Ce  jury  fera  son  rapport  et  soumettra  son  jugement  à  la  ratiBca- 
tion  du  Comité  central; 

8«  Le  jury  d'examen  sera  élu  quatre  mois  au  moins  avant  le  jour  où 
e  prix  devra  être  décerné; 

9<*  Tous  les  mémoires,  imprimés  ou  manuscrits,  adressés  àja  Société 
après  le  jour  où  le  jury  d'examen  aura  été  nommé,  ne  pourront  prendre 
part  au  concours  du  prix  Bertillon  que  pour  la  période  triennule  sui- 
vante; 

\Q^  Dans  le  cas  où,  une  année,  le  prix  Bertillon  ne  serait  pas  dé- 
cerné, il  serait  ajouté  au  prix  que  Ton  décernera  troi^  ans  plus  tard  ; 

il*  Ce  prix  sera  décerné  è  la  personne,  sans  distinction  de  sexe,  de 
nationalité  ni  de  profession,  qui  aura  présenté  le  meilleur  mémoire  sur 
une  question  anthropologique; 

i^  Ce  prix  sera  décerné  pour  la  première  fois  dans  une  séance 
solennelle  que  tiendra  la  Société  en  1889. 


XVIII 


PERSONNEL. 


USTE   GÉNÉRALE 

DES  PRÉSIDENTS  DE  LA  SOCIÉTÉ. 


En  1859  MM 

.  MARTIN-MAGUON. 

Ed  1875  MM 

.  DALLY. 

1860 

Isidore  GEOFFROY 

1876 

DE  MORTILLBT. 

SAINT-HILAIRE. 

1877 

DE  RANSB. 

1861 

BËGURD. 

1878 

MARTIN  (Henri). 

1862 

BOUDIN. 

1879 

SANSON. 

1863 

DEQUATREFAGES. 

1880 

PLOIX. 

1864 

GRATIOLET, 

1881 

PARROT. 

1865 

PRUNER-BEY. 

1882 

THULIÉ. 

1866 

PÉRIER. 

1883 

PROUST, 

1867 

GAVARRET. 

1884 

HAMÏ. 

1868 

BERTRAND. 

1885 

DUREAU. 

1869 

LARTEl. 

1886 

LETOURNEAU. 

1870-71 

GAUSSIN. 

1887 

MAGITOT. 

1872 

LAGNEAU. 

1888 

POZZl. 

1873 

BERTILLON. 

1889 

MATHIAS  DUVAL. 

1874 

FAIDHERBE. 

1890 

HOVELACQUE. 

SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL 

DE   1859 

A  1880. 

BROCA  (Paul 

),  fondateur 

• 

BUREAU  DE  1891. 

Président MM.  LABORDE. 

1"  Vice-Président BORDIER. 

2«  Vice- Président SALMON. 

Secrétaire  général LETOURNEAU. 

Secrétaire  général  adjoint. .  G.  HERVÉ. 

o     .    .                ,  (CAPITAN. 

Secrétaires  annuels |  gj^    ^^y^^ 

Conservateur  des  collections ,  A.  DE  MORTILLET. 

ArchivUte C.  ISSAURAT. 

Archiviste  honoraire DUREAU. 

Trésorier FAUVELLE. 


pbbsonubl. 


XIX 


COMITÉ  CENTRAL 


BÂTÂILURD. 

fiORDlER. 

aPITAN. 

CHERVIN. 

CHUDZJNSKI. 

COLLINEAU. 

E.C0LL1N. 

CUYER. 

DARESTE. 

DELASlÂCYË. 


MM. 
FAUVBLIE. 
GIRARD  DE  RIÂLLE. 
HERVÉ. 
C.  ISSADRAT, 
LABORDE. 
LÂCOMBE. 
ANDRÉ  LEFËVRE. 
MAHOUDEAU. 
MANOUVRIER. 
MONCBLON. 


MM. 

A.  DE  MORTILLET. 

OllivibrBEAUREGARD 

PIÈTREMENT. 

ROUSSELET. 

ROYER(M»«  Clémence) 

SALMON. 

SEBILLOT. 

TOPINARD. 

VINSON. 

ZABOROWSKI. 


ikaaiess  ffwémîéemim  ■MSitoes  eu  C!«nllé  eestral. 


MM. 

BERTRAND. 

DUREAU. 

MATHIAS  DUVAL. 

HAMY. 

HOVELACQDE. 

LAGNEAU. 


MM. 
LETOURNEAU. 
MAGITOT. 
DE  MORTILLET. 
PLOIX. 
POZZI. 
PROUST. 


MM. 
DE  QUATREFAGES. 
DE  RANSE. 
SANSON. 
THULIË. 


COMMISSION  DE  PUBLICATION. 

MM.  POZZL  —  MATHIAS  DUVAL.  —  HOVELACQUE. 


COMITÉ    CONTENTIEUX. 


MM.  GALIN,  noUire. 

NIGQUE VERT,  avoué  près  le  Tribuaal  de  première  instance. 
LAURENT  (Abbl),  agent  de  change. 


LISTE  DES  MEMBRES 


DE  LA 


r  * 


SOCIETE  D'ANTHROPOLOGIE 


Membres  honoraires* 

Brown-Séquard,  professeur  au  Collège  de  France,  membre  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  19,  rue  François  !•'.  (Fondateur.) 

Ck)RNiL,  sénateur,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  19,  rue 
Saint-Guillaume.  (1«'  août  1867.) 

Dareste,  D.  m.  p.,  37,  rue  de  Fleurus.  (Fondateur,) 

DcLASiAUVE,  ancien  médecin  de  Thospice  de  la  Salpètrière,  35,  rue 
du  Sommerard.  (Fondateur,) 

DuRUT  (Victor),  membre  de  l'Institut,  ancien  ministre  de  Tinslruc- 
tion  publique,  5,  rue  de  Médicis.  (18  août  1864.) 

GuTOT  (Yves),  député  de  la  Seine,  ministre  des  travaux  publics,  95,  rue 
de  Seine.  (7  mai  1874.) 

Krantz,  sénateur,  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées^  commis- 
saire général  de  l'Exposition  universelle  de  1878, 47,  rue  La  Bruyère. 
(2  août  1877.) 

Renan,  membre  de  TÂcadémie  française,  professeur  au  Collège  de 
France.  (3  mat  1860.) 

Roter  (M"^**  Clémence),  maison  Galignani,  boulevard  Bineau,  à 
Neuilly  (Seine).  (20  janvier  1870.) 

Sée  (Marc),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de 
l'Académie  de  médecine,  126,  boulevard  Saint-Germain.  (17  no- 
rcin6reld59.) 

Yerneuil  (Aristide),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine^  chirurgien 
de  rhôpital  de  la  Pitié,  membre  de  l'Académie  des  sciences  et  de 
l'Académie  de  médecine,  11,  boulevard  du  Palais.  (Fondateur.) 

Hembres  titulaires. 

I.  Membres  titulaires  résidant  dans  le  département  de  la  Seine 

et  dans  celui  de  Seine^et-Oise, 

Act  (Ernest  d')^  archéologue^  40,  boulevard  Malesherbes*  (3  décembre 
1868.) 


mSOHlfBL.  XXI 

ÂLBiiT,  prince  de  Monaco,  25,  me  du  Faubourg-Saint-Honoré.  (Ijuin 

1883.) 
Algute  (Em.)>  professeur  à  la  Facnlté  de  droite  27,  avenue  de  Paris, 

Versailles.  (18  octo6r0 1883.) 
ALIX,  D.  M.  P.>  10,  rue  de  Rivoli.  (4  février  1864.) 
ÂUDiFFaED,  avocat,  8,  boalevard  des  Capucines.  (4  mar#  1880.) 
Ata,  D.  m.,  18,  rue  Chateaubriand.  (17  décembre  1885.) 
AzouLAT  (L.)^  ancien  élève  de  Tlnstitut  Pasteur,  14^  quai  d^Orléaos. 

(6  novembre  1890.) 
BiETCE  (Otto),  directeur  de  Plnstitution  des  enfants  arriérés,  Eau- 

boone  (Seine-et-Oise).  (!«'  décembre  1881.) 
Baolarger, membre  de  FAcadéroie  de  médecine,  ancien  médecin  de  la 

Salpêtrière,  8,  rue  de  PUniversité.  (IjuUlet  1859.) 
Bassako  (marquis  de),  ancien  secrétaire  d*ambassade,  9,  rue  Dumont- 

d'Urviile.  (2  février  1888.) 
Bataoxaao  (Paul),  archiviste  de  la  Faculté  de  médecine,  12,  rue  de 

IXMéon.  (17  novembre  1863.) 
BiACHB  (H.-E.),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Nancy,  58,  rue 

de  Courcelles.  (19  novembre  1863.) 
BcRTUJ^Hf  (Jacques),  D.  M.  P.,  chef  du  service  de  la  statistique  muni- 
cipale, 24,  rue  de  Penthièvre.  (7  février  1878.) 
Bbetillon  (Alphonse),  51,  avenue  de  TObservatoire.  (1*'  avrtH880.) 
BEiTRAifD  (Alexandre),  membre  de  Tlnstitut,  conservateur  du  Musée 

gallo-romain,  à  Saint-Germain-en-Laye.  (é  février  1864.) 
Bbbtuaivd  (Georges),  docteur  en  droit,  8,  rue  d* Alger.  (15  mars  1883.) 

■eflibre  à  ▼!«. 
Besbih,  palethnologue,  2,  me  Servan,  à  Paris  et  à  Villemomble.  (18  dé- 
cembre 1890.) 
Bessoh  (Eug.),  D.  M.  P.,  licencié  es  lettres,  licencié  en  droit,  95,  rue 

de  Seine.  (24  mat  1860.) 
BiDABD,  D.  M.  P.,  ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris,  9>  rue  de 

Soresnes.  (3  janvier  1878.) 
BmcT,  D.  M.  P.,  33,  boulevard  Henri  IV.  {il  juillet  1884.) 
Blanchard,  D.  M.  P.,   professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  méde- 
cine,   32,  rue  du   Luxembourg.    (15  juin  1882.)  Membre  A 

Tie. 
BuGifiÈEBS  (Célestin  de),  capitaine  d*artillerie,  38,  rue  de  Longchamps, 

à  Neuilly  (Seine).  (5  février  1863.) 
Blocb,  d.  m.  p.,  47,  rue  Blanche.  (19  décembre  1878.) 
BoBAif-DuvEBGÉ  (Eugène-Aodré),  antiquaire,  122,  avenue  d^Orléans. 

(7itif//en881.) 
BoissonifBAD  (A.-P.),  52,  avenue  Félicie,  La  Varenne-Saint-Hilaire 

(Seine).  (I";ui7lell880.) 


XXII  PBII801IIIBI. 

BoNAPARTB  (le  prince  Roland),  22»  coun  la  Reine.  (7  féwriir  1884.) 
BleBibre  à  vie. 

BoMiiAFoiiT,  D.  M.  P.,  ancien  médecin  principal  de  rarmée,3,  rue  Moga- 

dor.  (!•'  mars  1866.) 
BoNifARD,  avocat  à  la  Cour  d'appel,  agrégé  de  philosophie,  15>  me 

de  la  Planche.  (6  décembre  1883.)  HeMbre  à  vie. 
BoNNEMÈRE  (Lionol),  avocat,  26>  rue  Chaptal.  (6  mai  1880.) 
Bonnet,  géologue,  9,   rue  de  Mazagran.  (19  décembre  1889.) 
BoNNiER  (Pierre),  119,  rue  Notre-Dame-des-Champs.  (3  avril  1884.) 
BoRDiEE,  D.  M.  P.,  professeur  à  l'Ecole  d'anthropologie,  10,  place  VoU 

taire,  et  au  Bâchais,  près  Grenoble  (Isère).  (21  décembre  1876.) 
Bréaudat,  pharmacien,  23,  rue  de  Beaune.  (20  décembre  1888.) 
Brelat  (Ernest),  35,  rue  d*Offemont.  (lijuin  1875.) 
BaocA  (Auguste),  D.  M.  P.,  prosecteur  à  la  Faculté  de  médecine,  9,  rue 

de  Lille.  (4  novembre  1880.)  Membre  à  vie. 
BaouANDBL,  doyen  de  la  Faculté  de  médecine,  à  la  Faonllé  de  méde* 

cine.  (4  novembre  1875.) 
BmssBT  (A.),  architecte,  4,  rue  Berthollet.  (5  fiovafi6re1880.) 
Capitan  (Louis),  D.  M.  P.,  ancien  interne  des  h6pitaux,chef  de  clinique 

à  la  Faculté  de  médecine,  5,  rue  des  Ursulines.  (17  mars  1881.) 
Gapos  (G.),  docteur  es  sciences,  7,  rue  Campagne-Première.  (6  dé- 
cembre 1888.) 
Gatat  (Louis),  D.  M.  P.,  28,  boulevard  Saint-tiermain.  (4  novembre 

1867.) 
Cbenusghi  (Henri),  7,  avenue  Yelasquez  (parc  Monceaux).  (K  aoùê 

1875.) 
Gharencit  (de),  24,  rue  de  la  Chaise,  et  Saint-Maurice-les-Charencey 

(Orne).  {A  février  \Slti.) 
Cbarnat  (Désiré),  archéologue,  38,  boulevard  Magenta.  (15  février 

1883.) 
Cheryin  (Arlhurj,  D.  M.  P.,  directeur  de  Tlnstitation  des  bègues  de 

Paris,  82, avenue  Victor-Hugo.  (15  février  1877.)  Membre  à  vie. 
Choquet,  d.  M.  P.,  13,  rue  de  Seine.  (2  mars  1882.) 
Chudzinsei,   premier   préparateur  au  Laboratoire  d'anthropologie, 

5,  rue  du  Faubourg-Saint-Jacques.  (5  août  1880.)  Membre  à 

▼le. 

CoiGNARD,  D.  M.  P.,  10,  rue  de  Constantinople.  (17  avril  1879.) 
CoLLiN  (Emile),  négociant,  8,  rue  Beauregard.  {\9  juillet  1888.) 
CoLUNEAU,  D.  M.  P.,  84,  rue  d'Hauteville.  (l  juillet  1867.) 
Gottiau,  ancien  président  de  la  Société  géologique  de  France,  17,  bou- 
levard Saint-Germain.  (3  juin  1869.) 

Cuver  (Edouard),  peintre,  prosecteur  è  l'Ecole  des  beaux-arts,  13,  rue 
de  Seine.  (4  février  1886.) 


miORlflL.  XXIII 

Dablw  (Paul),  huissier,  5,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré.  (!«'  vuirs 

1883.) 
DAfiiifcouKT  (Emmanuel),  D.  H.  P.,  45,  rue  de  Tournon.  (20  décembre 

1883.) 
Dalvol  (Lucien],  directeur  des  jeunes  détenus  à  FAdministration  péni- 
teuliaire.  Colonie  de  la  Loge,  à  Nogent-sur-Seine.  {iQ  janvier  1890.) 
Dalt  (César),  directeur  de  la  Revue  d'arohUeetwre^  51,  rue  des  Ecoles. 

(19  janvier  1865.) 
Daslot,  conseiller  municipal,  125,  boulevard  Yollaire.  (21  avril  1887.) 
Datkldt,  4,  rue  des  Artistes.  (17  octobre  1889.) 
Datio,  D.  m.  P.,180,boulevardSaint-Germaia.(âlitn7/fM881.) 
Delisle,  d.  m.  p.,  préparateur  d'anthropologie  au  Muséum,  30,  rue 

Gay-Lussac.  (15  février  1883.) 
Dblohgli  (François),  consul  de  l'<»  classe,  7,  boulevard  Delessert.  (6  mai 

1886.) 
OuTOLB  (J.),  naturaliste,  6, rue  François  I'^'.  (5  novembre  1885.) 
DEmiBR,  bibliothécaire  du  Muséum  d'histoire  naturelle»  2,  rue  de 

Buffon.  (20  janvier  1881.)  Membre  à  vie. 
Dojc  SiMoiii,  archéologue,  68,  rue  Magenta,  à  Asnières.  (6  mars  1890.) 
Doi!f,  libraire-éditeur,  8,  place  de  TOdéon.  (2  février  1882.) 
DoffiiAT  (Léon),  ingénieur,  conseiller  municipal,  11,  rue  Chardin.  (19  /)?• 

vrt^l885.) 
DouGLASS   (Andrew,  E.),  de  New-York,  99,   avenue  des  Champs- 
Elysées;  chezl^roux,  28,  rue  Bonaparte.  (5  mat  1887.)  Membre 

A  vie. 
DucHKSivB  (Eugène-Léon),  D.  M.  P.,  licencié  en  droit,  34,  rue  Tron- 

Ghet.  (19  mars  1885.) 
DocHiNSxi  (F.-H.),  de  Kiew,  81,  rue  de  Passy.  (6  juillet  1865.) 
DoFAT,  D.  M.  P.,  sénateur  de  Loir-et-Cher,  76,  rue  d'Assas.  (18  mars 

1880.) 
DcpLAT  (Simon),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  2,  rue 

de  Pentbièvre.  (17  décembre  iS^.) 
DcpoRTAL,  ingénieur  en  chef  du  Bône-Cuelma,  villa  Montmorency,  à 

Paris- Auteuil.  {^3  janvier  1868.) 
DuREAu  (Alexis),  bibliolhécaire  de  TAcadémie  de  médecine,  49,  rue 

des  Saints-Pères.  (2  avril  1863.) 
DoTAiLLT,  ancien  député,  181,  boulevard  Saint-Germain.  (22  décem^ 

bre  1887.) 
Dotal  (Mathias),  membre  de  TAcadémie  de  médecine,  professeur  à 

la  Faculté  de  médecine,  professeur  àTEcole  d'anthropologie,  11,  cité 

Malesherbes  (rue  des  Martyrs).  (19  jutn  1873.)  Membre  à  vie. 
EcBERAG   (d*),  inspecteur  de  l'Assistance  publique,  34,  rue  Mazarine. 

(4  mar#  1880.) 


XXIV  PBR601IKIL. 

Edwards-Pillibt  (M"*"  Blanche),  D.  M.  P.,  4»  riie   Ricbeptnse. 

(21  awîH  887.) 
EiCHTHAL  (Adolphe  d'),  président  du  conseil  d'administration  des  che- 
mins de  fer  du  Midi,  42,  rue  des  Matburins.  {il juin  i875.) 
EscHENAUER  (le  pastcur),  149,  boulevard  Saint-Germain.  (18  tnai  1876.) 
Fabre  de  Larcbe,  attaché  au  ministère  des  affaires  étrangères,  3,  place 

du  Palais-Bourbon.  (17  mat  1888.) 
Falret  (Jules)^  D.  M.  P.,  médecin  de  Bicètre^  2/ rue  Falret,  àVanves. 

(1  décembre  iS6^.) 
Fauybllb,  D.M.P.,  1i,  rue  Médicis. (4 /anvi^r  1883.)  Membreà  Tle. 
Féré  (Charles),  D.  M.  P.,  médecin  de  la  Salpétrière,  ancien  interne 

des  hôpitaux  de  Paris,  37>  boulevard  Saint-Michel.  (3  janvier  1878.) 
FiAux  (Louis)^  D.  M.  P.,  3,  rue  de  Navafin.  (2  janvier  1878.) 
Flourmot  (Ed.),  étudiant  en  sciences,  au  château  de  Juvisy  (Seine-et- 

Oise).  (10  avHl  1888.) 
FuMOuzE  (V.),  D.  M.  P. .  78,  rue  du  Faubourg-Saint-Denis.  (20/iim  1 872.) 
Gaillard  (Georges),  D.  M.  P.,  182,  rue  de  Rivoli.  (26  octobre  1879.) 
Gallois  (Jules),  64,  rue  de  la  Boëtie.  (6  mai  187S.) 
Garnier,  médecin  en  chef  de  l'infirmerie  spéciale  près  la  préfecture 

de  police.  (22  janmer  1891.) 
Gaume,  d.  m.  p.,  13  biSf  rue  des  Mathurins.  (18  octobre  1866.) 
Geoffroy,  D.  M.  P.,  12,  rue  Malher.  (5jutn  1879.) 
Geoffroy  Saint-Hilaire  (Albert),  directeur  du  Jardin  zoologique  d*ac- 

climatation,  au  Jardin  zoologique  d'acclimatation,  Neuilly  (Seine). 

(15 /<?i;n>r  1883.) 
George   (Hector),  D.  M.  P.,  licencié  es  sciences,  8,  rue  des  Ecoles. 

(iS  novembre  1869.) 
GiGNOux,  ancien  avoué,  64,  avenue  delà  Grande-Armée.  (IS  mat  1878.) 
Girard  de  Rialle,  chef  de  la  division  des  archives  au  ministère  des 

affaires  étrangères,  1,  place  Pereire.  (21  janvier  1864.) 
Guillon  (Alfred),  D.  M.  P.,  90,rue  Saint-Lazare,  {ti  février \HSO.) 
GuYOT    (Prosper),  publiciste,  166,  boulevard  Montparnasse.  (3  février 

1887.) 
GuzNAN  Blanco  (le  général),  ancien  président  de  la  République  du 

Venezuela,  25,  rue  Lapérouse.  (19  juillet  1888.) 
Hamy  (Ernest),  D.  M.  P.,  conservateur  du  Musée  d'ethnographie,  di- 
recteur de  V Anthropologie,  40,  rue  de  Lubeck,  avenue  du  Trocadéro. 

(21  mars  1867.) 
Harmand,  d.  m.  p.,  225,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré.  (5  avril  1875.) 
HEiwmrsR,  imprimeur-éditeur,  7,  rue  Darcet.    (6  janvier   1881.) 

Membre  à  vie. 
Heryé  (Georges),  D.  M.  P.,  professeur  à  TEcole  d'anthropologie.  S,  rue 

de  Berl'n.  (10  novembre  1880.) 


PnSORNIt.  XXV 

HoYCLACQut  (Abel),  direcleur  de  TÉcole  d^anthropologie»  député,  38, 
rue  du  Luxembourg.  (17  janvier  1867.) 

HoBBARO  (G.-A.),  dépoté  de  Seine-et-Oise,  19,  avenue  d'Antin.  (B/an- 
vieriSSl.) 

Bureau  de  Yillbneute  (Àbel),  D.  M.  P.,  91,  rue  d'Amsterdam.  (2  avril 
1863.) 

Htades,  D.  m.  p.,  médecin  del'*  classe  de  la  marine,  6,  rue  Oudinol. 
(19/iiin1879.) 

IssAURAT  (C),  homme  de  lettres,  27,  rue  Drouot.  (7  mai  1874.) 

IssACRAT  (Albert),  D.  M.  P.,  27,  rue  Drouot.  (^janvier  1888.) 

Jatal  (Emile),  D.  M.  P.,  député,  directeur  du  laboratoire  d'ophtal- 
mologie, 58,  rue  de  Grenelle.  (15/'^rier1872.)  Membre  A  vie. 

Jerhuigs  (Oscar),  membre  du  Collège  royal  des  chirurgiens  de  Lon- 
dres, 35,  rue  Marbeuf.  (19  juin  1879.) 

JoNGH  (Edouard  de)^  15,  rue  de  Loogchamps,  à  Neuilly-snr-Seioe. 
(2i  fioufmôre  1889.) 

Jo!C€H  (Francis  de),  15,  rue  de  Loogchamps,  à  Neuilly>sur-Seine. 
(21  novembre  1889.) 

JouRDAKET,  D.  M.  P.,  1,  ruo  do  Berry.  (i^  juillet  1875.) 

JoussEAUMB,  D.  M.  P.,  23,  rue  de  Gergovie.  (1"mar«  1866.)  Membre 
«▼le. 

JouTENCBL  (Paul  DE),ancien  député,  20,  rue  Singer.  (22  not^em&re  1860.) 

JuGLAR  (H"*  J.),  58,  rue  des  Matburins.  (3  mars  1881 .)  Membre  A  vie. 

Kerckhoffs,  professeur  à  l'Ecole  des  hautes  études  commerciales, 
17,  rue  Yauquelio.  ({9  juillet  1883.) 

Labadie-Lagraye,  d.  M.  P.,  médecin  des  hôpitaux,  8,  ayenue  Mon- 
taigne. (4  mare  1869.) 

LABÉDOLLiÈRE(oE),r4ipitainede  vaisseau,  20,  rue  de  Navarin.  {2ijuil^ 
lel  1881.) 

Laborde,  d.  m.  p.,  chef  des  travaux  de  physiologie  à  la  Faculté  de 
médecine^  1,  boulevard  Saint-Germain.  (3  août  1876.)  Membre 
Avle. 

Lacombb  (P.),  avenue  du  Marché,  à  Gharenton.  (21  cim7 1887.) 

Ladrett  de  Lacharrière,  médecin  en  chef  de  Tlnstitution  nationale 
des  sourds-muets,  1,  rue  Bonaparte.  (21  juillet  1864.) 

Lagneau  (Gustave),  D.  M.  P.,  membre  de  l'Académie  de  médecine, 
38,  rue  de  la  Ghaussée-d'Antin.  (18  août  1859.) 

Lamouroux,  d.  m.  p.,  150,  rue  de  Rivoli.  (6  juin  1872.) 

Lamt  (Ernest),  113,  boulevard  Haussmann.  (2A  octobre  1878.)  Membre 
ATie. 

Lakdowsxi  (Paul),  D.  M.  P.,  36,  rue  Blanche.  (8  janvier  1880.) 

Landrir  (Armand),  conservateur  du  Musée  d^eihnographie,  au  palais 
du  Trocadéro.  (3  avril  1879.) 


XXVI  PnSONlIBl. 

Laniiblongue,  professeur  à  la  Facolté  de  médecine  de  Paris,  membre 
de  l'Académie  de  médecine,  3,  rue  François  1*'.  (1"'  mars  1877.) 

Larbit  (le  baron),  ancien  député,  membre  de  Plnstitut  et  de  TAca- 
démie  de  médecine,  91, rue  de  Lille.  (19  avril  1877.) 

Latteux,D.M.  p.,  17,  rue  du  Louvre.  (3  aoùi  1876.) 

LAUMomtR,  28,  rue  d'Astorg.  (21  juin  1883.) 

Layropf  (Pierre),  328,  rue  Saint-Jacques.  (21  avril  1870.) 

Le  Baron  (Jules),  D.  M.  P.,  inspecteur  des  enfants  du  premier  âge, 
4,  rue  de  Lille.  (19  mat' 1881.) 

Le  Blond  (Albert),  D.  M.  P.,  53,  rue  d'Hauleville.  (7  novembre  1872.) 

Le  Gom  (Albert),  D.  M.  P.,  15,  rue  Guénégaud.  (4  dée$mbr$  1873.) 

Lecrosnirr   (E.),   libraire-éditeur,    place  de    l^Ecole- de -Médecine. 
(20  novembre  1884.) 

Lepéyre  (André),  homme  de  lettres,  professeur  à  TÉcole  d'anthropo- 
logie, 21,  rue  Hautefeuille.  (7  mat  1874.) 

Legrain  (G.),  élève  diplômé  de  TÉcole  du  Louvre,  44,  rue  du  Cherche- 
Midi.  (6  novembre  1890.) 

Legrand  (Maximin),  D.  M.  P.,  ex-chef  de  clinique  à  la  Faculté  de 
médecine,  39,  rue  de  Grenelle.  (17  novembre  1859.) 

Leiars,  prosecleur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  130,  rue  d^Assas. 
(5  décembre  1889.) 

Le  Marcis,  17,  rue  Chanaleilles.  (3  avril  1879.) 

Le  Roter  de  LoNGRAmE,  ingénieur  civil,  23,  quai  Voltaire.  (19  avril 
1888.) 

Lesodef  (Alex.-Aug.),  109,  boulevard  Beaumarchais.  (\S  janvier  1877.) 

Le  Sourd  (Ernest),  D.  M.  P.,  ancien  chirurgien  de  la  marine,  4,  rue 
de  rOdéon.  (2  février  1865.)  Membre  A  vie. 

Letourneau,  d.  m.  p.,  professeur  à  FEcole  d^anthropologie,  70,  boule- 
vard Saint-Michel.  (19  janvier  1865.) 

Lbyasseur,  membre  de  Tlnstitut,  professeur  au  Collège  de  France,  26, 
rue  Monsieur-le-Prince.  (17  mars  1881.) 

LouET  (A.-J.-E.),  25,  rue  de  Tournon.  (8  janvier  1891.) 

LuGOL  (Edouard),  avocat,  11,  rue  de  Téhéran.  (8  novembre  1866.) 

LuTS,  membrederAcadémiedemédecine,20,ruede  Greuelle.(18  août 
1859.) 

Magitot,  d.  m.  p.,  8,  rue  des  Saints-Pères.  (20cf^eem6re  1860.) 

Magnan,  d.  m.  P.,  médecin  de  Tasile  Sainte-Anne,  rue  Cabanis. 
(2  noremôre  1876.) 

Mahoudeau  (P.-G.),  professeur  suppléant  à  TÉcoIe  d*antbropologie, 

14,  rue  Godefroy.  (3  février  1887.) 

Manouvrier  (L.),  D.  M.  P.,  professeur  à  PGcole  d^anthropologie, 

15,  rue   de  TEcole-de-Médecine.  (5  janvier  1882.)  HeMbre   à 
vie. 


PUSOHHII»  XXV 11 

M  ARCAROfD.  M.  P.^  ancien  interne  des  hôpitaux,  5^  me  de  Tbann.  (17/^- 
c?n>f  1887.) 

Marche  (Alfred),  voyageur^  17,  rue  Servandoni.  (\Q  janvier  1879.) 
■«■ibreà  vie. 

llAmMOTTAïf,  D.  M.  p.,  ancien  député  de  la  Seine,  31  >  rue  DesI)ordes- 
Valmore.  (20  mot  1875.) 

Martel  (E.-A.),  avocat,  60,  rue  de  Richelieu.  (3  décembre  1885.) 

Mabun  (André)»  D.  M.  P.,  auditeur  au  Comité  consultatif  d^bygiène, 
3,  rue  Gay-Lussac.  (3  février  1881 .) 

Maspéro,  professeur  au  Collège  de  France,  membre  de  Tlnstitut,  24, 
avenue  de  l'Observatoire.  (20  mai  1880.) 

Masséha  (duc  de  Rivoli],  8,  rue  Jean-Goujon.  (3  août  187!.) 

Massighok,  93,  rue  Saint-Honoré.  (15  mars  1883.) 

Masson  (Georges)^  libraire  de  rAcadémie  de  médecine,  120,  boulevard 
Saint-Germain.  (16  mai  1861.) 

Mauddit  (Pierre-Isidore), D.M.  P.,13,rue  du  Temple.  (1 9  novem5r6 1863.) 

Mater,  conseiller  municipal, 40, avenue  Philippe- Auguste. (5 mai  1887.) 

He!iabd  Saint-Yves,  D.  M.  P.,  directeur  de  Tlnstitut  de  vaccine  ani- 
male, 8,  rue  Ballu.  (20  octobre  1887.) 

MiERZEJBwsKi,  D.M.  P.,  professeur  à  TAcadémie  médico-chirurgicale 
(clinique  des  maladies  mentales),  Côté  de  Wyborg,  Saint-Péters- 
bourg. Chez  le  docteur  Magnan,  à  Sainte-Anne^  rue  Cabanis. 
(20  mai  1885.) 

MiLLAUD  (Edouard),  sénateur  du  Rhône,  78,  avenue  Kléber.  (3;uml880.) 

MiLLESCAMPS  (Gustave),  membre  du  comité  archéologique  de  Sentis, 
10,  rue  de  Lamennais.  (22  janvier  1874.)  Membre  A  Tie. 

MoROD  (Charles),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  12,  rue 
Cambacérès.  (15  février  1872.) 

MoirrELAHG  (le  comte  Ghislain  des  Cantons  de),  8,  rue  de  Tivoli. 
(21  avril  1864.) 

MoKGAN  (Jacques  de),  ingénieur  civil  des  mines,  7,  rue  de  Villars. 
(il  décembre  \S9S.) 

MoRTiLLET  (Adrien  de),  professeur  suppléant  à  TÉcoIe  d'anthropo- 
logie, 3,  rue  de  Lorraine,  Saint-Germam-en-Laye.  (17  novembre 
1881.)  Membre  A  vie. 

MoRTiLLET  (Gabriel  de)^  professeur  à  TEcole  d^anthropologie,  Saint- 
Germain  en  Laye.  (2  février  1865.)  Membre  à  vie. 

Motet  (Â.),  D.  M.  P.,  161,  rue  de  Charonne.  (17  février  1887.) 

MoDGEOLLE,  ingénieur,  5,  rue  de  Châteaudun.  (17  décembre  1885.) 

MoussAUD,  D.  M.  P., 7, boulevard  Sébastopol.  (iS  juillet  1861.) 

MooTiRR,  D.  M.  P.,  20,  rue  des  Halles.  (19 janmVr  1888.) 

Nadaillac  (le  marquis  de),  membre  de  Tlnstitut,  18,  rue  Dupliot. 
(15  avril  1869.) 


XXYIII  PBR801INBL. 

Ollitier  Bbaubbgard,  3,  rue  Jacob.  {%  janvier  i879.) 

Ortigosa  yJ.  Fernandez),  D.  M.»  médecin-légiste,  22,  rue  Roquépine. 

(S  janvier  i9Q\.) 
PÊNE,  233  &t«,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré.  (iO/titn  i884.) 
Pératé,  D.  m.  P.y  26,  rue  des  Ecuries-d*Ârtois.  (17  décembre  1868.) 
Philbert,  d.  m.  p.,  médecin-inapecteur  des  eaux  de  Brides -les-Baios, 

34,  boulevard  Beaumarchais.  (17  mars  1881.) 
PiETKiEwicz  (Valérius)y  D.  M.  P.,  79,  boulevard  Haussmaon.  (18 jiitt- 

let  1878.) 
Piètrement,  vétérinaire  militaire  en  retraite^  141,  boulevard  Saint- 
Michel.  (19  mar«  1874.) 
Pigeon  (M""*  Pauline),  28,  rue  de  Bondy.  (6  mars  1890.) 
PiLLiET  (À.-H.),  D.  M.,  4,  rue  Richepanse.  (6  mars  1889.) 
Ploix,  ingénieur  hydrographe  de  la  marine,  en  retraite,  1,  quai  Mata- 
quais.  (4  mars  1869.) 
Poirier,  D,  M.  P.,  chef  des  travaux  anatomiques  de  la  Faculté,  7,  rue 

de  l'Ëcole-de-Médecine.  (5  jutn  1890.) 
PoNSOT  (A.),  21,  rue  du  Faubourg-Saint-Jacques.  (7  février  1884.) 
PoRNAiN  (Léon),  ex-interne  des  hôpitaux,  21,  quai  Saint-Michel.  (5  mat 

1 888.) 
Poussié,  D.  M.  P.,  46,  boulevard  Henri  IV.  (7 /^rûr  1884.)  Membre 

A¥le. 
Pozzi  (Samuel),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  chirurgien 

des  hôpitaux,  10,  place  Vendôme.  (21  avril  1870.) 
Proust  (Adrien),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de  l'Aca- 
démie de  médecine>9, boulevard Malesherbes.  {\9 décembre  1861 .) 
QuATREFAGES  DE  Bréad  (Armand  de),  membre  de  Tlnstitut,  professeur 
d'anthropologie  au  Muséum  d'histoire  naturelle,  36,  rue  Greoflroy- 
Saint-Hilaire.  (2  février  1860.)  Membre  A  vie. 
QuiNQUAUD,  médecin  des  hôpitaux,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de 

médecine,  5,  rue  de  TOdéon.  {^décembre  1879.) 
Rabot  (Ch.j,  explorateur  des  régions  sub-arctiques,  11,  rue  de  Condé. 

(4  décembre  1890.) 
Raffegeau,  d.  m.  p.,  95,  boulevard  Magenta.  (7  février  1889.) 
Ranse  (Félix-Henri  de),  D.  M.  P.,  correspondant  de  TAcadémie  de 
médecine,  rédacteur  en  chef  de  la  Gazette  médicale,  53,  avenue  Mon- 
taigne. (5  février  1863.) 
Reclus  (Elle),  72,  boulevard  du  Port-Royal.  (17  février  1881.) 
Reclus  (Elisée),  19,  avenue  de  Cherbourg,  à  Nanterre  (Seine).  (2  mat 

1889.) 
Rémosat  (Paul  de),  118,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré.  (2  mat  1861.) 
Ret  (Aristide),  député  de  Tlsère,  1,  boulevard  Morland.  (8  janvier 
1880.) 


PERSONIIBL.  XXIX 

Retkieb  (Paul),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine^  chirur- 
gien des  hôpitaux,  11,  rue  de  Rome.  (!«'  novembre  1883.) 
RiBBMiMrr,  D.  M.  P.,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine^  10, 

boulevard  Malesherbes.  (3  aoûl  1876.) 
RiBOT  (Tb.)>  directeur  de  la  Revue  phUosophique,  professeur  au  Col- 
lège de  France,  108,  boulevard  Saint-Germain.  (5  février  1880.) 
RicBET  (Charles),  D.  M.  P.,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  15^  rue 

de  rUniversité.  (5  avril  1877.) 
RiTTi  (Antoine),  D.  M.  P.,  Maison  nationale  de  Charenton-Saint-Mau- 

nce.  (20  mat  1875.) 
RiviÈRB,  archéologue,  50,  rue  de  Lille.  (19  avril  1888.) 
Rom>EÀU,  D.  M.  P.,  81,  rue  de  la  Pompe.  (2  février  1882.) 
Rothschild  (le  baron  Gustave  db),  23,  avenue  Marigny.  (1«'  juillet 

1875.) 
Rothschild  (le  baron  Edmond  de),  41,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré. 

{i^^juilUl  1875.) 
Roussel,  D.  M.  P.,  64,  rue  des  Mathurins.  (21  février  1889.) 
RocssELET  (L.),  archéologue,  126,  boulevard  Saint-Germain.  (18  avril 

1872.)  Membre  à  Tie. 
RuBBEifs  (Clément),  69,  boulevard  Saint-Michel.  (2  janvier  1890.) 
Sawtc  (0.),D.  m.  p.,  59  6t>,  rue  Rochechouart  (M  juillet  1890.) 
Salmoh  (Philippe)^  vice-président  de  la  commission  des  monuments 

mégalithiques,  29,  rue  Le  Pelelier.  (5  décembre  1878.) 
Sarsor  (André),  professeur  de  zoologie  et  de  zootechnie  à  TÉcole  natio- 
nale de  Grignon  et  à  Tlnstitnt  national  agronomique,ll,  rue  Rois- 
sonnade.  (4  décembre  1862.) 
Sébillot  (Paul),  artiste  peintre,  membre  de  la  commission  des  monu- 
ments mégalithiques,  4,  rue  de  TOdéon.  (4  avril  1878.) 
Ségalas,  d.  m.  P.,  membre  de  la  Société  médico-psychologique,  13>  rue 

de  Mézières.  (6  novembre  1884.) 
Sehallé  (René  de)^  1^  rue  de  THermilage,  à  Versailles.  (23  janvier 

1868.)  Meflibre  A  vie. 
Semëlaigne,  d.  m.  p.,  avenue  de  Madrid,  ch&leau  Saint-James  (Neuilly). 

(21  noi?m6r«1861.) 
SiHONEAu,  conseiller  municipal^  63,  rue  Manin.  [M  juin  1886.) 
SiRETY  (de),  d.  m.  p.,  10,  rue  de  la  Chaise.  (5  février  1874.) 
SoozA  (de),  d.  m.  p.,  5,  rue  Rude.  (6  décembre  1888.) 
Stamour  (M««),  statuaire,  6,  rue  du  Val-de-Grâce.  (21  ;um  1888.) 
Teurier  (Félix),  D.   M.  P.,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  méde- 
cine, chirurgien  des  hôpitaux^  3,  rue  de  Copenhague.  (21  décembre 
1871 .) 
Thévemot,  d.  m.  P.^  44,  rue  de  Londres.  (7  juin  1877.) 
Thibollen  (Adrien),  31,  rue  de  Fleurus.  {±0 janvier  1887.) 


XXX  PBR801INIL. 

Thorel,  D.  m.  p.,  1,  place  d'Bylau.(l«'jMiii  1876.) 

Thulié,  D.  m.  p.,  37,  boulevard  Beauséjour,  Passy-Paris.  (2  awril  i866.) 

TopiNARD,  D.M.  P.,  directeur  adjoint  du  Laboratoire  d'anthropologie  de 

PEcole  pratique  des  hautes  études,  directeur  de  VÂnthr<}pologie, 

105,  rue  de  Rennes.  (18  juillet  1860.)  Hembre  à  vie. 
TouRANOiN,  D.  M.  P.y  conseiller  général  de  Tlndre,  fOler^  boulevard 

Voltaire.  (i9;tttn  1879.) 
Tramond,  préparateur  d'histoire  naturelle,  9,  rue  de  l*Ecole-de-Méde- 

ci  ne.  (18  novembre  1880.) 
TnuMET  DE  FoNTARCE,  D.  M.  P., 16,  ruc  du  Général-Foy.  (1«'jtim  1882.) 
Valdès-Morel  (Albert),  D.  M.  P.,  50,  rue  des  Écoles.  (djuillH  1890.) 
Valenzuela  (Théodore),  docteur  en  droit,  ancien  ministre  plénipoten- 
tiaire de  Colombie,  à  Bogota,  chez  M.  Garcia,  6,  cité  Rougeaiont. 

(4  mars  1875.)  Membre  A  vie. 
Vallat,  d.  m.  p.,  68  6is,  avenue  Âubert,  h  YiDcennes.  (16  décembre 

1880.) 
Varat  (Cb.),  17,  boulevard  de  la  Madeleine.  (M  avril  1890.) 
Variot^  d.  m.  p.,  42,  rue  de  Trévise.  (id  janvier  1888.) 
Vauchez  (Emmanuel),  14,  rue  J.-J.-Rousseau.  (19  janvier  1888.) 
Vauvillé  (0.),  archéologue,  11,  boulevard  Barbés.  (3  juillet  1890.) 
Vernbao,  d.  m.  p.,  148,  rue  Broca.  (17;tttn1875.) 
Vernial,  d.  m.  p.,  45,  avenue  de  la  République,  à  Courbevoie.  (3  no^ 

vembre  1880.) 
Verrier,  D.  M.  P.,  15,  rue  des  Ecoles.  (17  mai  1883.) 
Vielle  (A.),  juge  de  paix  à  Ecouen.  (5  novembre  1883.) 
ViNSON  (Julien),  sous-inspecteur  des  forêts,  professeur  à  l'Ecole  nationale 

des  langues  orientales  vivantes,  5,  rue  de  Beaune.  (3  mat  1877.) 

Meaibre  A  vie. 

VoGT  (Victor),  75,  boulevard  Saint-Michel,  (^janvier  1890.) 

Voisin  (Auguste),  D.  M.  P.,  médecin  de  la  Salpètrière,  16,  rue  Séguier. 

(\9  janvier  1865.) 
Wecker  (L.  DR),  D.  M.  P.,31,  avenue  d'Antin.  (6  février  iSQS,) 
Wehlw,  d.  m.  P.,  29,  rue  de  Paris,  à  Clamart  (Seine).  (20  novembre 

1884.) 
Weisgerrer  (H.),  D.  M.  P.,  62,  rue  de  Prouy.  (17;uin  1880.) 
Weisgerrer,  ingénieur  en  chef  des  ponts  cl  chaussées,  72,  rue  de  Mon- 
ceau. {1  juin  1888.) 
WmxE  (M»«),  11,  rue  de  l'Arcade.  (3  janvier  1889.) 
Zaborowski,  2,  avenue  de  Paris,  Thiais.  (3  décembre  1874.) 


pirsonhil.  XIX 1 


IL  Membres  titulaires  résidant  à  Vitranger  et  dans  les  départements 
autres  que  ceux  de  Seine  et  de  Seine-et'Oise. 

Albeot,  D.  m.  p.,  à  Rodez.  {^juilUt  1877.) 

ÂLEZAis  (H.),  D.  M.,  cher  des  travaux  anatocniqaes,  47,  rue  de  Breteuii^ 

à  Marseille.  (18  mars  1886.) 
ÂLMERis  (Jean -Jacques},  ex-cliirurgien  en  chef  de  Thôpital  d'Etampes, 

è  Âutretot,  par  Yvelot  (Seine-Inférieure), et  Thiver^  à  Menton.  (21  août 

1862.) 
Arnaud,  notaûre,  à  Bareelonnette  (Basses-Alpes).  (16  février  1888.) 
Atgirr,  médecin-major  au  135«  d'infanterie,  16,  rue  de  TAsile-Saint- 

Honoré»  à  Angers  (Maine-et-Loire).  (7  mar#  1877.) 
AuttT  (Paul),  D.  M.  P.,  17,  rue  du  Port^  à  Saint-Brieuc.  (16  décembre 

1886.) 
Adlt-Douesnil  (D*),  administrateur  des  musées,  i,  rue  de  i*Baaette,  à 

Abbeville  (Somme).  (16;utfi  1881.) 
AzAM,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux,  14,  rue  Vital- 

Caries.  (21  novembre  1861.) 
Barret  (Paul),  médecin  principal  de  la  marine,  29,  rue  Saint-Yves,  à 

Brest.  (4  avril  1889.) 
Bâte  (Joseph  de),  à  Baye  (Marne).  (20  novembre  1873.) 
Bercbon,  ancien  médecin  principal  de  1'*  classe  de  la  marine,  96;  cours 

du  Jardin  public,  à  Bordeaux.  (18  ooiU  18S9.} 
Bostadx-Paris,  maire  de  Cemay-les-Reims  (Marne)  (20 not^emère  1890.) 
BocTEQUOi^  D.  M.  P.,  à  Chàtillon-sur-Seine.  (7  novembre  1878.) 
Bruret   (Daniel),  directeur  médecin  en  chef  de  Tasile  des  aliénés 

d'Erreux.  (8  décembre  1862.) 
Carred  (Domingo),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de 

Buenos-Ayres.  (6  décembre  1888.) 
Cartailhac  (E.),  directeur  de  VAnthropologiey  5,  rue  de  la  Chaîne,  à 

Toulouse,  et  17,  rue  Lacépède,  à  Paris.  (13  mat  1869.) 
Cazaus  db  Foroodce,  ingénieur,  licencié  es  sciences,  18,  rue  des  Etuves, 

à  Montpellier.  (23  février  1865.) 

Cbautre  (E.),  sous-directeur  du  Muséum,  37,  cours  Morand^  à  Lyon. 
(7  mai  1868.) 

Chateluer  (Paul  du),  au  château  du  Kernuz.  par  Pont-l'Abbé  (Finis- 
tère). (17;in7/ell890.) 

Chactkt,  notaire  à  Ruffec  (Charente).  (2  décembre  1875.) 

Chatassier,  d.  m.  p.,  à  Saint-Sernin,  par  Duras  (Lot-et-Garonne). 
(21  novembre  1861.) 

Closhadboc  (de),  d.  m.  P.,  président  de  la  Société  polymathique  du 
Morbihan,  à  Vannes.  (7  février  1884«) 


XXXll  PBRSORIIBL. 

GoLLiGNON  (René),  D.  M.  P.»  médecin-major,  42,  rue  de  laPaix^  à  Cher- 
bourg. (20  mai  1881.) 

GouRAL,  médecin  delamarine,à  Narbonne.  (2  novembre  1866.) 

Crouzat,  D.  m.  p.,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Toulouse. 
(16  mar<  1882.) 

Daleau,  à  Bourg-sur-Gironde.  (2  décembre  1875.) 

Dallas  (Maurice)^  avocat,  18,  cours  d'Aquitaine,  à  Bordeaux.  (6  mars 
1890.) 

Dehoux,  d.  m.  p.,  à  Port-au-Prince  (Haïti).  (21  juin  1883.) 

Dekbteref  (W.),  d.  m.,  attaché  au  département  de  la  médecine^  mé- 
decin à  rhôpital  clinique  des  maladies  mentales,  àSaint-Péterst)ourg. 
(16  juin  1887.) 

DoDEmL(Timo]éon),D.  M.  P.,  à  Ham  {Somme),(A  janvier  1866.) 

DoRLHAG  DE  BoRNE,  rcceveur  des  postes,  à  Libreville  (Gabon).  (6  mars 
1890.) 

DuFocRMANTELLE,  archivlste  du  département  de  la  Corse,  à  Âjaccio 
(Gorse).  (21  février  1878.) 

DoMONT  (Â.),  17,  rue  de  Bras,  à  Caen  (Calvados).  (2  mat  1889.) 

Durand  de  Gros,  au  domaine  d'Arsac,  par  Rodez  (Aveyron).  (18  avril 
1867.) 

EiCHTHAL  (Louis  D*),  Conseiller  général  du  Loiret,  aux  Bézards,  par 
Nogent-sur-Vernisson  (Loiret).  (3  mar<  1881.) 

Fallot,  d.  m.  p.,  médecin  adjoint  des  hôpitaux,  professeur  suppléant  à 
l'Ecole  de  médecine,  133,  cours  Lieutaud,  à  Marseille.  (3  juillet  1879.) 

Ferraz  DE  Macedo,  docteur  en  médecine,  63,  rue  Nova  de  Almeda, 
Lisbonne.  (19  juillet  1888.) 

FiRMiN  (D.),  avocal,  à  Port-au-Prince,  Haïti.  Correspondant,  M.  Picbon, 
24,  rue  Soufflot.  (M  juillet  1884.)  Membre  &  vie. 

FouRNiER,  D.  M.  P.,  à  Kambervillers  (Vosges).  (1  novembre  1878.) 

Gadeau  de  Kerville  (Henri),  homme  de  science,  1,  rue  Dupont,  à 
Rouen.  (21  octobre  1886.) 

Gaillard,  archéologue,  à  Plouharnel  (Morbihan),  {["février  1883.) 

Germain  (Henri),  ingénieur  civil  des  mines,  place  Beaulieu,  à  Cognac. 
(21  juin  1877.) 

Guérault  (Henri),  ex-chirurgien  de  la  marine,  chirurgien  de  l'Hôtel- 
Dieu  de  Tours.  {U  mai  1860.) 

GoÉRUf  (Paul),  médecin  de  la  marine,  à  Rochefort.(2d^(;em6r«  1881.) 

GuiBERT,  D.  M.,  à  Saint-Brieuc.  (i9  juillet  1888.) 

GuiLLABERT,  avocRt,  30,  Tuo  Lafayotto,  à  Toulon  (Var).  (15  novembre 
1888.) 

GuiMET  (Emile),  1,  place  de  la  Miséricorde,  à  Lyon.  (3  mat  1877.) 
Membre  ft  vie. 

Habert,  archéologue,  80,  rue  Thiers,  à  Troyes.  (19  décembre  1889.) 


PER801INKL.  XXX  m 

HàHSEH  (Soreo),  D.  Bl.,  2,  Strandpromeoadeo,  Copenhague  (Dane- 
mark). (21  octobre  1886.) 
Jackson  (Henry-William),  67,  Upgate,  Louth,  Lincolnshire,  Eogland. 

S.  E.  (20  mat  1865.)  Membre  à  jfîe. 
Jacobt  (P.),  D.  M.,  chez  M.  Masioff.  —  Ârbat^  impasse  Wiasieff,  mai- 
son Lwof,  à  Moscou  (27  juin  1889.) 
Jahtier  (L.),  d.  m.,  secrétaire  de  la  légation  d*Haïli,  Ripon  House^ 

Russell  Square.  Londres.  (21  décembre  1882.) 
KcssLCR  (Fritz),  manufacturier,  à  Soultzmatl  (Alsace).  (7  juin  1883.) 
Klivahskt  (M™®  L.),  Minsk  gour,  maison  Dvorgety,  Goubervatorskajo 

(Russie).  (i^juHUt  1888.) 
KoTALiK,  professeur  de  sciences  naturelles,  à  Selmeezbanya  (Hongrie). 

(19  mai  1889  ) 
Laiaro  (Joseph),  archéologue,  rue  Horace-Vernet,  à  Avignon.  (5jiitn 

1888.) 
Le  Double  (Â.),  D.  M.  P.,  professeur  à  TEcole  de  médecine,  chirur- 
gien de  l'hôpital  général,  à  Tours.  (18  mars  1876.) 
LiÉTAKD,  D.  M.  P.,  membre  de  la  Société  asiatique,  médecin  aux 

Eaux  de  Plombières.  (9  juin  1862.) 
LoHBABD,  lieutenant  de  vaisseau,  11,  avenue  Vauban,  à  Toulon  (Var). 

i^  février  \98S.) 
Macabio,  d.  M.  P.,  directeur  de  rétablissement   hydrothérapiqne, 

à  Nice.  (20  i«in  1861.) 
Maillabd  (rabbé)^  à  Gennet,  près  Chàteau-Gootier  (Mayenne).  (6  avril 

1876.) 
Uabicourt  (René  de),  membre  du  comité  archéologique  de  Senlis, 

à  Villemétrie,  près  Senlis  (Oise).  (2  janvier  1873.) 
Mabtiii  (J.  de),  d.  m.  P.,  à  Narbonne  (Aude).  (4  mat  1865.) 
Maorel,  d.  m.  p.,  médecin  principal  de  la  marine,  professeur  à  TEcole 

de  médecine,  102,  rue  d'Alsace-Lorraine,  à  Toulouse.  (22  novembre 

1877.) 
Maubicet  (Alphonse),  D.  M.  P.,  à  Vannes,  place  de  la  Halle-aux-Grains. 

liaison  Charpentier.  (21  août  1862.) 
Meilhac  (M"«  Bertlia),  8,  via  di  Robbia,  à  Florence.  (\"  avril  1886.) 
MtLixorr  (Loris),  en  sa  maison  au  coin  de  la  rue  Sadowa-Ganowska,  à 

Tiflis  (Russie).  (3  janvier  1889.) 
MicflAOT,  D.  M.,  à  Yokohama  (Japon).  (3  juillet  1890.) 
Mibbdr,  d.  m.,  1,  rue  de  la  République,  à  Marseille.  (3  avril  1890.) 
MonCELOif,  à  Tgrande  (Allier),  (ii  janvier  1886.)  Membre  &  vie. 
Morel,  receveur  des  finances,  Vitry-le-François  (Marne.)  (8  janvier 

1880.) 
MoTBEAU  (B.),  médecin  des  prisons  de  la  régence  de  Tunis^  à  Tunis. 

(20  mars  1890.) 


XXXIV  PB1801III1L. 

MusGRàVE-GLAYE  (R.  db),  D.  M.,  10^  Tuo  Gachet,  à  Pau  (Basses-Pyré- 
nées). (16  mai  4889.) 

Nbis  (Paul),  D.  M.  P.,  médecin  de  !'•  classe  de  la  marine,  à  Saigon. 
(M  mars  iSSi.) 

NiCAisE  (Charles-Louis*Âuguste),  archéologue ,  à  Châlons-sur-Marne. 
(5  décembre  i878.) 

NiCAS,  D.  M.  P.,  à  Fontainebleau.  (7  novembre  1867.)  . 

Nicolas^  9^  rue  Velouterie,  à  Avignon.  (21  juin  1888.) 

Nicole  (P.),  9,  rue  des  Pénitents,  Le  Havre  (Seine-Inférieure). 
(5  décembre  1878.) 

Obolonski,  professeur  à  TUniversité  de  Kiew  (Russie).  (Â  avril  1889.) 

Ollibr  dbMarichard  (Jules),  archéologue,  à  Vallon  (Ârdèche).  (!*'  awkt 
1867.) 

Paris  (Gustave),  D.  M.  P.,  à  Luxeuil.  (4  novembre  1880.) 

Patsant,  trésorier-payeur,  à  Oran  (Algérie).  (20  mars  1890.) 

Pechdo  (J.),  d.  m.  p.,  à  Villefranche  (Aveyron).  (6  juin  1878.) 

Pemnetier  (Georges),  professeur  à  TEcole  de  médecine  de  Rouen,  9,  im« 
passe  de  la  Corderie  (barrière  Saint-Maur),  à  Rouen.  (21  mai  1868.) 

PETrr  (Abel),  D.  M.  P.,  65,  rue  de  la  Mairie,  à  Carcassonne.  (4  no- 
vembre 1875.) 

PiBTTE,  juge  au  Tribunal  de  i"  instance,  18,  rue  de  la  Préfecture, 
à  Angers  (Maine-et-Loire).  (17 /ët^nVr  1870.) 

PiNART  (Alphonse),  voyageur  dans  l'Amérique  du  Nord^  à  Marquise 
(Pas-de-Calais).  (20  mai  1872.) 

Plantier,D.M.P.^29,  rue  d'Avignon,  à  Alais (Gard).  (16 /éun>r  1882.) 

PoMMEROL  (Félix),  D.  M.  P.,  conseiller  général  du  Poy-de-Dôme, 
à  Gerzat  (Puy-de-Dôme).  (1"  mars  1866.) 

PoNCET,  D.  M.  P.,  rue  Desbrest,  à  Vichy  (Allier).  (7  avril  1881.) 

PoRcnoN  (A.),  directeur  de  PEcole  d'Airaines  (Somme).  (5  février 
1891.) 

PucHERAN,  D.  M.  P.9  à  Bouillouse,  près  Port-Sainte-Marie  (Lot- 
et-Garonne).  (18  ootU  1859.) 

Regrault,  d.  m.  p.,  mc'Jecin  des  Messageries  maritimes,  à  Co- 
lombo (Ceyian).  (6  décembre  1888.) 

Renard  (Léon),  D.  M.  P.,  97,  rue  Toupet-de-Béveaux,  à  Cbaumont 
(Haute-Marne).  (1"  avril  1880.) 

RsY  (Philippe),  D.  M.  P.,  médecin  en  chef  à  Tasile  de  Saint-Pierre, 
à  Marseille.  (19  avril  1883.) 

Rethibr  (i.-B.),  D.  M.  P.,  à  Sistcron  (Basses-Alpes).  (2  décembre  1886.) 

RicGARDi  (Paul),  professeur  à  TUoiversité  de  Modène  (Italie).  (7  juin 
1888.) 

Robin  (Paul),  directeur  de  Torphelinat  Prévost  appartenant  au  dépar* 
tement  de  la  Seine,  à  Cempuis  (Oise).  (7  avril  1881  #)  Membre  A  vleé 


PSEBOmiBL.  XXXV 

Saporta  (le  marquis  Gaston  de)^  correspondant  de  Tlnslitut,  à  Saint- 

Zacharie  (Var).  (13  mai  1869.) 
Segohd^  professeur  agrégé  honoraire  à  la  Faculté  de  médecine,  Gaillian 

(Var).  {\0  octobre  iSn.) 
Selts-Longchamps  (Walter  de),  Halloy,  près  Ciney  (Belgique).  (18 /on- 

vier  i877.)  Membre  à  vie, 
SfiRRUBiER  (L.)^  docteur  en  droit,  directeur  du  musée  national  d'ethno- 
graphie des  Pays-Bas,  à  Leyde.  (1  janvier  i886.) 
SoucHU-SERYmiÉRE,  député  de  la  Mayenne,  2,  rue  des  Fossés»  à  Laval 

(Mayenne).  (7  novembre  1867.) 
Souza-Leite,  D.  m.,  Rio-de-Janeiro  (Brésil),  correspondant,  M.  Martin, 

50,  rue  des  Petites-Écuries.  (17  avril  1890.) 
Stephemson  (Franklin-Barbe),  D.  M.,  Surgeon  United  States,  Navy, 

Barlett  streetRoxburg,  Boston  (Massachusetts).  (7  mari  1878.)  Hem- 

bre  à  vie. 
Sterrt  (Huot),  docteur  es  sciences  de  la  Société  royale  de  Londres,  à 

Montréal  (Canada).  (16  mars  1867.) 
Tarhowsxt  (M"*^),  d.  m.,  trésorière  de  la  Société  d^anthropologie  de 

Saint-Pétersbourg,  104,  quai  de  la  Moïka,  correspondant,  M.  CoUin, 

55,  rue  de  TEcole-de-Médecine. 
Teilleux  (Isidore),  médecin  en  chef  de  l'asile  d'aliénés  de  Bonneval 

au  Mans.  (20  novembre  1862.) 
Ten  Rats  (Hermaon-Frédéric-Karl),  D.  M.,  48,  Javastraat,  à  la  Haye. 

(18  décembre  1879.) 
TssTirr,  D.  M.  P.,  professeur  d'aoatomie  à  la  Faculté  de  médecine  de 

Lyon,  7,  quai  de  Tilsitt.  (7  juin  1883.)  Membre  à  vie. 
ToMHASiNi,  D.  M.,  22,  boulevard  Séguin,  à  Oran  (Algérie). 
TouRTOULON  (de),  président  de  la  Société  des  langues  latines  de  Mont- 
pellier, Valergues,  par  Lansargues  (Hérault).  (20ytttii  1878.) 
TâccT,  D.  M.  P.,  médecin  en  chef  de  la  colonie  à  Saigon  (1"  fé- 

wrier  1883.) 

VuHNA  RiBBiRO  (le  coloncl  Carlos,  Fernando),  à  Marahào  (Brésil). 
[M  juUlet  1884.) 

Vielle,  juge  de  paix  à  Fère-en-Tardenois  (Aisne).  (29  novembre 
1888.) 

Wechhiakof  (Théodore),  membre  de  la  Cour  supérieure  de  justice,  ré- 
sidant au  Kremlin,  à  Moscou.  (!"'  février  1866.) 

WiLsoK  (Thomas),  Smithsonian  Institut,  à  Washington  (D.  C).  (7  fé^ 
vrier  1884.) 

WissEiiDORFF  (Henry),  membre  de  la  Société  des  Etudes  Lettones  de 
Riga-Moika^  d«  17,  app.  8,  à  Saint-Pétersbourg  (Russie).  (20  ma» 
1886.) 


XXXVI  pbrsounbl. 


Membres  aasoelés  étrangers. 

âmdradeCorvo  (J.  de),  conseiller  d'Etat  honoraire,  président  du  congrès 

d'anthropologie  et  d'archéologie  préhisloriques,  8,  T.  de  Espéra, 

Lisbonne.  (16  décembre  1880.) 
Bbddoe  (John),  à  Clifton,  Brislol  (Angleterre).  (22  novembre  1860.) 
Blakb  (Carter),  membre  de  la  Société  d'anthropologie  de  Londres. 

28,  East  Street,  Queen*s  square,  Londres,  W.  C.  (21  mat  1863.) 
BoGDANow  (le  professeur  Anatole),  à  Moscou.  (16  juillet  1874.) 
Brucke,  professeur  à  TUoiversité  de  Vienne.  (21  juin  1860.) 
BuRTON  (le  capitaine  William),  consul  anglais,  à  Trieste.  (4  novembre 

1875.) 
Galori,  professeur,  à  Bologne  (Italie).  (4  ;utnl874.) 
Cakdolle  (Alph.  de),  de  Genève.  (19  décembre  iSêl .) 
Capellini,  professeur  de  géologie  et  de  paléontologie,  à  TUniversité  de 

Bologne  (Italie).  (22  janvier  1874.) 
Castro  (Fernando),  vice-président  de  la  Société  d'anthropologie  de 

Madrid.  (19  octobre  1865.) 
Chah  (Paul),  à  Genève.  (22  novembre  1860.) 
Charnock  (Richard),  trésorier  de  la  Société  d'anthropologie  de  Londres. 

(21  janvier  1864.) 
Chil-t-Naranjo,  D.  m.  P.,  à  Palmas  (Grandes-Canaries).  (7  novembre 

1878.) 
CoccHi  (Igino),  professeur  à  Tlnstitut  des  études  supérieures,  à  Flo- 
rence. (15  février  1872.) 
CoLLiNGWOOD  (Frederick),  curator  and  librarian  de  la  Société  d*an- 

thropologie  de  Londres.  (21  janvier  1864.) 
Delgado  Jugo  (Don  Francisco),  secrétaire  de  la  Société  d'anthropologie 

de  Madrid,  50,  calle  Âncha-de*San-Bernardo,  à  Madrid,  (l^'/utn 

1865.) 
Dupont,  directeur  du  musée  royal  d'histoire  naturelle,  à  Bruxelles. 

(7  novembre  1872.) 
Evans  (John),  président  de  la  Société  des  antiquaires  et  de  la  Société 

de  numismatique,  Nash  Mills,  Hemel  Hempstead  (Angleterre).  (19 

avril  1877.) 
Fenerlt-Effendi,  professeur  à  l'Ecole  impériale  de  médecine  de  Cons- 

tantinople.  (2  novembre  1865.) 
Flower,  directeur  du  Musée  d'histoire  naturelle  de  Londres,  Cromwell 

Road,  London,  S.  W.  (15  février  1877.) 
Gaddi,  conservateur  du  Musée  analomique,  à  Modène.  (3  juillet 

1886.) 
GiAcoMiNi,  professeur  à  l'Université  de  Turin.  (7  novembre  1878.) 


PIMONIIBL.  TXXVII 

GiCLiOLi  (B.)»  professeur  de  zoologie  à  nnstilut  supérieur,  Viale  dei 
Colli  (Villa  BeWedere),  à  Florence.  (2  novembre  1882.) 

Gosse  (Hippolyte),  professeur  à  HJuiversité  de  Genôve.  {^février  4860.) 

Hahroter  (Ad.)^  à  Copenhague.  (17  ruwembre  1859.) 

Hatder,  inspecter  gênerai  of  U.  S.  Geological  Survey»  Washington 
(Etats-Unis).  (19  février  1880.) 

Hbllwald  (Friedrich  db)^  directeur  de  la  Revue  Aueland,  Cansladt, 
près  Stuttgart  (Wurtemberg).  (5aoiU  1875.) 

HiGGiifs  (Alfred),  secrétaire  pour  l'étranger  de  la  Société  d'anthropo- 
logie de  Londres.  (17  décembre  1863.) 

His  (Wilhelm),  professeur  à  FUniversité  de  Leipzig  (Saxe).  (7  juillet 
1864.) 

UoKLMa  (de),  conseiller  supérieur  de  médecine,  Marienstrasse,  à  Stutt- 
gart. (20  ;ut7/eM  882.) 

HuMPioiT,  professeur  d*anatomie  à  TOniTersité  de  Cambridge.  (8  avril 
1872.) 

HuxLBT  (Thomas),  professeur  à  TEcole  royale  des  mines^  4,  Maribo- 
rougb  Place»  Londres,  N.  W.  (5  avril  1866.) 

Utrtl,  professeur  à  TUniversité  de  Vienne.  (2i  juillet  1860.) 

Kanitz  (Félix),  président  du  Comité  de  1  Exposition  des  sciences 
anthropologiques  (1878),  Eicherbach  Casse,  à  Vienne  (Autriche). 
(7  novembre  1878.) 

KoFERifiçKi,  professeur  à  Bukharest.  (21  novembre  1867.) 

Làzarus,  professeur,  5,  Kônigsplatz,  à  Berlin.  (15  mari  1866.) 

LuBBOCK  (sir  John),  34,  Queen  Anne*s  Gâte  Westminster,  Londres. 
(1«  août  1867.) 

Lme  (comte  de),  amiral,  président  de  l'Académie  des  sciences,  à 
Saint-Pétersbourg.  (4it<în  1874.) 

IIàuef,  professeur  h  l'Université  de  Kasan.  (2  novembre  1882.) 

Mahtegazza  (le  professeur),  directeur  du  Musée  national,  à  Florence. 
(7  mat  1863.) 

Meigs,  professeur  libre  à  l'Académie  des  sciences  naturelles  de  Phila« 
delphie.  (24  mat  1860.) 

Meter  (A.-B.)^  conservateur  du  Musée  d'anthropologie  et  d'ethnogra- 
phie de  Dresde.  (3  juillet  1890.) 

MoRSBLU,  professeur  à  l'Université  de  Gènes.  (4yutn  1874.) 

MuLLER  (Frédéric),  professeur  à  l'Université,  vice-président  de  la 
Société  d^anthropologie  de  Vienne,  III,  Marxergasse  24*,  à  Vienne 
(Autriche).  (15  octobre  1874.) 

NicoLDca  (Giustiniano),  professeur  d'anthropologie,  à  l'Université  de 
Naples.  (4/'A?ft>rl864.) 

Norr  (J.-C),  à  Mobile  (Etats-Unis).  (17  novembre  1859.) 

O'DoitovAN  (Denis),  bibliothécaire  du  Parlement  à  Brisbane,  Qneens- 
laod  (Australie).  (19  novembre  1885.) 


xxiviii  wtsoimii. 

Ornstein  (Bernard),  médecin  en  chef  de  l'armée  grecque,  à  Athènes. 
{i  novembre  1882.) 

OwEif  (Richard),  professear,  à  Londres.  (20  août  1863.) 

Padilla  (don  Mariano),  à  Goatemala.  (1«'  août  1861.) 

Pedro  d'Alcantaka  (S.  M.  don),  à  Lisbonne,  (^janvier  1876.) 

P£TRiM  (Michel),  D.  M.  P.,àGnlatz  (Roumanie).  (5  mai  1874.) 

PiGORiNi,  fondateur  et  directeur  du  musée  préhistorique  et  ethnogra- 
phique de  Rome.  Gollegio  Romano,  Roma.  (16ytfinl881.) 

PiTT  RiyERs(le  major  général),  président  de  llnstitut  anthropologique 
de  Grande-Bretagne  et  d'Irlande,  à  Londres.  (4  août  1881.) 

PowBLL  (le  major  J.*W.),  président  de  la  Société  d'anthropologie  de 
Washington,  directeur  du  bureau  d'ethnologie,  à  Washington,  (^fé- 
vrier 1882.) 

PoLSiT  (François  de),  ancien  président  du  Congrès  international  d'an- 
thropologie et  d'archéologie  préhistoriques  de  Budapest.  ÇJ  novembre 
1878.) 

Rankb,  professeur  de  zoologie  à  FUniversité  de  Munich^  25,  Brienner 
Strasse,  Munich.  {i9  juillet  1882.) 

RuTiMETBR  (Ludwig),  à  B&le.  (7  juillet  1864.) 

Sasse(A.)9  D.  m.  P.,à  Zaandam  (Hollande). (18  décembre \%1 3.) 

ScHAAFHAUSEN,  profosseur  d'anthropologie  à  l'Université  de  Bonn 
(Prusse  rhénane).  (19  novembre  1863.) 

Schmidt  (Waldemar),  professeur  à  l'Université  de  Copenhague.  (4  no- 
vembre  1875.) 

Sbrrano  (Matias-Meto)^  président  de  la  Société  d'anthropologie  de 
Madrid.  (17  octobre  1865.) 

SouiER,  à  New- York.  (9  janvier  1868.) 

Stapleton,  à  Dublin.  (1"  décembre  1859.) 

Steenstrup,  directeur  du  Muséum  de  zoologie,  à  Copenhague.  (5  /é- 
vrier  1872.) 

Stieda,  professeur  à  TUniversité  de  Rœnigsberg  (Russie). 

TuRNER  (William),  professeur  à  TUniversité  d'Edimbourg.  (7  novembre 
1878.) 

Ttlor,  président  de  l'Institut  anthropologique  de  la  Grande-Bretagne 
et  d'Irlande,  à  Londres.  (5  août  1880.) 

Tttler  (Robert),  gouverneur  du  Bengale,  à  Umballa.  (\"  février  1866.) 

VANDERiiNDfcRi  (Léou),  professeur  à  la  Faculté  de  philosophie  et  lettres 
h  rUniversité  libre  de  Bruxelles.  (3  janvier  1884.) 

Van  Dubbh,  professeur  et  directeur  du  Musée,  à  Stockholm.  (4  avril 
1878.) 

ViRCHOw,  D.  M.,  député,  professeur  à  l'Université  de  Berlin.  (9  dé- 
eembre  1867.) 

VoGT  (le  professeur  Cari),  à  Genève.  (16  aoilf  1863.) 


PBB90N1IBL.  XIXIX 

Goprespondants. 

I.  Correspondants  nationaux, 

AuBERT,  médecin-major  de  l'*  classe^  médecin  en  chef  de  l'hospice 

mixte  de  Bourg.  (22  décembre  4887.) 
Bassighot,  médecin  de  la  marine,  à  Saint-Denis  (Réunion).  {A  février 

1869.) 
BcvoiT  (BarUiélemi),  chirurgien  de  l'*  classe  de  la  marine,  au  Séné- 
gal. (15  décembre  4859.) 
Ber  (Théodore),  à  Lima  (Pérou).  (18  mars  4876.) 
BEvuDfiT  (Charles),  à  Londres.  (49  janvier  4865.) 
BiSTion,  médecin  de  4'«  classe  de  la  marine,  rueSaint-Roch,  à  Toulon. 

{M  juillet  4879.) 
BuKT  (Lucien),  à  Orizaba  (Mexique).  (46  janvier  4862.) 
BoYERy  D.  M.  P.,  médecin  de  la  marine,  à  Brest.  (45  mai  1878.) 
Cabaret  de  SAurr-CERNin ,   lieutenant  de  vaisseau.  (48  juillet  4861.) 
Cazaus,  D.  m.  p.,  81,  rue  Blanche.  (4*'  décembre  4864.) 
Cazaus,  pharmacien  de  la  marine,  à  Rochefort.  (4  mars  1874.) 
Celle  (Eugène),  D.  M.  P.,  à  San-Francisco  (Californie).  (21    août 

4862.) 
Cessac  (de  Lévis).  (24iant;tVT4875.) 
Cbahot^  d.  m.  P.,  ex-chirurgien  de  la  marine»  à  Hle  de  la  Réunion. 

(22  novembre  1860.) 
Cbassagne,  d.  m.,  médecin-major  au  35*  régiment  d'artillerie, à  Vannes. 

(49/irt;n>r4880.) 
Chassin,  d.  m.  p.,  à  la  Vera-Cruz.  (21  avril  4870.) 
CoR5s,  consul  au  Japon,  ex-officier  de  marine,  40,  rue  SaiiU-Sé vérin. 

{2  janvier  1879.) 
CoRifuxuc,  médecin  de  la  marine.  (48  mars  4869.) 
Dallt  (Aristide),  commandant  d'infanterie  en  retraite,  421,  boulevard 

Malesherbes.  (6  juin  4867.) 
Dahuios,  conservateur  au  musée  de  Boulacq,  au  Caire.  (47  février 

4860.) 
Delà  Bruyère,  artiste  peintre,  à  Alger.  (9  février  4880.) 
Dkpmazes,  chef  de  bataillon  du  génie  (2*  régiment),  à  Montpellier. 

{3^  janvier  4880.j 
DuHoussET  (le  colonel),  6,  rue  Furstenberg.  (20aotl^  4863.) 
Faorb,  d.  m.  p.,  médecin  de  colonisation,  à  Chéraga  (Algérie).  (7  juin 

4860.) 
FoRTAN  (Alfred),  à  Mazamet  (Tarn).  (49  juillet  4860.) 
Gaillardo»  d.   m.  p.,  médecin  sanitaire  de  France,  à  Alexandrie 

(Egypte).  (46  juillet  4874.) 


XL  PIESORMBL. 

Glaumont,  commis-rédacleur  de  radminislration  pénitenliaire,  à  Nou- 
méa. (18  avHl  1889.) 
GouïN  (Léon),  ingénieur  civil  des  mines^à  Cagliari(SardaigQe).(17  avril 

1884.) 
Henry  (R.)»  clief  de  bataillon  du  génie.  (30  décembre  1877.) 
HuRST  (Marie-Joseph)»  médecin  en  cher,  à  Laghouat  (Algérie).  (7  dé^ 

cembre  1863.) 
Jacquemet,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Mont- 
pellier. (1"  décembre  1859.) 
Jaloozbt,  vice- consul  de  France,  à  Belfast.  (15  fêtrier  1883.) 
Lacàssagne,  professeur  de  médecine  légale  à  la  Faculté  de  médecine 

de  Lyon.  (4  février  1869.) 
Lagrené(de),  consul  de  France,  à  Moscou.  {\^  janvier  1879.) 
Lautré,  médecin  missionnaire^  à  Thaba-Bossiou  (montagnes  de  la 

Nuit,  Afrique  australe).  (21  août  1862.) 
Lecdter,  D.  m.  p.,  à  Beaurieux  (Aisne).  (i9  décembre  1878.) 
Léger  (H.),  D.  M.  P.,  à  la  Guadeloupe.  (7  janvier  1864.) 
Mac-Cartt,  conservateur  du  musée  d'Alger.  (17  avril  1879.) 
Martin,  D.  M.,  conseiller  municipal  d'Alger.  (M  avril  1879. 
Mazé  (Hipp.)»  commissaire  de  la  marine.  (17  novembre  1859.) 
MiRANoe,  juge  au  tribunal  de  Karikal  (Indes  françaises).  (17  décembre 

1868.) 
MoLiNiER,  pharmacien  de  la  Société  des  voyages  d^études,  à  Bussiôre 

(Loire).  (20  juin  1878.) 
Montano,  d.  m.  V.,  chargé  d'une  mission  du  gouvernement  enMalaisie. 
•    (17  avril  1879.) 

Montroozier  (le  père),  missionnaire,  à  la  Nouvelle-Calédonie.  (2  dé- 
cembre iS60.) 
PiCHON^  D.  M.  P.^  à  Shang-Haî  (Chine).  (7  novembre  1872.) 
PiGNÉ,  D.  M.,  à  San-Francisco  (Californie),  (i  avril  1863.) 
Pinot  (l'abbé) ,  missionnaire,  Fort  Good  Hope,  district  de  la  rivière 

Mac-Renzie  (Amérique  septentrionale).  (7  novembre  1872.) 
Poteau  (Anselme),  médecin-major  au  3^  dragons,  à  Nantes.  (21  dé- 
cembre 1882.) 
Prengrueber,  d.  m.  p.,  médecin  de  colonisation,  à  Palestre.  (4  août 

1881.) 
Regnt-Bet  (db),  chef  du  service  central  de  statistique  d'Egypte^  membre 

de  l'Institut  égyptien,  à  Alexandrie  (Egypte).  (i6  juillet  1874.) 
Rocher  (Emile),  employé  aux  douanes  chinoises,  à  Shaog-Haï.  (1881.) 
Routière  (le  capitaine  de),  officier  d'ordonnance  du  général  Faidherbe. 

(19  décembre  1867.) 
Sainte-Marie  (Pricot  de),  consul  de  France,  à  Syra.  (20  mat  1880.) 
Sanret,  d.  m.  p.,  ex-médecin-major.  (15  mat  1878.) 
Sériziat,  médecin-major.  (3  mai  1866.) 


PnSONNBL.  XU 

SuEUE  (Henri),  D.  M.  P.,  médecin  de  l'armée  d'Afrique, à  Orau.  (6  nO' 
vembrê  iS73.) 

Tirant  ,  D.  M.  P.,  administrateur  des  affaires  indigènes,  à  Saïgon 
(Cochincbine).  (19  novembre  4874.) 

ToDCHAED,  chirurgien  de  l'*  classe  de  la  marine,  au  Gabon.  (5  mat 
1864.) 

VALEirriH,  Toyageur  en  Afrique.  (2  octobre  1873.) 

YmcEirr,  médecin  de  la  marine.  (2  décembre  1869.) 

Walthsr  (Charles),  premier  médecin  en  chef  de  la  marine,  à  la  Basse- 
Terre  (Guadeloupe).  (18  mai  1865.) 

Walthbr  de  la  Tour  (E:.),D.  M.  P.,  ex-médecin  delà  marine  de  TEtat. 
(5  mare  i874.) 

WiDiCR,  voyageur  au  Pérou  et  en  Bolivie^  10^  rue  Saint-Lazare.  (7  fé* 
vrier  1878.) 

n.  Correspondants  étrangers. 

Alba  (Léon  y)^  D.  M.  P.,  à  Lima  (Pérou),  {^janvier  1861.) 

AuiAGRO,  D.  M.  P.,  à  Madrid.  (19  juin  1862.) 

Amoutciiiib  (Dimitri),  professeur  d'anthropologie.  Musée  polytechnique, 

à  Moscou  (Russie).  (3  mai  1877.) 
Arbo,  d.  m.,  à  Drammen  (Norwège).  (29  mai  1880.) 
AuDAiic,  D.  M.  P.,  à  Port-au-Prince  (Haïti).  (18  août  1859.) 
Barber  (E.-A.),  maître  es  arts  de  PUniversité  de  Philadelphie,  éditeur 

adjoint  de  IMnfiçttanan,  4007 ,  Ghestnut  street,  à   Philadelphie. 

(U.  S.  A.)-  (1B  mars  1886.) 
BiLuica,  professeur  à  TUniversité  de  Pérouse  (Italie).  (7  novembre 

1878.) 
Beredikt,  professeur  à  PUniversité  de  Vienne,  Franciskaner  Platz,  5 

(Autriche).  (7  novembre  1878.) 
BcNSEiiGRE  (Basile),  D.  M.  P.,  membre  de  la  Société  d'anthropologie, 

grande  Moltchanowska,  maison  Maylowsky,  à  Moscou.  (16  octobre 

1873.) 
Brrz,  professeur  et  directeur  du  laboratoire  d'anatomie,  à  l'Université 

de  Kiew  (Kussio).  (4  décembre  iS19.) 
BoKUHiBRES  (Charles  de),  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Saint- 
t\  Louis  (Missouri).  (2  novembre  1865.) 
Brabrooi,  directeur  de  l'Institut  anthropologique  de  la  Grande-Bretagne 

et  d*Irlande,  à  Londres.  (5  août  1880.) 
Bruitoh,  d.  M.^  professeur  d'ethnologie  et  d'archéologie  à  TAcadéroie 

des  sciences,  à  Philadelphie.  (7  mai  1885.) 
Calongb  (Belisario),  D.  M.  P.,  à  Truxillo  (Pérou).  (3  ;ant^r  1861.) 
Carr  (Lucien),  assistant  curator  of  the  Peabody  muséum,  Harwards 

Univeraity,  Cambridge  (Massachusetts,  U.  S.).  (26  oe(o5re  1879.) 


XLII  PBBIOIIHIL. 

Garrow,  D.  m.,  à  Canton  (Chine).  (16  janvier  1879.) 

Gastelfranco  (Pompeo),  professeur,  à  Milan.  (17  avril  1884.) 

Chakir-Bbt,  ancien  aUaché  militaire  à  Tambassade  ottomane.  (5  a<ySu 
1875.) 

Choudens  (Joseph  de),  D.  M.  P.,  à  Porto-Rico  (Antilles).  (16  mat  1861.) 

CoNSTAirriKESCu  (Barbe),  docteur  en  philosophie,  professeur  d'histoire  à 
Bukharest.  (3  avril  t879.) 

GoRA  (Guido),  directeur  du  Cosmos,  74,  corso  Vittorio-Emanuele,  ft 
Turin.  (6  novembre  1873.) 

Costa  (Simoès  da),  professeur  à  TUniversilé  de  Coïmbre  (Portugal). 
(!•'  février  1866.) 

CouRiARD  (Alfred),  D.  M.  P.,  Grande-Kooiuchenui,  à  Saint-Péters- 
bourg. (18  mars  1875.) 

Darling  (W.),  professeur  d'anatomie  descriptive  aux  Universités  de 
New-York  et  de  Vermont,  à  New-York.  (8  noi^emôre  1877.) 

Delmas  (Louis-H.),  D.  M.,  membre  numéraire  de  la  Société  anthro- 
pologique espagnole  de  Madrid,  fondateur  de  la  Société  anthropolo- 
gique de  Cuba,  à  la  Havane.  (3  janvier  1878.) 

Derizans  (Benito),  D.  M.,  Brésil.  (20  avril  1876.) 

Destruges  (Âlcide),  D.  M.  P.,  à  Guayaquil  (république  de  TEquateor). 
(19  févHer  1863.) 

DiAMANDT,  archéologue,  15,  boulevard  Saint-Crermain,  à  Paris. 

DUNANT,  D.  M.,  à  Genève.  (9  janvier  1868.) 

Fernandés  (Ântonio-Francisco),D.  M.  P.,à  Rio-Janeiro  (Brésil),  (4  avrt/ 
1861.) 

Frîjs,  professeur  à  TUniversité  de  Christiania  (Norwège).  (18  mars 
1876.) 

Frter  (le  major),  commissaire  du  gouvernement  anglais  en  Birmanie, 
à  Calcutta.  (5  avril  1877.) 

Gardo  (Manuel),  membre  fondateur  de  la  Société  d'anthropologie  de 
Madrid.  (19  octobre  1865.) 

Garson,  d.  m.,  conservateur  du  musée  anthropologique  du  Collège 
des  chirurgieus  de  Londres.  (19  novembre  1885.) 

Gross,  D«  m.,  à  Neuville,  canton  de  Berne  (Suisse). 

Hatnes  (Henry-W.),  professeur  à  l'Université  de  Boston,  239,  Bea- 
constreet,  Boston  (Massachusetts,  Etats-Unis).  (7  novembre  1878.) 

Hazelius,  d.  m.  p.,  directeur  du  musée  ethnographique  Scandinave, 
à  Stockholm.  (5  novembre  1874.) 

Heger,  d.  m.  p.,  professeur  de  physiologie  à  PUoiversité,  7,  rue 
du  Chêne,  à  Bruxelles.  {3  janvier  iSSi.) 

Hilderrand  (Hans),  D.  M.  P.,  1«' conservateur  au  musée  royal  d'ar- 
chéologie, à  Stockholm.  (15  octobre  1874.) 

HiTCHMAïf,  membre  fondateur  de  la  Société  d'anthropologie  de  Liver- 
pool,  29,  Erskine  street.  (4  novembre  1869.) 


PBBfiOHKBL.  XLltl 

HouzÉ,  D.  M.  P.,  professeur  d'aothropologie  à  l^Uoiversité,  7,  rue  du 

Cbène,  i  Bruxelles.  (3  janvier  1884.) 
Htde  Claui,  local  Secretary  of  the  Anthropologieal  Society  of  Lon- 

1^,  président  de  PÂcadémie  d'Anatolie,  à  Smyrne.  (IS^utn  1865). 
IxoFF  (C),  secrétaire  de  la  sectioD  anthropologique  de  la  Société  des 

Amis  des  sciences  naturelles,  à  Moscou.  (1^'  mars  1883.) 
iTAUà-NiCASTEO,  D.  M.,  à  Palazzolo-Âcreide  (Sicile).  (5  juillet  1866.) 
IwAiiOFSKY^  D.  M.,  y.  Vyborskaïa  Storma,  Finski  pereoulok,  maison 

Opolchînina,  à  Saint-Pétersbourg  (Russie).  (A  décembre  i%19,) 
Jaiisskiis>D.  M.^  à  Bruxelles,  2t,rue  des  Comédiens.  (18  novembre  1869.} 
KAUEa>iiio,  D.  M.  P.,  à  Bukharest.  (13  mai  1869.) 
KiSKWBTOw  (W.),  ancien  président  de  la  Société  des  amis  de  la  nature 

de  Moscou.  (6  décembre  1888.) 
KoLuumf»  professeur  de  zoologie,  à  Bâte  (Suisse).  (!*'  mars  1883.) 
Landbt,  professeur  à  TUniversité  de  Québec  (Canada).  (16  mat  1861.) 
LooocQ^D.  M.  P.,  professeur  à  TUniversité  de  Gand  (Belgique).  (3;an- 

vier  1884.) 
LssoniZAMOif  (D.  Juan-Martin),  ministre  du  gouvernement  de  la  pro- 
vince de  Salta  (république  Argentine).  (21  juin  1877.) 
LiTTOR  FoRBES,  membre  de  la  Société  de  géographie  de  Londres,  ancien 

médecin  aux  consulats  anglais  en  Océanie,  Cbaodos  club^  Langham 

Place,  à  Londres. 
LiTi,  D.  M.,  au  16«  régiment  d'infanterie  italienne,  à  Rome.  (19  juillet 

1888.) 
LuinioLTz  (Cari),  consulat  général  de  Suède  et  Norwège,  à  New-York. 

(17  ianrierl  889.) 
LoscBAR  (Félix),  médecin  de  la  Société  anthropologique  de  Vienne 

(Autriche),  T.  3,  Stoszam  Himmel.  (6  juin  1878.) 
Macbdo  Pitrro»  professeur  à  l'Université  de  Coîmbre  (Portugal).  (1«'  fé- 
vrier 1866.) 
Masoii  (Otis,  P.),  conservateur  du  musée  ethnologique  du  Smilhsonian 

lostilutioD,  à  Washington.  (7  mai  1885.) 
MoirrEuus  (0.),  D.  M.  P.,  2<>  conservateur  au  musée  royal  d'archéo- 
logie, à  Stockholm.  (15  octobre  1874.) 
MoKEfio,  directeur  du  Musée  de  la  Plata  (République  Argentine.  (A  juin 

1873.) 
MoRCHO  Maiz,  d.  m.,  à  Lima  (Pérou).  (18  août  1864.) 
Morris  (J.-P.),  à  Ulverston,  Angleterre.  (8  avril  1867.) 
HucH,  secrétaire  général  de  la  Société  d'anthropologie,  à  Vienne.  (5  dè^^ 

cembre  1878.) 
NuMoz  LuNA,  membre  fondateur  de  la  Société  d'anthropologie  de  Madrid . 

(19  octobre  1865.) 
MovARo,  D.  M.»  professeur  agrégé  à  la  Faculté  des  sciences  de  Buenos- 

Ayres,  18,  rue  de  Constantinople.  (16  mai  1878.) 


1 


XUV  PSISONNEL. 

OssowsKT  (G,),  membre  de  la  commission  archéologique  des  sciences 
de  Cracovie,  Oulica  Slawkowska,  228,  à  CracoTie.  (17  avril  1879.) 

Pagliani,  professeur  d*hygiène  à  FUniversité  de  Rome.  (12  novembre 
1877.) 

Pengellt  (W.)y  mernbre  de  la  Société  royale  de  Londres,  à  Torqaay, 
Devonshire  (Angleterre).  (S  janvier  1874.) 

Perbra  (Andrews),  professeur  à  Slave-teland,  Colombo  (Geylan).  (16  no' 
vembre  1882.) 

Phiumonoff,  conservateur  du  musée  des  armures  au  Kremlin,  à  Mos- 
cou. (A  décembre  1879.) 

PicHARDO  (Gabriel),  membre  correspondant  de  la  Société  anthropolo- 
gique espagnole  de  Madrid,  fondateur  de  la  Société  anthropologique 
de  Cuba,  i  la  Havane.  (3  janvier  1878.) 

PiuR  (Georges),  professeur  de  géologie  à  TUniversité  d'Agram  (Au- 
triche-Hongrie). (i^juUlet  1874.) 

PosADA  Arango,  D.  m.,  professeur  à  Médelline  (Etats-Unis  du  Sud). 
n  juilUt  1870.) 

Profillet  (le  R.  P.),  missionnaire,  à  Haïti.  (5  mot  1864.) 

PuTNAM  (F.-W.),  conservateur  en  chef  du  musée  Peabody^  Harward 
uoiversity.à  Cambridge  (Massachusetts).  (2/'^tTter1882.) 

Rangabé  (Alexandre),  membre  de  la  Société  d^archéologie  d'Athènes^ 
ministre  de  Grèce.  (19  octobre  1865.) 

Rêgaua  (B.),  au  musée  anthropologique  de  Florence  (Italie),  3,  via 
Gino  Caponi.  (2  août  1877.) 

Rbtzius  (Gustaf),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Stockholm.  (20  fé- 
vHer  1873.) 

RiVETT  Carmac(H.),  archéologue  attaché  au  gouvernement  civil  du  Ben- 
gale, à  Allahabad  (Indes  anglaises).  {A  janvier  1883.) 

RoMER  (Floris),  professeur  à  l'Université  de  Pesth  (Hongrie).  (17  no- 
vembre  1867.) 

RuDLER  (F.-W.),  vice-président  de  Tlnslitut  anthropologique  de 
Grande-Bretagne  et  d*Irlaode,à  Londres.  (4  août  1881.) 

ScHORTT  (John),  Inspecteur  général  delà  vaccination  à  Madras,  membre 
de  la  Société  d'anthropologie  de  Londres,  à  Madras  (Indes  an- 
glaises). (5  aoil(  1875.) 

Sebland  (N.),  D.  M.,  médecin  en  chef  de  la  province  de  Semiretscbenk, 
à  Verni  (Russie).  (18/^i;rier  1886.) 

Sigerson,  d.  m.,  professeur  de  biologie  à  l'Université  de  Dublin,  3,Clarc 
Street,  à  Dublin.  (7  novembre  1878.) 

Smirnow  (Michel),  maison  Tamanisheeff,  à  TiQis.  (22  novembre  1877.) 

SosmiER,  secrétaire  de  la  Société  italienne  d'anthropologie,  3,  via  Gino 
Caponi,  à  Florence. (2  décembre  1886.) 

Stamley  (Davis-Ch.-Henry),  D.  M.  P.^  à  Meridom,  Connecticut  (Etals- 
Unis),  (t  janvier  1878.) 


PnSOIfNBL.  XLV 

StwàiiGàu,  principal  du  collège  de  Vidyodaya,  Colombo  (GeylaD).  (i6  no- 
vembre i882.) 

Tayano,  D.  m.,  à  Rio- Janeiro.  (27  novembre  4878.) 

Tiboiiiboff(â.)>  secrétaire  de  la  Société  impériale  des  Amis  des  sciences 
naturelles,  d^antbropologie  et  d'ethnographie,  à  Moscou.  (4  dé^ 
cemdre  1879.) 

ToDD  (Spencer)y  secrétaire  général  du  gouvernement  de  la  colonie^  au 
Cap  de  Bonne- Espérance.  (19  juin  1879.) 

Toaaes  (Melchior),  professeur  agrégé  à  TEcole  de  médecine  de  Buenos- 
Ayres.  (20  novembre  1879.) 

TaowTowsn,  secrétaire  général  de  la  Société  d'archéologie  de  Moscou. 
(6  décembre  1888.) 

Yarela,  commissaire  à  l'Exposition  de  1878  pour  la  république  Argen- 
tine. (7  novembre  1878.) 

VAScoHccLLOs-ABaEU  (de),  à  Coîmbre.  (2  novembre  1875.) 

yunnà,  D.  M.,  à  Pernambuc  (Brésil).  (21  juin  1877.) 

WU.S01I  (Daniel)y  professeur  à  l'Université  de  Toronto(Canada).  (15  avril 
1875.) 

WmiALL,  i  Genève.  (23  janvier  1868.) 

WoLDBiCH,  secrétaire  de  la  Société  d'anthropolof;ie,  à  Vienne  (Au- 
triche). (5  décembre  1878.) 

Wrzesniowsii,  professeur  d'anatomie  à  TUniversité  de  Varsovie^ 
2,  rue  Alexandrie,  à  Varsovie.  (18  mars  1880.) 

ZocKAFF,  membre  du  comité  de  TExposition  anthropologique,  à  Mos- 
cou. (4  <lêcem6re  1879.) 


SOCIÉTÉS  SAVANTES 

AVEC  LESQUELLES  LÀ  SOCIÉTÉ  ÉCHANGE  DIRECTEMENT  SES  PUBLICATIONS 


FRANCE 

Anthropologie  (1*). 

Archives  de  médecine  navale  et  coloniale. 

Bulletin  de  la  Société  d*acclimalatton  (Revue  des  Sciences  naturelles 

appliquées). 
Bulletin  du  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Ljon. 
Commission  des  monuments  mégalithiques. 

Laboratoire  d'anthropologie  du  Muséum  d*htstoire  naturelle  do  Paris. 
Laboratoire  d'anthropologie  de  TEcole  des  hautes  études. 
Mélusine. 

Mémoires  de  médecine  et  de  chirurgie  militaires. 
Musée  Guimet. 
Progrès  médical. 
Revue  scientiGque. 
Revue  des  traditions  populaires. 
Société  d'acclimatation. 
Société  d'anatomie. 

Société  centrale  des  architectes  français. 
Société  de  biologie. 

Société  d'ethnographie.  (Alliance  scientifique.) 
Société  géologique  de  France. 
Société  de  géographie  de  Paris. 
Société  d'histoire  de  Paris.  (Archives.) 
Société  médicale  des  hôpitaux  de  Paris. 
Société  de  statistique  de  Paris. 
Société  zoologique  de  France. 

Allemag^ne* 

Auslaud,  Munich. 

Deutchen  Gesellschaft  fur  Anthropologie  (Archiv  fur  Anthropologie). 
Munich. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES.  XLYII 

Ani^lelerre. 

Nature  Journal  of  scieuces^  Londres. 

Journal  of  Aoatomy  and  Physiology.  Edimbourg. 

Avtrlehe. 

Museo  civjco  di  Storia  naturale  di  Trieste. 

Brésil. 

Muséum  d'histoire  naturelle  de  Rio-Janeiro. 

« 

Canada. 

Journal  Canadian  Naturalist. 
Canadian  Institute,  Toronto. 

États-Unis. 

The  American  Ântiquarian,  Chicago. 

The  American  Naturalist,  Philadelphie. 

Bureau  of  ethnology.  M.  Powel,  à  Washington. 

Department  of  the  interior,  United  States  geological  and  geogra- 

pbical  Survey. 
Journal  Science,  Cambridge. 
Muséum  Comparative  Zoology,  at  Uarward  Collège,  Cambridge. 

Italie. 

Cosmos  de!  prof.  Guido-Cora,  Turin. 
Bullettino  di  Paletnologia  italiana,  Parme. 
Societa  reaie  di  Napoli.  Naples. 

Jajpon. 

Journal  of  the  Asiatic  Society  of  Japan^  Tokio. 

■eiKlqae. 

Museo  Nacional  de  ciencias  Cérdoba. 

Portugal. 

Sociedade  Carlos  Hibeiro.  (Revista  di  Ciencias  naluraes  e  sociaes.) 
Porto. 

Raamaala* 

Societatii  stiintifice  si  literare  din  Jassy. 

Société  des  médecins  et  des  naturalistes  de  Jassy. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES 

AVEC  LESQUELLES  LA   SOClélé  ÉCHANGE   SES   PUBLICATIONS 

Par  rintermédiaire  du  Ministère  de  TiDstruction  publique. 


FRANCE 

Revue  des  sciences  naturelles  de  Montpellier. 

Société  académique  d'agriculture,  de  sciences,  arts  et  belles-lettres 

de  TAube,  à  Troyes. 
Société  d'anthropologie  de  Lyon. 
Société  d'anthropologie  du  Sud-Ouest  et  de  Bordeaux. 
Société  des  antiquaires  du  Centre^  à  Bourges. 
Société  des  antiquaires  de  TOuest,  à  Poitiers. 
Société  archéologique  de  Senlis. 
Société  archéologique  de  Constantine. 
Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire  du  Yendômois,    à 

Vendôme. 
Société  Belfortaine  d'émulation,  à  Bel  fort. 
Société  des  sciences  physiques,  naturelles  et   climatologiques  de 

l'Algérie,  à  Alger. 
Société  dunoise  d'archéologie,  histoire,  sciences  et  arts,  Châteaudun. 
Société  d'émulation  de  l'Allier,  à  Moulins. 
Société  d'émulation  de  Montbéliard. 
Société  d*émulatioD  des  Vosges,  à  Spinal. 
Société  d'études  scientiGques  d'Angers. 
Société  de  géographie  de  Tours. 
Société  d'histoire  naturelle  de  Toulouse. 
Société  de  médecine  et  de  chirurgie  de  Bordeaux. 
Société  polymalhique  du  Morbihan,  à  Vannes. 
Société  savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie  de  Chambëry. 
Société  des  sciences   naturelles   et   archéologiques   de  la  Creuse 

Guéret. 
Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne,  à  Auxerro. 
Société  des  sciences  physiques  et  naturelles  de  Bordeaux. 
Académie  de  Nimes. 
Académie  delphinale,  Grenoble. 
Académie  d'Hippone,  B6ne. 


Académie  nationale»  Reims. 

Académie  des  sciences»  arts  et  belles^lettres,  Bordeaux. 

Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres»  Mftcon. 

Académie  des  sciences»  belles-lettres  et  arts»  Lyon. 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts»  Rouen. 

Académie  des  sciences»  lettres  et  arts»  Arras. 

Académie  des  sciences,  lettres  et  arts»  Marseille. 

Académie  de  Stanislas,  Nancy. 

Comité  historique  et  archéologique,  Noyon. 

Conmiission  des  antiquités  de  la  G6te-d'0r,  Dijon. 

Société  académique  de  Tarrondissement  de  Boulogne-sur-Mer. 

Société  académique,  Laon. 

Société  académique  de  Maine-et-Loire,  Angers. 

Société  académique  de  Nantes  et  de  la  Loire-Inférieure,  Nantes. 

Société  académique  d*archéologie,  sciences  et  arts,  BeauYais. 

Société  académique  des  sciences,  arts  et  belles-lettres,  Saint-Quentin. 

Société  d'agriculture»  sciences  et  arts  de  la  Sarthe»  le  Mans. 

Société  des  antiquaires  de  la  Morinie,  Saint-Omer. 

Société  des  antiquaires  de  Normandie»  Gaen. 

Société  archéologique  de  la  Gironde»  Bordeaux. 

Société  archéologique,  Montpellier. 

Société  archéologique»  historique  et  scientifique,  Soissons. 

Société  dunkerquoise»  Dunkerque. 

Société  £duenne»  Autun. 

Société  d'émulation»  Abbevilie. 

Société  d'émulation  du  Doubs»  Besançon. 

Société  nationale  havraise  d'études  diverses,  Havre. 

Société  de  médecine»  Nancy. 

Société  nationale  d'émulation,  Montpellier. 

Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de  la  Réunion»  Saint-Denis. 

Société  des  sciences  médicales,  Gannat. 

Société  des  setencoa  naturelles,  Cherbourg. 

Société  des  sciences  physiques  et  natnrelles»  Toulouse. 

Société  de  statistique»  sciences,  belles-lettres  et  arts,  Niorté 

Akademie  der  Wissenschaften»  Munich. 

Gesellschaa  fftr  Aathiopolof^e  (Zeitiehrifl  '.fôr  Anthropologie),  Ber- 
lin. 
Physikalisch^konomischen  Gesellschaft  zu  Kœnigsberg. 
Verein  fur  BnNumde^  Dresde. 
Vereim  fir  Irdêumde,  Leipdg. 


■  L  SOCifoÉS  SAVANTES. 

Al«»ee*L«rralBe  • 

Société  d'histoire  naturelle,  Colmar. 

Angleterre. 

Anthropological  Institute  of  Great  Britaiu  and  Ireland,  3,  Hauover 

square^  Londre.-,  W. 
Royal  geographical  Society  of  London. 
Royal  Society  of  Edinburgh. 

Antrlehe. 

Anthropologischen  Gesellschaft,  Vienne. 

Avstralle. 

Royal  Society  of  New  South  Wales,  Sidney. 

Belgique. 

Académie  royale  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Belgique. 
Société  d'anthropologie  de  Bruxelles. 
Société  de  géographie  de  Bruxelles. 

Danemark. 

Société  royale  des  antiquaires  du  Nord,  Copenhague. 

Egypte. 

Institut  égyptien,  Alexandrie. 

ÉtatB-UiUs. 

Academy  of  Sciences,  Saint-Louis. 
American  Philosophical  Society^  Philadelphie. 
Boston  Society  of  natural  history. 
Essex  Institute,  Salem. 

The  Numismatic  and  Antiquarian  Society^  Pliiiadelphie. 
Peabody  Muséum,  Uarward's  University,  Cambridge. 
Smithsonian  Institution,  Washington. 

Anthropological   Society  of  Washington  (The  American  anthro^ 
pologist). 

Gréée. 

Société  historique  et  ethnographique  de  Grèce^  Athènes. 

Hollande. 

Bataviaasch  genootschap  van  kusten  en  Wetenschappen. 
Kon.  Nederlandsch  aardrijkskundig  Genootschap.  Amsterdam* 


SOaÉTis  SAVANTES.  U 

Indes  maglalses, 

Asiatic  Society  of  Bengale  Calcutta. 

ItaMe. 

Societa  italiana  di  antropologîa  ed  etnologîa,  Floreoce. 
Societa  geografica  italiasa,  Rome. 

Âcademia  JlaciODal  de  ciencias,  Cérdoba. 

Société  impériale  des  nataralistes,  Moscou. 
Société  des  amis  des  sciences  naturelles  de  Moscou, 
Société  impériale  de  géographie  de  Saint-Pétersbourg. 
Uni? ersité  impériale  de  Saint- Wladimir,  à  Kiew. 

Svède. 

Svenska  sallskapet  fôr  antropologi  ocli  geograQ  (Ymer  Tidskrift), 
Stockholm. 

8«iMe. 

Natarforschende  Gesellschaft»  BAIe. 
Société  de  géographie,  Genève.  (Le  Globe.) 
Société  yaudoise  des  sciences  naturelles,  Lausanne. 
Société  neufch&teloise  de  géographie. 


BULLETINS 

DE  LA  SOCIÉTÉ 


D'ANTHROPOLOGIE 


DE  PARIS 


m*  SÉANCE.  —  8  jaiTier  I8»l. 
Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

INSTALLATION  DU  BUREAU. 

M.  HoTELAGQUE,  président  sortant,  retenu  par  une  indis- 
position, adresse  à  la  Société  le  discours  suivant,  lu  par 
M.  Hervé  : 

Ghers  Collègues, 

L'année  qui  vient  de  s'écouler  montre,  comme  les  précé^ 
dentés,  que  notre  Société  est  incontestablement  en  état  de 
prospérité.  Il  sufflra,  pour  s*en  rendre  compte,  de  parcourir 
le  volume  des  Bulletins  dont  la  première  moitié  nous  a  déjà 
été  distribuée.  Ce  volume  ne  le  cède  en  rien  à  aucun  de  ceux 
qui  Tout  précédé.  Les  communications  qu*il  contient  sont 
d'an  ordre  extrêmement  varié  ;  elles  traitent  des  différentes 
matières  qui  forment  le  sujet  de  nos  études. 

Tous  avez  abordé  et  vous  poursuivez  en  ce  moment  Texa- 
ouen  d'une  importante  question  qui  donne  à  vos  séances  un 
intérêt  tout  particulier.  C'est  ainsi  que  nos  p^édécesseurs 
ont  traité  autrefois  d'autres  questions  d'ordre  général,  celles, 
par  exemple,  du  croisement  des  races,  de  la  perfectibilité 

T.  n  (4*  StRIB).  j 


3  SÉANCE  DU  8  JANVIER  1891. 

des  fonctions  cérébrales,  de  racclimatation,  de  TinflueDce 
des  milieux,  de  la  consanguinité,  de  la  religiosité,  de  la  civi- 
lisation, du  transformisme.  Depuis  des  années,  Thabitude  était 
à  peu  près  perdue  dHnstituer  des  discussions  de  cette  nature. 
Vous  Tavez  heureusement  fait  revivre.  La  masse  des  docu- 
ments de  toute  sorte  accumulés  aujourd'hui  ne  doit  pas 
demeurer  à  Tétat  de  simple  matériel  plus  ou  moins  scienti- 
fiquement catalogué.  Il  faut  mettre  en  œuvre  ces  matériaux. 
Des  faits  patiemment  et  méthodiquement  amassés,  il  faut 
tirer  cet  enseignement  général  qui  est,  en  définitive,  la 
raison  d^étre  et  le  but  de  notre  science.  Les  séances  du  der- 
nier trimestre  de  cette  année  marqueront  sans  nui  doute 
dans  l'histoire  de  notre  société. 

J'ai  à  m'excuser  de  n'avoir  pu  prendre  part  plus  fréquem- 
ment à  vos  travaux  ;  il  a  fallu,  pour  m'en  éloigner  trop  sou- 
vent, des  obstacles  que  je  n'ai  pu  surmonter.  Mais  le  zèle  et 
le  dévouement  qu*a  apportés  notre  cher  vice-président  de 
Tan  dernier,  notre  président  pour  1891,  ont  rendu  mon  ab- 
sence fort  peu  regrettable  pour  la  Société.  Que  mon  ami 
H.  Laborde  reçoive  mes  bien  sincères  sentiments  de  grati- 
tude. 

Il  vous  a  été  donné  connaissance,  dans  la  séance  du 
17  juillet,  des  résultats  complets  de  l'inventaire  du  mobilier 
et  de  la  librairie  qui,  comme  vous  le  savez,  comprend  l'en- 
semble des  diverses  publications  de  la  Société.  La  commis- 
sion vous  a  fourni  alors  un  aperçu  des  richesses  que  contient 
le  musée.  Dans  une  très  prochaine  communication,  elle  vous 
apportera  le  résultat  définitif  de  son  travail.  Elle  vous  fera 
connaître  la  valeur  commerciale  actuelle  des  nombreux 
objets  relatifs  non  seulement  à  l'anthropologie  anatomique, 
mais  aussi  à  l'ethnographie,  dont  l'ensemble  constitue  un  des 
musées  anthropologiques  les  plus  complets  qui  existent.  Le 
catalogue  détaillé  de  toutes  ces  richesses  sera  bientôt  à  votre 
disposition.  Il  est  à  peine  utile  que  je  vous  dise  quelle  somme 
de  travail  ont  dû  donner  les  membres  de  la  commission, 
MM.  Salmon,  Fauvelle,  Adrien  de  Mortillet,  pour  mener  à 


IKSTAtLATION  DU  BUREAU.  3 

bien  une  entreprise  anssi  considérable.  Ds  ont,  pendant  des 
mois  et  des  mois,  consacré  à  cette  tâche  délicate  la  meilleure 
partie  de  leur  temps. 

C'est  ce  qu'a  fait  également  H.  Issaurat,  délégué  par  la 
commission  administrative  de  notre  bibliothèque,  en  ce  qui 
concerne  cette  dernière.  Les  difficultés,  ici,  ont  été  beaucoup 
plus  sérieuses  qu'on  ne  le  pouvait  supposer.  Il  a  fallu,  pour 
arriver  au  résultat  précis  qui  est  heureusement  obtenu  après 
huit  mois  de  travail  quotidien,  remettre  toutes  choses  sur  le 
chantier  à  plusieurs  reprises. 

L*effort  qu'a  coûté  à  nos  collègues  cette  œuvre  de  longue 
haleine,  menée  à  bien  avec  une  persévérance  et  une  compé-> 
tence  remarquables,  mérite  les  plus  grandes  louanges.  Qu'ils 
reçoivent  Thommage  de  toute  notre  reconnaissance. 

Le  Ck)mité  central  a  voté  les  fonds  nécessaires  à  la  publi- 
cation de  ces  si  utiles  catalogues  dont  l'impression  sera  pour- 
suivie soigneusement.  Il  appartiendra  à  l'avenir  de  tenir  au 
courant  l'œuvre  d'enregistrement  et  de  classement  que  la 
fin  de  Tannée  1890  lui  aura  laissée. 

Malgré  les  dépenses  nécessitées  par  l'inventaire,  les 
finances  de  la  Société,  grâce  à  une  stricte  économie,  sont 
dans  un  état  prospère,  et  tout  porte  à  croire  qu'elles  four- 
niront sans  peine  les  ressources  nécessaires  à  l'entretien  des 
coUeclions. 

La  Société  compte  actuellement  deux  cent  quatre-vingt- 
deux  membres  titulaires,  soit  un  léger  excédent  sur  le  nom- 
bre de  Van  passé.  Elle  a  eu  le  regret  de  perdre  MM.  Barbie 
du  Bocage,  Garlier,  Trélat,  Clary,  Guillon  et  son  ancien 
président  de  1867,  un  des  membres  les  plus  assidus  et  les 
plus  dévoués,  M.  Gavarret. 

Des  dix-neuf  membres  fondateurs  de  notre  Société  qui  se 
réunirent  pour  la  première  fois  en  assemblée  générale  le 
i9  mai  1859,  quatre  seulement  sont  encore  des  nôtres: 
MM.  Delasiauve,  Dareste,  Vemeuil,  Brown-Sequard,  tous 
quatre  membres  honoraires. 

D*aprës  les  premiers  statuts,  le  nombre  des  membres  titu- 


4  SÉANCE   DU  8  JANVIER   1891. 

laires  était  flxé  à  trente.  Il  était  procédé  à  une  élection  lors- 
qu'une vacance  se  produisait.  C'est  le  23  août  1860  que 
Gavarret  fut  élu.  Il  a  donc  appartenu  pendant  trente  ans  à 
notre  Société. 

Élu  vice-président  pour  1866  (il  n'y  avait  alors  qu'un  vice- 
présidenl),  il  ouvrit  la  première  séance  de  cette  année  —  en 
l'absence  de  M.  Périer —  par  une  allocution  dont  le  souvenir 
est  resté. 

a  Les  manifestations  humaines,  disait-il,  quelles  qu'elles 
soient,  nous  apparaissent  comme  des  forces.  A  ce  titre,  elles 
ne  peuvent  étre,et  ne  sont,  en  effet,  que  des  modalités  du  prin- 
cipe dynamique  universel.  La  raison  d'être  de  ces  modalités 
elles-mêmes  doit  être  cherchée  dans  l'organisme  qui  leur  sert 
de  rapport  et  dont  elles  sont  inséparables.  A  vous  qui  avez 
choisi  pour  objet  de  vos  études  la  connaissance  de  l'homme, 
incombe  la  tâche  de  découvrir  les  rapports  intimes  de  ces 
manifestations  humaines  avec  les  autres  forces  de  la  nature. 
Marchez  donc  avec  résolution  dans  la  voie  que  vous  vous  êtes 
ouverte,  et  que  la  sublimité  du  but  à  atteindre  soutienne 
votre  courage.  » 

Chers  collègues,  la  Société  qui  a  compté  dans  ses  rangs, 
et  parmi  ses  membres  les  plus  dévoués,  des  hommes  comme 
Broca,  Berlillon,  Isidore  Geoffroy,  Béclard,  Gratiolet,Parrot, 
Faidherbe,  Gavarret  (pour  ne  parler  que  de  ceux  qui  ne  sont 
plus),  cette  Société  peut  être  fière  de  son  passé  et  elle  peut 
envisager  l'avenir  avec  une  légitime  confiance. 

M.  Laborde,  président  pour  1891,  prononce  le  discours 
suivant  : 

Messieurs, 

Je  ne  puis  m'empècher  de  vous  exprimer  le  regret  sincère 
d'avoir  eu  à  exercer  si  souvent  ma  vice-présidence,  et  ce 
regret  sera,  j'en  suis  sûr,  suffisamment  justifié  à  vos  yeux  par 
le  motif  qui  l'inspire  :  l'état  de  santé  de  noire  honorable 
président  effectif,  M.  A  bel  Hovelacque. 


INSTALLATION  DU  BUREAU.  5 

Quoi  qu'il  en  ait  dit,  avec  sa  bienveillance  et  sa  modestie 
habituelles,  vous  auriez  certainement  gagné  à  une  prési* 
dence  expérimentée  comme  la  sienne,  et  d*une  compétence 
qu'il  serait  diTQcile  d*égaler,  dans  les  choses  de  Tanlhro- 
pologie.  Il  est  vrai  que  j*ai  gagné,  quant  à  moi,  à  cette  sup- 
pléance, un  apprentissage  qui  n'est  pas  inutile  pour  la  bonne 
direction  des  travaux  si  variés,  et  des  ordres  du  jour  ordi- 
nairement et  heureusement  si  chargés  de  la  Société  ;  mais, 
cet  avantage  personnel  ne  saurait  me  consoler  de  Tabsence 
obligée  de  notre  cher  président,  et  je  suis  convaincu  que, 
partageant  ces  sentiments,  vous  vous  unirez  à  moi,  messieurs, 
pour  lui  exprimer  notre  ardent  désir  de  voir  s'améliorer 
déflnitivement  sa  santé,  afin  qu'il  puisse  revenir  régulière- 
ment au  milieu  de  nous,  et  nous  apporter,  comme  par  le  passé, 
son  précieux  concours. 

D'ailleurs,  dans  son  éloignement  forcé,  il  ne  nous  a  jamais 
abandonnés,  il  a  suivi  les  travaux  de  la  Société,  avec  un 
intérêt  et  une  sollicitude  d'autant  plus  vifs,  qu'il  avait  le 
regret  de  n'y  point  participer;  il  vient  de  vous  en  donner  le 
meilleur  des  témoignages  dans  la  récapitulation  et  Tappré- 
ciation  analytique  de  ses  travaux  pour  Tannée  qui  vient  de 
s'écouler. 

Mais  une  preuve  autrement  significative  de  son  dévoue- 
ment à  la  double  institution  que  constituent  solidairement 
la  Société  et  l'Ecole  d'anthropologie,  est  dans  un  événement 
récent  concernant  cette  dernière,  que  je  m'empresse,  et  que 
je  suis  heureux  de  vous  annoncer. 

La  mort  si  regrettable,  à  tous  égards,  du  professeur 
Gavarret,  laissait  l'École  sans  directeur;  et  un  pareil  rem- 
placement n'était  pas  sans  présenter  certaines  difficultés,  eu 
égard  à  toutes  les  conditions  exigées  par  Tintérêt  bien  com- 
pris de  l'École. 

N'écoutant  que  cet  intérêt,  et  la  voix  de  son  profond 
dévouement  à  une  institution  dont  il  fut  un  des  artisans  de 
la  première  heure,  avec  le  maître  illustre  qui  la  créa  de 
toutes  pièces,  M.  Hovelacque  a  bien  voulu  accepter  la  succès- 


6  SiARd  DU  8  lARTlBR  1891. 

sion  de  Oavarret  et  la  charge  de  directeur  ;  charge  qui  a 
pris  une  importance  particulière  depuis  qu*une  ère  nouvelle 
s'est  levée  pour  l'Association,  grâce  à  sa  reconnaissance 
d*utilité  publique. 

Nous  devons  à  M.  Hovelaoque  tous  nos  remerciements  pour 
cette  acceptation  dévouée,  et  en  les  lui  adressant  ici,  je  suis 
assuré,  messieurs,  d*ôtre  votre  fidèle  interprète  ;  car,  rien  de 
ce  qui  intéresse  TÉcole,  notre  sœur  puînée,  ne  saurait  nous 
laisser  indifférents. 

Qu'il  me  soit  permis  de  vous  rappeler  aussi,  à  ce  propos, 
que  les  liens  si  désirables  et  si  précieux  de  TÉcole  d'anthro- 
pologie avec  la  Faculté  de  médecine,  sous  les  auspices  de 
laquelle  elle  a  été  fondée  et  elle  a  vécu,  ont  été  non  seule- 
ment maintenus,  mais  encore  affermis^  depuis  le  départ  de 
Gavarret,  par  la  nomination  de  M.  le  doyen  Brouardel  à  la 
présidence  d'honneur  de  l'Association  pour  renseignement 
des  sciences  anthropologiques,  dont  la  prospérité  est  plus  que 
jamais  assurée. 

Je  m'applaudis  d'en  pouvoir  dire  autant  de  la  Société,  qui 
poursuit  avec  un  succès  constant,  fruit  de  votre  empresse- 
ment et  de  votre  savante  participation,  son  œuvre  patiente 
d'accumulation  et  de  classement  des  matériaux  de  l'histoire 
de  l'homme  et  du  groupe  humain,  dans  le  but  suprême  de 
les  faire  ser?ir  à  son  amélioration  sociale,  au  développement 
et  au  perfectionnement  de  ses  mœurs  ;  œuvre  essentielle- 
ment humanitaire  et  libératrice,  et  qui,  comme  l'a  si  bien 
dit  ici  même  mon  éminent  prédécesseur,  «  travaille  à 
l'affranchissement  intellectuel  et  moral  de  nos  contemporains 
et  de  nos  fils  ». 

C'est  sous  la  haute  et  féconde  inspiration  de  cette  idée  et 
de  cette  mission  ci?ilisatrices,  les  plus  élevées  et  les  plus 
utilitaires  qu'il  soit  donné  de  réaliser  par  la  science,  que 
vous  accomplisses,  messieurs,  et  que  vous  continuerez  à 
accomplir  vos  travaux,  auxquels  je  suis  particulièrement 
heureux  et  fier  d'avoir  été  aj^pelé  I  présider. 


OUVRAGES  OFFERTS.  7 

Je  ferai,  eomme  je  m*y  suis  déjà  appliqué,  tous  mes  efforts 
pour  me  rendre  digne  de  votre  haute  conflance;  et  vous 
pouvez,  du  moins,  compter  sur  mon  dévouement  absolu  à  la 
Société  et  à  ses  intérêts. 

Permettez-moi  de  compter,  à  mon  tour,  sur  Tindulgence  et 
la  bienveillance  auxquelles  vous  m'avez  habitué. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  propose  à  la  Société  de  voter  des 
remerciements  au  bureau  sortant. 

M.  le  Président  propose  de  voter  des  remerciements  à 
MM.  Fauvelle,  Salmon  et  Issaurat,  pour  le  dur  labeur  de  mise 
en  ordre  et  de  confection  de  Tinventaire  des  collections  de  la 
Société. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

BuscHAN  (D' G.).  Die  Heimath  und  das  Alter  der  europatschen 
Kulturpflanzen  [Separalabdruck  ans  dem  Con^espondenz-Blatt 
der  Deutschen  anthropologischen  Gesellschaft),  1890,  n'  10, 
8  pages. 

Chatellier  (P.  du).  Crâne  trépané  découvert  à  Crozon  {Finû- 
1ère],  le  20  septembre  1843  (Ext.  des  Mémoires  de  la  Société 
d^ émulation  des  Côtes-du-Nord),  In-8",  8  pages  et  1  planche. 

Gabeau  de  kbrville  (Henri).  De  ta  coloration  asymétrique  des 
yeux  chez  certains  pigeons  métis  (Ext.  du  Bulletin  de  la  Société 
des  amis  des  sciences  naturelles  de  Rouen,  an  née  1 887 ,2'  semestre) . 
Rouen,  1888,  in-8'*,  ^pages.  (Ouvrage  présenté  par  M.  Hervé). 

Marchesetti  (D'  Carlo).  Ricerche  preistoriche  nelle  caverne 
di  S,  Canziano  presso  Trieste  {Estratto  dal  Bolletino  délia 
Società  Adriatica  di  Scienze  naturali  in  Trieste,  vol,  XI,  1889). 
Trieste,  in-8^,  19  pages  et  2  planches  ; 

La  nécropoli  di  S.  Lucia  presso  Tolmino.  Trieste,  1886,  in-8°, 
73  pages  et  10  planches. 

Mortillet  (G.  de).  Formation  des  variétés;  albinisme  et  gau- 
ckiuement  (Ext.  des  Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie^ 
séance  du  3  juillet  1890).  Paris,  in-8%  10  pages.  (Présenté  par 
Tauteur.) 


8  SÉANCE   DU  8  JANVIER    1891. 

Neugebauer  (D'  Franz  Ludwig).  Worte  der  Nothwehr  gegen 
Seine  Excellenz  den  KaherL  Russichen  Geheimen  Rath^  PrO' 
fessor  D' med,  Herrn  Wilhelm  Duozan  Lamhl.  Leipzig,  in-8*, 
78  pages, 

Verneau  (D').V Enfance  de  l'humanité.  7*  L*Age  de  la  pierre, 
Paris,  1890,  in-16,  295  pages  et  66  figures.  (Présenté  par 
Tauteur.) 

PÉRIODIQUES. 

Journal  des  savants  (novembre  1890).  G.  Dareste  :  Evolution 
de  la  famille  et  de  la  propriété;  A.  de Quatrefages  :  Critiques 
and  Addresses  de  Huxley. 

Revue  scientifique  (27  décembre  1890) .  P.  Bonnier  :  1*  Audition 
chez  les  invertébrés.  —  (3  janvier).  Ch.  Richet:  la  Natalité 
en  Europe  depuis  vingt  ans.— (10  janvier).  Rosenthal:  Lavoi* 
sier  et  son  influence  sur  les  progrès  de  la  physiologie  ;  Vivian 
Poor  :  la  Vie  au  sein  de  la  terre  ;  Hermann  Fol  :  la  Ressem- 
blance entre  époux. 

Le  Progrès  médical  (3  janvier).  Alex.  Pilliet  :  Débris  de  cap- 
sule surrénale  dans  les  organes  dérivés  du  corps  de  Wolff. 

Bulletin  de  la  Société  royale  belge  de  géographie  (septem- 
bre, octobre  1890).  Aug.  Couvreur:  la  Turquie  en  Europe  et 
les  États  des  Balkans  ;  Keïla  Gob  :  le  Costume  japonais. 

Mittheilungen  der  Anthropologischen  Vereins  in  Schleswig- 
Hohtein  (1890-1  Heft).  Eine  wendische  Ansiedlung  am  Schar- 
see  ;  Ausgrabungen  des  Professor  Pansch  am  Hopsô;  Sicher- 
gestelltc  alterthumsdenk  mâler. 

Bulletin  ofthe  Muséum  of  Comparative  Zoology  at  Hmward 
Collège  (Vol.  XX,  n«  3).  Preliminary  account  of  the  fossil 
mammals  from  the  White  river  and  Loup  fork  formations. 

Journal  and  Proceedings  of  the  Royal  Society  of  New  South 
Wales  (1880,  Part.  H).  J.  Malhew:The  Australian  Abori- 
gines  ;  Edward  Stephens  :  The  Aborigines  of  Australia,  being 
Personal  recollections  of  those  tribes  which  once  inhabited 
the  Adélaïde  plains  of  South  Australia. 


OUTRAGES  PÉRIODIQUES.  9 

The  Journal  anatomy  and physiology  (janvier  i  891  ).  M.  Bene- 
dikt:  Some  Points  on  the  surface  anatomy  of  the  brain  ;  An 
open  Letter  to  sir^William  Turner;  R.-W.  Shufeldt:  Fur- 
ther  Notes  npon  tbe  crania  of  North  America  Indians  ;  Roger 
Williams  :  Polymalism  witb  spécial  référence  to  mammsB 
erraticœ  and  Ihe  Development  of  neoplasms  from  supernu- 
merary  mammary  structures  ;  Arthur  Tbomson  :  Note  on  the 
skin  and  scalp  of  the  negro  fœtus  ;  D.-J.  Cunningham  :  The 
Sylvian  fissure  and  the  Island  of  Reil  in  the  primate  brain. 

Nature  (25  décembre  et  1"  janvier).  The  Australian  Abori- 
gines;A.-F.  PainteriTbe  Hill  Arrians  of  India;  Clément: 
Ancient  mounds  at  Floyd^  Jowa. 

American  naiuralist  {octobre  et  novembre  i890).  Charles 
Sedgwick  Minot  :  The  Mesoderm  and  the  Cselom  of  verté- 
brales (illnstrated)  ;  E.  D.  Gope  :  Tbe  Evolution  of  mind  ; 
L.-H.  and  W.-H.  Luce  :  Three  Cases  of  bypospadias  in 
which  the  sex  was  undeterminable  unlil  puberty  ;  Samuel 
N.  Rhoads:  Probable  Causes  of  polygamy  amongbirds. 

ZeiUchrift  fur  Ethnologie  (i890-Heft  V).  Otto  HeiniAlt- 
preussische  Wirthschaftsgeschichte  bis  zur  Ordenszeit  ;  Kr. 
Templin  :  Bronzeschwerter  von  Horst,Ost-Priegnitz,und  Bur- 
gwall  ;  Schlesien  :  Flache  eiserne  Schalen  von  Trachenberg  ; 
Scbweden  :  Kragenartiger  Bronzebalsschmuck  von  Gotland  ; 
Mark  Brandenburg:  Bronzedepôtfund  von  Heegermûhie  bei 
Eberswalde  ;  Rud.  Virchow  :  Samoaner  ;  Schliemann  :  Aus- 
grabungen  auf  Hissarlik  ;  L.  v.  Rau:  Sichte  (10  Zinkogr,); 
Siebcke  :  Hufeisensteine  im  Kreise  Storman  (6  Zinkogr.)  ; 
Handebmann  :  ûerâlhe  und  Steinsarkophage  aus  rheinis- 
chem  Trass  in  Schleswig-Holstein  ;  Wunder,  Virchow  :  Reste 
eines  alten  Bootes  ans  dem  AUuvium  von  Leipzig;  Reinach, 
Virchow  :  Archâologische  Funde  aus  dem  mëhrischen  Dilu- 
vium  ;  0  Slaudinger,  Virchow  :  Somali  und  Wakamba  in 
Berlin,  R.  Hartmann;  Bensbach,  Schmellz:  Geschwftnzte 
Leutevon  derGeelvinkbai,  Neu  Guinea;  Moncony,  R.  Forrer, 
Virchow:  Kind  mit  Makroglossi  ;  Brantz  :  Photographie  einer 
mongolischen  Prinzessin  im  Strassenkostûm;  Vater  :  Steinbeil 


10  SÉÀNGB  DU  8  JANVIER  i89i. 

und  Bronzemesser  von  Uterhorst  bei  Nauen  ;  Mense,  Schwcia- 
furth,  Virchow,  Hartmana  :  Skelet  und  Schâdel  Yon  Buseh- 
minnern;  G.  Krause,  Vlrcbow,  Sckwartz:  Ausflug  nach 
Stendal  und  Umgegend  ;  KUnne,  Virchow  :  Griechischer  Sch&- 
del  von  Akragas  (Girgenti)  ;  R.  Virchow:  Nordkaukasische 
Alterthûmer  (82  Zinkogr.)  ;  H.  Scbliemann  :  Ausgrabungen 
in  Troja  ;  Vircbow,  E.  v.  Marions  :  Koncbylien  der  Troas  ; 
Krause  :  Die  Aegis  der  Gôttin  Atbene  in  Troa  (Zinkogr.)  ; 
Radde,  V.  Luscban,  ZintgrafT  :  Reisen  der  Herren  Hirtb  ; 
F.  Kiilm:  Photographie  des  Hrn.  Kund;  v.  Duhring,  F.  Mo« 
reno:  Yerkebr  mit  Wissenscbaftlioben  Yereinen  in  Mexico 
und  La  Plata;  Apponyi:  InternationalerCongress  der  geogra- 
phischen  wissenschaften  in  Bern  1891  ;  Kûnne  :  Bucherges- 
chenk  ;  Schierenberg,  Virchow  :  Aufnahme  an  Scbulkin- 
dern  zu  Horn,  Lippe  ;  R.-A.  Philippi  Pfeilspilzen  und  Pfeifcn* 
kopfe  in  Sûdamerika;  H.  v.  Ihering  :  Schreiben;  H.-S. 
Vodskov  :  Seelencult;  Rackwitz  :  Verbreitung  der  osier  und 
anderer  Feuer;  Bartels  :  Photograpbien  von  megalitbischen 
monumenten  und  Bauerbausern  in  Westfalen;  Tellen  :  Alte 
Eisenscbmelzst&lte  in  Versmold,  Westfalen  ;  Schumann  : 
Torfscb&dei  von  Trampe  Uckermark  ;  R.  Andrée  :  Volksleben 
und  Arcb&ologiscbes  in  Savoyen  (2  Zinkogr.). 

CANDIDATURES. 

M.  le  docteur  Garnibr,  médecin  de  l'infirmerie  spéciale  du 
Dépôt  de  la  préfecture  de  police,  présenté  par  MM.  Magnan, 
Laborde,  Hervé. 


PRESENTATIONS. 

les  d«  ha«l  Congo  t 


PAR  M.  E.  COLLIN. 


J'ai  eu  l'occasion  de  me  procurer  quelques  armes  prove- 
nant du  haut  Congo  français,  et  je  ne  puis  résister  au  plai- 
sir de  vous  les  soumettre  à  nouveau,  quoiqu'elles  vous  soient 
dé(jà  familières, 


DISCUSSION  BUa  DES  A1ME8  DU  HAUT  CONGO.  14 

Voici  deax  couteaux  de  sacrifice  des  peuplades  de  l'est, 
dans  la  région  des  grands  lacs,  depuis  le  lac  Victoria  jusque 
chez  les  Tonbous  dans  le  désert,  probablement  Nyam^nyam 
ou  Momboutlous  (?).  Schweinfurtb^  dans  Arte$  Africarue,  ne 
mentionne  pas  cette  forme  d'instruments  de  supplice. 

Des  deux  instruments  que  je  présente,  Tnn  mesure  38  cen- 
timètres ;  e'est  le  plus  grand  couteau  connu  ;  celui  de 
M.  Penne  n'a  que  31  centimètres.  Les  rainures  en  forme  de 
canalisation  servent  à  Técoulement  du  sang. 

A  VExposition  universelle  de  1889,  nous  avons  remar- 
qué, dans  la  collection  Penne,  des  aimures  sous  le  nom  de 
sacrificateurs  provenant  du  haut  Ogouwé,  appartenant  aux 
peuplades  Osébay  peuplades  plus  au  midi,  et  que  chaque 
féticheur  ou  chef  bakalais  porte  sur  lui. 

Ici,  permettez-moi  de  citer  un  fait  que  M.  Penne  a  bien 
voulu  me  communiquer.  Lorsqu'un  naturel  en  veut  à  un 
autre,  il  fait  venir  un  féticheur.  Celui-ci  fait  prendre  à  la 
victime  des  médicaments  à  sa  façon  et  attend  Teffet.  Le  ma* 
lade  tombe;  il  est  empoisonné.  Si  Teffet  se  fait  trop  attendre, 
le  féticheur  saigne  la  victime  à  gauche  du  cou  et  à  Taine,  et, 
lorsque  les  nerfs  dénudés  apparaissent,  il  dit  :  «  Vous  voyez, 
i)  faut  qu'il  meure,  p  Et  alors  il  finit  l'office  de  bourreau 
qu'il  avait  si  bien  commencé^  en  enfonçant  la  pointe  de 
celte  arme  en  bec  d'oiseau  dans  le  cou,  et  en  retournant 
l'arme  pour  frapper  et  détacher  la  tête* 

Biscussion. 

M.  Vbbnbau  dit  que  ces  formes  sont  originaires  de  TAfrique 
orientale.  Elles  seraient  probablement  d'origine  palouine  et 
présentent  toujours,  dans  ce  pays,  une  gouttière  qui  devait 
laisser  passer  le  sang  des  victimes.  Au  Congo  et  au  Gabon, 
ees  gouttières  sont  devenues  des  ornements.  Ce  sont  des 
armes  dues  à  une  industrie  importée  de  l'est. 

M.  Adrui  de  MoaiuXBT  pense  que  ce  ne  sont  pas  seulement 
des  instruments  de  Sacrifice,  mais  aussi  des  arme*  dé  jet.  OA 


42  SÉANCE   DU  8  JANVIER  1891. 

les  rencontre  aussi  bien  dans  l'ouest  que  dans  Test  de  i*AfrL- 
que.  Il  y  a  des  types  beaucoup  plus  compliqués  que  ceux-ci, 
qui  ont  la  forme  d'une  tête  d*oi$eau  ;  ces  objets  présentent 
parfois  jusqu'à  six  pointes. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  dit  qu'on  fabrique  ces  types  dans 
le  pays  ;  mais  les  Anglais  en  ont  fabriqué  eux  aussi  et  en  im- 
portent en  Afrique  des  quantités  considérables.  Tout  comme 
pour  certains  bracelets  de  bronze  du  Dahomey,  qui  ont  été 
fabriqués  à  Nantes. 

M.  Hervé  dit  que  les  populations  du  centre  de  l'Afrique 
sont  en  plein  déplacement  depuis  un  siècle. 

Suite  de  la  diseusâion  sur  le  faible  accrolssemeof 
de  la  population  en  Franee. 

M.  Beauregard  présente  un  Manuel  des  confesseurs  de  1593. 
Il  lit  certains  passages  relatifs  à  la  réglementation,  par  le 
confesseur,  des  rapports  sexuels.  Un  second  volume,  celui 
d'Escobar,  renferme  un  certain  nombre  de  prescriptions  que 
lit  en  latin  M.  Beauregard.  Le  troisième  est  moderne  et  dû  à 
M>^  Bouvier.  En  somme,  il  résulte  de  tout  cela  que  les  con- 
fesseurs doivent  donner  toutes  les  indications  pour  que  les 
époux  procréent  le  plus  grand  nombre  d*enfants  possible. 

A  propos  de  Télat  stationnaire  du  chifTre  de  la  population 
en  France,  il  a  été  dit,  je  crois,  non  pas  précisément  que  les 
ministres  de  la  religion  catholique  prescrivent  ouvertement 
la  restriction  dans  les  effets  naturels  et  légitimes  du  droit 
conjugal,  mais  qu'il  se  peut  bien  que  le  célibat  par  vocation 
religieuse  et  d'ailleurs  recommandé  comme  un  état  désirable 
et  voisin  de  la  sainteté  intervienne,  dans  une  certaine  propor- 
tion, et  même  dans  une  proportion  sensible,  dans  le  déficit  de 
la  natalité  annuelle  dénoncée  aux  pouvoirs  publics. 

Je  n*ai  point  par  moi-même  ni  à  ma  disposition  de  statis- 
tique qui  me  permette  de  mesurer  l'état  négatif  du  célibat 
religieux  sur  la  natalité  annuelle  en  France  ;  mais  j'apporte 
ici^  en  le  donnant  pour  ce  qu'il  vaut,  le  témoignage  indé- 


DISCUSSION   SUR   LA  NATALITÉ  EN  FRANCE.  i3 

niable  de  rintervention  des  conseils  de  TÉglise  catholique 
dans  le  mode,  la  pratique  et  les  effets  de  l'acte  conjugal. 

Dans  son  livre  :  Aphorismi  cenfessariorum  (1593),  Emma«- 
nuel  SA,  societatis  Jesu^  écrit  ce  qui  suil^  à  propos  du  devoir 
interconjugal  : 

Page  14i,  ^  6  :  «  Gopulari  antè  benedictionem  levé  pecca- 
tum  est  (etsi  quidam  mortale  esse  putant).  » 

Page  448,  f  6  :  «  Nec  benedictionem  omittere,  nec  antè 
eam  consammare  matrimoninm,  est  mortale.  Quod  si  fiant 
hsc  sine  causa,  est  veniale.  » 

Page  145,  ]^  14  :  «  Nullus  copulse  modus  si  fiât  in  vase  dé- 
bite, id  est  intra  uxoris  pudenda,  est  peccatum  mortale,  nisi 
sit  periculum  impediendi  generationem,  nec  si  fiât  in  festo, 
aut  quovis  alio  tempore^  aut  cum^  uzore  gravida,  modo  absit 
periculum  abortûs.  » 

Page  443,  f  12:  a  Gopulam  in  loco  sacro  mortale  esse  pec- 
catum, etiam  reddentis,  quidam  aiunt  ;  ego  etiam  petitionem 
puto  aiiquando  posse  a  morlaii  excusari,  si  fiât  ad  vitandum 
peccali  periculum  aut  alla  justa  causa*  » 

Page  146,  f  il  :  a  Inchoatam  copulam  omiltere  ante  semi- 
natioaem  non  est  mortale  nisi  sit  alterutro  ex  eo  periculum 
poUutionis.  » 

Page  454,  f  ^:  n  Gontrahere  prinoipaliter  matrimonium 
ob  pulcbritudioem  aut  divitias,  non  est  mortale»  nec  contra* 
hère  invitis  parenlibus,  si  absit  scandalum.  » 

Page  146,  f  \S:  <i  Non  est  mortale  non  reddere  (debitum) 
ssBpissime  et  moleste  pelenti  ;  moderate  enim  petendum  :  aut 
sic  petenti  ut  non  intendat  admortale  peccatum  obligare^  aut 
quia  plures  jam  sunt  filii  quam  ut  ali  possint  a  pareatibus  ; 
in  omnibus  tamen  dictis  casibus  excipiendum,  nisi  in  petente 
esset  alioqni  periculum  incontinenliœ.  » 

Page  146»  f  id:  a  Debitum  petere  nocte,  mane  communi* 
caturum^  peccatum  est,  sed  non  mortale.  » 

Escobar,  qui  fut  l'un  des  vingt- quatre  docteurs  de  la  So- 
ciété de  Jésus,  dans  son  gros  livre  :  Teologia  moralis  (1644), 
s'occupe  également,  en  termes  chastes  et  mesurés,  du  jeu 


44  séânci  du  8  JÀNTiKR  4801. 

de  la  copulation  à  l*asage  des  personnee  saintement  nnies. 

Dans  son  livre,  Escobar  procède  par  demande  et  par  ré- 
ponse. 

Page  184y  f  9&  :  «  Potestne  adnlter  petere  debitnm  ab 
uxore  î 

d  Potest  amioô  citra  aotionem.  » 

Page  i  1 17,  ]^  53  :  a  Conjuguai  alias  exprime  obligationes... 
Prœlerea  conjugalis  actus  bonus  est,  si  ob  prolem  flat,  vel  ad 
debitum  reddendum  ;  ob  alias  fines,  veniale  non  ezcedlt  ;  ob 
delectationem,  sanilatem  et  similes.  » 

Page  1117,  f  55  :  «An  sacroinlocolicitus  sitactus  conjugii? 

«  Saoer  locus  sub  mortali  respicit  hujus  modi  actum,  extra 
oasnm  necessilatis.  » 

Page  1117,  f  57:  <  Estne  copnla  simnl  complenda?  Si 
possit,  complenda  esset  simnl;  si  non  possit  alteri  expec- 
tandum  dum  perficit  aller,  non  autem  necesse  est.  n 

Page  1117,  ]^  63  :  «  Licetne  tractus  venerei  inter  con- 
juges?  Si  referuntur  ad  copulam,  llcili  sunt.  Si  ad  majorem 
voluptaiem  capiendam,  veniales  ;  si  ad  pollutionem  extra  vas 
vel  oum  illius  moralî  periculo,  mortales  sunt.  » 

Plus  près  de  nous  (1834),  M»'  Bouvier,  évêque  du  Mans, 
dans  son  livre  :  Disserialio  in  sextum  dialogi  praceptum,  sait 
être  bien  plus  explicite  que  ces  devanciers,  et,  tout  en  se  réfu- 
giant pourtant,  comme  eux,  pour  étendre  la  tolérance,  dans 
les  cas  de  nécessité  et  de  simple  convenance  de  lieu  et  de 
personne,  il  s^exprime  avec  une  hardiesse  d*expression  qui 
va  jusqu'à  mettre  les  points  sur  les  i  et  les  chevilles  dans  les 
trous  qu'il  rencontre. 

Je  le  laisse  parler,  d'autant  plus  volontiers  que  les  conseils 
et  les  prescriptions  de  Ms'  Bouvier  sont,  dans  son  livre,  pré- 
cédés ou  suivis  de  descriptions  et  de  constatations  bien  ca- 
pables de  nous  faire  comprendre  qu'il  parle  ex  professa. 

Page  33  :  «  Per  virginem  hic  non  inteiligitur  persona  que 
contra  castitatem  nunquàm  peccavit,  benè  vero  ea  quœ  car- 
nis  integritatem  servavit,  et  signaculum  virginitatis  habere 
dicitur. 


DISCUSSION   SUR  LA  NATALITÉ  BK   FRANCE.  18 

«  Quanti  httc  carnis  integritas  apud  omnes  œstimetur^ 
Démo  nescit.  » 

Page  40  :  t  Goncabitas  etiam  légitimas  conjugum  in  loco 
sacro,  absqne  necessitate  exercitns,  malicium  saorilegii  oon* 
trahit.  » 

Page  54  :  a  Alia  est  sodomise  species,  quœ  est  concnbltus 
cum  persona  diversi  sexns,  sed  extra  vas  oatarale^  v.  g.  in 
vase  posteriori,  in  ore,  inter  mamillas,  cmra  tel  femora.  » 

«  Page  87  :  «  Oscnla  etiam  honesta  ex  motivo  libidinis 
data  vel  accepta^  inter  personas  ejusdem  vel  diversi  sexfis, 
sont  peccata  mortalia.  Oscula  aulem  in  partes  corporis  inso- 
litaSy  y.  g.  in  pectus,  in  mamillas,  vel  more  columbamm, 
linguam  in  os  intramittendo  exercita,  exintentione  libidinis 
fleri  consentnr,  ant  saltem  grave  pericalam  libidinis  indn- 
cunt,  et  ideo  a  peccato  mortali  excusari  nequennt.  » 

Page  90  :  «  Mortaliter  procnl  dubio  peccaret  mulier  qnœ, 
etiam  sine  affectu  libidinoso,  permitteret  se  tangi  in  pnden- 
dis,  ant  partibns  vîcinis,  vel  in  mamillis.  » 

Page  94  :  «  Morose  aspicere  ubera  pulchrœ  mulieris  nnda 
est  peccatum  mortale.  » 

Page  129  :  «  Gonsummatio  (matrimonii)  fil  per  emissionem 
seminis  viri  in  vas  naturale  mulieris  vel  per  commixtionem 
viri  ac  mulieris.  » 

Page  144  :  a  Qnseritur  an  matrimonium  sit  validnm  quando 
mnlier  arcta  per  commercium  cum  altero  facta  est  apta  ? 

a  Gommuniùs  docetur  illud  esse  validnm.  » 

Page  158  :  «  Gonjuges  per  se  non  tenentur  debitum  conju- 
gale pelere  ;  naoi  unusquisque  jnri  suo  cedere  potest.  Ali- 
quando  tamen  tenentur  per  incidens,  videlicet  si  ad  prœca- 
vendum  grave  religionis  ant  reipublicœ  damnum,  prolis  sus- 
ceptlo  necessaria  sit.  n 

Page  168:  a  Gonjux,  qui  in  usu  matrimonii  exoptat  ut 
proies  ex  suâ  actione  non  nascatur,  peccat.  » 

Page  169  :  <c  Constat  scripturà  sacra  et  ralione  strictam 
existere  obllgationem  pro  utroque  conjuge  reddendi  debitum 
alteri  expresse  vel  tacite  petenti.  » 


n 


16  SÉANCE  DU  8  JANVIER  4891. 

Page  172  :  <i  Debitum  negare  non  licet  ob  meium  numero- 
sioris  prolis.  » 

Page  176:  u  Peccatum  Onœ  in  eo  consistit  quod  vir,  post 
penetratîonera,  se  relrahat  et  semen  extra  vas  mulleris, 
effundat  ut  generationem  impediat.  » 

Page  188  :  «  Mortaliter  peccanl  conjuges  si  actus  valdè 
turpes  et  bonestati  natnrali  graviter  répugnantes,  prœsertim 
eos  qui  ad  copulam  in  vase  indebito  ordinantur  ;  v.  g.  si 
mulier  membrum  viri  in  os  suscipiat...  qui  copulam  babent 
cum  gravi  periculo  al)ortûs. 

«  Peccatum  est  mortale  si  conjuges  generationem  impe* 
diant,  v.  g.  si  mulier  semen  ejiciat,  vel  ejicere  conetur,  et 
proprium  semen  exteriùs  profundat.  » 

Page  t89:  «  Mortaliter  adbuc  peccant  conjuges  si  in  usa 
conjugii  adullerinum  babeant  affectum,  id  est,  si  aliam  perso- 
nam  sibi  prœsentem  esse  fiogant  et  in  cogitatione  commercii 
cum  illa  babila  volun tarie  delectantur.  Idem  si  copulam  ex 
fine  mortaliter  malo  exerceant,  v.  g.,  si  vir  debitum  petat 
aut  reddat  ex  desiderio  quod  uxor  difficultate  pariendi  mo- 
riatur.  » 

Quoique  le  plus  souvent  entachées  d'une  réticence  qui  en 
atténue  la  portée  et  l'efficacité,  toutes  ces  adjurations  pasto- 
rales tendent  bien  aux  Ans  naturelles  du  mariage,  c'est-à-dire 
à  la  plus  grande  propagation  de  l'espèce  bumaine. 

M.  Fauvelle:  dit  que  la  religion  catboUque  jette  sur  les 
relations  sexuelles  une  déconsidération  complète. 

Note  Bor  les  relation»  die  la  eapaelté  erAnienae» 
du  poids  et  ém  irolame  da  eerveaa  ehes  rhomoie  ; 

PAR   M.   CH.    DBBIBRRB. 

Cette  communication  a  été  déjà  publiée  par  la  Société 
d'anthropologie  de  Lyon  (1891). 

La  séance  est  levée  à  six  heures  un  quart. 

L*tên  des  iecrilairei  :  CAPITA^. 


OUVRAGES  OFFERTS.  17 


530*  StANCe.  —  M  jaoTier  1801. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

commcjmcàtioks  du  bureau. 

.  M.  le  Secrétaire  général  annonce  la  mort  d*un  membre 
de  la  Société,  M.  Delehaye  ;  il  prononce  quelques  paroles  de 
regret. 

M.  LE  Président  annonce  à  la  Société  que,  dans  sa  der- 
nière séance,  le  Comité  central  a  élu  membre  M.  Oiiivier 
Beauregard. 

La  commission  des  échanges  a  été  ainsi  composée  : 
MM,  Gabriel  de  Mortillel,  Hervé,  Salmon,  Sanson,  Vinson. 

ouvrages  okferts. 

Mies  (D*).  Ein  Fall  angebomem  Mangjsn  des  5  Fingers  und 
Mtttelhandknochens  der  Reichten  Hand, 

—  Ueber  ein  Instrument  zur  Bestimmung  korrespondirender 
Punkte  auf  Kopf.  Schàdel  und  Gehim. 

—  Ueber  die  Bôke  und  die  ffôhenzahl  des  Gewichts  und  des 
Volumens  von  Menschen  und  Thieren, 

M.  Ollivier  Beauregard  offre  à  la  Société  un  petit  livre 
blilulé  la  Science  la  robe  au  vent,  souvenir  du  VIII*  Congrès 
iaternalional  des  orientalistes.  Stockholm-Christiania,  1889. 

Ce  livre  renferme  des  gravures  donnant  une  idée  des  cos- 
tumes suédois  dans  Tantiquité.  M.  Oiiivier  Beauregard  fait 
remarquer  que  Temblème  héraldique,  très  fréquent  en  Suède, 
est  le  lion. 

Les  couteaux  actuellement  en  usage  chez  les  matelots  ont 
encore  la  même  forme  que  les  couteaux  antiques.  Enfln,  Tau- 
leur  a  pu  relever  la  trace  de  sacrifices  humains  à  une  époque 
relativement  peu  ancienne.  Les  barques  du  dixième  siècle, 

T.  II  (4*  SÉRIE).  2 


18  SÉANGB  DU  32  UNVIBR   1891. 

étudiées  d'après  les  monuments,  avec  lesquelles  les  Suédois 
allèrent  en  Amérique,  n'avaient  pas  de  gouvernail  à  pivot. 

M.  Oluvier  Beauregard  lit  une  notice  sur  une  série  d  ou- 
vrages qu'il  vient  d'offrir  à  la  Société  et  qui  comprennent 
deux  incunables.  Des  remerciements  sont  adressés  au  dona- 
teur. 

PÉRIODIQUES. 

L*  Alliance  scientifique^  Bulletin  de  la  Société  d  ethnographie 
(janvier  1891). 'Jacques  Tasset  :  le  Nirvana  bouddhique. 

Comptes  rendus  hebdomadaires  des  séances  de  la  Société  de 
biologie  (16  janvier  1891).  Docteur  H.  Arnaud  ;  Présentation 
d'un  cas  d'anomalie  de  position  du  cœur. 

Builetinde laSociété de  géographie [ivohihmQ  trimestre  1890). 
J.-G.  Reichenbach  :  Élude  sur  le  royaume  d'Âssinie  ;  Gh. 
Rabot  :  Exploration  dans  la  Laponie  russe,  ethnographie; 
D' Nicolas  Severtzow  :  Études  de  géographie  historique  sur 
les  anciens  itinéraires  à  travers  le  Pamir. 

Bulletin  of  the  Muséum  of  comparative  zoology  at  Harvard 
Collège  (vol.  XX,  n^  5).  G.-H.  Parker  :  The  Eyes  in  blind  cray- 
fishes. 

Cosmos  delprof,  GuidoCora  (maggio-giugno  1890).  J.-G.  : 
La  Nuova  Guinea  britannica,  esplorazioni,  studi,  coloniz- 
zazione;  E.  fiaudi  di  Vesme  :  Viaggio  nellinterno  del  paese 
dei  Somali  ;  G.-V.  Burmeister  :  Due  Yiaggi  di  C.-V,  Bur- 
meister  nella  Patagonia. 

Aiittheilungen  der  Anthropologischen  Gesellschafi  in  Wien 
(XX  Band,  m  et  iv  Heft.)  :  J.-N.  Woldrich  :  Prfthistorische 
Fundstâtten  bei  Kromau  in  Mâhren;  Bretislav  Jelinek  :  Die 
Funde  zu  Siup  bei  Prag. 

MiUheilungen  des  Anthropologischen  Vereins  in  Schlesmig^^ 
Holstein  (1891,  l'''  fasc).  J.  Mestorf  :  Die  Ausgrabungen  des 
-|-  Professors  Pansch  ;  Handelmann  :  Sichergestellte  Alter- 
thumsdenktnftler  ;  Der  limes  Soxoniœ  in  den  Kreisen  Stormam 
und  Segeberg;  J.  Mestorf  :  Ueber  gewisse  typische  Bronze- 
ringe  ;  Uandelmanu  :  Silberfuudo,  und  Hinge  mit  Schiebern. 


GANDIDATURBS.  19 

Mittheilungen  aus  Justus  Perthes,  geographischer  Anstalt 
(i890-xi).  Ratzel  (D'  Friedr.)  :  Versuch  einer  Zusammenfas- 
suDg  der  ^rissenschafllichen  Ergeboisse  der  Slanleyschen 
Darchquerung. 

NaturCj  de  Londres  (8  janvier  1891).  Prof.  George  J.  Ro- 
manes :  Are  the  Efifects  of  use  and  disuse  inherited? 
—  (15  janvier  1891).  Prof.  Henry  0.  Forbes  :  Throwing- 
Sicks  and  Canœs  in  New-Guinea. 

Revue  de  l  hypnotisme  (janvier  1891).  Prof.  A.  Pitres  :  Des 
variations  de  la  personnalité  dans  les  étals  hypnotiques; 
mémoire  relatif  à  certaines  radiations  perçues  par  les  sensi- 
tifs;  suggestions  criminelles  et  responsabilités  pénales. 

Bévue  des  sciences  naturelles  appliquées  (20  janvier  1891). 
H.  B.  :  le  Bétail  sauvage  de  Tlndo-Chine. 

Revue  scien^i^9we(n  janvier  1891).  P.  Sollier:  les  Troubles 
du  langage  dans  Tidiotie  et  Vimbécillité. 

Revue  des  traditions  populaires  (13  décembre  1890).  Ch,  Har- 
douin  :  Traditions  et  Superstitions  siamoises  (suite)  ;  Clément 
Rubbens:  Préjugés  en  Louisiane  ;  G.- M.  Ollivier  Beauregard  : 
Proverbes  et  Dictons  malays. 

Ymer  ttdskrift  utgifven  afSvenska  sàllskapet  fôr  antropologi 
ochfjeografi  (1890,  2-3  bœft).  Ernst  Garlson  :  Geograflen  sa- 
som  vetenskap  ocb  geographien  sâsom  skoldmme. 

DÉLÉGATION  SCIENTIFIQUE. 

M.  le  docteur  Fernandez  Ortigosa  ayant  demandé  une  dé- 
légation pour  recueillir,  au  Mexique^  des  objets  destinés  au 
Musée  de  la  Société,  cette  délégation  lui  est  accordée  par 
acclamation. 

CAI^DIDATURES. 

M.  A.  PoNCHON,  directeur  de  l'école  communale  d'Airaines 
(Somme),  présenté  par  MM.  P.  Salmon,  Adrien  de  Mortillet 
etÉmUeColiin. 


âO  SÉANCE   DU  â2  JANVIER   4891. 


Rapport  sur  le»  flnanees  de  la  Soelété  ; 

par  m.  fautbllb,  tr&oribr. 

Messieurs, 

Conformément  à  Tarticle  31  du  règlement,  j*ai  rhonneur 
de  vous  présenter  les  comptes  de  l'exercice  1890,  c'est-à-dire 
le  bilan  annuel,  qui  comprend,  comme  vous  le  savez^  d'une 
part^  Tinventaire  financier  au  31  décembre  1890,  et,  de 
l'autre,  l'ensemble  des  opérations  exécutées  durant  l'année 
qui  vient  de  s'écouler.  11  est  clair  que,  si  la  situation  nous 
montre  que  l'avoir  s'est  accru  d  une  certaine  somme,  celle-ci 
est  due  à  un  excédent  des  recettes  sur  les  dépenses,  et  que, 
par  conséquent,  les  deux  différences  doivent  être  parfaite- 
ment égales.  C'est  précisément  ce  que  nous  montrent  les 
deux  tableaux  suivants  : 

InTentaire  aa  31  décembre  1890. 

Kcnw 

Caisse 86'  10 

Valeurs  mobilières 49  286  80 

Renies  à  toucher 399  75 

Quittances  à  recouvrer 2  370    » 

Société  générale,  solde  débiteur 15  837  54 

M.  Masson,  éditeur,  solde  débiteur..  1  013  20 

Êoole  d'anthropologie,  solde  débiteur.  14  25 

Total  de  ractir 69  006^64  69006^64 


PASSIF 

Médaille  Broca,  solde  créditeur.. . . . .       500'   n 

Statue  Broca,  solde  de  la  souscription.  2  822  10 

Prix  à  distribuer 1916    » 

Factures  et  mémoires  à  payer 2  850  74 

Total  du  passif 8 088'  84      8  088'  84 


Actif  oet  au  31  décembre  1890 60  917'  80 

Actif  net  au  31  décembre  1889 60  511  39 


A  11  fomentation 406'  41 


FALVELLE.  —   RAPPORT   SUR  LES  FINANCES   DE   LA   SOCIBTÉ.     21 


Rétumé  dei  opérations  en  1890. 

RECETTES  C 

Sobvention  de  TÈUt  pour  les  BulUlins. . .  1 000'  » 

CoUsatioDs,  rachats  et  droits  d'entrée  • . .  9  90O    »> 
Reoies  et  iniéréts  provenant  des  titres  et 

dépôts  de  fonds 1  916  55 

Vente  des  BuUetmi  et  antres  publications.  1 760    » 

Solde  du  compte  Exposition 8  55 

Total  des  recettes 14585M0     14585^10 

DÉPENSES 

Frais  généraux 3  362'  26 

InsUllatlon  et  entretien 216  73 

Bibliothèque 828  90 

BuUetms  et  autres  publications 7  373  95 

Prix,  provisions  annuelles 1  166    » 

Collections 1930  85 

Total  des  dépenses 14 178^69     14  178  69 

Excédent  des  recettes  sur  les  dépenses 406'  4 1 

Ainsi  l'actif  net^  au  31  décembre  4890,  remporte  surTactif 
netaa  31  décembre  4889,  de  406  fr.  i\,  comme  les  recettes 
de  l'exercice  iSUO  excèdent  les  dépenses  du  même  exercice 
de  406  fr.  41.  La  situation  est  donc  favorable. 

L*an  dernier,  je  vous  avais  annoncé  qu'à  l'avenir  les  droits 
d  admission  et  les  rachats  de  cotisations  seraient  capitalisés, 
conformément  aux  règles  d'une  bonne  administration.  Mal- 
heureusement, les  dépenses  importantes  nécessitées  par  l'in- 
ventaire des  collections  et  celui  de  la  bibliothèque  m'ont  forcé 
de  disposer  d'une  partie  delà  somme  de  920  francs^  montant 
de  ces  deux  articles.  Mais  il  me  sera  facile  de  prélever  sur 
la  réserve  disponible  au  31  décembre  1889,  qui  s'élève  à 
1 1 224fr.  50,  une  somme  de  553  fr.  59,  qui  jointe  au  bénéfice  de 
l'année,  406  fr.  41 ,  nous  permettra  d'acheter,  au  taux  actuel, 
30  francs  de  rente  3  pour  100.  Le  reste  de  cette  réserve, 
soit  10  670  fr.  91»  sera  largement  sufflsant  pour  parer  à  tontes* 
les  éventualités  qui  pourront  résulter  de  l'inventaire,  et  spé- 


22  SÉANCE  DU  24  JANYIBR  4891. 

cialement  à  l^impression  du  catalogue  de  la  bibliothèque,  pour 
lequel  le  Comité  centrai  a  voté  une  somme  de  2  500  francs. 

Je  dois  ajouter  que  la  situation  sera  encore  améliorée,  si, 
comme  il  y  a  lieu  de  l'espérer,  la  ville  de  Paris  nous  accorde 
la  somme  de  i2  05l)  fr.  50,  que  nous  avons  réclamée  comme 
complément  de  la  subvention  pour  TExposition  de  1889. 

Aujourd'hui,  restimation  du  mobilier,  de  la  librairie  et  des 
collections  est  terminée.  Il  ne  reste  plus  que  celle  de  la  biblio- 
thèque ;  elle  a  été  renvoyée  après  l'impression  du  catalogue, 
pour  faciliter  le  travail  de  l'expert. 

La  valeur  du  mobilier  s'élèvo  h Il  ^60^ 50 

Celle  des  colleclioDs  à 67  518  85 

Et  celle  de  la  librairie  à 7178!  65 

Total 15056lf  » 

Comme  je  vous  l'ai  promis  il  y  a  un  au,  je  vais  ouvrir  au 
grand  livre,  pour  chacune  de  ces  parties  de  notre  avoir,  un 
compte  qui  subira  toutes  les  fluctuations  qui  seront  la  consé- 
quence des  acquisitions,  des  ventes  et  des  moins-valeurs. 
EnÛn,  les  chiffres  qui  serviront  de  bases  à  ces  comptes  nous 
permettront  de  modifier  notre  assurance  contre  l'incendie 
et  autres  risques,  au  mieux  des  intérêts  de  la  Société, 

prësektatioi^s. 

CrADes  aneieos. 

M.  E.  GoLLiN.  J'ai  Thonneur  de  présenter  à  la  Société  et 
de  faire  don  à  l'École  d'anthropologie,  au  nom  de  M.  le  baron 
Alphonse  de  Rothschild  et  de  M.  Macé,  architecte,  de  vingt 
crânes  recueillis  dans  les  fouilles  pratiquées,  en  I8^8,  dans 
les  terrains  de  la  plaine  de  SaintMaur,  rue  des  Sorbiers,  à 
380  mètres  des  bords  de  la  Marne,  vis-à-vis  de  la  commune 
de  Bonneuil. 

En  consultant  V Histoire  de  Salni-Maur,  par  Z.-J.  Pierart, 
on  y  voit  qu'au  septième  siècle,  à  cet  emplacement,  existait 
nne  église  qui  a  été  démolie  et  dont  les  cloches  ont  été 
transportées  dans  Téglise  actuelle; 


E.  COLLOf.  —  CRANES  ANCIENS.  23 

Dans  la  partie  fouillée»  il  y  avait  trois  cimetières  super^ 
posés. 

Les  corps  trouvés  à  Tétage  inférieur  avaient  une  sépulture 
à  peu  près  analogue  à  celles  des  cimetières  gaulois,  avec  des 
pierres  en  calcaire  posées  à  droite  et  à  gauche  de  la  lète^ 
du  bassin  et  des  pieds,  sans  aucun  mobilier  funéraire. 

Ceux  au-dessus  datent  du  treizième  siècle  assurément, 
étant  données  les  poteries  accompagnant  les  corps  ;  elles  sont 
à  llammicules,  dont  en  voici  quelques  débris  avec  dessins  di- 
vers, et  quelques-uns  avec  une  et  plusieurs  croix,  probable- 
ment marquées  par  le  potier  en  vue  de  Tusage  funéraire.  Ces 
poteries  étaient  enfermées  en  partie  dans  les  cercueils,  faits 
grossièrement  en  plaquettes  de  calcaire  brut  non  taillé, 
juxtaposées  les  unes  an  bout  des  autres,  leur  nombre  variant 
suivant  le  besoin  ;  le  plus  souvent,  trois  de  chaque  côté 
dans  le  sens  de  la  longueur,  et  une  seule  à  chaque  extrémité  ; 
pour  couverture,  elles  étaient  posées  en  tuileaux,  les  unes 
au-dessus  des  autres. 

Parmi  le  grand  nombre  de  tombes  mises  à  jour,  M.  Macé 
n*a  trouvé  qu'un  seul  cercueil  en  plâtre,  et  beaucoup  de 
squelettes  se  trouvaient  à  même  la  terre. 

Les  poteries  se  trouvaient  assez  régulièrement  à  la  tête  et 
aux  pieds;  un  seul  objet  a  été  trouvé  parmi  ces  poteries  : 
c'est  un  cachet  en  bronze;  il  représente,  d'après  Tempreinte 
que  voici,  un  lion  héraldique. 

En  ce  qui  concerne  la  couche  supérieure,  M.  Macé,  n'igno- 
rant pas  qu'elle  provenait  du  dix-septième  au  dix- huitième 
siècle,  n'en  a  malheureusement  rien  recueilli,  parce  que,  à 
ce  raonnent-là,  il  ne  recherchait  que  les  objets.  C'est  depuis 
ma  visite  sur  les  lieux  des  fouilles  que  M.  Macé  m'a  promis 
qu'àTavenir  tous  les  ossements  qu'il  rencontrerait  seraient 
mis  de  côté  pour  être  étudiés  au  laboratoire.  11  nous  fera 
également  part  de  toute  nouvelle  découverte. 

À 150  mètres  de  ces  fouilles,  entre  la  rue  des  Sorbiers  et  la 
Marne,  qui  forme  la  boucle  de  la  Marne,  d'autres  fouilles  ont 
mis  à  jour  une  tranchée  de  200  mètres  de  longueur,  faite 


24  SÉANCE  DU  22   JANVIER  1891. 

dans  le  tuf,  et  ayant  5  mètres  de  largeur,  4  mètres  de  profon- 
deur, en  forme  de  cuvette,  et  ayant  au  fond,  au  milieu,  une 
petite  canalisation  de  1  mètre  de  large,  probablement  pour 
Técoulement  des  eaux  à  la  Marne.  De  chaque  côté  de  cette 
canalisation,  se  trouvaient  des  foyers  de  cendres  distancés  de 
80  centimètres  à  1  mètre  les  uns  des  autres.  Ces  fossés  étaient 
comblés  par  toutes  sortes  de  détritus,  tels  que  clous,  cro- 
chets, lames  en  fer,  ossements  de  bœuf,  tous  brisés  pour 
en  extraire  la  moelle,  et  une  grande  quantité  (environ  1  mètre 
cube)  de  fragments  de  poteries  remontant  à  diverses  époques  : 
gauloise,  romaine  et  moyen  âge  (les  plus  anciennes  peuvent 
remonter  à  200  ou  250  ans  avant  notre  ère). 

Ces  débris  étaient  dans  Tancien  retranchement,  probable- 
ment les  anciens  fossés  de  Saint-Maur. 

Ces  poteries  ainsi  que  le  cachet  ne  sont  que  présentées. 
M.  Macé  pourra,  plus  tard,  en  faire  don. 

Ce  qui  prouve  que  les  Romains  ont  habité  longtemps  cette 
contrée,  c'est  que,  sur  la  berge  d'où  la  Marne  s'était  retirée, 
près  du  pont  de  Champigny  et  de  la  rue  de  l'Église,  j'ai  trouvé 
une  pièce  de  monnaie  impériale  romaine,  moyen  bronze,  de 
Vespasien,  mort  en  79  de  notre  ère. 

Cr Ane  de  «  Fells  spœlea  )» . 

M.  Adrien  de  Mortillet  présente  un  moulage  fort  remar- 
quable d'un  crâne  de  Felis  spœlea^  dont  l'original  est  au 
musée  de  Chalon-sur-Saône  et  provient  de  la  grotte  de  San- 
thenay.  C'est  le  plus  grand  spécimen  connu  de  Felis  spœlea. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  Je  désire  ajouter  une  simple  consi- 
dération à  celles  qui  viennent  d'être  exposées  par  mon  fils.  La 
magniûque  tête  de  Felis  spœlea  qui  vous  est  présentée,  offre 
un  puissant  argument  en  faveur  du  transformisme.  Comme 
Ta  dit  mon  fils,  cette  tête  se  rapporte  surtout  au  lion  ;  mais 
elle  offre  également  certains  caractères  qui  la  rapprochent 
du  tigre.  Ces  caractères  sont  même  si  tranchés,  qu'un  de 
nos  anciens  présidents,  paléontologue  des  plus  distingués, 

_  0 

Edouard  l^artet,  hésitait  tellement  sous  le  rapport  du  classe- 


ZELLE.   —  LE6  ORANGS^KOCBOCS.  25 

ment  du  Felis  spœlea,  qu*au  musée  de  Saint-Germain,  il  Ta 
snccessivemeut  désigné  comme  lion  et  comme  tigre.  C*est 
doue  bien  un  intermédiaire  entre  ces  deux  espèces.  En  effets 
s'il  présente  certains  caractères  spéciaux  au  lion,  d*autre 
part,  son  museau  est  plus  renflé,  son  front  large  et  plat^  ce 
qui  lui  donne  le  profil  du  tigre. 

IVOMINATION   DE  COSfMlSSIONS. 

M.  LB  Président  tire  au  sort,  parmi  les  membres  présents, 
les  noms  de  trois  membres  devant  faire  partie  de  la  commis- 
sion des  finances  destinée  à  examiner  le  rapport  de  M.  Fau- 
velle.  Le  sort  désigne  :  MM.  Bessin,  Gollin^  Zaborowski. 

Une  seconde  comnaission,  tirée  également  au  sort,  sera 
chargée  du  contrôle  des  collections,  des  archives  et  de  la 
bibliothèque.  Le  sort  désigne  :  MM.  OUivier  Beauregard^ 
Marcano,  Lamy.  Ce  dernier,  ayant  refusé,  est  remplacé  par 
M.  DaveJuy. 

COUMUNICATIONS. 

Les  Orans^s-Konboos  ; 

PAR    M.    LB    OPITAINB  L. -J.    ZBLLB. 

(Note  présentée  par  M.  G.  Capus.) 

Quoique,  personnellement,  je  n'aie  jamais  eu  Toccasion  de 
faire  la  connaissance  des  Orangs-Koeboes  —  prononcez  Kou- 
bous  —  et  que  leur  existence  ait  maintes  fois  été  mise  en 
doute,  je  voudrais  néanmoins  communiquer  les  renseigne- 
ments que  j'ai  eus  sur  cette  peuplade  in téressante^  vivant  en- 
core actuellement  à  Tétat  de  nature,  avec  des  mœurs  toutes 
primitives,  dans  les  forêts  vierges  et  malsaines  d'une  partie 
de  nie  de  Sumatra. 

Dans  YHislory  of  Sumatra^  de  Marsder  (London,  4814, 
3*  édition),  on  peut  lire  à  la  page  41  et  suivantes  : 

«  Pendant  mes  recherches  au  miaeu  des  indigènes,  sur  les 
peuplades  primitives  de  Tile,  j*eus  des  nouvelles  de  deux  tri- 


26  SÉANCE  DU  22  JANVIER   1801. 

bus  distinctes  qui  vivaient  éparses  dans  la  forêt,  en  évitant 
tout  contact  avec  le  reste  de  la  population.  On  les  appelle 
OrangS'Koubom  et  Orangs-Gougom.  Les  premiers,  me  dit-on, 
seraient  assez  nombreux,  surtout  dans  le  pays  situé  entre 
Palembang  et  Djambi.  Quelques  individus  de  cette  tribu 
étaient  capturés  de  temps  à  autre  et  tenus  comme  esclaves  à 
Laban.  On  trouve  encore  actuellement  à  cet  endroit  un 
homme  qui  s'est  marié  avec  une  fille  koubous  passablement 
belle.  Elle  avait  été  prise  lors  d'une  incursion  dans  leur  pays, 
qui  fit  découvrir  la  hutte  qu'elle  habitait.  Cette  tribu  parle 
un  idiome  particulier  et  se  nourrit  indistinctement  de  tout 
ce  que  fournit  la  forêt  :  cerfs,  éléphants,  rhinocéros,  san- 
gliers, serpents,  singes,  etc. 

«  Les  Orangs-Gougous  sont  bien  plus  rares  que  ceux-ci  et, 
sauf  la  langue,  diffèrent  peu  des  Orangs-Oetangs  de  Bornéo. 
Ils  ont  le  corps  couvert  de  longs  poils.  Ils  sont  entrés  deux 
ou  trois  fois  an  plus  en  relation  avec  les  habitants  de  Laban, 
à  qui  je  dois  ces  renseignements.  L'un  d'eux  fut  fait  prison- 
nier, il  y  a  déjà  quelques  années,  presque  à  la  façon  du 
singe  dans  les  fables  de  Pilpay  *,  par  le  charpentier. 

Cl  Cet  individu  avait  eu  des  enfants  d'une  femme  de  Laban, 
enfants  qui  étaient  plus  poilus  que  ceux  des  autres  habitants. 
La  troisième  génération  cependant  ne  se  différenciait  plus 
du  restant  de  la  population. 

«  Le  lecteur  pourra  accorder  à  ces  renseignements  la  con- 
fiance qu'il  leur  croira  mériter.  Je  ne  suis  pas  assez  hardi 
pour  en  garantir  l'authenticité.  Il  est  probable  qu'ils  repo- 
sent sur  un  fonds  de  vérité,  mais  que  les  détails  ont  été  beau- 
coup exagérés.  » 

Ce  que  l'explorateur  anglais  appelle  Koubous  et  Gougous 
est  sans  doute  la  même  tribu,  et  le  dernier  nom  simplement 
la  forme  adoucie  du  premier. 

^  Pilpay  ou  BidpaK  est  le  soi-disant  auteur  d'une  suite  de  fables  et  de 
contes,  répandus  depuis  plus  de  quinze  cents  ans  en  nombreuses  traduc- 
tions et  adaptations,  auprès  de  toutes  les  peuplades  de  TOrient  et  de  l'Oc- 
cident. 


ZELLB.   —   tfiS  0RANG8-K0UB0U8.  VI 

Dans  le  temps,  on  a  noirci  beaucoup  de  papier  ponr  savoir 
si  ces  individus  étaient  nés,  ou  non,  avec  des  queues  de  singe. 
Il  s*est  même  trouvé  des  auteurs  qui  prétendaient  Fa  voir  vu, 
et  la  question  a  été  traitée  encore  tout  dernièrement.  Il  va 
sans  dire  qu*eUe  appartient  au  chapitre  des  fables.  Que  les 
indigènes  de  cette  tribu  aient  le  système  pileux  développé 
sur  tout  le  corps,  ainsi  que  les  Orangs-Oetangs,  est  d*autant 
moins  probable  que  les  indigènes  de  Tlnde,  en  général,  ont 
le  corps  beaucoup  moins  poilu  que  les  Europ<^ens. 

Uexistence  des  Koubous  n'est  point  un  mythe  ;  ils  vivent 
dans  la  partie  nord-ouest  de  Palembang  (Sumatra),  dans  les 
contrées  situées  entre  le  Moesie  et  le  Djambie.  Au  milieu  de 
ces  dépressions  marécageuses,  couvertes  de  forêts  vierges  et 
coupées  de  nombreuses  rivières,  ils  mèneot  une  vie  acciden- 
tée de  pêcheurs  et  de  chasseurs.  Quelques-uns  se  seraient 
suffisamment  civilisés  pour  devenir  sédentaires  le  long  des 
affluents  de  ce»  rivières,  tels  que  le  soengie  (rivière)  Toeng- 
kal,  le  soengie  Bayot,  etc.  On  estime  leur  nombre  à  cinq  ou 
dix  mille. 

Les  Koubous  sont  une  des  tribus  les  plus  primitives  de 
l'archipel  indien.  Ceux  qui  sont  déjà  assez  avancés  pour  vivre 
dans  un  doessoen  ou  village,  ne  sont  supérieurs  à  leurs  frères 
ethniques  nomadisant  dans  les  forêts,  qu*en  tant  qu'ils  ont 
appris  à  connaître  quelques  petits  besoins  de  plus  et  ne 
vivent  plus  exclusivement  de  nourriture  animale.  Ni  les  uns 
ni  les  autres  ne  font  preuve  des  moindres  notions  d  industrie 
ou  de  travail  d'artisan.  Ils  ne  savent  que  réparer  les  quel- 
ques objets  en  fer  dont  ils  ont  besoin  et  qu'ils  transforment 
au  besoin.  Ils  se  servent,  pour  leurs  travaux,  de  Toutil  le 
plus  simple  :  d'une  pierre  comme  enclume  et  d'une  autre 
comme  marteau  ;  un  tuyau  de  bambou  leur  tient  lieu  de  souf- 
flet. Les  objets  en  fer  qu'ils  recherchent  sont  des  hameçons, 
des  harpons,  des  pointes  de  lance  et  de  javelot,  ainsi  que 
des  parangsy  qui  leur  servent  de  hache  ou  de  glaive,  'selon 
les  circonstances.  Tous  ces  objets  leur  sont  utiles  à  la  chasse 
ou  à  la  pêche,  leurs  seules  occupations. 


38  SÉANCE   DU    l>i  JANVIER    1894. 

Tous  les  Koubous  ont  une  singalière  et  caractéristique 
antipathie  contre  toute  espèce  de  commerce  avec  le  restant 
de  la  population.  Ceux  qui  errent  dans  les  forêts  peuvent  s'y 
soustraire  complètement,  et  les  Koubous  des  villages  ou  Does- 
soens-Koeboes  Tévitent  autant  que  possible.  Mais  comme  les 
uns  et  les  autres  ont  besoin  de  divers  objets  qu'ils  ne  sau- 
raient se  procurer  sans  entrer  en  contact  avec  la  population 
malaise,  il  s'est  développé  avec  eux  un  certain  commerce 
qui;  pour  ce  qui  concerne  les  Koeboes  nomades,  s'opère  d'une 
façon  singulière. 

En  effet,  certains  commerçants  de  Palembang  faisant  le 
troc  avec  les  Koubous  —  le  seul  mode  de  commerce  possible^ 
parce  que  ces  sauvages  ne  connaissent  pas  l'argent  —  ga* 
gnent  avec  leur  pacotille  les  profondeurs  de  la  forêt  et  Téta- 
lent  sous  un  arbre,  qu1Is  choisissent  très  grand  et  facile  à 
reconnaître  parmi  ses  voisins.  Leurs  marchandises  apportées 
consistent  surtout  en  objets  de  pêche  et  de  chasse^  comme  je 
Tai  dit  plus  haut,  en  tabac,  sel,  différentes  poteries,  tasses 
grossières  en  porcelaine  de  Chine,  etc.  Dès  que  leurs  mar- 
chandises sont  étalées,  ils  frappent  quelques  coups  forts  et 
retentissants  sur  un  gong  et  se  retirent  ensuite  à  une  distance 
considérable  de larbre  en  question.  D'ordinaire,  les  Koubous 
les  ont  observés  depuis  longtemps  sans  que  les  marchands 
aient  pu  voir  les  sauvages.  Quand  ils  retournent/après  quel- 
que temps,  auprès  de  Tarbre,  ils  ne  retrouvent  plus  les  mar- 
chandises qu'ils  y  avaient  déposées,  mais,  à  leur  place^  des 
produits  naturels  tels  que  de  la  rire  d'abeilles,  du  miel^  de 
l'ivoire,  du  rotang,  etc.  Ces  produits  surpassent,  en  général, 
de  beaucoup  la  valeur  des  objets  enlevés.  Les  Doessoens- 
Koeboes  font  déjà  le  troc  de  la  main  à  la  main  et  s'approvi- 
sionnent ainsi  de  riz,  de  grossières  cotonnades,  en  dehors 
des  objets  ci-dessus  indiqués. 

Physiquement,  les  Koeboes  ne  diffèrent  pas,  dans  les  points 
essentiels,  du  reste  de  la  population  ;  la  taille,  la  figure  et  la 
coloration  de  la  peau  sont  les  mêmes  chez  les  deux.  Les  dif- 
férences, dans  leur  façon  d'être,  sont  uniquement  détermi- 


ZBLLB.    —  LES  0RAN6S-K0UB0US.  29 

nées  par  les  degrés  divers  de  leur  civilisation,  leur  manière 
de  vivre  et  de  s'habiller.  Encore,  l'expression  de  leur  physio- 
nomie est-elle  pins  sauvage,  leur  regard  plus  perçant  et 
plus  mobile,  leur  maintien  plus  courbé  en  avant,  et  leui^ 
démarche  moins  assurée  et  plus  traînante  que  chez  le  reste 
de  la  population  de  Palembang. 

On  dit  que,  parmi  leurs  femmes  jeunes,  on  en  trouve  assez 
fréquemment  au  type  agréable  et  même  beau.  On  vante  le 
c^ûractëre  des  Koubous.  Ils  seraient  doux,  bienveillants  et  très 
honnêtes,  mais  également  braves  et  intrépides.  Aucun  des 
puissants  habitants  de  la  forêt  ne  leur  ferait  peur,  et  pas  un 
Koeboe  ne  reculerait,  armé  de  son  seul  javelot,  devant  l'atta- 
que, par  surprise,  d'un  tigre.  Le  meurtre  et  le  vol  leur  seraient 
inconnus  ;  l'adultère^  par  contre,  serait  assez  fréquent,  sans 
cependant  donner  lieu,  comme  cela  arrive  malheureusement 
trop  souvent  parmi  la  population  de  l'archipel  indien  en 
général,  à  des  actes  de  sanglante  vengeance. 

L'anthropophagie  n'existe  pas  chez  eux,  et  ils  ne  l'ont 
jamais  pratiquée.  Sous  ce  rapport,  ces  tribus,  placées  pour- 
tant si  bas  sur  l'échelle  de  la  civilisation,  se  distinguent  avan- 
tageusement des  Battas,  relalivemenl  beaucoup  plus  civilisés 
qu'eux.  Ceux-ci,  en  effet,  cultivent  la  terre  ;  ils  obéissent  à 
des  lois  très  sensées  et  à  une  sorte  d'administration  commu- 
nale ;  ils  habitent  des  maisons  bien  construites,  groupées  en 
villages  plus  ou  moins  étendus  ;  ils  possèdent  une  écriture 
propre  et  même  une  sorte  de  littérature.  Néanmoins,  ils  sont 
anthropophages  ;  mais  ceci  ne  doit  pas  nous  étonner,  quand 
nous  nous  rapellerons  que  les  Aztèques,  ce  peuple  si  haute- 
ment développé,  l'étaient  également.  Il  faut  dire,  à  leur 
honneur,  que  cette  coutume  disparaît  de  plus  en  plus  et  que, 
chez  les  Battas  du  moins,  elle  disparaîtra  entièrement  dans 
un  avenir  qui  n*est  pas  indéterminé. 

Les  habitations  des  Koeboes,  aussi  bien  de  ceux  qui  vivent 
dans  les  doessoens  que  de  ceux  qui  vagabondent  dans  les 
forêts,  sont  des  huttes  de  la  plus  simple  construction,  aussi 
vite  érigées  que  démolies.  Les  matériaux  de  construction  sp 


30  SBANGB  OU  ai  JAMYIBR   4891. 

trouvent  à  foison  partout,  puisque  les  parois  et  le  toit  sont 
faits  d'écorce  d'arbre.  Tout  aussi  simples  sont  les  ustensiles: 
quelques  poleries,  une  paire  d'écuelles  pour  conserver  les 
aliments  et  les  provisions  de  miel,  et  parfois,  comme  article 
de  luxe,  quelques  nattes  grossièrement  tressées  en  guise  de 
lit  ;  voilà  tout  rameubiement  de  l'habitation  du  Doessoea* 
Koeboe,  même  le  plus  riche. 

Leurs  vêtements  sont  des  plus  primitifs.  Chez  les  nomades, 
un  pagne  en  écorce  molle  d'arbre,  plus  long  chez  la  femme, 
le  reste  du  corps  n'étant  pas  couvert.  Chez  les  sédentaires, 
par  contre,  Técorce  d'arbre  a  été  remplacée  par  de  la  coton- 
nade grossière  troquée  auprès  des  marchanda  de  Palembang. 
On  constate  aussi  que  le  costume  des  populations  avoisinantes 
est  de  plus  en  plus  accepté  par  eux.  Ces  Doessoens-Koeboes 
se  nourrissent,  en  dehors  du  produit  de  la  chasse  et  de 
la  pêche,  également  de  riz,  ce  que  ne  font  pas  encore  les 
Koeboes  nomades.  Excepté  la  viande  d'éléphant  et  celle 
de  Tours  {Ursus  malatanus),  qu'ils  considèrent  comme  mai- 
saine,  ils  ne  dédaignent  la  viande  d'aucun  animal  vivant  : 
singe,  cerf,  tigre,  serpent  et  crocodile,  qulls  savent  prendre 
au  piège  très  adroitement.  Le  sanglier  est  un  de  leurs  plats 
favoris. 

Les  mariages  se  concluent  sans  beaucoup  de  cérémonie. 
Lorsque  l'adolescent  a  atteint  l'âge  de  la  puberté,  il  fait 
choix  d'une  jeune  fille  avec  laquelle  il  vit  maritalement  et 
en  cachette  pendant  un  certain  temps.  Si  l'élue  de  son  cœur 
continue  à  lui  plaire,  il  va  prier  sa  future  belle-mère  de  la 
lui  accorder  en  mariage.  La  belle-mère  rassemble  alors  tous 
ses  parents,  le  père  du  jeune  homme,  les  siens,  et  quand 
tous  se  trouvent  réunis,  la  belle-mère  déclare  que  le  jeune 
homme  un  tel  va  se  marier  avec  sa  fille.  Ensuite  le  père  du 
fiancé,  ou  un  des  parents  de  la  mariée,  frappe  quelques 
coups  retentissants  contre  un  morceau  de  bois  creux,  et  le 
mariage  est  conclu. 

Gomme  je  l'ai  déjà  dit,  l'adultère  et  la  séduction  de  femmes 
mariées  ne  sont  pas  rares  chez  les  Koeboes,  sédentaires  et 


ZBLLE.  —  LK8  ORANOS-KOUBOUS.  31 

nomades.  (Ihez  ces  derniers,  il  existe  une  sorte  de  dnel  qu'en- 
gagent,  pour  la  possession  de  la  belle,  le  mari  offensé  et  le 
séducleur.  A  cet  effet,  tous  deux  se  rendent  à  Tune  des  petites 
rivières  voisines,  où  Teau  ne  leur  va  que  jusqu*à  la  poitrine, 
et,  en  luttant,  essayent  de  se  renverser  et  de  se  noyer  l'un 
l'antre.  Hélène  devient  le  prix  du  vainqueur. 

Ordinairement  cependant,  le  séducteur  étant  déjà  en  pos* 
session  de  femme,  le  mari  lésé  rentre  en  possession  de  son 
bien  peu  avarié,  sans  qu*il  lui  faille  le  reconquérir  dans  un 
duel.  Chez  les  Doessoens-Koeboes,  les  contestations  pour 
femmes  trouvent  une  solution  paciflque,  par  Tentremise  des 
anciens  du  village  ou  passlras,  moyennant  une  rémunération. 
Si  la  femme  déclare,  devant  le  passira,  qu'elle  n'a  pas  accordé 
à  son  séducteur  la  faveur  suprême,  elle  doit  retourner  auprès 
de  son  mari,  qui  reçoit  de  son  rival  des  dommages-intérêts 
de  la  valeur  d'environ  iO  florins  en  objets  de  troc.  Si,  au  con- 
traire^ la  femme  avoue  son  infidélité  consommée,  le  mari 
reçoit  du  séducteur  des  valeurs  pour  une  somme  quatre  fois 
plus  forte  et  la  femme  demeure  avec  celui-ci. 

Le  mariage  est  prohibé  entre  frères  et  sœurs  seulement  ; 
aucun  autre  degré  de  parenté  n'est  considéré  comme  un 
obstacle. 

L'éducation  des  enfants  est  à  peu  près  nulle.  Filles  et  gar- 
çons, dès  qu'ils  peuvent  courir,  accompagnent  leurs  parents 
dans  la  forêt  et  les  aident,  au  degré  de  leur  force,  dans  leurs 
occupations  de  chasseurs  et  de  pécheurs. 

Leurs  armes  consistent  en  lances  et  javelots  dont  ils  se 
servent  avec  une  grande  habileté,  capables  de  tuer  un  iigre 
d'un  seul  jet  de  javelot.  Ils  prennent  les  crocodiles  au  moyen 
de  lignes  munies  d  hameçons  et  d'une  façon  particulière  de 
harpons. 

La  croyance  à  un  être  supérieur,  si  tant  est  qu'on  peut  en 
parler,  est  extrêmement  confuse.  Ils  n'ont  qu'une  idée  vague 
d  une  existence  après  la  mort.  Toutes  les  tentatives  faites, 
par  de  zélés  musulmans,  pour  introduire  l'islam  parmi  eux, 
sont  restées  sans  succès.  Ils  croient  seulement  que  Tâme  de 


3â  ,    SÉANCE   DU  22  JANVIER    1891. 

leurs  parents  décédés  voltige,  à  Tétat  d*esprit,  au-dessus  de 
l'endroit  où  reposent  leurs  restes  corporels. 

Le  morty  revêtu  de  son  vêtement  et  de  ses  armes,  est  ex- 
posé dans  la  forêt,  où  les  agents  naturels,  les  insectes  et  les 
grands  fauves  se  chargent  d'une  besogne  hygiénique.  Les 
termites  surtout  accomplissent  là  une  œuvre  très  utile.  Le 
corps  est  couché  sur  une  natte,  soutenue  à  une  certaine  hau- 
teur par  des  pieux.  Ils  placent,  à  côté  du  cadavre,  Técuelle 
qui  lui  avait  servi  pour  préparer  sa  nourriture,  ainsi  que  le 
tuyau  de  bambou  dans  lequel  il  avait  l'habitude  de  boire. 
Les  indigènes  de  fîle  de  Nias  exposent  leurs  cadavres  de  la 
même  façon,  mais  dans  des  arbres  très  élevés. 

Lorsque  le  Koeboe  est  à  Tagonie,  tous  ceux  qui  entourent 
sa  couchette  épient  attentivement  Tinstant  où  il  va  rendre  le 
dernier  soupir,  pour  surprendre  dans  son  corps  un  bruit 
faible  et  sifflant.  Lorsqu'ils  ont  entendu  ce  bruit,  ou  plutôt 
croient  Tavoir  entendu,  ils  sont  sûrs  que  le  défunt  est  devenu 
un  esprit.  Quant  à  ceux  qui  n'ont  pas  accusé,  en  mourant, 
ce  signe  de  transfiguration,  ils  sont  simplement  morts.  Or,  le 
fait  de  passer  à  Tétat  d'esprit  est  aussi  peu  la  récompense 
d'une  vie  sage  que  le  contraire  est  la  punition  d'une  vie  mau* 
vaise. 

Les  Koeboes  jouissent,  en  général^  d'une  bonne  santé  et 
atteignent  un  âge  avancé.  Ils  sont  profondément  convaincus 
de  perdre  cet  avantage  s'ils  se  mélangeaient  ou  se  métissaient 
davantage  avec  le  reste  de  la  population,  et  cette  conviclion 
est  une  des  causes  principales  de  leur  ségrégalion.  Ils  croient 
fermement  que  chaque  contact  avec  des  individus  qui  ne 
sont  pas  de  leurs  tribus,  leur  amènera  des  maladies.  Les  épi- 
démies sont  très  rares  parmi  eux  ;  ils  ont  eu  la  variole  une 
ou  deux  fois  dans  l'espace  d'un  siècle,  et  celte  maladie  leur 
inspire  une  crainte  et  une  répulsion  indescriptibles. 

Quand  la  variole  a  fait  son  apparition  chez  eux,  toute  la 
tribu  quitte  immédiatement  sa  résidence  pour  ne  construire 
de  nouvelles  huttesqu'à  une  grande  distance  de  cet  endroit, 
et  sans  se  préoccuper,  en  quoi  que  ce  soit,  du  sort  des  ma* 


ZBLLE.   —  LES  ORANQS-KOUBOUS.  33 

lades  qu'ils  abandonnent.  Le  procédé  n'est  pas  humain, 
mais  il  est  certainement  le  meilleur,  dans  les  circonstances, 
poar  éviter  toute  propagation  par  contagion. 

Ils  considèrent  toutes  les  maladies  comme  dues  à  Tinfluence 
de  mauvais  esprits  et^  pour  combattre  celles  qui  ne  sont  pas 
contagieuses,  ils  s'adressent  au  pouvoir  de  certains  individus 
dont  la  réputation  comme  guérisseurs  et  possesseurs  de  con- 
naissances supérieures  est  établie.  Ces  privilégiés  se  cachent 
la  tète,  se  soumettent,  avec  le  malade,  à  des  fumigations  de 
benjoin  en  invoquant  les  bons  esprits  jusqu'à  ce  qu'ils  tom- 
bent par  terre,  étourdis  et  épuisés.  Ils  disent  recevoir^  dans 
cet  état,  des  révélations  sur  le  siège  de  la  maladie  et  la  meil- 
leure façon  de  les  guérir  par  des  frictions,  le  massage  ou 
d'autres  traitements,  qui  consistent  à  lécher  de  la  langue  la 
partie  malade,  ou  à  Tenduire  de  salive,  etc. 

Je  n'ai  pas  pu  avoir  des  renseignements  détaillés  sur  la 
langue  des  Koeboes*.  Les  tribus  nomades  seules  la  parleraient 
pure  et  sans  mélange,  tandis  que  les  Koeboes  sédentaires  y 
auraient  introduit  déjà  beaucoup  de  mots  malais.  Il  serait 
intéressant,  dans  tous  les  cas,  de  savoir  le  rapport  qui  existe 
entre  Tidiome  des  Koeboes  et  les  anciens  dialectes  conservés 
à  Sumatra,  notamment  celui  des  Battas. 

On  a  émis  différentes  opinions  au  sujet  de  Forigine  des 
Koeboes.  D'après  les  uns^  ils  seraient  les  derniers  survivants 
de  Tancienne  race  autochthone  de  Sumatra  ;  ils  auraient 
gardé  les  caractères  primitifs  de  cette  race  pour  être  restés  à 
Tabri  de  toute  influence  des  éléments  de  voisinage  et  étran- 
gers successifs,  d*abord  indiens,  ensuite  musulmans,  enQn 
européens.  D'autres,  au  contraire,  admettent  que  les  Koe- 
boes ne  se  seraient  ségrégés  qu*à  Tépoque  de  Timmigration 
javanaise  de  Demak  à  Palembang,  lorsque,  en  1544,  Oeding 
Soero  jeta  les  bases  du  royaume  des  sultans.  Une  partie  de 
la  population  du  nouveau  royaume  se  serait  alors  séparée 
volontairement  ou  forcément  des  autres  et,  après  s*être  retirée 
dans  les  forêts,  serait  de  plus  en  plus  retournée  à  l'état  sau- 
vage pour  arriver  finalement  à  leur  degré  de  barbarie  actuelle. 

T.  II  (4*  série).  3 


34  SÉANGB  DU  2i  JAAflBR  i89ti 

La  première  hypothèse  doit,  à  mon  avis,  prévaloiré  L'an-* 
thropophagie^  en  effet,  que  les  Battas,  quoique  n*6tant  pas 
une  peuplade  absolument  inculte,  pratiquent  encore  aujour- 
d'hui et  qui,  probablement^  a  été  pratiquée  sur  une  plus 
grande  échelle  encore  à  Sumatra,  jusque  vers  800  de  notre 
ère  —  quoique  la  population  de  celte  Ue  eût  déjà  subi  très 
anciennement  rinfluence  de  la  culture  indienne  -^  Tanthro- 
pophagie,  dis-je,  n'ayant  jamais  existé  chez  les  Koeboes,  il 
ne  s'ensuit  pas  que  les  Battas  soient  nécessairement  une 
peuplade  plus  ancienne  et  plus  primitive.  Le  oannibalismei 
en  effet,  n'est  ni  une  coutume  propre  à  toutes  les  tribus  ran- 
gées sur  le  plus  bas  échelon  de  la  civilisation^  ni  le  critérium 
du  minimum  de  civilisation.  En  d'autres  termes,  le  peuple  le 
moins  civilisé  n'est  pas  forcément  un  peuple  de  cannibales. 
L'anthropologie  nous  montre  plus  d'une  peuplade  n'ayant 
appris  à  Consommer  de  la  chair  humaine  qu'après  avoir 
atteint  un  degré  intermédiaire  de  culture.  Tels  étaient,  nous 
l'avons  dit,  les  Aztèques,  tels  sont  encore  les  habitants  dé  Id 
Nouvelle-Zélande  et,  comme  il  est  probable^  également  les 
Battas. 

Discnsiion. 

M.  Bbaureqard  rappelle  qu'il  y  a  deux  ans,  dans  une  com- 
munication sur  les  populations  de  la  Malaisie^  il  a  fourni  des 
renseignements  en  tous  points  analogues. 

M.  Zabohowski.  J'appelle  l'attention  sur  les  considérations 
qui  terminent  la  très  intéressante  communication  de  M.  Ga- 
pus.  L'auteur,  dont  il  nous  a  rapporté  les  observations, 
s'étonne  presque,  en  un  passage,  que  les  Roubous,  quoique 
inférieurs  en  civilisation,  ne  soient  pas  cannibales.  Bt  il  in- 
siste sur  ce  fait  que  les  Battas  le  sont,  quoique  bien  supé- 
rieurs. Eh  bien,  il  me  paraît  certain  que  l'anthropophagie 
ii'fest  pas  primitive.  Elle  se  montre,  à  un  certain  degré  d'or- 
ganisation sociale,  consécutivement  peut-être  au  développe- 
ment des  inégalités  qui  petmettetit  à  de  certains  hommes  de 
considérer  d'autres  hommes  comme  un  simple  gibier.  Je  suis 


DISCUSSION  SUn  LA  NATALITÉ  BN  FRANGE.  SS 

heorenx  d*eii  aToir  une  constatation  nouTelle  de  la  part  d'un 
obserTatear  n'ayant^  à  ce  sujet,  aucune  opinion  théorique. 
D'autres  constatations  du  même  genre  ne  seraient  d'ailleurs 
pas  superflues. 

M.  H07ELACQUB  regrette  qu'à  côté  de  renseignements  ethno- 
graphiques fort  intéressants^  l'auteur  de  la  communication 
n'ait  donné  rien  de  préois  au  sujet  du  type.  On  pourrait  lui 
demander  de  combler  cette  lacune^  On  sait  que  la  plus  an* 
cienne  population  de  l'Indonésie  est  fort  dififérente  des  In- 
donésiens (Battaks  et  autres)  qui  l'ont  refoulée  Ters  le  centre. 
Ce  sont  surtout  ces  anciennes  peuplades  qu'il  importe  de 
bien  connaître.  Or  les  informations  qui  nous  sont  adressées 
sont  à  pen  près  muettes  sur  la  description  physique  ;  il  est 
souhaitable  qu'on  les  complète. 

M.  Zaborowski.  J'ai  foi*t  bien  remarqué  au  passage,  dans 
la  communication  de  M.  Gapus,  l'assertion  que  les  Koubous 
ont  la  même  taille  que  les  populations  environnantes.  Je  ne 
peux  pas  formellement  mettre  en  doute  cette  assertion. 
Cependant  il  est  possible  qu'on  la  verrait  démentie^  si  au  lieu 
de  se  borner  à  des  observations  faites  à  vue  de  nez,  grosso 
modoy  on  procédait  à  des  mensurations  exactes.  Les  Koubous 
peuvent  avoir  une  taille  sensiblement  inférieure,  notamment 
pour  les  motifs  que  vient  de  rappeler  M.  Hovelacqne,  et  en- 
core en  raison  de  l'influence  très  longue  et  très  ancienne  de 
conditions  particulières  de  mœurs  et  d'habitat. 

M.  Lagneau  propose  d'envoyer  non  seulement  le  question- 
naire de  la  Société,  mais  aussi  les  instructions  de  Broca.  En 
tout  cas,  on  enverra  le  questionnaire. 

Suite  de  la  dlseoMlon  sur  le  faible  accroissemeat 
de  la  popnlatloa  en  Franee. 

M.  EscHSifAUBH.  Dès  avant  1870,  une  commission  de  sa- 
vants, parmi  lesquels  figuraient  plusieurs  membres  de  l'Aca- 
démie de  médecine,  fut  chargée  par  le  gouvernement  de 
dresser  la  statistique  des  mouvements  de  hausse  et  de  baisse, 
de  progrès .  d'arrêt  ou  de  recul  de  la  population  française 


36  SÉANCE  DU  22  JANVIER  1891. 

comparativement  aux  fluctuations  de  même  nature  qui  se 
produisent  dans  la  population  respective  de  tous  les  États 
européens. 

Ce  travail  monumental  fut  terminé  et  publié  à  Strasbourg 
dans  le  courant  de  «Tannée  terrible»,  il  y  fallut  une  kyrielle 
de  volumes.  Dans  le  tome  XVllP  se  trouve  le  petit  tableau 
que  je  vais  en  détacher,  et  où  sont  résumées,  en  chiffres 
d'une  éloquence  frappante,  les  rigoureuses  déductions  de  ce 
corps  de  savants  spécialistes. 

Le  voici  tel  quel  : 

Accroissement         Période 
Pays.  anaael.         do  doablement. 

«/Russie 1,39  50  ans. 

I  I  Suède 1,38  55  ans  et  demi. 

^  l  Norvège 1,3Î  53  — 

-S  \  Ecosse 1,31  53  - 

^  <  Angleterre 1»*6  55  — 

«  1  Prusse 1,25  55  — 

•S  f  Saxe 1,05  55  - 

5,     Pays-Bas 1,05  66  — 

p!  \  Danemark 1,05  66  — 

aï  /  Belgique 0,88  76  — 

I  l  Italie 0,83  83  - 

^  J  Bavière 0,70  99  — 

'^  j  Espagne 0,67  104   — 

•5  f  Autriciie 0,65  110  — 

^  \  France 0,38  190  — 

M.  Hehvé  pense  qu'il  y  a  beaucoup  d'exagération  dans  les 
affirmations  du  chanoine  Rocca. 

Parmi  les  pays  de  forte  natalité  (environ  450  naissances 
sur  \  000  femmes  de  quinze  à  cinquante  ans),  il  y  a,  à  côté 
de  pays  protestants,  des  pays  slaves  et  catholiques.  Inver- 
sement, parmi  les  pays  de  faible  natalité,  on  trouve  les 
États-Unis  protestants;  ceux-ci,  en  somme,  ne  se  mainte- 
nant et  n'augmentant  que  par  Timmigration.  Là,  pas  plus 
qu'en  France,  le  facteur  religieux  n'intervient  par  consé- 
quent. 

M.  Fauvelle  dit  que  l'enseignement  traditionnel  de  l'Eglise 
est  de  prêcher  la  non- restriction.  Aujourd'hui,  il  en  est  encore 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANCE.  37 

ainsi  en  principe,  mais,  dans  la  pratique,  le  clergé  trouve  des 
accommodements . 

M.  Hervé  lit  des  passages  du  Compendittm  de  théologie  mo- 
rale du  père  Gury,  d'où  il  résulte  très  nettement  que  le  prin- 
cipe d'avoir  le  plus  d'enfants  possible,  de  ne  rien  faire  pour 
l'éviter  est  absolu,  mais  que,  dans  la  pratique,  il  peut  y  avoir 
des  tolérances  pour  la  restriction  voulue. 

M.  Zaborowski.  m.  Hervé  a  dit  à  peu  près  tout  ce  que 
j'avais  à  dire.  Une  première  objection  s'élève  évidemment 
tout  de  suite  contre  la  thèse  de  M.  Rocca,  présentée  par 
M.  Ëschenauer.  Il  est  de  notoriété  que  ce  sont,  en  effet,  les 
populations  les  plus  catholiques  de  la  France  qui  sont  restées 
les  plus  fécondes;  ce  sont  les  populations  bretonnes.  Et  ce 
qui  arrive  en  France  arrive  aussi  en  Europe  ;  c'est  parmi  les 
populations  les  plus  catholiques  de  l'Europe  que  se  trouvent 
être  les  populations  les  plus  fécondes.  Je  fais  allusion  à  des 
populations  slaves,  aux  provinces  polonaises.  Je  n'ai  pas  ift'é- 
sents  à  l'esprit  les  chiffres  qui  les  concernent,  et  je  n'ai 
pas  vu  ceux  de  ces  dernières  années.  Mais  les  statistiques 
d'il  y  a  dix  à  quinze  ans  accusent  chez  elles  une  fécondité 
extraordinaire.  Ce  résultat  n'est  pas  dû  à  la  religion  et  n'est 
avec  celle-ci  que  dans  un  rapport  presque  accidentel.  La 
religion  n'est  qu'un  élément  dans  un  ensemble  de  conditions 
sociales  complexes  ou  apparaît  notamment  l'absence  de  dé- 
sir ou  de  moyens  de  s'élever  au-dessus  d'une  existence 
très  simple.  La  religion  n*a  plus  d'ailleurs  qu'une  valeur  so- 
ciale bien  épuisée,  notamment  en  France,  où  l'on  n'est  pas 
religieux,  et  où  Ton  serait  plutôt  clérical.  Les  prêtres  catho- 
liques peuvent  y  âtre  d'un  mauvais  exemple.  Mais  ils  ne 
visent  eux-mêmes  qu'à  assurer  leur  recrutement;  en  dehors 
de  là,  ils  ne  montrent  pas  une  si  grande  ardeur  de  propa- 
gande en  faveur  du  célibat.  On  les  a  vus,  pendant  une  pé- 
riode du  moyen  âge,  pousser  à  la  fécondité  des  ménages 
d'ane  manière  presque  cynique,  uniquement  parce  que  les 
seigneurs  se  plaignaient  de  ne  pas  avoir  assez  de  serfs.  Ils 
referaient  aujourd'hui  la  même  chose  (mais,  d'ailleurs,  sans 


38  SÉANCE  DU  23  JANTIBR  1801. 

résultat  appréciable),  en  faveur  d'un  gouvernement  à  leur 
convenance  qui  se  plaindrait  de  manquer  de  soldats. 

fin  réalité,  il  n'y  a  sans  doute  pas  à  faire  fond  sur  des  pré- 
dications de  ce  genre,  ni  sur  toute  considération  plas  ou 
moins  générale  pour  modifier  la  situation  actuelle.  Gelle-oi 
tient  à  une  foule  de  conditions  sociales  profondes  qui  sollici- 
tent les  gens  d'une  manière  autrement  pressante  que  toutes  les 
objurgations  imaginables.  Un  de  nos  collègues,  M.  Arsène 
Dumont,  a  communiqué  à  la  Société  les  résultats  d*une  en- 
quête qu'il  a  entreprise  sur  différents  points  bien  circonscrits 
de  la  France,  où  la  natalité  est  très  différente.  Il  nous  a 
fourni  ainsi  des  pièces  d'une  valeur  documentaire  incontes- 
table. Eh  bien,  que  résulte-t-il  de  ces  pièces?  Que  résulte-t-il 
notamment  de  son  enquête  sur  l'un  des  cantons  du  Finis- 
tère ?  C'est  que  les  populations  restent  fécondes  tant  qu'elles 
ne  cherchent  pas  à  s'élever  en  dehors  ou  au-dessus  de  leurs 
conditions  actuelles  d'existence,  ces  conditions  étant  très  stm- 
ples  sans  être  misérables.  Ce  résultat  est  d'ailleurs  confirmé 
par  toutes  les  données  générales  recueillies  depuis  longtemps 
en  France  et  ailleurs.  Le  père  d'un  de  nos  collègues,  M.  Ber- 
tillon,  ^vait  déjà  établi,  il  y  a  bien  longtemps^  que  les  pro- 
vinces les  moins  fécondes  étaient  celles  où  le  paysan  plus 
aisé  cherchait  à  s'élever  davantage.  Tout  le  monde  sait  bien 
d'ailleurs  que,  dans  nos  villes,  c'est  dans  les  quartiers  les 
plus  pauvres  qu'il  y  a  le  plus  d'enfants.  Pour  poser  franche- 
ment la  question,  il  faudrait  donc  se  demander  si  Ton  doit 
chercher  quelque  moyen  détourné  de  maintenir  la  population 
dans  la  pauvreté  et  l'ignorance  ;  il  faudrait  se  demander  si 
nous  ne  devons  pas  détruire  ce  que  nous  venons  de  faire,  et, 
par  exemple,  les  lois  d'obligation  scolaire,  qu'un  de  nos  col* 
lègues  les  plus  compétents,  M.  Féré,  estime  devoir  épui- 
ser les  réserves  de  la  race.  Il  faudrait  se  demander  même  si 
nous  ne  devons  pas  tout  répudier  de  ce  qui  a  été  fait  depuis 
la  Révolution.  Mais,  en  réalité,  il  ne  serait  au  pouvoir  de  per- 
sonne de  procéder  à  un  semblable  recul,  h  une  semblable 
destruction  (à  supposer  que  celle-si  soit  possible),  saas  0091- 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  BN  FRANCE.  89 

promettre  rexistenoe  même  de  la  société  qu'on  voudrait 
sauver.  Il  me  paraît  donc  bien  préférable  de  faire  appel  à  des 
modifications  politiques  profondes  encore  mal  déterminées,  à 
des  couches  sociales,  à  des  partis  nouveaux^  moins  adonnés 
au  culte  de  Targent,  moins  attachés  à  nn  idéal  de  bien-être 
et  de  luxe  stérilisant. 

M.  G.  Lagneau.  Je  savais  que  la  population  des  États-Unis 
s'accroissait  surtout  par  immigration.  Mais  la  remarque  de 
M.  Hervé,  relative  à  la  faible  natalité  de  plusieurs  des  États- 
Unis  de  TEst,  est  intéressante. 

A  propos  de  cette  discussion  sur  le  faible  accroissement  de 
notre  population,  ainsi  que  M.  Eschenauer,  ainsi  que  le  cha« 
Doine  que  cite  notre  collègue,  plusieurs  personnes  m'ont  paru 
attribuer  une  grande  influence  à  la  religion,  soit  qu'elle 
accrût  la  natalité  en  prescrivant  aux  mariés  de  croître  et  de 
multiplier,  soit  qu'elle  restreignît  la  natalité  en  imposant  le 
célibat  aux  membres  du  clergé. 

Alors  que,  de  <  877  à  4886,  la  fécondité  des  femmes  mariées 
de  moins  de  quarante-cinq  ans  est  en  moyenne,  en  France, 
de  19,4  naissances  légitimes  sur  400  femmes;  elle  s*élève 
à  31,  à  31,5,  à  3â,  et  à  33,9  sur  400  dans  Hlle  et- Vilaine, 
le  Morbihan,  les  Côtes-du-Nord  et  le  Finistère.  M.  Hervé 
attribue  cette  haute  natalité  de  nos  Bretons  à  leurs  fortes 
croyances  religieuses.  Mais  les  habitants  de  notre  Normandie 
et  du  bassin  de  la  Garonne,  au  sud-ouest,  avec  leurs  pèleri- 
nages de  Notre-Dame  de  la  Délivrande  et  de  Notre-Dame  de 
Lourdes,  sont-ils  moins  religieux  que  nos  Bretons  avec  leur 
pèlerinage  de  Notre-Dame  d*Auray?La  natalité  légitime  n'est 
que  de  13,  44,2  et  15,8  dans  les  départements  de  l'Eure, 
de  rOrne,  du  Calvados;  de  li,  de  lâ,3  et  4â,8  dans  ceux 
du  Lot-et-Garonne,  du  Gers  et  du  Tam-et-Qaronne  ^ 

Quant  à  la  restriction  apportée  à  Taccroissement  de  la 
population  par  le  célibat  religieux,  elle  semble  incontestable. 
D'après  le  recensement  de  1886,  la  religion  paraît  soustraire 

t  statistique  générale  dt  ia  France  ;  Album  de  $tatistiqu9  graphique , 
pi.  XXVIII,  oirte  74. 


40  SÉANCE  DU  22  JANVIER   1894. 

à  la  procréation  légitime  :  127 143  habitants,  dont  44  072  com- 
posant le  clergé  séculier  et  83071  composant  le  clergé  régu- 
lier, comprenant  19  086  hommes  et  63985  femmes  ^. 

Malgré  Tabsence  de  statistique  permettant  d'évaluer  le 
nombre  des  hommes  et  des  femmes  voués  à  la  vie  monas- 
tique avant  la  Révolution,  d'après  le  nombre  des  couvents  et 
des  congrégations^  dont  on  a  conservé  le  souvenir^  il  semble 
qu'anciennement  le  clergé  régulier  était  encore  beaucoup 
plus  nombreux  qu'actuellement.  Aussi,  la  restriction  apportée 
à  la  natalité  par  ce  grand  nombre  d'individus  voués  au  céli- 
bat religieux  devait  plus  ou  moins  annuler  ou  compenser 
Taccroissement  de  la  natalité  légitime,  qu'on  prétend  avoir 
jadis  été  favorisée  par  la  loi  successorale  du  droit  d'aînesse. 

Sous  le  rapport  démographique,  le  catholicisme  des  pre- 
miers siècles  était  préférable  au  catholicisme  actuel,  car  il 
n'exigeait  pas  alors  le  célibat  religieux.  Au  cinquième  siècle, 
Sidoine  Apollinaire,  évéque  d'Augustonemetum,  actuelle- 
ment Glermont-Ferrand,  était  l'époux  de  Papianilla,  fille  de 
l'empereur  Avitus,  et  le  père  de  trois  enfants  :  un  fils,  Apol- 
linaire, et  deux  filles,  Roscia  et  Severiana  '. 

M.EscHENAUER  affirme  de  nouveau  qu'il  n'a  pas  voulu  porter 
la  question  sur  le  terrain  religieux.  Le  point  qu'il  a  soulevé 
n'est  qu'une  des  faces  de  cette  si  complexe  question,  qui  mé- 
rite d'être  étudiée.  Ce  point  particulier,  d'ailleurs,  doit  être 
examiné  au  point  de  vue  matériel  :  d'abord  diminution  de  la 
procréation  par  l'abstention  de  certains  sujets;  en  second 
lieu,  point  de  vue  moral,  sorte  de  dépréciation  jetée  sur 
Texercice  des  fonctions  génésiques,  la  préexcellence  étant  à 
""  ceux  qui  ne  les  exercent  pas. 

M.  Fauvelle.  La  tournure  prise  par  la  discussion  ne  dé- 
coulé nullement  de  ma  communication.  Ce  n'est  pas  l'influence 
religieuse  directe  qui  agit  en  l'espèce,  mais  le  discrédit  que 

*  Statistique  de  la  France  ;  Résultats  statistiques  du  dénombrement  de  i^HB^ 
p.  266,  269. 

*  Sidoine  Apollinaire,  Notice  biographique,  au  commencement  du  texte 
et  de  la  traduction  dç  Grégoire  et  GoUombet,  t.  I,  p.  ix-zxx« 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  BN  FRANCS.  41 

renseignement  catholique  jette  sur  Tacte  génésiqae  qu'on 
apprend  aux  jeunes  gens  à  abhorrer.  Il  leur  en  reste  quelque 
chose  plus  tard.  La  loi  également  poursuit  avec  la  même 
rigueur  les  couples  surpris  en  flagrant  délit,  qu'il  s'agisse 
de  couples  illégitimes  on  de  sujets  très  légitimement  mariés. 
C'est  donc  la  même  idée  qui  a  inspiré  le  législateur.  Je  n'ai 
pas  dit  autre  chose;  M.  Eschenauer  m'a  bien  compris. 

M.  Hervé  dit  que  renseignement  catholique  est  encore  très 
puissant  en  Bretagne.  Or,  c'est  en  Bretagne  qu'il  y  a  le  plus 
de  vieux  garçons  et  surtout  de  vieilles  filles.  Le  célibat  est 
doDC  saint;  mais^  si  l'on  se  marie,  il  faut  avoir  beaucoup 
d'enfants  ;  aussi  les  populations  bretonnes  présentent- elles 
une  natalité  fort  élevée. 

Quant  à  Tinfluence  du  Code  civil,  Tinvoquera-t^on  aussi 
pour  les  États-Unis  de  l'Est,  qui  ont  une  natalité  de  âl  à 
iA  pour  A  000  ?  Ce  n'est  donc  pas  la  nécessité  du  partage  de 
la  fortune  qui  arrête  les  parents.  En  pratiquant  la  restriction, 
ils  entendent  se  réserver  à  eux-mêmes,  au  moins  autant  qu'à 
leurs  enfants,  une  plus  grande  somme  de  bien-être. 

M.  Lagneau  croit  aussi  que  l'influence  de  la  loi  est  faible. 

M.  Letoorneau  dit  que  les  célibataires  bretons  sont  sur- 
tout des  femmes;  et  elles  gardent  le  célibat  seulement  parce 
qu'on  ne  les  demande  pas  en  mariage,  car  les  hommes  émi- 
grent  en  grand  nombre.  Les  nombreuses  congrégations  de 
filles  sont  donc  l'efl'et  et  non  la  cause  du  célibat.  Les  céliba- 
taires hommes  sont,  au  contraire,  rares;  il  est  presque 
honteux,  pour  un  homme,  de  n'être  pas  marié. 

M.  Lagneau.  M.  Letourneau  paraît  attribuer  le  mariage 
tardif  et  le  célibat  de  beaucoup  de  filles  de  notre  Bretagne  à 
l'éloignement  des  jeunes  gens  voyageant  au  loin  sur  les  mers, 
dans  les  colonies. 

L'émigration  unisexuée,  ou  du  moins  très  diff'érente  de  l'un 
et  de  l'autre  sexe,  m'a  également  paru  une  des  causes  de  la 
restriction  apportée  au  mariage,  et,  par  suite,  à  la  natalité 
légitime  dans  d'autres  régions.  Dans  le  département  de  la 
Creuse,  d'où,  chaque  année,  suivant  M.  le  docteur  Yillard,  de 


49  SÉAVCB  DU  3â  IAKVIBR  1881. 

6uér0t,  én^igrent  36000  ouvriers,  dont  33  000  homnaes  et 
4  000  femmes  S  je  fus  étonné  de  voir  que,  en  1885,  les  gar? 
çons  y  demeurant  s*y  mariaient  dans  la  proportion  de  lt,ll 
sur  100,  alors  que  les  filles  ne  s'y  mariaient  que  dans  la  pro- 
portion de  5,  03  sur  100'.  Dans  ce  département,  par  suite  de 
rémigratioQ  de  la  plupart  des  garçons,  les  filles  ont  donc 
deux  fois  moins  de  chances  de  s'y  marier  que  les  peu  nom- 
breux garçons  qui  y  restent. 

niombre  des  enfants  par  famille 

élnilié  par  arrondissement*  canton  et  commnve 

diifis  le  |liOt-et-Garonne  ; 

PAR    H.     CRBRVIN. 
AVANT-PROPOS. 

J'ai  eu  l'honneur  d'appeler  l'attention  de  la  Société  sur  la 
proportion  du  nombre  des  enfants  par  famille,  dans  les  diffé- 
rents départements  français*. 

J'ai  montré  que  les  départements  où  les  familles  sont  les 
moins  nombreuses  forment  un  groupe  très  accusé  au  sud- 
ouest  de  la  France.  Le  département  du  Lot-et-Garonne  est, 
en  quelque  sorte,  le  noyau  de  ce  groupe.  A  ce  titre,  il  présente 
un  intérêt  tout  particulier,  d'autant  plus  que  c*est  un  dépar- 
tement riche,  fertile,  salubre  et  par  conséquent  dans  les 
meilleures  conditions  pour  élever  de  nombreux  enfants.  Le 
fameux  aphorisme  :  «  Là  où  naît  un  pain,  naît  un  homme,  » 
paraît  donc  être,  une  fçis  encore,  en  défaut. 

«Le déparlement  du  Lot-et-Garonne,  dit  M. Elisée  Reclus*, 
ainsi  nommé  des  deux  rivières  qui  viennent  s'y  réunir  dans 
la  plaine  la  plus  féconde  de  la  France,  se  divise  en  régions 

t  Villard  (de  Guérel),  Émigration  des  ouvriers  creusois  {Annales  de  dt%to- 
graphie  internat ionale,  t.  V,  p.  389, 1881). 

s  Album  de  slalistique  graphiquef  pi.  XVIII,  cartes  42  et  43. 

'  Voir  les  procès-verbaux  de  la  séance  du  15  novembre  1888,  p.  540  et 
suivanieg. 

^  Géa^rêphiê  mh9r$$U$;  la  Fnm^i  t.  II,  p.  157. 


CHERTIN.   —  NATALITÉ  BAV8  LE  LOT-ET-GARONNE.  43 

natnrelles  parfaitement  distinctes  par  l'aspect  et  la  compo- 
sition du  sol.  Au  sud,  les  chaînes  de  collines  du  pays  de 
Lomagne  viennent  se  terminer  par  de  brusques  escarpements 
dans  la  plaine  delà  Garonne  ;  au  sud-ouest,  s'étend  la  surface 
unie  des  landes  boisées,  appartenant  jadis  au  Bazadais, 
tandis  qu'an  nord  des  admirables  campagnes  que  parcourt 
le  fleuve,  tout  TAgenais  est  occupé  par  des  coteaux  d'origine 
tertiaire  entre  lesquels  le  Lot,  îe  Dropt  et  de  nombreux 
ruisseaux  ont  découpé  de  tortueuses  vallées.  Pris  dans  son 
ensemble,  le  département  est  fort  riche,  très  productif  en 
denrées  agricoles  de  toute  espèce;  il  possède  une  race  bovine 
des  plus  estimées  ;  quelques  industries  y  prospèrent.  La 
misère  est  inconnue  dans  la  contrée.  » 

Ajoutons  pour  donner  une  idée  de  sa  fertilité  au  point  de 
vue  de  notre  principale  céréale,  le  froment,  que  le  Lot-et- 
Garonne,  d'après  Tenquôte  agricole  de  1882,  est  le  dépar- 
tement qui  produit,  proportionnellement  à  la  superficie  des 
terres  labourables,  la  récolte  maximum  de  toute  la  France, 
soit  712  hectolitres  de  froment  pour  100  hectares  de  terres 
labourables.  H  est  le  deuxième  sur  la  liste,  si  l'on  compare  le 
produit  au  chifiFre  total  de  la  population,  soit  660  hectolitres 
pour  100  habitants  de  tout  âge. 

Le  département  du  Lot-et-Garonne  est  donc  dans  des  condi- 
tions de  prospérité  exceptionnelles  ;  il  m'a  donc  paru  mériter 
on  examen  démographique  aussi  complet  que  possible, 
permettant  de  rechercher  les  causes  de  sa  pauvreté  particu- 
lière en  enfants. 

Je  viens  vous  apporter  le  résultat  d'une  étude  qui  embrasse 
les  326  communes  du  département  du  Lot-et-Garonne. 

NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 

Je  rappellerai  dans  quelle  situation  démographique  se 
trouve  ce  département.  Il  présente  une  moyenne  générale 
de  16,1  enfants  pour  100  familles.  Cette  moyenne  se  décom- 
pose ainsi  : 


Nombre 
d'enfanU 

par 
famille. 

Lot- 

et- 

Garonne 

Moyenne 

delà 

France 

.  entière. 

0  enfant. 

21,8 

20,0 

i      — 

34,3 

24,4 

î      — 

îiO,t 

21,8 

3      — 

14,4 

14,5 

4      — 

5,5 

9,0 

5      — 

2,3 

5,2 

6      — 

0,9 

2,9 

7       — 

0,6 

2,î 

44  SÉANCE  DU   22  JANVIER    i89l. 

DépartemenU  à  moyenne 

Minimum.  Maximum. 

Hérault 10,5    Orne 38,6 

Finistère 14,4    Gère 18,0 

Alpes- Maritimes.  14,6    Lot 34,2 

Gard 8,1     Landes 23,8 

Lot 3,8  H  au  te- Garonne.  14,8 

Orne 2,2  Deux-Sèvres....  12,0 

Hérault 0,4    Isère 8,0 

Hérault 0,1  Côtes-du-Nord. .  6,5 

Il  résulte  de  ce  tableau  que  la  caractéristique  de  Lot-et- 
Garonne  est  de  posséder  un  très  grand  nombre  de  familles 
ayant  un  seul  enfant,  un  tiers  environ.  Les  familles  sans 
enfants  ou  celles  qui  en  ont  deux  ou  trois  se  rapprochent  de 
la  moyenne  générale  de  la  France.  Par  contre  les  familles  de 
plus  de  quatre  enfants  sont  extrêmementrares  et  leur  propor- 
tion bien  au-dessous  de  la  moyenne  générale  de  la  France. 

Voyons  maintenant  comment  se  comportent  : 

!•  Les  quatre  arrondissements  ; 

2o  Les  trente-quatre  cantons  ; 

3»  Les  trois  cent  vingt-six  communes. 

Cet  examen  fait,  nous  essayerons  d'en  dégager  des  conclu- 
sions basées  sur  cette  étude  statistique  méthodique. 

I 

ÉTUDE  PAR  ARRONDISSEMENT. 

Le  département  du  Lot-et-Garonne  est  divisé  en  quatre 
arrondissements  qui  se  présentent  à  nous^  au  point  de  vue 
démographique,  dans  les  conditions  suivantes  : 

ArrondiiaemenU 


Agen. 

Marmande. 

Nérac. 

VilleneuTe. 

Familles 

sans  enfant 

247 

197 

203 

225 

— 

ayant  1 

enfant. . . 

380 

326 

314 

350 

— > 

i 

^^    ••  • 

191 

218 

233 

171 

— 

—    3 

^■^    •  • . 

118 

144 

161 

153 

— 

—    4 

■~~'    •"• . 

40 

72 

58 

54 

— 

—     6 

*^**    • .  • 

14 

27 

20 

28 

— 

—     6 

^^    • .  • 

4 

10 

10 

11 

— 

—    7 

—^    • .  • 

3 

6 

5 

7 

1000         1000  1000  1000 


CHERVni.   —  NATAUTÉ  DAMS  LE  LOT-BT-GARONNE.  45 

On  Toii  que  rarrondissement  d'Agen  se  comporte  tout 
différemment  des  trois  autres.  Les  familles  sans  enfant  ou 
n'en  ayant  qu*uny  sont  beaucoup  plus  nombreuses  qu'ailleurs; 
elles  constituent  presque  les  deux  tiers  des  ménages.  Par 
contre,  les  familles  de  deux  enfants  et  au-dessus  y  sont 
moins  nombreuses.  Les  autres  arrondissements,  et  surtout 
ceux  de  Marmande  et  de  Nérac,  sont  dans  des  conditions  plus 
satisfaisantes.  L^arrondissement  de  Nérac  est  le  plus  favorisé 
jusques  et  y  compris  les  familles  de  trois  enfants.  Pour  les 
familles  de  quatre  enfants  et  au-dessus,  l'arrondissement  de 
Marmande  présente  les  moyennes  les  plus  élevées. 

Au  surplus,  le  tableau  ci-après>  qui  donne  le  nombre 
moyen  d'enfants  par  famille,  nous  permet  de  classer  d'une 
manière  exacte  la  valeur  démographique  de  chaque  arron- 
dissement. 

Sur  1 000  familles,  combitn  d'enfants  m  moyenne? 

ArroodiBsement  d'Agen 1 401 

—  de  Vi  II  eneave 1 626 

—  de  Nérac 1671 

—  de  Marmaode 1726 

L'étude  des  cantons  et  des  communes  nous  donnera  la  clef 
de  cette  différence  ;  mais,  dès  maintenant,  il  nous  est  permis 
d'afBrmer  que  le  nombre  des  enfants  dans  les  différents 
arrondissements  du  Lot-et-Garonne  est  en  raison  directe  de 
la  richesse  de  ces  arrondissements. 

Comme  le  dit  M.  Elisée  Reclus,  l'aisance  est  générale  dans 
le  département.  Toutefois  il  y  a  des  degrés  dans  l'aisance  et 
on  peut  dire  que  les  arrondissements  d'Agen  et  de  Villeneuve 
jouissent,  entre  tous,  d'une  prospérité  exceptionnelle. 

Enfîn  nous  signalerons  en  passant  une  petite  nuance  qui  a 
peut-être  son  importance.  Les  arrondissements  de  Nérac  et 
de  Marmande  fournissent  une  proportion  de  protestants  qui 
ne  se  rencontre  pas  dans  les  deux  autres. 

Sans  vouloir  faire  jouer  à  la  religion  un  rôle  aussi  impor- 
tant dans  la  question  que  celui  que  lui  attribuent  certains 
démographes,  c'est,  à  n'en  pas  douter,  un  facteur  qu'il  ne 


48  SÉANCE  m   82  lANTIBR  1891. 

faut  pas  complètement  négliger,  sortout  lorsqu'il  s'agit  de 
minorité. 

La  pénurie  dans  le  nombre  des  enfants  a  un  retentissement 
très  marqué  sur  Taocroissement  de  la  population  générale  da 
département; 

Si  Ton  compare  ce  qu^était  la  population  en  i9%\,  lors  du 
premier  dénombrement  exécuté  dans  le  Lot-et -Garonne  areo 
les  mêmes  dimensions  territoriales  qu'aujourd*huiS  on  s'aper- 
çoit que,  sauf  Tarrondissement  de  Nérao,  tous  les  arrondisse- 
ments ont  été  continuellement  en  diminuant,  à  ce  point  qu*iU 
sont  moins  peuplés  aujourd'hui  qu'en  48)1,  ainsi  qu'en 
témoigne  le  tableau  suivant  : 


Agen i...i...i 

MarmaDde 

Nérac 

Villerieure 


1821. 

1886. 

80214 

76)70 

99240 

89407 

57878 

57  969 

98789 

83891 

830181 


307  437 


II 

ÉTUDE  PAR  CANTON. 

Les  différences  que  nous  venons  de  trouver  dans  la  compo- 
sition des  familles  des  quatre  arrondissements  du  Lot-et- 
Garonne,  nous  allons  encore  la  retrouver  dans  les  cantons, 
et  pour  toutes  les  catégories.  Nous  les  signalerons  au  passage 
en  en  faisant  ressortir  les  causes  toutes  les  fois  que  ce  sera 
possible. 

Voyons  donc  quelle  est  la  richesse  en  enfants  des  différents 
cantons. 


*  En  1807,  les  cantons  de  Qasteljaloux  et  de  Damazan  ont  été  distraits 
de  l'arrondissement  de  Marmande  «t  réunis  à  celui  de  Néfae.  L'arrondis- 
sement de  Moissac  et  une  partie  de  Tarrondisseroent  de  Marmande  ont 
été  détachés  du  déparlement  de  Lot-et-Garonne,  en  1808,  pour  faire  partie 
du  département  de  Tarn-et-Garonne. 


CHBATIN.  -^  NATALITÉ  DAHS  LB  IOT-BT-GARONNE.  47 


f  AHILLES  SANS  eIIFANT. 
Sur  iOQ  famUUs,  combien  sont  sans  snfantf 

PREMIER  GROUPE.  DEUXIÈME  GROUPE.  TROISIÈME  GROUPE. 

12,8  —  18,6  18,7—24,4  24,5  —  30,2 

Villeneuve 12,8  La  Plume 18,8  Puymirol Î4,6 

Tonneius 12,9   Bouglon 19,0  Mézin 24,8 

Nérac 15,0   Houeillès 19,2  Castillonnès 25,2 

Marmaude. .....     15,3   Àstaffort 20,0  La  Hoque 25,5 

Damazan 15,9  Port  &»«-Marie.  .  20,4  Lauzuo 26,0 

Fumet 16,8   Ma8-d*AgeDai0*  .  21,6  Castelmoroo.  «..  27,0 

CancoD 17,2   Lavardao «.  22,0  Penne 28»4 

Seychea. 17,8  Beauville 22,7  Casteijaloux.  ...  29,8 

Fraiicefloaa 18,2  Duras 23,1  Agen 80,2 

Prayssas 23,3 

Monclar 23,3 

Monflanquin. ...  23,8  Sainte-Livrade.  «  39,2 

Meilhan.  .......  23.7 

Tournon.l. 23,8 

ViUeréal 23,8 

Bien  qu'il  soit  di£Qcile  de  tirer  qaelque  chose  de  précis  de 
cette  rubrique  :  familles  sans  enfant  qui  comprend  les  mariés 
de  la  veille,  les  ménages  malheureux  qui  ont  perdu  tous 
leurs  enfants  et  les  ménages  inféconds,  il  est  néanmoins 
possible  de  faire  quelques  remarques  curieuses. 

Le  canton  où  le  montant  des  familles  sans  enfant  est  le 
plus  considérable  est  Sainte-Livrade,  avec  une  proportion 
de  39,2,  celui  où  ces  familles  sont  les  moins  nombreuses  est 
YUlenenve,  avec  12^8.  La  différence  entre  les  deux  moyennes 
extrêmes  est  du  triple,  et  cependant,  géographiquement,  ces 
deux  cantons  se  touchent  absolument.  Ce  même  canton  de 
Villeneuve  et  son  voisin,  Cancon,  paraissent  du  reste  une 
exception  dans  la  région  ;  car  ils  sont  entourés  de  toutes  parts 
de  cantons  ayant  des  moyennes  beaucoup  plus  élevées  que 
la  leur. 

D  une  manière  générale,  il  semble  que  les  cantons  les  plus 
populeux  sont  aussi  ceux  où  les  ménages  sans  enfant  sont 
les  moins  nombreux,  et  C'est  incontestablement  la  partie  est 


48  SÉANCE  DU  2â  JANVIER  1891. 

du  département  qui  est  la  moins  favorisée.  C'est  là  que  nous 
rencontrons  les  deux  groupes  où  les  familles  sans  enfant  sont 
les  plus  nombreuses,  à  savoir:  au  nord-est  Gastillonnès,  Lau- 
zun,Castelmoron  etSainte-Livrade  ;  au  sud-est.  Penne,  Laro- 
que,  Agen,  Puymirol. 

FAMILLES  n'ayant  QU'UN  ENFANT. 
Sur  100  familles,  combien  ont  un  seul  enfant? 

PRBMIBR  GROUPE.  DKUXIÈIIE  GROUPE.  TROISlàMB  GROUPE. 

«3,8  —  30,5  30,6  —  37,7  37,8  — W.O 

Bouglon Î3,3   Cancon 33,0   Francescas 40,5 

Nérac 25,3   Agen 32,0    Monclar «0,« 

Fumel 26,1    Sainte-Livrade.  .  32.2   Port-S»«-Marie..     40,8 

Marmande 26.2   Monflanquin 32,7    La  Roque 4t. 1 

Houeillès 26,6   Castillonnès 32.8    Puymirol 41,1 

Casteijaloux 27,5   Lavardac 33,2   Beauville 41,4 

TouDein» 29,0   Mézin 33,2   La  Plume 42,5 

Vilîeréal 33,2   Prayssas 43,8 

Lauzun 33.8  Villeneuve 45,0 

Meilhan 34,3 

Penne 34,9 

Tournon 35.0 

Duras 35.5 

Seycbes 36,3 

Caslelmoron.  ...  37,4 

Mas-d'Agenais.  .  37,4 

Astaffort 37,5 

Damazan 37,5 

On  sait  que  la  moyenne  du  nombre  des  enfants,  par  fa- 
mille, est  de  16,1  pour  100  dans  le  Lot-et-Garonne.  Aussi  les 
familles  ayant  un  ou  deux  enfants  constituent-elles  la  grande 
majorité.  La  ligne  de  démarcation  apparaît  déjà  très  sensi- 
blement pour  la  catégorie  des  familles  n'ayant  qu'un  enfant. 

Les  cantons  appartenant  à  la  catégorie  moyenne  occupent 
tout  le  nord  du  département  et  forment  une  bande  trans- 
versale qui  va  de  l'ouest  au  sud  et  coupe  en  deux  le  groupe 
des  cantons  ouest  qui  appartiennent  en  général  à  la  première 
catégorie.  Les  cantons  à  moyenne  élevée  forment  un  noyau 


CHERVIN.   —  NATALITÉ   DANS  LE   LOT-ET-GARONNE.  4D 

central  très  compact  et  dont  Ja  majeure  partie  est  dans 
TÂgenaîs. 

Il  faat  remarquer  la  différence  considérable  entre  Nérac 
et  les  cantons  voisins  de  Francescaset  delà  Plume,  qui  ont  une 
moyenne  plus  élevée  que  lui  de  presque  le  double.  La  même 
chose  a  lieu  pour  Tonneins  et  ses  voisins,  Port- Sainte-Marie 
et  Prayssas. 

Je  signalerai  encore  le  canton  de  Fnmel,  qui  est  à  Tangle 
nord-est  du  département  et  qui  se  comporte  d'une  manière 
complètement  différente  des  cantons  limitrophes.  On  verra 
par  la  suite  que  le  canton  de  Fumel  est  toujours  plus  fécond 
qu'eux. 

FAMILLES  AYANT  DEUX  ENFANTS. 
Sur  100  familles f  combien  ont  2  enfants? 

PREMIER   GROUPE.  DEUXIÈME   GROUPE.  TROISIÈME   GROUPE. 

14,6—18,2  18,3  —  21,8  21,9  —  25,0 

Sainte-Livrade.  .  14,6  Houeillès 18,5    Marmande 2!,0 

Fumel 13,5  Duras 18,8    Port-Si«-Marie.  .     22,2 

Monclar 15,5  Beauville 19,0    Bouglon 2t,4 

Penne 16,6  Casteljnloux 19,3    Lavardac 22,4 

Castelmoron.  ...  16,7  La  Plume 19,6   Seyches 28,2 

Villeréal 16,7  Mézin 19,9    La  Roque f5,4 

Tournon 17,1  Damazan 20,0   Tonneins 25,5 

Villeneuve 17,1  Mas-d'Agenais.  .  20,2 

Laazun 17.8  Astaffort 20,3 

Agen 18,0  Cancon 21,0    Nérac 31,9 

Prayssas 18,0  Meilhan 21,4 

CastillonDès 18,0  Francescas 21 ,5 

Monflanquin.  ...  18,0 

Puvmirol 18,2 

Rien  de  plus  curieux  que  la  répartition  géographique 
de  cette  catégorie  de  familles.  Les  cantons  de  l'est  présentent 
peu  de  familles  ayant  deux  enfants,  les  unes  parce  que 
c'est  trop  pour  eux,  les  autres  parce  que  ce  n'est  pas  assez  ; 
les  cantons  de  l'ouest  appartiennent  à  la  catégorie  moyenne, 
et  une  petite  bande  médiane  appartient  à  la  catégorie  con- 
tenant le  plus  de  familles  de  deux  enfants.  Le  fait  est  tel- 
T.  11  (4*  série).  4 


50  SÉANCE  DU  22  JANVIER  1891. 

lement  tranché,  que^surles  dix  cantons  de  l'arrondissement 
de  Villeneuve,  qui  est  situé  à  Test  du  département  neuf  (celai 
de  Gancon  excepté)  appartiennent  à  la  première  catégorie, 
tandis  que  Tarrondissement  de  Nérac,  qui  est  situé  à  Fouest, 
n'en  présente  pas  un  seul  appartenant  à  cette  première  caté- 
gorie. 

FAMILLES  AYANT  TROIS  ENFANTS. 
Sur  100  familles f  combien  onl  3  enfants? 

PREMIER  GROUPE.  DBUXIÈMB  GROUPE.  TROISIÈlfB  GROUPE. 

9,1  —  18,1  13,4-17,1  17,2—21,1 

La  Roque 9,1  Âstaffort 13, ti   TonDeins 18,2 

Prayssas 9,2   Mézin 13,2    Houeillès 19,8 

Sainte-Livrade .  .      9,3  Seyohes 13,6    Nérac 20,0 

Port-St'-Marie.  .     10,3  Agen 13,7    Fumel 21,1 

Puymirol 10,4   Lauxun 13,9 

La  Plume 11,1   Penne 13,9 

Villeneuve 11,5   Bouglon 14,1 

Beauville 11,6   Monclar 14,6      • 

Meilhan 12,1    Casteljaloux 14,7 

Castelmoron.  ...     12,1   Damazan 16,0 

Francescas 12,2   Lavardac 15,6 

Ma8-d*Agenais.  .     12,6   Marmande 15,8 

Duras 13,1    Monflanquin 16,0 

Tournon.  • 16,1 

Villeréal 16,3 

Cancon 16,6 

Castillonnès 16,7 

La  répartition  géographique  des  moyennes  est  encore  très 
tranchée  pour  les  familles  de  trois  enfants.  Tous  les  cantons 
situés  au  nord  appartiennent  à  la  catégorie  moyenne,  à 
l'exception  de  Duras,  qui  appartient  à  la  première,  et  de 
Fumel,  qui  appartient  à  la  troisième.  Les  cantons  du  sud- 
ouest  appartiennent  moitié  à  la  deuxième,  moitié  à  la  troi- 
sième catégorie.  Ces  deux  portions  extrêmes  du  département 
sont  séparées  par  une  bande  formée  des  cantons  arrosés  par  le 
Lot  et  la  Garonne,  qui,  à  l'exception  de  Tonneins,  appar- 
tiennent à  la  catégorie  où  les  familles  de  trois  enfants  comp- 
tent à  peine  pour  un  dixième  dans  le  chiffre  total. 


CHBRVIN.    —   NATAUTÉ  DANS  LB  LOT-BT-GARONNE.  51 

FAMILLES  AYANT  QUATRE  BUVANTS  • 
Sur  100  famUlêS,  combkn  ont  h  enfanté? 

PBEMIEB  GROUPE.  DEUXIÈME  GROUPE.  TROISIÂIfE  GROUPE. 

i,6— 5,î  6,3  —  7,8  7,9-10,6 

Saiote-Li?rade ...  2,6  Seyches 5,3    Houeillès 8,8 

Moncltr 2,9  ABUffort 5,4    Tooneina 9,9 

Prayssas 3,2   Lauzuo 5,5    Fumel 10,6 

Penne 3,4   Villeréal 5,7 

Agcn 3,6   Villeneuve 6,4 

Beanville 3,6  Boaglon 6,8   Marmande.  .  ...    12,8 

Puymirol 3,7    Damaxan 7,1 

Castelmoroo 3,7    Cancon 7,2 

Franeescas 3,9 

Port-S»«-Marie. ...  4,0 

CtatUlonnès 4,1 

Casteljaloaz 4,1 

Lavardac 4,2 

La  Roque 4,3 

Meilhan 4,6 

Mas-d*  Age  nais.  ..  4,7 

Nérac 4,7 

Toarnon 4,7 

La  Plume 4,9 

Mézin 5,0 

Doras 5,2 

Monflanquin 5,2 

Les  familles  de  quatre  enfants  commencent  à  être  des 
raretés  dans  le  département  du  Lot-et-Garonne,  aussi  voyons- 
nous  que  les  deux  tiers  des  cantons  appartiennent  à  la  pre- 
mière catégorie  ;  ils  appartiennent  en  générai  à  la  partie  est  du 
département.  Le  canton  de  Fumel  se  distingue  toujours  par 
sa  plus  forte  proportion  d'enfants  par  ménage  que  les 
cantons  voisins.  C'est  ainsi  que,  tandis  que  Fumel  a  une 
moyemie  de  10,6,  le  canton  de  Penne  a  3,4;  celui  de  Tour- 
non  4,7  et  celui  de  Monflanquin  5,2.  Le  fait  analogue  se  passe 
pour  Marmande,  Tonneins  et  Houeillès,  qui  diffèrent  très 
sensiblement  des  cantons  voisins. 

Tous  les  cantons  de  Tarrondissement  d'Agen  (celui  d*Astaf- 
fort  excepté)  se  distinguent  par  la  faiblesse  de  leurs  moyennes. 


52  SÉANCE   DU  22  JANVIER   489i. 


FAMILLES  AYANT  CINQ  ENFANTS. 
Sur  100  familles,  combien  ont  5  enfants? 

PREMIER  GROUPE.  DEUXIÈME  GROUPE.  TROISIÈME  GROUPE. 

0,8 -«,3  2,* -3.9  *,0-5,5 

Beauville 0,8    Casleljaloux 2,4   Houeillès 4,0 

Sainte-LIvrade.  ..  1,1    Damazan 2,6   Marmande 4,9 

Agen 1,?.    Monflanquin 2,8   Fumel 5,5 

Prayssaa 1,2   Cancon 2,9 

Puymirol 1,2    Bouglon 3,1 

Caslelmoron 1,8    ToiinelnB 3,2 

La  Roque 1,3 

Lavardac 1,3 

Port-St'-Marie...  1,4 

Penne 1,5 

Nérao 1,6 

Francesoas 1,7 

Duras 1,8 

Mas-d'Âgenais.. . .  1,8 

Meilhan 1,8 

Monclar 1,8 

Tournon 1,8 

Villeneuve 1,8 

Mézin 1,9 

La  Plume 2,0 

Lauzun. 2,0 

Villeréal 2,1 

Seyches 2,2 

ÂstafTort 2,3 

CadlilloQDès 2,3 

A  mesure  que  le  nombre  des  enfants  augmente,  la  liste  de 
la  catégorie  minimum  s'allonge.  Il  n*y  a  plus  maintenant 
que  le  quart  des  cantons  pour  remplir  les  deux  autres  caté- 
gories. Mais  il  faut  remarquer  que  les  neuf  cantons  qui 
composent  les  deux  dernières  catégories  forment  des  groupes 
parfaitement  homogènes,  Tun  au  nord  est  formé  des  cantons 
de  Fumel,  de  Monflanquin  et  de  Cancon,  Tautre  à  Touest  com- 
prenant les  autres  cantons.  Tout  le  nord-ouest  et  le  sud-sud- 
est  n'ont  qu'un  très  petit  nombre  de  familles  de  cinq 
enfants. 


CHERVIN.    —    NATALÎTé  DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  53 


FAMILLES  AYANT  SIX   ENFANTS. 
Sur  1000  famiUêSt  combien  ont  6  enfants? 

PReiUER  GROUPE.  DEUXIÈME  OROUPF.  TROISIÈME  GROUPE. 

1  —  9  10—18  19  — 17 

MarmiDde 1    Cancon lo  Villeneuve 20 

Beaoville t    Meilb&n lo   Fumel 27 

PrayBsas 2    Mézin 10 

Poymirol 2   Daujazan 10 

La  Roque 3    Fronoesoaa 10 

La  Plume 4    Tonnein» 11 

Port-Sainte-Marie  .  4    Villeréal 12 

Castelmoron 4    Bouglon 13 

Agen 5    Casteljalouz 13 

AstafforL 5    Houeillès 17 

MoDc.'ar 5 

Penne 5 

Sainte-Li%Tade 5 

Lavardac 0 

Doraii 7 

Lauznn 7 

Mas-d*Agenai8 7 

Caatillonnèa 7 

Seyches 8 

Nérac 8 

Tournon 8 

Monflanqoin 9 

Nous  arrivons  à  des  proportions  misérables.  Quand  on 
pense  que^  dans  le  canton  de  Marmande,  il  y  a  en  moyenne 
une  famille  sur  iOOO,  ayant  six  enfants  et  que  le  canton  de 
Fumel,  qui  est  le  mieux  partagé,  en  a  27.  Mais  la  grande 
majorité  des  cantons  ne  dépasse  pas  10  pour  1 000. 

Le  groupement  géographique  est  ici  encore  très  accusé, 
un  groupe  au  sud-ouest  et  un  autre  au  nord-est  qui  appar- 
tiennent aux  deuxième  et  troisième  catégories,  tout  le  reste 
du  département  peuple  la  première  catégorie. 


54  8ÉANGE  DU  22  JANVIER   1891. 


FAÎULLES  AYANT  SEPT   ENFANTS. 
Sur  1000  familles f  comlnen  ont  7  enfants  et  plus  ? 

PREMIER  OROUPB.  DEUXIÈME  GROUPE.  TROISIÈME  GROUPE. 

1  —  4  5-8  9  — H 

Prayssas: 1   Astaffort 5  Villeréal 9 

Marmande 1   Dura« 5  Houelllès.. ii 

Beauville 2  Seyches 5  Fumel li 

Port-Sainte-Marie..  2   Bouglon 6 

Puymirol 2  'Meilhan 6 

Nérao 2   Casteljaloux 6 

Agen 3   Damazan 6 

La  Roque 3    Franceacas 6 

Lavardao 3    Penne 6 

La  Plume h   Lauzun 7 

Castelmoron 4  Mas-d'A gênais.  .  ..  7 

Tonneins 4    Mézin 7 

Monclar 4    Cancon 7 

Sainte-Livrade 4    Castillonnès 7 

Villeneuve 4   Tournon 7 

Monflanquin 8 

Il  ne  s*agit  plus  maintenant  que  de  phénomènes  et  il  est 
certain  que  les  familles  de  sept  enfants  doivent  être  montrées 
au  doigt.  Il  y  a  une  navrante  régularité  dans  la  gradation 
des  proportions,  si  bien  que  les  trois  catégories  sont  à  peu 
près  équitablement  composées.  Gomme  toujours,  il  y  a  deux 
groupes  situés  aux  extrémités  du  département,  au  nord-est 
et  au  sud-ouest,  oii  les  moyennes  sont  un  peu  moins  faibles, 
tant  il  est  vrai  qu'il  y  a  des  degrés  en  tout.  Mais  cela  ne 
vaut  vraiment  guère  la  peine  d'en  parler.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  faut  le  constater,  et  constater  aussi  que  les  vallées  de  la 
Garonne  et  du  Lot,  les  plus  fertiles  de  toutes,  se  distinguent 
entre  toutes  par  leur  absence  de  familles  de  sept  enfants. 

Nous  venons  de  voir  quelle  différence  profonde  sépare  les 
cantons  entre  eux.  On  pourrait  croire  à  l'examen  des  écarts 
enti'e  les  moyennes  cantonales  qu'il  s'agit  de  régions  très 
éloignées  et  très  dissemblables,  et  cependant,  tous  ces  cantons 


CHBRym.  —  NATALITÉ   DANS  LE  LOT-BT-GARONNE.           55 

appartiennent  à  an  même  groupe  ethnique  et  se  trouvent 
dans  des  conditions  mentales  identiques. 

La  différence  est  aussi  grande  entre  les  cantons  qu^elle  était 
entre  les  divers  départements. 

Rang  oooapé 

Revenu  net  dans  la  claggittcation 

imposable  de  la  Talear    da  nombre  moyen 

par  hectare.  durevenn.           d'enfanU. 

Honeillès 12^36  1                     31 

CasteljaloQX 37,00  2                    13 

Bouglon 44,78  3                    27 

Pamel 44 ,02  4                     34 

Méxin 46,65  6                     il 

Laroqoe 58,38  6                      3 

Beaoville 59,94  7                      7 

Mooflanqain 62^08  8                   24 

Villeréal 64,73  9                    23 

Doras 65,73  10                     15 

Tournon 66,74  11                    18 

Uozun 70,58  12                     12 

Caetillonnès 70,35  13                    20 

UPIame 71,13  14                    11 

Poymirol 72,94  15                      4 

Seyches 72,93  16                    25 

Caocon 72,25  17                     29 

FraDceseas 76,40  IS                    21 

Castelmoron 77,50  19                     6 

Damazan 78,44  20                    26 

Penne 79,04  21                      8 

Prayssas 83^54  22                      2 

MoDolar 85 ,04  23                       9 

Lavardao S8,ll  24                    19 

Nérae 95,35  25                     30 

VilIeneuTe 99,67  26                    28 

Astaffort 100,61  27                    22 

Agen 101,55  28                     5 

Meilhan 108,36  29                    14 

Mas 104,06  30                     16 

Port-Stinte-Marie 110 ,78  31                    10 

MarmâDde 112,76  82                   33 

Tonneins 121,69  33                    32 

Sainte-Livrade 137,01  34                      1 

Chaque  canton  apparaît  avec  une  physionomie  à  part  que 
nous  allons  résumer  en  donnant  le  nombre  moyen  d'enfants 
par  famille^  pour  chacun  d'eux.  Mais,  dès  maintenant,  on  peut 


56  SÉANCE  DU  22  JANVIER  1691 . 

affirmer  que  ni  la  race,  ni  les  conditions  physiologiques, 
mentales  et  morales  dans  lesquelles  se  trouvent  les  cantons 
ne  peuvent  intervenir  dans  la  question  ;  un  seul  élément 
domine  tout  le  problème  :  l'état  économique  du  canton. 

Pour  permettre  d'en  juger,  nous  donnons  ci-dessus  le  seul 
document  qui,  dans  ce  département  essentiellement  agricole, 
permette  de  juger  approximativement  la  richesse  de  chaque 
canton  :  le  revenu  net  imposable  par  hectare. 

NOBIBRE  MOYEN  D*ENFANTS  PAR  FAMILLE. 
Sur  iOO  famiUêt,  combien  d'enfants  m  moyenne? 

PREMIRR  GROUPE.  DEUXIÈME  GROUPE.  TROISIÈME  OROUPf^ 

110,9  —  146,1  146,2  —  181,3  181,4  —  216,6 

Sainte-Livpade..     110,9    La  Plume 150,6   Nérac 188,7 

Prayssas 132,3    Lauzun 151,7    Houeillès 197,2 

La  Roque ..     132,5    Casteijaloux....  151,8   Tonneios 198,9 

Piiymipol 134,3    Meilhan 152,8    Marraando 211,7 

Agen 135,8    Duras 162,8    Fumel 216,6 

Castelmoron.  ..     136,5    Mas-d'A gênais..  152,9 

Beauvillo 137,2    Mézin 153,8 

Penne 138,5    Touruon 154,3 

Monclar 142,1    Lavardac 155,0 

Port-S»p-Manc. .    143,9    Castillonnès. . . .  155,8 

Francescas 155,9 

Astaffort 158,2 

Villeréal 162,5 

Monflanquin.  ..  163,1 

Seyches 164,5 

Damazan 174,9 

BougloD 175,4 

Villeneuve 177,9 

Cancon 180,4 

Remarquons  tout  d'abord  que,  entre  le  canton  à  moyenne 
minimum,  Sainte-Livrade,  it0,9,  et  le  canton  à  moyenne 
maximum,  Fumel,  216^6,  la  différence  est  du  simple  au  double. 
Or,  ces  deux  cantons  appartiennent  au  même  arrondissement 
de  Villeneuve.  Seulement,  l'un  est  pauvre  et  l'autre  est  riche. 

Toute  la  région  comprise  entre  le  Lot  et  la  Garonne  est  la 
plus  riche  et  en  même  temps  la  plus  inféconde  ;  elle  com- 
prend les  cantons  de  Prayssas,  Port-Sainte-Marie,  Agen, 


CHERYIN.    —  NATALITÉ  DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  57 

Laroque,  Puymirol,  Beauville,  Sainte-LhTade,  Penne.  Le 
canton  de  Tournon,  qui  est  le  moins  riche  de  cette  vallée, 
surtout  depais  Tapparition  du  phylloxéra,  se  distingue  de  ses 
voisins  de  la  même  vallée  en  ayant  plus  d*enfants  ;  il  appar- 
tient à  la  deuxième  catégorie. 

Au  nord,  dans  Tangle  formé  par  le  Lot  et  la  Garonne,  on 
note  Monclar,  Gastelmoron  et  Villeneuve  qui  sont  trois 
cantons  très  riches.  Les  deux  premiers  appartiennent  à  la 
première  catégorie,  le  dernier  à  la  deuxième.  Mais  il  ne  faut 
.  pas  oublier  que  Villeneuve  est  une  ville  de  45000  habitants 
et  que  les  ouvriers  y  sont  nombreux.  Dans  cette  même  région, 
on  trouve  Tonneins,  canton  très  riche,  qui  appartient  à  la 
troisième  catégorie,  parce  que  Tonneins  est  une  ville  ouvrière 
placée  au  milieu  d'un  canton  très  riche.  Il  est  arrivé  dans  la 
statistique  que  la  moyenne  du  canton  a  bénéficié  de  la  forte 
natalité  du  chef -lieu  ;  voilà  pourquoi  Tonneins,  quoique  très 
riche,  est  un  des  cantons  les  plus  prolifiques. 

Le  canton  d'Agen,  qui  appartient  à  la  première  catégorie, 
semble  échapper  à  cette  loi.  Cette  anomalie  s'explique  quand 
on  sait  qu*Âgen,  malgré  ses  25  000  habitants,  n'est  pas  une 
ville  ouvrière  et  que,  proportion  gardée,  elle  contient  beau- 
coup moins  d'ouvriers  que  Villeneuve  et  Tonneins. 

Fumely  canton  pauvre  :  beaucoup  d*enfants. 

Marmande,  canton  riche,  très  richC;  peu  d'ouvriers. 
Pourquoi  ce  canton  appartient-il  à  la  troisième  catégorie  ? 
Pourquoi  produit-il  beaucoup  d'enfants,  malgré  sa  richesse  ? 
Il  est  probable  que  la  moyenne  générale  du  canton  a  été 
faiblement  influencée  par  le  cheMieu,  qui  est  un  centre  com- 
mercial et  industriel  très  important.  Pourquoi  Seyches,  Gan- 
con,  Monflanquin,  Villeréal,  Gastillonnès,  cantons  moyenne- 
ment riches  aussi,  appartiennent-ils  à  la  deuxième  catégorie? 

Duras  et  Lauzun,  qui  sont  beaucoup  plus  riches  que 
les  précédents,  ont  une  moyenne  beaucoup  plus  basse  qu'eux, 
tout  en  appartenant  à  la  même  catégorie. 

A  l'ouest,  Meiihan,  Mas  d'Agenais,  Damazan,  Lavardac, 
cantons  très  riches,  appartiennent  à  la  deuxième  catégorie. 


58  SÉANCE  DU  22  JANVIER   1891. 

ainsi  que  La  Plume,  Astaffort,  Francesoas,  Bouglon,  Gastel- 
jaloux,  Mezin,  qui  sont  moins  riches  que  les  précédents  et  ont 
des  moyennes  plus  élevées  qu'eux. 

Le  canton  de  Houeiilès,  qui  est  le  plus  pauvre  de  tous  avec 
ses  landes  qui  ne  produisent  que  des  chênes-lièges,  est  parmi 
les  cantons  de  la  troisième  catégorie,  où  les  familles  sont  les 
plus  nombreuses. 

Nérac  est  dans  le  même  cas.  Placé  au  centre  d*un  pays 
riche,  il  doit  probablement  sa  situation  démographique 
favorable  à  ce  que  la  ville  de  Nérac  recèle  une  quantité  de 
pauvres  espagnols. 

En  résumé,  les  catégories  sont  très  nettement  tranchées. 

Les  cantons  compris  dans  la  plaine  de  la  Garonne  se  font 
particulièrement  remarquer  par  la  faiblesse  de  leur  fécondité. 
Us  appartiennent  tous  à  la  première  catégorie.  Faut-il  ajouter 
que  ce  ne  sont  pas  les  cantons  les  moins  riches,  au  contraire. 

Les  cantons  de  la  troisième  catégorie,  qui  comprend  les 
fcunilles  les  plus  nombreuses,  sont  ceux  où  la  richesse  agricole 
n*est  pas  Tunique  ressource  du  pays  et  où  réside  une  popu* 
lation  ouvrière  commerçante  ou  industrielle,  commeàFumel 
qui  possède  des  hauts  fourneaux,  comme  à  Nérac,  Marmande, 
Tonneins,  qui  sont  des  centres  commerciaux  importants. 

III 

ÉTUDE  PAR  COMMUNE. 

J'arrive  enfin  à  Tétude  de  la  composition  des  familles  dans 
chaque  commune.  Il  ne  m*a  pas  été  possible,  et  il  n'était  pas 
utile  d'ailleurs^  d'étudier  la  composition  des  familles  pour 
chacune  des  huit  catégories  habituelles. 

En  effet,  les  communes  du  Lot-et-Garonne  sont  en  général 
très  petites;  sur  326,  2i  seulement  ont  plus  de  2000  habi- 
tants. Or,  des  agglomérations  de  moins  de  2000  habitants 
supposent  de  300  à  400  familles;  c'eût  été  s'exposer  à  n'avoir 
que  des  bases  bien  faibles^  et,  par  conséquent^  forcément 


CHBHYIN.  —  NATALITÉ  DANS  LE  LOT-BT-GARONNE.  59 

inexactes,  que  de  détailler  le  nombre  des  familles  ayant  1, 2, 
3,  4,  5,  6  et  7  enfants. 

Pour  toutes  ces  raisons  donc,  je  me  suis  borné  à  recher- 
cher la  moyenne  du  nombre  des  enfants  par  famille.  C'est 
déjà  une  assez  grosse  besogne,  et  j'ajoute  tout  de  suite  bien 
franchement,  beaucoup  plus  fructueuse  qu'il  semblerait  au 
premier  abord.  Cette  étude  sert  non  seulement  de  contrôle  à 
Tétude  des  cantons,  mais  elle  apporte  également  un  élément 
considérable  d'appréciation.  Il  est  quelquefois  difficile  de  se 
retrouver  au  milieu  de  ces  moyennes  qu'il  a  été  forcément 
nécessaire  de  classer.  Néanmoins,  il  en  est  résulté  certains 
groupements  géographiques  sur  lesquels  j'appellerai  l'atten- 
tion en  temps  et  lieu. 

Une  première  réflexion  s'impose.  Lorsqu'on  jette  un  regard 
sur  les  moyennes  des  communes,  on  est  frappé  de  leur  homo- 
généité. Elles  se  suivent  à  de  très  petites  différences  près  et 
avec  une  gradation  presque  régulière  pour  la  plupart  des 
communes. 

Aussi  le  groupement  de  ces  326  communes  par  catégorie 
est  facile  et  se  présente  dans  des  conditions  parfaitement  natu- 
relles. J'ai  eu  simplement  à  mettre  à  part^  d'un  côté  une  dizaine 
de  communes  qui  ont  moins  de  1  enfant  par  famille,  et,  d'un 
autre  côté,  4  communes  qui  ont  une  proportion  d'enfants 
beaucoup  plus  considérable  que  les  autres,  et  surtout  qui 
laissent  un  très  grand  intervalle  avec  les  précédentes. 

Les  groupes  ont  donc  été  constitués  de  la  manière  sui- 
vante; les  catégories  s'échelonnant  à  vingt  unités  de  dis- 
tance : 
!'•  catégorie, les  moyennes  inférieures  à  100,  soit 10  commanes. 


2* 

— 

— 

comprises  entre  100  et  119,  soit 

24 

3« 

— 

- 

— 

120  et  139, 

— 

54 

4* 

— 

— 

— 

140  et  159, 

— 

91 

5« 

— 

— 

160  et  179, 

— 

90 

6« 

— 

— 

— 

180  et  199, 

— 

33 

?• 

— 

— 

— 

200  et  219, 

— 

10 

8« 

— 

— 

— 

220  et  239, 

— 

10 

9* 

— 

— 

supérieures 

à  240.  soit.  • . . 

4 

^*       ^W     W  ^  •      "^  ^»  •  W  ■     W     W     W 

•    •    • 

Total 326  communes. 


60  SÉANCE  DU  32  JANVIER   4891. 

Pour  qa*il  fût  possible  de  se  retrouver  au  milieu  de  cette 
foule  de  chiffres  et  de  communes  dont  le  nom  et  la  situation 
géographique  ne  sont  pas  très  familiers,  j*ai  dû  ro'écarterde 
la  règle  habituelle  qui  veut  que  les  moyennes  soient  rangées 
dans  un  ordre  régulier  de  croissance  ou  de  décroissance. 
Voici  Tordreque  j*ai  adopté  :  Dans  chaque  catégofie/f  ai  groupé 
les  communes  par  arrondissement  d^abord,  et  par  canton 
ensuite,  en  suivant  Tordre  alphabétique;  ainsi,  donc,  le  pre- 
mier nom  est  celui  de  la  commune,  le  deuxième,  qui  est 
entre  parenthèse,  indique  le  nom  du  canton  auquel  appartient 
la  commune,  et  le  chiffre  qui  suit  donne  le  nombre  moyen 
d*enfants  pour  cent  familles  de  cette  commune. 

Première  catégorie. 

Celte  première  catégorie  contient  les  communes  où  les  fa« 
milles  n'ont  pas  même  en  moyenne  un  seul  enfant.  J*avoue 
que  je  ne  pensais  pas,  avant  d'entreprendre  cette  étude, 
qu'un  fait  aussi  triste  pût  se  présenter.  Je  dois  dire  cepen- 
dant que,  pour  certaines  communes,  il doity  avoir  une  erreur 
dans  les  chiffres  fournis  par  Tenquête  statistique. 

Quoi  qull  en  soit,  ces  10  communes  où  la  stérilité  paraît 
être  la  règle  ne  sont  pas  dispersées  au  hasard.  En  effet, 
5  appartiennent  à  l'arrondissement  d*Agen ,  et  3  au  seul 
canton  de  Puymirol.  J'ajoute^  circonstance  grave,  que  3  de 
ces  communes  sont  absolument  voisines,  ce  sont  :  Grayssas, 
Saint-Uroisse  et  Clermont-Dessus.  L'arrondissement  de  Vil- 
leneuve compte  également  3  communes,  dont  2  ne  sont  pas 
éloignées  Tune  de  l'autre. 

Enfin,  il  faut  encore  remarquer  que  sur  ces  10  communes, 
il  y  en  a  3  qui  sont  des  chefs-lieux  de  canton  :  Prayssas, 
Saint-Livrade  et  Monclar,  et  ce  sont  précisément  trois  chefs- 
lieux  de  canton  où  la  population  vit  dans  une  très  large 
aisance. 


CIIKRVIN.    —    NATAUTI-:   DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  6i 

I 

Arrondissement  d*Agen, 

Grayssaâ  (Payroirol) 92      Lacépède  (Prayssas) 97 

Saioï-Urcissc  (Puymirol) 95      Prayssas 98 

Clermont- Dessus  (Puymirol)..     97 

Arrondissement  de  Marmande. 
Saint-Jean-de-Duras  (Duras) 96 

Arrondissement  de  Nérac. 
Andiran  (Nérac) 44 

Arrondissement  de  Vilteneuve. 

Sainte-Livrade TG 

Douzaios  (Castiilonnès) 99 

MONCLAR 98 

Deuxième  catégorie, 

La  deuxième  catégorie  comprend  les  24  communes  où,  sur 
100  familles,  on  trouve  de  100  à  119  enfants.  Ce  sont  encore 
des  familles  presque  infécondes. 

Vingt-quatre  communes  sont  dans  ces  conditions,  dont  15 
ap.partiennent  aux  deux  arrondissements  d'Âgen  et  de  Ville- 
neuve. 

Il  n*est  pas  rare  de  voir  deux  communes  voisines  présenter 
la  même  moyenne  :  Sauveterre  et  Saint-Nicolas,  dans  le  canton 
d'Astaffort;  Saint- Salvy  et  Bazens  dans  le  canton  de  Port- 
Sainte-Màrie;  Villeneuve-de-Mézin  et  Lannes,  dans  le  canton 
de  Mézin;  Pujols  et  Sainte-Colombe  dans  le  canton  de  Ville- 
neuve; Saint-Sylvestre  et  Penne,  dans  le  canton  de  Penne. 
Ces  petites  agglomérations  montrent  bien  que  ces  faits  ne 
sont  pas  de  purs  hasards  et  qu'il  y  a  des  causes  locales. 

Nous  trouvons,  dans  cette  deuxième  catégorie,  trois  chefs- 
lieux  de  canton,  savoir  :  Casteljaloux,  Tournon,  qui  ont  une 
moyenne  notablement  inférieure  à  celles  de  toutes  les  com* 
munes  de  la  région  ;  et  Penne,  voisin  de  Tournon,  mais  dans 


62  SÉANCE  DU  ^^   JANVIER  1891. 

des  conditions  économiques  et  démographiques  générales  dif- 
férentes. 

II.  —  100  à  119. 
Arrondistement  d'Agen, 

Sauveterre  (Astaftorl) 103      Tayrac  (Beauville) 116 

Saint- Nicolas-de-Ia-Balerme  Salnt-Salvy  (Port-Sainle-Ma- 

(Astaffort) 111  rie) 116 

Foulayronnes  (Agen) 105  Bazenis  (Port-Sainte-Marle)..  119 

Lusignan-lc-Pctit  (Prayssas).  107      Brax  (La  Plume) 118 

Arrondissement  de  Marmande, 

Laperohe  (Lauzun) 111      Verteuil  ^GastelmoroD) 117 

Allemans  (Laucun) 113      Laparade  (Castelmoron) 1U 

Arrondissement  de  Nérac. 

Espiens  (Nérac) 107      Villeneave-de-Mézia  (Mézln).    118 

Thouars  (Lavardac) 115      Lannes  (Mézin) 119 

Castbljaloux 118 

Arrondissement  de  Villeneuve, 

TouRNON 100  Saint-Silvestre  (Penne) 109 

Pujol8(  Villeneuve) 102  Penne 115 

Sainte-Colombe  (Villeneuve).  116  Le  Temple  (Sainte-Livrade)..  116 

Savignac  (Monflanquin) 1 09 

Troisième  catégorie, 

La  troisième  catégorie  comprend  les  54  communes  où,  sur 
cent  familles,  on  trouve  de  120  à  139  enfants.  Le  groupe- 
ment des  communes  ayant  ces  moyennes,  est  un  peu  plus 
accentué  que  pour  les  deux  catégories  précédentes. 

C'est  ainsi  que  l^arrondissement  d'Agen  contient 29  ooromunet. 

—  —  de  Marmande .  13        — 

—  —  de  Nérac 6        — 

—  —  de  Villeueuve 6        — 

Total 54  communes. 

Il  existe,  dans  Tarrondissement  d'Agen^  un  groupe  corn* 
pact  et  important  de  17  communes  s'étendant  sur  les  cantons 
d*Agen,  de  Beauville,  de  La  Roque  et  de  Puymirol,  et  qui  est 


CHERVIN.    —   NATALITÉ  DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  63 

formé  des  communes  d'Agen,  Lafox,  GastelcuUer,  Saint-Ga- 
prais,  Pont-du-Casse,Bajamont,  La  Roque,  La  Croix-Blanche^ 
Castella,  Sauvagnas,  Saint-Robert,  La  Sauvetat-de-Savère, 
Saint-Martin,  Gandaille,  Ëngayrac,  Beauville»  Blaymont  et 
Prespech. 

Les  antres  communes  sont  disséminées  un  peu  partout  et 
ne  forment  pas  d'agglomérations  importantes. 

A  signaler  encore  huit  chefs-lieux  de  canton,  savoir:  Agen, 
Beaaville,La  Roque,  Port-Sainte-Marie  dans  Tarrondissement 
d'Agen;  Bouglon,  Castelmoron,  Duras  dans  l'arrondissement 
de  Marmande,  et  Monflanquin  dans  l'arrondissement  de 
Villeneuve. 

in.  —  120  h  139. 
Arrondissement  d*Agen, 


Agbn 122 

Bajamont  (Agen) 131 

Pont-da- Casse  (Agen) 13'3 

Saint-Hilaire  (Agen) 134 

Fais  (Aslaffort) 134 

Biayraont  (Beauville) 126 

Saint-Martin  (Beauville) 182 

Beauville 136 

Gandaille  (Beauville) 136 

Engayrac  (Beauville) 138 

Hoquerort  (La  Plume) 131 

Aubiac  (La  Plume) 188 

La  Croix-Blanche  (La  Roque).  121 

Ca8tella(La  Roque) 124 

Saint-Robert  (La  Roque) ....  127 
La    SauveUt-de-Savère   (La 

Roquej 180 


La  Roque 132 

Sauvagnas  (  La  Roque) 138 

Lagarrigue  (Port-Sainte-Ma- 
rie)   126 

Fregimont  (Port-Sainte-Ma- 
rie)   133 

Lusignan  -le  -  Grand  (Port  - 

Sainte-Marie) 133 

PORT-SaINTB-M  ARIE 134 

Bourran  (Port-Sainte-Marîe).  135 

Saint-Sardos  (Prayssas) 132 

Madailban  (Praysaas) 1 39 

Lafox  (Puymirol) 129 

Saint-Caprais  (Puymirol).  ...  133 

Saint-Romain  (Puyrairol) ....  18.1 

Castelculier  (  P  uymirol) 139 


Arrondissement  de  Marmande, 


Bouglon 128 

Castelmoron 132 

La  Sauvelat  (Duras) 139 

Duras 135 

Serignac  (Lauzun)  135 

Saint-Colomb  (Lauzun) 129 

Agnac  (Lauiun). 186 


Taillebourg  (Marmande) 135 

Gonlaud  (  Marmande) 13G 

Virazeil  (Marmande) 139 

Gaujac  (Meilban) 132 

Coutbures  (Meilhan) 137 

Mauvezin  (Seyches) 136 


64  siUnce  du  22  janvier  1891. 

Arrondissement  de  Nérac. 

Saint-Pierre  (Damazau) 12i  Sainte-Maure-de-Poyriac  (Mé- 

Montgaillard  (Lavardac) 131  zin) 127 

Yianne  (Lavardac) 133      Saumont  (Népacj 136 

Bruch  (Lavardac) 138 

Arrondissement  de  Villeneuve. 

Casseneuil  (Cancon) 133      Daussc  (Penne) 137 

Monsempron  (Fumel) 139      Freapech  (Penne) 139 

MoNFLANQuiN 137      Tourlîao  (Villeréal) 139 

Quatnème  catégorie. 

La  quatrième  catégorie  comprend  91   communes  où,  sur 
100  familles,  on  trouve  de  i 40  à  i  59  enfants. 
Ces  91  communes  se  groupent  de  la  manière  suivante  : 

Arrondissement  d'Agen 16  communes. 

—  de  Marmande 34         — 

—  de  Nérac 20         — 

—  de  Villeneuve 21  — 

Comme  on  voit,  c'est  dans  Tarrondissement  de  Marmande 
que  les  communes  appartenant  à  cette  catégorie  sont  les 
plus  nombreuses. 

Ces  communes  forment  une  série  de  petits  groupes,  tous 
situés  dans  la  moitié  ouest  du  département. 

Au  sud,  nous  trouvons  un  groupe  de  13  communes  conti- 
guës,  constitué  dans  les  cantons  de  Francescas,  de  La  Plume 
et  de  Nérac,  par  les  communes  de  Moncrabeau,  Lasserre, 
Fréchou,  Francescas,  Fieux,  Saint- Vincent,  Marmont,  La 
Plume,  Moirax,  Montagnac,  Moncaut,  Sainte-Colombe  et  Mon- 
tesquieu. 

Près  de  là,  un  petit  groupe  formé  de  quelques  communes 
des  cantons  de  Lavardac,  de  Damazan,  savoir  :  Ambrus, 
Xaintrailles,  Lavardac,  Buzet;  Feugarolles,  Saint-Laurent  et 
Saint-Léger. 

Enfin,  un  groupe  plus  important  mais  moins  compact, 
formé  de  23  communes  situées  au  nord  du  département, 


CHERVIN.   —  NATALITÉ  DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  65 

savoir:  Ferrensac,  Montauriol,  Segalas,  Monlignac-de-Lauzua, 
Villebramar,  Tombebœuf,  Tourtrës^  Gaubel,  Montastruc^ 
Saint- Pastour,  Coulx,d*une  part,  et  Moatignac-Toupinerie, 
Armillac,  Miramont,  Peyriëre,  La  Chapelle,  Gambes,  Saint- 
Avit,  LevignaC;  Monteton,  Âurlac,  Pardaillan,  et  Moustier, 
d*autre  part. 

Les  chefs-lieux  de  canton  qui  appartiennent  à  cette  caté- 
gorie sont  :  La  Plume,  Puymirol,  Mas-d'Agenais,  Meilhan, 
Francescas,  Lavardac,  Mézin  et  Yilleréal. 


IV.  —  140  à  159. 
ArrandUsiinent  d^Agen. 


BoD-Encontre  ^Agen) ISK 

Le  Passage  (Agen) 156 

SaÎDt-Sixle  (AsUfTort) 141 

SaiDUMaurin  (Beauville)....  Ui 

Sainte-Colombe  (La  Plume)..  141 

Marroont  (La  Plume) 143 

La.  Plums 150 

Moirax  (La  Plume) 150 

Cassignas  (La  Hoque) 144 


Monbaien  (La  Roque) 145 

Galapian  (Port-Saiote-Marie).  148 

Granges  (Prayesas) 147 

Cours  (Prayssas) 149 

Montpezat  (Prayssas) 1 50 

PUY&IIROL 140 

Sainl-Jean-de-Tburao  (Puy- 

mirol) 145 


Arrondissement  de  Marmande. 


Anlagnac  (Bouglon) 146 

Romestaing  (Bouglon) 135 

Coulx  (Castelmoron) 1 52 

Saint-Gayrand  (Castelmoron).  152 

Grateloup  (Caslelmoron) 155 

E3clotles(  Duras) 143 

Sainl-Aslier  (Duras) 144 

Auriao  (Duras) 146 

Pardaillan  (Dura?) 147 

MousUer  (Duras) 151 

Peyrière  (Lauzun) 159 

Armillac  (Lauzun) 142 

Montignac-de- Lauzun  (Lau- 
zun)   143 

Miramont  (Lauzun) 144 

Segalas  (Lauzun) 155 

Sainle-Bazeille  (Marmande)..  157 

Agmé  (Marmande)* 158 

Catunont  (Mas) • 140 

T.  II  (4*  SÉRIE). 


Villeton  (Mas) 142 

Seneslis  (Mas) 147 

Mas 147 

Calonges  (Mas) 151 

Cocumont  (Meilhan) 146 

Meilhan 149 

Jusix  (Meilhan) 155 

Montignac-Toupinerie  (Sey* 

elles) 142 

Caubon-Saint-Sauveur  (  Sey- 

ches) 150 

Lévignac  (Seyches) 147 

Cambes  (Seyobes} 148 

La  Chapelle  (Seyches) 162 

Monlelon  (Seyches) 158 

Sainl-Avit  (Seyches) 1 59 

Fauillel  (Tonneins) 143 

Qairac  (Tonneins) 1 56 


66 


8ÉANCB  DU  32  JANVIER  1801. 


Arr<m4iism9^t  de  Nérae. 


Villefrtnohe-du-Qaeyran  (Cas- 

teljaloux) «•••• i&6 

Ambrus  (Daroazan) 140 

Saint-Léger  (Damazan) 147 

Pooh  (Damazao) , 157 

Buset  (Damazan) 158 

Lasserre  (Francesoas) 140 

Francbsgas 153 

Monorabeau  (Francescas)....  150 

Fieuz  (  Francescas) 1 55 

Saint-Vincent  (Francesoas)...  169 


Pindères  (UoaeiUès) 148 

Xaintrailles  (Lavardae) 141 

Saint-Laurent  (Lavardae) ....  145 

Montesquieu  (Lavardae) 1 49 

Feu garol les  (Lavardae) 155 

Lavardac 157 

MÉziN 145 

Montagnao  (Nérac) 146 

Fréchou  (Nérac) IW 

Moncaut  (Nérac) 154 


Arrondissement  d$  Villeneuve. 


Saint-Quentin  (Castillonnès). .  145 

Monlauriol  (Gattilionuàs) ....  156 

Lalandusse  (Castillonnès) ....  157 

Ferrensao  (Castillonnès) 158 

Caubel  (Mondar) 145 

Salnt-Padtour  (Mondar) 146 

Viilebramar  (Monclar) 146 

Saint  -  Etienne  -  de  -  Fougères 

(Monclar) 154 

Tombebœuf  (Monclar) 156 

Tourlrès  (Monclar) 1 57 

Montastruc  (Monclar) 1 58 


La  Sauvetat-sur-Lède  (Mon- 

flanquin) 166 

Auradou  (Penne) 151 

Massoulès  (Penne) 152 

TrentelB  (Penne) 155 

Cazidéroque  (Toumon) 150 

Saint-Antoine  (Villeneuve) ...  156 

ViLLERÉAL 140 

Naresse  ( Villeréal) 15« 

Saint-Eutrope  de  Born  (Ville- 
réal)   156 

Parranquet  (Villeréal) 1 58 


Cinquième  catégorie, 

La  cinquième  catégorie  comprend  les  communes  où,  sur 
iOO  familles,  on  compte  de  160  à  179  enfants  ;  elles  sont  au 
nombre  de  90.  Savoir  : 

10  communes  dans  l'arrondissement  d*Agen« 
34         «-  —  de  Marmande. 

19         —  —  de  Nérac. 

27         —  —  de  Villeneuve. 

Cette  répartition,  par  arrondissement,  suit  la  même  ligne 
que  pour  les  communes  de  la  quatrième  catégorie.  C'est  dans 
l'arrondissement  de  Marmande  qu'elles  sont,  et  de  beaucoup, 
les  plus  nombreuses.  Mais  nous  ne  retrouvons  pas  de  grou- 
pements aussi  importants  que  dans  la  précédente  catégorie  ; 


CHERVIN.  —  NATALITâ  DANS  LE  LOT- BT- GARONNE.    67 

les  communes  de  cette  catégorie  sont  disséminées  un  peu 
partout  par  groupes  de  7  à  10  communes,  rarement  plus.  Cela 
n'a  rien  d'étonnant,  car  c'est  en  quelque  sorte  la  catégorie 
moyenne. 

Nous  signalerons  néanmoins  de  petits  groupes  isolés  dans 
les  cantons  de  Mézin,  de  Yilleréal  et  de  Tournon. 

Le  seul  groupe  important  à  indiquer  est  constitué  dans  les 
cantons  de  Meiihan,  Le  Mas,  Bouglon,  Marmande,  Seyches, 
Tonneins,  et  comprend  les  21  communes  suivantes  :  Saint- 
Sauveur,  Marcellus,  Samazan,  Sainte-Marthe ,  Fourques, 
Sainte-Gemme,  ArgentoUj  Longueville,  Fauguerolies,  La- 
gruère,  Saint-Pardoux-du-Breuil,  Birac,  Escassefort,  Seyches, 
Puymiclan,  Saint-Barthélémy,  Labretonie,  Hautesvignes, 
Varès,  Saint-Pierre-Nogaret,  Beaupuy. 

Les  chefs-lieux  de  canton  qui  appartiennent  à  cette  ca- 
tégorie sont  les  suivants  :  Astaffort,  Lauzun,  Seyches, 
Houeillès. 


V.  -^  160  à  179. 
àrronditsemênt  d*Âgm, 


Astaffort ## 166 

Layrac  (Astaffort) 166 

Caudecoste  (Astaffort) 167 

Cau2ac  (Beauville) 162 

Esiillao  (La  Plume) 171 


Clermont-Dessoua  (Pori-Sain- 

te-Marie) 164 

Nicole  (Port-Sainte-Marie). .  *    164 

Laugnac  (Prayssas).. , 160 

Sainl-Pierre-de-Clairac  (Puy- 


Aiguillon  (Port-Sainte-Marie).    162         mirol) 170 

Arrondiisement  d$  Marmande. 


Sainte-Gemme  -  de  -  Martaillao 

(Bougloo) 167 

Argenton  (Bouglon) 179 

Bmgnao  (Gastelmoron) 16S 

Labretonie  (Gastelmoron) ....  172 

Loubèa-Bernac  (Duras) 169 

Soumen8ac(  Duras) 172 

Sav  gnac (Duras)..... 176 

Lauzun 161 

Lavergne  (Lausun) 167 

Roumagne  (Lauzun) 167 

Puyaserampion  (Lauzan) 176 

Saint-Nazalre  (Lauzun) 176 


Beaupuy  (Marmande) 166 

Birao  (Marmande) 17S 

Longueville  (Marmande) 174 

Sain  t-Pardoux-dn-Breuil  (  M  ar- 

mande) 477 

Saint- Pierre -Nogaret   (Mar- 
mande)   165 

Fauguerolles  (  Marmandp). ...  1 65 

Hauievignses  (Marmande)....  179 

Lagruère  (Mas)...., 162 

Samazan  (Mas) 162 

Sainte-Marthe  (Mas) 167 

FonrqvM  (Mat) 165 


68  SÉANCE   DU  22 

Marcellus  (Meilhao) 167 

Saiat  -  Sauveur  -  de  -  Meilhan 

(Meilhan) 171 

CaaielDaud  (Seyches) 161 

Saint-Pierre-de-Lévignac  (Sey- 

ches) •...  161 

Saint-Barlhélemy  (Seyches} . .  1 61 


JANVIER   1891. 

ScycHis 17t 

Saint-Geraud  (Seyohes) 174 

Escasseforl  (Seyohes) 176 

Puymiolan  (Seyches) 178 

Varès  (Tonnems) 168 

Lafflte  (Tonoeios) 160 


ArrondisttmnU  de  Nérac. 


Anzez  (Caateljalouz) 162 

tieyritz-Montcassin  (Gastelja- 

loux) 174 

Caubeyres  (Damazan) 161 

Saial-Léon  (Damazan) 161 

Razimel  (Damazan) 163 

Fargues  (  Damazan) 169 

LamoQtjoie  (Fraocescas) 163 

Nomdieu  (  Francescas) 168 

Saumézan  (Houeillèd) 164 

HOUEILLÈS 179 


Pompiey  (Lavardao) 

Poudeoas  (Mézin) 

Saint-Pé-SainUSimon  (iMé 

zia) 

Gueyze  (Mézin) 

Meyian  (Mézin) 

Sos  (Mézin) 

Réaup  (Mézin  ) 

Lisse  (Mézin) 

Calignao  (Nérac) 


160 
160 

162 
168 
168 
169 
174 
179 
175 


Arrondissement  de  Villeneuve, 


Pailloles  (Gancon) 162 

Monviel  ((Rançon) 163 

Gasteinaud  (Gancon) 166 

Boudy  (Cancon) 172 

Cahuzac  (Gasiillonnès) 172 

Gavarc  (GasUilonnès) 178 

HauUrive  (Monclar) 160 

Fongrave  (Monclar) 168 

MontagnacHiar-Lède    (  Mon  - 

flanquin) 166 

Laussou  (Monflanquin).... ,.  173 

Monlségur  (Monflanquin)....  174 

Hauterage  (Penne) 169 

Massels  (Penne).. 177 

Allez- et -Gazeneuve  (Sainte- 

Uvrade) 161 


Dolmayrao  (Sainte- Lirrade) . .  161 

Montayrol  (Tournon) 166 

Gourbiao  (Tournon) 172 

Saint- Vite  (Tournon) 172 

Thézao  (Tournon) 175 

Bourlena  (Tournon) 178 

Sembas  (Villeneuve) 172 

Saint  -  Etienne  -  de  -  Villeréal 

(Villeréal) 160 

Boumel  (Villeréal) 163 

Saint-MarUn-de- Villeréal  (Vil- 
leréal)   165 

Rayet  (Villeréal) 171 

Devillac  (Villeréal) 177 

Rives  (Villeréal) 1 78 


Sixième  catégotne. 

La  sixième  catégorie  contient  33  communes  où,  sur  100  fa- 
milles,  il  y  a  de  180  à  199  enfants,  La  répartition  par  arron- 
dissement est  la  suivante  : 


GHBRVIIf.   —  NATALITÉ  DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  69 

ArroDdisBement d*Agen 3  communes. 

^~  de  Marmaade 8       — 

—  de  Nérac 5        — 

-  de  Villeneuve i7       — 

Cette  fois,  c*est  rarrondissement  de  Villeneuve  qui  tient 
la  corde. 

Les  communes  de  cette  catégorie  sont  dispersées  çà  et  là 
dans  tout  le  département,  et  ce  ne  sont  guère  que  des  groupes 
de  4  ou  5  communes  qu*on  rencontre  dans  les  points  où  le 
groupement  est  le  plus  compact.  C'est,  au  sud-ouest,  le  groupe 
formé  par  les  communes  de  Bousses,  Durance,  Barbaste  et 
Nérac  ;  au  nord^  le  groupe  de  Monbahus,  Saint-Maurice,  Lou- 
gratte.  Montant  ;  à  Test,  le  groupe  de  Paulhiac,  Salles,  La 
Caussade,  Saint-Âubin  et  celui  de  Trémons,  Anthé  et  Mas- 
quières. 

Pour  qui  connaît  un  peu  la  région,  il  est  évident  que  ces 
33  communes  sont  généralement  moins  riches  que  celles  qui 
composaient  les  cinq  catégories  précédentes. 

Les  chefs-lieux  de  canton  qui  appartiennent  à  cette  caté- 
gorie sont  au  nombre  de  quatre,  savoir:  Nérac, Castillonnès, 
Fumel;  Villeneuve-sur-Lot. 

VL  —  180  à  199. 
Arrondissement  d^Agen. 

SaintrCipq  (Agen) 188 

Cuq  (Aslaffort) 187 

Serignac  (La  Plume) • .     198 

Arrondissement  de  Mar mande, 

Guérin  (Bouglon) 183  Villeneuve-do-Duras  (Duras) .  19.1 

Ruffiac  (Bouglon). 196  Bourgougnague  (Lauzun)....  190 

Baleyssagues  (Duras) 187  Montpouillan  (Meilhan) 19H 

Sainte-Colombe-de-Duras  (Du-  Lagupie  (Seyches) 185 

pas) 191 

Arrondissement  de  Nérac* 

Monbeurt  (Damazan) 1 89     Barbaste  (Lavardac) 1 96 

Durance  (Houeillès) 183     Nérac 198 

Boosses  (Houeillès) 195 


70 


SÉANCE  DU  9i  JANVIER  4891. 


Arrondissement  de  ViUêneuve. 


Monbahus  (Caneon).. 180 

Saint-Maurice  (Cancon) 186 

Lougratle  (Caatiilonnès) 180 

Gastillonnès 194 

Sauveterre  (Fumel) 186 

Goodezaygue8(FufneI) 189 

FUMBL 195 

Salles  (MooQanquin) 180 

La  Caussade  (Monflanquin).. .  184 


Paulhiao  (Monflanquin) 188 

La  Capelle-Blron   (Monflan- 
quin)  •  189 

SaintrAubin  (Monflanquin). . .  198 

Trémon8  (Penne) 187 

Masquières  (Tournon) 187 

Anlhé  (Tournon) 190 

Villeneuve- SUR- Lot 190 

Monlaut  ( Villeréal) 19Î 


Septième  catégorie. 

La  septième  catégorie  comprend  les  communes  où,  sur 
100  familles,  on  trouve  de  200  à  219  enfants^  c*est-à-dire  une 
moyenne  de  2  enfants  par  famille;  elles  sont  au  nombre  de 
iO  seulement,  qui  se  répartissent  de  la  manière  suivante  : 

Arrondissement  d'Agen 0  commune. 

—  de  Marmande 6        — 

—  de  Nérac 1        — 

—  de  Villeneuve 3        — 


Donc,  plus  de  la  moitié  de  ces  communes  appartiennent  à 
l'arrondissement  de  Marmande.  Le  richissime  arrondisse- 
ment d'Agen  n'en  contient  pas  une  seule. 

On  n*est  pas  embarrassé  pour  rechercher  les  groupements 
de  communes.  A  part  3  communes  dans  le  canton  de  Bou- 
glon  et  2  dans  celui  de  Cancon,  le  reste  est  épars;  mais  nous 
verrons  tout  à  l'heure  que  les  communes  isolées  de  cette  ca- 
tégorie se  rattachent  à  d'autres  communes  appartenant  à  des 
catégories  supérieures,  de  telle  sorte  qu'il  nous  est  possible 
de  distinguer,  sur  la  carte  de  la  répartition  géographique  des 
communes  d'aprèsle  nombre  deleursenfants.certainsgroupes 
de  communes  où  les  familles  de  2  enfants  sont  relativement 
assez  nombreuses. 

Il  n'y  a  que  le  cheMieu  de  canton,  Cancon,  qui  appartienne 
à  celte  catégorie. 


CHBRVIN.  —  NATALITÉ  DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  71 

VII.  —  200  h  219. 
Arrondisiemint  de  Marmande» 

Labastide-de-Castel  (Bouglon).    201     Saini-Serniii  (Duras) 202 

Poussignac  (Bougloo) 203     SaiDl-Pardoux-l8aac(Lauxun).    203 

Grézet  (Bouglon). 206     SainUMartio-Pelit  (Seyohes). .    215 

Arrondistemint  de  Sérac, 
La  Réunion  (Casleljaloux) 217 

Arrondissement  d$  VUlsfieuve, 

Cancon 201 

Moulinet  (Cancon) 20K 

Gavaudun  (Monflanquin) 21 0 

Huitième  catégorie, 

La  huitième  catégorie  comprend  les  communes  où,  sur 
400  familles,  on  trouve  de  220  à  239  enfants;  il  n'y  en  a 
que  10  : 

Arrondissement  d'Agen 1  commune. 

—  de  Marmande l        — 

—  de  Nérac 4        — 

—  de  Villeneuve 4        — 

Pas  de  groupe  bien  accusé  ;  il  faut  signaler  toutefois  que 
les  trois  communes  d'Allons,  Pompogne  et  Saint-Martin  sont 
assez  voisines  l'une  de  Tautre,  et  que  ce  sont  toutes  trois  des 
communes  pauvres. 

VIII.  —  2i0  à  239. 
Arrondissement  d'Agen, 

Boé  ( Agen) 239 

Arrondissement  de  Marmande» 
TONNBINS. « .......  • 225 

Arrondissement  de  Nérac, 

Saint-Martin-Curton  ^Castelja-  Allons  (Houeillès) 231 

loux) 228     Pompogne  (Houeillès) 235 

Damasak 2t9 


7i  SÉANCE   DU  2â  JANVIER   1894. 

ArrondissemefU  de  Villeneuvr. 

Beaagas  (Gancon) 229     Lédat  ( Villeoeuve) 220 

Blanquefort  (Fumel) 235     Doudrao  (Villeréal) 225 

Neuvième  catégotne. 

m 

Enfin,  ia  neuvième  catégorie  comprend  les  communes  qui 
ont  plus  de  240  enfants  pour  iOO  familles.  Elles  sont  au 
nombre  de  4  réparties  de  la  manière  suivante  : 

Arrondissement  d'Agen 0  commune. 

>—  de  Marmande 1        » 

—  de  Nérao i        — 

—  de  Villeneuve 2        ^ 

Or,  il  faut  remarquer  que  les  deux  communes  de  l'arrondis- 
sement de  Villeneuve  appartiennent  toutes  deux  au  même 
canton  de  Fumel.  Ce  canton  de  Fumel,  qui  est  un  de  ceux  où 
la  grande  industrie  métallurgique  est  la  plus  répandue  et  la 
population  ouvrière  la  plus  dense,  est  aussi  de  ceux  où  les 
familles  sont  les  plus  nombreuses,  ainsi  que  nous  Tavons  vu 
lors  de  Tétude  des  cantons.  Nous  voyons  maintenant  que  sur 
les  7  communes  qui  le  composent,  i  appartient  à  la  troi- 
sième catégorie,  3  à  la  huitième  et  2  à  la  neuvième. 

IX.  —  240  et  plus. 

Arrondissement  de  Marmande, 

Marmandb 277 

Arrondissfmfnt  de  Nérac. 
Beauziao  (Casteijaloux) S54 

Arrondissement  de  Villeneuve, 

Saint-Front  (Fumel) 260 

Cuzorn  (Fumel) 297 

Confirmons  ce  que  nous  disions  tout  à  Tfaeure  des  groupes 
des  communes  appartenant  aux  trois  dernières  catégories  qui 
contiennent  les  communes  ayant  au  moins  deux  enfants  en 
moyenne  par  ménage.  Nous  avons  trois  groupes  bien  dis- 
tincts, Tun  à  l'ouest,  formé  de  huit  communes  :  Allons,  Pom- 


CHERVIN.  —  NATALITÉ   DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  73 

ponge,  la  Réunion,  Saint-Martin-Gurton,  Beauziac,  Pous- 
signac,  Labastide  et  Grézet;  Tautre,  au  centre,  formé  de 
trois  communes  du  canton  de  Gancon,  savoir  :  Gancon,  Mou* 
linet  et  Beaugas;  le  troisième,  à  Test,  formé  des  quatre  com- 
munes de  Gavaudun,  Blanquefort,  Saint-Front  et  Guzorn. 

Eh  bien,  et  c'est  là  une  démonstration  qui  me  paraît  pé- 
remptoire^  toutes  ces  communes  sont  de  celles  où,  dans  ce 
département  très  riche,  Taisance  est  la  moins  générale. 

Si  Ton  veut  condenser  en  quelques  chiffres  cette  longue 
analyse  des  communes  en  les  rapportant  aux  arrondissements 
dont  elles  font  partie,  nous  voyons  quelle  est  la  part  propor- 
tionnelle de  chacun  d'eux  dans  les  diverses  catégories. 

Sur  100  communes,  combien  apjpartietinênt  à  chaque  catégorie? 


Agen. 

Marmande. 

Nérac. 

Villeneuve 

ira 

catégorie 

((moins  de  100). .. 

7 

1 

2 

3 

f 

— 

de  100  à  119... 

11 

5 

8 

8 

3« 

— 

de  120  à  139.... 

41 

12 

10 

7 

4« 

— 

de  140  à  159.... 

22 

33 

32 

23 

5» 

— 

de  160  à  179.... 

14 

33 

30 

30 

6« 

— 

de  180  à  199.... 

4 

8 

8 

19 

7e 

— 

de  200  à  219.... 

0 

6 

2 

3 

8« 

de  220  à  239... 

1 

1 

6 

4 

9« 

— 

au-dessus  de  240 

0 

1 

2 

3 

100  100  100  100 

L'infériorité  de  l'arrondissement  d'Agen  est  plus  manifeste 
que  jamais  et  on  voit  qu'il  a  juste  la  moitié  moins  de  com- 
munes que  les  trois  autres  arrondissements,  dans  la  caté- 
gorie moyenne  de  160  à  179  enfants  pour  100  familles. 

CONCLUSIONS. 

En  résumé,  j'ai  étudié  : 

1*  Dans  chacun  des  arrondissements  et  dans  chacun  des 
cantons  du  département  du  Lot-et-Garonne  la  répartition 
géographique  des  familles,  suivant  qu'elles  ont  0,  1,  2,  3,  4, 
5,  6,  7  enfants; 

2*  La  répartition  géographique  du  nombre  moyen  d'en- 


74  SÉANCE  DU   32  JANVIBR  1891. 

fants  par  famille  dans  chacune  des  326  communes  du  dépar* 
tement. 

Que  résulte-t-il  de  cette  masse  considérable  de  cbififres  et 
de  cette  étude  que  je  crois  aussi  complète  et  aussi  détaillée 
que  possible? 

Il  en  résuite,  à  mon  avis,  la  démonstration  péremptoire 
que,  dans  ce  riche  département  du  Lot-et-Garonne,  ce  sont 
les  parties  les  plus  riches  qui  ont  le  moins  d'enfants. 

J*ai  montré  que,  dans  cette  vallée  du  Lot  et  de  la  Garonne, 
dont  la  fertilité,  la  beauté,  la  richesse,  sont  proverbiales, 
la  moyenne  des  enfants  par  famille  est  de  \ . 

Le  Lot-et-Garonne  est  le  pays  par  excellence  du  petit  pro- 
priétaire. Sur  151934  cotes  foncières: 

\  31 879  appartiennent  à  la  petite  propriété,  soit  87  pour  i  00  ; 

19058,  soit  12  pour  100,  à  la  propriété  moyenne  ; 

El  997,  soit  1  pour  100,  à  la  grande  propriété. 

Or,  il  faut  considérer  que  le  petit  propriétaire  a  besoin  de 
peu  de  bras  pour  cultiver  son  bien  ;  la  vigne,  le  prunier 
d  ente,  les  céréales,  l'élève  du  bétail,  sont  pour  lui  des  occu- 
pations particulièrement  lucratives  et  Tobjet  d'échanges  nom- 
breux et  faciles  qui  font  affluer  Tordans  sa  cassette.  Et  il  n'y 
a  rien  qui  fascine  davantage  Thomme  des  champs  que  cette 
arrivée  incessante,  périodique  de  l'argent.  N'ayant  pas  de 
besoin  de  dépenses,  pouvant  se  donner,  à  peu  de  frais,  le 
modeste  confort  qu'il  ambitionne,  il  rêve  de  devenir  riche. 
Et  il  sait  bien  que  l'économie  et  l'épargne  sont  les  meilleurs 
moyens  de  parvenir  à  la  richesse.  Entre  toutes  les  dépenses 
sur  lesquelles  il  songe  à  économiser,  il  n'en  est  pas  de  plus 
sensible  pour  lui  que  celle  des  enfants. 

A  quoi  lui  servirait,  se  dit-il,  d'avoir  beaucoup  d'enfants? 
A-t-il  donc  besoin  de  tant  de  bras  pour  la  culture  ?  En  aucune 
façon,  et,  en  tout  cas,  un  valet  lui  coûtera  moins  qu'un 
enfant. 

D'un  autre  côté,  plus  il  y  a  d'enfants  dans  une  maison, 
plus  il  faut  p8u*tager  l'héritage,  et  son  amour-propre  est  flatté 
en  entendant  répéter  le  nombre  d'écus  qu'il  laiisera  à  son 


CflERVIN.  —  NATAUTÉ  DANS  LE  LOT-ET-GARONNE.  7S 

fils  OU  à  sa  fille,  et  la  dot  qu'il  leur  donnera  en  les  mariant. 

Que  ferait-il  alors  de  ses  enfants,  s'il  en  avait  trois  ou 
quatre?  Il  ne  lui  vient  pas  à  l'idée  de  les  envoyeràTétranger. 
Où  trouveraient-ils,  en  effet,  un  climat  plus  beau,  une  vie  plus 
facile,  plus  agréable?  Il  n'y  a  que  les  crève-faim  qui  déser^ 
ient  le  village  et  s'arrachent  aux  joies  et  aux  habitudes  du 
clocher. 

Mais,  lui,  peut  nourrir  ses  enfants,  et  il  les  garde. 

Tout  concourt  à  rendre  le  paysan,  et  le  paysan  riche  par- 
ticulièrement économe  de  progéniture  ;  il  limite  donc  volon* 
tairement  le  nombre  de  ses  enfants  au  strict  minimum. 

<(  Si  les  nobles  ont  inventé  le  fils  aîné,  nous  avons  inventé, 
nous  autres  paysans,  le  fils  unique,  »  disait  un  jour  un  riche 
propriétaire  rural  à  un  de  nos  amis. 

Le  nombre  des  enfants,  dans  le  Lot-et-Garonne,  est  en 
raison  directe  de  la  pauvreté. 

C'est  ainsi  que  nous  voyons,  dans  ce  département,  le 
pauvre  des  villes  être  plus  prolifique  que  le  pauvre  des  cam- 
pagnes ;  les  châtelains,  les  nobles^  bien  qu'appauvris,  pro- 
liférer plus  que  le  riche  bourgeois  et  le  fonctionnaire.  Mais 
le  moins  prolifique  de  tous  est  incontestablement  le  riche 
paysan.  ^ 

La  volonté  seule,  guidée  par  l'intérêt  et  par  les  habitudes 
locales,  influe  sur  la  limitation  du  nombre  des  enfants  dans 
le  Lot-et-Garonne  comme  dans  presque  tous  les  départe- 
ments. Et  ici  la  démonstration  est  plus  patente  encore  que 
partout  ailleurs,  car  les  habitudes  locales  restrictives  du 
nombre  des  enfants  ont  gagné  la  population  ouvrière  elle- 
même.  D'ordinaire,  elle  est  moins  prévoyante  et  plus  proli- 
fique que  la  classe  aisée  ;  dans  le  Lot-et-Garonne,  elle  se  tient, 
elle  aussi,  sur  ses  gardes  ;  elle  a  plus  d'enfants  que  la  bour- 
geoisie, mais  elle  en  a  moins  que  la  population  ouvrière  des 
autres  régions. 

Dans  ces  conditions,  que  deviennent  les  moyens  proposés 
de  toutes  parts  pour  remédier  à  la  faiblesse  de  notre  déve- 
loppement démographique  ? 


76  SÉANCE  DU  24  JANVIER  1891. 

Assistance  spéciale,  dégrèvement  d*iinp6ts,  primes  en 
nature  ou  en  argent,  réforme  du  Code  civil,  recherche  de 
la  paternité,  etc.,  etc.,  rien  ne  peut  latter  contre  cette  volonté 
bien  arrêtée  da  paysan  qui  croit  voir  son  intérêt  dans  la  limi- 
tation au  strict  minimum  du  nombre  de  ses  enfants. 

Il  faut  en  prendre  notre  parti,  la  France,  qui  n'a  jamais  été 
un  pays  de  familles  nombreuses,  ne  le  sera  jamais,  quoi  qu'on 
fasse. 

Faut-il  en  conclure,  comme  le  proclament  quelques  pessi- 
mistes, que  nous  sommes  fatalement  appelés  à  disparaître  et 
à  ne  plus  être  qu'une  simple  expression  géographique? 

Je  crois  qu*il  faut  tout  prendre  au  sérieux  et  rien  au  tra- 
gique, et  qull  ne  faut  pas  croire  à  l'effacement  et  à  la  dispa- 
rition de  la  France,  parce  qu'il  ne  nous  est  pas  permis  d'ar* 
river  à  un  développement  numérique  égal  à  celui  de  cer- 
taines nations  voisines.  C'est  le  rêve  d'un  trop  grand  nombre 
de  politiques  de  notre  temps,  que  de  vouloir  coucher  tous  les 
peuples  sur  le  même  lit  de  Procuste.  La  prospérité  des  na- 
tions ne  se  règle  pas  sur  une  base  uniforme.  Avec  leur  genre 
particulier,  leurs  manières  d'être  différentes,  elles  nous  don- 
nent, chacune  dans  son  genre,  la  mesure  de  ce  que  l'homme 
idéal  pourrait  être.  Mais  quel  est  celui  qui  peut  se  flatter  de 
jamais  rencontrer  cet  idéal  chez  un  peuple  quelconque. 

Cela  est  si  vrai,  même  au  point  de  vue  démographique,  que 
ce  que  nous  considérons  chez  nous  comme  une  calamité  est 
désiré  ailleurs  comme  un  bienfait.  Je  recevais,  il  y  a  quel- 
ques jours  à  peine,  une  lettre  du  docteur  Ogle,  le  savant  régis- 
trar  général  anglais,  dans  laquelle  il  me  disait  que,  tandis 
que  nous  nous  alarmons  de  la  faiblesse  de  la  natalité  fran- 
çaise, on  commence  à  s'inquiéter,  en  Angleterre,  de  la  trop 
grande  fécondité  des  familles  ouvrières. 

Si  je  dis  cela,  ce  n'est  pas  pour  soutenir  ce  paradoxe,  que 
nous  devons  nous  féliciter  de  la  lenteur  de  Taccroissement 
de  notre  population,  mais  bien  pour  montrer  que  si  nous 
devons  travailler  à  en  diminuer  la  faiblesse,  il  ne  faut  pas 
jeter  le  manche  après  la  cognée  et  s'écrier  :  Fink  Galltse, 


CHERVIN.   —    NATALITÉ    DANS   LE   LOT-BT-GARONNE.  77 

Tâchons,  si  nous  n'ayons  pas  le  nombre,  d'avoir  la  qualité. 

Prospérité  sociale,  cela  veut  dire  :  Thomme  heureux,  le 
citoyen  libre,  la  nation  grande,  a  écrit,  quelque  part,  Victor 
Hugo. 

Mais  si  les  mesures  législatives  sont  impuissantes,  les  me- 
sures hygiéniques  nous  fournissent  le  seul  et  unique  palliatif 
que  nous  ayons  à  notre  disposition,  et  j'ajoute  que,  bien  ap- 
pliquées, elles  donneront  des  résultats  qui  ne  sont  pas  à 
dédaigner. 

Avec  MM.  Brouardel,  Rocbard,Lagneau  et  tous  les  hygié- 
nistes, je  dirai:  Assainissons  les  villes  de  toutes  les  manières, 
développons,  ou  plutôt  créons  l'assistance  publique,  et  surtout 
protégeons  l'enfance  à  tous  les  degrés  et  de  toutes  les  façons. 

Faisons,  nous  aussi,  des  économies  de  vies  humaines  en 
diminuant  les  chances  de  mortalité. 

Tels  sont  les  moyens  faciles  qui  permettront,  sans  boule- 
verser les  lois  fondamentales  de  la  société  française,  de  garder, 
et,  par  conséquent,  d'augmenter  notre  population. 

Sur  ce  point,  l'accord  est  facile  à  établir,  et  un  fort  courant 
peut  se  créer,  car  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  problème  de 
l'augmentation  de  la  population  n'est  pas  de  ceux  qu'on  im- 
pose facilement.  Le  remède  doit  être,  non  seulement  effi- 
cace, mais  encore  être  accepté  facilement  par  l'opinion 
publique. 

Or,  si  la  plus  grande  passion  du  paysan  est  la  possession 
de  la  terre,  il  faut  reconnaître  qu'il  aime  aussi  beaucoup  ses 
enfants,  qu'il  les  veut  heureux.  C'est  en  le  prenant  par  un 
côté  où  il  soit  accessible,  qu'il  faut  poursuivre  le  seul  but 
possible  à  atteindre,  et  qui  est,  non  le  relèvement  de  la  nata- 
lité, mais  la  diminution  de  la  mortalité. 

C'est  en  montrant  au  paysan  la  possibilité  de  prolonger  ses 
jours  et  ceux  de  tous  les  siens,  d'augmenter  sa  dose  de  bien- 
être  par  des  mesures  d'hygiène  faciles  et  bien  comprises, 
qu'on  aura  une  action  sur  lui. 

En  un  mot,  la  parole  n'est  pas  aux  économistes  ;  elle  est 
aux  hygiénistes.  Je  n'ai  entrepris  ce  long  et  fastidieux  tra- 


78  SÉANCE  DU  5  FÉVRIER  1891. 

vail  de  statistique  que  pour  faire  la  démonstration  de  ce  fait, 
qui,  je  le  répète,  domine  toute  la  question,  à  savoir  :  que  ce 
sont  les  familles  riches  qui  ont  en  général  le  moins  d'enfants. 
C'est  dire  que  les  réformes  fiscales,  les  réformes  des  lois  de 
succession  ou  autre  sont  sans  objet. 

Puissais-je  être  entendu  et  que  les  efforts  communs  des 
administrateurs,  des  politiques  et  des  patriotes  se  liguent 
pour  faire  triompher  les  deux  seules  solutions  de  ce  grand 
problème  :  Tassistance  etPhygiène. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  trois  quarts. 

Vun  des  secrétaires  :  CAPITAN. 


531«  SÉANGK.  r-  B  fétrier  1891. 

Pré«ldemee  de  M.  lA— PB,  pré«ldem«. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  Verneau  offre  à  la  Société  un  volume  qu'il  vient  de  pu- 
blier :  les  Races  humâmes.  Des  remerciements  sont  adressés 
par  le  président  au  nom  de  la  Société. 

Praipokt  (Julien).  Comptes  rendus  des  travaux  du  VPCon^ 
grès  de  la  fédération  archéologique  et  historique  de  Belgique^ 
tenu  à  Liège,  les  3,  4,  5  et  6  août  1890,  t.  VI,  1"  fascicule. 

Gharenget  (Comte  de).  Confessonario  en  lengua  mixe.  Es- 
crito  todo  por  el  P.  Augustin  de  Quintana.  Alençon,  1890, 
in-8%  150  pages. 

Heoer  (Franz)  :  Reise  in  Kauknsus,  in  Transcaspien  und 
Russisch-Turkestan  {Juni  bis  october  1890);  Theilnahme  am 
VllI  russischen  Archàologen-Congress  m  Moskau,  Besuch  von 
St-Pelersburg  (Annalen  des  K.  K.  Aaturhistorischen  Hofmu- 
sewns.  Separatadbruck  aus  Bd  V,  Heft  4).  Wien,  1890,  in-8% 
32  pages. 


VAUVILLÉ.  —  INSTRimBNTS  GHBLLÉENS.  79 

PÉRIODIQUES. 

Mélusine^  t.  V,  n*  7  (janvier-février  189i).  H.  Gaidoz  :  les 
Rites  de  la  construction;  Oblations  à  la  mer  et  présages. 

Revtie  des  sciences  naturelles  appliquées^  publiée  par  la  So- 
ciété nationale  d'acclimatation  de  France,  n**  3,  5févrierl89l. 
G.  d'Orcet  :  le  Cheval  à  travers  les  âges  {suite). 

Anomalo  (L\  vol.  II  (1 890,  n" H-lâ).  Nicolucci  (G.)  :  rUomo 
prehistorico  in  Europa.  Lombroso  (G.)  :  l'Anthropologie  cri- 
minelle et  ses  récents  progrès.  Aguanno  (G.  d*)  :  la  Missione 
sociale  délia  donna  secondoidati  delFantropologia  e  délia 
sociologia. 

The  American  naturalist.yoh  XXIV,  n"288  (decemberl890). 
Eduard  Meyer:  Annelid  Descent:  The  Origine  of  Metamerism 
and  the  Signifiance  of  the  Mesoderm. 

Società  geografica  italiana  (Bolletino)»  Série  III,  vol.  III,  fas- 
cicule i2  (décembre  1890).  UEsplorazione  Habot  nelle  regioni 
del  Peciora  et  deli'  Ob. 

ÉLECTIONS. 

M.  PoNCHON  est  nommé  membre  de  la  Société  par  S8  voix 
sur  28  votants. 

PRÉSENTATIOIVS. 

iMsIniBieMis  chellécns  du  dép4^t  q«atermaire 
de  MonUIlioCre-DAiiie  (Aisne)  ; 

PAR  H.    0.    VAUVILLJ. 

Le  bassin  de  la  rivière  d*Aisne  et  ceux  de  ses  affluents 
comprennent  un  certain  nombre  de  gisements  quaternaires, 
qui  ont  été  en  partie  explorés  par  MM.  de  Saint-Marceaux  et 
Wimy. 

Je  viens  vous  entretenir  très  brièvement  d'un  de  ces  dépôts 
et  vous  présenter  quelques  pièces  que  j*ai  pu  y  recueillir. 

Il  existe,  au  lieudil  les  Hautes-Bruyères,  sur  le  territoire  de 


80  SÉANCE   DtJ   5   FÉVRIER    1891. 

Mont-Notre-Dame,  canton  de  Braisne,  une  petite  colline  si^ 
tuée  au  nord-ouest  du  village  et  au-dessus  du  confluent  du 
Murton,  affluent  de  la  Vesle,  rivière  qui  se  jette  dans  TAisne, 
près  de  Condé-sur-Aisne. 

Cette  élévation,  qui  est  à  Taltitude  d'environ  80  mëtreg, 
est  d'une  trentaine  de  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  Vesie  ; 
elle  est  garnie,  du  côté  de  Mont-Notre-Dame,  d*un  dépôt 
quaternaire  variant  de  60  centimètres  à  i  mètre  d'épaisseur, 
déposé  en  partant  du  sommet  et  en  s'étendant  sur  la  pente 
opposée  à  la  Vesle. 

Ce  gisement  est  formé  principalement  de  silex  roulés  de 
toutes  formes  et  de  grosseurs  diverses  ;  de  grès  brisés,  de  par- 
ties quartzeuses  et  siliceuses,  et,  en  certains  endroits,  d*un 
poudingue  composé  de  petits  silex  roulés,  de  quartz,  de  silice 
et  d'un  ciment  très  ferrugineux  ;  cette  dernière  partie  est  très 
variable  d'épaisseur;  elle  estde 20 centimètres  au  maximum. 

La  grosseur  et  la  quantité  des  silex  roulés  de  ce  dépôt 
sont  telles,  que  Tadministration  des  chemins  vicinaux  a  fait 
prendre  des  arrêtés  d'expropriation  du  sol,  généralement 
planté  en  bois,  pour  ouvrir  des  carrières  pour  l'extraction 
des  matériaux  nécessaires  pour  entretenir  les  chemins  vici- 
naux du  pays. 

La  position  spéciale  de  ce  gisement  est  très  intéressante; 
car  les  parties  déposées  par  les  eaux  n'ont  pas  pu  être  ame- 
nées par  un  courant  qui  serait  venu  de  la  direction  de  celui 
de  la  Vesle,  attendu  que,  dans  ce  cas,  les  parties  lourdes, 
comme  le  silex,  n'auraient  pas  pu  remonter  une  hauteur 
aussi  forte  ;  au  contraire,  elles  auraient  suivi  le  courant  et  la 
pente,  dans  le  sens  de  la  rivière,  pour  aller  se  déposer  sur 
d'autres  gisements,  comme  ceux  de  Limé,  Braisne,  etc., 
plus  rapprochés  de  la  rivière  d'Aisne,  dépôts  qui  sont  d'une 
altitude  de  beaucoup  inférieure  à  celle  du  gisement  de  Mont- 
Notre-Dame.  Ce  dernier  dépôt  paraît,  au  contraire,  avoir  élé 
formé  par  les  eaux  venues  de  la  direction  du  courant  du 
Murton  et  de  celui  de  son  affluent,  la  Muze. 

Dans  des  recherches  récentes,  j'ai  pu  découvrir,  dans  les 


VAUVlLLk).    —   INSTRUMENTS  CHfitXÉBNS.  84 

carrières,  des  Hautes-Bruyères,  un  certain  nombre  d'instru* 
ments  se  rapportant  à  Tépoque  chelJéenne.  La  plus  grande 
partie  de  ces  objets  ayant  un  caractère  toat  à  fait  spécial  de 
fabrication,  je  pense  qu*il  peut  être  intéressant  de  vons  si- 
gnaler ce  genre  particulier,  qui  me  parait  être  local. 

Voici  huit  pièces  typiques  du  genre  cbelléen,  provenant 
des  carrières  en  question  ;  leurs  dimensions  varient  de  85  à 
182  millimètres  de  longueur,  de  61  à  94  millimètres  de  lar- 
geur et  de  25  à  35  millimètres  d'épaisseur. 

Sur  ces  huit  instruments,  on  remarque  que  six  ont  été 
fabriqués  avec  des  plaquettes  ou  oliquarts  naturels  de  silex 
d'eau  douce,  desquels  on  a  simplement  enlevé  tout  le  tour 
des  éclats  pour  donner  la  forme  désirée  pour  Tinstrument  ; 
on  voit  que,  par  ce  moyen,  la  fabrication  était  bien  simplifiée. 
Le  cortex  naturel,  resté  de  chaque  côté  de  l'instrument,  ne 
laisse  aucun  doute  sur  l'emploi  des  plaquettes. 

Ce  genre  de  fabrication  me  parait  être  locale  car  les  in* 
struments  que  l'on  trouve  dans  les  autres  gisements  de  la 
vallée  de  l'Aisne  n'ont  pas  été  fabriqués  à  l'aide  de  pla- 
quettes; ils  sont,  en  général,  du  genre  des  cinq  pièces  du 
carton  que  je  vons  présente;  ces  instruments  viennent  des 
sablières  de  Giry-Salsogne. 

J*ai  pu,  cependant,  recueillir  une  autre  pièce  provenant  de 
plaquette  ;  cette  dernière  a  été  trouvée  dans  une  carrière 
exploitée  sur  le  territoire  de  Limé,  au  lieudit  leLong-BocheC; 
cela  n*a  rien  d'étonnant,  car  cette  dernière  carrière  se  trouve 
très  rapprochée  et  au-dessous  de  celles  des  Hautes -Bruyères. 
Cette  dernière  pièce  a  très  probablement  ia  même  origine 
que  celles  trouvées  sur  Mont-Notre-Dame;  elle  a  dû  être 
amenée  par  le  même  courant. 

On  peut  aussi  remarquer,  sur  cinq  pièces  ayant  été  for- 
mées avec  des  plaquettes  venant  des  Hautes-Bruyères,  que  le 
fabricant  a  eu  le  soin  de  ménager,  du  côté  opposé  à  la  pointe, 
une  partie  plate  sur  un  seul  côté  ;  ceci  peut  même  faire  croire, 
au  premier  aspect,  que  la  pièce  est  restée  inachevée. 

L'examen  attentif  de  ces  diverses  pièces  fait  voir,  au  con- 

T.   II  (4*  SArIB).  ti 


82  SÊAKCfi  tV  K  FBVtllER   i891. 

traire,  que  cette  partie  plate  a  été  ménagée  inientioanelle'» 
ment;  elle  avait  pour  but  la  préhension  plus  facile  de. Tin- 
strument  dans  la  main,  en  plaçant  Tindex  sur  la  partie  plate 
réservée  pour  cela. 

On  peut  aussi  remarquer  que  les  instruments  recueillis  sur 
Mont-Notre  Dame  sont  généralement  en  silex  d*eau  douce 
très  variés;  je  n*ai  pu  recueillir  jusqu'alors  qu'un  fragment 
d'instrument  en  grès  lustré,  qui  paraît  être  un  fragment  de 
percuteur. 

Au  contraire,  sur  Giry  et  d'autres  gisements,  les  instru- 
ments en  g^ès  sont  nombreux.  Ceci  indique  bien  aussi  que 
les  objets  déposés  aux  Hautes-*Brnyères  viennent  d'une  autre 
direction  que  ceux  des  autres  dépôts  plus  rapprochés  de  la 
rivière  d'Aisne. 

Le  mode  de  fabrication  avec  plaquette  n*est  cependant  pas 
général  dans  le  gisement  de  Mont-Notre*Dame.  Une  pièce  en 
silex  d'eau  douce  de  13i  millimètres  de  longueur,  de  78  mil- 
limètres de  largeur  et  de  29  millimètres  d'épaisseur,  indique 
bien  que  cet  instrument  a  été  enlevé  sur  un  silex  très  épais, 
car  on  voit  très  bien,  du  côté  du  talon,  le  plan  de  frappe  et  le 
conchoîde  de  percussion,  qui  n'ont  pas  été  détruits  par  les 
retouches  faites  en  dernier  lieu  pour  donner  la  forme  typique 
de  l'instrument. 

Cette  dernière  pièce,  quoique  d'un  autre  genre  de  fabrica- 
tion que  celles  provenant  de  plaquettes,  paraît  aussi  avoir 
subi  des  retouches  intentionnelles,  dans  le  but  de  ne  pas 
blesser  l'index  de  la  main  par  la  préhension,  comme  pour  les 
cinq  pièces  provenant  de  plaquettes  dont  il  a  été  question. 

Il  existe  aussi,  sur  les  pièces  du  carton  venant  de  Giry,  un 
instrument  en  grès  de  140  millimètres  de  longueur,  qui  a  dû 
être  fabriqué  dans  le  môme  but,  comme  l'indique  une  partie 
plate  bien  conservée  volontairement  d'un  seul  côté* 

Les  sept  pièces  fabriquées  intentionnellement  pour  ne  pas 
blesser  la  main  permettent  bien  d'afûrmer  que  ces  instru- 
ments ont  été  employés  directement  avec  la  main  sans  avoir 
été  emmanchés. 


DlSCUSdlON  »IIR  DfiS  tNdîRUMBNTS  CâELLÉENâ^  83 

11  ftorait  très  intéressant  de  pouvoir  découvrir  les  endroits 
de  fabrication  des  instruments  de  l'époque  cheliéenne  dé* 
poséâ  dans  les  gisements  quaternaires  qui  reposent  au  milieu 
de  larges  vallées,  comme  à  Cheiles  et  dans  la  vallée  de  la 
Somme,  car  ces  instruments,  en  général,  doivent  provenir  de 
tris  loin. 

J'espère,  à  la  suite  de  nouvelles  recherches  que  je  pense 
faire  à  la  belle  saison,  pouvoir  de  nouveau  fixer  votre  atten- 
tion sur  Torigine  de  fabrication  des  instruments  et  sur  la 
direction  du  courant  qui  a  pu  les  déposer  dans  le  gisement 
de  Mont-Notre-  Dame. 

Discnssion. 

M.  Gabriel  de  Mortillbt  fait  remarquer  que  les  coups  de 
poing  oheiléens  présentés  par  M.  Vauvillé  sont  d*autant  plus 
intéressants  que,  parfaitement  taillés  tout  au  pourtour,  ils 
conservent  un  petit  espace  plat  laissé  intentionnellement  tou* 
jours  au  même  endroit.  M.  deMortillet  regrette  que  M.  d'Acy 
ne  soit  pas  à  la  séance,  ces  pièces  montrant  bien  qu'elles 
devaient  être  tenues  à  la  main  et  non  emmanchées. 

M.  Capitan  constate  que  ce  méplat  se  trouve  sur  un  très 
grand  nombre  de  pièces  chelléennes;  le  doute  ne  paraît 
donc  pas  possible,  d'autant  plus  que  certaines  pièces  ne  pré^ 
sentent  pas  ce  méplat,  ce  qui  semble  bien  indiquer  que  là 
où  il  existe,  c'est  qu'il  a  été  laissé  intentionnellement.  On 
ne  saurait  admettre,  en  présence  de  la  perfection  de  la  taille 
de  beaucoup  de  pièces,  qu'il  s'agit  là  d'une  partie  manquée 
ou  seulement  ébauchée. 

M.  OabrixIi  de  MoRTiitLET  reconnaît  qu'il  existe^  en  effet, 
quelques  coups  de  poing  sans  plat  sur  le  calé.  Mais  c'est 
l'exception.  Ainsi,  sur  les  dix  pièces  produites  par  M.  Vau- 
villé, parmi  lesquelles  on  en  remarque  de  travaillées  avec 
beaucoup  de  soin,  neuf  présentent  à  la  base  un  petit  aplatis^^ 
sèment  sur  la  pourtour.  Une  s^ule  eat  plus  ou  moins  tran* 
chante  tout  autour.  Pourtant,  en  l'essayant,  on  reconnaît 


84  SÉANCE   DU   5   FÉVRIER   1891. 

qu'il  est  facile  de  la  saisir  et  de  la  tenir  à  la  main  sans  se 
blesser.  Quêtaient  donc  bien  des  instruments  à  main  et  non  à 
emmanchure. 

M.  Adrien  de  Mortillet  fait  remarquer  que  si  l*on  avait 
employé  l'emmanchement  à  Tépoque  chelléenne,  on  l'aurait 
certainement  conservé  ;  or,  aux  époques  immédiatement  sui- 
vantes,  on  ne  trouve  rien  qui  rappelle  Temmanchement. 

Calllère  aaeleMie, 

M.DiAMANDT  présente  une  cuillère  trouvée  en  Bessarabie  et 
qu*il  pense  être  romaine.  Il  l'offre  au  musée  de  l'École  d'an- 
thropologie. 

Difooftion. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  La  curieuse  cuillère  présentée  par 
notre  collègue  reproduit  une  forme  ancienne,  c'est  incontes- 
table. Mais  est-ce  une  forme  romaine?  J'en  doute  d'autant 
plus  qu'on  peut  dire  d'une  manière  générale  que  les  Romains 
ne  se  servaient  pas  de  cuillères. 

Le  couvert  des  Romains  était  réduit  à  la  plus  simple  ex- 
pression. 11  se  composait  tout  bonnement  d'un  couteau,  qui 
souvent  avait  le  même  aspect  que  nos  couteaux  de  table  à 
bout  pointu,  et  d'une  pointe  avec  un  petit  godet  à  l'extrémité 
opposée*  Cette  seconde  partie  du  couvert  remplaçait  tout  à 
la  fois  la  fourchette  et  la  cuillère.  On  piquait  les  morceaux 
avec  la  pointe  pour  les  porter  à  la  bouche.  La  fourchette 
n'était  pas  connue  à  Rome  et  le  latin  n'a  aucun  mot  pour  la 
désigner.  Quant  au  petit  godet  opposé  à  la  pointe,  il  était  de 
fort  petite  dimension  et  appelé  cochlear  quand  il  était  rond 
en  forme  de  coquille,  et  imgtUa  quand  il  était  allongé  en 
forme  de  langue.  Plus  petits  que  nos  cuillères  à  café,  ces 
godets  ne  servaient  qu'à  prendre  le  jus  des  viandes  coupées. 
Ce  n'étaient  pas  de  véritables  cuillères.  Ces  dernières  ne  se  sont 
montrées  qu'avec  l'arrivée  du  christianisme,  comme  le  prou- 
vent les  devises  et  les  emblèmes  qu'elles  portent. 


LEGRAIN.—  STATUETTE   ÉGYPTIENNE.  8^ 

Les  Romains  faisaient  usage  d'aliments  liquides  ou  solides, 
lis  n'avaient  pas  d'intermédiaires.  Ils  piquaient  les  solides  et 
buvaient  les  liquides.  Aussi,  pour  les  séparer^  employaient- 
ils  souvent  des  casseroles  doubles,  entrant  Tune  dans  Tautre. 
L'intérieure,  toute  percée  de  trous,  était  une  véritable  pas- 
soire. En  la  retirant,  elle  emportait  la  partie  solide  du 
ragoût.  La  partie  liquide  ou  sauce  restait  dans  la  casserole 
extérieure. 

M.  Adrien  de  Mortillbt  dit  que  la  cuillère  offerte  par 
M.  Diamandy  présente  une  tige  torse  et  non  la  tige  plate 
beaucoup  plus  récente.  C'est  une  forme  qui  d'ailleurs  s'est 
conservée  et  existe  encore  en  Russie  et  en  Bessarabie  chez 
les  paysans. 

M .  DE  Gharencey  fait  remarquer  que  les  Romains  mangeaient 
de  la  soupe  et  des  œufs  à  la  coque;  comment  donc  pouvaient- 
ils  manger  ces  mets? 

M.  Adrien  de  Mortillet  dit  qu'à  Tépoque  néolithique, 
il  y  a  des  cuillères  en  terre  cuite  et  en  bois.  A  l'époque  du 
bronze,  il  n'y  en  a  pas,  on  n'en  retrouve  que  beaucoup  plu> 
tard. 

M.  Beauregahd  rappelle,  qu'il  existe  des  cuillères  datant 
du  moyen  âge  de  forme  analogue  à  celle  de  la  cuillère 
offerte. 

M.  Lbgraln  entretient  la  Société  d'une  image  du  dieu  Set. 
Cette  divinité  est  représentée  avec  une  tête  d'animal  car- 
nassier, au  museau  long  et  un  peu  busqué,  aux  oreilles  droites 
et  larges  du  bout.  On  la  voit  couronnée  du  pscheut. 

Dans  la  statuette  en  question,  les  oreilles  ont  été  brisées 
et  remplacées  par  des  cornes  de  bélier.  Grâce  à  cette  substi- 
tution, on  a  obtenu  une  figure  de  Kbnoum  ou  d'Amon  crio- 
céphale. 

H.  Legrain  rappelle  que  le  culte  de  Set  a  été  proscrit  en 
Egypte  au  temps  de  la  conquête  persane  et  pense  que  C'=it»e 


86  SÉANCE   DU   8  FÉVHIER    IH^Î. 

statue  a  été  mutilée  à  cette  époque.  Gr&ce  à  celte  opératiou, 
on  a  obtenu  l'image  d*un  dieu  orthodoxe  à  la  place  de  celle 
d*un  dieu  dont  le  culte  était  aboli. 

M.  Hervé  demande  quel  est  ce  pscheut? 

M.  Legkain  répond  que  c*est  le  pscheut  composé  de  Tasso- 
ciation  de  la  couronne  rouge  et  blanche. 

Papier  et  vêtement  indiens. 

M.  ViNSON  présente  à  la  Société  une  feuille  de  papier  faite 
dans  rinde,  partie  avec  de  la  bouse  de  vache,  partie  avec  de 
'  la  paille  de  riz. 

Il  présente  ensuite  un  morceau  discoïde  de  verre  vert  en* 
louré  d'un  cercle  de  plomb  de  6  à  8  centimètres  de  diamètre, 
qui  constitue  le  seul  vêtement  des  petites  filles  de  THindoustan 
au-dessous  de  huit  ans. 

M.  Adhien  de  Moutillet  rappelle  qu'il  y  avait,  à  TExpo- 
sition  de  1889,  des  objels  analogues,  dont  l'un  provenait  du 
Laos. 

(:OMMU.\ICATIONS. 

La  Justice  et  les  Tribunaux  «Sans  l'aiioiciiue  É{cy|ite  («Mile); 

PAR    M.    OLLIVIER-BEAUREGARD. 

I 

11  importe,  à  titre  anthropologique,  de  rechercher  et  de 
savoir  ce  que  fut,  dans  le  monde  de  la  société  de  l'antique 
Egypte,  le  personnel  d'accusés  et  de  criminels  qui  figurent 
aux  procès  dont  nous  nous  sommes  occupés. 

D'abord  deux  observations  préjudicielles  bien  capables 
d'aider  à  faire  comprendre  comment  et  pourquoi  le  mal  de 
rapine  a  surtout  sévi  en  Egypte  sur  des  classes  de  travail- 
leurs et  de  fonctionnaires  plus  spécialement  en  continuel 
contact  avec  les  morts. 

Dans  les  villes  de  l'ancienne  Egypte  et  tout  particulièrement 
dans  les  grandes  villes,  telles  que  Thèbes  et  Memphis,  le 


BEAURE6ARD.   —   LA  JUSTICE  DANS  L'aNGIENNE  EGYPTE.      87 

quartier  fanéraire  avoisinait,  à  i*ouest,  la  ville  proprement 
dite. 

Ainsi  le  quartier  funéraire  de  Tbèbes  était  situé  sur  la  rive 
gauche  du  Nil  et,  tandis  que  la  ville  bordait  la  rive  droite,  le 
quartier  funéraire  bordait  la  rive  opposée.  A  Touest  de  Mem- 
phiSy  e*est  la  plaine  de  Sakarah,  qui  nous  livre  aujourd'hui  les 
attestations  de  la  situation  de  sa  nécropole. 

A  Tbèbes  comme  à  Memphis,  les  quartiers  funéraires 
étaient  fort  étendus  et  constamment  ouverts  à  une  population 
de  travailleurs  de  tous  états,  tels  que  maçons,  ciseleurs, 
tailleurs  de  pierres,  appareilleurs,  terrassiers,  à  qui  la  nature 
et  Texigence  de  leurs  travaux  donnaient  sur  tous  les  points 
un  libre  accès  et  un  libre  parcours. 

La  police  des  quartiers  funéraires  était  confiée,  comme 

nous  l'avons  dit,  à  un  corps  de  gendarmerie  nommé  \^  i 

^  M  )  )^t  rnadjaiû^  en  souvenir  d'une  tribu  libyenne  de  ce 

nom,  qu'eurent  à  combattre  les  Pharaons  du  moyen  et  nou^ 
vel  empire,  et  qui,  vaincue,  passa  au  service  de  l'Egypte. 

Nous  ignorons  quel  fut  précisément  reGTectif  numérique  de 
cette  tix)upe,  mais  il  paraît  avoir  toujours  été  insuffisant,  car 
de  tous  temps,  les  vols  aux  hypogées  ont  été  fréquents  et 
audacieux. 

Les  circonstances  locales,  il  est  vrai^  se  prêtaient,  comme 
à  souhait^  à  cet  inconvénient  ;  le  sol  de  la  nécropole  thébaine, 
établie,  comme  Ton  sait,  aux  plus  voisins  contreforts  de  la 
chaîne  libyquei  était  naturellement  fort  accidenté,  et  la  vue 
n'y  pouvait  avoir  une  longue  portée.  Dans  la  plaine  de  Saka* 
rab,  les  fouilles  incessantes  amoncelaient  les  sables  extraits  et 
créaient  à  la  vue  des  obstacles  multipliés;  ici  et  là,  les  cha- 
pelles construites  et  les  chapelles  en  construction  s'offraient, 
comme  autant  d'abris,  aux  maraudeurs  malintentionnés,  à 
qui,  d'ailleurs,  le  prétexte  de  travaux  à  suivre,  de  missions  à 
remplir,  de  Vun  à  Taytre  chantier,  sur  l'aire  d'une  même 
nécropole,  assurait,  par  avance,  le  libre  parcours. 

De  fait,  la  Burvelllanoe  exacte  était  fort  difficile  aux  quar* 


88  SÉANCE  DU  5  FÉVRIER  189i. 

tiers  funéraires;  en  même  temps  que  les  richesses  considé- 
rables que  l'on  savait  être  déposées  dans  les  tombeaux  étaient, 
pour  tout  le  personnel  vivant  dans  la  nécropole  et  de  la 
nécropole,  ouvriers  ou  fonctionnaires,  un  appât  fort  alléchant 
et  bien  capable  de  persuader  à  de  médiocres  vertus  que  voler 
les  morts,  c'est  ne  voler  personne.  D*ailleurs  tout  ce  même 
personnel^  sans  cesse  excité  à  la  convoitise,  résidait  là  au 
foyer  de  ses  appétits,  et  y  constituait  un  quartier  vivant  de 
population  très  dense. 

Il 

Je  trouve  au  catalogue  du  musée  de  Boulaq,  dressé  par 
Auguste  Mariette,  des  indications  tout  à  fait  justificatives  des 
insinuations  qui  précèdent.  Sous  les  numéros  810  à  839, 
le  catalogue  d'Auguste  Mariette  nous  fournit  Tinventaire 
des  bijoux  trouvés  dans  la  sépulture  de  la  reine  Aah-holep, 
présent  de  la  lune,  épouse  ou  mère  du  premier  roi  de  la 
XVIll*  dynastie,  Aahmès,  engendré  de  la  lune,  quinze  siècles 
avant  notre  ère;  et  c'est  à  profusion  une  énumération  de 
bijoux  de  prix  à  faire  douter  de  la  réalité. 

Il  s'agit  en  effet  de  l'écrin  d'une  morte.  On  y  compte: 

1®  Bracelet  d'or  à  double  charnière,  orné  de  gravures  et  de 
figures  symboliques,  dont  le  travail  exquis  fait  dire  à  Ma- 
riette que  ce  bijou  est  un  des  meilleurs  morceaux  de  la 
collection  ; 

2*  Deux  bracelets  d'or  et  de  perles;  les  perles  sont  d'or,  de 
lapis,  de  cornaline  rouge  et  de  feldspath  vert.  Les  perles 
courent  sur  un  fil  d'or; 

3°  Un  bracelet  composé  de  deux  parties  reliées  par  une 
charnière;  les  dimensions  de  ce  bijou  disent  qu'il  a  dû  être 
porté  à  l'humérus  ; 

4"^  Un  beau  diadème,  recueilli  sur  la  tête  même  de  la  reine 
dans  le  fouillis  de  sa  chevelure. 

La  décoration  en  est  très  riche;  c'est,  dit  Mariette,  un 
magnifique  spécimen  du  travail  égyptien. 

5^  Une  fort  belle  chaîne  tenant  suspendu  un  scarabée.  Le 


BBAUREGARO.  —  LA  JUSTICE   DANS  LANCIENNB  EGYPTE.      89 

corps  du  scarabée  est  d*or  massif;  les  pattes,  d'un  travail 
exquis,  sont  soudées  au  corps  ;  le  corselet  et  les  élylres  sont 
en  p&te  de  verre  bleu  tendre,  rayés  de  lignes  d'or.  La  chaîne 
mesure  9J  centimètres,  et  chacune  des  extrémités  porte  une 
tête  d'oie  recourbée.  La  flexibilité  de  cette  chdne  témoigne 
d'une  grande  habileté  de  main-d'œuvre. 

6^  Une  hache,  manche  en  bois  de  cèdre  recouvert  d'une 
feuille  d'or;  les  hiéroglyphes  qui|  y  sont  découpés  nous 
donnent  le  protocole  complet  de  la  dénomination  du  roi 
Amosis.  Le  tranchant  est  en  bronze  orné  d'une  épaisse 
feuille  d'qr  qui  en  embrasse  les  deux  faces;  d'intéressantes 
gravures,  où  figure  Amosis  vainqueur,  décorent  le  champ  de 
chacune  des  deux  faces. 

La  hache  adhère  au  manche  par  une  simple  entaille  dont 
les  joues  sont  consolidées  par  un  treillis  d'or. 

T*  Un  poignard  d'or  et  son  fourreau  également  en  or,  monu- 
ment sans  égal,  dit  Mariette,  pour  la  grâce  et  l'harmonie  des 
formes.  Suit,  au  catalogue,  une  longue  description. 

8*  Un  bracelet,  perles  d'or  et  de  lapis  enfilées  sur  des  fils 
d'or  assez  espacés  pour  que  l'ensemble  en  reste  à  jour;  le 
fermoir  porte  la  légende  d'Amosis. 

9^  Un  poignard  à  lame  de  bronze  jaunâtre,  dit  Mariette  ;  le 
pommeau  est  un  disque  lenticulaire  d*argent;  à  l'usage,  le 
pommeau  lenticulaire  s'appuyait  sur  la  face  interne  de  la  main, 
la  lame  passant  entre  l'annulaire  et  le  médium. 

JO*  Deux  mouches  or  et  argent,  parties  décoratives  d'un 
collier; 

I P  Un  bracelet  en  or  massif,  épais  et  sans  ornementation; 

12®  Un  collier  ousekk  dont  les  branches  sont  formées  de 
lions  et  d'antilopes  courant,  de  chacals  assis,  de  vautours, 
d'éperviers,  de  vipères  ailées,  reliés  entre  eux  par  des  lacs  de 
cordes  enroulées,  des  fleurs  à  quatre  pétales  épanouis  ;  les 
agrafes  sont  à  tête  d'épervler.  Tous  ces  ornements  sont  en 
or  repoussé. 

13'  Un  pectoral,  qui  affecte  la  forme  d'un  naos  (petite  cha- 
pelle) ;  Amosis  y  figure  au  centre  recevant  d'Ammon  et  de 


90  SÉANCE  OU  5  FÉVAIBR  1891. 

Phré  Veau  de  purification.  Mariette,  qui  décrit  minutieuse- 
ment ce  bijou,  dit,  de  ce  monument,  qu*ail  est  d*un  travail 
hors  ligne  n. 

14"*  Un  collier  formé  de  rosaces  en  or,  avec  incmstatioâs  de 
pierres  entre  cloisons;  des  pendeloques  en  forme  d'amande 
descendent  de  chaque  rosace  ; 

15^  De  petits  rectangles  d'or,  semés  de  quelques  perles  sont 
des  débris  de  bracelets  que  le  temps  a  détruits  ; 

i6<»  Des  anneaux  creux  en  or,  qui  peuvent  bien  avoir  été 
utilities  comme  bracelets  ; 

l"/*  Une  chaîne  d'or  portant  trois  mouches  en  or  massil  ; 

18"  Deux  tètes  de  lion,  une  en  bronze  nu,  Tautre  en  bronze 
revêtu  d'or; 

19*^  Un  bâton  en  bois  noir  recourbé  à  l'une  de  ses  extrémi- 
tés et  entouré  d'une  large  feuille  d'or  en  spirale  \ 

40*  Un  poignard  à  manche  d'or  massif; 

^1"  Une  hache  à  manche  de  corne  rehaussé  d*or  à  son 
extrémité  inférieure  ;  le  tranchant  est  d'argent  ; 

22'  Un  chasse-mouches,  flaàeUum  ;  le  manche  et  le  couron- 
nement sont  de  bois  recouverts  d'une  feuille  d'or  ; 

23°  Un  miroir  ; 

24*  Neuf  hachettes  ;  trois  en  or,  six  en  argent  ; 

25*'  Des  anneaux  de  jambe  en  or  et  en  grande  quantité  ; 

26*  Enfln,  une  barque  d'or  massif,  garnie  de  son  équipage: 
douze  rameurs  en  argent  massif  et  trois  personnages^  dont 
le  timonnier  et  le  commandant  en  or  massif. 

111 

Cette  sépulture  de  la  reine  Aah-hotep  est  sans  doute  Tune 
des  plus  riches  parmi  celles  qui  nous  sont  connues,  mais  elle 
n'est  pas  la  seule,  qui^  sous  ce  rapport,  soit  digne  d'attention, 
et  l'aveu  des  voleurs  qu'a  retenu  le  Papyrus  Amhurst^  est  un 
témoignage  tout  à  la  fois  du  grand  nombre  des  riches  sépul* 
tures  dans  l'antiquité  égyptienne  et  surtout  au  temps  de 
Tancien  empire,  et  de  l'attrait  fascinateur  qu'exerçait  sur 


BEAUREGAHD.  -*  LA  JUsTICB  DANS  L*ANC»BNNE   EGYPTE.      9f 

Tesprit  de  la  population  des  hypogées  la  certitude  acquise 
de  Texistence  effective  de  riches  dépôts  dédiés  aux  morts. 

Voici,  diaprés  le  Papyrus  Amhurst,  quelle  fut  la  déclaration 
catégorique  des  voleurs  arrêtés  et  amenés,  comme  disent 
les  papyrus,  au  lieu  du  jugement. 

«  Nous  nous  sommes  introduits  dans  le  tombeau  du  roi^ 
Sebak-em-sauf  et  de  la  royale  épouse  Noubshas,  sa  royale 
épouse,  par  Tendroit  de  son  couloir. 

c  L'accès  en  était  protégé  et  défendu  par  de  la  maçonnerie, 
et  couvert  de  dalles.  Nous  le  démolîmes  complètement  et  nous 
trouvâmes  la  reine  reposant.  Nous  ouvrîmes  également  leurs 
cercueils  et  les  coffres  funéraires  dans  lesquels  ils  étaient. 
Nous  trouvâmes  la  momie  auguste  du  roi,  qui  était  près  de 
la  divine  hache  d'armes.  Et  un  nombre  considérable  de  talis- 

mans,  ^  ^  ^  ^  *^ ,  ulha,  et  d'ornements,  1  ^  ^  *^^ ,  aperer, 

d'or  étaient  à  son  cou.  Sa  tête  était  recouverte  d'or  pur- 
dessus,  et  la  momie  auguste  du  roi  était  entièrement  garnie 
d'or;  ses  cercueils  élaient  revêtus  d*or  et  d'argent,  en  de- 
dans et  en  dehors,  et  couverts  de  toute  espèce  de  pierreries. 
Nous  prîmes  Tor  que  nous  trouvâmes  sur  la  momie  auguste 
du  dieu,  ainsi  que  les  talismans  et  les  ornements  qui  étaient 
à  son  cou,  et  les  coffres  dans  lesquels  il  reposait.  Ayant 
trouvé  également  la  royale  épouse,  nous  prîmes  tout  ce  que 
nous  trouvâmes  avec  elle  de  la  même  manière,  et  nous 
mîmes  le  feu  à  leurs  coffres  funéraires,  et  nous  volâmes  leurs 
mobiliers,  que  nous  trouvâmes  avec  eux,  à  savoir  :  des  vases 

d'or,  d'argent  et  de  bronze,  11/,,  et  nous  nous  les  par- 
tageâmes. Nous  fîmes  l'or,  que  nous  avions  trouvé  avec  le  dieu, 
dans  leurs  momies  augustes,  les  talismans,  les  ornements,  les 
cercueils,  en  huit  parts.  » 

Les  voleurs  étaient  au  nombre  de  huit,  dont  cinq  seulement 
nous  sont  nominalement  connus.  Et  nous  voyons  que  ces 
loups  ravisseurs  ne  se  mangeaient  pas  entre  eux  ;  ils  parta- 
geaient en  frères  et  amis,  et  se  gardaient  entre  eux  de  dis- 
putes compromettantes. 


92  SÉANCE  DU  5  FÉTR1BR  i89i. 


IV 


L'autre  observation,  dont  il  est  nécessaire  défaire  précéder 
notre  étude,  sur  le  personnel  rois  en  cause  dans  les  exposés 
déjà  relatés,  est  relative  au  titre  de  scribe  qui  n'eut  pas  en 
réalité,  chez  les  Égyptiens  de  l'antiquité,  l'ampleur  exagérée 
qu'il  a  généralement  acquis  dans  la  pensée  des  curieux  ordi- 
naires des  choses  de  l'Egypte. 

Le  titre  de  scribe,  chez  les  Égyptiens  pharaoniques,  n'avait 
par  lui-même  guère  plus  de  valeur  que  nos  certificats  d'études 
élémentaires.  Il  pouvait  conduire  à  tout  en  Egypte,  mais  il 
n'était  qu*une  porte  d*entrée.  Pour  l'utiliser  et  en  tirer  tous 
les  avantages  qu'il  était  apte  à  procurer,  il  fallait  faire  preuve 
de  science  acquise  et  ce  n'était  que  par  échelons  que  Ton 
montait  lentement  aux  charges  administratives,  qui  toutes 
exigeaient,  avant  qu'on  pût  prétendre  à  y  aspirer,  qu'on  eût 
gagné  le  titre  initial  de  scribe  et  qu'on  en  fût  officiellement 
pourvu. 

Cela  dit  pour  mettre,  autant  que  possible,  dans  leur  milieu 
natif»  les  acteurs  et  les  faits  que  nous  avons  à  juger,  je  vais 
relever  dans  chacun  des  rapports  concernant  les  affaires  cri- 
minelles dont  il  a  été  parlé,  le  personnel  tout  spécial  qui  s'y 
meut. 


L'ensL'iuble  du  Papyrus  judiciaire  dt  Turin  et  des  Papyrus 
Lee  et  lUdUn  fournit  à  nos  études  un  total  de  trente-deux 
condamnations  appliquées  aux  criminels  dont  tout  à  l'heure 
nous  donnerons  les  noms  et  les  qualités  ;  mais  il  convient  au- 
paravant de  faire  connaître  les  termes  de  l'ordre  royal  qui 
renvoie  les  accusés  devant  le  tribunal,  et  de  dire  le  nom  des 
juges  composant  ce  tribunal. 

Parmi  les  accusés  se  trouvent  des  étrangers  à  l'occasion 
desquels  le  personnel  du  tribunal  semble  avoir  été  modifié  ; 
en  signalant  ces  accusés  étrangers,  nous  ferons  connaître  les 
modifications  du  tribunal  à  leur  sujet. 


B£AUREGARD.   —   LA  JUSTICE   DAMS   L'ANGlSNNfi    EGYPTE.      93 

Voici  en  quels  termes  s^exprime  le  Pharaon  : 

«Je  charge  des  criminels  du  pays  :  le  préposé  du  Trésor 
JOen-tu-em-to^  le  préposé  du  TréBorPcûf-retOy  le  porte-chasse- 
mouches  Karo^  le  contrôleur  Febésa^  le  contrôleur  Katen-- 
tertf  le  contrôleur  Baarmohar^le  contrôleur  Petràonnou,  le 
contrôleur  Thothrekhnefer ^  le  lieutenant  du  roi  Pen$*amaou, 
le  scribe  Phra-em-heb  de  la  Bibliothèque,  le  porte^enseigne 
Bora ,  des  travailleurs ,  en  disant  :  Les  paroles  qu'ont  dites  les 
hommes,  je  ne  les  connais  pas.  Allez,  jugez-les  I  Allant  et  les 
jugeant,  et  faisant  mourir  en  leur  corps,  ceux  qui  ont  donné 
la  mort  de  leurs  mains,  je  ne  les  connais  pas;  en  faisant  appli- 
quer le  châtiment  aux  autres  et  je  ne  les  connais  pas  en 
réalité. 

«  Or  donc,  je  tous  dis,  à  savoir  :  ayez  du  cœur  I  gardez-vous 
de  faire  châtier  quiconque  serait  prévenu  de  délit  et  sur  qui 
cela  ne  tombe  pas,  relativement  à  eux. 

«  Ne  résistez  pas  !  quelque  chose  qui  ait  été  faite,  ceux  qui 
Tout  faite,  que  tout  ce  qu'ils  ont  fait  soit  sur  leur  tête  ! 

«Je  protège;  je  prends  soin  à  toujours.  Je  suis  avec  les  rois 
de  la  Justice,  qui  sont  devant  Anïon-ra,  Roi  des  Dieux  et 
devant  Osiris,  Souverain  de  TÉtemité.  » 

Après  cette  déclaration  du  roi,  où  nous  notons  Tinstitution 
de  onze  juges,  nous  trouvons,  au  Papyrus  judiciaire  de  Turin 
et  à  sa  quatrième  colonne,  renonciation  qui  suit  : 

«  Gens  amenés  pour  les  grandes  abominations  qu'ils  ont 
faites.  Je  —  moi  le  Roi,  probablement —les  ai  mis  au  lieu  du 
jugement,  en  présence  des  grands  magistrats  du  lieu  du  ju- 
gement pour  les  faire  juger  par  le  préposé  du  Trésor  Men- 
tu-em-to^  le  préposé  du  Trésor  Patf-reto^  le  porte-chasse- 
mouches  Karo^  l'ofQcier  {ûbû)  Païbast^  le  scribe  Mai  de  la 
Bibliothèque,  le  porte-enseigne  tiora  *  ;  ils  les  jugèrent  et  les 
trouvèrent  en  culpabilité,  ils  leur  Ûrent  appliquer  le  châti- 
ment, et  leurs  abominations  leur  furent  enlevées.  » 

>  Ce  porie-enseigoe  Bora  est  le  même  Uora  que  nous  verrons  plus  loin 
oonvainou  d'enlente  avec  les  oonspirateun  et  qui,  à  cette  cause,  fût  coo* 
damné  à  mort  et  exécuté. 


94  SÉAKCfi  tHJ  &  FÉVRtfift   189t. 

Remarquons  que  la  première  déclaration  du  roi  institue 
onze  juges  nominalement  désignés,  et  que  les  accusés  com- 
paraissent devant  un  tribunal  composé  seulement  de  six 
juges,  parmi  lesquels  deux  noms  nous  sont  nouveaux,  à  sa- 
voir celui  de  TofQcier  Paîbasty  et  celui  du  scribe  Mai,  de  la 
Bibliothèque. 

Assurément  nous  sommes  ici  insuffisamment  renseignés. 

Voici  maintenant  les  noms  et  les  qualités  des  accusés,  et 
indication  sommaire  du  jugement  qui  frappe  chacun 
d'eux. 

Là,  tous  les  personnages  mis  en  cause  sont  un  à  un  quali- 
fiés de  <i  Grand  criminel  »,  comme  on  va  le  voir  au  libellé  du 
jugement  du  premier  d'entre  eux,  jugement  que  je  transcris 
in  extenso^  parce  qull  expose  la  nature  du  délit  et  qu'il  est, 
par  sa  forme  et  ses  expressions ,  une  curiosité  judiciaire 
de  valeur  archéologique,  et  qui  doit  être  retenue. 

VI 

'    Le  grand  criminel  (^  ^  V-  2^.  Kherû  ad]  Paï-baka- 

Kamen  étant  majordome.  Amené  pour  son  délit ,  qu'il  fit  à 
cause  de  Taiih  avec  les  femmes  du  harem.  Il  fit  un  avec 
elles ^  Il  lui  arriva  d*emporter  leurs*7)aroles  au  dehors,  à 
leurs  mères  et  à  leurs  sœurs,  qui  étaient  là  (dans  ie  harem) 
pour  dire  d'exciter  les  hommes,  d'engager  les  malfaiteurs  à 
faire  tort  à  leur  seigneur.  Il  a  été  mis  en  présence  des  grands 
magistrats  du  lieu  du  jugement.  Ils  jugèrent  ses  abomina- 
tions>  ils  trouvèrent  à  dire  qu'il  les  fit  en  réalité,  et  que  ses 
abominations  étaient  complètes  en  lui.  Les  magistrats  qui  le 
jugèrent  lui  firent  appliquer  son  châtiment. 

Mesdùsou-ra^  ûbù  (officier?),  coupable  de  complicité; 

Pa^anaouky  intendant  du  Gynécée  royal,  coupable  de  com- 
plicité ; 

Pen-douaouou^  scribe  du  Gynécée  royal,  coupable  de  com- 
plicité ; 

V  C*«tt^*dire  :  il  oomplote  av«o  eUesi  dans  le  m4me  bat,  et  dans  1« 
mêmes  oriminelles  intentions. 


beaUrêgaro.  —  La  justice  Dans  l*anûiënnë  égyptê.    95 

Pa-mwa^m-dua-^Amon^  employé  au  Gynécée  royal,  coupa- 
ble d  avoir  connu,  sans  les  dénoncer,  les  propos  tenus  et  les 
complots  ourdis  à  sa  connaissance  par  las  hommes  el  les 
femmes  du  Gynécée  royal  ; 

Karpous,  employé  au  Gynécée,  coupable  de  n'avoir  pas 
dénoncé  les  propos  tenus  en  sa  présence; 

Sha-^m-apet,  employé  au  Gynécée,  même  chef  de  culpabi- 
lité ; 

Sha-m-mââ-ner,  employé  au  Gynécée,  même  chef  de  cul- 
pabilité ; 

Séti-m'pef*'thot'tif  employé  au  Gynécée,  même  chef  de 
culpabilité  ; 

Ouar^  officier,  coupable  d'avoir,  quoiqu'on  les  blâmant, 
connu  les  complots  du  majordome  Paî^bakO'Komen^  et  de 
ne  les  avoir  pas  dénoncés  ; 

Aih'hebs't^  au  service  de  PaUbaka-Kamen^  coupable,  étant 
informé  des  complots  de  son  maître,  de  ne  les  avoir  pas  dé- 
noncés ; 

Palka,  étranger,  officier  et  scribe  de  la  Maison  de  vie  (col- 
lègn  des  scribes),  même  culpabilité  ; 

Libon-2nint\  étranger,  officier,  même  culpabilité  ; 

Six  femmes  des  préposés  aux  portes  du  Gynécée,  coupa- 
bles de  connivence  avec  les  accusés  ; 

PaUari,  fils  de  Lama,  étranger,  préposé  au  Trésor,  cou- 
pable d'avoir,  en  complicité  avec  Pen-haVben^  excité  les 
malfaiteurs  à  la  révolte  contre  le  Roi.  Ces  deux  personnages 
figurent  aussi  au  Papyrus  Léo, 

Ban^em-ouaboUf  officier  d*Éthiopie,  coupable  d'intelligence 
avec  sa  sœur,  en  service  au  Gynécée,  pour  l'engager  à  pous- 
ser les  hommes  à  la  révolte  contre  le  Roi. 

Pour  cet  accusé,  le  tribunal  est  modifié  dans  son  person- 
nel, il  comparaît  devant  : 

Çedenden,  Boar-mohar,  étrangers,  Pa-arou  et  Thoth-rekh- 
nofer. 

De  ces  quatre  jtfges,  deux,  Baar^mohar  et  Thotli-rekh- 
nofer,  nous  sont  connus,  les  deux  autres  sont  nouveaux,  à 


96  SÉANCE   DU  5   PÉTIUBR    1891. 

moins  que  Qedenden  soit  le  même  que  le  contrôleur  Katenlen 
déjà  nommé. 

Sous  une  seconde  rubrique  et  frappés  par  le  même  juge- 
ment, nous  trouvons  au  Papyrus  judiciaire  de  Turnif  les  six 
personnages  dont  les  noms  suivent  : 

f^aï-as^  capitaine  d*archers  ; 

Mes'SoU't,  scribe  de  la  Maison  de  vie  (collège  des  scribes)  ; 

Pàrâ-Kàmen-f,  supérieur-chef  (?)  ; 

Aî-ri,  prêtre  chargé  de  la  libation  de  Pacht  ; 

Neb'thefaoUy  officier  [ûhû)  ; 

Shad-mesther,  scribe  de  la  double  Maison  de  vie,  tous 
coupables  d'avoir  comploté  avec  Pai-baka-Kamen^  Palpas  et 
Pentaour.  Ils  furent  condamnés  à  mort,  et  ils  seraient  morts 
eux-mêmes,  dit  le  jugement,  sll  n'avait  été  fait  exception 
pour  eux. 

Nous  avons  sous  une  troisième  rubrique,  mais  désignés 
chacun  par  un  jugement  spécial,  les  quatre  personnages  dont 
voici  les  noms  : 

Pentaour,  connu  aussi  sous  un  autre  nom,  dit  le  Papyrus; 

Han-outen-Amon,  officier; 

Amenas ha-^u,  musicien  au  harem; 

PaUariou,  scribe  au  Gynécée  royal, 
qui,  coupables  d'avoir  connu,  sans  les  dénoncer,  les  com- 
plots et  les  mauvaises  dispositions  des  femmes  du  Gynécée 
royal,  furent  condamnés  à  mort  et  exécutés. 

De  ces  quatre  personnages,  Pentaour  est  le  seul  dont  le 
nom  ne  soit  pas  flétri  de  la  qualification  grand  criminel^  et 
il  y  a  lieu  de  penser  que  le  nom  de  Pentaour  dissimule  un 
personnage  de  la  famille  royale. 

Puis,  sous  une  quatrième  rubrique,  nous  avons,  au  Pnpy- 
)m8  Judiciaire  de  Turin,  une  série  de  quatre  jugements  qui 
infligent  le  supplice  de  Tablation  du  nez  et  des  oreilles  à 
quatre  juges  négligents  du  devoir  de  leur  charge,  ce  sont  : 

Païbast,  officier  ; 

Maîf  scribe  de  la  Bibliothèque  ; 

Tai'neckh'tou'ta,  officier  des  ouaï  (travailleurs)  ; 


BËAURKGARD.    —   LA  JUSTICE   DANS  L*ANaENNfi    6GTPTE.      97 

Nanaian^  supérieur  des..* 

U  leur  fut  fait  leur  châtiment,  et  de  plus,  dit  le  jugement, 
il  fut  disposé  de  Pcûbast  ;  il  mourut  lui- môme. 

Enfin,  dans  sa  sixième  colonne,  notre  Papyrus^  dans  un 
dernier  paragraphe,  nous  donne  la  teneur  du  jugement  rendu 
contre  tiara^  le  porte  enseigne  des  ouaï  (travailleurs). 

Il  est  reconnu  coupable  de  s'être  joint  aux  conspirateurs, 
u  U  est  disposé  de  lui,  dit  le  jugement,  et  U  n'est  pas  fait 
d'exception  pour  lui.  »  Il  fut  exécuté  à  mort. 

Le  Papyrtu  Lee  nous  inilie  aux  hauts  faits  de  Pen  Aaî-hen^ 
l'intendant  des  troupeaux,  Thomme  aux  procédés  magi- 
ques, avec  Pat'baka-Kamen,  Tun  des  agents  les  plus  actifs 
de  la  conspiration  ourdie  contre  Ramsès  IIi>  dans  son  palais, 
et  nous  fait  savoir  le  sort  qui  lui  échut. 

Condamné  à  mort  comme  conspirateur  et  usurpateur  des 
>ecrets  magiques,  il  fut  exécuté  avec  ses  complices. 

Le  Papyrus  Lee  nous  signale  un  nommé  \  ^1  ^  ^T*  "^ 
î'  lit»  -^^''^^>  étranger,  dont  Pen-haï-ben  se  servait  pour 
entretenir  ses  intelligences  secrètes  avec  le  personnel  du 
palais;  mais  il  ne  nous  fixe  pas  sur  son  sort;  nous  devons 
croire  qu'il  a  été  ensuite  exécuté  comme  complice  de  Pen- 
hal'ben. 

VU 

Ëo  somme,  le  Papy^tis  de  Turin  et  ses  annexes,  les  Papyrus 
Lee  et  Rollin,  nous  font  connaître  le  procès  criminel  fait  aux 
acteurs  actifs  et  passifs  de  la  conspiration  ourdie  contre  le 
Pharaon  Ramsès  111,  chef  de  la  XX*  dynastie  ;  ils  nous  en 
donnent  quelques  détails. 

Par  eux,  nous  savons  la  composition  du  tribunal  institué 
pour  juger  les  coupables,  et  nous  sommes  instruits  de  Tinci- 
dent  qui,  au  cours  du  procès ,  provoqua  la  révocation  de 
juges  trop  peu  énergiques  et  la  désignation  d'autres  juges 
en  remplacement. 

Par  eux  aussi»  nous  avons  la  minute  de  trente-deux  juge* 

T.    II    ^i*"  8KRIE).  7 


ments  rendus,  savoir  :  quatre  contre  les  Juges  négligents  et 
vingt-huit  contre  les  conspirateurs. 

De  ces  vingt-huit  sentences  rendues,  onze  prononcèrent  la 
peine  de  mort. 

Six  des  onze  sentences  de  mort  n'eurent  pas,  grâce  à  la 
clémence  royale,  leur  effet  capital  ;  les  cinq  autres  furent 
consacrées  par  Texécution  des  condamnés. 

Quant  an  personnel  criminel,  qui  figure  à  ce  procès,  il 
s'est,  comme  dans  toutes  les  conspirations  de  palais,  recruté 
parmi  le  personnel  même  en  charge  auprès  du  souverain. 

C'est  aux  palais  des  rois  que  s'exalte  Tambition  des  grands 
et  des  petits. 

Il  y  a  dans  nos  listes  de  conspirateurs  des  grands  et  des 
petits,  mais  petits  et  grands  sont  gens  de  palais. 

VIII 

Les  rapport!  criminels  que  consignent  les  autres  papyrus 
judiciaires  dont  nous  avons  invoqué  le  témoignage,  livrent  à 
nos  études  un  personnel  de  coupables  que  ses  exploits  ran- 
gent plus  directement  dans  l'ordre  des  malfaiteurs,  qui  sont 
Tordinaire  écume  de  toutes  les  classes  de  la  société. 

C'est,  en  effet,  de  meurtres,  de  viols,  de  vols,  crimes  dont 
souffrent  encore  nos  civilisations  modernes,  que  sont  accusés 
les  comparants  aux  papyrus  antiques  qui  nous  occupent. 
Mais,  ici,  les  vols  sont  plus  particulièrement  de  ceux  que  les 
richesses,  enfouies  avec  ostentation  dans  les  demeures  funé- 
raires,  ont,  de  tout  temps,  en  Egypte,  pour  ainsi  dire  solli- 
cités. 

Dans  la  tourbe  des  malfaiteurs  que  nous  allons  connattre, 
toutes  les  classes  de  la  société  égyptienne  ont  des  représen- 
tants. 

La  qualification  de  saailège,  attribuée  à  Tacte  criminel 
de  la  profanation  et  de  la  violation  des  tombes  n'a  même 
pas  eu  le  privilège  de  détourner  de  cette  œuvre  maudite, 
des  membres  haut  placés  de  la  classe  sacerdotale,  des  scribes 
pourvus  d'emplois  supérieurs,  que  nous  trouverons  ici  mêlés 


BfiAURÊGAkD.   -A  Ik  4U8ttG£  t)ÀKS  i^^UClENNfi   EGYPTE.      M 

aux  snppOU  dti  pltti  vili  uppéiits  ^  de  la  pl^»  basM  cupi- 
dite. 

Il  convient,  d'ailleurs,  de  noter  ici,  en  passant,  que  les 
Égyptiens  ont  eu,  dans  l'antiquité,  la  réputation,  qui  semble 
leur  être  Justement  acquise,  d'être  d'habiles  voleurs. 

IX 

Le  Papyrm  Abbott  est  la  relation  fort  mutilée  et  de  tout 
point  incomplète  de  la  procédure  suivie  contre  les  auteurs 
de  vols  commis  dans  les  hypogées. 

C'est  au  règne  de  l'un  des  Ramsès  de  la  XX*  dynastie  qu'il 
faut  rapporter  la  date  de  ce  monument. 

Le  Papyrus  Amhunt  est,  comme  le  Papyrus  Abbott^  un 
lambeau  détaché  d'un  même  acte  de  procédure. 

Le  Papyrus  Abbott  divise  en  trois  séries  la  longue  liste  des 
coupables  qui  interviennent  au  procès. 

Voici  cette  liste  telle  que  la  fournit  le  Papyrus, 

§1 

Q  L  an  l*^  Thoth  â*  jour,  correspondant  à  l'an  19  ; 

«  Copie  du  libellé  des  voleurs  du  Kher  et  des  voleurs  des 
maisons,  déférés  au  Pharaon,  par  le  commandant  seigneur 
Sheouh  : 

a  1"*  Le  scribe  Toouisherau^  fils  de...  emab,  du  Trésor,  de 
Diospolis  ; 

«  S"*  Le  nommé  Shanebouaout^  fils  de  Pirpenifouemap,  fils 
de...  aa^  de  Diospolis; 

«  â""  Le  supérieur  des  portielrs  Thoth-hotep,  fils  de  Pif^peni- 
fouemap,  de  Diospolis  ; 

«  4*  Le  Ouaou  Num^  flls  d'Aner^  fils  à'Jsema  qui  était  AevA  ; 

«  5°  Le  num  Pekamen^  fils  de  Pêouamen,  de  la  Bibliothèque 
d'Ammon; 

<c  6**  Son  frère  également  fils  de  Peouamen  ; 

«  1*  Le  saribe  Skkaha^t^hirtmêên^ûiÈ  de  ShouaM^  dit  A^temab, 
lui  de  la  ville  de  Hof  ; 


MOU  ^KANOfc:    DU    5    FÉVHlEh   1891. 

a  8»  Le  prêtre  Peimkher,  de  Khompe'iri'Skher  ; 

«  g*»  Le  gardien  Bukhaef,  flls  de  Ouaoudjau,  de  Diospolis, 

lui  de  la  ville  d'Apap  ; 

«  10«  Le  num  Khnosmès,  fils  de  Djetou'nedjemou,  qui  étoit 
grand  gouverneur;  sa  mère  était  Mesi,  de  Diospolis. 

§11 

<«  Voleurs  des  maisons  des  alentours  : 

«  11»  Le  scribe  Pebeka,  fils  de  Nasamen^  sa  mère  /sis,  du 
temple  à'Ouserma'ra'meri'Amen  ; 

a  12*»  Le  prêtre  Djapenefer,  fils  de  Pai-neb-mès,  de  Dios- 
polis ; 

(c  IS'»  L'aouh  Pramou,  qui  était  prophète  de   S^éa*,   à 

Paonkh  ; 

a  14»  L'aouh  Pikamen,  qui  demeure  dans  la  ville  d'Her- 

montes  ; 

u  15»  Le  khenti  Sehakaru,  fils  6:Arinefer,  du  temple... 

u  L*an  P%  de  Paophi  24«  jour,  correspondant  à  Tan  19  ; 

u  Copie  du  libelle  des  voleurs  du  Kher,  remis  au  gouver- 
peur  Ma-neb-ra,  par  le  commandant  seigneur  Shoouh  : 

a  16*  Le  nommé  Em-Shennabi-amen-totou,  de  Diospo- 
lis..., fils  de  Peripenifamen,  de  Diospolis  ; 

«  17*  Kheperpesherau,  fils  de  la  femme  Dja-djaou; 

u  18**  Le  prêtre  de  Tencens  Shetàoukkons,  de  Diospolis, 
et  ses  deux  frères  ; 

<c  19»'  Djevaiou^  de  la  ville  de  Sesennou,  établi  au  bourg 

de  Tenedj  ; 

a  20°  L'aouh  Pekaramaou^  qui  est  serviteur  du  surinten- 
dant de  la  demeure  de  Ra  ; 

«  2l«  Stesskkay  qui  est  au  commandant  de  Pa-mau,  et  qui 
réside  à  Ombos  ; 

a  â2<»  Le  serviteur  Ounouamen^  du  kbou  Djetshau^  préposé 
en  chef  de  la  demeure  d'Ammon  ;  • 


BEAUREtiAKD.    —   LA  JUSTICE   DANS  l'aNCIENNË   EGYPTE.    tOI 

«  23°  Le  kbaou  DjeUhaUy  fils  de  Kanakht,  de  Diospolis  ; 

«  24»  Le  gardien  ûukhaef,  de  Diospolis  ; 

«  25**  Le  gardien  Pias,  fils  de  Nebau  ; 

«  26»  Le  scribe  Toouisherau,  fils  de....  du  palais  de  Dios- 
polis ; 

«  27«  Le  scribe  Piaas€tau.,.jll^{^  de  Piaasetau.,,; 

«  28»  L'aouh  Khememab^  qui  était  majordome  ; 

a  2i)«  ï/aouh  Numenaniou,  de...; 

««  30**  L*aouh  Pekamen^  fils  de  Ouaamen  ; 

«31*»  L'aouh  AmenapetoUy  lils  de  Ouaamen  : 

a  32°  L'aouh  Skhahalhiramen,  serviteur  de  Shouai^  dit 
Aaemab  ; 

«  33"  Le  prêtre  Peiriskhev^  de  Khouspeiriskher  ; 

«  34°  ...  fils  de  Mehi^  de  Diospolis  ; 

«  35°  Le  prêtre  des  libations  Aar,  du  temple  funéraire 
du  Roi-Baïra  ; 

«  36»  Le  prêtre  Pionmluiu^  fils  d'Âmenhotepy  du  temple 
de  Pa-Baï  ; 

«  37**  Le  nu  ni  Pakhar,  qui  était  avec  le  chef  d'auxiliaires 
Aufenamcn  ; 

(c  38°  L'aouh  Peammi,  qui  était  prophète  de  Sehak  à 
Paonkh  ; 

a  39»  Le  supérieur  des  portiers  Tkothftotep,  fils  de  Peripe- 
nifouanap  ; 

«  40®  Lh  scribf  du  mnlériel  Onkhef\  fiis  de  Ptahemheb, 
de  Diospolis  : 

«  41»  Lescrihe  du  matérieK4w/e/<ame«,  fïX^AePlahemheb; 

«  42"  Le  sotem  Pekharnakht ,  de  Diospolis  ; 

«  43°  L'atekhou  Djelourmlot^  du  cheF  d'auxiliaires  Xufp- 
uamen  ; 

•'  Le  ...  T'uljafi,  de  Pa-Moul.  » 

C'est  donc,  pour  l'ensemble  des  trois  listes  que  J'ournit  le 
Papyrus  A  bboU,  un  total  de  quarante  trois  accusés  nomina- 
lement désignés  ;  mais  il  convient  de  noter  que  quelques-uns 
des  individus  qui  figurent  à  la  double  liste  remise  au  Pha- 
raon reparaissent  sur  la  troisième  lî^l<^,  rell^  qui  fut  rero^** 


(02  SÊANOE  OU  5  tÉtRiBtl  4894. 

au  gouverneur  Ma-nefhRà,  Ils  sont  coupables  à  deux  degrés, 
mais  chacun  d*eux  ne  vaut  qu'un. 

Ces  individus,  qui  flgurent  ainsi  en  double,  sont  : 

1*  Le  num  Pekamen^  fils  de  Peouamen,  de  la  Bibliothèque 
d'Ammon.  Il  est  le  cinquième  sur  la  liste  du  Pharaon  et  le 
quinzième  sur  celle  du  gouverneur,  titré  de  num  sur  la 
première  liste,  il  est  dit  aouh  sur  celle  du  gouverneur  ; 

2®  Le  supérieur  des  portiers  Thoth-hoiep^  fils  de  Perpeni" 
fouemap;  troisième  sur  la  liste  du  Pharaon,  le  vingt-qua- 
trième sur  celle  du  gouverneur; 

8*  Le  scribe  Skaka-t-hiramen,  fils  deShouat^  dit  Aaemak; 
fils  de  Shouaî  sur  la  première  liste,  il  est  dit  seulement  servi- 
teur de  Shouaî  sur  la  seconde  ; 

4"  Le  prêtre  Petr/sWer  deKhonspelriskher;  huitième  sur 
la  liste  du  Pharaon,  le  dix-huitième  sur  celle  du  gouverneur; 

5^  Le  gardien  Bukhaef,  fils  du  Ouaoudjau,  neuvième  sur 
chacune  des  deux  listes; 

6»  PramoUy  qui  était  prophète  de  Sebak  à  Paonkh,  du 
numéro  13  de  la  liste  du  Pharaon  passe  au  numéro  23  sur  la 
lisie  du  gouverneur. 

Ce  n'est  donc,  en  réalité,  que  de  trente  sept  individus  dont 
nous  avons  à  nous  occuper  d'après  le  Papyrus  Abbott. 

Ces  trente-sept  individus  se  répartissent  numériquement 
comme  suit,  dans  les  conditions  sociales  qui  leur  sont  attri- 
buées : 

7  individus  sans  condition  spécifiée; 

J  valet  ou  serviteur  ; 

2  gardien^ , 

i  portier; 

7  enlumineurs  (de   coffres  à  momicd   et  de  tombeaux), 

"^ "^^ \ \ ^,  aouh.  Le   mot  :  ^^^'^i   ^ww,  signifie 
couleur,  et  le  copte  xy^^N,  qui  le  rappelle  phonétiquement 
et  littéralement,  signifie  également  couleur  ^  ; 
.  I.  statuaire,  khenli,  ^  ^  f^  image,  statue  ; 

'  Interprétation  que  j'aurai  soin  d'établir  dans  un  mémoire  ?périal. 


BBAURBGARD.    —  LA  JUSTIGB  DANS  L^ANaBlINB   EGYPTE.     i03 

1  mesureur,  ^  ^  ^  v^*  *^^®'^'  >* 
1  fbndeur,  ^  ^  ^  9  *  àtekhou  ; 

1  passeur,  ouaou,  \  1=»^^»  oua,  signifie  barque  *; 

2  num  (?)  ; 

5  prêtres; 

1  grand-prôtre,  sotem,  P^^^f  arcbiprêtre; 
1  prophète; 

6  scribes. 

Ensemble  trente-sept  malfaiteurs  de  conditions  diverses, 
et  je  peux  ajouter,  de  résidences  diverses^  puisque  nous  en 

voyons  de  :  f /*\^j  ^c/*,  du  nome  Latapoliter;  de  \\^i 

Apou  ou  Apâp^  Panopolis;  de  |  V        1  _f   |  ®»  An-en-Mont, 
Hermontis;  de  CU'^'^,  Paonkh,  du  ilome  Arsihoé. 

X 

Le  Papyrm  Amhurst^  qui  nous  a  fourni  les  intéressants 
aveux  des  voleurs  de  la  tombe  du  roi  Sebak-em-sauf  et  de 
celle  de  la  reine  Noubsbas,  et  dont  le  contenu  se  rapporte, 
nous  le  savons,  aux  actes  de  spoliation  que  signale  le 
Papyrus  Abbott^  nous  dénonce  huit  autres  coupables;  mais 
Télat  fâcbeux  de  cette  relique  ne  permet  d'y  lire  que  cinq 
des  noms  de  ces  malfaiteurs  et  leur  signalement  ;  ce  sont  : 

1**  Le  manœuvre  If  api,  fils  de...,  de  la  demeure  d'Am- 
mon-ra  ; 

I  2*  L'ouvrier  ciseleur  5tV\Cjî'  ^*'''^''ût//iew,  de  Tin  ten- 
dant des  surveillantes,  "^1^  ^^Jj  (en  copte  NAY, 
roiVf  surveiller^  regarder)  Nasiamoriy delà  demeure  d'Ammon- 
ra,  roi  des  dieux  ; 

îi"  Le  cultivateur  4j[  V  ^  v— i ,  Amonemheb^  de  la  demeure 

iï Amonapety  qui  commande  parmi  les  gens  à'Amonapet,  sous 
Tautorité  du  premier  prophète  d'Ammon  ; 

1  Interprétation  qne  .)*aiirfti  soin  d'établir  dans  ud  mémoire  spécial. 


lOi  SÉANCE   DU  5  FÉVJtlER   1891. 

4**  Le  fournisseur  d*eau  î  f  ^2S,  Kaemuab^  du  pavillon 
de  repos  du  roi  Menkheperou-ra  (Tholhmès  IV),  sous  Tauto- 
ritédu...  ; 

5*  Le  soldat  Ne  fer,  flls  duNekhouiemmou,  qui  est  sous  l'au- 
torité de  l'esclave  nègre  Tanouramon,  du  premier  prophète 
dAmmon. 

Ici,  pas  de  personnage  démarque,  ni  scribe,  ni  prêtre; 
mais  je  rappelle  que  ce  sont  ces  mêmes  accusés  qui  furent 
mis  à  la  question  de  la  fustigation  par  le  bàlon,  à  qui  on 
serra  les  pieds  et  les  mains,  et  qui  persistèrent  dans  leur  dé- 
claration première. 

An  Papyrus  Abbott ^  cet  acte  particulier  de  procédure  est 

désigné  par  la  phrase  hiéroglyphique  :  *jli  vv  ]  ]  vli  îk  H^  \V 
]  ]  ^  ^  \\^  ^m  \<  '  c'est-à-dire  :  Examiner  par  une  con- 
frontation complète. 

La  dernière  page  du  Papyrus  Amhurst  ne  nous  donne  que 
quelques  débris  de  lignes  et  de  phrases,  où  nous  voyons  bien 
qu'il  est  question  de  quelques  autres  personnages  accusés  de 
vol  ;  mais  ces  personnages  ne  sont  pas  nommés,  ou,  plus 
justement,  leurs  noms  ont  disparu,  et  ce  qui  en  est  dit  ne 
peut  en  rien  nous  servir. 

Nous  n'avons  rien  et  nous  ne  savons  rien  des  jugements 
rendus  à  la  suite  de  la  laborieuse  information  relative  aux 
vols  commis  dans  les  hypogées. 

XI 

Le  Papyrus  Sait  n'est  points  à  proprement  parler,  un  sou- 
venir officiel  des  fastes  judiciaires  de  l'ancienne  Egypte, 
comme  paraissent  l'être  les  documents  dont  nous  venons  de 
uous  occuper  ;  mais,  par  les  faits  caractéristiques,  dont  il 
fait,  pour  nous,  vivre  les  auteurs  prétendus,  il  acquiert  une 
importance  très  voisine  de  celle  qu'ont  le  Papyrus  Judiciaire 
de  Turin  et  les  Papyrus  Affboth  et  Amhurst, 

C'est  à  celte  cause  que  je  le  fais  intervenir  ici. 

Lp  Papyrus  Sait  est  un  acte  de  dénonciation  articulé  pnr  un 


BEAUAKGARD.    -*-   LA  JUSTICE  DAMS  LANGIENMË  EGYPTE.     405 

personnage  lésé  dans  des  affections  de  famille  et  dans  ses 
intérêts  par  un  homme  qui,  à  en  croire  son  accusateur,  s'est 
complu  dans  une  existence  de  rapines,  de  viols  elde  meurtres, 
et  qui,  chargé  de  tous  les  méfaits  qui  se  peuvent  commettre, 
a  su  se  soustraire,  par  Taudace  et  la  pratique  de  la  corruption, 
aux  châtiments  qu*il  a  plusieurs  fois  mérités. 

Le  dénonciateur  se  nomme  Neferhotep,  et  l'homme,  dont 
la  conduite  est  incriminée  se  nomme  Paneba, 

L'accusateur  est  très  violent;  il  dénonce  crûment  les  méfaits 
de  l'homme  dont  il  a  en  à  souffrir,  et  c*est  en  termes  très 
.'iiguisés  qu'il  le  désigne  et  le  dénonce  au  gouverneur. 

Cet  acte  de  dénonciation  est  long  et  souvent  coupé  de 
lacunes,  que  le  temps  y  a  faites  en  rongeant  le  papyrus. 

Je  n'en  consignerai  ici  que  les  points  principaux  : 

«  Je  suis  le  lils  du  chef-ouvrier  Kebnefcr  (bon  Maître).  Mon 
père  est  mort.  Il  a  laissé  NeferhoUp,  mon  frère,  à  sa  place. 

Le  brigand  j  ^^  ^  ^  ^^»  Khoui,  a  frappé  Neferhotep.  Et 
pour  éviter  la  condamnation  à  mort,  Tassassin  donna  an 
gouverneur  Phra-em-heb  cinq  des  serviteurs  de  mon  père, 
et  il  fut  sauvé. 

«  Ayant  pénétré  dans  la  tombe  des  rois,  Paneba  y  fit  de 
nombreux  détournements. 

«  Au  Khe/*nuter,i\  vola  Tencens  de  la  famille  divine  et  par- 
tagea avec  ses  compagnons  l'objet  de  son  larcin. 

«  Dans  les  celliers  du  roi,  il  a  volé  les  vins  de  Sa  Majeâté. 
et  sur  un  autre  point,  il  a  volé  divers  objets.  Le  scribe 
Kenhikhopeshef  ol^  par  écrit,  consigné  tous  ces  méfaits. 

«  Par  un  conduit  souterrain  qu'a  pratiqué  Paneba,  il  a  pé> 
nétré  dans  le  sanctuaire  d'une  tombe  royale  et  y  a  volé  les 
approvisionnements  de  l'adoration. 

«  Il  a  forcé  la  porte  de^eferhotep/û  en  a  brisé  la  clôture.  Il 
méritait  la  mort,  mais  il  corrompit  le  scribe  Kenhtk/topeshef\ 
qui  le  sauva. 

«  Sur  le  sommet  du  mur  d'enceinte  du  quartier  funéraire,  il 
a  violé  la  femme  Ouaou;  phi^^  tard,  il  a  violé  la  femme  Hunvr^ 


106  8ÉAK0B  OU  b  FÉVRIBIl  1891. 

qui  vivait  maHtalemetit  aveo  Béèa  ;  puis,  passant  de  la  mèfe 
à  la  fille,  il  viola  Oubkhet,  tandis  que  son  fils  violait  Ouùkhei- 
kerou,  la  fille  de  Oubkhet. 

a  II  s'est  approprié  des  matériaux  destinés  à  la  construction 
de  la  tombe  de  SeU-ménephtah,  et  il  a  pu  s'en  faire  quatre 
colonnes  pour  sa  maison. 

«  11  a  forcé  l'entrée  d'une  résidence  royale,  et,  à  sa  suite, 
des  passants  ont  pu  violer  la  sainteté  de  cette  résidence.  » 

Neferàotep  cite  les  témoins  du  fait.  Ils  sont  au  nombre  de 
sei2e,  tous  maçons,  qui  travaillaient  dans  le  voisinage;  puis, 
continuant  sa  dénonciation,    Neferhotep  affirme  que  «  Pa- 

neba  a  soustrait  le  registre  du  her-bakou^  o  J^^T^Cj» 
supérieur  des  ouvriers,  et  Ta  gardé  chez  lui. 

«  Paneba,  dit  Neferhotep,  bl  poursuivi  ce  même  chef  ouvrier 
et  Ta  menacé  de  mort. 

«  Sur  la  plainte  de  ce  chef  ouvrier,  le  gouverneur  Amenmè$ 
lit  fustiger  Paneba;  mais  à  l'aide  d'un  nonlnlé  Mesi,  Paneba  se 
tira  encore  d'affaire  et  put  échapper  à  la  sévérité  du  gou- 
verneur. 

«  Paneba^  ayant  à  faire  exécuter  des  travaux  chez  un  sennou, 

^„^^w^^,  officier  du  temple  d'Ammon,  profila  de  la  cir- 
constance pour  exiger  que  les  femmes  lui  tissassent  des 
étoffes  pour  son  usage  personnel,  au  détriment  des  temples. 

«  A  un  chef  ouvrier  nommé  Haï,  il  donna  rendez-vous  et 
lui  prescrivit  de  tuer...  (le  nom  a  disparu). 

«  Chez  l'ouvrier  Nakhlkem^  il  a  volé  sa  couche  ;  il  a  dépouillé 
un  mort  et  s'en  est  approprié  les  vêtements. 

((  Sur  son  ordre,  et  pendant  la  nuit,  dans  le  quartier  funé- 
raire, son  flls  a  maltraité  des  ouvriers. 

«  Sur  le  mur  d*enceinte  en  construction,  il  a  détérioré  des 
matériaux  pour  nuire  aux  fournisseurs.  Pris  en  flagrant  délit, 
il  jura  solennellement  qu'il  avait  agi  ainsi  par  ordre  du 
gouverneur,  et  il  sut  encore  une  fois  se  soustraire  à  la 
justice...  » 

Cette  plainte  de  Neferhotep  dénonce  encore  des  larcins  et 


BEAUREGAKD.    -^   LA  JUSTICE  DAMS  L  AHGIEUNE   ÉGTPTE.     107 

dés  profanations  connnis  par  Paneèa,  et  se  termine  par  une 
aeensation  qui  résume  toute  la  plainte  : 

a  Or,  cette  conduite  ne  comàience-t-elle  pas  à  être  notoire? 

Lui,  il  jouit  du  salut  divin,  ^^T^^hi^Ti;  lui.  qui 
est  semblable  à  n'importe  quel  abominable  scélérat,  JM  ^ 
mit'V  1^;  c'est  qu'il  a  tuô  les  gens  pour  qu'ils  ne  puissent 

pas  donner  des  avis  an  Pharaon, 
a  Vois  !  je  fais  connaître  au  gouverneur  ce  qu'il  a  fait,  o 
Exclamation  terminale,  qui  est,  sans  ambage,  une  accusa- 
tion de  suppression  de  témoins  par  le  meurtre. 

Ce  dernier  trait  ne  pouvait  manquer  au  tableau  des  vertus 
de  Panebal 

XU 

Le  document  que  nous  venons  d'analyser  peut  bien,  dans 
son  contexte  original,  nous  livrer,  sinon  la  formule  exacte, 
au  moins,  dans  son  allure  ordinaire,  le  libellé  des  plaintes  au 
criiuinel  telles  qu'elles  se  produisaient  en  Egypte  à  l'époque 
des  Ramessides;  peut-être  même  est  il  Tteuvre  d'un  expert 
en  cette  matière,  ce  qui  est  assurément  un  point  intôressatit. 
Mais  la  grande  importance,  pour  iious,  de  ce  document,  est 
le  tableau  qu'il  expose  des  fastes  de  la  criminalité  en  Egypte 
à  une  époque  des  plus  glorieuses  de  l'histoire  de  ce  pays  au 
grand  renom  de  sagesse. 

Ce  document,  dont  la  date,  dans  son  expression  spéciale,  a 
disparu,  ou  qui  peut-être  n'a  jamais  eu  de  date  officielle  qui 
lui  fût  propre,  peut,  à  tout  prendre,  Relever  du  règhe  de 

Sel'i  Ménéphtah  11,  dont  le  cartouche   (jj  ^  ^ ^ '  ||1  se 

trouvé  là  plusieurs  fois  répété  sans  prétendre  dii*ectement  à 
un  rôle  chronologique. 

Les  erimes  qu'il  dénonce  à  la  charge  de  l'inculpé  Paneèa 
sent  :  le  vol,  le  viol,  la  profanation  sacHlège  des  tombeaux 
et  des  temples  et  l'assassinat;  accessoirement,  ce  document 
InerlhiiBe  plusieurs  magistrats  de  prévarication  et  de  fbrfai- 


108  SÉANCE  DU  5   Ff^VBIER   1891. 

ture  par  corruption^  el  Tauteur  de  la  dénonciation  se  plaîl  à 
répéter  ilérativeraent  que  la  conduite  criminelle  de  Paneba 
eet  de  notoriété  publique. 

J'avoue  naïvement  que  cette  accumulation  de  crimes  sur 
un  même  nom  me  fait  douter,  non  pas  de  Taulbenticité  du 
Papyrus  Sali,  qui  assurément  est  œuvre  égyptienne  bien  ca- 
ractérisée, mais  de  la  valeur  foncièrement  juridique  du 
document. 

Dans  son  étude  égyptoiogique  qu'il  a  intitulée  :  Du  genre 
épi'stolaire  chez  les  Egyptiens  de  V époque  pharaonique,  M.  le 
professeur  Maspéro  nous  met  en  garde  contre  la  facile  con- 
descendance qui  fait  accorder,  à  tout  papyrus  d'origine 
égyptienne  constatée,  une  importance  de  valeur  historique. 

Appréciant  l'héritage  des  papyrus  qui  nous  sont  venus  el 
peuvent  nous  venir  encore  de  l'ancienne  Egypte,  il  s'exprime 
ainsi  : 

«  Quelques  débris  à  peine  ont  survécu  de  cette  correspon- 
dance ofOcielle  ou  privée...  Quelquefois  ces  lettres  ont  été 
trouvées  encore  intactes  dans  des  cassettes  qui  servaient  de 
bibliothèques,  ou  sur  le  corps  de  la  personne  à  laquelle  elles 
étaient  adressées;  plus  souvent  elles  sont  venues  jusqu'à 
nous  dans  des  recueils  spéciaux  formés  à  diverses  époques 
par  les  scribes  de  Thèbes  et  de  Memphis.  Je  n'oserais  affirmer 
que  toutes  les  pièces  contenues  dans  ces  recueils  sont  des 
lettres  authentiques  ;  le  ton  déclamatoire,  la  morale  vide  et 
pompeuse  de  quelques-unes  d'entre  elles  forment  un  contraste 
frappant  avec  la  rapidité  et  la  sincérité  des  autres.  A  mon 
avis,  les  morceaux  de  ce  genre  ne  sont  pas  lettres  réelles, 
mais  ampliflcations  en  forme  de  lettres,  sujets  de  discours, 
exercices  de  style,  qui  se  faisaient  dans  les  classes  et  se 
transmettaient  de  génération  d'écoliers  en  génération  d'éco- 
liers, comme  nos  cahiers  de  corrigés  ou  nos  recueils  de  vers 
latins.  »  Et  il  me  semble,  quant  à  moi,  en  l'étudiant  de  plus 
près,  que  le  Papyrus  Sait  nous  met  en  main  un  lambeau  de 
Tune  des  œuvres  d'un  scribe  stagiaire  s'exerçant  au  style  de 
la  basoche  égyptienne,  par  une  plainte  en  justice,  où  il  se 


BEAUKEGARU.    —    LA   JUSTâCK    DAiNS    L  ANCIENNE    KGYi^TK.      1U9 

livre,  à  ce  propos,  à  toutes  les  fantaisies  d'un  procureur 
échauffé  à  l'accusation. 

Tous  les  crimes  que  dénonce  cet  acte,  et  ces  crimes  soot 
nombreux^  variés  et  se  répètent,  sont,  de  plus,  de  notoriété 
publique,  comme  se  plaît  à  le  répéter  plusieurs  fois  le  dénon- 
ciateur ;  Tauteur  en  est  connu,  et,  dans  une  contrée  où  Fac- 
tion publique  de  la  justice  relevait  de  Tinitiative  de  tous  les 
magistrats  en  charge  et  des  officiers  civils  et  militaires, 
Paneba  peut  passer  son  temps  à  voler  un  peu  partout,  à  tuer 
à  Toccasion  les  gens  qui  lui  déplaisent  ou  embarrassent  son 
chemin  ;  il  peut,  pour  varier  ses  distractions,  violer  les  femmes 
et  les  filles  en  partie  liée  avec  son  fils,  en  terre  sainte  (khei^- 
nuter),  en  plein  jour,  dc-ci  et  de- là  sur  les  murailles  des  cha- 
pelles en  construction,  et  si,  d'aventure,  il  se  trouve  un  ma- 
gistrat qui  s'indigne  auxhauts  faitsdece brigand  atout  faire, 
ce  magistrat  se  laisse  fasciner  par  son  justiciable,  qui,  libre  et 
content,  s'en  va  continuant  ses  exploits  sur  le  même  terrain, 
dans  la  même  enceinte  funéraire,  dans  le  même  milieu 
d'hommes  et  de  choses  où  il  avait  précédemment  travaillé. 

Il  y  a  bien  là,  je  crois,  quelque  raison  de  faire  douter  de  la 
validité  juridique  de  l'acte  qui  nous  occupe. 

A  propos  d'un  moulin,  un  prince  tout-puissant  a  pu,  un 
jour,  croire  qu'il  se  trouverait  contre  lui  des  juges  à  Berlin, 
et  au  temps  de  Ramsès  le  Grand,  dans  le  pays  renommé 
comme  le  plus  sage  de  l'antiquité,  il  ne  se  serait  pas  trouvé 
un  magistrat  pour  venger  la  morale  publique  à  rencontre 
^  d'un  scélérat  dont  les  crimes  dénoncés  sont  notoirement 
connus?...  Cela  n'est  pas  possible,  n'a  pas  été  possible! 

Je  crois  à  l'authenticité  originelle  du  Papyrus  Sait  ;  il  est 
bien  égyptien,  mais  il  n'est  pas,  il  ne  peut  pas  avoir  été  acte 
de  procédure  effective,  il  ne  peut  pas  avoir  eu  de  valeur  juri- 
dique. 

Un  fait  tout  mince  et  d'ailleurs  assez  original  ajoute  encore 
à  mon  entraînement  vers  le  doute  :  c'est  le  nom  dont  se  trouve 
revêtu  chacun  des  intervenants,  actifs  ou  passifs,  à  cet  acte 
d'accusation. 


no  fâANCfi  t>u  5  révfttBR  1891* 

S'agit-il  du  plaignant  et  des  lésés?  Leurs  noms  »ont  char* 
mants  et  bien  propres  à  les  recommandar. 

Le  pire  da  dénoncialear  se  nomme  Nebnefer,  c'est-à-dire 
bon  mattre;  Taocusateur  lui-même  se  nomma  :  Neferhotep, 
c'est*àdire  heureux  prisent,  gracieux  don,  et  une  victime  du 
prétendu  criminel,  un  ouvrier,  que  Taccusateur  veut  rendre 
intéressant,  se  nomme  Nakhl^Khem,  c'est-à-dire  kabiU  m- 
venieur. 

Quant  à  Taocusé,  son  nom  est  Pnneba,  mot  composé  de 

Tarticle  masculin  ^ ,  pn,  le,  et  du  mot  f^  J  ^  ^  1  »  'ï^*^/, 
feu,  flamme,  ou  du  môme  mot  accentué  du  déterminatif  des 
végétaux  4r  et  qui  signifie  alors  un  végétal  épineux,  que  nous 
traduirons  ici  par  fagol  d'épines^  de  sorte  que  le  nom  Paneba, 
privé,  par  circonstance,  de  sa  désinence  féminine  égyptienne 
A,  signifie  facultativement  le  feu  dévorant  ou  le  fagot  d'épines. 

Dans  une  pièce  où  toutes  les  circonstances  sont  dramatisées 
avec  soin,  ces  dénominations  à  point  caressantes  ou  accusa- 
trices sont-elles  une  i^imple  coïncidence?  Ce  n'est  pas  pro- 
bable. 

Mais,  si  je  crois  pouvoir  dénier  au  Papyrus  Sait  une  valeur 
juridique  de  légitime  portée,  je  n'en  suis  pas  moins  convaincu 
que  les  dénonciations  au  criminel  qui  y  flgurent  sont  dignes 
de  l'attention  des  investigateurs  de  l'anthropologie  crimi- 
nelle, à  l'intention  de  qui  j'ai  fait  intervenir  ici  le  Papyrus 
Sait,  à  la  suite  de  quelques  autres  de  valeur  plus  intimement 
juridique. 

Le  Papyrus  Sait  doit  être  considéré  comme  un  tableau  de 
la  criminalité  au  pays  de  l'ancienne  Egypte. 

A  ce  titre,  c'est  une  précieuse  relique  anthropologique. 

Discattion. 

M.  LEaRAiif  montre,  à  propos  de  la  coipmuniçati^i)  de 
M .  9ea^r#ga^d,  une  plancha  raprésaatMi  «a  m^i^dai  égyp- 
tien rtndaai  )a  justice. 


bisciîssioN  bUr  U  bÉPOPÛLAtiûK  i)È  tA  ^AànCË.        i  i  { 


Salle  J0  la  JIm«mIoii  sur  le  faillie  eeereleeemeiit 
de  la  pepalaCiea  ea  Praare* 

LiMepIcaliaaIiea   des  eatoals   à  Parle 
eeauaa  eiéaieal  de  dépapalaliea  i 

PAR   M.   6.    YARIOT. 

Jç  demande  à  la  Société  la  parmiss^ion  d'appeler  sod  atten- 
tion, pendant  quelques  instants,  sur  un  élément  spécial  qui 
intervient  dans  la  dépopulation  à  Paris. 

J'ai  en  vue  Forganisation  défectueuse  de  nos  hôpitaux 
d'enfants,  dans  lesquels  la  contagion  intérieure  fait  encore 
tous  les  ans  des  centaines  de  victimes. 

L'augmentation  de  la  morlaiilé  de  ce  chef  est,  il  est  vrai, 
minime  relativement  au  chiffre  total,  mais  il  faut  considérer 
que  c'est  un  facteur  permanent  qui  exerce  son  influence 
depuis  près  d'un  siècle,  puisque  nos  grands  hôpitaux  d'en- 
fants ont  été  ouverts  au  commencement  du  siècle. 

Le  D'  Lunier,  en  1882,  dans  un  rapport  adressé  au  minis- 
ite,  sur  l'état  déplorable  de  l'hospice  des  Enfants  assistés 
(Enfants  trouvés),  signalait  que  33  pour  100  des  enfants  qui 
succombaient  dans  cet  asile  mouraient  d'une  maladie  con- 
tagieuse qu'ils  y  avaient  contractée. 

Depuis  cette  époque,  on  a  fait  quelques  réformes  urgentes  ; 
des  pavillons  d'isolement  ont  été  élevés,  des  étuves  à  désin- 
fection ont  été  installées  et  la  mortalité  s'est  notablement 
abaissée  aux  Enfants  assistés. 

Il  y  a  six  ans,  lorsque  nous  remplissions  les  fonctions  de 
chef  de  clinique  à  Thôpital  des  Enfants  malades,  rue  de 
Sèvres,  il  n^existait  qu'un  seul  pavillon  d'isolement  pour  la 
diphtérie,  et,  on  peut  dire  sans  exagération,  que  les  salles 
communes  étaient,  pour  les  petits  malades,  de  véritables 
champs  de  bataille,  où  ils  étaient  obligés  de  défendre  leur 
vie  contre  les  germes  de  maladie  contagieuae  qui  les  assail- 
laient de  toute  part. 

Dans  ces  trois  dernières  années,  on  a  commencé  de  sépa- 


112  SKANCK    DU   5    FÉVRIER    1891. 

ler  les  rubéoleux ,  le?  scarlatineus  qui  étaient  placé?  pêle- 
mêle  à  c6té  des  enfants  aiteinls  de  maladies  non  conta- 
gieuses et  souvent  légères. 

On  a  construit  des  pavillons  pour  la  scarlatine  à  Thôpital 
des  Enfants  malades  et  à  Thôpital  Trousseau,  et  on  a  placé 
la  rougeole  dans  des  salles  particulières. 

Cette  réforme,  trop  tardive,  a  déjà  eu  d'heureux  résultats; 
mais  ce  n'est  là  qu'une  demi-mesure  qui  ne  remédie  qu'in- 
complètement aux  défectuosités  de  notre  hospitalisation  in- 
fantile. 

L'hôpital  des  Enfants  malades  contient  environ  450  enfants  ; 
rhôpital  Trousseau  a  350  lits,  et  ce  sont  les  deux  seuls  hôpi- 
taux de  l'Assistance  publique  spéciaux  pour  les  enfants. 

Dans  la  même  enceinte,  nous  trouvons  des  pavillons  de 
diphtérie,  de  scarlatine,  des  services  de  médecine  pour  les 
maladies  aiguës,  des  services  de  médecine  pour  les  maladies 
chroniques,  des  services  de  chirurgie,  une  section  de  tei- 
gneux, une  crèche  pour  les  enfants  au  biberon. 

Cette  accumulation  d'enfants  présente  les  plus  graves  in- 
convénients, malgré  les  tentatives  d'isolement  qui  ont  été 
récemment  faites. 

Après  avoir  visité  en  1889  les  hôpitaux  d'enfants  à  Lon- 
gues, cette  année  les  hôpitaux  d*enfants  italiens  à  Gênes,  à 
Naples  et  à  Rome,  nous  croyons  que,  pour  décentraliser  nos 
hôpitaux  trop  encombrés,  il  faut  adopter  à  Paris  les  types 
des  hôpitaux-dispensaires,  qui  rendent  de  si  grands  services 
ù  Londres. 

Ces  petits  hôpitaux-dispensaires,  au  nombre  d'une  douzaine 
dans  la  métropole  anglaise,  ne  reçoivent  que  les  enfants 
non  contagieux.  Les  enfants  atteints  de  maladies  conta- 
gieuses sont  hospitalisés  dans  les  infectiom  hospùals.  Dans 
ces  hôpitaux-dispensaires  inconnus  à  Paris  jusqu'à  présent, 
le  service  de  l'hospitalisation  est  relégué  au  second  plan.  On 
admet  les  enfants  qu'en  cas  de  nécessité  absolue  dans  les 

salles. 
Le  service  du  dispensaire  pour  la  consultation  externe  est 


DISCUSSION  SUR   LA    NATALITÉ  EN  FRANCE.  113 

tout  à  fait  prédominant.  Les  petits  malades  sont  apportés 
par  les  parents,  reçoivent  les  conseils  du  médecin  et  les  mé- 
dicaments, puis  sont  remportés  chez  eux  pour  être  entourés 
des  soins  de  la  famille,  que  rien  ne  saurait  remplacer  à  cet 
âge. 

La  création  de  semblables  hôpitaux-dispensaires  a  été  ac- 
cueillie, en  principe,  par  le  Conseil  municipal  de  Paris,  et 
M.  Paul  Strauss  a  demandé,  sur  nos  instances  réitérées,  la 
construction  et  l'aménagement  de  deux  de  ces  hôpitaux  d*un 
nouveau  genre. 

Les  avantages  qui  résulteront  du  fonctionnement  de  ces 
établissements  seront  considérables  : 

!•  On  déchargera  ainsi  nos  grands  hôpitaux  d'enfants,  qui 
seront  transformés  graduellement  en  infectious  hospitals 
pour  enfants. 

^  On  soustraira  ainsi  bon  nombre  d*enfants  aux  chances 
de  contagion,  puisque  les  contagieux  ne  seront  pas  admis 
dans  les  hôpitaux-dispensaires. 

3®  Les  dépenses  d'hospitalisation  seront  allégées,  puisque 
la  plupart  des  enfants  seront  soignés  à  domicile. 

Discussion. 

M.Laborde  pense  qu'il  faudrait  établir  nettement  le  chiffre 
de  la  mortinatalité  dans  les  premiers  mois  de  la  vie,  et  celle 
des  enfants  plus  âgés. 

D'ailleurs,  l'idée  de  la  réforme  sur  la  surveillance  des  en- 
fants du  premier  âge  est  partie  de  la  Société  d'anthropolo- 
gie ;  Goudereau  a  été  des  premiers  à  s'occuper  des  procédés 
de  nourricerie  des  petits  enfants,  surtout  par  la  chèvre  et 
l'ânesse.  Il  y  a  là  déjà  bien  des  réformes  utiles  faites. 

Mais  pour  les  enfants  plus  âgés,  il  y  a  encore  beaucoup  à 
faire;  jusqu'en  ces  derniers  temps,  la  promiscuité  était  com- 
plète. 

L'enfant  atteint  de  maladie  peu  grave  prenait  une  maladie 
morlelle,  ou  guéri  de  la  diphtérie,  mourait  de  la  rougeole. 

T.   II   (4«  SÉRIIS).  8 


114  SÉANCE   DU  5   FÉVRIER   i891« 

'  Reste  la  question  de  savoir  sli  faut  pratiquer  l'isolenient 
dans  un  hôpital  spécial,  ou  simplement  dans  des  bâtiments 
spéciaux. 

Dans  ce  dernier  cas,  si  le  personnel  est  également  nette* 
ment  séparé  sans  aucune  promiscuité,  on  peut  éviter  absolu- 
ment la  contamination  du  voisinage.  C'est  ce  que  M.Laborde 
a  observé  à  Beaujon,  pendant  la  guerre,  dans  le  service  des 
varioleux. 

On  peut  donc,  en  somme,  réaliser  assez  facilement  Tisole* 
ment  sur  place. 

M.  Laborde  insiste  aussi  sur  la  nécessité  de  la  création 
d*asiles  pour  les  femmes  sur  le  point  d*accoucher« 

M"*  Clémence  Roter  dit  que  si  les  Anglais  hospitalisent  peu 
leurs  enfants,  c*est  qu'ils  ont  de  la  place  pour  les  soigner 
chez  eux.  La  plupart  des  habitants  de  Londres,  à  moins  d'être 
très  pauvres,  ont  une  petite  maison  avec  une  nursery  assez 
grande  pour  pouvoir  y  garder  les  enfants  malades  et  les  y 
isoler  en  envoyant  les  autres  chez  des  amis. 

M.  Hervé  fait  remarquer  que  si  notre  natalité  est  plus 
faible,  notre  mortalité,  surtout  infantile,  est  beaucoup  moins 
élevée  que  celle  des  autres  pays.  D'une  façon  générale,  la 
France  est  un  des  pays  où  la  mortalité  infantile  (de  0  à  5  ans) 
est  la  plus  faible.  Le  quart  seulement  de  nos  enfants  meurt 
avant  cinq  ans,  tandis  que  les  pays  allemands  perdent  plus 
d'un  tiers  dos  leurs,  et  qu'en  Russie  la  proportion  est  de  près 
de  moitié.  Pour  1000  enfants  du  premier  âge  (de  0  à  1  an), 
nous  avons  179  décès  annuels,  notablement  moins  que  la  plu- 
part des  États  européens.  Si  ce  n'est  pas  une  raison  pour  ne 
pas  chercher  à  restreindre  encore,  par  tous  les  moyens, 
celte  mortalité,  c'est  du  moins  l'indication  que  la  véritable 
cause  du  faible  accroissement  de  la  population  française 
doit  être  cherchée  ailleurs. 

M.  Laborde  dit  que  si  le  fait  est  vrai,  la  grande  natalité  des 
paysétrangers peut  contrebalancer  laléthalité infantile  élevée. 

Au  point  de  vue  de  la  variole,  notre  léthalité  est  extrême- 
ment élevée  ;  la  vaccination  obligatoire  s'impose  donc. 


f 

l 


I 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ   EN   FRANCE.  H5 

M.  Variôt  dit  que,  à  Londres,  on  n'hospitalise  jamais  les 

yrubéolenx.  Les  parents  préfèrent  exposer  les  autres  enfants 
à  la  contagion.  De  plus,  c'est  aussi  par  économie  qu'ils  font 
soigner  les  enfants  au  dispensaire. 

•  M.  Sanson  pense  que  la  question  ainsi  posée  sort  de  la 
compétence  delà  Société  d'anthropologie,  dontTavis  ne  sau- 
rait peser  en  Tespèce. 

Le  seul  point  anthropologique,  c*est  celui  de  savoir  pour- 
quoi le  chiffre  des  enfants,  de  trois  par  ménage,  est  tombé  à 
deux.  Quant  aux  multiples  questions  annexes,  elles  sortent 
de  la  compétence  de  la  Société. 

M.  Hervé  proteste  contre  celle  manière  de  voir.  Quelle 
que  soit  Une  question,  elle  devient  anthropologique  si  elle 
touche  par  une  de  ses  applications  à  Tétude  du  groupe 
humain  ou  de  la  vie  des  sociétés 

M.  G.  LagnëaU.  Je  crois  que  la  Société,  ainsi  que  je  Tai  fait, 
pouvait  rechercher  les  moyens  d'accroître  la  nuptialité  et  la 
natalité;  mais  puisque,  pour  le  moment,  elle  étudie  les  moyens 
de  restreindre  la  mortalité,  je  ferai  quelques  remarques  sur  la 
mortalité  infantile  à  Paris.  Je  ne  puis  que  louer  M.  Variot 
de  s'occuper  des  moyens  de  diminuer  l'énorme  raorlalilé 
des  enfants  assistés  ou  hospitalisés.  Tout  le  monde  sait  com* 
bien  est  grave  la  diphtérie;  mai*»  la  rougeole  et  la  coqueluche, 
que  le  publie  non  médical  regarde  comme  des  maladies 
bénignes,  sans  être  aussi  graves  que  la  diphtérie,  présentent 
une  véritable  gravité,  du  moins  pour  les  petits  malades  hos* 
pltulisés,  et  pour  les  petits  malades  des  quartiers  ouvriers, 
des  quartiers  peu  riches. 

Chargé,  au  Conseil  d'hygiène  du  département,  du  rapport 
sur  le»  maladies  épidémiques,  depuis  longtemps  je  remarque 
combien  sont  nombreux  les  décès  par  rougeole.  En  1889,  on 
a  compté  1220  décès  par  la  rougeole,  plus  que  par  la  fièvre 
typhoïde  (il  14).  On  a  compté  522  décùs  par  coqueluche; 
près  de  qualre  fois  plus  que  par  variole  (139).  De  1 879  h  1 889, 
dans  les  hôpitaux,  malgré  les  soins  éclairés  donnés  aux  petits 
malades,  la  léthalité  de  ces  affections  est  d'environ  un  quart 


116  SÉANCE   DU  5  FÉVRIER  1891. 

OU  un  cinquième.  Durant  ces  onze  années,  les  proportions 
moyennes  ont  été  de  27,63  décédés  pour  100  malades  atteints 
de  rougeole,  et  de  22,75  sur  100  atteints  de  la  coqueluche. 
Pareillement,  depuis  longtemps,  notre  collègue,  M,  Jacques 
Berlillon  a  fait  remarquer,  dans  la  statistique  municipale, 
combien  la  rougeole  sévissait  dans  certains  quartiers  pauvres 
de  la  périphérie  de  Paris. 

En  I867,au  congrès  international  de  médecine*,  et  en  4878, 
au  congrès  international  d'hygiène^,  M.  Gh.  Rauchfuss,  à 
propos  des  hôpitaux  d'enfants  de  Saint-Vladimir  à  Moscou, 
du  prince  Pierre   d'Oldenbourg  à  Saint-Pétersbourg,  avait 
signalé  de  bonnes  et  utiles  mesures  d'isolement.  Depuis, 
M.  Chautemps  au  Conseil  municipal,  M.  Ollivier  au  Conseil 
d'hygiène,  MM.  Grancher,  Hutinel,  Deschamps  et  plusieurs 
autres  confrères,  à  la  Société  de  médecine  publique,  ont  in- 
sisté sur  les  hôpitaux  spéciaux,  isolés,  sur  les  mesures  d'iso- 
lement et  d'antisepsie,  relativement  aux  enfants  atteints  de 
maladies  transmissibles.  Après  avoir  visité  les  hôpitaux  d'en- 
fants d'Angleterre  et  d'Italie,  M.  Variot  paraît  favorable  à  la 
création  d'hôpitaux  spéciaux,  petits  et  nombreux;  il  semble 
redouter  l'hospitalisation  pour  certaines  affections  de  l'enfance 
pouvant  être  mieux  traitées  chez  les  parents,  aux  consulta- 
tions externes,  aux  dispensaires.il  a  bien  fait  de  soumettre  ses 
opinions  au  Conseil  municipal.  11  y  a  de  grandes  améliorations 
à  apporter  aux  conditions  fâcheuses  des  enfants  pauvres  de 
Paris.  Leur  mortalité  est  énorme. 

Lorsqu'en  1875  je  communiquai  à  l'Académie  des  sciences 
morales  un  travail  sur  l'influence  de  l'illégitimité  sur  la  mor- 
talité, je  vis  que,  d'après  les  relevés  statistiques  de  Chenu  et 
d'Ély,  de  la  naissance  à  vingt  et  un  ans,  âge  auquel  nos  jeunes 
gens  sont  appelés  à  Tarmée,  100  garçons  illégitimes  avaient 
perdu  74  décédés,  tandis  que  100  garçons  légitimes  en  avaient 
perdu  33  à  34'.  Depuis,  M.  Monod,  directeur  de  l'Assistance 

•  Page  515. 
»  Page  727. 
s  Chenu,  HecrutetMnt  de  l'atmée  et  Population  de  la  France,  p.  56-57, 


r 


J 


DISCUSSION  SUR  LA   NATALITÉ  EN  FRANCE.  117 

publique,  constatait  que  les  enfants  assistés,  qui,  la  plupart, 
sont  illégitimes  ou  se  trouvent  dans  des  conditions  sociales 
aussi  fâcheuses,  présentent  une  mortalité  de  68  sur  iOO*. 

Mais,  dès  avant  la  naissance,  F  état  de  misère  dans  lequel 
se  trouvent  la  plupart  des  filles  mères,  détermine  une  énorme 
mortinatalité.  Plusieurs  démographes  ont  cru  devoir  attribuer 
la  mortinatalité  plus  élevée  des  enfants  illégitimes  que  des 
enfants  légitimes  à  une  intervention  criminelle.  Sans  contes- 
ter la  vraisemblance  de  cette  intervention  de  la  part  de  mal- 
heureuses, pour  qui  la  maternité  est  un  motif  de  réprobation 
et  constitue  une  charge  écrasante,  je  crois  que  cette  morti- 
natalité fort  élevée  des  enfants  illégitimes  tient  surtout  à 
rétat  de  misère,  de  dénuement  dans  lequel  tombent  la  plupart 
de  ces  femmes,  lorsque,  arrivées  au  sixième  ou  septième  mois 
de  gestation,  elles  ne  peuvent  plus  la  dissimuler,  sontrenvoyées 
de  leurs  places,  et  se  trouvent  sans  domicile  et  sans  moyens 
d'existence.  Dans  sa  récente  communication  à  la  Société  de 
médecine  publique  sur  Tassistance  des  femmes  enceintes, 
M.  Pinard  disait  dans  quel  état  de  dénuement  arrivaient  sou- 
vent dans  les  maternités  ces  malheureuses  femmes,  n'ayant 
plus  ni  chemise,  ni  bas^  ni  jupon,  n^ayant  plus  qu'une  mau- 
vaise robe  pour  tout  vêtement^. 

C'est  dans  le  but  de  prévenir  cette  misère  et,  par  suite,  la 
mortinatalité  et  la  mortalité  infantile  que,  depuis  1875,  à 
plusieurs  reprises,  j'ai  insisté  sur  la  nécessité  de  créer  des 
maternités-ouvroirs,  où  les  femmes  sans  domicile,  sans  res- 
sources, pourraient  être  reçues  durant  les  derniers  mois  de 
leur  grossesse,  où  elles  travailleraient  proportionnellement  à 
leur  faible  validité,  où  elles  accoucheraient,  et  où  elles  pour- 
raient, tout  en  travaillant,  allaiter  et  soigner  pendant  quelque 
temps  leurs  enfants. 

1867  ;  Ely,  Recrutement,  Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicales, 
p.  64S. 

i  MoDody  Congrès  intemaiional  d'hygiène  et  de  démographie  de  1889, 
p.  1034. 

*  Pinard,  De  l'assistance  des  femmes  enceintes,  des  femmes  en  couches  et 
dis  femmes  accouchées  {Revue  d'hygiène ^  décembre  1890,  p.  11 01  y 


118  SÉANCE   DU  5  FÉVRIER   1891. 

Quoique  séparés,  notre  ville  a  déjà  plusieurs  de  ces  établis- 
semants  d^assistance:  asiles  pour  femmes  enceintes,  mater- 
nités, maisons  de  convalescence. 

Ainsi  que  Tobserve  M.  Hervé,  la  mortalité  diffère  peu  en 
Angleterre  et  en  France.  Cependant,  dans  ces  dernières 
années,  en  Angleterre,  de  1881  à  1887,  elle  est  descendue  à 
49,â  décès  sur  4000 habitants*,  tandis  qu'en  France,  en  4888, 
elle  est  de  91 ,9'.  Mais  la  différence  semble  plus  notable  lors- 
qu'on considère  que,  dans  la  population  anglaise,  figurent 
plus  d'enfents,  en  âge  de  haute  mortalité,  que  dans  la  popula- 
tion française.  De  1806  à  1886,  comme  le  remarque  M.  Levas- 
seur,  notre  population  s'est  élevée  de  plus  de  9  millions  d'ha- 
bitants, de  â9i074i0  h  38^18903;  en  4866,  nous  comptions 
733^7  mariages  de  plus  qu'en  4806;  toutefois  nous  avons, 
en  4887,  50647  naissances  de  moins  qu'en  4807  :  au  lieu  de 
876096  on  n'en  enregistre  plus  que  835479^. 

M*»®  Clémence  Royer,  qui  précédemment  a  fait  remarquer 
l'influence  restrictive  qu'à  Paris  parait  avoir,  sur  la  natalité, 
l'exiguïté  des  logements,  ne  permettant  d'y  maintenir  que 
quelques  enfants,  attribue  également  à  cette  exiguïté  l'obli- 
gation dans  laquelle  se  trouvent  les  parents  d'envoyer  à 
l'hôpital  leurs  petits  malades,  qu'ils  ne  peuvent  garder,  soigner 
et  isoler  dans  les  pièces  petites  et  peu  nombreuses  qu'ils  habi- 
tent. Contrairement,  à  Londres,  en  dehors  de  quelques  quar» 
tiers  très  peuplés,  beaucoup  de  petites  maisons  séparées 
permettraient  aux  parents  de  garder  chez  eux  plus  facilement 
leurs  petits  malades.  A  Paris,  comme  dans  beaucoup  de  grandes 
villes,  certaines  professions,  celles  de  domestique,  de  demoi- 
selle de  boutique,  deviennent  aussi  pour  les  parents  un 
motif  d'éloigner  les  enfants,  en  les  envoyant  en  nourrice,  en 
les  abandonnant  à  l'assistance  publique.  Autant  que  possible, 
pour  réduire  la  mortalité  infantile,  il  importe  cependant  de 

*  Annual  report  of  the  regislrar  générai  of  hlrlhs,  deaths,  and  maria f$  m 
Sn gland,  1887,  p.  y. 

>  Vannacque,  Mouvement  de  la  pojnUation  en  1888  {Journal  ôf/hiely 
28  août  1889,  p.  4193.) 

'  Levasseur,  la  PopUation  frfinfoiM,  2*  vol.,  p.  42,  1891. 


DISCUSSIOfiT  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANGE.  ;ii9 

mettre  les  parents,  et  surtout  les  jeunes  mères,  à  môme  de 
conserver  leurs  enfan  Is .  Tel  est  un  des  buts  que  semblent  s'être 
efforcés  d  atteindre  plusieurs  des  conseillers  municipaux,  qui, 
comme  MM.  Clemenceau,  Thulié,  Strauss,  se  sont  occupés 
des  enfants  assistés.  Il  faut,  autant  que  possible,  que,  par 
des  secours  suffisants,  promptement  donnés,  toute  femme 
indigente  puisse  devenir  la  nourrice  payée  de  son  propre 
enfant,  puisse  ralledter,  le  soigner,  le  conserver  auprès  d  elle. 
Ainsi  diminuerait  notablement  la  mortalité  infantile  de  nos 
agglomérations  urbaines. 

Pour  les  enfants  plus  âgés,  il  serait  également  à  désirer  que, 
par  des  soins  médicaux  largement  donnés,  par  des  médica- 
ments gratuitement  fournis,  les  parents  fussent  de  plus  en 
plus  mis  à  même  de  soigner  chez  eux  certains  petits  malades. 
Combien  d'enfants,  envoyés  à  Thôpital  pour  des  maladies 
bénignes,f y  contractent  la  diphtérie  ou  autres  maladies  mor- 
telles ! 

Si  rhabitat  des  villes  peut  avoir  une  influence  sur  la 
natalité  et  la  mortalité  par  Texiguïté  des  logements,  il  me 
paraît  être  plus  préjudiciable  encore  par  Tencombrement 
humain  de  certains  quartiers,  qui,  comme  ceux  de  Saint-Avoye, 
de  Salnt-Gervais  et  de  Bonne-Nouvelle,  ont  971,  988,  voire 
même  1025  habitants  par  hectare*.  Si,  comme  le  remarque 
M"»  Cl.  Royer,  à  Londres,  aux  nombreuses  petites  maisons 
séparées,  la  population  est  moins  entassée  qu'à  Paris,  peut- 
être  devons-nous  attribuer  à  ce  moindre  encombrement 
humain  la  moindre  mortalité  par  phtisie  à  Londres  qu'à 
Paris.  Je  savais  depuis  longtemps  quelle  énorme  dîme  mor- 
tuaire prélève  chaque  année  la  tuberculose  dans  notre  popula- 
tion parisienne  trop  souvent  stratifiée  en  étages  superposés 
dans  des  maisons  privées  d'air  et  de  lumière.  En  1889,  sur 
54083  décédés,  Paris  en  a  perdu  1 1  554  par  affections  tuber- 
culeuses des  poumons,  des  méninges,  du  mésentère,  etc.*, 
plus  d'un  cinquième!  Mais  c'est  en  lisant  le  récent  ouvrage, 

*  Statistique  municipale  de  la  ville  de  Paris ^  1889^  p.  4. 
'  Ihid,,  p.  6-7. 


120  SÉANCE  DU  5  FÉVRIER   1891. 

de  M.  Levasseur*,  et  certain  article  de  M.  Drysdale  '  que  j'ai 
remarqué  que,  sur  10000  habitants,  la  phtisie  enlevait  an- 
nuellement à  Paris  Al  ou  48  décédés,  alors  qu'à  Londres  elle 
ne  faisait  que  20  à  21  victimes,  moins  de  moitié. 

M.  Bbrtillon  croit  qu'il  faudrait  préciser  la  question  et  la 
réduire  à  quelques  propositions  simples. 

M°*^  Clémence  Royer  insiste  sur  l'influence  de  la  hauteur 
des  habitations.  A  Londres,  on  a  déjà  fait  la  statistique  de  la 
morbidité  par  étages.  Ce  fait  peut  avoir  un  assezgrand  intérêt. 

M.  Bertillon  rappelle  que  cela  se  fait  aussi  en  France  dans 
certaines  circonstances. 


Resurgi  talion  maternelle  ehez  des  ehlenne*. 

par  m.   FRANÇOIS    DALEAU. 

Apropos  de  la  communication  de  M.  Laborde  :  On  cas  curieux 
et  exceptionnel  du  développement  de  l'instinct  maternel  chez  la 
chienne  {Bulletins  de  la  Société  d:* anthropologie  de  PariSy  1890, 
p.  145),  voici  ce  que  j'ai  observé: 

1**  Nous  avions,  ici,  une  chienne  courante  allaitant  deux 
petits.  Absolument  libre,  elle  courait  les  rues,  recueillant 
dans  les  tas  d'immondices  et  dans  les  tueries  (abattoirs 
privés)  des  aliments  qu'elle  régurgitait  ensuite  à  ses  petits. 

Cette  chienne,  âgée  de  huit  ou  neuf  ans,  manquait  peut- 
être  de  lait  et  voulait,  sans  doute,  parce  stratagème,  sevrer 
ses  chiens. 

Si  la  mère  restait  trop  longtemps  absente,  les  petits  hur- 
laient pour  l'appeler  et,  dès  qu'elle  paraissait,  ils  se  suspen- 
daient en  quelque  sorte  à  ses  lèvres  pour  recevoir  la  nourri- 
ture impatiemment  attendue.  Gomme  il  y  avait  plusieurs 
chiens  dans  l'enclos,  dont  l'une  des  portes  était  presque  tou- 
jours  ouverte,  la  mère  entraînait  ses  enfants  à  l'écart,  et  là, 
presque  sans  efforts,  leur  régurgitait  la  pitance.  Gela  dura^  si 

*  Levasseur,  toc.  cit.,  2«  vol.,  p.  411,  note  3. 

>  Drytdale,  Th9  Echosaturday^  january  27,  1891,  p.  4,  col.  2. 


DALBAU.  —  RÉGURGITATION  MATERNELLE  CHEZ  DES  CHIENNES.    i2i 

j'ai  bonne  mémoire,  au  moins  deux  mois.  La  chienne  en 
question  recevait,  comme  ses  congénères  d'une  petite  meule, 
une  fois  par  jour^  une  soupe  abondante. 

â<*  J*ai  vu  aussi  une  chienne,  Labri  (chien  de  berger),  à 
laquelle  on  ne  donnait  que  très  peu  d'aliments  ;  elle  courait 
dans  le  village,  cherchant  de  porte  en  porte,  et  absorbait 
gloutonnement  ce  qui  restait  dans  les  auges  des  étables  à 
porcs  (des  soupes  faites  d'herbes  et  de  pommes  de  terre).  Son 
estomac  plein,  elle  retournait  à  ses  petits  et  leur  vomissait  ce 
qu'elle  avait  recueilli. 

Un  vieux  chasseur  m'a  dit  avoir  vu  : 

1*^  Une  chienne  très  mal  nourrie,  allant  l'été  dans  les  ruis- 
seaux à  peu  près  desséchés,  y  pêcher  des  anguilles  dans  la 
boue,  les  mâcher  avec  précaution  pour  les  vomir  ensuite  à 
ses  jeunes  chiens. 

2»  Une  autre  mère  dévorait  des  prunes  bleues,  dites  Saint- 
Antoine  (dont  on  nourrit  les  porcs),  tombées  sous  les  arbres, 
et  en  nourrisscdt  ses  chiens  par  le  même  procédé.  < 

Les  mœurs  des  chiens  élevés  en  ville  dans  des  locaux  peu 
spacieux  où  ils  reçoivent  plusieurs  fois  par  jour  d'abon- 
dantes pâtées,  doivent  certainement  différer  de  celles  des 
ruraux;  souvent  l'entrée  de  la  maison  leur  est  interdite,  ils 
couchent  dehors,  on  leur  donne  pour  aliment  la  croûte  car- 
bonisée du  pain  et  un  peu  de  pommes  de  terre  bouillie.  Ces 
bons  animaux  sont  obligés  de  se  nourrir  de  ee  qu'ils  trouvent 
dans  les  champs  et  de  ce  qu'ils  peuvent  rapiner  aux  porcs. 

La  faim  fait,  dit-on,  sortir  le  loup  du  bois. 

La  séance  est  levée  à  six  heures  dix  minutes. 

Uun  des  teerétaires  :  CAPITAN. 


499  «ÉAKOt  DU  10  FÉVIIER  186i. 


53t' SfiiNCe.  —  19fénier  \m, 

PréflliieMee  de  M*  liABORBE^  préflliieiit* 

Le  prooès-verbal  de  la  dernière  séaace  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès-verbal. 

A  propos  du  procès-verbal,  M.  OLLiyisa-BlîiUftEGiRD  de- 
mande la  parole. 

Il  ei^posa  qu'il  l'issue  da  la  précédente  séance,  l'un  de  nos 
collègues  lui  a  fait  observer  qu'il  avait  répondu  h  côté  de  la 
question  posée  à  propos  de  Set,  par  M,  Hervé. 

M.  Hervé  avait  demandé,  lui  a-t-il  été  observé,  oe  que  pou- 
vait signifier  le  mythe  de  Set  et  à  quel  ordre  d'idées  il  répon- 
dait dans  Tensemble  des  croyances  de  Tancienne  Egypte,  et 
non  pas  seulement  l'époque  à  laquelle  le  culte  de  Set  s*était 
établi  en  Egypte  et  le  temp3  qu'il  y  avait  duré, 

Je  vais,  dit  M,  Ollivier-Beauregard,  répondre  à. la  question 
un  peu  complexe  dont  M.  Hervé  désire  la  solution,  et  je 
renverrai  à  la  suite  de  ma  réponse  de  ce  jour  et  à  titre  de 
complément,  le  court  exposé  que  j'avais  fait  à  la  précédente 
séance. 

La  légende  osirienne  est  la  base  la  plus  réelle  des  croyances 
de  Tancienne  Egypte  ;  elle  met  en  scène  un  grand  nombre  de 
comparses,  dont  Osiris,  Isis,  Horus  et  Set  sont  las  seuls  qui 
doivent  intervenir  ici. 

Isis  est  la  sœur-épouse  d'Osiris. 

Horus  est  leur  fils. 

Osiris  et  Set  sont  frères. 

Osiris  est  Texpression  du  bien  ;  Texcellence  divine  et  les 
vertus  humaines  sont  incarnées  en  lui. 

Set  est  Texpression  du  mal  ;  tous  les  mauvais  instincts,  tous 
les  sinistres  penchants  sont  réunis  en  lui. 

Leurs  tempéraments  directement  opposés  ont,  de  fort 


À  PBOPQS   DU  PROCàS^VKIAAL.  123 

bonne  heure,  fait  d'Osiris  et  de  Set  deux  frères  ennemis,  et 
Set,  ayant  attiré  Osiris  dans  une  embûche,  le  tua,  disséqua  en 
quatorxe  morceaux  le  corps  de  son  frère,  enferma  dans  une 
caisse  les  restes  mutilés  d'Osiris  et  les  jeta  au  Nil. 

Le  Nil  emporta  la  caisse  à  la  mer  et  la  mer  la  poussa  jus- 
que sur  les  côtes  de  FAsie  Mineure.  Et  c'est  là  qu'Isis,  en  quête 
de  son  époux,  le  trouva  et  le  rendit  à  la  vie,  remplaçant,  par 
des  similaires  en  bois,  les  parties  génitales  d'Osiris  qu'avaient 
mangées  les  poissons,  lesquels,  à  cette  cause,  sont  restés,  chez 
les  Égyptiens,  Texpression  des  abominations  de  toutes  sortes. 

Ici  se  place,  en  symbole,  l'idée  originale  du  dogme  de  la 
résurrection,  dont  Je  n'ai  pas  à  m'occuper  aujourd'hui. 

Horus,  résolu  de  venger  la  mort  de  son  père,  en  rechercha 
le  meurtrier  qu'il  savait  être  Set. 

Set,  pourchassé^  forcé  de  combattre,  fut  vaincu.  Horus  vain- 
queur ne  le  tua  point,  il  se  contenta  de  l'énerver,  de  l'émas- 
culer,  croyant  le  rendre  par  là  tout  à  fait  inoffensif. 

Set,  vaincu  et  défleuri,  gagna,  par  la  langue  de  terre  que 
nous  connaissons  sous  le  nom  d'istkme  de  Suez,  les  déserts 
situés  au  nord-est  de  l'Egypte,  espaces  dévolus,  oomme  le 
disent  les  textes  égyptiens,  à  la  race  maudite  des  Rhétas,  e'est- 
à*dlre  l'Arable  et  les  terres  de  Ghanaan. 

Set,  mauvais  diable  en  Egypte^  passa  d'emblée  bon  dieu  au 
pays  des  Khétas. 

Dans  les  textes  égyptiens  à  grandes  figures.  Set  est  repré- 
senté, comme  je  le  montre  ici^  avec  un  long  museau  sans 
caractère  bien  déterminé,  les  mâchoires  inférieure  et  supé- 
rieure de  sa  gueule  sont  rendues  impuissantes  par  une  sorte 
de  clef  qui  en  empêche  le  jeu  complet,  et  les  deux  cornes 
qu'il  porte  sont  obtuses  et  plates  à  leur  extrémité,  toutes 
conditions  particulières  qui  expriment  l'état  d'impuissance 
qu'il  tient  de  rémasculation  que  lui  a  Infligée  Horus. 

Mais  de  bonne  heure,  en  Egypte,  dans  l'esprit  sarcastique 
de  la  nation,  cette  figure  de  Set  se  transforma  en  tète  d'âne. 

Son  long  museau  s'alourdit  en  muffle  de  béte  asine,  et  ses 
cornes  obtuses  devinrent  de  longues  oreilles. 


HA  SÉANCE   DD    19  FÉVRIER   1891. 

Cette  transformution  de  la  figure  égyptienne  de  Set,  trans- 
formation à  laquelle  les  prêtres  d'Osiris  ^loivent  avoir  très 
consciencieu sèment  travaillé,  fit  de  l'Ane  le  symbole  des  popu- 
lations de  l'Arabie  et  des  terres  syriennes,  au  moins  pour  les 
Égyptiens  restés  fidèles  au  culte  d'Osiris,  et  ils  furent  toujours 
les  plus  nombreux. 
J'ai   trouvé  l'expression  du  symbole  de  Set  ainsi  trans- 
formé    sur   des   monuments    d'origine 
égyptienne  de   divers   âges,  et,   en  ce 
sens,  elle  a  survécu  à  l'Egypte  pharao- 
nique dans  la  légende  de  la  nativité  de 
Jésus. 

Une  caricature  égyptienne,  que  les 
faits  pris  par  elle  à  partie  font  remonter 
au  régne  de  [tamsès  lE  (Sésostris),  attri- 
bue, dans  le  gouvernement  de  l'Egypte 
pharaonique,  au  temps  des  premiers 
règnes  de  la  X!X°  dynastie,  un  rAIe  pré- 
pondérant  à  Set,  qui  est  lit  représenté  de  la  tête  aux  pieds 
sous  la  figure  d'un  &ne  aux  longues  oreilles. 

A  la  séance  de  notre  Société,  du  7  février  1889,  j'ai  donné 
un  fac-similé  de  cette  caricature,  et,  par  une  analyse  minu- 
tieuse de  ce  dessin  satirique,  j'en  ai  fourni  l'explication  et 
l'interprétation. 

Je  répète  ici  le  même  dessin,  et  tout  en  renvoyant,  pour  en 
avoir  l'e-^ptication,  nos  collègues  à  notre  Bulletin  du  7  fé- 
vrier 1889,  je  répète  ici  que,  dans  notre  dessin,  première 
partie,  première  ligne,  lecture  de  droite  à  gauche,  nous  avons 
un  ensemble  d'auimau\  symboliques  figurant  les  diverses 
régions  composant  le  territoire  de  l'Egypte  telle  que  l'avaient 
faite  les  conquêtes  réalisées  par  la  XVllI'  dynastie  et  par 
Sésostris  lui-même,  quand  il  n'était  encore  que  prince 
royal.  Ainsi  le  lion  représente  l'Ethiopie,  conquête  de  Sésos- 
tris, prince  royal  ;  le  crocodile,  c'est  l'Egypte  moyenne  ;  le 
marsouin,  c'est  la  basse  Egypte;  allant  tous  àlaflle  à  la  suite 
de  Set,  fleuré  par  un  ftne  et.dnnsl'espritdes  prêtres  satiriques 


126  SÉANCE  DU  i9  FÉVRIER  1891. 

qoi  fabriquèrent  cette  caricature,  désignant  malicieusement 
Ramsès  IL  Sésostris  lui-môme,  qui,  sémite  par  sa  mère,  a 

*  r 

tenté  de  faire  admettre  en  Egypte,  et  au  préjudice  d'Osiris, 
le  culte  de  Set,  son  dieu  natif. 

Toutes  ces  circonstances  sont  historiquement  démontrées 
et  connues,  et  ne  laissent  aucun  doute  sur  la  valeur  intention- 
nelle et  critique  de  la  figure  d*âne 
qui  intervient  ici,  quinze  siècles 
avant  notre  ère. 

Un  autre  monument  authenti- 
quement  égyptien,  et  qui  repré- 
sente officiellement  Set  avec  une 
tète  d'âne  aux  longues  oreilles, 
remonte  seulement  à  deux  siècles 
avant  notre  ère  ;  il  est  du  règne 
de  Ptolémée-Evergète  II.  Je  le 
relève  à  la  planche  64,  de  la  des- 
cription  de    rÉgypte,    série  A, 
volume  IIL 
Là,  Set  est  représenté  par  un 
corps  humain  portant  une  tête  d'âne  ;  ses  bras  sont  enchaî- 
nés; Horus,  corps  humain,  tète  d'épervier,  tient  Set  par  ses 
longues  oreilles  d'âne  et  faitle  geste  de  le  frapper  avec  un  bâton. 
Je  répète  ici  ce  groupe . 

Je  signale  une  image  chrétienne  qui,  élargissant  la  légende 
d'après  laquelle  Jésus  naquit  la  nuit  de  Noël  dans  une  étable, 
représente  l'enfant  légendaire  vagissant  nu  entre  un  bœuf  et 
un  âne. 

Chacun  de  nous  connaît  ce  tableau  assez  souvent  édité  en 
relief^  petit  modèle. 

Le  Nouveau  Testament,  qui,  le  plus  souvent,  parle  en  para- 
boles, n'a  point  ici  manqué  à  sa  vocation,  je  veux  dire  à  ses 
habitudes.  Cette  image  est,  de  fait,  l'expression  figurée  de 
l'éclosion  du  christianisme. 

Dans  cette  image,  en  effet,  le  bœuf  est  Apis,  c'est-à-dire 
Osirisisla  religion  égyptienne. 


A  PROPOS  DU  PROGàS-YBRBAL.  127 

L*âne  est  Set,  o*est-àodire  les  Hébreax  nsle  mosalsme. 

Et  dans  son  ensemble,  Timage  nons  représente  le  christia- 
nisme entre  ses  deux  parrains  qui  le  présentent  au  monde. 

Dès  Tannée  1866,  et  dans  un  chapitre  intitulé  :  le  Dernier 
Hiéroglyphe  égyptien^  première  imagé  chrétienne^  j'ai,  dans  mou 
livre:  les  Divinités  égyptiennes^  etc.,  fourni  de  plus  amples 
explications  des  particularités  de  cette  image  qui^  dès  l'abord, 
attestation  d'origine,  est,  avec  le  temps  et  par  pure  spécula^ 
tion,  passée  symbole  d'humilité  ohrétienne. 

En  résumé,  le  mythe  de  Set  relève  de  la  légende  religieuse 
et  intimement  égyptienne  d'Osiris,  où  Set  est  l'esprit  du  mal 
à  rencontre  d'Osiris,  et  il  est  acquis  que  Set,  d'abord  repré^ 
sente  dans  le  panthéon  égyptien  sous  les  traits  de  l'animal 
fantastique  que  nous  avons  reproduit,  était  déjà,  à  l'époque 
initiale  du  temps  de  la  XIX*  dynastie,  connu  sous  les  traits  de 
l'âne  symbolisant  la  race  maudite  des  Khétas,  des  Sémites. 

Quant  au  culte  effeotif  et  officiel  qui  fut  rendu  à  Set  en 
Egypte»  il  convient  de  dire  qu'il  ne  fut  jamais  là  qu'accidentel 
et  temporaire* 

Accidentel,  car  il  fut  une  des  conséquences  de  la  révolution 
qui  porta  au  trône  des  Égyptes  les  chefs  de  la  dynastie  des 
Rhamessides. 

C'est  à  Sésostris,  Ramsès  II|  que  l'Egypte  doit  l'établisse- 
ment du  culte  exotique  de  Set,  et  cette  dérogation  au  senti- 
ment religieux  de  l'Egypte  s'explique  par  ce  fait  que  Sésostris 
était  sémite  par  sa  mère — en  Egypte  la  filiation  s'exprime  par 
les  ascendants  maternels  -^  et  qu'il  crut,  en  sacrifiant  à  Set, 
sacrifier  au  dieu  de  ses  ancêtres. 

Mais  détesté  du  collège  des  prêtres  égyptiens  toujours  cor- 
dialement attachés  au  culte  d'Osiris,  le  culte  de  Set  ne  survécut 
pas  à  son  fondateur;  il  semble  qu'il  ait  un  instant  repris  sous 
le  règne  de  Seti  II,  petit-fils  de  Sésostris.  Mais,  après  la  mort 
de  ce  prince,  toutes  les  figurations  et  les  emblèmes  de  Set 
furent  minutieusement  et  rigoureusement  recherchés  et 
détruits,  et  soit  que  les  statues  furent  alors  brisées^  soit  que 
l'on  ait  martelé  plus  tard  les  images  et  les  expressions  de  cette 


428  SÉANCE  DU   19  FÉVRIER   i89i. 

divinité  dont  avaient  été  chargés  les  édifices  publics,  il  ne 
nous  en  est  revenu  que  fort  peu. 

Dans  sa  ferveur  à  Set,  Sésostris  crut  devoir  donner  à  son 
fils  le  nom  de  cette  divinité  ;  le  successeur  de  Sésostris  porte, 
en  effet,  le  nom  de  Séti.  Nom,  qui,  loin  d'être  par  sa  désinence 
une  atténuation  du  mot  Set,  en  est  au  contraire  une  affirma- 
tion redondante,  qui  concorde  d'ailleurs  avec  la  prétention 
toujours  vive  des  rois  d'Egypte  à  se  croire  et  par  conséquent 
à  s'intituler  dieu  à  toujours. 

La  désinence  ttde  Setiest,  en  effet,  en  égyptien,  l'indication 
du  duel  ;  de  sorte  que  Seti  signifie  en  réalité  le  deux  fois  Set, 
c'est-à-dire  ici  Set  dieu,  Set  roi  dans  la  même  personne;  Set 
dieu  devant  être,  aux  termes  des  croyances  égyptiennes,  le 
double  du  roi. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

M .  Gabriel  de  Mortillet.  Notre  archiviste,  M.  Issaurat,  qui, 
depuis  plusieurs  mois,  consacre  avec  un  dévouement  digne  du 
plus  grand  éloge,  tous  ses  après-midi  au  classement  de  nos 
livres  et  à  la  rédaction  du  Catalogue  de  la  bibliothèque,  m'a  si- 
gnalé le  manquement  du  troisième  volume  des  Matériaux  pour 
r histoire  de  l'homme.  Cette  lacune  était  d'autant  plus  regret- 
table que  les  quatre  premiers  volumes  publiés  sous  ma  direc- 
tion sont  actuellement  introuvables  en  librairie.  J'ai  été  assez 
heureux  pour  découvrir  un  exemplaire  du  volume  manquant. 
Je  me  fais  un  véritable  plaisir  de  l'offrir  à  la  Société. 

J'ai  aussi  l'honneur  d'offrir  au  nom  de  M.  J.  Gosselet, 
professeur  de  géologie  à  la  Faculté  des  sciences  de  Lille,  une 
brochure  in-8®,  intitulée:  St'lez  taillés  trouvés  dans  les  exploi- 
tations de  phosphate  de  chaux  de  M.  Delattre,  à  Quiévy,  près 
de  Solesmes  {Nord),  accompagnée  de  sept  planches  in-4», 
représentant  des  coups  de  poing  cheliéens  de  grandeur  natu- 
relle. Plusieurs  sont  tenus  à  la  main,  et  dans  le  texte,  l'auteur 
dit:  «  C'est  un  fait  remarquable  que  presque  tous  paraissent 
avoir  été  taillés  pour  être  pris  à  la  main.  Ils  présentent  une 
sorte  d'encoche  naturelle  ou  artificielle,  qui  permet  de  les 


OUVRAGES  OFFERTS.  129 

saisir,  soit  avec  le  poing,  soit  avec  le  pouce  et  les  doigts 
extrêmes.  »  Cela  vient  confirmer  ce  qui  a  été  dit  dans  la  der- 
nière séance  à  propos  d'une  présentation  de  M.  Vauvillé. 

Un  des  grands  mérites  de  la  publication  de  M.  Gosselet 
est  d'avoir  très  nettement  déterminé  le  gisement  des  coups  de 
poing  en  silex  de  Quiévy.Ils  se  rencontrent  à  la  base  du  qua- 
ternaire, composé  sur  ce  point  de  limon  de  lavage,  sous 
lequel  se  trouvent,  de  la  glaise  grise,  puis  de  Targile  rouge 
souvent  sableuse. 

«  C'est  le  principal  gisement  des  haches  en  silex^  »  dit 
M.  Cayeux,  préparateur  de  M.  Gosselet,  chargé  de  faire  le 
relevé  géologique. 

M.  d'Act  fait  remarquer  que  certains  silex  chelléens  se 
tenaient  à  la  main  et  que  d'autres^  retaillés  tout  autour, 
n'auraient  pu  être  saisis  à  la  main  sous  peine  de  blesser. 
M.  d'Acy,  indique  quatre  types  qui,  môme  d'après  M.  Gosselet, 
ne  devaient  pas  se  tenir  à  la  main.  Il  pense  également,  d'après 
M.  Gosselet,  que  dans  les  types  dont  celui-ci  ne  parle  pas,  il  y 
en  a  plus  qu'on  ne  le  croit  dans  ce  gisement  qui  sont  retaillés 
sur  tout  leur  pourtour. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  M.  d'Acy  en  est  réduit  à  plaider 
l'exception.  Il  fait  remarquer  que  quelques  échantillons  se 
manient  difficilement  à  la  main;  mais  il  ne  démontre  pas 
qu'ils  s'emmauchent  plus  facilement. 

M.  Adrien  de  Mortillet  dit  que  le  coup  de  poing  est  un  ins- 
trument à  tout  faire,  dont  les  formes  multiples  sont  les 
ancêtres  des  instruments  des  époques  suivantes. 

Musée  Guimet  (Bibliothèque  de  vulgarisation,  vol.  III).  Les 
Hétéens,  histoire  d'un  empire  oublié,  par  A.  H.  Sayce  (traduit 
de  l'anglais,  par  Joachim  Menand.  Paris,  in-i8,  210  pages, 
illustré. 

Fauvellb  (D').  Sépultures  puniques  de  Carthage;  lampes 
funéraires  des  nécropoles  de  Carthage;  durée  moyenne  de  la  vie 
des  employés  romains  à  Carthage,  au  deuxième  siècle  de  notre 
T.  H  (*•  série).  9 


i30  SÉANCE   DU   19   PÉVRIEB  iS^K 

hre.  (Ext.  des  Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie^  taai,  juin 
^t  juillet  1890,)  Paris,  1890,  in-8%  36  pages,  illustré. 

TouRTOULON  (Ch.  de).  Des  dialectes^  de  lew*  classificattOH  et 
de  leur  délimitation  géographique.  (Communication  faite  au 
Congrès  de  philosophie  romane  de  Montpellier,  le  26  mai  1890.) 
Paris,  i890,  in-S*»,  60  pages.  (Ext.  de  la  Revue  des  langues 
romanes,) 

CuARENCEY  (H.  de).  Essai  de  grammaire  de  la  langue  de  Viti^ 
diaprés  les  manuscrits  des  missionnaires  maristes,  coordonnés 
par  le  père  A.  C...  Second  fascicule,  Paris,  1884,  in-8*, 
72  pages.  —  Dictionnaire  latin-uvea^  à  Vusage  des  élèves  du 
collège  de  Lano,  par  les  missionnaires  maristes,  revu  par  le 
père  A.  C...  Paris,  1886,  in-8^,  185  pages.  — Katekismu  l'ede 
Yoruba  (traduit  du  Catéchisme  de  Cambrai)^  par  le  révérend 
père  Baudin.  Paris,  1884,  in-18,  98  pages. 

U.  S.  Geological  Survey  (Department  of  the  interior)w 
ISinth  annual  report  of  the  United  States  geological  survey  to  the 
secretary  ofthe  Interior^  1887-4888,  by  J.-W.  Powel,  director. 
Washington,  government  printing  office,  1889,  in-4^,  xm- 
717  pages  et  figures. 

PERIODIQUES. 

Annales  de  P Académie  de  Mâcon,  deuxième  série^  tome  VU. 
Mâcon,  1890,  in-8°.  A.  Arcelin:  l'Homme  tertiaire. 

L' Anthropologie j  tome  11,  n°  1  (janvier- février  1891).  D' Car- 
ton :  les  Mégalithes  de  Bulla^^^egia^  les  Alignements  de  la 
plaine  de  la  Medjerdah  et  les  Sépultures  du  Djebel  Herrech, 
avec  15  figures  ;  —  Paul  du  Chatellier  :  De  quelques  cachettes 
découvertes  dans  le  Finistère,  avec  13  figures;  —  Aristote-G. 
Neophytos:  Le  Grec  du  nord-est  de  l'Asie  Mineure  au  polo l 
de  vue  anthropologique  ;  —  G.  de  Lapouge  :  Crânes  modernes 
de  Montpellier. 

Revue  de  l* hypnotisme  et  de  la  psychologie  physiologique. 
(o«  année,  n»  8,  février  1891).  D' Dejerine  :  Hypnotisme  et  Sug- 
gestion. 

Comptes  rendus    hebdomadaires  de  la  Société  de  biologie 


A.   DE   MORTILLKT.  —   CUILLÈRES  PHÉHISTORIQUES.  131 

(9*  série,  tome  III,  n"  5,  1891).  J.-AV.  Laborde:  Des  phéno- 
mènes extérieurs  que  Ton  observe  sur  la  tète  et  le  tronc  des 
décapités  et  de  leur  signification  physiologique. 

Bulletin  de  la  Société  de  géographie  (V  série,  tome  XI, 
4*  trimestre,  1890).  Gabriel  Bonvalot  :  Voyage  dans  TAsie  cen- 
trale et  au  Pamir;  —  Guillaume  Gapus  :  Pamir  et  Tchitral. 

Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Toulouse  (9*  année, 
1890,  n«»  9,  10,  11, 12).  De  Poumayrac:  Le  Congo  français. 

iVa/tire  (volume  43,  n°»  IHO,  IMi,  5  et  12  février  1891). 

—  G. -Smith  Worthington  :  Skallton  of  brachycephalic  celt; 

—  D^Alfred-R.  Wallace  :  Modem  biology  and  psychology; 

—  Prof.  W.-Boyd  Dawkins  :  The  Lake-dwellings  of  Eu- 
rope; —  G.  Smith  Worthington  :  Notable  paleolithic  im- 
plement. 

The  American  antiquarian  and  oriental  jommal  (volume  XIIÏ, 
n»  1,  janvier  189)).  S.-D.  Peet:  The  Great  Gahokia  Mound 
(illustrated)  ;  —  W.-M.  Beauchamp  :  Earth-works  and  sto- 
kades;  —  James  Deans  :  A  Weird  mourning  song  of  the 
haidas  ;  —  A.-W.  Williamson  :  The  Dakotas  and  their  tra- 
ditions. 


PftÉSENTATlOlMS. 


M.  Letourneau  présente,  au  nom  de  M.  Tremlett,  une  série 
de  plus  de  cent  cinquante  dessins  et  relevés  de  monuments 
mégalithiques  de  Bretagne. 

Gnillèreft  préhistoriques. 

M.  Adrien  de  Mortillet  présente  une  cuillère  néolithique,  en 
terre  cuite,  provenant  de  la  grotte  de  Vermont  ;  c'est  une 
vraie  poche. 

Au  camp  de  Chassey,  on  en  a  trouvé  une  avec  manche. 
M.  de  Mortillet  en  montre  aussi  une  en  bois  provenant  des 
habitations  lacustres.  En  Chine,  il  en  existe  en  porcelaine  de 
même  forme  qu'en  Amérique,  oi!i  le  point  de  départ  semble 
avoir  été  une  cuiMère  faite  avec  un  coquillage  scié  ;  le  manche 


432  SÉANCE  DU  i9  FÉVRIER  1891. 

est  alors  creusé  en  gouttière  qui  se  continue  directement 
avec  Textréroité  de  la  cuillère. 

Série  de  eolllèreB  d'époqses  variées  ; 

PAR   M.    CAPITAN. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société  une  série  de  onze 
cuillères  des  diverses  époques  suivantes.  Tout  d'abord  deux 
spécimens,  l'un  en  bronze,  l'autre  en  os,  de  cuillères  romaines. 
C'est  une  tige  mince,  pointue,  munie  à  son  extrémité  d'une 
petite  cuillère  ronde.  C'est  là  la  cuillère  de  table  des  Romains 
(V.  bas  fig.  A),  d'après  certains  auteurs.  D'autres  y  voient  seu- 


13  Cenhonètyes 

Fig.  A. 

lement  une  cuillère  à  parfum  pour  l'usage  de  la  toilette  ou  à 
destination  du  culte. 

Puis  viennent  les  cuillères  rondes,  à  bords  échancrés  du 
coté  du  manche>  à  manche  quadrangulaire  ou  arrondi,  muni 
à  son  extrémité  d'un  petit  ornement  terminé  en  bas  par  un 
bouton.  C'est  le  type  carlovingien  qu'on  retrouve  du  septième 
au  dixième  siècle  (v.  milieu  fig.  A).  Plus  tard,  vers  le  treizième 
siècle,  il  existe  encore  un  type  analogue,  à  bords  un  peu  plus 
échancrés  dans  la  partie  de  la  cuillère  adhérente  au  manche 
et  présentant  souvent,  à  l'extrémité  de  ce  manche,  une  figu- 
rine  de  saint  ou  le  plus  souvent  de  la  Vierge  (v.  haut  fig.  A). 
Au  dix-septième  siècle,  le  manche  s'aplatit  et  se  termine  par 
une  extrémité  plate  aussi  et  plus  large  que  le  manche.  La 
cuillère  proprement  dite  s'allonge  et  prend  une  forme  ovale. 

A  l'époque  actuelle,  on  retrouve,  dans  bien  des  pays,  des 
(ormes  rappelant  les  formes  anciennes.  Je  vous  présente  aussi 


CAPITAN.  —  CUILLÈRES  d'ÉPOQUES  VARIÉES.  433 

une  petite  cuillère  en  bois,  dont  le  manche  court  est  terminé 
par  une  fourchette  ;  c'est  l'appropriation  moderne  du  type 
romain.  A  côté  de  spécimens  de  ces  diverses  époques,  je  vous 
montre  aussi  une  cuillère  kabyle,  de  forme  analogue  à  celle 
des  cuillères  du  moyen  âge,  et  enfin  un  spécimen  russe, 
moderne  aussi,  en  vermeil  émaillé,  à  cuillère  ovale,  échancrée 
sur  les  côtés,  à  tige  torse  terminée  par  un  simple  bouton. 


JO  U^^ir^yitret  -j 


Fig.  B. 


iy^tntitniftt* 


Fiç.  C. 


S3^«nrimètr«s 


S  2  Canh'mè^e« 


Fig.  D. 


C'est  une  forme  très  analogue  à  celle  des  cuillères  du  moyen 
âge. 

Une  autre  série  que  voici  se  compose  de  spécimens  assez 
récents  mais  présentant  des  réminiscences  des  types  antiques. 
Le  premier  est  une  petite  cuillère  fabriquée  au  moyen  d'une 
coquille  sciée  en  deux,  elle  provient  de  l'Inde  (voir  fig.  B). 
On  retrouve,  dans  divers  pays,  des  spécimens  en  bois  ou  en 
céramique  affectant  une  forme  inspirée  de  cette  cuillère  en 
coquillage.  £n  voici  une  en  bois  provenant  du  centre  de  TAfri- 
que  et  qui  a  la  même  forme  générale  que  la  précédente  (voir 
fig.  C).  En  Chine  et  au  Japon,  il  existe  des  cuillères  en  por- 
celaine blanche  souvent  décorée,  en  forme  de  poche  se  con- 
tinuant avec  le  manche,  qui  affecte  la  forme  d'un  demi- 
cylindre;  c'est  là  un  type  d'ailleurs  très  vulgaire. 


134  SÉANCE  DU  19  FÉVRIER  1891. 

Je  vous  présente  aussi  quelques  cuillères  kabyles  en  bois 
avec  ornements  tracés  au  fer  rouge;  ces  ornements  sont  inté- 
ressants et  d'aspectarchaïque;  les  formes  sont  assez  élégantes; 
d'ailleurs  ces  cuillères  sont  fabriquées  avec  soin  dans  du  bois 
dur  (voir  fîg.  D). 

Discnsnon. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  fait  remarquer  que  la  décoration 
des  cuillères  kabyles  présentées  par  M.  Capitan  est  tout  à  fait 
semblable  à  celle  d'usage  courant  de  Tâge  du  bronze  européen. 
Cette  décoration  consiste  en  séries  de  triangles  formés  par 
des  hachures  parallèles.  Ces  triangles  sont  alignés  en  cercle 
dans  l'intérieur  de  la  cuillère  et  en  lignes  droites  sur  le  man- 
che; c'est  ce  qu'on  appelle  les  dents  de  fow/î.Dansle  centre  du 
rond  d'une  des  cuillères,  il  y  a  une  petite  croix  au-dessus 
d'un  poignard.  Tout  le  centre  de  l'autre  est  occupé  par  une 
croix  formée  de  deux  lignes  qui  se  croisent  à  angle  droit. 
Cette  croix  estcantonnée  dans  ses  quatre  compartiments  de 
doubles  points.  Ce  mode  de  croix  et  le  cantonnement  se 
trouvent  aussi  fréquemment  à  l'âge  du  bronze.  Il  y  a  donc  là 
une  très  importante  similitude. 

M.  Ollivibr-Beauregard  présente  une  cuillère  en  argent  à 
manche  mince,  rectangulaire,  à  nervures,  et  présentant  à 
son  extrémité  une  figurine  de  Vierge.  Elle  date  donc  du 
moyen  âge. 

M.  le  colonel  Duhousset.  La  façon  de  se  nourrir  et  les  ins- 
truments culinaires  qui  servent,  accessoirement,  à  l'alimen- 
tation doivent  intéresser  autant  l'ethnographe  que  le  collec- 
tionneur. On  a  dû  remarquer,  parmi  les  ustensiles  en  métal 
présentés  plusieurs  fois  à  la  Société,  que  les  cuillères  an- 
ciennes affectaient  presque  toujours,  avec  une  légère  con- 
cavité, la  forme  régulièrement  arrondie  de  contour  qui  se 
trouve  généralement  en  usage  dans  le  nord  de  l'Europe. 

J'ai  vu,  tout  récemment  encore,  une  série  d'objets  analo- 
gues trouvés  par  M.  F.Moreau,  en  1890,  dans  des  sépultures 


DISCUSSION  SUR   DES   CUILLÈRES   d'ËI>OQU^S   VARIÉES.        13S 

du  terrain  àet  nécropoles  préhistoriques  avoisinant  le  cours 
de  rOuroq  et  de  Carenda  (Aisne),  soumises 
&  des    fouilles   sérieuses    et    sans    relAche 
dès  1073. 

Déjà,  en  1876,  il  y  avait,  dans  les  coUec< 
lions  de  cet  archéologue,  des  cuillères  en 
bronze  ornées  de  figurines,  probablement 


Fig.  I.  Fie-  ■ 


gallo-romalnee,  et  venant  d'un  tombeau  de  Sablonniêres. 
Ainsi  qu'on  l'a  jndicïeasenient  fait  observer,  les  paya  qui 


i36  SÉANCE  DU  19  FÉVRIER  4891. 

se  nourrissent  principalement  de  pâtes  ne  font  pas  usage 
de  cuillères  ;  encore  de  nos  jours,  on  consomme  peu  de 
potages  en  Italie,  et  les  peuples  d'Orient,  dont  la  base  de  la 
nourriture  est  le  riz,  même  en  Tarrosant  d'une  sauce  épicée, 
puisent  avec  leurs  doigts  dans  le  plat  commun^  chacun  fai- 
sant brèche  devant  lui. 

A  Naples,  les  lazzarones  ne  se  font  pas  faute  d'agir  de  la 
même  façon  pour  avaler  le  macaroni,  et  souvent  aussi  les 
Arabes  opèrent  ainsi  avec  le  couscoussou  imbibé  de  meurga 
au  poivre  rouge. 

Voici  une  cuillère  en  olivier  venant  d'une  habitation  ka- 
byle où  plusieurs,  façonnées  de  même,  étaient  plantées  dans 
un  râtelier  en  bois;  sa  forme  se  rapproche  de  celles  en  usage 
en  Bretagne,  qui  vous  furent  montrées  dernièrement  ;  la 
pointe  est  peu  indiquée,  et  elle  n'est  que  légèrement  creusée. 
Le  même  modèle  se  rencontre  à  Madagascar. 

On  trouve,  dans  la  collection  Bing,  deux  cuillères  à  doser 
le  thé,  venant  du  Japon  (dix-septième  siècle)  ;  elles  ont  les 
manches  en  argent  émaillé,  et  sont  pointues  et  creuses. 

Notre  collègue,  le  voyageur  Rousselet,  dans  son  long  sé- 
jour dans  rinde,  a  constaté,  comme  je  Tai  fait  en  Perse, 
que  la  forme  en  pointe  de  la  cuillère  était  presque  constante, 
et  je  viens  appuyer  mon  dire  en  en  mettant  quelques-unes 
sous  vos  yeux  dans  les  différents  emplois  asiatiques  :  d'abord, 
une  cuillère  pointue  et  dont  le  cuilleron  a  la  forme  très 
creuse  d'un  ustensile  semblable  en  pierre,  et  d'une  haute  an- 
tiquité, qu'on  vous  a  montré  l'autre  jour;  presque  toutes  les 
autres  dérivent  de  cette  dernière,  comme  on  le  voit  dans  la 
toute  petite  cuillère  absolument  décorée  de  même  et  creusée 
d'une  façon  analogue. 

J'ai  acquis  ces  cinq  cuillères  s'ajustant  l'une  dans  l'autre 
d'une  nomade  illiate,  dont  la  tente  était  dressée  dans  la 
plaine  de  Véramine,  non  loin  de  Hhagès. 

Cet  ustensile  très  orné,  qu'on  trouve  sur  les  tables  des 
riches,  et  dont  le  bois  est  sculpté  comme  une  dentelle,  sert  à 
Duiser  dans  un  bol  contenant  des  sorbets  ;  on  se  la  passe  à 


DISCUSSION   SUR  DBS  CUILLÈRES  d'ÉPOQUES  VARIÉES.       i3i 

la  ronde  en  ayant  soin  de  boire  de  côté.  Par  le  mot  table 
dont  je  viens  de  me  servir,  il  faut  entendre  le  tapis  recouvert 
d'une  nappe,  car  c'est  sur  le  sol  que  les  différents  plats  sont 
posés,  devant  les  convives  agenouillés. 

Ces  petites  cuillères  en  argent  et  en  os  sont  renfermées 
dans  le  calendan,  petit  nécessaire  en  carton  contenant  tout 
ce  qu'il  faut  pour  écrire,  et  servent  à  prendre  les  quelques 
gouttes  d'eau  qui  mouillent  le  tampon  de  fil  saupoudré  de 
poussière  d'encre  ;  c'est  en  appuyant  fortement  dessus,  avec 
la  plume  roseau,  que  celle-ci  se  charge  de  noir  pour  écrire. 

Enfin,  Tinstrumenl  que  voici,  formant  un  triangle  métal- 


10  cenhmirréi 
21   c*nHrr*ittret  


*î^ 


J_a  cenhtnrhrei     _ 


'^^•"'■"^ 


'i^^  5. 


lique  très  pointu,  est,  dans  l'Asie  Mineure,  à  l'usage  du  fu- 
meur ;  avec  cette  palette  ou  petite  truelle,  il  dépose  sur  le 
tchillam  (grande  pipe  à  eau)  le  tombako  composé  de  mé- 
lasse et  de  tabac  malaxés  ensemble,  ayant  l'aspect  d'une 
forte  pilule  de  la  grosseur  d'une  boule  de  loto.  On  trouve 
souvent,  en  Asie,  des  cuillères  n'ayant  pas  la  pointe  dans  la 
direction  du  manche,  et  dont  les  bords  affectent  la  courbure 
d'une  palme. 

Je  termine  en  disant  qu'il  serait  intéressant  de  bien  spéci- 
fier les  origines  et  les  limites  de  ces  cuillerons  profonds  ou 
plats,  les  premiers  terminés  en  pointe  et  ne  servant  probable- 
ment que  pour  des  aliments  très  liquides,  et  les  seconds  ten- 
dant, avec  la  forme  arrondie,  à  n'être  plus  qu^une  palette  lé- 
gèrement creusée. 

M.  BoNNEMÈRE  rappelle  qu'en  Suisse,  il  y  a  encore  aujour- 
d'hui des  cuillères  arrondies  rappelant  le  type  du  moyen 
âge. 


138  SÉANCE  DU  49  FÉVRIER  1891. 

M.  Sanson  dit  que  les  cuillères  entrant  les  unes  dans  les 
autres  se  rencontrent  aussi  à  Bombay. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  dit  qu'il  faut  distinguer,  à  l'é- 
poque romaine,  entre  les  cuillères  servant  à  la  table  et  celles 
qui  servaient  à  la  cuisine;  celles-ci  étaient  en  bois  et  en 
forme  de  poche  ;  on  les  voit  figurées  sur  des  fresques, 

M.  Zaboroswki  dit  que  les  Kabyles  fabriquent  une  cuillère 
ronde  à  manche  plat,  qui  a  une  forme  analogue  à  celle  des 
cuillères  antiques  présentées. 

Sar  oa  dlsqoe  pereé,  on  aonoma  en  pierre,  Méollthi^ne 

PAR    MM.    LES    DOCTEURS   MENARD    ET    CAPITAN. 

J'ai  l'honneur  de  vous  présenter,  au  nom  du  docteur  Ménard, 
de  Saint-Gervais-les-Trois.Clochers  (Vienne),  et  en  mon  nom, 
un  grand  disque  mince  très  régulier,  poli,  mais  à  surface 
un  peu  altérée,  en  roche  granitique,  à  mica  verdâtre  abon- 
dant et  à  feldspath  rose.  Ce  disque,  qui  mesure  i75  milli- 
mètres de  diamètre  sur  une  épaisseur  de  9  millimètres  au 
milieu  et  de  4  millimètres  sur  les  bords,  est  percé  à  son  centre 
d'un  large  orifice  de  73  millimètres  de  diamètre.  Cet  objet  a 
été  découvert  avec  un  autre  de  même  forme,  mais  un  peu 
plus  large  de  quelques  centimètres  (4  centimètres  environ), 
et  de  même  roche,  h  1  mètre  de  profondeur,  par  des  paysans 
qui  arrachaient  des  arbres  au  lieudit  TararoUy  commune  de 
Saint-Christophe,  sur  les  confins  de  la  commune  de  Saint- 
Gervais-les-Trois-Clochers,  tout  à  fait  au  nord-ouest  du  dépar- 
tement de  la  Vienne. 

Tous  les  environs  de  cet  endroit  sont  d'ailleurs  riches  en 
débris  de  diverses  époques.  C'est  une  petite  vallée  au  fond  de 
laquelle  coule  un  ruisseau  au  milieu  de  marécages.  La  tra- 
dition locale  prétend  qu'une  ville  a  été  engloutie  dans  ces 
marais.  Le  fait  est  que  plusieurs  indices  permettent  de  sup- 
poser qu'il  y  a  eu  en  cet  endroit  une  station  lacustre.  Des 
recherches  seront  d'ailleurs  faites  pour  élucider  ce  point. 

Sur  le  coteau  qui  borde  à  l'est  la  petite  vallée,  il  existe  des 


MÉNARD   ET  CAPITAN.    —    DISQUE   PERCÉ.  439 

(ombelles  dont  Tépoque  n'a  pas  été  nettement  déterminée. 
Tout  autour,  on  a  découvert  des  silei^  et  des  jaspes  taillés 
de  diverses  époques.  Sur  le  coteau  ouest,  tout  à  côté  préci- 
sément de  Tendroit  où  ont  été  découverts  les  disques,  il 
existe  une  station  romaine  d'une  certaine  importance. 
Enfin,  à  500  mètres,  on  trouve  encore  en  assez  grande 
abondance  des  silex  taillés.  On  y  a  découvert  récemment  une 


Pig.  I.  —  Anneaa  en  pierre.  Époque  néolithique.  (Moitié  grandeur  natorelle.) 


grande  pointe  en  silex  de  Pressigny  mesurant  175  millimè- 
tres de  longueur  sur  30  millimètres  de  largeur,  bien  retaillée 
sur  les  bords. 

Le  gisement  ne  peut  donc  donner  aucun  renseigne- 
ment sur  Tàge  de  cet  objet.  Mais  des  disques  ou  anneaux 
semblables  en  pierre  ont  été  découverts  en  diverses  parties 
de  la  France,  dans  des  conditions  qui  permettent  d^affirmer 
qu'ils  remontent  à  Tépoque  néolithique.  Il  existe,  au  musée 
de  Vannes,  un  très  bel  anneau,  de  forme  identique  à  celui 


140  SÉANCE  DU  i9  FÉVRIER  4891. 

que  nous  présentons  à  la  Société,  et  qui  a  été  trouvé  dans 
un  des  grands  dolmens  de  Bretagne,  avec  une  superbe  hache 
polie  passée  dans  l'orifice  de  Tanneau.  Tout  ceci  permet 
donc  de  dater  Tobjet  présenté  et  de  le  considérer  légitime- 
ment  comme  étant  de  l'époque  néolithique. 

Reste  à  chercher  l'usage  auquel  était  destiné  ce  grand 
disque  ou  anneau.  Sur  ce  point,  les  avis  sont  partagés.  Quel- 
ques auteurs  pensent  que  ce  disque  aurait  pu  servir  d'arma- 
ture à  une  massue  ainsi  qu'il  en  existait,  il  y  peu  d'années 
encore,  chez  certaines  populations  océaniennes  (Nouvelle- 
Guinée  surtout).  Les  dimensions  de  Toriflce  ne  permettent 
pas  d'accepter  cette  hypothèse.  Quelques  archéologues  pen- 
sent que  c'était  un  ornement  destiné  à  être  suspendu  au 
cou  et  porté  sur  la  poitrine,  soit  pour  y  fixer  les  vêtements, 
soit  comme  emblème,  ainsi  qu'il  en  existait  chez  les  an- 
ciens  Mexicains  et  chez  d'anciennes  populalions  de  Tlnde. 
Tel  est  Tavis  de  nos  amis  Salmon  et  Boban.  Enfin  d'autres 
archéologues  fort  compétents  pensent  que  c'était  une  véri- 
table arme.  Pour  les  uns,  c'était  une  arme  de  jet,  le  premier 
représentant  du  disque  hindou  en  fer,  à  bords  tranchants 
{tckah^am)  qui  se  lançait  après  lui  avoir  imprimé  un  mou- 
vement de  rotation  rapide  autour  de  l'index  passé  dans  l'o- 
rifice. C'est  l'opinion  de  notre  collègue  M.  OUivier-Beau- 
regard. 

Pour  les  autres,  c'était  un  véritable  bracelet  servant  à  la 
fois  de  parure  et  d'arme,  comme  moyen  de  parer,  ou,  au  con- 
traire, pour  frapper;  on  le  fixait  sur  l'avant-bras  ou  bien 
au-dessous  du  biceps.  Notre  ami  M.  Adrien  de  Mortillet,  qui 
a  défendu  cette  idée,  nous  a  fait  remarquer  que  les  Touaregs 
ont  encore  un  bracelet  en  pierre  analogue,  quoique  moins 
large.  Il  est  vrai  que  Ton  pourrait  objecter  à  cette  interpré- 
tation que  Torifice  dont  est  percé  notre  anneau  de  pierre  est 
bien  peu  large  pour  un  bras  d'adulte.  Nous  l'avons  fait 
essayer  à  un  jeune  homme  à  extrémités  fines,  qui  a  pu  pour- 
tant facilement  passer  la  main  par  Torifice,  et  amener  l'an- 
neau jusqu'au  tiers  inférieur  de  l'avant-bras.  Il  ne  faut  pas 


DISCUSSION   SUR   UN  DISQUE   PERCÉ.  141 

oublier  aussi  que  les  poignées  des  armes  en  bronze  préhis- 
toriques que  nous  retrouvons  sont  courtes  et  indiquent  une 
petite  main  chez  les  peuples  préhistoriques. 

11  est  enfin  une  dernière  hypothèse  que  Ton  pourrait 
émettre  à  propos  de  notre  anneau.  Ce  pourrait  être  une  sorte 
d'instrument  de  musique,  peut-être  à  destination  sacrée, 
comme  certains  gongs  en  bronze  ou  en  bois  dont  se  servent 
les  bonzes  annamites  dans  les  pagodes.  Si,  en  effet,  on  sus- 
pend notre  anneau  par  une  ficelle  et  qu'on  le  frappe  avec 
une  baguette  de  bois,  il  donne  un  son  musical.  C'est  là  une 
pure  hypothèse,  cela  va  de  soi.  On  peut  rémettre  comme 
telle  à  la  suite  des  autres.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  bien  difficile 
de  se  prononcer  sur  ces  diverses  interprétations  qu'il  pouvait 
y  avoir  intérêt  à  signaler  en  l'espèce,  tout  en  réservant  la 
question  dont  il  faut  attendre  la  solution  complète  de  recher- 
ches futures. 

Nous  présentons  aussi  à  la  Société,  comme  point  de  com- 
paraison, un  anneau  qui  a  d'assez  grandes  analogies  avec  le 
précédent.  11  provient  vraisemblablement  de  l'Afrique  cen- 
trale, et  quoique  n'ayant  pas  un  aspect  absolument  récent,  il 
est  certainement  de  Tépoque  contemporaine.  La  matière  em- 
ployée est  de  l'ivoire  jauni,  fissuré,  ayant  en  somme  l'as- 
pect du  vieil  ivoire.  C'est  également  un  disque,  moins  ré- 
gulier que  le  précédent,  plat  sur  une  de  ses  faces,  mesurant 
122  millimètres  de  diamètre  et  percé  au  centre  d'un  orifice 
de  64  millimètres  de  diamètre,  à  parois  sciées  assez  irrégu- 
lièrement dans  l'ivoire.  Ce  disque  est  assez  épais  au  milieu 
(24  millimètres)  à  cause  de  la  forme  un  peu  conique  dé- 
primée qu'affecte  l'autre  face.  L'épaisseur  sur  les  bords  est 
de  8 à  11  millimètres;  ces  bords  sont  mousses.  En  somme, 
oet  objet,  surtout  vu  par  une  de  ses  faces^  présente  une  très 

réelle  analogie  avec  notre  disque  antique. 

Les  mêmes  hypothèses  ont  été  émises  à  propos  de  son 
usage  probable.  Il  semble  donc  que  l'emploi  d'un  instrument 
analogue  à  l'objet  antique  que  nous  venons  de  présenter  se 
soit  continué  jusqu'à  nos  jours.  Les  renseignements  précis 


442  SÉANCE  DU  19  FÉVRIER  4891. 

sur  les  types  africains  modernes  qu'on  pourra  certainement 
se  procurer  un  jour  ou  Vautre,  nous  donneront  probablement 
Tinterprétation  exacte  de  l'usage  auquel  était  destiné  notre 
spécimen  antique. 

Discussion. 

M.  Ollivier-Bbauregard  dit  que  certaines  divinités  hin- 
doues portent  comme  attribut  un  disque  analogue.  C'est  un 
large  anneau  plat,  tranchant  à  la  circonférence  extérieure. 

M.  Adrien  db  Mortillet  fait  observer  que  le  disque  dont 
parle  M.  Beauregard,  le  tchakram,  était  en  effet  une  arme 
de  jet  en  fer,  mais  d'une  forme  différente  de  celle  de  la  pièce 
présentée. 

Bapport  de  la  eommisslon  des  floanoes  ; 

par  m.  f.  bessin. 

Messieurs, 

J'ai  l'honneur  de  vous  présenter  le  rapport  de  la  commis- 
sion des  finances,  composée  de  MM.  Zaborowski;  président, 
Emile  GoUin^  F.  Bessin,  rapporteur. 

Nous  devons  avant  tout,  messieurs,  rendre  hommage  à 
l'activité  de  monsieur  le  trésorier,  qui  a  su,  par  d'heureuses 
dispositions,  assurer  le  bon  fonctionnement  de  la  compta- 
biUté. 

C'est  ainsi  que  Tordre  chronologique  dans  le  classement 
des  pièces  justificatives  et  les  inscriptions  sur  les  différents 
livres  est  fidèlement  observé.  Aussi,  notre  travail  de  vérifi- 
cation s'est-il  trouvé  bien  simplifié,  et  nous  avons  pu  consta- 
ter très  facilement  une  parfaite  régularité  dans  les  opéra- 
tions de  la  Société  et  les  écritures,  qui  sont  bien  conformes 
an  compte  rendu  dont  il  vous  a  été  donné  lecture  le  22  jan- 
vier dernier. 

Monsieur  le  trésorier  vous  a  donné  une  idée  aussi  com- 
plète que  possible  de  la  situation  financière  de  la  Société  ; 


F.   BESSIN.  —  RAPPORT  DE  LA   COMMISSION  DES  FINANCES.    143 

nous  nous  bornerons  donc  à  vous  signaler  ce  qui  nous  a 
paru  devoir  mériter  votre  attention. 

L'exoédent  des  recettes  est  bien  inférieur,  cette  année,  à 
la  moyenne  des  excédents  précédents  ;  mais  la  situation  n'a 
pas  cessé  pour  cela  d'être  prospère. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  en  effet,  les  deux  faits  importants 
qui  ont  marqué  oes  deux  dernières  années. 

D^abord,  notre  participation  à  TExposition^  dont  nous  res- 
sentons encore  les  effets. 

Vous  savez  ensuite  qu'on  a  dû  procéder  à  l'inventaire  gé- 
néral des  meubles,  des  collections  et  de  la  bibliothèque^  sur 
la  proposition  de  monsieur  le  trésorier,  qui  vous  en  a  si  clai- 
rement montré  l'importance. 

Ce  projet,  en  voie  d'exécution,  accroît  nécessairement 
d'une  façon  sensible  le  chiffre  des  frais  généraux. 

L'expertise  et  le  classement  des  précieux  objets  qui  con- 
stituent la  richesse  de  notre  musée  ;  Tcntreprise  du  catalogue 
de  la  bibliothèque,  qui  comprendra,  vous  le  savez,  non  seu- 
lement les  imprimés,  mais  aussi  tous  les  manuscrits  et  les 
documents  importants,  représentent  une  somme  de  travail 
considérable. 

Ces  dépenses  sont,  d'ailleurs,  purement  accidentelles,  et  il 
ne  faut  voir  dans  ces  mesures  excellentes  qu'un  élément  de 
plus  pour  la  prospérité  de  la  Société. 

L'importance  des  fonds  versés  par  les  sociétaires  est  assez 
grande  pour  que  la  commission  ait  cru  devoir  vous  signaler 
en  passant  le  chiffre  relativement  faible  des  u  quittances  à 
recouvrer».  C'est  un  heureux  symptôme  pour  l'avenir,  que 
nous  nous  plaisons  à  constater. 

Nous  savons  avec  quel  soin  Monsieur  le  trésorier  pour- 
suit la  rentrée  des  cotisations  annuelles  ;  mais  il  faut,  bien 
entendu,  compter  sur  votre  bienveillant  concours. 

11  n'est  pas  besoin  de  vous  faire  ressortir  l'importance  des 
versements  aux  dates  déterminées  par  nos  règlements  ;  ces 
sommes,  venant  s'ajouter  aux  ressources  dont  dispose  la  So- 
ciété pour  faire  face  aux  dépenses  de  l'exercice  conraut, 


144  SÉANCE  DU  19  FÉVRIER  1891. 

pourraient,  par  exemple,  faciliter  rintrodaction  dans  nos 
Bulletins  de  quelques  dessins,  si  rares  depuis  quelque  temps, 
et  Ton  serait  peut-être  en  droit  d'espérer,  dans  une  certaine 
mesure,  une  répartition  équitable  dans  la  distribution  de  ces 
dessins,  qui  sont  souvent  une  des  conditions  essentielles  de 
la  valeur  démonstrative  d*un  travail  scientifique. 

En  résumé,  mes^iieurs,  la  situation  financière  de  la  Société 
est  des  plus  satisfaisantes. 

Votre  commission  des  finances  a  donc  l'honneur  de  vous 
proposer  d'approuver  les  comptes  de  Texercice  1890  et  de 
voter  des  remerciements  à  M.  Fauvelle,  notre  trésorier,  qui 
apporte,  dans  Taccomplissement  de  sa  mission,  tant  de  con- 
viction et  de  dévouement. 

Suite  de.la  diseussion  sur  la  natalité  en  Franee  ; 

PAR   U.    JACQUES   BBRTILLON. 

Le  manuscrit  de  l'auteur  n'a  pas  été  remis. 

COMMLIMCATIOKS. 
Lea  Ostlaks  ëe  l'^nral  et  de  l'Obi  ; 

PAR   H.    RABOT. 

Discussion. 

M.  CuARENCEY  fait  remarquer  que  la  langue  des  Ostiaks  de 
i'ieniseï  est  différente  do  celle  des  Ostiaks  de  TObi.  11  donne 
quelques  explications  linguistiques  à  ce  sujet. 

M.  Lktoirxkau,  à  propos  du  voyage  de  M.  Sommier,  dit 
que  cet  auteur  ne  s'était  guère  occupé  de  la  sociologie  de  ce 
pays.  Il  demande  à  M.  Rabot  des  explications  à  ce  sujet. 

M.  Rabot.  La  propriété  du  sol  appartient,  je  crois,  au  gou- 
vememeut  russe;  les  indigènes  ont  droit  de  chasse  et  de 
pèche.  Chaque  famille  a  son  territoire  de  chasse  et  de  pèche. 
La  jeune  tille  est  achetée  au  père  par  le  fiancé  au  moyen  de 


DISCUSSION  SUR  LES  OSTIAKS   DE  L'OURAL   ET  DE   L*OBI.      145 

rennes,  ou  môme  d'argent.  Il  existe  des  paouls,  sorte  de  pe- 
tites agglomérations  de  deux  ou  trois  familles, 

M.  Gabriel  de  Mortillet  dit  avoir  vu  à  l'Exposition  de  1889 
des  ornements  en  coquille  provenant  des  populations  des 
bords  de  TObi,  et  ce  sont  des  cauries. 

M.  Rabot  dit  que,  dans  ce  cas^  il  s*agit  d*autres  popula- 
tions que  celles  qu'il  a  vues  ;  ce  sont  probablement  des  po- 
pulations finnoises  du  Volga. 

M.  Zaborowski  demande  à  M.  Rabot  si  la  danse  de  Tours  a 
été  observée  par  lui. 

M.  Rabot  répond  qu'il  a  vu  danser,  par  les  Ostiaks,  une 
prétendue  danse  de  Tours  très  différente  de  celle  dont  Alqvist 
a  été  témoin. 

M,  Zaborowski  demande  si  des  fétiches  reposent  sur  les 
tombes. 

M.  Rabot  n'en  a  pas  observé.  Le  mort  n'a  autour  de  lui  que 
les  instruments  dont  il  se  sert  ordinairement.  Les  Osliaks 
portent  à  leur  couteau  une  dent  d'ours  percée. 

A  une  question  posée  par  M.  Sanson,  M.  Rabot  répond  qu'il 
y  a  des  harnais  de  renne  formés  de  deux  pièces  latérales  en 
os,  appliquées  sur  les  joues  de  Tanimal  et  maintenues  par 
une  courroie  faisant  le  tour  de  la  base  du  museau.  Le  trait 
de  traction  unique  passe  entre  les  jambes,  sous  le  ventre, 
puis  il  traverse  une  pièce  d'ivoire  attachée  au  traîneau. 

La  séance  est  levée  à  six  heures  un  quart. 

L'un  des  secrétaires  :  Gi\PlTAN. 


T.   II  (4«  SÂRIEj.  10 


146  SÉANCE   DU  5  MABS  189i. 


533*  SÉANCE.  —  S  mars  1891. 
Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

COMMt.MCATlOKS  DU  BUREAU. 

M.  LE  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL  Communique  à  la  Société  le  pro- 
gramme d'un  Congrès  international  d'hygiène  et  de  démogra- 
phie^ qui  s'ouvrira  à  Londres  le  10  août  1891. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  Gabriel  DE  Mortillet.  Notre  bibliothécaire,  M.  Issaurat, 
qui  poursuit  activement  la  classification  et  rédige  le  Catalogue 
de  la  bibliothèque  de  la  Société  d^ anthropologie,  m'a  prié  d'in- 
tervenir auprès  de  plusieurs  de  nos  collègues,  pour  les  prier 
de  compléter  le  don  de  leurs  diverses  publications.  Ces 
messieurs  ont  accueilli  favorablement  ma  demande,  et  j*ai 
rhonneur  d'offrir  à  la  Société,  au  nom  de  M.  Paul  du  Ghatel- 
LIER,  vingt-sept  brochures  ou  volumes  concernant  le  préhis- 
torique de  l'extrémité  de  la  Bretagne. 

M.  Gustave  Chauvet,  de  Ruffec  (Charente),  de  son  côté, 
me  charge  de  vous  offrir  huit  brochures  complétant  son 
œuvre  archéologico-anthropologique. 

M.  Bleicher,  professeur  à  l'École  de  pharmacie  de  Nancy, 
m'a  envoyé  quatre  brochures  manquant  à  l'éaumération  de 
ses  œuvres. 

M.  F.  Barthélémy,  de  Nancy,  a  envoyé  quatre  publications. 

M.  le  baron  Joseph  de  Baye,  six  brochures. 

M.  Giuseppe  Bellucq,  professeur  à  TUniversilé  de  Pérouse 
(Italie),  trois  brochures. 

La  liste  détaillée  de  tous  ces  envois  va  être  insérée  dans 
le  Catalogue^  qui  est  sous  presse. 

Barthélémy  (F.).  Répertoire  des  découvertes  préhistoriques 


OUVRAGES  OFFERTS.  147 

dans  le  département  de  la  Meurthe  (Association  française  pour 
Favancement  des  sciences,  congrès  de  Paris,  1889).  Paris, 
in-S*,  16  pages  et  cartes. 

Bleicher  {Jy)  et  Barthélémy.  Les  Tumuli  de  la  Lorraine 
(Association  française  pour  ravancement  des  sciences,  con- 
grès de  Nancy,  1886).  Paris,  in-8®,  16  pages.  —  Note  sur  une 
sépulture  de  rage  du  bronze  découverte  à  Domèvre-en-Haye 
(Extrait  do  Journal  de  la  Société  d'archéologie  lorraine,  de 
juillet  1886).  Nancy,  1886,  in-8«,  7  pages  et  planche. 

BoRSARi  (FBRniNANDo)  Etnologia  italica,  Etrnschi,  Sardi  e 
Siculi  nel  XIY  secolo  primo  deir  era  volgare  (Est.  dalla 
Rassegna  scientifica,  literaria  e  politica)  Napoli,  1891,  in-8*, 
19  pages. 

BusGHAN  (Georg).  Die  Steinzeit  und  Bronzezeit  in  Aegypten 
(in-8®,  5  pages). 

Mies  (Josef).  Ueber  das  Gehimgewicht  einiger  Thiere  (Ver- 
bandiungen  der  Gesellschaft  Deutscher  Naturforscher  und 
A.  Bremerzteen  1890,  Sonderabdruck).  Leipzig,  in-8*',  5  pages. 

Terrt  (James).  Sculptured  anthropcïd  ape  heads,  Found  in 
or  near  the  valley  of  the  John  Day  River,  a  tributary  of 
theColombia  River,  Oregon.  New-York,  1891,  in-4%15  pages 
et  planches. 

Cérémonie  bouddhique  dite  Hau-on-kau  ou  actions  de  grâce 
à  Sin-/tan,  fondateur  de  la  secte  Stn-iSioM,  célébrée  au  musée 
Guimetle  21  février  1891.  Paris,  in-8*»,  8  pages. 

Aevue  mensuelle  de  l'École  d'anthropologie  de  Paris,  publiée 
par  les  professeurs.  Première  année,  numéro  j ,  janvier  1891. 
Paris,  in-8*  avec  figures. 

Royal  Collège  ofPhysicians  ofEdinburgh  (Reports  from  the 
Laboratorî  of  the).  Vol.  III.  Edinburgh.  1891 ,  itt-8o,304  pages 
et  planches. 

PÉRIODIQUES. 

Archives  de  médecine  navale  et  coloniale,  février  1891.  Doc- 
teur M. -A.  Legrand  :  la  Lèpre  en  Nouvelle-Calédonie,  appa- 
rition, extension  et  distribution  géographique  de  la  maladie; 


i48  SÉANCE  DU  5  MARS  1891. 

—  D' Le  Daniec  :  Origine  tellurique  du  poison  des  flèches 
des  naturels  des  Nouvelles-Hébrides. 

Société  médicale  des  hôpitaux  de  Patns  (Bulletins  et  mé- 
moires de  la),  26  février  1891.  P.  Marie  et  Onanoff  :  Sur  la 
déformation  du  crâne  constatée  dans  certains  cas  de  myo- 
pathie progressive  primitive. 

Société  nationale  d'acclimatation  de  France  (Revue  des 
sciences  naturelles  appliquées),  20  février  et  5  mars  1891. 
A.  Milne-Edwards  :  Influence  des  grands  froids  sur  quelques- 
uns  des  animaux  de  la  ménagerie  du  Muséum;  — Maurice 
Arthur  :  Action  du  froid  sur  les  êtres  vivants;  —  M,  V.  B...  : 
L'Upas  Tiente  des  Javanais. 

Revue  scientifique  (Revue  rose),  ^\  et  28  février  1891.  P.AI- 
bertoni  :  la  Physiologie  et  la  Question  sociale  ;  —  l'Exposition 
ethnographique  de  Sibérie;  —  M.  Boule  :  les  Grands  Ani- 
maux fossiles  de  TAmérique. 

Société  royale  belge  de  géographie  (Bulletin),  1890,  n*  6, 
novembre- décembre.  Aug.  Couvreur  :  la  Turquie  d'Europe 
et  les  États  des  Balkans;  —  N.  Ghennadieff  :  la  Macédoine. 

Asiatic  Society  of  Dengcde  (Proceedings),  n*  7,  july,  1890, 
L.  A.  Waddell  :  Note  on  an  inscription  in  kulila  characters, 
from  a  stone  recently  un-carthed  at  mudgal-âsràma  (Kash- 
taharani  ghàt)  mungir,  with  ink  impression  of  inscription. 

Asiatic  Society  of  Bengale  (Journal),  vol.  LVIII,  part,  I,  n<»3, 
1889.  Yincent  A.  Smith  :  Grœco-Roman  influence  on  the 
civilization  of  Ancient  India. 

Bollettino  di  paletnologia  italiana,  t.  VI,  1890,  n"*  11.  Sca- 
rabelli  :  Sulle  piètre  lavorate  a  grandi  scheggie  del  qua- 
ternario  presse  Imola,  con  ta  vole  ;  —  Strobel  :  Saggio  délia 
funna  mammologica  délie  stazioni  preistoriche  dei  Monti 
Lessini. 

Nature^  illustrated  journal  of  science,  n^*  1112  et  H13, 
D' F.  Helm  :  On  the  affinities  of  Hesperonis  ;  —  T.  G.  Bonney  : 
Température  in  the  glacial  epoch;  —  D'Alfred  R.  Wallace  : 
Remarkable  ancient  sculptures  from  North- West  America. 


E.   GOLLIN.    —   OSSEMENTS  OUATERNAIRES.  149 

ÉLECTIONS. 

M.  Charles  du  Pasquier,  interne  en  médecine,  est  élu 
membre  titulaire  de  la  Société,  par  trente-deux  voix  sur 
trente-deux  votants. 

M.  T.  S.  Tremlett,  membre  de  la  Société  d'anthropologie 
de  Londres,  et  M.  Léo  Stanton  Rowe,  membre  de  l'Americau 
Academy,  sont  nommés  membres  correspondants  par  le 
même  nombre  de  voix. 

PRÉSENTATIONS. 

Déeoaverieft  d'ossemeBU  qnaternairea 
sur  la  botte  d'Orgemoat  ; 

PAR   M.    B.   COLUN  ^, 

J*ai  Tavantage  de  présenter  à  la  Société^  au  nom  de 
M.  Boucher,  quelques  ossements  recueillis  par  les  soins  de 
M.  Yergognan,  chef  de  chantier  des  travaux  d'exploitation 
de  la  Société  des  plâtrières  du  bassin  de  la  Seine,  qui  les  remet 
au  fur  et  à  mesure  à  M.  Boucher,  directeur  de  Técole  commu* 
nale  d^Argenteuil  ;  ils  figureront  dans  le  musée  de  cette  école 
comme  spécimens  paléontologiques  de  la  contrée.  Il  y  a  : 

6  fragments  de  Rhinocéros  tichorinus  :  tibia,  omoplate,  tête 
d'humérus,  tête  de  fémur,  astragale  et  extrémité  inférieure 
d'humérus  ; 

2  fragments  de  défense  d'éléphant; 

3  fragments  de  bovidé  :  une  tête  de  fémur  et  deux  extré- 
mités métatarsiennes; 

i  andouiller  de  renne  et  2  dents  rongées  par  la  hyène  ; 

1  ccmon  postérieur  de  cheval. 

Ces  ossements  ont  été  recueillis  au  lieudit  l'Union^  dans 
une  poche  quaternaire,  à  60  mètres  d'altitude  et  distante  de 
iOO  mètres  de  Tendroit  où,  en  1883,  M.  Stanislas  Meunier 

*  Suite  d'un  travail  iulitulé  :  GUémeni  de  mammifères  qualtmaires  aux 
environs  d'ArgenteuH  {Seine-tt-Oise), 


450  SÉANCE  DU  S  MARS  1891. 

en  avait  recueilli  d^autres  dont  il  avait  déterminé  les  espèces 
(voir  Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences^  t.  XCVl, 
p.  i510).  Ces  espèces  étaient,  du  reste,  les  mêmes  que  celles 
dont  proviennent  les  ossements  que  nous  vous  présentons  et 
qui  ont  été  déterminées  par  M.  le  professeur  Gaudry. 

M.  Mahoudeau  présente,  de  la  part  de  M.  Moreau,  un 
groupe  en  pierre  provenant  de  Vilnour,  près  de  Pondicbéry. 

Muselés  présteraaax; 

PAR  M.  LB  POCTBUR  A.  LE  DOUBLE. 

J*ai  Thonneur  de  vous  montrer  les  modelages  de  deux 
nouveaux  muscles  présternaux  qui  ont  été  disséqués  à 
Taraphithéâlre  de  l'École  de  médecine  de  Tours;  l'un  en 
août  1890,  l'autre  en  janvier  1891,  par  deux  de  mes  élèves, 
MM.  Emile  Dubois  et  Henry  Barnsby.  Les  modelages  ci- 
contre  ont  été  faits  par  ceux  qui  ont  constaté  la  malforma- 
tion, et  sur  la  pièce  même.  Ces  deux  nouveaux  présternaux 
portent  à  trente-cinq  le  nombre  de  muscles  présternaux  que 
j*ai  eu  l'occasion  de  présentera  la  Société. 

Voici  un  exposé  succinct  de  ces  dernières  anomalies. 

Homme,  quarante-quatre  ans,  phtisie  ;  4  août  1890. 

Le  préslernal  n'existe  qu'à  droite.  Il  est  mince,  effilé  et 
dirigé  très  obliquement  de  haut  en  ba<  et  de  dehors  en  de- 
dans. Il  s'atlachejsupérieuremenl  aux  première  et  deuxième 
oiMos  dn.>iles,  dans  le  point  où  elles  s'unissent  aux  cartilages 
costaux,  et,  inforieuromcnl,  à  la  cinquième  cùle.  Il  reçoit  un 
filet  nerveux  du  quatrième  nerf  intercostal. 

Homme,  cinquante-deux  ans,  affection  cardiaque;  défor- 
mation conj^rénitale  do  la  colonne  vertébrale  ;  10  janvier  ISOi, 

Le  muscle  presternaî  est  unilatiTaî,  gauche. 

11  est  diricè  obliquement  de  haut  en  bas  et  de  dehors  en 
dedans.  1!  t>t  innerNe  par  le  oinquituie  ntrf  intercostal.  H  se 
tîxe  supôrieuronu  nt  à  îa  deuxième  c^te  et  au  deuxième  car- 
lilace  costal  *:àuche  el  an  bord  cauche  ûj  slemum.  Infe- 
rieurtment,  il   se   teni.ine   far  une  expansion  teodinease 


LE  DOUBLE.  — *  MUSCLES  PRÉSTERNAUX.  151 

large,  qui  prend  ses  points  d'attfiuîhe  sur  les  cinquième  et 
sixième  côtes  et  cartilages  costaux  gauches. 

Chez  ce  même  individu,  on  a  rencontré  deux  anconés 
internes,  Tun  dépendant  du  biceps,  Tautre  indépendant 
(épitrochléo-olécranien). 

Dans  la  dernière  communication  que  j'ai  faite,  le  7  juillet 
de  Tannée  dernière,  j*ai  examiné  les  différentes  opinions  qui 
ont  été  émises  sur  la  nature  et  la  signification,  au  point  de 
vue  de  Tanthropologie  zoologique,  du  muscle  présternal. 
J'ai  essayé  de  prouver  que  les  diverses  théories  émises  jusqu'à 
cejour  àce  sujet  sont  toutes  peu  acceptables,  sauf, peut-être, 
celle  que  j'ai  défendue  dans  mon  article  Sternal,  du  Dtclion- 
naire  encyclopédique  des  sciences  médicales,  celle  qui  ferait  de 
cette  malformation  un  rudiment  du  peaucier  pectoral  des 
mammifères  inférieurs  au  genre  homo. 

Comme  je  l'ai  indiqué,  il  est  difficile  de  croire,  avec  Bour- 
dane  et  Marjolin,  qu'il  est  un  prolongement  du  sterno-maS'- 
toïdien,  puisque  celui-ci  ne  descend,  dans  aucune  espèce 
animale,  jusqu'au  muscle  grand  droit  de  l'abdomen. 

Il  n'est  pas  possible  d'en  faire  également,  comme  Hal* 
bertsma,  un  muscle  spécial  à  Thomme,  un  muscle  consti- 
tuant un  caractère  distinctif  séparant  l'homme  des  «  pri- 
mates » .  Si  cela  était,  on  devrait  le  rencontrer  d'une  façon 
constante;  son  absence,  et  non  sa  présence,  constituerait 
l'anomalie. 

L'hypothèse  de  M.  Testut,  qui  le  rattache  au  sterno-mas* 
toTdien  et  au  grand  oblique,  n'est  pas  moins  sujette  à  caution 
que  les  précédentes.  «  Identité  de  situation^  identité  de  direo* 
tion,  identité  d'insertion  à  la  ligne  axiale  antérieure,  voilà 
des  faits  empruntés  à  l'anatomie  humaine,  qui  fourniraient 
déjà  de  fortes  présomptions  en  faveur  de  Thomologie.  La 
disposition  suivante,  qu'indique  l'anatomie  comparée,  chan- 
gerait peut-être  ces  présomptions  en  certitudes.  Chez  les 
serpents,  les  fibres  les  plus  antérieures  du  grand  oblique 
prennent  leurs  attaches  sur  l'apophyse  mastoïde  ;  elles  se 
portent  de  ce  point  sur  la  surface  ventrale  de  l'animal  et 


152  SÉANXE  DU   5   HARS   1891. 

constituent  dans  cette  région  un  rectus  superficiel.  N'est-ce 
pas  là,  dit  notre  collègue  de  la  Faculté  de  Lyon,  la  disposition 
que  nous  offre,  chez  Thomme,  le  muscle  présternal,  réuni  à 
sa' portion  d'origine,  le  sterno-mastoïdien?  » 

Tout  d'abord,  j'objecterai  qu'il  n*y  a  pas  dans  Tespèce  hu- 
maine identité  de  situation.  Ce  n'est  pas  le  présternal  qui  cor- 
respond au  muscle  grand  oblique,  mais  le  muscle  intercostal 
externe,  et  réciproquement.  Dans  un  article  que  j'ai  publié  en 
janvier  1886,  dans  la  Revue  d'anthropologie  (Contributions 
à  l'histoire  des  anomalies  musculaires^  1885,  etc.),  j'ai  établi 
nettement  : 

l*'  Que  les  intersections  aponévrotiques,  noyaux  cartila- 
gineux, observés  par  moi  dans  les  muscles  longs  de  l'ab- 
domen, n'étaient  rien  autre  chose  que  des  côtes  et  des  car* 
tilages  costaux  avortés  ; 

2*  Que  les  intersections  aponévrotiques  constantes  du  grand 
droit  antérieur  de  l'abdomen,  dont  on  a  tant  discuté  l'usage 
et  la  raison  d'être,  devaient  être  considérées,  au  point  de  vue 
de  l'anatomie  philosophique,  comme  la  répétition  et  la  con- 
tinuation des  côtes  thoraciques  de  quelques  animaux,  et  sur- 
tout des  reptiles; 

3**  Que  si,  d'habitude,  le  grand  droit  antérieur  de  l'abdo- 
men de  l'homme  n'offrait  pas  plus  de  trois,  quatre  ou  cinq 
coupures  fibreuses  transversales,  c'était  parce  qu'il  reprodui- 
sait fidèlement  celui  des  anthropoïdes,  nos  plus  proches  voi- 
sins dans  l'échelle  zoologique  ;  et  de  même  que  nous  voyons 
diminuer  chez  les  primates  supérieurs  le  nombre  des  pièces 
osseuses  du  sternum  par  suite  de  la  fusion  de  certaines  ver- 
tèbres sternaires,  de  même  nous  voyons  les  intersectrices 
aponévrotiques  du  grand  droit  de  l'abdomen  se  réduire  à 
cinq  chez  l'homme  et  les  anthropoïdes,  tandis  qu'il  s'élève  à 
sept  chez  les  primates. 

Cette  troisième  proposition  a  été  soutenue  par  mon  maître 
Broca,  et  j'ai  été  heureux  de  voir,  en  juillet  dernier;  M.  Hervé 
appuyer  les  deux  premières. 

Il  n'y  a  pas  davantage,  le  plus  ordinairement,  identité  de 


LE  DOUBLE.  —  MUSCLES  PRÉSTBRNAUX.  453 

direction  entre  les  fibres  du  sterno-mastoïdien  du  grand  obli- 
que de  Tabdomen  et  du  présternal. 

Dans  les  deux  pièces  ci-jointes,  la  direction  est  inverse. 

Enfin  le  présternal  ne  se  prolonge  pas  toujours  jusqu'à  la 
ligne  axiale.  Un  seul  des  muscles  préslernaux  que  je  mets 
sous  vos  yeux  atteint  le  plan  médian. 

L'opinion  qui  rattache  le  présternal  aux  muscles  pecto* 
raux  est  non  moins  discutable. 

Chez  les  mammifères,  il  y  a  en  général  trois  muscles  pec- 
toraux :  le  grand,  le  petit  et  le  moyen.  Chez  l'homme,  le 
grand  pectoral  est  constitué  uniquement  par  la  portion  dite 
ascendante,  La  portion  descendante ^  qui  en  est  séparée  par 
un  interstice  celluleux,  est  le  moyen  pectoral  :  elle  procède 
de  la  partie  supérieure  du  sternum  et  de  la  moitié  interne 
de  la  clavicule.  11  en  est  de  môme  chez  les  oiseaux  et  les 
quadrupèdes  clavicules.  Chez  les  quadrupèdes  peu  ou  point 
clavicules^  le  pectoral  moyen  est  en  deux  faisceaux  distincts 
et  contigus  :  l'un  sternal,  dit  stetmO'huméral;  Veiuive  clavi- 
culaire  ou  cléido-huméral,  prolonge  le  cléido*mastoïdien 
auquel  il  est  uni,  par  suite  du  défaut  de  clavicule  (il  faut 
donc  ici  laisser  de  côté  le  sterno-mastoïdien,  très  uni  au 
cléido  chez  l'homme,  mais  parfaitement  séparé  chez  nos 
quadrupèdes).  —  Le  pectoral  moyen,  ainsi  constitué,  est  très 
évident  chez  les  chats,  par  exemple.  Et  la  soudure  bout  à 
bout  des  deux  parties  musculaires  existe  de  même  entre  le 
trapèze  claviculaire  et  le  faisceau  claviculaire  du  deltoïde. 
Quant  au  steimal  transverse,  particulier  aux  quadrupèdes  non 
clavicules,  et  dit  stemo^aponévrotique^  ce  n'est  certainement 
pas  un  muscle  pectoral. 

En  fait,  je  persiste  à  croire  que  si  la  théorie  qui  veut  que 
le  présternal  soit  un  rudiment  du  peaucier  pectoral  des  ani- 
maux n'est  pas  exacte,  elle  est  au  moins  la  plus  vraisem- 
blable. 

Depuis  que  j'ai  pris  la  parole  devant  vous,  j'ai  vu,  d'ail- 
leurs, plusieurs  anatomistes  français  et  étrangers  s'y  ral- 
lier ;  entre  autres,  pour  n'en  citer  qu'un,  M.  Lavocat  qui, 


154  SÉANCE  DU  5  MARS  1894. 

hier  encore,  regardait  ce  faisceau  comme  une  dépendance 
des  pectoraux. 

Voici  ce  que  m'a  écrit,  le  3  janvier  dernier,  l'ancien  direc- 
teur de  l'École  vétérinaire  de  Toulouse  : 

«  Les  bandelettes  sternales  que  vous  avez  observées  chez 
l'homme  ne  paraissent  avoir  aucune  affinité  avec  le  sternal 
transverse  des  quadrupèdes,  en  raison  de  leurs  attaches  et 
de  leur  direction.  Elles  n'ont  rien  de  commun  avec  la  bande 
sterno-costale  du  grand  droit  de  l'abdomen,  et  je  crois, 
comme  vous  l'indiquez,  que  c'est  une  reproduction  par  ata- 
visme de  quelques  faisceaux  du  peaucier  pectoral,  chez  des 
êtres  moins  élevés  dans  l'échelle  zoologique.  )> 

Malheureusement,  nous  ignorons  complètement  quels  sont 
ces  êtres  probablement  ancêtres  de  l'espèce  humaine,  dont 
l'origine  doit  remonter  jusqu'au  monde  de  ces  reptiles  dis- 
parus dans  la  période  secondaire. 

Db  miisele  épitroehléo-oléoranleii  et  île  sa  aigniSeatlon 
aa  point  de  vue  de  l'anthropologie  aoeloglque  ; 

PAR  M.  LE  DOCTEUR  A.  LE  DOUBLE. 

L'accueil  favorable  que  vous  avez  fait  à  ma  dernière 
communication  sur  trente-trois  muscles  présternaux  chez 
l'homme  m'autorise  à  attirer  votre  attention  sur  un  autre 
muscle  anormal  dans  l'espèce  humaine. 

11  s'agit  d'un  faisceau  contractile  remplaçant,  au-dessus  du 
nerf  cubital,  la  bandelette  flbreuse  qui  réunit  le  chef  épi- 
trochléen  et  le  chef  olécranien  du  muscle  cubital  antérieur. 

Depuis  1880,  j'ai  noté  plusieurs  fois  l'existence  de  cette 
malformation  ;  mais  o  est  seulement  dans  ces  trois  dernières 
années  que  j'ai  essayé  d'établir  son  degré  de  fréquence. 

Voici  d'abord  un  exposé  succinct  des  cas  que  j'ai  observés 
depuis  1880  jusqu'à  1888  inclusivement. 


LE  DOUBLE.    **-  MUSCLE  ÉPITROCHLÉO-OLÉGRANIEN.         155 

ANNÉE    1880. 

Femme,  trente-cinq  ans,  phtisie  ;  20  décembre. 

L'épitrochiéo-olécranien  est  bilatéral,  aplati,  charnu, 
rectangulaire  ;  il  sUnsère  en  dedans^  à  la  face  postérieure  du 
condyle  interne  de  l'humérus,  sur  un  plan  plus  élevé  que 
Forigine  condyloïdienne  du  muscle  cubital  antérieur.  Il  est 
innervé  par  un  filet  détaché  des  ramuscules  articulaires  du 
nerf  cubital  qui  naissent  dans  la  gouttière  épitrochléenne. 

Homme,  dix-huit  ans,  méningo-encéphalite  traumatique  ; 
9  mars. 

L'épitrochléo-olécranien  n'existe  qu'à  droite,  charnu  dans 
toute  son  étendue;  il  est  légèrement  renflé  à  sa  partie 
moyenne.  Il  reçoit  un  filet  du  ramuscule  nerveux  du  muscle 
cubital  antérieur. 

ANNÉE  1881. 

Homme,  soixante-quinze  ans,  hémorragie  cérébrale;  17  no* 
vembre. 

L'épitrochléo-oiécranien  est  rudimentaire,  mais  se  retrouve 
des  deux  côtés.  Il  est  représenté  par  quelques  libres  rouges 
contractiles,  terminées  par  des  trousseaux  de  flbres  conjonc- 
tives fixées  à  i'épitrochlée  ;  son  rameau  nerveux  émane  du 
tronc  même  du  nerf  cubital,  à  trois  travers  de  doigts  au- 
dessus  de  répitrochlée. 

Homme,  trente-deux  ans,  tuberculeux;  23  novembre. 

L'épitrochléo-olécranien  siège  exclusivement  à  droite  ;  en- 
tièrement charnu,  il  a  la  forme  d'un  triangle  isocèle  dont  la 
base  repond  à  Tépitrochlée  et  le  sommet  à  Tolécrane.  Il  est 
animé  par  un  filet  nerveux  provenant  du  tronc  du  nerf 
cubital. 

Fille,  trente  ans,  péritonite  puerpérale;  15  janvier. 

L'épitroehléo-olécranien,  très  étroit  et  bilatéral,  charnu  du 
côté  derépitroohlée,  est  tendineux  en  dehors.  Il  est  dirigé  obli- 
quement de  bas  en  haut  et  de  dedans  en  dehors,  et  s'attache 


456  SÉANCE  DU  5  MARS   1801. 

à  rolécrane,  immédiatement  [au-dessous  du  triceps.  Le  nerf 
cubital  lui  envoie  directement  un  filet. 

Homme,  cinquante-trois  ans,  ataxique  ;  30  janvier. 

L*épitrochléo-olécranien  est  rectangulaire,  charnu  à  sa 
partie  moyenne,  tendineux  à  ses  deux  extrémités.  Il  se  ren- 
contre des  deux  côtés  et  est  innervé  par  un  filet  qui  se  dé- 
tache du  nerf  du  muscle  cubital  antérieur,  branche  du  nerf 
cubital, 

ANNÉE  1882. 

Femme,  vingt-sept  ans,  métrorrhagie  ;  1"  décembre. 

L'épitrochléo-olécranien  ne  se  trouve  qu'à  gauche.  II  est 
constitué  par  deux  ventres  conoïdes  réunis  Tun  à  Tautre  par 
un  tendon.  Dirigé  obliquement  de  dehors  en  dedans  et  de 
haut  en  bas,  il  slnsëre  en  dedans  sur  la  portion  sus-épitro- 
chléenne  de  la  cloison  intermusculairc  interne  du  bras  et  sur 
le  condyle  interne  de  Thumérus,  et,  en  dehoi*s,  sur  le  bord 
interne  de  Toiécrane  et  aussi  sur  Taponévrose  antibrachiale. 
Le  ventre  supérieur  mesure  25  millimètres  ;  le  tendon  inter- 
médiaire, 4  millimètres  ;  le  ventre  inférieur,  32  millimètres, 
ce  qui  donne^  pour  la  longueur  totale  du  muscle  biventer, 
61  millimètres  ;  chaque  ventre  reçoit  un  filet  nerveux  dis* 
tinct  du  nerf  cubital. 

Fille,  onze  ans,  méningite  tuberculeuse;  20  décembre. 

L'épitrochléo-olécranien  est  aplati,  charnu  dans  toute  son 
étendue,  quadrilatère.  Il  est  bilatéral.  Un  filet  sensitivo- 
moteur  lui  est  fourni  par  la  branche  articulaire  huméro- 
cubitale  du  nerf  cubital. 

Homme,  aliéné,  soixante-quinze  ans  ;  3  février. 

L*épitrochléo-olécranien  n'existe  pas  à  droite.  Il  est  com- 
posé de  deux  faisceaux  entièrement  charnus,  fusionnés  en 
dedans.  En  dehors,  le  faisceau  inférieur  s'attache  au  bord 
interne  de  i'olécrane  ;  le  faisceau  supérieur  à  l'aponévrose 
brachiale,  sans  se  confondre  avec  le  triceps.  Chacune  des 
bandelettes  contractiles  reçoit  un  filet  nerveux  distinct  du 
nerf  cubital. 


LE   DOUBLE.    -*  MUSCLE  ÉPITROGULÉO-OLÉCRANIEN.  157 

En  1883  et  1884,  j'ai  été  obligé,  en  raison  du  mauvais  état 
de  ma  santé,  d^abandonner  la  direction  de  Tamphithéàtre  de 
rÉcole  de  médecine  de  Tours;  mais  je  Tai  reprise  en  1885, 
et,  peu  après^  j*ai  eu  encore  l'occasion  de  voir  des  spécimens 
intéressants  du  muscle  en  question. 

ANNÉE  1885. 

Homme,  fièvre  typhoïde,  quarante  ans;  30  janvier. 

L'épitrochléo-olécranien  est  exactement  semblable  à  droite 
et  à  gauche.  Épais^  charnu,  carré,  il  recouvie  tout  Tespace 
épitrochléo-olécranieu^  depuis  le  sommet  jusqu'à  la  base  de 
Tolécrane.  Il  est  animé  par  deux  filets  très  ténus  du  nerf 
cubital. 

Homme,  vingt  et  un  ans,  suicide,  coup  de  feu  ;  15  mars. 

L'épitrochléo-olécranien  n'existe  qu'à  droite.  Il  ne  se  com- 
pose que  de  quelques  fibres  d'un  rouge  pâle,  formant  un  rec- 
tangle d'environ  2  centimètres  et  demi  de  largeur.  Il  est  mû 
par  un  filet  nerveux  provenant  du  nerf  du  muscle  cubital 
antérieur. 

ANNÉE  1886. 

Homme,  pneumonie,  trente-cinq  ans;  22  décembre. 

L'épitrochléo-olécranien  est  bilatéral,  charnu,  mais  un  peu 
différent  à  droite  et  à  gauche.  Il  est  quadrilatère  à  droite, 
légèrement  fusiforme  à  gauche  ;  une  des  branches  articu- 
laires du  nerf  cubital  lui  fournit  un  mince  et  court  ramuscule. 

ANNÉE  1887. 

Fœtus  du  sexe  masculin;  12  janvier. 

L'épitrochléo-olécranien  est  bilatéral  et  identique  à 
droite  et  à  gauche.  Il  est  triangulaire,  charnu  à  sa  partie 
moyenne,  aponévrotique  à  sa  base  et  à  son  sommet.  Son 
sommet  est  à  Tépitrochlée  ;  sa  base  répond  à  tout  le  bord 
interne  de  Tolécrane.  Il  reçoit  un  ramuscule  du  nerf  cubital. 


158  '       SÉANCE  DU  5   MARS   1891. 

Homme  de  soixante-dix-sept  ans,  ramollissement  eérébral  ; 
20  janvier. 

L'épitrochléo-olécranien  est  bilatéral,  composé  d'an 
mince  troasseau  de  fibres  musculaires,  innervé  par  an  ramns- 
cule  d^une  des  branches  articulaires  du  coude  du  nerf 
cubital. 

Femme,  soixante  ans,  cancer  deTestomac;  2  avril. 

L'épitrochléo-olécranien  se  rencontre  seulement  à  droite. 
Charnu  dans  toute  son  étendue,  il  est  représenté  par  deux 
faisceaux  confondus  vers  Tépitrochlée,  mais  distincts  en 
dehors,  où  ils  sont  fixés,  Tun  à  Tolécrane,  l'autre  au  fascia 
aponévrotique  sus-jacent.  Il  reçoit  du  nerf  Cubital  un  ramus- 
cule  unique  qui  va  se  perdre  dans  son  intérieur  presque  au 
niveau  du  condyle  interne  humerai. 

ANNÉE  1888. 

Homme,  deliriura  tremens,  trente  ans;  9  décembre. 

L'épitrochléo-olécranien  est  trouvé  à  droite  et  à  gauche 
sous  forme  d'une  bande  plate,  rectangulaire,  presque  entiè- 
rement tendineuse,  étendue  du  bord  interne  de  Tolécrâne  à 
répitrochlée.  Le  nerf  du  muscle  antérieur  du  cubital  lui 
donne  un  petit  filet. 

Homme,  saturnin,  quarante-cinq  ans;  il  décembre. 

L'épitrochléo-olécranien  est  bilatéral.  II  est  cylindrique, 
charnU;  gros  comme  la  phalangette  du  petit  doigt.  Une  des 
branches  articulaires  du  coude  du  nerf  cubital  lui  abandonne 
un  filet  sensitivo-moteur. 

Femme,  paralysie  générale,  soixante-sept  ans;  19  janvier. 

L'épitrochléo-olécranien  n'est  observé  que  sur  le  coude 
droit.  Il  est  rectangulaire,  tendineux  à  ses  deux  extrémités, 
innervé  par  un  rameau  détaché  du  nerf  cubital  à  deux  tra- 
vers de  doigt  au-dessus  de  la  gouttière  épitroohléo-olécra- 

nienne. 
Jeune  homme,  tuberculose,  douze  ans;  10  février. 
L'épitrocfaléo-oléeranieii  est  semblable  des  deuK  côlés*  H 


LE  DOUBLE.    <—  MUSCLE  ÉPITROCHLÉO-OLÉCRANIEN.  159 

est  constitué  par  une  bande  plate,  mnculense^  animée  par 
un  filet  du  nerf  cubital. 

Homme,  cinquante  ans,  hernie  étranglée;  17  mars. 

L'épitrochléo-olécranien  est  bilatéral,  triangulaire,  entiè- 
rement charnu,  innervé  par  un  filet  du  nerf  du  muscle  cubi- 
tal antérieur.  La  base  du  triangle  qu'il  forme  se  fixe  à  Tolé- 
crâne  et  un  peu  aussi  au  bord  postérieur  du  cubitus,  et  le 
sommet  à  l'épitrochlée. 

Femme,  quarante-deux  ans,  septicémie;  25  mars. 

L'épitrochléo-olécranien  est  minuscule,  bilatéral,  indiqué 
seulement  par  une  quinzaine  de  fibres  rouges  allongées  entre 
Tolécrane  et  l'épitrochlée.  Le  nerf  cubital  lui  envoie  un  petit 
filet. 

En  1889,  je  me  suis  préoccupé  d'établir  le  degré  de  fré- 
quence de  cette  anomalie,  et,  dans  ce  but,  j'ai  examiné  :  en 
1889,  40  sujets  ;  en  1890,  52  sujets  ;  en  1891,  40  sujets;  soit, 
en  tout  :  i02  sujets  ou  204  coudes. 

Pour  établir  une  statistique  plus  précise,  j'ai  disséqué  ou 
fait  disséquer  la  région  interne  du  coude  sur  le  même  nombre 
d'hommes  et  de  femmes,  soit  sur  51  hommes  et  51  femmes. 
J'ai  noté  les  modes  de  conformation  les  plus  divers,  mais  tous 
se  rapprochent  de  ceux  indiqués  plus  haut  ;  aussi  m'abstîen- 
drai-je  d'insister  davantage  sur  ce  point. 

Sur  les  102  sujets  (hommes  et  femmes)  examinés,  j'ai 
rencontré  répitrochléo-olécranien  sur  32  (24  hommes  et 
8  femmes)  ;  vingt  fois  il  était  bilatéral  (14  hommes  et  6  fem« 
mes);  douze  fois,  unilatéral  (chez  7  hommes  et  2  femmfes,  il 
se  trouvait  à  droite,  chez  1  homme  et  3  femmes,  à  gauche). 
Sur  204  coudes,  je  l'ai  donc  trouvé  cinquante-deux  fois;  ce 
qui  donne  une  moyenne  approximative  de  une  fois  sur  quatre. 
Généralement,  il  était  plus  développé  chez  Thomme  que  chez 
la  femme,  et  du  côté  droit  que  du  côté  gauche. 

L'épitrochléo-olécranien  a  été  décrit  sous  les  noms  les  plus 
divers  par  les  anatomo-zoologistes,  chez  les  animaux  et  dans 
l'espèce  humaine: Epiirockleo  aneoneus(professeur  Gruber,de 
Saint-Pétersbourg;  professeur  Macalister,  de  Cambridge); 


160  SÉANCE  DU  5  MARS  1891. 

AnconeiÂS  epitrochlearis  (Wood);  Anconeus  quarius  (Rrause)  ; 
Anconeus  quintus  (Koster)  ;  Anconeus  sextus  (Galton)  ;  AnconetAs 
inleimus  (professeur  Humphry,  d'Edimbourg;  Strauss  Dur- 
klein)  ;  Anconeus  par  vus  (Rapp)  ;  Anconé  interne  (Cuvier,  Lau- 
rillard);  Epitrochléo-cubital  (professeur  Testut),  etc. 

On  n'a  noté  chez  l'homme,  jusqu'à  présent,  que  quatre 
anconés  : 

A.  Un  antérieur  ou  sus-anconé^  signalé  en  1806  par  Portai, 
dans  son  traité  d*anatomie,  qui  est  constitué  par  des  fibres 
détachées  de  la  face  profonde  du  brachial  antérieur,  qui  vont 
s'unir  à  la  séreuse  du  coude  dont  elles  empêchent  le  pince- 
ment dans  les  mouvements  de  flexion  de  l'avant-bras  ; 

B.  Un  postérieur  ou  sous  anconé,  décrit  en  1839,  parTheile*, 
et  retrouvé,  plus  tard,  par  Jamain  et  Béraud,  qui  ne  semblent 
pas  avoir  eu  connaissance  des  travaux  de  Tanatomiste  aile* 
mand,  —  constitué  par  des  fibres  détachées  de  la  face  profonde 
du  triceps,  qui  vont  s'insérer  à  la  séreuse  du  coude  dont  elles 
empêchent  le  pincement  dans  les  mouvements  d'extension  de 
lavant-bras; 

G.  Un  externe,  noté  par  tous  les  auteurs  ; 

D.  Un  interne. 

Les  dénominations  d'épùrochléo-cubital,  A' épitrochléo- an- 
coné seraient  applicables  à  Tépitrochléo-olécranien  si  celui-ci, 
comme  son  congénère,  1  epicondylo-anconé,  descendait  dans 
Tespèce  humaine  au-dessous  de  Tolécrane;  celle  à'anconé 
interne  conviendrait,  si  divers  auteurs  ne  qualifiaient  ainsi 
le  vaste  interne  du  triceps  brachial.  C'est  pourquoi  je  pro- 
pose le  qualificatif  nouveau  et  précis  i'épitrochléO''Olécranien. 

Bien  que  ce  faisceau  soit  inscrit  dans  VAnatomie  desanptive 
de  Henle  et  de  Luschka,  c'est  sans  conteste  à  M.  le  professeur 
W.  Gruber,  de  Saint-Pétersbourg,  que  revient  l'honneur  d'en 
avoir  compris  la  signification  et  donné,  dès  1866,  dans  deux 
mémoires  successifs,  une  description  fidèle.  Précédant  de 
quelques  années  ces  anatomistes,  Malgaigne  a  bien  écrit  dans 

>  N9derlan$h  Archief,  t.  II,  p.  4ôi. 


LE  DOUBLE.  ^  MUSCLE  ÉPlTROCHLÉO-OLÉGRAiriEHr.         161 

ion  traité  d*anatomie  chirurgicale:  «  En  dedans^  on  troave  le 
muscle  anconé,  sorte  de  prolongement  du  triceps^  qui  recouvre 
]a  gouttière  osseuse  constituée  par  Tolécrane  et  Tépitrochlée, 
dans  laquelle  passe  le  nerf  cubital,  o  Assurément,  Malgaigne 
a  voulu  parler  là  d'un  anconé  interne  {  toutefois  cet  anconé 
interne,  sorte  de  prolongement  du  triceps,  est-il  le  même  que 
]e  nôtre  ?  C'est  ce  que  nous  discuterons  ultérieurement. 

L'épitrocbléo-oiécranien,  sans  connexion  intime  avec  le 
triceps,  a  été  vu  encore  dans  l'espèce  humaine,  par  MM.  Wood, 
Galton,  Macalister,  Knott,  Testât;  et  mes  dissections,  jointes 
à  celles  de  ces  savants  collègues,  me  permettent  d'en  fournir 
un  exposé  assez  complet. 

11  est  unilatéral  ou  bilatéral,  se  retrouve  dans  toutes  les 
races,  chez  l'homme  comme  chez  la  femme  et  même  chez  le 
fœtus.  Ordinairement,  il  est  constitué  par  une  lame  charnue, 
rectangulaire,  transversale,  plus  ou  moins  épaisse,  étendue 
derépitrochléeàrolécrane,àlamanièred'un  pont  au-dessus 
du  nerf  cubital,  en  remplacement  de  l'arcade  fibreuse  qui  unit 
normalement  le  chef  épi trochléen  et  le  chef  cubital*du  muscle 
cubital  antérieur. 

Cette  arcade  est,  en  effet,  un  reliquat  permanent  du  muscle 
anormal,  de  même  que  le  ligament  de  Struthers  est  un  rudi- 
ment du  long  coraco-brachial,  et  Texpansion  fibreuse  qui  pro- 
longe l'insertion  du  grand  dorsal  de  la  coulisse  bicipitale 
à  Tépitrochlée  (Winslow,  Cruveilhier,  Sappey),  un  vestige 
du  muscle  dorso-épilrochléen.  Les  données  fournies  par 
Tanatomie  comparée,  qui  montrent,  chez  certains  animaux, 
des  muscles  là  où,  dans  Tespèce  humaine,  on  observe  des 
aponévroses,  autorisent  cette  comparaison  (Bardeleben,  Ueber 
Fascien  und  Fascienspanner,  in  Centralbl.^  1879).  Les  fascia 
sous-cutanés  eux-mêmes  ne  sont  que  des  transformations 
des  muscles  de  la  peau,  et  l'aponévrose  clavi-pectorale  de 
l'homme,  ou  ligament  suspenseur  de  l'aisselle  de  Gerdy,  doit 
être  considérée  comme  la  trace  persistante  de  Tinsertion 
humérale  de  paoicule  charnu  des  animaux  non  clavicules 
(Broca,  Lannegràce). 

T.  n  (4*  SÉRIl).  Il 


46S  sêaMcë  du  8  Maas  189(.  * 

Au  lîeu  d*êtrc  rectangulaire,  l*épitrochléo*ol6cranlen  peut 
être  carré,  cylindroïde,  fusiforme,  digastrtqtie,  les  deux  vett- 
très  réunis  par  un  tendon  (Testut,  cas  personnel),  triangu- 
laire, la  base  du  triangle  qu'il  forme  étant  située  en  dedans 
ou  en  dehors  (cas  personnel). 

Au  lieu  d*ëtre  charnu  dans  toute  son  étendue,  il  peut  être, 
quelle  que  soit  sa  forme,  tendineux  en  dehors  seulement,  tendi- 
neux en  dedans  seulement,  tendineux  en  dedans  et  en  dehors. 

Au  lieu  d'être  charnu  des  deux  côtés,  il  peut  être,  quelle  que 
soit  sa  forme,  charnu  d'un  c6té  et  tendineux  de  l'autre,  ou 
charnu  ou  tendineux  des  deux  côtés ,  rudimentaire  et  repré- 
senté seulement  par  quelques  fibres  rouge  pâle,  aboutissant  à 
tm  tendon  aponévrolique  interne  ou  externe. 

Au  lieu  d*être  transversal,  il  peut  être,  oblique  du  haut  en 
bas  et  de  dehors  en  dedans,  oblique  de  bas  en  haut  et  de 
dehors  en  dedans. 

Au  lieu  d'être  unique,  il  peut  être  constitué  par  deux 
faisceaux  rectangulaires  ou  digastriques  séparés  dans  toute 
rétendue  de  leur  trajet  (Qruber,  1"  mémoire,  pi.  I,  flg.  9,  et 
cas  personnel),  constitué  par  deux  faisceaux  séparés  à  Tolé- 
crâne,  mais  fusionnés  à  l'épitrochlée. 

Au  lieu  de  se  fixer  exclusivement  sur  l'olécrane  et  l'épitro- 
chlée, il  peut  se  fixer,  en  dehors,  à  l'olécrane  et  à  l'aponé- 
vrose brachiale,  ou  àFolécraneetà  l'aponévrose  antibrachiale, 
en  dedans,  sur  l'épitrochlée  et  à  la  cloison  intermuscuiaire 
interne  du  bras. 

Il  est  toujours  innervé  par  une  branche  détachée  directe-* 
ment  du  nerf  cubital,  ou  par  un  ramuscule  des  filets  que  le 
même  nerf  abandonne  à  l'articulation  du  coude,  ou  au  muscle 
cubital  antérieur.  Jamais  je  ne  l'ai  vu  recevoir  on  filet  du 
rameau  que  le  nerf  cubital  fournit  au  deux^tiers  Interne  du 
fléchisseur  profond  des  doigts  ou  par  un  filet  du  médian  ou 
du  radial.  M.  Wenzel  Gruber  parle  d'un  sujet  chez  lequel  la 
longue  branche  que  le  radial  donne  à  l'articulation  huméro- 
cubitale  côtoyait  (le  faisceau  anormal  sans  lui  fournir  le 
moindre  filet. 


LE  DOUBLE.   -^  MUSCLE  ÉP1TROC0LÉO-OLÉCRANIEN.  163 

Ddhë  son  (iremier  mémoire  de  TAcadémie  des  sciences  de 
Saint-Pétersbourg  (juin  1866),  M.  W.  Grnber  rapporte  que, 
snr  iOO  sujets,  soit  200  coudes  qu'il  a  examinés  dans  Tespace 
d'environ  un  mois,  il  a  trouvé  répitrochléo-olécranien  sur 
34  sujets  (sur  26  hommes  et  8  femmes)  ;  dix-neuf  fois  il  était 
bilatéral  (chez  18  hommes  et  chez  4  femmes);  quinze  fois 
unilatéral  (9  hommes  et  3  femmes  le  possédaient  du  côté 
droit,  et  2  hommes  et  i  femme  du  côté  gauche),  ce  qui  donne 
53  cas  sur  200  coudes.  D'après  lui^  il  serait  aussi  d'ordinaire 
plus  développé  chez  Fhomme  que  chez  la  femme,  et  chez 
Tun  et  Tautré,  du  côté  droit  que  du  gauche. 

ta. 'WooA  {Vùtiûtions  in  human  myology  observed  dwing  the 
wxnter  session  of  1867-1868  ai  King^s  Collège,  in  Proceedings 
ofthe  Royal  Society,  vol.  XVI,  n»  104,  p.  497,  1868)  Ta  ren- 
contré, en  1868,  quatre  fois  sur  36  sujets,  trois  fois  aux  deux 
bras,  une  fois  au  bras  gauche  seulement  ;  en  1867,  une  fois  sur 
36  sujets  *  ;  en  1866,  une  fois  sur  34  sujets  ;  ce  qui  donne  un 
total  de  six  fois  sur  i06  sujets.  Se  basant  sur  sa  statistique,  si 
différente  de  celle  de  M.  le  professeur  W.Gruber, M.  le  profes- 
seur John  Wood  estime  que  Tépitrochléo-olécranien  est  plus 
commun  dails  la  race  slave  que  dans  la  race  anglo-saxonne. 

De  son  côté,  M.  le  professeur  Macalister,  pendant  sa  der- 
nière aflnée  d'exercice  comme  démonstrateur  d'anatomie  au 
Royal  Collège  of  surgeons  in  Ireland,  Ta  observé  bien  plus 
communément  que  son  compatriote,  plutôt  une  fois  sur 
quatre  qu'tme  fois  sur  cinq  ;  seize  fois  sur  63  sujets,  ce  qui 
permet  de  conclure,  remarque  cet  anatomiste,  à  un  degré 
approximatif  de  fréquence  de  quarante-huit  fois  sur  200. 

Enfin,  en  1881,  M.  le  professeur  Testut,  de  Lyon,  a  disséqué 
49  Coudes  appartenant  à  un  nombre  de  sujets  indéterminé 
et  Ta  rencontré  avec  un  développement  variable,  douze  fois. 

Ètt  1883,  »ur  13  régions  du  coude  appartenant  à  9  sujets,  il 
Ta  encore  découvert  quatre  fois.  En  totalisant  ces  deux  ré- 
sultats, M. Testut  arrive  à  la  fraction  16/62,  soit  un  peu  moins 

t  Et  non  ÈVLt  34,  cotinns  réoHt  M.  Te«tdt,  de  Lyon. 


164  SÉANCE  DU  S  MAB8  1891. 

de  un  quart  comme  représentant  le  degré  de  fréquence  de 
cette  anomalie. 

D*après  ces  diverses  statistiques  et  la  mienne,  je  crois  avoir 
le  droit  d'affirmer: 

i""  Que  Tépitrochléo-olécranien  est  aussi  commun  dans  les 
races  anglo-saxonnes  que  dans  les  races  slaves,  et  dans  celles- 
ci  que  dans  les  races  latines; 

2^  Qu*on  le  trouve  chez  environ  un  tiers  des  sujets  et  sur  on 
quart  de  bras  ; 

3®  Qu'il  est  plus  souvent  bilatéral  qu*unilatéral  ; 

4''  Qu*il  est  plus  fréquent  chez  Tbomme  que  chez  la  femme  ; 

5°  Qu*il  apparaît  plus  ordinairement  à  droite  qu*à  gauche  ; 

6**  Qu*il  est  généralement  plus  développé  chez  l'homme 
que  chez  la  femme,  et,  toutes  choses  égales  d'ailleurs^  du  côté 
droit  que  du  côté  gauche  ; 

7^  Qu'il  constitue  l'anomalie  musculaire  la  plus  fréquente 
au  bras  chez  Thomme^. 

L'épitrochléo-olécranien  existe  chez  un  grand  nombre 
d'animaux ,  et  cependant  une  certaine  confusion  persiste 
toujours  dans  la  question  de  ses  homologies.  Et  il  y  aura 
encore  longtemps  besoin,  suivant  les  expressions  du  docteur 
Bust  Wilder,  «de  plus  de  précision  dans  sa  dissection,  sa  déli- 
néation» ,  avant  d'arriver  à  une  lumière  éclatante  à  cet  égard. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  n'en  faut  pas  moins  tenir  grand  compte 
des  faits  acquis.  Je  vais  succinctement  les  exposer. 

M.  le  professeur  W.  Gruber  a  fait  suivre  la  première  des 
monographies  qu'il  a  consacrées  à  Vepitrochleo  anconeus  de 
deux  planches  lithographiques.  Tune  représentant  cinq  types 
différents  de  ce  muscle  dans  l'espèce  humaine,  Tautre  mon- 
trant la  configuration  de  ce  muscle  chez  Vlnuus  semestri^ 
nusj  Cebus  falellus,  GaleopUkecus  volans,  Myogale  mosckata^ 
Ursus  arctus,  Felis  leoy   Felis  domestica  \  Dasyurus  viver^ 

*  J*ai  cru  pendant  longtemps  qu'un  troisième  chef  au  biceps  humerai 
constituait  l'anomalie  musculaire  la  plus  fréquente  chez  l'homme  ;  aujour- 
d'hui, je  suis  absolument  sûr  du  contraire. 

*  Probablement  Vanconé  interne  de  Strauss- Durokheim  {AnaUmiêdet' 


LE  DOUBLE.   —  MUSCLE  ÉPITROCHLBO-OLÉCRANIEN.  165 

rmt»,  Lepus  iimtdus^  Dasypus  tricmctus  et  Phoca  vitulina. 

Dans  cette  première  monographie, il  ne  signale  la  présence 
de  répitrochléo-olécranien  que  dans  onze  genres  de  mammi- 
fères seulement,  y  compris  Thomme.  Dans  sa  seconde  mono- 
graphie, parue  un  peu  plus  tard,  le  même  anatomiste  Tindique 
dans  qu6irante-sept  genres  de  mammifères  dont  il  donne  la 
liste.  {Nacktrag,  OE.,  S.  334.) 

  cette  liste,  M.  Galton  (/otirna/  of  anatomy  and  physio' 
logy,  novembre  1874,  p.  170)  a  ajouté  deux  nouveaux  genres, 
savoir  :  Phascolomys  toombata,  Echidna  setosa  et  Cholopus 
didaciylus,  et  fournit  le  dessin  exact  de  cette  même  lame  con- 
tractile chez  le  Myrmecophaga  tamandua^  dans  lequel  elle 
avait  déjà  été  notée,  mais  sans  croquis  à  Tappui,  par  Rapp, 
sous  le  nom  A'anconeus  parvus  [Anaiomische  Untersuchungen 
uber  die  Edeniaten,  z'*  auf.  S,  48,  Tubingen,i832). 

G.  Guvier  et  Laurillard  ont  aussi,  dans  leur  magnifique 
atlas,  signalé  Tépitrochléo-olécranien  dans  seize  genres  de 
mammifères.  Ils  le  dissimulent  toutefois  sous  tant  de  noms 
différents,  et  Jes  dessins  qu'ils  en  fournissent  sont  tellement 
imparfaits,  qu'on  est  obligé  de  convenir  avec  M.  Pouchet 
«  que  les  travaux  de  ces  naturalistes  ne  peuvent  être  que 
d*un  faible  secours  ».  {Anatomie  comparée.  Recueil  et  planches 
de  myologie  dessinées  par  G.  Cuvier  et  exécutées  sous  ses  yeux 
par  M.  Laurillard,  Paris,  1855;  G.  Pouchet,  Mémoire  sur  le 
grand  fourmilier^  1"  livraison,  Paris,  1867.) 

C'est  chez  les  Édentés  que  Tépitrochléo-olécranien  semble 
être  le  plus  fréquent.  Il  a  été  noté  par  MM.  Marie  et  Gruber 
chez  le  Dasypus  {Tolypeutes)  tricmctus  •  ;  par  M.  Galton  et 
Cuvier  chez  le  Dasypus  sexcinctus;  par  Poucher,  sous  le  nom 
de  vaste  interne,  chez  le  grand  fourmilier;  par  M.  Galton  et 
M.  le  professeur  Humphry,  sous  le  nom  d*anconé  inteime^ 
chez  Yorycteropus  ;  par  MM.  les  professeurs  Humphry  et 

criptive  et  ccmparativê  du  chatf  t.  II,  p.  851,  et  Atlas^  pi.  9,  folio  93, 17. 
Paris,  1845. 

1  On  the  habits,  structure  and  relationg  of  the  tree^banded  armadiUo 
(Tolypeleus  conurus),  Trans,  Lin,  Soc,^  vol.  ^(XX}  tabl.  S5,  fig.  82. 


166  SEANCE  DU  S  MARS  1891. 

Gruber  chez  le  mants  {Journal  of  anatomy  and  physiolagy^ 
vol.  lY,  p.  39);  par  M.  Galion  chez  un  très  jeune  Talntia 
novem  cinctus  (D.  Péba)  ;  par  le  même  et  par  les  professeurs 
Humpbry  et  Gruber  chez  le  cyclothurus;  par  MM.  les  pro-^ 
fesseurs  Humpbry  et  Macalister  chez  Yaï  {On  the  myology  o/ 
bradypus  tridactylus  wilh  remarks  on  the  gênerai  anatomy  of 
the  Edentata,  in  Ann.  and  Mag.  nat,  history,  vol.  lY,  p.  59, 
1869)  ;  par  MM.  Happ  et  Gruber,  chez  le  tamandua.  EnOn 
M.  le  professeur  Hyrtl  consacre  au  Chlamydophorus  truncatu$ 
les  lignes  suivantes^  sur  lesquelles  j'appelle  Tattention  dans 
la  monographie  qu'il  a  publiée  sur  cet  animal  :  a  Geterum  tri- 
ceps non  omnis  metamsuam  in  olecrano  attingit,  sed  crasso, 
lacerto  ultra  cubitum  producto,  internam  antebrachii  regio- 
nem  visitai,  ubi  iensoris  fascis  antebrachii  munere  fungiiur.» 
{Deutchschrift der K.  Ak.^derWm.en Wien, p.  27, XIBd,  1855,) 

Dans  les  Chéiroptères^  il  fait  défaut  ou  est  très  rare.  Quoi 
qu*en  dise  M.  Testui,  M.  le  professeur  Humpbry  n*en  fait  pas 
mention  chez  le  pteropus  {Journal  of  anatomy  and  physiology, 
vol.YlII).  M.  le  professeur  Macalister  n'en  parle  pas  davantage 
dans  son  travail  sur  les  Cheiropth*es  {Phil.  Trans.,  1872), 
pas  plus  que  mon  ami  et  ancien  collègue  dlnternat,  M.  le 
professeur  Maisonneuve  (d'Angers),  dans  sa  thèse  sur  le 
Vespertilio  murinus  {Ostéologie  et  myologxe  du  «  Vespertilio  mu- 
rinuSy  »  thèse  pour  le  doctorat  ès-sciences,  1878).  M.  le  pro- 
fesseur Gruber  le  décrit,  il  est  vrai,  chez  le  galeopithecus  ; 
mais  ce  mammifère  est  rangé  aujourd'hui  par  les  uns  parmi 
les  Insectivores,  par  les  autres  parmi  les  Lémuriens. 

Dans  les  Monotrèmes,  ordre  qui  compte  peu  de  sujets, 
répitrochléo-olécranien  a  été  disséqué  par  M.  le  professeur 
Wood  sur  Vomithorhyncus^  sur  lequel  Meckel  ne  l'avait  pas 
trouvé,  et  par  MM.  Mivart*  et  Galion  sur  deux  variétés 

*  On  thê  anatomy  of  Echidna  hystrix  {Trant,  Lin,  Soc,  vol.  XXV).  — 
Bien  qu'il  ne  formule  aucun  dessin,  M.  Mivart  désigne  répitrochléo-olé- 
cranien en  termes  précis  :  a  A  distinct  slip  of  the  triceps  wioh  forms  an 
arch  (extending  from  the  inner  condyle  to  the  oleoranon)  beneath  wich 
(>a8s  thç  inferior  profunda  arter^  and  the  uinar  and  médian  nerres.  » 


LE  DOUBLE.   —   MUSCLE  éPlTROCBLÉO-OLÉCRANIEN.  167 

d'eehidna^  de  sorte  qu'on  peut  présumer  qu'il  est  commun  dans 
cet  ordre. 

Chez  les  Ongulét^  ce  muscle  ne  paraît  devoir  se  rencontrer 
que  rarement  (peut-être  ne  l'y  a-t-on  payissez  cherché),  Gra» 
tiolet  a  vu  pourtant,  chez  V hippopotame^  un  faisceau  muscu- 
laire comblant  la  gouttière  épitrochléo*olécranienne,  dans 
lequel  divers  anatomistes  ont  cru  reconnaître  Tépitrochléo- 
olécranien.  a  Chez  l'hippopotame,  dit-il,  le  vaste  interne  s'at- 
tache, d'une  part,  à  Tune  des  faces  latérales  de  Tolécrane,  et 
d'autre  part  à  rbumérus.  Ses  relations  avec  ce  dernier  os  sont 
tontes  particulières  ;  il  ne  s'attache  point  à  sa  face  posté- 
rieure, mais  s'enroule  sur  sa  face  interne  pour  se  terminer  sur 
sa  face  antérieure  jusqu'à  la  crête  qui  sépare  cette  face  de  la 
face  externe.  Cette  disposition  à  l'enroulement  est  fort  ana<- 
logue  à  celle  que  présente  le  muscle  supinateur,  et  il  en 
résulte  des  conséquences  pareilles.  En  effet,  en  rapprochant 
fortement  l'olécrane  de  l'épitrochlée,  le  vaste  interne  est  lui- 
même  supinateur  à  un  degré  très  prononcé.  Rien  n'est  cer- 
tainement plus  curieux  et  plus  digne  de  l'attention  du  natu- 
raliste philosophe.  »  (Graliolet,  Rechercher  sur  Vanatomie  de 
t hippopotame j  p.  266.  Pciris,  1867.) 

Il  appert  des  dissections  de  MM. Wood  et  Gruber,  dont  nous 
avons  donné  plus  haut  les  résultats,  qu'il  est  assez  fréquent 
chez  les  Carnivores,  les  Insectivores  et  les  Rongeurs.  Krause 
l'a  mis  à  nu  chez  le  lapin  et  dénommé  anconeus  quartus.  Moi- 
môme  je  l'ai  trouvé  chez  le  chaty  le  lièvre,  le  lapin,  le  rat. 
Chez  le  chat^  le  lièvre,  animaux  à  violentes  extensions  de 
l'avant-bras,  il  est  plus  long,  plus  fort,  et  constitué  par  deux 
faisceaux  entièrement  indépendants  des  triceps  :  Tun,  fixé  à 
l'épitrochlée  et  au  contour  de  la  fosse  olécranienne  et  sur  le 
revers  externe  de  l'olécrane,  l'autre  se  terminant  sur  le  côté  in- 
terne de  l'olécrane.  N'est-ce  pas  une  disposition  à  rapprocher 
de  celles  où  l'épitrochléo-olécranien  humain  est  formé  de 
deux  faisceaux  dont  l'un  se  prolonge  en  dehors  sur  l'aponé- 
vrose brachiale  ou  antibrachiale?  Chez  le /aptVt,  ce  muscle 
partiellement  recouvert  par  un  des  chefs  du  cubital  anté- 


168  SÉANCE  DU  5   MARS   i89l. 

rieur,  est  plutôt  carré  que  rectangulaire  ;  chez  le  rat^  il  a 
la  forme  d*un  triangle  à  sommet  épitrochléen  ;  ces  modes  de 
configuration  sont  comparables  à  certains  observés  aussi  chez 
rhomme.  Sur  deux  êowis  où  nous  avons  cherché,  mon  pro- 
secteur, M.  Henry  Bamsby  et  moi,  cette  malformation,  nous 
avons  vu  la  gouttière  épitrochléo-olécranienne  comblée  par 
un  prolongement  du  vaste  interne  du  triceps  brachial  qui 
allait  se  confondre  avec  les  muscles  internes  de  la  région 
antibrachiale  postérieure. 

Très  apparent  chez  les  Lémuriens  où  il  est  le  plus  habi- 
tuellement rectangulaire,  comme  dans  Tespèce  humaine, 
l'épitrochléo-olécranien  disparaît  d'une  façon  à  peu  près 
complète  chez  les  Anthropoïdes.  Duvernoy,  Vrolik,  Church, 
Bisehofif,  Champneys  n'en  parlent  pas  dans  les  différents  mé- 
moires quHls  ont  publiés  sur  la  myologie  du  chimpanzé,  de 
Vorang,  du  gibbon  et  du  gorille,  M.  Testut,  de  Lyon,  Ta  vai- 
nement cherché  chez  les  deux  Anthropoïdes  {chimpanzé  et 
orang)  qu'il  a  disséqués  jusqu'à  ce  jour.  Dans  sa  brochure  : 
On  the  anatomy  of  ihe  gorilla  {Proc,  Roy.  Irish  Acad,^  vol.  I, 
série  II,  Sciences,  p.  502},  M.  Macalister  s'exprime  ainsi  :  Is 
no  anconetis  inte^mus,  » 

D'autre  part,  Gratiolet  et  Alix  l'ont  découvert  chez  le 
Troglodytes  Aubryii;  M.  le  professeur  Wood  chez  Vorang, 
et  M.  le  professeur  Macalister  chez  un  chimpanzé  femelle^ 
mais  à  l'étal  rudimentaire. 

Chez  les  Anthropoïdes  comme  chez  l'homme,  il  ne  se  pro- 
duit peut-être  qu'accidentellement? 

En  fin  de  compte,  M.  Testut  a  dressé,  avec  les  noms  des  au- 
teurs à  l'appui,  le  tableau  suivant  des  espèces  animales  dans 
lesquelles  on  rencontrerait,  sous  des  aspects  variés,  l'épitro- 
chléo-olécranien : 

I.  Primates.  Cernopilhecus  (Gruber). 

Macacus  simiut  (Wood). 
Orang  (Wood).  Inuus  (Guvier,  Gruber). 

Troglodytes  Aubryii{Orfi{Xo\ei,h\ïx),     Cynocephalut  i  (Cuvier,  Gruber). 

*  Il  n'existe  pta,  à  coup  8Ûr,  chez  le  Cephaku  anuhis. 


LE   DOUBLE.    —   MUSCLE   ÉPITROCHLÉO-OLÉCRANIEN.  169 


II.  LÂMURIRNS. 

Limur  (Cavier). 
Tarsiui  (Bunneisler). 
Galeopithicus  (Gruber). 

IIU  Chéiroptères. 
PUropus  (Humphry). 

IV.  Carnivores. 

Meléi  (Gruber). 

Mustela  (Gruber). 

Luira  (Cuvier). 

Viverra  (Cuvier). 

Herpestêi  (Graber). 

Fêlis  (Cuvier,  Strauss,  Durckheim, 

Gruber,  Wood). 
Vrtus^  (Gruber). 
Panthtra  (Cuvier). 
Putorius  vuLgaris,  bHeite  (Wood). 

V.  Pinnipèdes. 

Phoca  (Cuvier,  Duvernoy,  Rosen- 
thal,  Gruber). 

VI.  Insectivores. 

Srmaceus  (Cuvier,  Gruber,  Wood). 
Sorex  (Gruber). 
Croeiiura  (Gruber). 
MyogaU  (Gruber). 
loipa  (Gruber,  Wood). 

VII.  Rongeurs. 

Bathymrgw^  rat-taupe  (Cuvier). 
Arctomyg  (Cuvier,  Gruber). 
Rat  de  Norvège  (Wood). 
Myoxus  (Gruber). 
Sciurus  (Gruber,  Wood). 
Pterornyi  (Gruber). 


Tamias  (Gruber). 
SpermophUus  (Gruber). 
Castor  (Cuvier). 
Cricetui  (Gruber). 
Mui  (Gruber). 
Merkmes  (Gruber). 
Hypudœui  (Gruber). 
Lemnus  (Gruber). 
Diput  (Gruber). 
Lepus  (Gruber). 
Histrix  (Gruber). 
Dalyprocta  (Gruber). 
Cœtogenys  (Cuvier,  Gruber). 

VIII.  Prosbocidibns. 
Eléphant  (Cuvier). 

IX.    É  DENTÉS. 

Bradyipus  (Gruber,  Maoalister, 
Humphry). 

Dasypus  (Cuvier,  Gruber,  Galton). 

Oryeteropus  (Cuvier,  Humphry). 

Myrmecophaga  (Cuvier,  Rapp,  Gal- 
ion, Pouchet). 

Pangolia  (Gruber,  Humphry). 

Cholopus  didaetylus  (Galton). 

X.  Marsupiaux. 

Phatcolomys  wombala  (Galion). 
DidelptUs  (Gruber). 
Dasyurus  (Gruber). 
Phalangista  (Gruber). 
Macropui  (Cuvier). 
Phascolarcius  cinereus  (Young). 

XI.   MONOTRÈMES. 

Omithorhyncus  (Alix,  Wood). 
Echidna  (Galtoo,  Alix,  Mivari). 


V'  La  confection  d*une  telle  liste  est  bien  prématurée,  eu 
égard  à  nos  connaissances  acluelles  sur  les  homologies  cer* 
taines  de  répitrochiéo-olécranien  dans  toute  la  série  ani- 
male *.  L'étude  attentive  des  documents  fournis  par  les  au* 

1  M.  Tesiut  ne  l'a  pas  rencontré  lui-même  sur  VUrsus  americanus, 
*  Ajoutons  que  M.  Tesiut  fait  figurer  à  tort  dans  cette  liste  le  Pteropus, 
et  y  passe  sous  silence  divers  mammifères  sus-indiqués. 


170  SÉANCE  DU  5  MARS  1891. 

leurs  et  nos  disseotions  personnelles  me  font  même  me  de- 
mander  s'il  n*y  a  pas,  ehez  Thomme  et  chez  les  animaux, 
deux  variétés  d'anconés  internes  :  l'un  indépendant,  Tautre 
dépendant  du  triceps  brachial. 

Que  dit,  en  effet,  M.  le  professeur  Gruber,  Tanatomiste 
le  plus  compétent  sur  ce  point  spécial  :  oL'épitrochléo-anco- 
neus  anormal  de  l'homme  est  Thomologae  de  Tépitrochléo- 
anconeus  normal  des  animaux,  et  cette  conclusion  est  cen- 
flrmée  par  l'étude  des  filets  nerveux  qui  l'animent,  Che% 
thomme,  cependant^  il  est  quelquefois  un  muscle  indépendant^ 
quelquefois  un  chef  du  triceps  brachial,  tandis  que  dans  tous  les 
autres  mammifères^  il  est  indépendant.  Chez  l'homme,  il  a  pour 
fonction  de  protéger  le  nerf  cubital  et  les  vaisseaux  qui 
l'accompagnent,  et  de  soutenir  concurremment  avec  le  tri- 
ceps brachial  et  le  ligamentum  cubiti  medialis,  la  jointure 
du  coude.  Chez  les  autres  mammifères,  il  est  adducteur  de 
Tolécrane  ou  supinateur  de  l'avant-bras,  et  sert  à  défendre 
de  toute  pression  quelquefois  le  nerf  cubital  et  les  vaisseaux 
qui  l'accompagnent,  quelquefois  le  nerf  médian  et  les  vais- 
seaux brachiaux,  o 

De  son  côté,  M.  Testut  écrit  {Traité  des  anomalies  vntacu- 
laires^  p.  426.  Paris,  1884)  :  «  Le  muscle  épitrochléo- cubital 
constitue,  dans  la  majorité  des  cas,  un  muscle  parfaitement 
distinct,  comme  aussi  quelquefois  il  semble  se  confondre  avec 
la  portion  inférieure  du  vaste  interne  ;  je  crois  que  cette 
fusion  nest  qu'apparente;  j'ai  toujours  trouvé  pour  ma  part ^ 
même  dans  le  cas  ou  la  fusion  patmssait  intime^  un  interstice 
séparatif  qui  me  permettait  d'isoler  les  deux  muscles.  Cette 
indépendance  du  faisceau  épitrochléo-cubital  ressort  encore 
de  son  mode  d'innervation  qui  le  rattache  au  nerf  cubital 
(branche  du  médian,  nerf  fléchisseur),  tandis  que  le  triceps 
reçoit  les  branches  du  nerf  radial.  En  outre,  M.  Testât, 
dans  les  pages  qu'il  a  consacrées  aux  anomalies  du  triceps 
brachial,  ne  note  pas  un  prolongement  du  vaste  interne  vers 
la  gouttière  épitrocbléo-oléeranienne. 

Eh  bien,  ce  prolongement  du  vaste  interne  vers  Tavant- 


LE  DOUBLE.  ^  MUSCLE  ÉPITBOGBLÉO-OLÉGRANIEll.         17  i 

br^,  comblant  la  gouttière  épitrochléo-olécranienne,  se 
trouve  tout  aussi  bien  chez  les  animaux  que  chez  Thomme. 
Si  Ton  veut  bien  se  reporter  à  mes  recherches  bibliogra- 
phiques concernant  le  degré  de  fréquence  de  Tépitrochléo- 
olécranien  dans  les  divers  genres  de  mammifères,  on  verra 
que  ce  prolongement  du  vaste  interne  du  triceps  vers  Tavant- 
bras  est  signalé  par  M.  le  docteur  Hyrtl  chez  le  Chlamydo- 
phof^us  truncatus  ;  qu'un  vaste  interne,  indépendant  de  Tépi- 
throclée,  est  noté  par  Gratiolet  chez  V hippopotame.  J'incline 
aussi  à  croire  que  les  faisceaux  musculaires  décrits  chez  le 
grand  fourmillier^  par  Pouchet,  sous  le  nom  de  vasle  interne  et 
chez  rhyrax,  par  Mûrie  et  Mivart,  sous  le  nom  de  quatrième 
chef  du  triceps  brachial^  ne  sont  pas  des  épitrochléo-olé- 
craniens  types.  Dans  le  même  ordre  animal^  la  sangle  muscu- 
laire épitrochléo-olécranienne  et  le  prolongement  du  vaste  in- 
terne du  triceps  brachial  vers  Tavant-bras  peuvenVooexister 
même  ;  dans  l'ordre  des  Rongeurs,  j*ai  trouvé,  ainsi  que  je  Tai 
dit  plus  haut,  le  premier  chez  le  lapin^  le  second  chez  la  souris. 

Dans  Tespèce  humaine,  le  prolongement  du  chef  interne 
du  triceps  brachial  vers  Tavant-bras  a  été  observé  trois  fois 
par  moi. 

I.  Femmcj  phtisie,  vingt-sept  ans,  5  décembre  488i.  — 
  droite,  le  vaste  interne  du  triceps  brachial  descend  le  long 
du  bord  interne  de  Folécrane  sur  lequel  il  slnsère  ainsi  que 
surl'épitrochlée.Inférieurementyil  se  termine  par  une  mince 
lame  aponévrotique  qui  va  se  confondre  avec  l'aponévrose 
antibrachiale  postérieure.  Il  ne  reçoit  aucun  filet  du  nerf  cubi- 
tal au-dessus  duquel  U  forme  une  masse  charnue  et  épaisse* 
A  gauche,  le  coude  est  normal. 

IL  Enfant,  dix  ans,  carie  lombaire,  7  mai  1887,  L'ano- 
malie est  bilatérale  et  identique  à  droite  et  à  gauche.  Le 
vaste  interne  du  triceps  adhère  très  intimement  à  la  partie 
postéro-interne  de  l'olécrane  par  des  fibres  charnues  épais- 
ses aboutissant  en  bas  et  eu  dedans  à  une  aponévrose  nacrée 
qui  se  confond  avec  Taponévrose  antibrachiale  et  brachiale* 
Le  nerf  cubital  ne  lui  fournit  aucun  rameau. 


172  SÉANCE  DU  5  HARS  1891. 

III.  Ce  cas  est  le  plus  curieux.  D*un  côté,  en  effet,  il  y 
avait  un  muscle  épilrochléo-olécranîen  type,  et  de  l'autre  un 
prolongement  du  vaste  interne  du  triceps  brachial  vers  le 
chef  externe  du  muscle  cubital  antérieur. 

Je  copie  mes  notes. 

Homme,  vingt-deux  ans,  garçon  de  café,  péritonite  tubet^ 
culeuse,  10  janvier  1891. 

A  droite,  on  trouve  une  bandelette  charnue  en  dedans, 
aponévrotique  en  dehors,  étendue  de  Tépitrochlée  à  Tolé- 
crane,  au-dessus  du  nerf  cubital  qui  lui  envoie  directement 
un  rameau.  Au  niveau  de  Tépitrochlée,  les  fibres  musculaires 
les  plus  inférieures  vont  s'unir  aux  fibres  supérieures  du  fais- 
ceau épitrochléen  du  muscle  cubital  antérieur. 

A  gauche,  le  vaste  interne  du  triceps  s'attache  à  toute 
la  longueur  du  bord  interne  de  Tolécrane,  remplit  tout  l'es- 
pace épitrochléo-olécranien  et  va  se  confondre  entièrement 
avec  le  chef  externe  du  cubital  antérieur  qui  prend  ses  in- 
sertions sur  Tolécrane  et  le  bord  postérieur  du  cubitus.  Il 
recouvre  le  nerf  cubital  dont  il  ne  reçoit  aucun  filet  et  n'a 
que  des  rapports  de  voisinage  avec  l'épitrochlée. 

Les  deux  coudes  de  ce  sujet  ont  été  disséqués  les  il  et 
là  janvier  de  cette  année  par  deux  de  mes  élèves,  MM.  René 
Petit  et  Yalla-Brochard,  et  moulés,  les  mêmes  jours,  par  mon 
prosecteur,  M.  Henry  Barnsby.  J'ai  l'honneur  de  mettre  ces 
deux  modelages  sous  les  yeux  de  la  Société. 

Vous  le  voyez,  messieurs,  je  confirme  ce  qu'a  dit  Malgaigne 
dans  son  Anatomie  chirurgicale,  (lEn  dedans  (du  coude),  on 
trouve  le  muscle  anconé,  sorte  de  prolongement  du  triceps 
qui  recouvre  la  gouttière  osseuse  constituée  par  l'olécrane 
et  l'épitrochlée  dans  laquelle  passe  le  nerf  cubital.»  En  même 
temps,  je  revendique  en  faveur  d*un  anatomiste  français  la 
nouvelle  découverte  de  cette  malformation  dans  le  genre  ^omo. 

En  résumé,  on  peut  observer  à  la  face  interne  du  coude, 
chez  l'homme,  deux  trousseaux  musculaires  anormaux  qui 
reproduisent,  par  atavisme,  une  disposition  similaire  normale 
chez  les  animaux. 


VAUVlIxi.  ^  ATELIERS  PRÉHISTORIQUES  DE  TAILLE  DE  SILEX.     173 

SarTun,  il  n'y  a  pour  moi  aucun  doute;  il  représente  le 
muscle  adducteur  de  Tolécrane  chez  les  mammifères  dont 
Tarticulation  du  coude  jouit  de  mouvements  de  latéralité, 
et  s'il  disparaît  ou  se  réduit  à  un  simple  tractus  fibreux  fixé 
à  l'olécrane  et  à  Tépitrocblée  dans  Tespèce  humaine,  c'est 
que  sa  présence  n'est  plus  nécessaire. 

Sur  Tautre,  je  n'ai  aucune  opinion  déterminée.  Est-il  une 
modification,  une  adaptation  fonctionnelle  de  l'épitrochléo- 
olécranien  type? Est-il  un  muscle  spécial?  Toute  affirmation 
positive  à  cet  égard  serait,  à  l'heure  présente,  aventurée.  Mais 
le  problème  que  je  soulève  n'est  pas  insoluble.  Je  le  soumets 
aux  méditations  des  anatomistes  de  la  Société,  me  réservant 
moi-même  de  le  creuser  au  fur  et  à  mesure  que  m'arriveront 
de  nouveaux  matériaux  d'étude. 

Discussion. 

M.  Hervé  dit  qu'il  semble  y  avoir  là  deux  formations  très 
distinctes  :  l'une  qui  est  une  dépendance  du  triceps  brachial  ; 
l'autre  qui  se  rattache  au  système  du  cubital  antérieur. 

M.  Le  Double.  Il  y  a  évidemment  deux  types.  Et  ceci  est 
établi  nettement  par  l'innervation  différente  de  deux  muscles 
anormaux  trouvés  jusqu'à  ce  jour.  L'un  reçoit  ses  filets  ner- 
veux du  nerf  cubital  ou  des  rameaux  collatéraux  de  ce  nerf 
(nerf  fléchisseur),  l'autre  du  nerf  radial  ou  des  rameaux  col- 
latéraux de  ce  nerf  (nerf  extenseur). 

COMMUNICATIONS. 

Ateliers  préhlslerlqnes  de  taille  de  silex 
de  l'eneeliite  de  Liereeart  et  d'Erondelle  (Seaiaie)  ; 

PAR  V.    O.    VAUVILLÉ. 

L'admirable  enceinte  située  h  environ  iO  kilomètres  au 
sud-est  d'Abbeville^  sur  les  territoires  de  Liercourt  et  d^Eron- 
delle,  communes  du  canton  d'Allencourt,  connue  dans  le 
pays  soQS  le  nom  de  Camp  de  César  ou  le  CatelU^  d'une  con- 


474  SÉANCE  DU  5  Mars  1891. 

tenance  de  32**  ,42,  renferme  beaucoup  de  silex  taillés  ;  oh  en 
rencontre  presque  partout. 

J*aî  rhonneur  de  vous  présenter  56  pièces  que  j*aî  recueil* 
lies  en  passant  dans  les  terres  cultivées  ;  ces  instruments  se 
décomposent  de  la  manière  suivante  : 

Deux  percuteurs,  2  nudeus,  2  racloirs,  8  grattoirs  concaves, 
iO  grattoirs  convexes  dont  1  du  genre  de  la  Madeleine  (Dor- 
dogne),  6  perçoirs,  4  retouohoirs  (l'un  d'eux,  de  12  centi- 
mètres de  longueur,  est  superbe),  i  tranchet,  3  scies  ordi- 
naires, 1  scie  ayant  un  grattoir  convexe,  i  scie  avec  nn 
grattoir  concave  du  côté  opposé  delà  scie,  2  pointes  dont  une 
retouchée  des  deux  côtés  et  l'autre  d'un  seul  côté^  \i  lames  et 
éclats.  Quelques-unes  de  ces  pièces  sont  finement  retouchées. 

L'enceinte  de  Liercourt-Erondeile  a  été  habitée  sédentai- 
rement  à  l'époque  néolithique,  comme  le  prouve  bien  la 
grande  quantité  d'instruments  divers  et  d'éclats  en  silex  que 
l'on  trouve  partout.  Les  beaux  instruments,  tels  que  haches 
polies  et  autres  grosses  pièces,  ont  été  ramassés  depuis  long- 
temps ;  on  m'a  cité  des  personnes  qui  viennent  régulièrement 
chaque  année,  depuis  vingt  ans,  pour  chercher  de  belles 
pièces,  pour  les  vendre  ensuite  à  des  collectionneurs  ou  à  des 
marchands  d'Abbe  ville  ou  d'Amiens. 

Les  petits  instruments,  tels  que  ceux  que  vous  voyez,  n'étant 
généralement  pas  bien  connus,  ont  été  moins  recherchés,  de 
sorte  qu'une  personne  ayant  un  peu  l'habitude  de  reoonnattre 
ces  instruments  pourrait  en  trouver  un  grand  nombre. 

Les  silex  bruts  ne  manquaient  pas  pour  alimenter  les  ate  ^ 
liers  de  l'endroit,  qui  sont  indiqués  par  les  nombreux  éclats 
que  l'on  rencontre,  car  la  craie,  contenant  des  rognons  de 
silex,  affleure  sur  le  bord  des  pentes  qui  existent  sur  plus 
des  trois  quarts  du  tour  de  l'enceinte. 

Il  n'est  pas  possible  de  douter  de  l'occupation  sédentaire 
de  cette  partie  du  plateau  à  l'époque  néolithique,  car,  lors 
des  fouilles  que  j'ai  faites,  en  septembre  dernier,  à  l'aide 
d'une  allocation  de  M.  le  ministre  de  l'instruction  publique, 
ayant  pour  but  de  rechercher  Toriglne  de  plusieurs  enceintes 


YAinriUÉ.  —  ATELÎÉRS  t»RÉHtSTO!llOÙEd  bfe  tAItLE  DE  SILEX.     iTS 

antiques  établies  sur  des  hauteurs  bordant  et  dominatit  la 
vallée  de  la  Somme  S  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  découvrir 
une  habitation  de  Tépoque  de  la  pierre  polie. 

HABrrATION  NÉOUTHIQUE  d'eRONDELLE. 

Dans  la  partie  de  l*enceinte  se  trouvant  sur  le  territoire 
d*Erondelle,  j'ai  découvert,  à  40  mètres  au  nord  du  bout 
ouest  du  retranchement  principal,  se  trouvant  sur  la  même 
commune,  une  habitation  de  Tépoque  de  la  pierre  polie. 
Voici,  sommairement,  la  description  de  Thabitation,  les 
constatations  que  j'ai  pu  faire  et  les  objets  que  j'ai  recueillis. 

L'habitation  fouillée  avait  les  dimensions  suivantes  :  lon«^ 
gueur,  3  mètres;  largeur,  2*,80  et  i*»,15  de  profondeur  au- 
dessous  du  niveau  actuel  du  sol,  qui  est  probablement  plus 
bas  maintenant  qu'ft  l'époque  de  l'occupation  de  rhabitation. 

A  partir  de  la  couche  arable,  ou  15  centimètres  de  profon- 
deur, jusqu'au  fond^  j'ai  constaté  qu'il  existait  un  amas 
composé  de  cendres  et  de  charbon  de  bois,  dans  lequel  j'ai 
recueilli^  sur  un  cube  remué  de  plus  de  8  mètres,  des  silex 
taillés,  beaucoup  de  très  grossières  poteries  mélangées,  à 
tous  les  niveaux  de  l'habitation,  avec  des  poteries  beaucoup 
plus  fines,  des  fragments  de  terre  rouge  durcie  au  feu,  des 
ossements  brisés  de  cheval,  bœuf,  sanglier,  mouton  ou 
chèvre.  Je  n'ai  pas  pu  constater  aucune  trace  de  métal. 

Instruments  en  silex.  —  Voici  26  instruments  en  silex,  non 
compris  des  éclats  et  des  silex  craquelés,  que  j'ai  recueillis 
dans  rhabitation  ;  ils  peuvent  se  déteiminer  de  la  manière 
Suivante  : 

1  percuteur,  i  nucletls,  6  lames,  dont  une  finement  retou-» 
ehée,  S  grattoirs  concaves,  variant  de  iO  à  33  millimètres  de 
corde  d'arc,  5  grattoirs  convexes,  (l'un  d'eux  est  admirable- 
ment retouché),  4   perçoir,  1  retouchoir,  2  soies  simplesi 

^  Les  résultats  des  fouilles  seront  l'objet  d^une  prochaine  communication 
au  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques.  Une  note  concernant 
les  mêmes  foniUes  strt  publiée  par  la  Booiôté  dat  antiqaaire»  d«  France. 


476  SÉANCE  DU  5  MAR8  (801. 

3  scies  doubles,  dont  une  munie  d*un  petit  perçoir  d*un  bout, 
J  pointe,  4  broyeur* 

Instrument  en  os.  —  J'ai  pu  recueillir  un  lissoir  en  os, 
formé  d'une  côte  de  bovidé  qui  a  été  grattée  avec  soin  dans 
le  sens  de  la  longueur. 

Cette  pièce,  de  15  centimètres  de  longueur  sur  32  milli- 
mètres de  largeur,  indique  qu'elle  a  servi  de  lissoir,  comme 
le  prouve  bien  l'usure  d'un  bout  produite  par  l'usage. 

Poteries.  —  Les  poteries  trouvées  dans  l'habitation  sont  de 
deux  genres,  comme  vous  pouvez  le  voir  par  celles  que  je 
vous  présente^. 

Les  unes  sont  très  grossières  et  épaisses  ;  elles  ont  été  fa* 
çonnées  à  la  main  avec  une  pâte  mélangée  généralement 
avec  du  silex  écrasé  ;  ces  poteries  sont,  en  général,  de  cou- 
leur variant  du  rouge  au  noir,  suivant  qu'elles  ont  plus  ou 
moins  servi;  la  coloration  est  à  peu  près  la  même  dans 
toute  Pépaisseur  des  vases. 

Les  autres  poteries,  quoique  fabriquées  à  la  main,  sont 
relativement  très  fines  et  très  soignées  ;  elles  sont  souvent 
lustrées  et  contrastent  avec  les  précédentes. 

Poteries  grossières.  —  Elles  varient  entre  8  à  12  millimètres 
d'épaisseur  ;  elles  sont  de  20,  30,  45,  48,  50,  65,  et  même 
70  centimètres  de  diamètre.  La  hauteur  était  variable  d'après 
la  forme  des  vases.  Les  poteries  au-dessous  de  48  centimètres 
de  diamètre  avaient,  en  général,  la  forme  d'un  cône  tronqué 
renversé  ;  celles  d'un  diamètre  plus  fort  avaient  à  peu  près  la 
forme  des  terrines  à  lait  actuelles  ;  la  bordure  de  ces  dernières 
était  presque  verticale  et  d'une  largeur  de  3  centimètres  pour 
le  diamètre  de  50  centimètres,  de  5  centimètres  pour  celui 
de  65,  et  de  58  millimètres  pour  le  diamètre  de  70  centimètres. 
Cette  dernière  forme  avait  probablement  pour  but  de 
donner  plus  de  résistance  à  la  bordure  des  vases  de  grande 
dimension,  qui  n'auraient  pas  résistés  s'ils  avaient  eu  la  forme 
des  vases  de  20  à  48  centimètres  de  diamètre. 

•  t  Toutes  cet  poteries  sont  représentées  ptr  des  fragments. 


VAUVILLÉ.  —  ATELIERS  PRÉHISTORIOUES  DE  TAILLE  DE  SILEX.     177 

Malgré  ce  premier  perfectionnement  sur  les  vases  de 
grande  dimension,  consolidés  par  la  forme  angulaire  du  bas 
de  la  bordure,  on  dut  reconncutre  que  ce  genre,  dont  Tépais- 
seur  du  bord  était  la  même  que  pour  toutes  les  autres  parties 
du  vase,  n'était  pas  encore  suffisamment  résistant  pour  les 
très  grands  vases.  Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  on  eut 
ridée  de  faire  des  vases  avec  bordure  très  large  ;  c'est  alors 
qu'est  apparu  le  genre  de  bordure  que  voici,  d'une  largeur 
de  38  millimètres  d'épaisseur  sur  la  partie  borizontcde  du 
dessus.  En  plus  de  l'avantage  de  résistance,  ce  perfection- 
nement avait,  en  outre,  celui  de  pouvoir  prendre  le  vase 
avec  les  mains  par  la  bordure. 

Cette  forme  de  large  bordure  s'est  encore  perfectionnée 
plus  tard,  à  l'époque  gauloise,  pour  des  vases  très  grands  ; 
elle  est  alors  devenue  plus  élégante,  chose  rendue  facile  par 
Tusage  du  tour.  On  remarque,  pour  cette  dernière  époque,  un 
bord  variant  généralement  de  40  à  46  millimètres  de  largeur, 
sur  lequel  il  existe  des  moulures  circulaires  sur  tout  le  tour  du 
vase.Toici,  comme  comparaison,  deux  spécimens  de  l'époque 
gauloise  ;  l'un  d'eux  vient  de  la  même  enceinte  où  j'ai  fouillé 
l'habitation  néolitique  d'Érondelle,  qui  m'a  fourni  les  silex 
et  les  poteries  que  vous  voyez;  l'autre  vient  d'une  habitation 
de  Saint- Thomas  (Aisne). 

Quelques  poteries  très  grossières,  d'un  diamètre  de  35  à 
30  centimètres,  sont  à  fond  plat,  avec  bordure  presque  verti- 
cale de  3  à  4  centimètres  de  hauteur. 

Sur  quelques  poteries,  les  anses  sont  représentées  par  : 

1«  De  simples  trous,  de  7  millimètres  de  diamètre,  percés 
sur  le  bord  du  vase,  ayant  servis  à  recevoir  les  attaches  pour 
le  porter  ; 

2^  Une  partie  remontante  de  35  millimètres  au-dessus  du 
bord  de  chaque  côté  du  vase  ;  cette  partie  a  été  rabattue 
extérieurement  en  forme  de  bourrelet,  en  saillie  de  i  centi- 
mètre ;  ceci  permettait  de  prendre  facilement  le  vase  avec 
les  mains. 

J'ai  aussi  recueilli  des  fragments  de  passoire  qui  devait 

T.  II  (4<  SÂRIB).  i% 


i16  9ÊANCE  DtT  5  MARS  1891. 

avoir  20  centimètres  de  diamètre  de  haut,  de  6  à  8  cetiti- 
mètres  au  fond  et  8  centimètres  de  hauteur;  les  trous  sont 
assez  distancés  sur  le  tour;  dans  le  fond^  au  contraire,  ils 
sont  très  rapprochés  les  uns  des  autres. 

Enfin,  comme  grossière  poterie,  voici  une  pièce  dont  il  est 
difficile  de  déterminer  exactement  Tusage.  Elle  consiste  en 
une  pièce  ronde  de  IS  centimètres  de  hauteur,  ayant  sa  base 
plate  de  6i  millimètres  de  diamètre  ;  au  milieu,  de  85  milli* 
mètres;  et  du  haut,  de  57  millimètres.  Cette  dernière  extré*' 
mité  porte  une  partie  concave  de  6  millimètres  de  profon* 
deur  ;  elle  parait  avoir  été  destinée  pour  recevoir  un  objet 
quelconque  sur  la  pièce . 

J'ai  constaté  dans  Thabitation  fouillée  six  objets  du  même 
genre  ;  mais  leur  fragilité  ne  m'a  pas  permis  de  recueillir  les 
antres.  Serait-ce  là  un  pied  ou  un  support  do  lampe  ? 

La  découverte  d'un  fragment  de  vase  de  forme  ovale,  qui 
devait  avoir  9  centimètres  de  longueur,  7  centimètres  de 
largeur,  et  arrondi  dans  le  fond  sur  A  centimètres  de  pro- 
fondeur, permet  de  croire  que  c*est  là  un  reste  de  lampe  ; 
œtte  partie  paraît  très  bien  s'adapter  sur  le  pied  dont  il 
vient  d'être  question. 

Poteries  ornées,  —  Les  variétés  de  ces  poteries,  qui  sont  en 
partie  avec  pâte  assez  grossière,  sont  de  quatorze  ornemen- 
tations diverses,  qui  consistent  en  : 

i*  Poterie  très  grossière,  dont  le  dessus  du  bord  est  orné 
obliquement,  sur  le  tour  de  la  circonférence,  d'empreintes 
produites  avec  un  doigt. 

2"*  Vase  d'un  grand  diamètre,  à  bord  droit,  portant,  à  5  cen- 
timètres au-dessous  du  bord,  une  couronne  formée  de  coups 
d*ongle  donnés  dans  le  sens  de  la  hauteur  du  vase  (cet  orne- 
ment est  analogue  à  celui  d'un  vase  du  musée  de  Saint^Ger- 
main,  salle  S,  vitrine  n<>  1,  provenant  de  la  forêt  de  Com- 
piègne). 

3*  Ornements  avec  le  pouce  et  Tongle,  imprimés  sur  tout  le 
tour  du  vase,  sur  Tangle  formé  entre  la  partie  horizontale 
du  bord,  de  45  millimètres  de  largeur,  et  la  partie  oblique 


VAUVILLÉ.  — -  ATELIâRS  PRÉHldTOBlOUES  DE  TAILLE  DE  SILEX.     179 

allant  vers  le  fond  (poterie  et  ornements  analogues  à  un 
fragment  de  vase  du  dolmen  de  Meudon,  du  musée  de  Saint- 
Germain,  salie  2,  vitrine  9). 

4*  Vase  orné  au  pouce  en  lignes  parallèles  sur  le  tour, 
Tongle  ayant  été  tourné  dans  le  sens  de  la  hauteur  du  vase 
(poterie  analogie  de  forme  et  d*omements  à  une  du  musée 
de  Saint'Oermain,  salle  î,  vitrine  9,  n«  31216,  provenant 
d*un  tumulus-dolmen  du  plateau  du  Ger). 

5®  Ornements  au  pouce  disposés  sans  ordre,  Tonglo  ayant 
été  tourné  dans  le  sens  de  la  largeur  du  vase,  contrairement 
à  ce  qui  a  eu  lieu  pour  le  vase  décrit  précédemment. 

6®  Poterie  avec  ornements  variés  disposés  par  lignes  dans 
le  sens  vertical  du  vase  ;  des  rangées  ont  été  faites  avec  le 
pouce;  d'autres,  au  contraire,  ont  été  produites  avec  un 
instrument  ayant  formé  des  cavités  rectangulaires. 

Les  six  vases  dont  il  vient  être  question  sont  en  terre 
presque  noire,  plus  ou  moins  mélangée  avec  du  silex  brisé. 

7"  Poterie  en  terre  rouge,  de  13  millimètres  d'épaisseur,  de 

12  centimètres  de  hauteur,  15  à  18  centimètres  de  largeur  du 
haut,  avec  deux  petites  anses,  et  8  centimètres  de  diamètre 
du  fond,  ornée  par  des  cavités  faites  au  pouce,  avec  Tongle 
tourné  dans  le  sens  du  tour  du  vase  ;  de  distance  en  distancOi 
il  existe  des  lignes  droites,  dans  le  sens  de  la  hauteur  du 
vase,  formées  de  saillies  produites  par  le  pinçage  de  la  pâte 
entre  le  pouce  et  Tindex. 

8**  Ornements,  sur  vase  en  terre  noire  lustrée,  produits  avec 
Tongle  du  pouce,  en  poussant  de  manière  à  faire  sortir  de  la 
pâte  un  petit  bourrelet  qui  est  resté  adhérent  à  la  poterie. 

9®  Poterie  noire  lustrée,  ornée  de  parties  mamelonnées, 
ayant  été  formées  en  commençant  comme  pour  le  genre 
d'ornement  de  la  poterie  précédente;  ensuite  on  a  pincé  et 
même  repincé  le  bourrelet  en  sens  inverse,  pour  arriver  à 
former  presque  des  pointes. 

Poteries  ornées  à  l'aide  d'un  peigne,  — 10*  Vase  qui  avait 

13  centimètres  de  hauteur,  18  centimètres  d'ouverture  du 
haut  et  12  centimètres  du  fond,  en  pâte  noire  grossière,  un 


180  SÉANCE  DU  5  MARS   I8M. 

pea  lustrée^  avec  ornements  dans  le  sens  de  la  bantenr,  par 
groupes  de  quatre  raies  bien  parallèles  en  creux  ;  Tune  d'elles 
à  droite  est  plus  profonde  que  les  autres. 

11*  Poterie  presque  plate,  avec  bordure  verticale  de  28  mil- 
limètres de  hauteur,  de  30  centimètres  de  diamètre,  en  terre 
noire  fine  fortement  lustrée,  garnie  régulièrement,  sous  la 
partie  du  dessous  du  vase,  d'ornements  en  lignes  droites  faits 
à  Taide  d'un  peigne  à  neuf  dents;  ces  lignes  sont  peu  pro- 
fondes. 

12*  Ornements  sur  un  vase  de  20  centimètres  de  diamètre, 
en  terre  noire,  formés  régulièrement  de  lignes  parallèles  pro- 
fondes, produites  par  un  peigne  à  neuf  dents. 

13*  Vase  de  30  centimètres  de  diamètre  et  de  9  millimètres 
d'épaisseur,  en'pâte  noire  lustrée,  orné  en  partie  sur  la  panse, 
dans  le  sens  de  la  hauteur^  de  lignes  parallèles  faites  avec 
un  peigne  à  sept  dents. 

ii""  Poterie  de  plus  de  30  centimètres  de  diamètre,  en  pâte 
grossière,  noire  et  lustrée,  de  12  millimètres  d'épaisseur, 
ornée  de  lignes  en  formant  des  parallélogrammes,  faites  avec 
un  peigne  à  trois  dents. 

Si  Ton  examine  l'ensemble  des  poteries  dont  il  vient  d'être 
question,  on  voit  très  bien  qu'à  Tépoque  de  l'occupation  de 
Thabitation  fouillée,  la  céramique  avait  déjà  fait  un  progrès 
sensible.  On  remarque  en  effet  une  série  comprenant  des 
poteries  les  plus  grossières  comme  pâte  et  épaisseur;  elles 
représentent  bien  celles  du  début  de  la  fabrication.  Les  pote- 
ries avec  ornements,  faites  avec  pâle  plus  ou  moins  fine  et 
souvent  lustrée,  laissent  voir  un  progrès  qui  est  encore  plus 
visible  dans  les  poteries  fines  que  voici: 

Poteries  fines.^EÛQs  sont  généralement  noires,  de  pâte  très 
fine,  ne  contenant  que  peu  ou  pas  de  parties  grossières,  comme 
dans  la  plus  grande  partie  des  précédentes.  Celles-ci  sont 
d*uoe  épaisseur  de  4  à  G  millimètres  ;  elles  ont  été  façonnées 
à  la  main  et  sont  presque  toutes  lustrées.  On  voit  très  bien  que 
les  formes  de  ces  dernières  dérivent  de  celles  des  plus  gros- 
sières poteries. 


YAUVILLÉ.  —  ATELIERS  PRÉHISTORIQUES  DE  TAILLE  DE  SILEX.     181 

Parmi  les  formes  de  ces  poteries,  on  peut  en  remarquer  à 
fond  presque  plat,  d'un  diamètre  de  20  centimètres^  avec 
une  bordure  relevée  de  20  à  25  millimètres  de  hauteur  ;  une 
autre  forme  n'ayant  pas  de  pied,  celui-ci  est  simulé  par  une 
partie  ronde  renfoncée  légèrement,  au  milieu  du  vase,  sur  un 
diamètre  de  4  centimètres. 

Enfin  des  poteries  très  fines  de  3  à  4  millimètres  d'épais- 
seur. L'une  d'elles,  grise,  n'est  pas  lustrée  ;  elle  porte  extérieu- 
rement des  lignes  presque  parallèles,  dans  le  sens  du  tour  du 
vase,  qui  ont  été  certainement  faites  à  la  main.  Les  autres, 
très  noires  et  bien  lustrées,  laissent  voir  très  bien,  de  chaque 
c^té  du  vase,  les  traces  du  lissoir  qui  a  servi  à  les  finir;  ces 
parties  se  croisent^  c'est  ce  qui  permet  bien  d'affirmer  qu'elles 
ont  été  faites  à  la  main. 

Ces  poteries  sont  aussi  fines  que  celles  provenant  des 
dolmens  du  Morbihan  (musée  de  Saint-Germain,  salle  2, 
vitrine  3). 

J'ai  pensé;  messieurs,  que  la  présentation  de  Tensemble 
des  pièces  que  j'ai  recueillies  dans  l'habitation  néolithique 
d*Erondelle  pouvait  vous  intéresser.  Je  regrette  d'avoir  été 
un  peu  long  sur  la  description  des  poteries;  c'est  parce  que 
ces  poteries  sont  extrêmement  curieuses  sous  ce  rapport 
qu'elles  prouvent  bien  qu*à  l'époque  néolithique,  la  céramique 
avait  déjà  fait  un  grand  progrès  dans  la  Somme. 

Les  poteries  fines,  ornées  et  lustrées,  d'Erondelle  pourraient 
même  faire  supposer  qu'elles  sont  de  l'époque  gauloise.  Pour 
celui  qui  a  un  peu  l'habitude  des  poteries  de  cette  dernière 
époque,  il  n'y  a  aucun  doute  que  celles  provenant  de  l'habi- 
tation en  question  sont  toutes  d'une  époque  bien  antérieure. 

J'ai  apporté,  pour  pouvoir  comparer,  trois  cartons  garnis 
de  poteries  que  j'ai  recueillies  dans  des  habitations  gauloises 
de  l'oppidum  de  Pommiers  {Noviodunum  des  Suessîonei)\  vous 
pourrez  remarquer  que  ces  poteries  usuelles,  qui  diffèrent 
beaucoup  de  la  forme  des  poteries  funéraires  de  la  môme 
époque,  ne  ressemblent  pas  à  celles  provenant  d'Erondelle. 

La  fabrication  de  l'époque  gauloise  a  laissé  généralement, 


ISS  SÉANCE  DU  5  MARS  1891. 

des  deux  côtés  da  vase,  des  traces  bien  parallèles  provenant 
de  remploi  du  tour. 

Les  ornements  divers  représentés  sur  les  poteries  gauloises 
de  Tun  des  cartons  n*ont  rien  d'analogue  aux  ornements  des 
poteries  d*Erondelle. 

La  comparaison  des  poteries  des  deux  époques  fait  voir  que 
les  nombreuses  formes  de  l'époque  gauloise  sont  aussi  bien 
différentes  de  celles  des  poteries  néolithiques  de  l'habitation 
fouillée. 

Les  pièces  que  j*ai  recueillies  à  Erondelle  pouvant  offrir  un 
certain  intérêt  pour  la  classification  des  poteries  néolithiques 
du  même  genre  d'ornement,  en  raison  de  la  série  de  quatorze 
variétés  diverses,  pourraient  être  reproduites  si  la  Société 
d'anthropologie  le  croit  utile  dans  l'intérêt  des  nombreux 
membres  qui  ne  peuvent  pas  assister  aux  séances. 

Discussion. 

M.  Adrien  de  Mortillet  fait  remarquer  que  les  débris  de 
poteries  présentés  par  M.  Yauvillé  sont  extrêmement  variés. 
Si  quelques-unes  sont  très  grossières,  d'autres  sont  extrême- 
ment fmes  et  rappellent  les  poteries  du  bronze  et  même  du 
fer.  Une  ornementation  particulière  est  celle  en  coup  d'ongle 
modifiée  de  la  façon  suivante  :  le  coup  d'ongle  laisse  sur  le 
vase  une  cavité  et  sur  le  bord  concave  une  petite  saillie  pro- 
venant de  la  terre  soulevée.  Dans  les  poteries  de  M.  Yauvillé, 
cette  petite  saillie  a  été  façonnée  de  façon  à  faire  une  sorte  de 
petit  cône.  D'autres  ornementations  rappellent  certains  types 
de  l'époque  du  bronze  et  même  gauloise.  D'autres  débris 
montrent  des  rebords  de  vase  qui  présentent  des  concavités; 
le  bord  est  gaudronné.  C'est  là  un  aspect  qu'on  retrouve  sur 
certaines  poteries  et  que  M.  de  Mortilleta  vu  chez  des  Kabyles. 

M.  Yerneau  dit  qu'il  a  trouvé,  sur  un  vase  du  dolmen  des 
Mnreaux,  l'ornementation  en  bouton  semblable  à  celle  que 
présentent  quelques  pièces  de  M.  Yauvillé.  Il  a  trouvé  égale- 
ment dans  le  même  dolmen  un  petit  vase  en  terra  noire,  très 
analogue  aux  débris  si  fins  que  présente  M.  YauviUé. 


BEAUREGARD.    -*   UN  OFFICE  RELIGIEUX  BOUDDHIQUE.       183 

Sur  une  question  de  M.  Hervé,  M»  Yauvillé  dit  que  les 
poteries  fines  étaient  mélangées  aux  poteries  grossières  dans 
la  fouille. 

M.  DiAMANDY  montre  des  spécimens  de  poteries  avec  marne- 
Ions  en  tout  point  analogues,  et  provenant  de  la  station  d^ 
Cucuteni  (Roumanie)  ^ 

Un  ofllee  religlews  boadiUiiqae  *  PavUi  ; 

PAR   M.    OLLIVIBR-BEAURBOAED. 

Un  office  religieux  bouddhique  a  été  célébré,  le  21  février 
dernier,  au  musée  Guimet. 

Gracieusement  invité  par  monsieur  le  conservateur  de  ce 
musée,  j'ai  pu  assister  à  cette  intéressante  manifestation  reli- 
gieuse du  culte  le  plus  répandu  dans  Tlnde  et  Textrême 
Orient. 

Un  programme  de  la  cérémonie  a  été  distribué  aux  assis- 
tants. J*en  ai  recueilli  un  exemplaire  pour  la  Société  et  j*en 
fais  ici  la  remise. 

Deux  prêtres  bouddhistes,  deux  bonzes  japonais,  de  la 
secte  de  Sin-Siou,  après  avoir  visité  l'Europe,  où  ils  sont 
directement  venus  du  Japon,  comme  chapelains  à  bord  de 
deux  cuirassés  japonais,  se  sont  arrêtés  quelques  jours  à 
Paris. 

La  visite  qu*ils  ont  faite  au  musée  Guimet  leur  ayant  ap- 
pris qu'ils  y  pouvaient  trouver  au  complet  les  vêtements 
sacerdotaux,  les  châsses  et  les  accessoires  liturgique  ment 
indispensables  à  la  célébration  régulière  d'un  office  de  leur 
culte,  ils  réclamèrent,  et  obtinrent  du  chef  de  la  légation  ja- 
ponaise à  Paris,  Tautorisation  de  célébrer  publiquement  la 
cérémonie  bouddhique  dite  Hau-on-Kan,  ou  actions  de  gr&ce 
à  Sin-Ran^  fondateur  de  la  secte  Sin-Siou,  aujourd'hui  la  plus 
florissante  du  Japon,  où  elle  compte  19195  temples  et 
17176  prêtres  de  tous  rangs.  Il  est  des  prêtres  qui  desservent 
plusieurs  temples. 

1  Voir  Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie,  1888, 


18-1  SÉANCE  DU  5   MARS   1891. 

La  salle  de  la  bibliothèque  du  musée  avait  été,  pour  la 
circonstance,  disposée,  ornée  et  meublée  en  chapelle. 

Vers  le  fond,  en  face  de  rentrée,  un  tabernacle  où  siège 
Bouddha,  dans  Tattitude  assise  que  Ton  connaît,  les  jambes 
renversées  à  droite  et  à  gauche  et  repliées  en  dedans. 

La  main  gauche  debout,  ouverte  vers  les  assistants;  Tavant- 
bras  droit  étendu  sur  la  cuisse  droite,  la  main  à  demi  ouverte, 
le  médium  et  le  pouce  courbés  i*un  vers  l'autre. 

La  statue  est  dorée. 

Sur  le  devant  du  tabernacle,  un  espace  libre  pour  y  dépo- 
ser Tencens  et  les  offrandes. 

A  gauche  du  tabernacle  où  siège  Bouddha- Amida— surnom 
qui  signifie  immense  — une  sorte  de  crédence  où  sont  déposés 
les  livres  de  prières  et  les  coffrets  qui  les  reçoivent  en  dehors 
de  la  célébration  des  offices. 

Les  officiants  siègent  en  face  du  tabernacle;  chacun  d'eux 
à  Vexlrémité  d'une  ligne  droite,  qui  serait  la  base  d'un 
triangle  dont  le  tabernacle  de  Bouddha  serait  le  sommet. 

Chacun  d'eux  a  près  de  lui,  à  sa  portée,  à  gauche  pour 
l'un,  à  droite  pour  l'autre,  un  pupitre  où  déposer  ses  livres 
et  les  indispensables  objets  à  la  pratique  extérieure  du 
culte. 

A  la  droite  de  l'officiant  de  droite  et  à  sa  facile  portée  est 
établi  un  gong. 

Le  tintement  d'une  cloche  extérieure  annonce  le  commen- 
cement de  l'office. 

La  salle  est  ouverte,  le  public  prend  place  et  s'assied. 

Les  prêtres  alors  joignent  les  mains  et  saluent  neuf  fois 
Bouddoa-Amida.  Ce  moi  amida  est  sanscrit  ;  c'est  un  qualifi- 
catif qui  signifie  immense. 

Trois  coups  sont  frappés  sur  le  gong,  à  l'effet  d'éveiller 
l'attention  des  êtres  du  monde  supérieur,  du  monde  des 
humains  et  du  monde  des  enfers. 

Tour  à  tour,  les  prêtres  répètent  deux  fois  une  sentence 
sacrée,  et,  tour  à  tour  aussi,  chacun  va  encenser  Bouddha. 

La  cérémonie  se  continue. 


ADRIEN  DE  MORTILLKT.  —   INSTRUMENT  MAGDALÉNIEN.      185 

Le  bruit  du  gong,  un  ou  deux  ou  trois  fois  frappé,  marque 
les  phases  diverses  de  l'office. 

Le  son  argentin  que  rend  au  moindre  choc  un  léger  bassin 
de  bronze,  signale,  suivant  le  nombre  de  coups,  le  chant 
d'un  hymne,  la  lecture  d'une  prière,  la  fin  des  versels  ou  les 
reprises. 

L'office  a  duré  trois  quarts  d'heure. 

Trois  coups  frappés  sur  le  gong  en  ont  annoncé  la  termi- 
naison aux  Bouddhas  et  aux  êtres  ou  esprits  célestes. 

L'éloge  de  Bouddha-Amida  et  celui  du  fondateur  de  la 
secte  SiN-Siou  ont  clos  les  exercices  religieux  des  prêtres 
bouddhistes. 

Les  éloges  prononcés  sont  l'œuvre  personnelle  des  offi- 
ciants. 

QuantàVimpression  qu'a  faite  sur  moi  cette  représentation, 
elle  est,  soit  dit  sans  malice,  qu'il  n'y  a  guère,  de  nos  céré- 
monies dites  catholiques  aux  cérémonies  bouddhiques  des 
Japonais,  que  la  différence  du  langage  et  des  chasubles; 
d'ailleurs,  mômes  génuflexions,  même  jeu  de  mains. 

lostrameiit  masrdalénlen  ; 

PAR    U.    A.    DE   HORTILLET. 

M.  Adrien  de  Mortillet  fait  une  communication  sur  l'usage 
auquel  pouvaient  servir  certaines  pièces  en  os  magdalé- 
niennes terminées  par  un  crochet.  La  comparaison  avec  des 
pièces  d'ethnographie  lui  permet  de  penser  que  c'était  là  un 
objet  servant  à  lancer  les  sagaies,  analogue  au  woumera  des 
Australiens,  ou  au  propulseur  des  Esquimaux  et  de  certaines 
populations  du  centre  de  l'Amérique  du  Sud. 

La  séance  est  levée  à  six  heures  et  demie. 

L'un  des  secrétaires  :  MAHOUDEAU. 


i86  SÉANCE  DU  19  MAM  1891  • 


SU*  SÉANCE.  —  19  mars  1891. 

Présidence  de  M.  MéAmoWDWij  présldenl* 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté* 

CORRESPONDANCE. 

M.  LE  Secrétaire  général  donne  lecture  d'une  lettre  par 
laquelle  M.  Trémie tt  remercie  la  Société  de  son  élection 
comme  membre  correspondant  étranger. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  donne  quelques  renseignements 
sur  l'excursion  qui  va  être  faite  en  Belgique  sous  sa  direction. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  LE  Président  présente  nne  brochure  intitulée  :  CoUmUor 
iion  par  les  enfants  assistés ,  par  M.  Tbulié.  (Des  remercie* 
ments  sont  adressés  à  Tauteur.) 

Blasio  (D'  Abele  de).  Sopra  un  teschio  dei  primo  périodo 
dell'  età  délia  pietra  rinvenuto  in  quel  d'Arpino  (Est.  dal  gior- 
nale  la  Farmacia,  1890).  Naples,  in-8°,  8  pages  et  figures. 

DuMONT  (Arsène).  Dépopulation  et  cioilisation  ;  étude  démo- 
graphique (Bibliothèque  anthropologique,  vol.  xui  de  la  collec- 
tion). Paris,  1890,  in-8%520  pages, 

HouzÉ  (D'  E.).  Programme  du  cours  d'anthropologie  donné  à 
r  Université  de  Bruxelles  en  1890-1891.  Bruxelles,  1891,  in-8% 
49  pages. 

Vauvillé  (O.).  Notes  sur  les  fouilles  et  les  objets  trouvés  dans 
r  enceinte  dite  du  camp  de  Pommiers  (Aisne)  (Ext.  du  Compte 
rendu  du  Congrès  archéologique  de  France,  Soissons  et  Laon, 
i887).  Caen,  1889,  in-8%  37  pages  et  figures.  —  Mémoire  sur 
plusieurs  enceintes  antiques  du  département  de  l'Aisne  (Ext.  des 
Mémoires  de  la  Société  nationale  des  antiquaires  de  France^  t.L). 
Paris,  1890,  in-8%  28  pages  et  planches. 

RiccARDi  (Paolo).  Di  alcune  correlazioni  di  sviluppo  fra  la 


OUVRAGES  OFFERTS.  i8T 

statura  umana  e  taltezza  del  corpo  geduto^  studio  di  antropo^ 
metria,  Modène,  ia-4'*,  1891,  81  pages  et  tableaux. 

M.  Vauvillé  offre  deux  brochures  dont  il  est  Tanteur. 

La  première  est  relative  aux  fouilles  et  aux  objets  recueillis 
dans  Tenceinte;  de  40  hectares  de  superficie,  se  trouvant  sur 
la  commune  de  Pommiers,  près  de  Soissons.  Le  résultat  des 
fouilles  et  l'examen  des  trouvailles  ont  prouvé  que  c'est  bien 
là  Tenceinle  du  Noviodunum  des  Suessions. 

La  deuxième  brochure  comprend  les  résultats  des  fouilles 
faites  dans  les  enceintes  de  : 

i*^  Saint-Thomas  (Aisne),  d'une  contenance  de  32  hectares 
70  ares;  les  fouilles  et  les  constatations  faites  dans  cette 
enceinte  permettent  d'affirmer  que  là  se  trouve  bien  rempla- 
cement du  Bibrax  des  Rèmes,  cité  par  César  ; 

^  De  Ghatelet,  commune  de  Montigny«rEngraiiij( Aisne),  de 
8  hectares  88  ares  de  superficie;  les  fouilles  ont  permis  de 
bien  constater,  pour  cette  enceinte,  une  fortification  de 
l'époque  gauloise  et  une  autre  plus  récente  qui  se  rapporte  au 
dixième  siècle  ; 

^^  D'Épagny  (Aisne),  de  !  hectare  52  ares  de  contenance  ; 
les  fouilles  permettent  de  croire  que  cette  enceinte  ne  remonte 
pas  au  delà  de  l'usage  des  armes  à  feu,  quoiqu'elle  soit 
nommée  Camp  de  César, 

Alignement  d'Épagny,  —  Au  sujet  de  la  dernière  enceinte 
dont  il  vient  d'être  question,  je  crois  devoir  vous  signaler  un 
alignement  que  j'ai  constaté  lors  des  fouilles. 

Il  existe  vers  l'ouest  de  l'enceinte,  tout  près  de  l'escarpe- 
ment naturel,  quatre  pierres  levées  et  bien  dressées  vertica-» 
lement. 

Ces  pierres  sont  bien  alignées  du  côté  sud,  dans  la  direction 
de  l'est  à  l'ouest  ;  elles  sont  enterrées  assez  profondément 
dans  le  sol. 

Voici  leurs  dimensions  hors  du  sol,  et  leurs  distauces 
entre  elles  : 


i88  SÉANCE  DU  19  MARS  1891. 

Haotear.    Largear.  Épaisseur.  Distance  entre  elles. 

V  à  l'est ...       1»,20        1"»,ÎS0        0»,85  1 

I  à  2",10  du  milieu  au  milieu. 
2«  à  l'est 1  ,20        0   ,50  »      0   ,70  ] 

8.  à  rest ....     1  ,00      0  ',30       0  ,60  r  *  '''  ^«^  ™'^'^^"  ^^  '""'^"• 

4-  à  l'ouest..       0   ,80        0   ,80         0  ,50  (  ^  ^  '^^  ^"  "^^'*^"  ^^  ™"»^^- 

La  quatrième  pierre,  à  l*ouest.  est  à  6  mètres  de  l*escarpe- 
ment  naturel.  De  12  à  15  mètres  à  l*est  de  ces  pierres,  il 
existe  d'autres  pierres  levées,  mais  elles  ne  sont  pas  alignées 
avec  les  quatre  premières. 

Les  silex  taillés  deTépoque  néolithique  se  rencontrent  assez 
fréquemment  sur  le  plateau  où  se  trouve  Tenceinte  d'Epagny. 


PERIODIQUES. 

Jowmal  des  savants  (janvier  et  février  1891).  A.  de  Quatre- 
fages  :  Théories  transformistes. 

Société  archéologique  y  scientifique  et  littéraire  du  Vendômois 
(Bulletin,  t.  XXIX,  1890).  Nouel  :  Note  sur  une  découverte 
de  sépultures  dans  le  roc,  rue  de  la  Grève,  à  Vendôme.  — 
Ludovic  Guignard  :  Artins  et  ses  tombeaux.  Notes  sur  les 
grottes  et  les  abris  sous  roches. 

Société  de  biologie  (Comptes  rendus  hebdomadaires  des 
séances,  n^"  8, 6  mars  1891).  J.  Dejerine  :  Contribution  à  Tétude 
de  Taphasie  motrice  sous-corticale  et  de  la  localisation  céré- 
brale des  muscles  intrinsèques  du  larynx. 

Société  d'histoire  naturelle  de  Toulouse  (bulletin  trimestriel, 
1890,  avril  à  juin).  Jammes  :  les  Anciennes  Civilisations  de 
rindo-Chine.  Age  de  la  pierre  polie  et  du  (bronze  au  Cam- 
bodge. —  Laborie  :  Observations  sur  quelques  crânes  de  la 
collection  Marty. 

Revue  de  t hypnotisme  et  de  la  psychologie  physiologique 
(mars  1891).  D'Edgar  Bérillon  :  Suggestions  criminelles  et 
responsabilité  pénale.  —  De  Heichembach  :  Mémoire  relatif 
à  certaines  radiations  perçues  par  les  sensitifs. 

<  Les  pierres  numéros  2  et  3  ont  la  largeur  touroie  en  sens  inverse  de 
Talignement. 


OUVRAGES  PÉRIODIOUES.  489 

Revue  scientifique  (Revue  rose,  6  et  14  mars  1891).  E.  Aymo- 
nier  :  la  Langue  française  en  Indo-Chine. 

Revue  des  sciences  naturelles  de  V Ouest  {n'^i  de  1890).  D'Marc 
Eli  :  rOuest  à  la  Société  d'anthropologie  de  Paris  en  1890. 

Anthropological  Institute  of  Great  Britain  and  Ireland 
(vol. XX,  n^'  Set  3).  James Macdonald:  Manners,  Gustoms, Su- 
perstitions and  Religions  of  South  Africa.  —  Henry  Balfour  : 
The  Old  British  «Pibcorn  »  or  «Hornpipe»  anditsaffinities. — 
Hector  Mac-Lean  :  The  Ancient  People  of  Ireland  and  Scotland 
considered.  —  Isidore  Spielman  :  Exhibition  of  a  skull  dred- 
ged  on  Ihe  Manchester  Ship  canal  works.  —  W.-H.  Flower: 
Exhibition  of  a  Felish,  or  Ula,  from  lake  Nyassa. —  Théo- 
dore Bent  :  The  Ansairee  of  Asia  Minor. — Bernard  Hollamder: 
A  Contribution  to  a  scientifîc  phrenology.  —  H.-H.  Risler: 
The  Study  of  ethnology  in  India. 

Nature  (vol.  XLIII,  n»  1114).  Meldola  :  An  anti-darwinian 
contribution.  —  The  Duke  of  Argyll  :  Darwin  on  the  unity 
of  the  human  race.  —  Francis  Gotch  and  Victor  Horsley  : 
The  Mammalian  Nervous  System. 

Muséum  of  comparative  zoology  at  Harvard  Collège  (Bulletin, 
vol.  XX,  n®  8).  W.-E.  Ritter  :  the  Pariétal  Eye  in  some  lizards 
from  the  Western  United  States. 

Asiatïc  Society  of  Bengale  (Proceedings,  1890,  n"*  9  et  10). 
P.-N.  Bose  :  Chhatisgar  :  Note  on  its  tribes,  sects  and  castes. 
—  L.-A.  Wadell  :  Note  on  the  «  Manik-tham»  monolith  in 
the  Puraniya  district. 

Das  Ausland  Wochenschrift  fur  Erd-und  Volkerkunde {iS9l , 
n®  8).  Karl  Peuka  :  Enlstehung  der  arischen  Rasse.  —  Emil 
Kuster  :  Zur  Methodik  der  Yolksdichtedarstellung. 

Archiv  fur  Anthropologie ^  Zeitschrift  fur  Naturgeschichte 
und  Urgeschichte  des  Menschen.  (Band  XIX,  Heft  6).  —  Lin- 
denschmit  :  Das  etruskische  Schwert  ans*  den  Grabem  von 
Hallstadt  und  das  vorgeschichtliche  Eisenschwert  nôrdlicht 
der  Alpen.  —  Oberstabsarzt  Meisner  :  Die  KOrpergrôsse  der 
Wehrpflichtigen  in  Mecklenburg.—  Erekert  :  Kopfmessungen 
Kaukasischer  Yolker. 


490  SÊANC8  Dtl  19  MARd  189!. 

Canadian  Inslitutê  (Transactions,  tôI-Î,  part.i,  n*  4).  David 
Boyle  :  Archaeological  Remains.  —  D.-B.  Read  :  The  Htirons. 
—  J.-C.  Hamilton  :  Slavery  in  Canada. 

Hevisia  argentina  de  historia  natural  (t*  I,  entrega  !•). 
Plorentino  Ameghino  :  Observaciones  criticas  sobre  los  catial- 
los  fosiles  de  la  Republica  Argentina  ;  *—  Una  rapida  ojeada  a 
la  evolucion  fllogenetica  de  ios  mamiferos;  —  Los  Plagianla- 
cideos  argentinos  y  sus  reictciones  cooiogioas,  geologieas  y 
geograflcas. 

PRÉSENTATIONS. 

M.  Sanson  présente  une  série  de  huit  cuillères  s' emboîtant 
les  unes  dans  les  autres,  fort  bien  sculptées  et  provenant  de 
Bassûra  ou  de  Bombay. 

A  propos  du  procèi-TerbAl« 
Liturgie  romaine  et  llCargie  bonddhlqlie; 

PAR   H.    0LL1VIER-BEAURB6ARD. 

J*ai  rendu  compte,  à  notre  dernière  séance,  de  la  cérémonie 
bouddhique  célébrée,  le  21  février  dernier,  au  musée  Guimet. 
J*ai  dit,  en  terminant  ma  communication,  que  Timpression 
quej^avais  ressentie  au  spectacle  de  la  liturgie  bouddhique 
en  action  pouvait  se  définir  par  cette  affirmation  que,  n'étaient 
la  langue  et  la  dissemblance  des  idoles,  on  pourrait,  aux  gé- 
nuflexions, aux  adorations  répétées,  aux  gestes  des  mains 
jointes,  à  l'encens  prodigué  aux  images,  aux  chants  alternés 
des  officiants,  à  leurs  révérences  réciproques,  tout  bonne- 
ment se  croire  dans  une  église  chrétienne. 

Notre  collègue,  M.  de  Gharancey,  crut  alors  devoir  faire 
observer  que  c'est  seulement  au  troisième  siècle  de  notre  ère 
qull  a  été  question,  dans  notre  monde  occidental^  des  reli- 
gions de  rinde.  M.  de  Gharancey  entendait  par  là  exonérer 
la  liturgie  catholique  de  tout  emprunt  aux  religions  de  l'Inde. 
'  Je  regrette  de  ne  pas  retrouver  ici,  aujourd'hui,  M.  de 
Gharancey  ;  mais,  comme  mes  observations  sei^nt  insérées 


LITUHGtËS  ROMAINE   ET  BOUDDfilQUE.  191 

à  nos  Butletinê,  notre  coUègae  pourra  les  lire  et  y  répondre, 
8*il  le  juge  à  propos.  Je  vais  donc  parler  comme  s^il  était 
présent. 

Notre  collègue  se  trompe  de  plus  de  mille  ans,  et  à  sup- 
poser, par  impossible,  qu'il  ne  se  trompe  pas,  c*est'à-dire 
qu'il  soit  exact  que  les  religions  de  llnde  n'aient  été  coue- 
nnes dans  notre  vieil  Occident  qu'au  troisième  siècle  de 
notre  ère,  M.  de  Gharancey  n'en  serait  pas  plus  avancé  pour 
la  justification  des  prétentions  dont  il  entend  faire  suivre  son 
observation. 

Je  reviendrai  sur  ce  dernier  point.  Constatons  d'alK)rd 
l'existence,  antérieurement  à  notre  ère,  des  rapports  entre 
l'Inde  et  même  l'extrême  Orient  avec  notre  monde  occi" 
dental. 

A  ce  propos,  Reinaud  (de  l'Institut)^  à  qui  nous  devons  un 
mémoire  de  quatre  cents  pages  in-4**  sur  l'Inde,  dans  l'étude 
qu'il  fait  de  la  relation  des  voyages  accomplis  par  les  Arabes 
et  les  Persans  dans  l'Inde  et  à  la  Chine  au  neuvième  siècle  de 
notre  ère,  s'exprime  ainsi  (p.  xxviii,  1. 1")  :  «Les  relations  com* 
merciales  entre  les  côtes  de  la  mer  Rouge  et  du  golfe  Per-* 
sique  d'une  part,  et,  de  l'autre,  la  côte  orientale  de  l'Afrique 
et  la  côte  occidentale  de  la  presqu'île  de  l'Inde^  remontent  à 
une  haute  antiquité.  On  ne  peut  douter  que  tel  ne  fat  l'objet 
de  certaines  expéditions  des  Phéniciens,  expéditions  aux" 
quelles  le  roi  Salomon  ne  voulut  pas  rester  étranger.  Ce  fut 
par  cette  voie  que  les  produits  de  l'Arabie  Heureuse,  de  la 
côte  de  Sofala  et  des  parages  de  l'Inde,  se  répandirent  en 
Occident.  Ce  commerce  était  une  source  de  richesses  consi- 
dérables, n 

Ces  relations  se  conservèrent  sous  les  rois  grecs,  qui  suivi* 
rent  la  mort  d'Alexandre.  Elles  furent  la  base  principale  de  la 
grande  importance  qu'acquirent  en  peu  de  temps  Alexandrie, 
en  Egypte,  et  Séleucie,  sur  les  bords  du  Tigre. 

Au  troisième  siècle  antérieur  à  notre  ère,  MégasthèneSi  qui 
servait  sous  le  règne  de  Séleucus  Nicanor,  voyagea  dans 
rinde  et  écrivit  une  Histoire  des  Indes. 


492  SÉANCE  DU  19  MARS  1891. 

Le  texte  de  cet  ouvrage  est  perdu  pour  nous,  mais  le  té^ 
moignage  en  est  souvent  invoqué  par  les  anciens  anteors 
grecs  ou  latins  qui  l'ont  connu,  et,  par  exemple,  Arrien,  l'his- 
torien d'Alexandre  de  Macédoine,  dit  expressément  (liv.  Y) 
que  Néarque,  qui  accompagna  Alexandre  dans  sa  campagne 
de  rinde,  a  navigué  dans  Tocéan  Indien,  et  que,  sur  ce  qu*a 
écrit  Mégasthènes  des  lois  et  des  institutions  de  l'Inde,  il  se 
propose  de  composer  un  traité  des  choses  de  cet  intéressant 
pays  ;  et  dans  cet  ouvrage,  Arrien,  enregistrant  une  chro- 
nique des  rois  de  l'Inde,  y  fait  figurer  un  roi  du  nom  de 
Budyas,  qui  régna  vingt  ans. 

Ces  indications  remontent  au  troisième  siècle  antérieur  à 
notre  ère^  et  il  n'est  pas  déraisonnable  de  trouver  Buddha 
dans  le  Budyas  dont  parle  Arrien. 

Trente  ans  environ  avant  la  date  de  Téclosion  convention- 
nelle de  notre  ère,  Cicéron,  disciple  de  Philon  d'Athènes,  dans 
ses  Tusculanes  (liv.  V,  ch.  xxvii,  §§77-78),  met  en  opposition 
avec  les  mœurs  relâchées  de  son  temps  le  tempérament  ro- 
buste et  la  fermeté  de  cœur  des  sages  de  Tlnde,  qui  vont  nus 
en  dépit  des  intempéries,  et  l'intrépidité  des  veuves  hindoues, 
qui  montent  souriantes  sur  le  bûcher  qui  consumera  leur 
corps  avec  celui  de  leur  mari. 

Virgile,  plus  de  vingt  ans  avant  notre  ère,  atteste  la  pré- 
sence, sur  la  flotte  de  Gléopâtre  et  d'Antoine,  d'Arabes  d'Asie 
et  d'Indiens  (liv.  VIII,  vers  705-706). 

Ainsi,  assurément  et  longtemps  avant  l'éclosion  de  l'ère 
vulgaire,  vers  une  époque  dont  nous  pouvons  faire  remonter 
la  date  initiale  à  une  antériorité  de  1 000  ans,  notre  vieil 
Occident  classique  avait  connaissance  des  peuples  de  l'Inde 
et  de  leurs  mœurs. 

Pour  la  période  qui  s'étend  de  la  date  de  l'éclosion  con- 
ventionnelle de  notre  ère  au  troisième  siècle  de  cette  ère, 
dont  se  réclame  notre  collègue  M.  de  Gharancey,  les  attesta- 
tions de  la  connaissance  alors  acquise  de  l'existence  des 
peuples  et  des  mœurs  de  l'Inde  ne  nous  font  point  non  plus 
défaut. 


LITURGIES  ROMAINE  ET  BOUDDHIQUE.  493 

Le  géographe  Slrabon,  contemporain  d'Augaste  et  de  Ti- 
bère, c'est-à-dire  de  Téclosion  de  notre  ère,  consacre  tout  le 
chapitre  xxxix  du  livre  XV  de  sa  géographie  à  la  description 
de  rinde  et  à  la  constatation  des  mœurs  de  ses  habitants. 

Apollonius  de  Tyanes,  de  la  même  époque,  parle,  au  cha- 
pitre X  du  livre  Yl  de  Philostrate,  des  gymnosophistes  de 
l'Inde  et  de  leurs  mœurs. 

Vers  Tan  30  de  notre  ère,  ou  plutôt  vers  Tan  20  —  Tan  30 
est  la  date  de  la  mort  de  Philon  —  c'est-à-dire  avant  que, 
sur  le  calvaire,  le  Christ  eût  affirmé  à  sa  manière  sa  mission 
divine,  Philon  d'Alexandrie,  parlant,  dans  son  traité  De 
Abrahamo,  des  mœurs  et  des  coutumes  des  philosophes  in- 
diens qu'il  paraît  bien  connaître,  signale  le  sacrifice  volon- 
taire que  les  veuves  de  l'Inde  faisaient  d'elles-mêmes  sur  le 
bûcher  de  leur  mari,  avec  autant  d'entrain  que  si  elles  eussent 
consciencieusement  pris  leur  essor  vers  l'immortalité. 

C'est  encore  grâce  à  la  connaissance  qu'il  a  des  mœurs  et 
des  coutumes  des  Indiens,  que  Lucain  —  première  moitié  du 
premier  siècle  de  notre  ère  —  dans  la  Pharsale  (liv.  III, 
vers  240);  affirme  l'insouciance  des  Indiens  allant  à  la  mort. 

Pline,  79  de  notre  ère  (liv.  VII,  ch.  ii),  sous  l'autorité  de 
Mégasthènes,  nous  entretient  des  gymnosophistes  qui  se  con- 
damnent volontairement  à  des  attitudes  dont  ils  supportent, 
sans  se  plaindre,  les  exigences  proibngées. 

Viennent  ensuite  —  pour  ne  faire  intervenir  ici  que  nos 
auteurs  classiques  que  chacun  a  sous  la  main  —  les  deux 
historiens  d'Alexandre  de  Macédoine  :  Quinte-Curce,  qui 
écrivait  vers  l'an  80  de  notre  ère,  et  Arrien,  de  la  première 
moitié  du  second  siècle  de  notre  ère. 

Quinte-Curce  (liv.  VllI,  ch.  ix  et  x)  fait  la  description  de 
rinde,  et  cite  les  philosophes  de  cette  contrée  comme  per- 
sonnages de  vie  exemplaire  et  entourés  de  juste  considé- 
ration. 

Arrien  s'appuie  sur  Mégasthènes,  dit  l'avoir  tout  spéciale- 
ment pris  pour  guide,  pour  écrire  celui  de  ses  ouvrages  qu'il 
a  intitulé  :  De  rébus  indicis» 

T.  II  (40  SÉaiB).  13 


194  SÉAHCB  DU   49  MARS  4891. 

Ici  encore  il  est  question  des  gymnosopbistes,  et,  par  ce 
qui  précède,  nous  savons  que  les  gymnosophistes  sont  des 
philosophes  indiens  qui  sHmposaient  une  règle  de  conduite 
sévère,  même  rigoureuse  ;  qui  nu-pieds,  nu-tête,  très  pau- 
vrement vêtus,  allaient  à  travers  le  monde  indien,  instruisant 
les  populations  et  les  édifiant  par  leurs  bons  exemples. 

Avec  Clément  d'Alexandrie  —  quelques-uns  disent  même 
saint  Clément  —  nous  entrons  dans  le  troisième  siècle  de 
notre  ère.  Clément  d'Alexandrie  est  mort,  en  effet,  en  217, 
et  ses  écrits  et  ses  enseignements  étaient  connus  avant  la  fin 
du  deuxième  siècle. 

Chez  lui,  nous  trouvons  encore,  et  assez  abondamment,  des 
témoignages  de  la  connaissance,  dès  longtemps  acquise,  des 
choses  religieuses  de  l'Inde. 

Au  premier  livre  des  Stromates^  je  lis  : 

u  La  philosophie  est  donc  chose  très  utile.  Elle  a  eu  autre- 
fois de  l'éclat  chez  les  barbares  et  s*est  signalée  à  travers  les 
nations  ;  plus  tard,  elle  se  fit  remarquer  chez  les  Grecs  ;  mais, 
auparavant,  les  Égyptiens  ont  eu  leurs  prophètes,  les  Assy- 
riens leurs  chaldéens,  les  Gaulois  leurs  druides,  et  les  Bac- 
triens  leurs  samanéens.  » 

Notons  ici  que  le  moi  samanéen  est  le  mot  samana,  sanscrit^ 
qui  signifie  fidèle,  constant,  et  qui  était  la  qualification  dont 
se  revêtaient  les  disciples  de  bouddha,  au  même  titre  que 
les  sectateurs  du  Christ  se  disent  fidèles. 

Au  livre  III  des  Stromates,  je  trouve  encore  :  «  Les  brah- 
manes ne  mangent  point  de  substances  animales,  ils  ne 
boivent  pas  de  vin  ;  quelques-uns  d'entre  eux  se  nourrissent 
chaque  jour  comme  nous,  d'autres  ne  mangent  que  le  troi- 
sième jour.  Ainsi  que  le  fait  remarquer  Alexandre  Poly- 
histor,  dans  son  traité  Des  choses  de  VJnde,  ils  méprisent 
la  mort  et  estiment  peu  la  vie  ;  ils  croient  à  la  revivifica- 
tion...  Ceux  d'entre  eux  que  l'on  désigne  du  titre  de  vénérables 
ne  se  vêtent  point,  prêchent  la  vérité  et  prophétisent;  ils  ont 
le  culte  d'une  certaine  pyramide — le  Lingam— tous  laquelle 
ils  supposent  que  se  trouvent  les  reliques  d'un  dieu.  Ni  les 


UTUROIES  ROMAINB  ET  BOUDDHIQUE.  îVi 

gymnosophistes,  ni  les  vénérables  n'ont  de  commerce  avec 
les  femmes  ;  Tusage  leur  en  paraît  un  abus  et  une  injustice. 
Ils  restent  ainsi  en  état  de  chasteté.  Il  y  a  chez  eux  une  classe 
de  femmes  vouées  à  la  virginité,  et  que  désigne  le  vocable 
de  vénérables  :  elles  observent  les  astres  et,  de  leurs  travaux 
d'observation,  tirent  des  horoscopes.  » 

Au  livre  lY  des  SlromaleSy  Clément  incite  les  néophytes 
chrétiens  à  rester  fermes  dans  leur  foi,  et,  entre  autres  argu- 
ments d'exhortation  qu'il  leur  fournit;  il  cite  les  paroles  des 
philosophes  indiens  à  Alexandre  de  Macédoine  :  u  Tu  poux 
nous  obliger  à  nous  déplacer,  mais  tu  es  sans  pouvoir  sur 
nos  âmes.  Le  supplice  du  feu  est  plus  terrible  que  la  croix, 
et  nous  méprisons  le  feu.  » 

Enfin,  au  livre  III,  chapitre  ii,  de  son  traité  De  l'instituteur^ 
Clément  prêche  aux  chrétiens  la  simplicité  dans  les  choses 
du  culte,  la  modestie  dans  le  temple  et  dans  les  vêlements, 
«  car  ce  n'est  pas,  dit-il,  l'extérieur  personnel  qu'il  importe 
d'orner,  c'est  l'âme  qu'il  faut  vêtir  du  lustre  de  la  probité. 

((  Il  ne  faut  pas  faire  comme  les  Égyptiens,  chez  qui  les 
temples  sont  de  magnifiques  édifices,  où  les  murailles  sont 
couvertes  de  peintures  et  de  pierres  précieuses  venues  de 
l'Inde,  et  dont  le  sanctuaire  a  pour  dieu  un  animal.  » 

Des  constatations  qui  précèdent,  toutes  historiquement 
acquises,  il  résulte  clairement  que,  longtemps  avant  l'établis- 
sement du  christianisme,  l'Inde,  ses  mœurs  et  ses  enseigne* 
ments  étaient  connus  à  Alexandrie,  restée  pendant  plus  de 
trois  siècles,  pour  ainsi  dire,  le  centre  du  monde,  ainsi  qu'à 
Rome  et  dans  la  Grèce. 

Cependant,  pour  être  agréable  à  M.  de  Charenccy,  mais 
seulement  à  celte  cause,  Je  consens  pour  un  instant  à  ad- 
mettre que  c'est  seulement  au  troisième  siècle  de  notre  ère 
que  notre  monde  classique  de  l'Occident  a  connu  l'Inde  et 
ses  enseignements  philosophiques  et  religieux,  et  nous  allons 
voir  qu'à  cette  large  concession  M.  de  Charencey  ne  peut  rien 
gagner. 

Notre  collègue  ne  peut  pas  ignorer,  et  d'ailleurs  nous  sa- 


196  SÉANCE  DU  19  MARS  1891. 

vons  tous,  que  ce  n'est  point  aux  premiers  disciples  de  Jésus 
que  Ton  peut,  avec  quelque  raison,  attribuer  rétablissement 
des  règles  de  la  liturgie  chrétienne,  telle  que  nous  la  voyons 
pratiquée  de  nos  jours  et  depuis  des  siècles  déjà. 

Ce  travail  d'études  lentes  et  de  précautions  fort  minu- 
tieuses n'a  pu  être  Tœuvre  du  temps  de  la  primitive  croyance, 
et  la  prédication  a  longtemps  précédé  le  culte  soumis  aujour- 
d'hui aux  prescriptions  de  règles  généralement  connues  et 
religieusement  pratiquées  par  Tuniversalité  des  chrétiens. 

C'est  à  cette  classe  d'esprits  religieux,  que  l'histoire  de  la 
catholicité  désigne  sous  le  titre  de  Pères  de  PÉglise,  que  la 
religion  du  Christ  doit  rétablissement  de  ses  règles  litur- 
giques et  l'universelle  pratique  de  ses  rites. 

Au  nombre  de  ces  pères  de  rÉglise>  et  sur  le  premier  plan 
chronologique,  nous  trouvons  : 

Saint  Jérôme, 

Saint  Chrysostome, 

Saint  Ambroise, 

Saint  Basile, 

Saint  Grégoire. 

Et  tous  ces  ouvriers  du  temple  de  la  bonne  nouvelle  sont  du 
cinquième  siècle  de  notre  ère  ! 

Dans  ces  conditions,  notre  collègue  ne  peut  plus,  ce  nous 
semble,  nier  l'influence  possible  des  pratiques  religieuses  de 
rinde  et  de  l'Egypte  sur  rétablissement  des  rites  religieux 
de  la  chrétienté. 

Le  voulût-il,  il  ne  le  pourrait  pas  sans  aller  contre  le  té- 
moignage de  saint  Jérôme,  qui,  lui,  pour  enseigner  les  chré- 
tiens et  les  mettre  en  droit  chemin,  ne  craint  pas  de  deman- 
der de  bons  exemples  à  suivre  et  des  règles  à  observer  aux 
sectateurs  d'Osiris  et  de  Bouddha.        v 

«  Qui  pourrait,  dit-il  (liv.  II  de  ses  Lettres)^  dispenser 
une  vierge,  consacrée  à  Jésus-Christ,  d'une  entière  absti- 
nence, après  que  les  Juifs,  par  un  scrupule  ridicule,  se  sont 
défendus  à  eux-mêmes  la  chair  de  certains  animaux  et  de 
certaines  viandes,  et  que  les  prêtres  indiens  et  les  gymno- 


LITURGIES  ROMAINE   ET    BOUDDIIIQUE.  497 

sophistes  d'Egypte  se  sont  engagés  à  ne  vivre  que  de  pommes, 
d'un  peu  de  riz  et  de  bouillie.  Si  le  faux  éclat  du  verre  a  été 
mis  à  si  haut  prix,  combien  ne  doit  pas  être  plus  estimée  la 
vraie  perle.  » 

Cet  aveu,  qui  n'a  point  été  préparé  au  bénéfice  spécial  de 
cette  discussion,  doit  convaincre  M.  de  Charencey  de  l'exacte 
légitimité  de  mon  observation. 

Et,  par  occasion,  j'ajoute  que  ce  n'est  pas  seulement  des 
pratiques  ritualistiques  de  la  religion  des  Indiens  que  la 
conscience  des  premiers  chrétiens  s'est  inspirée. 

Plus  de  600  ans  avant  notre  ère,  Gautama-Bouddha  est  né 
d'une  vierge  restée  vierge.  Mais  cette  vierge  se  nommait 
Maya;  ce  nom  sanscrit  signifie  illusion,  imagination,  et 
c'est  par  le  côté  droit  qu'elle  a  donné  Bouddha  au  monde 
indien. 

Les  Juifs  eux-mêmes  ont  aidé,  inconsciemment  il  est  vrai, 
à  la  vulgarisation  du  mystère  le  plus  obscur  des  doctrines 
chrétiennes. 

Philon  d'Alexandrie  n'a-t-il  pas  écrit  dans  son  livre  :  De 
cherubinis  :  «  Des  vierges,  les  hommes  font  des  femmes  ; 
mais,  quand  Dieu  s'établit  dans  une  âme,  il  en  rétablit  la 
personne  dans  sa  virginité  première,  et  cette  personne,  fût- 
elle  une  femme  usée  aux  plus  actives  voluptés  de  la  luxure, 
revêt  alors  dans  ses  chairs  les  caractères  essentiels  de  la  vir- 
ginité. » 

De  là  à  l'incarnation  divine,  il  n'y  a  pas  loin,  et  adjuvante 
colwnbay  il  y  a  1891  ans,  à  la  date  astronomique  de  l'équi- 
noxe  du  printemps,  la  vierge  de  la  suprématie  divine,  bé- 
quetée  au  bon  endroit,  a  commencé  sa  neuvaine  de  rédemp- 
tion, pour  la  terminer  à  la  fin  de  l'automne,  à  la  date 
astronomique  du  solstice  d'hiver. 

Tout  cela  soit  dit  au  nom  de  la  vérité  historique  et  sans 
intention  de  blesser  la  conscience  religieuse  de  personne. 

M.  Adrien  de  Mortillet  montre  deux  spécimens  de  wou- 
mera  (instrument  australien  servant  à  lancer  les  sagaies)  ;  il 


198  8ÉANCB  DU  19  MARS   i891. 

montre  comment  on  s'en  servait  pour  lancer  les  sagaies.  Il 
fait  voir,  en  même  temps,  des  photographies  de  très  belles 
pièces  de  la  collection  Piette,  provenant  de  la  grotte  du  Mas* 
d'Azil  et  affectant  une  forme  identique  à  celle  des  instru- 
ments contemporains  qu*il  vient  démontrer.  L'analogie  com- 
plète de  forme  est  une  preuve  de  l'identité  d^usage. 

M.  DiAHANDY  indique  les  sources  de  plusieurs  chiffres  cités 
dans  sa  dernière  communication. 

COMMUNICATIONS. 

Rapport  de  la  commlssioa  d'inventalra  ; 

PAR   M.    FAUVELLB. 

Il  y  a  deux  jours,  le  17  mars  1891,  la  Commission  d'inven- 
taire a  exposé  aux  chefs  administratifs  des  trois  établisse- 
ments, Société,  École  et  Laboratoire,  le  résultat  de  son  tra* 
vail,  concernant  les  collections  et  le  mobilier. 

Monsieur  le  directeur  du  Laboratoire,  monsieur  le  direc- 
teur de  l'École  et  monsieur  le  secrétaire  général  de  la  Société, 
délégué,  à  cet  effet,  par  le  comité  central,  ont  d'abord  reconnu 
exactes  les  constatations  faites  dans  les  divers  locaux  où  les 
collections  et  le  mobilier  sont  réunis.  Ils  ont  ensuite  admis, 
comme  bien  fondés,  les  motifs  sur  lesquels  la  Commission 
s'était  basée  pour  les  attributions  faites  à  chaque  établis- 
sement. 

L'inventaire  a  donc  été  accepté  contradictoirement  par  les 
trois  établissements,  et  désormais  il  fera  loi  entre  les  parties. 

Il  est  impossible  de  vous  faire  l'énumération,  même  suc- 
cincte, des  richesses  scientifiques  qui  vous  appartiennent  main- 
tenant sans  conteste  ;  mais  quelques  chiffres  vous  permettront 
d'en  apprécier  l'importance.  La  Société  possède  :  17  squelettes 
montés  de  races  diverses  ;  3792  crânes  ethniques,  préhistori- 
ques et  nationaux  des  différentes  provinces  et  des  différentes 
époques  de  notre  histoire;  i2  momies  égyptiennes,  péru- 
viennes et  guanches  ;  8  squelettes  montés  d'animaux,  et  spé- 


PAUVELLE.   —    RAPPORT  DE  LA   COMMISSION  d'iNVENTAIRE.      199 

cialement  d'anthropoTdes ;  17  crânes  d'animaux;  116  bustes 
et  masques,  parmi  lesquels  ceux  d'un  grand  nombre  d'hommes 
célèbres  ;  environ  150  moulages  pris  sur  le  vivant,  et  notam- 
ment la  précieuse  collection  rapportée  du  cap  Horn  par 
M.  le  docteur  Hyades. 

11  faut  y  ajouter  une  quantité  innombrable  d'ossements, 
auxquels  leur  origine  ethnique  ou  préhistorique  donne  un 
grand  intérêt,  et  un  nombre  considérable  d'objets  représen- 
tant Tindustrie  humaine  des  périodes  quaternaire  et  néoli* 
thique. 

La  société  possède  aussi  des  collections  ethnographiques 
d'une  grande  valeur.  Nous  devons  signaler  le  legs  Grasset, 
relatif  à  l'Afrique;  le  don  fait,  en  1889,  par  la  République  de 
l'Equateur;  la  collection  péruvienne  de  M.  Théodore  Ber,  et 
les  séries  relatives  au  Venezuela,  que  nous  devons  à  la  libéra- 
lité de  nos  collègues,  MM.  Gusman  Blanco  et  Marcano. 

L'évaluation  de  tous  ces  objets,  faite  avec  toute  la  modé- 
ration possible,  a  donné  le  chiffre  respectable  de  67518f  fr.  85, 
qui  figurera,  dans  votre  comptabilité,  pour  l'ouverture  du 
compte  Collections.  Il  en  sera  de  même  pour  le  mobilier,  qui 
a  été  évalué  à  11260  fr.  50. 

Prenant  en  considération  les  conditions  fâcheuses  dans  les- 
quelles se  trouvent  les  collections  ethnographiques,  les  dési- 
gnations insuffisantes  que  portent  la  plupart  des  objets  répar- 
tis dans  les  différents  casiers  et  vitrines,  et  les  dérangements 
forcés  qu'ils  subissent  par  suite  du  travail  quotidien  ;  dési- 
rant, en  outre,  prévenir  le  retour  de  la  confusion,  à  laquelle 
elle  a  été  chargée  de  remédier,  la  Commission  d'inventaire 
avait  eu  l'intention,  comme  elle  vous  l'a  annoncé  dans  la 
séance  du  17  juillet  1890,  d'opérer  un  classement  méthodi- 
que de  l'ensemble  du  musée,  en  séparant,  autant  que  pos- 
sible, les  parts  de  chaque  établissement;  mais  des  difficultés 
sans  cesse  renaissantes  ont  prolongé  son  travail  au  delà  de 
toute  prévision,  et  l'ont  ainsi  forcée  de  renoncer  à  ce  projet. 

Aujourd'hui,  elle  s'en  trouve  d^ailleurs  dispensée,  par  suite 
de  la  nomination  de  trois  conservateurs  :  MM.  À.  de  Mortillet, 


200  SÉANCE  DU  19  MARS  i89i. 

pour  la  Société  ;  Letouraeau,  pour  l'École,  et  Manouvrier, 
pour  le  Laboratoire. 

La  compétence,  le  zèle  et  Tactivité  bien  connus  de  nos 
trois  collègues  vous  sont  un  sûr  garant  que  la  réorganisation, 
si  urgente  du  musée,  sera  conduite  rapidement  et  à  bonne 
fin.  La  responsabilité  de  la  Commission  d'inventaire  se  trouve 
donc  complètement  dégagée  à  partir  de  ce  jour. 

En  résumé,  pour  ce  qui  concerne  la  Société,  notre  tâche 
est  terminée  ;  nous  avons  inventorié  : 

10  La  librairie  dout  la  valeur  s*éiève  à 71  781'63 

îo  Les  collecUons  à 67  518  85 

3»  Le  mobilier  h 1H60  50 

Total 150o6!f  » 

Enfin,  grâce  au  concours  dévoué  de  notre  collègue  M.  Is- 
saurat,  rinventaire  de  la  bibliothèque  est  terminé,  et  le  cata- 
logue sous  presse  ;  mais  ce  ne  sera  qu'après  la  composition 
de  toutes  les  épreuves,  que  nous  pourrons  en  faire  faire 
l'estimation. 

En  terminant,  la  Commission  a  la  satisfaction  de  constater 
que  l'ensemble  de  l'inventaire  a  coûté  fort  peu  de  chose  k  la 
Société.  M.  le  docteur  Verneau  a  fait  les  estimations  des  col- 
lections et  contrôlé  ainsi,  d'une  manière  précise  et  nécessaire, 
nos  constatations  personnelles,  puisque  tous  les  objets  ont 
passé  par  ses  mains. 

M.  Adrien  de  Mortillet  a  estimé  les  pièces  préhistoriques, 
et  M.  Imbert  le  mobilier.  Enfin,  MM.  Mahoudeau,  Pornin  et 
E.  Collin  ont  concouru  à  la  rédaction  des  procès- verbaux. 

La  Commission  demande  à  la  Société  de  vouloir  bien 
adresser  des  remerciements  à  toutes  les  personnes  qui  Tout 
secondée  dans  son  œuvre  longue,  aride  et  souvent  difficile. 

M.  UovKLACouE  dit  que,  l'inventaire  étant  terminé,  il  ne 
faut  pas  en  rester  là.  11  émet  le  vœu  que  la  bibliothèque  et  le 
musée  soient  toujours  tenus  en  ordre,  et  que  les  collections 
continuent  à  être  cataloguées. 


OBJETS  OFFERTS.  201 

M.  LE  Président  remercie,  au  nom  de  la  Société,  la  Com- 
mission et  ceux  qui  ont  collaboré  à  son  œuvre.  Il  donne  Tas- 
surance  que  l'on  continuera  cette  œuvre  et  que,  maintenant, 
l'avenir  est  assuré. 

OBJETS  OFFERTS. 

Le  menhir  de  Doingt  et  qaelqoes  mosnmeiits  paléollthlqaes 
et  Béollthiqaes  den  envlross  de  Pérosse  ; 

PAR   M.    LBGRAIN. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  et  d'offrir  deux  photographies 
à  la  Société. 

Ces  photographies  représentent,  sous  ses  deux  faces,  un 
monument  mégalithique,  un  menhir,  qui  se  trouve  près  de 
Péronne,  à  Doingt. 

Ce  menhir  mesure  près  de  5  mètres  de  hauteur.  Il  affecte 
la  forme  d'un  parallélépipède  rectangle. 

Dans  le  pays,  on  désigne  ce  monument  sous  le  nom  de 
pierre  de  Gargantua, 

D'après  la  légende,  Gargantua  aurait  dressé  cette  pierre, 
afin  d'aveugler  une  source  qui  inondait  le  pays. 

Il  y  a  quelques  années,  on  fouilla  à  Tentour  et  on  décou- 
vrit, au  pied,  m'a-t-on  dit,  une  jolie  statue  de  Mercure  gallo- 
romain,  qui  est  conservée  aujourd'hui  au  Musée  de  Péronne. 

Je  rapporte  ces  deux  faits,  les  signalant  aux  personnes 
compétentes  en  cette  matière. 

La  légende  de  Gargantua,  intervenant  pour  expliquer  Télé- 
vation  de  cette  énorme  pierre,  nous  semble  curieuse  et  pa- 
raît se  lier  intimement  avec  les  autres  récits,  attribuant  aux 
fées  et  aux  géants  la  disposition  des  monuments  mégalithi- 
ques. 

Les  dolmens,  les  menhirs,  aussi  bien  que  les  arbres  et  les 
fontaines,  ont  été  longtemps  l'objet  d'un  culte  particulier  ; 
l'abbé  Cochet  et  bien  d'autres  encore  ont  établi  ce  fait.  La 
trouvaille  du  Mercure  gallo-romain  vient,  en  quelque  sorte, 
préciser  cette  assertion,  en  même  temps  qu'il  nous  montre 


302  SÉANCE  DU  19  MARS  1891. 

qu'à  une  époque  relativement  moderne,  la  croyance  popu- 
laire entourait  de  sa  vénération  ces  monuments,  dont  on 
ignorait  i*originc. 

Les  silex  paléolithiques  et  néolithiques  ne  sont  pas  rares 
autour  de  Pôronne.  Voici  quelques  spécimens  que  M.  Guérin, 
instituteur,  a  bien  voulu  me  donner. 

A  Licourt,  nous  trouvons  des  silex  taillés.  Voici  une  hache 
coup  de  poings  deux  nucleus  et  un  couteau.  Un  autre  coup 
de  poing  a  reçu  un  commencement  de  polissage. 

A  Villers-Garbonnel,  nous  avons  une  riche  station  paléoli- 
thique et  néolithique.  Une  pointe  de  flèche  et  quatre  cou- 
teaux représentent  la  première  période,  tandis  que  trois 
haches,  dont  deux  inachevées,  figurent  la  seconde.  Ces  silex 
se  rencontrent  à  i°',50  de  profondeur,  dans  une  sablière. 

Enfin,  à  Eterpigny,  nous  avons  acquis  une  hache  qui  est 
d^époque  néolithique. 

Discussion. 

M.  Hervé  dit  qu'un  mémoire  sur  ce  menhir  a  déjà  été 
publié  par  M.  Ponchon. 

M.  Gabriel  de  Mortillët,  bien  que  ce  menhir  ait  été  déjà 
décrit;  reconnaît  qu'on  doit  se  féliciter  d'en  posséder  des 
photographies,  et  remercie  M.  Legrain  de  celles  qu'il  vient 
d'offrir  à  la  Société. 

M.  ViNsoN  rappelle  que,  dans  diverses  régions  de  la  France, 
le  nom  de  Gargantua  a  été  appliqué  à  certains  monuments 
de  grandes  dimensions.  Il  cite,  comme  donnant  des  rensei- 
gnements précis  à  ce  sujet>  un  ouvrage  de  M.  Sébillot  :  Gar- 
gantua dans  les  traditions  populaires, 

M.  Legrain  fait  remarquer  qu'un  des  silex  qu'il  présente 
est  taillé,  à  Tune  de  ses  extrémités,  en  forme  de  bec  de  per- 
roquet. 

M.  Adrien  de  Mortillët  dit  que  les  silex  présentés  par  M.  Le- 
grain sont  intéressants,  et  attire  l'attention  sur  une  hache 
polie  qui,  après  une  usure  déterminée  par  l'usage,  a  dû  être 
retravaillée,  afin  de  pouvoir  servir  de  nouveau  comme  un 


CH.   DU  PASQUIBR.  —   DE  LA  FIXITÉ  DE  L'ESPÈCE.  203 

instrument  neuf.  Il  pense  qu'on  devait  ainsi  retravailler  les 
pièces  usées,  afin  d'économiser  les  belles  pièces  neuves. 

De  la  limité  de  Teepéee  t  réaaitai  des  denx  faelenre 
de  l'éTolation  t  la  irariabilité   et  la  loi  de  l'hérédité  fl^e  ; 

PAR  !!•    CH.    DU   PASOCIER. 

Aujourd'hui,  qui  est  partisan  de  la  théorie  de  révolution 
croit  à  la  variabilité  de  l'espèce  ;  Tespèce  varie  à  l'infini  ;  de» 
espèces  anciennes  naissent  des  espèces  nouvelles,  il  y  a  trans- 
formation, descendance.  Les  adversaires  de  la  théorie,  au 
contraire,  croient  à  la  fixité  de  l'espèce  et  à  sa  constance  : 
les  races  ne  sont  pas  des  espèces  en  voie  de  formation  ;  les 
espèces  sont  sorties  tout  armées  des  mains  du  Créateur. 

Nous  ne  venons  pas  apporter  ici  une  conciliation  entre 
gens  d'opinions  opposées,  la  science  n'a  que  faire  de  con- 
cessions. C'est  une  interprétation  nouvelle  *,  croyons-nous,  de 
l'évolution  que  nous  venons  soumettre  au  lecteur,  résultant 
pour  nous  de  l'action  de  deux  facteurs  de  l'évolution,  la  va- 
riabilité de  la  matière  organique  et  l'hérédité. 

En  un  mot,  comment  se  fait-il  que  l'espèce  soit  variable 
encore  aujourd'hui,  la  variabilité  allant  en  s'atténuant  de 
plus  en  plus  chez  les  êtres  où  la  division  du  travail  est  très 
avancée,  et  l'hérédité  agissant  suivant  la  loi  de  l'hérédité 
fixée  et  constituée  de  Lamarck,  c'est-à-dire  en  accumulant 
et  en  capitalisant  les  caractères?  Tel  est  le  problème  que 
nous  posons.  Nous  y  répondons,  pour  notre  part,  par  la 
fixité  de  l'espèce,  bien  que  l'espèce  soit  cependant  dans  notre 
esprit  le  résultat  de  l'évolution.  L'idée  de  fixité  de  l'espèce 

<  NaudiD,  dans  un  article  de  la  Revuê  horticole  d$  1852,  émet  Tidée  que 
la  flexibilité  des  formes  a  pour  autagoniste  la  puissance  de  Thérédité  ; 
mais^  dit-il,  cette  force  a,  à  son  tour,  pour  contrepoids,  une  seconde  force 
qui  la  règle  et  la  domine:  c'est  la  flnalité,  puissance  mystérieuse  et  fatale 
qui  détermine  le  volume  et  la  forme  des  êtres,  en  raison  de  leur  destinée, 
dans  Tordre  des  choses.  Il  n'est  point,  selon  nous,  nécessaire  d'admettre 
l'existence  de  cette  dernière  force.  L'idée  de  ûualité  ressort  de  l'adaptation 
rigoureuse  de  l'organisme  }l  son  milieu.  Ce  rapport  exact  est  le  résultat 
même  de  l'évolution. 


304  SÉANCE   DU    19   MARS   1891. 

n'est  pas  incompatible  avec  celle  de  révolution  :  bien  plus, 
la  théorie  de  Lamarck,  croyons-nous,  devait  forcément 
aboutir  à  ce  caractère  de  Tespèce,  à  sa  fixité. 

Ce  n'est  pas  en  effet  sur  des  variétés  et  des  races  d'espèces 
anciennes  qu'ont  agi  les  facteurs  de  l'évolution  ;  ils  ont  agi 
sur  des  groupes  entiers  d'organismes,  ayant  une  morphologie 
presque  semblable,  inqualifiés  et  inqualifiables  encore  dans 
leur  phase  de  variabilité,  pour  les  en  faire  sortir  et  en  créer 
les  espèces.  Ainsi,  le  mode  d'apparition  des  espèces  est  le 
même  pour  toutes;  il  n'y  a  pas  eu  transformation  intégrale 
d'espèces  anciennes  en  espèces  nouvelles,  il  n'y  a  pas  eu 
d'espèces  filles;  ce  que  l'évolution  a  fait  pour  Tapparition 
des  premières  espèces  (dites  espèces  mères),  elle  l'a  fait  pour 
toutes.  De  plus,  les  facteurs  de  l'évolution,  la  lutte  pour 
l'existence,  en  divisant  la  masse  des  organismes  primitifs,  en 
limitant  des  groupes,  en  créant  des  filiations  dont  le  terme 
ultime  devait  être  une  espèce,  a  rendu  une  classification 
chose  possible  et  durable. 

Au  dire  des  partisans  de  la  variabilité  de  l'espèce,  un  des 
modes  d'apparition  des  nouvelles  espèces  résulte  de  la 
fixité  que  sont  susceptibles  de  prendre  les  caractères  d'une 
race.  Pour  ce  qui  en  est  de  l'apparition  de  nouvelles  espèces 
par  fixation  des  caractères  hybrides,  les  expériences  de 
Broca  {Mémoiresy  t.  Ill,  p.  482)  nous  enseignent  seulement 
qu'il  faut  un  changement  dans  les  milieux  pour  maintenir  un 
caractère  nouveau  chez  un  hybride  \  elles  ne  nous  montrent 
pas  qu'à  l'état  de  nature  un  caractère  hybride  puisse  au- 
jourd'hui indéfiniment  persister  au  point  de  devenir  la  carac- 
téristique d'une  nouvelle  espèce.  Le  retour  au  type  primilif 
eût  été  indubitable  si,  par  la  mise  en  liberté  de  ces  hybrides, 
on  eût  réalisé  à  nouveau  les  conditions  habituelles  d'exis- 
tence du  lièvre,  car  les  animaux  ne  retire  aucun  avantage 
dans  la  lutte  pour  l'existence  des  caractères  hybrides  que 
confère  la  sélection  artificielle.  A.  R.  Wallace  observe  que 
les  animaux  domestiques  ne  peuvent  fournir  aucune  donnée 


CH.    DU  PASQUIER.  —  DE  LA   FIXITÉ  DE  l'eSPÉGE.  205 

Bur  la  permanence  des  variétés  à  l'état  de  nature  {La  Sélec* 
lion  naturelle^  p.  41 ,  Reinwald).  Revenons  à  la  première  h3rpo- 
thèse. 

Quand  Darwin  dit  que  les  variétés  et  les  races  ne  sont 
que  des  espèces  en  voie  de  formation,  il  veut  dire  par  là  qu'au 
sein  d'une  même  espèce  surgissent,  chez  certains  types,  de 
nouveaux  caractères  qui,  se  reproduisant  de  génération  en 
génération,  deviennent  en  fin  de  compte  l'apanage  exclusif 
d'un  groupe  d'organismes  ;  ce  groupe  constitue  dès  lors  la 
nouvelle  espèce.  Mais  la  condition  sine  gua  non  de  l'apparition 
de  nouvelles  espèces  est  ici  tout  entière  dans  la  variabilité 
de  Tespèce,  c'est-à-dire  dans  la  possibilité  pour  elle  d'ac- 
quérir  les  nouveaux  caractères  qui,  sous  l'influence  des  fac- 
teurs de  l'évolution,  vont  se  fixer  et  servir  à  la  détermination 
d'une  nouvelle  espèce.  Quand  donc  cette  variabilité  sera 
limitée  ou  perdue,  Tapparition  de  nouvelles  espèces  sera  dès 
lors  rendue  plus  difficile  ou  impossible.  Or,  cette  variabilité 
est-elle  infinie?  Est-elle  aujourd'hui  pour  les  êtres  organisés 
ce  qu'elle  était  au  début  de  l'évolution?  C'est  ce  qui  mérite 
d'être  examiné. 

La  variabilité  pour  la  matière  vivante,  c'est  la  possibilité 
pour  elle  de  se  laisser  influencer  et  modifier  morphologique- 
ment par  les  milieux  extérieurs.  De  plus,  la  raison  de  cette 
variabilité  est  tout  entière  dans  les  changements  qui  sur- 
viennent dans  ces  milieux  :  elle  en  est  fonction.  Que  les 
milieux  restent  les  mêmes,  les  caractères  restent  identiques; 
qu'ils  changent,  l'organisme,  dans  les  milieux  où  il  vit,  croît 
et  se  reproduit,  changera  ses  caractères  morphologiques  et 
s'efforcera  de  se  plier  aux  conditions  changeantes  des  milieux. 
L'acquisition  de  nouveaux  caractères  résulte  donc  de  la  varia- 
bilité de  la  matière  vivante  qui  est  susceptible  de  se  modifier 
sous  l'influence  changeante  des  milieux. 

Quelle  est  aujourd'hui  cette  variabilité  ?  Nous  n*en  avons 
présentement  que  peu  de  preuves  dans  les  organismes  où  la 
division  du  travail  est  très  élevée  ;  nous  en  avons,  au  con- 
traire, des  preuves  plus  manifestes  dans  les  êtres  inférieurs 


906  SÉANGB   DU  19  MARS   i891. 

L'hydre  d'eau  douce  en  est  un  exemple  frappant  ;  ne  peat- 
on  pas  retourner  ces  animaux  comme  un  doigt  de  gant,  sans 
que  la  digestion  pour  cela  cesse  de  se  faire,  le  feuillet  externe 
et  interne  devenant  tour  à  tour  le  siège  de  Tabsorption? 
(Tremblay.)  Il  semblerait  donc  que  la  variabilité  est  en  raison 
inverse  de  la  perfection  d'un  organisme  :  plus  la  division  du 
travail  est  avancée,  moins  grande  est  sa  variabilité.  Il  est  en 
ontogénie,  du  reste,  une  preuve  de  ce  fait.  On  sait,  en  effet, 
la  facilité  avec  laquelle  un  œuf  en  voie  de  développement 
peut  subir  des  arrêts  de  développement^  présenter  des  dé- 
viations du  processus  évolutif,  aboutir  à  des  monstruosités. 
(Dareste,  Recherches  9ur  la  production  artificielle  des  mons- 
truosités, 1877).  Les  chances  de  succès  sont  d'autant  plus 
sûres,  que  Tœuf  est  plus  jeune  ;  que  le  développement  de 
Tœnf  dans  la  coquille  soit  presque  complet,  des  changements 
de  formes;  tout  au  moins  appréciables,  ne  peuvent  plus  sur- 
venir. Cet  ordre  de  faits  est  fort  instructif  et  précieux,  non 
seulement  parce  qu'il  nous  montre  le  degré  de  variabilité  des 
formes  aux  diverses  époques  de  leur  développement,  mais 
encore  parce  qu'il  nous  indique,  puisque  Tontogenèse  est 
une  récapitulation  brève  de  la  phylogenèse,  ce  qu*a  été  cette 
variabilité  dans  leur  développement  phylogénique.  Que  té- 
moigne l'existence  d'êtres  à  vie  latente,  oscillante  et  libre  sur 
lesquels  insiste  Cl.  Bernard  (Leçons  sur  les  phénomènes  de  la 
vie  commune  aux  animaux  et  aux  végétaux,  t.  I),  si  ce  n'est  la 
plasticité  plus  grande  des  premiers  organismes?  Tous  les 
êtres  dont  le  degré  d'organisation  est  très  avancé,  Thomme, 
par  exemple,  est,  au  début  de  son  évolution  embryonnaire, 
comparable  à  un  organisme  à  vie  oscillante  ;  il  devient^  lors 
de  son  développement  complet,  un  être  à  vie  indépendante. 
Ne  pouvons-nous  donc  pas  conclure  sans  présomption  qu'au 
début  de  l'évolution,  il  n'existait  que  des  formes  organiques 
simples  et  rudimentaires,  se  pliant  aisément  aux  conditions 
matérielles  d'existence  qui  leur  étaient  imposées?  Elles 
étaient  dociles,  plastiques,  éminemment  variables.  Aujour- 
d'hui, pour  ce  qui  est  des  formes  élevées,  elles  ne  le  sont 


CH.   DU   PA90UIER.   —   DE   LA  FIXITÉ  DE  L*ESPèCE.  207 

que  peu  ou  pas  ;  leur  variabilité  se  trouve  limitée  par  Tétat 
plus  ou  moins  achevé  ou  parfait  de  leur  organisation.  Nous 
voyons  donc  la  variabilité,  condition  nécessaire  à  l'apparition 
de  nouveaux  caractères,  et  par  suite  de  nouvelles  espèces,  se 
trouver  limitée  du  fait  même  de  l'évolution  des  formes  et  de 
Tétat  plus  ou  moins  complet  de  la  division  du  travail.  Voilà 
ce  que  nous  apprend  l'examen  des  faits;  cherchons-en  main- 
tenant la  raison. 

Elle  est  d'abord  dans  l'uniformité  des  milieux,  et  secon- 
dairement dans  les  lois  de  l'hérédité. 

Elle  est  dans  l'uniformité  des  milieux.  Nous  avons  vu  que 
la  raison  même  de  l'acquisition  de  nouveaux  caractères  était 
tout  entière  dans  les  changements  survenant  dans  les  mi- 
lieux extérieurs  ;  l'uniformité  des  milieux^  c'est  le  statu  guo 
dans  le  processus  évolutif  de  la  morphologie  animale.  On 
connaît  les  expériences  de  W.  P.  Edwards  (Influence  des 
agents  physiques  sur  la  vie,  1824,  p.  108  et  suivantes)  sur  les 
têtards  de  grenouilles  :  il  faut  un  changement  dans  les  con- 
ditions d'air,  d'alimentation  et  de  température  où  vit  le 
têtard,  pour  que  cette  forme  évolue  et  aboutisse  à  celle  de  la 
grenouille.  Ceux  qui  naissent  tard  en  été,  la  température 
n'étant  plus  désormais  assez  élevée,  passent  l'hiver  avec  leur 
forme  de  larves,  et  ne  la  perdent  qu'au  retour  de  la  chaleur. 
Des  modiflcations  de  milieux  sont  donc  nécessaires  à  l'appa- 
rition de  nouveaux  caractères  dans  une  espèce,  et  il  faut  que 
des  conditions  nouvelles  soient  maintenues  pour  que  le  ca- 
ractère persiste.  Or^  ces  changements  dans  les  conditions 
d'existence,  les  organismes  les  rencontrent-ils  à  l'état  de 
nature?  Nous  ne  le  croyons  pas. 

L'époque  est  déjà  bien  reculée  où  des  bouleversements 
changeaient  la  surface  du  globe  ;  depuis  longtemps,  les  con- 
ditions climatériques  de  chaque  contrée  semblent  s'être  tou- 
jours maintenues  identiques.  Cette  absence  ancienne  de 
variations  des  milieux  extérieurs  est  déjà  une  preuve  en  faveur 
de  la  pérennité  de  l'espèce  depuis  ces  temps  reculés.  Nous 
pourrions  citer  de  nombreux  exemples  (Wiseman,  traduction 


208  SÉANCE  DU  i9  MARS  1891. 

Nettement,  Discours  swr  la  science  et  la  religion;   Cuvier, 
Discours  sur  les  révolutions  de  la  surface  du  globe).  Mais  sur- 
viendraient même,  aujourd'hui  encore,    des  changements 
appréciables  dans  les  conditions  cUmatériques,  que  nous  ne 
croirions  pas  les  organismes  susceptibles  de  s*y  plier  nouvel- 
lement et  de  s'en  accommoder.  Quand,  dans  une  région,  -sur- 
viennent des  perturbations  atmosphériques,  quand  un  hiver 
se  prolonge  seulement,  nous  voyons  les  espèces  autochtones 
fuir  les  frimas  et  gagner  des  pays  plus  tempérés;  Tinstinct 
est  pour  elles  un  guide  qui  les  oblige  à  quitter  une  contrée 
où  elles  ne  peuvent  vivre  sans  souffrir,  tant  les  parties  d'un 
organisme  sont  spécialement  adaptées  à  des  conditions  dé- 
finies d'existence,  tant  la  vie  des  êtres,  leur  existence  et  leur 
morphologie,  sont  le  résultat  même  des  milieux  sur  la  matière 
organique  ;  l'instinct  ne  serait-il  pas  né  d'une  rupture  de 
Y  équilibre  biologique  (Giard)  des  organismes  ?  Les  changements 
de  climat,  de  nouvelles  conditions  atmosphériques  ne  sem- 
blent donc  plus  avoir  de  prise  aujourd'hui  sur  les  espèces  ; 
elles  s'y  dérobent  ou  souffrent  et  meurent  pour  s'y  être  expo- 
sées. Il  n'est  donc  point  de  raisons  aujourd'hui  pour  qu'à 
l'état  de  nature  de  nouveaux  caractères  individuels  apparais- 
sant dans  une  espèce^  ils  y  soient  maintenus,  pour  qu'en  un 
mot^  il  apparaisse  une  race  et  en  naisse  une  espèce. 

Artiûciellement^  l'homme  peut,  en  isolant  par  la  sélection 
artificielle  un  caractère  individuel^  maintenir  ce  caratère, 
créer  ainsi  des  variétés  et  des  races  ;  c'est  qu'il  impose  et 
perpétue  ces  nouvelles  conditions  d'existence  auxquelles  les 
espèces  ne  sont  pas  naturellement  portées  à  se  soumettre, 
qu'elles  semblent,  au  contraire^  par  leur  natufe^  être  portées 
à  éviter.  Les  races  ne  sont  donc  que  des  produits  artificiels, 
résultat  de  Tindustrie  de  l'homme;  ce  ne  sont  pas  des  résul- 
tats de  la  sélection  naturelle.  Rien  ne  montre  que  les  races 
puissent  se  mainteniren  dehorsde  la  surveillance del'éleveur, 
au  contraire;  jamais  on  n'a  vu  apparaître  de  nouvelles  espèces. 
Les  lapins  de  Porto-Sanlo,  les  chats  duParaguay>les  cobayes 
d'Amérique^  dont  la  morphologie  avait  changé  au  point  que 


CH.   DU   PASQUIER.   •*-  DE  LA  FIXITÉ  D£  l'esPÉCE.  209 

le  résultat  de  leur  accouplement  avec  les  espèces  autochtones 
était  nul,  restaient  précisément  dans  les  conditions  où  est 
placée  une  race  sous  la  surveillance  de  Téleveur;  de  nou- 
velles conditions  d'existence  leur  avaient  été  imposées  par  un 
déplacement  et  maintenues  ;  ce  fut  des  espèces  artificielles, 
et  non  dérivées  d'un  processus  évolutif  naturel.  Seule,  la 
possibilité  pour  l'homme  de  créer  des  variétés  et  des  races 
donne  donc  la  mesure  de  la  variabilité  de  l'espèce.  Mais  cette 
variabilité,  si  tant  est  qu'elle  soit  suffisante  encore  à  l'état  en 
nature  pour  permettre  l'apparition  de  nouveaux  caractères, 
est-elle  égale  à  ce  qu'elle  était,  ou  s'est-elle  limitée  et  tend- 
elle  à  le  faire?  Les  organismes  ont-ils  conservé  la  même 
facilité  à  s'adapter  nouvellement  et  fortuitement  aux  milieux 
extérieurs,  dans  le  cas  où  des  modifications  suffisantes  sur- 
viendraient dans  les  milieux?  C'est  ce  que  nous  verrons  dans 
le  paragraphe  suivant. 

La  raison  de  la  limitation  de  la  variabilité  est  encore  et 
presque  tout  entière  dans  l'hérédité  qui  transmet  intégrale- 
ment les  caractères  des  individus,  et  qui  agit  en  garantissant 
dans  l'avenir,  suivant  la  loi  de  l'hérédité  fixée  ou  constituée 
de  Lamarck,  la  reproduction  des  caractères  acquis. 

Elle  transmet  intégralement  les  caractères  des  individus, 
par  conséquent  le  degré  d'organisation  élevé  qui  limite  la 
variabilité  ;  elle  transmet  les  caractères  suivant  le  mode  de 
l'hérédité  fixée,  c'est-à-dire  que  les  organismes  acquièrent, 
du  fait  même  de  leur  variabilité,  des  caractères  qui  sont  trans- 
mis héréditairement  et  comme  capitalisés.  «  Les  variations 
organiques  produites  dans  chaque  individu  par  l'usage  de 
l'exercice  sont  insignifiantes;  c'est  en  s'accumulant,  en  se 
transmettant,  capitalisées  de  génération  en  génération, 
qu'elles  acquièrent  de  l'importance» ,  dit  Lamarck  ;  et  Hœokel 
trouve  cette  vue  fondamentale  pleine  de  justesse  {ArUhropo^ 
génie ^  p.  58). 

Il  est  de  notion  presque  vulgaire  qu'un  mal  héréditaire, 
la  phtisie,  par  exemple,  est  plus  grave  et  plus  rapidement 

mortelle  que  la  phtisie  acquise;  qu'une  maladie  héréditaire 

T.  n  (4«  siaiB).  14 


iiQ  ÉéAM^  DU  49  MARS   ittl. 

eit toujours  pins  rebeUeàIathénpaiitîqiie(Boii6hiit,Ghoiiid). 
Bâillon  ne  disait-il  pas  :  <i  On  hérite  des  maux  de  ses  parents^ 
coMiaie  on  hérite  de  leors  biens,  et  ce  funeste  héritage  se 
traMmet  d'une  façon  plus  stkre  encore  que  rautre.  »  L*hé* 
redite  est  donc  un  garant  d'autant  plus  sftr  de  la  transmis- 
sion des  caractères,  que  son  action  s'exerce  depuis  plus  long- 
temps ;  elle  n*a  pas  seulement  un  rôle  actif  de  fixation,  mais 
bien  encore  un  rôle  accumulateur.  En  morphologie  générale, 
rhérédiié  c'est  comme  l'habitude  pour  les  choses  de  Fesprit  : 
elle  ne  crée  rien,  elle  forlifie  ;  c'est  la  grande  éducatrice,  la 
grande  idée  de  révolution. 

Quel  a  été  donc  Teffet  de  l'hérédité  sur  la  matière  orga- 
nique, sur  les  organismes  7  Elle  a  limité,  à  un  moment  donné 
de  révolution,  la  variabilité  des  formes,  et  nous  pouvons 
exprimer  ce  fait,  en  disant  que  la  variabilité  est  en  raison 
inverse  de  l'ancienneté  d'action  de  l'hérédité. 

Supposez  l'hérédité  un  être  intelligent  et  libre,  s'effbrçant 
de  û%^  an  caractère  ;  sa  tâche,  au  début,  était  difficile  et 
ardue.  Lamatière  organique  éminemment  souple  et  plastique, 
étant  susceptible  d'acquérir  promptement  et  de  perdre  aussi 
vite  des  caractères  morphologiques  nouveaux,  fut  obligée 
de  profiter  d'une  pause  dans  le  déveLoppement  et  l'accroisse- 
ment des  êtnes;  due  à  une  uniformité  des  conditions  physico- 
chimiques^  pour  fixer  un  caractère,  puis  la  morphologie  d'un 
groupe  entier  d'organismes  ;  l'hérédité  n'avait  que  peu  de 
prise  sur  cette  matière  toujours  en  mouvement,  jamais  à 
l'état  de  repos.  €  eût  été  le  statu  quo  sans  des  changements 
survenus  dans  le  milieu  extérieur.  Mais  parce  que  les  chan- 
gements survinrent,  soit  que  les  organismes  se  déplacèrent, 
soit  que  des  modifications  réelles  eurent  lieu,  le  groupe  prî<- 
mitif  des  êtres  organisés  put,  dès  lors,  être  influencé  diverse- 
ment. Une  partie  seule  fut  soumise  à  des  conditions  de 
milieux  différentes,  tandis  que  celles-ci  étaient  maintenues 
identiques  pour  Tautre  moitié  ou  l'autre  tiers  ;  les  premiers 
seulement  acquirent  de  nouveaux  caractères,  tandis  que 
l'autre  partie  conserva  la  même  morphologie^  car  l'hérédité 


CH.   DU  PASQUIBR.  —  DE  LA  FIXITÉ   DE  L'ESPÈCG.  III 

vigilaaio  profitait  de  ruaiformité  des  milieux  pour  l'établir  : 
ainsi  se  fixa  le  type  I .  Un  type  2,  résultat  de  Tensemble  des 
organismes  pour  qui  les  milieux  changèrent  ;  du  type  3,  in- 
fluencé, dès  lors,  à  la  fa^on  du  groupe  primitif,  sortit  un  type  3. 
Chaque  type  consécutivement  put  faire  souche  ;  d'eux  se  sé- 
parèrent de  nouveaux  groupes,  toujours  par  le  même  mèca* 
nisme,  et  sans  que,  pour  cela,  rancêtre  commun  cessât  de 
persister  en  gardant  toujours  les  mêmes  caractères  fixés  par 
rhérédité.  Grâce  aux  facteurs  de  l'évolution,  les  diverses  fi- 
liations des  organismes  se  différencièrent  de  plus  en  plus, 
rendant  de  jour  en  jour  plus  facile  l'action  de  l'hérédité,  et 
les  organismes,  ne  se  modifiant  plus  que  dans  le  sens  de  leur 
perfectionnement,  sortirent  petit  à  petit  de  leur  phase  de 
variabilité  :  les  espèces  apparurent  alors. 

Cette  action  seule  de  l'hérédité  suffirait  à  prouver  que  les 
espèces  sont  fixes  ;  que  les  races  ne  sont  pas  des  espèces  en 
voie  de  formation  ;  que  les  caractères  des  variétés,  à  Tétat  de 
nature,  n'ont  aucune  stabilité  ;  que  le  retour  à  l'espèce  pa- 
rente doit  s'effectuer  avec  rapidité  et  indubitablement.  La 
variabilité^  qui  s'est  trouvée  restreinte  par  le  perfectionnement 
des  formes,  maintenue  stationnaire  par  l'uniformité  des  mi- 
lieux, s^est  en  même  temps  limitée  et  a  fini  par  disparaître, 
grâce  à  Vaction  de  rhérédité.  Ceci  tendrait  à  montrer  même 
qu*à  rencontre  de  certains  faits,  les  espèces  inférieures,  où 
la  division  du  travail  est  peu  avancée*  sont  fixes  également  ; 
que  d'elles^  pas  plus  que  des  espèces  élevées  en  organisa- 
tion! ne  peuvent  naître  et  se  détacher  de  nouvelles  espèoes. 
Les  formes  ont  été  obligées  de  se  mouvoir  dans  un  cadre  de 
plus  en  plus  restreint,  grâce  à  Taotion  combinée  des  milieux 
extérieurs  et  de  l'hérédité,  cadre  qui  est  ai\jourd*hui  celui  de 
1  espèce,  Les  espèces  varient,  mais  elles  van'&iù  dans  l'espèet, 
sms  en  sfiviir  ;  elles  ne  varient  aujourd'hui  que  pour  se  per- 
fectionner! que  pour  s  adapter  plus  exactement  aux  condi- 
lion»  extérieures.  8'il  semble  exister  encore  des  exceptions, 
fi'iX  n^t  et  apparaît  aujourd'hui  de  nouvelles  espèces,  ce  que 
nwk  ne  croyona  paa^  c*eat  parée  que  Taoliofi  des  deiu(  grande 


3 là  SÉANCE   DU   19   MARS   1891. 

facteurs  en  question  n'est  point  encore  suffisamment  an* 
cienne  ;  quoi  qu'il  en  soit,  si  leur  variabilité  n'est  point  encore 
limitée,  elle  tend  à  le  faire,  et  ces  formes,  un  jour  ou  l'autre, 
entreront  dans  les  limites  d'une  espèce.  Le  résultat  de  l'évo- 
lution est  la  fixité  de  l'espèce.  Étant  donné  donc  que  les  orga- 
nismes sortent  d'eux-mêmes  de  leur  phase  de  variabilité  en 
se  perfectionnant  du  fait  de  la  division  du  travail,  qu'ils  y 
sont  engagés  et  contraints  par  l'action  des  lois  de  l'hérédité 
fixée  et  constituée,  il  est  impossible  de  comprendre  Tappari- 
tion  des  espèces  par  fixation  des  caractères  d'une  race,  ou 
par  maintien  des  caractères  d'individus  hybrides. 

On  voit  donc  que  la  variabilité  de  la  matière  organique 
rencontra  vite,  dans  l'hérédité,  une  force  antagoniste,  et  que 
c'est  néanmoins  de  leur  action  opposée,  du  conflit  de  ces 
deux  forces,  que  sortirent  les  espèces.  Avec  de  la  matière 
organique  vivante,  jeune,  à  peine  organisée,  jouissant  d'une 
très  grande  variabilité,  il  était  réservé  à  l'hérédité^  agissant 
de  concert  avec  les  milieux  extérieurs,  de  grouper,  par  filia- 
tion, des  organismes  divers  et  de  former  les  espèces.  Grâce 
à  elle,  réducation  de  la  matière  organique  est  faite  ;  la  loi 
de  l'accélération  embryogénique  ou  de  l'hérédité  abrégée,  qui 
préside  au  développement  de  certains  êtres,  n'est -elle  pas 
une  preuve  de  la  facilité  et  de  la  sûreté  plus  grande  avec 
laquelle  la  nature  éduquée  reproduit  les  formes,  en  dépit  des 
causes  modificatrices  extérieures  ? 

En  un  mot,  toute  l'évolution,  l'apparition  des  espèces  et 
leur  fixité,  semble  être  résultée  de  ce  fait^  que  certains 
individus  d'un  même  groupe,  à  une  époque  déterminée, 
grâce  à  leur  habitat,  aux  conditions  atmosphériques,  aux 
bouleversements  qui  sont  survenus,  ont  seuls  été  sollicités  à 
modifier  leur  morphologie,  tandis  que  l'autre  partie  du  groupe 
était  maintenue  identique,  grâce  à  Tuniformité  des  milieux, 
leurs  caractères  étant  garantis  ultérieurement  et  fixés  désor- 
mais par  l'action  accumulatrice  de  l'hérédité.  Il  est  certaine- 
ment des  espèces  plus  jeunes  les  unes  que  les  autres  ;  toutes 
ne  sont  pas  sorties  en  même  temps  de  leur  phase  de  variabi- 


CH.    DV   PASQUIER.  —  DE   LA  FIXITÉ  DE  l'esPÉCE.  213 

lité  ;  il  est  probable  que  les  espèces  où  la  division  du  travail 
semble  être  la  moins  parfaite  sont  les  espèces  les  plus  an- 
ciennes. Le  degré  de  perfection  peut  rendre  compte  de  Tâge 
de  chaque  espèce  :  Tamibe  est  plus  ancienne  que  le  ver,  le 
ver  que  le  mollusque,  le  mollusque  que  le  vertébré,  le  mam- 
mifère plus  jeune  que  le  poisson.  A  côté  des  espèces  supé- 
rieures en  organisation  persistent  encore  aujourd'hui  les 
espèces  inférieures,  témoins  des  ébauches,  des  tâtonnements 
de  la  nature,  s'efforçant  toujours  d^élever  la  forme  et  de  la 
perfectionner.  Chacun  des  stades  embryonnaires  parcouru 
dans  son  ontogenèse,  par  une  espèce  plus  parfaite  en  organi- 
sation, est  représenté  par  une  espèce  moins  élevée  et  actuel- 
lement existante  ;  Tontogenèse  reste  la  récapitulation  brève 
de  la  phylogenèse. 

Cette  interprétation  de  l'évolution  permet  de  comprendre, 
croyons-nous,  pourquoi  de  nouvelles  espèces  semblent  ne 
plus  apparaître,  pourquoi  la  confusion  n'existe  pas  dans  le 
règne  organique,  pourquoi  il  y  a  persistance  de  types  infé- 
rieurs, d'organes  rudimentaires  ;  elle  n'ôte,  de  plus,  rien 
à  la  valeur  et  à  la  portée  de  cette  grande  hypothèse  de  l'évo- 
lution, qui  rend  compte  de  tant  de  faits  et  de  phénomènes, 
qui  permettra  et  facilitera  la  solution  probable  de  questions 
encore  obscures  en  anatomie  et  en  biologie  ;  elle  reste  ce 
qu'elle  est,  une  des  plus  grandes  idées  de  l'esprit  humain,  et 
une  des  plus  fécondes.  Pour  nous  seulement,  l'évolution  a 
abouti  à  la  fixité  de  l'espèce  et  à  sa  spécificité,  mieux  encore 
à  la  spécificité  cellulaire  *  ;  elle  a  cessé  avec  Tapparition  de 
l'espèce,  parce  qu'elle  s'est  trouvée  limitée  par  l'action  de 

*  La  spécificité  cellulaire  nous  semble  ainsi  plus  rigoureusement  élublie 
que  dans  la  thèse  de  M.  le  docteur  Hillemand  {SpérificUé  cellulaire  chez 
Vhommê)y  qui  ne  confère  à  l'espèce  qu'une  fixité  relative...  <  La  notion  de 
spécificité  se  tire  de  ce  caractère  évolutif,  d'après  lequel  une  espèce  donnée 
ne  peut  jamais  se  confondre  avec  une  espèce  collatérale  ou  antérieure  n 
(page  21]  ;  mais  dans  l'esprit  de  l'auteur,  d'espèces  anciennes  naissent  tou- 
jours de  nouvelles  espèces.  Ces  espèces  ont  donc  encore  aujourd'hui  suffi- 
samment de  variabilité  pour  acquérir  les  nouveaux  caractères  qui  diffé- 
rencieront l'espèce  fille  de  l'espèce  mère. 


114  SÉANCB  DU   19  MARS   189i. 

deux  de  ses  plus  puissants  facteurs,  la  variabilité  et  Théré* 
dite.  Pourquoi  invoquer  deux  modes  différents  de  rappari** 
tion  des  espèces  ?  La  nature  a-t-elle  cessé  d^étre  égale  à  elle- 
même,  «  toujours  prodigue  d*eflets,  et  avare  de  causes  ». 

M.  Gabriel  de  Mortillet  présente  un  exemplaire  des  Re^ 
cherches  archéologiques  sur  la  Lorraine  avant  rhistoire,  par 
F.  Barthélémy.  Cet  exemplaire  est  offert  par  Tauteur  à  la 
Société.  Il  présente  aussi  des  ossements  du  département  de 
TAisne,  envoyés  par  M.  Moreau. 

M.  LE  PRÉsmENT  dit  que  des  remerciements  seront  adres- 
sés à  MM.  F.  Barthélémy  et  Moreau. 

CANDIDATURES. 

M.  Zblle  sollicite  le  titre  de  membre  de  la  Société  d*an- 
thropologie.  Il  est  présenté  par  MM.  Laborde,  Gapus  et  Le- 
tonmeau. 

COMMUNICATION  DU  BUIUIAU. 

M.  LE  PRÉsmENT  annoncc  que  le  docteur  Verneau  met  à  la 
disposition  des  membres  de  la  Société  des  cartes  dMnvitation 
à  visiter  l'exposition  des  collections  rapportées  de  Mada- 
gascar par  le  docteur  L.  Gatat,  exposition  ayant  lieu  au 
Laboratoire  d'anthropologie  du  Muséum  d'histoire  naturelle. 

M.  Verneau  dit  que  M.  Catat  a  fait  un  voyage  scientifique 
duquel  il  a  rapporté  de  nombreuses  et  intéressantes  collec- 
tions. 

Les  Haporals; 

PAR    M.   LE   CAPITAINE   L.-J.    ZBLLK. 

(Note  lue  par  M.  G.  Gapus.) 

J'ignore  absolument  si  Ton  s'est  occupé  des  Maporais, 
n'ayant  jamais  trouvé  leur  nom  dans  aucune  relation  de 
voyage  ni  autre  livre.  On  aura  probablement  pensé  qu'ils 
n'en  valaient  pas  la  peine. 


2MLLE.   ->  LIS  MAPORAIS.  31B 

Mapor  est  iiii  kampong  (village)  sitoé  sur  ta  frontière  sep- 
tentrionale du  district  de  Soengeiiiat,  avec  ccloi  de  Blinjoe^ 
dans  nie  de  Banka. 

Les  habitants  de  ce  kampong  ne  seraient  pas  orig^nûret 
de  rîie;  mais,  d'après  une  vieille  légende,  représenteraient 
les  descendants  de  Téquipage  d*ane  jonqae  cochinchinoise^ 
qui  a  péri  sur  la  côte  de  Banka,  à  remboachnre  du  Soengei* 
Mapor  (rivière  de  Mapor). 

On  n'a  aucune  donnée  sur  Tépoqne  de  Tarrivée  de  ceitt 
jonque.  L'équipage,  n'ayant  pas  les  moyens  de  retourner  dans 
son  pays,  se  serait  fixé  près  de  la  côte,  dans  le  kampong  da 
Mapor  ;  cependant,  il  n'est  pas  dit  s'ils  ont  fondé  ce  kam« 
pong  ou  non,  et,  en  s'unissant  à  des  femmes  du  pays,  s'ils  ont 
donné  naissance  à  la  tribu  des  Maporaîs  actuels. 

La  supposition  d'après  laquelle  ils  se  seraient  ûxés  dans 
le  kampong  de  Mapor  n'est  peut-être  pas  tout  à  £&ût  exaeie, 
car  autrefois  il  n'y  avait  pas  de  village,  à  proprement  dire^ 
dans  l'île  de  Banka  ;  chaque  famille  allait  demeurer  dans  les 
bois,  sur  son  ladang  (rizière  non  irriguée),  et  changeait  tous 
les  deux  ou  trois  ans  de  domicile,  de  telle  sorte  qu'on  ne  sa- 
vait jamais  trouver  les  personnes  dont  on  pouvait  avoir 
besoin. 

Ce  n'est  qu'après  l'émeute  d'Amir,  en  1850,  qu'on  a  forcé 
la  population  de  quitter  ses  ladangs  et  de  se  réunir  dcms  des 
kampongs,  le  long  des  grandes  routes.  J'ignore  si  Mapor  a 
été  dans  le  même  cas  ou  non. 

La  raison  pour  laquelle  les  Bankanais  préféraient  vivre  sur 
leurs  ladangs,  au  lieu  de  se  réunir  en  communauté^  était, 
outre  la  commodité  qu'ils  trouvaient  d'habiter  là  où  ils  culti- 
vaient leur  riz  en  satisfaisant  ainsi  à  leur  paresse  innée^  la 
peur  des  pirates  ;  car,  jusqu'en  1866,  presque  chaque  année, 
une  flotte  plus  ou  moins  grande  de  ces  hardis  écumeurs  de 
mer  venait,  de  l'archipel  de  Solo  et  de  Mindanao,  dans  l'île 
de  Banka,  pour  enlever  un  plus  ou  moins  grand  nombre  de 
personnes,  surtout  des  femmes  et  desfîUes,  qu'ils  réduisaient 
en  esclavage. 


2f6  SÉANCE  DU  19  MARS  189i. 

Il  est  clair  que,  dans  les  bois,  la  population  était  plus  à 
Tabri  de  ces  invasions  que  dans  les  villages,  étant  donné  que 
le  Bankanais  n'a  pas  le  courage  de  défendre  ni  son  bien^  ni 
sa  personne,  contre  les  attaques  de  qui  que  ce  soit. 

Les  Maporais  ne  ressemblent  pas  beaucoup  aux  Bankanais  ; 
ils  sonl  plus  grands,  d'une  constitution  plus  forte,  plus  éner- 
giques, et,  signe  distinctif,  bien  plus  braves. 

Le  Bankanais  pur  sang  se  nourrit  exclusivement  de  riz, 
noir  ou  rouge,  de  grain  et  de  poisson  ;  il  ne  mange  que  bien 
rarement  de  la  viande,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  bêtes  domes- 
tiques autres  que  les  porcs  des  Chinois,  auxquels  sa  religion 
lui  défend  de  toucher;  ce  n'est  que  quand  il  par\ient  à 
prendre  un  cerf  ou  un  daim,  dans  ses  filets,  qu'il  peut  se 
permettre  le  luxe  de  manger  un  morceau  de  viande. 

Le  Maporais,  au  contraire,  mange  tout  ce  qu'il  peut  se  pro- 
curer: du  sanglier,  du  serpent,  des  grenouilles,  du  crocodile. 
Il  cuit  ou  rôtit  sa  viande  ou  son  poisson,  comme  les  autres 
indigènes,  et  en  mange  autant  qu'il  peut. 

Comme  tous  les  habitants  de  l'archipel  malais,  il  est  d'une 
grande  imprévoyance,  et  ne  fera  jamais  de  provisions  (excepté 
le  riz  qu'il  cultive)  ;  la  mer  et  la  forêt  lui  fourniront,  d'ail- 
leurs, toujours  du  poisson  et  du  gibier  en  abondance. 

Les  substances  enivrantes  et  excitantes  ne  leur  sont  guère 
connues,  à  l'exception  du  tabac,  qu'ils  fument  en  cigarettes 
ou  dans  des  pipes  en  bois  (bambou)  ou  en  métal  ;  ces  der- 
nières sont  de  fabrication  chinoise. 

L'opium,  cette  immense  plaie  des  Orientaux,  est  trop  cher 
pour  la  pauvre  population  de  Banka,  et  surtout  pour  le 
Maporais. 

Le  Maporais  est  beaucoup  moins  sensible  à  la  douleur  phy- 
sique que  les  autres  indigènes  de  l'île. 

Je  ne  saurais  dire  si  les  autres  sens  sont  plus  ou  moins 
développés,  parce  qu'il  est  très  difficile  d'entrer  en  commu- 
nication d  idée  avec  eux  ;  ils  sont  si  peu  développés  qu'ils 
ne  comprennent  pa-^  ce  qu'on  leur  demande.  Ils  diffèrent, 
en  tout  cas,  beaucoup  des  peuples  plus  civilisés',  sous  le  rap- 


ZELLE.   —   LES   HAPORAIS.  247 

port  de  la  sensibilité  olfactive,  car  ils  supportent  les  odeurs 
les  plus  nauséabondes  avec  la  plus  grande  placidité. 

Ils  ne  portent  ordinairement  aucune  espèce  de  parure,  ni 
même  de  vêtements,  à  Texception  d'un  petit  morceau  de 
cotonnade,  ou  même  d'écorce  d'arbre,  en  forme  de  tablier, 
pour  couvrir  les  parties  sexuelles.  Ce  tablier  est  un  peu  plus 
grand  chez  les  femmes  que  chez  les  hommes,  sans  pour  cela 
cacher  beaucoup  leur  nudité.  J'ai  cependant  vu  quelques 
femmes  avec  des  boucles  d'oreille,  et  des  enfants  avec  un 
collier  en  grossières  perles  de  verre  ou  de  coquillages.  Le 
tatouage  n'existe  pas  parmi  eux. 

Ils  n'ont  besoin  d'aucune  déformation  ni  mutilation  pour 
être  laids.  Le  beau  sexe  surtout  est  bien  vilain. 

Ni  danse,  ni  instrument  de  musique,  ne  sont  en  usage 
parmi  eux  ;  ils  ont  cependant  une  espèce  de  chant  monotone 
et  peu  agréable  à  Toreille,  qui  les  aide  à  marcher  en  cadence, 
lorsqu'ils  portent  des  fardeaux  à  plusieurs. 

Comme  les  autres  indigènes  de  Tarchipel,  ils  aiment  leurs 
enfants  et  ne  les  maltraitent  pas  trop,  ni  leurs  femmes  non 
plus,  sans  avoir  pour  cela  une  trop  grande  tendresse  pour 
elles. 

Ils  ont  le  respect  des  vieillards. 

Ce  sont  surtout  les  femmes  qui  portent  les  charges  les  plus 
lourdes  ;  elles  sont,  en  général,  très  recherchées  comme  por- 
teuses de  palanquin,  parce  qu'elles  ont  la  marche  sûre  et 
légère,  et  qu'elles  sont  réellement  infatigables. 

Si  les  Maporais  ont  un  culte  quelconque,  il  doit  être  des 

m 

plus  primitifs,  car  on  ne  s'en  aperçoit  pas  du  tout.  Seuls  des 
indigènes  de  Banka,  ils  ne  sont  pas  musulmans  et  mangent 
du  porc  ;  c'est  pour  cette  raison  qu'ils  sont  généralement 
méprisés. 

J'ignore  s'ils  font  des  sacrifices  ou  des  offrandes,  mais  je 
ne  le  crois  pas.] 

Ils  enterrent  leurs  morts  sans  grandes  cérémonies.  Je  ne 
suis  pas  bien  certain  qu'ils  croient  à  une  vie  future,  mais  ils 
ont  une  certaine  idée  d'un  génie  bienfaisant  ou  malfaisant. 


318  SÉANCE  DU  19  MARS  1891. 

selon  les  oiroonstances.  On  ne  peut  pas  dire  qn'ils  sont  indif- 
férents en  matière  religieuse,  je  crois  plntôt  qu'ils  n'y  pen^ 
sent  pas  du  tout,  car  ils  n'ont  ni  prôtre,  ni  culte,  ni  temple, 
ni  prière. 

Us  vivent  assez  bien  en  famille,  et  s'occupent  de  leurs  en- 
fants pour  les  nourrir.  L'héritage  n'existe  pas,  parce  qu'ils 
ne  possèdent  rien. 

Les  passions  contre  nature  sont  généralement  peu  connues 
des  indigènes  de  Tarchipel  malais.  Quoique  cela  n'ait  an« 
cun  rapport  direct  avec  les  Maporais,  il  est  à  remarquer 
qu'en  général  les  femmes  malaises  et  javanaises  ont  un  sen- 
timent de  pudeur,  je  dirais  plutôt  de  convenance  hygiénique, 
qu'on  ne  rencontre  que  rarement  chez  les  femmes  euro- 
péennes ;  ainsi,  aucune  de  ces  femmes  ne  se  donnera  jamais 
ni  à  son  mari,  ni  même  à  son  amant,  pendant  la  gestation  ou 
l'allaitement,  parce  qu'elles  disent:  «Gela  nuirait  à  mon  en- 
fant. » 

Quoique  la  polygamie  soit  légalement  permise  à  la  popu- 
lation de  la  Malaisie,  elle  n'est  guère  pratiquée  que  par  les 
riches,  qui  ne  sont  pas  nombreux  ;  le  couli  ou  le  petit  cultiva* 
teur  ne  peut  pas  se  permettre  le  luxe  de  nourrir  plus  d'une 
femme  ;  il  en  est  de  même  des  Maporais. 

Si  les  filles  à  marier  manquent  dans  son  village,  le  Mapo- 
rais trouve  difficilement  une  compagne,  non  seulement  parce 
qu'il  est  trop  pauvre  pour  payer  une  dot,  mais  plutôt  parce 
qu'il  est  méprisé  comme  kafir,  qui  mange  des  bêtes  impures. 
Il  est  donc  bien  forcé,  s'il  veut  se  marier,  d'enlever  une 
femme  ou  une  fille  d'un  autre  village,  ce  qui  n'entraîne  ordi- 
nairement pas  des  conséquences  bien  funestes,  parce  que  le 
Bankanais  est  trop  lâche,  soit  pour  venger  son  honneur,  soit 
pour  défendre  ou  reprendre  sa  fille  à  son  ravisseur.  Je  dois 
ajouter  que  ces  femmes  se  trouvent  rarement  malheureuses, 
et  qu'elles  ne  réclament  pas  trop  contre  la  violence  qu'elles 
ont  eu  à  subir. 

L'esclavage  étant  aboli  aux  Indes  néerlandaises,  depuis  le 
1*' janvier  1860,  il  n'y  a  donc  plus  d'esclaves  à  Banka. 


Z8LLE.    —  LES  MAPORAII.  319 

Les  rapports  des  Maporais  avec  les  représentants  dn  gou- 
vernement sont  des  plus  faciles  ;  ils  exécutent  les  travaux 
qu'on  leur  ordonne  de  faire,  et  payent  les  impositions,  de 
manière  qu'ils  ne  donnent  jamais  lieu  à  des  plaintes  sé- 
rieuses. 

Gomme  leur  nombre  ne  dépasse  pas  quelques  centaines, 
ils  se  connaissent  tous  par  leurs  noms,  et  n'ont  donc  besoin 
ni  d'un  n  totem  »,  ni  de  signe  de  reconnaissance. 

Us  n'ont  pas  d'autre  industrie  que  la  chasse,  la  pèche  et  la 
culture  des  ladangs. 

Il  servent,  la  plupart  du  temps,  comme  porteurs  de  palan- 
quin. 

Par  ladang,  on  entend  les  rizières  non  irrigables,  qui  dé- 
pendent uniquemeut  de  la  pluie.  Pour  établir  les  ladangs,  on 
coupe  les  broussailles  et  les  arbres  qui  ne  sont  pas  trop  gros 
sur  une  étendue  voulue  ;  on  laisse  sécher  ce  bois  coupé  pen- 
dant quelques  mois,  puis,  après  y  avoir  mis  le  feu  quelques 
jours  avant  les  premières  pluies^  on  sème  le  riz  dans  lés 
cendres  refroidies.  Si  la  pluie  vient,  et  qu'il  plaise  à  Allah, 
on  aura  une  abondante  moisson  d'un  riz  qui  n'est  pas  si 
appétissant,  mais  bien  plus  nutritif,  que  celui  que  l'on  récolte 
dans  les  rizières  irrigables  {sawa). 

L'inconvénient  de  cette  culture  est,  outre  le  pénible  tra- 
vail de  couper  le  bois,  une  destruction  déplorable  souvent 
de  grandes  étendues  de  bois  précieux  pour  ne  récolter,  en 
somme,  que  quelques  sacs  de  riz.  Par  suite,  le  pays  se  dé- 
boise, et  les  pluies  deviennent  plus  rares  et  moins  abon- 
dantes. 

Le  gouvernement  a  déjà  essayé  d'introduire  la  culture  des 
sawa  à  Banka;  mais  on  a  commis  la  faute  de  ne  pas  défendre 
l'établissement  des  ladangs  une  fois  pour  toutes,  ce  qui  au- 
rait naturellement  coûté  de  l'argent,  parce  qu'il  aurait  fallu 
importer  du  riz  et  le  fournir  à  un  prix  au-dessous  du  prix  de 
revient,  pendant  au  moins  trois  ans. 

En  fait  d'animaux  domestiques,  le  Maporais  a  quelques 
poules^  et  quelquefois  un  chien. 


220  SÉANCE   DU    \d  MARà  189f. 

Pour  la  pêche,  ils  se  servent  de  la  ligne  et  d'un  filet  tri- 
coté par  eux-mêmes. 

La  chasse  au  sanglier  est  faite  au  moyen  de  fosses  cachées 
et  recouvertes  légèrement^  dans  lesquelles  on  place  un  appât 
quelconque.  Les  cerfs  sont  pris  dans  de  grands  filets  en  jonc. 

Gomme  armes,  ils  ont  tout  au  plus  une  lance  à  pointe  de 
fer  et  un  parang^  espèce  de  sabre  court,  qui  leur  sert  en  même 
temps  d'arme  et  d'instrument  pour  couper  le  bois.  Us  con- 
naissent bien  les  armes  à  feu,  mais  n*ont  pas  les  moyens  de 
s'en  procurer. 

Excepté  le  crocodile,  il  n'y  a  pas  d'animaux  carnassiers  à 
Banka. 

Gomme  indice  de  civilisalion  naissante,  j'ai  vu  un  Mapo- 
rais  allumer  une  cigarette  avec  une  allumette  chimique,,  qui 
prenait  feu  tout  de  suite. 

Us  se  servent  de  la  poterie  de  Palembang,  qui,  sans  être 
artistique,  est  très  bonne  ;  ils  ont  aussi  quelquefois  des  tasses 
en  grossière  faïence  chinoise  ;  mais,  la  plupart  du  temps^  leurs 
vases  pour  contenir  les  liquides  sont  des  calebasses  ou  des 
noix  de  coco. 

De  tous  les  habitants  de  la  Malaisie,  le  Bankanais  est  cer- 
tainement le  plus  paisible^  et  le  Maporais  n'est  guère  plus 
belliqueux,  quoique  plus  brave. 

Les  habitations  sont  de  misérables  cabanes,  construites  sur 
pilotis,  à  1  mètre  au  plus  au-dessus  du  sol  ;  les  membrures 
sont  faites  de  perches  plus  ou  moins  droites,  coupées  dans  la 
forêl,  et  les  murs  sont  en  écorce  d*arbre  ;  la  toiture  est  cou- 
verte en  aiap  ou  feuilles  de  nipa,  une  espèce  de  palmier  nain 
qui  croît  dans  les  marais. 

Gomme  meubles,  ils  ont  un  àali'balt\  espèce  de  canapé  en 
bambou,  qui  sert  de  couchette  ;  ils  ont  bien  aussi  un  coussin 
de  feuilles  sèches,  rarement  du  kapok  (coton  naturel),  qui 
croit  cependant  en  abondance  à  Banka. 

Gomme  ils  ne  portent  aucune  espèce  de  vêtement,  M.  Sin- 
ger, de  New-York,  n*a  pas  encore  trouvé  bon  d'établir  une 
succursale  à  Mapor. 


MANOUVRIER.    -^   SUR  LA   DÉTERMINATION  DE  LA   TAILLE.     2St 

Le  seul  moyen  de  transport  en  usage  est  de  porter  le  far- 
deau, suspendu  sur  Tépaule,  aux  deux  bouts  d'un  bambou. 

Etant  continuellement  en  contact  avec  la  civilisation  rela- 
tive, par  laquelle  ils  ne  se  laissent  cependant  pas  entamer^  ils 
ont  appris  à  connaître  la  valeur  de  l'argent  monnayé. 

Quant  à  leur  mémoire  et  à  leurs  facultés  imaginatives,  je 
puis  dire  seulement  qu'ils  sont  extrêmement  bornés.  Je  ne 
sais  s'ils  sont  observateurs^  car  on  ne  s'en  aperçoit  jamais 
par  une  remarque  quelconque  qu'ils  pourraient  faire.  Il  n'y 
a  ni  fou,  ni  idiot,  ni  goitreux  parmi  eux. 

Leur  langue  est  la  même  que  celle  des  autres  indigènes  de 
Banka,  c'est-à-dire  un  bien  mauvais  malais.  Je  n'ai  jamais 
pu  apprendre  s'ils  ont  gardé  quelques  mots  cochinchinois 
dans  leur  langue,  ce  qui  serait  une  preuve  de  la  vérité  de 
la  légende. 

Il  y  en  a  qui  savent  compter  jusqu'à  dix  sur  les  doigts; 
mais  pour  ajouter  un  nombre  à  un  autre,  et  en  faire  une 
somme,  ils  n'y  parviennent  jamais.  Ainsi^  par  exemple,  un 
Maporais  doit  recevoir  quatre  fois  quatre  cents,  alors  qu'il 
n'accepterait  jamais  seize  cents  ;  il  faut  lui  donner  quatre  tas 
de  quatre  cents  chacun  pour  le  contenter.  Quoique  je  me 
sois  souvent  donné  beaucoup  de  peine  pour  leur  faire  com- 
prendre que  2  et  2  font  4,  je  n'y  suis  jamais  parvenu. 

Aucun  Maporais  ne  saurait  se  figurer  quelque  chose,  en 
dehors  de  son  rayon  visuel^  non  pas  qu'il  se  refuse  à  croire  à 
l'existence  d'autres  contrées  que  la  sienne,  mais  son  imagi- 
nation ne  va  pas  jusque-là. 

Snr  la  déterminatioii  de  la  taille 
4'aprèa   les   ••    longs   des   membres; 

PAR   M.    LB  DOCTEUR   L.    MANOUVRIBR. 

Ce  travail  est  renvoyé  aux  Mémoires  de  la  Sociité, 


m  6ÊA1IGB  DU  19  VARB  iMl. 


Sotte  4e  la  dlseaselen  eor  le  flilble  •eerelesemeiit 
de  la  popolatlen  en  Franee. 

M.  Fauvelle.  Il  est  un  fait  digne  de  remarque  c'est  que, 
dans  cette  enceinte  aussi  bien  qu'ailleurs,  toutes  les  per- 
sonnes qui  ont  parlé  de  la  diminution  de  la  natalitéi  démo- 
graphes, médecins,  hygiénistes,  tous  ont  traité  la  question 
uniquement  au  point  de  vue  économique,  absolument  comme 
sll  s'agissait  de  l'attraction  qui  entraine  la  population  des 
campagnes  vers  les  grandes  villes.  Personne  ne  semble  avoir 
osé  aborder  le  côté  physiologique  qui,  cependant,  comme  je 
crois  l'avoir  démontré,  peut  seul  nous  permettre  d'apprécier 
sainement  le  danger  qui  nous  est  signalé,  et  nous  conduire  à 
la  découverte  des  moyens  capables  de  le  conjurer. 

Bn  effet,  Téconomie  sociale  est  une  science  que,  comme  la 
médecine^  chacun  croit  savoir  sans  l'avoir  jamais  apprise. 
La  Société  se  trouve-t-elle  atteinte  de  quelque  mal,  chacun 
arrive  avec  son  remède,  sa  panacée  meilleure  que  toutes  les 
autres.  On  croirait  entendre  ces  matrones  qui  assiègent  le 
lit  d'un  malade,  ordonnant,  pronostiquant  et  n*bésitani  pas 
à  critiquer  Tordonnance  du  médecin  avec  un  sérieux  vrai- 
ment comique.  £t  puis,  comment  traiter  en  public  un  sujet 
que  dès  le  jeune  âge  on  est  habitué  à  regarder  comme  incon- 
venant et  malpropre!  Toujours  est-il  que  ce  côté  de  la  ques- 
tion, malgré  son  importance,  parait  avoir  été  écarté  comme 
trop  scabreux. 

Je  crois,  néanmoins,  nécessaire  d'essayer  encore  de  rame- 
ner la  discussion  sur  son  véritable  terrain,  celui  de  la  phy- 
siologie, car  jusqu'ici,  malgré  le  talent  déployé  par  les  divers 
orateurs^  elle  ne  nous  a  fourni  aucune  indication  susceptible 
d'être  sérieusement  mise  en  pratique.  Résumons  d'abord  les 
points  acquis. 

Le  ralentissement  prononcé  que  subit  depuis  une  quaran- 
taine d'années  l'accroissement  de  la  population  de  la  France, 
a  pour  cause  à  peu  près  unique  la  diminution  de  la  natalité. 


DISCUSSION   SUR  LA  NATALITÉ  E!f  FRANGE.  333 

G^esi  un  fait  indéniable,  que  les  nombreux  documents  démo* 
graphiques  qui  nous  ont  été  fournis  ont  amplement  démon- 
tré ;  il  n*y  a  plus  à  y  revenir.  Un  autre  point  qui  paraît 
également  bien  établi,  c'est  que  le  chiffre  restreint  de  la 
procréation  est  le  résultat  d'une  abstention  volontaire.  Enfin, 
cette  abstention  s'observe  presque  uniquement  dans  la 
classe  moyenne,  dont  la  préoccupation  principale  est  de 
constituer  un  capital  pour  la  famille.  En  effet,  chez  les  ou* 
vriers,  qui  ne  pensent  guère  à  capitaliser,  les  enfants  sont 
suffisamment  nombreux. 

Il  est  très  probable  que^  dans  tous  les  temps  et  chez  tous 
les  peuples,  la  classe  capitalisante  s'est  comportée  d'une 
façon  analogue  ;  mais  tant  qu'elle  reste  peu  nombreuse, 
comme  il  est  arrivé  chez  nous  depuis  la  constitution  de  la 
nationalité  française  jusque  dans  ces  derniers  temps,  les 
effets  de  sa  stérilité  relative  sur  la  natalité  générale  sont 
peu  marqués.  Il  n'en  est  plus  de  même  lorsqu'elle  prend 
une  grande  extension.  C'est  précisément  ce  que  l'on  observe 
aujourd'hui  en  France,  où  la  fortune  publique  a  pris,  depuis 
bientôt  un  demi-siècle,  un  développement  d'une  importance 
dont  on  ne  trouverait  peut-être  pas  d'exemple  dans  les  an- 
nales de  l'humanité.  Actuellement,  l'abondance  des  capitaux 
disséminés  dans  une  fouie  de  mains  a  plus  que  décuplé  la 
petite  bourgeoisie  aux  dépens  de  la  classe  ouvrière  qui  vit 
au  jour  le  jour.  C'est  cette  aisance  du  plus  grand  nombre 
qui  donne  chez  nous  une  importance  relativement  moindre 
aux  questions  sociales,  et  qui  a  permis  à  la  forme  républi* 
caine  du  gouvernement  de  s'établir  d'une  manière  durable. 
Mais,  par  contre^  dans  la  crainte  de  perdre  le  bien  acquis, 
tous  ces  petits  capitalistes  limitent,  autant  qu'ils  le  peuvent, 
le  nombre  de  leurs  héritiers. 

Qu'une  catastrophe  nationale  survienne^  la  plupart  retom* 
beront  dans  la  masse  des  prolétaires,  et  nous  verrons  peut» 
être  revenir  les  temps  prolifiques  de  l'ancien  régime,  où, 
suivant  Buffon,  trois  mariages  donnaient  en  province  dix>» 
biul  enCants  et  douze  à  Paris  (Prohiimu  de  la  vtîe,  (SuvreSi 


2i4  SÉANCE  DU  19  MARS  1891. 

t.  X,  p.  519).  Ce  sont  sans  doute  ces  considérations  qu'ont 
en  vue  certains  esprits  éclairés  qui  pensent  qu'on  a  tort  de 
se  préoccuper  du  nombre  restreint  des  naissances.  Mais  Tob- 
servation  des  animaux  nous  apprend  que  la  diminution  de 
la  fécondité  est  le  signe  de  Tabàtardissement  d*une  race  et 
Tannonce  de  son  exlinclion  prochaine.  11  faut  donc  nous 
garder  de  cet  optimisme  dangereux,  et  répondre  au  cri  de  dé- 
tresse parti  de  tant  de  bouches  autorisées. 

La  question  se  trouvant  ainsi  circonscrite,  il  s'agit  de  spé- 
cifier pourquoi  la  classe  moyenne  peut  parvenir  à  entraver 
une  fonction  instinctive  qui,  normalement,  domine  la  vo- 
lonté^ et  de  rechercher  quels  sont  les  moyens  susceptibles 
de  Tempêcher  de  s'abstenir. 

Certainement,  dans  la  situation  actuelle,  il  n'est  pas  inu- 
tile de  s'efforcer  de  diminuer  la  mortalité.  La  vie  humaine 
devenant  rare,  il  est  prudent  de  l'économiser.  Il  n'est  pas 
non  plus  douteux  que  cette  partie  du  problème  puisse  être 
utilement  abordée  dans  cette  enceinte  ;  mais  je  pense  qu'elle 
est  plutôt  du  ressort  de  la  médecine  publique,  et  pour  que 
l'intervention  des  anthropologistes  soit  efficace,  nous  devons 
la  diriger  sur  les  véritables  causes  de  la  diminution  de  la 
natalité  et  sur  les  moyens  d'y  remédier. 

Dans  une  première  communication,  je  crois  avoir  établi 
que  l'éducation  des  enfants  de  la  classe  moyenne  était  très 
défectueuse,  surtout  au  point  de  vue  de  la  reproduction  de 
l'espèce,  et  que  raffaiblissement  de  l'instinct  génésique 
qui  en  résulte  laisse  le  champ  libre  à  toutes  les  considérations 
qui  militent  contre  la  constitution  d'une  famille  nombreuse. 
Je  ne  reviendrai  pas  sur  ces  considérations  qui  n'ont  qu'une 
importance  secondaire  ;  mais,  pour  confirmer  ma  thèse,  je 
vais  aujourd'hui  montrer  par  quel  mécanisme  physiologique 
elles  arrivent  à  vaincre  l'instinct  génésique  plus  ou  moins 
affaibli. 

Cet  instinct,  comme  je  l'ai  exposé,  comprend  deux  parties 
bien  distinctes  :  l'attraction  des  denx  sexes  l'un  pour  l'autre, 
résultat  de  l'affinité  réciproque  des  éléments  mâle  et  femelle, 


DISCUSSION   SUR   LA    NATALITÉ  EN   FRANCE.  225 

et  la  conjonction  des  organes  sexuels,  qui  se  trouve  sous  la 
dépendance  du  centre  génital  de  Taxe  médullaire  dont  Tac- 
tion  est  réflexe,  c'est-à-dire  indépendante  de  la  fonction  céré* 
brale. 

J'ai  peu  de  choses  à  dire  sur  le  premier  point.  Les  causes 
de  Téloignement  des  sexes  sont  rarement  d'ordre  purement 
intellectuel  ;  il  faut,  le  plus  souvent,  qu'il  s'y  joigne  un  ob- 
stacle matériel,  ou  que  la  production  des  éléments  sexués 
soit  languissante  et  leur  constitution  débile.  En  d'autres 
termes,  cet  éloignement  est  le  résultat  de  la  claustration  ou 
de  la  maladie.  Certainement,  le  défaut  d'union  des  sexes  con- 
tribue à  la  diminution  de  la  natalité,  mais  dans  des  propor- 
tions relativement  minimes. 

Le  plus  souvent,  comme  dans  le  cas  de  mariage,  les  sexes 
se  rapprochent  librement,  et  Tacte  génésique  en  est  la  con- 
séquence naturelle.  Voyons  comment,  malgré  son  caractère 
impulsif  indéniable,  il  peut  être  interrompu  de  manière  à 
empêcher  la  fécondation. 

Chez  tous  les  animaux  dont  le  cerveau  est  intact,  les  ré- 
flexes médullaires  sont  conscients,  c'est-à-dire  que  les  hémi- 
sphères cérébraux  perçoivent  les  excitations  sensorielles  qui 
mettent  en  jeu  ces  réflexes,  ainsi  que  les  mouvements  qui  en 
sont  la  conséquence.  En  effet,  le  système  nerveux  forme  un 
ensemble  dont  toutes  les  parties  sont  connexes,  c'est-à-dire 
que  les  différents  centres  dont  il  est  composé  sont  reliés 
entre  eux  par  des  filets  conducteurs,  qui  permettent  à  Tin- 
flux  nerveux  de  se  porter  de  l'un  à  l'autre  suivant  les  besoins 
du  moment;  de  telle  sorte  que,  lorsque  l'un  d'eux  fonctionne 
avec  énergie,  tous  les  autres  sont  forcément  dans  un  repos 
relatif.  11  n'est  pas  besoin  d'être  un  physiologiste  de  profes- 
sion pour  se  rendre  compte  de  ces  particularités.  Tout  le 
monde  sait  que,  dans  l'état  d'équilibre  physiologique,  après 
un  repas  copieux,  l'organisme,  absorbé  par  la  digestion,  est 
impropre  à  tout  autre  travail  important,  et  que  si  alors  une 
excitation  violente  survient  d'un  autre  côté,  il  peut  en  ré* 
sulter  une  indigestion,  faute  d'une  quantité  suffisante  d'in- 

T.  II  (4*  Série).  15 


216  séANCE  nu  19  MARS  489(, 

flux  nerveux  dans  les  centres  gastriques.  De  raème,  lorsque 
1q  eentre  génital  est  en  action  chess  qn  sujet  vigoureux,  tout 
travail  intellectuel  ou  autre,  si  minime  qu'il  soit,  ne  peut 
avoir  lieu.  Mais  cette  action  peut  être  interrompue  par  une 
douleur  violente,  physique  ou  intellectuelle. 

Dans  rélat  normal,  chaque  centre,  travaillant  h  son  tour, 
laisse  les  autres  se  reposer,  et  il  en  résulte  un  état  d'équi- 
libre qui  constitue  la  santé,  Mais  cet  équilibre  est  rompu  si 
Tun  d'eux  est  trop  souvent  en  action.  Les  gros  mangeurs 
sont  impropres  à  tout  travail  intellectuel  un  peu  compliqué; 
de  même  ceux  qui  se  livrent  à  des  excès  vénériens  voient 
toutes  leurs  autres  fonctions  languir.  Par  contre,  si  l'un  des 
centres  dont  nous  parlons  présente  une  faiblesse  congénitale 
ou  acquise,  ses  excitants  normaux  ne  sont  plus  en  mesure 
d'y  appeler  une  quantité  d'influx  nerveux  suffisante  pour 
imposer  aux  autres  le  repos  relatif  dont  je  parlais  tout  à 
l'heure;  alors  son  action  est  facilement  entravée,  et  la  fonp- 
tion  à  laquelle  il  préside,  souvent  interrompue. 

C'est  précisément  ce  qui  arrive  au  centre  génital  des  deux 
sexes,  dans  les  ménages  aisés  que  j'ai  dépeints  lors  de  ma 
première  communication.  Alors  la  fonction  cérébrale,  c'est- 
à-dire  les  diverses  considérations  économiques  ou  autres  qui 
sont  la  préoccupation  habituelle  des  époux,  suffit  pour  in- 
terrompre l'acte  réflexe,  et  la  fécondation  n'a  pas  lieu. 

Quoi  qu'on  en  ait  dit,  ces  considérations  ne  peuvent  donc 
être  regardées  comme  la  cause  réelle  de  la  diminution  de  la 
natalité.  Lorsque  le  centre  génésique  a  toute  sa  vigueur, 
elles  ne  se  présentent  à  l'esprit  que  lorsqu'il  n'est  plus  temps. 
Il  en  est  de  même  lorsqu'un  repas  succulent,  arrosé  de  quel- 
ques verres  de  vin  généreux,  vient  la  lui  rendre  momenta- 
aément. 

L'exposé  physiologique  qui  précède  nous  explique  l'inutilité 
de  toutes  Icd  lois  fiscales  ou  autres,  à  l'aide  desquelles,  à  dif- 
férentes époques,  on  a  prétendu  remédier  à  1%  diminution 
d^  la  natalité,  et  que  l'on  propose  de  rééditer  aujourd'hui. 

Lorsque  la  puissance  prolifique  des  animai»  domotiques 


DISCUSSION   SUR  LA  NATALITÉ   EN  FRANCE.  9^ 

reproducteurs  diminue,  les  éleveurs  ne  se  perdent  pas  comme 
nous  en  conjectures  plus  ou  moins  bizarres  ;  ils  les  soumet- 
tent immédiatement  h  un  régime  hygiénique,  susceptible  de 
la  ranimer;  puis,  l'équilibre  des  fonctions  une  fois  rétabli, 
ils  mettent  les  sexes  en  présence  à  un  âge  où  la  force  génô- 
sique  est  dans  toute  sa  puissance,  et  le  succès  couronne  leurs 
efforts. 

La  question  de  la  natalité  est,  en  réalité,  du  ressort  de  la 
zootechnie,  bien  plutôt  que  de  la  science  économique. 

En  d'autres  termes,  si  nous  voulons  remédier  sérieuse- 
ment au  mal  qui  nous  est  signalé,  il  faut  mettre  les  repro- 
ducteurs dans  des  conditions  physiologiques  normales,  con- 
sacrer l'union  des  sexes  à  un  âge  où  la  fonction  génésique 
est  exubérante,  et  ne  pas  attendre  que  Torgane  cérébral  ait 
acquis,  par  les  progrès  de  Tâge  et  les  circonstances  de  la 
vie,  une  prépondérance  fâcheuse  sur  les  centres  médullaires. 
Pour  donner  à  ceux-ci  tout  le  développement  qu'ils  compor- 
tent, le  meilleur  moyen  est  d'entretenir  l'activité  musculaire 
des  membres  par  des  exercices  variés,  soutenus  par  une  ali- 
mentation suffisamment  abondante,  et  renoncer  à  cette  espèce 
de  stabulation  qui  maintient  d  une  manière  presque  conti- 
nue l'enfance  et  la  jeunesse,  soit  dans  les  études,  soit  dans 
les  ateliers,  soit  dans  les  bureaux. 

Depuis  1870,  la  nation  paraît  être  entrée  dans  cette  voie. 
Elle  poursuit,  il  est  vrai,  un  autre  but  que  celui  dont  il  s'agit 
ici  ;  mais  peu  importe,  si  cette  voie  nous  y  conduit.  En  effet, 
les  sociétés  de  gymnastique  et  d^exercices  militaires  se  sont 
multipliées  sur  toute  l'étendue  du  territoire,  et  le  tout  est 
couronné  par  le  service  obligatoire  qui,  réduit  à  trois  ans, 
suffit  pour  faire  de  nos  enfants  des  hommes  solides,  sans  les 
transformer  en  traîneurs  de  sabre.  Cette  brièveté  du  séjour 
à  l'armée  a,  en  outre,  l'avantage  de  permettre  le  mariage  à 
un  âge  où  Tacto  reproducteur  est  le  plus  efficace.  En  un  mot, 
cette  éducation  tepd  à  donner  aux  centres  nerveux  spinaux 
une  activité  qui  doit  arriver  à  les  soustraire  à  la  domination 
du  centre  cérébral. 


338  Sl^ANCR   DU   19   MARS    1891. 

Malheureiisemenl,  celte  transformation  salutaire  ne  s'ob- 
serve que  chez  le  sexe  mâle;  les  filles  y  sont  restées,  jusqu'ici, 
complètement  étrangères. 

En  effet,  comment  pourrait-il  en  être  autrement,  lorsque 
l'éducation  de  la  plupart  d'entre  elles  est  confiée  à  des 
congréganistes,  qui  n'ont  d'autre  préoccupation  que  d'ef- 
facer chez  la  femme  tout  ce  qui  caractérise  son  sexe  ?  Aussi 
les  épouses  que  Ton  nous  accorde  sont-elles,  le  plus  souvent, 
peu  propres  à  la  reproduction,  et,  pour  comble,  comme  je 
l'ai  déjà  fait  remarquer,  elles  sont  appelées  à  jouer  dans  le 
ménage  un  rôle  prépondérant. 

Si  donc  on  veut  arrêter  la  diminution  progressive  de  la 
natalité,  il  faut  soigner  l'éducation  physique  des  filles.  Toutes 
celles  qui  apportent  en  mariage  une  santé  robuste  et  des 
fonctions  génésiques  bien  normales,  sont  mères  de  trois  ou 
quatre  enfants  avant  trente  ans,  pour  peu  que  le  mari  ne  soit 
pas  trop  étiolé. 

A  ce  propos^  il  est  un  point  sur  lequel  je  veux,  en  termi- 
nant, appeler  l'attention  :  c'est  la  tendance  que  Ton  a  au- 
jourd'hui, sous  prétexte  de  philanthropie,  à  vouloir  refaire 
la  constitution  de  tous  les  sujets  défectueux  qui  naissent  avec 
une  tache  originelle.  Les  communes,  les  départements  et 
même  l'État,  ne  reculent  devant  aucun  sacrifice  pour  con- 
struire à  grands  frais  de  vastes  sanatoriums  plus  ou  moins 
luxueux,  où  toutes  sortes  de  soins  sont  prodigués  à  une  masse 
d'avortons  issus  d'une  souche  dégénérée.  Mais  on  a  beau 
faire,  quels  que  soient  les  succès  apparents  obtenus,  on  ne 
refait  pas  leur  constitution,  et  Ton  dote  la  société  de  repro- 
ducteurs détestables  qui  vont  semer  partout  la  scrofule,  la 
phtisie  et  tous  les  autres  stigmates  de  la  dégradation  d'une 
race. 

Puisqu'il  s'agit  ici  en  réalité  de  zootechnie,  a-t-on  jamais 
vu  un  éleveur  dépenser  son  temps  et  son  argent  à  vouloir 
transformer  en  sujets  robustes  la  partie  la  plus  débile  de  son 
troupeau  ?  Non  ;  il  sait  bien  que  ce  serait  en  pure  perte. 

Certainement,  dans  l'état  actuel  de  Ja  civilisation,  il  ne  faut 


DISCUSSION  SUR   LA  NATALITÉ   EN   FRANCE.  229 

pas  songer  à  se  débarrasser  brutalement  des  sujets  défec- 
tueux ;  mais  la  société  doit  les  négliger  pour  reporter  toute 
sa  sollicitude  sur  la  partie  saine  de  la  population,  et  aban- 
donner aux  familles  les  soins  à  donner  à  ces  êtres  tarés  qui, 
quoiqu'on  fasse,  figureront  toujours  au  passif  de  la  nation. 

En  résumé,  la  diminution  des  impôts,  si  considérable  qu'elle 
puisse  être,  n'arrivera  jamais  à  entraîner  les  ménages  pru- 
dents à  avoir  beaucoup  d'enfants.  Leur  fournirait-on  d'em- 
blée le  capital  auquel  ils  aspirent,  ces  mauvais  reproducteurs 
trouveront  toujours  d'autres  prétextes  pour  légitimer  leurs 
fraudes.  Le  mari  serait-il  plein  de  bonne  volonté,  la  femme, 
que  les  questions  économiques  touchent  peu,  saura  toujours 
le  mettre  à  la  raison  pour  les  motifs  personnels  que  j'ai 
énumérés. 

La  question  de  la  natalité  est  d'ordre  purement  physiolo- 
gique,  et  c'est  à  la  physiologie  qu'il  faut  demander  les 
moyens  propres  à  remédier  à  son  ralentissement.  S'engager 
dans  toute  autre  voie  serait  aller  à  un  insuccès  certain. 

M.  Cher  VIN.  Nous  avons  eu  le  plaisir  d'entendre  une  très 
intéressante  communication  de  M.  Jacques  Bertillon  sur  les 
causes  de  la  dépopulation  de  la  France. 

Je  suis  heureux  d'être  d'accord  avec  mon  savant  ami  sur 
les  grandes  lignes,  mais  je  vous  demande  la  permission  de 
faire  quelques  réserves  sur  certains  points  que  j'ai  de  la 
peine  à  accepter. 

Et  d'abord,  voyons  les  points  sur  lesquels  l'accord  est  com- 
plet. 

M.  Bertillon  affirme  avec  moi  que  la  principale  cause  de  la 
faiblesse  de  notre  natalité  est  chose  voulue,  préméditée  par 
les  époux  qui  limitent,  à  leur  gré,  le  nombre  de  leurs  enfants. 
M.  Bertillon  a  accepté  la  démonstration  que  j'ai  faite  du  rôle 
primordial  joué  par  l'état  de  fortune  des  époux  qui  sont 
d'autant  plus  portés  à  limiter  le  nombre  de  leurs  enfants,  que 
leur  condition  de  fortune  se  rapproche  davantage  de  l'ai- 
sance et  même  de  la  richesse.  Je  le  remercie  de  l'adhésion 
qu'il  a  bien  voulu  donner  à  ma  thèse,  et  j'espère  maintenant 


930  SÉANCE  DU  10  MARS  1891. 

que,  forte  de  son  appui,  elle  ne  renconlrera  pas  de  contra-* 
dicteur. 

Mais  si  nous  sommes  d'accord  sur  les  causes,  nous  diffé- 
rons sur  les  remèdes. 

Mon  ami  Bertillon  m'a  fait  aussi  quelques  reproches  aux- 
quels je  tiens  à  répondre.  Il  pense  que  j'ai  eu  tort,  dans  la 
communication  que  j'ai  faite  à  la  Société,  de  rallonger  par 
des  considérations  étrangères  au  sujet,  notamment  lorsque 
j'ai  parlé  de  la  recherche  de  la  paternité. 

J'en  demande  bien  pardon  à  mon  ami  Bertillon,  mais  il 
me  semble  que  la  recherche  de  la  paternité  a  été  proposée 
par  nombre  de  bons  esprits  comme  un  moyen  d'aider  au 
peuplement^  en  faisant  une  situation  plus  sortable,  plus  régu- 
lière à  la  fille-mère,  et  en  diminuant  par  suite  les  chances  de 
mort  des  enfants  illégitimes.  Mais  M.  Bertillon,  non  seule- 
ment nous  a  démontré  que  la  récherche  de  la  paternité  n*a 
aucune  influence  ni  sur  le  nombre  des  naissances,  ni  sur  la 
mortalité  des  enfants  illégitimes,  mais  il  ne  veut  pas  même 
qu'on  s'attarde  à  rechercher  les  moyens  de  diminuer  la  mor- 
talité. 11  ne  partage  pas  sur  ce  point  les  conclusions  que 
j'avais  eu  l'honneur  de  présenter  à  la  Société  et  qu'elle 
m'avait  paru  accueillir  avec  quelque  faveur. 

M.  Bertillon  ne  croit  pas  que  Tapplication  de  la  loi  Roussel 
soit  efftcace  pour  diminuer  la  njortalité  des  petits  enfants. 
M.  Bertillon  ne  croit  pas  que  les  tentatives  faites  par  les 
hygiénistes  pour  diminuer  la  mortalité  des  maladies  épidé- 
miques  contagieuses  aboutissent.  M.  Bertillon  ne  croit  pas 
que  les  projets  d'approvisionnement  en  eau  pure  des  villes, 
des  casernes,  aient  un  résultat  sérieux. 

Mais,  en  revanche,  M.  Bertillon  affirme  que  la  réforme  des 
impôts,  que  la  liberté  testamentaire,  et  qu'une  meilleure 
répartition  des  richesses  sont  les  seuls  moyens  de  donner 
une  vive  impulsion  à  la  natalité  française  et  de  la  mettre  à 
la  hauteur  des  natalités  anglaise  et  allemande. 

J'ai  le  regret  de  me  séparer  de  mon  ami  BertUlon  sur  ce 
point.  J'ai  déjà  donné  dans  ma  communication  les  raisons 


DISCUSSION  SUR   LA    NATALITÉ   EN  FRANCE.  231 

d'ordre  général  qui  m'empêchent  d*accepter  ces  changements 
de  législation  comme  des  panacées  démographiques.  Je  n*y 
reviendrai  pas.  Je  demanderai  soulement  à  M.  Bertillon  de 
vouloir  bien  préciser  et  de  ne  pas  se  contenter  de  nous  dire 
qu'il  faut  réformer  l'impôt  des  contributions  mobilières  et 
personnelles,  mais  de  nous  dire  sur  quel  point  doit  porter  la 
réforme  et  par  quelle  rédaction  il  propose  de  remplacer  le 
texte  législatif  actuellement  en  vi.c^ueur.  11  ne  suffît  pas  d'ap- 
porter des  formules  vagues,  il  nous  faut  des  textes  précis  que 
nous  discuterons  au  point  de  vue  de  leur  portée  démogra- 
phique possible.  Jusque-là,  il  me  permettra  de  lui  dire  que 
le   mot  de  réforme  des  impôts  des  contributions,  dans  le 
but  d'amener  à  une  plus  équitable  répartition  des  richesses, 
est  une  formule  creuse,  bonne  pour  les  réunions  électorales^ 
mais  qui  n'a  pas  cours  dans  les  sociétés  scientiûques  qui  sd 
piquent  d'écarler  les  hypothèses  pour  ne  se  déterminer  que 
par  l'examen  des  faits.  Mais  j'ai  bien  peur  que  mon  ami  fier- 
tiilon  ne  me  fasse  attendre  longtemps  l'énoncé  précis  de  068 
réformes.  On  a  bien  vu  par  l'insuccès  de  la  loi  Javal  qu'il 
est  fort  difficile  et  fort  dangereux  de  légiférer  sur  ce  point. 
Car,  non  seulement  la  loi  Javal  n'a  apporté  aucun  soula- 
gement aux  familles  de  sept  enfants,  mais  elle  a  été  la  cause 
d'injustices  criantes  qui,  à  ce  que  j'ai  appris  tout  récemment, 
ont  bien  dépassé  la  proportion  que  j'avais  donné  dans  ma 
communication.  Il  m'est  revenu,  en  effet,  que  dans  un  grand 
nombre  de  communes,  les  maires  se  sont  refusés  à  sanc- 
tionner les  dégrèvements  prescrits  par  la  loi,  à  cause  de 
rimportance  de  la  répercution  de  ce  dégrèvement  sur  les 
autres  familles.  Il  a  fallu  que  les  préfets  les  imposassent 
d*oftice.  Et  cela  est  d'autant  plus  vraisemblable  que,  dans 
certaines  communes  du  département  des  Hautes-Pyrénées, 
par  exemple,  les  impôts  des  familles  de  moins  de  sept  enfants 
ont  été  augmentés  de  plus  de  200  pour  100  du  fait  de  la  loi 
Javal. 

Donc^  jusqu'à  preuve  du  contraire,  je  maintiens  ce  que 
j'ai  dit  au  sujet  de  l'impuissance  des  réformes  fiscales  en 


232  SÉANCE  DU  19  MARS  1891. 

matière  démographique.  II  est  même  facile  d'ajouter  une 
nouvelle  preuve  à  celles  que  j'ai  déjà  données  précédemment. 

M.  Bertillon  demande  la  réforme  de  la  contribution  per  • 
sonnelle  et  mobilière  ;  je  vais  lui  faire  la  part  belle,  et  dans 
la  démonstration  que  je  vais  faire,  je  la  suppose  supprimée 
complètement.  J'ajoute  même  que  pour  lui  faire  plaisir  je 
supprime  Timpôt  des  portes  et  fenêtres.  Enfin,  pour  mettre 
le  comble  à  sa  joie,  je  supprime  Tirnpôt  sur  la  propriété  fon- 
cière non  bâtie  et  la  propriété  foncière  bâtie.  Plus  de  droits 
8urles  successions,  plus  de  droits  sur  les  alcools,  les  vins,  la 
bière.  Enfin,  il  pourra  user  d'allumettes  excellentes  sans 
payer  d'impôts. 

Voilà  certes  des  conditions  avantageuses  à  faire  pâmer  les 
contribuables  français!  Et  mon  ami  Bertillon  doit  penser  que 
si  jamais  les  Français  étaient  délivrés  de  toutes  les  taxes  que 
jeviens  d'énumérer,  ils  pulluleraient  comme  de  simples  lapins. 

Eh  bien,  cet  Eldorado  des  contribuables  existe  :  c*est  TAl- 
gérie.  Et  nous  allons,  si  vous  le  voulez  bien,  étudier  quelles 
ont  été  les  répercussions  de  ces  dégrèvements  sur  les  mé* 
nages  algériens  tant  indigènes  qu'européens. 

J'ai  déjà  eu  l'occasion  d'entretenir  la  Société  de  l'enquête 
faite  en  France,  lors  du  dénombrement  de  1886,  sur  le  nombre 
des  enfants  existants  dans  chaque  famille.  Voici  maintenant 
les  résultats  pour  TAlgérie,  avec  la  comparaison  des  résultats 
pour  la  France. 

CLASSEMENT  DES  FAMILLES  d'aPHÈS  LE    NOMBRE    DES   ENFANTS 

ET  D*APRÈs  l'État  civil  des  parents. 
I  Pour  \00  familles j  combifti d'enfants? 

0 

,.    .,    (monogames 18,7 

Mariés  J     ,  .„  « 

r  polygames 16,2 

Veuf» 18,4 

Veuves 17,4 

Divorcés 21 ,9 

Total 18,3 

Territoire  de  commande  ..    23,7 
—        civil 17,1 

France 2o,o 


1 

2 

3 

4 

5 

6 

7 

21,9 

20,1 

15,7 

10,7 

6,9 

3,6 

2,3 

19,3 

20,2 

11,8 

11,1 

7,3 

6,7 

5,4 

21,2 

16,4 

15,3 

12,4 

ft,6 

5,3 

2,4 

21,9 

20,5 

16,2 

12,3 

7.4 

3,3 

1,0 

22,3 

19,3 

16,1 

10,7 

6,9 

1.9 

0.9 

21,5 

19,9 

15,^ 

IM 

7.4 

4.1 

2,5 

25,2 

18,4 

13,0 

9,2 

6,9 

2,4 

1,2 

20,7 

20,1 

15,7 

11,5 

7,5 

4.4 

2.8 

2*,4 

21,8 

14,5 

9,0 

5,i 

2,9 

2,2 

DISCUSSION  SUR   LA   NATALITÉ   EN  FRANCE.  233 

Ce  petit  tableau  montre,  qu*au  point  de  vue  général,  la 
difTérence  n'est  pas  très  grande  entre  les  résultats  constatés 
chez  les  familles  françaises  et  ceux  présentés  par  les  familles 
algériennes  monogames  et  polygames.  Il  faut  noter  seule- 
ment que  les  familles  d'un  et  de  deux  enfants  sont  moins 
nombreuses  en  Algérie  qu'en  France,  et  que  les  familles  de 
trois  enfants  et  plus  y  sont  un  peu  plus  nombreuses. 

Ëa  descendant  dans  le  détail,  on  voit  : 

1»  Que  les  familles  polygames  sont,  comme  cela  était  à 
prévoir^  un  peu  plus  prolifiques  que  les  familles  monogames; 

2°  Que  les  familles  vivant  sous  le  régime  militaire  sont 
dans  de  moins  bonnes  conditions  démographiques  que  celles 
vivant  dans  le  territoire  civil.  En  effet,  le  nombre  des  familles 
n^ayant  pas  d'enfants  ou  n'en  ayant  qu'un  seul,  est  plus  nom* 
breux  dans  les  territoires  de  commandement  qu*en  France. 

Ces  résultats  sont  assurément  bien  faits  pour  surprendi*e, 
et  nous  allons  voir,  dans  le  tableau  suivant,  que  la  situation 
des  familles  algériennes  est  loin  d'être  aussi  prospère  qu'il 
était  permis  de  l'espérer. 

NOMBRE   MOYEN   d'BNFANTS  PAR  FAMILLE  (TOUTES  FAMILLES  RÉUNIES). 

.,    .,  Toutes 

^.^ilîîî!:^^  famillet 

Départements.  Monog.  Polyg.      Veufi.     Vearee.  Oivorcéi.  comprîtes. 

Alger. 

Territoire  civil 2,26      3,34        3,16        2,04        1,63  S,30 

»    décommanda        1,32      1,84        3,74        3,70        8,30  2,01 

Total 2,19      2,42        3,27        2,24        2,23  2,25 

CONSTANTINE. 

Territoire  civil 2,39      2,97        3,31        2,11        1,53  3,39 

—  décommanda        9,05      1,83        1,13        1,90        0,42  1,93 
Total 2,35      2,79        2,03        2,07        1,43  2,84 

Oran. 

Territoire  civil 2,14      2,94        3,00        2,53        2,20  2,63 

—  décommanda        1,84      2,07        1,62        1,99        1,22  1,87 
Total 2,05       2,80        2,86        2,51         2,18  2,42 

•5-g(Territ.  civil...        2,31       3,04        2,31        2,19        2,01  2,36 

5i^|    —  decomd^        1,86      1,87        1,72        2,50        2,23  1,96 

Algérie  tout  entière.        2,25      2,64        2,41        3,24        2,03  2,32 

France 2,14         »  1,83        1,80        1,11  2,07 


934  SÉANCE   DU   49  MABS  J891. 

La  lecture  de  ce  tableau  me  dispense  d^insister.  On  y  trouve 
nne  preuve  nouvelle  de  la  solidité  de  mon  argument,  consistarit 
à  réclamer  des  mesures  tendant  à  la  diminution  de  la  morta- 
lité. Je  crois,  en  effet,  que  la  natalité  algérienne,  tant  euro- 
péenne qu'indigène,,  est  assez  élevée,  mais  on  voit  qu'en  fin 
de  compte  il  ne  reste  pas  beaucoup  d*enfants  à  chaque  fa- 
mille, certainement  à  cause  de  leur  excessive  mortalité.  Ce 
qui  se  passe  dans  le  territoire  de  commandement  le  prouve 
jusqu*à  révidence,  Car  nous  voyons  que,  pour  les  monogames 
comme  pour  les  polygames,  les  conditions  d*hygiëne,  d'assis- 
tance et  même  de  stabilité  dans  lesquelles  vivent  les  ménages 
soumis  au  régime  militaire  sont  des  facteurs  aut^emënt  puis- 
sants pour  rélevage  de  leurs  enfants  que  des  conditions 
fiscales  quelconques. 

Je  ne  conclurai  pas  non  plus  en  faveur  de  la  polygamie, 
car,  ainsi  que  Ta  demandé,  il  y  a  longtemps  déjà,  mon  oncle 
Nicolas  Chervin,  dans  son  remarquable  travail  intitulé  : 
Recherches  médico -philosophiques  sur  les  causes  physiques  de 
la  polygamie  dans  les  pays  chauds  *,  la  pluralité  des  femmes 
n*est  pas  favorable  à  l'augmentation  de  la  population  ;  c'est 
une  mesure  féodale,  c'est  la  loi  du  plus  fort  appliquée  au 
sexe  faible  ;  ce  n'est  pas  une  mesure  démographique. , 

Le  tableau  ci-après  indiquant  la  quantité  relativement  con- 
sidérable de  mariés  de  moins  de  dix-huit  ans,  ne  me  paraît 
pas  non  plus  une  chose  souhaitable,  même  dans  les  pays 
chauds,  ou  la  puberté  est  en  avance  de  plusieurs  années  sur 
les  populations  de  nos  climats  tempérés. 


MARIÉS  DE  MOINS   DE   DIX-HUIT  ANS. 


S«ze  maicalin. 

» 

» 

6 
17 
74 


65  dont  27  polygames. 


Age. 

Sexe  (toiiDin. 

8  ans. 

6 

9    — 

55 

10    — 

187 

Il    - 

281 

lî    — 

1124 

13    - 

2017 

1  Thèse  de  Paris,  12  mai  1812. 


DISCUSSION  SUR  IK  NATAL1T6  Bit  FRANCB.  93S 


Sexe  masculin. 

Age. 

Sexe  féminin. 

263  dont  21  polygames. 

14  ans 

4107 

2196 

15    — 

9903 

2315 

16   — 

9  835 

3  260 

17   — 

13237 

7  496 

18    — 

23  884 

Je  n'ajouterai  qu'un  mot  en  réponse  à  cette  affirmation  de 
M.  J.  Bertillon  que  le  rapport  entre  les  naissances  et  les 
décès  tendait  à  s'égaliser  dans  tous  les  pays  (notamment  en 
Angleterre)  et  que,  par  conséquent,  la  rédaction  de  la  mor- 
talité n'atteindrait  pas  le  but  que  nous  poursuivons,  à  savoii^ 
l'augmentation  de  la  population,  puisque  du  même  coup  la 
natalité  baisserait. 

Les  chiiTres  suivants  empruntés  aux  doonments  ofRoieis  ne 
semblent  pas  donner  raison  à  M.  Bertillon. 

Angleterre. 
Pour  1000  habitants. 

Périodes.  Mariages.  Naissances.  Décès. 

1841-50 16,1        32,6  22,4 

1851-60 16,9        34,1  22,2 

1861-70 1C,6         85,2  22,5 

1871-80 16,2        85,4  21,4 

En  effet,  tandis  que  l'excédent  des  naissances  sur  les  décès 
est  de  10  pour  100  dans  les  premières  périodes  décennaieSi 
cet  excédent  monte  successivement  à  12,  13  et  14  pour  100 
dans  les  périodes  suivantes. 

Je  ne  nie  pas  que,  dans  une  certaine  limite,  un  équilibre 
ne  tende  à  s'établir  entre  les  naissances  et  les  décès,  en  France 
surtout  et  précisément  à  cause  de  l'habitude  de  nos  paysans 
de  limiter  le  nombre  de  leurs  enfants  et  de  n'avoir  un  nouvel 
enfant  que  slls  viennent  d'en  perdre  un.  Mais  nous  avons 
encore  fort  à  faire  pour  atteindre,  môme  en  France,  la  limite 
maximum  de  la  diminution  de  notre  mortalité,  et  je  continue 
à  penser  que  c'est  de  ce  côté  qu'il  faut  porter  nos  efforts. 

La  séance  est  levée  à  six  heures  un  quart. 

L*un  des  secrétaires  :  ÉDOUAMD  CITTER. 


136  SÉANCE  DU  2  AVRIL  i89i. 

IW  SÉANCE.  ~  i  arril  1891. 

Préflldonee  de  M*  liABOKDE^  président. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

CORRESPONDANCE  MANUSCRITE. 

MM.  Gapitan  et  Guyer,  secrétaires  annuels,  s'excusent  de 
ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Ministère  des  travaux  publics.  Documents  relatifs  à  la  mis- 
sion dirigée  au  sud  de  l'Algérie  par  M.  A.  Ghoisy,  ingénieur 
en  chef  des  ponts  et  chaussées.  Deux  volumes  (texte  et 
planches). 

PÉRIODIQUES. 

Société  nationale  d'acclimatation  de  France  (Revue  des 
sciences  naturelles  appliquées),  1891,  n'  6.  D' Saint-Yves- 
Ménard  :  De  la  croissance  ;  application  de  son  étude  à 
l'élevage  et  à  Tamélioration  des  animaux. 

Société  de  biologie  (Comptes  rendus  hebdomadaires),  1891, 
n*»  10  et  11.  J.  Dejerine  :  Sur  un  cas  d'aphasie  sensorielle 
(surdité  et  cécité  verbale)  suivi  d'autopsie.  —  J.  Luys  :  Exa- 
men de  cerveaux  de  deux  aphasiques  et  d'une  sourde-muette. 
—  D'  Netter:  Surdité  verbale  ;  ramollissement  de  la  première 
circonvolution  sphénoïdale  gauche.  —  J.  Dejerine  :  Sur  un 
cas  de  cécité  verbale  avec  agraphie,  suivi  d'autopsie.  — 
J.  Luys  :  Pathologie  expérimentale.  De  la  sollicitation  isolée 
du  lobe  gauche  et  du  lobe  droit  dans  l'état  hypnotique,  au 
point  de  vue  de  la  parole. 

Société  académique  de  Nantes  et  du  département  de  la  Loire- 
Inférieure  (Annales),  1890,2°  semestre.  Léon  Maître  :  Question 
de  géographie  ancienne. 

Métusine  {msivs-ayril  1891).  Th.  Voikov  :  la  Fraternisation. 


OUVRAGES   PÉRIODIQUES.  237 

Revue  mensuelle  de  V École  dH anthropologie  de  Paris  (février 
et  mars  1891).  J.-V.  Laborde  :  les  Fonctions  intellectuelles  et 
instinctives  (avec  gravures).  —  Gabriel  de  Mortillet  :  Chro- 
niques préhistoriques.  —  Ab.  Hovelacque  :  Races  and 
People,  par  Dan.  Brinlon.  —  Ch.  Letourneau  :  l'Évolution 
mythologique.  —  L.  Manouvrier  :  Étude  sur  la  rétroversion 
de  la  tête  du  tibia  et  Tattitnde  humaine  à  Tépoque  quaternaire. 

Revue  des  traditions  populaires  (mars  1891).  René  Basset: 
le  Culte  du  marteau  chez  les  Lithuaniens  (le  Soleil  captif). — 
G.  Fouju  :  Légendes  et  superstitions  préhistoriques  ;  pierres 
qui  tournent.  —  René  Basset  :  les  Rites  de  la  construction; 
sacrifices  humains  en  Océanie.  —  Walter  Grégor  :  les  Rites 
de  la  construction  ;  sacrifîces  humains  en  Ecosse. 

The  American  Anthropologist,  janvier  1891.  T.-H.  Lewis  : 
Bowlder  outline  figures  in  the  Dakotas,  surveyed  in  the 
summer  of  1890.  — Franz  Boas  :  Physical  Characteristics  of 
theindians  of  the  North  Pacific  Coast. —  D.-G.Brinton  :  The 
International  Congress  of  Americanists. 

The  Journal  of  the  Anthropological  Society  of  Bombay. 
D'  W.  Dymock  :  Note  on  a  form  of  fire  worship  amongst 
Ancient  .^rabs. 

Nature,  26  mars  1891.  Professeur  George-J.  Romanes  : 
Coadaptation.  —  George  Henslow  :  Neo-Lamarckism  and 
Darwinism.  —  W.-J.  Stillman  :  Formation  of  language. 

Tijdschrift  voor  Indische,  Taal,  Land  en  Volkenkunde  uitge- 
geven  door  het  Bataviaasch  Genootschapvan  Kusten  en  Wetens^ 
chappen.  Deel  XXXIV,  Aflevering  II.  F.-S.-A.  de  Clercq  : 
Rapport  over  drie  reizen  naar  het  Nederlandsche  gedeeite 
van  New-Guinea.  —  W.-D.  Helderman  :  De  Tijger  en  het 
bijgeloof  der  Bataks. 

Archivio  per  l'antropologia  è  la  etnalogia,  vol.  XX,  fasc.  3. 
Dott.  Pietro  Costa  :  Il  terzo  trocantere,  la  fossa  ipotrocanterica, 
la  cresta  ipotrocanterica  nel  femore  dell'uomo.  —  Dott. 
Paolo  Riccardi  :  Preguidizi  e  superstizioni  del  popolo  mode- 
nese.  —  Raffaello  Zampa  :  Gli  scheletri  di  Remedello  e  di 
Fontanella  di  Casalromano  nelle  provincie  di  Brescia  e  Man- 


988  SÉANCB  DU  2  AVRIL  4891. 

lova.  •—  Dott.  Giuseppe  Relluoci  :  Docuraenti  per  la  palet- 
nologia  deir  Abissina;  Martelii  o  mazzuoli  litici  con  foro  rin- 
venuti  in  Italia. 

Z'i4 noma/o,  février  1891.  A.  Zuccarclli  :  Gurioso  cangia- 
mento  del  capelli  in  una  famîglia. 

Bulletin  de  la  Société  des  médecins  et  des  naturalistes  de  Jasty^ 
1890,  n°  6.  D'  G.  Bottez  :  Hydrencéphalocèle  congénitale  de 
la  racine  du  nez. 

Archiva  Societatiî  stiintifiee  si  literare  din  Jasiy  décemlire 
1890.  Emile  Picot  :  Chants  populaires  des  Roumains  de  la 
Serbie. 

PRÉSENTATIONS. 
CrAaes  do  Moww%m. 

M.Hervé  présente  une  sériede  crânes  provenant  duMorvan, 
et  dont  l'origine  est  bien  spécifiée.  G^est  un  don  fait  au 
musée  de  l'École  par  M.  le  docteur  Comoy,  de  Saint-Honoré 
(Nièvre). 

Poisson  du  genre  Cbiméro  (?). 

M.  Ë.  GoLLiN  présente  un  poisson  empaillé  qu'il  suppose 
appartenir  au  genre  Gliimère.  Gette  pièce,  en  assez  mauvais 
état,  est  cependant  intéressante  par  la  disposition  des  dents 
et  du  maxillaire  inférieur.  Elle  est  offerte  à  l'École  d'anthro- 
pologie. 

COMMUNICATIONS. 

Ethnogroplile  précoMinbieilBe  du  VonoEneln. 
Note  sur  les  Cnieaw  et  len  TI|||olo«  ; 

PAR   M.   LB  DOCnUR  6.    MARGANO. 

Les  objets  que  nous  avons  Thonnear  d'offrir  à  la  Société 
d'anthropologie  proviennent  de  la  région  de  la  Gordillère 
vénézuélienne  la  plus  montagneuse  et  1^  plus  occidentale  de 
la  République^  Les  uns  ont  été  trouvés  au  Barrero,  à  8  Ueues 


MARCANO.  —  ETHNOQRAPHIB  PRÉCOLOMBIEMNB  DU  VENEZUELA.  S89 

de  Trujillo  ;  leâ  autres  ont  ôlé  exbumés  à  Mucuchies,  près  de 
Mcrida. 

Dans  ces  contrées  très  peuplées  aux  époques  précolom- 
biennes, existent  encore  des  chemins  tracés  par  les  Indiens, 
et  qui  établissent  des  communications  entre  Trujillo,  Mucu- 
chies  et  Merida.  Sur  le  versant  de  la  Cordillère  sont  creusées 
des  grottes  ;  les  unes  renferment  des  ossements  humains  ; 
les  autres^  particulièrement  celles  qui  sont  situées  près  des 
paramoi,  sont  remplies  de  poteries  et  didoles  en  terre  cuite. 
Ce  qu'elles  contiennent  de  plus  intéressant,  ce  sont  ces  pla- 
ques, qui  peuvent  être  considérées  comme  spéciales  à  la  ré- 
gion, car  on  les  y  trouve  en  grand  nombre,  et  qui  y  étaient 
fabriquées.  11  y  en  a  de  noires,  de  grises  et  de  vertes,  mais  il 
ne  s'agit  pas  là  de  trois  matières  différentes  ;  c'est  toujours  une 
serpentine  schistoïde  à  aspects  divers.  Les  plus  nombreuses 
ont  de  25  à  30  centimètres  ;  mais  certains  fragments  prou- 
vent qu  il  y  en  avait  d'énormes.  A  partir  de  cette  limite 
extrême,  on  peut  les  disposer  en  une  série  graduelle  dont  les 
plus  petites  ne  dépassent  pas  3  centimètres  de  longueur. 

Leur  forme,  toujours  la  même,  peut  être  comparée  à  celle 
d'un  plioir  dont  les  bouts  seraient  plus  larges  que  la  partie 
moyenne  du  corps.  Au  milieu  se  trouve  une  lamelle  carrée, 
confondue  avec  la  plaque  par  sa  base,  et  séparée  d'elle  laté- 
ralement au  moyen  de  deux  traits  de  scie  obliques.  Sofi  bord 
libre  présente  deux  trous.  Les  e:i^trémitéâ  sont  convexes  et 
arrondies  par  polissage. 

Ces  plaques  sont  très  fragiles;  aussi  presque  toutes  sont 
cassées.  L'étude  de  leurs  nombreux  fragments  est,  du  reste, 
aussi  intéressante  que  si  elles  étaient  entières.  Quelques-unes 
ont  été  abandonnées  pendant  la  fabrication,  et  nous  per- 
mettent de  nous  rendre  compte  des  procédés  employés  par 
les  ouvriers  précolombiens  et  de  l'habileté  de  leurs  mains. 
Chaque  lame  était  détachée  de  la  roche  par  deux  traits  de  scie 
parallèles  dune  extrême  fmesse.  La  forme  leur  était  donnée 
par  une  adroite  combinaison  de  sciage  et  de  polissage,  d'au- 
tant plus  remarquable  que  l'objet  est  plus  grand.  Quelquefois, 


240  SÉANCE  DU  2  AVRIL  1891. 

on  se  contentait,  pour  les  plus  petites,  d'un  seul  coup  de  scie 
circulaire  et  superficiel,  que  l'on  achevait  par  fracture.  Les 
trous  sont  faits  avec  une  grande  régularité. 

Quel  est  Tusage  de  ces  plaques?  Ernst*,  qui  est  peut-être  le 
premier  qui  en  ait  publié  un  dessin,  les  avait  prises  pour  des 
grattoirs,  opinion  qui  n*est  pas  soutenable.  Dernièrement  on 
s'est  demandé,  à  la  Société  anthropologique  de  Berlin,  si 
elles  ne  devaient  pas  être  assimilées  aux  phonolithes  des  Asia- 
tiques 3.  Il  est  certain  qu'en  suspendant  les  plus  légères,  on 
obtient  par  la  percussion  un  son  aigu  ;  mais  le  fait  n'est  pas 
assez  général  et  peut  être  dû  à  une  simple  coïncidence. 
Comme  le  font  remarquer  Uhle  ^  et  Gabelentz,  elles  ne  res- 
semblent en  rien  aux  instruments  de  musique  chinois  auxquels 
on  a  vodlu  les  comparer.  En  outre,  elles  ne  sont  pas  toutes 
faites  avec  des  pierres  sonores.  Vous  en  voyez  un  certain 
nombre  en  coquillages.  En  voici  une  très  bien  conservée  qui 
n'est  que  la  coquille  d'un  strombus,  dont  on  a  très  habile- 
ment utilisé  la  face  concave.  Elle  mesure  24  centimètres  de 
longueur  et  en  la  voyant,  la  première  idée  qui  vient  est  de 
l'appliquer  sur  le  devant  de  la  poitrine  à  la  manière  des 
hausse -cols  des  anciens  officiers  d'infanterie. 

En  effet,  l'idée  la  plus  naturelle,  celle  qui  s'impose  le  plus 
logiquement  à  l'esprit,  est  qu'il  s'agit  là  de  simples  plaques 
d'ornementation >  analogues  aux  parures  faites  en  métal 
ou  en  d'autres  substances  que  l'on  retrouve  chez  les  anciens 
Ghibchas,  dans  Tisthme  de  Panama  et  même  aux  Antilles. 

Il  nous  est  plus  difticile  de  remonter  à  l'usage  des  toutes 
petites  plaques  qui  abondent  dans  les  grottes  du  Burrcro. 
Elles  ont  la  même  forme  que  les  précédentes,  excepté  que  les 
extrémités  conservent  le  trait  de  scie  primitif,  c'est-à-dire 
qu'elles  ne  sont  pas  arrondies  par  le  polissage  ;  de  plus,  elles 

^  A.  Ernst,  IndianUche  AUerthUm$r  aus  Veneiuda.  Globus,  BrauDsch- 
weig,  1878,  n»  24. 

*  Verhandlungen  der  Berliner  Gesellschafi  fUr  Anthropohgw,  Ethnologie 
und  Urgeschichle,  Berlin,  t.  XVI,  1884. 

s  /Ml.,  t.  XVII,  1885. 


MARGANO.  —  BTHN'OGRAPHIB  PRÉGOLOMBIEfOIE  DU  VENEZUELA.   241 

ne  possèdent  aucun  trou.  Ëtaient-ce  des  jouets  ou  des  amu* 
lettes  ? 

La  céramique  est  très  abondante  dans  la  zone  de  la  Cor-* 
dillère.  On  y  trouve  un  grand  nombre  d*ustensiles  de  ménage, 
vases,  assiettes,  supports,  etc.  Nous  ne  nous  arrêterons  qn*aux 
idoles,  dont  la  forme  est  spéciale.  La  plus  grande  est  assise, 
elle  mesure  188  millimètres.  Elle  est  en  argile,  très  légère, 
peinte  en  blanc  jaunâtre,  avec  des  décorations  rouges  et  noires, 
consistant  en  lignes  droites  et  courbes,  tracées  près  des  bords. 
Sa  face  est  carrée,  ses  yeux  horizontaux.  Le  front  est  droit  et 
élevé.  Les  cuisses,  écartées  et  interrompues  près  de  la  racine, 
portent  sur  les  moignons  des  sillons  représentant  les  orteils. 
Le  sexe  est  féminin.  Sur  la  partie  supérieure  de  la  tëte^  on 
voit  un  trou  par  lequel  on  a  probablement  introduit  les  bou- 
lettes d'argile  qui  résonnent  lorsqu*on  secoue  Tidole. 

D'autres  sont  faites  suivant  un  autre  procédé,  et  ne  ressem- 
blent pas  aux  premières.  En  voici  une  série,  toutes  pareilles, 
dont  la  plus  grande  mesure  83  millimètres  et  la  plus  petite 
49  millimètres.  Elles  sont  en  argile  noire  très  grossière.  La 
dernière  est  assise,  les  autres  debout  et  entièrement  repré- 
sentées. Leur  tête  n'a  pas  de  front,  à  sa  place  existe  un  plan 
horizontal  surmonté,  sur  quelques-unes  à  la  partie  postérieure, 
d'une  saillie  carrée,  placée  verticalement  à  la  manière  d'un 
peigne.  Les  yeux  et  le  nez  commencent  sur  le  rebord  du  plan 
qui  remplace  le  front.  Les  différentes  parties  du  tronc  ne  sont 
pas  distinctes.  Les  bras  manquent.  Les  membres  inférieurs, 
très  grossièrement  faits,  se  terminent  par  un  élargissement 
en  forme  de  massue  qui  offre  une  large  base  de  sustentation  ; 
il  est  muni  de  rainures  représentant  les  orteils. 

Quelques  idoles  sont  en  pierre.  La  mieux  faite  est  cette 
petite  en  serpentine  si  soigneusement  polie.  Elle  n*a  que 
41  millimètres  de  longueur,  et  cependant  ses  détails  sont 
très  minutieux.  Sa  partie  antérieure  est  concave;  l'autre  côté 
est  plat.  La  face  est  un  triangle  régulier. 

  Mucuchies,  il  n'existe  pas  de  cimetière,  par  hasard  seu- 
lement on  déterre  quelquefois  des  vestiges  indiens,  sans  in- 
T.  II  (4*  sArib).  16 


S4i  stAKGB   DU  i   AVRIL    «iM. 

dicatioo  préalable,  en  labourant  les  champs.  C'est  ainsi 
qu'on  a  trouvé  notre  sépulture.  Elle  contenait  un  crâne,  et 
les  dix  sept  objets  suivants  entourés  de  -cendre  végétale 
noire»  le  tout  à  t  mètre  de  profondeur  :  a«  Huit  de  ces  ob- 
jets sont  en  coquillages  ;  ce  sont  trois  plaques  circulaires  mu- 
nies d'un  trou  au  centre;  deu&  plaquettes  rectangulaires 
concaves  d'un  oôté^  trois  convexes  de  l'autre^  avec  des  trous 
latéraux  disposés  de  telle  façon  qu'une  corde  qui  les  traver- 
serait fixerait  ces  plaquettes  à  plat  comme  des  boutons,  un 
petit  disque,  une  sorte  de  passe-lacet  à  chas,  une  plaquette 
allongée  munie  de  deux  ti*ous  à  l'une  de  ses  extrémités. 
b.  Cinq  cylindres  en  quartzite  rose,  pareils  à  ceux  que  nous 
avons  trouvés  dans  certains  colliers  des  tombes  des  Gerritos. 
Le  plus  long  (82  millimètres)  porte  une  rainure  circulaire  au 
milieu.  Le  plus  court  mesure  i8  millimètres,  c.  Un  fragment 
de  pierre  polie  de  forme  olivaire.  d.  Un  morceau  de  stéatite 
polie  de  73  millimètres  de  longueur  et  40  de  largeur,  très 
aplati.  A  son  milieu  est  creusée  une  rainure  qui  fait  le  tour 
complet.  Sur  un  de  ses  angles,  on  a  gravé  une  tète  rudimen- 
taire  dont  Toeil  est  représenté  par  un  trou  fait  sur  la  pierre, 
e.  Un  vase  fait  du  fruit  d'un  crescentia^  rempli  de  graines  de 
cacao  desséchées  et  d'autres  fruits.  Ce  dernier  avait  seul  un 
but  alimentaire.  Tous  les  autres  sont  des  objets  de  parure. 
Le  crâne  de  Mucuchies  est  devenu  complètement  noir  au  con- 
tact des  cendres  et  ses  parois  très  fragiles;  il  aperduTécailledu 
temporal  gauche  et  des  fragments  du  pariétal  et  de  Toccipilal 
du  même  côté. Nous  n'avons  pas  pu,  par  conséquent,  le  cuber. 
Son  aspect  est  absolument  bestial;  nous  n'en  avons  pas  encore 
rencontré  dont  la  configuration  soit  aussi  brutale.  La  glabelle 
est  énorme  ;  sur  les  côtés  existe  un  trou  qui  permet  de  voir 
l'intérieur  du  sinus  frontal.  L'écartement  qui  forme  ce  dernier 
commence  au-dessous  du  diamètre  frontal  minimum,  et 
comme  sa  cavité  est  en  rapport  avec  la  saillie  de  la  glabelle, 
il  en  résulte  qu'elle  est  très  grande  et  très  courte  de  haut  en 
bas.  Le  front  est  très  étroit  et  fuyant,  et  sa  conformation 
est  exceptionnelle.  Les  arcades  sourcilières  étant  très  sail- 


MARCANO.  -^   ETHNOORAPHIB  PRÉGOLOMBIBNNE  DU  VENEZUELA.   843 

lantes,  les  bords  latéraux  du  frontal  présentent  une  courbe 
très  accentuée,  d'où  il  résulte  que  le  diamètre  frontal  mini- 
mum est  placé  très  haut.  Le  frontal  inférieur  qui  passe  par 
l'ophryon  se  trouve  à  6  millimètres  au-dessous  du  minimum. 
On  sait  que  ces  deux  diamètres  se  correspondent  dans  les 
races  européennes.  Nous  les  avons  trouvés  différents  dans  la 
plupart  des  crânes  précolombiens  du  Venezuela,  mais  jamais 
la  distance  qui  les  sépare  n'a  été  aussi  grande  que  dans  le 
cas  actuel.  Ce  crâne  est  encore  exceptionnel  par  l'indice  cé- 
phallque,  car  il  est  le  plus  dolichocéphale  que  nous  ayons 
rencontré  (70.7).  Son  diamètre  vertical  étant  plus  grand  que 
le  transverse ,  Tindice  transverso-vertical  est  des  plus 
grands  que  Ton  puisse  observer  (100.7).  Son  prognathisme 
est  aussi  très  fort. 

A  cause  de  son  intérêt,  nous  avons  inscrit  ce  crâne  au  nu- 
méro 1  dans  le  tableau  suivant.  Nous  avons  placé  ensuite  les 
quatre  hommes  et  la  femme  trouvés  dans  les  grottes  du  Bur- 
rero.Le  numéro  2  offre  des  saillies  trop  fortes  pour  ses  dimen- 
sions. Avec  son  front  étroit  et  fuyant,  son  énorme  glabelle  et 
son  prognathisme,  il  reproduitle  type  du  précédent.  Malgré  la 
différence  de  leurs  indices  céphaliques^  il  reste  encore  doli- 
chocéphale. Le  chiffre  de  L'indice  trans verso- vertical  est  de 
même  très  accentué.  Il  offre  un  commencement  de  soudure 
à  l'obélion,  et  à  la  suture  pariéto-occipitale  gauche,  dans  les 
environs  du  lambda,  qui  ne  se  continue  pas  avec  l'oblitéra- 
tion obéliale.  Les  autres  crânes  ne  sont  pas  aussi  caractérisa 
tiques,  mais  conservent  le  même  type. 

Le  numéro  3,  plus  petit,  a  un  front  plus  droit,  la  glabelle 
moins  accentuée,  de  même  que  le  prognathisme.  L'obélion 
est  soudé,  et  l'oblitération  se  continue  sur  le  lambda,  dans 
une  certaine  étendue.  Le  crâne  féminin  a  un  aspect  tout  à 
fait  enfantin;  il  présente  des  soudures  à  l'obélion,  au  lambda, 
dans  presque  toute  sa  totalité,  aux  sutures  fronto-pariétales 
droite  et  gauche  et  aux  ptérions.  Les  at^^cades  dentaires 
sont  complètement  usées. 

La  moyenne  de  la  série  masculine  nous  donne  comihe 


244  SÉANCE  DU  2   ATRIL  i89i. 

indice  céphalique  77,1.  L'indice  nasal  de  46,4,  et  l*orbitaire 
de  89,9.  C'est-à-dire  que  ces  crânes  sont  sons-dolichocépha- 
les, mégasèmes  dans  les  limites  delà  mésosémie  et  leptorrhi- 
niens.  La  femme  est  mésosème  et  franchement  leptorrhi- 
nienne. 

Quel  nom  faut-il  donner  aux  Précolombiens  dont  nous 
venons  de  décrire  les  vestiges  ?  A  Mucuchies  auraient  siégé 
les  Indiens  du  même  nom  ;  au  Burrero^  les  Cuicas.  Dans 
un  travail  inédit,  auquel  MM.  Ernst  '  et  Sievers  *  font  allu- 
sion, et  que  nous  ne  connaissons  que  par  la  courte  men- 
tion qu'ils  en  font,  M.  Lares  soutient  que  Ttmotes  est  la 
désignation  collective  qu'il  convient  d'appliquer  à  toutes  les 
tribus  précolombiennes  qui  ont  habité  la  Cordillère,  de  Me- 
rida  jusqu'à  la  vallée  de  Motatan.  Les  Timotes  se  subdivi- 
seraient en  vingt-huit  tribus  :  Chamas,  Mirripuyes^  Tigui- 
fioes,  Miguries,  Quinaroes,  Bailadores,  Mucutuyes,  Mocotos, 
Muncuches,  Taparros,  Tricaguas,  Mocombos,  Montunes, 
Mucuchachies,  Quinos,  Âricaguas,  Jajies,  Quiroraes,  Insumu- 
bies,  Canaguaes,  Guaquis^  Tatuyes,  Tabayones,  Escagueyes, 
Mucurubaes,  Mucuchies,  Quindoraes,  Guaraques. 

Quoique,  au  point  de  vue  auquel  nous  nous  plaçons,  ces 
classifications  n'aient  pas  le  même  intérêt  que  pour  les  histo- 
riens, nous  devons,  cependant,  préciser  la  provenance  des 
ossements,  et  chercher  dans  le  passé  les  données  historiques 
qui  doivent  nous  aider  dans  l'étude  de  nos  documents.  C'est 
dans  les  annales  de  la  conquête  que  nous  trouvons  les  ren- 
seignements les  plus  précieux. 

Les  premières  tentatives  de  conquête  faites  par  Ferez  de 
TolosaetD.  de  Losada,  en  1547,  n'eurent  aucun  résultat. 
En  1556,  D.  Garcia  de  Paredes  pénétra  dans  l'intérieur  du 
pays  des  Cuicas  et  fonda  la  ville  de  Tnijillo,  que  les  Indiens 
détruisirent  peu  de  temps  après.  En  1558,  J.  Rodriguez 
Suarez  fonda  la  ville  de  Merida,  d'où  partit  J.  Maldonado, 

1  A.  Ernst,  Vber  die  Reste  der  Ureinwohner  in  den  GMrgm  von  Merida 
(Zeitschrift  fiir  Ethnologie,  etc.,  Berlin,  t.  XVII,  1883). 
*  W.  Sievers,  Venezwta,  Hambourg,  1888. 


MARCANO.  —   ETHNOGRAPHIE  PRÉCOLOMBIENNE  DU  VENEZUELA.    945 

pour  faire  la  soumission  des  Timotes,  et  des  Cuicas  ensuite. 
Dans  le  même  temps,  Francisco  Ruiz  quittait  le  Tocuyo  pour 
aller  rétablir  Trujillo  et  continuer  la  conquête  commencée 
parParedes.Par  le  plus  grand  des  hasards,  les  deux  capitaines 
se  rencontrèrent  dans  la  vallée  de  Tostos  ouBocono  au  com- 
mencement de  1559.  Pour  terminer  la  dispute  qui  s'éleva 
entre  eux  deux,  il  fut  convenu  que  les  Timotes  seraient  sou- 
mis au  gouvernement  de  Merida  et  les  Cuicas  à  celui  de  Tru- 
jillo. Ces  deux  peuplades  formaient,  aux  époques  précolom- 
biennes, une  province  qui  commençait  à  la  Sierra  Nevada  et 
s'étendait  à  30  lieues  au  nord.  La  moitié  qui  avoisine  les 
paramos  était  occupée  par  les  Timotes  ;  le  reste  par  les 
Cuicas  \  Aux  premiers  appartient,  par  conséquent,  le  crâne 
de  Mucuchies  ;  ceux  du  Burrero  aux  derniers. 

Les  objets  de  la  Cordillère  n'offrent  aucune  ressemblance 
avec  ceux  des  vallées  septentrionales'.  La  céramique  en 
diffère  à  tous  les  points  de  vue,  et  plus  particulièrement  les 
idoles.  Ni  la  tête,  nile  corps,  ni  Tattitude s'en  rapprochent,  à 
tel  point  qu'il  est  impossible  de  les  confondre  entre  eux.  Les 
plaques  des  Timotes  sont  tout  ù  fait  spéciales  à  leur  région. 
Aucun  objet  semblable  n'a  été  trouvé  dans  les  tombes  des 
Cerritos  ni  sur  les  bords  de  l'Orénoque.  Au  point  de  vue 
craniologique,  les  caractères  sont  les  mêmes  sur  le  crâne  de 
Mucuchies  que  sur  ceux  du  Burrero;  il  est  donc  nécessaire 
de  les  réunir  dans  la  même  série.  Si  nous  comparons  cette 
dernière  avec  celles  que  nous  avons  déjà  fait  connaître,  nous 
arrivons  à  des  différences  si  importantes,  que  nous  sommes 
obligéde  considérer  les  Timotes  comme  un  peuplebiendistinc 
des  antres  Précolombiens  du  Venezuela.  Leur  tendance  à  la 
doiichocéphalie  est  leur  premier  caractère.  Le  crâne  do 
Mucuchies  est  le  plus  dolichocéphale  que  nous  connaissions 
(70,7).  La  hauteur  crânienne  est  considérable  (moyenne,  433). 
L'indice  transverso-vertical,  de  100,7  sur  celui  de  Mucuchies, 

>  Frai  Pedro  Simon,  Notkias  hisioriaUSf  et  Oviedo  y  Baûos,  Hisloria  de 
Venezuela, 
'  Mémoires  de  la  Société  d'anthropologie»  Paris,  2«  série,  t.  IV. 


246  SÉANCE  DU  2  AVRIL  4891. 

eàt  sur  tous,  excepté  sur  le  quatrième,  au-dessus  de  tontes 
les  moyennes  que  nous  avons  obtenues.  La  mégasémie^  ce 
caractère  si  constant  qni  ne  nous  avait  jamais  fait  défaut, 
subit  ici  sa  première  exception.  Sur  six  crânes,  deux  seule- 
ment sont  mégasèmes.  Il  en  est  de  même  de  la  mésorrhinie 
que  nous  avons  signalée. 

Il  n*est  pas  sans  intérêt  de  comparer  les  vestiges  des 
Timotes  et  des  Guicas  avec  ceux  des  Gbibcbas,  leurs  voisins. 
Dans  le  plateau  de  Bogota,  on  trouve  deux  espèces  de  crânes  : 
des  brachycéphales  déformés  et  des  dolicbocéphales.  Dans 
une  petite  série,  Broca  trouva  les  indices  céphaliques  sui- 
vants :  78,5;  73;  75,5.  «  Il  y  a  lieu  de  présumer,  ajoute  cet 
anthropologîste,  que  cette  population  était  au  moins  sous- 
dolichocéphale*.  »  Virchow  range  les  Gbibcbas  parmi  les 
dolichocéphales.  Les  dolichocéphales  sont,  en  outre,  mésorrhi- 
niens,  tandis  que  les  brachycéphales  sont  platyrrhiniens. 
N'est-il  pas  intéressant  de  trouver,  dans  la  Cordillère  vénézué- 
lienne, des  crânes  qui  se  rapprochent  plus  des  Gbibcbas  que 
des  Goagires  et  des  tribus  des  vallées  septentrionales  ?  Le  fait 
est  d'autant  plus  remarquable  que  la  même  concordance 
existe  entre  les  autres  objets.  Les  idoles  des  Timotes  sont 
pareilles  à  celles  des  Chibchas.  Il  en  existe  qui  sont  faites  sur 
le  même  plan  que  les  tunjos  de  Bogota.  On  peut  s*en  assurer 
en  comparant  une  figurine  d*argile  dont  le  dessin  a  été  publié 
par  Gôring',  avec  les  tunjos  de  l'ouvrage  de  M.  Uricoechea  '. 
La  forme  du  corps,  l'attitude  des  bras,  les  mains,  tous  les 
détails  en  un  mot  sont  absolument  pareils.  Du  reste,  le  mot 
tunjo,  qui  ne  s'applique  guère  aujourd'hui  qu'aux  idoles 
chibchas,  se  trouve  employé  parles  anciens  auteurs  lorsqu'ils 
décrivent  les  reliques  des  Timotes.  Les  plaques  de  la  Gor- 

*  BroosL,  Deux  séries  de  crànês  provetMLni  de  sépuUur9S  du  platmu  de 
Bogota  (Bulletins  de  la  Société  d* anthropologie  de  Paris,  2«  série,  t.  XI,  1876, 
p.  859). 

*  A.  GOring,  Venezuelaniiche  Aller thiimer  {Mittheilungen  des  Vereins  fur 
Erdkunde  lu  Leipzigy  1874.  Leipzig,  1875,  p.  SI). 

'  Uricoechea,  Memoria  sobre  las  antiguedades  tieo-granadinas,  Berlin, 
1854. 


DISCUSSION  SUR  LE  VENEZUELA.  Wt 

dillère  sont  aussi  comparables  aux  ornements  des  Ghibehas.' 
On  trouve  dans  les  histoires  de  Simon  et  d'Oviedo  quelques 
renseignements  sur  les  mœurs  des  Cuicas  et  des  Timotes. 

Discutnon. 

M.  HovBLACQUE.  Les  crânes  que  Ton  nous  présente  ont,  à 
mon  avis,  une  grande  importance.  D'une  façon  générale,  on 
peut  les  rapprocher  des  anciens  crânes  de  TEurope  préhis- 
torique occidentale.  Il  y  a  sans  doute  quelques  divergences, 
mais  Tensemble  est  parfaitement  comparable  et  caractéris- 
tique. Je  vois  ici  une  confirmation  de  Thypothèse  qui  fait 
venir  de  Touest  de  l'Europe  les  premiers  Américains.  La 
forme  même  des  pierres  taillées  dont  se  servait  Taneien 
homme  fossile  américain  indique  l'époque  de  la  migration. 
Des  indigènes  européens,  à  tête  allongée,  auraient  passé 
d'Europe  en  Amérique,  avant  la  période  glaciaire,  par  une 
/''voie  terrestre  qui,  aujourd'hui,  n'existe  plus.  La  jonction  de 
TAmérique  avec  l'Europe  a  été  alors  un  fait  réel;  la  faune, 
la  flore  en  témoignent. 

Si  ces  premiers  Américains  (car  il  faut  écarter  toute  idée 
d'indigénat)  n'ont  pu  venir  du  nord  de  l'Asie  ni  de  la  Poly- 
nésie, ce  qui  est  incontestable,  on  ne  voit  pas  d'autre  hypo- 
thèse que  celle  de  la  venue  de  l'ouest  de  l'Europe.  Cette 
supposition  est  pleinement  confirmée  par  la  comparaison 
très  facile  à  faire  entre  ces  anciens  crânes  et  les  anciens 
crânes  européens.  Je  ne  puis  voir  là  qu'une  seule  et  même 
race.  Les  immigrateurs  auraient  pénétré,  non  par  une  Atlan- 
tide plus  ou  moins  fabuleuse,  mais  par  les  terres  qui  ont 
rejoint  le  continent  européen  aux  Péroô,  à  l'Islande,  au  ter- 
ritoire américain  du  nord-est. 

J'ajoute  que  cette  race  est  distincte  de  l'autre  race  amé« 
ricaine,  celle-ci  à  tête  arrondie,  qui  est  venue  postérieure- 
ment, et  vraisemblablement  d'Asie  par  une  voie  à  déterminer. 
Il  y  a  eu  des  contacts  et  des  mélanges,  des  métis  ont  été  pro- 
duits; mais  il  est  impossible  d'admettre  que  les  anciens  doli- 
chocéphales très  caractérisés,  dont  nous  voyons  ici  des  des- 


348  8ÉAVC£  DU  2  AVRIL  1891. 

cendants^  se  soient  jamais  transformés  en  brachycéphales, 
comme  on  en  trouve  dans  certaines  régions  de  l'Amérique. 
Uy a  eu  deux  races^  non  une  seule. 

En  somme,  si  Torigine  asiatique  des  plus  anciens  Âméri* 
cains  à  tète  allongée  est  inadmissible,  il  faut  bien  songer  à 
l'origine  européenne,  et  cette  origine,  possible  par  voie  de 
terre,  est  justifiée  parla  comparaison  des  formes  crâniennes. 
On  aurait  trouvé  les  crânes  que  nous  avons  sous  les  yeux 
en  même  temps  et  aux  mêmes  endroits  que  les  plus  anciens 
crânes  européens,  qu'on  les  aurait  certainement  tous  attri- 
bués à  une  seule  et  même  race. 

M.  Hervé  regarde  comme  une  utopie  Tunité  de  race  des 
Américains,  vu  qu'il  est  impossible  d'admettre  la  transfor- 
mation des  dolichocéphales  en  bracbycéphales  et  récipro- 
quement. 

La  race  dolichocéphale  est  la  plus  ancienne.  Les  bracbycé- 
phales sont  beaucoup  plus  récents,  et  sont  venus  de  TAsie 
orientale,  soit  par  Behring,  soit  par  le  courant  du  Kouro- 
Sivo,  le  fleuve  Noir  des  Japonais. 

M.  Manouvrier.  Dans  Tétat  actuel  de  nos  connaissances, 
on  n'a  pas  plus  le  droit  de  nier  que  d'affirmer  la  possibilité 
du  passage  d'une  population  de  la  dolichocéphalie  à  la  bra- 
cbycéphalie.  Il  est  parfaitement  légitime  d'admettre,  à  titre 
d'hypothèse,  qu'une  pareille  transformation  a  pu  se  produire 
à  la  longue  dans  un  pays  en  dehors  de  toute  immigration, 
à  moins  qu'on  ne  veuille  attribuer  maintenant  aux  races 
humaines  l'immutabilité  naguère  attribuée  aux  espèces. 

Mais,  tout  en  croyant  à  la  possibilité  de  cette  transfor- 
mation, pour  diverses  raisons  que  je  ne  puis  développer 
ici,  je  ne  crois  pas  qu'elle  puisse  être  invoquée  pour  expli- 
quer les  difl'érences  considérables  qui  séparent  les  plus  an- 
ciens crânes  américains  des  modernes,  parce  que  des  faits 
assez  nombreux  et  de  toutes  sortes  semblent  démontrer  l'in- 
tervention de  races  asiatiques  dans  le  peuplement  de  l'Amé- 
rique. Les  crânes  américains  primitifs,  les  crânes  des  Esqui- 
maux et  les  crânes  européens  quaternaires  présentent,  au 


DISCUSSION  SUR   LE  VENEZUELA.  249 

contraire,  des  analogies  remarquables  qui  témoigneraient 
d'une  origine  commune.  Il  existe  un  immense  arc  de  cercle 
à  convexité  septentrionale  dans  retendue  duquel  ont  pu  se 
produire  des  migrations  en  tous  sens,  dont  la  description 
me  paraît  encore  devoir  rester  dans  le  domaine  de  Thypo- 
thèse,  si  Ton  ne  veut  pas  s'aventurer  dans  celui  de  la  fan* 
taisie. 

M"""  Clémence  Roter  se  félicite  de  voir  M.  Hovelacque  se 
ranger  à  Topinion  qu'elle  soutient  depuis  vingt  ans,  au  sujet 
des  analogies  profondes  des  races  quaternaires  européennes 
et  des  races  indigènes  américaines.  Elle  a  signalé,  dès  long- 
temps, les  affinités  du  type  de  Néanderthal  et  de  Ganstadt, 
avec  celui  des  Esquimaux  du  nord  de  TAmérique,  et  des 
Patagons  de  son  extrémité  sud  ;  et^  en  plusieurs  occasions, 
elle  a  fait  remarquer  qu*il  fallait  aller  chercher  peut-être 
jusque  dans  rAmérique  du  Sud  Torigine  de  la  race  dite  du 
renne ^  qui,  certainement,  est  venue  en  Europe  par  T Afrique, 
vers  la  fin  de  Tépoque  quaternaire.  Elle  a  signalé  déjà  plu- 
sieurs fois  un  passage  d'un  mémoire  où  les  Guaranis  sont 
appelés  des  Sémites  américains,  (Il  en  a  été  rendu  compte  dans 
la  Bibliothèque  universelle  de  Genève  antérieurement  à  1860.) 

Précédemment,  elle  a  appelé  l'attention  de  la  Société  sur 
la  platycnémie  générale  des  races  de  TAmérique  du  Sud, 
constatée  par  M.  Hamy  sur  de  nombreuses  séries  de  sque^ 
lettes.  Ce  caractère^  exceptionnel  chez  les  Européens,  serait 
la  règle  chez  les  indigènes  américains. 

Il  se  peut  donc  qu'au  commencement  de  l'époque  quater- 
naire, et  pendant  la  période  glaciaire  peut-être,  la  race  de 
Ganstadt  se  soit  étendue  d'Europe  en  Amérique,  ou  récipro* 
quement,  par  des  terres  polaires  ;  mais  il  semble  non  moins 
évident  qu'une  race  plus  méridionale,  partie  des  bords  de 
l'Atlantique  intertropical,  a  rayonné,  vers  la  fin  de  la  même 
époque,  dans  l'Afrique  du  Nord  et  dans  l'Amérique  du  Sud, 
par  des  terres  chaudes,  refoulant  ainsi  au  sud  et  au  nord  la 
race  de  Ganstadt,  dont  les  descendants  modifiés  survivraient 
encore  chez  les  Patagons  et  chez  les  Esquimaux,  et  auraient 


SM  SÉANCE  DU  2   AVRIL   ië91. 

même,  par  atavisme,  des  représentants  sporadiques  ohes  les 
races  plus  récentes  qui  se  sont  substituées  à  elle  dans  les 
climats  tempérés  de  l'Amérique. 

Il  est  possible  et  même  probable  qu*à  ces  populations  qua- 
ternaires dolichocéphales  se  sont  mêlées,  plus  tard,  en  Amé- 
rique, comme  d'ailleurs  en  Europe,  des  races  brachycé- 
phales  venues  d'Asie  par  le  détroit  de  Behring  ;  mais  il  faut 
admettre  aussi  que  ces  émigrations  ont  dû  être  réciproques. 
Bn  Amérique,  le  type  dolichocéphale  peut  s'être  modifié; 
Bon  crâne  peut  s'être  élargi,  comme  il  tend  à  s'élargir  chez 
toute  race  qui  progresse  ;  puisque,  plus  le  crâne  s'approche 
de  la  forme  sphérique,  plus  sa  capacité  augmente  relative- 
ment à  sa  surface. 

Des  migrations  mésaticéphales  ou  même  déjà  brachycé- 
phales,  très  anciennes,  ont  donc  pu  avoir  lieu  de  l'Amérique 
du  Nord  en  Asie,  où  le  type  se  serait  de  plus  en  plus  accusé, 
à  la  rencontre  d'autres  races  à  crâne  large,  tels  que  les  né- 
gritos  andamans  qui,  certainement,  sont  le  reste  de  popula- 
tions asiatiques  très  anciennes. 

En  règle  générale,  il  ressort  du  principe  de  divergence 
du  caractère  que,  plus  les  diverses  races  d'une  espèce  ont 
des  caractères  tranchés,  plus  elles  sont  récentes.  Il  y  a  donc 
lieu  de  croire  que  les  brachycéphales  à  peau  jaune  d'Asie 
sont  plus  récents  que  les  mésaticéphales  à  peau  cuivrée  de 
l'Amérique  du  Nord. 

M.  Sanson  pense  que  la  mésaticéphalie  ne  constitue  pas  une 
race  spéciale,  mais  le  mélange  des  deux  types.  11  n'en  est  pas 
autrement  chez  l'homme  que  chez  les  animaux.  On  aura  beau 
accumuler  chiffres  sur  chiffres,  mensurations  sur  mensura- 
tions, il  n'en  sera  ni  plus  ni  moins.  Pour  lui,  du  reste,  les  mi- 
grations n'ont  pas  la  valeur  qu'on  leur  attribue.  Il  peut  y 
avoir  eu  des  manifestations  humaines  sur  différents  points 
de  la  terre. 

M.  Hervé  ne  peut  admettre  l'apparition  de  l'homme  en 
Amérique.  Il  est  catarrhinien,  et  tous  les  singes  américains, 
fossiles  et  actuels,  sont  platyrrbiniens.  Les  communications 


DliCUMtOM  SUR   LB  YIHIIUILA.  SSI 

entre  l'Asie  et  le  nouveau  inonde  sont  faciles*  II  existe  d'ail** 
leurs,  entre  le  type  jaune  et  le  type  brachycéphale  de  rAtné*> 
rique,  une  ressemblance  qu*on  retrouve  également  dans  les 
arts  des  deux  groupes.  Tous  les  crânes  quaternaires  du  cou* 
tinent  américain  sont  des  crânes  allongés,  absolument  comme 
ceux  de  TEurope.  M.  Hovelacque  n*a  donc  pas  tort  de  songer 
aux  populations  néanderthaioïdes  de  TEurope  occidentale 
pour  le  premier  peuplement  de  rAmérique* 

M""*  Clémence  Roter  n'a  pas  prétendu  plaoer  en  Amérique 
le  berceau  de  l'homme  quaternaire,  puisque  Thomme  exis» 
tait  en  Europe  dès  l'époque  tertiaire  miocène  ;  bien  des  races 
ont  pu  passer  de  l'un  à  Tautrë  continent,  s*y  succéder 
et  s'y  mélanger  sans  y  être  autochtones.  Pourtant,  s'il  est 
vrai  que  l'Amérique  actuelle  ne  renferme  aucun  genre 
d'anthropoïdes  ayant  pu  donner  naissance  à  l'homme^ 
il  n'est  pas  démontré  qu'il  n'y  eh  a  jamais  existé.  Nous 
sommes  d'ailleurs  certains  qu'aucun  des  anthropoïdes  ae- 
tuellement  vivants  dans  l'ancien  continent  n'a  été  la  souche 
de  l'espèce  humaine  qui,  nécessairement,  a  supplanté  et 
détruit  celle  dont  elle  est  issue  dans  les  contrées  où  s'eét 
accomplie  sa  transformation.  C'est  donc  justement  paroe 
qu'il  n'existe  plus  d'anthropoïdes  en  Amérique  qu'il  y  aurait 
quelque  probabilité  pour  que  les  ancêtres  éteints  de  l'homme 
y  aient  vécu.  Cet  cmcêtre  d'ailleurs  n'était  point  un  qua» 
drumane,  il  ne  marchait  ni  à  quatre  mains  ni  à  quatre 
pattes,  il  ne  grimpait  pas  aux  arbres;  si  c'était  un  singe» 
c'était  un  singe  de  rivage,  encore  bon  nageur  et  presque  am* 
phibie,  ayant  les  quatre  membres  palmés  (voyex  Bulletin» 
de  (a  Société  d'anthropologie  :  Sur  la  phylogénie,  à  propos 
d'un  lézard  bipède,  1890),  et  c'est  aux  dépens  de  ces  quatre 
membres  palmés,  et  en  grimpant  sur  les  rochers,  que  se  sont 
formés  directement  deux  pieds,  adaptés  exclusivement  à  la 
marche,  et  deux  mains  de  plus  en  plus  adaptées  à  là  pré* 
hension» 

Il  n'est  possible  d'expliquer  la  distribution  géographique 
aetuelle  des  diverses  raees  humaÎBes  qu'ea  admettaal  TalLis* 


3SS  8ÉANGB  DU  i  AVRIL   1891. 

tence  dans  chaque  continent  de  plusieurs  strates  successives 
de  très  anciennes  populations  qui  s*y  sont  succédé  en  s*y 
superposant,  et  en  s'y  mélangeant  plus  ou  moins  profondé- 
ment. Nulle  part  il  n'y  a  plus  de  races  réellement  au- 
tocthones,  mais  des  produits  métis  indigènes,  très  modifiés, 
d'anciennes  migrations  venues  de  points  bien  divers. 

Si  à  l'âge  quaternaire,  l'homme,  armé  d*outils  de  silex, 
était  déjà  répandu  sur  toutes  les  terres  alors  émergées,  qui 
font  encore  partie  de  nos  continents  actuels,  comme  tendent 
à  le  démontrer  les  découvertes  récentes  des  archéologues, 
cette  expansion  générale  de  l'espèce,  dès  cette  époque,  sup- 
pose qu'elle  existait  depuis  longtemps,  et  qu'elle  doit  avoir 
été  représentée  quelque  part,  dès  l'époque  tertiaire,  par 
d'autres  races,  sans  doute  encore  inférieures.  On  trouve  là 
une  confirmation  inductive  de  l'existence  de  l'homme  ter- 
tiaire, déjà  attestée  en  Europe,  à  Thenay,  en  Auvergne  et 
en  Portugal,  par  ses  instruments,  mais  qui  pouvait  exister 
encore  ailleurs. 

Quant  aux  moyens  de  migration  terrestre  entre  les  deux 
divers  continents  émergés,  ils  n'ont  fait  défaut  à  aucune 
époque. 

Si  la  durée  de  chaque  période  géologique  est  mesurée 
par  un  déplacement  à  longue  période  des  pôles  géographi- 
ques, dans  une  courbe  fermée,  ce  déplacement  entraîne 
celui  du  renflement  équatorial  qui  ne  peut  s'effectuer  sans 
modifier  considérablement  la  distribution  des  terres  et  des 
mers,  en  faisant  émerger  les  contrées  dont  l'équateur  s'éloi- 
gne, et  immerger  celles  dont  il  s'approche. 

Cette  hypothèse  d'un  déplacement  cyclique  des  pôles, 
que  M"*'  Clémence  Royer  soutient  depuis  trente  ans  (note  de 
la  traduction  française  de  VOrigine  des  espèces^  1''  édition, 
in-18,  1862  ;  Congrès  de  géographie  de  Paris,  1875;  Congrès 
d'archéologie  et  d'anthropologie  préhistorique,  Paris,  1889), 
vient  d'être  confirmée  par  la  constatation  de  leur  déplace- 
ment annuel.  Comme  cette  variation  du  plan  de  rotation  du 
globe  ne  peut  avoir  que  des  causes  météorologiques  très  va- 


DISCUSSION  SUR  LR   VENEZUELA.  253 

riables  en  intensité,  il  est  absolument  impossible  que  chaque 
cycle  annuel  ramène  exactement  les  pôles  de  rotation  juste 
aux  deux  mêmes  points  matériels  de  la  surface  de  Tellip- 
soïde  terrestre.  Il  doit  donc  nécessairement  en  résulter  un 
déplacement  séculaire  très  lent  de  ces  points  qui  parcour- 
raient ainsi  une  courbe  hélicoïdale  à  boucles  annuelles  très 
petites  et  très  serrées,  dont  les  centres  décriraient  la  courbe 
séculaire,  peut-être  de  très  grand  rayon,  sur  laquelle,  du- 
rant la  deuxième  période  géologique,  se  sont  manifestés, 
dans  les  deux  hémisphères,  les  climats  polaires.  Ainsi  s'ex- 
pliquerait tout  naturellement  comment,  dans  Thémisphère 
boréal,  la  Scandinavie,  le  Danemark,  TAngleterre,  les  Vos- 
ges, les  Alpes,  les  Pyrénées  en  Europe,  puis  les  Açores  et 
toute  l'Amérique  du  Nord,  ont  été  successivement  des  Is- 
lande, des  Nouvelle-Zemble  et  des  Groenland  couverts  de 
glaciers  permanents  et  entourés  de  glaces  flottantes;  tandis 
que,  dans  Thémisphère  austral,  les  mêmes  phénomènes  se 
manifestaient  dans  la  Nouvelle-Zélande.  • 

Les  affinités  génériques  et  même  spécifiques  des  faunes 
tertiaires,  quaternaires  et  actuelles  d'Auvergne  et  d'Europe, 
prouvent  qu'à  chaque  période  géologique  il  a  existé,  entre 
ces  deux  continents,  des  routes  terrestres,  non  pas  seulement 
par  les  régions  polaires,  mais  par  des  régions  tempérées  ou 
tropicales.  Ni  les  mastodontes  tertiaires,  ni  les  éléphants 
quaternaires,  n'ont  pu  aller  de  l'un  à  l'autre  à  travers  des 
terres  glacées  où  ils  n'auraient  pu  trouver  de  quoi  se  nourrir. 
L'autruche  africaine  et  Témou  américain  ont  certainement 
un  ancêtre  commun  dont  les  représentants  n'ont  pu  traver- 
ser TAtlantique  sur  la  glace.  11  en  est  de  même  des  ancêtres 
communs  des  félidés  actuels  et  du  machairodus  quaternaire 
qui  vient  d'être  retrouvé  en  Amérique;  des  ancêtres  des 
hipparions  tertiaires  et  des  chevaux  quaternaires;  des  an- 
cêtres de  l'aurochs  et  du  bison  actuel,  et  de  ceux  des  nom- 
breuses espèces  de  cerfs  qui  habitent  encore  actuellement 
les  deux  continents. 

Or,  si  des  chemins  terrestres  ont  été  ouverts  û  tous  ces 

T.  II  (4«  SÊUIK).  17 


iÛ'  BÉAlfCB  DU   16  AVRIi  1891. 

animaux  aux  diverses  périodes   géologiques,    les  diverses 
races  humaines  ont  pu  également  y  passer. 
La  séance  est  levée  à  cinq  heures  trois  quarts. 

Pour  les  secrétaires  empêchés  :  FADVELLE. 


SS6«  SËANGI.  —  16  tiril  1891. 

Présidence  de  M.  liAMORINES,  président* 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès-verbal. 

M.  YiNsoN.  La  statuette  présentée  à  la  Société  par  notre 
collègue  M.  Moreau  représente  certainement  Yichnou,  la  se- 
conde personne  de  la  Trinité  hindoue,  dans  sa  quatrième 
incarnation,  celle  en  homme-lion,  Nara-Simha,  Vichnou 
prit  cette  forme  pour  venir  au  secours  d'un  de  ses  fidèles 
adorateurs,  Prahiâda.  Le  père  de  Prahlâda,  le  roi  Hiranya- 
kàcyapa,  avait  acquis,  par  ses  mérites  et  ses  vertus,  la  faculté 
de  ne  pouvoir  être  mis  à  mort  ni  par  un  homme  ni  par  un 
animal. Fier  de  cette  immunité,  il  en  vint  à  exiger  qu'on  lui 
rendît  un  véritable  culte.  Prahlâda  s'y  refusa,  et  son  père 
allait  le  tuer,  lorsqu'il  invoqua  Vichnou  qui  sortit  d'une  co- 
lonne de  la  salle  sous  la  forme  d'un  homme-lion,  prit  le  tyran 
sur  ses  genoux  et  le  mit  en  pièces. 

La  statuette  offre  tous  les  caractères  distinctifs  de  Vichnou, 
notamment  la  conque  et  la  fleur  de  lotus. 

LEGS  A  LA  SOCIËTÈ. 

M.  LK  Président.  Suivant  testament,  en  date  du  8  juin  1890, 
reçu  par  M.  Berceon,  notaire  à  Paris,  avenue  de  l'Opéra,  n«»  4, 
M.  Delehaye  (Jules-Alexandre-Napoléon),  membre  de  la  So- 
ciété d'anthropologie,  décédé  en  son  domicile  à  Paris,  rue 
Vignon,  n°  8,  le  iO  janvier  1891,  a  fait  don  à  notre  Société 
d'une  somme  de  \  0<)0  francs,  nette  de  droits  de  mutation. 


GORRBSPONDANCfi.  S5S 

Un  extrait  de  ce  testament  nous  a  été  délivré  par  M.  Ber- 
ceon,  notaire,  en  date  du  3  avril  1891,  et  M.  le  Préfet  de  la 
Seine  nous  a  invités  à  remplir  les  formalités  nécessaires  pour 
entrer  en  possession  du  legs. 

Le  Comité  central  de  la  Société  a  décidé,  à  l'unanimitô, 
Tacceptation  du  don  de  M.  Delehaye. 

11  a  décidé,  en  outre,  que  cette  somme  serait  employée  aux 
travaux  scientifiques  de  la  Société  et  à  ses  publications. 

Une  lettre  de  remerciements  a  été  adressée  à  M"»«  veuve 
Delehaye. 

COMMUNICATIONS  DU  UURTAU. 

M.  LE  Président  annonce  qu'il  a  touché,  pour  la  Société, 
une  somme  de  2059  fr.  70,  accordée  par  le  Conseil  muni- 
cipal de  Paris,  comme  complément  de  son  allocation  pour 
les  dépenses  nécessitées  par  Texposition  collective  de  TÉcole, 
de  la  Société  et  du  Laboratoire,  à  l'Exposition  universelle 
de  1881). 

M.  LE  Thésorieb  fait  remarquer  que,  sur  cette  somme, 
l'École  d'anthropologie  doit  recevoir  400  francs.  Le  reste  de 
la  somme  est  la  propriété  de  la  Société. 

M.  LE  Président  annonce  qu'il  a  reçu  le  diplôme  et  la  mé- 
daille d'or  (en  bronze)  qui  a  été  décernée  à  l'Exposition  col- 
lective  de  la  Société  et  de  TEcole  à  l'Exposition  universelle. 
Diplôme  et  médaille  seront  déposés  dans  les  archives. 

CORRESPONDANCE. 

M.  LE  Président  annonce  que  M.  Jaime,  auteur  d'un  des 
articles  publiés  dans  le  dernier  fascicule  de  la  Revue  de 
rÉcole  d'anthropologie,  lui  a  adressé  des  flèches  empoison- 
nées et  un  carquois,  qui  seront  présentés  à  la  Société  dans 
une  prochaine  séance. 

M.  PoMCflON,  d'Airaines  (Somme),  remercie  la  Société  de 
«on  élection  comme  membre.  Il  annonce  l'envoi  d'un  crâne 
méroyiBgien,  et  donne  les  indications  se  rapportant  à  ce 
crâne. 


SS6  SÉANCE  DU   16  AVRIL  1891. 


OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  Matbias  Duval  présente  une  brochure  de  M.  Aleiis 
Julien,  intitulée  :  Uhi  de  la  position  des  centres  nei^veux. 

11  donne  à  ce  sujet  les  indications  suivantes  : 

M.  Julien  résume  ainsi  sou  travail  : 

«  1»  Chez  les  rayonnes  y  les  principaux  centres  nerveux  soot 
ventraux  comme  les  principaux  organes  sensoriels  et  loco- 
moteurs ; 

(I  2°  Chez  les  anneiés  et  les  mollusques,  les  principaux  cen* 
très  nerveux  sont  dorsaux  comme  les  principaux  organes  sen- 
soriels,  et  ventraux  comme  les  principaux  organes  locomo- 
teurs ; 

«(  3"»  Chez  les  vertébrés,  les  principaux  centres  nerveux  sont 
dorsaux  comme  les  principaux  organes  sensoriels  el  loco- 
moteurs. » 

M.  Julien  conclut  donc  : 

n  II  y  a  un  rapport  cotistant  entre  la  position  des  principaux 
centres  nerveux  et  relie  des  principaux  organes  sensoriels  et  loeo* 
moteurs.  » 

Cette  loi,  d*ordre  absolument  général,  et  vraie  pour  le 
règne  animal  tout  entier,  me  parait  inattaquable.  Mais  je 
pense  que  M.  Julien  ira  plus  loin,  qull  nous  montrera  le 
pourquoi  de  sa  loi,  ou  plutôt  qu'il  nous  l'expliquera  par  les 
phénomènes  de  révolution. 

Les  divers  types  animaux  ne  sont  pas,  en  effet,  jetés  an 
hasard.  les  rayonnes,,  les  anneiés,  les  mollusques  et  les  ver- 
tébrés sont  des  embranchements,  c'est-à-dire  des  tiges  d'un 
même  tronc.  L'étude  de  révolution  peut  seule  nous  faire  con- 
naître le  type  ancestral  d'où  sont  dérivées  les  formes  ani- 
males actuelles. 

Vous  savez  que^  depuis  Etienne  Geoffroy  Saint-Hilairet  on 
considère  le  vertèbre  comme  un  annelé  t^etoumé^  c'est-à-dire 
comme  un  animal  marchant  sur  la  partie  dn  corps  qui  cor» 
resi>ond  au  dos  de  l'annelé. 


DISCUSSION   SUR    UN   OUVRAGE  OFFIJIT.  257 

Or,  M.  Julien  tire  de  sa  loi  le  corollaire  suivant  :  a  Le  ver- 
tébré nest  pas  plus  un  annelé  retourné  que  Cannelé  n'est  un 
vertébré  retourné, 

«  Le  vertébré,  dit-il,  est  un  animai  dont  les  principaux 
organes  sensoriels  et  locomoteurs,  et  partant  les  principaux 
centres  nerveux,  sont  dorsaux. 

«  Uannelé  est  un  animal  dont  les  principaux  organes  sen- 
soriels sont  dorsaux,  tandis  que  ses  principaux  organes  loco- 
moteurs sont  ventraux  ;  par  suite,  ses  principaux  centres  ner- 
veux sont  en  partie  dorsaux  et  en  partie  ventraux,  d 

J'ajouterai  qu'un  argument  très  important,  tiré  de  Tétude 
des  phénomènes  de  l'évolution,  semble  corroborer  l'idée 
d'Etienne  Geolfroy  Saint-Hilaire  :  la  vésicule  vitelline  des 
vertébrés  est,  en  effet,  ventrale,  tandis  que  celle  des  annelés 
est  dorsale. 

Discussion. 

M.  Georges  Hlihvé.  M.  Alexis  Julien  infirme  dans  ses  con- 
clusions la  loi  d'Etienne  Geoffroy  Saint-Hilaire  concernant  le 
retournement  du  vertébré  comparé  à  Tannelé.  Sans  pré- 
tendre que  ce  retournement  soit  une  réalité,  il  est  permis 
de  constater  que  les  parties  homologues  du  système  nerveux 
présentent  dans  les  deux  types  des  rapports  inverses,  comme 
s*il  y  avait  eu  retournement.  Chez  le  vertébré,  les  cordons 
supérieurs  ou  dorsaux  de  la  moelle  donnent  naissance  aux 
nerfs  sensitifs;  les  cordons  inférieurs  ou  ventraux,  aux  nerfs 
moteurs.  Chez  l'invertébré,  au  contraire,  des  deux  cordons 
dont  se  compose  également  la  chaîne  nerveuse  sous-intesti- 
nale, Tuu,  supérieur,  donne  naissance  aux  nerfs  du  mouve- 
ment ;  Tau  tre,  inférieur,  aux  nerfs  sensitifs,  ainsi  qu'il  résulte 
des  expériences  déjà  anciennes  de  Newport  sur  les  insectes 
et  de  Longet  sur  les  crustacés.  Tant  que  ces  expériences 
n'auront  pas  été  démontrées  inexactes,  a-t-on  bien  le  droit 
de  déclarer  mal  fondée  la  thèse  du  retournement? 
.  M.  Alexis  Julien.  Chez  les  vertébrés,  les  racines  sensitives 
sont  dorsales  et  les  motrices  ventrales  ;  chez  les  annelés,  les 


258  SÉANCE  DU   46  AVRIL   4894. 

racines  sensitives  sont  ventrales  et  les  motrices  dorsales. 
Mais  ce  fait  prouve  simplement  que,  dans  le  vertébré  comme 
dans  l'annelé,  les  racines  sensitives  sont  plus  rapprochées 
du  tégument  que  les  racines  motrices  ;  il  rentre  dans  la  loi 
de  la  position  des  centres  nerveux. 

Enfin,  si  les  ganglions  du  tronc  de  l'annelé  sont  ventraux, 
ceux  de  la  tête  sont  dorsaux.  Cette  disposition  dorso-ventrale 
des  centres  nerveux  de  Tannelé  constitue  contre  la  théorie 
du  retournement  une  objection  capitale  et,  à  mes  yeux,  tout 
à  fait  suffisante.  Retourner  Tannelé,  c'est  retourner  le  pro- 
blème et  non  point  le  résoudre. 

M.  Manouvrier  présente  la  thèse  inaugurale  de  M.  Laloy, 
intitulée  :  Elude  des  applications  thérapeutiques  de  la  sug^ 
gestion  hypnotique  (Thèse  médicale.  Paris,  1891,  in-8°, 
42  pages). 

Bien  que  la  thérapeutique  soit  hors  du  domaine  de  Tan- 
thropologio,  il  s'agit,  dans  la  thèse  de  M.  le  docteur  Laloy,  de 
deux  questions  très  intéressantes  au  point  de  vue  de  Tan- 
thropologie  physiologique  :  l*»  la  production  de  Tétat  hyp- 
notique ;  2°  rinfluence  que  peut  exercer  la  suggestion,  dans 
cet  état,  sur  des  affections  diverses  du  cerveau  et  du  reste 
du  corps.  M.  Laloy  expose  dix  observations  originales,  rela- 
tives à  cette  influence.  Son  mémoire  contient,  en  outre,  di- 
verses considérations  intéressantes  et  un  aperçu  historique. 
Il  n'a  point  passé  sous  silence,  comme  certains  autres  auteurs, 
les  travaux  de  notre  savant  confrère,  le  docteur  Durand  de 
Gros,  qui,  dès  1855,  eut  le  mérite  de  réveiller  en  France  la 
question  de  l'hypnotisme,  plus  de  dix  ans  avant  la  publication 
de  l'ouvrage  du  docteur  Liébeault.  Sous  le  nom  de  docteur 
Philipps,  M.  Durand  de  Gros  fit,  à  Paris,  des  conférences 
scientifiques  sur  Thypnotisme.  et  publia  un  traité  intitulé  : 
Electro' dynamisme  vital  ;  puis,  en  1860,  son  Cours  théorique 
et  pratique  du  braidlsme  ou  hypnotisme  nerveux,  1!  a  contribué 
à  faire  entrer  ces  questions  dans  la  voie  scientiflque,  et  j'ai 
cru  bon  de  le  rappeler  ici,  d'autant  plus  que  les  travaux  de 
M.  Durand  de  Gros  ont  été  trop  souvent  oubliés. 


CLÉMENT  RUBBRIfS.  —  ÉVOLUTION  RELIGIEUSE  AU  CONGO.    259 


PRESENTATIONS. 

ÉvolHlioB  reliflfl«aae  au  Conipo  ; 

PAR    M.    CLÉMENT   RUBBENS. 

L  aspect  de  ces  fétiches  n'est  ni  flatteur  ni  attrayant,  mais 
pour  le  Congolais,  il  est  une  puissance  avec  laquelle  il 
compte,  et  dans  laquelle  il  a  une  confiance  absolue,  même 
lorsque  les  désirs  qu'il  a- exprimés  n'ont  pas  été  satisfaits, 
car«  alors,  la  faute  n'en  est  pas  au  fétiche^  mais  à  une  autre 
cause.  C'est  ainsi  que  le  Congolais,  sur  le  point  de  faire  une 
mauvaise  action,  regardera  si  son  fétiche  ne  peut  le  voir;  si 
oui,  il  s'empressera  de  le  couvrir  et  de  le  cacher,  autre- 
ment son  fétiche  pourrait  l'en  punir.  Les  femmes  congolaises 
n'oseraient  se  compromettre  le  jour,  car  le  fétiche  les  ver- 
rait et  les  ferait  mourir. 

Pour  nous,  pour  l'histoire  des  religions,  ces  fétiches  ont 
leur  place  marquée  au  même  titre  que  les  idoles  les  plus 
luxueuses  des  religions  les  plus  relevées,  et  ces  fétiches- 
ci  ont  même  quelque  chose  de  plus  que  les  autres  pour 
attirer  notre  attention  ;  car  avec  elles,  nous  assistons  au 
début  des  civilisations  naissantes  où  l'homme,  déjà  en  butte 
avec  rinconnu,  cherche  les  causes  non  du  bien  qu'il  peut 
ressentir,  mais  du  mal  dont  il  soufTre,  invoquant  et  conjurant 
tout  ce  qui  l'entoure,  tout  ce  qui  lui  tombe  sous  la  main,  un 
caillou,  un  morceau  de  bois,  un  rocher,  un  arbre,  un  ani- 
mal, tout  est  bon,  leur  demandant  leur  aide  et  leur  protec- 
tion contre  les  différents  maux  ou  accidents  qu'il  avait  à 
soufTrir  et  qu'il  ne  savait  empêcher.  C'est  à  ce  moment 
psychologique  des  sociétés  naissantes  qu'apparaissent  ces 
individus,  non  plus  savants,  non  moins  ignorants  que  leur 
milieu,  mais  plus  malins  et  plus  avisés  que  les  autres,  qui 
comprirent  tout  le  parti  qu'ils  pourraient  tirer  d'une  telle 
situation,  d'un  tel  état  de  choses.  Alors,  eux  aussi,  eurent 
leurs  fétiches  qu'ils  firent  valoir  bien  haut  ;  et  quels  fétiches  I 


260  SÉANCE   DU    16  AVRIL   1891. 

car  ils  en  obtenaient  tout  ce  qu'ils  voulaient,  et  leur  puis- 
sance était  si  grande,  qu'il  n'y  avait  rien  qui  pût  l'égaler. 
En  leur  nom  et  par  eux,  s'ils  l'eussent  voulu,  ils  auraient  pu 
commander  aux  éléments,  faire  la  pluie  et  le  beau  temps  ; 
portés  sur  eux,  leurs  fétiches  les  rendaient  invulnérables,  et 
les  bêtes  féroces  n'auraient  osé  les  approcher. 

Mais  un  tel  fétiche  ayant  une  telle  puissance  n'était  pas  fa- 
cile à  obtenir,  car  il  était  nécessaire  qu'un  esprit,  et  un  esprit 
fort  et  puissant,  fût  bien  fixé  dans  l'objet.  Cet  objet  pouvait 
être  n'importe  quoi  et  en  n'importe  quelle  matière,  mais  il 
était  nécessaire  de  faire  certaines  simagrées,  de  dire  certai- 
nes paroles  magiques  et  cabalistiques  pour  pouvoir  réussir 
à  fixer,  à  retenir  l'esprit  et  à  l'emprisonner  dans  l'objet.  Sans 
toutes  ces  formalités,  l'objet  ne  pouvait  êlrc  fétiche,  ou 
alors  un  fétiche  sans  pouvoir  ni  efficacité,  et  conséquemment 
nul.  Ces  individus  vantaient  bien  haut  qu'eux  seuls  connais- 
saient les  paroles  cl  ces  signes,  les  seuls  capables  de  fixer 
l'esprit  pour  en  faire  un  fétiche  fort  et  puissant.  Comment  et 
où  les  avaient-ils  appris?  C'était  leur  secret  qu'ils  gardaient 
pour  eux,  nt  avec  un  soin  jaloux. 

Mais  l'ignorance  est  crédule,  et  un  tel  pouvoir  chez  ces 
individus  devait  leur  donner  une  grande  importance  aux 
yeux  de  leurs  concitoyens.  Aussi  ceux-ci,  ne  pouvant  avoir 
de  fétiches  assez  forts  pour  conjurer  et  apporter  un  adou- 
cissement à  leurs  maux,  vinrent-ils  d'abord  consulter  les 
heureux  féticheurs  et  leurs  fétiches  pour  toutes  sortes  de 
choses;  puis  ensuite,  au  moyen  de  présents,  ils  les  sollici- 
tèrent et  les  prièrent  de  leur  rendre  fétiches  une  foule  d'objets 
qu'ils  leur  apportèrent,  car  ce  désir  de  posséder  eux-mêmes 
un  fétiche  puissant,  dont  ils  pussent  disposer,  à  qui  ils  pus- 
sent s'adresser,  était  très  naturel. 

Dès  ce  moment,  la  religion  et  le  culte  se  trouvèrent  à  l'état 
embryonnaire;  le  sorcier,  le  féticheur,  le  prêtre,  avaient  pris 
naissance.  Nous  verrons  bientôt  les  premiers  sortir  de  leur 
état  embryonnaire,  se  développer  et  s'étendre,  pendant  que, 
pour  les  seconds,  et  parallèlement,  s'augmentera  leur  in- 


CLÉMKNT   nUBBENS.  —   ÉVOLUTION   RELIGIEUSE   AU  CONGO.    Ml 

fluence  sur  les  masses,  et  comme  conséquence  leur  force  et 
leur  puissance. 

Au  Congo,  nous  pouvons  déjà  constater  ce  commencement 
de  développement,  et  cette  série  de  fétiches-ci  est  intéres- 
sante sous  ce  rapport.  Ce  sont  d'abord  des  objets  hétéro- 
gènes associés  ensemble  ;  tel  est  celui-ci  composé  de  trois 
vertèbres  de  je  ne  sais  quel  animal  associés  à  deux  mèches 
de  cheveux  ou  de  poils  tressés  en  natte.  Puis,  cette  corne, 
fétiche  de  chef,  à  laquelle  sont  réunis  des  plumes  de  coq  et 
un  fragment  de  peau  garnie  de  son  poil  ;  elle  porte  à  sa  base 
et  en  saillie,  faisant  corps  avec  la  corne,  une  sorte  de.  petit 
reliquaire  recouvert  d'un  verre,  et  contenant  quelque  objet 
hétéroclite  comme  le  précédent.  Mais  ici  la  puissance  du 
fétiche  sera  beaucoup  plus  grande,  car  la  corne  elle-même, 
emblème  de  force,  est  le  fétiche  par  excellence,  et,  réunie 
aux  plumes  et  aux  poils,  ils  paraissent  former  tout  un  fais- 
ceau de  puissances. 

Ce  petit  reliquaire  que  nous  voyons  joint  à  cette  corne 
comme  partie  indépendante,  nous  le  trouvons  ici  incorporé 
dans  le  dos  de  cette  espèce  de  monstre  en  bois,  représen- 
tant les  deux  parties  antérieures  de  deux  animaux  réunis 
vers  le  milieu  du  corps.  Les  têtes  de  ces  animaux,  qui  ont 
quelque  chose  du  porc,  ont  leurs  gueules  ouvertes  et  héris- 
sées de  dents,  avec  un  air  menaçant,  pour  quiconque  ose- 
rait toucher  au  dépôt  qui  leur  est  condé. 

Dans  celui-ci,  ce  n'est  plus  un  monstre  qui  sera  chargé  de 
veiller  sur  le  précieux  fétiche,  et  nous  en  sommes  arrivés  à 
l'anthropomorphisme,  à  la  représentation  de  l'image  de 
l'homme,  et  ce  sera  à  son  simulacre  que  sera  confié  le  féti- 
che, et  renfermé  dans  ses  flancs,  il  en  acquerra  encore  plus 
de  puissance  et  de  force. 

Enfin;  messieurs,  nous  touchons  au  moment  où  le  Congo- 
lais va  concevoir  son  fétiche  semblable  à  lui  même,  car, 
comme  il  croit  que  tout  a  un  esprit,  les  pierres  comme  les 
arbres,  les  animaux  et  les  hommes,  il  est  évident  pour  lui 
que  de  tous  ces  esprits,  celui  de  l'homme  devra  être  le  plus 


362  SÉANCE  DU   16   AVRIL  1891. 

fort.  Dès  lors,  ce  ne  sera  plus  ce  simulacre  incomplet  de 
rhomme  avec  ses  flancs  creux  recouvert  d'une  glace  et 
renfermant  le  fétiche,  mais  une  représentation  de  Thomme 
au  complet^  le  fétiche  par  excellence  et  le  plus  puissant  de 
tous. 

Ce  fétiche  nous  est  représenté  par  cette  petite  statuette  en 
08,  nue  et  assise,  supportant  dans  ses  mains  ses  deux  seins 
arrondis  qu*elle  présente,  nous  rappelant  ainsi  la  déesse 
mère  et  nourrice  de  Tanliquilé. 

Et  encore  par  ces  deux  grandes  statuettes  offertes  par 
M.  Salmon  au  musée  de  la  Société,  et  représentant  un  homme 
et  une  femme  ayant  tous  leurs  attributs  sexuels  fortement 
accentués. 

Ces  dernières  représentations  de  Thomme  fétiche  viennent 
compléter  et  nous  confirmer  cette  évolution  religieuse  qui 
s'est  faite  au  Congo. 

Pour  ce  qui  est  de  leurs  prêtres  féticheurs,  nous  ne  con- 
naissons que  fort  imparfaitement  leur  hiérarchie  ;  ce  que 
nous  savons,  c'est  que,  au  sommet  de  cette  hiérarchie  sacer- 
dotale, se  trouve  placé  une  sorte  de  grand  lama  ou  do  pape 
nommé  Chitome^  dont  le  pouvoir  et  la  puissance  sont  im- 
menses. Il  est  lui-même  grand  fétiche,  sa  maison  est  fétichée 
également,  et  un  feu  qui  ne  s'éteint  jamais  y  brûle  conti- 
nuellement. C'est  avec  des  tisons  pris  à  ce  feu  que  le  Chi- 
tome  paye  et  récompense  pour  les  services  et  les  nombreux 
présents  qu'il  reçoit,  et  ceux  à  qui  il  remet  ces  brandons  les 
emportent  avec  bonheur  et  très  satisfaits  de  posséder  un  tel 
fétiche. 

Les  rois  n'entreprennent  rien  sans  le  consulter,  et  lors- 
qu'un dignitaire  de  l'État  est  nommé  à  quelque  emploi,  avant 
de  se  rendre  à  son  poste,  il  va,  avec  sa  suite  et  force  présents, 
demander  la  bénédiction  au  grand  Chitome.  Là,  le  dignitaire 
se  jette  à  terre,  pleurant,  soupirant  et  se  couvrant  de  pous- 
sière ;  si  les  présents  ne  sont  pas  jugés  suffisants  par  le  Chi- 
tome, on  le  laisse  se  lamenter  jusqu'à  ce  que  ceux-ci  aient 
été  complétés.  Alors  le  Chitome  daigne  sortir  de  sa  case,  il 


CLÉMENT  RUBBEN8.  —  ÉVOLUTION  RELIOIBUSH:   AU  CONGO.     263 

asperge  d*eau  et  de  poussière  le  dignitaire  qui  rampe  à  ses 
pieds,  puis,  le  faisant  coucher  sur  le  dos,  il  lui  pose,  à  plu- 
sieurs reprises,  le  pied  sur  la  poitrine,  pour  bien  lui  faire 
connaître  qu'il  est  sous  sa  dépendance,  et  qu'il  ne  doit  rien 
faire  contre  lui,  ni  rien  sans  son  assentiment. 

Au-dessous  du  Chitome,  et  sous  sa  dépendance,  sont  les 
Ouagangas,  qui  sont  supérieurs  aux  Scingilis,  simples  évoca- 
teurs  de  la  pluie. 

Le  Mganga  Amaloro  avait  le  fétiche  spécial  consacré  contre 
les  effets  du  tonnerre. 

Montinoua  Maya  avait  le  fétiche  de  Teau  ;  il  rendait  ses 
oracles  en  observant  les  mouvements  d'une  calebasse  jetée 
à  la  rivière. 

Molonga  prédisait  l'issue  des  maladies  par  l'inspection  de 
l'eau  bouillante. 

Le  Moni  prédisait  Tissue  des  maladies  par  les  idoles. 

L'Amabondou  avait  pour  spécialité  les  champs  ensemencés. 

Le  Mganga  Mnene  veillait  à  la  conservation  des  récoltes 
renfermées  dans  les  greniers. 

Le  Mganga  Matombola  se  faisait  apporter  des  trésors  par 
ses  parents  trépassés,  qu'il  avait  le  pouvoir  de  faire  sortir  de 
leurs  tombeaux. 

Ngourianamboua,  il  fallait  gagner  sa  faveur  pour  réussir 
à  la  chasse  de  l'éléphant. 

Le  Mpombola  aidait^  par  ses  charmes,  les  chasseurs  à  cap- 
turer les  fauves  dans  leurs  pièges. 

Nbacassou  faisait  retrouver  les  vaches  égarées. 

Les  Npougou,  Ceibanza  et  Issa,  préservaient  les  guerriers 
des  blessures. 

Le  Mganga  Ambougoula  donnait,  en  sifflant,  la  victoire 
sur  l'ennemi. 

Toutes  les  actions  de  la  vie  sont  ainsi  mises  sous  le  con- 
trôle et  l'intervention  d'un  prêtre  sorcier,  qui  possédait  le 
fétiche  spécial,  car  tous  les  faits  de  l'existence  sont  soumis 
à  l'action  de  l'influence  d'un  esprit  spécial,  qui  doit  avoir 
son  corollaire  dans  un  fétiche  également  spécial  à  la  chose* 


264  SÉANCE  DU  46  AVRIL   1891. 

Le  mariage^  la  grossesse,  la  naissance,  l'entrée  dans  Tàge  de 
puberté,  la  mort,  exigent  l'intervention  du  prêtre  magicien. 
La  justice,  les  épreuves  du  poison  ou  liqueur  fétiche,  sont 
faites  et  données  par  le  prêtre  magicien  ;  en  un  mot,  en  tout 
et  pour  tout,  on  le  retrouve. 

Gomme  vous  le  voyez,  messieurs,  cette  longue  nomencla- 
ture des  prêtres  féticheurs,  avec  leurs  fétiches  difFcrcnts 
pour  chaque  chose  spéciale,  nous  rappelle  singulièrement 
les  derniers  temps  de  la  Rome  antique  où  tout  était  adoré  : 
car  les  vertus  comme  les  vices  avaient,  eux  aussi,  leurs  tem- 
ples spéciaux,  avec  leurs  prêtres  particuliers  pour  célébrer 
leurs  mystères.  Quelque  incomplète  qu'elle  soit,  cette  nomen- 
clature nous  est  une  preuve  que  cette  expansion  fétichico- 
religieuse  au  Congo  a  été  successive  et,  par  conséquent,  évo- 
lutive; et  parallèlement  à  cette  expansion,  Tinfluence  de  ses 
prêtres  est  devenue  de  plus  en  plus  grande  sur  leurs  conci- 
toyens, et  cette  influence  se  traduisit  par  puissance  et  domi- 
nation. 

Les  Congolais  reconnaissent  à  leur  grand  Chitome  un  tel 
pouvoir  et  une  telle  puissance  que,  s'il  n'existait  plus,  l'uni- 
vers entier  périrait  et  serait  anéanti  ;  aussi,  pour  éviter  une 
telle  catastrophe,  son  successeur  s'em presse- t-il,  lorsqu'il 
est  sur  le  point  de  mourir,  de  l'étrangler  ou  de  l'assommer, 
à  son  choix.  Ceci  se  passe  en  comité  secret,  bien  entendu,  et 
le  monde  continue  d'exister. 

C'est  à  ce  titre  de  conservateur  de  l'univers  que  le  Chi- 
tome reçoit  une  dîme  sur  tous  les  biens  de  la  terre  ;  de  même, 
dans  chaque  village,  le  prêtre  féticheur  reçoit,  sur  chaque 
animal  que  Ton  tue,  la  part  du  fétiche  et,  comme  on  le 
pense  bien,  cette  part  n'est  pas  le  plus  vilain  morceau  delà 
bête. 

Un  objet  quelconque  ne  devient  fétiche  que  lorsqu'il  a  été 
consacré  par  le  prêtre,  et,  à  cet  efiTet,  on  n'obtient  un  kipy  ou 
fétiche  qu'après  avoir  payé  largement  le  prêtre  qui  lui  a 
donné  le  caractère  divin,  ce  qui,  pour  ces  prêtres,  doit  être 


CLÉMENT  RUBBENS.  —    ÉVOLUTION  RBUGIEUSE  AU  GOlfOO.    365 

d'un  grand  profit,  car  les  Congolais  en  sont  abondamment 
pourvus. 

Gomme  nous  1  avons  dit>  les  Congolais  ont,  pour  leurs  fé* 
liches,  une  grande  confiance  et  une  grande  condescendance. 
Pour  posséder  leurs  fétiches,  ils  s'imposent  des  privations 
qui  leur  sont  ordonnées  par  leurs  prêtres  féticheurs;  par 
exemple,  ils  devront  s'abstenir  de  telle  viande  pendant  un 
certain  temps,  ou  bien  à  certaines  époques.  Il  en  résulte  que, 
possédant  souvent  plusieurs  fétiches,  les  Congolais  sont 
astreints  à  de  nombreuses  privations.  En  leur  honneur,  ils 
pratiquent  également  laumône  ;  dans  certains  endroits,  pour 
honorer  leurs  fétiches,  ils  leur  crachent  à  la  figure  la  pre« 
mière  bouchée  de  leurs  repas,  après  Tavoir  mâchée. 

La  cérémonie  de  la  consécration  d'un  fétiche  nous  est 
ainsi  rapportée  :  le  prêtre  sorcier  place  llmpétrant  ou  ache* 
teur  au  milieu  d'une  foule  d'objets  baroques,  tels  que  pieds 
d  antilope  et  cornes  de  bélier,  et  lui  met  un  miroir  dans  la 
maiq  (le  miroir  joue  un  grand  rôle),  avec  injonction  de  souf- 
fler dessus;  de  son  côté,  il  s'évertue  avec  une  énergie  crois- 
sante à  battre  d'un  tambour  fait  d'une  calebasse  recouverte  de 
peau.  La  plupart  du  temps,  le  fétiche  est  un  grossier  produit 
de  la  nature,  enveloppé  d'étoffes,  ou  bien  l'objet  essentiel 
est  dissimulé  dans  Tintorieur  creux  de  quelque  statuette  en 
bois.  Tout  ce  tapage  est  une  sorte  d'incantation,  pour  faire 
entrer,  dans  ce  qui  doit  être  le  corps  du  fétiche,  Tesprit  errant 
qui  ranimera  ou  le  rendra  efficace. 

11  est  probable  que  la  matière  et  la  qualité  du  fétiche  sont 
en  raison  de  la  personne  qui  en  fait  la  demande,  et  de  l'of- 
frande qu'elle  fait  au  prêtre  féticheur  ;  et  alors  il  pourra  être 
ou  quelque  amalgame  insignifiant  comme  des  poils,  des  ver- 
tèbres de  poisson,  etc.,  ou  bien  une  statuette  creuse  avec  fé- 
tiche à  l'intérieur,  ou  bien  encore,  pour  les  privilégiés,  le 
fétiche  fort  et  puissant  d'une  statuette  humaine  complète, 

11  y  a  au  Congo  des  grandes  et  des  petites  idoles  :  les  zambi 
dont  les  prêtres  se  servent,  et  les  kipy  comprenant  des  petites 
idoles  et  la  multitude  d^objets  hétérogènes  fétiches. 


266  séANGË  DIT   46   AVRIL    1891. 

Les  zambi,  idoles  gardées  par  les  prêtres,  sont  de  diffé- 
rentes grandeurs  et  ont  cette  particularité  qu'elles  n'ont  pas 
la  figure  africaine  ;  leur  nez  est  aquilin  et  long.  Elles  sont 
barbouillées  de  toutes  sortes  de  couleurs  et  bizarrement 
décorées  de  chiffons,  de  plumes,  de  vieux  morceaux  de 
fer,  etc. 

La  plupart  de  ces  fétiches  portent  des  attributs  qui  les 
font  reconnaître  de  leurs  initiés,  mais  que,  nous  autres  pro- 
fanes, ne  pouvons  que  chercher  à  les  deviner.  Je  ne  crois 
pas  que  les  prêtres  sorciers  du  Congo  aient  une  science  éso- 
terique  bien  savante,  ni  bien  développée  ;  cependant  elle 
doit  exister,  et  noiis  en  verrons  plus  loin  la  preuve. 

A  l'Exposition  de  1889,  le  Portugal  exposait  plusieurs  fé- 
tiches provenant  d'Angolo. 

Un  de  ces  fétiches  était  hérissé  de  clous  et  tenait  une  fau- 
eille  dans  la  main. 

L'autre  avait  une  petite  glace  sur  la  poitrine  et  portait  une 
coiffure  à  pointe. 

Au  pavillon  des  colonies,  au  Ghamp-de-Mars,  il  y  en  avait 
une  curieuse  collection  dont  j'ai  relevé  les  particularités  qui 
m'ont  frappé. 

Un  petit  fétiche,  au  lieu  de  la  glace  sur  le  ventre,  avait  un 
verre  qui  laissait  apercevoir  des  petits  coquillages  univalves 
et  bivalves. 

Un  autre  avait  le  corps  entièrement  traversé  par  une  ou- 
verture formant  une  sorte  de  reliquaire  vide,  avec  un  verre 
de  chaque  côté. 

Un  autre  avait  trois  gibbosités  :  une  sur  le  ventre  avec 
glace,  les  deux  autres  sur  le  dos  et  sur  l'épaule,  sans  glace  ; 
il  tenait  sur  ses  genoux  un  simulacre  de  fusil. 

CSertains  ont  la  gibbosité  sur  le  dos  seulement,  et  garnie 
de  la  petite  glace. 

Beaucoup  ont  la  coiffure  en  pointe,  qui  ressemble  à  Tex- 
eroissance  de  Bouddha,  et  que  Ton  appelle  ousnisha. 

D'autres  ont  pour  coiffure  une  sorte  de  cône  oval  tronqué. 

D'autres  encore  ont  des  calottes  avec  desëins;  certains 


CLÉMENT  RUBBEN6.  —   ÉVOLUTION  RBUOIËUSE  AU  CONGO.     361:. 

sont  assez  agrémentés  de  dessins  représentant  des  triangles, 
des  points  de  lignes  en  zigzag  on  brisées,  etc. 

D'autres,  enfin,  avaient  une  sorte  de  chapeau  haut  de 
forme. 

Un  était  double,  c'est-à-dire  composé  de  deux  figurines 
assises  et  adossées  Tune  à  Tautre,  et  sans  gibbosités  ni 
glaces. 

Un  fétiche  avait  nne  sorte  de  bouteille  sur  le  ventre,  et, 
sur  le  ventre  de  la  bouteille, une  petite  aspérité  ayant  Taspect 
d*un  bout  de  sein. 

D'autres  ont  ces  mêmes  bouteilles  sur  le  creux  de  l'es- 
tomac. 

D'autres  ont  la  poitrine  et  le  ventre  garnis  de  dessins. 
L'un  a,  depuis  le  creux  de  l'estomac  jusqu'au  bas  du  ventre, 
des  petits  carrés. 

Un  autre,  depuis  le  dessous  des  seins  jusqu'au  bas  du 
ventre,  en  zigzag,  a  des  lignes  se  croisant  à  leur  rencontre, 
et  l'extrémité  inférieure  terminée  par  quatre  lignes  verticales 
et  obliques  en  éventail. 

Un  autre,  enfin,  portait  sur  la  poitrine  deux  séries  de  pe- 
tites lignes  parallèles  partant  des  épaules  et  aboutissant  vers 
le  milieu  des  seins. 

Pour  ces  fétiches  qui  sont  sous  vos  yeux,  nous  allons  faire 
un  examen  rapide  de  leurs  attributs. 

Le  numéro  4  se  compose  de  trois  vertèbres  et  de  deux  pe- 
tites tresses  de  poils  ou  de  cheveux  ;  rien  de  particulier  que 
la  réunion  de  choses  si  disparates. 

N"^  â.  Cet  animal  fantastique  est  fait  de  la  réunion  de  la 
partie  antérieure  de  deux  sortes  de  porcs.  Le  fétiche  qu'il  re- 
présente peut  avoir  rapport  à  l'élevage  et  à  l'engraissage  de 
cet  animal,  ou  peut  être  encore  invoqué  pour  la  chasse  au 
sanglier. 

N*^  3.  Ce  fétiche  féminin  porte  la  coiffure  à  pointe,  a  deux 
gibbosités  :  l'une  sur  le  ventre,  ornée  d'une  petite  glace; 
l'autre  sur  le  dos,  sans  glace.  Dans  l'intérieur  de  ces  petits 
reliquaires  se  trouvent  des  choses  fétiobées  ;  le  corps  a  été 


â68  SÉANCE  DU  16  AVRIL  1891. 

recouvert  d'une  peinture  blanche  dont  on  voit  les  traces;  il 
a,  comme  toutes  ces  petites  figurines  anthropomorphes,  deux 
petits  morceaux  de  verre  pour  représenter  le  brillant  des 
yeux,  et  il  est  probable  que  Taspect  que  ces  petits  verres 
donnent  à  la  physionomie  du  fétiche  ainsi  que  la  glace  qu'il 
porte  sur  le  ventre  ou  ailleurs  entrent  pour  quelque  chose, 
sinon  pour  une  bonne  partie,  dans  la  terreur  que  leur  fétiche 
leur  inspire.  En  effet,  voyez-les,  les  yeux  grands  ouverts,  ils 
semblent  vous  regarder  et  vous  suivre  des  yeux  là  où  vous 
allez  ;  et  le  jour,  les  rayons  solaires  se  jouant  sur  ces  verres 
semblent  leur  donner  la  vie  et  même,  parfois,  le  mouvement 
à  la  prunelle,  à  l'iris,  et  peuvent  produire  Teffet  de  ces 
images  du  Christ  qui,  lorsqu'on  les  a  fixées  quelques  in- 
stants, semblent  s'animer.  Donc,  rien  d'étonnant  si  le  Congo- 
lais cache  son  fétiche  dans  la  crainte  d'être  vu. 

N^  4.  Ce  fétiche  féminin  en  bois  rouge,  presque  de  la  cou- 
leur de  la  peau  du  nègre  dont  il  a  la  physionomie,  a  pour 
coiffure  un  cône  tronqué  ;  à  l'occiput,  il  a  une  petite  glace 
de  quelques  millimètres,  et  une  autre  sur  la  poitrine  qu'elle 
recouvre  en  partie  ;  ses  oreilles  sont  percées  pour  recevoir  des 
pendants.  11  tient  dans  la  main  droite  une  bouteille  et,  dans 
la  gauche,  un  verre.  Avec  ces  attributs  de  la  dive  bouteille, 
on  serait  porté  à  croire  qu'il  est  le  fétiche  imploré  pour  le 
succès  de  la  production  du  vin  de  palme  ;  ou  bien  encore  le 
fétiche  de  Teau-de-vie,  dont  tous  les  noirs  sont  si  friands,  au 
point  que  l'on  a  vu  un  père  vendre  son  fils  pour  pouvoir  s'en 
procurer. 

N"*  5.  Ce  fétiche  féminin  est  le  type  des  zambi,  fétiches 
des  prêtres  sorciers  ;  sa  tète  a  été  relativement  soignée,  il  a 
le  front  fuyant,  le  nez  fortement  aquilin,  avec  une  bouche 
d'un  prognathisme  accentué.  Sa  figure  porte  les  traces  de  la 
couleur  jaune  dont  elle  a  été  recouverte  ;  vue  de  côté,  elle  a 
beaucoup  du  type  des  naturels  de  la  NouvelleZélande,  mais 
rien  du  Congolais.  Ce  fétiche  avait  deux  gibbosités  ;  celle  du 
dos  est  disparue,  celle  du  devant  est  très  saillante  et  recou- 
verte d'une  glace.  Comme  coiffure,  il  a  un  bonnet  qui  lui  des- 


CLÉMENT  RUBBENS.  —   ÉVOLUTION   RELIGIEUSE   AU   CONGO.     269 

cend  jusqu'au  bas  de  la  nuque  et  qui  est  orné  de  dessins  au 
trait  représentant  des  triangles,  des  losanges  pleins  ou  rem- 
plis de  traits  ou  de  grainetis  s'alternant  ;  un  cbiiTon  lui  ser- 
vant de  pagne  lui  fait  le  tour  du  corps  en  lui  passant  entre 
les  jambes  ;  il  porte  sous  le  bras  un  anneau  en  laiton,  ainsi 
qu*un  au  cou,  auquel  sont  ajoutées  trois  dents  de  crocodile 
taillées  en  forme  de  pballus. 

Ce  dernier  attribut  ne  nous  laisse  pas  beaucoup  de  doute 
sur  le  rôle  de  ce  féticbe  et  sur  l'idée  qu'il  représente  ;  il  ap- 
partient au  culte  phallique,  dont  il  porte  remblèmc,  qui  a 
pour  fin  la  propagation  de  Tespèce.  Ce  culte^nous  le  rencon- 
trons dans  toute  Tantiquité  et  chez  tous  les  peuples,  et,  de 
nos  jours  encore,  nous  en  retrouvons  les  traces  en  Europe, 
dans  ces  petits  phallus  appelés  fascintim,  que  Ton  met  au 
cou  des  enfants,  en  Italie,  pour  les  protéger  contre  les 
charmes,  Tenvie^  etc.;  ou  encore  en  bijoux  sous  différentes 
formes,  portés  par  les  grandes  personnes. 

N®6.  Ce  petit  fétiche  féminin  représentant  une  femme  nue 
assise  et  à  l'air  heureux  et  souriant,  appartient  également 
au  culte  de  la  propagation  de  l'espèce  ;  mais  son  rôle  de 
mère  nourrice  est  tout  conservateur,  et,  en  voyant  ses  ma- 
melles qu'elle  présente  si  bien  remplies,  cela  nous  explique 
le  bonheur  qui  se  voit  sur  sa  figure. 

Je  connais  un  autre  exemplaire  de  ce  fétiche  nourrice,  et 
il  est  probable  que  leur  rôle  est  de  donner  le  lait  aux  mères 
nourrices,  qui  l'implorent,  ou  encore  est-elle  invoquée  pour 
la  conservation  des  nouveau-nés. 

Il  est  intéressant  de  retrouver  en  Afrique,  à  notre  époque, 
la  même  déesse  mère  qu'invoquaient  les  Assyriens,  les  Chal- 
déens  ou  les  Phéniciens^  et  représentée,  presque  identique- 
ment et  dans  la  même  pose,  dans  les  déesses  Istar,  Anahit 
ou  Astarté,  car  elles  aussi  sont  représentées  nues  ou  presque 
nues^  présentant  dans  leurs  mains  leurs  seins  rebondis.  Ce* 
pendant,  sous  le  rapport  de  la  civilisation,  ces  puissants  peu- 
pies  étaient  autrement  avancés  que  ces  noirs  Congolais,  et 
tous  parallélisme  et  comparaison  entre  eux  serait  impossible  $ 

T.  II  (4*  sÉniK).  18 


27Ô  Si^ANCB  DU  46  aTril  48d<. 

cependant  voilà  un  point  sur  lequel  ils  se  sont  renoontrés. 
Ceci  s'explique  parce  que>  chez  ces  peuples  de  l'Orient,  Tévo  • 
lution  religieuse  est  restée  stationnaire,  pendant  que,  dans 
ces  mêmes  pays,  la  civilisation  progressait  dans  le  même 
temps. 

Ces  deux  grands  fétiches  de  la  Société  d'anthropologie^ 
comme  vous  le  voyez,  sont  des  deux  sexes  et  appartiennent 
également  au  culte  phallique.  Cette  exhibition  excentri- 
que des  organes  procréateurs,  ce  qui  aujourd'hui  nous 
scandalise,  nous  la  retrouvons  chez  tous  les  peuples  anciens. 
Ils  étaient  pour  eux  l'objet  de  grandes  manifestations  ;  ils 
leur  rendaient  de  grands  honneurs  comme  étant  la  cause 
de  la  perpétuité  de  Tespèce.  A  Thèbes,  on  retrouve  en- 
core ces  grandes  processions  où  le  dieu  Hem,  ou  Amsi,  TAm* 
mon  générateur  de  Thèbes,  est  plusieurs  fois  représenté 
Ityphalique;  nous  le  retrouvons  encore  sur  des  stèles  où 
Horus  et  Ammon  Ityphaliques  sont  adorés  par  des  rois  et 
des  reines  qui  leur  font  des  offrandes  et  br&Ient  de  Tencens 
en  leur  honneur.  Est-il  nécessaire  de  rappeler  la  bonne 
déesse,  les  nombreux  temples  où  Vénus  était  adorée  sous 
une  multitude  de  vocables  se  rapportant  à  des  attributs  dif» 
férents,  et,  si  elle  était  la  déesse  du  plaisir,  elle  était  aussi 
la  déesse  du  printemps,  à  ce  moment  où  une  force  interne 
met  la  nature  entière  en  mouvement,  la  déesse  des  fleurs, 
des  jardins,  des  vignobles  et  des  vendanges,  et  les  jardiniers, 
le  23  avril  et  le  19  août,  Tinvoquaient  en  même  temps  que  Ju- 
piter. Priape  qui,  eu  venant  à  Rome,  avait  conservé  son  ca*» 
ractère  oriental,  était  le  démon  de  la  végétation  exubérante, 
en  même  temps  que  le  symbole  de  tous  les  appétits  char* 
nels.  11  était  représenté  Ityphalique  et  avait  sa  place  dans 
les  jardins  et  dans  les  plants  d'arbres  où  son  image  servait 
à  la  fois  d'épouvantail,  et  délivrait  du  mauvais  œil.  C'était 
un  emblème  de  l'éternelle  force  de  régénération  qui  anime 
la  nature  et  la  renouvelle  sans  cesse. 

Ces  fétiches,  d'environ  60  centimètres  de  hauteur,  ont  le 
eorps  peint  en  blanc  et  la  figure  en  rouge;  ooou&e 


CLÉMENT  RUBBEN8.  —  âTOLUTION  RBLIGIBUSE  AU  CONGO.   271 

une  sorte  de  bonnet  strié  qui,  vu  de  face,  forme  une  demi- 
ellipse  se  joignant  en  hauteur  avec  l'autre  face;  ils  ont  les 
parties  sexuelles  accentuées. 

C'est  donc  probablement  au  point  de  vue  de  la  propaga- 
tion de  Tespèce  que  les  Congolais  adorent  ces  fétiches,  et 
les  implorent  l'un  ou  l'autre  suivant  le  sexe  qu'ils  désirent, 
ou  peut-être  tous  les  deux  lorsqu'ils  n'ont  pas  d'enfants. 

Ces  fétiches,  qui  ont  été  donnés  par  M.  Salmon  à  la  Société 
d'anthropologie,  proviennent  d'Angola,  et  étaient  à  l'expo  • 
sition  portugaise. 

M.  le  docteur  Capitan,  dans  son  intéressante  collection, 
possède  également  deux  fétiches  reliquaires  de  la  même 
taille  et  de  la  même  provenance.  Ils  ont  sur  le  devant  du 
torps  la  petite  glace  qui  les  recouvre  en  partie  ;  l'un  de  ces 
fétiches  est  très  ancien  ;  l'autre  a  cette  curieuse  particularité 
qu'il  est  hérissé  de  clous.  Ces  clous  lui  ont-ils  été  plantés 
dans  le  corps  pour  avoir  oublié  de  satisfaire  son  invoca- 
teur? Ou  bien  est-ce  pour  le  remercier  des  services  rendus? 
Ou  encore  pour  augmenter  sa  puissance?  Mystère  I 

N»  7.  Cette  corne  fétiche,  à  laquelle  sont  réunis  le  reliquaire 
dont  nous  avons  déjà  parlé,  des  plumes  de  coq  maintenues 
à  la  base  de  la  corne  et  formant  avec  celle-ci,  en  la  prolon- 
geant, un  arc  qui  reproduit  la  paire  de  cornes,  puis  dans 
l'intérieur  de  la  corne  un  fragment  de  peau  recouvert  de 
son  poil,  cette  corne  a  appartenu  à  un  chef. 

Les  cornes  ont  été  de  tout  temps  l'emblème  de  la  force,  de 
la  puissance  et  de  l'abondance.  L'homme,  en  créant  ses 
dieux,  les  voulut  faire  forts,  et  pensant  qu'un  aspect  terri- 
ble pouvait  les  rendre  plus  redoutables,  il  orna  leur  chef  des 
armes  que  les  animaux  possédaient  naturellement;  car, 
pour  lui,  elles  étaient  le  nec  plus  ultra  de  la  représentation 
de  la  force  et  de  la  puissance.  En  Egypte,  nous  voyons  les 
tètes  d'Isis  et  d'Hator  ornées  de  cornes  de  vache.  Osiris, 
Amon,  KoDS,  Homs,  ont  les  cornes  du  bélier  ou  du  bœuf. 
En  Chaldée,  en  Assyrie,  en  Perse,  les  rois  parent  leurs 
dieBX  et  lears  génies  monstrueux  qui  gardent  les  portes  de 


272  SÉANCE  DU  16  AVRIL   1891. 

leurs  palais,  non  seulement  d'une  paire,  mais  de  deux,  trois, 
jusqu'à  six  paires  de  cornes.  La  Grèce  et  Rome  ont  aussi 
eu  leurs  dieux  cornus,  et  pour  les  dieux  à  cornes  de  nos 
ancêtres  les  Gaulois,  les  autels  de  Reims  et  du  musée  de 
Gluny  nous  les  font  connaître. 

Après  avoir  ainsi  rendu  ses  dieux  redoutables,  Thomme 
pensa  à  s'introduire  dans  leur  famille,  et  comme  il  leur  don- 
nait le  doux  nom  de  père,  il  pensa  que,  en  raison  de  la  loi 
atavique  qui  veut  que  dans  les  descendants  d'une  famille 
on  retrouve  certains  traits  qui  ont  appartenu  aux  ancêtres, 
il  a  pris  pour  lui-même  cet  insigne  de  la  force  et  de  la 
puissance  ;  et  alors  nous  voyons  les  rois  et  les  reines  8*en 
orner  la  tête  à  l'égal  de  leurs  dieux.  C'est  le  roi  Snefrou  qui 
en  a  une  double  paire,  une  de  bœuf  et  une  de  bélier  ;  le» 
rois  Toutmès  IV,  Ramsès,  Scheschong  I*%  avec  des  cornes 
de  bélier.  C'est  la  reine  Autk-nu-nofrihet-nefert-ari,  épouse 
de  Ramsès,  la  reine  épouse  d'Aménophis  IV  qui  sont  coiffées 
de  cornes  de  vache,  etc. 

L'insigne  était  devenu,  pour  celui  qui  le  portait,  un  talis- 
man précieux,  car  il  devait  assurer  à  son  heureux  posses* 
seur  le  succès  dans  toutes  ses  entreprises;  aussi  les  rois  en 
coilTèrent-ils  leurs  soldats,  ce]  qui,  non  seulement  leur  don* 
nait  un  air  terrible,  mais  encore  les  rendait  redoutables  à 
leurs  ennemis  ;  car  par  la  confiance  qu'ils  avaient  en  leur 
talisman  qui,  pensaient-ils,  les  rendait  invulnérables,  leur 
faisait  affronter  le  danger,  assurés  du  succès.  On  retrouve 
ces  coiffures  cornues  à  toutes  les  époques,  et  de  nos  jours 
encore  nous  avons  des  peuplades,  en  Afrique  comme  en 
Amérique,  qui,  lorsqu'elles  combattent,  en  ornent  leur  chef, 
et  aussi  bien  les  hommes  que  les  femmes,  portent  cet  ap- 
pendice. 

En  Europe  même,  nous  retrouvons  cette  confiance  dans 
ce  talisman,  et  la  manna  cornuta^  petite  main  faisant  les 
cornes  que  l'on  trouve  en  Italie  et  en  France,  faite  en  toutes 
sortes  de  matières,  se  porte  encore  contre  les  mauvaises 
influences.  Et  n'avons-nous  pas  vu  dernièrement  un  pre* 


DISCUSSION  SUR  L*ÉVOLUTION  REUGIBUSE  AU  CONGO.       273 

mier  minisire,  en  plein  parlement,  sortir  une  corne  de  corail 
de  sa  poche  et,  en  la  faisant  voir  à  rassemblée,  proclamer 
bien  haut  les  bienfaits  dont  il  lui  était  redevable.  Soit  con- 
viction ou  ironie,  le  port  de  la  corne  de  corail  n*en  est  pas 
moins  attesté. 

Pour  nous  résumer,  nous  dirons  que  le  fétichisme  actuel 
au  Congo  a  pu  prendre  naissance  sur  son  sol  même  ;  mais 
que  certainement  il  s'y  est  développé,  lentement  il  est  vrai, 
mais  sûrement,  et  au  point  de  pouvoir  former  une  religion  ; 
non  une  religion  parfaite,  développée  et  savante  comme 
les  religions  de  TEurope  et  de  l'Asie,  mais  capable  de  pro- 
grès et  ayant  tout  ce  qu'il  faut  pour  ce  développement.  En- 
suite que,  parallèlement  à  elle,  et  dans  le  même  temps^  il 
s'est  formé  une  caste  sacerdotale  qui  s'est  organisée  hiérar- 
chiquement et  successivement  pour  le  culte  de  ces  fétiches, 
que  celte  caste  a  pris  une  influence  qui  est  devenue  con- 
sidérable, et  qui,  avec  le  temps,  s'est  traduite,  pour  le 
Congolais,  par  ces  trois  mots  :  puissance,  domination,  exploit 
talion. 

Diicussion. 

M.  Adrien  de  Mortillet  demande  si  les  glaces  qu^on  trouve 
sur  certains  fétiches  ont  une  signification.  Pour  lui,  il  sup- 
pose que  c'est  peut-être  la  même  idée  qu'en  Italie,  où  le  miroir 
passe  pour  renvoyer  le  mauvais  regard.  Les  chevaux  ont  sou- 
vent sur  le  front  un  petit  miroir  entouré  de  poils  de  blaireau, 
talisman  destiné  à  les  préserver  du  mauvais  œil. 

M,  Legrain  dit  que  les  statues  de  femmes  du  type  chaldéen 
se  tenant  les  seins  sont  plutôt  des  déesses  funéraires  que  des 
déesses  mères. 

Les  cornes  d'isis  et  d'Athor  dérivent  de  la  vache,  la  nour* 
ricière  ;  il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  là  idée  de  jettatura. 

M.  Bonnemère.  Dans  le  Maine-et-Loire  et  partie  de  la  Bre- 
tagne, les  chevaux  de  charretier  ont  une  peau  de  blaireau 
pour  les  protéger;  on  fait  aussi  une  foule  de  remèdes  avec  le 
blaireau. 


i74  SéARCE  DU  16  ATRIL  1891. 

M.  DuHOCssET  dit  qu'en  Perse  il  est  d'habitude  d'avoir  dass 
les  écuries  un  sanglier  pour  protéger  les  chevanx  ;  on  y  con- 
serve  anssi  an  sachet  de  peau  d'hyène  dans  le  même  but. 

M.  Saxsos  dit  qa*encore  actuellement  certaines  gens  pré- 
tendent qu'il  faut  avoir  un  bouc  dans  l'écurie  pour  protéger 
les  autres  animaux  contre  les  maléfices  ou  les  maladies  con- 
tagieuses. C'est  la  même  idée  que  celle  d'avoir  une  madone 
pour  vous  protéger. 

M.  E.  CoLLLX  dit  que  les  cornes  qu'a  signalées  M.  Qément 
Rubbens,  et  qui  existent  dans  la  collection  Catat,  constituent 
chez  les  Malgaches  un  fétiche  de  Bara  Tanimaloza  nommé 
Ampélu,  qui  est  porté  par  les  naturels  pour  les  aider  à  se 
procurer  de  belles  femmes. 


PAR   H.    d'aCT. 

J^ai  l'honneur  de  présenter  deux  gaines  qui  étaient  des- 
tinées à  l'emmanchement  de  haches  polies. 

Le  bois  de  cerf  dont  elles  sont  faites  a  été  poli,  puis  orné 
de  dessins  au  pointillé.  Sur  l'une  d'elles,  ce  sont  simplement 
des  lignes  droites.  11  y  en  a  trois  groupes,  dans  le  sens  de  la 
longueur  :  un  de  deux  lignes  sur  un  côté  ;  un  de  trois,  sur 
le  milieu,  et  un  de  deux,  sur  l'autre  côté.  A  droite  et  à 
gauche  du  trou  destiné  à  recevoir  le  manche  en  bois^  se 
trouvent  deux  lignes  transversales,  formées  de  points  plus 
gros  que  les  autres. 

La  seconde  gaine  est  décorée  avec  beaucoup  plus  de  soin. 
Eïle  présente  également  trois  groupes,  «composés^  l'un  de 
deux,  le  second  de  trois^  et  le  dernier  de  deux  lignes  longi- 
tud'males.  Mais  ces  lignes  n'offrent  pas  simplement  une  suite 
de  points.  Deux  d'entre  elles,  la  première  du  groupe  de 
gauche  et  la  seconde  du  groupe  de  droite,  sont  accompa- 
gnées, à  Textérieur,  d'autres  petites  lignes  formant  barbe- 
lure,  toujours  au  pointillé.  Les  cinq  autres  sont  constituées 
de  dents  de  scie  mises  les  unes  au  bout  des  autres,  et  eom» 


DISCUSSION  SUR  DBS  INSTRUMENTS  NÉOLITIIIOUES.  275 

posées  d'un  semis  de  points.  Â  droite  et  à  gauche  du  trou 
destiné  à  recevoir  le  manche  de  bois,  quatre  lignes  sont 
disposées  transversalement.  Deux  sont  en  dents  de  scie  ;  une 
est  en  points  avec  barbelures,  et  la  quatrième  présente  sim- 
plement  une  suite  de  points. 

L'ornementation  en  dents  de  scie  formées  de  points  se  voit 
assez  souvent  sur  la  poterie  néolithique  ^  Mais  les  gaines  dé- 
corées paraissent  être  rares.  M.  Montélius  en  a  figuré  une  — 
il  dit  une  hache  (?)  —  «  en  corne  d*élan,  sur  laquelle  sont 
gravés  quelques  animaux  (un  cecf  (?),  etc.)'.  »  Le  musée 
d'Amiens  en  possède  deux  ou  trois  qui  sont  ornées  de 
dessins  géométriques  ;  et  il  y  en  a  une  très  belle,  assure-t-on, 
ohez  un  amateur  de  Picardie. 

Je  n'en  connais  pas  d'autres.  El,  chose  remarquable,  à 
Texception,  bien  entendu,  de  celle  qui  a  été  publiée  par 
M.  Montélius,  toutes  ces  gaines  décorées  proviennent  de 
Montières,  près  d*Amiens. 

11  semblerait  y  avoir  eu  là  une  fabrication  spéciale  de  ces 
objets.  Cette  localité  a  fourni,  d'ailleurs,  beaucoup  d'instru- 
ments néolithiques,  parmi  lesquels  il  y  en  a  de  fort  beaux. 

Discuision. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  Tout  en  faisant  des  réserves  sur 
les  gaines  de  hache  ornées  de  gravures,  je  demanderai  à 
M.  d'Acy  si  celles  qu'il  présente  ont  été  trouvées  dans  les 
alluvions  quaternaires  ou  dans  la  tourbe.  Quand  on  indique 
simplement  Montières,  on  entend  les  alluvions  qui  sont 
voisines  du  village  et  de  la  route,  alluvions  contenant,  au 
moins  presque  exclusivement,  des  objets  paléolithiques.  Les 
gaines  de  haches  polies  présentées  par  M.  d'Acy  auraient  été, 
dit-il,  trouvées  dans  la  terre  à  brique,  partie  supérieure  des 
alluvions  de  Montières.  J'en  doute  fort.  Tous  les  débris  ani- 
maux, os  et  cornes  de  cervidés  des  alluvions  de  Montières, 
aussi  bien  de  la  terre  à  brique  que  des  sables  et  graviers,  sont 

<  Gabriel  et  Adrien  de  Mortillet, /e  Musée  préhislariqWt  n^  536,537,538. 
*  Otoar  Mootélkii,  AntiquUéi  suédoiM,  1873,  n*  43. 


27C  SÉANCE   DC   16  AVRIL   1891. 

complètement  blancs.  Or,  ce  n'est  pas  le  cas  des  gaines  pré* 
sentées.  Elles  ont  au  moins  la  véritable  coulenr  des  cornes  de 
cerf  et  sont  même  pins  foncées.  Sans  toucher  à  la  qoeslion 
de  Tanthenticité  des  pièces,  on  peut  conclure  sûrement  qo*il 
y  erreur  sur  la  provenance. 

M.  d'Act.  La  moins  ornée  des  deux  gaines  provient  incon- 
testablement de  la  terre  à  briques  de  Montières.  Je  Tai 
achetée,  sur  place,  à  un  ouvrier.  Elle  était  toute  brisée, 
comme  il  est  facile  de  le  voir;  et  les  morceaux,  malheureu- 
sement incomplets,  étaient  encore  empâtés  dans  de  la  terre 
à  briques.  J'ai  eu  l'autre  chez  un  marchand.  Celui-ci  m'a 
affirmé  qu'elle  avait  été  trouvée,  elle  aussi,  dans  la  terre  à 
briques,  à  Montières;  et  sa  coloration,  absolument  semblable 
à  celle  de  la  première,  ainsi  que  l'analogie  qui  existe  dans 
Tornementation  des  deux,  donnent  tout  lieu  de  croire  que 
cette  assertion  est  exacte.  Montières,  ou,  pour  préciser  com- 
plètement, rassise  de  terre  à  briques  de  Montières,  a  fourni, 
je  le  répète,  beaucoup  d'instruments  néolithiques,  dont  plu- 
sieurs sont  fort  beaux. 

OBJETS  OFFERTS. 
OsscBieiils  de  l'époqae  atéroTiagieBMe  ; 

PAR  H.   EMILE  COLLUC. 

M.  E.  CoLLiN  offre  à  l'École  d'anthropologie  et  présente  à 
la  Société,  en  son  nom  et  au  nom  de  M.  Ck)sserat,  chef  de 
section  des  travaux  de  la  Compagnie  de  i'Ouest«une  collection 
d'ossements  provenant  des  sépultures  découvertes  dans  la 
tranchée  d'Andresy,  sur  la  nouvelle  ligne  d'Argenteuil  à 
Mantes. 

D'après  le  mobilier  funéraire,  ces  ossements  datent  de 
l'époque  mérovingienne.  Les  nombreux  objets  recueillis  sont 
en  la  possession  de  M.  Cosserat. 

La  collection  offerte  à  l'École  comprend  :  20  crânes,  19  fé- 
murs, 15  tibias,  14  humérus,  6  radius,  4  cubitus,  3  péronés 
et  i  bassin.  Beaucoup  de  ces  os,  qui  étaient  brisés,  ont  été 


FAUVELLE.   —  SUR   UN  CRANE  FOSSILE  DE   BOVIDÉ.        277 

reconstitués  par  M.  E.  CoUin  avec  Taide  de  M.  Félix  Flan-* 
dinette. 
Des  remerciements  sont  adressés  à  MM.  Gollin  et  Cosserat» 

Dessins  de  lombes  musulmanes  de  l'Asie. 

M.  Capus  offre  à  la  Société  un  album  de  quatre-vingts  dessins 
ou  croquis  représentant  les  tombes  musulmanes  qu*il  a  pu 
observer  dans  le  centre  de  TAsie,  chez  les  Kirghiz  et  les 
Turcomans. 

M.  Adrien  de  Mortillet  estime  que  tous  les  voyageurs 
devraient  imiter  l'exemple  de  M.  Capus. 

Un  erAne  fossile  do  bovidé; 

PAR  H.  FAUVELLE. 

J'ai  l'honneur  de  mettre  sous  les  yeux  des  membres  de  la 
Société  un  crâne  fossile  offert  à  TÉcole  d'anthropologie  par 
M.  André  Lefèvre.  On  a  très  peu  de  renseignements  sur  cette 
pièce.  On  sait  seulement  qu'elle  provient  du  royaume  de 
Naples  et  qu'elle  a  été  trouvée  dans  un  terrain  reposant  sur 
des  couches  tertiaires. 

Voici  le  résultat  des  recherches  que  j'ai  faites  pour  déter- 
miner à  quelle  espèce  animale  ce  crâne  a  pu  appartenir. 

D'abord  son  aspect  irrégulier  tient  à  ce  que  la  table  externe 
des  os  de  la  voûte  a  presque  entièrement  disparu,  laissant 
à  nu  les  énormes  vacuoles  du  diploé.  Laterreque  contenaient 
encore  ces  anfractuosités  aun  aspect  calcaire  dû  à  la  présence 
de  fragments  minuscules  de  coquilles  absolument  indéter- 
minables. On  y  rencontre  aussi  un  certain  nombre  de  radi- 
celles de  végétaux  qui  prouvent  que  la  pièce  a  été  trouvée 
dans  un  terrain  voisin  de  la  superficie.  De  plus,  le  poids  spé- 
cifique considérable  du  tissu  osseux  indique  une  fossilisation 
avancée  qui  fait  remonter  ce  crâne  à  une  époque  tout  au 
moins  préhistorique. 

L'aspect  général  de  la  base  et  spécialement  la  forme  de  la 
.cavité  glénoïde  du  temporal  doivent  le  faire  ranger  dans 


S78  8ÉANCB  DU  16  AVRIL  489f. 

l'ordre  des  ruminants,  et  la  situation  au-dessus  des  fosses 
temporales  de  deux  saillies  du  diploé,  qui  devaient  supporter 
les  prolongements  frontaux  des  cornes,  le  rattache  indubi- 
tablement à  la  famille  des  bovidés.  Reste  maintenant  à  spé- 
cifier, s'il  est  possible,  à  quel  genre  il  appartient. 

Cette  famille  qui  se  rattache  aux  antilopes  par  YAlcelapkus 
bubdlis  apparaît  dans  la  couche  supérieure  du  pliocène  qui 
se  continue  avec  le  quaternaire.  La  première  espèce  signalée 
est  le  Bos  etruscus  du  val  de  Ghiana  dans  le  cours  supérieur 
de  TArno. 

Durant  la  période  quaternaire^  les  espèces  de  bovidés  se 
multiplièrent,  et,  dans  la  région  de  Naples,  on  a  signalé  un 
buffle  qui  présente  de  grandes  analogies  avec  celui  du  nord 
de  l'Afrique.  M.  Albert  Gaudry,  le  savant  professeur  de 
paléontologie,  qui  a  bien  voulu  examiner  ce  fossile^  le  classe 
parmi  les  bovidés  quaternaires  et  ne  serait  pas  éloigné  de 
croire  qu'il  appartient  au  sous-genre  bubalus,  qui  se  distingue 
du  bœuf  ordinaire  par  son  front  bombé,  particularité  qui  est 
manifeste  ici.  Du  reste,  voici  un  atlas  d^aurochs  que  j'ai  re* 
cueilli  il  y  a  quelques  années  dans  les  alluvions  de  Grenelle; 
bien  que  son  volume  soit  en  proportion  avec  celui  de  notre 
crâne,  il  est  facile  de  voir  que  ses  cavités  cotyloïdes  ne  sont 
pas  en  rapport  de  forme  avec  les  condyles  de  Toccipital. 

En  résumé,  cette  pièce,  bien  qu'incomplète,  est  un  précieux 
reste  d'une  espèce  très  rare  de  bovidés  quaternaires.  Nous 
devons  donc  adresser  nos  remerciements  à  M.  André  Lefèvre 
qui  a  bien  voulu  en  enrichir  nos  collections. 

Discussion. 

M.  Sanson  fait  les  plus  expresses  réserves  sur  cette  inter- 
prétation. Il  pense  qu'on  ne  peut  dire  qu'une  chose  :  c'est 
qu'il  s'agit  d'un  bovidé.  Le  Bos  primigenius  quaternaire  pré- 
sentait de  nombreuses  variétés  de  tailles  différentes.  Des 
types  actuels  de  bovidés  de  la  Vendée  en  ont  encore  aujour- 
d'hui tous  les  caractères.  L'aurochs,  au  contraire,  chassé  au 
temps  de  César,  était  un  bison  ;  c'est  tout  à  fait  autre  chose. 


PAUL  RAYMOND.   —  SILEX   PRÉHISTORIQUES.  S79 

M.  Gabriel  de  Mortillet  rappelle  qu'il  y  a  deux  types  de 
bovidés  quaternaires,  Tun  se  rapportant  à  une  espèce  de 
grand  bœuf,  le  Bos  primigeniusy  l'ancêtre  de  nos  bœufs  do- 
mestiques, Fautre  qui  est  le  Bùon  europœus;  en  France,  en 
Italie  et  en  Angleterre,  on  fait  cette  différence  ;  le  Bo$  ptnmi-^ 
gem'us  ou  ufus  est  un  type  qu'on  différencie  avec  soin  du  Bison 
europœus  ou  aurochs. 

M.  Dbniker.  Les  auteurs  allemands  appellent  Auer^chs^ 
Ur  ou  Urochs  (bœuf  primitif),  le  Bos  primigenius  qui  vivait 
jadis  en  Germanie,  et  le  distinguent  absolument  du  bison, 
Bos  bison,  Ray,  Wisenij  dont  les  derniers  représentants  vivent 
encore  en  Russie,  où  on  leur  donne  le  nom  de  Zoubr.  C'est 
donc  en  somme  une  terminologie  toute  différente. 

M.  Hervé  dit  qu'il  faudrait  supprimer  le  nom  d'aurochs, 
qui  prête  à  confusion,  et  dire  bœuf  primitif  et  bison. 

M.  Fauvelle.  Je  ne  puis  suivre  mes  honorables  collègues 
dans  la  discussion  qui  s'est  élevée  au  sujet  de  ma  présenta- 
tion, car  elle  a  pour  origine  une  erreur  d'interprétation  de 
mes  paroles.  Voici  ce  que  j'ai  dit  :  M.  Albert  Gaudry,  à  la 
suite  de  l'examen  qu'il  a  bien  voulu  faire  de  (a  pièce,  n'a  pas 
prétendu  affirmer  qu'elle  appartenait  à  un  buffle.  11  m'a  dit 
en  propres  termes  :  «  C'est  un  crâne  de  bovidé  quaternaire, 
peut-être  d'un  buffle,  cette  espèce  ayant  vécu  à  cette  époque 
dans  le  sud  de  l'Italie  ;  mais  il  est  impossible  de  l'affirmer.  » 
Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  faire  ici  le  procès  de  la  paléonto- 
logie et  des  paléontologistes. 

Silex  préhisloriqves  de  TArdèelie  ; 

PAR  M.  LE  DOCTEUR  PAUL  RATMONB. 

Les  objets  que  j'ai  l'honneur  de  vous  présenter  provien- 
nent de  cette  partie  de  la  rivière  d'Ardèche  qui  sépare  le 
département  du  Gard  de  celui  de  TArdèche.  Ils  ont  été 
recueillis  les  uns  sur  la  rive  droite,  dans  le  Gard,  les  au- 
tres sur  la  rive  gauche  de  la  rivière,  dans  l'Ardèche.  Dans  la 
dernière  partie  de  son  cours,  l'Ardèche  traverse  de  hauts 


280  SÉAIfCE  DC   16  AVRIL  1891. 

plateaux  au  milieu  desquels  elle  s'est  creusé  uq  lit  dont  la 
profondeur  varie  entre  150  et  200  mètres.  Il  s*est  ainsi  formé 
des  gorges  d'un  aspect  grandiose,  et  qui  font  de  cette  partie 
presque  ignorée  de  la  France  l'une  des  régions  les  plus  in« 
téressantes  de  notre  pays,  l'une  des  plus  pittoresques  que 
Ton  puisse  imaginer.  Tous  ces  parages  ont  été  habités  par 
nos  ancêtres  des  temps  préhistoriques,  ainsi  qu*en  témoi- 
gnent les  nombreux  objets  qu'ils  y  ont  laissés,  les  monuments 
qu*iU  y  ont  élevés.  Ils  les  ont  habités  pendant  un  espace  de 
temps  considérable,  ainsi  que  le  prouvent  les  silex  de  Tépo- 
que  moustérienne  qu'on  y  trouve,  les  silex  magdaléniens  et 
ces  fragments  d'anneaux  de  bronze  trouvés  dans  un  dolmen, 
que  je  vous  présente. 

Dans  ces  gorges  de  TÂrdèche,  il  existe  une  quantité  con- 
sidérable de  grottes  ;  j'en  connais  pour  ma  part  plus  de 
cent  cinquante.  Elles  sont  étagées  sur  les  rochers  à  pic  qui 
encaissent  la  rivière.  Les  unes  n'ont  que  quelques  mètres 
de  profondeur  ;  les  autres  atteignent  une  centaine  de  mè- 
tres. Parmi  les  cavernes,  il  en  est  une  qui  a  plus  de  deux  kilo- 
mètres. Elles  ont  été,  pour  la  plupart,  habitées  par  l'homme 
ou  les  grands  animaux,  et  les  fouilles  qu'on  y  a  faites  bien 
avant  moi  ont  amené  des  découvertes  du  plus  grand  intérêt. 
Je  ne  vous  rappellerai  qu'un  nom,  celui  d'un  savant  des  plus 
distingués^  M.  Ollier  de  Marichard,  bien  connu  de  nous  tous, 
et  dont,  en  1878,  nous  avons  pu  admirer  à  l'Exposition  la  ma- 
gnifique collection.  Ce  sont  surtout  les  grottes  situées  en 
amont  de  la  rivière  qu'a  visitées  M.  Ollier;  les  grottes  d'aval 
ont  été  moins  explorées,  et  c'est  cette  exploration  que  j'avais 
commencée  lorsqu'un  malencontreux  accident  est  venu 
mettre  un  terme  à  mes  investigations.  Quoi  qu'il  en  soit,  mes 
recherches  n'ont  pas  été  vaines,  et  ce  sont  les  échantillons  que 
j'ai  récollés  que  je  fais  passer  sous  vos  yeux.  Ils  proviennent 
de  trois  gisements  différents  :  d'un  abri  sous  roche,  de  deux 
grottes,  d'un  dolmen.  Vous  savez,  en  effet,  que  celte  région 
est  aussi  très  riche  en  cette  dernière  sorte  de  monuments 
mégalithiques  ;  ils  ont  été  pour  la  plupart  fouillés,  les  uns 


PAUL  RAYMOND.   —  SILEX   PRÉHISTORIQUES.  381 

méthodiquement,  les  autres  malhenrcasement  par  des  igno- 
rants qui  espéraient  y  trouver  le  trésor  classique.  Tous  ces 
dolmens  ont  plus  souffert  de  la  main  des  hommes  que  des 
injures  du  temps,  et  le  volume  seul  de  leurs  dalles  a  pu  sauver 
de  la  destruction  ces  demeures  des  fée^,  ces  omlau  di  fado^ 
comme  on  les  appelle  dans  cette  partie  du  bas  Languedoc. 

L'abri  sous  roche  est  situé  dans  la  commune  de  Saint- 
Martin-d'Ardéche  ;  il  se  trouve  à  mi-hauteur  environ  du 
plateau.  Il  pouvait  avoir  de  10  à  12  mètres  de  long  et  4  mè- 
tres de  profondeur.  La  roche  forme  avec  le  sol  un  angle  aigu 
ouvert  au  sud-est.  Cet  abri  était  le  siège  d^une  taillerie  de 
silex,  ainsi  qu'en  témoignent  les  nombreux  éclats  qu'on  y  ren- 
contre. Il  suffît  de  creuser  à  une  profondeur  de  30  centimè- 
tres pour  trouver  ces  éclats.  Pour  ma  part,  je  n*ai  trouvé 
dans  cet  abri  que  ces  éclats  et  quelques  conchoïdes  de  per- 
cussion. Ils  ont  néanmoins  une  importance  majeure,  parce 
qu'ils  montrent  que  dans  cette  région  où  il  n'existe  pas  de 
silex,  il  y  avait,  outre  l'importation  de  produits  manufac- 
turés, fait  sur  lequel  je  reviendrai  dans  un  instant,  une  im- 
portation de  blocs  de  silex,  de  rognons  que  l'industrie 
locale  se  chargeait  de  tailler  et  d'utiliser. 

Dans  les  deux  grottes  dont  je  vous  parlais,  voici  les  objets 
qui  ont  été  trouvés.  D'abord  ces  fragments  de  poterie.  Us 
sont  caractéristiques,  et  je  ne  vous  ai  apporté  que  les  plus 
intéressants.  Yoici^  au  milieu  de  la  pâte  noire,  les  petits 
fragments  de  spath  calcaire  typiques.  Le  premier  fragment  a 
pris  sur  sa  face  externe  la  couleur  rouge  de  la  cuisson, 
mais  elle  ne  pénètre  pas  bien  profondément.  Ce  deuxième 
fragment  a  été  lissé  par  un  instrument;  il  a  conservé  à  l'ex- 
térieur sa  teinte  gris  noirâtre.  En  voici  un  troisième  qui  pré- 
sente une  série  d'impressions  à  l'ongle  qui  constituent  une 
ornementation  régulière  tout  autour  de  l'ouverture. 

Les  objets  en  silex  sont  tous  cacholonnés.  Ce  sont  des 
lames  finement  retouchées,  avec  cette  précision  qui  caracté- 
rise l'époque  de  la  Madeleine.  Je  vous  présente,  avec  ce 
concboïde  de  percussion,  ces  fragments  de  lames,  un  très 


Stti  SÊANCB  DU  46  AVHtL  {891. 

joli  couteau  de  8  centimètres,  un  burin  et  un  grattoir  sur 
lequel  je  désire  insister.  Il  est  en  jaspe  bicolore,  comme  ces 
instruments  que  Ton  trouve  dans  la  Vienne,  et  provient 
vrai3emblablement  de  cette  contrée. 

Quant  aux  dolmens,  j'en  ai  visité  deux  sur  la  rive  gauche 
de  la  rivière  :  l'un  qui  avait  été  récemment  découvert  venait 
d*être  fouillé;  Tautre  était  rempli  d  une  quantité  considérable 
de  pierres.  Ne  sachant  s'il  avait  été  antérieurement  fouillé, 
j*ai  ajourné  mes  investigations  et  je  me  suis  surtout  occupé 
des  dolmens  de  la  rive  droite  compris  dans  le  département 
du  Gard,  communes  de  Laval  et  du  Garn.  Là  se  trouvent 
plusieurs  dolmens  bien  connus  et  qui  ont  été  pour  la  plupart 
fouillés  méthodiquement,  ce  dont  j'ai  pu  me  convaincre  en  en 
repassant  deux  ou  trois.  J'ai  toutefois  rencontré  une  de  ces 
sépultures  qui,  bien  qu'ayant  été  violée,  m*a  néanmoins  permis 
de  récolter  quelques  objets  intéressants.  Un  mot  d'abord  sur 
ces  dolmens.  Dans  un  espace,  en  somme,  assez  restreint  (1  ki- 
lomètre environ),  j'en  ai  compté  quatorze  et  je  ne  crois  pas 
les  avoir  tous  vus.  Quelques-uns  d'entre  eux  sont  de  véri- 
tables caissons  constitués  par  deux  dalles  parallèles  et  une 
dalle  de  fond  de  même  largeur,  mais  en  général  ils  sont 
beaucoup  plus  longs  que  larges.  Celui  que  j'ai  fouillé,  situé 
dans  les  bois  de  Laval,  présente  une  longueur  de  3  mètres, 
une  largeur  de  80  centimètres  et  une  profondeur  de  80  cen* 
timètres  environ.  Les  dalles  latérales  avaient  basculé  et 
elles  étaient  venues  s'arcbouter  Tune  contre  l'autre.  Le  plus 
souvent  la  dalle  de  recouvrement  fait  défaut.  On  reconnaît 
encore  à  certains  d'entre  eux  les  vestiges  du  tumulus  de 
pierrailles  qui  les  recouvrait.  Le  dolmen  dont  je  parle  était 
orienté  du  nord-est  au  sud-ouest,  mais  il  est  facile  de  se  con- 
vaincre que  celte  orientation  n'est  pas  uniforme  en  ce  qui 
concerne  les  quatorze  dolmens  de  cette  région  du  moins. 
Les  dalles  de  ces  dolmens  ainsi  que  les  tumuli  sont  consti- 
tués par  la  roche  de  la  contrée.  Dans  le  dolmen  que  j'ai  ex- 
ploré, j'ai  d'abord  trouvé  des  ossements  qui  appartiennent 
à  plusieurs  corps*  lis  se  trouvaient  au  milieu  de  cette  couche 


t)ISGt;S8tON  SUR  LA  NATALtTt  fiN  I^RANCB.  9tl3 

de  cendres  qui  indique  bien  que  ce  dolmen  était  une  sépul- 
ture bien  plutôt  qu'un  ossuaire  à  proprement  parler.  J*y  ai 
trouvé  en  outre  des  perles  au  nombre  de  quinze  ;  elles  sont 
arrondies  et  très  régulières,  sauf  deux  qui  sont  beaucoup 
plus  grosses  que  les  premières.  Tandis  que  celles-ci  sont  en 
coquilles,  les  deux  autres  sont  en  calcaire.  Voici  un  nodule 
de  fer  oligiste  poli.  Il  a  la  forme  et  les  dimensions  d'une 
grosse  olive.  Voici  encore  un  fragment  de  nucléus  en  silex, 
et  voici  enfin  des  fragments  d'anneau  en  bronze  qui  datent 
ce  dolmen*.  Il  est  intéressant  de  trouver  dans  cette  même 
sépulture  des  vestiges  d'une  époque  de  transition.  11  ne 
s'agit  pas  d'ailleurs  ici  de  superposition  de  sépulture,  et  je 
sais  que,  dans  difTérents  dolmens  de  la  région,  on  a  trouvé 
à  la  fois  la  pierre  et  le  cuivre. 

Suite  de  la  dlseoaeleB  sar  le  telUe  aeerol— teat 
de  la  pepalalloB  ea  Fraaee. 

M.  Eschenauer  dit  que  l'essentiel  est  d'avoir  beaucoup 
d'enfants.  Il  s'élève  contre  les  mesures  restrictives,  contre  les 
difficultés  qu'élèvent  les  propriétaires  au  sujet  des  nombreux 
enfants,  contre  les  ennuis  suscités  par  les  compagnies  de 
transport. 

M.  Hervé  fait  remarquer  que  plus  une  famille  a  d'enfants 
moins  elle  pourra  les  bien  élever. 

M.  Eschenauer  répond  qu'au  contraire,  dans  les  grandes 
familles,  l'instruction  se  fait  entre  les  divers  enfants  qui 
s'éduquent  mutuellement. 

M.  Sanson.  Je  demande  d'abord  la  permission  de  préciser 
la  question  qui  se  discute  depuis  longtemps  déjà  devant  la 
Société  et  dans  laquelle  il  a  été  introduit,  selon  moi,  des 
éléments  qui  lui  sont  en  grande  partie,  sinon  tout  à  fait  étran- 

>  Lorsque  J*ai  présenté  eet  iDneau  à  U  Société  ci'anthropoloigio, 
M*  AdrioD  de  Morlillet  8*eit  demandé  i"\l  n'était  pas  plutôt  en  cuivre 
qu'en  bronze.  J*ai  pu  me  rendre  compte  qu'il  est  en  effet  en  cuivre  et  que 
l'hypolhèse  de  M.  Adrien  de  MorUllet,  quant  à  la  date  de  ce  dolmen,  est 
pai>AliUraeai  exacte. 


284  SÉANCE  DU  i6  AVRIL  1891. 

gers.  Gesi  à  ce  qu'il  me  semble  la  seule  manière  d'en  trouver 
la  solution. 

Au  premier  rang  de  ces  éléments  étrangers  se  place  la  mor- 
talité, sur  laquelle  on  a  insisté  de  façon  à  laisser  croire,  d*une 
part,  que  seule  elle  devait  fixer  Tattention  et,  de  Tautre, 
qull  n*y  avait  aucunement  lieu  de  se  préoccuper  des  mesures 
propres  à  la  diminuer.  A  entendre,  par  exemple,  M.  Jacques 
Bertillon,  il  a  pu  sembler  que  tel  était  son  propre  avis.  Ce 
n*est  évidemment  là  qu'une  apparence.  11  a  seulement  insisté, 
trop  insisté  à  mon  sens,  sur  ce  fait  incontestable,  mis  en 
évidence  par  toutes  les  statistiques,  qu'à  la  suite  de  toutes 
les  grandes  mortalités  un  accroissement  de  la  natalité  vient 
toujours  combler  les  vides  faits  dans  la  population.  On  en  a 
eu,  chez  nous,  une  preuve  frappante  dans  les  premières 
années  de  la  Restauration,  après  les  guerres  de  TËmpire  qui 
avaient  consommé  un  si  grand  nombre  d'hommes  et  tant 
affaibli  la  population.  Peu  de  temps  après  la  paix  rétablie,  il 
n'y  paraissait  plus.  Est-ce  à  dire  que  notre  collègue  ait  voulu 
soutenir  qu'il  faille  négliger  les  efforts  propres  à  diminuer  la 
mortalité  normale  ?  Aucun  de  vous  ne  le  pense,  je  suppose. 
Il  a  voulu  montrer  simplement  que  ce  n'est  point  de  ce  côté 
qu'il  faut  chercher  la  solution  du  problème  en  présence 
duquel  nous  nous  trouvons,  et,  à  mon  avis,  il  a  eu  pleinement 
raison.  La  question  de  la  mortalité,  infantile  ou  autre,  si 
intéressante  et  importante  qu'elle  soit  en  elle-même,  est  en 
dehors  de  ce  problème. 

En  effet,  nous  constatons  que  depuis  le  commencement  du 
siècle  le  coefficient  d'accroissement  de  la  population  française 
est  allé  diminuant.  Le  baron  Charles  Dupiu  avait  une  façon  à 
lui  d'exprimer  ce  fait.  Je  l'ai  entendu  bien  des  fois,  il  y  a  une 
trentaine  d'années,  à  l'Académie  ,des  sciences,  s'écrier  avec 
chaleur  que  la  France  était  en  train  de  manger  son  troisième 
enfant,  et  adjurer  les  pouvoirs  publics  d'y  mettre  ordre.  Il 
entendait  par  là  que  le  nombre  des  enfants  par  ménage,  qui 
avait  été  de  trois  en  moyenne,  n'était  plus  que  de  deux  et  une 
fraction.  Depuis  lors  la  fraction  s'est  amoindrie.  Elle  a  pré- 


DISCUSSION  SUR  LA   NATALITÉ  EN  FRANGE.  S85 

sente  des  oscillations,  bien  entendu,  comme  on  l'observe  tou- 
jours dans  tous  les  phénomènes  naturels,  dont  aucun  ne  peut 
être  exprimé  par  une  droite  ;  mais  la  courbe  n'en  est  pas 
moins  constamment  descendante,  et  il  est  dès  lors  permis  de 
prévoir  le  moment  où  le  nombre  moyen  sera  tombé  à  deux, 
Qu'adviendra-t-il  alors  de  notre  population  ?  Je  vous  le  de- 
mande. Qui  est-ce  qui  pourra  l'empêcher  de  diminuer  et  quel 
sera  l'avenir  de  notre  nation  ?  Ne  sera-t-elle  pas  vouée  à  une 
perte  certaine?  Je  suis  de  ceux  qui  s'en  effraient,  je  vous 
l'avoue,  et  qui  pensent  que  rien  ne  doit  nous  coûter  pour 
conjurer  un  tel  malheur. 

Sans  doute  il  n'y  a  pas  à  craindre  un  péril  immédiat,  en 
comparant  noire  population  à  celles  des  nations  qui  nous 
entourent.  Le  nombre  de  soldats  dont  nous  disposons  actuel- 
lement et  leur  valeur  propre  me  laissent  en  pleine  sécurité. 
Homme  pour  homme  nous  pouvons  supporter  la  comparaison 
avec  qui  que  ce  soit.  Mais  ce  n'est  ni  du  présent,  ni  d'un  pro- 
chain avenir  qu'il  y  a  lieu  seulement  de  se  préoccuper.  Il  faut 
avoir  la  vue  plus  longue.  La  nation  française  a  joué  et  joue 
encore  dans  le  monde  un  rôle  que  nous  avons  le  devoir  de  lui 
assurer  pour  le  plus  long  avenir.  Si  au  lieu  de  s'accroître  nor- 
malement, en  raison  du  coefficient  que  lui  permettraient  les 
conditions  véritablement  privilégiées  de  son  sol,  elle  va  au 
contraire  diminuant  de  population,  rien  ne  pourra  l'empêcher 
de  disparaître  de  la  carte  du  monde.  Elle  sera  fatalement 
absorbée  par  une  nation  plus  forte.  C'est  la  loi  de  l'histoire. 
Comment  ne  pas  s'émouvoir  en  présence  d'une  telle  éventua- 
lité? 

Le  péril  sera  devenu  certain  à  partir  du  moment  où  le 
nombre  moyen  des  enfants  par  ménage  sera  réduit  à  deux,  et 
il  est  incontestable  que  depuis  le  commencement  du  siècle 
nous  y  marchons  d'un  pas  qui  tend  plutôt  à  s'accélérer  qu'à 
se  ralentir.  Quand  nous  en  serons  là,  voyez-vous  le  moyen 
d'arrêter  le  mouvement  de  diminution  de  la  population  en  agis- 
sant sur  la  mortalité  ?  Je  ne  pense  pas  que  personne  prétende 
qu'il  soit  possible  de  réduire  cette  mortalité  à  zéro.  Si  grands 

T.    H  (*«   SÉUIe).  l'J 


S86  SÉANCE  DU   16  AVRIL  1891. 

que  soient  les  progrès  de  Thygiène  et  de  la  médecine^  ils  ne 
sauraient  arriver  jusque-là.  Il  y  aura  toujours  des  pertes, 
si  minimes  qu'on  puisse  les  supposer,  et  dès  lors  la  popa« 
lation  diminuera  nécessairement,  car  il  y  aura  au  moins  une 
fraction  de  reproducteur  qui  ne  sera  pas  remplacée.  Ces 
progrès  de  l'hygiène  et  de  la  médecine  ne  sont  point  niables. 
La  preuve  péremptoire  en  est  qu*à  mesure  que,  dans  notre 
population,  la  natalité  diminuait,  la  mortalité  diminuait  aussi 
de  son  côté.  Je  ne  crois  pas  me  tromper  en  disant  que  nous 
avons  une  des  plus  faibles  mortalités  de  TEurope,  sinon  la  plus 
faible  de  toutes.  C'est  notre  population  qui  perd  le  moins 
par  la  mort  et  c'est  une  de  celles  dont  l'accroissement  se 
ralentit  le  plus.  Les  statisticiens  nous  l'ont  démontré  à 
satiété.  Où  trouver  une  meilleure  preuve  que  la  mortalité 
n'est  pour  rien  dans  le  phénomène  qui  nous  occupe  et  que 
conséquemment  il  faut  éliminer  du  débat  la  question  de  la 
mortalité.  Les  hygiénistes  continueront  leurs  louables  efforts. 
Nous  leur  en  serons  reconnaissants.  Mais  il  faut  se  bien  per- 
suader que  la  science  hygiénique  est  impuissante  toute  seule, 
contrairement  aux  prétentions  qui  ont  été  manifestées  ici  et 
ailleurs,  à  résoudre  le  problème  posé. 

Ce  problème  est  tout  entier,  et  j'ose  dire  exclusivement, 
dans  la  question  delà  natalité.  Pour  que  le  péril  soit  conjuré, 
il  faut  que  nous  voyions  augmenter  le  nombre  des  naissances, 
au  lieu  de  le  voir  diminuer.  C'est  là  un  point  sur  lequel  nous 
sommes  ici,  je  crois,  tous  d'accord.  Il  n'a,  du  moins  à  ma  con- 
naissance, été  contesté  par  personne.  On  a  cherché  à  l'expli- 
quer de  diverses  façons.  Quelques  tentatives  ont  été  faites 
pour  lui  attribuer  une  raison  physiologique  ;  mais  les  hypo- 
thèses proposées  à  ce  sujet  ne  me  paraissent  pas  avoir  obtenu 
grand  crédit.  Ce  qui  me  semble  acquis,  c'est  que  la  restric- 
tion de  la  natalité  est  considérée  à  peu  près  par  tout  le  monde 
comme  un  phénomène  volontaire.  Il  y  a  longtemps  que  je 
Tai  dit  ici,  notamment  à  l'occasion  d'une  communication  dans 
laquelle  M.  Chervin  attribuait  à  Tinfluence  de  l'alcoolisme  la 
diminution  de  la  population  en  Normandie.  Lui  et  M.  Lagneau 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANCE.  287 

Tont  alors  conleslô.  J'ai  eu  la  satisfaction  de  les  voir  depuis, 
Tun  et  lautre,  se  ranger  à  mon  avis,  qui  ne  m'était  d'ailleurs 
point  personnel.  On  peut  donc,  sans  chance  d'erreur,  prendre 
pour  base  des  recherches  ultérieures  ce  fait  que,  dans  notre 
population  la  restriction  de  la  natalité  est  un  acte  dépen- 
dant, du  moins  dans  sa  généralité,  de  la  volonté.  On  n'a 
pas  plus  d'enfants,  dans  les  ménages,  parce  qu'on  ne  veut 
pas  en  avoir  davantage.  Les  cas  de  stérilité  pathologique, 
ceux  de  retard  ou  d'empêchement  aux  mariages  et  autres 
n'entrent  que  pour  une  part  minime  et  conséquemment  négli- 
geable dans  le  phénomène,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'on 
doive  s'abstenir  de  remédier  à  ceux  qui  peuvent  être  atteints. 
J 'entends  seulement  qu'il  ne  faut  pas,  en  s'y  attachant,  comme 
quelques-uns  de  nos  collègues  s'y  sont  complu,  et  en  y  insis- 
tant, détourner  l'attention  du  fait  principal  qui  est,  je  le 
répète,  celui  de  la  restriction  volontaire  des  naissances. 

Quel  est  le  motif  ou  quels  sont  les  motifs  de  cette  restric- 
tion ?  C'est  ce  qu'il  faut  d'abord  se  demander,  si  l'on  veut 
trouver  le  remède  ou  les  remèdes  au  mal  constaté.  Il  est 
remarquable  que  ce  mal  se  manifeste  à  peu  près  exclusive- 
ment dans  deux  catégories  sociales,  qui  à  certains  égards  sont 
fort  analogues.  Dans  les  campagnes,  où  il  exerce  la  plus 
grande  influence  eu  égard  à  la  prépondérance  des  popula- 
tions rurales,  on  le  rencontre  surtout  chez  les  cultivateurs 
aisés.  Je  l'avais  signalé  ici- même,  à  M.  Ghervin,  dans  l'occa- 
sion que  j'ai  rappelée,  et  depuis  vous  savez  qu'il  l'a  confirmé 
par  la  statistique.  Nous  sommes  donc  d'accord  sur  le  fait.  Je 
vous  montrerai,  dans  un  instant,  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
au  sujet  des  conséquences  qu'il  y  a  lieu  d'en  tirer.  Il  a  persisté 
dans  son  opinion  que  la  législation  n'avait  rien  à  voir  dans 
cette  affaire.  Nos  paysans  aisés  tiennent  à  n'avoir  qu'un  seul 
enfant  et  visent  ensuite  à  l'unir  par  mariage  avec  un  autre 
enfant  unique,  d'abord  pour  ne  pas  avoir  à  diviser  leur  petite 
fortune,  qu'ils  acquièrent  par  Tâpreté  au  travail  et  à  l'écono- 
mie que  l'on  sait,  ce  qui  fait  du  reste  la  richesse  exception- 
nelle de  la  France;  puis  pour  que  la  fortune  du  nouveau 


â88  SÉANCE  DU  16  AVRIL  4891. 

ménage  soit  doublée.  C'est  ainsi  que  les  petites  fortunes 
rurales  s'agrandissent,  en  même  temps  que  les  grands 
domaines  disparaissent  peu  à  peu  en  se  divisant  entre  les 
cultivateurs.  Les  purs  rentiers  du  sol  se  ruinent  à  mesure 
que  les  cultivateurs  s'enrichissent.  Le  mouvement  en  ce  sens 
n  a  pas  cessé  de  s'accentuer  depuis  la  Révolution.  Et  il  n'y  a 
pas  de  doute  que  celui  de  la  restriction  de  la  natalité  lui  a 
été  corrélatif. 

Je  suis  convaincu,  pour  ma  part,  que  ce  mouvement  de 
restriction  est  la  conséquence  des  mesures  prises  dans  le  Gode 
civil  au  sujet  du  droit  de  succession.  En  vue  de  réagir  contre 
l'ancien  régime,  on  a  dépassé  le  but  en  établissant,  non  seu- 
lement le  principe  de  l'égalité  des  partages,  mais  encore  le 
droit  à  la  succession  des  ascendants,  en  telle  sorte  que  les 
enfants  ont  été  amenés,  par  la  législation  même,  à  se  consi- 
dérer légalement  comme  les  propriétaires  légitimes  des  biens 
dont  les  parents  ne  sont  que  les  usufruitiers.  Tous  ceux  qui 
ont  observé  les  populations  rurales  savent  que,  quand  un 
paysan  tarde  trop  à  se  dessaisir  par  la  mort  ou  par  sa  volonté 
de  la  jouissance  des  biens  qu'il  délient,  ses  enfants  ne  se 
gênent  guère  pour  manifester  leur  impatience.  Gela  leur 
semble  tout  naturel,  puisque  leur  esprit  s'est  habitué  à  ce  qui 
est  en  effet  le  droit.  Et  quand  le  père  dissipe  la  fortune  du 
ménage,  est-ce  qu'ils  ne  se  considèrent  pas  comme  lésés  ? 
Je  ne  dis  pas  que  les  mêmes  idées  n'aient  point  cours  dans 
les  populations  urbaines.  H  y  a  au  contraire  tout  lieu  de 
croire  qu'elles  y  florissent  de  même.  Et,  tenez,  laissez-moi 
vous  conter  à  ce  sujet  une  brève  anecdote.  Je  causais  récem- 
ment avec  un  médecin  de  ma  connaissance  et  je  lui  deman- 
dais s'il  faisait  de  la  clientèle.  Oh  bien  peu,  me  répondit-il, 
un  peu  de  consultation  seulement.  Je  n'ai  qu'une  fille  et  le 
père  un  tel  (son  père  à  lui)  laissera  350  000  francs.  Vous 
comprenez  que  je  n'ai  pas  besoin  de  me  fouler  pour  lui  gagner 
une  dot.  11  me  disait  cela  de  l'air  le  plus  tranquille  du  monde, 
comme  s'il  s'était  agi  d'un  axiome.  L'idée  se  manifeste  ainsi, 
chez  ceux  qui  ont  reçu   une  certaine  éducation,  sous  des 


DISCUSSION  SUR   LA  NATALITÉ  EN  FRANGE.  289 

formes  moins  brutales.  Ils  attendent  en  apparence  plus 
patiemment.  Mais  au  fond  c*est  la  même  chose.  Les  citadins 
pensent  comme  les  ruraux,  que  moins  on  est  pour  partager 
la  succession  paternelle  mieux  cela  vaut.  G*est  passé  dans  les 
mœurs. 

La  première  chose  à  faire  me  paraît  donc  être  de  rendre 
au  père  de  famille  la  libre  disposition  de  ses  biens.  On  me 
répondra  que,  dans  Tétat  actuel  de  la  législation,  il  peut  en 
attribuer  à  sa  volonté  une  partie  qu'on  appelle  la  quotité 
disponible.  Ce  n'est  pîis  assez.  Il  faut,  pour  que  les  mœurs 
changent  sur  ce  point,  qu'il  soit  en  droit  de  disposer  du  tout. 
La  crainte  qui  a  été  quelquefois  manifestée  de  voir  ainsi 
revivre  le  droit  d'aînesse,  que  les  auteurs  du  Code  civil  ont 
eu  évidemment  en  vue,  me  paraît  être  devenue  une  pure 
chimère.  Il  n'y  a  pas  de  risque  de  le  voir  rétablir  dans  notre 
État  démocratique.  11  est  dans  la  nature  des  choses  que  le 
père  de  famille  aime  également  tous  ses  enfants  et  qu'il  les 
traite  tous  également,  s'ils  n'ont  pas  démérité  par  leur  con- 
duite, s'il  n'a  pas  lui-même  acquis  la  conviction  que  l'un  ou 
plusieurs  d'entre  eux  feraient  mauvais  usage  des  ressources 
qu'il  pourrait  leur  laisser.  Il  n'y  a  plus  aucun  motif  pour  que, 
systématiquement,  il  favorise  l'un  plutôt  que  l'autre.  L'im- 
portant, à  notre  point  de  vue,  c'est  que  les  enfants  ne 
puissent  plus  compter,  dès  qu'ils  arrivent  à  l'âge  de  raisonner, 
sur  la  succession  de  leurs  parents  comme  sur  une  chose  qui 
est  de  droit,  et  qu'ils  s'habituent  à  l'idée  que  leur  avenir 
dépendra  d'eux  seulement,  à  partir  du  moment  où  leur  père 
les  aura  mis  en  mesure  de  s'en  créer  un  par  leur  travail. 

On  ne  manquera  sans  doute  pas  de  m'objecter  que  le 
changement  proposé  dans  la  législation  sur  les  successions 
ne  saurait  avoir  pour  effet  d'augmenter  le  nombre  des  enfants 
par  ménage,  en  remarquant,  comme  M.  Donnât  l'a  déjà  fait 
dans  le  cours  de  la  discussion,  que  les  deux  mesures  législa- 
tives votées  sur  les  propositions  de  Paul  Bert,  d'une  part,  et 
de  M.  Javal,  de  l'autre,  ne  se  sont  point  montrées  efficaces. 
Lorsque  l'argument  a  été  produit,  j'ai  déjà  dit  que  les  auteurs 


llt^t  *!L  fîn-l  i.r:r*-ii«t:  ri*  ."uriTitfic:  i»î 

iit'rr  '.T*^Li  i-r^r    >ê-:i:«xTTL   5*  "tj-pu.  C.ozikx:  !  t; 

qu'elle  Cr^fix;r«t  >çjk.&izt?  >  f!l  âfç«tn2^rf  «c  rveûne  sorte 

€*;•>  ©éltrit*.  C^:  p-M  i  p*-:.  IfsiiTvrl.  exe  ie  drcsî  à  la 
Kjccç'f^'.'î:  a  j^:-îiii:  ko  f-'îi-  La  FCT«rwsi>a  de  ce  droit  oe 
pett  pf>icir*  !c  îien  -Tat  «d*  rates*  e:i  m:»ilf  art  l«  idées 
«t.  par  «>â»é>7iient.  i*§  soms.  Ces?.  t-rî«5é3*aJ  pourquoi 
il  ixDport^  d'y  aTi**r  ie  plu*  V*A  pos&bù^. 

MaU  eaeore  bien  çn*  sr  c^  tromperaïf  «sr  ce  eaFKt^rv  de 
lar^^forme  çce  je  pr^p-:-^.  erjyex-Tos?  qa'i!  «eraît  indîflerenl 
que  le*  âl*  n  eassect  pk*  à  c^i-mpter  qu'éTeataelleraeol  sur  la 
iucrefè'Oii  d-îr  ienr?  prrre*?  £=*-«>?  ca'en  ce  cas  ils  ne  sermieot 
pas  amené*  for r^fmtnt  à  pen?er  de  tinne  heore  que  leur 
avenir  dépend  avant  toot  de  lenr  tTarail.  de  lenr  initiative, 
et  ne  voos  s^mbie-t-ii  p>as  que  par  c^ela  même  le  nombre  des 
inutiles,  qni  deviennent  fi  facilement  nuisibles,  serait  de 
beaucoup  diminaé  ?  La  valeur,  la  pai>5ance  des  nations  dé- 
pendant pour  la  plus  forte  part  de  la  somme  de  leurs  efforts 
individuels,  de  la  somc:e  de  leurs  vatenrs  productives,  rien 
qu'a  ce  point  de  vue  la  réforme  serait  justifiée. 

J'ai  dit  que  c*:  devrait  être  la  première  à  réaliser.  Ce  n'est 
donc  pas  ia  ^euie.  A  mon  avis,  elle  a§:irait  principalement  sur 
lea  populations  des  campagnes.  Celles  dont  je  vais  parler 
maintenant  visent  plutôt  la  petite  bourgeoisie  des  villes,  qui 
restreint  aussi  sa  natalité. 

Pourquoi  les  petits  bourgeois  n'ont-ils  que  le  moins  pos- 
sible d'enfants?  Ce  nest  point,  si  je  ne  m'abuse,  pour  le  motif 
dont  je  viens  de  m'occuper,  du  moins  ce  motif  ne  me  paraît 
y  avoir  qu'une  faible  part.  Il  ne  suffit  pas  ici  de  nourrir  ses 


DISCUSSION  8Ua  LA   NATALITÉ   EN   FRANCE.  291 

enfants,  de  les  vôtir  ot  de  les  envoyer  à  rôcola  primaire.  Il 
faut,  pour  qu'ils  atteignent  la  condition  de  leurs  parents,  qu'ils 
aillent  au  lycée.  Gela  coûte  très  cher.  Les  petits  bourgeois 
n'ont  pas  beaucoup  d'enfants  parce  que  leurs  ressources  ne 
leur  permettraient  pas  de  les  élever,  dans  le  sens  que  nous 
donnons  à  ce  mot.  On  essaierait  en  vain,  je  le  crains  bien,  de 
les  persuader  que  les  grandes  familles  s'élèvent  aussi  bien  et 
même  mieux  que  les  petites,  ainsi  que  nous  le  disait  tout  k 
l'heure  avec  sa  chaleur  communicative  notre  excellent  col- 
lègue M,  Eschenauer.  Les  prédications  morales  ne  peuvent 
avoir  que  des  avantages.  Elles  sont  excellentes  en  elles-mêmes, 
Mais  elles  n'atteignent  que  bien  rarement  leur  but,  surtout 
quand  elles  ont  à  lutter  contre  des  difficultés  comme  celles 
dont  il  s'agit  ici. 

Pour  les  familles  un  peu  nombreuses,  les  conditions  de 
l'existence  sont  devenues  de  plus  en  plus  difûciles.  Depuis  le 
commencement  du  siècle,  le  prix  de  la  viande,  par  exemple, 
a  plus  que  doublé,  et  il  en  a  été  à  peu  près  ainsi  pour  pres- 
que tous  les  objets  de  subsistance.  Supposez  un  petit  bour- 
geois disposant  d'un  revenu  de  quatre  à  cinq  mille  francs, 
môme  de  six  mille,  si  vous  voulez,  et  admettez  qu'il  ait  trois 
enfants,  comme  ce  serait  désirable.  Il  voudra  nécessairement 
les  faire  arriver  à  une  condition  au  moins  égale  à  la  sienne, 
et,  si  possible,  supérieure.  C'est  légitime,  et  c'est  ainsi  que  sa 
forme  ce  qui  a  été  appelé  les  nouvelles  couches  sociales,  dont 
nous  ne  voudrions  certainement'pas  arrêter  Tessor.  Elles  font 
la  force  et  la  vitalité  de  notre  démocratie.  De  ses  trois  enfants, 
notre  petit  bourgeois  en  devra  entretenir  au  moins  deux  à 
la  fois  au  lycée  ou  au  collège.  Eh  bien,  cela  lui  coûtera 
1200  francs  par  tète,  soit  2400  francs  pour  les  deux.  Gom- 
ment lui,  sa  femme,  son  autre  enfant  et  une  servante  qui, 
pour  n'être  pas  indispensable  est  cependant,  le  plus  souvent, 
considérée  comme  nécessaire  dans  un  tel  ménage,  pour- 
raient-ils maintenir  leur  propre  condition  avec  ce  qui  restera 
sur  le  revenu  ?  Ge  serait  tout  au  moins  la  gêne  et  les  priva- 
tions de  toutes  sortes.  N'est-il  pas  facilement  compréhensible 


âOS  EÉANGE  DU    16  AVRIL  i891. 

qu'en  pareil  cas  on  s'arrange  plutôt  pour  n'avoir  qu'un  seul 
ou,  au  plus,  deux  enfants  convenablement  échelonnés? 

Voilà  l'obstacle  que  rencontrent  les  prédications  en  faveur 
des  nombreuses  familles.  C'est  le  principal,  veuillez  le  croire, 
et  tant  qu'il  subsistera,  ne  comptez  point,  de  ce  côté,  sut 
l'accroissement  des  naissances.  Elles  continueront  plutôt  de 
diminuer,  car  il  y  a  lieu  de  penser  que  la  hausse  des  subsis- 
tances ne  fera  que  s'accentuer  dans  l'avenir.  On  me  dira  peut- 
ôtre  qu'il  existe  des  bourses  auxquelles  chacun  peut  aspirer. 
Ce  n'est  pas  assez.  Ce  n'est  qu'une  espérance.  Il  faut  la  cer- 
titude pour  lever  l'obstacle. 

Et  remarquez,  je  vous  prie,  que  la  situation  d'après  laquelle 
je  viens  de  raisonner  n'est  point  la  moindre.  Il  ne  manque 
pas  de  ménages  bourgeois  dont  le  revenu  descend  au-dessous 
du  minimum  que  j'ai  admis.  En  présence  des  besoins  actuels 
de  la  vie,  combien  de  jeunes  hommes,  parmi  ceux  au  milieu 
desquels  nous  nous  trouvons  tous  les  jours,  renoncent  au 
mariage  ou  tout  au  moins  le  retardent,  parce  qu'ils  ne  trouvent 
pas  leur  position  suffisante  pour  se  donner  la  charge  d'une 
famille.  C'est  l'objection  qu'ils  opposent  quand  on  les  engage 
à  se  marier.  Il  y  a  li\  un  empêchement  autrement  puissant 
que  celui  qu'on  attribue  au  service  militaire,  par  exemple. 
Celui-ci,  en  vérité,  n'est  pas  sérieux.  Songez  donc  que  les 
jeunes  gens  sont  libérés  du  service  actif  à  1  âge  de  vingt- 
quatre  ans  au  plus  tard.  Combien  en  voit-on,  dans  notre  popu- 
lation, qui  sont  en  mesure  de  se  marier  avant  cet  âge-là  ? 

Laissons  donc  de  côté  ces  considérations  secondaires,  qui 
n'ont  vraiment  pas  d  importance.  Si  tous  ceux  qui  se  marient 
avaient  au  moins  trois  enfants,  de  façon  que  la  moyenne 
par  ménage  se  maintînt  à  trois,  nous  pourrions  nous  en  con- 
tenter. Je  ne  pense  pas  qu'il  nous  soit  permis  de  viser  à  égaler 
sous  ce  rapport  l'Allemagne.  Les  femmes  françaises  ne  sont 
pas,  en  général,  aussi  fécondes  que  les  Allemandes.  Bornons 
nos  prétentions  à  faire  disparaître  Tobstacle  sur  lequel  j'ai 
insisté  et  qui  détermine  la  restriction  volontaire  de  la  nata- 
lité. Il  y  a,  me  semble-t-il,  un  moyen  sûr  d'y  arriver,  et  je 


DISCUSSION  BUR  LA   NATALITÉ  EN  FRANCE.  Î93 

n'hésite  pas  à  le  proposer.  Ce  moyen,  c'est  simplement  de 
décider  que  désormais  Tinstruction  sera  donnée  gratuitement 
à  tous  les  degrés. 

Je  ne  demande  pas  qu'elle  soit  obligatoire.  L'obligation 
doit  être  limitée  à  l'instruction  primaire,  et,  en  ce  qui  con- 
cerne celle-ci,  elle  n'a  pas  besoin  sans  doute  d'être  justifiée 
ici.  Nous  sommes  tous  également  convaincus  que  l'enseigne- 
ment primaire  obligatoire  est  d'intérêt  national.  Pour  le  reste, 
la  gratuité  suffit.  Elle  permettra  que  chacun  puisse  librement 
développer  ses  aptitudes  par  la  culture  intellectuelle  et  se 
préparer  ainsi  à  toutes  les  carrières  qu'elles  comportent. 
Toutes,  dans  une  démocratie,  doivent  être  accessibles  à  tous 
ceux  qui  se  montrent  capables  d'y  réussir.  Et  quelle  sélec- 
tion sous  un  tel  régime  !  Mais,  pour  rester  sur  notre  terrain, 
ne  voit-on  pas  que,  dans  ces  conditions,  le  père  de  famille 
serait  complètement  affranchi  de  la  préoccupation  qui  le 
retient  maintenant.  N'ayant  plus  d'inquiétude  pour  l'avenir 
de  ses  enfants,  assuré  de  pouvoir  les  élever  jusqu'au  moment 
où  ils  seront  en  mesure  de  pourvoir  eux-mêmes  à  leurs 
besoins,  il  se  donnerait,  j'imagine,  la  satisfaction,  et  c'en 
est  une  grande,  vous  n'en  doutez  pas,  d'en  avoir  le  plus 
possible. 

Mais  il  est  bien  clair  que,  pour  établir  la  gratuité  de  l'en- 
seignement aux  degrés  qu'on  appelle  secondaire,  supéineur  et 
professionnel^  il  faudrait  de  l'argent.  Il  en  faudrait  même  évi- 
demment beaucoup.  Cela  ne  m'effraie  pas  du  tout.  L'ensei- 
gnement est,  à  mon  avis,  le  premier  de  tous  les  services 
publics  dans  une  démocratie.  On  n'y  consacrera  jamais  une 
trop  forte  part  de  l'impôt.  Le  budget  actuel  des  recettes  n'y 
pourrait  assurément  pas  suffire.  C'est  entendu.  Il  faudrait 
donc  créer  de  nouvelles  ressources.  Ces  ressources,  savez- 
vous  à  quoi  je  les  demanderais?  Tout  simplement  aux  suc- 
cessions. Sans  me  lancer  dans  l'inconnu  et  sans  courir  le 
risque  de  mécomptes,  je  me  bornerais  à  augmenter,  dans  la 
mesure  nécessaire,  les  droits  qui  se  perçoivent  déjà,  d'abord 
sur  les  successions  en  ligne  collatérale,  puis,  au  besoin,  sur 


294  8ÉANGB  DU   16  AVRIL    489!. 

celles  en  ligne  directe.  Sur  les  bases  des  droits  actuellement 
perçus,  les  calculs  seraient  faciles  à  faire.  Et  personne 
ne  serait  fondé  à  prétendre  que  la  mesure  enfreindrait  le 
principe  de  tout  impôt  équitable,  qui  est  que  chacun  ne  doit 
contribuer  aux  charges  publiques  qu'en  proportion  de  sa 
fortune.  Ceux  qui  n'hériteraient  point  n'auraient  rien  h 
payer. 

Veuillez  remarquer,  je  vous  prie,  qu'en  outre  de  son  avan- 
tage propre,  qui  serait  de  contribuer  à  faire  naître  plus  d'en- 
fants et  de  les  mettre  en  valeur  par  l'instruction,  cet  impôt, 
contre  lequel  on  ne  voit  vraiment  pas  d'objection  valable, 
aurait  celui  d'agir  dans  le  môme  sens  que  la  première  mesure 
proposée^  en  diminuant  d'autant  l'importance  des  sucées** 
sions. 

J'espère  qu'on  ne  me  reprochera  pas,  comme  à  M.  BertiU 
Ion,  d'être  resté  dans  les  généralités  vagues  au  sujet  des 
réformes  capables  de  fournir  la  solution  du  problème  qui 
nous  occupe.  Je  viens  de  formuler  des  propositions  nettes 
et  précises.  Elles  pourront  paraître  hardies,  graves,  difficiles 
à  faire  accepter  ;  j'en  conviens.  Elles  ne  sont  certainement 
pas  plus  graves,  toutefois,  que  le  mal  auquel  il  y  aune  véri- 
table urgence  de  remédier. 

M.  DuMANDY  fait  quelques  observations  d'ordre  écono- 
mique. 

M.  Hervé  fait  observer  que  la  diminution  de  la  natalité 
n'a  pas  progressé  d'une  façon  constante  depuis  le  commen- 
cement du  siècle,  mais  qu'il  y  a  eu  des  hauts  et  des  bas, 
les  abaissements  coïncidant  avec  la  diminution  de  la  pros- 
périté générale,  tandis  que,  dans  les  circonstances  inverses, 
il  y  a  augmentation  de  la  natalité,  en  même  temps  qu'une 
moindre  mortalité. 

M.  G.  Lagneau.  m.  Jacques  Bertillon  paraît  penser  que 
l'accroissement  de  notre  population  n'est  pas  sensiblement 
restreint  par  l'alcoolisme,  par  l'usage  du  tabac,  par  la  sy- 
philis, par  le  célibat  reUgieux,  par  Tinterdiction  de  la  re- 
cherche de  la  paternité,  par  la  stérilité  réelle  des  ménages^ 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANGE.  30S 

par  la  mortalité  épidémiquo,  spécialement  variolique  et 
iyphique,  dont  l'Académie  de  médecine  se  préoccupe  trop 
exclusivement.  Notre  collègue  attribue  notre  faible  accrois- 
gement  de  population  principalement,  sinon  uniquement,  à 
notre  natalité  volontairement  restreinte  par  suite  de  préoc- 
cupations d'argent. 

Mainte  et  mainte  fois,  j'ai  également  cherché  à  montrer 
que  notre  natalité  était  volontairement  restreinte.  Mais,  dans 
les  fâcheuses  conditions  démographiques  ou  nous  nous  trou- 
vons, je  crois  que,  sans  [en  exagérer  l'importance,  on  fait 
bien  de  tenir  compte  de  certaines  des  causes  auxquelles 
M.  J.  Bertillon  dénie  toute  influence. 

J'ai  déjà  parlé  de  l'influence  du  célibat  religieux. 

L'abus  du  tabac  ne  peut  nuire  qu'à  quelques  individua- 
lités. L'usage  du  tabac  est  plus  général  en  Allemagne  qu*en 
France.  La  natalité  est  plus  grande  au  delà  qu'en  deçà  du 
Rhin. 

Plus  fâcheux  est  l'alcoolisme,  l'usage  abusif,  superflu,  inu*> 
tile  des  boissons  alcooliques.  L'habitude  que  prennent  beau* 
coup  déjeunes  gens  de  dépenser  tout  ce  qu'ils  gagnent  chez 
les  marchands  de  vins,  les  cafetiers,  les  empêche  de  se  ma- 
rier, et,  quand  ils  se  marient,  leur  fait  redouter  une  haute 
natalité.  «  Il  n'y  a  plus  de  place  pour  la  famille,  »  m'écrivait 
une  femme  mariée.  En  i886,  448773  établissements  étaient 
assujettis  à  la  licence  relative  à  la  vente  des  boissons  ^  Ce 
sont  ces  établissements  qu'il  faudrait  frapper  de  lourds  im- 
pôts. 

La  mortalité  infantile  est  considérablement  accrue  par  la 
syphilis,  si  fréquente  dans  nos  grandes  villes.  Dans  1500  fa- 
milles syphilitiques,  M.  Fournier  a  reconnu  que,  sur  100  pro- 
duits de  conception,  de  68  à  86  mouraient  avant  ou  peu  après 
la  naissance*.  Pareillement,  M.  Le  Pileur,  sur  100  concep- 
tions de  femmes  syphilitiques,  a  constaté  76,7  expulsions  de 

>  Annuaire  itatisliquê  de  la  France,  1889,  p.  398. 

>  Fournier,  Bulletin  de  1^ Académie  de  médecine,  3  mars  1885,  p.  289, 
S9:i,  etc.;  —  Gazette  hebdomadaire  de  médecine,  6  mars  1885,  p.  160,  etc. 


296  SÉANCE  DU  16  AVRIL  1891. 

fœtus  ou  de  mort-nés.  Sept  enfants,  au  plus,  survivaient  au 
delà  des  premiers  mois  K 

Actuellement,  la  durée  du  service  militaire,  réduite  à  trois 
ans,  fait  moins  qu'antérieurement  obstacle  au  mariage  de 
nos  jeunes  gens.  Ce  service  retarde  moins  l'obtention  d*nne 
profession  permettant  de  subvenir  aux  besoins  d'une  nouvelle 
famille.  Néanmoins,  cette  durée  pourrait  être  réduite  davan- 
tage, si,  comme  le  voulait  notre  ancien  collègue  Paul  Bert, 
nos  jeunes  gens,  durant  la  période  scolaire,  étaient  exercés 
à  la  gymnastique  et  aux  exercices  militaires.  Dans  Tenquète 
que  le  ministre  de  l'instruction  publique  fît  à  propos  du  sur- 
menage et  de  la  sédentarité  scolaires,  plusieurs  recteurs 
d'académie  ont  eux-mêmes  demandé  que  les  lycéens  des 
classes  supérieures  pussent  aller  s'exercer  au  tir,  à  l'équi- 
tation,  sur  le  stand,  aux  quartiers  de  cavalerie  *.  Si  nos 
jeunes  gens  étaient  sérieusement  instruits  aux  exercices  mili- 
taires durant  la  période  scolaire,  si  au  lieu  de  maintenir  le 
tirage  au  sort  pour  désigner  les  hommes  à  renvoyer  préma- 
turément dans  leurs  foyers,  on  ne  renvoyait  que  les  hommes 
ayant  fait  preuve  d'instruction  militaire  complète,  nos  jeunes 
gens  s'efforceraient  de  s'instruire  promptement,  on  n'aurait 
pas  besoin  de  les  retenir  trois  ans  à  l'armée. 

Ainsi  que  M.  J.  Bertillon,  je  crois  qu'il  faudrait  favoriser 
le  mariage  en  simplifiant  le  plus  possible  les  formalités,  en 
rendant  aussi  minimes  que  possible  les  frais  qu'il  exige;  car 
ces  frais  sont  parfois  considérables,  surtout  lorsque  les  con- 
joints sont  de  nationalités  différentes,  ainsi  que  cela  a  sou- 
vent lieu  dans  nos  départements  frontières  et  dans  nos  grandes 
villes.  C'est  le  meilleur  moyen  de  limiter  le  concubinat. 

Notre  collègue  pense  que  l'interdiction  de  la  recherche  do 
la  paternité  n'a  aucune  influence  sur  la  natalité  illégitime, 

*  Le  Pileur,  De  la  mortalité  infantile  causée  par  la  syphilis ^  p.  20,  23 
{Société  obstétricale  et  gynécologique,iSS9). 

*  Commission  pour  Vétude  des  améliorations  à  introduire  dans  le  régime 
des  établissements  d'enseignement  secondaire  (Extrait  des  rapport*  de 
MM,  les  Recteurs,  p.  133,  133,  142,  etc.,  Paris,  1888). 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANCE.  297 

Je  ne  partage  pas  complètement  son  opinion,  tout  en  recon- 
naissant que  la  proportion  de  la  natalité  illégitime  paraît 
dépendre  de  bien  d'autres  causes  que  de  cette  recherche  de 
la  paternité.  Je  constate  que  sur  100  naissances  totales,  de 
Tan  IX  à  l'an  XI,  de  1800  à  1803,  avant  la  promulgation 
de  notre  Code  civil  qui  interdit  cette  recherche,  on  comptait 
4,88  naissances  illégitimes,  et  que,  depuis,  notre  natalité  illé- 
gitime s'est  accrue  progressivement  à  8,5,  en  1888*.  En  An- 
gleterre, où  la  législation  protège  davantage  la  jeune  fille, 
de  1877  à  1887  on  a  compté  4,8  naissances  illégitimes  sur 
100  naissances  totales',  comme  autrefois  dans  notre  pays.  Il 
importe  que  le  père  naturel,  de  même  que  dans  les  îles  Bri- 
tanniques,  dans  les  pays  allemands,  dans  les  Etats-Unis,  soit 
tenu  de  fournir  une  pension  d'entretien  à  l'enfant  qu'il  pro- 
crée. Il  ne  faut  pas  qu'on  laisse  mourir  de  misère  et  de  dé- 
laissement ce  malheureux  enfant.  Or,  Chenu  ^  et  Ély*  ont 
montré  que,  de  0  à  21  ans,  nos  garçons  illégitimes  perdent 
74  décédés  sur  100,  tandis  que  les  garçons  légitimes  perdent 
33  à  34  décédés  sur  100. 

Selon  M.  J.  Bertiilon,  notre  natalité  volontairement  res- 
treinte lient  à  notre  état  de  richesse  relative,  qui  fait  que 
nous  nous  préoccupons  beaucoup  des  questions  d'argent. 
Contrairement  au  souvenir  de  M.  Sanson,  je  ne  me  rappelle 
pas  avoir  contesté  la  restriction  volontaire  de  la  natalité,  mais 
tout  en  reconnaissant  qu'en  général  les  riches  ont  moins 
d'enfants  que  les  pauvres,  tout  en  reconnaissant  qu'ordinai- 
rement la  richesse  a  une  influence  restrictive  sur  la  natalité, 
ainsi  que  je  le  disais  ici  le  2  juillet  1874,  je  pense  que  la  na- 
talité restreinte  dépend  «  du  désir  des  parents  d'assurer  à 
leurs  enfants  une  position  sociale  égale  à  la  leur,  une  situa- 

«  statistique  de  la  France^  2«  série,  t.  XX,  p.  190,  19i  ;  3°  série,  U  XIII. 

p.   XXXI. 

«  Annual  Report  of  the  registrar  gênerai  of  birlhSf  deaths  and  mariages 
in  England,  1887,  p.  x. 

3  Chenu,  Hecrutement  de  l'armée  et  population  de  la  France ,  p.  56-57,  UCT. 

*  Ely,  Hecrutement,  Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicalisa 
p.  642. 


298  SÉANCE  DU  16  AVRIL  1891. 

lion  de  fortune  au  moins  aussi  considérable  que  celle  dont 
ils  jouissent».  Les  parents  tiennent  compte,  non  seulement 
de  leur  situation,  mais  aussi  des  débouchés  qui,  ouverts  à 
leurs  futurs  enfants,  peuvent  leur  procurer  la  situation  dé- 
sirée. L'Angleterre,  dont  la  population  est  plus  riche  et  plus 
dense  que  la  nôtre,  pour  1000  habitants^  do  1881  à  1887,  a 
32,9  naissances  \  alors  que  la  France,  de  1881  à  1888^  n'en  a 
que  24,11  *.  Mais  TAngletcrre  a  sur  nous  le  grand  avantage 
d'avoir  de  très  nombreuses  colonies,  qui  offrent  de  larges 
débouchés  aux  Anglais  qui  s'y  portent,  tout  en  fournissant 
moyens  d'existence  et  richesse  à  ceux  qui  demeurent  dans  les 
iles  Britanniques. 

Ainsi  qu'à  M.  Hervé,  les  enfants  de  familles  peu  nom- 
breuses étant  mieux  soignés  me  paraissent  présenter  une 
moindre  mortalité  que  ceux  de  familles  plus  nombreuses. 
Mais  au  point  de  vue  moral,  au  point  de  vue  de  leurs  apti- 
tudes et  de  leur  utilité  sociales,  avec  M.  Ëschenauer  je  re- 
connais que  trop  souvent  les  fils  uniques,  trop  choyés,  trop 
dorlotés,  sont  loin  de  valoir  ceux  de  familles  plus  nombreuses. 
En  général^  dans  les  campagnes,  les  familles  nombreuses 
se  trouvent  dans  de  bonnes  conditions  biologiques. 

On  est  porté  à  croire  qu'il  sufOt  de  deux  enfants  par 
ménage  pour  remplacer  les  deux  parents  procréateurs, 
et  empêcher  la  population  de  décroître.  Mais  il  faut  tenir 
compte  de  la  mortalité  des  enfants  depuis  leur  naissance 
jusqu'à  l'âge  où  ils  peuvent  eux-mêmes  procréer.  Notre 
natalité  légitime  de  1867  à  1880  est  de  3  enfanls  par  ma- 
riage*, voire  même  de  2,91  par  mariage  en  1888*. 

Avec  une  pareille  natalité  légitime,  notre  population  dé- 
croîtrait sans  l'adjonction  de  la  natalité  illégitime  et  do  Tim- 


*  Annual  Report  of  the  regislrar  gênerai  ofbirths y  etc.,  I.ss7,  p.  v. 

'  Mouvement  de  la  population  de  la  France  en  1888  {Journal  officiel  de  la 
République  française,  âS  août  1880). 
'  Album  de  statistique  graphique f  pi.  XXVllI,  carte  73,  1889. 

♦  Vannacquc,  Sur  le  mouvement  de  la  population  en  1888  (Journal  officiel, 
Î8  août  1889,  p.  4194). 


DISCUSSION   SUR  LA   NATALITÉ   EN   FRANCE.  299 

migration  étrangère,  si  considérable  dans  notre  pays.  «  En 
France,  disait  très  justement  Bertillon  père,  en  1872,  nous 
ne  dépassons  guère  trois  naissances  vivantes  par  mariage  et 
ces  trois  existences  sont  réduites  à  moins  de  deux  (i,92),  à 
vingt  ans,  de  sorte  que  notre  population  adulte  ne  se  main- 
tient et  ne  progresse  quelque  peu,  quant  au  nombre,  que 
par  l'appoint  que  lui  fournit  la  natalité  illégitime  *.  » 

Quoique  les  enseignements  secondaire  et  supérieur,  in- 
dispensables au  maintien  de  la  supériorité  intellectuelle  de 
notre  nation,  n'aient  qu'une  influence  douteuse  ou  indirecte 
sur  l'accroissement  de  notre  population,  puisque,  à  propos 
de  cet  accroissement,  M.  Sanson  pense  que  les  enseignements 
à  tous  les  degrés  doivent  être,  non  pas  obligatoires,  mais 
gratuits,  je  ferai  remarquer  que  le  nombre  des  élèves  sui- 
vant renseignement  secondaire  a  augmenté  de  plus  du  dou- 
ble depuis  1850,  et  s'est  élevé  à  86,561  en  1888,  d'après 
M.  Gréard,  recteur  de  l'Académie  de  Paris*;  que,  grâce 
aux  bourses  d'enseignement  secondaire  ^et  supérieur  très 
largement  accordées,  de  plus  en  plus  se  manifeste  la  dispro- 
portion entre  le  petit  nombre  des  professions  libérales  et  le 
grand  nombre  des  personnes  instruites  aptes  à  les  remplir  ^ 
qu'en  particulier  il  y  a  un  nombre  considérable  d'institu- 
trices qui,  bien  qu'ayant  leurs  titres  et  leurs  diplômes,  atten- 
dent vainement  de  pouvoir  être  placées. 

Quant  aux  réformes  apportées  à  notre  enseignement  se- 
condaire, toutes  peuvent  n'être  pas  parfaites.  Toutefois, 
lorsque,  dans  des  commissions  au  ministère  de  l'instruction 
publique,  j'eus  à  combattre  plus  la  sédentarité  scolaire  que 
le  surmenage  intellectuel,  je  remarquai  combien  notre  in- 
struction classique,  grecque  et  latine,  difFère  de  l'instruction 
utilitaire,  comprenant  sciences  et  langues  vivantes.  Plus 
que  beaucoup   d'autres  confrères,  j'ai  fait  des  recherches 

*  Bertillon,  Mauiage  (Démographie),  p.  30  [Dictionnaire  encyclopédique 
des  sciences  médicales], 

5  Grùard,  De  l'éducation  morale  et  physique  dans  les  lycées  {Revue  bleue ^ 
âO  juillet  1889,  p.  73,  col.  1). 


300  RKANCE  1)1'  IH  AVRIL  iSOl. 

dans  les  uuteurs  grocs  ùi  lalins,  ainsi  qu*en  témoignent 
mes  travaux  (IVtluiogénic.  Mai:?,  h  je  crois  les  langues  an- 
ciennes utiles  pour  les  universitaires,  les  magistrats,  les 
médecins,  les  liltéraleurs,  je  suis  uldijfé  de  reconnaître  qae 
de  très  nonibrrux  reoIi^Ts,  qui  se  destinent  aux  carrières 
industrielles,  eonimerciales,  administratives,  agricoles,  n'en 
onl  nul  besoin.  An-si  leur  baocidauréat  passé,  n'ouvrent-ils 
plus  aui'un  ouvrait*  cla-siijue. 

INjur  favorisrr  rustre  accroissement  de  population,  M.  San- 
son  a  parlé  de  mudilier  noire  loi  successorale.  Déjà  pour 
favoriser  la  nuptialité  et  la  natalité,  M.  Javal  a  rappelé  cer- 
tain décret  de  ITtM,  dinnnuanl  les  contributions  personnelles 
du  père  di^  familb',  et  auLjmentanl  celles  du  célibataire. 
Déjà  MM.  liliey-sdM.  JuL^hir  ont  insisté  sur  la  nécessité  sinon 
de  rétablir  hi  droit  d'aînesse,  du  moins  de  laisser  aux  parents 
la  liberté  d<^  l«'strr.  Ilcmaripion^i  qui^  le  sentiment  d'égalité 
s'e^l  imposé  dans  nos  mo'.urs  avec  une  telhî  force  depuis  la 
Iiévolution,  ([u'il  "sl  rare,  que  U'.  père  dispose  de  la  quotité 
lisponibb^  autorisée  par  Tartieliî  1)111  du  code  civil,  (craignons 
aussi  (ju"en  pernu.'ttant  de  dé-liériter  certains  enfants,  on 
les  piu'te  à  embrassi-r  les  ordres  religieux,  au  grand  dé- 
triment de  la  nuptialité  et  de  la  natalité.  Aux  siècles  der- 
niers, li's  cnuvents  «'laient  extrêmement  nombreux. 

La  séance  c.«'l  levée  à  six  heures  un  quart. 

L'un  ilis  sccrriaiics  :  CAPITAL. 


i 


OUVRAGES  OFFERTS.  30i 


S37«  SÉANCE.  —  7  mai  1891. 

Prëaldenee  de  M.  UUOM9E,  prémïdenU 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Nadaillag  (De).  Notes  sur  les  dolmens  de  Roknia  et  les 
fouilles  de  M.  Ch.  Mollet.  Paris,  1879,  in-8",  4  pages. 

AuBRT  (D' P.).  LaMortinatalité  dans  le  département  des  Côtes^ 
du'Nord.  Paris,  1891,  in-8%23  pages. 

Baye  (De).  De  l'influence  de  l'art  des  Goths  en  Occident.  Paris, 
1891,  in-4%8  pages. 

M.  Lagnbau  fait  la  présentation  suivante  : 

M.  le  baron  Joseph  de  Baye,  qui  poursuit  ses  études  d'ar- 
chéologie comparative  sur  les  peuples  qui  envahirent  jadis 
Tempire  romain,  m'a  prié  d'offrir  à  la  Société  ce  mémoire. 
Par  de  belles  planches  représentant  des  fibules  à  rayons,  des 
boucles  d'oreilles  à  chatons  polyédriques,  des  boucles  de 
eeinturon  à  plaques  carrées,  trouvées  dans  les  divers  pays 
anciennement  occupés  par  les  Francs,  les  Burgondes,  les 
Vandales,  les  Goths,  M.  de  Baye  met  à  même  de  saisir  les 
grandes  analogies  existant  dans  l'art  de  ces  différents  peuples. 
Ses  études  l'amènent  à  penser  que  «  les  Goths  sont  bien  des 
importateurs  de  cet  art  en  Occident  ». 

NiEDERLE  (Lubor).  Contribution  à  C anthropologie  de  la  Bo* 
Aeme  (en  tchèque).  Prague,  1891,  in-8®,  121  pages. 

BoGDANOW.  Matéinaux  pour  l'histoire  de  renseigtiement  et 
l'étude  de  la  géologie  en  Itusste.  Moscou,  1891,  in-4'',  156  pages 
et  planches. 

HoBRNES  (Df  M.).  Die  Urgeschichte  des  Menschen  nach  dem 
heutigen  Stande  der  Wissenschaft.  Deux  premiers  fascicules. 

M.  DE  Nadaillag.  J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Société  un  tra- 
vail que  je  viens  de  terminer  sur  les  progrès  de  l'anthropologie, 

T.  Il  (4«  série).  20 


30B  SÉAMCS  mi  7  MAI  i89l. 

Les  conclusions  que  je  défends  sont,  je  le  crois,  en  opposi- 
tion à  celles  adoptées  par  un  très  grand  nombre  de  nos  col- 
lègues ;  mais  l'honneur  de  notre  Société  est  que  toutes  les 
opinions  peuvent  librement  s'y  manifester.  C'est  là  une  des 
meilleures  traditions  de  nos  fondateurs,  et  j'ai  la  ferme  espé- 
rance qde  nous  y  resterons  toujours  fidèleii. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  constate  que  l'envoi  des  épreuves 
du  Catalogue  de  la  bibliothèque  a  fait  arriver  43  brochures 
qui  nous  manquaient  : 

M;  HouzÊf  de  Bruxelles,  en  envoie  13^  M.  Fâlsan,  de  Lyon, 
14  ;  M.  Fischer,  du  Musédnl  de  Pàrid^  5  ;  M.  Lagassaonb,  de 
Lyon,  H  ;  total  :  43. 

M.  Garrigou  annonce  l'envol  de  diverses  publications  de 
son  père  et  de  lui. 

PERIODIQUES. 

LAnihropologie  (1891,  n°  2).  E^  Gartailhac  :  les  Fouilles  de 
M.  Ed.  Piette  dans  la  grotte  du  Mas-d'Azil  (Ariège).  —  B;  Bras- 
saux  :  Mutilations  ethniques  observées  au  Gongo.  —  G«  Dn-« 
moutier  :  Ghua-Hai-Bal,  le  temple  des  deux  Darnes^  prèâ 
d'Hano!^  —  Théodore  Voikov  :  Rites  et  usages  nuptiaux  eil 
Ukraine.  —  G.  Paris  :  l'Annamite,  ses  caractères  ethniques^ 

Archives  de  médecine  navale  et  coloniale  (1891,  n®  4).  Gh.Se- 
gard  :  Contribution  à  la  géographie  médicale.  Division  nà« 
vale  de  l'extrême  Orient.  Esquisse  climato-pathologique. 

Société  d'acclimatation  de  France  (Revue  des  sciences  natu- 
faciles  appliquées^  20  avril  et  5  mai).  P.-A.  Pichot  :  la  Lutte  de 
l'homme  contre  les  animaux. 

Archiv  fur  Anthropologie (woL  XX,  1"  et  2<»  fasc).  D' Ingvald 
Undset  :  Ans  der  jiingeren  Eisenzeit  in  Norwegen.  —  F.  SeÈf  : 
Das  heldnische  Kreuz  und  Seine,  Yerwandten  zwischen  Oder 
und  Elbe.  —  D'  Alexander  Schmidt  :  Zur  Kenntniss  des 
ZwergWEohses.  —  Dr  Richard  Wittmann  :  Die  Schlagadern 
der  Verdanungsorgane  mit  Beriicksichtigung  der  Pfortader 
bei  dent  Orang,  Ghimpanze,  Gorilla.  —  D^  Ernst  Evelt  :  Ein 
Fall  voD  Polymastie  bein  Manne. 


LEGRAIN.  —    STAtltt^^  PRftnfèTOUlgtJË   te  SAINT-AUBIN.      3Më 

American  PMlùSophkàt  Sotiéty  [PhciediHH^,  ii*  \3^:  Dé- 
Hiel-Q.  Bridtbn  ?  Noie  on  thé  {^tiquina  iBUgnà^e  b(  iyeni. 

r 

PRESBIVTATIONS. 

Là  fitaetdfi  ^i^èhmWèi^é  Hé  »ëUtt^àhMti  ; 

PAR    k.   lÈGRilN. 

Le  village  de  Saint-Aubin-Jouxte-BouUeng  se  trouve  sur 
la  rive  droite  de  la  Seine,  en  face  de  la  ville  d'Elbeuf  (Seine- 
Inférieure).  Une  route,  longeant  la  Seine,  mène  de  Saint- 
Aubin  à  Fourneau.  Le  silex  abonde  dans  cette  localité,  et  de 
vastes  carrières  y  sont  actuellement  en  exploitation. 

C'fe'àt  au  mîlleti  de  cette  fôutè,  sui*  Hné  sàffàcê  de  près 
de  i  hébtàfe,  que?  se*  renfcoiitrérit  léà  èilét  que  nous  vouiJ 

On  le»  reticontré  à  fléfttr  flèl  ter>e,  et  \ë  soc  de  là  cliârrue 
suffit  pour  léfè  fîimërier  8  là  ^aWace. 

Il  y  a  quelques  années,  Hf.  Oaéhëlebx,  eti  àStbnçkiii  son 
jardin,  tr(yuva  uri  ateli»  dèf  tffllerif  flè  iîlèx.  11  ni'd  Ait  avoir 
miâ  S  jôiif*  ùiie  strate  de  hiiié  ëh  terré  difrcle.  Tout  aùtotfr  se 
trouvaient  des  pièces  plttà  tftt  fflcfiri!?  afclievèès.  Cfëtte  trouvaille 
est  àtljourd'hui  èoh^er vée  àù  ntHUêe  d'BIHëuf. 

Lèfs  dt^ëté  que  nous  préâréntbïi^  âe  àont  qti'nfa'è  faible  paftiè' 
de  ceux  que  nous  avons  rediéilHs.  hei  plu»  beaux  ddt  été 
donnés  au  musée  de  Saint-Gerïnain.  PàrÉfii  éeux-ci  ^trou- 
vait une  petite  haèbé  polie  ;  c'est  nbé  flè»  rà^êf*  fflècès  ngèfïi- 
thîquej  qucf  tioùs  àybhs  trotitées  *  Sëirit-ÀuMti;  PfcWfWtnrt, 
Yoiei  queiytiès  fAècé^  qui  portent  êûcdfe  Hëi  (fàcéè  de 
polissage. 

Qdtiiil  àù  resté,  te  ne  sont  (jde  dés  slî^  de  torrHë  ^(ébli- 
thique.  Quelques-uns  sont  remarquables  comme  taille.  On 
petit  i-ecoiihaître  dé*  racloirs,  grattoirs,  grattWtt  éôricavès, 
poiiitc»,  frtètjes  fetouebées  (qtféI^rfe*F-unes  tit  bee  de  perro- 
quet), une  scie  à  encoche. 

On  trouve,  aux  environs,  de  fort  belles  bâches  polies.  Nous 


304  SÉANCE  DU  7  MAI  1801. 

en  avons  vu,  chez  M.  Cacheleux,  une  fort  belle  en  roche 
verte.  Il  possédait  aussi  un  marteau  à  plan  ovoïde,  à  côtés 
verticaux,  et  percé  d'un  trou  fort  bien  creusé.  Ces  pièces  ont 
été  trouvées  dans  les  dragages  de  la  Seine. 

Cette  contrée  est  d'ailleurs  fort  riche  en  silex  taillés.  Nous 
signalerons  la  collection  de  M.  Blay,  d'Elbeuf.  Nous  y  avons 
vu  réunis  les  plus  beaux  spécimens  des  époques  néolithiques 
et  paléolithiques. 

Lo  dolmen  d'Tmaro; 

PAR  M.   LEGRAIIC. 

11  y  a  quelque  temps,  je  signalais  à  la  Société  un  dolmen 
situé  à  Ymarc.  C'était  à  propos  de  la  guérison  des  maladies, 
obtenue  en  passant  sous  un  objet  quelconque,  arbre,  étole. 

Voici,  aujourd'hui,  la  photographie  de  ce  dolmen  que 
j'offre  à  la  Société  d'anthropologie.  Ce  dolmen,  qui  est 
signalé  sur  la  carte  des  monuments  mégalithiques  du  musée 
de  Saint-Germain,  se  trouve  sur  la  limite  des  départements 
do  l'Eure  et  de  la  Seine-Inférieure.  Il  est  de  petites  dimen- 
sions et  enfoncé  peu  profondément  en  terre. 

A  Ymare,  on  le  désigne  sous  le  nom  de  Croix  de  Rouville; 
en  effet,  une  croix  a  été  gravée  sur  le  plan  supérieur  de  la 
pierre  de  recouvrement,  à  gauche. 

Le  dolmen  d'Ymare  a  la  réputation  de  guérir  du  mal  de 
reins.  Les  malades  n  ont  qu'à  passer  sous  le  monument,  et  à 
y  déposer  une  pièce  de  monnaie,  pour  être  guéris.  Cette  tra- 
dition, paraît-il,  se  perd  un  peu.  Une  épine  miraculeuse, 
située  à  l'extrémité  opposée  du  village,  jouit  d'une  faveur 
plus  grande  :  on  y  mène  les  chevaux  qui  ont  des  tranchées. 

M.  le  docteur  G.  Variot  présente  un  fœtus  humain  recou- 
vert galvaniquement  d'une  couche  de  cuivre  et  en  fait  don 
à  l'École  d'anthropologie. 


BÉRENGER-FÉRAUD.  —  PRATIQUES  RELIGIEUSES.  305 

GOMMCNICATIONS. 

(kiatribotioii  à  l'éinde  des  Tostlces  des  prAiiqnss  rsllglsoses 
de  rantiqaité  ches  les  ProTeaçaux  de  nos  Jours  : 

L'iannersioB  de  1a  statue  da  salut; 

PAR   II.    BBRBNGBR-FBRAUD. 

Dans  certains  villages  de  Provence,  à  Calliaz,  de  Tarron- 
dissement  de  Grasse;  à  Gollobrières,  dans  le  massif  monta- 
gneux des  Maures  ;  à  Signes,  près  de  Toulon^  etc.,  on  a  fait^ 
jusqu*au  milieu  de  ce  siècle,  une  cérémonie  assez  singulière  : 
à  un  moment  de  Tannée,  on  allait  processionnellement,  et 
avec  un  appareil  de  grande  solennité  religieuse,  plonger  la 
statue  du  patron  du  pays  dans  un  cours  d'eau  du  voisinage. 

Suivant  les  localités,  la  pratique  présentait  certaines  va- 
riantes de  mise  en  scène  pouvant  indiquer  à  Tobservateur 
une  différence  d'origine  et  de  signification  primitive  de  cette 
immersion.  Pour  fixer  les  idées  sur  cette  divergence,  spéci- 
fions successivement  ce  qui  se  faisait  à  Calliaz  et  à  CoUo- 
brières. 

A  Calliaz,  le  jour  de  la  fête  patronale,  une  procession 
composée  de  presque  toute  la  population  s'organisait,  et  son 
cortège  se  grossissait  d'une  partie  des  habitants  des  villages 
voisins.  Toutes  les  confréries  d'hommes  et  de  femmes,  les 
enfants  aussi  faisaient  partie  de  la  procession  ;  la  musique 
n'était  pas  oubliée,  et  la  compagnie  des  bravadairesy  en 
armes^  s'apprêtait  à  faire  parler  la  poudre. 

Le  clergé,  revêtu  de  ses  ornements,  et  s'étant  adjoint  tous 
les  ecclésiastiques  des  environs,  se  mettait  en  frais  d'appa- 
rat ;  on  s'en  allait  ainsi,  en  chantant,  jusqu'au  quartier  où 
jaillit  la  source  de  Sainte-Maxime.  N'oublions  pas  de  signaler 
que  les  statues  des  divers  saints  qui  figuraient  dans  cette 
procession  étaient  couronnées  de  fruits  autant  que  de  fleurs. 
Dans  maintes  familles,  on  conservait  avec  soin  des  grappes 
de  raisin  depuis  la  vendange  précédente  pour  les  faire  figurer 


ce  jour-là.  Ce  détail  nous  indique  que  les  attributs  de  Gybèle 
prévalaient,  à  la  procQUffipin  dp  ^i^pte-Maxime,  sur  ceux  de 
Flore, qui  dominent  généralement  dans  ces  cérémonies. 

Arrivée  près  de  la  source,  la  procession  entonnait  un  can- 
tique  en  langue  provençale,  racontant  comment  sainte  Maxime 
avait  fait  jaillir  une  source  d'un  rocher  aride  : 

Maxima,  diiis  sa  bounta, 

Fé  Bouriir  Talgo  d'oou  roucas. 

.  P^Rdan^  PQ  MfPPS»  1^^  âévpts  se  plaçaient  de  telle  sorte  que 
)fi  statut  jetait  pcè^  fl^  Teaii.  \j^  supe^citation  mi-pieuse,  mi- 
JQy0H9P  lUlalt  pf:e$aeudQ,  d-autant  que  la  compagnie  des  bca: 
l^fid^ireç  fa|$M^  Ï^M  tapage  ipfecnal  av^c  ses  coups  de  fusil, 
g^fitie  Maxip^p  ét^H  ^Iqp^  plongée  à  ^rois  reprises  dans  le 
}|q()|4e>  1^^  h  fp^l^  en  d^lir»  cfi^atc^H  au  village,  les  chaa^ 
IW^  |^épppii)op^^t,  les  Ifr^va.daireç  brûlant  jusqu'à  leur 
49Fm^i?  gr^in  de  pqu^f:^,  s^n&  PPfppteK  qufi)  depuis  le  matin, 
}q  v'm  et  Qutf^^  js^fiit^qt^  alcooliques  étaient  consommés 
Wffifi  pne  IptfiWP^F^P^  r^n^apqpabl». 
.  Pf^e  foi$  1^  f^tQ  p^sséQ,  on  pe  p^n^^pait  plus  de  Tannée  la 
statue  à  la  fontaine,  quelles  que  fussent  les  éventualités  mér 
^pciqi^.eç.  Sqipte  M|p^im^  pi^PH^it  un  baip  par  an,  nen  de 
rIr8,  rifip  de  wpip^. 

A  Cqllol^néres^  1^  m^nièc^  d'agir  était  difléreote  :  l^  jour 
^e  la  fé^  p^trpp^Ie,  {^  proc^$3ion  se  dirigeait  vers  la  fontaine 
gpj  ^limeqte  le  p^ti|,  cpprs  d'eau  YPi^iu;  muis  les  statues  des 
laints  étç^ieut  Pfi^é^?  s^ql^rif^nt  dq  fleurs,  et  pas  de  fruits.  Si 
les  pluies  du  printep^pç  avaient  é^é  suffisantes,  la  statue  de 
§|aint  pp(|?  ne  f^fs^ît  q»e  pî^^s^r  devant  la  fqataiBe;  pu  ne 
rjma^ergPAi^  qpp  g)  )^  sépl^pf:es§e  m^naçail.  Un  outre,  si 
après  Ift  f^te,  et  gijel  qpe  (%\.  le  momeut  de  Tanuée,  les 
pluies  yepftJQnt  à  ffiirp  défapt,  §aipt  Ppus  était  de  nouveau 
porté  propessiounpjlement  jusqu'à  l'epdrqit  précité,  et  était 
plopçé  ayec  soiq  ^^ns  j'e^u,  efttril  été  baigné  d^îi  quinze 
ÎQur^  ^^iparavant,  à  peiup. 

Qij'pn  fpp  peripptte,  s^^^i  d'al|er  plus  loin,  dp  diw  un 


BÉRENGER-PéRAUP.    —   PRATIQUES  RELIGIEUSES.  007 

mot  touchant  la  sainta  qu'on  honore  à  CaiUaz  et  le  ^aint  4p 
Goilobrières.  —  La  légende  raconte  qm9  sainte  Maxime  Appftç- 
tenait  à  la  noble  maison  de  (jr^sse  ;  qu'elle  vivait  au  ^ffips 
des  croisades,  et  qu'elle  avait  une  telle  sainteté  .qq'el}0  Qt 
jaillir  une  fontaine  pendant  sa  vie,  et  qu'après  sa  paort  ei|p 
délivra  son  frère,  comme  sainte  Rossoline,  de  la  maisw  ^^ 
Villeneuve,  délivra  son  frère  Helion,  prisonnier  des  inQdèUii, 
le  ramenant,  en  une  seule  nuit,  de  terre  sainte  en  BrovAPe^i 
snr  son  voile  étendu  sur  la  meri  c'est-à-dire  transfori^i^  ep 
barque  miraculeuse,  r-  Saint  Pons  était  pu  anaphofrèt^  qni 
évangélis^  le  caqton  de  CoUobrières  et  jBinquant9  autres  vil- 
lages au  moins  de  la  basse  pu  de  la  haute  Provenpe.  Miiis 
toutes  séduisantes  que  soient  ces  assertions,  il  va  sans  dire 
qu'elles  ne  s'appuient  sur  aucune  donnée  historique)  de 
sorte  que  sainte  Maxime  semble  bien  être  Ja  traductfpp 
française  de  Sancta  Maxima^  de  même  que  saint  Pons  est 
une  altération  de  Sancta  Fons,  qui  s'est  masculinisée  ^p 
chemin. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ainsi  que  je  l'ai  dit  en  commençaptiA^ 
deux  variantes  me  paraissent  se  rattachée  à  deux  prigin^ 
différentes  de  la  cérémonie,  et  ont  eu  primitivement  une  si- 
gnification distincte.  A  CoUobrières,  Pimmersionde  Ift  ste(i|e 
n'était  au  fond  qu'une  coercition  exercée  vis-Mis  d^  Wniy 
tandis  qu'à  Galliaz  elle  était  une  pratique  purement  piease. 
Dans  un  des  cas,  on  punissait  le  fétiche  ;  dan^  V^utrei  W 
n'avait  que  le  seul  désir  de  rhonopei!. 

Gomme  je  me  suis  occupé  ailleurs  de  la  punition  du  fé^ipl^p 
dont  j'ai  retrouvé  des  exemples  très  reiparqufibles  dai^s  les 
pratiques  actuelles  de  certains  de  nos  çQntqmpppains,  pn  me 
permettra  de  ne  pes  m'en  occuper  en  pq  {noment  ;  )e  n^p 
bornerai  ici  qu  vestige  religieux  qiie  représente  I4  pratig^}^ 
de  Galliaz. 

Les  mentions  les  plus  reculées  qui  sqiept  venues  4  i9i^ 
connaissance  touchant  l'immersion  pieuse  de  l'idole  det)S 
Teau  sont  celles  de  Iç^  «(^non  des  Grecs ^  qui  r^cppéfait 
chaque  année  sa  virginité  en  se  plongeai^^  daps  Veau  de  {{i 


308  sÈAncE  DU  7  MAI  !89i. 

fontaine  Canathos,  en  Achaîe,  près  d'Ârgos,  et  de  la  Mère 
idéenne  de  Pessinunte,  on  d'Hiérapolis.  Cette  Hère  idéenne 
avait,  on  le  sait,  des  temples  célèbres  qui,  enx^mèinesi 
avaient  été  primitivement  des  sanctuaires  de  premier  ordre 
du  culte  de  la  terre  mère. 

Dans  ces  temples,  on  plongeait  les  idoles  dans  Teau,  avec 
la  pensée  qu*on  leur  donnait  ainsi  un  regain  de  puissance  et 
de  divinité.  Il  y  avait  à  ce  moment  une  surexcitation  fana- 
tique des  dévots,  qui  allait  jusqu*auz  sacrifices  les  plus 
étranges  :  les  coups  de  fouet,  les  incisions  de  la  peau,  l'émaa* 
culation  même,  ce  qui  était,  disons-le  en  passant,  une  ma- 
nière assez  imprévue  pour  nous  d^honorer  Tidée  de  la  repro- 
duction, qui  dominait  dans  le  symbole  de  la  déesse. 

Quoi  qu'il  en  soit,  comme  les  plus  grands  bienfaits  étaient 
espérés  de  la  Mère  idéenne,  les  Romains  voulurent  la  pos- 
séder dans  leur  désir  de  domination  et  d*absorption  qui  les 
caractérisait,  et  nous  savons  qu'en  Tan  205  avant  Jésus- 
Christ  la  translation  de  Pessinunte  à  Rome  se  fit  avec  une 
grande  solennité,  et  même  que  le  fameux  miracle  de  la  ves- 
tale Claudia  se  produisit  à  cette  occasion. 

A  partir  du  moment  ob  laCybèle  de  Pessinunte  fut  installée 
à  Home,  on  institua  des  fêtes  annuelles,  pendant  lesquelles 
la  déesse  était  plongée  dans  TAImo,  tandis  que  la  populace 
se  livrait  à  des  chants,  des  danses  et  des  cris  frénétiques. 
Seulement,  comme  les  Romains  ne  poussaient  pas  le  fana- 
tisme religieux  aussi  loin  que  les  peuplades  asiatiques,  l'exal- 
tation n'alla  pas  chez  eux  jusqu'à  l'émasculation  ;  ils  préfé- 
rèrent honorer  autrement  la  déesse. 

Nous  venons  de  voir  comment  l'immersion  de  l'idole  s'in- 
troduisit à  Rome  ;  nous  devons  ajouter  que  ce  ne  fut  pas  la 
seule  porte  d'entrée  de  la  coutume  dans  notre  pays;  en  effet, 
nous  savons  par  Tacite  que  les  Germains,  Sarmathes,  Goths, 
Scythes,  etc.,  avaient  le  culte  de  Herta,  dans  lequel  on  plon- 
geait aussi  la  divinité  dans  l'eau,  à  certains  moments  de 
l'année.  Go  culte  de  Herta  se  propagea  de  pays  en  pays  jus- 
qu'en Cclto-Lygic.  J'en  donnerai  pour  preuve,  entre  autres 


BÉRENGER-FÉRAUD.  —  PRATIQUES  RELIGIEUSES.  309 

exemples,  rimportance  que  les  mots  de  :  Herta^  Herte^ 
Berthe^  Verte,  ont  conservé  dans  les  superstitions  de  maintes 
provinces  françaises  depuis  TAlsace,  les  Vosges,  le  Jura,  jus- 
qu'aux Alpes  et  en  Provence.  Il  est  donc  infiniment  probable 
que,  lorsque  les  Romains  envahirent  la  Gelto-Lygie  et  les 
Gaules,  ils  trouvèrent  le  culte  de  Herta  établi  chez  nos  an- 
cêtres. Selon  leur  coutume,  l'acceptant  pour  le  transformer 
à  leur  profit,  ils  ridentiflèrent  au  culte  de  Gybèle,  et  l'im- 
mersion dans  les  fontaines  et  les  torrents  de  la  Provence  ne 
fut  bientôt|que  la  réédition  de  ce  qui  se  faisait  sur  les  bords 
de  TAlmo. 

On  me  demandera  pourquoi  ces  vestiges  de  croyances  an- 
tiques se  sont  perpétués  dans  de  minimes  agglomérations 
humaines  comme  Galliaz,  Signes,  ('ollobrières,  etc.,  alors 
qu^on  ne  les  retrouve  pas  dans  d'autres  localités  de  plus 
grande  importance  ?  La  réponse  est  facile  à  faire  :  ces  villages 
étaient  des  oppida  celto-lygiens,  avant  l'invasion  romaine, 
et  par  conséquent  existaient  à  une  époque  où  les  villes  de 
premier  ordre  de  la  Provence  de  nos  jours  n'avaient  pas  en- 
core été  fondées  ;  de  sorte  qu'il  y  est  resté  des  traces  du 
passé  qu'on  chercherait  en  vain  ailleurs. 

Pour  en  finir  avec  mon  étude,  qu'on  me  permette  de  dire, 
comme  conclusion,  que  l'immersion  de  sainte  Maxime  de 
Galliaz,  pratiquée  jusqu'au  milieu  de  ce  siècle,  n'a  été,  en 
somme,  que  la  transformation  chrétienne  de  la  fête  de  Gybèle 
des  Romains,  de  celle  de  Herta  des  Germains,  de  celle  de 
Junon  canathienne  des  Grecs,  de  celle  de  la  déesse  syrienne 
de  Pessinunte,  Hîerapolis,  etc.  Je  pourrais  ajouter,  aussi,  de 
celle  de  Parvati  des  Indiens,  et  de  celle  du  cycle  des  52  an* 
nées  des  anciens  Mexicains. 

En  prenant  la  question  de  plus  haut,  on  peut  dire  que 
toutes  ces  fêles  n'étaient  en  réalité,  elles-mêmes,  que  la 
transformation  du  culte  des  fontaines,  une  des  manifesta- 
tions de  l'animisme  primitif  de  nos  premiers  parents.  Pour 
cette  manifestation  de  la  religiosité,  comme  pour  les  autres, 
on  voit  que  les  premiers  dévots  eurent  l'idée  élémentaire, 


810  BÉANGS  DU  7  MAI   189i . 

vague,  incomplète,  fruste,  qu*on  me  passe  le  moi.  Pais,  i 
mesure  que  le  cuite  fut  perfectionné,  elle  prit  des  formes 
plu3  concrètes,  mieux  arrêtées.  L'afithropomorpfaisma  vin^ 
se  substituer  ensuite  à  Tidée  originelle  des  forces  de  la  na? 
tare,  etc.  En  un  moi,  les  religions,  se  siratifiant  las  uue^  aiif 
les  autres,  comme  les  dépôts  calcaires  des  sources  iiusnigr 
tantes,  ont  transmis  d'âge  en  âge  la  donnée  initiai»  e^  V^fiz 
propriant  au  fnr  et  mesure  à  la  mode  du  momafit.  p'P$( 
ainsi  que  de  6ybèle,  de  Hbéa,  de  Herta,  de  la  Mère  idé^^|Ml, 
de  la  firand'Mère  à  sainte  Masima  {Sançta  lUç^xima)  ;  dp  \^ 
Fontaine,  la  bonne  Fontaine  {Sancta  Fons)  à  saiqt  ppn«,  \% 
transition  paraît  simple  et  naturelle  pour  c^lui  qui  veut  jr  ré- 
fléchir un  ini^tnt,  en  se  dégageant  de  tput^  peasé^  dt^Hr 
gère  &  celle  de  la  pure  curiosité  scientifique.  De  màme 
qu*entre  deux  pratiques  dUmmersion  de  Tidole,  presque  geu)- 
blables  en  apparence,  on  peut  distinguer  le  fait  de  l-adopatioi) 
proprement  dite,  de  celui  de  la  coercition  exercée  par  le  d6r 
vot  sur  son  fétiche  récalcitrant. 

Discussion. 

M.  Gabriel  de  MoRiif^pT.  ie  n-ai  l'ien  à  ^jquter  po^f  o^  gifi 
poncei?ne  la  baignadei  honorifique  des  fétiphes,  si  bipn  4^cfite 
|5t  sj  gftwnannent  discutée  par  M*  Bérpngpr-Fér^ud  ;  mm'if^ 
demande  ^  citer  un  fait  de  baignade  cpercitiye  qui  (ne  p^r^U 
intéressant.  !(.  Béref)ger-Férai}4  ^QiM^  connaître^  car,  b|e^ 
que  n'étapt  p^si  de  Prpvpnce,  il  est  tout  voisin  :  il  ^^t  (ji) 

CQmM- 

A  Garppptras,  au-dessous  de  Taque^HC,  dans  le  fqnd  du 
vallon,  se  trouy^  une  église  ovi  Toq  f^it  desi  priprps  pi;t)liqqfi^ 
quand  on  désire  la  pluie.  Lorsqu'une  ^épjierjBsse  persistapt^ 
CQipprqpiet  les  récqltes,  on  orgaqisq  une  prqcessiqq  pour 
^ller  chercher  |a  statue  (]p  s^iqt  Cent  ou  Gens,  dans  un  pra? 
tpire  o\x  phapelle  ^  queiqqe^  kilomètres  de  distaqp^  flap$  {a 
partie  p^ppt§^npi]^e.  Cette  processiqp  est  des  plus  origiq^^ç. 

Un  certain  nombre  de  jeunes  gens  qui,  dans  le  hon  vip^z 
icfpp^,  dik<^Pi  ^taiept  pus,  mais  qui  uit^jnlpnant,  par  fespepl 


DISCUSSION  9UR  p^   fR47IQ|i;^  RPLIGIEUSES.  Qi|t 

pour  l0»  mœqr^i  pprtoat  ^w  «SQÔce  de  maillot,  se  mettent 
en  tête.  Le  curé  à  cheval  vient  après,  et  ils  partfint  au  pas 
de  course.  Qommes,  femmes,  enfants,  vieiUacds,  suivent  en 
courant,  chacun  d'gpràs  spb  t^ippérament  et  sps  focces,  de 
sorte  qne  la  procession  s-égràna  rapidement  et  s'allonge  sur 
toute  la  route. 

Arrivés  i  la  p}iapelle,  {es  jeunes  gpns  s-emparent  de  la 
statne  en  bQis  du  saiuti  la  chargent  suc  leurs  épanies  pt, 
sai}3  prendre  haleine,  c^d^speudent  encQU|:ant  jusqu-iréglise 
de  Garpentras,  sans  se  pféopcfipec  le  moins  du  monde  des 
processionneurs  qu*ils  rencontrent  sur  tout  le  trajet.  Chacun 
rebrousse  chemin  et  redescend  à  Téglise  oii  Ton  installe  le 

Une  fois  déposé  danç  TégUlQi  l^  poptfiUW  IrWit  m  »age  et 
couverts  de  poussière  vont  se  jeter  dans  un  bassin  ou  petit 
étang  qui  occupe  le  fond  du  vallon.  La  légende  prétend  que 
ce  bain  antihygiénique  n'a  jamais  en  de  conséquences  fâ- 
cheuses. 

L'exposition  du  saint  dure  neuf  jours,  accompagnée  de 
prières  et  do  cérémonies  religieuses. 

Si,  pepdant  ce  temps,  la  pluie  arrive,  Ton  reporte  ie  saint 
dans  son  oratoire  en  grande  cérémonie.  Les  porteurs  sont  en 
habits  de  fête;  ils  traitent  la  statue  avec  beaucoup  d'égards, 
le  curé  suit  à  pied,  ainsi  que  tous  les  fidèles^  d'un  pas  calm» 
et  solennel,  en  chantant.  G-est  un  véritable  hommage  rendu, 
une  vraie  ovation. 

Mais,  si  la  sécheresse  persiste,  si  la  pluie  ne  vient  pjis,  la 
statue  est  jetée  dans  l'étang.  C'est  de  nuit  qu^on  la  relire 
pour  la  réintégrer,  presque  clandestinement,  dans  sa  cha- 
pelle. 

Gela  a-t-il  toujours  lieu? 

Je  ne  sais.  Mais  je  puis  certifier  que  cela  se  pratiquait 
encore  il  y  a  un  demi-siècle. 

M.  BÉRENGER-FiaAUo  connaissait  le  fait  de  coercition  cité 
par  M.  de  Mortillet;  mais  il  s-est  passé  en  dehors  df^  la  Pro- 
vence. Ces  faits  sont  tfès  nombreux. 


312  SÉANCE  DU  7  MAI  1891. 

M.  Ploix  demande  quelques  explications  sur  rimmersioa 
de  la  déesse. 

M.  BâRENGER-FâRAUD  pense  que  c'est  une  cérémonie  ana* 
logue  au  baptême.  Du  reste,  le  sentiment  attaché  à  ces  su- 
perstitions est  très  vague.  Probablement,  c*est  pour  donner 
une  nouvelle  force  à  la  divinité. 

M.  Lbtourneau  rappelle  un  fait  qui  s'est  passé  dans  TAmé* 
rique  du  Sud,  et  qui  se  rapporte,  comme  moyen  de  coercition, 
à  rimmersion  d'un  saint  dans  l'eau  parce  qu'il  ne  faisait  pas 
retrouver  un  cheval  qui  était  perdu. 

tîmt  eomparallf  de  U  slatlstlqne  de  la  déllailtalloB  de  la 
lanfoe  française  et  de  la  lancue  breloaae  daas  le  éépmf» 
feaieat  du  HorMIiaa  if  8«0- 1878)1 

« 

PAR   II.    LE  DOCTBUR  IIAURICBT,    DB  VANNES. 

(Communication  de  M.  Fauvelle.) 

Sous  ce  titre,  la  Commission  d'inventaire  a  rencontré, 
dans  le  cours  de  ses  opérations,  une  série  de  documents  très 
intéressants  sur  la  disparition  progressive  de  la  langue  bre- 
tonne; ces  documents  ont  été  adressés  en  1878  à  la  Société 
par  M.  le  docteur  Mauricet,  de  Vannes,  un  de  ses  plus 
anciens  membres. 

Gomme  ils  n'ont  pas  été  communiqués  en  leur  temps, 
pour  des  raisons  qui  me  sont  inconnues,  je  pense  répondre 
à  la  pensée  de  l'auteur  en  vous  en  donnant  lecture  aujour- 
d'hui. Il  voudra  bien  accepter  la  tardive  réparation  d'un 
oubli  regrettable. 

Voici  d'abord  la  lettre  d'envoi. 

f(  Il  résulte  du  travail  que  je  mets  sous  les  yeux  de  la 
Société  : 

«  Que  les  paroisses  de  Credin,  Radenac,  Reguiny,  Billio, 
Buléon,  Guchenno,  Plumelec,  Questembert,  Muzillac,  Bil- 
liers,  Noyai-Muzillac,  étaient  paroisses  bretonnantes  au  com- 
mencement de  ce  siècle  et  ne  le  sont  plus  actuellement; 


MAURICET.  —  LES  LANGUES  DANS   LE  MORBIHAN.  313 

«  Que  dans  plusieurs  autres  paroisses,  le  nombre  des  per- 
sonnes parlant  breton  a  considérablement  diminué  ; 

M  Enfin  il  autorise  à  prévoir  le  jour  rapproché  où  cette 
langue  ne  sera  plus  en  usage. 

«  Dans  tous  les  cas^  voici  un  travail  sérieux  qui  permettra, 
dans  un  certdn  nombre  d*années,  de  contrôler  cette  der- 
nière assertion.  » 

Vannes^  le  18  décembre  1878. 

Signé:  D' J.  Mauricbt. 

Premier  document^  1732. 

a  Le  R.  P.  Grégoire  de  Rostrenen,  dans  son  Dictionnaire 
français- breton /imipTimé  à  Rennes  en  1732,  dit  dans  sa  pré- 
face, au  sujet  de  la  langue  bretonne  :  «  C'est  le  langage  de 
((  tout  le  diocèse  de  Tréguier,  de  celui  de  Léon,  de  celui  de 
«  Quimper,  hormis  quatre  paroisses,  de  celui  de  Vannes,  si 
«  vous  en  exceptez  quatorze  ou  quinze  paroisses.  On  parle  cette 
«  langue  dans  treize  ou  quatorze  paroisses  du  diocèse  de 
«  Saint-Brieuc  ;  dans  un  quartier  de  celui  de  Nantes  et  dans 
«  plusieurs  paroisses  de  celui  de  Dol,  situées  dans  les  en- 
ce  claves  des  autres  diocèses.  » 

Deuxième  document^  4824. 

((  L'abbé  Mahi,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Vannes,  Fau- 
teur de  l'Essai  sur  les  antiquités  du  Morbihan^  dans  son  ou- 
vrage intitulé  :  Étendue  actuelle  de  la  langue  bretonne  dans 
le  Morbihan,  dit,  page  85  :  a  Parmi  les  Armoricains,  on  la 
c  parle  dans  le  Finistère,  dans  une  partie  des  Gôtes-du-Nord 
«  dans  une  partie  du  Morbihan.  Voici  quelles  sont^  dans  ce 
<c  dernier  département,  les  communes  bretonnantes  qui  y 
«  forment  les  limites  de  la  langue  celtique  :  Billiers-Muzil- 
n  LAC  (une  partie  parle  breton  et  l'autre  français  *),  Lauzach, 
«  Berrig,  Sulniac  (on  y  parle  français  dans  certains  cantons  et 

*  Vers  1800,  il  y  avait  encore  150  bretonnanlaà  Muzillac;  il  n*yen  avait 
plus  du  tout  en  1878  (voir  le  tableau  ci-après). 


iU  diAKrCÉ  Dû  7  ÉAt  4891; 

((  ÂLLOUBStRë  [éëlië  éoihiànné  ëÉi  ini-fâttië  ie  Bfétôtis  et  Cte 
cl  Ff âdÇàié  ^,  EL'ffeN  (lé  breton  y  ë^  presque  êtMiH  *),  MbRÊAC, 
«  Naizin,  Kerfourn,  Gueltat,  NtftAL-PoitTitf,   SAlNT-Gftftilîtfl 

«  IhoitÂNTEC.  » 

Eh  cdMpaMiit  léfd  Aettu  elt^ti^yris  reetiillies  pà^H.Mdiirkïet; 
il  semblerait  que,  pendant  les  quatre- vingtsdtfttte  àM  qui 
séparent  1733  de  1825,  la  langue  bretonne  aurait  disparu  des 
départeméri(ô  deTllle-el-Vilaine  et  de  laLoire-Inférieure,pour 
se  concentrer  dans  Textrémité  de  la  péninsule  armoricaine. 

Troisième  document,  1878. 

G*est  une  série  de  sept  tableaux  dressée  par  M.  iMauricet 
lai-même,  fi  y  compare  le  nombre  des  brdioniiants  au  com- 
mencement du  siècle  et  en  i^lë,  dans  les  cihqùaiite-six 
paroisses  (sic)  des  cantons  de  ï^oniivy,  àdiiâh^  Lbcmiûé, 
Saint-Jean-Brevelay,  Elven,  Ouestemfcért  et  Muziîiaè  (Mor- 
bihan), et  met  en  regard  la  population  dé  ces  communes 
d'après  le  recensement  de  1876.  J'ai  réuni  ces  tableaux  en 
un  seul  pour  la  facilité  de  Tétude,  et  j'ai  ajouté  une  colonne 
qui  indique  les  différences  en  moins. 

Nombre  de  bretonnants  DiflTérenco  Popalation 
Cantons.  Paroisses.  vers  1800*.     en  1878.    en  moins,     en  1876. 

Pontivy.  ; 7  000 

Croixanveo 2S0 

Gueitas:  «.....• âOO 

Gucrn 2700 

.              yKerfoorn dlO 

^  °""^'y \  NoyaI-P(mtiv J. .....  3 1 00 

iSaint-Géran 1000 

Saint-Gonnery 150 

.  Saint-Thûriàu iÈOO 

1  Soiirû ;..*....  D^fr 

1  Sdr  es  1367  habitants  de  Sainîao,  il  y  avait;  enr  1878,  miltc  personnes 
parlant  breton^  avec  une  perte  de  deux  cents  sur  le  commencement  du 
siècle  (voir  le  tableau  ci-après). 

<  D^àprès  M.  Màarîcet,  vers  1800  comme  en  {^78,  tout  (é  monde  hre- 
lonmifH  k  Saint'Allonestre,  fftO  sur  938  habitants  (voir  le  tableau  ot-aprèé); 

'  Il  était  encore  parlé  en  1878  par  trois  cents  personnes  sur  une  popu- 
lation dé  3  897  fasftfitants  (voir  le  tableau  ci-après Jf. 

^  En  1800  ou  une  autre  anrrfe  dif  tâitimericèmëtii  dû  èfècle. 


4000 

3  000 

8252 

250 

30 

291 

30 

170 

1070 

2G00 

100 

2709 

900 

\ê 

9!0 

2900 

soo 

3315 

900 

100 

1007 

10 

130 

560 

HOO 

ioo 

IffS 

doo 

so 

980 

UAUniCET.  ' 


'  LES  UNSÙBS  nARS  tB  HORBIDAN. 


iBrehan-Loudtao... 
LantltlBe.; ..-; 
Pleugriffet 
Radenac 
Raguiny 


Sùnt- JeaU' 
BrercÙt- 


Locminé 

MoHac.  ...i, ....... 

Mousloir-Ac 

\  Moustoir-Remungol. 

iNaiïin 

I  Pltamelin 

\  Hemuogol 

ySainl-Jean-Brevelay. 

ÏBiino. 

<Bul&on 

Jouohenoo 

1  Plunelec 

\ Saint-AIIoneatref  .-<.' 

/El  ton 

I  Monterblano 

ISiiint-Nolf. 

^Suinlao. i. ..-..-. 

JTrJdioD 

[Tréflesn 

\  La  Vraie^TOli 

Oueelembcft 

Bohal 

Lauiach 

Molaow 

Peaule 

Pleucadeue 

/MaiilTae 

|Billiïrs 

jUamgan 

[  Le  Onerno 

\  Nojil-MuiilUc 


•l070 
ftSSt 


170(1 

tisa 

i03S 

tséi 


atis 

871*9 


316  SÉANCE  DU  7  MAI  1891. 

Bien  que  l'auteur  ne  nous  indique  pas  les  sources  aux* 
quelles  il  a  puisé  ces  chiffres,  nous  devons  les  considérer 
comme  exacts,  et  voici  les  quelques  remarques  qulls  sug- 
gèrent. 

Dans  les  cinquanle-six  communes  cilées,  dont  la  popula- 
tion s'élevait,  en  \  876,  à  87  793  habitants,  il  y  avait,  vers  1 800, 
46429  personnes  parlant  breton,  et^  en  1878,  ce  chiffre  était 
réduit  à  36  930,  avec  une  perte  de  9499.  La  diminution  la 
plus  considérable  a  eu  lieu  à  Pontivy,  3000  sur  |7  000.  A 
Kerfourn,  canton  de  Pontivy,  la  variation  n'a  été  que  de 
910  à  900,  avec  une  perle  de  10.  Enfin  à  Remungol^  canton 
de  Locminé,  le  chiffre  de  1  280  est  resté  le  même  sur  une 
population  de  1 288  habitants  en  1876  ;  de  même  à  Sainl- 
AUouestre,  930  aux  deux  époques  sur  938. 

En  comparant  la  population  de  chaque  commune  en  1876, 
avec  le  nombre  de  personnes  parlant  breton  au  commence- 
ment  du  siècle,  on  voit  que  très  souvent  les  chiffres  sont 
presque  identiques,  ce  qui  donnerait  à  penser  que  le  nombre 
des  habitants  a  généralement  peu  varié  entre  les  deux  dates. 
M.  Mauricet  a  donc  été  bien  inspiré  en  prenant  pour  terme 
de  comparaison  les  résultats  du  recensement  exécuté  deux 
ans  avant  son  travail.  Dans  cette  hypothèse,  de  1800  à  1876, 
le  nombre  des  personnes  parlant  français  se  serait  élevé  de 
40000  à  pins  de  50000. 

En  terminant,  je  ne  saurais  trop  engager  notre  collègue 
de  Vannes  à  reprendre  aujourd'hui  le  même  travail;  les 
douze  annés  qui  se  sont  écoulées  depuis  le  mois  de  décem- 
bre 1878  suffisent  parfaitement  pour  lui  permettre  de  con- 
trôler Tassertion  qu'il  a  émise  à  celle  époque,  à  savoir  que  le 
jour  n'est  pas  éloigné  où  la  langue  bretonne  cessera  d'être 
en  usage. 

Discussion. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  fait  remarquer  qu'une  erreur 
s'est  glissée  dans  les  documents  cités.  Un  d'eux  dit  que  le 
breton  n'existe  plus  dans  la  Loire^Inférieure,  ce  n'est  pas 


DISCUSSION   SUR  LES  LANGUES  DANS  LE   MORBIHAN.        317 

exact.  Le  breton  est  parlé  au  Croizic  et  autres  localités  du 
canton  de  Guérande. 

M .  HovELAGQUE  rappelle  que,  depuis  le  travail  lu  par  M.  Fau- 
velle,  M.  Sébillot  a  dressé  une  carte  de  la  langue  bretonne, 
carte  qui  se  trouve,  en  grand  format,  dans  la  bibliothèque  de 
la  Société. 

  ce  sujet,  M.  Hovelacque  demande  que  les  personnes  qui 
s*occupent  des  limites  des  différenteslangues  (français  et  fla- 
mand, français  et  breton,  etc.)  ne  se  contentent  pas  de 
tracer  une  ligne  séparant  les  deux  idiomes.  Gela  est  insuffi- 
sant. Il  ne  suffit  pas  non  plus  d'établir  une  zone  mixte.  Ce 
sont  detuc  zones  mixtes  qu'il  faut  constituer. 

C'est  ainsi  qu'il  y  a  une  trentaine  d'années,  M.  Goussemac- 
ker,  recherchant  les  limites  du  français  et  du  flamand,  en 
France,  a  réuni  tout  d'abord  les  localités  frontières  où  Ton 
parle  uniquement  le  français  (Gravelines,  Saint-Georges, 
Saint-Omer,  Thiennes,  Merville,  etc.),  puis  celles  où  les 
deux  langues  sont  parlées,  mais  où  le  français  domine  (Hol- 
que,  etc.),  en  troisième  lieu^  celles  où  l'on  parle  également 
les  deux  langues,  mais  où  domine  le  flamand,  enfin  les  loca- 
lités que  le  français  n'a  pas  encore  atteintes,  et  où  on  em- 
ploie exclusivement  le  flamand. 

Si  la  Société  veut  dresser  des  instructions  à  ce  sujet  pour 
les  diverses  langues  parlées  en  France >  M.  Hovelacque  s'of- 
fre pour  dresser  un  avant-projet. 

M.  Fauvelle.  En  donnant  communication  des  documents 
recueillis  par  M.  le  docteur  Mauricet,  je  n'ai  pas  eu  l'inten- 
tion de  traiter  la  question  de  la  langue  bretonne^  et  les  quel- 
ques réflexions  dont  je  les  ai  fait  suivre,  n'ont  eu  d'autre 
but  que  de  mettre  en  relief  les  chiffres  qu'ils  renferment.  Je 
ne  puis  donc  répondre  aux  questions  qui  me  sont  posées,  si 
elles  n'ont  pas  directement  trait  au  contenu  de  ces  documents. 

Gomme  le  côté  géographique  du  sujet  paraît  intéresser  la 
Société,  je  puis  ajouter  que  six  des  cantons  qui  figurent 
dans  la  statistique  du  médecin  de  Vannes,  sont  disposés  du 
nord-ouest  au  sud-est  suivant  une  ligne  partant  de  Pontivy 

T.  II  (4«  sbrik).  21 


3i8  SÉANGB  DU  7  NAI  1891. 

Qt  se  dirigeant  vers  La  Hoche-Bernard,  à  quelque  distanoe 
de  rembouchure  de  la  Vilaine.  De  iSOO  à  1878,  la  dimiou* 
tion  de  la  langue  bretonne  a  progressé  sur  cette  ligne  d'ane 
manière  très  aooentuée  au  fur  et  à  mesure  qu'on  s'éloigne 
de  Pontivy.  Ainsi  Loominé  a  perdu  i|4  pour  100,  Saint- 
Jean -de- Brevelay  11,2  pour  100,  Elven  21,5  pour  100, 
Questembert  27,1  pour  100,  et  Muzillac  72,2  pour  iOO.  Il 
n'y  a  d'exception  que  pour  le  canton  de  Pontivy  qui  a  perdu 
32,7  pour  100,  ce  qui  s'explique  par  ce  fait  que  cette  ville 
est  un  centre  administratif  qui  favorise  Textension  du  fran- 
çais. Quant  au  septième  canton,  celui  de  Rohan,  situé  à  Test 
des  collines  qui  limitent  de  ce  côté  le  bassin  du  Blavet,  le 
breton  en  a  complètement  disparu. 

L'ensemble  du  travail  de  M,  Mauricet  tend  donc  à  établir 
que  le  vieux  langage  de  TArmorique  voit  son  aire  se  rétrécir 
progressivement  de  la  circonférence  au  centre  de  la  pres- 
qu'île, 

COKlNIINIC/VTIONa. 

Note  «or  elaq  cms  de  malforinatioii  spéelAle  de  îm  poltrtee 

(thormx  en  entomielr  «). 

ContribaClon  ù.  rélude  des  stlcmaies  phjalqvea 

de  défréDéreiieence  ; 

PAR    mi.    LES    DOCTEURS    J.     RAUADIBR     ET    PAUL     SERIEUX, 

Médecins  adjoints  des  asiles  de  la  Seiae. 

La  malformation  de  la  poitrine  que  nous  nous  proposons 
d'étudier  est  essentiellement  caractérisée  par  une  dépression 
de  dimension  variable  située  au  niveau  de  la  partie  médiane 
et  antérieure  du  thorax.  Cette  dépression  est  formée  par  le 
sternum  qui,  plus  ou  moins  profondément  incurvé  dani  sa 
partie  moyenne  ou  inférieure,  décrit  ainsi  un  aro  de  eerole 
à  concavité  antérieure.  H  entraîne  avec  lui  en  arrière  les  car- 
tilages costaux  constituant  une  excavation  analogue  à  celle 

<  Aveo  pr4aQnUtion  h  Tappui  ds  mouiag^i  et  Us  photo|pr»phios. 


RAMAOIER  ET  SÉRIEUX.  --^  MALFORMATION  DE  LA  POITRINE.   8i0 

que  l'on  produirait  en  refoulant  avee  le  poing  la  paroi  anté- 
rieure et  médiane  du  thorax  supposé  flexible.  Cette  dépres* 
sion,  très  évasée  d*abord,  se  rétrécit  ensuite  d'avant  en  ar* 
rière,  affectant  ainsi  une  forme  conique,  d'où  la  nom  de 
thorax  en  entonnoir. 

Jusqu'à  aujourd'hui  Tattention  des  observateurs  ne  semble 
pas  avoir  été  beaucoup  attirée  sur  cette  malformation,  en 
France  du  moins,  où  il  n'en  a  été  publié,  à  notre  connais- 
sance^ qu'un  seul  cas,  il  y  a  une  trentaine  d'années,  par  un 
auteur  anonyme  ^  Ebstein  ',  en  Allemagne ,  a  rassemblé 
toutes  les  observations,  au  nombre  de  cinq,  publiées  avant 
lui,  a  donné  deux  cas  personnels,  et  a  fait  du  thorax  en 
entonnoir  une  élude  assez  complète. 

Plus  tard,  Ëicbhorst',  à  Zurich,  et  Klemperer^,  à  Berlin, 
ont  relaté  de  nouveaux  exemples  de  cette  malformation  qu'ils 
considèrent  comme  très  rare. 

Nous  avons  eu  occasion  d'observer  cinq  cas  de  cette  ano- 
malie dont  la  rareté  nous  semble  avoir  été  un  peu  exagérée  '. 
La  cause  de  ce  fait  doit  être  attribuée  d'abord  au  siège  môme 
de  la  déformation  qui  explique  que  oelle^ci  puisse  passer 
facilement  inaperçue  quand  l'attention  des  observateurs  n'est 
pas  portée  de  ce  côté,  et  aussi  à  l'absence  presque  constante 
de  troubles  fonctionnels  qui  la  laissent  parfois  ignorée  du 
malade  lui-même.  Ajoutons  enfln  que  cette  anomalie  a  pu 
également  être  mal  interprétée  et  attribuée,  à  tort  selon  nous, 
au  rachitisme. 

1  Difformité  thoracique,  Gazette  des  hôpitatkx^  Puns,  1860. 

•  Ebstein,  Ueher  die  TrictUerbrust  {Detitsch.  Archiv  fur.  Aîed.y  t.  XXX). 
>  Eiohhortl,  TréUé  de  diagnottie  médioal,  Tradaotion  fraoçalsQ  de  Map- 

fan  et  Weias,  1890. 

^  Klemperer,$octV(^  de  médecine  interne  de  Berlin;  séance  du  2  juillet  1888 
{Comptes  rendus  du  Bulletin  médical»  11  Juillet  1888). 

*  Il  existe  au  musée  Dupuytren  dans  une  vitrine  consacrée  au  rachitisme 
lin  moulage  non  catalogué,  sur  lequel  nous  n'avons  pu  avoir  aucun  ren- 
seignement, et  qui  semble  bien  être  la  reproduction  d*un  thorax  en  enton- 
noir. La  profondeur  de  l'excavation,  dont  le  sommet  correspond  à  la 
ligne  bi-mamelonnaire,  est  d*environ  75  millimètres.  Le  thorax  ne  parait 
pas  présenter  d'autres  déformations  qu'un  léger  degré  de  Booliose, 


320  86ANCB  DU  7   MAI  1891. 

Nous  espérons,  en  effet,  montrer  que  la  poitrine  en  enton* 
noirn*a  rien  de  commun,  comme  on  est  tenté  de  le  croire  an 
premier  abord,  avec  les  déformations  rachitiques,  mais  qu'elle 
doit  plutôt  être  rattachée  aux  états  de  dégénérescence  dont 
elle  constituerait  un  des  nombreux  stigmates  physiques. 

Voici  les  observations  : 

Observation  I.  {Personnelle.)  —  T...,  quatre-vingt-cinq  ans, 
ayant  exercé  la  profession  de  journalier.  Ce  malade,  dont  les 
deux  sœurs  ont  été  aliénées,  dont  les  fils  ont  également  pré- 
senté des  troubles  mentaux,  a  toujours  été  regardé  comme 
un  excentrique,  et^  à  partir  de  quarante-sept  ans,  a  eu,  à 
diverses  reprises,  des  bouffées  délirantes  ambitieuses,  k  son 
entrée  à  l'asile  de  Yaucluse,  il  est  complètement  dément;  il 
succombe  au  bout  de  peu  de  temps  à  une  pneumonie  ca- 
séeuse. 

Taille  :  161  centimètres  ; 

Crâne  :  plagiocéphalie  assez  accentuée  ; 

Diamètre  antéro-postérieur maximum,  191  millimètres; 

Diamètre  transverse  maximum,  151  millimètres  ; 

Diamètre  frontal  minimum,  104  millimètres; 

Membres  supérieurs  :  doigts  en  massue,  vitUigo  à  la  main 
droite  ; 

Organes  génitaux  :  phimosis^  vitiligo  du  scrotum  ; 

Membres  inférieurs  :  syndactylie  des  deuxième  et  troisième 
orteils  ; 

Ichthyose  généralisée.  Un  petit-fils  du  malade  a  la  même 
affection. 

La  poitrine  présente  une  vaste  excavation  qui  peut  loger 
le  poing;  le  sternum,  à  partir  de  la  fourchette  jusqu'au  qua- 
trième cartilage  costal,  garde  une  inclinaison  normale;  plus 
bas  il  se  dirige  en  arrière  suivant  une  pente  d'abord  douce, 
mais  qui,  au  niveau  du  cinquième  cartilage,  plonge  presque 
perpendiculairement  au  rachis.  A  l'union  du  corps  du  sternum 
et  de  l'appendice  xiphoïde  se  trouve  une  dépression  digitale 
qui  constitue  le  sommet  de  rentonnoir.  La  paroi  de  ce  der- 
nier se  redresse  ensuite  en  avant,  et  par  une  pente  peu  sen- 


RAMADIER  ET  SÉRIEUX.  —  MALFORMATION  DE  LA  POITRINE.   32i 

sible  se  continue  avec  la  paroi  antérieure  de  i*abdomen.  An 
niveau  de  l'union  des  fausses  côtes  avec  la  septième,  il  existe, 
de  chaque  côté,  une  voussure  très  notable  de  cette  partie  du 
thorax,  qui  forme  les  bords  latéraux  de  la  partie  inférieure 
de  l'entonnoir. 

Les  mensurations  pratiquées  sur  le  thorax  ont  donnéjes 
résultats  suivants  : 

Diamètre  sterno- vertébral  à  Tunion  du  corps  du  sternum 
et  de  la  poignée,  180  millimètres  ; 

Diamètre  sterno-verlébral  au  niveau  du  fond  de  l'enton- 
noir, 430  millimètres; 

Diamètre  transverse  au  niveau  du  mamelon,  255  millimètres; 

Diamètre  transverse  maximum  au  niveau  de  l'entonnoir, 
277  millimètres; 

Longueur  maxima  de  Tentonnoir,  137  millimètres;  lar- 
geur maxima,  i26  millimètres;  profondeur,  55  millimètres  ; 

Distance  entre  le  fond  de  Tentonnoir  et  le  milieu  de  la  ligne 
bimamelonnaire,  40 millimètres; 

Distance  entre  le  fond  de  Tentonnoir  et  l'ombilic,  166  mil- 
limètres ; 

Longueur  du  sternum,  210  millimètres  ;  largeur  maxima, 
40  millimètres  ; 

Circonférence  thoracique^  780  millimètres  ; 

Rachis  normal.  Pas  de  scoliose. 

On  constata^  à  l'autopsie,  que  le  sommet  de  Tentonnoir 
répondait  à  la  partie  supéro-externe  du  lobe  gauche  du  foie 
à  2  centimètres  du  bord  postérieur.  La  voussure  droite  cor- 
respondait à  la  partie  moyenne  du  foie  ;  le  cœur  était  recou- 
vert par  une  lame  pulmonaire  et  sensiblement  dévié  à  gauche  ; 
une  aiguille  enfoncée  dans  la  poitrine  au  niveau  du  mamelon 
gauche  traversait  la  partie  moyenne  du  ventricule  gauche. 
Malgré  un  examen  des  plus  attentifs,  nous  n'avons  trouvé 
aucune  trace  de  déformation  pouvant  être  rattachée  au  ra- 
chitisme. 

Observation  11. (P^r^onrie//^.)— M...,  quarante-deux  ans, 
né  en  Ecosse,  est  issu  d'une  famille  d'alcooliques  ^  son  père 


32S  8ÉANGË  BU  7  MAI   1891. 

8*est  brftlé  la  cervelle.  C'est  un  dégénéré  supérieur  d'une 
intelligence  développée,  mais  avec  de  profondes  lacunes 
morales.  Il  parle  couramment  plusieurs  langues,  a  publié  en 
Angleterre  un  volume  de  poésies,  a  exercé  successivement  les 
professions  de  marchand  de  vin,  d'architecte,  de  correspon- 
dant de  journaux  anglais  en  Orient,  d'agent  du  gouverne- 
ment anglais  en  Turquie,  etc.  11  a  été  interné  h  plusieurs 
reprises.  Il  présente  un  délire  systématisé  ambitieux  non  hal- 
lucinatoire, prétend  être  Tarchiduc  d'Esté  des  cinq  étoiles^ 
allié  et  héritier  de  cinq  familles  souveraines.  On  constate, 
enjoutre,  chez  lui,  des  idées  hypocondriaques  très  accusées. 

Taille  :  171  centimètres  ; 

Crâne  :  diamètre  antéro-postérieur  maximum,  193  milli- 
mètres ; 

Diamètre  transverse  maximum,  156  millimètres  ; 

Diamètre  frontal  minimum,  f26  millimèti*es; 

Yeux  :  inégalité  pupillaire  ;  acuité  visuelle,  OD.OQ  :  y^^ijs  ; 

Implantation  vicieuse  des  dents  de  la  mâchoire  inférieure. 

Voûte  palatine  ogivale.  Pas  d'hypertrophie  des  amygdales. 
Aux  pieds  existe  une  anomalie  caractérisée  par  un  retrait  de 
3  centimètres  environ  du  cinquième  orteil  en  arrière  du  qua- 
trième. Rachis  normal.  Pas  de  scoliose.  Diminution  géné- 
ralisée de  la  sensibilité  à  la  douleur.  Léger  degré  de  dermo- 
graphie.  Aucun  signe  de  rachitisme. 

La  concavité  sternale  débute  au  niveau  de  l'insertion  du 
quatrième  cartilage  costal  sous  forme  d'une  gouttière,  puis 
s'accentue  davantage  pour  former  un  entonnoir  dont  le 
sommet,  qui  mesure  environ  3  centimètres  de  diamètre,  ré- 
pond à  la  jonction  du  corps  du  sternum  avec  l'appendice 
xiphoïde. 

Il  existe  une  voussure  très  développée  et  symétrique  de 
chaque  moitié  de  la  partie  inférieure  du  thorax.  La  pointe  du 
cœur  est  très  difficilement  perceptible;  on  aperçoit,  cepen- 
dant, sur  la  paroi  gauche  et  inférieure  de  l'entonnoir,  nn  sou- 
lèvement rythmique  de  la  peau.  Le  maximum  de  matité  du 
cœur  correspond  à  un  carré  de  4  centimètres  de  c6té,  com- 


RAMADIER   ET  SÉRIEUX.  —   MALFORMATION  DE   LA  POITRINE.    313 

mençant  à  35  millimètres  de  la  ligne  médiane  et  s*étendant 
du  bord  supérieur  de  la  troisième  côte  au  bord  supérieur  de 
la  quatrième. 

Rien  d'anormal  à  Tauscultation. 

Diamètre  sterno-vertébral  à  Tunion  dn  corps  du  sternum 
et  de  la  poignée,  157  millimètres. 

Diamètre  sterno-vertébral  au  niveau  du  fond  de  Tenton- 
noir,  152  millimètres. 

Diamètre  transverse  au  niveau  du  mamelon,  261  milli- 
mètres. 

Diamètre  transverse  au  niveau  de  l'entonnoir,  S55  milli« 
mètres. 

Longueur  maxima  de  Tentonnoir,  145  millimètres;  lar- 
geur, 166  millimètres;  profondeur,  32  millimètres. 

Distance  entre  le  fond  deTentonnoiret  le  milieu  de  la  ligne 
bimamelonnaire,  40  millimètres. 

Distance  entre  le  fond  de  Tentonnoir  et  Tombilic,  202  mil- 
limètres. 

Longueur  du  sternum,  195  millimètres;  largeur  maxima, 
30  millimètres  ;  appendice  xîphoTde  rudimentaire. 

Circonférence  thoracique,  890  millimètres. 

Une  sœur  de  M,,,  présenterait^  d'après  lui,  une  malformation 
de  la  poitrine  identique  à  la  sienne» 

Observation  III.  [Personnelle.)  —  B...,  quarante  ans,  ai- 
teinte  d'imbécillité,  est  internée  à  l'asile  depuis  seize  ans. 
Pas  de  renseignements  sur  les  antécédents  héréditaires.  Lan- 
gage très  imparfait  ;  la  malade  parle  nègre.  Émotivité  exces- 
sive, irascibilité,  qui  rendent  impossibles  des  mensurations 
complètes. 

Poitrine  en  entonnoir  analogue  aux  cas  décrits  ci-dessus, 
sauf  au  point  de  vue  de  la  profondeur  maxima  qui  ne  dé- 
passe pas  25  millimètres.  On  constate  également,  chez  cette 
malade,  une  saillie  latérale  et  symétrique  du  thorax  à  sa 
partie  inférieure.  Aucun  trouble  fonctionnel. 

Diamètre  sterno-vertébral  au  niveau  du  sommet  do  l'enton- 
noir, 140  millimètres. 


324  SÉANCE  DU  7   MAI   1891. 

Diamètre  aniéro-postérieur  thoracique  latéral  au  niveau 
du  mamelon,  175  millimètres. 

Taille,  160  centimètres. 

Crâne  globuleux  à  sa  partie  antérieure  ;  le  front  est  large, 
bombé^  haut  {hydrocéphalie). 

Diamètre  antéro-postérieur  maximum,  187  millimètres. 

Diamètre  transverse  maximum,  155  millimètres. 

Diamètre  frontal  minimum,  108  millimètres. 

Hauteur  du  front,  73  millimètres. 

Diamètre  bizygomatique,  130  millimètres. 

Maxillaires  volumineux. 

Lobule  de  Toreiile  adhérent. 

Les  mains,  qui  sont  grandes,  présentent  des  malformations 
symétriques.  Le  deuxième  métacarpien  n'est  représenté  que 
par  un  osselet  de  quelques  millimètres  de  longueur  avec  lequel 
s'articule  l'index.  Celui-ci,  considérablement  atrophié,  est 
moins  volumineux  que  le  petit  doigt  (longueur,  67  millimè- 
tres). Son  extrémité  inférieure  est  à  70  millimètres  au-dessus 
de  l'extrémité  inférieure  du  médius,  et  à  16  millimètres  au- 
dessus  de  l'articulation  de  la  phalange  avec  la  phalangette 
de  ce  dernier  doigt.  Le  petit  doigt  est,  en  outre,  le  siège 
d'une  malformation  décrite  par  M.  Landouzy,  sous  le  nom  de 
camptodactylie,  et  considérée  par  lui  comme  un  signe  d*ar- 
thritisme. 

Du  côté  gauche,  les  os  de  Tavant-bras  sont  atrophiés 
(2i  centimètres  de  longueur  au  lieu  de  26  à  droite  ;  le  cubi- 
tus est  incurvé,  sa  partie  concave  est  dirigée  en  avant  ;  on 
constate  en  outre  une  hyperostose  de  Tolécrâne  et  une  cica- 
trice consécutive  à  un  abcès. 

La  malade  est  sourde.  Son  acuité  visuelle  est  diminuée  : 
OD.OG.V  =  1/3.  Papilles  blanchâtres,  allongées  suivant  Taxe 
horizontal. 

Dentition  mauvaise  :  il  ne  reste  que  les  incisives  et  les 
canines  inférieures,  qui  sont  petites,  érodées,  écartées  les 
unes  des  autres,  mal  implantées. 

Pas  de  lésions  rachitiqnes.  Pas  de  scoliose. 


RAMADIER  ET  SÉRIEUX.  —  MALFORMATION  DE  LA  POITRINE.   325 

Observation  IV.  {Personnelle.)  —  Nous  avons  eu  occasion 
de  voir  un  nouveau  cas  de  celte  malformation  chez  un  sujet 
atteint  de  maladie  d'Addison  dans  le  service  de  M.  Raymond. 
Il  8*agissait  d'un  individu  exerçant  la  profession  d'homme  de 
peine,  et,  comme  tous  nos  malades  précédents,  ne  présen- 
tant point  de  signe  de  rachitisme,  et  n'ayant  subi  aucun 
traumatisme  thoracique.  Il  offrait  au  niveau  de  la  partie 
médiane  du  thorax  une  large  excavation  de  2  centimètres, 
environ  de  profondeur.  Ce  n'était  pas,  à  proprement  parler, 
un  infundibuium  comme  dans  les  cas  précédents,  mais 
plutôt  une  fosse  comme  dans  les  cas  publiés  par  Toldt  et 
Ëbstein. 

Ce  malade,  alcoolique  chronique  (hyperesthésie  plantaire), 
d'une  intelligence  peu  développée,  était,  en  outre,  porteur 
d'autres  stigmates  physiques  de  dégénérescence  {malforma- 
tion crânienne,  bec- de-lièvre). 

Observation  Y.  (Communiquée  par  le  docteur  Legrain,  mé- 
decin de  la  colonie  de  Yaucluse.)  —  T...^  neuf  ans,  imbécil- 
lité très  accentuée.  Père  déséquilibré,  alcoolique.  D'autres 
membres  de  la  famille  paternelle  font  des  excès  de  boissons. 
Mère  débile  avec  idées  de  suicide.  Le  malade  est  apathique, 
habituellement  immobile  ;  il  se  livre  à  l'onanisme.  Langage 
rudlmentaire.  Nombreux  stigmates  physiques  de  dégénéres- 
cence :  Crâne  informe,  aplati  dans  le  sens  vei^tical,  très  asymé» 
trique  ainsi  que  la  face,  strabisme,  oreilles  mal  ourlées,  lobules 
sessiles,  atrésie  des  fosses  nasales,  prognathisme,  implantation 
vicieuse  des  dents,  qui  sont  en  partie  crénelées  et  cariées  ; 
les  arcades  dentaires  ne  se  correspondent  pas  enavant.  Les  amyg- 
dales font  défaut.  Strume.  Cryptorchidie  complète.  Léger  genu 
valgum  à  droite. 

Le  thorax  en  entonnoir  que  présente  ce  malade  est  de  tout 
point  conforme  à  la  description  que  nous  avons  donnée  des 
cas  précédents.  Profondeur  maxima,  12  millimètres.  Le  som- 
met de  Tentonnoir  correspond  à  la  fossette  sus-xiphoïdienne; 
l'appendice  xiphoïde  se  porte  brusquement  en  avant  pour 
constituer  la  paroi  inférieure  de  l'entonnoir. 


326  SÉANCE  DU  7  MAI  1891. 

Le  cœur  bat  avec  violence  dans  le  cinquième  espace  inter- 
costal et  présente  les  signes  d*ua  rétrécissement  aortique 
avec  hypertrophie. 

Dans  les  cas  de  thorax  en  entonnoir,  la  profondeur  de  i*ex* 
£avation  est  très  variable  :  la  plus  grande  relevée  par  nous 
a  été  de  55  millimètres,  la  plus  petite  de  12  millimètres 
(cette  dernière  chez  un  enfant).  Chez  les  deux  sujets  d*Ebstein, 
Tentonnoir  mesurait,  dans  un  cas,  40  millimètres,  dans 
l'autre,  72  millimètres  de  la  base  au  sommet.  La  première 
observation  publiée  {Gazette  des  hôpitaux)  porte  que  la  pro- 
fondeur était  de  8  à  9  centimètres. 

En  général,  le  sommet  de  l'entonnoir  correspond  à  l'union 
de  Tappendice  xiphoïde  avec  le  sternum  (fossette  sus-xipboT- 
dienne),  quelquefois  à  Textrémité  inférieure  du  sternum. 

il  ne  nous  a  pas  été  possible,  pour  les  cas  que  nous  ve- 
nons d'énumérer,  d'avoir  des  renseignements  sur  la  date 
d'apparition  de  la  malformation,  ce  qui  permet  de  supposer 
que  celle-ci  était  congénitale  ou  remontait  à  la  première  en- 
fance. Dans  les  observations  rassemblées  par  Ebstein^  le 
thorax  en  entonnoir  était  congénital  deux  fois  ;  chez  deux 
autres  sujets,  il  s*était  montré  à  deux  ans  et  à  sept  ans. 
Klemperer  donne  comme  congénitale  la  malformation  de  ses 
trois  malades. 

Le  thorax  en  entonnoir  ne  paraît  pas  entraîner  de  troubles 
fonctionnels  sérieux  ni  pour  l'appareil  respiratoire,  ni  pour 
l'appareil  circulatoire.  Dans  l'observation  de  la  Gazette  des 
hôpitaux,  on  signale  bien  l'existence  d*un  double  souffle 
diastolique^  mais  le  sujet  pouvait  marcher,  courir,  monter 
des  escaliers,  sans  trouble  aucun  de  la  respiration.  Deux  de 
nos  malades  sont  des  hommes  très  vigoureux  dont  l'un  est 
excellent  nageur  ;  les  autres  ne  semblentjamais  avoir  éprouvé 
de  gêne  attribuable  à  leur  malformation.  Le  rétrécissement 
aorlique  constaté  chez  le  malade  de  l'observation  V  n'est 
évidemment  qu'une  coexistence,  une  malformation  de  plus 
à  ajouter  au  tableau  déjà  si  chargé  des  signes  physiques 
dégénératifs  du  malade.  Cependant  on  conçoit  que  l'excava* 


RAMADIER  ET   SÉRIEUX.  •—  MALFORMATlOff  DE  LA  POITRINE.   811 

tion  plus  OU  moins  considérable  qui  caractérise  la  poitrine 
en  entonnoir  n'aille  pas  sans  une  certaine  modifloation  dans 
les  rapports  réciproques  des  viscères  thoraoiques.  Le  cœur, 
parfois  plus  élevé,  est  habituellement  refoulé  à  gauche  et 
recouvert  par  une  lame  pulmonaire^  ce  qui  rend  difDciie  de 
préciser  la  situation  de  la  pointe.  Dans  un  des  cas  d'Ebstein, 
celle-ci  battait  au  niveau  de  la  ligne  axillaire  gauche,  en  un 
point  correspondant  au  cinquième  espace  intercostal.  Ebs- 
tein  signale  comme  un  phénomène  constant  le  développe* 
ment  plus  considérable  du  thorax  dans  le  sens  transversal. 
Klemperer  fait  remarquer  de  même  l'augmentation  du  dia- 
mètre transverse.  Il  8*agit  là  d'une  compensation  du  rao* 
oouroissement  du  diamètre  antéro^postérieur  thoraoique. 
D'après  les  auteurs  que  nous  venons  de  citer«  Taugmenta» 
tion  du  diamètre  transverse  serait  manifeste  aux  différentes 
hauteurs  de  la  poitrine.  Yoid,  en  regard  l'un  de  l'autre,  les 
chiffres  qui  représentent  le  diamètre  transverse  du  thorax 
au  niveau  des  mamelons,  d'une  part  chez  les  sujets  à  poi* 
trine  en  entonnoir,  et  de  l'autre,  chei  des  individus  nor- 
maux : 

OUatitrê  UioraAiquA     Diimètrt  thOMôiqot 
tranBTerse.  transvene  normal. 

Enfant  de  9  ans  (Hagmann) 22,8  l^,t 

Homme  de  34  ans  (Bggel)* 18,8  26,1 

—  20  ans  (Flesch)  < 28^0  26,1 

—  25  ans  (Ebstein) 30^0  26,t 

Les  mensurations  prises  sur  nos  deux  premiers  sujets  ne 
nous  ont  point  conduits  aux  mêmes  résultats.  Nous  trouvons, 
en  effet,  les  chiffres  suivants  qui  ne  s'éloignent  pas  sensi* 
blement  des  chiffres  normaux,  variables  selon  la  taille,  don- 
nés par  Sappey  : 

Diamètre  ihoraoiqae    Diamètre  transtftive 
transTcrse.  normal  moyen. 

Observation  1 27,7  27,6 

Observation  II 26,1  2S,1 

1  Eggel,  Eine  seltmiê  JUisihildung  des  thorax  {ArcK  Virch,,  1872,  Bd.  49). 
*  Flesch,  Ueher  eine  seltene  Misihildung  des  thorax  (Arch,  Virch,,  1873, 
Bd.  57.) 


328  8ÉANGB  DU  7  MAI  1891. 

En  revanche,  il  existait  chez  nos  malades  un  développe- 
ment exagéré  de  la  partie  inférieure  de  la  poitrine  formant 
une  voussure  bilatérale  de  chaque  moitié  du  thorax. 

On  ne  constate  pas  dans  la  poitrine  en  entonnoir  un  rac- 
courcissement anormal  du  sternum.  Wintrich  a  trouvé,  pour 
la  longueur  moyenne  du  sternum,  chez  cinquante-neuf  indi- 
vidus normaux  du  sexe  masculin,  le  chiffre  de  474  millimè- 
tres. Luschka  donne  les  chiffres  de  180  millimètres  à  200  mil- 
limètres, Sappey  190  millimètres.  Or  Flesch,  Eggel,  ont 
trouvé  chez  leurs  sujets  à  poitrine  infundibuliforme  les  chif- 
fres de  170  millimètres  et  de  163  millimètres  (sans  Tappen- 
dice  xiphoîde).  Ebstein  n'a  pas  constaté  non  plus  de  brièveté 
du  sternum.  Le  cas  de  Hagmann  fait  seul  exception  :  il 
s'agissait  d*un  enfant  de  neuf  ans  dont  le  sternum,  au  lieu 
de  115  millimètres,  chiffre  normal  à  cette  période  de  la  vie, 
ne  mesurait  que  7  i  millimètres,  c'est-à-dire  la  longueur  de 
cet  os  aux  premiers  jours  de  la  naissance.  Dans  nos  deux 
premières  observations,  nous  avons  obtenu  les  chiffres  de 
210  millimètres  et  de  195  millimètres.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu 
d*attribuer  la  malformation  du  sternum  à  un  arrêt  de  déve- 
loppement de  Tos  en  longueur. 

La  mensuration  du  diamètre  sterno-vertébral^  en  dehors 
même  de  Tentonnoir,  démontre  qu'il  existe  un  rétrécisse- 
ment de  ce  diamètre  (Hagmann). 

La  circonférence  thoracique  maxima  n'est  point  diminuée. 
Nous  trouvons  dans  les  observations  I  et  II  les  chiffres  de 
78  millimètres  et  de  89  millimètres.  Or,  Sappey  adopte 
comme  moyenne  80  millimètres  à  84  millimètres.  Ebstein, 
chez  les  sujets  qu'il  a  étudiés,  a  trouvé  les  mesures  suivantes 
pour  la  circonférence  thoracique  :  83,90.  D'après  lui,  les 
diamètres  thoraciques  antéro-postérieurs  pris  au  niveau  du 
mamelon,  ne  sont  pas  modifiés.  Eggel  a  obtenu  un  résultat 
contraire. 

Le  thorax  en  entonnoir  ne  saurait  en  aucune  façon  être 
mis  sur  le  compte  du  rachitisme.  Comme  le  dit  Tripier  ^  à 

^  Tripier,  article  Rachitisme  du  Dictionnaire  de  Dechambre. 


RAMADIER  ET  SÉRIEUX.  —  MALFORMATION  DE  LA  POITRINE.    329 

propos  du  diagnostic  des  déformations  limitées  du  squelette, 
quelle  que  soit  leur  ressemblance  avec  celles  du  rachitisme, 
le  fait  seul  de  leur  délimitation  permet  de  les  exclure.  Le 
rachitisme  frappe  en  effet  le  système  osseux  en  son  entier 
et  laisse  des  traces  sur  la  tête  (persistance  des  fontanelles, 
déformation  de  la  voûte  crânienne,  des  maxillaires,  anoma- 
lies dentaires),  le  tronc  (chapelet  rachitique,  rétrécisse- 
ment du  thorax  avec  double  gouttière  latérale),  l'abdomen 
(forme  globuleuse)  et  les  membres  (nouures  articulaires, 
courbures  des  os  longs). 

Aucun  des  auteurs  qui  ont  étudié  la  poitrine  en  enton- 
noir n'ont  trouvé  chez  leurs  sujets  des  signes  de  rachitisme, 
tandis  qu'ils  ont  pu  parfois  constater  chez  eux,  ainsi  que  nous 
Tavons  vérifié  sur  nos  malades,  Texistence  de  malformations 
dont  la  cause  doit,  croyons-nous,  être  rapportée  à  une  in- 
fluence dégénérative.  D'ailleurs  les  déformations  thoraciques 
dues  au  rachitisme  réalisent  habituellement  un  type  tout 
différent  de  celui  que  nous  avons  observé.  Le  sternum, 
au  lieu  de  plonger  vers  le  rachis,  proémine  fortement  en 
avant  ;  il  forme  ce  qu'on  a  appelé  la  poitrine  en  csirène  ou 
de  poulet.  Le  thorax  rachitique,  coupé  transversalement, 
présente  l'aspect  d'une  poire  dont  la  partie  efûlée  corres- 
pondrait au  sternum.  Dans  le  thorax  en  entonnoir,  au  con- 
traire, une  section  horizontale  au  niveau  du  sommet  de  la 
dépression  donnerait  une  courbe  rappelant  assez  bien  la 
forme  d'un  rein  avec  son  hlle  profondément  excavé. 

Nous  devons  encore  signaler,  parmi  les  déformations  tho- 
raciques  à  différencier  du  thorax  en  entonnoir,  la  poitrine 
creuse  des  tailleurs  d'habits  qui  travaillent  assis  le  corps  courbé 
en  avant.  Cette  dépression  résultant  de  la  déformation  de 
la  totalité  du  thorax  est  surtout  prononcée  au-dessous  de 
l'appendice  xiphoïde. 

Les  cordonniers  présentent  également  une  déformation 
thoracique  produite  par  la  pression  de  la  forme  sur  la  poi- 
trine. Au  niveau  des  articulations  chondro-sternales  des 
sixième,  septième  et  huitième   côtes,    immédiatement  au- 


330  PÉANGB  DU  7  MAI   1801. 

deaaas  de  Tappendiee  xiphofde,  existe  chez  eux.  ane  dépres- 
sion profonde,  ciroulaire,  régulière,  nettement  cireonscrite. 
Cette  dépression  est  aooompagnée  de  ealkiiiés  qui  indiquent 
son  origine  ;  elle  n'affecte  pas  la  forme  en  entaimoir  et  n*en^ 
traîne  pas  une  déformation  des  cartilages  costaux  ^NMBins. 

On  sait  que  Y hypm^trophie  des  amygdales  est  aceompagate 
souvent  de  déformations  du  thorax  qui  ont  été  étudiées  pour 
la  première  fois  par  Dupuytren  (1838)  ;  cette  cause  ne  saurait 
être  incriminée  chez  nos  malades  dont  les  amygdales  n'étaient 
pas  hypertrophiées.  Au  reste^  les  déformations  dues  à  oe  fac- 
teur n'ont  rien  de  commun  avec  le  thorax  en  entonnoir.  C'est 
le  plus  habituellement  une  projection  en  avant  des  cartilages 
costaux  et  du  sternum,  c^est  la  poitrine  en  carône. Dans  quel* 
ques  cas  rares,  le  sternum  est  creusé  d'une  gouttière  (Balme^), 
ou  sillonné  par  une  dépression  transversale  (Lambron^. 
Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  les  déformations  consé- 
cutives  à  des  traumaiismet  (enfoncement  du  sternum  par  un 
coup  de  timon  de  voiture,  par  un  projectile,  etc.).  Dana  la 
plupart  des  fractures  du  sternum  (efforts  musculaires,  etc.), 
le  fragment  inférieur  est  porté  en  avant.  Beauchêne  a  cité 
un  cas  dans  lequel  un  sujet  réussit,  par  des  pressions  répé« 
tées  sur  le  sternum,  à  produire  la  disjonction  des  deux  pre« 
mières  pièces  et  à  déprimer  la  seconde.  Malgaigne  rapporte 
le  fait  d'un  myope^  habituellement  penché  en  avant,  chez  qui 
le  corps  du  sternum  s'incurva  en  arrière  (Servier)'. 

Différentes  hypothèses  ont  été  faites  pour  expliquer  le 
mode  de  production  du  thorax  en  entonnoir.  Plusieurs  des 

1  Balme,  De  i* hypertrophie  dês  amygdales  (Tiièse  de  Paris,  1S88). 

*  LarobroD,  De  l'hypertrophie  des  amygdales  et  de  ses  fâcheuses  consé" 
quenees  {Bulletin  de  F  Académie  de  médecine,  iSOi). 

*  Il  est  encore  une  autre  déformation  acquise  qui  présente  quelquo  ana- 
logie avec  la  poitrine  en  entonnoir  :  «  A  une  certaine  période  de  la  myopathie 
atrophique  progressive  de  Tenfance  (type  Landouzy-DeJerine),on  constate, 
dit  M.  Raymond,  une  aspei  curieuse  déformation  de  la  poitrine  en  avant: 
de  convexe  qu'elle  est  à  Tétat  normal,  la  paroi  thoracique  antérieure  de- 
vient plane,  quelquefois  même  concave  ;  le  sternum  forme  alors  4ine  sorte 
de  gouttière  dont  les  parois  latérales  sont  limitées  par  les  cartilages  cos- 
tani.  w  (Raymond,  Maladies  du  système  nerveuse,  Paris,  1S89). 


RâMADIER  et  sérieux.  *—  MAlFQRHATIOlf  PB  LA  POITRINE.   331 

cas  ayant  été  remarqués  aasûtôt  après  la  naissaDce,  Zucker* 
kaQcU  admet  comme  caase  de  la  déformatioa  la  pressioa  du 
maxillaire  inférieur  du  fœtus  sur  le  sternum,  Schiffer  (cité 
par  Flesch)  suppose  que  Texcavalion  du  thorax  est  due  à  la 
longueur  anormale  des  côtes  qui  refouleraient  en  arrière  le 
sternum.  Hagmann  fait  intervenir  la  pression  du  talon  tVit</ero, 
D'autres  invoquent  Tintervention  d'une  péricardite,  d'une 
médiastinite,  d'un  déplacement  congénital  du  cœur  à  gauche. 
Egge)  croit  que,  par  suite  des  troubles  de  la  nutrition  ou  du 
développement,  il  se  produit  une  flexibilité  anormale  du 
sternum  qui  résiste  à  sa  partie  supérieure,  soutenu  qu'il  est 
par  les  premières  côtes,  mais  qui,  en  bas,  où  les  côtes  sont 
plus  longues  et  plus  mobiles,  s^exoave  à  chaque  inspiration 
sous  rinfluence  de  la  pression  atmosphérique.  Ebstein  pense 
qu'il  s^agit  d'un  arrêt  de  développement  du  sternum  qui 
s'immobilise  en  arrière  au  lieu  de  se  développer  et  de  se 
porter  en  avant. 

Nous  serions  assez  disposés  à  admettre  cette  dernière  opi- 
nion. Celle  qui  se  contente  de  faire  intervenir  une  cause 
mécanique  ne  saurait  expliquer  le  fait  de  la  coexistence 
fréquente  avec  le  thorax  en  entonnoir  de  malformations 
d'autres  organes.  Deux  faits  incontestables  frappent  en  effet 
i  la  lecture  et  à  la  comparaison  des  diverses  observation« 
publiées  ;  c^est,  d'une  part,  cette  coexistence  du  thorax  en 
entonnoir  avec  d'autres  anomalies;  de  l'autre,  son  apparition 
chez  des  sujets  porteurs  de  tares  héréditaires  plus  ou  moins 
lourdes,  et  dont  l'état  mental  est  lui*même  rarement  in- 
demne. 

Relativement  au  premier  point,  nous  voyons  la  poitrine  en 
entonnoir  être  accompagnée  de  syndactylie  (Bbstein),  d'ab- 
sence du  cinquième  cartilage  costal  (Ëbstein),  de  plagiocé- 
pbalie,  de  syndactylie,  de  vitiligo,  de  phimosis,  d'ichthyose 
(observation  I)  ;  d'implantalion  vicieuse  des  dents,  de  voûle 
palatine  ogivale,  de  malformations  des  orteils(observation  II)  ; 
d'hydrocéphalie,  de  malformation  des  doigts,  de  surdité 
(observation  III);  de  malformation  crânienne,  de  bec-de<- 


332  8ÉAMGB  DU  7  MAI  IB9I. 

lièvre  (observation  TV)  ;  de  difformités  crâniennes,  de  stra- 
bisme, de  prognathisme,  d'implantation  vicieuse  des  dents, 
de  cryptorchidie,  de  rétrécissement  aortique  (observation  V). 
Cette  apparition,  chez  le  même  individu,  de  déviations  multi- 
ples du  développement  normal  ne  saurait  s'expliquer  que 
par  Texistence  d'une  cause  perturbatrice  dont  Taction  s'est 
fait  sentir  dans  le  cours  de  la  vie  fœtale  (développement 
congénital  de  la  malformation)  ou  dans  la  première  enfance. 
Or,  nous  savons  que,  parmi  les  plus  puissantes  des  causes  qui 
peuvent  ainsi  faire  dévier  le  développement  du  fœtus  ou  de 
Tenfant,  doivent  être  comptées  les  tares  nerveuses  ou  psycho- 
pathiques,  les  intoxications  des  ascendants;  puis,  en  seconde 
ligne,  viennent  les  maladies  du  fœtus,  ainsi  que  celles  de  la 
première  et  de  la  deuxième  enfance.  On  ne  peut  faire  que  des 
hypothèses  sur  le  mécanisme  par  lequel  les  atteintes  du  sys- 
tème nerveux  des  générateurs  retentissent  sur  le  développe- 
ment physique  et  psychique  des  descendants;  quoi  qu'il  en 
soit,  le  fait  est  indubitable^  et,  derrière  ces  malformations, 
on  retrouve  habituellement  les  tares  que  nous  venons  de 
signaler. 

Quant  aux  cas  où  le  thorax  en  entonnoir  ne  s'est  révélé  que 
plus  tard,  ils  paraissent  dus  à  l'influence  d'une  maladie  à 
localisation  cérébrale  ayant  retenti  sur  le  développement  de 
la  partie  inférieure  du  sternum  dont  les  points  d'ossifica- 
tion ne  se  montrent,  on  le  sait,  que  huit  ou  dix  mois  après 
la  naissance  et  souvent  beaucoup  plus  tard.  (Méningite  à 
deux  ans,  suivie  de  Tapparition  de  la  poitrine  en  entonnoir, 
Ebstein,  Épilepsie  survenue  à  sept  ans,  consécutivement  à 
une  maladie  infectieuse,  et  suivie  elle-même  de  déformation 
du  sternum,  Flesch). 

D'ailleurs,  Texistence  de  malformations  thoraciques  en 
général,  chez  les  dégénérés,  a  été  signalée  par  différents 
auteurs  :  Flesch  faisait  déjà  remarquer  la  fréquence  de  Tépi- 
lepsie  chez  les  individus  porteurs  de  déformations  du  thorax. 
Bianchi  (cité  par  Lombroso)  constate  ces  anomalies  chez 
61  pour  100  des  criminels.  Balme  a  rencontré  de  nombreuses 


RAMADIER  ET  SÉRIEUX.  —    IIALFORMATION  DE  lA   POITRINE.    333 

malformations  thoraciques  chez  les  arriérés  de  la  colonie 
de  Vaucluse  :  poitrines  en  carène,  luxation  en  arrière  de  la 
pointe  du  sternum,  sternum  en  gouttière,  incurvation  totale 
du  tronc  en  avant,  saillie  d^une  épaule,  etc.  Le  docteur  Ad. 
Bloch  signale  la  coexistence^  chez  les  dégénérés,  de  déforma- 
tion de  la  cage  thoracique  avec  des  malformations  crâniennes, 
des  nodosités  digitales,  de  Thyperlrophie  cardiaque  S  etc. 
M.  Giraudeau  *,  dans  une  étude  sur  les  rapports  du  rétrécis- 
sement mitral  congénital  et  de  Thystérie,  note,  en  outre, 
chez  ses  malades,  un  arrêt  de  développement  de  la  taille, 
une  malformation  du  sternum,  un  défaut  de  développement  du 
système  pileux.  Cette  coexistence  avec  la  névrose  convulsive 
de  ces  anomalies  diverses  ne  peut  relever  que  d'une  influence 
dégénérative. 

Pour  ce  qui  est  de  Tétat  mental,  on  constate  aussi,  comme 
nous  le  disions  tout  à  Theure,  que  les  individus  porteurs  de 
la  poitrine  en  entonnoir  sont  souvent  aussi  mal  conformés 
au  point  de  vue  cérébral  qu^au  point  de  vue  de  leur  système 
osseux.  Ce  sont,  pour  la  plupart,  des  dégénérés  délirants  ou 
non,  des  débiles,  des  imbéciles,  des  idiots,  des  épileptiques. 
«  Chez  certaines  familles,  dit  Ëichhorst,  le  thorax  en  enton- 
noir est  héréditaire,  et,  dans  ces  cas,  on  a  remarqué,  à  di- 
verses reprises,  que  les  autres  membres  de  ces  familles  et 
même  les  individus  atteints  de  cette  anomalie  présentaient 
des  affections  psychiques,  de  Tépilepsie  ou  d'autres  diffor- 
mités » .  L'auteur  donne  la  photographie  d'un  garçon  de 
douze  ans,  observé  à  la  clinique  de  Zurich,  porteur  d'un 
thorax  infundibuliforme  et  qui,  issu  d'une  famille  où  les  né- 
vroses étaient  héréditaires,  était  lui-même  microcéphale  et 
idiot.  Klemperer  attache  également  une  grande  importance 
aux  anomalies  du  système  nerveux  central.  Deux  de  ses  ma- 
lades, âgés,  l'un  de  dix-neuf  ans,  et  l'autre  de  vingt-trois  ans, 

1  Â.  Bloch, /a  Forme  des  doigts  et  les  Nudosilés  de  Bouchard  {Association 
française  pour  l'avancement  des  sciences,  14  août  1889). 

>  Rétrécissement  mitral  et  Hystérie  chez  l'homme  {Archives  générales  de 
médecine,  novembre  1890). 

T.  II  (4«  sérib).  %1 


334  SÉANCE  DU  7  MAI  1891. 

sont  ëdus  te  tfbu|p  d'titie  hérédité  psychbpathiqtie  t^rofbttdâ^ 
nlbis  jôùitÂteilt  cepëhdant  dé  l'intégrité  dé  leurs  facultés 
iiliellt3cluelles.  Plusieurs  de  leurs  patents  pt^séntaieni  iine 
malformation  identique  à  lé  léûi^;  Le  iboîslêmé  thàliadë,  i^hét 
lequel  IWotndlie  eët  à  soh  hiAkittlttâi,  éét  M  aliékid  épUé))^ 
tiqUëi 

En  ï*ésumé ,  la  coëXistébéë  chei  les  sDjéU  ^bftëtlH  d\x 
thorax  en  entonnoir  d'autres  malformations,  leui^étatmental, 
leurs  antécédents  héréditaires  psychopAthiqued  sont  autant 
de  i^isotls  qui  nous  conduisent  à  ne  voir  dans  la  poitriile  en 
entonnoir  qu'iin  des  nombreux  stigmates  phystqùeé  de  la 
dé^nérescence,  qu'une  anomalie  de  développeUdëhl  ëtt  mp* 
port  avec  l'hérédité  morbide.  En  admettant  Une  influeUce 
héréditaire  dans  la  genèse  de  cette  déviation  dU  sqUëlëtte^ 
nous  ne  voulons  pas  affirmer  qu'elle  soit  toujours  le  résultat 
d'une  transmission  héréditaire  similaire,  bien  (}tte,  ikOtts 
l'avons  vu  plus  haut^  Klemperer  et  Eichhorst  en  aient  tité 
des  cas.  Nous  entendons  l'hérédité  dans  son  acception  la 
plus  iat^',  nous  parlons,  non  pas  de  celle  qui  se  borne  à 
transmettre  intacte  telle  ou  telle  particularité  d'Une  génô*^ 
ration  à  l'autre,  mais  de  cette  hérédité  morbide  qâf,  de^ 
venue  modificatrice  et  créatrice,  intervient  pour  eoilftlituet* 
de  toutes  pièces  les  états  dégénératifs,  les  déviations  du  type 
normal  de  l'espèce. 

Discussion. 

M.  CXPitAN  fAit  observer  qu'il  lui  semble  que  ce  tt*est  )^ 
là  une  attomalie  iaussi  rare  que  le  dit  lé  présëntAteUr*  It  sis 
souvietkt  d'en  avoir  observé  plusieurs  casi  Datts  un  de  ees 
cas,  entre  autres,  le  sujet  ne  présentait  aucun  trouble  )^y* 
chique. 

M.  Variot  dit  aussi  avoir  vu  des  faits  aUalogUes.  Il  peéfté 
qu'il  s'agit  plutôt  là  d'une  déformation  d'origine  rachitique. 
Il  peut  exister  des  déformations  rachitiques  isolées  ;  c'est 
ainsi  que  chez  les  enfants,  on  peut  observer  exclusivenlent 
des  déformations  rachitiques  des  côtes. 


YAUVILLÉ.  —  ATELIER  QUATERNAIRE  DE  TAILLE   DE  GRÈS.     33S 

M.  Lagnbau.  La  poitrine  en  entonnoir,  le  Trichterbrust^  dont 
ce  moulage  et  ces  photographies  nous  représentent  des  exem* 
pies  remarquahlement  prononcés,  sans  être  nne  malformation 
fréquente,  ainsi  que  Tobscrvcnt  nos  collègues  M.  Capitan  et 
M.  Yariot,  ne  parait  pas  extrêmement  rare.  Dans  un  manus« 
crit  adressé  à  TAcadémie  par  M.  le  médecin  major  Aubert, 
sur  la  géographie  médicale  du  département  de  TAin,  plu<» 
sieurs  cas  de  cette  malformation  étaient  signalés  chez  des 
jeunes  gens  examinés  lors  des  opérations  du  recrutement 
militaire  dans  ce  déparlement  {Bulletin  de  l'Académie  de 
médecine^  14  février  1888,  p.  224). 


Atelier  4a«tern«lro  de  taille  de  grès  4e  Preale«*et*Sevee» 
eanton  de  Brnisne»  arrondissement  de  Soissons  (A.isne); 


PAR   M.    0.    VAUVILLB. 


Dans  la  séance  du  15  mai  1890,  j*ai  eu  l'honneur  de  vous 
présenter  des  objets  recueillis  par  moi  à  Tendroit  d'un  vaste 
atelier  de  grès  qui  se  trouve  sur  la  montagne  et  la  com- 
mune de  Ghivres  ^  (Aisne),  à  l'altitude  de  155  à  158  mètres. 

Cette  année,  ayant  continué  mes  recherches  sur  les  ate- 
liers préhistoriques  de  grès,  j'ai  pu,  en  avril  dernier,  décou- 
vrir un  nouvel  atelier,  de  même  roche,  sur  la  montagne  et 
le  territoire  de  Presles-et-Boves,  canton  de  Braisne. 

Situation.  —  En  arrivant  sur  la  montagne  de  Présles-et- 
Boves,  du  côté  du  territoire  de  Ghassemy,  Tendroit  où  Ton 
commence  à  remarquer  des  éclats  de  grès  se  trouve  à  en- 
viron 200  mètres  à  Test  du  Bois  de  la  Voie  ',  les  mêmes 
éclats  se  continuent  dans  la  direction  du  nord-est,  dans  le 
sens  de  la  longueur,  en  suivant  presque  le  chemin  de  tra- 
verse de  Ghassemy  à  Presles,  ou  à  peu  près  en  allant  vers  la 
direction  des  peupliers  indiqués  sur  la  carte  du  ministère 

1  Bullelins  de  la  Société  d'anthropologie,  1890,  p.  «02. 

*  Probablement  bois  se  trouvant  sur  la  voie  du  ohemin  de  ChaMcmy. 


336  SÉANCE  DU  7   MAI   1891. 

de  la  guerre  S  près  la  cote  à  i69  mètres  d^altitude.  Le  sens 
de  la  largeur  s*étend  au  nord  et  au  sud  du  chemin  dont  il 
vient  d*ètre  question. 

Superficie  et  altitude  du  sol  où  l'on  rencontre  le  plus  de  grès* 
—  L*endroit  où  l'on  trouve  beaucoup  d'éclats  et  même  des 
instruments  en  grès  doit  comprendre  une  superficie  d'au 
moins  6  à  8  hectares.  Une  grande  pièce  de  terre  ensemencée 
en  seigle  m'a  empêché  de  pouvoir  fixer  approximativement 
la  surface  où  ces  débris  sont  fréquents. 

L'altitude  du  sol  peut  varier,  d'après  la  pente  dn  terrain, 
de  153  à  158  mètres. 

Nature  du  grès.  —  Le  grès  qui  a  été  employé  provient, 
en  général,  de  plaquettes  qui  variaient  de  1  à  5  centimètres 
d'épaisseur;  il  est  fortement  lustré,  quartzeux  et  à  ciment 
siliceux. 

D'après  M.  Stanislas  Meunier,  ce  grès  renferme  des  fos- 
siles du  genre  Psammobia,  ressemblant  beaucoup  aux  co- 
quilles des  grès  moyens  de  Beauchamp,  à  l'étage  duquel  ils 
paraissent  se  rapporter. 

Ce  grès  paraît  être  du  genre  d'un  grand  nombre  de  pièces, 
de  même  roche,  dites  cheiléennes,  que  l'on  trouve  dans  les 
gisements  quaternaires  des  vallées  de  la  Vesle  et  de  la  ri- 
vière d'Aisne. 

Industrie,  —  Les  trente-deux  pièces  que  voici  provenant 
de  Presles-et-Boves,  comprennent  : 

l''  Quatre  percuteurs.  Ces  instruments  sont  bien  différents 
de  ceux  qui  ont  été  généralement  employés  à  l'époque  néo- 
lithique ;  ceux-ci  n'ont  servi  à  frapper  que  d'un  côté  ;  au 
contraire,  à  l'époque  de  la  pierre  polie,  cet  instrument  ser- 
vait presque  toujours  sur  tous  les  sens.  La  même  particula- 
rité se  remarque  aussi  sur  le  seul  percuteur  que  j'aie  re- 
cueilli en  ISUO,  sur  Tatelier  de  Ghivres  ; 

2*  Deux  nucleus  ; 

3**  Des  éclats  très  caractéristiques  de  taille,  dont  quelques- 
Carte  au  quatre-viogt-millième. 


VAUVILLÉ.  —   ATEUER  QUATERNAIRE  DE  TAILLE   DE  GRÈS.    337 

uns  très  minces  provenant  de  plaquettes  qui,  en  raison  de 
leur  faible  épaisseur,  exigeaient  un  soin  particulier,  pour  la 
taille,  afin  d'obtenir  un  instrument  aussi  fort  que  possible 
avec  une  plaque  aussi  faible  ; 

4®  Des  fragments  de  lames  très  minces  ; 

5®  Un  retouchoir  ; 

6®  Enfin  deux  pièces  triangulaires  imitant  la  scie. 

Les  deux  derniers  instruments  se  rapportent  à  une  forme 
qui  est  assez  commune  dans  les  gisements  quaternaires  de 
la  vallée  de  l'Aisne^  ils  sont  même  communs  à  Cœuvres.  J*ai 
aussi  recueilli  une  pièce  du  même  genre  à  Tatelier  de  Gbivres. 

Voici,  pour  les  comparer,  quelques  pièces  provenant  des 
gisements  [quaternaires  de  Limé,  1;  de  Giry,  !2;  de  Cœu- 
vres, 4,  et  celle  de  Gbivres. 

En  plus  des  trente-deux  pièces  dont  il  vient  d*ètre  ques- 
tion^ j'ai  remarqué  cinq  grossières  pièces  imitant  des  ébau- 
ches d'instruments  cbelléens. 

Mode  de  taille.  —  L'emploi  de  grès  en  plaquette  avait  le 
grand  avantage  de  rendre  la  fabrication  beaucoup  plus  sim- 
ple et  plus  facile  que  dans  les  ateliers  où  Ton  se  servait  de 
roches  plus  épaisses,  comme  à  Gbivres  par  exemple. 

A  Presles,  il  suffisait  souvent  d'éclater,  de  chaque  côté 
de  la  plaquette,  certaines  parties  pour  donner  la  forme  dé* 
sirée  à  Tinstrument  que  Ion  voulait  faire. 

Cet  avantage  a  été  recherché  pour  d'autres  ateliers  comme 
j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  démontrer  dans  la  séance  du 
5  février  dernier,  au  sujet  de  pièces  chelléennes  du  gisement 
de  Mont-Notre-Dame  \  outils  qui  bien  certainement  sont 
venus  d'un  autre  atelier,  et  même  d'un  autre  versant  de 
montagne  que  ceux  de  Presles,  où  le  silex  d'eau  douce  en 
plaquette  était  employé. 

Origine  de  l'atelier.  —  Comme  on  le  voit,  les  pièces  re- 
cueillies, à  elles  seules,  ne  permettent  pas  de  dater  Tatelier 
de  Presles. 

■  Voir  Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie,  i%9\^  p.  79. 


338  SÉANCE  DU   7    MAI  i891. 

Des  déblais  faits  pour  exploiter  une  carrière  de  moellons, 
située  un  peu  au  sud  du  chemin  de  Cbassemy  à  Presles,  me 
permirent  de  constater  que  le  limon  rouge,  déposé  aa*d«ssiis 
des  couches  superposées  de  marne  et  de  oaloaire  groasiar, 
contient  dans  toute  Tépaisseur  du  limon,  variant  de  60  à 
80  centimètres,  des  éclats  et  des  fragments  de  plaquettes 
de  grès  du  même  genre  que  ceux  que  i'on  trouve  sur  la  sur- 
face du  sol. 

Cette  constatation  permet  même  de  croire  que  les  éclati, 
ou  débris  de  fabrication,  ont  été  déposés  dans  le  limon»  lors* 
que  les  eaux  étaient  à  ce  niveau^  ou  lorsqu'elles  se  seraient 
retirées  pour  revenir  ensuite. 

Les  éclats  de  grès  proviennent  donc  de  roches  qui  ont  été 
taillées  soit  sur  place,  après  divers  retraits  successifs  des 
eaux,  soit  à  un  niveau  un  peu  supérieur  ;  dans  ce  dernier 
cas,  les  eaux  auraient  roulé,  un  peu  au-dessous  du  niveau 
de  l'atelier,  les  éclats  elles  instruments  que  Ton  rencontre. 

Cette  dernière  hypothèse  n'a  rien  d'étonnant,  car  on  trouve 
aussi  dans  la  partie  plus  élevée  du  plateau  (altitude  165  à 
1G8  mètres)  des  fragments  de  grès  du  môme  genre. 

Conclusions,  —  Il  est  donc  permis  de  conclure  que  l'atelier 
de  Preslcs-et-Boves  est  bien  un  atelier  de  l'époque  quater- 
naire. 

La  nouvelle  découverte  de  Presles-et-Boves  vient  |corro- 
borer  la  constatation  que  j'ai  démontrée  dans  ma  notice 
sur  mes  découvertes  du  gisement  quaternaire  de  Cœuvres 
(Aisne),  présentée  au  Congrès  international  d'anthropologie 
et  d'archéologie  préhistorique  de  Paris,  de  1889. 

Les  résultats  de  mes  recherches  m'ont  fait  voir  que  le  gi- 
sement de  Cœuvres  n'a  pu  se  produire  que  lorsque  les  eaux 
étaient  au-dessus  de  l'altitude  de  141  mètres.  La  constata- 
tion de  Presles-et-Boves  indique  que  les  eaux  se  sont  élevées 
au-dessus  de  153  mètres. 

Si  on  examine  ce  que  donne  une  courbe  de  niveau  à  Tal- 
titude  de  140  mètres,  sur  toute  la  partie  de  montagne  qui 
comprend  le  plateau  de  Presles-et-Boves,  on  voit  qu'à  ce 


QAVDIDATURES.  339 

niveau  il  n'émergeait  plus  qu'une  tle  tpài  irpégulière  d'envi- 
ron 30  à  32  kilomètres,  allant  depuis  la  montagne  de  Cbas- 
lamy  jusque  tout  près  du  fort  de  Saint-Tierry  ou  à  Cbenay, 
i^  environ  7  kilomètres  de  Reims.  La  largeur  de  pette  i)e 
était  très  irréguiière,  elle  variait  de  400  à  2000  mètres. 

Que  restait-il  de  terre  émergente  lorsque  les  eaux  étaient 
à  153  mètres  d*altitude,  si  ce  n'est  plus? 

Des  hommes  de  celle  époque  furent  donc  contraints  de 
se  réfugier  sur  cette  île,  leurs  instruments  purent  se  perdre 
ou  rouler  sur  les  deux  versants  de  la  montagne  actuelle,  soit 
dans  la  direction]  de  la  vallée  de  la  Vesle,  vers  le  sud,  soit 
sur  celle  de  la  rivière  d* Aisne,  vers  le  nord,  pour  aller  avec 
d'autres  instruments  abandonnés  à  des  niveaux  inférieurs, 
après  avoir  été  plus  ou  moins  roulés  par  les  eaux,  se  déposer 

» 

dans  les  fonds  de  ces  vallées  où  on  les  trouve  maintenant 
dans  les  exploitations  ou  carrières  de  silex  ou  grèves  des 
dépôts  quaternaires. 

Dans  une  prochaine  présentation  de  gisements  quater- 
naires de  TAisne,  je  pense  revenir  sur  ce  sujet  et  vous  dé- 
montrer que  le  gisement  de  Mont-Notre-Dame  et  autres 
ont  été  déposés,  lorsque  les  eaux  étaient  à  la  même  altitude 
que  celles  de  l'époque  de  formation  du  gisement  de  Cœu- 
vres,  et  de  celles  qui  ont  recouvert  successivement  ou  roulé 
les  grès  de  Presles-et-Boves. 

Discunfion, 

M.  Adrien  de  Mortillet  fait  remarquer  l'importance  que 
présentent  ces  trouvailles.  Les  ateliers  de  grès  sont  fort 
rares  et  peu  connus  ;  il  y  a  donc  grand  intérêt  à  les  signaler 
et  à  les  bien  étudier. 

CANDIDATURES. 

M.  le  docteur  Bérbngbr-Féraud,  directeur  du  service  de 
santé  de  la  marine,  présenté  par  MM.  Laborde,  Letourneau 
et  Capitan. 


340  SÉANCE  DU  21  MAI  1891. 

M.  E.  Roux,  capitaine  d'infanterie  de  marine,  présenté  par 
MM.  Laborde,  Letourneau  et  Manouvrier. 
MM.  les  docteurs  Ramadier  et  Sérieux,  médecins  adjoints 

des  asiles  de  la  Seine,  demandent  le  titre  de  membre  cor- 
respondant. 

Recherches  anthropomélriqaes  mnw  la  eroIsMUiee  ; 

PAR   M.    GARLIBR,    HKDECm-HAJOR. 

Ce  travail,  communiqué  par  M.  Letourneau,  est  renvoyé 
aux  Mémoires  de  la  Société, 
La  séance  esl  levée  à  six  heures. 

L'un  des  secrétaires  :  CAPITAN. 


538«  SËANCe.  -  Si  mai  1891. 

Préflldonee  de  M.  IjABORRE^  présldenl* 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  L'envoi  des  épreuves  du  cata- 
logue à  nos  collègues  de  France  et  de  l'étranger  a  continué 
à  produire  les  meilleurs  fruits  et  à  enrichir  noire  biblio- 
thèque. Par  suite  de  cet  envoi,  j'ai  Thonneur  de  présenter  à 
la  Société,  au  nom  de  MM. 

John  Evans SI  publioatioDS* 

DeJouvencel 16  — 

Landrin 3  — 

De  Loë 10  -- 

John  Lubbock 1  — 

Luschan 14  — 

Maniegazza 9  — 

De  Maricourt 1 

Mauricet 21  — 

Morselli 9  — 

De  Munck 29  — 


OUVRAGES  OFFERTS.  341 

Nicaise 6  publications. 

OUier  de  Marichard 6  — 

PigoriDi 21  — 

Pilloy 5  — 

De  Quatrefages 6  — 

Rames 1  — 

G.  de  Saporta %t  — 

Valdemar  Schmidt 3  — 

Sébillot 15  — 

Total 230  publioations. 


Plus  un  volume  du  docteur  Pommerol,  contenant  dix-neuf 
brochures. 

Prestwich  (Joseph).  On  the  Age,  Formation,  and  Successive 
Dfitt-Stages  ofihe  Valley  of  the  Darent.  Londres,  1891,  in-8*, 
40  pages  et  planches. 

Larrieu  (D'  F.).  Un  essai  de  calendrier  républicain  en  langue 
basque.  In-8**,  9  pages. 

Peillon  (D'  Gabriel).  Étude  historique  sur  les  organes  géni- 
taux  de  la  femme.  Paris,  1891 ,  grand  in-8®,  200  pages^  avec 
figures. 

MoRENO  (F.-P.).  Esploracion  arqueologica  de  la  provincia  de 
Catamarca,  La  Plata,  1891,  in-8%  30  pages  et  planches. 

Poirier  P').  Topographie  cranio-encéphalique;  Trépana* 
t^ons.  Paris,  1891,  in -S*",  92  pages  et  dgures,  présenté  par 
M.  Manouvrier. 

Beveridge  (H.).  Annual  Address  to  the  Asiatic  Society  of 
Bengale.  Calcutta,  i891,  52  pages. 

'    Evans  (John).   Address  of  the  Society  of  Antiquaries  of 
London.  Londres,  i89l,  in  8^*;  20  pages. 

Lob  (A.  de).  Rapport  snr  le  Congrès  archéologique  de  France , 
à  Brives,  1890.  Bruxelles,  1891,  in-8%  8  pages. 

Mauriget  (Alphonse).  De  l^Usementde  Rohan,  <e5  35  articles 
et  leur  traduction  en  vers  latins.  Vannes,  1891 ,  in-8®,  16  pages. 

MoRSELLi  (E.).  Mesologia  e  Socwlogia,  1891,  in-8®,  10  pages. 

PiGORiNi  (L.).  Le  prime  Città  delV  Italia  e  i  suo  t  abttatori. 
Rome,  1891,  in-8'*,  18  pages.  —  L'Italia  settentrionale  e  cen- 
trale nelV  Eta  delbronzOf  1891,  in-8^,  4  pages. 


34i  SÉANCB  DU  ai    MAI  i891. 

ScHLiEMANN  (D*).  Les  Dernières  Fouilles  d'Hissarlik  (Troie). 
Bruxelles,  1891 ,  m-8%  22  pages. 

Sébillot.  Autobibliographie  des  livre^^  tir(ltge%  i  part  et 
articles  relatifs  aux  traditions  populaires.  Paris,  1891,  in-8*, 
16  pages. 

M.  Manouvrier  offre  à  la  Société,  da  U  part  de  Tautenr, 
un  important  mémoire  de  M.  le  docteur  Poirier,  chef  des 
travaux  anatomiques  à  la  Faculté  de  médecine,  sur  la  topo- 
graphie crânio-encéphalique. 

PÉRIODIQUES. 

Actes  du  deuxième  Congrès  d'anthropologie  orimVHlk  éf 
Paris,  1889.  Lyon,  1890,  grand  in-8%  UQ  pftgei,  préswté 
par  M.  Magitot. 

Revue  de  l'hypnotUme  (mai  1891).  D*^  Pftnl  Sepiei|x  ;  NoU 
sur  un  cas  d*automatisaie  des  centres  génitftvix-apiaam^. 

Revue  scientifique  (9  et  16  mai  1891).  Xavier  de  Ricard  ;  lei 
Hollandais  dans  Tarchipcl  Indien.  —  Azam  :  les  Déftéqui* 
libres. 

Société  d'acclimatation  de  France  {Revue  des  sciences  natu^ 
relies  appliquées,  20  mai  1891).  G.  d'Orçet  ;  le  Cheval  à  travers 
les  âges  (suite). 

The  American  Naluralist  (mars  1891,  n°  291).  Henry  F^r» 
field  Osborn  :  Are  Acquired  Yarialions  Inberited? 

Société  d'anthropologie  de  Lyon  {Rulletin,  1890,  n*»  2),  G,  de 
Hortillat  ;  las  Inondations  et  le  Glaciaire.  —  Chantre  ;  Pre- 
miers Aperçus  sur  les  peuples  de  l'Arménie  russe.  —  A.  Bri' 
hat  :  Contribution  à  Tétude  des  temps  préhistoriques  de 
TAuvergne.  —  B.  Charvet  ;  Becbercbes  sur  deux  freins  de 
ohevaux  trouvés  à  Athènes.  —  Bidault  :  Note  sur  les  ohjets 
en  bronze  et  en  fer.  —  Cb.  Debierre  ;  Uelations  de  U  capa- 
cité crânienne,  du  poids  et  du  volume  du  cerveau  chez 
l'homme.  -*  A.  Perrin  ;  Station  da  Tâge  da  la  pierre  polie. 


VAUVIIXÉ.  —  INSTRUMENTS  BB  PIERRE.  M 

COUMUAIICATIONS  PU  BURGAU, 

M.  LB  PRiisiDBNT  annoooe  que  la  neuvièma  oonféranoe  an* 
nuelle  transformiste  aura  lieu  le  jeudi  28  mai.  La  eonféren* 
oier,  M.  Fauvelle,  traitera  du  transformisme  dans  le  règne 
végétal. 

CANDIDATURES. 

M.  le  docteur  Carlier,  médecin-major,  demande  le  titre 
de  membre  titulaire.  Présentateurs  :  MM.  Laborde,  Letour- 
neau,  Collignon,  Capitan. 

A  propos  du  procès-yerbal. 

M.  Capitan  dit  qu'il  vient  d'observer  sur  une  dame  une 
malformation  du  sternum  (thorax  en  entonnoir)  des  plus 
caractéristiques.  Cette  dame  est  sourde,  mais  sa  surdité 
n'est  pas  congénitale.  Elle  a  assc?  bonne  santé  ;  cependant, 
elle  est  dyspeptique  et  a  eu  de  la  dilatation  gastriquei  Ella 
n'éprouve  aucune  gène  de  son  anomalie,  La  dernière  pièce 
du  sternum  semblant  subluxée  en  arrière  sur  la  pièce 
moyenne  s'enfonce  brusquement,  et,  entraînant  avec  elle 
les  fausses  côtes,  produit  un  enfoncement  de  4  à  5  centi- 
mètres de  profondeur  sur  une  largeur  moyenne  de  5  à6  cen" 
timètres.  Les  bords,  en  baut  et  sur  les  côtés,  sont  presque  h 
pic,  tandis  qu'en  bas,  ils  sont  obliques,  et  le  fond  de  Texca- 
vation  gagne  insensiblement  la  surface  de  la  région  épigas- 
trique.  C'est  là  un  très  bel  exemple  do  la  malformation  dont 
M.  Sérieux  a  montré  un  remarquable  moulage  dans  la  der- 
nière séance. 

PRÉSENTATIONS. 

Instruments  variés  provenant  des  gisements  quaternaire^ 
de  Mont -Notre-Dame,  Limé  et  Glry  (Aisne); 

PAR   M.    0.    VAUVILLfi. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société  cinquante-trois 
pièces,  en  grès  et  en  silex  d'eau  douce  on  marin,  provenant 


344  SÉANCE  DU  31    MAI   1801. 

de  divers  gisements  quaternaires  du  département  de  TAisne. 

1®  Mont'Noire-Dame.  —  Ce  gisement,  dont  je  vous  ai  entre- 
tenus dans  la  séance  du  5  février  dernier  \  est  situé  au  lieu- 
dit  les  HauteS'Bruyhes,  à  Taltitude  d'environ  80  mètres; 
il  se  trouve  dans  des  conditions  tout  à  fait  différentes  d'alti- 
tude,  et  sous  le  rapport  de  la  provenance  des  matériaux  et 
des  instruments  déposés,  il  difTère  des  autres  dépôts  dont 
il  va  être  question. 

Le  gisement  de  Mont-Notre-Dame,  variant  de  60  centi- 
mètres à  {  mètre  d'épaisseur,  fournit,  dans  ses  diverses  pro- 
fondeurs, des  instruments  variés  du  genre  de  ceux-ci  : 

Pièces  dites  chelléennes,  en  silex,  de  80  à  i  85  millimètres 
de  longueur,  trouvées  de  30  centimètres  à  1  mètre  de  pro- 
fondeur. 

Instruments  en  grès  en  forme  de  disque,  de  60  à  420  mil- 
limètres de  diamètre. 

Fragment  de  percuteur  en  grès. 

Grossier  racloir  en  grès. 

Beau  racloir*  de  83  millimètres  de  longueur,  trouvé  à 
60  centimètres  de  profondeur. 

Grattoir  convexe  de  85  millimètres  de  longueur  sur  70  mil- 
limètres de  largeur,  avec  belles  retouches,  provenant  de 
50  centimètres  de  profondeur. 

Belle  pièce  plate,  de  forme  trapézoïde,  de  140  millimètres 
de  longueur,  15  millimètres  de  largeur  d'un  bout  et  80  mil- 
limètres de  l'autre  bout,  retouchée  régulièrement  de  chaque 
côté.  Cette  pièce,  qui  imite  bien  une  scie,  a  été  trouvée  à 
30  centimètres  de  profondeur,  au  même  niveau  que  la  plus 
grosse  pièce  chelléenne. 

Lame  de  75  millimètres  de  longueur,  retouchée  flnement. 

Fragment  de  très  belle  lame  en  grès,  de  82  millimètres  de 
longueur,  ayant  été  retouchée  régulièrement  des  deux  côtés. 

Toutes  ces  pièces  variées  ont  été  certainement  trouvées 

1  Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  vol.  II,  4«  série,  1891, 
p.  79. 
*  Les  instruments  dont  la  roche  n*est  pas  indiquée  sont  en  silex. 


YAUVILli.  —  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  345 

telles  qu'elles  ont  été  laissées  par  les  eaux  dans  un  dépôt 
qui  n*a  pas  subi  de  remaniement,  chose  rendue  impossible 
par  la  résistance  d'une  couche  de  poudingue  ferrugineux 
formé  dans  la  couche  quaternaire. 

2''  Limé,  —  Ce  gisement,  qui  varie  d'une  épaisseur  de 
2  mètres  à  S"^,30,  non  compris  les  terres  déposées  au-dessus 
de  la  couche  quaternaire,  se  trouve  au  lieudit  le  Long' 
Bochel,  à  Taltitude  de  53  mètres  à  56  mètres  ^  Ce  dépôt 
fournit,  mélangés  dans  ses  diverses  parties,  des  instruments 
variés  du  genre  de  ceux-ci  : 

Grosses  et  petites  pièces  dites  chelléennesy  en  grès  et  en 
silex  d'eau  douce. 

Lames  variées  en  grès  et  en  silex. 

Belle  lame  en  grès  de  1 53  millimètres  de  longueur,  retou- 
chée d'un  côté,  et  ayant,  de  l'autre  côté,  un  grattoir  concave 
de  30  millimètres  de  corde  d'arc. 

Pièce  de  forme  bizarre,  de  80  millimètres  de  longueur  et  de 
62  millimètres  de  largeur  de  base,  retouchée  régulièrement 
des  deux  côtés.  L'un  des  côtés  est  de  forme  concave,  l'autre 
est  convexe  ;  cette  pièce  se  termine,  du  bout  opposé  à  la  base, 
en  forme  de  bec  de  perroquet  imitant  un  perçoir. 

Hacloir  de  50  millimètres  de  longueur  sur  26  millimètres 
de  largeur. 

Belle  lame  en  silex  de  155  millimètres  de  longueur,  de 
forme  convexe  d'un  côté,  avec  retouches  qui  font  ressem- 
bler cette  partie  à  un  racloir;  Tautre  côté,  qui  est  concave, 
porte  un  beau  grattoir  concave  de  32  millimètres  de  corde 
d'arc. 

Lame  de  90  millimètres  de  longueur  sur  65  millimètres  de 
largeur  et  U  millimètres  d'épaisseur,  ayant  un  beau  grat- 
toir concave  de  chaque  côté,  l'un  de  30  millimètres  et  l'autre 
de  35  millimètres  de  corde  d'arc. 

Grattoir  convexe  de  80  millimètres  de  longueur  sur67  mil- 
limètres de  largeur  de  partie  retouchée. 

1  B%Mel%ns  d?  la  Société  d^anihropologie  de  Paris,  vol.  II,  4«  série,  1891, 
p.  79. 


046  SÉÂNCIS  W  ti   MAI   iSQl. 

Deux  belleé  kmes  en  Bilex  très  trati8pareot|  retoDchées 
nnement  en  forme  de  scie» 

Deux  pièces  en  forme  de  pointe  finement  retonchées  ;  l'one 
paraît  former  racloir  d'un  côté  el  scie  de  l'antre  ;  Tautre  pièce 
ressemble  h  une  scie  double» 

Une  ][^olnte  en  grès  de  80  millimètres  de  iongnenr  8ur 
42  millimètres  de  largeur  à  la  base. 

Belle  pointe  de  120  millimètres  de  longueur^  60  millimè- 
tres de  largeur  à  la  base,  grossièrement  et  régulièrement 
retouchée  de  chaque  côté. 

Pointe  de  78  millimètres  de  longueur  et  50  millimètres  de 
largeur  à  la  base,  finement  retouchée  sur  les  côtés.  Cette 
pièce  est  du  genre  de  celles  de  Tépoque  dite  moMtérienne  de 
la  Vallée  de  la  VéEère. 

Pointe  de  85  millimètres  de  longueur  et  de  S5  millimètres 
de  largeur  à  la  base.  Cette  pièce>  qui  est  asses  bien  retouchée, 
portC)  au-Mdessus  de  la  base,  une  coche  paraissant  avoir  été 
Ikite  pour  ligaturer  la  pièce  sur  un  manohe« 

Enfin,  un  instrument  de  70  millimètres  de  longueur^  imi* 
tant  une  pointe.  Cette  pièce,  retouchée  sur  les  deux  bords» 
sauf  la  pointe  qui  est  restée  brute,  peut  être  prise  pour  une 
scie  double. 

Quelques  pièces  du  gisement  de  Limé,  qui  ont  été  fortement 
roulées  par  les  eaux,  paraissent  avoir  été  amenées  de  loin. 

3«  CtVy.  —  Le  territoire  de  cette  commune  comprend  un 
certain  nombre  de  carrières  où  on  extrait  du  silex  pour  les 
chemins  vicinaux,  et  une  ballastière  importante  de  la  Compa- 
gnie du  chemin  de  fer  de  l'Est,  exploitée  sur  plus  de  400  ma* 
1res  de  longueur.  Toutes  ces  exploitations  permettent  de 
découvrir,  dans  la  couche  quaternaire  qui  varie  de  i",50  à 
^"",30  d'épaisseur  de  dépôt  enlevé,  des  instruments  variési 
mélangés  entre  eux  du  genre  de  ceux-ci  : 

Six  grosses  pièces  dites  chelléennes^  dont  quatre  en  grès  el 
deux  en  silex. 

Un  instrument  en  grès  en  forme  de  disque,  de  10  centi- 
mètres de  diamètre  sur  22  millimètres  d'épaisseur. 


VAU VILLE.  —  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  347 

Deux  racloiirs  doubles  de  68  millimètres  et  70  millimètres 
de  ionjgaeut*;  Tun  eki  silex  ttoir  et  Taullre  en  grèsi 

ïrois  pièces,  dotit  une  en  grès^  imitant  la  soie^ 

Une  belle  pointe  en  grès  de  165  millimètres  de  longueur» 
65  ittillimètres  de  largeur  au  milieu  et  17  miilimèires  d'é- 
paisseUii^  daiks  la  partie  U  {>lus  épaisse. 

Ott^  llrèê  belle  pointe  en  grès  de  60  millimètres  de  ion- 
guôtif)  3l  millimètres  de  largeur  et  10  millimètk*e8  d'épai8«> 
sëiif  à  la  base. 

Uhé  t^intiB  de  56  millimètres  de  longueur^  retouchée  suf 
les  bo)*dSk 

Enfin  une  belle  pointe  de  72  millimètréà  de  longueur  sur 
f9  millimètres  de  largeur  à  la  base  ;  cette  pièce  est  bien  re- 
touchée sur  les  bords,  comme  celles  dites  monstériennes. 

Les  dépôts  iur  Glry,  qui  sont  à  l'altitude  d'environ  53  mè- 
Ires  à  5â  mètres,  ont  été  formés  très  régulièrement,  sur  plus 
de  2  kilomètres  de  liargeur  de  la  vallée^  près  du  cohfluent  de 
la  Vesle  et  de  TÀlsnev 

On  voit  très  bien,  dans  les  couches  régulièrement  dépo- 
sées, qull  n'est  pas  admissible  qu'il  y  ait  eU  de  remaniement 
produit  par  les  eauXi 

Faune.  —  La  faune  de  ces  gisements,  qui  fournissent  Hsset 
rarement  des  débris  paléontologiques,  est  représentée  par  : 

Eiephas  anilquus^^  elephas  prîmigenius,  rhinocéros  Merckii 
OU  hemitœchus,  cheval,  bœuf. 

Conclusions^  —  Si  on  examine  avec  soin  Tensemble  des 
ptèôiès  qrii^  je  vous  at  présentées^  dans  lesquelles  je  n'ai  mié^ 
comm^  spécimens,  que  quelques  pièces  dites  cAelléennes^  qui 
sont  nombreuses  dans  les  dépôts  dont  il  a  été  question,  on 
peut  remarquer  que  : 

i^  L'industrie  de  ces  gisements  comprend  biett  tes  gros 
instruments  dits  chelléens  ; 

â""  A  l'époque  des  gros  instruments  chelléens  on  se  servait 

*  Association  française  pour  l'avancement  des  sciences,  9«  session, 
Éeims,  1B80  ;  ^tmmtt  quàUviMirA  tia  CÂitiw,  >pKf  ^  ^doctéUf  AKMi 
Wltoiy. 


348  SÉANCE  DU  Si    MAI   iSOl. 

déjà,  dans  la  région  de  l'Aisne^  d'instruments  divers  tels  qoe: 
disques,  racloirs  de  formes  variées^  grattoirs  concaves  et 
convexes,  scies  (?)  et  des  pointes  sans  retouches  ou  retouchées 
de  diverses  manières; 

3°  Si  on  compare  l'ensemble  de  Tindustrie  des  cinquante- 
trois  pièces  que  voici,  on  reconnaît  très  bien  qu'elle  n*est  pas 
analogue  à  l'industrie  dite  moustérienne^  si  bien  caractérisée 
dans  les  vallées  de  la  Vézère  et  de  laTardoire,  où  les  instru- 
ments typiques  sont  les  pointes  et  les  racloirs  qui  se  ressem- 
blent presque  tous,  ceci  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  pour 
les  petits  instruments  que  je  vous  ai  présentés,  provenant  du 
département  de  l'Aisne. 

Vous  pouvez,  messieurs,  comparer  les  pièces  de  l'Aisne 
avec  celles  de  l'époque  moustérienne  que  je  vous  présente, 
instruments  que  j'ai  recueillis  dans  la  vallée  de  la  Tardoire, 
dans  la  grotte  de  Rochebertier,  commune  de  Vilhonneur 
(Charente),  vous  verrez  qu'elles  sont  d'une  industrie  bien 
différente  de  celles  de  Mont-Notre-Dame,  Limé  et  Ciry. 

Je  me  promets,  dans  une  autre  présentation,  de  vous  faire 
ressortir  Tindustrie  presque  particulière  du  beau  et  riche 
gisement  quaternaire  de  Gœuvres  (Aisne),  dont  la  faune  est 
très  bien  représentée. 

Discussion. 

M.  D^AcY.  La  très  intéressante  communication  que  nous 
venons  d'entendre  confirme  entièrement  ce  que  j'ai  déjà  eu 
l'honneur  d'exposer  plusieurs  fois.  Précisément,  j'ai  apporté 
aujourd'hui  une  série  de  racloirs  et  de  grattoirs  qui  établit 
que  ces  deux  instruments  n'ont  pas  été  en  usage  seulement 
depuis  l'époque  du  Moustier,  pour  les  premiers,  et  depuis 
celle  de  Solutré,  pour  les  seconds,  comme  le  veulent  MM.  de 
Mortillet;  mais  qu'ils  l'ont  été,  l'un  et  l'autre,  depuis  le 
moment  de  l'apparition  de  l'homme  chez  nous. 

Voici  d'abord  un  grattoir,  sur  lequel  je  me  permets  d'ap- 
peler spécialement  l'attention.  C'est,  en  quelque  sorte,  le 
frère  de  celui,  si  fin  et  d'une  forme  si  élégante,  que  M.  Vau- 


DISCUSSION  SUR  DES  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  349 

ville  vient  de  nous  faire  voir.  Il  a  été  recueilli  à  Thennes. 
Pour  bien  prouver  qu*il  n'est  pas  de  l'époque  de  la  pierre 
polie,  comme  on  pourrait  peut-être  le  supposer,  j'ai  apporté 
quelques  pièces  trouvées  au  môme  endroit,  dans  la  terre 
végétale,  ou  à  peu  près.  Celles-ci  appartiennent  au  début  de 
Tépoque  néolithique,  àla  période  campinienne  de  M.  Salmon. 
Les  autres  sont  de  la  véritable  époque  de  la  pierre  polie.  La 
différence  des  patines  de  ces  divers  objets  et  de  celle  du 
grattoir  que  j'ai  présenté  d'abord,  montrerait  clairement, 
s'il  en  était  besoin,  que  ce  dernier  provient  réellement  des 
alluvions  quaternaires.  Ces  autres  grattoirs  et  ces  racloirs 
ont  été  fournis  par  la  même  localité. 

Ces  échantillons  viennent  du  diluvium  gris  inférieur  de 
Saint-Acheul  \  ceux-ci,  du  Pecq  ;  et,  parmi  ces  derniers,  voici 
un  grattoir,  que  M.  de  Mortillet  ne  récusera  pas,  je  pense  ;  il 
Ta  fait  mouler,  et  il  en  a  placé  la  reproduction  dans  la 
vitrine  du  musée  de  Saint-Germain  consacrée  au  Pecq. 

Enfin,  voici  trois  lots  de  racloirs  et  de  grattoirs  qui  ont  été 
trouvés  à  Chelles.  Le  premier  provient  du  pseudo-diluviura 
rouge,  comme  l'indique  le  cacholong,  plus  ou  moins  rous- 
sàtre,  des  silex.  Le  second  a  été  fourni  par  ce  que  j'appelle 
les  couches  moyennes  ;  les  pièces  qui  le  composent  sont  très 
reconnaissables  à  leur  vernis  brillant.  Enfin,  ces  derniers 
échantillons,  aux  couleurs  sombres  ou  ternes,  reposaient 
dans  les  alluvions  de  l'étage  inférieur. 

Je  rappellerai  que  le  pseudo-diluvium  rouge  de  Chelles  ne 
constitue  pas  une  formation  spéciale  ;  qu'il  est  simplement 
le  résultat  de  l'altération  des  couches  supérieures  du  second 
étage;  et  que  les  alluvions,  que  j'appelle  moyennes,  compo- 
sent le  reste  de  ce  dernier  horizon. 

Si  maintenant  nous  examinons  ces  trois  lots  de  silex,  nous 
reconnaîtrons  qu'ils  se  composent  de  racloirs  et  de  grattoirs 
parfaitement  caractérisés.  Ces  instruments  sont,  en  quelque 
sorte,  mieux  représentés  dans  la  série  de  l'étage  inférieur 
que  dans  celles,  même  réunies,  de  l'étage  supérieur.  Et,  cepen- 
dant, en  choisissant  ces  pièces  parmi  leurs  semblables,  je 

T.  II  (V  sArie).  23 


3S0  SÉANCE  DU  21  MAI  1891. 

n*ai  certainement  pas  arrangé  les  lots  de  façon  à  obtenir 
ce  résultat;  j'ai  plutôt,  au  contraire,  exagéré  Timportance 
relative  des  deux  séries  provenant  de  Tétage  supérieur.  Mais 
je  n*insisle  pas  sur  cette  particularité;  qui  n'est  peut-être 
qu'accidentelle. 

Je  constate  seulement,  une  fois  de  plus,  quCydèsTépoque, 
soit  de  Saint-Acheul,  soit  de  Ghelles,  c'est-à-dire  dès  le 
moment,  où,  d'après  nos  connaissances  actuelles,  il  est  apparu 
chez  nous,  l'homme  possédait  un  outillage,  dans  lequel  des 
racloirs  et  des  grattoirs,  retaillés  sur  une  seule  face, figuraient 
en  même  temps  que  les  armes  et  les  instruments  divers  re- 
taillés des  deux  côtés.  Aux  racloirs  et  aux  grattoirs  convexes, 
je  pourrais  ajouter  des  grattoirs  concaves,  des  scies,  des  per- 
çoirs,  des  pointes,  le  tout  retaillé  toujours  d'un  seul  côté. 
Mais  je  n'ai  pas  apporté  aujourd'hui  de  spécimens  de  ces 
divers  objets.  J'ai  trouvé  que  ceux-ci  étaient  déjà  assez 
lourds. 

D'ailleurs,  ce  mélange,  cette  contemporanéité  d'instru- 
ments appartenant  aux  deux  types,  que,  pour  plus  de  com- 
modité, je  désignerai,  moi  aussi,  par  les  noms  consacrés, 
mais  peu  exacts,  de  chelléen  et  de  moustMen^  ce  mélange  et 
cette  contemporanéité  sont  prouvés  par  des  exemples  déplus 
en  plus  nombreux. 

Nous  venons  d'entendre  M.  Vauvillé,  devoir  les  pièces  si 
curieuses  qu'il  a  recueillies. 

Pour  la  Dordogne  et  la  Garonne,  M.  Landesque  déclare 
qu'  ((  il  est  acquis  à  la  science  que  les  instruments  dits  chel- 
léens  ou  moustériens  caractérisent,  par  leur  présence,  les  pre- 
mières couches  diluviennes,  tant  sur  les  plateaux  que  dans 
les  vallées  »  ;  que  «  Tépoque  dite  cheliéenne  est  de  trop  dans 
la  classification*  ». 

Dans  le  gisement,  certainement  non  remanié,  de  Curson 
(Drôme),  dans  ce  gisement  dont  on  ne  parle  jamais,  les  deux 
tiers  au  moins  des  quartzites  qui  accompagnaient  un  sque- 

1  Landesque,  TerrcUns  quaternaires  de  la  Dordogne  et  de  la  Garonne, 
in  Bulletint  de  la  Société  gMogique  de  France^  3^  série,  t  XVIU  p.  814. 


DISCUSSION  SUR  DES  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  351. 

lette,  probablement  entier,  d'éléphant  intermédiaire,  sont 
éclatés  d'nn  côté  et  plus  ou  moins  retaillés  de  Tautre;  et  cet. 
éléphant  intermédiaire  n'est  qu'une  variété  de  Téléphant 
antiqae. 

Bien  plus,  à  Taubach,  près  de  Weimar,  les  tufs  empâtent 
des  silex, tous  retaillés  en  forme  de  couteau  ou  de  pointe  du 
M oustier,  des  os  striés  ou  entaillés,  pêle-mêle  avec  des  débris 
d'animaux,  parmi  lesquels  figurent  Téléphant  antique  et  le 
rhinocéros  de  Merck,  Des  ossements  de  ces  deux  espèces  por- 
tent des  traces  de  brûlure^. 

Tout  cela  me  paraît  de  plus  en  plus  concluant. 

M.  Gabriel  dk  Mortillet.  Dans  Tintéressante  communi- 
cation que  M.  Yauvillé  vient  de  nous  faire,  il  parle  d'une  sta* 
tion  qui  contient  des  types  de  diverses  époques  mêlés  en- 
semble. M.d'Acy  s'est  empressé  de  relever  le  fait.  M.  Yauvillé 
est  trop  bon  observateur  pour  que  je  mette  son  observation 
ea  doute.  Je  dirai  même  que  des  faits  analogues  ont  été  si-* 
gnalés  depuis  longtemps.  Déjà,  dans  la  première  édition  de 
mon  Préhistorique  (p.  i57),  en  1883,  je  signalais,  à  Pontlevoy 
(Loir-et-Cher),  le  mélange  de  silex  de  formes  diverses.  Mais 
ce  mélange  est  accidentel  ;  ce  qui  le  démontre,  c'est  que  les 
objets  taillés,  bien  que  formés  de  la  même  roche  et  ayant 
subi  les  mêmes  actions  atmosphériques,  ont  une  patine  dif- 
férente suivant  leur  forme.  Tous  ceux  qui  se  rapportent  aux 
types  paléolithiques  sont  plus  ou  moins  recouverts  de  cacho- 
long  blanc,  tandis  que  les  types  néolithiques  ont  conservé 
l'aspect  semi-diaphane  du  silex.  Les  cacbolonnés,  beaucoup 


I  A.  Araelin,  Ui  glaciers  à  Cépoquê  qualimairê,  ia  Hivu$  dês  questions 
scUnti/lques^  Bruxelles,  t.  XXIX,  numéro  de  janvier  1891,  p.  17  et  18. 

II  cite  :  Virchow,  Verhandt.  der  Berliner  gesellschaft  fUr  Anthrop,,  Eth" 
nog.^und  UrgeschichUy  1877.  Sitiung  von  ÎO  lanuar  1877.  —  Voa  Frilsch, 
Zeilsch.  fur  gesammte  Saturwiss,  von  Giebel.  Neu$  Folge,  vol.  II  (54), 
p.  461,  Berlin,  1875.  —  Al.  Porlis,  Ostedogie  v.  Hhinoceros  Merckii.  Jàg. 
u,  diluv,  Sàugelhierfauna  v,  Taubach,  bei  Weimar,  Paleontographica^ 
Bd.  XXV,  Cassel,  1878.—  H.  Pohlig,  VorlaUr.  Mitth.  w.  d.  PUstocaen, 
insbesondere  Thuringens  {ZeiUch,  f.  Naturiviss.t  Halle,  1885,  Bd.  LVIIl, 
S*  258  ff.) 


352  SÉANCB  DU  21    MAI  1891. 

plus  profondément  altérés,  sont  certainement  beanconp  plus 
anciens. 

Il  ne  suffit  donc  pas  de  constater  qa*il  y  a  mélange,  il  faut 
encore  et  surtout  examiner  quelle  est  la, nature  du  mélange 
et  s'assurer  avec  soin  qu*il  n*est  pas  accidentel  et  postérieur. 
Ne  voyons-nous  pas  tous  les  jours  des  milieux  qui  contiens 
nent  à  la  fois  des  instruments  en  pierre,  des  instruments  en 
métal  et  même  des  monnaies  romaines^  des  pièces  de 
Louis  XIV  et  des  sous  de  la  première  République.  Il  ne  vient 
à  personne  Tidée  d*admettre,  pour  cela,  que  tous  ces  objets 
sont  de  la  même  époque. 

Je  vais  maintenant  répondre  à  M.  d*Acy,  mais,  avant,  je 
demande  la  permission  de  lui  adresser  trois  questions  : 

Premihe  question,  —  M.  d'Acy,  quand  il  nous  parle  du 
mélange  des  formes,  pourrait-il  nous  dire  dans  quelles 
proportions  il  les  a  rencontrées?  Il  nous  montre  aujourd'hui 
des  grattoirs  de  Chelles,  de  Thennes  et  de  Saint-Acheul 
combien  en  a-t-il  recueilli  dans  chacune  de  ces  localités, 
comparativement  aux  coups  de  poing  ou  haches  amygda* 
loïdes  ? 

Deuxième  question.  —  M.  d'Acy  a-t-il  trouvé  lui-même  en 
place  les  objets  qu'il  nous  montre  ou  les  a-t-il  acquis  des 
ouvriers  ? 

Troisième  question.  —  Quand  M.  d'Acy  nous  dit  que  les 
objets  qu'il  montre  viennent  du  même  niveau,  entend-il  de 
la  même  hauteur  horizontale  dans  les  carrières  ? 

M.  GoLLiN  dit  qu'à  Chelles  les  ouvriers  ne  recueillent  guère 
les  lames  et  les  éclats.  Il  indique  aussi  Texistence,  à  Chelles, 
d'un  faussaire  qui  vend  aux  amateurs  des  pièces  fabriquées 
par  lui. 

Il  montre  aussi  quelques  pièces  provenant  du  Ferreux. 

M.  d'Acy.  Je  suis  très  heureux  du  témoignage  de  M.  Col- 
lin.  Vous  venez  de  Tentendre  dire,  lui  aussi,  que  les  ouvriers 
de  Chelles  ne  recueillent  pour  ainsi  dire  pas  ce  quHls  appel- 
lent des  éclats,  c'est-à-dire  les  silex  retaillés  d*un  seul  côté, 
lames,  racloirs,  etc.  La  raison  en  est  fort  simple*  Us  vendent 


DISCUSSION  SUR  DES  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  383 

ces  objets  quelques  sous  seulement,  et  il  leur  faut  une  atten- 
tion soutenue,  même  une  certaine  perte  de  temps,  pour  les 
reconnaître;  tandis  qu'ils  vendent  les  pièces  retaillées  des  denx 
côtés  plusieurs  francs,  quelquefois  fort  cher,  et  que  ces 
pièces,  grâce  à  leur  volame,  à  leur  forme,  se  découvrent  bien 
plus  facilement  que  les  autres.  Il  est  tout  naturel  quUls  né- 
gligent les  premières  et  qu'ils  recueillent  les  secondes  avec 
grand  soin. 

Je  remercie  mon  savant  collègue  de  Tavertissement  qu'il 
veut  bien  me  donner  au  sujet  des  pièces  fabriquées  par  un 
ouvrier.  Je  lui  avouerai  que  je  me  suis  aperçu,  à  mes  dépens, 
de  la  fraude,  avant  qu'il  n'ait  été  à  Chelles.  Mais,  une  fois  les 
silex  débarrassés  de  l'argile,  dont  leurs  fabricants  ont  grand 
soin  de  les  recouvrir,  afin  de  les  déguiser  —  et  je  ne  manque 
jamais  de  les  débarbouiller  à  l'eau  très  chaude  —  il  faudrait 
n'avoir  guère  d'expérience,  pour  ne  pas  reconnaître  la  super- 
cherie; et  je  serais  fort  étonné  que  M.  CoIIin  eût  découvert 
quelque  pièce  fausse,  soit  parmi  celles  que  j'ai  présentées, 
soit  dans  ma  collection,  qu'il  m'a  fait  l'honneur  de  venir 
voir. 

Quant  au  Ferreux,  je  ferai  remarquera  M.  Collin  que  la 
faune  y  est  toute  différente  de  celle  de  Chelles.  Lorsque  j'ai 
visité  la  collection  de  M.  Eck,  elle  renfermait  du  mammouth, 
en  très  grand  nombre,  mais  pas  un  seul  débris  d'éléphant 
antique. 

Je  vais  essayer  maintenant  de  répondre  à  M.  de  Mortillet. 

Il  nous  a  parlé  de  Montguillain,  comme  offrant  un  mélange 
de  pièces  d'époques  différentes.  Je  serais  curieux,  en  vérité, 
de  savoir  sur  quoi  il  se  base  pour  établir  cette  différence 
d'époques.  Si  je  ne  cite  pas  Montguillain  en  faveur  de  ma 
thèse,  c'est  parce  que  cette  station  ne  paraît  pas  fort  an- 
cienne. De  plus,  elle  n'est  datée,  que  je  sache,  ni  stratigra- 
phiquement,  ni  paléontologiquemenl;  et,  malgré  les  accu- 
sations de  M.  de  Mortillet,  je  crois  faire  attention  à  la  stra- 
tigraphie et  à  la  paléontologie  autant  que  qui  que  ce  soit. 
C'est  même  sur  elles  seules,  que  je  base  mes  appréciations 


354  SÉANCE  DU  Si   MAI   1891. 

chronologiques.  Je  n'attache  d'importance  aux  patines  des 
silex  de  Chelles  et  de  Saint-Acheul  que,  parce  que,  selon 
moi,  elles  indiquent  les  couches  d*où  proviennent  ces  silex, 
et  que  ces  couches  sont  datées  par  la  stratigraphie  et  la 
paléontologie.  Et  cette  conviction  relativement  aux  rensei- 
gnements fournis  par  les  patines,  je  n'y  suis  arrivé  qu'à  la 
suite  de  longues  recherches  et  après  avoir  contrôlé  cent  fois, 
les  uns  par  les  autres,  les  dires  de  nombreux  ouvriers^  aux- 
quels j*ai  grand  soin  de  cacher  absolument  l'importance 
que  telle  ou  telle  pièce  peut  acquérir,  en  raison  de  son  gise- 
ment. 

M.  Ameghino,  qui,  tout  le  monde  le  sait,  a  beaucoup  tra- 
vaillé, de  ses  mainSy  à  Chelles,  avait  reconnu,  lui  aussi,  que 
les  couches  d'où  provenaient  les  silex  pouvaient  être  recon- 
nues par  les  colorations  de  ceux-ci.  D'ailleurs,  M.  de  Mortil- 
let  a  dressé,  au  musée  de  Saint-Germain,  un  tableau  de  la 
superposition  des  patines  des  silex  de  Saint-Acheul.  l*ou^ 
quoi  la  môme  chose  ne  pourrait-elle  pas  être  faîte  pour  ceux 
de  Chelles  ? 

Par  niveau,  j'entends,  comme  cela  se  fait  souvent,  for- 
mation, étage  géologique. 

M.  de  Morlillet  m'a  demandé  si  j'avais  trouvé  moi-même 
les  pièces  que  j'ai  présentées.  Je  lui  ai  répondu  négativement. 
La  question  qu'il  m'a  faite,  je  la  lui  adresserai,  à  mon  tour, 
au  sujet  des  spécimens,  d'après  lesquels  il  a  établi  sa  classi- 
fication industrielle.  Ces  spécimens  doivent  être  fort  nom- 
breux, pour  qu'il  ait  pu  en  déduire  des  conclusions  générales, 
et,  qui  plus  est,  négatives  sur  plusieurs  points;  et,  s'il  n'a 
pas  recueilli  tous  ces  silex  de  ses  mains,  comment  en  sait-il 
la  provenance  exacte,  puisqu'il  refuse  toute  créance  aux 
déclarations  des  ouvriers?  Je  le  prierai  également  d'avoir 
l'amabilité  de  m'indiquer  les  alluvions,  dans  lesquelles  on  ne 
trouve,  (i*îtne  façon  incontestable,  que  des  instruments  chel* 
léens.  Pour  moi,  ces  alluvions  sont  uniquement  théorique?, 
au  moins  jusqu'à  présent. 

En  tout  cas,  M.  de  MortlUetne  peut  nier  que,  non  seulement 


DISCUSSION  SUR  DES   INSTRUMEIVTS  DE  PIERRE.  355 

des  racloirs,  mais  aussi  des  grattoirs,  existent  dans  Tétagc 
inférieur  de  Saint-Acheul,  et,  tout  au  moins,  dans  les  allu* 
vions  moyennes  de  Ghelles. 

M.  de  Mortillel  prétend  que  les  silex  retaillés  d*un  seul 
côté,  qui  se  trouvent  dans  les  assises  prétondues  chelléennes, 
sont  de  simples  déchets  de  fabrication  ;  pour  faire  les  coups 
de  poing^  il  fallait  bien  enlever  des  éclats.  Je  répondrai 
d'abord  qu*il  est  très  possible  que  des  éclats  de  fabrication 
aient  été  utilisés;  qu'il  est  même  fort  probable  qu'il  en  aura 
été  ainsi;  mais  que,  du  moment  que  ces  éclats  ont  été  fa- 
çonnés, transformés  en  racloirs  ou  en  grattoirs,  peu  m'im- 
porte leur  origine.  Quelle  qu'elle  soit,  je  suis  parfaitement 
autorisé  à  maintenir  que  les  hommes  soi-disant  Chelléens 
avaient  des  racloirs  et  des  grattoirs  retaillés  d'un  seul  côté. 
En  outre,  je  ferai  remarquer  que  leurs  instruments,  ainsi 
façonnés,  ne  sont  certainement  pas  tous  des  déchets  de  fabri- 
eation  utilisés.  Les  grosses  pièces,  que  voici,  ne  sont  assu- 
rément pas  des  éclats  de  taille;  et,  preuve  sans  réplique, 
de  véritables  nucléus  existent  dans  les  couches  inférieures  de 
Chelles,  aussi  bien  qu'à  Saint-Acheul.  Je  ne  puis  que  répéter 
que  l'on  n'a  aucun  renseignement  certain  sur  l'abondance 
relative  des  différents  types  dans  telle  ou  telle  formation  ;  et 
cela,  en  raison  de  la  négligence,  pour  ne  pas  dire  plus, 
des  ouvriers  à  recueillir  ce  qu'ils  appellent  dédaigneuse- 
ment des  éclats.  Je  ne  conteste  pas  que  les  pièces  prétendues 
moustériennes  ne  paraissent  moins  abondantes  à  Saint- 
Acheul  et  à  Ghelles,  que  celles  dites  chelléennes.  Je  crois 
même  qu'elles  le  sont  réellement;  mais  j'ignore  complète- 
ment dans  quelle  proportion.  Je  suis  loin  d'avoir  apporté 
tous  les  grattoirs  ou  racloirs  que  je  possède. 

Je  suis  très  flatté  des  éloges  que  M.  de  Mortillet  a  de  nou- 
veau décernés  à  mes  silex.  Sans  les  accepter  complètement, 
je  dirai  que^  selon  moi,  le  plus  grand  mérite  de  ma  collection 
est  de  représenter,  plus  exactement  que  d'autres,  la  véri- 
table industrie  de  Saint-Acheul  ou  de  Ghelles.  Gela  tient  à  ce 
que  j'ai  visité  les  carrières  très  fréquemment,  et  pendant  de 


356  SÉANCE  DU  21    MAI    1891. 

longues  années;  et  à  ce  que  j'ai  eu  grand  soin  de  recueillir, 
non  seulement  les  belles  pièces,  mais  encore  tontes  celles, 
dont  le  type,  la  forme,  la  destination  évidente,  pouvaient 
offrir  quelque  intérêt.  Il  y  en  a  beaucoup  de  latde$  qui  sont 
plus  curieuses  que  d'autres,  plus  jolies.  C'est  précisément 
tout  cet  ensemble,  qui  m*a  montré  ce  que  j'ai  rhonneor 
d'exposer. 

Enfin,  M.  de  Mortillet  affirme  que  Gurson  appartient  an 
chelléen,  par  l'industrie  aussi  bien  que  par  la  faune.  Com- 
ment se  fait*il  alors  qu'un  tiers  environ  seulement  des  pièces 
recueillies  dans  ce  gisement  par  M.  Chantre  —  ainsi  que 
notre  savant  collègue  a  bien  voulu  me  l'écrire —  soit  retaUlé 
des  deux  côtés,  et  qu'il  n'y  en  ait  pas  une  de  ce  type  dans  la 
douzaine  qui  appartient  au  général  Nughes?Et  ici,  la  sta- 
tistique ne  présente  pas  de  causes  d'erreur  en  ma  faveur.  Au 
contraire,  les  objets,  qui  ont  pu  échapper,  sont  certainement 
plutôt  moustiériens  que  chelléens  ;  mais  il  ne  semble  pas  y 
en  avoir  eu  beaucoup  de  négligés,  en  raison  de  la  nature  du 
gisement.  M.  de  Mortillet  dit,  il  est  vrai,  que  les  quartzites 
de  Curson,  retaiilésd'un  seul  côté,  sont  desimpies  déchets  de 
fabrication.  Singuliers  déchets,  en  vérité!  et  dont  le  volume 
ne  s'accorde  guère  avec  le  soin  que  prenaient  les  hommes  de 
ce  temps,  M.  de  Mortillet  le  reconnaît,  de  choisir  des  rognons 
ou  des  galets,  dont  la  forme  naturelle  facilitât  et  abrégeât  le 
travail  de  la  taille.  En  réalité,  ce  ne  sont  pas  plus  des  déchets 
de  fabrication  que  les  grands  silex,  dits  moustériens,  de  Mon- 
tières  ou  de  Levallois. 

M.  Vauvillé  montre  une  pièce  qu'il  a  recueillie  à  Ghelles 
lui-même.  C'est  une  pointe  moustérienne. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  Je  remercie  M.  d'Acy  des  ré- 
ponses qu'il  a  bien  voulu  faire  à  mes  questions.  Elles  simpli- 
fieront beaucoup  la  discussion. 

La  curieuse  présentation  de  silex  taillés  qui  vient  de  nous 
être  faite  par  notre  collègue,  a  pour  but  d'établir  que  les 
formes  des  instruments  en  silex  n'ont  rien  de  caractéristique; 
que  ces  formes  se  trouvent  associées  à  tous  les  niveaux,  et 


DISCUSSION  SUR  DES  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  357 

qu'elles  ne  peuvent,  par  conséquent,  servir  à  distinguer  des 
époques.  En  résumé,  c'est  le  renversement  complet  des 
bases  généralement  adoptées  pour  la  classification  du  pré- 
historique. 

Pour  établir  cette  proposition  révolutionnaire,  M.  d*Acy 
nous  montre  des  pointes  et  des  radoirs  de  formes  mousté- 
riennes  ainsi  que  des  grattoirs  de  forme  plus  récente  encore 
trouvés,  dit-il,  avec  les  coups  de  poing  caractéristiques  du 
chelléen.  Les  objets  présentés  proviennent  surtout  de  trois 
gisements  bien  connus,  qu*on  peut  dire  classiques  :  Chelles 
(Seine  et-Marne),  Thennes  et  Saint- Acheul  (Somme). 

Hais  ces  objets  sont  fort  peu  nombreux.  Ils  tenaient  dans 
un  petit  sac  à  main,  et  ils  s'étalent  à  l'aise  sur  une  de  nos 
étroites  tables  de  la  salle  des  séances,  encore  sont-ils  accom- 
pagnés de  quelques  termes  de  comparaison.  G*est  pour  cela 
que  j'ai  demandé  à  M.  d'Acy  s'ils  n'étaient  pas,  de  beaucoup, 
moins  abondants  que  le  coup  de  poing  type  éminemment 
chelléen  ? 

Notre  collègue  reconnaît  qu'effectivement  on  en  recueille 
moins,  mais,  ajoute -t-il,  c'est  que  les  ouvriers  ne  les  ramas* 
sent  pas. 

La  raison  ne  me  paraît  pas  bonne,  car,  dans  la  même 
ville,  à  Amiens,  tandis  que  les  ouvriers  n'en  ont  pas  à  Saint- 
Acheul,  ils  en  possèdent  en  grand  nombre  à  Montières,  gise- 
ment plus  récent.  Les  ouvriers  les  connaissent  donc  bien. 

A  Saint-Acheul,  dit  M.  d'Acy,  complétant  sa  démonstra- 
tion, les  ouvriers  récoltent  avec  soin  les  coups  de  poing,  qui 
sont  fort  demandés  et  d'un  bon  rapport,  tandis  qu'ils  négli- 
gent les  autres  instruments,  qui  se  vendent  difficilement  et  à 
bas  prix.  Cette  explication  qui,  jusqu'à  un  certain  point,  peut 
avoir  quelque  apparence  de  vérité  d'une  manière  générale» 
perd  toute  sa  valeur  dans  la  bouche  de  M.  d'Acy.  En  effet, 
notre  collègue,  pendant  nombre  d'années,  a  suivi  régulière- 
ment les  exploitations  de  Saint-Acheul,  les  visitant  plusieurs 
fois  par  an,  connaissant  les  ouvriers  et  lesvendeurs,  faisantde 
nombreux  et  importants  achats,  recherchant  d'une  manière 


358  SÉANCE  DU  21  MAI  1891. 

spéciale  les  silex  taillés  autres  que  les  coups  de  poing,  les 
ouvriers  qui  le  savaient  étaient  sûrs  de  la  vente,  pourtant  il 
n'a  pu  en  réunir  qu'un  très  petit  nombre  proportionnelle- 
ment aux  coups  de  poing  qui  lui  sont  passés  entre  les 
mains. 

Tbennes  est  plus  concluant  encore.  C'est  une  exploitation 
signalée  par  M.  d*Acy  et  explorée  uniquement  par  Ini.  Il  en 
a  retiré  de  nombreux  et  magniOques  produits.  Mais  ce  sont 
presque  exclusivement  des  coups  de  poing.  Les  pointes,  les 
racloirs  et  les  grattoirs  y  sont  encore  bien  plus  rares,  propor- 
tionnellement, qu*à  Saint-Acheul. 

M.  d*Acy  possède  une  magnifique  collection  des  alluvions 
quaternaires.  C'est  incontestablement  la  pins  belle  non  seu- 
lement de  France,  mais  encore  du  monde  entier.  Eh  bien, 
dans  cette  collection,  la  nombreuse  famille  des  coups  de 
poing  de  Chelle,  Tbennes  et  Saint-Acheul,  est  admirable- 
ment représentée  par  des  séries  variées  et  nonJ)reu8es,  com- 
posées de  pièces  de  choix,  triées  dans  une  quantité  considé- 
rables d'échantillons.  Tandis  que  pointes,  racloirs  et  grattoirs 
des  mêmes  gisements  ne  figurent  relativement  qu'en  petit 
nombre.  En  outre,  là  il  n'y  a  pas  eu  de  triage,  le  collection- 
neur a  tout  pris,  tout  conservé.  C'est  ce  qui  fait  que,  parmi 
les  échantillons  qu'il  vient  de  nous  présenter,  s'il  en  est  de  bien 
caractérisés,  d'autres  laissent  beaucoup  à  désirer. 

Les  instruments  moustéricns  ou  même  plus  récents,  pré- 
tendus trouvés  dans  les  dépôts  chelléens,  ne  sont  donc  que 
des  exceptions.  Et  c'est  bien  le  cas  de  répéter  ici  le  dicton 
vulgaire  :  Texceplion  confirme  la  règle. 

Ne  sommes-nous  pas  en  droit  de  dire  quand  même,  le 
chelléen  est  caractérisé  par  le  coup  de  poing,  qui  est  l'ins- 
trument le  plus  volumineux,  le  plus  apparent,  le  plus  typique 
et  surtout  le  plus  abondant  du  quaternaire  inférieur. 

C'est  tout  comme  si,  parce  qu'il  y  a  des  lilas  blancs  fleu- 
rissant en  hiver,  on  chicanait  le  botaniste  disant  :  le  lilas  est 
une  plante  qui  fleurit  au  premier  printemps  et  dont  les 
fleurs  sont  de  couleur  lilas. 


DISCUSSION  SUR  DES  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  359 

Et  puis,  les  exceptions  qui  nous  sont  signalées  sont- elles 
bien  réelles?  C'est  ce  qui  m'a  fait  adresser  une  seconde  ques- 
tion à  M.  d'Acy.  En  effet,  nos  récoltes  se  font  la  plupart  du 
temps,  je  pourrais  même  dire,  pour  ce  qui  concerne  les 
alluvions  quaternaires,  presque  exclusivement  par  Tintermé- 
diaire  des  ouvriers.  Pouvons-nous,  dès  lors,  compter  sur  Tin- 
dication  précise  des  niveaux.  L'ouvrier,  qui  ne  comprend  pas 
l'importance  de  cette  indication,  n'y  fait  pas  attention.  Bien 
plus,  la  plupart  du  temps,  il  ne  peut  pas  connaître  le  niveau. 
11  abat  des  tranches  verticales,  et  ce  n'est  qu'en  criblant  ce 
qui  s'est  éboulé  au  fond  de  la  carrière  qu'il  trouve  les  objets. 
Gomme,  dans  une  carrière,  il  peut  y  avoir  des  niveaux  appar- 
tenant h  des  époques  diverses,  les  objets  caractéristiques  de 
chacune  d'elles  se  trouvent  naturellement  confondus  et  mé- 
langés par  suite  de  la  chute  de  la  tranche  verticale. 

C'est  vrai,  répond  M.  d'Acy,  mais,  grâce  h.  la  patine  nous 
pouvons  reconnaître  les  niveaux. 

Je  suis  loin  de  nier  l'utilité  de  l*étude  des  patines.  La  meil* 
Icare  preuve,  c'est  qu'en  répondant  à  M.  Vauvillé,  je  m'en 
suis  servi  à  propos  de  Pontlevoy,  pour  prouver  que,  parfois,  on 
pouvait,  grâce  à  elle,  dans  un  mélange,  distinguer  les  pièces 
paléolithiques  des  pièces  néolithiques.  Mais  il  me  semble 
que  M.  d'Acy  exagère  un  peu  l'importance  de  la  patine 
quand  il  la  présente  comme  un  moyen  de  reconnaître  d'une 
manière  générale  les  divers  niveaux  des  alluvions. 

Dans  une  même  assise  d'alluvions,  il  peut  y  avoir  des  pa- 
tines diverses,  comme  aussi  dans  une  assise  contenant  des 
instruments  d'époques  diverses  il  peut  n'exister  qu'une  seule 
et  même  patine.  C'est  ce  qui  a  lieu  à  la  station  de  Montguil- 
lain  (Oise).  On  y  rencontre  l'industrie  moustérienne  com- 
plète, avec  mélange  de  pièces  plus  récentes,  entre  autres  des 
grattoirs,  et  des  pièces  plus  anciennes,  coups  de  poing  chel- 
léens.  Toutes  ces  pièces  ont  une  même  patine  très  brillante 
et  très  spéciale.  Il  y  a  là  évidemment  mélange  d'objets  d'é- 
poques diverses  qui,  tous,  ont  subi  une  même  influence  & 
laquelle  est  due  la  patine  toute  particulière  qui  les  recouvre 


360  .  8ÉANCB  DU  21  MAI  1891. 

uniformément.  Cette  patine  uniforme  est  même,  dans  ce  cas, 
un  grand  inconvénient.  Elle  nous  empêche  de  reconnaître  si 
les  formes  diverses  caractérisaient  des  niveaux  dUTérents 
dans  la  carrière  ou  s'il  y  avait  déjà  eu  mélange  antérieur  à 
la  formation  du  dépôt  lui-même. 

L*étude  de  la  patine  fournit  des  indications  intéressantes 
dont  il  faut  tenir  compte,  mais  c'est  un  caractère  de  second 
ordre  auquel  il  ne  faut  pas  attribuer  plus  de  valeur  qu*il  n'en 
a  réellement. 

Ma  troisième  question  à  M.  d'Acy  porte  sur  Tappréciation 
des  niveaux.  Ce  n'est  pas  du  niveau  actuel,  comme  beaucoup 
sont  tentés  de  le  faire,  que  nous  devons  nous  préoccuper, 
mais  bien  du  niveau  géologique.  Par  suite  des  érosions  et 
des  ravinements  dans  une  même  exploitation,  le  niveau  géo« 
logique  supérieur  peut  se  trouver  sur  une  même  horizontale 
que  le  niveau  inférieur  et  même  bien  au-dessous.  C'est  ce 
qui  a  lieu  à  Ghelles  fréquemment,  comme  le  prouve  les 
coupes  que  j'ai  publiées  dans  le  Musée  préhistorique. 

Les  couches  anciennes  B  ont  été  profondément  ravinées 
par  des  eaux  postérieures  qui  ont  laissé  un  dépôt  D  dans  le 
ravinement.  Ce  dépôt  postérieur  dont  les  couches  sont  ar- 
quées  en  fond  de  bateau,  descend  beaucoup  plus  bas  dans  la 
carrière  que  certaines  couches  plus  anciennes  B.  Le  tout  est 
surmonté  d'une  manière  assez  régulière  par  une  assise  de 
quaternaire  supérieure  A.  Il  y  a  donc  là  des  représentants 
de  trois  époques  quaternaires.  Il  est  tout  naturel  qu'il  puisse 
y  avoir  quelques  mélanges  dans  les  instruments  en  silex  qui 
proviennent  de  ce  gisement.  Mais  le  chelléen  pur  se  compose 
exclusivement  des  couches  B,  M.  d'Acy  nous  dit  qu'on  a  re- 
cueilli de  nombreux  éclats  dans  ces  couches  B.  J'en  ai  trouvé 
moi-même.  C'est  on  ne  peut  plus  naturel.  Ces  couches  B 
renferment  de  nombreux  coups  de  poing,  instruments  taillés 
sur  les  deux  faces.  Pour  façonner  ces  instruments,  il  fallait 
d'abord  dégrossir  un  rognon  de  silex,  un  caillou  roulé  ou 
un  fragment  de  pierre,  puis  enlever  à  cette  première  ébauche 
une  série  d'éclats.  Les  éclats  doivent  donc  être  beaucoup  plus 


DISCUSSION   SUR  DES  INSTRUMENTS  DE  PIERRE.  361 

abondants  que  les  coups  de  poing  eux-mêmes,  mais  ces 
éclats  sont  irréguliers  et  informes.  Qu'on  ait  utilisé  parfois 
oes  éclats,  c*est  possible,  mais  ils  n*étaient  pas  produits  dans 
une  forme  et  un  but  donné.  La  seule  chose  cherchée  était  le 
coup  de  poing,  (jue,  très  exceptionnellement,  quelques  éclats 
aient  été  un  peu  retouchés,  cela  a  pu  arriver,  mais  c*est  si 
rare  et  si  mal  établi,  qu'on  peut  affirmer  avec  raison  que  le 
cheiléen  ne  contient  pas  d*éclats  appropriés  en  outils.  Si 
Ton  en  a  trouvé  à  Ghelles,  il  faudrait  bien  établir  qu*il  n*y  a 
pas  mélange  postérieur  et  surtout  actuel.  Il  serait  bon  aussi 
d'en  indiquer  le  nombre. 

Quant  à  Saint-Acheul,  Tassociation  de  quelques  pointes  et 
racloirs  moustériens  avec  les  coups  de  poing  n*a  rien  de 
surprenant,  la  station  de  Saint-Acheul  étant  une  station  de 
transition.  M.  d*Âcy  doit  le  savoir  plus  que  tout  autre,  car 
ses  persévérantes  recherches  dans  les  carrières  de  cette  loca- 
lité ont  grandement  contribué  à  bien  constater  ce  fait. 
M.  d'Ault  du  Mesnil,  qui,  très  heureusement,  assiste  à  la 
séance  d'aujourd'hui,  peut  en  témoigner.  C'est  lui  qui,  à 
l'exposition  de  la  Société,  de  l'École  et  du  Laboratoire  d'an- 
thropologie, a  repris  et  bien  établi  cette  division  intermé« 
diaire  entre  le  cheiléen  et  le  moustérien. 

Outre  les  trois  grandes  stations  du  nord  de  la  France, 
Chelles,  Thennes  et  Saint-Acheul,  M.  d'Acy  s'est  appuyé  sur 
deux  autres  pour  démolir  la  classification  actuelle  du  paléo- 
lithique. Ces  stations  sont  celles  de  Curson  (Drôme)  et  une 
autre  d'Allemagne. 

Je  ne  parlerai  pas  de  cette  deuxième,  ne  la  connaissant 
pas.  Mais,  d'après  ce  qu'en  a  dit  M.  d'Acy,  je  suis  en  droit  de 
me  tenir  sur  mes  gardes.  D'autant  plus  en  droit  que  je  me 
rappelle  avoir,  au  Congrès  international  d'archéologie  et 
d'anthropologie  préhistoriques  de  Bruxelles,  entendu  dire  par 
un  Allemand,  qui  est  pourtant  un  paléontologue  de  mérite, 
M.Fraas,  que  l'instrument  amygdaloîde  de  Saint-AcheuJ  est 
une  invention  de  l'amour-propre  français. 

Quant  à  la  station  de  Curson,  c'est  autre  chose.  Je  puis  en 


362  SÉANCE  DU  21    MAI  1891. 

parler.  Je  la  connais.  Celte  slation,  des  plus  intéressantes,  a 
été  signalée  par  notre  collègue,  M.  Chantre,  secrétaire  géné« 
rai  de  la  Société  d'anthropologie  de  Lyon.  Elle  consiste  en 
dépôts  sableux  renfermant  des  quartzites  taillés  et  des  osse- 
ments d*éléphants. 

Les  pierres  taillées  le  sont  fort  grossièrement.  Gela  tient 
beancoup  à  la  nature  de  la  roche.  Le  quartzite,  comme  on  le 
sait,  qu*il  provienne  des  Alpes,  des  Pyrénées  ou  de  Bretagne, 
se  taille  très  difficilement,  bien  plus  difficilement  que  le  silex, 
voire  même  que  le  grès  lustré.  Malgré  cette  difficulté  de 
taille,  les  instruments  finis  se  rapportent  au  coup  de  poing 
chelléen.  Mais,  comme  le  fait  très  justement  observer 
M.  d'Acy,  les  morceaux  présentant  une  face  d'éclatement 
non  retaillée  sont  plus  nombreux  que  ceux  retaillés  sur  les 
deux  côtés.  C*est  tout  naturel  et  tout  simple.  Les  quartzites 
retaillés  des  deux  côtés  sont  les  pièces  intentionnellement  re- 
cherchées, tandis  que  les  autres  ne  sont  que  les  éclats  de 
fabrication^  les  rebuts.  Les  seuls  matériaux  à  la  disposition 
de  Thomme  primitif  de  Curson  étaient  des  cailloux  roulés  de 
quartzite.  Pour  fabriquer  un  coup  de  poing  avec  un  de  ces 
cailloux,  il  fallait  dégarnir  le  pourtour  et  enlever  un  certain 
nombre  d'éclats.  Aussi,  pour  obtenir  l'instrument  voulu  taillé 
sur  les  deux  faces,  on  produisait  forcément  un  certain  nombre 
d'éclats  à  face  d'éclatement  non  retaillée.  La  présence  de 
ces  éclats  est  si  naturelle,  si  obligatoire  même,  que  nous  ne 
comprenons  pas  l'argument  que  veut  en  tirer  notre  collègue. 

La  faune  vient  confirmer  les  déductions  tirées  de  la  forme 
des  instruments.  Ces  instruments  sont  associés  à  de  nom- 
breux débris  de  VElephas  intermedius  de  Jourdan.  Or,  cet 
éléphant  n'est  qu'une  simple  variété  de  VElephas  antiquus 
caractéristique  du  chelléen  ou  quaternaire  inférieur. 

Je  maintiens  donc  plus  que  jamais  l'importance  des  di- 
verses formes  d'instruments  en  silex  pour  bien  caractériser 
les  époques.  En  cela,  je  suis  d'accord  avec  la  grande  mcyo- 
rité  des  palethnologues.  Les  pièces  présentées  par  M.  d'Acy, 
par  le  manque  de  précision  comme  origine,  la  variété  des 


DISCUSSION  SUR  DES  INSTRUMENTS   DE  PIERRE.  363 

formes  et  surtout  le  petit  nombre,  ne  peuvent  ébranler  une 
conclusion  basée  sur  des  milliers  d'objets,  de  types  bien  ca- 
ractérisés rencontrés  en  place  dans  des  milieux  purs  de  tout 
mélange. 

Du  reste,  nos  classifications  quaternaires  ne  reposent  pas 
seulement  sur  la  forme  des  pierres  taillées,  mais  encore  et 
surtout  sur  la  stratigraphie  et  sur  la  faune.  Or,  faune,  strati- 
graphie et  pierres  taillées  concordent  parfaitement  ensemble. 

M.  ADRIEN  DE  MoRTiLLBT  fait  obscrvcr  combien  sont  grandes 
les  causes  d*erreur  dans  les  sablières. 

Si  Ton  examine  d'autres  modes  de  gisement,  on  ne  trouve 
plus  les  mélanges  que  nous  signale  M.  d'Acy.  Dans  la  grotte 
du  Moustier,  par  exemple,  on  n'a  rencontré  qu'une  seule  et 
même  époque,  avec  une  industrie  bien  déterminée,  compre- 
nant des  racloirs  et  des  pointes  typiques,  des  éclats  innom- 
brables avec  ou  sans  retouches  et  quelques  très  rares  coups 
de  poing.  Antérieurement,  à  uHe  époque  intermédiaire  entre 
le  moustérien  et  le  chelléen,  on  fabriquait,  de  grands  éclats 
du  type  Levallois,  qui,  retaillés  sur  les  bords,  ont  fini  par 
donner  naissance  au  racloir  et  à  la  pointe  du  moustier. 

A  répoque  chelléenne  pure^  le  coup  de  poing  présente  un 
profil  grossier,  des  arêtes  irrégulières,  il  est  taillé  dans  un 
bloc  informe,  tandis  qu'a  l'époque  postérieure  dite  achew- 
léenne^  le  profil  est  régulier,  la  pièce  est  fabriquée  dans  un 
grand  éclat  Levallois. 

Il  y  a  donc  certainement  eu  une  époque  où  on* ne  taillait 
que  des  blocs  de  silex  et  non  des  éclats  préalablement  dé- 
tachés d'un  nucléus. 

M.  Rabot  présente  des  vretsches  de  rennes  en  os,  reliés  par 
des  cordes  et  formant  ainsi  une  sorte  de  bridon.  Ces  pièces 
rappellent,  selon  ce  présentateur,  certains  bâtons  de  com- 
mandement des  cavernes.  Elles  proviennent  des  Ostiaks  de 
rObi. 


364  SÉANCE  DU  21   MAI   i891. 


OBJETS  OFFERTS. 

M.  Magitot  offre  à  la  Société  un  volume  ayant  pour  titre  : 
Actes  du  deuxième  congrès  intomational  d'anthropologie  crimi- 
nelle tenu  à  Paris  en  i889. 

G*est  le  compte  rendu  complet  des  travaux  du  congrès, 
auquel  ont  pris  part  un  grand  nombre  de  nos  collègues  et 
dont  plusieurs  d'entre  eux  faisaient  même  partie  du  comité 
de  publication. 

M.  Magitot.  J*ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Société,  de  la  part 
de  M.  le  capitaine  Emile  Roux,  commandant  de  place  à 
Bakel  (Sénégal),  six  crânes  destinés  au  musée  Broca.  Ces 
crânes  proviennent  de  Tarmée  d'Abmadou  et  ont  été  pris 
après  divers  combats. 

Ils  se  décomposent  ainsi  : 

N^  1.  Maure  d'environ  trente  ans,  tué  à  Golmy,  près  Bakel, 
le  19  janvier  1891. 

N«  2.  Peulh  du  Yolof,  émigrant  du  Nioro. 

N«»  3  et  4.  Toucouleurs  du  Fouta. 

No*  5  et  6.  Mandingues  de  Beledougou, 

Ces  cinq  derniers  sont  âgés  d'environ  vingt  à  vingt-cinq 
ans  et  ont  été  exécutés  à  Bakel,  le  25  janvier  i89i. 

Ces  six  crânes,  que  je  me  borne  à  offrir  aujourdliui,  de  la 
part  de  M.  Roux,  seront  sans  doute  Tobjet  de  quelques 
études  et  d'une  nouvelle  communication  à  la  Société. 

Inscription  trouvée  à  Drngaestl  (Bneovlae)  ; 

PAU    M.    BELDICENO. 

(Présentée  par  M.  Diamandy). 

J'ai  l'honneur  de  présenter,  de  la  part  de  M.  Beldiceno, 
Tun  des  archéologues  les  plus  distingués  de  Roumanie^  Theu- 
reux  découvreur  de  la  station  préhistorique  de  Coucouteni, 
une  inscription  qu'il  vient  de  copier  sur  une  pierre  gisant  sous 
des  fondements  de  ruines  (village  de  Dragaesti-Bucovine).  Les 


BELDICENO.  —   INSCRIPTION  TROUVÉE  A  DRAGAESTI.        365 

dimensions  de  la  pierre  sont  :  67  centimètres  de  longueur, 
15  centimètres  d^épaisseur  et  14  centimètres  d'épaisseur 
dorsale. 

Les  signes  que  vous  remarquez  sur  la  pierre  semblent 
être,  selon  M.  Beldiceno,  dont  je  me  fais  ici  le  fidèle  inter- 
prète, des  signes,  presque  des  signatures  de  propriété  d'une 
peuplade  mongolique. 

Ces  signes  existent  chez  les  Ceremis  (Tchérémis),  Tchin- 
vas  (Cinvos),  les  Votée;  du  gouvernement  de  Kazan  (Russie); 

Chez  les  Kirghiz; 

Chez  les  Kalmouks  de  l'Astrakhan  ; 

Les  Lapons  d'Archangel  ; 

A  Prague  (Alsttadt). 

Enfin,  sur  le  mur  de  Servius,  à  Rome,  on  a  retrouvé  cette 
signature  des  ouvriers. 

Voilà  les  renseignements  et  les  termes  de  comparaisons 
donnés  par  mon  ami.  Maintenant,  si  nous  voulons  pousser 
les  investigations  un  peu  plus  loin,  nous  ferons  remarquer 
que  l'on  a  trouvé  à  Slon  (Roumanie)  des  pierres  qui  por- 
taient des  signes  semblables. 

Il  en  a  été  trouvé  également  sur  des  murailles  germa- 
niques, de  i  200  ans  jusqu'à  près  de  1 500  ans. 

Dans  le  très  intéressant  ouvrage  de  M.  Tocilesco,  dont 
nous  venons  de  nous  servir,  on  peut  trouver  une  mention 
très  grande  de  pareilles  signatures.  Il  est  évident  que  l'es- 
prit humain  a  été  obligé,  à  partir  d'une  certaine  époque 
de  développement,  de  se  servir  de  signes  identiques.  En  vé- 
rité^ ces  signatures  ne  pouvaient  dépasser,  comme  formes, 
les  multiples  résultats  obtenus  par  les  mariages  des  lignes 
droites,  courbes  et  brisées.  Il  serait  intéressant  de  remonter 
à  la  recherche  des  signatures  dans  les  époques  préhisto- 
riques. On  a,  du  reste,  trouvé^  si  j'ai  bonne  mémoire,  sur 
plusieurs  pierres,  des  signes  dont  on  ignore  l'explication  ;  ne 
serait-ce  pas  là  le  commencement  informe  de  l'art  d'écrire  ? 

Je  crois  qu'il  serait  désirable  que  M.  Beldiceno  continuât 

ses  recherches  à  ce  sujet  et  en  fit  part  à  la  Société. 
T.  IX  (4<  sArib).  24 


366  8ÉABrCS  BU  21  MAI  1891. 

•«Ite  de  1»  illaeaBsioa  sur  la  natalité  ea  Fraaee  ^ 

M.  Jacques  Bertii.lon.  Je  crains  fort  que  les  nombreux  écri- 
vains qui  ont  agitée  dans  ces  derniers  temps,  la  question  de 
la  dépopulation  de  la  France^  n'aient  cédé  au  désir  de  ser- 
vir les  idées  qui  leur  sont  particulièrement  chères,  quelque 
rapport  que  ces  idées  eussent  d'ailleurs  avec  ce  sujet. 

La  dépopulation  de  la  France  a  servi  de  tremplin  notam- 
ment aux  projets  suivants^  considérés  par  leurs  partisans 
comme  des  remèdes  efficaces  contre  la  dépopulation  : 

Mesures  à  prendre  contre  Tabus  du  tabac  ; 

Recherche  de  la  paternilé  ; 

Admission  de  Tenfant  naturel  à  succéder  sur  le  même  pied 
que  Tenfant  légitime  ; 

Émancipalion  de  la  femme  ; 

Rétablissement  des  tours  ; 

Mesures  à  prendre  contre  la  syphilis  ; 

Mesures  à  prendre  contre  l'alcoolisme  ; 

Mesures  à  prendre  contre  la  fièvre  typhoïde,  etc.  ; 

Vaccine  obligatoire  ; 

Restauration  des  idées  religieuses  ; 

Suppression  des  couvents  ; 

Suppression  du  divorce  ; 

Suppression  du  mariage  ; 

Lois  socialistes,  etc.,  etc. 

Il  semble,  quand  on  parcourt  cette  longue  liste,  que  Ton 
ne  sache  à  quoi  attribuer  le  mal.  Cependant,  il  n*en  est  pas 
ainsi  ;  tout  le  monde  connaît  sa  cause  ;  tout  le  monde  même 
rinvoque  et  déclare  que  la  restriction  volontaire  est  le  fléau 
de  notre  pays  ;  mais  cela  dit,  chacun  s'empresse  de  monter 

*  Le  discours  de  M.  J.  Bertillon  n'a  pu  Ggurer  dans  la  séaaoe  où  il  a  été 
prononcé,  par  suite  d'un  retard  dans  la  remise  du  manuscrit. 

Les  cbifTres  cités  au  cours  de  ce  travail  sont  extraits  pour  la  plupart 
du  chapitre  Démographie,  par  M.  Jacques  Bertillon,  de  V Bncyelopédm  d» 
l'hygiène,  dirigée  par  M.  Jules  Roohard  (fasc.  1  et  S,  Paris,  ohox  Lecros- 
nicr,  1889). 


DISCUSSION  SUR  IJl  NATALITÉ  BN  FRANCE.  367 

car  son  dada  favori,  et  de  partir  en  guerre  contre  le  tabac, 
oa  contre  Taicoolisme,  ou  contre  tout  autre  défaut  social,  et 
de  proposer  des  mesures  excellentes,  sans  doule^  mais  qui 
n*ont  avec  le  sujet  aucun  rapport. 

Je  me  propose  : 

|o  De  fixer  la  grandeur  du  mal  et  d'en  préciser  la  cause  ; 

2»  De  montrer  Tinanité  parfaite  des  remèdes  qui  n*ont  pas 
pour  but  de  combattre  le  mal  dans  ses  causes  ; 

3®  D'indiquer  dans  quelle  voie  il  faut,  à  mon  avis,  entrer 
délibérément  pour  sauver  la  France  d'une  chute  définitive  ef 
irrémédiable. 

I 

Il  y  a  cinquante  ans,  la  France  et  Fensemble  des  pays  qu 
forment  actuellement  Tempire  d'Allemagne  comptaient  une 
population  sensiblement  égale. 

Aujourd'hui,  la  France  compte  38  millions  d'habitants^  et 
TAllemagne  50  millions.  Ainsi,  en  dehors  de  tonte  conquête, 
TAllemagne  a  gagné  12  millions  d'habitants,  sans  compter 
4  millions^  d'émigrants  environ  qu'elle  a  expédiés  aux  États- 
Unis. 

Cette  augmentation  de  la  population  allemande  vient  uni- 
quement de  ce  que  la  natalité  allemande  est  de  37  naissances 
annuelles  pour  \  000  habitants,  tandis  que  celle  de  la  France 
n'est  que  de  25^  ce  qui  est  le  chiffre  le  plus  faible  que  Ton 
rencontre  en  Europe. 

Aujourd'hui,  grâce  à  l'augmentation  de  la  population  alle- 
mande et  à  sa  plus  grande  natalité»  il  y  a  chaque  année  en 
Allemagne  1800000  naissances,  et  en  France  900000,  c'est- 
à-dire  moitié  moins.  Donc,  dans  vingt  ans,  contre  un  cons- 
crit français,  il  y  aura  deux  conscrits  allemands.  Tel  est  le 
danger  terrible  qui  pèse  sur  notre  pays.  Et  quand  je  le  for- 
mule, je  n'essaye  pas  de  prédire  l'avenir,  je  ne  fa^is  aucune 
hypothèse,  j'exprime  un  fait  dès  à  présent  acquis,  et  telle- 
ment inéluctable  qu'il  faudrait  un  miracle  inconcevable  pour 
nous  en  garantir. 


368  SÉANCE  DU  21   MAI  1891. 

Le  danger  est  très  grave  assurément,  mais  fant-il  renon- 
cer à  le  combattre  ?  Faut-il  imiter  le  stupide  fataliste  qui, 
renonçant  à  lutter  contre  le  torrent  qui  remporte,  se  couche 
au  fond  de  son  canot  et  attend,  les  bras  croisés,  d'être  en- 
glouti par  le  gouffre?  Non,  cette  attitude  n'est  pas  digne  du 
peuple  français.  Ce  que  les  autres  font,  il  peut  le  faire  comme 
eux.  Il  faut  donc  étudier  le  mal  qui  ronge  notre  patrie,  et  le 
combattre  résolument. 


NATALITÉ   BT    NUPTIALITÉ  DBS  PRINCIPAUX  PATS  DE  L^EUROPB  (1878-1882). 

(La  période  étudiée  fst  1865-1870  pour  l'Espagne; 
1867-1 878  pour /a  Ruisie.) 

MATALITi.  MUrriALlTé. 

I  — '-  Combien  da  mariagw 

Combien  de  naiisancei  r«mk:«n              annneli 

vivantei  a^IS^IVI^  poor  1  W)0  habiUnU 

en  an  an  pour  •;-.,»»*.        ___■          'S^ 

non       poar  i  000    de  plas    et  de  tont 
en  général,  mariées,    mariées,    nabitants.  deiSans.  éUteîTiU 

France 68  115  10,9  24,8  45,4  7,5 

Alsace-Lorraine.  94  182  13,1  82,4  86,8  6,4 

Belgique 94  184  13,9  29,9  40,0  6,9 

Pays-Bas 109  208  6,6  35,6  48,o  7,5 

Espagne »             »  »  8i,0            »    .  7,7 

IUlie 107  184  16,9  86,3  47,5  7,5 

Suisse 83  176  7,4  29,9  38,6  6,9 

Allemagne 114  202  20,7  37,7  49,4  7,5 

Autriche 112  187  33,0  38,4  50,0  7,8 

Hongrie 132  197  25,2  43,5  72,6  9,8 

Russie »             »  »  50,0             »  9,4 

Suède 84  160  15,8  29,6  36,9  6,8 

Norvège 95  186  14,7  30,9  42,8  6,7 

Danemark 94  167  19,2  32,5  47,9  7,6 

Angleterre 103  190  10,2  34,0  50,2  7,4 

Ecosse 100  205  13,1  33,7  39,6  6,7 

Irlande 74  177  3,1  24,9  23,1  4,8 

MORTALITÉ  COMPARÉE  DES  PLUS  GRANDS  PATS  DE  l'eUROPE. 

France  Italie  Praue         Antriohe      Angleterre 

Ages.  1875-79.  1872-79.  1870.80.  1870-79.  1866-80. 

0-1  an 179,8  234,9  222,2  230,2  167,5 

1-5  ans 27,5  66,6  40,6  52,8  32,6 

5-10  ans...*  6^6  13,4  9^3  14,6  6,9 

10-15  ans....  4,2  6,4  4,1  6,2  4,0 

15-20  ans....  6,0  7,0  4,9  7,2  6,8 


DISCUSSION  SUR  LA   NATALITÉ  EN  FRANCE.  369 

Ages.  1875-79.  197i.79.  1876-80.  1876-70.  1866-80. 

France  Italie  Praase  Autriche     Angleterre 

SO-tSans.  ..  8,5  Mi 

26-30  ans...,  9,5  9,8  i  '  '  * 

30-35  ans....  9,8  10,3  i  10,0  j 

35-40  ans....  10,2  11,9$  *  10,5)  * 

40-45  ans....  11,8  18,4  J  ^,  ^  13,1  J 


13,1 


•M  14  7 

45-50  ans....             13,0             16,1  J  '  14,8 

50-55  ans.,..  17,0  21,2  J  17,0  j  ^ 

55-60  ans,...             22,6             27,5  i  *  22,5 1              ' 

60^5  ans.. . .  33,6  41,5  i  32,9 1  ,. 

65-70  ans....              49,6             61,1  |  '  46,2 1              ' 

70-73  ans. . . .  78,3  96,2  J  65,6  J 

75-80  ans....            117,1            123,4)  ^^'^  92,7  î          ^^'^ 

»  147,8  » 


Ensemble.,  22,3  30,1  25,9  30,1  22^2 

Les  chiffres  que  j'ai  cités  plus  haat  sont  propres,  d'ailleurs, 
à  nous  consoler.  II  y  a  cinquante  ans,  la  France  et  TAlle- 
magne  étaient  également  peuplées  ;  cinquante  ans  sont  peu 
de  choses  dans  la  vie  d'un  peuple  ;  ce  que  cinquante  ans  ont 
fait  contre  nous,  cinquante  ans  peuvent  le  faire  en  sens 
inverse. 

La  France  et  rAllemagne  sont  comme  deux  familles  qui, 
également  riches  au  début,  auraient  placé  leurs  fonds,  Tune 
à  2  1/2  pour  iOO,  l'autre  à  3  1/2  pour  100,  Si  ces  deux  fa* 
milles  sont  également  économes,  la  seconde^  au  bout  d'un 
demi-siècle,  sera  beaucoup  plus  riche  que  la  première,  La 
déchéance  de  celle-ci  sera-t-elle  sans  remède?  Non.  Il  lui 
suffira  de  faire,  sans  tarder,  un  placement  de  son  argent  un 
peu  plus  avantageux. 

Les  familles  françaises  ont,  en  moyenne,  trois  naissances 
vivantes,  et  les  familles  allemandes  un  peu  plus  de  quatre. 
Est-il  impossible  de  déterminer  les  familles  françaises  à  pro« 
créer  une  naissance  de  plus  ? 

L'étude  de  la  natalité  française  montre  comment  on  doit 
espérer  d'atteindre  ce  résultat. 

La  natalité,  en  France,  est  d'autant  plus  faible  que  le  pays 
est  plus  riche.  Je  ne  m'attarderai  pas  à  prouver  celte  propo- 
sition que  mon  ami  M.  Chervin  vous  a  très  bien  démontrée. 


370  8ÉANGS  DU  21  MAI  1891. 

La  Normandie,  la  vallée  de  la  Garonne,  pays  d'une  riehesse 
inépuisable,  sont  les  régions  les  moins  fécondes  de  la  Pranoe. 
Au  contraire,  la  Bretagne,  pays  très  pauvre,  est  la  seule  ré- 
gion où  la  natalité  soit  suffisante. 

Cette  vérité  peut  encore  se  traduire  ainsi  :  Dans  les  millêfll 
où  Ton  pense  à  sa  fortune  (c^est-'à-dire  dans  ceux  où  on  en  a, 
car  on  ne  pense  à  sa  fortune  que  lorsqu'on  en  a},  on  a  pea 
d'enfants  ;  dans  les  milieux  où  l'on  ne  pense  pas  à  sa  fortoilt 
(parce  qu'on  n*en  a  pas),  on  a  un  nombre  d*enfants  stifflsaflt. 

Gela  se  vérifie  aussi  dans  les  différents  quartiers  de  Paris* 
Dans  les  faubourgs  pauvres,  la  natalité  parisienne  se  rap- 
proche  de  la  natalité  allemande.  Dans  les  quartiers  riches, 
où  chacun  possède  une  fortune  et  entend  la  conserver,  la 
natalité  est  d*une  faiblesse  invraisemblable. 

M.  Chervin  nous  a  montré,  par  des  statistiques  très  ca- 
rieuses,  que  la  même  loi  se  vérifie  lorsqu'au  lieu  de  consi- 
dérer de  vastes  régions,  on  en  étudie  de  très  restreintes.  Il 
nous  a  montré  que  dans  le  riche  et  stérile  Lot-et-Garonne 
(riche  en  récoltes,  stérile  en  hommes),  les  cantons  les  plus 
riches  sont  ceux  où  les  naissances  sont  les  plus  rares,  -tandis 
que  les  cantons  les  plus  pauvres  ont  une  natalité  moins  mi* 
ëérable.  Ainsi,  dans  les  centres  riches,  ce  sont  les  plus  riches 
qui  sont  les  moins  féconde. 

D'autre  part,  M.  Arsène  Dumont  a  prouvé  que  dans  les 
centres  pauvres^  ce  sont  les  plus  pauvres  qui  sont  les  plus 
féconds. 

D'où  vient  cette  loi  si  générale  —  qui  se  vérifie  d^alilenrs 
dans  d'autres  pays  que  le  nôtre  ?Paut-îl  en  accuser  les  moeurs 
prétendues  corrompues  des  riches  ?  Mais  lisez  Tétude  atta- 
chante que  M.  Arsène  Dumont  a  écrite,  par  exemple,  snr  les 
îles  de  Ré  et  d'Oléron.  11  y  peint  des  populations  très  douces 
dont  les  seules  passions  sont  la  lecture  et  la  danse.  La  danse, 
toujours  décente,  est  la  préparation  au  mariage  ;  les  nais- 
sances illégitimes  y  sont  extrêmement  rares.  On  ne  peut 
ima^ner  des  mœurs  plus  douces  ni  plus  honorables.  Cepen- 
dant, la  natalité  de  ces  îles  est  des  plus  faibles. 


DlSCUSSIOff  SUR   LA  NATALITÉ  EN  FRANGE.  371 

De  longs  dithyrambes  «  renouvelés  des  anciens  sur  les  temps 
et  les  mœurs,  sont  donc  ici  hors  de  saison.  Dans  les  tles  de 
Ré  et  d'Oléron,  chacun  est  plus  ou  moins  propriétaire  ;  cha- 
cun a  un  bien  à  protéger  ;  chacun  est  ambitieux  pour  ses  en- 
fants. Et  ce  sont  ces  vertus  louables  qui  amènent  la  dépopu* 
lation  du  pays. 

Ce  sont  donc  des  préoccupations  d'argent  qui  sont  ici 
seules  en  cause.  On  songe  que  si  l'on  a  des  enfants,  il  faudra 
de  Targent  pour  les  élever  ;  mais  surtout  il  faudra  partager 
la  fortune  pour  les  doter^  et  la  partager  à  nouveau  lorsqu'ils 
hériteront.  Conclusion  :  on  évite  d'en  avoir. 

L'homme  qui  se  charge  d'une  nombreuse  famille,  non  sea* 
lement  se  charge  d'un  poids  très  lourd,  mais  charge  aés  en- 
fants. 11  veut  éviter  ce  double  mal,  et  je  me  hâte  de  dire 
qu'en  bon  père  de  famille,  il  craint  le  second  plus  que  le 
premier. 

Cela  est  tellement  vrai  que  dès  qu'il  y  a  une  raison  pour 
que  ces  préoccupations  disparaissent,  aussitôt  la  natalité  se 
relève.  La  thèse  toute  récente  (1890)  de  M.  Lancry  en  donne 
xin  bel  exemple. 

Fort-Mardick  (Nord),  près  Dunkerque,  est  une  commune 
constituée  par  Louis  XIY,  d'après  les  principes  suivants  qui 
sont  encore  en  usage  aujourd'hui  Toute  famille  nouvelle  qui 
se  constitue»  lorsqu'un  des  conjoints  est  né  dans  la  commune 
et  que  le  mari  est  inscrit  maritime,  reçoit  en  usufruit  (en  usu- 
fruit seulement,  là  est  le  point)  ââ  ares  et,  en  outre^  une  plaœ 
sur  la  plage  pour  la  pêche  au  filet.  La  commune  a  reçu  de 
Louis  XIY,  en  tout,  125  hectares  de  terre;  ce  qui  n'est  pas 
distribué  en  usufruit  est  loué  5000  francs  au  profit  de  la  com- 
mune. Les  ménages  concessionnaires  «  ne  peuvent  concéder 
qu'à  leurs  enfants  seulement  les  parcelles  de  terre  qu'ils  occu- 
pent. Dans  aucun  cas,  la  parcelle  ne  pourra  être  scindée  ». 
De  là  résulte  qu'elle  échappe  aux  créanciers.  Elle  ne  peut 
être  ni  augmentée  ni  divisée.  Elle  est  inaliénable,  indivisible 
et  inextensible. 

Voilà  donc  une  population  passablement  aisée  et  pourtant 


372  SÉANCE  DU  21    MAI  i89i. 

étrangère  à  toute  préoccupation  d*héritage.  On  peut  dire 
qu'elle  échappe  au  Code  civil. 

Il  en  résulte  que  les  mariages  sont  nombreux  (en¥iroa 
il  pour  1000  habitants)  et  aussi  précoces  que  le  permet  le 
service  maritime  (âge  probable  du  mariage  des  hommes, 
vingt-quatre  ans);  les  naissances  illégitimes  sont  par  consé* 
quent  très  rares  (1  sur  60  naissances).  Au  contraire,  la  nata- 
lité  légitime,  et  c*est  là  le  point  important,  est  extrêmement 
élevée  ;  elle  atteint  43  pour  1  000  habitants,  c'est-à-dire 
qu'elle  n'est  dépassée  en  Europe  que  par  la  Russie.  Mais  ce 
qui  n'arrive  pas  en  Russie,  c'est  que  sur  ces  43  enfants  nés 
vivants,  33  atteignent  l'âge  de  vingt  ans*. 

Voilà  donc  un  pays  dans  des  conditions  démographiques 
excellentes  ;  il  est  permis  de  les  rattacher  à  son  organisation 
si  étrange. 

M.  Afsène  Dumont  nous  a  décrit,  dans  une  région  de  la 
France  tout  à  fait  différente,  un  phénomène  analogue.  Au 
Fouesnant  (Finistère)  existe  un  usage  tout  à  fait  comparable 
à  celui  de  Fort-Mardick.  Tout  homme  qui  revient  du  service 
militaire  va  proposer  à  un  propriétaire  de  lande  de  lui  aban- 
donner, pour  un  temps  très  long,  une  parcelle  de  cette  terre 
inculte.  11  la  défriche,  s'y  établit,  s'y  marie  et  y  a  beaucoup 
d'enfants  ;  car  il  n'a  aucune  inquiétude  à  avoir  pour  ses  des- 
cendants. La  lande  est  immense^  et  i)  sait  qu'eux  aussi  pour- 
ront en  cultiver  une  parcelle;  le  propriétaire  y  gagnera 
d'avoir,  au  bout  d'un  certain  temps,  un  champ  de  rapport  au 
lieu  d'une  terre  inculte,  et  ils  auront  eu,  eux,  l'avantage  d'y 
passer  leur  vie  sans  trop  de  souci. 

Ainsi,  même  en  France,  dès  que  disparaît  la  préoccupation 
de  la  fortune  à  conserver  (c'est-à-dire  à  ne  pas  partager),  la 
natalité  prend  un  essor  considérable. 

Si  c'est  en  France  que  cette  préoccupation  nuit  le  plus  à 
la  natalité,  c'est  que  la  France  est,  plus  qu'aucun  autre  peut- 


1  La  population  de   ForUMardick  était,  en  1729,  de  20i  habitants; 
en  1851,  de  613  habitants  ;  en  1886,  de  1  481  habitants. 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANCE.  373 

être,  un  pays  de  petits  propriétaires  ;  c*est  que>  plus  qu'au- 
cun autre,  il  est  prévoyant  et  économe* 

Actuellement,  le  père  de  famille  est  d'autant  plus  chargé 
d'impôts  directs  et  indirects,  que  sa  postérité  est  plus  nom- 
breuse. S'il  a  quelque  fortune,  il  sait  que  ce  bien  si  pénible- 
ment amassé,  si  péniblement  conservé,  si  difficilement  accru, 
s'évanouira  par  division,  au  lendemain  même  de  sa  mort. 
Dans  son  intérêt  comme  dans  celui  de  sa  postérité^  il  faut  que 
celle-ci  soit  aussi  peu  nombreuse  que  possible. 

Faites;  qu'au  contraire  il  n'ait  pas  un  intérêt  majeur  à  res- 
treindre le  nombre  de  ses  enfants,  et  il  s'abandonnera  sans 
regret,  comme  à  Fort-Mardick  ou  comme  au  Fouesnant,  au 
bonheur  si  naturel  et  si  doux  de  se  voir  continué,  en  quelque 
sorte,  par  une  nombreuse  famille. 

Il 

Il  me  faut  à  présent  examiner  les  remèdes  variés  que  dif- 
férents auteurs  ont  proposé  dans  le  but  d'augmenter  la  popu- 
lation française.  On  peut  les  diviser,  malgré  leur  très  grande 
variété,  en  quatre  catégories,  suivant  que  leurs  auteurs 
visent  : 

i**  Les  réformes  sociales  diverses  ; 

2<*  L'augmentation  du  nombre  des  mariages  ; 

3»  La  diminution  de  la  stérilité  involontaire  (syphilis,  alcoo- 
lisme,  etc.); 

4^  La  diminution  de  la  mortalité. 

J'examinerai  successivement  chacune  de  ces  catégories. 

Examen  de  réformes  sociales  diverses  proposées  dans  le  but 
hypothétique  d'élever  la  natalité.  —  J'ai  beau  chercher,  je  ne 
puis  trouver  le  rapport  que  l'on  cherche  à  établir  entre  la 
recherche  de  la  paternité  et  l'augmentation  de  la  population. 
C'est  la  natalité  légitime  que  l'on  doit  chercher  à  augmenter. 
En  quoi  la  recherche  de  la  paternité  peut-elle  y  contribuer? 
L'amour  de  l'équité  me  rend  partisan  de  la  recherche  de  la 
paternité  ;  mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  l'appuyer  sur 
des  arguments  entièrement  étrangers  au  sujet.  Au  surplus, 


374  SÉANGB  Dtr  Si   MAI  1891. 

je  remercie  M.  Chervin  d'avoir  rappelé  qu'à  mon  arà  la 
statistique  prouve  que  la  recherche  de  la  paternité  n'exerce 
sur  la  natalité  illégitime  aucune  influence. 

Il  est  évident  qu'on  n'augmenterait  en  rien  (bien  tu  eoD« 
traire)  la  natalité  française,  si  l'on  rendait  les  droits  de  l'en- 
fant naturel  sur  l'héritage  de  ses  parents,  égaux  à  ceux  des 
Bufants  légitimes. 

Personne  n'a  jamais  indiqué  que  V émancipation  de  la  femmes 
la  suppression  du  divorce,  ou  au  contraire  des  loti  rendant  U 
divorce  plus  facile ,  augmenteraient  la  natalité.  Jamais  on  n'a 
donnée  à  l'appui  de  ces  fantaisies,  une  preuve  ni  un  oom- 
mencement  de  preuve.  On  peut  assurément  être  partisan  du 
suffrage  des  femmes,  ou  de  leur  éligibilité,  on  plus  simple* 
ment  encore  de  Textension  des  droits  civils  qui  leur  sont  très 
injustement  confisqués  ;  mais,  encore  une  fois,  tout  cela  n'a 
aucun  rapport  avec  le  sujet  qui  nous  occupe. 

Des  réformes  socialistes  ayant  pour  effet  de  diminuer  la  part 
du  capital  pour  augmenter  d'autant  la  part  du  travailleur, 
auraient-elles  quelque  effet  sur  la  natalité?  Je  ne  puis  me 
prononcer  sur  cette  question,  faute  d'éléments  pour  l'étudier. 
Cependant,  la  rémunération  du  capital  n'a  cessé  de  diminuer 
depuis  le  commencement  du  siècle  ;  on  peut  même  estimer 
qu'elle  a  diminué  de  près  de  moitié,  car  l'intérêt  normal  de 
l'argent  était  autrefois  de  5  pour  100,  et  il  n'est  plus  aujour- 
d'hui que  de  3  pour  iOO.  Gela  n'a  pas  empêché  la  natalité  de 
décroître  dans  notre  pays.  Augmenterait-elle  si  le  capital 
venait  à  n'être  plus  rémunéré  du  tout  ?  Je  n'ai  pas  à  examiner 
cette  question  difficile  et  très  hypothétique,  car,  si  cela  arrive, 
ce  ne  pourra  être  que  dans  un  avenir  extrêmement  éloigné. 
Or,  la  lutte  suprême,  celle  à  laquelle  notre  pays  doit  penser 
toujours,  aura  eu  lieu  depuis  longtemps. 

La  restauration  des  idées  religieuses ^  si  elle  était  possible, 
aurait  peut-être  quelques  effets  sur  la  natalité.  En  France  et 
en  Belgique,  et  peut-être  dans  d'autres  pays,  les  régions  les 
plus  sincèrement  catholiques  se  distinguent  par  une  faible 
nuptialité  et  par  une  forte  natalité  ;  je  ne  crois  pas  que  ce 


DlSCUSSIOlr  6UR  LA  NATALITÉ  EN  FRANGE.  375 

•oit  une  simple  coTncidence  ;  si  TÉglise  regarde  le  oélibat 
comme  un  état  préférable  au  mariage,  il  faut  reconnaître 
qu'elle  condamne  la  restriction  volontaire.  Les  textes  cités 
par  notrej  ami  M.  Hervé  prouvent  que  l*Église,  qui  pratique 
•i  bien  l'art  des  accommodements,  sait  aussi  transiger  sur  ce 
chapitre  ;  mais  les  concessions  qu'elle  fait  parfois  à  regret  ne 
doivent  pas  nous  faire  méconnaître  le  fond  de  sa  doctrine. 
Les  études  démographiques  montrent  la  grande  influence  que 
la  religion  a  sur  les  mœurs,  et  même  sur  des  phénomènes  de 
pathologie  morale  (sur  la  fréquence  des  suicides,  par  exem* 
pie),  et  prouvent  que  les  hommes  mettent  en  pratique,  plus 
qu'on  ne  pourrait  le  croire,  les  prescriptions  de  leur  reli- 
{^on  ;  or,  toutes  les  religions  prescrivent  à  l'homme,  plus  ou 
moins  impérativement,  d'avoir  une  postérité  aussi  nombreuse 
que  possible.  La  religion  juive,  si  respectueuse  pour  les  pa* 
trlarches  qui  ont  créé  le  peuple  hébreu,  fait  même  espérer 
mx%  mères  fécondes  la  naissance  d'un  dieu,  et  proche,  plus 
qu'aucune  autre  peut-être,  le  devoir  d'élever  de  nombreux 
enfants.  Ces  prescriptions  paraissent  écoutées,  et  dans  les 
pays  où  les  mouvements  de  population  sont  étudiés,  en  dis- 
tinguant les  cultes^  on  remarque  que  les  juifs  ont  beaucoup 
d'enfants,  et  qu'ils  en  perdent  peu.  11  est  donc  possible  qu'il 
existe  un  rapport  entre  la  natalité  et  le  degré  de  sincérité  des 
convictions  religieuses.  Mais  il  est  manifeste  que,  quoi  qu'on 
fasse,  on  ne  pourra  pas  changer  notre  siècle^  ni  l'empêcher 
d'être  de  plus  en  plus  incrédule.  De  même  que,  parlant  du 
socialisme,  je  me  refusais  à  chercher  un  remède  trop  loin- 
tain dans  l'avenir,  de  même  je  crois  impossible  de  le  cher- 
cher dans  un  passé  aujourd'hui  condamné  et  à  jamais  dis- 
paru. 

Examm  êommaire  des  mesures  proposées  en  vue  d'augmenter 
le  nombre  des  mariages.  —  La  nuptialité  est  en  France  à  peu 
près  ce  qu'elle  est  ailleurs.  A  vrai  dire,  elle  semble  diminuer 
depuis  quelques  années.  Cependant  ce  n'est  pas  là  que  le  bât 
nous  blesse.  Il  est  remarquable  que  l'un  des  pays  de  la 
France  où  les  mariages  sont  les  plus  rares,  la  Bretagne^  soit 


376  SÉANCE  DU  21   MAI  i89l. 

* 

aussi  un  des  plus  féconds.  Il  en  est  de  môme  en  Belgique,  où 
les  Flandres  comptent  à  la  fois  peu  de  mariages  et  un  nombre 
de  naissances  assez  élevé.  Gela  montre  assez  qull  n*y  a  pas 
un  rapport  immédiat  et  constant  entre  1^  nuptialité  d*an 
pays  et  sa  fécondité.  Enfin,  le  fait  que  la  France  présente  on 
nombre  normal  de  mariage  nous  indique  que  là  n'est  pas  la 
cause  de  la  dépopulation  de  la  France. 

On  a  proposé,  pour  augmenter  le  nombre  des  mariages, 
de  simplifier  les  formalités  nécessaires  pour  le  mai*iage.  Je  crois 
ces  formalités  en  effet  trop  longues,  trop  nombreuses  et  trop 
coûteuses.  Les  pays  mêmes  qui  ont  fait  la  sottise  de  copier 
notre  Code  civil  ont  pris  soin  d'en  rayer  tout  ce  chapitre,  et 
ils  ont  bien  fait.  Mais  on  se  tromperait  fort  si  Ton  croyait 
augmenter  sensiblement  le  nombre  des  mariages  en  suppri- 
mant ces  formalités  nuisibles.  Quand  on  veut  se  marier,  on 
y  arrive  généralement,  malgré  les  obstacles  que  le  législateur 
a  maladroitement  accumulés.  Au  besoin^  la  chose  se  termine 
par  un  faux  ménage,  et  la  natalité  y  perd  en  somme  peu  de 
chose. 

On  a  proposé  aussi,  pour  augmenter  les  mariages,  la  sup« 
pression  violente  des  couvents.  On  a  bien  peu  réfléchi  avant 
de  parler  ainsi  :  sait-on  de  combien  de  naissances  on  aurait 
chance  d'augmenter  la  natalité?  Les  couvents  renferment 
actuellement  64000  femmes  environ.  Supposons  qu'elles 
soient  aussi  disposées  que  les  autres  femmes  à  se  marier  (ce 
qui  n'est  pas  vrai  ;  car,  puisqu'elles  se  sont  retirées  au  cloître, 
c*est  que  la  vie  de  famille  ne  les  attirait  guère)  ;  un  calcul 
simple  nous  montre  qu'elles  produiraient  4624  naissances 
annuelles.  Ainsi,  il  manque  à  la  France  450000  enfants  cha- 
que année,  et  on  lui  en  propose  4  ou  5000  au  plus.  Et  cela 
au  moyen  d'une  mesure  violente,  indigne  d'un  siècle  de  tolé- 
rance ! 

Examen  des  mesures  ayant  pour  but  de  diminuer  la  stériUté 
involontaire.  —  Et  d'abord,  celte  stérilité  involontaire  est-elle 
aussi  fréquente  qu'on  le  prétend.  Notre  très  respecté  maître, 
M.  Jules  Rochard,  s'est  étonné  de  voir  que  d'après  le  recen- 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANGE.  377 

sèment  de  1886,  il  y  eût  2  millions  de  familles  stériles. 

Ce  nombre  ne  paraît  pourtant  pas  exorbitant.  On  ne  peut 
le  comparer  à  ses  similaires  étrangers,  car  la  France  est  le 
senl  pays  où  une  recherche  de  ce  genre  ait  été  faite  par 
recensement.  Cependant,  d'après  différents  gynécologistes 
(allemands  pour  la  plupart)  cités  à  l'Académie  de  médecine, 
le  nombre  des  familles  stériles  serait  de  16  pour  100.  Or,  c'est 
exactement  la  proportion  observée  en  France  d'après  le  dé- 
nombrement de  1886.  Ce  qui  doit  étonner  Tobservateur,  ce 
n'est  pas  le  nombre  des  familles  stériles,  c'est  le  peu  de  fécon- 
dité des  familles  fécondes. 

Voici  d'autres  chiffres  qui  montrent  que  la  stérilité  absolue 
n'est  pas  cause  de  l'affaiblissement  de  la  natalité  française. 
Cette  intéressante  recherche  des  familles  stériles  avait  été 
faite  en  1856,  à  une  époque  où  la  natalité  française  était  un 
peu  plus  élevée  qu'à  présent  ;  or,  le  nombre  des  familles 
fécondes  n'a  pas  diminué  pendant  cet  intervalle  de  trente 
ans  ;  ce  qui  a  diminué,  c'est  la  fécondité  des  familles. 

France  (moins  la  Seine).  Sur  100  familles  {époux  mariés)^ 
combien  avaient  un  ou  plusieurs  enfants  et  combien  n'en  avaient 
pas? 

Avec  enfants.     Sans  enfants. 

1856 83.6  16.4 

188C 83.2  16.8 

Ainsi,  la  proportion  des  ménages  absolument  stériles  n'aug- 
mente pas  en  France  ;  et,  en  outre,  cette  proportion  paraît 
être  celle  que  Ton  observe  en  tous  pays.  Ce  n'est  donc  pas  la 
cause  de  la  dépopulation  de  la  France. 

J'insisterai  à  peine  sur  les  remèdes  que  l'on  a  proposés  pour 
combattre  cette  stérilité  soi-disant  excessive.  Il  suffit  presque 
de  les  citer  pour  en  voir  l'inanité. 

On  a  dit  qu'on  diminuerait  le  nombre  des  femmes  stériles 
(et  surtout  des  hommes  stériles)  en  combattant  l'abus  du 
tabac.  Comme  si  les  Allemands,  Anglais,  Russes  et  autres  ne 
fumaient  pas  autant  et  plus  que  nous! 

On  a  proposé,  dans  le  même  but,  de  combattre  la  syphilis  1 


378  SÉANGS  PU  21  MAI  1891, 

Même  objection.  Est-ce  que  les  étrangers  ne  oonnaissent  pas 
la  syphilis  ?  Il  est  très  difficile  de  savoir  si  elle  e$i  plus  ou 
moins  répandue  en  France  qu'ailleurs,  et  il  semble  (d'après 
le  nombre  des  enfants  morts  de  syphilis]  qu'elle  soit  relative* 
ment  assex  répandue  à  Paris  ;  mais  c'est  là  une  question  de 
degré.  Assurément,  la  syphilis  est  une  plaie  dont  il  faudrait, 
à  beaucoup  de  points  de  vuC;  débarrasser  le  pays  ;  mais  c'est 
ça  exagérer  singulièrement  l'importance  que  de  rattacher 
l'existence  de  cette  maladie  h  la  dépopulation  de  la  France. 

Enfin,  on  s'en  est  pris  à  l'alcoolisme.  Même  objection  que 
précédemment.  Cette  plaie,  sans  cesse  grandissante,  n'est 
pas  spéciale  à  la  France  ;  nous  savons  d'ailleurs  en  mesurer 
l'étendue,  et  nous  savons  que  la  France  partage,  aveo  les 
autres  peuples  latins,  le  privilège  d'avoir  peu  d*ivrognes. 
Hien  de  mieux  que  de  combattre  l'alcoolisme,  mais  gardons* 
nous  de  croire  qu'il  ait  sur  la  natalité  une  influence  de  quel* 
que  importance. 

Examen  de$  mesures  proposées  en  vue  (Rabaisser  la  mortalité. 
—  Comme  la  question  de  la  dépopulation  de  la  France  a  été 
surtout  discutée  par  des  médecins,  c'est  à  des  théories  médi* 
cales  que  cette  question  a  surtout  servi  de  tremplin. 

Les  médecins  ont  tous  raisonné  comme  s'ils  disposaient  à 
leur  gré  de  la  vie  humaine.  Ce  n'est  pourtant  pas  le  cas  ;  il 
arrive  très  rarement,  même  aux  plus  habiles  d'entre  eux, 
d'arracher  à  la  mort  un  homme  qu'elle  a  marqué  de  son 
sceau.  Il  est  très  difficile  d'empêcher  un  homme  de  mourir  ; 
les  plus  savants  médecins  n'y  arrivent  pas.  Tandis  qu'il  est 
très  facile  de  faire  naître  un  homme  ;  cela  est  à  la  portée  d'un 
dernier  manœuvre. 

Je  ne  crois  donc  pas  que  les  mesures  proposées  soient  effi- 
caces ni  que,  même  lorsqu'elles  sont  efGcaces,  elles  soient 
pratiques.  Voyez  quelle  peine  on  a  à  tirer  parti,  après  un  siècle 
d'expérience,  de  la  vaccine,  la  seule  arme  presque  infaillible 
qu'on  ait  contre  la  maladie. 

Assurément,  un  pays  a  le  devoir  de  se  garer,  autant  que 
possible,  contre  la  maladie  et  contre  la  mort.  11  faut,  dans  ce 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN  FRANCE.  379 

but,  faire  tout  le  nécessaire!  exactement  comme  on  fait  tout 
le  nécessaire  pour  guérir  un  malade  atteint  de  pneumonie  ou 
de  toute  autre  maladie.  Mais  il  ne  faut  pas  non  plus  se  ber- 
cer d'illusions,  et  il  faut  bien  avouer  que  refficacité  de  ces 
mesures,  prises  par  acquit  de  conscience,  est  des  plus  dou- 
teuses. Les  déconvenues  de  Thygiène  sont  presque  aussi  nom- 
breuses que  celles  de  la  médecine. 

Passons  pourtant  en  revue  les  réformes  hygiéniques  pro- 
posées. Nous  serons  surpris  de  voir  combien  peu  d'existences 
humaines  elles  sauveraient  —  même  en  leur  supposant  un 
plein  succès. 

Je  crois  fermement  que  l'eau  est  un  des  véhicules  ordi- 
naires de  la  fièvre  typhoïde.  Un  esprit  chagrin  pourrait  dire 
qu'il  y  a  vingt  ans  on  croyait  non  moins  fermement  à  Tin- 
fluence  de  Tencombrement,  et,  il  y  a  trente  ans,  à  l'influence 
des  matières  en  décomposition.  Cependant  la  transmission 
de  la  fièvre  typhoïde  par  leau  a  été  si  nettement  observée 
par  M.  Brouardel,  que  je  ne  crois  pas  qu'elle  soit  un  leurre.  La 
conclusion  pratique  de  cette  importante  découverte  est  qu'il 
faut,  autant  que  possible,  boire  de  l'eau  propre.  Supposons 
que  ce  soit  toujours  possible  ;  supposons,  de  plus,  qu'on  ait 
dépensé  tous  les  millions  nécessaires  pour  construire  les  con- 
duites nécessaires,  et  qu'enfin  la  fièvre  typhoïde  disparaisse 
du  territoire  français.  Combien  de  vies  humaines,  après  tant 
de  temps,  tant  d'efforts  et  tant  de  dépenses^  aura-ton  sau- 
vées ?  Seize  mille  au  plus,  d'après  les  évaluations  les  plus  éle- 
vées. Ainsi,  il  manque  à  la  France  450000  naissances  an- 
nuelles, et  on  lui  ofi're  46000  habitants. 

Je  ne  parlerai  pas  longuement  de  la  vaccine  et  revaccine 
obligatoires.  Excellente  mesure  assurément,  car  elle  a  fait 
complètement  disparaître  la  variole  de  l'Allemagne.  Mais 
enfin,  il  ne  s'agit  que  de  3  ou  4000  vies  humaines.  Au  point 
de  vue  humanitaire  et  sentimental,  c'est  beaucoup  assuré- 
ment; mais,  au  point  de  vue  qui  nous  intéresse  en  ce  mo- 
ment, ce  n'est  rien. 
On  a  proposé  le  rétablissement  des  tours»  Quel  rapport  cela 


380  SÉANCE  DU  21   MAI   189i. 

a-tril  avec  raccroissement  de  la  population  ?  Y  a-t-il  un  inté- 
rêt social  quelconque  à  conserver,  à  grands  frais,  les  quelques 
centaines  d'enfants  syphilitiques,  scrofuleux  et  tuberculeux 
que  Ton  y  déposerait  ?  Des  considérations  multiples  me  font 
désirer  le  rétablissement  des  tours  ;  mais,  au  point  de  vue  qui 
nous  occupe^  la  chose  n'a  aucun  intérêt. 

En  somme,  de  combien  les  hygiénistes  les  plus  ambitieux 
prétendent-ils  faire  diminuer  la  mortalité  ?  De  â  pour  1 000 
seulement,  et  quand  on  examine  de  près  leur  prétention,  on 
voit  qu'elle  est  extrêmement  exagérée.  Admettons-la  pourtant, 
et  voyons  combien  nous  restons  loin  de  compte.  Ce  qu'il  faut 
pour  donner  à  notre  population  l'essor  qu'il  lui  faut,  c'est 
porter  notre  natalité  de  25  à  37  pour  i  000.  Au  lieu  de  cela, 
les  hygiénistes  nous  promettent  (?)  d'abaisser  la  mortalité  de 
22  à  20  pour  i  000.  Il  n'y  a  pas  compensation.  La  population 
restera  encore  en  déficit  (même  si  ces  promesses  se  réalisent) 
de  iO  existences  annuelles  pour  iOOO  habitants. 

Je  ne  crois  pas  qu'on  obtienne  ce  résultat,  même  dans  l'hy- 
pothèse la  plus  favorable. 

Admettons,  en  effet,  que  les  hygiénistes  arrivent  à  dimi- 
nuer la  mortalité.  Auront-ils  contribué,  en  quoi  que  ce  soit,  à 
l'accroissement  de  la  population  ?  Gardons-nous  de  le  croire. 
La  démographie  nous  enseigne  que  cet  abaissement  de  mor- 
talité serait  suivi,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  d'un  abais- 
sement de  la  natalité.  On  aura  donc  une  population  plus 
âgée,  plus  chétive,  mais  non  pas  plus  nombreuse. 

En  effet,  une  loi  générale,  et  qui  ne  souffre  que  de  rares 
exceptions,  veut  que  les  pays  où  les  naissances  sont  nom- 
breuses aient  aussi  beaucoup  de  décès,  et  réciproquement, 
ceux  qui  ont  peu  de  naissances  ont  généralement  peu  de 
décès.  Les  deux  mouvements  de  population  sont  parallèles. 

Autrement  dit^  lorsque  Ton  meurt  beaucoup,  cela  fait  de 
la  place,  et  il  y  a  aussitôt  beaucoup  de  naissances  pour  com- 
bler les  vides.  Lorsque  les  décès  sont  rares,  la  place  manque 
pour  de  nouveaux  venus,  et  ils  ne  viennent  pas. 

En  Saxe,  il  y  a  beaucoup  de  naissances  et  de  décès.  De 


DISCUSSION  SUR  LA  NATAUTÉ  EN  FRANCS.  381 

même  en  Prasse.  Au  contraire,  en  Belgique,  il  y  a  peu  de 
naissances  et  peu  de  décès.  En  Suède,  au  siècle  dernier,  il  y 
avait  beaucoup  de  naissances,  beaucoup  de  décès  ;  petit  à 
petit,  les  deux  mouvements  se  sont  ralentis  ;  ils  sont  faibles 
aujourd'hui. 

Les  statisticiens  sont  tous  d*accord  pour  reconnaître  le 
parallélisme  des  deux  mouvements  de  population.  Ils  ne  dif- 
fèrent que  sur  Texplication  à  leur  donner.  Les  uns  ont  voulu 
y  voir  un  correctif  accordé  par  la  providence  à  la  terrible  loi 
de  Malthus  ;  assurément,  disent>ils,  le  nombre  des  places  est 
limité  au  banquet  de  la  vie,  mais  la  clémente  nature  propor- 
tionne le  nombre  des  nouveaux  venus  au  nombre  des  par-* 
tants,  et  diminue  ainsi  la  somme  des  souffrances  de  Thuma- 
nité. 

Je  crois,  avec  beaucoup  d'autres,  que  le  fait  peut  s'expli'- 
quer  plus  simplement:  quel  que  soit  Tàge  d'un  mort,  on 
s'explique  aisément  que  sa  disparition  provoque  une  nouvelle 
naissance.  Est-ce  un  enfant?  Ses  parents  éprouvent  le  besoin 
de  reporter  leur  affection  sur  un  être  nouveau,  et  Ton  recom- 
mence Tenfant  perdu.  Combien  de  fois  le  fait  a  été  observé 
dans  des  pays  à  parcimonieuse  natalité,  en  Normandie  par 
exemple.  Est-ce  un  adulte  ?  Les  enfants  qu'il  était  susceptible 
d'avoir  sont  procréés  ;  et,  d'autre  part,  la  place  qu'il  occu- 
pait au  soleil  est  occupée  par  un  autre  plus  jeune,  qui  profite 
de  Toccasion  pour  se  marier  et  pour  avoir  à  son  tour  des  en- 
fants. Est-ce  un  vieillard  ?  S'il  est  pauvre,  il  constitue  pour  sa 
famille  une  charge  dont  elle  se  trouve  allégée,  et  sa  dispari- 
tion rend  plus  aisée  Téducation  d'un  nouvel  enfant.  S'il  est 
riche,  il  laisse  un  héritage  qui  permet  à  ses  héritiers  de  se 
marier  et  d'avoir  des  enfants.  Ainsi,  tout  décédé,  quel  que 
soit  son  âge,  laisse  une  place  vacante,  place  aussitôt  prise  par 
de  nouvelles  naissances. 

Ce  parallélisme  des  naissances  et  des  morts  est  tellement 
vrai,  que  lorsqu'une  calamité  vient  frapper  un  pays  et  multi- 
plie le  nombre  des  décès,  on  peut  être  certain  que,  l'année 
suivante,  il  y  aura  compensation,  ces  nombreux  décèn  ayant 

T.   II  (4«  SÂRIS). 


38t  SÉANCB  DU  ii   MAI  IMil. 

appelé  derrière  eux  de  nombreuses  naissances.  En  France, 
la  guerre  et  la  variole  élevèrent,  en  1871,  la  mortalité  à 
35  pour  1000  habitants;  l'année  suivante,  la  natalité  s*éleTait 
à  26.7  (au  lieu  de  25.5,  taux  des  années  antérieures  à  1870), 
et  ce  taux,  relativement  satisfaisant,  se  maintenait  pendant 
quatre  ans  encore.  En  Prusse,  la  guerre  éleva  de  même  la 
natalité  à  41.5  pendant  trois  ans  (au  lieu  de  39,  taux  des 
années  antérieures  à  1870).  Les  exemples  semblables  sont 
innombrables.  Le  plus  remarquable  est  emprunté  à  la  Fin* 
lande.  Ce  pays  fut  soumis,  en  1868,  à  une  effroyable  famine, 
qui  éleva  considérablement  la  mortalité.  Les  années  sui- 
vantes furent  remarquables  par  une  fécondité  extraor- 
dinaire *. 

Ainsi,  il  est  exact  de  dire  que  les  décès  appellent  les  nais- 
sances. Diminuez  les  décès,  vous  diminuez  les  naissances  par 
cela  même. 

On  peut  comparer  une  société  humaine  &  un  bassin  d*une 
capacité  donnée,  et  muni  d'un  flotteur,  de  façon  à  le  tenir 
toujours  rempli  d*eau.  Il  y  a  un  robinet  d'entrée  (c'sst  la 
natalité  et  rimmigration)  ;  mais  il  ne  s'ouvre  que  dans  la  me- 
sure où  est  ouvert  le  robinet  de  sortie  (ce  robinet  de  sortie 
c'est  la  mortalité  et  l'émigration).  Impossible  d'ouvrir  Tiin 
sans  ouvrir  l'autre. 

On  peut  comparer  encore  une  société  humaine  à  Une  forêt 
d'une  étendue  déterminée. 'Dès  que  le  bûcheron  fait  des  clai- 
rières dans  la  forêt,  les  rejets  et  les  stolons  bourgeonnent  de 
toutes  parts,  et  la  forêt  se  reconstitue,  sans  qu'on  ait  à  s'oc- 
cuper de  son  peuplement.  S'il  en  est  autrement,  c'est  qu'il  y 
a  quelque  vice,  quelque  germe  malfaisant  qui  contrarie 
l'effet  bienfaisant  de  la  nature.  Il  faut  alors  que  le  forestier 
recherche  cette  cause  de  stérilité  et  la  détruise  ;  qu'il  écarte 
la  dent  dévastatrice  des  chèvres  et  les  autres  animaux  nui- 
sibles qui  détruisent  les  jeunes  pousses  de  sa  forêt.  Mais  que 
dire  de  celui  qui,  contre  un  pareil  malheur,  n'imaginerait 

1  Finlande,  par  Jacques  Berlillon  (Dictionnaire  encyclopédique  des  *ei99iUt 
médicales). 


DISCUSSION  SUR   LA  NATALITÉ  EN   FRANCE.  383 

autre  chose  que  d'écarter  la  hache  du  bûcheron  et  de  con^ 
server  ses  arbres  indéOniment  !  Il  n'arriverait  qu'à  vieillir 
Inutilement  sa  futaie,  et,  finalement,  serait  vaincu  dans  cette 
lutte  contre  la  mort  ;  car,  la  loi  des  sociétés  vivantes,  des 
forêts  comme  des  nations,  c*est  le  renouvellement  perpétuel 
des  êtres. 

L'œuvre  impossible  tentée  par  ce  forestier  ignorant  n'est 
autre  que  celle  que  conseillent  des  médecins  trop  conficmts 
dans  leur  art. 

La  lutte,  d'ailleurs,  très  nécessaire,  qu'ils  veulent  soutenir 
contre  la  mort,  pourra,  sans  doute,  conserver  un  certain 
nombre  de  malheureux  dont  la  mort  prématurée  doit  nous 
toucher.  Mais  elle  n*a,  au  point  de  vue  du  chiffre  de  la  popu- 
lation, aucune  espèce  d'intérêt.  Outre  qu'elle  ne  peut  abaisser 
la  mortalité  que  d'une  quantité  insignifiante,  cet  abaissement 
même  de  la  mortalité  ne  peut  avoir  d'autre  effet  que  de 
diminuer  encore  le  nombre  des  naissances. 

Ce  qu'il  faut,  c'est  combattre  le  mal  dans  ses  causes. 

Ces  causes  sont  connues  :  c'est  la  restriction  volontaire 
causée  par  des  considérations  d'argent.  C'est  donc  par  des 
réformes  fiscales  très  radicales  qu'on  pourra  arriver  à  modi- 
fier l'esprit  public. 

La  justice  s'unit  à  l'intérêt  patriotique  pour  les  conseiller. 

III 

Il  faut  que  le  législateur  considère  le  fait  d'élever  un  en^* 
faut  comme  une  des  formes  de  l'impôt. 

Outre  qu'elle  est  indispensable  à  la  conservation  de  notre 
raecy  cette  conception  répond  à  l'idée  que  nous  nous  faisons 
de  la  justice  et  de  la  vérité. 

Payer  un  impôt;  c'est  s'imposer  un  sacrifice  pécuniaire  6û 
faveur  des  intérêts  communs.  Or,  c'est  justement  ce  que  fait 
l'homme  qui  élève  une  nombreuse  famille.  Il  s'impose  un 
sacrifice  pécuniaire  des  plus  lourds,  et  ce  sacrifice  est  extrê- 
mement nécessaire  à  l'intérêt  général.  C'est  donc  bien  oite 
forme  de  l'impAt,  la  plus  lourde  et  la  plus  utile  de  toutes. 


384  SÉANCE  DU  ai  MAI  1891. 

II  est  donc  juste  que  celui  qui  s'impose  ce  fardeau  soit 
dégrevé  sous  une  autre  forme.  Quant  à  celui  qui  se  dispense 
d'élever  une  famille,  il  faut,  au  contraire,  qu'il  paye  l'impôt 
en  argent  puisqu'il  ne  le  paye  pas  en  nature.  Qu'on  ne  dise 
pas  que  je  persécute  les  célibataires  et  les  familles  peu  nom- 
breuses; je  ne  persécute  personne,  je  laisse  chacun  libre  de 
faire  ce  qu'il  veut  ;  seulement,  j'entends  que  chacun,  sous  la 
forme  qu'il  préfère,  paye  à  l'État  ce  qu'il  lui  doit.  J'imite  un 
propriétaire  qui,  ne  pouvant  se  faire  payer  en  nature  par  son 
métayer,  se  ferait  payer  en  argent. 

L'idée  que  j'émets  est  tellement  juste  que  déjà  l'immortelle 
Constituante  en  avait  émis  le  principe.  Elle  avait  promis  de 
dégrever  en  partie  les  familles  de  plus  de  trois  enfants  et  de 
dégrever  davantage  encore  les  familles  plus  nombreuses.  Si 
elle  n'a  pu  appliquer  ce  principe,  c'est  que  les  circonstances 
terribles  qui  sont  venues  traverser  son  œuvre  ne  l'ont  pas 
permis.  Depuis  que  la  République  a  rappelé  la  France  aux 
idées  de  justice  et  d'équité  proclamées  par  la  Révolution, 
plusieurs  législateurs  ont  émis  des  idées  analogues.  M.  Javal 
a  eu  le  mérite  de  poser  la  question.  La  loi  dite  des  sept  en- 
fants est,  de  l'aveu  de  son  auteur^  insuffisante  pour  relever 
la  natalité  ;  elle  ne  constitue  qu'un  premier  pas  fait  dans  la 
voie  du  salut.  M.  Peytral,  ancien  ministre  des  finances,  et, 
plus  récemment,  M.  Maujan,  dont  le  projet  a  réuni  lasigna« 
ture  de  plus  d'une  centaine  de  députés,  ont  accepté  le  même 
principe. 

Ce  que  je  reproche  à  ces  propositions,  c'est  d'être  beaucoup 
trop  timides.  Il  faut  que  l'impôt  soit  distribué  de  telle  sorte 
que  la  fécondité  des  familles  aisées  ne  soit  pas  retenue  par 
des  considérations  pécuniaires.  Les  impôts  directs  doivent 
être  non  pas  un  peu  plus  lourds,  mais  beaucoup  plus  lourds 
pour  les  familles  de  moins  de  trois  enfants  que  pour  celles 
qui  dépassent  ce  chiffre. 

Mais  où  l'inégalité  doit  être  grande  surtout,  c'est  dans  les 
impôts  de  succession,  car  c'est  surtout  la  perspective  de  voir 
leur  héritage  divisé  après  leur  mort,  qui  force  les  famUles 


ÉLECTIONS.  385 

françaises  à  pratiquer  ce  que  les  Allemands  appellent  avec 
mépris  le  Zweikindersystem. 

CONCLUSIONS. 

La  faible  natalité  de  la  France  l'expose  au  danger  terrible 
d'être  désarmée  contre  ses  ennemis.  Le  péril  est  grave,  mais 
il  n'est  pas  inéluctable.  Il  faut  combattre  le  mal  promp- 
tement. 

La  mortalité  de  la  France  est  normale.  On  ne  pourra  donc 
la  diminuer  que  par  une  sorte  de  tour  de  force  sur  lequel  on 
ne  peut  pas  compter. 

Au  contraire,  la  natalité  de  la  France  est  extrêmement 
inférieure  à  celle  de  tous  les  autres  pays  européens.  On  peut 
dire  qu'elle  est  paradoxale.  Donc,  on  peut  espérer  de  la  faire 
revenir  au  niveau  ordinaire  des  autres  peuples. 

Ce  qui  rend  la  natalité  française  si  faible,  c*est  la  stérilité 
volontaire  des  familles  ayant  quelque  bien  (ces  familles  sont 
exceptionnellement  nombreuses  en  France),  parce  que  ces 
familles  prévoyantes  savent  qu'un  sûr  moyen  de  conserver 
leur  bien  est|de  n'avoir  qu'un  seul  enfant,  et  qu'inversement, 
un  sûr  moyen  de  perdre  ce  bien  est  d'avoir  plus  de  deux 
enfants. 

Pour  sauver  la  France  du  danger  qui  la  presse,  il  faut  que 
les  lois  fiscales  et  autres  soient  faites  de  telle  façon  que  les 
familles  ayant  quelque  bien  n'aient  pas  un  intérêt  évident  à 
restreindre  leur  natalité.  Il  faut,  en  un  mot,  que  le  fait  d'éle- 
vé?* un  nombre  suffisant  d'enfants  (trois  au  moins)  soit  consi^ 
déré  comme  une  forme  de  V impôt. 

ÉLECTIONS. 

MM.  E.  Roux  et  Bérenger-Féraud  sont  élus  membres  titu- 
laires. 

MM.  Ramadier  et  Sérieux  sont  élus  membres  correspon- 
dants. 


386  {  NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

M.  Letourneau  donne  lecture  de  la  moitié  d'un  trayail  de 
M.  Dumont  intitulé  :  Mémoire  sur  la  natalité  dam  le  canton  de 
Lillebonhe  (Seine- Inférieure) . 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Vun  des  secrétaires  :  CAPlTAN. 


>•••< 


539'  SÉANCE.  —  iS  mai  1891. 

Préaldenee  de  M.  liAOOADE^  préflldemi* 

NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE 

Des  transforiaatloBsi  du  rèn®  ▼égétal  ; 

par  m.  fauvklus. 

Mesdames  et  Messieurs, 

Jusqu^ici  les  savants  transformistes  n'ont  eu  pour  ainsi 
dire  d'autre  but  que  do  préciser  Torigina  et  le  mode  de 
développement  du  règne  animal.  Aussi  ne  se  sont-ils 
occupés  du  règne  végétal  que  pour  y  chercher  des  preuves 
à  Tappui  de  leur  doctrine.  A  l'exemple  de  Darwin,  ils  se  sont 
contentés  de  montrer  que,  chez  les  végétaux,  les  variations  et 
l'hérédité,  mises  à  profit  par  la  sélection  naturelle  ou  arti- 
ficielle, étaient  susceptibles  de  produire  des  variétés,  des 
races  et  des  espèces  avec  autant  de  facilité  que  cbex  les 
animaux. 

Je  ne  connais,  en  effet,  aucun  botaniste  qui,  suivant  la 
voie  lumineuse  ouverte  par  Hœckel,  ait  cherché  à  se  rendre 
compte  du  développement  phylogénique  de  l'ensemble  des 
plantes  à  l'aide  de  leur  ontogénie  contrôlée  par  la  paléonto- 
Ipgie.  Il  est  vrai  que,  jusque  vers  Je  milieu  de  ce  siècle,  l'em- 
bryogénie des  végétaux  était  restée  presque  inconnue,  et 
qu^une  obscurité  profonde  régnait  sur  leur  anatomie  et  leur 
physiologie.  Mais  depuis  moins  dejtrente  ans  des  découvertes 


FAUVELLH:.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VÉGÉTAL.  387 

sans  nombre  ont  été  faites  sur  ces  différentes  parties  de  la 
science  botanique,  grâce  aux  perfectionnements  du  micros- 
cope et  de  sa  technique;  si  bien  qu'aujourd'ixui  on  peut  dire 
qu'elle  remporte  sur  la  zoologie  parla  netteté  et  la  précision 
des  détails.  En  même  temps,  la  paléontologie  nous  montrait 
la  succession  des  flores  qui  se  sent  épanouies  aux  différents 
âges  de  la  terre,  et  nous  initiait  à  toutes  les  particularités  de 
l'organisation  de  végétaux  ensevelis  depuis  des  milliers  de 
siècles  dans  les  entrailles  du  globe. 

Après  tant  de  progrès  vraiment  surprenants,  j'ai  pensé 
que  le  moment  était  venu  de  rechercher  si  les  quatre  grandes 
divisions  du  règne  végétal  :  thallophytes,  muscinées,  cryp- 
togames vasculaires  et  phanérogames,  procédaient  les  unes 
des  autres  en  ligne  directe,  ou  étaient  issues  parallèlement 
de  formes  primitives  spéciales.  C^est  le  résultat  de  ces  re- 
cherches que  je  vais  avoir  l'honneur  de  développer  devant 
vous.  Il  complétera  Texposé  de  Tétat  actuel  de  la  théorie 
transformiste  qui  vous  a  été  fait  avec  tant  de  talent  par  les 
huit  conférenciers  qui  m*ont  précédé. 

Commeles  animaux,  les  végétaux  sont  diversement  répandus 
dans  les  différents  milieux  de  la  terre  habitable.  Ces  milieux 
sont,  dans  Tordre  de  leur  apparition  durant  les  périodes 
géologiques,  Teau  salée,  Teau  douce  qui  constituent  le  milieu 
liquide,  et  le  milieu  aérien  qui  se  subdivise  en  terrain  maré- 
cageux imbibé  par  des  nappes  d'eau  courante  ou  stagnante, 
et  en  terrain  desséché  dont  la  fécondité  n'est  due  qu'à  des 
pluies  plus  ou  moins  abondantes. 

Pendant  la  première  partie  des  temps  primaires,  le  milieu 
marin  présentait  seul  le  calme  nécessaire  au  développement 
des  êtres  organisés.  En  effet,  les  continents  étaient  alors 
ravagés  par  des  pluies  torrentielles  que  le  ruissellement 
entraînait  directement  dans  les  océans.  Ce  n'est  qu'aux 
époques  silurienne  et  dévonienne  que  Peau  douce  commença 
à  se  collectionner  et  à  imprégner  le  sol  émergé  d'une  manière 
un  peu  stable.  Durant  la  période  carbonifère,  les  marécages 
prédominèrent,  et  les  terrains  desséchés  commencèrent  à 


dS8  NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

s'étendre  pour  prendre  une  importance  considérable  pendant 
les  périodes  suivantes,  au  fur  et  à  mesure  que  les  condensa- 
tions atmosphériques  perdaient  de  leur  violence  primitive. 
Aujourd'hui,  elles  sont  très  restreintes,  et,  au  centre  des 
continents,  apparaissent  de  vastes  étendues  qui  en'sont  com- 
plètement privées  ;  au  seuil  de  ces  déserts  la  vie  disparaît. 
En  môme  temps  les  régions  polaires,  qui,  primitivement, 
recevaient  à  peu  près  autant  de  radiations  calorifiques  et 
lumineuses  que  le  reste  de  la  surface  du  globe,  virent  s'éten- 
dre progressivement  autour  d'elles  les  zones  glaciales,  par 
suite  de  la  concentration  lente  mais  progressive  de  Tastre 
central.  La  vie  recula  devant  le  froid  comme  devant  la 
sécheresse. 

Ainsi  ces  modifications  graduelles  et  successives  des  con- 
ditions météorologiques,  pendant  Timmense  durée  des  temps 
géologiques,  ont  d'abord  élargi  progressivement  Thabilat 
des  êtres  organisés,  puis  Tout  restreint  petit  h  petit  anx 
limites  que  nous  lui  voyons  assignées  de  nos  jours. 

L'histoire  de  la  terre  nous  permet  donc  d'induire  légiti- 
mement que  les  végétaux,  comme  d'ailleurs  les  animaux, 
ont  d'abord  apparu  dans  le  milieu  marin,  puis  ont  pénétré 
dans  les  collections  d'eau  douce,  pour  gagner  ensuite  leurs 
rivcspUis  ou  moins  marécageuses,  etenfin  atteindre  les  terrains 
complètement  émergés  que  les  pluies  seules  arrosent. 
Comme  ces  différenis  milieux  ont  encore  leur  flore  spéciale, 
nous  sommes  sûrs  de  trouver,  dans  l'organisation  et  le  déve- 
loppement des  plantes  qui  les  composent,  le  secret  des  trans- 
formations qu'elles  ont  subies  à  chaque  stade  pour  s'accommo- 
der à  un  nouveau  genre  de  vie.  La  route  que  nous  avons  à 
parcourir  se  trouve  donc  toute  tracée.  Vous  pourrez  la  suivre 
sur  le  tableau  généalogique  que  vous  avez  ici  sous  les  yeux. 

I 

MILIEU  LIQUIDE. 

Tous  les  êtres  organisés  ont  pour  point  de  départ,  dans 
leur  développement  ontogénique,  une  cellule  initiale  qui, 


FAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU   RÈGNE  VÉGÉTAL.    389 

par  des  segmentations  successives,  fînit  par  produire  tous  les 
éléments  de  Tindividu  adulte.  Iln*est  donc  pas  douteux  que 
le  règne  animal  et  le  règne  végétal  aient  débuté  tous  deux 
par  un  individu  monocellulaire^  vert  chez  Tun  et  incolore 
chez  Tautre.  Mais  quel  a  été  le  premier  en  date?  Malgré 
l'opinion  de  zoologistes  éminents,  la  préexistence  de  la  cel- 
lule verte  ne  me  paraît  pas  douteuse. 

J'ai  traité  cette  question  devant  la  Société  d'anthropologie 
(séance  du  18  mars  1886)  et  dans  la  section  de  botanique  de 
l'Association  française  (Congrès  de  Toulouse,  29  septembre 
1887),  et  je  crois  avoir  établi  qu'au  début  de  la  vie  toute  cel- 
lule vivante  incolore  aurait  vite  succombé  par  inanition,  s*il 
n'avait  pas  existé  antérieurement  des  plantes  à  chlorophylle 
qui,  seules,  peuvent  fabriquer  la  matière  organique  dont  tout 
animal  se  nourrit.  D'ailleurs,  il  en  serait  encore  de  même 
aujourd'hui,  si,  par  impossible,  ces  plantes  disparaissaient. 
De  cette  proposition  indiscutable,  j'ai  donc  pu  légitimement 
induire  que  la  cellule  verte  avait  dû  apparaître  la  première, 
et  que  de  plus  elle  avait  dû  être  précédée  de  la  formation  de 
la  chlorophylle,  substance  chimique  bien  définie,  dont  la  pré- 
sence est  indispensable  pour  la  fixation  du  carbone  qui  entre 
dans  la  composition  de  tous  les  principes  organiques  immé- 
diats. Quant  à  l'apparition  du  premier  animal  monocellu- 
laire, elle  s'explique  facilement  par  la  disparition  de  cette 
chlorophylle,  phénomène  qui,  comme  nous  le  verrons  tout 
à  l'heure,  s'est  reproduit  à  différents  stades  de  l'évolution  des 
végétaux.  Les  individus  ainsi  transformés  vivent  à  la  ma- 
nière des  animaux,  c'est-à-dire  par  l'absorption  de  matières 
organiques  élaborées  en  dehors  d'eux. 

On  m'a  objecté  l'existence  de  certaines  espèces  animales 
dont  la  couleur  verte  est  due  à  la  présence  de  la  chloro- 
phylle. Rien  de  plus  exact;  mais  il  est  démontré  aujourd'hui 
que  cette  coloration  a  pour  cause  la  présence  d'algues  mo- 
nocellulaires qui,  intercalées  dans  les  tissus,  forment  avec  ces 
animaux,  du  reste  très  inférieurs,  une  espèce  de  connubium 
analogue  à  celui  dont  je  vous  parlerai  à  propos  des  lichens. 


390  NEUTIÈME  CONF£BENC£  TRANSFORMISTE. 

Algues  marines.  —  Quelles  ont  été  les  premières  destinées 
de  la  cellule  verte?  Est*elle  restée  pendant  un  oertain  temps 
àTétatisolé?  Nous  ne  savons  rien  de  précis  à  cet  égard, 
caries  premiers  végétaux  marins  qui  nous  sont  signalés  par  les 
paléontologistes  sont  polycellulaires  et  déjà  volumineiu, 
comme  ceux  que  nous  constatons  aujourd'hui. 

Malgré  leur  diversité  apparente,  les  plantes  marines  ne 
forment  qu*un  seul  groupe,  celui  des  algues.  Elles  sont  corn* 
posées  de  cellules  vertes  juxtaposées  soit  en  séries  linéaires 
simples  ou  ramifiées,  soit  en  lames  minces  constituées  par 
une  seule  assise,  soit  enfin  suivant  les  trois  dimensions,  mais 
toujours  avec  une  faible  épaisseur.  Chaque  élément  est  com- 
posé, comme  dans  tous  les  êtres  organisés,  d'un  noyau 
central  entouré  d'un  protoplasroa  doué  de  sensibilité  et  de 
motilitéi  au  milieu  duquel  on  trouve  diversement  groupés  la 
chlorophylle  et  d'autres  composés  chimiques  qui  varient 
suivant  les  espèces.  Une  enveloppe  de  cellulose  limite  chacun 
des  corps  protoplasmique;  cependant  il  arrive  quelquefois 
qu'aucune  cloison  ne  les  sépare  et  qu'ils  se  meuvent  libro* 
ment  dans  une  enveloppe  commune. 

La  solution  saline  alimentaire  et  Tacide  carbonique  pé- 
nètrent par  endosmose  à  travers  la  membrane  translucide, 
et  les  radiations  solaires  transforment  cesmalières  minérales 
en  principes  organiques  qui  servent  à  l'entretien  des  corps 
cellulaires  qui  vivent  ainsi  chacun  pour  son  propre  compte. 
La  croissance  a  lieu  par  la  segmentation  des  éléments  ;  elle 
est  terminale,  périphérique  ou  intercalaire  suivant  le  nombre 
et  la  place  de  ceux  qui  y  prennent  part. 

Toutes  ces  algues  sont  fixées  au  sol  par  des  espèces  de 
crampons  formés  de  cellules  semblables  aux  autres,  mais 
munies  d'une  membrane  plus  épaisse  et  agglutinante.  Il  est 
aujourd'hui  démontré  que  celles  de  la  mer  de  Sargasse  ont 
été  arrachées  au  liltoral  par  les  courants  qui  les  accumulent 
ainsi  en  un  certain  point  de  l'Atlantique.  Elles  y  meurent,  et 
disparaîtraient  bientôt  sans  l'apport  continuel  qui  en  est  fait. 

Ces  plantes  se  reproduisent  par  des  spores  agames  et  par 


FAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONâ  DU  RÈGNB  VÉGÉTAL.  391 

des  œufs,  résultats  de  la  fusion  de  spores  mâles  et  de  spores 
femelles.  Tous  les  détails  de  ces  phénomènes  vous  sont  trop 
connuspour  que  j'y  insiste.  Je  me  contente  donc  d'appeler 
tout  particulièrement  votre  attention  sur  ces  deux  modes  de 
reproduction  et  principalement  sur  le  premier,  qui,  comme 
vous  le  verrez,  se  retrouve  dans  tout  le  règne  végétal,  même 
chez  les  phanérogames  les  plus  élevées. 

Certains  botanistes  ont  prétendu  que  la  reproduction  par 
œufs  favorisait  l'apparition  des  variations  et  qu'il  y  avait 
alors  une  espèce  de  renouvellement  de  la  plante.  Mais  cette 
hypothèse  me  parent  fort  problématique,  puisque  les  spores 
agames  et  sexuées  ont  la  même  origine.  En  tout  cas,  le  mode 
de  reproduction  est  tout  à  fait  étranger  aux  tranformations 
auxquelles  nous  allons  assister. 

Les  algues,  ayant  besoin  des  radiations  solaires  pour  vé'^ 
géter,  ne  peuvent  dépasser  certaines  profondeurs.  Au  delà 
de  100  mëtres;  elles  deviennent  rares,  et  à  400  mètres  on  n'en 
trouve  plus  trace.  La  végétation  marine  occupe  donc  unique- 
ment les  pentes  qui  avoisinent  le  littoral. 

Dans  ce  milieu,  en  apparence  si  homogène,  on  rencontre 
de  nombreuses  causes  de  variations,  qui  expliquent  la  mul- 
tiplicité des  espèces.  En  première  ligne  se  place  le  degré  de 
salure.  Vous  connaissez  tous  les  différences  que  présente 
l'aspect  de  la  flore  des  mers  intérieures,  suivant  que  l'apport 
des  fleuves  est  supérieur  ou  inférieur  à  la  quantité  de  liquide 
que  la  surface  laisse  évaporer.  Le  degré  de  latitude  joue  ici 
un  grand  rôle.  Puis  vient  la  nature  du  sol  ;  elle  a  presque 
autant  d'influence  sur  la  végétation  au  fond  des  mers  que 
sur  les  continents.  Vous  n'hésiterez  pas,  en  effet,  à  recon- 
naître que,  malgré  la  mobilité  des  molécules  liquides,  les 
solutions  salines  doivent  varier  suivant  la  composition  chi- 
mique des  terrains  au  contact  desquels  elles  se  trouvent,  et 
vous  ne  serez  pas  surpris  de  voir  des  algues  fixées  sur  des 
CQuches  calcaires  s'incruster  de  carbonate  de  chaux,  au  point 
de  revêtir  l'aspect  de  coraux  et  de  madrépores. 

Mais  toutes  ces   influences   locales  ne  peuvent  rendre 


392  NEUVIÈME   CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

compte  de  la  formation  des  quatre  groupes  dans  lesquels  se 
divisent  les  plantes  dont  nous  parlons,  savoir  :  les  algues 
bleues,  les  algues  vertes,  les  algues  brunes  ou  jaunâtres  et 
les  algues  rouges.  L^ordre  dans  lequel  je  viens  d'énumérer 
ces  groupes  est  celui  qu'on  observe  en  partant  du  rivage 
pour  gagner  les  plus  grandes  profondeurs  que  la  végétation 
puisse  atteindre;  si  bien  que,  sur  certaines  côtes,  aux  grandes 
marées  basses,  on  voit  le  littoral  bordé  de  quatre  zones  con- 
centriques ayant  chacune  leur  couleur  propre.  Cette  diffé- 
renciation doit  être  attribuée  uniquement  à  la  nature  et  à  la 
quantité  des  radiations  lumineuses  qui  pénètrent  jusqu'à 
chacune  des  zones. 

Toutes  ces  algues  sont  pourvues  de  chlorophylle  comme 
dans  les  conditions  ordinaires,  et  les  autres  teintes  sont  dues 
à  des  matières  colorantes  qui  masquent  plus  ou  moins  la 
couleur  verte  naturelle  et  en  sont  les  adjuvants.  L'action 
chlorophyllienne  consiste,  en  effet,  comme  vous  le  savez,  à 
ne  laisser  pénétrer  dans  les  cellules  que  les  radiations 
extrêmes  du  spectre,  et  cela  dans  des  proportions  définies. 
Or,  suivant  la  profondeur  de  l'eau,  ces  proportions  sont 
changées  par  suite  des  différences  de  réfrangibilité  des  ra- 
diations bleues,  jaunes  et  rouges;  de  là,  la  nécessité  de  pré- 
sence de  matières  qui  puissent  réfléchir  les  couleurs  en  excès 
et  rétablir  l'équilibre  normal.  Ce  sont  précisément  les  radia- 
tions surabondantes  qui  donnent  naissance  à  ces  substances 
réfléchissantes  ;  si  bien  que  l'existence  delà  plante  est  assurée 
par  les  causes  mêmes  qui  devaient  la  faire  disparaître.  Les 
réactions  chimiques  qui  donnent  naissance  à  ces  espèces  de 
pigments  nous  sont,  il  est  vrai,  encore  inconnues  ;  sans 
doute  elles  sont  du  même  ordre  que  celles  qui  produisent  la 
chlorophylle.  Mais  quelles  qu'elles  soient,  croyez-le  bien, 
les  choses  se  passent  ainsi  parce  qu'elles  ne  peuvent  se  passer 
autrement.  Nous  pouvons  donc  induire  en  toute  sûreté  que 
les  transformations  des  algues  vertes  en  algues  bleues,  jaune 
brun  ou  rouges  sont  dues  aux  différences  de  réfrangibilité 
des  radiations  du  spectre  solaire. 


FAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VÉGÉTAL.  393 

Les  quatre  groupes  que  nous  venons  de  déterminer  sont 
d'autant  plus  avancés  dans  leur  évolution  que  leur  habitat 
est  plus  profond. 

L'explication  en  est  facile  :  les  couches  superficielles  de 
Teau,  sans  cesse  mises  en  mouvement  soit  par  les  vents^ 
soit  par  les  marées,  ne  permettent  pas  à  la  plante  d'évoluer 
tranquillement,  tandis  que  le  calme  qui  règne  dans  les 
régions  profondes,  lui  laisse  le  temps  d'acquérir  tous  les 
perfectionnements  que  comporte  le  milieu.  Certainement 
on  rencontre  partout  des  formes  simples,  mais  elles  sont 
d'autant  plus  rares  qu'on  pénètre  plus  avant. 

Les  algues  bleues  présentent  des  signes  de  dégradation 
qui,  malgré  leur  infériorité,  ne  permettent  pas  de  les  regarder 
comme  le  type  primitif.  La  plupart  sont  filamenteuses  ;  le 
noyau  de  leurs  cellules  est  fractionné  au  point  de  disparaître; 
les  matières  colorantes,  même  la  chlorophylle,  sont  dissoutes 
dans  le  protoplasma;  enfin,  la  reproduction  n'a  lieu  que  par 
spores  agames. 

Avec  les  algues  vertes,  le  type  normal  reparaît,  sans  cepen- 
dant sortir  de  l'infériorité. 

11  faut  pénétrer  jusqu'aux  alguesbrunes  ou  jaunâtres  pour 
trouver  des  caractères  d'élévation  bien  tranchés.  Tels  sont 
les  laminaires  géantes  qui,  avec  une  apparence  foliacée, 
peuvent  atteindre  jusqu'à  SÎOO  mètres  de  longueur.  Chez 
d'autres,  les  spores  agames  germent  sur  la  plante  mère  sous 
forme  de  petites  algues  à  cellules  disposées  en  séries  linéaires 
plus  ou  moins  ramifiées;  après  la  séparation,  chaque  branche 
donne  naissance  à  une  algue  nouvelle.  Dans  la  famille  des 
Fucus,  la  plus  élevée  de  toutes,  certaines  espèces  revêtent 
l'aspect  de  plantes  terrestres  avec  des  simulacres  de  tiges  et 
de  feuilles.  Quelquefois  même  les  spores  sexuées  naissent  sur 
des  parties  ramifiées  si  finement,  qu'on  les  prendrait,  de  loin, 
pour  des  branches  florales.  Enfin,  les  spores  agames  qu'on 
ne  rencontre  que  dans  le  voisinage  des  crampons,  ne  se 
détachent  plus  du  tout  et  donnent  naissance  à  des  individus 
nouveaux  qui  restent  unis  à  celui  dont  ils  sont  issus.  Ce  fait, 


394  NEtmËME   CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

isolé  chez  les  algues  marineS;  se  généralise  chez  les  plantes 
terrestres  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

Le  développement  des  algues  brunes  n'ayant  pas  encore 
été  suffisamment  étudié,  on  ne  peut  affirmer  que  tous  les 
types  "élevés  procèdent  de  types  inférieurs.  Cependant, 
comme  lorsque  les  spores  agames  germent  sur  la  plante 
mère  elles  donnent  d'abord  naissance  à  une  [algue  filamen- 
teuse ramifiée,  nous  pouvons  supposer  que  ce  groupe  ne 
fait  pas  exception  à  la  règle  générale. 

Pour  les  algues  rouges,  il  n'y  a  plus  de  doute,  leur  onto- 
génie  est  le  tableau  exact  de  leur  phyliogénie  ;  la  cellule 
initiale  donne  naissance  à  une  algue  filiforme  sur  laquelle 
se  développe  le  type  de  l'espèce.  Bien  que  les  individus  de  ce 
groupe  soient  en  général  de  très  petite  taille,  on  y  retrouve 
tous  les  perfectionnements  que  nous  avons  signalés  chez  les 
algues  brunes.  De  plus,  l'œuf  au  lieu  de  germer  directement, 
se  subdivise  en  un  certain  nombre  de  spores  qui  vont  au  loin 
reproduire  la  plante  mère.  Comme  tous  ces  caractères  d'élé- 
vation se  retrouvent  chez  les  mousses  terrestres,  on  a  cru 
voir  dans  cette  ressemblance  la  preuve  d'une  étroite  parenté; 
mais  je  vous  démontrerai  qu'il  s'agit  là  d'une  simple  coïn- 
cidence. Du  reste,  dans  certaines  espèces,  le  mécanisme  de  ia 
formation  de  l'œuf  présente  beaucoup  d'analogie  avec  ce  qui 
se  passe  chez  les  phanérogames,  et,  certes,  il  ne  viendra  à 
l'esprit  de  personne  que  ces  dernières  aient  pu  avoir  pour 
ancêtres  les  algues  rouges. 

En  résumé,  cette  étude  sommaire  des  végétaux  marins 
vous  a  fait  voir  combien  ils  sont  sensibles  aux  circonstances 
de  milieu  et  vous  a  démontré  que  toutes  les  transformations 
qu'ils  ont  subies  n'ont  pas  eu  d'autre  origine.  Sans  sortir  de 
l'élément  liquide,  pénétrons  maintenant  dans  les  collections 
d'eau  douce. 

Algues  dCeau  douce.  —  Ce  sont  encore  des  algues  que  nous 
rencontrons  dans  ce  nouveau  milieu,  et  leur  groupement  est 
toujours  le  même  ;  mais  les  proportions  ont  singulièrement 
changé.  Les  algues  bleues  et  vertes,  relativement  rares  dand 


FAUVELLE.  —  DES  THANSFORICATIONS  DU  tlÊGNE  VÉGÉTAL.    395 

la  mer,  prédominent  ici,  tandis  que  les  brunes  et  les  rouges 
ne  comptent  plus  qu'un  petit  nombre  de  représentants.  Vous 
trouvez  l'explication  toute  naturelle  de  ce  changement  dans 
le  peu  de  profondeur  de  la  plupart  de  ces  collections  liquides. 
Mais  ce  qui  frappe  tout  particulièrement  l'observateur,  c'est 
rinfériorité  de  tous  les  types;  on  ne  trouve  plus,  pour  ainsi 
dire,  que  la  forme  filamenteuse. 

Il  ne  pouvait  en  être  autrement,  car  Tacclimatement  dans 
ce  nouveau  milieu,  impossible  pour  les  espèces  perfectionnées 
à  la  suite  d'un  long  séjour  dans  la  mer,  n'était  facile  que 
pour  celles  dont  révolution  était  peu  avancée.  C'est  ainsi 
que,  durant  les  temps  géologiques,  les  modiflcations  clima- 
iériques  importantes  ont  fait  disparaître  les  animaux  qui  se 
distinguaient  par  leur  organisation  élevée.  D'autre  part,  la 
durée  relativement  peu  prolongée  des  collections  d'eau  douce 
et  les  vicissitudes  continuelles  auxquelles  elles  sont  soumises 
n'ont  pas  permis  à  leurs  nouveaux  hôtes  de  subir  toutes  les 
améliorations  qu'ils  comportaient. 

Une  seule  famille  des  algues  vertes  d'eau  douce,  celle  des 
Charas,  présente  des  complications  intéressantes;  encore 
sont-elles  plus  apparentes  que  réelles.  En  effet,  bien  que 
filamenteuses  comme  la  plupart  de  leurs  congénères,  elles 
rappellent,  par  leur  port,  certaines  plantes  phanérogames. 
Cette  ressemblance  est  due  simplement  à  la  disposition  des 
filaments  diversement  ramifiés  qui  les  constituent;  les  uns 
s'accolent  à  l'axe  central  pour  lui  former  une  espèce  d'écorce, 
les  autres  se  développent  en  verticilles,  comme  les  feuilles 
autour  de  la  tige.  Enfin,  ce  qui  ajoute  encore  à  l'illusion, 
c'est  l'existence  de  véritables  rameaux  nés,  à  l'aisselle  des 
verticilles,  de  spores  agames  restés  adhérentes.  Ces  parti- 
cularités, résultats  d'une  évolution  spéciale,  ont  été  observées 
isolément  chez  les  algues  brunes  et  rouges,  sans  qu'on 
puisse  en  tirer  d'autre  conclusion  que  celled'une  communauté 
d'oirgine.  Nous  devons  considérer  ces  perfectionnements 
comme  une  apogée,  car,  depuis  l'époque  triasique,  les  charas 
ne  se  sont  pas  sensiblement  modifiées. 


396  NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORKISTE. 


II 

MILIEU   AÉRIEN. 

Algues  terrestres,  —  Étant  donné  Thabitat  normal  des  al- 
gues, vous  devez  supposer  qu'elles  ont  dû  quitter  difficile- 
ment le  milieu  liquide  pour  s'aventurer  sur  les  terres  émer- 
gées, même  les  plus  humides.  Cependant,  ce  passage  a  été 
exécuté  par  certaines  d'entre  elles,  naturellement  des  plus 
inférieures.  Mais  leurs  destinées  ultérieures  ont  été  bien 
différentes  comme  vous  allez  le  voir.  Il  va  sans  dire  qu'on 
ne  compte  parmi  ces  transfuges  que  des  algues  ayant  fait 
un  séjour  plus  ou  moins  long  dans  les  collections  d*eaa 
douce,  espèce  de  vestibule  par  lequel  ont  passé  tous 
les  êtres  organisés  pour  pouvoir  s'engager  sur  les  conti- 
nents. 

Certaines  de  ces  algues  ayant  été  déposées  par  le  re- 
trait des  eaux  au  milieu  de  débris  qui  les  mettaient  à  Tabri 
de  la  lumière,  perdirent  leur  chlorophylle,  et,  se  trou- 
vant entourées  de  végétaux  en  décomposition,  en  absor- 
bèrent les  principes  immédiats  que  les  radiations  solaires 
ne  leur  fabriquaient  plus.  Elles  furent  la  souche  des  Cham" 
pignons . 

Cette  origine,  bien  qu'elle  n'ait  pas  encore  été  démontrée 
par  l'expérience,  ne  me  paraît  pas  cependant  sérieusement 
discutable.  Les  champignons  présenlent  en  effet  tous  les 
caractères  des  algues  d'eau  douce.  Tous  sont  formés  de  fila- 
ments diversement  ramifiés,  même  lorsqu'ils  revêtent  cet 
aspect  parenchymateux  auquel  le  vulgaire  réserve  le  nom  de 
champignon.  Du  reste,  la  perte  de  la  chlorophylle  et  consécu- 
tivement le  changement  du  mode  d'alimentation  ont  été 
observés  jusque  chez  les  phanérogames  sans  que  leur  organi- 
sation en  ait  été  sensiblement  modifiée. 

Telles  sont  certaines  espèces  d'Orchidées  qui  n'en  conser* 
vent  pas  moins  tous  les  caractères  de  la  famille. 


FAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VKGÉTAL.  397 

Je  sais  bien  qu'on  a  voulu  rattacher  les  champignons  aux 
monères  et  aux  amibes  par  les  myxomicèles  dont  les  corps 
protoplasraiques  nus  et  isolés  se  meuvent,  se  nourrissent  et 
se  multiplient  à  la  manière  des  protozoaires.  Mais  ces  pro- 
priétés appartiennent  au  contenu  de  toutes  les  cellules 
vivantes  du  règne  végétal;  seulement  elles  y  sont  masquées 
et  entravées  par  la  claustration  que  ces  corps  protoplas- 
miques  y  subissent.  D'ailleurs,  ce  genre  de  vie  n'est  que 
momentané  ;  aussitôt  la  période  végétative  terminée,  les 
mixamibes  se  juxtaposent,  s'enveloppent  d'une  membrane 
de  cellulose,  et  tant  que  dure  la  période  de  reproduction,  ils 
vivent  à  la  manière  de  tous  les  autres  champignons. 

Un  grand  nombre  de  ces  plantes  sont  devenues  ultérieure- 
ment parasites  d'autres  êtres  organisés  ;  mais  il  est  toujours 
possible  de  leur  faire  reprendre  leur  premier  genre  de  vie 
en  mettant  à  leur  disposition  des  matières  organiques 
appropriées. 

D'autres  algues  incolores,  que  leurs  caractères  d'infériorité 
rattachent  au  groupe  des  bleues,  ont  aussi  survécu  à  l'émer- 
sion.  Elles  sont  connues  sous  la  dénomination  générale  de 
bactéries. 

Dans  les  milieux  liquides,  où  on  les  trouve  encore,  elles 
vivent  aux  dépens  des  principes  immédiats  des  cadavres  de 
toute  espèce  d'êtres  organisés  qu'elles  fînissent  par  ramener 
à  l'état  de  matière  minérale.  Sur  le  sol  émergé,  elles  con- 
tinuent ce  rôle;  mais  elles  ont  fait,  en  outre,  irruption  dans 
la  matière  vivante  qu'elles  réduisent  rapidement  à  l'état  de 
cadavre.  L'homme  et  ses  animaux  domestiques  sont  les  vic- 
times de  prédilection  de  ces  microbes,  et  vous  savez  si  les 
maladies  qu'ils  causent  sont  nombreuses.  Nous  mourons  bien 
rarement  sans  leur  intervention. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  vous  exposer  leur  dissémination, 
leur  multiplication  si  rapide  et  les  transformations  sans 
nombre  qu'elles  subissent  suivant  le  milieu  nutritif  dans  le- 
quel elles  végètent.  M.  le  docteur  Bordier  en  a  fait  brillam- 
ment l'exposé,  en  1888,  dans  une  conférence  remarquable 

T.  II  (4*  série).  1^ 


398  NEUVIÈME    CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

dont  le  souvenir  est  encore  présent  à  votre  mémoire.  Je  dirai 
seulement  que,  quelles  que  soient  les  conditions  favorables, 
elles  ne  sortent  pas  de  leur  infériorité.  Bactéries  elles  sont, 
bactéries  elles  restent,  de  même  que  les  champignons  sont 
restés  champignons  malgré  les  complications  apparentes  de 
leurs  organes  fructifères. 

Un  certain  nombre  d*algues  vertes  ont  pu  s'acclimater  à  la 
surface  de  la  terre,  restée  suffisamment  humide,  sans  perdre 
leur  chlorophylle.  Est-ce  parmi  elles  que  nous  allons  trouver 
l'origine  des  végétaux  terrestres  ?  Espérons-le,  car  l'horizon 
se  rétrécit  et  la  doctrine  transformiste  est  ici  en  jeu. 

Il  en  est  parmi  elles  qui  n*ont  pu  survivre  qu'en  se  désa* 
grégeant,  et  chacune  de  leurs  cellules  isolées  vit  misérable- 
ment là  où  il  y  a  un  peu  d'humidité.  Ce  sont  elles  qui 
donnent  cet  aspect  verdâtre  aux  rochers,  aux  murs  de  nos 
habitations  et  aux  vieux  troncs  d'arbres,  du  côté  oîi  le  vent 
chasse  habituellement  la  pluie.  Il  leur  faut  si  peu  de  nourri- 
ture I 

Quelques-unes^  conservant  pour  les  champignons  une  cer- 
taine affinité  due  à  leur  communauté  d'origine,  contractèrent 
avec  eux  des  mariages  de  raison  qui  profitèrent  à  chacun 
des  deux  conjoints.  Les  filaments  du  champignon  enlacent 
ces  cellules  isolées,  leur  transmettent  la  solution  saline  qu'ils 
ont  puisée  sur  le  suppport  et  reçoivent  en  échange  la 
matière  organisablc  élaborée  par  leur  chlorophylle.  Malgré 
leur  union  intime,  ces  deux  êtres  conservent  chacun  leur 
mode  particulier  de  reproduction,  si  bien  qu'on  a  pu,  expéri- 
mentalement, rompre  ou  renouer  ces  associations  ou  con- 
sortium qui  constituent  le  groupe  important  des  lichens. 
Les  diverses  formes  qu'ils  revêtent  sont  dues  à  l'espèce  de 
champignon  qui  entre  comme  partie  intégrante,  la  cellule 
verte  restant  toujours  la  même. 

A  une  époque  relativement  récente,  d'autres  algues  fila- 
menteuses, avant  toute  désagrégation,  ont  contracté  en  sor- 
tant de  l'eau  une  union  analogue  avec  des  plantes  terrestres 
très  élevées.  Elles  vivent  dans  leurs  espaces  intercellulaires, 


FAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VÉGÉTAL.  399 

ne  leur  empruntant  que  la  solution  saline  nécessaire  à  leur 
nutrition  et  à  leur  reproduction.  Telle  est,  notamment,  la 
Mycoîdea  (apparence  de  champignon]  qui  vit  dans  les  feuilles 
du  camélia.  Ce  parasitisme  est  bien  moins  dangereux  pour 
la  plante  hospitalière  que  celui  des  champignons  qui  s'em- 
parent de  la  matière  organisable  élaborée. 

Muscmées,  —  Arrivé  à  ce  point  de  mon  travail,  permettez- 
moi  de  faire  appel  à  toute  votre  attention  ;  nous  allons 
assister  à  Tapparition  des  végétaux  terrestres.  Point  n'est 
besoin  de  remonter  à  travers  les  temps  géologiques  jusqu'à 
l'époque  des  premières  émersions  ;  le  phénomène  s'est  per- 
pétué jusqu'à  nos  jours  dans  tous  ses  détails,  sauf  un  seul 
que  je  vous  indiquerai  après  la  description  qui  va  suivre. 

Une  spore  tombe  sur  un  terrain  marécageux  dont  tous  les 
interstices  sont  remplis  de  collections  minuscules  d*eau  douce. 

Une  fois  en  contact  avec  le  liquide  qu'elle  absorbe,  elle 
sort  de  son  enveloppe  protectrice  et  donne  naissance  à  une 
petite  algue  verle,  le  plus  souvent  filamenteuse  et  ramifiée, 
mais  quelquefois  lamelleusc  et  même  massive.  Celle-ci 
végète  pendant  quelque  temps,  à  la  manière  de  toutes 
celles  dont  nous  avons  parlé.  Mais  le  liquide  interstitiel  tend 
à  disparaître,  et  vous  pouvez  croire  que  c'en  est  fait  de  la 
jeune  plante;  rassurez-vous.  A  ce  moment,  une  ou  plusieurs 
de  ses  cellules  se  segmentent  dans  un  sens  opposé  à  celui 
suivi  jusqu*alors.  Ces  deux  nouveaux  corps  protoplasmiques 
se  multiplient  à  leur  tour  et  forment  une  masse  embryon- 
naire facile  à  distinguer  du  reste  de  l'algue. 

Les  cellules,  en  contact  avec  le  sol,  perdent  leur  chloro- 
phylle et  s'allongent  en  forme  de  poils  qui  pénètrent  à  une 
certaine  profondeur  dans  les  interstices  remplis  d'eau,  et  y 
fixent  la  plante.  Pendant  ce  temps,  les  cellules  supérieures 
restées  vertes  se  multiplient  dans  le  sens  de  la  verticale  et, 
dans  leur  marche  ascensionnelle,  développent  dans  l'air  une 
tige  plus  ou  moins  cylindrique  munie  d'appendices  foliacés. 
L'évaporalion,  dont  ces  organes  sont  le  siège,  active  l'ab- 
sorption par  les  poils,  et  la  solution  saline  alimentaire  est 


400         NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

eatrainée  vers  les  parties  les  plus  élevées.  Le  courant  ascen- 
dant continu,  qui  s'établit  ainsi,  détruit  les  corps  protoplas- 
miques  d'une  ou  plusieurs  séries  de  cellules  intérieures  et.  en 
perce  même  quelquefois  les  parois  ;  par  cette  ébauche  de 
circulation,  le  problème  de  la  végétation  aérienne  se  trouve 
résolu.  La  cellule  verte  n'étant  plus  en  contact  avec  le  liquide 
nutritif,  c'est  celui-ci  qui  vient  la  trouver. 

La  plante  dont  je  viens  de  décrire  le  développement  est 
une  muscinée,  autrement  dit  une  mousse,  le  plus  inférieur 
des  végétaux  terrestres.  C'est  de  cette  manière  qu'elle  a  dû 
apparaître  pour  la  première  fois,  avec  cette  seule  différence 
que  la  spore  venait,  non  d'une  autre  mousse,  mais  d'une 
algue  verte.  Ainsi,  chez  les  végétaux  comme  chez  les 
animaux,  l'ontogénie  est  le  tableau  fidèle  de  la  phylogénie. 

Comme  vous  le  savez  déjà,  les  muscinées  se  multiplient 
seulement  par  œuf,  et  cet  œuf  se  divise  en  un  certain  nombre 
de  spores  qui  se  disséminent.  Quant  aux  spores  agames,  elles 
sont  toujours  adhérentes  et  reproduisent  la  plante  mère  sous 
forme  de  branches  ou  rameaux.  Cependant,  certaines  d'entre 
elles  se  détachent  après  avoir  donné  naissance  à  une  petite 
algue  que  les  anciens  botanistes  ont  appelé /^ro/^a^i^/e,  comme 
ils  ont  nommé  protonema  (premier  fil)  celle  qui  naît  de  la 
spore.  Mais  peu  importe  les  noms,  ils  ne  changent  pas  la 
nature  des  choses.  Le  propagule,  une  fois  sur  le  sol  maré- 
cageux, se  comporte  comme  l'algue  initiale  et  donne  nais- 
sance à  une  ou  plusieurs  mousses  nouvelles. 

Si  vous  vous  le  rappelez,  je  vous  ai  signalé  la  plupart  de 
ces  caractères  comme  appartenant  aux  espèces  les  plus 
élevées  des  algues  rouges.  Gomme  je  vous  l'ai  dit  égale- 
ment, certains  botanistes  ont  cru  voir,  dans  cette  similitude, 
une  espèce  de  filiation  entre  ces  deux  groupes.  Vous  com- 
prenez maintenant  combien  cette  opinion  est  erronée  ;  il  ne 
s'opère,  dans  la  nature,  jamais  de  ces  changements  à  vue. 
Comment  admettre  qu'une  plante  marine,  vivant  à  50  mètres 
de  profondeur,  ait  pu  s'acclimater  brusquement  dans  le 
milieu  aérien,  môme  sur  un  terrain  marécageux  ?  Les  deux 


FAUVELLE.  —   DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VÉGÉTAL.    401 

groupes  ont  évolué,  chacun  dans  leur  sphère  spéciale,  sur 
deux  plans  dont  Tidentité  dépend  de  leur  commune  origine. 
Plusieurs  espèces  de  muscinées,  même  des  plus  élevées^ 
ont  fait  retour  au  milieu  liquide  sans  se  modifier  notable- 
ment. Le  rôle  des  poils  absorbants^  qui  les  fixent  au  sol,  a 
seulement  diminué  d'importance,  les  cellules  superficielles 
de  la  tige  leur  venant  en  aide  dans  une  certaine  mesure,  et 
conséquemment  la  force  ascensionnelle  du  liquide  nutritif  a 
perdu  de  son  intensité.  Ce  retour  vers  la  patrie  des  ancêtres 
s'observe  fréquemment  chez  les  êtres  organisés  ;  nous  aurons 
à  le  signaler  pour  les  végétaux  dont  il  nous  reste  à  parler,  et 
vous  savez  tous  que  les  reptiles,  les  oiseaux  et  les  mammi- 
fères en  offrent  de  nombreux  exemples. 

Les  mousses  proprement  dites,  dont  nous  avons  unique- 
ment parlé  jusqu'ici,  comme  toutes  les  formes  compliquées, 
n'ont  été  le  point  de  départ  d'aucun  autre  groupe.  Il  n'en  a 
pas  été  de  même  du  type  le  plus  inférieur  dont  les  diverses 
espèces  ont  été  réunies  sous  le  nom  d'hépatiques.  Elles  sont 
formées  d'une  simple  lame  foliacée,  couchée  à  la  surface  du 
marécage.  La  face  tournée  vers  le  sol  présente  des  poils 
absorbants  disséminés  qui  viennent  en  aide  aux  premiers 
apparus  ;  la  face  supérieure  est  le  siège  de  la  reproduction 
qui  s'opère  de  la  même  manière  que  chez  les  mousses,  la 
spore  mâle  venant  trouver,  a  Taide  de  ses  cils  vibratiles,  la 
spore  femelle  restée  en  place.  Cela,  bien  entendu,  ne  peut 
arriver  que  si,  grâce  aux  circonstances  de  milieu,  une  couche 
d'eau  se  trouve  étendue  sur  la  plante. 

Ce  sont  ces  hépatiques  qui  sont  devenues  la  souche  du 
groupe  si  important  des  végétaux  vasculaires  par  un  méca- 
nisme très  analogue  à  celui  que  je  viens  de  décrire  à  propos 
de  l'apparition  des  rauscinées.  Vous  allez  en  juger. 

Plantes  vasculaires.  Cryptogames.  —  Elles  se  rencontrent 
dans  des  terrains  imbibés  d'eau,  ou,  du  moins,  qui  le  sont 
à  une  certaine  époque  de  l'année  ;  mais  leur  habitat  est, 
en  général,  beaucoup  plus  découvert  que  celui  des  mus- 
cinées,  et,  par  conséquent,  l'air  y  est  plus  sec.  Supposons 


402  NEUVIÈME   CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

une  hépatique  égarée  dans  ce  nouveau  milieu.  Sa  face  supé- 
rieure, soumise  à  une  évaporation  rapide,  se  durcit  et  prend 
Taspect  des  feuilles  ordinaires.  Forcément  alors  les  spores 
sexuées  se  développent  à  la  face  inférieure,  au  milieu  des 
poils,  et  la  fécondation  a  lieu  à  la  manière  accoutumée  ; 
seulement,  dans  ces  nouvelles  conditions,  Tœuf,  au  lieu  de 
donner  naissance  à  des  spores  de  dissémination,  se  segmente 
en  une  masse  cellulaire  qui  devient  Tembryon  d'une  nouvelle 
plante.  Ce  sera  une  cryptogame  vasculaire,  comme  nous  le 
verrons  tout  à  Theure  en  en  suivant  le  développement. 

Encore  aujourd'hui,  sous  nos  yeux,  Jes  choses  se  passent 
absolument  de  la  même  manière  ;  et  ne  croyez  pas  qu'il  s*agit 
là  d'une  simple  vue  de  l'esprit.  Tous  les  botanistes  sont  d*ac- 
cord  pour  reconnaître  que  le  prothalle  des  fougères  et  des 
prestes  est  une  véritable  hépatique,  née  comme  toutes  leurs 
semblables  d*un  protonema  ou  algue  Ulamenteuse  ;  les  flgures 
qu'ils  en  donnent  ne  laissent  d'ailleurs  aucun  doute  à  cet 
égard.  Seulement  ils  constatent  cette  succession  de  formes 
sans  en  tirer  de  conséquence.  Mais  la  signification  en  est  bien 
claire  pour  les  zoologistes  habitués  à  voir  Tembryologie  de 
tous  les  animaux  reproduire  toutes  les  phases  de  leur  déve- 
loppement phylogénique.  Nous  sommes  donc  légitimement 
autorisés  à  induire  que  les  cryptogames  vasculaires  sont  issues 
directement  des  muscinées  hépatiques,  nées  elles-mêmes  des 
algues  vertes  inférieures.  De  plus,  nous  ne  serons  pas  surpris 
si,  par  suite  des  progrès  de  l'évolution,  nous  voyons  les  phases 
en  question  se  simplifier  et  même  se  réduire  à  des  indices. 

Revenons  maintenant  à  l'embryon  de  la  cryptogame  vas- 
culaire contenu  dans  l'épaisseur  des  tissus  de  l'hépatique 
mère  qui  va  subvenir  à  ses  premiers  besoins.  Si  vous  le  com- 
parez à  Tunique  cellule  de  Talgue,  qui  donne  naissance  à  la 
muscinée,  vous  ne  serez  pas  surpris  de  sa  puissance  végéta- 
tive. 

On  le  voit  donc  enfoncer  dans  le  sol  une  racine  dont  les 
cellules  superficielles  se  transforment  en  poils,  en  même 
temps  qu'une  tige  aérienne  s'élève  et  se  couvre  de  feuilles. 


FAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS   DU   RÈGNE  VÉGÉTAL.    403 

L*absorption  d'une  part  et  révaporation  de  l'autre  devenant 
de  plus  en  plus  actives,  la  progression  ascendante  du  liquide 
nutritif  s'accentue.  Les  cellules  qu'il  traverse  perdent  non 
seulement  leurs  corps  protoplasmiques,  mais  se  perforent 
dans  le  sens  du  courant  et  forment  de  véritables  vaisseaux 
auxquels  la  solidification  de  leurs  parois  par  des  matières 
incrustantes  a  fait  donner  Tépithète  de  ligneux. 

Cette  rapidité  de  la  marche  ascensionnelle  de  la  solution 
saline  alimentaire  a  pour  conséquence  forcée  la  fabrication, 
par  les  cellules  vertes  des  feuilles,  d'une  quantité  considérable 
de  substances  organisables.  Celles-ci  envahissent  à  leur  tour, 
mais  dans  un  sens  contraire,  une  série  linéaire  de  cellules 
dont  elles  absorbent  les  corps  protoplasmiques  et  perforent 
d'une  multitude  de  trous  les  parois  qui  s'opposent  à  leur  pro- 
gression. Ainsi  se  forment  les  tubes  criblés  dits  libériens,  et 
la  plante  vasculaire  est  constituée.  Je  n'insiste  pas,  sa  struc- 
ture est  connue  de  tous. 

C'est  sur  les  feuilles  que  naissent  les  spores  qui,  tombant 
sur  le  sol  humide,  donnent  naissance  à  l'algue  et  à  l'hépa- 
tique initiales.  Chez  les  presles,  ces  spores,  bien  que  sem- 
blables en  apparence,  donnent  naissance  à  desprothalJes  uni- 
sexués;  mais  grâce  au  liquide  qui  imbibe  le  sol,  la  fécondation 
se  fait  toujours  facilement.  C'est  le  premier  pas  vers  la  phané- 
rogamie.  Cette  tendance  s'accentue  dans  les  autres  familles. 
A  l'extrémité  des  tiges,  sur  des  feuilles  très  réduites  de 
volume,  naissent  séparément  des  microspores  mâles  et  des 
macrospores  femelles  qui  produisent  des  prothalles  diffé- 
rents. En  même  temps  apparaît  l'abréviation  des  phases  onlo- 
géniques  :  d'abord  l'algue  et  l'hépatique  diminuent  de  vo- 
lume, puis  leur  développement  devient  plus  précoce.  Ainsi, 
chez  les  sélaginelles,  il  a  lieu  dans  l'enveloppe  même  des 
spores  sexuées,  avant  leur  chute  sur  le  sol.  Enfin  dans  les 
salviniées,  la  fécondation  a  lieu  avant  celte  chute.  Mais  là 
encore  la  spore  mâle  est  munie  de  cils  vibratiles  et  ne  peut 
atteindre  la  spore  femelle  qu'à  travers  une  couche  d'eau  si 
mince  qu'elle  soit.  Ce  caractère  est  donc  le  seul  qui,  en  der- 


404  NEUVIÈME   CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

nier  ressort,  soit  spécial  aux  cryptogames  vasculaires.  Il  nons 
montre  que,  par  leur  origine^  elles  appartiennent  bien  réelle- 
ment aux  terrains  marécageux. 

Phanérogames.  —  Il  n'en  est  pas  de  même  dans  ce  groupe. 
Les  phases  embryonnaires  abrégées  se  passent  toujours  sur 
la  plante  mère  ;  aussi  les  cils  vibratiles  de  la  spore  mâle  ont 
disparu  et  le  milieu  liquide  n'est  plus  nécessaire  pour  la  fécon- 
dation qu'au  contraire  il  entraverait.  C'est  qu'en  effet  ces 
plantes,  quelles  qu'aient  été  leurs  destinées  ultérieures,  se 
sont  spécifiées  sur  les  terrains  desséchés  que  les  eaux  pluviales 
humectent  seules.  Le  milieu  aérien  est  donc  le  seul  intermé- 
diaire possible  entre  leurs  spores  sexuées  et  il  faut  que  l'élé- 
ment mâle  le  traverse  pour  atteindre  l'élément  femelle. 

Vous  connaissez  tous  la  manière  dont  l'œuf  des  phanéro- 
games est  fécondé  ;  il  est  donc  inutile  que  je  l'expose  ici. 
Mais,  pour  que  la  similitude  des  organes  sexués  dans  les  deux 
groupes  vasculaires  soit  rendue  bien  évidente,  il  est  indispen- 
sable de  donner  aux  divers  éléments  de  la  fleur  les  noms  usi- 
tés dans  la  description  des  parties  correspondantes  chez  les 
cryptogames. 

La  fleur  représente  l'extrémité  sporifèrc  d'une  tige  avec  ses 
feuilles  diff'érenciées.  L'élamine  est  la  feuille  qui  porte  les 
organes  mâles  ;  l'anthère,  le  raicrosporange  et  le  grain  de 
pollen,  la  microspore. 

Les  feuilles  fertiles  femelles  forment,  par  leur  union,  l'en- 
semble du  pistil,  et  l'ovule  que  chacune  porte  est  un  niacros- 
porange.  Parmi  les  cellules  qu'il  contient, une  seule  mérite 
le  nom  de  macrosporc  :  c'est  le  sac  embryonnaire  dont  le 
corps  protoplasmique  se  segmente  pour  former  une  hépa- 
tique ou  prothalle  rudimentaire  dont  une  ou  plusieurs  cel- 
lules deviennent  des  spores  femelles. 

La  microspore  ou  grain  de  pollen  tombe  sur  le  stigmate 
formé  par  l'union  des  extrémités  effilées  des  feuilles  dites 
caf^pellaires.  Retenu  par  une  substance  gluante,  il  s'en  nourrit 
et  se  segmente  en  un  prolhalle  mâle  des  plus  réduits,  dont 
une  cellule  (spore  mâle)  s'allonge  en  un  tube  poUinique  qui 


FAUVELLE.  —   DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE   VÉGÉTAL.    405 

porte  son  noyau  au  contact  de  la  spore  femelle  pour  opérer 
la  fécondation.  L'œuf  ainsi  formé  absorbe  le  prothalle  rudi- 
mentairC;  en  donnant  naissance  à  une  masse  celluleuse  qui 
n'est  autre  que  l'embryon.  Celui-ci  ne  se  détache  pas  tout  de 
suite  comme  chez  les  cryptogames,  mais  seulement  après 
avoir  formé  la  graine  ou  plantule,  grâce  à  Talimentation 
fournie  par  les* vaisseaux  libériens  de  la  plante  mère. 

J'espère  que  cette  description  vous  a  démontré  clairement 
qu'il  n'existe  aucune  lacune  entre  les  deux  fractions  des 
plantes  vasculaires  et  qu'elles  ne  forment  en  réalité  qu'un 
seul  groupe. 

Les  botanistes  encore  trop  peu  nombreux  qui  se  sont  ral- 
liés au  transformisme,  n'ont  pas  compris  la  valeur  de  cette 
transition  insensible  entre  les  cryptogames  et  les  phanéro- 
games. Us  ont  cru  qu'elle  devait  se  rencontrer  d'une  part  entre 
les  algues  et  les  muscinées  et  de  l'autre  entre  ces  dernières 
et  les  cryptogames  vasculaires.  C'est  dans  cet  esprit  qu'ils 
ont  prétendu  établir  un  passage  entre  les  deux  premiers 
groupes  en  faisant  ressortir  les  ressemblances  qui  existent 
entre  les  mousses  et  les  algues  rouges  les  plus  élevées.  Par 
contre  ils  ont  cru  trouver  la  doctrine  en  défaut  par  ce  fait 
que  les  deux  derniers  n'ont  rien  de  commun.  Il  y  a  là,  disent- 
ils,  un  hiatus  qu'il  est  impossible  de  combler. 

Cette  erreur  d'appréciation  prouve  simplement  leur  inex- 
périence en  fait  de  transformations.  Les  transitions  insensi- 
bles ne  peuvent  exister  qu'entre  les  espèces  voisines  d'un 
même  groupe.  Quant  à  l'origine  de  ce  groupe,  on  ne  peut  la 
trouver  qu'en  étudiant  le  développement  onlogénique  des 
individus  qui  le  constituent,  et  l'on  peut  être  sûr  que  cette 
étude  conduira  à  une  des  formes  les  plus  inférieures  d'un 
groupe  ancestral.  Cette  méthode,  qui  a  fait  ses  preuves  en 
zoologie,  est  la  seule  réellement  scientifique. 

Les  phanérogames  les  plus  voisines  des  cryptogames 
vasculaires  sont  les  gymnospermes  (aujourd'hui  à  peu  près 
réduites  aux  cycadées  et  aux  conifères)  dont  les  feuilles  car- 
pellaires  ne  sont  pas  encore  complètement  refermées  sur  les 


406  MEUVIÈMB  CONFÉRENCE   TRANSFORMISTE. 

ovules  OU  macrosporanges.  La  paléontologie  nous  montre  en 
effet  qu'elles  ont  apparu  les  premières  ;  ce  n'est  qu'ultérieu- 
rement que  se  sont  constituées  les  angiospermes  par  rocclu- 
sion  hermétique  du  pistil.  Cette  subdivision  est  donc  parfai- 
tement légitime  au  point  de  vue  phylogénique. 

Dans  Tétat  actuel  de  la  science,  on  ne  peut  en  dire  autant 
de  celle  qui  partage  les  angiospermes  d'après  le  nombre  de 
leurs  cotylédons.  11  faut  remarquer  cependant  que,  parmi  les 
gymnospermes,  les  cycadées,  qui  se  rapprochent  le  plus  des 
cryptogames^  ont  beaucoup  d'affinités  avec  les  monocotylé- 
donées,  tandis  que  les  conifères  rappellent  davantage  les 
dicotylédonées. 

Gomme  les  muscinées,  le  groupe  des  plantes  vasculaires 
présente  des  exemples  de  retour  aux  milieux  abandonnés  par 
les  ancêtres.  Certaines  espèces  se  sont  simplement  acclima- 
tées dans  les  terrains  marécageux  ;  d'autres  se  sont  aocou- 
tumées  à  vivre  dans  le  milieu  liquide  lui-même,  sans  cepen- 
dant perdre  leurs  caractères  essentiels  de  cryptogeunes  ou  de 
phanérogames.  D'une  manière  générale  c'est  la  tige,  c'est- 
à-dire  le  système  circulatoire,  qui  présente  les  signes  de  dégra- 
dation les  plus  accentués.  Ainsi  cette  tige  disparaît  presque 
complètement  dans  deux  petites  plantes  nageantes,  Vazola 
parmi  les  cryptogames  et  la  lemna  ou  lentille  d'eau  parmi 
les  phanérogames.  Toutes  deux  se  multiplient  pour  ainsi  dire 
indéfiniment  par  marcotage  naturel  avant  la  production  de 
leurs  spores  sexuées  et  la  formation  de  Tœuf. 

Comme  il  était  naturel,  toutes  ces  rétrogradations  ont  eu 
lieu  vers  les  collections  d'eau  douce.  Cependant  les  naïadées, 
famille  des  monocotylédonées,  ont  envoyé,  après  un  stage 
dans  les  eaux  douces,  quelques  espèces  dans  les  eaux  marines 
peu  profondes.  C'est  la  seule  de  tout  le  groupe  vasculaire,  et 
le  fait  remonte  aux  temps  tertiaires.  11  y  a  quelques  années, 
j'ai  été  assez  heureux  pour  trouver  une  naïas  absolument 
entière  dans  le  calcaire  grossier  des  environs  de  Bicètre.  Elle 
est  actuellement  exposée  au  Muséum  dans  la  salle  des  végé- 
taux fossiles  qui  fait  suite  à  la  galerie  de  géologie. 


FAUYELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VÉGÉTAL.  407 

Morphologie  des  plantes  vasculaires,  —  Comme  vous  devez 
bien  le  supposer,  dans  le  groupe  des  végétaux  vasculaires  on 
n'observe  jamais  la  production  de  spores  agames  se  déta- 
chant et  allant  reproduire  au  loin  la  plante  d*origino  ;  elles  y 
restent  attachées  d'une  manière  permanente.  Les  botanistes 
en  ont  fait  une  étude  spéciale  et  les  désignent  sous  le  nom 
de  cellules  initiales  situées  au  centre  du  point  végétatif; 
même  ils  ont  décrit  minutieusement  tous  les  détails  du  cféve- 
loppement  des  branches  auxquelles  elles  donnent  naissance. 
Cependant  aucun  d'eux  no  paraît  avoir  saisi  les  rapports  qui 
existent  entre  ces  cellules  et  les  spores  agames  du  groupe 
des  algues.  Leur  homologie  n'est  pourtant  pas  discutable  ; 
toute  branche,  rameau,  ramille  ou  ramuscule  représente 
exactement  la  plante  sortie  de  la  graine.  Il  ne  leur  manque 
que  la  racine,  et  encore  celle-ci  ne  leur  fait-elle  pas  défaut, 
comme  je  le  démontrerai  tout  à  Theure. 

La  multiplication  de  Tespèce,  qui  est  le  résultat  de  la  pro- 
duction des  spores  libres,  n'est  pas  moins  assurée  par  celles 
qui  restent  adhérentes.  Chaque  année,  si  Ton  considère  un 
arbre  à  l'état  adulte,  sur  le  nombre  total  de  branches  pro* 
duiteS;  on  en  trouve  plus  de  40  pour  iOO  qui  sont  fertiles, 
c'est-à-dire  susceptibles  de  produire  un  nombre  plus  ou  moins 
considérable  de  graines,  et  le  reste  sert  à  préparer  la  venue 
des  rameaux  floraux  de  Tannée  suivante. 

On  peut  donc  dire  que  la  plupart  des  plantes  vivaces  et 
un  grand  nombre  de  plantes  annuelles  sont  formées  par  la 
réunion  d'individus  semblables  entés  les  uns  sur  les  autres 
et  représentent  un  ensemble  analogue  à  ces  groupements 
auxquels  les  zoologistes  ont  donné  le  nom  de  colonies  ani- 
males^ si  bien  étudiées  dans  ces  derniers  temps.  Cette  manière 
de  concevoir  le  végétal  a  été  exposée  pour  la  première  fois, 
si  je  ne  me  trompe,  dans  les  Éléments  de  biologie  d'Herbert 
Spencer.  Mais  comme  le  savant  anglais  a  traité  cette  ques- 
tion plutôt  en  philosophe  qu'en  naturaliste,  ses  idées  n'ont 
guère  éveillé  l'attention  des  botanistes.  Le  livre  des  colonies 
végétales  est  donc  encore  à  faire. 


408  NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

ExceplionDel  chez  les  algues,  le  phénomène  des  spores 
adhérentes  s'est  généralisé  chez  les  muscinées  pour  devenir 
constant  dans  le  groupe  vasculaire  ;  mais  il  se  complique  ici 
d'une  singulière  façon.  La  racine,  de  son  côté,  donne  aussi 
naissance  à  des  racines  secondaires  latérales  et  terminales, 
issues  également  de  spores  adhérentes,  et  cela  en  proportion 
de  l'importance  des  rameaux  ;  enfin,  pour  mettre  en  rapport 
les  deux  ordres  de  productions  nouvelles,  la  tige  double  et 
triple  tous  les  ans  le  nombre  de  ses  vaisseaux  ligneux  et  libé- 
riens. Certainement  il  y  aurait  exagération  à  prétendre  que 
tous  les  rameaux  d'un  arbre  correspondent  à  un  nombre  égal 
de  radicelles  et  que  par  conséquent  cet  arbre  doit  être  regardé 
comme  la  réunion  d'autant  d'individus  fusionnés  dans  la  tige 
et  ses  divisions.  Mais  il  existe  certainement  une  corrélation 
entre  les  extrémités  souterraines  et  aériennes  d'une  plante 
vasculaire.  Ainsi  les  arbres  palissés  ont  leurs  racines  dirigées 
dans  le  même  sens  que  leurs  rameaux;  et,  lorsqu'une  branche 
meurt  ou  paraît  atteinte  dans  sa  nutrition,  on  peut  affirmer 
que  ces  accidents  sont  dus  à  des  altérations  d'une  partie  de 
la  tige  ou  d'un  groupe  de  racines  ayant  la  même  orientation. 

Résumé  de  l'évolution  du  règne  végétal,  —  Comme  vous  avez 
pu  le  voir,  mesdames  et  messieurs,  par  l'exposé  que  vous 
venez  d'entendre  et  que  j'ai  cherché  à  rendre  aussi  clair  que 
possible,  les  grandes  transformations  des  végétaux  sont  dues 
uniquement  aux  différents  milieux  qu'ils  ont  successivement 
parcourus.  Partis  de  l'eau  salée  sous  formes  d'algues,  ils 
pénétrèrent  dans  les  collections  d'eau  douce  sans  se  modifier 
sensiblement.  De  là  ils  passèrent  sur  les  continents  et  for- 
mèrent dans  le  milieu  aérien  trois  groupes  correspondant 
aux  degrés  d'émert^ion  du  sol  :  les  muscinées  spéciales 
aux  marécages,  les  cryptogames  vasculaires  ayant  encore 
besoin  d'un  terrain  très  humide,  du  moins  pendant  la  pre- 
mière partie  de  leur  développement,  enfin  les  phanérogames 
dont  Texistencc  est  sous  la  dépendance  des  condensations 
pluviales.  Comme  l'embryogénie  nous  l'a  démontré,  ces  cinq 
groupes  n'en  forment  en  réalité  que  trois  :  les  algues,  les 


PAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VÉGÉTAL.  409 

muscinées  et  les  plantes  vascalaires,  réunis  par  Tintermé- 
diaire  des  formes  les  plus  inférieures  du  groupe  précédent. 

Comme  nous  Tavons  vu  également  dans  chaque  groupe, 
les  diverses  circonstances  relatives  à  la  nutrition  ont  créé 
des  variétés  qui  se  développèrent  plus  ou  moins  suivant  les 
conditions  où  elles  se  trouvaient  et  chacune  dans  un  sens 
différent.  Elles  formèrent  ainsi  des  familles  naturelles  bien 
distinctes,  dont  les  éléments  se  différencièrent  à  leur  tour 
sous  rinfluence  des  mêmes  causes,  de  manière  à  former  des 
subdivisions  souvent  très  nombreuses.  En  étudiant  les  algues 
il  est  presque  toujours  facile  de  remonter  à  la  forme  initiale  ; 
il  n'en  est  déjà  plus  ainsi  pour  les  muscinées.  Mais  quand  on 
aborde  les  plantes  vasculaires,  les  difficultés  sont  bien  autre- 
ment grandes.  Ainsi,  pour  trouver  par  exemple  l'origine  d'une 
famille  de  phanérogames  angiospermes,  il  faudrait  remonter 
jusqu'aux  cryptogames  vasculaires  en  passant  par  les  gym- 
nospermes. Malgré  Ténormité  du  travail,  il  ne  faut  pas  déses- 
pérer de  l'avenir,  car  jusqu'ici  l'attention  des  savants  ne  s'est 
jamais  tournée  de  ce  côté  et  la  paléontologie  nous  réserve 
peut-être  bien  des  surprises. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  n'en  est  pas  moins  démontré  qu'en 
botanique  comme  en  zoologie,  Tontogénie  est  l'image  fidèle 
delà  phylogénie. 

III 

TABLEAU  COMPARATIF   DE  LA  PHYLOGÉNIE  DES  VÉGÉTAUX 

ET  DE  CELLE   DES  ANIMAUX. 

Maintenant,  pour  vous  faire  bien  comprendre  le  caractère 
spécial  des  transformations  du  règne  végétal,  il  ne  me  reste 
plus  qu'à  jeter  avec  vous  un  coup  d'œil  comparatif  sur  celles 
que  le  règne  animal  a  subies  dans  les  mêmes  milieux.  Les 
deux  tableaux  généalogiques  que  j'ai  fait  mettre  sous  vos  yeux 
vous  permettront  de  saisir  les  différences  fondamentales  qui 
distinguent  ces  deux  modes  d'évolution. 

Les  deux  règnes^  nés  dans  le  milieu  marin,  ont  pour  point 


410        NEUVliME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

de  départ  deux  individus  monocellulaires  absolument  iden- 
tiques dans  leur  forme,  leur  volume,  leur  organisation  et 
leurs  propriétés.  Ces  deux  souches  se  distinguent  seulement 
par  la  présence  ou  l'absence  de  grains  de  chlorophylle  dans 
leur  protoplasma  et  consécutivement  par  leur  mode  de  nutri- 
tion. 

La  cellule  végétal  verte  tire  elle-même  sa  nourriture  de  la 
matière  minérale.  Le  premier  résultat  de  ce  travail  est  la 
formation  d*une  enveloppe  membraneuse  qui  la  protège 
contre  les  contacts  extérieurs  sans  entraver  Télaboration  des 
substances  organisables,  car  cette  membrane  se  laisse  péné- 
trer par  les  radiations  solaires  et  par  la  solution  saline  dans 
laquelle  elle  baigne.  Le  corps  protoplasmique  perd  seulement 
la  possibilité  de  se  transporter  d'un  lieu  à  un  autre,  faculté 
qui  d'ailleurs  lui  est  absolument  inutile. 

La  cellule  animale  incolore  doit  au  contraire  chercher  les 
éléments  nutritifs  dans  la  cellule  verte  elle-même  ou  dans 
ses  débris.  Elle  procède  à  cette  recherche  à  l'aide  de  sa  moti- 
lité  guidée  par  la  sensibilité  que  n'entrave  aucune  enveloppe 
solide.  C'est  ainsi  que  nous  la  voyons  mettre  continuellement 
en  usage  ces  deux  propriétés  essentielles  des  êtres  organisés, 
tandis  qu'en  général  la  cellule  végétale  ne  s'en  sert  qu'à  Tin- 
lérieur  de  sa  prison  de  cellulose. 

L'origine  de  la  division  des  êtres  organisés  en  deux  grands 
groupes  repose  donc  uniquement  sur  leur  mode  d'alimenta- 
tion et  c'est  sous  l'influence  de  la  même  cause  que  nous  allons 
les  voir  s'éloigner  de  plus  en  plus  Tun  de  l'autre  au  fur  et  à 
mesure  de  leurs  transformations. 

La  cellule  verte,  après  s'être  multipliée  par  segmentation, 
vit  bientôt  ses  descendants  se  souder  en  nombre  plus  ou 
moins  considérable  pour  former  des  corps  de  forme  et  de 
dimension  variables,  dont  tous  les  éléments  se  nourrissaient 
de  la  même  manière  que  leur  ancêtre.  Il  est  bien  clair  que 
les  plantes  ainsi  formées  pouvaient,  sans  subir  de  modifica- 
tions profondes,  s'étendre  et  se  multiplier  sur  le  sol  sous- 
marin  accessible  à  une  lumière  suffisante.  Leur  couleur,  leur 


FAUVELLE.  —  DES  TRANSFORMATIONS  DU  RÈGNE  VÉGÉTAL.  411 

étendue  et  leur  consistance  étaient  seules  susceptibles  de 
variations.  C'est  ainsi  que  les  mers  n*ont  jamais  contenu 
qu'un  seul  groupe  de  végétaux,  celui  des  algues. 

Dans  ce  même  milieu,  les  destinées  de  la  cellule  animale 
ont  été  tout  autres.  Tant  qu'elle  est  restée  isolée,  elle  n'a  pas 
sensiblement  varié.  En  effet,  depuis  la  monëre  au  noyau 
diffus  jusqu'à  l'infusoire  cilié  le  plus  élevé,  il  n*y  a  pas  d'autre 
différence  qu'un  classement  plus  méthodique  des  éléments 
constitutifs. 

Mais  il  est  arrivé  que  dans  certaines  circonstances  les 
cellules  en  se  multipliant  ne  se  sont  plus  séparées,  chacune, 
cependant,  vivant  pour  son  propre  compte  et,  par  consé- 
quent, devant  rester  toujours  en  rapport  direct  avec  le 
monde  extérieur.  11  en  est  résulté  la  formation  au  milieu 
d'elles  d'une  cavité  dite  de  segmentation.  Tant  que  celle-ci 
est  restée  peu  importante,  la  forme  sphérique  s'est  conservée, 
mais  lorsqu'elle  eut  atteint  une  étendue  relativement  consi- 
dérable^ le  peu  de  consistance  de  l'édifice  amena  forcément 
l'invagination  d'une  des  moitiés  dans  Tautre.  Telle  fut  l'ori- 
gine de  la  gastrula,  cette  forme  première  de  tous  les  animaux 
polycellulaires,  depuis  l'humble  polype  jusqu'à  l'homme,  que 
Ton  considère  leur  développement  ontogénique  ou  phylo- 
génique. 

Les  conséquences  de  cette  invagination,  je  dirai  presque 
accidentelle,  furent  immenses.  Ce  fut  d'abord  la  division  du 
travail  entre  les  individus  cellulaires  associés;  puis,  consé- 
cutivement la  production  d'un  phénomène  que  nous  n'avons 
observé  dans  aucun  groupe  du  règne  végétal.  Je  veux  parler 
de  Taccumulation  sur  certaines  cellules  constitutives  de  l'in- 
dividu gastrulaire,  de  chacun  des  éléments  réunis  chez  les 
protozoaires.  C'est  ainsi  que  se  formèrent  les  cellules  ner- 
veuses sensitives  et  motrices,  les  cellules  contractiles,  etc., 
qui,  plus  tard,  se  réunirent  en  centres  nerveux,  muscles^ 
membranes  sécrétantes,  respiratoires  et  autres.  Je  n'insiste 
pas  sur  tous  ces  détails  qui  vous  sont  connus,  mais  j'ai 
voulu  appeler  votre  attention  sur  ce  caractère  spécial  à  Tim- 


412  NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

mense  majorité  des  animaux  et  qui  suffirait  à  établir  une 
différence  presque  absolue  entre  les  deux  règnes. 

Les  individus  gastrulaires  se  divisèrent  immédiatement 
en  deux  groupes,  les  uns  fixés  au  support  par  la  partie 
opposée  à  la  bouche,  les  autres,  libres,  restant  couchés  sur 
le  sol  et  prenant  immédiatement  une  symétrie  bilatérale  par 
rapport  h  Taxe  longitudinal  du  corps. 

Gomme  les  végétaux,  les  individus  de  ces  deux  groupes  se , 
reproduisent  par  œuf,  c'esl-à-dire  par   Tunion  de  spores 
sexuées.  Mais,  chose  à  laquelle,  certes,  on  ne  se  serait  pas 
attendu,  les  gastrulaires  fixés    se  reproduisent  également 
par  spores  agames  adhérentes. 

Une  ou  plusieurs  cellules  non  différenciées  de  la  couche 
externe,  généralement  situées  vers  la  base  élargie,  se  seg- 
mentent et  donnent  naissance  à  de  nouveaux  individus  abso« 
lument  semblables  au  premier.  Quelquefois,  arrivés  à  l'état 
adulte,  ils  s'en  détachent  et  vivent  alors  isolés  ;  mais  le  plus 
souvent  ils  restent  adhérents  et  composent  avec  lui  une  agglo- 
mération de  deuxième  ordre  qui  rappelle  immédiatement  à 
votre  esprit  celle  dont  je  vous  signalais  tout  à  l'heure  la 
production  chez  les  mousses  et  surtout  chez  les  plantes  vas* 
culaires. 

Tous  ces  individus  soudés  entre  eux  autour  de  leur  auteur 
ou  le  long  d'un  axe  plus  ou  moins  allongé  peuvent  vivre  et 
se  reproduire  chacun  pour  leur  propre  compte,  ou  bien  se 
partager  le  travail.  Dans  ce  dernier  cas,  Findividu  central 
reste  chargé  de  nourrir  la  communauté  ;  ses  voisins  immé- 
diats, doués  d'une  sensibilité  tactile  plus  prononcée,  lui  livrent 
la  proie  qu'ils  arrêtent  au  passage  ;  puis  viennent  les  re- 
producteurs; enfin,  les  plus  éloignés,  moins  bien  nourris, 
restent  à  l'état  de  pointes  allongées  plus  ou  moins  dures, 
absolument  comme  les  épines  de  nos  arbres  qui  sont  aussi 
des  branches  avortées.  Tous  ces  cercles  concentriques,  en  se 
rapprochant,  peuvent  se  fusionner  si  intimement  que  ce  n'est 
qu'en  suivant  leur  développement  embryogénique  qu'on  a  pu 
en  faire  l'analyse. 


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FAUVELLE.  —    DES  TRANSFORMATIOiNS  DU  RÉGNE   VÉGÉTAL.     413 

C'est  ainsi  que  se  sont  formés  les  spongiaires,  les  bryo- 
zoaires, les  polypiers  et  les  échinodermes,  seuls  groupes 
issus  de  gastrulaires  fixés. 

Ceux  restés  libres  ont  eu  une  descendance  bien  autrement 
célèbre  et  cela  par  ce  seul  fait  qu'ils  ont  pu  se  transporter 
au  loin  et  chercher  leur  nourriture  là  où  elle  était  abondante. 
Us  ne  se  reproduisent  que  par  œufs;  mais  s'ils  ne  peuvent  se 
multiplier  par  spores  agames  libres  ou  adhérentes,  un  autre 
phénomène  vient  y  suppléer. 

Sous  rinfluence  de  la  nutrition,  Tanimal  s'allonge  jusqu'à 
une  certaine  limite,  et  lorsqu'il  Ta  atteinte,  il  se  divise  en 
deux  parties  par  une  section  tranvcrsalo,  donnant  ainsi  nais- 
sance à  deux  individus  absolument  semblables.  Les  exemples 
de  cette  segmentation  complète  sont  aujourd'hui  très  rares. 
Le  plus  souvent,  tous  les  individus,  nés  successivement  de 
cette  manière,  restent  accolés  bout  à  bout  en  série  linéaire, 
se  partageant  le  travail  qui  doit  servir  à  la  nutrition  et  à  la 
reproduction  de  ce  nouvel  agrégat  de  second  ordre,  absolu- 
ment comme  chez  les  polypes  concrescents.  Cet  être  mul- 
tiple dans  son  unité  a  reçu  le  nom  de  ver. 

Parmi  les  vers,  les  uns  ont  Tépiderme  recouvert  d'une 
mince  membrane  de  nature  cornée  (kératine)  ;  chez  d'autres, 
cette  pellicule  est  constituée  par  de  la  chitine,  substance 
d'une  constitution  toute  différente.  De  là,  deux  subdivisions 
importantes. 

La  première  a  donné  naissance  directement  aux  annélides, 
puis  aux  mollusques  par  l'intermédiaire  des  vers  tubicoles,  et 
enfln  aux  poissons  qui  se  subdivisèrent  en  osseux  et  en  car- 
tilagineux. Les  tuniciers  eurent  la  même  origine  et  débutent 
encore  aujourd'hui  à  la  manière  des  vertébrés  ;  mais  ils  sont 
arrêtés  dans  cette  direction  par  la  fixation  qui  les  rapproche 
du  premier  type  des  animaux  gastrulaires. 

Dans  le  milieu  marin,  les  vers  à  chitine  formèrent  seulement 
les  crustacés  chez  lesquels  cette  substance  est  consolidée  par 
de  la  matière  calcaire. 

N'êtes-vous  pas  frappés  de  cotte  différence  considérable 

T.  Il  (4"  série).  27 


AiA  NÈUVIÊKE  CONFÉRENCE  TRANS^ORMSTE. 

entré  les  formations  marines  si  uniformes  du  règne  végétal 
et  Celles  dn  règne  animal  si  maltiples  et  si  vaHées?  Gomme 
je  vous  le  disais  et  comme  vous  le  Comprenez  vous-mêmes 
maintenant,  la  cause  en  est  uniquement  due  au  tnode  d'ali- 
mentation. Dans  cette  fonction  Importante,  la  plante  est 
absolument  passive  et  n'a  qu'à  se  laisser  vivre  ;  tandis  que 
ranimai  est  toujours  en  quête  d'une  proie,  et  suivant  la 
forme  ôt  la  composition  chimique  de  cette  proie,  il  subit  des 
modifications  correspondantes. 

Le  passage  du  milieu  marin  dans  les  collections  d'eau 
douce  courantes  ou  stagnantes  s'est  effectué,  comme  ponr 
les  végétaux,  sans  transformations  fondamentales  et  ne  s'est 
traduit  que  par  des  variations  spécifiques.  Tous  les  groupes 
y  ont  envoyé  des  colonies  plus  ou  moins  nombreuses,  sauf 
cependant  les  échinodermes  et  les  tuniciers  dont  aneane 
espèce  n'a  été  signalée  jusqu'ici  en  dehors  de  la  mer.  Quoi 
qu'il  en  soit,  on  peut  dire  que  la  faune  et  laflorcr  des  eaux 
douces  sont  bien  moins  riches^  bien  moins  puissantes  que 
celles  des  océans  et  des  mers,  totlt  en  conservant,  en  géné« 
rai,  le  même  aspect.  Il  n'en  est  plus  de  même  sur  les  terrains 
émergés. 

Les  difficultés  qu'entraînait  le  passage  du  mitien  liquide 
au  milieu  aérien  n'étaient  pas  les  mêmes  pour  les  animaux 
et  les  végétaux,  et,  certainement,  elles  étaient  beaucoup 
plus  grandes  pour  ces  derniers,  puisqu'il  s'agissait  d'amener 
le  liquide  nutritif  au  contact  dé  tous  les  éléments  constitutifs 
par  une  circulation  qui,  depuis  longtemps,  était  établie 
chez  les  animaux,  t^our  ceux-ci,  il  fallait  simplement  mettre 
à  l'abri  de  la  dessication  les  surfaces  d'absorption  de  Toxy- 
gène.  Les  gastrulaires  libres  y  parvinrent  facilement  par 
l'invagination  de  l'appareil  respiratoire,  restreint,  depuis  les 
premières  phases  do  l'évolution,  à  certaines  parties  de  la 
membrane  limitante  externe.  Les  gastrulaires  fixés,  moins 
bîdn  préparés  à  cet  effet,  restèrent  confinés  dans  le  milieu 
liquide,  hors  duquel  ils  auraient  d'ailleurs  rencontré  bien 
d'autres  difficultés  pour  la  recherche  de  leur  nourriture.  Il 


PAUVELLE.  —   f)ÈS  tftAFTS^ORMAWOJfS  OU  ftÉÔffl  tÉGÉTAL.    418 

en  a  été  de  même,  à  plas  forte  foison,  des  prototoaires. 

Parmi  les  descendants  des  vers  à  enveloppe  de  kératine, 
les  annélides  et  les  mollusques  ne  purent  envoyer,  sur  les 
terrains  émergés,  que  de  petites  colonies  :  les  lombrics  d'une 
part,  et  de  l'autre  quelques  gastéropodes  de  petit  volume. 
Les  poissons  furent  plus  heureux.  Ainsi,  quelques  espèces 
inférieures  du  groupe  des  osseux  donnèrent  naissance  aut 
batraciens.  Mais  leurs  œufs,  contenant  trop  peu  de  matières 
nutritives  pour  amener  le  petit  à  la  forme  adulte,  ceux-ci 
restèrent  toujours  tributaires  du  milieu  liquide  pendant  la 
première  partie  de  leur  vie.  Les  poissons  cartilagineux^  dont 
les  œufs  étaient  beaucoup  mieux  pourvus,  purent  seuls  fran- 
chir d'un  bond  la  limite  qui  sépare  les  deux  milieux  et  se 
transformer  en  reptiles.  Il  se  pourrait  même  que  ce  groupe, 
aujourd'hui  exclusivement  marin^  n'ait  fait  aucune  station 
dans  les  collections  d'eau  douce. 

Parmi  les  crustacés  issus  des  vers  à  chitine,  deux  ché* 
tives  espèces,  les^  ponrcelets  et  les  cloportes,  purent  seules 
s'aventurer  sur  la  terre.  Mais,  on  vit  alors  apparaître  un 
SèCoiid  groupe  à  épiderme  chitineux  dont  on  ne  trouve 
aucune  trace  dans  la  mer.  Ce  sont  les  articulés  trachéens 
chez  lesquels  des  tubes  rigides  ramifiés  conduisent  l'oxygène 
respiratoire  directement  jusqu'aux  éléments  anatomiques. 
L* embryogénie  nous  les  montre  issus  de  certains  vers  à  obi*' 
tine  respirant  à  l'aide  de  vaisieaut  aquifères  également 
ramifiés  jusque  dans  l'intimité  des  tissus.  La  substitution  de 
l'air  à  l'eau  a  été  la  cause  très  simple  de  la  transformation. 

Tous  ces  nouveaux  hôtes  s'arrêtèrent  sur  les  terrains 
humides  ou  marécageux,  et  la  plupart  s*y  sont  maintenus 
jusqu^à  aujourd'hui.  Les  seuls  animaux  organisés  pouriivre 
sur  le  sol  desséché  que  les  pluies  seules  arrosant  sont  les 
insectes  et  lés  araignées,  c'est^-dire  tous  les  trachéens  sanf 
les  myriapodes,  les  lézards  parmi  les  feptiles,  et  les  deaoen- 
dants  directs  de  ces  derniers^  les  mammifères  et  les  oiseaux. 

L'apparition  de  ces  deux  dernières  formes  est  liée  à  une 
circonstance  de  milieu  qui,  jusqu'alorv^  n'avait  en  qu'une 


416  NEUVIÈME  CONFÉRENCE  TRANSFORMISTE. 

influence  restreinte,  mais  de  laquelle  il  fallait  alors  tenir  un 
compte  sérieux.  Je  veux  parler  de  rabaissement  de  la  tem- 
pérature. Tous  les  animaux  dont  nous  avons  parlé  jusqu'ici 
subissent  passivement  toutes  les  vicissitudes  de  chaud  et  de 
froid  et  meurent  lorsque  l'un'ou  Tautre  devient  trop  intense. 

Les  reptiles  seuls  présentaient  une  organisation  susceptible 
d'être  modifiée  de  manière  à  résister  à  cette  cause  redou- 
table de  destruction.  Comme  vous  le  savez,  leur  cœur  n'a 
qu'un  seul  ventricule  où  se  mélangent  le  sang  veineux  et  le 
sang  artériel  pour  être  ensuite  chassés  dans  tout  l'organisme . 
Cette  circonstance  est  très  défavorable  au  maintien  d'une 
température  élevée  ;  mais,  pour  remédier  à  ce  grave  incon- 
vénient, il  a  suffi  d'une  cloison  verticale  qui  partagea  le  ven- 
tricule en  deux  parties,  Tune  droite  et  l'autre  gauche,  celle- 
ci  ne  distribuant  à  tous  les  organes  que  le  sang  purifié  dans 
les  poumons.  Cette  cloison,  que  nous  voyons  en  voie  de  for- 
mation chez  les  crocodiles,  s'est  complétée  chez  les  oiseaux 
et  les  mammifères,  seuls  animaux  à  température  constante, 
quelle  que  soit  celle  du  milieu  extérieur. 

Les  mammifères  se  trouvèrent  immédiatement  subdivisés. 
Ceux  issus  des  reptiles  vivipares  devinrent  directement  pla- 
centaires. Dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  est  difficile  de 
donner  les  limites  exactes  de  ce  groupe.  On  peut  certaine- 
ment y  faire  rentrer  les  cétacés  et  les  édentés  actuels  et 
fossiles  dont  les  caractères  reptiliens  sont  si  évidents,  et 
môme  y  joindre  les  sirenides  et  les  phoques,  tous  genres 
divergents  qui  embarrassent  tant  les  classificateurs. 

Les  mammifères,  formés  par  les  reptiles  ovipares,  revê- 
tirent d'abord  la  forme  marsupiale  dont  vous  connaissez  les 
caractères  distinctifs  et  qui,  d'après  les  données  paléontolo- 
giques  que  nous  possédons,  a  été  l'origine  de  tous  les  placen- 
taires, saufceuxquejevous  citais  il  n'y  a  qu'un  instant.  C'est 
ici  que  se  place  l'homme,  de  tous  les  animaux  le  plus  éloigné 
de  la  cellule  incolore  qui  fut  leur  point  de  départ  K 

*  Pour  les  détails  des  transformations  du  règne  animal,  voir  la  Physico- 
Chimie^  son  rôle  dans  les  phénomènes  naturels,  astronomiques,  géolo- 


FAUVELLK.  —    DES  TRANSFORMATIONS   DU   RÈGNE  VÉGÉTAL.   447 

Résumons,  mesdames  et  messieurs,  ce  parallèle  entre  les 
deux  règnes  végétal  et  animal.  Dans  le  milieu  liquide,  le 
premier  no.  présente  qu'une  seule  forme,  la  plus  simple  ; 
Tautrc,  nu  contraire,  y  développe  tous  ses  embranchements. 
Tous  deux,  après  avoir  subi  des  perles  sensibles  en  traversant 
les  collections  d'eau  douce,  arrivent  bien  décimés  sur  le  sol 
émergé  et  ne  s'y  maintiennent  que  grâce  à  un  milieu  transi- 
toire, le  marécage.  Malgré  cette  circonstance  favorable,  les 
continents  seraient  restés  à  peu  près  déserts,  si,  dans  chaque 
règne,  des  groupes  ne  s'étaient  montrés  mieux  armés  pour 
lutter  contre  les  conditions  climatériques  défavorables.  Ce 
sont,  d'une  part,  les  mammifères  et  les  oiseaux  capables  de 
lutter  contre  le  froid,  et,  de  l'autre,  les  plantes  vasculairn*? 
phanérogames  qui  défient  la  sécheresse  de  la  superficie  du 
sol,  en  nourrissant  elles-mêmes  leur  progéniture  qui,  sans 
cela,  n'eût  pu  se  développer.  La  phylogénie  des  végétaux 
représente  un  arbre  de  haute  futaie  ;  celle  des  animaux,  un 
buisson  touffu. 

En  dépit  de  tous  mes  efforts,  j'ai  été  bien  au-dessous  de  la 
tâche  que  je  m'étais  imposée.  Mais  quelque  imparfait  qu'ait  été 
mon  langage,  il  me  semble  que  vous  devez  être  frappés  de  la 
vive  lumière  que  le  transformisme  projette  sur  l'histoire  des 
êtres  organisés.  Les  épaisses  ténèbres  accumulées  pendant 
tant  de  siècles  par  la  superstition  et  l'ignorance  sont 
aujourd'hui  dissipées.  La  vérité  éclate  de  toute  part.  Gloire 
donc  à  notre  ï.amarck  dont  la  pensée  profonde  nous  l'a 
révélée!  Gloire  à  Darwin  qui  a  compris  et  développé  cette 
pensée  !  Gloire  à  tous  les  savants  qui  ont  continué  et  com- 
plété l'œuvre  de  ces  deux  grands  génies!  Gloire  enfin  à  la 
Société  d'anthropologie  qui,  la  première  de  France  et  même 
du  monde  entier,  a  arboré  le  drapeau  du  transformisme  que 
rÉcole  maintient  haut  et  ferme  par  son  enseignement  ! 

giques  et  biologiques,  p.  324  et  suivantes,  par  M.  le  docteur  Fauvellc 
^Bibliothèque  des  sciences  contemporaines,  t.  XVI,  Rein wald,  1889). 


418  8ÉANGS  w  4  ;uiN  1891. 


SIO*  SÉANCE.  —  I  JBin  1891, 

Présidence  de  M.  lAB^MPig^  présideat* 


Le  procès-verbal  de  la  demiàre  sâaocQ  est  la  at  (Mlopt^. 

COMMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M-  L6  Secrétaire  générai^  donne  lecture  de  la  circulaire 
adressée  par  M.  le  ministre  des  travaux  publics  aux  ingé- 
nieurs en  chef  pour  leur  recommander  d* empêcher  la  des- 
truction des  monuments  mégalithiques  existants  encore, 

M.  PB  MoRTiUET  fait  remarquer  que  cette  circul^e  a 
été  rédigée  et  envoyée  à  Tinstigation  de  la  commission  des 
monuments  mégalilhiques,  quis^était  adressée,  à  cet  effet,  au 
ministre,  M*  Yves  Guyot,  membre  de  la  Société  d'anthropo- 
logie. 

M.  Salhon  demande  la  publication  de  cette  çirculaii^e  dans 
les  i9u//tf/mi de  la  Société,  afin  de  la  répandre  le  plus  possible. 

M.  i^  Président  annonce  le  décès  de  M.  le  docteur  Bonna- 
font.  Il  exprime  les  regrets  qu'éprouve  la  Société  pour  la 
perte  de  ce  membre  ancien  et  distingué. 

CORRESPONDANCE. 

M.  DE  Nadaillac  adresse  une  lettre  demandant  que  la  So- 
ciété fasse  les  démarches  nécessaires  pour  qu'il  soit  possible 
d'étudier  et  de  présenter  en  séance  les  deux  jeunes  ûlles 
(monstre  double]  que  Ton  exhibe  actuellement  à  Paris. 

MM.  Issaurat  et  de  Mortillet  sont  chargés  de  faire  les  dé- 
marches nécessaires. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  a  reçu  de  Mt  Mason  une  lettre 
sur  l'union  des  nègres  et  des  blancs.  M.  Mason  nous  ques- 
tionne au  sujet  des  éventualités  politiques  que  peut  amener 
la  coexistence,  côte  à  côte  et  sous  les  mêmes  lois,  de  deux 
races  très  distinctes  ne  s'unisçant  pas.  11  nous  demande,  si,  à 


CUUDZINSKI.  — *  SUR  LB  SACRUM  D*UN  DÉCAPITÉ.  419 

notre  connaissancei  quelqua  fait  analogue  a  jamais  existé 
et  quels  en  ont  été  les  résultats. 

Discussion. 

M.  HovBLACQUE.  La  question  qui  nous  est  posée  est  d'une 
importance  considérable,  et  il  nous  est  impossible  d*y  ré- 
pondre au  pied  levé,  Pour  ma  part,  j'ai  cherché  en  vain  des 
faits  de  Tordre  dont  il  s'agit  ;  mais  il  est  bon,  me  seipble- 
t-ii,  de  mettre  à  l'ordre  du  jour  un  sujet  aussi  important  à 
tous  égards. 

M.  Manouvrier  fait  observer  qu'il  est  bien  difficile  à  une 
société  scientifique  de  résoudre  a  priori  une  question  de  ce 
genre.  Prédire  l'avenir  dans  un  ordre  de  phénomènes  aussi 
complexes  que  les  phénomènes  sociaux,  alors  que  les  simples 
pronostics  médicaux  sont  déjà  si  souvent  sujets  à  caution,  ce 
n'est  pas  précisément  faire  ce  qui  peut  s'appeler  œuvre  de 
science..  Tout  en  reconnaissant  le  haut  intérêt  de  la  question 
qui  lui  est  posée,  la  Société  d'anthropologie  ferait  peut-être 
sagement  de  répondre  que  cette  question  sort  de  sa  compé- 
tence, au  moins  pour  le  moment* 

M.  Beauregard  dit  que,  dans  FAmérique  du  Sud,  dès  les 
premiers  temps  de  la  conquête,  les  Indiens  recherchaient  les 
femmes  blanches  d'Europe^  qu'ils  ne  négligeaient  aucune 
occasion  de  les  enlever  et  de  se  les  approprier. 

M.  DE  MoRTiLLET  proposc  l'impressiou  h  ps^rt  de  cette  lettre 
et  l'envoi  aux  membres  de  la  Société. 

PRÉSENTATIONS. 
Snr  le  saernni  d'an  déoaplié  ; 

PAR   M.    CUUDZINSKI. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société  d'anthropologie  le 
sacrum  d'un  assassin  décapité  k  Paris,  nommé  Kaps.  Cette 
pièce  anatomique  prouve  que  le  criminel  était  bien  jeune  en- 
core, car  les  vertèbres  qui  composent  son  sacrum  sont  loin 
d'être  complètement  soudées. 


420  PÉASCK    DU    i  JUIN    1891. 

En  effet,  les  corps  de  la  première  vertèbre  sacrée  et  de  la 
deuxième  sont  non  seulement  très  distincts,  mais  encore  la 
partie  antérieure  du  ménisque  intercostal  existait  encore  à 
l'état  frais.  La  soudure  des  corps  de  la  deuxième  avec  la 
troisième  vertèbre  sacrée  est  plus  avancée,  ainsi  que  les  corps 
de  la  Iroisième  et  de  la  quatrième  vertèbre.  Au  contraire,  les 
corps  de  cette  dernière  et  de  la  cinquième  vertèbre  sont  à 
peine  soudées.  L'individualité  des  vertèbres  sacrées  se  re- 


marque encore,  surtout  du  côté  gauche,  dans  ces  parties  qui, 
dans  les  vertèbres  des  autres  régions,  constituent  les  apo- 
physes transverses. 

Le  sacrum  de  Kaps  est  assez  volumineux,  autant  large  que 
loDg  ;  {17  millimètres  dans  les  deux  sens,  au  maximum. 

Mais  la  partie  la  plus  intéressante  de  cette  pièce  anato- 
miquc,  c'est  le  canal  sacré,  qui,  étant  largement  ouvert,  n'est 
plus  un  canal,  mais  une  gouttière  large  et  profonde,  et 
dont  la  continuité  n'est  interrompue  que  par  un  petit  pont 
osseux  large  de  9  millimètres  et  demi  et  qu'on  remarque  au 
niveau  de  la  deuxième  vertèbre  sacrée.  Ce  pont  est  constitué 
par  deux  lames  osseuses    parfaitement   séparées  l'une  de 


DISCUSSION   SUR    UN    SACllUM    DK    DÉCAPITÉ.  421 

l'autre  sur  la  ligne  médiane.  Ces  deux  lames  ne  sont  autre 
chose  que  l'apophyse  épineuse  de  la  deuxième  vertèbre  sa- 
crée fortement  atrophiée. 

Au  niveau  de  la  première  vertèbre  sacrée,  on  aperçoit  deux 
autres  lames  beaucoup  plus  fortes  que  les  précédentes,  sépa- 
rées Tune  de  Tautre  par  un  intervalle  de  5  millimètres.  Ces 
deux  lames  sont  aussi  des  parties  constituantes  de  l'apophyse 
épineuse  de  la  première  vertèbre  sacrée.  Il  faut  remarquer 
pourtant  que  ces  deux  lames  varient  beaucoup  par  leur  vo- 
lume. La  lame  du  côté  droit  est  très  forte,  a  une  direction 
transversale,  tandis  que  la  lame  du  côté  gauche  est  grêle  et 
déjetéc  en  dehors  et  en  arrière. 

La  largeur  de  la  gouttière  sacrée  est  la  suivante  :  au  niveau 
de  la  partie  supérieure  de  la  première  vertèbre,  28  milli- 
mètres ;  au  niveau  de  la  deuxième,  15  millimètres  ;  au  niveau 
de  la  troisième,  8  millimètres;  de  la  quatrième,  12  milli- 
mètres, et  entre  les  deux  cornes  du  sacrum,  18  millimètres. 

Enfin,  tout  à  fait  en  bas  et  à  gauche,  on  voit,  surajoutée 
au  sacrum  primitif,  une  pièce  osseuse  en  forme  d'une  corne 
recourbée  et  formant  ainsi  trois  quarts  de  cercle  à  peu  près, 
pour  circonscrire  le  rudiment  du  cinquième  trou  sacré. 

En  présentant  cette  pièce  anatomique,  je  n'ai  nullement  la 
prétention  de  rapporter  cet  arrêt  de  développement  du  canal 
sacré  comme  un  trait  distinctif  de  Thomme  criminel.  Mais  je 
le  présente  tout  simplement  d'abord  comme  une  curiosité 
anatomique,  et  puis  comme  un  fait  pour  la  statistique  future 
des  anomalies  anatomiques  observées  chez  les  assassins. 

Il  est  pourtant  utile,  à  notre  avis,  de  noter  que  cet  arrêt  de 
développement  coïncidait  avec  l'expression  à  la  fois  stupide 
et  bestiale  de  l'individu,  comme  le  prouve  le  masque  en 
plâtre. 

Discussion. 

M.  Manouvrier.  J'ai  rencontré  sur  plusieurs  squelettes  eu- 
ropéens et  sur  plusieurs  squelettes  des  Nouvelles-Hébrides 
une  transformation  semblable  du  canal  sacré  en  une  goût- 


423  SÉANCE  DU  4  JUIN  189i. 

tière,  soit  d^ps  toute  sa  longueur,  ^oitdans  presque  toute  lia 
longueur.  Or^  comme  je  n'ai  pas  examiné  à  ce  point  de  vue 
un  très  grand  nombre  de  sacrums,  je  suis  autorisé  h  croire 
que  l'anomalie  en  question  u'est  pas  extrêipemeqt  rare.  Je 
pourrai  faire  à  oa  sujet  un  cooimepoement  de  statistique. 

En  attendant,  je  puis  déjà  dire  que  l'aspect  brutal  du 
visage  est  certainement  bien  plus  fréquent  que  cette  auo* 
malie  et  n  a  probablernent  aucun  rapport  avec  elle.  I^s 
caractères  squelettiques  qui  contribuent  h  dPQuer  au  visage 
une  expression  brutale  sont  loin  d'être  dus  4  UU  défaut  de 
développement  osseux. 

M»  CoLLiN  présente  une  série  de  pièces  en  silex  de  Tépoque 
néolithique  qu'il  a  recueillies  sur  le  territoire  des  opmq^uues 
de  MontreuiUsur-Ëpte,  Goppières,  Ansicourt  (Seine-et-Oise) 
et  Aveny  (Eure). 

Cette  série  de  pièces  se  compose  de  pics,  haches  taillées  et 
polies,  flèches,  retouchoirs,  perçoirs,  grattoirs  conpava^  et 
convexes,  nucleus  et  percuteurs. 

Il  attire  particulièrement  Tattention  de  la  Société  sur  une 
de  ces  pièces  appartenant  à  Tépoque  paléolithique  et  trouvée 
à  Berthenou ville  (Eure). 

Il  fait  aussi  remarquer  qu'une  partie  de  ces  pièces  lui  a  été 
confiée  par  M.  Foucard,  carrier  à  Ansicourt  (Seine-et-Oise), 
qu'il  a  pu  intéresser  à  ces  sortes  de  recherches.  M.  Fouc€Lrd 
est  actuellement  possesseur  d'une  jolie  collection  de  pièces 
préhistoriques,  représentant  tout  Toutillage  deTépoque  néo- 
lithique, recueillie  dans  la  contrée  qu'il  habite. 

M.  Manouvrier.  J'ai  Thonneur  de  présenter  à  la  Société  le 
deuxième  fascicule  du  tome  II  du  Traité  d'anatomie  humaine^ 
publié  par  notre  confrère  M.  le  professeur  Testut.  Ce  fascicule, 
de  900  pages,  est  entièrement  consacré  à  la  névrologie.  C'est, 
je  crois,  le  plus  remarquable  de  tout  Touvrage.  L'anatomie 
descriptive  du  cerveau  humain,  des  autres  centres  nerveux 
et  des  nerfs,  y  est  traitée  d'une  façon  beaucoup  plus  com- 


OUVRAGES  PÉRIODIQUES.  423 

plëte  et  aussi  plus  claire  que  dans  les  ouvrages  similaires.  Un 
grand  nombre  de  superbes  figures  (377),  très  habilement 
dessinées  d*aprës  nature  et  coloriées,  accompagnées  d'une 
foule  de  schémas  indispensables  en  pareille  matière,  rendent 
presque  facile  et  attrayante  Tétude  du  système  nerveux,  qui, 
naguère,  était  décourageante  pour  les  étudiants.  Le  profes- 
seur Testut  n*a  certainement  pas  ménagé  son  temps  ni  sa 
peine  pour  mettre  son  livre  au  courant  de  la  science,  et  l'édi- 
teur, M.  Doin,  a  compris  qu'il  ne  devait  rien  négliger  pour 
donner  à  l'ouvrage  une  forme  digne  du  fond. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  Deniker  offre  à  la  Société  plusieurs  de  ses  travaux  im- 
primés qui  manquaient  à  la  bibliothèque. 

Letourneau  (Ch.)  The  Evolution  of  Marriage  and  of  the  Fa- 
mily.  Londres,  1891,  in-8*,  373  pages  (traduit  du  français). 

S ANFORD Fleming.  Times- Reckoning  for  the  Twentieth  Century. 
Washington,  4889,  in-8»,  24  pages. 

BuscHAN  (Georg).  Zur  Vorgeschichte  der  Obstarten  der  alten 
Welt.  Berlin,  4891,  in-8%  16  pages. 

—  Zur  Kulturgeschichte  der  Hukenfruchte,  Munich,  4891, 
in-4*,  4  pages. 

Mallery  (Garrick).  Greeting  by  Gesture.  New-York,  4894, 
in-8*,  32  pages. 

PÉRIODIQUES. 

Société  de  biologie  :  Comptes  rendus,  t.  III,  n**  48.  —  Ch.  De- 
bierre  :  Sur  les  anomalies  des  circonvolutions  du  cerveau  de 
l'homme.  —  Ch.  Féré  et  G.  Demantké  :  Note  sur  les  varia- 
tions de  la  forme  du  pied  sous  l'influence  du  repos,  de  la 
station  et  de  la  marche. 

Société  de  géographie  :  Bulletin,  t.  XII,  4«'  trimestre.  — 
F.  Foureau  :  Mission  au  Tademayt.  —  Ch.  Rabot  :  Explora- 
tions dans  la  Laponie  russe  ou  presqu'île  de  Kola  (1884- 
1885).  —Henri  Coudreau  :  Note  sur  cinquante-trois  tribus  de 
Guyane. 


424  SÉANCE  DU  4  JUIN  1891. 

Journal  of  the  anthropological  Imtïtute  (mai  1891).  Lady 
Welby:AnApparent Paradox  in  Mental  Evolution. —A. -L.Le- 
wis :  Exhibition  of  a  Spécimen  of  the  Stonc  used  by  admirai 
Tremlett  to  eut  marks  of  the  Granité  of  which  the  Breton 
Dolmens  are  formed. 

The  Canadian  Inslitute  [Tramac lions) ^  vol.  I,  n**  2,  march 
i89i;.  A. -G.  Morice  :  The  Dene  Languages. 

The  Canadian  ImtiUUe  [Fourih  annual  Report  1890-1891). 
David  Boyle  :  Archaeological  report. 

Zeitschrift  fur  Ethnologie,  1891.  Heft  IL  A.  Voss  :  Die 
Steinzeit  der  Lausilz  und  ihre  Beziehungen  zu  der  Stenzcil 
anderer  Laînder  Europas,  insbesondcre  die  hornfœrmigen 
dnrchbohrten  Henkel  und  das  Lochornament.  Haarzopf  aus 
ainem  rœmischen  Bleisarkophag  von  Coin.  Bronzefund  von 
Tangendorf,  West-Priegnilz.  Bronzenachgiisse  aus  den  Miin- 
cheberger  Gussformen.  Werk  des  Hrn.  Munro  iiber  die  seeb 
auten  in  Europa.  —  Blas,  R.  Virchow  :  Verzierter  Nephrit- 
Ring  von  Erbil  Mesopotamien. —  Risley,  Yirchow  :  Fœrderung 
derEthnologischen  Untersuchungen  in  Indien.  —  F.  Millec- 
ker  :  Ansiedelung  der  Steinzeit  im  Gebiete  der  Stadt  Wers- 
chelz,  Ungarn.  —  Alte  Ansiedelung  in  der  Flur  Ludosch  bei 
Werschetz.  —  G.  Buschan  :  Zur  Vorgeschichte  der  Obsjlarten 
der  Alten  Welt.  —  Kramer,  R.  Virchow  :  Algorrobe-Kuchen 
von  Salto,  Argentinien.  —  Mies,  Virchow,  Fischer,  Fritsch  : 
Diskussion  iiber  die  Amazonen  von  Dahome  :  Ilœhenzahl  des 
Kœrpergewichts  der  «  Amazonen»  und  Krieger. — Virchow: 
Sechsfingrige  Hand  eincs  Antillen-Negers.  —  E.  Seler  :  Alt- 
mexikanischer  Federschmuck  und  militrerisch  Rangabzei- 
chen.  —  Uhle  :  Deutung  des  in  Wien  verwahrtcn  altmexika- 
nischen  Federschmucks.  Zur  mexikanischen  Chronologie 
mit  besonderer  Berùcksichtigung  des  zapotekanischen  Ka- 
lenders. 

Société  de  géographie  belge  :  Bulletin  i891,  n**  2.  L.  Roget: 
le  District  de  TArouwirai  et  Quelle. 


DIAMANDY.  —  SUR  LA  DÉPOPULATION  DE  LA  FRANCE.   425 


ELECTIONS. 

M.  le  docleur  Garlier  est  élu  membre  titulaire  de  la  Société 
par  22  voix  sur  22  votants. 

COIMMUNICATIONS. 

Du  rôle  de  réeonomle  soelale  dans  la  qaestloB 
de   la  dépopulation  et  du  repeuplement  de   la  France  *  i 

PAR    M.    G.    DIAMANDT  (OE  JASSy). 

DE    l'importance    DES     LOIS    ÉCONOMIQUES 
DANS  LES   PHÉNOMÈNES  SOCIOLOGIQUES. 

11  semblerait  audacieux  de  venir  discuter  une  question 
débattue  par  des  savants  tels  que  MM.  Fauvelle,  Laborde, 
Lagneau,  Gherviu  et  autres  personnes  compétentes  dont  les 
paroles  ont  du  poids.  Ce  qui  me  permet  de  le  faire,  c'est  que 
la  question  a  été  envisagée  uniquement  au  point  de  vue  mé- 
dical ;  c'est  que  personne  n'a  essayé  de  voir  si  des  motifs 
d'ordre  économique  n'influeraient  pas  sur  la  dépopulation. 
Bien  plus,  quand  MM.  Fauvelle  et  A.  Bertillon  ont  rpononcé 
le  mot  de  causes  c'cunomiques,  on  s'est  récrié,  demandant  en 
quoi  Téconoraie  était  intéressée  dans  la  question,  et  qu'avait 
à  voir  cette  science  dans  la  Société  d'anthropologie.  En  peu 
de  mots,  M.  Georges  Hervé  a  répondu  à  la  question,  mais 
rien  qu'en  passant,  ce  qui  nous  force  de  revenir  sur  ce  sujet. 

Les  phénomènes  sociologiques  se  manifestent-ils  sponta- 
nément, n'ont-ils  pas  une  cause  commune,  un  moteur  tout- 
puissant  qui  leur  fait  prendre  différents  aspects?  Aujourd'hui 
que  la  science  est  due  à  l'analyse,  aux  recherches  minutieuses, 
on  ne  peut  plus,  raisonnablement  du  moins,  soutenir  que  les 
faits  sociologiques  sont  quelque  chose  de  fatal,  qu'ils  appa- 
raissent comme  les  diables  des  boîtes  à  surprises. 

^  Résumé  succinct  d'une  communication  faite  à  la  Société  d'unthropo- 
logie. 


426  SÉANCE  DU  4  JUIN   1891. 

Il  y  a  donc  une  raison,  une  cause,  déterminant  un  fait 
plutôt  qu*un  autre,  un  progrès  ou  un  regrès^  une  forme  de 
préférence  à  une  autre.  Cette  raison,  cette  cause  est  laraîson, 
la  cause  économique.  En  vérité,  très  souvent  ce  qui  semble 
être  de  la  morale  pure,  n*est|que  la  manifestation  plus  ou 
moins  lointaine,  plus  ou  moins  cachée  d'une  loi  économique. 
Je  vais  même  plus  loin  et,  à  mon  humble  avis,  si  vous  re- 
marquées une  uniformité  universellement  identique  dans 
révolution  sociologique,  c*est  que  les  lois  économiques  sont 
les  mêmes,  n'importe  où,  podf'Ies  milieux  sociologiquement 
identiques. 

Pour  appuyer  et  prouver  l'exactitude  de  cette  façon  de 
voir,  je  vais  vous  citer  quelques  faits  sociologiques,  tout  en 
vous  priant  d'excuser  cette  digression,  que  je  ne  fais, 
d'ailleurs,  que  pour  démontrer  qu'à  la  Société  d'Anthropo- 
logie, on  a  parfaitement  le  droit  de  parler  économie.  Ainsi, 
l'anthropophagie  qui  avait  jadis  tout  un  attirail  de  culte, 
semblerait,  de  prime  abord,  une  simple  question  de  philo- 
sophie, une  phase  de  l'évolution  de  la  morale.  Pourtant  il  n'en 
est  rien.  Les  îles  océaniennes,  par  exemple,  étaient  dépourvues 
de  mammifères,  et  peuplées  par  un  grand  oiseau,  qne  les 
indigènes  appellent  moa  et  qui  formait  le  principal  aliment 
des  sauvages.  Dans  de  nombreux  tumulus  on  a  retrouvé  des 
coquilles  d'œufs,  des  os,  de  ce  gigantesque  oiseau  {Dinamù 
giganteuSy  palopteryx  nigens^  etc.).  Quand  le  moa  disparut,  les 
indigènes,  poussés  par  les  conditions  de  milieu,  devinrent 
anthropophages,  ils  élevèrent  même  l'anthropophagie  au 
rang  d'une  institution  religieuse.  Mais  que  sont  ces  condi- 
tions de  milieu,  sinon  des  conditions  économiques? 

Un  autre  exemple.  Aujourd'hui  l'Amérique  ne  cofnpte  pluô 
dans  ses  immenses  prairies  que  1091  bisons,  dont  SSO  seule- 
ment sont  libres  et  sauvages,  dans  un  coin  perdu  des  pos- 
sessions anglaises^  Les  anciens  maîtres  du  sol,  les  Indiens 


1  E.  Cartallhac,  ExUrmination  des  bisons  en  Amérique  {la  Natun,  is^o, 
22  novembre,  18*  anqée). 


DIAMANDY.  —  SUR  LA  DÉPOPOLATIOJT  DE   LA   FRANCE.       427 

âioux,  depuis  des  siècles  chassaient  le  bison,  puis  une  partie 
des  Sioux  devint  stable,  passa  h  Tétat  de  peuple  agricolei 
tandis  que  les  autres  Sioux  continuèrent  à  courir  les  prairies. 
Depuis  la  disparition  presque  totale*  du  bison,  ces  malheu-* 
réux  Indiens  se  trouvent  dans  un  état  de  misère  vraiment 
pitoyable.  Poussés  par  la  faim,  manquant  de  leur  principale 
alimentation,  les  Sioux  se  sont  révoltés,  sont  entrés  en  guerre 
ouverte  contre  legouvelTiement,  ont  été  massacrés  et,  demain, 
de  ces  Sioux  chasseurs  il  ne  restera  qu*aile  vague  légende. 

Certains  groupes  d'Esquimaux  tendent  à  disparaître  depuis 
que  les  phoques  ont  abandonné  les  côtés  peuplées  par  Ces 
Esquimaux. 

Tout  dernièrement,  M.  Rabot  *  hous  disait  ici'même  qu'une 
|)artie  des  Ostiaks  (Sibérie)  disparaissent  depuis  que  le  renne 
est  devenu  rare. 

Dans  ces  trois  exemples  vous  voyez  trois  peuples  :  les 
Sioux,  les  Esquimaux  et  les  Ostiaks,  s'effaçant  peu  à  peu 
de  la  scène  humaine  par  suite  des  malheureuses  conditions 
économiques  dans  lesquelles  ils  se  sont  trouvés. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  il  en  est  de  même  des  ques- 
tions sociologiques  telles  que  l'évolution  de  la  propriété,  de  la 
politique,  de  la  famille,  de  la  morale,  des  institutions  juri- 
diques, etc.  La  propriété  individuelle  ou  collective,  le  mariage 
ou  la  prostitution,  l'altruisme  ou  Tégolsme,  la  liberté  ou  l'es- 
clavage, la  loi  du  talion,  la  guerre,  etc.,  ne  sont  que  la  cris- 
tallisation palpable  des  lois  économiques  et  de  leurs  appli- 
cations. 

A  l'appui  de  ce  que  nous  avançons,  je  vais  citer  un  fait 
connu  de  tous.  Le  christianisme  et  ses  représentants  n'ont 
pas  été  persécutés  à  cause  d'un  danger  moral  que  pouvait  pré- 
senter la  nouvelle  doctrine,  mais  simplement  parce  que  l'appel 
à  l'égalité  des  hommes  rendait  Tesclavage  odieux  et  impos- 
sible. Mais  tout  le  monde  ancien,  le  romain  y  compris,  était 


1  Séance  de  la  Société  d'anthropologie.  Compfe  rendu  du  voyagé  fait 
en  Sibérie  chez  les  Ostiaki. 


i^S  SÉANCE   DU  4  JUIN   1891. 

basé  sur  le  principe  de  Tesclavage.  En  gens  conscients,  les 
Romains,  tolérants  en  matière  de  croyance  religieuse,  furent 
intraitables  en  matière  de  théorie  économique.  Ceci  est  telle- 
ment vrai  que  le  monde  romain  et  toute  Tancienne  société 
s'écroulent,  disparaissent  sous  les  attaques  des  doctrines 
égalitaires  qui,  en  affranchissant  l'esclave,  privaient  Tanli- 
quité  de  la  seule  ressource  de  son  existence. 

Pour  ne  pas  aller  plus  loin  nous  pouvons  citer  sans  insister 
la  Révolution  française  et  la  campagne  socialiste  actuelle. 
Naturellement,  la  corrélation  des  lois  économiques  et  des 
faits  de  sociologie  est  encore  mise  en  doute  ou  ignorée,  car 
on  écrit  l'histoire  en  abusant  des  dates  et  des  noms  propres 
et  en  oublianCque  c'est  toujoursl'état  économique  d'un  peuple 
qui  le  pousse  à  faire  ou  à  éviter  la  guerre  extérieure  ou  civile, 
et  non  pas  le  caprice  de  quelques-uns,  dans  ces  derniers 
temps  surtout. 

Excusez,  je  vous  prie,  cette  digression,  mais  je  l'ai  faite 
surtout  comme  une  explication  des  arguments  dont  je  vais 
essayer  de  me  servir  dans  le  cours  de  ma  communication. 

EST-IL  ou  n'EST-IL  PAS  NÉCESSAIRE  DE  REPEUPLER  LA  FRANCE? 

Dans  la  discussion  engagée,  cette  question  est  naturelle- 
ment celle  qui  vient  à  l'esprit  en  premier  lieu.  Nous  allons  la 
discuter  tant  au  point,  de  vue  des  intérêts  des  classes  sociales 
de  la  société  actuelle,  qu'au  point  de  vue  sociologique  des 
intérêts  supérieurs  du  progrès  et  de  la  civilisation.  Tout 
d'abord,  envisageons-la  au  point  de  vue  des  intéressés  de  la 
société  actuelle.  Qui  sont  les  intéressés?  Le  capital  d'une 
part  et  le  travail  de  l'autre. 

Le  capital  ne  trouve  pas,  au  point  de  vue  économique, 
d'une  nécessité  criante  la  repopulation  de  la  France,  sous  le 
prétexte  que  l'armée  de  réserve  des  travailleurs  (ouvriers 
sans  travail)  est  déjà  suffisamment  grande  pour  n'avoir  besoin 
d'augmenter  l'étendue  de  la  misère,  ce  qui  aboutirait  à  des 
troubles  et  que,  d'autn?  part,  un  pays  ne  doit   avoir   une 


DIAMANDY.  —   SUR  LA   DÉPOPULATION   DE  LA   FRAUCB.      429 

population  plus  grande  que  ne  lui  permettent  ses  moyens  de 
productions.  Au  point  de  vue  politique,  on  demande,  au  con- 
traire, une  augmentation  de  population  aussi  forte  que  pos- 
sible pour  pouvoir  opposer  à  Tennemi,  en  cas  de  guerre, 
une  armée  numérique  supérieure. 

Au  point  de  vue  économique,  l'argument  capitaliste  pèche 
par  la  base  :  la  théorie  malthusienne  est  loin  d'être  exacte, 
car  les  moyens  de  production  augmentent  avec  le  nombre 
des  consommateurs,  donc  avec  le  nombre  de  la  population. 
La  preuve  de  ce  fait,  vous  Tavez  dans  les  entreprises  d'expé- 
ditions hasardées,  que  les  peuples  d'Europe  font  afln  de 
se  créer  des  débouchés. 

Venons  à  la  question  politique.  En  constatant  la  décrois* 
sance  de  la  population  française  et  son  infériorité  numérique 
vis-à-vis  de  TAllemagne,  notre  collègue,  le  docteur  A,  Ber- 
tillon  s'exprime  ainsi  ^  :  «  Donc,  dans  vingt  ans,  contre  un 
conscrit  français,  il  y  aura  deux  conscrits  allemands  »  ;  et 
plus  loin  :  a  M.  Richet  avait  donc  raison  de  dire  que  le  pro- 
blème est  un  des  plus  graves  qui  se  puissent  trouver,  si 
grave  que  toutes  les  questions  politiques  ou  sociales  pâlissent 
à  côté  de  celle-là.  » 

Naturellement,  cette  considération  l'emporte  sur  la  pre- 
mière. Dans  cette  angoisse  si  éloquemment  traduite  par 
M.  Richet,  il  est  à  remarquer  que  l'auteur  oublie  la  chose 
suivante  :  c'est  que  la  question  sociale  peut,  dans  un  seul 
moment,  anéantir  toute  velléité  de  guerre  et  que,  €dnsi 
placée,  la  question  est  politique  tout  aussi  bien  que  sociale. 
Voyons  si  le  cri  d'épouvante  poussé  par  M.  Richet  et  douleu- 
reusement  répété  par  M.  Bertillon  a  vraiment  sa  rsdson 
d'être,  et  si  il  y  a  vraiment  une  cause  sérieuse  de  terrible  in- 
quiétude. 

Selon  les  prévisions  les  plus  pessimistes,  dans  vingt  ans, 
plus  d'une  question  politique  ou  sociale  sera  résolue  de 
façon    que  la  France  démocratique  n'ait  rien  à  craindre 

1  La  Loi  dite  des  stpt  enfants  {Rêvuê  fciènlt/l9«e,  1890,  49  Jaillet). 
T.  II  (4«  série).  iS 


430  SÊANCB  DU  4  JUIN  4891. 

de  Tempire  allemand,  dont  l'existence,  en  temps  que  monar* 
chie  bien  entendu,  est  très  critique.  Nous  ne  pouvons  pas 
nous  étendre  sur  ce  sujet,  mais  quiconque  est  au  courant 
des  affaires  d'Allemagne  sait  que  ce  qui  en  impose  à  FEarope, 
c'est  le  prestige  qui  accompagne  la  victoire,  c'est  donc  la 
force  armée.  Hais  il  faut  tenir  compte  d*un  facteur  tout- 
puissant  aujourd'hui  et  qui,  très  fort  en  Allemagne,  rend 
la  puissance  armée  énigmatique.  Ce  facteur  est  Tannée  socia- 
liste allemande,  contre  laquelle,  l'autre,  celle  de  la  monarchie, 
aura  peine  à  lutter  sans  se  jeter  sur  le  dos  des  ennemis 
étrangers. 

Point  n'est  besoin  de  dire  que  la  France,  en  tant  que  pays 
décidé  à  avancer  dans  la  voie  de  la  démocratie  sociale,  n'a 
absolument  rien  à  craindre  du  socialisme  allemand.  Rappelez- 
vous  que,  en  plein  Parlement,  le  député  socialiste  Liebknecht 
a  protesté  énergiquement  contre  Tannexion  de  l'Alsace  à 
l'Allemagne. 

Examinons  la  question  du  repeuplement  de  la  France  au 
point  de  vue  de  l'intérêt  du  travail. 

Voici  ce  qui  m*a  été  répondu  à  cette  question,  par  Jules 
Guesde,  Tune  des  personnalités  les  plus  marquantes  et  les 
plus  dévouées  du  parti  socialiste  de  France  : 

<c  Oui,  je  croîs  à  la  nécessité  du.repeuplementde  la  France, 
car  le  levain  démocratique  est  plus  fort  ici  que  noUe  part 
ailleurs.  Même  en  Allemagne,  où  l'armée  socialiste  est  la 
plus  nombreuse  et  la  mieux  disciplinée,  ce  levain  est  moins 
fort  qu'en  France.  » 

Au  point  de  voe  économique,  il  est  clair  que  les  socialistes 
demandent  la  repopulation,  car  il  y  aurait  une  prodoeiion 
plus  forte,  donc  un  emploi  plus  général  d'ouvriers. 

Au  point  de  vue  politique,  il  est  évident  que  le  dépeuple- 
ment est  un  mal,  car  la  France  est  environnée  de  monarchies, 
places  fortes  de  la  réaction.  Mcds  ce  point  de  vue  est  secon- 
daire, car  on  ne  peut  repeupler  un  pays  par  des  effets  de 
magie,  et  dans  vingt  ans,  quand  ce  mouvement  pourra  donner 
des  résultats,  il  sera  trop  tard. 


DIAMANDY.  —  SÙft   lA  biPOVVtktiOti  t)Ê   LA   FRANCE.       431 

Abstraction  faite  des  intérêts  de  la  classe  aisée  et  de  la 
classe  dépossédée,  il  nous  reste  à  envisager  la  question  au 
point  de  vue  sociologique. 

Nons  croyons  la  dépopulation  de  la  France  tr6s  dangereuse 
par  le  fait  que  c'est  une  véritable  dépression  dans  les  moyens 
de  progrès  de  la  société  bumaine  en  général  et  de  la  société 
française  en  particulier,  société  qui  représenté  un  Coeffldient 
intelligent,  puissant,  qui  en  fait  un  dés  principaux  fact6tir!i 
de  notre  civilisation. 

Les  motifs  qui  influent  négativement  ou  positivetilënt  sur 
la  question,  sont  les  motifs  d'ordre  économique,  politique, 
moral,  et  les  motifs  d'ordre  physiologique. 

De  préférence  nous  nous  occuperons  des  trois  premiers 
ordres, 

MOTIFS  d'oUDHE   ÉCONOMIQUE. 

Il  est  évident  que  le  sujet  dotit  nous  nous  occupotis  doit 
être  envisagé  de  tous  côtés,  dans  ses  détails  comthe  dans  ses 
parties  essentielles.  Étant  donnée  la  petite  place  que  doit 
prendre  dans  les  Bulletins  mon  compte  rendu,  réduit  autant 
qu'il  m'a  été  possible  de  le  faire,  je  me  bornerai  à  tracer  en 
grands  traits  la  manière  suivant  laquelle  la  question  de  la 
dépopulation  doit  être  traitée.  Tout  d'abord,  pour  moi,  la  ques- 
tion économique  est  celle  dont  il  faut  s*inquiéter  en  premier 
lieu.  Examiner  la  situation  des  classes  ouvrières  agricoles  et 
industrielles,  c'est  connaître  le  mal. 

C'est  ce  que  je  vais  essayer  de  faire  en  deux  mot^.  Eln 
suivant  révolution  subie  par  la  petite  propriété  individuelle, 
depuis  la  Révolution  jusqu'à  ce  jour,  nous  constatons,  eu 
France,  un  mouvement  progressif  de  centralisation  ^  Ce  ré- 
sultat inattendu  du  grand  mouvement  égalitaire  est  la  con- 

1  D'après  les  sUtistiqnes  ollloiclles,  95  millions  de  travailleur,  â^t/M- 
ployés,  etc.,  n*ont  guère  pour  vivre,  eux  et  leurs  familles,  qu'une  somme 
de  6  milliards  de  francs  sur  une  prodaotioB  agricole  et  industrielle  totale 
d'une  vingtaine  de  milliarde. 


432  SÉANCE  DU  4  JUIN  1891. 

séquence  logique  de  notre  système  économique.  La  bour- 
geoisie a  pris  la  place  de  la  noblesse,  le  prolétariat  celui  du 
servage.  Le  petit  propriétaire  manquant  de  machines  et 
d'ouliis  perfectionnés  ne  peut  supporter  la  concurrence 
étrangère  pas  plus  que  celle  de  son  puissant  voisin,  le  grand 
propriétaire.  Le  résultat  de  cet  état  de  choses  est  Texpro- 
priation  du  paysan  par  le  grand  capital.  D'un  côté,  un  individu 
possède  50  hectares,  iOO  et  même  beaucoup  plus;  d'un  autre 
côté,  trois  individus  se  disputent  un  lopin  de  terre  de  i  hec- 
tare et  demi.  Ces  chiffres  sont  publiés  par  le  ministère  de  Tagri- 
culture.  Il  y  a  en  France  3  millions  de  petits  propriétaires  de 
i  à  5  hectares  qui  ne  peuvent  vivre  du  produit  de  leurs  champs 
et  sont  pour  la  plupart  ouvriers,  manœuvres  ^  InutUe  de  dire 
que  cette  population  famélique  n'a  cure  de  repeupler  la 
France.  Du  reste,  même  s'ils  ont  beaucoup  d'enfants,  les 
fièvres,  les  maladies  de  toutes  sortes  se  chargent  de  diminuer 
la  famille  du  pauvre.  Voilà  pour  les  ouvriers  agricoles. 

La  classe  industrielle,  pour  être  plus  intelligente,  n'en  est 
pas  moins  malheureuse.  De  1874  à  1887,  on  ne  compte  pas 
moins  de  1 073  grèves.  Depuis,  leur  nombre  s'est  accru  d'une 
façon  aussi  évidente  que  sensible.  Sur  ce  total  de  1073, 
750  ont  été  provoquées  par  rinsuffisance  du  salaire,  c'est- 
à-dire  des  moyens  d'existence;  le  salaire*  était,  en  1885, 
pour  un  journalier  non  nourri,  de  3  fr.  15,  le  minimum 
de  2  fr.  63.  Notez  que  le  salaire  des  femmes  et  des  enfants 
est  du  tiers  et  de  la  moitié  en  moins. 

Que  deviennent  ces  Français,  quand  ils  chôment  forcé- 
ment à  la  suite  de  la  fermeture  d'une  fabrique?  que  de- 
viennent ces  enfants?,  Voilà  assurément  une  question  dont 
la  réponse  a  plus  d'un  point  de  connexité  avec  la  question 
de  la  dépopulation. 

Il  se  forme  en  outre  un  troisième  prolétariat,  le  prolétariat 
intellectuel  qui  compte  des  milliers  de  membres.  La  préfec- 
ture de  la  Seine  a  publié  un  intéressant  tableau,  navrant  de 

^  D'  Ch.  Letourneau,  Evolution  de  la  propriété,  p.  489. 

»  Voir  Annuaire  d*éconùmi$  politique,  Maurice  B!ock,  Salaire,  p.  M3. 


DIAMANDY.  —   SUR  LA  DÉPOPULATION  DE  LA  FRANCE.       433 

vérité.  Il  y  a  4i  places  d'instituteurs  pour  lesquelles  sont 
inscrites  1 847  personnes.  Sur  54  places  d'institutrices,  on  ne 
compte  pas  moins  de  7  439  candidats. 

C'est  le  bien-être  qui  permet  la  reproduction.  On  a  dit  que 
le  Français  n'était  pas  apte  quant  à  la  reproduction.  Je  suis 
d'accord  avec  le  docteur  Bordier  quant  au  prolétaire  fran^ 
gais;  mais,  que  ce  même  Français,  bien  nourri  et  moins  sur- 
mené, serait  en  état  de  reproduire,  voilà  ce  dont  je  suis 
convaincu. 

D'un  côté,  les  familles  riches  ne  se  décident  à  avoir  beaucoup 
d'enfants  à  cause  de  la  diminution  du  patrimoine  ;  d'un  autre 
côté,  les  pauvres,  mal  nourris  et  exténués^  ne  sauraient  être 
de  bons  reproducteurs.  Voilà  un  état  de  choses  inquiétant 
à  coup  sûr. 

D'un  côté,  une  agglomération  de  grandes  richesses  en  un 
petit  nombre  de  mains  ;  d'un  autre  côté,  une  minime  partie 
de  la  production  destinée  aux  millions  de  consommateurs. 
Il  n'est  pas  exact  de  croire  que  les  ouvriers  individuellement 
ont  un  intérêt  direct  dans  la  reproduction.  Les  enfants  exigent 
des  frais  qu'ils  ne  peuvent  jamais  rembourser,  car  à  peine 
peuvent-ils  travailler,  et  leurs  propres  besoins  ne  peuvent 
être  satisfaits  par  le  salaire  qui  leur  est  dû.  Dans  notre  sys- 
tème économique  moderne,  nul  n'a  intérêt  à  voir  sa  famille 
décupler. 

MOTIFS  d'ordre  POLITIQUE, 

Il  n'y  a  pas  de  motif  politique  proprement  dit  qui  puisse 
influencer  sur  la  repopulation  de  la  France,  et  cela  par  le  fait 
que  les  événements  politiques  sont  dictés  par  les  lois  écono- 
miques. Pourtant,  nous  avons  fait  cette  classification  des 
motifs,  non  pas  à  cause  d'une  distinction  marquante  entre 
les  agents  influant  sur  la  question,  mais  simplement  pour 
mettre  un  peu  d'ordre  dans  une  matière  aussi  vaste  et  devant 
être  contenue  dans  un  cadre  aussi  restreint  que  l'est  ce 
résumé  de  notre  communication. 

Si  nous  jetons  un  coup  d'œil  sur  l'histoire  française,  nous 


434  iéànge  du  4  JUIN  1801. 

voyons  que,  depuis  la  Révolution  jusqu'à  1872,  des  milliert 
et  des  centainei  de  milliers  d'hommes  sont  morts  sur  les 
champs  de  bataille.  Rien  que  pendant  la  règne  de  Napo* 
léon  I*%  et  pour  ne  citer  qu'une  campagne,  la  campagne  de 
Russie,  SOÛOOO  soldats  ont  péri,  Mais  ce  n'est  pas  seulement 
dans  le  nombre  formidable  des  morts  qu'il  faut  voir  une 
oauso  de  la  faiblesse  de  la  natalité  actuelle  ;  il  est  de  notre 
devoir  de  regarder  la  qualité  des  morts,  tous  hommes  bien 
portants,  grands,  forts  et  robustes  ;  on  ne  laissait  dans  les 
foyers  que  les  femmes,  les  enfants,  les  vieillards  et  les  in- 
firmes. Pendant  le  règne  de  Napoléon  !•',  la  partie  la  plus 
saine  de  la  nation,  l'élément  le  plus  apte  à  la  reproduotion 
a  été  retiré  de  la  circulation  sociale  par  le  fait  des  guerres 
incessantes.  Ce  n'est  qu'aujourd'hui  que  la  France  se  ressent 
douloureusement  des  lauriers  obtenus  à  Austerlitt  oii  dans 
un  autre  endroit  de  glorieuse  boucherie.  Maintenant  que 
nous  n'avons  plus  de  guerre  en  Europe,  nous  avons  la  paix 
armée  qui  retient  sous  les  drapeaux  des  millions  d'hommes 
valides,  éléments  nuls  quant  aux  résultats  démographiques, 
éléments  ruineux  si  nous  envisageons  la  question  économique. 
En  dehors  de  ces  deux  considérations,  nous  avons  à  dé* 
noncer  le  faible  courant  d'émigration.  Une  hérésie  écono- 
mique, très  accréditée  comme  beaucoup  d'autres,  soutient 
qu'on  doit  empêcher  le  peuple  d'un  pays  d'émigrer,  sous 
peine  de  voir  un  prompt  dépeuplement.  En  premier  lieu, 
jamais  un  peuple  civilisé,  jouissant  de  certaines  libertés, 
comme  le  peuple  français,  n'émigrerait  en  masse  en  pays 
étranger.  En  second  lieu,  il  est  à  remarquer  que  l'émigration 
n*est  pas  en  raison  directe  de  la  misère  du  surplus  ou  de  la 
décroissance  de  la  population.  Elle  peut  l'être,  se  produire 
çn  connexité  plu&  ou  moins  étroite  avec  chacun  de  ces  phé- 
nomènes, ou  les  contredire  entièrement  ^  La  preuve  évidente 
de  ces  faits^  nous  l'avons  en  Irlande,  où  l'on  émigré  malgré 
la  décroissance  de  la  ^ata^té.  En  Allemagne,  on  émigré,  et 

>  Hevue  socialiste ^  février  1891  ;  Rêvuê  des  revues,  Guillaume  Rouanaet, 
p.  St6. 


DIAHANDY.  —  SUR   LA   DÉPOPULATION  DE   LA  FRANCE.      435 

la  natalité  est  très  forte.  Des  différents  ports  allemands,  il 
est  sorti,  pendant  la  période  de  i87i  à  1880,  517587  indi-" 
vidus,  et  l'état  commercial  d'exportation  de  rAliemagne 
dépasse  celui  de  la  France  de  plus  d'un  milliard. 

Cet  accroissement  de  richesse,  qu'en  grande  partie  nous 
attribuons  au  courant  d'émigration,  s'explique  par  le  fait  que 
les  émigrants  deviennent,  en  pays  étranger,  les  véritables 
courtiers,  les  véritables  apôtres  du  commerce  national.  Je 
vais  citer  un  cas.  Les  Houmains  faisant  leurs  études  en  France 
introduisent,  en  retournant,  le  goût  français;  les  jeunes  gens 
ayant  étudié  en  Allemagne,  y  viennent  avec  des  goûts  alle- 
mands, et,  par  conséquent,  créent  des  débouchés  au  com- 
merce allemand  (pour  objets  de  prix  égaux). 

On  a  soutenu  que  les  peuples  latins  étant  casaniers,  ne  se 
prêtaient  pas  à  l'émigration.  Le  démenti  de  cette  supposi- 
tion, nous  l'avons  dans  le  fait  de  l'émigration  considérable 
dos  Italiens.  Toute  chose  égale  d'ailleurs,  il  y  a  fort  long- 
temps que  les  populations  du  midi  de  la  France  ont  établi 
un  fort  courant  d'émigration.  Ce  qui  est  vrai  et  inexplicable, 
c'est  que  les  autorités  administratives  empêchent  autant  que 
possible  l'émigration.  L'émigration  au  Brésil  est  formelle- 
ment interdite,  et  cette  mesure  a  été  rappelée  aux  autorités 
maritimes  par  un  ordre  émanant  du  minisire  de  l'intérieur 
daté  du  10  septembre  4890. 

Envisageons  la  contre-partie  de  l'émigration,  l'immigra- 
tion. Dans  l'opinion  publique  règne  à  ce  sujet  deux  courants: 
Tun  favorable,  l'autre  défavorable  à  l'immigration.  C'est  ce 
dernier  qui  l'emporte  actuellement,  grâce  aux  conditions  de 
politique  extérieure. 

M.  le  docteur  Bertillon  disait,  dans  sa  communication ^ 
que  l'on  ne  doit  pas  accepter  les  étrangers,  car  ils  viennent 
s'enrichir  et  repartent  pour  chez  eux. 

Il  est  évident  que  l'ouvrier  italien  qui  vient  en  France  n'y 
vient  pas  avec  l'envie  de  s'appauvrir  ;  mais  si  l'Italien  gagne, 

1  Séance  do  la  Société,  voir  les  DuUetins, 


436  SÉANCE  DU  4  JUIN  1894. 

c'est  qu'il  est  payé  en  échange  d'un  travail  quelconque.  Il 
retourne  chez  lui  avec  de  l'argent  français,  dit-on  ;  mais,  pour 
vivre,  on  doit  dépenser,  et  tant  qu'il  est  en  France,  il  doit 
dépenser;  il  n'emporte  donc  chez  lui  qu'une  infime  économie, 
si  toutefois  il  l'emporte.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'ouvrier 
étranger  ayant  résidé  dix  ans  ou  vingt  ans  en  France,  intro- 
duit,  en  retournant  dans  son  pays,  des  goûts  français.  Il 
orée  un  débouché  au  commerce  français. 

En  ce  qui  concerne  les  ouvriers  étrangers  désirant  rester 
en  France,  il  est  clair  que  l'argent  gagné  est  dépensé  en 
France.  Reste  la  question  d'un  danger  politique  résultant  de 
l'invasion  des  étrangers.  Tout  d'abord,  il  incombe  au  légis- 
lateur intelligent  de  ne  pas  ouvrir  les  barrières  sans  prendre 
des  mesures  efficaces  de  dénationalisation.  Envoyez  les  Ita- 
liens du  côté  des  frontières  allemandes  ;  les  Allemands  du 
côté  des  Basses-Pyrénées,  et  ils  seront  noyés  par  la  force 
ethnique  de  l'élément  français.  Quant  à  l'élément  étranger 
lui-même,  il  deviendrait  français  par  la  force  même  des 
choses.  Actuellement,  du  reste,  dans  l'armée,  les  arts  et  la 
presse,  un  peu  partout,  on  compte  bon  nombre  de  gens  capa- 
bles dont  l'origne  est  étrangère. 

Ce  qui  plus  est,  c'est  que  l'étranger  devenu  citoyen  en  sa 
nouvelle  patrie  est  beaucoup  plus  chauvin  que  ses  frères 
d'autrefois.  Les  Roumains  de  Transylvanie  n'ont  pas  d'op- 
presseurs plus  acharnés  que  les  Roumains  madgyarisés.  Les 
juifs  renégats,  politiquement  et  religieusement,  sont  les 
grands  persécuteurs  de  leurs  coreligionnaires  de  jadis.  En  Alle- 
magne, les  Français  sont  bien  plus  détestés  par  les  Français 
germanisés  que  par  les  Allemands  mêmes.  Règle  générale, 
l'ouvrier  qui  trouve  du  bien-être  relatif  dans  une  patrie 
d'adoption  se  souvient  difficilement  du  pays  d'origine  où  il 
mourait  de  faim;  il  n'aime  pas  sa  nouvelle  patrie  par  senti- 
ment, mais  par  intérêt  économique  qui  est,  en  réalité,  le 
sentiment  dominant. 

Il  est  aisé  de  voir  que  ces  propositions  bien  appliquées  ne 
pourraient  donner  que  de  bons  résultats. 


DIAMANDY.  —  SUR  LA  DÉPOPULATION  DE  LA  FRANCE.   437 


MOTIFS  D  ORDRE  MORAL. 

J'ai  souvent  entendu  dire  et  même  lu  que  la  dépopulation 
de  la  France  est  due  à  Tabslention  volontaire  des  femmes. 
Il  est  évident  que  les  femmes  du  monde,  de  la  grande  bour- 
geoisie surtout,  et  les  femmes  galantes  ont  très  peu  ou  pas 
du  tout  d'enfants.  Mais  cet  argument  n'en  est  pas  un  si  Ton 
considère  le  fait  que  l'immense  majorité  des  femmes  fran- 
çaises ne  sont  ni  des  femmes  du  monde  ni  des  prostituées. 
M.  A.  Dumont  *  relève  le  fait  que  les  riches  ont  moins  d'en- 
fants que  les  pauvres.  Celte  pénurie  d'enfants  dans  la  classe 
aisée  a  pour  cause  le  soin  d'éviter  le  partage  du  patrimoine 
par  un  accroissement  de  copartageants.  Aujourd'hui  que 
Tétat  général  des  classes  est  un  peu  meilleur  à  ce  qu'il  était 
jadis,  on  voit  le  nombre  de  natalité  faiblir.  Ceci  ne  veut  pas 
dire  que,  plus  un  peuple  sera  aisé,  plus  sa  natalité  sera 
faible  ;  cette  loi  biologique  est  la  conséquence  de  notre  sys- 
tème économique  actuel;  mais  dans  une  société  collective  ou 
même  dans  une  société  où  l'héritage  serait  aboli,  cette  ano- 
malie disparaîtrait  avec  l'individualisme  moderne.  Yoilà  pour- 
quoi les  riches  ont  moins  d'enfants.  Les  pauvres  sont  un  peu 
moins  abstentionnistes,  parce  qu'il  n'y  a  pas  le  souci  de  l'hé- 
ritage à  laisser  en  partage,  et  parce  que  les  classes  ouvrières 
étant  plus  dépourvues  de  plaisir  que  la  classe  dominante, 
se  laissent  aller  au  besoin  génésique.  Du  reste,  les  unions  se 
font  beaucoup  plus  librement  parmi  les  ouvriers. 

En  vérité,  sur  809333  naissances,  825473  sont  légitimes^ 
et  73854  naturelles  ^  Ces  chifTres  sont  pour  Tannée  i887. 
En  1881,  la  proportion  des  naissances  naturelles  pour  100 
était  de  7,48  ;  actuellement,  elle  est  de  8,30  pour  100. 

Incontestablement  il  y  a  une  tendance  très  forte  vers  l'u- 
nion monogamique,  avec  simple  consentement^  Tunion  libre* 

1  Profession  et  natalité  {Revue  scientifique,  n»  27, 1890). 
«  Maurice  Block,  toc»  cil. 


438  SÉANCE  DU  4  JUIN  1891. 

Cette  forme  de  mariage  est  la  meilleure,  car  diminuant  Ta- 
dultère  et  la  prostitution,  la  natalité  serait  plus  forte. 

D'un  autre  côté,  les  mariages  d'aujourd'hui  ne  sont  que 
des  affaires  d'argent.  Nous  recommandons  à  ce  sujet,  au  lec- 
teur, le  très  intéressant  ouvrage  de  notre  collègue  le  docteur 
Letoumeau  *. 

Quand  nous  avons  prononcé  le  mot  d'union  librCy  le  docteur 
Cbervin  a  protesté.  Scientifiquement  pourtant,  et  en  allant  aux 
extrêmes,  tant  dans  le  groupe  familial  animal  qu'humain,  les 
sociétés  polygames  sont  plus  nombreuses  que  les  sociétés  mo- 
nogames. Loin  de  nousl'idée  de  propager  lapolygamie;  Tunion 
libre  n'est  pas  de  la  polygamie.  Le  résultat  de  ces  modifications 
accompagnées  de  certaines  réformes  économiques  serait  la 
disparition  de  la  prostitution.  N'oublions  pas  qu'il  n'y  a  pas 
de  question  morale  proprement  dite,  il  n'y  a  que  des  mani- 
festations des  lois  économiques  sous  la  forme  de  motif 
d'ordre  moral.  En  consultant  les  chiffres  de  l'élément  absten- 
tionniste en  France,  on  trouve  un  minimum  de  1489373, 
valeurs  mortes  quant  à  la  [reproduction  (prostituées,  infirmes, 
religieux,  mendiants,  détenus,  etc.).  Aussi,  c'est  à  juste 
titre  croyons- nous  protester  contre  les  mesures  platoniques  ; 
tout  ce  que  Ton  fera  en  ce  sens,  tant  que  l'on  ne  se  décidera 
pas  à  aborder  la  question  économique,  ne  sera  qu'une  goutte 
d'eau  douce  dans  un  océan  d'épouvantable  misère. 

MOTIFS   d'ordre  PHYSIOLOGIQUE. 

On  a  dit  à  la  Société  d'anthropologie  que  le  Français  était 
stérile,  et  qu'il  en  fallait  prendre  son  parti. 

Pourquoi  donc  le  Français,  stérile  en  France,  devient  pro- 
lifique aux  colonies  ou  même  à  l'étranger?  Naturellement  il 
y  a  des  peuples  qui  sont  plus  prolifiques  les  uns  que  les 
autres;  mais  ces  dispositions  physiologiques  peuvent  être 
amplement  modifiées  par  l'alimentation,  le  repos,  le  bien- 

^  Evolution  du  mariage,  p.  440. 


DIAHANDT.  —   SUR  U  DÉPOPULATION  DE  LA  FRANCE.       43  J 

être,  en  un  mot  par  les  moyens  économiques.  Et  oette  ques* 
tion  est  iuiportante;  oar,  depuis  cette  course  à  la  surproduC" 
tion,  ni  les  hommes  ni  les  femmes  n'ont  ni  le  repos,  ni  les 
moyens  nécessaires  de  pouvoir  donner  une  bonne  santé  en 
héritage  à  leurs  enfants.  La  conséquence  triste  en  est  une 
faiblesse  de  constitution,  donc  un  déséquilibre  moral  qui 
explique  le  nombre  effrayant  du  déchet  de  la  population  fran- 
çaise en  même  temps  que  le  nombre  croissant  et  presque 
exclusif  des  mendiants,  voleurs  et  assassins  de  quinze  h  vingt- 
quatre  ans. 

Donner  à  manger  à  la  masse,  c*est  relever  son  moral  ;  le 
blé  est  bon  marché^  il  y  a  décroissance  de  vols  et  de  crimes  ; 
le  blé  est-il  cher?  augmentation  des  crimes  et  des  délits.  La 
question  de  Talimentation  est  tellement  grave,  qu'on  a  vu 
des  ouvriers  français  ne  pouvant  fournir  le  mâme  ouvrage 
que  les  ouvriers  anglais.  Pour  remédier  h  cet  état  de  choses, 
on  a  donné  aux  Français  la  môme  nourriture  qu'aux  Anglais, 
et,  en  peu  de  temps,  ceux-là  devinrent  aussi  robustes  que 
leurs  compagnons  anglais  \  Une  question  de  physiologie 
pure,  c'est  la  question  de  la  vaccine  qui  influerait  directe- 
ment sur  la  mortalité  et  indirectement  sur  la  natalité.  On  a 
soutenu  que,  vacciner  tout  le  monde  de  force,  constitue  un 
attentat  à  la  liberté.  Il  est  regrettable  de  voir  des  arguments 
anarchiques  invoqués  par  des  gens  de  sciences. 

Quand  donc  sera  venu  le  moment  de  comprendre  que  l'in- 
térêt de  tous  passe  avant  celui  d'un  seul?  Du  reste,  chose 
stupéfiante,  on  démolit  une  maison  qui  marque  mal  sur  un 
boulevard,  et  l'on  trouve  la  chose  naturelle;  on  veut  empê- 
cher la  contagion  d'une  maladie,  on  veut  imposer  la  vaccine 
obligatoire,  et  Ton  crie  au  despotisme;  quant  aux  effets  de  la 
vaccine  obligatoire,  il  serait  utile  de  savoir  qu'en  Allemagne 
la  variole  a  presque  disparu.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir 
donner  des  chiffres  nombreux  dans  notre  compte  rendu,  mais 
je  renvoie  le  lecteur  à  des  écrits  récents*  U  en  est  de  même  de 

1  Antonelli,  la  Physiologie  et  la  Question  sociale  (tievue  scientifique,  21  fé- 
vrier 1891,  p.  J30). 


440  SÉANCE  DU  4  JUIN   1891. 

la  fièvre  typhoïde.  Depuis  que  Vienne  emploie  l'eau  de  source, 
les  cas  de  fièvre  typhoïde  sont  de  moins  en  moins  fréquents. 
Nous  avons  déjà  cité  ailleurs  des  exemples  en  ce  sens,  cueillis 
en  France  même,  dans  des  régiments  (Séance  S.  A.). 

Il  nous  reste  à  parler  du  mal  des  écoles,  de  Tonanisme. 

Toute  personne  ayant  vécu  de  la  vie  des  internats  connaît 
la  généralité  de  cette  malheureuse  habitude.  Chaque  jour 
nous  avons  devant  nos  yeux  des  effondrements  de  corps  ou 
d'intelligence  dont  les  causes  premières  remontent  à  l'é- 
poque lointaine  du  temps  passé  au  collège.  Je  crois,  avec  le 
docteur  Fauvelle',  que  la  modification  du  système  pédago- 
gique est  une  question  d'urgence. 

Sans  insister  outre  mesure  sur  ce  sujet,  on  peut  soutenir 
avec  succès,  je  crois,  que  la  faiblesse  d'esprit  et  de  corps  et, 
depuis  quelque  temps,  la  déviation  terrible  du  sens  géné- 
sique  —  déviation  devenue  tellement  générale  et  publique,  que 
l'on  commence  à  trouver  naturels  le  sadisme  et  le  saphisme  — 
sont  dues  à  Tonanisme.  Il  y  a  des  brasseries  à  femmes  et  des 
bains  où  les  hommes  s'adonnent  à  tous  les  vices.  Il  est  évi- 
dent que  cette  déviation  des  sens  est  due  au  trouble  des  fa- 
cultés mentales;  quant  à  ce  trouble,  nous  l'attribuons  sans 
hésiter  à  l'onanisme  et  au  surmenage  intellectuel.  Notre  façon 
de  voir  est  soutenue  par  le  fait  que  la  déviation  du  sens  gé- 
nésique  se  rencontre  fréquemment  dans  la  classe  aisée  et 
point  dans  les  classes  ouvrières;  c'est  surtout  la  jeunesse  des 
villes,  des  internats^  qui  souffre  de  l'onanisme;  les  jeunes 
paysans  en  sont  exempts  ou  à  peu  près. 

Nous  avons  montré  le  mal,  essayons  de  proposer  le  re- 
mède. Comme  la  question  traitée  est  une  question  sociolo- 
gique, nous  allons  proposer  des  remèdes  sociologiques. 

Considérant  que  la  société  individuelle  s'oppose  à  Tac- 
croisement  de  la  population,  nous  préconisons  la  société 
collective.  En  attendant  que  l'évolution  économique  arrive  à 

1  Séance  de  la  Société  d*anlhropoIogie,  vuir  les  Bulletins, 


DIAMANDY.  —   SUR  LA   DÉPOPULATION   DE  LA   FRANCE.        441 

ce  terme,  voici  le  petit  programme  immédiat  appelé,  selon 
nous,  à  combattre  au  moins  partiellement  la  décroissance  de 
la  population,  sa  mortalité,  et  à  relever  le  chiffre  des  nais- 
sances : 

1®  Les  communes  et  TÉtat,  propriétaires  du  plus  grand 
nombre  de  biens  possible  ; 

2^  Le  rachat  progressif  des  grandes  propriétés  ; 

3*  Le  rachat  progressif  des  fabriques  ; 

4''  Abolition  de  tout  impôt  indirect;  établissement  de  Tim- 
pôt  progressif  ;  les  revenus  ne  dépassant  pas  3000  francs 
exemptés  de  tout  impôt  ; 

5^  L'hérilage  dépassant  100000  francs  confisqué  au  proflt 
de  la  nation  ;  tout  héritage  dépassant  iOOOO  francs  imposé 
de  30  pour  100  en  ligne  directe,  et  de  50  pour  100  en  ligne 
collatérale  ; 

G""  Réglementation  du  travail  par  les  chambres  syndicales 
ouvrières  (minimum  du  salaire,  maximum  des  heures  de 
travail)  ; 

7*  Abolition  de  tout  travail  de  nuit; 

8*^  Protection  des  femmes  en  grossesse  ou  accouchées; 

9^  Égalité  des  sexes  ; 

10^  Encourager  Témigration  etTimmigration; 

li*"  Suppression  des  armées  permanentes  ;  nation  armée; 

12°  Abolition  du  budget  des  cultes; 

13**  Plus  de  distinction  entre  Tenfant  naturel  et  Tenfant 
légitime  ; 

14°  Les  enfants  élevés  par  les  communes  (nourris,  in« 
struits,  etc.); 

i  5°  Instruction  obligatoire  et  gratuite  ; 

16°  Mesures  sanitaires  obligatoires. 

Il  est  possible  que  ce  programme  passe  aussi  pour  un  peu 
radical,  mais  si  le  mal  est  grand,  le  remède  doit  être  éner- 
gique. La  question  est  économico-sociale,  et  il  n'y  a  pas 
d'opération  plus  douloureuse  que  les  opérations  économiques. 
L'Kurope  entière  passe  par  une  crise  dont  les  effets  se  font  de 
plus  en  plus  sentir.  Quand  cette  crise  aura  passé,  la  dépopu- 


449  SÉA1VC8  Dû  18  JUIN   1891. 

lation  àXïTA  vécu.  Led  propositions  que  je  viens  d'exposer  ne 
seront  probablement  appliquées  qu'à  la  dernière  extrémité, 
nous  les  avons  faites  sans  une  illusion,  mais  simplement 
parce  qu'elles  sont  la  conséquence  scientifiquement  sociolo- 
gique de  notre  évolution  moderne.  En  dehors  de  ce  pro- 
gramme, je  ne  vois  que  des  intentions  louableSi  malheiireii« 
sèment  d'un  résultat  douteux. 
La  séance  est  levée  à  cinq  heures  quarante-cinq  minutes. 

Vun  deê  ieerélaifes  :  CAPltAiV. 


tit*  SfilNCe.  —  ISjQln  «891. 

Présldenee  de  M*  MJkUOWUBWij  président* 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 


OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  Comme  publications  anciennes 
envoyées  pour  compléter  notre  bibliothèque,  je  dois  ajouter 
de  la  part  de 

MM.  Garrigou,  de  Toulouse 58  publioationi. 

Lacassagne,  de  Lyon 10  — 

Nicolucci,  de  Naples 23  — 

Jules  Péroche,  de  Lille 7  — 

De  Rosny,  père  et  fils,  Paris * . .  6  — 

Strobel,  de  Parme 1  — 

Testut,  de  Lyon 14  — 

Thulié,  de  Paris .*.........  6  *^ 

ToUl liO  pablioftUonf . 

Soit  cent  vingt  publications  qui  nous  manquaient. 

M.  Daveluy  offre  à  la  Société  cinq  brochures,  documents, 
statistiques  et  rapports  publiés  par  la  direction  des  contri- 
butions directes  et  du  cadastre,  et  se  rapportant  au  cadastre, 
à  la  cote  foncière  en  France,  etc. 


OUVRAGES  OFFERTS.  443 

M.  R.  Blanchard  offre  une  brochure  sur  les  parasites  des 
Anthropoïdes,  et  donne  à  ce  sujet  les  explications  sni^ 
vantes  : 

En  raison  des  étroites  affinités  anatomiques  qui  relient  les 
Anthropoïdes  à  TBomme,  je  crois  intéressant  de  faire  con* 
naître  brièvement  à  la  Société  le  résultat  de  mes  recherches 
sur  les  Helminthes  des  Anthropoïdes. 

Dans  une  première  note  S  dont  j'ai  l'honneur  d'offrir  un 
exemplaire  à  la  Société,  je  décris  deux  Gcstodes  du  Chim- 
panzé et  de  rOrang  outang;  ces  Vers  appartiennent  à  un 
genre  nouveau,  que  je  désigne  sous  le  nom  de  Bertia,  en 
souvenir  de  mon  maître  Paul  Bert,  et  représentent  deux 
espèces  bien  distinctes.  Le  parasite  du  Chimpanzé  est  le 
Bertia  Sturieri  R.  Bl.,  celui  de  TOrang^oatang  est  le  Bertm 
Satyri  R.  Bl.  La  diagnosc  du  genre  est  la  suivante  : 

a  Tète  grosse,  subsphérique^  sans  rostre  ni  crochets  ;  ven- 
touses elliptiques,  disposées  en  deux  paires  très  distantes 
Tune  de  Tautre.  Cou  court,  presque  aussi  large  que  la  téta. 
Corps  formé  d'anneaux  très  nombreux,  très  courts,  larges, 
imbriqués.  Pores  génitaux  marginaux,  très  étroits,  alternant 
plus  ou  moins  régulièrement  d'un  anneau  à  Tautre.  Dans 
Tanneau  mûr,  œufs  réunis  en  plusieurs  paquets  réguliers, 
disposés  en  travers.  Oncosphère  entourée  d*nn  appareil  piri- 
forme.  Développement  inconnu.  » 

Parvenu  à  son  entier  développement,  le  Bertia  Studeri  est 
long  de  i30  millimètres,  large  de  15  millimètres  an  maxi- 
mum, épais  de  2"",5  et  compte  418  anneaux. 

La  tête  est  subsphérique,  prolongée  en  avant  par  une 
proéminence  discoïde  très  sorbaissée  ;  sa  largeur  est  de 
0"",65,  sa  longueur  de  0—,  61 . 

Les  ventouses  sont  longues  de  340  à  345  |a,  larges  de  275 
à  280  (A,  légèrement  obliques  d'avant  en  arrière  et  de  dedans 
en  dehors,  assez  profondément  creusées  dans  la  tète.  Elles 

1  H.  Blanchard,  Sur  les  helmintUs  dit  PrhncUts  anthropoïdes.  Fnmiér$ 
note  :  Cesiodes  (Mémoires  de  la  Société  wol^giqMê  de  Frmnee,  IV,  p.  1S«« 
189) ,  aveo  4  flguret  dans  le  taie). 


444  SÉANCE  DU  18  JUIN  i89i. 

sont  réanies  deux  à  deux  ;  une  paire  occupe  la  face  dorsale, 
Tautre  la  face  ventrale. 

Les  anneaux  sont  extrêmement  serrés  les  uns  contre  les 
autres  ;  même  à  la  partie  postérieure  du  corps,  ils  demeu- 
rent très  courts  et  n'ont  pas  plus  de  0™™,35  de  longueur.  Ils 
vont  en  s'élargissant  progressivement  et  n'atteignent  leur 
largeur  déDnitive  qu'à  45  millimètres  environ  de  rexirémilé 
antérieure  ;  le  Yer  s'efûle  donc  en  avant  d'une  façon  insen- 
sible. 

Les  pores  sexuels  sont  marginaux,  très  petits  et  visibles 
seulement  à  la  loupe.  Ils  alternent  très  régulièrement  d'un 
anneau  à  l'autre,  chaque  anneau  ne  présentant  jamais  qu'un 
seul  pore. 

Dans  l'anneau  mûr,  les  œufs  sont  rassemblés  en  trente  à 
trente-cinq  paquets  polyédriques,  de  taille  très  inégale, 
séparés  les  uns  des  autres  par  des  cloisons  de  tissu  conjonctif 
et  formant  une  rangée  transversale  qui  occupe  toute  la  lar- 
geur et  toute  l'épaisseur  de  l'anneau. 

Le  système  tégumentaire  est  infiltré  d'un  grand  nombre 
de  corpuscules  calcaires  à  couches  concentriques  bien  mar- 
quées. 

L'œuf  est  entouré  de  trois  enveloppes.  Les  deux  premières, 
anhistes  et  minces,  renferment  des  détritus  vitellins  et  se 
plissent  fréquemment,  de  façon  à  prendre  une  forme  irrégu- 
lière ou  polyédrique.  La  troisième  enveloppe  est  épaisse  et 
résistante,  et  porte,  sur  l'un  de  ses  hémisphères,  deux  grosses 
cornes  analogues  à  l'appareil  piriforme  décrit  par  Meniez  sur 
Tœuf  des  Téniadés  des  Ruminants.  A  l'intérieur  de  cette  troi- 
sième enveloppe  se  voit  l'embryon  hexacanthe,  qui  la  remplit 
entièrement. 

Le  Bertia  Satyrt\  dont  je  n'ai  pu  étudier  qu'un  exemplaire 
incomplet  et  sans  tête,  doit  être  un  Yer  d'assez  grande  dimen« 
sion,  long  de  0",35  à  0'",40  et  formé  de  près  de  500  anneaux. 
Les  pores  sexuels  sont  irrégulièrement  alternes.  Les  œufs  ont 
la  même  structure  que  chez  l'espèce  précédente  et  sont  dis- 
posés de  la  même  façon,  avec  cette  différence  toutefois  qu'an 


OUVRAGES   OFFERTS.  44S 

certain  nombre  de  compartiments  restent  vides  et  que  quel- 
ques autres  sont  manifestement  en  train  de  se  vider. 

Grâce  à  ce  phénomène  particulier,  dont  la  cause  nous 
échappe,  il  se  produit  dans  la  portion  latérale  de  Tanneau,  du 
côté  du  pore  sexuel,  une  énorme  accumulation  d'œufs. 
Ceux-ci  sont  entassés  dans  une  cavité  qui  comprime  la  poche 
du  cirre  et  Tatrophie  rapidement.  Cette  cavité  n'a  d'autre 
paroi  que  le  tissu  conjonctif  du  parenchyme,  qu'elle  refoule 
de  toutes  parts  ;  par  suite  de  sa  dilatation  progressive,  elle 
soulève  la  paroi  de  Tanneau,  dans  le  sens  de  la  moindre 
résistance,  c'est-à-dire  vers  le  bord  latéral,  et  il  en  résulte 
que  celui-ci  fait  saillie  en  une  sorte  de  verrue  luisante^  à  la 
surface  de  laquelle  on  voit  encore  le  pore  sexuel. 

Il  est  très  intéressant  de  rencontrer  des  Cestodes  du  môme 
genre  chez  deux  Anthropoïdes  géographiquement  aussi  dis- 
tincts l'un  de  l'autre  que  le  Chimpanzé  et  l'Orang.  Les  ren- 
seignements que  j'ai  pu  recueillir  sur  les  Anthropoïdes  qui 
les  ont  fournis,  démontrent  qu'il  ne  s'agit  dans  aucun  cas  de 
Vers  contractés  en  Europe,  pendant  un  séjour  dans  les  ména« 
geries.  Ces  Helminthes  appartiennent  d'ailleurs  à  un  nouveau 
type,  auquel  on  ne  peut  rapporter  aucun  des  nombreux 
Téniadés  décrits  jusqu'à  ce  jour.  En  particulier,  ils  ne  ressem- 
blent ni  à  ceux  de  l'Homme,  ni  à  ceux  des  Singes  quadru- 
pèdes. 

En  revanche,  ils  ont  des  affinités  manifestes  avec  les  Ténia- 
dés  des  herbivores,  spécialement  avec  les  Moniezia  R.  Bl.^  avec 
les  Anoplocephala  Em .  Bl. ,  et  avec  les  Piagioixnia  Peters  ;  mais 
ils  ne  peuvent  être  confondus  avec  aucun  de  ceux-ci. 

Bien  qu'il  ne  comprenne  encore  que  deux  espèces,  le  genre 
Bertia  est  donc  caractéristique  des  Anthropoïdes,  autant  que 
permettent  d'en  juger  les  données  actuelles  de  la  science.  On 
trouvera  sans  doute  de  nouveaux  représentants  de  ce  genre 
chez  les  autres  Anthropoïdes,  Gorille  et  Gibbons. 

L'absence  de  tout  Helminthe  de  ce  genre  chez  les  Primates 
quadrupèdes,  c'est-à-dire  chez  les  Singes  proprement  ditSi 
est  un  nouvel  et  puissant  argument  en  faveur  des  théories 

T.  Il  (4»  sArib).  S9 


446  SÉANCE  DU  48  JUIN  1891. 

transformistes,  d'après  lesquelles  une  large  barrière  sépare- 
rait les  Anthropoïdes  des  Singes. 

D'après  ces  mêmes  idées,  on  devrait  s'attendre,  en  revan* 
che,  à  trouver  des  Gestodes  du  genre  Berlia  chez  l'Homme 
qui,  pour  les  transformistes,  est  anatomiquement  et  physio- 
logiquement  plus  rapproché  des  Anthropoïdes  que  ceux-ci 
ne  le  sont  eux-mêmes  des  Singes.  Or,  cette  attente  n«  se 
réalise  point;  on  n'a  jamais  observé  chez  THomme  aucun 
Gestode  analogue.  Gette constatation  peut  paraître  inattendue; 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'Homme,  en  s'élevant  au 
premier  rang  de  Tanimalité,  a  changé  progressivement  de 
régime  alimentaire  et,  d'exclusivement  frugivore,  est  devenu 
omnivore  et  surtout  Carnivore  ;  il  a  perdu  de  la  sorte  ses 
anciens  Helminthes,  pour  en  acquérir  de  nouveaux. 

D*ailleurs,  on  ne  connaît  encore  que  les  Helminthes  des 
races  humaines  supérieures,  spécialement  de  la  race  blanche. 
La  race  jaune  commence  à  être  un  peu  connue  à  ce  point  de 
vue  :  elle  héberge  des  parasites  particuliers,  capables,  il  est 
vrai,  de  se  développer  aussi  chez  des  individus  de  race  blan- 
che, mais  dont  la  cause  première  réside  dans  le  régime  ali- 
mentaire. Pour  ce  même  motif  et  aussi  en  raison  de  leur 
évolution  moins  avancée,  ou  peut  donc  se  demander  si  des 
Gestodes  du  genre  Bertia  ne  seront  pas  observés  quelque  jour 
chez  les  races  humaines  les  plus  inférieures. 

J'ai  l'espoir  que  les  anthropologistes,  convaincus  de  l'in- 
térêt des  études  de  ce  genre,  voudront  m'aider  à  les  pour- 
suivre, en  m'envoyant  les  parasites  de  toute  nature  qu'ils 
pourraient  rencontrer,  aussi  bien  chez  les  Anthropoïdes  et  les 
Singes  que  dans  les  diverses  races  humaines. 

Discussion. 

M.  Sanson  demande  si  Ton  a  observé  le  mode  de  dévelop- 
pement de  ces  Helminthes. 

M.  Blanchard  dit  que  les  Helminthes  des  Anthropoïdes  sont 
très  voisins  de  ceux  des  Herbivores  et  rappelle  que  le  déve- 
loppement de  ces  derniers  est  totalement  inconnu. 


OUVRÀfiEi  OFRltl.  447 

M.  L ABORDE  fait  remarquer  rimportance  de  oe  fait  que  les 
Helminthes  semblenl  être  en  relation  aveo  la  façon  dont  se 
nourrissent  les  animaux  qui  les  portent.  D'après  Mégain,  il 
ne  serait  pas  nécessaire  que  le  Scolex  passât  par  un  autre 
organisme  pour  se  transformer  en  Tœnia.  M.  J^aborde  a  prér 
sente  des  Lapins  de  garenne  où  Ton  pouvait  saisir  sur  placç»  (>e 
passage  du  Scolez  au  Tœnia  dans  le  même  aaimal. 

M.  Blanchard  n'admet  pas  cette  évolution  sur  plaça  ;  il  f  a 
toujours  migration  entre  deux  animaux  d'espèee  diiférentai 
ou  pour  le  moins  migration  entre  deux  organes  différeiits 
d'un  seul  et  même  animal.  Et  encore  ne  connaît-on  actuel- 
lement qu'un  seul  exemple  de  cette  dernière  catégorie.  Il  e3t 
présenté  par  VHymenolepù  murina,  du  Rat  :  l'œuf  avalé  par 
le  Rat  éclôt  dans  l'intestin  et  livre  passage  à  un  embryon  qui 
pénètre  dans  les  parois  intestinales  ;  là^  il  évolue  et  passe  à 
l'état  larvaire  ;  la  larve  tombe  enfin  dans  Tintestin,  où  elle 
devient  rapidement  un  Ver  adolte.  L'évolution  s'est  donc 
accomplie  chez  un  même  hôte,  m^is  en  dQn  or^ftpes  diffé^ 
r•nts^ 

M"^*  Clémencb  Rover  fait  observer  que  len  Singes  ue  nont 
pas  herbivores;  ils  sont  frugivores  ou  carnassiers.  Jamais  les 
ancêtres  de  l'espèce  humaine  n'ont  été  barbivorei. 

M.  Blanchard.  Le  Tœnia  le  plus  voisin  de  ceux  qu'il  a 
décrits  chez  le  Chimpanzé  et  l'Orang  a»t  un  T»nia  du  Hbino<- 
céros. 

DuHOUTiER  (G.).  Le9  Symboles,  les  Emblèmes  et  les  Accessoires 
du  culte  çhei  U$  Annamites  (avec  dassips).  Paris,  in-i^''»  i89if 
Ht  pages, 

Ministère  pes  finances  (Direction  générale  de?  tontribution^ 
directes  et  du  cadastre).  Notes  sur  le  cadastre  $n  France  et 
sur  l'impôt  foncier  et  le  cadastre  à  l'étrmg^,  par  M.  Edouard 
Arnoux,  in.4%  i89l,  ^16  pages.  —  Rapport  de  Mf  fiouviert 

^  Voir  à  propos  de  ces  mig^ralions  raccourcies  :  R.  Blanchard,  Histoire 
Sûologigue  pi  médicale  de$  T4niadés  du  gaore  Hym^aoldj^is,  Weinland' 
Paris,  Société  d'éditions  ilcie^tiafap0,1891. 


448  sÉAircB  DU  18  juin  i89i. 

ministre  des  finances,  au  président  de  la  République^  et  décret 
du  30  mai  1891.  In-4o,  1891,  12  pages.  ^  Documents  stalis* 
tiques  sur  le  cadastre  actuel.  10-4*"^  1891,  53  pages.  -—  Rensei^ 
gnements  statistiques  relatifs  aux  mutations  foncières.  In-4®, 
1891,  8  pages.  —  Projet  de  programme  des  travaux  de  la 
commission  du  cadastre.  In-4^,  1891^  8  pages.  (Les  cinq  bro- 
chures précédentes  sont  offertes  par  M.  Davelut.) 

Netht  (Jean  de).  Ballades  et  Chansons  populaires  de  la  Bon- 
grie.  Paris,  1891,  in-12, 164  pages. 

Saintenoy  (Paul)  et  Jacques  (D' Victor).  Congrès  archéolo^ 
gique  et  historique  de  Bruxelles,  1891  ;  Mémoires,  documents^ 
questionnaire,  etc.  Bruxelles,  1891,  iû-8%  48  pages. 

Gedœchtnissfeier  fur  Heinrich  Schliemann  im  Festsaales  des 
Berlinischen  Rathhauses.  Berlin,  1891,  in-8o,  32  pages. 

Société  des  sqenges  naturelles  de  l'ouest  de  la  France. 
Bulletin,  tome  I,  nM,  1891. 

M.  Ploik.  j'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Société  le  travail  que 
je  viens  de  publier  sur  le  Surnaturel  dans  les  contes  populatres^ 
où  je  cherche  à  découvrir  Torigine  et  Texplication  de  ce  sur^ 
naturel.  On  semble  admettre  aujourd'hui  que  les  contes 
populaires  sont  le  simple  produit  de  la  fantaisie  et  de  Tima- 
gination.  Je  le  crois  volontiers,  si  Ton  parle  seulement  des 
fables  ou  apologues,  et  des  récits  facétieux.  Mais  lorsqu'il 
s'agit  d'histoires  qui  racontent  des  faits  merveilleux,  absur* 
des,  en  dehors  non  seulement  de  Tobservation,  mais  contraires 
à  toute  observation,  je  pense  qu*il  faut  leur  chercher  une 
explication  spéciale.  11  y  a  encore  dans  ces  contes  un  décousu, 
une  absence  de  logique  dans  la  suite  des  événements,  fort 
difficiles  à  comprendre.  Si  leb  facultés  intellectuelles  de  nos 
ancêtres  différaient  des  nôtres  en  intensité,  elles  ne  diffé- 
raient pas  en  nature.  Les  conclusions  de  mon  étude  sont  : 
1®  qu'il  n'y  a  aucune  différence  entre  les  légendes  populaires 
des  Aryens  et  les  mythes  de  leur  polythéisme  (j'ai  pris  pour 
exemple  le  polythéisme  hellénique)  ;  les  personnages,  les 
lieux,  les  incidents,  sont  les  mêmes  ;  2®  que  l'explication 
naturaliste  du  mythe,  proposée  il  y  a  déjà  longtemps  etdéve- 


OUVRAGES  PÉRIODIQUES.  449 

loppée  dans  mon  précédent  ouvrage,  convient  également  à 
rinterprélation  des  contes.  Tout  ceci  n*est  peut-être  pas  du 
domaine  de  Tanthropologie,  mais  la  question  traitée  est  inté- 
ressante pour  rhistoire  du  développement  de  nos  concep- 
tions. 

PÉRIODIQUES. 

L Anthropologie  (1891,  n»  3).  D'  Beddoe  et  Lecarguet  : 
Documents  sur  Tindice  nasal  du  vivant.  —  G.  Paris  :  les 
Ruines  tjames  de  Tra-Keou,  province  de  Quang-nam  (Annam). 
—  Gilbert  Lafay  :  les  Ateliers  préhistoriques  de  la  Séné- 
trières  en  Maçonnais^  avec  figures.  —  Emile  Deschamps  :les 
Veddas  de  Geylan  et  leurs  rapports  avec  les  peuples  environ- 
nants, lesRhodias  et  les  Singbalais  (avec  figures). 

A7*chives  de  médecine  navale  et  coloniale  (1891,  n»  6).  Df  A. 
Clarac  :  Notes  sur  les  chéloïdes  observées  chez  le  noir  et 
principalement  de  la  chéloïde  de  Toreille. 

Société  de  biologie  {Comptes  rendus^  tome  III,  n»  20).  Gh. 
Féré  :  Note  sur  les  hallucinations  autoscopiques  ou  spécu- 
laires  et  sur  les  hallucinations  altruistes. 

Société  d^ ethnographie  (Bulletin  n**  53).  Léon  de  Rosny  : 
la  Morale  du  bouddhisme. 

Société  de  géographie  [Comptes  rendus  n«  12).  R.  Rivière  : 
les  Indiens  aux  États-Unis  et  au  Ganada.  —  J.  Jacob  et 
J.  Meyer  :  les  Badouj's  de  Java. 

Revue  mensuelle  de  V École  d'anthropologie  de  Paris  (1891, 
n**  6).  —  G,  Hervé  :  le  Grand  Droit  de  l'abdomen  et  les  Mus- 
cles antérieurs  du  cou. 

Union  géographique  du  nord  de  la  France  {Bulletin^  1891, 
n°  1).  A.  Ghelu  :  Magie  et  Sorcellerie  (étude  de  mœurs 
égyptiennes). 

Institut  égyptien  [Bulletin  1890).  Gomte  Zaluski:  la  Pasi- 
graphie  ou  Écriture  universelle  chez  les  anciens  et  les  mo- 
dernes. 

The  Asiatic  Society  of  Japan  (Transactions ,  vol.  XIX, 
V^  part.).  —  Walther  Dening  :  Mental  charasteristics  of  the 


4S6  SÉANCE  M  iS  mn  i89i. 

japanese.  —  H.  Wigmore  i  Notes  on  Land  Ten&re  and  local 
itistittitiôns  in  Old  Japatl. 


CANBIbATURBSé 


M.  ScHLEicuER,  présenté  par  MM.  Letourneau,  Salmon  et 
Sanson^  demande  le  titre  de  tnembre  titulaire. 


OBJETS  OFFERTS. 

Mèéês  réeoltéea  dttiia  lea  pnlla  gifélilaCorl^iiea  d*étifiKMIeB 
an  silex  ik  Gbamplgnollea  (e«ianinne  dé  8ériffdfttolBe«  cAa* 
tmtk  da  Goadrsy»  «rrondUseinent  de  Beea¥ei«t  •Ise)  ; 

PAR  M.   JMILB  COLLIN. 

Depuis  ma  dernière  communication  du  6  novembre  I89Û, 
j'ai  eu  l'avantage  de  faire  les  nouvelles  découvertes  sui- 
vantes : 

Quatre  cents  éclats  de  silex  provenant  du  puits  n*  6  (voir 
la  photographie  n*»  3). 

En  outre  :  1»  un  grand  éclat  de  i40  millimètres  de  long 
sur  120  millimètres  de  large,  lequel  est  très  bien  retouché 
sur  les  côtés,  mais  seulement  vers  le  tranchant.  On  y  voit 
des  concavités  qui  ont  pu  servir  à  Temmanchement.  L'extré- 
mité de  la  lame,  qui  va  en  s'élargissant,  lui  donne  l'aspect 
d'une  hache  ordinaire. 

On  retrouve  du  reste,  à  l'époque  du  bronze,  des  formes 
analogues.  Nous  pouvons  donc  dire  ici  que,  si  celte  forme 
de  hache  s'est  perpétuée  jusqu'à  ce  jour,  l'invention  en  re- 
vient aux  hommes  qui  taillaient  la  pierre  ;  quant  à  ceux  qui 
leur  ont  succédé,  ils  n'ont  fait  que  profiter  des  matières  mal- 
léables, telles  que  le  bronze,  le  fer,  etc.,  pour  la  copier. 

S<^  Nous  avons  aussi  une  autre  lame  brisée  mesurant  85  mil- 
limètres sur  55  millimètres.  Cette  pièce  présente  sur  les  côtés, 
ainsi  qu*à  son  extrémité»  des  retouches  qui  permettaient  de 
l'utiliser,  comme  grattoir. 


OBJETS  OFFERTS.  4SI 

3*  Une  extrémité  de  pic  en  silex  mesurant  70  millimètres 
de  long,  qui  devait  servir  à  piocher  dans  la  craie. 

4*  Deux  bois  de  cerfs,  dont  Tun  était  très  affilé  par  la  main 
de  rhomme  pour  servir  à  extraire  probablement  les  rognons 
de  silex.  L'autre  pièce  ayant  dû  beaucoup  servir,  était  très 
émoussée  ;  dans  tous  les  cas,  Tune  comme  l'autre  pièce 
devaient  servir  concurremment  avec  les  pics  en  silex. 

5*»  Trois  fragments  d'ébauches  mesurant  :  la  première»^ 
80  millimètres,  la  seconde,  111  millimètres,  et  la  troisième, 
195  millimètres. 

6^  Une  belle  ébauche  de  hache  taillée,  mesurant  110  mil» 
limètres  de  long. 

7*  Une  autre,  mesurant  135  millimètres,  est  encore  munie 
à  sa  base  d'une  partie  de  son  cortex  laissé  intentionnelle- 
ment pour  maintenir  l'instrument  dans  la  main  et  le  manier 
commodément. 

Il  est  à  remarquer  que  la  plupart  des  instruments  que  nous 
avons  recueillis  à  la  surface  de  ces  puits  sont  presque  tous 
pourvus  du  cortex  que  nous  venons  de  signaler. 

Le  sol  n'ayant  aucune  dépression,  il  était  très  difficile  de 
supposer  Texistence  du  puits  n**  6  dont  nous  allons  vous 
donner  la  description.  La  couche  de  terre  végétale  ayant 
35  centimètres  d'épaisseur,  nous  rencontrons  ensuite  l'argile 
rouge  à  silex,  sur  une  épaisseur  de  2  mètres.  L'aspect  du 
puits  commence  à  se  dessiner  dans  la  craie,  qui  a  une  épais* 
seur  de  2  mètres  et  dans  laquelle  on  rencontre  trois  bancs 
de  rognons  de  silex.  Plus  bas,  nous  rencontrons,  enfin,  un 
dernier  banc,  beaucoup  plus  épais  que  les  précédents  qui 
ont  environ  20  centimètres  d'épaisseur.  C'est  sur  ce  lit  que 
les  mineurs  se  sont  arrêtés  en  profondeur,  pour  continuer 
ensuite  leurs  recherches  horizontalement  dans  la  même 
couche  supportant  les  galeries  que  nous  avons  fouillées.  Ces 
galeries  sont  souterraines  et  se  dirigent  dans  toutes  les  direc- 
tions ;  elles  n'ont  pas  plus  de  70  à  80  centimètres  de  haut  sur 
80  centimètres  à  1  mètre  de  large. 

Ce  peu  d'espace  devait,  naturellement,  susciter  de  grandes 


452  SÉANCE  DU  18  JUIN  4891. 

difficultés  à  rhomme,  pour  extraire  la  matière  qui  devait  lui 
servir  à  fabriquer  son  outillage. 

Dans  ces  galeries,  nous  avons  constaté  plusieurs  éboule- 
ments  dans  lesquels  nous  avons  recueilli  les  outils  décrits 
plus  haut. 

Pour  compléter  notre  description,  nous  dirons  que  le  puits 
n*  6  avait  90  centimètres  de  diamètre  sur  A^^d^  de  pro- 
fondeur. 

Dans  les  recherches  qui  ont  été  faites  à  ChampignoUes, 
MM.  Bessin  et  Fouju  ont  été  assez  heureux  pour  découvrir, 
depuis  que  j'ai  cessé  les  travaux,  une  corne  de  cerf  travaillée 
et  analogue  aux  deux  que  je  vous  ai  signalées,  et  qui  font 
aujourd'hui  partie  des  collections  de  TËcole  d'anthropologie. 

Cette  corne,  trouvée  dans  une  des  galeries  par  MM.  Bessin 
et  Fouju,  était  en  très  mauvais  état  ;  mais,  grâce  au  concours 
et  àThabileté  de  notre  appariteur,  M.  Félix  Flandinette,  elle 
a  été  complètement  reconstituée  ;  nous  ne  saurions  lui  adres- 
ser trop  de  remerciements. 

J'espère,  du  reste,  que  cette  pièce  vous  sera  incessamment 
présentée  par  M.  Bessin,  qui  doit  se  la  procurer  auprès  du 
propriétaire,  M.  Lelong. 

Nous  terminerons  cette  communication  en  vous  présen- 
tant une  série  de  photographies,  accompagnées  d'un  plan 
représentant  les  quatorze  puits  que  nous  avons  eu  l'avantage 
de  mettre  à  jour. 

Les  travaux  de  Champignolles  étant  terminés  en  ce  qui  me 
concerne,  j'ai  lieu  de  croire  que  MM.  Bessin  et  Fouju^  avec 
lesquels  j'ai  été  heureux  de  commencer  ces  travaux,  les  con- 
tinueront et  vous  apporteront  de  nouveaux  documents. 

Discussion. 

M.  Bessin.  A  diverses  reprises,  M.  CoUin,  notre  collègue,  a 
présenté  à  la  Société  divers  objets  provenant  de  Texploita- 
tion  de  silex,  récemment  découverte  à  Champignolles. 

Ce  gisement  a  été,  en  effet,  l'objel  d'activés  recherches, qui 


DISCUSSION   SUR   DES   OBJETS   OFFERTS.  453^ 

ont  amené  la  découverte  de  nombreux  outils  en  bois  de  cerf 
et  en  silex. 

Quelques-uns  de  ces  instruments  sont  remarquables  par 
leur  forme  et  leur  état  de  conservation  parfaite  :  M.  Fouju, 
de  la  Société  archéologique  d'Eure-et-Loir,  possède  un  pic 
en  silex  travaillé  avec  une  grande  perfection.  Parmi  les  nom- 
breux échantillons  que  M,  CoUin  a  mis  sous  les  yeux  de  la  So- 
ciété et  qu'il  a  recueillis  lui-même  sur  place,  plusieurs  ont  une 
forme  spéciale  qui  rend  difficile  leur  détermination.  A  noter 
également  un  fragment  de  bois  de  cerf,  portant  de  nom- 
breuses traces  d'incision,  que  j'ai  retiré,  au  moment  de  la 
découverte^  d'une  des  excavations  visibles  alors  sur  le  front 
de  taille  de  la  carrière  de  craie. 

Il  est  fâcheux  que  les  progrès  de  l'exploitation  aient  fait 
disparaître  les  cinq  puits  qui  avaient  fourni  tous  ces  objets, 
avant  qu'ils  aient  pu  être  étudiés  minutieusement. 

C'est  d'autant  plus  regrettable  que  deux  de  ces  puits 
offraient,  dans  la  disposition  des  matériaux  qui  composaient 
l'ensemble  du  remblai,  des  particularités  qui  ne  se  sont  pas 
présentées  depuis.  J'ai  pu,  cependant^  en  examiner  avec  soin 
la  partie  visible  et  prendre  une  bonne  coupe,  qui  me  per- 
mettra de  vous  en  faire  connaître  la  structure  intérieure  dans 
une  élude  prochaine  de  l'exploitation. 

Mais  des  fouilles  méthodiques  seules  peuvent  donner  de 
bons  résultats. 

Aussi  c'est  avec  une  grande  satisfaction  que  j'annonce  à 
la  Société,  et  c'est  là  d'ailleurs  le  seul  objet  de  cette  note, 
que  nous  avons  maintenant^  M.  Fouju  et  moi,  toutes  les  faci- 
lités désirables  pour  étudier  ce  gisement  si  intéressant  ;  le 
propriétaire  du  terrain,  M.  Lelong,  que  je  suis  heureux  de 
pouvoir  remercier  ici  de  sa  parfaite  obligeance^  nous  a  donné 
gracieusement  les  autorisations  nécessaires. 

Neuf  puits  avec  leur  système  de  galeries  sont  déjà  mis  à 
jour.  Ils  présentent  la  plus  grande  analogie  avec  ceux  de 
Nointel  (Seine-et-Oise),  étudiés  et  décrits  par  M.  l'abbé  Baret, 
d'Amblainviile.  Ces  puits,  de  80  centimètres  à  i  mètre  de 


454  SÉANCE  DU  48  JUIN  4891. 

diamètre,  ont  en  moyenne  une  profondeur  de  4  mètres,  qui 
ne  peut  varier  beaucoup,  la  couche  de  silex  exploitée  étant 
d'une  horizontalité  parfaite.  Les  galeries,  très  régulières,  qui 
toutes  communiquent  avec  les  puits  d*extraction,  ont  à  peine 
80  centimètres  de  hauteur  sur  4  mètre  de  largeur. 

Un  peu  d'attention  suffit  pour  remarquer  de  nombreuses 
traces  de  coups  de  pic  sur  les  parois  de  ces  excavations. 
Nous  n'avons  pas  encore  rencontré  de  bois  de  Cerf  troués, 
comme  à  Nointel.  Pas  un  fragment  de  poterie.  Pas  trace 
d'organisme,  excepté  cependant  une  petite  coquille  terrestre 
qui  vit  encore  dans  la  région,  et  qui  a  conservé  la  teinte  de 
la  corne  à  laquelle  elle  était  attachée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  résultats  obtenus  jusqu'à  présent 
sont  encourageants,  et  je  suis  heureux  de  pouvoir  assurer  la 
Société  que  ce  gisement,  si  important  pour  le  progrès  des 
sciences  préhistoriques,  n'était  pas  abandonné. 

M.  Capitan.  Ayant  pu,  sous  la  conduite  de  MM.  Bessin  et 
Fouju,  visiter  les  puits  et  ateliers  de  Champignolles,  ramasser 
sur  place  d'abondants  échantillons  et,  d'autre  part,  étudier 
les  nombreux  spécimens  recueillis  par  M.  Collin,  j'ai  pu  faire 
les  remarques  suivantes  que  je  soumets  à  la  Société. 

L'industrie  de  Champignolles  est  très  particulière.  On  ne 
trouve  guère  dans  les  puits  et  les  galeries,  comme  aussi  à  la 
surface  du  sol  aux  alentours,  que  des  débris  de  taille  du 
silex,  des  ébauches  et  des  pièces  manquées,  inachevées  ou 
brisées,  ainsi  que  Toutillage  qui  a  servi  à  l'extraction  et  à  la 
taille  du  silex.  Au  milieu  de  cette  quantité  de  silex,  on  peut 
arriver  à  reconnaître  quelques  types  dont  la  répétition  in- 
dique nettement  qu'ils  étaient  voulus.  Si  l'on  fait  abstraction 
des  percuteurs  parfois  assez  volumineux  et  grossiers,  et  des 
éclats  de  toutes  dimensions  et  de  toutes  formes,  on  remarque 
d'abord  un  type  fréquent,  surtout  dans  le  fond  des  puits. 
C'est  un  bloc  de  silex  dégrossi  à  grands  coups,  de  façon  à 
prendre  la  forme  d'un  cube  grossier  de  10  à  15  centimètres 
de  hauteur.  Un  second  type,  qu'on  rencontre  surtout  aussi 
dans  les  puits,  est  un  bloc  également  façonné  à  grands  coups. 


DISCUSSION  SUR  DES  OBJETS  OFFERTS.  458 

mais  afifeotant  une  forme  ordinairement  allongée,  bombée 
au  centre  et  se  rétrécissant  un  peu  aux  deux  extrémités* 
Cette  forme  n'est  pas  spéciale  à  ChampignoUes  ;  on  la  re- 
trouve également  en  Dordogne  et  dons  les  grands  ateliers  du 
département  de  la  Vienne,  aux  environs  de  Goussay  et  Lei- 
gné-ies-Bois,  où  j'en  ai  recueilli  de  nombreux  spécimens^ 
d'ailleurs  généralement  dédaignés  par  les  amateurs  à  cause 
de  leur  grossièreté.  Tout  naturellement  il  existe  des  formes 
intermédiaires  ;  elles  affectent  souvent  la  forme  de  disques. 

Il  semble  donc  que  ces  deux  types  représentent  la  forme 
industrielle  que  les  préhistoriques  donnaient  au  silex  au  mo- 
ment môme  de  son  extraction,  constituant  ainsi,  qu'on  nous 
permette,  Texpression,  des  sortes  de  lingots  destinés  à  être 
utilisés,  façonnés  ultérieurement.  C'est  ainsi  que  les  tailleurs 
de  pierres  à  fusil  de  Meusnes  (Cher),  dès  qu'ils  ont  extrait  de 
la  craie,  par  des  puits  en  tous  points  analogues  à  ceux  des 
préhistoriques,  les  rognons  de  silex,  les  dégrossissent  et  les 
préparent  avant  de  les  emporter  chez  eux,  oii  ils  enlèvent 
les  lames  et  les  passent  à  leurs  femmes  qui  les  brisent  et  les 
retaillent  pour  faire  les  pierres  à  fusil. 

On  trouve  aussi  à  ChampignoUes  de  grands  éclats  plus 
ou  moins  façonnée  à  grands  coups,  plats,  h  peu  près  rectan- 
gulaires, dont  une  des  extrémités, souvent  rétrécie  intention- 
nellement, se  prend  facilement  à  la  main.  C'est  aussi  un  type 
qu'on  retrouve  en  Dordogne  et  dans  la  Vienne.  On  peut,  en 
somme,  y  voir,  avec  a>sez  de  vraisemblance,  des  outils  des- 
tinés à  enlever  les  débris  de  craie  détachés  par  les  pics  dans 
le  creusement  des  puits  et  galeries,  et  pouvant  même,  au 
besoin,  servir  à  gratter  ou  même  à  creuser  la  craie. 

Les  ébauches  de  hache  abondent;  elles  présentent  tous  les 
états  de  la  taille  ;  il  en  est  de  très  grossières,  d'autres  beau- 
coup plus  finies.  Mais  on  rencontre  très  fréquemment  des 
objets  qui  semblent  absolument  être  la  moitié  d'une  ébauche 
de  hache  assez  plate,  façonnée  avec  soin  et  brisée  par  le  mi- 
lieu. La  cassure  est,  en  effet,  nette^  le  plus  souvent  non  re- 
touchée ;  l'extrémité  est  arrondie,  les  dimensions  varient; 


456  SÉANCE  DU  18  JUIN  i89i. 

en  moyenne,  ces  pièces  ont  8  à  10  centimètres  de  longueur 
sur  une  largeur  à  peu  près  la  même.  11  est  évident  que  la 
première  idée  que  Texamen  de  ces  silex  éveille,  c'est  celle 
d'ébauches  de  haches  brisées  pendant  leur  fabrication  et 
abandonnées  ensuite.  On  peut  songer  aussi  à  des  prépara- 
lions  de  nucléi,  ainsi  que  j'en  ai  parfois  rencontré  dans  les 
ateliers  de  la  Vienne  ;  mais  aucune  des  très  nombreuses 
pièces  que  j'ai  examinées  ne  permet  d'admettre  cette  hypo- 
thèse. MM.  Bessin  et  Fouju  voient  là  des  instruments  à  creu* 
ser,   analogues  à  ceux  dont  nous   parlions  ci-dessus. 

Avec  ces  formes  assez  spéciales,  on  retrouve  beaucoup  plus 
rarement  des  pics  en  silex,  soit  petits,  bien  retaillés,  repro- 
duisant le  type  auquel  M.  G.  de  Mortillet  a  donné  le  nom  de 
retouchoit\  soit  assez  [volumineux  ;  des  ébauches  de  haches 
assez  bien  travaillées  et  très  nettes  ;  des  éclats  ou  des  lames 
plus  ou  moins  retaillés,  façonnés  en  grattoirs,  racloirs  ou 
couteaux,  mais  généralement  assez  grossiers,  et  tout  l'outil- 
lage des  stations  néolithiques.  Ënfin^  parfois^  dans  les  gale- 
ries, des  grands  pics  en  corne  de  cerf.  MM.  Bessin  et  Fouju 
viennent  d'en  montrer  un  beau  spécimen  à  la  Société,  et 
M.  Collin  en  a  trouvé  également  un  fort  joli. 

En  somme,  il  existe  à  Ghampignolles  des  formes  d'objets 
en  silex  correspondant  à  une  industrie  particulière,  celle  de 
l'extraction  du  silex  et  de  la  fabrication  des  pièces  ;  ces 
formes  spéciales  constituent  des  types  parfaitement  nets, 
qu'il  y  a  intérêt  à  nettement  séparer  des  débris  de  taille  et 
des  déchets  de  fabrication  purement  accidentels.  Cet  outillage 
ainsi  que  nous  venons  de  le  voir,  n'est  d'ailleurs  pas  spécial 
à  Ghampignolles.  Si^  en  effet,  on  étudie  sur  place  la  station 
classique  de  Spiennes,  on  y  retrouve  en  grande  abondance 
ces  mômes  types  industriels  dont  je  viens  de  parler.  Les  blocs 
dégrossis  plus  ou  moins  régulièrement  cubiques  ou  sphé- 
riques,  les  blocs  ovoïdes,  les  pics,  les  grands  éclats  retaillés 
en  forme  de'sortes  de  pics  plats,  enfin,  le  type  qui  n'est  pro- 
bablement qu'une  ébauche  de  hache  brisée  en  deux,  tout 
cela  abonde,  absolument  identique  aux  objets  similaires  de 


COLLIN.  —  TÊTE  MOMIFIÉE    d'uN  INGA.  457 

GhampignoUes.  Mais  à  Spiennes,  il  y  a  en  plus  tout  Toutillage 
industriel  de  la  fabrication  des  lames,  qui  manque  à  Cham- 
pignolles,  nuclei  à  tous  les  états  de  travail  et  grandes  lames. 
Les  ateliers  de  Spiennes  sont  aussi  bien  plus  considérables. 
Mais,  en  somme,  il  y  a  une  très  grande  analogie  dans  les 
procédés  et  produits  de  fabrication  ;  le  fait  est  intéressant  à 
constater. 

M.  Adrien  de  Mortillet  rappelle  qu'on  a  retrouvé  un 
certain  nombre  de  ces  carrières.  Outre  les  grandes  exploi- 
tations de  silex  de  Spiennes,  en  Belgique,  et  celles  qui  ont 
été  découvertes  en  Angleterre,  on  en  a  signalé,  en  France,  à 
Mur-de-Barrez  dans  l'Aveyron,  à  Noinlel  dans  l'Oise,  et  à 
Meudon,  Seine-et-Oise.  Ces  exploitations  commencent  donc 
à  être  bien  connues. 

PRÉSENTATION. 
Tête  momlflée  d'un  Inea  (Pérov)  ; 

PAR   M.    B.    COIXIN. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société,  au  nom  de 
M.  Boubée  fils,  une  tête  momifiée,  trouvée  dans  les  pampas 
et  dans  les  mêmes  conditions  que  les  sépultures  boliviennes 
dont  j'ai  eu  l'occasion  de  vous  parler. 

C'est  une  tête  masculine.  Le  crâne  est  légèrement  dé- 
formé. Le  front  et  la  nuque  ont  été  peints  en  rouge. 

Cette  présentation  est  motivée  parla  parfaite  conservation 
de  la  chevelure,  qui  est  encore  très  adhérente.  Les  cheveux 
sont  d'une  grosseur  moyenne,  d'un  brun  rouge.  Quelques 
cheveux  sont  décolorés,  gris  et  même  blancs.  Jusqu'ici,  cette 
remarque  n'avait  pas  été  faite  chez  les  Précolombiens.  Chez 
les  nègres,  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  cheveux  gris 
et  même  blancs,  comme  chez  les  Européens. 


458  8ÉANCB  DU  48  JUIN  1891. 

COMWUNICATIONS. 
Origine  des  préjagéa  popnlalrea  sur  les  eaviee  ; 

PAR   H.    G.    YARIOT. 

C'est  une  croyance  très  répandue  et  très  généralement 
acceptée  que  les  marques  sur  la  peau,  présentées  par  les 
enfants  à  la  naissance,  sont  duea  à  TinQuence  de  rimagina- 
tion  de  la  mère  pendant  la  grossesse.  Un  enfant  nait  avec  un 
psevus  vasculaire^  c'est  une  tache  de  vin,  une  envie  de  vin  : 
s'il  s*agit  d*un  nœvus  pigmenlaire  plus  ou  moins  foncé,  c'est 
une  envie  de  café,  de  chocolat,  etc..  En  allant  plus  loin, 
dans  cette  direction,  on  admet  souvent  que  les  difformités 
congénitales,  portant  sur  les  membres,  les  malformations 
des  mains,  des  pieds,  de  la  tête,  se  rattachent  à  de  violentes 
impressions  de  la  mère,  qui  auraient  eu  un  contre-coup  direct 
sur  le  fœtus. 

Cette  croyance  ancienne  s'est  traduite  dans  le  langage 
populaire  par  le  terme  d'envie,  qui  est  employé  indistincte- 
ment pour  désigner  la  cause  et  Teffet.  La  mère  a  une  envie, 
l'enfant  porte  une  envie. 

Nous  avons  voulu  rechercher  quelle  était  l'origine  de  ces 
préjugés  populaires,  si  profondément  enracinés,  et  nous 
avons  trouvé  qu'elle  remontait  à  la  plus  haute  antiquité. 
Une  longue  tradition  a  transmis  ces  erreurs  jusqu'à  nous. 

Les  penseurs  les  plus  éminents,  à  toutes  les  époques,  les 
plus  grands  savants  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  ont 
accepté  et  propagé  les  idées  qui  ont  cours  actuellement 
encore  sur  ce  sujet,  aussi  bien  dans  le  peuple  que  parmi  les 
gens  du  monde. 

Nous  empruntons  à  la  thèse  de  M.  le  docteur  Hugues  une 
série  de  citations  qui  prouvent  jusqu'à  Tévidence  ce  que  nous 
avançons  '. 

Moïse,  dans  la  Genèse,  rapporte  l'artifice  qui  aurait  réussi 
à  Jacob  pour  avoir  des  agneaux  tachetés. 

*  Des  nœvi  pigmentaires.  Thèse  de  Paris,  1890. 


VARIOT.  —   PRÉJUGÉS  POPULAIRES  SUR  LES   ENVIES.        459 

Laban  ayant  promis  d'abandonner  à  Jacob  tous  les  agneaux 
tachetés  qui  naîtraient  dans  ses  troupeaux^  ce  dernier  «  pre- 
nant donc  des  branches  vertes  de  peuplier,  d  amandier  et  de 
platane,  il  en  ôta  une  partie  de  Técorce,  en  sorte  que  les 
endroits  d'où  Técorce  avait  été  ôtoe  parurent  blancs,  et  les 
autres  auxquels  on  Tavait  laissée,  demeurèrent  verts  ^  ainsi, 
ces  branches  devinrent  de  diverses  couleurs. 

u  II  les  mit  ensuite  dans  )es  canaux  qu'on  remplissait 
d'eau,  afin  que  lorsque  les  troupeaux  y  viendraient  boire,  ils 
eussent  ces  branches  devant  les  yeux  et  qu'ils  conçussent  en 
les  regardant. 

fi  Ainsi  il  arriva  que  les  brebis,  étant  en  chaleur  et  ayant 
conçu,  à  la  vue  des  branches  de  diverses  couleurs,  eurent  des 
agneaux  tachetés  de  diverses  couleurs.  » 

Voltaire,  avec  son  scepticisme  railleur,  s'étonnait  que  les 
brebis,  qui  avaient  toujours  les  yeux  fixés  sur  l'herbe  qu'elles 
broutaient,  ne  produisissent  pas  des  agneaux  avec  une  toison 
verte. 

Il  est  probable  que  Jacob  n'avait  imaginé  ce  stratagème 
que  pour  masquer  des  moyens  beaucoup  plus  efficaces, 
connus  de  lui,  pour  produire,  par  le  croisement,  des  agneaux 
à  la  robe  tachetée.  Les  éleveurs  savent  distinguer,  à  certaines 
taches  pi^mentaires  de  la  muqueuse  de  la  bouche,  les  brebis 
blanches  qui  sont  aptes  à  procréer  des  jeunes  dont  la  robe 
sera  colorée  ^ 

Dans  l'antiquité  grecque,  nous  trouvons  dlllustres  philo* 
sophcs  ou  savants  qui  croient  fermement  que  la  mère,  par 
un  effort  puissant  de  l'imagination,  peut,  en  quelque  sorte, 
modeler  l'embryon  qu'elle  a  conçu. 

Empédocle,  d'Agrigente,  qui  était,  d'ailleurs,  un  partisan 
de  la  métempsycose,  o'est-à-dire  de  la  transmigration  des 
i\mes  immatérielles  dans  d'autres  corps  que  ceux  qu'elles 
avaient   primitivement   habités,   admettait   aussi  que    des 

^  Voir  à  ce  sujet  la  discussion  provoquée  à  la  Société  d'anthropologie 
par  la  communication  de  mes  Recherches  sur  les  nmvi  pigmentairet  cir<- 
conscrits  et  diffus. 


4HÛ  SÉANCE  DU   18  JUIN    4891. 

images  reçues  dans  le  cerveau  d*une  femme  pouvaient  être 
transportées  sur  son  fruit.  Voici  comment  Amyot,  dans  sa 
belle  traduction  des  œuvres  de  Plutarque  {Des  opinions  des 
philosophes^  p.  457,  ch.  xii,  liv.  Y),  nous  rapporte  Topinion 
d'Empédocle  :  <(  Empédocle,  tient  que  par  l'imagination  de 
la  femme  en  la  conception,  se  forment  les  enfants,  car,  sou- 
vent, des  femmes  ont  été  amoureuses  d'images  et  de  statues, 
et  ont  enfanté  des  enfants  semblables  à  icelles.  »  Dans  le 
Iraité  d'Hippocrate  sur  la  super fétation^,  dont  l'authenticité 
a  été  très  contestée,  et  qui  a  été  attribué  avec  beaucoup  de 
vraisemblance  à  son  gendre  Polybe,  nous  relevons  le  pas- 
sage suivant  :  «  Si  les  femmes  grosses  ont  un  désir  de  manger 
de  la  terre  ou  du  charbon  et  qu'elles  le  satisfassent,  les 
enfants,  lorsqu'ils  viennent  au  jour,  montrent  sur  la  tête  les 
marques  de  ces  substances.  » 

Il  y  aurait  un  rapport  direct  entre  le  désir,  l'envie  propre- 
ment dite  de  la  mère  et  la  marque  de  Tenfant,  d'après  Hip- 
pocrate  ou  d'après  les  livres  hippocratiques. 

Chez  les  Romains,  le  préjugé  des  Grecs  se  transmet  comme 
le  prouve  le  texte  suivant  de  Pline  :  a  Les  ressemblances  du 
fœtus  tiennent;  sans  doute,  à  Timagination  sur  laquelle  on 
pense  que  beaucoup  de  circonstances  fortuites  exercent  de 
l'influence,  la  vue,  Touïe,  le  souvenir  et  les  images  qui  frap- 
pent au  moment  de  la  conception.  La  pensée  même  qui 
traverse  subitement  l'esprit  de  Tun  ou  de  l'autre  parent 
passe  pour  déterminer  ou  altérer  la  ressemblance.  Aussi, 
y  a-t-il  plus  de  différence  chez  l'homme  que  chez  les  autres 
animaux  ;  la  rapidité  des  pensées,  la  promptitude  de  l'esprit 
et  la  variété  des  dispositions  impriment  des  marques  diver- 
sifiées ;  tandis  que  les  autres  animaux  ont  des  esprits  immo- 
biles^ également  uniformes  dans  chaque  espèce  et  dans 
chaque  individu  de  la  môme  espèce  *  ». 

Galien  accueille  volontiers  l'opinion  formulée  par  Pline, 

^  Hippocratis  opéra;  —  de  superfetatione. 

s  C.  Piinii  Secundi  Hutoria  mundi;  édition  de  Liltré,  1848, 1. 1,  p.  287, 
liv.  VU. 


VARIOT.  —  PRÉJUGKS  POPULAIRES  SGR   LES   ENVIES.        4Gl 

car  il  rapporte,  dans  un  de  ses  ouvrages,  Thistoire  suivante^ 
qu'il  semble  avoir  puisée  dans  Soranus,  qui  vivait  antérieu-* 
rement  à  lui.  «  J'ai  lu,  dit  Galien,  qu'un  homme  très  laid, 
mais  riche,  désirant  avoir  un  bel  enfant,  en  fit  peindre  un 
très  beau  et  recommanda  à  sa  femme  de  fixer,  au  moment 
de  Tacte  vénérien,  les  yeux  sur  ce  portrait;  elle  le  fit,  et, 
dirigeant  pour  ainsi  dire  tout  son  esprit  et  toute  son  atten- 
tion vers  cet  objet,  elle  mit  au  monde  un  enfant  qui  ne 
ressemblait  pas  à  son  père,  mais  parfaitement  au  modèle 
du  tableau  '  ». 

Plus  près  de  nous,  Fernel,  médecin  du  roi  Henri  II,  qu'on 
a  appelé  le  Galien  mode?*ne,  est  très  affirmatif  sur  le  pouvoir 
de  l'imagination  dans  la  procréation  des  enfants  :  «  Je  tiens 
pour  certain^  dit-il,  qu'il  n'y  a  que  la  pensée  qui  dessine 
les  figures  et  qui  les  modifie'  ». 

Ambroise  Paré  reproduit,  avec  complaisance,  dans  son 
traité  Des  monstres^  des  faits  du  genre  de  celui  qui  suit. 

Saint  Jean  Damascène  dit  avoir  observé  une  fille  velue 
comme  un  ours,  parce  que  sa  mère  Tavait  engendrée,  lors- 
qu'elle avait  sous  les  yeux  la  figure  d'un  saint  Jean  vêtu 
d'une  peau  avec  son  poil  ^.  Ailleurs,  Ambroise  Paré  reconnaît 
que  l'imagination  de  la  mère  peut  imprimer  des  figures 
bizarres  sur  le  fœtus,  à  l'instant  de  la  conception  seulement; 
mais  cette  époque  passée,  il  ne  peut  se  persuader  que  l'ima- 
gination ait  la  moindre  influence  sur  un  corps  formé. 

Tel  n'est  pas  l'avis  du  célèbre  philosophe  Descartes,  qui 
prétend,  dans  sa  Dtoptrique^  «  qu'il  ne  serait  pas  difficile  de 
démontrer  de  quelle  manière  la  figure  d'un  objet  donné  est 
parfois  transmise  par  les  artères  d'une  femme  jusqu'à  un 
membre  quelconque  du  fœtus  qu'elle  porte  dans  son  sein,  et 
y  imprime  les  taches  connues  sous  le  nom  i'envies^  qui  font 
l'admiration  des  savants^  ». 

1  Ctottd,  Go/ent  de  theriaca.  Ad  Pisonem  liber. 
«  Fernel,  De  hominis  procrealione,  lib.  VII,  cap.  xii,  p.  17i. 
5  Ambroise  Paré,  liv.  XXV,  Des  monstres,  ch.  ix,  p.  1022,  in-folio. 
Paris,  1614. 
^  Reaali  Descartes,  Prineipia  pkUosophica  dioplrieœ,  oap.  v,  p.  82. 
T.  II  (4«  sifiiB).  30 


462  SÉANCE  DU  48  JUIN  1891. 

A  eela,  Demangeon  a  finement  répliqué  :  «Il  faut  convenir 
que  Descartes  était  bien  peu  communicatif  de  n'avoir  pas 
voulu  expliquer^  puisqu'il  le  pouvait  facilement,  comment 
des  figures  toutes  formées  par  rimagination  enfilent  les 
artères  pour  gagner  le  fœtus  ou  le  poussin,  où  elles  arrivent 
intactes  et  sans  avoir  perdu  un  seul  trait  en  route,  malgré 
le  tumulte  et  l'extrême  division  de  la  circulation  artérielle, 
surtout  dans  le  placenta,  ôl  malgré  le  petit  saut  que  ces 
figures  ne  manquent  pas  de  faire  d'un  individu  à  l'autre,  à 
cause  de  l'interruption  des  vaisseaux  conducteurs.  » 

Montaigne,  dans  ses  Essaii^se  fait  l'écho  des  mêmes  idées 
qui  avaient  cours  de  son  temps  :  «  Nous  voyons,  par  expé- 
rience, que  les  femmes  envoient  aux  corps  des  enfants 
qu'elles  portent  dans  leur  ventre  les  marques  de  leurs  fan- 
taisies, témoin  celle  qui  engendra  le  maure  ;  et  il  fut  présenté 
à  Charles,  roi  de  Bohême  et  empereur,  une  fille  d'auprès 
de  Pise,  que  la  mère  disait  avoir  été  ainsi  conçue  à  cause 
d^une  image  de  saint  Jean-Baptiste  pendue  à  son  lit^  » 

Malebranche  cite,  avec  une  naïveté  qui  fait  plus  d'honneur 
au  croyant  qu'au  philosophe,  le  fait  suivant*.  «  11  n'y  a  pas 
un  an  qu'une  femme,  ayant  considéré  avec  trop  d'attention  un 
tableau  de  saint  Pie,  dont  on  célébrait  la  fête  de  la  canonisa* 
tion;  accoucha  d'un  enfant  qui  ressemblait  parfaitement  à  la 
représentation  de  ce  saint.  11  avait  le  visage  d'un  vieillard, 
autant  qu'en  est  capable  un  enfant  qui  n'a  point  de  barbe. 
Les  bras  étaient  croisés  sur  la  poitrine,  les  yeux  tournés  vers 
le  ciely  et  il  avait  très  peu  de  front,  parce  que  Timage  de  ce 
saint,  qui  était  élevée  vers  la  voûte  de  TéglisC;  en  regardant 
le  ciel,  n'avait  aussi  presque  point  de  front  ;  il  avait  une 
espèce  de  mitre  renversée  sur  les  épaules,  avec  plusieurs 
marques  rondes  aux  endroits  où  les  mitres  sont  couvertes  de 
pierreries.  Enfin,  cet  enfant  ressemblait  fort  au  tableau  sur 
lequel  sa  mère  l'avait  formé  par  la  force  de  son  imagination. 


>  Essais  de  Montaigne,  édition  in-folio^  liv.  I,  ch.  xx,  p.  50.  Paris,  1640 
*  Malebranche,  lUcherckêdê  la  vérité,  1. 1,  p.  251, 253. 


VARIOT.  —   PRÉJUGÉS  POPULAIRES  SUR  LES  ENVIES.       463 

G*est  une  chose  que  tout  Paris  a  pu  voir  aussi  bien  que 
moi,  parce  qu'on  Ta  conservé  assez  longtemps  dans  de  Tea^ 
prit-de-vin.  » 

Gérard  Van  Swieten  (le  baron),  le  commentateur  de  Boerr 
haave,  ne  met  pas  en  doute  le  pouvoir  de  rimagination  pour 
former  les  envies,  comme  le  prouve  la  gracieuse  histoire  que 
nous  puisons  dans  ses  Commentaires  '.  m  Je  vis,  un  jour,  une 
jeune  fille  fort  belle  venir  me  consulter  pour  quelques  aoci» 
dents  nerveux  dont  elle  soufiTrait.  Tout  en  Tinterrogeant, 
j^aperçus  sur  son  cou,  sons  un  collier  qu'elle  portait,  une 
chenille  ;  je  m'apprêtais  déjà  à  l'en  débarrasser  au  moyen 
d*une  chiquenaude,  quand,  souriante,  elle  me  dit:  «  J^ais-» 
<(  sez-la,  je  Tai  depuis  ma  naissance.  »  Elle  m'autorisa  grar» 
cieuscment  à  regarder  cette  marque  de  plus  près.  Je  vis  alors 
une  chenille  possédant  les  couleurs  les  plus  belles  et  les  plut 
variées,  et  même  on  apercevait  fort  nettement  des  poils  ;  de 
plus,  grâce  à  sa  proéminence  au-dessus  de  la  peau,  on  aurait 
pris  aisément  cette  marque  pour  une  chenille  vivante,  et  sa 
ressemblance  était  tout  aussi  frappante  qu'un  œuf  ressemble 
à  un  autre  œuf.  Cette  jeune  fille  me  dit  que  sa  mère  lui  avait 
affirmé  qu'étant  enceinte  d'elle,  elle  se  promenait  dans  un 
jardin,  quand  une  chenille  lui  tomba  d  un  arbre  sur  le  cou, 
et  qu'elle  avait  bien  eu  de  la  peine  à  s'en  débarrasser.  » 

On  peut  se  demander^  avec  Demangeon,  si  Van  Swieten, 
en  cette  occasion,  n'a  pas  agi  en  baron  avec  sa  charmante 
visiteuse  (venustissima  puella)^  et  si  l'amour  n'avait  pas  un  peu 
voilé  ses  yeux  de  médecin  pour  lui  faire  voir  une  chenille 
avec  de  si  jolies  couleurs,  chenille,  du  reste,  qu'il  n'avait  pas 
vue  et  qu'il  affirme  pourtant  être  ressemblante. 

Lavater  *,  dont  les  travaux  sur  la  physiognomonie  eurent 
une  si  grande  faveur  et  un  si  grand  retentissement  au  siècle 
dernier,  définit  ainsi  les  envies  :  «  Les  défectuosités  ou  les 
marques  que  les  enfants  apportent  quelquefois  au  monde  et 

<  Commentaires  sur  Htrmann  Boerhaave^  4  vol.,  177i,  t.  III,  p.  406. 
*  Lavater,  Essai  sur  la  physiognomonie,  t.  III,  cb.  u,  p.  161. 


464  BÉAIWGEDU   18  JUIN   1891. 

qui  sont  la  suite  d'une  impression  forte  et  subite  reçue  par 
la  mère  pendant  la  grossesse.  »  Puis,  plus  loin,  il  ajoute  : 
«  Quant  à  moi,  il  me  semble  que  les  faits  sont  trop  nombreux 
et  trop  bien  prouvés  pour  qu'un  observateur  impartial  puisse 
révoquer  en  doute  l'existence  des  envies.  Je  mets  volontiers 
de  côté  tout  ce  que  l'imagination  y  ajoute  de  faux  et  d'ab- 
surde ;  mais  combien  d'enfants  ne  voit-on  pas  qui  portent 
sur  leur  corps  des  figures  ou  des  traits  d'animaux^  la  couleur 
où  la  forme  d'un  fruit,  ou  telle  autre  marque  étrangère  ? 
Tantôt  c'est  l'empreinte  d'une  main  sur  la  même  partie  que 
la  femme  enceinte  a  touchée  dans  un  moment  de  surprise  ; 
tantôt  c'est  une  aversion  insurmontable  pour  les  mêmes 
objets  qui  ont  répugné  à  la  mère  pendant  la  grossesse...  » 

Par  conséquent,  nous  sommes  obligés  d'admettre  pour 
vraie  une  chose  qui,  en  elle-même,  est  absolument  incompré- 
hensible *,  par  conséquent,  il  est  décidé  que  l'imagination 
d'une  femme  enceinte,  excitée  par  une  passion  momentanée^ 
opère  sur  l'enfant  qu  elle  porte  dans  son  sein. 

Dès  la  fin  du  dix-huitième  siècle  et  au  commencement  du 
dix-neuvième,  un  mouvement  de  réaction  positive  se  produit 
contre  ces  traditions  erronées  sur  la  cause  des  envies.  Le 
temps  des  croyances  est  passé. 

Portai  \  Jacquin  ',  Ghaumer  rejettent  dans  le  domaine 
des  fables  tous  les  faits  bizarres  admis  et  répétés  sans  con- 
trôle. 

Alibert  ^  dit  à  ce  sujet  :  «  Tout  ce  que  j'ai  pu  remarquer  à 
cet  égard,  c'est  que  les  altérations  morbiûques  de  la  struc- 
ture de  nos  tissus  ont  lieu  principalement  chez  les  personnes 
douées  d'une  constitution  lymphatique  et  scrofulense  ;  ce 
sont  des  écarts  fortuits  de  la  puissance  de  nutrition.  » 


*  Portai,  Considérations  sur  la  nature  et  Ib  traitement  des  maladies  de 
fimille  et  des  maladies  héréditaires,  Paris,  1814,  p.  5. 

'  Jacquifi,  Mémoires  ou  Observations  sur  les  marques  ou  taches  de  nais- 
sance {Journal  de  médecine,  de  chirurgie  et  de  pharmacie,  t.  XLIV,  1812, 
p.  125). 

«  Alibert,  Nosographie  naturelle,  p.  384  et  suiv.,  t.  1, 1817. 


VARIOT.  —  PRÉJUGÉS  POPULAIRES  SUR   LES   ENVIES.        465 

Murât  ^  formule  une  opinion  qui  est  bien  voisine  de  celle 
que  nous-même  avons  émise  en  nous  appuyant  sur  nos  inves- 
tigations microscopiques.  «  Des  recherches  exactes,  des  dis* 
sections  bien  faites  ont  depuis  longtemps  appris  aux  médecins 
que  ces  taches  ou  marques  doivent  être  considérées  comme 
une  altération  du  tissu  de  la  peau,  produite  par  quelque  ma- 
ladie que  le  fœtus  aura  éprouvée  à  une  époque  plus  ou  moins 
avancée  de  son  développement,  o 

Demangeon  ',  avec  une  rare  élévation  d'esprit  et  un  sens 
critique  des  plus  pénétrants,  a  beaucoup  contribué  à  dissiper 
toutes  les  superstitions  sur  les  envies  qui  avaient  encore 
cours  de  son  temps. 

Isid.  Geoffroy-Saint-Hilaire^,  l'illustre  tératologiste,  rejette 
absolument  l'inlluence  de  Timagination  sur  les  malforma- 
tions fœtales  ;  il  cite,  à  ce  propos,  une  anecdote  plaisante,  qui 
montre  jusqu*où  la  crédulité  a  pu  être  poussée.  Il  s'agit 
d'une  jeune  fille  née  à  Yalenciennes,  pendant  la  Révolution^ 
en  Tan  III,  et  qui  portail  sur  le  sein  gauche  un  bonnet  de  la 
liberté.  «  Il  n*y  a,  ajoute  Geoffroy-Saint-Hilaire,  rien  de 
remarquable  dans  cette  anomalie  ;  mais  ce  qui  Test  beau- 
coup, c'est  que  le  gouvernement  de  l'époque  crut  devoir  ré- 
compenser, par  une  pension  de  400  francs,  la  mère  assez 
heureuse  pour  avoir  donné  le  jour  à  une  enfant  parée,  par  la 
nature  elle-même,  d'un  emblème  révolutionnaire.  » 

Parmi  les  médecins  contemporains,  les  préjugés  sur  la 
cause  des  envies  s'éteignent  graduellement,  bien  que  certains 
médecins  américains  se  soient  efforcés  récemment  de  rajeu- 
nir cette  conception  si  ancienne*. 

La  phase  scientifique  dans  laquelle  nous  évoluons  ne  per- 

>  Mu  rat,  Dictionnaire  dês  sciences  médicaUSf  article  Envie,  t.  XII^  p.  288, 
1815. 

*  Demangeon,  De  V imagination  considérée  dans  ses  effets  directs  sur 
l'homme  et  sur  les  animaux,  etc.  ;  2«  édit.  Paris,  1829. 

*  Isid.  Geoffroy  Saint- Hiiaire,  Histoire  générale  et  particiUière  des  anO" 
maliesde  l'organisation  de  l* homme  et  des  animaux ^  t.  I,  p.  546. 

^  Stedmon,  Influence  des  impressions  maternelles  comme  étiotogie  des  diffor- 
mités {.\ted.  Record,  janvier  1887). 


466  SÉANCE  DU  18  JUIN  i89i. 

met  plus  de  conserver  les  croyances  a  priori,  G*est  par  Vob- 
servatlon  rigoureuse,  par  l'analyse  patiente  que  se  forment 
les  idées  positives.  Notre  méthode  est  plus  lente,  mais  aussi 
plus  sûre. 

Est-ce  à  dire  que  nos  connaissances  précises  sur  la  consti* 
tution  des  taches  pip^mentaires  *  et  des  nœvi  vasculaires,  que 
les  travaux  dlsidore  Geoffroy-Saint-Hilaire  et  des  tératolo- 
gistes  qui  Tont  suivi,  soient  capables  de  modifier  et  de  ren- 
verser une  croyance  séculaire  ? 

Cela  est  peu  vraisemblable  ;  la  lumière  de  la  science  ne 
brille  que  pour  ceux  qui  ont  appris  à  la  distinguer  ;  elle 
n'éclaire  que  lentement  les  masses,  et  il  nous  semble  qu'on 
pourrait  répéter  encore,  à  ce  sujet,  ce  que  Buffon  écrivait  à 
la  fin  du  siècle  dernier*  :  «  Il  ne  faut  pas  compter  qu'on  puisse 
jamais  persuader  aux  femmes  que  les  marques  de  leurs  en- 
fants n'ont  aucun  rapport  avec  les  envies  qu'elles  n'ont  pu 
satisfaire.  Je  leur  ai  quelquefois  demandé,  avant  la  nais- 
sance, quelles  étaient  les  envies  qu'elles  n'avaient  pu  satis- 
faire et  quelles  seraient,  par  conséquent,  les  marques  que 
leurs  enfants  porteraient.  Par  cette  question,  j'ai  fâché  les 
gens  sans  les  avoir  convaincus.  » 

Discussion. 

M.  Bérenger-Féraud  rappelle,  à  ce  propos,  différentes 
croyances  populaires  sur  les  envies,  en  Provence. 

M.  Letourxeau  raconte  que  TUniversité  de  Montpellier  fut, 
au  temps  jadis,  consultée  sur  le  fait  d'une  femme  dont  le 
mari  était  absent  depuis  plusieurs  années  et  qui  déclarait 
que  son  enfant  était  bien  de  son  mari,  car  elle  ne  cessait  d'y 
penser  jour  et  nuit,  et  qu'ainsi  elle  était  devenue  enceinte. 
La  Faculté  déclara  qu'en  effet  l'enfant  était  bien  le  fils  du 
mari  de  cette  femme. 

M.  Sanson  rappelle  la  vieille  histoire  de  ce  bon  bourgeois 

*  Voir  notre  communication  sur  les  Nœvi  pigmentaires  circonscrits  et 
diffus  {liuUetins  de  la  Société  d'anthrojx^gie,  1889). 
«  Buffon,  Histoire  naturelle,  t.  IV,  ch.  xi. 


OUVRAGES  OFFERTS.  467 

inquiet  de  voir  sa  femme  accoucher  d'un  mulâtre,  mais  tout 
à  fait  rassuré  par  Taffirmation  do  son  épouse  lui  racontant 
que  seule  devait  être  iacriminée  Témolion  que  lui  avait 
causée  la  contemplation  du  nègre  servant  d'enseigne  à  un 
horloger  du  boulevard.  Un  des  élèves  de  M.  Sanson^  peu 
convaincu  par  la  bouffonnerie  de  cette  histoire,  raconta  un 
jour  gravement  qu  il  connaissait  un  cas  analogue  et  absolu* 
ment  démonstratif.  Une  paysanne,  très  émue  par  la  contern- 
plation  de  révoque  ofliciant,  avait  accouché  d'un  enfant  dont 
les  traits  étaient  très  semblables  à  ceux  de  Tévêque  !  M.  San» 
son  ajoute  qu'il  n'osa  donner  à  son  interlocuteur  une  inter- 
prétation autre  et...  beaucoup  plus  naturelle. 

M.  Trumet  de  9*ontarge  lit  la  fin  de  son  mémoire  sur  les 
sépultures  puniques  de  Tunisie. 
La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Uun  des  secrétaires  :  CAPITAN- 


SU*  SfiANCE.  —  i  jaillel  1891. 

Préflidenee  de  M*  1^.% BORDE ^  président* 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  si'îance  est  lu  et  adopté. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Gapus  (G.).  Les  Kirghiz  du  Pamir  (Association  française, 
congrès  de  Limoges,  4890).  Paris,  1890,  in-8°,  8  pages. 

—  Promenade  hygiénique  en  Asie  centrale  (Journal  l'Assis- 
tance,  mai  1891).  Paris,  1891,  in-4°,  12  pages. 

Hamrleton  (G.-W.).  Pkysical  development  (Journal  Phy- 
sique).  Londres^  1891,  in-4*,  4  pages. 

Metzger  (D.).  La  Vivisection^  ses  dangers  et  ses  crimes,  Paris, 
1891,  in.8%  240  pages. 

Mies  (D').  Die  flœhenzahl  des  Kœrpergeioichts  der  sogenann- 


468  SÉANCE  DU  2   JUILLET   1891. 

(en  Amazonen  und  Krieger  des  Kœnigs  von  Dahome  {Verhand- 
lungen  def*  Derliner  Anthropologiscken  Gesellschaft).  Berlin, 
1891,  in-i%  4  pages. 

Ministère  des  finances  (Direction  générale  des  contribu- 
tions directes  et  du  cadastre).  Recueil  de  documents  législatifs^ 
projets  de  loi  y  règlements,  rapports,  etc.,  concernant  le  cadastre 
depuis  1807.  —  Rapport  adressé  au  ministre  des  finances  sur 
les  opérations  du  répartement  et  du  sous-répartanent  en  1890 
pour  1891,  2  vol.  in-4".  (Ces  deux  derniers  ouvrages  sont 
offerts  par  M.  Daveluy.) 

PÉRIODIQUES. 

Royal  Irish  Academy  {Proceedings)  1891  (vol.  I,  n»  5). 
M.  "W.  Crofton  :  Applications  of  the  method  of  Operative 
Symbols. 

Cosmos,  vol.  X  (1889-1891),  n»  Vil.  Viaggi  di  G.  Nachtigal 
nel  Sahara  e  nel  Sudan. 

A  Jowmal  of  American  ethnology  and  archeology,  vol.  I. 
J.  Walter  Fewkes  :  A  few  Summer  Cérémonials  at  Zufii  Pue- 
blo ;  —  Benjamey  Ives  Gilman  :  Zufii  mélodies;  — J.  Walter 
Fewkes  :  Reconnoissance  of  Ruins  in  or  near  the  Zufli  réser- 
vation. 

Peahody  Muséum  of  American  archeology  and  ethnology 
(Papers),  vol.  I,  n«  3  (1891).  Zelia  Nuttall  :  The  Atlatl  or 
Spear-Thrower  of  the  Ancient  Mexicans. 

The  American  Anthropologist,  vol.  IV,  n»  â  (1891).  Cyrus 
Thomas  :  The  Story  of  a  Mound;  or  the  Shawnees  in  Preco- 
lumbian  times;  —  J.  Walter  Fewkes  :  On  Zemes  from  Santo- 
Domingo  ;  —  W.  Woodville  Rockhill  :  Note  on  tome  of  the 
Laws,  Customs  and  Superstitions  of  Korea. 

The  American  Naturaliste  vol.  XXV,  n«  292  (1891).  R.  W. 
Shufeldl  :  Mortuary  Customs  of  the  Navajo  Indians. 


LAJARD.  —  LE   LANGAGE   SIFFLÉ   DES  CANARIES.  469 

CORRESPONDANCE. 

M.  Garlier  dépose,  pour  le  concours  du  prix  Godard,  son 
mémoire  sur  la  croissance,  lu  par  M.  Letourneau  dans 
ravant-dernière  séance. 

ÉLECTION. 

M.  A.  ScHLEiCHER  est  élu  membre  tilnlaire. 

COMMUNICATIONS. 
Le  langage  slIMé  des  Canaries  ; 

PAR   M.   LAJARD. 


Les  noies  que  je  vais  lire  se  rapportent  au  langage  sifflé 
des  habitants  des  îles  Canaries.  Nous  n'avions  jusqu'ici  sur  ce 
langage  que  des  renseignements  assez  vagues.  Il  paraissait 
constituer  un  système  phonétique  spécial,  sans  aucun  rap- 
port avec  les  formes  actuellement  connues;  Un  séjour  récent 
dans  l'archipel  m'a  permis  de  voir  qu'il  n  en  était  rien  et  d'en 
fixer  exactement  la  nature. 

La  bibliographie  est  sommaire. 

M.  Bouquet  de  la  Grye,  envoyé,  il  y  a  quelque  temps,  à 
Ténériffe,  pour  déterminer  les  coordonnées  géographiques 
de  cette  station  d'une  manière  plus  précise,  a  publié,  dans 
V Annuaire  du  Bureau  des  longitudes  de  1889,  la  relation  de 
son  passage  aux  Canaries  et  d'une  ascension  du  célèbre  pic. 
Nous  y  trouvons  signalée  l'existence  d'un  curieux  langage 
sifflé  répandu  parmi  les  habitants  et  que  l'amiral  croyait 
limité  à  l'île  de  la  Gomère. 

N'étant  allé  qu'à  TénérifTe,  où  on  ne  le  trouve  pas,  il 
donne  les  renseignements  qu'il  tient  de  quelques  personnes, 
et,  en  particulier,  du  général  Carlos  de  Riveira. 

((  Les  bergers  de  Gomera,  dit-il,  ont  un  langage  sifflé  qui 
leur  vient  des  Guanches  ;  les  modulations  représentent  des 
idées  et  des  articulations,  et  les  sons  qu'ils  émettent  s'enten- 


470  8ÉANCE  DU  2  JUILLET  1891. 

dent  à  des  distances  prodigieuses...  J^estime  qa*il  serait  digne 
des  philologues  d'étudier  ce  langage  préhistorique  conservé 
sar  un  sommet  qui  a  pu  appartenir  à  Tantique  Atlantide.  Ne 
serait-il  point  intéressant  d'analyser  sa  formation,  de  recher- 
cher les  relations  qui  l'unissent  au  vocahulaire  guanche,  dont 
bien  des  mots  ont  été  conservés,  et  de  pénétrer  plus  avant 
dans  le  passé  de  cette  race  que  les  chroniqueurs  nous  repré- 
sentent comme  belle,  vertueuse  et  pleine  de  courage?  » 

Chez  les  voyageurs,  on  trouve  peu  de  chose.  Ils  se  bornent 
à  dire  que  le  sifflet  est  employé  à  la  Gomère,  et  que  ce  genre 
de  communication  est  parfait  pour  permettre  certaines  con- 
versations*. 

Samler  Brown' ajoute  que  les  montagnards  de  Ghipude 
passent  pour  les  meilleurs  siffleurs. 

Charles  Edwards'  raconte  que  partout  où  il  passait,  les 
paysans  accouraient  en  foule,  connaissant  déjà  son  arrivée, 
son  but  et  ses  occupations.  Les  guides  avaient  répandu 
partout  ces  nouvelles  à  Taide  du  sifflet.  C'était  là,  dii*il, 
une  des  choses  les  plus  curieuses  que  Ton  puisse  voir. 

Le  docteur  Verneau*  décrit  la  môme  impression  et  la  sur- 
prise qu'elle  lui  a  causée. 

Mon  ami  et  notre  confrère,  le  docteur  Chil  y  Naranjo,  di- 
recteur du  musée  de  Las  Palmas,  au  cours  du  récit  de  ses 
fouilles  dans  les  cavernes  de  l'archipel,  montre  qu'il  a  été 
en  rapport  avec  des  insulaires  sachant  siffler;  mais,  occupé  do 
questions  historiijues,  il  n'a  pas  porté  de  ce  côté  son  attention. 

Enfin,  M.  (Juedenfeld,  dans  un  mémoire  sur  ce  sujet,  n'est 
point  parvenu  h  l'élucider. 

Voilà  i\  peu  près  tout  ce  que  nous  savions  sur  cette  ques- 
tion jusqu'à  présent. 

A  Ténériffe,  je  n'ai  pas  trouvé  de  langage  sifflé.  J'ai  par- 
couru l'île  en  divers  sens,  chose  facile;  les  montagnards  ne 

1  Samler  Brown,  Madêira  and  thé  Canary  hlands,  London. 
«  Id. 

•  Graphie^  etc. 

*  Cinq  ans  aux  Uet  Canaries,  1891.  Paris. 


LAJAHD.  —  LE  LANOAGB  SIFFLÉ  DES  CANARIES.  471 

sifflaient  pas.  A  GuTmar,  le  curé  m'a  raconté  une  expérience 
faite  par  lui  quand  il  habitait  la  GomèrCy^et  en  collaboration 
avec  un  officier.  Quoique  ayant  résidé  longtemps  dans  le  pays 
même,  le  prêtre  n'en  entendait  pas  un  mot.  Il  est  vrai  de  dire 
que  cet  usage  est  limité  aux  gens  pauvres  et  aux  bergers; 
beaucoup  d'insulaires  de  Tarchipel  ignorent  même  son  exis- 
tence. Le  commandant  avait  mandé  auprès  de  lui  un  soldat 
de  son  régiment  caserne  sur  la  côte  opposée  en  le  faisant  8if« 
fier  par  son  nom. 

Ce  simple  récit  me  faisait  espérer  déjà  d'arriver  facilement 
à  bout  de  la  difficulté.  Le  langage  sifflé  n'était  pas  un  en- 
semble plus  ou  moins  compliqué  de  signaux,  se  bornant  à 
traduire  seulement  des  idées  et  d'une  façon  dénuée  de  tout 
rapport  avec  le  langage  ordinaire.  Il  avait,  au  contraire,  à  sa 
disposition  des  ressources  permettant  de  suivre  une  à  nne  et 
d'interpréter  à  sa  manière  les  syllabes  d'un  nom  propre. 
C'était  un  point  capital,  et  il  n'en  fallait  pas  davantage  pour 
passer  de  là  h  l'analyse  complète  du  système. 

Je  partis  alors  pour  la  Gomère.  En  passant  à  l'île  de  Per*, 
je  vis  aussitôt  que  le  domaine  du  sifûet  s'étendait  jusque-là. 
Plus  tard,  je  n'ai  trouvé  que  peu  de  différence  entre  ces  deux 
îles  sous  ce  rapport.  J'ai  donc  commencé  mon  étude  avec  les 
Herreflos. 

Il  suffit,  pour  avoir  la  première  idée  du  sifflet,  de  se  pro- 
mener au  bord  des  ravins  appelés  bafTancos,  et  qui  sillonnent 
l'île  de  divers  côtés.  Le  voyageur  ne  tarde  pas  à  entendre 
des  bergers  qui  s'appellent  ;  souvent  son  guide  se  mêle  à  la 
conversation. 

Le  son  est  fort  et  perçant;  il  arrive  à  parcourir  une  grande 
distance,  l'hiver  surtout,  en  l'absence  des  alizés.  Suivant  la 
manière  dont  il  est  donné,  il  peut  atteindre  une  portée  plus 
ou  moins  grande,  comme  on  le  verra  plus  loin.lM.Verneau  l'a 
entendu  de  3  kilomètres.  Les  insulaires  se  sont  vantés  devant 
moi  de  correspondre  avec  les  navires  qui  sont  au  mouillage 

A  En  espagnol  ffierro. 


47£  SÉANCE    DU  2  JUILLET  1891. 

près  de  Gran  Reyes.  A  Las  Palmas,  plusieurs  Herrenos  m'ont 
assuré  que  le  sifflet  pouvait  s*entendre  à  une  distance  égale  à 
celle  qui  existe  entre  la  ville  et  le  port  de  la  Luz.  Cette  asser- 
tion me  paraît  très  exagérée  ;  il  y  a  là  5  kilomètres  et  demi. 
Le  sifflet  dépasse  donc  de  beaucoup  la  portée  de  la  voix. 

Les  sons  courent  du  grave  à  Taigu  pour  redescendre  sou- 
vent au  grave  très  rapidement  à  la  fin  de  la  phrase  et  à  me- 
sure que  le  souffle  s'affaiblit  et  vient  à  cesser.  Pour  une  même 
phrase,  le  registre  varie  avec  les  personnes,  chacune  a  le 
sien  propre.  Ces  particularités  s*expliquent  très  simplement^ 
comme  on  le  verra  plus  loin. 

Je  réunis,  pour  commencer  mon  étude>  plusieurs  Herreûos, 
huit  ensemble,  d'âge  divers  et  de  professions  différentes, 
bergers  et  boulangers  surtout. 

Il  est  facile  d'être  entendu  des  Canariens  :  ils  parlent  tous 
espagnol.  Si  Ton  excepte  quelques  mots  spéciaux  à  Tarchi- 
pel,  c'est  du  castillan.  11  n*est  donc  pas  nécessaire  d'apprendre 
un  dialecte  particulier,  comme  il  serait  bon  dans  mainte  pro- 
vince de  la  Péninsule.  Cet  avantage  est  compensé  par  un  in- 
convénient; les  voyageurs  doivent  se  mettre  en  garde  contre 
lui.  Les  insulaires  répondent  généralement  oui  à  toutes  les 
questions.  Soit  crainte  de  désobliger  un  étranger,  soit  timi- 
dité ou  toute  autre  chose,  la  négation  leur  répugne.  Cette 
étrange  politesse  est  pleine  d'écueils.  Elle  m'a  obligé  à 
prendre  la  disposition  précédente.  Si  je  me  permets  d'ex- 
poser la  manière  dont  j'ai  tourné  la  difficulté,  c'est  que  j'ai 
cru  être  utile  en  donnant  une  indication  propre  à  faciliter  leur 
tâche  à  ceux  qui  songeraient  à  faire  une  étude  analogue. 

Après  avoir  fait  siffler  mes  hommes  à  leur  guise,  je  leur 
proposai  quelques  mots  à  reproduire.  Je  pouvais  saisir  ainsi 
les  variations  de  l'un  à  Tautre  dans  la  manière  d'obtenir  les 
sons  et  les  modulations.  Je  profitais  de  leurs  opinions  diffé- 
rentes au  sujet  de  mes  demandes.  Il  était  aisé  enfm  de  tirer 
parti  de  leur  émulation. 

Ayant  trouvé  plus  tard  des  ouvriers  herrefios  à  Las  Palmas 
(l'île  de  Fer  fournit  tous  les  boulangers),  il  m'a  été  facile  d'en 


UJARD.  ^'*  LE  LANGAGE  SIFFLÉ  DES  CANARIES.  473 

réunir  plusieurs  aussi  dans  la  ville,  et  chacun  s'exerçait  à 
faire  mieux  que  son  compagnon,  soit  pour  me  montrer  les 
différentes  manières  de  tirer  des  sons,  soit  pour  les  rendre 
plus  distincts  à  Toreille.  Il  m'arrivait  d'obtenir  des  éclaircis- 
sements imprévus,  auxquels  je  n'aurais  pas  songé.  Quelque- 
fois les  sif fleurs  se  trouvaient  en  contradiction  entre  eux. 
C'était  un  avantage  pour  saisir  les  nuances  de  la  prononciation 
du  même  mot  d'une  bouche  à  l'autre  et  de  profiter  de  l'amour- 
propre  de  chacun. 


Pig.  1.  Fig.  2-  Fig.  3.  Fig.  4. 

Les  sons  s'obtiennent  de  diverses  façons,  le  plus  souvent 
avec  Taide  de  la  main.  Voici  les  attitudes  les  plus  fréquentes  : 

A.  Avec  une  main  : 

1<^  Et  le  petit  doigt  (fig.  1  ).  Celui-ci  est  porté  dans  la  bouche 
tout  entier  et  plié  sur  lui-même,  la  face  palmaire  de  la  main 
dirigée  en  haut,  le  pouce  étendu.  Le  doigt  forme  une  anse 
horizontale  qui  vient  se  placer  entre  les  dents.  La  partie  ou- 
verte de  la  courbe  est  fermée  par  la  langue  qui  s'appuie  en 
dessous,  laissant  seulement  au  milieu  un  orifice  étroit  pour 
Téchappcment  de  l'air.  Le  petit  doigt  est  fréquemment  en 
usage  dans  cette  position. 

T  Avec  l'index  plié.  On  se  sert  également  de  ce  doigt  (fig.  2). 
Les  autres  sont  trop  peu  indépendants  et  se  trouvent  serrés 
les  uns  sur  les  autres  ;  leur  emploi  est  incommode. 

3''  Avec  l'index  étendu  (fig.  3).  Le  bout  s'applique  sur  la 
langue,  la  pulpe  en  dessous.  L'air  sort  par  un  léger  vide  mé- 
nagé d'un  côté,  entre  les  incisives  supérieures,  la  phalangette, 
et  la  masse  de  la  langue  qui  ferme  le  reste. 


474  SÉANCE  DU  2  JUILLET  4  891 . 

A*  Avec  les  deuxième  et  quatrième  doigts.  Ils  viennent  se 
toucher  par  roxtrémité  au  milieu  de  la  bouche  ;  le  vent  trouve 
sa  voie  entre  oes  doigts  et  la  langue,  qui  est  en  dessous.  Le 
troisième  doigt  est  inutile;  il  reste  en  l'air  au  milieu  du  visage, 
à  côté  de  Taile  du  nez.  C'est  la  position  que  j'ai  adoptée,  trou- 
vant plus  facile  de  n'en  point  changer;  elle  est  répandue 
parmi  les  femmes  (flg.  4). 

5®  Avec  le  deuxième  et  le  cinquième.  Le  mécanisme  est 
identique.  Le  cinquième  doigt  prend  simplement  la  place  du 
précédent.  C'est  là  une  manière  fort  incommode  et  peu  em- 
ployée, la  bouche  est  élargie  démesurément. 

B.  Avec  les  deux  mains. 

Les  procédés  se  subdivisent  ici  en  deux  groupes,  selon  que 
les  Canariens  emploient  un  ou  plusieurs  doigts  de  chaque 
main  à  la  fois. 


Fig.  5.  Fig.  6. 

1°  Avec  un  seul  doigt  de  chaque  main.  Ils  sont  étendus^ 
rectilignes,  et  forment  un  an^le  plus  ou  moins  aigu.  Ce  sont 
ordinairement  les  index  (fig.  5)  ou  les  petits  doigts  (f\g,  6). 
Les  phalangettes  se  touchent  ordinairement  par  leur  face 
dorsale  ou  leur  côté  externe  ;  les  ongles  sont  en  contact  sou- 
vent. Les  autres  doigts  servent  aussi  do  la  môme  façon  ;  cela 
m'a  paru  plus  rare  cependant.  Une  règle  générale  est  d'em- 
ployer des  doigts  de  môme  nom  ;  je  ne  l'ai  jamais  vue  en 
défaut.  La  position  par  rapport  aux  ongles  offre  plus  de  lati- 
tude. On  en  trouve  d'autres  de  temps  en  temps. 

2°  Avec  deux  doigts  de  chaque  main.  Ce  sont  les  deuxième 


LAJARD.   —  LE  LANGAGE  SIFFLÉ  DES  CANARIES.  475 

et  troisième^  tous  les  deux  étendus,  allongés  (fig.  6)  et  posés 
parallèlement  dans  la  bouche,  les  ongles  en  dessus.  Ils  lais- 
sent entre  les  index  une  fente  étroite.  Les  quatre  doigts  se 
trouvent  ainsi  dans  un  même  plan  horizontal.  La  bouche  en 
est  remplie  et  c'est  fort  incommode.  Les  bergers  ont  recours 
à  cette  extrémité  pour  obtenir  des  effets  plus  intenses,  des 
appels  à  grande  distance.  Cette  position  ne  paraît  pas  servir 
à  la  conversation^  mais  elle  est  intéressante  an  point  de  vue 
précédent,  donnant  le  maximum  de  sonorité  possible. 

G.  KnRn,  on  peut  encore  siffler  sans  le  secours  des  doigts. 
La  langue  se  creuse  en  forme  de  gouttière,  les  bords  relevés 
latéralement,  et  s'applique  ainsi  sous  les  incisives  de  la  mà« 
choire  supérieure.  Sans  le  sillon  médian  ainsi  formé,  la  situa- 
tion de  la  langue  aurait  quelque  analogie  avec  celle  nécessitée 
par  la  prononciation  du  th  doux  anglais.  Chez  les  Gomériens, 
la  lèvre  supérieure  participe,  dans  une  certaine  mesure,  à  ce 
travail  ;  elle  s'étire  transversalement  et  s'abaisse  jusqu'au 
voisinage  de  Toriflce  réservé  à  la  sortie  de  Tair.  Ceci  ne 
nécessite  aucun  effort.  De  légers  mouvements  musculaires 
suffisent,  mais  le  son  parait  moins  fort  et  moins  distinct. 
Le  procédé  s'applique  aux  faibles  distances.  Il  me  semble 
moins  employé  que  les  précédents. 

A  part  les  réserves  ci-dessus,  ces  diverses  positions  n'ont 
aucune  influence  sur  le  langage  lui-môme.  Elles  sont  indiffé- 
rentes. Chacun  choisit,  dès  l'enfance,  celle  qui  lui  convient 
le  mieux  et,  d'ordinaire,  n'en  change  plus.  Ce  n'est  là,  du 
reste,  qu'une  question  d'habitude;  mes  Herreflos  les  connais* 
salent  toutes  et  les  essayaient  devant  moi,  mais,  entre  eux, 
ils  se  servaient  chacun  de  la  sienne. 

La  première  chose  à  faire  ensuite  était  d'examiner  la  ques- 
tion au  point  de  vue  musical,  hlxiste-t-il  un  rapport  quel- 
conque entre  ce  langage  et  la  musique  ?  Or,  pour  un  même 
mot,  l'échelle  des  notes  est  parcourue  différemment,  suivant 
la  personne  qui  sifile.  L'un  commence  par  un  son  grave, 
monte  ensuite,  pour  redescendre  à  nouveau  ;  l'autre  choisit 
un  point  de  départ  beaucoup  plus  élevé  et  descend  à  peu 


476  SÉANCE  DU   i  JUILLET   4891. 

près  au  même  degré.  Chacun  se  sert  d^un  registre  différeot  ; 
il  y  a  analogie,  mais  non  identité.  Cette  observation  exclut 
toute  hypothèse  musicale.  Un  pareil  système,  en  effet,  n*est 
pas  susceptible  d'admettre  les  faits  précédents.  L'oreille  ne 
réclamerait,  il  est  vrai,  ni  la  mesure,  ni  des  intervalles  sépa- 
rés, mais,  tout  au  moins,  une  manière  à  peu  près  égale,  pour 
les  cas  identiques^  de  courir  entre  le  grave  et  Taigu.  La  tona- 
lité pourrait  changer,  mais  non  les  principaux  rapports  avec 
les  éléments  conslitulifs  de  la  phrase.  Rien  de  semblable  ici; 
le  seul  caractère  commun  est  quelquefois  la  terminaison,  et 
encore  n'est-il  pas  constant.  En  second  lieu,  le  sifflet  n'a  rien 
de  mélodieux,  quoi  qu'on  en  ait  dit. 

Il  fallait  donc  chercher  ailleurs.  Existe-t-il  un  rapport 
quelconque  entre  les  sons  et  les  syllabes  des  noms  propres 
siffles  ?  Je  demande  des  prénoms^  les  uns  courts,  ^<^s  autres 
longs  :  Juariy  Jean;  Pedro,  Pierre  ;  Encarnacian^  Incarnation. 

Le  berger  siffle,  les  sons  s'allongent  en  même  temps.  On 
distingue  les  articulations  qui  correspondent  exactement  aux 
syllabes  parlées,  mais  il  s'en  trouve  toujours  une  de  plus  que 
le  nombre. 

Juan,  deux  coups  de  sifflet  :  l'un  grave,  l'autre  aigu. 

Pedro,  trois  coups  :  un  grave,  deux  aigus. 

Fortunato^  cinq  :  un  grave,  trois  aigus  et  un  grave  à  la  fin. 

L'explication  de  cette  différence,  faite  pour  tromper  tous 
les  observateurs,  est  très  simple.  Le  premier  sifflement  cor- 
respond à  une  longue  interjection  précédant  le  nom  propre  : 
c'est  un  appel.  La  langue  sifflée  est  faite  pour  être  entendue 
de  loin,  à  grande  distance.  Le  début  de  toute  conversation 
consiste  à  héler  quelqu'un  : 

Hé,  Joseph  I  Hé,  Dominique  I 

Voilà  la  syllabe  surnuméraire. 

Cette  difficulté  résolue;  il  ne  fallait  plus  beaucoup  de  temps 
pour  généraliser.  Pareille  concordance  existait  entre  le  sifflet 
et  tous  les  mots  canariens.  Le  sifflet  les  suivait  une  à  une  : 
la  prétendue  langue  est  de  l'espagnol  sifflé.  Le  sifflet  n'a  rien 
de  spécial  ;  il  ne  constitue  pas  un  système  distinct  du  laa- 


LAJARD.   —    LE  LANGAGE   SIFFLÉ   DES   CANARIES.  477 

gage  articulé,  comme  on  le  croyait  ;  c'est  simplement  un 
moyen  de  porter  plus  loin  la  parole. 

Le  moindre  doute  h  ce  sujet  est  impossible^  quand  on  en 
vient  à  s'essayer  soi-même  à  cet  exercice.  Apres  deux  ou  trois 
semaines,  on  siffle.  C'est  ce  qui  m'est  arrivé  à  moi-même,  sur 
le  conseil  de  mes  hommes.  Ceux-ci  me  déclarèrent  alors 
qu'ils  n'avaient  plus  rien  à  m'apprendre. 

Il  suffit,  en  effet,  pour  faire  comme  eux,  de  parler  et  de 
siffler  en  môme  temps.  On  s'aperçoit,  alors,  que  les  muscles, 
tout  gênés  qu'ils  sont  par  la  présence  des  doigts  et  l'émission 
du  sifflet,  conservent  néanmoins  une  certaine  indépendance. 
Tout  mouvement  n'est  pas  devenu  impossible.  11  se  produit 
certaines  contractions,  trace  de  celles  qui  correspondent  aux 
mots.  Quoique  impuissants  à  les  produire,  ils  modifient  suf- 
fisamment la  note  générale  pour  être  sensibles  à  l'ouïe. 
L'oreille  du  Gomérien  saisit  au  passage  ces  touches  fuyantes 
qui  se  perdent  dans  la  note  fondamentale  du  sifflet,  et,  sous 
ce  voile,  l'habitude  distingue  la  parole. 

M.  Quedenfeldt,  dans  le  mémoire  cité  plus  haut*,  n'a  pas 
vu  cette  facile  solution.  Après  avoir  adopté  Popinion  des 
auteurs  tels  que  don  Juan  Béthencourt'  et  don  Antonio 
Manrique',  sur  le  sifflet  comme  langage  articulé,  contraire- 
ment à  celle  de  M.  Joest,  et  avoir  entrevu  ses  rapports  avec 
la  langue  espagnole,  il  donne  une  explication  erronée  de  ses 
principes.  La  notation  musicale  accompagnant  les  phrases 
qu'il  a  entendues  ne  correspond  à  rien  de  réel.  J'ai  montré 
plus  haut  comment  on  ne  trouve  pas  d'intervalles,  les  sons 
passant  d'un  ton  à  l'autre  par  gradations  insensibles,  et  le 
tout  n'étant  que  le  mélange  du  langage  ordinaire  avec  le  son 
du  sifflet,  servant  fl  le  renforcer  au  détriment  de  sa  netteté. 
C'est  un  avantage  pour  un  inconvénient,  et  ce  dernier  est 
si  grand,  qu'on  a  peine  à  se  représenter  comment  les  Cana- 
riens peuvent  entendre  le  langage  à  ce  point  modiflé. 

*  Zeitschrifl  fUr  Ethnologie,  1S87. 

•  lievue  des  Canaries ^  8  novembre  ISSl. 
3  Palria  de  Madrid,  S  septembre  1883. 

T.  ir  (4'  série).  31 


4Î8  sÉANCK  nu  2  juillet  1801. 

Tel  est  le  mécanisme,  1res  simple,  du  langage  sifflé.  Nous 
avons  peine  à  nous  représenter  comment  les  Canariens  peu- 
vent Tentendre.  Mais  la  prononciation  de  nos  langues  euro- 
péennes est  lissue,  elle  aussi,  de  fils  très  légers.  Que  d'étude 
ne  faut-il  pas  pour  arriver  à  prononcer  IV  espagnol,  le  c  ita- 
lien! Combien  y  réussissent-ils  jamais!  Que  d'efforts  pour 
apprécier  les  imperceptibles  différences  du  w  anglais  employé 
comme  consonne  ou  dans  une  diphtongue  !  Ce  sont  des 
difficultés  du  môme  ordre.  Un  détail  montre  qu'on  ne  doit 
pas  les  exagérer  :  les  chiens  reconnaissent  leur  nom  sifflé 
avec  son  timbre,  lorsqu'il  est  donné  par  leur  maître. 

Le  langage  sifflé,  cela  est  évident  d'après  ce  qui  précède, 
est  très  difficile  à  entendre.  On  parvient,  en  quelques  jours, 
à  se  servir  des  phrases  les  plus  usuelles,  mais  il  est  très  long 
de  les  comprendre,  quand  c'est  un  autre  qui  les  siffle.  Tout 
le  monde  pourra  s'exprimer  assez  vite,  à  l'aide  de  ces  indi- 
cations. On  dira  :  Domingo,  venga  acà,  «  Dominique,  venez 
ici»,  ou  bien  :  «  Attendez-moi,  je  vais  vous  trouver  »,  tnais 
on  aura  beaucoup  de  peine  à  savoir  la  réponse.  A  moins 
d'être  un  auditif  parfait,  cette  éducation  de  l'ouïe  sera  pé- 
nible. 

J'avoue  que  j'y  ai  moi-môme  peu  réussi.  Je  puism'expri- 
mer  assez  bien  dans  quelques  phrases  courtes,  et  je  suis 
compris  ;  mais,  pour  savoir  ce  qu'on  me  dit,  c'est  plus  diffi- 
cile. Va  ressemble  à  Vo  ;  r<?  et  Vi  sont  aussi  très  voisins.  Mais 
ce  qu'il  nous  faut  simplement,  c'est  connaître  le  mécanisme, 
et  ce  but  est  atteint  :  le  langage  sifflé  des  Canaries  est  de 
l'espagnol  sifflé. 

Une  cause  d'erreur  importante,  propre  à  tromper  les  obser- 
vateurs et  à  les  éloigner  momentanément  de  ces  conclu- 
sions, m'a  arrêté  pendant  quelque  temps.  La  plupart  des 
Herrefios,  quand  on  leur  demande  s'ils  pourraient  siffler 
tout  ce  qu'ils  veulent,  répondent  que  c'est  impossible.  Leur 
interlocuteur  pense  alors  que  certains  mots  manquent  au 
vocabulaire  de  ses  Canariens  et  il  est  porté  à  déduire  de  là 
l'existence  d'une  laague  particulière  ou,  toutuu  moins,  d'un 


LAJARI).  —   Ln  LVNGAGG  SIFFLÉ  DES  CANARIES.  479 

système  de  signes  spéciaux  sans  rapports  avec  le  castillan. 
Gomment,  en  effet,  expliquer  sans  cela  une  semblable  lacune 
chez  des  gens  parlant  Tcspagnol  ?  La  chose  est  cependant 
facile.  Le  Gomérieny  et  il  est  souvent  inapte  à  l'expliquer, 
pourrait  siffler  ces  mots  très  aisément,  mais  ils  ne  seraient 
probablement  pas  compris,  en  raison  de  la  rareté  de  leur 
emploi.  Tout  repose  ici,  nous  Tavons  vu,  sur  de  légères 
nuances  du  sifflet,  et  une  longue  pratique  est  nécessaire  pour 
les  distinguer.  Les  mots  dont  il  se  sert  sont,  d'ordinaire,  les 
termes  les  plus  usuels  du  répertoire  de  la  vie  pastorale  et 
agricole.  Les  autres  viennent  rarement  sur  leurs  lèvres  et, 
étant  siffles,  ont  grande  chance  de  n'être  pas  entendus.  Aussi 
mes  hommes  me  dirent-ils  qu'ils  ne  pourraient  pas  siffler  une 
page  de  journal. 

Restait  à  examiner  ce  langage  au  point  de  vue  de  ses  rap* 
ports  avec  les  mots  guanches  que  nous  possédons.  On  con^ 
naît,  sur  cet  idiome,  les  recherches  de  Sabin-Berthelot,  Hove- 
lacque,  du  général  Faidhcrbe,  etc.  Les  dictionnaires  de  l'îie 
de  Fer,  de  Ténériffe,  de  la  Gomère  et  de  la  grande  Canarie 
furent  employés  à  cet  efl*et  *.  Les  natifs  reconnurent  quelques 
termes*  :  c'étaient  ceux  qui  sont  encore  en  usage  dans  ces 
îles.  J'ai  pu  y  ajouter  les  suivants  : 

Bernegal,  cruche  de  Ténérifl'e  ;  Fole^  outre  à  vin  ;  To/io^ 
ustensile  propre  à  la  fabrication  du  fromage. 

Les  autres  mots  n'étaient  pas  compris  en  langage  ordinaire 
ni  en  langage  sifflé.  Malgré  les  données  que  nous  en  avons 
tirées,  l'étude  du  sifflet  ne  fournira  donc  pas  une  contribution 
sensible  à  celle  de  la  langue  guanche,  quoiqu'il  ait  paru  des 
mémoires  pour  le  montrer  sous  un  autre  jour,  y  voir  un  sys- 
tème musical  et  même  le  proposer  à  l'adoption  générale. 

L'aire  de  distribution  du  sifflet  s'étend  à  l'île  de  Fer  et  à 
la  Gomère  ;  c'est  là  qu'on  le  trouve  «vec  son  développement. 
Ce  sont  aussi  à  peu  près  les  plus  petites  du  groupe,  en  excep- 

*  Je  me  suis  servi  de  ceux  des  Estudios  du  docteur  Chil. 

*  Ce  sont  :  berote  {sempervivens  Canariensis),  chivato  (ohevreat),  gtuiigo 
(écuelle),  guirre  (vautour),  itkmtê  (MO  à  gofio). 


480  SÉA5CE  DU  i  JCILLET  1891. 

tant  Allegranza  et  Graziosa,  qui  méritent  simplemeDi  le  nom 
d'îlots.  Ténériffe,  nous  1  aTons  vu,  est  en  dehors.  A  la  Grande 
Canarie^  j'en  ai  trouvé  des  traces  assez  vagues. 

Dans  la  visite  que  le  docteur  Chil  a  faite  aux  grotles  de 
GuajadequeS  dun  accès  dangereux,  un  des  hommes  qui 
raccompagnaient  m'a  paru  savoir  siffler.  C'était  un  guide 
choisi  parmi  ceux  appelés  enriscadores  *.  Après  avoir  réussi 
à  pénétrer  dans  la  chambre  sépulcrale,  «  il  donna  un  coup 
de  sifflet  pour  avertir  ceux  qui  étaient  restés  au  pied  de  la 
falaise  qu'il  avait  trouvé  une  momie  ».  J*ai  demandé  au  doc- 
teur si  le  fait  s'était  produit  plusieurs  fois,  mais  je  n*ai  pu  me 
faire  une  opinion  certaine  à  ce  sujet.  Dans  les  villages  où 
j'ai  passé,  à  Telde,  Atalaya,  San  Mateo,  j*ai  cherché  sans 
succès.  A  Las  Palmas,  pendant  que  j*apprenais  à  siffler,  sur 
le  conseil  de  mes  Herrenos,  quand  j'essayais  de  me  livrer  à 
cet  exercice  en  pleine  rue,  je  devenais  immédiatement  l'objet 
de  Tattention  générale,  même  dans  les  quartiers  pauvres  de 
la  ville  haute,  et  il  m'est  arrivé  d'entendre  la  qualiâcation 
de  medio  ioco  '. 

Les  renseignements  recueillis  sur  Palma,  Lanzerote  et 
Fuerteventura  ne  sont  pas  favorables  à  la  langue  sifflée.  Elle 
ne  paraît  constituer  un  moyen  étendu  de  communication 
qu'à  l'île  de  Fer  et  à  la  Gomère.  La  population  de  ces  îles 
peut  être  évaluée  à  iOOOO  habitants. 

Le  sifflet  vient  des  anciens  Canariens,  des  Guanches.  Le 
mot  de  Guanche  s'emploie  avec  des  sens  assez  dÎTers.  Les  uns 
s'en  servent  comme  terme  général  pour  distinguer  l'ensemble 
de  la  population  sauvage  répandue  dans  les  îles  Fortunées  an 
moment  de  la  conquête  ;  les  autres,  les  seuls  habitants  de 
Ténériffe,  et  d'autres,  avec  plus  de  raison,  pour  distinguer 
une  des  races  de  larchipel.  Les  travaux  d'anthropologie  et 
les  mensurations  craniologiques  ^  nous  représentent  ces  po« 

1  Esludios,  Grimpeurs, 

«  Id. 

»  AmoiUéfou.  '  luD*-"»-'^ 

^  Dr  Vcrncau,  Rapport  iur  une  mitsion  seiettlifiqueé 


LAJARD.  —   LE   LANGAGE  SIFFLÉ  DES  CANARIES.  481 

pulations  comme  appartenant  à  des  éléments  distincts.  Ce 
n'est  pas  le  lieu  ici  d'entrer  dans  le  détail  de  cette  question  ; 
il  suffira  de  la  signaler,  à  cause  de  la  fréquence  avec  laquelle 
revient  ce  mot  de  Guanche  quand  il  s'agit  des  Canaries  et 
sans  que  les  auteurs  prennent  la  précaution  de  préciser  ce 
qu'ils  entendent  exactement  par  ce  terme. 

Les  historiens  *  sont  unanimes  à  peu  près  à  nous  repré- 
senter les  naturels  du  pays  comme  possédant  le  sifflet;  nous 
ne  le  trouvons  pas  toutefois  considéré  comme  un  moyen  de 
communication;  ils  n'en  ont  pas  compris  le  sens. 

Le  récit  des  chapelains  de  Béthencourt  contient  cependant 
une  mention  particulière  au  sujet  du  langage  des  habitants. 
«  Ils  parlaient,  écrivaient  Bontier  et  le  Verrier,  des  bauliè- 
vres,  ainsi  que  si  fussent  sans  langue,  et,  dit-on  pardessà 
que  ung  grand  prince  pour  aucun  méffait  leur  fit  tailler  leur 
langue,  et,  selon  la  manière  de  leur  parler,  on  pourrait  le 
croire.  » 

Quand  Garcia  de  la  Herrera  débarqua  à  Anaza  de  Bufadero 
pour  s'emparer  do  l'île  de  Ténériffe,  en  1470,  «  les  Guanches 
se  présentèrent  armés  de  grosses  lances  et  de  pierres  tran- 
chantes, donnant  de  la  voix  et  du  sifflet  en  signal  de  guerre'  » . 

Le  docteur  Chil  décrit  leur  manière  de  combattre  d'après 
les  vieux  auteurs,  «  dando  silbos  y  gritos  ». 

«  Les  sifflements  des  Guanches  partaient  de  tous  côtés,  si 
terribles  que  les  plus  braves  étaient  émus'.  » 

Une  paraît  pas  que  le  sifflet  fût  limité  autrefois  à  la  Gomère 
et  à  l'île  de  Fer.  Le  défaut  de  précision  relatif  à  une  époque 
étrangère  à  l'observation  scientifique  doit  obliger  à  quelques 
réserves.  Les  textes  semblent  prouver  cependant  que  le  sifflet 
était  en  usage  à  Ténériffe.  11  serait  donc  en  régression  aujour- 
d'hui, disparaissant  avec  le  genre  de  vie  et  les  conditions  du 
milieu  qui  lui  avait  donné  naissance.  Les  langues,  on  le  sait, 
naissent,  s'épanouissent,  se  transforment  et  meurent,  comme 

*  Viera  y  Clavijo,  etc. 

«  Chil,  Estudios. 

>  Bouquet  de  la  Grye,  Annuaire  du  Bureau  des  hngiludest  1889. 


488  8ÉANC6  DU  2   JUILLET  i89i, 

lei  étre9  vivants*  Englobé  dans  la  synthèse  générale  de  révo- 
lution qui  embrasse  toute  chose,  le  langage  sifflé  disparaît 
de  cette  manière.  Répandu  autrefois  dans  Tarchipel,  il  est 
confiné  aujourd'hui  dans  deux  îles.  Tout  en  se  tenant  en 
garde  contre  les  relations  des  chroniqueurs,  moines  ou  flibus» 
tiers,  on  doit  regarder  comme  probable  qu'il  fût  là  d'un 
usage  général,  à  Ténériffe  surtout,  tout  au  moins  dans  une 
partie  de  la  population.  Deux  ou  trois  races  vivaient  côte  h 
côte  ;  il  existait  des  castes,  La  race  primitive  semblait  avoir 
subi  un  mouvement  de  recul  vers  les  îles  les  plus  éloignées 
du  continent.  C^est  là  qu'on  le  retrouve  aujourd'hui,  à  la 
Gomére  et  à  Tile  de  Fer.  C'est  aussi  là  qu'on  a  trouvé  jus- 
qu'ici, dans  les  recherches  craniologiques,  le  moins  d'imnii* 
grants  sémites. 

Le  langage  sifflé  des  Canaries  n^est  pas  un  fait  isolé.  Nous 
avons  vu  qu'il  n'est  pas  particulier  au  point  de  vue  linguis* 
tique,  car  c'est  de  l'espagnol.  Le  serait-il  davantage  dans 
^es  rapports  avec  l'ethnologie?  Il  n'en  est  rien  très  probable- 
IQA^nt,  $1  d'un  côté  ses  relations  avec  les  Guancbes  sont  évi«- 
deutes,  il  se  rencontrOj  d'autre  part,  ailleurs,  en  différents 
endroits,  à  l'état  rudimentaire  il  est  vrai,  mais  avec  le  mômo 
mécanisme.  Je  me  propose  de  le  démontrer  dans  la  prochaine 
séance. 

Le  langage  sifflé  peut  prêter  à  un  autre  rapprochement^  à 
mon  avis  plus  important.  Là  où  il  se  rencontre,  il  se  trouve 
admirablement  en  rapport  avec  la  nature  du  sol,  les  hommes 
qui  le  peuplent  et  leur  genre  de  vie.  On  connaît  les  volcans 
des  Canaries,  hautes  montagnes,  ravins  profonds  taillés  à 
pic.  Les  habitations,  le  plus  souvent,  s'accrochent  à  des  sur-a- 
plombs, quelquefois  simples  cavernes  ou  grottes  creusées 
dans  les  tufs  ponceux,  superposées  sur  la  même  paroi  abrupte, 
avec  des  sentiers  étroits  pour  unique  accès.  Il  faut  se  faire 
entendre  à  distance,  et  rien  n'est  plus  commode  que  le  sifflet. 
Pour  traverser  un  barranco,  le  chemin  est  long  à  parcourir. 
Le  plus  souvent  il  faut  de  longs  détours,  on  marche  pendant 
des  heures:  quelques  coups  de  sifflet suUisent  pour  çommu- 


DISCUSSION   SUR  LA   NATALITÉ  EN   FnANCE.  483 

niqucr  d'un  bord  à  Tautre.  Là  où  les  déplacements  sont 
faciles,  le  langage  sifflé  est  inutile  et  il  n'existe  pas.  Aux 
Canaries,  il  peut  rendre  des  services,  il  s'y  montre  et  persiste, 
témoin  de  Tinfluence  du  milieu  et  de  Tuniversalité  des  lois 
de  la  nature. 

Enfin,  tout  en  le  maintenant  dans  les  limites  où  nous 
l'avons  placé,  on  peut  dire  qu'il  étend,  dans  une  cçrtainc 
mesure,  la  notion  du  langage.  A  côté  du  cri  et  de  la  parole, 
oq  trouve  quelque  chose  de  distinct  :  le  sifnet. 

Discussion. 

M.  HovELACQUE  fait  observer  qu'il  résulte  de  cette  commu- 
nication que  le  langage  sifflé  n'a  rien  de  conventionnel.  Sous 
le  sifflement,  on  retrouve  les  syllabes  mômes  de  la  langue 
parlée.  On  les  porte  seulement  plus  loin,  à  une  grande  dis- 
tance, au  détriment  toutefois  de  leur  netteté  et  do  leur  intel- 
ligibilité. Si  nous  connaissions  à  Tavance  les  mots  qui  vont 
être  prononcés  en  sifflant,  nous  les  reconnaîtrions  sous  leur 
forme  sifflée.  Ce  qui  permet  aux  Canariens  de  comprendre 
assez  facilement  ce  langage,  c'est  qu'il  n'est  employé  que 
dans  un  petit  nombre  d'occurrences,  toujours  les  mêmes,  de 
la  vie  la  plus  usuelle  des  montagnards. 

SnlCe  de  la  diseassion  sur  la  natalité  en  Franee. 

La  théorie  de  la  natalité 
et  l'ur^enee  de  la  eontrùler  par  les  faits; 

PAR    &I.    ARSÈNE   DUUONT. 

Les  principales  explications  de  l'abaissement  de  la  natalité 
française  qui  ont  été  avancées  jusqu'à  ce  jour  se  ramènent 
à  trois  :  on  en  a  cherché  la  cause  dans  des  faits  d'ordre  éco- 
nomique, d'ordre  physiologique  et  d'ordre  mental. 

Pendant  très  longtemps,  la  faiblesse  de  la  natalité  et  de  la 
nuptialité  a  été  universellement  considérée  comme  un  effet 
de  la  misère.  Aujourd'hui  et  surtout  en  France,  elle  paraît 


484  SÉANCE  DU  2  JUILLET   1891. 

plutôt  Hée  à  la  possession  de  la  fortune.  On  admet  générale- 
ment que,  par  tout  pays,  c'est  la  misère  qui  est  féconde  et 
la  richesse  qui  est  stérile.  Toutes  les  aristocraties  se  sont 
éteintes  par  suite  d'une  reproduction  insuffisante  et^  dans 
les  grandes  villes,  ce  sont  les  quartiers  opulents  qui  ont  le 
moins  d'enfants,  les  quartiers  pauvres  qui  en  ont  le  plus. 

A  la  vérité,  les  années  de  disette  et  de  guerre  sont  habi- 
tuellement des  années  de  faible  nuptialité  et  de  faible  nata- 
lité. C'est  un  fait  que  l'on  peut  observer  dans  tous  les  grands 
États  européens.  Mais  les  mariages  différés  se  font  une  ou 
deux  années  plus  tard,  et  la  nuptialité  de  la  décade  non  plus 
que  la  natalité  n'en  est  pas  sensiblement  modifiée. 

J'ai  pu  saisir  le  déterminisme  de  ces  faits  dans  une  collec- 
tivité assez  restreinte  pour  être  accessible  à  Tobservalion 
directe. 

Dans  le  canton  de  Fouesnant  (Finistère),  on  dit  couram- 
ment :  «  Année  de  pommes,  année  de  mariages.  »  Le  cidre, 
qui  est  excellent  et  se  vend  très  cher,  est  le  principal  objet 
d'exportation  de  ce  pays  généralement  très  pauvre.  S'il  est 
abondant,  il  a  pour  effets  :  aisance,  amélioration  de  Tordi- 
naire,  gaieté^  confiance  dans  l'avenir  et,  finalement,  nuptia- 
lité élevée  ;  s'il  fait  défaut,  il  s'ensuit  :  gène,  tristesse,  isole- 
ment et,  finalement,  rareté  des  mariages.  Cependant,  en 
dépit  de  ces  modifications  annuelles,  la  nuptialité  générale, 
prise  décade  par  décade,  demeure  extrêmement  élevée.  Une 
année  malheureuse  ne  fait  que  retarder  les  mariages,  qui 
deviennent  d'autant  plus  nombreux  dès  que  la  prospérité 
renaît.  Elle  agit  comme  une  pierre  tombant  dans  une  pièce 
d'eau  paisible,  qui  détermine  des  ondulations  à  la  surface, 
mais  n'en  change  pas  le  niveau. 

Le  taux  général  de  la  nuptialité  et  de  la  natalité  dépend 
de  causes  qui,  elles  aussi,  sont  générales  et  beaucoup  plus 
profondes.  Nous  pouvons,  en  conséquence,  continuer  à  tenir 
pour  seul  vrai  ce  fait  d'expérience.  La  misère  élève  très  cer- 
tainement la  mortalité  ;  mais  ce  n'est  pas  elle  qui  engendre 
rabaissement  de  la  natalité;  tout  au  contraire^  une  natalité 


DISCUSSIOiN   SUR   LA   NATALITÉ   EN   FRANCE.  485 

élevée  coïncide  ordinairement  avec  la  misère,  une  natalité 
faible  ou  médiocre  avec  la  richesse. 

Ajoutons,  dès  maintenant,  que  la  richesse  n'agit  sur  la  na- 
talité que  par  l'intermédiaire  d'une  énorme  quantité  d'idées, 
d'appréciations  et  de  tendances,  constituant  cet  ensemble 
complexe  que  l'on  nomme  la  culture  civilisée,  et  dont  l'adop- 
tion par  une  famille  est  la  conséquence  habiluelle  de  son 
élévation  à  la  fortune. 

Pour  M.  Fauvelle,  la  cause  de  rabaissement  de  la  natalité 
est  due  à  l'état  physiologique  de  la  population.  «  C'est,  dit-il 
avec  raison,  commettre  une  erreur  que  de  prétendre  que, 
dans  l'union  des  sexes,  la  fécondité  est  sous  la  dépendance 
absolue  de  la  volonté.  Dans  l'état  d'intégrité  physiologique, 
qui  est  celui  de  la  classe  ouvrière,  calculs  et  raisonnements 
perdent  leur  pouvoir,  les  résolutions  les  mieux  arrêtées  et 
les  mieux  motivées  s'oublient  toujours  à  un  moment  donné. 
Ils  n'exercent  leur  mauvaise  influence  que  parmi  la  classe 
bourgeoise,  énervée  par  une  vie  artificielle,  Tabsence  d'ac- 
tivité musculaire  et  la  prédominance  de  l'activité  nerveuse. 
L'amour  pleinement  conscient  devient  analyseur  et  libertin, 
et  par  suite  infécond,  quand  il  lui  plaît. 

Le  travail  manuel  et  l'ignorance,  une  conscience  un  peu 
somnolente,  apparaissent  donc  à  la  fois  comme  la  sauvegarde 
et  l'explication  de  la  fécondité  populaire.  La  richesse,  le  tra- 
vail intellectuel,  l'empire  sur  soi  et  le  pouvoir  de  gouverner 
tous  ses  actes  par  sa  volonté  sont  les  conditions  dans  les- 
quelles la  natalité  s'abaisse.  Je  dis  les  conditions  et  non  les 
causes. 

Les  pauvres  ont  des  raisons  puissantes  de  vouloir  être  sté- 
riles, et  la  bourgeoisie  semble  n'avoir  que  des  raisons  moin- 
dres. Cependant,  ce  sont  les  pauvres  qui  restent  féconds, 
parce  qu'ils  ne  font  pas  ce  qu'ils  veulent,  et  c'est  la  classe 
cultivée  qui  est  inféconde,  parce  qu'elle  ne  fait  communé- 
ment que  ce  qu'elle  veut.  Qu'en  conclure,  sinon  que  c'est  la 
volonté  qui  est  bien  véritablement  la  cause  de  l'abaissement 
de   la  natalité,  ou,  plus  exactement  encore,  les  idées  qui 


486  SÉANCE  DU   2  JUILLET   1891. 

déterminent  la  volonté,  les  circonstances  d*ordre  mental, 
intellectuel,  moral  et  esthétique? 

La  pauvreté  et  ses  suites  babiluelles,  ignorance  et  tra- 
vail musculaire,  préservent  la  natalité,  comme  le  froid  pré- 
serve les  viandes  de  la  putréfaction;  mais  la  richesse, le  tra* 
vail  intellectuel  et  l'empire  sur  soi  ne  sont  pas  plus  les  causes 
de  rabaissement  de  la  natalité  que  la  chaleur  n'est  la  cause 
de  la  fermentation.  L'élévation  de  la  température  n'est  que 
la  condition  indispensable  et  bienfaisante  sans  laquelle  ni  la 
végétation,  ni  les  ferments  utiles,  ne  se  produiraient.  De 
même,  la  richesse,  Tinstruction,  le  travail  intellectuel,  sont 
utiles  et  indispensables  au  progrès.  Nul  peuple  ne  se  con- 
damnera à  perpétuité,  dans  le  but  de  rester  fécond^  à  de- 
meurer pauvre,  ignorant,  barbare.  Une  telle  vision  a  pu 
hanter  la  cervelle  des  Lyourgues  antiques  au  temps  où  les 
cités  demandaient  aux  philosophes  de  leur  donner  des  lois^ 
et  elle  traversait  encore  l'imagination  de  Juvénal  ;  mais  elle 
est  complètement  évanouie  aujourd'hui.  Il  faudra  de  toute 
nécessité  trouver  quelque  autre  remède.  Il  faudra  que  U 
volonté  individuelle  apprenne  à  vouloir  ce  qui  est  conforme 
aux  vœux  de  la  nature  et  au  bien  de  l'espèce,  et  il  faudra, 
d'autre  part,  qu'on  mette  l'individu  dans  de  telles  conditions 
qu*il  puisse  vouloir  ainsi  sans  déployer  un  héroïsme  sur- 
humain.  11  faudra  parvenir  à  la  détermination  rigoureuse, 
puis  à  l'élimination  du  principe  toxique  contenu  dans  la  civi- 
lisation, principe  contenu  à  la  fois  dans  le  catholicisme  e1 
dans  l'hellénisme,  d'après  lequel  l'individu  est  tout  com- 
plet qui  se  suffit  à  lui-même  et  qui  a  pour  fin  dernière  soc 
bonheur  personnel.  A  ce  principe  malfaisant,  il  faudra  qu'on 
substitue  celui-ci  :  l'individu  n'a  pas  son  but  en  lui-même  i 
mais  en  ce  qui  vaut  mieux  que  lui-même,  la  famille,  la  pa< 
trie,  la  science,  forme  suprême  de  Tal truisme. 

Cette  troisième  théorie  n'est  pas  en  contradiction  avec  la 
seconde  ;  rinfluence  du  milieu  externe  ou  social  n'est  nulle- 
ment exclusive  de  l'influence  du  milieu  interne  ou  physiolo- 
gique. La  natalité  résulte  bien  certainement  de  deux  com< 


DISCUSSION  sua  I«.i  NATAUTÉ  KN  FRANCS.  487 

posantes,  l'une  organique,  Tautre  collective.  Quelle  que  soU 
celle  des  deux  dont  on  affirme  l'action,  on  ne  se  trompe 
point,  et  Ton  n'aurait  tort  qu*en  refusant  de  tenir  compte  da 
l'une  ou  de  Tautre.  L*6tat  physiologique  de  Tindividu  joue 
son  rôle  ;  mais  la  civilisation  joue  aussi  le  sien,  qui  est  le  plus 
important.  Il  est  bien  vrai  qu'on  supposant  l'individu  doué 
d*une  résistance  suffisante  à  Tinfluenoe  du  milieu  externe, 
celui-ci  n*aurait  aucune  mauvaise  conséquence.  Mais  si  ce 
milieu  pousse  énergiquement  h  la  limitation  volontaire  de  la 
fécondité,  il  y  aura  toujours  un  grand  nombre  d'individus 
qui  la  limiteront.  Pour  qu'un  homme  soit  atteint  des  fièvres 
paludéennes,  il  faut  deux  choses  :  1^  qu'il  soit  en  état  de  ré* 
ceptivité,  c'est-à-dire  que  rien  en  lui  ne  s'oppose  à  ce  qu'il 
les  contracte  ;  2**  qu'il  existe  dans  le  pays  qu'il  habite  des 
miasmes  capables  de  développer  les  fièvres.  Si  ces  miasmes 
existent,  il  y  aura  toujours  un  certain  nombre  d'individus 
qui  gagneront  les  fièvres  ;  car  l'immunité  n'est  jamais  que 
l'exception.  La  réceptivité^  au  contraire,  pourrait  exister 
indéfiniment  sanç  conséquences  f&cheuses,  si  les  miasmes 
n'existaient  pas  dans  le  milieu  externe. 

A  la  chaleur  du  bien-ôtre  et  grAce  à  une  culture  mentale 
intense,  la  civilisation  développe  l'esprit  d'analyse,  l'empire 
sur  soi  et  le  pouvoir  de  ne  faire  que  ce  que  Ton  veut.  Il  sera 
donc  toujours  rare,  ou  du  moins  exceptionnel,  que  des  époux 
très  cultivés,  même  en  possession  de  a  leur  intégrité  phy« 
siologique  » ,  y  puisent  une  immunité  complète  contre  les 
influences  du  milieu  social  qui  sont  contraires  à  la  natalités 

C'est  donc  ce  milieu  externe  qu'il  faut  étudier  et  modifieri 
assainir  par  des  lois.  La  civilisation  est  bonne  dans  son  en^ 
semble;  mais  le  principe  toxique  qu'elle  contient  doit  être 
isolé  et  éliminé.  Si  difficile  que  paraisse  cette  tâchOj  elle  n'est 
pas  impossible^  pourvu  que  le  législateur  soit  assez  babilQ 
pour  donner  à  la  science  sociale  les  moyens  de  déterminer 
avec  précision  le  mal,  ses  causes  et  ses  remèdes. 

Quant  &  présent,  la  sociologie  n'est  pas  assez  avancée  pour 
que  les  nations  puissent  exercer  sur  elles-mêmes  une  telle 


■i 


488  SÉANCE   DU  2   JUILLET  1891. 

action  modificatrice.  Jusqu'ici,  toutes  les  populations  richei 
sont  allées  à  la  corruption,  toutes  les  aristocraties  se  son! 
éteintes  par  excès  des  décès  sur  les  naissances,  de  même  qn( 
tous  les  bourgeois  pensant  noblement  et  tous  les  plébéiens 
pensant  bourgeoisement.  Les  quelques  exceptions  qne  j'ai 
citées  ailleurs  s'expliquent  d'elles-mêmes  et,  d'ailleurs^  ne 
sont  que  passagères.  Au  contraire,  toutes  les  nations  qui  ont 
conservé  une  natalité  élevée  le  doivent  à  la  pauvreté, comme 
les  viandes  gelées  doivent  leur  conservation  au  froid  qui 
empêche  l'évolution  des  germes. 

Cette  assertion  veut  être  expliquée.  Il  est,  en  effet,  des 
villes,  des  départements,  des  États,  qui  sont  universellemenl 
regardés  comme  riches  et  qui,  cependant,  ont  conservé  leui 
natalité;  mais  la  solution  de  cette  difficulté  apparente  esl 
facile.  Il  est  des  pays  économiquement  riches  qui  se  compor 
tent,  au  point  de  vue  démographique,  à  peu  près  comme 
s'ils  ne  contenaient  que  des  pauvres. 

En  réalité,  il  n'y  a  point  de  circonscription  territoriale  de 
quelque  étendue  qui  n'ait  en  proportion  très  variable  des 
pauvres,  des  gens  aisés  et  des  riches.  Au  point  de  vue  de  la 
natalité,  ces  deux  dernières  catégories  se  confondent  en  une 
seule  :  car  les  familles  aisées  aspirent  à  la  condition  des  fa- 
milles riches,  les  imitent  autant  qu'elles  peuvent  dans  leurs 
manières  de  sentir,  de  penser  et  d'agir;  elles  n'ont  qu'une 
aspiration,  qui  est  de  monter  au  même  rang,  au  même  genre 
et  au  même  degré  de  culture  mentale,  et  elles  ont  même  na- 
t€tlité.  Les  vrais  pauvres,  se  laissant  vivre  au  jour  le  jour, 
sans  entrevoir  la  possibilité,  pour  eux  ou  pour  leurs  enfants, 
de  s'élever  au  sort  des  classes  supérieures,  ont  d'autres 
appréciations  sur  toutes  les  choses  de  la  vie,  d'autres  mœurs, 
d'autres  goûts.  Ils  diffèrent  autant  au  point  de  vue  ethno- 
graphique qu'au  point  de  vue  économique,  et  ils  ont  une 
natalité  élevée. 

Mais  les  habitants  riches,  même  unis  à  la  classe  aisée^  ne 
forment  quelquefois  qu'une  fraction  de  la  population  totale 
trop  faible  pour  modifier  sérieusement  les  phénomènes  dé- 


DISCUSSION   SUR   LA  NATALITÉ  EN  FRANCE.  489 

mographiqiies.  Celle  minorité,  si  elle  compte  beaucoup  de 
millionnaires,  suffit  pour  faire  considérer  le  pays  comme 
riche  ;  mais  elle  n'en  est  pas  moins  noyée  dans  la  masse 
pauvre. 

Supposons  dans  une  même  circonscription  l'existence  si- 
multanée de  deux  classes  sociales,  présentant  deux  manières 
de  vivre  tranchées  et  formant  une  antithèse  violente.  L'une 
de  ces  classes  sera  riche  ou  aisée  et  très  peu  féconde  :  sa 
nuptialité  sera,  par  hypothèse,  de  6  mariages,  et  sa  nata- 
lité de  i5  naissances  pour  1  000  habitants  ;  l'autre  sera  très 
pauvre  et  très  féconde,  avec  une  nuptialité  de  9  mariages 
et  une  natalité  de  45  naissances  par  1000  habitants.  Ces 
chiffres  n'ont  rien  d'invraisemblable.  D'une  part,  en  efTet, 
on  a  vu  la  natalité  pour  1 000  s'élever  à  49  et  50,  en  Russie. 
En  France,  j'ai  observé  un  cas  de  47  naissances  pour  1 000  ha- 
bitants, natalité  moyenne  de  sept  années,  dans  la  commune 
de  la  Forêt  (i  700  habitants),  canton  de  Fouesnant  (Finis- 
tère), et  de  nombreux  cas  de  40  à  45  dans  le  même  canton 
et  dans  celui  de  Lillebonne  (Seine-Inférieure).  D'autre  part, 
il  est  encore  plus  facile  de  trouver  en  France  des  popula- 
tions ou  la  natalité  descend  à  15  naissances  pour  1 000  habi- 
tants et  même  au-dessous.  C'est  le  cas  des  six  quartiers  de 
Paris  les  moins  féconds,  où  la  natalité  varie  entre  14,4,  à 
Saint-Thomas-d'Aquin,  et  10,3,  dans  le  quartier  delà  Porte- 
Dauphine.  J'ai  constaté  moi-même  un  cas  de  natalité  de 
10  pour  i  000  habitants,  moyenne  de  dix  ans,  dans  la  com- 
mune de  Saint-Contest  (Calvados).  Les  communes  dans  ce 
cas  doivent  être  très  nombreuses  dans  l'Eure,  l'Orne,  le  Gers, 
étant  donnée  la  natalité  moyenne  de  ces  départements. 

Dans  la  circonscription  que  nous  imaginons,  supposons  que 
la  fraction  de  la  population  riche  et  stérile  forme  1  dixième 
de  la  population  totale  ;  la  natalité  générale  sera  encore 
de  42  et  la  nuptialité  de  8,7.  Si  la  classe  riche  ou  aisée  forme 
2  dixièmes  de  la  population  totale  et  la  classe  pauvre  les 
8  autres  dixièmes,  la  natalité  sera  encore  de  39  et  la  nuptia- 
lité de  8,4.  Si  la  classe  riche  forme  3  dixièmes  et  la  classe 


490  9^.ANCK  DU  2  JUILLET   1891. 

pauvre  7  dixièmes  de  la  population  totale,  la  natalité  ser 
encore  de  36  et  la  nuptialité  de  8,i .  Avec  4  dixièmes  de  clafi9« 
riche  et  6  dixièmes  de  classe  pauvre,  la  natalité  sera  de  3i 
et  la  nuptialité  de  7,8)  etc.  On  voit  que,  pour  chaque  dixièm 
de  population  riche  et  stérile,  la  natalité  et  la  nuptialité  gé 
nérales  s'abaisseront,  non  pas  de  1  dixième  de  leur  chifin 
total,  mais  seulement  de  1  dixième  de  la  différence  exislan 
entre  le  nuptialité  et  la  natalité  de  la  classe  riche,  d'une  part 
la  nuptialité  et  la  natalité  de  la  classe  pauvre,  de  Tautre.  Oi 
peut,  en  conséquence,  construire  le  tableau  suivant,  conte 
nant  la  natalité  et  la  nuptialité  d'une  population  idéale  com 
posée  de  onze  mélanges  ou  types  différents  des  deux  classée 
l'une  riche  et  l'autre  pauvre^ 

De  ta  âécroissanee  à»  la  nuptiaUté  et  de  la  natalité  dans  uHê  population  idia 
de  1 000  habitante^  A  mêêUre  quê  M'aoùToU  la  proportion  des  habitanls 

riches  ou  aisés. 


Numéro 

des  types 

d«  population  1 

PfoportioB 
des  riches. 

en  dixièmes 
des  panvres. 

Nuptialité. 

Nat&liié. 

10 

0 

iO 

9 

45 

20 

1 

9 

8,7 

42 

3» 

t 

8 

8.4 

89 

4<» 

3 

7 

8,1 

30 

5» 

4 

C 

7.8 

83 

6» 

5 

5 

7.5 

30 

7» 

G 

4 

7,2 

27 

8* 

7 

3 

6.9 

24 

90 

8 

2 

6.6 

21 

lOo 

9 

1 

0,3 

18 

11» 

10 

0 

G.O 

15 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  premier  de  nos  onze  types  d 
population  se  trouve  réalisé  en  Russie.  Il  est  certain  qu*e 
Russie  la  classe  riche  ou  aisée  est  noyée  dans  la  masse  colo< 
saie  des  paysans  à  peine  émancipés  du  servage  ;  et  quant  à  1 
commune  de  la  Forêt,  il  existe,  à  la  vérité,  un  petit  nombr 
de  familles  riches  ou  aisées,  mais  elles  ont  continué  à  vivr 
et  à  penser  comme  les  pauvres  et,  par  suite,  sont  féconde 
comme  eux. 

Le  deuxième  type  se  trouve  réalisé  dans  le  canlon  de  Lil 


DISCUSSION   SUR   LA   NATALITÉ   EN   FRAN'CE.  ^91 

lebonnc,  où,  sur  14  000  habitants  environ,  il  n'y  en  a  pas 
plus  de  1  400  qui  soient  riches  ou  aisés.  Quelle  que  soit  Topu* 
lence  d'un  petit  nombre  de  familles  qui  fait  considérer  ce 
pays  comme  riche  au  point  de  vue  économique,  la  popula- 
tion ne  peut  se  comporter,  au  point  de  vue  démographique^ 
autrement  qu'une  population  pauvre. 

Le  troisième  type,  comprenant  i  cinquième  de  population 
riche  ou  aisée  et  4  cinquièmes  de  population  pauvre,  corres- 
pond  assez  bien  à  la  Prusse,  où  la  natalité  était  encore  de  39 
à  40  il  y  a  douze  à  quize  ans,  et  au  quartier  du  Père-Lachaise, 
à  Paris.  Il  n'est  pas  impossible  que,  dans  ce  quartier,  il  y  ait, 
en  effet,  4  cinquièmes  de  prolétaires  vivant  au  jour  le  jour, 
sans  espoir  de  s'élever  jamais  à  une  condition  supérieure, 
préférant  Targot  au  français,  tournant  résolument  le  dos  à 
a  civilisation  aristocratique  et  bourgeoise. 

Le  quatrième  type,  comprenant  3  dixièmes  de  population 
riche  ou  aisée  et  7  dixièmes  de  population  pauvre,  corres» 
pond  assez  bien  à  l'Angleterre  pendant  les  années  1879-1880 
et,  chez  nous,  aux  villes  de  Lille  et  du  Havre,  où  la  natalité 
est  de  37  et  de  35,5,  et  aux  quartiers  parisiens  du  Pont'^de^ 
Flandre  et  de  la  gare  d'Orléans. 

Le  type  n®  5,  comprenant  2  cinquièmes  de  population  riche 
ou  aiséfî  et  3  cinquièmes  de  population  pauvre  vivant  au  jour 
le  jour,  correspond  à  la  France  de  4801-1810,  où  la  natalité 
était  de  32,9  et  la  nuptialité  de  7,8.  Il  correspond  à  peu  près, 
aujourd'hui,  aux  quartiers  parisiens  de  Javel,  de  la  Maison- 
Blanche  et  de  la  Chapelle,  où  la  natalité  varie  de  32,3 
à  32,  7. 

Le  type  n°  6,  présentant  une  moitié  de  population  riche  ou 
aisée  et  une  moitié  de  population  pauvre,  correspond  à  la 
France  de  1821-1830,  où  la  natalité  était  de  30,6.  Elle  cor- 
respond à  peu  près  (1  l'état  actuel  des  villes  de  Rouen, 
d'Amiens  et  de  Marseille. 

Le  type  n"  7,  avec  4  dixièmes  seulement  de  pauvres  vivant 
au  jour  le  jour,  correspond  à  peu  près  à  la  France  de  I8il« 
1850  et  au  Paris  actuel. 


492  SÉANCE   DU   2  JUJLLET    1891. 

Le  type  n**  8,  avec  3  dixièmes  seulement  de  pauvres  vivant 
au  jour  le  jour,  correspond  à  peu  près  à  la  France  actuelle, 
où  la  natalité  était  récemment  encore  de  24  naissances 
pour  1000  habitants.  Il  est  à  remarquer  que  ce  qu'il  y  a  de 
conjectural  dans  ce  parallélisme  ne  tient  nullement  à  la  sta- 
tistique humaine,  mais  seulement  à  Timperfection  de  la  statis« 
tique  économique,  qui  ne  nous  permet  pas  d'affirmer  avec 
certitude  qu'il  y  ait  aujourd'hui  en  France  7  dixièmes  d'habi* 
tants  riches  ou  aisés,  tandis  qu'il  n'y  en  avait  que  4  dixièmes 
au  commencement  du  siècle.  Mais  tout  se  passe  comme  s'il 
en  était  ainsi,  et  Ton  sait  que,  depuis  le  commencement  du 
siècle,  les  progrès  de  l'aisance  ont  été  très  rapides. 

Les  trois  derniers  types  de  population  se  rencontreraient, 
aisément  réalisés  à  un  grand  nombre  d'exemplaires,  dans 
nos  départements  et  nos  petites  villes  à  natalité  faible,  qui 
ont  généralement,  on  le  sait,  une  très  grande  majorité  d'ha- 
bitants aisés  ou  passant  comme  tels,  vivant  en  petits  rentiers, 
restreignant  leurs  dépenses,  atrophiant  leurs  facultés  et  se 
gardant  comme  d'un  déshonneur  de  demander  à  un  supplé- 
ment de  travail  un  supplément  de  ressources.  La  natalité  de 
ces  derniers  descend  bien  au-dessous  de  15  ;  en  réalité,  elle 
est  souvent  nulle,  et  c'est  pourquoi,  dans  des  communes  et 
des  quartiers  où  il  existe  encore  nécessairement  quelques 
familles  fécondes,  la  natalité  peut  ne  pas  dépasser  15  pour 
1000  habitants. 

Sans  doute,  ces  types  idéaux  ne  se  trouvent  jamais  exac- 
tement réalisés.  Il  y  a  toujours  un  certain  nombre  de  familles 
riches  ou  aisées  qui  ont  de  nombreux  enfants  ou  une  fécon- 
dité moyenne.  Cependant,  d'une  façon  générale,  ils  forment 
la  maquette  de  la  réalité.  En  effet,  s'il  existe,  entre  les  plus 
pauvres  et  les  plus  riches,  une  infinité  de  degrés  intermé- 
diaires et  tous  occupés,  il  n^en  est  pas  ainsi  lorsqu'il  s'agit 
de  l'aspiration  de  l'individu  vers  son  développement  person- 
nel ;  il  la  ressent  ou  ne  la  ressent  pas  et  quelquefois  c'est  sur 
les  limites  mêmes  de  la  pauvreté  et  de  l'aisance  qu'il  la  res- 
sent avec  le  plus  de  force.  Michelet,  qui,  en  fait  d'observa* 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ   EN  FRANCE.  493 

tion  sociale,  a  toujours  montré  une  incomparable  pénétration, 
parce  qu'il  y  mettait  une  incomparable  sympathie,  remarque, 
à  propos  de  lui-même,  u  que  le  plébéien  met  le  but  plus  haut 
que  Tétudiant  bourgeois  » ,  Le  désir  de  s'élever,  pour  peu  qu'il 
ose  se  produire,  est  d'autant  plus  dévorant,  par  suite,  d'an* 
tant  plus  stérilisant,  qu'il  se  produit  dans  une  classe  plus 
humble.  Au  contraire,  le  véritable  prolétaire,  Touvrier  d'usine, 
le  paysan  breton,  le  marin  adonné  à  la  pèche,  qui  n'ambi« 
tionne  pour  lui  et  pour  ses  enfants  rien  de  plus  que  sa  situation 
actuelle,  reste  fécond,  car,  en  toutes  circonstances,  l'effort 
fait  par  la  race  vers  son  développement  en  nombre  est  en 
raison  inverse  de  l'effort  fait  par  Tindividu  vers  son  déve- 
loppement en  valeur  ou  en  jouissance. 

Si  notre  natalité  est  moindre  aujourd'hui  qu'il  y  a  quatre-* 
vingts  ans,  ce  n'est  pas,  on  le  sait  assez,  qu'elle  se  soit  abais- 
sée uniformément  dans  toutes  les  familles,  les  nombreuses 
familles  de  sept  enfants  et  plus  le  prouvent  suffisamment; 
c'est  que  le  nombre  des  familles  ayant  de  l'aisance,  partici- 
pant à  la  civilisation,  entraînées  dans  le  mouvement  ascen- 
dant de  la  capillarité  sociale,  est  allé  s'accroissant. 

D'autre  part,  notre  civilisation  n'est  pas  plus  toxique  au- 
jourd'hui qu'au  commencement  du  siècle  ou  aux  siècles  pré- 
cédents. «  A  la  cour  comme  à  la  ville  »,  sous  Louis  XIV  ou 
sous  Louis  XV,  elle  était  tout  aussi  stérilisante  ;  ses  principes 
d'individualisme  à  outrance,  d'après  lesquels  l'individu  a 
son  but  en  soi,  ont  toujours  été  les  mêmes  en  Occident,  et 
toujours  elle  a  tué  les  classes  sociales  qu'elle  a  pénétrées. 
Mais,  il  y  a  un  siècle  ou  deux,  on  ne  voyait  pas  encore  le 
mal  qu'elle  faisait,  parce  qu'elle  n'atteignait  qu'une  fraction 
numériquement  faible  de  la  nation  qui,  dans  son  ensemble, 
se  comportait  encore  comme  une  population  démographique- 
ment  pauvre.  Si  la  civilisation  est  devenue  de  plus  en  plus 
une  cause  d'oliganthropie,  c'est  qu'elle  s'est  de  plus  en  plus 
répandue  ;  l'aisance  s'est  vulgarisée,  le  droit  de  suffrage  et 
l'admissibilité  de  tous  les  citoyens  aux  emplois  ont  fait  de 
.  la  France  une  démocratie  ploutocratique.  On  peut  évaluer 

T.  ti  (4«  série).  32 


4fi4  SÉANCfi  DU  2  JUILLET  i89i. 

qu1ly  fëfiie  encore  3  dixièmes  de  prolétaires  qui  soutiennent 
par  leur  fécondité,  le  niveau  de  la  natalité  générale.  Si  lei 
tueë  qui  précèdent  ont  quelque  justesse,  il  est  plus  que  pro 
bable  qu'avec  rextinclion  complète  de  notre  quatrième  état 
la  natalité  française  descendrait  à  15  ou  46  naissances  poai 
1000  habitants. 

Bi  cette  tnanière  de  concevoir  le  rapport  existant  entre  h 
développement  de  Faisanœ  générale,  raccroissement  di 
nombre  des  civilisés  ou  aspirant  à  la  civilisation,  et,  d*aatn 
parti  les  progrès  de  Toliganthropie  française,  était  accuséf 
d*étre  trop  hardie  ou  trop  conjecturale,  le  reproche  me  pa- 
ralU*ait  peu  grave*  Hypothèses  et  théories  sont  destinées  c 
être  éprouvées  par  le  contrôle  des  faits»  Il  faut  les  imagine) 
avec  abondance  et  les  abandonner  avec  facilité.  Leur  rôh 
est  de  provoquer  à  la  recherche  de  faits  nouveaux  oeux  qu 
veulent  les  renverser  et  oeux  qui  veulent  les  défendre  ;  c'es 
là  leur  principale  utilité  et  leur  plus  grand  méritoi 

Toute  science,  pour  se  constituer,  dit*on,  doit  passer  nôcea 
sairement  peu*  quatre  périodeSé 

D'abord,  c'est  une  simple  collection  de  faits  découvert 
par  un  ou  plusieurs  chercheurs  et  assemblés  au  hasard,  sani 
une  idée  générale  qui  leur  sei^ve  de  lien. 

Plus  tard,  on  essaye  une  théorie  de  ces  faits  :  c'est  um 
synthèse  provisoire  qui  doit  être  très  ample,  mais  qui»  for- 
cément, reste  un  peu  vague.  Elle  ne  peut  devenir  scienci 
que  quand  il  a  été  prouvé  qu'elle  n'est  en  contradiction  ave< 
aucun  fait  et  qu'elle  s'accorde  avec  tous. 

La  troisième  phase  comporte  l'étude  détaillée>  méthodiqut 

et  complète  de  tous  les  faits  pouvant  servir  à  infirmer  oi 
confirmer  les  théories  mises  en  avant. 

Enfin  se  forme  la  synthèse  définitive,  à  la  fois  très  amph 
et  très  précise. 

Il  semble  bien  qu'en  ce  moment  ce  qui  sera  un  jour  h 
science  de  la  natalité  en  est  à  la  seconde  de  ces  quatre  pé- 
riodes. L'état  d'avancement  de  nos  connaissances  démogra* 
phiques  ne  permet  pas  de  faire  encore  autre  chose  qu'une 


DISCUSSION  SUR  LA   NATALITÉ   EN  FRANCE.  499 

théorie  de  la  natalité.  Celle  que  j'ai  essayée  ne  se  donne 
elle-même  que  pour  une  hypothèse  provisoire,  en  attendant 
une  connaissance  plus  complète  des  faits. 

Je  voudrais  montrer  qu'il  est  urgent  de  passer  au  plus  vite 
de  la  période  des  systématisations  provisoires  dans  celle  de 
rinventaire  méthodique  et  complet  des  faits  relatifs  à  la  nata- 
lité. L'abus  des  théories  est  un  danger  pour  une  science  nais- 
sante ;  comme  elles  procurent  à  Tesprit  une  demi-satisfao- 
tion,  il  est  à  craindre  qu'il  ne  s'en  contente.  Alors  foisonnent 
les  appréciations,  les  considérations,  les  affirmations  plau- 
sibles et  sans  preuve.  C'est  ce  qui  est  arrivé  à  l'économie 
politique,  qui  en  est  demeurée  frappée  d'arrêt  de  développe- 
ment depuis  cinquante  ans  au  moins.  Si  la  stktistique  éco- 
nomique se  fût  donné  pour  tâche  l'accumulation  des  faits 
précis,  elle  eût  certes  produit  moins  de  volumes,  mais  beau- 
coup plus  de  vérités. 

La  statistique  humaine  est  heureusement  plus  avancée  et, 
grâce  à  cet  admirable  instrument,  la  science  de  la  population 
pourra  sortir  de  la  phase  des  théories  en  accumulant  les  faits 
qui  doivent  les  juger. 

11  est,  du  reste,  heureux  qu'il  en  soit  ainsi,  car  il  n*y  a  pas 
un  instant  à  perdre.  Le  danger  que  la  dépopulation  fait  cou* 
rir  à  la  France  est  pressant  ;  c'est  une  maladie  sociale  d'au- 
tant plus  redoutable,  qu'elle  lue  les  nations  sans  faire  souf- 
rir  aucun  des  individus  dont  elles  se  composent,  de  sorte 
qu'elle  a  beau  être  depuis  longtemps  signalée,  elle  trouve  le 
public  indifférent,  quand  il  n'est  pas  railleur,  tout  disposé  à 
attendre  que  la  France  meure  pour  reconnaître  ensuite 
qu'elle  a  été  malade.  D'autre  part,  on  ne  peut  songer  à 
appliquer  des  remèdes  quand  on  n'est  pas  d'accord  sur  les 
causes  du  mal.  En  pareil  cas  donc,  le  devoir  qui  slmpose, 
c'est  de  l'étudier  de  beaucoup  plus  près  qu'on  ne  l'a  fait 
jusqu'ici. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  la  démographie  do  la  France  soit 
finie  ;  elle  n'est  que  commencée.  Des  milliers  de  faits  de  la 
plus  grande  variété,  du  plus  puissant  intérêt,  restent  à  con- 


496  SÉANCE  DU  2  JUILLET    1891. 

stater  et  réservent  les  surprises  les  plus  imprévues  à  qui  vou- 
dra prendre  la  peine  de  les  découvrir.  Mais  cette  tâche  est 
énorme,  les  forces  individuelles  sont  absolument  insuffi- 
santes pour  l'accomplir.  Au  nom  du  progrès  de  la  science 
sociale,  la  plus  noble  de  toutes  les  sciences,  au  nom  du  péril 
national  provenant  de  la  dépopulation  croissante,  je  prie 
donc  tous  ceux  qui  ont  à  cœur  cette  question  d'user  de  toute 
l'influence  dont  ils  peuvent  disposer  pour  obtenir  que  l'État 
fasse  faire^  dans  la  France  entière,  le  relevé  de  la  natalité  et 
des  princij)aux  faits  démographiques  concomitants,  décade 
par  décade  et  commune  par  commune,  depuis  le  commen- 
cement du  siècle  jusqu'aujourd'hui. 

En  ce  moment  même,  le  ministère  du  commerce  s'occupe 
d'organiser  un  «  Office  du  travail  »  ayant  pour  objet  «  ane 
statistique  permanente  du  travail  ».  On  doit  voir  avec  une 
joie  profonde  le  gouvernement  s'engager  dans  cette  voie.  Eu 
définissant  avec  plus  de  précision  le  programme  de  l'Office 
du  travail,  on  se  convaincra  bien  vite  de  son  immense  éten« 
due.  Pour  fournir  les  éléments  des  solutions  cherchées  aux 
problèmes  sociaux,  il  ne  faudra  rien  moins  qu'une  statistique 
économique  complète  de  la  France  étendue  à  toutes  les  in- 
dustries, y  compris  les  industries  agricoles,  à  toutes  les  pro- 
fessions, à  toutes  les  sources  de  revenu  de  tous  les  Français 
et  à  la  manière  de  le  dépenser.  Après  la  statistique  écono- 
mique qui,  même  complète,  ne  peut  donner  les  éléments 
d'une  solution,  on  devra  passer  à  la  statistique  démogra- 
phique ;  puis  viendra  enfin  l'enquête  ethnographique  com- 
mune par  commune.  Un  jour,  certainement,  on  en  viendra 
là.  Mais  il  serait  bien  à  désirer  que  la  statistique  démogra- 
phique n'attendît  pas  aussi  longtemps  et  qu'elle  fût  com- 
mencée non  postérieurement,  mais  parallèlement,  à  la  statis- 
tique économique.  En  deux  on  trois  années  et  pour  S  millions 
environ,  ce  travail  considérable  pourrait  être  fait  et  publié. 

Alors,  il  serait  possible  de  choisir,  pour  aller  les  étudier 
sur  place,  les  communes  qui  présenteraient  à  son  plus  haut 
degré  d'intensité  le  phénomène  spécial  que  l'on  voudrait 


DISCUSSION  SUR  LA   NATALITl^  EN  FRANCE.  497 

observer,  par  exemple  la  plus  haute  ou  la  plus  basse  nata- 
lité, la  plus  haute  ou  la  plus  basse  nuptialité,  le  plus  grand 
ou  le  plus  petit  nombre  de  naissances  par  mariage,  la  plus 
forte  ou  la  plus  minime  proportion  des  naissances  naturelles. 
A  vrai  dire,  le  relevé  que  nous  demandons  ne  donnerait  pas 
les  causes  de  Tétat  actuel  de  la  natalité  ;  on  n'y  pourrait 
trouver  que  ce  qui  y  serait,  c'est-à-dire  Tétat  détaillé  de  la 
natalité  française.  Mais^  sans  ce  détail,  il  sera  impossible  de 
faire,  sur  le  déterminisme  de  ce  phénomène,  autre  chose 
que  des  conjectures.  C'est  seulement  dans  les  grands  Etats, 
les  grandes  villes,  les  grandes  divisions  territoriales  que  la 
démographie  trouve  les  faits  généraux  qui  intéressent  Tezis- 
tence  ou  la  prospérité  des  peuples  ;  mais  c'est  seulement 
dans  des  collectivités  très  restreintes  qu'elle  en  peut  trouver 
Texplication,  en  s'aidant  de  l'observation  directe,  car,  aban- 
donnée à  elle-même,  elle  n'est  qu'une  simple  science  de 
constatation,  comme  toute  statistique,  et  se  borne  à  enregis* 
trer  des  faits,  sans  pouvoir  arriver  aux  causes. 

En  outre,  quand  elle  s'occupe  de  populations  très  nom- 
breuses^ de  quelque  phénomène  qu'il  s'agisse,  elle  noie  les 
maxima  et  les  minima  dans  une  moyenne  indistincte,  qui 
rend  à  peu  près  impossible  de  soupçonner  les  faits  ethno- 
graphiques qui  engendrent  les  faits  démographiques.  Ainsi, 
dans  la  natalité  moyenne  de  la  France  sont  compris  des 
départements  à  natalité  maximum,  où  le  chiffre  des  nais- 
sances est  plus  que  double  de  celui  des  départements  à  nata- 
lité minimum.  Si  on  ne  le  savait  pas,  on  s'exposerait  à  aller 
chercher,  dans  le  Finistère  ou  dans  le  Nord,  les  causes  de 
l'affaiblissement  de  la  natalité  française,  et  Ton  aurait  quelque 
peine  à  les  y  découvrir. 

Mais  le  département  lui-même  est  encore  beaucoup  trop 
vaste.  Il  ne  se  prête  pas  à  l'observation  directe  ;  il  contient 
toujours  des  communes  qui  dépassent  de  beaucoup  la  moyenne 
départementale  et  d'autres  qui  restent  beaucoup  au-dessous. 
Il  serait  ridicule  d'aller  à  Bréhat  chercher  les  causes  de  la 
fécondité  des  Gôtes-du-Nord^  ou,  dctns  le  canton  d'Isigny, 


408  SÉANCE  DU  â  JUILLET   4891. 

chercher  pourquoi  le  Calvados  est  stérile.  Il  n'y  a  qu'un  parti 
qui  soit  rationnel  :  c'est  de  choisir  un  groupe  de  colleclivités 
assez  petites  pour  qu'on  puisse  les  parcourir  à  pied  en  ions 
sens,  j'entends  les  diverses  communes  d'un  canton.  Par  leurs 
dissemblances  et  leurs  similitudes,  elles  donneront  lieu  à 
des  comparaisons  très  suggestives.  La  commune  rurale  de 
500  à  1500  habitants  est  celle  qui  se  prête  le  mieux  à  une 
étude  à  la  fois  démographique  et  ethnographique.  Au-dessous 
de  500  habitants  et  surtout  de  300,  on  a  beau  n'étudier  que 
des  moyennes  décennales,  les  oscillations  de  la  natalité,  de 
la  mortalité  et  surtout  de  la  nuptialité  avertissent,  par  leur 
amplitude  exagérée,  que  les  résultats  sont  influencés  par  des 
causes  accidentelles.  Au-dessus  de  i  500  habitants  et  surtout 
de  âOOO,  la  commune  ne  présente,  plus  d'homogénéité.  Les 
faits  démographiques  y  sont  toujours  faciles  à  constater  ; 
mais  leur  interprétation  présente  de  grandes  difficultés  et 
reste  souvent  assez  incertaine. 

Quant  aux  points  sur  lesquels  doit  porter  l'attention  du 
chercheur,  comme,  en  principe,  tout  peut  avoir  de  l'influence 
sur  la  natalité,  il  notera  tout  ce  qu'il  voit  :  la  géographie,  la 
géologie  et  la  topographie,  l'anthropologie  et  l'onomatologie, 
puis  toutes  les  particularités  de  l'habitation,  du  vêtement,  de 
l'alimentation,  du  langage,  des  jeux,  des  fêtes,  qui  peuvent 
donner  une  indication  de  l'état  intellectuel,  moral  et  esthé- 
tique de  la  population.  Il  faut  se  souvenir  que  c'est  à  la 
volonté  que  tient  généralement  le  chiffre  de  la  natalité,  et 
que  la  volonté  elle-même  est  déterminée  par  des  idées,  des 
appréciations  sur  les  choses  de  la  vie,  qui  sont  endémiques 
dans  un  pays.  Avec  un  peu  d'habitude,  c'est-à-dire  après 
avoir  visité  deux  ou  trois  cantons,  on  arrive  assez  rapide* 
ment  à  soupçonner  le  point  où  doit  se  trouver  le  mot  de 
l'énigme. 

Je  puis  dire  qu'en  général  la  question  de  race  est  indiffé* 
rente  â  la  natalité  ;  au  contraire,  la  géographie  et  la  topo- 
graphie ont  un  grand  intérêt^  car  elles  déterminent  souvent 
rimportanoe  des  agglomérations  et  la  profession  des  habi* 


DISCUSSION  SUR  LA  NATALITÉ  EN   FRANGE.  409 

tants;  or,  leur  profession,  à  son  tour,  a  une  relation  avec 
leur  richesse^  leur  degré  de  participation  à  la  civilisatiori 
centrale,  et  finalement  avec  leur  natalité. 

La  langue  a  une  grande  importance.  Presque  infaillible^ 
ment,  une  population  qui  ne  connaît  pas  le  français  est 
féconde.  C'est  une  marque  sûre  du  peu  d'attrait  exercé  sup 
elle  par  la  culture  mentale.  Un  oostame  local  très  partioulier 
est,  commç  le  Breton,  le  Flamand  ou  le  Basque,  et  pour  la 
même  raison,  une  présomption  de  natalité  élevée. 

La  profession  a  moins  d'importance  en  un  sens^  car  ello 
n'agit  que  combinée  avec  d'autres  influences.  J'ai  montré, 
ailleurs,  comment  une  simple  sabdivision  de  la  profession 
de  marin  se  liait  à  une  grande  différence  de  natalité*  Las 
marins  de  Groix  sont  pécheurs  et  très  féconds;  ceax  de 
Bréhat  sont  marins  de  la  flotte,  visent  aux  grades  et  aux 
emplois,  imitent  en  tout  leurs  ofUciers  de  civilisation  bour«* 
geoise  et  sont  stériles  comme  eux. 

Le  régime  de  la  terre  exerce  une  grande  influence,  bien 
que  très  indirecte»  La  propriété  communale  en  Russie  et 
à  FoilrMardyck,  le  domaine  congéable  à  Fouesnant,  s'allient 
avec  une  absence  presque  complète  de  développement  per» 
sonnel  chez  les  habitants  et,  par  suite,  avec  une  (inorma 
natalité  de  40  h  50  pour  1000  habitanU. 

La  tendance  à  l'émigration  s'allie  tantôt  avec  une  natalité 
satisfaisante,  tantôt  avec  une  natalité  très  faible»  U  faut  abso^* 
lument  aller  sur  place  pour  se  rendre  compte  des  eausas  da 
ces  effets  si  divers.  Dans  le  cas  où  ceux  qui  émigrent  sont 
des  pauvres  expulsés  par  le  besoin  qui  vont  exercer  au  loin 
quelque  humble  travail  manuel,  la  collectivité  d'où  ils  partant 
reste  féconde  (Gôtes-rdu^Nord).  Quand  au  contraire  ea  sont 
les  habitants  les  plus  riches  ou  les  plus  aisés  qui  émigrent, 
par  besoin  d'un  développement  intellectuel  ou  asthétiqna 
plus  considérable,  ceux  qui  restent  participent  da  la  mèïM 
disposition  mentale  et  sont  très  peu  féconds  (île  da  Bi)» 

L'idée  la  plus  générale  qui  résulte  dis  études  da  aatta 
nature  que  j'ai  pu  faire  Jusqu'ici  est  celle-ci  :  quelqua  popu» 


SOO  SÉANCE  DU  2   JUILLET   i89l. 

lation  que  Ton  considère,  toutes  les  fois  que  Ton  voit  un 
phénomène  économique  ou  ethnographique  varier  parallèle- 
ment à  la  natalité,  cette  variation  parallèle  tient,  non  à  ce 
que  le  phénomène  économique  ou  ethnographique  est  la 
cause  des  modifications  qui  se  produisent  dans  la  natalité, 
mais  à  ce  qu'il  est  Tindice  de  la  seule  cause  véritable,  qui 
est  l'aspiration  plus  ou  moins  intense  de  l'individu  vers  son 
développement  personnel,  soit  en  valeur,  soit  en  jouissance. 
Cette  aspiration,  au  point  de  vue  psychologique  et  interne, 
peut  être,  si  Ton  veut,  dénommée  ambition.  Au  point  de  vue 
collectif,  elle  constitue  le  phénomène  auquel,  faute  â*une 
dénomination  antérieurement  existante,  j'ai  donné  le  nom 
de  capillarité  sociale. 

Ce  n'est,  je  le  répète,  qu'une  simple  théorie,  basée  sur  une 
dizaine  d'années  d'observations  personnelles,  c'est-à-dire 
sur  bien  peu  de  faits  en  comparaison  de  la  masse  énorme  de 
ceux  qui  restent  à  découvrir.  L'étude  des  communes  rurales 
en  offre  en  quantité  illimitée.  La  mine  est  d'une  richesse 
incalculable  et  encore  presque  intacte.  Il  ne  faut  que  des 
travailleurs.  Que  l'initiative  individuelle  les  fournisse  donc, 
si  c'est  possible  ;  sinon,  que  l'État  les  subventionne.  Ce  sera 
moins  glorieux  ;  mais  l'essentiel  est  que  le  travail  soit  fait  et, 
d'ailleurs,  aucune  science,  ainsi  que  le  disait  Claude  Bernard 
à  propos  de  la  physiologie,  «  n'a  jamais  avancé  que  propor- 
tionnellement aux  encouragements  et  aux  moyens  de  travail 
que  le  pouvoir  lui  a  fournis  ». 

Discussion. 

M.  Sanson  fait  observer,  à  propos  de  l'opinion  émise  par 
M.  Dumont  au  sujet  de  l'influence  favorable  du  travail  manuel 
sur  la  natalité,  que,  dans  la  Charente  et  la  Charente-Inférieure, 
il  y  a  des  populations  qui  travaillent  beaucoup  et  néanmoins 
leur  natalité  est  très  faible,  à  cause  de  la  restriction  voulue 
des  naissances,  l'enfant  unique  ayant  beaucoup  d'avantages 
financiers.  Ce  facteur  prime  donc  de  beaucoup  celui  qu'in- 
voque M.  Dumont. 


DISCUSSION   SUR  LA  NATALITÉ   EN  FRANCE.  501 

M.  DuMONT  répond  qu*en  effet  il  en  est  ainsi  dans  certains 
cas.  Par  exemple,  à  l'île  de  Ré,  les  femmes  travaillent  beau- 
coup et  n'ont  cependant  qu'une  fécondité  restreinte  ;  il  n'est 
pas  rare  que  de  très  jeunes  ménages  attendent  une  dizaine 
d'années  avant  de  se  permettre  leur  premier  enfant.  Mais  il 
est  à  remarquer  que,  parmi  ces  populations,  le  travail  mus- 
culaire n'est  pas  tout  ;  la  vie  nerveuse  et  l'activité  intellec- 
tuelle sont  très  considérables,  ce  qui  leur  rend  facile  de  ne 
guère  faire  que  ce  qu'elles  veulent.  Au  contraire  les  nom- 
breuses filles-mères  du  canton  dlsigny,  dont  la  vie  cérébrale 
est  nulle,  l'alimentation  très  abondante  et  le  travail  muscu- 
laire fort  considérable,  doivent  à  ces  conditions  de  présenter 
souvent,  et  cela  à  leur  très  grand  regret,  de  quatre  à  six  nais- 
sances naturelles.  Il  n'en  reste  pas  moins  acquis  que  la  res- 
triction de  la  natalité  française  est  bien  réellement  un  phé- 
nomène volontaire  ;  mais  les  décisions  de  la  volonté  réfléchie 
sont  combattues  sans  cesse  par  des  impulsions  qui,  dans  cer- 
taines conditions  physiologiques,  sont  à  peu  près  irrésistibles. 

M.  Sanson  croit  que  le  point  de  vue  physiologique  de  l'in- 
fluence du  travail  sur  la  diminution  de  la  natalité  n'existe 
pas.  La  diminution  de  la  natalité  est  un  phénomène  d'ordre 
psychologique  ;  le  mobile  en  est  surtout  l'amour  de  la  pro- 
priété. C'est  même  pour  cela  que  ce  mal  est  guérissable, 
puisqu'il  dépend  de  la  législation  sur  les  mariages  et  les 
successions.  Il  serait,  au  contraire,  incurable  si  la  cause  était 
physiologique. 

M°®  Clémence  Royer  pense,  au  contraire,  que  si  la  cause 
du  mal  réside  dans  les  déterminations  de  la  volonté,  il  est 
beaucoup  plus  difficile  de  la  faire  disparaître.  On  remédie  à 
un  état  pathologique,  on  modifie  un  état  pathologique  ;  mais 
on  ne  guérit  pas  des  actes  de  volonté  déterminés  par  des 
motifs,  à  moins  de  supprimer  ces  motifs  eux-mêmes.  On  peut 
prévoir  que  le  remède  sera  extrêmement  difficile  à  trouver; 
plus  on  ira,  plus  les  classes  inférieures  imiteront  les  classes 
supérieures  à  cet  égard.  Il  y  a  là  un  phénomène  d*imitation 
qui  ne  semble  nullement  devoir  diminuer. 


SOK  8ÉANCB  OU  16  JUILLET   i891. 

M.  Sanson  fait  observer,  néanmoins,  que  la  cause  de  tout 
cela  réside  dans  la  législation.  Les  gens  fort  riches,  comme 
ceux  qui  n*ont  rien,  ont  beaucoup  d'enfants.  Les  gens  de 
fortune  moyenne,  au  contraire,  afin  de  laisser  plus  d'argent 
h  leurs  enfants,  en  diminuent  volontairement  le  nombre. 

M.  HsRVÊ  fait  observer  que  le  facteur  physiologique  ne 
peut  être  mis  en  cause.  La  natalité  est  très  faible  en  Nor- 
mandie, et  pourtant  les  Canadiens,  qui  dérivent  des  Nor-* 
mands,  ont  une  natalité  très  élevée.  Bien  plus,  en  Angleterre, 
la  natalité  est  très  élevée,  et,  lorsque  les  Anglo-Saxons  vont 
aux  États-Unis  ou  en  Australie,  leur  natalité  baisse  considô* 
rablement  et  la  race  diminue.  II  suffit  donc  d'un  changement 
de  milieu  pour  que  la  force  proliQque  d'une  même  population 
diminue  considérablement. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  trois  quarts. 

L'un  des  secrétaires  :  capitan. 


W  8Ê4NCE.  —  l<  juillet  1891. 

Présidence  de  M»  mJkWéMOyij  Tiee-présideat. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  signale  un  dernier  don  se  rap- 
portant à  la  publication  du  catalogue  de  la  bibliothèque. 
M.  Tingénieur  des  mines  G.  Rolland  a  envoyé  onze  bro* 
chures  concernant  en  grande  partie  l'Algérie. 

IManouvrier  (D'  L.).  Sur  un  procédé  d'analyse  du  poids  céré^ 
braly  in  Comptes  rendus  hebdomadaires  des  séances  de  la  So-^ 
ciéié  de  biologie^  p.  514  et  suivantes,  numéro  du  2  juillet  4891. 

GuNNiNGHAM  (Prof.  D.  J.).  Thc  skeleton  of  the  irish  géant 
Cornélius  Uagrath,  in  the  Transactions  of  the  Royal  Irish 
Academy,  vol.  XXIX,  part.  XVI  <i891),  in-4«  avec  planches. 


COMMUNICATIONS  DU  BUREAU.  503 

Academy  of  Science  of  Saint-Ltmh.  The  total  Eclipse  of  Ihe 
Sun,  January  1,  1839.  Cambridge  1891,  in-4»,  39  pages  et 
planches. 

PÉRIODIQUES. 

Revue  mensuelle  de  F  Ecole  d'anthropologie  de  Paris  (15  juîl* 
let  1891).  Gabriel  de  Mortillet:  Excursions  en  Belgique.  — 
André  Lefèvre  :  les  Etrusques. 

Société  d'ethnographie  (bulletin),  juillet-août  189! .  G.Bour- 
garel  :  la  Peine  de  mort  à  Madagascar. 

Société  de  ^eo^ra/j^ie  (bulletin),  1"  trimestre  1891.  F.  Fou- 
reau  :  Mission  au  Tademayt.  —  Gh.  Rabot  :  Exploration  dans 
la  Laponie  russe  ou  presqu'île  de  Kola.  —  Henri  Goudreau  : 
Notes  sur  cinquante-trois  tribus  de  Guyane. 

Société  d'archéologie  de  Bruxelles  (Annales,  tome  V).  E.  de 
Munck  :  les  Silex  mesviniens  datent-ils  d'une  époque  anté- 
rieure à  l'industrie  acheuiéenne  ?  —  Baron  A.  de  Lo6  : 
les  Torabelles  des  environs  de  Wavre  et  de  Gourt-Saint* 
Etienne'. 

The  AmefHcan  Antiquartan  (mai  1891).  Stephen  D.  Peet  : 
the  Migrations  of  the  Mound-Builders  (illustrated).  — 
J.-P.  Shreve  :  The  Higher  civilisation  of  the  Earlier  Mound- 
Builders.  —  Warren  K.  Moorehead  :  The  Indian  Messiah 
and  the  Ghost  Dame. 

The  Amej*ican  Naturalist  (mars  i89i).  Henry  Pairfîeld 
Osborn  :  Are  acquired  variations  inherited  ? 

The  Journal  of  anatomy  and  physiology  (juin  1891).  Wil- 
liam Tumer  :  Relations  of  the  dentary  arcades  in  the  Grania 
of  Australian  Aborigines.  —  William  Tumer  :  Double  right 
pariétal  Bone  in  an  australian  Skuli. 

COHMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  LE  Président  annonce  à  la  Société  que  le  Comité  central 
s'est  réuni  jeudi  dernier.  Parmi  les  affaires  dont  il  s'est 
occupé,  le  Comité  central  a  décidé  la  clôture  du  cooooora 


504  SÉANCE  DU   16  JUILLET   1891. 

pour  le  prix  Godard  et  a  nommé  au  scrutin  le  jury  suivan 
chargé  d*examiner  les  mémoires  présentés  :  MM.  de  Mortiile 
Manouvrier,  Salmon,  Sanson^  Lagneau.  Le  Comité  centrai 
ensuite  entamé  la  discussion  sur  la  revision  du  règlemen 
Cette  discussion  a  été  suspendue,  et  il  a  été  décidé  que  ] 
projet  de  la  commission  chargée  de  reviser  le  rëglemei 
serait  autograpbié,  adressé  aux  membres  du  Comité  centn 
qui,  après  étude  de  ce  document,  pourront  discuter  en  toul 
connaissance  de  cause. 

CANDIDATURES. 

M.  DE  MoRTiLLET  fait  un  rapport  oral  sur  la  candidature  c 
M.  Buschan,  savant  qui  s*e8t  spécialement  occupé  de  rorigiu 
des  plantes  cultivées,  au  titre  de  membre  correspondant.  L 
commission  est  sympathique  à  cette  candidature,  ma 
M.  Buschan  n*ayant  pas  fait  directement  acte  de  candida 
la  commission  le  priera  d'adresser  une  demande  qu*el 
appuie  d^avance. 

PRÉSENTATIONS. 
Retouches  d'an  silox. 

M.  Capitan  présente  un  petit  silex  qui  a  été  trouvé  pi 
M.  Salmon^  dans  le  jardin  du  Palais-Hoyal.  C'est  une  portio 
de  rognon  brisé  suivant  une  surface  plane,  et  mesurai 
2  centimètres  et  demi  sur  quatre.  Sur  un  des  bords,  il  exisi 
sur  une  longueur  de  2  centimètres  et  demi,  huit  retoucha 
régulières,  côte  à  côte,  empiétant  de  5  à  7  millimètres  si 
le  dos  du  silex  et  complétées,  sur  les  bords,  par  de  petit 
retouches  moins  longues.  Ce  petit  objet  peut  être  compai 
aux  silex  de  Thenay,  et  servir  à  montrer  la  différence  qu'il 
a  entre  des  retouches  évidemment  volontaires  comme  celle 
ci  et  des  retouches  volontaires  très  discutables  et  très  disci 
tées  comme  celles  des  silex  de  Tbenay. 

M.  Adrien  de  Mortillet  pense  au  contraire  que  les  silex  c 
Thenay  présentent  des  retouches  très  nettes,  empiétant  tri 


REGNAULT.  —  LE  MARIAGE  AUX   INDES.  SOS 

régulièrement  les  unes  sur  les  autres  sur  un  des  côtés  du 
silex,  de  telle  sorte  que  le  fait  de  la  taille  intentionnelle  est 
même  plus  nettement  démontré  sur  les  pièces  de  Thenay 
que  sur  celle-ci. 

M.  Gapitan  présente,  au  nom  du  docteur  Baudon,  de  Mouy 
(Oise),  quiroCTre  à  TËcole  d'anthropologie,  un  fémur  humain 
de  très  grande  taille,  trouvé  dans  le  département  de  TOise. 
Ce  fémur  provient  vraisemblablement  d*un  Gaulois  de  très 
grande  taille,  un  vrai  géant.  Il  sera  étudié  ultérieurement. 


COMMUNICATIONS. 
Le  insrlsge  ««s  Indes  ; 

par   m.    REGNAULT. 

Le  caractère  le  plus  frappant  du  mariage  indien  est  la 
rigueur  avec  laquelle  la  casle  y  reste  fermée  à  tout  élément 
extérieur  :  qui  cohabite  hors  caste  ^  est  décasté,  ce  qui,  pour 
rindien,  entraîne  la  perte  de  tout  droit  civique,  de  toute  aide 
sociale.  Personne  ne  veut  lui  fournir  des  aliments,  sa  femme 
et  ses  enfants  s*écartent  de  lui  avec  effroi  ;  il  est  rejeté  hors 
de  l'humanité,  seul  désormais  pour  se  suffire. 

On  veut  voir  là  un  exemple  d'endogamie  ;  c'est  une  endo« 
gamie  de  castes,  il  est  vrai  ;  mais  je  vais  tâcher  de  prouver 
que  rinstitulion  des  castes  provoque  une  véritable  exogamie 
topographique. 

Prenons,  comme  exemple^  un  village.  Aux  Indes,  la  popu- 
lation est  groupée  surtout  dans  de  petits  villages  de  deux  à 

1  a  On  peut  être  réintégré  dans  sa  caste  pour  des  fautes  peu  graves;  mais 
manger  de  la  vache  et  cohabiter,  pour  un  brame,  avec  une  paria,  sont 
des  crimes  irrémissibles.  Car  si  cette  femme  était  de  toute  autre  caste,  je 
crois  qu'en  la  répudiant  et  renonçant  aux  enfants  qu'il  aurait  eus  d'elle, 
il  pourrait,  moyennant  beaucoup  de  puriflcalions  et  surtout  de  dépenses, 
obtenir  ton  pardon,  t  (Abbé  Dubois.)  On  voit  qu'il  parle  ici  que  de  cohabi- 
tation,  car  le  mariage  est  interdit. 


506  SÉANCE  DU  16  JUILLET  4891. 

huit  cents  habitants  ^  Sur  ce  nombre,  on  trouve  d'ordinair 
au  moind  quatorze  à  quinze  castes,  car  chaque  profession  es 
le  privilège  exclusif  d'une  caste.  Pour  la  vie  d'une  comma 
nauté,  il  faut  plusieurs  professions  ;  de  là,  nécessairement 
plusieurs  castes.  La  division  en  quatre  grandes  castes 
brames,  kchatrias,  vaissiahs  et  soudras,  est  purement  ai 
point  de  vue  honorifique. 

La  caste  brame,  par  exemple,  se  subdivise  en  plusieur 
autres*  ne  pouvant  contracter  de  mariages  entre  elles.  ESi 
réalité,  il  y  a  une  multitude  de  castes.  M.  Risley,  de  Calcutta 
chargé  par  le  gouvernement  anglais  d'en  faire  le  relevé,  ei 
a  rempli  deux  gros  volumes,  rien  que  de  noms,  et  il  s'ei 
crée  tous  les  jours. 

Or,  chaque  caste  est  rigoureusement  fermée  pour  le  ma 
riage. 

D'autre  part,  considérons  que,  dans  la  majorité  des  cas 
rindien  vit  et  meurt  dans  son  village.  A  Chandernagor,  su 
754  conjoints,  nous  n*en  avons  trouvé  que  83  habitant,  a 
moment  du  mariage^  un  village  autre  que  celui  de  naissance 
A  Oulgate,  près  de  Pondichéry,  sur  6340,  on  en  trouve  seu 
lement  263,  et  ce  nombre  devait  être  encore  bien  moindr 
avant  l'ouverture  des  chemins  de  fer. 

Considérons,  en  outre,  que  l'Indien  est  absolument  con 
traint  de  se  marier  dans  sa  caste;  de  tous  ces  mariages,  nou 
n'en  avons  pas  relevé  un  seul  entre  castes  différentes. 

Nous  en  conclurons  que  si  le  jeune  homme  choisissait  un 
épouse  dans  son  village,  il  devrait  prendre  une  proche  pa 
rente.  Or  sa  loi  le  lui  défend. 

Mais  ici,  il  faut  distinguer  entre  le  Nord  et  le  Sud,  où  l 
loi  est  différente. 


t  DansTlDde  anglaise,  sur  (93  429  communes,  il  y  a  plus  de  240  000  vi 
lages  ayant  moins  de  200  habitants,  200000  moins  de  i  000  (Vivien  c 
Saint-Martin,  Dictionnaire  géographique), 

*  a  Dans  le  sud  de  l'Inde,  dit  l'abbé  Dubois,  ou  distingue  parmi  h 
brames  trois  ou  quatre  castes  principales  qui,  elles-mêmes,  en  comptei 
au  moins  vingt  chacune.  Les  lignes  de  démarcation  sont  tellement  tranchée 


KEGNAULT.  —  Lfi  MAHIA6E   AUX  tNDES.  307 

1**  Dans  le  Nord  (bassin  du  Gange,  Bénarès),  on  ne  peut  se 
mûrier  jusqu'au  qualorzième  degré,  et  au  Bengale,  une  home* 
nymie  de  nom  empêche  tout  mariage,  même  si  Ton  ne  trouve 
aucun  degré  de  parenté. 

Il  faudra  donc  chercher  femme  au  dehors,  quelquefois 
très  loin. 

Pour  y  parvenir,  il  existe  chez  les  Hindous  du  Nord  une 
profession  spéciale  *,  dite  des  ghataks  ou  marieurs,  qui  cher- 
chent époux  aux  jeunes  filles.  Si  Taccord  est  possible,  comme 
castes,  richesses,  ce  sont  eux  qui  font  les  premières  pro- 
positions, vantent  les  deux  partis  Tun  à  Tautre,  transmettent 
et  discutent  les  exigences  relativement  aux  cadeaux  à  faire. 
Ce  n'est  qu'après  entente  préalable  que  le  père  du  fîancé  va 
voir  la  jeune  fille,  et  souvent  le  mariage  est  arrêté  sans  que 
les  deux  conjoints  se  soient  seulement  vus. 

Voici  donc  tout  un  système,  castes,  lois  contre  la  parentéi 
institution  des  ghataks,  bien  réellement  exogamique.  Du 
reste,  les  faits  sont  en  accord  avec  les  institutions  sociales. 

Pour  avoir  la  preuve  directe,  matérielle,  il  fallait  prendre 
un  village,  une  ville  même,  et  dresser  une  statistique  d'après 
le  registre  des  mariages.  Mais  les  Anglais  n'enregisti^ent  pas 
les  mariages  indigènes  ;  seuls,  dans  le  Sud,  les  prêtres  catho- 
liques tiennent  registre  pour  leurs  ouailles. 

Dans  le  Nord,  Chandernagor,  ville  française,  est  la  seule 
où  existe  un  registre  civil.  Son  territoire,  de  9iO  hectares, 
est  peuplé  de  ^'^  550  habitants,  divisés  en  29  quartiers.  Nous 
avons  relevé  la  liste  des  mariages  pour  les  ans  4852,  1860, 
i865,  4870,  4875,  1880,  1885,  trois  mois  seulement  chaque 
année.  Sur  un  total  ainsi  obtenu  de  477  mariages,  339  ont 
été  faits  entre  conjoints  dont  Tun  habitait  le  territoire  ftBii* 

qu'elles  s'opposent  à  toute  espèce  de  fusion  d'une  caste  k  l'autre^  surtout 
celle  qui  pourrait  s*opérei*  par  ie  maria^. 

c  Enfin,  il  faut  remarquer  que  les  signes  sur  le  front  sont  des  signes  de 
sectes  religieuses  (Tiohnoulstiee,  sÎTâtstes),  et  qu'on  peut  M  nMrier  «otre 
ces  sectes.  »  (A/œurs  «(  /iMlt7ti(iofii  éet  ftvfU*  et  f/fNfo.) 

^  Au  Bengale,  c'est  une  profesaion»  A  Bénarès,  ce  n'en  eat  pat  une,  mais 
ils  sont  néanmoins  monétaireroent  rélribnés  de  leurs  peint  s. 


503  SÉANCE   DU   iG  JUILLET    1891. 

çais,  l'autre  l'anglais  ;  93  entre  conjoints  habitant  de 
quartiers  différents  de  Chandernagor,  et  43  seulement  entn 
gens  du  même  quartier.  Donc,  71  pour  lOO  de  mariages  hor 
de  Chandernagor^. 


TABLEAU   DE  MARIAGES    DU    REGISTRE    DE    l'ÉTAT  CIVIL  DE  CUANDBaNAQOS 


Années. 

1832 

1860...., 
1865.  .•  • 
1870.  .. 
1875.  .., 
1880.  ... 
1885.  ... 


Nombre 

des 
mariages. 

27 

31 

80 
108 

99 

24 
108 


Nombre 
des  fiancés 

résidant 
au  moment 
du  mariage 

en  un 

autre  quartier 

que  celui 


Mariages 


entre  entre 

habitants        quartiers  dans 

entre   des  territoires    diflérents  le 

castes        français  de  même 

de  naissance.  difTérentes.  et  anglais.  Chandernagor.  quartier 


Totaux, ..  477 


0 
1 

10 
14 
16 
5 
37 

83 


0 
0 
0 
0 
0 
0 
0 


0 
20 
55 
82 
77 
20 
85 

339 


17 
9 
19 
18 
17 
1 
12 

93 


10 
2 
6 
8 
5 
3 

11 

45 


2^  Dans  le  Sud,  la  loi  diffère  :  on  peut  se  marier  entr 
familles  consanguines.  Les  cousins  germains  de  frères  n 
peuvent  jamais  se  marier  entre  eux,  ni  ceux  de  sœurs;  mai 
on  peut  se  marier  entre  cousins  germains  de  frères  et  d 
sœurs.  Un  oncle  peut  épouser  la  fille  de  sa  sœur,  mais  jamai 
celle  de  son  frère.  En  d'autres  termes,  on  peut  s'allier  entr 
lignes  masculine  et  féminine;  mais  jamais  entre  descendant 
d'une  même  ligne  masculine  ou  féminine,  fussent-ils  de  li 
dixième  génération. 

Ce  principe  est  observé  dans  toutes  les  castes^  même  le 
parias.  De  plus,  non  seulement  on  se  marie  dans  sa  caste 
mais  c'est  toujours  entre  vingt  ou  trente  familles  que  se  fon 
tous  les  mariages  ;  de  sorte  qu'une  jeune  fille  est,  dès  son  ber 
ceau,  destinée  à  un  garçon  qui  peut  demeurer  des  centaine 

^  Et  comme  le  garçon  va  souvent  loin  prendre  femme,  par  décret  pré 
sidentiel,  dans  les  établissements  français  de  l'Inde,  un  délai  de  trois  moi 
est  accordé^  après  la  rentrée  sur  territoire  français,  pour  la  déclaratio 
du  mariage. 


HEGNAULT.  —  LE   MAHIAOE   AUX   INDES.  509 

de  lieues  plus  loin.  Ce  n*est  que  si  les  parents  de  celui-ci  la 
refusent,  qu'elle  pourra  songer  à  un  autre  mariage. 

Un  archevêque,  qui  me  rapportait  ces  faits,  m'en  louait 
hautement  Tulilité  sociale.  Jamais,  me  dit-il,  il  n'avait  vu  de 
mauvais  résultats  provenir  de  ces  mariages  consanguins. 
Et,  au  contraire,  des  mariages  faits  parmi  les  descendants 
d'Européens  entre  cousins  germains  de  frères  ou  de  sœurs, 
malgré  son  désaveu  formel,  avaient  produit  de  déplorables 
résultats. 

Cetlc  loi  est  faite  pour  favoriser  Texogamie.  Entrons  dans 
la  vie  même  de  l'Indien.  Un  jeune  homme  prend  femme,  il 
l'amène  dans  la  maison  de  son  père,  le  chef  de  famille  tout- 
puissant.  Plusieurs  frères  vivent  ainsi  sous  le  môme  toit,  en 
communauté.  Leurs  enfants  grandissent  ensemble  et  se  trai- 
tent de  frères  et  de  sœurs*.  La  loi  les  reconnaît  comme  tels, 
en  leur  interdisant  le  mariage.  Une  sœur  se  marie-t-elle,  au 
contraire  ;  elle  est  emmenée  hors  du  toit  paternel,  change  de 
famille,  de  ville  souvent  même.  Le  mariage  de  ses  enfants 
avec  ceux  de  son  frère  respectera  le  principe  d'exogamie 
topographique. 

Après  l'examen  des  institutions,  l'examen  des  faits  montre 
si  ces  institutions  ont  été  considérées  sous  leur  vrai  jour.  A 
Oulgate,  commune  du  territoire  de  Pondichéry,  grâce  à 
l'obligeance  du  maire  de  cette  ville,  M.  Gœblé,  j'ai  pu  faire, 
pour  dix  années  consécutives,  de  4880  à  1890^  le  relevé  de 
3170  mariages.  Sur  ce  nombre,  i56i  ont  été  conclus  entre 
conjoints  de  territoire  français  et  anglais;  37:2  entre  conjoints 
de  communes  différentes  du  territoire  français  <;  553  entre 
gens  de  même  commune,  mais  de  village  différent,  et  684  de 
même  village. 

1  Les  enfants  de  la  ligne  masculine  continuent  de  génération  en  géné- 
ralion  de  s'appeler  entre  eux  frère  et  sœur,  fussent-ils  de  la  dixième.  Il  en 
est  de  même  de  la  ligne  féminine. 

*  Il  y  a  quatre  communes  dans  ce  territoire  :  Pondichéry,  Oulgate, 
Villenour,  Bahour,  renfermant  ensemble  deux  cent  trente-quatre  village» 
ou  aidées.  Le  territoire  entier  t^étend  sur  291i2  hectares. 

T.  i(  (40  série).  33 


SÉANCE  nu   16  JUILLET   1891. 


TABU*U  DK3 


On  voit  donc  que  SI  pour  100  seulement  se  sont  mariéi 
dans  le  même  village  et  39  ponr  100  dans  la  même  coinmane 

J'ai  demandé  aux  curés  de  différenles  paroisses  du  sud  d( 
l'Inde  de  vouloir  bien  me  faire  le  mâmc  relevé  el  me  donnei 
le  pourcentage  ;  car  on  sait  que,  chcx  lea  Indiens  catholiques 
la  division  par  castes  persiste  d'une  manière  absolue.  Voie 
leurs  réponses  :  dans  la  paroisse  d'Eregaar,  sur  1 00  mariages 
il  y  en  a  37  dont  les  conjoints  sont  du  môme  village  ;  à  Vi- 
riaar,  tl;  à  Tranquebar,  35  ;  à  Altipatham,  19;  à  Vadugas- 
palty,  35;  à  Magavnram,13;  àTimvcdi(dans  leTanjore),  19: 
à  Kumbac  (district  de  Magavaram),  H  seulement.  Partout  le; 
mariages  entre  conjoints  de  même  village  sont  en  minorité. 

De  grands  obstacles  s'élevaient  contre  tout  ce  système.  Les 
Indiens  en  ont  triomphé  par  des  dispositions  spéciales. 

Si  les  jeunes  gens  se  mariaient  lard,  comme  en  Europe, 
ils  voudraient  choisir  eux-mêmes  et  leur  choix  se  porterait 
bien  certainement  sur  des  personnes  de  connaissance,  au 
mépris  des  distinctions  de  castes  et  de  parenté.  Aussi  marie* 
t-on  les  enfants  tout  jeunes,  surtout  les  filles.  Entre  sept  el 


REGNaULT.  —   LE  MARIAGE  AUX    INDES.  511 

neuf  ans,  le  mariage  est  célébré  au  domicile  de  la  jeune  fille, 
avec  grand  éclat  et  pendant  plusieurs  jours,  pour  bien  la 
frapper  et  lui  montrer  l'importance  de  cet  acte*.  A  partir  de 
ce  jour,  dans  le  nord  de  l'Inde*,  la  jeune  fille  de  bonne  fa- 
mille ne  sort  plus  ou  ne  sort  que  voilée';  elle  ne  doit  plus 
voir  d'autre  homme  que  son  mari.  Il  ne  pourra  cependant 
remplir  ses  devoirs  conjugaux  qu'après  l'apparition  de  la  nu- 
bililé  de  sa  femme,  époque  à  laquelle  celle-ci  quittera  la  fa- 
mille paternelle  pour  entrer  dans  celle  de  son  mari. 

Les  Anglais  ont  mené  une  vive  campagne  contre  cet  usage 
qui  peut  avoir  du  mauvais,  mais  a  sa  raison  d'être  dans  tout 
le  système  social  hindou.  Enlevez  cette  pierre  à  l'édifice,  il 
s'écroule.  Que  la  fille  hindoue  s'européanise,  qu'elle  se  marie 
tard  et  fréquente  ses  voisins,  et  la  caste  disparaît. 

Un  autre  point  intéressant  est  celui  des  kouUines  poly- 
games du  nord  de  l'Inde.  Les  Hindous  sont  de  rigoureux  mo- 
nogames* ;  c'est  dans  le  seul  cas  où  ils  n'auraient  pas  d'en- 
fant qu'ils  peuvent  prendre  une  deuxième  femme,  mais  ce, 
avec  le  consentement  de  la  première,  qui,  du  reste,  l'accorde 
toujours.  Le  mariage  est  de  rigueur  chez  les  hommes  comme 
chez  les  femmes.  Seuls,  les  Hindous  voués  à  la  vie  contempla- 
tive (fakirs)  peuvent  s'en  dispenser*.  Il  ne  faut  donc  pas 

*  Ces  fêtes  ont  été  très  bien  décrites  par  un  Indien,  Ship  Shunder  Bose, 
dans  Thê  Indus  as  they  are, 

'  Dans  le  Sud,  les  femmes  sont  moins  rigoureusement  tenues  et  peuvent 
sortir.  Une  coutume  bizarre  consiste,  quand  une  jeune  fille  est  nubile,  à 
faire  porter,  par  le  blanchisseur  au  bout  d'une  perche,  le  linge  ensanglanté. 
Il  se  rend  ainsi  chez  tous  les  parents  et  amis  ;  c'est  le  signal  d*un  festin  ; 
après  quoi,  le  jeune  marié  peut  prendre  possession  de  sa  femme.  Un  curé 
me  disait  avoir  grand*peine  à  arracher  ce  préjugé  chez  ses  ouailles  qui 
n'y  voyaient  rien  d'impudique. 

•  Une  fois  par  an,  jour  de  grande  fête,  elle  sort  voilée  pour  faire  ses 
ablutions  au  Gange  même. 

♦  On  permet  aux  rois  d'avoir  juaqu'.-i  cinq  femmes  titrées,  mais  jamais 
plus;  encore  est-ce  regardé  comme  une  infraction  aux  lois  et  aux  usages. 
Les  principaux  dieux  de  l'Inde  n'eurent  qu'une  épouse  :  Bralima,  Vichnou, 
Si  va. 

*  Hors  de  Ih,  le  mariage  est  de  rigueur  ;  chacun  doit  8*aoquitter  de  la 
grande  dette,  de  la  dette  des  ancêtres^  qui  consiste  à  engendrer  un  fils. 


SIS  SÉANCE  DU   16  JUILLET   i80i« 

qu'une  jeune  fllle  reste  non  mariée;  c'est  là  un  grand  mal- 
heur pour  une  famille.  On  comprend,  en  effet,  qu'une  vieille 
fille,  pour  devenir  femme,  pourrait  se  résoudre  à  violer  les 
distinctions  de  castes.  Aussi,  pour  caser  les  vieilles  filles, 
existe-t-il,  dans  chaque  caste  *  une  sous-caste  «  koulUne  » 
qui  a  droit  à  la  polygamie.  Moyennant  un  prix  débattu,  ils 
admettent  la  vieille  fille  dans  leur  harem;  ce  sont  les  seuls 
Indiens  qui  exigent  une  dot;  il  faut  bien  une  compensation. 

Ces  faits  sociaux,  mariage  de  la  jeune  fille  enfant,  familles 
à  privilège  de  polygamie,  profession  de  marieur,  paraissent 
monstrueux  à  l'Européen,  qui  les  considèrent  en  eux-mêmes. 
Si  on  les  relie  à  toutes  les  pratiques  du  mariage,  on  voit  qu'ils 
ne  sont  qu'un  développement  logique  et  indispensable  de  tout 
un  système  social. 

Le  nouveau  point  de  vue  d'exogamie  topographique  nous 
a  paru  devoir  intéresser  la  science.  On  connaît  les  discus- 
sions passionnées  entre  les  partisans  et  les  adversaires  de  la 
consanguinité.  En  introduisant  cette  notion  nouvelle,  peut- 
être  expliquera-t-on  des  faits  en  apparence  contradictoires. 

Les  adversaires  de  la  consanguinité  blâment,  dans  ces 
mariages,  l'union  de  deux  ôlrcs  semblables,  ce  qui  exalte  les 
défauts  comme  les  qualités  chez  le  produit.  Or,  nous  trouvons, 
dans  le  nord  de  TJnde,  une  consanguinité  de  caste  qui  s'aug- 
mente dans  le  sud  de  consanguinité  de  famille,  sans  que 
jamais  pourtant,  de  l'aveu  des  prêtres,  de  mauvais  résultats 
puissent  lui  être  imputés. 

Mais  deux  êlres  consanguins  sont  moins  semblables  s'ils 
vivent  dans  deux  milieux  différents  que  s'ils  vivent  dans 
le  même  milieu.  Car  ils  y  acquièrent  des  qualités  différentes 
par  adaptation  au  milieu. 

1  A  Ceylan^  les  règles  sont  les  mêmes.  11  y  a  aussi  des  castes,  mais  bien 
moins  nombreuses.  A  Kandy,  par  exemple,  on  compterait  dix-huit  castes 
et  qui  se  marie  Iiors  de  sa  caste  serait  rejeté;  bien  que  nous  soyons  en 
pays  bouddhique,  il  est  curieux  de  voir  les  mômes  mœurs  persister.  De 
plus,  on  peut  se  marier  entre  cousins  de  frères  et  de  sœurs,  mais  non 
entre  consanguins  de  frères,  ou  entre  consanguins  de  sœurs.  Je  n'ai  point 
fait  do  recherches  concernant  Texogamic  lopographiquc. 


DISCUSSION   SUR    LE   MAHIAGE   AUX   INDES.  513 

Or,  on  sait  que,  chez  le  produit,  se  transmettent  non  seu- 
lement les  qualités  héréditaires,  mais  encore  les  qualités 
acquises  des  ascendants.  Je  rapprocherai  de  ce  fait,  celui 
bien  connu  deszootechnistes,  qui  recommandent,  en  quelques 
cas,  de  rafraîchir  le  sang  d'une  race  créée  ou  améliorée,  par 
la  consanguinité.  «  Mais  si  vous  avez  deux  domaines  diffé- 
rents, dit  Cornevin,  dans  son  Traité  de  zootechnie  générale^ 
faites  deux  lots  de  la  même  souche  et  établissez  chacun  sur 
un  domaine  différent;  car  le  sol  et  les  aliments  influencent 
l'économie,  et  une  influence  parfois  très  petite  suffit  pour 
établir  une  différence  entre  sujets  primitivement  de  même 
souche...  Le  mariage  entre  ces  deux  familles'  peut  suffire 
pour  remettre  les  choses  en  bonne  marche.  » 

Ceci  n'est,  du  reste,  qu'une  simple  esquisse  de  la  question 
que  je  me  réserve  d'approfondir  dans  une  communication 
ultérieure. 

Discussion. 

M.  Sansox  fait  remarquer  que  l'argument  zootechnique  in- 
voqué à  l'appui  de  la  thèse  présentée  à  la  Société  n'a  point  la 
valeur  qui  lui  est  attribuée.  On  serait  en  réalité  bien  embar- 
rassé pour  citer  un  seul  exemple  authentique  du  fait  avancé. 
Il  y  en  a  un  qui,  à  première  vue,  semblerait  en  faveur  de 
celle  thèse  :  c'est  celui  qui  s'est  passé  àGevrolles,  dans  l'an- 
cien troupeau  des  mérinos  soyeux.  Ce  troupeau  avait  anté- 
rieurement contracté,  dans  les  Vosges,  une  maladie  des  arti- 
culations qui,  malgré  les  meilleures  conditions  hygiéniques 
dans  lesquelles  il  se  trouvait,  se  perpétuait  par  la  consan- 
guinité. On  n'a  pu  la  faire  cesser  qu'en  allant  chercher  à  la 
souche  delà  variété,  à  Mauchamp,  des  béliers  sains.  Mais  on 
voit  bien  que,  dans  ce  cas,  les  inconvénients  de  la  consan- 
guinité n'ont  pas  été  évités  par  cela  seul  que  les  conjointe 
provenaient  de  lieux  divers.  Ils  l'ont  été  parce  que  les  mé- 
rinos du  troupeau  de  M.  Graux,  de  Mauchamp,  étaient  restés 
sains.  Si,  au  lieu  de  prendre  des  béliers  à  Mauchamp  pour 
GevroUes,  on  en  avait  pris  à  GevroUes  pour  Mauchamp,  c*est 


Sf4  SÉANCE  DU   IG  JUILLET   1891. 

le  contraire  qui  serait  arrivé.  Ces  choses  apparaissent  simple! 
et  claires  dès  qu*on  envisage  la  consanguinité  comme  j'a 
depuis  longtemps  établi  qu'elle  doit  l'être,  c'est-à-dire  comm< 
l'un  des  modes  de  l'hérédité.  C'est  l'hérédité  de  famille  qu 
rend  la  transmission  infaillible,  pour  la  raison  que,  dans  c< 
cas,  il  importe  peu  que  le  produit  hérite  de  son  père  ou  de  se 
mère  seulement,  ou  des  deux  à  la  fois.  Le  caractère  en  ques- 
tion existant  chez  Tun  comme  chez  l'autre,  puisque  c'esi 
un  caractère  de  famille,  il  se  retrouvera  toujours  dans  leui 
descendance.  C'est  pourquoi  la  consanguinité  est  égalemeni 
puissante  pour  le  bien  comme  pour  le  mal.  J'ai  exprimé  a 
fait  en  disant  qu'elle  élève  l'hérédité  à  sa  plus  haute  puis- 
sance. Et  c'est  celte  formule  qui  l'a,  dans  le  temps,  fait  rentrei 
dans  son  véritable  domaine  :  celui  de  l'hérédité.  Auparavant, 
on  lui  attribuait  une  influence  mystique,  toujours  nuisible. 

M.  Regnault  fait  remarquer  que  s'il  est  évident  que  lej 
ascendants  transmettent  à  leurs  enfants  leurs  qualités  oi 
leurs  défauts  héréditaires,  ils  transmettent  aussi  leurs  qua- 
lités ou  leurs  défauts  acquis.  Fournier  a  démontré  qu'un  père 
syphilitique  procrée  des  enfants  sains  ou  syphilitiques  sui- 
vant qu'il  se  soigne  ou  ne  se  soigne  plus.  Dans  le  cas  parti- 
culier qu'il  étudie,  M.  Regnault  pense  que  ce  même  mécanisme 
i«  peut  être  invoqué  ;  les  procréateurs  peuvent  avoir  acquis,  ei 

ÏÏ,  changeant  de  milieu,  des  qualités  particulières  qu'ils  peuven 

transmettre  à  leur  progéniture. 

M.  Sanson.  11  n'y  a  pas  lieu  de  distinguer  entre  ce  qui  i 
été  hérité  et  ce  qui  est  acquis,  du  moment  que  ce  qui  es 
acquis  jouit  de  même  de  la  puissance  héréditaire.  On  gai 
seulement  que  cette  puissance  est  plus  grande  pour  oe  qu 
vient  de  plus  loin. 

M.  Lagneau.  Doit-on  rapporter  à  l'exogamie  les  bons  résul 
tats  démographiques  des  unions  observées  dans  les  Indes  ? 

A  priori,  je  ne  suis  pas  porté  à  l'admettre,  tout  en  enga. 
géant  notre  collègue  à  continuer  ses  intéressantes  recherches 

Dans  les  unions,  la  consanguinité  doit  être  distinguée  di 
l'hérédité  morbide.  Les  unions  consanguines  peuvent  être  irai 


DISCUSSION  SUR   LG  MARIAGE   AUX  INDES.  515 

préjudiciables  aux  enfants  procréés,  si  les  consanguins  sont 
atteints  de  maladies  héréditaires.  Mais,  contrairement,  la 
consanguinité  peut  être  avantageuse  si  les  consanguins  nQ 
présentent  aucune  prédisposition  morbide. 

C'est  ce  que  Périor,  notre  ancien  président,  avait  parfai- 
tement montré  en  rendant  compte  d'une  thèse  de  M.  Bour- 
geois, qui  rapportait  l'exemple  de  sa  famille  saine  et  vigou- 
reuse, quoiqu'elle  eût  contracté  seize  unions  consanguines 
successives,  entre  cousins,  oncles,  nièces,  etc.,  mais  n'ayant 
aucune  tare  héréditaire*. 

Ainsi  que  je  l'ai  jadis. rappelé,  quoique  habitant  l'Egypte 
durant  trois  siècles  (de  332  à  30  av.  J.-C),  les  Ptolémée, 
d'origine  grecque,  bien  que,  par  raison  politique,  ils  se 
mariassent  fréquemment  entre  frères  et  sœurs,  ne  paraissent 
avoirprésenté  aucune  dégénérescence  physique.  La  dernière 
souveraine  de  cette  famille,  Gléopâlre,  qui  elle-même  épousa 
ses  deux  frères,  Ptolémée  XII  et  Ptolémée  XIII,  était  encore 
remarquablement  belle^. 

Comme  autre  exemple  des  bons  résultats  anthropologiques 
d'une  consanguinité  moins  étroite,  entre  parents  moins  rap- 
prochés, je  rappellerai  que  M.  Auguste  Voisin  a  signalé  les 
bonnes  conditions  anthropologiques  des  habitants  du  bourg 
de  Batz,  qui  depuis  des  siècles  s'unissent  presque  toujours 
entre  eux\  M.  Rôvillout  a  également  attiré  l'attention  sur 
cette  belle  population*.  Plus  récemment,  M.  le  docteur  Aubert, 
médecin  militaire,  chargé  du  recrutement  dans  le  départe- 
de  la  Loire-Inférieure,  constatait  que,  dans  le  canton  du 
Croisic,  qui  comprend  le  bourg  de  Batz,  où  sur  2733  habi- 

^  Bourgeois,  De  Vinfiuence  des  mariages  consanguins  sur  les  générations. 
Thèse,  Paris,  1859;  —  Pépier,  Influence  des  mariages  consanguins  (fititf#- 
tins  de  la  Société  d'anthropologie,  1. 1,  p.  119, 14G,  etc.,  1860). 

s  Bulletins  de  la  Société  d' anthropologie ,  t.  111,  p.  178.  1862. 

8  Auguste  Voisin,  Contribution  à  l  histoire  des  mariages  entre  consan- 
guins. Élude  sur  la  commune  de  Bati  {Mémoire  de  la  Société  étanthr apologie^ 
t.  11). 

^  Hévillout,  Gazelle  des  fkâpitaux,  13  octobre  1S64|  p.  478j  et  28  ian- 
vier  1865,  p.  47. 


516  SlilANCG  DU   16  JUILLET    1891. 

tants,  490  portent  le  même  nom  de  famille,  celui  de  Lehuédé, 
les  conscrits  se  faisaient  remarquer  par  le  petit  nombre 
d'exemptés.  Parmi  les  45  cantons  de  ce  département,  celui 
du  Croisic  ne  comptait  que  6  exemptés  sur  1000,  alors  que 
ceux  d'Ancenis  et  de  Loroux  en  comptaient  142  et  143  sur 
1000». 

COMMUNICATIONS. 
Statues  primitives  do  l'Aveyroii  et  de  THérault. 

M.  Adrien  de  Mortillet  dit  que  M.  Hcrmet,  de  Saînt-Affrique, 
a  trouvé,  dans  TAveyron,  quatre  blocs  en  forme  de  menhirs 
formés  de  plaquettes  de  grès  de  2  mètres  de  hauteur  et  gros- 
sièrement façonnées.  Ces  statues  fort  rudimentaires,  actuelle- 
ment dans  la  cour  de  révôchô  de  Rodez,  présentent  deux 
yeux,  un  baudrier  en  travers  de  la  poitrine  muni  dun  anneau 
vers  la  partie  moyenne,  deux  bras  grossiers,  une  ceinture  et 
deux  jambes.  M.  de  Mortillet  a  retrouvé,  sur  trois  menhirs  de 
l'Hérault,  des  sculptures  analogues.  11  s'agit  d'un  menhir  où 
Ton  ne  voit  plus  guère  que  le  baudrier,  et  par  derrière,  une 
trace  de  ceinture.  Sur  un  autre  menhir  à  quelques  kilomè- 
tres du  précédent,  il  y  a  un  baudrier  bien  marqué  et  des 
traces  de  traits  pour  les  jambes.  Un  dernier  est  presque  com- 
plèlement  effacé. 

Une  des  statues  de  l'Aveyron  porte,  marqués  au-dessus  du 
baudrier,  un  arc  et  deux  llèches,  le  coutelas  à  l'extrémité  du 
baudrier  et  derrière  un  carquois.  Sur  un  monument,  égale- 
ment de  TAveyron,  montrant  une  femme,  on  voit  figuré  très 
grossièrement  comme  un  morceau  d'étoffe  recouvrant  la 
bouche;  il  y  a  aussi  deux  seins,  puis  des  traits  représentant 
une  robe  transparente  au  bas  de  laquelle  apparaissent  deux 
pieds  rudimentairement  indiqués.  Il  s'agit  donc  là  d'images 
présentant  un  air  de  famille  très  net.  On  en  a  retrouvé  de 
très  analogues  aux  environs  de  Munich  et  en  Transylvanie. 

'  Aubert,  Sur  le  recrutement  dans  le  département  de  la  Loire-Inférieure- 
Rapport  de  M.  G.  Lagneau  {Bulletin  de  l'Académie  de  médecine^  1 4  décembre 
188G,  p.  502-307). 


I.AJARD.   --    RUDIMENTS   DE   LANGAGE   SIFFLÉ   A    PARIS.      517 

Ce  sont,  avec  les  pierres  de  Gollorgues  (Gard),  les  plus  an- 
ciens spécimens  de  la  statuaire  de  nos  régions. 

BadimenlB  de  langage  sifflé  A  Paris  ; 

PAR  M.    LAMRD. 

D'une  précédente  étude  sur  le  langage  sifflé  dôs  îles  Cana- 
ries*, il  résulte  que  cette  forme,  loin  de  constituer  un  type 
aberrant,  éloigné  de  tout  système  connu,  comme  on  le  croyait, 
est  simplement  de  l'espagnol  sous  un  aspect  particulier.  Les 
bergers  herreflos  sifflent  le  castillan,  comme  les  Guanches 
sifflaient  leur  ancien  idiome. 

Une  pareille  constatation  le  dégage  d'un  coup  de  la  lin- 
guistique. Nous  allons  voir  qu'elle  le  rend  aussi  indépendant 
de  l'ethnographie,  et  l'offre  avec  un  caractère  de  généralité 
auquel  on  ne  s'attendait  pas  tout  d'abord. 

Les  autres  langues  pouvant  être  sifflées,  il  serait  étonnant 
qu'elles  ne  le  fussent  pas,  et  un  certain  nombre  d'observa- 
tions montrent  qu'il  en  est  réellement  ainsi. 

Le  langage  sifflé,  en  effet,  se  rencontre  en  divers  endroits, 
à  l'état  très  rudimentaire,  il  est  vrai,  mais  avec  les  signes 
qui  le  distinguent  et  le  môme  mécanisme. 

En  Amérique,  mes  recherches  n'ont  pas  été  heureuses.  Le 
colonel  Garrick  Mallery',  dans  son  étude  du  langage  par 
gestes  chez  les  Indiens,  ne  parle  de  rien  de  semblable.  Aucune 
des  six  manières  de  représenter  la  voix  dans  la  pictographio 
du  nouveau  monde  ne  le  rappelle  également. 

Durant  un  séjour  en  Corse,  j'avais  constaté  déjîl  que  les 
bergers  sifflaient  avec  une  grande  habileté.  11  y  a,  sans  doute, 
là  quelque  chose  d'analogue  à  ce  que  nous  avons  étudié  jus- 
qu'ici. 

Mais  le  plus  singulier  est  d'en  trouver  des  traces  chez  les 
peuples  civilisés  actuels  et  dans  les  grandes  villes.  Plus  d'un 

*  Lajard,  le  Langage  sifflé  des  Canaries  (Séance  du  2  juillet  1891}. 
^  The  gesture  language  {Annual  report  to  Smilhsonian  InstUuUon  Wash- 
inglvn). 


318  BËAKCE  DU   16  JUIUBT   1891' 

lecteur  sera  surpris  en  entendant  parler  do  sa  |>ré8enc< 

Paris. 

11  existe,  en  effet,  ici  et  dans  les  environs,  des  rudimei 
de  langage  sifflé  qui  ont  la  plus  grande  analogie  avec  ce 
que  nous  avons  trouvé  à  l'Île  de  Fer,  avec  tout  son  dévelopi 
ment.  Il  se  compose  de  quelques  mots  et  d'un  certain  nom! 
de  signes  conventionnels'. 

Il  n'est  pas  rare  d'entendre  le  soir  dans  les  rues,  et  vt 
dix  ou  onze  heures,  quelques  coups  de  sifflet  diverseme 
modulés  devant  la  porte  des  boucheries.  Ce  sont  les  condu 
leurs  de  viande  qui  appellent  les  débitants.  Quelquefois,  c't 
un  nom,  un  prénom  surtout,  quand  il  est  court  ;  plus  souve 
encore,  un  sobriquet.  On  distingue,  comme  nous  avons  ' 
déjà,  l'appel  qui  précède  le  mot.  H  est  très  bref,  fait  d'u: 
seule  interjection,  destinée  à  préparer  l'attention  :  «  H 
Louis  !  .. 

Le  procédé  est  le  même  qu'aux  Canaries.  Les  doigts  so 
portés  dans  la  bouche,  par  deux.  Les  positions  de  la  ma 
ressemblent  à  celles  que  j'ai  décrites.  U  en  existe  une  que 
n'ai  pas  trouvée  dans  les  îles.  Elle  consiste  dans  le  pinceme 
de  la  icvre  inférieure  entre  le  pouce  et  l'index.  Une  partie 
larité  me  paraît  les  diâlinguer  :  c'est  la  disposition  de 
langue.  Aux  Canaries,  l'organe  reste  au  repos  dans  la  m 
choire  inférieure-,  ici,  la  pointe  est  relevée,  la  plupart  ( 
temps,  et  retournée  en  arrière  ;  les  doigts  s'appliquent  desâi 
et  la  maintiennent.  Les  sons  paraissent  moins  forts  et  moi 
perçants  qu'à  l'ile  de  Fer. 

L'appel  nocturne  qu'il  nous  arrive  d'entendre  est  d'or»3 
naire  un  coup  de  sifflet  conventionnel  et  spécial  à  la  profe 
sion.  U  sort  ainsi  du  caractère  que  nous  lui  avions  trou 
dans  l'archipel.  Tel  est  celui  des  ouvriers  d'un  même  cor, 
de  métier.  Les  charpentiers  ont  le  leur,  les  maçons  aus! 
Vous  passez  devant  une  maison  en  construction,  donnez  l 
modulations  du  couvreur.  Au  premier  appel,  l'ouvrier  dépo: 

'  Je  dois  1*  plupart  des  r.'nseigneraenla 
M.  Félix  Fl&ndiiietle,  et  je  le  prie  d'agréei'  i 


LAJARD.    —  RUDIldENTS   DE  LANGAGE   SIFFLÉ  A  PARIS.      519 

son  outil  ;  au  deuxième,  il  regarde  autour  de  lui  et  cherche 
des  yeux;  au  troisième,  voyant  qu*on  persiste,  il  descend. 
Nous  avons  fait  cette  expérience,  ou  du  moins  la  première 
partie,  des  fenêtres  du  laboratoire  d'anthropologie  ;  le  signe 
était  conventionnel,  celui  des  zingueurs.  Elle  a  fort  bien 
réussi.  Chaque  corps  de  métier  a  ainsi  son  mot  de  ralliement, 
et  c'est  la  règle  pour  lui  de  s'en  servir.  Il  est  formé  d*un  appel 
conventionnel  ou  d*un  nom  de  guerre. 

A  côté  des  professions  honorables,  il  en  existe  une  autre, 
douée  d'un  riche  vocabulaire  :  c'est  celle  des  voleurs.  Le  lan- 
gage sifflé  est  très  apprécié  de  toutes  les  catégories  de  bra- 
conniers, de  maraudeurs,  de  libérés,  etc.  La  plaine  de  Saint- 
Denis  et  ses  environs,  sur  un  rayon  de  plusieurs  kilomètres, 
est  le  lieu  ordinaire  de  ces  échanges  de  signaux. 

Ceux-ci  sont  conventionnels.  On  en  trouve  plusieurs  qui 
sont  choisis  de  manière  à  ne  pas  attirer  l'attention.  Ils  ont 
alors  des  variantes  qui  s'éloignent  du  sifflet. 

Dans  les  vols  de  poulaillers,  les  complices  se  tiennent  au 
courant  de  ce  qui  se  passe  au  voisinage  à  l'aide  du  chant  du 
coq.  On  y  distingue  la  présence  du  garde  champêtre  et  celle 
des  gendarmes.  Le  coq  chante  plus  lentement  pour  le  pre- 
mier ;  pour  les  gendarmes,  ses  éclats  sont  précipités.  S'il 
s'arrête  brusquement,  le  danger  est  tout  près. 

Les  dénicheurs  ont  leur  cri  d'alarme  particulier,  et  celui 
qui  leur  sert  à  annoncer  aux  amis  une  aubaine. 

Les  malfaiteurs  portent  un  nom  de  guerre.  C'est  ce  nom 
qui  est  sifflé,  comme  celui  des  bouchers  dans  les  rues.  Ces 
sorles  de  sobriquets  sont  les  seuls  mots  que  les  Parisiens  aient 
à  leur  disposition.  Le  système  ne  va  pas  plus  loin  chez  nous. 
11  ne  peut  rendre  la  moindre  pensée  autrement  que  par 
des  signaux  de  convention.  C'est  une  différence  très  grande 
avec  ce  que  nous  avons  vu  à  l'île  de  Fer  ou  à  la  Gomère.  Là, 
il  reproduit  tout  le  langage.  Le  docteur  Yerncau  a  décrit  com- 
ment, à  son  grand  étonnement,  il  se  voyait  partout  entouré 
de  gens  au  courant  de  son  voyage,  de  sa  nationalité,  de  sa 
profession.  Les  bergers  avaient  reçu  ces  nouvelles  répandues 


520  SÉANCE   DU    16  JUILLtlT  1891. 

par  quelques  coups  de  sifflet.  A  Paris,  rien  de  semblable  : 
quelques  sobriquets,  et  rien  de  plus. 

Quant  aux  essais  d*application  du  sifflet  dans  nos  sociétés 
civilisées,  ils  sont  tout  autres.  On  connaît  les  services  qu'il 
rend  dans  l'artillerie,  la  marine,  etc.  Nous  n'y  trouvons  qu'an 
petit  nombre  de  signes  conventionnels  :  pour  filer  une  amarre, 
trois  petits  coups  rapides  et  plusieurs  fois  répétés  ;  un  seul, 
pour  dire  :  assez.  Un  instrument  est  toujours  nécessaire  et 
il  n'y  a,  dans  ces  innovations,  pas  un  seul  exemple  de  repro- 
duction d'un  mot  français. 

En  résumé,  d'après  Tensemble  de  ces  faits,  le  langage 
sifflé  paraît  présenter  une  distribution  très  étendue.  Il  se 
rencontrera,  sans  aucun  doute,  en  beaucoup  d'endroits  diffé- 
rents. Aujourd'hui,  il  nous  suffit  d'en  avoir  découvert  quel- 
ques rudiments  à  Paris.  Malgré  la  distance  énorme  qui  sépare 
le  système  complet  des  Gomériens  des  simples  traces  que 
nous  avons  vues  dans  nos  rues,  il  m'a  paru  utile  de  signaler 
le  côté  par  lequel  on  peut  les  rapprocher,  même  si  la  com- 
paraison n'a  d'autre  résultat  que  d'achever  de  ruiner  les 
erreurs  accréditées  au  sujet  de  celui  des  Canaries.  On  re- 
marquera aussi  le  milieu  spécial  où  il  végète  ici,  et  certaines 
analogies  relatives  à  ceux  qui  l'emploient  dans  les  condi- 
tions et  les  besoins  de  la  vie, 

Vn  point  de  la  physiologie  du  langage  ; 

PAR   M.    CH.    DU    PASQl'lRR. 

I 

Nous  espérons  montrer  dans  ce  court  travail  que  tout,  dans 
l'éducation  du  langage,  se  ramène  à  des  fonctions  sensorielles 
ou  motrices,  que  l'enfant  apprend  à  parler  parce  que  l'on 
peut  associer  chez  lui  un  mouvement  déterminé  à  une  sen- 
sation objective,  et  que  sa  physiologie  lui  permet  de  garder 
la  mémoire  de  cette  association.  Rapprocher  d*une  sensation 
fournie  par  les  sens  un  mouvement  d'articulation,  tel  est  le 
but  que  Ton  poursuit  en  apprenant  à  parier  à  un  enfant.  La 


nu   TASOUlER.    —   PHY9I0L0GIE   DC  LANGAGE.  b2i 

mémoire  qui  lui  permet  d'apprendre  à  parler  el  à  ne  plu3 
oublier  son  langage  est  une  mémoire  organique  ;  elle  est 
pour  nous  le  rappel  de  la  sensation  qui  naît  dans  le  mouve- 
ment d'articulation,  cY'st-à-dirc  dans  le  mouvement  qui  du 
fait  de  Téducation  du  langage  a  précisément  été  associé  à  la 
sensation  objective. 

Nous  croyons  ce  mode  d'éducation  du  langage  parfaitement 
physiologique  ;  bien  des  faits  expérimentaux  consignés  dans 
l'intéressant  livre  de  M.  le  docteur  Ch.  Féré  :  Setisation  et 
Mouvement,  sont  des  preuves  en  faveur  de  la  réalité  de  ce 
mécanisme  particulier  du  langage,  et  la  façon  dont  on  apprend 
à  parler  oralement  aux  sourds-muets  en  est  pour  nous  une 
démonstration. 

Nul  doute  que  l'enfant  à  qui  Ton  veut  apprendre  à  parler 
ne  doive  posséder  la  faculté  d'apprécier  et  d'exprimer,  c'est- 
à-dire  des  sens  intacts  et  des  organes  d'expression  en  parfait 
état  de  fonctionnement.  Mais  un  enfant  en  possession  de  ces 
deux  seules  facultés  est-il  apte  dès  lors  à  apprendre  à  parler? 
Saura-t-il  parler  parce  qu'il  a  des  sensations  et  qu'il  peut 
articuler  un  son?  Assurément  pas.  Depuis  l'instant  où  ses 
sens  lui  permettent  de  saisir  les  caractères  d'un  objet,  jus- 
qu'au jour  où  oralement  il  peut  traduire  son  impression,  et 
désigner  cet  objet  par  le  signe  conventionnel,  il  s'est  accompli 
en  lui  la  série  des  actes  intimes  qui  constituent  la  véritable 
éducation  du  langage,  précisément  le  travail  d'association  de 
la  sensation  objective  au  mouvement  d'articulation. 

Mais  celui-là  seul  sait  parler  et  peut  se  faire  entendre  qui 
désigne  toujours  sans  méprise  le  même  objet  par  le  même 
mot,  le  langage  n'est  compréhensible  qu'à  cette  condition  ; 
or,  par  quel  moyen  l'enfant  y  parviendra-t-il  ?  Par  sa  mémoire, 
disent  les  auteurs...  Mais  cette  mémoire  quelle  est-elle?  Ce 
moyen  il  le  possède  dans  le  sens  musculaire  réparti  dans  les 
organes  de  l'articulation  ;  si  l'enfant  a  le  sens  musculaire,  il 
sera  dorénavant  susceptible  d'apprendre  à  parler.  Bien 
qu'aveugle  ou  sourd,  un  individu  pourra  toujours  parler,  s'il 
possède  ce  sens  ;  l'éducation  sera  plus  longue,  plus  labo- 


522  SÉANCE  DU    IG  JUILLET  1891. 

rieuse,  mais  possible.  La  perte  d'un  sens  comme  Touïe,  la  vue 
redorât,  le  goût,  ne  devient  pas  un  obstacle  à  Téducation  di 
langage,  nous  ne  saurions  trop  insister  sur  ce  fait,  mai 
Tabsence  du  sens  musculaire  devient  un  obstacle  insurmon 
table,  il  supprime  la  possibilité  d'apprendre  à  parler.  Gràci 
à  ce  sens,  nous  pouvons  apprécier  certains  caractères  de; 
objets  extérieurs,  leur  poids  notamment;  mais  ce  n'est  pai 
comme  source  de  sensations  qu'il  est  une  condition  essen* 
tielle  du  parler,  c'est  comme  mémoire  musculaire  que  soi 
rôle,  son  intervention,  est  de  toute  nécessité.  Il  n'est  compa 
rable  à  aucun  autre  sens,  son  siège  est  mal  déterminé,  i 
semble  réparti  dans  tous  nos  organes,  plus  spécialement  dans 
répaisseur  de  nos  masses  musculaires,  localisé  au  groupe  de 
tous  les  muscles  entrant  en  jeu  pour  Texécution  de  tel  mou^' 
vement,  nous  avons  et  gardons  ainsi  la  mémoire  de  la  forme 
d'un  mouvement  :  c'est  à  ce  titre,  croyons-nous,  qu'il  esl 
plus  spécialement  réparti  dans  les  muscles  de  larticulation. 
Dans  l'exercice  de  la  parole,  c'est  donc  à  ce  sens,  à  cette 
mémoire  musculaire  spéciale  que  l'enfant  est  redevable  de 
pouvoir  associer  la  sensation  d*un  mouvement  déterminé  à 
une  sensation  objective,  d'en  saisir  le  rapport  et  d'en  gardei 
la  mémoire. 

Quand  Fhomme  voulut  exprimer  des  idées  plus  nombreuses 
et  plus  complexes,  le  langage  naturel  ne  lui  suffisant  plus, 
il  eut  recours  à  d'autres  signes  pour  compléter  ses  moyens 
d'expression,  et  créa  alors  le  langage  oral,  le  langage  parlé, 
où  les  signes  furent  des  mots,  non  plus  des  signes  naturels, 
mais  conventionnels.  Ces  signes  furent  oraux  et  parlés  :  ils 
furent  parlés,  c'est-à-dire  prononcés  et  articulés,  nécessitant 
donc  des  mouvements  dans  les  muscles  de  rarliculalion, 
soit  les  mouvements  de  coordination  de  la  parole.  C'est  là 
une  grande  et  précieuse  qualité  des  signes  du  langage  con- 
ventionnel, ils  exigent  dans  les  muscles  de  l'articulation  des 
mouvements  dont  le  sens  musculaire  peut  par  conséquent 
garder  la  mémoire.  Or,  c'est  précisément  ce  mouvement 
d'articulation  que  l'on  rapproche  de  la  sensation  objective 


DU   PASQUIER.   —  PHYSIOLOGIE  DU  LANGAGE.  523 

dans  réducation,  c'est  là  le  but  que  l'on  poursuit  ;  c'est  tou- 
jours à  un  mouvement  d'articulation,  de  coordination  muscu- 
laire que  la  sensation  objective  et  rournie  par  les  sens  sera 
associée. 

Il  est  un  point  sur  lequel  nous  voulons  encore  attirer  Tat- 
tention.  M.  Féré  a  montré  qu'il  n'y  avait  point  de  sensation 
consciente  et  inconsciente  qui  ne  s'accompagnât  de  mouve- 
ment (travail  musculaire,  augmentation  de  volume  d'un  mem- 
bre, vascularisation  plus  grande  d'un  tissu,  capacité  respira- 
toire amplifiée,  activité  plus  grande  des  sécrétions)  ;  mais  il 
a  montré  aussi  que  le  mouvement  était  une  conséquence 
nécessaire  de  toute  sensation,  comme  de  toute  représentation 
mentale,  que  l'image  des  mots  se  réveillait  dans  l'articula- 
tion... Nous  CI  oyons  pouvoir  dire  que  ces  diverses  manifes- 
tations objectives  d*un  mouvement  coïncidant  avec  des 
représentations  mentales  ou  des  sensations  existent  de  par 
le  fait  de  l'éducation  du  langage,  que  c'est  l'éducation  qui  a 
associé  ces  mouvements  aux  sensations  objectives,  au  point 
que,  dans  l'exercice  de  la  parole,  il  n'y  a  plus  de  sensations 
ou  de  représentations  mentales  sans  mouvement.  Ces  mou- 
vements sont  des  mouvements  d'articulation,  non  pas  des 
mouvements  naturels,  mais  des  mouvements  conventionnels 
comme  les  signes  eux-mêmes  du  langage  figuré. 

Apprendre  à  parler  consiste  donc  à  donner  un  corps  aux 
sensations  que  nous  procurent  nos  sens  et  notre  réflexion 
(dans  le  sens  de  Locke),  à  incarner  ces  impressions,  comme 
dit  M.  Falret,  dans  un  signe  qui  leur  corresponde,  et  qui 
nous  permette  de  les  communiquer  aux  autres.  Gomment 
donc  enseignc-t-on  un  tel  langage  a  l'enfant?  Nous  sommes 
maintenant  en  mesure  de  nous  en  rendre  compte. 

II 

On  désigne  d'un  mot  habituellement  à  l'enfant  Tobjet  qu'on 
lui  présente,  ou  un  des  caractères  dominants  de  cet  objet; 
d'un  corps  froid  par  exemple,  qu'on  lui  met  dans  la  main, 
et  qui  détermine  chez  lui  une  sensation  spéciale,  on  rap- 


534  SÉANCE    DU    iG  JUILLET   1S91. 

proche  le  signe  froid^  par  lequel  il  exprimera  cette  sensation. 
Comme  il  a  la  bonne  volonté  d'articuler,  il  s'efforcera  de 
prononcer  le  mot  froid;  il  y  arrivera  peu  à  peu,  et  se  tiendra 
à  une  prononciation  quand  par  son  ouïe  il  se  sera  renda 
compte  de  Tidentité  de  sa  prononciation  avec  celle  de  son 
professeur  ;  or  de  la  prononciation  de  ce  signe,  naît  dans  sa 
langue  une  sensation  musculaire  spéciale,  celle  des  mouve- 
ments d'articulation  du  moi  froid.  Voilà  le  mouvement  associé 
à  la  sensation  objective  ;  la  môme  sensation  s'accompagnera 
désormais  et  toujours  du  même  mouvement,  et  ce  mouve- 
ment sera  le  mouvement  d'articulation,  et  donnera  lieu  ;i  la 
sensation  de  coordination  musculaire.  Dès  lors  la  mémoire 
qui  permet  à  Tenfant  de  parler  et  de  ne  plus  oublier  son  lan- 
gage, possède  un  substratum  anatomique  facile  à  défînir. 
Nous  le  répétons,  tout  mouvement  exécuté  donne  lieu  à  une 
sensation  spéciale  de  coordination  dont  nous  gardons  la  mé- 
moire dans  le  sens  musculaire  ;  si  toute  sensation  objective 
s'accompagne  dorénavant,  dans  le  domaine  du  langage,  d*iin 
mouvement  déterminé  d'articulation,  ce  mouvement  donne 
lieu  à  une  sensation  musculaire  de  coordination  ;  c'est  dans  le 
rappel  de  cette  sensation  musculaire  qu'est  toute  la  mémoire. 

Ce  mécanisme  de  la  physiologie  du  langage  ne  peut  pa- 
raître étrange  quand  on  s'est  pénétré  du  mode  suivant  lequel 
on  apprend  à  parler  oralement  aux  sourds-muets  ;  l'éduca- 
tion du  langage,  plus  lente,  plus  laborieuse  chez  eux,  laisse 
plus  de  temps  à  l'observation,  on  saisit  plus  nettement  les 
étapes  successives  et  le  mécanisme  de  Téducation.  La  diffi- 
culté, tout  le  labeur  de  la  méthode,  consistent  à  faire  naître  ici 
le  mouvement  d'articulation.  Nous  reproduisons  maintenant, 
en  quelques  mots,  la  méthode  graphique  duc  à  M.  Goguillot. 
(Goguillot,  Comment  on  fait  parler  les  sourds-muels,  Paris, 
Masson,  1889.) 

Le  maître  place  sur  son  palais  une  forme  s'y  moulant  exac- 
tement et  recouverte  d'un  enduit  spécial  ;  il  y  fait,  en  pro-* 
nonçant  une  certaine  lettre,  une  empreinte  indiquant  exacte- 
ment les  points  où  sa  langue  est  venue  en  contact  des  dents 


DU   PASQUIER.    —   PHYSIOLOGIE   DU   LANGAGE.  325 

et  du  palais.  Gctlc  empreinte  est  montrée  au  jeune  sujet  et 
on  Toblige,  en  l'y  aidant  manuellement,  à  donner  à  sa  langue 
une  position  telle,  que  l'empreinte  qu'il  produira  sur  le  moule 
soit  identique  à  celle  de  son  professeur.  11  peut  constater  ainsi 
par  lui-même  le  plus  ou  moins  de  correction  du  son  qu'il 
émet,  en  comparant  l'empreinte  qu'il  a  faite  sur  le  moule  & 
celle  qu'on  lui  donne  à  imiter.  Il  sera  facile,  dès  lors,  de  rap- 
procher cette  empreinte  de  la  lettre  en  question  qui  lui  sera 
montrée,  et  ainsi  sera  associée  à  la  sensation  objective  la 
sensation  de  coordination  musculaire  ;  le  reste  est  facile  à 
comprendre.  Désormais,  la  vue  seule  de  cette  lettre,  s'accom* 
pagnant  du  mouvement  de  coordination,  éveillera  en  lui  la 
sensation  d'articulation,  et  le  même  phénomène  aura  lieu 
toutes  les  fois  qu'il  rencontrera  cette  même  lettre. 

Nous  avons  fait  remarquer  déjà  (Du  Pasquier  et  Marie, 
Séméiologie  nerveuse  de  la  langue,  in  Progrès  médical^  14  fé- 
vrier 1891)  que  c'est  bien  à  cette  mémoire  dite  musculaire 
que  Ton  s'adresse  pour  faire  parler  les  sourds-muets  par  la 
méthode  graphique.  De  même,  les  sourds  n'entendent  que 
parce  qu'ils  possèdent  la  mémoire  musculaire  de  la  langue  ; 
ils  arrivent  à  comprendre,  s'ils  réussissent  à  reproduire  avec 
leurs  lèvres  les  mouvements  qu'ils  voient  faire  à  leur  interlo- 
cuteur ;  ils  entendent  avec  les  muscles  de  l'articulation.  Il  en 
est  de  même  pour  certains  individus  atteints  de  surdité  ver- 
bale. Ce  sont  là  des  phénomènes  de  même  ordre  et  ayant 
leur  raison  dans  le  même  mécanisme  physiologique. 

Mais  qu'il  nous  soit  permis  de  faire  encore  ici  un  rappro- 
chement. 

M.  Falret  (in  les  Aliénés  et  les  Asiles  d'aliénés,  Paris,  4890, 
p.  486),  dans  un  chapitre  sur  la  physiologie  pathologique 
de  l'aphasie,  compare  très  justement  les  mouvements  de 
coordination  de  la  parole  «  aux  mouvements  que  nous  exé- 
cutons, à  chaque  instant,  pour  d'autres  actes  également 
compliqués,  tels  que  la  station  verticalci  la  marche,  ou,  par 
exemple,  l'action  de  jouer  du  piano  et  du  violon  ;  ces  actes 
sont  appris  peu  à  peu  par  une  éducation  successive  ».  Or, 

T.  n  (40  séniE).  34 


526  SÉANCE  DU   46  JUILLET   489t. 

qu'est-ce  que  cette  éducation  successive?  Comment  se  fait- 
elle  ?  Au  moyen  de  quelle  physiologie  ?  C'est  par  une  phy- 
siologie semblable  à  celle  du  langage. 

Dans  le  fait  d'apprendre  à  jouer  du  violon,  la  position  de 
chaque  note  sur  la  portée  exige  une  position  spéciale  des 
doigts  sur  les  cordes.  Pour  un  violoniste,  la  vue  seule  des 
notes  fait  naître  dans  le   bras,   le  poignet  et  les  doigts, 
la  sensation  que  devra  occuper  chacune  de  ces  parties  sur 
son  instrument  ;  Taudition  seule  d'une  note  aura  Je  même 
effet.  Prenons  un  autre  exemple  et  voyons  comment  se  fait 
l'éducation  d'une  danse^  delà  valse.  Le  maître  définit  le  pas, 
le  décompose  et  le  fait  exécuter  à  son  élève  d'abord  sans 
musique  ;  lorsque  l'élève  possède  suffisamment  le  pas,  on  le 
fait  valser  sur  la  musique  ;  s'il  est  musicien,  il  saisit  le  rythme 
de  la  mesure  à  trois  temps  et  y  adapte  le  pas  de  la  danse. 
Après  plusieurs  répétitions  et  maints  efforts,  supposons  Tédu- 
cation  terminée  :  dorénavant,  sur  un  air  de  valse,  le  jeune 
sujet,  ayant  conservé  la  sensation  musculaire  de  coordina- 
tion des  mouvements  de  la  valse,  ne  dansera  qu'une  valse, 
sans  jamais  se  tromper  ni  oublier.  Combien  de  danseurs  chez 
qui  le  moindre  air  de  valse  ne  suscite  immédiatement  cette 
sensation  du  pas  de  la  valse  au  point  que  leurs  jambes  s'agi- 
tent et  qu'ils  ne  peuvent  rester  en  place  !  Où  est  Texplication 
de  ce  phénomène,  si  ce  n'est  dans  ce  fait  physiologique  que 
toute   sensation  ou  représentation  mentale  est  susceptible 
d'éveiller  immédiatement  la  sensation  du  mouvement  à  la- 
quelle Tune  ou  l'autre  est  associée  ?  Dans  l'éducation  de  la 
danse,  à  la  sensation  rythmée  de  la  musique  on  a  associé  le 
mouvement  de  valse;  dans  l'éducation  du  langage,  à  la  sen- 
sation objective,  le  mouvement  d'articulation.  La  sensation 
musculaire  de  coordination  des  mouvements  de  la  valse  a 
persisté  dans  les  muscles  des  jambes,  celle  des  mouvements 
d'articulation  des  mots  dans  la  langue  ;  la  reproduction  de 
la  sensation  première  ou  son  retour  dans  la  représentation 
mentale  suffit  h  faire  naître  celle  de  coordination  muscu- 
laire. Toute  mémoire  est  un  rappel  de  sensation  ;  de  fait| 


DU    PA50UIER.   —    PUYSIOLOGIE   DU   LANGAGE.  B27 

on  apprend  h  parler  comme  on  apprend  à  valser.  Tonte  édu- 
cation, quelle  qu'elle  soit,  le  dressage  d*an  animal  en  liberté, 
a  une  raison  physiologique  identique. 

m 

Il  nous  reste  encore,  pour  terminer  cette  étude,  à  examiner 
la  façon  dont  se  complète  l'éducation  du  langage,  et  la  part 
de  la  volonté  sur  la  mémoire  des  mots. 

Et  d'abord,  comment  l'enfant  complète-t-il  ses  moyens 
d'expression  ?  Est-ce  par  un  travail  particulier  qu'Herbert 
Spencer  considère  comme  le  germe  d'un  processus  de  raison- 
nement ?  Nous  ne  le  croyons  pas. 

L'enfant  ne  peut  saisir  le  caractère  individuel  des  choses, 
la  marque  caractéristique  des  individus  ;  il  y  a  chez  lui  ten- 
dance à  ne  voir  que  les  caractères  communs  des  divers  indi- 
vidus et  objets  (Taine,  Intelligence,  1. 1,  p.  46)  ;  il  ne  voit, 
des  choses  et  des  gens,  que  les  grandes  lignes,  approxima- 
tivement les  détails  et  les  nuances,  parce  que  ses  sens  sont 
imparfaits,  son  jugement  rudimentaire.  11  n'est  donc  rien 
d'étonnant  à  ce  que  des  objets  semblables  pour  lui,  dont  les 
caractères  individuels  ne  lui  ont  pas  été  révélés,  fassent  naître 
en  lui  la  sensation  musculaire  d'articulation  d'un  mot  dont 
il  faudra  restreindre  l'extension  ;  puisque  le  caractère  spéci- 
iique  lui  échappe,  qu'il  ne  saisit  que  les  caractères  généraux, 
il  ne  peut  qu'employer  le  terme  générique,  il  ne  peut  que 
généraliser.  Pour  abréger  le  temps  de  l'éducation  chez  l'en- 
fant, il  suffit  d'étendre  son  expérience  ;  et,  pour  cela,  on  fixera 
son  attention,  non  pas  sur  les  caractères  généraux  des  choses 
et  des  gens,  mais  bien  sur  les  caractères  individuels  et  les 
différences  des  individus  et  des  objets,  en  rapprochant  du 
caractère  particulier  de  chaque  chose  le  terme  propre  qui 
sert  à  le  différencier  de  l'objet  voisin,  à  le  classer  individuel- 
lement en  un  mot.  * 

Ainsi  l'enfant  désignera  du  terme  générique  couteau  tout 
instrument  présentant  une  lame  d'acier  articulée  à  l'une  de 
ses  extrémités,  jusqu'au  jour  où  on  lui  aura  fait  remarquer 


528  SÉA5CE   DU   i6  JUILLET  i89l. 

qu'il  est  des  couteaux  de  taille  et  d'applications  diverses  : 
de  ces  caractères  nouveaux  pour  lui,  que  son  discernement 
ne  lui  avait  pas  permis  jusqu'alors  de  saisir,  on  rapprochera 
les  termes  canif  et  bistouri;  on  aura  associé  de  la  sorte  à  des 
caractères  objectifs  nouveaux  et  individuels,  qui  font  qn*an 
couteau  est  un  canif  ou  un  bistouri,  un  mouvement  d'artica- 
lation  nouveau.  De  même,  il  appellera  dorénavant  serviette  ao 
morceau  de  toile  blanc,  propre,  ne  présentant  ni  trous,  ni 
déchirures,  et  chiffon  un  morceau  de  toile  loqueteux,  quand 
son  expérience  lui  aura  permis  de  saisir  les  caractères  parti* 
culiers  et  les  usages  difTérents,  en  dehors  des  caractères 
communs  de  ces  deux  objets.  L'éducation  du  langage  se  com. 
plète  à  mesure  que  les  abstractions  deviennent  de  plus  en 
plus  nombreuses:  l'enfant  cesse  de  généraliser  pour  abstraire, 
et  non  pas  grâce  à  une  faculté  spéciale  de  son  entendement, 
mais  parce  que  à  la  caractéristique  des  individus  et  des  choses, 
Téducation  a  associé  un  mouvement  d'articulation  spécial  et 
nouveau.  Comme  le  dit  Thompson  (Laws  ofThought)^  in  livre 
Gharlton  Bastion,  C Homme,  t.  II,  p.  72,  «  c'est  à  mesure  que 
les  distinctions  entre  les  relations  des  objets  deviennent  pins 
nombreuses^  plus  compliquées  et  plus  subtiles,  que  le  langage 
devient  plus  analytique  »  ;  le  vocabulaire  devient  de  même 
plus  étendu,  les  idées  plus  nombreuses. 

Quant  à  la  part  de  la  volonté  sur  la  mémoire  des  mots,  il 
est  facile  de  la  déterminer.  Pour  nous  rappeler  un  terme  qni 
nous  échappe  nous  nous  plaçons  mentalement  dans  des  con* 
ditions  aussi  identiques  que  possible  à  celles  où  nous  étions 
placés  lors  de  la  première  association.  Ainsi,  supposons  que 
nous  cherchions  le  nom  d'un  personnage  à  qui  nons  avons 
été  présenté,  comment  agirons-nous? Le  modèle  plus  commn* 
nément  employé,  est,  ce  nous  semble,  le  suivant  :  nous  nons 
efforçons  de  nous  rappeler  les  conditions  où  nous  étions 
quand  nous  avons  fait  la  connaissance  dudit  personnage  ; 
nous  nous  le  représentons  dans  le  même  milieu,  entouré  des 
mêmes  visages  ;  nous  tâchons  de  nous  rappeler  ses  traits,  ses 
paroles  ;  et  quand  cette  image  est  suffisamment  nette,  le 


DU   PASQUIER.    —   PUYSIOLOGIE   DU  LANGAGE.  5i9 

nom  qui  nous  échappait  nous  revient  subitement  en  mémoire. 
G*est  la  sensation  musculaire  qui  renaît^  cette  sensation  de 
coordination  qui,  dans  le  mouvement  d'articulation^  avait  été 
associée  à  la  sensation  visuelle  du  personnage^  à  sa  taille,  à 
son  geste,  à  la  couleur  de  ses  cheveux.  Il  n'est  point  dans  cet 
ordre  de  faits  jusqu'aux  mêmes  positions  corporelles  qui 
n'éveillent  secondairement  les  mêmes  mots,  les  mêmes  idées. 
Chez  un  malade  de  M.  le  docteurFéré  {Noie  sur  le  mécanisme  de 
quelques  néologismes  des  aliénés  in  Comptes  rendus  de  la  Société 
de  biologie^  1891,  p.  480),  le  même  état  émotionnel  (excitation) 
était  toujours  accompagné  de  l'articulation  du  même  mot. 
Par  la  représentation  mentale,  en  dehors  de  circonstances 
pathologiques  spéciales,  ne  pouvons-nous  pas  faire  renaître 
le  même  état  somatique  où  nous  étions  placés  lors  de  l'asso- 
ciation? Nous  le  croyons;  c'est  là  même  toute  la  question 
du  rappel  des  mots.  Le  mot  renaît  subitement  ou  laborieu- 
sement, suivant  l'état  de  fonctionnement  de  nos  cellules  céré- 
brales; nous  pouvons  l'avoir  sur  le  bout  de  la  langue^  mais 
c'est  toujours  la  sensation  musculaire  qui  renaît  à  la  suite 
de  la  sensation  objective,  ou  dans  la  représentation  mentale  ; 
nous  n'agissons  volontairement  que  sur  la  seconde,  jamais 
sur  la  sensation  d'articulation. 

Il  semble  parfois  que  nous  puissions  agir  directement  sur 
cette  sensation,  mais  c'est  toujours  dans  des  conditions  spé- 
ciales :  c'est  dans  le  cas  où  la  sensation  visuelle  ou  auditive 
persiste  encore  plus  ou  moins  distincte  ;  nous  articulons  alors 
indistinctement  dans  le  sens  de  la  consonnance  du  terme  qui 
nous  échappe,  et  par  des  tâtonnements  successifs  nous  arri- 
vons à  faire  renaître  en  entier  la  sensation  d'articulation.  Le 
mode  d'intervention  de  la  volonté  n'en  a  pas  moins  été  le 
même;  le  premier  efTort  de  la  volonté  a  été  de  nous  rappeler 
la  sensation  visuelle  ou  auditive  (dans  le  cas  présent  elle 
persistait  confuse)  à  laquelle  s'associait  le  mouvement  d'articu- 
lation ;  secondairement,  la  volonté  a  agi  seulement  sur  la  sen- 
sation d'articulation,  mais  parce  que,  nous  le  répétons  encore, 
la  sensation  objective  avait  encore  sufiBsamment  de  netteté. 


S30  SÉANCE    DU    IG   JUILLET    181)1. 

Nousn'agisaonsTolonLairementque  sur  le  rappel  d'une  seul 
sensation,  sur  la  sensation  objective  qui  renaît  dans  la  repré 
sentatioQ  mentale,  et  non  sur  la  sensation  d'articulation 
celle-ci  naît  à  la  suite  de  la  première,  nous  dirions  preaqui 
h  notre  insu,  tant  ilest  vrai  que,  dans  le  domaine  des  fonoUooi 
intellectuelles,  tout  n'est  que  sensations  et  monTements 
associations  diverses,  et  phénomènes  réilexes.  Dans  c< 
domaine  de  faits  dits  inlellectueU,  comme  dans  l'accomplisse 
ment  de  nos  fonctions  vi^gétativcs,  notre  organisnie  n'es 
qu'une  machine  fonctionnant  sous  des  excitations  extérieures 

Percevoir  des  sensations  et  y  associer  un  mouvemen' 
d'articulation,  ce  mode  physiologique  du  langage  ren< 
compte  d'un  certain  nombre  de  faits  d'histoire  et  de  physio- 
logie. 

La  richesse  d'une  langue  est  en  raison  directe  de  l'abon- 
dance des  sensations  fournies  et  perdues.  Les  langues  lei 
plus  pauvres  existent  dans  les  contrées  les  plus  stériles  ;  It 
sauvage  n'a  besoin  que  d'un  petit  nombre  de  signes  poni 
distinguer  le  petit  nombre  des  objets  qui  frappent  habituelle- 
ment ses  sens  (Kicherand,  Physiologie,  1. 11,  p.  187).  L'absence 
d'impressions  extérieures  et  l'impossibilité  de  les  percevoir, 
explique  la  pauvreté  de  la  langue  et  l'infériorité  intellectuelle 
d'un  individu  sourd  et  aveugle;  si  l'idée  n'est  qu'une  sensa- 
tion fixée  par  un  signe,  si  le  mot  est  aussi  nécessaire  à  Is 
pensée  que  les  chiffres  au  calcul,  comme  le  veut  Condillac, 
UD  domaine  immense  du  monde  intellectuel  lui  est  fermé. 
Inversement  l'abondance  et  le  raffinement  des  sensations  ne 
peuvent-ib  pas  avoir  conduit  à  cette  langue  qu'a  parlée  Bau- 
delaire, «  à  ce  style  ingiinleux,  compliqué,  savant,  plein  de 
nuances  et  de  recherches...  écoutant  pour  les  traduire  les 
confidences  subtiles  de  la  névrose...  n  (Th.  Gautier,  préface 
aux  Fleuri  du  mal.)  Chacune  de  ces  sensations  nouvelles  de< 
mandait  à  ôtre  étiquetée. La  même  inlerprétalion  du  langage 
semble  indiquer  encore  qu'il  faut  chercher  la  cause  des  alté- 
rations du  parler  chei  les  idiots  el  les  dégénérés,  non  pas 
dansuQordre  défaits  purement  moral  et  métaphysique,  mais 


CORRESPONDANCE.  531 

dans  un  ordre  de  faits  matériels  apportant  une  entrave  au 
fonctionnement  normal  des  centres  nerveux. 

Nous  regrettons  que  ces  faits,  qui  comportent  tous  de  plus 
amples  développements,  ne  puissent  trouver  place  dans  cette 
communication. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures  cinquante  minutes. 

L'un  des  secrétaires  :  C4P1TAN. 


5il'  SÉANCE.  —  («'  oelobre  1891. 

Préflldoiieo  de  M«  SAI^MOM^  Tlee«prëiildeiil« 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

COMMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  LE  Secrétaire  général  annonce  la  mort  d'un  membre 
associé  étranger  de  la  Société,  M.  le  D' Izydor  Koperniçki, 
professeur  à  TAcadémie  des  sciences  de  Cracovie. 

M.  LE  Président  exprime  les  vifs  regrels  que  cette  perte 
fait  éprouver  à  la  Société. 

correspondance. 

M.  le  Secrétaire  général  donne  lecture  du  programme  du 
Congrès  des  Sociétés  savantes  pour  1892. 

Il  donne  lecture  d'une  lettre  par  laquelle  M.  P.  du  GhateU 
lier,  de  Pont-l'Abbé  (Finistère),  ayant  appris  que  M.  de 
Mortillet  l'a  fait  inscrire  pour  le  concours  du  prix  Godard, 
déclare  ne  pas  avoir  Tintention  de  prendre  part  à  ce  con- 
cours et  demande  que  son  nom  soit  rayé  de  la  liste  des 
concurrents. 

11  donne  ensuite  lecture  d'une  lettre  qui  lui  est  adressée 
par  M.  Frédéric  Verdier,  pasteur  à  Saint-Dizier  (Drôme). 

M.  Verdier  porte  à  la  connaissance  de  la  Société  que  le 
village  de  Saint-Dizier  est  bâti  sur  une  nécropole  de  Tépoque 


534  SÉANGB  DU  i*'  OCTOBRE  4891. 

Sergi  (Guweppe).  Crani  africani  e  o^ani  ammcani  ;  consî- 
derazioni  generali  cranioiogiche  e  antropologwhey  în  Archivio 
per  l'antropologia  e  la  etnologia,  i89I,  Rome,  in-8*,  56  pages 
et  planches.  (Ouvrage  présenté  par  M.  Manouvrier.) 

TiHON  (Ferd.^.  Exploration  des  grotUs  de  la  vallée  de  la 
Mehaigne,  in  Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de 
BrtixelleSf  1891.  In*8^,  44  pages. 

PERIODIQUES. 

Archives  de  médecine  navale  et  co/oni'a/e  (septembre  1891). 
D'  G.  Guilloteau  :  Géographie  médicale  des  établissements 
français  dans  Tlnde  ;  Ghandernagor. 

Revue  scientifique  (15  août  et  26  septembre).  D'  Rollet:  Les 
Maladies  osseuses  des  grands  singes.  —  M.-C.-V.  Riley: 
Causes  de  la  variation  chez  les  êtres  organisés. 

Annales  du  musée  Guimet,  tome  XVIII.  Léon  Feer  :  Ava* 
dâna-Çataka:  Cent  légendes  (bouddhiques). 

Peabody  Muséum  {Archœological  and  ethnological  papers)^ 
vol.  I,  n""  2.  Albert  S.  Gatschet  :  Ihe  Karankawa  Indians  ihe 
Goast  people  of  Texas. 

Bollettino  di  Paletnologia  italiana  {n'^*  1-4,  4891).  Parazzi: 
Slazione  dei  Lagazzi  tra  Vho  e  S.  Lorenzo  Guazzone,  pro« 
vincia  di  Cremona. 

préseistations. 

M.  Bschenauer  expose  les  rapports  qui  existent,  au  point 
de  vue  du  but  poursuivi,  entre  la  Société  d'anthropologie  et 
la  Société  d'études  philosophiques  et  sociales  dont  il  est 
président.  Il  engage  vivement  ses  collègues  a  devenir  adhé- 
rents de  la  Société  d'études  philosophiques  et  exprime  le 
vœu  que  les  deux  Sociétés  s'unissent  de  plus  en  plus  étroi- 
tement. 


M\I1TI.1-DURH.  —   HALFJHKATIONS  CONSÉNITALES. 


COUUUNlCATIOnS. 

Malhrwktiaaa  «an|éaltal«a  mnlllple»  M  naa  bértdlUlr«a 

(Six  extrémité»  dlcltftlna  ■o'BBmérklnB  réparlles 

•«X  4N«lra  MMmhres  et  bee-de-IIA«ve  »lniple)i 

PAU    M.    XAHTIN-DDIlH, 

Le  nominé  B...,  Denis-Ernest,  âgé  de  soixante  ans,  jour- 
nalier, entré  dans  le  service  de  M.  le  D'  Gouraud,  à  l'hôpital 
Cochin,  en  avril  1891 ,  est  porteur  d'une  série  d'anomalies  qui 
nous  ont  semblé  présenter  quelque  intérêt  pour  les  membres 
de  la  Société  d'anthropologie. 

Ces  anomalies  consistent  en  une  augmentation  du  nombre 


^ 


¥ig.  i. 

des  extrémités  digitales  aux  quatre  membres  :  la  main  droite 
a  six  doigts,  la  main  gauche  sept  ;  le  pied  droit  sept  orteils  et 
le  pied  gauche  six  ;^et  de  plus  un  bec-de-lièvre  simple. 

La  main  droite  présente,  outre  cinq  doigta  :  pouce,  index, 
médius,  annulaire  et  petit  doigt,  bien  conformés,  un  sixième 
doigt.  Il  est  situé  sur  le  bord  cubital,  à.  égale  distance  de  l'ex- 
trémité carpienoe  et  de  l'eiLlrémilé  phalangienne  da  cio- 
quièmc  métacarpien.  Sa  forme  rappelle  celle  d'un  doigt 


53H  SÉANCE  DU  1"  OCTOBRE  1891. 

normal,  plus  petit  quo  les  autres  doigts  de  cette  main  et 
recourbé  vers  la  paume  de  la  main.  Il  est  sans  connexion 
articulaire  avec  le  cinquième  métacarpien  et  s'insère  uni- 
quement sur  des  parties  molles.  Il  se  compose  de  denx  articles 
munis  chacun  d'une  phalange  et  est  pourvu  à  son  extrémité 
d*un  ongle  bien  conformé.  Ce  doigt  ne  possède  pas  de  tendon 
et  n'est  au  malade  qy'un  appendice  inutile. 

La  main  gauche  présente  sept  doigts.  Les  quatre  doigts 
externes  :  pouce,  index,  médius,  annulaire,  sont  réguliers.  .\ 


Fig.  3. 


Textrémité  antérieure  du  cinquième  métacarpien  s*articu1ent 
à  la  fois  la  première  phalange  du  cinquième  doigt  et  une  pha- 
lange surnuméraire  dirigée  en  dedans  suivant  un  angle  obtus 
et  formant  la  base  commune  des  sixième  et  septième  doigts. 
Le  cinquième  doigt  est  bien  conformé  et  présente  ses  trois 
phalanges.  La  phalange  commune  aux  sixième  et  septième 
doigts  est  dirigée  en  dedans  à  angle  obtus.  Elle  est  épaisse 
et  aplatie.  A  son  extrémité  postérieure,  elle  semble  soudée 
à  la  première  phalange  du  cinquième  doigt.  A  son  extrémité 
antérieure  existe  une  articulation  double,  à  laquelle  font 
suite  deux  phalangines  placées  sur  le  même  plan.  Ces  deux 


MARTIN-DURR.  —  MALFORMATIONS   CONGÉNITALES.  537 

phalangines  sont  recouvertes  par  un  même  surtout  tégumen- 
taire,  mais  leur  séparation  est  indiquée  par  un  sillon  et  deux 
phalangettes  distinctes  leur  font  suite,  recouvertes  de  parties 
molles  sur  lesquelles  se  trouvent  deux  ongles  parfaitement 
distincts.  Les  deux  doigts  surnuméraires,  recouverts  d'un 
même  surtout  tégumentaire,  se  composent  donc  d'une  pha- 
lange commune,  de  deux  phalangines  distinctes  et  paraU 
lèles  et  de  deux  phalangettes  également  parallèles  et  dis^ 
tinctes,  et  munies  chacune  d'un  ongle  spécial. 

Le  pied  droit  possède  sept  orteils.  Il  se  fait  remarquer  par 
l'élargissement  de  son  extrémité  antérieure,  d'où  la  nécessité 
pour  le  malade  de  porter  des  souliers  spéciaux.  Il  semble 
qu'il  existe  six  extrémités  métatarsiennes  antérieures.  Les 
cinq  orteils  internes  sont  normaux;  l'extrémité  antérieure  du 
gros  orteil  est  seulement  déjetée  en  dehors.  Le  sixième  orteil 
est  déjeté  en  dedans  et  présente  ses  phalanges  et  son  ongle 
bien  conformés.  Le  septième  orteil  se  dirige  directement  en 
dehors  comme  un  ergot.  Il  a  été,  pour  le  porteur,  l'occasion 
de  plusieurs  accidents  et  actuellement  il  se  présente  comme 
un  moignon  de  1  centimètre,  sur  lequel  la  peau  adhère  à 
l'os.  Le  malade  raconte  que  ce  doigt  possédait  un  ongle  direc- 
tement dirigé  en  haut  et  pour  lequel  il  était  nécessaire  que 
le  soulier  eût  une  cupule  spéciale.  Le  sabot  d'un  cheval  lui 
écrasa  l'extrémité  de  ce  doigt  et  lui  fit  ainsi  une  amputation 
partielle. 

Le  pied  gauche,  à  première  vue,  semble  normal,  et  il  est 
nécessaire  de  compter  pour  reconnaître  l'existence  de  six  or- 
teils. Ces  six  orteils  présentent  tous  une  conformation  nor- 
male^  sont  munis  de  trois  phalanges  et  correspondent  à  six 
extrémités  métatarsiennes  antérieures. 

Enfin,  il  existe  à  la  lèvre  supérieure  un  bec-de-lièvrd 
simple  gauche,  consistant  uniquement  en  une  fissure  latérale 
de  la  lèvre,  peu  étendue  et  ne  remontant  pas  jusqu'à  l'orifice 
nasal  correspondant. 

La  multiplicité  des  malformations,  la  coïncidence  fré- 
quente de  la  polydactylie  avec  d'autres  vices  de  conforma- 


538  SÉANCE  nu  i"  octobre  1891. 

tion  ont  été  depuis  longtemps  signalées.  Isidore  Geoffroy- 
Saint-Hilaire  insiste  sur  la  corrélation  qui  existe  entre  le 
nombre  des  doigts  des  membres  supérieurs  et  celui  des  mem- 
bres inférieurs. 

Quant  à  la  classification  des  anomalies  que  nous  présen- 
tons, elles  offrent  ce  point  commun,  d'avoir,  aux  qnatre 
membres,  leur  siège  sur  le  bord  dislal  du  membre,  cabîtai  à 
la  main  et  péronéen  au  pied. 

Le  pied  gauche  présente  Tanomalie  qu'Isidore  Geoffroy- 
Saint-Hilaire  a  désignée  sous  le  nom  d'anomalie  par  prolon- 
gation de  la  série, 

La  main  droite  présente  un  doigt  surnuméraire  cubital  sans 
attache  osseuse. 

La  main  gauche  et  le  pied  droit  possèdent  deax  doigts  so^ 
numéraires  sur  le  bord  distal,  et  avec  attache  osseuse,  ce  qui 
est  rare  (Poiaillon,  Dictionnaire  Dechambre,  article  doigt, 
page  i4i). 

L*absence  d'hérédité  est  1res  frappante  dans  ce  cas.  Ni  le 
père  ni  la  mère  de  cet  homme  n*ont  présenté  de  malforma- 
tion, pas  plus  que  les  frères  ou  sœurs  de  ses  parents.  Lui- 
même  a  eu  onze  enfants,  dont  aucun  n'a  été  affecté  de  vice 
de  conformation,  et  il  a  actuellement  sept  petits* enfants  tous 
normalement  conformés. 

Pour  le  bec-de-lièvre,  cette  absence  d'hérédité  est  le  cas  le 
plus  fréquent.  «  Les  enfants  affectés  de  bec-de-lièvre,  dit 
Isidore  Geoffroy-Saint-Hiiaire  ^  naissent  presque  toujours  de 
parents  bien  conformés.  La  fissure  labiale  est  Tune  des  ano- 
malies qui  se  transmettent  le  moins  fréquemment  par  Toie 
de  génération.  » 

Mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  l'hérédité  de  la  poly- 
dactylie,  qui  existe  le  plus  souvent,  comme  l'ont  noté  tous 
les  tératologistes. 

^  Isidore  Geoffroy-Saint-Hilaire,  Histoire  générale  et  particulière  des  aM- 
malies  de  l' organisation ^  1832,  t.  I,  p.  583. 


G.  LAGNEAU.  —  SUR   LA   RACE  JUIVE  ET  SA  PATHOLOGIE.     539 


Sur  la  race  Jalve  et  sa  pathologie  ; 

PAR    M.  GUSTAVE  LAGNEAU. 

Récemment,  à  TAcadémie  de  médecine*,  à  propos  d'un 
rapport  sur  la  myopie  et  Tasligmatisme,  M.  Javal  ayant 
signalé  certaine  différence  propre  aux  Israélites,  après  avoir 
montré  que  les  juifs  étaient,  en  général,  supérieurs  aux 
autres  habitants  par  leur  natalité  illégitime  moindre^  leur 
nuptialité  masculine  plus  hâtive,  leur  mortalité  inranlile 
moindre,  leur  accroissement  de  population  plus  rapide,  je 
crus  devoir  rappeler  que  de  nombreux  médecins  avaient 
signalé  chez  les  Israélites  la  fréquence  du  diabète,  de  mala- 
dies nerveu3es,  de  Taliénation  mentale,  et  que  quelques 
observateurs  avaient  remarqué  leur  immunité  relative  lors 
de  certaines  épidémies.  Parmi  les  plus  remarquables  immu- 
nités morbides  dont  sembleraient  jouir  les  juifs  seraient 
celles  relatives  à  la  peste,  au  typhus. 

Dans  cette  discussion,  M.  Hardy  insista  sur  la  gravité  de 
certaines  affections  cutanées,  entre  autres  de  l'eczéma,  chez 
les  juifs.  A  ce  sujet,  je  communiquai  à  l'Académie  quelques 
observations  qui  m'avaient  été  transmises  par  un  de  nos  cor- 
respondants nationaux,  M.  le  docteur  Zambaco,  de  Constan- 
tinople,  où  la  lèpre  n'atteindrait  que  les  juifs  espagnols,  mais 
ne  se  montrerait  jamais  chez  les  musulmans,  les  chrétiens  et 
les  juifs  karaïtes  venus  de  Crimée. 

Ce  savant  confrère,  connu  par  ses  travaux  sur  la  lèpre, 
m'écrit  en  ces  termes  :  «  Nous  avons  ici,  à  Constantinople, 
où  j'exerce  depuis  vingt  ans,  deux  espèces  d'israélites,  ceux 
qui  sont  venus  d'Espagne  et  qui  parlent  un  idiome  espagnol, 
et  ceux  qui  disent  avoir  tiré  leur  origine  de  la  Crimée^  et  qui 
sont  venus  s'établir  h  Constantinople  du  temps  des  empe* 
reurs  byzantins.  Ces  derniers  diffèrent  du  tout  an  tout  des 
premiers  ;  c'est  une  autre  race,  ils  n'ont  pas  le  type  juif,  ils 

>  Séance  du  8  septembre  1891. 


540  SÉANCE  DU  4"  OCTOBRE  1891. 

ne  parlent  pas  l'espagnol;  ils  n'admettent  pas  le  Talmud; 
ils  évitent  toute  relation  avec  les  juifs  précédents  ;  lis  ne  se 
lient  pas  avec  eux  et  ne  s'unissent  point  conjugalement.  Or, 
dans  nos  recherches  sur  la  lèpre  en  Turquie,  je  n'ai  pas  ren- 
contré un  seul  cas  de  lèpre  chez  les  juifs  originaires  delà 
Crimée,  qui  s'appellent  karaïtes.  Elle  est  très  commune,  aa 
contraire,  chez  nos  juifs  indigènes  de  souche  espagnole,  on 
plutôt  qui  nous  viennent  d'Espagne;  et  chose  curieuse, 
parmi  les  Gonstantinopolitains  (les  habitants  originaires  de 
Constantinople),  la  lèpre  ne  se  rencontre  que  chez  ces  juifs 
venant  d'Espagne.  J'estime  à  plus  de  quatre  cents  les  lépreux 
ambulants  de  Constantinople.  Tous  sont  des  juifs  espagnols 
ou  sont  d'origine  étrangère,  proviennent  des  îles  Cyclades, 
de  Candie,  de  Chypre,  d'Anatolie.  Seuls  les  juifs  espagnols, 
établis  ici  depuis  leur  exode  d'Espagne,  présentent  de  nom- 
breux cas  de  lèpre.  Et  notez  bien...  que  ces  quatre  cents 
lépreux  ambulants,  qui  exercent  toutes  sortes  de  métiers  dans 
les  divers  quartiers  de  la  ville,  et  qui  sont  en  contact  et  en 
relation  permanente  avec  toute  la  population,  n'ont  jamais 
transmis  la  lèpre  à  un  seul  Constantinopolitain  ;  car  je  n'ai 
pu  rencontrer,  jusqu'à  présent,  ni  un  Grec,  ni  un  Arménien, 
ni  un  musulman,  ni  un  Européen  constantinopolitain  atteint 
de  lèpre.  Je  suis  donc  conduit,  forcément,  à  accuser  l'origine 
des  juifs  espagnols  comme  déterminant  la  lèpre  par  hérédité 
datant  de  Moïse...  D'où  tirent  leur  première  origine  les 
karaïtes  ou  Israélites  qui  sont  venus  en  Orient  de  la  Grimée, 
où  il  y  en  a  encore  de  nombreux,  d'après  les  renseignements 
que  j*ai  pu  avoir?  Si  les  juifs  espagnols  de  Constantinople 
sont  les  seuls  Gonstantinopolitains  comptant  des  lépreux,  si 
leurs  coreligionnaires  (protestants  juifs),  habitant  Constanti- 
nople depuis  des  siècles,  n'ont  offert  aucun  cas  de  lèpre, 
force  est  d'admettre  l'hérédité  comme  cause  de  la  lèpre  chez 
les  juifs  que  j'observe.  » 

Je  crois  pouvoir  expliquer  cette  différence  entre  les  juifs 
espagnols  et  les  juifs  karaïtes  par  leur  dualité  ethnique  :  les 
juifs  espagnols  étant  de  race  sémitique  ou  syro-arabe,  les 


niscLîîsiox  ^vn  la  race  juive  et  <:a  patuologie.      541 

juifs  karaïles,  descendants  des  anciens  Khazars  et  autres 
peuplades  de  la  Russie  méridionale,  étant  des  Tatars  oïl 
Finnois,  judaïsés  au  huitième  siècle. 

L'intéressante  remarque  différentielle  faite  par  M.  Zam- 
baco,  à  Gonslantinople,  entre  les  juifs  espagnols,  de  race 
syro-arabe,  parfois  lépreux,  et  les  juifs  karaïtes  originaires 
de  Crimée,  de  race  tatare  ou  fînnoise,  jamais  lépreux,  me 
semble  pouvoir  parfaitement  s'expliquer  par  la  diversité  de 
ces  deux  races* 

Discussion. 

M.  Sanson.  Quand  on  parle  des  juifs  en  se  plaçant  au  point 
de  vue  anthropologique,  il  est  nécessaire  d'établir  une  dis- 
tinction sur  laquelle  Tattention  a  été  déjà  bien  des  fois  appe- 
lée^  mais  qu'il  faut  encore  rappeler,  puisqu*on  l'oublie 
toujours.  Cette  distinction  existe,  dans  la  réalité,  entre  la 
notion  de  religion  et  celle  de  race.  Tous  ceux  qui  sont  de 
religion  juive  n'appartiennent  pas  à  la  race  israélite.  Il  A*est 
dès  lors,  pas  étonnant  que  tous  les  juifs  ne  soient  point  de 
même  type.  Pourtant,  il  n*est  nullement  douteux  que  la  race 
juive  existe  et  que  son  type  soit  parfaitement  caractérisé  par 
des  traits  auxquels  il  n'est  pas  possible  de  se  méprendre. 

Je  voudrais  faire  une  autre  remarque.  Je  ne  sais  si  je  me 
trompe,  mais  il  me  semble  bien  que  la  lèpre  est  aujourd'hui 
considérée  par  les  hommes  spéciaux  comme  une  affection 
parasitaire.  S'il  en  est  ainsi,  on  ne  voit  pas  comment  elle 
pourrait  se  transmettre  par  hérédité.  Peut-être  dira-t-on  que 
c'est  l'aptitude  à  la  contracter  qui  est  héréditaire.  C'est  pos- 
sible, mais  pour  que  l'observation  du  correspondant  de 
M.  Lagneau  acquît  toute  sa  valeur,  il  faudrait  savoir  si  les 
deux  populations  juives  dont  il  parle  vivent  dans  des  condi- 
tions identiques.  Il  se  peut  que  celle  où  sévit  la  lèpre  soit 
plus  misérable  que  l'autre  et  croupisse  dans  la  saleté.  Alors 
on  comprendrait  que  le  parasite  de  la  lèpre,  ayant  été  intro- 
duit à  un  moment  donné,  se  soit  perpétué  dans  un  milieu  de 
culture  favorable.  L'hérédité,  en  cela,  n'aurait  rien  à  voir, 

T.  Il  (4"  série).  35 


542  S^.ANCE  DU   i""*  OCTOBRE  iSOt. 

pas  plus  qa*oii  n'en  a  besoin  pour  expliquer  la  présence  de 
la  pomme  de  terre  partout  où  elle  a  été  cultivée  depuis  It 
fm  du  siècle  dernier. 

M.  Làgnbau.  Ainsi  que  M.  Sanson,  je  sais  que  la  lèpre  est 
regardée  par  certains  dermatologistes  comme  parasitaire  on 
comme  héréditaire,  ainsi;  d'ailleurs,  que  la  tuberculose. 
Mais  quelle  que  soit  son  ètiologie,  cette  maladie  persiste 
parfois  fort  longtemps  parmi  les  habitants  de  certains  pays, 
de  certaines  races.  Il  paraît  en  être  ainsi  pour  les  juifs  espa- 
gnols lépreux  de  Constantinople,  observés  par  M.  Zambaco. 
11  paraît  également  en  être  ainsi  chez  quelques  habitants  du 
nord-ouest  de  Tltalie.  Les  Longobards  ou  Lombards,  anciens 
habitants  des  pays  du  Nord  (du  Danemark),  comme  les 
Norvégiens,  encore  sujets  à  la  lèpre,  lorsqu'ils  se  portèrent 
dans  la  région  septentrionale  de  l'Italie,  depuis  appelée  Lom* 
hardie,  passèrent  pour  y  avoir  importé  la  lèpre.  En  770,  le 
pape  Etienne  ill,  voulant  empêcher  Gharlemagne  d'éponser 
Berthe,  la  fille  de  Didier,  roi  des  Lombards,  lui  disait  qa*il 
ne  devait  pas  mésallier  le  très  noble  sang  des  Francs  avec 
celui  de  la  perfide  et  très  puante  nation  des  Lombards,  dont 
les  lépreux  tiraient  certainement  leur  origine  «...  ac  fœten* 

iissima  Longobardorum  gente  polluaiur  ;  guas ieprosorum 

genus  oriri  certum  est.  n  (Epist.  IV,  Stephani  III,  dans  dom 
Bouquet,  Recueil  des  histoires  des  Gaules,  t.  V,  p.  54â).  Or, 
c'est  dans  cette  même  région  de  Tltalie  que  se  trouvent  en- 
core, non  seulement  le  lépreux  de  la  vallée  d'Aoste  de  Xavier 
de  Maistre,  mais  aussi  les  lépreux  des  environs  de  Nice,  de 
Pigna,  de  Castel-Franco  signalés  par  Fodéré*,  et  les  lépreux 
du  petit  hôpital  de  Saint-Maurice  à  San-Remo,  étudiés  par 
Rambaldi,  Gibert*  et  Gillebert  d'IIcrcourl'. 

M.  Hervé.  Il  est  nécessaire  de  bien  établir  la  différence 

«  Fodéré,  Traité  de  médecine  légale  et  d'hygiène  publi'iue,  t.  V,  p.  3S6. 
Pari»,  1813.  —  Voyage  aux  Alpes-Marifimes,  t.  II,  p.  242,  elc,  !81|. 

*  Gibert,  Rapport  à  l'Académie  de  médecine,  2  octobre  18CS  (Amm^ltt 
hebdomadaires  de  médecine,  p.  681, 1862). 

«  Gillebert  d'Hercourt,  PuUetins  de  la  Société  d'anthropologie,  2t  a^rie, 
t  XI,  p.  157,1870. 


DHCUJiSION  SUR   LA   RACtî  JUIVK   KT  SA   PATHOLOGIE.       K43 

qui  existe  entre  les  juifs  de  race  et  les  individus  Judafsés. 
II  existe  entre  ces  deux  catégories  d'individus  une  équivoque 
qu'il  faut  faire  disparaître  avec  soin.  Le  type  juif  est  des 
plus  frappants  :  tète  allongée  d'avant  en  arrière  ;  cheveux 
foncés,  abondants,  souvent  ondulés;  yeux  grandi  et  vifs; 
nez  aquilin  et  fin  donnant  un  profil  très  accentué  ;  lèvres  as* 
sez  minces  ;  visage  ovale  ;  taille  peu  élevée.  Il  ne  faut  pas 
confondre  avec  ce  type  très  remarquable  de  race  flne  un 
type  beaucoup  plus  grossier  qui  se  rencontre  asiei  fréquem- 
ment chez  les  juifs  allemands,  et  qui  est  caractérisé  par 
une  tète  arrondie,  des  cheveux  frisés,  un  nez  gros,  des  ïë- 
vres  épaisses,  des  traits  sans  délicatesse  aucune.  Ce  type  n'a 
rien  de  commun  avec  le  vrai  type  d'origine  asiatique. 

M.  Mahoudeau.  Les  juifs  algériens  fournissent  un  exemple 
bien  net  du  résultat  que  Tisolement,  joint  aux  mariages  con* 
sanguini,  aidé  de  mœurs  spéciales  constituant  un  véritable 
milieu,  permet  d'obtenir  dans  les  races  humaines.  Quoique 
sémites  d'origine,  au  même  titre  que  les  Arabes  qui  les  en* 
tourent  dans  les  villes  du  littoral,  ces  juifs  ont  revêtu  un  tel 
cachet  de  parenté  que,  malgré  des  différences  individuelles 
souvent  considérables,  malgré  leur  habillement  européen,  ils 
sont  facilement  reconnaissables  à  première  vue.  Il  n'en  est 
pas  de  même  dans  le  centre  de  la  France  où  la  variété  des 
types  juifs  permet  difficilement  de  les  reconnaître.  Cette 
môme  difficulté  pouvait  exister  autrefois  pour  les  juifs  de 
l'Afrique  du  Nord,peut*être  même  attelle  été  pour  quelque 
chose  dans  l'obligation  qui  leur  fut  imposée,  comme  dans 
bien  d'autres  endroits,  du  reste,  de  porter  un  costume  par- 
ticulier ne  permettant  pas  de  les  confondre  avec  le  reste 
de  la  population.  Aujourd'hui,  ce  costume  disparait,  et 
malgré  cela,  personne  ne  s'y  trompe,  car  ils  ont  acquis  des 
caraclères  qui  n'échappent  à  aucun  de  ceux  qui  les  ont  une 
fois  connus.  C'est,  en  somme,  une  expérience  de  ségrégation 
humaine. 

M.  Lagneau.  Plusieurs  de  nos  collègues  disent  que  les 
juifs  sont  parfaitement  reconnaissables  parmi  les  autres  ha* 


544  SÉANCE  DU  1^'  OCTOBHK  i891. 

bitaats  de  divers  pays.  11  serait  néanmoins  intéressant  de 
préciser  la  caractéristique  ethnique  des  juifs  véritables  de 
race  syro-arabe  et  des  juifs  judaïsés  de  races  différentes  : 
tatare,  finnoise,  slave  ou  autre.  Les  juifs  d'Espagne  et  sur- 
tout ceux  de  Portugal  semblent  avoir  le  mieux  conservé  le 
beau  type  sémitique  ou  syro-arabe.  Quant  aux  juifs  karal- 
tes,  d* origine  tatare  ou  finnoise,  de  la  Grimée,  ainsi  que  le 
dit  M.  Zambaco,  ils  en  diffèrent  complètement.  Pareillement, 
M.  Obédénare,  de  Bucbarest,  assigne  aux  juifs  de  Pologne 
des  caractères  très  différents  de  ceux  des  juifs  véritables  de 
race  syro-arabe.  Les  juifs  polonais,  dit-il,  ont  le  front  étroit 
dans  le  sens  transversal,  les  yeux  petits  et  écartés,  bleus  oq 
gris,  le  nez  épaté  et  souvent  retroussé,  les  pommettes  for- 
tement saillantes,  les  doigts  gros  et  courts,  les  incurvations 
de  la  colonne  vertébrale  peu  prononcées  On  se  rappelle  que 
les  juifs  proprement  dits  ont  de  grands  yeux  noirs,  le  nez 
fin  et  long,  les  doigts  longs  et  efQlés,  les  incurvations  de  la 
colonne  vertébrale  bien  prononcées...  Les  cheveux  de  ces 
derniers  sont  frisés  ou  bouclés  ;  les  cheveux  des  juifs  polo* 
nais  sont  raides,  gros  et  plats  ^  d  Sous  le  rapport  anthro- 
pométrique,  on  peut  rappeler  que  M.  Snigerev  et  M.  Golds- 
tein  ont  remarqué  parmi  les  juifs  de  Pologne  et  de  Samogitie 
le  nombre  considérable  de  conscrits  exemptés  pour  insuffi- 
sance du  périmètre  thoracique,  et  en  général  pour  inap- 
titude militaire*. 

M'^*'  Clémence  Uoyer.  S'il  faut  admettre  Texistence  d'un 
type  juif  présentant  partout  un  certain  ensemble  de  carac-* 
tères,  il  est  non  moins  certain  que  les  juifs  de  tous  les  pays 
se  ressemblent  moins  entre  eux  qu'ils  ne  ressemblent  aux 
populations  qui  les  environnent,  et  que  ceux  du  Nord  se 
distinguent  aussi  nettement  de  ceux  du  Midi  que  les  Ger- 
mains  se  distinguent  en  moyenne  des  Latins. 

1  ObcdéQarei  Danubienns  (Région)  ;  Dictionnaire  encyclopédique  dit 
sciences  médicales,  p.  567. 

>  Goldstein,  Des  circonférences  du  thorax  et  de  leur  rapport  avte  la  taiUn 
{Kevue  d'anthropoiogief  S«  Bério,  t.  VII,  p.  473.  ntc  ,  IK84). 


DISCUSSION   SUR    LA   RACE   JUIVE   ET   SA  PATUOLOGIE.        o45 

Il  n'y  a  pas  de  race  pure.  Celle  des  juifs  Test  seulement  un 
peu  plus  que  les  autres,  parce  qu'ayant  été  partout  persé- 
cutés et  forcés  de  vivre  à  part  durant  de  longs  siècles,  ils 
se  sont  moins  mélangés  que  les  autres  éléments  ethniques 
au  milieu  desquels  ils  ont  vécu  durant  toute  Tère  chrétienne. 

Mais  antérieurement,  les  juifs  étaient  peut-être  bien  moins 
caractérisés  qu'aujourd'hui. Depuis  Tépoque de  la  destruction 
de  leurs  deux  royaumes  par  les  conquérants  chaldéens  jus- 
qu'à la  destruction  de  Jérusalem  par  Titus,  les  Juifs,  qui 
s'étaient  répandus  dans  toute  l'Asie  occidentale,  et  dans  le 
monde  latin,  s'y  étaient  profondément  pénétrés  d'éléments 
étrangers.  En  effet,  comme  l'a  dit  M.  Hervé,  pendant  les 
derniers  siècles  avant  Tère  chrétienne,  ils  ont  fait  partout  de 
nombreux  prosélytes.  Chaque  colonie  juive  s'est  recrutée 
chez  les  populations  ambiantes.  Celles  du  nord  de  la  mer 
Noire  se  sont  mélangées  avec  des  Slaves,  des  Cosaques  et, 
plus  tard,  avec  des  populations  germaniques,  quand  leurs 
essaims  se  sont  répandus  dans  l'Europe  centrale.  Les  juifs 
polonais,  russes  et  allemands  proviennent,  en  général,  de 
cette  source  trèsmélangée.  Aussi  présentent-ils  beaucoup  d'in- 
dividus blonds,  et  même  en  majorité;  leur  nez,  au  lieu  d'être 
aquiiin,  est  écrasé  à  la  racine  et  parfois  épaté;  leur  crâne  et 
leur  visage  sont  moins  longs  et  leur  taille  est  moins  haute. 

De  même,  les  juifs  répandus  dans  l'empire  romain,  tout 
autour  de  la  Méditerranée,  et  parmi  lesquels  se  recrutèrent  les 
premières  églises  chrétiennes,  s'étaient  également  mélangés 
de  prosélytes  de  souche  helléno-latine.  C'est  surtout  et  peut- 
être  seulement  depuis  qu'ils  ont  été  persécutés  par  les  chré- 
tiens que  leur  type  s'est  caractérisé  et  fixé,  parce  que,  dès 
ce  moment,  ils  ne  se  sont  plus  alliés  qu'entre  eux,  par  force. 

Ainsi  ces  juifs  méridionaux,  que  l'on  pourrait  appeler  des 
juifs  latins,  ont-ils  mieux  que  les  autres  les  caractères  d'une 
race  pure  ;  mais  elle  est  devenue  pure  surtout  par  sélection 
et  accumulation  de  variations  successives,  plutôt  que  par  un 
retour  atavique  à  des  caractères  anciens.  Qu'étaient  les  juifs 
ù  Jérusalem  au  temps  de  Salomon  et  de  David?  Nous  l'igno- 


546  SÉANCE    DU    i"   OCTOBHli:    1891. 

rons  absolument.  Il  est  probable  qu'ils  se  distinguaient  fort 
peu  des  Phéniciens  leurs  voisins,  et  des  autres  populations 
syro-arabes. 

Parmi  les  juifs  méridionaux,  les  juifs  portugais  ont  les 
caractères  les  plus  constants,  parce  qu'ils  ont  subi  plus  que 
les  autres  les  rigueurs  de  Tlnquisilion  espagnole,  après  avoir 
subi  les  persécutions  des  Arabes. 

L'Afrique  du  Nord  présente  un  troisième  type  de  juifs  qui 
est  formé  du  mélange  de  colonies  juives  primitives  d'Egypte 
et  de  Carthage  avec  des  éléments  indigènes  coptes,  berbères 
et  phéniciensi  puis  avec  des  colons  lalins  et  grecs,  et  plus 
tai*d  avec  des  Arabes,  des  Turcs  et  des  Maures.  Aussi  le  type 
juif  d'Afrique  est-il  plus  franchement  sémitique  que  les 
autres  et  s'est-il  rapproché  du  type  arabe,  mais  avec  les  carac- 
tères inférieurs  des  races  très  mélangées  d'éléments  trop 
divers. 

£n  somme,  partout  le  type  juif  ne  s*est  perpétué  et  n'a 
conservé  ou  même  acquis  oerlaini  caractères  distinctifs, 
plutôt  locaux  que  généraux,  que  grâce  à  Tisolement  dans 
lequel  les  haines  religieuses  des  autres  races  Tont  forcé  de 
vivre. 

Il  est  à  croire  que,  depuis  longtemps,  il  n  y  aurait  plus  de 
type  juif,  si  les  juifs  n'avaient  pas  été  partout  persécutés.  Ce 
sont  les  persécutions  qui  leur  ont  permis  de  perpétuer  leurs 
caractères  acquis  et  c'est  à  elles  qu'ils  doivent  aussi  les 
qualités  intellectuelles  qui  les  distinguent  et  la  supériorité 
évidente  qui  les  fait  réussir  mieux  que  les  autres  dans  toutes 
les  carrières  libérales^  partout  où  ils  sont  devenus  libres, 
sous  la  protection  des  lois  modernes.  Une  statistique  par 
religions  de  toutes  les  professions  artistiques,  littéraires  ou 
scientifiques  montrerait  que,  dans  tous  les  pays  de  l'Europe 
où  leurs  droits  sont  égaux  à  ceux  des  autres  citoyens,  la 
proportion  des  juifs  est  bien  plus  grande  que  dans  la  masse 
de  la  population  en  général,  et  que,  dans  ces  professions,  un 
nombre  relativement  considérable  de  juifs  s'élèvent  aux 
premiers  rangs. 


DISCUSSION   8UR  LA   RAGE  JUIVE   £T   8A  PATHOLOGIE.        K47 

Cette  supériorité  frappante  dans  la  lutte  pour  la  vie  a  cer- 
tainement été  acquise  grâce  à  la  sélection  sévère  que  les  juifs 
ont  subie  durant  deux  mille  cinq  cents  ans* 

M.  Lagnëau.  En  me  voyant  rappeler  quelques  différences 
démographiques  et  pathologiques  présentées  parles  juifs,  on 
m'a  regardé  comme  leur  étant  hostile.  Contrairement,  les 
juifs  me  paraissent  avoir  de  grandes  qualités,  de  grandes' 
aptitudes.  Je  connais  peu  de  gens  aussi  charitables.  La  régu- 
larité et  la  continuité  de  leur  travail  souvent  les  mènent  à  la 
fortune  ;  souvent  aussi  les  conduisent  aux  positions  soienti* 
tiques  les  plus  élevées.  Je  signale  les  faits  différentiels  pour 
les  juifs  de  race  syro-arabe,  comme  dans  d'autres  oircon* 
stances  je  l'ai  fait  pour  les  Normands  de  race  Scandinave, 
pour  les  Bretons  de  race  celtique.  La  diversité  des  religions 
a  fait  trop  de  mal  à  Thumanité,  en  provoquant  des  guerres 
cruelles,  des  persécutions  atroces,  pour  que  je  n'évite  pas 
d*en  parler.  Je  ne  m'occupe  que  de  différences  ethniques. 

M.  Chervin  croit  devoir  faire  quelques  réserves  au  sujet 
des  statistiques  qui  ont  été  indiquées  à  l'Académie  par 
M.  Worms. 

ce  Le  dernier  recensement  de  la  population  juive  en  France 
(mai  i891),  a  dit  M.  Worms^  indique  qu'elle  est  de 
67350  âmes.  » 

M.  Chervin  demande  à  quelles  sources  ces  renseignements 
ont  été  puisés,  puisque  les  feuilles  de  recensement  ne  com- 
portent pas  la  déclaration  de  religion. 

M.  Lagneau.  Ainsi  que  M.  Chervin,  je  ne  sais  pas  comment 
M.  Worms  a  pu  connaître  le  nombre  de  43  500  Israélites 
existant  à  Paris ^,  car  les  derniers  recensements  officiels  ne 
mentionnent  pas  les  religions*  Peut-être  ce  nombre  lui  a^t^-il 
été  fourni  par  les  rabbins  ? 

Je  vois  que,  dans  un  article  sur  le  centenaire  des  juifs, 
M.  Ph.  de  Grandlieu  s'exprime  ainsi  :  «  D'après  les  statis* 
tiques  publiées  récemtnent,  ils  (lés  Israélites)  n'atteignent 

1  BuUetin  de  l'Académie  de  méétcm,  8  Beptembl^  !S91,  p,  S88. 


548  SÉANCE  DU  1®'  OCTOBRE  1891. 

chez  nous  (en  France)  qu'au- chiffre...  de  67850,  chiffre  d'une 
rigoureuse  exactitude,  puisque  le  recensement  officieux  a 
été  dressé  paries  rabbins^  » 

M.  Hervé,  rappelant  une  phrase  de  M.  Mahoudeau,  dit  que 
cependant  en  France,  et  particulièrement  en  Alsace  où  il  a 
longtemps  habité,  il  lui  a  toujours  été  possible  de  reconnaître 
facilement  les  individus  de  race  juive. 

M.  Sanson.  Les  circonstances  de  ma  vie  m*ont  mis  dans  le 
cas  de  voir  de  près  beaucoup  de  juifs.  D'abord  j'ai  habité 
l'Alsace  où  ils  sont  nombreux,  comme  on  sait.  Ensuite^  étant 
en  mission  à  l'ancienne  frontière  d'Allemagne,  en  1867  et 
1868,  pour  m'opposer  à  l'entrée  des  animaux  suspects  do 
peste  bovine,  je  n'ai  eu,  durant  mon  séjour,  affaire  qu'à  eux, 
à  peu  près.  On  n'ignore  pas  que,  dans  ces  pays-là,  le  commerce 
du  bétail  est  tout  entier  entre  leurs  mains.  J'en  ai  profité, 
naturellement,  pour  les  étudier^  au  physique  comme  au 
moral.  Tous  autant  que  nous  sommes  ici  nous  ne  laissons 
échapper  aucune  occasion  de  nous  instruire. 

Ëh  bien,  s'il  n'est  pas  douteux  que  les  juifs  d'Alsace  et 
d'Allemagne  ne  sont  point  d'un  type  pur,  comme  la  plupart 
de  ceux  d'Amslerdam,  par  exemple,  que  j'ai  vus  aussi  de 
près,  il  n'en  est  pas  moins  certain  qu'on  reconnaît  toujours 
leur  race,  tantôt  à  l'un,  tantôt  à  l'autre  de  ses  traits,  domi- 
nant dans  la  physionomie.  C'est  par  là  que  s'établissent  les 
ressemblances,  dans  le  sens  vulgaire. 

Si  l'on  analyse  la  figure,  caractère  par  caractère,  on  trouve 
des  dissemblances  profondes;  mais  il  suffit  d'un  caractère 
commun  pour  que  la  notion  de  ressemblance,  à  première 
vue,  s'impose  à  l'esprit. 

En  somme,  il  y  a  bien  un  type  de  race  juive  qui  se  ren- 
contre complet  ou  seulement  partiel  chez  tous  ceux  qui  sont 
issus  de  cette  race.  Il  se  montre  complet  chez  ceux  dont  les 
ascendants  n'ont  jamais  été  mélangés,  partiel  chez  ceux  où 
il  y  a  eu  des  mélanges.  On  ne  saurait  être  surpris  de  ne  le 

>  Le  Figaro,  tl  septembre  1891,  p.  1,  col.  i. 


DISCUSSION  SUK   L.\  RACE  JUIVE  ET   SA    PATHOLOGIE.        549 

point  trouver  chez  ceux  qui  n'ont  jamais  eu  avec  les  juifs 
rien  de  commun  autre  que  leur  religion. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  Un  de  nos  collègues  nous  a  dit 
que  les  juifs  d'Algérie  ont  un  type  commun  qui  les  fait  facile- 
ment reconnaître.  Qu'ils  se  distinguent  très  bien  des  Arabes 
qui,  pourtant,  ont,  comme  eux,  une  origine  sémitique,  c'est 
très  vrai.  Mais  si,  quittant  l'Algérie,  nous  allons  tout  à  côté,  à 
Tunis,  nous  trouvons  là  des  juifs  également  d'origine  sémi- 
tique, se  ressemblant  tous  entre  eux,  se  différenciant  des 
Arabes  et  des  juifs  algériens.  C'est  que  le  genre  de  vie,  les 
habitudes,  les  milieux  agissent  toujours  et  partout  sur  les 
populations,  les  modifiant  peu  à  peu.  C'est  ce  qui  fait  qu'entre 
les  juifs  d'origine  sémitique,  bien  qu'apparlenantà  une  seule 
et  même  race,  bien  qu'ayant  le  même  culte,  -les  mêmes 
mœurs,  il  se  produit  des  différences,  des  variétés  qui  per- 
mettent de  les  différencier  par  régions. 

Quant  aux  juifs  annexés,  il  est  tout  naturel  qu'ils  se  rap- 
prochent des  juifs  d'origine.  Us  ont  adopté  la  môme  religion, 
le  même  genre  de  vie,  les  mêmes  mqeurs;  autant  de  puis- 
santes raisons  qui  les  font  converger  vers  le  type  originel. 
C'est  encore  une  influence  de  milieu.  Mais  il  y  a  plus  :  la 
communauté  de  mœurs,  d'intérêts,  de  religion,  rapproche 
tellement  les  annexés  des  juifs  d'origine,  qu'il  y  a  de  nom- 
breuses unions  ;  les  sangs  se  mêlent  et  les  caractères  sémi« 
tiques  finissent  par  envahir  les  annexés,  qui  sont  toujours  en 
minorité. 

M.  Hervé.  L'appréciation  du  caractère  ethnique  résulte 
d'une  impression  que  nous  pouvons  considérer  comme  étant 
une  impression  artistique.  Bien  souvent  les  traits  qui  carac- 
térisent le  type  ne  se  montrent  pas  réunis  ;  mais  il  est  aisé, 
pour  qui  a  vécu  quelque  peu  au  milieu  des  juifs,  de  les  re* 
connaître  toujours,  au  premier  coup  d'œil,  a  tels  ou  tels  de 
ces  traits. 


550  8ÉANCE  DU   i*"  OCTOBRE   i89i. 


f^aelqnes  eonsidérations  snr  la  deaxiéme  déelmale 
dans  les  Indiees  eranlens  et  faelanx  ; 

PAR   MM.   AZOULAT   BT   LAlARD. 

Dans  les  mensuralions  craniométriques  et  faciales,  on  a 
pour  habitude  de  n'estimer  les  longueurs  qu  à  0"^"|5  près. 
Si,  par  exemple,  la  longueur  est  de  121™'°,3,  on  la  considère 
comme  valant  121  millimètres;  si  elle  est  de  i2i°"°,d  ou 
i21»»,4,  on  écrit  121  °»,5. 

On  obtient  de  la  sorte  un  nombre  fautif  de  0"™,35  en  plus 
ou  en  moins  au  maximum. 

Cette  approximation  est  même  rare.  Dans  la  pratique,  il 
est  d'usage  d'exprimer  les  mesures  de  longueur  à  1  milli* 
mètre  près,  ce  qui  donne  une  erreur  maximum  en  plus  ou 
en  moins  de  O^^jS. 

Les  erreurs  volontaires  ainsi  obtenues  sont  donc  de  Tordra 
de  grandeur  de  celles  qu'il  est  permis  de  commettre  dans  les 
mensurations. 

Nul  ne  peut  contester  cette  conclusion. 

Nous  nous  proposons  de  montrer  qu'une  erreur  de  0,05 
commise  sur  un  indice  ne  correspond  pas  à  une  modification 
de  Tun  des  facteurs  qui  ont  servi  à  l'établir,  égaie  ou  supé- 
rieure à  Terreur  volontaire  commise  dans  la  mensuration. 
Nous  trouverons  même  cette  modification  toujours  info* 
rieure. 

Gomment  prend-on  un  indice? 

On  divise  les  deux  mesures  Tune  par  Tautre,  de  façon  à 
obtenir  un  quotient  que  Ton  multiplie  par  100.  C'est  ce 
quotient  centuplé  qui  s'appelle  Vindice^  nombre  plus  facile  & 
concevoir  et  à  comparer.    • 

Il  contient  deux  décimales.  Si  Ton  voulait  se  contenter  de 
la  première,  et  tenir  compte  en  même  temps  de  la  deuxième, 
suivant  qu'elle  est  supérieure  ou  inférieure  à  5,  il  faudrait 
augmenter  la  première  de  1  ou  la  laisser  telle  quelle.  Cette 


AZOULAY  ET   LAMRD.  —   LNDICES  CRANIENS   ET   FACUUX.     531 

erreur  est  cent  fois  plus  grande  que  celle  du  quotienti 
puisqu'il  a  été  multiplié  par  100.  Donc,  les  erreurs  maxima 
dont  nous  pouvons  aflécter  un  indice  et  un  quotient  cent  fois 
plus  petit  sont  respectivement  0,05  et  0,0005* 

Cette  erreur  de  0^0005  en  plus  ou  en  moins  dans  un  quo* 
tient  modifîera-t-elle  considérablement  Tun  des  termes  du 
rapport  lorsqu'on  nous  donnera  l'autre  terme  et  le  quotient? 
Pour  savoir  quelle  est  la  modification  maximum,  rien  n'est 
plus  simple. 

La  longueur  la  plus  grande  que  les  anthropologistes  aient 
à  rencontrer  dans  les  mesures  crâniennes  et  faciales  ne  dé- 
passe pas  300  millimètres. 

Ce  sera  donc  là  notre  maximum. 

Admettons  que  Ton  nous  donne  le  diamètre  antéro-posté- 
rieur  maximum  =  300  millimètres  et  un  quotient  =3  0,0005* 
Pour  obtenir  le  diamètre  transverse»  il  suffira  de  multiplier 
les  deux  termes  donnés  Tun  par  l'autre,  ce  qui  donne  0|1 
au  produit.  Cela  revient  à  dire  que  le  diamètre  (transverse) 
cherobé  est  égal  à  O"*"*,!,  valeur  qu'il  est  impossible  d'obtenir 
dans  les  mensurations  anthropologiques.  Cela  revient  à  dire 
également  que  Terreur  maximum  0,0005  sur  un  quotient  ou 
0,05  sur  un  indice  n'augmente  ou  ne  diminue  le  numéra- 
teur ou  dividende  que  de  0*""^,l.  C'est  une  approximation  qui 
n'est  pas  de  Tordre  de  grandeur  des  erreurs  de  mensuration, 
que  nous  avons  vu  être  de  0,5  ou  0,25  en  plus  ou  en  moins; 
elle  leur  est  tout  à  fait  inférieure* 

Cette  modification  apportée  au  numérateur  est  bien  maxi* 
mum^  car  plus  le  dénominateur  est  inférieur  à  âOO,  plus  le 
produit  de  ce  dénominateur  par  0,0005  est  petit,  et  par  con- 
séquent plus  la  modification  apportée  au  numérateur  se 
trouve  faible. 

Qu'on  nous  donne,  au  contraire,  un  numérateur  et  un 
quotient  pour  rechercher  un  dénominateur,  nous  aurons 
alors  à  diviser  le  numérateur  par  le  quotient. 

Or,  diviser  un  numérateur  par  un  quotient  auquel  on 
ajoute  ou  retranche  0^0005,  entraîne  une  variation  si  mi- 


553  SÉANCE  DU  1"  OCTOBRE  4891. 

oime  dans  la  valeur  du  dénominateur  cherché,  qu*on  peut  la 
considérer  comme  entièrement  négligeable. 

Ce  résultat  montre  que  la  modification  apportée  dans  une 
des  mesures,  quand  on  la  recherche  à  Taide  de  Tautre  et  du 
quotient  ±  0,0005,  n'atteint  jamais  plus  de  G,!-  Nous  nous 
tenons  donc  ainsi,  en  nous  servant  d'indices  réduits  à 
trois  figures,  toujours  de  beaucoup  au-dessous  des  erreurs 
possibles  de  mensuration. 

Nous  avons  donc  le  droit  de  n'employer  qu'une  décimale 
à  rindice,  à  la  condition  de  tenir  compte  de  la  valeur  de  la 
deuxième. 

De  cette  conclusion  découlent  plusieurs  autres.  Lorsqu'on 
trouve  des  indices  à  l'aide  du  barème,  il  est  plus  économique 
de  n'écrire  que  trois  chiffres,  obtenus  en  forçant  ou  laissant 
intacte  la  première  décimale,  suivant  que  la  deuxième  est 
égale  et  supérieure  ou  bien  inférieure  à  5.  En  opérant  ainsi, 
l'addition  d'un  grand  nombre  d'indices  se  trouve  abrégée  de 
plus  d'un  quart,  et,  de  plus,  moins  susceptible  d'erreurs  de 
calcul,  puisqu'on  a  supprimé  l'addition  d'une  colonne  de 
chifTres. 

On  pourrait  croire  qu'une  addition  d'indices  à  trois  figures 
donne  une  somme  différente  de  celle  d'une  addition  de  nom- 
bres à  quatre  figures.  Il  n'en  est  rien  cependant,  car  on  sait 
qu'une  addition  de  termes  réduits  de  quatre  chiffres  à  trois 
donne  une  somme  d'autant  plus  approchée  que  les  termes 
sont  plus  nombreux.  Or,  en  anthropologie,  c'est  ce  dernier 
cas  qui  se  présente  le  plus  fréquemment,  et  la  moyenne  des 
indices  ne  se  trouve  pas  sensiblement  altérée. 

Si  l'on  fait  usage  des  tables  de  logarithmes^  procédé  moins 
rapide  que  le  barème,  on  peut  agir  de  même  et  gagner  du 
temps. 

Par  la  division  arithmétique,  il  est  des  modifications  dues 
à  l'emploi  de  trois  chiffres  au  quotient  qui  diminuent  de  près 
d'un  tiers  le  temps  donné  à  cette  opération  fastidieuse  et 
souvent  erronée.  Ce  gain  s'ajoute  à  celui  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut. 


UERVK.  —  LA  LKGE.NDE  DES  BOUCOERIES  DE  CBAIR  DUMAIXE.      553 

Enfin,  au  moyen  de  la  règle  à  calcul^  on  obtient  presque 
immédiatement  les  trois  figures  d*un  indice  exact. 

De  ces  considérations,  il  résulte  qu'en  supprimant  la 
deuxième  décimale  dans  un  indice  isolé^ 

V  On  enlève  à  l'indice  un  peu  de  la  précision  illusoire 
qu'il  paraît  donner  à  ses  facteurs  ; 

2®  On  rend  les  opérations  plus  commodes,  moins  longues, 
moins  erronées  ; 

3"  On  obtient  uae  moyenne  d'indices  à  deux  ou  plusieurs 
décimales  très  voisine  de  celle  que  donne  le  procédé  habi- 
tuel. Toutes  deux  sont,  du  reste,  aussi  proches  de  la  vérité. 

On  voudra  bien  nous  pardonner  d'aller  contre  un  usage 
établi  et  d'insister  sur  une  idée  dont  on  trouve  l'indication 
déjà  dans  Broca.  La  rigueur  mathématique  avec  laquelle 
nous  avons  cru  démontrer  qu'il  n'y  a  aucun  inconvénient  à 
supprimer  la  deuxième  décimale  et  l'intention  d'éviter  aux 
anthropologistes  des  perles  de  temps  et  de  la  fatigue  nous  ' 
feront  trouver  grâce  auprès  d'eux. 

La  légende  des  boneherlea  de  ehalr  hninaliie  ; 

PAR  M.    IIERVB. 

(Cette  communication  a  été  publiée  dans  la  Hevue  de 
VÉcole  d'anthropologie^  15  décembre  1891.) 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Vun  des  secrétaires  :  EDOUARD  CUYER. 


*%%— 


HM  SéANCB  DU  15  OCTOBRE    1891. 

145*  SÉANCE.  —  Il  odobre  1891. 
Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  PROPOS   DU  PROCES-VERBAL. 

M.  GLÂMurr  Rubbbns  dit  que  c'est  par  erreur  qu'il  a  indiqué 
que  les  fétiches  venant  d'Angola  ont  été  donnés  à  la  Société 
d'anthropologie  par  M.  Salmon.  C'est  à  l'Ecole  d'anthropolo. 
gie  que  ces  fétiches  ont  été  offerts. 

Sar  1«  comialtsAiiee  éeu  moBQrs  «le  i'Inile  en  OceMeiit 
aBiérlenremeiit  A  l'ère  chrétienne. 

M.  DB  CuARBNCET  demande  à  répondre  quelques  mots  aux 
observations  faites  par  M.  OUivier-Beauregard.  11  estiaie 
qu'on  lui  fait  dire  autre  chose  que  ce  qu'il  a  dit  en  réalité. 
Jamais  personne  n'a  nié  que,  depuis  l'époque  d'Alexandre  ou 
même  d'Hérodote,  les  Grecs  n'aient  eu  quelque  connaissance 
de  rinde  et  des  pratiques  religieuses  de  ses  habitants.  Il 
s'est  borné  à  faire  ressortir,  sur  la  remarque  qui  lui  en  a  été 
faite  par  un  savant  membre  de  la  Société  asiatique,  que  le 
nom  de  Bouddha  ne  se  trouve  mentionné  nulle  part  enOccident 
avant  le  temps  de  saint  Jérôme.  Cette  omission  semble  bien 
étrange  et  tendrait  à  rajeunir  les  débuts  de  la  période  boud- 
dhique, peut-être  à  la  reporter  après  noire  ère.  On  ne  sau- 
rait attacher  aucun  crédit  à  ce  que  les  Hindous  nous  disent  de 
la  personne  et  de  la  vie  de  Bouddha.  L'existence  môme  de  ce 
réformateur  n'est  rien  moins  que  prouvée.  Il  faut  se  défier 
de  tout  ce  que  disent  les  Orientaux  en  fait  de  chronologie». 
Nous  enverrions  une  nouvelle  preuve  dans  l'histoiro  de  Zo- 
roastrc  et  les  origines  du  Zend-Avesla,  M.  Kossowicz  a  fait  res- 
sortir certains  points  d'identité  entre  cet  ouvrage  et  la  Bible, 
notamment  en  ce  qui  concerne  les  mesures  de  l'arche  de  Noé 
et  celles  de  l'enclos  où  Yiraa  enferma  les  hommes  et  ani* 


l'iNBE   avant   L*èRE   CHRÉTÎBiyfrE.  555 

maux  qu'il  voulait  préserver  des  rigueurs  du  grand  hiver. 
S*il  y  a  eu  emprunt,  évidemment  c'est  de  la  part  des  Iraniens, 
oar  les  recherches  les  plus  récentes  tendent  à  rajeunir  l'é- 
poque où  fut  rédigé  VAvesta,  En  tout  cas,  on  ne  saurait  le 
oroire  à  beaucoup  près  aussi  ancien  que  la  Genèse, 

Nous  n'avons  pas  du  tout  Tintention  ici  de  faire  de  la  po« 
lémique  religieuse  ou  autre,  mais  seulement  de  la  science 
pure.  Qu'il  nous  soit  permis,  en  terminant,  d'insister  sur  le 
pan  de  connaissances  réelles  qu'avaient  les  Grecs  et  les  Ro- 
mains des  religions  étrangères.  Tout  ce  qui  était  barbare 
«xcitaitleur  dédain,  et  ils  ne  se  souciaient  guère  de  l'étudier 
à  fond. 

Qu'est-ce  que  les  auteurs  classiques  nous  font  connaître 
des  croyances  de  l'Inde?  Fort  peu  de  chose  en  réalité;  ils  ne 
savaient  même  pas  les  noms  des  principales  divinités  de  ce 
pays.  Rien  de  plus  maigre,  non  plus,  que  les  renseignements 
qu'ils  nous  donnent  sur  les  religions  des  populations  mê- 
mes soumises  à  leur  empire,  Qaulois»  Ibériens,  Carthagi- 
nois, etc  ,  etc. 

Nous  aurions  bien  de  la  peine  à  nous  figurer  qu'il  y  eAt,  à 
Alexandrie  ou  ailleurs,  des  gens  versés  dans  la  théologie 
brahmanique,  à  moins  que  ce  ne  fussent  des  voyageurs  de  na- 
tionalité indienne,  attirés  par  des  raisons  surtout  eommer- 
oiale?. 

M.  OLLiviER-BBAURBaARD.  Lcs  observations  que  présente 
verbalement  M.  de  Gharenoey  n'infirment  en  rien  ce  que  j'ai 
dit(séance  du  19  mars  1891,  Bulletin  de  février  à  avril,  p.  190 
et  suivantes)  à  propos  de  la  connaissance  acquise,  dans  l'Occi- 
dent, antérieurement  à  Père  vulgaire,  des  moeurs  de  l'Inde. 

Ces  mêmes  observations  de  M.  de  Charencey  ne  peuvent 
détruire  ce  fait  de  notoriété  sans  conteste,  que  c'est  à  cette 
pléiade  d'esprits  illuminés  que  l'on  a  nommé»  les  Ph^es  de 
r Église^  que  la  catholicité  doit  les  pratiques  ritualistiques  des 
cérémonies  intérieures  et  extérieures  du  culte  chrétien.  Et 
c'est  un  fait  contre  lequel  aucune  dénégation  ne  peut  préva- 
loir;  que  la  venue  des  Pères  de  l'Église  et  leurs  enseigne* 


556  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  1891. 

ments  étant  d'an  et  deux  siècles  postérieurs  au  troisième 
siècle  de  Tère  vulgaire  où  M.  de  Gharencey  place  la  connais- 
sance acquise,  par  notre  Occident,  des  pratiques  religieuses 
de  rinde,  on  peut  très  sagement  penser  et  dire  que  les  édu- 
cateurs jurés  des  prêtres  chrétiens  se  sont  inspirés  des  pra- 
tiques dont  ils  voyaient  et  connaissaient  les  succès  journaliers 
et  antérieurs,  quand,  d'ailleurs,  saint  Jérôme  les  a  données 
à  suivre  aux  néophytes  qull  instruisait. 

Mais  M.  de  Gharencey  a  remis  une  note  écrite.  Dès  que 
j'aurai  pu  lire  cette  note,  et  d'ailleurs  pour  ne  pas  laisser 
s'égarer  notre  discussion,  je  ferai  à  notre  collègue  une  ré- 
ponse plus  détaillée  et  plus  explicite. 

Sar  1a  pathologie  do  la  raeo  |olvo. 

M.  Laborde  fait  remarquer,  au  sujet  de  la  discussion  sur  la 
pathologie  de  la  race  juive,  que  les  mariages  consanguins»  si 
fréquents  chez  les  juifs,  peuvent  être  considérés  comme 
étant  la  source  des  maladies  héréditaires. 

M.  Yariot  dit  que  la  consanguinité  ne  peut,  dans  ce  cas, 
avoir  une  grande  importance.  Que  si  dans  les  petites  agglo- 
mérations, par  exemple  dans  ceiiains  villages  de  Bretagne, 
où  les  mariages  consanguins  sont  fréquents,  les  maladies  se 
perpétuent,  il  ne  saurait  en  être  de  même  pour  les  juifs, 
ceux-ci  constituant  une  population  très  étendue  et  répartie 
dans  nombre  de  contrées.  En  ajoutant  à  ces  considérations 
que  les  juifs  sont  très  migrateurs,  il  pense  que  la  consangui- 
nité ne  peut  être  prise  en  considération. 

M.  Sanson  dit  qu'une  statistique  seule  permettrait  de  sa- 
voir si  les  mariages  consanguins  sont  plus  fréquents  chez 
les  juifs  que  chez  les  individus  appartenant  aux  autres  reli- 
gions, il  lui  semble  difficile  sans  cela  de  trancher  la  question, 
car  il  connaît  beaucoup  de  juifs  unis  à  d'autres  familles. 

M.  Hervé  établit  une  distinction  entre  la  consanguinité  de 
famille  et  la  consanguinité  de  race.  Pour  que  la  consangui- 
nité existe,  il  suffit  que  les  juifs  s'allient  entre  eux  beaucoup 


C0N6BKS  ARCBÉOLOOIQUE  DE  FRANCE.  557 

plus  souvent  et  depuis  plus  longtemps  qu'ils  ne  s'allient  aux 
autres  souches. 

M.  Sanson  fait  remarquer  qu'on  n'admet  pas  deux  sortes 
de  consanguinité,  celle  de  famille  et  celle  de  race;  la  pre- 
mière seule  existe.  S'il  en  était  autrement,  nous  serions 
presque  tous  consanguins.  Cette  consanguinité  si  éloignée 
de  race  est  aussi  peu  admissible  que  la  théorie  de  Tata- 
yisme  par  laquelle  on  se  préoccupe  d'un  ancêtre  remontant 
jusqu^aux  temps  paléontologiques. 

M.  Hervé  répond  que  si  les  mariages  juifs  n'ont  pas  lieu 
dans  la  même  famille,  le  résultat  n'en  est  pas  moins  défavo- 
rable au  point  de  vue  de  Thérédité  pathologique^  car  les  élé« 
ments  morbides  hérités  existent  pour  des  causes  qui  dépen- 
dent de  la  race. 

M.  Yariot  dit  que,  pour  lui  aussi,  les  unions  véritablement 
consanguines  ne  résultent  pas  d'unions  entre  individus  de 
même  race^  mais  uniquement  de  celles  qui  ont  lieu  entre  in- 
dividus de  même  famille. 

M.  G.  DE  MoRTiLLET  indique  que  la  relégation  des  juifs  dans 
des  quartiers  spéciaux  a  dû,  de  tout  temps,  avoir  chez  eux, 
comme  conséquence,  la  réalisation  de  mariages  consanguins. 

CORBGSPONDANCE. 

M.  LE  Secriitaire  général  donne  lecture  d'une  lettre  de 
M.  Niederle,  de  Prague,  lui  annonçant  l'envoi  de  la  première 
livraison  d'une  revue  consacrée  à  l'anthropologie  et  à  l'ethno- 
graphie du  peuple  tchèque  en  Bohême,  Moravie,  Silésie  et 
Hongrie.  Il  donne  conncdssance  du  sommaire  de  cette  revue. 

M.  le  PaÉsiDEfCT  annonce  les  dates  auxquelles  commencent 
les  cours  de  l'École  d'anthropologie,  et  lit  le  programme  de 
ces  cours. 

Congrès  Arehéologlqoe  de  Franee* 

M.  Ollivibr-Beauregard  informe  la  Société  que,  d'accord 
avec  la  mission  qu'il  en  avait  reçue,  il  a  assisté,  au  nom  de 

T.  II  (4^  bérir).  36 


5S8  .     SÉAIVCE  DU   45  OCtOBHE  1891. 

la  Société  d'anthropologie,  au  Congrès  archéologique  de 
France,  qui  s'est  tenu  par  journées  successives,  en  juillet 
dernier,  à  Dôle,  Salins,  Besançon,  Montbéliard  et  Neufchàtel 
(Suisse). 

L'étape  de  Montbéliard  a  été  surtout  marquée  par  la  course 
faite  à  Màndeure,  où  sont  représentées  la  préhistoire,  Té- 
poque  gallo-romaine  et  Farchéologie  du  moyen  âge;  à  Neuf* 
chfttel,  les  édifices  de  la  ville  et  les  palafittes  ont  occupé  les 
membres  du  Congrès. 

Quand  viendront  les  procès-verbaux  des  excursions  et  des 
séances,  M.  Ollivier-Beauregard  en  extraira  ce  qui  pourra  le 
plus  directement  intéresser  la  Société  d'anthropologie. 

Congrès  des  orientalistes  à  EiOndrea. 

M.  Oluvier-Beauregard.  M.  Cartailhac  a  fait  ressortir 
rimportance  anthropologique  que  pouvait  avoir  ce  congrès^ 
en  définissant  et  en  analysant  les  constructions  cyclopéennes 
—  qu'il  nomme  primitives  —  dont  les  traces,  vigoureuses 
encore  et  nombreuses,  s'étendent  à  travers  le  monde  insu- 
laire et  péninsulaire  de  la  Méditerranée,  depuis  TAsie  Mi- 
neure jusqu'aux  îles  Baléares,  reliant  ainsi  l'Asie,  d'où  elles 
semblent  avoir  eu  leur  point  de  départ,  fi  noire  monde 
occidental. 

Une  excursion  faite  à  Stonehenge  a  mis  les  membres  du 
Congrès  devant  cette  double  enceinte  druidique,  faite  de 
pierres  debout  circulaîrement  disposées,  et  couronnées  de 
pierres  posées  à  plat  et  régulièrement  arquées  en  seciions 
de  cercle  à  Tintérieur  et  à  l'extérieur. 

Cet  édifice  mégalithique  se  dresse  dans  la  plaine  crayeuse 
de  Salisbury;  les  pierres  sont  de  granit;  une  voie  romaine 
les  avoisine,  mais  les  Romains  ne  sont  pour  rien  dans  la  con- 
struction du  monument  de  Stonehenge. 

Un  savant  anglais,  Stukeley,  pense  qu'il  a  été  constitué 
là  où  nous  le  voyons  aujourd'hui,  1859  ans  avant  Tère  vul- 
gaire, l'année  même  de  la  mort  de  Sarah,  la  femme  du  pa« 


GOXGnK!^  DK^  ORIKNTaUSTES  a  londhe?:.  559 

triarche  Abraham.  Le  savant  chronologiste  anglais  ne  dit 
pas  que  rédifice  en  question  ait  été  érigé  en  l'honneur  de  la 
naissance  dlsaac,  mais  il  aurait  pu  le  dire  avec  autant  de 
vraisemblance  que  le  millésime  flxe  de  la  fondation. 

M.  Claine  a  exploré  ille  de  Sumatra.  Il  a  eu,  grâce  à  beau- 
coup de  savoir-faire  et  de  services  rendus  à  deê  chefs  in- 
fluents, la  bonne  fortune  de  résider,  pendant  plusieurs  mois, 
chez  les  Batacks-Karo,  tribu  jusqu'à  présent,  assure-t-il, 
vierge  de  tout  commerce  sexuel  avec  les  autres  tribus  ba- 
tacks  hybridées  du  sang  européen  et  malais. 

Il  a  rapporté  de  son  excursion  chez  cette  peuplade  de 
sang  et  de  mœurs  de  primitive  essence,  des  collections 
d'armes,  d'étoffes,  de  livres  et  d'objets  divers,  bien  dignes 
de  la  sérieuse  attention.  Il  a  eu  soin  de  relever  des  vues  pho- 
tographiques de  maisons,  de  marchés  et  de  villages  de  ces 
contrées  inexplorées  ;  il  a  pu  surprendre  et  photographier 
des  Individus  mâles  et  femelles  de  ces  Batacks-Karo,  de  face, 
de  profil  et  de  dos  ;  il  nous  les  a  montrés  par  groupes  ou 
isolés,  par  là  très  faciles  à  étudier,  et,  par  le  récit  qull  a 
fait  des  incidents  de  son  exploration,  il  a,  au  plus  haut  point, 
Intéressé  les  membres  du  Congrès. 

M.  Ollivier-Beauregard  montre  quelques-unes  de  ces  nom- 
breuses photographies,  et  s'appuyant  sur  Timporlante  signi- 
fication qu'elles  ont  au  point  de  vue  anthropologique,  il  insi- 
nue que  M.  Claine  pourrait  peut-être  bien  consentir  à  remettre 
en  pur  don,  à  la  Société  d'anthropologie,  un  album  complet 
des  photographies  de  son  exploration  à  Sumatra  et  aux  terres 
voisines,  moyennant  son  admission  comme  membre  corres- 
pondant de  la  Société. 

Et  dans  ce  sens,  M.  Ollivier-Bcauregard  pose  la  candida- 
ture de  M.  Claine. 

Quand  paraîtront  les  Bulletins  du  Congrès  des  orientalistes 
tenu  à  Londres  en  septembre  dernier,  M.  Ollivîer  Beauregard 
extraira  des  rapports  les  parties  qui  peuvent  intéresser  la 
Société. 

M.  Ollivier-Beauregard  fait  don  à  la  Société  des  ouvrages 


860  SÉANCE   DU   15   OCTOBRE   1891. 

suivants,  et  qui  lui  ont  été  acquis  dans  les  congrès  dont  il  a 

parlé  : 
i*  Congrès  provincial  des  orientalistes  français;  Egyptologie, 

Saint-Étienne,  1875,  in-8°,  500  pages; 

2«  The  oriental  University  Imtitute  of  Woking  ; 

3'  An  Inquiry  into  the  Ethnography  of  Afghanistan^  by 
H.  W.  Bellow,  1891,  in-8%  218  pages. 

M.  LE  Président  dit  que  la  candidature  de  M.  Glaine 
sera  transmise  à  la  Commission  des  membres  correspondants. 

Il  remercie  M.  Beauregard,  au  nom  de  la  Société,  pour  le 
dévouement  et  la  compétence  avec  lesquels  il  a  rempli  sa 
mission  aux  congrès  auprès  desquels  la  Société  Tavait  accré- 
dité. 

Discussion. 

M.  Hervé  demande  des  renseignements  sur  la  situation 
géographique  exacte  des  Bataks-Karo. 

M.  Adrien  de  Mortillet  dit  que  certains  bijoux  que  portent 
les  Bataks-Karo  présentent  un  très  grand  intérêt.  Il  cite  par- 
ticulièrement les  pendants  d'oreilles  enroulés  de  spirales  qui 
sont  fixés  à  la  partie  supérieure  de  Toreille.  La  forme  de  ces 
bijoux  ne  permet  pas,  à  première  vue,  de  comprendre  com- 
ment ils  peuvent  être  fixés  à  la  région  qui  les  supporte.  11 
démontre  qu'en  effet  la  seconde  spirale  n*est  exécutée  qu'a- 
près introduction  dans  le  cartilage  de  la  tige  métallique  qui 
doit  la  former. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

D'  Paul  âubry  (de  Saint-Brieuc).  De  l'homicide  commis  par 
la  femme  (broch.,  38  pages  ;  extrait  des  Archives  de  tan^ 
thropoiogie  criminelle^  Paris,  Masson,  1891).  —  Ouvrage  pré- 
senté par  M.  Manouvrier. 

L'auteur  s'est  proposé  : 

i®  D'exposer  les  principaux  mobiles  de  Tbomicide  chez  la 
femme  ; 


OUVRAGES  OFFERTS,  561 

2<*  D'examiner  les  moyens  dont  elle  se  sert  pour  perpétrer 
son  crime  ; 

3**  D'étudier  le  libéricide  ou  meurtre  des  enfants  par  leur 
mère  ; 

4""  De  comparer  tous  les  faits  cités  dans  son  travail  avec 
les  crimes  contre  les  personnes  commis  par  des  femmes  dans 
le  département  des  Côtes-du-Nord  pendant  ces  vingt-quatre 
dernières  années. 

Manouvrœr  (Dr  L.).  Le$  Aptitudes  et  les  Actes  (broch., 
47  pages  ;  extrait  de  la  Bévue  scientifique  du  ^2  août  1891). 
Conférence  annuelle  Broca^  29  décembre  1890,  déjà  publiée 
dans  les  Bulletins  de  la  Société»  — L'Atavisme  et  le  Crime 
(broch.,  16  pages;  leçon  du  cours  d'anthropologie  physio- 
logique de  1891  ;  extrait  de  la  Bévue  de  r École  d'anthropolo^' 
gie,  15  août  1891).  —  Etude  des  crânes  et  ossements  humains 
trouvés  dans  un  cimetière  de  l'époque  mérovingienne^  à  Andresy 
(broch.,  15  pages  et  2  planches;  extrait  du  Compte-rendu 
du  Congrès  de  l'Association  française  pour  l'avancement  des 
sciences^  1890). 

Raffaello  Zampa  (Prof^).  Crania  itaiica  vetera.  Antichi 
resti  umani  in  Italia  (broch.,  79  pages;  extrait  dalle  Atem. 
délia  Pont.  Accad.  dei  nuovi  Linceij  vol.  VII).  —  Sulla  etno- 
grafia  delf  Italia  (broch.,  10  pages).  —  Ouvrages  présentés 
par  M.  Manouvrier. 

Baye  (J.  de).  Cimetière  de  VaH-la-Gravelle  (Paris,  1891, 
in-8<',  8  pages  et  planches). 

Blasio  (Dr  Abele  de).  L'Uomo  preistofnco  in  Italia  (Naples, 
1891,  in-12,  96  pages). 

Lagneau  (D').  Sur  la  race  juive  et  sa  pathologie  (Paris» 
1891,  in-8%  12  pages). 

Société  africaine  de  France^  Bulletin,  tome  !•',  1891, 
n'>»l,2,  3. 

Le  Peuple  tchèque  (en  tchèque)  (Prague,  in-8'',  avec  figures, 
1'*  livraison). 

PoussiÉ  (D').  Manuel  de  conversation  en  trente  langues 
(Paris,  1890;  in-12,  204  pages). 


562  SÉANCE  DU  45  OCTOBHE  1891. 

M.  LE  DOCTEUR  Poussié.  Le  livre  que  j*ai  l'honneur  de  pré- 
senter à  la  Société  d'anthropologie  est  destiné  à  faciliter  les 
études  de  linguistique  comparée,  et  h  rendre  service  à  tous 
ceux  qui  voyagent  ou  résident  à  l'étranger  et  sont  désireux 
de  pouvoir  converser  avec  les  habitants  de  chaque  pays  dans 
leur  langue.  Médecin  de  la  Compagnie  des  Messageries  mari- 
limes,  chargé  de  missions  en  extrême  Orient  par  le  ministre 
de  rinstruction  publique,  j'ai  recueilli,  au  cours  de  mes 
voyages  dans  les  cinq  parties  du  monde,  les  éléments  essen- 
tiels des  principales  langues  universellement  reconnues.  J'ai 
suivi  dans  ce  guide  Tordre  méthodique  que  j*avais  cru  devoir 
adopter  moi-môme  pour  Tétude  de  ces  langues.  Je  donne 
sous  forme  de  tableaux  synoptiques  : 

4*  L'alphabet  avec  des  notions  de  prononciation  ; 

â^  Un  résumé  succinct  de  grammaire  :  déclinaison  des  noms 
et  des  pronoms,  conjugaison  des  verbes,  phrase  de  syntaxe  ; 

3**  Les  noms  de  nombre  ; 

4^  Un  vocabulaire  des  600  principaux  termes  de  la  langue  ; 

5°  Un  recueil  d'une  soixantaine  de  phrases  très  usuelles  ; 
Enfin  Touvrage  est  complété  par  un  tableau  des  monnaies 
et  des  mesures  de  longueur. 

Le  classement  des  langues  suit  Tordre  logique  de  groupe- 
mentautourde  la  langue  mère,  et  la  transcription  des  langues 
orientales  est  faite  d'après  une  méthode  rationnelle.  J'ai  mis 
ensemble  les  langues  latines,  germaniques^  slaves,  aggluti- 
nantes, monosyllabiques,  espérant  que  le  linguiste  et  le  voya- 
geur y  trouveront  chacun  leur  profit.  J'ai  donc  cru  faire  œuvre 
utile  en  publiant  ce  manuel  qui  comble  une  lacune,  car  Tessai 
n'en  avait  jamais  été  tenté  auparavant.  Fait  surtout  dans  un 
but  pratique,  il  a  été  composé  dans  le  pays  même  de  termes 
usuels  et  indispensables.  Du  reste,  la  faveur  qui  a  accueilli 
deux  éditions  successives  publiées  en  une  année  prouve  com- 
bien cet  ouvrage  de  vulgarisation  r(^pond  à  un  besoin  sérieux 
de  notre  époque  et  aux  desiderata  de  tous  ceux  qui.  linguistes 
on  voyageurs,  visitent  Textrême  Orient.  Je  dois  remercier 
particulièrement  mes  collègues  de  la  Société  d'anthropologie, 


ÉLECTION.  ."SÔS 

MM.  les  professeurs  A.  Hovelacque,  Julien  Vinson,  Kerckhoffs, 
qui  m'ont  prêté  un  concours  bienveillant  et  auxquels  je  suis 
henrenx  de  pouvoir  adresser  ici  l'expression  de  toute  ma 
reconnaissance. 

PÉniODiQUKS. 

Revue  mensuelle  de  l'Ecole  d'anthropologie,  n* 8,  i  5  août  1 891 . 
—  L.  Manouvrier  :  l'Atavisme  et  le  Grime.  —  Adrien  de 
Mortillet  :  les  Propulseurs  à  crochets  modernes  et  préhisto- 
riques (flg.). 

Revue  de  F  hypnotisme,  n«  4,  octobre  1891 .  '—  Jean  Taroha^ 
noff  :  la  Lecture  des  pensées. 

Revue  scientifique,  n»  15, 10  octobre  1891.  — A.  Dumont  : 
la  Natalité  dans  les  communes  rurales  en  France. 

Journal  ofanatomy  and  physiology ^  octobre  1891.  «*  R.  Ha«- 
velock-Gharles  :  Graniometry  of  some  of  the  Outoaste  tribes 
of  the  Penjab.  —  Paterson  :  Pectineus  muscle  and  its  nenre- 
supply.  "  Montagu  Griffln  :  Some  varieties  of  the  last  dor- 
sal and  flrst  lumbar  nerves.  — >  William  Turner  :  A  pair  of 
super  numerary  teeth  in  the  molar  région.—  Windle  :  Occu- 
rence  of  an  additional  phalanx  in  the  human  pollex.  — War- 
drop  Griffith  :  A  case  of  transposition  of  the  thoracic  and 
abdominal  viscera  with  congénital  malformation  of  Ihe  heart 
and  certain  abnormalities  of  the  arlerial  and  Venons  Systems. 

CANDIDATUBB. 

M.  Claine,  présenté  par  MM.  Ollivier-Beauregard,  Salmon, 
Letourneau,  Yauvillé,  Glément  Rubbens,  demande  le  titre 
de  membre  correspondant  national. 

£LECT10«\. 

M.  le  docteur  G.  Busghan  est  élu  membre  correspondant 
étranger. 


564  SÉANCE  DU  45  OCTOBRE   48U1. 

PRÉSENTATIONS. 
NoaveAO  type  d'Iaslrament  moostérien  t  le  disqne  raeleir. 

M.CAPiTAN.Le  15  novembre  1888,  je  présentais  à  la  Société, 
de  la  part  de  Fabbé  B]anquet,  curé  d'Étrépagny  (Eure),  une 
série  de  quelques  disques,  très  certainement  moustériens, 
qu'il  avait  découverts  au  mont  Roty,près  deSaint-Georges-du- 
Vièvre,  arrondissement  de  Pont-Audemer  ;Eure).  Ces  instru- 
ments, tous  identiques  comme  travail,  présentaient  des 
particularités  qui  les  distinguaient  nettement  des  types 
connus  jusqu'alors.  En  effet,  ils  avaient  une  partie  de  leur 
pourtour  soigneusement  retaillée,  comme  le  sont  les  grat- 
toirs, tandis  que  le  bord  opposé  à  ce  tranchant,  et  qui 
répondait  au  bulbe  du  grand  éclat  formant  une  des  faces  du 
disque,  n'était  pas  retaillé,  de  façon  à  pouvoir  être  tenu  faci- 
lement à  la  main.  Les  retouches  du  bord  présentaient  cette 
disposition  toute  spéciale  qu'au  lieu  d'être  pratiquées,  suivant 
l'expression  de  M.  Salmon,  sur  le  dos  du  disque,  comme 
cela  se  voit  sur  les  racloirs  et  grattoirs,  elles  existaient  sur 
le  ventre,  c'est-à-dire  sur  la  face  la  moins  bombée,  celle  où 
se  trouvait  le  grand  éclat  qui  la  constituait  en  grande  partie 
(voir  les  flgures  qui  accompagnent  la  note  de  l'abbé  Blan- 
quet  et  que  j'ai  exécutées  d'après  les  pièces  originales). 

Cette  disposition  parut  si  spéciale  et  si  nette  sur  la  série 
des  pièces  envoyées  par  M.  Blanquet,  que  MM.  de  Mortillet, 
Salmon,  etc.,  n'hésitèrent  pas  à  admettre  ce  nouveau  type, 
pour  lequel  je  proposai  la  dénomination  de  disque  racloir. 

Or  ce  type  qui,  alors,  paraissait  exceptionnel,  doit  vrai- 
semblablement être  plus  répandu  qu'il  ne  le  semblait  tout 
d'abord.  M.  Salmon  vient,  en  effet,  d'en  découvrir,  dans 
l'Yonne,  un  très  remarquable  spécimen  un  peu  plus  grand 
même  que  ceux  de  l'abbé  Blanquet  et  parfaitement  retaillé 
avec  fines  retouches  ventrales  du  côté  du  grand  éclat  de  la 
face  inférieure.  M.  Salmon  m'a  prié  de  vous  le  présenter. 

En  voici   également  un  autre  que  j'ai  trouvé   dans  les 


G.  DE  MORTILLET.  —  MOUSTÉRIEN  DES  ENVIRONS  DE   MONS.     565 

grands  ateliers  paléolithiques  des  environs  de  Leigné-les-Bois 
(Vienne).  U  est  identique  aux  précédents  ;  la  face  dorsale  est 
encore  en  grande  partie  recouverte  par  le  cortex  ;  les  re- 
touches existent  sur  la  face  ventrale  qu^occupe  l'empreinte 
d'un  grand  éclat  et  sur  le  bord  opposé  au  bulbe. 

Bien  plus,  le  moulago  d'une  pièce  de  la  collection  de 
Munck,  provenant  des  sables  mesviniens*  (environs  de  Mons) 
présente,  nous  a  fait  remarquer  M.  Salmon,  une  analogie 
avec  les  pièces  que  je  viens  de  présenter.  M.  Salmon  nous  a 
même  fait  observer  (autant  qu'on  peut  le  voir  sur  le  mou- 
lage) qu'il  existe  des  retailles  disposées  sur  le  ventre  de 
l'instrument  tout  comme  dans  le  disque-racloir  type. 

C'est  donc  là  un  type  que  nous  retrouvons  absolument 
identique  à  lui-même  dans  trois  points  de  la  France,  fort 
éloignés  Tun  de  l'autre.  Nul  doute  qu'on  en  signale  dans 
bien  d'autres  endroits.  Mais>  d'ores  et  déjà,  on  peut  consi- 
dérer que  c'est  bien  un  type  général  et  qu'il  y  a  lieu  de 
l'inscrire  dans  l'outillage,  d'ailleurs  peu  varié,  de  l'époque 
moustérienne,  à  côté  du  disque  vrai,  du  racloir  et  de  la  pointe. 

noastéricn  des  environ*!  de  Hons. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  J'ai  Thonneur  de  présenter  à  la 
Société  des  moulages  que  M.  de  Munck  vient  d'adresser  à 
l'Ecole  d'anthropologie  de  Paris.  Ces  moulages,  admirable- 
ment exécutés,  reproduisent  des  silex  des  environs  de  Mons 
(Belgique),  faisant  partie  de  la  belle  et  riche  collection  du 
donateur. 

Us  sont  produits  comme  documents  à  l'appui  d'une  dis- 
cussion qui  divise  un  certain  nombre  de  palethnologues 
belges  et  de  palethnologues  français.  Je  ne  reviendrai  pas 
sur  tous  les  détails  de  cette  discussion,  ils  ont  été  exposés 
dans  la  Bévue  mensuelle  de  f  Ecole  d anthropologie,  numéro  de 
juillet  i89l,  p.  193.  Il  suffît  de  les  résumer. 

Dans  la  plaine  de  Mons,  du  côté  de  Saint-Symphorien,  de 
Spiennes  et  de  Mesvin,  le  quaternaire  se  compose^  en  allant 
de  haut  en  bas  : 


566  SéANCB  DU  15  OCTOBRE  1891. 

A.  Terre  à  brique  ou  limon  rouge&tre  ; 

B.  Ergeron,  limon  semblable  au  précédent,  mais  chargé 
de  calcaire  ; 

0.  Lit  de  cailloux  peu  épais,  parfois  à  peine  indiqué  ; 

D.  Petit  lit  tourbeux,  sol  végétal  accidentel  ; 

Ë.  Argile  avec  sable  vert,  dépôt  fluviatile  ; 

F.  Assise  de  silex  verd&tre. 

Cet  ensemble,  qui  constitue  le  quaternaire  local,  repose 
sur  la  craie  tufeau  ou  sur  la  craie  à  phosphate. 

Les  deux  assises  inférieures,  silex  et  argile  sableuse,  sont 
formés  des  éléments  remaniés  du  landénien,  terrain  tertiaire 
inférieur,  produit  marin. 

Les  moulages  donnés  par  M.  de  Munck  a  TÉcole  sont 
deux  disques,  deux  petits  coups  de  poing  et  une  pointe  mous- 
térienne.  Les  disques  viennent  des  niveaux  E  et  F  ;  les  coups 
de  poing,  ainsi  que  la  pointe  moustérienne,  du  niveau  G. 

Incontestablement,  il  y  a  beaucoup  plus  de  rudesse  et  de 
grossièreté  dans  Texéoution  des  disques  que  dans  celle  des 
autres  pièces.  Faut-il  en  conclure,  comme  le  font  certains  ob* 
servateurs  belges,  que  ce  sont  des  instruments  plus  anciens, 
plus  primitifs?  Ce  n'est  point  nécessaire,  pour  deux  raisons  : 

i®  Parce  que  les  disques  d'une  part,  et  les  coups  de  poing 
ainsi  que  la  pointe  d  autre  part  sont  en  matière  de  qualité 
différente.  Les  disques  sont  en  silex  verdâtre  de  Tassiso  F, 
silex  grossier  qui  se  taille  mal.  Les  coups  de  poing  et  la 
pointe,  au  contraire,  sont  en  silex  de  la  craie,  matière  beau- 
coup plus  fine  et  se  taillant  bien  mieux. 

^0  Les  disques  ne  sont  que  de  simples  nucléus,  au  moins 
dans  ce  cas  ;  ce  sont  donc  des  objets  de  rebut,  ayant  servi  à 
fournir  des  éclats.  Il  est  donc  tout  naturel  qu'ils  soient  taillés 
sans  soin.  Au  contraire,  les  coups  de  poing  et  la  pointe  sont 
des  instruments  fabriqués  dans  un  but  déterminé.  Aussi 
s'est-on  appliqué  à  les  façonner  le  mieux  possible.  Les  ébau- 
ches informes  qui  se  rencontrent  en  si  grande  abondance 
dans  le  sol  du  plateau  de  Spiennes  sont  encore  bien  plus 
difl'érentes,  comme  fini,  des  haches  polies  ;  et  pourtant  per- 


G.  DE  MOHTILLET.  —  M0U8TÉHIEN  DES  ENVJRONS  DE  MONS.  567 

sonne  ne  met  en  doute  qu'ébauches  et  haches  n'apparlien* 
nent  h  la  même  époque. 

Mais,  dit-on,  il  existe  dans  le  quaternaire  une  différence 
de  niveau.  Les  coups  de  poing  et  la  pointe  proviennent  du 
lit  de  gravier  G,  tandis  que  les  disques  se  trouvaient  dans  le 
landénien  remanié,  surtout  dans  le  cailloutis  E,  qui  est  bien 
inférieur.  C'est  très  vrai  ;  seulement  il  s'agit  de  savoir  si  G  et 
F  constituent  deux  étages  d'une  même  maison  ou  do  maisons 
bities  à  des  époques  différentes.  En  termes  plus  scientifiques, 
si  ces  étages  appartiennent  à  une  seule  et  même  période  géo- 
logique ou  à  deux  périodes  distinctes? 

Les  géologues  et  palethnologues  belges,  vu  la  différence 
de  niveau  et  la  grossièreté  de  la  taille  des  disques  qui  se 
rencontrent  dans  Tétage  inférieur,  considèrent  cet  étage 
comme  tout  à  fait  distinct.  Et  comme  ils  assimilent  lés  coups 
de  poing  très  finement  et  régulièrement  taillés  de  l'étage 
supérieur  aux  coups  de  poing  cheliéens  qui  caractérisent  le 
quaternaire  inférieur  en  France,  ils  en  déduisent  que  la 
Belgique,  aux  environs  de  Mons,  possède  un  quaternaire  plus 
ancien  que  le  plus  ancien  quaternaire  français. 

A  cela,  les  géologues  et  surtout  les  palethnologues  français 
répondent  :  «  Les  divers  étages  du  quaternaire  de  Mons  ne 
forment  que  les  niveaux  différents  d'une  seule  et  même 
époque.  Cette  époque,  loin  d'appartenir  au  quaternaire  infé- 
rieur, constitue  le  quaternaire  moyen.  En  effet,  le  disque  est 
un  des  fossiles  industriels  qui  caractérisent  le  moustérien 
ou  quaternaire  moyen.  Quant  aux  petits  coups  de  poing, 
parfaitement  taillés,  des  environs  de  Mons,  les  palethnologues 
belges  commettent  une  erreur  de  détermination.  II  y  a  deux 
genres  de  coups  de  poing  : 

i^  Les  gros  et  lourds,  plus  ou  moins  épais,  vigoureux, 
taillés  à  grands  coups,  qui  caractérisent  le  chelléen; 

2*  Les  petits,  plats,  plus  ou  moins  légers,  taillés  avec 
soin,  élégants,  affectant  bien  plus  régulièrement  la  forme  en 
amande  ;  ces  coups  de  poing  dégénérés,  ou  plutôt  efféminés, 
si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  remontent  jusqu'au  moustérien 


568  SÉANCE   DU    15   OCTOBRE   i89l. 

moyen,  et  se  trouvent  en  abondance  dans  le  moustérien  in- 
férieur. 

Les  Belges  ont  déterminé  comme  chelléens  les  coups  de 
poing  du  quaternaire  des  environs  de  Mons.  C*est  une 
erreur  analogue  à  celle  que  commettrait  un  paléontologue  en 
prenant  une  Gryphea  cymbium  du  lias  moyen  pour  une  Gry- 
phea  arcuata  du  lias  inférieur.  Je  puis  affirmer  que,  parmi 
les  coups  de  poing  qui  m'ont  été  montrés  à  Mons  etàBruxel- 
les,  je  n'en  ai  pas  reconnu  un  seul  pouvant  se  rapporter  au 
cheliéen.  Mon  fils  est  du  même  avis.  Tous  étaient  mousté- 
riens  ou  acheuléens,  si  vous  voulez  donner  un  nom  spécial 
au  moustérien  inférieur. 

Vous  pouvez  en  juger  vous-même  par  les  deux  moulages 
adressés  par  M.  de  Munck  qui  envoie  ces  pièces  à  l'appui  de 
l'opinion  de  ses  compatriotes.  Ce  sont  bien  là  des  formes 
moustériennes. 

Voici  un  original  qui  m'a  été  donné  à  Mesvin  même,  par 
M.  Lemonnier,  ingénieur  des  usines  Solvay,  pour  l'École 
d'anthropologie.  Il  est  tout  aussi  caractéristique  que  les 
moulages.  Mais  plus  caractéristique  encore,  si  c'est  possible, 
est  le  charmant  petit  échantillon  que  je  vous  présente.  11  a 
été  rapporté  des  environs  de  Mons  par  M.  Gapitan,  qui, 
comme  mon  fils  et  moi,  est  d'avis  que  le  quaternaire  infé- 
rieur fait  défaut  dans  la  plaine  de  Mons,  et  que  les  étages  G, 
ainsi  que  E,  F,  appartiennent  au  quaternaire  moyen.  Le 
moulage  de  la  pointe  moustérienne  envoyé  par  M.  de  Munck 
vient,  du  reste,  pleinement  confirmer  cette  détermination. 

Un  cas  de  malformation  coDgénitale  et  un  cas  d'anomalie 
do  pavillon  de  rorclllc  chez  des  enfants. 

M.  G.  Variot.  J'ai  l'honneur  de  présenter  et  d'offrir  à  la 
Société  d'anthropologie  deux  moulages  en  plâtre;  l'un  de 
ces  moulages  reproduit  une  malformation  congénitale  unila- 
térale de  l'oreille  gauche  chez  une  petite  fille  de  quatre  ans; 
l'autre  représente  les  deux  pavillons  de  l'oreille  d'un  jeune 
garçon  de  trois  ans  et  demi. 


G.    VARIOT.  —   MALFORMATION   CONGÉNITALE.  569 

La  petite  fille  de  quatre  ans  a  été  observée  par  nous  à 
rhôpital  Trousseau,  dans  le  courant  du  mois  d'août  i89i. 
Tout  porte  à  croire  que  cette  enfant  est  atteinte  de  syphilis 
héréditaire.  Sur  les  jambes,  à  la  face  interne  des  tibias,  on 
remarque  des  cicatrices  arrondies  pigmentées,  qui  sont  vrai- 
semblablement des  stigmates  de  gommes  syphilitiques  ayant 
évolué  antérieurement.  Sur  la  région  frontale  du  crâne^  au- 
dessus  de  la  ligne  d'implantation  des  cheveux,  on  sent  avec 
les  doigts  une  dépression  de  2  centimètres  de  diamètre, 
comme  si  la  table  externe  de  fos  avait  été  détruite.  Le  crâne, 
cependant,  n*a  pas  Taspect  notiforme  décrit  par  Parrot  ;  les 
dents  sont  saines.  Par  contre,  le  foie  est  développé,  déborde 
les  fausses  côtes  de  deux  travers  de  doigt,  et  le  ventre  est  dis* 
tendu  par  un  épanchement  de  sérosité  abondant. 

La  malformation  de  Toreille,  qui  a  attiré  nos  regards, 
n'existe  que  du  côté  gauche  ;  le  pavillon  de  l'oreille  droite  est 
normalement  conformé.  Le  pavillon  de  l'oreille  gauche  est 
réduit  à  un  véritable  petit  moignon  de  3  centimètres  de  hau- 
teur sur  1  centimètre  et  demi  de  largeur.  Le  fibro-cartilage 
est  comme  recroquevillé.  Le  pli  de  l'hélix  n'a  plus  la  forme 
arrondie  en  haut  et  il  est  fusionné  en  partie  avec  le  pli  de 
Tanthélix.  A  la  place  du  tragus  on  voit  une  saillie  ;  mais  la 
saillie  de  Tantitragus  manque.  Immédiatement  en  arrière  du 
tragus,  à  la  place  de  l'orifice  du  conduit  auditif  externe, 
s*élève  un  lobule  arrondi,  sorte  de  petit  mamelon  au-dessus 
et  en  arrière  duquel  on  aperçoit  quatre  orifices  étroits  espa- 
cés; ce  sont  des  trous  borgnes  ;  car  l'introduction  d'un  stylet 
montre  qu'ils  se  terminent  tous  en  cul-de-sac  après  un  trajet 
de  2  à  3  millimètres.  Le  lobule  de  Toreille  est  relativement 
conservé  ;  mais  sa  face  interne  regarde  en  dehors  à  cause  de 
la  rotation  et  de  l'enroulement  du  fibro-cartilage  du  pavillon. 
Au  palper,  on  constate  que,  dans  ce  moignon  de  pavillon, 
persistent  des  vestiges  du  fibro-cartilage;  la  saillie  du  tragus 
offre  aussi  une  consistance  fibro-cartilagineuse.  L*orifice  ex* 
terne  du  conduit  auditif  est  complètement  obturé. 

Il  est  bien  difficile;  à  cet  ftge,  d*explorer  convenablement 


570  SEANCE   DU    15   OCTOBRE  4891. 

leâ  sensalious  auditives.  Néanmoins,  nous  nous  sommes  as- 
suré que  l'acuité  auditive  était  conservée  du  côté  droit,  du 
côté  où  l*oreiiie  est  bien  conformée.  Lorsque  le  conduit  au* 
ditif  droit  est  fermé  aussi  exactement  que  possible,  le  (ic  tac 
de  la  montre  est  entendu  si  Ton  applique  la  montre  directe- 
ment sur  le  moignon  du  pavillon  de  Toreille  gauche,  sur  la 
région  temporale  et  sur  Tapophyse  mastoTde.  On  est  donc  in- 
duit à  penser  que  les  organes  de  Toreille  moyenne  et  sur* 
tout  ceux  do  Toreille  interne  n*ont  pas  subi  des  altérations 
en  rapport  avec  celles  du  pavillon  correspondant. 

Quelle  est  la  cause  et  quel  est  le  mécanisme  de  cette  mal- 
formation? La  syphilis  héréditaire,  suffisamment  caractérisée 
par  les  lésions  de  la  peau,  des  os  et  des  viscères  doit-elle 
être  incriminée?  Gela  est  bien  douteux.  Les  nosographes  spé- 
ciaux ne  signalent  pas  ces  malformations  du  pavillon  de 
Toreille.  D'ailleurs,  une  gomme  aurait  pu  produire  des  dé- 
sordres circonscrits  du  côté  du  conduit  auditif;  mais  com- 
ment admettre  qu'elle  ait  pu  intéresser  le  flbrocartilage  du 
pavillon  au  point  d'en  amener  la  rétraction  totale? 

L'hypothèse  la  plus  rationnelle  est  que  la  partie  la  plas 
saillante  périphérique  du  pavillon  aura  été  actionnée  par 
une  bride  amniotique  et  que  le  moignon,  en  se  réparant,  en 
se  cicatrisant,  aura  du  même  coup,  par  soudure  avec  les 
parties  voisines,  oblitéré  le  conduit  auditif*. 

Ce  mécanisme  est  celui  des  amputations  congénitales  que 
nous  avons  accepté,  avec  MM.  Mathias  Duval  et  Hervé,  pour  un 
enfant  hémimèle,  dont  nous  avons  présenté  antérieurement 
le  bras  et  la  moelle  épinière  à  la  Société  d'anthropologie  *. 

11  serait  fort  intéressant  de  connaître  l'état  exact  de  la 
caisse  et  de  la  membrane  du  tympan  derrière  la  cloison  qui 
ferme  le  conduit  auditif  externe  ;  si  l'état  général  de  l'enfant 

*  Telle  P8t  Topinion  formulée  par  M.  Magllol  au  cours  de  la  discnssion 
provoquée  par  ma  présentation. 

*  Cependant  M.  Hervé  pense  qu'il  pourrait  bien  s'agir  d'un  arrêt  de 
développement  du  pavillon,  car  rimperforation  du  conduit  auditif  est  ua 
des  accidents  ordinaires  en  pareil  cas. 


G.  VAKIOT.—  CAS  d'anomalie  DU  PAVILLON  DE  L'OREILLE.     571 

l6  permet,  on  so  décidera  peut-être  à  pratiquer  une  fenêtre 
arliflcielle  dans  la  région,  et  en  môme  temps  que  Tenfant 
récupérera  Touïe  de  ce  côté,  on  pourra  examiner  dans  quelle 
mesure  les  lésions  extérieures  auront  retenti  sur  Toreille 
moyenne  ^ 

Le  second  moulage  montre  une  légère  anomalie  symé-» 
trique  des  deux  pavillons  de  l'oreille  chez  un  enfant  de  trois 
ans  et  demi. 

Ce  petit  garçon  présente  tous  les  signes  physiques  d'une 
lésion  congénitale  du  cœur.  Son  thorax  est  déformé  par  une 
voussure  médiane. 

Le  sternum  et  les  cartilages  costaux,  surtout  à  droite,  sont 
projetés  en  avant.  Au  premier  abord,  on  croirait  avoir  af- 
faire au  thorax  en  carène  des  rachitiques.  Mais,  du  côté  des 
membres  et  de  la  colonne  vertébrale,  le  squelette  n'offre 
atioune  déformation  de  rachitisme. 

Quand  on  percute  la  région  voussurée,  on  constate  qu'elle 
est  mate,  et  si  Ton  y  applique  la  main  à  plat,  elle  est  soulevée 
fortement  par  l'impulsion  du  cœur  hypertrophié.  La  main 
sent  aussi  un  frémissement  qui  correspond  à  un  souffle  sys- 
toliquetrès  intense,  dont  le  maximum  d'intensité  s'irradie 
dans  la  direction  de  l'artère  pulmonaire. 

Cependant  cet  enfant  n'a  pas  de  cyanose  de  la  face  ni  des 
extrémités  ;  il  n'a  pas  non  plus  les  déformations  des  doigts 
en  rapport  avec  l'état  cyanique.  Il  n'existe  pas  de  troubles 
de  la  circulation  périphérique.  Les  membres  inférieurs  ne 
sont  pas  infiltrés  et  les  viscères  ne  sont  pas  engorgés.  Le  seul 
trouble  fonctionnel  évident  consiste  dans  une  dyspnée  habi- 
tuelle lorsque  l'enfant  fait  des  mouvements  rapides,  et  dans 
des  palpitations  qui  soulèvent  la  voussure  sterno-costale. 

L'altération  symétrique  des  pavillons  des  oreilles  ne  mérite 
pas  le  nom  de  déformation,  mais  plutôt  le  nom  d*anomalie. 
Cette  anomalie  est  constituée  par  une  saillie  très  accentuée 

t  La  suite  des  BnlMùis  contient  la  relation  de  l'opération  qni  a  été  fkite 
par  le. docteur  Chalellier. 


572  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  1891. 

du  pli  dufibro-cartilage  qui  sert  d'origine  dans  la  région  de 
la  conque  à  la  spire  de  Thélix.  A  Tétat  normal,  ce  pli  se 
perd  et  s'abaisse  en  s'approchant  de  Tanthélix,  tandis  que, 
dans  ce  cas  particulier,  ce  pli  garde  toute  son  importance 
pour  aller  se  brancher  sur  Tanthélix  ;  il  forme  une  sorte  de 
cloison  parallèle  qui  subdivise  la  conque  proprement  dite. 

Entre  la  branche  originelle  supérieure  de  l'anthélix  et  le 
pli  anormalement  développé  de  Torigine  de  Thélix  se  trouve 
une  cavité  rectangulaire  assez  profonde  qui  manque  dans  les 
pavillons  à  type  normal.  Néanmoins,  en  examinant  un  cer* 
tain  nombre  d'oreilles  chez  des  personnes  saines,  nous  avons 
remarqué  des  dispositions  des  plis  qui  se  rapprochaient  un 
peu  de  Tanomalie  que  nous  décrivons. 

Cette  légère  anomalie  symétrique  des  pavillons  des  oreilles, 
qui  résulte  évidemment  d'un  plissement  irrégulier  du  grand 
fibro-cartilage,  mérite  d'être  relevée,  si  Ton  a  égard  à  la  mal- 
formation congénitale  du  cœur,  qui  se  traduit  par  des  signes 
certains.  Nous  avons  gardé  le  souvenir  d'un  enfant  souffrant 
d'un  rétrécissement  de  l'artère  pulmonaire  et  qui  avait  la 
luette  bifide;  d'autres  auteurs  ont  signalé  le  bec -de-lièvre 
ou  d'autres  monstruosités  coïncidant  avec  des  lésions  congé- 
nitales du  cœur.  Il  sera  bon  de  rechercher  aussi  à  l'avenir  si 
les  anomalies  du  pavillon  de  l'oreille  ne  se  rencontrent  pas 
plus  ou  moins  fréquemment  associées  aux  malformations 
du  cœur. 

Je  ne  veux  d'ailleurs  tirer  aucune  conclusion  prématurée 
de  ces  deux  faits  isolés  ;  je  les  livre,  à  titre  de  documents,  à 
ceux  de  nos  collègues  qui  font  une  étude  spéciale  de  la  mor- 
phologie du  pavillon  de  l'oreille. 

Discussion. 

M.  E.  GoLLiN.  Je  présente  moi-même  à  l'oreille  droite  une 
anomalie  analogue  à  celle  que  M.  Yariot  vient  de  montrer. 
Mon  père  la  présentait  également  ainsi  que  mes  cousins  ger- 
mains, au  nombre  de  sept,  ce  qui  m'a  permis,  un  jour,  de 
reconnaître  un  de  ces  derniers  que  je  n'avais  jamais  vu. 


BOSTËAUX-PARIS.   —   SÉPULTURE   GAULOISE.  573 

Cette  anomalie  figurait  au  nombre  de  celles  que  le  docteur 
Voisin  avait  exposées,  en  1889,  sous  forme  de  moulages  et 
qu'il  rattachait  sans  doute  à  Taliénation  mentale.  M.  Magitot, 
lui,  rattache  la  même  anomalie  à  la  scrofulose  héréditaire. 
Je  crois  que  Tun  et  Tautre  sont  dans  l'erreur.  Il  n'y  a  pas  eu^ 
en  tout  cas,  un  seul  scrofuleux  ou  aliéné  dans  ma  famille,  et 
si  le  contraire  était  vrai,  je  m^empresserais  de  Tavouer  très 
franchement.  M.  Yariot  me  semble  être  plutôt  dans  le  vrai 
en  attribuant  la  déformation  dont  il  s'agit  à  un  simple  acci- 
dent survenu  pendant  la  gestation.  Je  me  livrerai  volontiers 
à  notre  habile  mouleur,  M.  F.  Flandinette,  pour  qu'il  prenne 
le  moule  de  mon  oreille  anormale  et  augmente  d'une  nou- 
velle pièce  notre  coUeclion  de  moulages. 

M.  Magitot  fait  remarquer  que,  dans  un  des  cas  présentés, 
une  oreille  est  absolument  difforme,  réduite  à  l'état  de 
moignon,  l'autre  est  normale.  L'oreille  anormale  semble  avoir 
été  altérée  par  des  brides  fibreuses  comme  celles  qui  se 
produisent  durant  la  vie  intra-utérine. 

L'autre  moulage  présente  des  anomalies  symétriques  très 
spéciales  et  qui  semblent  plutôt  reconnaître  une  origine  hé- 
réditaire. 

Sur  une  sépaltare  gauloise  déeonverte  à  Cemay-les-Relma  ; 

PAR  M.  BOSTRAUX-PARIS. 

Le  9  novembre  1890,  en  sondant  le  terrain  sur  l'emplace- 
ment du  cimetière  gaulois  des  Barmonts  (Gernay-les- Reims) 
pour  voir  si  je  n'avais  pas  oublié  quelque  tombe,  j'en  décou- 
vris une  que  je  n'avais  pas  encore  fouillée.  Elle  avait  70  cen- 
timètres de  profondeur,  1",70  de  longueur,  sur  60  centi- 
mètres de  largeur  ;  elle  était  orientée  aussi  de  l'est  à  l'ouest 
et  remplie  de  craie  au  lieu  d'être  remplie  de  terre  noire 
comme  les  autres  sépultures  de  ce  cimetière.  Le  squelette, 
qui  était  celui  d'un  adulte,  portait  une  fibule  en  fer  sur 
la  poitrine,  un  bracelet  en  bronze  coulé  en  anneau  et  en- 
core passé  au-dessus  du  coude  du  bras  gauche;  près  du 

T.  II  (4'  séHiP.).  37 


674  s6ancb  du  15  octobre  180f, 

eeude  da  bras  droit  se  trouvait  un  couteau  en  fer,  une  pyrite 
de  fer  vulgairement  appelée  boule  de  tonnerre^  usée  et  polie 
sur  une  face  par  un  frottement  prolongé,  et  sur  œtte  partie 
usée  se  trouvait  un  nucléus  en  silex  du  mont  de  Berru,  et 
aux  pieds,  à  droite  du  squelette»  un  vase  en  terre  noire  de 
facture  très  primitive. 

Ce  qui  m'a  surpris,  dans  cette  fouille  c'est  de  reneonirer, 
à  répoque  gauloise,  un  nucléus  en  silex  sur  cette  pyrite  de 
fer  dont  une  face  a  été  usée  avec  intention.  Ces  objets  au- 
raient-ils servi  à  faire  du  feu,  ou  étaient* ce  des  amulettes 
vénérées  en  souvenir  de  Tépoque  néolithique?  Pour  avoir 
usé  de  la  sorte  oette  pyrite,  il  a  fallu  un  frottement  inten- 
tionnel très  prolongé,  fait  avec  un  corps  plus  résistant  ;  et 
oependant  cette  matière  raye  le  verre.  Cette  usure  ferait 
supposer  que  les  Gaulois  connaissaient  déjà  les  propriétés 
sulfureuses  de  ce  minéral,  et  s'en  seraient  servis  pour  obtenir 
facilepient,  par  le  frottement,  des  étincelles  pour  allumer 
du  feu.  Le  nucléus  ne  pco'te  aucune  trace  de  frottement  et  ne 
parait  pas  avoir  servi  à  frotter  sur  la  pyrite. 

Cette  tombe  devait  être  une  des  plus  anciennes  de  oe 
cimetière  gaulois,  à  en  juger  par  la  facture  de  fabrication  du 
vase  et  du  bracelet  en  bronze. 

Quant  aux  oàsements  du  squelette,  ils  étaient  si  fragiles 
que  je  n'ai  pu  en  recueillir  que  quelques  fragments.  Le  crâne 
était  dolichocéphale. 

Essai  sur  la  natalité 
clans  le  eanton  de  Lllieboane  (Seine- Infférieare); 

PAR     U.     ARSÈT^E     DUMONT. 

Je  désirais  depuis  longtemps  observer  un  échantillon  de 
population  manufacturière  afin  de  pouvoir  la  comparer  aux 
populations  agricoles  ou  maritimes  que  j'avais  étudiées  les 
années  précédentes. 

D'un  autre  côté,  il  me  paraissait  intéressant  de  rechercher 
pourquoi  la  Seine-Inférieure  était  restée  féconde  bien  qu'en- 


DUMQNT.  •-   LA  NATAUTÊ  DE  LILLEBONNE.  576 

tourée  de  départements  remarquables  par  l*abaissement  de 
leur  natalité.  Au  milieu  de  la  vaste  tache  oliganthropique 
qui  s'étend  du  mont  Saint^Michel  à  la  frontière  allemande  et 
dont  le  centre  de  dépression  existe  depuis  si  longtemps  dans 
les  arrondissements  limitrophes  de  lËure  et  du  Calvados, 
pourquoi  cette  île  resiée  indemne  ?  Etait-ce  uniquement 
l'effet  du  nombreux  prolétariat  industriel  ou  bien  la  conser- 
vation de  la  fécondité  avait-elle  lieu  également  parmi  les 
populations  agricoles  et  en  ce  cas  pour  quelle  raison  ?  Quelle 
cause  les  empêchait  de  se  comporter  comme  les  cultiva- 
teurs des  départements  voisins  ? 

Enfin,  aux  termes  d'une  remarquable  étude  de  M.  le  doc- 
teur Chervin  sur  la  Géographie  médicale  de  la  Seine  Jnfé- 
tHeure\  pendant  les  vingt  années  écoulées  de  1850  à  i869, 
près  de  la  moitié  des  conscrits  avaient  été  trouvés  impropres 
au  service  armé.  Or,  de  tous  les  cantons  du  département,  le 
plus  maltraité  était  celui  de  Lillebonne  ;  la  proportion  des 
réformés  y  était  de  552  pour  1000  conscrits  examinés.  Il 
pouvait  être  instructif  de  savoir  si  cette  morbidité  phénomé- 
nale s'était  maintenue,  et,  en  ce  cas,  de  rechercher  à  quelle 
cause  elle  était  attribuable. 

Tels  sont  les  motifs  qui  m'ont  fait  choisir,  en  1890,  le  can- 
ton de  Lillebonne  pour  sujet  de  l'enquête  que,  depuis  dix 
ans  déjà,  je  poursuis  sur  l'état  de  la  natalité  française. 

I 

APERÇU  GÉRÉRAL  DU  CANTON. 

Le  canton  de  Lillebonne  comprend  un  territoire  de 
12700  hectares  environ,  formant  l'extrémité  sud-est  de  Tar- 
rondissement  du  Havre.  La  Seine  le  limite  au  midi,  séparée 
maintenant  des  anciennes  falaises  dont  jadis  elle  baignait  le 
pied  par  un  vaste  tapis  de  prairies  et  d'herbages  qui,  comme 

*  Mémoire*  de  VÂszockUiim  françaitê  pour  l'avanenMnt  dn  $tAmc9s^  eon* 
grès  (le  Rouen,  1883. 


S76  SÉANCE  DU   15  OCTOfiftB  1891  • 

le  delta  du  Nil,  peuTent  èlre  appelés  un  présent  du  fleuve.  II 
est  coupé  en  deux  par  la  rivière  de  Bolbec  qui,  coulant  du 
nord  au  sud,  s'est  creusé  dans  Tépaisseur  du  plateau  une 
vallée  profonde,  presque  au  niveau  de  la  Seine.  Entre  les 
fonds  verts  abondamment  arrosés  de  sources  vives  qui  con- 
stituent le  bas  pays  et  les  terres  sans  eau  du  pays  de  Gaux, 
un  étroit  rideau  de  forêts  s*étend  sans  fin  comme  un  ruban, 
suivant  la  pente  sinueuse  des  coteaux.  G  est  de  là  que  le 
pays  tire  son  charme,  son  caractère  et  sa  valeur  esthétique. 

En  arrière  des  taillis,  la  plaine  labourée  s'étend  à  perte  de 
vue,  tantôt  couverte  de  récoltes,  tantôt  morne  et  brûlée  par 
le  soleil.  En  juillet,  les  fermes,  sous  les  arbres  qui  les 
cachent,  forment  des  îles  quadrangulaires  de  verdure  au 
milieu  de  la  mer  dorée  des  céréales  parvenues  à  maturitâ. 
Elle  se  prolonge  ainsi  pendant  de  longues  lieues  et  bien  au 
delà  des  limites  du  canton  sans  autre  accident  que  quelques 
villages  allongés  le  long  des  routes  poudreuses. 

Si  Lillebonne  et  Bolbec  forment  des  agglomérations  plus 
importantes,  elles  le  doivent  uniquement  à  la  petite  rivière 
qui  les  traverse.  Nulle  part  on  ne  voit  mieux  la  toute-puis- 
sante action  de  la  topographie  sur  le  groupement  des  popu- 
lations et  sur  leurs  destinées. 

On  sait  que  Lillebonne  joua  sous  les  Antonins,  comme 
Harfleur  au  moyen  âge  et  le  Havre  aujourd'hui,  le  rôle  du 
grand  port  indispensable  dans  Testuaire  de  la  Seine.  L*an- 
tique  Juliobona^  alors  capitale  des  Calètes,  eut  peut-être 
trente  mille  habitants.  En  tout  cas,  son  théâtre  pouvait  con- 
venir à  une  grande  ville,  et  ses  thermes  revêtus  de  marbre, 
les  riches  mosaïques  de  ses  palais,  ses  statues  et  ses  tom- 
beaux somptueux  témoignent  sufûsamment  de  son  impor- 
tance. 

Si  Ton  se  bornait  à  parcourir  ses  rues  étroites,  de  toute 
part  dominées  par  de  hautes  collines,  à  considérer  les  deux 
ruisseaux  qui  coulent  sous  ses  fabriques  et  serpentent  dans 
ses  herbages,  une  telle  fortune  paraîtrait  sans  cause.  G*est 
de  plus  loin,  des  hauteurs  de  la  Trinité  du  Mont  que  Ton 


DUMONT.  —  LA  NATALITÉ  DE  ULLEBONNE.       577 

penl  se  rendre  compte  de  la  situation  telle  qu*elle  était  à 
répoqne  gallo-romaine. 

Il  faut  se  rappeler  qu'il  y  a  quarante  ans  seulement,  dans 
les  grandes  marées  d'équinoxe,  la  Seine  remontait  encore 
jusqu'à  un  kilomètre  de  Lillebonne.  Il  y  a  dix-huit  siècles, 
quand  les  cinq  kilomètres  de  prairies  qui  la  séparent  aujour- 
d'hui du  fleuve  étaient  sous  Teau,  quand,  d'autre  part,  l'im- 
mense étendue  du  marais  Yernier,  que  l'on  aperçoit  sur 
l'autre  rive,  n'avait  point  été  comblée  par  les  alluvions,  Lille- 
bonne,  point  d'aboutissement  de  trois  vallées,  formait  le  port 
naturel  du  pays  de  Caux,  au  fond  d'un  bassin  de  plusieurs 
lieues  carrées,  bien  abrité  contre  les  vents  par  les  hauteurs 
qui  s'étendent  du  cap  de  Tancarville  jusqu'à  \d  Trinité.  La 
situation  était  vraiment  admirable.  Alors,  les  galères  pou- 
vaient avec  aisance  remonter  non  seulement  jusqu'au  port 
de  Lillebonne,  mais  plus  haut,  jusqu'au  Yalasse,  où  leurs 
débris  ont  été  retrouvés  dans  les  vases. 

A  cette  époque,  la  basse  Seine,  comme  aujourd'hui  encore 
TErdre  et  la  plupart  des  rivières  de  la  Bretagne,  n'avait 
point  achevé  son  bassin,  n'avait  point  fini  d'acquérir  le  paral- 
lélisme approximatif  de  ses  rives.  Celte  œuvre  géologique, 
toute  colossale  qu'elle  soit,  a  donc  été  relativement  brève. 
C'est  elle  qui  ruina  Lillebonne  ou  qui  du  moins  l'empêcha  de 
se  relever  de  ses  ruines  après  les  invasions  barbares,  comme 
plus  tard  elle  a  ruiné  Harfleur,  et  comme  tôt  ou  tard  elle 
forcera  le  Havre  d'établir  son  port  devant  Sainte-Adresse. 
En  quelques-unes  de  ses  parties,  elle  est  même  toute  récente, 
s'est  terminée  sous  les  yeux  des  contemporains,  et  le  pays 
lui  dut  longtemps  une  redoutable  insalubrité  qui  décima  les 
populations. 

En  1740,  les  courants  maritimes  remontant  la  Seine,  ap- 
portèrent sur  la  rive  du  marais  de  Watteville  une  quantité 
prodigieuse  de  vase  et  de  terres  d'alluvion,  et,  paraît-il, 
dans  le  cours  de  l'année  suivante,  les  fièvres  paludéennes 
enlevèrent  deux  cents  personnes. 

En  1780,  sept  cents  acres  de  terres  d'alluvion  s'étaient 


578  8ÉAIICB  DU    15   OCTOBRE   4891. 

amoncelées  depuis  Téquinoxc  de  Tautomne  précédent  jus* 
qu'à  Téquinoxe  du  printemps.  Quand  vint  Tété  et  que  le 
soleil  commença  à  dessécher  ces  Tases,  il  s'en  échappa  des 
miasmes  qui  produisirent  des  fièvres  terribles  à  Watteville 
et  dans  les  environs.  Elles  frappèrent  d'abord  le  hameau  le 
plus  bas,  le  plus  voisin  des  vases  émergées,  et  causèrent  dix 
décès.  A  la  fin  d'août,  il  y  avait  deux  cents  fiévreux  ;  un  mois 
plus  tard  il  y  en  avait  cinq  cents.  Chez  beaucoup,  la  fièvre 
se  termina  par  la  cachexie,  l'hydropisie  et,  pour  quarante, 
par  la  mort. 

En  1782,  les  fièvres  reparurent  et  enlevèrent  surtout  de» 
faucheurs.  En  quelques  années,  l'épidémie  emporta  dans  le 
pays  environnant  trois  cents  personnes. 

Nous  n'avons  point  de  renseignements  aussi  précis  concer- 
nant le  canton  de  Lillebonne,  situé  sur  l'autre  rive.  On  sait 
seulement  que,  depuis  un  temps  immémorial  et  jusque  vers 
1830,  les  fièvres  ont  été  endémiques  dans  les  communes  qui 
bordent  la  Seine.  Même,  depuis  lors,  elles  ont  fréquemment 
reparu  ;  car  les  marais,  aujourd'hui  complètement  émergés 
et  transformés  en  pâturages  ou  en  prairies,  sont  encore  inon- 
dés pendant  deux  ou  trois  jours  lors  des  grandes  marées,  et 
il  suffit  d'un  envasement  momentané  des  canaux  d'écoule- 
ment pour  que  les  eaux  croupissent  et  répandent  des  éma- 
nations empestées.  Habituellement,  elles  ne  sont  nuisibles 
qu'aux  ouvriers  employés  à  la  récolte  du  foin,  car  aucune 
habitation  n'existe  dans  les  marais,  et  tous  les  villages  se 
groupent  à  une  lieue  au  moins  de  la  Seine,  au  pied  de  l'an* 
cienne  falaise  du  fieuve,  comme  le  village  du  Hadicatel,  ou 
plus  haut  encore  sur  le  plateau. 

Là,  une  autre  cause  d'insalubrité  provient  du  peu  de  per- 
méabilité des  terres,  qui  les  rend  fort  humides  quoique  éle- 
vées et  du  manque  d'eau  de  source.  La  plupart  des  habi« 
tants  n'ont,  pour  faire  leur  cuisine  ou  pour  laver  leur  linge, 
que  l'eau  des  mares  bourbeuses  et  desséchées  en  été.  Bien 
rarement  ils  ont  des  citernes  et  presque  jamais  des  filtres.  11 
en  résulte  beaucoup  de  maladies  d'entrailles.  Heureusement 


DUMOiNT.  —   LA  NATALITÉ   DE  LILLEBONNE.  579 

bien  peu  boivent  habituellemenl  de  Teau,  les  plus  pauvreë 
ayant  presque  toujours  au  moins  du  petit  cidre. 

En  dépit  de  ces  conditions  peu  favorables,  aggravées  en- 
core par  ]ôs  grands  vents  et  les  brusques  changements  de 
température  auxquels  les  hauts  plateaux  de  la  Seine*Infé- 
rieure  sont  sujets,  la  mortalité  était  notablement  inférieure 
à  la  moyenne  française  pendant  la  première  décade  du 
siècle.  Si  depuis  elle  s'est  cohsidéfablement  aggravée,  ce 
sera  donc  parmi  les  conditions  sociales  de  la  période  actuelle 
qu*il  en  faudra  chercher  les  causes  et  non  dans  les  influences 
permanentes  du  sol,  du  climat  ou  de  la  race. 

Les  habitants  du  canton,  comme  en  général  ceux  du 
pays  de  Gaux,  appartiennent  en  grande  majorité  à  la  race 
blonde,  médiocrement  dolichocéphale.  Us  avaient  au  siècle 
dernier  une  grande  réputation  de  beauté.  Lepeoque  de  la 
Clôture  les  représentait  comme  robustes,  bien  constitués, 
d'une  taille  au-dessus  de  la  moyenne.  «  Dans  la  classe 
aisée,  dit-il,  ils  sont  généralement  bien  de  figure,  le  teint 
coloré,  courageux  et  fiers  de  leur  aisance  qu'ils  avaient 
grand  soin  de  ne  point  cacher,  voulant  jouir  à  découvert  de 
leur  prospérité.  Les  Cauchoises  sont  généralement  d*un  beau 
sang.  Elles  sont  pour  l'ordinaire  grandes  et  bien  faites,  sur- 
tout datis  les  parages  de  Bolbec  et  d'Yvetot,  mais  la  plupart 
de  celles  des  autres  cantons  ont  la  jambe  fort  grosse;  elles 
ont  partout  un  beau  teint  relevé  par  des  couleurs  fines,  de  la 
fraîcheur,  de  la  gorge  et  de  Tembonpoint.  Nous  pourrions 
dire  que  la  dominante  de  ce  pays  est  la  couleur  blonde^ 
même  pour  Tun  et  Tautre  sexe,  si  Ton  en  voulait  excepter  les 
peuples  qui  habitent  les  vallées,  les  marécages  et  le  voisi-^ 
nage  de  la  Seine.  Ceux-là  ont,  en  général^  le  teint  pâle  et  un 
air  trlste<»Lepecque,  quoique  volontiers  optimiste,  remarque 
d'ailleurs  que  ces  belles  Cauchoises  ont  les  tempes  tellement 
dégarnies  qu'on  les  croirait  chauves,  et  qu'elles  ont  de  fort 
mauvaises  dents.  Enfin  la  scrofule,  le  goitre  même,  n'étaient 
pas  très  rares. 

«  De  Tautre  côté  de  la  Seine,  ajoutctril,  les  habitants  du 


S80  S^.ANCE  DU   i5    OCTOBRE   1891. 

Romois  sont  plus  petits^  moins  bien  colorés,  plus  bruns  que 
ceux  de  Gaux,  plus  simples  dans  leurs  mœurs  et  leurs  habi- 
tudes, plus  adonnés  à  la  culture  de  la  terre  et  peut-être  de 
meilleure  foi.  Le  terrain  en  est  beaucoup  plus  divisé  en  un 
grand  nombre  de  propriétaires.  Cependant  ils  sont  moins 
riches  et  moins  industrieux  que  les  premiers.  » 

Ces  remarques  du  médecin  de  Rouen  sont  encore  vraies 
aujourd'hui.  La  population  du  pays  de  Caux  et,  par  consé- 
quent, de  notre  canton,  appartient  en  majorité  au  type 
blond,  tournant  au  châtain  plus  ou  moins  foncé  chez  les 
hommes  de  trente  ans.  J'ai  pu  observer  à  loisir  des  centaines 
d'enfants  des  écoles  réunis  pour  la  distribution  des  prix.  Pas 
un  seul  n'avait  les  cheveux  complètement  noirs;  plus  de  la 
moitié  étaient  blonds  de  seigle  ou  de  blé  mûr  ;  mais  une  frac* 
tion  considérable  des  blonds,  la  plus  grande  partie  peut-être, 
avaient  des  yeux  jaune  clair  et  non  bleus,  ce  qui  est  fréquent 
dans  toute  la  Normandie. 

Cependant  il  existe  aussi  à  Lillebonne  une  minorité  de 
Celtes  bien  caractérisés  venus  probablement  de  l'autre  rive 
de  la  Seine. 

Quelle  est  l'origine  de  cette  population  blonde  ?  Descend- 
elle  des  envahisseurs  de  la  pierre  polie,  de  ceux  du  cin- 
quième siècle  ou  de  ceux  du  neuvième  ;  est-elle  galale,  ger- 
manique ou  normande?  La  question  n'est  pas  facile  à 
résoudre. 

Une  remarque  importante  et  facile  à  faire,  c'est  que,  dans 
toute  la  Normandie,  la  race  blonde  ou  rousse  habite  surtout 
les  terres  labourables,  telles  que  le  pays  de  Caux,  les  plaines 
de  Caen  et  de  Falaise  ;  tandis  que  la  race  brune  habite  les 
pays  de  bois  et  de  coteaux,  comme  le  Romois  ou  le  Rocage 
normand.  Cette  distribution  géographique  des  deux  races 
est  en  parfait  accord  avec  l'opinion  généralement  adoptée 
d'après  laquelle,  aux  diverses  époques,  les  envahisseurs 
auraient  pris  pour  eux  les  meilleures  terres  et  refoulé  la  race 
vaincue  dans  les  cantons  les  plus  maigres,  les  plus  malsains, 
les  plus  difficiles  d'accès. 


DUMONT.  —    LA   NATALITÉ   DE    LILLEBONNE.  581 

Elle  est  par  contre  tout  à  fait  inconciliable  avec  la  tbès 
récemment  soutenue  dans  les  savants  ouvrages  de  M.  Fuste 
de  Goulanges,  d*après  lequel  les  barbares  du  cinquième 
siècle  n'auraient  ni  exproprié  les  anciens  habitants  gallo- 
romains,  ni  refoulé  les  vaincus  dans  les  terroirs  de  qualité 
inférieure,  ni  modifié  dans  une  mesure  appréciable  la  pro- 
portion des  divers  éléments  ethniques  dont  se  composait 
alors  la  population  des  Gaules. 

Si  cette  opinion  devait  prévaloir  définitivement,  il  fau- 
drait faire  remonter  aux  lointaines  invasions  gaéliques  ou 
descendre  jusqu'aux  invasions  normandes,  la  cause  de  la  ré- 
partition actuelle  des  races  et  de  la  prédominance  du  type 
blond  dans  les  campagnes  labourables  de  la  Normandie. 
Mais  les  Northmans  eux-mêmes  ne  paraissent  s'être  établis 
nulle  part  en  masse  compacte  ;  les  compagnons  de  Rollon 
étaient  peu  nombreux  ;  les  bandes  qui,  sous  divers  chefs^ 
avaient  ravagé  puis  soumis  le  pays,  ne  paraissent  avoir 
jamais  compté  qu'une  fraction  de  Scandinaves  ;  en  tout  cas, 
on  admet  généralement  qu'ils  n  avaient  point  amené  de 
femmes,  et  dès  la  première  génération,  leurs  enfants  n'eus- 
sent eu  que  moitié  de  sang  du  Nord.  Ce  serait  donc  jusque 
dans  les  temps  préhistoriques  qu'il  faudrait  chercher  l'ori- 
gine des  populations  blondes  du  pays  que  nous  étudions. 

Du  reste  si  ce  problème  demeure  extrêmement  intéressant  en 
lui-même,  il  n'a  toutefois  que  peu  ou  point  d'importance  rela- 
tivement à  notre  objet.  Quelle  que  soit  la  race  et  son  origine, 
elle  n'exerce  ici,  non  plus  que  dans  les  divers  cantons  que 
j'ai  pu  visiter  jusqu'à  ce  jour,  aucune  action  sur  les  phéno- 
mènes démographiques,  et  en  particulier  sur  la  natalité.  La 
morbidité  même,  sur  laquelle  elle  semblerait  a  priori  avoir 
les  plus  étroites  relations,  n'en  est  que  faiblement  influencée. 
En  ce  qui  concerne  la  carie  dentaire,  par  exemple,  on  peut 
constater,  sans  sortir  de  la  Normandie,  qu'elle  est  pour  le 
moins  aussi  fréquente  et  aussi  précoce  dans  le  Bocage^  parmi 
des  populations  à  cheveux  très  noirs,  que  dans  le  pays  de 
Caux^  et  que,  par  contre,  elle  est  beaucoup  moins  répandue 


S8i  SÉANCE  DQ  15  OCTOBRE  1891. 

parmi  les  populations  du  Gotentin)  qui  sonl  un  mélange  des 
deux  races. 

Un  fait  qui  exerce  au  contraire  la  plus  grande  influence 
sur  l'état  démographique,  c'est  l'existence  des  grandes  ma- 
nufactures au  ohef-lieu  de  canton.  Dès  le  treizième  siècle,  le 
tissage  des  toiles  était  une  industrie  très  répandue  dans  tout 
le  pays  de  Caux.  Elle  s'y  est  toujours  maintenue  depuis,  en 
se  modifiant  avec  le  temps.  Si  Llllebonne  a  été  Tun  des 
points  privilégiés  où  elle  s'est  centralisée,  elle  en  est  rede- 
vable à  Texistence  de  ses  deux  rivières  et  à  la  force  motHûe 
qu'elles  pouvaient  fournir. 

Nous  retrouvons  ici  Tinfluence  décisive,  capitale,  de  la 
topographie  sur  les  destinées  des  populations  et  sur  leur 
état  démographique.  C'est  à  sa  situation  que  Llllebonne  avait 
dû  son  importance  à  l'époque  gallo-romaine,  c'est  à  un  autre 
accident  topographique  qu'elle  doit  d'être  aujourd'hui  un 
centre  manufacturier. 

En  1780,  le  coton  ne  se  filait  encore  qu'à  la  main;  mais, 
dès  4787,  l'assemblée  provinciale  avait  volé  une  somme  de 
100000  francs  pour  faire  fabriquer  et  distribuer  des  ma- 
chines à  filer.  On  compte  qu'alors  le  territoire  entier  de  la 
Seine-Inférieure  n'avait  pas  moins  de  190000  fîleuses.  Au 
mois  de  mai  1789,  le  peuple  de  Rouen  se  souleva  et  brisa  les 
nouveaux  métiers  dont  la  concurrence  le  ruinait,  ce  qui  du 
reste  n'empêcha  nullement  leur  emploi  de  se  généraliser.  Les 
premières  filatures  à  moteur  hydraulique  furent  fondées 
dès  1792  et  1793,  par  Defontenay  à  Louviers,  Adeline  à  Ma- 
launay  et  Lemaître  à  Llllebonne, 

L'antique  cité  était  alors  bien  déchue;  elle  se  composait 
de  quelques  maisons  couvertes  en  chaume  et  de  quelques 
vieilles  habitations  du  quinzième  siècle  éparses  autour  des 
ruines  de  son  château  féodal.  Le  tout  formait  une  paroisse 
d'environ  500  habitants.  A  partir  de  ce  moment,  le  dévelop- 
pement progressif  de  l'industrie  allait  la  repeupler. 

En  1819,  Delahays  et  Yilllot,  dans  leur  usine  du  Mesnil- 
sous-Lillebonne,  petite  commune  aujourd'hui  annexée  à  la 


DUMONT.  —   LA   NATALITÉ  DE   LILLEBONNE.  583 

ville,  imprimèrent  pour  la  première  fois  au  cylindre  des 
ôtoffes  à  personnages  pour  ameublement.  A  cette  date,  la 
prospérité  de  l'industrie  était  inouïe  :  les  fabricants  de  toile 
de  la  Seine-Inférieure  avaient  fait  de  tels  bénéfices,  et  par 
suite  tellement  étendu  leurs  opérations^  qu'ils  ne  trouvaient 
plus  assez  d'ouvriers  dans  le  département,  el  qu'ils  adopté-* 
rent  l'usage  d'envoyer  des  matières  premières  jusque  dans 
les  déparlements  de  la  Somme,  de  l'Aisne,  du  Pas-de-Calais 
et  du  Nord. 

En  1823,  on  Comptait  dans  le  groupe  industriel  formé  par 
les  deux  cantons  de  Lillebonne  et  de  Bolbec  trente-trois  fa- 
briques de  toiles  peintes^  imprimant  annuellement  220000 
à  240000  pièces  d'étofTe,  employant  1400  ouvriers  et  leur 
distribuant  en  salaires  12  millions  par  an. 

Le  casernement  des  tisseurs  a  été  beaucoup  plus  tardif  que 
celui  des  flleurs.  A  la  fin  de  ta  Restauration  et  longtemps 
après,  les  premiers,  au  lieu  d'être  réunis  dans  les  ateliers  de 
leurs  patrons,  travaillaient  encore,  comme  au  siècle  précé- 
dent, chacun  chez  soi,  en  famille  et  à  la  pièce.  Le  patron 
fournissait  le  fil  et  recevait  la  toile  par  l'intermédiaire  de 
courtiers,  dénommés  porteurs,  qui  servaient  de  trait  d'union 
entre  les  travailleurs  et  les  employeurs,  et  qui  seuls  connais- 
saient les  uns  et  les  autres. 

C'est  à  l'établissement  des  filatures  hydrauliques  qu'est 
due  la  fortune  de  Lillebonne.  Elles  avaient  tué  par  la  con- 
currence les  filatures  mues  par  les  chevaux  dont  on  avait 
essayé  pendant  quelques  années  et  déterminé  un  premier 
groupement.  Quand  à  son  tour,  vers  les  dernières  années 
de  la  Restauration,  la  chute  d'eau  fut  remplacée  par  la  va- 
peur, dont  le  mouvement  était  plus  actif  et  plus  uniforme, 
les  nouveaux  établissements  se  formèrent  aux  mêmes  lieux 
que  les  anciens,  et  leur  importance,  en  s*accroissant,  amena 
un  nouvel  afflux  d'ouvriers. 

Plus  tard,  ce  fut  l'existence  même  du  centre  manufactu- 
rier qui  détermina  l'établissement  des  tissages  à  côté  des 
filatures.  Dès  lort  la  concentration  de  la  population  indus- 


584  SÉANCE  DU  15  OCTOBKB  1891. 

irielle  va  s*accentuant  rapidement.  Dans  les  deux  vallées 
qui  font  leur  jonction  au  pied  du  château  de  Lillebonne,  de 
colossales  bâtisses  s*élèvent,  et  bientôt,  par  les  soins  et  sur  le 
terrain  du  patron^  s'édifient  ces  longs  alignements  de  mai- 
sonnettes en  brique,  toutes  semblables  entre  elles,  qui  sont 
les  logements  des  ouvriers. 

Cependant  aujourd'hui  même,  le  mouvement  de  concen- 
tration n*est  pas  terminé.  Quoiqu'il  n'y  ait  d'usines  dans  le 
canton  qu'à  Lîllebonne  seulement,  un  quart  ou  un  cinquième 
environ  des  ouvriers  vivant  de  la  grande  industrie  habi- 
tent encore  en  dehors  de  la  ville,  disséminés  dans  les  com- 
munes environnantes.  Chaque  matin,  ils  font  de  S  à  6  ki- 
lomètres pour  venir  gagner  leur  journée,  et  le  soir,  ils  par- 
courent la  même  distance  en  sens  inverse  pour  retourner 
chez  eux.  D'autre  part,  il  existe  encore  un  très  petit  nombre 
de  tisserands  à  domicile,  des  vieillards  presque  tous  qui  peu- 
vent gagner  de  50  à  60  centimes  par  jour  en  gardant  leurs 
petits  enfants  à  la  maison,  tandis  que  leurs  fils  et  leurs  filles 
sont  au  travail. 

Il  existe  aujourd'hui  à  Lillebonne  huit  usines  dont  les  pro- 
priétaires possèdent  également  d'autres  établissements  sem- 
blables à  Gruchet  et  à  Bolbec,  c'est-à-dire  à  5  et  à  8  kilomè- 
tres de  distance.  Ils  se  livrent  uniquement  à  la  production 
du  gros  fil  et  des  toiles  de  coton  les  plus  communes,  articles 
qui  ont  l'avantage  d'être  toujours  nécessaires  et  de  ne  point 
subir  les  caprices  de  la  mode.  Leurs  bénéfices,  et,  par  suite, 
le  travail  et  le  salaire  des  ouvriers  en  sont  d'autant  plus 
assurés. 

Ils  passent  pour  extrêmement  riches.  On  cite  telle  famille 
qui,  ayant  fondé  en  1840  une  humble  fabrique  à  moteur 
hydraulique,  possédait  en  1880,  aux  termes  d'un  acte  au- 
thentique, une  fortune  de  quarante  millions.  Cependant, 
d'après  l'opinion  générale,  ce  n'est  pas  la  maison  la  plus 
puissante  du  groupe  Lillebonne-Bolbec. 

Du  reste,  il  convient  d'ajouter  que  les  mêmes  raisons  qui, 
dansl'industrie,  permettent  l'accumulation  rapidede  bénéfices 


DUMONT.  —   LA   NATALtTÉ   DE   LlLLEBONNE.  585 

prodigieux  mènent  parfois  aussi  à  des  pertes  énormes,  à  la 
ruine  et  au  suicide.  Il  y  a  douze  ans,  à  Lillebonne  même,  le 
chef  d*une  importante  usine,  voyant  ses  affaires  compro- 
mises, se  tuait  ;  quelques  années  après,  en  1886,  l'usine  fer* 
malt  définitivement  ses  portes,  et  600  ouvriers  se  trouvaient 
du  jour  au  lendemain  sans  travail  et  sans  pain,  réduits  à 
émigrer  au  loin  vers  d'autres  centres  manufacturiers.  Dans 
cette  profession,  en  effet,  s'il  y  a  gain,  le  patron  seul  en  pro' 
flte;  s*il  y  a  ruine,  elle  atteint  Touvrier  non  moins  cruelle- 
ment que  celui  qui  remploie. 

Au  mois  d'août  dernier,  2251  ouvriers  travaillaient  aux 
usines  de  Lillebonne.  Une  trentaine  d'ouvriers  descendent  en 
outre  aux  usines  de  Gruchet  (canton  de  Bolbec).  C'est  donc 
pour  le  canton  entier  2  280  ouvriers  et  ouvrières  d'usine  en- 
viron. 11  paraît  qu'il  y  a  une  vingtaine  d'années  ce  chiffre 
était  plus  considérable,  car  le  perfectionnement  des  machines 
tend  à  diminuer  considérablement  la  demande  de  bras. 
Quelle  que  soit  Tincertitude  des  souvenirs  des  habitants  à 
cet  égard,  on  peut  croire  qu'en  dépit  d'oscillations  assez 
fortes,  le  nombre  total  des  ouvriers  a  été  à  peu  près  sta- 
tionnaire  depuis  quarante  ou  quarante-cinq  ans. 

Sur  les  2251  individus  qui  travaillent  à  Lillebonne,  523 
sont  employés  aux  filatures,  qui  constituent  le  travail  le  plus 
malsain  et  le  plus  mal  payé;  17i8  sont  employés  aux  diffé- 
rents tissages  ;  1 042  appartiennent  au  sexe  masculin  et 
1  209  au  sexe  féminin.  On  compte  seulement  208  enfants  ou 
adolescents  de  douze  à  seize  ans,  dont  moitié  garçons  et 
moitié  filles. 

Ce  sont  donc  2251  paires  de  bras  humains  qui,  chaque 
jour,  de  six  heures  du  matin  à  six  heures  et  demie  du 
soir,  vont  se  constituer  les  esclaves  volontaires  des  gi- 
gantesques machines.  La  journée  de  travail  est  habituelle- 
ment de  onze  heures,  exceptionnellement  et  pour  certains 
ouvriers  seulement,  elle  peut  atteindre  douze,  treize  et  même 
quatorze  heures.  Il  est  juste  de  dire  que  toujours  l'ouvrier 
travaille  à  ses  pièces,  un  compteur  mécanique  mesure  son 


n86  SÉANCE  DU  45  OCTOBRE  1894. 

travail,  et  par  suite  le  salaire  est  proportionné  au  rende* 
ment. 

Les  salaires,  qui  ont  toujours  diminué  depuis  la  fondation 
des  usines,  se  sont  considérablement  abaissés  depuis  vingt- 
cinq  et  surtout  depuis  quinze  ans.  Cependant  les  femmes 
qui  gagnent  le  moins  parviennent  encore  à  un  salaire  de 
30  francs  par  quinzaine,  soit  2  fr,  50  par  journée  ;  car  la 
quinzaine  est  de  douze  journées.  Le  plus  souvent  elles  ga- 
gnent 3  francs  ou  3  fr.  60.  Les  tisseuses  les  plus  habiles, 
celles  qui  ont  les  yeux  les  plus  fins  et  les  doigts  les  plus 
agiles,  arrivent  à  se  faire  des  quinzaines  de  45  francs.  Il 
y  a  quinze  ans,  elles  gagnaient  80  francs,  c'est-à-dire  plus 
de  6  fr.  50  par  journée  de  travail. 

Les  hommes  les  moins  payés  dans  les  filatures  gagnent 
encore  40  francs  par  quinzaine,  Il  y  a  trente  ans,  ils  ga- 
gnaient 6  francs  par  jour. 

Les  ouvriers  les  mieux  payés  sont  les  ouvriers  d*état,  me* 
nuisiers,  serruriers,  forgerons.    Ils  gagnent  de  4  fr.  i5  à 

5  francs  par  jour.  Les  encoUeurs^  pour  leur  rebutante  be- 
sogne, ont  de  5  à  6  francs.  Un  contremaître  enfin  est  payé 

6  francs  par  jour,  soit  72  francs  par  quinzaine.  Dans  un  tis- 
sage, il  peut  surveiller  jusqu'à  cent  métiers,  et  vingt  tout 
au  plus  dans  une  filature. 

Presque  toutes  les  familles  d'ouvriers  vivent  au  jour  le 
jour,  sans  économies  et  à  crédit  sur  la  paye  de  la  prochaine 
quinzaine.  Aussi,  en  cas  de  surproduction,  les  patrons  ayant 
coutume  de  réduire  non  le  nombre  de  leurs  ouvriers,  mais 
celui  des  journées  de  travail,  il  en  résulte  une  gêne  cruelle 
dans  les  ménages.  Cependant  il  s'en  trouve  quelques-uns 
qui,  plus  prévoyants,  possèdent,  en  s'en  cachant  soigneuse- 
ment de  peur  d'être  assi^jettis  à  la  cote  personnelle  et  mobi- 
lière, un  livret  de  caisse  d'épargne.  Un  certain  nombre  ont 
même  leur  maison  à  eux.  Sous  ce  rapport  comme  sous  tous 
les  autres,  il  y  a  de  grandes  différences  non  seulement 
suivant  les  familles^  mais  encore  suivant  les  villages. 

A  la  Frênaie,  par  exemplCi  on  peut  voir  de  gracieuses 


DUMONT.   •-  LA  NATAUTR  DE  Lîlî-EBONNE.  587 

maisons  neuves  et  bien  entretenues  avec  des  jardins,  des 
espaliers  et  des  fleurs,  qui  sont  la  propriété  d'ouvriers  d'u- 
sine, et  qu'ils  ont  fait  construire  sur  leurs  économies.  A  la 
Trinité- du -Mont,  le  tableau  est  moins  riant,  la  plupart  des 
ouvriers  ne  sont  que  des  locataires  ;  cependant  là  encore,  ils 
ont  des  jardins  assez  grands,  de  Tair  et  de  l'espace;  les  plus 
mal  logés  me  paraissent  être  ceux  qui  habitent  Lillebonne 
même.  Les  habitations  ouvrières  ont  été  beaucoup  amélio- 
rées; depuis  quelques  années  on  en  a  beaucoup  construit,  et 
elles  ne  sont  point  encore  délabrées,  mais  elles  sont  trop 
étroites,  trop  serrées  les  unes  contre  les  autres.  Quelle  que 
bonne  volonté  que  Ton  ait,  il  est  difîcile  d'être  propre  quand 
on  demeure  à  six  ou  huit  personnes  dans  deux  pièces,  avec 
quelques  mètres  carrés  de  terrain  en  guise  de  cour  et  de 
jardin,  avec  le  ruisseau  de  la  rue  en  avant,  une  colline  en 
arrière,  et,  de  chaque  côté,  une  habitation  pareille  et  tout 
aussi  encombrée.  Une  vérité  que  Thygiène  fera  comprendre 
de  plus  en  plus,  c'est  qu'il  faut  absolument  de  l'espace  à 
l'homme  aussi  bien  pour  sa  santé  et  pour  son  repos,  que 
pour  la  dignité  de  sa  vie. 

De  grands  progrès  ont  été  réalisés  à  Lillebonne  depuis 
quelques  années  dans  la  construction  des  usines  et  leur  sa- 
lubrité, comme  d'autre  part  dans  la  bonne  tenue  des  rues. 
On  a  construit  des  trottoirs,  on  a  procuré  une  eau  limpide  et 
abondante  aux  habitants.  D'ailleurs,  en  dépit  des  nombreux 
enfants  pauvres  dont  la  saleté  afflige  les  regards,  la  popula- 
tion a  le  goût  de  la  propreté  et  même  de  la  tenue.  Aux  instants 
de  repos,  quand  les  jeunes  ouvrières  des  usines,  vêtues  de 
mousselines  claires,  les  cheveux  relevés  et  très  soignés, 
jouent  et  rient  entre  elles,  elles  ont  moins  l'apparence  de 
paysannes  que  de  demoiselles  appartenant  à  la  classe  aisée 
des  villes;  le  teint  pâle  et  blond  est  de  la  plus  grande  dou- 
ceur. Malheureusement  les  dents  noires,  les  traits  impercep- 
tiblement tirés  même  dans  les  jeunes  visages,  disent  la  santé 
usée  par  le  travail  excessif,  le  mauvais  air,  l'atmosphère  sur- 
chaufTée*  De  très  bonne  heure,  dès  vingt-deux  ou  vingt-trois 


S88  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  1891. 

ans  et  souvent  auparavant,  la  grâce  et  la  légèreté  de  la  jeu- 
nesse se  sont  évanouies  ;  elles  paraissent  pesantes  et  fati- 
guées. 

C'est  le  soir,  vers  6  heures  et  demie  ou  7  heures,  sur  les 
routes  montueuses  qui  mènent  de  la  vallée  de  Lillebonne  aux 
villages  situés  sur  les  hauteurs,  qu'on  peut  le  mieux  observer 
les  ouvriers  des  usines.  Us  marchent  par  petits  groupes, 
lourdement,  presque  toujours  muets^  les  hommes  ont  Tair 
très  calme  et  mélancolique,  le  visage  maigre  et  le  teint 
terreux.  Leurs  lourds  paniers  de  provisions  au  bras,  ils  font 
ainsi,  soir  et  matin,  par  la  pluie  ou  la  neige,  de  2  à  6  kilo- 
mètres. Les  visages,  malgré  la  fatigue,  annoncent  une  véri- 
table détente,  une  satisfaction  visible  de  pouvoir  enfin  res- 
pirer Tair  pur  du  soir,  loin  de  l'assourdissement  de  la 
machine.  Il  n'est  pas  douteux  que,  dans  la  belle  saison,  ce 
supplément  d'effort  musculaire,  au  moins  quand  il  n'est  pas 
trop  prolongé,  ne  soit  aussi  bienfaisant  qu'agréable. 

En  effet,  si  certains  muscles  sont  surmenés  de  travail, 
d'autres  sont  accablés  d'inaction.  La  rapidité,  la  monotonie, 
la  continuité  d'un  petit  nombre  de  mouvements  répétés 
indéfiniment  pendant  onze  ou  douze  heures  ;  l'immobilité 
forcée  de  la  plupart  des  membres,  qui  serait  à  elle  seule  un 
supplice  ;  l'impossibilité  de  se  soustraire  à  cette  besogne 
quotidienne,  de  prendre  un  jour  de  congé  sans  être  renvoyé, 
font  de  cette  profession  la  plus  épuisante  qu'on  puisse  rêver. 
La  caserne  militaire,  qui  tue  la  pensée,  l'imagination  et  jus- 
qu'à  la  mémoire;  n'est  rien  en  comparaison  de  la  caserne 
industrielle  du  tissage  et  surtout  de  la  filature.  Je  visite  un 
de  ces  établissements  qui  n'est  nullement  inférieur  aux 
autres,  et  je  noie  un  petit  fait  entre  mille  que  je  cite  à  titre 
d'exemple.  Un  enfant  de  treize  à  quatorze  ans,  suivant  le  va- 
et-vient  du  métier,  a  pour  fonction  d  epousseter  un  rouage. 
Son  travail  consiste  à  courir  continuellement  trois  pas  en 
avant  et  trois  pas  en  arrière,  sa  brosse  tendue,  pour  écarter 
les  filaments  de  coton  dont  l'air  est  rempli.  Pieds  nusel  bras 
nus,  vêtu  d'un  pantalon  de  toile  et  d'une  chemise,   par 


DUMONt.  ^   LA   NATALITÉ  DE  LILLEBONNÊ.  589 

30  degrés  de  chaleur,  il  continue  sa  danse  d'écureuil  en 
cage.  On  se  prend  à  espérer  que  ce  mouvement  va  bientôt 
cesser,  que  c'est  une  corvée  d'un  instant  ;  mais  non,  il  doit 
durer. des  heures,  des  journées,  des  années  entières,  sans 
autre  interruption  que  le  temps  de  prendre  la  nourriture  et 
le  sommeil  indispensables.  Toujours  et  toujours  il  fera  trois 
pas  de  course  en  avant  et  trois  pas  de  course  en  arrière,  sans 
trêve  ni  merci,  sans  arrêt  de  l'infernale  machine.  Sysiphe, 
avec  son  rocher,  était  heureux  en  comparaison;  il  pouvait  au 
moins  le  prendre  où  il  voulait,  le  pousser  à  son  gré  de 
l'épaule  ou  des  reins,  soulager  un  muscle  en  faisant  tra- 
vailler Tautre;  il  avait  plus  de  liberté,  d'indépendance  dans 
ses  mouvements.  C'est  là  le  côté  pénible  du  travail  des  ma- 
nufactures. Tel  ouvrier  n'exerce  jamais  que  ses  jambes;  tel 
autre  est  réduit  pour  toute  sa  vie  à  quelques  mouvements 
des  doigts  et  de  l'avant-bras,  ou  bien  à  osciller  sans  interrup- 
tion d'une  jambe  sur  l'autre,  le  doigt  levé,  le  cou  tendu. 
Cette  absence  de  variété  dans  les  mouvements  est  inhérente 
à  la  profession.  De  là  une  usure  particulière  de  l'organisme, 
un  hébétement  spécial  de  Touvrier  d'usine.  Il  faut  y  joindre 
le  défaut  d'air  pur,  les  odeurs  fades  de  la  colle  et  des  huiles 
chauffées,  la  trépidation  énervante  des  planchers. 

Beaucoup  de  jeunes  gens  venus  de  l'agriculture  n'y  résis- 
tent pas,  perdent  d'abord  l'appétit,  puis  le  sommeil,  et  sont 
obligés  de  retourner  aux  travaux  des  fermes.  Les  ouvriers 
faits  à  ce  milieu  spécial  ne  se  soutiennent  eux-mêmes  que 
grâce  à  un  régime  très  excitant.  Dans  cet  air  fade  et  sur- 
chauffé comme  dans  les  pays  intertropicaux,  les  épices,  les 
condiments  irritants,  sont  indispensables  pour  stimuler  l'es- 
tomac. Aussi  consomme- t-on  beaucoup  de  salaisons,  de 
harengs  saurs,  de  morue,  beaucoup  de  charcuterie  à  l'ail,  de 
saucisses,  de  boudins,  de  café  mélangé  d'eau-de-vie. 

L*ivrognerie  n'est  pas  très  répandue,  ou  du  moins  elle  n'est 
pas  tapageuse,  et  les  nombreux  débits  de  Lillebonne  sont 
médiocrement  fréquentés,  môme  les  jours  de  paye;  mais  on 
y  fait  acheter  l'alcool  par  les  enfants  et  on  le  consomme  le 

T.  II  (4«  séhik).  38 


590  SÉANCE  DU  45  OCTO&RE  4891. 

soir  en  famille,  à  des  doses  soavent  étonnantes.  L'énergie 
faclice  qu'il  communique  est  la  seule  joie  de  cette  existence 
sans  distractions  et  sans  pensée,  sans  horizon  ni  espoir  d*un 
sort  meilleur.  Aussi  paraît-il  à  certains  ménages  pauvret  éi 
surchargés  d*enfants  aussi  indispensable  que  le  pain  lui- 
même. 

Les  ouvriers  de  Lillebonne  n*ont  rien  de  commun  atee  les 
ouvriers  d'usine  tels  qu'on  se  les  figure  volontiers  d*apiès 
les  descriptions  de  M.  Denis  Poulot.  Ils  sont  paisibles^  sm* 
mis,  peu  ou  point  frondeurs,  généralement  respeetuem 
envers  le  clergé  et  leurs  patrons;  vont  à  la  messe  le  ^• 
manche,  volent  pour  les  candidats  conservateurs  et  ne  par> 
lent  pas  argot.  Sauf  une  écbauffourée  insignifiante  en  ISift, 
jamais  ils  n'ont  fait  de  grèves. 

Relativement  aux  mœuri^  il  existe  un  préjugé  général 
contre  eux.  Les  jeunes  filles  qui  ont  travaillé  en  fabrique  le 
cachent  avec  soin  quand  elles  cherchent  à  entrer  comme 
domestiques  dans  les  maisons  bourgeoises.  On  prétend 
qu'elles  ne  peuvent  rien  refuser  aux  oontremattres.  Mais  les 
préjugés  sont  souvent  injustes,  surtout  en  cette  matière.  Il 
n'y  a  pas,  nous  le  verrons,  plus  de  naissances  naturelles 
parmi  elles  que  parmi  les  jeunes  filles  occupées  à  Tagri- 
culture  dans  les  diverses  communes  du  canton. 

La  probité  est  poussée  jusqu'au  scrupule.  Au  milieu  des 
quartiers  populeux,  entre  des  rues  fourmillant  d'entente 
pauvres,  de  vastes  jardins,  des  vergers,  étalent  impunément 
la  séduction  de  leurs  arbres  pliant  sous  les  fruits  mûrs.  Les 
haies  pourraient  ôtre  franchies  en  vingt  endroits,  les  bai^ 
rières  ne  ferment  souvent  ni  jour  ni  nuit  et  n'ont  pas  même 
de  serrures.  Les  propriétaires  m'affirment  qu'en  cinquante 
ans  on  ne  leur  a  rien  pris.  Des  lapins  et  des  volailles  s'aper* 
çoivent  dans  des  cabanes  formées  de  vieilles  planches  et  de 
branchages  à  portée  de  la  main.  La  mauvaise  qualité  des  clô- 
tures est  ici,  comme  partout,  un  excellent  indice  de  l'honnè* 
teté  universelle. 

Cependant  il  y  a  beaucoup  de  misère.  Bien  que  le  bureau 


DUMOKT.  -^  LA   NATALITÉ  1)B  ULlBBONNE.  801 

de  bienfaisance  distribue  des  secours  à  une  centaine  de 
familles  ;  bien  qu*il  existe  un  pelit  hôpital  et  que  les  patrons 
fassent  leur  possible  pour  fournir  jusqu'à  la  fin  quelque  be« 
sogne  facile  aux  vieux  ouvriers  qui  se  sont  usés  à  leur  ier» 
vicC)  le  sort  habituel  des  imprévoyants  et  des  faibles  est  iii 
ce  qu*il  est  dans  le  reste  de  la  France^  de  voir  leur  vieillesse 
abrégée  par  la  souffrance  et  les  privations. 

Par  contre*  les  plus  résistants  ou  les  plmi  avisés  parvien- 
nent quelquefois  à  s'élever  au-dessus  de  la  condition  ou- 
vrière; Un  très  pelit  nombre  seulement  peuvent  arriver  au 
rang  de  contremaître,  car  il  y  a  peu  de  ces  places,  et  l'on 
ne  peut  même  penser  à  entrer  dans  la  classe  des  patrons^  à 
cause  des  énormes  capitaux  qui  sont  indispensables.  De  c^ 
cAté  donc,  Tascension  est  impossible.  Mais  ils  se  jettent  à 
eôté,  deviennent  épiciers,  petits  débitants,  logent  ou  nour*» 
rissent  quelques  ouvriers  célibataires,  et  sonvent^  dtnt  œs 
professions  nouvelles,  font  quelques  économies. 

Il  n'y  a  pour  ainsi  dire  point  de  classe  moyenne  à  LiQe>« 
bonne.  C'est  de  Tusine  que  sont  sortis  totit  le  petit  eom* 
merce  et  la  petite  industrie,  personnel  et  capHaox.  Dtns 
cette  catégorie  sociale,  à  peine  au-dessus  de  la  précédentej 
les  enfants  sont  peut-être  un  peu  plus  instruits  ;  ce  qui  n'efii« 
pêche  point  que,  dans  Tensemble  de  la  ville,  un  tiers  des 
mariées  et  un  dixième  des  mariés  soient  incapablte  de 
signer  leor  acte  de  mariage.  La  morbidité  est  aossi  très 
considérable,  ce  qoi  s'explique  pent-'ètre  par  cette  eonsidé^ 
ration  qu'une  arrière^bontique  obscure  dans  la  vallée  n'est 
guère  plus  conforiable  qu'une  maison  ouvrière  et  que  Vmainê 
elle-même. 

A  leur  tour,  les  jeunes  gens  issus  de  ces  profestiom  lee 
continuent  presque  toujours.  Les  capitaux  leuraianqu€ffit  pour 
ambitionner  les  professions  libérales,  et  d'Ailleors  on  n'y 
songe  point,  on  n'en  a  point  le  goût.  Quelqoes-uns  sentement 
essayent  de  s  y  élever  en  passant  par  le  sénriiiâire.  LUIebonde 
fournit  un  grand  nombre  de  recrues  au  clergé. 

Mais  au-deHUs  de  toutes  les  olesses  de  la  soeiélé,  et  si 


593  SÉANCE  DU  45  OCTOBRE   1891. 

haut  que  Ton  ne  peut  songer  à  y  atteindre,  brillent  les  pais- 
santes maisons  industrielles  de  qui  seules  découlent  tonte  vie 
et  toute  activité.  Elles  versent  annuellement  en  salaires  au 
moins  i  millions  et  demi,  dépensés  presque  entièrement  dans 
la  petite  ville,  car  c*est  là  que  font  à  peu  près  tous  leurs 
achats  les  ouvriers  mêmes  qui  demeurent  dans  les  communes 
voiiines. 

Cette  prospérité  de  Lillebonne  est  donc  assez  factice  et 
précaire,  car  elle  dépend  en  entier  des  six  ou  sept  familles 
qui  possèdent  ses  usines.  Que  demain  elles  se  trouvent  asseï 
riches,  emploient  leurs  capitaux  à  Tachât  de  valeurs  mobi- 
lières et  s*en  aillent  vivre  noblement  à  Paris  du  revenu  de 
leurs  immenses  fortunes  ;  qu'elles  préfèrent  pour  leurs  fils  les 
professions  dites  libérales,  la  vie  de  salon  et  de  cercle,  les 
plaisirs  de  la  vie  mondaine;  que,  d'autre  part,  il  ne  se irouve 
personne  d'assez  riche  ou  d'assez  hardi  pour  prendre  la  suite 
de  leurs  affaires,  et  les  usines  ferment,  la  population  ou- 
vrière émigré  et  se  disperse^  les  débits  et  les  boutiques  n'ont 
plus  de  raison  d*être,  les  maisons  vides  ne  trouvent  désor- 
mais pas  plus  à  se  vendre  qu'à  se  louer,  et  Lillebonne, réduite 
à  vivre  de  son  marché  de  bestiaux,  n'aurait  bientôt  plus 
que  l'importance  d'un  chef-lieu  de  canton]de  i  500  à  2000  ha- 
bitants. 

Ce  marché  est  le  troisième   en  importance  du  départe- 
ment; mais  il  produit  peu  de  ressources  pour  la  ville,  car  il 
n'est  que  l'occasion  d'une  excursion  rapide  pour  les  vendeurs 
comme  pour  les  acquéreurs,  qui,  étrangers  les  uns  comme 
les  autres,  apportés  par  un  train  et  remportés  par  l'autre, 
font  peu  de  dépense  sur  le  lieu  de  leurs  transactions.  Les 
vastes  herbages  conquis  sur  la  Seine,  où  sont  engraissés  les 
animaux  que  Ton  y  vend,  appartiennent  presque  tous  à  de 
grands  propriétaires  et  à  de  riches  herbagers,  qui  n'habitent 
pas  le  pays  et  se  contentent  de  faire  surveiller  leurs  animaux 
par  quelques  gardiens.   Ces  herbages   valent    de   1 500  à 
2  OOOfrancsi'hectarepourlesalluvionsrécentes,  et  3000  francs 
environ  pour  les  alluvions  anciennes.  Mais  comme  l'industrie 


DUMONT.  —   LA   NATALITÉ  DE  LILLEBONNE.  593 

beurriëre,  laitière  ou  fromagère  est  à  peu  près  inconnue 
dans  le  canton,  ils  ne  fournissent,  en  somme,  presque  aucun 
travail,  et  par  suite  aucun  bien-être  à  la  population.  Une 
partie  seulement  mise  en  prairies  y  contribue  dans  une  cer- 
taine mesure  par  le  travail  nécessaire  à  la  récolte  des  foins 
et  par  le  droit  de  vaine  pâture  réservé  sur  les  secondes 
herbes. 

La  seule  branche  de  Tindustrie  agricole  qui  influe  sur  le 
sort  de  la  population  rurale,  c'est  le  labourage.  A  part  les 
alluvions  dont  nous  venons  de  parler,  toute  la  terre  est  en 
labour;  elle  est  de  qualité  médiocre,  surtout  dans  la  région 
voisine  de  Tancienne  falaise  de  la  Seine.  Elle  est  divisée  en 
exploitations  de  faible  étendue,  louées  à  un  prix  relative- 
ment très  élevé  par  des  propriétaires  habitant  an  loin  à  des 
fermiers  fort  pauvres. 

Ceux-ci  difTèrent  beaucoup  des  fermiers  aisés  de  Tarron- 
dissement  dTvetot,  où  la  terre  est  meilleure^  les  exploita- 
tions plus  grandes  et  la  vie  plus  plantureuse;  mais  ils  dif- 
fèrent entièrement  des  riches  cultivateurs  des  pays  d'Auge 
et  du  Bessin.  Ce  sont  presque  sans  exception  d'anciens  ma- 
nouvriers,  qui  vivent  en  manouvriers.  Leurs  enfants  sont 
habituellement,  comme  en  Bretagne,  leurs  seuls  domes- 
tiques, et  s'ils  prennent  des  journaliers  en  été,  ils  ne  se  dis« 
tinguent  d'eux  ni  par  le  vêtement,  ni  par  la  nourriture,  ni 
par  le  langage,  ni  par  la  manière  de  penser  et  de  sentir. 
Ouvriers  et  maîtres,  tous  sont  également  ignorants,  mal 
nourris  et  mal  vêtus.  Les  différences,  en  fait  d*aisance  et 
d'autorité,  au  lieu  de  sauter  aux  yeux,  ne  se  perçoivent  qu'à 
force  d'attention. 

La  plupart  des  fermes  sont,  comme  les  maisons  d'ouvriers, 
construites  en  bois  et  argile  rouge,  couvertes  en  chaume  et 
souvent  tordues,  déformées  par  le  temps;  les  clôtures  des 
cours,  formées  de  simples  levées  de  terre,  laissent  passer  les 
volailles  comme  elles  le  veulent,  et  témoignent  qu'ici,  comme 
parmi  la  population  industrielle,  la  probité  est  générale. 
Mais  les  jardins  sont  négligés,  n'ont  que  de  mauvais  légumes 


504  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  i8Dl. 

et  pas  de  fruiU.  Au  lieu  des  oarrioles  élégantes  et  des  cabrio- 
lets attelés  de  chevaux  de  prix  qui  emportent  les  grands 
agriculteurs  du  Calvados,  ceux-ci  u'ont  que  de  grossières 
voitures  et  des  tombereaux  tirés  par  de  médiocres  chevaux 
de  labour. 

Il  existe  plusieurs  bouchers  &  Lillebonne,  mais  ils  ne  tuent 
point  pour  le  jour  du  marché  ;  le  cultivateur  n'achète  point 
de  viande  fraîche.  Sa  nourriture  est  des  plus  médiocres  : 
petit  cidre,  pain  de  froment,  laitage,  beurre,  légumes,  salai* 
sons  et  charcuterie.  Il  y  a  soixante^» quinze  ans,  on  oonsom« 
mait  encore,  dans  la  Seine-Inférieure,  beaucoup  de  pain  de 
seigle;  mais,  dès  cette  époque,  l'arrondissement  du  Havre 
faisait  exception  et  n'usait  que  de  froment.  D'un  autre  côté, 
on  n'y  a  jamais  englouti  les  énormes  quantités  de  bouillie, 
de  galettes  de  sarrasin  et  de  soupes  grasses  qui  formaient 
jadis  le  fond  de  ralimentation  dans  les  campagnes  de  la 
basse  Normandie  ;  mais  on  ignore  encore  plus  le  pot-au-feu 
habituel,  Tabondance  de  viande  de  boucherie  et  de  volailles 
qui  sont  le  régime  ordinaire  des  familles  aisées.  D*une  ma- 
nière générale,  dans  la  Seine-Inférieure,  la  nourriture,  non 
seulement  de  la  classe  agricole  ou  industrielle  mais  même 
de  la  bourgeoisie  urbaine,  est  beaucoup  moins  bonne  que 
dans  le  reste  de  la  Normandie.  Elle  est  inférieure  à  la  fois 
par  la  quantité  et  par  la  qualité.  Dans  ce  plantureux  pays  de 
Gaux,  que  Ton  se  figure  de  loin  le  royaume  de  Tabondance, 
c'est  disette  de  tout.  A  Lillebonne,  en  particulier,  tout  est 
cher  et  mauvais;  le  marché  est  mal  pourvu.  On  a  la  campagne 
tout  autour  de  soi  et  la  terre  ne  manque  pas;  cependant  les 
légumes  viennent  du  Havre  et  sont  fanés;  les  poissons, 
moules^  crevettes  en  viennent  également  et  sont  avancés. 
Les  fruits  manquent  ou  ne  sont  pas  mangeables  ;  quelques 
paniers  de  prunes  aigres  et  petites  appartiennent  à  des  va- 
riétés  antiques  qu'on  devrait  avoir  honte  de  cultiver.  Du 
reste,  non  seulement  on  mange  plus  mal,  mais  on  mange 
moins.  Peut-être  est-ce  à  cela  que  les  hommes  doivent  une 
apparence  moins  robuste  qui  les  rapproche  de  l'ouvrier  de 


DUMONT.  -«-  LA  NATALITÉ   DE  ULLEBONNE.  595 

la  banlieue  de  Paris,  plus  maigre  et  plus  nerveux,  beaucoup 
moins  lourd  et  moins  massif  que  celui  de  la  basse  Normandie 
et  surtout  du  Gotentin  ? 

Les  salaires  sont  médiocres.  La  journée  d'homme,  sauf 
pendant  le  mois  d'août  et  la  récolte  des  foins,  pour  lesquels 
le  fermier  traite  à  forfait  avec  un  entrepreneur,  est  de  3  francs 
sans  la  nourriture,  ou  de  I  fr.  35  avec  la  nourriture.  Les 
femmes  sont  généralement  nourries  et  gagnent  0  fir.  60*  Pour 
laver,  elles  ont  de  0  fr.  75  à  f  franc*  Encore,  en  hiver,  le  tra- 
vail manque-t-il  souvent,  surtout  depuis  Tintroduction  des 
machines  à  battre.  Beaucoup  de  journaliers  ne  sont  occupés 
que  deux  jours  la  semaine.  Alors  le  problème  est  celui-ci  : 
avec  1  tr.  50,  nourrir,  vêtir,  loger,  chauffer  et  blanchir  une 
femme  avec  cinq  ou  six  enfants  pendant  sept  jours,  et  soi- 
même  pendant  cinq.  Ge  problème,  sur  tous  les  points  de  la 
France,  se  résout  de  la  même  manière  :  pain  sec,  eau 
claire,  haillons  sordides,  une  paillasse  et  la  mendicité.  Les 
60  francs  ou  90 francs  réservés  sur  les  gains  exceptionnels  du 
mois  d'août  servent  à  payer  le  loyer  de  la  maison. 

Cependant^  il  y  a  moins  de  mendiants  qu*on  ne  pourrait 
8*7  attendre.  Quelques  communes,  grâce  aux  ressources  de 
leur  bureau  de  bienfaisance,  n'en  ont  même  point  du  tout. 
Cela  me  paraît  tenir  à  ce  que,  dans  toutes  les  communes  ru- 
rales du  canton,  il  y  a  beaucoup  de  petits  fermiers  et  une 
proportion  très  faible  d'ouvriers.  11  est  peu  de  chaumières 
qui  n'aient  point  un  peu  de  terre  comme  annexe.  Malgré 
cela,  la  misère  et  les  privations  sont  extrêmes,  et  Ton  ne  doit 
point  s'étonner  si  le  personnel  des  usines  trouve  aisément  à 
se  recruter  parmi  la  population  agricole. 

Pour  le  manouvrier  misérable,  écrasé  par  les  charges  de 
famille,  l'usine  est  un  refuge  toujours  ouvert,  où  il  peut  jeter 
ses  enfants  arrivés  à  l'âge  de  travailler.  Pour  peu  qu'ils  y 
soient  une  fois  entrés,  ils  y  resteront  ou,  du  moins,  n'en  sor- 
tiront que  pour  entrer  dans  une  autre  ;  ils  se  suffiront  à  eux-* 
mêmes. 

Aux  enfants  des^  familles  un  peu  moins  pauvres,  l'usine 


596  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  1891. 

offre  encore,  du  moins,  Tappât  d'un  salaire  plus  élevé,  d'une 
nourriture  plus  substantielle,  additionnée  d'eau-de-vie  et  de 
café.  D'ailleurs,  dansTagriculturCyOn  ne  trouve  pas  toujours 
de  place  ;  à  l'usine  on  en  trouve  toujours. 

Quelle  que  soit  la  condition  des  ouvriers  des  manufactures, 
il  est  certain  qu'ils  la  trouvent  préférable  à  celle  des  ouvriers 
de  l'agriculture,  et  que  ceux-ci  ont  le  plus  souvent  la  même 
opinion.  On  va  de  l'agriculture  vers  l'industrie,  et  jamais  le 
mouvement  inverse  ne  se  produit.  Il  est  presque  sans  exemple 
que  des  fils  ou  des  filles  d'ouvriers  d'usine  soient  retournés 
aux  travaux  des  champs.  Il  y  a  de  cela  plusieurs  raisons  : 
i""  les  salaires  plus  élevés  ;  2^  la  nourriture  meilleure  ou  plus 
excitante  ;  3^  la  sécurité  relative  à  l'égard  des  chômages; 
4°  Tattrait  du  travail  en  société^  à  l'abri  de  la  boue  et  de  la 
pluie  ;  5**  enfin,  l'indépendance  relative.  Beaucoup  de  carac- 
tères préfèrent,  pour  leur  dignité,  être  au  service  d'une  ma- 
chine très  exigeante  sur  la  quantité  du  travail,  mais  exempte 
de  caprices,  que  d'être  sous  les  ordres  d'un  maître  dont  les 
exigences  varient  avec  l'humeur. 

Les  petits  cultivateurs  et,  à  plus  forte  raison,  ceux  qui  ont 
plus  d'aisance,  n'envoient  pas  leurs  enfants  aux  usines.  Us 
laissent  même  parfois  percer  une  certaine  antipathie  contre 
la  population  manufacturière,  et  sont  portés  à  apprécier  sé- 
vèrement ses  dépenses,  sa  vie  au  jour  le  jour,  ses  mœurs  et 
toute  sa  manière  d'être.  Cependant  eux-mêmes  n'aspirent 
pas,  pour  leurs  enfants,  à  une  condition  supérieure  à  celle 
qu'ils  occupent  ;  ils  veulent  faire  de  leurs  fils  uniquement  des 
cultivateurs  semblables  à  eux-mêmes.  Très  ignorants,  ils 
se  soucient  peu  de  Tinstruction  et  sentent  mal  Tutilité  d'en- 
voyer leurs  enfants  à  l'école.  Quand  l'école  était  payante,  on 
pensait  que  c'était  la  rétribution  scolaire  qui  les  éloignait; 
quand  elle  fut  devenue  gratuite,  ils  y  allèrent  encore  moins. 

Du  reste  la  population,  dans  son  ensemble,  semble  avoir 
moins  de  goût  encore  pour  le  prêtre  que  pour  l'instituteur. 
Dans  la  plupart  des  communes,  il  subsiste  encore  une  faible 
minorité  de  protestants,  et  comme  il  arrive  généralement  en 


Dl'MONT.   —    LA   NATALITÉ  DE   LILLEBONNE.  597 

pareil  cas,  la  plus  grande  partie  des  habitants  n*éprouve, 
pour  les  diverses  formes  du  culte,  qu'indifiércnce,  scepti- 
cisme ou  aversion.  Gomme  les  protestants  isolés  ont  une 
forte  tendance  à  émigrer  vers  les  villes,  comme  nombre 
d'entre  eux  épousent  des  femmes  catholiques  et  font  bapti- 
ser leurs  enfants  dans  la  religion  de  la  mère,  comme,  enfin» 
leur  natalité  est  généralement  faible,  leur  nombre  diminue 
graduellement  dans  Tensemble  de  la  France.  Nous  avons  vu 
ailleurs  qu'il  n'en  existe  plus  qu'une  trentaine  à  File  de  Ré, 
où  ils  étaient  nombreux  autrefois.  Dans  plusieurs  communes 
du  canton  de  Lillebonne,  il  ont  disparu  depuis  vingt  ans; 
dans  d'autres,  ils  émigrent.  Leur  nombre  ne  reste  station- 
naire  qu'à  Saint-Ântoine-la-Forôt  et  à  Lillebonne,  où  ils  ont 
deux  temples^. 

A  Lillebonne  même,  toutes  les  familles  des  chefs  d'indus- 
trie, sauf  une,  sont  protestantes.  Beaucoup  de  contremaîtres 
appartiennent  à  la  même  religion.  Là  comme  à  Bolbec, 
comme  à  Gondé-sur-Noireau  et  autres  centres  manufactu- 
riers, cette  petite  minorité  exerce,  tant  à  cause  de  sa  fortune 
que  de  sa  cohésion,  une  influence  beaucoup  plus  que  pro- 
portionnelle à  son  importance  numérique.  Mais  elle  est  trop 
faible  pour  avoir  un  genre  à  elle,  et  à  plus  forte  raison  pour 
l'imposer.  Son  action,  voulue  ou  non,  est  toute  négative  et 
parvient  seulement  à  neutraliser,  dans  une  mesure  variable, 
l'influence  catholique. 

A  l'absence  presque  complète  de  la  vie  intellectuelle  se 
joint  la  nullité  de  la  vie  esthétique.  La  coiffure  caractérisa 
tique  du  pays  de  Gaux  a  disparu  depuis  près  d'un  siècle  ;  le 
costume  est  sans  élégance  et  sans  originalité.  On  est  surpris 

*  Le  nombre  des  protestants  augmente  à  Paris  ;  mais  cela  tient  à  ce 
qu'ils  y  arfluent  de  tous  les  points  de  la  province.  Comme  toujours,  cette 
émigration  centripète  est  accompagnée  d*un  abaissement  de  la  natalité. 
En  1889,  les  décès  ont  dépassé  les  baptêmes  de  1 107,  pour  une  population 
totale  de  630  000  protestants.  D'autre  part,  les  mariages  mixtes  s* élèvent 
dans  certaines  régions  à  70  et  même  80  pour  100,  et  les  communions  des- 
cendent à  5  pour  100.  Le  protestantisme  est  en  voie  de  se  fondre  dans  le 
catholicisme  d'une  part  et  dans  ia  libre  pensée  de  l'antre. 


598  séANXB  DU  45  octobre  4891  • 

qu*à  une  distance  si  faible  de  deux  centres  comme  Rouen  et 
lo  Havre,  Tidéal  urbain  ait  si  peu  d'attrait  pour  les  imagina- 
tions.  Non  seulement  on  n*émigre  point  vers  ces  deux  villes, 
mais  on  y  va  très  peu  et  Ton  n'en  imite  point  les  modes.  On 
ne  connaît  aucun  luxe,  aucun  plaisir  que  le  cabaret  ei  quel* 
ques  vestiges  de  danses.  Ainsi,  à  Norville,  on  danse  encore 
le  dimanche  et  Ton  y  vient  des  communes  voisines  ;  à  Peti* 
ville,  il  est  de  tradition  que,  depuis  les  rois  jusqu'à  oama- 
val,  garçons  et  filles  allument  des  feux  de  joie  et  dansent 
autour;  mais  cela  n'intéresse  qu'un  petit  nombre  déjeunes 
gens.  En  somme,  population  très  honnête  sans  doute,  mais 
aussi  très  ignorante,  très  routinière,  très  arriérée  ;  activité 
musculaire  considérable,  activité  cérébrale  presque  nulle. 
Les  quelques  exceptions  inévitables  sont  noyées  dans  la 
masse  et  dépourvues  d'importance  numérique. 

£n  possession  de  ces  notions  générales  sur  le  canton  de 
Lillebonne,  examinons  comment  se  comportent,  au  point  de 
vue  de  leur  activité  démographique  et  principalement  de 
leur  natalité,  les  diverses  communes  qui  le  composent 

II 

ÉTAT  DÉMOGRAPHIQUE. 

Le  canton  de  Liliebonne  comprend  aujourd'hui  qnatorse 
communes.  Au  commencement  du  siècle,  il  en  comptait  cinq 
de  plus  qui  ont  été  réunies,  dès  Tépoque  de  la  Restauration, 
aux  communes  actuelles.  Pour  la  commodité  des  calculs,  et 
dans  le  but  d'obtenir  des  résultats  comparables,  on  les  a  oon- 
sidérées  comme  annexées,  dès  18oi,  aux  communes  dont 
elles  font  aujourd'hui  partie. 

Les  tableaux  ci-dessous  résument  Thistoire  de  la  natalité 
dans  le  canton  depuis  le  commencement  du  siècle,  et  celle 
des  principaux  phénomènes  démographiques  qui  l'acoompa* 
gnent  et  sont  susceptibles  de  l'expliquer. 

Gomme  le  point  le  plus  important  de  cette  étude  est  la 
comparaison  entre  la  population  agricole  et  la  population  in- 


DUMONT.  -^  LA  NATALITÉ   DE   ULLEBONNE.  590 

dusirielle,  au  lieu  de  ranger,  dans  les  tableaux  numériques, 
les  communes  d*après  Tordre  alphabétique,  qui  ne  signifie 
rient  nous  les  classerons  suivant  Tordre  décroissant  de  leur 
proportion  pour  100  de  population  industrielle*  Ce  rang  est, 
d'aiUaurSi  assez  oonforme  à  la  situation  géographique,  les 
diverses  communes  envoyant  d*autant  plus  d'ouvriers  à  Lille- 
bonne  qu^elles  en  sont  plus  rapprochées.  Il  n*y  a  d'exception 
que  pour  Mélamare  et  pour  Saint-Antoine^la-Forêt,  qui  en- 
voient quelques  ouvriers  (cette  dernière  commune  en  dépit 
du  recensement)  aux  usines  de  Gruchet*le-Yalasse,  dans  le 
canton  de  Bolbec. 

La  commune  de  Lillebonne  occupe^  en  tête,  une  situa- 
tion &  part,  avec  453  personnes  seulement  vivant  de  Tagri- 
culture.  Le  recensement  ne  sépare  pas  les  ouvriers  qui 
vivent  de  la  petite  industrie  de  ceux  qui  vivent  des  ma- 
nufactures, et  Ton  ne  peut  obtenir  le  nombre  de  ceux-ci 
que  peu*  évalualion.  Si  Ton  suppose  que  les  2  251  ouvriers  et 
ouvrières  qui  entrent  aux  usines  fassent  vivre  3750  personnes 
environ,  on  arrive,  pour  toute  la  population  manufacturière, 
à  un  total  de  6000  persounes.  11  est  probable  que  ce  chiffre 
n'est  pas  beaucoup  trop  faible,  car,  dans  nombre  de  familles, 
les  enfants  sont  déjà  adultes  et  vont  à  la  fabrique  avec  le 
père  et  la  mère.  Mais,  en  tout  cas,  il  ne  semble  pas  exagéré, 
à  cause  des  vieillards  et  des  nombreux  enfants  en  bas  âge 
qui  restent  à  la  maison.  Or,  les  recensements  accusent,  pour 
l'ensemble  des  neuf  communes  ayant  des  ouvriers  d'usine, 
une  population  manufacturière  totale  de  1100  habitants,  ce 
qui  élève  à  4900  personnes  celles  qui  résident  à  Lillebonne 
même.  Mais  la  population  totale  de  la  ville  n'étant  que  de 
6789  habitants^  il  ne  s'y  trou verait  que  i  900  habitants  vivant 
de  l'agricullore,  du  petit  commerce,  de  la  petite  industrie, 
des  professions  libérales  et  des  fonctions  publiques,  de  leurs 
pensions  ou  de  leurs  revenus.  Ce  chiffre  est  évidanmient  trop 
faible;  par  suite,  le  nombre  de  4900  pour  la  population  ma- 
nufacturière de  la  ville  est  exagéré,  et  une  partie  de  ce  chiffre 
doit  être  reportée  au  compte  de  la  population  manufactu- 


600  SÉANXE   DU   15   OCTOBRE   4891. 

rière  des  communes  rurales.  La  population  agricole  est  donc 
vraisemblablement  plus  mélangée  de  population  industrielle 
que  ne  Tindiquent  les  recensements.  Mais,  comme  on  ne 
peut  savoir  dans  quelle  commune  Tomission  a  été  commise, 
on  a  dû  s'en  tenir,  pour  le  classement,  aux  chififres  donnés 
par  le  recensement  de  1886. 

Seule  de  ces  communes,  la  Trinité-du-Mont  possède  une 
majorité  de  population  manufacturière.  Huit  autres  en  ont 
une  minorité  de  plus  en  plus  faible.  Enfin,  il  existe  dans 
Test  quatre  communes  purement  agricoles  qui,  par  suite  de 
leur  éloignement,  n'envoient  aucun  de  leurs  habitants  tra- 
vailler aux  manufactures. 

On  peut  considérer  que  la  population  totale  du  canton  se 
répartit  ainsi  par  professions  :  manufactures,  6000  habi- 
tants; agriculture,  5000  habitants;  autres  professions, 
3000  habitants. 

COMMENTAIRE  DES  TABLEAUX  NUMÉRIQUES. 

Homogénéité  démographique  du  canton.  —  Le  premier  fait 
qui  frappe  en  promenant  le  regard  sur  les  divers  tableaux 
qui  précèdent,  c'est  la  remarquable  homogénéité  du  canton 
au  point  de  vue  démographique. 

Économiquement,  nous  avions  affaire  à  deux  populations 
si  différentes  que  nous  avons  dû  les  décrire  séparément; 
démographiquement,  l'unité  reparaît.  Bien  que  la  vie  de 
l'ouvrier  de  manufacture  soit  profondément  différente  de 
celle  de  Touvrier  agricole,  et  bien  que  d'autre  part  le  canton 
compte  à  la  fois  des  communes  purement  agricoles,  une 
commune  principalement  industrielle  et  des  communes 
mixtes,  dans  toutes  à  la  même  époque,  les  mêmes  variations 
se  produisent.  Dans  le  temps,  Thomogénéité  n'existe  pas  ; 
mais  elle  n'en  est  que  plus  grande  dans  l'espace.  Ainsi,  dans 
la  première  décade  étudiée,  la  natalité  et  la  mortalité  étaient 
beaucoup  plus  faibles  qu'elles  ne  l'ont  été  depuis  ;  mais  elles 
étaient  faibles  dans  toutes  les  communes,  quelle  que  fût  la 


DUMONT.  —  LA   NATALITÉ  DE   ULLEBONNE.  601 

profession  des  habitants.  Âujoard'hui,  au  contraire,  la  pro- 
portion des  naissances  et  des  décès  est  très  élevée  ;  mais  elle 
Test  encore  pareillement  dans  toutes  les  communes,  quel 
que  soit  le  genre  de  travail  qui  les  fait  vivre. 

C'est  là  un  fait  dont  tout  esprit  habitué  à  la  recherche  des 
causes  en  démographie  saisira  d*abord  l'importance  ;  car  il 
nous  permet  d'affirmer,  dès  à  présent  et  sans  plus  ample 
examen,  que  ces  différences,  en  apparence  si  considérables 
qui  résultent  de  la  profession,  ne  sont  encore  que  des  acci- 
dents superficiels,  qu'au-dessous  peuvent  subsister  des 
similitudes  profondes  dans  toutes  les  manières  de  penser  et 
de  sentir,  et  que  c*est  à  cette  profondeur  qu'il  faut  toujours 
chercher,  si  l'on  veut  trouver  les  causes  véritables  qui  gou- 
vernent Tactivité  démographique  d'une  population.  En  un 
mot,  nous  voyons  dans  ce  fait  la  confirmation  d'une  thèse 
que  nous  avons  soutenue  ailleurs  :  les  causes  des  modifi- 
cations de  la  natalité  sont  d'ordre  mental  et  non  d'ordre 
économique. 

L'an  dernier,  je  constatais  une  homogénéité  encore  plus 
frappante  à  la  fois  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  entre  les 
communes  de  Saint-Pol-de-Léon,  de  Belle-Ile-en«Terre  et  de 
Fouesnant,  et  dans  l'étude  parue  ici  même  sur  ce  dernier 
canton^  j'avançais  que  Ton  pouvait  jusqu'à  plus  ample  in- 
formé considérer  Thomogénéité  démographique  comme  la 
caractéristique  des  populations  arriérées  restées  pauvres  et 
fécondes,  a  11  est  naturel,  en  effet,  que  des  populations 
stationnaires  soient  toutes  arrêtées  au  même  point,  et  que, 
par  contre^  des  collectivités  en  marche  vers  un  idéal  loin- 
tain de  valeur  ou  de  jouissances,  se  trouvent  échelonnées 
à  des  étapes  différentes  sur  la  route  qu'elles  parcourent.  » 

L'exemple  du  canton  de  Lillebonne  confirme  deux  fois 
cette  manière  de  voir.  En  effets  au  commencement  du  siècle, 
la  natalité  et  la  mortalité  sont  faibles,  il  y  a  homogénéité 
entre  les  communes.  Pendant  les  quatre  décades  suivantes, 
la  natalité  et  la  mortalité  s'élèvent;  alors  les  diverses  com- 
munes se  comportent  avec  indépendance;  les  unes  ont  déjà 


60à  SÊAKCE  DU  45  OCTOBHE  4891. 

réalisé  Taugmentation  nouvelle,  les  autres  sont  encore  restées 
à  Tanoien  chiffre.  Enfin,  aujourd'hui,  la  natalité  et  la  mor* 
talité  sont  redevenues  stationnaires  à  un  niveau  élevé;  toutes 
les  communes  semblent  n*en  former  qu'une  seule.  On  peut 
dire  qu'en  Normandie,  aussi  bien  qu'en  Bretagne,  tous  les 
cantons  où  la  natalité  est  en  voie  de  croissance  ou  de  décrois- 
sance, ont  des  communes  démographiquement  très  dissem- 
blables, et  que,  dans  les  cantons  à  natalité  faible  ou  élevée, 
mais  stationnaire,  les  communes  présentent  entre  elles  une 
grande  homogénéité  démographique. 

AccrotssemetU  de  la  population.  —  Le  canton  de  Lillebonne 
comptait,  il  y  a  un  siècle,  en  1700,  environ  8050  habitants* 
Le  recensement  de  1886  en  accusait  14066.  La  population 
s'est  donc  accrue,  entre  ces  deux  dates,  de  6000  habitants 
à  peu  pris. 

En  1841,  elle  avait  acquis,  par  un  progrès  d'nneremai^ 
quable  régularité,  la  moitié  à  peu  près  de  cet  accroissement 
total. 

Pendant  les  quatre  premières  décades,  de  1801  à  1812, 
Texcès  des  naissances  sur  les  décès  avait  été  de  1  434. 

Pendant  les  qnarante-sept  années  suivantes^  il  n'a  été 
que  de  S89;  mais  l'immigration,  pendant  cette  seconde 
période,  fut  beaucoup  plus  cçnsidérable  que  pendant  la  pre« 
miëre. 

De  1841  au  recensement  suivant,  le  progrès  fut  énorme, 
il  était  dû,  pour  une  faible  part,  à  l'excès  des  naissances,  et, 
pour  le  surplus,  à  une  immigration  considérable  qui  profita 
sortent  à  la  commune  de  Lillebonne.  Pendant  ces  cinq 
années,  elle  vit  sa  population  passer  de  3  671  habitants 
à  5009.  Les  autres  communes  restèrent  à  peu  près  station*- 
naires. 

De  1846  à  1856,  au  contraire,  la  population  de  l'ensemble 
du  canton  ne  réalise  qn'nn  léger  progrès,  explicable  par 
l'excès  des  naissances  sur  les  décès.  11  s'est  produit  un  faible 
excès  d'émigration.  A  Lillebonne  même,  la  population  subit 
un  très  léger  mouvement  de  recul,  bien  que  le  nombre  des 


DUMOKT.  -^  LA   NATALITÉ  AG   LtLLEBONNE.  608 

naissances  dépasse  celui  des  décès.  L'excès  d'émigration  est 
donc  encore  on  peu  plus  considérable  que  dans  la  totalité  du 
canton. 

Pendant  les  vingt  années  qui  s'écoulent  de  1856  à  1876, 
la  population  fléchit  asseï  sensiblement  dans  le  canton  et  à 
Lillebonne  même,  quoique  un  peu  moins  que  dans  les  autres 
communes.  Mais,  dans  les  dix  dernières  années  étudiées,  le 
eantoB  entier  gagne  environ  1 600  habitants,  qui  profitent 
presque  exclusivement  au  chef-lieu.  D'autre  part,  les  excé- 
dents des  décès  sur  les  naissances  qui,  pendant  les  deux 
décades  écoulées  de  1862  à  1882,  avalent  été  de  1056,  sont 
remplacés,  pendant  les  sept  dernières  années  de  la  période 
que  nous  étudions,  par  un  excès  de  842  naissances.  Malgré 
ee  r^our  tardif  à  une  situation  plus  prospère,  le  progrès  de 
la  population  est  donc  attribuable,  pour  la  plus  grande  part, 
à  rimmigration  qui  lui  apporte  les  habitants  des  autres  can- 
tons. 

En  somme,  l'excès  des  naissances  sur  les  décès,  dans  tout 
le  canton,  n'a  été,  en  quatre* vingt-sept  ans,  que  de  1 723,  et 
l'excès  de  population  a  été,  en  cent  ans,  plus  que  triple.  Lie 
canton  de  Lillebonne  est  donc  un  foyer  d'appel  pour  la 
population  des  cantons  voisins. 

Mais  ceci  est  vrai  surtout  de  la  ville  elle-même.  Tandis 
que  toutes  les  communes  sont  restées  à  peu  près  station- 
naires,  Lillebonne  passait,  en  cent  ans^  de  1 503  habitants 
(en  y  comprenant  le  Mesnii  et  Saint-Denis)  à  6789,  gagnant 
à  elle  seule  5386  habitants  sur  les  6000  dont  le  canton 
entier  s'est  accru.  Gomme  l'excès  des  naissances  sur  les 
décès  n'y  a  été,  tout  compensé,  que  de  380  en  quatre-ving- 
sept  ans,  on  voit  que  l'immigration  est,  en  définitive,  la  seule 
ou  à  peu  près  la  seule  cause  du  développement  de  Lille- 
bonne.  En  grande  majorité,  ses  habitants  sont  une  population 
d'aliuvion. 

A  la  Trinité-dtt-Mont  et  à  la  Frenaye,  les  deux  communes 
rurales  qui  contiennent  la  plus  forte  proportion  d'mivriers 
de  l'industrie,  la  population  s'est  accrue  assez  sensiblement. 


604  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  189i. 

Dans  la  première,  raugmentation  a  élé  de  près  de  moitié  ; 
dans  la  seconde,  de  plus  d'un  quart.  Dans  les  deux,  ce 
résultat  ne  s*explique  qu'en  partie  par  Texcès  des  naissances 
sur  les  décès  ;  il  est  dû  principalement,  comme  pour  Lille- 
bonne  même,  à  l'excès  de  l'immigration  sur  Témigration. 

Dans  les  autres  communes,  en  dépit  d'oscillations  inévi- 
tables, mais  passagères,  le  chiffre  de  la  population  a  montré, 
depuis  un  siècle,  une  fixité  remarquable.  Les  excédents  de 
la  natalité  ont  été  généralement  nuls  ou  très  faibles,  et  dans 
quelques  communes,  comme  Saint-Nicolas  de  la  Taille  oa 
Gravenchon,  où  ils  ont  été  un  peu  plus  considérables,  ils  ont 
été  emportés  par  Témigration. 

Natalité.  —  Le  canton  de  Lillebonne  présente  le  phéno- 
mène intéressant  d'une  natalité  qui,  au  lieu  d'être  en 
décadence,  comme  dans  le  reste  de  la  France,  a  suivi, 
depuis  le  commencement  du  siècle,  une  marche  ascendante. 
Pendant  la  première  décade,  elle  était,  presque  sans  excep« 
tion,  faible  ou  médiocre;  pendant  la  dernière,  elle  est 
partout,  sauf  dans  deux  communes,  élevée  ou  très  élevée. 
Au  point  de  vue  patriotique,  à  la  vérité,  il  n'y  a  pas  à  s'en 
réjouir,  car  les  excédents  des  naissances  sur  les  décès  étaient 
plus  considérables  au  commencement  du  siècle  avec  une 
natalité  faible  qu'ils  ne  l'ont  été  de  1862  à  188â  avec  une 
natalité  forte  ;  mais  au  point  de  vue  scientifique,  c'est  un 
phénomène  social  intéressant  à  étudier  avec  détail. 

De  1802  à  1812,  la  natalité  descendait  à  17,6  à  Auberville  ; 
elle  était  seulement  de  20,7  à  Petiville  ;  dans  cinq  autres 
communes,  elle  était  de  moins  de  25  ;  dans  trois  autres,  de 
moins  de  26.  Elle  atteignait,  il  est  vrai,  32,5  à  Triquerville  ; 
mais  cette  commune  n'avait  plus  que  20,0  naissances  pour 
1000  habitants,  pendant  la  décade  suivante,  et  ses  oscillations 
considérables,  qui  sont  l'effet  de  sa  petitesse,  ne  doivent 
point  nous  préoccuper. 

De  1813  à  1822,  Lillebonne  voit  sa  natalité  s'élever  de  près 
de  10  pour  1000  habitants;  elle  atteint 34,5.  Dès  la  décade 
suivante,  elle  dépassera  35,  et  désormais  elle  oscillera  entre 


DUMONT.  —  LA  NATALITÉ  DE  ULLKBONSE.       G05 

35  et  40,  avec  une  tendance  marquée  à  se  rapprocher  de  ce 
dernier  chiffre. 

Dès  cette  seconde  décade,  également,  deux  communes, 
purement  agricoles,  Norville  et  Saint-Mauiice-d'Ételan,  voient 
leur  natalité  s'élever  brusquement.  A  Saint- Maurice,  notam- 
ment, elle  est  de  10,3  pour  I  000  habitants,  supérieure  à  ce 
qu'elle  était  pendant  la  période  précédente.  Dans  toutes  les 
autres  communes,  la  natalité  reste  médiocre  ou  faible,  plus 
faible  même  que  pendant  la  première  décade. 

De  1823  à  i832,  la  natalité  maintient  son  niveau  élevé  à 
Lillebonne  et  dans  les  deux  communes  purement  agricoles 
que  nous  avons  citées.  Elle  commence  à  suivre  le  même 
mouvement  ascensionnel  à  Triquervilleet  aussiàGravenchon, 
commune  presque  exclusivement  agricole.  Dans  les  autres» 
le  mouvement  ascensionnel  est  encore  faible  ou  nul. 

De  1833  à  1842,laTrinité-du-Mont,  xMélamare,  Saint-Jean- 
de-Folleville,  Gravenchon,  réalisent  un  important  progrès 
de  la  natalité.  Désormais,  toutes  ces  communes  dépassent 
30  naissances  pour  1000  habitants.  Saint-Nicolas  de  la  Taille, 
Saint-Antoine-la-Forêt  dépassent  29. 11  n'y  a  plus  que  quatre 
communes  où  la  natalité  reste  faible  ou  médiocre  :  la  Fre- 
naye^  Grandcamp  et  Auberville,  groupées  au  nord-est  de 
Lillebonne,  Petiville,  isolée  à  Test  par  Tindustrie  spéciale  de 
ses  habitants,  plus  que  par  la  distance. 

Pendant  la  décade  1843-1852,  la  natalité  subit  un  mou- 
vement  de  recul  assez  sensible  dans  toutes  les  communes  où 
son  élévation  était  récente.  C'est  là  un  phénomène  normal 
qui  se  produit  habiluellement  en  pareil  cas.  Il  vient  de  ce  que 
le  grand  nombre  d'enfants  nés  dans  la  période  antérieure 
viennent  grossir  le  diviseur  comme  partie  intégrante  de  la 
population  totale,  et  que,  n'ayant  point  encore  atteint  Tâge 
de  la  reproduction,  ils  ne  peuvent  augmenter  le  chiffre  des 
naissances.  Toutefois,  on  doit  reconnaître  que  la  valeur 
habituelle  de  cette  explication  se  trouve  dans  le  cas  présent 
fortement  atténuée  par  ce  fait  qu'une  mortalité  énorme  a 
enlevé  une  forte  partie  de  ces  nouvelles  existences  et  consi- 

T.   II   (4<^  SÉRIE).  39 


606  «ëA!fcc  hv  45  e€ToiiiE  I8M. 

dérablement  rédilit  Feiicès  des  naissances  siil*  leê  décès. 

Pendant  la  décade  suivante,  la  natalité  se  relère.  Le  iliini* 
vement  ascensionnel  général  gagne  la  Frenaye,  où  là  nélAliié 
atteint  presque  30  pour  I  COO  habitants,  sauf  à  H^lottbef'  i  f4 
pendant  les  dix  années  suitanles,  probablemetit  ta  tèrin  de 
la  règle  énoncée  ci-dessns. 

Pendant  la  décade  1873-1882,  la  natalité  dti  ealiliiii  est 
très  élerée.  Elle  ne  reste  au-dessous  dé  90  qbé  ûàÈtÉ  êéék 
communes  ;  elle  varie  de  90  à  35  dans  ^ùàïtéi  ie  89  i  M 
dans  sept  ;  enfin,  à  la  Trihité-dn-Mont,  elle  est  ée  44,t. 

Pendant  les  sept  dernières  années,  cette  trïoifipllante  iiili- 
lité  se  maintient  avec  des  osdilatidhs  inéritables,  èana  dottlé, 
tnais  sans  fléchir  dans  soh  ebsetnblé.  Elle  atteint,  1  Siiiil- 
Maurice,  le  maximutn  aiiqtlel  elle  soit  jamais  palréntie  dms 
le  canton,  45,9,  et  dans  quatre  àiftfes  éoiiittiiines^  elle 
dépasse  40.  Elle  est  Taible  à  Petirille,  21,3  contre  Si  ,8  pen- 
dant la  période  précédente,  oscillatioii  coiisidérablé  deè  à  là 
petitesse  de  la  commune,  où  il  a  suffi  que  quelques  fioAmèi 
renoncent  au  InaHagé  pour  entraîner  iin  alTéiMissMMM 
considérable  de  là  nuptialité,  et,  par  voie  de  conséqueMé, 
de  la  natalité.  Elle  est  médiocre,  25,5,  à  Auberviile. 

Si,  après  avoir  examiné  les  variations  de  la  natalité  dttfS 
le  tempsi  on  les  examine  dans  Fe^pace,  on  trouve  qëé  la 
commune  où  la  natalité  est  la  plus  élevée,  et  depuis  le  plus 
longtemps,  est  Liltebonne.  Elle  a  ce  trait  en  commun  àtec 
Norville,  Saint-Maurice  et  Or avencboti,  communes  exelositt^- 
ment  ou  presque  exclusivement  agricoles. 

La  commune  où  la  natalité  a  été  de  tout  temps  lé  illdillê 
élevée  est  Auberviile.  Pendant  les  trois  premières  décildéSf 
elle  était  extrêmement  faible,  au-dessous  de  20  ;  fieMltiit 
le$  deux  suivantes,  elle  était  de  21  et  22,2.  Le  riioiiteiMiii 
ascensionnel  général  s'y  est  fait  sentir  néanmoins  ;  iiiatt  3  à 
été  à  la  fois  plus  tardif  et  surtout  beaucoup  plus  faible  qVUtf- 
leurs.  La  natalité  n'a  jamais  dépassé  27,5. 

A  Grandcamp  et  la  Frenaye,  communes  limitro|iheis  delà 
précédente,  la  natalité  était  pareillement  faible  on  nMSMH 


pendant  leè  clHÇ  btl  sit  {ireitlièt^ëâ  âécÀdes.  Le  thotivëifiètit 
nscensidhnel  rië  è'eéi  l^rodail  que  tard  ;  malâ  il  ë  eié  bëad^ 
coup  plus  accusé  qti'â  Àubért llle.  On  pfètit  faire  rétflar()tiëf> 
dès  à  présent  que  dés  dûtriiiiùnèâ  s*èloigtieni  de  la  l^ëirié,  (|tié 
là  terré  jr  est  tUëilleure  qUë  âan«  le  feste  dii  ëaniôti,  âdHdttt 
à  Auberville,  que  les  cxploitatldtl^  agrlctilëê  y  ÈOtil  f\W 
graiidë»  et  qu'elles  paKiëlpent  déjà  de  la  tie  bëaàedtlp  i^lus 
aisée  de  ràrfondissëttiëfit  dTtelot. 

Nupliûtité,  ^  La  ndptiillité  du  eatiton  dé  LilIébonAe  «91 
stljettë  à  dës  Oscillations  ëohstdérables  d'titië  èoirifaitifte  ft 
Tautte  et  d^ilne  décade  à  la  sâlVÀiite.  G*ëst  là  difMt)lëmeflt  tin 
effet  de  la  petitesse  des  chiffrer  sûr  Icitiiiëls  dht  ^ïSM  les 
ealcols.  bonite,  dttHs  ce  cahtdh,  les  liiaHages  ^è  ti'bdTëiii  & 
ebaqtle  aééade  trdl§  bu  quatre  fdis  ëUtiroii  mditlâ  foMh^^Jïk 
que  les  bai§«ànëes  où  lèd  décès,*  m  né  petit  s*a(tèndre  à 
trdtavef  bne  rinptlallté  Ml%û  régulière  que  jneUvëill  rèlté  lil 
natalité  ou  la  mortalité;  Cependant  on  petit  éifé  qttë  là 
nuptialité  est  générulëtnëUt  élevée^  oU  mèmt  ïfh%  élèftéë^  et 
dépàêSé  seUêibleuierlt  la  mdyènUë  française. 

H  en  â  été  tfe  la  sbftè  presque  partout  êrt  dès  lé  ttiÊtûW* 
cemënt  du  slëeléj  à  une  époque  oit  la  itatalilé  étëlt  ëifëOfe 
faible.  Il  en  était  surtout  ainsi  dans  les  ëomtOUnéS  etelttsl^ 
tërHent  ilgrieoles.  Saitit-Maurice-d'Élelan,  remarquable,  du 
resté,  dé  tdui  letbps  par  rélétaiiun  de  Sa  nuptialité,  ebiflfititllj 
peudani  les  dedx  plrémières  déeadcs,  f 0,2  et  i3,tf  mciriagcfi 
fKiof  1000  ifabitants,  Ndrville  en  eélébfait  ll^i^  ll^b«  puis 
9^5  pendant  fa  ifblsième  décade.  Grat éuelioit  en  préSétttÉU 
<0,9  et  d,2.  Du  resté,  la  même  fféqttelfbè  des  tnariàges  9*db^ 
âërtalt  i  la  Trinité-^u-Moilt  èl  à  la  Fréftftyé^  qui  Cbmfptalélrt 
alors  un  nombre  OortSidërable  de  tlSs^élndS  trUvaillaUl  h  dd- 
tUtcllé.  Oétte  dernière  èohirbUAe  éSt  f^iirtiëblièréftlèitt  féMar- 
qnablë  par  Télêf  ailon  et  p«f  la  régttlarité  de  sa  ittf  js^ialité 
qni,  pthéàTtï  les  rtéuf  périodes  éttfdiéel^  à  atteint  9/0  et  h'ést 
jamais  tombée  au  dessous  de  8.  A  la  Trinité*  la  Uoptiallté  eSt 
encore  plus  considérable.  A  Lillebonne,  elle  Fèst  un  pétf 
moins,  mais  elle  s*y  maintient  cependant  eOtfStataméfit  au- 


608  SÉANCE  DU   15   OCTOBRE    1891. 

dessas  de  la  moyenne  française.  A  Grandeamp,  au  contraire, 
la  nuptialité  s'est  montrée  d'une  façon  permanente  assez 
médiocre.  Si,  pendant  les  trois  dernières  périodes,  la  nata- 
lité, de  faible  qu'elle  était,  est  devenue  très  considérable,  ce 
résultat  est  attribuable  uniquement  à  raugmentation  du 
nombre  des  enfants  par  mariage. 

Fécondité  nuptiale.  —  On  sait  que  la  natalité  légitime  est 
le  produit  de  deux  facteurs  :  la  nuptialité  et  le  nombre  de 
naissances  pour  un  mariage.  Or,  on  peut  dire  que,  danf«  le 
canton  de  Lillebonne,  les  variations  de  la  natalité  ont  été 
plutôt  le  produit  du  second  de  ces  facteurs  que  du  premier. 

Pendant  les  premières  décades  du  siècle,  alors  que  la  na- 
talité était  faible  dans  la  plupart  des  communes,  elle  devait 
sa  faiblesse  au  petit  nombre  des  naissances  par  mariage  (de 
3,3  à  3  dans  sept  communes  pour  la  première  décade  ;  de 
2,1  à  3  dans  huit  communes  pour  la  seconde  ;  de  1 ,8  à  3  dans 
cinq  communes  pendant  la  troisième). 

De  même,  aujourd'hui  que  la  natalité  est  très  élevée,  elle 
le  doit  principalement  au  progrès  de  la  fécondité  nuptiale 
qui  est  devenue  partout  très  considérable.  Dans  neuf  com- 
munes^ elle  dépasse  4  enfants  pour  un  mariage  et  dans  six 
communes  elle  dépasse  o. 

A  Lillebonne,  Télévation  de  la  natalité  est  le  produit  d*iine 
nuptialité  forte  combinée  avec  une  fécondité  nuptiale  qui  se 
tient  depuis  soixante-sept  ans  entre  4,1  et  5,4  naissances 
pour  un  mariage.  A  Auberville,  au  contraire,  où  la  natalité 
s*est  maintenue  constamment  au-dessous  du  niveau  du  can- 
ton, on  voit  qu'il  n'y  a  presque  jamais  eu  qu*un  fort  petit 
nombre  de  naissances  par  mariage  ;  moins  de  3  pendant 
six  périodes  et  de  3  à  4  pendant  les  trois  autres. 

Il  n  y  a  que  la  Frenaye  et  Saint-Maurice  où  rélévation  de 
la  nuptialité  soit  la  cause  principale  du  grand  nombre  des 
naissances.  Cependant,  là  comme  dans  l'ensemble  du  canton, 
le  nombre  des  naissances  pour  un  mariage  est  encore  supé- 
rieur à  la  moyenne  française. 

Xaissances  naturelles,  —  En  calculant   le  nombre  de  nais- 


DIMONT.   —   LA    NATALITK   DE   LILLEBO.XNE.  6U9 

sances  pour  un  mariage,  on  n'a  pas  fait  la  déduction  des 
naissances  naturelles.  Celles-ci  sont  généralement  plus  nom- 
breuses que  la  moyenne  française  et  si  Ton  compare  les 
deux  périodes  étudir^es  dans  le  tableau  L,  elles  sont  en 
progrès. 

Dans  les  communes  exclusivement  agricoles  elles  sont  très 
nombreuses.  La  fille  mère  n*y  est  nullement  méprisée;  elle 
trouve  quand  même  à  se  marier  et  souvent  à  un  autre  homme 
qu'au  père  de  ses  enfants.  Dans  les  communes  mixtes  de 
Mélamare,  Saint-Antoine  et  Saint-Jean-de-Folleville,  les 
naissances  naturelles  sont  encore  plus  fréquentes  ;  mais  il 
paraît,  sauf  toutefois  pour  cette  dernière  commune,  qu'elles 
ne  sont  pas  le  fait  des  ouvrières  d'usine. 

A  Lillebonne,  à  la  Trinité-du-Mont,  à  la  Frenaye,  qui  ont 
la  plus  forte  proportion  de  population  manufacturière,  la 
natalité  naturelle  se  rapproche  de  la  moyenne  française.  On 
prétend  que  souvent  les  jeunes  filles  se  marient  dans  un  état 
de  grossesse  plus  ou  moins  avancé. 

A  Auberville,  pays  de  natalité  plus  faible,  les  naissances 
naturelles  sont  très  rares,  moins  de  2  pour  100.  Grandcamp 
qui  se  rapproche  d'Auberville  par  sa  situation  géographique 
et  son  économie  rurale  en  est  voisine  aussi  sous  ce  rapport. 
Elle  a  moins  de  6  naissances  naturelles  pour  iOO  naissances 
de  toute  nature. 

Mortalité.  —  La  mortalité  n'est  pas  étudiée  ici  pour  elle- 
mùme.  C'est  pourquoi  elle  n*a  pas  été  examinée  en  détail 
par  groupes  d'âges.  Ce  travail  considérable,  intéressant  sans 
doute  pour  l'hygiéniste,  ne  promettait  pas  de  jeter  beaucoup 
de  lumière  sur  les  causes  modificatrices  de  la  natalité.  Aussi 
n'a-t-il  été  fait  que  pour  les  enfants  de  0  à  1  an,  dont  la  mor- 
talité spéciale  exerce  une  influence  directe  sur  le  chiffre  des 
naissances. 

La  mortalité  était  généralement  très  faible  dans  le  canton 
de  Lillebonne  an  commencement  du  siècle.  Elle  est  allée 
croissant  comme  la  natalité  jusqu'à  ces  dernières  années, 
pendant  lesquelles  elle  a  commencé  à  s'abaisser  de  nouveau. 


61Q  i>|S4tfCE   DU   15  OGTOI^HE  189i. 

Pan^  f^rpit»  pommunesy  laccrpis^çmept  4p  la  fnpflalité  e^t 

PQf^iirîpuF  k  ^^^^\  d^  H  aatalité.  Il  sembla  bie^y  pour  g«f 
qprpoii^nes,  qm  rélév^tjoi^  d\i  çl^jffre  de^  décès  soit  l§  çqr- 
^(^gue^pe  d^  raugii)6ntat|on  du  nombre  des  naisaanca^,  quoir 
qu'elle  n'en  soit  pas  la  conséquence  immédiate,  Tag^rf^vftUpf^ 

40  la  mprtaUté  pti^nt  postérieura  d'ijne  décade  au  prpgi'ës 
4e  la  natalité r 

tli^i^  il  n'ùn  pst  pas  aipsi  partout.  A  ^llebgpQe,  4u|;>erv[Ue, 
Saii^^'Aa^piqe,  Qrayencbpn,  Télévation  de  la  moralité  au|i 
imrné4iateni6i)i  ri^lévalion  0a  1^  natalité.  MaU  I*accrp|9si|r 
inent  de  )a  mortalité  e^t  parfqU  beaucoup  plus  sensible  que 
o^lui  d^  1^  patalité)  de  sorte  que  ce  dernier  phénomène  ne 
peut  tout  au  plus  qu'êtrp  invqqqécp|:nfqe  cayse  p^r^elle  du 
ppen^ief.  A  Gran4c§n)p,  Télévation  4^  l^  qiortalité  précède 
iRérne  de  di^  ans  \^  progrès  du  QQii)t^re  da^  ^fiissanpes. 

Dans  deux  con^munes  pqrementr  agricoles,  Nprv)lie  ^t 
^aint?¥«^nnee,  la  ^^ort^iité  est  tf^s  élevée  d^s  le  cov^roeq- 
cement  du  siècle,  et  précède  le  progrès  de  la  natalité- 

Dp  (9Q2  à  18ii,  fi  cojpp^upes  s^r  U  ^YiSfieq|  u^^  ffloiia- 
Vite  ipférieure  à  20.  A  Auberville,  elle  descendait  ||  iQ,5; 
^  )a  Trinité,  a  t^i(>.  Dans  six  coq^^munes  dont  Lillebonne, 
elle  variait  de  21,9  à  23,9.  Elle  était  donc  notahlenaent 
au-dessqns  de  la  ^pyeane  française  ^  cette  époqqe.  Il  n  y 
avait  que  trois  communes,  toutes  trois  exclusivement  agri- 
coles, Norvilie,  Saint-MaMripe  et  Triquervili^  où  la  morta- 
lité fût  cqnsidérable. 

Pendant  )a  deuxième  décade^  la  mortalité  s  accroît  légère* 
meqt  df^os  presque  toutes  les  communes,  ^lle  cont^avie  à 
être  très  élevée  à  Norvilie  et  à  Saint-Maurice;  elle  compaeoce 
à  être  de  37,3  à  UUebonne.  Da^s  les  autres  çoif^piunea,  e^e 
oscille  entre  iQ,3  et  2q,o. 

De  1823  à  1832,  elle  s'abaisse  un  peu  à  Lillebonne,  4  ^^% 
et.  d^ns  la  plupart  des  autres  coa^mupes.  Mais  elle  a'àlèye  à 
28,3  à  Gray^^çhoq;  cille  est  de  31,0  ^  Saint-Maurice  pi  de 
4«,3  h  liorviUe. 

De  1S33  ^  IS4i,  elle  a'esl  cunsid^raNtî  qu'^  UUei»(MM^^  et 


DUMONT. -*   LA  NATAUTÉ   DE  ULLEBONNE.  6tt! 

dans  la  petite  commune  de  Triquerville.  Ailleurs,  elle  oaôillÀ 
entre  iO  et  âS,  chiffres  assez  satisfaisants.  Norville  et  Ôaint-^ 
Maurice  sont  revenus  à  des  natalités  faibles  ou  moyennes.. 

De  1843  à  18di,  la  mortalité  continue  d*âtre  très  élevée  à 
Lillebonne,  où  elle  s'explique  en  partie  par  les  ravages  du 
choléra  en  1849.  Elle  est  forte  à  Mélamare  et  Gravenchou  et 
ne  cessera  plus  de  Têtre  jusque  aujourd'hui.  Ailleurs,  elle 
varie  de  18  à  3tt,  Jusque-là,  le  mal  est  profond  sur  quelques 
points  ;  mais  il  n*est  pas  très  étendu. 

A  partir  de  la  décade  suivante,  il  en  est  autrement;  il  n'y 
a  plus  que  trois  communes  à  mortalité  moyepne,  entre  34,  f 
et  35,5  ;  six  autres  ont  de  37  à  30  décès  pour  1000  habitants; 
trois  en  ont  de  30  à  35  ;  deux  en  ont  35  et  39,3,  chiffre  maxi-. 
mum  de  cette  époque,  qui  est  atteint  par  la  oommune  de 
Lillebonne. 

Pendant  1^  décade  1863-1873,  le  mal  déjà  si  grand  s'ag- 
grave encore.  A  la  Trinité,  Norville  et  Saint-Maurice,  la  mor- 
talité reste  au-dessous  de  30.  Mais  dans  cinq  communes, 
elle  est  de  30  à  35  ;  dans  quatre  elle  varie  de  35  à  40.  Bufln, 
à  Lillebonne,  elle  atteint  le  chiffre  effrayant  de  47,1  décès 
pour  1 000  habitants,  bien  rarement  dépassé  en  France,  mais 
qu*expliquent  en  partie  la  guerre  et  le  choléra  de  1866. 

De  1873  à  1883,  malgré  l'absence  de  ces  deux  causes  acci- 
dentelles, la  mortalité  du  canton  s^aggrava  encore.  Il  reste 
à  la  vérité  deux  communes  à  mortalité  médiocre,  Saint- 
Maurice  avec  33,8  décès  pour  1 000  habitants,  et  Auberville 
avec  34.  Mais  partout  ailleurs  la  mortalité  dépasse  30.  Dans 
trois  communes,  elle  est  de  30  à  35  ;  dans  trois  autres,  de 
35  à  40,  et  dans  six  communes,  elle  varie  de  40  à  45,1.  Par 
la  profondeur  du  mal  comme  par  sa  Kénéralisation,  cette 
décade  est  la  plus  mauvaiie  du  siècle. 

Pendant  les  sept  dernières  années,  la  mortalité  s'est  con- 
sidérablement atténuée  dans  lont  le  canton  ;  les  chiffres  de 
35  à  45  qui  signalaient  la  décade  précédente  ont  disparu.  La 
plus  haute  mortalité  se  rencontre  à  âaiat-Jeande-FoUeville, 
qui  présente  34>3  décès  pour  i  000  habitants.  La  Trinité* 


612  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  1891. 

du-Mont  en  accuse  30,4  et  Lillebonne  seulement  d0«2«  11 
reste  donc  seulement  trois  communes  qui  en  aient  plus  de  30; 
six  en  ont  de  25  à  30  ;  trois  de  20  à  55,  et  une  17,1  seule- 
ment. L*amélîoration  est  donc  très  sensible  et  la  fréquence 
des  décès  moindre  qu'on  ne  Tavait  vue  depuis  plus  de  trente 
années. 

D*autre  part,  tandis  que  l'excès  des  naissances  sur  les  dé- 
cès de  la  décade  i853-l862  avait  été  seulement  de  147  pour 
tout  le  canton,  et  que  les  deux  décades  1863-1872  et  1873- 
^882  avaient  présenté  des  excédents  de  839  et  de  2i6  décèsi, 
pendant  ces  sept  dernières  années  au  contraire,  Texcès  des 
naissances  sur  les  décès  a  été  de  842,  résultat  qui  n^avait 
jamais  été  obtenu  depuis  le  commencement  du  siècle. 

Nous  verrons  plus  bas  que  cette  heureuse  atténuation  de 
la  mortalité  coïncide  avec  une  diminution  non  moins  satis- 
faisante de  la  morbidité  prodigieuse  présentée  il  y  a  vingt  ou 
trente  ans  par  notre  canton. 

Mortalité  infantile.  —  A  quoi  tient  cet  abaissement  de  la 
mortalité?  11  était  permis  de  supposer  que,  dans  un  canton 
de  forte  natalité  comme   celui-ci,  où  les  enfants  sont  gé- 
néralement élevés  au  biberon   et  laissés  aux  soins  peu  at- 
tentifs des  nourrices  ou  des  gardes,  tandis  que  les  mères  sont 
à  l'usine^  la  mortalité  infantile  devait  être  considérable  et 
contribuer  pour  une  forte  part  à  l'élévation  de  la  mortalité 
générale.  Il  était  naturel  de  se  demander  ensuite  si    cette 
mortalité  spéciale  n'avait  point  élé  notablement  diminuée 
pendant  ces   dernières   années  par  Tappiication  de   la   loi 
Roussel,  et  si  ce  n'était  point  aux  heureux  effets  de   celte 
loi  qu'était  due  l'atténuation   récente  de  la  mortalité    gé- 
nérale. 

Pour  répondre  à  ces  deux  questions,  nous  avons  :  !•  re- 
cherché quelle  avait  clé  la  mortalité  de  0  à  i  an  d'abord 
pendant  la  période  de  4873-1882,  ensuite  pendant  la  période 
1883-1889  ;  2^  calculé  la  mortalité  infantile  spéciale  des  en- 
fants surveillés,  afin  de  pouvoir  la  comparer  à  la  mortalité 
infantile  générale. 


DUMONT.  —   LA    NATALITÉ   DK    LILLEBONNE.  6l3 

De  1873  à  1882,  la  mortalité  générale  des  enfants  de 
0  :\  1  an  a  été  très  élevée. 

M.  Berlillon  père  \  qui  a  étudié  la  mortalité  de  la  Franco 
entière  par  départements  pendant  les  périodes  I8i0-1849, 
et  1857-4866,  a  établi  que,  pendant  la  première  de  ces  deux 
périodes,  la  dîme  mortuaire  de  la  première  année  de  la  vie 
avait  été  pour  la  France  entière  de  10  décès  pour  100  nais- 
sances. Le  département  de  la  Seine- Inférieure,  l'un  des  plus 
maltraités,  dépassait  beaucoup  cette  moyenne  ;  il  perdait 
$3,5  enfants  pour  iOO  dans  la  première  année  de  la  vie. 
Pendant  la  seconde  période  étudiée,  la  moyenne  des  décès 
deOàl  an  pour  la  France  entière  était  de  n,8  pour  100  nais- 
sances. Le  département  de  la  Seine- Inférieure,  toujours  aussi 
défavorablement  classé,  en  comptait  26,4 .  Ces  chiffres  peuvent 
nous  servir  de  terme  de  comparaison  pour  apprécier  ce 
qui  se  passe  actuellement  à  cet  égard  dans  le  canton  de  Lil- 
lebonne. 

De  1873  à  4882,  la  ville  de  Lillebonne  comptait,  pour 
400  naissances,  30,9  décès  d*enfants  dans  lu  première  année 
de  la  vie.  LaTrinité-du-Mont  en  présentait  34,4;  la  Frenaye, 
32, :2.  Ce  sont,  on  s'en  souvient,  les  communes  présentant  la 
plus  lorte  proportion  de  population  industrielle  :  Mélamare, 
Saint-Jean-de-Folleville  ,  Grandcanip  ,  Saint  Nicolas  de  la 
Taille,  qui  n'ont  qu'une  moindre  fraction  d'ouvriers  d'usine, 
payent  aussi  une  dime  mortuaire  un  peu  moindre.  Cependant 
il  est  plus  que  douteux  qu'il  y  ait,  entre  ces  deux  ordres 
de  faits,  une  relation  de  cause  à  effet. 

Ce  qui  porte  à  le  nier,  c'est  que  ces  dernières  communes 
n'ont  qu'une  faible  proportion  de  leurs  habitants  qui  vivent 
des  usines.  Sain  t-Jean-de-Folle  ville  et  Auberville  n'en  comp- 
tent que  15  pour  100;  Grandcamp  et  Saint-Nicolas  de  la 
Taille,  7  pour  100.  Il  faut  bien  que  les  familles  travaillant  à 
l'agriculture  aient  fourni  leur  contingent  de  décès  du  premier 
âge.  Cela  devient  encore  plus  certain  pour  Gravenchon  qui 

1  Atlas  de  démographie  figurée,  caries  111  et  IV. 


614  SB  ANGE   DU    IS   OCTOBRE  1891. 

n^a  que  3  pour  iQQ  4e  s^s  habitants  vivant  directement  ou 
indirectement  des  usines,  et  qui  perd  néanmoins  le  ftlûffre 
énorme  de  ii,9  enfants  de  Q  à  1  an  poqr  1^^  naissances. 
Enfin  Petiville,  qui  n^avait  ai|oun  ouvrier  aux  maqufactiires, 
perd  néanmoins  31  enfants  de  0  à  lan  tout  aussi  bien  qiie la 
Trinité  où  73,5  pour  lûû  des  habitants  vivent  de  la  gi*i(n4e 
industrie. 

)l  est  vrai  qu'à  Norville  et  Saint-Maurioe-d'Etelan»  com- 
munes purement  agricoles  comi^ie  Petiville,  la  mortalité 
infantile  est  moindre  ;  pais  la  raison  en  est  fi^cile  à  tfQuver  : 
c'est  que  lallaiterpent,  qui  était  encore  général  (i^^^  (oçt 
le  canton  il  y  a  quarante  ou  cinquante  ans,  et  qni  ^epuji 
lors  a  partout  été  remplacé  par  le  biberon,  est  encore,  dans 
ces  46UX  communes,  pratiqué  par  la  moitié  des  mères,  0t  qu^ 
les  autres  tout  au  moins  élèvent  elles-mêmes  leurs  enfants. 

Il  faut  donc  se  garder  d'attribuer  an  travail  des  usines  la 
forte  mortalité  infantile  du  canton  de  Lillebonne. 

Au  contraire,  il  est  juste  d'attribuer  pour  une  f^f-le  part 
l'élévation  de  la  mortalité  générale  pendant  la  décade  I8T3- 
1882  à  l'élévation  de  la  mortalité  infantile.  Ainsi  à  Graven* 
chon,  par  exemple,  on  peut  calculer  que  si  la  mortalité  de 
0  à  ^  an  eût  été  ramenée  à  la  moyenne  française,  la  mor- 
talité générale,  au  lieu  d'avoir  été  de  45,1  pour  1000  habi- 
tants pendant  cette  décade,  eût  été  d'environ  36.  Quelle  que 
spit  l'importance  de  la  réduction  opérée,  ce  nombre  de  dé- 
cès encore  très  élevé  prouve  suffisamment  que  ce  n'est  pas 
seulement  le  premier  âge  qui  paye  à  la  mort  un  tribut  exagéré. 

Pendant  les  sept  années  écoulées  de  1883  à  I8C(9,  la 
diminution  de  la  mortalité  infantile  a  été  générale.  Il  p*y  a 
d'exception  que  pour  trois  comn^unes  où  elle  s'est  légère- 
ment accrue.  A  Lillebonne,  elle  a  diminué  de  1,7  décès  pour 
100  naissances  ;  dans  les  autres  communes  à  population 
manufacturière,  4^  5  qu  6  pour  100.  A  Gravenchoq,  )a  di? 
n)inution  a  été  de  12,7  décès  pour  i  00  naissances,  ce  quîfi'f^ 
pas  empêché  la  mortalité  infantile  de  rester  dans  cette  com- 
mune au-dessus  de  30  décès  pour  100  naissances. 


DUMU.NT.  —  LA   NATALITÉ   OË   {JLLEBONNE.  615 

Cette  dimiqutipp  de  la  mortalité  cbex  les  epfants  dp  Q  |t  i  an 
n'e«t  p^«  di^e  ^  la  Ipj  Housspl. 

iDette  loi  a  coq^meqcé  à  être  appliquée  ^^qs  le  cantpn  )e 
7  octobre  1879.  Du  !«' janvier  1880  au  31  décembre  )SSQ» 
un  nombre  total  de  900  enfants  en  nourrice  a  été  squrpis 
à  la  surveillance  ;  sur  ce  npipbre,  804  sqnt  dpçé4é3.  Fen- 
dant ces  dix  années,  la  n^prtalHé  moyenne  de  ces  eptapts 
a  été  de  â2,6  pour  ^00.  Contrairement  k  ce  qpi  s'es(  pf^sé 
dans  le  reste  du  déparlement  où  la  mortalité  des  ppfaqts 
surveillés  a  graduellement  décru  d*année  pn  année,  daps 
notre  canton,  la  mortalité  a  atteint  spn  maximaux  au  milieii 
de  la  décade  et  ne  s*est  abaissée  que  fort  peu  depuis  lors. 
La  moyenne  des  cinq  dernières  années  est  ménie  sensible- 
ment plus  forte  que  la  moyenne  des  cinq  prepiières. 

Il  est  à  remarquer  :  i*  que  la  mortalité  spéçialp  4fl9  PPr 
fants  surveillés  est  plus  faible  que  la  mortalité  inli^ntilp  de 
0  à  I  an  ;  â®  qu'un  grand  nombre  4^  ces  enfanta  surveillés 
sont  originaires  de  Bolbep  op  de  Lillel^onae^  et  opt  été  mis 
en  nourrice  dans  les  communes  rurales  du  captpn. 

De  ces  deux  faits,  il  résulte  h  la  vérité  que  le  nombre  ab- 
solu des  décès  est  plus  grand  dans  ces  communes  qu'il  pe 
le  serait  si  ces  enfants  n*y  eussent  point  élé  placée  en  npur- 
rioe.  Mais  la  mortalité  infantile  n'en  est  ppint  grossie  ;  elle 
en  est  tout  au  coplraire  atténuée  dftns  une  faible  mesure. 

Il  faut  dpnç  m^ptenir  ces  popclusipns  :  la  mortalité  de 
0  à  i  an  est  très  considérable,  elle  contribue  pour  upp  large 
part  à  Téiévation  fie  la  mortalité  générale  ;  elle  est  le  fait  des 
populations  agricoles  au  moins  aptant  que  des  populations 
industrielles,  en  dépit  du  préjugé  existant  à  cef  ég^rd  dans 
le  canton  ;  elle  s'est  ptténuée  depuis  sept  apnées  ;  pette  at- 
ténuation n'est  point  due  à  la  loi  Roussel,  elle  est  très  inspf- 
tisante  pour  expliquer  la  di^pluntiop  de  la  fpprtalité  gépé- 
raie  pendant  ces  fnêmes  sept  années,  et  pm*  conséquent  e^i 
abaissement  de  la  mprt^lité  g^péri^le  a  népessp|ranoent  pro- 
fité pour  la  pins  grande  part  aux  auLrps  àe;es  de  la  vie, 

H  existe  up  rapport  direct  p^  répiproque  pptrc  1%  mpirtV 


616  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  1891. 

lité  infantile  et  la  natalité.  On  peut  considérer  comme  i 
règle   générale    que,  toutes   choses  égales  d^ailleurs,   i 
grande  mortalité  infantile  contribue  à  amener  une  forte 
talité. 

C'est  un  fait  généralement  connu  que,  dans  les  jeni 
ménages,  un  nouveau-né  qui  vient  à  disparaître  est  imi 
diatement  remplacé.  S'il  eût  vécu,  les  parents  eussent 
plus  circonspects,  et  très   probablement  le  remplaçant 
fût  point  né.  Le  registre  des  décès  compterait  cerlainem* 
un  numisro  de  moins  ;  mais  il  est  très  vraisemblable  que  le 
gistre  des  naissances  en  compterait  un  de  moins  aussi.  L 
des  causes  de  la  grande  natalité  du  canton  de  Lilleboi] 
est  donc  la  grande  mortalité  de  0  à  1  an.  Si  Ton  chercha 
évaluer  l'énergie  de  cette  cause,  on  peut  dire  que,  pour 
communes  où   la  mortalité  infantile  est  de  30  à  35,  la  i 
talité  reçoit  de  ce  chef  par  contre-coup  une  augmentati 
d'un  dixième  au  plus  de  son  chiffre.  11  faudra  donc  eh 
cher  d'autres  causes  plus  actives  pour  expliquer  la  prop< 
tion  élevée  des  naissances. 

Nombre  d'enfants  vivants  par  familles.  —  Le  nombre  c 
enfants  par  familles  résulte  de  la  fécondité  qu'elles  ont  ei 
de  la  mortalité  qu'elles  ont  subie  et  eufm  de  la  longév 
des  parents  qui  assurent  la  durée  et,  par  conséquent,  le  no 
bre  des  familles.  Le  nombre  des  enfants  vivants  par  famil! 
est  le  produit  de  ces  trois  causes  combinées  en  des  propc 
tions  qui  peuvent  beaucoup  varier.  La  raison  principale  d' 
phénomène  de  cette  catégorie  est  donc  la  plupart  du  tem 
très  difficile  à  démêler.  Ainsi,  par  exemple,  nous  constato 
que  Gravenchon  possède  8,7  pour  100  de  ses  familles  aya 
sept  enfants  ou  plus,  ce  qui  est  la  plus  forte  proporli 
existant  dans  le  canton.  Cela  peut  tenir  à  ce  que  Gravench 
a  eu  depuis  soixante  ans  de  fortes  natalités  ;  à  ce  que  la  me 
talité^  toute  considérable  qu'elle  ait  été  depuis  longtem| 
et  bien  qu'elle  ait  porté  en  dernier  lieu  sur  les  enfants  < 
premier  âge,  a  cependant  respecté  plus  de  familles  noi 
breuses  que  dans  les  autres  conununes,  et  aussi  à  ce  qae 


nUMONT.  —   LA   NATALITÉ   DE  LILLEBONNC  6i7 

mort  a  épargné  davantage  Tun  au  moins  des  parents  dans 
les  familles  nombreuses,  et  a  fait  moins  d*orphelins.  Mais  si 
Ton  se  demande  pourquoi  il  en  a  été  ainsi  à  Gravenchon  plu- 
tôt qu'ailleurs,  il  est  impossible  de  trouver  une  réponse. 
11  est  facile  en  effet  de  trouver  dans  le  canton  d'autres 
communes  ayant  présenté  des  natalités  aussi  élevées  pen- 
dant une  période  aussi  longue,  qui  n'ont  pas  élé  plus  dimi- 
nuées par  la  mort,  et  qui  cependant  n*ont  donné  lieu  qu'à 
une  faible  proportion  de  familles  ayant  beaucoup  d'enfants. 
A  la  Frenaye,  par  exemple,  plus  d'un  tiers  des  familles 
n'ont  pas  d'enfants,  près  d'un  quart  n'ont  qu'un  enfant,  et 
17  pour  100  seulement  ont  plus  de  Irois  enfants,  et  cela  bien 
que  sa  natalité  soit  depuis  longtemps  considérable,  et  que  sa 
mortalité  infantile  soit  très  inférieure  à  celle  de  Gravenchon. 
A  Lillebonne,  plus  de  moitié  des  familles,  52  pour  100,  sont 
indiquées  par  le  recensement  comme  ayant  0  ou  1  enfant  ; 
16,9  pour  iOO  seulement  ont  plus  de  trois  enfants.  On  re- 
nonce à  expliquer  ces  variations  invraisemblables. 

Il  n'est  pas  inutile  d'observer  que  le  relevé  du  nombre  des 
enfants  vivants  par  familles  demande  un  travail  très  considé- 
rable aux  grefûers  des  mairies,  car  il  ne  peut  se  faire  que 
sur  les  bulletins  individuels.  Dans  beaucoup  de  mairies  et 
même  dans  quelques  préfectures,  on  n*a  pas  compris  ce  qni 
était  demandé,  on  a  fait  ou  complété  le  relevé  sur  les  listes 
nominatives  ;  enfln,  parfois,  on  n*a  fait  aucun  effort  ponr 
répondre  exactement,  de  sorte  que  les  indications  sur  ce 
point  perdent  beaucoup  de  leur  intérêt.  Il  en  est  ainsi,  du 
moins,  pour  les  travaux  de  détail  comme  celui-ci  ;  car  oa 
sait  que  l'ordre  des  départements,  classés  d'après  la  propor- 
tion des  familles  nombreuses,  n'est  point  sensiblement 
différent  de  l'ordre  que  l'on  obtient  quand  on  les  range 
d'après  la  natalité  générale. 

Morbidité.  —  De  tout  temps,  la  morbidité  de  la  Seine- 
Inférieure,  ou  du  moins  des  grandes  villes,  a  élé  considérable. 
Dès  1742,  l'intendant  de  Rouen  écrivait  au  ministre  :  «  J'ai 
fait  faire  l'opération  de  la  levée  de  la  milice  dans  Rouen... 


til8  SÉANCE  DU  15   OCTOBRE   4891. 

Tout  s'est  passé  atec  la  plus  grande  tfanqtiillUé..;  If  tille 
résistance  de  la  part  des  garçons.  Je  n'en  ai  pas  eiiTôjré  an 
seul  en  firison.  Il  y  en  avait  cependant  environ  6000  sur  les 
listes;  Mais  le  déeliet  a  été  considérable^  et  d*autani  plàs 
que  je  les  ai  trouvés  en  général  vilains  et  mal  faits:  J'en  ai 
renvoyé  plus  de  3000,  pstce  qu'ils  n'avaient  pas  les  einq 
pieds  ^  a 

D'aoli'e  part^  on  sait  la  mortalité  énorme  de  fioUèti  el  da 
Havre,  qu'aucune  mesure  sàiiitaire  n*a  pu  rameiier  à  la 
Mrmale. 

Dans  le  travail  sur  la  géographie  médicale  de  lé  Bélbe- 
inférieure,  que  nous  avons  déjà  cité,  M.  Cbe^vin  a  élaMi  : 
é  {•  que,  dahs  ce  département  et  pour  la  période  1850-1869^ 
sur  1 000  conscrits  eitaminés  par  lés  conseils  de  rëtisiôn, 
471^  pfedque  la  moitié,  étaient  réformés  confiné  atièifcts 
d*ané  infirmité  les  rendant  impropres  au  service  armé; 
2"*  que  si  Ton  décompiose  ces  vingt  années  en  quatre  pètiôdêi 
quinquennales^  d'atie  période  à  la  suivante,  le  nombre  des 
infirmités  allait  toujoars  croissant  ;  S*"  enfin,  qoe  de  toiis  les 
cantons  étudiés^  celui  de  Lillebonne  était  le  pins  maltraité, 
el  que  la  moyenne  des  réformés  y  atteignait  le  chiffre 
énorme  de  55i  pour  i  OOO  conscrits.  »  11  terminait  eii  conviant 
les  hommes  de  science  à  rechercher  les  câttses  d*as  phéno- 
mène atfssi  déplorable. 

Dans  le  but  de  répondre  à  cet  appel,  j'ai  relevé^  potir  le 
canton  de  Lillebonne,  le  nombre  dés  conscrits  et  celui  déS 
réformés  pendant  les  seize  années  écoulées  de  l^4#  è'est' 
à-dire  depuis  la  réorganisatlpn  efi'eetive  de  nêilre  aritféè/ 
jusqu'en  I88d.  Afin  de  déterminer,  autant  qàe  possible,  dans 
quelle  mesure  l'indnstHe  manufacturière  pddValIêtre  fèndilè 
responsable  de  la  morbidité  du  canton^  conscrits  et  vëtëHéêê 
ont  été  divisés  en  trois  catégories,  selon  qu'ils  appa^téfMiMt 
à  la  grande  indostrie,  à  i'agricolture,  dd  à  quelqoe  autre 
profession. 

<  Lettre  âraitfascritede  M.  de  Breleoll  {îisepieMTèiiifj^comihxtiftqnie 
par  M.  de  Beaurepaire,  arobî?Mte  de  la  Seine-InféHeure. 


DUMONT.  -—   LA    NATALltÉ   DE   ULLËftONVE.  019 

Les  seize  années  éludiééâ  ont  été  divisées  en  deax  p^ériodes, 
l'une  de  dit  années,  l'autre  de  sik,  qui  présentent  entre 
elles  d'assez  notables  difTérenôes.  Mais  ce  qui  frappe  tout 
d'abord,  c'est  que,  dans  l'uhe  ooitime  dans  Taulre,  la  propor- 
tion des  réformés  est  très  inférieure  à  ce  qu'elle  était  il  y  a 
viUgt-cinq  ans.  Au  lieu  de  55,2  réforinés  pour  iOO  conscrits 
pendant  la  période  1865*1 869^  ndUs  h*eii  trouTotis  plud  que 
33,1,  c'est-â-dire  fùoins  d'un  tiers  de  1874  à  1883,  et  41^9  de 
1884  à  1889. 

Les  conseils  de  heVisidh  se  soht-lls  motiti*és,  de  1874  à  1883, 
moins  sévères  dans  le  ehoix  des  bdrumes  qu'ils  ne  l'étaient 
avant  la  guerre?  L'hypotbèse  n'est  pas  probable.  On  sait, 
aU  cofltraire,  qu'ils  se  soiit  tnonlrés  plus  diffleUes  pendant 
lès  six  deruiëres  anbées  que  pendant  la  dééadë  précédente, 
et  il  se  peut  que  ce  soit  la  èanse  de  la  réàuginenlation  du 
nombre  des  Mformés.  Ce  qui  tendrait  à  lé  faire  peuser^  c'est 
que  de  1874  à  1883,  il  y  a  eu  3,8  réformés  sur  100  bcWserits 
pour  défaut  de  taille,  et  3,1  setllement  de  1884  à  1889.  6e 
fait  est  significatif,  car  la  taille  n'étant  pas  ou  élaiit  beaucoup 
moins  que  la  carie  dentaire  et  la  faiblesse  générale  une 
affaire  d'appréciation,  cette  légère  atténuation  spéciale  peut 
être  t*e^àrdé0  comme  un  indice  de  l'aibéliorationi  eu,  en 
tout  cas,  de  la  non-aggravation  de  la  morbidité.  Ge  ^ai  por- 
terait à  le  penser,  c'est  qu'elle  coïncide  avec  une  notable 
diminution  de  làlnortalité  pendant  ees  mêrties  années. 

Quant  à  la  grande  difl'érénce  du  nombre  des  réformés  de  la 
période  18651869  à  la  période  18741 883,  il  est  asset  difficile 
d'en  trouver  la  cause.  Il  est  peratla  de  penser  Qu'elle  tient, 
en  partie,  aux  différence^  d'àppf^iàtiën  des  conseils  de 
revision,  eii  partie  aussi  à  Urié  diiiiihutiôfi  réelle  dé  la  itiOr- 
bidité.  Cette  diininntion  de  la  morbidité  serait  èlle-lflêttiè 
àltribuabte  à  l'énorme  mortalité  génél*alé  subie  par  leeuntoft 
de  1863  à  I88it.  On  peut  penser  que  la  mortj  ayant  entre  éés 
deux  dates  enlevé  les  plus  faibles  et  les  moins  résistants,  a 
fait,  par  avaixde,  l'iËnvre  des  conseils  de  revision. 
De  1865-1869  à  1874-1889,  c'est  surtout  sur  la  fâlblèS^  dé 


620  SÉANCE  DIT   \6   OCTOBRE    1891. 

conslilation  et  sur  la  carie  dentaire  qu'a  porté  la  différence. 
Pendant  la  première  de  ces  deux  périodes,  la  faiblesse  de 
constitution  faisait  écarter  29,2  conscrits  sur  100  ;  elle  n*eD 
fait  plus  réformer  que  7,2  pour  100  pendant  la  seconde 
période,  et  13,8  pour  100  de  1883  à  1889. 

La  carie  dentaire,  qui  entraînait  la  réforme  de  21 ,6  poar 
100  des  examinés,  n'en  fait  plus  réformer  que  3,7  pendant 
la  période  1874-1883,  et  3^3  pendant  les  dernières  années. 

La  fréquence  de  la  hernie  a  beaucoup  moins  diminué.  De 
1865  à  1869,  elle  rendait  impropres  au  service  armé  6,7  cons- 
crits sur  100.  Elle  n*en  fait  plus  réformer  que  4,2  de  1874  à 
1883,  et  4,4  de  1884  à  1889. 

Si  Ton  considère  la  répartition  des  réformés  entre  les 
diverses  professions,  nous  voyons  que  celle  qui  en  fournit  le 
plus  est  la  profession  manufacturière. 

Pendant  la  période  1874-1883,  sur  100  conscrits  visités 
appartenant  à  cette  catégorie,  42,5  sont  impropres  au  service 
armé;  tandis  que  sur  100  conscrits  appartenant  à  la  profes- 
sion agricole,  25,8  seulement  sont  réformés,  et  que  les  autres 
professions  en  fournissent  31,1. 

Pendant  la  période  1884-1889,  sur  100  ouvriers  des  manu- 
factures, 51  sont  refusés,  landis  qu'on  ne  réforme  que  40,2 
pour  100  des  jeunes  gens  vivant  de  l'agriculture,  et  37,4  de 
ceux  qui  appartiennent  aux  diverses  autres  professions. 

On  voit  que  c*est  toujours  la  population  des  usines  qui 
présente  le  plus  de  cas  de  réforme.  Elle  doit  cette  morbidité 
supérieure  tant  aux  mauvaises  conditions  hygiéniques  où 
elle  vit  personnellement  qu'à  l'hérédité,  car,  nous  Tavons  dit 
plus  haut,  l'ouvrier  d'usine  fait  de  ses  enfants  des  ouvriers 
comme  lui.  11  paraît,  d'autre  part,  que  beaucoup  de  jeunes 
femmes  travaillant  aux  usines  ne  peuvent,  même  quand  elles 
le  voudraient,  nourrir  leurs  enfants.  Ces  pâles  sœurs  des 
conscrits  réformés  n'ont  point  de  lait. 

La  population  agricole  présente  une  morbidité  très  infé- 
rieure pendant  la  première  période  ;  mais  le  rapport  lui  est 
un  peu  moins  favorable  pendant  la  seconde.  Au  contraire, 


DUMONT.  —  LA  NATALITE   DE   LILLEBONNE.  621 

les  professions  diverses  qui  fournissaient  plus  de  réformés 
que  ragricuUure  pendant  la  première  période  en  ont  moins 
pendant  la  seconde. 

Ce  changement  pourrait  tenir  aux  meilleures  conditions 
hygiéniques  faites  depuis  quelques  années  à  la  population 
de  Lillebonne  ;  car  c'est  celte  commune  qui  fournit  la  grande 
majorité  des  conscrits  de  la  petite  industrie,  du  petit  com- 
merce et  de  la  classe  bourgeoise. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  point  secondaire,  la  conclusion  à 
retenir  c'est  que  l'existence  de  la  grande  industrie  dans  le 
canton  de  Lillebonne  contribuée  grossir  le  chiffre  élevé  des 
reformés,  mais  qu'elle  ne  suffit  pas  à  l'expliquer.  En  effet, 
abstraction  faite  de  sa  population  manufacturière,  le  canton 
de  Lillebonne  présenterait  encore  28,9  réformés  pour  iOO 
visités,  pendant  les  dix  premières  années,  et  38,7  pendant 
les  six  dernières. 

On  voit  qu'une  morbidité  considérable  des  jeunes  hommes, 
une  mortalité  élevée  à  tous  les  âges  de  la  vie  s'accordent 
parfaitement  avec  une  forte  natalité.  La  pauvreté,  ou  même 
la  misère,  la  maladie,  la  faiblesse  de  constitution  font  dé- 
croître, sans  doute,  la  valeur  des  enfants  et  leur  vitalité, 
mais  point  du  tout  le  nombre  des  naissances.  Pour  que  la 
fécondité  de  Thomme  soit  entravée  par  la  famine  ou  la  mi- 
sère physiologique,  il  faut  sans  doute  que  ces  maux  atteignent 
une  intensité  que  Ton  n*a  jamais  constatée  par  l'observation 
directe  dans  la  France  de  notre  époque. 

C'est  sous  le  seul  rapport  de  la  morbidité  que  la  population 
industrielle  peut  être  nettement  séparée  du  reste  de  la  popu- 
lation. 

A  tous  les  autres  points  de  vue  de  son  activité  démogra- 
phique^ elle  est  plus  ou  moins  intimement  confondue  avec 
la  masse.  A  Lillebonne  même,  les  recensements  ne  per- 
mettent pas  de  distinguer  ceux  qui  vivent  de  la  petite  indus, 
trie  de  ceux  qui  vivent  de  la  grande,  et  pour  les  autres 
communes  où  il  n'y  a  point  ou  presque  point  de  petite  indus- 
trie, les  recensements  se  bornent  à  indiquer  —  avec  une 

T.  IT  [S''  séniE).  iO 


6â!2  SÉA?(CE  DU   45   OCTOBRE   4891. 

exactitude  douteuse  —  le  nombre  de  ceux  qui  Tiveni  de 
l'industrie.  Sur  les  registres  de  ]*élat  cWil,  leurs  naissances, 
leurs  mariages,  leurs  décès,  sont  confondus  et  leur  firéqnenoe 
ne  peut  être  calculée  séparément. 

Malgré  ces  difficultés,  nous  avons  pu  voir  par  la  compa-* 
raison  de  quelques  communes  oii  il  n*y  a  point  do  tout  d*oa- 
vriers  d*usine,  que  ni  la  forte  natalité,  ni  la  forte  morlaiilé, 
ni  la  forte  nuptialité,  ni  la  proportion  élevée  des  naiseaiiees 
naturelles  et  des  décès  de  0  à  4  an  n'étaient  particalièraa  aax 
populations  manufacturières.  Tous  ces  phénomènes  démo- 
graphiques se  produisent  avec  la  même  intensité,  quelquefois 
avec  une  intensité  plus  grande  chez  les  populations  agfi- 
coles« 

C'est  là  un  fait  très  important  et  inattendu  dont  il  fatidin 
se  souvenir  sans  cesse  dans  la  recherche  des  causes« 


111 

CAUSES  DES  MODlFlCATIOlfS  DE  LA  NATALITÉ  DAII9  L8  CAimKf 

DE  LILLEBO!fNE. 

La  première  partie  de  ce  travail  a  exposé  Télat  général  ; 
la  seconde,  l'état  démographique  du  canton  de  Lîlleboniie. 
11  s'agit  maintenant  de  rapprocher  ces  deux  ordres  de  faits 
de  manière  à  mettre  en  évidence  les  eauses  de  la  forte  nata« 
lité  que  présente  aujourd'hui  ce  canton  et  des  modificaUons 
qu'elle  a  subies  avec  le  temps. 

Nous  avons  vu  que,  dans  toutes  nos  communes,  la  naialité 
était  faible  au  commencement  du  siècle  et  qu'elle  est  mllée 
en  progressant  jusqu'à  Theure  actuelle.  De  la  première 
décade  à  la  période  formée  par  les  sept  dernières  aDnée8« 
Taugmentation  a  été,  dans  la  plupart  des  communes^  de 
ii>a  45  naissances  par  an  et  par  1 000  habitants.  Dana  telle 
commune,  elle  a  dépassé  47,  dans  telle  autre  19,  et  enGn^  à 
Saint-Maurice,  elle  a  atteint  â0,3.  La  natalité  a  donc  aceom« 
pli,  dans  le  canton,  comme  du  reste  dan»  Tensemble   da 


DUMONT.  —   tA   XATAtlTÉ   DE   LlUKBONNE.  623 

département,  une  évolulton  inverse  de  oeilé  qui  s'est  pfO'^ 
duite  dans  le  reste  de  la  France  où*  depuis  qùalre«vingt*dix 
ans,  la  fréquence  des  naissances  a  toujours  été  de  plus  en 
plus  faible. 

Cet  exemple  n'est  pas  unique  dads  ëon  genre.  A  llle 
d'Ouessant' (Finistère),  dans  le  canton  d'Isigny  (Calvados)^  et 
sans  doute  dans  un  certain  nombre  d'autres  cantons  ou 
communes,  des  faits  analogues  se  sont  produits*  La  natalité^ 
faible  au  début  du  siècle,  est  devenue  forte  aujourd'hui,  et 
cette  évolution  démographique  a  été  accompagnée  d'utie 
profonde  transformation  des  mœurs. 

Tous  les  auteurs  qui  ont  parlé  des  Ouessantins^  il  7  a  eiû- 
quante  ou  soixante  ans^  les  ont  représentés  oomoie  le 
modèle  des  vertus  :  ordre,  propfeté^  probité,  politesse,  vie 
sobre  et  régulière.  Or,  en  faisant  la  démographie  de  leur 
île,  je  m'aperçus  qu'au  temps  où  ils  avaient  toBtet  ees 
qualités  leur  natalité  était  fort  médiocre.  Aujourd'hui^  le 
docteur  Boh^^as^  qui  leur  a  consacré  une  étude  spécialOf  en 
fait  un  tableau  assez  sombre.  Il  les  peint  notamment  domme 
abominablement  ivrognes,  malpropres  et  insouciante  de 
Tavenir.  Mais  leur  natalité  s'est  considérablement  relatée. 
La  proportion  des  naissances  s'est  accrue  aux  dépens,  sinoft 
de  la  valeur  morale  —  car  la  valeur  morale  d'une  population 
implique  en. soi  le  Courage  à  accepter  les  charges  àë  la 
famille  -^  au  moins  de  la  moralité  négative. 
.  Dansi  le  eatiton  d'Isigny,  dès  la  fin  du  dix-huitièifie  èiè!$le 
et  dans  la  pfediièfe  pal'tie  du  dii^-nenvième^  là  natalité  éWdt 
faible  ou  très  faible.  Depuis  trente  dniiée»  environ^  elle  s'eit 
accrue  trè^  notablement^  Mai»  e'esi  «niquemerit  grâce  ft  la 
fécondité  des  ménages  les  pluspativree  et  au  progrès  eofitinU 
des  naissances  naturelles  qui,  dans  telto  colnmune^  atteignent 
maintenant  tout  près  de  la  moitié  des  naissances  totales*  En 
même  temps^  la  criminalité,  la  mendicité^  l'alooolismei  ont 
pris  un  développement  jadis  inconnu.  Au  contraire,  la  classe 
aisée  ou  riche  n'a  pas  cessé  d*être  très  inféconde.  Le  progrès 
de  la  natalité  a  donc  coïncidé  avec  celui  de  l'insouciance, 


624  SÉANCE  DU  15  OCTOBRE  4891. 

l'abandon  de  la  TÎe  économe  et  réglée,  le  mépris  des  con- 
ventions sociales,  Tadoplion  des  mœurs  prolétariennes. 

Nous  allons  voir  que  quelque  cliose  d'analogue  s'est  passé 
à  Lillebonne.  On  ne  peut,  toutefois,  être  aussi  afflrmatif  sur 
ce  point  qu'il  serait  désirable  ;  car  il  est  à  peu  près  impossible 
de  savoir  exactement  aujourd'hui  quel  était  l'état  économique, 
moral,  esthétique,  intellectuel,  de  la  population  du  canton 
vers  i805  ou  même  vers  1820.  Ceux  qui  vivaient  alors  sont 
morts  ou  n'ont  conservé  aucun  souvenir  précis  d'une  époque 
où  ils  étaient  encore  dans  la  première  enfance.  Or,  sans 
renseignements  précis  sur  ces  points,  les  faits  démographiques 
deviennent  impossibles  à  interpréter.  La  constatation  des 
phénomènes  démographiques  peut  se  faire  à  distance  ;  au 
contraire,  la  recherche  des  causes  exige  que  Ton  voie  les 
populations  dont  on  s'occupe;  elle  est  incompatible  avec 
Téloignement  dans  le  temps  comme  dans  l'espace. 

Tout  ce  que  j'ai  pu  apprendre,  c'est  qu'à  cette  époque  vi- 
vaient disséminés  dans  les  villages,  sauf  Petiville,  Saint-Mau* 
rice  et  Triquerville,  un  nombre  très  considérable  de  tisse- 
rands travaillant  à  domicile.  Ils  étaient  sensiblement  plus 
nombreux  que  ne  sont  aujourd'hui  les  ouvriers  d'usine  et 
formaient  par  conséquent  une  part  proportionnelle  beau- 
coup plus  grande  d'une  population  qui,  le  centre  iillebonnais 
existant  à  peine,  était  alors  moindre  d'un  tiers. 

A  l'époque  de  Napoléon  et  des  Bourbons  comme  aujour- 
d'hui, l'industrie  primait  l'agriculture  et  la  faisait  négliger. 
On  se  plaignait  que,  tout  à  leurs  métiers,  les  habitants  de  la 
Seine-Inférieure  eussent  des  animaux  de  ferme  moins  bons 
et  tirassent  de  leurs  terres  des  rendements  moindres  que  les 
habitants  du  Calvados.  Quelques  indices,  à  la  vérité  peu 
certains,  portent  à  penser  que,  dans  notre  canton,  il  y  avait 
alors  plus  de  petits  propriétaires  cultivateurs,  qui  ont  depuis 
émigré  vers  les  villes,  et  dont  les  lerres  sont  aujourd'hui 
louées  à  de  petits  fermiers. 

Enfin,  dans  la  commune  de  Petiville,  dont  la  natalité  est 
restée  basse  pendant  les  cinq  premières  décades  du  siècle, 


DL'MONT.  —    LA    .NATALITK  DE  LILLEBO.NNE.  625 

il  y  avail  durant  toule  celte  période  beaucoup  plus  d'aisance 
qu'aujourd'hui.  La  Seine  n'étant  point  encore  endiguée,  les 
prairies  actuelles  formaient  d'immenses  plaines  de  vases  qui 
couvraient  et  découvraient  deux  fois  par  jour,  toutes  héris- 
sées de  pieux  et  de  filets.  La  pêche  de  la  crevette  blanche, 
du  mulet,  de  la  sole,  de  l'anguille  surtout,  était  extrêmement 
fructueuse.  Les  expéditeurs  pour  Paris  réalisaient  souvent 
des  fortunes  de  quarante  à  cinquante  mille  francs.  C'était  une 
population  très  aisée,  très  paisible,  mais  aussi  très  peu  pro- 
lifique. L'industrie  de  la  pêche  pratiquée  d'une  manière 
aussi  générale  était  spéciale  à  cette  commune  ;  il  n'y  exis- 
tait pas  de  tisserands. 

Au  contraire,  dans  plusieurs  communes,  ils  existaient  en- 
core en  grand  nombre  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Louis-Phi- 
lippe. Les  quelques  survivants  de  cette  génération  disparue, 
qui  ont  eux-mêmes  travaillé  à  domicile  avant  d'aller  aux 
usines,  suffisent  pour  renseigner  sur  le  genre  de  vie  que  les 
tisserands  menaient  alors  et  sur  celui  qu'ils  avaient  eu  très 
probablement  depuis  le  commencement  du  siècle. 

Le  tisserand  à  domicile  travaillait  beaucoup,  douze  ou 
treize  heures  par  jour,  c'est-à-dire  autant  que  l'ouvrier  d'au- 
jourd'hui, si  l'on  ajoute  au  temps  qu'il  passe  à  l'usine  celui 
qu'il  met  pour  y  aller  et  pour  en  revenir.  11  ne  sortait  que  le 
dimanche,  pour  aller  porter  au  courtier  les  étoffes  qu'il  avait 
tissées.  Ses  gains  étaient  plus  élevés  que  ne  le  sont  actuelle- 
ment les  salaires  de  l'ouvrier  d'usine,  mais  pas  plus  que 
n'étaient  encore  ces  salaires  il  y  a  quinze  ou  vingt  ans. 

Toutes  les  différences  découlent  de  ce  qu'il  vivait  chez  lui, 
y  restait  nuit  et  jour,  y  passait  tout  son  temps,  toute  son 
existence,  de  ce  qu'il  vivait  isolé  au  lieu  de  vivre  en  trou- 
peau. 

Un  des  traits  qui  caractérisent  partout  le  prolétaire,  c'est 
son  peu  d'empressement  à  payer  son  logement;  volontiers  il 
déménage  en  oubliant  le  propriétaire.  Quand  je  demandais 
aux  vieillards,  en  prenant  à  dessein  un  air  de  doute,  si  ces 
tisserands  payaient  bien  leur  maison,  ils  levaient  les  bras  au 


(îië  sbàmge  du  15  OCTOBHE  1891. 

cial.  a  Comment,  s'écriaienUiU,  payer  sa  maison!  c'était  le 
premier  des  soucis.  Jusqu'à  ce  qu'on  eût  amassé  l'argent 
nécessaire,  on  ne  dormait  pas  tranquille.  8i  Ton  était  très 
pauvre,  on  s'entassait  plutôt  à  quatre  ménages  dans  la  même 
chaumière.  Si  l'on  était  un  peu  plus  aisé,  on  ne  peasait  qu'à 
amasser  assez  pour  en  acheter  une.  • 

Le  tisserand  vivant  chez  lui  était  plus  sensible  au  bon  ou 
au  mauvais  état  du  logis;  il  souffrait  davantage  d'une  porte 
mal  jointe,  d'une  table  boiteuse,  d'une  vaisselle  insuffisante, 
attachait  plus  de  prix  à  son  mobilier,  à  l'espalier  étendu 
contre  le  mur,  aux  légumes,  aux  fleurs,  aux  pommiers  du 
petit  jardin.  Tout  cela  le  poussait  à  l'épargne.  N'ayant  point 
de  prétexte  pour  s'absenter,  il  ne  quittait  point  son  métier 
pour  aller  au  cabaret. 

D'autre  pai  t^  il  était  plus  incommodé  par  les  cris,  les 
pleurs,  la  saleté  des  enfants  encombrant  la  pièce  unique  û& 
sa  femme  et  lui  devaient  travailler  tout  le  jour.  Tout  s'ao- 
cordait  donc  pour  lui  conseiller  d'en  restreindre  le  nombre  : 
le  caractère  craintif  de  l'homme  casanier,  Tamour  de  Tépar- 
gne,  le  besoin  du  repos. 

Ces  tisserands  si  peu  féconds  n'étaient  cependant  pas  riches. 
A  vrai  dire,  ce  n'étaient  pas  même  des  ouvriers  aisés,  et  ils 
ne  se  garantissaient  contre  le  besoin  que  par  un  travail  très 
régulier.  Ce  n'étaient  donc  certainement  pas  des  bourgeois. 
Mais,  de  même  que  l'ancien  régime  connaissait  des  bour- 
geois vivant  noblement,  le  régime  actuel  offre  de  nonibreux 
exemples  de  pauvres  ménages  pensant  bourgeoisement. 

J'ai  déjà  rencontré  le  fait  chez  les  petits  propriétaires  de 
Perros-fiuirec  et  de  Rerfot  (Côlesdu-Nord)  qui,  riches  de 
200  à  400  francs  de  revenu,  restent  célibataires  par  une  ter- 
reur risible  de  l'imprévu  que  le  mariage  jetterait  dans  leur 
étroite  existence,  la  peur  d'être  réduits  h  aller  travailler  chez 
les  autres.  Je  l'ai  rencontré  encore  plus  accusé  chez  quelques 
familles  pauvres  ou  presque  pauvres  de  Bréhal,  qui  imitent 
les  retraités  et  pensionnés  de  la  marine  d'une  condition  un 
peu  plus  aisée,  comme  ceux-ci  imitent  leur  idéal  naturel. 


DUMONT.  —   LA  NATALITÉ   DE   LILLEBONNE.  627 

leurs  officiers  de  classe  et  d'éducation  bourgeoises.  Je  Tai 
rencontré  enfin,  encore  plus  généralisé,  dans  la  pauvre  com- 
mune des  Portes,  qui  forme  l'extrémité  nord  de  Hle  de  Ré. 
La  natalité  y  était  énorme  jusque  vers  le  milieu  du  siècle; 
elle  est  tombée  depuis  lors  à  un  chiffre  des  plus  bas,  non  par 
la  diminution  du  nombre  des  mariages,  mais  par  Tinfécon- 
dité  croissante  des  unions.  En  cela,  ils  ont  imité  les  riches 
vignerons  du  sud  de  Tiie,  de  Sainte-Marie,  du  Bois  et  de  la 
Couarde,  qui  sont  dévorés  par  le  désir  du  développement 
personnel.  Les  appréciations  de  ces  derniers  se  sont  répan- 
dues chez  eux  par  contagion  et,  malgré  la  différence  de  Tétat 
économique,  ont  influé  de  la  même  manière  sur  la  natalité. 
Ces  phénomènes  contemporains  font  comprendre  ceux  qui 
se  sont  produits  dans  le  canton  de  Lillebonne  pendant  les 
premières  décades  de  notre  siècle,  et  tous  ensemble  ils  con- 
tribuent à  éclairer  d'une  lumière  nouvelle  la  théorie  de  la 
natalité. 

On  sait  d'une  manière  générale  que,  par  tout  pays,  c'est 
la  pauvreté  qui  est  féconde  et  la  richesse  qui  est  stérile,  c'est 
une  opinion  que  le  langage  populaire  a  formulé  par  ce  dic- 
ton :  «  Au  riche  les  écus,  au  pauvre  les  enfants.  »  On  serait 
donc  tenté,  si  Ton  s'en  tenait  à  une  observation  très  géné- 
rale, mais  un  peu  superficielle,  de  considérer  l'infécondité  des 
familles  comme  une  maladie  de  classe,  sévissant  sur  la  bour- 
geoisie, épargnant  le  peuple,  ordinaire  au-dessus  d'un  cer* 
tain  degré  de  fortune,  inconnue  au-dessous.  Ce  ne  serait  pas 
absolument  faux;  mais  ce  serait  très  inexact.  Les  exemples 
ci-dessus  et  beaucoup  d'autres  que  Ton  pourrait  ajouter 
forcent  à  préciser  cette  conception  trop  vague.  Ils  montrent 
d'abord  que  parfois  des  familles  pauvres  restreignent,  elles 
aussi,  leur  natalité  d'une  manière  exagérée,  et,  résultat  beau- 
coup plus  important,  que  la  cause  pour  laquelle  elles  agis- 
sent ainsi  est  l'adoption  d'un  ensemble  d'appréciations  qui, 
pour  èlre  habituelles  chez  la  bourgeoisie,  ne  lui  sont  pas 
nécessairement  limitées.  Ces  appréciations  portent  sur  le  cas 
que  Ton  doit  faire  de  l'épargne,  du  bien-être,  sur  la  crainte 


638  SÉANCE  DU  45  OCTOBRE  i89i. 

de  l'avenir  et  de  Timprévu,  sur  les  exigences  que  l'on  doit 
avoir  en  fait  de  développement  personnel. 

Elles  ont  ordinairement  pour  condition  l'ensemble  des 
circonstances  économiques  où  se  trouve  une  collectivité,  une 
catégorie  sociale  quelconque;  mais  elles  peuvent  aussi  se 
propager  par  contagion,  dans  des  milieux  où  ces  circons- 
tances ne  se  trouvent  réalisées  que  très  imparfaitement.  In- 
versement, ces  appréciations  contraires  à  la  natalité,  en  dépit 
des  circonstances  économiques  favorables  à  leur  adoption, 
n'exercent  aucune  action  nuisible  dans  certains  milieux  par 
la  bonne  raison  qu'elles  n'y  existent  pas  même  en  germe. 
Pour  avoir  un  exemple  concret  de  cette  remarque,  il  suf- 
fira de  se  reporter  à  ce  que  je  disais  Tan  dernier  de  ces 
riches  cultivateurs  de  Fouesnant,  qui,  en  dépit  de  leur  for- 
tune, ont  conservé  une  fécondité  qui  n'est  en  rien  inférieure 
à  celle  des  familles  pauvres. 

En  nous  appuyant  sur  tous  ces  faits  concordants,  nous 
pouvons  affirmer  avec  plus  de  force  que  jamais  une  thèse 
que  nous  avons  ailleurs  amplement  développée  :  la  cause  de 
l'affaiblissement  de  la  natalité  en  France  n'est  pas  d*ordre 
économique;  elle  n'est  pas  de  nature  physiologique,  au 
moins  pour  la  très  grande  majorité  de  la  nation;  elle  est 
d'ordre  mental  ;  elle  tient  à  l'énergie  plus  ou  moins  grande 
du  caractère,  à  l'étal  intellectuel,  moral,  esthétique  d'une 
population. 

Venons  à  l'état  actuel  de  la  natalité  dans  notre  canton. 

Avec  le  casernement  progressif  des  tisserands,  des  appré- 
ciations nouvelles  et  tout  opposées  détrônèrent  rapidement 
les  anciennes,  et  à  peine  se  furent-elles  implantées  dans  une 
commune  qu'elles  y  déterminèrent  une  subite  élévation  de 
la  natalité.  Aussitôt  que  le  tisserand  à  domicile  disparaît 
dans  une  commune  et  que  l'ouvrier  travaillant  en  fabrique 
le  remplace,  la  natalité  fait  un  saut  brusque,  monte  de  6  à 
40  naissances  pour  1  000  habitants  d'une  décade  à  la  sui- 
vante. 

Ce  fut  dans  la  commune  de  Lillebonne  que  le  fait  se  pro- 


DUMONT.  —   LA   NATAUTÉ   DE   LILLEBONNE.  C29 

duisil  lout  d'abord  et  il  devait  en  être  ainsi;  car  c'est  là  que  le 
tisserand  à  domicile  disparut  le  plus  tôt,  que  l'ouvrier  tra- 
vaillant en  troupe  se  forma  son  genre  nouveau,  ses  mœurs, 
ses  habitudes  et  ses  maximes,  puis  les  imposa  autour  de  lui. 

Dans  la  plupart  des  communes  voisines,  le  même  fait  ne  se 
produisit  que  vingt  ans  après;  mais  là  aussi  le  changement 
fut  brusque  et  sans  transition.  De  la  troisième  décade  à  la 
quatrième,  la  natalité  saute  :  à  la  Trinité,  de  ^6,1  à  33,1  ;  h 
Mélamare,  de  24,6  à  30,7;  à  Saint-Jean-de-Folleville;  do 
dl),9  à  30,0;  à  Saint-Antoine,  de  23,3  à  29,4.  Dans  quelques 
communes,  le  mouvement  ascensionnel  tarJa  un  peu  plus, 
mais  fut  le  même,  à  la  fois  brusque  et  très  sensible.  Rien  de 
plus  naturel  du  reste,  car  la  faible  natalité  des  pauvres  ne 
constitue  jamais  qu'une  exception  très  rare.  Elle  résultait 
dans  notre  canton  des  conditions  très  particulières  dans  les- 
quelles vivaient  les  tisserands  isolés,  poltrons  et  casaniers. 
Eux  disparus,  l'anomalie  cessant,  la  règle  générale  recouvra 
son  empire,  la  natalité  reprit  Tessor,  comme  une  brancho 
d'arbre  que  l'un  a  ployée  vers  la  terre  fait  ressort  et  se 
relève  spontanément  avec  violence  dès  qu'on  cesse  de  la 
retenir. 

En  allant  vivre  de  la  vie  commune  de  l'usine,  l'ouvrier 
perdait  nécessairement  en  grande  partie  le  souci  de  sa  mai- 
son qu'il  n'habitait  plus  que  la  nuit,  du  mobilier  dont  il  se 
servait  moins,  de  1  épargne  qu'il  avait  plus  d'occasions  de 
dissiper.  Il  devenait  plus  indifférent  au  nombre  de  ses  en- 
fants qui^  laissés  à  la  garde  des  voisins  ou  de  leurs  aînés,  no 
pouvaient  plus  l'incommoder  que  momentanément.  La  ces- 
sation de  l'allaitement  maternel,  l'adoption  générale  du 
biberon,  étaient  la  conséquence  forcée  du  départ  des  femmes 
pour  l'usine,  et  la  mortalité  infantile  devenait  énorme.  Or, 
nous  avons  expliqué  comment  l'enfant  mort  en  bas  âge  se 
trouvant  presque  toujours  bientôt  remplacé,  la  mortalité  du 
premier  âge  se  trouvait  être  une  nouvelle  cause  d'accroisse- 
ment de  la  natalité.  La  même  indifférence  appelait  sans 
cesse  de  nouveaux  êtres  à  la  vie  et  la  leur  faisait  perdre. 


630  SÉANCE  DU  45  OCTOBRE  1891. 

L'ouvrier  de  Ullebonne  est,  je  le  répète,  fort  différent  des 
types  décrits  par  «  le  Sublime  »  ;  cependant  il  est  trèsinsou* 
ciant  du  lendemain.  A  Graudeamp  (canton  de  Lillebonne), 
un  vieillard  disait  à  un  homme  d'une  trentaine  d'années  : 
«  Tu  n'as  pas  de  pain,  tu  as  cinq  enfants,  ta  femme  enceinte, 
t^  maison  pas  payée,  et  tu  rentres  encore  ce  soir  avec  on 
litre  d*eau*de-vie  ;  tu  mourras  de  faim.  »  L'autre  répondit  en 
haussant  les  épaules  :  «  On  n'a  encore  jamais  vu  personne 
mourir  de  faim.»  Le  désarroi  de  la  famille  et  du  ménage 
en  permanence  lui  semblait  chose  normale.  Tous  sans  doute 
ne  raisonnent  pas  ainsi;  mais  beaucoup  le  font  ;  beaucoup 
vivent  au  jour  le  jour  et  laissent  aller  leur  vie  à  la  dérive, 
comme  une  barque  abandonnée  qui  ne  gouverne  plus  ;  quel* 
ques-uns,  étant  célibataires,  vivent  au  restaurant;  un  bien  plus 
grand  nombre,  mariés  ou  non,  vivent  à  crédit  sur  la  paye  de 
la  prochaine  quinzaine  ;  beaucoup  consomment  chaque  jour, 
soit  au  cabaret,  soit  plus  souvent  chez  eux,  avec  leurs  femmes 
et  leurs  enfants,  d'énormes  quantités  d'alcool.  Il  doit  arriver 
parfois  que  se  mettant  au  lit  dans  un  élat  d'ivresse  pronon* 
cée,  ils  n*engendrent  que  pour  le  cimetière.  Mais  ce  qui  est 
certainement  fréquent,  c'est  qu'une  dcmi-cbriélô,  jointe  à 
une  fatigue  complète,  leur  inspire  une  profonde  indifférence 
à  l'égard  des  charges  de  famille  qu'ils  se  préparent,  ou  plu* 
tôt  leur  rende  totalement  impossible  d'y  songer. 

Les  hommes  qui  vivent  de  la  vie  iiitellectueile  oublient 
généralement  et  bientôt  deviennent  incapables  de  se  figurer 
à  quel  point  le  surmenage  quotidien  des  muscles  tue  l'activité 
cérébrale.  On  l'a  remarqué  depuis  longtemps  pour  la  vie  de  ca- 
serne, on  peut  le  dire  avec  autant  de  raison  de  la  vie  des  grandes 
manufactures.  Le  servage  de  la  machine,  comme  celui  du 
régiment,  fait  de  l'homme  un  automate,  éteint  l'imagination» 
oblitère  le  souvenir,  empêche  de  penser  à  autre  chose  qu'au 
présent  et  à  ce  qui  doit  suivre  immédiatement,  dans  un  délai 
de  quelques  heures,  à  la  prochaine  besogne,  au  prochain 
repas,  au  retour  sous  la  pluie.  La  prévoyance  à  plus  longue 
échéance  qui  s'impose  par  intervalles  n'est  guère  possible 


liUMOM'.  —  LA    .\ATAUTK  DE  LlLLEBONNli:.  631 

que  ItiÉ  jours  de  repo8  ;  encore  ne  se  produira-t-elle  que  si 
les  distraclions  du  cabaret  ne  viennent  point  i'empôcber. 

Une  mesure  de  Tinaction  du  cerveau,  c*est  la  profondeur 
du  sommeil.  Tandis  que  l'homme,  accablé  de  préoccupa- 
tions, de  luttes  morales,  d'efforts  intellectuels,  est  sujet  à  l'in- 
somnie et  s'éveille  au  moindre  bruit,  toutle  monde  sait  à  la 
campagne  que  si  Ton  a  nn  besoin  pressant  d'un  manouvrier 
pendant  la  nuit,  il  faut  souvent  frapper  plus  d'un  quart 
d'heure  à  sa  porte  avant  de  réveiller  complètement.  A  Lille- 
bonne,  une  femme  racontait  en  ma  présence  que,  se  sentant 
près  d*accoucher  pendant  la  nuit,  elle  en  avait  eu  pour  plus 
d'une  heure  à  réveiller  son  mari,  lui  criant  de  se  lever,  lui 
tiraillant  les  bras,  menaçant  de  mettre  le  feu  au  lit,  et  lui 
dormant  toujours.  Du  reste,  elle  ne  citait  le  fait  qu'incidem- 
ment, le  trouvant  tout  naturel  :  «  Cet  homme  qui  avait  fait  sa 
journée,  n'est-ce  pas...  »  Par  cet  exemple,  on  peut  compren- 
dre que  si,  au  point  de  vue  économique,  l'ouvrier  d'usine  vit 
au  jour  le  jour,  au  point  de  vue  intellectuel,  cela  est  encore 
plus  vrai.  Des  hommes  placés  dans  ces  conditions  exigent 
peu  d'eux-mêmes  et  peu  de  la  vie.  Ils  s'en  remettent  au 
hasard  du  soin  d'arranger  leur  destinée  et  celle  des  leurs. 

Mais  les  familles  vivant  de  la  grande  industrie  ne  forment 
pas  plus  de  6  000  personnes.  Un  nombre  à  peine  inférieur 
vit  de  l'agriculture.  Or,  parmi  elles,  et  cela  dès  le  commen- 
cement du  siècle  pour  les  communes  qui  n'avaient  pas  de 
tisserands  h  domicile,  la  natalité  était  très  élevée.  Si  nous 
recherchons  les  causes  de  ce  fait,  nous  trouvons  qu'elles  sont  : 
1»  l'influence  des  ouvriers  des  manufactures  ;  2"  la  pauvreté; 
3^  l'ignorance;  4*^  l'absence  de  tout  effort  pour  s*élever;  5*  la 
direction  particulière  que  cet  effort  suivrait  nécessairement 
dans  le  cas  où  une  augmentation  de  bien-être  viendrait  le 
rendre  possible  et  qui  détruirait  son  action  stérilisante. 

Dans  le  canton  de  Lillebonne,  la  grande  industrie  prime 
tout,  petite  industrie,  petit  commerce,  agriculture.  Il  en 
était  ainsi  à  l'époque  où  les  tisserands  travaillaient  chez 
eux.  11  en  est  encore  de  même  aujourd'hui.  Les  ouvriers 


63â  SEANCIi)   DU    15   OCTOBRE    4891. 

d'usine  ne  forment  pas  la  majorilé  de  la  population  dans 
Tensemble  du  canton;  mais  c'est  une  minorité  très  nom- 
breuse etil  arrive  ici  comme  souvent  ailleurs  qu'une  minorité 
compacte  impose  son  genre,  ses  façons  de  penser,  de  sentir 
et  de  vivre,  toutes  les  appréciations  intimes  qui  gouvernent 
la  conduite  à  une  majorité  dispersée  et  sans  cohésion.  Ces 
appréciations,  en  effet,  ne  deviennent  contagieuses  que  quand 
elles  passent  à  Tétat  de  maximes  portatives,  aisées  à  retenir 
et  à  répéter. 

Mais  elles  ne  se  concentrent  ainsi  en  formules  que  dans 
les  milieux  où  elles  sont  généralement  admises  el  où  les 
hommes  vivent  serrés.  A  ce  point  de  vue,  les  faoïiJles  que 
nourrit  le  travail  des  usines  ont  toutes  les  chances  d'imposer 
leurs  manières  de  voir  à  celles  qui  vivent  de  la  petite  indus* 
trie  ou  de  Tagriculturc. 

Pour  les  premières,  elles  imitent  l'ouvrier  d'usine  en  tout 
et  jusque  dans  son  alimentation  ;  la  contagion  a  été  complète. 
Pour  les  secondes,  elle  l'a  été  un  peu  moins.  L'ouvrier  agri- 
cole, le  petit  fermier,  ne  sent  pas  toujours  une  sympathie 
parfaite  pour  la  population  manufacturière  ;  mais  vivant 
iàolé,  timide  et  volontiers  silencieux,  il  voit  son  genre  propre 
humilié  et  vaincu  par  Tautre  qui  s'impose  plus  fortement, 
étant  affirmé  par  des  centaines  de  camarades  en  communauté 
d'idées  les  uns  avec  les  autres.  D'ailleurs,  les  recensements 
qui  n'accusent  que  1100  personnes  vivant  des  usines  en 
dehors  de  Lillebonne  et  au  milieu  des  cultivateurs  pèchent 
évidemment  par  omission,  et  d'autre  part,  il  y  a  une  quin- 
zaine d'années,  avant  que  le  perfectionnement  des  machines 
eût  réduit  la  main-d'œuvre,  il  est  certain  qu'il  y  avait  un 
plus  grand  nombre  d'ouvriers  et  qu'ils  étaient  en  même 
temps  plus  payés,  deux  raisons  pour  que  leur  influence  sur 
le  reste  de  la  population  fût  encore  plus  considérable  qu*elle 
ne  l'est  aujourd'hui.  Dans  ces  conditions,  il  n'est  pas  douteux 
que  leur  imprévoyance  de  l'avenir,  leur  insouciance  des 
charges  de  famille,  leur  facilité  à  accepter  la  vie  au  jour  le 
jour^et  de  nombreux  enfants  n'aient  été  des  sentiments  con- 


DUMONT.  —   LA   NATALITÉ  DE   LILLEBONXE.  633 

tagîeux  pour  les  familles  agricoles  aa  milieu  desquelles  ils 
vivent  dispersés. 

A  vrai  dire,  cet  exemple  n'était  probablement  point  néces- 
saire. A  Norville  et  à  Saint-Maurice,  où  il  n'y  a  jamais  eu  d'ou- 
vriers de  la  grande  industrie  ;  à  Gravenchon,  où  il  n'y  en  a 
que  fort  peu,  la  natalité  n'en  a  pas  moins  été  très  élevée  dès 
la  seconde  on  la  troisième  décade  de  noire  siècle.  Dans  les 
autres  communes,  il  eût  suffi  peut-être  que  le  genre  et  l'in- 
fluence  des  tisserands  à  domicile  disparussent  et  il  était  sans 
doute  superflu  que  l'influence  contraire  des  ouvriers  casernes 
vînt  s'y  substituer. 

La  grande  cause  qui  a  conservé  la  fécondité  parmi  les 
cultivateurs  ou  quil'afait  renaître, c'estla pauvreté, l'absence 
des  richesses  qui  sont  la  condition  sans  laquelle  les  hommes 
ne  peuvent  avoir  d'aspiration  vers  la  civilisation,  vers  leur 
développement  en  valeur  ou  en  jouissances.  Riches  ou  aisés, 
ils  eussent  méprisé  les  mœurs  et  les  appréciations  de  Touvrier 
d'usine.  S'ils  ont  pu  l'imiter,  c'est  qu'ils  avaient  aussi  peu 
d'épargne  et  de  bien-être. 

Presque  toute  la  terre  du  canton,  avons -nous  dit,  est  en 
labour,  divisée  en  exploitations  de  petite  ou  de  moyenne 
étendue.  Elle  est  possédée  par  des  propriétaires  vivant  au 
loin  dans  les  villes  et  cultivée  par  des  fermiers  pauvres  dont 
très  peu  s'élèvent  au-dessus  du  genre  de  vie  des  simples 
manouvriers. 

On  sait  qu'en  règle  générale  les  petites  fermes  se  louent 
toujours  à  proportion  plus  cher  que  les  grandes,  parce  qu'il 
y  a  habituellement  plus  de  fermiers  en  état  de  les  prendre, 
ou,  comme  on  s'exprime  sous  forme  d'adage,  «  parce  qu'il 
y  a  plus  de  petites  bourses  que  de  grosses  i>. 

Les  fermes  en  labour  qui  sont  petites  ou  du  moins  de  telle 
étendue  qu'un  homme  puisse  les  faire  valoir  avec  son  travail 
et  celui  de  sa  famille  demandent  beaucoup  moins  de  capital 
d'exploitation  que  les  fermes  en  herbages  et  prés  où  il  faut 
un  nombreux  bétail.  Ces  fermes  auront  donc  plus  d'ama- 
teurs se  faisant  concurrence  et,  par  conséquent,  toutes  pro« 


C34  SftANCK  DU   M   OCTOBRE   iftffi. 

portions  gardées,  elles  se  loueront  plus  cher  que  les  antres. 

En  troisième  lieu,  on  doit  se  souvenir  que  notre  canton 
se  compose  presque  sans  exception  de  terres  d*une  qualité 
médiocre.  Or^  diaprés  une  enquête  publiée  par  l'Association 
normande  sur  la  situation  agricole  de  rarrondissement  da 
Havre,  pour  les  terres  de  première  qualité,  la  valeur  vénale 
de  rhectare  est  de  4000  francs  et  la  valeur  locative  de 
140  francs  ;  pour  les  terres  de  seconde  qualité,  la  valeur 
vénale  est  de  3000  francs  et  la  valeur  locative  de  fSOfranes; 
enfin,  pour  les  terres  de  troisième  qualité,  la  valeuf  vénale 
est  de  2  000  francs  et  la  valeur  locative  de  iOO  francs.  Plos 
la  terre  est  médiocre,  plus  elle  se  loue  cher  relativement. 

Ainsi,  petite  étendue  des  fermes,  culture  en  labourage, 
qualité  inférieure  du  sol^  ces  trois  conditions  se  rénnisseot 
dans  tout  notre  canton,  sauf  peut-être  Auberville  où  la  terre 
est  meilleure  et  les  fermes  un  peu  plus  grandes,  pouf  faire 
aussi  large  que  possible  la  part  proportionnelle  du  proprié- 
taire et  réduire  au  minimum  celle  du  fermier,  le  tnallitenir 
au  plus  près  de  la  misère  et,  en  effet,  il  la  côtoie  générale* 
ment  pendant  toute  son  existence. 

Presque  toujours  c'est  un  ancien  domestique  ;  S  000  on 
3000  francs  lui  suffisent  pour  prendre  une  fernne  d'une 
vingtaine  d'hectares  sur  laquelle  il  vit  comme  on  simple 
manouvrier,  élevant  ses  fils  et  ses  filles  comme  ceux  des 
journaliers  du  voisinage,  ne  visant  à  rien  de  plus  qn^àenfirire 
ses  premiers  serviteurs  dès  qu'ils  pourront  travailler. 

11  les  envoie  à  Técole  primaire  aussi  peu  que  possible  et 
ne  songe  jamais  à  Tinstruction  secondaire  dont  il  ignofejtts* 
qu*à  l'existence.  Ils  ne  le  gênent  pas  dans  sa  ferme  !  la  p\êté 
est  plus  que  suffisante  pour  leurs  ébats,  la  noiirrllUf*e  grM* 
f^ière  pour  leurs  appétits.  Ils  lui  coûtent  fort  peu  h  vêtir  el, 
de  bonne  heure,  les  quelques  services  qu'ils  peuvent  rendre 
compensent  les  très  faibles  dépenses  qu'ils  occasionnent.  11 
n'a  donc  aucun  intérêt  à  limiter  leur  nombre  et  l*oo  ne 
s'étonne  plus  que,  dans  la  plupart  des  communes  agricoles, 
les  familles  ayant  le  pins  grand  nombre  d*eofanls  vivants 


DUMO.NT.  —    LA   V\TaLITK  Î)K   LILLKBO.NNE.  635 

soient  celles  des  cultivateurs  aisés.  Dans  ces  conditions,  en 
efTel,  ils  n'ont  pas  besoin  de  restreindre  leur  fécondité;  car 
ils  ne  risquent  rien  à  la  laisser  produire  tous  ses  effets. 

Le  voulussent-ils,  il  est  fort  probable  que  la  majorité  au 
moins  d'entre  eux^  les  plus  pauvres,  ne  le  pourraient  point. 
Eux  aussi,  comme  les  ouvriers  des  usines,  sont  vaincus  par 
le  travail  monotone  et  abrutissant.  Leur  activité  cérébrale 
est  également  atteinte  par  la  fatigue  musculaire  excessive  et 
régulièrement  renouvelée.  Tout  calcul^  toute  pensée  d'avenir 
leur  deviennent  tout  aussi  impossibles,  et,  chaque  soir, 
Taccablement  causé  par  une  journée  de  travail  rend  inca- 
pable de  songer  à  autre  chose  qu'au  moment  présent. 

Cette  torpeur  intellectuelle  est  entretenue  et  rendue  invin- 
cible par  rignorance générale^  l'incuriosité  à  peu  près  absolue 
à  regard  des  sciences,  des  arts,  de  la  littérature,  des  passions 
intellectuelles  et  politiques  de  leur  époque.  La  civilisation 
avec  ses  merveilles  est  pour  eux  non  avenue,  elle  ne  pro- 
voque ni  étonnement,  ni  désir  de  voir  ;  elle  les  laisse  abso- 
lument tranquilles,  résignés  à  ne  rien  connaître  et  à  ne  nen 
comprendre.  Les  jeunes  gens,  à  la  vérité,  commencent  à 
lire.  Dans  plusieurs  communes,  à  Grandcamp  notamment, 
les  quelques  ouvrages  contenus  dans  les  petites  bibliothèques 
scolairessont  lus  et  relus;  mais  ce  fait  n'intéresse  que  Tavenir 
et  ne  doit  pas  être  compté  lorsqu'il  s'agit  d'expliquer  la  nata- 
lité présente  ou  celle  des  dernières  décades. 

En  réalité,  on  est  stupéfait  du  degré  d'ignorance  de  cette 
population.  A  Lillebonne  même,  je  le  répète,  jusque  dans  ces 
dernières  années,  un  tiers  des  femmes,  un  dixième  des 
hommes  étaient  incapables  de  signer  leur  acte  de  mariage. 
Beaucoup  ne  le  signaient  qu'à  gr«nd*peine  et  c'était  li  tout 
leur  savoir.  Nulle  part  les  instituteurs  n'ont  tant  de  peine  à 
obtenir  que  les  enfants  fréquentent  l'école  au  moins  une  partie 
de  l'année.  L'été  venu,  ils  ne  reparaissent  plus.  En  général, 
les  maires  s'en  désintéressent,  comme  de  beaucoup  d'antres 
points  relatifs  à  l'administration  de  leurs  communes.  Jusqu'en 
Tannée  1888,  les  tableaux  annuels  du  mouvement  de  la  popn- 


CSG  SÉANCE  DU  13  OCTOBRE  1891. 

lation  n'étaient  point  rédigés  en  double,  de  sorte  qu'il  n'en 
existe  aucun  cxemj^laire  dans  les  archives  communales.  De 
son  côté,  le  médecin  des  épidémies  notait  dans  son  rapport 
pour  Tannée  1889  qu'il  n  avait  pu  obtenir  «aucune  communi- 
cation de  MM.  les  maires  qui  lui  semblaient  très  apathiques 
au  point  de  vue  de  l'hygiène  publique  », 

Par  ces  traits,  le  canton  d(î  Lillci)onne  présente  une  si-'  '• 
liUide  assurément  fort  inattendue,  mais  cependant  très  com« 
pléte  avec  celui  de  Fouesnant  que  j'étudiais  Tan  dernier. 
Môme  incurie  des  maires,  mr»me  ignorance  des  habitants, 
même  indifférence  au  progrès  personnel.  Au  centre  de  la 
Seine-Inférieure,  à  portée,  de  Paris,  à  mi-chemin  de  deux  ' 
grandes  villes  comme  le  Havre  et  Rouen,  l'attraction  exercée  j 
par  la  vie  urbaine,  par  le  luxe,  par  les  plaisirs,  par  la  science,  i 
l'art,  le  pouvoir  et  toutes  les  gloires  de  la  civilisation  est 
aussi  faible  que  dans  ce  canton  perdu  du   Finistère  où  ne  se 
parle  pas  môme  le  français. 

Quelque  surprenant  que  soit  le  fait,  étant  donnée  la  situa* 
lion  géographique  du  canton,  il  est  incontestable;  l'état  de 
stagnation  est  complet  dans  les  esprits,  complet  dans  la  popu- 
lation. Nous  avons  constaté  combien  peu  on  émigré  vers  les 
villes.  Si  quelques  individus  de  la  classe  pauvre  vont  se  placer 
au  Havre  comme  domestiques  ou  comme  bonnes,  les  jeunes 
gens  de  la  classe  aisée  ou  riche  n'ont  aucune  tendance 
à  quitter  leur  pays  natal. 

On  sait  que  dans  un  canton  donné,  pin»  la  classe  aisée  a 
de  penchant  à  émigrer  vers  le.^  villes,  plus  ceux  qui  restent 
sont  stériles.  L'étude,  parue  ici  môme  sur  l'île  de  Hé,  a  fourni 
l'occasion  d'exposer  comment  ces  deux  faits  démographiques 
en  apparence  tout  indépendants,  émigration  centripète  des 
plus  riches  et  faiblesse  de  la  natalité,  ne  sont  que  deux  phé- 
nomènes jumeaux  produits  par  un  seul  et  même  étal  psycho- 
logique. Inversement  on  peut  remarquer  qu'à  Lillebonne 
comme  à  Fouesnant,  l'absence  d'émigration  rurale  coïncide 
avec  une  très  forte  natalité  et  cela  en  vertu  aussi  d'un  seul 
et  môme  litat  psychologique  qui  est  l'opposé  du  précédent  ; 


(slaAU'HicuL  iic\>  LcnunmieA 

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nUMO.VT.  —   LA   NATALITÉ  DR   LTLLEBONNE.  637 

rindîrrérencc  pour  le  développement  personnel,  l'absence  de 
Ciipillarité  sociale  dans  la  population. 

D'une  pari,  la  pauvreté  s'oppose  au  progrès  des  tendances 
et  des  passions  fatales  h  la  natalité  comme  le  froid  empêche 
le  développement  des  microbes  qui  décomposent  les  viandes. 
Au-dessous  de  cerlain  degré  de  chaleur,  plus  de  fermentation; 
au-dessous  de  certain  dogré  d'aisance,  plus  de  capillarité 
sociale.  Elle  ne  se  produit  point,  parce  que  sa  condition  îu- 
dispensablc  n'est  pas  réalisée. 

Mais,  d'autre  part,  il  y  a  une  cause  —  une  cause  véritable 
et  non  phis  une  condilion  —  pour  qu'elle  ne  se  produise 
point  :  c'est  Texislence,  au-dessus  du  cultivateur  comme  de 
l'ouvrier  d'usine,  d'une  classe  sociale  infiniment  au-dessus 
(le  lui  qui  Téblouit,  mais  qui  l'écrase  et  le  désespère  par 
la  supériorité  de  ses  capitaux.  Tandis  qu'en  général,  l'idéal 
secret  qui  séduit  l'imagination  du  cultivateur  français  est 
la  profession  libérale,  un  emploi,  une  fonction  publique 
aussi  élevée  que  possible  dans  la  hiérarchie;  ici,  il  en  va 
tout  autrement.  Le  soleil  qui  éclipse  tout,  l'aimant  vers 
lequel  se  dirigent  toutes  les  imaginations,  c'est  la  vie  du 
grand  industriel,  riche  de  plusieurs  dizaines  de  millions, 
faisant  travailler  des  centaines  d'hommes,  de  femmes  et 
d'enfants.  A  rcxtrémité  uiême  du  canton,  où  Ton  est  déjà 
loin  des  usines,  le  magnifique  château  gothique  de  Saint- 
Maurice  d'Etelan,  acheté,  restauré  et  encore  agrandi  par  une 
puissante  famide  de  manufacturiers,  détermine  l'orientation 
des  aspirations. 

Lillebonne,  le  Havre,  Rouen,  sont  des  villes  de  commerce 
et  d'industrie,  comme  l'Angleterre,  et,  comme  TAngleterre, 
elles  ont  une  forte  natalité,  oscillant  habituellement  entre 
30  et  35  naissances  pour  1000  habitants.  Un  même  état 
social  entraine  un  même  état  psychologique,  qui  exerce 
une  même  influence  sur  la  fécondité  de  la  population. 
Pour  celle  qui  nous  occupe,  il  faut  tenir  grand  compte  de 
ce  que  son  chef-lieu  de  canton,  son  chef-lieu  d'arrondisse- 
ment, et  même  son  chef-lieu  de  département,  tournent  le 

T.  ir  (4*'  sÉi'.is).  «J 


638  SÉANCE  nr  V)  octorrk  4891. 

clos  h  la  culture  gramnialicule,  Ihéologiquo,  juridique  et   lit- 
téraire, qui  est  l'idéal  des  familles  françaises  de  moyenne 
condilion.  Le  Havre,  en  particulier,  est  tout  à  son  commerce, 
à  ses  navires,  à  la  spéculation  effrénée.  Que  sont,  au  milieu 
de  ce  mouvement,  le  clergé,  la  magistrature,  le  barreau, 
l'administration,  le  corps  enseignant,  toutes  ces  institutions 
qui  pèsent  d'un  poids  si  lourd  sur  la  vie  des  petites  sous- 
préfectures  et  de  la  plupart  des  préfectures,  qui  accablent 
tout  de  leur  importance,  font  régner  leur  genre  d'une  ma- 
nière si  tyrannique,  en  imposent  tant  au  petit  bourgeois  et 
au  paysan.  Ici,  ces  puissances   sont  noyées  dans   le  tour- 
billon, annulées^  méprisées;  personne  no  s'en  occupe.  Leurs 
mauvaises  tendances  ne  se  propagent  point  parmi  la  classe 
moyenne,  comme  cela  se   produit   dans  les  petites  villes. 
Aussi  cette  classe  trouvc-t-elle  des  débouchés  dans  le  com- 
merce et  Tindustrie,  où  ils  sont  en  quantité  à  peu  près  illi- 
mitée, au  lieu  d'en  chercher  dans  le  fonctionnarisme.  Elle 
s'efforce  d'augmenter  ses  ressources  par  son  activité  pour 
faire  face  à  des  charges  de  famille  qui  augmentent,  au  lieu 
de  restreindre   ses  dépenses  pour  qu'elles  restent  propor- 
tionnées à  une  fortune  modique^  que  les  préjugés  interdisent 
d'accroître  par  le  travail.  S'il  existait  à  Lillebonne  une  classe 
moyenne,  il  n'est  donc  pas  douteux  qu'elle  y  restât  féconde 
comme  elle  Test  au  Havre. 

Mais  elle  n'y  est  presque  point  représentée  ou  ne  fournit 
qu'un  chiffre  d'habitants  démographiquement  dépourvu 
d'importance.  L'ouvrier  d'usine,  l'ouvrier  de  la  petite  indus- 
trie,  le  petit  commerçant,  l'ouvrier  agricole  et  le  fermier  peu 
aisé  forment  la  presque  totalité  de  la  population,  dominés 
par  un  très  petit  nombre  de  personnes  dont  plus  de  la  moitié 
du  canton  reçoit  son  salaire  et,  directement  ou  indirectement, 
tous  ses  moyens  d'existence.  Cette  aristocratie  est  trop  au- 
dessus  du  peuple  pour  qu'il  songe  un  instant  à  jamais  l'éga- 
ler. On  n'essaye  pas  d'escalader  une  muraille  quand  elle  est 
trop  haute;  on  se  décourage  et  l'on  n'aspire  plus  qu'à  vivre 
dans  sa  condition,  sans  faire  aucun  effort  pour  en  sortir. 


DIî^CUSSIOX   SUR  LA   NATALITE   DK    LILLEBONVE.  (>39 

La  féodalité  indastriollc  joue  donc  en  fait,  par  rapport  à 
la  capillarité  sociale,  le  rôle  d'une  féodalité  militaire  ou 
d'une  aristocratie  de  naissance  légalement  établie.  Elle  la 
désespère,  Tempêche  de  se  produire,  et  partout  où  celle-ci 
n'existe  point,  quelle  que  soit  d'ailleurs  la  raison  de  son 
existence,  la  natalité  atteint  toujours  un  chiffre  considé- 
rable; car  une  vérité  amplement  établie  ailleurs,  c'est  que  le 
développement  de  la  race  en  nombre  est  en  raison  inverse  de 
l'effort  fait  par  l'individu  vers  son  développement  personnel, 
bien  ou  mal  entendu,  soit  en  valeur,  soit  en  jouissances.  Ce 
fait  peut  sans  doute  être  désormais  considéré  comme  défini- 
tivement acquis  à  la  science  sociale,  et  Tétude  qui  précède 
en  fournit  la  complète  confirmation. 

Discussion. 

M.  Hervé  dit  que  le  travail  de  M.  Dumont  complète  et 
confirme  les  observations  anciennes  déjà  de  Villermé,  qui 
avait  remarqué  que  la  natalité  des  populations  ouvrières 
employées  aux  grandes  fabriques  était  très  supérieure  à 
celle  des  ouvriers  plus  aisés  travaillant  à  domicile.  A  Lille- 
bonne,  le  changement  survenu  dans  le  régime  du  travail  a 
retenti  de  la  même  façon  sur  le  chiffre  des  naissances.  Gom- 
ment dès  lors  se  refuser  à  admettre  l'influence  des  causes 
économiques  ?  On  voit,  une  fois  de  plus,  que  partout  où 
l'épargne  devient  suffisante,  la  natalité  diminue;  qu'elle 
s'élève,  au  contraire,  quand  se  trouvent  réunies  les  conditions 
qui  engendrent  Timprévoyance  et  le  relâchement  de  la  vie 
de  famille. 

M.  Lagneau.  Ainsi  qu'à  M.  Hervé,  il  me  paraît  curieux  de 
voir  M.  Dumont  constater  qu'à  Lillebonne,  la  natalité,  jadis 
faible,  alors  que  la  population  était  composée  principale- 
ment de  tisserands  travaillant  chez  eux  isolément,  s'est 
beaucoup  et  rapidement  accrue  lorsque  la  population  a  été 
appelée  à  travailler  en  commun  dans  de  grands  ateliers  de 
manufactures. 

Cette  différence  dan»  la  natalité  k  ces  deux  époques  paraît 


640  SÉANCE   BV  5   NOVEMBRE   1891. 

tenir  à  ce  que  le  tisserand,  travaillant  isolément,  vivant  chez 
lui,  n*ayant  pas  à  utiliser  le  travail  de  jeunes  enfants,  a 
avantage  à  n'en  avoir  qu'un  petit  nombre.  Sa  femme  les 
allaite.  En  travaillant,  il  économise  et  espère  arriver  à  l'ai- 
sance. Aussi  la  natalité  et  la  mortalité  infantile  sont  peu 
élevées. 

Contrairement,  l'ouvrier  des  manufactures,  travaillant  et 
vivant  en  commun,  dépensant  avec  les  camarades  une  grande 
part  de  ce  qu'il  gagne,  sachant  que  ses  enfants  trouveront 
toujours  à  s'occuper  comme  lui,  ne  craint  pas  d'en  avoir  un 
grand  nombre.  Sa  femme,  allant  comme  lui  à  râtelier,  trop 
souvent  les  fait  élever  au  biberon.  En  travaillant  et  dépen- 
sant au  jour  le  jour,  il  n'a  d'autre  objectif  que  de  vivre 
comme  il  a  toujours  vécu,  sans  aspirer  à  une  situation  plus 
aisée.  Aussi  la  natalité  et  la  mortalité  infantile  sont  consi- 
dérables. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

T^s  secrétaires  :  CUVER  et  CAPITatv. 


546'SEVNCE.  —  5  novembre  1891. 

PréffideMce  de  M.  LA  BOMBE,  préuldcat* 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès-verbal. 

Age  dea  conches  mesTlnlenaes. 

M.  Capitan  montre  à  la  Société  trois  pièces  provenant  des 
grands  ateliers  paléolithiques  des  environs  de  Leigné-les-Bois 
(Vienne).  Ces  trois  pièces  peuvent  être  rapprochées  de  celles 
que  M.  Gabriel  de  Mortillet  a  présentées  dans  la  dernière 
séance,  pièces  dont  M.  de  Munck  a  envoyé  les  moulages  à 
rEcole  d'anthropologie,  et  qui  proviennent  des  couches  mes- 


A  PROPOS   DU    PROCÈS- VERBAL.  641 

viniennes.  Deux  de  ces  pièces  sont  absolument  analogues  au 
disque  de  M.  de  Munck  ;  la  troisième  est  absolument  iden- 
tique au  grand  disque  grossier  de  Mesvin.  Or,  les  pièces  de 
M.  Capitan  sont,  de  par  leur  gisement,  moustériennes  ;  elles 
étaient  accompagnées  de  poinles,  de  racloirs  et  de  petites 
haches  plates  du  type  acheuléo-moustérien.  Si  donc  on  se 
basait  sur  la  morphologie  seule,  il  y  aurait  là  une  démons- 
tration très  nette  de  ce  fait  que  les  formes  considérées 
comme  absolument  caractéristiques  du  mesvinien  par  nos 
collègues  belges  se  rencontrent  chez  nous  dans  des  stations 
moustériennes.  Donc,  à  moins  d'admettre  une  survivance  des 
formes  bien  étrange,  force  est  de  considérer  ces  types  comme 
démonlrant  aussi  clairement  que  les  racloirs  et  les  pointes 
que  renferment  ces  mêmes  couches  mesviniennes,  qu'il 
s*agit  là  d'une  industrie  qui  ne  saurait  être  considérée  comme 
plus  ancienne  que  notre  industrie  moustérienne,  qu'on  se 
base  sur  la  morphologie  des  instruments  ou  sur  la  faune. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  fait  observer  que  cette  présen- 
tation vient  à  Tappui  de  ce  qu'il  a  dit  dans  la  dernière 
séance.  La  morphologie  prouve  donc  comme  la  paléontologie 
que  les  couches  mesviniennes  doivent  être  rapportées  au 
quaternaire  moyen.  Il  y  a  lieu  d  insister  sur  ce  fait  alors  que 
nos  collègues  du  département  du  Nord  semblent  accepter  la 
détermination  des  archéologues  belges  qui  considèrent  les 
couches  mesviniennes  comme  étant  du  quaternaire  le  plus 
ancien. 

M.  Adrien  de  Mortillet  fait  remarquer  qu'il  y  a  là  une 
erreur  analogue  à  ce  qui  se  passe  en  Italie  où  les  paléo-ar- 
chéologues  ont  souvent  de  la  tendance  à  considérer  comme 
quaternaire  le  plus  ancien,  le  quaternaire  qu'ils  observent 
chez  eux.  Or  ce  quaternaire  est  bien  le  plus  ancien  qu'ils 
aient  chez  eux,  mais  ce  n'est  pas  le  plus  ancien  d'une  façon 
absolue;  il  correspond,  comme  en  Belgique,  au  quaternaire 
moyen. 


642  SÉANCE   DU   5   NOVEMBRE    1891. 

Adbéslona  ft  des  Consrès. 

Le  Comité  d*organisation  du  Congrès  international  des 
américanistes  de  1892  (!•'  au  6  octobre  1892)  au  couvent  de 
Santa-Maria  de  la  Rabida  (province  de  Huelva),  ayant  en- 
voyé un  programme  et  un  bulletin  d'adhésion,  M.  Salmon 
demande  que  la  Société  souscrive  à  ce  congrès. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  demande  également  que  la  So- 
ciété souscrive  au  Congrès  de  Moscou,  et  que  ces  deux  pro- 
positions soient  renvoyées  au  Comité  central.  (Adopté.) 

Délégalioii  ■aiaaiillqaa. 

M.  BoRDiER  expose  que  M.  Godel»  voyageur  de  la  Compa- 
gnie française  africaine  occidentale,  désire  recevoir  de  la 
Société  des  instructions  en  vue  de  recherches  anthropologi- 
ques. Il  demande,  en  outre,  que  la  Société  veuille  bien  ac- 
corder à  ce  voyageur  une  délégation  pour  un  an. 

Cette  demande  est  appuyée  par  MM.  Hervé  et  Uovelacque. 

La  Société  consultée  accorde  à  M.  Godel  une  délégation 
scientifique  pour  l'année  1892. 

OUVRAGES  OFFERTS. 

AuBRY  (D^  Paul).  La  Mortalité  et  la  Mortinatalxté  dans  le  dépar^ 
tement  des  Côtes-du-Nord,  et  plus  spécialement  dans  Varrondis- 
sèment  de  Saint-BvieuCy  m  Annales  d'hygiène  publique  et  de 
médecine  légale,  octobre  1891.  Paris,  in-8»,  28  pages.  (Ces 
deux  brochures,  présentées  par  M.  Manouvrier,  sont  des- 
tinées au  concours  pour  le  prix  Berlillon.) 

Baye  (J.  de).  liappotH  sur  le  congrès  archéologique  et  histori- 
que de  Bruxelles.  Paris,  1891,  in-S*»,  20  pages. 

—  Sépulture  gauloise  de  Saint-Jean^sur- Tourbe,  in  Congrès 
international  d'anthropologie  et  d'archéologie  préhistorique, 
Paris,  1891,  8  pages  et  figures 

Bertaux  (D'^  a.).  VHuméi'us  et  le  Fcmw\  considérés  dans 
les  espèces,  dans  les  races  humaines,  selon  les  sexes  et  selon 


OUVRAGES  OFFERTS.  643 

Vâge.  Paris,  1891,  in-8',  318  pages  et  figures  (ouvrage  pré- 
senté par  M.  Malhias  Daval). 

Dareste  (D'  Camille).  Recherches  sur  la  production  ariifi* 
cielle  des  monstruosités  ou  Essai  de  tératogénie  expérimentale^ 
V  édit.,  revue  et  augmentée.  Paris,  1891,  grand  in  8**,  590  pa« 
ges,  figures  et  planches.  (Cet  ouvrage  est  présenté  par 
l'auteur.) 

M*GuiRE.  The  Stone  Nommer  and  iis  Various  Uses^  in  the 
American  Anthropologist,  vol.  lY,  no  A,  i 891.  Washington» 
in-8o,  i2  pages  et  figures. 

Manouvrier  (D'  L.).  L* Atavisme  et  le  Crime^  extrait  de  la 
Revue  de  l'Ecole  d'anthropologie  (15  août  1891). 

Nadaillag  (de).  Les  plus  anciens  vestiges  de  V homme  en 
Amérique^  in  Revue  des  questions  scientifiques^  juillet  1 891  • 
Bruxelles,  in-S'»,  54  pages. 

Roter  (M""  GlAmikcb).  Jm.  Terre  et  ses  anciens  habitants. 
Bruxelles,  1891,  in-8%  16  pages. 

—  Les  Sciences  de  la  vie.  Bruxelles,  1891,  in-8»,  38  pages. 
(Ces  deux  ouvrages  sont  présentés  par  l'auteur.) 

Wood-Mason  (J).  Notes  on  some  objects  from  a  neolithic 
settlement  at  Ranchi,  in  Journal  ofthe  Asiatic  Society  ofBen* 
gai,  n°  4,  1888.  Calcutta,  1889,  in-8%  12  pages  et  figures. 
(Ouvrage  présenté  par  M.  P.  Regnault.) 

Société  de  médecine  légale  de  France  {Bulletin,  tome  XI), 
Paris,  in-8o. 

0.  Yauvillé,  Notes  sur  les  fouilles  et  les  objets  trouvés  dans 
l'enceinte  dite  du  Camp  de  Pommiers,  près  de  Soissons  (Aisne). 
Mémoire  sur  plusieurs  enceintes  antiques  du  département  de 
l'A  isne, 

Sénequier  (Paul).  Saint  -  Vallier,  Qrasse,  1891,  in-S**, 
86  pages. 

M.  IssAURAT.  J*ai*rhonneur  de  vous  présenter  un  exem- 
plaire de  la  brochure  que  M.  Sénequier,  juge  de  paix  de 
Grasse,  a  publiée  Tannée  dernière  sur  Saint-Yallier,  un  des 
chefs-lieux  de  canton  des  Alpes-Maritimes. 
Plusieurs  d'entre  vous  connaissent  M.  Sénequier,  soit  par 


644  SÉANCE  DU  5  NOVEMBRE    1891. 

son  travail  sur  les  Anciens  Camps  retranchés,  soit  par  ses  élu- 
des sur  les  Patois  de  Biot,  de Mons,  etc.,  brochures  que  nous 
avons  dans  notre  bibliothèque.  Dans  sa  monographie  de 
Saint-Vallier,  Tauteur  remonte  aux  temps  préhistoriques.  Il 
mentionne  les  nombreux  objets  des  âges  de  la  pierre  et  du 
bronze  trouvés  dans  cette  localité  riche  en  monuments  mé* 
galithiques,  dont  notre  collègue,  M.  de  Mortillet,  a  eu  occa- 
sion de  parler,  et  qui  ont  été  visités,  fouillés,  décrits  par 
nombre  d'archéologues,  M.  Sénequier  lui-même,  M.  Bour- 
guignut,  M.  Rivière,  etc. 

L'époque  gallo-romaine  est  aussi  représentée  à  Saint- 
Yallier  et  dans  ses  environs  par  les  restes  d'enceintes  for- 
tiflées  que  Ton  nomme  dans  le  pays  castellaras.  Ces  con- 
structions grossières  ont  été,  de  la  part  de  M.  Sénequier, 
Tobjet  d'études  spéciales  auxquelles  rendait  justice  M.  Char- 
les Robert  dans  la  Revue  des  Sociétés  savantes.  L  auteur 
note  ensuite  les  faits  les  plus  remarquables  du  moyen  âge 
dont  ce  village  a  été  le  théâtre,  pour  en  arriver  aux  «  droits, 
facultés  et  privilèges  »  dont  jouissaient  les  seigneurs  spi- 
rituels et  temporels^  aux  amendes  qu'ils  infligeaient, 
celle-ci,  par  exemple,  que  je  cile  par  curiosité  :  Hecolligei^e 
mère  triées  per  très  dies,  interdiction  que  M.  Sénequier  laisse 
au  lecteur  le  soin  de  traduire,  et  qui  se  payait  25  livres.  Il 
parle  assez  longuement  de  la  composition  du  corps  munici- 
pal^ du  conseil  général  de  la  commune,  des  élections  et 
des  luttes  diverses  que  la  communauté  eut  à  soutenir  contre 
le  chapitre,  les  Evoques  et  autres  autorités  de  ce  temps  ; 
toutes  choses  très  curieuses,  très  intéressantes  et  très  in- 
structives. 

11  rappelle  l'histoire  locale  de  Saint-Vallier  pendant  la 
Révolution,  et  il  termine  par  l'énumération  de  quelques  tra- 
vaux et  créations  qui  marquent,  pour  ce  pays,  les  princi- 
pales dates  de  Fépoque  contemporaine. 

Je  voudrais  terminer  ce  très  bref  et  très  incomplet  compte 
rendu  en  soumettant  à  votre  appréciation  une  observation, 
nn  vœu  que  je  vais  résumer  rapidement,  et  que  m'a  suggéré 


OUVRAGES  OFFBKTS.  645 

la  lecture  de  celle  brochure  plus  imporlante  an  fond  qu'il 
n'y  paraît  au  premier  abord. 

Quand  on  vit  quelque  temps  dans  les  villages,  dans  ceux 
de  nos  provinces  éloignées  surtout,  et  que  1  on  parle  avec 
les  habitants  du  pays,  on  est  frappé  de  leur  ignorance  pro- 
fonde de  Thistoire,  même  contemporaine,  j'entends  This- 
toire  du  peuple  en  général,  et  celle  de  leur  propre  localité 
en  particulier.  On  dirait  des  éphémères  (je  parle  de  la  géné- 
ralité) qui  naissent  le  malin  pour  disparaître  le  soir,  ne  se 
préoccupant  que  d'une  façon  très  vague,  très  superficielle, 
des  événements  les  plus  importants,  de  leurs  causes,  de 
leurs  résultats^  en  dehors  de  ceux  bien  entendu  qui  les  ont 
touchés  directement  ;  n'ayant  d'autre  soin  que  de  se  créer 
une  progéniture  très  bornée  à  laquelle  ils  laisseront,  agrandi 
si  possible,  le  champ  qu'ils  tiennent  de  leurs  parents. 

Je  crois,  comme  l'écrivait  Michelet  en  1846,  dans  un  livre 
trop  oublié  peut-ôtre,  que  le  peuple  a,  en  lui,  un  b^ésor 
qui  se  nomme  la  vertu  du  saa*ifice;  rhistoire  le  démontre, 
et  nous  en  avons  eu  nous-mêmes  des  preuves  récentes.  Lors- 
qu'on le  croit  perdu,  tué,  anéanti,  fini,  il  se  relève  tout  à 
coup,  et  de  façon  à  étonner  le  monde.  Il  est  bien,  selon  l'ex- 
pression légèrement  modifiée  de  Shakspeare,  le  soldat  de 
l'humanité.  Nous  pouvons  nous  l'avouer  sans  être  chauvins. 
On  dit  assez  de  mal  de  nous  à  l'extérieur  et  même  à  l'inté- 
rieur pour  que  nous  n'hésitions  pas  à  dire  à  notre  tour  :  Oui, 
voilà  ce  que  nous  sommes  ;  calomniez  tant  que  vous  voudrez, 
tes  calomnies  et  les  insultes  ne  fausserontpas  l'histoire.  Toutes 
les  voix  de  l'étranger  crient:  Guerre!  guerre!  Toutes  les 
nôtres  répondent  :  Paix  !  paix  ! 

Mais  cette  vertu  dont  parle  Michelet,  et  qu'il  connaît  bien 
pour  lavoir  suivie  dans  toutes  ses  manifestations  à  travers 
les  temps,  le  peuple  l'a  d'instinct.  Eh  bien,  je  ne  crois  pas 
qu'elle  perdît  de  sa  valeur  et  de  sa  force,  parce  qu'il  en  au- 
rait conscience,  parce  qu'il  en  connaîtrait  les  manifestations 
et  les  effets,  parce  qu'il  n'ignorerait  pas  l'histoire  des  grandes 
choses  qu'elle  lui  a  inspirées  et  fait  exécuter.  Je  voudrais 


646  SÉANCE  DU  5   NOVEMBRE   189i. 

donc  —  et  c'est  là  mon  observation,  et  c'est  là  mon  vœu  — 
je  voudrais  que  des  brochures  dans  le  genre  de  celle  de 
M.  Sénequier,  et  rappelant  ce  qui  s'est  passée  ce  qui  s'est  fait 
dans  chaque  village  de  France,  fussent  écrites  par  les  hom- 
mes compétents  de  Tendroit  ;  que  les  instituteurs  en  fissent 
la  lecture  et  l'explication  à  leurs  élèves,  et  qu'ils  commen- 
çassent ainsi  l'enseignement  de  l'histoire  pour  remonter  en- 
snite  de  proche  en  proche  jusqu'aux  temps  les  plus  reculés, 
comme  dans  l'étude  des  cartes  géographiques  on  débute 
par  le  plan  de  l'école  pour  en  arriver  à  la  mappemonde. 
Outre  les  préjugés  et  les  erreurs,  historiques  et  autres^  que 
cet  enseignement  détruirait,  il  provoquerait  chez  les  enfants 
l'attention  la  plus  soutenue,  il  exciterait  l'intérêt  le  plus  vif 
pour  ces  histoires  dont  leur  pays  a  été  le  théâtre,  dont  les 
gens  qu'ils  connaissent  —  leurs  parents  peut-être  —  ont 
été  les  héros  ou  les  témoins.  Ces  narrations,  ces  résurrec- 
tions, comme  dit  notre  historien  national^  auraient^  par  les 
conversations  du  soir,  un  grand  retentissement  dans  les 
familles,  et  tous  ces  braves  gens  de  la  campagne,  dont  Tédu- 
cation  civique  est  si  négligée,  prendraient  enfin  la  conscience 
d'eux-mêmes,  comprendraient  ce  qu'ils  sont,  ce  qu'ils  peu- 
vent, ce  qu'est  la  France,  le  peuple,  la  Révolution,  les  efforts, 
les  sacrifices  qu'ont  coûtés  chacune  des  libertés,  chacun  des 
droits  que  nous  avons  acquis,  les  luttes  qu'il  a  fallu  et  qu'il 
faut  soutenir  pour  les  conserver  et  les  accroître,  et  alors  ils 
travailleraient  d'une  façon  intelligente  à  mettre  un  terme  aux 
divisions,  aux  défaillances,  aux  croyances  erronées  qni  nous 
font  si  souvent  craindre  un  retour  en  arrière,  une  décadence 
irrémédiable. 

L'idée  de  la  patrie  française  ainsi  enseignée,  ainsi  com- 
prise, deviendrait,  je  le  crois,  la  meilleure  des  sauvegardes 
contre  les  malheurs  et  les  dangers  qui  peuvent  nous  menacer^ 
et  d'où  qu'ils  viennent. 

Voilà  le  vœu  que  je  voulais  vous  communiquer,  vœu  qui 
m'a  été  inspiré  par  la  lecture  du  petit  opuscule  de  M.  Séne- 
•juier,  vœu  qui  sera  entendu,  je  l'espère. 


OBJETS  OFFERTS.  647 

TopiNAHD  (D'  P.).  L Homme  dans  la  nature.  Paris,  1891, 
in-8',  352  pages  et  Dgupes. 

M.  ToPLNARD.  Le  volume  que  j'ai  Thonneur  d'offrir  à  la 
Société  n'est  pas  un  livre  de  vulgarisation,  mais  une  œuvre 
personnelle.  En  1876,  mon  premier  ouvrage  d'anthropologie 
reflétait  surtout  les  enseignements  de  Broca.  En  1886,  un 
second,  quoique  plus  original  déjà,  s'inspirait  encore  des 
travaux  de  Broca.  Dans  celui-ci,  je  me  suis  dégagé  de  toute 
influence  et  me  suis  efforcé  d'être  moi-même  exclusivement. 
11  y  a  bientôt  vingt-cinq  ans  que  je  m'occupe  uniquement 
d'anthropologie;  j'ai  pensé  que  j'avais  le  droit  de  me  pronon- 
cer sur  beaucoup  de  questions,  notamment  sur  ce  qui  touche 
le  parallèle  de  l'homme  et  des  animaux,  et  la  place  de 
l'homme  parmi  les  mammifères. 

PÉRIODIQUES. 

Archives  de  médecine  navale  et  coloniale^  octobre  1891. 
D''Bonnafy  et  Mialaret  :  le  Tokelan  et  la  Lèpre  aux  Iles  Fidgi. 

Revue  scientifique  {n«*  16  et  17, 'octobre  1891).  Wilson 
(Daniel)  :  Droiterie  et  Gaucherie.  —  D»*  A,  Dumont  :  la  Nata- 
lité dans  les  communes  rurales  en  France. 

Ymer  Tidskrift,  1891,  n*»  1.  Klinckov^rstrôm  (A.)  :  Sur 
l'emploi  probable  des  outils  quaternaires  dits  bâtons  de  com^ 
mandement. 

Zeitschrift  fur  Ethnologie,  189 1 ,  Heft  IV.  D»"  G.  Forstemann, 
Zur  Maya-Gronologie,  avec  figure.  —  D'  0.  Schellong  : 
Beitràge  zur  Anthropologie  der  Papua,  avec  figures. 

OBJETS  OFFERTS. 
Pbolographies  de  Dahoméens. 

M.  le  docteur  Moran  présente  et  offre  à  la  Société,  en  son 
nom  et  au  nom  de  M.  Denis,  une  série  de  photographies  de 
Dahoméens,  qu'ils  ont  exécutées  au  Jardin  d'acclimatation, 
grâce  à  l'appui  de  la  Société. 


648  SÉANCE  OU   5   NOVEMBRE    1891. 

Photographieii  de  Halaisie,  Indo-Chine  el  C6le  da  HalAbar. 

M.  LE  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL  présente  un  grand  albani  de 
photographies  de  types  humains,  objets,  habitations,  Indo- 
Chine,  Malaîsie  et  côte  du  Malabar,  offert  parM.Beauregard, 
au  nom  de  M.  Glaine,  ainsi  qu^une  carte  de  1748  de  ces 
mêmes  régions. 

PRÉSENTATIONS. 
IVéolithiqne  de  SelBe*et*Ol8e. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  présente  de  la  part  de  M.  Emile 
Gallais,  instituteur  à  Saint-Michel-sur-Orge,  présent  à  la 
séance,  d'intéressants  silex  néolithiques,  provenant  de  di« 
verses  localités  du  département  de  Seine-et-Oise. 

Il  fait  surtout  remarquer  un  élégant  coup  de  poing,  de 
dimensions  au-dessous  de  la  moyenne,  mesurant  105  milli* 
mètres  sur  75,  caractères  qui  permettent  d'attribuer  cet  in- 
strument plutôt  à  Tacheuléen  ou  moustérien  inférieur  qu'au 
chelléen.  Malgré  le  soin  qui  a  présidé  à  sa  taille,  cette  pièce 
montre  encore  quelques  traces  de  croûte  vers  la  base.  C'est 
évidemment  intentionnel,  pour  qu'on  puisse  facilement  saisir 
à  la  main  l'instrument  et  s'en  servir  sans  se  blesser.  Trouvé 
à  la  surface  du  sol,  ce  coup  de  poing  est  recouvert  d'une 
belle  patine  blanche  des  deux  côtés.  Il  provient  de  Douhans- 
Blaru,  limite  des  déparlements  de  Scine-et  Oise  et  de  TEure, 
près  de  Yernon. 

La  plaine  de  Blaru  a  aussi  fourni  une  énorme  ébauche, 
taillée  avec  soin,  de  hache  polie.  Longueur,  33  centimètres; 
largeur  variant  entre  10  et  8  centimèlres  ;  épaisseur  moyenne, 
6  centimètres.  Le  poids  est  de  3'',80.  Ces  fortes  proportions 
et  le  fini  du  travail  ont  fait  croire  à  quelques  personnes 
qu'au  lieu  d'être  une  simple  ébauche  de  hache^  c'était  un 
instrument  spécial.  Cette  pièce,  évidemment  néolithique,  est 
beaucoup  moins  patinée  que  la  précédente,  bien  qu*étant 
comme  elle  en  silex  de  la  craie. 


eu.   FÉRÉ.  —  DYNAMOMÈTRE  MAXILLAIRE.  649 

Tigery,  confins  de  la  forêt  de  Sénart,  près  de  Gorbeil,  a 
fourni  une  hache  polie  en  silex  d'eau  douce,  mais  de  dimen- 
sions  bien  moindres.  Elle  ne  mesure  que  12  centimètres  de 
long  sur  7  de  large.  Diminuée  par  l'usage,  qui  a  forcé  de 
reaiguiser  le  tranchant,  on  a  piqué  le  sommet  sur  la  moitié 
de  la  longueur  totale  de  Tinstrument  pour  pouvoir  le  fixer 
plus  solidement  dans  un  emmanchure.  La  même  localité  a 
fourni  aussi  d'autres  haches  en  grès  lustré  ou  en  silex  d'eau 
douce,  caractérisé  par  des  grains  de  chara,  le  silex  de  la  craie 
ne  se  trouvant  pas  en  place  dans  la  région. 

Une  dernière  pièce,  méritant  d'être  signalée  d'une  manière 
spéciale,  est  un  double  tranchet,  avec  rétrécissement  sur  le 
milieu  de  la  longueur.  Il  provient  de  Montreuil-sur-Epte 
(Seine- et-Oise),  où  existe  une  station  néolithique  qui  s'étend 
sur  la  commune  de  Berthenonville,  de  l'autre  côté  de  TEpte 
(Eure).  Parmi  les  échantillons  de  cette  station  présentés  par 
M.  Gallais,  se  trouve  un  autre  tranchet  de  type  ordinaire, 
assez  fort,  ayant  servi  de  percuteur.  Le  tranchant,  complè- 
tement détruit,  est  remplacé  par  les  étoilures  habituelles  des 
percuteurs. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  rappelle  que  M.  Gallais  a  exposé, 
en  1889,  un  remarquable  musée  pédagogique.  Placé  dans  la 
galerie  de  l'agriculture,  il  n'a  peut-être  pas  été  remarqué 
autant  qu'il  le  méritait.  Ce  musée  contenait  plusieurs  ta- 
bleaux de  palethnologie.  Nous  devons  chaudement  féliciter 
M,  l'instituteur  de  Saint-Michel- sur-Orge  des  efiTorts  qu'il 
fait  pour  propager  la  science,  efforts  qui,  comme  nous  ve- 
nons de  le  voir,  s'étendent  au  loin  et  produisent  certaine- 
ment d'excellents  résultats. 

Note  sur  on  dynamomèlre  maxillaire  ; 

PAR    M.    CH.    FÉRB. 

J'ai  fait  construire  par  M.  Aubry  un  dynamomètre  destiné 
à  mesurer  l'énergie  des  muscles  élévateurs  de  la  mâchoire 
inférieure. 


KSO  SÉANCE  nu  5  novembric  1S91. 

Cet  instrument,  qui  peut  servir  en  médecine  à  l'exploration 
des  paralysies  de  ia  branche  motrice  du  nerf  trijumeau',  me 
paraît  pouvoir  èlre  utilisé  dans  les  recherches  anlbropomé- 
triqiies.  J'ai  déjs  pu  constater  que  l'énergie  des  muscles  qui 
meuvent  la  m&choire  n'ont  aucun  rapport  nécessaire  avec 
l'énergie  de  ceux  de  l'avant-bras,  qui  sont  l'objet  des  explo* 
rations  les  plus  ordinaires*.  Il  parait  y  avoir  un  rapport  entre 
l'énergie  des  muscles  de  la  mastication  et  le  développement 


DjQaiDomèlre  muilttire. 

U  U',  larriMi  giralM  d<  plomb  mpportul  !■  pnuiDD  de*  dsol*. 

de  la  mandibule.  C'est  ainsi  qu'on  remarque,  en  général,  nne 
grande  faiblesse  des  mouvements  chez  les  individus  qui 
présentent  une  apophyse  dite  lémurienne,  coïncidant  géné- 
ralement, chez  l'iiomme,  avec  un  dûveloppemenL  défectueux 
des  dents'.  Cette  exploration  peut  présenter  quelque  ialérêt 
chez  les  criminels. 

•hjeta  préhlsifti^DCB  éxt  ■yaare  |l>de). 

M.  le  docteur  P.  Rkgnault  offre  à  l'École  d'anthropo- 
logie : 

<  Ch.  Féré,  Nul»  tw  l'exploralitm  dtt  mimvfmiils  di  qurlqutt  muxc'et  de 
tafac*  {Comp/cl reiului  dâlaSoeiélé  de  biologie,  1890,  p.  619;  1891,  p.  619). 

*  Ch,  Féré,  Soi*  lur  la  dynamomilTîi  compara  d*t  fUchùieurt  dtt  ttoigt* 
*t  dei  fléialturi  de  ta  mdchoire  {Compitt  rradui  de  ta  SocitU  de  biologie 
11*1,  p.  683). 
.   '  Ch.  Frré,  ta  Épitepiiti  et  lei  êpilfpliquts.'  1S90,  ji.  JsU. 


T.AJARD.  —   SILEX   MOUSTÉRIEXS  DE   SALIKS-DE-BÉARX.      651 

1"  Un  polissoir  qui  devait  servir  à  écraser  les  grains; 

2"  Une  hache. 

Ces  deux  objets  paraissent  dater  de  l'époque  néolithique. 
Ils  proviennent  de  grottes  fouillées  dans  le  Mysore  (sud  de 
rinde),  et  qui  ont  amené  la  découverte  de  grandes  quantités 
d'objets  semblables,  actuellement  conservés  au  musée  de 
Madras. 

M.  Fauvelle  présente  des  moulages  de  cerveaux  de  plu- 
sieurs membres  de  la  Société  mutuelle  d^autopsie.  A  ce  pro- 
pos, il  fait  Thistorique  de  cette  Société. 

(La  communication  de  M.  Fauvelle  sera  publiée  ultérieu- 
rement.) 

Silex  moaslériena  de  Salles- de-Béarn  ; 

PAR   M.    LAJARD. 

Les  éclats  de  silex  que  j*ai  l'honneur  de  présenter  pro- 
viennent de  Salies-de-Béarn. 

Gomme  ils  ont  fait  l'objet  d'une  communication  à  TAsso- 
cialion  françaises  quelques  mots  suffiront  pour  rappeler  une 
particularité  de  leur  gisement.  Celui-ci  est  constitué  par  des 
graviers,  d'une  épaisseur  d'environ  2  mètres,  et  dépourvus 
de  traces  d'enfouissement  aux  points  où  se  sont  rencontrées 
les  pièces.  Surmontant,  d'une  part,  des  marnes  tertiaires 
relevées  presque  verticalement,  ils  sont  eux-mêmes  recou- 
verts par  une  mince  couche  végétale.  Ces  graviers  s'étendent 
sur  de  nombreuses  collines  à  l'altitude  moyenne  de  60  mètres. 
Les  éclats  se  trouvaient  à  16,  W  et  24  mètres  au-dessus  du  lit 
du  Salies,  petite  rivière  qui  coule  à  quelque  distance.  Ces 
cotes  peuvent  présenter  quelque  intérêt  en  ce  qui  concerne 
le  creusement  de  la  vallée;  elles  ont  été  prises  au  niveau  à 
bulle  d'air. 

1  Par  M.  Sallenavei  agent  voyer  à  Orthez.  Je  le  prie  d'agréer  mes  remer- 
ciements. 


6S2 


SÉANCE  BU  5   NOVEMBnE   4894. 


C0I1MU;«1CAT10N$. 

[alfomialloB  eonf^énltale  d«  pmvilloa  de  l'arellle  sa«€ 
ehes  na  eofanl;  Imperformlion  da  conduit  auditif  extcri 
Tentative  opératoire  ; 

PAR    MX.    G.    VARIOT   ET   CHATELLIER. 


DaDS  une  précédente  communication  à  la  Société  d*{ 
Ihropologie,  Tun  de  nous  a  décrit  d'une  manière  très  préci 
avec  un  moulage  en  plâtre,  l'aspect  anormal  du  pavill 
d'une  oreille  gauche,  qui  était  déformé,  recroquevillé 
imperforé. 

Guidé  par  des  observations  antérieures  sur  rhémimél 
M.  Yuriot  avait  admis,  d'accord  avec  Magitot,  que  la  malf 
mation  du  pavillon  pourrait  bien  avoir  été  consécutive  àv 
amputation  congénitale;  la  rétraction  cicatricielle  aui 
expliqué  la  soudure  de  la  peau  à  lorifice  du  conduit  aud 
externe  complètement  imperforé. 

Les  explorations  que  nous  avions  faites,  soit  en  appliqu; 
la  montre  ou  le  diapason  sur  la  région  du  temporal  avoi 
nant  l'oreille  gauche,  semblaient  avoir  démontré  que  la  p 
ception  des  vibrations  sonores  était  conservée  du  côté  de 
difformité.  Ce  fait  était  aussi  de  nature  à  faire  supposer  c 
le  conduit  auditif  et  Toreille  moyenne  étaient  complè 
ment  obturés  et  non  pas  tolaleraent  absents. 

Néanmoins,  M.  Hervé,  lors  de  la  présentation  de  no 
pièce,  avait  fait  des  réserves  sur  l'interprétation  propoi 
par  M.  Magitot  et  adoptée  par  M.  Variot;  il  penchait  plu 
vers  un  arrêt  de  développement  que  vers  une  amputatj 
congénitale  pour  rendre  compte  de  la  malformation 
pavillon. 

D'autre  part,  M.  Dareste,  l'éminent  tératologiste  auq 
nous  demandions  son  opinion  sur  ce  cas  singulier,  n< 
répondait  qu'on  avait  abusé  de  l'hypothèse  des  amputati( 
congénitales  pour  expliquer  les  monstruosités  fœtales  et  c 


VARIOT   ET  CIlAtELLII^iR.  —   MALFORMATION  CONGÉNITALE.    65S 

les  arrêts  de  développement  étaient  plus  fréquents  qu'omite 
le  supposait  généralement.  ni 

Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Cadet  de  Gassicourt,  dans  kp 
salles  duquel  se  trouve  encore  la  petite  fille  à  l'hôpital  Trous- 
seau, M.  Chatellier  a  fait  une  tentative  opératoire,  qui  semble 
prouver  que  nous  avions  affaire  à  un  arrêt  de  développa 
ment  de  l'appareil  auditif  externe  et  non  aux  conséquences 
d'une  amputation  congénitale.  sr 

La  mère  a  consenti  à  ce  que  Ton  essayât  de  rendre  Touïef  li^ 
son  enfant,  et  le  28  octobre  1891,  M.  Chatellier  procéda.^ 
l'opération  après  l'administration  du  chloroforme.  xo 

Le  nettoyage  antiseptique  de  la  région  étant  achevé,  qh 
pratique  une  incision  courbe  suivant  l'insertion  postérieure 
du  pavillon;  cette  incision  commence  au-dessus  de  la  plaçj^ 
où  l'on  suppose  que  se  trouve  le  conduit  auditif,  elle  est  prq7 
longée  en  bas  jusqu'à  1  centimètre  au-dessus  du  lobule  dd 
l'oreille.  ii 

Le  pavillon  est  rabattu  en  avant,  ce  qui  met  à  nu  les  plaa9 
sous-jacents  et  spécialement  la  région  où  est  situé,  à  Tétat 
normal,  l'orifice  du  conduit  auditif  externe.  On  décolle  les 
parties  molles,  le  tissu  cellulaire  et  le  périoste;  la  surfacje 
osseuse  du  temporal  peut  être  directement  explorée. 

En  palpant  avec  la  pulpe  de  l'index^  on  sent  une  dépres'»^ 
sion  légère  qui  correspond  sans  doute,  vu  sa  place,  à  ce  qui 
devrait  être  l'entrée  du  conduit  auditif.  Mais  cette  dépression 
n'a  que  1  ou  2  millimètres  de  profondeur  sur  4  ou  5  de 
diamètre.  Dans  cette  petite  cupule,  le  stylet  heurte  contrq 
un  plan  très  résistant,  osseux,  sans  qu*il  soit  possible  de 
pénétrer  dans  la  profondeur  par  un  trajet  naturel  quel- 
conque. Il  y  a  donc  un  mur  osseux  qui  ne  se  laisse  pas 
déprimer,  même  par  une  pression  forte  avec  la  pointe  d'une 
spatule. 

Devant  cet  obstacle  et  dans  l'incertitude  où  Ton  est  de  la 
conformation  du  temporal  et  notamment  delà  position  qu'oc- 
cupe le  sinus  latéral,  nous  avons  pensé  qu'il  serait  imprudent 
et  même  dangereux  de  pousser  plus  loin  l'intervention  chi- 

T.  II  (4«  série).  42 


CM  SÉANCE  DU  5  NOVBMBBE  1891. 

dmrgîcale.  D'ailleurs  noue  n'avions  plus  d'espoir  de  rendre 
Touïe  à  la  malade.  La  plaie  est  suturée  et  Ton  applique  un 
pansement  antiseptique. 

-'■i  Cette  tentative  opératoire,  en  mettant  à  nu  l'os  temporal, 
«  permis  de  constater  que  i'imperforation  du  canal  auditif 
-était  à  la  fois  cutanée  et  osseuse. 

fit)  Si  la  difformité  du  pavillon  imperforé,  apparente  extérieu- 
rement, avait  reconnu  comme  cause  une  amputation  congé- 
éttale  par  bride  amniotique  ou  par  un  autre  mécanisme 
fticonnu,    la  soudure,  l'occlusion    cicatricielle  de  l'orifice 
externe  dueonduit  auditif  aurait  simplement  fermé  Tune  des 
extrémités  du  canal  osseux  préformé. 
^'  Au  moment  où  le  pavillon  de  l'oreille  a  déjà  un  développe- 
Hfient  suffisant  pour  offrir  une  prise  à  un  agent  vulnérant 
Quelconque,  le  conduit  auditif  est  modelé,  et,  après  la  lésion 
congénitale  extérieure,  il  persisterait  plus  ou  moins  déformé 
derrière  le  bouchon  cutané.  Chez  notre  enfant,  au  contraire, 
f imperforation  est  non  seulement  cutanée  mais  osseuse  ;  à 
^ine  y  a>t-il  une  légère  dépression  à  l'endroit  où  devrait 
être  placé  Toriflce  externe  du  canal  auditif.  Mais  cette  dépres- 
sion est  limitée  au  fond  par  un  mur  osseux  très  résistant,  de 
sorte  qu'il  est  impossible  de  savoir  s'il  y  a  même  un  vestige 
profond  de  conduit  auditif. 

Nous  pouvons  donc  affirmer  que  la  malformation  est  impu- 
table à  un  véritable  arrêt  de  développement  qui  a  porté 
simultanément  sur  le  conduit  auditif  et  sur  le  pavillon  de 
l'oreille,  lequel  n'a  pas  pris  son  épanouissement  ordinaire. 

Discussion. 

M.  Hervé,  répondant  à  une  observation  de  M.  Magitot, 
dit  que,  dans  ce  cas,  il  a  pu  y  avoir  développement  normal 
de  l'arc  branchial,  cartilage  de  Meckel,  tandis  qu'il  se  pro- 
duisait une  oblitération  de  la  fente  sous-jacente,  au  point 
correspondant  au  conduit  auditif. 


TERRIER  DU  CARNE.  —  GISEMENT   CUËLLÉEN.  65S 

Glsemenl  ehelléen  de   Im  bmllmsiiére  de  Flinfi-les-lHiireaiiiL 

(Seine  el-Oise); 

PAR  M.    PfiRRlKR   DU   CARME. 

Entre  les  gares  d'Épone  et  des  Mureaux,  à  gauche  de  la 
ligne  du  chemin  de  fer  allant  vers  Paris  et  à  hauteur  de  la 
borne  kilométrique  n«  42,  la  Compagnie  de  TOuest  possède 
une  vaste  ballastière,  actuellement  exploitée  par  MM.  Bou- 
din et  0\ 

Cette  ballastière,  située  sur  la  commune  de  Flins  et  dis- 
tante d'un  kilomètre  de  la  Seine,  est  entièrement  formée 
d'alluvions  quaternaires. 

Les  couches  de  sable  et  de  cailloux  plongent  de  haut  en 
bas  et  de  Test  à  Touest^  mais  d'une  façon  peu  sensible. 

L'épaisseur  des  alluvions  quaternaires  atteint  7  mètres 
environ  et  se  compose  de  haut  en  bas  de  : 

I.  Terre  végélale •...•     0,50 

II.  Sable  rouge  et  gravier 4),80 

III.  Cailloux  roulés   et  sable  gris  avec  couches  peu 

épaisses  de  sable  gris  pur • 2,SK0 

IV.  Sable  gris  pur  mêlé  de  deux  ou  (rois  couches  peu 

épaisses  de  cailloux 1,30 

V.  Cailloux  roulés  mêlés  de  sable  gris  avec  deux  ou 

trois  lits  dn  sable  pur S,30 

7,00 

La  partie  inférieure  de  la  couche  de  cailloux  n®  3  est  agglo- 
mérée par  les  eaux  d'infiltration  et  forme  un  poudingue 
assez  dur,  tandis  que  la  partie  supérieure  de  la  couche  sa- 
bleuse n*>  4  se  transforme  en  grès  sous  la  même  influence. 

Toute  Talluvion  quaternaire  est  parsemée  çà  et  là  de  blocs 
de  grès  et  de  calcaire  grossier  éocène  provenant  de  rérosion 
des  collines  qui  enserrent  le  lit  de  la  Seioe.  Elle  repose  direc- 
tement sur  la  craie  tendre  appartenant  à  l'étage  crétacé. 

L'étiage  de  la  Seine,  en  face  de  la  ballastière,  est  à  l'alti- 
tude de  i4'",66;  le  sommet  de  la  ballastière  à  l'altitude  de 
29-»,  16  et  la  base  à  a*9",i6,  d'où  un  écart  de  T^fiO  entre 


656  SÉANCE  DU  5  NOVËMBItE  1891. 

Tétiage  de  la  Seine  et  le  plus  bas  niveau  de  la  couche  qua- 
ternaire. 

Pensant  que  cette  ballastière  pouvait  contenir  des  silex 
taillés,  je  commençai  à  Pexplorer  et,  m'étant  muni  d'une 
hache  provenant  de  Saint-Acheul,  je  la  montrai  aux  ouvriers 
en  leur  demandant  s'ils  n  avaient  pas  quelquefois  trouvé 
dans  le  gravier  des  pierres  semblables.  Quelques-uns  me 
répondirent  qu'ils  croyaient  en  effet  en  avoir  rencontré,  et 
leur  ayant  demandé  de  mettre  en  réserve  celles  qu'ils  pour- 
raient trouver  par  la  suite,  j'eus  le  plaisir,  à  ma  seconde 
visite,  de  rapporter  deux  haches  ;  puis  une  troisième  fut 
extraite  devant  moi  et  j'en  recueillis  depuis  quelques  autres 
et  quelques  éclats  provenant  de  la  taille. 

Les  silex  taillés  appartiennent,  pour  la  presque  totalité,  à 
Tépoque  chelléenne;  les  uns  affectent  la  forme  en  amande, 
les  autres  sont  tronqués  vers  l'extrémité  la  plus  large  ; 
quelques  rares  pièces  montrent  déjà  le  passage  au  mous- 
térien. 

J'ai  même  recueilli  une  pointe  longue  de  9  centimètres, 
large  de  5  centimètres,  absolument  plane  sur  l'une  de  ses 
faces,  retaillée  sur  l'autre,  semblable  au  type  moustérien 
pur. 

Ces  objets  de  pierre  sont  presque  tous  en  silex;  je  n'en  ai 
trouvé  que  deux  en  grès  dur.  Ils  présentent  tous  le  poli  lui- 
sant caractéristique  des  instruments  ayant  subi  le  frottement 
du  sable.  Les  arêtes  de  la  plupart  d'entre  eux  sont  intactes, 
quelques-uns  cependant  ont  été  roulés. 

Les  ossements  fossiles  que  j'ai  recueillis  dans  cette  ballas- 
tière, et  ceux  que  je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Boudin  appar- 
tiennent à  un  bovidé,  à  un  cervidé,  au  cheval,  à  un  grand 
félin  et  à  l'éléphant. 

Les  dents  d'éléphant  sont  de  VE.pnmigenius;  mais  l'épais- 
seur des  lamelles  et  la  largeur  de  l'émail  indiquent  qu'elles 
proviennent  de  la  race  ancienne. 

M.  Jordan,  de  Lyon,  a  fait  de  cette  race  le  type  de  V£.  th^ 
termedius,  auquel  il  a  joint  VE,  antiquus. 


CLÉMENT  RUBBEiNS,  —  ANCIEN  CIMETIÈRE  ET  SARCOPHAGES.     657 

M.  de  Mortillet  a  bien  voulu  déterminer  ces  dents,  et  je 
suis  heureux  de  l'en  remercier  ici. 

Le  cheval  et  Téléphant  sont  abondants  dans  le  gisement 
de  Flins-les-Mureaux. 

Les  silex  taillés  et  les  ossements  fossiles  proviennent  de  la 
couche  n«  5,  et  peut-être  aussi  de  la  partie  inférieure  de  la 
couche  sableuse  n*^  4.  A  ma  connaissance,  il  n'a  été  recueilli 
aucun  silex  ni  ossement  à  un  niveau  plus  élevé.  Du  reste, 
toute  la  partie  supérieure  de  la  ballastière  a  été  exploitée 
depuis  longtemps  déjà,  et  Textraction  n*est  pratiquée  actuel- 
lement que  dans  les  couches  inférieures. 

Anelen  «Imetière  et  sareophages 
déeooverls  aiir  la  commane  de  Llnast  près  de  Hoiillbéry 

(Seine-el-Oise)  ; 

PAR   M.    CLÉMENT   RCBBRNS. 

Les  ouvriers  qui  font  en  ce  moment  les  terrassements  et 
nivellements  pour  le  tracé  de  la  nouvelle  voie  du  tramway  à 
vapeur  qui  doit  aller  de  Paris  à  Arpajon,  mirent  à  découvert, 
le  4  octobre  dernier,  sur  la  commune  de  Linas,  à  l'endroit 
dit  les  Sablons,  situé  au  nord  de  Téglise,  et  sur  remplace- 
ment où  doit  être  la  future  gare,  un  cimetière  ancien  dans 
lequel  se  trouvèrent  des  cercueils  en  plâtre  et  en  pierre 
tendre. 

On  ne  fut  pas  surpris  dans  la  localité  de  cette  découverte, 
car  il  y  a  environ  quatorze  ans,  m'écrit  à  ce  sujet  M.  Tabbé 
Gillet,  ancien  curé  de  Linas,  qu'à  cet  endroit,  en  faisant  des 
déblaiements  de  terre,  on  a  découvert  et  on  a  brisé  avec  la 
pioche  des  cercueils  en  plâtre  soudés  ensemble  et  juxtaposés 
comme  les  alvéoles  d'une  galette  de  miel.  On  a  achevé  le 
déblaiement,  et  Ton  n*a  plus  rien  découvert. 

Un  cultivateur  ayant  également  mis  à  jour  un  sarcophage 
en  plâtre,  voulut  s'en  servir  pour  ses  chevaux,  mais  le  sarco- 
phage tomba  presque  aussitôt  en  ruines. 

Un  autre,  en  creusant  un  trou  pour  y  planter  un  arbre. 


658  SâANGE  DU  5   NOVEMBRE    1891. 

mît  à  découvert  un  crâne;  mais  il  s'empressa  de  reboucher 
son  trou  de  crainte  que  cela  ne  lui  portât  malheur,  et  il  en 
fit  un  autre  plus  loin. 

Enfin,  il  est  arrivé  souvent  que  Ton  a  trouvé,  à  la  surface 
du  sol,  des  ossements  humains.  Un  ancien  de  la  localité 
expliquait  le  fait  en  disant  que  la  terre^  continuellement  en 
travail,  rejetait  d'elle-même,  et  comme  par  accouchement, 
ces  ossements  k  la  surface.  11  aurait  été  difficile  de  le  dis- 
suader. 

Le  nombre  des  cercueils  mis  à  découvert  est  de  neuf,  dans 
un  espace  d'environ  20  mètres  de  long  sur  8  de  large.  Deux 
sont  en  pierre,  et  les  autres  en  plâtre.  Parmi  ces  cercueils 
se  trouvaient  une  certaine  quantité  de  gros  clous  carrés  pro- 
venant de  cercueils  en  bois. 

Les  sarcophages  en  plâtre  ont  dû  être  faits  sur  place.  Gela 
se  reconnaît  à  la  surface  irrégulière  des  côtés  extérieurs,  et 
aux  épaisseurs  diverses  que  ces  côtés  ont  dans  leur  longueur. 
Cette  épaisseur  est  de  6,  7,  8  jusqu'à  13  cenlimètres.  Les 
sarcophages  étaient  faits  au  moment  ou  presque  au  moment 
de  la  mise  en  terre,  car  on  voit,  dans  Tun,  deux  creux  très 
prononcés  formés  par  l'emplacement  des  épaules,  ce  qui 
prouve  que  le  plâtre  était  fraîchement  gâché  et  à  peine  pris 
lors  de  la  mise  du  corps. 

Pour  les  sarcophages  en  pierre  dont  voici  les  dessins,  que 
M.  Debled,  ancien  maire  de  Linas,  qui  les  dessinait  pour  lui, 
a  bien  voulu  me  donner  pour  la  Société  d'anthropologie, 
ils  sont  placés  dans  la  position  relative  qu'ils  occupaient;  seu- 
lement ils  étaient  orientés  différemment,  car  tous  sans  excep- 
tion avaient  le  chevet  tourné  vers  Touest.  Il  n'y  avait  ni 
symétrie,  ni  plan  adopté  pour  leur  placement. 

Tous  ces  sarcophages  étaient  vides,  et  Ton  n'y  a  trouvé 
que  très  peu  de  chose  :  un  poignard  en  fer  qui  est  tombé  en 
poussière,  une  boucle  en  bronze  avec  ardillon  plat,  un  an- 
neau en  bronze  brisé,  deux  sortes  de  petits  cœurs  en  bronze, 
dont  un  ayant  un  anneau  soudé  sur  une  face,  une  clef  en 
fer  tordue,  trois  petits  bronzes  romains  dont  un  à  l'effigie  de 


CLÉMENT  RUBBENS.  —  ANC(BN  CIMBTIÈRB  ET  SARCOPHAGES.     91^ 

Constantin,  des  luiles  romaines  ayant  34  centimôtrefl  et  dam 
de  long  sur  29  centimètres  de  large  jet  4  à  5  centimè^f^ 
d'épaisseur.  Telle  est  celle  ci,  qui  est  en  deux  morceaiiiM 
Toutes  celles  trouvées  jusqu'ici  sont  brisées,  et  auront  s#rviî 
probablement  à  recouvrir  les  cercueils.  ,1,) 

Il  n*a  été  trouvé  qu'un  seul  vase  en  terre  rouge  d'une  fof  (PQ 
assez  gracieuse  et  un  fragment  insignifiant  que  M,  Pbilip|p#| 
l'entrepreneur,  m'u  remis.  r.  ,  i  > 

Pour  ce  qui  est  de  Tépoque  romaine,  il  a  été  souMfffA 
trouvé  des  monnaies  dans  la  localité;  et  quoique  la  6tM^>n 
des  Romains  fût  située  à  8  ou  iO  kilomètres,  ^  Gh&tre,jauif^^ 
Jourd'bui  Arpajon,  il  est  probable  qu'ils  avaient  fait  du  n^çvç^ 
L'Héry  un  point  stratégique.  Sa  situation  se  recommai^^M^ 
d'elle-même,  car,  sur  sa  bauteur,  on  domine  à  10  lieue».^l/ai 
ronde.  C'est  pourquoi,  plus  tard,  les  barons  féodaux  y  p^^n 
truisirent  cette  redoutable  forteresse  dont  on  voit  encoi^eij^i^^ 
ruines.  ,  .jup 

De  quelle  époque  sont  ces  sarcophages  et  ce  cimetière  ?  i 

Pendaiit  la  longue  période  qui  s'est  écoulée  entre  enyi^i^^^ 
333  et  987,  et  formant  environ  six  siècles  et  demi,  soi)^  J^ft^ 
dynasties  mérovingienne  et  carlovingienne,  la  même  ^ço^ 
d'enterrer  les  corps  et  d'orner  leurs  cercueils  se  maintint»  j 

La  mise  en  terre  des  corps  se  faisait  de  plusieurs ^jf)f^«j 
nières  :  ,  ,,,,i[ 

Les  personnes  pauvres  étaient  le  plus  souvent  enveloppâmes 
dans  un  linceul  et  déposées  telles  quelles  dans  la  fosse.  ;i    :</ 

Les  personnes  plus  aisées  étaient  mises  dans  un  cefpu^ 
en  bois  dont  l'assemblage  était  fait  au  moyen  de  gros;iç}|9i^ 
carrés;  ou  bien  étaient  déposées  daps  des  sarcophagi^s  i^P; 
plâtre  tout  unis  ou  couverts  d'emblèmes  religieuse.  Gouii^^ 
couvercles  pour  ces  sarcophages,  s'ils  étaient  quelque/S^^'fW 
plAtre,  on  employait  également  tout  ce  qui  tombait  Pfo^uf  \% 
main  :  des  planches,  tuiles,  pierres,  quelquefois  rien  d)i|ji#ji^tj 
peut-être  un  peu  de  paille,  pour  éviter  que  la  terre  ne  tQu^bAI 
directement  le  corps.  ^  «j  [up 

Puis,  il  y  avait,  pour  les  riches,  les  sarcophages  en  piM^nUi 


tt69  SÉANCE   DU  5   NOVEMBRE  489i. 

è^l'tïurienx  de  constater  que,  aune  certaine  époque  de  cette 
^tiode,  s'il  y  a  eu  pénurie  do  pierres,  ce  n'était  pas  que 
W^èKÀ  même  de  Paris  ou  des  environs  ne  pût  en  fournir; 
MAis  peut-être  que  des  particuliers,  par  économie,  ont  voulu 
utiliser  les  pierres  des  ruines  romaines  qui  se  trouvaient  sur 
léiïfB  propriétés.  Quoi  qullen  soit,  il  existe  au  musée  Carna- 
vlilèt  deux  sarcophages  de  cette  époque,  dont  Tun  a  été 
creusé  dans  une  colonne  cannelée  et  l'autre  dans  une  borne 
AiltMaire  romaine. 

^'^Pbur  la  décoration  de  ces  sarcophages  :  le  premier,  celui 
d6^  gauche,  a  le  panneau  du  bout,  côté  de  la  tête^  orné  de 
#bi8  croix  pattées  ;  celles  de  chaque  côté  ont  les  branches 
^^liàversales  moins  allongées;  celle  de  droite  paraît  être  pla- 
ëéesMr  une  colonnette  en  pyramidon.  Entre  les  deux,  une 
pQ^té  surmontée  de  la  troisième  croix  dont  toutes  les  branches 
^â^i'égales  ;  elle  paraît  avoir  le  même  support  ou  appendice 
que  celle  de  droite. 

Le  second  a  le  même  panneau  du  côté  de  la  tête  orné  de 
ti^rls  formant  des  losanges  coupés,  traversés  et  séparés  par 
dés  lignes  qui  lui  donnent  Taspect  des  dessins  d'un  parquet 
Se  Hongrie. 

Les  couvercles  qui  les  recouvrent  sont  presque  plats,  et 
l^angle  que  forment  les  lignes  qui  se  réunissent  vers  le  mi- 
lieu pour  y  former  une  légère  crête,  est  presque  nul. 
^"Ge'  mode  de  décoration  est  resté  le  même  pendant  la 
longue  période  du  quatrième  au  dixième  siècle  inclus,  quoi- 
qWé-  ôvec  des  variantes  dans  la  disposition  des  dessins,  dans 
lë  nombre  des  croix  pattées,  qui  est  de  une,  deux  ou  trois 
éUr  le  chevet,  renfermées  dans  un  cercle  ou  non,  sup- 
portées sur  des  colonnettes  ou  sur  des  sortes  de  chevrons 
^c*boutés  ;  quelquefois,  dans  un  cercle,  la  croix  est  double 
èi  formée  de  huit  rayons  qui  lui  donnent  l'aspect  d'une  roue. 
D'Àtiires  fois  il  y  a  une  rosace;  la  croix  romaine  est  assez 
Mp0,  cependant  il  sVn  trouve  un  chevet  qui  en  porte, trois 
qui  le  garnissent  ;  ce  n'est  qu'après  le  dixième  siècle  que, 
sur  les  sarcophages  ou  sur  les  pierres  tombales,  on  voit  la 


CLÉMb.M  RUBBENS.  —  ANCIEN  CIMETIÈRE  ET  SARCOPHAGES.     661 

croix  romaine  en  occuper  toute  la  longueur.  On  voit  encore 
sur  les  tombes  du  dixième  siècle  et  antérieures  à  cette  époque 
un  arbre  placé  entre  deux  croix  pattées;  dans  Tintérieur  et 
sur  les  côtés  de  quelques  sarcophages  en  plâtre  se  retrou- 
vent estampés  ces  mêmes  croix  et  autres  motifs  de  décora- 
tion. 

Les  dessins  au  trait  varient  peu  pendant  toute  cette  période  ; 
ce  sont  des  lignes  ondulées,  des  carrés  dont  les  quatre  angles 
sont  réunis  par  des  lignes  formant  la  croix  de  Saint-André; 
des  losanges  et  quelques  autres  figures  se  montrent  les 
mêmes  aux  différentes  époques. 

Pour  conclure  de  Tâge  de  ces  sarcophages  après  avoir 
examiné  l'intéressante  collection  du  musée  Carnavalet,  qui 
en  a  de  toutes  ces  époques,  je  vis  M.  Yacquer,  Tarchéologue 
distingué,  sous-conservateur  du  musée,  qui  a  assisté  et  fait 
faire  de  nombreuses  fouilles  sur  le  sol  de  Paris,  entre  autres 
celles  faites  dans  la  rue  Monge,  à  TAbbaye^  à  Tancien  cime- 
tière Saint- Marcel,  etc.,  et  qui  est  très  compétent.  Il  me  dit, 
à  la  première  vue  des  dessins,  que  ces  tombeaux  étaient  du 
dixième  siècle,  et,  pour  confirmer  son  dire,  M.  Vacquer  eut 
Textrême  obligeance  de  me  faire  visiter  de  nouveau  ces  sar- 
cophages et  me  faire  comparer  les  diverses  époques,  en  me 
donnant  des  explications  qui  m'ont  confirmé  dans  mon  opi- 
nion et  me  permettent  de  dire  que  ces  sarcophages  appar- 
tiennent au  dixième  siècle,  sous  la  dynastie  carlovingienne. 
Ce  qui  distingue  cette  époque  des  précédentes,  c'est  d'abord 
la  pierre  employée,  qui  est  plus  blanche  et  en  calcaire 
tendre;  ensuite,  la  forme  des  couvercles,  dont  l'angle  qui 
forme  la  crête  est  presque  nul,  puis  les  reliefs  des  figures 
sculptées  sur  le  chevet  de  l'un,  qui  font  moins  saillie  que 
dans  les  époques  antérieures. 

Quant  au  cimetière,  je  crois  fermement  qu'il  est  antérieur 
à  cette  époque,  car, '.bien  certainement,  sous  le  niveau  ac- 
tuel mis  à  découvert  par  les  fouilles  et  dont  le  déblai  a  été  à 
cet  endroit  de  2  mètres  environ,  il  se  trouve  d'autres  lits  de 
cercueil.  Quelques  coups  de  pioche  donnés  au  delà  de  ce 


66i  séANCE  DU  5  novembre  i891. 

niveau  ont  mis  &  découvert  un  nouveau  crâne,  dont  le  reste  se 
trouvait  sous  le  sarcophage  portant  les  croix  ;  et  si,  pour  une 
cause  ou  pour  une  autre,  de  nouvelles  fouilles  étaient  faites, 
on  retrouverait  des  sépultures  antérieures  à  celte  époque,  car 
le  petit  bourg  de  Linas  a  dd  être  occupé  de  très  bonne  heure, 
peut-être  même  avant  Montihéry.  Il  possède,  en  effet,  ce  qui 
est  essentiel  et  de  première  nécessité  pour  une  station  hu- 
maine; avec  ]e  petit  cours  d'eau  qui  le  traverse,  il  s'y  trouve 
des  sources  abondantes  d'une  excellente  eau,  et  dont  la  ville 
de  Montihéry  est  encore  aujourd'hui  tributaire. 

Pour  les  particularités  de  ces  crânes  et  ossements  prove- 
nant de  ce  cimetière,  une  communication  en  sera  faite  à  la 
Société  dans  une  prochaine  séance.  Ce  que  je  ^uis  dire 
maintenant,  c'est  que  ce  crâne  n«  i,  avec  cet  humérus  et  ce 
tibia,  appartenaient  à  une  femme  et  qu'ils  ont  été  extraits 
du  sarcophage  sur  lequel  sont  gravés  les  losanges. 

J'adresse  ici  mes  sincères  remerciements  à  M.  Louis  Bil- 
lema,  ingénieur,  et  à  M.  Philippe,  entrepreneur,  pour  l'em- 
pressement qu'ils  ont  mis  à  faciliter  mon  enquête,  ainsi  qu'à 
M.  Debled,  ancien  maire  de  Linas,  qui  m'a  donné  ces  des- 
sins^  que  j'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Société,  avec  différents 
autres  objets  :  quatre  crânes,  une  mâchoire  complète  et  plu- 
sieurs fragments,  un  humérus  et  un  tibia,  des  clous  prove- 
nant de  cercueils  en  bois,  un  fragment  de  sarcophage  en 
plâtre  et  une  tuile  romaine.  Ces  objets  sont  offerts  à  la 
Société  au  nom  de  ces  messieurs  et  au  mien. 

Je  dois  également  des  remerciements  à  M.  Vacquer,  dont 
les  renseignements  m'ont  été  très  utiles  pour  conclure,  et  à 
M.  le  docteur  Manouvrier,  qui  a  bien  voulu  se  charger  de 
Texamen  des  crânes  et  ossements. 

J'ajouterai,  en  vue  des  découvertes  qui  pourraient  être 
faites  ultérieurement,  que  le  présent  compte  rendu  concerne 
les  fouilles  effectuées  depuis  le  .4  octobre,  jour  de  la  décou- 
verte des  premiers  sarcophages,  jusqu'au  8  du  même  mois 
inclusivement. 


MANOUVRIER.  — 'nOTB   CRANIOMÉTRIQUE.  I 

Note  eraaioniélrlqne  fonrnle  pur  H.  HuBonvrler. 

Quatre  crânes  adultes,  dont  deux  masculins  et  deux  fé 
nins.  Les  deux  premiers  sont  réduits  à  la  voûte  crânien 
L'un  des  crânes  féminins  est  à  peu  près  complet;  Tai 
présente  une  large  perte  de  substance  à  la  région  parii 
temporale  droite  et  à  la  région  faciale  gauche.  Les  mesu 
suivantes  ont  pu  être  prises  avec  exactitude  et  ont  permis 
calculer  quelques  indices  : 

N«  1.  N»  2.  N»  3.  N»  4. 

Cf  Cf            9  9(8Ul.iné 

Diamètre  antéro-postérieur  m&x...  198  198  174  175 

—                       mélop.  196  196  177  171 

Transversal  maximum 149  144  133  1)5 

Frontal  minimum 100  »  91.5  95 

Orbite,  hauteur »  »           3S  34 

—      lar«reur »  »           87  38 

Nez,  liauteur »  »           50  48 

—     largeur »  »            23  23 

Hauteur  ophryo-alvéolaire »  »           »  87 

Largeur  biiygomalique »  »           »  135 

Indice  céphalique 75.2  72.7  77.6  77.1 

—     orbitaîre «  »  97.1  97.4 

^     nasal »  >i  46.0  47.9 

^-     facial...,, ,...  n  n            »  69.6 

La  séance  est  levée  à  six  heures  vingt  minutes. 

L'un  des  sêcrélaires  :  cantan. 


664  SÉANCE  DU    19  NOVEMBRE  1891. 

517*  SÊ\!SCe.  —  i9  DOfembre  1891. 

Préflldenee  de  M*  LABORDE^  préaldeni* 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès-Terbal. 

DémonstratioB  expérimentiile  dn  langage  signaléiique 

ehes  les  fonmis  ; 

PAR   M.    LABORDE. 

A  propos  des  moyens  de  communication  de  la  poule  avec 
ses  poussins,  qui  constituent  une  sorte  de  langage  phonique 
par  le  cri  et  Tintonation,  je  rappellerai  le  mode  de  commu- 
nication des  fourmis  entre  elles,  consistant  dans  le  jeu  des 
antennes,  avec  intervention,  dans  certains  cas,  de  mouve- 
ments caractérisés  de  la  tête. 

Certains  auteurs,  même  des  naturalistes  distingués,  sont 
portés  à  penser  que  ce  n*est  pas  un  véritable  langage,  même 
un  langage  signalétique,  que  se  tiennent  les  fourmis,  à  Taide 
de  leurs  antennes,  notamment  lorsque  Tune  ou  plusieurs 
d'entre  elles  viennent  avertir  leurs  compagnes  de  la  décou- 
verte d'un  bu  lin,  et  se  font  suivre  d'un  renfort  pour  l'aller 
chercher  ;  en  ce  cas,  disent  les  contradicteurs,  l'avertisseuse 
apporte  d'habitude,  entre  ses  mandibules,  un  spécimen,  dont 
elle  s'est  chargée,  du  butin  en  question,  une  larve,  par 
exemple,  qui  est  bien  vile  aperçue  par  ses  compagnes  ;  en 
sorte  que  la  vue  jouerait  ici,  en  réalité,  le  rôle  que  l'on  attri- 
bue au  jeu  des  antennes. 

A  cette  objection,  on  peut  d'abord  répondre  que  la  fourmi 
avertisseuse  n'emporte  pas  toujours  avec  elle  un  échantillon 
du  butin  qu'elle  a  découvert,  pour  le  montrer  à  ses  com- 
pagnes ;  il  arrive  fréquemment,  en  efTet,  que  les  dimensions 
et  le  poids  de  ce  butin  ne  lui  permettent  ni  de  le  porter,  ni 
de  le  traîner,  et  c'est  alors  surtout  qu'on  la  voit,  en  l'obser- 


LABORDE.  —  LANGAGE   SIGNALÉTIQUE  CHEZ  LES  FOURMIS.    665 

vant  attentivement,  courir  à  la  fourmilière  et  réaliser,  auprès 
de  ses  compagnes,  avec  ses  antennes,  des  attouchements  réi- 
térés plus  ou  moins  pressants,  et  d'autant  plus  insistants 
qu'elle  les  trouve  parfois  dans  un  état  de  torpeur  somno- 
lente ;  il  advient  même  que,  dans  sa  précipitation  d'entraî- 
ner et  de  conduire  rapidement  au  lieu  désiré  le  renfort  qu*elle 
a  fini  par  détacher  de  la  maison,  elle  le  devance  de  façon  à 
se  laisser  perdre  de  vue  et  à  arriver  seule  au  but,  les  autres 
s'étant  égarées  en  chemin  ;  car,  si  elle  a  pu  leur  faire  com- 
prendre qu'elle  avait  découvert  des  vivres,  il  ne  paraît  pas 
qu'il  lui  soit  possible  de  communiquer  les  renseignements 
nécessaires  à  l'indication  exacte  du  lieu  où  se  trouve  le  bu- 
tin, et  de  la  direction  à  suivre  pour  y  arriver  ;  et  alors,  il  la 
faut  voir  retourner  vers  les  compagnes  égarées,  et,  si  elle  les 
rencontre  en  route,  les  taper  des  antennes  et  même  de  la 
tète,  les  pousser  et  les  bousculer,  comme  pour  les  faire  avan- 
cer au  gré  de  ses  désirs  ;  et  si  elle  ne  les  a  pas  rencontrées, 
car  il  se  peut  qu'elles  soient  retournées  à  la  fourmilière,  elle 
y  accourt  de  nouveau  elle-même,  et  la  mimique  antennaire 
devient  cette  fois  tellement  pressante  qu'elle  finit  par  arriver 
à  ses  fins,  et  par  conduire  à  bon  port  le  peloton  entraîné.  11 
n'est  pas  douteux,  pour  l'observateur  attentif  et  sans  parti 
priS|  que  ce  résultat  ne  soit  obtenu  à  la  suite  d'une  commu- 
nication et  d'une  compréhension,  qui  proviennent  essentiel- 
lement du  jeu  des  antennes,  et  qui  constituent  un  vrai  lan- 
gage signalétique. 

J'ai  fait,  à  ce  propos  —  après  sir  John  Lubbock  -^  une 
expérience  qui  me  paraît  démontrer,  sans  contestation  pos- 
sible, la  réalité  du  langage  antennaire,  signalétique,  chez  la 
fourmi  en  société,  et  qui  répond  victorieusement  à  l'objec- 
tion tirée  de  l'intervention  du  sens  de  la  vue,  dans  le  cas  par- 
ticulier de  l'annonce  d'une  découverte.  C'est  sur  la  fourmi 
noire  des  prairies  que  j'ai  fait  l'observation.  Après  avoir 
choisi,  dans  une  prairie  normande,  une  fourmilière  que  je 
visitais  depuis  plusieurs  jours,  pour  enétudier  les  habitudes,  et 
bien  placée  pour  l'expérience,  voici  commentée  l'ai  disposée  : 


666  BÉAircE  DU  49  novembiie  4891. 

A  une  première  distance  de  50  à  60  centimètres  environ 
de  la  fourmilière,  sur  un  layon  tracé  dans  la  prairie,  formant 
un  étroit  sentier  dénudé  d'herbe,  j*ai  placé  une  mouche  com- 
mune, vivante  et  fixée  solidement  en  terre  à  Taide  d'une 
épingle  ;  un  peu  plus  loin,  à  une  seconde  distance^  pareille 
à  peu  près  à  la  première,  j'ai  déposé,  après  l'avoir  tué,  un 
diptère  très  commun  en  Normandie  dans  les  hautes  herbes, 
au  voisinage  des  ruisseaux,  vulgairement  appelé  le  gurbet,  et 
dont  les  fourmis  m'ont  paru  friandes  ;  Tinsecte  étant  dans 
rimpossibilité  de  se  mouvoir,  il  n'a  pas  été  fixé  comme  le 
précédent. 

Au  moment  où  je  disposais  mon  expérience  —  vers  deux 
heures  de  l'après-midi,  au  mois  d'août  —  la  fourmilière 
est  habituellement  au  repos,  et  ce  n'est  qu'un  peu  plus  tard 
que  l'activité,  surtout  l'activité  extérieure,  recommence.  On 
voit  d'abord  quelques  excursionnistes  isolées  s'aventurer  dis- 
crètement, comme  pour  explorer  les  alentours  prochains  de 
rétablissement  ;  puis  elles  étendent  peu  à  peu  leur  rayon  de 
reconnaissance  et  s'éloignent  dans  diverses  directions,  par- 
tant délibérément  à  la  recherche  journalière  de  l'approvision- 
nement alimentaire.  Le  petit  layon  constituait,  je  m'en  étais 
déjà  assuré,  une  voie  toute  naturelle  et  habituellement  fré- 
quentée des  excursionnistes,  et  ils  ne  tardèrent  pas  à  arriver 
à  la  première  victime  préparée^  la  mouche  solidement  fixée 
en  terre.  Une  première,  puis  une  seconde  fourmi  se  précipi- 
tèrent sur  la  proie  découverte,  et  se  mirent  immédiatement 
en  devoir  de  se  l'approprier  ;  mais,  ne  pouvant  y  parvenir, 
malgré  les  plus  grands  efforts  apparents^  Tune  d  elles,  comme 
après  avoir  réfléchi  quelques  instants  et  s'être  entendue  avec 
sa  compagne,  rebroussa  incontinent  chemin  et  courut  vers  la 
fourmilière,  d'où  elle  revenait  bientôt  accompagnée  de  sept 
ou  huit  compagnes  qu'elle  conduisait,  avec  une  agitation 
visible  et  force  démonstrations,  où  l'on  sentait  la  préoccupa- 
tion de  ne  pas  se  voir  suivie  assez  rapidement  au  gré  de  ses 
désirs.  Enfin,  le  renfort,  ainsi  rallié  et  conduit,  arriva  au  but, 
auprès  de  la  proie  découverte,  que  la  seconde  fourmi,  notons- 


DISCUSSION  SUR  LE  LANGAGB   SIONALÉTIOUE.  661 

le  bien,  n'avait  pas  abandonnée^  comme  si  elle  en  avait  été 
constituée  la  gardienne.  Et  alors  nous  assistâmes  au  spectacle 
curieux  du  morcellement  rapide  de  la  mouche,  dépecée  et 
débitée  en  autant  de  morceaux,  à  peu  près,  que  d'assaillants, 
qui  chacun  emportèrent  triomphalement  à  la  fourmilière  leur 
précieux  butin. 

Cependant,  leur  nombre  ayant  été  sans  doute  plus  que  suf- 
fisant pour  accomplir  ce  travail,  deux  ou  trois  s'étaient  dé* 
tachées  du  groupe,  et,  poussant  un  peu  plus  loin  et  dans  la 
même  direction  leurs  pérégrinations,  elles  avaient  rencontré 
le  second  insecte,  celui-là  non  fixé.  Deux  fourmis  le  saisirent 
immédiatement  et  se  mirent  a  même  de  le  traîner  ;  mais  le 
fardeau  paraissait  tellement  lourd  que  c*est  à  peine  si,  avec 
des  efforts  inouïs,  elles  étaient  parvenues,  en  dix  minutes,  à 
le  déplacer  de  2  centimètres.  Alors,  de  guerre  lasse  et  après 
un  intermède  de  repos  où  les  deux  assaillants  semblèrent 
réfléchir  et  se  concerter,  Tun  d'eux  partit  du  côté  de  la  four- 
milière, tandis  que  Tautre  ne  quittait  pas  la  proie  qu'elle 
essayait  encore,  quoique  infructueusement,  de  déplacer.  Bien- 
tôt la  messagère  arrivait  avec  un  renfort  nouveau,  qu'elle 
n*avait  pas  d'ailleurs  tardé  à  rallier  en  route,  car,  à  la  suite 
de  la  première  alerte,  un  grand  nombre  d'habitants  de  la 
tribu  s'étaient  mis  en  mouvement  du  côté  de  la  découverte. 
L'enlèvement  et  le  transport  partiel  de  la  seconde  proie 
furent,  dans  ces  conditions,  l'affaire  d'un  instant. 

Nous  avons  maintes  fois  répété  l'expérience  avec  des  va- 
riantes^  qui  n'ont  fait  que  renforcer  les  résultats,  toujours  les 
mêmes  et  qui  nous  semblent  décisifs  ;  car,  en  pareil  cas,  on 
ne  saurait  invoquer  Tintervention  du  sens  de  la  vue,  comme 
signe  d'avertissement  ;  et  c'est  bien  à  une  véritable  commu- 
nication par  signes  extérieurs^  à  un  réel  langage  signalétique, 
que  l'on  a  affaire. 

Discussion. 

M.  Sanson  dit  que  le  fait  de  la  communication  des  animaux 
entre  eux  est  l'évidence  même.  L'opinion  que  l'homme  est 


668  SÉANCE  DU  19  NOVEMBRE  1891. 

d'essence  supérieure,  et  que  seul  il  peut  communiquer  avec 
ses  semblables,  est  absurde. 

Le  langage  articulé  de  Thomme  n'est  que  le  perfectionne- 
.ment  extrême  des  modes  de  communication  usités  par  tous 
les  animaux.  Incidemment  il  cite  l'exemple  des  chevaux 
d*omnibus  conduisant  à  trois  de  front  les  grandes  voitures. 
Au  début,  ces  chevaux  marchaient  mal  ensemble,  se  piéti- 
naient mutuellement.  Rapidement,  ils  sont  arrivés  à  marcher 
parfaitement  de  concert.  Bien  plus,  on  peut  souvent  observer 
que  le  cheval  du  milieu  semble  diriger  les  deux  autres  et 
leur  donne  les  indications  nécessaires  pour  se  diriger,  même 
en  dehors  du  cocher,  au  milieu  des  embarras  de  voitures. 

M.  Manouvrier  fait  remarquer  que,  d'après  robservation  de 
Lubbock,  citée  par  M.  Laborde,  le  langage  des  fourmis  serait 
extrêmement  rudimentaire,  puisqu'une  fourmi  ayant  trouvé 
du  butin  aurait  pu  seulement  indiquer  aux  autres  le  fait  de 
sa  découverte,  sans  pouvoir  leur  indiquer  où  et  dans  quelle 
direction  se  trouvait  le  butin. 

M.  Laborde  cite,  au  contraire,  l'exemple  des  fourmis  qui, 
lorsqu'elles  sucent  leurs  pucerons,  ont  une  manière  spéciale 
de  les  frapper  sur  le  ventre  avec  leurs  antennes,  pour  les  for- 
cer à  donner  leur  suc.  Ce  petit  choc  ne  peut  jamais  être  re- 
produit de  la  même  façon  en  frappant  le  puceron  au  moyen 
d'un  petit  fragment  de  bois  ou  de  paille. 

M.  Sanson  rappelle  l'expérience  connue  d'une  abeille  qu'on 
porte  sur  une  assiette  contenant  une  solution  sucrée  placée 
à  3  ou  400  mètres  de  sa  ruche.  Après  quelque  temps, 
l'abeille  rentre  à  la  ruche  et  ramène  bientôt  tout  un  nom* 
breux  groupe  d'abeilles  qui  viennent  s'abattre  sur  l'assiette 
de  sucre.  Il  rappelle  aussi  que  lorsqu'une  fourmi  a  découvert 
un  pot  de  confiture  dans  une  armoire,  on  peut  être  sûr 
qu'elle  amènera  d'autres  fourmis  partager  le  butin.  11  y  a 
donc  un  mode  de  communication  certain  d  animal  à  animal. 

M.  Laborde  dit  que  si  les  fourmis  ne  semblent  avoir  pour 
tout  mode  de  communication  que  l'attouchement  des  an- 
tennes, les  abeilles  ont  en  plus  une  sorte  de  petit  bruit 


OUTRAGES  OFFERTS.  66 

qu'elles  émettent  avec  les  stomates  pré-pectoraux  et  qui 
une  signification  précise,  qui  semble  dire  :  «  Attention,  prene 
garde.  »  Les  autres  abeilles  ne  s'y  trompent  pas. 

COMMUNICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  LE  Président  annonce  à  la  Société  que  le  Comité  cen 
Irai  a  arrêté,  dans  sa  dernière  séance,  la  liste  des  présenti 
tions  pour  le  renouvellement  du  bureau^  liste  qui  sera  im 
primée  et  envoyée  à  tous  les  membres  titulaires,  et  su 
laquelle  la  Société  sera  appelée  à  se  prononcer  dans  la  prc 
mière  séance  de  décembre,  conformément  au  règlement. 

M.  LE  Président  annonce  aussi  que  M"^®  Blin  des  Cormiei 
a  fait  don  à  la  Société  d'une  parcelle  de  terre  contenant  ur 
allée  couverte.  Le  Comité  central  a  accepté  ce  don  au  noi 
de  la  Société. 

ouvrages  offerts. 

Lefèvre  (André).  La  Religion^  Paris,  i89â,  in-i2, 586  page 

Lasteyrie  (de).  Rapport  fait  au  nom  de  la  Commission  d 
antiquités  de  la  France^  Paris,  1891,  in-4**,  34  pages. 

MoREAU  (Alfred).  La  Responsabilité  médicale,  Bruxeile 
1891,in-8%68  pages. 

M.  Deniker  fait  hommage  à  la  Société,  au  nom  du  doctei 
Hyades  et  en  son  nom^  du  dernier  volume  de  la  publicatic 
des  documents  scientifiques  de  la  mission  du  cap  Horn,  fai 
par  les  ministères  de  la  marine  et  de  Tinstruction  publiqu* 
Ce  volume  est  intitulé  :  Mission  scientifique  du  cap  Hor, 
1882-i883.  Tome  YII  :  Anthropologie^  Ethnographie,  pi 
P.  Hyades  et  J.  Deniker.  Paris,  1891,  i  voL  in-4»  de  42i  p^ 
ges,  avec  une  carte  ethnographique  et  trente-quatre  planchi 
en  photogravure  et  lithographie. 

C'est  une  monographie  complète  des  Fuégiens  et  surto 
de  la  tribu  Yahgan,  habitant  au  sud  du  canal  du  Beagle.  1 
volume  est  divisé  en  sept  chapitres,  plus  Tintroduction, 
bibliographie  et  l'explication  détaillée  et  raisonnes   d 

T.  Il  (4*  simi).  43 


670  SÉANCE   DU   49  NOTEMBBG   1891. 

planches.  L'introdaction  comprend  l'histoire  des  voyagea 
chez  les  Fuégiens,  les  divisions  des  habitants  des  terres  magel- 
laniques  en  peuplades,  une  esquisse  rapide  du  climat,  de  la 
flore  et  de  la  faune  du  pays  qu'habitent  les  Fuégiens.  Le 
chapitre  I  est  consacré  aux  caractères  anatomiques  :  étude 
détaillée  du  crâne  et  du  squelette»  des  muscles  (cette  der- 
nière partie  est  de  M.  Testut^  professeur  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Lyon),  etc.  Dans  le  chapitre  II,  on  trouve  *des 
renseignements  sur  les  caractères  morphologiques,  basés  sur 
les  mensurations  et  les  observations  de  plus  d'une  centaine 
d'individus.  Les  chapitres  III,  lY  et  Y  sont  consacrés  aux 
caractères  physiologiques  (fonctions  de  nutrition»  de  repro- 
duction, etc.]^  pathologiques  et  psychologiques  (sentiments^ 
expression  des  émotions,  sentiment  religieux^  etc.).  Un  cha- 
pitre spécial  (Yl)  est  réservé  aux  matériaux  relatifs  à  la  langue 
yahgane  (un  vocabulaire  de  plusieurs  milliers  de  mots,  etc.). 
Enfin  la  partie  ethnographique  proprement  dite  est  concen- 
trée dans  le  chapitre  YII  (mœurs  et  coutumes  :  alimentation^ 
vêtements,  coutumes  de  la  famille,  etc.).  La  bibliographie, 
aussi  complète  que  peut  l'être  en  général  une  bibliographie, 
renferme  l'indication  de  plus  de  deux  cents  ouvrages  (depuis 
1520  jusqu'à  4890),  dans  lesquels  il  est  fait  mention  des  Fué- 
giens. La  carte  représente  la  distribution  géographique  des 
trois  tribus  des  terres  magelianiques  :  Onas  (Patagons),  Yah- 
gans  et  Âlakaloufs  (Fuégiens).  Parmi  les  planches,  vingt  et 
une  photogravures  représentent  les  différents  types  d'hom- 
mes, de  femmes  et  d'enfants  fuégiens  ;  huit  planches  litho- 
graphiées  donnent  les  dessins  des  crânes  et  squelettes,  et 
quatre-vingt-cinq  autres,  des  objets  ethnographiques. 

Outre  les  renseignements  concernant  spécialement  les  Fué- 
giens, les  anthropologistes  trouveront  dans  cet  ouvrage  plu- 
sieurs données  d'un  caractère  général  :  comparaison  des 
mesures  sur  le  vivant  et  sur  le  squelette,  ou  des  mesures 
prises  avec  le  ruban  et  avec  le  compas-glissière,  etc.  La  con- 
clusion générale  sur  les  affinités  des  Fuégiens  est  celle-ci  : 
Il  faut  considérer  cette  peuplade  comme  un  des  rares  repré- 


E.  COLLIN.  —  PIÈCES  GOELLÉENNES  ET  MOUSTÉRIENNES.     671 

dentahis  d'une  race  paléo-américaine,  qui  occupait  jadis  lout 
le  nouveau  continent  au  sud  de  T Amazone,  et  dont  aujour- 
d'hui on  ne  trouve  que  les  ossements  dans  les  sépultures 
anciennes  ou  des  fragments  vivants  comme  les  Fuégiens  et 
les  Botocudos,  qui  se  réduisent  à  quelques  centaines  d'indi- 
vidus. Les  Fuégiens  notamment  vont  disparaître  sous  peu 
de  la  surface  de  la  terre,  et  c'est  autant  à  cette  éventualité 
fatale  qu'aux  particularités  mêmes  du  genre  de  vie  et  des 
mœurs  des  Fuégiens,  que  Fouvrage  de  MM.  Hyades  et  Déni- 
ker  doit  son  caractère  de  document,  qui  sera  utilement 
consulté  par  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  peuplades  en- 
core sauvages  et  en  voie  de  disparition. 

PÉRIODIQUES. 

Revue  mensuelle  de  V Ecole  â^ anthropologie  (IS  novembre 
4891).  Adrien  de  Mortillet  :  L'industrie  humaine  pendant  les 
temps  quaternaires  en  Italie. 

PRK9ENTATIONS. 
Pièces  chelléenBes  et  nioastérlennes  ; 

PAR   M.    E.   COLLIN. 

J'ai  l'avantage  de  présenter  à  la  Société  deux  pièces  mous- 
tériennes  de  la  sablière  de  Lesches  (Seine-et-Marne)  : 

1°  Un  très  grand  disque  en  silex  meulière  et  ne  mesurant 
pas  moins  de  18  centimètres  de  diamètre  sur  7  centimètres 
d'épaisseur.  C'est  le  plus  bel  échantillon,  comme  grandeur, 
que  je  connaisse.  11  rappelle  ceux  de  Mesvin  (Belgique)  ; 

2^  Un  très  beau  racloir  double  mesurant  45  centimètres 
de  long  sur  10  centimètres  de  large  et  3  centimètres  et  demi 
d'épaisseur. 

Ces  deux  échantillons  appartiennent  à  M.  Duttenhofer  de 
Coupvray. 

Je  présente  en  outre  une  pièce  chelléenne  provenant  du 
gisement  de  Chelles  et  recueillie  par  M.  Régnier,  d'Ësbly. 

Cette  pièce  est  très  remarquable;  quoique  dépourvue  do 


672  SÉANCE  DU   49  NOVEMBRE  1891. 

son  extrémité  ;  mais,  à  en  juger  par  sa  base,  il  est  facile  d'y 
reconnaître  la  forme  amygdaloïde.  Cette  base  mesure  21  cen- 
timètres de  long  sur  iO  centimètres  de  large  et  a  Taspect 
d'une  énorme  flèche  avec  pédoncule. 

Cette  pièce  est  bien  le  type  de  l'instrument  chelléen,  qui 
réunit  en  lui  seul  tout  l'outillage  de  Tépoque  où  Thomme 
quaternaire  Tutilisait  pour  scier,  couper,  percer,  tailleri 
racler,  etc. 

Il  est  tout  à  fait  indéniable  que  Thomme  se  servait  da  bois 
pour  confectionner  ses  premières  armes  tels  que  épieux, 
massues,  etc.  ;  il  est  intéressant  de  remarquer  qu'à  cette 
époque  où  Thomme  avait  peu  de  moyens  d'action,  il  ait  réuni 
dans  un  seul  instrument  plusieurs  outils  qu'il  confectionnait 
à  son  usage. 

Je  rappellerai  ici  l'intéressante  communication  faite  par 
M.  Chouquet  qui,  le  premier,  a  remarqué  des  encoches  sur 
certains  instruments  chelléens.  {Les  Silex  taillés  de  la  ballas^ 
Hère  de  Chelles,  1883.) 

Je  présente  également  deux  pièces  raoustériennes  prove- 
nant de  la  sablière  d'Iles-les-Villenoy  (Seine-et-Marne),  près 
d'Esbly.  M.  Régnier,  en  bon  observateur,  y  a  recueilli  : 

i®  Un  très  beau  retouchoir,  à  en  juger  par  ses  extrémités 
émoussées,  presque  polies  ; 

2*  Un  éclat  grossier,  mais  qui  est  retouché  des  deux  côtés 
en  racloir.  Ce  dernier  est  amalgamé  de  calcin. 

Ce  sont  les  seules  pièces  moustériennes  qui  y  ont  été  re- 
cueillies jusqu'à  ce  jour. 

De  plus,  voici  deux  boulets  quartzeux  et  recouverts  en 
partie  de  calcin  ;  ils  mesurent,  l'un  9  centimètres  et  l'autre 
10  centimètres  de  diamètre  ;  on  en  a  retrouvé  séparément 
six  semblables  dans  le  gravier,  à  une  profondeur  de  4  mètres 
à  4", 50  de  la  surface  du  sol. 

Ici,  j'appellerai  Inattention  des  paléoethnologues  au  sujet 
du  dépôt  calcaire  qui  peut  se  former  très  vite,  et  n'est  pas 
toujours  une  preuve  de  haute  ancienneté,  comme  vous  pouvez 
en  juger  non  seulement  par  ces  divers  objets  provenant  de  la 


E.  COLLIN.  ^  PIÈCES  GIIELLÉENNBS  ET  MOUSTÉRIBNNBS.     673 

même  sablière  et  datant  d*époques  bien  différentes,  l'un  de 
répoque  moustérienne,  Tautre  de  l'époque  romaine. 

Pour  en  citer  un  autre  exemple,  je  vous  montre  ces  bran- 
ches de  bois  transformées  en  stalactites  et  provenant  de  la 
localité  voisine,  Gagny  (Seine-et-Marne),  que  j'ai  recueillies 
lors  du  enrage  des  eaux,  qui  se  renouvelle  du  reste  chaque 
année. 

Pour  en  revenir  à  ces  projectiles  qu'on  lançait  avec  l'ona- 
gre ou  la  baliste,  ils  nous  indiquent  que  nous  nous  trouvons  & 
un  endroit  où  l'on  a  dû  se  défendre.  J'ajoute  qu'en  poursui- 
vant nos  recherches  et  en  examinant  le  terrain,  la  situation 
élevée  où  nous  sommes  devait  certainement  commander  la 
plaine. 

Nos  recherches  n'ont  pas  été  vaines.  Nous  avons  relevé  des 
restes  de  fortifications  ou  remparts  avec  fossés  tout  autour; 
ces  remparts  avaient  la  forme  d'un  rectangle  et  n'avaient  pas 
moins  de  80  mètres  de  long.  Les  extrémités  se  dirigeaient 
vers  la  Marne.  Les  fossés  ont  4  mètres  de  large  sur  3"^,50  à 
5  mètres  de  profondeur;  ils  sont  remplis  de  détritus  de 
toutes  sortes.  Nous  y  avons  recueilli  un  certain  nombre  d'os- 
sements qui  ont  été  brisés  pour  en  extraire  la  moelle.  11  y  a 
du  bœuf,  du  cheval,  du  cerf  et  une  certcdne  quantité  de  débris 
de  poterie  de  toutes  sortes  que  l'on  peut  évaluer  à  plusieurs 
mètres  cubes  ;  on  y  récolte  des  tuiles,  des  anses  d'amphores» 
d'innombrables  vases,  une  petite  trompette  en  terre  cuite, 
ainsi  qu'un  os  percé  de  plusieurs  trous,  qui  nous  fait  suppo- 
ser que  nous  nous  trouvons  là  en  face  d'un  autre  instrument 
de  musique,  et  enfîn  un  autre  débris  d'os  percé  de  quatre 
trous,  qui  a  pu  servir  de  bracelet. 

A  proximité  de  ces  fossés,  en  dehors  de  l'enceinte,  nous  re« 
marquons  plusieurs  habitations  en  forme  de  cuvettes  dans 
lesquelles  l'on  ne  rencontre  que  des  cendres;  cependant 
nous  sommes  assez  heureux  pour  recueillir  un  morceau  d'une 
meule  en  poudingue,  ainsi  qu'un  polissoir  en  grès,  que  j'ai 
reconstitué  depuis.  Ces  pièces  nous  prouvent  bien  que  nous 
sommes  à  l'époque  romaine.  D'ailleurs,  on  a  trouvé  dernière- 


674  BÉANCB  DU  19  NOVEMBRE  i89l. 

ment,  dans  un  champ  proche  de  cette  sablière,  un  moyen 
bronze  de  Trajan. 

Ces  fossés  sont  à  peine  à  SOO  mètres  de  la  Marne,  et  sont 
pour  ainsi  dire  identiques,  comme  conditions  et  comme 
récolte,  à  ceux  de  Saint*Maur-les-Fossés,  au  sujet  desquels 
j*ai  eu  l'avantage  de  vous  faire  une  communication  spéciale. 

A  la  surface  du  sol,  dans  la  terre  labourable  que  les  ter- 
rassiers appellent  communément  la  ferrasse,  à  une  profon- 
deur variant  de  60  à  80  centimètres  au  plus,  nous  avons  ren- 
contré des  ossements  humains  que  j*ai  conservés  d'ailleurs 
pour  compléter  une  étude  spéciale.  Nous  avons  appris  depuis 
que  l'on  en  avait  déjà  trouvé  un  certain  nombre  que  l'on 
peut  évaluer  à  une  vingtaine. 

Ces  squelettes  n'avaient  aucun  mobilier  funéraire,  si  ce 
n*est  que  les  uns  avaient  une  grosse  pierre  au  sommet  de  la 
tâte,  d'autres  à  la  tête  et  aux  pieds.  D'autres  avaient  une  ou 
deux  pierres  de  chaque  côté  du  bassin. 

Ce  mode  de  sépulture  m'a  rappelé  tout  à  fait  celui  que 
j -avais  déjà  rencontré  à  la  ballastière  de  Ghelles  en  1886,  et 
que  j'ai  désigné  à  cette  époque  (voir  les  Bulletins)  soxi^  le  nom 
de  Mérovingiens  de  Chelies, 

Dans  la  prochaine  séance,  messieurs,  j'aurai  l'avantage  de 
vous  soumettre  nos  nouvelles  investigations  qui  compléte- 
ront, je  l'espère,  nos  recherches  à  Ghelles  et  sur  les  plateaux 
environnants. 

Discussion. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  Je  suis  tout  à  fait  de  l'avis  de 
notre  collègue  pour  ce  qui  concerne  le  calcin.  Il  ne  fournit 
aucune  donnée  chronologique.  Pour  s'en  assurer,  il  suffit  de 
se  rendre  compte  de  son  mode  de  formation.  Les  ouvriers 
des  environs  de  Paris,  qui  exploitent  le  sable  et  le  gravier, 
donnent  le  nom  de  calcin  au  dépôt  calcaire  qui  encroûte  et 
soude  les  divers  éléments  composant  les  alluvions.  Dans 
les  alluvions  quaternaires,  ce  dépôt  calcaire,  en  soudant 
ensemble  de  certaines  quantités  do  sable  et  de  gravier, 


LAJARD.  —  FABRICATION  DE  LA  POTERIE  AUX   CANARIES.     675 

forme  des  lentilles  plus  ou  moins  grandes  ou  des  couches 
très  irrégulières  d*un  grès  ou  poudingue  grossier.  Par  exten- 
sion, le  nom  de  calcin  a  été  appliqué  aux  grès  et  poudingues 
ainsi  formés.  Lorsqu^on  Tétudie  dans  les  diverses  carrières 
des  environs  de  Paris,  qu^eiles  soient  ouvertes  dans  le  qua- 
ternaire le  plus  ancien;  à  Elephas anliquus^comme  àChelleSi 
ou  dans  le  quaternaire  plus  récent  à  Elepkas  primigentui^ 
comme  au  Péreux,  on  le  voit  occuper  divers  niveaux.  C'est  la 
meilleure  preuve  que  le  calcin  est  de  toutes  les  époques.  11 
se  dépose  même  actuellement  sur  les  objets  qui  séjournent 
un  certain  temps  dans  le  lit  de  nos  rivières. 

M.  Adrien  de  Mortillet  fait  remarquer  qu*en  effet  la  base 
de  la  hache  présentée  offre  deux  encoches  très  nettes.  Les 
pièces  moustériennes  sont  très  remarquables.  Le  grand  disque 
si  grossier  est  absolument  analogue  à  ceux  du  mesviûien. 
Quant  aux  boulets,  ils  pourraient  bien  être  du  moyen  âge  et 
non  romains  comme  le  croit  M.  Gollin, 

COMMUNICATIONS. 

ProeédéB  prlmlliii  de  fabrlciilloii  de  la  polorle 

aux  CamirieB; 

PAR  M.  UJARD. 

J*ai  rhonneur  de  mettre  sous  les  yeux  de  mes  collègues 
une  série  de  vases  canariens  anciens  et  modernes,  les  uns 
n'étant  pas  sans  présenter  des  analogies  avec  les  autres. 
Tous  ont  été  fabriqués  à  la  main  et  par  des  procédés  qui 
sont  encore  assurément  ce  qu1ls  étaient  au  temps  des 
Guanches. 

Les  voyageurs  ont  signalé  dans  l'archipel  plusieurs  en-^ 
droits  où  cette  industrie  persiste  encore.  J'ai  rapporté  de 
Ténériffe  un  certain  nombre  de  vases  qui  ont  un  caractère 
spécial  suivant  la  localité.  Nous  avons  les  oUas  de  la  ViUoria 
et  de  Candelaria^  le  grand  Bernegal  orné  de  dessins  en  crois- 
sants renversés.  Il  rappelle  les  vases  pointus  par  le  bas  des 


676  SÉANCE   DU   19   NOVEMBRE   i89i. 

anciens  habitants,  quoique  de  dimensions  beaucoup  plus 
fortes,  la  surface  plane  de  la  base  est  étroite  ;  il  sert  à  re- 
cueillir Teau  qui  coule  des  ûltres.  La  talia  d'Atalaya  est  ven- 
true et  presque  plane  à  la  partie  inférieure,  comme  étaient 
les  poteries  de  la  Grande  Ganarie  autrefois  et  telles  qu*on  les 
voit  au  musée  de  las  Palmas.  Dans  cette  magnifique  coUec- 
tioa,  en  effet,  chose  digne  de  remarque,  le  contraste  entre 
rindustrie  des  deux  îles  est  frappant  et  tout  à  fait  caracté- 
ristique. Sur  cinq  vases  trouvés  à  Ténériffe,  aucun  n'est 
eessile  ;  de  même  à  Santa-Gruz,  dans  la  série  que  possède  la 
galerie  de  l'institut  provincial,  c'est  la  même  chose.  L^une 
des  pièces  que  j'ai  rapportées  est  en  tout  semblable  au  type 
qui  domine  à  Ténériffe.  G'est  une  panse  allongée,  ovoïde, 
pointue  par  le  bas,  éveillant  Tidée  de  la  noix  de  coco.  A  la 
partie  supérieure,  la  pièce  a  la  forme  d'un  court  cylindre 
vertical  dont  la  génératrice  externe  se  continue  avec  la 
surface  du  vase,  au-dessus  de  la  bouche. 

L'industrie  trouvée  dans  les  grottes  de  la  Grande  Ganarie, 
au  contraire,  se  développe  en  plusieurs  lignes  parallèles  de 

* 

formes  variées,  mais  ayant  toutes  pour  caractère  commun 
celui  du  fond  qui  est  plat.  Sur  cent  quarante  vases,  trois  seu- 
lement font  exception.  On  peut  donc  dire  que  ces  deux  îles 
sont  parfaitement  distinctes  au  point  de  vue  de  l'industrie, 
et  ce  fait  est  digne  de  remarque. 

Le  tostador  est  un  grand  plat,  échancré  d'ordinaire  sur  un 
côté  ;  il  est  ainsi  du  moins  à  Ténériffe,  et  sert  à  la  fabrica- 
tion du  gofio.  Placé  au-dessus  de  quelques  pierres  entre 
lesquelles  on  fait  du  feu,  il  reçoit  le  blé  ou  le  lupin  qu'on  fait 
griller  et  qu'on  remue  avec  un  bâton.  Malgré  ses  grands  dia- 
mètres et  son  aspect  régulier,il  est  fabriqué  sans  l'aide  du  tour. 

Rien  n'est  plus  fréquent  que  ces  exemples  d'une  industrie 
primitive  qui  persiste  aujourd'hui  encore.  M.  de  Mortillet  a 
signalé  et  décrit  ceux  de  Gasola^  en  Italie,  où  la  poterie  est 
noire.  Là,  il  n'existe  même  pas  de  four.  L'atelier  des  Pyré- 
nées a  été  décrit  par  M.  de  Quatrefages,  mais  les  procédés 
sont  loin  d'être  les  mêmes  partout» 


LAJARD.  —   FABRICATION   DE   LA  POTERIE  AUX  CANARIES.    677 

Les  femmes  des  douars  algériens,  qui,  du  reste,  fabriquent 
des  tostadors  à  peu  près  pareils  à  ceux  des  îles  Canaries,  ont 
l'habitude  de  placer  *  de  la  graisse  dans  les  pots  pendant  la 
caicînation.  Les  Indiens  du  golfe  de  la  Floride  modelaient 
leurs  vases  sur  des  gourdes  et  des  paniers  de  lianes.  On  cite 
encore,  parmi  les  produits  de  Tesprit  inventif  des  populations 
primitives^  les  parois  d'argile  élevées  sur  les  bords  d'une 
pierre  plate  et  qui  suffisaient  à  la  transformer  en  vase'. 

Les  procédés  des  Américains  étaient  variés  et  compre- 
naient à  la  fois  les  carcasses  faites  de  joncs  et  même  de  tissus 
et  les  boudins  enroulés,  comme  il  résulte  des  fouilles  des 
Big  Mounds  et  des  habitations  des  Cliff  Dwelley's. 

Enfin,  on  peut  rapprocher  les  poteries  dont  parle  Diodore, 
copiées  sur  des  modèles  de  terre  cuite  à  Taide  de  métaux 
précieux,  et  que  cite  M.  de  Quatrefages,  d'une  curieuse  por- 
celaine japonaise  ayant  servi  à  la  cérémonie  du  thé.  Cette 
tasse  est  la  reproduction  exacte  et  obtenue  avec  art  du  vase 
primitif  en  cuir  en  usage  à  une  époque  antérieure.  L'ouvrier 
a  parfaitement  rendu  la  nature.  On  voit  la  rondelle  de  cuir 
circulaire  incisée  régulièrement  à  l'aide  d'un  outil  tranchant. 
Les  coupures  vont  du  centre  à  la  périphérie,  comme  les 
rayons  d'un  cercle.  Les  segments  ont  été  ramenés  ensuite 
tous  d'un  côté  pour  obtenir  la  forme  creuse,  et  de  petits 
rivets  assujettissent  les  morceaux  chevauchant  les  uns  sur 
les  autres.  Cette  pièce  fait  partie  de  la  collection  du  musée 
Guimet(n*  535).Ënfln,  il  n'est  pas  jusqu'aux  crânes  humains 
qui  n'aient  servi  de  modèle  quelquefois. 

Les  Indiens  Galibis  de  la  Guyane,  d'après  l'étude  de  M.  Ca- 
pitan,  élèvent  les  parois  de  leurs  vases  à  l'aide  de  boudins 
arrondis  et  soudés  en  forme  d'anneau.  Le  fond  se  compose 
d'un  disque  horizontal. 

Aux  Canaries,  et  en  particulier  à  Atalaya,  où  j'ai  pu  suivre 
pas  à  pas  la  fabrication  de  la  poterie,  le  boudin  est  enroulé 
en  hélice.  La  femme  est  à  genoux,  car  ce  sont  des  femmes^ 

*  Suivant  M.  Verneau. 

*  A  Malashka,  Gook  ou  Quatrefages. 


678  BÉANCK  DU  19  NOVEMBRE  1891. 

aujourd'hui  comme  autrefois^  qui  sont  chargées  de  ce  travail 
et  roule  la  pâte  dans  ses  deux,  mains.  Un  peu  de  sable  est 
étendu  à  terre  pour  éviter  Tadhérence.  L'eau  qui  sert  à  pétrir 
Targile  remplit  un  trou  dans  un  coin  de  la  grotte.  Quelques 
familles  vivent  là,  dans  ces  réduits  creusés  par  les  Guaaches 
au  bord  d'un  ravin  escarpé.  A  mesure  que  le  boudin  s*allonge, 
on  le  courbe  et  le  soude  avec  les  doigts  pour  le  raccorder 
au  précédent.  G*est  là  en  quoi  diffère  le  procédé  de  celai 
décrit  par  M.  Gapitan.  Ce  raccord  s'établit  en  amincissaot  en 
biseau  le  bord  inférieur  et  aussi  l'extrémité.  Chaque  tour  de 
spire  se  continue  de  la  sorte  avec  les  autres;  c'est  un  enrou* 
lement  régulier  en  spirale. 

Le  travail  s'arrête  de  temps  en  temps.  La  femme  fait 
tourner  le  vase  légèrement  et  l'opération  continue.  La  pièce 
est  saisie  des  deux  mains  ;  pas  de  planchette,  pas  d'ébau- 
choir  de  bois,  les  doigts  seuls  font  tout.  Le  vase  s^achève  par 
une  friction  qui  efface  les  sillons  laissés  par  les  boudias  à 
leur  point  de  contact. 

Quand  les  pots  ont  été  mis  à  sécher,  on  les  peint  à  l'aide 
d'une  substance  rouge  broyée  à  la  meule  à  bras.  Cette  poudre 
est  d'ordinaire  préparée  à  l'aide  d'un  tuf  ponceux  très 
rouge,  qui  se  trouve  au-dessous  des  larges  coulées  de  basalte; 
sur  la  nappe  mince  de  contact,  le  fer  a  été  probablement 
suroxydé;  il  est,  en  tout  cas,  devenu  ainsi  très  apparent,  La 
couleur  de  ces  lames  minces  est  très  vive.  M.  S.  Berthelot  a 
vu  employer  cette  substance  à  la  polychromie  des  édifices  à 
las  Palmas. 

L'opération  du  brunissage  est  la  plus  intéressante.  Elle 
s'opère  àl'aided'un  galet  de  lave,  d'une  forme  généralement 
allongée.  Le  frottement  prolongé  marque  souvent  des  fa- 
cettes sur  cet  outil.  L'échantillon  que  J'ai  pu  rapporter  est 
légèrement  courbé  en  crochet  à  l'extrémité  ;  mais  ce  type 
est  rare.  Il  est  d'ordinaire  aminci  et  pointu  aux  deux  bouts. 
La  surface  est  couverte  de  fines  striations  parallèles^  creusées 
par  les  grains  de  sable  mêlés  à  l'argile  de  la  pâte.  Le  cro- 
chet que  nous  voyons  ici  à  l'un  des  bouts  pourrait  permettre 


DISCUSSION   SUR  LA   FABRICATION   DE   LA   POTERIE.  679 

de  dire  que  la  pièce  sert  de  passage  à  nos  brunissoirs  actuels 
bien  connus  et  en  pierre,  quiserventaux  doreurs  aujourd'hui. 

Ce  travail  du  polissage  est  long  ;  il  sert  non  seulement  à 
donner  du  brillant  à  la  poterie,  mais  souvent  aussi  à  la  dé- 
corer par  le  contraste  des  tons  mats  qui  sont  à  côté.  Sur 
plus  d'un  vase,  on  distingue  le  va-et-vient  de  la  pierre  sous 
la  forme  de  longs  fuseaux  légèrement  concaves,  entremêlés 
et  très  lisses.  On  la  retrouve  identique  sur  beaucoup  de  po- 
teries préhistoriques.  La  collection  de  l'École  d'anthropologie 
possède  plusieurs  pièces  traitées  de  cette  manière.  Un  pot 
moderne  de  suyatyn^  en  particulier,  est  couvert  de  raies  en- 
trecroisées suivant  deux  directions  et  réservant  des  losanges; 
il  fait  partie  de  la  série  acquise  à  Texposition  de  la  section 
autrichienne  en  1889. 

Ce  polissage  était  employé  également  en  Amérique,  et  il 
est  probable  qu'il  a  dû  précéder  en  beaucoup  d'endroits 
l'emploi  des  vernis  métalliques. 

L'instrument  de  pierre  qui  fournit  ce  travail  constitue  le 
seul  outiliage  des  insulaires  canariens  pour  la  céramique.  U 
m'a  paru  mériter  une  mention  particulière,  à  cause  de  la 
rareté  de  son  emploi  et  de  sa  disparition  sans  doute  pro- 
chaine. 

Discussion. 

M.  Gabriel  de  Mortillet.  Parmi  les  poteries  récentes  de 
Ténériffe,  que  vient  de  nous  montrer  M.  Lajard,  il  en  est  une 
qui  me  paraît  des  plus  intéressantes.  C'est  iun  grand  pot 
orné  au  pourtour  de  petits  mamelons.  Ces  mamelons  et 
le  sommet  du  vase,  jusqu'à  l'ouverture,  sont  colorés  en  rouge 
lustré.  Notre  collègue  nous  a  parlé  d'un  badigeonnage  à  l'ar- 
gile colorée.  Je  crois  que  c'est  insuffisant  pour  donner  une 
teinte  aussi  foncée  et  aussi  nette. 

Cette  coloration  en  rouge  des  terres  cuites  se  retrouve 
dans  certaines  poteries  préhistoriques  de  nos  régions.  Jfi 
serais  bien  aise  de  savoir  au  juste  comment  les  Canariens 
actuels  l'obtiennent  ? 


680  SÉANCE  DU  19  NOVEMBRE  1891. 

N'emploient-ils  pas  de  Tocre,  en  ayant  soin  de  luslrer  la 
pàte^  par  le  frottement,  après  Tapposition  de  la  couleur  ? 

M.  Lajârd  dit  que  la  réponse  à  la  question  de  M.  de  Mor- 
tillet  se  trouve  dans  une  partie  de  son  travail,  qui  n'a  pas  été 
lue  en  séance.  La  matière  qui  sert  à  la  décoration  des  pote- 
ries est  recueillie  au-dessous  des  coulées  de  laves  anciennes. 
Les  tufs,  ainsi  recouverts,  offrent  une  surface  calcinée  très 
vivement  colorée  où  les  Canariennes  vont  choisir  les  points 
)es  plus  rouges.  Cette  substance  est  ensuite  délayée  dans 
l'urine. 

M.  Yerneau  répond  à  M.  de  Mortillet  que  la  substance  em* 
ployée  pour  colorer  les  poteries  est  certainement  de  l'ocre, 
car  il  en  a  rapporté  de  nombreux  échantillons  qui  ont  été 
étudiés.  Cet  ocre  se  rencontre  abondamment  sur  certains 
points  des  Canaries;  par  exemple  dans  le  ravin  de  Tirajana, 
où  l'on  peut  le  recueillir  sans  la  moindre  difOculté.  Une  fois 
délayé  dans  un  mélange  d'urine  et  d'huile  de  poisson,  il  est 
appliqué  sur  le  vase,  dont  toutes  les  parties  devant  rester 
brillantes  sont  ensuite  lustrées  par  frottement,  à  l'aide  d*une 
petite  pierre  lisse,  souvent  un  simple  caillou  roulé. 

M.  Lajard  n'ayant  parlé  que  des  poteries  modernes,  il  est 
bon  de  dire  quelques  mots  de  la  fabrication  des  poteries  an- 
ciennes.  Il  est  probable  que  les  procédés  employés  autrefois 
étaient  les  mêmes  que  ceux  d'aujourd'hui.  Ce  doit  être,  en 
effet,  aux  anciens  insulaires  que  les  habitants  modernes  ont 
emprunté  leurs  procédés  opératoires,  car  les  conquérants  du 
quinzième  siècle  connaissaient  le  tour  à  potier;  s'ils  eussent 
été  les  maîtres  des  céramistes  actuels,  ceux-ci  emploieraient 
le  tour,  et  il  n'en  est  rien.  En  outre,  les  formes  modernes 
rappellent  parfois  exactement  les  formes  anciennes.  Enfin, 
en  fouillant  une  grotte  à  San  Lorenzo  (Grande  Canarie), 
M.  Verneau  y  a  rencontré,  à  côté  de  vases,  de  petites  pierres 
légèrement  poreuses,  soigneusement  polies  sur  une  face, 
dont  les  pores  étaient  remplis  d'une  argile  semblable  à  celle 
des  vases  eux-mêmes;  elles  ont  dû  servir  à  polir  la  pâte, 
comme  on  le  fait  encore  aujourd'hui. 


DISCUSSION  SUR  LA  FABRICATION  DE  LA  POTERIE.  681 

Il  est  commun  de  rencontrer  dans  la  pâte  des  vieux  vases 
de  tout  petits  fragments  de  roche  ou  de  coquilles  destinés 
sans  doute  à  en  assurer  la  solidité.  Mais  les  poteries  anciennes 
étaient  néanmoins  cuites^  et  c'est  à  tort  qu'on  a  prétendu 
qu*elles  étaient  simplement  séchées  au  soleil.  Dans  Tile  de 
Lancerote,  M.  Yerneau  a  même  vu  de  véritables  petits  fours 
de  potiers;  dans  Tun  d'eux,  on  a  jadis  rencontré  trois  vases 
déjà  cuits. 

Les  poteries  antérieures  à  la  conquête  ont  fréquemment  le 
fond  arrondi;  il  est  même  tout  à  fait  exceptionnel  de  voir  la 
base  réellement  plane.  Dans  certaines  îies;  notamment  à  la 
Grande  Canarie,  les  vases  étaient  pourvus  d'anses  perforées 
horizontalement,  très  épaisses  au-dessus  du  trou.  Ces  anses, 
dont  la  force  réside  dans  la  partie  supérieure,  servaient  à 
suspendre  les  poteries,  et  Ton  en  arecueilii  la  preuve  directe. 

D'ailleurs,  la  céramique  ancienne  diffère  beaucoup  d'une 
île  à  Tautre,  et  parfois  même  d'une  localité  à  l'autre  de  la 
même  île.  Dans  ses  publications  sur  les  Canaries^  M.  Yer- 
neau s*est  suffisamment  appesanti  sur  ces  différences  pour 
ne  plus  avoir  à  y  revenir;  il  a  d'autant  moins  de  raisons 
d'aborder  de  nouveau  cette  question  qv'il  Ta  déjà  traitée 
devant  la  Société  d'anthropologie. 

M.  Gapitan  indique  à  la  Société  les  procédés  qu'em« 
ployaient  les  femmes  galibis,  venues  il  y  a  quelques  années 
au  Jardin  d'acclimatation,  pour  fabriquer  leur  poterie.  Il 
exécute,  devant  la  Société,  un  petit  vase  en  argile  construit, 
suivant  ces  procédés,  de  la  façon  suivante  :  on  roule  l'argile 
sur  une  planche  avec  le  plat  de  la  main  de  façon  à  obtenir 
des  boudins  de  2  à  3  centimètres  de  diamètre  sur  une  lon- 
gueur de  25  à  30  centimètres.  Au  préalable,  on  a  disposé  sur 
une  planche  une  petite  couche  d'argile,  régulièrement  cir- 
culaire, qui  formera  le  fond  du  vase.  On  place  alors,  tout  au- 
tour de  ce  fond,  un  boudin  d'argile  coupé  suivant  la  dimen- 
sion et  dont  on  réunit  les  deux  extrémités.  Au-dessus  de  ce 
boudin  on  en  dispose  un  autre  exactement  de  la  môme  façon. 
Sur  celui-ci,  un  trobième  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  qu'on 


682  SÉANCE  DU   19   NOVEMBRE   4891. 

soit  arrivé  à  la  hauteur  voulue.  Alors,  au  moyen  du  doigt  ou 
d*un  fragment  de  calebasse,  on  aplatit  ces  boudins,  les  sou- 
dant ainsi  ensemble  et  amincissant  la  paroi  jusqu'à  Tépais- 
seur  voulue.  Si  Ton  veut  faire  une  bouteille,  on  ajoute  de 
nouveaux  boudins  de  plus  en  plus  étroits,  qu*on  ajuste  de 
la  même  façon.  On  régularise  alors  les  surfaces  interne  et 
externe  du  vase,  on  les  lisse  et  le  vase  n*a  plus  qu*à  sécher 
après  avoir  été  détaché  de  la  planche.  Lorsqu'il  est  assez  sec, 
on  le  lustre  avec  un  morceau  d*os  ou  une  pierre  polie  ;  on  le 
teinte  avec  l'ocre  rouge  en  suspension  dans  l'eau.  On  lustre 
de  nouveau  et  la  poterie  est  prête  à  élre  cuile. 

Les  céramistes  galibis  faisaient  cuire  leurs  vases  de  la  façon 
suivante  :  elles  creusaient  dans  le  sol  un  trou  un  peu  plus 
large  que  les  vases  qu'elles  voulaient  cuire;  elles  le  rem- 
plissaient de  bois  et  y  faisaient  un  feu  vif.  Quand  il  avait 
brûlé  pendant  un  certain  temps^  elles  enlevaient  les  cendres 
et,  dans  cette  sorte  de  petit  four  brûlant,  elles  plaçaient  les 
vases,  puis  les  recouvraient  de  branchages  et  allumaient  un 
nouveau  feu  par-dessus  le  trou.  Après  quelque  temps,  elles 
laissaient  éteindre  le  feu.  H  n'y  avait  plus,  après  refroidisse- 
ment, qu'à  retirer  ces  vases,  qui,  généralement,  n'étaient  pas 
trop  mal  cuits. 

M.  Adrien  de  Mortillet  fait  remarquer  que,  souvent,  on 
trouve  des  poteries  fabriquées  par  divers  sauvages,  qui  ont 
été  ébauchées  en  superposant^  non  pas  des  anneaux  de 
terre  formés  par  des  boudins,  mais  bien  au  moyen  d'un  seul 
boudin  très  long  disposé  en  hélice.  Le  procédé  paraît  donner 
plus  de  solidité  que  celui  que  vient  de  montrer  M.  Gapitan. 

M.  Lajard.  Je  répondrai  à  M.  le  docteur  Verneau  qu'il  y 
a  lieu  de  distinguer  parmi  les  vases  ceux  de  Ténériffe  et 
ceux  de  la  Grande  Ganarie.  M.  Verneau  pense  que  les  uns  et 
les  autres  étaient  suspendus.  Or,  il  se  trouve  que  ceux  de 
Ténériffe,  quoique  n'étant  pas  sessiles,  sont  absolument  dé- 
pourvus d'oreilles  et  de  trous  de  suspension,  comme  il  est 
facile  de  le  voir  dans  la  collection  de  l'Institut  provincial  de 
Ténériffe  et  du  musée  de  las  Palmas.  Au  contraire,  ceux  de 


FÉLIX   REGNAULT.   —  PRÉBENSILITÉ  DU   PIED.  683 

la  Grande  Canarie,  au  nombre  de  cent  quarante,  sont,  à  l'ex- 
ception de  trois,  sessiles  ;  et  parmi  eux,  précisément,  se  trou- 
vent toutes  les  perforations  sur  les  bords.  11  est  donc  naturel 
de  croire  que  les  vases  de  Ténériffe,  à  rencontre  de  ceux  de 
Tîle  voisine,  n'étaient  pas  suspendus.  La  forme  des  anses  de 
ces  vases,  que  j*ai  décrite  plus  haut,  appuie  encore  cette 
manière  de  voir,  formées  d'un  cylindre-axe  vertical.  Sans 
parler  des  amphores  romaines,  on  sait  également  que  les 
grands  vases  arabes,  si  communs  dans  toute  TAIgérie  et 
pointus  par  le  bas,  ne  sont  pas  destinés  à  être  suspendus. 

Da  r61e  da  pied  eemmo  ovf«ae  prélM«Blle  cheB  les  Hladovt  ; 

PAR   U.    PEUX   REGNAULT. 

Les  industries  des  Hindous  mettent  en  action  non  seulement 
les  mains  mais  les  pieds,  comme  on  peut  s'en  rendre  compte 
par  une  promenade  dans  une  rue  indigène. 

Ce  fait  a  déjà  été  maintes  fois  signalé  chez  les  tourneurs 
arabes,  chez  les  danseurs  de  corde  japonais,  par  Luce  (Runke 
der  mench)...  et  non  seulement  dans  Tindustrie,  mais  encore 
chez  les  sauvages  dans  les  récits  des  voyageurs  :  témoin  ces 
Abyssins  qui,  pour  Pouchet,  tiendraient  l'étrier  entre  le  pre- 
mier  et  lesecond  orteil,  ou  ces  indigènes  delaNouvelle-Guinée 
qui,  pour  d'Alberlis,  s^aidaient  des  doigts  de  pied  dans  la 
marche,  par  un  mauvais  chemin  pour  s'accrocher  aux  ra- 
cines et  aux  obstacles...  Mais  nulle  part  je  n'ai  vu  signaler 
sa  constance  dans  les  industries  d'un  peuple  à  civilisation 
relativement  avancée.  Je  donnerai  les  exemples  du  menuisier 
qui  se  sert  de  son  pied  comme  valet,  du  cordonnier  qui  s'en 
sert  à  la  place  de  forme  immobile  et,  en  général,  de  tous 
les  ciseleurs,  découpeurs  de  métaux...  et  des  bouchers,  qui 
sont  dans  l'usage  de  tenir  le  couteau  entre  le  premier  et  le 
second  orteil,  tranchant  en  bas  tandis  que,  saisissant  le  mor- 
ceau à  pleines  mains,  ils  le  coupent  en  l'attirant  de  bas  en 
haut;  et  cet  enfant  qui,  monté  à  un  arbre,  prenait  point 


684  SÉANCE  DU  19   NOVEMBRE    1891. 

d'appui  en  tenant  une  branche  entre  les  deux  premiers  or- 
teils. 

Il  faut  distinguer  dans  cette  faculté  la  part  qui  revient  : 

TA  Tarticulation  coxo-fémorale  qui,  par  sa  laxité,  leur 
permet  de  considérer  Tattitude  accroupie  comme  une  station 
de  repos  ; 

S"*  Â  celle  du  cou-de-pied  très  lâche  ; 

'S""  Mais  surtout  au  premier  et  au  second  orteil,  formant  par 
leurs  mouvements  une  véritable  pince.  J'ai  pu  me  faire 
serrer  la  main  par  eux,  et  ils  ont  une  certaine  force. 

Us  ont  des  mouvements  étendus  d'abduction,  d'adduction, 
d'élévation  et  d'abaissement  du  gros  orteil,  mais  je  n'ai  ja- 
mais constaté  de  mouvements  d'opposition. 

  ce  rôle  physiologique  du  pied  se  rattache  une  particu- 
larité anatomique  spéciale  :  l'écart  entre  le  premier  et  le 
second  orteil.  Cet  écarts  sur  un  pied  posé  normalement,  peut 
être  considérable  et  atteindre  jusqu'à  A9  millimètres  comme 
chez  un  Hindou  de  Trichinopoly.  Mais  ordinairement,  il  n'at- 
teint pas  ce  chiffre  qui  est  un  maximum. 

Si  Ton  dit  au  sujet  d'écarter  son  gros  orteil  sans  le  secours 
des  doigts,  Técart  augmente  de  10  à  20  millimètres. 

S'il  les  rapproche  souvent,  les  deux  premiers  doigts  ne 
touchent  que  par  leurs  extrémités  comme  une  véritable 
pince. 

Cette  disposition  anatomique  se  présente,  sans  être  fré- 
quente néanmoins,  chez  les  Bengalis,  les  Tamouls  et  les 
Cinghalais.  Elle  doit  exister  chez  bien  des  peuples  sauvages, 
quoiqu'on  ne  l'ait  pas  encore  signalée  d'une  façon  explicite. 

Mais  je  l'ai  retrouvée  dans  des  dessins  de  pieds  de  Galibis 
et  de  Cinghalais  faits  par  M.  Manouvrier;  et  également  sur 
Tempreinte  d'un  pied  d'Annamite,  prise  par  Mondière. 

Néanmoins,  elle  n'existait  pas  sur  de  nombreux  tracés  de 
Puégiens,  d'Âraucans,  de  Peaux-llouges  et  d'Arabes,  con- 

r 

serves  à  l'Ecole  d'anthropologie. 

Je  ne  l'ai  pas  observée  chez  un  ectromèle  que  j'ai  pu  exa* 
miner  à  Marseille,  en  1889.  Je  ne  l'ai  pas  non  plus  retrouvée 


msCUSSlON   SUR   LA    PRÉHENSILITK   hJJ   PIED.  685 

en  France,  ni  sur  des  adultes,  ni  sur  les  enfants  que  j*aî  pu 
examiner  dans  les  hôpitaux. 

Néanmoins,  M.  de  Quatre fages  m'a  affirmé  l'avoir  observée 
sur  un  homme  d'Arcachon.  Cette  disposition  existerait  même, 
parait-il,  en  quelques  cas  chez  les  résiniers  de  ce  pays,  qui 
se  servent  beaucoup  de  leurs  membres  inférieurs  pour  grim* 
per  aux  arbres. 

11  serait  intéressant  de  disséquer  un  pied  offrant  cette 
structure.  Qui  sait  si  l'on  ne  trouverait  pas  un  élargissement 
de  la  tète  du  métatarsien  et  de  la  surface  articulaire  corres- 
pondante de  la  première  phalange.  M.  Testut  avait  signalé 
cette  disposition  sur  les  métatarsiens  du  squelette  quater- 
naire de  la  Chancelade,  et  en  avait  conclu  que  les  races  pré- 
historiques devaient  faire  un  fréquent  emploi  de  leurs  pieds. 

Il  me  reste  encore  à  signaler  Tusage  d'un  patin  en  bois 
bien  spécial  à  Tlnde,  et  qui  tient  au  pied  uniquement  par  un 
piton  de  bois  fixé  à  ce  patin  et  qu'on  met  entre  le  premier  et 
second  orteil. 

Cette  étude  n'est  pas  aussi  opposée  à  la  doctrine  darwi- 
nienne qu'on  pourrait  le  croire.  Il  est  légitime,  lors  de  l'adap- 
tation de  l'organe  à  la  fonction,  que  l'homme  qui  se  sert  de 
son  pied  comme  organe  de  la  marche  ne  puisse  avoir  de 
mouvement  d'opposition.  En  effet,  un  des  points  d'appui  les 
plus  importants  dans  la  marche  est  la  tète  du  premier  mé- 
tatarsien, et  il  importe  que  ce  point  d'appui  soit  fixe,  sinon 
la  marche  s'effectuerait  difficile  et  laborieuse  comme  chez 
les  singes.  Ceux-ci  marchent  sur  les  bords  externes  de  leurs 
pieds  en  s*aidantdes  mains.  C'est,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi, 
un  «  pied-main  »  adapté  à  leur  vie  dans  les  forêts.  L'homme 
qui  marche  a  un  pied  qui,  s'il  veut  combiner  les  deux  fonc- 
tions de  la  marche  et  de  la  préhension,  ne  pourra  jamais 
devenir  qu'un  pied^pmce. 

Discussion. 

M.  Sanson  fait  remarquer  qu'au  point  de  vue  de  la  pré- 
hension les  jeunes  enfants  ont  la  même  disposition  et  la 

T.  II  (4«  série).  ** 


686  ttANCC  DU  iO  NOVEMBRE  4894. 

même  habileté  que  les  Asiatiques.  Il  y  a  là  simplement  une 
question  d'usage  et  d'emploi  dans  un  but  déterminé. 

M.  ViNSON  dit  que  cette  souplesse  des  pieds  tient  à  ce  que, 
chez  les  Asiatiques,  presque  toute  la  journée  les  pieds  sont  à 
Tair  et  ne  sont  pas  enveloppés  chez  eux  par  la  chaussure. 
Lui-même  étant  dans  l'Inde  à  Tàge  de  dix  à  treize  ans  et 
marchant  souvent  pieds  nus,  arrivait  fort  bien  à  ramasser  un 
objet  par  terre  avec  son  pied.  C'est  donc  làuneaffaire  d'usage 
tout  simplement. 

M.  Manouvrier  a  observé  un  véritable  renversement  du 
gros  orteil  en  dedans  chez  un  Singhalais  ;  cet  écartement 
devait  provenir  de  ce  queTindividu  saisissait  avec  son  pouce 
des  objets  assez  volumineux. 

M.  Denikgr  dit  que  les  Chinois  appellent  les  Annamite;^ 
giaO'Chi  ou  orteils  bifurques.  Les  Japonais  ont  le  gros  orteil 
écarté  et  leurs  chaussettes  portent  même  un  diverticule  spé- 
cial pour  le  gros  orteil.  Les  négritos  des  Philippines  ont  un 
écartement  énorme  du  gros  orteil,  comme  on  peut  le  voir 
sur  les  photographies  du  docteur  Montario.  Certains  artisans 
tunisiens  se  servent  de  leur  pied  pour  tourner.  On  pourrait 
multiplier  les  exemples. 

Il  semble  donc  qu'il  y  ait  deux  conditions  nécessaires  pour 
favoriser  Técartemenl  de  Torteil  :  il  faut  que  le  pied  soit  ordi- 
nairement à  nu  et  qu'il  soit  employé  souvent  à  des  usages 
déterminés. 

M.  Magitot  rappelle  le  travail  de  M.  Gilles  de  la  Tourelte, 
dans  lequel  il  indiquait  que  c'était  précisément  la  fonction 
qui  faisait  la  forme. 

M.  Sanson  rappelle  qu'il  y  a  normalement  entre  le  gros  or- 
teil et  le  second  un  espace  plus  considérable  qu'entre  les 
autres  doigts.  D'ailleurs,  on  ne  voit  guère  plus  en  Occident 
que  chez  les  tout  jeunes  enfants  le  pied  normal.  11  est  dé- 
formé par  la  chaussure  ;  dans  ces  conditions,  on  com- 
prend c|ue  les  pieds  des  gons  civilisés  ne  puissent  jamais 
exécuter  des  mouvements  de  préhension.  M.  Sanson  n'ad- 
mettra pas  la  transmission  héréditaire  de  certaines  disposi- 


niSCUWûN  SUR  LA  PRÉHBNSIUTÉ  DU   PIFD«  68Y 

lions  acquises  tant  qa*on  ne  lui  aura  pas  présenté  de  faits 
indiscutables. 

M.  MAifouvaiER  dit  que  les  hommes  civilisés  ont  les  pieds 
très  défurméA  par  les  chaut^sures  Mais  il  n^est  pas  dou- 
teux que  nous  ayons  eu  jadis  la  même  disposition  que  celle 
des  peuples  sans  chaussures^  c'est-à-dire  le  parallélisme  très 
exact  du  bord  interne  du  pied  et  du  gros  orteil.  Celle  dernière 
disposition  exisle,  d  ailleurs,  chez  les  petits  enfants  n^ayant 
pas  été  cbauseés.  D  autre  part,  quand  on  appuie  le  pied  nu 
à  terre,  le  gros  orteil  a  de  la  leudance  à  reprendra  ee lie  dis- 
position régulière.  Leé  Arabes  ont  la  même  déviation  que 
nous,  mais  ils  se  servent  de  sandales  et  de  cbaus^ares  en 
cuir  très  hufiisantes  pour  produire  la  déformation»  Entre  le 
gros  orteil  et  le  deuxième,  il  y  aurait  chex  nous  un  espace  de 

I  centimètre  environ  à  la  base.  On  peut  rétablir  cet  esptce 
en  écartant  avt^c  la  main  le  gros  orteil  jusqu'à  ce  qu'il  ait 
pris  ta  direction  normale  indiquée  ci-dessus»  à  la  condition 
toutefois  d'opérer  sur  des  individus  exempts  de  la  déforma- 
lion  extrême  produite  souvent  par  la  chaussure.  Dans  la  plu- 
part des  cas,  Técartement  des  doigts  est  limité,  moins  par  une 
disposition  squeletUque  que  par  un  rétrécissement  de  la  peau 
de  l'espace  interdigilal,  consécutivement  au  défaut  d'usage. 

M.  Labordb  demande  à  M.  Manouvrier  s'il  ne  pourrait  pas 
donner  &  la  Société  quelques  indications  au  point  de  vue  de 
la  forme  normale  du  pied  et  des  moyens  de  ne  pas  TalLérar 
par  la  chaussure. 

M.  Manouvrier  répond  qu'il  a  déjà  communiqué  oralement, 
dans  une  précédente  séance,  les  résultats  de  sas  rteberehes 
sur  cette  question,  et  qu'il  se  propose  de  rédiger  prochaine- 
ment sa  communication.  En  ce  qui  eoncerne  les  applications 
à  la  chaussure,  il  ajoute  qu'il  a  fait  fabriquer  pour  lai,  con- 
formément à  ses  études,  des  obausture»  de  forma  vraiment 
rationnelle  qu'il  porte  depuis  six  mois  à  sa  grande  Mtii^fuction. 

II  se  fera  un  plaisir  de  donner,  eu  particulier,  à  ses  collègues 
qui  le  désireraient,  toutes  les  indice  liona  néeessaires  pour 
obtenir  des  chaussures  aemblablts^ 


688  SÉANCE   DU   49  NOVEMBRE   1891. 

M.  LE  COLONEL  DuHOUSSET  dit  que  les  enfants  et  les  singes 
saisissent  les  objets  en  plaçant  la  pulpe  du  pouce  sur  le  bord 
radial  de  la  première  phalange  dé  Tindex;  les  femmes  mena- 
cent avec  le  poing  fermé,  le  pouce  étant  placé  do  cette  façon  ; 
les  hommes,  au  contraire,  quand  ils  ferment  le  poing,  appli- 
quent la  pulpe  du  pouce  sur  la  face  dorsale  des  deuxièmes 
phalanges  de  Vindex,  du  médius  et  de  Tannulaire  fortement 
fléchis. 

M.  Sanson  dit  que  les  pianistes  ont  un  énorme  développe- 
ment de  la  peau  entre  les  doigts  et  un  grand  écartement  des 
doigts,  mais  ce  sont  là  des  particularités  individuelles  non 
transmissibles  héréditairement. 

M.  Laborde  croit,  au  contraire,  que  la  question  des  trans- 
missions héréditaires  des  difformités  acquises  n*est  pas  ju- 
gée. Il  a  obser\*é  dans  une  même  famille  une  transmission 
pendant  trois  générations  de  la  flexion  permanente  du  petit 
doigt  d*une  main.  Il  peut  aussi  citer  une  déformation  acquise 
du  pied  qui  se  transmet  depuis  plusieurs  générations,  et  si 
caractéristique  qu*on  peut  reconnaître  ainsi  la  famille. 

M.  Magitot  dit  qu*on  peut  hériter  d'anomalies  tératolo- 
giques  congénitales,  mais  qu'on  ne  peut  guère  admettre  la 
transmission  héréditaire  d^une  mutilation  acquise. 

Legros  a  exécuté  un  nombre  énorme  de  mutilations  sur  le 
cobaye  sans  pouvoir  réussir  à  obtenir  la  transmission  hérédi- 
taire de  ces  mutilations.  Il  y  en  a  encore  bien  d'autres  preu- 
ves, la  circoncision  par  exemple,  qui  n'a  pas  réduit  la  lon- 
gueur du  prépuce  chez  les  juifs. 

M.  Laborde  proteste  de  nouveau  contre  cette  affirmation  si 
absolue.  La  question  mérite  d'être  reprise.  Il  rappelle  aussi 
que,  par  un  exercice  bien  dirigé,  on  peut  arriver  à  faire  exé- 
cuter aux  pieds  les  mouvements  les  plus  compliqués.  Tel  est 
le  cas  célèbre  du  peintre  Ducornet  peignant  avec  les  pieds. 

M.  Capitan.  Tel  est  aussi  le  cas  de  ce  jeune  homme  que 
j'ai  observé  et  qu'on  pouvait  voir  il  y  a  quelques  années  dans 
tes  cirques  de  Paris.  Né  sans  bras^  son  éducation  avait  été 
dirigée  de  très  bonne  heure  de  façon  à  lui  faire  acquérir  une 


DISCUSSION  SUH  LA    PRËUENSILITÊ   DU   PIED.  680 

tresgrandehabiletemanuelledespied8.il  était  arrivé  ainsi 
à  se  servir  de  ses  pieds  pour  exécuter  les  choses  les  plus 
délicates,  nécessitant  les  mouvements  les  plus  compliqués  les 
plus  justes  et  les  plus  rapides.  Il  faut  dire  aussi  que  rexercice 
lui  avait  donné  une  souplesse  des  membres  inférieurs  en 
totalité.  C*esl  ainsi  qu'il  jouait  très  bien  du  violon,  du  cornet 
à  piston  avec  ses  pieds.  Il  prenait  son  mouchoir  dans  sa 
poche,  se  mouchait,  ouvrait  son  étui  à  tabac,  faisait  une 
cigarette,  la  fumait,  jouait  aux  cartes,  débouchait  une  bou- 
teille avec  un  tire-bouchon,  coupait  sa  viande,  mangeait  avec 
une  fourchette,  etc.  Tout  cela  toujours  avec  les  pieds.  Ceux- 
ci,  nullement  déformés,  étaient  bien  en  éventail,  le  pouce 
largement  séparé  des  autres  doigts  et  très  long. 

La  préhension  était  exécutée  tantôt  par  la  flexion  du  pouce, 
tantôt  par  le  rapprochement  du  pouce  du  deuxième  orteil, 
tantôt  par  la  flexion  de  tous  les  orteils  et  surtout  par  Tasso^^ 
dation  de  tous  ces  mouvements. 

Lorsqu'il  voulait  exécuter  un  ensemble  de  mouvements  un 
peu  compliqués,  il  s'asseyait  sur  une  chaise,  se  renversant 
assez  fortement  en  arrière,  puis  il  fléchissait  les  cuisses  sur 
le  bassin  et  élevait  ainsi  les  pieds  à  la  hauteur  de  Tabdomen  ; 
il  exécutait  alors  ses  divers  mouvements  avec  une  extrême 
souplesse  et  une  très  grande  aisance.  Il  portait  très  facile- 
ment ainsi  les  pieds  à  la  tête,  se  grattait  le  front  et  même  le 
derrière  de  la  tête.  C'est  en  somme  là  un  remarquable 
exemple  du  degré  de  perfection  auquel  on  peut,  par  un  long 
usage  et  un  exercice  systématique,  faire  parvenir  des  organes 
qui  ne  semblent  destinés  qu'à  remplir  normalement  des  fono* 
tions  en  somme  grossières. 

M.  LE  COLONEL  DuBOUSSET.  Daus  la  très  intéressante  com- 
munication de  M.  le  docteur  Regnault,  il  a  été  question  des 
services  qu'on  pouvait  tirer  des  membres  inférieurs  par  la 
mobilité  du  gros  orteil,  comme  moyen  de  préhension.  Tout 
le  monde  appréciera  ce  cas  de  perfectibilité  d*un  organe 
aussi  important  que  le  pied,  trouvant  surtout  son  application 
chez  les  peuples  qui  ne  le  déforment  pas  par  la  chaussure. 


600  SÉANCB   DU   19  NOVEMBRE    i891. 

Non  geulementt  les  Asiatiquesi  mais  des  sauvages,  comme  il 
s'en  trouve  peut-être  encore  quelques-uns  habllant  dans  les 
arbres,  font  assurément  aussi  usage  de  leurs  pieds  pour 
s'aider  à  montera  une  certaine  hauteur,  ou  afin  do  prendre 
un  point  d'appui  en  pinçant  une  branche  entre  le  premier 
orteil  et  le  second. 

J'ai  été  à  même,  par  un  long  séjour  en  Orient,  de  con^ 
stater  Tutilité  que  les  indigènes  tiraient  de  leurs  pieds,  bien 
exercés,  ce  dont  tous  les  visiteurs  de  lexposition  dernière 
ont  pu  se  copvaincre« 

L'idée  de  la  réalisation  du  travail  qu'on  lui  demande  se 
comprendra  mieux  en  jetant  un  regard  sur  les  os  du  pied, 
étant  donné  que  le  volumineux  premier  mélatarsien  peut 
s'y  prêter,  agissant  par  une  continuelle  pression  en  dehors 
sur  la  facette  supérieure  du  premier  cunéiforme,  très  incliné 
intérieurement,  comme  pour  faciliter  son  éloignemenl  du 
second  métatarsien  ;  celui-ci,  ainsi  que  les  trois  suivants, 
tournant  leurs  bases  du  côté  extérieur  pour  décrire  une 
courbe  accentuée  en  sens  inverse  afin  da  rejoindre  le  ouboïde. 

En  effet,  on  nous  a  appris  que,  chez  les  Indiens  cités,  il  y 
avait  un  intervalle  beaucoup  plu<  grand  entre  la  base  de  la 
première  phalange  du  gros  orteil  et  la  phalange  correspondante 
de  Torteil  voisin,  que  chez  les  Européens;  ceux-ci  ayant  les 
os  du  métatarse  sensiblement  parallèles^  disposition  que 
la  chaussure  tend  encore  à  augmenter  par  une  pression 
soutenue. 

On  comprendra  parfaitement  qu'une  fois  la  distance  angu- 
laire établie,  la  peau  fréquemment  sollicitée  n'ait  plus  qu'à 
obéir;  c'est  alors  que  la  partie  supérieure  de  la  première 
phalange  du  gros  orteil^  inclinée  en  dedans  et  facilitant  le 
retour  à  l'intérieur  de  cet  organe,  agira  comme  la  m&choira 
mobile  d'un  étau. 

De  même  qu'il  saisira  des  objets  assez  volumineux,  le  gros 
orteil  arrivera  à  un  tact  parfait.  Il  y  eut  des  artistes  privés 
de  bras  qui  gagnaient  leur  vie  en  peignant  des  tableaux  ;  le 
nom  de  Ducornet  est  bien  connu;  il  ne  se  bornait  pas  à 


DISCUSSION  SUR  LA   PRÉBENSILITÉ  DU   PIED.  691. 

manier  le  pinceau,  mais  il  faisait  aussi  toutes  les  petites  opé* 
rations  du  mélange  des  couleurs  avec  le  couteau  à  palette. 
On  peut  en  citer  d'autres  :je  me  suis  trouvé  au  musée  d'Anvers 
avec  un  dessinateur  faisant  ainsi  de  belles  copies  d  œuvres 
anciennes.  On  a  vu  ou  entendu  parler  de  cet  industriel  qui  se 
rasait,  enfilait  des  aiguilles  et  accomplissait  des  actes  d*une 
incroyable  dextérité  avec  ses  pieds. 

Je  me  souviens  d'avoir  demandé  ici  même,  au  docteur 
Manouvrier  qui  s'était  chargé  d'étudier  anthropologiquement 
une  série  d'Indiens  campés,  il  y  a  quelques  années,  au  Jardin 
d'acclimatation,  s'il  avait  constaté  cette  facilité  qu'avaient 
ces  indigènes  à  ramasser  des  objets  par  terre  sans  se  baisser, 
ayant  été  témoin  fortuit  d'une  entente  du  pied  et  de  la  main 
pour  arrivera  ce  but.  Un  de  ces  hommes,  voyant  sur  le  sol 
une  plume,  probablement  tombée  des  ornements  qui  déco- 
raient leurs  chevelures,  la  saisit  délicatement  entre  le  premier 
et  le  second  orteil,  la  porta  à  la  hauteur  de  sa  main  droite 
qui  la  prit,  entre  le  pouce  et  l'index,  sans  que  le  torse  flé- 
chit; j'ajouterai  que  cet  indigène  avait  les  jambes  arquées  et 
marchait  un  peu  en  dedans,  comme  beaucoup  de  ses  congé- 
nères qui  tenaient  probablement  cette  courbure  des  membres 
inférieurs  de  la  longue  habitude  du  cheval. 

Cette  question  de  perfectibilité  des  écarts  ordinairement 
très  limités  du  gros  orteil  nous  parait  d'un  grand  intérêt  ; 
mais,  je  crois  qu'il  est  nécessaire,  pour  les  voyageurs  appelés 
à  la  conàtateir,  de  s'attacher  surtout  à  vérifier  si  l'enfant 
montre,  dès  ses  plus  jeunes  années»  une  disposition  physique 
se  traduisant  par  une  modification  à  la  direction  osseuse  du 
premier  métacarpien  porté  en  dehors,  conséquence  de  l'espa- 
cement signalé  par  M.  le  docteur  Regnaultdans  l'Inde,  entre 
le  premier  et  le  deuxième  orteil  des  adultes. 

Ce  qui  m'amène  à  insister  sur  cette  remarque  qui,  dûment 
justifiée,  serait  d'une  grande  importance,  c'est  que,  chez  les 
Européens,  la  main,  que  sa  merveilleuse  structure  rend  apte  & 
toutes  les  adresses  de  loucher  et  de  préhension^  eut  cependant 
besoin  d*un  apprentissage  pour  développer  ces  deux  facultés. 


692  8ÉANCE  DU   19  NOVEMBRE   1891. 

Je  rappellerai  en  quelques  mots  que  ce  pouce,  ayant  des 
aptitudes  si  exceptionnelles  dans  la  suite,  commencera  par 
cacher  sa  phalangette  sous  les  quatre  petits  doigts  fermés 
de  la  main  enfantine  ;  lorsqu'il  s'agira  de  prendre  un  objet,  le 
pouce  s'étendra,  mais  il  restera  encore,  pendant  longtemps, 
comme  collé  au  second  métacarpien  et  appuyé  sur  la  pre- 
mière phalange  de  l'index,  la  pression  s'exerçant  entre  la  face 
externe  latérale  du  pouce  et  Tintérieur  des  quatre  doigts 
fléchis.  En  cela,  la  jeune  main  de  Tenfant  ne  diffère  pas  du 
mode  de  préhension  des  singes,  et  cependant^  dans  Tespèce 
humaine,  tout  est  préparé  de  longue  date  pour  cette  faculté 
opposante  que  n*a  pas  le  pied. 

Nous  ne  serions  pas  trop  éloigné  de  croire  que  c'est  l'ins- 
tinct de  la  défense  qui  a  suggéré  à  l'enfant  l'opposition  la 
plus  forte  du  pouce  constituant  ainsi  le  poing  fermé,  c'est- 
à-dire  sa  seconde  phalange  étreignant  fortement  le  médius 
et  obtenant  la  résistance  pour  frapper.  Il  n'est  pas  arrivé  à 
cela  tout  de  suite,  car  le  premier  geste  d'attaque  a  dû  se 
faire  avec  les  ongles  fermés  pressant  la  paume  delà  main,  le 
pouce  étendu  et  sortant,  en  dehors  du  pli  des  premières  pha- 
langes, de  toute  la  longueur  de  l'ongle;  mauvaise  disposition 
pour  se  heurter  à  quelque  chose,  et  que  l'action  ne  tarda  pas 
à  modifier  ;  rendant  plus  efficace  la  défense  en  protégeant 
tout  à  fait  le  pouce  qui,  pressant  sur  le  médius,  consolida  la 
jonction  intime  de  tout  le  système  ;  la  tête  du  troisième  mé- 
tacarpien formant  la  partie  saillante  de  la  courbe  offensive 
d'un  instrument  contondant. 

Le  geste  de  la  menace  se  traduit,  chez  l'homme,  en  pré- 
sentant généralement  le  poing  fermé,  parce  qu'il  sait  la  valeur 
de  cet  acte  agressif.  La  femme,  qui  a  peu  l'habitude  du  pu- 
gilat, lorsqu'elle  menace,  le  Tait  avec  le  geste  se  rapprochant 
de  celui  de  l'enfant,  les  ongles  sontenTairet  le  pouce  allongé 
en  dehors,  ce  qu'on  peut  journellement  vérifier.  Du  reste,  la 
main  ne  suffisant  plus  a  dû  s'armer  d'une  pierre  et  alors  le 
pouce  a  développé  sa  qualité  d'opposant,  ce  qu*il  manifeste 
en  fléchissant  jusqu'à  hauteur  de  l'intervalle  séparant  le 


DISCUSSION   SUR  LA  PKÉHENSILITË  DU   PIED.  693 

médius  et  l^annulaire  ;  position  médiane  entre  les  doigts  plus 
ou  moins  ouverts,  suivant  la  grosseur  de  Tobjet  saisi. 

Je  pourrais  citer  bien  d^autres  faits,  mais  cela  suffit  pour 
insister  par  analogie,  sur  le  besoin  de  constater  si  les  jeunes 
Indiens  naissent  avec  la  particularité  les  rendant  aptes  à  cette 
adresse  du  pied.  Chez  le  gorille^  Téloignement  du  premier 
métatarsien  est  bien  plus  grand  que  Tos  correspondant  de  la 
main  du  même  sujet  ;  ce  métatarsien  est  suivi  d'un  pouce 
beaucoup  plus  prenant  que  celui  du  métacarpien,  mais  qui 
ne  sert  ordinairement  qu'à  progresser  dans  la  verdure  des 
arbres  sous  laquelle  Tanimal  s'abrite,  comme  le  perroquet 
avec  ses  doigts  opposés  deux  à  deux  saisit  son  perchoir  ou 
les  fruits  qu'on  lui  présente,  ou  même  ainsi  que  le  caméléon 
s'installe  avec  ses  doigts  séparés  en  pinces,  afin  de  se  bran- 
cher pour  ses  longues  stations. 

Depuis  trente  ans  que  j'ai  l'honneur  de  faire  partie  delà 
Société  d'anthropologie,  j'ai  vu  bien  souvent  se  produire  cette 
question  de  comparaison,  entre  la  main  et  le  pied  humain, 
et  les  extrémités  du  gorille  et  du  chimpanzé.  Broca  a  con* 
staté  qu'ils  avaient  les  mêmes  extenseurs  et  les  mêmes  flé* 
chisseurs  du  pouce  que  nous,  ainsi  que  huit  os  seulement 
au  carpe,  les  séparant  parfaitement  de  l'orang-outang,  du 
gibbon  et  bien  entendu  des  autres  primates.  Toutes  les  dis- 
cussions sur  ce  sujet  se  trouveront  facilement,  pour  ceux  que 
cela  intéresse,  dans  les  Bulletins  de  fa  Sociélé  d'anthropologie 
de  186*2  à  1870,  consignant  les  savantes  communications  de 
MM.  les  docteurs  Gratiolet,  Alix,  Pruner-bey,  Daily,  etc. 

Enfin,  comme  le  dernier  mot  n*a  pas  été  dit  sur  le  sujet 
qui  nous  occupe  aujourd'hui,  et  que  la  constatation  de  la 
particularité  devant  résulter,  d'une  façon  apparente  au  moins 
chez  l'homme,  de  la  direction  angulaire  du  premier  méta- 
tarsien par  rapport  au  second,  nous  conseillerons  à  l'obser- 
vateur de  s'en  rendre  compte  par  l'empreinte  du  pied,  très 
facilement  obtenue,  et  en  posant  la  plante  sur  un  papier 
passé  préalablement  au  noir  de  fumée,  dont  le  fixatif  rendra 
l'aspect  véritable  immédiatement  indélébile.  Sans  doute  les 


694  SÉANCE   DU    19  NOYËMBKB   1891. 

Indiens  dont  nous  a  parléle  docteur  Regnanlt  sont,  par  l'usage, 
très  habiles  à  se  servir  de  leurs  orleils;  mais  il  me  paraît  que 
cette  dextérité  doit  surtout  venir  de  rhabilude  d'aller  pieds 
nus  ;  c  est  aussi  l'avis  du  voyageur  Rousselet,  si  compétent 
pour  tout  ce  q^ui  a  rapport  à  Tlnde  centrale,  Tayant  habitée 
en  observateur  érudit  pendant  plusieurs  années  ;  il  m'a  affir- 
mé que  l'Européen,  lui-même,  vivant  au  milieu  des  Asiatiques 
et  à  la  façon  des  indigènes,  acquiert  un  tact  assez  développé, 
à  Tendroit  des  orteils,  et  qu'il  apprend  à  s'en  servir  aussi 
fréquemment  que  les  Orientaux,  n'importe  à  quelle  race  ou 
caste  à  laquelle  ils  appartiennent. 

Dans  la  plupart  des  professions,  l'ouvrier  se  sert  presque 
autant  du  pied  que  de  la  main  ;  nous  avons  pu  le  constater 
très  souvent  aussi  en  Perse  pour  les  petites  industries  du 
bazar,  le  pied  est  un  aide  indispensable  au  tourneur;  le  bou- 
cher et  le  ciseleur  ne  dédaignent  pas  non  plus  de  le  mettre  à 
contribution. 

Journellement  on  voit,  chez  les  peuplades  de  l'Inde,  les 
jaunes  filles  revenir  de  la  fontaine,  ayant  sur  la  tête  d'énormes 
bassines  en  cuivre;  se  tenant  droite  et  la  taille  cambrée,  elles 
maintiennent  en  équilibre,  pendant  leur  marche  à  petits  pas 
précifiilés,  ce  grand  poids,  la  main  gauche  seulement  tou- 
chant le  récipient.  Cependant,  malgré  celte  préoccupation, 
et  si,  dans  la  poussière  fortement  sollicitée  par  ce  genre  un 
peu  traînant  de  progression,  la  moindre  chose  brille  à  terre, 
tel  minime  que  soit  l'objet,  le  pied,  manœuvrant  avec  une 
adresse  remarquable,  le  saisira  entre  le  gros  orteil  et  le  sui* 
vant  et  le  portera  à  la  main  droite,  sans  presque  arrêter  la 
marche,  et  sans  compromettre  en  rien  la  solidité  du  fardeau 
inquiétant  surplombant  la  tète. 

On  remarquera  aussi  que  c'est  surtout  le  pied  droit  qui 
opère. 

M.  Regnault.  Je  remercie  mon  confrère  de  l'appoint  qu'il 
apporte  à  la  question  soulevée  dans  la  dernière  séance. 

Certes,  elle  n*est  qu'ébauchée  et  il  serait  utile  de  rechercher 
cette  propriété  chex  tous  les  peuples  et  principalement  chez 


G0HBE8P0N0ANCE.  695 

les  peuples  sauvages,  bien  qu'on  puisse  être  assuré  déjà 
qu'elle  n'existe  pas  chez  lous. 

A  propos  de  Tusage  des  patins  aux  Indes,  je  ferai  remar- 
quer leur  grande  différence  avec  ceux  dont  on  se  sert  en 
Chine,  Japon  et  Birmanie  (voir  musée  de  Cluny).  Les  patins 
sont  maintenus  par  deux  lacs  qui,  d'une  part,  se  fixent  entre 
le  premier  et  le  second  orteil  et  de  Tautre,  passant  sur  le  dos 
du  pied,  vont  en  arrière  se  terminer  sur  les  parties  latérales 
du  patin.  C'est  ce  dernier  et  non  les  premier  et  second  orteils 
qui  maintiennent  ici  le  patin.  Ainsi  s'explique  pourquoi  les 
Japonais  ont  des  bas  avec  un  compartiment  spécial  pour  le 
gros  orteil,  afin  de  pouvoir  mettre  ces  patins.  Les  sandales 
antiques  se  maintenaient  de  mémo  façon. 

La  séance  est  levée  à  six  heures  vingt  minutes. 

Vun  des  secrétairei  :  CAPITAN. 


518*  SÉANCE.  —  3  décembre  «891. 

Présldonec  de  Sf*  LAB^HIIE,  préitldeiiC. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séanoe  est  lu  et  adopté. 

COMMUKICATIONS  DU  BUREAU. 

M.  LE  Président  fait  part  à  la  Société  des  décisions  prises 
par  le  Comité  central  relativement  au  concours  de  1891  pour 
le  prix  Godard. 

M.  Manouvrccr,  rapporteur  du  jury,  donne  communication 
de  son  rapport  dont  les  conclusions  ont  été  ratifiées  par  le 
Comité.  (Voir  la  séance  solennelle  du  10  décembre.) 

C0BBE8P0IV0ANCE. 

M.  LE  Secrétaire  général  communique  une  lettre  adressée 
par  M.  Tilly-Kinafif,  qui  signale  la  découverte,  à  Saint-Quai- 
Portrcux  (Côtes-du-Nord),   d'ossements  humains  mélangés 


696  SÉANCE  DU  3  DÉCEMBRE  1891. 

à  des  objets  paléolithiques^  néolithiqaes,  gallo-romains  et 
même  mérovingiens.  Il  semblerait,  d'après  ces  ossements, 
qa*il  a  existé,  dans  cette  région,  une  race  de  petite  taille 
présentant  certains  caractères  mongoloïdes  et  ayant  dû  per^ 
sister  pendant  le  moyen  âge.  M.  Tiily-Kinaff  signale,  notam- 
ment, diverses  particularités  observées  par  lui  sur  les  mandi- 
bules. Il  demande  si  la  Société  ne  pourrait  pas  contribuer 
aux  fouilles  pécuniairement. 

M.  LE  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL,  au  sujct  de  cctlc  lettre,  rappelle 
que,  d'après  Pruner-Bey,  il  ne  serait  pas  rare  de  rencontrer 
en  Bretagne  des  types  mongoloïdes. 

Quant  a  la  question  de  contribution  en  argent,  elle  sera 
renvoyée  à  Texamen  du  Comité  central. 

M.  LE  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL  dounc  ensuite  lecture  d'une  lettre 
de  M.  Gaillard,  annonçant  Tenvoi  d'une  communication  sur 
des  recherches  faites  au  Roch*driol,  à  Quiberon,  à  la  suite  de 
celles  du  Gonguel,  ainsi  que  de  dessins  des  objets  recueillis. 
Ce  travail  sera  publié  à  la  suite  de  la  communication  sur  le 
dolmen  du  Gonguel. 

M.  Gabriel  de  Mortillet  annonce  que  M.  Schaaffhausen  a 
envoyé  un  grand  nombre  de  ses  ouvrages  destinés  à  la  biblio- 
thèque. Il  ajoute  que  ces  ouvrages  sont  arrivés  trop  tard  pour 
être  inscrits  au  catalogue  imprimé,  mais  qu'ils  seront  annon* 
ces  dans  le  Bulletin, 

M.  de  Mortillet  fait  observer  que  les  envois  faits  à  la  Sociélé 
ne  devraient  pas  être  adressés  nominalement  aux  membres 
du  Bureau.  Afin  d'éviter  des  erreurs  et  des  relards,  il  serait 
préférable  de  désigner  seulement  ces  membres  par  leurs 
fonctions  et  non  nominalement:  M,  le  Président.,,,  M,  le 
Secrétaire  général,  etc.  Une  note  à  ce  sujet  pourrait  être  in- 
sérée sur  la  couverture  des  Ùulletins,  (Adopté.) 

CANDIDATURES. 

^aïo  veuve  EuG.  Véron,  présentée  par  MM.  Letourneau, 
Manouvrier  et  M"«  Juglar,  demande  le  titre  de  membre  titu- 
laire. 


OUVRAGES  OFFERTS.  697 

M.  NoYiKOFF,  présenté  par  MM.  Letourneau,  Sanson,  La- 
borde,  demande  le  litre  de  membre  titulaire. 

M.  Albert  ëuoe^  avocat  à  la  cour  d'appel,  présenté  par 
MM.  Manouvrier,  Letourneau  et  Segalas,  demande  le  titre  de 
membre  titulaire. 

ÉLECTIONS  POUR  LE  RENOUVELLEMENT  DU  BUREAU. 

Le  dépouillement  du  scrutin,  opéré  conformément  au  règle* 
ment,  a  donné  les  résultats  suivants  : 

Nombre  des  volants  :  60. 

Les  membres  présentés  par  le  Comité  central  ont  obtenu  : 

MM.  Bordier,  57  suffrages  ;  Salmon,  54  ;  Dareste,  54  ; 
Manouvrier,  55  ;  Gapitan,  58;  Guyer,  56;  A.  de  Mortillet,  58  ; 
Issaurat,  59  ;  Fauvelle,  58  ;  Mathias  Duval,  59;  Hovelacque, 
57  ;  Laborde,  59. 

En  conséquence,  le  Bureau  sera  ainsi  constitué  pour  1892  : 

Président  :  M.  Bordier  ; 

Premier  Vice -Président  :  M.  Salmon.  — Deuxième  Vice-Pré' 
si  dent  :  M.  Dareste. 

Secrétaire  générai  :  M.  Letourneau. 

Secrétaire  général  adjoint  :  M.  Manouvrier. 

Secrétaires  annuels  des  séances:  MM.  Gapitan  et  Guyer. 

Conservateur  des  collections  /M.  A.  de  Mortillet. 

Archiviste  :  M.  Issaurat. 

Trésorier:  M.  Fauvelle. 

Comité  de  publication  :  MM.  Matbias  Duval,  Hovelacque  et 
Laborde. 

ouvrages  offerts. 

ScHAAFFHAUSEN  ;  Die  Kcltcn.  —  Zur  abwehr,  Bonn,  1885, 
in-8%  4  pages. —  Der  Neanderthaler  Fund^  Bonn,  1888.  in-4^, 
49  pages.  —  Die  vorgeschichtliche  Ansiedelung  in  Andernach, 
Bonn,  1888,  in-4*,  42  pages.  — L'Homme  préhistorique ^  Lia- 
bonne,  1880,  in-8'*,  10  pages.  —  Les  Indices  d'anthropophagie 
révélés  par  les  ossements  humains  découverts  dans  quelques 


608  SKANGS  DU   3   DtCCMBRiS   1891. 

grottes  du  Portugal,  Liftbonne,  1880,  in-8*,  8  pages.  — ^oA/en, 
Wiesbaden,  in-8',  6  pages  et  figures.  —  Ueber  das  mensck- 
liche  Gfibisty  Bonn,  in-H**,  20  pages.  —  Die  nchxdel  aui  dem 
Lœsi  von  Podbada  \^inaric  in  Dœhmen,  Bonn,  in-8*,  IH  pages 
et  figures. —  Die  antkropolog tschen  Sammlungen  deutschlands 
ein  Verzeichnlss  des  in  deulschland  Vorhandenen  anthropolo- 
gischen  Materials...  etc.,  ln-4*,  1877.  —  Die  neue  Hohlenfund 
von  Sieeteny  Wiesbaden,  in-8°,  32  pages.  —  Ueber  den  Mens- 
cklichen  Kieferaus  der  Schifjka'f^œh'e  bei  Strambetg  in  mœh- 
rew,  Bonn,  in-8",  3:2  pages.  —  Berickl  ûher  den  inlemationalen 
Congress  fur  vargeschichtiiclie  Anthropologie  undArchœo'ogie  in 
Pesty  Brunschweig,  1877,  in-i",  iO  pages.—  Drei  Schxdel atis 
Rœmergrxbern  bei  Metz,  in  8'»,  30  pages.  —  Der  inteniatio^ 
naler  prxhistonsche  Congress  in  Lnsabon  am  20  bis  29  sep^ 
temher  18S0,  in-4'*,  20  pages.  —  Uf^ber  John  jMbboocK's  Dan- 
tellung  der  Urgeschichle,  in-4°,  30  pages.  —  Compte  rendu  des 
ouvrages  de  M.  de  Morlillet  :  le  Préhistorique,  antiquités  de 
r homme;  Origines  de  la  chasse,  de  la  pêche  et  de  V agriculture  ; 
I.  Chaise,  pêche,  domestication. —  Allgemeine  Versammlung  der 
deutschen  anthropologischen  GeselUchaft  in  Karlsruhe,  I  h85  ; 
Stettin,  1886  ;  Nûrnberg,  1887  ;  Bonn,  188.^;  Wien,  I8h9; 
Munster,  1890.  —  Ueber  ein  von  der  deutschen  anthropolo- 
gischen gemein  Sames  verfahren  fur  die  Messung  der  mensc/iii- 
chen  Becken,  Bonn,  ln-8°,  12  pages.  —  Dahomey-Neger  und 
Negerinnen,  in-8°,  14  pages.  —  Crânes  nèawlerthaloides  (en 
allemand),  Bonn,  1886,  in-8°,  8  pages  et  figures.  —  Ueber 
die  anthropologischen  Fragen  der  Gegenwart,  1868,  in-8**, 
22  pages. 

M.  Lagneau.  Je  dépose  sur  le  bureau  mon  Mémoire  sur  les 
mèf*es  délaissées  et  les  maternités-ouvroirs. 

Dam  ce  travail  inséré  dans  le^  Comptes  rendus  de  l* Acadé- 
mie des  sciences  morales  et  politiques,  je  cherche  à  montrer 
que,  si  durant  les  derniers  mois  de  la  gestation  et  les  pre« 
miers  temps  de  Tallaitement,  les  femmes  abandonnées  de 
leurs  maris  ou  de  leurs  amants  étaient  admises,  à  bureau 
ouvert  et  secret,  dans  des  établissements  hospitaliers  réunis- 


COLLIN.  —   PliCES  NéOLITHIQUES   ET  PALÉOLITHIQUES.      699 

sant  à  Ja  fois  les  avantages  des  refuges-ouvroirs,  des  mater- 
nilés,  des  crèches  d*allaitement  et  des  asiles  secrets,  on  par* 
viendrait,  d'une  part,  à  arracher  à  la  mort  par  misère  de 
nombreux  enfants  de  mères  dépourvues  de  ressources  ;  d*autre 
part,  à  arracher  à  la  mort  par  crime  quelques  malheureux 
enfants,  dont  Texistence  est  imputée  à  honte  à  leurs  infor- 
tunées mères. 

PÉRIODIQUES. 

The  Journal  ofthe  Anthropological  Institute  ofGreat  BrilaiH 
and  Ireland,  novembre  I8i^1 .  T.  G.  Pinches :  ^/7on  Ihe  types  of 
the  Early  Inhabilants  of  Uenopotamia, 

Twenty -second  annual  report  ofthe  State  Board  of  Health  of 
Massachusetts^  Boston,  1891,  in*8*,  590  pages. 

PRB8ENTATION8. 
Crâne  mérovingien. 

M.  Labordb  présente  un  crâne  offert  à  la  Société  par  H.  Gri- 
maux,  professeur  à  TËcole  polytechnique.  Ce  crâne,  trouvé 
H  Thiré,  en  Vendée,  a  les  caractères  d'un  crâne  mérovingien. 
Il  laisse  à  MM.  Hoveiacque  et  Hervé  Je  soin  de  déterminer 
plus  exactement  ces  caractères  et  déjuger  si  cette  apprécia- 
tion est  fondée. 

M.  HovELACQUB  répoud,  qu'en  effet,  tout  fait  croire  que  ce 
crâne  est  bien  mérovingien. 

M.  Laborde  ajoute  que  M.  Grimaux  a  déterminé  l'étymo- 
logie  du  nom  de  Thiré,  de  la  manière  suivante:  Theodoria-- 
cuniy  Theodoricum,  Theriacum,  Thiré.  Ces  noms  ont  été  relevés 
dans  les  vieux  titres,  archives  de  l'état  civil  du  pays. 

Pléees  néolithiques  et  paléoliibiqves 
de  €eupwray  et  de  Jablioes  (ëeine«ei-Marne)  | 

PAR  M.    ^UILB   COtLlir* 

Dans  une  excursion  faite  en  compagnie  de  MM.  Régnier, 
d'Ësbly  ,et  Dutenhoffer,  de  Gonpvray,  Bur  les  plateaux  de 


700  SËANCR   DU  3  DÉCEKBRË   4891. 

Goupvray  et  de  Jablines,  nous  avons  ramassé,  à  la  surface  du 
sol,  un  assez  grand  nombre  d'éclats,  parmi  lesquels  des  nu- 
cléus^  des  percuteurs,  des  disques,  et  d*aulres  éclats  avec 
retouches,  des  pointes,  des  perçoirs,  des  grattoirs  convexes 
et  des  grattoirs  concaves. 

La  présence  de  ces  grattoirs  concaves  nous  porte  à  croire 
qu'il  existait,  à  cet  endroit,  un  atelier  spécial  pour  la  confec- 
tion de  ces  outils. 

Outre  les  instruments  que  nous  venons  de  citer,  nous 
avons  rencontré  aussi  des  haches  taillées. 

Malgré  toute  l'attention  que  nous  avons  apportée  dans  nos 
recherches,  nous  n*avons  pu  recueillir  ni  tranchât  ni  pièce 
polie.  Cependant,  nous  avons  récolté  trois  pièces  dites  coups 
de  poing,  de  Tépoque  chelléenne. 

Une  de  ces  pièces  est  remarquable  par  la  finesse  de  sa 
pointe,  ainsi  que  par  le  talon,  qui  en  facilitait,  pour  ainsi 
dire,  Tempoignement  et  empêchait  ainsi  de  se  blesser  la 
main.  Ces  coups  de  poing  sont  en  silex  du  calcaire  de  Brie. 

Nous  rapprochant  de  la  ligne  du  chemin  de  fer  de  l'Est, 
qui  sépare  en  deux  la  colline,  nous  remarquons  plusieurs 
places  oix  Ton  avait  certainement  fouillé  la  craie,  où  de  nom- 
breux ménilites  affleurent  la  surface  du  sol  ;  cette  craie  est 
la  couche  supérieure  du  Saint-Ouen. 

Les  tailleurs  de  silex  n'avaient  eu  qu'à  profiter  de  la  ma- 
tière première,  qu'ils  avaient,  pour  ainsi  dire,  sous  la  main, 
au  lieu  d'avoir  recours  à  des  extractions  ou  à  des  transports 
très  pénibles,  comme  cela  s'est  produit  dans  plusieurs  autres 
contrées. 

Maintenant,  j'ajoute  que,  sur  les  hauteurs  de  l'endroit,  se 
trouve  une  immense  tranchée,  qui  peut  avoir  environ  80  mè- 
tres de  long  sur  1°,50  de  large  et  80  centimètres  de  profon- 
deur. C'est  en  creusant  dans  cette  tranchée  que  nous  avons 
rencontré  une  multitude  de  petits  éclats,  indiquant  aussi 
qu'il  y  avait  là  un  atelier. 

En  quittant  les  Chauds-Soleils,  nous  nous  sommes  dirigés 
vers  Jablines  situé  plus  au  nord  et  également  sur  un  versant. 


LAJARD  ET  REGNAtTtT.  —   SlTR  UN  SOUEIETTB  d'aCCRÉEN.    701 

Nous  avons  trouvé  là  les  mêmes  instruments  qu'à  Coupvray, 
mais  on  plus  grand  nombre. 

En  réponse  à  la  communication  de  M.  Gabriel  de  Mortillet, 
je  rappellerai  qu'à  l'Exposition  de  1889,  au  pavillon  de 
l'Histoire  du  travail,  j'avais  exposé  un  tableau  de  pièces 
de  Tépoque  de  la  Magdelcine  et  provenant  des  fouilles  faites 
à  Bruniquel  (Tarn-etGaronne),  par  M.  Peocado  de  Tlsle, 
et  dans  lequel  figurait  une  phalange  de  renne  ayant  servi 
de  sifflet. 

COMMUIflCATfOlVS. 

Snr  nn  squelette  d*AeeréeB« 
oOert  ik  la  Soeiété  d'anthropologie; 

PAR  MM.    LAJARD   ET   RRGNAULT. 

La  ville  d'Accra  est  située  en  Guinée,  sur  la  côte  d*Or. 

En  1889,  un  imprésario  engagea  quelques  Acoréens  pour 
les  produire  en  Europe. 

Ils  furent  mesurés  et  examinés,  à  leur  arrivée,  par  la  So- 
ciété d'anthropologie  de  Bordeaux. 

Pendant  leur  séjour  à  Marseille,  Tnn  d'eux  mourut  de 
pneumonie  à  l'hôtel^Dieu.  C'est  ce  sujet,  Canite,  Jean,  &gô 
de  trente-deux  ans,  dont  je  vous  présente  aujourd'hui  le 
squelette. 

G^était  un  bel  homme,  admirablement  conformé,  sans  par- 
ticularités spéciales,  sauf  que  ses  testicules  n'étaient  pas 
entièrement  descendus  dans  les  bourses,  mais  étaient  restés 
à  la  partie  supérieure. 

Les  muscles  n'offraient  aucune  particularité  au  point  de 
vue  analomique,  malgré  les  recherches  faites  avec  le  concours 
de  M.  le  docteur  Alezais,  chef  des  travaux  anatomiques  à 
Marseille. 

Nous  avons  pris  le  cerveau,  et  il  nous  offre  un  grand  inté' 
rêt  ;  car  nous  avons  pu  obtenir  du  chef  de  la  bande  des  ren- 
seignements précis  sur  l'état  mental  de  ce  nègre. 

Il  était  sourd-muet  de  naissance^  mais  11  comprenait  au 

T.  II  (4*  SÉR»}.  45 


70Si  8ÉANCB  DU  3  DÉCEMBIiE  4891. 

mouvement  des  lèvres.  Taciturne  et  triste,  il  restait  isolé  dans 
un  coin  et  passait  pour  peu  intelligent  auprès  de  ses  oompa- 
gnons.  Il  était  très  religieux  comme  Ty  forçait  du  reste  sa 
profession  de  sculpteur  de  fétiches. 

Quand  il  buvail,  il  versait  toujours  un  peu  de  sa  boisson 
pour  ses  ancêtres,  ce  qui  excitait  Thilarité  de  ses  compagnons. 

Or  nous  trouvons  des  adhérencèâ  de  la  dure-mère  avec  les 
autres  méninges;  mais  pour  le  reste,  un  cerveau  normal.  El 
Tencéphale  bien  égoutté  pesait  1505  grammes! 

Du  reste  le  cubage  du  crâne  de  16G0  grammes  s'accorde 
assez  avec  ce  poids.  Ce  fait,  éloigné  de  ce  qu'on  trouve  chez 
les  races  noires,  montre  avec  quelle  prudence  on  doit  ménager 
les  conclusions  tirées  de  ce  caractère  anthropologique.  Nous 
avons  ici  le  crâne  d'un  nègre  guinéen  de  race  pure  et  faible 
d'intelligence,  et  son  cerveau  pèse  plus  que  celui  de  bien  des 
gens  de  notre  pays. 

•  C'est  que  le  poids  du  cerveau  est  fonction  de  plusieurs 
causes,  entre  autres  de  la  force  et  du  poids  de  l'individu. 

On  voit  encore  sur  le  cerveau  desséché  le  pied  de  la  troi- 
sième frontale  gauche,  pied  peu  développé,  et  la  branche 
ascendante  de  la  scissure  de  Sylvius  n'u  qu'une  longueur  de 
8  millimètres.  Cette  circonvolution  est  à  rapprocher  de  celle 
de  la  figure  4  (idiot)  de  l'étude  de  la  circonvolution  de  Broca, 
par  M.  G.  Hervé. 

A  la  hauteur  des  circonvolutions  frontale  el  pariétale 
ascendantes,  la  première  temporale  gauche  paraît  plus  petite 
et  légèrement  étranglée  par  rapport  à  celle  du  lobe  droit* 

L'étude  complète  et  détaillée  de  ce  cerveau  reste  d'ailleurs 
encore  à  faire.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  mensurations 
que  nous  publions  ici  : 

Crâne, 

Diamètre  «ntéro-potlérit ur  msximuio ISS 

transversal  maximum 141 

Indice  céphalique 77,2 

DiamèU'e  mélopigne 1S4,S 

—      ssléri^ue ilS 


LAJARD  ET  REGNAULT.  —  gUR  UN  SQUELETTE  d'aCCRÉEN.    703 

Diamètre  frontal  minimum 08 

— >       vertical  basiio-bregmatique 145 

Indice  vertical , 79,4 

Trou  occipital.  Longueur 36 

—  Largeur 3l,b 

Indice 87,5 

Courbet  cranienn$$. 

Courbe  médiane  sous-cérébralc i^ 

—  frontale lia 

—  pariélnlo 1:10 

—  occipitale  8up«''rieurc r>0 

—  cérébelleuse o5 

—  cérébrale  lolale 3n5 

—  transversale  sus- auriculniro 31 K 

—  horizontale  préauriculaire 279 

—               totale Bi3 

Projection  antérieure Iû8 

—         postérieure lOt 

Angle  basilaire  de  Broca 35» 

—  occipital aeo 

Face, 

Diamètre  ophryo-alvéolaire ..  8,3 

—       bizygomatique 30,5 

Indice  facial G3,G 

Orbite.  Hauteur 37 

—  Largeur 37 

ladice iOO 

Diamètre  bi-orbitaire  externe 08 

—  interorbUnirc 25 

Nez.  Hauteur 51,5 

—    Largeur 28 

Indice 54,4 

Voûte  palatine.  Longueur 55 

—  Largeur 38,5 

Indice 69,4 

Angle  facial  sous-nasal ,  73» 

Mandibule. 

Poids. 115f 

Distance  bicondylienne 123 

—  bigoniaque 92 

—  mentonnière *.. 46 

Hauteur  symphysienne 86 

~       molaire 28 

Longueur  de  la  branche 56 


704  SÉANCB  DU  3  décbmbre'^4891. 

Largeur  de  la  branche 35 

Angle  mandibulaire 32o 

—    symphysien 97« 

Les  sutures  sont  simples. 

Le  crâne  est  en  équilibre  postérieur. 

L'inion  est  effacé  et  le  centre  du  pressoir  d*Hérophile  cor- 
respond à  une  pression  légère. 

Les  diamètres  et  les  courbes  ont  été  pris  d'après  la  mé- 
thode de  Broca. 

Réflexions.  —Par  son  indice  céphalique,  ce  crâne  se  range 
parmi  les  sous- dolichocéphales. 

L'indice  vertical  est  très  grand.  Il  dépasse  la  moyenne 
maximum  de  cette  mesure.  Le  fait  est  dû  à  ce  que  les  fosses 
cérébelleuses  sont  profondes  et  volumineuses. 

Entre  les  deux  incisives  supérieures  médianes  existe  un 
espace  libre  de  8  millimètres^  sans  qu'il  y  ait  de  perle  de 
dents  ;  c'est  là  probablement  un  caractère  ethnique  obtenu 
artificiellement. 

Os  longs. 

Humeras  droit.  Longueur 343 

—  gauche.  Longueur 343 

Circonférence  prise  au-dessous  de  l'insertion  du  deltoïde..  •  69 

Cubitus  droit.  Longueur 233 

—  gauche.  Longueur 281 

Radius  droit.  Longueur 272 

—  gauche.  Longueur 275 

Fémur  droit.  Longueur  oblique 478 

—  —  ^      trochantérienne 453 

—  —        totale 480 

Diamètre  tranverse 25 

—      antéro-postêrieur 29 

Indice  de  la  piatymérie 86,1 

Angle  du  col  avec  le  corps 131» 

Tibia  droit.  Longueur 418 

Diamètre  transverse ,       28 

—  antéro-postérieur 37 

Indice  de  la  platycnémie. 76,7 

Circonférence ,       80 

Angle  de  rétroversion » 19© 

Péroné  droit.  Longueur 396 

—     gaucho.  Longueur  •  • .  « « .  •    392 


DISCUSSION  SUR  Vîi  SQUELETTE  d'AGCRÉEN.  705 

Les  os  du  squelette  sont  lourds  et  l'ossature  est  forte. 

Les  mesures  que  nous  donnons  peuvent  avoir  quelque 
intérêt,  si  on  les  rapproche  des  proportions  et  des  formes 
sculpturales  que  nous  avons  observées  sur  le  cadavre. 

Discassion. 

M.  Manouvrier.  En  faisant  son  intéressante  présentation, 
Jtf.  Regnault  a  insisté  sur  le  poids  encéphalique  assez  élevé  de 
son  Accréen.  Ce  fait  n'a  rien  d'exceptionnel  étant  donnée  la 
haute  et  forte  taille  du  sujet.  Dans  mon  mémoire  Sur  Vinierpré* 
talion  de  la  quantité  dam  /'enc^/)Aa/6^  j'ai  montré  la  fréquence 
des  grandes  capacités  crâniennes  chez  nos  ancêtres  de  Tépo* 
que  néolithique  et  chez  les  peuples  sauvages  actuels  dont 
la  stature  est  supérieure  à  la  nôtre.  La  moyenne  des  Polyné* 
siens  dépasse  elle-même  un  peu  celle  des  Parisiens,  et  ca 
fait  est  un  de  ceux  qui  m'ont  permis  de  démontrer  l'influence 
considérable  de  la  taille  sur  le  volume  du  cerveau.  Le  cas 
présenté  par  M.  Regnault  n'offre  donc  rien  de  particulière'- 
ment  instructif  sous  ce  rapport. 

'  D'ailleurs,  le  sujet  en  question  pouvait  fort  bien  jouir  d'une 
intelligence  égale  à  celle  de  ses  congénères.  Il  était  taciturne, 
d'un  caractère  un  peu  sombre  et  vivait  à  l'écart  ;  tout  cela 
s'explique  assez  parla  surdi-mutité  dont  il  était  affecté  et  dont 
nous  ignorons  la  cause.  Cela  peut  aussi  nous  expliquer  pour* 
quoi  ses  compagnons,  vraisemblablement  superficiels  en 
matière  de  psychologie,  le  tenaient  pour  inintelligent.  Dans 
une  société  civilisée,  ce  fabricant  de  fétiches,  qui  paraissait 
ridicule  à  ses  concitoyens  parce  qu'il  faisait  des  libations 
à  la  façon  classique,  eût  peut-être  manifesté  d'une  façon 
plus  brillante  les  qualités  intellectuelles  qu'il  pouvait  avoir. 

1  Mémoiret  de  la  Société  d'anthropologie ^  2*  série,  t.  III. 


106  kÉANCB  DU  3  DÉCEMBRE   1891. 

Les  flèehés  empoisonnées  dn  Sarro  (hant  Niger). 
ftllide  el  déicrmlnstion  expérimentale   de   l'aeclnil 

et  de  la  natare  dn  poison  ; 

PAR   J.-V.    LABORDE  ET   P.    RONDEAU. 

On  connaît  déjà  Inintéressante  relation,  par  M.  le  lieute- 
nant de  vaisseau  Jaime,  de  son  expédition  dans  le  Moninfa- 
bougou  et  le  Sarro.  Ayant  réussi  à  se  mettre  en  communica- 
tion amicale  avec  le  chef  du  Sarro,  qui  s'offrait  à  proléger 
lui-même  nos  envoyés,  M.  Jaime  reçut  de  lui,  entre  autres 
présents,  un  carquois  et  des  flèches  avec  cette  déclaration  que 
tout  en  n'ayant  pas  d'armes  perfectionnées  comme  les  nôtres, 
leurs  flèches  étaient  dangereuses,  et  ses  guerriers  très  braves  ; 
que  nous  pouvions  essayer  ces  flèches  avec  conflance,  ce  qui 
permettrait  déjuger  de  la  véracité  de  ses  paroles. 

«  Les  renseignements,  ajoute  le  lieutenant  Jaime,  que  nous 
avons  pu  réunir  sur  ces  engins,  sont  forcément  incomplets, 
car  les  gens  du  Sarro  seuls  empoisonnent  leurs  flèches  el  ne 
livrent  pas  volontiers  le  secret  qui  fait  leur  force.  D'ailleurs 
peu  de  gens  le  connaissent,  car  tous  les  ans  il  se  fait  une 
cérémonie  à  Toccasion  de  Tempoisonnement  des  flèches  et 
des  safçaios  de  guerre  que  les  chofs  distribuent  à  leurs  guer- 
riers, en  cachant  à  tous  la  manière  d'obtenir  le  poison. 

«  Les  armes  servent  surtout  pour  la  guerre  et  non  pour  la 
chasse,  car  ces  gens  sont  cultivateurs  et  pécheurs  plutôt  que 
chasseurs,  le  gibier  étant  relativement  peu  abondant  dans  le 
Sarro  où  il  n'y  a  pas  de  grandes  forets.  Ils  ne  sont  pas  agres- 
sifs, quoique  très  braves,  et  ils  usent  de  ces  armes  surtout 
pour  défendre  leur  territoire  contre  les  raz.zias  de  leurs  puis* 
sants  ennemis  du  Segon  et  du  Macina. 

«  Depuis  la  prise  de  Segon,  nous  nous  trouvons  les  voisins 
de  celte  tribu,  et,  en  novembre  1890,  un  traité  liant  ce  pays 
à  la  France  vient  d'être  conclu.  Nous  avons  donc  lieu  de  croire 
que  jamais  nos  soldats  et  nos  marins  ne  seront  exposes  à 
être  blessés  par  les  flèches  de  ces  noirs  ;  cependant  il   est 


LABORDE  ET  RONDEAU.  «-»  FLtCHSS  BMPOISONNÉES.   707 

naturel  de  rechercher  les  effets  du  poison  dont  elles  sont 
enduites  sur  l'organisme  vivant  et,  surtout,  de  connaître  les 

moyens  de  sauver  le  serviteur  blessé  par  l'une  d'elles.  » 

C'est  dans  ce  but  que  M.  le  lieutenant  Jamais  a  bien  voulu 
nous  confier  ces  flèches,  dont  nous  avons  fait,  pour  répondre 
de  notre  mieux  à  ses  désirs,  Tétude  expérimentale  suivante. 

I 

DESCRIPTION  SOMIfAIRE   DES  FLÈCHES  ET   DU   CARQUOIS 

QUI   LES  CONTIENT. 

Bien  que  d'un  intérêt  secondaire,  le  carquois  dans  lequel 
étaient  placées  les  flèches  qui  vont  faire  le  sujet  de  cette 
élude  mérite  cependant  quelques  mots  de  description. 

Il  est  formé  de  lamelles  de  bois  juxtaposées  et  réunies  à 
quelques  centimètres  des  deux  extrémités  par  un  lien  circu- 
laire en  corde  grossière,  qui  fait  saillie  comme  le  feraient  des 
nœuds  de  bambou  sous  le  cuir  épais  dont  le  tout  est  recou- 
vert. Ce  cuir  d'un  seul  morceau,  très  régulièrement  cousu 
sur  toute  sa  longueur  avec  un  lacet  en  cuir,  forme,  également 
avec  la  charpente  de  bois  qu'il  recouvre,  un  tube  cylindrique 
fermé  à  Tune  de  ses  extrémités  présentant  les  dimensions  sui- 
vantes: longueur,  46  centimètres;  diamètre,  6  centimètres; 
le  poids  est  de  380  grammes.  Ce  carquois  est  porté  au  moyen 
de  bandes  de  vieux  chiffons  formant  une  bretelle,  qui  prend 
ses  points  d'attache  aux  deux  liens  décrits  plus  haut. 

Les  flèches  étaient  au  nombre  de  dix-sept,  présentant  plu- 
sieurs types  reproduits  dans  la  planche  ci-jointe.  Toutefois 
la  différence  ne  porte  que  sur  les  pointes,  et  les  corps  mômes 
des  flèches  sont  tous  absolument  identiques.  Ils  sont  formés  de 
tronçons  de  roseaux  longs  de  45  centimètres  et  d'un  diamètre 
de5à7milUmètres.L'extrômité  inférieure  présente  tout  autour 
un  petit  dessin  triangulaire  et  ne  se  termine  pas  en  encoche,  ce 
qui  pourrait  faire  supposer  que  ces  flèches  sont  lancées  non 
pas  a  vec  Tare  mais  à  lia  main.  La  pointe  de  fer  est  tou* 


^08  SÉANCE  Dtr  3  DÉCEMBRE   1891. 

jours  fichée  dans  le  roseau  et,  pour  éviter  les  éclatements  qui 

pourraient  se  produire,  oo  a  soin  de  faire  une  solide  ligature 


Fig.  1. 

avec  du  gros  III.  Celle  ligature  par  les  aspérités  qu'elle  forme 
doit  aussi  avoir  pour  but  de  retenir  en  plus  grande  quantité 
le  poison  dont  ses  pointes  sont  enduites  ;  c'est  du  reste  à  ce 
niveau  qu'on  le  retrouve  en  plus  grande  quantité. 


LABORDE  ET  RONDEAU.  —  FLÈCHES  EMPOISONNÉES.        700 

Quelle  que  soit  la  forme  des  pointes,  toutes  ces  flèches  sont 
sensiblement  de  la  même  longueur  (de  52  à  53  centimètres)  ; 
le  poids  est  aussi  très  régulièrement  égal  à  moins  de  i  gramme 
près  entre  flèches  semblables,  et  varie  entre  13  et  14  grammes, 
ce  qui  fait  i  gramme  d*écart  dans  Tensemble.  On  peut  juger 
par  ces  quelques  détails  quel  soin  méticuleux  préside  à  la 
confection  de  ces  armes,  que  nous  allons  maintenant  étudier 
expérimentalement. 

II 

ÉTUDE  EXPÉRIMENTALE. 

Tels  sont  les  engins  dont  il  s*agissait  de  déterminer  l'action 
nocive,  au  point  de  vue  du  toxique  dont  ils  sont  le  véhicule. 

I.  Effets  de  l'implantation  du  bout  empoisonné  de  la  flèche,  — 
Dans  ce  but,  et  afin  de  réaliser,  autant  que  possible,  les  con- 
ditions dans  lesquelles  leurs  auteurs  en  font  usage,  nous 
avons  employé,  dans  nos  premiers  essais,  la  flèche  elle-même, 
c'est-à-dire  le  bout  empoisonné,  en  Timplantant  dans  la 
cuisse  d'un  lapin  vigoureux,  à  travers  une  boutonnière  de  la 
peau. 

Ce  n'est  qu'au  bout  [et  après  l'attente  d'une  heure,  environ, 
que  nous  avons  vu  l'animal  être  pris  tout  à  coup,  presque 
sans  avertissement  et  sans  prodromes,  d'accidents  de  nature 
asphyxique,  suivis  rapidement,  en  quelques  secondes,  de  la 
suspension  des  mouvements  respiratoires,  et  de  l'arrêt  du 
cœur  à  peu  près  simultané,  car  il  n'offrait  plus  de  contrac- 
tions à  l'ouverture  immédiate  du  thorax. 

Cette  première  expérience  d'essai  révélait  deux  faits 
essentiels  : 

1°  Une  certaine  lenteur  dans  la  production  des  effets  du 
poison  tel  qu'il  est  présenté  à  l'absorption,  avec  le  bout  de  la 
flèche  qui  le  contient; 

2"*  La  rapidité,  la  quasi-instantanéité  de  ces  effets,  dès  qu'ils 
se  sont  déclarés,  et  la  forme  asphyxique  des  accidents  mor- 


710  BÉANCB  DU  3  DÊCBIIBRB  i89t. 

tels,  tenant  à  la  suspension  nettement  constatée  de  la  fonction 
cardio-respiratoire . 

L'expérience  répétée,  dans  les  mêmes  conditions,  snr  le 
même  animal,  le  lapin,  a  donné  exactement  les  mêmes  ré- 
sultats. 

Mais  il  n'en  fût  pas  tout  à  fait  de  même  sur  un  petit  chien, 
du  poids  de  iO  kilogrammes,  soumis  à  Texpérience  suivante: 

Le  bout  empoisonné  d'une  flèche,  qui  avait  préalablement 
trempé  dans  Teau,  pendant  vingt-quatre  heures,  circonstance 
qu'il  importe  de  noter,  fut  implanté  dans  la  cuisse  de  Tanimal, 
à  travers  une  boutonnière  de  la  peau.  L'implantation,  faite 
doucement  et  lentement  dans  la  masse  musculaire,  ne  parut 
pas,  d'après  les  manifestations  de  l'animal,  être  fort  doalou« 
reusc  ;  mais,  après  dix  à  douze  minutes  environ,  le  membre 
impliqué  s'était  allongé  en  une  forte  roideur  tétanique,  qui 
témoignait  d'une  vive  douleur  locale,  également  et  clairement 
manifestée  par  l'attitude  générale^  et  les  cris  plaintifs  de 
l'animal. 

La  roideur  et  la  contracture  gagnèrent  bientôt  le  membre 
postérieur  similaire,  en  sorte  que  l'animal  couché  sur  le  flanc 
présentait  les  deux  membres  et  le  train  de  derrière  allongés 
et  roidis,  en  une  attitude  qui  semblait  exprimer  surtout  l'ap- 
préhension d'un  déplacement  douloureux. 

On  sentait  en  même  temps,  deux  heures  environ  après  le 
début  de  l'expérience,  le  commencement  déjà  accusé  d'une 
tuméfaction  de  la  cuisse  qui  contenait  le  bout  de  flèche. 

Cependant,  ni  au  bout  de  ces  deux  heures,  ni  après  la  troi- 
sième, la  quatrième,  la  cinquième,  aucun  symptôme  appré- 
ciable d'intoxication  générale  ne  s'étaitmontré  ;  et,  à  part  l'état 
d'impotence,  d'ailleurs  complet,  dans  lequel  se  trouvait  l'ani- 
mal par  suite  de  la  contracture  provoquée  par  l'action  locale, 
rien  de  caractéristique  ne  trahissait  l'action  générale  du 
poison. 

Laissé  en  cet  état,  à  la  fin  de  la  première  journée,  l'animal 
fut  trouvé,  le  lendemain,  dans  la  [même  situation  générale. 


LABORDB  fit  RONDEAU.   —  FLÈCHES    EMPOISONNÉES.        71 1 

avec  ôelle  dififérence,  toutefois,  que  la  roideur  du  membre 
afFecté  était  moins  marquée,  et  qu'elle  avait  totalement  dis* 
paru  chez  son  congénère,  ce  qui  avait  permis  au  chien  de  se 
déplacer,  et  de  se  tenir  dans  une  attitude  couchée  très  voi- 
sine de  la  normale.  Mais  il  était  fort  affaibli,  dans  une  sorte 
de  stupeur  languissante,  incapable  de  se  tenir  debout,  quand 
on  Vy  incitait,  et  fléchissant  immédiatement  sur  ses  pattes, 
n'ayant  pris  et  n'acceptant  aucune  nourriture  ;  somnolent  et 
poussant,  de  temps  en  temps,  de  petits  cris  plaintifs^  accom- 
pagnés d'un  peu  de  salivation.  , 

L'examen  objectif  des  mouvements  respiratoires  ne  décelait 
rien  de  caractéristique  de  ce  côté  ;  une  palpation  attentive 
des  battements  de  la  pointe  du  cœur  permettait  seulement 
de  constater  un  ralentissement  et  un  aCTaiblissement  très 
notables  de  ces  battements. 

La  pression  de  la  cuisse  ne  provoquait  presque  plus  de  sen- 
sibilité douloureuse,  mais  montrait  une  augmentation  appré- 
ciable, avec  difTusion,  de  la  tuméfaction  primitivement  cons* 
tatée  au  niveau  de  l'implantation  de  la  flèche. 

Afin  de  hâter  une  terminaison  qui  se  serait  probablement 
faite  ainsi  longtemps  attendre,  et  aussi,  nous  l'avouons,  dans 
l'intention  d'abréger  les  souflTrances  de  l'animal,  nous  lui 
injectâmes  sous  la  peau  2  centimètres  cubes  de  liquide  dans 
lequel  nous  avions  fait  dissoudre,  en  le  laissant  au  contact 
pendant  vingt-quatre  heures  avec  un  bout  de  flèche,  la  sub- 
stance toxique.  Vers  la  douzième  minute  après  l'injection, 
l'animal  est  pris  d'efforts  violents  de  vomissements,  à  la  suite 
desquels  il  rejette  un  liquide  jaunâtre,  bilieux  et  spumeux. 

Tout  à  coup,  dans  un  de  ces  efl'orts,  il  pousse  un  cri  de 
détresse,  et  roule  à  terre  comme  sidéré:  il  était  mort. 

L'ouverture  instantanée  de  la  cavité  thoracique  montre  le 
cœur  complètement  arrêté  en  syncope  terminale  :  le  ventri- 
cule gauche  est  en  rétracUon  systolique  complète,  tandis  que 
le  droit  est  flaccide,  mais  non  dilaté,  et  contenant  une  très 
petite  quantité  de  sang  liquide. 

Les  poumons  sont  le  siège' d'une  congestion  généralisée, 


712  SÉANCE  DU  3  DÉCEMBRE  1891. 

avec  quelques  points  ecchymoUques,  (comme  dans  les  as^ 
phyxies  rapides. 

Au  point  d'implantation  de  la  flèche  (cuisse  droite)  s*est 
formé  un  abcès  considérable,  avec  infiltration  séro-sanguine 
et  purulente  ayant  disséqué  les  muscles  et  attaqué  les  tissus 
dans  une  grande  étendue. 

Cette  expérience,  que  nous  avons  tenu  à  relater  dans  tous 
ses  détails,  à  cause  de  la  double  démonstration  qu*elle  donne 
relativement  aux  effets  du  poison,  a  présenté  deux  phases 
distinctes  : 

Une  première,  dans  laquelle,  consécutivement  à  Timplan* 
tation  d'un  bout  de  flèche,  il  se  produit  des  effets  généralisés 
peu  accusés  et  d'une  grande  lenteur,  tandis  que  les  effets 
locaux  sont  très  accentués  et  s'expriment  en  un  large  foyer  de 
purulence  gangreneuse,  qui  témoigne  d'une  forte  action  irrita- 
tive  de  l'engin  toxique.  Nul  doute  qu'en  dehors  même  de  toute 
action  primitivement  généralisée,  l'animal  n'eût  succombé 
sous  l'influence  de  ce  foyer  septicémique.  En  tout  cas,  il  se 
trouvait,  du  fait  môme  de  cet  accident  local,  auquel  s'ajou- 
taient les  effets  extrêmement  douloureux,  réduit  à  une  impo- 
tence absolue,  et  dans  ces  conditions,  la  victime  qui  a  reçu 
la  flèche  est  certainement  et  fatalement  au  pouvoir  de  celui 
qui  Ta  lancée,  en  atteignant  le  but. 

D'ailleurs,  et  bien  qu'évidemment  atténuée,  l'action  géné- 
rale avait  aussi  une  certaine  part  dans  la  faiblesse  et  l'espèce 
d'allanguisseraent  de  l'animal;  mais,  en  raison  sans  doute  de 
la  réduction  de  la  quantité  du  toxique  par  sa  dissolution 
préalable  dans  le  liquide  où  avait  trempé  pendant  quarante- 
huit  heures  le  bout  empoisonné,  et  par  suite^  en  raison  d'une 
absorption  insuffisante,  les  effets  généraux  caractéristiques 
et  mortels  de  Tintoxication  ne  s'étaient  pas  produits. 

Ce  qui  s'est  passé  dans  la  seconde  phase  de  l'expérience  l'a 
bien  montré  ;  car,  dès  que  nous  avons  introduit  dans  Torga- 
nisme  une  dose  plus  que  suffisante  du  toxique,  les  accidents 
se  sont  déroulés  avec  une  violence  et  une  rapidité  extrêmes. 


L\BORDE  ET  RONDEAU/-^  FLÈCHES  EMPOISONNÉES.        7i3 

présentant  les  caractères  tranchés  que  nous  allons  mainte- 
nant retracer  et  fixer,  dans  les  conditions  expérimentales 
similaires. 

II.  Effets  de  Vinjection  sous-cutanée  du  liquide  tenant  en  diss(y 
lutîon  ou  en  suspension  C enduit  du  bout  de  flèche  raclé  ou  trempé 
un  certain  temps.  —  Pour  cette  série  d'expériences  décisives, 
comme  on  va  le  voir,  nous  nous  sommes  servis  du  liquide 
dans  lequel  nous  laissions  tremper,  durant  quarante-huit 
heures  au  moins,  le  bout  empoisonné  de  la  flèche  ;  c'était 
de  l'eau  distillée^  que  nous  réduisions  à  la  quantité  minimum 
nécessaire  pour  recouvrir  toute  la  partie  enduite  de  substance 
toxique,  laquelle  ne  tarda  pas  à  se  déposer,  de  façon  à  former 
une  solution  noirâtre  suffisamment  homogène  pour  être 
employée  en  injection  hypodermique,  en  laissant  se  poser 
les  particules  en  suspension.  Voici  ce  que  nous  avons  expé- 
rimentalement observé  dans  ces  conditions: 

A.  Sur  le  lapin.  —  Un  centimètre  cube  du  liquide  en  ques- 
tion décanté  étant  introduit  sous  la  peau  d'un  lapin  vigou- 
reux, au  bout  de  cinq  à  six  minutes  à  peine,  juste  le  temps 
d'un  commencement  d'absorption^  l'animal  est  pris  d'acci- 
dents asphyxiques  :  anhélation^  efforts  respiratoires  suivis 
de  tressants  convulsifs,  dilatation  pupillaire,  collapsus  et 
impotence  motrice,  mort  rapide. 

Le  thorax  étant  immédiatement  ouvert  après  la  cessation 
des  mouvements  respiratoires,  nous  constatons  l'arrêt  simul- 
tané du  cœur  en  rétraction  systolique,  surtout  du  côté  du 
ventricule  gauche,  le  ventricule  droit  restant  flaccide>  mais 
à  peu  près  vide.  L'excitation  mécanique  du  myocarde  pro- 
voque à  peine  quelques  trémulations  superflcieiles. 

B.  Sur  le  cobaye.  —  Les  effets  de  l'intoxication  sonttypiques 
sur  cet  animal  très  sensible. 

Si  à  un  jeune  cobaye,  du  poids  moyen  de  300  grammes, 
on  administre  en  injection  hypodermique  1  centimètre  cube 


714  BÉANCE  DU  3  DÉCEMBRE   i89i. 

du  même  liquide,  Tanimal  commence  d*abord  par  pousser  de 
petits  cris  plaintifs,  témoignage  évident  de  la  douleur  locale 
que  lui  cause  le  contact  de  la  liqueur  empoisonnée  ;  puis,  il 
s'agite  et  présente  les  signes  d'une  très  vive  excitabilité, 
spontanée  et  réflexe.  Bientôt  après,  il  est  pris  de  tremble- 
ment musculaire  affectant  surtout  la  tête  et  le  cou,  dans  le 
sens  latéral,  et  de  spasmes  violents,  simulant  les  efforts  4a 
vomissement  qui,  chez  cet  animal,  comme  chez  les  herbi* 
vores,  se  produit  difticilement  et  n*abuutit  qu'au  rejet  df 
quelques  gouttes  de  liquide  verdàtre.  Kn  même  temps  «HPff 
viennent  des  décharges  convulsiformes  qui  projettent  vifficoif. 
ment  en  Tair  le  petit  animal  ;  la  respiration  s'embarruasa,  (g, 
dilatation  de  la  pupille  est  extrême,  Tasphyxie  est  imuilt* 
nente  ;  subitement,  en  un  effort  spasmodique  ultime,  la  r^tli 
piration  s* arrête.  .^ 

.  Lecœur^  immédiatement  et  rapidement  mis  à  décoavectt! 
ne  présente  que  quelques  trémulations  myocardiques  ;  Tim^ 
est  en  demi-diastole,  une  certaine  quantité  do  sang  liquide 
et  noir  (sang  asphyxique)  remplissant  encore  Ips  cayi^e  ▼ÇP* 
triculaires. 

L'expérience,  répétée  dans  les  mêmes  conditions,  reproduit 
constamment  le  même  tableau  symptomatique  qui,  nous  le 
répétons,  peut  être  considéré  comme  typique  dans  l'espèce. 

G.  lilnfln,  sur  la  grenouille ^  l'analyse  expérimentale,  avec 
l'aide  et  l'appui  de  la  méthode  graphique,  nous  a  donné  des 
résultats  caractéristiques,  relativement  au  mode  d'action  du 
poison. 

Ces  résultats  sont  les  suivants  : 

A?rêl  cardiaque  sysloUque  constant  et  rapide  (après  la  cin- 
quième et  la  sixième  minute],  clairement  démontré  par  les 
tracés  cardiographiques  dont  voici  un  spécimen. 

Excitabilité  motrice  du  nerf  parfaitement  conservée,  de 
même  que  la  sensibilité  réflexe.  —  Persistance  simultanée 
de  la  contractiJité  musculaire. 


1 


i.¥ 


LaBOBDB  et  AOMQUU'   —  n&COGS  KUPOiSONNÉES.        715 

Ces  résultat!,  pour  le  dire  tout  da  suite,  montrent  qu'il 
s'agit  d'une  substance  dont  l'action  eit  toute  différente  ds 
l'action  curarique. 

Ce  n'est  donc  pas,  noua  sommes  pleinement  autorisés  ft 
l'atUrmer,  à  un  curare  que  nom  avons  affaire. 

Mais  cette  preuve  négative  ne  nom  donne  pas  la  vérîlable 


FtK-  s- 

nature  et  l'origine  du  poison  dont  noua  venons  de  détermi- 
ner, expérimentalement,  la  manière  d'agir. 

Est-il  d'origine  végétale  ou  d'origine  animale  ;  ou  de  Tune 
et  l'autre  à  la  fois  ? 

Pour  arriver  autant  gue  possible  à  celle  détermination, 
nous  avons  d'abord  recherché,  avec  le  plus  grand  soin,  à 
l'aide  du  microscope,  dans  les  particules  raclées  on  en  sus- 
pension liquide,  la  présence  de  cellules  animales,  et  nous 
n'avons  rien  trouvé  qui  en  donn&t  l'idée.  MM.  Mathias  Durai 
et  Helterer  ont,  avec  leur  compétence  supérieure,  confirmé  1« 


716  SÉANCE  DU  3  DÉCEMBRE   i89t/    i- 

résultat  de  notre  examen  ;  mais  ils  ont,  en  outre,  cra  décon- 
vrir  la  présence  d'éléments  de  nature  végétale. 

Cette  dernière  s'accorde  avec  les  présomptions  que  nous 
avaient  suggérées  les  manifestations  symptomatiques  con- 
stantes et  typiques  de  Taction  de  la  substance,  présomptions 
qui,  comme  on  va  le  voir,  se  sont  changées,  grâce  à  Tétude 
comparative,  en  une  démonstration  justifiée. 

En  effet,  nous  avions  cru  déjà  apercevoir  dans  Texpressioa 
symptomatique  constante  de  Faction  du  poison  une  frappante 
analogie  avec  les  symptômes  de  Tintoxication  par  le  Miro^ 
phantus  et  la  slrophantine  ;  en  répétant  comparativement  laii. 
mêmes  expériences  avec  cette  dernière,  nous  sommes  arrMs 
à  une  reproduction  si  exacte  du  tableau  symptoniatiq;w.  ; 
observé  à  la  suite  de  l'administration  du  poison  des  flèoheii-  \ 
dont  il  s'agit,  notamment  chez  le  cobaye,  que  nous  avons  pifc'^ 
nous  croire  autorisés  à  déduire  la  dose  approzimaliTe  4|i  _ 
principe  actif  qai  adft  intervenir  dans  nos  expériences  d*iiyç^  '''^ 
tion  sons-cutanée  :  soit  i  demi- milligramme  à  \  milligrai 

Enfin,  rétude  graphique  des  modifications  du  fonctionne* 
ment  du  cœur,  arrêt  caractéristique  en  état  systolique  on  da 
contraction  terminale,  sous  Tinfinence  de  la  strophantine» 
achève  la  démonstration. 

Le  tracé  ci-après,  mis  en  regard  de  celui  qui  précède,  ne 
saurait  laisser  le  moindre  doute  à  cet  égard. 

G*cst  donc  bien  un  extrait  de  strophantus  ou  de  plante  de 
cette  espèce  botanique  qui  semble  constituer  le  principe 
toxique  fondamental  de  Tenduit  recouvrant  Textrémilé  des 
flèches  en  question. 

La  netteté  des  résultats  fournis  par  l'étude  comparative, 
rapprochés  de  Texamen  microscopique,  permet  de  croire  que 
cet  enduit  n'est  point  mixte,  c'est-à-dire  un  mélange  d'un 
produit  végétal  et  animal. 

Pouvons-nous  tirer  de  l'étude  qui  précède  quelques  déduc- 
tions pratiques  relativement  au  traitement  des  accidents 
toxiques  que  nous  venons  de  caractériser  ? 


LABORDE  BT   RONDEAU.   —  FLàCBES   EMPOISONNÉES.         717 

Le  temps  dont  nous  disposions  ponr  ne  point  retarder  cette 
publication  ne  nous  a  pas  permis  de  compléter  nos  recher- 
ches expérimentales  sur  ce  point.  Mais  nous  pouvons,  d'après 
l'observation  de  certaines  particularités  et  de  la  marche  de 
l'intoxication,  donner  quelques  indications  qui  ne  seraient 
peut-être  pas,  au  besoin,  sans  utilité. 


t'ig.  3. 

Un  point  important,  à  ce  sujet,  c'est  la  leitlew  de  l'absor- 
ption à  la  suite  de  l'implantation  du  bout  de  flèche  en  nalurc 
(nous  parlons  des  tlèches  déjà  anciennes  qui  sont  en  notre 
possession),  et  par  suite  du  retard  relativement  considérable 
des  effets  toxiques  généralisés  ;  exemple,  notre  chien  et  nos 
lapins.  Il  en  résulte  qu'en  essayant  de  retirer  immédiatement, 
ou  le  plus  vile  possible,  le  bout  de  flèche  —  extraction  faite, 
au  besoin,  à  l'aide  d'une  opération  adjuvante  —  on  peut 
mettre  la  victime  à  l'abri  de  l'intoxication  générale  et  mor- 
telle. L'opération  de  l'extraction  n'empêche  pas,  bien  entendu, 
T.  n  (f  stmi).  te 


718  SÉANCE  DU  3  Décembre:  iB9i. 

la  précaution  lutélaire,  qui  doit  toujours  être  mise  en  œuvre, 
en  pareille  circonstance,  d'une  ligature  oirculaire  au-dessns 
de  rimplantation  de  la  flèche,  surtout  si  elle  a  lieu  à  un 
membre  ;  précaution  qui  risque  d'être  plus  efficace  encore 
dans  le  cas,  qui  est  le  cas  actuel,  de  lenteur  particulière 
d'absorption  et  d'action  du  poison. 
Pour  ce  qui  est  de  l'intoxication  générale,  il  faudrait,  dans 

l'éspèûe,  dvoir  ratlontiellement  eti  tue  le  mécaiilRtné  cardio- 
t^ftpiratoire  de  la  mort  et  recourir,  s'il  était  possible,  à  tous 
léB  moyens  capables  de  raviret  les  contMictions  du  oodur  et 
la  fonction  respiratoire  :  excitants  cardiaques  inlernes  et 
externes,  et  respiration  artifloielle  simultanée  ;  mais  il  y  a 
malheureusement,  dans  la  pratiquai  de  grandes  difOcultés  à 
la  réalisation  de  ces  moyens,  et  c'est  là  que  gtt  surtout  le 
tarriblè  danger  de  ceê  engins  meurtrlem» 

Diiottiiiott. 

M.  DcuoussËt  demande  si  l'on  a  analysé  les  effets  du 
cuirare. 

M.  Laborde  répond  que  les  effets  du  curare  ont  été  depuis 
longtemps  très  bien  étudiés  ;  il  abolit  la  propriété  motrice 
du  nerf  et  n'atteint  pas  la  sensibilité. 

M.  Lagiveâu.  Le  poison  de  flèche,  si  bien  étudié  par  notre 
Président,  me  semble  devoir  servir  plutôt  à  la  guerre  qu'à  la 
chasse;  car,  d'après  ses  expériences,  quoique  très  violent,  il 
mot  un  assez  long  temps  avant  d'agir.  L'animal  frappé  dune 
flèche  enduite  de  ce  poison  aurait  le  temps  de  s'éloigner 
avant  de  tomber  intoxiqué  et  de  mourir;  le  chasseur  pour- 
rait diffuûiement  le  retrouver. 

Dans  notre  ancienne  Europe,  on  faisait  également  usage 
de  poisons  de  traits  pour  la  chasse  et  pour  la  guerre. 

Parmi  les  poisons  de  chasse,  on  peut  ra[>pel»T  celui  en 
usage  chezlos  Ccltos,  dans  notre  pays.  11  était  assez  promple- 
Inenl  énergique  pour  tuer  le  cerf.  On  en  paraissait  redouter 
l'ingestion,  car  on  excisait  promptcmenl  la  partie  blessr?e. 

«  On  rapporte,  dit  Aristote,  que  chez  les  Celtes  existe  un 


DISCUSSION  SUR   DES  FLÈCHES   EMPOISONNÉES.  719 

poison  qu'ils  appellent  eux-mêmes  toxique,,.  Lorsqu'ils  ont 
frappé  d'une  flèche  un  cerf  ou  quelque  autre  animal,  ils  cou- 
rent promptement  exciser  la  partie  blessée,  avant  que  le 
poison  pénètre,  afin  que  l'animal  puisse  servir  de  nourriture 
et  aussi  pour  qu'il  ne  se  putréfie  pas.  » 

<^a(yl  SkTcapx  toÎç  KcXtoT;  çapjxaxov  u-judpx®^^  '^^  xaXôujJLevov  uTc'fliu- 
Twv  ToÇtxov...  crav  IXa<pov  t)  àXXo  Tt  Çûsv  TsSeuîjaxjtv,  à-iriTpéxovTaç 
àx.  CTTOucYJî  èx':é'(ji.v£iv  Tr,i;  aapxbç  xc  TSTpwjAétsv  'jcpb  tcu  xb  <pap[i.axov 
BiacOvai  oi\K(x  [xsv  ty);  îîps^çopaç  Ivsxa,  à|i.a  S'c'O);  [i.f,  aa^  10  Çwsv. 
(Âristote,  Z>e  mirabiliôus  auscultât ioniàus^  cap.  lxxxyi,  t.  IV, 
p.  88,  collection  Didot.) 

Ce  poison  paraît  avoir  été  extrait  d'une  sorte  de  figuier. 

«  Dans  la  Celtique,  dit  Strabon,  croît  un  arbre  semblable 
au  figuier,  dont  le  fruit  est  comparable  au  chapiteau  de  co- 
lonne corinthienne.  Ce  fruit,  incisé,  laisse  couler  un  suc  mor- 
tel, dont  on  se  sert  pour  enduire  les  traits.  » 

'Ev  Tfi  KsXtixt)  çuETat  csvèpov  ojjloiov  ouxfj,  xapTicv  S'èxçspst  Tzapa- 
7çXTf;îicv  xtcxpivo)  KcptvOtcupY*t'  lT:',':\txfiAc  ô'cuto?  à^tVj^iv  c-bv  Oavi- 
ci[ji.ov  T,po^  Tàç  èxixpicetç  twv  ^sXwv.  (Strabon,  Jib  IV,  cap.  iv, 
§  6,  collection  Didot,  p.  165.) 

Parmi  les  poisons  de  guerre,  on  peut  rappeler  celui  em- 
ployé par  les  Francs  et  celui  en  usage  chez  les  Daces  et  les 
Dalmates.  Selon  Sulpice  Alexandre,  cité  par  Grégoire  de 
Tours,  lorsque,  vers  388  après  Jésus-Christ,  Quintilien,  lieu- 
tenant de  Maxime,  franchit  le  Rhin  pour  aller  combattre 
les  Francs  de  la  Francia  (la  Franconie),  en  Germanie,  ils 
a  se  montrèrent  en  petit  nombre,  mais  placés  sur  des  troncs 
d'arbres  entassés  ;  de  là,  comme  du  haut  de  tours,  ils  lan- 
çaient, ainsi  qu'auraient  pu  le  faire  des  machines  de  guerre, 
des  tlèchcs  trempées  dans  le  suc  d'herbes  vénéneuses,  en 
sorte  que  les  blessures  qu'elles  faisaient,  n'eussent- elles 
qu'effleuré  la  peau,  et  même  dans  les  régions  où  elles  ne  sont 
pas  ordinairement  mortelles,  donnaient  une  mort  certaine.  » 
«  fJostium  rari  apparuere,  qui  conjunctis  arborum  truncis^ 
vel  concidiùus  superslanles,  velul  a  fastigiis  lurrium^  sagittas 
tormenlorum  vitu  effudere  iniitas  herbarum  venem's,  ut  summw 


720  SÉANCE  DU  3  DÉCEMBRE  1891. 

cuti^  neque  letalibus  inflicta  iocis  vulnera,  haud  dubiœ  mortes 
seguet^entur,  »  (Grégoire  de  Tours,  Hisioria  Francorum^  l.  II, 
cap.  IX  ;  texte  et  trad.  de  J.  Guadet  et  Taranne,  t.  I,  p.  148- 
150.) 

Vers  le  septième  siècle  après  Jésus-Christ,  époque  à  laquelle 
semble  avoir  vécu  Paul  d'Égine,  ce  chirurgien  dit  que  a  les 
Daces  et  les  Dalmates  enduisent  les  dards  avec  ce  que  Ton 
appelle  Vhelenium  et  le  ninum,  substances  qui,  mises  en  con- 
tact avec  le  sang  des  blessés,  les  tuent,  mais  qui;  mangées 
par  eux,  sont  innocentes  et  ne  font  aucun  mal  ». 

4>act  i\  Tcù;  Aiy.a;  %ai  toùç  AaX{jLaTaç  -îteptxXacaetv  xaîç  ixtat 
Tb  èXévetiv  Te  xal  vivov  xaXoujjievov,  5:c6p  6(i.tXr|aav  [Jiàv  tû  aijjLaxi 
T(o;  TeTpo)ffxoiJLév(i>v  àvaipeiv,  è^Otôixevov  8à  utc'oùtcov  d6Xa6ë^  etvai 
xai  ti.Y;8àv  xaxbv  Spav.  (Paul  d'Égine,  lib.  XXXVUI,  texte  et  tra- 
duction de  Bréau,  p.  347.) 

On  voit  que  ces  divers  poisons  passaient  pour  être  préparés 
avec  des  végétaux  mal  déterminés  ou  considérés  actuellement 
comme  étant  peu  vénéneux.  Evidemment,  leur  préparation, 
tenue  secrète,  restait,  en  partie,  ignorée  des  auteurs  qui  en 
parlent.  11  est  toutefois  «urieux  de  voir  que  ce  poison  des 
Daces  et  des  Dalmates,  de  même  que  le  curare,  très  toxique 
lorsqu'il  pénétrait  par  blessure,  pouvait  impunément  être 
ingéré. 

Outre  ces  végétaux,  il  faut,  d'ailleurs,  remarquer  que, 
pour  certains  poisons  de  flèches,  on  employait  le  venin  de 
vipère. 

Ovide,  exilé  sur  les  bords  du  Pont-Euxin  (la  mer  Noire), 
parle  de  traits  enduits  de  sang,  de  fiel  ou,  plus  vraisembla- 
blement, de  venin  de  vipère  en  usage  chez  des  peuples  scy- 
thiques,  en  particulier  chez  les  Yaxyx,  qui,  après  avoir  habité 
auprès  du  Palus-Méotide  (la  mer  d'Azov),  se  portèrent  vers 
rister  (le  Danube),  où  se  trouve  encore,  à  l'est  de  Peslh,  le 
district  des  lazyges.  (Voir  Malte-Brun,  Abrégé  de  géographie 
universelle^  4842,  p.  316.) 

Omnia  vipei^co  spicuia  felle  iinunt,  (Ovide,  les  Pontiques^ 
1.  I,  lin.  Maxime  ;  coll.  Nizard,  elDubochet,  p.  753.) 


MANOUVRIER.  —  RAPPORT  SUR  LE  PRIX  GODARD.  72t 

Nec  qusB  vipereo  tella  amore  madent,  {Loc.  cit.,  1.  IV,  litt. 
Vectuli,  p.  813.) 

M.  Laborde.  Malgré  la  lenteur  d'action  du  poison  dont  ces 
flèches  sont  revêtues,  celles-ci  pourraient  être  utilisées  pour 
la  chasse,  car  les  animaux  atteints  sont  mis  assez  rapidement 
dans  un  état  d*impotence  absolue.  Il  faut  aussi  tenir  compte 
de  Tancienneté  des  flèches  que  nous  possédons,  car  cette 
ancienneté  peut  amoindrir  la  rapidité  des  effets  de  la  sub- 
stance qui  les  revêt  ;  il  est  possible  qu'avec  des  flèches  fraî- 
chement préparées  on  obtiendrait  des  résultats  plus  rapides 
et  plus  démonstratifs. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Uun  des  secrétaires  :  EDOUARD  CUYKR. 


SÉANCE  80LE[^NELLe  DU  10  DtCEHBRK  1891. 

Préflldenee  de  If*  IiAVORVC,  président* 

Bapport  flar  le  eoneoiirs  poar  le  prix  Gedard  de  1891  t 

PAR  H.   L.    HANOUYRIER  ^. 

Quatre  candidats  se  sont  présentés  cette  année  au  concours 
pour  le  prix  Godard.  Ce  sont  MM.  Telesforo  de  Aranzadi  y 
Unamuno,  docteur  es  sciences  naturelles  et  directeur  scien- 
tifique du  musée  des  sciences  naturelles  de  Madrid  ;  le  doc- 
teur Ernest  Berchon,  ancien  médecin  principal  de  première 
classe  de  la  marine,  à  Bordeaux;  le  docteur  Georges  Carlier, 
.  médecin-major  au  74*  régiment  de  ligne,  à  Évreux;  le  doc- 
teur Léo  Testut,  professeur  d*anatomie  à  la  Faculté  de  mé- 
decine de  Lyon. 

Le  jury  a  eu  le  plaisir  de  constater  le  niveau  élevé  de  ce 
concours,  auquel  n'ont  été  présentés  que  des  travaux  d'une 
réelle  valeur  scientifique. 

M.  DE  Aranzadi  a  présenté  un  mémoire  imprimé  en  langue 

»  Rapporteur  du  jury,  composé  en  outre  de  MM.  Lagneau,  Gabriel  de 
Mortillet,  Salmon  et  Sanson^  président 


7iâ  SÉANCE  DU  40  DÉCEMBRE  1891. 

espagnole  et  intitulé  :  Elpueblo  euskalduna.  Estudio  de  an- 
tropologia  vascongada.  C'est  une  étude  anthropométrique 
sur  le  peuple  basque.  Les  recherches  de  Tauteur  ont  porté 
sur  deux  cent  cinquante  jeunes  soldats  provenant  en  grande 
majorité  de  la  province  de  Quipuzooa.  Il  a  mesuré  les  prin- 
cipaux diamètres  de  la  tête,  crâne  et  face,  la  taille  et  la  lon- 
gueur des  membres  et  de  leurs  principaux  segments  ;  il  a  noté 
en  outre  avec  soin  la  couleur  des  yeux  et  des  cheveux,  ainsi 
que  tous  les  caractères  susceptibles  de  Téclairer  dans  la  dé- 
termination de  la  caractéristique  et  de  la  composition  du 
peuple  basque  actuel.  Grâceà  remploi  de  ces  procédés  scien- 
tifiques, il  a  pu  poursuivre  son  étude  sans  être  dominé  par 
ses  sentiments  patriotiques  ni  par  les  opinions  formulées  an- 
térieurement par  les  anthropologistes.  Ce  n'est  pas  qu'il  ait 
dédaigné  les  impressions  plus  ou  moins  synthétiques  d'après 
lesquelles  on  a  coutume  de  classer  les  physionomies;  mais  il 
a  voulu  subordonner  ces  impressions  trop  vagues  à  l'analyse 
et  à  l'observation  précise,  afin  d'en  corriger,  s'il  y  avait  lieu, 
la  valeur  ethnologique.  Les  procédés  employés  ont  été  ceux 
de  l'école  de  Broca. 

Recueillies  sur  deux  cent  cinquante  individus,  une  soixan- 
taine de  données  numériques  constituent  déjà  un  travail  très 
considérable,  mais  cependant  moins  long  et  en  même  temps 
moins  difficile  que  la  mise  en  œuvre  de  ces  matériaux.  Cette 
mise  en  œuvre  a  été  faite  par  M.  de  Aranzadi  avec  le  plus 
grand  soin,  avec  un  tact  judicieux  et  beaucoup  de  précision. 
Après  avoir  indiqué  les  moyennes  avec  les  maxima  et  mi- 
nima,  il  a  eu  recours  aux  procédés  graphiques  et  a  oonstmit 
les  courbes  binomiales  des  différents  caractères  étudiés.  Il 
a  confronté  ensuite  un  certain  nombre  de  caractères  les 
uns  avec  les  autres  au  moyen  des  mêmes  procédés  et  il  a 
exposé  sur  des  cartes  leur  répartition  géographique.  Il  a 
illustré,  en  outre,  son  mémoire  de  deux  planches  contenant 
vingt-six  photographies  représentant  des  spécimens  des  prin- 
cipaux types  physionomiques  distingués  par  lui.  Enfin  l'ou- 
vrage est  accompagné  de  onze  immenses  tableaux  hors  texte 


MANOirVRIER.    —   RAPPORT   SUR  LE   PRIX   GODARD.  723 

comprenant,  m  eœtensa  et  classées  par  districts,  toutes  les 
observations  faites  sur  chacun  des  deux  cent  cinquante  indi- 
vidus étudiés.  C'est  là  un  luxe  qui  est  loin  d'être  inutile  et 
que  peu  d'auteurs,  malheureusement,  peuvent  se  permettre. 
Il  faut  dire  que  les  frais  de  publication  du  mémoire  de  M.  de 
Aranzadi  ont  été  supportés  par  la  députation  provinciale  du 
GuipuBCoaà  laquelle  il  convient  ici  d'adresser  des  félicita- 
lions  pour  avoir  si  bien  fait  les  choses.  L'auteur  méritait, 
certes,  cette  distinction,  et  votre  commission,  messieurs,  vous 
propose  de  lui  en  conférer  une  du  même  genre,  en  faisant  in« 
sérer  dans  le  Bulletin  de  la  Société  une  analyse  du  mémoire 
en  question,  dont  il  serait  impossible  de  donner  dans  le  pré* 
sent  rapport  un  compte  rendu  suffisant.  La  commission  prq* 
pose,  en  outre,  d'attribuer  à  Texcellent  travail  de  M.  le  docteur 
de  Aranzadi  une  mention  honorable  avec  médaille  de  bronze. 

M.  Bbrghon  a  présenté  une  brochure  intitulée  :  Etudeê 
paléo-archéofogigues  sur  tâge  du  bronxe^  spécialement  en  Gù 
ronde.  Ce  travail  consiste  en  une  revue  des  faits  publiés  en 
dehors  des  recherches  personnelles  de  Fauteur  et  antérieure- 
ment à  ces  recherches  au  sujet  de  Tàge  du  bronze  en  Gironde. 
Il  sera  complété  prochainement  par  un  inventaire  critique 
très  complet  de  tous  les  objets  de  la  même  période  dans 
cette  région. 

Avant  que  Tàge  du  bronze  fût  admis  d'une  façon  rigoureu- 
sement scientifique  et  définitivement  plassé  comme  division 
des  temps  paléo-archéologiques,  bien  des  découvertes  im- 
portantes se  rapportant  à  cette  époque  avaient  été  faites; 
bien  des  travaux  intéressants  avaient  paru  sans  attirer  suffi- 
samment l'attention,  qui  était  encore  imparfaitement  éveillée 
et  éclairée.  M.  Bercbon  entreprit  des  investigations  à  ce 
double  point  de  vue  et  fut  assez  heurenx  pour  faire  d'impor- 
tantes trouvailles,  principalement  dans  les  archives  manus- 
crites de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de 
Bordeaux.  Il  étudie,  dans  le  mémoire  qui  nous  occupe,  un 
certain  nombre  de  ces  documents  ignorés,  autant,  dit-il,  pour 


724  SÉANCE  DU  10  DÉCEMBRE  4891. 

fournir  un  exemple  d'encouragement  aux  travailleurs  que 
pour  faire  ressortir  Futilité  de  Férudition  on  toute  étude 
vraiment  sérieuse. 

Ce  travail,  fort  apprécié  des  membres  de  la  commission  les 
plus  compétents  en  la  matière,  se  recommande  à  la  Société 
non  seulement  par  sa  valeur  propre,  mais  encore  en  ce  qu'il 
se  rattache  à  toute  la  longue  série  des  études  archéologiques 
de  l'auteur,  études  qui  ont  justement  contribué  à  assurer  à 
celui-ci  l'estime  et  la  réputation  dont  il  jouit  auprès  de  tous 
ses  confrères  en  anthropologie.  Nous  ne  devons  avoir  en  vue 
ici  que  le  mérite  intrinsèque  et  relatif  de  Tœuvre  présentée 
au  concours  ;  mais  ce  mérite  nous  semble  assez  grand  pour 
qu'une  mention  honorable  avec  médaille  de  bronze  soit  attri- 
buée à  M.  le  docteur  Berchon. 

M.  Testut  a  présenté  un  mémoire  intitulé  :  Rechercher 
anthropologiques  sur  le  squelette  quaternaire  de  Chancelade.  Ce 
travail  consiste  dans  une  étude  à  la  fois  descriptive  et  rai- 
sonnée  de  l'un  des  plus  anciens  squelettes  humains  que  nous 
possédions,  et  qui  a  été  recueilli  dans  une  station  indiquée 
comme  magdalénienne,  voisine  de  Périgueux^  par  MM.  Hardy 
et  Féaux,  en  1888.  Les  ossements  de  cet  ancêtre  de  l'époque 
du  renne  ne  pouvaient  tomber  en  de  meilleures  mains  que 
celles  de  notre  distingué  confrère.  Il  a  apporté  dans  leur  des* 
cription  les  soins  les  plus  attentifs,  la  précision  la  plus  rigou* 
reuse  et  sa  haute  compétence  anatomique.  lilui  a  fallu  sou- 
vent se  livrer  à  un  travail  de  patience,  soit  pour  restaurer 
les  os  endommagés,  soit  pour  arriver  à  tirer  parti  de  ceux  qui 
étaient  incomplets.  D  a  dû  aussi  pratiquer  des  mensurations 
nombreuses  sur  un  certain  nombre  de  squelettes  modernes, 
soit  pour  déterminer  les  dimensions  de  tel  os  brisé  ou  de  telle 
région  représentée  seulement  par  une  partie  de  ses  pièces 
osseuses,  soit  pour  établir  des  comparaisons  susceptibles  de 
nous  éclairer  dans  Imterprétation  anatomo-physiologique 
de  certains  caractères  du  squelette  de  Chancelade.  C'est  ainsi 
qu'il  est  arrivé  à  mesurer,  par  exemple,  la  capacité  du  crâne. 


MANOUVRIBR.   —  RAPPORT  SUR  LE  PRIX  GODARD.  725 

la  longueur  du  cubitus  et  du  radius,  la  longueur  totale  du 
pied,  etc.  La  plupart  de  ces  mesures  sont  justes  à  2  ou  3  mil- 
limètres près,  ce  qui  est  très  satisfaisant  et  bien  suffisant 
pour  le  calcul  des  principaux  indices.  Il  n'en  est  pas  de  même, 
cependant,  en  ce  qui  concerne  le  calcul  des  rapports  à  la 
taille;  car  cette  dernière  dimension^  évaluée  à  i™,50  par 
l'auteur,  d'après  les  documents  en  usage  à  Tépoque  où  il  a 
fait  son  travail,  pourrait  bien  avoir  atteint  un  chiffre  beau- 
coup plus  élevé.  D'après  les  nouveaux  documents  recueillis 
par  M.  Rollet,  et  remis  en  œuvre  par  nous,  cette  taille  s'élè- 
verait, en  efiTet,  à  un  chiffre  voisin  de  l^jOO,  et  probablement 
supérieur  encore.  Dès  lors,  tous  les  rapports  à  la  taille  se 
trouveraient  changés  considérablement  pour  le  squelette  de 
Ghancelade. 

M.  Testut  a  reconnu,  entre  autres  caractères  avantageux, 
chez  son  chasseur  magdalénien,  une  belle  conformation  crâ- 
nienne et  un  développement  musculaire  des  plus  remarqua- 
bles. Il  range  pourtant  ce  dernier  caractère  parmi  les  carac- 
tères d'infériorité,  et  qualifle  également  d'inférieurs,  li'op 
arbitrairement  à  notre  avis,  divers  autres  caractères  squelet- 
tiques  certainement  liés  à  la  puissance  et  au  travail  peut-être 
excessif  de  certains  muscles  qui,  pour  être  devenus  moins 
actifs  chez  nous,  n'en  sont  pas  moins  bons  à  conserver  et 
à  cultiver  sans  préjudice  pour  notre  perfectionnement  in- 
tellectuel et  moral.  Il  note,  en  outre,  comme  caractère  d'in- 
fériorité, Técartement  considérable  du  gros  orteil  et  du  pre- 
mier métatarsien,  écartement  qui  prouve  que  l'homme  de 
Ghancelade  marchait  pieds  nus  ou,  du  moins,  qu'il  n'avait 
pas  encore  subi,  sous  l'influence  de  la  chaussure,  notre  ridi- 
cule déformation  du  pied,  que  nous  aurions  tort  de  prendre 
pour  un  caractère  de  supériorité. 

Recherchant  les  affinités  ethniques  qui  pourraient  être  in- 
diquées par  les  caractères  du  squelette,  l'auteur  apporte 
divers  arguments  anatomiques  en  faveur  de  cette  hypothèse 
que  les  Esquimaux  actuels  seraient  les  descendants  de  tro- 
glodytes quaternaires  émigrés  vers  les  régions  polaires  à  la 


736  SÉANCE  DU   iO  DÉCEMBRE   1891. 

suite  du  renne,  leur  gibier  favori.  Il  reconnaît,  d'autre  part, 
la  ressemblance  frappante  qui  existe  sous  certains  rapports 
entre  les  crânes  de  Cro-Magnon  et  celui  de  Ghancelade^  et  il 
admet  volontiers  une  parenté  entre  les  deux  races. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur  Texoellente 
étude  présentée  par  Téminent  professeur  de  Lyon.  Nous  en 
avons  dit  assez  pour  en  montrer  le  haut  intérêt  et  la  savante 
conduite. 

Déjà,  en  1888,  M.  Testut  fut  lauréat  de  notre  Société,  qui 
lui  décerna  le  prix  Broca.  La  commission  est  d'avis  que  le 
nouveau  travail  présenté  est  également  digne  d'une  distinc- 
tion, et  propose  de  lui  attribuer  une  mention  honorable  avec 
médaille  de  bronze, 

M.  Garlier  a  présenté  deux  mémoires  manuscrits. 

Le  premier  et  le  plus  important  de  ces  deux  mémoires  est 
intitulé  :  Recherches  anthropométriques  sur  la  croissance. 
Influence  de  l'hygiène  et  des  exercices  physiques. 

Ces  recherches  ont  été  faites  pendant  cinq  années  consé- 
cutives dans  l'école  d'enfants  de  troupe  de  Montreuil,  à  la- 
quelle Tauteur  était  attaché  comme  médecin  militaire.  On 
sait  que  la  croissance  a  été  l'objet  d'un  grand  nombre  de 
travaux  plus  ou  moins  importants  qui  ont  porté  sur  des 
séries  d'enfants  ou  jeunes  gens  des  deux  sexes  et  de  différents 
âges.  On  est  ainsi  arrivé  à  des  données  précieuses  sur  la 
marche  de  la  croissance  et  sur  les  influences  de  diverses 
sortes  qu'elle  subit,  mais  on  a  rarement  pu  suivre  les  mômes 
enfants  pendant  une  période  assez  longue  de  leur  vie,  de 
sorte  que  Ton  n'a  guère  pu  saisir  que  les  effets  des  grandes 
influences  générales,  effets  parvenant  à  émerger  en  quelque 
sorte,  grâce  à  la  méthode  des  moyennes,  au  milieu  de  la 
multitude  des  causes  de  variation  qui  se  masquent  ou  se  font 
mutuellement  équilibre  dans  les  résultats  numériques  obtenus 
sur  des  groupes  d'individus.  Beaucoup  d'influences  seraient 
plus  facilement  et  plus  sûrement  mises  en  évidence  au  moyen 
de  l'observation    d'un    nombre  relativement  très   petit   de 


MANOUVRIER.    —  RAPPORT  SUR  LE  PRIX  GODARD.  727 

sujets  suivis  depuis  leur  naissance  jusqu'à  Tàge  adulte.  Mais 
on  conçoit  que  Les  observations  de  ce  genre  soient  rarement 
possibles.  C'est  si  vrai,  que  la  science  n'en  possède  encore 
qu'une  seule  :  celle  du  jeune  Guéneau  de  Montbeliard,  faite 
par  son  père  et  publiée  par  BnlTon. 

M.  le  docteur  Garlier  n'a  pas  comblé  complètement  celte 
lacune,  car  il  n'a  pu  suivre  le  développement  des  sujets 
observés  par  lui  que  pendant  deux,  trois,  quatre  ou  cinq 
années  consécutives  et  seulement  depuis  Tâge  de  treize  à 
dix -huit  ans.  Mais  c'est  déjà  beaucoup  d'avoir  mesuré  pen- 
dant cinq  ans,  tous  les  six  mois,  plusieurs  centaines  de  jeunes 
gens  tous  bien  constitués,  soumis  à  des  conditions  de  miliea 
parfaitement  uniformes  et  excellentes  sous  le  rapport  de 
l'habillement^  du  logement,  de  la  nourriture,  des  soins  de 
propreté,  des  exercices  de  toutes  sortes  et  notamment  de  la 
gymnastique  enseignée  et  pratiquée  au  maximum  dans 
Técole  militaire  de  Montreuil.  On  conçoit  que  des  observations 
faites  dans  des  conditions  aussi  favorables  aient  une  valeur 
toute  particulière;  aussi  doit-on  savoir  gré  à  M.  le  docteur 
Garlier  de  n'avoir  pas  laissé  échapper  une  si  belle  occasion 
de  rendre  service  à  l'anthropologie.  Aux  données  recueillies 
par  lui  à  Montreuil,  il  a  pu  joindre  les  résultats  analogues  et 
inédits  obtenus  par  son  collègue,  M.  le  docteur  Labroue,  à 
l'Ecole  militaire  de  Saint-Hippolyte.  Ges  derniers  ont  été, 
bien  entendu,  exposés  séparément. 

Les  caractères  étudiés  n'ont  pas  été  nombreux.  M.  Garlier 
n'a  mesuré  que  la  taille,  le  poids  et  le  périmètre  thoracique; 
il  a  noté,  en  outre,  pour  chaque  sujet,  à  chaque  examen, 
l'état  de  la  vision,  les  troubles  morbides  et  quelques  autres 
renseignements  qui  peuvent  avoir  une  grande  valeur  dans 
les  observations  individuelles.  Toutes  les  mesures  ont  été 
prises  avec  beaucoup  de  soin  et  chaque  sujet  possède  sa 
feuille  particulière  sur  laquelle  sont  inscrits  tous  les  chiffres 
qui  le  concernent  pendant  la  durée  totale  de  son  séjour  à 
l'école. 

Dans  le  mémoire  qu'il  nous  a  présenté,  M.  Garlier  a  fait 


728  SÉANCE   DU    \0  DÉCEMBRE   <89î. 

nn  exposé  raisonné  de  la  marche  moyenne  de  la  croissance 
indiquée  par  des  tableaux  résumant  10497  mensurations. 
Ces  tableaux,  au  nombre  de  seize,  peuvent  être  classés  en 
plusieurs  groupes.  Les  premiers  indiquent,  pour  les  divers 
âges,  les  moyennes  de  la  taille,  du  poids  et  de  la  circonférence 
thoracique,  les  moyennes  des  accroissements  annuels  par 
semestres  d'été  et  semestres  d'hiver,  enfin  les  moyennes 
des  rapports  du  périmètre  thoracique  et  du  poids  à  la  taille. 
D'autres  tableaux  indiquent  la  répartition  de  ces  mêmes 
mesures  ou  rapports,  mis  en  séries.  Enfin,  trois  grands 
tableaux  indiquent  la  marche  moyenne  de  la  croissance  chez 
les  élèves  arrivés  à  l'école  aux  divers  âges  et  examinés  en* 
suite  tous  les  six  mois  jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  ans.  Tons 
ces  tableaux  sont  très  correctement  dressés  et  renferment, 
sous  forme  de  chiffres,  toutes  les  diverses  conclusions  de 
l'auteur.  Ces  conclusions  sont  rapprochées,  dans  le  texte  du 
mémoire,  des  résultats  publiés  par  les  auteurs  qui  se  sont 
occupés  de  la  question.  La  plupart  de  ces  résultats  se 
trouvent  confirmés  et  démontrés  à  nouveau^  ce  qui,  pour 
certains  d'entre  eux,  était  loin  d'être  superflu.  M.  Cartier 
s'est  attaché,  notamment,  à  faire  ressortir  l'influence  de 
l'hygiène  et  des  exercices  gymnastiques  sur  la  croissance, 
l'influence  des  saisons  et  celle  des  maladies  fébriles.  Il  a 
étudié  aussi  les  rapports  de  la  croissance  avec  la  puberté  ; 
il  a  comparé  entre  elles  les  courbes  de  croissance  de  la  taille, 
du  poids  du  corps  et  du  périmètre  thoracique  ;  il  a  examiné 
ces  diverses  courbes  au  point  de  vue  du  rythme  de  l'accrois- 
sement. Ce  sont  là  des  recherches  d'un  intérêt  considérable 
et  qui  ne  saurait  être  méconnu.  Nous  ne  reproduirons  pas, 
afin  d'être  bref,  les  conclusions  de  l'auteur  dont  le  travail 
doit  être  prochainement  publié  m  extenso  dans  les  Mémoires 
de  la  Société.  Aussi  bien  ne  s'agit-il  ici  que  de  mettre  en 
évidence  la  valeur  de  son  mémoire. 

Il  nous  sera  permis  d'ajouter,  dans  ce  but,  que  M.  le  doc- 
teur Carlier  n'a  pas  encore  tiré  de  ses  recherches  tout  le 
parti  possible.  Il  existe  une  série  de  questions  dont  l'intérêt 


MANOUVRIER.  —  RAPPORT  SUR  LE  PRIX  GODARD.     729 

ne  lui  échappera  pas  et  qui  peuvent  recevoir  d'une  nouvelle 
mise  en  œuvre  des  cliiffres  déjà  recueiiis  par  lui  une  cer- 
taine lumière.  Il  a  classé  ses  sujets  d'après  leur  âge,  mais  il 
serait  possible  de  les  classer  d*après  leur  taille  soit  au 
moment  de  leur  arrivée  à  Técole  soit  au  moment  de  leur 
sortie.  On  pourrait  encore  ordonner  les  séries  d'après  le  péri- 
mètre thoracique^  le  produit  des  deux  diamètres  céphaliques, 
ou  le  poids  du  corps^  etc.  Il  serait  aussi  très  intéressant 
d'étudier  comparativement  la  croissance  sur  des  groupes 
d'élèves  formés  d'après  la  valeur  intellectuelle  ou  d'autres 
qualités  physiologiques  telles  que  l'adresse,  l'agilité,  l'acti- 
vité, etc.,  appréciées  au  moyen  des  notes  obtenues  à  l'école. 
Enfm,  s'il  est  logique  de  s'attacher  tout  d'abord  aux  moyennes 
qui  représentent  les  faits  généraux,  il  ne  faut  pas  oublier  que 
beaucoup  de  faits  des  plus  intéressants  se  trouvent  noyés 
dans  les  moyennes  et  pourraient  ressortir  grâce  à  un  examen 
judicieux  d'un  certain  nombre  de  cas  individuels,  car  c'est 
en  ceci,  en  somme,  que  gît  l'intérêt  tout  spécial  des  observa- 
tions faites,  comme  celles  de  M.  Garlier,  non  pas  sur  des 
séries  de  jeunes  gens  d'âges  divers,  mais  bien  sur  des  sujets 
suivis  un  à  un  pendant  plusieurs  années  consécutives.  Nous 
faisons  ces  remarques  à  la  fois  pour  engager  l'auteur  à  re- 
mettre ses  chiffres  sur  le  métier  afin  d'en  extraire  des  résultats 
nouveaux,  et  pour  montrer  toute  la  portée  des  recherches 
qu'il  a  faites.  C'est  en  considérant  l'étendue  de  cette  portée, 
en  même  temps  que  la  longue  durée  du  travail  dont  nous 
venons  d'indiquer  les  autres  mérites,  que  la  commission  du 
concours  pour  le  prix  Godard  a  proposé  unanimement  à  la 
Société  d'anthropologie  de  décerner  le  prix  à  M.  le  docteur 
Garlier. 

Il  nous  reste  à  parler  du  second  mémoire  présenté  par  cet 
auteur  et  intitulé  :  De  la  taille  dans  l'arrondissement  d'Eoreux. 
Sans  avoir  une  valeur  aussi  grande  que  celle  du  précédent, 
c'est  encore  un  bon  travail.  M.  Garlier  y  étudie,  d'après 
les  documents  fournis  par  le  recrutement  militaire  de- 
puis 1872  jusqu'à  1890,  la  taille  et  l'aptitude  au  service  dans 


730  HUITIÈME   CONFÉRENCE  BROCA. 

chacun  des  cantons  de  Tarrondissement  d'Ëvreux  et  dans  la 
ville  d'Evreux.  Il  donne  aussi  une  intéressante  statistique  de 
la  taille  suivant  Thabitat  à  la  ville  et  à  la  campagne  et  sui- 
vant la  profession.  Les  conclusions  générales  ne  nous 
apprennentrien  de  bien  nouveau,  mais  elles  corroborent  utile- 
ment des  faits  plus  ou  moins  connus  d^ailleurs.  Les  tableaux 
qui  accompagnent  le  texte  constitueront  des  documents  à 
consulter,  et  la  publication  prochaine  des  conclusions  de  ce 
travail  dans  les  Bulletins  de  la  Société  nous,  dispense  d'en 
faire  ici  une  analyse  plus  complète.  Peut-être  pourrait-on 
reprocher  au  s^econd  manuscrit  de  M.  le  docteur  Cartier 
quelques  longueurs,  mais  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que  c'est 
une  excellente  étude  à  ajouter  à  la  liste  déjà  longue,  et  trop 
courte  pourtant,  des  travaux  anlhropologiques  dus  aux  mé- 
decins militaires. 

M.  LE  Président  annonce  que  les  conclusions  de  ce  rapport 
ont  été  soumises  à  la  Société  et  ratifiées  par  le  Comité  cen- 
tral. Il  proclame  en  conséquence  les  résultats  du  concours, 
puis  il  donne  la  parole  à  M.  le  docleur  Dareste. 


HUITIEME    CONFÉRENCE    BROCA 

La  lératoj^éiiie  expérimentale  ; 

PAU    M.    CAMILLE   DARESfE. 

11  y  a  trente-deux  ans,  le  19  mai  1859,  dix-huit  médecins, 
répondant  à  Tappel  de  Broca,  se  réunissaient  dans  cette  salle, 
qui  n'était  alors  qu'une  mansarde  de  l'École  pratique,  pour 
fonder  une  association  ayant  pour  but  Tétude  de  Thistoîre 
naturelle  de  l'homme.  TeJs  furent  les  humbles  débuts  de  la 
Société  d'anthropologie,  qui  compte  aujourd'hui  ses  adhé- 
rents par  centaines,  non  seulement  à  Paris  et  en  France,  mais 
en  Europe  et  dans  le  monde  entier.  Pendant  la  période  de 
temps  qui  s'est  écoulée  depuis  cette  date,  double  de  ce  que 
Tacite  appelle  grande  mortalis  œvi  spatimn^  p^resque  tous  les 


DARESTE.  —  LA  TÉRATOGÉNIB  EXPÉRIMENTALE.     731 

fondateurs  ont  disparu.  11  n'en  reste  plus  que  quatre  :  firown- 
Séquard,  Delasiauve»  Verneuil,  et  celui  qui  prend  aujour- 
d'hui la  parole  devant  vous,  désigné,  par  un  vote  unanime 
de  ia  Société»  pour  être^  cette  année,  Tolrateur  de  la  confé- 
rence Broca. 

J'ai  accepté  cette  tâcher  non  sans  effroi,  mais  avec  empres- 
sement. C'était,  pour  moi,  Toocasion  d'exposer  devant  un 
auditoire  compétent  les  principaux  résultats  de  recherches 
que  j'ai  entreprises,  il  y  a  une  quarantaine  d'années,  sur  la 
production  artificielle  des  monstruosités,  recherches  qui  m'ont 
donné  les  éléments  d'une  branche  entièrement  nouvelle  de 
la  biologie,  la  tératogénie  expérimentale.  C'était  aussi  l'occa- 
sion de  répondre  à  un  reproche,  très  amical  d'iailleurs,  que 
plusieurs  de  mes  collègues  m'ont  parfois  adressé,  le  reproche 
d'indifférence  à  l'égard  d'une  Société  dans  la  paternité  de  la- 
quelle j'ai  le  droit  de  revendiquer  ma  part.  Il  est  certain  que 
j'ai  pris  rarement  la  parole  devant  vous.  Mais  ce  n'était  pas 
indifférence.  Mes  recherches  sur  la  tératogénie  absorbaient 
toutes  mes  pensées;  je  ne  voulais  pas  m'en  laisser  distraire 
par  d*autres  études  plus  spécialement  anthropologiques.  Or, 
je  tiens  à  vous  prouver  que  je  n'ai  jamais  perdu  de  vue  le 
but  que  nous  poursuivons  tous,  et  que  j'ai  servi  notre  Société, 
bien  que  d'une  manière  indirecte,  en  créant,  par  la  produc- 
tion des  monstres,  des  méthodes  expérimentales  pour  étu- 
dier la  variabilité  de  l'organisation  animale,  et  réunir  les 
éléments  des  gmnds  problèmes  de  l'anthropologie  et  de  là 
zoologie. 

La  question  fondamentale  de  l'anthropologie,  celle  qui  do- 
mine toutes  les  autres,  est  la  question  de  l'origine  des  formes 
diverses  que  présente  le  genre  humain.  Sont-elles  primitives 
ou  dérivent-elles  d'une  forme  antérieure  unique?  Cette  ques- 
tion n'est  elle-même  qu'une  partie  d'une  question  bien  autre- 
ment vaste,  puisqu'elle  s'adresse  à  tous  les  êtres  vivants  : 
celle  de  l'origine  des  formes  innombrables  sous  lesquelles  la 
vie  s'est  manifestée  à  la  surface  de  la  terre,  aux  diverses  pé- 
riodes de  son  histoire. 


732  HUITIÈME  CONFÉRENCE  BROGA. 

Vous  savez  combien  ces  questions  ont  préoccupé  la  Société 
depuis  sa  fondation.  Vous  n'avez  pas  oublié  les  discussions 
qu'elles  ont  soulevées,  les  discours  toujours  instructifs  et 
souvent  éloquents  dans  lesquels  beaucoup  de  nos  collègues 
nous  ont  exposé  leurs  idées.  Pour  ma  part,  j'ai  constamment 
suivi  ces  débats  avec  le  plus  vif  intérêt  ;  mais  je  dois  dire  que 
je  serais  tenté  de  les  considérer  comme  prématurés,  si  je  ne 
savais  que  c'est  le  propre  de  l'intelligence  humaine  de  cher- 
cher toujours  à  combler  par  l'hypothèse  les  lacunes  de  la 
science  positive.  J'ai  la  conviction  que  si  le  problème  nous  est 
abordable,  il  ne  peut  l'ôtre  que  par  l'étude  de  la  variabilité 
des  êtres  vivants  et  par  la  connaissance  des  causes  qui  la 
mettent  en  jeu,  des  lois  qui  la  régissent,  des  limites  dans  les- 
quelles elle  est  contenue.  Plus  la  science  acquerra  de  notions 
précises  sur  ce  point,  plus  elle  s'approchera  de  la  solution 
de  ce  problème  des  origines  qui  domine  la  biologie  tout  en- 
tière, mais  qui  n'en  peut  être  que  le  point  d'arrivée. 

Qu'est-ce  que  la  variabilité? 

Les  espèces,  quel  que  soit  d'ailleurs  le  sens  que  l'on  doive 
donner  à  ce  mot,  sont  des  collections  d'individus  qui  pos- 
sèdent et  se  transmettent,  par  voie  de  génération,  un  en- 
semble de  caractères  ou  ce  que  l'on  appelle  un  type.  Or^  il 
arrive  parfois,  bien  que  très  rarement,  que,  dans  certains  in- 
dividus d'une  espèce,  un  ou  même  plusieurs  caractères  puis- 
sent manquer  et  être  remplacés  par  des  caractères  nouveaux. 
Telle  est  l'origine  des  variétés.  Lorsque  les  variétés  ne  sont 
pas  incompatibles  avec  la  vie  indépendante  et  avec  la  repro- 
duction, elles  se  perpétuent  souvent  par  hérédité,  et  devien- 
nent le  point  de  départ  des  races. 

Cette  propriété  de  varier  que  possède  le  type  spéciQque 
est  beaucoup  plus  considérable  qu'on  ne  serait  tout  d'abord 
tenté  de  le  croire.  La  disparition  d'un  nombre  plus  ou  moins 
considérable  de  caractères  et  leur  remplacement  par  des  ca- 
ractères nouveaux  peuvent  effacer  plusou  moins  complètement 
le  type,  et  même,  dans  certidns  cas,  le  faire  disparaître.  La 
déviation  du  type  spéciflque  devient  alors  la  monstruosité* 


DAHESTE.    —   LA   TÉRATOGKNIE   EXPÉRIMENTALE.  733 

Ici  quelques  explications  sont  nécessaires.  Les  monstruo- 
sités ont  été  considérées  longtemps  comme  étrangères  à 
l'ordre  naturel  et,  par  conséquent,  à  la  science.  Quand 
on  a  commencé  à  les  étudier  scientifîquement,  on  les  a 
considérées  —  et  cette  opinion  est  encore  aujourd'hui  gé- 
nérale —  comme  des  maladies  de  l'embryon.  En  réalité, 
les  monstruosités  sont  des  déviations  du  type  spécifique 
produites,  comme  les  variétés  elles-mêmes,  par  des  mo- 
difications  de  l'évolution.  Les  variétés  les  plus  légères, 
comme  les  monstruosités  les  plus  graves,  sont  des  faits  de 
même  nature,  et  qui  présentent  eulement  des  différences  de 
degré. 

L'étude  des  déviations  du  type  spécifique,  ou,  comme  on 
les  appelle  aussi,  des  anomalies  de  C organisation,  doit  être 
évidemment  le  point  de  départ  de  toutes  les  recherches  sur 
l'origine  des  formes  vivantes.  Mais,  dans  la  nature,  ces  faits 
sont  relativement  rares;  et  leur  apparition,  tout  à  fait  acci- 
dentelle, ne  nous  donne,  le  plus  ordinairement,  aucune  indi- 
cation sur  les  causes  qui  les  produisent. 

Les  anomalies  de  l'organisation  ne  nous  donneraient  donc 
que  des  notions  incomplètes  et  insufiisantes,  si  nous  nous 
contentions,  comme  on  Ta  fait  jusqu'à  présent,  d'attendre 
leur  apparition.  Mais  au  lieu  de  nous  borner  à  l'observation 
simple,  nous  devons  nous  adresser  à  l'observation  provoquée, 
c'est-à-dire  à  l'expérimentation.  L'observation  simple  ne 
donne  que  les  réalités  actuelles.  Au  contraire,  l'expérimen- 
tation, dont  le  principe  est  qu'il  est  au  pouvoir  de  l'homme 
de  produire  artificiellement  tout  ce  qui  est  ou  peut  être  pro- 
duit par  l'action  des  causes  naturelles,  a  devant  elle  un  champ 
illimité,  le  domaine  entier  du  possible.  En  outre,  elle  met 
Texpérimenlateur  en  présence  des  causes  réelles  des  phéno- 
mènes, puisqu'il  ne  peut  les  faire  apparaître  que  par  l'emploi 
de  ces  causes. 

J'ai  donc  pensé  que  la  méthode  expérimentale  pourrait 
suppléer  à  l'insuffisance  de  l'observation,  en  provoquant  la 
variation  de  l'organisme  animal. 

T.  II  (4«  série).  47 


734  HUITIÈME  GORFÉRBNGE    BROCA. 

Il  fallait  pour  cela  changer  la  direction  de  révolution  du 
geroie  fécondé. 

La  direction  de  révolution  résulte  de  la  combinaison  de 
deux  éléments  :  la  constitution  initiale  du  germe  avec  toutes 
les  tendances  héréditaires  qu'il  tient  de  ses  procréateurs; 
l'action  du  monde  extérieur  qui  provoque  révolution  du 
germe  et  la  formation  de  Tembryon. 

Cette  action  du  monde  extérieur  n'est  pas  immédiatement 
visible  dans  révolution  des  germes  des  animaux  vivipares, 
puisqu'elle  ne  peut  les  atteindre  que  par  l'intermédiaire  de 
l'organisme  maternel.  Elle  est,  au  contraire,  complètement 
évidente  chez  les  animaux  ovipares.  Prenons  l'exemple  le  plus 
connu.  Le  germe  contenu  dans  l'œuf  de  la  poule  reste  dans 
un  état  de  vie  latente  jusqu'au  moment  où  on  le  soumet  à 
l'incubation.  Or,  l'action  de  la  poule  couveuse  n'a  rien  de 
mystérieux^  comme  on  serait  tout  d'abord  tenté  de  le  croire. 
Elle  ne  produit  l'évolution  du  germe  que  par  réchauffement 
de  Tœuf.  Ge  qui  le  prouve,  c'est  la  possibilité  de  remplacer  la 
poule  par  l'incubation  artificielle,  dont  l'emploi,  vous  le  savez, 
remonte  à  une  antiquité  très  reculée. 

Il  était  donc  tout  naturel  de  chercher  à  modifier  l'évolu- 
tion de  l'embryon  de  la  poule,  en  modifiant  les  conditions 
physiques  qui  la  produisent.  Ge  fut  la  pensée  du  plus  grand 
naturaliste  de  notre  siècle,  Geoffroy  Saint-Hilaire.  Il  soumit 
des  œufs  à  l'incubation  naturelle  et  à  l'incubation  artificielle, 
dans  des  conditions  qu'il  supposait  devoir  modifier  l'état 
normal,  et  il  rencontra  plusieurs  fois  des  individus  mons- 
trueux. Mais  il  n'alla  pas  plus  loin,  et  il  ne  pouvait  pas  aller 
plus  loin.  A  l'époque  déjà  ancienne  où  il  faisait  ses  expé- 
riences (1820-1826),  les  appareils  d'incubation  artificielle 
étaient  très  imparfaits  et  ne  se  prêtaient  pas  à  l'expérimenta- 
tion scientifique.  D'autre  part,  l'évolution  normale  de  l'em- 
bryon de  poule  était  à  peine  connue.  Le  premier  ouvrage  qui 
l'ait  fait  connaître  d'une  manière  un  peu  complète  est  le 
livre  de  Baer,  publié  en  1828. 
'    Geoffroy  Saint-Uilaire  n'avait  donc  fait  qu'ouvrir  la  voie. 


DARESTEi,  —  lA  TÉRATOGÉNIB  EXPÉRIMENTALE.     735 

Mais  les  difficultés  qu41  avait  rencontrées  ont  aujourd'hui 
disparu.  Les  apparàls  d'incubation  artificielle  sont  devenus 
des  appareils  scientifiques,  marchant  avec  la  plus  grande 
précision.  L'embryogénie  du  poulet  est  aujourd'hui  presque 
entièrement  connue.  Il  était  donc  possible  d'aborder  la  téra«> 
togénie  expérimentale. 

C'est  ce  que  j'ai  fait.  Je  suis  arrivé,  après  d'innombrables 
tâtonnements,  à  déterminer  les  conditions  physiologiques  et 
physiques  de  l'évolution  normale  et  de  révolution  anormale 
des  poulets  ^.  Gela  m'a  permis  de  produire  des  milliers  de 
^  monstres  que  j'ai  pu  étudier  aux  diverses  époques  de  la  vie 
embryonnaire.  C'est  un  travail  que  personne  n'avait  fait  avant 
moi,  que  personne  n'aurait  pu  faire.  J'ai  constaté  ainsi  les 
conditions  générales  de  la  formation  des  monstres  et  les  con- 
ditions spéciales  de  la  formation  de  chaque  type  particulier 
de  la  monstruosité.  Il  est  donc  sorti  de  mes  recherches  une 
embryogénie  tératologique  entièrement  fondée  sur  l'obsef'^ 
vation  directe  des  faits,  et  qui  doit,  par  conséquent,  prendre 
place  à  la  suite  de  l'embryogénie  normale,  comme  un  corn* 
plément  nécessaire. 

Et  la  tératogénie,  ainsi  constituée,  a  une  portée  bien  plus 
grande  qu'on  ne  le  croirait  tout  d'abord.  En  effet,  presque 
tous  les  types  tératologiques  que  j'ai  constatés  chez  la  poule 
se  rattachent  à  des  types  tératologiques  déjà  observés  et  dé* 


*  On  m'a  demandé,  après  ma  conférence,  quels  sont  les  procédés  dont 
je  me  sers  pour  produire  les  monstres  ?  Je  n'aurais  pu  les  indiquer  san» 
donner  à  ma  conférence  une  étendue  excessive.  Mais,  pour  répondre  aux 
questions  qui  m'ont  été  faites  i\  ce  sujet,  j'indiquerai  brièvement  les  con- 
ditions qui  m*ont  fait  obtenir  des  faits  tératologiques.  J'ai  obtenu  des 
monstres  lorsque  je  faisais  couver  des  œufs  pq^jdus  depuis  longtemps,  ou 
soumis  à  des  secousses  pendant  la  période  qui  sépare  la  ponte  de  la  mise 
en  incubation.  J'en  ai  obtenu  également  par  remploi  de  températures  un 
peu  supérieures  on  un  peu  inférieures  à  celles  qui  donnent  l'évolution  nor- 
male ;  par  l'échauffement  inégal  de  l'œuf;  par  le  vernissage  partiel  de  la 
coquille.  J'ai  décrit  tous  ces  procédés  en  détail  dans  un  livre  que  j'ai 
publié  récomment  sous  ce  titre  :  Recherches  sur  la  production  ariificieUe 
des  monstruosités  ou  Suais  de  tératogénie  expérimentale,  S«  édit.  (Librairie 
Heinwald.) 


736  HUITIÈME   CONFÉRENCE  BROCA. 

crits  chez  les  mammifères  et  chez  Thomme.  Ce  fait,  qaî  peat 
paraître  étrange  au  premier  abord,  s*explique  de  la  manière 
la  plus  simple  par  Tunité  de  type  des  animaux  vertébrés. 
Chez  tous  ces  animaux,  les  embryons  ont  au  début  une  forme 
commune  et  traversent  plusieurs  formes  communes  avant 
d*aboutir  aux  formes  diverses  qui  caractérisent  les  différentes 
classes.  Or,  il  résulte  de  cette  communauté  des  formes  pri- 
mitives que,  chez  tous,  révolution  peut  être  modifiée  de  la 
môme  manière,  et  produire,   par  conséquent,   les  mômes 
types  tératologiques.  La  tératogénie  de  la  poule,  telle  que  je 
Tai  constituée,  donne  donc  la  tératogénie  des  mammifères  et 
de  rhomme,  et,  très  probablement,  la  tératogénie  de  tout 
Tembranchement  des  animaux  vertébrés. 

Les  faits  que  j*ai  découverts  en  suivant  cette  voie  sont  tel- 
lement nombreux  qu'il  me  faudrait  une  série  de  leçons  pour 
vous  en  faire  une  exposition  complète.  Je  dois  donc  me  bor- 
ner à  vous  montrer  les  conditions  générales  de  la  production 
des  monstres  et  à  faire  Tapplication  de  ces  notions  à  la  genèse 
de  quelques  types  particuliers. 

L*embryon,  à  son  débuts  n'est  constitué  que  par  des  cel- 
lules homogènes,  et  ce  n'est  que  plus  tard  qu'apparaissent 
les  éléments  histologiques  définitifs.  En  d'autres  termes,  la 
forme  se  constitue  avant  la  structure,  condition  nécessaire 
du  fonctionnement  physiologique.  11  en  résulte  que  les  or- 
ganes se  produisent  de  toutes  pièces  dans  des  masses  cellu- 
laires affectant  leur  forme  générale  et  leur  servant,  pour 
ainsi  dire,  d'ébauche.  Les  organes  tératologiques  se  produi- 
sent de  la  même  manière  dans  des  masses  cellulaires  dont  la 
forme  a  été  modifiée  par  une  cause  tératogénique.  C'est  donc 
pendant  la  première  période  de  la  vie  embryonnaire  que  Ton 
doit  chercher  le  fait  initial  de  chaque  monstruosité,  fait  ini- 
tial qui  consiste  le  plus  souvent,  tantôt  dans  un  arrêt  de  dé- 
veloppement, tantôt  dans  l'union  des  parties  similaires.  Ces 
faits  avaient  été  entrevus  par  les  Geoffroy  Saint-Hiiaire; 
mais,  faute  de  connaissances  embryogéniques  suffisantes,  ils 
n'avaient  pu  s'en  rendre  exactement  compte,  ni  comprendre 


DARESTE.  —  LA  TÉRAT0GÉN1E  EXPÉRIMENTALE.     737 

leur  très  grande  généralité.  Aujourd'hui  tout  s*explique,  par 
mes  observations,  de  la  manière  la  plus  complète,  si  Ion  fait 
intervenir,  dans  la  question  de  l'origine  des  monstres,  les 
caractères  anatomiques  et  physiologiques  de  la  première  pé- 
riode de  la  vie  embryonnaire. 

A  rétat  normal,  les  organes  apparaissent  les  uns  après  les 
autres  dans  la  masse  cellulaire  primitive  ;  ils  traversent  une 
série  de  formes  successives,  avant  de  s'arrêter  dans  leur 
forme  défînitive.  Or  un  organe  peut  ne  pas  se  former^  ou  bien 
il  peut  s'arrêter  définitivement  dans  Tune  quelconque  des 
formes  qu'il  traverse.  L'arrêt  se  manifeste  alors  par  l'appa- 
rition des  éléments  histologiques  défînitifs  avant  que  l'organe 
ait  atteint  sa  forme  dernière.  Tel  est  l'arrêt  de  développement, 
qui  consiste  essentiellement  dans  la  permanence  de  certains 
états  embryonnaires.  11  se  produit  beaucoup  plus  fréquem- 
ment qu'on  serait  tenté  de  le  croire.  £n  effet,  j'ai  constaté 
qu'il  s'adresse  aux  annexes  de  l'embryon  comme  à  l'embryon 
lui-même. 

J'ai  vu,  par  exemple,  que  l'amnios,  arrêté  dans  son  dé- 
veloppement, comprime  l'embryon  dans  une  étendue  plus 
ou  moins  grande,  et  que  cette  compression,  gênant  l'évo- 
lution, amène  la  production  d'un  certain  nombre  d'anoma- 
lies. C'est  ainsi  que  l'arrêt  de  développement  de  l'embryon 
ou  de  ses  annexes  est  le  fait  initial  de  la  plupart  des  mon- 
struosités simples. 

Lorsque,  pendant  la  première  période  de  la  vie,  deux 
parties  similaires  de  l'embryon  sont  juxtaposées,  elles  s'unis- 
sent en  formant  les  deux  moitiés  d'un  organe  unique.  Tel  est 
le  cas  de  la  plupart  des  organes  qui  occupent  le  plan  médian 
de  l'embryon.  Cela  se  produit  également  dans  révolution 
anormale  lorsqu'une  cause  quelconque  met  en  contact  deux 
parties  similaires  séparées  dans  l'évolution  normale.  L'union 
des  parties  similaires  ne  joue  dans  la  formation  des  monstres 
simples  qu'un  rôle  assez  restreint  et  toujours  consécutif  à  un 
arrêt  de  développement.  Mais  elle  régit  entièrement  la  for- 
mation des  monstres  doubles,  ceux  dont  l'organisation  est 


738  HUITIÈME  CONFÉRENCE  BROCA. 

constituée  par  la  fusion,  en  nombre  plus  ou  nioins  grand, 
des  éléments  de  deux  individus. 

Je  ne  vous  parlerai  pas  ici  des  monstres  doubles  que  je  n'ai 
pas  produits  et  que  je  ne  pouvais  pas  produire.  Ces  monstres 
résultent  d'un  état  particulier  du  germe,  produit  antérieure- 
ment à  la  ponte,  et  donnant  lieu  à  deux  corps  embryonnaires 
distincts  qui  s'Unissent  et  se  fusionnent  plus  ou  moins  com- 
plètement pendant  Tévolutioui  Cette  théorie  n'est  générale- 
ment pas  acceptée.  Beaucoup  de  physiologistes  considèrent 
les  monstres  doubles  comme  résultant  de  la  division  partielle 
d'un  embryon  primitivement  simple.  Mais  s'il  en  était  ainsi, 
on   pourrait  les  produire  artificiellement,  ce  qui  ne  m'est 
jamais  arrivé.  J'ai  pu  cependant,  par  suite  de  hasards  heu- 
reux, rencontrer  plusieurs  fois  des  monstres  doubles  en  voie 
de  formation,  et  faire  connaître  la  genèse  d'un  certain  nombre 
de  leurs  types.  J'ai  exposé  ces  faits  devant  la  Société,  en  1 873, 
au  cours  d'une  discussion  qui  n'a  peut-être  pas  été  oubliée. 

Ainsi  toutes  les  monstruosités,  les  monstruosités  simples 
comme  les  monstruosités  doubles,  apparaissent  d'emblée 
avec  tous  leurs  caractères  tératologiques  dans  des  ébauches 
cellulaires  préparées  d'avance  par  la  cause  tératogénique.  11 
me  reste  à  vous  en  donner  la  preuve  par  Texamen  de  la  ge- 
nèse d'un  certain  nombre  de  types  spéciaux. 

Je  ne  puis  évidemment  pas  passer  en  revue  tous  les  types 
tératologiques  que  j*ai  produits  ;  je  dois  donc  me  contenter 
de  vous  faire  connaître  la  genèse  de  plusieurs  d'entre  eux. 

Je  choisirai,  parmi  ces  types,  ceux  qui  présentent  les  par- 
tîculantés  les  plus  remarquables,  comme  le  spina  bifida,  la 
cyclopie,  Texencéphalie,  l'ectromélie  et  la  symélie. 

La  fissure  spinale  ou  le  spina  bifida  a  été  considérée,  jus- 
qu'à nos  jours,  comme  une  maladie  de  l'embryon.  Dans  cette 
anomalie,  les  deux  moitiés  de  Tare  vertébral  supérieur  sont 
écartées  l'une  de  l'autre,  et  l'intervalle  qui  les  sépare  est  oc- 
cupé par  une  tumeur  pleine  de  liquide.  L'origine  patholo- 
gique de  cette  monstruosité  paraissait  évidente.  La  moeUe 
épinière,  dans  sa  région  postérieure,  aurait  été  distendue  par 


DABESTE.  —  LA  TÉRATOOÉNIE  EXPÉRIMENTALE.     730 

une  hydropisie  partielle,  et  la  tumeur  ainsi  formée  aurait 
violemment  écarté  les  deux  moitiés  de  Tare  vertébral. 

Les  choses  se  passent  tout  autrement. 

La  moelle  épinière,  produite  par  ce  que  Ton  appelle  la 
lame  médullaire^  apparaît  d*abord  sous  la  forme  d'une  goût* 


Premier  état  de  la  goattièro  médullaire. 


«5- 


CfCt» 


ent/ 


État  pins  avancé  de  la  goaltière. 


CiCL 


ent 


Tube  médullaire  remplaçant  la  goattière. 

Fig.  1,  2  et  3.  »  Coupes  représentant  la  formation  de  la  gouttière 

et  dn  tube  médullaire. 

Lettr^'s  commune»  :  te,  eotoderme  on  épiderme  ;  mé»,  mésoderme  ;  ent^  entoderme  ; 
c.  d.f  corde  dornale  ;  t.  m.,  tube  médullaire;  /.  d.,  lames  dorsales;  /.  /.,  lames 
latérales. 

tière,  dont  les  parois  se  continuent  avec  la  lame  qui  formera 
Tépiderme.  Puis  les  bords  de  la  gouttière  se  rapprochent  l'un 
de  l'autre  et  finissent  par  se  réunir  en  formant  un  tube.  Ce 
tube,  que  Ton  appelle  le  tube  médullaire,  se  détache  et  s'écarte 
de  la  lame  épidermique.  L'intervalle  ainsi  formé  ne  tarde  pas 
à  se  remplir  par  le  prolongement  des  lames  dorsales  qui  for- 
maient les  bords  de  la  gouttière  et  qui,  s*unissant  au-dessus 
du  tube  médullaire,  constituent  l'arc  vertébral  ;  tel  est  l'état 
normal  (fig.  i,  2  et  3). 
Supposons  maintenant  que  la  gouttière  médullaire  s'ar- 


740  IIIIITIÈME   CONFÉRENCE  BROCA. 

rête  dans  son  évolution,  en  un  point  quelconque  de  son  par- 
cours, généralement  à  son  extrémité  postérieure  ;  elle  reste 
alors  béante  et  conserve  sa  continuité  avec  Tépiderme.  Dans 
ces  conditions,  les  lames  dorsales  ne  peuvent  se  réunir,  et 
s'ossifient  isolément  des  deux  côtés  de  la  gouttière.  Telle  est 
Torigine  du  spina  bifida  ;  je  l'ai  constatée  plusieurs  fois  sur 
des  embryons  de  poule  ;  je  Tai  constatée  également  sur  un 
très  jeune  embryon  humain  qui  m'avait  été  remis  par  notre 

ancien  collègue,  M.  Ernest  Martin 

(fig.  ^). 
Il  y  a  des  cas,    peu  nombreux 

il  est  vrai,  dans  lesquels  ranomalie 
ne  va  pas  plus  loin.  Le  plus  ordi- 
nairement, il  existe  une  tumeur  ; 
mais  celte  tumeur  résulte  non  d'une 
hydropisie  de  la  moelle,  comme  on 
le  croit  généralement,  mais  de  l'ac- 
v\.r  A      IT^k       i  cumulation,  au-dessous  de  la  moelle 

tig.  4.  —  Embryon  humain  avec  ' 

spina  bifida,  do  M.  E.  Martin,     et  daus  Ics  méningcs,   du   liquide 
fl,  pariio  médiane  do  la  gouttière   céphalo-rachidicn.  Elle  u'cst  donc 

médullaire  ;  6.  6  ,  parties  laté-         ^ 

tt'^'*'^'-  qu'un  fait  accessoire  fréquent,  il  est 

vrai,  mais  non  nécessaire,  consécutif  à  l'arrêt  de  développe- 
ment partiel  de  la  moelle. 

La  cyclopie  est  une  monstruosité  très  curieuse.  Les  êtres 
qui  en  sont  aftectés  ont  un  œil  unique  situé  sur  la  ligne  mé- 
diane de  la  face.  Parfois  il  existe  deux  yeux  beaucoup  plus 
rapprochés  que  dans  l'état  normal,  tantôt  enfermés  dans  une 
orbite  unique  et  tantôt  ayant  chacun  son  orbite.  Cette  mons- 
truosité reproduit  exactement  la  conformation  des  cyclopes 
de  lu  fable  ;  on  peut  donc  penser  qu'elle  a  été  l'origine  de 
cette  conception  mythologique.  Je  crois,  pour  ma  part,  que 
l'homme  n'invente  pas  et  qu'il  prend  toujours  les  éléments 
de  ses  conceptions  dans  l'observation  de  la  réalité. 

Voici  ce  que  mes  observations  m'ont  appris  sur  sa  genèse. 

Les  yeux,  ou  plus  exactement  les  rétines,  se  forment  dans 
une  partie  des  parois  de  la  vésicule  cérébrale  antérieure, 


DARESTE.  —  LA  TÉRATOGÉNIE  EXPÉRIMENTALE. 


741 


celle  qui  deviendra  plus  tard  la  vésicule  du  troisième  ventri- 
cule. Cette  vésicule,  qui  se  produit  par  un  évasement  de 
Textrémitô  antérieure  de  la  gouttière  médullaire,  reste  ou- 
verte pendant  un  temps  assez  long,  et  en  même  temps  elle 
s'élargit  de  plus  en  plus  dans  le  sens  transversal.  Il  en 


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résulte  que  les  parties  des  parois  qui  deviendront  les  rétines 
sont  d'abord  juxtaposées  des  deux  côtés  de  la  ligne  médiane, 
puis  qu'elles  s'écartent  peu  à  peu  Tune  de  l'autre  pour  venir 
occuper  les  deux  extrémités  opposées  des  bords  de  la  vési- 
cule. La  fermeture  de  la  gouttière  ne  se  produit  que  lorsque 
la  vésicule  a  atteint  ses  dimensions  définitives  dans  le  sens 
transversal  (fig.  5,  6  et  7). 


742  OUITIÈMK  CONFÉRENCE  BROCA. 

Supposons  que  la  fermeture  de  la  gouttière  se  fasse  d*une 
manière  préoooe;  les  parties  rétiniennes  des  parois, qui  étaient 
juxtaposées,  s'uniront  Tune  à  Tautre.  Ainsi  se  formera  sur  la 
ligne  médiane  une  vésicule  optique  unique,  tandis  que,  dans 
révolution  normale,  les  deux  vésicules  optiques,  éloignées 
Tune  de  l'autre,  se  constitueront  isolément.  On  voit  donc 


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comment,  dans  le  second  ras,  les  yeux  se  produiront  d'em- 
blée comme  deux  organes  isolés,  tandis  que,  dans  le  pre- 
mier, il  se  constituera  un  œil  unique,  tantôt  complètement 
simple  et  tantôt  présentant  en  plus  ou  moins  grand  nombre 
les  éléments  des  deux  yeux. 


DARESTE.    —    LA   TKRATOGÉNIE  EXPÉRIMENTALE.  743 

L'union  des  parties  rétiniennes  de  la  paroi  de  la  vésicule 
antérieure  en  avant  de  la  têle  est  elle-même  le  point  de 
départ  d*un  fait  anatomique  très  important,  le  défaut  de 
formation  des  hémisphères  cérébraux.  Dans  révolution  nor- 
male, lorsque  les  yeux  s'écartent  de  la  ligne  médiane,  Tin- 
tervalle  qui  les  sépare  est  occupé  par  deux  nouveaux  replis 
de  la  paroi  de  la  vésicule,  replis  qui  sont  le  point  de  départ 
dune  nouvelle  vésicule  cérébrale,  la  vésicule  des  hémi- 
sphères. Il  est  évident  que  rien  de  pareil  ne  peut  se  produire 
dans  la  cyclopie. 

On  rencontre  fréquemment,  chez  les  cyclopes,  une  petite 


F.  OP. 


— /-.._M.S. 


-vCl.-.M.Ï. 


Fig.  S.  —  Tôte  d'ctnbryon  avec  oyclopie  inoomplète. 

F. CL.,  fossette  oUactive  ;  F.  OP.,  F.  OP.,  fostetlM  optiques  ; 
M.  s.,  mâchoire  supérieure  ;  tâ.l,,  mâchoire  inférieure  ;  F.  B.,  fente  buccale. 

trompe  située  au-dessus  de  l'œil  unique.  Cette  trompe  est 
l'appareil  olfactif.  Dans  révolution  normale,  cet  appareil  est 
constitué,  au  début,  en  avant  des  yeux,  par  deux  petites  fos- 
settes comparables  aux  cavités  olfactives  des  poissons  et 
n'ayant,  comme  elles,  aucune  communication  avec  la  cavité 
buccale,  à  laquelle  elles  ne  s'unissent  que  plus  tard.  Dans  la 
cyclopie,  l'unité  de  l'œil  entraine  la  formation  d'une  cavité 
olfactive  unique,  cavité  qui  ne  peut  se  mettre  en  communi- 
cation avec  la  cavité  buccale.  Lorsque  les  parois  de  cette 
cavité  se  prolongent  en  avant,  elles  forment  une  petite 
trompe  (flg.  8). 

La  fermeture  précoce  de  la  vésicule  cérébrale  antérieure 
est-elle  le  fait  initial  de  la  cyclopie  ?  J'ai  lieu  de  croire  qu'elle 
résulte  elle-môme  d'un  autre  fait  antérieur,  une  pression 


714  UUlTtliHB    COHFÉaERCE  BROCA. 

exercée  par  la  partie  antérieure  de  ramnios  arrêté  dans  son 
développement  ;  mais  je  n'ai  pu,  jusqu'à  présent,  m'en  assu- 
rer d'une  manière  certaine.  11  existe,  au  contraire,  un  certain 
nombre  de  monstruosités  dans  lesquelles  l'arr&t  de  dévelop- 


pement total  ou  partiel  de  l'amnios  joue  un  râle  tout  à  fait 
évident.  Je  vous  le  montrerai  par  quelques  exemples. 

Telles  sont  les  exencéphalies,  dans  lesquelles  l'encéphale 
parait  être,  partiellement  ou  totalement,  en  dehors  du 
crâne  [fig.  9).  On  les  considère  généralement  comme  des 


DARE8TE.  —  LA  TÉRATOGÉNIE  EXPÉRIMENTALE.     745 

hernies  de  Tencéphale  qui,  dilaté  par  uae  hydropisie,  aurait 
violemment  écarté  les  deux  moitiés  de  la  voûte  du  crâne. 
Mes  recherches  m'ont  prouvé  que  la  genèse  de  Texencéphalie 
est  toute  différente.  Quand  l'amnios  est  arrêté  dans  son  dé- 
veloppement, la  partie  de  cette  membrane  qui  recouvre  la 
tête  et  que  Ton  appelle  le  capuchon  céphalique  peut  manquer, 
ou  bien  elle  peut  rester  appliquée  contre  la  tête  de  Tem- 
bryon.  La  tête  se  comprime  alors,  soit  contre  la  coquille  de 
Tœuf,  soit  contre  Tamnios.  Cette  pression  produit  alors  une 
déformation  remarquable  des  vésicules  céphaliques.  Leurs 
parties  supérieures  sont  aplaties  et  débordent  de  tous  côtés 


Fig.  10.  —  Formation  de  l'cxencéphalie. 
Schéma  représentant  la  conpe  d'ano  Tésicnle  encéphalique  comprimée  par  Tamniot. 

a,  amnios  ;  b,  partie  sanérieare  de  la  Tésicnle  comprimée  et  simolani  une  hernie  ; 
c,  partie  iniérieare  ae  la  vésicule  qui  n'a  pas  subi  l'action  de  la  compression. 

les  parties  inférieures,  dont  elles  sont  séparées  par  un  sillon. 
Dans  ces.  conditions,  elles  paraissent  être  en  dehors  du 
crâne,  mais  ce  n'est  qu'une  apparence.  Le  crâne  les  enve- 
loppe complètement  ;  niais^  dans  toute  sa  partie  supérieure, 
il  est  frappé  d'arrêt  de  développement  et  conserve  son  carac- 
tère primitif  de  crâne  membraneux.  Il  ne  se  développe  com- 
plètement que  dans  la  partie  inférieure,  celle  qui  est  située 
au-dessous  du  sillon  ;  c*est  là  que  s'arrête  l'ossification 
(flg.  iO). 

Lorsque  la  partie  postérieure  de  l'amnios,  celle  que  l'on 
appelle  le  capuchon  caudalj  est  arrêtée  dans  son  développe- 
ment, elle  comprime  les  membres  postérieurs  et  gêne  leur 
évolution.  Ces  membres  sont  alors  frappés  d'arrêt  de  déve- 
loppement. Ainsi  86  forment  les  diverses  ectromélies  carac- 


746  iiumËKE:  gohfbrence  broca. 

térisées  par  l'absence  d'une  partie  pins  ou  moins  coDsidéi-able 
des  luembrea.  Dans  d'autres  cas,  les  membres  complètement 
développés,  mais  soumis  à  la  pression  de  l'amnios,  ne  peu- 
vent s'accroître  qu'en  éprouvant  des  déviations  dans  diffé- 
rents sens.  Telle  est  l'origine  des  déviations  congénitales  des 
membres,  et  particulièrement  du  pied  bot. 

L'une  des  monstruosités  les  plus  remarquables  des  mem- 
bres inférieurs  est  la  symélie.  Le  membre  inférieur  est  unl- 


Fig.  II.  —  P>rtl<  pMUriSDM  du  Mirpi  d'an  lUDiiiIra  lymilien  en  Toïn  d«  rormalioa. 

(d'aprii  nilurc). 

C,  cttur;  K.A,  M.  A,  membres  i>ntcrienr>:  M. P.  M.  P.  membnt  poslcrioan 
rcnisnéi;  A.unDJm;  C.  C,  eapnchuD  oindiil.  , 

que,  mais  il  contient,  en  nombre  plus  ou  moios  grand,  ie^ 
éléments  de  deux  membres.  En  outre,  tous  les  éléments  de 
ce  membre,  uoiqnc  en  apparence,  sont  renversés.  Les  parties 
qui,  dans  l'état  normal,  sont  à  l'extérieur,  sont  ici  à  l'inté- 
rienr;  et  de  même  les  parties  qui,  dans  l'étal  normal,  sont 
à  l'inlérieur,  sont  ici  à  l'extérieur.  Le  talon  est  en  avant,  les 
orteils  sont  en  arrière. 

La  genèse  de  ces  monstruosités  est  restée  incompréhen- 
sible jusqu'à  mes  expériences.  Or  j'ai  vu  que  l'arrôl  de  dé- 
veloppement du  capuchon  caudal,  empêchant  des  deux  cdtés 
également  l'accroissement  normal  des  membres,  les  force  à 


DAHËSTE*   —  LA   TÉRATOGÉNIE  EXPÉRIMENTALE. 


747 


se  renverser  au-dessus  de  la  face  dorsale  de  Tembryon.  11$ 
vont  à  la  rencontre  Fun  de  Tautre  et  s^unîssent  par  leurs 


Fig.  12.  —  Orophalocéphalio  aven  deux  oœurt  séparés. 

bords  externes,  devenus  internes.  11  y  a  là  une  application 
remarquable  de  la  loi  d'union  des  parties  similaires  (fig.  ii. 


Fig.  13.  —  Omphaloccpbalie  avec  un  cœur  unique. 

Tous  les  types  téralologiques  dont  je  viens  de  vous  faire 
connaître  la  genè86>  bien  qu'observés  sur  des  embryons  de 


748 


UUITlkMË  CONFÉRENCE  BROCA. 


poule,  se  rattachent  à  des  types  déjà  décrits  chez  les  mam- 
mifères ou  l'espèce  humaine.  Ce  fait,  bien  que  très  général, 
n'est  pas  cependant  universel.  J'ai  rencontré  assez  souvent 
une  monstruosité  qui  n'appartient  à  aucun  type  déjà  connu, 
et  que  j'ai  désignée  sous  le  nom  d'omphalocéphalie  ou  de 
hernie  ombilicale  de  la  lêle.  C^est  le  fait  le  plus  curieux  et  le 
plus  inattendu  que  j'aie  rencontré  dans  mes  recherches.  Je 
dois  y  insister  avec  quelques  détails. 
Dans  les  monstres  omphalocéphales,la  tête,  plus  ou  moins 


Fig.  14.  —  Omphalocéphalid  avec  un  cœar  uniqne, 
mais  présentant  des  traces  de  dualité. 

Lettres  coromanes  :  t,  tête:  c.,c,  cœurs  ;  /.  /,  lames  antérieure»  du  feuillet  Tascalaire. 

arrêtée  dans  son  développement,  paraît  sortir  par  l'ouverture 
ombilicale,  et  le  cœur,  au  lieu  d'occuper  sa  place  ordinaire 
dans  le  thorax,  est  à  nu  sur  le  dos  de  l'embryon,  exacte- 
ment —  qu'on  me  passe  la  comparaison  —  comme  la  hotte 
sur  le  dos  d'un  chiffonnier  (fig.  42,  13  et  44). 

J'ai  découvert  cette  monstruosité  dès  le  début  de  mes 
études  ;  mais,  pendant  longtemps,  je  n'ai  pu  [me  rendre 
compte  de  son  mode  de  formation.  L'évolution  normale,  telle 
qu'on  la  connaissait  alors,  ne  me  donnait  aucun  moyen 
d'expliquer  le  changement  de  position  si  curieux  que  pré- 
sente le  cœur.  Il  m'a  fallu,  pour  y  parvenir,  reprendre,  dans 


DAHESTE.    —   LA  TÉRATOGÉNIB   EXPÉRIMENTALE.  749 

son  ensemble,  Tétude  de  la  formation  de  cet  organe,  ainsi 
que  celle  du  feuillet  vasculaire,  et  réunir  les  éléments  d'un 
chapitre  entièrement  nouveau  d'embryogénie  normale. 

J'avais  rencontré  plusieurs  fois  chez  des  embryons  mon- 
strueux Texislence  de  deux  cœurs  distincts.  Cetle  dualité 
s'était  même  présentée  assez  fréquemment  dans  les  ompha- 
locéphales. 

Je  ne  pouvais  évidemment  l'expliquer  que  de  deux  ma- 
nières :  ou  bien  le  cœur,  simple  à  son  origine,  se  serait  par- 
tagé en  deux;  ou  bien  il  existerait  primitivement  deux  cœurs 
qui,  dans  l'état  normal,  s'uniraient  pour  former  un  cœur 
unique,  mais  qui,  dans  certains  cas,  resteraient  séparés.  La 
dualité  du  cœur  serait  donc  la  permanence  d'un  état  em- 
bryonnaire ;  en  d'autres  termes,  un  arrêt  de  développement. 

Mais,  à  l'époque  déjà  ancienne  où  j'observais  les  omphalo- 
céphales,  on  ignorait  le  mode  de  formation  du  cœur  que  Pon 
décrivait  partout  comme  étant  simple  dès  son  origine,  et 
comme  formant  un  vaisseau  unique  et  contractile  situé  sur 
la  ligne  médiane,  dans  un  écartement  des  parois  du  pharynx 
que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  chambre  cardiaque. 

Il  fallait  donc  reprendre  la  question.  Or  j'ai  constaté  que 
cet  étal  du  cœur  n'est  point  son  étal  primitif,  et  que  cet 
organe  se  constitue  à  une  certaine  époque  de  la  vie  embryon- 
naire par  Tunion  de  deux  blastèmes  cellulaires  qui  viennent 
à  la  rencontre  l'un  de  l'autre  dans  la  chambre  cardiaque,  en 
s'unissant  de  manière  à  former  un  cœur  unique  (fig.  iSj.  Si 
cette  union  ne  se  fait  pas,  les  blastèmes  cellulaires  se  déve- 
loppent isolément  et  forment  deux  cœurs  distincts. 

La  dualité  primitive  du  cœur,  que  j'ai  découverte  en  1866,  a 
étédepuiscetteépoque  retrouvée  chez  un  mammifère,  le  lapin, 
et  chez  plusieurs  espèces  de  poissons;  on  peut  donc  supposer 
qu'elle  existe  chez  tous  les  animaux  vertébrés.  Vous  voyez 
comment  la  téralogénie  est  elle-même  une  cause  de  progrès 
pour  l'embryogénie  normale. 

Le  cœur  unique  de  la  plupart  des  omphalocéphales  devait 
donc  résulter,  comme   celui  des  embryons  normaux,  de  la 

T.  Il   (4«  SÂRIB).  k^ 


160  HUITIKKB  CONFfiBENCB  BBOGA. 

fbsioii  de  deux  blastëmes  cardiaques  primitivement  distincts. 
Mais  il  restait  à  comprendre  comment  ces  deux  hlastèmes 
venaient  s'unir  au-dessus  de  la  lête.  J'y  suis  arrivé  en  ob- 
servant le  mode  de  Tormation  de  la  partie  antérieure  du 
fenillel  vasculaire. 


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Quand  on  étudie  l'embryon  aux  troisième  et  quatrième 
jours  de  l'évolution,  on  le  voit  entouré  de  tous  c6tés  par  no 
réseau  vasculaire  qui  forme  le  premier  appareil  circulatoire. 
Ce  réseau  vasculaire  a  pour  siège  une  membrane  particu- 
lière quo  l'un  désigne  sous  le  nom  de  feuilUl  vasculaire. 

A  l'époque  où  j'ai  découvert  la  dualité  primitive  du  cœur, 
on  croyait  que  le  feuillet  vasculaire  coasUtuait  dès  son  ori- 


DAHE5TB.  —  U  TfeHATMfcKlB  ESPÉRI MENTALE.  'ftl 

gine  un  Aerolfl  dont  l'embryon  OMUpernU  un  de»  diatoëtreai 
Or  j'ai  coûslaté  qu'an  d4but  le  segment  antArieur  dn  cercle 


n'existe  pas,  el  que  le  feuillet  sb  termine  en  avant  par  une 
ligne  à  peu  près  droite,  présentant  sealement  h  son  miliea 


nne  petite  éminenoe,  la  tële  de  l'embryon  (fig.  16  et  17). 
PoU  OD  voit  ce  bord  anlénear  émettre  dea  dcBX  cdtâa  de  la 


752  HUITIÈME   CONFÉRENCE  BROGA. 

tète  deux  prolongements  qui  s* étendent  en  avant  et  au-des- 
sous de  la  tête,  et  viennent  s*unir  Tun  à  Tautre  sur  la  ligue 
médiane,  de  manière  à  compléter  le  cercle. 

Dans  les  omphalocéphales,  la  tète  frappée  d*arrèt  de  dé- 
veloppement, et  dépourvue  de  pharynx,  s'infléchit  de  haut 
en  bas  en  pénétrant  dans  l'intervalle  que  présentent,  au 
début,  les  deux  lames  antérieures  du  feuillet  vasculaire.  Les 
deux  blastèmes  cardiaques  qui  se  produisent  à  la  naissance 
de  ces  deux  lames,  et  qui  sont  ainsi  placés  des  deux  côtés  de 
la  tète,  viennent  alors  se  rencontrer  au-dessus,  et  non  au- 
dessous  d'elle,  comme  c'est  le  cas  dans  révolution  normale. 
Il  se  produit  alors  un  cœur  unique  quand  les  deux  prolonge- 
ments antérieurs  du  feuillet  vasculaire  sont  venus  se  réunir, 
et  deux  cœurs  quand  ces  prolongements  restent  écartés. 

Ainsi  se  constitue  le  type  si  curieux,  si  étrange,  de  Tom- 
phalocéphalie,  dont  Texplication  ne  peut  présenter  aujour- 
d'hui aucune  difficulté,  puisqu'elle  résulte  d'un  très  grand 
nombre  d'observations  qui  me  l'ont  montrée  à  ses  différents 
états.  Il  me  reste  seulement  à  savoir  pourquoi  ce  type  ne 
s'est  rencontré  que  chez  les  oiseaux  seuls,  tandis  que  per- 
sonne ne  Ta  encore  observé  chez  les  mammifères  ou  chez 
l'homme,  dont  la  tératologie  est  si  bien  connue. 

Je  pourrais  multiplier  ces  exemples,  mais  je  ne  veux  pas 
abuser  plus  longtemps  de  votre  patience.  Je  dois  seulement 
ajouter  que  j'ai  conservé  un  certain  nombre  des  monstres 
ainsi  obtenus,  et  que  j'en  ai  formé  une  collection  actuelle- 
ment unique  au  monde.  Je  me  ferai  toujours  un  plaisir  de  la 
mettre  sous  les  yeux  de  tous  ceux  qui  désireront  la  visiter. 
Ils  y  verront  des  exemples  de  ces  milliers  d'êtres  que  j'ai  fait 
sortir  du  domaine  du  possible  pour  les  introduire  dans  le 
monde  réel  ;  et  ils  pourront  comprendre  le  pouvoir  de  Texpé- 
rlmentation  pour  mettre  enjeu  la  variabilité  de  l'organisation 
animale. 

On  me  demandera  sans  doute  pourquoi  je  n'ai  pas  été  plus 
loin,  pourquoi  je  n'ai  pas  cherché  à  produire  des  anomalies 
légères,  compatibles  avec  la  vie  et  la  reproduction,  et  pon* 


DARESTE.    — -  LA  TÉRATOGI^NIE  EXPÉRIMENTALE.  753 

vant  devenir  le  point  de  départ  de  races.  Je  suis  convaincu 
que  cela  est  possible  et  que  j'ai  produit  plusieurs  fois  de  sem- 
blaltles  faits.  Mais  je  n'ai  pas  poursuivi  cette  partie  de  mes 
expériences,  parce  qu*elles  comportent  une  cause  d*erreur 
que  je  ne  suis  pas  actuellement  en  mesure  d*éliminer.  L'espèce 
de  la  poule  a  tellement  varié  depuis  sa  domestication  que 
Tapparition  d'un  caractère  nouveau  ne  pourrait  être  certaine 
qu'autant  que  Ton  connaîtrait  exactement  les  caractères  du 
coq  et  de  la  poule  qui  ont  procréé  le  germe.  En  d'autres 
termes,  il  me  faudrait  joindre  une  basse-cour  à  mon  labora- 
toire. Tant  que  cette  condition  ne  sera  pas  réalisée,  les 
expériences  sur  la  production  des  variétés  ne  donneront  que 
des  résultats  incertains.  Ou  bien  il  faudrait  mettre  en  expé- 
rience les  œufs  d'une  espèce  n'ayant  encore  que  peu  varié, 
la  pintade,  par  exemple.  Mais  le  petit  nombre  d'œufs  que 
produit  cet  oiseau  serait  un  grand  obstacle  à  l'exécution  des 
expériences. 

Les  détails  dans  lesquels  je  viens  d'entrer  vous  convain- 
cront sans  doute  que  j'ai  poussé  mes  expériences  aussi  loin 
que  je  pouvais  le  faire,  et  que  j'ai  constitué  la  tératogénie 
de  la  poule  sur  la  base  désormais  inébranlable  de  l'observa- 
tion directe. 

J'aurais  voulu  faire  plus.  Mes  expériences  n'ont  porté  que 
sur  une  seule  espèce.  Or  toutes  les  espèces  ovipares  doivent 
avoir  leur  tératogénie.  Il  faudrait  déterminer  pour  chacune 
d'elles  tes  conditions  de  l'évolution  normale  et  faire  con- 
naître toutes  les  déviations  du  type  spécifique  qu'elles  peu- 
vent présenter.  Il  y  a  là  un  domaine  scientifique  immense, 
complètement  inexploré,  et,  par  conséquent,  une  riche  mois- 
son de  découvertes  à  faire. 

Cette  pensée  m'a  suivi,  je  pourrais  dire  m'a  poursuivi, 
pendant  toutes  mes  expériences.  J*ai  cherché  plusieurs  fois 
à  la  réaliser,  mais  j'ai  toujours  dû  reculer  devant  des  impos- 
sibilités matérielles.  Ceux  d'entre  vous  qui  me  feront  l'hon- 
neur de  venir  à  mon  laboratoire  pour  visiter  ma  collection 
pourront  se  rendre  compte  de  l'insuffisance  des  moyens  de 


754  nUlTlÈMS  CONFERENCE  BROCA. 

travail  dont  j'ai  pu  disposer  et  des  difficultés  de  toute  sorte 
qui  ont  toujours  ralenti  mes  travaux^  bien  qu'elles  ne  les 
aient  jamais  arrêtés.  N^ayant  déjà  qu'une  installation  Hrès 
défectueuse  pour  mes  expériences  sur  la  poule,  je  ne  pouvais 
guère  songer  h  établir  des  installations  nouvelles  pour  mettre 
d'autres  espèces  en  expérience,  Il  n'est  pas  probable  que  je 
sois  jamais  dans  des  conditions  plus  favorables,  d'autant  plus 
que  j'ai  atteint  un  &ge  qui  ne  me  permet  plus,  oomme  disait 
l^a  Fontaine, 

Le  long  espoir  et  les  vaites  pensées. 

Pans  ces  conditions,  et  lorsque  je  ne  puis  plus  compter 
sur  beaucoup  d'années  de  travail  effectif,  tout  oa  que  je  puis 
faire,  c'est  d'engager  ceux  qui  viendront  après  moi  et  qui, 
plus  favorisés,  pourront  disposer  de  moyens  d'étude  qui 
m'ont  toujours  fait  défaut,  h  continuer  mon  œuvre  en  Téten* 

dant  à  toutes  les  espèces  qu'ils  pourront  mettre  en  expé« 

rienoe,  C'est  là,  j'en  suis  convaincu,  qu'est  l'avenir  de  la 
zoologie  et,  par  conséquent,  de  l'anthropologie  elle-même, 
Assurément  de  pareilles  études  seront  longues,  pénibles, 
dispendieuses  ;  mais  elles  conduiront  certainement  ceux  qui 
auront  le  courage  de  les  entreprendre,  et  qui  ne  se  laisseront 
rebuter  par  aucun  obstacle,  à  des  découvertes  inattendues, 
qui  répandront  de  vives  clartés  sur  la  question  si  obscure  de 
Vorigiqe  des  formes  vivantes.  Qu'il  me.  soit  permis  de  leur 
rappeler  cette  phrase  que  Darwin  écrivait,  il  y  a  dix-buit  an», 
dans  un  de  ses  célèbres  ouvrages  :  l^s  expériences  de  Af ,  Ca- 
mille Dareste  sont  pleines  de  promesses  pour  Papefiir,  Ces  pa« 
rôles  m'ont  toujours  encouragé  dans  la  lutte  que  j'ai  dA 
soutenir  contre  les  sentiments  d'indifférence  ou  d'iqcréduUté, 
et  parfois  même  d'hostilité,  qui  ont  pendapt  longtemps 
accueilli  mes  travaux.  Je  ne  puis  que  faire  des  vœux  pour 
qu'elles  encouragent  également  mes  successeurs  dans  la 
science. 


POISONS   DES  FLÈCBGS.  755 

519*  SfiANCB.  —  17  décembre  1891. 

Préaldenee  de  M*  ItAVORHE^  préfllde«l« 

Lo  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

A  propos  du  procès* verbal. 

M.  E.  Rivière.  A  propos  de  la  très  intéressante  communi- 
cation de  notre  cher  président,  M.  le  docteur  Laborde,  sur 
les  poisons  des  flèches,  je  demande  la  permission  de  rappeler 
la  découverte  faite  par  le  docteur  Jules  Crevaux,  il  y  a  une 
douzaine  d'années,  au  cours  d'un  de  ses  voyages  dans  Tinté- 
rieur  de  la  Guyane,  du  Strychnos,  auquel  Tun  des  curares  de 
TAmazone  doit  ses  propriétés  toxiques. 

En  effet,  ainsi  que  je  Tai  publié  en  1881,  dans  la  Gazette 
des  hôpitaux,  la  question  de  la  fabrication  de  ce  curare,  dont 
les  indigènes  se  servent  pour  empoisonner  leurs  armes,  na- 
guère encore  un  mystère,  a  été  complètement  élucidée  par 
Jules  Crevaux,  au  point  de  vue  botanique  et  géographique. 
Comme  je  l'ai  raconté  dans  la  notice  que  j'ai  consacrée  au 
courageux  explorateur  de  la  Guyane,  le  tenant  de  sa  bouche 
même,  c'est  grâce  à  l'influence  d'un  collier  de  verroterie  sur 
une  jeune  Indienne  Roucouyenne  qui  se  laissa  séduira  -^  W 
tout  bien  tout  honneur  —  et  entraîner  au  milieu  des  bQÎ9t 
pour  la  montrer  à  notre  ami  Crevaux,  que  celui-ci  pf^rvint  à 
connaîtra  la  plaqte  dont  ces  peuplades  extraient  Iç  sue  pour 
la  préparation  de  leur  curare,  Ainsi^  les  Indiens  du  haqt 
Aiqazonc  emploient  le  Strychnos  Castelneana^  ceux  de  la 
Guyane  le  Strychnos  Crevauxi  décrit  pjy  MM.  Plancho^  et 
Bâillon,  et  ceux  de  l'Orénoque,  le  Strychnos  toxifera  *. 

D'autre  part,  je  rappellerai  aussi  qu'aux  Nouvelles- 
Hébrides  les  pointes  de  flèches  sont  presque  toujours  en^ 
duites  d'une  pâle  formée  avec  de  la  terre  prise  spécialement 

t  £•  Rivière,  iVo^to»  $ur  JuUs  Crevf^uap  (Gai9tl$  dps  MpitauXt  1881). 


756  SÉANCE  DU  17  DÉCEMBRE  I89f. 

dans  des  trous  creusés  au  bord  de  la  mer  par  des  crabes  et 
pétrie  avec  le  suc  d'une  euphorbe  extrêmement  vénéneuse. 
Aussi  les  blessures  faites  par  les  armes  empoisonnées  des 
Néo-Hébridais  sont-elles  des  plus  dangereuses,  voire  même, 
le  plus  souvent,  assez  rapidement  mortelles.  Ainsi  que 
M.  François,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  sciences 
de  Rennes,  me  l'a  raconté,  il  y  a  quelques  mois,  à  son  retour 
de  la  mission  scientifique  dont  il  avait  été  chargé  par  le 
ministère  de  l'instruction  publique,  aux  Nouvelles-Hébrides, 
les  individus  frappés  par  une  de  ces  flèches  succombent  en 
présentant  des  accidents  tétaniques. 

J'ajouterai,  comme  je  le  disais  ces  jours  derniers  à  M.  le 
docteur  Laborde,  que,  pour  se  préserver  de  toutes  piqûres 
dans  le  maniement  de  leurs  armes,  les  indigènes  ont  le  soin 
soit  d'cncapuchonner  chaque  pointe  de  flèche  Ou  de  sagaie 
d'un  bout  de  roseau,  soit  d'envelopper  un  certain  nombre 
de  flèches  dans  une  feuille  de  Pandanus  roulée  en  forme  de 
carquois*. 

M.  Laborde  rappelle  à  ce  propos  les  recherches  de  Crevaux 
qui  ont  flxé  la  composition  du  curare. 

CORRESPONDANCE. 

M""  veuve  Delehaye  adresse  une  lettre  à  la  Société  lui 
rappelant  que  la  somme  de  1  000  francs,  léguée  par  son 
mari,  est  à  sa  disposition  chez  son  notaire.  M®  Berson, 
4,  avenue  de  l'Opéra. 

M.  Salmox  propose  d'adresser  une  lettre  de  remerciements 
à  M"*  Delehaye,  en  lui  faisant  remarquer  que  la  Société 
attend  l'autorisation  du  conseil  d'État  pour  pouvoir  toucher 
cette  somme. 

Le  j>résident  du  conseil  municipal  adresse  à  la  Société 
les  remerciements  du  conseil  pour  l'envoi  du  masque  de 
Mirabeau.  Ce  ma:?que  est  destiné  au  musée  Carnavalet. 

^  E.  Kivièri>,  les  Souvelles-Hébrides  {Revue  scienli/iqtie,  io  iu'iWei  \H9\). 


TESTUT.  —  NOTE   SUR  UN   CAS  DE   MAMELLE  CRURALE.      757 

OUVRAGES  OFFERTS. 

Hû  (Gustave).  La  Doctrine  de  révolution  et  le  Régne  végétal. 
Paris,  1891,  in-4',  5  pages. 

LissAUER  (D' A.).  A/MerM'ïmer  dei*  Bronzezeit  in  der  Pro- 
vintz  westpreussen,  Danizlg^  189i,  in-4**,  30  pages. 

ÉLECTIONS. 

La  Société  a  nommé)  par  26  voix  sur  26  votanlS)  membres 
titulaires  :  M""  veuve  Eugène  Véron,  M.  Novikoff,  M.  Albert 
Eudes. 

objets  offerts. 

M.  Emmanuel  Ostrowsky,  étudiant  en  médecine,  offre  à  la 
Société  une  série  de  pièces  céramiques,  objets  en  silex  et  en 
bronze,  trouvés  dans  des  fouilles  en  Russie. 


COMMUNICATIONS. 
Note  sur  un  e«s  de  mamelle  ernraie  observé  ehez  la  femme  ; 

PAR    M.    L.    TESTUT. 

(Présentée  par  M.  Mathias  Duval.) 

J'ai  observé,  en  1885,  sur  la  cuisse  droite  d'une  femme  qui 
avait  accouché  à  la  Maternité  de  Bordeaux,  une  mamelle 
surnuméraire  dont  j'indiquerai  tout  d'abord  la  situation,  la 
forme  et  les  rapports. 

Elle  occupait  la  face  antéro-interne  de  la  cuisse  droite  et 
était  située  exactement  à  65  millimètres  au-dessous  du  pli 
de  l'aine,  sur  le  trajet  d'une  verticale  passant  par  l'épine  du 
pubis.  Au  point  de  vue  de  sa  confl^ration  extérieure,  elle 
était  constituée  par  un  mamelon  de  forme  conique,  qui  me- 
surait 12  millimètres  de  la  base  au  sommet.  Tout  autour  de 
lui,  la  peau  était  soulevée  par  une  masse  arrondie,  globu- 
leuse, qui  ét€dt  le  corps  de  la  glande  elle-même.  Cette  petite 
masse  glandulaire  était  peu  apparente  à  Tœil  en  raison  de  ^es 


758  SÉANCE   ou    17   DÉCEMBRE    1891. 

faibles  dimensions  ;  mais  elle  était  très  perceptible  au  toucher 
et,  par  ses  contours  irrégulièrement  bosselés^  par  sa  consis- 
tance à  la  fois  molle  et  résistante^  elle  rappelait  exactement 
une  mamelle  normale. 

Du  reste,  cette  mamelle  rudimentaire  était  placée  immé- 
diatement au-dessous  de  la  peau.  Elle  glissait  avec  la  plus 
grande  facilité  sur  Taponévrose  sous-jacente  et  faisait  corps 
au  contraire  avec  le  mamelon,  ci-dessus  décrit,  qui  la  sur- 
montait et  la  continuait. 

Le  sommet  du  mamelon  présentait  un  petit  sillon  qui  se 
dirigeait  transversalement  de  dehors  en  dedans.  Tout  super* 
ficiel  à  sa  partie  externe,  il  se  creusait  progressivement  en 
allant  en  dedans  et  se  terminait  à  son  extrémité  interne  par 
un  petit  pertuis  circulaire,  qui  était  vraisemblablement  Tori- 
fice  de  son  canal  excréteur. 

La  peau  qui  recouvrait  le  mamelon  et  sa  glande  se  distin- 
guait de  la  peau  des  régions  voisines  par  sa  coloration  plu? 
foncée.  On  apercevait  même,  çà  et  là,  un  certain  nombre  de 
petites  taches  pigmentaires. 

La  femme  porteuse  de  Tanomalie  que  je  viens  de  décrire 
avait  quarante  et  un  ans  à  l'époque  où  je  Tai  examinée.  Elle 
ne  présentait  aucune  autre  malformation.  Les  deux  mamelles 
pectorales  étaient  normalement  constituées,  bien  que  la 
droite  fût  manifestement  plus  développée  que  la  gauche.  J'ai 
appris  d'elle  qu'elle  avait  ignoré  jusqu'à  l'âge  de  vingt  ans 
l'existence  de  sa  mamelle  crurale.  Ce  n*estqu'à  cette  époque 
qu'elle  s'en  était  aperçue  et  cela  (je  répète  textuellement  ses 
paroles)  parce  quelle  la  gênait  pour  la  marche  à  Vépoque  des 
règles.  Elle  m*a  bien  spécifié,  et  à  mon  tour  j'insiste  sur  ce 
point,  que  cette  gêne  n'était  pas  continuelle  mais  seulement 
temporaire  ;  elle  apparaissait  en  même  temps  que  récoule-r 
ment  menstruel,  durait  autant  que  durait  l'ôcoulement  luir 
même  et  disparaissait  avec  lui.  Pendant  les  règles,  en  effet, 
la  mamelle  surnuméraire  augmentait  de  volume,  en  même 
temps  qu'elle  devenait  plus  dure  et  plus  douloureuse  au  tqu* 
cher. 


LAFAY.    —   GISEMENTS  PRÉHISTORIQUES  DE  MAÇON.         759 

Je  doit  ajouter  que  cette  femme  a  eu  cinq  grossesses.  A 
cbaouue  d'elles,  les  deux  mamelles  pectorales  augmentaient 
de  volume,  selon  la  règle,  et  il  en  était  de  même  de  la 
mamelle  crurale.  Dans  les  derniers  mois  de  la  grossesse,  la 
marche  n'était  possible  qu*à  la  condition  d'écarter  fortement 
les  cuisses  pour  éviter  les  frottements,  qui  étaient  alors  très 
douloureux.  Je  n'ai  pu  savoir  au  juste  si  le  petit  pertuis  que 
j^ai  signalé  plus  haut  sur  le  sommet  du  mamelon  avait  laissé 
écouler  du  lait.  Tout  ce  que  je  puis  dire,  c'est  qu'à  Tépoque 
où  j'ai  fait  l'examen,  le  pertuis  en  question  ne  présentait 
aucun  suintement,  alors  même  qu'on  pressait  de  bas  en 
haut  la  glande  et  son  mamelon  pour  en  obasser  le  contenu, 
La  femme,  du  reste,  n'était  pas  nourrice,  et  plusieurs  mois 
s'étaient  déji^  écoulés  depuis  son  dernier  accouchement. 

M.  Sanson  fait  observer  que  ces  anomalies  sont  bien  con- 
nues. La  glande  mammaire  n'est  en  somme  qu'une  glande 
sébacée  plus  complexe  ;  il  n'est  donc  pas  difflcile  de  com- 
prendre qu'une  mamelle  supplémentaire  puisse  se  développer 
par  une  différenciation  spéciale  d'un  groupe  de  glandes 
sébacées. 

Sar  qaelqnes  BO«¥eaax  gisements  préhistorlqaes 

des  environs  de  MAeon  ; 

PAR   H.    G.    LAFAT. 

l'atelier  chelléen  du  bois  de  naisse. 

J'ai  fait  paraître  dernièrement  une  élude  sur  )e$  ^telifir^ 
préhistoriques  de  la  Sénétrièreren -Maçonnais.  Ces  ateli^rç^ 
copiprepaient,  p^tre  plusieurs  gisepaents  disséminés  de  grç^t- 
toirs  et  d'éclats  appartenant  à  l'époque  robei^hausienne,  un 
centre  d^  fabnçfttiqq  d'instf uiï^eqts  quaternaire^  (éppq^e 
chelléenne  (^§  M,  (]e  MQrtillet). 

Ce  dernier  centre  de  fçibrication,  situé  ^an^lelebin  quitter- 


760  SÉANCE  DU  17  DÉCEMBRE  1891. 

naire,  sur  un  petit  plateau,  m'avait  fourni  une  centaine  de 
coups  de  poing  chelléens  environ,  parfaitement  finis  et  intacts, 
et  un  grand  nombre  d'ébauchés,  d^inachevés  ou  de  cassés  pen- 
dant la  taille,  tous  fortement  cacholonnés  à  cause  de  leur 
longue  exposition  à  l'air  libre. 

J'avais  également  recueilli  un  certain  nombre  de  pièces 
appartenant  à  la  même  époque  dans  le  banc  supérieur  de 
l'argile  à  silex  qui  artleure  sur  les  talus  formant  la  lisière  du 
bois  de  Naisse,  et  comme  les  traces  de  fabrication  me  parais- 
saient devenir  très  abondantes  à  mesure  que  je  me  rappro- 
chais de  ce  dernier  bois  qui  limite  à  l'ouest  la  Sénétrière, 
j'avais  émis  Topinion  qu'il  devait  receler  des  ateliers  plus 
importants  dont  la  Sénétrière  n'était  pour  ainsi  dire  que  la 
succursale.  Une  circonstance  imprévue  est  venue  confirmer 
cette  opinion.  Une  carrière  d'argile  à  silex  existe  dans  le  bois 
de  Naisse,  au  voisinage  même  de  la  Sénétrière.  Cette  carrière, 
abandonnée  depuis  plusieurs  années,  vient  d'être  de  nouveau 
remise  en  exploitation. 

Ayant  eu  l'idée  dernièrement  de  chercher,  parmi  les  débris 
qui  composaient  les  talus  de  déblais  rejetés  autour  de  la  car- 
rière, ainsi  que  parmi  ceux  provenant  des  éboulements,  qui 
avaient  été  assez  considérables  par  suite  de  la  rigueur  de 
l'hiver,  je  constatai  que  ces  débris  étaient  composés  d'une 
multitude  d'éclats  de  silex  dont  chacun,  pour  ainsi-dire,  por- 
tait les  traces  non  équivoques  de  retouches  intentionnelles,  et 
je  pus  recueillir,  après  quelques  recherches  parmi  ces  débris, 
un  grand  nombre  d'instruments  appartenant  à  l'époque  chel- 
léenne. 

Ayant  examiné  en  outre  les  nouvelles  tranchées  pratiquées 
dans  la  carrière,  je  remarquai  que,  sur  une  épaisseur  de  deux 
à  trois  mètres,  le  banc  supérieur  de  l'argile  à  silex,  qui  offrait 
des  traces  évidentes  de  stratification,  était  uniquement  com- 
posé des  résidus  de  fabrication  provenant  de  la  confection 
des  instruments  chelléens,  et  j'extrayai  moi-même  de  ce  der- 
nier banc  plusieurs  pièces  des  plus  caractérisées. 

Je  me  dispenserai  de  faire  ici  la  description  des  spécimens 


LAFAY.    —  GISEMENTS  PRÉUISTORIQUËS  DE   MAÇON.  761 

que  m'a  fournis  lacarrière  du  bois  de  Naisse;  je  renverrai)  pour 
cette  description,  à  Tétude  des  ateliers  de  la  Sénétriëre  dont 
j'ai  parlé  précédemment.  Je  ferai  seulement  remarquer  que 
tous  les  instruments  du  bois  de  Naisse,  étant  extraits  récem* 
ment  de  la  couche  qui  les  renferme,  ne  sont  recouverts 
d'aucune  patine. 

L*nn  d'eux  cependant  mérite  d'être  signalé;  arrondi  au 
sommet,  tandis  que  la  base  est  retaillée  en  forme  de  biseau, 
ce  qui  prouve  la  multiplicité  des  emplois  auxquels  il  était 
destiné,  ses  bords  latéraux,  légèrement  arqués,  sont  encore 
recouverts  d'une  portion  de  la  croûte  provenant  du  rognon 
de  silex  qui  a  servi  à  le  fabriquer.  Il  peut  donc  être  saisi  très 
facilement  à  la  main  sans  se  blesser. 

De  tout  ce  qui  précède,  on  peut  tirer  les  conclusions  sui- 
vantes : 

1<>  Un  atelier  chelléen,  dont  l'exploitation  n'a  mis  sans  doute 
qu'une  faible  partie  à  découvert,  existe  dans  le  bois  de  Naisse; 

â*»  Cet  atelier,  comme  celui  de  Charbonnières  décrit  par 
de  Ferry,  est  au  cœur  même  de  l'argile  à  silex,  et  les  premiers 
hommes  ont  débité  leurs  instruments  sur  place  ; 

3"*  Le  banc  supérieur  de  l'argile  à  silex  est  le  véritable  gise- 
ment des  instruments  quaternaires  en  Maçonnais. 

Je  n'ai  pas  l'intention  d^étudier  ici  la  nature  et  la  formation 
de  cette  argile.  Je  rappellerai  seulement  qu'on  désigne  sous 
ce  nom,  aux  environs  de  Mâcon,  des  masses  incohérentes  de 
sables  et  d'argiles  bigarrés  terminées  par  une  couche  à  silex 
qui  porte  des  traces  évidentes  de  stratification.  Cette  dernière 
couche,  remaniée,  sans  aucun  doute,  à  l'époque  quaternaire, 
est  surmontée  elle-même  d'une  zone  à  grains  de  fer  à  laquelle 
on  a  donné  le  nom  de  lehm  ferrugineux.  Les  instruments 
qu*on  y  recueille  sont  contemporains  de  ce  dernier  banc  et 
l'homme  a  dû  faire  son  apparition  dans  notre  contrée  au 
moment  de  sa  formation.  On  peut  donc^  en  quelque  sorte, 
assimiler  ce  mode  de  gisement  à  ceux  des  alluvions  classiques 
de  la  Somme  et  de  la  Seine. 


76i  SÉANCE  DU  17   DÊGEMRRfi   1891. 

NOUVEAU  CENTRE  DE  FABRICATION  GHELLÉBNNB  A  CHARBONNIÈRES. 

La  commune  de  Charbonnières  a  été,  à  Tépoque  chelléenne, 
le  centre  d'une  active  fabrication,  et  cette  localité  peut  être 
considérée  comme  le  véritable  lieu  d'approvisionnement  des 
ateliers  et  stations  du  Maçonnais.  Deux  causes  ont  contribué 
surtout  à  y  attirer  les  fabricants,  d'abord  le  grand  dévelop- 
pement de  la  formation  des  argiles  tertiaires  à  silex,  et  en- 
suite la  bonne  qualité  du  silex.  A  Charbonnières,  en  effet,  on 
trouve  des  blocs  de  silex  dont  les  dimensions  dépassent  de 
beaucoup  ceux  des  autres  localités,  et  tandis  qu'à  la  Grisière 
et  à  Saint-Sorlîn,  par  exemple,  le  silex  contient  de  nombreuses 
cavernosités  qui  nuisent  à  la  taille,  à  Charbonnières,  au  con- 
traire, la  pâte  plus  une  et  plus  homogène  peut  fournir  des 
éclats  beaucoup  plus  propres  à  la  confection  de  beaux  instru- 
ments. 

M.  de  Ferry  a  signalé  à  la  Salle  et  à  Charbonnières,  sur  la 
rive  gauche  du  ruisseau  qui  forme  la  limite  de  ces  deux 
communes,  la  présence  d'un  important  atelier  chelléen. 
Mais  cet  atelier  n'est  pas  le  seul  qui  existe  à  Charbonnières 
et  le  silex  de  cette  dernière  localité  a  été  utilisé  partout  où 
il  existait  par  les  hommes  de  Tépoque  chelléenne.  En  effet, 
j'ai  ramassé  autour  des  carrières  à  Touest  de  Charbonnières, 
ouvertes  dans  le  bois  du  Parc,  des  coups  de  poing  et  des 
ébauches  du  même  instrument,  dont  le  nombre  en  cet  endroit 
nous  prouve  assurément  que  là  existait  un  atelier  de  cette 
dernière  époque.  Parmi  ces  coups  de  poing,  j*ai  également 
recueilli  une  belle  pointe  moustérienne. 

l'atelier  MOUSTÉRIEN  du  bois  de  la  ROCHE  A  VERCHIZEUIL. 

M.  de  Ferry  a  signalé  à  Verchizeuil,  commune  de  Vené, 
sur  le  versant  nord  du  bois  de  Malessard.  non  loin  d*un  petit 
ruisseau,  la  présence  d'un  atelier  qui  lui  a  fourni  plusieurs 
instruments  appartenant  aux  époques  chelléenne  et  mousté^ 
rienne.  Je  n'ai  pu  retrouver  remplacement  de  cet  atelier  que 


LaFAY.    —   GISEMENTS   PHÉUISTOHIQUES  DE  MAÇON.        763 

des  cultures  intensives  ont  sans  cloute  fait  disparaître.  Mais 
cette  région  a  dû  alimenter  plusieurs  fabriques,  car,  chaque 
fois  que  s'opèrent  des  défrichements,  on  peut  constater  de 
nouvelles  traces  de  fabrication. 

Un  déboisement  partiel,  pratiqué  en  vue  d'établir  une  car- 
rière de  silex  pour  Tempierrement  des  routes  sur  le  versant 
sud  du  bois  de  la  Roche  à  Verchizeuil,  m'a  révélé  Texistence 
d'un  nouveau  gisement. 

Lorsque  j'ai  visité  cette  carrière  pour  la  première  fois,  j'ai 
été  frappé  de  la  multitude  de  débris  de  taille  qui  s'offrait  à 
mes  regards,  et  bientôt  je  pus  me  rendre  compte  que  j'avais 
affaire  à  un  atelier  de  l'époque  quaternaire.  Depuis  j'ai  sou- 
vent exploré  le  versant  du  bois  de  la  Roche  avec  l'aide  d'un 
habile  auxiliaire,  le  sieur  Canne,  qui  m'a  accompagné  la 
pioche  à  la  main,  et  j'ai  constaté  que  ce  dernier  bois  recelait 
dans  son  sous-sol  des  traces  nombreuses  du  séjour  des  pre- 
miers hommes  pendant  une  grande  partie  du  quaternaire, 
mais  principalement  à  l'époque  moustérienne.  En  effet,  dans 
ce  curieux  gisement,  les  instruments  taillés  sur  les  deux  faces 
sont  rares,  tandis  que  ceux  taillés  sur  une  seule  face  abondent. 
De  plus,  on  trouve  également  un  grand  nombre  d'éclats,  en 
général  assez  larges,  la  plupart  retouchés  en  forme  de  scie; 
les  pointes  et  les  racloirs  n'y  sont  pas  rares.  J'y  ai  recueilli 
également  quelques  grattoirs  grossiers  dont  un  concave.  Tous 
ces  faits  nous  indiquent  suffisamment  que  nous  sommes  en 
présence  d'un  atelier  de  l'époque  moustérienne. 

l'atelier  robenhausien  des  varennes. 

J'ai  découvert  dernièrement,  aux  portes  mêmes  de  notre 
ville,  un  nouvel  atelier  de  l'époque  robenhausienne. 

Cet  atelier  est  situé  à  2  kilomètres  au  nord  de  Mâcon, 
aux  bords  de  la  Saône,  dans  les  terres  situées  entre  la  rive 
droite  de  cette  rivière  et  la  route  nationale  n«  6.  On  peut 
suivre  ses  traces  dans  les  champs  cultivés,  depuis  les  pre- 
mières maisons  du  pelit  hameau  «  des  Varennes»,  commune 


764  SÉANCE  DU  17  DÉCEMBRE  189 f  • 

de  Sancé,  jusqu'en  face  rextrémité  sud  de  Tîle  Saint-Jean. 
Cependant  les  débris  de  taille  sont  plus  abondants  au  voisi- 
nage d*un  emprunt  de  terrain  que  l'on  peut  considérer  comme 
occupant  le  centre  de  râtelier. 

Lorsqu*on  arrive  en  cet  endroit,  on  est  frappé  de  la  quan- 
tité considérable  de  fragments  de  silex  qui  surgissent  de  toute 
part  à  la  surface  du  sol,  et  Ton  ne  peut  faire  un  seul  pas  sans 
rencontrer  des  agglomérations  de  silex  ouvrés  consistant  en 
percuteurs,  nucléus  et  grattoirs,  accompagnés  d'une  multi- 
tude d'éclats.  Ces  derniers  ont  tous  été  débités  en  vue  de  fa- 
briquer des  grattoirs,  car  ils  sont  tous  courts  et  épais.  Quel- 
ques-uns mêmes  pourraient  être  utilisés  sans  retouches,  ce 
qui  dénote  un  but  déterminé  et  en  même  temps  une  grande 
habileté  de  la  part  des  fabricants.  Nous  sommes  donc  en  pré- 
sence d'un  nouvel  atelier  de  grattoirs  de  l'époque  robenhau- 
sienne. 

Ces  grattoirs  ont  tous  le  faciès  de  ceux  que  nous  avons  ré- 
coltés précédemment  à  la  Sénétrière  et  à  Marcueil.  Leur  taille 
varie  de  5  centimètres  à  12  centimètres.  Le  silex  qui  a  servi 
à  les  fabriquer  a  une  teinte  cendrée  et  provient  des  gisements 
considérables  de  la  colline  de  la  Grisière  qui,  à  vol  d'oiseau, 
ne  sont  guère  situés  à  plus  de  2  ou  H  kilomètres  de  distance. 
Parmi  ces  grattoirs,  nous  avons  également  recueilli  quelques 
perçoirs  et  deux  hachettes  polies  en  roches  étrangères  à  la 
contrée. 

La  présence  de  cet  atelier,  en  cet  endroit,  est  un  fait  inté- 
ressant, car  il  nous  indique  que  les  habitants  de  l'époque 
robenhausienne  apportaient  les  matériaux  nécessaires  à  la 
confection  de  leurs  instruments  à  proximité  de  leurs  campe- 
ments et  y  établissaient  des  ateliers. 

Nous  savons,  en  efTet,  que  les  hommes  de  cette  époque  ont 
fréquenté  assidûment  les  bords  de  la  Saône  par  les  nom- 
breux vestiges  de  leur  industrie  disséminés  aujourd'hui  dans 
les  gisements  archéologiques  des  berges  de  cette  rivière. 


LAFAY.    —    GISEMENTS   PRÉHISTORIQUES  DE  MAÇON.  765 

NOUVEL  ATELIER  DE  GRATTOIRS   ROBENHAUSIENS  A  CHARBONNIÈRES. 

Les  fabriques  de  Charbonnières-en-Mâconnais  ont  été  très 
bien  décrites  et  étudiées  par  M.  de  Ferry.  Il  a  reconnu  l'exis- 
tence de  plusieurs  manufactures.  Ce  sont,  d'une  part,  un  ate- 
lier d'instruments  hache ttif ormes  appartenant  à  la  période 
quaternaire  (chelléen),  d'autre  part,  un  atelier  d'éclats  accom- 
pagnés de  leurs  nucléus  ;  enfin  il  a  considéré  la  partie  la  plus 
au  nord  des  fabriques  comme  un  atelier  épuisé  à  l'époque  de 
la  pierre  polie. 

Dans  la  description  des  instruments  provenant  du  premier 
atelier,  il  distingue  :  les  têtes  de  lance,  les  hachettes  casse- 
tête,  les  casse-léte  à  crosse,  les  hachettes  proprement  dites, 
les  disques,  les  pointes  dites  du  moustier,  les  racloirs,  les 
couteaux  retaillés  et  les  cureurs-perçoirs. 

Il  est  aisé  de  reconnaître,  dans  cette  désignation,  les  trois 
instruments  caractéristiques  des  époques  chelléenne  et  mous- 
térienne  :  le  coup  de  poing,  le  racloir  et  la  pointe.  Nous  n'in- 
sisterons pas  sur  la  division  des  coups  de  poing  en  têtes  de 
lance,  hachettes,  casse-tête,  etc.,  division  qui  nous  paraît 
peut-être  un  peu  subtile,  nous  ferons  seulement  remarquer 
que  l'auteur  rapporte,  mais  à  tort,  à  Tépoque  chelléenne  des 
instruments  d'une  époque  beaucoup  plus  récente.  C'est  ainsi 
qu'il  signale  comme  très  rares  des  grattoirs  qu'il  a  recueillis 
en  compagnie  de  coups  de  poing  et  qu'il  considère  comme 
contemporains  de  ces  mêmes  coups  de  poing. 

Ce  qui  a  échappé  à  cet  archéologue,  c'est  le  mélange,  mé- 
lange inévitable  dans  tout  gisement  de  la  surface  du  sol. 

Dès  mes  premières  recherches  à  Charbonnières,  j'ai  égale- 
ment récollé  un  certain  nombre  de  grattoirs  associés  aux 
produits  de  l'industrie  chelléenne.  Ma  pensée  fut  que  ces  in- 
struments appartenaient  à  l'époque  robenliausienne  et  avaient 
été  taillés  parles  hommes  do  cette  dernière  époque  qui  avaient 
établi  un  atelier  d'éclats  à  Charbonnières,  et  je  pensai  avoir 
affaire  à  des  instruments  isolés  de  la  surface  du  sol.  Mais 

T.   II   (4«  SÉRIE).  49 


766  SiANGB  DU  il  DGCBMBRB  1801. 

ayant,  depuis,  dans  de  nouvelles  excursions  aux  ateliers  de 
Charbonnières»  récolté  encore  un  certain  nombre  de  ces  in- 
struments, je  conçus  Tidée  qu'un  atelier  de  grattoirs  roben- 
hausiens  devait  avoir  existé  en  cet  endroit. 

Ayant  alors  étendu  le  cercle  de  mes  investigations,  je  re- 
marquai bientôt  qu'à  mesure  que  je  me  rapprochais  de  la 
partie  sud-est  des  ateliers  situés  vers  Tancien  lit  du  raisseau 
le  Biétors,  qui  forme  en  cet  endroit  un  petit  vallonnement,  ces 
grattoirs  devenaient  plus  abondants,  et  je  Ais  convaincu  que 
l'atelier  devait  exister  dans  cette  direction. 

Mes  prévisions  ne  furent  pas  déçues.  En  effets  à  l'automne 
dernier,  je  constatai,  sur  le  sommet  du  petit  plateau  situé 
entre  le  lit  de  Tancien  ruisseau  et  le  château,  Texistenoe  d*Qn 
atelier  de  grattoirs  de  Tépoque  robenhausienne. 

Cet  atelier,  qui  ne  mesure  pas  moins  de  I  kilomètre  de  lon- 
gueur environ,  m'a  fourni  une  série  très  importante  de  grat- 
toirs robenbansiens  (30O  environ).  Au  milieu  de  ces  grattoirs 
se  trouvait  une  petite  hachette  polie  en  jadéîte. 

Nous  avons  donc  à  Charbonnières,  comme  à  la  Sénétrière, 
trois  ateliers  :  le  premier  de  coups  de  poing  chelléens,  le  se- 
cond d'éclats  et  le  troisième  de  grattoirs,  ces  deux  derniers 
robenhausiens.  Ce  qui  prouve  encore  une  fois  de  plus  que 
les  mômes  matériaux  aux  mêmes  époques  ont  été  utilisés  par 
les  premiers  hommes. 

Habitation  eonatruite  Méolithl^ue  Bar  le  territoire 

lie  Nenvllie^lès-Meppe  ; 

PAR   H.    0.    VAUVILLÉ. 

M.  le  ministre  de  nnsiruction  publique  ayant  accordé  nne 
allocation  spéciale  dans  le  but  de  faire  les  fouilles  nécessaires 
pour  déterminer  l'époque  de  formation  de  phisieui-s  enceintes 
antiques  du  département  de  la  Seine -Inférieure,  j*ai  pu 
entreprendre  en  1891  les  travaux  pour  ces  recherches. 

La  belle  et  intéressante  enceinte  de  plus  de  55  hectares, 
située  sur  le  bord  des  falaises  de  la  MaiMhe»  svr  les  territoires 


VAUTILLÉ.   —   HABIT ATlOIf  NÉOUTBIQUE.  767 

de  NeoviUe-los'Dieppe  et  de  Bracqaemont,  canton  de  Dieppe^ 
«1  été  la  première  fouillée  ^ 

Les  fouilles  faites  dans  cette  enceinte,  nommée  Cité  de 
Limesâ'aprèa  le  cadastre  de  Neuville,  et  Camp  de  César  d'afrè» 
celui  de  Bracquemont,  m'ont  fait  découvrir  une  habitation 
de  l'époque  néolithique,  d'une  construction  très  intéresïMinte, 
qu'il  me  paraît  utile  de  vous  signaler* 

Il  existe  dans  l'enceinte,  sur  la  partie  de  11^,93  qui  se 
trouve  au-dessus  de  Puys,  sur  le  territoire  de  Neuville,  des 
petits  tertres  qui  sont  presque  en  ligne  ;  ils  ont  encore  de 
l«,50  à  â  mètres  de  hauteur  au-dessus  du  niveau  du  sol 
naturel  ;  leur  base  varie  de  iO  à  13  mètres  dans  la  direction 
de  Test  à  Tonest,  et  de  4",80  à  6"^IOde  largeur  dans  le  sens 
de  la  longueur  de  la  ligne  des  tertres  qui  se  dirige  du  sud 
au  nord.  Ces  tertres  ont  été  placés  les  uns  contre  les  autres^ 
sauf  ceux  des  bouts  des  divers  groupes  dont  il  va  être  ques- 
tion.  Ces  monticules  forment  trois  groupes  bien  distincts: 
le  premier  au  sud  comprend  oeuf  tertres  encore  bien  appa* 
rents,  ils  sont  à  peu  près  en  ligne  droite;  le  deuxièmes  se 
compose  de  huit  buttes,  il  est  sépare  du  premier  pdf  on  petit 
espace  ou  passage,  ce  groupe  a  été  établi  en  formant  une 
ligne  brisée;  le  troisième  groupe,  le  plus  au  nord,  est  séparé 
du  deuxième  par  une  longueur  d'environ  10 mètres,  il  devait 
comprendre  neuf  tertres,  avec  ceux  qui  ont  déjà  été  fouillés^ 
cette  partie  forme  une  ligne  à  peu  près  droite  avec  le  premier 
groupe. 

M.  Féret  ayant  fouillé  deux  de  ces  tertres  en  1825,  Tnn  ad 
sud  du  premier  groupe  et  Vanirc  au  nord  du  troisième 
groupe,  pensa  devoir  attribuer  ces  parties  à  des  (ombelles  *. 

M.  Féret  découvrit  dans  l'intérieur  de  ces  tertres  des  pote- 


*  Une  prochaine  eommrunication  sur  ks  fouilles  sera  faite  aa  Comité 
des  travaux  historiques  et  scientifiques.  —  Le  compte  rendu  drtallié  sera 
publié  dans  le  BfdkUn  ou  les  Mémoires  de  ta  Sociéié  des  antiquaires  de 
France, 

*  Mémoirfs  de  la  Sociéié  libre  d'émukUion  de  AotMi?, séance  du  ^/oro  1825^ 
par  M.  Hyacinthe  Langlois. 


768  SÉANCE  DU  47  DÉCEMBRE  1894. 

ries  très  grossières,  des  coquilles  de  moules,  deux  pointes 
de  fer,  le  tout  recueilli  dans  une  terre  mélangée  avec  des 
cendres,  du  charbon,  des  débris  de  vases  et  d*omements\ 
et  en  plus  une  faune  composée  de  chien  ou  renard^  sanglier, 
cerf  ou  grand  chevreuil,  ruminant  du  genre  mouton,  vache 
et  loup. 

M.  Michel  Hardy  fouilla  en  4874  deux  autres  monticules. 
Le  premier  qu'il  a  fouillé  est  celui  qui  est  le  deuxième  en  par- 
tant du  nord  du  troisième  groupe',  Tautre  est  le  septième 
du  premier  groupe  en  partant  du  sud^. 

M.  Hardy  dit  qu'il  constata  dans  le  premier  les  couches 
suivantes  en  partant  du  haut  : 

«  4*  Terre  végétale  pleine  de  cailloux  et  fortement  tassée; 

«  2*^  Une  argile  sablonneuse,  teintée  en  roux  par  les  oxydes 
de  fer  et  mêlée  de  nombreux  silex  ; 

«  3**  Une  terre  grisâtre  presque  dépourvue  de  silex...  Cette 
troisième  couche  présentait  de  nombreuses  particules  gri- 
sâtres, d'autres  complètement  noires,  charbonneuses  et 
d'une  grande  ténuité...  » 

M.  Hardy  dit  ensuite  :  «  Nous  signalerons  cependant  une 
particularité  digne  de  remarque.  A  la  base  de  la  couche  n"*  2, 
nous  avons  rencontré  en  certains  endroits  des  amas  de  silex 
de  moyenne  grosseur,  enchevêtrés  avec  un  certain  art  et 
dans  un  but  déterminé,  on  ne  peut  en  disconvenir.  Ces 
pierres  superposées  ou  appuyées  les  unes  contre  les  autres, 
avaient  déjà  été  remarquées  par  M.  Féret*.  Nous  croyons 
qu'elles  étaient  destinées  à  consolider  l'amoncellement  des 
terres,  en  leur  servant  de  point  d'appui  et  en  s'opposant  à 
leur  glissement.  » 

^  Mémoires  de  la  Sociëlé  des  antiquaires  de  Normandie,  volume  de  1826, 
p.  31  et  52,  par  M.  Férct. 

«  Bulletin  de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Seine- Inférieure,  l.  1 1 1, 187  i, 
p.  314  Pi  315,  par  M.  Hardy. 

»  HuU^iindelo  <"u'nmts\fon  des  antiquités  d-  la  Seine-lnfi'rieure^i.  111,  1874, 
p.  ;U7  «i  318,  par  M.   Hardy. 

*  AI' moires  delà  Soci'^té  des  antiquaires  de  Sotmandie^  volume  de  1S26, 
p.  57,  Recherches  sur  le  camp  de  César,  par  M.  Féret. 


VAUVILLÉ.   —  HABITATION  NÉOLITHIQUE.  769 

Ce  terlre,  d*aprës  M.  Hardy,  contenait  dans  la  couche  n*^  3 
du  charbon  de  bois,  quelques  fragments  de  poteries  primi- 
tives et  un  foyer  d*un  diamètre  de  80  à  95  centimètres,  sur 
une  profondeur  de  25  centimètres  au  centre  ^ 

Dans  les  terres  charbonneuses  du  foyer  on  retira  une  dent 
de  cervidé,  de  nombreux  débris  céramiques,  un  petit  objet 
en  forme  de  clou  en  fer  dont  la  tête,  de  25  millimètres  de 
diamètre,  était  recouverte  d*une  lame  de  bronze,  et  un  petit 
couteau  en  silex  de  59  millimètres  de  longueur. 

Le  deuxième  tertre  fouillé  par  M,  Hardy  fit  découvrir  de 
nombreux  charbons  de  bois  et  quelques  poteries  présentant 
les  mêmes  caractères  que  celles  provenant  de  la  première 
fouille. 

M.  Hardy  conclut  en  rejetant  Topinion  de  tombelle  de 
M.  Féret,  et  en  se  rangeant  à  celle  de  Tabbé  de  Fontenu  qui^ 
dans  les  tertres  qui  nous  occupent,  voyait  les  débris  d'un 
ancien  mur. 

Ces  divergences  d'opinions  sur  l'origine  des  monticules 
nous  engagèrent  à  faire  exécuter  des  fouilles. 

L'irrégularité  du  groupe  du  milieu,  formant  une  ligne 
brisée  contrairement  aux  autres  groupes  qui  forment  une 
ligne  droite  sur  Tensemble  des  tertres,  nous  décida  de 
fouiller  Tun  d'eux.  Le  troisième,  en  partant  du  passage 
existant  au  nord,  fut  choisi  comme  étant  plus  large  que  les 
autres;  il  avait  dans  la  direction  du  nord  au  sud  6*", 10  ;  les 
voisins  varient  entre  4",80  et  5",40  de  largeur  dans  le  même 
sens. 

Une  large  tranchée  ouverte  au  milieu  du  tertre,  dans  la 
direction  du  nord  au  sud,  fît  voir  que  cette  partie  se  com- 
posait, en  partant  du  haut,  de  : 

!•  Une  couche  de  terre  végétale  de  10  centimètres  d'épais- 
seur, mélangée  de  nombreux  silex; 

2°  Une  couche  de  terre  rouge  très  argileuse  paraissant 
avoir  été  mastiquée  avec  de  très  nombreux  silex  bruts;  cette 

*  Bulletin  de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Seine-Inférieure,  volume 
de  1874,  p.  316,  par  M.  Michel  Hardy. 


770  BÉANCI  DU  47  DÉCEMBRE  1891. 

partie  de  1  maire  d'épaifiseur,  vers  le  sommet  du  tertre, 
paraissait  avoir  subi  comme  un  écrasement,  mais  malgré 
oeia  la  pioche  avait  peine  à  entrer  dans  cette  espèce  de  béton. 
Dans  cette  partie  on  découvrit  : 

A  60  centimètres  de  profondeur,  une  dent  de  bœuf  et  une 
poterie  grossière  ;  à  65  centimètres  de  profondeur,  deux  gros- 
sières poteries  comme  la  précédente  ;  à  90  centimètres  de 
profondeur,  I  grattoir  concave  en  silex. 

a""  A  la  profondeur  de  {"^,10  du  sommet  du  tertre,  la  terre 
était  presque  noire  ;  les  silox  bruts  devinrent  très  rares  ;  on 
vit  alors  beaucoup  de  parties  charbonneuses  provenant  de 
bois,  des  cendres,  des  poteries  grossières,  du  même  genre 
que  celles  trouvées  dans  la  couche  précédente. 

Les  poteries  de  la  couche  n"*  2,  d'une  très  belle  conserva- 
tion, produite  par  le  milieu  dans  lequel  elles  se  trouvaient, 
quoique  de  même  pâte  et  du  même  genre  de  fabrication  que 
celles  de  la  couche  n"*  3,  contrastaient  avec  ces  dernières, 
qui»  étant  dans  un  milieu  très  humide,  paraissaient  être  en 
pâte  n'ayant  aucune  résistance. 

La  fouille  de  la  couche  n^  3  fit  voir  que  la  partie  de  terre 
noire  avec  des  débris  de  poteries,  des  cendres  et  des  char- 
bons de  bois,  se  continuait  sur  80  centimètres  d'épaisseur, 
pour  se  terminer  au  niveau  du  sol  naturel  du  plateau. 

La  tranchée  ayant  été  creusée  et  dégagée  jusqu'au  niveau 
du  sol  naturel,  il  a  été  facile  do  faire  ensuite  une  excavation 
de  chaque  côté  pour  explorer  et  ^constater  la  forme  laissée 
par  la  couche  n''  3.  La  partie  de  cette  couche  était  ronde 
sur  un  diamètre  de  3"',40  à  la  base;  le  tour  était  garni  de 
silex  mastiqués  avec  de  la  terre  rouge,  de  manière  à  se 
rétrécir  en  montant  ;  ceci  a  même  été  continué  pour  la  partie 
du  numéro  3. 

Le  dégagement  de  la  troisième  couche,  fait  sous  les  parties 
de  la  couche  n?  2  restées  en  place  à  Test  et  à  l'ouest  de  la 
première  fouille,  chose  rendue  facile  par  la  forte  résistance 
des  silex  mastiqués  en  forme  voûtée,  ne  permet  pas  de  douter 
que  cette  construction  ait  été  faite  pour  servir  d'habitation. 


VAUTILLÉ,    —  HABITATION  NÉOLITHIQUE.  771 

Dans  toute  l'épaisseur  de  la  troisième  couche,  on  a  trouvé 
des  charbons  de  bois,  des  cendres,  des  poteries  grossières  de 
diverses  épaisseurs^  des  débris  d'ossements;  le  tout  décom- 
posé dans  un  milieu  extrêmement  humide,  ce  qui  n*a  per* 
mis  de  conserver  qu*une  partie  de  dent  de  bœuf,  un  certain 
nombre  de  fragments  de  poteries,  qui  ont  été  séchées  et 
passées  ensuite  au  silicate  de  potasse  pour  les  durcir,  et 
enfin,  trente^cinq  silex  taillés  qui  furent  recueillis  à  divers 
niveaux. 

Voici  un  certain  nombre  de  fragments  de  poteries  et  des 
silex  taillés  trouvés  dans  cette  habitation*  Parmi  les  silex^ 
on  remarque  : 

Nucléus • 1 

Éclats  ^nombreux)  dont 4  conservés. 

Genre  de  racloir 2 

Grattoirs  convexes 7 

Grattoirs  concaves.. . .  * S 

Pièces  retouchées  en  forme  de  scie 7 

Lames  et  autres  pièces 10 

Base  de  pointe  de  35  millimètres  de  larg^eur. . . .  i 

Les  résultats  des  fouilles  du  tertre,  faites  en  1891,  sont  tels 
qu'il  est  permis  d  affirmer  que  c'est  bien  là  les  restes  d*une 
habilation  construite  et  habitée  à  Tépoque  néolithique. 

Les  poteries  trouvées  dans  la  maçonnerie  et  celles  recueil- 
lies dans  Tinlérieur  de  rhabitation  avec  les  instruments  en 
silex  en  sont  une  preuve  certaine. 

Cette  habitation,  d'une  construction  extrêmement  inté- 
ressante, établie  en  forme  de  voûte,  avec  des  silex  bruts, 
ayant  été  soigneusement  placés  avec  mortier  en  terre  rouge 
argileuse,  s'est  écrasée  avec  le  temps. 

Déjà  MM.  Féret  et  Hardy,  à  la  suite  des  fouilles  faites  sur 
les  tertres  des  groupes  du  nord  et  du  sud,  avaient  observé, 
comme  je  l'ai  fait  remarquer  précédemment,  qu'ils  avaient 
0  rencontré  en  différents  endroits  des  amas  de  silex  de 
moyenne  grosseur,  enchevêtrés  avec  un  certain  art  et  dans 
un  but  déterminé  I).  Ces  pierres,  superposées  ou  appuyées 
les  unes  contre  les  autres,  d'après  M.  Hardy,  a  étaient  des- 


772  SÉANCE  DU  17  DÉCEMBRE  1891. 

tinées  à  consolider  ramoncellement  des  terres  en  leur  servant 
de  point  d^appui  et  en  s'opposant  à  leur  glissement.  » 

Les  fouilles  récentes  et  celles  de  MM.  Féret  et  Hardy  vien- 
nent se  corroborer  et  prouver  que  les  tertres  sont,  pour  ceux 
fouillés,  d'anciennes  habitations  écroulées  par  le  temps,  les- 
quelles ont  été  élevées  à  diverses  époques,  mais  dans  les 
mêmes  conditions  de  construction. 

MM.  Féret  et  Hardy  ont  recueilli,  avec  les  poteries  des  ha- 
bitations, que  l'un  prétendait  être  des  tombelies  et  Tautre  un 
ancien  mur  (dans  lequel  ce  dernier  aurait  trouvé  un  foyer, 
des  poteries,  etc.),  des  objets  en  bronze  et  en  fer,  qui  indi- 
quent une  époque  plus  récente  que  celle  de  l'habitation 
fouillée  dernièrement. 

Les  fouilles  de  MM.  Féret  et  Hardy  ayant  été  faites  sur  les 
groupes  de  tertres  du  nord  et  du  sud,  établis  à  peu  près  en 
ligne  droite,  Thabitaiion  néolithique  faisant,  au  contraire, 
partie  du  groupe  du  milieu  formant  une  ligne  brisée,  il  est 
donc  certain  que  ce  genre  de  construction  d'habitation  a 
commencé  sur  le  groupe  du  milieu  à  Tépoque  néolithique  où 
l'on  a  placé  les  habitations  en  ligne  brisée,  et  que  le  même 
mode  de  construction  s'est  continué  jusqu'à  l'époque  du 
fer,  époque  à  laquelle  les  groupes  du  nord  et  du  sud  ont  été 
établis  en  ligne  droite. 

Ce  genre  d'habitation,  dont  il  est  impossible  maintenant 

de  fixer  la  hauteur  intérieure  de  Torigine,  était  très  solide 

en  raison  de  l'épaisseur  du  mur  du  tour,  qui,  pour  celle  de 

6»  40 2™  40 

l'époque  néolithique,  était  d'environ  — ^ ~  =1",83 

z 

de  largeur,  et  de  sa  construction  voûtée.  Elle  pouvait  résis- 
ter aux  intempéries  et  même  aux  grands  vents,  qui  sont  si  à 
redouter  sur  les  falaises  ;  l'entrée  était  à  l'est,  c'est-à-dire  du 
côté  opposé  aux  grands  vents.  Par  l'emploi  de  la  terre  argi- 
leuse, en  guise  de  mortier,  celte  construction  était  imper- 
méable; pour  ce  motif,  elle  devait  être  beaucoup  plus  saine 
que  les  habitations  creusées  simplement  dans  le  sol. 
L'habitation  fouillée  en  1^91  nous  donne  un  renseignement 


LETOURNEAU.    —  LA  CHARTE   DE   l'iLE  d'uOEDIC.  773 

très  intéressant  sur  l'architecture  de  Tépoque  néolithique, 
art  que  Ton  pensait  n'avoir  servi,  à  cette  époque,  que  pour 
élever  des  monuments  funéraires  et  des  menhirs  ou  pierres 
levées,  tandis  qu'il  servait  déjà  pour  les  constructions  d'habi- 
tations. 

La  eharte  de  l'Ile  d'HœdIc  *  ; 

PAR   M.    CH.    LBTOURNEAU. 

Messieurs,  il  y  a  quelques  années,  à  Toccasion  d'une  lettre 
de  notre  collègue  M.  Lombard,  je  vous  ai  entretenu  du  clan 
primitif.que  l'on  trouve  à  l'origine  de  toutes  les  civilisations. 
Dans  les  pays  celtiques,  le  clan  communautaire,  mais  de 
moins  en  moins,  a  persisté  jusqu'à  une  époque  relativement 
récente,  et  il  n'a  disparu  qu'en  laissant  derrière  lui  nombre 
de  survivances.  De  ces  survivances,  la  plus  curieuse  est 
certainement  l'organisation  sociale  des  îlots  d'Hœdic  et 
d'Houat,  sur  les  côtes  du  Morbihan.  Ces  petites  sociétés,  si 
archaïques,  ont  déjà  donné  lieu  à  diverses  relations  et  mé- 
moires. Ici  même,  notre  collègue  M.  A.  Dumont  nous  en  a 
fait  connaître  la  démographie.  Depuis  longtemps,  on  savait 
que  ces  derniers  restes  des  anciens  clans  celtiques  avaient 
une  loi  écrite,  une  constitution,  une  charte;  mais  personne 
n'avait  pu  se  procurer  cette  pièce  intéressante.  Un  journal 
de  Vannes,  rAvenh*  du  Morbihan^  vient  enfin  de  publier  la 
ChaiHe  de  Hle  d'Hœdic.  Ce  document  ayant  un  certain  in- 
térêt pour  la  sociologie,  vous  serez  sûrement  heureux  d'en 
entendre  la  lecture  et  de  le  voir  publier  dans  nos  Bulletins. 

CDARTE    LOCALE   EN  TRENTE-DEUX   ARTICLES. 

Art.  1".  —  De  l'Eglise,  —  Le  profit  de  la  cantine  se  verse, 
ainsi  que  tout  ce  qui  revient  à  l'Eglise,  dans  le  trésor  qui  est 
au  presbytère,  à  la  seule  disposition  du  curé.  De  ce  trésor 
on  tire  ce  qui  est  nécessaire  pour  l'entretien  de  l'église  et 
du  presbytère;  on  prête,  sans  intérêt,  des  grosses  (avances 

*  Avenir  du  Morbihan^  numéros  des  9,  13^  16, 18  septembre  1891. 


774  SÉANCE  DU  17  DÉCEMBRE  4891. 

en  argent)  aux  chaloupes  de  l'île,  et  de  Targent  aux  parti- 
culiers dans  leur  extrême  nécessité.  C'est  le  recteur  (curé) 
qui  tient  note  des  dépenses,  nomme  les  notables,  règle  ou 
dirige  tout  ce  c[ui  regarde  le  bien  général  spirituel  et  tem- 
porel, qui  prête  et  qui  fait  payer  ou  rendre,  et  ne  rend 
compte  qu'à  sa  conscience.  Les  deux  époques  oii  il  peut 
retirer  ce  qu'il  a  à  créance  sont  :  le  carême,  la  fin  de  la  pêche 
de  la  sardine,  et  lorsqu'on  paye  les  travaux  établis  dans  l'île, 
époque  où  les  Hœdicais  ont  de  l'argent  entre  les  mains.  C'est 
aussi  alors  qu'il  perçoit  les  impositions. 

Art.  2.  —  Droits  du  recteur.  —  Le  recteur  a  sa  part  du 
jonc  que  Ton  coupe  dans  l'étang.  Chaque  famille  est  tenue 
de  lui  donner  un  minot  (40  litres)  de  farine  chaque  année. 
Chaque  famille  doit  lui  envoyer  deux  faix  de  tablier  de 
paille  de  froment.  On  lui  donne  en  général  son  lotis  (sa  part) 
dans  un  partage  public.  Les  habitants  sont  tenus  de  faire 
tout  ce  qui  regarde  les  grandes  besognes  du  presbytère  ou 
du  recteur,  c'est-à-dire  les  corvées.  Quand  on  coupe  la  fou- 
gère publique,  il  peut  envoyer  une  personne  pour  couper  sa 
part.  Le  reste  du  fossé,  qui  n'est  à  aucun  habitant,  est  au 
recteur.  Il  en  est  de  même  d'une  terre  à  l'ouest,  nommée 
var  plat  agoac  (plateau  humide);  mais  pour  cela  il  doit  une 
messe,  tel  qu'il  est  marqué  au  missel  en  son  lieu.  Lorsqu'un 
recteur  est  changé,  il  doit  laisser  12  minots  à  son  remplaçant, 
ainsi  que  tout  ce  qui  reste  encore  en  terre. 

Art.  3.  —  De  la  chaloupe  du  recteur.  —  L'île  doit  au  rec- 
teur un  bateau  assez  fort  pour  son  service  d'été.  Ce  bateau 
est  entièrement  à  sa  disposition.  Personne  ne  doit  s'en  servir 
sans  la  permission  du  recteur,  permission  qu'il  ne  faut 
accorder  que  le  plus  rarement  possible,  car  on  est  en  général 
très  peu  soigneux  pour  ce  qui  n'est  pas  personnel.  L'entretien 
du  bateau  est  à  la  charge  de  l'église,  qui  fournil  un  franc  par 
jour  pour  chaque  marin,  quand  on  est  en  voyage,  à  moins 
que  le  recteur  ne  nourrisse  lui-même  son  équipage. 

Art.  4.  —  Du  garde-chasse.  —  Le  devoir  du  garde  est 
d'empêcher  principalement  les  étrangers  de  faire  tort  à  quel- 


LETOURNBAU.    —  LA  CDARTE  DE  L  ILB  D  HOEDIC.  775 

que  Hœdic€Lis.  Il  peut  et  doit  quelquefois  les  arrêter,  ou  leur 
enlever  quelque  objet  de  grande  valeur,  pour  les  forcer  à  le 
suivre  chez  le  recteur,  qui  jugera  consciencieusement  la  chose. 
La  chose  enlevée  ne  sera  jamais  rendue,  qu'autant  que  le 
délinquant  aura  payé  1  franc  et  réparé  le  tort,  s'il  y  en  a.  Il 
les  empêchera  d'emporter  de  la  fougère,  de  chasser  à  plus 
de  150  mètres  de  la  pleine  mer  haute...  S'il  rencontre  un 
habitant  de  l'île  à  faire  le  même  tort,  il  se  conduira  à  son 
égard  comme  avec  un  étranger.  Il  n'inquiétera  personne  avec 
armes  à  la  distance  marquée  de  la  pleine  mer,  ni  dans  aucun 
chemin  public;  mais  ses  droits  s'étendent  partout  ailleurs. 

Art.  5.  —  Du  garde  champêtre.  —  Le  garde  champêtre 
a  50  francs  sur  le  trésor  de  l'église.  Son  office  est  de  rendre 
compte  au  recteur  des  bestiaux  qui  passent  dans  les  contrées 
ensemencées,  dans  l'étang  enclos,  et  des  murs  qui  ne  sont 
pas  en  bon  état.  La  loi  à  ce  sujet  est  ainsi  conçue  :  «Toutes 
les  bêtes  à  cornes,  qui  passent  dans  les  contrées  ensemencées 
ou  jardins  clos,  payent  5  sous  à  l'église,  de  même  que  les 
cochons  qui  doivent  être  muselés;  et  pour  un  cheval  on  paye 
10  sous.  Si  celui  à  qui  appartient  la  bête  paye  avant  le 
dimanche  suivant,  son  nom  restera  dans  l'oubli;  sinon,  on  le 
publie  au  prône  de  la  grand'messe,  et  le  recteur  marque  la 
somme  due  au  registre  des  dettes.  »  L'office  de  garde  cham- 
pêtre commence  chaque  année  un  mois  après  que  les  terres 
ont  été  ensemencées;  il  continue  jusqu'à  ce  que  la  dernière 
charretée  de  blé  soit  sortie  du  champ.  Le  recteur  avertit  au 
prône  de  la  grand'messe  quand  l'office  de  garde  champêtre 
commence.  Pour  s'acquitter  de  son  devoir,  il  est  obligé  de 
faire  partout  deux  visites  par  jour. 

Art.  6.  —  Des  notables,  —  11  y  a  douze  notables,  qui  sont 
choisis  parmi  les  plus  anciens  et  les  raisonnables  de  l'île.  Si 
quelqu'un  d'entre  eux  s'avisait  de  faire  la  mauvaise  tête,  le 
recteur  pourrait  le  mettre  de  côté  et  en  nommer  un  autre. 
Quand  le  recteur  désire  faire  quelque  chose  pour  le  bien  des 
habitants,  comme  faire  réparer  les  chemins,  faire  travailler 
sur  les  chaussées,  faire  réparer  les  murs,  etc.,  il  convoque  le 


776  SÉANCE   DIT  17   DÉCEMBRE   1891. 

conseil  des  notables,  s'il  le  croit  à  propos,  et  délibère  a?ec 
eux. 

Art.  7.  —  Z?e  l'école.  —  L'école  commence  à  8  heures  le 
matin,  et  à  i  heure  de  l'après-midi.  La  classe  doit  durer  deux 
heures.  Tous  les  enfants,  depuis  Tâge  de  sept  ans  jusqu'à  leur 
première  communion,  sont  obligés  d'y  assister,  sous  peine 
d'être  mal  notés,  chaque  classe  manquée;  il  en  est  de  même 
si  rélève  n'y  entre  qu'un  quart  d'heure  après  que  la  classe 
est  sonnée.  Personne  n'a  le  droit  de  se  mêler  de  l'école  que 
la  maîtresse  et  le  recteur  ^  A  7  heures  du  soir  en  hiver  et  à 
8  heures  en  été,  la  même  cloche  sonne  pour  la  fermeture  de 
la  cantine,  et  le  commencement  de  la  prière,  qui  se  fait 
publiquement  à  la  maison  d'école  par  le  recteur.  Elle  con- 
siste en  la  prière  du  soir  ordinaire,  trois  couplets  de  can- 
tiques et  la  lecture  de  deux  pages,  suivie  des  Acies^  de 
l' Angélus  et  Sub  tuum  prœsidium. 

Art.  8.  —  De  la  cantine,  —  Le  cantinier,  ou  la  cantînière, 
devra  être  la  personne  la  plus  intègre  de  l'île;  elle  est  sou- 
mise aux  ordres  du  recteur.  Si  le  cantinier  ne  fait  pas  son 
devoir,  le  recteur  peut  le  casser,  et  nommer  un  autre  à  sa 
place.  —  Le  recteur  peut  augmenter  le  prix  du  vin.  —  Le 
cantinier  a  6  francs  par  barrique  pour  sa  peine. 

(Autrefois,  on  donnait  du  vin  à  crédit,  on  marquait  avec  un 
morceau  de  craie  les  chopines  que  l'on  buvait  ;  mais  comme 
les  Hœdicais  ne  se  mettaient  pas  beaucoup  en  peine  de  payer 
ce  qu'ils  devaient,  et  qu'ils*  devenaient  par  ce  moyen  grands 
buveurs,  le  recteur  s'est  vu  forcé  d'abattre  le  crédit.  Ainsi 
Crédit  est  mort  pour  la  cantine  d'Hœdic.  11  a  d'abord  défendu 
aux  Hœdicais  de  se  présentera  la  cantine  sans  argent,  et  au 
cantinier  de  ne  rien  donner  à  crédit,  leur  en  faisant  un  cas 
de  conscience  ;  pour  s'assurer  si  le  cantinier  était  fîdèle  à  son 
devoir,  il  l'oblige  à  venir  compter  au  presbytère  l'argent 
qu'il  a  reçu.) 

ï  II  s'agissait  (i'mie  école  bretonne  qui  a  disparu.  Il  existe  aujourd'hui 
dans  chaque  île  une  école  privée  congréganiste  pour  les  filles,  et  une 
école  publique  laïque  pour  les  garçons. 


LETOURNEAU.    —   LA  CHARTE  DE  l'iLE   d'hOEDIC.  777 

Le  recteur  met  de  côté  Tachât  du  vin  et  met  le  proût  dans 
le  trésor  de  Téglise.  On  ne  peut  faire  venir  du  vin  en  gros 
dans  nie  sans  la  permission  du  recteur.  Si  cependant  le 
contraire  arrivait,  le  recteur  le  ferait  mettre  à  la  cantine  pour 
être  vendu  au  profit  de  l'église,  en  remboursant  seulement 
au  réfractaire  le  prix  qu'il  a  payé  pour  sa  boisson. 

Le  recteur  doit  être  très  sévère,  afin  que  la  cantinière  ne 
donne  jamais  de  boisson  à  crédit,  même  pour  Tespace  d'un 
quart  d'heure,  autrement  il  se  glisserait  dans  l'île  des  dé- 
sordres irrémédiables;  il  doit  être  sourd  à  toutes  espèces 
d'excuses  ou  d'observations  que  l'on  en  apporte.  La  canti- 
nière doit  toujours  fermer  la  porte  de  la  cave  sur  elle  et  ne 
l'ouvrir  à  personne  pour  y  boire  ;  Tautre  appartement  est  à 
ce  destiné*. 

Chacun  des  marins  qui  forment  l'équipage,  lors  d'un  envoi 
frauduleux  plus  haut  mentionné,  est  marqué  sur  le  registre 
des  dettes  pour  une  somme  de  3  francs.  La  cloche  de  l'école, 
quand  elle  sonne  pour  la  prière  du  soir,  indique  aussi  le 
moment  où  la  cantinière  doit  fermer  sa  porte. 

Art.  9.  —  De  la  boutique  ou  magasin,  —  Lorsque  la  maî- 
tresse d'école  arrivera  à  Hœdic,  elle  sera  installée  dans  la 
boutique  dont  elle  sera  chargée^.  Le  recteur  doit  veiller,  de 
peur  de  graves  inconvénients,  à  ce  que  personne  ne  commu- 
nique avec  elle  de  quelque  manière  que  ce  soit,  sans  sa  per- 
mission. C'est  le  recteur  qui  s'occupera,  à  défaut  de  suffisance 
de  la  maîtresse  d'école,  de  faire  venir  les  marchandises,  de 
faire  les  payements  de  la  boutique,  dont  la  moitié  du  profit 


1  La  cantine  est  un  rez-de-chaussée  assez  vasle,  divisé  ea  deux  pièces 
par  une  cloison.  La  première  est  garnie  de  bancs  et  de  tables;  c'est  celle 
où  l*on  consomme.  La  deuxième  sert  de  cave  ou  cellier  ;  c'est  celle  où  se 
tient  la  cantinière.  Une  porto  coupée  à  hauteur  d'appui  les  sépare.  La 
cantinière  ne  peut  servir  plus  d'une  cliopinea  à  la  fois  »  au  même  client. 
KIIh  ne  vient  jamais  dans  la  [)ièc«'  où  se  Ueimeiit  les  coiisommaleurs, 

*  La  bnuttque  nu  mayastn,  avec  le  bureau  de  tabac  (et  aussi  la  can~ 
tine^  1890)  est  tenue  à  itœdic  par  des  religieuses  (filles  de  Jésus  do  Ker- 
maria};tout  le  monde  s'y  approvisionnet  Les  sœurs  tiennent  également 
une  école  privée  et  une  pharmacie. 


778  SÉANCE  DU  17   DÉCEMBRE    1891. 

appartiendra  au  trésor  de  Téglise  (le  reste  est  pour  la  fîlle); 
de  procurer  à  la  nécessité  dans  le  ménage  de  la  fille,  mais, 
autant  que  possible,  aux  dépens  de  ses  revenus.  Si  le  bureau 
de  tabac  est  établi  et  qu*une  autre  personne  que  ta  maltresse 
d*éeole  en  soit  chargée,  il  serait  bon  qu'elles  partageassent 
leurs  bénéfices,  comme  sœurs,  et  se  remplaçassent  même  à 
récole,  au  besoin. 

Art.  10.  —  De  t étang.  —  Lorsqu'on  a  enclos  le  grand 
étang  S  on  avait  partagé  remplacement  du  fossé  en  lots, 
selon  le  nombre  des  familles,  en  commençant  auprès  du  pont. 
A  chaque  lot  on  plaça  un  numéro  et  ensuite  on  alla  au  près* 
bytère  tirer  au  sort.  Chaque  famille  a  élevé  sa  lotie  de  fossé 
selon  son  numéro.  Elle  est  obligée  de  le  tenir  en  bon  état 
sous  peine  d'amende.  Lesdits  numéros  se  trouvent  sur  un 
registre  à  ce  destiné.  Ils  appartiennent  à  chaque  famille  en 
propre,  et  chaque  part  a  une  marque  distinctive.  Chaque 
famille  a  son  lot  égal  du  jonc  qui  pousse  dans  Tétang,  et  est 
tenue  d'y  travailler  en  conscience,  sous  peine  d'être  exclue 
du  partage.  11  a  été  arrêté  qu'une  personne  seulement  de 
chaque  famille  pourra  couper  de  Therbe  dans  Tétang,  mais 
à  trois  pas  des  fossés,  et  cessera  de  le  faire  quand  le  recteur 
l'aura  annoncé. 

Art.  il.  —  La  fougère,  —  Personne  ne  doit  toucher  à  la 
fougère  publique  qu'après  la  pèche  de  la  sardine,  et  lorsque 
le  recteur  l'aura  publié;  il  en  est  de  même  des  champs  en 
second  lieu  ensemencés,  pour  obvier  aux  rapines.  Quand  le 
recteur  a  publié  de  couper  la  fougère,  un  de  chaque  maison 
peut  y  aller  quand  il  lui  plaira. 

Les  champs  ne  peuvent  être  libres,  tant  qu'il  y  aura  un 
sillon  à  moissonner. 

Art.  12.  —  L" île  aux  Chevaux,  —  L'île  aux  Chevaux,  au- 
trement nommée  le  Mal  vaut,  appartient  aux  deux  îles  de 
1  louât  et  Hœdic.  Les  recteurs  doivent  faire  observer  stric- 
tement rordonnancc  que  le  maire  du  «Palais»  en  Belle-Isle- 

»  Par  un  muret,  ou  talus,  que  parlout,  en  Bpetiifne,on  nppeïlt  on  fossé. 


LETOURNEAU.    —   LA  CDARTE    DE    L'iLE  d'uCEDIC.  779 

en-Mer  a  donnée  sur  cet  article,  savoir:  que,  dorénavant, 
chaque  île  y  coupera  Therbe  alternativement. 

Art.  13.  —  Du  sei.  —  Le  recteur  envoie,  au  mois  de  juillet, 
la  chaloupe  de  corvée,  pour  chercher  les  1 500  kilogrammes 
de  se),  en  franchise,  accordés  par  le  gouvernement.  Il  a  soin 
de  le  faire  porter,  par  une  personne  de  chaque  ménage,  du 
port  au  magasin,  de  le  faire  distribuer  ensuite  par  une  per- 
sonne sûre  en  donnant  le  poids  de  6  kilogrammes,  ou 
f  2  livres  moins  un  quart,  à  chaque  habitant  grand  ou  petit. 
On  retire  ce  quart;  autrement,  Véglise,  qui  fait  Tavance  pour 
Tachât,  y  perdrait  par  le  déchet.  11  doit  payer  le  kilogramme 
d'après  le  prix  qu'aura  coûté  le  sel  en  argent  comptant;  il 
ne  Taurait  peut-être  jamais  autrement. 

Art.  14.  —  Des  lots  du  champ  de  COuesf.  —  Chaque  lotie 
de  terrain  ou  de  fossé  du  champ  de  TOuest  appartient  à  une 
famille  d'Hœdic,  selon  le  numéro  indiqué. 

Art.  15.  —  De  la  chasse.  —  La  chasse  est  libre  en  toute 
saison  pour  les  Hœdicais,  à  moins  que  le  recteur  juge  autre- 
ment pour  des  raisons  légitimes.  Les  étrangers  ne  peuvent 
chasser  dans  l'île  qu'avec  rautorisation  du  recteur  de  Ten- 
droit,  qui  pourra  leur  faire  payer  \  franc  par  jour,  pour 
chaque  fusil,  au  profit  de  Tile. 

Art.  16.  —  Des  voleurs,  —  Celui  qui  sera  convaincu  de 
vol  paye,  pour  la  plus  petite  chose,  1  franc  pour  l'église^  et 
cette  amende  augmentera  cependant  à  mesure  des  dommages. 
Si  un  étranger  s'avisait  de  transgresser  les  règlements  du  pays, 
les  habitants  pourraient  se  faire  justice  en.\-mêmes,  d'après 
l'avis  du  recteur. 

Art.  17.  —  Des  terres  communes.  —  Lorsque  quelqu'un 
veut  avoir  quelque  terre  commune  en  propre,  le  recteur 
prend  l'avis  des  notables  pour  savoir  s'il  n'y  a  pas  d'incon- 
vénient à  la  vendre.  On  l'achète  au  profit  de  l'église,  à  15  cen- 
times le  pied  carré  pour  les  gens  de  l'île,  et  à  25  centimes 
pour  les  étrangers.  Pour  l'aisance,  on  ne  doit  permettre  de 
bâtir  qu*à  18  pieds  d'une  autre  maison,  par  où  il  ne  passe 
pas  de  charrettes,  et  à  ^2,  où  il  doit  en  passer. 


LETOURNEAU.    —  LA   CUARTE   DE  L*1LE  d'uOEDIC.  781 

Nos  gens  sont  plus  portés  à  leurs  propres  intérêts  qu'à  ceux 
de  l'église;  si  Ton  se  mettait  à  compléter  leur  grosse  tous  les 
ans,  il  leur  en  faudrait  donner  tous  les  ans  de  nouvelles, 
et  ils  épuiseraient  le  trésor  dans  peu  de  temps.  On  prête  les 
grosses  sans  intérêts;  il  est  cependant  raisonnable  que  les 
commerçants  témoignent  leur  reconnaissance  au  trésor  de 
Téglise.  Il  faut  compter  la  grosse,  quand  elle  sort  du  trésor  et 
quand  elle  y  rentre.  Elle  doit  toujours  être  complète,  ou  en 
numéraire  de  2000  francs  dans  la  bourse  à  ce  destinée,  ou 
devant  Têtre  avec  ce  que  les  chaloupes  en  ont  pris. 

Art.  22.  —  Du  four,  —  Les  habitants  de  Tîle  sont  par- 
tagés par  sections,  qui  sont  tenues  de  chauffer  le  four  cha- 
cune à  son  tour.  Si  Tun  des  membres  de  la  section  ne  coo- 
pérait pas  au  chauffement,  le  recteur  le  condamnerait  publi- 
quement à  une  amende  de  1  franc  chaque  fois,  ou  Tempé- 
cherait  de  cuire  dans  l'île.  Pour  obvier  à  de  bien  graves 
désordres,  on  a  nommé  un  certain  nombre  de  chauffeurs,  à 
qui  personne  n'a  droit  de  commander  en  ce  qui  regarde  le 
four.  C'est  à  eux  de  décider  combien  de  tourtes  doivent  être 
cuites  dans  le  four,  quand  le  four  est  chaud,  quand  on  doit 
mettre  les  pains,  quand  on  doit  les  retirer.  Les  gâteaux  sont 
défendus. 

Art.  23.  —  Règlement  du  meunier,  —  Le  conseil  réuni  au 
presbytère  (6  janvier  1882),  a  arrêté  comme  il  suit,  en  ce  qui 
regarde  le  meunier  :  1°  on  lui  accorde  lous  les  ans  300  francs  ; 
2**  un  champ  ayant  60  pas  de  long  sur  30  de  large  ;  3*^  il  pourra 
s'approvisionner  du  continent  par  les  bateaux  qui  seront  de 
corvée  pour  le  recteur;  4"  il  aura,  pour  une  vache,  droit  aux 
avantages  communs. 

Les  habitants  s'engagent  vis-à-vis  de  lui,  aux  conditions 
ci-dessus  mentionnées^  pendant  neuf  ans,  et  le  meunier,  de 
son  côté,  s'engage  aux  promesses  suivantes  :  1®  il  accepte 
une  ferme  de  neuf  ans  ;  2"^  il  fera  dans  le  moulin  les  petites 
réparations  qui  sont  à  sa  portée,  et  ne  lui  occasionnant  pas 
de  frais  pécuniaires  ;  3°  il  donnera  au  pays  toutes  les  mou- 
tures. 

T.  II  (4«  série).  50 


LETOURNEAU.    —   LA  CHARTE   DE  L*1LE   D  UOEDIC.  7«3 

s'absente  sans  permbsion  du  catéchisme,  autrement  tout  sera 
bientôt  à  la  débauche.  Celui  qui  n'est  pas  marqué  sur  la  liste 
de  ceux  qni  ont  fait  leur  troisième  communion,  doit  être 
contraint  de  se  faire  instruire  à  la  confirmation  ou  au  mariage. 

Art.  29.  —  Des  défenses,  —  11  n'est  permis  à  aucune  fille 
qui  n'a  point  atteint  l'âge  de  trente  ans  de  sortir  de  l'île  sans 
la  permission  de  son  recteur,  et  avec  des  raisons  graves  ; 
autrement,  elle  serait  bientôt  gâtée. 

La  défense  d'avoir  des  chiens  dans  l'île  doit  êlre  maintenue, 
si  le  recteur  veut  s'épargner  bien  des  désagréments.  —  Pour 
la  modestie,  on  a  défendu  aux  filles  d'être  sans  piécette  (ba- 
vette) au  tablier;  et  comme  elles  sont  très  volages  et  pleines 
d*amour-propre,  il  est  nécessaire  de  les  conduire  très  sérieu- 
sement. 

Art.  30  à  32.  —  Modèles  de  demandes ^  certificats  ou  permis 
pour  transports^  embarquements ^  débarquements,  mandats  qui 
devaient  être  rédigés  par  le  recteur, 

ADDITIONS. 

En  1877,  le  recteur  convoqua  le  conseil  des  anciens  pour 
rechercher  les  modifications  qu'il  convenait  d'apporter  à  ce 
règlement. 

Voici  la  délibération  qui  fut  rédigée  à  cette  occasion  : 

«  L'an  mil  huit  cent  soixante-dix-sept,  le  quatorzième  jour 
du  mois  de  janvier,  le  deuxième  dimanche  de  l'Epiphanie, 
le  conseil  des  anciens  de  l'île  d'Uœdic,  composé  de  douze 
membres,  s'est  réuni  dans  la  salle  du  presbytère,  sous  la 
présidence  de  M.  le  recteur. 

a  M.  le  recteur  a  exposé  en  quelques  mots,  en  ouvrant  la 
séance,  l'objet  de  la  convocation  du  conseil. 

«  Le  conseil,  après  mûre  délibération,  a  affirmé  l'obser- 
vation exacte  de  l'ancien  règlement,  en  le  déclarant  véritable, 
ntile,  nécessaire,  et  ayant  force  de  loi  pour  tous  les  habitants 
de  l'île.  Seulement  le  conseil,  dans  un  but  économique,  vou- 
drait régler  le  traitement  des  divers  employés.  » 

Art.  1*'.  —  Jusqu'ici  les  deux  cantinières  avaient  chacune 


REGNAULT.   —  LA   RELIGION   BÉGULNE.  783 

Discussion. 

M.  Variot  a  visité  cette  île  peuplée  de  trois  cent  soixante 
habitants  ;  elle  est  fort  insalubre  (malaria),  à  cause  de  l'étang 
qui  est  conservé  précieusement,  car  il  est  rempli  de  joncs  et 
ceux-ci,  avec  la  bouse  desséchée,  constituent  le  seul  combus- 
tible du  pays.  M.  Variot  dit  qu'on  vend  fort  bien  à  la  cantine 
du  vin  à  crédit  ;  mais  on  ne  vend  pas  d'aliments  à  crédit. 
L'alcoolisme  est  fréquent  dans  l'île.  La  cantine  est  un  moyen 
de  drainer  l'argent  de  ces  pauvres  pêcheurs  qui  ne  pèchent 
guère  que  pour  60  ou  80  000  francs  par  an.  Aussi  le  poste 
de  curé  de  ces  îles  est-il  fort  recherché. 

M*^*  Clémence  Royer  dit  que  les  jésuites  avaient  établi  en 
grand  au  Paraguay  une  constitution  très  analogue  ;  c'était, 
par  avance,  la  réalisation  du  phalanstère  de  Fourier. 

M.  Letourneau  dit  qu'en  effet  il  y  a  de  l'analogie  entre 
l'organisation  sociale  de  l'île  d'Hœdic  et  celle  appliquée  au 
Paraguay  par  les  jésuites.  Or,  au  Paraguay,  les  jésuites  n'ont 
fait  qu'appliquer  une  organisation  déjà  existante  dans  le 
pays,  organisation  fort  rudimentaire,  souvent  appliquée  par 
des  populations  primitives  ;  c'est  le  communisme  primitif. 
Les  Celtes  avaient  une  organisation  analogue.  Il  est  possible 
aussi  qu'à  l'île  d'Hœdic  l'organisation  soit  antérieure  à  la 
venue  des  prêtres;  qu'elle  soit  primitive. 

La  religion  bëffulne; 

PAR  M.    LB  DOCTEUR    F.    REGNAULT. 

Après  publication,  dans  les  Bulletins  de  la  Société,  de  ma 
brochure  sur  les  béguins  (séance  du  2  octobre  J890),  j'en- 
voyai quelques  exemplaires  aux  principaux  membres  de  cette 
religion,  leur  demandant  de  rectifier  ce  qu'ils  trouveraient 
d'inexact. 

J'ai  eu  le  bonheur  de  vérifier  ainsi  la  justesse  de  mes  asser- 
tions, spécialement  pour  la  partie  dogmatique  où  j'avais 
gardé  une  certaine  réserve. 


780  SÉANCE   DU    47   DÉCEMBRE   4891. 

Indépendamment  de  cette  confirmation,  j'ai  obtenu  quel- 
ques nouveaux  détails  qui  compléteront  heureusement  mes 
recherches. 

Les  béguins  ne  savent  eux-mêmes  d*où  leur  vient  ce  nom. 
Autrefois,  dans  le  Forez,  à  Pouilly,  à  MarceliF,  on  les  appe- 
lait les  bleus,  peut-être  par  allusion  à  leurs  opinions  politi- 
ques. La  meilleure  explication  est  donc  celle  que  ai 'a  donnée 
une  béguine,  à  savoir  que  leurs  ennemis  les  regardaient 
comme  entêtés,  embéguinés,  et  leur  ont,  à  ce  titre,  donné  ce 
nom.  On  sait,  en  effet,  que  le  mot  de  béguin  signifiait,  aux 
treizième  et  quatorzième  siècles,  coiffe.  Or,  on  connaît  bien 
les  expressions  «  être  coiffé  de  quelqu'un  »  ou  «  avoir  un 
béguin  pour  quelqu'un  ».  Déjà  l'expression  de  béguin,  ou 
bégbard,  avait  été  employée  aux  treizième  et  quatorzième 
siècles  pour  une  secte  religieuse.  Dans  les  deux  cas,  à  cinq 
siècles  de  dislance,  l'appellation  n'aurait-elle  pas  été  donnée 
à  titre  d*enlêté  pour  une  idée  religieuse  ? 

Tous  les  dogmes  des  béguins  reposent  sur  les  prophéties 
des  inspirées.  On  sait  le  rôle  qu'a  joué  rhystérie  dans  This- 
toire  des  religions.  (Chez  les  Grecs,  la  Pythie  ;  chez  les  Juifs, 
Marie  la  prophétesse,  sœur  d'Aaron,  dans  VExode^  et  Déborah 
dans  les  Juges.)V\\xs  tard  enOn,  Josiasfit  consulter  la  bouche 
de  TEternel  par  la  prophétesse  Hilda. 

Ici,  il  n'est  pas  moindre. 

Les  inspirées  avaient  les  mains  raides  et  étendues,  une 
figure  transformée,  la  voix  même  avait  changé  ;  on  sentait 
que  ce  n*était  pas  elles  qui  parlaient  par  leur  bouche,  mais 
l'Esprit.  L'inspirée  de  4855,  sur  laquelle  nous  reviendrons, 
luttait  contre  cet  esprit  et  disait  d'abord  :  «  Je  ne  veux  pas 
parler,  »  mais  bientôt  parlait  plusieurs  heures  d'abondance. 

Les  fidèles  transcrivaient  leurs  paroles,  qui  forment  d'abon- 
dants manuscrits,  dont  aucun  n'est  imprimé.  On  les  a  divisés 
en  trois  périodes  : 

1°  Ancienne  œuvre,  de  1750  à  4799.  Ce  sont  les  paroles 
des  agitées,  inspirées  et  convulsionnaires,  qui  annonçaient 
Tarrivée  du  prophète  Élie.  Ces  œuvres  sont  d'une  extrême 


RBGNAULT.    —   LA  RELIGIOW  BÉGUINE.  787 

abondance.  Elles  pesaient,  quand  il  s'agit  de  les  faire  expé- 
dier par  chemin  de  fer,  650  kilogrammes. 

2*  Une  œuvre  d'une  inspirée,  en  trente-sept  volumes  (de 
1799  à  1810). 

3*  Enfin,  nouvelle  œuvre  d'une  inspirée,  en  sept  volumes 
(de  J  865  ai  857). 

Ces  livres  sont  absolument  secrets  ;  il  est  interdit  de  les 
montrer  au  profane.  Au  contraire,  les  discours  et  les  actes  de 
Digonnet  sont  publics  ;  il  a  même  recommandé  à  un  de  ses 
disciples  de  les  faire  imprimer. 

Dans  leurs  réunions,  ce  sont  les  œuvres  des  inspirées, 
qu'avec  la  Bible  de  Sacy,  lisent  les  béguins.  D'elles  sont  tirés 
tous  les  dogmes  dont  j'ai  parlé. 

De  plus,  dans  ces  mêmes  réunions,  les  béguins  chantent 
des  cantiques  : 
i^  Gallicans  anciens  (seulement  deux  ou  trois); 
2^  Jansénistes  et  béguins,  en  bien  plus  grand  nombre. 
Jamais,  dans  leurs  réunions,  ils  n'ont  éteint  les  lumières. 
Mais  au  moment  de  la  prière,  qui  se  faisait  à  la  un,  les  assis- 
tants étant  à  genoux  dans  le  plus  profond  recueillement, 
pour  Taugmenter  encore,  on  baissait  un  peu  la  lumière  de  la 
lampe.  C'est  ce  qui  a  donné  naissance  à  toutes  les  calomnies. 
Croyance  aux  prédications  des  inspirées,  tel  est  donc  le 
premier  point  établi. 

Ajoutez-y  l'attente  d'un  nouveau  Messie,  d'une  incarna- 
tion du  Saint-Esprit,  et  vous  aurez  tout  le  béguinisme. 

Une  première  incarnation  se  fit  dans  la  femme  d'un  ex- 
curé, Claude  Bonjour.  C'est  comme  une  réminiscence  de  l'in- 
carnation  de  Jésus-Christ. 

L'enfant  fit  des  miracles.  Un  jour,  il  ressuscita  un  de  ses 
camarades  noyé,  en  lui  disant  simplement  :  «  Lève-toi.  »  Les 
béguins  croient  absolument  à  ce  miracle. 

L'enfant,  lui,  n'y  croyait  point  et  préféra  le  rôle  d'un 
simple  et  heureux  bourgeois  à  celui  de  prophète. 

Alors  le  Saint-Esprit,  pour  accomplir  sa  mission,  entra 
dans  le  corps  d'un  vieillard,  Digonnet. 


788  SÉANCE  DU    17    DÉCEMBRE   4891. 

Né  à  Tence,  le  22  juillet  1780,  Digonnet  eut,  en  1836,  une 
vision  par  laquelle,  comme  il  Ta  expliqué  aux  béguins,  il  fut 
«  cy  concy  »,  c'est  son  expression,  ou  consacré.  Il  quitta  sa 
famille  et  mena  une  vie  errante,  cherchant  son  peuple  ;  do- 
mestique  ou  valet  de  ferme  de  côté  et  d'autre,  sans  jamais 
s'attacher  à  personne  ;  regardant  comme  un  devoir  de  quitter 
ses  maîtres  sitôt  que  sa  bonne  conduite  lui  valait  d*être  traité 
avec  douceur. 

Ses  actes  prouvaient  bien  sa  manie  religieuse.  Voulant, 
comme  le  Christ,  faire  pénitence,  il  passa  quarante  jours 
dans  un  bois  où  il  jeûna,  ne  vivant  que  d'herbages  et  de  ra- 
cines, et  ne  voyant  personne.  Dans  le  même  ordre  d'idées,  il 
garda  sa  chemise  jusqu'à  ce  qu'elle  tombât  d'usure  sur  son 
corps. 

C'est  dans  cet  état,  couvert  de  vermine,  qu'après  onze  an- 
nées de  recherches,  il  fit  sa  première  apparition  à  Saint-Jean, 
en  1846. 

Il  parlait  des  heures  entières  sur  des  sujets  religieux  ; 
mais  n'était  pas  inspiré.  C'était  un  maniaque  religieux,  non 
un  hystérique. 

Les  béguins  l'écoutèrent  ;  mais,  avant  de  le  croire,  ils  de- 
mandèrent avis  à  leur  inspirée  qui  résidait  à  Paris. 

Ainsi  le  Christ  fut  reconnu  comme  le  Messie  par  la  prophé- 
tesse  Anne  qui,  «  âgée  de  quatre-vingt-quatre  ans,  ne  quit- 
tait point  le  Temple,  servant  Dieu  nuit  et  jour  dans  le  jeûne* 
et  dans  la  prière  ».  (Evangile  selon  saint  Luc,  chap.  II,  §  36 
à  40.) 

L'inspirée  béguine  fit  de  même  pour  Digonnet  dans  une 
révélation,  et,  dès  lors,  on  le  regarda  comme  le  prophète 
Ëlie.  Il  portait  le  Saint-Esprit  avec  lui  et  devait  accomplir 
sa  mission  et  son  sacrifice^  comme  le  Christ  avait  fait  les 
siens,  chacun  conformément  aux  mœurs  du  temps  :  pour  l'un, 
la  croix  ;  pour  l'autre,  la  prison. 

A  partir  de  ce  jour,  les  béguins  ne  le  laissèrent  manquer 
de  rien  ;  il  fut  bien  vêtu,  bien  chaussé  et  bien  nourri.  Même 
au  temps  de  son  internement  à  l'asile  d'aliénés,  on  payait  un 


REGNAULT.   —   LA   RELIGION  BÉGUINE.  789 

restaurateur  pour  sa  pension.  Il  n'avait  donc  aucun  besoin 
de  prendre  l'argent  des  fidèles,  comme  on  l'en  accuse. 

Bien  au  contraire,  il  faisait  mettre  celui  qu'on  lui  donnait 
à  la  caisse  des  pauvres.  Jamais  il  ne  vendit  de  places  au  para- 
dis ;  il  disait  simplement  : 

«  Mes  amis,  soyez  vertueux  au  plus  possible,  car  ceux  qui 
ne  seraient  pas  vertueux,  je  ne  pourrais  pas  les  emmener  vers 
le  Père.  Il  me  dirait  :  «  Qu'est-ce  que  tu  amènes  là,  c'est  de 
la  «  canaille  I  »  El  je  fâcherais  le  Père.  Je  crains  le  Père,  mes 
amis  ;  il  est  bien  bon,  mais  il  est  bien  juste.  » 

Ces  paroles  montrent  l'état  d'esprit  de  Digonnet,  tout  im- 
bibé de  la  lecture  de  la  Bible. 

On  ne  l'adorait  pas.  Il  s'y  refusait,  disant  :  «  Ne  m'adorez 
pas,  vous  feriez  une  idoje,  je  ne  suis  qu'un  homme  comme 
vous,  je  ne  suis  pas  plus  que  vous,  mais  je  porte  l'Esprit,  et, 
quand  je  vous  parle,  c'est  l'Esprit  qui  vous  parle.  )> 

Aussi  reconnaissait-on  en  lui  une  incarnation  du  Saint- 
Esprit. 

J'ai  vu  comme  en-tête  d'un  manuscrit  béguin  : 

Paroles  de  notre  bon  Père  Jean-Baptiste  Digonnet^  notre 
grand  prophète^  incarnation  du  Saint-Esprit  sur  la  terre,  notre 
Dieu  même. 

Ce  qui  nous  montre  bien  l'évolution  de  l'idée  en  matière 
de  théisme.  On  croit  d'abord  au  prophète,  on  le  regarde 
comme  ayant  TespriL  de  Dieu,  puis  comme  incarnation  même 
de  Dieu,  et  on  finit  par  en  faire  un  dieu. 

Nul  doute  qu'au  bout  de  quelques  générations,  si  cette  re- 
ligion s'était  répandue,  on  eût  établi  un  culte  à  Digonnet. 

Il  ne  fit  que  confirmer  leurs  dogmes,  en  leur  disant  :  a  Vous 
êtes  bien,  restez  comme  vous  êtes,  je  ne  viens  rien  vous 
changer.  » 

Mais  il  prophétisait,  comme  autrefois  les  prophètes  d'Is- 
raël, annonçant  des  révolutions,  de  grandes  guerres  et  dé- 
sastres, enfin  des  fléaux  dans  les  récoltes  et  dans  Tair. 

Quand  on  ne  précise  pas  la  date,  il  est  facile  que  des  pro- 
phéties vagues  se  réalisent,  et  un  grand  pays  ne  peut  vivre 


790  BÊANCB  DU   17   DÉCEMBRE   1891. 

uû  long  laps  de  temps  sans  quelques-unes  de  ces  calamités. 
Aussi  les  béguins  croient-ils  qu'il  prophétisa  : 

La  révolution  de  18i8  ; 

La  guerre  de  1870  ; 

Le  phylloxéra. 

Point  bien  curieux  et  qui  montre  comment  les  fldëles  pré- 
cisent  plus  tard  et  adaptent  aux  événements  les  prophéties 
vagues  et  indéterminées  des  fondateurs  de  religion. 

Du  reste,  toutes  les  Gévennes  et  le  Dauphiné  sont  une  terre 
classique  pour  les  prophètes.  Au  moment  de  la  guerre  des 
camisards^  plus  de  cinq  à  six  cents  personnes  furent  prises 
du  mal  prophétique.  ^En  1681-1689,  dit  Brugeis  dans  son 
Histoire  du  fanatisme,)  Et  il  y  avait  trois  cents  prophètes  sur 
les  douze  cents  enfermés  du  château  de  Perpignan. 

Digonnet  mort  en  1857,  les  fidèles  ne  se  rendirent  que  deux 
fois  au  Puy  pour  sinformer. 

En  1863,  ils  partirent  pour  Texhumer  et  lui  donner  une 
sépulture  digne  de  lui.  Le  préfet  accorda  d'abord  Tautorisa- 
tion,  puis  se  ravisant,  il  les  somma  de  quitter  le  pays. 

Les  béguins  croient  que  c'est  parce  que  le  médecin  avait 
gardé  la  tète  de  Digonnet.  Le  fait  est  possible,  mais  le  doc- 
teur Badoz,  à  qui  j'ai  écrit,  m'a  affirmé  ne  point  l'avoir  en  sa 
possession. 

Depuis,  les  béguins  ne  sont  plus  retournés  au  Puy. 

Digonnet  n'introduisit  que  quelques  changements  dans  les 
rites.  Le  cordonnet  et  la  ganse  qu'il  ordonna  de  porter^  éta« 
blis  en  mars  1847,  furent  supprimés  à  Paris  et  en  partie  à 
Saint- Jean,  vers  la  fin  de  l'année  1856,  sur  l'ordre  d'une  ins* 
pirée.  Seuls,  quelques  obstinés  ont  refusé  de  le  quitter. 

Enfin,  il  existait  au  Mans  et  à  Nantes^  et  existe  encore  à 
Pontoise  et  à  Ghâteau-du-Loir,  quelques  béguins  jansénistes 
qui  n'ont  pas  reconnu  Digonnet. 

Après  la  mort  de  Digonnet,  les  fidèles  attendaient  la  venue 
d'un  nouveau  Messie.  Leur  espérance  parut  se  réaliser  en 
1835,  en  la  personne  d'un  nommé  Jean  Ponti,  dit  dan  Gri- 
gnaski^  ex-curé  du  Piémont. 


REGNA ULT.   —   LA   RELIGION   BÉGULNE.  79i 

Une  inspirée  lui  dit  qu'il  était  Jésus-Christ  ;  il  le  crut  et  se 
mit  à  prêcher  en  ce  sens,  ce  qui  lui  valut  sept  ans  de  forte- 
resse. La  preuve  de  sa  divinité  était  que  son  sang  ne  se  coa- 
gulait pas  après  une  saignée. 

Un  béguin,  qui  vivait  à  Turin,  alla  le  visiter,  fit  imprimer 
ses  discours,  le  nourrit  dans  sa  forteresse  et  le  recommanda 
à  ses  amis  de  Paris. 

Don  Grignaski,  à  sa  sortie  de  prison,  vint  à  Paris,  et  une 
inspirée  reconnut  qu'il  possédait  une  portion  du  grand  Esprit. 
Les  béguins  subvinrent  à  ses  besoins. 

Il  resta  quelque  temps  à  Paris^  puis  vécut  à  Lausanne,  tou- 
jours chez  des  béguins  ;  il  y  fit  imprimer  à  dix  mille  exem- 
plaires un  livre  intitulé  :  la  Deuxième  Venue  cfÉlie,  qui  se 
vendit  au  poids  du  papier,  puis  disparut. 

Mais  la  même  inspirée  continua  à  prophétiser,  de  1855  à 
1857,  et  le  recueil  de  ses  prophéties  forme  la  dernière  œuvre. 

Depuis  lors,  les  béguins  patientent  et  attendent  le  Messie. 
Ils  sont  décriés,  tournés  en  ridicule^  et  c'est  pour  cela  qu*ils 
n'aiment  point  parler  de  leur  religion  et  cherchent  encore 
moins  à  faire  des  prosélytes. 

Ces  tentatives  avortées  pour  fonder  une  religion  précisent 
bien  la  façon  dont  s'établissent  de  nouvelles  croyances.  Elles 
ont  toujours  pour  appui  la  foi  de  Thomme  au  merveilleux. 
Les  phénomènes  hystériques  ont  une  grande  part  pour  frap- 
per sa  crédulité.  Qu'un  maniaque  religieux  se  présente  ;  s'il 
est  aussi  homme  de  génie  et  que  les  temps  soient  favorables, 
que  les  peuples  soient  lassés  des  exactions  de  leur  clergé, 
que  la  multiplicité  des  dogmes,  qui  vont  toujours  s'accumu- 
lant,  épouvante  l'esprit,  et  que  le  progrès  toujours  grandis- 
sant ne  puisse  plus  s'accommoder  de  l'ancienne  religion  qui 
la  gêne  comme  un  vêtement  trop  étroit  ;  alors,  on  aura  les 
Bouddha,  les  Jésus,  les  Mahomet. 

Sinon,  ce  ne  sera  qu'un  pauvre  maniaque  dont  les  paroles 
auront  peu  d'écho,  et  qui  finira  misérablement. 


792  8ÉANXE  DU    17    DÉCEMBRE    1891. 

Discussion. 

M.  EscuENAUER  dit  que,  pour  lui,  il  n'y  a  aucun  rapport 
entre  le  jansénisme  et  le  béguinisme,  Torigine  de  celui-ci 
remontant  au  moyen  âge. 

M.  DuHOUssETdit  qu'en  1847  il  a  fait  la  statuette  deDigonnet. 
Cet  individu  avait  Tair  d*un  paysan  madré,  était  habillé 
comme  les  paysans  du  Forez,  et  n'avait  guère  dMnflaence  à 
ce  moment  ;  on  parlait  de  lui,  mais  comme  d'un  sujet  un  peu 
fou.  Il  ne  paraissait  guère  en  passe  d'être  un  chef  de  religion. 

M.  Sanson  dit  que  ce  terme  de  béguin  veut  dire  celui  qui 
suit  une  religion;  il  pouvait  donc  s'appliquer  aux  jansénistes, 
car  les  béguins  ne  sont  que  des  jansénistes  dégénérés,  qui  ont 
seulement  considéré  Digonnet  comme  leur  prophète. 

M.  Regnault  fait  remarquer  qu'il  est  très  certain  que  le 
béguinisme  dérive  du  jansénisme,  il  en  a  donné  des  preuves 
très  nettes  dans  son  premier  mémoire  sur  le  béguinisme. 

M.  EscDENAUER  dit  qu'll  ne  voit  au  contraire  pas  de  relation 
entre  la  doctrine  très  élevée  des  jansénistes  et  Tensemble  de 
croyance  grossier  qui  constitue  le  béguinisme. 

M"*  Clémence  Royer  demande  comment  il  s'est  fait  que  la 
doctrine  janséniste,  si  élevée,  a  pu  dévier  au  point  de  devenir 
le  béguinisme,  une  secte  très  dégénérée. 

M.  Regnault  répond  que  c'est  précisément  une  règle  géné- 
rale de  l'évolution  religieuse.  Tout  d'abord  la  doctrine  très 
pure  a  été  professée  par  des  gens  fort  distingués,  puis  elle 
est  devenue  le  culte  des  gens  peu  intelligents,  qui  l'ont 
abaissée  à  leur  niveau  et  en  ont  fait  un  ensemble  de  doc- 
trines enfantines  ou  ridicules. 

Anomalies  du  eontnrier  (sartorins)  ; 

PAR    M.   LE  DOUBLE. 

Absence.  —  Elle  a  été  notée  sans  détail  par  Meckel,  le 
célèbre  professeur  de  Halle  (Meckel,  Manuel  (tanatomie^ 
t.  Il,  203). 


LE   DOUBLE.    —    ANOMALIES  DU   COUTURIER   (SARTORIUS).      793 

Duplicité,  —  Deux  cas  peuvent  se  présenter  : 

Premier  cas.  —  Il  y  a  deux  couturiers,  indépendants  dans 
toute  leur  longueur. 

Deuxième  cas.  —  Le  couturier  normal  est  renforcé  par  un 
faisceau  musculaire  supérieur  ou  inférieur  qui  se  confond 
avec  lui  dans  un  point  quelconque  de  son  trajet. 

Dans  le  premier  cas,  on  peut  également  observer  deux 
variétés. 

A.  Dans  la  première  variété,  les  deux  muscles  distincts  sont 
insérés,  l'un  à  côté  de  Tautre,  en  haut,  à  l'épine  iliaque  anté- 
rieure et  supérieure  ou  dans  son  voisinage  ;  en  bas,  à  la 
partie  interne  de  l'extrémité  supérieure  du  tibia.  Des  dispo- 
sitions de  ce  genre  ont  été  signalées  par  Otto-Rosenmuller^ 
Gantzer*,  Sommering. 

En  1881,  mon  aide  d'anatomie,  M.  le  docteur  Thierry, 
aujourd'hui  chirurgien  adjoint  de  l'Hôpital  général,  m'a 
montré  cette  malformation  sur  une  vieille  femme  aliénée.  A 
ce  propos,  il  m'a  remis  quelques  lignes  que  je  copie  textuel- 
lement : 

«  Muscle  couturier  accessoire,  long,  étroit,  suivant  le 
trajet  du  couturier  normal  et  étendu  de  la  partie  moyenne 
du  bord  antérieur  de  Tos  iliaque  à  la  face  interne  du  tibia.  — 
Fournit  un  tendon  propre  à  la  patte  d'oie.  » 

B.  Dans  la  seconde  variété,  le  couturier  supplémentaire, 
situé  en  dedans  ou  en  dehors  du  couturier  bien  conformé, 
se  fixe  en  haut,  à  l'épine  iliaque  antérieure  et  inférieure,  ou 
à  proximité  de  cette  épine  et  en  bas  sur  le  fémur  (Meckel)', 
ou  sur  la  paroi  antérieure  du  canal  de  Hunter  (Macalister, 
communication  écrite),  ou  sur  la  partie  interne  de  la  capsule 
du  genou,  ou  sur  le  tendon  du  muscle  normal  (Huber)  *.  De 
toutes  ces  dernières  anomalies,  la  plus  fréquente  est  celle 
qui  consiste  dans   l'insertion  du  couturier  accessoire  à  la 

^  Rosenmuller,  loc.  cit.,  p.  7. 

*  GaDtzer,  ioc.  ct7.,  p.  14. 

'  Meckel,  foc.  cit. 

^  Huber,  Acta  helvetica,  volume  X,  p.  114. 


794  SÉANCE  DU  4?  DÉCBMBkE  189t. 

partie  interne  de  la  capsule  du  genou.  Elle  a  été  rencontrée 
une  fois,  en  4866,  par  Bergeron  *  ;  deux  fois  par  M.  le  pro- 
fesseur Macalister,  de  Cambridge,  dont  une  fois,  en  1879,  à 
Trinity  collège  Dublin,  sur  un  nègre  (communication  orale). 
Je  suis  heureux  de  posséder  deux  moulages  de  cette  malfor- 
mation, pris  Tun  en  4822^  sur  un  homme,  Tautre,  en  1824, 
sur  une  femme. 

Déplus,  j'ai  observé  antérieurement,  en  4878,  sur  un  indi- 
vidu de  cinquante-deux  ans,  deux  couturiers,  dont  l'un,  le 
plus  interne^  se  perdait  à  mi-cuisse  sur  Taponévrose  d'enve- 
loppe du  vaste  interne. 

Dans  les  cas  de  duplicité  du  couturier  due  à  un  faisceau 
surajouté,  ce  faisceau  peut  venir  en  haut  :  (a)  de  l'échan- 
crure  qui  est  placée  au-dessous  de  Tépine  iliaque  antéro- 
supérieure  (incisure-semilunaire)  ;  [b)  de  Tépine  iliaque 
antéro-inférieure  (Macalister). 

M.  G.  S.  Brock  a  publié,  en  1879,  dans  le  Journal  danaio- 
mie  et  de  physiologie^  Tobservation  d'un  couturier  à  deux 
têtes,  disséqué  à  TUniversité  d'Edimbourg.  Le  muscle  coutu- 
rier, conforme  à  la  description  classique  dans  sa  partie  infé- 
rieure, se  divisait  en  haut,  dit  M.  Brock,  en  deux  faisceaux; 
l'un  d'eux  {faisceau  exteime)  venait  se  fixer,  comme  le  tendon 
du  muscle  normal,  sur  l'épine  iliaque  antéro-supérieure  ; 
l'autre  {faisceau  interne  ou  accessoire)  s'en  écartait  dès  le  tiers 
inférieur  de  la  cuisse,  gagnait  le  côté  interne  du  psoas  ilia- 
que et  venait  se  terminer  sur  l'éminence  ilio-pectinée,  entre 
ce  dernier  muscle  et  le  pectine  ^ 

Un  de  mes  élèves,  M.  Bourgougnon,  a  découvert  exactement 
la  même  disposition,  en  4883,  sur  la  femme  Lb...,  aliénée 
démente.  En  plus  d'un  dessin  au  trait,  voici  la  note  qu*il 
m'a  donnée  à  cette  époque  : 

tt  Muscle  satellite  du  couturier,  allongé,  très  grêle  (la  partie 
la  plus  volumineuse  n'atteint  pas  la  grosseur  du  petit  doigt)  ; 

1  Bergeron,  BuUelin  de  la  Société  anatomique,  18C6,  p.  2. 
*  Brockf  A  Iwo  heads  Sartorius  [Journalofanalomy  anàphysiology^MlS, 
p.  578). 


LE  DOUBLE.   —  ANOMALIES  DU  COUtUR[ER  (SARTORlUs).      705 

accompagne  le  muscle  couturier  dans  toute  son  étendue, 
excepté  à  la  partie  supérieure. 

((  Insertions  :  en  haut,  en  arrière  de  Téchancrure  ilio-peoti- 
née^  par  un  tendon  très  étroit  et  très  mince.  En  bas,  le  tendon 
se  confond  avec  celui  du  couturier  et  contribue  à  former  la 
patte  d*oie.  » 

Lorsque  le  couturier  est  bifide  inférieurement,  le  chef  sur- 
numéraire peut  émaner:  {a]  de  l'aponévrose  fémorale  ;  (b)  de 
la  portion  interne  de  la  capsule  du  genou;  {c)  du  fémur,  au 
niveau  ou  un  peu  au-dessous  du  condyle  interne. 

Au  mois  de  février  1883^ M.  le  professeur  Testut,  de  Lyon, 
a  observé  le  fait  suivant  :  le  couturier  se  détachait  en  haut 
de  répine  iliaque  antéro-supérieure  par  un  tendon  unique, 
large  de  i  centimètre.  Les  faisceaux  charnus  qui  faisaient 
suite  à  ce  tendon  constituaient  un  corps  musculaire  aplati^ 
large  de  35  millimètres,  lequel  ne  tardait  pas  à  se  diviser  en 
deux  faisceaux  distincts:  i^  Tan^meur,  également  rubané  et 
large  de  i  centimètre  environ^  se  portait  de  haut  en  bas  et 
de  dehors  en  dedans,  se  séparait  nettement  du  faisceau  pos- 
térieur, au  niveau  du  condyle  interne,  et  se  terminait  sur  la 
portion  de  Taponévrose  fémorale  qui  recouvre  cette  tubéro- 
sité  osseuse  ;  2°  quant  au  faisceau  postérieur,  il  continuait  le 
trajet  du  muscle  normal  et  venait  s'insérer  sous  l'extrémité 
supérieure  du  tibia,  où  il  contribuait  à  former  sa  patte  d'oie. 

Horner  a  décrit  un  cas  similaire  ^ 

L'année  dernière ,  j'ai  trouvé  sur  un  enfant ,  mort  de 
méningite,  le  couturier  droit  et  le  couturier  gauche  cons- 
titués, chacun,  par  deux  lames  contractiles  unies  supérieure- 
ment et  inférieurement. 

Le  25  janvier  de  cette  aonée,  M.  Sabathé,  un  de  nos  étu- 
diants, a  mis  à  découvert  sur  la  cuisse  droite  de  la  nommée 
Bl.  Agnès,  décédée  à  Tâge  de  trente-huit  ans,  à  Tasile  des 
aliénés  de  Tours^  un  couturier  analogue  au  précédent.  Très 
élargi  à  sa  partie  moyenne,  ce  couturier  se  divisait,  à  deux 

^  Horner,  U>c.  ciL,  p.  448. 


796  SÉANCE  DU  17  DÉCEMBRE  4891. 

travers  du  doigt  an-dessous  de  rarticulation  fémord-tibiale, 
en  deux  chefs  qui  se  réunissaient,  un  peu  au-dessus  de  Tin-  ï 
sertion  Ubiale,à  un  tendon  commun  pour  la  patte  d*oie.  Cette 
bifurcation,  qui  n*exîstait,  je  le  répète,  qu*à  droite,  mesurait 
6  centimètres  environ  ;  le  chef  antérieur  avait  à  peu  près 
i  centimètre  de  largeur  et  le  chef  postérieur  3  centimètres. 
Mon  prosecteur,  M.  Barnsby^  a  moulé  cette  pièce  que  je  tous 
présente. 

Variation  dans  le  volume.  —  Borner  Ta  vu  beaucoup  plus 
large  chez  un  nègre.  J*ai  constaté  ce  même  fait,  il  y  a  deux 
ans,  sur  une  Angolaise.  Chacun  des  deux  couturiers,  droit  et 
gauche,  avait  certainement  un  volume  double  de  leur  volume 
habituel. 

Variation  dans  la  direction,  —  Quain  *  a  signalé  un  cas  où 
le  couturier  croisait  la  cuisse  plus  en  travers  que  d'or- 
dinaire. 

Variation  dans  la  st7mcture,  —  Kelch  et  Hyrtl  l'ont  ren- 
contré avec  une  intersection  tendineuse  centrale.  M.  le  pro- 
fesseur Macalister  m'a  assuré  qu'une  fois  il  a  vu  ce  tendon 
intermédiaire,  d'un  pouce  et  demi  de  long,  adhérant  très 
fortement  à  l'aponévrose  du  triceps  crural. 

Variation  dans  les  insertions.  —  Ainsi  que  divers  anato- 
mistes,  j'ai  disséqué  des  couturiers  dont  les  fibres  prenaient 
des  insertions  plus  ou  moins  étendues  sur  l'arcade  fémorale 
ou  ligament  deFallope.  Toutefois  je  n'ai  jamais  noté,  comme 
M.  le  professeur  Macalister,  Vinsertion  supérieure  du  coutu- 
rier à  l'aponévrose  du  fascia  lata,  ou  à  l'aponévrose  crurale. 
De  même  que  son  faisceau  inférieur  anormal,  le  couturier 
unique  peut  se  terminer  :  [a)  sur  l'aponévrose  fémorale  ;  [b] 
sur  la  portion  interne  de  la  capsule  du  genou  sur  le  fémur,  aa 
niveau  et  un  peu  au-dessus  du  condyle  interne.  Haller  affirme 
l'avoir  vu  aller  se  fixer  au  ligament  rotulien  {ligamentwn 
patellx). 

Connexion  plus  intime  avec  les  muscles  voisins.  —  Dans  un 

'  JUyologie  comparée  des  membres,  Lbèsc  de  Monlpeliier,  1878,  p.  37. 


LE  DOUBLE.  —  ANOMALIES  DU  COUTURIER  (SARTORIUS).   797 

cas  M.,  le  professeur  Macalister  a  dissocié  des  fibres  profondes 
de  ce  muscle,  qui  venaient  du  fascia  lata. 

Anaiomiè  comparée.  —  L'histoire  du  couturier,  dans  la  série 
animale,  est  des  plus  remarquables  et  mérite,  pour  être  com- 
prise, d'être  mûrement  étudiée. 

((  Il  existe  dans  les  anoures,  dit  M.  Lannegrâce  ^  un  muscle 
assez  puissant  que  j'ai  désigné  sous  le  nom  de  pubio-tibial 
antérieur;  ce  pubio-tibial  relie  une  épine  du  pubis  placée 
immédiatement  au-dessus  de  l'articulation  coxo-fémorale,  à 
la  tubérosité  antérieure  du  tibia;  le  tendon  inférieur  de  ce 
muscle  se  fusionne  avec  celui  de  l'iléo-tibial  (portion  aponé- 
vrotique  du  grand  fessier  et  tenseur  du  fascia  lata  réunis)  et 
renforce  en  avant  la  capsule  du  genou.  » 

Dans  les  chéioniens  et  les  lacertiliens,  ce  muscle  pubio-tibial 
antérieur  conserve  sa  puissance  et  son  rôle  extenseur,  et,  a 
priori,  on  serait  tenté  de  le  considérer  comme  le  droit  anté- 
rieur de  la  cuisse. 

Mais,  dans  les  oiseaux,  on  le  voit  devenir  excessivement 
grêle,  et  glisser,  par  son  tendon  inférieur,  vers  la  face  internd 
de  l'articulation  fémoro-tibiale,  tout  en  conservant  ses  atta- 
ches supérieures  à  l'épine  du  pubis,  au-dessus  de  l'aceta- 
bulum. 

Dans  les  mammifhes,  il  ne  se  fixe  plus  au  pubis.  Chez  les 
ongulés  et  les  rongeurs,  il  apparaît  sous  la  forme  d*une  bande 
longue,  étroite,  insérée,  en  haut,  par  une  lame  conjonctive 
nacrée  sur  la  face  inférieure  du  fascia  iliaca,  et  en  bas,  par 
une  autre  aponévrose  sur  le  ligament  rolulien  interne  et  la  face 
interne  de  la  jambe.  Chez  les  carnassiers,  il  s'insère  supérieu- 
rement à  l'angle  externe  de  l'iléon,  et  se  divise  généralement, 
inférieurement,  en  deux  branches,  dont  l'antérieure  se  rend 
à  la  face  intérieure  du  genou,  tout  comme  chez  les  oiseaux, 
tandis  que  la  postérieure  se  confond  avec  le  droit  interne. 
Dans  diverses  espèces,  il  y  a  deux  branches  à  son  origine. 
Tune  partant  de  l'épine  iliaque,  l'autre  de  Tarcade  crurale. 

1  Myoiogie  comparée  des  membres,  thèse  de  Montpellier,  1878,  p*  87. 

T.  If  (4«  SiRIB).  &l 


LE  DOUBLE.  —    ANOMALIES  DU  COUTURIER   (SARTORIUS).      799. 

mifères.  Dans  le  loris^  il  est  presque  le  plus  fort  muscle  de 
la  cuisse,  en  même  temps  qu'il  est  plus  court  que  les  fléchis- 
seurs et  les  extenseurs.  Cette  brièveté,  jointe  à  une  disposi- 
tion spéciale  des  autres  fléchisseurs,  fait  que  la  jambe  de  ces 
quadrumanes  est  toujours  fléchie  et  tournée  en  dedans  ^  Le 
coatiy  le  raton,  V ornithorynque,  le  fourmilier  ont  un  couturier 
très  large. 

Le  couturier  de  la  marmotte  descend  de  Tarcade  crurale. 
M.  Galton  nous  apprend  que,  chez  \^  Ifastfpus  sexcinctus,  le 
couturier  est  un  muscle  très  petit,  provenant  de  la  partie 
externe  du  tendon  du  petit  psoas,  à  un  demi-pouce  au-dessus 
de  Tinsertion  de  ce  dernier,  et  se  perd  dans  le  fascia  aponé- 
vrolique  qui  couvre  la  face  interne  du  genou  et  dé  la  jambe. 
11  semblerait,  dit  Tanatomistc  anglais,  ôtre,  chez  les  animaux 
de  Tordre  auquel  appartient  le  Dasypm  sexcinctus,  une 
espèce  de  tensor  fasctas  femoris  internus  *. 

Suivant  le  même  savant  5*,  le  couturier  de  VOrycteropus 
capensis  s'étendrait  de  l'éminence  ilio-pectinée,  et  se  termi- 
nerait à  la  fois  sur  l'aponévrose  du  muscle  droit  externe  et  sur 
celle  du  droit  antérieur.  Une  planche  de  l'atlas  de  Cuvier 
confirme  cette  description*  d'après  M.  Humphry  ;  cependant, 
le  couturier  de  VOrycteropm  capensis  n'aurait  aucune  con- 
nexion avec  l'iléum,  et  émanerait  des  dernières  côtes  <^. 

A  l'abattoir  de  Tours,  j'ai  constaté  que,  chez  le  bœuf,  le 
couturier  avait  deux  branches  à  son  origine  :  l'une  s'insérant 
sur  l'épine  iliaque,  l'autre  sur  l'arcade  crurale. 

Selon  Meckel  *,  le  couturier  ne  viendrait  pas  de  l'iléon  dans 
l'ai,  mais  seulement  de  la  région  inférieure  de  l'aponévrose 
du  grand  oblique  de  l'abdomen.  Non  loin  de  son  origine,  il 

«  Meckel,  toc.  ci/.,  t.  VI,  p.  400. 

*  Qallon,  The  Muscles  of  thé  fore  and  hind  Umbs  in  Dasypui  ssxeincius 
(Redd  june,  4lh.,  1808,  p.  553). 

>  Galton.  The  Myology  ofîhe  upper  and  lasser  extremilees  of  îh$  Orycte^ 
ropus  capensis ^  juin  1868,  p.  593. 
^  Guyier-Laurillard,  op.  cit.,  pi.  253  et  256,  flg.  4. 

*  Profetsor  Humphry,  (oc.  e(( ,  p.  811. 

*  Meckel,  loc.  et/.,  p.  399. 


ARMAND  VIRÉ.  —    LA   VALLÉB  DU  LUNAIN.  801 

la  longueur  du  ligament  rotulien,  par  une  large  aponévrose  et 
par  quelques  fibres  musculaires  sur  le  tendon  d'insertion  du 
droit  intime.  Chez  le  chimpanzé^  Tanatomiste  lyonnais  a  vu 
également  ce  muscle  prendre  ses  points  d'attache  sur  la 
rotule  par  les  fibres  supérieures,  et,  par  les  fibres  inférieures, 
sur  le  tibia,  en  même  temps  que  l'aponévrose  jambière  ^ 

Discussion. 

M.  Sanson  proteste  contre  ce  terme  d'anomalie  qui  impli- 
querait que  Ion  connaît  toutes  les  lois,  ce  qui  n'est  pas 
exact.  Il  serait  bien  préférable  de  dire  variété.  Resterait  à 
étudier  la  signification  de  ces  variétés  dans  les  divers  cas. 

M.  Mathias  Duval  et  M"«  Clémence  Royer  acceptent  ab- 
solument Tobservation  de  M.  Sanson.  M"*  Clémence  Royer 
fait  même  remarquer  que  le  terme  d'anomalie  semblerait  im- 
pliquer que  l'espèce  est  fixe. 

M.  Le  Double. —Les  observations  de  mes  savants  collègues 
sont  très  judicieuses.  Je  les  accepte  entièrement,  et  pour  ma 
part,  si  je  me  suis  servi  jusqu'à  ce  jour  du  terme  anomalie^ 
c'est  pour  me  conformera  l'usage.  En  disant  variété^  on  laisse 
entière  la  question  de  fixité  de  l'espèce,  et  cela  est  plus  sage, 
je  crois,  à  tous  égards. 

Les  stations  et  les  ateliers  de  polissage  néolithiques  de  la 
vallée  da  Lunain  et  le  régime  des  eaax  *  l'époque  de  la 
pierre  polie  ; 

PAR    H.    ARMAND   VIBB. 

(Communiqué  par  M.  Adrien  de  Morlillet.) 

1 

LES   STATIONS. 

A  400  kilomètres  au  sud-est  de  Paris,  dans  les  départe- 
ments de  Seine-et-Marne  et  de  l'Yonne,  est  une  petite  vallée 
peu  connue  et  qui  mériterait  d'être  visitée  avec  soin.  Elle  est 

>  Testât,  loc.  cit.,  p.  G06. 


803  SÉANCE  DU  47  DÉCEMBRE  i89i. 

arrosée  par  ud  affluent  du  Loing,  le  Lunain,  qui,  après  t'ètre 
perdu  d'abord  dans  une  suite  de  gouffres,  reparaît  après 
12  ou  15  kilomètres  de  parcours  souterrain. 

Plusieurs  des  plateaux  qui  la  bordent  portent  des  stations 
préhistoriques  où  nous  avons  ramassé  près  de  quatre  mille 
silex  taillés,  et  qui  nous  ont  fourni  roccasion  défaire  quelques 
remarques  intéressantes. 

La  première  de  ces  stations  est  située  vers  la  source  de  la 
rivière,  au  Bac,  près  de  Montacher  (Yonne). 

Les  autres  s'échelonnent  entre  Yaux-sur-Lunaia  et  Nan- 
teau,  sur  une  longueur  de  12  kilomètres. 

Chacune  d'elles  occupe  l'extrémité  d'une  espèce  de  cap 
aigu  ou  arrondi  bordé  par  la  vallée  du  Lunain  et  un  vallon 
secondaire. 

Quelques-unes  d'entre  elles  occupent  les  bords  d*aa  vallon 
secondaire  qui  part  du  village  de  Paley  et  s'enfonce  à  4  kilo- 
mètres  dans  le  plateau,  et  dans  lequel  se  trouvent  actuelle- 
ment deux  petites  sources. 

Groupées  tout  au  bord  du  plateau  comme  le  prouvent  les 
amas  de  silex  qui  ne  se  rencontrent  plus  dès  que  l'on  a  fait 
200  mètres  dans  Tintérieur,  les  hultes  devaient  former  des 
villages  peu  considérables. 

Ces  stations  appartiennent  surloutà  la  période  néolithique; 
néanmoins,  on  y  trouve  des  objets  appartenant  à  des  types 
et  à  une  industrie  antérieurs. 

Je  citerai  notamment  cinq  pièces  ayant  exactement  la 
forme  de  celles  de  la  fin  du  cbellcen,  des  burins  semblables 
aux  burins  magdaléniens. 

La  station  la  plus  intéressante  est  située  aux  portes  du 
village  de  Lorrez-lc-Bocage  (Seine-et-Marne),  au  lieudit  les 
Pierrières,  Profondément  découpé  en  cet  endroit,  le  plateau 
envoie  en  avant  une  petite  presqu'île  bordée  de  pentes  assez 
raides;  le  Lunain  coule  tout  au  pied,  et  h  peu  de  distance 
sortent  de  terre  des  sources  d'une  limpidité  et  d'une  trans- 
parence excoplionnclles.  Grâce  à  ces  avantages,  cette  cité 
paraît  s'être  mieux  développée  que  toutes  ses  voisines,  et 


ARMAND  VIRÉ.  -^  LA   VALLBE  DU   LUNAIN.  803 

être  devenue  un  centre  important.  G*est  la  seule  dans  laquelle 
j'aie  constaté  la  présence  d'un  atelier  de  tailleurs  de  silex. 
Une  dizaine  de  percuteurs,  ronds  ou  allongés,  plusieurs  cen- 
taines de  nucléus,  des  tranchets  de  toutes  tailles,  une  petite 
soie,  de  longs  éclats  dits  couteaux,  et  de  nombreux  fragments 
de  rebut,  le  tout  en  silex  de  craie,  tels  sont  les  vénérables 
témoins  de  l'existence  de  cet  atelier  primitif. 

Non  contents  de  répandre  les  produits  de  leur  fabrication, 
les  habitants  de  ce  bourg  durent  se  livrer  à  un  véritable 
commerce  d'échange,  avec  des  peuplades  fort  éloignées.  En 
effet,  à  cette  station  des  Pierrières  ont  été  trouvées  une 
hache  en  diorite  et  une  plaquette  de  syénite  triangulaire  de 
44  millimètres  de  hauteur,  de  33  millimètres  de  base  et  de 
5  millimètres  d^épaisseur  maximum,  et  qui  a  pu  servir  de 
flèche.  J'y  ai  ramassé  aussi  une  belle  hachette  taillée  et 
ayant  subi  un  commencement  de  polissage,  et  qui  est  faite 
non  de  silex  de  craie,  mais  de  silex  de  l'étage  des  meu- 
lières, qui  ne  se  trouve  pas  du  tout  dans  la  vallée  duLunain. 

Parmi  les  objets  remarquables  trouvés  dans  ces  staliouH, 
je  citerai  : 

i<^  Deux  haches  dont  l'un  des  côtés,  au  lieu  d'avoir  été 
abattu  en  biseau,  forme  une  surface  plane.  D'après  la  forme 
des  éclats  enlevés,  les  ouvriers  paraissent  avoir  pris  cette 
surface  plane  comme  point  de  départ  de  la  taille. 

2""  Une  cinquantaine  de  petites  hachettes  de  5  à  8  centi- 
mètres de  long,  3  centimètres  de  large  et  2  centimètres 
d'épaisseur,  taillées  avec  grand  soin  ;  ce  sont  peut-être  des 
haches  funéraires,  ou  des  haches  votives  consacrées  aux  divi' 
nités  de  ces  premiers  âges. 

3^  Trois  silex  en  forme  de  crochet,  dont  la  courbure  a 
peut-être  été  obtenue  par  hasard,  mais  qui  paraissent  avoir 
été  retouchés  ensuite  pour  être  utilisés  comme  crochets; 
le  plus  gros  a  91  millimètres  de  longueur,  69  millimètres 
de  largeur  maximum  et  :29  millimètres  d'épaisseur.  Un  peu 
au-dessus  du  point  où  le  croc  se  sépare  en  deux  branches, 
l'une  d'elles    porte  un    petit   étranglement   demi-naturel, 


804  SÉANCE  DU  47  DÉCEMBRE  1891. 

demi-tAillé,   et  qui  pouvait  assurer  la  stabilité  de  la  sus- 
pension. 

Le  second  a  49  millimètres  de  long,  23  millimètres  de 
largeur  maximum  et  6  millimètres  d'épaisseur. 

Le  troisième  n'a  que  22  millimètres  de  long,  12  millimètres 
de  large  et  3°»", 5  d'épaisseqr. 

4*^  Une  série  de  grattoirs  généralementà  peu  près  qaudran- 
gulaires,  sur  Tun  des  côtés  desquels  ont  été  ménagées  des 
encoches  qui  paraissent  avoir  été  faites  en  vue  d'une  desti- 
nation spéciale. 

5*"  Quelques  flèches  barbelées  à  pédoncules  en  amandes 
trouvées  à  la  station  des  Pierrières. 

6"*  Environ  soixante-dix  grattoirs  néolithiques  dont  le  plus 
beau  spécimen  a  été  trouvé  au  pied  du  menhir  de  la  Pierre- 
Fitte. 

7*^  Enfm,  un  grattoir  d*une  forme  peu  ordinaire,  et  des 
haches  dont  il  sera  question  un  peu  plus  loin. 

Tous  ces  silex,  ainsi  qu'un  certain  nombre  de  fragments 
de  poterie  rougeàtre  ou  noirâtre,  grossière,  pleine  de  gravier 
et  dépourvue  d'ornements,  ont  été  trouvés  à  la  surface  du 
sol,  dans  la  terre  végétale  des  champs  cultivés.  Dans  toutes 
les  tranchées  et  les  carrières  que  j'ai  pu  observer,  TenfouissC' 
ment  des  silex  ne  dépasse  pas  20  centimètres.  Une  seule 
tranchée  fait  exception  jusqu'ici  ;  mais  c'est  certainement  un 
pur  accident,  provenant  d'un  remaniement  du  sol  par  les 
hommes,  car  au  même  niveau  que  les  silex  et  même  au-des- 
sous, j'y  ai  trouvé  des  fragments  de  poterie  romaine  bien 
caractérisés. 

Certains  silex  n'ont  pas  de  patine.  D'autres  sont  profondé- 
ment altérés  et  leur  couleur  varie  du  blanc  éclatant  au  blanc 
bleuté,  et  du  rose  tendre  au  jaune  foncé,  suivant  que  les 
p  èces  ont  séjourné  sur  l'argile  ou  sur  le  sable. 


ARMAND   VIRÉ.  —  LA  VALLÉE   DU  LUNAIN.  805 

II 

LES  ATELIERS   DE   POLISSAGE. 

Plusieurs  de  ces  stations,  dans  le  cours  moyen  de  la  rivière 
et  sur  la  rive  droite,  sont  situées  au  milieu  d'un  banc  de 
sable  et  de  grès  tertiaire  qui  se  rattache  à  celui  de  Fon- 
tainebleau et  de  Nemours.  Gomme  le  grès  dur  est  une  excel- 
lente matière  pour  polir  le  silex,  il  était  assez  naturel  de 
penser  qu'aux  temps  néolithiques,  plusieurs  de  ces  rochers 
avaient  servi  au  polissage  des  haches. 

Jusqu'ici  un  seul  était  connu  ;  les  gens  du  pays  rappellent 
la  Rocke-aU' Diable  y  et  M.  Doigneau  Ta  très  bien  décrit  et 
dessiné  dans  son  intéressant  ouvrage  sur  Nemours  et  ses 
environs. 

Nous  venons  d'en  trouver  quinze  autres,  jusqu'ici  entière- 
ment inconnus,  ce  qui  constitue,  avec  les  polissoirs  du  gué 
de  Beaumoulin,  près  de  Nemours,  un  des  groupements  les  plus 
remarquables. 

Un  seul  de  ces  polissoirs  est  situé  dans  la  vallée,  comme  la 
Roche-au-Diable,  tous  les  autres  étant  sur  le  plateau  au  bord 
de  la  vallée.  Huit  d'entre  eux  sont  en  grès  dur,  à  grain  fin  et 
serré  (oliquart)  bien  plus  propre  au  polissage  que  le  grès 
tendre  ordinaire.  Les  deux  autres  n'ont  servi  que  fort  peu  et 
ne  portent  qu'une  seule  rainure. 

Les  deux  premiers  sont  situés  près  des  Gros-Ormes,  sur  le 
territoire  de  la  commune  de  Lorrez-le-Bocage  au-dessus  de 
la  route  des  Gros-Ormes  à  la  Croix-Blanche,  à  environ 
800  mètres  de  Timportante  station  des  Pierrières,  dont  ils 
sont  séparés  par  un  ravin. 

On  les  trouve  assez  difficilement,  entourés  qu'ils  sont  par 
d'autres  rochers  en  nombre  assez  considérable  ;  le  premier, 
au  milieu  des  champs  et  près  d'une  vigne,  entre  un  bois  de 
sapins  et  un  bois  de  chênes  et  de  bouleaux,  au  pied  d'un 
petit  noyer,  le  second  dans  le  bois  de  chênes. 

Tout  au  bord  du  plateau  dit  la  montagne  Sainte^Anne^ 


806  gÉANCB  DU  17  DÉCEMBRE  1801. 

climat  des  sablières^  ils  dominent  le  versant  est  d'un  ravin 
encaissé  en  forme  d^amphithéâtre,  situé  à  angle  droit  de  la 
vallée  du  Lunain,  et  d'où  la  vue  est  assez  agréable. 

Le  premier  est  un  rocher  de  grès  lustré,  presque  tous  ceux 
qui  Tentourent  étant  en  grès  tendre. 

Il  a  la  forme  d'un  ellipsoïde  irrégulier,  dont  le  grand  axe 
a  1">,60y  le  petit  1  mètre  et  qui  s'élève  au-dessus  du  sol  de 
70  centimètres  environ. 

Une  seule  rainure  était  apparente;  mais  après  avoir  enlevé 
la  terre  et  la  mousse  qui  couvraient  le  reste  du  rocher,  nous 
en  avons  compté  neuf,  qui  sont  de  deux  sortes  :  cinq  pro- 
duites par  le  plat  des  haches  et  quatre  produites  par  le  frotte- 
ment des  côtés.  Les  premières  sont  en  forme  de  cuvettes 
allongées,  dont  les  dimensions  sont  :  24  centimètres  sur 
12  centimètres;  24  centimètres  sur  8  centimètres;  22  centi- 
mètres  sur  13  centimètres;  20  centimètres  sur  9  centimètres 
et  18  centimètres  sur  8  centimètres. 

Les  quatre  autres  ont  une  forme  beaucoup  plus  allongée 
et  ressemblent  à  de  longs  fuseaux.  Leurs  dimensions  sont  : 
35  centimètres  sur  5  centimètres;  26  centimètres  sur  8  centi- 
mètres ;  24  centimètres  sur  8  centimètres  ;  25  centimètres 
sur  6  centimètres. 

La  surface  des  unes  et  des  autres  est  d'un  poli  absolument 
parfait,  et  leur  profondeur  varie  de  2  à  5  centimètres. 

Le  troisième  polissoir,  situé  sur  le  territoire  de  Paley  et 
derrière  le  moulin  des  Templiers  et  de  VUôpUaly  se  trouve 
dans  le  prolongement  de  la  façade  est  du  moulin,  au-dessus 
de  la  route  de  Lorrez  à  Nemours,  au  bord  d'un  bois  de 
sapins. 

C'est  un  rocher  degrés,  de  2  mètres  sur  1°,40  et  de  OOeen* 
timètres  de  hauteur  au-dessus  du  sol,  qui  porte  : 

1°  Quatre  rainures  produites  par  le  frottement  des  côtés 
des  haches,  dont  les  dimensions  sont  :  49  centimètres  sur 
45  millimètres  et  43  millimètres  de  profondeur  ;  35  centi- 
mètres sur  4  centimètres  et  23  millimètres  de  profondeur; 
30  centimètres  sur  5  centimètres  et  1  centimètre  de  ^ofon- 


ARMAND  VIR6.  -<*-  LA  VAIrLBE  DU   LUNAIN.  807 

deur  ;  â5  centimètres  sur  14  millimètres  et  1  centimàtre  de 
profondeur  ; 

2^  Deux  rainures  en  forme  de  cuvette,  dont  les  dimensions 
sont  :  27  centimètres  sur  11  centimètres  et  3  centimètres  de 
profondeur;  37  centimètres  sur  13  centimètres  et  2  centi- 
mètres de  profondeur  ; 

3^  Enfin,  une  surface  plane  de  35  centimètres  sur  14  centi-t 
mètres. 

Le  Lunain  passe  à  80  mètres  de  là,  et  il  est  fort  probable 
que  les  polisseurs  de  silex  de  cet  endroit  allaient  chercher  à 
la  rivière  Teau  nécessaire  à  leur  industrie;  car  nous  avons 
trouvé  au  pied  de  ce  rocher,  dans  le  sol  nouvellement  remué, 
trois  fragments  de  poterie  néolithique,  l'un  noir,  les  deux 
autres  rouges,  à  pâte  grossière,  mal  cuite  et  remplie  de 
gravier. 

Depuis  notre  départ  du  pays^  on  nous  a  signalé  cinq  autres 
polissoirs  sur  la  pente  qui  domine  celui-ci;  nous  ne  les  fai- 
sons pas  entrer  en  ligne  de  compte,  car  nous  ne  les  avons  pas 
encore  vérifiés. 

Les  six  polissoirs  suivants  sont  situés  entre  Téniùres  et  la 
Noue-Blondeau,  au  bord  du  plateau,  à  Tendroit  le  plus  joli 
et  le  plus  pittoresque  des  bords  du  Lunain;  le  paysage,  à 
cet  endroit,  semble  être  resté  à  peu  près  tel  qu'il  était  il  y  a 
quelques  milliers  d'années,  alors  que  les  peuples  néolithiques 
Toccupaient,  que  de  patients  ouvriers  polissaient  le  silex,  et 
que  de  hardis  chasseurs  se  livraient  à  la  poursuite  du  gibier 
sur  les  plateaux  du  Lunain. 

Au  premier  plan^  on  aperçoit  dos  friches  semées  de  blocs 
de  grès  aux  formes  bizarres,  couvertes  de  mousse  et  de  lichen, 
entourées  ^de  genévriers  ou  de  jeunes  sapins.  En  amont,  on 
voit  les  coteaux  boisés  de  Paley,  de  la  Cave-aux-Fées 
(temple  romain),  de  Préau,  de  la  montagne  Sainte-Anne, 
tandis  qu'au  fond  de  la  vallée,  les  vertes  prairies  alternent 
avec  les  bouquets  de  bois  et  les  longs  peupliers  ;  en  aval,  les 
collines  de  Nanteau  et,  à  Thorizon,  les  rochers  de  Nemours 
estompés  par  la  brume. 


ARMAND   VIRÉ.  —  LA   VALLÉE   DU   LUNAIN.  809 

et  la  sixième,  à  peu  près  perpendiculaire  à  la  direction  des 
cinq  autres,  a  servi  à  polir  le  plat  des  haches. 

Après  avoir  fait  865  pas  sur  le  chemin,  puis  12  pas  à 
gauche  dans  le  bois,  on  trouve  un  polissoir  tout  à  fait  ana- 
logue au  précédent,  avec  cette  seule  différence  que  Ja  surface 
plane  est  un  peu  plus  petite  (45  centimètres  sur  30  centi- 
mètres) et  est  très  inclinée  sur  l'horizon. 

Enfin,  il  existe  un  dernier  polissoir,  également  près  de  la 
Noue-Blondeau,  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Nantcau, 
canton  de  Nemours,  à  150  mètres  environ  du  beau  menhir 
de  la  Pierre-Fitte. 

Ce  polissoir  est  un  grès  de  2™, 50  de  long,  de  2  mètres  de 
large  et  i°^,i 5  de  haut,  sur  lequel  on  remarque  une  surface 
plane  et  polie  de  70  centimètres  sur  30  centimètres  dans 
ses  plus  grandes  dimensions. 

Tout  au  pied,  j'ai  ramassé  une  moitié  de  hache  bien  tra- 
vaillée et  dont  le  polissage  n'est  pas  achevé. 

Telle  est  cette  belle  réunion  de  polissoirs,  ce  véritable 
atelier  de  polissage,  qui  se  développe  en  trois  groupes  sur 
une  longueur  de  2  500  mètres  et  qui  a  servi  certainement  à 
polir  presque  toutes  les  haches  recueillies  dans  le  voisinage 
et  dans  toutes  les  stations  d'amont,  qui  sont  complètement 
dépourvues  de  rochers  propres  à  cet  usage. 

Sur  le  rocher,  on  remarque  de  place  en  place  des  traces  de 
frottement,  tout  aussi  nettes,  mais  bien  moins  développées 
que  les  rainures  principales.  Le  second,  situé  à  l'entrée  du 
bois,  à  165  mètres  au  nord  du  premier,  également  en  grès 
dur,  des  mêmes  dimensions,  mais  s'éievant  un  peu  moins 
au-dessus  du  sol  (40  centimètres),  ne  porte  qu'une  seule  rai- 
nure plate  de  21  centimètres  sur  9  centimètres,  dans  le  pro- 
longement de  laquelle  se  voit  une  petite  surface  de  frotte- 
ment de  5  centimètres  sur  4  centimètres. 

Les  objets  les  plus  remarquables  que  nous  ayons  trouvés 
aux  environs  de  ces  deux  polissoirs,  station  de  la  montagne 
Sainte-Ânne,  sont  un  beau  percuteur  en  silex,  très  dense, 
à  peu  près  sphérique,  et  de  7  centimètres  de  diamètre  ;  un 


810  SÉANCE  DU  47  DéceiifiAE  4891. 

grattoir  de  44  millimètres  sur  67  millimètres  en  silex  gris 
bleu,  à  patine  d'un  blanc  bleuâtre,  d'une  forme  peu  com- 
mune, pentagonal,  tranchant  d'un  seul  côté,  tandis  que  les 
côtés  opposés,  formant  dos,  sont  épais  de9  à  4â  millimètres; 
une  hachette  ou  lame  de  casse-tète,  taillée  à  grands  éclats, 
de  0  centimètres  de  longueur,  43  millimètres  de  largeur  et 
27  millimètres  d'épaisseur  ;  une  fine  hachette  de  silex  gris 
jaune,  incomplètement  polie,  de  9  centimètres  de  longueur, 
3  centimètres  de  largeur  et  1  centimètre  d'épaisseur  ;  nne 
magnifique  hache  en  grès  lustré,  la  seule  pièce  de  grès  bien 
caractérisée  que  nous  possédions,  complètement  polie,  in- 
tacte, à  section  d'un  ovale  parfait  de  105  millimètres  de  lon- 
gueur, 47  millimètres  de  largeur  et  27  millimètres  d'épais- 
seur ;  enfin,  beaucoup  de  fragments  de  haches  polies. 

m 

LE  RÉGUfE  DES  EAUX. 

Nous  nous  sommes  demandé  pourquoi  la  grande  majorité 
de  ces  polissoirs  se  trouvait  sur  la  colline  et  non  dans  la  val- 
lée, oîi  il  semble  tout  d*abord  qu'il  eût  été  plus  naturel  d'éta- 
blir les  ateliers  ;  car  il  faut  beaucoup  d'eau  pour  polir  le  silex, 
et  dans  la  vallée  on  eût  trouvé  des  rochers  en  quantité  suffi- 
sante, et  beaucoup  d'eau  h  la  rivière. 

Était-ce  donc  que  les  crues  du  Lunain  rendaient  la  vallée 
inhabitable  au  moins  à  une  certaine  époque  de  Tannée? 

Nous  ne  le  pensons  pas,  du  moins  pour  la  période  néo* 
lithique,  et  nous  avons  tout  lieu  de  croire,  au  contraire, 
que  les  crues  du  Lunain  étaient  moins  fortes  qu'à  l'heure 
actuelle. 

Et  en  effet,  les  plateaux  aujourd'hui  dénudés  par  la  cul- 
ture étaient  couverts  de  forêts  ;  au  lieu  de  s'écouler  tout  d'un 
coup  dans  le  fond  de  la  vallée  en  causant  des  débordements 
au  printemps  et  laissant  en  été  la  rivière  presque  à  sec,  les 
eaux  provenant  des  grandes  pluies  et  de  la  fonte  des  neiges 
s'emmagasinaient  dans  la  mousse  et  les  racines  des  arbres, 


ARMAND  VmÊ.  —   LA   VALLÉE  DU   LUNAIN.  8il 

puis  filtraient  peu  à  peu  dans  le  sol  en  formant  des  sources 
nombreuses  et  intarissables. 

Et  ceci  n'est  pas  une  simple  hypothèse  ;  car,  sans  parler  des 
deux  minces  sources  qui  ont  peine  à  sortir  des  pentes  de  Té- 
nières,  et  de  celle  qui  humecte  le  plateau  de  Vaupsulseau^ 
voici  que,  sur  le  plateau  même  de  la  Noue-Blondeau,  nous  ve- 
nons de  constater  les  traces  d'une  ancienne  source  quater- 
naire qui  a  couléjusqu'aux  temps  historiques,  mais  qui  a  depuis 
longtemps  disparu,  et  n'a  laissé  aucun  souvenir  dans  le  pays. 

Nous  avons  trouvé  là  une  couche  de  tuf  évidemment  d'ori- 
gine fontigénique,  quaternaire  à  la  base,  récente  à  la  surface, 
consistant  en  une  couche  de  calcaire  tendre,  blanc  ou  jau- 
nâtre, qui  a  empâté  tous  les  débris  du  sol  :  des  fragments  de 
calcaire  de  Château-Landon  blanc  ou  noir^  du  quartz,  de  la 
boue,  du  sable,  et  plus  tard  de  petits  morceaux  de  charbon 
et  des  débris  de  terre  culte  (brique  ou  poterie,  il  est  difficile 
de  préciser  à  cause  du  peu  de  volume  des  fragments  trouvés 
jusqu'ici).  Enfin,  de  place  en  place,  on  trouve  des  couches  de 
feuilles  d'arbres,  de  menus  branchages,  d'herbes  et  de  gra- 
minées. 

Beaucoup  de  végétaux  n*ont  pas  été  simplement  incrustés 
dans  le  tuf,  mais  ont  subi  une  véritable  pétrification,  se  sont 
transformés  en  carbonate  de  chaux,  tout  en  conservant  leur 
forme  et  parfois,  leurs  couleurs,  tandis  que  d'autres  fragments 
sont  simplement  carbonisés  et  môme  encore  moins  décom- 
posés. 

Il  est  donc  incontestable  qu'il  existait  là  une  ou  plusieurs 
sources,  contemporaines  des  hommes  de  la  pierre  polie,  et  il 
est  raisonnable  de  penser  que  c'est  de  là,  plutôt  que  de  la  ri- 
vière, que  les  polisseurs  de  silex  tiraient  l'eau  nécessaire  à 
leur  industrie. 

Dès  lors  il  n'est  pas  étonnant  qu'ils  aient  établi  leurs  cam- 
pements et  leurs  ateliers  sur  les  plateaux  bordés  de  deux  ou 
de  trois  côtés  par  des  pentes  très  raides«et  dans  une  position 
bien  plus  facile  à  défendre  que  la  plaine  contre  les  surprises 
de  leurs  ennemis,  hommes  ou  bêtes  sauvages. 


312  SÉANCE  DU    17    DÉCEMBRE   4801. 

IV 

UNE  CARRIÈRE  DE  SILEX  PRÊUISTORIQUE. 

Dans  la  vallée  du  Loing,  entre  Nemours  et  Souppes,  sur  la 
rive  droite  et  près  du  moulin  de  Portonville,  se  trouve  une 
carrière  de  craie  dont  la  partie  supérieure  a  été  remaniée  sur 
une  épaisseur  de  i  mètre  à  1"^,80.  Le  banc  horizontal  de  silex 
que  Ton  retrouve  en  place  à  quelques  mètres  de  là,  dans  la 
partie  non  remaniée,  a  disparu  à  cet  endroit. 

Cette  couche  supérieure  contient  une  très  grande  quantité 
d'éclats  tranchants  de  silex,  qui  présentent  tous  les  oarac^ 
tères  de  la  taille  intentionnelle,  notamment  des  bulbes  de 
percussion  bien  caractérisés.  Mais  aucun  de  ceux  que  j'ai  ra- 
massés ne  présente  la  forme  d'un  instrument  quelconque  ; 
ces  silex  paraissent  être  des  déchets  de  taille,  et  les  trois  ou 
quatre  instruments  caractérisés  qu'on  y  a  trouvés  paraissent 
être  inachevés. 

Mélangés  à  ces  silex,  on  trouve  des  bois  de  cerf,  des  frag- 
ments de  poterie  et  quelques  charbons. 

Enfin,  comme  fossiles  de  notre  époque  et  intimement  mé^ 
langés  à  ces  débris  J'ai  recueilli  d'assez  nombreux  spécimens 
de  Cyclostoma  elegans,  Hélix  nemoralisy  H,  hispidia,  H,  />«/- 
chella^  Clamilia,.,y  Pupa,,.^  toutes  espèces  terrestres. 

Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet  M.  Doigneau  dans  son  très  inté- 
ressant ouvrage  sur  les  environs  de  Nemours  : 

«  Lorsque  le  Loing  coulait  à  14  ou  15  mètres  au-dessus  de 
son  niveau  actuel,  et  lorsque  les  eaux  s'étendant  d'une  col- 
line à  l'autre  ravinaient  profondément  la  craie,  une  famille 
de  l'âge  de  la  pierre  était  installée  sur  la  berge  de  la  rive 
droite,  à  200  mètres  en  aval  du  moulin  de  Portonville. 

«  Dès  1808,  nous  avions  reconnu,  avec  M.  de  Montmahon, 
que  ce  terrain  d*alluvion  contenait,  avec  des  bois  de  cerf,  des 
fragments  de  poterie,  et  nous  y  avions  trouvé  une  hache  non 
polie  et  d'une  forme  ancienne. 

«  J'ai  pu  recueillir  depuis^  au  fur  et  à  mesure  des  déblais, 


ARMAND  VIRÉ.  —  LA  VALLÉE  DV   LUNAIN.  813 

dlfTérenls  objets  qui  paraissent  avoir  fait  partie  du  mobilier 
d'une  habitation  primitive  :  deux  nouvelles  hachettes  d'une 
forme  particulière  et  1res  grossièrement  éclatée,  un.  percu- 
teur, des  grattoirs,  des  nucleus  ayant  un  aspect  singulier 
qu'on  ne  remarque  pas  ailleurs,  différents  fragments  de  bois 
de  cerf,  dont  un  ayant  encore  à  la  base  une  partie  de  la  ra- 
cine indiquait  que  l'animal  avait  été  tué,  tandis  que  les  autres 
couronnes  se  sont  détachées  naturellement  de  la  tète.  Un 
autre,  portant  la  trace  du  feu,  avait  été  coupé  comme  on 
pouvait  le  faire  avec  une  scie  en  silex.  Des  fragments  de  vases 
en  terre  cuite  et  des  charbons  étaient  engagés  dans  la  boue 
durcie  de  Talluvion. 

«  Ces  objets,  ainsi  enfouis  pêle-mêle,  paraissent  avoir  été 
précipités  ensemble  dans  la  rivière,  d'un  point  de  la  berge 
où  ils  étaient  réunis.  Mais  ces  lieux  ont  subi  de  tels  change- 
ments, celte  ancienne  berge  est  aujourd'hui  tellement  inclinée 
et  élevée,  qu'on  ne  conçoit  pas  où  a  pu  être  installée  cette 
habitation.  » 

Je  ne  puis  guère  partager  Topinion  de  M.  Doigneau  et  voir 
ici  un  produit  alluvial.  Une  première  objection  s'offre  tout 
de  suite,  lorsqu'on  examine  les  différentes  coupes  de  collines 
faites  en  amont  et  en  aval  de  Portonville.  En  effet,  sauf  en 
face  de  Cercanceaux  où  il  y  a  peut-être  une  exploitation  an- 
cienne analogue  à  celle  de  Portonville,  nulle  part  nous  ne 
rencontrons  de  silex  taillés  ni  de  remaniements  violents  de  la 
craie.  La  couche  supérieure  de  la  craie  a  un  faciès  tout  diffé« 
rent^  et  résulte  du  phénomène  général  de  dissolution  lente 
par  les  eaux  pluviales  chargées  d'acide  carbonique,  et  les  lits 
de  silex  encore  en  place  témoignent  de  la  lenteur  de  cette 
dissolution. 

Or  une  masse  d'eau  torrentueuse  assez  puissante  pour  pro- 
duire une  alluvion  telle  que  celle  qui  nous  occupe  eût  certes 
laissé  des  traces  du  même  genre  tout  le  long  de  la  vallée. 

D'ailleurs,  à  l'époque  néolithique  (et  ce  gisement  est  net- 
tement néolithique  comme  l'indiquent  les  poteries  et  les 
haches)^  le  régime  des  eaux  de  cette  contrée  était  assez  voi- 

T.  II  (4«  série).  52 


814  SÉANCE  DU   n   DÉCEMBRE   i89l. 

sin  du  régime  actuel,  comme  j'ai  cherché  à  le  démontrer 
dans  la  troisième  partie  de  celte  note. 

Si  le  Loing  avait,  à  cette  époque^  miné  lentement  et  insensi- 
blement le  pied  de  cette  colline,  qui  se  serait  enfln  écroulée, 
il  aurait  certes  remanié  aussi  tons  ces  matériaux,  y  aurait 
produit  une  stratiflcation  sinon  bien  horizontale  et  régalière, 
du  moins  continue,  et  de  plus  aurait  mélangé  à  la  craie  et 
aux  silex  les  débris  du  terrain  supérieur  (galets  et  pou- 
dingues  de  l'argile  plastique,  calcaire  lacustre  inférieur, 
sables  et  grès  de  Fontainebleau  que  l'on  voit  nettement  su- 
perposés dans  cette  colline). 

Or,  outre  les  silex,  la  poterie,  les  bois  de  cerf  et  les  fossiles 
de  notre  époque,  on  ne  trouve  absolument  que  la  craie  pure 
et  quelques  veinules  d'argile  et  sable,  dont  la  présence  va 
nous  être  expliquée. 

Il  y  a  bien  une  stratiGcation,  ou  plutôt  des  stratifications. 
Mais  ce  sont  des  séries  de  stratifications  partielles,  petites, 
brisées,  et  orientées  dans  tous  les  sens,  la  plupart  très  incli- 
nées, et  dont  Torigine  ne  peut  être  cherchée  dans  Inaction 
des  eaux. 

Cette  action  écartée,  il  ne  me  paraît  rester  qu*ane  seolc 
explication  plausible,  qui  rende  compte  de  toutes  les  parti- 
cularités présentées  par  cette  carrière. 

C'est  l'exploitation  de  la  craie  par  les  peuples  néolithiques 
pour  en  tirer  le  silex,  et  cela,  non  par  des  puits,  comme  h 
Nointel,  mais  à  ciel  ouvert. 
Que  devaitil  résulter  d'une  pareille  exploitation  ? 
A  mesure  que  les  carriers  tiraient  la  craie,  ils  rejettaient 
derrière  eux  les  produits  non  utilisés,  ce  qui  produisait  des 
tas  irréguliers,  s'augmentant  sans  cesse  de  nouvelles  couches; 
mais  ces  couches  devaient  être  inclinées  les  unes  sur  les 
autres,  dirigées  dans  tous  les  sens,  et  composées  de  frag- 
ments de  toutes  tailles  et  de  toutes  formes,  plus  ou  moins 
anguleux,  et  c'est  précisément  ce  que  Ton  observe  en  cet 
endroit. 

Les  silex  extraits  étaient  sans  doute  dégrossis  sur  place, 


ARMAND  VIRÉ.   —   LÀ  VaLLSe  ttj  LUNAIN.  SiS 

« 

Cdr  les  petits  fragments  anguleux,  tranchants,  en  forme  de 
lames  plus  ou  moins  courtes  sont  souvent  réunis  par  tas  volu- 
mineux, presque  sans  interposition  de  craie,  comme  si,  à  me- 
sure que  Ton  extrayait  les  rognons  de  silex,  on  les  apportait 
à  uh  ouvrier  spécialement  chargé  de  les  dégrossir  et  aux 
pieds  duquel  s'entassaient  les  déchets  provenant  de  cette 
opération. 

Les  blocs  ainsi  préparés  étaient  alors  emportés  h  Tatelier, 
peut-être  à  la  station  du  Beauregard,  très  voisine  de  cet  en- 
droit, et  la  seule  où  M.  Doigneau  ait  constaté  la  présence 
d'un  atelier  bien  caractérisé. 

Les  fragments  de  bois  de  cerf  servaient  sans  doute  d'outils 
ou  d'emmanchure  aux  outils,  leur  présence  ayant  été  cons- 
tatée partout  oh  Ton  a  reconnu  ded  exploitations  de  silex  à 
l'époque  néolithique. 

Quant  aux  fragments  de  poterie  et  aux  charbons,  leur  pré- 
sence est  tout  expliquée  par  celle  des  ouvriers  qui  s'en  ser- 
vaient sur  place  pour  cuire  ou  réchauffer  leur  nourriture. 

Et  en  effet,  en  même  temps  que  la  poterie,  on  trouve  quan- 
tité de  silex  éclatés  et  rougis  par  le  feu  ;  et  j'ai  pn  constater 
que  les  quelques  charbons  que  l'on  ramasse  de  place  en  place 
sont  {iresque  toujours  au  voisinage  ou  au  contact  de  ces  silex 
brûléSj  ce  qui  semble  bien  indiquer  la  présence  des  foyers 
en  te  lieu  même  et  exclure  toute  idée  de  remaniement  posté- 
rieur à  leur  existence.  Car  comment  admettre  que  le  charbon 
et  le  silex,  de  densité  si  différente,  eussent  été  entraînés  par 
les  eaux  avec  la  même  vitesse  pour  se  retrouver  ainsi  côte  à 
côte  au  bout  de  leur  voyage? 

Suvvenait-il  un  chômage,  an  abandon  momentané  de  tout 
ou  partie  de  la  carrière  pendant  quelques  années  ou  même 
quelques  mois,  aussitôt  les  vents  et  les  pluies  apportaient  de 
la  poussière,  du  sable,  de  l'argile  et  Thérbe  se  mettait  à  pous- 
ser, et  les  mollusques  aimant  rhumidité  des  carrières  arri- 
vaient, ce  qui  explique  du  même  coup  la  présence  des  vei- 
nules d'argile  et  de  terre  végétale,  et  des  coquilles  d'hélices, 
cyclostomes,  etc. 


816  SÉANCE  DU  i7  DÉCEMBRE  1891. 

Comme  on  le  voit,  les  moindres  particularités  de  ce  dépôt 
sont  expliquées  par  cette  hypothèse,  tandis  qu'en  admettant 
la  première,  on  se  heurte  à  des  impossibilités  matérielles. 

Il  y  a  donc  tout  lieu  de  croire  que  nous  sommes  en  présence 
d*une  exploitation  préhistorique  des  plus  intéressantes  et 
précieuse  pour  l'ethnographie  néolithique,  en  ce  sens  qu*elle 
est  peut-être  la  seule  qui  ait  été  signalée  dans  ces  conditions. 

Discussion. 

M*  Ck)LLiN  dit  que  ce  gisement  ressemble  absolument  à 
celui  de  Coupvray. 

M.  Dessln  dit  qu'en  effet  il  y  a  là  une  grande  analogie  avec 
ce  quHl  a  observé  dans  le  gisement  de  Campigneulles. 

M.  Vau VILLE  serait  plutôt  porté  à  admettre  qu'il  s*agit  là 
d'érosions  remontant  à  Tépoque  quaternaire,  et  que  les  silex 
ramassés,  souvent  agglomérés  par  un  vrai  calcin,  pourraient 
bien  être  do  la  même  époque. 

MM.  Adrien  de  Mortillet  et  Collln  n'admettent  pas  cette 
manière  de  voir.  Le  calcin  est  un  dépôt  formé  par  la  préci- 
pitation du  carbonate  de  chaux,  enlevé  à  la  craie  par  les 
eaux  chargées  d'acide  carbonique.  C'est  un  phénomène 
banal  qu'on  peut  même  observer  de  nos  jours.  Suivant  toutes 
vraisemblances,  il  s  agit  bien  là  d'excavations  anciennes. 

M.  Viré,  l'auteur  de  la  découverte,  qui  connaît  bien  le 
pays,  dit  qu'en  effet  il  est  impossible  que  ces  couches  remon- 
tent à  l'époque  quaternaire,  les  conditions  stratigraphiques 
ne  permettant  pas  de  soutenir  cette  hypothèse. 

La  séance  est  levée  à  six  heures  vingt  minutes. 

L'un  des  secrétaires  :  C4l^lTAll« 


>—* 


TABLE  DES  DONS 

A   LA   SOCIÉTÉ  ET   A  l'ÉCOLE   d'aNTHROPOLOGIE. 


Dons  a  la  Société,  7,  8,  17,  78, 
128,  129,  130,  \3\,  146,  147, 
186,  187,  201,  236,  254,  256, 
258,  276,  277,  301,  302,  340, 
341,  342,  364,  423,  442,  443, 
447,  448,  458,  467,  4ô8,  502, 
532,  533,  534,  558,  559,  560, 
561,  563,  642,  643,  647,  648, 
669,  696,  697,  698,  699,  701. 

Dons  a  l'Ecole,  22,  84, 238,  504, 
554,  565,  650. 

AcY  (d*),  532. 

Aubry(D'  p.),  301,  559,642. 

Barthélémy  (F.),  146, 147. 

Baudoin  (Dr  Marcel),  532. 

Baudon  (D»),  504. 

Baye  (Joseph  de),  146,  301,  560, 
642. 

Beadregard  (OUivier),  17,  558. 

Belldcci  (Giuseppe),  146. 

Bertaux  (D'A.),  642. 

Beveridge(H.),  341. 

Blanchard  (D'  Raphaël),  443. 

Blasio  (D'  Abele  de),  186,  532, 
580. 

Bleicher  (D'),146,  147. 

Bogdanow,  301. 

Borsari  (Ferdinando),  147. 

Buschan  (D'  g.),  7,  1 47,  423, 532. 

Capus  (G.),  277,  407. 

Charencey  (H.  de),  78,  130. 

Chatellier  (P.  du),  7,  146. 

Claine,  563,  648. 


CoLLiN  (E.),  22,  238,  276,  450. 
CoMOY  (D'),  236. 

COSSERAT,  276. 

CuNNiNGHAM  (prof.  D.  J.),  502. 
Dareste  (D'  Camille),  643. 

D A VELU Y,  442. 

Delehaye  (Jules-Alexandrc-Napo- 

léon),  254. 
Deniker,  423,  669. 
Denis,  647. 
Diamandy,  84. 
DuMONT  (Arsène),  186. 
Dl-moutier  (G.),  447. 
Evans  (John),  340,  341. 
Falsan,  302. 
Fauvelle  (D'),  129. 
Fischer,  302. 

Gadeau  de  Kerville  (Henri),  7. 
Garrigou,  302,  442. 
Gosselet,  128. 
Grimaux,  699. 
Hambleton  (G.-W.),  467. 
Heger  (Franz),  78. 
Hervé  (D'),  236. 
HOERNES  (D' M.),  301. 
HouzÈ(D'E.),  186,  302,  532. 
Hyades  (D'),  669. 
Jacques  (D^  Victor),  448. 
JouvENCEL  (de),  340. 
Julien  (Alexis),  256. 
Lacassagne,  302,  442. 
Lagnkau  (D'),  560,  698. 
L\jard,  701. 


818 


TABLE  DES  DONS. 


Lalot^  258. 
Landbin,  340. 
Larrieu  (D'F.),341. 
Lasteyrie  (de),  669. 
Lefèvre  (André),  277^  (169. 
Legrain,  201. 
Letourneau«  iSi,  4M. 
Leudet  (D'  E.),  533. 
Los  (de),  340,  341. 
LuBBOCK  (John),  340. 
LUSCHAN,  340. 

BIacé,  22. 
Magitot  (D'),  364. 
Mallsrt  (Garrick),  423. 
Manouvru5r(D'  L.),5Q9,56D^  Q43. 
Mantegazza,  340. 
Mabghesbtti  (D'  Carlo),  7. 
Marighard  (Ollier  de),  341. 
Maricourt  (de),  340. 
Martin  (D'  E.),  533. 
Mauricet,  340,  341 . 
Metzgbr  (D.),  467. 
M'Guire,  643. 
Mies  (D'),  17,  147,  467. 
MiNGAUD  (Gallien),  533. 
MiNGAzziNi  (D'  G.),  532. 
Ministère  des  finances,  447, 468. 
Ministère  des  travaux  publics, 

236. 
Moran  (D'),  647. 
Moreau  (Alfred),  669. 
Moreno(F.-P.),  341. 
MoRSELLi,  340,341. 
Mortillet  (G.  de),  7,  128. 
Munck  (de),  340,  565. 
Musée  Guimet,  129. 
Nadaillag  (de),  301,  643. 
Netuy  (Jean  de),  448. 
Neugebauer  (D'  Franz-Ludwig),  8. 
NicAisE,  341. 
NicoLUCCi,  442,  532. 
NiEDERLE  (Lubor),  301  y  559. 
Peillon  (D'  Gabriel),  341. 


PÈRocHE  (Jules),  442,  532. 

PlGORlNI,  341 . 

PiLLoy,  341 . 
Ploix,  448. 
PomiER(D'),  341. 
Pommerol(D'),  341. 
Pocsâit(D'),  66i. 
Prestwich  (Joseph),  341. 
QuATREPAGEs  (de),  341 . 
Rames  (J.-B.),  341. 
RjGNAULT  (D'),  650,  701. 
RiCGARDi  (Paolo),  186. 
Rolland  (G.),  502. 
RosNY  (de),  442. 
Rothschild  (Alphonse  de),  22. 
Roux  (le  capitaine  Emile),  364. 
RoYER  (Clémence),  643. 
Saintenoy  (Paul),  448. 
Salmon  (Philippe),  532,  554. 
Sanford  Fleming,  423. 
Saporta(G.  de),  341. 
Sciiaaffhausen,  696, 697,  698. 
Schubmann  (D^),  342. 
Schmidt  (Valdemar),  341. 
Sebillot  (P.),  341. 
Senequier  (Paul),  643. 
Sergi  (Giuseppe),  534. 
Société   de  médecine  légale  de 

France,  642. 
Strobel,  442. 
Terry  (James),  147. 
Testut  (D'),  442. 
Thulié  (DO,  186,442. 
TiHON  (Ferd.),  534. 
TopiNARD  (D^  p.),  647. 
Tourtoulon  (Ch.  de),  130. 
Tremlett,  131. 

\j,  S.  GBOLOGICAL  SURYEY  (depavt- 

ment  of  the  interior),  130. 
Vauvillé  (0.).  186,  187,  643. 
Verneau  (D»),  8,  78. 
Wood-Mason  (J.),  G43. 
Zampa  (Raffaello),  559. 


TABLE  DES  TRAVAUX  ORIGINAUX 

ET 

DES  PRINCIPALES  COMMUNICATIONS 


AZOULAY  et  LAJARD.  —  Quolquea  considérationa  sur  la  denxiéme 

déelmale  dans  les  Indlees  crâniens 
et  faeianx,  550. 
DEAUREGARD  (Ollivier).  —  La  jasilee  et  les  trlban«nx  d«iiB  Tan- 

elenne  Egypte,  86. 
—  Uu    ofllee  religieax    bouddhique  A 

rarlH,  183. 
BÉl^ENGER-FÉaAUO.  —  Contribution  à  Tétiidc    des  vestiges  des 

pratiqnes  rellglenses   de  ranllqallé 
chez  les  Provençaux  de  nos  jours,  305. 
BËRTILLON  (Jacques).  —  Sur  la  nalaillé  en  Franee,  306. 
R0STEAUX-PARI6.  —  Sur  une  sépullare  gauloise  découverte  ù  Cer» 

naj-ies-Relms,  573. 
CAPITAN.  —  Nouveau  type  d'Instramont  moustéricn,  le  disque  ra- 

ciolr,  564. 
—  (Voir  MÉNARD.) 

GHATELUER.  -  (Voir  VARIOT.) 

CIIERVIN.  —  Nombre  des  enfants  par  ramllie  étudié  par  arrondis- 
sement, canton  et  commune  dans  le  Lot»et-Garonnet 
42. 
DALEAU   (François).  —    Rég^argltatlon     maternelle     chczj    des 

ehienneSf  120. 
DARESTE  (Camille).  »  La  tératogénle  expérimentale   (huitième 

conférence  Broca),  730. 
DIAMANDY  (G.)  (de  Jassy).  —  Du  rôle  de  Téconomie  sociale  dans 

la  question  de  la  dépopulation  et  du 

repeuplement   de  la  France,  425. 

DUMONT  (Arsène).  —  La  théorie  de  la  natalité  et  lurgence  de  la 

contrôler  par  les  faits,  483. 

—  Essai  sur  la  natalité  dans  lo  cautou  de  Lille- 

bonne  (Seiuc-Inf»*rienre\  57  i. 
DU  PASQUIER  (Gh.)  —  De  la  flxité  do  l'espère  ;  résultat  dos  deux 

facteurs  de  révolution  :  la  variabilité  et  la 
loi  de  rhérédlté  fixe,  203. 

—  Un  point  de  la  physiologie  du  langage,  520. 


8â0       TRAVAUX   ORIGINAUX  ET   PRINCIPALES  COMMUNICATIONS. 

FÂUVELLE.  —  Des  transformations  du  règne  végétal  (Deuvième 

conférence  transformiBle),  386. 
LABORDE  (J.-V).  —  Démonstration  expérimentale  du  langage  sU 

gnaiétiqne  chez  les  fourmis*  664. 

LABOUDE  et  RONDEAU  (P.).  — Les  llèehes  empoisonnées  daSnrro 

(hant  Niger).  Ëtnde  et  détermi- 
nation expérimentale  de  Inetlon 
et  de  la  nature  da  pelson^  706. 

LAFAX  (G.)*  -*  Sur  quelques  nouveaux  gisemenla  préblstorlqnes 

des  environs  de  HAeon,  759. 

LAGNEAU  (Gustave).  —  Sur  la  raee  Juive  et  sa  pathologie,  539. 
LAJARD.  —  Le  langage  sifflé  des  Canaries^  469. 

—  Rudiments  de  langage  sifflé  à  Paris,  517. 

—  Procédés  primitifs  de  ffnbrieatlon  de  la  poterie  aux 

€anarles,  675. 

—  (Voir  AZOULAY.) 

LAJARD  et  REGNAULT.  —  Sur  un  s^nelette  d'Aecréen,  701. 
LE  DOUBLE  (A.)  —  Hnscles  présternanx,  150. 

—  Anomalies  du  couturier  (sartorius),  79i. 

LETOURNEAU  (Ch.).  —  La  charte  de  nie  d*Hœdle,  773. 
MANOUVRIER  (L.).  >-  Rapport  sur  le  concours  pour   le   prix 

Godard,  721. 
51ARCAN0  (G.).—  Ethnographie  précolombienne  du  Venesnela. 

Note  sur  les  Cnleas  et  les  Timotes,  218. 
MARTIN'DURR.  —  HalformaUons  congénitales  mnltlplea  et  non 

héréditaires  (six  extrémités  digitales  sur- 
numéraires réparties  aux  quatre  membresetbee- 
de-llévre  simple,  585. 
MAURICËT  (de  Vannes).  —  État  comparatif  de  la  statistique  de  la 

délimitation  de  la  langue  française 
et  de  la   langue    bretonne   dans  le 
département  du  Uorblhan  (1 800-1  sTS), 
312. 
MÉNARD  et  CAPITAN.  —  Sur  un  disque    percé*  ou   anneau  en 

pierre,  néolithique,  138. 
MOUTiLLET  (Adrien  de).  —  Statues  primitives  de  rAveyron  et 

de  rHérault,  516. 
PEUllIËR  DU  CARNE.  ~  Gisement   chelléen   de   Fllns-Ies-Hu- 

reaux  (Seine-et-Oise),  655. 
RAMADIER  (J.)  et  SÉRIEUX  (Paul).  —  Note  sur  cinq  cao  de  malfor- 

mation  spéciale  de  lu  poi- 
trine (thorax  en  entonnoir]. 
Contribution  à  réluile  de^ 
stigmates  physiques  de  dé- 
générescence, 318. 

REGNAULT  (F.).  -  La  religion  béguine,  785. 

—  Le  marlpge  aux  Indes,  505. 


TRAVAUX  ORIGINAUX  ET  PRINCIPALES  COMMUNICATIONS.      8il 

REGNÂULT  (F.)-  —  Da  rôle  da  pied  comme  organe  préhensile 

chez  les  HIndonSf  683. 

—  (Voir  LAJARD.) 
RONDEAU.  -  (Voir  LABOUDE.) 

RUBBENS  (Clément).  —  Bvolntlon  religiente  au  Congo,  259. 

^-  Ancien  elmetlère  et  sareopbages  décou- 

verts sur  la  commune  de   LInns  près  de 
Moutlhéry  (Seine-et-Oise),  657. 
SÉRIEUX.  —  (Voir  RAMADIËR.) 
TESTUT  (L.).  —  Note  sur  un  cas  de  mamelle  ernrale  observée  chei 

la  femme,  757. 
VARIOT  (G.).  —  Origine  des  préjugés  populaires  sur  les  envies,  458. 
—  Un  cas  de  malformailon  congénitale  et  un  eas 

d'anomalie  du  pavillon  de  l'oreille  chez  des  en- 
fants, 568. 
VARIOT  et  CHATELLIER.  —  malformation   congénitale   du    pa- 
villon de  rorellle  gauche  chez  un 
enfant;  imperforation  du  conduit  au- 
ditif externe.  Tentative  opératoire,  652. 
VAU VILLE  (Octave).  —  Atelier  quaternaire  de  taille  de  grés  de 

Presles-et-Boves ,    canton    de    Braisne, 
arrondissement  de  Soissons  (Aisne),  335. 

—  Instruments  chelléens  du  dépôt  quater- 

naire de  Uont-liDtre-Dame  (Aisne),  79. 

—  Ateliers  préhistoriques  de  taille  de  silex 

de  l'eneelnte  de  LIereonrt  et  d*Eron- 
delle  (Somme),  173. 

—  Instruments  variés   provenant  des    gise- 

ments  quaternaires   de    Hont-Notre- 
Dame*  Limé  et  Giry  (Aisne),  343. 
~  Habitation  construite  néolithique  sur  le 

territoire  de  Ncnvlllc- lés-Dieppe*  766. 
VIRÉ  (Armand).  —  Les  stations  et  les  ateliers  de  polissage  néoli- 
thiques de  la  vallée  du  Lunain  et  le  régime  des 
eaux  à  Tépoque  de  la  pierre  polle«  801. 
ZELLE  (L.-J.j,  —  Les  Orange-Koeboes,  25. 
—  Les  Maporais,  214. 


TABLE  DES  AUTEURS 


Acy  (d'),  129,  274,  276,  348,  352. 

Azoulay,  550. 

Beauregard  (Ollivier),   12,    17,  34, 

85,  86, 122,  142,183,  190,  419,  555, 

558. 
Beldiceno,  864. 

BéreQger-Féraud,305,310,312,  466. 
Beriillon,  120. 
Bessin  (F.),  U2,  452. 
Blanchard  (R.),  453. 
Bonnemère,  132,  273. 
Bosteaux-Paris,  573. 
Capitan,  83,  132,  138,  334,  343,  454, 

504,  505,  564. 
Cartier,  345. 

Charencey  (de),  85,145,  554. 
Chervin,  42,  229,  547. 
Chudzinski,  419. 
CoUin  (E.),  10, 22, 149, 274,  276, 352, 

422,  450.  457,  568,  671,699. 
Daleau  (François),  120. 
Dareste  (Camille),  730. 
Debierre  (Ch.),  16. 
Deniker,  279,  669,  686. 
Diamandy  (G.),  de  Jassy,  84,  183, 

294,  425. 
Duhousset  (colonel),  274,  688,  689, 

792. 
Dumont  (Arsène), 386,  483,  500,501, 

574. 
Du  Pasquier  (Ch.),  203,  520. 
Duval  (Mathias),  256,  801. 
Eschenauer,  35,  40,  283,  792. 
Fauvelle,  16,  20,  36,  40,    198,  222, 

277,  279,  317,  386,  640,  651,  681, 

688. 
Féré  (Ch.),  649. 
Hervé,  12,  36,  37,  40,  86, 114,  115, 

173,  202,  248,  250,  257,  279,  283, 

294,    419,  502,  542,  548,  549,  553, 

556,  557,  560,  639,  65i. 
Hovelacque,   1,  35,  200,  247,   317, 

419,  483. 
Julien  (Alexis),  257. 
Laborde,4,  113,  114,  664,  668,  687, 

688,  689,699,  706,  718. 
Lafay(G.),  759. 


Lagneau,  35,  39,  41,  115,  294,  835, 

513,   539,  542,  547,  556,  639,  698, 

718. 
Lajard,469,  517,550,651,675,680, 

682,  701. 
Le  Double  (A.),  151,  154;  173,  792. 
Legrain,85,  86,  110,  201,  202,  278, 

303,  304. 
Letourneau,  41,  145,  312,  466,  773, 

785. 
Magitot,  573,  686,  688. 
Manoudeau,  542. 
Manouvrier,  225.  248,  258,  419,  421, 

422,608,  686,687,  705,  721. 
Marcauo  (G.),  238. 
Martin  Durr,  535. 
Mason,  418. 

Mauricet  (de  Vannes),  312,  419. 
Ménard,  138. 
Mortillet  (Adrien  de),  11,  24, 84,  85, 

86,129,   131,  -142,  182,   185,202, 

S73,  339,  363,  457,  505,  516,  5G0, 

641,  675,  682. 
Mortillet  tGabrielde),12,  24,  83,  84, 

128,  129,  138,  145,  202,  275,  279, 

310,  316,  351,  356,  418,  419,  549, 

565,  641,  648,  674,679. 
Perrier  du  Carne,  655. 
Poussié,  562. 
Rabot,  144,  145,  363. 
Ramadier  (J.),  317. 
Raymond  (Paul),  279. 
Regnault(Félix),  503,  683,  694,  701, 

785. 
Rivière  (E.),  755. 
Rondeau  (R.J,  706. 
Royer  (M"»  Cl.),  114,  120,  249,  251, 

501,  544,  785,792,  801. 
Rubbcns  (Clément),  259,  657. 
Sanson,  115,  138,  190,250,274,278, 

283,  466,  501,  502,  513,514,  541, 

549,  556,  557,  667,  668,  685,  688, 

759,  792,801. 
Sénequier,  643. 
Sérieux  (Paul),  317. 
Testut  (L.),  757. 
Tilly  KinalT,  695. 


824  TABLE   DES  AUTEURS. 

Tremblelt,  131.  Verdier  (Frédéric),  531. 

Trumet  de  Fontarce,  467.  Verneau,  11,  182,  680. 

Variot,  111, 115,  834,  458,  556^  557,  Vinson,  86,  202,  254,  GS6. 

568,  652,  785.  Viré  (Armand),  801. 

Vauyilié  (0.),  79, 173, 183, 187,  835,  Zaborowski,  34,  35,  87,  138, 1 45. 

343,  356^  766.  Zelle  (L.  J.),  25,  214. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  ALPHABÉTIQUE 

des  niAtlèreB  ronteanes  dans  ce  volnme; 

Par  M.  DuREAU. 


Abeilles.  Langage  signalétique  des 
—,  668, 

Âca'éen.  Squelette  d'  —,  701. 

Adultère  chez  les  OraDgs-Koeboes, 
28. 

AoB  DE  LA  PIERRE  POLIE.  Régime  des 
eaux  à  Tépoque  de  V  —,  801. 

Age  du  bronze.  Études  sur  1'—  en 
Gironde,  723. 

Alignement  d'Epagny  (Aisne),  187. 

Allemagne.  Natalité  et  nuptialité 
en  — de  1878  à  1882,  368. 

Alsace-Lorraine.  Natalité  et  nup- 
tialité en—,  36S. 

Américains.  Les  nremiers  —  ve- 
naient de  Touestae  l'Europe,  247, 
251  ;  race  dolichocéphale  très 
ancienne,  248;  les  —  brachy- 
céphales  proviennent  de  l'Asie 
centrale,  248. 

Amérique.  A  vu  les  ancêtres  de 
riiomme,  251  ;  Tapparition  de 
l'homme  en  —  ne  peut  être  ad- 
mise, 250  ;  la  race  de  Canstadt 
s'est  étendue  d'Europe  en—  car 
les  terres  polaires,  249  ;  analogies 

{>rofondes  des  races  indigènes  de 
*  —  et  des  races  quaternaires 
européennes,  249. 

Ândresy  (Seine-et-Oise).  Sépultures 
mérovingiennes  d'  —,  276. 

Angletet^e.  Natalité,  nuptialité  et 
mortalité  en  —,  368. 

Anomalies  de  Torganisation,  733 
(voyez  Monstruosités)  ;  —  du 
muscle  couturier,  792  ;  —  ou  va- 
riétés, 801. 

i47i^icour/(Seine-et-Oise).Silex  néo- 
lithique de  —,  422. 

Anthropoïdes.  Recherches  sur  les' 
helminthes  des  —,  443. 

Anthropophagie  chez  les  Battas  et 
les  Aztèques,  29;  existe  parfois 


chez  les  peuplades  civilisées,  29j 
r  —  n'est  pas  primitive,  34. 
Ardèche.   Silex  préhistoriaues  des 

grottes  de  Y  —,  279;   dolmens 
e  r  —,  282. 
Armes  du  Haut-Congo,  10;  —  des 

Vaporais,  220. 
Art  des  Goths  en   Occident.  De 

rinfluence  de  F  —,  301. 
Asie.  Tombes  musulmanes  de  V  —, 

277. 
Ateliers  préhistoriques  de  taille 

du  silex  de  Tenceinte  de  Lier* 

court  et  d'Erondelle  (Somme), 

173;  —  quaternaire  de  taille  de 

grès  à  Presles*et-Boves  (Aisne), 

335. 
Autriche.   Natalité,    nuptialité    et 

mortalité  en  —,  368. 
Aveny  (Eure).  Silex  trouvés  à  —, 

422. 
Aztèques.  Anthropophagie  chez  les 

—,  29. 

Bankanais.  Type  et  nonrriture  des 

—,  216  ;  —  sont  les  habitants  les 

plus  paisibles  de  IaMaIaisie,220. 
Basque.  Étude  anthropométrique 

sur  le  peuple  —,  722. 
Bataks  -  Kuro  .     Renseignements 

ethnographiques  sur  les  —,  559. 
Datons  de  commandement  des  Os- 

tiaks  de  TObi,  368. 
Battas.  Sont  anthropophages,  29. 
Bec-de-lièvre  simple,  535. 
Bépuins.  Sur  les  —  et  la  religion 

béguine,  785. 
Belgique.  Natalité  et  nuptialité  en 

-,368. 
Berthenonville  (Eure).  Silex  trouvés 

à-,  422. 
Bijoux  trouvés  dans  la  sépulture 

de  la  reine  Aah-Hotep,  88. 


8i6 


TABLE   ANALYTIQUE  ET  ALPHABÉTIQUE 


Blancs,    Importance  politique  de 
rimion  des  nègres  et  des— ,  AÏS. 

Honnafont,  Sa  mort,  418. 

Boucheries  de  chair  humaine.  Lé- 
gende des — ,  553. 

Bouddha.  Office  religieux  bouddhi- 
que célébré  à  Parie,  189. 

Brahmanes.  Vie  des  — ,  194. 

Bretagne,  Monuments  mégalithi- 
ques de  — ,  131. 

Breton.  Délimitations  de  la  lan- 
gue bretonne  dans  le  Morbihan 
(1800-1 878),  313. 

Bronze.  Études  paléo-archéologi- 
ques sur  l'âge  du  —  en  Gironde, 
723. 

Bttcoutwe. Inscription  trouvée  à—, 
364. 

Burrero  (Venezuela).  Crânes  de  —, 
243. 

Camp  db  César  (Seine-Inférieure), 
767. 

Camp  de  Limbs  (Seine-Inférieure), 
767. 

GéRAiiiQUB  des  Cordillères  du  Ve- 
nezuela, 241. 

Cérémonies  funèbres  chez  les 
Orangs-Koebocs,  3î. 

Cemay-iès-Reims,  Sépulture  gau- 
loise de  — .  573. 

Cerveau.  Relations  du  poids  et  du 
Tolume  du  —  avec  la  capacité 
crânienne  chez  l'homme.  16  ; 
moulages  de  —  de  la  Société 
mutuelle  d'autopsie,  65t. 

Champignolles  ^Oise).  Silex  et  os- 
sements d'animaux  trouvés  à—, 
450. 

Chancêlade,  Recherches  anthropo* 
logiques  sur  le  squelette  quater- 
naire de  —,  724. 

Charbonnières  (  Saône  -  et  -  Loire) . 
Silex    robenhansiens  de  —,  765. 

Charte  de  l'Ile  d'Hœdic  (Morbi- 
han), 773. 

Chasse  chez  les  Ostiaks,  144;  — 
chez  les  Maporais,  219. 

Chassey,  Camp  de  —,  181. 

Chalelet  (Aisne).  Fouilles  de  —.187. 

Chelles.  Des  faux  instruments  de 
silex  de  —,  852. 

Chibchasi  Dolichoeéphalie  des  crA- 
nés  —,  246. 

Chienne.  Ilegurgitation  matemello 
chez  les  —,  120. 

Chitome.  Grand  fétiche  au  Congo, 
262. 

Cimetières  superposés  delà  plaine 
Saint-Manr,  23  ;  —  de  Linas 
(Seine-et-Oise),  657. 


Ciry  (Aisne).  Instruments  en  silex 

et  en  grès  de  —,  346. 
Clan  primitif  se  trouve  à  rorigine 
de  toutes  les  civilisations,  773. 

Cœur.  Dualité  primitive  do  — ,  749. 

CoMMBRCB  chezles  Orangs-Koeboes, 
29. 

Conférence  transformiste  (Neu- 
vième), 386. 

Congo,  Mode  de  ▼engeance  chez 
les  peuplades  de  l'est  du  haut—, 
11  ;  armes  du  haut  — ,  11  ;  révo- 
lution religieuse  au  — ,  259  ;  fé- 
tiches, 259. 

Congrès  anthropologique  de  Mos- 
cou, 642. 

Congrès  ARCHÉOLOGiQUF.  de  France, 
557. 

CoNGR&s  DB^  ORiBNTALtSTBS.  Ses- 
sion de  Londres,  558. 

Congrès  international  des  auâ- 
RiCANiSTBS.  Session  de  1892,  642. 

Consanguinité.  Effets  de  la  — ,  512, 
513,  514;  de  la  —  ches  les  juifs, 
556. 

Conseil  municipal  de  Paris.  Com- 
plément de  son  allocation  pour 
tes  dépensescollectives  de  l'école, 
do  laboratoire  et  de  la  Société 
d'anthropologie  h  rExposition 
universelle  de  1 889, 257. 

Contes  populaires.  Le  snroatarel 
dans  les  —,  448. 

Coppf^e9(Seine-et-Oise}.  Silex  néo- 
lithiques recueillis  à  —,  422. 

Costumes  suédois  dans  rantiqnîté, 
17. 

Coup  de  poing  en  silex  est  Fanc^- 
tre  des|instrum  en  ts^en  pierre,  1 29. 

Couteaux  de  sagripice  des  peu- 
plades de  Test  du  haut  Congo, 
11;  peuvent  être  des  armes  de 
jet,  il. 

Craniolooib.  Relations  de  la  capa- 
cité du  crâne  avec  le  poids  et  le 
volume  du  cerveau  chez  l'homme, 
16  ;  crAnes  i  de  la  plaine  Saint- 
Maur,  2<;  —  du  Morvan,  238; 
—  de  Mucuchies  et  de  Boirero 
(Venezuela),  242, 348  ;—  de  Peahl, 
de  Touconleurs  et  de  Mandin- 

Eues,  864;  —  du  cimetière  de 
inas.  près  Mootlhérj  (Seine-et- 
Oise),  668;  —  mérovingieu  de 
Thiré  (Vendée),  699;  —  de  fklù 
speUfa,  24  ;  —  fossile  de  bovidé, 
277. 
Croissance.  Reeberches  anthropo- 
métriques sur  la  —,  3*0,  îfti. 
Cuicas,  indiens  de  Borrero,  944, 
245. 


DES  MATIÈRES. 


837 


CuitLtRB  trouvée  en  Bessarabie j8  4; 
la  —  était  inconnue  des  Romains, 
84  ;  —  néolithique  en  terre  cuite 
provenant  de  la  grotte  Vermont, 
13t;  —à  manche  du  camp  de 
Chassey  et  des  habitations  la- 
custres, 131  ;  —trouvée  en  Chine, 
en  Amérique,  184  ;  —  romaine, 
carlovingienne  des  treizième  et 
dix-septième  siècles,  i8î  ;  — 
kabvle,  133, 136, 138  ;  —de  Tlnde, 
de  chine,  en  pointe  du  Japon, 
138, 136  ;  —  en  argent  du  moyen 
âge,  184;deCaranâa(Aisne),135; 

—  en  pointe,  de  Perse,  137;  — 
de  forme  arrondie,  en  Suisse, 
138  ;  —  emboîtées,  provenant  de 
Bassora  ou  de  Bombay,  190. 

cultb  des  fontaines,  809. 

Culte  du  phallus,  269. 

Curare.  Le  —  abolit  la  motilité, 

non  la  sensibilité,  718 
Curson  (Drôme).  Gisement  de  —, 

351. 
Cyclopie,  740, 

Dahoméens.  Photographies  de  — , 
647. 

Danemark.  Natalité  et  nuptialité 
en  —  de  1878  à  1882,  368. 

Danse  chei  les  Ostiaks,  148. 

Delehaye,  Décès  de  M.  —,  17; 
legs  de  M.  -,  254. 

Disque.  Des  divinités  hindoues,  142; 
—percé  en  pierre  de  l'époque  néo- 
litniaue,  188  ;  —  percS  en  pierre 
de  Saint-Gervais-lus-Trois-Glo  - 
chers  (Vienne),  138;  —  son  usage 
était  sans  doute  un  emblème  ou 
une  arme  de  Jet,  140, 142;  ou  uu 
bracelet,  140;  ou  un  instrument 
de  musique,  141  ;  —  de  la  Non- 
velle-Guinée,  des  Touaregs,  140  ; 

—  de  TAfrique   centrale,  141; 

—  racloir,  nouveau  type  d'ins- 
trument mouslérien.  564. 

Doigts.  Extrémités  digitales  surnu- 
méraires, 535. 

Dolmens  de  l'Ardèche,  282. 

Dons  à  TÉcole  d'anthropologie  et  à 
la  Société  d'anthropologie  (voyez 
ces  mots). 

DouanS'Blanc  (8eine-et-01se).  Silex 
de  —,  648. 

Dynamomètre  maxillaire,  649. 

Eaux.  Régime  des  —  à  Tépoque 
de  la  pierre  polie,  810. 

Ecole  d anthropologie.  Dons  : 
crflnee  recueillis  dans  les  ter- 
rains de  la   plaine  Saint-Maur, 


2i  :  cuillère  trouvée  ëtl  Bessa- 
rabie, 84  ;  crAnes  du  JMorvan, 
238;  poisson  empaillé  du  genre 
Chimère,  238  ;  complément  de 
Tallocation  du  Conseil  munici- 
pal de  Paris  pour  TExposition 
universelle,  257  ;  crâne  de  bo- 
vidé, 277  ;  fœtus  humain  recou- 
vert galvaniquement  d'une  cou* 
che  de  cuivre,  304  ;  fémur  humain 
trouvé  dans  l'Oise,  503  ;  fétiches 
d'Angola^  554  ;  moulages  de  silex, 
565  :  objets  préhistoriques  du 
Mysore  (Inde),  650.  —  Cfours  de 
r— ,  557. 

Ecosse,  Natalité  et  nuptialité  en  — 
de  1878  à  1882,  868. 

Egypte,  Culte  du  dieu  Set  proscrit 
en  —  au  temps  de  la  conquête 
persane,  88  ;  justice  et  tribunaux 
dans  l'ancienne  —,  86. 

Embryon.  Constitution  de  T— ,  736. 

Enceinte  druidique  de  Stonehenge, 
558. 

Envies.  Origine  des  préjugés  popu- 
laires sur  les  —,  458. 

Ëpagny  (Aisne).  Alignement  d'  —, 

187. 

Brondelle,  Ateliers  préhistoriques 
d'  —,  173  ;  habitation  néolithique 
d'  — ,  178;  instruments  en  silex 
d' — ,  175;  instruments  en  os 
d'  —,  176  ;  poteries  d'  —,  176. 

Espagne,  Natalité  etnuptialité  en  — 
de  1865  à  1870,368. 

Espèce.  Fixité  de  V  —,  203  ;  est  le 
résultat  des  deux  facteurs  de 
révolution,  la  variabilité  et  la  loi 
de  l'hérédité  fixe,  203;  modes 
d'apparition  des  nouvelles  —, 
204  ;  les  —  sont  fixes,  211  ;  des—, 
732. 

Esquimaux.  Disparition  des— ,427. 

Eterpigny,  Hache  de  l'époque  néo- 
lithique trouvée  à  —,  2oi. 

Burop9,  Accroissement  de  la  popu- 
lation dans  les  divers  Etats  de 
r  — ,  36;  natalité,  nuptialité  et 
mortalité  des  divers  pays  de  1*—, 
368. 

Évolution.  Le»  facteurs  de  l'  — , 
203  :  interprétation  de  1*  — ,218  ; 
de  r—  du  germe  fécondé,  784  ; 
—  normale  et  anormale  des  pou- 
lets, 735. 

Bvretix.  Sur  la  taille  dans  Tarron- 
dissement  d'— ,  729. 

EXENCiPHALIES,  744. 

Exercices  physiques.  Des  —,  726. 
ExoGAMiE.  Bons  résultats  de  T— 
aux  Indes,  514. 


8^8 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  ALPHABÉTIQUE 


Exposition  des  collections  rappor- 
tées de  Madagascar  par  le  doc- 
teur C.  Catat^214. 

Frlis  sPBLiEA.  Cr&ne  de  —,  24. 

Fétiches  au  Congo,  259;  attribu- 
tions des  divers  —,  263;  consé- 
cration d'un  —,265;  cornes—, 
271;  leur  signiQcation,  271,  274. 

Flèches  empoisonnées  du  Sarro 
(haut  Niger),  706;  — usitées  chez 
les  Celtes  et  les  Francs,  718. 

FlinS'leS' Mur  eaux  (Seine-et-Oise). 
Silex  et  ossements  fossiles  de—, 
655. 

Fort'Mardick  (Nord).  Répartition 
en  usufruit  des  hiens  commu- 
naux il  —,  371. 

Fouesnant  (Finistère).  Cession  à 
titre  temporaire  de  landes  in- 
cultes en  usage  à  —,  372. 

Fourmis.  Langage  signalétique 
chez  les  —,  664. 

Français.  Délimitation  de  lalangue 
française  dans  le  Morbihan  (1800- 
4878),  312. 

France.  Faible  accroissement  de  la 
population  en  —,  12;  n'est  pas 
dû  à  rÉglise  catholique,  qui  pres- 
crit la  plus  grande  propagation 
de  l'espèce  humaine,  17;  non- 
restriction  dans  les  mariages,  36; 
influence  de  la  religion  sur  Taug- 
mentation  de  la  population,  39; 
influence  du  célibat  religieux, 
39;  influence  du  partage  des 
biens,  41  ;  mortalité  dans  les  hô- 
pitaux d'enfants  à  Paris,  1 1 1  ; 
mortalité  infantile  plus  faible 
en  —  que  dans  les  autres  pays, 
114;  influence  de  Thygiène  et  de 
l'assistance  publique  sur  l'ac- 
croissement de  la  population 
en  —,  77,  441  ;  sur  la  natalité 
en  — ,  144  ;  le  ralentissement  de 
l'accroissement  a  pour  cause  la 
diminution  volontaire  de  la  na- 
talité, 222,  229,  286,  385;  impor- 
tance de  l'éducation  pour  le  dé- 
veloppement physique,  224, 227  ; 
la  question  de  la  natalité  est 
d'ordre  purement  physiologique, 
229  ;  valeur  réelle  de  la  recherche 
de  la  paternité  sur  le  nombre 
des  naissances,  230, 296;  opinion 
contraire,  373  :  impuissance  des 
réformes  fiscales,  231  ;  influence 
des  mesures  restrictives,  283;  di- 
minution du  coefficient  d'accrois- 
sement de  la  population  depuis 
le  commencement  du  siècle,  284; 


nécessité  de  rendre  libre  la  dis- 
position des  biens,  289, 300,  372  ; 
influence  de  l'instruction  gratuite 
à  tous  les  degrés,  293,  299,  441; 
influence  de  ralcooUsme,  295; 
de  la  mortalité  infantile,  295  ;  de 
la  durée  du  service  militaire, 
296;  modification  de  la  loi  des 
successions,  293,  300  ;  natalité, 
nuptialité  et  mortalité  de  la  —, 
868  ;  valeur  des  idées  religieuses, 
374  ;  influence  de  la  suppression 
des  couvents,  376;  la  stérilité, 
l'abus  du  tabac,  l'alcoolisme  ne 
sont  pas  les  causes  de  la  faible 
natalité  de  la  —,  378  ;  les  mala- 
dies nonpius,  879;  une  meilleure 
distribution  des  impôts  est  le 
meilleur  moyen  d'augmenter  l'ac- 
croissement de  la  population, 
384  ;  du  rôle  de  Téconomie  so- 
ciale dans  la  question  de  la  dé- 
population de  la  —,  425;  l'aug- 
mentation des  biens  communaux, 
la  réforme  des  impôts,  la  régle- 
mentation du  travail,  régalité 
des  sexes,  la  suppression  des  ar- 
mées, 441  ;  le  mobile  de  la  dimi- 
nution de  la  natalité  en  —  est 
Tamour  de  la  propriété,  501;  pro- 

Sortion  des  enfants  par  famille 
ans  le  Lot-et-Garonne,  42;  po- 
pulation juive  en  —,  547  ;  popu- 
lation de  Lot-et-Garonne,  dé- 
mographie, 598;  population  de 
Lillebonne,  démog[raphie,  574. 
Fi/^^i>7t«.  Ethnographie  aes— ,  669. 

Galibis.  Procédés  de  fabrication  de 

la  poterie  par  les  femmes^  681. 
Ghataks  ou   marieurs^  profession 

rétribuée  aux  Indes,  507. 
Gironde.  Etudes  paléo-archéologi- 
ques sur  l'âge  du  bronze  en  — 

723. 
Goths.  De  l'influence  de  Tart  des  — 

en  Occident.  301. 
Grossesse.  Influence  de  rimagina- 

tion  de  la  mère  pendant  la  —, 

458. 
Grottes  de  Vermont,  131  ;  —  de 

la    zone    des  Cordillères,   241; 

—  du  Burrero,  243;  —  de  TAr- 

dèche,  279. 
Guanches.  Usage  du  langage  sifflé 

chez  les  —,  480. 
Guarcmis  appelés  séfnHes   améri" 

cains,  249. 

Habitations.  Influence  de  Texiguité 
des  logements  sur  la  mortalité 


nies  MATIblMES. 


829 


inlaiilil.',  114.  Ils.  i:>0;  —  néoli- 
lliique  d'Eronfiello,  17H: — cou- 
:5trnit»^  néolithique  de  Neuvillc- 
lcs-l)ieppe,  767  ;  — des  Maponiis, 
"ilO;  --  des  Or.infçs-Koeboei?,  20. 

IlK[.MiNTur.s  desauthropoid*«s.  44:i. 

ilKiŒDiTK  fixe  est  un  dos  facteurs 
de  révolution,  iO.'i  ;  inllnencede 

licrrftios  se  servent  «lu  lan;^<i{4«* 
H  nié.  'i71. 

Hindous,  Du  rôle  du  pied  eomnic 
organe  préhensile  chez  les  — , 
683;  —  sont  monogames,  sauf 
en  cas  «le  stérilité  de  la  feniuu?. 
511. 

Hindoustan.  Vêtement  des  petites 
tilh's  (Ih  r  —  jusiiu'u  huit  ans, 
86. 

Homme.  Relation  du  volume  et  du 
poids  du  cerveau  avec  la  capacité 
iranienne,  10;  l'apparition  de 
r—  en  Amérique  ne  peut  être 
admise,  250  :  les  ancêtres  de  l'- 
ont vécu  en  Amérique,  251. 

Hongrie.  Natalité  nt  nuptialité  en  — 
dé  1878  à  188:*,  368. 

HÔPITAUX.  Mortalité  dans  l»*rf  - 
des  «'ufanls  de  Paris.lll. 

Hygiknk.  Influence  de  1'--,  7i6. 

Hypnotisme.  De  ia  suggestion  hy|)- 
notique,  258. 

Idoles   trouvées   «lans  l»'s   grottes 

des  Cordillères,  tM. 

Ile  d'Hœdic  (Morbihan  i.  Charte  de 
I' ^  773^ 

lie  Ténéri/J'e.  Poteries  de  V  —,  6.S-2. 

//e-?  Canaries.  Langage  sifflé  aux  —, 
/|69;  procédés  primitifs  de  fabri- 
cation de  la  pot«'rie  aux  — ,  675. 

Iles-les-ViUcno'/  (Seine-et-Marne). 
Silex  d' — ,  673. 

iLLKGiTiMiTi':.  luflutîncc  de  P—  sur 
la  mortalité,  lUJ. 

Imagination.  lnflu«ince  dtî  V  —  de 
la  mère  pendant  la  grossesse, 
458. 

Immersion  de  la  statue  d'un  saint 
eu  Provence,  305,  et  dans  leConi- 
tat,  311,  peut  être  une  cérémonie 
analogue  au  l)aptême,  H 12. 

Inca.  Tète  momifiée  d'un  — ,  457. 

fndfi.  Relation*  <ie  1'—  avec  TOcci- 
dent  sont  bien  antérieures  an 
troisième  siècle  de  notre  ère,  190  ; 
mariage  aux  — ,  505;  Ghataks  on 
marieurs,  507;  système  des  cas- 
tes, 505  ;  connaissance  des  mœurs 
de  r  -  en  Occident  a  vaut  l'ère 
chrétienne,  554. 

T.   H  (4"  sêhik). 


Iniucks  crAniens  et  faciaux.  Sur  la 
deuxième  décimale  dans  les  — , 
550. 

Inschu'tion  trouvée  à  Dragaesti 
(nucovine\  36'.. 

lNSTuuMnNT.s  dc  l'époque  chcl- 
léenne,,79.  83:  —  en  silex  trou- 
vés  à  Krondelle  (Somme),  175; 

—  en  os,  176;  —  magdalénien  en 
os  terminé  par  un  crochet,  arme 
<Ie  jet,  185;—  néolithi(|ues  de 
.Montières.  près  Amiens.  274. 

Irlande,  Natalité  et  nuptialité  en  — 
de  1878  à  1882,  368. 

Italie,  Natalité,  nuptialité  et  mor- 
talité en  —,  368. 

Jatiline.^  (Seine-et-Marne),  699. 

Jtiifs.  Sur  la  race  juive  et  sa  patho- 
logie, 539  ;  des  types  —,  542;  il 
n'y  a  pas  de  race  juive  pure,  545; 
qualités  des  —,  547;  population 
des  —  en  France,  547;  consan- 
guinité chez  les  —,  556. 

Justice.  La  —  dans  l'ancienne 
Egypte,  86. 

Khétas.  Le  dieu  Setchez  les  -,  123. 
KopERNiCKi.  Sa  mort,  531. 

Langage.  Un  point  de  la  physiolo- 
gie du  —,  520  ;  l'enseignement 
du—,  523;  part  de  la  volonté 
sur  la  mémoire  des  mots,  .527; 
le  —  sifflé  aux  lies  Canaries,  469  ; 
est  de  l'espagnol  sifflé,  479:  -• 
des  Guanches,  480;  du  —sifflé  a 
Paris,  517;  —  desMaporais,221  ; 

—  des  Orangs-Koeboes,   26,  33  ; 
-  signalétique  chez  les  fourmis, 

664  ;  —  des  abeilles,  668. 

La  Roche  au  Diable.  Polissoir  près 
Nemours  (Seine-et-Marne),  805. 

Le  Bac  (Yonne).  Amas  de  silex 
du—,  802. 

Leigné-les-Bois  [\icuini) .  Uïsqne  ra- 
cioir  de  —,  56î;  âge  des  couches 
mesvinienues  de  — ,  640. 

LèPRR  chez  certains  juifs,  539  ;  — 
est  une  afl'ection  parasitaire,  54  ! . 

Lesches  , Seine-et-Marne^.  Silex  des 
époques  chelléenne  et  mousté- 
rienne,  671. 

Les  Pierri^res  (Sein e-et- .Marne).  Si- 
lex des  —,  802. 

Les  Varennes  (Saùne-et-Loire).  Si- 
lex robenhausieus  des  --,  763. 

Licourt.  Silex  taillés  de  —,  202. 

Liercourt,  Ateliers  préhistoriques 
de  —,  173. 

Lillebonne 'Seiae-Inférieurc'.  Nuta- 

53 


830 


TABLE   ANALYTIQUE   ET   ALPHABÉTIOt'K 


lité  de  —,  574 ;  population  de  —, 
579, 582  ;  sou  origine,  5«0  ;  mœurs, 
590;  habitations,  591  ;  ignorance, 
596;  honnêteté,  598;  démo- 
ffraphie  de  —,  598  ;  accroisse- 
ment  de  la  natalité.  604,  622; 
nuptialité  élevée,  607  ;  mortalité, 
609;  fécondité,  616,  633  ;  morbi- 
dité, 610. 

Limé  {Âièue),  luslrumeuts  ou  gns 
et  en  silex  de  —,  345. 

Linas,  près  Montlhéry  (Seine-et- 
Oise).  Cimetière  de  —,  657. 

Linguistique.  Statistique  de  la  dé- 
limitation de  la  langue  française 
et  de  la  langue  bretonne  dans  le 
département  du  Morbihan  (IHOO- 
1878),  3J2;  langage  sifflé  au.\  iles 
Canaries,  469;  a  Paris,  517;  ma- 
nuel de  conversation  en  trente 
langues,  56!  ;  langue  des  Mapo- 
raiSyiil  ;  —  des  Orangs-Koeboes, 
26,  83;  —  desOstiaks,  144. 

Liturgie  romaine  et  liturgie  boud- 
dhique, 190. 

Lot-et-Garonne  (France).  Natalitt'* 
dans  le  département  de  —,  42; 
les  parties  les  plus  riches  du  — 
ont  moins  d'eniauts  que  les  par- 
ties pauvres,  74. 

Lunain,  Stations  et  ateliers  de  po- 
lissage de  la  vallée  du  —,  801. 

Mains.  Doigts  des  —  des  pianistes, 
688;  —  des  enfants,  088,  692. 

Malformations  congénitales  mul- 
tiples et  non  héréditaires,  535  ; 
extrémités  digitales  surnumé- 
raires, 535  ;  bec-de-lièvre  simple, 
537;  —  du  pavillon  de  l'oreille, 
568  ;  —  de  la  poitrine  (thorax  en 
entonnoir),  818. 

Mamelle  surnuméraire  crurale 
chez  une  femme  do  Bordeaux, 
757. 

Mapor{i\e  de  Banka),  215. 

Maporais  seraient  les  descendants 
de  réqui{)age  d'une  jonque  co- 
chinchinoise,2i5;  type  des— ,216; 
nourriture  des— ,216;  sont  peu 
sensibles  à  la  douleur  physique, 
216;  ont  le  sens  olfactif  peu  dé- 
veloppé, 217  ;  vêtements,  ne  con- 
naissent pas  la  danse,  aiment 
leurs  enfants,  ont  le  respect  des 
vieillards,  ne  paraissent  pns 
avoir  de  culte  religieux,  ont  une 
certaine  idée  d'un  génie  bien- 
faisant ou  malfaisant,  217;  les^ 
n'ont  qu'une  femme,  et  procè- 
dent par  l'enlèvement,  218;  ils 


mangent  du  porc  et  sont  poor 
cela  méprisés;  ils  ue  connaissent 
que  la  chasse,  la  pèche  et  la  cul- 
ture des  ladaugs  (rizières  nou 
irrigables',  219;  armes  des  — , 
220;  habitations, meubles  des—, 
220;  langue  numérotée  des  —, 
221. 

Mariage  aux  Indes,  505;  —  f>ar 
achat  chez  les  Ostiaks.  145:  — 
chez  les  Orangs-Koeboes,   30. 

Maternitâs-ouvroirs  (Des).  117. 

xMbnuir  de  Doingt,  SOI,  301. 

MésATicéPRALiE  ne  constitue  pas 
une  race  spéciale,  mais  le  mé- 
lange de  deux  types,  210. 

Miubux.  Influence  des  —,  205; 
uniformité  des  —,  î07. 

Mirabeau.  Masque  de  — ,  756. 

Mœurs.  Connaissance  des  —  de 
rinde  en  Occident  avant  l'ère 
chrétienne^  554;  —  des  Orangs- 
Koeboes,  35;  <-*  des  Maporais,  215. 

Monogamie  chez  les  Hindous,  511; 
sauf  en  cas  de  stérilité  de  la 
femme,  511. 

Mons.  Disques  de  la  plaine  de  », 
560. 

Monstruosités.  Production  artifi- 
cielle des  —,  741  ;  sont  des  dé- 
viations du  type  spécifique,  738; 
procédés  pour  produire  les  --, 
735. 

Montières  (Somme).  Instruments 
néolithiques  de  — ,  275. 

Mont' Notre- Dame  (Aisne).  Dépôt 
quaternaire  de  —,  79;  instru- 
ments en  pierre  de  l'époque  cîiol- 
léenne,  79,  83;  instruments  en 
grès  et  en  silex  de  — ,  344. 

Mont-Roly  (Eure).  Disques  racloirs 
trouvés  à  —,  564. 

Montreuil-suv-Epte  (Seine-et-Oise,. 
Silex  néolithiques  recueillis  à—, 
422  ;  silex  de  — .  649. 

Monuments  néolithiques  de  Bre- 
tagne. Dessins  de  — ,  131  ;  — mé- 
galithiques :  circulaire  du  minis- 
tre des  travaux  publics,  pour 
empêcher  leur  destruction,  41s: 
—  mégalithique  de  Stoneh»nige, 
558. 

•Mortalité  des  plus  grands  pays 
de  l'Europe,  368;  —  des  popu- 
lations ouvrières  d»*8  fabriques 
supérieure  à  celle  des  ouvriers 
travaillant  à  douiicile,  <î,i'J. 
Mo^Tan.  CrAnes  du  -  ,  23». 
Mucuchies.  Crâne  trouvé  à  — ,  241  ; 
Indiens  précolombiens.  244,24.5; 
•lolicliocéphalie  des  crÀnes,  24t;.' 


DES   MATIKRES. 


831 


Muscles  présternaux,  130;  —  épi- 
trochléo  "cpAuien,  134;  existe  chez 
lin  grand  nombre  d'animaux, 
104;  unomoiics  du  —  couturi<'r 
ou  variétés,  79i.  sOl;  anatomie 
comparée  du  —  couturier,  797. 

Mysore  (Inde).  Objets  préhistori- 
ques du—,  650. 

Natalité  des  divers  pays  de  l'Eu- 
rope, 3t)8. 

Néchologie.  mm.  Delehaye,  17;  Bon- 
nafout,  418;  Kopcruicki,  SlU. 

Nègres.  Impoitance  politique  de 
l'union  des  —  et  des  blaucs,  418. 

NeuvilMeS'Dieppe.  Habitation  con- 
struito  néolithique  de  —,  706. 

Sorvèf/e.   Natalité  et  nuptialité  eu 

—  lie  t87.S  à  188i,  368. 
Nubilité.  Fête  en    usage  chez  les 

Hindous,  511. 
Nuptialité   des    divers    pays    «le 
l'Europe,  3Ȕ8. 

Ompiialockphalks,  748. 

Orangs-Gougous,  i3;  langue,  sys- 
tème pileux  «les  —,  26. 

Orangs-Koehaes  ou  Orangs-Koubous 
25  ;  langue  des  —,  26,  33  :  outils 
en  pierre  des  — ,  27;  armes  eu 
fer  des  — ,  27,  31  ;  commerce,  par 
échanjçe,  usité  chez  les  — ,  28; 
type  des  — ,  28  ;  habitations  de?» 
—,  29;  vêtements,  nourriture, 
mariaîje  des—,  30,  31;  adultère, 
éducation  d»'s  enfants,  idées  re- 
ligieuses, 31  :  cérémonies  funè- 
bres, 32;  maladies.  32,  33  ;  leur 
origine,  33  ;  taille  des  —,  28,  35. 

Oreille.  .Malformations  du  pavil- 
lon de  r— ,  508,  372. 

Orgemont  (Butte d*)(Seine-et-Oise), 
149;  ossemfnt-»  quaternaires  de 
la   -,  149. 

Ossements  quaternaires  delà  butte 
d  Orgemont  (Seiue-et-Oise],  149; 

—  d«^  l'époque  mérovingienne, 
des  sépultures  d'Andresy  (Seine- 
et-Oise,  276;  —  fossiles*  trouvés 
à  Flins-les-Mureaux,  633;  —  hu- 
mains trouvés  à  Saint-Quay,  près 
Portroux    ^CAtes-du-Nord),  695. 

O^^ioA-^ (Sibérie).  Disparition  des — , 
427  ;  —  de  l'Obi,  bAtoiis  de  com- 
mandement des  —,  363;  —  de 
rOural  et  de  l'Obi,  144;  langue 
différente  des —,  144;  propriété, 
chasse,  pèche,  mariage  par  achat 
chez  l«'s  —,  14  4;  danse  des  — , 
145;  tombes  des  —,  143;  atte- 
lage d»*s  rennes,  1 45. 


Papier.   Spécimen  de  —  indieD, 

86. 

Paris.  Mortalité  dans  les  hôpitaux 
«renfauts  à  -  >  11 1  ;  langage  sifflé 
à  —,  517. 

Patines.  Utilité  de  l'étude  des  —, 
353,  359. 

Pays-Bas.  Natalité  et  nuptialité 
(ians  les  —,  368. 

Pi-'iCHE.  De  la  —  chez  les  Ostiaks, 
143;  —  chi'z  les  .Maporais,  J19. 

Pied.  Rôle  du  ^  comme  organe 
préhensiii>  chez  les  Hindous  et  les 
Européens,  683,  689*  disposi- 
tion anatomiqne  spéciale  au—, 
684;  souplesse  du  —  chez  les  en- 
fants, 68G,  688  ;  orteil  écarté  du 
—  chez  les  Singhalais,  Chinois, 
Annamites  et  antres^  686.  691  ; 
le  -  des  hommes  civilisés  est 
déformé  par  la  chaussure  :  moyen 
d'éviter  ces  inconvénients,  687; 
orteil  du  —  des  singes,  688. 

Pierre  de  Gargantua,  201.  (V. 
.Menhir  de  Doingt. 

Poison  de  flèches  empoisonnées  en 
usage  au  Sarro (haut  Niger),  706; 
est  un  extrait  de  strophantus  on 
de  plante  de  cette  espèce,  716; 
détermination  du  —  des  flèches 
du  Sarro  (haut  Niger),  706. 

Poitrine.  Malformation  de  la  — 
(thorax  en  entonnoir),  318;  n'est 
pas  due  au  rachitisme,  328  ;  opi* 
nion  contraire,  334  :  déformation 
de  la  — chez  les  tailleurs  d'habits 
et  les  cordonniers,  329. 

Pôles.  Déplacement  cycliqae  des 
—,  252. 

PoLissoiRS  néolithiques  de  la  vallée 
du  Lu  nain.  805. 

Pommiers  (Aisne).  Fouilles  de  ~ 
187  ;  renferme  bien  renceinte  de 
Noviodusiuiu,  187. 

PontUvoy  (Loir-et-Cher).  Mélange 
de  silex  de  formes  différentes,  est 
un  mélange  accidentel,  851. 

Population.  Accroissement  de  la  — 
dans  les  divers  pays  de  l'Europe, 
36. 

Poterie.  Procédés  primitifs  de  fa- 
brication de  la  —  aux  lies  Cana- 
ries, 675;  cette  fabrication  est 
fait<^  par  les  femmes.  677;  pro- 
cédés des  femmes  galinis,  681  ;  ~ 
i\v  l'Ile  Ténériffe,  682  ;  —  trouvées 
à  Erondelle  'Somme),  176  ;  — 
gauloises  de  Saint-Thomas  (Ais- 
ne), 177. 

Poulets.  Conditions  de  l'évolution 
anormale  des  —,  785. 


8ai 


TABLE   AXALYTIOITE  ET    ALTHABETIôirE 


pRKJUOés  POPULAIRES.    Urigio»--  d»r=> 

—  ?iir  le»  eu  vif:?',  i5*. 

p  r  en  Ui-el' Bores  Aisne.  Atelier  qua- 
ternaire de  taille  de  grès  à—,  3^5. 

Priiue,  Natalité,  nuptialité  et  mor- 
talité en  —,  36«. 

Puits  préhistorique?  d'extraction 
du  silex  à  ChampignoUes  (Oise), 
450,  452. 

Quiévy,  près  Solesme?  ;Nord  ,  15K. 

Race<.  Ne  ?ont  que  des  produit.-: 
arlificieU,  iud:  ne  sont  pas  des 
eftpéces  en  voie  de  formation,  211. 

RÉGuiiGiTATioN  maternelle  chez  les 
chiennes,  120. 

Religion.  Idées  religieuses  des 
Orangs-Koeboes,  i\  ;  la  —  catho- 
lique prêche  la  non-restriction 
de»  enfants,  36  ;  office  religieux 
bouddhique  célébré  à  Paris,  183; 
évolution  religieuse  au  Congo, 
259:  la  —  béguine,  785. 

Bomains.  Ne  connaissaient  ni  la 
cuillère  ni  la  fourchette,  mais  le 
couteau  avec  un  godet,  84. 

Hu^tie.  Natalité  et  nuptialité  en  — 
de  i867  à  1878,  368. 

Sacrifices  humains.  Trace  de  —  à 
une  époque  relativement  peu  an- 
cienne eu  Suède,  17. 

Sacrum  d'un  décapité,  419. 

Saint  '  Aithin  -  Jouxte  -  Boul/enf/ 
(Seine-Inférieure),  station  préhis- 
torique de  —,  303. 

Saint  (J  lui  y  prés  PorLrieux  (Côles- 
du-Nord;.  Silex  et  ossements 
humains  trouvés  à  -  ,  695. 

Saint-Cliristojihe  (Vienne).  Disque 
en  pierre  de  —,  138. 

Saint-Dizier  (Drômej.  Ville  bâtie 
sur  une  nécropole  de  l'époque 
larnaudienue.  532. 

Saint  -  Go'vais-les  -  Trois  -  Clochers 
^Vienne). 'Uisnue  eu  pierre  de  l'é- 
poque néolitliique  trouvé  à  —, 
J38. 

Saint-Maur.  Cimetières  superposés 
de  la  plaine  --,  23. 

Snint-T/iomas  fAisne).  Fouilles  de 
—,  187;  poteries  gauloises  de  — , 
177. 

Saint  -  Vallirr  (A  Ipes  -  Maritimes) . 
Histoire  de  —,  i)43. 

Saiifs-de-ltéarn.  Silex  de  —,  651. 

Sahcopiiagks  de  Linas,  prés  Mont- 
lliéry  fSeiiie-ei-f)ise),  (;:i7. 

Sarro  (liant  Nig«M).  Flèches  emj)oi- 
ï^onnées  du  —,  707. 


chelléen  d-?  — ,  759. 
Sépulture  de  la  rein^e^  A4b-H«:*(rp. 
inventaire    des    bijo**x    îî»aTr* 
dans    la    ^ ,  %<  :  —    -l'AiiirrfT 

Seine-et-Oi*^'.  ?T6  :  —  pïmi^^ae* 
de  ia  Tunisie,  4»>7;  —  exiiioist 
de  Cemay-lès-Reints,  57*. 

Set.  Image  du  dirra  —  niû-iifirr-. 
85  ;  le  cultf  de  —  proscrit  rn 
Egypte  an  temps  de  la  oon-^aêl? 
persan»*,  85  ;  —  t-st  1  txpress.oo 
du  mal.  tii:  ciilt*»  de  —  dans 
l'ancieune  Egypte,  122,  lîT  ;  — 
mauvais  diabl»;  en  Egypte  devenu 
bouchez  les  K hélas.  tÎ3  :  le  mvthe 
de  —  relève  de  la  lé^zeuiJe  à'^Hï- 
ris,  127. 

Silex  taillé  de  Quiévy,  prés  Soit-s- 
mes  (Nord,,  liS:  —  s^  tenaient 
à  la  main.  d'antr<:s.  non  li9; 
ateliers  de  taille  de  —  de  IVn- 
ceinte  deLiercourl  et  d'Erondelle 
(Somme},  173  ;  —  taillés  de  Li- 
court.  de  Villers-Carboonel  et 
d'Eterpiçny,  20i  ;  —  préhisto- 
riques des  grottes  de  FArdè- 
che,  2T9  ;  —  de  Saint-Aubin- 
Jouxle-Boulleng  (Seine-Inférieu- 
re), 303  ;  —  des  gisements  qua- 
ternaires de  Mont-Notre-Dame, 
Limé  et  Ciry  (Aisne'. 3 43;  —  trou- 
vés dans  les  dépôts  chelléens.  ne 
sont  que  des  exceptions,  358  ;  — 
retaillés  d'un  seul  côté,  sont  de 
simples  déchets  de  fabrication, 
355  ;  les  formes  des  instruments 
eu  —  se  trouvent  associés  à  tous 
les  niveaux  et  ne  peuvent  dis- 
tinguer des  époques  et  opinion 
contraire,  357.  36i  ;  les  —  de 
l'époque  néolithique  recueillis  à 
Berlbenouville  et  Aveny  {Eure;, 
et    dans    diverses     localités    de 


Seine-et-Oise,   4ii 


trouvés 


dans  la  sépulture  gîiuloise  de 
Cernay-lès-Reims.  573  ;  —  trou- 
vés à  'Champignolles(Oise},  450  ; 

—  néolithiques  de  Seine-et-Oise, 
048  ;  —  du  Mysore    (Inde).  650  ; 

—  de  Salies-de-Béarn,  651  ;  — 
trouvés  à  Flius-les-Mureaux,  655; 

—  de  Lesches  (Seine-et-Marne), 
671  ;  —  d'Iles-lès-Villenoy  (Seine- 
et-Marne),  67£;—  trouvés  à  Saiut- 
Quay  près  Portrieux  (Cùtes-du- 
Nord),  695;  —  deCoupray  (Seine- 
et-Marne),  699  ;  —  de  la  Séué- 
tière  en  Maçonnais.  759  ;  —  nious- 
tériens  du  bois  de  la  lloche  a 
Verchizeuil,  763  ;    -   robenUau- 


DES   MATIKRES. 


833 


siens  des  Varonnos,  7t;3  ;  -  do 
Charbonuièrey,  7t»5;  —  du  Bac 
(Yonne),  80i;  —  des  Pic^rrières 
(Seine-et-Marne),  Soi;—  trouvés 
à  Neuville-lès-Dieppe,  771  ;  sur 
les  retouches  d'un  —,  504. 

SiN<îES.  Pied  des  —,  (iSs. 

Sioux.  Disparition  des  — ,  427. 

SOCIÊTK  d'anthropologie  DE  PaIUS. 

statuts,  1  ;  règlement,  v  ;  règle- 
ment du  prix  (jrodard,  xv  ;  rapport 
sur  le  concours  du  prix  Godard, 
721  ;  règlr-ment  du  prix  Broca, 
XVI ;  règlement  du  prix  Bertdlon, 
XVII  ;  liste  générale  des  prési- 
dents de  la  — ,  xviii  ;  secrétiire 
général  de  1851)  à  ISSU,  Bureau 
de  1891,  xviii  ;  comité  central, 
anciens  présidents  membres  du 
comité,  commission  de  publica- 
tion, comité  contentieux,  xix  ; 
liste  des  membres  de  la  —  ;  mem- 
bres honoraires,  membres  titu- 
laires, XX  ;  membres  titulaires 
résidants  à  l'étranger  et  dans  les 
départements  autres  que  ceux 
de  Seine  et  Seiue-et-Oise,  xxxi  ; 
membres  associés  étrangers  , 
XXXVI  ;  correspondants  nationaux 
xxxix  ;  correspondants  étraii- 
{lers,  xLi  ;  Sociétés  savantes  avec 
lesipielles  la  —  échange  directe- 
ment ses  publications,  xlvi  ; 
échange  par  l'intermédiaire  du 
ministère  de  l'instruction  publi- 
que, xLviii  ;  installation  du  bu- 
reau de  1891,  1  ;  élections  de 
M.M.  (iiirnier,  10  ;  A.  Ponchon, 
79  :  Charles  du  Pasquier,  149  ; 
K.  Roux,  BérengerFérnud,  385  ; 
Carlier,  425  ;  Schleicher,  4C9  ; 
Mme  Eugène  Véron,  M.M.  Novi- 
kotr,  Albert  Endes,  75  (membres 
titulaires);  de  MM.  Ramadier  et 
Sérieux  ,  385  (correspondants 
nationaux]  ;  de  MM.  S.  Tremlett, 
Léo  Stanton-Rowe,  1 49  ;  (J.  Bus- 
chan,  503  (corresjKmdants étran- 
gers).Neuvième  conférence  trans- 
formiste, 3Sfî  ;  huitième  confé- 
rence Broca,  730  ;  élection  du 
bureau  de  lS9i  et  de  la  commis- 
sion de  publication,  697  ;  rapport 
sur  les  finances  de  la — ,20;  com- 
mission des  finances,  25;  rapport 
de  la  commission,  142;  commis- 
sion des  échanges.  17  ;  commis- 
sion des  collections,  des  archives 
et  de  la  bibliothèque,  25;  rapport 
de  la  commission  de  l'inventaire, 
198;  legs  fait  à  la  — ,parM.  Dele- 


haye,  254  ;  complément  de  l'allo- 
cation du  conseil  uninicipal  de 
Paris  pour  TExposition  univer- 
selle de  1889,  257.  Dons  :  objet» 
provenant  du  Vjaiezuela,  238  ; 
ossements  des  sépultures  d'An- 
dresy,  270  ;  six  crdnes,  de  Maure, 
de  p.  uhl,  de  Toucouleurs  et  de 
Mandingues,  364  ;  moulage  de 
malformations  du  pavillon  de 
l'oreille,  563  ;  photographies  de 
Dahoméens,  6^;  album  de  pho- 
tographies concernant  la  Malai- 
sie,  rindo-Chine  et  la  côte  du  .Ma- 
labar, (»'i8;  parcdle  de  terre 
contenant  une  allée  couverte, 
669  ;  —  crAne  mérovingien,  699; 

—  squelette  d'Accrécn,  701;  série 
de  pièces  de  céramique,  objets 
en  silex  et  en  bronze,  trouvés  en 
Russie,  759. 

Société  d'études  philosophiques  et 
sociales,  534. 

Société  mutuelle  (Vautopsie^  651. 

Spina  hifida,  738, 

Squelktte  d'Accréen,  702;  —  qua- 
ternaire de  Chancelade,  recher^ 
ches  anthropologiques  sur  le  —, 
724. 

Statues  primitives  de  rAveyron  et 
de  l'Hérault,  516. 

Stehnum.  .Malformation  du—  (tho- 
rax en  entonnoir),  318,  343. 

Stonehenge.  Enceinte  druidique  de 

m.   ••  4» 

— ,   ooo. 

Strychnos.  Sert  à  empoisonner  les 
flèches  à  la  Guyane,  755. 

Suède.  Trace  de  sacrifices  humains 
à  une  époque  relativement  peu 
ancienne  en — ,  17;  natalité  et 
nuptialité  en—  de  1878  à  1882, 
368. 

Suédois.  Costumes  —  dans  l'anti- 
(juité,  17  ;  couteaux  des  matelots 

—  ont  la  môme  forme  que  les 
couteaux  antiques,  17. 

Suisse.  Natalité  et  nuptialité  en  — 

de  1878  à  1882,  368. 
Sumatra    (Ile  de).    Ethnographie 

de  —,  559. 
Système  nerveux.  Loi  de  position 

des  centres  nerveux,  256, 

Taille.  Détermination  de  la  — 
d'après  les  os  longs  des  mem- 
bres, 221  ;  sur  la—  dans  l'arron- 
dissement d'Evreux,  720  ;  — 
des  Orangs-Koeboes,  28,  35. 

Tauhach  (près  Weimar).  Silex  re- 
taillés mélangés  avec  des  débris 
d'animaux  :  l'éléphant  antique 


834      TABLE  ANALYTIQUE   ET  ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


et  le  rhinocôros  de  Merck,  351. 
Température.  Changement»  de  —, 

533. 
Tinài/fe  (Ile). Poteries  de  l'-,682. 
TÊRATOGÉNiE  (la)    expérimentale, 

731. 
Tête  momifiée  d'un  Inca  (Pérou>, 

457. 
rAiW (Vendée).  CrAne  mérovingien 

de  —,  «99. 
Thorax.  Dn  —  en  entonnoir  (mal- 
formation), 318. 
Tigery  (Seine-et-Oise).  Silex  de—, 

649. 
Titnotes,  â44,  â45  ;  dolichocéphalic 

des  cnines— ,  ï47. 
Tombeaux.  Jugement  des  violateurs 

de  —  dans  I  ancienne  Kg^'ple.l'i; 

tombes  musulmanes    <lè  l'Asii', 

i77. 

Transformisme.  Les  transforma- 
tions du  règne    végétal,  386. 

Tribunaux  dauslaucienne  Egypte, 
86. 

Tunisie,  Sépultures  puniques  de  la 
-,  469. 

Tijpe.  Du  —  spécifique,  732;  la  dé- 
viation du  —  spécifique  devient 
la  monstruosité,  732. 


Variabiutè  de  la  matière  vivaotr-. 
205  ;  qu'est-ce  que  la  — ?  782  ;  — 
est  un  des  facteurs  de  révointiou, 
203. 

Variétés  et  races  ne  sont  que  de? 
espèces  en  voie  de  formation, 
205  ;  origine  des  —,  732  :  rom- 
meut  elles  devinrent  le  poiutde 
départ  des  races,  732. 

Vtneztieia .  Ethnographi*.^  précolom- 
bienne du  — ,  tiH;  plaques  de 
parure,  239  ;  céramique  et  idoles, 
241. 

Verchezeuil  (SaAue-et-Loire).  Silex 
moustériens  de  — ,  763. 

Vermont  (Grotte  de),  131. 

Vêtement  des  petites  fillf  s  de  l'Hîn- 
doustun  an-dessons  de  huit  aué. 
8G;  — des  Maponiis,  217;  -  d-? 
OrangS'Koeboes,  30. 

ViciiNOU.  Statuette  de  —,  254, 

ViiierS'Carhonnei  (Sonimt*).  Silex 
de— ,202. 

Ymare,  Dolmen  d*  — ,  304. 

WouMRRA  (d'Australie)  pour  lan- 
cer les  sagaies,  197. 


PA-.IS.   —  TYPOGRAPIIIF   A     IIFNNUYFR,    nVF    DATîCFT,   7. 


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1994 


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